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(Douze heures trente-cinq minutes)
Le Président (M. Bordeleau): À l'ordre,
messieurs.
La commission parlementaire de l'énergie et des ressources
entreprend donc ses travaux aujourd'hui aux fins d'étudier article par
article les projets de loi suivants, à moins qu'il n'y ait avis
contraire: les numéros 1, 9, 6, 2. Projet de loi no 1, Loi modifiant la
Loi de la Société québécoise d'exploration
minière; projet de loi no 9, Loi sur l'économie de
l'énergie dans le bâtiment; projet de loi no 6, Loi modifiant la
Loi sur le crédit forestier et le projet de loi no 2, Loi modifiant la
Loi sur la Société québécoise d'initiatives
pétrolières.
Les membres de la commission pour la séance de ce matin sont M.
Bérubé (Matane), M. Biron (Lotbinière), M. Bordeleau
(Abitibi-Est) remplacé par M. Lévesque
(Kamouraska-Témiscouata), M. Ciaccia (Mont-Royal), M. Desbiens (Dubuc),
M. Fontaine (Nicolet-Yamaska), M. Fortier (Outremont), M. Grégoire
(Frontenac), M. Perron (Duplessis), M. Tremblay (Gouin).
Les intervenants sont M. Brochu (Richmond), M. Dussault
(Châteauguay), M. Giasson (Montmagny-L'Islet), M. Mercier (Berthier), M.
Michaud (Laprairie), M. Rancourt (Saint-François), M. Samson
(Rouyn-Noranda).
Est-ce que vous avez des suggestions pour nommer un rapporteur de la
commission? M. le député de Duplessis? Cela va? Le rapporteur
sera donc M. Perron (Duplessis).
À cause de l'heure, est-ce que j'aurais une suggestion des
membres? M. le député de Mont-Royal.
M. Ciaccia: Si vous remarquez bien, les membres de l'Opposition
sont présents à la commission parlementaire pour entreprendre
l'étude article par article des projets de loi. Nous remarquons que le
ministre n'est pas ici peut-être qu'il est retenu ailleurs. Nous
pourrions faire la suggestion pour rendre service , parce que je pense bien
qu'on ne pourrait pas valablement commencer à étudier ce projet
de loi article par article sans la présence du ministre, de suspendre
les travaux de cette commission jusqu'à 15 heures.
Le Président (M. Bordeleau): D'accord. Effectivement, M.
le ministre... D'abord, il faudrait mentionner que la commission a
été lancée comme ça il y a quelques minutes, de
sorte qu'il est possible que les gens n'aient pas pu se rendre. J'accepterais
la suggestion.
M. Ciaccia: Je fais motion pour que les travaux soient suspendus
jusqu'à 15 heures.
Le Président (M. Bordeleau): Les travaux de la commission
sont suspendus jusqu'à cet après-midi, 15 heures.
(Suspension de la séance à 12 h 38)
(Reprise de la séance à 15 h 12)
Le Président (M. Bordeleau): La commission parlementaire
de l'énergie et des ressources reprend ses travaux interrompus ce matin;
à moins que j'aie des demandes de substitution, les membres seront les
mêmes. Comme nous l'avions prévu ce matin, j'avais donné un
ordre préférentiel des projets de loi à étudier, en
commençant par le no 1. Cela tient toujours, M. le ministre, pas de
problème?
M. Bérubé: Cela va très bien pour moi.
Discussion générale
Le Président (M. Bordeleau): J'appelle donc le projet de
loi no 1, Loi modifiant la Loi sur la Société
québécoise d'exploration minière, et je demanderais au
ministre s'il a des commentaires préliminaires avant d'entamer
l'étude du projet de loi, article par article.
M. Bérubé: M. le Président, il s'agit, en
fait, d'une refonte de la loi, mais qui ne modifie pas vraiment beaucoup de
choses au sein de la société, si ce n'est de modifier un objet
qui est maintenant de permettre l'exploitation d'un gisement seule, dans le cas
où SOQUEM l'a découvert seule, et de moderniser la loi pour la
rendre un peu conforme à celle des autres sociétés. Je
pense qu'il n'y a pas vraiment de points à soulever. On pourra
peut-être aborder, à un moment donné, quand on arrivera
à l'article
en question, le montant du capital-actions autorisé pour la
société, si on veut avoir des discussions là-dessus, mais,
pour autant que je suis concerné, je n'ai vraiment rien d'autre à
souligner.
Le Président (M. Bordeleau): D'accord. M. le
député de Mont-Royal.
M. Ciaccia: M. le Président, est-ce que le ministre a des
amendements à la loi...
M. Bérubé: Oui.
M. Ciaccia: ...et est-ce qu'il pourrait les déposer
maintenant?
M. Bérubé: Certainement. Il s'agit d'amendements
pour bien clarifier la pensée du gouvernement quant à deux
articles qui ne sont pas très clairs, malheureusement, l'article 21,
essentiellement, les points d) et e), et je pourrais peut-être...
Le Président (M. Bordeleau): Je peux en faire faire des
photocopies.
M. Bérubé: Je peux peut-être en garder
une.
Le Président (M. Bordeleau): Oui, M. le ministre...
M. Bérubé: Je peux peut-être les lire.
Le Président (M. Bordeleau): À partir du moment
où l'amendement sera déposé, chacun des membres pourra en
prendre connaissance et on l'étudiera comme tel au moment de la
discussion sur l'article 21.
M. Bérubé: Parfait.
Le Président (M. Bordeleau): Est-ce qu'on peut
entreprendre, dès maintenant, l'étude de l'article 1? Article 1.
M. le député de Mont-Royal.
M. Ciaccia: À l'article 1, M. le Président, une des
raisons pour lesquelles les objets de la société ont
été modifiés, c'est pour légaliser, d'une
façon, certaines activités de SOQUEM.
M. Bérubé: En particulier. (15 h 15)
M. Ciaccia: Le premier commentaire qu'on pourrait faire sur cet
aspect, ce serait, premièrement, qu'on trouve que c'est une façon
de procéder qui n'est pas tout à fait conforme à la loi de
dire: qu'un projet de loi autorise une société d'agir d'une
certaine façon. Si la société voulait entreprendre des
projets qui vont à l'encontre de sa charte, de ses pouvoirs, je crois
que ce serait l'obligation du gouvernement de venir devant l'Assemblée
nationale et d'autoriser une telle opération avant qu'elle soit
entreprise par la société. Ce que je comprends, d'après le
rapport du Vérificateur général, c'est que
l'opération est déjà en marche. C'est ex post facto
actuellement.
M. Bérubé: M. le Président...
Le Président (M. Bordeleau): Oui, M. le ministre.
M. Bérubé: Je ne veux pas faire de politique, mais,
effectivement, la seule mine que SOQUEM a exploitée illégalement,
c'est la mine Louvem qui était sous votre juridiction puisque c'est vous
qui avez autorisé SOQUEM à exploiter illégalement une mine
seule. C'est ce que le vérificateur a souligné.
Dans le cas de la mine de sel aux Îles-de-la-Madeleine, la mine
est en développement présentement. L'exploitation n'est pas
commencée. Donc, on peut difficilement parler d'une
illégalité pour l'instant. La société aurait agi
dans l'illégalité au moment de la production, au moment de
l'exploitation et de la vente commerciale de sel. Donc, la seule
illégalité qui a été commise, c'est celle qui a
été commise durant le mandat du Parti libéral de 1970
à 1976.
M. Samson: M. le Président...
Le Président (M. Bordeleau): Oui, M. le
député de Rouyn-Noranda.
M. Samson: ...seulement une précision. Louvem n'avait-elle
pas débuté un peu avant 1970?
M. Bérubé: Oui, c'est possible. Alors, on pourrait
dire que l'Union Nationale aussi l'a eue.
M. Samson: J'aimerais autant passer la balle à
d'autres.
M. Ciaccia: On pourrait dire que vous avez attendu longtemps.
Cela fait quatre ans que vous êtes là. Vous attendez assez
longtemps pour faire la modification.
M. Bérubé: Vous avez raison. On a attendu
malheureusement quatre ans et vous, vous avez trop attendu puisque vous avez
été expulsés du gouvernement avant même de vous
occuper de vos affaires. C'est peut-être la raison pour laquelle ils vont
vous expulser d'ailleurs, mais enfin!
M. Ciaccia: Vous nous direz cela, vos commentaires si vous allez
être aussi heureux, après les prochaines élections.
M. Samson: II y en a qui ont été accusés
d'avoir agi trop peu trop tard. Vous serez peut-être accusé
d'avoir agi trop vite, trop mal.
Le Président (M. Bordeleau): À l'ordre, messieurs,
s'il vous plaît! Est-ce que ça va pour l'article 1? M. le
député de Mont-Royal?
M. Ciaccia: Non, un instant!
Le Président (M. Bordeleau): Non? M. le
député de Mont-Royal.
M. Ciaccia: Vous élargissez les pouvoirs de la
société. Avez-vous des projets spécifiques en vue,
à part ceux que vous avez mentionnés à l'Assemblée
nationale? Vous donnez le droit d'exploitation, de transformation de substances
minérales. Avez-vous d'autres projets pour SOQUEM?
Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre.
M. Bérubé: Oui. Des projets, il y en a
énormément, des projets au stade de la prise de décision
à l'exception de la mine de sel aux Îles-de-la-Madeleine,
l'expansion de production à Niobec, Silver Stack, la mise en valeur de
ce gisement et éventuellement l'implantation d'une usine de traitement
du minerai sur le site. Ce sont des projets imminents pour lesquels le conseil
d'administration a pris des décisions. Il y aurait deux autres mines
envisagées par la société, mais il faudrait que je
vérifie avec quelqu'un de la société. Il y a Rouyn-Merger
et Chimo. Je pourrais peut-être savoir si le conseil d'administration
s'est prononcé quant à leur réalisation.
Une voix: Non, c'est en discussion.
M. Bérubé: C'est discussion. Donc, il s'agit
là de projets imminents. D'ailleurs, je pense que le président de
la société a indiqué que le conseil d'administration
s'apprêterait a prendre une décision, mais ceux que je vous ai
mentionnés sont, à ma connaissance, des projets concrets sur
lesquels travaille la société. Quant à savoir si nous
avons des projets, ah oui! il y en a des quantités innombrables, dans le
domaine du carbonate en Gaspésie, dans le domaine des minerais de titane
et de vanadium à Chibougamau ou dans la région de Mingan, des
projets également dans le secteur de l'or, usine de traitement de l'or.
Il y en a beaucoup, effectivement, mais il s'agit essentiellement - c'est
difficile de parler plus que je ne le fais présentement - de
projets.
M. Ciaccia: Est-ce que vous avez un rôle spécifique
pour SOQUEM vis-à-vis de l'entreprise privée? Quel est
l'objectif? On change les objets de la société pour leur donner
tous les pouvoirs possibles dans ce domaine. Quelle est la politique du
gouvernement? Comment voit-il le rôle de SOQUEM vis-à-vis de
l'entreprise privée?
M. Bérubé: D'abord, je n'aime pas beaucoup
l'idée vis-à-vis de l'entreprise privée, parce que pour
moi c'est un concept abstrait qui peut bien faire dans un discours
électoral, mais qui, à mon avis, doit être
précisé.
Vis-à-vis des multinationales, la grande entreprise
minière, c'est un rôle strict de concurrence, d'association quand
c'est payant, quand c'est intéressant, de partage de risques. Ce sont
des partenaires.
Vis-à-vis de la petite et la moyenne entreprise
québécoise, nous avons demandé à SOQUEM - non pas
dans le cadre d'une directive, parce que nous l'avions demandé avant que
le pouvoir de directives nous soit alloué - d'essayer de s'associer avec
des prospecteurs du Québec, de manière à donner une sorte
de crédibilité aux programmes de prospection de ces prospecteurs
et à faciliter éventuellement le financement de
sociétés en commandite par le biais du marché
boursier.
C'est effectivement ce que SOQUEM a fait en s'associant avec les
frères Vézina pour créer cette société
Aiguebelle et c'est également ce que fait la SDBJ en mettant sur le
marché une émission d'actions de sociétés pour un
montant de presque $12,000,000, si je ne m'abuse. Ce pourrait être le
même cas pour ce qui concerne le gisement de Muscocho, à
Montauban, où on pourrait avoir une association entre SOQUEM et une
autre société en commandite qui, en ce moment, si je ne m'abuse,
est déjà en train de mettre des actions sur le marché.
C'est vendu.
C'est le deuxième exemple d'une action de SOQUEM à la
suite d'une demande que j'avais faite au président de la
société, mais je dois dire que je l'avais faite au
président de la société avant que le pouvoir de directives
existe. Ce ne serait peut-être pas mauvais que cela apparaisse
éventuellement dans une directive publique.
M. Ciaccia: Je comprends la position concurrentielle
vis-à-vis de certaines industries, certaines compagnies, mais vous
voulez travailler en parallèle, inciter des entreprises de moindre
envergure. Si c'est vraiment votre intention d'inciter, d'aider ou d'encourager
l'investissement dans ce domaine, est-ce que vous avez songé à
inciter par des moyens fiscaux ceux qui veulent investir? SOQUEM ne paie pas
d'impôt. Pour elle, c'est un avantage qu'elle a par rapport aux autres
investisseurs dans le domaine. On critique en disant qu'il n'y a
pas assez d'investissements privés au Québec dans ce
domaine. C'est la suggestion qui a été faite par plusieurs, de
donner des incitations fiscales, comme ils l'ont fait dans le domaine
pétrolier. Ils ont voulu obtenir des investissements, la façon de
les avoir, c'était de rendre cela beaucoup plus attrayant.
Est-ce que ce serait dans vos intentions de...
M. Bérubé: Oui. L'Assemblée nationale a
d'ailleurs déjà voté des projets de loi à cet
effet. Je vous rappellerais par exemple, dans le cas de l'exploration en
chantier, que nous avons étendu les présents avantages fiscaux
aux fins de la loi minière à l'exploration en chantier, alors
qu'autrefois les avantages d'épuisement gagnés que consentait la
Loi concernant les droits sur les mines ne s'appliquaient qu'à
l'exploration hors chantier. C'est une première démarche pour
encourager le développement de nouvelles réserves dans les mines
existantes. Pour stimuler, également, le développement de
nouvelles sociétés, nous avons introduit, l'année
dernière, un projet de loi qui a été adopté par
l'Assemblée nationale à l'unanimité, si je ne m'abuse, et
qui offre au particulier qui investit dans une société en
commandite l'équivalent d'un épuisement gagné, si on veut,
c'est-à-dire une allocation de 166% de la valeur des dépenses
d'exploration consenties dans une société en commandite aux fins
du calcul d'impôt.
Le Président (M. Bordeleau): M. le député
d'Outremont.
M. Fortier: Je voulais demander si cela a donné des effets
déjà.
M. Bérubé: On me dit possiblement oui, parce qu'on
s'aperçoit que, effectivement, l'émission, par exemple, d'actions
de la SDBJ se fait avec beaucoup de facilité. Même les courtiers
se plaignent de ce que c'est une maison de Toronto qui a obtenu
l'émission plutôt qu'une maison du Québec, les maisons du
Québec se rendant compte maintenant que cela aurait peut-être
été bon pour elles, quand on leur a fait la proposition, au
départ, de l'accepter et de la faire elles-mêmes au Québec.
Mais, de leur plein gré, elles l'ont refusé. Maintenant, il est
un peu tard pour revenir en arrière. De l'avis des courtiers que j'ai
rencontrés tout récemment, on estime que les incitations fiscales
pour susciter des investisseurs sont bonnes, tout à fait
adéquates. On estime aussi que probablement il existe des prospecteurs,
des géologues valables. Mais on a de la difficulté à se
convaincre du côté des courtiers qu'elles peuvent courir le risque
de conseiller leurs clients sur des émissions primaires dans le secteur
minier. C'est peut-être, pour l'instant, l'obstacle qui reste.
Je pense qu'il va falloir peut-être un an ou deux de
fonctionnement pour vraiment savoir si les mesures qu'on a adoptées ont
l'impact nécessaire. Mais l'impression que j'ai, c'est que cela devrait
en avoir.
M. Ciaccia: Je voudrais poser une autre question...
Le Président (M. Bordeleau): M. le député de
Mont-Royal.
M. Ciaccia: ...avant que vous donniez la parole à mes
collègues. Est-ce qu'il y a une étude de rentabilité qui a
été déposée, qui a été rendue
publique pour le projet des Iles-de-la-Madeleine?
M. Bérubé: Nous ne déposons jamais en public
des études de rentabilité.
M. Ciaccia: Est-ce que c'est possible, dans ce cas-ci, de la
rendre publique?
M. Bérubé: Non.
M. Ciaccia: C'est refusé?
M. Bérubé: Oui.
M. Ciaccia: Alors...
Le Président (M. Bordeleau): M. le député
d'Outremont.
M. Fortier: Je voudrais juste ajouter que, hier, lorsque nous
avons rencontré la SGF, le ministre nous a offert, du moins en ce qui
concerne les parlementaires de la commission, de rencontrer les dirigeants de
la société pour avoir accès à de l'information qui
ne serait pas publique. Est-ce qu'au moins le ministre pourrait
considérer la possibilité de permettre aux parlementaires qui ont
à juger d'un projet de loi comme celui-là d'avoir accès
à une information privilégiée?
Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre.
M. Bérubé: C'est difficile de répondre
à cette question, a priori, comme cela à brûle-pourpoint.
D'une part, je ne vous cacherai pas que le président de SOQUEM, s'il
accepte de me fournir cette information privilégiée, le fait
toujours dans des conditions où il s'assure qu'elle ne coule pas,
premièrement. En d'autres termes, même SOQUEM ne donne pas au
gouvernement toute l'information que le gouvernement pourrait vouloir obtenir.
Par exemple, c'est le cas du plan de développement. SOQUEM dépose
un plan général de développement, mais il est
évidemment très dangereux pour
une société qui est sur un marché hautement
concurrentiel de commencer à dire: II y a une perspective de
développement à tel endroit, nous avons le nez qui nous dit qu'il
y aurait des propriétés intéressantes sur un territoire
donné. Le moindre coulage aurait comme conséquence, le lendemain,
que tout serait jalonné et que ce serait très difficile de signer
des ententes. (15 h 30)
Donc, lorsqu'on arrive au niveau de l'information qui est essentielle
à la corporation pour jouer son rôle de développement,
c'est toujours un peu gênant de commencer à révéler
cela sur la place publique. L'actionnaire, par exemple, a en main des
données hautement confidentielles qui ne sont passées à
personne d'autres, parce qu'il en a besoin pour jouer son rôle
d'actionnaire, mais il est entendu qu'il y a une partie de l'information qu'on
peut donner directement au ministre, il y a une partie de l'information qu'on
peut étendre à certains fonctionnaires, il y a une partie qu'on
peut étendre au gouvernement et il y a une partie de l'information qu'on
peut étendre à l'Opposition. Le problème là-dedans,
c'est que l'Opposition doit jouer son rôle et, si elle veut jouer son
rôle, une fois qu'elle a eu accès à de l'information et
qu'elle estime, que politiquement, elle doit l'utiliser, à ce
moment-là, il devient très difficile de savoir quelle est la
limite. Je pense bien que l'Opposition n'acceptera pas de prêter serment
que cette information est confidentielle et qu'elle ne pourra l'utiliser en
aucune façon, parce qu'à ce moment-là, elle ne pourra plus
jouer son rôle d'Opposition. Cela devient difficile de savoir
jusqu'où on peut aller et quelle est l'information disponible.
M. Ciaccia: Je peux comprendre le souci du ministre en ce qui
concerne un plan de développement de SOQUEM, parce que, si vous rendez
publics tous les endroits où SOQUEM veut aller, naturellement cela
pourrait rendre la tâche de SOQUEM plus difficile. Ce n'est pas notre
intention, en tant qu'Opposition responsable, de chercher ce genre
d'information pour en faire de la politique. Je suis entièrement
d'accord avec vous et je pense que nous avons même donné une
preuve de cela. Si vous vous rappelez le projet de loi de SOQUIP, j'avais un
document qui a été porté à mon attention et dans
lequel il y avait des informations qui pouvaient être gênantes. Il
n'était pas dans l'intérêt de tous les
Québécois que ces informations soient divulguées
maintenant. Je ne les ai pas divulguées. Je porte cela à votre
attention pour vous laisser savoir que vous avez certaines
responsabilités.
Dans le cas des Îles-de-la-Madeleine, ce n'est pas quelque chose
qu'un concurrent peut dénoncer; on connaît les plans, on sait que
cela va être développé. Je ne vois pas comment cet argument
pourrait s'appliquer.
Deuxièmement, SOQUEM déclare dans son bilan que ça
va coûter $65,000,000 pour développer ce site. Vous ne croyez pas
qu'à ce moment-ci, SOQUEM devrait essayer de justifier ces
investissements et, même si ce n'est pas public, de rendre disponible aux
membres de l'Opposition son étude de rentabilité? Je pense que
cela devrait être un devoir avant d'investir de telles sommes.
M. Bérubé: Pour vous montrer les implications -
vous en êtes aussi conscient que moi et le député
d'Outremont aussi - le seul avantage dont bénéficie SOQUEM pour
la vente de son sel, c'est la politique d'achat du Québec qui lui donne
un avantage de 10%, au moment des soumissions, si elle devait soumissionner
plus haut qu'un concurrent. Il devient assez évident qu'un concurrent
qui mettrait la main sur les études de rentabilité de SOQUEM, qui
connaîtrait la marge de profit de SOQUEM, pourrait utiliser ces
informations pour se placer sur le marché, de manière à
enlever à SOQUEM certains contrats que SOQUEM pourrait vouloir aller
chercher. C'est donc de l'information que vous ne voudriez certainement pas
passer à un concurrent. En tout cas, si j'étais actionnaire d'une
entreprise, je ne voudrais surtout pas que la stratégie corporative, les
marges de profit de mon entreprise soient investies chez mon concurrent parce
qu'à ce moment-là, je sais que c'est le rendement de mes actions
qui en serait affecté. L'intérêt public, il me semble,
à ce moment-là, exige qu'on défende le secret
professionnel de l'entreprise.
Le Président( M. Bordeleau): M. le député
d'Outremont.
M. Fortier: Je voudrais revenir là-dessus. Le rôle
qu'on essaie de jouer, c'est qu'on parle de l'actionnaire ici... Finalement,
l'actionnaire ce sont les contribuables...
M. Bérubé: C'est le ministre des Finances.
M. Fortier: Oui. Il faut justifier cela devant les contribuables
et le rôle de l'Opposition est d'en arriver à une information qui
lui permette d'arrêter la politicaillerie et de s'asseoir d'une
façon convenable pour discuter d'une information valable. Je suis un peu
en désaccord. Le député de Mont-Royal n'a pas
assisté hier à la réunion qu'on a eue avec la SGF.
C'était tout de même assez intéressant. Peut-être
est-ce dû au fait de l'expérience que j'ai eue et qu'il n'a pas
eue, je ne le sais pas, mais ce que j'entends par un plan de
développement, ce n'est pas un plan opérationnel de cinq ans qui
va dire: L'an
prochain, on va acheter telle mine, dans deux ans, on va acheter telle
mine et, dans trois ans, on va acheter telle mine. C'est entendu que ce genre
de plan opérationnel, dans l'avenir prévisible, c'est
peut-être un document caché.
Ce que j'entends par plan de développement, c'est plutôt un
document qui est le résultat d'une réflexion à
l'intérieur de l'organisation et en collaboration avec le ministre qui
fait l'évaluation des performances passées, qui détermine
où la société se trouve dans le moment et qui
définit des plans stratégiques pour l'avenir en disant: Voici, il
y a beaucoup de choses qu'on pourrait faire selon la loi, mais on accepte ou on
recommande qu'on aille dans telle direction. Il s'agit plutôt de
direction stratégique et non pas de plan opérationnel comme
tel.
Le plan que la SGF a déposé hier a permis justement une
discussion intelligente autour de la table. Guy Coulombe, qui connaît
très bien le gouvernement, savait ce qu'il avait à faire pour
susciter l'intérêt et pour qu'il y ait une discussion
intelligente. Si l'État veut intervenir par des sociétés
de la couronne dans l'avenir, il faudrait bien s'arranger pour que l'Opposition
puisse jouer un rôle assez intelligent et pour qu'en l'absence d'une
information réelle elle ne soit pas portée a faire des
"filibusters" comme on en a déjà fait. C'est pour cela que je
reviens à la charge. Je pense qu'on se rejoint en disant des choses
différentes.
Ce dont on a besoin, c'est une information intelligente qui va permettre
à l'Opposition de jouer son rôle véritable. Cela
présume que dans un premier temps le président de SOQUEM, pour
prendre cette société d'État en particulier, va comprendre
l'importance d'un plan stratégique, l'importance ou la
nécessité qu'il y a d'informer l'Opposition lorsqu'on en vient
à faire approuver des montants comme $36,000,000 ici, $120,000,000 chez
SOQUIP, et combien chez SGF? Encore $100,000,000 ou $200,000,000.
En ce qui concerne les projets particuliers, même s'il est hors de
question peut-être de donner une information qui, comme vous le dites,
pourrait être traitée de confidentielle, j'oserais penser que les
parlementaires qui siègent à cette table-ci pourraient avoir
accès, avant la commission parlementaire, à une certaine
information privilégiée. Je sais que dans le cas de la SGF; hier,
le ministre a accepté qu'à l'avenir, dans une certaine mesure,
ceci pourrait être fait. J'ose espérer qu'avec Hydro-Québec
on pourra faire la même chose parce qu'il s'agit de documents tellement
substantiels qu'à moins d'avoir accès à une certaine
information avant la commission parlementaire, cela n'aurait aucun sens
d'étudier des piles de documents avant qu'on se présente. C'est
la raison pour laquelle je suggère bien humblement que, dans le cas de
SOQUEM et de SOQUIP, on en arrive à une formule qui permette à
l'Opposition de discuter d'une façon intelligente, non pas en nous
demandant, à trois jours du dépôt d'un projet à
l'Assemblée nationale, d'approuver des $36,000,000 ou des $100,000,000.
On essaie de jouer notre rôle d'une façon intelligente. Je
suggère au ministre qu'on devrait essayer de définir le genre
d'information que l'Opposition devrait avoir avant qu'on se mette à
débattre des projets de loi de cette envergure. Je ne sais pas si cela
rejoint le point de vue du député.
M. Ciaccia: C'est exactement cela. Quand on arrive à ce
moment-ci, ce n'est pas le temps... Ce n'est pas de la petite politique qu'on
veut faire avec certains projets; si un projet est rentable et réalise
certains objectifs, je ne pense pas que ce soit dans notre intérêt
d'essayer de faire de la petite politique à son sujet, mais vous ouvrez
la porte à toutes sortes de critiques parce que l'information n'est pas
disponible. Je ne parle pas d'information privilégiée, mais d'une
certaine information de base.
Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre.
M. Bérubé: Le problème là-dedans est
la formalisation de telles rencontres. Qu'on le fasse sur une base informelle -
cela s'est vu dans le cas de certains projets de loi où, effectivement,
on s'est réuni autour d'une table de façon tout à fait
détendue et on l'a examiné sans que ce soit consigné au
procès-verbal de la réunion et sans journalistes autour en train
de surveiller nos moindres gestes - cela me paraîtrait une bonne
pratique. La seule difficulté que je vois est que dans la formalisation,
il faudrait éviter de laisser voir que certains députés
sont privilégiés, ont accès à de l'information qui
leur permet de jouer un rôle qui les met en lumière, alors que
d'autres députés, eux, seraient mis de côté,
n'auraient pas l'information et, par conséquent, devraient
écouter les grands députés échanger.
L'inquiétude que j'ai, c'est que nos lois parlementaires sont ainsi
faites qu'elles mettent tous les députés, qu'ils soient
ministériels ou de l'Opposition, sur un pied d'égalité. Il
m'apparaîtrait intéressant, en tout cas, qu'un critique officiel
d'un parti d'Opposition soit délégué, lors d'une rencontre
informelle avec le ministre ou son adjoint parlementaire, à une
séance de discussion générale. Oui, je pense que ce serait
facile, parce qu'on reconnaît là plutôt un
élément de stratégie. C'est un peu comme les
réunions des leaders, je pense qu'ils se réunissent
fréquemment à notre insu et prennent beaucoup de décisions
que nous
sommes bien obligés d'avaler après, que nous soyons
d'accord ou non, parce que nos leaders ont décidé entre eux que
c'était ainsi que les procédures se dérouleraient.
L'impression que j'ai, c'est que, dans beaucoup de cas comme ça,
effectivement sur une base tout à fait amiable, en dehors des feux de la
rampe, oui, c'est le genre de chose qui serait acceptable d'autant plus que,
dans des projets de loi de cette nature, normalement, il ne devrait y avoir
rien à cacher. Il faudrait voir vraiment les implications. Je n'ai pas
d'objection à ça.
Dans le cas de SOQUEM plus particulièrement, il y a une
difficulté qui vient de ce que le plan triennal de développement
de la société n'a même pas été
étudié encore par le gouvernement. Il est devant le comité
ministériel de développement économique. C'était le
premier plan qui nous était soumis et on a eu beaucoup de
difficulté, au départ, à l'accepter parce que le rodage
n'était pas fait. On n'avait pas encore une idée très
claire de ce que nous voulions avoir dans les plans, pas plus que la
société n'avait une idée très claire de ce que nous
attendions. Par conséquent, ce n'est peut-être pas le plan le plus
satisfaisant que l'on puisse imaginer et il n'a pas encore été
soumis au gouvernement. Donc, je suis un peu gêné d'arriver et de
dire: Ecoutez, je vais m'asseoir avec l'Opposition, on va aller examiner
ça ensemble et ensuite je soumettrai cela au Conseil des ministres.
M. Fortier: "Ce que l'on conçoit bien s'énonce
clairement et les mots pour le dire viennent aisément".
M. Bérubé: Ah, Boileau!
M. Fortier: C'est pour ça qu'on a de la difficulté
à approuver $120,000,000 et $36,000,000.
Le Président (M. Bordeleau): M. le député de
Lotbinière.
M. Bérubé: Non, pas dans le cas des
$36,000,000.
M. Biron: M. le Président, j'étais
intéressé à entendre le député d'Outremont,
tout à l'heure, parce que, pour son information, c'est une discussion
qu'on a eue il y a déjà plusieurs années ici. Même,
il y a environ un an et demi, j'avais proposé moi-même une motion
pour former une sous-commission pour justement étudier tout le
problème des sociétés d'État et demander les
informations que les députés devaient ou pouvaient avoir
concernant ces sociétés d'État. On n'en est pas venu
encore, même si la sous-commission a siégé à
plusieurs reprises, à prendre des décisions finales, parce qu'on
se demande: Est-ce que la sous-commission va siéger à huis clos
ou si ça va être public, quel genre d'informations on va donner
à la sous-commission, quel genre d'informations les
députés peuvent avoir, quel genre d'informations les ministres
peuvent donner ou pas?
Alors, c'est toute une série de problèmes techniques qui a
fait en sorte que même si, sur le principe, tous les
députés de l'Assemblée nationale, il y a un an et demi,
étaient d'accord pour qu'on essaie de voir une formule nouvelle
vis-à-vis des sociétés d'État - je suis bien
d'accord avec vous parce que c'est moi qui avais proposé cette motion
à l'époque - on n'en est pas venu à trouver des
réponses aux différentes questions que, de part et d'autre de la
salle, on se posait vis-à-vis des informations qu'on devait
recevoir.
Je trouve que votre suggestion est encore très valable;
puisqu'elle était valable il y a un an et demi, elle l'est encore
aujourd'hui. Un jour ou l'autre, il faudra qu'au Québec, à cause
du nombre de sociétés d'Etat que l'on a, on se penche d'une
façon très sérieuse sur ce problème et que, entre
les partis politiques, on en vienne à une espèce de consensus ou
de modus vivendi. Mais si le gouvernement donne de l'information à
l'Opposition et si l'Opposition ne peut pas s'en servir, finalement
l'Opposition ne peut pas jouer son rôle, etc. C'est ça qui a
été discuté longtemps entre les différents leaders
parlementaires et les représentants des différents partis
politiques à cette sous-commission. On n'a pas encore trouvé de
réponses précises, mais, si vous avez des suggestions à ce
sujet, je suis certain que le leader parlementaire du gouvernement serait
intéressé à ce qu'on trouve une réponse finale le
plus tôt possible.
M. Fortier: Juste un mot, M. le Président.
Le Président (M. Bordeleau): C'est que M. le
député de Rouyn-Noranda m'avait demandé la parole sur le
même sujet, mais si c'est pour une réponse au député
de Lotbinière, d'accord.
M. Fortier: C'est juste une réponse. Ce que je voulais
dire, c'est que je sais - j'ai lu les procès-verbaux - et qu'il y a une
motion qui a été faite. Je suis ingénieur et, M.
Bérubé va être d'accord avec moi, nous, les
ingénieurs, on aime régler les problèmes sans adopter des
motions. Simplement, ce que je dis, c'est que le ministre peut décider,
sans attendre une recommandation de l'Assemblée nationale, de permettre
à des parlementaires d'avoir accès à une certaine
information. Il n'est a pas besoin pour ça d'avoir un débat en
Chambre, parce que j'ai l'impression que,
si on attend un débat en Chambre, on va attendre encore pendant
cinq ans. Le ministre a tout à fait la liberté de faire quelque
chose pour que les événements qui se sont produits pendant les
derniers jours ne se reproduisent pas, parce que si on veut que nos
sociétés d'État réussissent, il va falloir prendre
les moyens pour réussir. Comme on a un ingénieur comme ministre
de l'Énergie et des Ressources, qu'il applique le grand principe: les
ingénieurs règlent les problèmes sans attendre que les
législateurs les règlent pour eux. (15 h 45)
Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre, vous avez
quelque chose à répondre à ça?
M. Bérubé: J'ai un point. J'avais eu une longue
discussion parce que, effectivement, je ne vous cache pas que, au sein du
gouvernement, nous avons eu un long débat à la suite de la
proposition de l'Union Nationale; il y en avait qui étaient favorables,
d'autres qui ne l'étaient pas. La difficulté du système
parlementaire est la suivante: le gouvernement répond devant
l'Assemblée nationale de son administration. Jamais un fonctionnaire
n'est appelé à témoigner, c'est le ministre qui
répond, c'est le ministre qui est responsable. À intervalles
réguliers, la société décide si les réponses
ont été satisfaisantes ou non, c'est l'élection.
La tentation est forte, chaque fois que l'on est dans l'Opposition, de
vouloir un peu se substituer au gouvernement, c'est-à-dire d'essayer
d'avoir accès à toute l'information interne du gouvernement de
manière à pouvoir, si on veut, jouer son rôle d'Opposition,
mais, en même temps, à pouvoir jouer un peu le râle de
l'exécutif, à se mettre à la place du gouvernement. Mais,
hélas, les résultats de l'élection ont voulu que le
gouvernement soit assis d'un côté de la Chambre et l'Opposition
soit assise de l'autre côté. Le Conseil des ministres a
effectivement de l'information privilégiée sur la base de
laquelle il élabore sa stratégie et sur laquelle, finalement,
l'électorat tranche.
Tout le débat de fond que nous avons eu a été de
dire: Oui, on peut demander à un ministre de comparaître, de venir
répondre aux questions, mais c'est le ministre, qui répond. Dans
la loi même, c'est lui qui est le ministre de tutelle. C'est lui qui
répond devant l'Assemblée nationale de l'administration de la
société, ce n'est pas la société. En d'autres
termes, c'est à moi de répondre pour toutes les questions
politiques, économiques concernant les sociétés
d'État et à personne d'autre. Je peux accepter qu'une
société d'État vienne témoigner et répondre
aux questions, mais c'est uniquement parce que je l'accepte, parce que c'est
moi qui parle au nom de la société.
C'est le fonctionnement de notre système qui est ainsi
conçu. Il est peut-être mal conçu, mais c'est la
mécanique du parlementarisme britannique. Je reconnais qu'il y a un
problème réel au niveau de la connaissance par l'ensemble des
députés du fonctionnement interne et des sociétés
d'État et des ministères, qui leur permettrait à ce moment
de jouer véritablement leur rôle de parlementaires. Mais la
difficulté vient de ce que, dans le système britannique, la
notion d'exécutif et de législatif est un peu confondue, puiqu'on
tire les membres de l'exécutif des membres élus au
législatif. On a tendance à confondre les deux. Il reste, quand
même, que, dans le système parlementaire britannique, il y a une
distinction très nette: le gouvernement gouverne et les
députés sont censés faire des lois et, évidemment,
critiquer le gouvernement dans ses orientations, dans ses politiques. Mais le
député d'Opposition doit critiquer les politiques dans leurs
fruits, il n'est pas là pour travailler à l'élaboration
des politiques internes du gouvernement. En effet, à ce moment, si c'est
l'Opposition qui a élaboré la politique de SOQUIP ou de SOQUEM,
je regrette, mais si jamais ça ne marche pas, on pourra toujours dire:
Écoutez, c'est l'Opposition qui l'a faite et l'Opposition dira:
Écoutez, c'est vous qui étiez en charge, vous n'aviez qu'à
prendre vos responsabilités et à ne pas accepter nos
propositions. Alors, une façon plus élégante de le faire
consiste à dire: Vous, de l'Opposition, faites votre travail
d'Opposition; nous, on va faire notre travail et l'électorat jugera
quand viendra le temps d'une élection. Il est là, le
problème.
Alors, il faut éviter que le Parlement ne cherche à se
substituer... à moins qu'on ne change de système. Dans le
système actuel, je pense qu'il faut distinguer clairement que
l'exécutif a un rôle et que le législatif en a un autre;
notre rôle, à nous, c'est de faire des lois.
M. Ciaccia: M. le Président...
Le Président (M. Bordeleau): M. le député de
Mont-Royal.
M. Ciaccia: ...dans d'autres juridictions...
M. Bérubé: II est un peu là, le
problème.
M. Ciaccia: M. le ministre, je pense que, dans d'autres
juridictions, même dans le système britannique, à Ottawa,
par exemple, une fois par année, les administrateurs dans la fonction
publique viennent devant une commission parlementaire et ils sont
questionnés sur leur administration par la commission permanente sur le
ministère en question. Je comprends que c'est votre
responsabilité, c'est à vous de décider des
orientations. Écoutez, j'étais sous-ministre à
Ottawa et, une fois par année, je comparaissais devant la commission et
je me faisais poser toutes les questions sur toute l'administration de mon
ministère. C'est moi qui répondais et ce n'était pas au
nom du ministre. C'est bizarre, mais c'est comme cela. 3e peux vous assurer que
c'est comme cela que cela se fait.
M. Bérubé: Je dis que c'est notre procédure
qui est bizarre.
M. Ciaccia: Exactement, ici un fonctionnaire répond. Je
pense que la procédure a évolué. C'est possible d'avoir
des structures pour vraiment questionner, parce que là on pose des
questions aux sociétés d'État. Comme c'est là,
à la dernière minute, on a une heure pour poser une question
à SOQUEM, afin de nous préparer pour un projet de loi votant
$36,000,000 additionnels pour toutes sortes de projets. Franchement, vous allez
admettre que c'est un peu inadéquat. Vous vous enlevez la
responsabilité sans exiger que SOQUEM nous donne tous ses plans de
développement. Il y a moyen d'obtenir plus d'information, de pouvoir
questionner ces gens afin qu'on puisse vraiment accomplir notre rôle
d'Opposition officielle. Vous avez les structures en main. Maintenant, si vous
vouliez les mettre en exécution.
M. Bérubé: Je pense que le ministre d'État
au Développement économique voulait suivre la suggestion de
l'Union Nationale et avait élaboré une petite formule qui allait
un peu dans ce sens, en essayant de balancer les inconvénients et les
avantages. Un des problèmes que nous avons - je pense que vous le
reconnaîtrez avec nous - c'est que le temps de la Chambre est
extraordinairement précieux. Essayer de faire accepter par le leader que
la Chambre puisse prendre du temps pour étudier une question aussi
importante que le plan d'équipement d'Hydro-Québec, c'est
déjà un problème parce que vous avez 23 ministères
avec un paquet incroyable de lois, en plus des grèves où les gens
demandent à être entendus, et tout nous apparaît important.
Le drame c'est, pratiquement parlant, le temps limité disponible
à la Chambre; par exemple, nos règles de quorum sont telles qu'il
faut maintenir, même quand notre commission siège, un minimum de
députés en haut, et on sait très bien qu'il n'appartient
pas à l'Opposition de maintenir le quorum, c'est donc au gouvernement de
le maintenir.
Cela a pour conséquence pratique -d'ailleurs, l'Opposition se
charge bien de nous le rappeler chaque fois qu'il n'y a pas quorum - que le
gouvernement est obligé de maintenir le quorum en Chambre. Cela peut
être relativement facile parce que nous avons un avantage
numérique, mais si on en arrive à un moment donné à
deux partis, par exemple, assez également représentés
à l'Assemblée nationale, on se rendra compte tout de suite, en
essayant de tenir plusieurs commissions de front alors que seul le gouvernement
est obligé de tenir le quorum, qu'il est pratiquement impossible de
tenir ce quorum. Donc, on est obligé de réduire le nombre de
commissions parlementaires et c'est le temps qui manque. C'est tout.
Le Président (M. Bordeleau): M. le député de
Rouyn-Noranda.
M. Samson: M. le Président, le ministre tantôt a eu
des paroles que je considère comme très intéressantes,
à un certain point de vue, lorsqu'il a parlé de notre
système parlementaire. Les leaders parlementaires des différents
partis ont des réunions qui, en quelque sorte, sont informelles
où ils discutent des travaux parlementaires, de la façon de les
introduire, en tout cas, et il a dit là-dessus: On est bien
obligé d'accepter le genre d'entente auquel ils en viennent. J'en
déduis de cela que le ministre pense, peut-être comme moi, que
dans une certaine proportion il faut faire confiance si on veut qu'un Parlement
fonctionne. Il faut faire confiance à des gens à qui on
confère des responsabilités, à l'exemple de ce qu'on fait
pour les leaders parlementaires.
Ce qui a été souligné par mes collègues,
c'est qu'il apparaît difficile aux parlementaires de l'Opposition -
parfois, je dis parfois, ce n'est pas toujours le cas, parfois - de pouvoir
présenter une critique bien fondée, en toute connaissance de
cause, et qui pourrait peut-être dans certains cas éviter de longs
débats, parce qu'on est pris, dans une certaine proportion, avec les
renseignements qui sont publics ou publiables, alors que, dans certains cas...
C'est le cas de sociétés d'État qui ont des
stratégies et qui, lorsqu'il y a concurrence, n'ont sûrement pas
avantage à publier ces stratégies. Dans ces cas, cela
apparaît comme un fait qui amène l'Opposition à
débattre le projet de loi d'une telle façon, mais, autrement, il
serait débattu d'une autre façon, si on avait certains
renseignements.
Je me demande - là-dessus, je vous assure que je ne
prétends pas avoir les réponses plus qu'un autre - si on ne
pourrait pas utiliser l'exemple de la confiance faite aux leaders
parlementaires qui se rencontrent entre eux et qui viennent nous apporter les
suggestions faites à la suite de ces rencontres, pour permettre, en
quelque sorte, de faciliter le travail de la Chambre.
Je me demande dans quelle proportion, en ce qui concerne les
sociétés d'État, il ne pourrait pas y avoir de
l'information, avec le consentement du ministre, transmise aux
représentants de l'Opposition, que
l'Opposition pourrait choisir pour la circonstance, parce que, pour
avoir vécu presque onze ans de parlementarisme, je sais d'abord que ce
ne serait pas facile et, deuxièmement, ce ne serait peut-être pas
une bonne chose que d'amener tous les membres d'une commission parlementaire
à assister à ce qenre de réunions, qui pourraient
être privilégiées.
J'essaie de me rappeler l'année, mais il y a eu, à un
moment donné, une expérience; c'est le président
d'Hydro-Québec qui avait, de façon très informelle, sans
qu'il y ait eu de convocation officielle, manifesté le désir de
rencontrer les chefs des partis d'Opposition. C'était à la
demande du premier ministre, parce qu'il avait quelque chose à
présenter et je pense que, pour les fins de la bonne marche
d'Hydro-Québec, il n'était pas d'intérêt public que
certains faits soient mis sur la table. À la demande du premier
ministre, je me rappelle, pour avoir été un des chefs de
l'Opposition à ce moment-là, avoir assisté à une
réunion très informelle, mais où on nous avait
demandé d'assurer la confidentialité. Un des collègues du
ministre, qui siège aujourd'hui au Conseil des ministres, était
présent et tout le monde avait respecté ça. Pour cette
situation en particulier, cela avait permis d'en arriver... D'abord, il n'y a
personne qui pouvait ne pas être d'accord avec ce qui était
présenté, mais on aurait pu ne pas l'être si on n'avait pas
eu le genre d'information que nous avions.
Cela avait facilité le travail de l'Opposition et du
gouvernement, sans que cela soit une règle générale. Il me
semble qu'il y avait là une occasion qui le justifiait et ça
pourrait se retrouver, dans le cas de sociétés d'État;
quand on parle de sociétés minières, avec d'autant plus de
rigueur, parce que, dans ce domaine, c'est important que certains
renseignements ne soient pas mis sur la place publique, sachant les
conséquences que cela peut amener. Là-dessus, je ne voudrais pas
blâmer le ministre de ne pas offrir sur la place publique certaines
informations comme ça. Je ne voudrais pas le blâmer, parce que je
sais que cela pourrait avoir des conséquences désastreuses pour
la société. (16 heures)
Peut-être qu'il y aurait moyen de trouver une formule selon
laquelle, avec un représentant de chaque parti autorisé, avec la
garantie de confidentialité, pace que c'est important dans des cas
semblables, on pourrait en arriver, d'abord, à permettre un débat
plus modéré dans certaines circonstances et, comme le disait mon
collègue d'Outremont, plus intelligent aussi, un débat où
on pourrait peut-être éviter la partisanerie. Évidemment,
on est des hommes politiques, tout le monde est parfois tenté, quand il
est dans l'Opposition ou au pouvoir, de tirer sa part de profit politique;
c'est normal et c'est le jeu de la démocratie, mais il y a des choses
qui, je pense, méritent que l'on puisse aller vers des discussions
privilégiées. À titre d'exemple, si notre
représentant en titre à la commission avait eu certaines
informations et avait dit à ses collègues: Sur telle chose, je ne
peux pas vous donner les raisons, mais on n'y va pas, on lui aurait fait
confiance à ce moment-là. C'est peut-être là une
avenue qu'on peut explorer pour l'avenir. Sur ce sujet, M. le Président,
je n'ai pas d'autre chose à ajouter. Il y a, évidemment, quelques
questions que je voudrais poser au ministre à l'article 1, mais je vais
attendre que mes collègues aient terminé.
Le Président (M. Bordeleau): On est déjà
à l'article 1, à moins que vous n'ayez d'autres questions.
M. Samson: Peut-être que le ministre voudrait...
M. Bérubé: Je dirais que, présentement, nous
sommes en dehors du sujet.
M. Samson: Eh bien.
Le Président (M. Bordeleau): Je suis tout à fait
d'accord avec vous, M. le ministre, que j'ai été pas mal large
sur l'interprétation de notre commission.
M. Samson: Généralement, à l'article 1, on
fait...
Une voix: On peut clore le débat.
Le Président (M. Bordeleau): C'est-à-dire qu'on a
mis le préambule dans l'article 1.
M. Samson: J'aimerais peut-être avoir le point de vue du
ministre...
Le Président (M. Bordeleau): Sur l'article 1?
M. Samson: ...sur ce que je viens de dire.
Le Président (M. Bordeleau): J'avais l'impression que M.
le ministre s'était déjà exprimé auparavant sur un
point de vue semblable. S'il veut répondre, c'est à lui de le
faire.
M. Bérubé: M. le Président, je pense que
cela dépend...
Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre.
M. Samson: M. le Président, peut-être
que je m'exprime mal.
M. Bérubé: ...essentiellement du climat, des
relations, je pense, amicales. Parfois, les électeurs sont surpris de
voir le genre de relations qui existent entre nous en dehors des feux de la
rampe quand nous ne sommes pas obligés de répondre du tac au tac
dans un débat public. Les électeurs sont souvent surpris de voir
un peu le caractère de bonne amitié qui existe entre beaucoup de
membres de cette Assemblée de partis politiques opposés. Il va de
soi que parfois un parti choisit de mener un débat politique sur une
question. J'ai connu la Loi constituant la Société nationale de
l'amiante en compagnie du député de Mont-Royal. On s'est bien
amusé pendant des mois et des mois, mais je pense qu'à ce
moment-là j'ai constaté une chose: plus on donne de l'information
à l'Opposition, plus elle l'utilise pour alimenter le feu, puisque,
justement, son objectif est de maintenir le feu le plus longtemps possible.
J'ai découvert à ce moment-là que cela n'aidait pas. Au
contraire, cela nuisait. Cela est malheureux. Cela fait partie de la politique.
Selon le climat que l'on perçoit entre nous lorsqu'on se
rencontre...
M. Ciaccia: Cela ne veut pas dire que la politique de base
n'était pas bonne.
M. Bérubé: ...à un café et qu'on sent
que quelqu'un nous dit: Ton projet de loi, on est d'accord, ' il y a
peut-être des choses qu'on aimerait savoir, il s'établit un
certain climat d'amitié. On finit par identifier les projets de loi sur
lesquels on sent qu'il y a l'accord d'à peu près tout le monde.
À ce moment-là, on dit: Que veux-tu savoir? Et,là, on
organise une rencontre comme celle dont on parle. Je pense que c'est assez
facile à faire et cela m'apparaît de bon aloi. L'impression que
j'ai, c'est que, dans le cas de la SGF, il y avait également une
espèce d'harmonie entre les vues de l'Opposition et celles du
gouvernement. C'était assez facile à organiser.
Lorsqu'on arrive, cependant, dans des cas litigieux, on voit assez
facilement que le ministre responsable veuille ouvrir le moins possible parce
qu'il y a des dossiers - il faut quand même le reconnaître -
où nous sommes plus forts et des dossiers où nous sommes plus
faibles. Si l'Opposition a décidé d'identifier un dossier plus
faible pour frapper sur le gouvernement à tour de bras, il est bien
évident que le ministre responsable ne voudra pas donner à
l'Opposition l'information qu'il a parce que, évidemment, la
première chose qu'elle va dire, c'est: Vous voyez la faiblesse de
l'argumentation du ministre et elle va l'utiliser simplement pour le massacrer.
Dans ces conditions, on se rend compte qu'il y a une évaluation que le
ministre devra faire pour savoir quand cela vaut la peine de partager son
information, quand cela cela ne vaut pas la peine. Et cela, il va le faire
essentiellement sur la base du climat d'amitié qui va s'établir,
non pas d'amitié personnelle, mais j'entends de bonnes relations qui
vont s'établir. C'est cela qui permet, à un moment donné,
de sentir qu'effectivement l'Opposition est d'accord, ne veut pas faire de
guerre sur un projet de loi, mais aimerait avoir réponse à
certaines questions. À ce moment-là, on n'a rien à cacher.
On sort l'information, mais c'est sur une base amicale et non pas sur une base
institutionnalisée.
Le Président (M. Bordeleau): Est-ce toujours du point de
vue général?
M. Samson: Sur le même sujet.
Le Président (M. Bordeleau): D'accord.
M. Samson: Les comparaisons sont parfois difficiles. Le ministre
vient d'utiliser un exemple en parlant de la question de l'amiante. Dans des
cas comme cela, il y avait des philosophies qui s'affrontaient.
Dans le cas que j'ai cité en exemple, sans vous dire de quel
sujet il s'agissait, parce que je n'ai pas à le dire, il ne s'agissait
pas de philosophies qui s'affrontaient quant à savoir le
bien-fondé de l'existence de la société d'État. Il
s'agissait d'un projet de la société d'État qui avait
beaucoup de sens d'ailleurs, qui était présenté de
façon privilégiée aux différents chefs des partis
d'Opposition parce qu'il était d'intérêt public qu'on ne le
mette pas sur la table au moment où on devait parler de ces
choses-là. C'est devenu public une fois que les choses ont
été conclues.
Mais si on n'avait pas procédé de cette façon et si
le premier ministre n'avait pas suggéré que cela se fasse de
cette façon, à ce moment-là, je pense, connaissant le
système parlementaire - on était quatre partis d'opposition
officiellement reconnus à ce moment-là - qu'il y aurait eu un
débat qui aurait duré pas mal longtemps et qu'on a
évité. Je pense qu'on a bien fait de l'éviter,
c'était pour le bien public.
C'est dans ce sens-là que je dis qu'un jour, dans certaines
circonstances, il serait peut-être valable que le ministre puisse le
faire.
Je n'ai pas autre chose à dire sur ce sujet. J'aurais
peut-être quelques questions à poser. Mais, comme je le dis, si
mes collègues n'ont pas terminé...
Le Président (M. Bordeleau): M. le député de
Mont-Royal.
M. Ciaccia: Je voudrais poser une question sur le pouvoir
d'exploration. Est-ce
que la situation actuelle donne des droits prioritaires, d'une
façon ou d'une autre, à SOQUEM, dans le domaine de
l'exploration?
M. Bérubé: Non. Sauf que n'oublions pas la loi 27,
adoptée en 1977, si je ne m'abuse, en vertu de laquelle le gouvernement
peut réserver pour la couronne des territoires sur lesquels il effectue
des travaux intensifs d'exploration.
Évidemment, une fois ces travaux terminés, on peut se
retrouver avec une propriété mise en valeur de façon assez
exceptionnelle. Et là, il y a un jugement politique. À qui le
gouvernement veut-il donner cette propriété? Il peut la donner
par soumission publique. Il peut demander des propositions de prospection. Ou
il peut carrément choisir de la donner à sa société
d'État s'il estime que c'est nécessaire. Un bel exemple, c'est le
travail du ministère en cours présentement sur un ensemble
d'anomalies qui avaient été complètement
négligées par tous les gens en exploration au Québec,
c'est une propriété de molybdène que le ministère -
je ne dirai pas a mise en valeur - est peut-être en train de mettre en
valeur à un point tel qu'on aurait peut-être une mine,
effectivement. On se retrouverait dans la situation un peu bizarre où
c'est le ministère qui a trouvé une mine. On n'est pas pour
pleurer. Et si, effectivement, il y avait une mine, je ne suis pas absolument
convaincu que je doive la mettre à ... mais peut-être que je la
passerais directement à SOQUEM. Il y a un choix politique à ce
moment-là. Mais c'est le seul cas où une société
d'État pourrait être privilégiée.
M. Ciaccia: D'après la loi 27, cela donne ce
privilège. Est-ce que cela peut résulter en un
décroissement d'argent du secteur privé qui irait dans
l'exploration?
M. Bérubé: ... de la loi 27. Cela n'a rien à
voir avec la loi 1.
M. Ciaccia: Mais vous l'avez mentionné.
M. Bérubé: Oui. Vous m'avez demandé s'il
pouvait y avoir... Je vous ai donné le cas où cela pouvait se
produire.
M. Ciaccia: Exactement, l'exploration. Mais cela résulte.
On parle des opérations de SOQUEM. Même si vous avez ce droit,
cela dépend de la façon que vous l'exercez. Est-ce que cela a
résulté en un décroissement d'exploration, la politique
que vous avez eue ?
M. Bérubé: Écoutez. Si j'étais
ministre d'un gouvernement créditiste, je pourrais la donner
également à un entrepreneur créditiste qui voudrait
développer cette mine. En d'autres termes, le gouvernement est libre de
choisir à qui il veut accorder des droits miniers et cela peut
être aussi bien à SOQUEM qu'à n'importe quelle autre
entreprise. Un mordu de l'entreprise multinationale étrangère
pourrait prendre comme principe que lui, quand il a développé une
mine, il la donne toujours à des étrangers. Cela pourrait
être effectivement une attitude. C'est pour SOQUEM en particulier.
Le Président (M. Bordeleau): Cela va? D'autres questions,
M. le député de Rouyn-Noranda?
M. Samson: Oui, M. le Président. En 1977, le ministre
annonçait pour la région du Nord-Ouest des
déboursés à investir dans un plan quinquennal, si je me
rappelle bien, pour un montant d'environ $65,000,000 consacrés à
l'exploration minière, en association avec la Noranda qui devait
dépenser autour de $20,000,000 aux mêmes fins. Est-ce que le
ministre peut nous faire part de sa satisfaction ou de son insatisfaction, de
son expérience concernant ce projet, de quelle façon il l'a vu et
comment cela se présente maintenant, depuis 1977?
Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre.
M. Bérubé: Je ne voudrais pas, M. le
Président, qu'un député participant aux travaux de cette
commission m'accuse de ne pas avoir été pertinent. Par
conséquent, c'est une question qui est complètement en dehors du
sujet.
Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre, vous avez
raison. En fait, je ne vois pas tellement le rapport avec le projet de loi no
1.
M. Samson: Je m'excuse, M. le Président, mais si je pose
cette question-là peut-être qu'on va comprendre pourquoi je la
pose. On est appelé à voter une loi où on parle de
modifications à une compagnie d'État, dans ses objectifs,
où il serait permis de s'associer ou de conclure des accords avec toute
autre personne ou société. C'est le genre de chose qui s'est
faite ou qui peut se faire. C'est la raison pour laquelle je pose la
question.
Quand on parle d'association, l'expérience vécue
jusqu'à maintenant ou celle qui s'en vient, de quelle façon se
présente-t-elle? Il me semble que ce n'est pas en dehors du sujet.
Autrement, qu'on enlève le mot "associé" du projet de loi qu'on
discute. On dira: II n'y a pas d'association possible. Mais il y en a qui sont
possibles, puisqu'il y en a eu.
Le Président (M. Bordeleau): M. le
ministre.
M. Bérubé: Le député de Rouyn-Noranda
aura réponse à sa question concernant les programmes de recherche
de SOQUEM dans le rapport annuel 1979-1980, où tous les associés
de SOQUEM, projet par projet, y sont indiqués.
Le Président (M. Bordeleau): M. le député de
Rouyn-Noranda.
M. Samson: M. le Président, cela peut être une
réponse pour quelqu'un qui pourra prendre le temps d'aller fouiller dans
le rapport, mais on est ici devant une commission parlementaire publique. On
pose des questions au ministre dont les réponses sont publiques,
susceptibles d'être comprises et entendues par d'autres que nous. Ce
n'est pas tout le monde qui a le rapport de SOQUEM en main. Si je demande au
ministre son expérience des associations, peut-être ne veut-il pas
parler de celle-là. Cela, c'est autre chose. Peut-être qu'il
pourrait nous parler d'autres formules d'association. Est-ce que les formules
d'association de SOQUEM avec d'autres sociétés sont des choses
qui permettent à la société de mieux évoluer ou si
ce sont des choses qu'on prend comme un moindre mal qu'on est obligé
d'accepter absolument?
Ce que je veux savoir, c'est si cela vous semble à vous - c'est
au ministre que je m'adresse; je ne m'adresse pas à SOQUEM, parce que le
ministre a bien dit que c'est lui qui est responsable de SOQUEM - être
des formules qui peuvent aider au développement et de SOQUEM et de
l'industrie minière?
M. Bérubé: Oui.
M. Samson: Ce sont des formules qui peuvent aider. Donc, si ce
sont des formules qui peuvent aider, comme celles que M. le ministre a
annoncées lui-même - parce que cela n'a pas été
annoncé par d'autres - en 1977, comme le rapportait le Devoir du 20
avril 1977: $65,000,000 investis, $20,000,000 investis par la
société Noranda dans le cadre d'une couverture d'exploration
généralisée dans la région du Nord-Ouest
québécois, j'imagine qu'il y a une question qui peut se poser.
Votre plan quinquennal de $65,000,000, les investissements de $20,000,000 de
Noranda, est-ce que ces investissements se font au rythme prévu? (16 h
15)
Le Président (M. Bordeleau): Oui, M. le ministre.
M. Bérubé: M. le Président, je ne
répondrai pas à cette question étant donné que cela
n'a rien à voir avec le projet de loi no 1, mais que cela pourrait
être discuté au moment du discours du budget.
M. Samson: M. le Président, je regrette. Je suis
obligé de soulever une question de règlement.
Le Président (M. Bordeleau): Un instant, s'il vous
plaît! M. le député de Rouyn-Noranda comme tout le monde,
je voudrais simplement rappeler à tous les membres, et au
député de Rouyn-Noranda et au ministre, que le but de la
convocation de la commission est d'étudier article par article le projet
de loi no 1. Je veux bien comme président être assez large avec
les membres de la commission pour permettre un échange sur des points
qui pourraient donner un éclairage sur l'étude du projet de loi,
mais j'aimerais que les membres s'en tiennent autant que possible à
l'étude du projet de loi article par article comme nous avons le mandat
de le faire. D'autre part, le ministre est aussi responsable de ses
réponses. Il peut décider de ne pas répondre ou de
répondre.
M. Samson: M. le Président, je soulève une question
de règlement pour dire que je suis bien d'accord avec vous quand vous
dites que le ministre a le droit de ne pas répondre. Il est certain que
si le ministre me dit: Je ne réponds pas, je ne veux pas
répondre, c'est une chose et on l'interprétera comme on voudra,
mais de là à accepter de me faire dire que ce projet de loi ne me
permet pas de poser le genre de question que je pose, je vous soumets
très respectueusement, M. le Président, que ce projet de loi me
permet de poser ce genre de question parce que ce projet de loi nous demande de
l'argent au même titre que le budget supplémentaire discuté
en haut présentement. Ce sont des crédits qu'on nous demande, M.
le Président, et, quand on nous demande des crédits, il est non
seulement normal, mais aussi du devoir d'un député que cela
intéresse de poser des questions afin de savoir ce qu'on fera avec
l'argent qu'on nous demande. Pour être capable d'établir un lien
raisonnable, pour voir si ce qu'on nous demande sera bien
dépensé, je pense qu'il est normal de savoir que ce qui a
été dépensé dans le passé a
été aussi bien dépensé. C'est une question de
tenter de faire la liaison par rapport à l'expérience du
passé. Si on ne peut pas se baser sur l'expérience du
passé comment voulez-vous qu'on puisse faire confiance dans l'avenir? Il
me semble que c'est là une question de caractère qu'on pose. Elle
se pose dans le cadre de notre règlement. Évidemment, si le
ministre me dit: Je ne réponds pas, je ne veux pas répondre
à cela, c'est une autre affaire. S'il ne veut pas répondre
à cela, M. le Président, à ce moment-là, je vous
avoue franchement que je ne considère pas cela comme une question
très difficile, c'est une question qui
est assez simple, ce n'est pas un secret d'État, je pars
d'articles de journaux, donc cela a été publié, ce sont
des questions publiques. Je pose des questions à partir de choses qui
sont connues pour savoir qu'elle a été l'expérience. Si je
ne peux pas avoir de réponse à cela, comment voulez-vous que je
fasse confiance au reste? C'est pour cela que je pose la question.
Le Président (M. Bordeleau): À l'ordre, M. le
député de...
M. Grégoire: M. le Président, sur la question de
règlement et sur la décision que vous avez rendue. Il y a
à chaque année une occasion pour tous les députés
de se renseigner sur l'état des finances, sur les expériences de
toutes les sociétés et du ministère, c'est lors de
l'étude des crédits du ministère. S'il fallait qu'à
chaque loi déposée on puisse soulever toutes les questions qui
peuvent se soulever lors de l'étude des crédits d'un
ministère ou d'une société d'État, à ce
moment-là les projets de loi tourneraient ni plus ni moins en
étude des crédits ou en réunion du comité des
comptes publics. Je pense qu'aujourd'hui c'est le projet de loi. Le ministre ne
refuse pas de répondre parce qu'il craint la réponse, mais parce
qu'il croit que ce n'est pas une question qui est dans l'ordre selon notre
règlement.
Le Président (M. Bordeleau): Oui, M. le
député de Mont-Royal.
M. Ciaccia: Sans aller dans les détails de l'étude
des crédits des sociétés d'État, ce n'est
certainement pas quand on étudie les crédits du ministère
parce que les crédits des sociétés d'État n'entrent
pas dans les crédits des ministères. Je pense que le
député de Rouyn-Noranda discute du projet de loi; regardez
l'article 1 qui se réfère à l'article 3b du projet de loi;
est-ce assez précis pour vous? On dit: "À ces fins, la
société peut, conformément à la loi, s'associer ou
conclure des accords avec toute personne ou société". Je crois
que, dans la discussion des termes du projet de loi et en plus dans l'article
1, nous avons aussi le capital-actions qu'on nous demande d'augmenter. Je crois
que c'est tout à fait normal de poser des questions sur ces sujets; je
crois que c'est tout à fait pertinent. Maintenant, si le ministre ne
veut pas répondre, c'est une autre chose, mais je ne pense pas qu'on
puisse me répondre que je vais à l'encontre du règlement
en soulevant ces questions. Autrement, ce ne seraient que des mots
prononcés ici; qu'est-ce qu'on ferait ici, à l'étude de ce
projet de loi, si on ne peut pas poser ce genre de question? C'est votre projet
de loi et nous devons avoir des réponses.
Le Président (M. Bordeleau): Toujours sur la question de
règlement ou sur une autre?
M. Samson: Je peux y aller sur la question de
règlement.
M. Bérubé: II n'y a aucun doute là-dessus,
il peut y aller sur n'importe quoi!
M. Samson: Oui, je peux y aller sur la question de
règlement.
M. Bérubé: Entre le projet de loi et ce qu'il dit,
c'est absolument "irrelevant".
M. Samson: M. le Président, on parle de SOQUEM?
Le Président (M. Bordeleau): C'est cela. M.
Bérubé: Juste.
M. Samson: Dans l'annonce que vous avez faite dans le journal Le
Devoir du 20 avril 1977, vous avez parlé, dans cette grande annonce, des
travaux intensifs d'exploration menés en collaboration avec des
compagnies minières publiques. SOQUEM recevra $3,000,000 dès
cette année. Il me semble que c'est relié à SOQUEM, non?
Suis-je trop loin de SOQUEM? C'est pas mal proche, non?
Le Président (M. Bordeleau): II y a un lien avec SOQUEM.
Je peux vous l'accorder, c'est écrit là.
M. Samson: Bon. Là, on dit que l'entente avec Noranda
s'inscrit dans ce cadre. C'est relié à SOQUEM, M. le
Président. Il me semble que soulever une question de règlement
pour tenter de me dire que ce n'est pas pertinent de poser ce genre de
question, c'est abuser un peu du parlementarisme, c'est abuser un peu de la
situation, c'est vouloir cacher des choses et je ne pense pas que le ministre
ait quelque chose à cacher là-dessus. Au contraire, s'il en a
fait une annonce publique comme celle qu'il a faite le 20 avril 1977, c'est
qu'il voulait que cela se sache. Si le ministre voulait que cela se sache,
c'est qu'il était fier de ce qu'il annonçait.
Je lui demande aujourd'hui, au moment où on parle de donner des
crédits nouveaux à SOQUEM dans un projet de loi, de nous fournir
une expertise, l'expérience qu'il a eue à cette occasion en
association. C'est là que le lien se fait. On nous parle, dans le projet
de loi, d'une association. On dit: À ces fins, la société
peut, conformément à la loi, s'associer ou conclure des accords
avec toute personne ou société. C'est exactement ce dont je viens
de parler. Il faut savoir, pour avoir confiance en l'avenir, comment cela
s'est passé dans les trois dernières années. C'est
aussi simple que cela. C'est pour cela que je pose la question. Si le ministre
voit là-dedans quelque formule de piège que ce soit pour tenter
de l'embarrasser et pour retarder les travaux, je voudrais m'en excuser
auprès de lui immédiatement, ce n'est pas là mon intention
et je le fais en toute bonne foi. Il me semble qu'une réponse à
cela aiderait nos travaux.
Le Président (M. Bordeleau): D'accord, sur votre question
de règlement. Je pense qu'il est toujours très difficile de voir
la pertinence ou l'impertinence des questions posées au ministre sur un
projet de loi, d'autant plus que c'est un projet de loi qui modifie une loi
existante. On peut finalement toujours rattacher une question à un
article ou à un mot d'un article précis du projet de loi qu'on
étudie. Je suis pratiquement obligé de vous permettre de poser
votre question; de toute façon, je pense que cela n'aiderait pas de vous
empêcher de la poser. Sauf que le ministre peut toujours décider
lui-même de la pertinence de la question à son projet de loi et
décider, de ce fait, de répondre directement ou de s'abstenir de
répondre.
M. Samson: Merci, M. le Président, vous êtes bien
aimable. Je voudrais, en toute objectivité, reformuler ma question. Si
le ministre pense qu'elle n'est pas bien formulée et qu'elle devrait
l'être autrement, qu'il ne se gêne pas pour me dire quelle partie
de la question est embarrassante et ne devrait pas faire l'objet d'une
réponse publique. J'imagine qu'à travers tout ce qu'il a
annoncé, il y a sûrement des choses dont il devrait normalement
être fier.
M. Bérubé: Oui.
M. Samson: Oui, quoi?
M. Bérubé: À votre question.
M. Samson: Vous êtes satisfait de l'association que vous
avez eue... M. le Président, est-ce que je pourrais demander au
ministre...
Le Président (M. Bordeleau): M. le député de
Rouyn-Noranda.
M. Samson: ... si dans sa longue réponse je
l'interprète bien?
M. Bérubé: J'aime autant que ce soit lui qui
gaspille sa salive que moi.
M. Samson: On pourrait éviter ce genre de petite remarque,
M. le Président. Je ne vois pas l'utilité, cela n'avance pas le
débat. Je suis disposé à discuter de façon
objective ce projet de loi parce que, si vous parlez de dépense de
salive, je vous dirai que j'aimerais autant que ce soit lui qui dépense
les deniers publics que moi car, dans certains cas, je considère qu'ils
ne sont pas toujours très bien dépensés. En tout cas, je
suis prêt à retirer mes paroles là-dessus. Ce n'est pas
cela que je veux faire aujourd'hui.
Le oui du ministre qui est une réponse très
élaborée, M. le Président, est-ce que je dois comprendre
par ce oui que la formule d'exploration en association - là j'ai
parlé de Noranda, mais évidemment c'est une figure de style, si
on veut, cela peut vouloir dire en association avec d'autres - à SOQUEM
a donné satisfaction au ministre, au gouvernement? Est-ce qu'elle a pu
apporter des découvertes - sans qu'on les nomme, je ne veux pas entrer
dans les secrets d'État -qui pourraient mettre en exploitation
possiblement de nouvelles mines? Compte tenu des formules d'association dans
l'exploration, est-ce que le ministre retient, ou est-ce que SOQUEM, dans des
cas comme cela, si la découverte est faite en association, retient comme
privilégiée la possibilité que l'exploitation se fasse en
association avec les mêmes sociétés?
Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre.
M. Bérubé: La question commence à se
préciser tranquillement. C'est encore vague. Êtes-vous satisfait
ou insatisfait? C'est très difficile à dire. On voit une liste de
projets dans le rapport annuel où SOQUEM est associée avec
l'entreprise privée, d'une part. D'autre part, on voit d'ailleurs,
à la page 9 du même rapport, qu'une telle association dans le cas
de Muscocho va donner naissance à un gîte minéral. Donc, il
y a lieu de souligner cette réalité.
Le député de Rouyn-Noranda trouvera aussi à la page
11 des programmes de mise en valeur de découvertes qui nous
amènent à des évaluations de projets mis en commun. On
constate qu'on s'est rendu jusqu'à la décision de mise en
exploitation, travaux de "mise en exploitation et exploitation minière
au moins dans le cas d'une mine, la mine Doyon, où il y a une
association à 50-50 avec SOQUEM; c'est donc un beau succès parce
que c'est très rentable. Mais je n'arrive pas à voir vraiment ce
qu'on veut savoir. Il faudrait être plus précis dans la question
et je suis convaincu que le député de Rouyn-Noranda peut
certainement prendre encore dix minutes pour expliquer ce qu'il veut dire par
sa question.
M. Samson: M. le Président...
Le Président (M. Bordeleau): M. le député de
Rouyn-Noranda.
M. Samson: ... il faudrait peut-être que
le ministre ait encore une heure à prendre pour répondre.
Le début de ma question, M. le Président, c'est ceci. À
grands renforts de publicité, en 1977, le ministre avait annoncé
cela lui-même et cela s'inscrivait dans le cadre d'une entente en ce qui
concerne SOQUEM, parce que les $65,000,000 qui sont annoncés
étaient annoncés par le ministre, par le ministère,
c'est-à-dire pour le compte du ministère. À
l'intérieur de cela, pour 1977, il y avait $3,000,000 et il disait: Cela
s'inscrit dans l'entente avec Noranda. Le même jour, on a un autre
article de journal où il est dit que Noranda s'était
associée, en fait, à ce programme d'exploration et que Noranda
devait dépenser quelque chose comme $20,000,000. Le résultat de
cette association, particulièrement - évidemment, je
présume que le ministre avait fait ces démarches pour tenter de
venir en aide au développement de l'industrie minière dans la
région immédiate du Nord-Ouest québécois -a
donné quoi? Est-ce que les associations, les travaux qui se sont
déroulés ont été faits dans un esprit de
collaboration ou est-ce qu'il y a eu des accrochages? Il est important de le
savoir. (16 h 30)
M. Bérubé: M. le Président, de par la nature
de la longue dissertation du député de Rouyn-Noranda, il est
assez difficile de savoir exactement quelle est la question. Si on me dit:
Est-ce que cela s'est fait dans un esprit de collaboration? M. le
Président, il va falloir que je dise oui, cela s'est fait dans un esprit
de collaboration. Etes-vous satisfait, M. le ministre? Qu'est-ce que vous
voulez que je vous dise, oui, je suis satisfait. Je n'arrive pas à... Je
pense que le député d'Outremont doit avoir la même
réaction, je le lis un peu dans ses yeux. Lui-même qui est
ingénieur dit: "Keep it simple". J'ai l'impression qu'il pourrait
s'attaquer un peu à la pensée du député de Rouyn et
la restructurer d'une façon un peu plus percutante pour que j'aie une
idée précise de la question qu'on veut me poser et je pourrais
essayer de répondre, au meilleur de ma connaissance. Je n'ai pas
d'objection à essayer de répondre, mais à des questions
vagues comme ça, je ne suis pas capable de donner de
réponses.
M. Fortier: Est-ce que cette conjoncture a donné d'aussi
bons résultats que d'autres "joint ventures" qui ont été
faits au même moment et dans d'autres régions?
M. Bérubé: De quel "joint venture"? Parce qu'on ne
sait pas trop de quoi on parle?
M. Fortier: Celui qui est annoncé dans le journal.
M. Bérubé: Ce qui est annoncé dans le
journal, c'est un plan quinquennal de travaux géoscientifiques
effectués par mon ministère pour mettre en valeur le territoire
et attirer des prospecteurs et des entreprises minières sur le
territoire du Québec; par conséquent, cela n'a rien à
avoir avec l'activité de SOQUEM. Au tout début, toutefois, pour
attirer SOQUEM, le gouvernement lui a consenti une subvention de $3,000,000
pour l'amener dans le Nord-Ouest. Si vous regardez les plans d'expropriation de
la société, vous allez constater qu'aujourd'hui la
société fait presque l'essentiel de ses travaux dans le
Nord-Ouest, ce qui était l'objectif que le gouvernement avait
demandé à SOQUEM à l'époque, si c'est ça que
vous voulez savoir. Je peux vous dire ce qu'on a fait, mais...
Le Président (M. Bordeleau): M. le député de
Rouyn-Noranda.
M. Samson: Je sais qu'à l'époque le ministre - je
ne veux pas lui imputer de mauvais motifs, au contraire - s'inquiétait
de la situation minière et qu'il avait annoncé que cela
s'inscrivait dans le cadre où il fallait venir en aide pour
empêcher peut-être une fermeture éventuelle de la fonderie
de Noranda. Comme Noranda Mines annonçait hier un investissement de
$35,000,000 pour améliorer le procédé métallurgique
à sa fonderie, par une usine d'oxygène, il me semble qu'il y a
une différence entre cette époque de 1977, où le ministre
tentait de trouver des possibilités de venir en aide pour empêcher
que ça ferme, et cette annonce qui a été faite hier par la
Noranda de $35,000,000, pour une usine d'oxygène devant améliorer
son système et le rendre plus compétitif.
C'est pourquoi je posais la question. Étant donné les deux
situations qui ont complètement changé depuis ce temps, cela me
permettait de demander au ministre s'il était satisfait du programme
qu'il avait lancé à ce moment, dont les objectifs avoués
étaient de venir en aide à l'industrie minière et en
particulier à la fonderie de Noranda. C'est pour ça que je posais
la question, M. le Président. J'imagine que le ministre doit être
satisfait du résultat d'au moins une partie de ces travaux.
Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre.
M. Bérubé: II s'agit ici de discuter
essentiellement d'un projet gouvernemental qui n'a rien à voir avec
l'activité de SOQUEM, qui est un programme d'incitation à
l'exploration au Québec par l'ensemble de l'industrie tant privée
que publique. Comme ce n'est pas l'objet du présent projet de loi, je
m'en tiendrai à des analyses sur SOQUEM,
à des analyses par rapport au texte de loi, mais non par rapport
à la qualité des géologues du ministère ou aux
forces et faiblesses de nos programmes gouvernementaux. Une telle discussion
doit avoir lieu au moment de l'étude des crédits.
M. Samson: M. le Président...
Le Président (M. Bordeleau): M. le député de
Rouyn-Noranda.
M. Samson: ...on parle d'association entre SOQUEM et d'autres
sociétés. Il a été mentionné
récemment, quand on a entendu le président de SOQUEM, compte tenu
maintenant du marché de l'or qui connaît, on le sait, une
situation quelque peu privilégiée par les temps qui courent,
qu'à la suite de la mise en oeuvre d'environ six mines, SOQUEM
envisaqeait la possibilité d'une usine d'affinage de l'or dans la
région du Nord-Ouest québécois. Le ministre peut-il nous
dire à ce moment-ci s'il ne peut pas parce qu'il y a des discussions en
cours, je le comprendrai, si SOQUEM, compte tenu des objectifs qu'on lui donne
dans le présent projet de loi, entend, pour la construction de cette
éventuelle usine d'affinage, privilégier la formule d'association
avec d'autres sociétés ou y aller seule?
Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre.
M. Bérubé: Dans le cas particulier de l'usinage
d'affinage d'or dont on parle, on nous dit qu'il faut, pour la justifier, un
volume d'or de l'ordre de 200,000 onces annuellement et que la mine Doyon va
produire à elle seule environ 100,000 onces. Donc, on n'en est pas
exactement à un niveau de production en or suffisant pour justifier une
telle usine. Toutefois, compte tenu justement de l'existence d'autres mines et
de la possibilité d'association et compte tenu du développement
de certaines mines d'or envisagé par SOQUEM elle-même, il est donc
peut-être tout à fait possible d'en arriver à un seuil de
production suffisant pour rentabiliser ces activités, mais j'ignore
entièrement les intentions de la société, d'autant plus
que je crois que la société elle-même ne doit pas avoir
d'intentions très précises à cet égard en ce
moment. C'est exactement ce qu'on me confirme. La société n'a pas
encore d'intentions très précises à cet égard.
M. Samson: Peut-on me dire si, au niveau des intentions
précises dans l'éventualité d'une production possible de
200,000 onces - parce que je pense que cela va devenir possible - la
construction de cette usine éventuelle devrait se faire dans la
région immédiate ou dans un endroit stratégique pour
desservir les mines concernées? Je crois comprendre que nous parlons de
la mine Doyon présentement. Nous parlons de l'éventualité
de Rouyn-Merger.
M. Bérubé: On me dit que c'est pour la
région de Rouyn, mais si le député de Rouyn-Noranda
continue, je vous garantis que je l'amène en Abitibi-Est!
M. Samson: M. le Président, je ne me sens pas
impressionné par ce genre de choses.
M. Bérubé: Cela va être la seule directive
que je vais donner à la société.
M. Samson: J'ai l'impression que ce ne sera pas lui qui donnera
la directive en ce qui concerne cette usine. De toute façon, M. le
Président, je ne veux pas être désagréable envers le
ministre, mais on va parler de Rouyn-Merger s'il le veut bien. J'aimerais
savoir si on doit, en ce qui concerne Rouyn-Merger, faire connaître une
décision bientôt, compte tenu du fait que l'ouverture probable ou
non de Rouyn-Merger impose des difficultés puisque la mise en fonction
probable de Rouyn-Merger impose actuellement des difficultés au
ministère des Transports qui, comme vous le savez, a
décidé de construire un pont sur la rivière
Kinojévis. La propriété de Rouyn-Merger se trouve à
la sortie du pont qui devra être construit. Cela pose des
problèmes énormes au ministère des Transports et cela
retarde les travaux de construction du pont sur la rivière
Kinojévis qui sont urgents.
J'en profite, puisqu'on parle de SOQUEM, pour demander au ministre
à quel moment ou vers quelle période on pourra être
fixés là-dessus, afin de pouvoir procéder avec l'autre
ministère dans les autres travaux.
M. Bérubé: On me dit qu'en pratique la partie
exploration, mise en valeur, définition du gisement est terminée.
Cependant, il y a des essais métallurgiques requis pour connaître
exactement la récupération de l'or par les procédés
conventionnels. Il s'agit de quelque chose qui pourrait prendre de six à
douze mois, avant qu'on soit en mesure de faire véritablement une
étude de rentabilité et demander un bail.
M. Samson: Six à douze mois. D'accord, M. le
Président, je remercie le ministre pour sa collaboration, pour sa grande
collaboration.
Le Président (M. Desbiens): M. le député
d'Outremont.
M. Fortier: M. le ministre, j'ai quatre sujets que j'aimerais
soulever. Je vais les
prendre un par un. Le premier touche l'objet de la
société. On a voté pour le projet en deuxième
lecture. Donc, on est d'accord sur le principe. Comme nous en avons
discuté pour ce qui concerne la Société
générale de financement hier, je pense que le parti que je
représente aimerait voir davantage de balises imposées aux
sociétés d'État pour plusieurs raisons. Entre autres, il y
a d'autres sociétés d'État et il y a aussi des
sociétés privées, bien sûr. Et à moins qu'on
n'impose certaines balises aux sociétés d'État, elles
peuvent croire que leur mandat est universel et qu'elles peuvent faire à
peu près tout.
Dans cette optique, lorsqu'on arrive à l'article 1 touchant
l'article 3 de la loi: La société a pour objets, on a
changé bien sûr l'article 3 qui existait où on disait:
...de participer à la mise en valeur ou de participer à la mise
en exploitation. J'interprète cela, comme c'était comme pouvant
signifier qu'il s'agissait d'une participation minoritaire, de laisser le
leadership à d'autres.
Si je comprends bien le changement qu'on veut faire par la
présente loi, c'est de permettre à SOQUEM de prendre le
leadership, de faire des choses. Mais, comme nous l'a dit le ministre et comme
nous l'a dit le président de SOQUEM dans cette conférence qu'il a
présentée dernièrement, où il disait: Nous sommes
bien conscients que ce ne serait pas dans l'intérêt du
Québec de voir SOQUEM occuper en entier ou presque seule tout le champ
d'exploration, etc.
Dans cet ordre d'idées, je me demande si le ministre verrait une
objection fondamentale à modifier le texte où on dit: À
ces fins, la société peut, conformément à la loi,
s'associer ou conclure des accords, tout simplement par: À ces fins, la
société doit, conformément à la loi, s'associer ou
conclure des accords.
C'est sur l'objet proprement dit. Peut-être qu'on peut
répondre à cela. Je reviendrai avec les autres questions par la
suite.
Le Président (M. Desbiens): M. le ministre.
M. Bérubé: J'y serais personnellement opposé
d'une façon virulente. En effet, pour le gouvernement, il ne saurait
être question de forcer la société à s'associer avec
qui que ce soit. Nous croyons désirable, dans certains cas, que la
société mène seule des projets. Il sera toujours possible
au gouvernement, par le biais de son pouvoir de directive, de donner une
directive visant à restreindre cette possibilité d'association
ou, au contraire, à la rendre obligatoire. Je pense que le pouvoir de
directive est là pour cette fin. Mais je m'opposerais à ce que ce
soit dans une loi, pour la simple raison qu'une loi est difficilement maniable
et elle ne peut pas tenir compte des circonstances particulières.
Dans ces conditions, à titre d'exemple, lorsque SOQUEM a
développé la mine de sel aux Îles-de-la-Madeleine, elle a
cherché à trouver des partenaires et elle n'a pas réussi
à en trouver. Avec un article tel que rédigé, il faudrait
l'interpréter d'une façon rigoureuse et à ce
moment-là, à cette fin, la société doit s'associer
et comme elle ne peut pas s'associer, par conséquent, elle ne doit pas
développer de gisement. Comme l'a souligné le
député de Charlevoix, ceci causerait un tort irréparable
au Québec, puisque lui-même a souligné les problèmes
du cartel du sel qu'il avait vécus à l'époque et
l'importance pour SOQUEM de mettre en valeur cette mine. On se rend donc compte
que cela pourrait être dangereux de vouloir figer dans la loi un texte
trop rigide qui ne donne pas la flexibilité nécessaire. (16 h
45)
M. Fortier: Quand on lit les débats qui ont eu lieu lors
de la création de SOQUEM, bien sûr, on s'aperçoit que les
raisons qui ont motivé d'écrire la loi telle qu'elle est
écrite dans le moment, c'était justement parce qu'on voulait que
SOQUEM joue un rôle de catalyseur avec le secteur privé. Je suis
bien d'accord, d'ailleurs. Quand on lit l'intervention de M. Lévesque
à ce moment, il s'agissait de s'associer avec le secteur privé
québécois pour ne pas laisser le champ libre totalement aux
multinationales.
Si on ouvre la porte considérablement à SOQUEM, c'est
sûr que les directives... D'ailleurs, le ministre a avoué qu'il
n'y en avait pas dans le moment. Si on laissait la loi telle quelle, il
faudrait, au minimum, que les directives viennent préciser le rôle
que le gouvernement voudrait lui voir jouer. Cela serait un moindre mal
à ce moment. Je reviendrai sur les directives dans un moment, si vous le
voulez.
En ce qui concerne l'article 4 où on autorise le capital
jusqu'à $125,000,000, une augmentation, si je me souviens bien, de
$36,000,000, est-ce que le ministre peut nous dire - je ne me souviens pas s'il
nous l'a dit quelle est la proportion de cette augmentation de capital qui est
déjà engagée pour des projets biens spécifiques et
lesquels? Est-ce qu'il peut nous donner des chiffres plus précis
à ce sujet? Quel montant est réservé pour une autorisation
à venir du gouvernement?
Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre.
M. Bérubé: Essentiellement, tout doit être
autorisé dans l'avenir, parce qu'il n'y a aucun projet de
déposé par SOQUEM actuellement exigeant de tels fonds. En effet,
la raison pour laquelle, souvent, on
prévoit des enveloppes avec une certaine marge de manoeuvre au
moment où on amende une loi vient de ce qu'il est pratiquement
impossible de bouger assez rapidement au niveau de l'Assemblée nationale
pour pouvoir faire face à toutes les demandes qu'une
société peut connaître dans l'exercice de son mandat au
cours d'une année, par exemple. Et même être obligé
de rouvrir une loi annuellement surchargerait les travaux de cette
Assemblée à un point tel qu'on aurait de la difficulté
à le faire. On est donc obligé, à partir de pas
grand-chose souvent, d'essayer d'imaginer quels pourraient bien être les
besoins en capital-actions de la société.
Or, présentement, en ce qui a trait au développement du
gisement de sel des îles, au développement de Niobec et au
développement de Silver Stack, les besoins en capital de la
société sont essentiellement satisfaits par la loi existante.
Cependant, il y a deux gisements qu'on peut voir poindre à l'horizon. Un
des gisements, c'est le gisement de Crevier à Girardville qui est un
gisement de Nb2°5 et tentale pour lequel on peut imaginer, compte tenu des
réserves que l'on a identifiées, un investissement qui
atteindrait peut-être l'ordre de $27,000,000. Il y a également
dans le comté de Charlevoix un gisement de silice que la
société envisage de mettre en production et pour lequel il
pourrait y avoir à nouveau des investissements peut-être de
$3,000,000, $4,000,000 ou $5,000,000. C'est donc très vague, puisque le
bail minier n'a pas encore été émis. L'étude de
faisabilité n'a pas été faite et, par conséquent,
on est vraiment dans le vague le plus complet.
M. Fortier: À Crevier, quel genre de minerai?
M. Bérubé: De niobium, le même type que celui
de Saint-Honoré. Soulignons aussi qu'il y a environ $6,000,000 que nous
avons mis de côté pour deux objectifs potentiels. Advenant le cas
où le prix de l'or ne se maintiendrait pas au niveau où il est,
SOQUEM pourrait avoir de la difficulté à autofinancer l'actuel
programme d'exploration qui représente entre $6,000,000 et $7,000,000
par année. Si cela devait se produire, nous voulons avoir une petite
caisse qui nous permettrait de ne pas réduire l'effort d'exploration de
SOQUEM. Donc, c'est une petite caisse potentielle pour l'exploration.
Également, il est possible - mais le gouvernement n'a pas pris la
décision -d'amener SOQUEM à effectuer plus d'exploration que pour
$6,000,000 ou $7,000,000; donc, on veut porter ce montant à $9,000,000
au cours des quelques années qui viennent et, à ce
moment-là, cela pourrait se faire soit par le maintien du prix de l'or
actuel ou par une amélioration même du prix de l'or; si ça
ne devait pas se faire de cette façon, on pourrait vouloir disposer d'un
petit montant; il y aurait $6,000,000 qui ont été prévus
à cette fin. Les $36,000,000 sont beaucoup plus là comme une
espèce d'enveloppe à partir de projets qu'on voit poindre
à l'horizon, mais pour lesquels on est incapable de formuler un besoin
financier précis.
M. Fortier: ...procédé de... On dit: "Ce paiement
peut être fait en un ou plusieurs versements, chacun d'eux doit faire
l'objet de l'approbation prévue au premier alinéa." J'imagine que
c'est par arrêté en conseil que c'est fait. Qu'est-ce que le
premier alinéa? J'essayais de savoir ce qu'on voulait dire par cela. Le
premier alinéa de quoi?
M. Bérubé: "Le ministre des Finances est de plus
autorisé à payer à la Société sur le fonds
consolidé du revenu, avec l'approbation préalable du gouvernement
et aux conditions qu'il détermine..." Cela veut dire qu'une demande de
SOQUEM est généralement faite au ministre responsable de
l'application de la loi, qui est moi, et elle fait l'objet d'un mémoire
au Conseil des ministres, lequel mémoire est d'abord analysé au
Conseil du trésor pour évaluer les disponibilités
financières du gouvernement à ce moment-là; c'est
généralement pris à même l'extrabudgétaire.
À partir de cette analyse qui est effectuée au ministère
des Finances et souvent au Conseil du trésor également, une
recommandation est envoyée au Conseil des ministres. C'est le Conseil
des ministres qui donne l'approbation finale pour verser ce montant.
M. Fortier: Quand est-ce que l'Opposition est informée de
cela? En même temps que le public? Quand l'arrêté en conseil
devient public, cela devient public, donc c'est disponible. Il n'y a aucun
mécanisme d'information de l'assemblée comme telle.
M. Bérubé: Exactement. Dans le cas de la Loi
constituant la Société nationale de l'amiante, nous
déposons l'arrêté en conseil, mais...
M. Fortier: M. le ministre, je vous demanderais, ici si vous
pouvez considérer qu'à titre d'information, compte tenu qu'il
s'agit d'une enveloppe, lorsque l'arrêté en conseil sera
approuvé, de le déposer en Chambre.
M. Bérubé: C'est l'article 13 qu'on vient de
dénicher. C'est cela. Cela m'étonnait parce que j'avais introduit
cela dans la Loi constituant la Société nationale de l'amiante et
il me semblait qu'on l'étendait aux autres lois. Effectivement,
c'est une introduction que j'ai fait faire dans les lois du
Québec pour augmenter le niveau d'information à
l'Assemblée nationale.
M. Fortier: On ne dit pas quand, mais j'imagine que cela...
M. Bérubé: Le plus rapidement possible. En
général, je les dépose dès qu'ils sont
approuvés.
M. Fortier: Une information additionnelle. Mon prochain
commentaire est sur le conseil d'administration. Je conçois bien que
l'idée est d'avoir... On a parlé en deuxième lecture des
avantages d'élargir le conseil d'administration.
M. Bérubé: La procédure parlementaire n'est
peut-être pas respectée à la perfection, mais souvent on se
met d'accord pour dire qu'on a une discussion générale au
début. M. le Président, moi, je n'ai pas d'objection.
M. Fortier: ...
Le Président (M. Desbiens): C'est parce que c'est
l'étude article par article.
M. Bérubé: La procédure parlementaire exige
qu'on l'étudie article par article. On n'a pas d'objection, nous, en
tout cas, à faire une discussion générale au début
et après cela...
M. Fortier: Oui. Cela revient au même. Il s'agit que les
membres de la commission s'entendent.
M. Bérubé: Oui. Exactement.
M. Fortier: Sur le conseil d'administration. Il y a un avantage
à élargir votre conseil. On a fait état des
désavantages et des avantages; c'est que, lorsqu'il y a beaucoup de
monde autour du conseil, on sait qu'on est obligé de former un
comité exécutif. Est-ce que la loi prévoit la
possibilité de former un comité exécutif dans le
moment?
M. Bérubé: La loi ne le prévoit pas. Elle le
laisse au jugement du conseil d'administration qui doit décider du bon
fonctionnement de ses travaux et de la façon de fonctionner.
M. Fortier: Est-ce qu'il y a quand même une
possibilité pour le conseil de déléguer des pouvoirs
exécutifs?
M. Bérubé: Dans le règlement de régie
interne que nous discuterons ultérieurement, le conseil d'administration
peut choisir de créer un conseil exécutif et de lui
déléguer certains pouvoirs.
M. Fortier: Dans cet ordre d'idées, mon expérience
a été, quand j'ai siégé à des conseils
d'administration, qu'il est bon, avant que la personne soit
désignée au comité exécutif, qu'elle siège
pendant un an ou un an et demi au conseil et soit ensuite nommée au
comité exécutif.
Je vois que, dans 14b, on dit: "De six à dix autres membres
nommés par le gouvernement pour une période d'au plus deux ans."
Cela me semble aller justement à l'encontre de cette
nécessité d'avoir quelqu'un qui serait très au courant
afin de pouvoir faire une contribution directe. Je me demande pourquoi on ne
met pas cela à quatre ans plutôt que deux ans? Cela me semble un
peu minime de nommer quelqu'un pour deux ans seulement.
M. Bérubé: Pour plusieurs raisons. D'abord, pour
une raison politique. Le seul pouvoir qu'un gouvernement détient sur une
société d'État est le pouvoir de directive que nous avons
introduit dans nos lois sur les objectifs et les orientations et
également son pouvoir de nomination au conseil d'administration.
Il me paraît important qu'on n'engage pas le gouvernement pour des
périodes trop longues. Il pourrait y avoir effectivement un changement
de gouvernement qui amène le nouveau gouvernement à vouloir
orienter la société sur une base différente et nommer des
gens qui correspondent davantage à ses orientations politiques. Dans les
nominations que j'ai faites, j'ai toujours cherché non pas à
examiner l'allégeance politique des candidats, mais à ouvrir
d'abord l'éventail régional, à avoir la
représentation de toutes les régions du Québec. Je voulais
également m'assurer que les milieux financiers et de
génie-conseil y sont; enfin, essayer d'ouvrir les conseils
d'administration de nos sociétés d'État sur la
société québécoise.
Mais j'imagine qu'un autre gouvernement pourrait, lui, vouloir nommer,
par exemple, essentiellement des gens qui lui sont proches de manière
à pouvoir exercer un meilleur contrôle s'il s'en méfie;
c'est tout à fait possible, et cela devient quasi impossible lorsque les
nominations sont faites pour des durées trop longues. Cela pourrait
même être très tentant pour un gouvernement de s'organiser
juste à la veille d'une élection et, là, bloquer tous les
postes aux conseils d'administration et faire en sorte que le nouveau
gouvernement se voit les mains complètement liées et n'ait plus
aucun moyen d'agir sur la société.
Donc, cela me paraît mauvais, d'autant plus que la Loi sur les
compagnies est également sage à cet égard, elle dit bien
que c'est une nomination d'un an, si je ne m'abuse, ou de deux ans. Donc, la
Loi sur les compagnies, dans sa sagesse, a prévu ces cas. La suggestion
que vous faites, qui me
paraît une suggestion tout à fait valable, n'est pas
inapplicable pour autant. Ce que cela veut dire, c'est que, dans un conseil
d'administration, vous avez forcément des gens qui sont là depuis
deux, trois, quatre, cinq, six, sept ou huit ans et on aura tendance à
nommer au comité exécutif des gens qui sont là depuis un
certain nombre d'années, mais sans pour autant préjuger qu'ils
sont là ad vitam aeternam puisque je pense que c'est vraiment là
un des privilèges du pouvoir politique de nommer les gens qu'il veut
bien nommer.
M. Fortier: En ce qui concerne un changement majeur ici, si je ne
m'abuse, c'est le fait que vous avez enlevé la nécessité
de nommer des officiers, excepté le président. Dans une
société comme celle-là, où les personnes sont
impliquées dans l'exploitation, quel est votre sentiment
là-dessus? Vous semblez préférer faire en sorte que ces
gens ne soient pas désignés, du moins en principe, dès le
départ. Ils pourraient ne pas être nommés. En fait, la
seule personne désignée par la loi est le président de la
compagnie. Ne croyez-vous pas que certains des officiers pourraient avoir une
contribution même s'ils sont en minorité? Je suis tout à
fait d'accord pour dire que les officiers de la société doivent
être en minorité dans un conseil d'administration parce qu'il
s'agit de juger de leur performance à eux.
Il reste quand même que dans un domaine aussi technique ils
devraient pouvoir exprimer leur opinion et dire les avantages qu'il y a
d'investir ou de ne pas investir dans un projet ou dans l'autre.
M. Bérubé: Ce serait là justement un
privilège de l'actionnaire. Si, comme vous le dites effectivement, c'est
une excellente pratique sur le plan de la gestion, l'actionnaire
décidera effectivement de nommer des gens de l'intérieur.
Personnellement, je pense qu'il est sage que le vice-président
exécutif soit toujours au conseil d'administration de manière
qu'on ait toujours quelqu'un en "stand by", si on peut utiliser l'expression,
prêt à prendre les rennes de l'entreprise puisqu'aucun homme ou
aucune femme n'est éternel, la mort est toujours possible, une
démission est toujours possible de même qu'un départ. Je
pense qu'il est important que dans un conseil d'administration il y ait au
moins un autre membre de la direction qui siège.
À savoir s'il devrait y en avoir deux, trois, quatre ou cinq, je
pense que c'est une question de jugement de la part de l'actionnaire et je
préférerais le laisser le plus libre possible de telle sorte
qu'advenant un échec de la société le gouvernement puisse
assumer l'entière responsabilité. L'expérience personnelle
que j'ai maintenant, après quatre ans, est qu'il faut éviter,
dans nos lois, de vouloir mettre trop de restrictions parce qu'on ne peut pas
à la fois exiger de nos sociétés d'État des
performances comparables à celles du secteur privé et en
même temps abuser de réglementations, de contraintes de toutes
sortes, de façon que finalement on mette la société d'Etat
dans une position où elle ne peut pas concurrencer et en même
temps on lui dit de concurrencer.
Donc, je préfère lui laisser la marge de maneuvre que l'on
retrouve en général dans le secteur privé, de
manière qu'elle soit véritablement en concurrence et, à ce
moment, c'est au gouvernement à prendre ses responsabilités
lorsque la société ne réussit pas. J'ai dû
constater, dans certains cas, qu'il y a eu des abus réels dans nos lois,
alors que des gens étaient nommés pour dix ans, par exemple, non
pas que le résultat ait été malheureux, je pense qu'un bel
exemple c'est la nomination de M. Côme Carbonneau à la direction
de SOQUEM. C'était un excellent choix et le président de la
société a vraiment bâti une entreprise assez remarquable.
Mais on peut toujours poser l'hypothèse que ça n'a pas
fonctionné aussi bien qu'on aurait voulu et se demander qu'est-ce que le
gouvernement en place aurait fait. Il aurait toujours pu expliquer à la
population que la loi ne permettait pas plus, mais les citoyens ne comprennent
pas, parce qu'eux ont l'impression que des lois ça se change.
Malheureusement, ça ne se change pas si facilement que ça.
Je préfère une loi qui fait appel à la sagesse
populaire et je pense que la Loi sur les compagnies fait vraiment appel
à la sagesse populaire. Ça fait assez longtemps que les citoyens
doivent s'organiser en corporations. Ils ont développé des
règles et c'est pour cette raison que, d'une façon
générale, j'ai tenté, depuis que je suis là, de
modifier les lois des sociétés d'État pour les amener dans
une sorte de coquille qui soit assez identique à la Loi sur les
compagnies, en tenant compte cependant qu'une société
d'État étant généralement mandataire de la
couronne, il faut évidemment qu'il y ait certains contrôles
différents qui nous obligent à maintenir des distinctions dans
nos lois.
C'est un peu la philosophie qui a sous-tendu mon action dans beaucoup de
cas et je suis content de voir, après quatre ans, qu'on est en train de
se doter tranquillement d'une coquille pour nos lois de sociétés
d'Etat. Je pense que c'est une amélioration très nette par
rapport à ce qui existait antérieurement.
Le Président (M. Bordeleau): M. le député de
Mont-Royal.
M. Ciaccia: M. le ministre, quand vous dites que vous leur donnez
une marge de flexibilité pour fonctionner, vous incluez un
article comme l'article 21e selon lequel elles ne peuvent pas adopter de
règlements concernant l'exercice de pouvoirs sur la régie interne
sans votre consentement. D'une façon, vous venez de dire que vous voulez
élargir leur marge de manoeuvre et là vous voulez tout
contrôler, même la régie interne.
M. Bérubé: II y a deux objectifs pratiquement
contradictoires. D'une part, vous voulez que votre société d'Etat
ait une marge d'autonomie, qu'elle puisse prendre des décisions. D'autre
part, comme elle est mandataire de la couronne, elle doit, dans ses gestes
quotidiens, exprimer la volonté du gouvernement. C'est pour cette raison
qu'un certain nombre de décisions fondamentales sont soumises à
l'approbation du gouvernement, alors que, pour d'autres décisions, on
s'assure qu'elle jouit d'une plus grande autonomie ou d'une plus grande marge
de manoeuvre.
Mais on reviendra au problème de la régie interne, j'ai
déposé un amendement à cet égard, je pense que ce
sera plus facile d'en discuter à ce moment-là.
M. Fortier: Les commentaires les plus importants que j'aie
après ça sont aux articles 21 et 23. Pour en rester au conseil
d'administration, vous parliez de la marge de manoeuvre à donner
à la société, et la marge de manoeuvre en ce qui concerne
la formation du conseil d'administration vous vous la donnez à
vous-même, ce n'est pas à la société, c'est à
vous-même.
Vous avez dit, en réponse à la question que je posais sur
la raison pour laquelle il n'y avait pas de gens de l'intérieur, que
vous préfériez donner une marge de manoeuvre. La marge de
manoeuvre, dans ce cas, c'est à vous-même que vous la donnez.
M. Bérubé: Je l'ai donnée au gouvernement,
oui.
M. Fortier: Je reviendrai plus tard aux articles 21 et 23.
Le Président (M. Bordeleau): J'avais reconnu M. le
député de Duplessis.
M. Perron: Oui, M. le Président, je voudrais dire ceci au
ministre, premièrement que l'article 4, qui change l'article 14b de
l'ancienne loi, sur le principe de porter le nombre de membres du conseil
d'administration de six à dix, je suis parfaitement d'accord, mais,
cependant, j'ai une certaine réserve en rapport avec qui devrait
être nommé là.
Je vais vous dire pourquoi, c'est que le mandat de SOQUEM étant
élargi de beaucoup, je me demande s'il n'y aurait pas lieu de regarder
attentivement ce qu'on a à l'intérieur de SOQUEM actuellement
pour amener des compétences qui connaissent le milieu depuis un certain
nombre d'années, par exemple, dans l'administration actuelle, je ne
parle pas du conseil d'administration, mais dans la direction actuelle, parce
que quatre nouveaux membres dans un nouveau conseil d'administration cela
pourrait créer des problèmes d'adaptation, surtout quand il y a
des réunions qui sont convoquées une fois par mois, si ma
mémoire est bonne, par le président, soit dans les cas, M. Paul
Bourassa; est-ce que le ministre a l'intention de travailler en coordination
avec le président pour la nomination de ces membres, de très
près avec lui?
M. Bérubé: Ce qu'il est important dans ça de
souligner, c'est que le conseil d'administration est composé du
président et de six à dix... Il y a une marge.
M. Perron: Ils ne passent pas de six à dix.
M. Bérubé: II est composé de six à
dix, ce qui veut dire que nous pourrions n'en nommer que six, plus le
président, sept, c'est la situation actuelle, ou nous pourrions le
monter jusqu'à onze...
M. Perron: Incluant le président actuel.
M. Bérubé: II y a donc, tel que c'est
rédigé, une possibilité de maintenir le conseil
d'administration dans sa forme présente ou encore de choisir d'y ajouter
de nouveaux représentants. Je ne vous cacherai pas que, par exemple,
j'ai l'intention de nommer quelqu'un, de demander au Conseil des ministres de
nommer quelqu'un venant du Nord-Ouest qui est une région où la
société oeuvre de façon très importante... Vous
savez, comme il va y avoir l'usine d'affinage d'or, on ne peut pas tout
avoir.
Une Voix: On ne voulait pas vous le dire tout de suite.
Le Président (M. Bordeleau): On est très
intéressé, M. le ministre.
M. Bérubé: J'aurai fait une mauvaise blague, mais
mon adjoint parlementaire me dirait que j'ai toujours tendance à faire
des mauvaises blagues, ce qui a le don de susciter des discussions. C'est mon
intention en tout cas de recommander au Conseil des ministres l'ajout d'un
représentant venant du Nord-Ouest. Donc, les régions où la
société travaille, il me semble qu'on devrait s'assurer qu'elles
soient représentées, qu'elles sont présentes.
M. Grégoire: Comme cela se fait d'ailleurs dans le domaine
de l'amiante où
deux membres du conseil d'administration de la Société
nationale de l'amiante viennent de la région de l'amiante.
M. Bérubé: Dans la mise sur pied d'un conseil
d'administration, il faut tenir compte de passablement de facteurs. Il est
important que chaque membre du conseil apporte véritablement quelque
chose d'original au conseil d'administration, soit une connaissance du milieu
de travail, des relations de travail, soit une connaissance du milieu financier
ou du génie ou de l'exploration; enfin, il y a un éventail de
connaissances qui sont requises pour qu'un président puisse prendre une
décision. C'est très important qu'un conseil d'administration
soit bien étoffé à ce chapitre. C'est d'ailleurs pour cela
- et là, ce n'est pas une mauvaise blague, mais je pense qu'il faut le
souligner - peut-être que dans le passé les gouvernements ont eu
tendance à vouloir nommer aux conseils d'administration des gens en qui
ils avaient confiance, et très fréquemment c'étaient des
nominations de type politique. C'est-à-dire qu'on prend un
ex-député libéral, je n'irai pas dire de Rouyn-Noranda, et
on le nomme.
Il y a des fois où c'est tout à fait justifié.
Certains députés, certains ministres ont une très grande
connaissance du domaine; ce peut être un excellent choix de les nommer
à de tels postes, mais je pense qu'il est dangereux de nommer
systématiquement des gens pour des raisons de politique partisane parce
que le président du conseil, généralement, est
nommé d'une façon assez rigoureuse puisque les gouvernements sont
conscients qu'un mauvais président pourrait coûter cher à
la société. On fait donc un effort particulier pour nommer un
président valable. Au niveau des conseils d'administration, je pense
qu'il faut insister sur l'importance de doter les conseils d'administration de
compétences assez ouvertes couvrant l'éventail des
préoccupations de la société, de manière,
justement, que le président soit bien appuyé. Je pense que c'est
une des difficultés que nous avons eues dans le passé avec les
conseils d'administration des sociétés d'État de ne pas y
trouver des compétences dans tous les domaines qui auraient
été utiles pour le président. Cela m'apparaît
important.
Le Président (M. Bordeleau): M. le député
d'Outremont.
M. Fortier: D'après l'article 15, ce n'est pas le ministre
qui est président du conseil. Ce sont les membres du conseil qui
choisissent un président.
M. Bérubé: Pour le président du conseil.
M. Fortier: Est-ce que vous auriez objection à dire que les
membres du conseil d'administration peuvent l'élire parmi les membres?
Vous insistez pour qu'il y ait un président du conseil d'administration
ou si c'est simplement une option?
M. Bérubé: Personnellement, je n'ai pas d'objection
à dire "peuvent" élire, effectivement...
M. Fortier: Cela semble indiquer qu'automatiquement la personne
va être une personne différente tandis que selon la Loi des
compagnies, il arrive que dans certaines sociétés le
président puisse être à la fois le président du
conseil.
M. Bérubé: Je n'aurais pas d'objection, au nom d'un
principe qui est: donnons le plus de flexibilité possible. On est
toujours content d'avoir la flexibilité quand, à un moment
donné, un problème se pose et qu'on s'aperçoit que la loi
est un carcan qui nous empêche effectivement de prendre des actions qui
devraient être prises.
M. Ciaccia: Quelle est votre intention, est-ce que c'est d'avoir
un président?
M. Bérubé: Mon intention à moi est de
toujours avoir un président du conseil. Les expériences que j'ai
eues m'ont enseigné qu'il n'est pas mauvais que le PDG soit distinct du
président du conseil, de telle sorte que le conseil puisse prendre une
certaine distance. C'est d'autant plus important que le gouvernement nomme le
président de la société. Donc, le président a un
mandat du gouvernement, il parle parce qu'il détient la confiance du
gouvernement. Si, d'autre part, le conseil d'administration a été
nommé par le gouvernement, que ce passe-t-il lorsque les deux, conseil
et président, sont en désaccord sur un point? Cela pose un
problème très délicat. La présidence du conseil
étant entre les mains du PDG de la société, il devient
très difficile aux membres du conseil d'exprimer cette opposition.
Personnellement, je pense que toutes nos sociétés
devraient avoir un président du conseil distinct de la direction comme
telle. C'est ma perception personnelle. Mais je ne vous cache pas que, dans
certaines lois que j'ai pilotées ici à l'Assemblée
nationale, pour des raisons de flexibilité, j'avais gardé la
possibilité que ce soit un peu au sens où le dit le
député d'Outremont. Toutefois, depuis, de longues discussions ont
eu lieu entre le ministère des Finances et les différents autres
ministères, et au niveau du Conseil exécutif, on tend à
nous ramener à cette formule en disant: cela nous apparaît
à ce point désirable qu'on devrait s'en tenir à ce qu'il y
ait toujours un président du conseil
distinct du PDG. Comme c'est une position gouvernementale, je la
respecterai.
Le Président (M. Bordeleau): Le député
d'Outremont.
M. Fortier: Je suis d'accord, je ne devrais pas dire ça,
mais je suis d'accord sur le concept d'un président du conseil et d'un
PDG, quitte à ce que dans certains cas, il n'y ait pas de
président du conseil, mais dans la plupart des cas, ça pourrait
être une bonne chose. Cependant, il me semble que le concept pourrait
être comme ceci - c'est un peu comme ça que les compagnies de la
couronne à Ottawa fonctionnent - le président du conseil est
nommé par le gouvernement et, de fait, agit comme l'interlocuteur
politique.
Le président devient alors le chef de l'exécutif de la
compagnie, il est nommé par le conseil d'administration, avec
ressentiment du ministre. On voit alors que le président a un rôle
moins politique, mais plutôt un rôle de gestionnaire qui doit
gérer la compagnie à l'intérieur des politiques qui ont
été définies. Le rôle du président du conseil
étant nettement défini, je crois qu'en mettant l'interlocuteur
valable du ministre, cela fait en sorte, au jour le jour, que le ministre, ou
un représentant sans rôle exécutif, a un rôle
politique à l'intérieur de la société.
Ici, ce n'est pas ça, c'est le ministre qui nomme le
président, et le président du conseil est nommé par les
autres membres du conseil d'administration. C'est pour ça que je trouve
que la formule est un peu ambiguë, quant à moi.
M. Bérubé: Vous avez raison, en ce sens que si vous
regardez la loi sur la Société nationale de l'amiante, elle suit
exactement le patron que vous venez de décrire. Pour des nominations
inférieures à deux ans, le gouvernement maintenait son pouvoir
traditionnel de nomination, mais pour des nominations supérieures
à deux ans - on pense, par exemple, au président de la
société - la loi était ainsi structurée que le
conseil d'administration avait un rôle très grand à
jouer.
Nous avons eu des difficultés de fonctionnement avec la loi sur
la SNA et, après mûre réflexion, on a décidé
de ne pas complètement bouleverser la mécanique actuelle, en
vertu de laquelle, présentement, c'est le gouvernement qui nomme le PDG.
La seule chose que nous y avons ajoutée, c'est que c'est après
consultation des autres membres du conseil d'administration. En d'autres
termes, nous avons forcé, dans la loi, le gouvernement à
consulter le conseil d'administration, mais nous avons voulu maintenir au
gouvernement le droit, le pouvoir de nomination du PDG.
Donc, l'exécutif de la société est
véritablement sous contrôle gouvernemental, puisque c'est lui qui
choisit le directeur général de l'entreprise. Dans ces
conditions, puisque c'est l'approche à privilégier, il fallait
donner au conseil d'administration peut-être une marge d'autonomie face
au PDG, d'où la décision de laisser le président du
conseil d'administration se faire élire par les membres du conseil
d'administration, donc donner un peu plus d'autonomie au conseil, face à
la direction. (17 h 15)
M. Fortier: Le problème que ça va créer,
c'est que si c'est le cas et si le président du conseil est un
interlocuteur politique vis-à-vis du président, le ministre va
être obligé de faire des manigances à l'intérieur du
conseil d'administration pour s'assurer que son poulain va être
élu président du conseil. Vous faussez la façon dont vous
voulez que le conseil d'administration joue. Tant qu'à faire des
manoeuvres comme celle-là, ce serait aussi bien de le dire dans la loi,
mais je vois bien que vous êtes en minorité au sein de votre
caucus ou de votre cabinet.
M. Bérubé: Non, pas du tout. C'est parce qu'il n'y
a pas là vraiment une question politique. C'est une question de point de
vue et de sentiments. Votre point de vue se défend très bien.
M. Fortier: Je l'ai vécu par en dessous et
l'expérience que j'ai vécue m'amènerait à poser un
geste différent.
M. Bérubé: Oui. Notre expérience, à
nous, nous a amenés à poser celui-ci. C'est là qu'est le
problème. Je pense que c'est essentiellement matière de point de
vue. Nous n'avons pas voulu complètement bouleverser nos habitudes.
Effectivement, dans le cas d'Hydro-Québec, par exemple, le
président du conseil est l'interlocuteur privilégié du
gouvernement. Cela a été voulu ainsi Le gouvernement nomme
directement le président du conseil et c'est volontaire. Donc, j'ai
l'impression que tous les points de vue sont possibles à cet
égard, mais, dans ce cas-ci, nous restons dans la tradition plus
classique où le gouvernement nomme le PDG, mais, à ce
moment-là, on a voulu quand même donner plus d'autonomie au
conseil d'administration. Effectivement, si le ministre veut absolument
louvoyer pour avoir son homme à la présidence du conseil
d'administration, il louvoiera.
Le Président (M. Bordeleau): M. le député de
Rouyn-Noranda.
M. Samson: Je me demande dans quelle proportion on ne ferait pas
mieux de le dire carrément si c'est ce qu'on veut faire. Le
ministre dit qu'il aime mieux cette formulation, mais on semble
comprendre que, de toute façon, cela va être dans la pratique
voulu par le gouvernement que le président du conseil d'administration
soit celui que le gouvernement veut avoir. C'est aussi bien de le nommer. De
même, il n'y aura pas d'accusation pour rien et ce ne sera pas anormal
non plus. Ce ne serait pas anormal que ce soit le gouvernement qui le nomme. On
serait peut-être aussi bien de l'inscrire directement.
M. Bérubé: Non, je préférerais que ce
soit tel quel. C'est toujours une espèce d'équilibre à
établir et, dans le cas présent, nous aurions très bien pu
décider que les présidents-directeurs généraux de
nos sociétés d'État sont nommés par le conseil
d'administration, donner toute l'autonomie au conseil d'administration et qu'il
n'y aurait pas d'intervention politique, sauf que c'est aller très loin
parce que là, si la société fonctionne mal...
Une voix: C'est lui qui est responsable.
M. Bérubé: ...le gouvernement, qu'est-ce qu'il
répond? C'est difficile. Donc, effectivement, on n'a pas choisi cette
approche. On a choisi l'approche suivante: Le gouvernement nomme le PDG et il
ramassera le plat si cela va mal. Dans ces conditions, pour pouvoir donner une
autonomie au conseil d'administration pour pouvoir prendre ses distances face
au PDG, on a donc dit: Gardons à notre conseil d'administration le
pouvoir de nommer son président de manière qu'il puisse prendre
ses distances et donner une opinion parallèle, indépendante au
ministre si besoin est. C'est pour cette raison qu'on laisse le conseil
d'administration élire son président, suivant la Loi sur les
compagnies, d'ailleurs.
M. Fortier: Le seul commentaire, c'est si je me place dans la
peau des candidats à la présidence de ces sociétés.
On veut de plus en plus des gestionnaires compétents. Si vous allez
chercher quelqu'un qui, justement, n'a jamais fait de politique, si c'est ce
que vous voulez dans une certaine mesure comme président d'une
société d'État...
M. Bérubé: On est quasiment mieux dans ce
temps-là avec un bon bonhomme de même.
M. Fortier: C'est cela. Je me place dans la peau du candidat et
je me dis: À ce moment-là, si je ne veux pas être
identifié à un parti politique, étant le candidat X,
j'aimerais bien mieux être nommé par le conseil d'administration,
sachant que cette nomination a été approuvée par le
ministre, mais en second lieu. Je crois que de la façon dont la loi a
été formulée on a pensé au ministre, mais on n'a
pas pensé au candidat. Mais comme il sera peut-être plus difficile
dans l'avenir d'aller chercher des candidats pour devenir chefs de
l'exécutif de ces sociétés, surtout d'aller chercher des
gens très compétents, on aurait peut-être pu y penser. En
tout cas, c'est leur choix. Je pense que le ministre a répondu qu'il
s'agit d'une enveloppe en ce qui concerne les $36,000,000 additionnels.
M. Bérubé: Je n'ai pas de détails à
donner. Je n'en ai pas.
M. Ciaccia: Mais comment êtes-vous arrivé à
$36,000,000? Pourquoi pas $25,000,000 ou $40,000,000?
M. Bérubé: Oui. Cela aurait pu être
$25,000,000.
M. Ciaccia: Vous n'avez pas pris le chiffre dans un chapeau.
M. Bérubé: Out of blue sky ou à peu
près. $6,000,000 pour l'exploration, nous le savions, parce que nous
savions en gros ce que nous voulions et, après cela, on a pris un beau
chiffre rond de $30,000,000. Cela aurait pu être $25,000,000, cela aurait
pu être $35,000,000.
M. Ciaccia: II n'y a pas de plan de développement?
M. Bérubé: Le plan de développement, il
s'autofinance avec les dotations en capital actuellement et avec les revenus de
la société. Mais comme il s'agit de deux propriétés
supplémentaires que la société voit poindre à
l'horizon, celle de Crevier et celle de La Galette, à ce
moment-là, on a essayé de voir quelle pourrait être la
taille de ces mines. Ayant une idée approximative du montant qui serait
requis, cela donne à peu près $30,000,000. C'est vraiment du
préengineering.
M. Fortier: C'est comme cela qu'on marche dans le secteur
privé. Je ne sais pas si politiquement, c'est acceptable.
M. Ciaccia: Vous aviez mentionné deux ou trois projets.
C'est dans cet...
M. Bérubé: C'est du pifomètre. Mais il n'est
peut-être pas si faux que cela, de toute façon.
Etude article par article
Le Président (M. Bordeleau): Avant d'aller plus loin,
j'aimerais quand même qu'on adopte un certain nombre d'articles au
début, ceux qui ne semblent pas poser de problème. Je
pense que cela va être préférable, avant d'arriver à
l'amendement qu'on a déposé.
Est-ce que l'article 1 sera adopté?
Des voix: Adopté.
Le Président (M. Bordeleau): Adopté. Est-ce que
l'article 2 sera adopté?
M. Ciaccia: Oui, adopté.
Le Président (M. Bordeleau): L'article 2 est
adopté. Article 3. M. le député de Mont-Royal.
M. Ciaccia: À l'article 3, je voudrais demander au
ministre pourquoi il a employé l'article 12 de la présente loi
plutôt que de la modifier. J'avais une certaine restriction,
c'était...
M. Bérubé: On me l'a expliqué et
effectivement je le comprenais clairement à ce moment-là, mais
c'est lié à la façon de rédiger l'article 3.
M. Bérubé: Jean Brisset Denos, au service juridique
du ministère.
Le Président (M. Bordeleau): Mais c'est toujours au nom du
ministre.
M. Bérubé: Mais ce qui apparaît dans le
procès-verbal, c'est toujours le ministre. Vous avez remarqué que
j'ai une connaissance en droit remarquable, une connaissance en génie
minier époustouflante et, dans tous les domaines où vous poserez
des questions, je suis toujours aussi brillant.
M. Fortier: Vous allez avoir une bonne position dans le secteur
privé dans quelques mois, M. le ministre.
M. Samson: J'aurais aimé mieux que cela ait
été dit par un autre.
M. Bérubé: L'article 12 doit être lu en
relation avec le dernier article du projet de loi, soit l'entrée en
vigueur des articles du projet de loi, qui peut entrer en vigueur en tout ou en
partie.
L'article 12 mentionne l'emploi des sommes qui se terminent au 30
décembre de cette année. Les sommes mentionnées à
l'article 10 non modifié, à l'article 11 de la loi
actuelle...
L'article 12 se lit comme suit: La société doit employer
les sommes qui lui sont versées en vertu des articles 10 et 11 pour
l'accomplissement des objets visés aux paragraphes b) et c) de l'article
3. Comme on modifie l'article 3 et comme les sommes des articles 10 et 11 vont
être employées avant la fin de l'année civile 1980,
effectivement, quand la loi va être adoptée, cet article n'aura
plus aucune conséquence.
M. Fortier: C'était une restriction.
M. Ciaccia: Vous n'auriez pas pu la modifier pour tenir compte de
l'utilisation des fonds avant la fin de décembre, mais en tenant compte
aussi des objets élargis de l'article 3.
M. Bérubé: C'est parce que les paragraphes b) et c)
ont sauté et qu'en plus, lors d'une rencontre, cela peut poser des
problèmes, s'il y a modification, de faire suivre...
M. Fortier: II n'y a pas d'utilité, à ce
moment-là. Autrement dit, il n'y a aucune restriction. C'était
une restriction sur l'utilisation des fonds. Il n'y a plus de restriction.
M. Bérubé: Les fonds ayant été
versés, cela ne sert à rien de garder dans la loi une restriction
sur les fonds ayant été versés puisque...
M. Ciaccia: Mais vous parlez d'un autre montant de $36,000,000
qui n'est pas encore versé.
M. Bérubé: Non. L'article 12 qui est abrogé
ne se réfère pas au montant de $36,000,000.
M. Ciaccia: II se réfère seulement aux fonds qui
sont versés.
M. Bérubé: C'est cela, aux sommes
déjà votées dans la loi.
M. Fortier: C'est-à-dire que les fonds mis à la
disposition de la société doivent être utilisés
selon le mandat de la société. Mais cela ne vaut pas la peine de
le dire.
M. Ciaccia: C'est compris dans la loi qu'ils doivent
l'utiliser.
Le Président (M. Bordeleau): Est-ce que l'article 3 sera
adopté?
M. Ciaccia: Adopté.
Le Président (M. Bordeleau): Adopté. Article 4, sur
lequel on a un amendement.
M. Ciaccia: Attendez.
Le Président (M. Bordeleau): Dans l'article 4, justement,
il y a l'ancien article 21.
M. Fortier: Alors l'article 13, cela va,
l'article 14, le conseil d'administration... Si c'est le voeu du
ministre, moi, j'aurais voulu certaines modifications. Là, c'est un
choix de l'exécutif. Articles 15, 16, 17, 18, 19, 20. Moi, j'irais
jusqu'à l'article 21.
Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre.
M. Bérubé: II y a un point qui est
intéressant à l'article 18, que je voudrais simplement souligner
aux fins de renseigner cette commission. Nous avons introduit maintenant dans
presque tous nos contrats avec nos présidents de société
des clauses de rémunération basée sur la performance.
C'est un élément nouveau. Cela n'existait pas
antérieurement. Maintenant, nos présidents de
société reçoivent un salaire de base, mais
également, à partir d'un ensemble de critères de
performance quantifiable , ils ont droit à une
rémunération additionnelle, ce qui rend les contrats d'engagement
de nos présidents plus complexes que par le passé, mais cela
pourrait certainement aider à améliorer la performance de nos
sociétés d'État dans l'avenir.
M. Fortier: À ce sujet, la SGF a donné hier encore
un bon exemple, parce qu'elle a déposé son plan qui
définit les critères de rentabilité. J'oserais
espérer que, dans un avenir prévisible, la société
développe des critères, soit un retour sur l'investissement...
Parce que, maintenant, c'est assez facile. Prenons le cas de M. Coulombe,
président de la SGF; il a mis sur la table un plan de
développement qui inclut des critères de rentabilité que
tout le monde peut juger. Dans le cas du président de la SGF, on peut
dans un, deux, trois ans évaluer nous-mêmes - ou le public peut le
faire - et il me semblerait que ce serait normal que certains critères
de rentabilité de la société puissent être connus du
public.
M. Bérubé: La rémunération
basée...
M. Fortier: La rémunération du chef de
l'exécutif jugé d'après ces critères.
M. Bérubé: Ah oui. C'est une excellente approche,
parce que de cette façon, on commence à introduire des moyens
internes de contrôle dans le fonctionnement de nos
sociétés. Je suis absolument d'accord. Je tenais à le
souligner, parce que c'est véritablement un changement de
mentalité ou d'attitude face à nos sociétés
d'État depuis quatre ans.
M. Samson: M. le Président.
Le Président (M. Bordeleau): Avant l'article 21, M. le
député de Rouyn-Noranda?
M. Samson: Oui.
Le Président (M. Bordeleau): M. le député de
Rouyn-Noranda.
M. Samson: M. le Président, à l'article 17, il y a
un changement qui est évidemment majeur. "Au moins les deux tiers des
membres du conseil d'administration, dont le président du conseil et le
président de la société, doivent être
domiciliés au Québec".
Anciennement, ils devaient tous être domiciliés au
Québec. Est-ce que le ministre peut me donner - il l'a dit - un
exemple...
M. Bérubé: Bon...
M. Samson: ...d'un besoin d'aller chercher quelqu'un à
l'extérieur?
Deuxièmement, est-ce que quelqu'un qui fait partie du conseil
d'administration, non domicilié au Québec, pourrait être
domicilié à l'extérieur du pays, à
l'extérieur du Canada, par exemple?
M. Bérubé: La raison est très simple. Dans
la loi de la SNA, je ne vous cache pas que j'avais aboli carrément cette
exigence, parce que je trouve complètement farfelu d'aller dire à
un gouvernement: Vous devez nommer tous vos administrateurs à partir des
citoyens résidant aux Québec. Si un gouvernement qui est
responsable devant la Chambre et l'électorat de la performance des
sociétés faisait la gaffe inimaginable d'aller nommer tous des
étrangers, il ferait rire de lui à tel point que ce genre
d'erreur, il ne la répéterait pas souvent.
Donc, cela me fait penser même à une espèce de
besoin de refermer le Québec sur lui-même. Cette espèce de
clause à l'effet qu'on ne peut pas nommer quelqu'un de
l'extérieur du Québec à un conseil d'administration, cela
m'est toujours apparu, moi, un peu mesquin. Je voulais donc la faire
disparaître. On m'a souligné, à ce moment-là, et
l'Opposition libérale était là de même que l'Union
Nationale, qu'on allait trop loin, indéniablement, et qu'on pourrait
peut-être au moins avoir un minimum. Effectivement, on a eu un compromis
proposé par l'Union Nationale à l'époque, qui était
qu'au moins les deux tiers soient du Québec et, moi, je souscris
à cela. Je pense bien que n'importe quel gouvernement qui voudrait
nommer plus que le tiers d'administrateurs de l'extérieur se couvrirait
de ridicule. Je pense à un bon compromis entre une espèce de
volonté de garantir que ce sont bien des Québécois qui
siègent au conseil d'administration et, en même temps, cette
ouverture-là. Cela m'avait permis des discours absolument
homériques lors du débat sur la loi sur l'amiante pour montrer
à quel point le Parti québécois était ouvert alors
que les libéraux étaient fermés. On ne
recommencera pas parce que nous en avons fait pendant trois mois. (17 h
30)
M. Fortier: Dans la Loi des compagnies on prévoit toujours
au Canada de dire au moins que la majorité des membres du conseil
doivent être canadiens. Ici vous pourriez nommer un tiers de
Français et cela répondrait à l'objectif de la loi. Il me
semble qu'on devrait préciser que ceux qui sont de l'extérieur du
Québec devraient être au moins canadiens, étant
donné que nous faisons toujours partie du Canada.
M. Bérubé: C'est une précision...
M. Ciaccia: Même si vous alliez le faire, vous ne
l'incluriez jamais dans un projet de loi.
M. Bérubé: C'est une précision, comme on en
est tous conscients, qui pourrait nous amener à devoir, dans quatre ou
cinq ans, réviser toutes nos lois sous prétexte que le
Québec serait totalement indépendant. Étant donné
qu'on voudrait éviter à nos législateurs, peut-être
dans trois ou quatre ans, l'obligation de reprendre toutes les lois du
Québec, aussi bien ne pas préciser.
M. Ciaccia: Cette loi est prête pour un Québec
indépendant!
Une voix: Toutes les lois sont prêtes.
M. Samson: Si je comprends bien, M. le Président, cette
loi s'inscrit dans le cadre de la démarche vers l'indépendance.
Est-ce qu'on peut faire répéter le ministre? Comme toutes les
autres d'ailleurs.
M. Bérubé: C'est une ouverture sur l'avenir.
M. Samson: Est-ce que vous pouvez répéter cela une
autre fois sans rire?
M. Fortier: M. le député de Rouyn-Noranda, vous
voyez bien que le ministre prend cela en riant; il a abdiqué ses
ambitions.
M. Samson: C'est pour cela que je lui demandais s'il était
capable de le dire sans rire.
M. Bérubé: On rejoint la position de l'Union
Nationale. On rejoint les exigences de la loi fédérale des
compagnies qui exige un pourcentage de la majorité. En même temps,
on garde une ouverture sur le monde. Là-dessus, on avait vite fait
l'unanimité.
Le Président (M. Desbiens): Est-ce qu'on en arrive
à l'ancien article 21? M. le ministre, est-ce que vous auriez
l'obligeance de nous donner l'amendement, de présenter l'amendement?
M. Bérubé: Oui.
M. Fortier: Est-ce qu'on peut les prendre un par un?
Le Président (M. Desbiens): L'amendement gouvernemental
porterait sur les deux paragraphes d) et e) qui ont d'ailleurs
été discutés rapidement lors de la commission
parlementaire au cours de laquelle nous avons entendu les dirigeants des
sociétés d'État. Dans le cas de d), pour être bien
certain qu'il a une expression claire dans la loi, il s'agirait
d'acquérir ou de détenir des actions ou des biens d'une
entreprise, et je spécifie, "dans une proportion supérieure
à 50%", plutôt que "suffisante pour lui en assurer le
contrôle." De façon que ce soit très clair. C'est un peu
d'ailleurs ce qui existe maintenant dans les lois fédérales. On
dit que les créatures sous contrôle de la société
d'État devraient au moins faire l'objet d'une approbation
gouvernementale, parce qu'on s'est retrouvé à Ottawa avec une
multiplication phénoménale de filiales à l'insu totalement
du gouvernement. La société pouvait en arriver à faire
indirectement ce que la loi lui défend de faire directement parce que la
loi s'applique à SOQUEM, M. le Président, mais elle ne s'applique
pas aux filiales de SOQUEM.
M. Fortier: Comme vous le savez, cela s'applique dans les lois
ici, mais dans le secteur privé, si vous possédez 51% de la
compagnie, vous devez prendre les pertes à 100% et non pas à 51%.
On est bien d'accord sur cela.
M. Bérubé: Cela est clair. Le paragraphe e)...
Le Président (M. Desbiens): Ah oui, d'accord. Vous
présenterez l'amendement...
M. Bérubé: Je présenterai l'amendement
global. À moins qu'on y aille alinéa par alinéa. On ne
suit vraiment pas la procédure, mais je ne suis pas un expert en
procédure.
Le Président (M. Desbiens): Cela va. On va s'entendre sur
cela.
M. Fortier: C'est l'influence de deux ingénieurs autour de
la table.
M. Bérubé: II ne faudrait pas trop les gâter
parce qu'ils sont en train d'apprendre à travailler.
Des voix: Ah! Ah! Ah!
Le Président (M. Desbiens): M. le ministre, l'amendement
au paragraphe e).
M. Bérubé: Le texte de la loi disait: "Adopter des
règlements concernant l'exercice de ses pouvoirs et le règlement
de sa régie interne."
M. Ciaccia: C'est quoi cet article?
M. Bérubé: C'est le règlement qui, par
exemple, définit les pouvoirs du comité exécutif, s'il
devait y en avoir un, et le règlement général de
régie interne. C'est tellement fondamental qu'un tel règlement
doit être approuvé par le gouvernement. Cela peut, par exemple,
amener le conseil d'administration à départager les pouvoirs
entre un président du conseil et un PDG. Je pense qu'une telle
décision doit faire l'objet d'une approbation du gouvernement.
M. Fortier: Une telle clause peut-elle affecter les nominations,
l'embauche d'employés, le personnel? Vous avez mentionné
tantôt que vous vouliez autant que possible éviter le genre de
nominations qui s'étaient produites dans le passé. Est-ce que
cela ne vous permet pas une ingérence complète dans toute
l'exploitation de la société avec une telle clause?
M. Bérubé: II est indéniable que cela
définit l'équilibre des pouvoirs, les politiques de
rémunération du conseil d'administration. Il est
indéniable que cela définit...
M. Ciaccia: Je peux comprendre votre préoccupation avec le
conseil d'administration, mais quand vous parlez de la régie interne de
la société, non seulement...
M. Bérubé: C'est le règlement... M.
Ciaccia: ...non seulement...
M. Bérubé: C'est le règlement concernant sa
régie interne.
M. Ciaccia: Exact. Alors, cela affecte plus que le conseil
d'administration.
M. Fortier: Je pense qu'on ne comprend pas ce que vous voulez
dire. Si je me fie à mon expérience personnelle, il y avait
beaucoup de règlements ou de procédures de régie interne
par exemple, comment les projets vont être administrés, des choses
comme celle-là. Ce dont vous parlez, je pense bien que c'est le
règlement qui concerne la distribution des fonctions les plus hautes. Il
me semble que celle-ci est beaucoup plus large que ce que vous voulez dire. Si
vous voulez dire que l'organigramme des cadres supérieurs devrait
être approuvé par le ministre, nous sommes d'accord, mais si vous
laissez cela tellement vague que ce dernier pourrait approuver des
détails, il me semble qu'on devrait laisser plus de latitude au
président.
M. Ciaccia: Cela semble donner un contrôle absolu au
ministre.
M. Bérubé: Si on compare la nouvelle version avec
l'ancienne, elle est évidemment beaucoup plus précise maintenant
qu'elle ne l'était antérieurement, alors que c'était
d'adopter des règlements. Cela aurait pu s'appliquer à tous les
règlements adoptés par le conseil d'administration. Cela
comprenait la politique d'embauche, tous les règlements internes de la
société qui auraient dû être approuvés par le
Conseil des ministres. C'était carrément trop lourd. Par contre,
le règlement de régie interne, lui, doit être
approuvé absolument.
M. Fortier: Est-ce que vous seriez d'accord, M. le ministre, si
on ajoutait: Concernant la formation du comité exécutif ainsi que
l'organigramme des cadres supérieurs de l'organisation. C'est ce que
vous voulez, dans le fond?
M. Bérubé: Cela nous aurait amenés à
être très précis dans la définition de ce pouvoir.
Il m'apparaît plus sage de laisser "le règlement de sa
régie interne"; à ce moment-là, la société a
une beaucoup plus grande autonomie et peut adopter des règlements
continuellement. Notez bien qu'il s'agit ici de définir les, relations
entre la société et l'État. Si l'État trouve que la
société adopte quantité de règlements qui modifient
l'équilibre des pouvoirs ou le fonctionnement interne de la
société d'une façon majeure, à ce moment-là,
le gouvernement pourra toujours dire: Cela devrait faire partie de votre
règlement de régie interne, ces règlements multiples, mais
il faudra qu'il y ait quand même une discussion entre le gouvernement et
la société pour dire précisément ce qui va
constituer le règlement de régie interne, si on veut aller
là. Si on disait "des règlements de régie interne", cela
deviendrait tellement vaste qu'on pourrait obliqer la société
à toujours proposer. Tel que rédigé, cela a l'avantage de
laisser un certain flou indéniablement, mais un flou qui
m'apparaît sage, parce que quand une loi est trop précise on finit
par avoir des problèmes.
M. Ciaccia: En mettant "le règlement de sa régie
interne", je ne sais pas si vous...
M. Bérubé: "Le règlement
général de sa...
M. Ciaccia: Non. "Et les règlements
généraux."
Une voix: Ce qu'on appelle les règlements
généraux, mais non pas les règlements comme le
fonctionnement...
M. Ciaccia: Oui. Parce que même avec votre nouvelle
rédaction, "le règlement de sa régie interne", cela peut
aller dans tous les détails. Pourvu qu'il n'existe qu'un
règlement. Je pense que vous n'avez pas résolu le
problème. Le problème qu'on essaie de résoudre, c'est que
vous ne voulez pas aller dans tous les détails. Je pense que la
suggestion que votre conseiller vient de faire, c'est que si vous le
référez aux règlements généraux...
M. Fortier: Légalement parlant, je pense qu'on s'entend.
Ce serait "adopter des règlements généraux".
M. Bérubé: Ce serait "adopter des règlements
concernant l'exercice de ces pouvoirs et les règlements
généraux de régie interne". Une formulation comme
cela...
M. Fortier: Non. Je pense que...
M. Bérubé: Je vois le conseiller juridique de
SOQUEM qui, lui, doit peut-être envisager des difficultés.
M. Fortier: M. le ministre, ce qu'on essaie de faire, c'est de
vous protéger.
M. Ciaccia: On essaie de vous protéger contre
vous-même. C'est cela qu'on essaie de faire.
M. Fortier: ... des heures de travail... M.
Bérubé: ...
M. Fortier: Je sais bien que ce n'est pas ça, mais c'est
ce que ça veut dire. On ne devrait pas parler de régie interne,
seulement des règlements généraux.
M. Bérubé: La difficulté est de trouver une
formulation juridique qui exprime fidèlement et complètement ce
que nous voulons. Or, on n'arrive jamais à trouver cette formulation, si
bien que, lorsqu'on prend l'article tel que rédigé actuellement
"adopter des règlements concernant l'exercice de ses pouvoirs et le
règlement de sa régie interne", présentement ça
existe tel quel dans la Loi sur Hydro-Québec, ça existe tel quel
dans la Loi sur REXFOR, ça ne pose absolument aucun problème.
M. Fortier: Notre intervention se veut dans le sens que, si on
veut que ces compagnies soient rentables, le chef de l'exécutif ait une
certaine latitude vis-à-vis de la régie interne en ce qui
concerne les heures de travail, une certaine délégation aux plus
bas niveaux, etc. Cela semble ouvrir la porte à l'intervention du
ministre dans des domaines où il ne devrait pas s'ingérer.
M. Bérubé: La volonté, c'était le
règlement...
M. Fortier: Ce que vous voulez, dans le fond, c'est
l'organigramme supérieur ou le comité exécutif. Moi j'ai
toujours...
M. Bérubé: Oui, mais ça ne se dit pas dans
un projet de loi.
On pourrait peut-être demander de suspendre.
M. Fortier: Vous connaissez notre intention, pourquoi ne pas
travailler dessus et revenir peut-être avec une meilleure
phraséologie? Je pense qu'on s'entend.
M. Bérubé: Le e), c'est une proposition qui nous
vient directement de chez vous, moi, je suis prêt à l'adopter tel
quel; si on me dit e), je l'adopte tel quel, parce que c'est la proposition qui
nous vient de SOQUEM et on se débrouillera bien avec, on vivra avec. Et,
ici, on a changé d'idée.
Je proposerais e): "Adopter les règlements concernant l'exercice
de ses pouvoirs et le règlement de sa régie interne", je le
laisserais comme ça, sinon je reviendrai à la formulation
générale que nous avons dans les autres lois, et par concordance.
Je ne sais pas laquelle vous préférez. (17 h 45)
M. Ciaccia: Le e) m'apparaît plus limitatif.
M. Bérubé: Lequel e)? Une voix: Le nouveau
e).
Le Président (M. Bordeleau): Cela veut dire que les
amendements à l'article 21, paragraphes d) et e), seraient
adoptés. On pourrait peut-être adopter tout l'article 4.
Une voix: C'est cela, l'article 4 est adopté.
Le Président (M. Bordeleau): L'article 21 est
adopté tel qu'amendé. Finalement, l'article 4 est
adopté.
M. Fortier: On arrive à l'article 23.
Le Président (M. Bordeleau): D'accord, on va continuer. On
reviendra pour l'article 4 au complet tel qu'amendé. Alors, 22, 23?
M. Fortier: N'y a-t-il pas un amendement a l'article 22?
Le Président (M. Bordeleau): Vous pouvez présenter
votre amendement.
M. Bérubé: Oui. Sur le plan de la procédure,
je pense qu'il faudrait essentiellement remplacer l'alinéa 22 par
l'alinéa*. "Les livres et comptes de la société sont
vérifiés chaque année et chaque fois que le
décrète le gouvernement par le Vérificateur
général ou par un vérificateur désigné par
le gouvernement. Le rapport du vérificateur doit accompagner le rapport
annuel de la société" visé dans l'article 37.
M. Ciaccia: Le Vérificateur général, si la
compagnie en désigne un autre, n'aura rien à faire avec les
rapports sur...
M. Bérubé: Non, si le gouvernement. M. Ciaccia:
Si le gouvernement, oui. M. Bérubé: C'est exact. M.
Ciaccia: Le danger là...
Le Président (M. Bordeleau): Est-ce que c'est possible, M.
le ministre, d'avoir une copie de votre amendement?
M. Bérubé: Oui, c'est tout à fait possible.
"Le rapport du vérificateur doit accompagner le rapport annuel de la
société". Parfait.
Le Président (M. Bordeleau): C'est l'article au complet,
l'article 22 refait. On va en faire faire une photocopie et on va faire le
papillon. Est-ce que vous l'avez compris? De toute façon, on va le
relire.
M. Ciaccia: On va le relire et, après, on fera des
commentaires précis.
M. Bérubé: On va le relire au complet pour avoir un
texte précis.
Le Président (M. Bordeleau): D'accord. L'article 22 tel
qu'amendé se lirait comme suit: Les livres et comptes de la
société sont vérifiés chaque année et chaque
fois que le décrète le gouvernement par le Vérificateur
général ou par un vérificateur désigné par
le gouvernement. Le rapport du vérificateur doit accompagner le rapport
annuel de la société.
M. Ciaccia: J'ai compris l'explication que vous aviez
donnée.
Le Président (M. Bordeleau): M. le député de
Mont-Royal.
M. Ciaccia: Vous aviez donné la raison pour avoir un
vérificateur soit nommé par le gouvernement ou, comme vous
l'aviez dans votre projet, de loi à la demande de la
société. C'était afin d'avoir un rapport plus vite. Mais
qu'arrive-t-il du rôle du Vérificateur général? Le
but du Vérificateur général et son importance pour le
contribuable, ce n'est pas nécessairement d'avoir un rapport plus vite;
c'était d'avoir un rapport complet dans lequel est inclus le genre de
commentaires que le Vérificateur général fait. Le
Vérificateur général a un rôle à jouer. Si
vous l'enlevez, je crois qu'on enlève une grande responsabilité
et on diminue la protection du contribuable. C'est une société
d'État. Je comprends que, si c'était dans le domaine
privé, il n'y aurait pas de problème. On veut le rapport
rapidement, on le veut le plus vite possible. Mais, pour moi, l'importance dans
ce cas-ci, c'est le rôle du Vérificateur
général.
M. Bérubé: M. le Président, il n'est pas du
tout exclu que le Vérificateur général fasse la
vérification.
M. Ciaccia: À ce moment-là, pourriez-vous inclure
les deux?
M. Bérubé: Ceci a été examiné
en détail et rejeté unanimement.
M. Ciaccia: Oui.
M. Bérubé: À ce moment-là, c'est
opposer le travail d'un vérificateur à celui d'un autre
vérificateur. Il faut donc choisir. Je pense que, d'une façon
générale, le Vérificateur général du
Québec devrait faire la vérification des livres des
sociétés d'État, mais que, lorsque, pour des raisons
pratiques, il ne peut pas répondre aux besoins, dans ces
conditions-là, il faut se garder une porte de sortie.
M. Ciaccia: Quand vous dites, qu'il ne peut pas répondre
aux besoins, vous savez, il y a un Vérificateur général
pour des gouvernements qui ont un budget plus élevé que celui du
Québec et le Vérificateur général répond aux
besoins, il engage plus de personnel.
M. Bérubé: C'est indéniable, il y a toujours
possibilité d'engager plus de personnel.
M. Ciaccia: C'est le rôle du Vérificateur
général.
M. Bérubé: Oui, mais la difficulté vient
justement souvent qu'il peut se produire des cas. C'est arrivé dans le
passé que le Vérificateur général, effectivement,
n'avait pas, pour des raisons pratiques, étant donné les
enquêtes qu'on lui demandait, étant donné les mandats
particuliers qu'il avait reçus, se trouvait dans une position un peu
particulière
et ne pouvait pas effectuer la vérification dans des
délais qui seraient raisonnables, à notre avis, pour
dépôt à l'Assemblée nationale. À ce
moment-là, privé de ce moyen de nommer un autre
vérificateur que le Vérificateur général, on se
prive également d'un instrument de contrôle de la
société et là, il y a matière à
jugement.
M. Ciaccia: Le Vérificateur général ne veut
pas accepter la responsabilité...
M. Fortier: Nous préférerions l'article 22 tel
qu'il était.
M. Ciaccia: ... de nommer lui-même un autre
vérificateur.
M. Bérubé: Ah oui! c'est l'article que nous avions
effectivement concocté, mais le vérificateur ne l'aime pas du
tout. Je ne vous le cache pas.
M. Ciaccia: Non, parce que sa responsabilité est un peu
engagée, je crois.
Si c'est lui qui désigne un autre vérificateur, je suppose
qu'il...
M. Bérubé: De l'avis du Vérificateur
général, c'est le rôle de l'actionnaire de nommer des
vérificateurs. Il n'a pas tort, d'une part. Il prévoit
également des sources de conflits potentiels entre le
Vérificateur général et la société s'il
devait refuser d'accéder à la demande.
Il pourrait, par exemple, se retrouver dans une situation
délicate et avoir à justifier la nomination d'un autre
vérificateur. La réponse à cela serait qu'il n'a
qu'à accroître son personnel. C'est exactement la position que le
député de Mont-Royal vient de prendre il y a quelques instants.
C'est généralement par des positions comme celle-là qu'on
voit la bureaucratie gouvernementale grossir, grossir, grossir, parce qu'on
s'est encarcané dans un mécanisme dont on ne sait plus sortir. Il
faut donner une certaine flexibilité, une certaine marge de manoeuvre.
J'imagine que l'Opposition est là pour jouer son rôle et, si
l'Opposition devait constater, par exemple, qu'un rapport de
vérification sort et qu'il n'est pas fait par le Vérificateur
général, l'Opposition pourrait alors taper sur la table et dire:
Compte tenu de ce qui se passe présentement, nous exigeons que le
gouvernement prenne le Vérificateur général, respecte son
mandat, et fasse un tapage du tonnerre, ce qui amènerait un gouvernement
à y penser deux fois avant d'en nommer un autre. Je pense que c'est un
peu cela qui...
M. Ciaccia: Ce ne serait pas vraiment satisfaisant, parce que
vous auriez déjà nommé le Vérificateur
qénéral et le rapport serait déjà
déposé à l'Assemblée nationale. Il serait trop
tard. Je crois que vous avez raison, il y a une question de priorité.
Quelle est la priorité pour nous? Est-ce d'avoir le rapport dans les
plus brefs délais ou est-ce d'avoir la responsabilité du
Vérificateur général pour veiller aux
intérêts du contribuable? Mon opinion, c'est que c'est beaucoup
plus important, dans le cas d'une société d'État, d'avoir
le Vérificateur général, même si cela prend plus de
temps, pour veiller aux intérêts des contribuables, parce qu'il
fait des commentaires dans ses rapports, qu'il porte à l'attention du
gouvernement les recommandations qu'il fait et je crois que ce n'est pas un bon
précédent à établir.
M. Fortier: II existe déjà un
précédent, M. le Président, Hydro-Québec,
justement, vérifie. Il y a deux vérificateurs extérieurs
et, à ma connaissance, cela nous permet de porter des jugements
salutaires. Je ne sais pas, je suis assez indécis là-dessus. Je
vois l'avantage qu'il y a d'aller vers le secteur privé. Il y a des
avantages d'avoir un vérificateur du secteur public. Je me demandais si
on pourrait se donner un moment de réflexion.
M. Bérubé: N'eût été a de la
position du Vérificateur général du Québec, je m'en
serais tenu à l'article 22 qui m'apparaissait un heureux compromis en ce
sens qu'on disait: C'est le vérificateur qui vérifie les livres,
mais si le vérificateur accepte la nomination d'un autre
vérificateur, à ce moment-là, c'est peut-être un
heureux compromis. Le vérificateur souligne cependant qu'on invente une
nouvelle façon de nommer le vérificateur et qu'il existe
déjà d'autres lois, soit que le vérificateur est
désigné dans la loi, soit qu'il est désigné par
décret gouvernemental, ou encore par les dispositions de la Loi sur les
compagnies ou encore, ce qui est proposé, c'est le Vérificateur
général ou un autre vérificateur désigné par
le gouvernement. Il nous souligne d'éviter d'en inventer encore un autre
et de choisir parmi une des quatre. Si je devais choisir parmi l'une des
quatre, je choisirais la quatrième, à cause de la marge de
manoeuvre qu'elle assigne au gouvernement.
Le Président (M. Bordeleau): M. le député de
Rouyn-Noranda.
M. Samson: Si ma mémoire m'est fidèle, M. le
Président, le Vérificateur général doit être
nommé par un vote des deux tiers de l'Assemblée nationale. Il n'y
a pas beaucoup de postes qui font l'objet de l'obligation d'un vote des deux
tiers de l'Assemblée nationale; il y a le Vérificateur
général, le président des élections, le Protecteur
du citoyen, le directeur général du financement des partis
politiques, peut-
être d'autres qui m'échappent. C'est assez retreint, pour
des raisons, j'imagine, qui ont été évaluées
à leur juste valeur avant d'en arriver à décréter
que les personnes nommées à ces postes doivent l'être par
un vote des deux tiers de l'Assemblée. Un vote des deux tiers de
l'Assemblée, M. le Président, ce n'est pas un vote
régulier, c'est un vote extraordinaire et non seulement des deux tiers
des membres de l'Assemblée au moment où on prend le vote, mais
des deux tiers de la députation, ce qui confère évidemment
au Vérificateur général ainsi qu'aux autres personnes qui
sont nommées de la même façon une pleine et totale
indépendance. Le gouvernement quel qu'il soit - il n'est pas question de
partisanerie, parce qu'on ne légifère pas seulement pour
aujourd'hui - ne peut pas facilement émettre de directives officielles
ou officieuses à des gens comme cela. Ils ont pleine et entière
liberté d'action et ils peuvent ainsi, si le besoin s'en fait sentir,
à la suite de leur action, comme le cas du Vérificateur
général, émettre des opinions. Ils peuvent même
critiquer. C'est ce qui permet en fait au public d'être le mieux
protégé possible. Cela ne veut pas dire que tout est parfait,
mais cela permet au public d'être protégé le mieux
possible.
Ici dans cet article - je ne pense pas que c'est pour cela que cela a
été prévu, je ne veux imputer des motifs à personne
-volontairement ou non, mais je pense que c'est plutôt involontairement,
on se trouve à déroger de ce principe auquel je tiens beaucoup
qu'un vérificateur ne soit pas une créature d'un gouvernement ou
d'un ministère, mais que le Vérificateur général
soit reconnu comme ayant toute la latitude donnée par l'Assemblée
nationale. Il est donc responsable à l'Assemblée nationale et non
au ministre. C'est très différent.
Évidemment, on dit dans l'article que son rapport devrait
être déposé en même temps que le rapport de la
société si c'était quelqu'un d'autre que lui, mais cela ne
me donne pas satisfaction, parce qu'il y aurait trop de risques. Je pense que,
dans nos statuts, le Vérificateur général, s'il a besoin,
pour fournir, et là on peut avoir besoin d'un rapport plus rapidement,
pour des fins d'efficacité... Je pense qu'il vaudrait mieux exiger que
ce soit le Vérificateur qénéral, mais, à ce
moment-là, qu'on prenne des dispositions pour qu'il ait plus de
personnel s'il en a besoin. (18 heures)
Vous connaissez, comme presque tout le monde autour de la table, ma
préférence pour l'entreprise privée. C'est sûr que
j'aime mieux voir évoluer l'entreprise privée qu'une entreprise
d'État, quand c'est possible. Mais, dans ce cas-là, ce n'est pas
une question d'entreprise privée. C'est une question de vérifier
pour protéger le public, pour protéger ses deniers, pour lui dire
de quelle façon ses deniers sont dépensés, etc.
Si on doit ouvrir une porte pour déroger à ce grand
principe que le Vérificateur général est libre d'agir
parce qu'il est nommé par les deux tiers de l'Assemblée,
responsable à l'Assemblée plutôt qu'au gouvernement, si on
ouvre une porte à cela, il y a le danger qu'à un moment
donné on va dire: II y a trop d'ouvrage, cette société
d'État pourra être vérifiée par un autre. Une autre
société pourra être vérifiée par un autre et
plus tard, pourquoi pas, aller au bout du raisonnement et dire que tel
ministère sera vérifié par tel organisme, tel
ministère par tel autre organisme. C'est cela qu'on a voulu
arrêter, à un moment donné, quand on a nommé un
Vérificateur général.
Il me semble que son rôle est tellement important qu'on ne doit
pas déroger à ce grand principe. À moins qu'on ne
m'apporte de l'argumentation très développée et tenant
compte de ce que je viens de dire, je ne serais pas disposé à
voter pour l'article 22, ni tel qu'il est, ni tel qu'il serait.
Je pense qu'il vaudrait mieux laisser les choses telles qu'elles sont.
Je me demande si, en droit...
Le Président (M. Bordeleau): Je m'excuse, M. le
député de Rouyn-Noranda, étant donné que cela peut
se prolonger encore, je demanderais le consentement pour continuer après
18 heures.
M. Samson: J'en ai pour 30 secondes, si on veut.
Le Président (M. Bordeleau): Est-ce que j'ai le
consentement?
Des voix: D'accord.
M. Samson: Je me demande même si, en droit, on est capable
d'enlever au Vérificateur général ses fonctions par une
loi, sans passer par l'Assemblée nationale qui l'a nommé aux deux
tiers. Celui qui nomme doit être celui qui décide aussi si on lui
enlève des responsabilités.
M. Bérubé: M. le Président.
Le Président (M. Bordeleau): M. le nistre.
M. Bérubé: Je pense que ce qu'il faut
là-dedans, c'est regarder un peu la jurisprudence et voir ce que le
Parlement a choisi de faire dans le passé. Or, le Parlement a
effectivement, dans le cas d'Hydro-Québec, confié à des
vérificateurs extérieurs et non pas au Vérificateur
général c'est pire puisqu'il s'agit d'une régie
carrément autonome et en même temps d'un service public - le soin
de faire la
vérification.
On voit donc que le législateur a senti que dans certains cas, il
fallait, pour des raisons d'efficacité essentiellement, choisir un
vérificateur autre que le Vérificateur général. Or,
il n'y a rien, a priori, qui oblige le Vérificateur
général à être le vérificateur des
sociétés d'État. La Loi sur l'administration
financière, à ma connaissance, prévoit qu'il est le
vérificateur pour tous les fonds gérés dans le cadre du
budget voté par le Parlement ainsi que les fonds de
l'extra-budgétaire dont dispose le ministre des Finances,
indéniablement.
Toutefois, il faut que ce soit la volonté expresse du
législateur pour que lui soient confiés des travaux de
vérification autres. C'est le cas qui nous occupe présentement.
Je souscris personnellement à l'idée qu'il faut, d'une
façon générale, faire vérifier les livres de nos
sociétés d'État par le Vérificateur
général.
D'autre part, je souscris à l'idée qu'il faut maintenir la
formule la plus flexible possible, de telle sorte que l'on puisse faire face
aux situations. Dans le cas de la Société nationale de l'amiante,
le gouvernement nomme le vérificateur, purement et simplement, en tant
qu'actionnaire. Je crois que nous sommes peut-être allés trop loin
dans cette voie. C'est un recul par rapport à ce que nous avions dans la
loi de la SNA et ce que nous proposions c'est qu'effectivement, à
l'origine, c'est normalement vérifié par le vérificateur,
mais le gouvernement peut nommer un autre vérificateur, ce qui force le
gouvernement à justifier sa position face à l'Opposition. Par
conséquent, cela peut amener un certain contrôle.
Donc, au nom du gouvernement, après les discussions fort utiles
que nous venons d'avoir, je m'en tiendrais présentement à la
proposition du vérificateur lui-même, M. Larose, proposition qui,
finalement, est conforme à la pratique dans plusieurs autres
sociétés d'État.
Le Président (M. Bordeleau): M. le député de
Mont-Royal.
M. Ciaccia: Je pense que nous avons dépassé le
temps qui est normalement alloué à la commission. Est-ce que je
pourrais suggérer qu'on suspende cet article et peut-être que vous
pourriez y réfléchir encore une fois. Je sais que c'est votre
opinion, mais à moins que vous ne puissiez nous donner d'autres exemples
que celui d'Hydro-Québec -parce qu'il peut y avoir des raisons
spécifiques pour Hydro-Québec et la société
nationale - je pense que la position que nous allons être obligés
de prendre, c'est de nous opposer au changement de...
M. Bérubé: On peut prendre un vote.
M. Ciaccia: On pourrait y penser jusqu'à demain et on
reprendra...
M. Bérubé: ...jusqu'à ce soir, 20
heures.
M. Ciaccia: Non, cela va à demain, parce qu'il y a deux
commissions ce soir.
Le Président (M. Bordeleau): Le mandat de la commission
est spécifique: jusqu'à 18 heures.
Une voix: Est-ce qu'on peut continuer demain matin?
Le Président (M. Bordeleau): Pour demain, je n'ai aucune
idée.
M. Samson: Demain, cela va être après la
période des questions...
Le Président (M. Bordeleau): Oui, c'est cela. On n'a pas
le mandat pour siéger demain. On suspend l'étude du projet de loi
no 1 à l'article...
M. Bérubé: Est-ce qu'on peut accepter ce
consentement des autres articles ou bien...
M. Fortier: Cela pourrait aller rapidement, si vous voulez. Tu
préfères suspendre ou...
M. Ciaccia: Je préférerais...
M. Fortier: On est mieux de suspendre.
Le Président (M. Bordeleau): Oui, on fonctionne selon le
consentement des membres, à moins que quelqu'un ne s'y oppose.
La commission de l'énergie et des ressources ajourne ses travaux
sine die.
(Fin de la séance à 18 h 8)