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Version finale

31e législature, 6e session
(5 novembre 1980 au 12 mars 1981)

Le mercredi 25 février 1981 - Vol. 23 N° 52

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Plan d'équipement et de développement d'Hydro-Québec pour la décennie 1981-1990


Journal des débats

 

(Dix heures dix-huit minutes)

Le Président (M. Jolivet): A l'ordre, s'il vous plaît! La commission de l'énergie et des ressources est à nouveau réunie pour la deuxième journée aux fins d'entendre les personnes ou organismes qui veulent faire des représentations relativement au plan d'équipement et de développement 1981-1990 de la Société Hydro-Québec.

Nous avons, comme membres de cette commission: M. Bérubé (Matane), M. Biron (Lotbinière), M. Bordeleau (Abitibi-Est), M. Ciaccia (Mont-Royal), M. Desbiens (Dubuc), M. Fontaine (Nicolet-Yamaska), M. Fortier (Outremont), M. Grégoire (Frontenac), M. Perron (Duplessis), M. Tremblay (Gouin).

Les intervenants sont: M. Brochu (Richmond), M. Dussault (Châteauguay), M. Giasson (Montmagny-L'Islet), M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata) remplacé par M. Brassard (Lac-Saint-Jean), M. Mercier (Berthier), M. Michaud (Laprairie), M. Rancourt (Saint-François), M. Samson (Rouyn-Noranda).

Le rapporteur de la commission est toujours le député de Duplessis, M. Perron.

Au moment où nous nous sommes quittés hier, nous avions annoncé - je le répète pour les besoins de l'ensemble des gens qui sont ici présents - l'ordre de présentation des mémoires. Je vais nommer l'ensemble des gens qui vont passer aujourd'hui et je les appellerai à tour de rôle ensuite: l'École polytechnique (École d'ingénieurs), la Confédération des syndicats nationaux, BP Canada, Gaz Inter-Cité Québec Inc., le Centre de recherche de sciences de l'environnement, Gaz Métropolitain Inc., la Société d'électrolyse et de chimie Alcan Ltée (pour dépôt seulement) et, finalement, M. Michel Jurdant.

Avant de passer la parole au premier groupe de l'École polytechnique, à la suite d'une demande qui m'a été faite par le député de Rouyn-Noranda hier concernant la limitation du temps au regard des numéros du règlement que nous possédons, je dois dire, comme je le disais lors d'une autre décision hier, que l'article 160 n'est là que pour les projets de loi ou les crédits. La coutume veut que l'article 118-A, qui a remplacé d'autres articles de l'ancien règlement, du fait qu'il ne fallait peut-être pas réécrire tout ce que la coutume nous apportait comme habitude... Cela pour vous dire que selon l'ancien règlement - c'est ce qui a d'ailleurs été appliqué lors de la commission parlementaire sur la loi 101 ainsi que la commission parlementaire sur la constitution - la coutume était la suivante, inscrite dans le règlement. Je le lis pour les besoins et les bénéfices de tout le monde: "La durée limite allouée à chaque personne ou groupe pour un exposé sommaire de son mémoire est de 20 minutes et le temps alloué aux membres de la commission pour la période des questions est de 40 minutes, réparties équitablement entre les partis. Ces périodes peuvent être prolongées si la commission le juge à propos."

C'est la recommandation que je faisais hier aux membres de cette commission, à savoir que le partage du temps soit de 20 minutes maximum, en disant que si les groupes ou les personnes qui viendront devant cette commission utilisent moins de 20 minutes, il est entendu qu'il y aura plus de temps pour les questions. On invite donc les gens à faire un résumé de leur mémoire ou encore à le présenter le plus rapidement possible, mais d'une façon ou d'une autre, chaque groupe ou chaque individu aura un maximum de 20 minutes. Ensuite, il restera 20 minutes du côté ministériel et 20 minutes pour les gens de l'Opposition. À moins que je me trompe, on m'a dit qu'on aurait une répartition 15-5 du côté des membres de l'Opposition. Nous avons aujourd'hui sept mémoires. Le maximum qu'on pourrait aller chercher, toujours en étant quand même très large et très souple dans l'utilisation du temps, c'est un maximum de sept heures pour passer l'ensemble des sept mémoires qui seront entendus aujourd'hui.

Cela vous donne la façon dont on va procéder durant les cinq prochains jours.

Je demanderais aux membres de l'École polytechnique (École d'ingénieurs) représentée par M. Roger-P. Langlois, de bien vouloir s'approcher. Pour les besoins de chacun des membres de cette commission ainsi que le journal des Débats, je vais lui demander de nous présenter les membres qui l'accompagnent.

M. Langlois.

Mémoires École polytechnique

M. Langlois (Roger-P.): Merci, M. le Président, M. le ministre, MM. les députés. J'ai avec moi les collègues suivants: à ma gauche, M. Armand Patenaude, professeur au département de génie mécanique de l'École polytechnique, M. Yvon Gervais, directeur du département de génie électrique, immédiatement à ma droite, M. Laurent Amyot, directeur de l'Institut de génie nucléaire de l'École polytechnique, et M. André Leclerc, directeur du département de génie civil de l'École polytechnique.

Avec votre permission, M. le Président, je vais procéder tout de suite à la lecture de notre mémoire. Nous sommes une pépinière d'ingénieurs et singulièrement de spécialistes qui, au sein d'Hydro-Québec, de la Société d'énergie de la Baie James ou de bureaux d'études, travaillons à bâtir l'avenir de l'électricité dans le contexte énergétique québécois. Nous sommes heureux de répondre à votre invitation, M. le ministre. En apportant notre témoignage à la commission parlementaire sur le plan d'équipement 1981-1990 d'Hydro-Québec, nous intervenons à plusieurs titres. Nos programmes d'enseignement et de recherche nous amènent depuis longtemps à diffuser et à développer les connaissances sur la technologie de l'électricité et des ouvrages hydrauliques.

Notre institut de génie nucléaire, créé en 1970, demeure la seule entité universitaire au Québec qui oeuvre dans le secteur des centrales à fission. Les énergies redécouvertes et les techniques d'économie d'énergie manifestent une présence sans cesse croissante dans nos plans d'études. Enfin, dans le cadre de notre orientation d'enseignement en énergie, notre école s'intéresse aux aspects multidisciplinaires du problème général de l'énergie. Il convient au surplus de rappeler la participation de nos chercheurs à des travaux de prospective énergétique pour le compte de l'OPDQ et d'Hydro-Québec, de même qu'aux études réalisées par le comité québécois de l'hydrogène.

Devant la stratégie que propose HydroQuébec pour la décennie 1980, l'École polytechnique se perçoit donc à la fois comme spectateur et comme acteur. Institution universitaire, il lui incombe d'effectuer une analyse critique sous l'aspect particulier de sa compétence, analyse de propositions susceptibles d'exercer un impact socio-économique considérable sur l'avenir de la collectivité. Pourvoyeur de ressources humaines et de connaissances spécialisées, il nous appartiendra de contribuer plus ou moins directement à l'exécution du plan approuvé par les instances gouvernementales.

Certes, la qualité de la planification à Hydro-Québec est trop bien connue pour qu'un jugement d'ensemble, en particulier, quant à la procédure, soit autre qu'élogieux: il s'agissait là d'un immense défi relevé avec l'expertise consommée dont cette grande société d'État nous a donné l'habitude. Sauf exception, les commentaires s'adresseront davantage à certaines prémisses qui sous-tendent l'établissement du plan et aux conclusions qui en découlent. L'articulation entre, d'une part, le marché du travail et de la technologie que touche immédiatement le plan d'Hydro-Québec et, d'autre part, l'université, qui alimente ce marché, fera naturellement l'objet d'une attention spéciale.

La prévision de la demande. L'époque des extrapolations tendancielles paraît définitivement révolue. C'est sur la base d'études prévisionnelles où se recoupent diverses méthodes prospectives et qui font interagir un nombre relativement élevé de variables explicatives qu'on a évalué la demande d'énergie d'abord, puis à l'intérieur de celle-ci, la consommation probable d'énergie durant la période de référence.

Si la technique est irréprochable, on peut tout de même s'interroger sur la distance des horizons temporels considérés. En effet, pour déterminer un plan d'équipement couvrant la décennie quatre-vingt, il est assez étonnant qu'on n'ait pas jugé essentiel de jeter un coup d'oeil au-delà de 1996. Les changements radicaux qui s'annoncent dans la technologie de l'offre aux environs de l'an 2000 sembleraient imposer une projection plus lointaine, même au niveau de la demande. Non seulement les délais d'implantation ont-ils tendance à s'allonger, mais encore s'agit-il antérieurement de mettre en place des infrastructures, de former du personnel, dans une mesure que l'absence d'une prospective à longue vue ne permet nullement de préciser.

On se souviendra, à cet égard, que le livre blanc du gouvernement du Québec pour une politique québécoise de l'énergie, "Assurer l'avenir", publié en 1978, n'étudiait en détail que la période 1978-1990. Dans son mémoire de janvier 1980 qui commentait ce document, l'Ordre des ingénieurs du Québec souhaitait un élargissement des perspectives. On aurait gagné, y lisait-on, à étendre la période d'analyse au-delà de l'an 2000.

Quant à la demande d'énergie, timide quant à l'intervalle de temps envisagé, les prévisions de la demande énergétique le paraissent également quant au taux postulé de croissance. À première vue du moins, il est déconcertant que le Québec, dont le taux d'industrialisation n'est pourtant pas très élevé, se voie attribuer un pourcentage annuel de croissance énergétique de 2% qui est inférieur à celui des États-Unis ou de l'Europe, du moins selon les chiffres cités par Hydro-Québec.

Durant les quinze années qui suivent, l'augmentation totale de la consommation se situerait alors nettement en deçà de 50%. La répartition entre les grandes filières énergétiques, le pétrole, le gaz, le charbon

et l'électricité, se conforme aux objectifs fixés a priori par le gouvernement.

La sécurité de l'approvisionnement, par un recours maximal aux ressources autochtones, ressort à l'évidence comme le critère principal de distribution. Dans la conjoncture actuelle, il est vraisemblable que cette politique axée sur un effacement accéléré du pétrole n'entre pas en conflit avec la recherche de moindres coûts. Seul le gaz naturel peut, sous ce rapport, inspirer quelque réserve.

On peut logiquement se demander si la part qui lui est attachée correspond au maximum souhaitable ou réalisable. N'est-il pas surprenant que ce combustible, selon les estimations fournies, ne parvienne pas à effectuer une pénétration majeure sur le marché du chauffage domestique? On songe aux évaluations de l'Office national de l'énergie selon lesquelles le taux d'insertion du gaz naturel dans les habitations présentement chauffées au mazout et dans les nouveaux immeubles pourrait atteindre de 40% à 50% dès 1984. Or, ce scénario, bien que décrit brièvement dans les documents produits par Hydro-Québec, ne semble pas se mériter un haut degré de crédibilité. (10 h 30)

La demande d'électricité. La prise en ligne de compte des économies d'énergie et d'électricité, précise Hydro-Québec en réponse aux questions du gouvernement, est "à la fois prudente et légèrement optimiste." Sans doute doit-on se féliciter qu'un effort massif soit ainsi déployé afin de réduire le gaspillage et d'augmenter le rendement énergétique particulièrement bas du système socio-économique québécois. En dépit de caractéristiques défavorables liées au climat, aux distances, au mode de vie, à la structure industrielle, il est indéniable qu'une rationalisation de la dépense énergétique s'impose au Québec. D'ailleurs, la flambée des coûts ne peut qu'inciter à l'épargne. Néanmoins, l'expérience relativement malheureuse des programmes d'isolation thermique dans le secteur résidentiel n'invite-t-elle pas à la circonspection?

Certes, jusqu'à 1988, les surplus d'énergie électrique seront disponibles à l'exportation justement parce que le ralentissement de l'économie et, dans une certaine mesure, les économies d'énergie entraînent une révision à la baisse des besoins prévisibles. On peut juger acceptable ou non une expansion volontaire de la production aux fins des ventes à l'étranger. Il apparaît, en tout cas, beaucoup plus confortable de faire face à des excédents potentiels qu'à des déficits difficiles et coûteux à combler en temps utile. L'absence d'une marge de manoeuvre n'inspire-t-elle pas quelque inquiétude? Des contraintes trop rigides ne risquent-elles pas d'institutionnaliser la récession?

Encore une fois, le gaz naturel offre peut-être un moyen de relâcher la pression exercée sur l'électricité. Une question vient en corollaire: Malgré le rôle dominant que lui confère sa charte dans le secteur général de l'énergie, la position d'Hydro-Québec est-elle clairement démarquée au regard des divers organismes à l'oeuvre dans le domaine particulier des hydrocarbures?

Les programmes d'Hydro-Québec. Les installations, la technologie et les ressources humaines constituent les trois volets du plan Hydro-Québec sur lesquels porteront nos remarques subséquentes. Les investissements pour toute la période d'analyse ne seront mentionnés qu'à l'occasion, sans qu'ils se rangent sous une rubrique distincte.

Les installations. Chacun trouvera sain, impérieux même, que l'hydraulique continue de recevoir la priorité absolue dans la stratégie de la décennie en cours. Tant les avantages intrinsèques de cette filière étroitement associée au sol québécois que les possibilités qu'elle présente en retour à l'aménagement du territoire la recommandent de toute évidence au planificateur.

Citons pourtant: "Dans la plupart des pays développés - surtout là où il n'y a pas de production locale de charbon - l'énergie nucléaire représente la principale source d'énergie électrique exploitable à long terme. C'est cette forme d'énergie qui a été retenue comme source de référence pour mesurer la rentabilité du potentiel hydroélectrique québécois."

Serait-on surpris de lire ensuite, presque par voie de conséquence: "À première vue, il pourrait sembler séduisant d'aménager d'abord tous les sites hydrauliques dont le coût d'aménagement est plus faible que celui des centrales nucléaires équivalentes. Cette option permettrait peut-être de réaliser des économies dans l'immédiat, mais, globalement, elle constituerait une erreur. En effet, une fois épuisées les ressources hydrauliques rentables, il faudrait d'un seul coup fournir des efforts énormes sur tous les plans à la fois pour arriver à lancer un programme nucléaire d'une importance considérable. Ce rythme effréné serait impossible à soutenir..."?

Ces dernières propositions, nous les lisons dans un dossier de janvier 1976 sur "Le réseau d'Hydro-Québec: orientations et choix 1985-2000". Elles n'ont perdu de leur force, ces propositions, que dans la mesure où l'option nucléaire aurait été non pas mise en veilleuse, mais plutôt rejetée définitivement. Mais le nouveau plan sur lequel se penche aujourd'hui la commission parlementaire ne parle plus de "transition harmonieuse et sans heurt". Il ne se réfère de fait au nucléaire qu'avec une extrême discrétion. Presque tout l'hydraulique meilleur marché que le nucléaire est maintenant inscrit au programme 1981-1990. On accepte

du reste que la construction nucléaire diminue progressivement durant les cinq années qui suivent et disparaisse même complètement en 1985. Peut-on douter, comme le souligne expressément Hydro-Québec, que "ceci risque de disperser la main-d'oeuvre spécialisée oeuvrant dans ce domaine et, par conséquent, de rendre une reprise éventuelle difficile"?

Le gouvernement mérite des éloges pour la transparence qui, dans son intention, entourera les débats de la commission parlementaire et la consultation très large qu'il effectue à double fin de mieux informer la population et d'éclairer les délibératins de ses représentants. Il serait impensable qu'on élude ici la question, toute controversée qu'elle soit, de l'énergie nucléaire et qu'on rate l'occasion de jeter plus de lumière sur ce problème très important pour l'avenir du Québec. Soit par les instruments classiques de la démocratie québécoise, soit par d'autres mécanismes que le gouvernement jugera plus appropriés, il devient urgent que les options y soient clairement formulées et que soient mis en oeuvre les moyens d'assurer de façon optimale le succès du choix ou des choix finalement retenus pour la dernière décennie du siècle.

Quant à la technologie, entre le plan des installations et celui du développement de la technologie, on ne saurait signaler d'incohérences majeures. Que le réseau de transport et de distribution partage avec les nouvelles sources d'électricité la part du lion en matière de recherches, ceci témoigne du souci de maintenir la tradition d'excellence déjà associée en ces domaines au nom de l'IREQ. Les longues distances que devront franchir les lignes provenant des barrages futurs, les besoins prévisibles des régions isolées soumises à un pétrole déjà trop onéreux suffisent amplement à justifier cette concentration des efforts.

Pour que prenne un relief accru cette portion du plan technologigue reliée aux centrales thermiques, classiques ou nucléaires, il faudra peut-être, en ce cas également, attendre que se résorbent les difficultés d'ordre sociopolitique qui paraissent aujourd'hui bloquer les décisions. Mais, soulignons-le, l'enchaînement des délais, la priorité logique des travaux à effectuer au niveau de l'acquisition des connaissances pourraient entraîner des répercussions à longue portée. Le passage du Québec à l'ère posthydraulique n'en serait que davantage subordonné à un "know-how", à un savoir-faire accumulé hors du Québec.

Entre 1981 et 1990, il est prévu que les effectifs globaux de la recherche technologique à l'Hydro-Québec augmentent de moitié, c'est-à-dire qu'une couple de centaines de chercheurs ou techniciens de la recherche viennent grossir les rangs actuels. Dans son Énoncé d'orientations et plan d'action pour la mise en oeuvre d'une politique québécoise de la recherche scientifique, publié l'an dernier, le gouvernement du Québec a signifié son désir "d'assurer une organisation et une gestion du système scientifique basées sur la pluralité et la complémentarité des fonctions et des responsabilités." Selon les politiques spécifiques à mettre en oeuvre à cet effet, le gouvernement demande aux universités d'assurer la conjonction recherche-formation et souhaite intégrer cette exigence dans des programmes gouvernementaux d'aide à la recherche universitaire. L'École polytechnique émet le voeu que le ministère de l'Éducation soit sensibilisé aux besoins croissants de la recherche dans le secteur général de l'énergie et, par le moyen du nouveau fonds FCAC, formation de chercheurs et action concertée, ou d'autres moyens qu'il estimerait plus à propos favorise encore davantage et sélectivement les études au niveau des "grades" supérieurs dans les universités du Québec.

Quant aux ressources humaines directement associées à la réalisation du plan des installations, elles passeront de 16,000 en 1981 à 34,500 personnes-année en 1990 pour l'Hydro-Québec, la Société d'énergie de la Baie James, les bureaux d'étude et les entrepreneurs. Ce doublement des effectifs tient à la fois à l'expansion de la puissance installée et à la taille plus modeste des projets individuels envisagés durant la décennie en cours. Assurément, les exigences de la recherche, qu'on vient à peine de singulariser, pâlissent devant ces nombres dont, par surcroît, la croissance est fortement concentrée en une période de cinq années, à compter de 1986.

Le défi posé à l'entreprise par cette augmentation rapide de la main-d'oeuvre se répercute fatalement au sein des maisons d'enseignement. Il importe que ces prévisions, sous une forme désagrégée suivant les catégories d'employés, soient portées assez rapidement à la connaissance des institutions collégiales et universitaires afin de rendre possibles les ajustements et les réorientations nécessaires. La concertation s'impose d'autant plus en cette matière que l'austérité des budgets accordés aux universités en cette époque de récession entraîne des coupures difficilement compatibles avec un accroissement notable de la population étudiante dans des secteurs bien localisés de la demande, comme dans le domaine qui nous intéresse.

Les nouveaux ingénieurs de 1986 sont présentement au CEGEP. Bien qu'Hydro-Québec ait l'occasion de faire le plein de spécialistes durant la première moitié, moins trépidante, de la décennie en cours, cette constatation suffit à rappeler derechef l'importance d'une planification à long terme au chapitre des ressources humaines.

Le Président (M. Jolivet): II vous reste deux minutes.

M. Langlois: Les options futures. Pour scruter l'avenir un peu plus lointain, il serait bon de nous reporter à ce graphique fort instructif qui répartit le potentiel hydraulique du Québec non aménagé en 1985 suivant les coûts d'aménagement des projets. Les rapports indiqués sont pleins d'enseignement, mais leur interprétation requiert quelques précisions additionnelles.

Par exemple, il faudra que soit confirmé par Hydro-Québec le fait que l'usine-étalon représente vraiment le coût minimal de l'énergie nucléaire. L'expérience ontarienne a bien démontré que des épargnes substantielles sont réalisables en construisant des centrales nucléaires à tranches multiples, comportant habituellement quatre réacteurs. En noyautant son parc nucléaire sur des centrales à un seul réacteur, Hydro-Québec ajouterait à la série de prototypes amorcée avec Gentilly 1 et 2 et n'aurait guère la possibilité d'établir une base valable de comparaison hydraulique-nucléaire du point de vue de la rentabilité. Il faudrait avoir des précisions là-dessus.

Néanmoins, pour des raisons à caractère technique ou sociopolitique, on peut imaginer qu'on accorde une prime à l'hydraulique. Il conviendrait cependant - ce serait bon pour la commission - pour éliminer tout arbitraire, que ces motifs invoqués soient explicités et quantifiés dans toute la mesure du possible.

Enfin, une excellente étude sur les petites rivières montre bien tout le parti que l'on peut en tirer pour l'alimentation des réseaux isolés et sur les sites du réseau intégré déjà dotés d'éléments qui les rendent intéressants a priori. Tant pour ce potentiel hydroélectrique résiduel que pour les énergies redécouvertes, les documents d'Hydro-Québec nous en faisons le témoignage - font preuve de réalisme.

Enfin, comme conclusions, dans le monde d'aujourd'hui et de demain et, au premier chef, dans cette portion de la société industrielle où se situe le Québec, l'énergie désormais assume un rôle politique d'importance comparable à celui de la monnaie. Depuis la guerre du Yom Kippur et les crises pétrolières qui l'ont suivie, les gouvernements sont intervenus toujours plus massivement dans ce secteur vital de l'économie où les lois perturbées du marché n'assuraient plus spontanément la satisfaction des objectifs nationaux.

Dans cette conjoncture, peut-être est-il normal que les critères politiques déterminent dans une mesure non négligeable et en profondeur le plan d'équipement d'une société d'État comme Hydro-Québec. De par la nature même de ses attributions, HydroQuébec doit évoluer entre deux pôles caractérisés par les degrés minimal et maximal d'implication gouvernementale. L'existence même de cette commission parlementaire qui examine les propositions d'Hydro-Québec atteste la résolution de définir un juste point d'équilibre entre ces deux positions extrêmes, ce qui répond le mieux, nous sembie-t-il, aux exigences du présent.

En résumé, c'est dans un esprit de collaboration à cet effort commun auquel est convié l'ensemble de la collectivité québécoise que l'École polytechnique soumet ce bref mémoire. Ses critiques se sont voulues constructives et ne dérogent en rien à l'impression nettement positive qui se dégage du plan d'Hydro-Québec. Si le gaz naturel et l'énergie nucléaire ont prêté à des remarques relativement nombreuses, c'est que l'école estime urgent et essentiel que se résolvent les incertitudes liées à ces deux filières, dont l'apport aux décennies qui viennent peut être crucial. Quant à la formation des chercheurs et du personnel destiné aux programmes de production, il lui paraît éminemment souhaitable qu'une concertation s'établisse avec le ministère de l'Éducation et les maisons d'enseignement pour mettre en oeuvre des moyens proportionnés aux besoins.

Enfin, une dernière suggestion: il serait intéressant que des propositions future de nature analoque à celle-ci, celle d'Hydro-Québec, s'accompagnent d'une étude économique, comparant les scénarios analysés sous le rapport de la création d'emplois, de l'autarcie énergétique, de l'incidence sur la balance commerciale du Québec, de la production d'industries nouvelles, du rapport entre les coûts d'investissement et de fonctionnement.

Je vous remercie, M. le Président. (10 h 45)

Le Président (M. Jolivet): Merci, M. Langlois. Tout simplement pour les besoins des gens qui auront à présenter des mémoires, je voudrais vous rappeler que les membres de cette commission ont tous reçu vos mémoires, de telle sorte que quand on demande une présentation de 20 minutes, c'est simplement pour les besoins de résumer l'ensemble de votre mémoire.

M. le ministre.

M. Bérubé: Merci, M. le Président. Merci, messieurs de l'École polytechnique d'avoir accepté de venir témoigner à cette commission parlementaire qui, nous l'espérons va nous permettre d'obtenir des réponses à un certain nombre de questions ou au moins obtenir les balises pour orienter notre réflexion. Il est d'ailleurs intéressant, à voir les titres de journaux d'hier de constater que les journalistes sautent beaucoup plus rapidement aux conclusions que la commission, puisque les journalistes avaient déjà décidé qu'il y aurait des hausses

spectaculaires des tarifs à Hydro-Québec, alors qu'il n'y a pour ainsi dire eu aucune discussion sur les tarifs. Au contraire, les réflexions ont surtout porté sur la profitabilité peut-être trop élevée d'Hydro-Québec et des moyens à prendre pour essayer d'y remédier. L'impression qu'on a, c'est qu'on a peut-être eu une réaction incorrecte. La discussion que nous avons en cours présentement va nous permettre de voir un peu mieux comment analyser le plan d'équipement d'Hydro-Québec et comment, non pas nécessairement le modifier, mais voir venir les véritables défis que nous aurons à relever au cours des années prochaines si on doit réaliser ce plan d'équipement.

Or, il y a certaines choses qui me frappent dans votre mémoire. D'une part, vous proposez pour le Québec une option nucléaire, je ne dirais pas d'égale importance avec celle de l'hydroélectricité, mais à tout le moins, vous parlez d'un secteur nucléaire important au Québec qui permettrait de développer l'expertise et les connaissances.

J'aimerais aller un peu plus à fond dans ce débat et voir comment interpréter certaines parties de votre mémoire. D'une part, vous dites: Les objectifs d'économie d'énergie sont peut-être gonflés. On constate que les programmes d'économie d'énergie n'ont pas atteint les objectifs désirés. Lorsque je regarde les prévisions du ministère de l'Énergie et des Ressources ici au Québec, on propose pour l'horizon en question des économies d'énergie de l'ordre de 28%. Lorsque l'on consulte les projections de Energy, Mines and Ressources du Canada, on trouve 29%. Lorsqu'on examine les projections d'Hydro-Québec, on est à 17%. Cependant, lorsqu'on va également consulter les producteurs de gaz - nous en avons un certain nombre qui vont témoigner - on s'aperçoit qu'alors que le ministère de l'Énergie et des Ressources propose dans le résidentiel 7,4%, les gaziers proposent des économies d'énergie de 16,8%. Dans le résidentiel, 17,2% pour notre ministère, et 21,1% pour les gaziers. En d'autres termes, beaucoup d'intervenants proposent des niveaux d'économie d'énergie beaucoup plus substantiels qu'Hydro-Québec, et même souvent, plus importants que le gouvernement le prévoit.

J'aimerais que dans votre réponse, vous essayiez peut-être l'analyser sur quoi vous fondez votre opinion concernant le potentiel des économies d'énergie, sur quelle analyse cela a-t-il été effectué par vos chercheurs universitaires. Également, quand vous parlez de l'échec des programmes d'isolation, je pense que nous avons pu hier le souligner, en 1978, il y avait eu 7000 demandes au programme d'isolation des maisons, ce qui est passé à 24,000 en 1979, et à 50,000 en 1980: en d'autres termes, une progression très rapide. On peut donc parler d'un changement de mentalité très réel. On peut être porté à poser une conclusion erronée suivant qu'on regarde les chiffres de 1978 ou les chiffres de 1980. On n'a pas du tout la même réponse.

Donc, j'aimerais que vous élaboriez un peu ce problème des économies d'énergie qui aura un impact assez important sur la prévision de la demande. Lorsque vous parlez également de pénétration du gaz, vous soulevez, premièrement, le fait que le gouvernement ne voudrait pas une pénétration particulièrement rapide du gaz. D'abord, j'aimerais savoir d'où vous détenez ce renseignement qui ne me paraît pas correct, strictement dans les faits. Le gouvernement a déjà fait part de sa volonté d'éliminer la taxe de 8% sur le gaz naturel, de manière justement à faciliter sa pénétration dès que nous aurions les volumes de gaz disponibles. Deuxièmement, nous avons négocié avec l'Alberta une politique de prix sur le nouveau gaz entrant au Québec de manière à faciliter sa pénétration et même subventionner à 100% les conversions au gaz naturel. On doit constater, en ce qui a trait aux objectifs qui étaient poursuivis, que, si une demande était déposée à la fin de 1979-1980 pour la pénétration du gazoduc au Québec, l'ONE ne l'a approuvée qu'en mars, que les cartes détaillées permettant de déterminer la localisation du gazoduc n'ont été disponibles qu'en avril 1980 et qu'il m'apparaissait assez difficile, dans ces conditions, de toute façon, de pouvoir dire que l'on terminerait en 1980 la pénétration du gazoduc au moins jusqu'à Québec. De fait, en 1981, il est possible, suivant les prévisions initiales, de passer le gazoduc. Donc, on ne voit pas ce qui retarde présentement la pénétration du gaz naturel. J'aimerais donc que vous élaboriez un peu de ce côté-là.

Le dernier point que j'aimerais vous voir aborder, c'est le suivant: si, effectivement, des prévisions d'économie d'énergie que posent plusieurs organismes se réalisaient, si, également, le gaz naturel pénétrait plus rapidement, s'il y avait une meilleure évaluation des coûts du nucléaire... On constate qu'Hydro-Québec prend des marges d'imprécision de l'ordre de 20% pour les coûts du nucléaire. Évidemment, il ne faudrait pas voir comment cela s'est réalisé dans les faits puisqu'on découvrirait que cette marge de 20% est largement trop faible et que c'est d'ailleurs ce qui s'est produit dans à peu près tous les projets de construction de centrales si ce n'est possiblement les constructions de Pickering, il y a quelques années; mais vous pouvez peut-être détailler là-dessus. Donc les marges de précision concernant les prix du nucléaire supposées par Hydro-Québec sont très faibles alors que les marges de précision dans les

projets hydroélectriques, où on n'en est pas encore au stade d'avant-projet, mais où on en est aux études préliminaires, sont, évidemment, beaucoup plus élevées, de l'ordre de 50%. Ce qui pourrait laisser entendre qu'un bon nombre de projets hydroélectriques pourraient s'avérer plus économiques que le nucléaire.

Dans ces conditions, ne serait-on pas justifié de proposer d'attendre de voir si ces chiffres se réalisent et, par conséquent, de maintenir un moratoire qui pourrait, cependant, prendre l'allure d'un maintien au Québec d'un programme minimal dans le secteur nucléaire, ce qui avait été approuvé par le Conseil des ministres, de manière à ne jamais faire disparaître l'expertise au Québec qui nous apparaît essentielle puisque ces choix sont quand même non définitifs? Mais à part le maintien d'un programme qu'on pourrait qualifier de minimal - je ne sais pas comment vous pourriez définir ce que vous verriez, vous, comme programme minimal pour maintenir au Québec une certaine expertise adéquate pour l'avenir -compte tenu qu'il y a un potentiel hydroélectrique possiblement plus élevé que l'on prévoit, compte tenu que les coûts du nucléaire sont peut-être plus élevés que l'on prévoit, compte tenu que les économies d'énergie sont peut-être supérieures à celles que l'on prévoit et compte tenu que le gaz pourrait pénétrer plus rapidement que l'on prévoit, ne serait-on pas justifié de parler d'un moratoire reporté d'année en année concernant le nucléaire?

Le Président (M. Jolivet): M. Langlois.

M. Langlois Le ministre vient de nous poser de bonnes questions. Bien sûr, nous ne sommes pas un bureau d'ingénieurs-conseils, nous ne sommes pas Hydro-Québec même. Nous sommes un groupe de professeurs et de chercheurs dans le domaine de l'énergie. Je pense que nous allons pouvoir vous apporter les réponses qui, normalement, découlent de notre compétence.

Je pense que, dans le cas de la question que vous avez posée concernant l'économie d'énergie, le professeur Patenaude aurait quelques commentaires à faire. Pour la question de la pénétration du gaz, à savoir si on devrait maintenir un moratoire si certaines prévisions se réalisaient, M. Amyot pourrait aussi élaborer une réponse.

Le Président (M. Jolivet): M.

Patenaude.

M. Patenaude (Armand): Concernant les questions de conservation d'énergie, lorsqu'on a mentionné l'expérience acquise dans le secteur résidentiel en ce qui concerne le programme d'isolation, c'est relativement malheureux. Ce qu'on voulait dire, en réalité, c'est que le citoyen jusqu'à présent ne peut évaluer l'importance relative des divers points de consommation, surtout en ce qui a trait à l'aspect chauffage. Est-ce que les déperditions sont dues à la conduction à travers les murs, le toit, les parois vitrées ou encore le sous-sol, ou est-ce que réellement les déperditions sont attribuables à l'infiltration d'air à l'intérieur même des bâtiments? Jusqu'à maintenant, aucun organisme n'a publié de façon méthodique de quelle manière un propriétaire peut envisager le problème, corriger le problème de façon méthodique, en prenant l'année de construction de son bâtiment, par exemple. Si vous n'avez pas de tels outils, chacun essaie de corriger au mieux de ses connaissances, mais sans nécessairement corriger les bons points d'abord ou les points qui seraient les plus rentables, au point de vue économique, pour le consommateur lui-même. Ce qui voudrait dire... Oui.

Le Président (M. Jolivet): C'est correct. Allez-y.

M. Patenaude: En termes de solutions, ceci exigerait que les consommateurs aient les outils nécessaires pour pouvoir évaluer leur consommation énergétique et ne pas s'engager à droite et à gauche pour trouver des solutions partielles. D'accord, on économise l'énergie, mais à des coûts très élevés.

Il y a aussi un autre point. Bien que la consommation ou que les produits qui entrent dans la fabrication d'une maison rencontrent habituellement les normes des organismes comme la SCHL ou l'office des normes du gouvernement canadien, l'installation de ces produits peut détruire complètement le bien-fondé des normes. Actuellement, les produits en vente au Québec sont éprouvés en laboratoire, mais cela ne veut pas dire que, lorsque mis en place, les propriétés de ces produits sont gardées. Donc, s'il n'y a aucune surveillance de construction de la part de l'organisme intéressé au domaine énergétique, cela ne veut absolument rien dire. On n'a qu'à penser au cas des fenêtres mal installées, par exemple; vous avez simplement investi de l'argent, mais sans corriger votre problème énergétique.

Pour ce qui est de la question des isolants mousses, la stabilité dimensionnelle de ces produits peut faire qu'après un certain temps le produit rétrécisse et les propriétés d'isolant sont complètement perdues. Donc, le produit, tel que vendu initialement, a des propriétés, mais est-ce qu'il garde ces propriétés dans le temps? Là-dessus, il n'y a pas grand-chose qui soit connu de la part du consommateur. Il y a perte de propriété d'isolation; le polyuréthane, par exemple, se déprécie en fonction du temps. Si on achète quelque

chose qui vaut un prix initialement, même si les normes établissent les propriétés du produit, après 28 jours, après 2 ans, après 5 ans, après 20 ans, quelles sont les propriétés du produit? Ces choses devraient être connues de la part du public en général.

Le Président (M. Jolivet): M. Amyot.

M. Amyot (Laurent): Si vous le permettez, je vais m'adresser d'abord aux deux questions qui touchent le nucléaire et qui, en réalité, sont assez étroitement reliées. Il y en a une, d'abord, qui s'adressait à la place de l'énergie nucléaire et l'autre à l'urgence de prendre une décision à ce sujet.

Quant à la place de l'énergie nucléaire, l'école polytechnique ne s'est pas prononcée et je ne crois pas que ce soit son rôle de se prononcer quant au bien-fondé de l'option nucléaire. Il me semble qu'il appartient à la population dans son ensemble et à ses représentants de déterminer quel devrait être le rôle joué par l'énergie nucléaire. Ce sur quoi l'école polytechnique peut se prononcer, émettre une opinion, c'est sur les conséquences possibles d'une attente trop prolongée quant à la prise de décision, conséquences qui pourraient placer le Québec dans une situation telle que le choix nous deviendrait ultérieurement impossible, très coûteux, ou extrêmement difficile.

Pourquoi a-t-on besoin de prendre une décision assez rapidement? Hydro-Québec déjà, dans son exposé, attire l'attention sur le fait que les délais de construction sont relativement longs et que si on prétend installer une centrale ultérieure à Gentilly III vers 1995, 1996, les décisions doivent se prendre en dedans de quelques mois à partir de maintenant, parce que les délais de construction sont maintenant de l'ordre de douze à quatorze ans. (11 heures)

II apparaît, dans les prévisions d'Hydro-Québec, un trou dans les projections de la main-d'oeuvre qui sera affectée aux chantiers vers 1985. Il est clair qu'avec une situation telle que celle-là, Hydro-Québec ne pourra pas très facilement récupérer le personnel spécialisé affecté à la construction des centrales et que la notion de programme minimal dont parlait M. le ministre pourrait être affectée dans sa réalisation.

Pour qu'on ait la possibilité à un moment donné de démarrer un programme de quelque envergure, il faudrait qu'on dispose de ressources humaines et d'infrastructures adéquates.

Dans les circonstances actuelles, avec l'incertitude qui entoure tout le secteur nucléaire, on ne voit pas très bien comment il serait possible de sensibiliser de jeunes ingénieurs québécois à s'insérer de façon suffisante dans un secteur comme celui-là ou à s'y maintenir, quand ils y sont déjà.

On observe déjà effectivement, maintenant, des pertes en quantité non négligeable dans le personnel attaché à HydroQuébec et on observe déjà maintenant des difficultés de recrutement assez prononcées dans le secteur de l'enseignement pour autant que les domaines du génie relié à l'application de l'énergie nucléaire sont concernés.

On observe également que le contenu québécois de l'entreprise nucléaire risque de souffrir et a déjà souffert considérablement du moratoire. Alors qu'il y a quelques années, on pouvait citer des chiffres de l'ordre de 45% pour le contenu québécois des centrales de type Candu construites ici ou ailleurs, en Ontario ou sur le marché international, les chiffres que reproduit maintenant Hydro-Québec ne sont plus que de l'ordre de 25%. On pourrait s'attendre logiquement que ce contenu continue de baisser à mesure que le temps passe, si effectivement l'entreprise ne peut pas prévoir un marché local suffisamment développé au Québec. Elle sera naturellement encline à déménager plus près de son marché le plus considérable, celui de l'Ontario.

Il est vrai que les organismes situés au Québec s'intéressent également au marché international. Il est vrai aussi que le marché international ne risque pas de se développer énormément, si, à l'intérieur même du Canada et au Québec en particulier, on démontre relativement peu d'intérêt envers cette option.

Je pense que j'ai touché un peu à tout. Peut-être que j'ai oublié quelques points, vous pouvez peut-être me les rappeler.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Bérubé: Uniquement, très rapidement, j'aime souligner que j'ai beaucoup apprécié les remarques que vous avez faites concernant les programmes d'isolation des maisons. Je suis entièrement d'accord avec vous. Je voyais M. Bourbeau, le président du conseil d'administration d'Hydro-Québec, avec un grand sourire, puisqu'il dit: Nous l'avons la réponse à vos interrogations.

De fait, vous avez parfaitement raison, il faut que le citoyen québécois puisse aller à un endroit où il bénéficiera d'une action-conseil qui lui dira quels sont les travaux véritablement utiles sur sa maison et que ce consultant soit un consultant indépendant qui n'est pas lui-même en conflit d'intérêts, puisqu'il vend les services, d'une part, et, également, il faut que l'on puisse surveiller la qualité des travaux et à ce moment-là effectuer les correctifs, si ceux-ci s'avèrent nécessaires, à la lumière des réflexions que vous avez faites. Je suis entièrement d'accord avec votre réflexion, je n'ai aucune

divergence de vues.

Concernant le nucléaire, je n'ai pas vraiment la réponse et j'aimerais avoir votre opinion. Quel serait le programme minimal dans le secteur du nucléaire qui nous permettrait de maintenir, si vous voulez, un noyau d'activité avant d'avoir franchi la barrière de potentiel, puisque vous êtes sans doute thermodynamieien? Je ne vous demande pas l'escalade en flèche et la croissance folle, je vous demande le noyau minimal, juste sous critique, qui nous permette à un moment donné de nous engager dans le nucléaire, si on en sent le besoin? Je ne parle pas de 200 ingénieurs l'année prochaine, de 600 l'année d'après, de 1400 l'année suivante et de 3600 ingénieurs nucléaires ensuite, parce que, là, évidemment, si vous me proposez cela, on s'en va carrément dans le nucléaire. Je vous pose la question: Quel est le noyau minimum que vous considérez comme viable dans le secteur du nucléaire?

Le Président (M. Jolivet): M. Amyot, je vous demande de raccourcir votre réponse parce que le temps du ministre est terminé.

M. Bérubé: Quant au départ, évidemment, des gens qui quittent la profession du nucléaire, vous n'êtes pas sans savoir que certains s'engagent en politique.

Le Président (M. Jolivet): M. Amyot.

M. Amyot: D'abord, je pense qu'il faut bien reconnaître que le programme est extrêmement loin d'être optimal. Vous avez fait allusion tout à l'heure à la situation de Gentilly II à ce propos. Il faut bien se rendre compte que Gentilly II est effectivement un prototype et que s'il y a eu dépassement par rapport aux estimations initiales, une bonne partie de ce dépassement peut d'abord être attribué à l'inflation. On observe un facteur de l'ordre de 3 pour l'augmentation du coût projeté de Gentilly II par rapport aux estimations initiales. Or, pour la Baie James, ce n'est pas loin de là non plus. L'inflation entre donc pour beaucoup là-dedans.

Il y a eu aussi des incertitudes - et c'est sur cela surtout que je vais insister maintenant - qui sont liées au fait que Gentilly II est un prototype. Si donc on parle d'un programme minimal, il faudrait qu'on s'adresse à un programme minimal qui donne une chance d'acquérir la technologie à son niveau le plus avancé et pour cette raison, cela veut dire ne plus construire de prototype dans le cas du Québec, mais s'adresser plutôt à des réalisations qui ont déjà fait leurs preuves dans une province comme celle de l'Ontario. Bruce, autant que Pickering, a conduit à des prix de l'énergie qui étaient relativement bas en Ontario et actuellement, on projette une centrale à Darlington qui a d'excellentes chances de conduire à des coûts qui ne vont pas être sensiblement différents de ceux qu'on a déjà observés. Si Hydro-Québec s'adresse à la construction d'une centrale de type Darlington, que la construction de ces centrales à tranches multiples se fait à des délais suffisamment courts pour qu'on puisse se tenir au fait de la technologie, ce serait ma définition d'un programme minimal. Je ne crois pas que le Québec pourra se satisfaire d'un tel programme parce qu'il m'apparaît extrêmement douteux que dans la période postérieure à 1995, il y ait d'autres sources d'énergie qui viennent disponibles en des quantités suffisamment importantes pour répondre à la demande qui se profilera à cette époque. Vous me demandez une définition d'un programme minimal. Ce serait celle-là, dans l'optique où il y aurait d'autres sources d'énergie qui s'avéreraient plus économiques vers 1995.

Le Président (M. Jolivet): Merci. M. le député d'Outremont.

M. Fortier: Merci, M. le Président. Au départ, je voudrais souligner que, dans votre mémoire, il est fait allusion au fait qu'il y a une certaine ambiguïté. Cette commission parlementaire a été convoquée pour discuter du programme d'Hydro-Québec pour les dix prochaines années. Plusieurs des intervenants, dont l'École polytechnique, ont dit et disent que, justement, il est impérieux que l'on discute du programme énergétique à très long terme. J'aimerais que vous précisiez votre opinion là-dessus. Vous dites, bien sûr: II faudrait aller plus loin que 1996. On se souvient qu'à toutes fins utiles, le livre blanc qui a été produit en 1978 s'arrêtait en 1990. Je crois qu'après 1990 on prévoyait une demande énergétique globale, pour le Québec, de l'ordre de 1%, alors qu'Hydro-Québec nous dit que c'est de l'ordre de 2%. La politique nationale de l'énergie parle de 1,9%. Il est certain qu'il est impérieux de le définir, mais j'aimerais que vous disiez pourquoi. Vous avez parlé de formation personnelle. Vous parlez d'ingénieurs, mais en plus de cela, bien sûr, - et ce n'est peut-être pas le rôle de l'École polytechnique - il y a toute la question de la formation du personnel dans le domaine de la construction et, bien sûr, les ingénieurs ont un rôle à jouer là, dans le domaine de la fabrication comme telle, dans la formation des techniciens. Quand on pense au contrôle des qualités qui sont requises dans le domaine du nucléaire, j'imagine que toute la formation du personnel est impérieuse.

Il y a également le programme de recherche et de développement, l'acquisition de know-how, la formation d'ingénieurs-praticiens, parce qu'on sait que ce n'est pas

suffisant de former un ingénieur qui sort de l'École polytechnique; cela prend à peu près dix ans après cela. J'aimerais que vous mettiez cela en perspective. Vous me disiez: Compte tenu de toutes ces données, pour quelle raison est-il impérieux de prendre une décision maintenant? Est-ce possible, réellement, si on prend la recherche et le développement, d'avoir un programme de recherche et de développement réellement adéquat si on ne sait pas dans quelle direction on s'en va?

Le Président (M. Jolivet): M. Amyot.

M. Amyot: Je pense que le député d'Outremont a déjà répondu partiellement à la question qu'il a posée en indiquant que la pression se ferait surtout au niveau des ressources humaines et des connaissances. Il est un fait, à l'heure actuelle, que dans le secteur nucléaire au Québec, on ne dispose pas suffisamment de ressources humaines ni de connaissances pour aborer avec toute la sérénité voulue un programme d'envergure majeure. Si effectivement il y a des décisions qui doivent se prendre voulant qu'après 1995 on doive passer à la réalisation d'un programme de quelque importance, il y aura lieu de préparer des ressources humaines en nombre suffisant pour ce faire; il y aura lieu aussi que les universités, les centres de recherche, comme celui de l'IREQ, et Hydro-Québec même augmentent considérablement leur niveau d'expertise dans ce secteur.

Il faut ajouter aux délais de construction, aux délais liés à la prise de décision, une période de plusieurs années pour qu'on puisse, au niveau des maisons d'enseignement d'abord, et des entreprises qui forment sur place leur personnel, des nombres suffisants pour qu'un programme ultérieur ait quelque chance de se réaliser.

M. Fortier: Cela répond à ma question, excepté que j'avais posé ma question d'une façon encore plus globale. Je n'avais pas parlé du nucléaire en particulier. Je disais qu'il y a une nécessité de définir une politique énergétique globale.

M. Amyot: Oui.

M. Fortier: Avant de dire qu'on va faire du nucléaire, il faudrait situer toute l'importance des énergies nouvelles dans le bilan énergétique, parler des économies d'énergie pour raffiner notre tir dans ce domaine et voir quelles sont les possibilités. Avant de parler de nucléaire, il faudrait se poser la question à savoir s'il est réellement possible que la fusion, au tournant du siècle, puisse faire en sorte que l'on se passe de la fission? Ma question était plus globale, mais vous y avez répondu quand même.

J'enchaînerai tout simplement là-dessus. Compte tenu du fait qu'il est impérieux de définir notre avenir énergétique, s'il fallait définir une politique énergétique, l'an prochain, est-ce que vous croyez sérieusement en arriver à la conclusion qu'on pourrait se passer de la fission en misant sur la fusion?

Autrement dit, est-ce que vous croyez qu'en l'an 2000, la fusion va être commercialement viable?

Le Président (M. Jolivet): M. Amyot.

M. Amyot: Je ne crois pas que les experts ou les protagonistes de la fusion nucléaire prétendent actuellement qu'il y ait quelque possibilité que ce soit pour qu'on atteigne un seuil de rentabilité avant 2020 et 2030, en mettant tout l'effort voulu derrière le développement de la fusion nucléaire.

On sait que des efforts considérables sont consacrés à cette filière énergétique dans des grandes puissances comme les États-Unis, comme l'URSS, comme le Marché commun européen. Et pourtant, avec le programme américain qui inclut $20,000,000,000 de développement et de recherche, d'ici l'an 2000, et des ressources aussi considérables que celle-là, on n'entrevoit pas la possibilité d'atteindre une étape commerciale durant le premier quart de siècle qui va suivre l'an 2000.

C'est un horizon de planification qui m'apparaîtrait logique quand on considère des filières qui vont s'annoncer après 1995. C'est-à-dire que bien sûr, il faudra penser au développement de la fusion et au fait qu'il faut préparer son avènement pour 2025. Mais il ne suffit pas de regarder jusqu'à l'an 2000, parce que, à ce moment-là, on pense seulement aux technologies présentes. Étant donné qu'il faudra développer, mettre des efforts, ici-même au Québec, dans le secteur de la fusion, étant donné qu'il faut mettre des efforts dans le secteur des énergies nouvelles et se garder prêts à entrer dans le secteur nucléaire, cela ne suffit pas de regarder les vingt prochaines années, il faut regarder la période qui va suivre pour savoir ce qu'on doit faire au niveau de la recherche maintenant, ce qu'on doit faire au niveau de la préparation de la main-d'oeuvre maintenant, d'où, je pense, la nécessité d'un horizon de planification beaucoup plus étendu que celui dont on parle maintenant.

M. Fortier: Je peux conclure, d'après ce que vous avez dit, que la possibilité que la fusion soit commercialement disponible en l'an 2000, c'est une panacée, que c'est aléatoire? (11 h 15)

M. Amyot: C'est presque exclu, à l'heure actuelle; cela prendrait une percée scientifique qui est...

M. Fortier: Commercialement, parce qu'on pourrait pour l'an 2000 avoir un réacteur qui produirait l'électricité, mais je pense au trésorier d'Hydro-Québec qui devra, en l'an 2000, financer les investissements pour produire 2000 MW par an et qui devra aller à New York emprunter je ne sais combien de milliards de dollars. Est-ce que la technologie sera commercialement développée à ce moment-là pour qu'on puisse dire au trésorier d'Hydro-Québec: Allez à New York et empruntez des milliards de dollars, nous sommes suffisamment avancés pour pouvoir générer l'électricité avec cette technologie?

M. Amyot: Dans le secteur de la fusion thermonucléaire, on en est actuellement à l'étape purement scientifique où on essaie de réaliser ce qu'on appelle le point de "breakeven" en anglais, c'est-à-dire un point tel qu'on va pouvoir obtenir plus d'énergie de ce processus qu'on est obligé d'injecter pour produire la fusion thermonucléaire.

Il y a beaucoup de gens qui croient qu'il sera possible de parvenir à ce point durant les cinq prochaines années. Mais, après, il y aura tous les problèmes d'ingénierie à résoudre qui sont comparables en complexité aux problèmes scientifiques auxquels on fait face depuis 20 ou 25 ans. On procède actuellement à une échelle de quelques watts, il faudrait qu'on parvienne à l'échelle de quelques milliers de mégawatts avant qu'on puisse réussir à commercialiser un réacteur de ce type. Or, on a affaire à des températures qui, au sein du placement thermonucléaire, sont de l'ordre de quelques centaines de millions de degrés et on a affaire, dans les bobines de supraconducteurs qui servent à produire ce placement-là, à des températures voisines du zéro absolu.

Quand on fait cela en laboratoire de façon contrôlée, c'est déjà difficile. Faire cela de façon routinière dans une centrale qui va fonctionner de façon commerciale, c'est un défi énorme à relever pour des firmes d'ingénierie. Alors, il y a peu d'espoir qu'on franchisse cette deuxième étape avant la fin du siècle et, ensuite, il faudra probablement ajouter une couple de décennies avant qu'on réussisse à commercialiser le processus.

M. Fortier: Soyez assurés que je vais faire parvenir votre déposition à M. Landry, parce qu'il n'a pas l'air de s'y connaître beaucoup dans le domaine de la fusion. On va éclaircir le débat une fois pour toutes. Je vous remercie.

Le Président (M. Jolivet): II y a M. Langlois qui a quelque chose à ajouter.

M. Langlois: Concernant la formation et le perfectionnement des ressources humaines nécessaires, il ne faut pas oublier que, dans le système universitaire québécois, les étudiants qui viennent des CEGEP, qui entrent dans nos programmes d'université choisissent leurs programmes en toute liberté. Bien sûr, il y a des programmes qui sont contingentés, mais ils choisissent selon leur perception à eux-mêmes de ce que ce sera plus tard le marché du travail pour eux. Un plan de développement d'installations hydroélectriques comme celui-ci a des répercussions énormes. Cela sera connu dans les CEGEP et cela aura une répercussion sur la motivation des futurs ingénieurs. C'est très important de ne pas l'oublier.

M. Fortier: Je finirai simplement pour vous dire ceci: Vous demandez qu'il y ait un débat public sur l'avenir énergétique et plus particulièrement sur le nucléaire. Notre formation politique, dans son programme, a dit que nous voulions avoir un débat public avant que toute décision importante soit prise et nous avons bien l'intention de faire en sorte que ce débat public ait lieu dans les meilleurs délais, avant même que les décisions importantes soient prises pour planifier notre avenir énergétique, puisqu'il est important qu'une décision, avantageuse ou non, soit prise dans ce domaine pour que vous puissiez, que nous puissions planifier l'avenir du Québec.

Je vous remercie.

Le Président (M. Jolivet): Merci. M. le député de Nicolet-Yamaska.

M. Fontaine: Merci, M. le Président.

Je suis le député de Nicolet où sont situés Gentilly, LaPrade et le parc industriel de Bécancour. Vu que je n'ai que quelques minutes à ma disposition, je vais poser trois questions qui ont rapport à ces trois sujets.

Hier, un représentant d'Hydro-Québec, en réponse à une question que je lui ai posée concernant la centrale Gentilly I qui ne fonctionne pas, nous a dit qu'il y avait un contentieux entre le Québec et le fédéral à savoir qui investirait pour mettre cette centrale en fonction. Indépendamment de savoir qui doit investir, est-ce que vous pourriez nous dire si, d'après vous, il serait avantageux d'investir des sommes d'argent nécessaires à la remise en fonction de cette centrale, si cela peut être rentable de le faire et si on doit le faire peut-être aussi au niveau de la mise en pratique du système nucléaire.

Deuxièmement, dans le parc industriel de Bécancour, il y a une usine qui s'appelle SKW; c'est une électrométallurgie qui doit construire une nouvelle fournaise prochainement et, pour ce faire, demande au gouvernement de nouveaux contrats

d'approvisionnement en électricité. Par la suite, on pourrait, nous dit-on, avec l'eau chaude ou la vapeur qui se dégage de ces fournaises, chauffer 300 serres. Vous en parlez dans votre document à la page 10. Est-ce que vous auriez un conseil à donner au gouvernement quant à la vitesse avec laquelle il devrait donner une réponse à cette usine?

Troisièmement, quant à l'usine d'eau lourde LaPrade - je ne suis pas un expert dans le domaine, au contraire - vous parlez dans votre document des promesses de l'hydrogène. Je ne sais pas s'il y aurait quelque chose à faire avec l'usine d'eau lourde LaPrade à ce niveau mais, de toute façon, est-ce que vous pensez que c'est mieux de la conserver dans les boules à mites comme elle l'est actuellement ou d'essayer de lui trouver une vocation nouvelle? Et s'il y a des vocations nouvelles, quelles sont-elles?

Le Président (M. Jolivet): M. Amyot.

M. Amyot: La première question portait sur Gentilly 1. Dans le cas de Gentilly 1, le fond de la question, c'est d'abord qu'au moment où la centrale a été conçue par l'initiative de l'Énergie atomique du Canada dont elle reste la propriété, le type de centrale, le concept sur lequel la centrale de Gentilly 1 s'appuie représentait alors pas mal de potentiel comme stade d'évolution du concept CANDU. C'est un type différent de celui qui existe dans les centrales ontariennes et différent également de celui qui existe dans Gentilly 2. Avec le temps, avec le succès très prononcé du concept CANDU de type classique en Ontario, le gouvernement fédéral, c'est-à-dire l'Énergie atomique du Canada, n'a pas trouvé aussi urgent de développer cette nouvelle variante qui avait été réalisée dans Gentilly 1, d'où sa réticence probablement à assurer le financement ultérieur de la centrale pour la remettre en condition, la "dépépiner", si on veut.

Du côté du Québec, il faut réaliser qu'étant donné que la centrale a été construite aux frais de l'Énergie atomique du Canada toute dépense effectuée au niveau québécois qui serait inférieure au coût normal d'une centrale pourrait conduire à des coûts de production d'électricité qui ne seraient pas nécessairement prohibitifs. Il reste que la question est purement politique, elle n'est pas technologique. Je ne me crois pas particulièrement compétent pour réagir aux aspects politiques de la question.

Vous avez parlé de l'utilisation des rejets thermiques à des fins agricoles. Il y a beaucoup de précédents à l'étranger, en France, en particulier. Cela se fait de façon quasi routinière. Je sais qu'autour du centre de Bruce, en Ontario, on a des projets dans ce sens. Il n'y a pas de raison technologique qui nous empêcherait de le faire autour de Gentilly. Si on n'a pas pris de décision dans ce sens aujourd'hui, c'est lié à des causes institutionnelles d'abord. Quel est le rôle d'Hydro-Québec dans le domaine de la mise en marché de l'eau chaude à des fins agricoles? C'est lié aussi à des causes socio-politiques. Quelle serait la perception de la population autour de Gentilly à une telle initiative? Il n'y a pas de raison d'ordre technologique qui, à mon sens, empêcherait qu'on fasse usage de cette eau chaude à des fins agricoles.

Quant à l'utilisation de l'hydrogène pour l'usine d'eau lourde LaPrade, ce sont des technologies qui ne sont pas reliées directement. Si on avait de l'hydrogène disponible en très grande quantité, peut-être qu'il serait concevable qu'un jour on s'en serve pour la production de l'eau lourde, mais ce n'est pas quelque chose qui est prévisible avant le milieu du siècle prochain. Il n'y a pas de liaison entre ces deux aspects.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Gouin, en terminant.

M. Tremblay: Merci beaucoup, M. le Président. Je voudrais profiter du passage de M. Langlois et de ses collègues pour leur poser quelques questions générales et faire, au début, un commentaire général.

Le Président (M. Jolivet): M. le député, je veux vous dire qu'il vous reste trois minutes, simplement pour vous laisser savoir comment faire votre intervention.

M. Tremblay: Comment voulez-vous avoir un débat ouvert sur le nucléaire si on le fait en une demi-minute?

Le Président (M. Jolivet): Allez! Posez votre question, M. le député.

M. Bérubé: C'est un débat de trois minutes. C'est ouvert.

Le Président (M. Jolivet): Vous aurez d'autres occasions de poser la question à d'autres groupes, M. le député.

M. Fortier: C'est le débat du Parti québécois.

M. Tremblay: Non, mais c'est le nucléaire. Nous avons quand même devant nous...

Une voix: Trois minutes!

M. Tremblay: ...les dirigeants de l'Institut de génie nucléaire, qui est notre principal noyau scientifique nucléaire au

Québec, avec l'IREQ, et je ne crois pas que nous devrions perdre l'occasion de leur poser des questions pertinentes sur un sujet qui est tellement important et sur lequel tellement de gens font de la démagogie.

Une voix: Trois minutes!

Le Président (M. Jolivet): Commencez, M. le député, sinon, il ne vous restera plus de temps.

M. Fortier: II a déjà commencé; il a parlé de démagogie.

Des voix: Ah!

Le Président (M. Jolivet): Allez, M. le député.

M. Tremblay: M. Langlois, vous avez fait une profession de foi dans les solutions politiques par rapport aux solutions économiques, profession de foi qui montre une certaine confiance dans les politiciens, profession que je ne partage pas tellement lorsque l'on voit des usines à moitié complétées qui coûtent des demi-milliards, comme celle de LaPrade, d'autres projets à moitié lancés ou lorsqu'on voit les pénuries que les politiciens développent par leurs décisions mal fondées. Lorsque j'entends M. Patenaude nous dire que les consommateurs, les usagers n'ont même pas l'information élémentaire pour prendre des décisions économiques rationnelles, je me demande en quoi vous fondez votre optimisme sur les décisions politiques.

D'autre part, je voulais vous demander si, compte tenu du caractère nébuleux et un peu abstrait de cette question nucléaire, le gouvernement a cru bon de vous demander, à vous les spécialistes de l'Institut de génie nucléaire, des études en profondeur sur la problématique nucléaire et sur les possibilités que cette source d'énergie peut occuper dans le bilan énergétique du Québec. Lorsqu'on veut prendre des décisions éclairées, on les prend à partir d'études bien établies et non pas à partir d'idées préconçues ou de préjugés.

Vous avez mentionné la nécessité d'avoir une étude économique globale pour situer cette question du nucléaire comme les autres sources d'énergie. Je fais un peu un lien avec votre confiance dans les politiciens. Nous constatons que nous n'avons pas ce genre d'étude sur la table présentement même si on a des $55,000,000,000 qui nous passent sous le nez. Nous n'avons pas cette étude, nous n'avons même pas de politique énergétique sur la table présentement pour discuter ce genre de choses.

D'autre part, sur la question du nucléaire, est-ce que le Québec possède vraiment des avantages comparatifs dans le nucléaire? Du côté de l'hydroélectricité, nous en avons de façon indiscutable. Du côté du pétrole, du gaz et du charbon, nous n'en avons pas. Mais, du côté du nucléaire, par rapport aux autres régions du Canada, est-ce que nous avons intérêt, comme société, à investir dans cette technologie, d'une part, et, d'autre part, est-ce que cette technologie n'est pas disponible à faible coût à l'intérieur du Canada si jamais, en l'an 2000, nous en avons besoin? Comprenez-moi bien! Je ne veux pas dire que nous ne devrions pas, au niveau universitaire, avoir des centres d'étude et de recherche qui soient à la fine pointe mondiale. D'ailleurs, le gouvernement devrait peut-être investir davantage dans ce domaine.

Je parle en termes économiques. Est-ce que nous sommes vraiment dans la nécessité d'investir par précaution des montants importants sans que nous sachions, de façon définitive - Hydro-Québec nous dit qu'elle n'est pas certaine si elle devra y aller avec beaucoup de vitesse dans le nucléaire... Ne devrions-nous pas nous fier à la technologie canadienne qui existe dans ce domaine et devrions-nous aller dans ces projets de quatre réacteurs et faire appel à la technologie canadienne en l'an 2000 ou en 1995?

Le Président (M. Jolivet): M. Langlois.

M. Langlois: C'est à l'initiative de l'École polytechnique, à la fin des années soixante, que nous avons demandé au ministère de l'Éducation d'autoriser la création de l'Institut de génie nucléaire chez nous. C'était justement pour y créer un foyer d'activité, de recherche et d'enseignement dans ce domaine. On était moins à l'avant, si vous voulez, à ce moment, dans l'opinion publique qu'il ne l'est aujourd'hui. C'était en prévision d'une situation comme celle-ci. On peut dire que le ministère de l'Éducation nous a donc confié en quelque sorte, à ce moment, une mission qui n'était pas explicite au point que nous aimerions l'avoir aujourd'hui, mais cela a été reconfirmé par le Conseil des universités dans les années 1971-1972; on a confirmé qu'en effet Polytechnique avait une orientation en particulier dans l'Institut de génie nucléaire. Depuis, nous avons cessé de l'appuyer dans nos budgets dans la mesure où c'est possible de lui confier, du moins dans l'institution même, la mission non seulement d'étudier la question de l'énergie nucléaire, mais aussi de voir à l'enseignement, à la recherche et au jugement universitaire qu'on doit porter sur cette question de l'énergie dans son ensemble et en particulier de l'énergie nucléaire.

Évidemment, les moyens de recherche sont plutôt limités. Je peux rappeler à M. le député que ce n'est pas seulement son comté qui a le monopole des réacteurs nucléaires; il

y en a un autre en dehors et c'est le nôtre qui est un petit réacteur d'enseignement et de recherche, bien sûr, mais qui est efficace et qui fonctionne bien. C'est avec ces moyens que nous essayons de développer, en effet, une expertise, comme disent les Américains, dans le domaine du génie nucléaire. D'un autre côté, il ne faut pas oublier que toute cette question de l'énergie nucléaire - c'est justement ce que nos enseignements nous montrent - ne peut s'apprécier aujourd'hui et dans l'avenir que dans l'ensemble de toute la question énergétique, de tout le panorama énergétique, si vous voulez que l'ensemble de l'École polytechnique, par exemple, dans le domaine de la technologie peut offrir. C'est justement, je pense, dans la bonne perspective qu'il faut la placer.

Par contre, on ne touche pas tous les secteurs d'activité économique, bien sûr, la même chose. Si on demande qu'une étude soit faite ainsi, ce n'est pas qu'on pense que cela doit nous être donné. C'est qu'il faut que les instances compétentes puissent la faire. C'est dans ce sens qu'on voulait intervenir. Peut-être que M. Amyot, maintenant, pourrait, si vous le permettez, M. le Président, ajouter à ceci en ce qui concerne spécifiquement l'orientation de nos travaux en énergie nucléaire.

Le Président (M. Jolivet): En terminant, justement, M. Amyot.

M. Amyot (Laurent): M. le député a fait allusion aux rôles respectifs du secteur politique et du secteur économique dans les décisions relatives à l'énergie nucléaire. Je pense qu'il est devenu évident que les décisions prises par rapport à l'énergie nucléaire relèvent aujourd'hui du secteur politique. Il y a un moratoire auquel on fait face présentement qui n'est pas imposé pour des raisons purement économiques. Il faut reconnaître cette évidence et c'est le rôle, je crois, de l'Assemblée nationale, des représentants de la population de prendre cette décision. Quant aux aspects économiques, on a suffisamment d'exemples autour de nous, en Ontario, en particulier, que l'énergie nucléaire représente une option viable - elle occupe actuellement un tiers du secteur de l'électricité en Ontario - qu'on n'a pas besoin nécessairement d'en refaire la preuve indépendamment. C'est déjà quelque chose qui est acquis à l'heure actuelle. Quand on nous parle de la nécessité d'établir un programme minimal pour nous permettre de nous insérer, ici au Québec, dans ce secteur, il ne s'agit pas ici de reprendre à zéro l'expérience acquise ailleurs au Canada. Il serait nécessaire, par contre, qu'on ait de notre personnel québécois apte à traiter les problèmes associés au moins à l'exploitation de ces centrales et de façon normale à leur conception. Même s'il s'agissait d'acheter, clé en main, des centrales construites en Ontario, cela ne soustrairait pas grand-chose au fait qu'ici même on devrait avoir développé une compétence suffisante pour être capable d'opérer ces centrales et, éventuellement, de prendre la relève. Il y a eu des précédents dans d'autres pays où on a procédé de cette façon; l'Allemagne de l'Ouest et la France font maintenant compétition aux Américains au niveau mondial dans le secteur même d'une filière que les Américains ont développée.

Le Président (M. Jolivet): Merci à M. Langlois et à ses collègues. Au nom de la commission, je vous remercie d'être venus nous donner votre opinion. J'inviterais maintenant la Confédération des syndicats nationaux, représentée par M. Clément Gaumont et je vois aussi M. Norbert Rodrigue.

Confédération des syndicats nationaux

Si je comprends, c'est M. Norbert Rodrigue qui sera le porte-parole.

M. Rodrigue (Norbert): Si vous n'y avez pas d'objection.

Le Président (M. Jolivet): Je n'ai pas d'objection; sur ma feuille, c'était inscrit M. Gaumont. Pourriez-vous me présenter maintenant les personnes qui vous accompagnent?

M. Rodrigue: Très bien. M. le ministre, M. le Président, MM. les membres de la commission, j'aimerais d'abord effectivement vous présenter les camarades qui m'accompagnent: à ma gauche, Sylvio Gagnon, président de la Fédération des travailleurs de la métallurgie, produits chimiques et mines; à ma droite, Kémal Wassef, directeur du Service économique et de recherche; Yvon Leclerc, président de la Fédération des travailleurs du bâtiment et du bois, ainsi que Georges Cantin, président de la Fédération des travailleurs du papier et de la forêt.

Une stratégie pour la décennie 1980, signée Hydro-Québec 1980, prévoit des investissements de l'ordre de $55,500,000,000 pour la construction d'une nouvelle centrale de production hydroélectrique pour le transport et le réseau de distribution d'électricité et pour le développement technologique que cette société d'État se propose d'entreprendre ou d'étendre dans le cadre du mandat général que lui attribue la loi.

Au point de départ, nous voudrions souligner qu'il est opportun de noter les efforts d'analyses mises de l'avant dans le

cadre de ce programme de dix ans conçu par Hydro-Québec. Cet effort d'ouverture est unique et significatif. Il correspond, quant à nous, à une démarche maintes fois réclamée par le mouvement ouvrier, la CSN en particulier, c'est-à-dire la transparence des activités des entreprises privées et publiques.

Pour étudier et apprécier le programme proposé par Hydro-Québec, le gouvernement a choisi de réunir la commission parlementaire de l'énergie et des ressources. Humblement, quant à la CSN, ce choix est discutable, puisque personne n'a encore en main tous les éléments essentiels au choix que feront les Québécois en ce qui concerne leur avenir énergétique.

Ainsi, à l'étude de la stratégie proposée par Hydro-Québec, il est difficile de ne pas constater que l'intérêt public en regard de toute la question énergétique est traité fondamentalement du point de vue de l'intérêt principal de cette société, de sorte que, pour la CSN, la stratégie soumise par Hydro-Québec correspond à un plan agressif de production et de vente d'un produit, un plan qui laisse peu de place à d'autres sources énergétiques tout aussi fiables que l'électricité. De plus, l'intérêt public, en ce qui regarde particulièrement les tarifs futurs de vente d'électricité, en est absent.

La stratégie soumise par Hydro-Québec ne tient pas véritablement compte des autres filières énergétiques disponibles et de leur coût, notamment le gaz naturel.

De plus, nulle part, dans la stratégie qui est formulée, il n'est question des tarifs précis qu'entraînerait à court, à moyen et à long terme, l'adoption d'un plan de développement des ressources électriques et de leur impact sur les revenus des Québécois et l'économie du Québec. Pourtant, selon Hydro-Québec, 30% des investissements nécessaires ou $16,000,000,000 devraient être souscrits par les usagers de cette ressource pour entreprendre ce vaste programme qui doit plus que doubler les capacités de production électrique installées au Québec. Même en tenant compte des revenus additionnels provenant des conversions d'autres formes d'énergie vers l'électricité, la facture des ménages du Québec va nécessairement augmenter à un rythme qui dépasse les taux d'inflation projetés pour la décennie. Hydro-Québec est muette sur ce sujet. Je voudrais souligner à M. le ministre, avec tous mes respects, que nous sommes portés à donner plus de crédibilité aux projections des journalistes qu'au mutisme d'Hydro-Québec sur cette question.

Au chapitre de la conservation et du recyclage, comme il n'existe pas encore de politique québécoise précise dans ce secteur pour forcer les sociétés et les fabricants à diminuer leurs exigences énergétiques en propre et celles de leur appareils et équipements produits pour la consommation, la stratégie soumise par Hydro ne tient compte que d'un faible niveau d'économie réalisable, soit 17% de la consommation de 1978 en 1996.

La CSN trouve illusoire une partie de la présente consultation, d'autre part, qui porte sur la construction de centrales hydroélectriques prévues pour la période 1981-1985, puisque celles-ci sont déjà autorisées. Pour le reste du plan d'aménagement, il est essentiel d'obtenir d'Hydro-Québec, des autres producteurs et du ministère concerné des éclaircissements et des données supplémentaires qui ne sont pas disponibles présentement.

Afin de formuler une véritable stratégie énergétique pour le Québec, la CSN invite la commission parlementaire et le gouvernement du Québec à recevoir sans plus la stratégie proposée par Hydro pour la période 1985-1990 et à organiser un débat public autour des orientations de développement énergétique futur.

Ce débat devrait être confié à des intervenants différents et appropriés, selon les étapes qu'il y aurait à cerner, par exemple, l'inventaire de l'ensemble du potentiel énergétique québécois et des coûts de développement, la projection de la demande d'énergie, compte tenu des efforts réalisables d'économies possibles, projet d'intervention et exécution. La stratégie soumise par Hydro-Québec prétend répondre à l'ensemble de ces étapes.

Les enjeux énergétiques du Québec. Placés devant les hausses successives et importantes des prix pétroliers internationaux, dont le prix moyen pondéré se situe entre $38 et $40 du baril, et le programme canadien d'augmentation annuelle du prix du pétrole qui doit doubler en quatre ans, les Québécois doivent faire des choix en regard de leur orientation énergétique future.

Ces choix s'accompagnent d'une insécurité grandissante des approvisionnements pétroliers à venir puisque les territoires québécois et canadien contiennent peu ou relativement peu de gisements de pétrole conventionnel. Et, de plus, les Québécois font face à une hémorragie constante de leur balance de paiement de l'ordre de $3,000,000,000 sur une base annuelle - prix de 1980 - pour combler les besoins énergétiques associés à cette ressource.

Les choix alternatifs en matière de source d'énergie fiable techniquement sont multiples au Québec, mais non illimités. Les possibilités à cet égard sont: la poursuite du développement de l'hydroélectricité, le recours à la filière nucléaire de fission et le recours au gaz naturel.

D'autres filières énergétiques ont fait leur apparition: le solaire, la biomasse, etc. Toutefois, ces nouvelles filières ne peuvent atteindre rapidement un usage généralisé et

sont difficilement comparables au degré de fiabilité et d'application des filières traditionnelles.

Le choix des Québécois se complique quand on dépasse le critère de la fiabilité technique des sources d'énergie alternatives. En effet, des critères économiques, sociaux et environnementaux interviennent, qui doivent être connus et faire l'objet d'une appréciation particulière, surtout dans le cas de la filière nucléaire.

C'est pourquoi la stratégie soumise par Hydro-Québec doit faire l'objet d'une consultation populaire. De plus, nous revendiquons la mise sur pied d'une commission d'étude et de recherche indépendante qui aurait pour but d'alimenter tout le débat sur la question énergétique, notamment pendant le moratoire sur le nucléaire, afin que les conditions pour un véritable débat public soient remplies. À notre avis, tant que la consultation populaire n'est pas terminée sur le nucléaire, HydroQuébec ne doit pas procéder ou ne devrait pas procéder à aucune installation de ce type.

Telle que soumise, la stratégie d'Hydro-Québec a pour objet de restreindre le recours au gaz naturel pourtant très abondant au Canada et ailleurs et, comme conséquence, de hâter l'aménagement de l'ensemble des rivières et bassins hydrographiques aménageables au Québec et assurer, dès l'an 1990, l'implantation graduelle du nucléaire de fission.

C'est le choix d'Hydro-Québec! Est-ce le choix de l'ensemble des Québécois?

Il est à noter que la stratégie d'Hydro-Québec ne tient pas compte des critères économiques, sociaux et environnementaux. Cette stratégie est-elle acceptable économiquement, socialement et sur le plan de l'environnement?

Il est reconnu que les investissements nécessaires au développement des ressources électriques sont importants. Selon les experts de Gaz Métropolitain, les sommes nécessaires pour développer une capacité de 1000 pieds cubes de gaz naturel est 2,5 fois moindre que la capacité équivalente en kilowatts d'électricité. Pourtant, Hydro-Québec réserve, selon ses projections, 12% au gaz naturel, alors qu'il est plus proche de 25% au moment où nous parlons.

Il faut donc croire que ce sont des choix politiques ou encore plus simplement la volonté d'Hydro-Québec qui freineraient la pénétration du gaz naturel au Québec. À quel prix pour les Québécois? Et à quel rythme s'élèvera l'endettement de l'État?

Le projet de doubler et de tripler la capacité de distribution de gaz naturel au Québec est associé au prolongement du pipeline gazier de l'Ouest vers l'Est et à l'exploitation des gisements gaziers de la mer de Beaufort, dans l'Arctique. Les retombées économiques et industrielles d'une telle diversification permettraient, même à des coûts comparables, de développer des régions du centre du Québec plutôt que des sites très éloignés.

Hydro-Québec a un mandat principal: elle doit fournir de l'énergie électrique aux usagers, aux citoyens qui en font la demande, aux entreprises commerciales et industrielles, aux administrations publiques. Il est évident que, dans ces conditions, la stratégie formulée par Hydro-Québec répond à une forte demande d'énergie par un plan de croissance de l'offre d'électricité exclusivement.

Par contre, il appartient, croyons-nous, au gouvernement et au ministère concerné de soumettre un plan de développement des ressources énergétiques du Québec. Il y va des responsabilités ministérielles et gouvernementales à ce chapitre.

L'exercice auquel s'est livré le prédécesseur de M. Yves Bérubé, M. Guy Joron, pour aboutir au livre blanc sur l'énergie, n'a pas été très loin, quant à nous, et la CSN tient à souligner particulièrement la nécessité d'accélérer la recherche technologique en ce qui a trait aux énergies douces et renouvelables. La CSN estime que le budget de $1,500,000,000 à ce chapitre n'est pas suffisant, compte tenu des investissements globaux réalisés au cours de la décennie dans ce secteur. Au plan de l'exécution des travaux liés à tout le développement énergétique du Québec, la CSN estime que toute la conception des travaux autant que leur surveillance et leur inspection devrait être réservée aux sociétés d'État engagées dans le secteur énergétique, notamment Hydro-Québec. On pense qu'on dépend assez des Américains dans d'autres domaines, il faut, dans ce domaine-là, avec l'expérience qu'on a acquise, pouvoir voler de nos propres ailes un peu.

Je vous fais grâce de la lecture de l'autre page, mais je vous fais remarquer que nous avons des points d'interrogation sur la croissance de la consommation globale et, bien sûr, sur la problématique du choix des sources énergétiques. Voyons un peu les hausses de tarifs cependant, parce que cela nous semble important. (11 h 45)

Les stratèges de la stratégie d'Hydro-Québec pour la décennie quatre-vingt se gardent bien d'établir clairement les hausses successives et importantes de tarifs que devront subir les Québécois. Il s'agit essentiellement d'augmentations semblables à celles qu'ont connues les abonnés d'Hydro au cours des années passées, peut-on lire dans les documents d'Hydro-Québec.

Depuis 1974, la hausse moyenne des tarifs d'Hydro-Québec a été de 9,7% en 1975, 8,5% successivement en 1976 et 1977, un bond de 17% en 1978 et 13,8% en 1979.

De plus, la hausse du prix de la dernière tranche de consommation a été de 13,6% en 1975, 12% en 1976, 10,7% en 1977, 22,6% en 1978 et 15,8% en 1979. C'est un peu plus haut que l'inflation.

Le programme d'investissement de $55,500,000,000 d'Hydro pour les dix prochaines années ne peut être examiné sans égard aux conséquences économiques dont il est porteur.

Un mot sur le recours nucléaire de fission, M. le Président. Le moratoire imposé par le gouvernement du Québec sur le recours à la production électrique de centrales nucléaires de fission s'est terminé en 1980. À part quelques déclarations ministérielles qui ont pour objet d'en prolonger indirectement la durée, aucune décision formelle conernant ce moyen de productin d'électricité n'est envisagée.

Compte tenu des 5000 emplois qui sont déjà attachés à ce secteur au Québec, il est étonnant de constater l'absence de débat public attaché à cette option.

La stratégie proposée par Hydro-Québec prévoit, à partir de la fin des années quatre-vingt, la mise en construction d'une centrale thermique ou nucléaire d'une puissance installée de 1800 mégawatts.

Ne serait-il pas temps de prévoir un débat public sur cette question et de faire en sorte que les conditions pour qu'il ait lieu soient mises en place immédiatement. À notre avis, Hydro ne doit procéder à aucune installation de ce type tant que le débat ne s'est pa tenu. En conséquence, le moratoire actuel, quant à la CSN, doit être prolongé.

Devant l'absence d'hydrocarbures dans son bilan énergétique, le Québec - on va regarder un peu le recyclage et la conservation - doit adopter rapidement de nouvelles attitudes en regard de la question énergétique. Afin d'éviter les atteintes à l'intégrité physique humaine et environnementale ainsi que l'accroissement des dépenses énergétiques dans l'économie et la population, une politique de conservation et de recyclage doit être formulée. C'est la responsabilité très stricte du gouvernement qui, à cet égard, n'a pas pris les moyens suffisants pour l'établir clairement.

Dans le contexte actuel, Hydro prévoit que l'ensemble des économies d'énergie du Québec en 1996 ne représenterait que 17% du niveau de consommation de 1978. Par secteur de consommation, les économies d'énergie projetées seraient de 1,7% en ce qui concerne la consommation résidentielle, 5% à la consommation commerciale, 10% à la consommation industrielle, en comptant les autoproducteurs tels que l'Alcan et Price.

Il est possible de comprendre l'importance des campagnes de sensibilisation entreprises auprès des Québécois pour réduire leur consommation énergétique résidentielle; toutefois, ces campagnes n'ont aucune commune mesure avec les véritables possibilités d'économie d'énergie que les sociétés de fabrication d'automobiles et d'apareils ménagers que les usagers commerciaux et industriels seraient susceptibles d'introduire, parfois, à des coûts ridiculement bas.

Le gouvernement du Québec et HydroQuébec ont pris des mesures en ce qui concerne la formulation de normes d'isolation pour la construction nouvelle résidentielle et commerciale. Cependant, des mesures concrètes et importantes d'économies d'énergie seraient réalisables si une réglementation sévère obligeait les fabricants d'appareils ménagers et de moyens de transport à améliorer l'efficacité énergétique de leurs systèmes.

De plus, des mesure précises devraient être mises en vigueur en ce qui concerne l'usage commercial et industriel d'énergie où le gaspillage est encore plus marqué en raison surtout du prix peu élevé des ressources énergétiques.

Dans les industries des pâtes et papiers et les industries de production de métaux, il faut souligner qu'en bénéficiant de tarifs énergétiques extrêmement bas par rapport à leurs concurrents du Sud et d'outre-mer, le gaspillage des ressources énergétiques du Québec frise le délire.

En Europe et aux États-Unis, les moulins à papier utilisent de plus en plus la ressource forestière de façon optimale, tandis que l'utilisation de la forêt québécoise est minimale. Ainsi, au Québec, la récupération des déchets d'abattage, des déchets de la production, le recyclage de papier sont peu pratiqués. Pourtant, la vapeur et l'électricité engendrées par la combustion des déchets et l'économie liée au recyclage pourraient réduire considérablement les besoins énergétiques des industries forestières et papetières.

Afin de hâter les mesures d'économies d'énergie, la CSN réclame l'abolition des tarifs privilégiés des gros consommateurs industriels dont la production, en règle générale, est exportée sous forme de matériau primaire. Ces tarifs, à l'avenir, devraient tenir compte du prix de l'énergie payé par leurs concurrents d'outre-frontière.

Le gaspillage de l'énergie est plus marqué chez les autoproducteurs comme Alcan et Price, qui jouissent du privilège de posséder en propre des droits sur plusieurs rivières du Québec et des capacités de production d'hydroélectricité indépendante. La compagnie Alcan, la plus importante, n'a pas de plan pour réduire systématiquement sa consommation énergétique dans les usines existantes. Dans un laps de temps déterminé, elle entreprendra des changements en regard des procédés électrolytiques et ses installations en fonction du vieillissement de ses usines. De plus, le nouveau procédé mis

en place à l'usine de La Baie ne permettra d'économiser que 15% de l'énergie concernée présentement, alors que les alumineries d'outre-frontières ont développé des procédés qui permettent d'économiser 30% de l'énergie requise actuellement.

En février 1977, devant la commission parlementaire de l'énergie et M. Guy Joron, la CSN avait réclamé la nationalisation des pouvoirs de l'Alcan afin de mettre un terme à quelques-uns des privilèges que cette compagnie possède au Québec, notamment l'accès à une ressource énergétique rare dont le développement est coûteux. À cette époque, la CSN avait estimé la rente de situation de l'Alcan par rapport à ses concurrents à $64,000,000.

En mars 1977, un groupe d'ingénieurs d'Hydro-Québec avait estimé cette rente à $200,000,000 en 1980. Le ministre Joron, très démagogiquement, à notre avis, avait refusé de débattre le fond de cette question et s'était même employé à démontrer qu'une telle rente n'existait pas puisque les profits de l'Alcan n'étaient pas élevés. En 1981, nous avons des petites nouvelles: les profits de l'Alcan ont dépassé le demi-milliard de dollars.

Le gouvernement du Québec n'a pas nationalisé les pouvoirs de l'Alcan, le ministre des Finances, M. Parizeau, a doublé les redevances de tous les autoproducteurs. On trouve que ce n'est pas suffisant et, en conséquence, en 1981, la CSN réclame la nationalisation de tous les autres autoproducteurs du Québec. Les revenus de la vente d'énergie à ces producteurs pourraient permettre d'étaler le remboursement des entreprises visées par la nationalisation. Toutefois, comme en 1977, si le gouvernement choisit de relever une nouvelle fois les redevances des autoproducteurs, cette fois, pour la CSN, il ne peut agir qu'en récupérant la rente de situation de ces entreprises. Si un montant égal ou équivalent à $200,000,000 était ainsi récupéré, l'impact des augmentations de tarif pour l'ensemble des usagers résidentiels pourrait être réduit pendant de nombreuses années et on pense que cela pourrait diminuer les coûts pour la population, quand on considère cela.

Nous proposons ce choix, à notre demande initiale, parce qu'on prévoit déjà la défense que vous ferez probablement de l'entreprise Alcan. Quant à nous, c'est important, même si cela peut faire rire. C'est important fondamentalement pour les usagers, la population, le petit peuple, je veux dire, pas dans le sens péjoratif, mais ceux qui travaillent, qui ont peu de revenu et qui doivent payer des taux d'électricité très élevés, ainsi que des paniers de provisions très élevés, qui sont affectés par l'inflation beaucoup plus que vous et moi. On doit l'avouer humblement. Dans ce sens, nous trouvons que c'est important.

Je voudrais terminer, M. le Président, en espérant entrer dans mes 20 minutes, parce que c'est $4,500,000,000 de la minute, si on considère $90,000,000,000 sur dix ans, y compris l'entretien. Vous comprendrez qu'on peut être humble, mais on peut avoir besoin aussi de deux ou trois minutes pour s'expliquer là-dessus.

On ne peut passer sous silence les conditions rigoureuses de vie et de travail dans les chantiers éloignés. Depuis 1978, la CSN a exposé les nombreux problèmes vécus socialement et individuellement par les travailleurs de la Baie James, et les nombreuses atteintes à leurs droits et à leurs libertés. Ces situations ont été partiellement corrigées avec l'élargissement de la politique d'attribution de logements familiaux aux femmes-cadres dont le conjoint n'est pas un cadre, de même que par l'ouverture de clubs sociaux aux femmes-cadres. De même, aujourd'hui, dans chacun des chantiers, un lieu de détente est accessible aux travailleurs vivant dans les campements.

Toutefois, nous sommes encore loin d'être satisfaits des politiques préconisées par la SEBJ en matière de droits familiaux, individuels et sociaux. Les travailleurs non cadres de la Baie James, à l'image de cet immense chantier isolé, doivent continuellement s'exiler loin de leur famille, de leur conjoint, de leurs enfants. De plus, même s'ils sont adultes, la SEBJ a pris en main leur façon de vivre en réglementant les activités les plus intimes.

Il y a de nombreuses façons d'entreprendre la construction des ouvrages requis à la Baie James sans pour autant briser la vie familiale, la vie sociale, la vie sexuelle des hommes et des femmes qui contribuent, par leur force de travail, à l'aménagement des réservoirs et des centrales hydroélectriques qui s'y rattachent.

Évidemment, l'ensemble de ces mesures humaines et sociales constitue un coût additionnel. Dans le projet soumis par Hydro-Québec, malgré le feu d'artifice de $55,500,000,000 de dépenses consacrés à la mise en chantier et à la construction des centrales, aucune référence à l'amélioration du sort des travailleurs de la Baie James n'est soulevée, alors que ce sont les artisans qui montent ces barrages à longueur d'année et dans l'isolement.

Sous le titre de Ressources humaines, dans le document d'Hydro-Québec, on consacre quelques pages pour exposer les besoins numériques de main-d'oeuvre au cours de la décade. Nous voulons souligner, entre parenthèses, que cela veut dire, dans le programme d'Hydro-Québec, entre 1982 et 1985, une baisse de main-d'oeuvre, que nous constatons en tout cas, annoncée. On ne peut pas blâmer complètement Hydro-Québec seule. Nous considérons que le gouvernement

a une responsabilité très importante sur ce plan. Nous considérons que l'élaboration d'une véritable stratégie industrielle au Québec devrait permettre la planification de l'emploi, la protection de l'emploi et le maintien aussi de l'emploi dans des situations comme celles-là afin d'éviter que le bassin de chômeurs, même s'il est nécessaire pour le capitalisme, augmente quotidiennement ou annuellement d'une façon importante.

Ces droits, le droit au travail en particulier, sont complètement bafoués dans le pays en général et sur notre territoire québécois. Aussi élémentaires que soient ces besoins, la CSN, dans le cadre de la prolongation des travaux sur des sites éloignés pour une quinzaine d'années, réclame pour les travailleurs de la Baie James le droit de visite et d'établissement au conjoint et aux enfants, le droit pour les adultes consentants d'avoir des relations libres, le droit pour les adultes d'être responsables de leurs activités.

Ces droits sont présentement réservés aux cadres. Les travailleurs non cadres n'ont pas droit à la vie familiale et à une véritable vie sociale, c'est la SEBJ qui l'a déterminé sans tenir compte des besoins fondamentaux des travailleurs.

De plus, les documents d'Hydro - on veut le souligner brièvement, mais avec force aussi - ne tiennent pas compte de la spoliation du territoire des autochtones que cette société d'État ignore systématiquement.

En conclusion, la CSN soumet l'ensemble de ses demandes et appréciations a la commission parlementaire dans le but de favoriser une prise en charge des choix énergétiques du Québec par les principaux concernés, les Québécois.

À priori, la CSN ne s'oppose pas au programme de construction des nouvelles centrales hydroélectriques soumis par Hydro-Québec. Toutefois, elle estime que toutes les conditions du développement énergétique du Québec doivent être examinées et les relations de travail dans les sites éloignés modifiées.

Même avec toutes les réserves qui ont été soulignées dans ce mémoire, la CSN ne met pas de côté l'option réelle d'un développement accéléré de ressources hydroélectriques du Québec, compte tenu qu'une telle stratégie industrielle pourrait permettre de dégager rapidement des surplus énergétiques qui constitueraient un atout dans le développement des Québécois en soi, dans la négociation avec des branches industrielles internationalisées ou l'ouverture de marchés extérieurs pour des produits finis du Québec. Toutefois, la CSN insiste fortement sur la nécessité de la diversification des ressources énergétiques québécoises, surtout devant l'abondance du gaz naturel et des coûts relativement plus faibles de cette ressource.

La présentation de la CSN devant cette commission parlementaire vise également à déclencher un débat énergétique sans lequel le gouvernement ne pourrait, à notre avis, agir pour orienter à long terme le développement énergétique du Québec.

Le choix de la commission parlementaire, pour nous, cela devrait constituer l'amorce et le départ d'un débat populaire sur l'ensemble de nos conditions énergétiques et de nos perspectives dans ce domaine.

Le Président (M. Jolivet): Merci, M. Rodrigue.

M. le ministre.

M. Bérubé: Je pense, que du côté gouvernemental, M. Dussault m'a demandé d'intervenir. Comme nous n'avons que vingt minutes, je le laisserai intervenir et, s'il me reste du temps, j'interviendrai.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Châteauguay.

M. Dussault: Merci, M. le Président et M. le ministre. Il y a beaucoup de choses dans votre mémoire, mais celui de la CSN, on pourrait en discuter toute une journée. Pour ma part, je vais m'en tenir particulièrement à la proposition que vous faites à la page 3 de votre mémoire, quand vous dites: "Afin de formuler une véritable stratégie énergétique pour le Québec, la CSN invite la commission parlementaire et le gouvernement du Québec à recevoir sans plus la stratégie proposée par Hydro pour la période 1985-1990 et à organiser un débat public autour des orientations de développement énergétique futur."

C'est une proposition qui est valable, mais dont il faudrait vraiment voir toutes les conséquences. Dans ce sens, j'aurais un certain nombre de questions à vous poser. Quelle serait la durée d'un tel débat public sur l'énergie au Québec? Est-ce que ce débat ne retarderait pas certaines prises de décision qui s'avéreraient plus dispendieuses ou trop en retard à cause du délai? Quelle serait la conséquence de ce délai sur la sécurité d'approvisionnement des Québécois en matière d'énergie? Que fait-on pendant la période du débat? Cela me paraît être les questions auxquelles il faudrait répondre pour juger de la valeur de votre proposition. J'y reviendrai.

Le Président (M. Jolivet): M. Rodrigue.

M. Rodrigue: En ce qui concerne le débat populaire, le débat public, la CSN propose et demande - je voudrais le souligner - nous proposons les instruments pour le faire. Ce que nous disons, c'est qu'on devrait confier aux intervenants, différents et

appropriés, par exemple, de faire un certain travail, je prends le gaz, les autres sources d'énergie aussi, de façon que l'information soit disponible et qu'on puisse dans le débat traiter de l'ensemble de la situation. Finalement, lorsque nous affirmons que, de 1985 à 1990, au moment où nous nous parlons, le projet d'Hydro, la commission devrait le recevoir ou le gouvernement devrait le recevoir, c'est que nous estimons que, de 1980 à 1985, si nous sommes sérieux, si nous voulons faire le débat, nous avons la possibilité d'entreprendre et de réaliser ce débat sans pour autant compromettre les projets à long terme tels que conçus par Hydro-Québec. Nous pensons que, s'il y avait ce véritable débat, il se pourrait que la place qu'occupe Hydro-Québec... (12 heures)

Jusqu'à un certain point, comme société, Hydro-Québec puisque c'est sa tâche de fournir l'électricité, peut à elle seule déterminer l'ensemble des perspectives sur le plan de l'énergie, pour le moment. Nous estimons que cela n'est pas suffisant. Dans ce cadre-là, notre proposition ne vise pas à compromettre le long terme et les intérêts des Québécois, mais vise tout simplement à ce que les Québécois puissent s'approprier ce débat davantage, qu'on puisse intervenir davantage et voir les modifications ou les perspectives différentes et les choix qui pourraient s'offrir au peuple québécois à court et à moyen terme. Alors, cela ne vise pas du tout à geler le développement économique du Québec de 1985 à 1990, mais on dit: Sans ce débat, comment peut-on faire un véritable choix? C'est cela qu'on dit.

Nous disons aussi - vous le remarquerez dans notre mémoire - qu'en ce qui concerne la Régie du gaz, par exemple, ou d'autres régies nous estimons que ces régies devraient avoir la capacité ou un mandat, en quelque sorte, d'enquête similaire aux enquêtes publiques avec des pouvoirs quasi judiciaires, dans le sens de pouvoir faire comparaître les producteurs d'énergie du Québec pour que ceux-ci viennent nous exposer l'ensemble de leurs perspectives. Dans ce sens-là, on se dit: Là, le gouvernement et les Québécois auraient le portrait de la situation et pourraient intervenir d'une façon plus efficace, à notre point de vue, dans l'intérêt des consommateurs québécois.

Le Président (M. Jolivet): M. le député.

M. Dussault: Du côté des travailleurs -on sait que la CSN est un des organismes importants au Québec pour la défense des intérêts des travailleurs - dans le plan qui nous a été expliqué hier par Hydro-Québec, on constate très nettement un creux du côté de l'emploi pour la période 1981-1985. C'est là que les travailleurs risquent d'être le plus vulnérables. On a évoqué aussi, hier, devant cette réalité, du côté gouvernemental, une hypothèse de devancement de travaux qui permettrait de lutter particulièrement contre cette difficulté qui s'annonce. Même si Hydro-Québec n'est pas un bureau de placement et n'a pas un rôle social, comme on le disait hier, quand la conjoncture permet de réaliser différents objectifs dans la concertation, c'est intéressant d'essayer. Ne pensez-vous pas que, plutôt que de tenter de faire un débat où on risque véritablement de retarder des choses dans ce plan et que les travailleurs puissent en être les premières victimes, il faudrait chercher du côté d'un devancement de programme? Si vous êtes d'accord avec cela, avez-vous des suggestions quant à ce qui pourrait être devancé?

M. Rodrigue: Nous prétendons qu'il n'y a pas qu'Hydro-Québec au Québec et qu'en conséquence toute la question du gaz, par exemple, l'exploitation du gaz est nécessairement génératrice d'emplois. Dans ce sens-là, sans devancer et sans compromettre l'avenir des Québécois, comme je le disais tout à l'heure, mais en nous permettant de tenir le débat général, en termes de planification, de recherche et de mise en place de moyens de production d'énergie, nous sommes d'accord pour regarder des projets de développement dans ces secteurs. Mais on affirme - et on pense avoir raison - qu'Hydro-Québec, même si sa vocation, c'est de fournir l'électricité aux Québécois, n'est pas unique en termes d'énergie au Québec et que, par conséquent, le gouvernement a des responsabilités pour voir à la diversification des capacités du Québec en termes de développement énergétique.

Alors, nous sommes, mon cher député, une centrale ouvrière et vous comprendrez facilement que, si la CSN, tout au long de ses 60 années d'histoire, a défendu le droit au travail et si nous faisons actuellement une campagne et des tournées régionales pour expliquer les conséquences, sur le plan économique et social, de la crise dite économique au moment où on se parle, malgré la prolifération des profits, c'est-à-dire qu'on ne sera pas réfractaire à des projets qui vont stabiliser l'emploi, mais attention de se renfermer, je veux dire, dans une seule et unique voie qui s'appelle l'hydroélectricité.

M. Dussault: Évidemment, on n'est pas ici pour débattre l'un et l'autre.

M. Fortier: On est ici pour ça.

M. Dussault: Et les députés ne peuvent pas partager tous les points de vue. Je pense qu'il est extrêmement important de faire un effort de devancer parce que les travailleurs sont concernés. Moi, je fais ma petite part

de mon côté en faisant la promotion de l'Archipel qui est un moyen de créer beaucoup d'emplois dans la région de Montréal.

M. Rodrigue: C'est de la promotion, ça?

M. Dussault: C'est de la promotion et pour les travailleurs et pour l'intérêt des citoyens de ma région particulièrement. Est-ce que vous vous êtes penchés sur le projet Archipel, qui est un des moyens qui pourraient nous permettre de devancer des travaux? Est-ce que vous vous êtes penchés sur ce projet? Est-ce que vous vous êtes fait une idée de ce que cela pourrait valoir comme projet?

Le Président (M. Jolivet): M. Rodrigue.

M. Rodrigue: Ce que nous savons, puisque nous sommes capables pour l'instant d'identifier... On doit avouer qu'on ne s'est pas encore penché spécifiquement sur le programme en question, mais nous savons déjà qu'il y a des conséquences environnementales en regard de ce projet. Nous nous réservons la possibilité d'intervenir et de commenter éventuellement ce plan.

Le Président (M. Jolivet): Merci.

M. Dussault: D'accord. Relativement au nucléaire, vous faites remarquer au gouvernement que le moratoire est terminé là-dessus. Si je comprends bien, cela devrait être pour vous un des objets de ce large débat que vous vous voudriez voir. Est-ce que la CSN a quand même une idée arrêtée sur l'utilisation nucléaire de type fission ou si vous attendez que le débat se fasse pour vous faire une opinion?

Le Président (M. Jolivet): M. Rodrigue.

M. Rodrigue: D'abord nous voulons entrer dans le débat comme pleins participants. Nous estimons que nous ne sommes pas en possession de la vérité, mais déjà nous pouvons dire que nous sommes capables de reconnaître la capacité du nucléaire comme producteur d'électricité. Mais les conséquences du nucléaire sur l'environnement, sur la sécurité physique et toutes les conséquences, je veux dire, en ce qui concerne la capacité de garder les déchets, etc., ça là, pour nous autres, il n'y a pas de prix dans une société comme la nôtre et il n'y a pas de risques à prendre sur ce plan. C'est pour cela qu'on propose un débat. On sait qu'il y a des sociétés en Occident qui l'utilisent, mais il y a aussi des débats importants en Europe sur cette question. Allez en France, vous allez voir que c'est une question qui est très fortement discutée et discutable.

Dans ce sens, nous voulons être du débat, mais nous estimons que la population doit connaître et doit être conscientisée sur cette question le plus possible parce qu'on considère que c'est criminel de laisser des populations être compromises par l'utilisation d'énergie de ce type sans qu'elles soient bien informées et sans que les gouvernements sur le plan politique prennent l'ensemble des précautions qu'il faut préalablement à l'utilisation de ce type d'énergie. Cela n'a pas de maudit bon sens. On crève dans les usines, on crève un peu partout et là c'est rendu qu'on va crever au restaurant ou dans notre parterre de maison. Je veux dire, il y a des vaches qui meurent d'amiantose à Thetford, cela a pris des travailleurs qui ont dû mourir pour qu'on puisse agir un peu. L'énergie nucléaire, on veut en discuter un peu plus largement.

Le Président (M. Jolivet): M. le député.

M. Dussault: Pour terminer, vous avez entendu sûrement, tout à l'heure, les représentants de l'École polytechnique de Montréal à la suite d'une question du symbole du nucélaire à l'Assemblée nationale; le député d'Outremont posait une question sur les délais qu'on aurait à vivre pour pouvoir compter sur le nucléaire, mais le type fusion, ce qui comporte énormément moins de danger et beaucoup moins d'inquiétude que la fission nucléaire comme telle. Est-ce que vous avez tendance à la CSN à partager ce point de vue qu'il faudra attendre jusqu'en l'an 2025, 2030 pour arriver à des résultats ou si vous êtes portés à penser que, même s'il y avait des délais assez longs, il y aurait moyen au Québec d'utiliser différents autres moyens pour créer de l'énergie et éviter le plus longtemps possible, en tout cas, l'utilisation du nucléaire type fission?

M. Rodrigue: Ce sont des questions qui, selon nous, sont contenues dans le débat. Il y a des experts ici, il y a des experts là. Par exemple, on parle de la sécurité et de la santé des travailleurs depuis 1949 à la CSN mais, depuis 1974, on a découvert une foule d'experts, c'est inimaginable. Les médecins sont tous devenus des experts en santé du travail, les ingénieurs aussi. Dans notre société, maintenant, on n'a que des experts en sécurité du travail.

En termes d'énergie, on a beaucoup d'experts actuellement. On veut se confronter les uns aux autres dans ce débat. On n'a pas encore fait de projections dans l'avenir, sur vingt ans, sur trente ans, quant aux possibilités d'utilisation de ce type d'énergie, mais nous savons qu'il est déjà démontré ailleurs qu'il y a des risques importants pour une société d'utiliser ces produits. C'est une contribution que la CSN

veut apporter sur cette question. La mission fondamentale de la CSN, ce n'est pas de faire des recherches sur le nucléaire mais, de temps en temps, on regarde cela parce que, quand une chose est susceptible de nous affecter, cela nous intéresse.

M. Dussault: Merci.

Le Président (M. Jolivet): M. le député d'Outremont.

M. Fortier: Merci, M. le Président. Je voudrais tout d'abord féliciter la CSN pour son mémoire qui couvre une bonne partie des préoccupations que nous avons à la commission. J'ai pris note du fait que le ministre a cru bon de laisser la parole à un autre député. J'imagine que le sujet est un peu trop chaud. Étant donné que M. Joron était favorable à un débat nucléaire et que M. Bérubé ne l'est pas, il a pensé donner son droit de parole à quelqu'un d'autre.

Ceci étant dit, nous, nous sommes pour un examen public du nucléaire. Nous avons pris position là-dessus et cela me fait plaisir de vous dire que nous croyons, comme vous l'avez dit, que c'est important que toutes les considérations de protection de l'environnement, de sécurité, d'économie, de coûts soient examinées à fond, avant même qu'une décision soit prise d'aller de l'avant. Je parle de la construction de centrales nucléaires.

Il y a l'École polytechnique et la CSN et il y a d'autres groupements qui vont venir présenter des mémoires; plusieurs le demandent. Je voulais simplement faire le point là-dessus pour vous dire que nous sommes tout à fait d'accord avec votre point de vue sur ce sujet.

Par ailleurs, je voulais aussi vous signaler que, dans notre programme, nous sommes très sympathiques à l'idée de créer un palier indépendant - je l'ai noté hier - du pouvoir gouvernemental pour examiner les demandes d'augmentation des tarifs, les contrats d'exportation et les projets d'investissements et de financement.

Ceci étant dit - je sais bien que vous n'êtes pas des scientifiques ou des techniciens, mais vous l'avez dit, vous voulez participer au débat nucléaire - il me semble que, dans ce débat, il y eu beaucoup de psychose créée et c'est la raison pour laquelle la seule façon de régler la question une fois pour toutes, c'est d'avoir un débat. Nous, du Parti libéral, ne mettons pas cette option de côté complètement. Nous croyons qu'avant même de prendre des décisions dans ce domaine il faut avoir ce débat. C'est très important.

J'aimerais poser une question. Je sais que les ouvriers sont des gens qui ont les deux pieds sur terre, qui se préoccupent d'environnement et qui veulent examiner ces choses-là mais, d'une façon générale, pourriez-vous me dire si une psychose existe chez les ouvriers ou si réellement leur point de vue, c'est de dire: Donnez-nous l'information et, après cela, on donnera notre point de vue.

Le Président (M. Jolivet): M. Rodrigue.

M. Rodrigue: Je voudrais d'abord dire, M. le Président, que notre mission de ce matin n'est pas non plus d'augmenter les antagonismes sur le plan politique entre les partis. Nos intérêts fondamentaux, c'est de voir la situation réelle.

Deuxièmement, je voudrais aussi souligner que, chez nous, chez les ouvriers, c'est bien sûr qu'il y a des préoccupations du type du développement économique, par exemple, un développement économique davantage basé sur les besoins de la population. D'autre part, les travailleurs, dans les circonstances actuelles, ce à quoi ils sont sensibles et ce qu'ils réclament fondamentalement - c'est pour cela qu'on a tenu à signaler l'effort d'Hydro-Québec au début - c'est la transparence de l'entreprise. Les travailleurs réclament la transparence, avoir l'information, la connaissance des situations. Dans ce sens-là, ils sont intéressés, préoccupés bien sûr par leur sort en termes d'emplois, etc., mais ils sont intéressés à connaître la réalité et les perspectives dans lesquelles on va s'aventurer comme société.

Or, le débat, selon nous, doit servir à cela pour nous permettre de faire le choix. On ne présume pas du choix qui sera fait, on dit: Pour faire le choix, avec les informations pertinentes. (12 h 15)

M. Fortier: Ma question était plus précise. Croyez-vous qu'un tel débat va être un débat rationnel aussi, compte tenu de la psychose qui peut exister que le débat serait irrationnel parce qu'il me semble que nos amis d'en face craignent que ce soit un débat irrationnel?

M. Rodrigue: Je pense que sur ce plan, en ce qui concerne le débat sur l'énergie en général, notamment sur le nucléaire, les travailleurs sont capables d'être rationnels. La psychose, effectivement, qui peut exister sur ce plan, quant à moi, ce n'est pas une psychose, totalement. C'est un problème réel; quand on observe les phénomènes aux États-Unis et en Europe, on ne peut pas dire que c'est une psychose dans le sens d'autres psychoses qu'on pourrait signaler et que je n'oserai pas énumérer ici.

M. Fortier: Autrement dit, il faut faire confiance à la population, lui donner de l'information et voir à trancher la question.

M. Rodrigue: Oui. Le Parti libéral aurait pu faire cela depuis 1970 aussi.

Le Président (M. Jolivet): M. le député...

M. Fortien Je vais passer mon droit de parole au député de Mont-Royal.

Le Président (M. Jolivet): ...avant, il faut que je donne la parole au député de Nicolet-Yamaska.

M. Fontaine: ...parce que vous représentez une quantité considérable de travailleurs qui sont au service d'Hydro-Québec et de la Société d'énergie de la Baie James. Vous vous prononcez sur le maintien du moratoire sur le nucléaire tant qu'il n'y aura pas de débat public là-dessus. Vous vous prononcez également sur la vente des surplus hydroélectriques aux voisins des États-Unis. Le programme qui nous est proposé par Hydro-Québec démontre qu'il y aura, si ce programme est appliqué - qu'on le veuille ou non, il va sûrement être appliqué très prochainement, même si vous souhaitez un débat public, je suis presque assuré qu'il n'y en aura pas là-dessus - une stagnation au niveau du nombre d'emplois réels pour les années 1981 à 1985. Un investissement additionnel de $4,500,000,000 permettrait, durant ces années-là, de pouvoir maintenir le rythme accéléré que nous connaissons actuellement. Je voudrais que vous vous prononciez pour les travailleurs que vous représentez de façon définitive, à savoir si vous êtes en faveur ou non du projet accéléré que nous avons examiné, hier. Vous avez sans doute suivi nos débats d'hier. Vous savez de quoi je veux parler.

Le Président (M. Jolivet): M. Rodrigue.

M. Rodrigue: Merci, M. le Président. La CSN est taxée souvent d'être un peu particulière.

Des voix: Ah, ah!

M. Rodrigue: Je ne veux pas exagérer, mais je trouve que les préoccupations, tout à coup, sur le sort des travailleurs deviennent très importantes. Pendant que vous me parlez d'un projet accéléré, sur les travaux de la Baie James ou les travaux d'Hydro-Québec, nous nous posons le problème à savoir dans quel type de société on va vivre demain. Pendant qu'on nous parle d'un investissement de $55,000,000,000 plus environ $30,000,000,000 d'entretien sur dix ans ou quelque chose comme cela, on nous annonce des coupures à la santé; on nous annonce des coupures à l'éducation; on nous annonce un certain nombre de mesures et les stratégies gouvernementales dans tout l'occident, dans tous les pays riches nous indiquent depuis cinq ou six ans qu'on va couper des dépenses d'ordre public pour favoriser un certain nombre d'autres missions économiques.

Dans ce sens, vous comprendrez qu'on ne trouve pas et on ne voit pas de contradiction dans notre position en disant: On va faire un débat général. Cela ne met pas en cause 1995-1996 pour l'instant. On pense qu'on a le temps de faire le débat pour permettre un certain nombre de réalisations en termes de développement sur le plan de l'énergie et, encore une fois, dans l'ensemble du problème de l'énergie. Quand on veut investir $55,500,000,000 et qu'on coupe dans des besoins fondamentaux comme l'éducation et les affaires sociales, on se pose des questions aussi. Dans le projet accéléré, nous vous disons et vous répétons qu'il y a d'autres sources d'énergie qui peuvent être productrices d'emplois. D'ailleurs, je pense que le gouvernement a déjà examiné ces questions. Dans ce sens, nous souhaitons que ce soit accéléré et que le débat se fasse de façon qu'on puisse intervenir économiquement et en termes de développement suffisamment vite ou rapidement pour que l'avenir du Québec ne soit pas compromis sur le plan économique.

M. Fontaine: Mais le débat que vous proposez, vous admettrez qu'il va prendre un certain temps et vous parlez même de 1985. Cependant...

M. Rodrigue: Si la campagne électorale est relativement courte, on peut le commencer tout de suite après.

M. Fontaine: Mais il va prendre un certain temps à se tenir. C'est justement pendant cette période que les travailleurs vont avoir à subir des hausses du taux de chômage au niveau d'Hydro-Québec et c'est pendant cette période de temps que vous voulez avoir un débat public.

Il me semble que, pour l'intérêt des travailleurs que vous représentez, on devrait être en mesure d'accepter dès maintenant -et que le débat public se tienne par après s'il le faut - qu'Hydro-Québec puisse adopter un plan accéléré de développement.

M. Rodrigue: Ce qu'on peut dire là-dessus, c'est qu'en 1978, je pense, il y a même un comité ministériel qui a été mis sur pied pour regarder la planification de l'emploi dans la construction. Nous avons proposé, dans la construction, des plans précis en termes de construction de loyers à prix modique, etc. La Fédération du bâtiment et du bois, ici, a proposé un programme précis de tant de logements. On a précisément quasiment tous les détails.

On dit, dans ce sens-là, que le gou-

vernement a la responsabilité de la planification de l'emploi, l'élaboration d'une politique industrielle et Hydro-Québec devrait s'insérer dans cette politique industrielle, de façon qu'on puisse réellement et protéger et planifier et maintenir l'emploi dans la construction. Bien sûr qu'on trouve cela fondamental. Mais on pense que ce n'est pas dissociable ou contradictoire au fait que nous voulions, en termes de développement hydroélectrique, connaître davantage la situation sur le plan énergétique en général, à moyen terme. Et le débat peut s'organiser dans un laps de temps relativement court - je vous demande pardon, mais je pense que c'est possible - pour nous permettre encore une fois d'envisager de ne pas compromettre le développement économique du Québec, et dans l'intérêt de la masse, c'est-à-dire la population.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: M. le Président, je suis entièrement d'accord avec M. Rodrigue. Vous mentionnez que vous êtes préoccupé par le genre de société que nous avons, que nous préconisons. Je peux vous assurer qu'autour de cette table on a aussi les mêmes préoccupations. Cependant, on croit aussi qu'il faut avoir un minimum d'activités économiques, comme vous l'admettez vous-même. Cela dépend de la qualité et du genre d'activités économiques où nous allons nous diriger par les politiques du gouvernement.

On vous a parlé tantôt du projet Archipel. On vous a demandé combien d'emplois cela aurait créés. Le projet Archipel, les gens de la région n'en veulent pas. Il y a eu une pétition de 21,000 personnes qui ont signé contre. Les autochtones qui seront affectés par un des projets n'en veulent pas.

C'est difficile d'essayer de vous demander combien d'emplois seront perdus par un projet qui vraiment ne sera pas construit, dont les gens ne veulent pas. Même Hydro-Québec n'en veut pas.

Mais le projet du gazoduc, vous avez soulevé la question, où allons-nous dans le fait d'utiliser plus de gaz au Québec? Est-ce que vous savez combien d'emplois ont été perdus, faute de l'extension, l'année dernière, du gazoduc Montréal-Boisbriand - cette phase est un projet de $35,000,000 - et combien d'emplois seront perdus si le gazoduc n'est pas prolongé après Boisbriand, par la faute de la politique du gouvernement de ne pas choisir un distributeur? Avant de prolonger le gazoduc, il faut avoir des distributeurs. Il peut être prolongé jusqu'à Boisbriand parce que le distributeur est là. C'est une question que je voudrais vous poser.

Je voudrais aussi vous poser une autre question sur les économies d'énergie. Vous en avez parlé dans votre document. Je voudrais vous demander si vous avez fait une étude sur l'impact sur les emplois par les diverses formes d'énergie. Par exemple, il y a eu une étude américaine, le Conseil sur les priorités économiques, Council on Economic Priorities, qui a trouvé qu'avec la conservation de l'énergie ces programmes pouvaient créer de 3,9% à 4,4% plus d'emplois pour les mêmes montants dépensés pour la consommation de l'énergie.

Est-ce que votre organisme a fait des études d'impact sur les emplois qui résulteraient de ces différentes formes d'énergie, spécialement les économies d'énergie?

Le Président (M. Jolivet): M. Rodrigue.

M. Rodrigue: Merci. Dans un premier temps, en ce qui concerne le gaz, nos estimations ne soutiennent pas qu'il y a eu des emplois perdus, mais qu'il y a eu, cependant, de 3000 à 4000 emplois retardés en termes de création d'emplois.

En ce qui concerne l'énergie en général, ou les différentes sources d'énergie, nous avons un comité d'étude à la CSN qui a commencé à étudier ces différents aspects dont celui, bien sûr, que vous soulevez en ce qui concerne l'emploi comme tel, la création, la perte, etc., la compromission.

Je voudrais dire cependant que nous observons sur le plan général, au Québec, qu'il y a à peu près 25,000 mises à pied par année. Il y a eu 80 fermetures depuis quatre ans, uniquement dans la juridiction de la CSN où on est situé comme centrale syndicale. On considère que notre sort, en termes d'emplois, est important quand on traite de la situation d'Hydro-Québec, mais il n'est pas uniquement relié à la situation d'Hydro-Québec et, en conséquence, sur le plan du développement industriel, du développement économique, il nous faut, en termes de volonté politique, agir davantage pour faire en sorte, par exemple, que les sociétés d'État qu'on a créées, qu'on a mises au monde depuis un certain nombre d'années, au Québec puissent intervenir et sur le plan économique et sur le plan du développement en termes de choix, pour influencer les choix de développement de façon à mieux servir la population québécoise.

Dans ce sens, la CSN a de multiples positions et revendications concernant la Caisse de dépôt, concernant des organismes anti-fermeture, concernant d'autres mesures comme la nationalisation de l'épargne, même si tout le monde ne partage pas notre opinion, alors que nos épargnes s'en vont aux États-Unis la plupart du temps. Nous avons plusieurs perspectives de ce côté, mais il nous semble que sur l'énergie, en tout cas, on devrait faire les efforts du côté du gaz pour regarder concrètement ce que cela

pourrait donner à court terme.

Je vous ferai remarquer qu'Hydro-Québec, dans ses estimations, donne une place au gaz, dans l'avenir beaucoup plus restreinte que celle que le gaz occupe actuellement, c'est-à-dire environ 20% actuellement au Canada, par rapport à 17% qu'on voudrait lui laisser comme place dans l'avenir..

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Gouin.

M. Tremblay: M. le Président, je voudrais dire au président de la CSN que son mémoire est très bien fouillé, surtout au niveau des préoccupations et, par conséquent, très utile à une commission et à un débat comme celui que nous tenons.

Par contre, je me demande si vous n'avez pas un peu la partie facile, dans le sens que vous tirez un peu, ou du moins vous semblez tirer dans toutes les directions à la fois. Ceci se traduit peut-être par une cohérence qui n'apparaît pas - du moins à mes yeux - toujours évidente. Cela peut même conduire à certaines contradictions.

Je soulève seulement deux points. Premièrement, vous terminez, dans votre conclusion générale, en disant que la CSN n'a pas d'objection ou, du moins, ne met pas de côté l'option de l'accélération des investissements d'Hydro-Québec afin de mieux étaler l'emploi. D'autre part, vous dites que ces surplus d'énergie - parce que l'accélération veut dire surplus d'énergie, ceci a été établi hier - ne devraient pas être utilisés dans des usines fortement utilisatrices d'électricité. Là, je vous demande ceci: Qu'allez-vous faire avec ces surplus d'énergie pendant la période 1981-1988? Est-ce que nous devrions exporter ces surplus en totalité ou si nous ne devrions pas en garder une partie importante pour le développement industriel, la création d'emplois et l'ouverture de nouvelles usines, étant donné qu'il y en a eu 82 fermées dans le domaine où vous fonctionnez? Donc, je vous pose la question, parce que si on accélère, on va avoir des exédents. (12 h 30)

D'autre part, au niveau des tarifs d'électricité, vous semblez déplorer les hausses présumées, annoncées ou craintes, dans les taux d'électricité. Vous avouez ajouter davantage de confiance aux journaux et aux journalistes qu'aux politiciens. C'est donc une crainte que vous entretenez.

D'autre part, vous dites qu'il faudrait confisquer la rente que l'Alcan obtient de ses 2300 mégawatts. Tout ceci indique que vous craignez une hausse trop rapide des taux d'électricité. D'autre part, vous dites également que vous n'approuvez pas la politique d'Hydro-Québec de ralentir l'entrée du gaz naturel. Or, si on veut substituer le gaz à l'électricité, il est évident que les tarifs d'électricité devraient s'accroître plus rapidement pour décourager la consommation. J'ai cru hier que c'était un peu la direction dans laquelle se dirigeait le gouvernement.

Par conséquent, je vous pose la question: Est-ce que vous êtes davantage portés à être l'allié des consommateurs concernant les tarifs d'électricité et, par conséquent, favorisez-vous davantage l'implantation de l'énergie hydroélectrique par rapport au gaz? Ou semblez-vous vous porter davantage du côté des intentions dont ont fait part le ministre et le gouvernement hier, à savoir de laisser les tarifs d'électricité s'accroître plus rapidement qu'ils ne devraient par rapport au coût de production, dans le but de laisser une certaine place au gaz naturel?

Je pense qu'il faut écarter certaines choses. On ne peut pas tout avoir en même temps. Je voudrais donc vous demander s'il n'y a pas une certaine contradiction dans les objectifs que vous semblez vouloir poursuivre.

Le Président (M. Jolivet): M. Rodrigue.

M. Rodrigue: Ce matin, la situation peut me faire sourire un peu, parce que si on était arrivé ici avec une objection fondamentale pour dire non à tout, on aurait dit: Tiens, c'est encore la CSN, elle dit non à tout. On arrive ici avec une position qui essaie de tenir compte de nos réalités économiques, sociales, politiques, etc., on dit: La CSN ne sait pas où elle s'en va, elle tire dans toutes les directions. Cela me fait sourire.

Je voudrais dire d'abord que nous estimons que, pour nous, il est important que toutes les conditions du développement énergétique soient connues pour qu'on élabore une stratégie énergétique, une politique en termes d'exploitation énergétique.

Deuxièmement, je voudrais souligner que, pour nous, en ce qui concerne les hausses de tarifs, quand on regarde les dernières années, on constate que c'est plus haut que l'inflation. On ne fait que de petites projections. On n'est pas des mathématiciens, mais on est quand même capable de calculer que deux plus deux font quatre. On estime qu'on est, de ce côté, en danger par rapport aux hausses. Dans ce sens, on ne parle pas de la confiance qu'on a envers les politiciens, on parle du mutisme d'Hydro-Québec sur les prévisions d'augmentation de coûts.

Troisièmement, en ce qui concerne l'Alcan, est-ce qu'on va arrêter cela? L'électricité a été nationalisée au Québec au début des années soixante, 1963 ou 1964. Il y a des compagnies qui ont conservé des privilèges. Vous le savez très bien. Tout le monde ici le sait. Arrêtez de me parler de cela comme si on faisait un scandale quand

on réclame la nationalisation. Alcan bénéficie de privilèges. Quand Alcan vend ses produits finis, savez-vous ce qu'elle fait? Elle introduit dans le prix de ses produits finis le taux universel de l'électricité. Elle ne prend pas le coût de l'électricité que cela lui coûte ou le coût d'Hydro-Québec. Elle introduit l'autre coût. On considère que, sur ce plan, elle a un privilège important. Dans ce sens, on dit que c'est la propriété de la population, que cela doit appartenir à la population au même titre que les autres sources hydroélectriques. On est d'accord pour proposer même une alternative, si vous n'avez pas le courage politique, quel que soit le gouvernement, de nationaliser. On dit que vous devriez avoir ce courage.

D'autre part, en ce qui concerne le gaz et les autres sources énergétiques, on voudrait dissocier le pétrole du gaz pour que le gaz ne soit pas dépendant à une proportion X ou à un pourcentage X du prix du pétrole. On pense que c'est possible de dissocier cela. On pense, d'autre part, qu'en ce qui concerne les surplus d'électricité, quand on exporte nos surplus d'électricité, on devrait exiger en retour, sur le plan des marchés, l'ouverture de marchés nouveaux pour qu'on puisse vendre aussi nos produits finis ailleurs. C'est cela qu'on veut, que le Québec bénéficie de son électricité au maximum. Dans ce sens-là, on trouve aussi, d'autre part, que, quand on fixe, pour les travailleurs, pour la population en général, pour les assistés sociaux, les hausses de coûts ou les prévisions de coûts sur une période de douze mois, il faut tenir compte du fait qu'on a besoin, disons, pendant six mois, au Québec, d'une pointe importante en termes de consommation. Les autres mois, on vend ou on exporte ailleurs, c'est-à-dire aux États-Unis. On pense que la population québécoise doit être payée pour cela et qu'en conséquence cela devrait nous permettre d'ouvrir des marchés nouveaux et d'exiger de ceux à qui on vend notre électricité d'acheter nos produits finis ici, par exemple, de la chaussure. Je ne sais pas s'ils vont avoir deux ou trois paires de souliers, mais, Christophel qu'ils achètent des produits finis au Québec, des produits québécois puisqu'ils ont l'avantage de bénéficier de notre ressource naturelle. C'est un peu un rapide tour d'horizon de notre pensée là-dessus.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Rouyn-Noranda, brièvement.

M. Samson: Oui, M. le Président. J'aurais aimé avoir un peu plus de temps, mais, malheureusement, on est à la fin.

M. Perron: Cela fait quarante fois que vous dites cela.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Rouyn-Noranda.

Une voix: On jappe de l'autre côté de la table.

M. Samson: M. le Président...

Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! La parole est à vous, ne perdez pas votre temps; il est précieux.

M. Samson: Ils sont donc bien nerveux ce matin! Ce serait sur une question de règlement que je devrais continuer, je pense.

M. Perron: Cela fait trente fois.

M. Samson: M. le Président, je n'ai pas entendu les imbécillités de mon collègue de Duplessis. Je voudrais m'adresser au président de la CSN, M. Rodrigue, en lui disant qu'il y a beaucoup...

M. Perron: Vous en avez assez de vous écouter vous-même.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Duplessis.

M. Samson: ...de choses intéressantes dans sa présentation. Notamment, je partage son point de vue quant aux inquiétudes vis-à-vis de la tarification. Je voudrais parler d'un sujet qui n'a pas encore été abordé par nos collègues. Vous nous avez parlé de la vie des travailleurs dans les chantiers éloignés, de votre préoccupation de la vie sociale sur ces chantiers et du respect des droits familiaux et des libertés de la personne. Je vous avoue que je suis sensible à ce genre de choses. J'ai eu personnellement plusieurs revendications qui m'ont été faites par des travailleurs de ma région qui sont sur ce chantier. Sauriez-vous me dire quel genre d'approche vous avez eue avec les dirigeants de la SEBJ quant à ce problème particulier, quel genre de discussions? Quelles raisons, en fait, s'ils en ont eu à vous donner, vous ont-ils données pour expliciter la position actuelle de la SEBJ en ce qui concerne ce problème? Également - parce que je n'ai pas beaucoup de temps et que je ne pourrai probablement pas revenir avec d'autres questions - est-ce que, du côté de la CSN, il y a eu des revendications ou encore des discussions quant à ce problème avec la Commission des droits de la personne, en plus des discussions que vous auriez pu avoir avec l'employeur?

Le Président (M. Jolivet): M. Rodrigue.

M. Rodrigue: Si vous me le permettez, M. le Président, Yvon Leclerc, le président de la Fédération des travailleurs de la

construction, pourrait faire deux ou trois commentaires là-dessus.

Le Président (M. Jolivet): M. Leclerc.

M. Leclerc (Yvon): M. le Président, évidemment, on a rencontré à quelques reprises la SEBJ et d'autres. Il faut dire tout de suite - on l'a dit pour d'autres cas - qu'à la Baie James il y a la SEBJ et il y avait Hydro-Québec à LG 3. La façon d'agir d'Hydro-Québec était tout à fait différente de la SEBJ. La SEBJ a une mentalité de Canadian Bechtel, les Américains qui pensent qu'ici on doit avoir un concept de relations de travail d'il y a peut-être 50 ans. Or, cela fait que, sur les chantiers, au départ, on avait des réglementations qui étaient différentes dans leur application d'un chantier à l'autre. Mais, indépendamment de cela, on a toujours le fameux problème où le monde ordinaire comme on l'appelle, les travailleurs de cuisine qui sont privés de leur famille, de leurs enfants, de tout cela sous le prétexte qu'eux ne demeurent pas assez longtemps sur les chantiers tandis que les cadres, les ingénieurs, y demeurent plus longtemps. Nous avons donné comme raison, et je pense que c'est très défendable, que les travailleurs ordinaires, le monde ordinaire, vont rester plus longtemps sur les chantiers si vous leur permettez d'avoir leur famille, leurs enfants et d'avoir une vie familiale normale. Il y en a de ce genre de travailleurs. On l'a vécu avec ce qu'on appelle Manic 5 où il y avait des travailleurs qui montaient et il y avait des roulottes qui s'étaient installées. Évidemment, on en est conscient, il y a un coût à cela. Mais on pense qu'entre le coût et la vie sociale, la vie du travailleur, c'est important de choisir la vie du travailleur, la vie sociale parce que après il y a une autre sorte de coûts. Quand vous envoyez un travailleur isolé, tout seul sur les chantiers, il se décourage, il devient dépressif et il y a des coûts sociaux au bout de cela.

À un moment donné, la vie familiale se brise, les enfants... Cela existe. Ce n'est pas un secret. Il y a eu une revue qui est sortie, ce n'est pas de la publicité, c'est le magazine Ovo et on vous l'a adressé; dedans il y a des témoignages, je pense, assez importants des travailleurs. Ce n'est pas pour faire brailler personne, mais ce sont des situations qu'on pense qu'on doit corriger. Si vous pensez qu'on est les seuls à la CSN, il y a d'autres organisations syndicales qui ont pensé la même chose. Il y a la Commission des droits de la personne qui pense que les politiques de la SEBJ sont discriminatoires, avec la politique pour les cadres et la politique pour le monde ordinaire. Ils prétendent - cette commission, c'est du monde sérieux - que c'est discriminatoire.

On a beau lire les documents d'Hydro-

Québec, dans ses plans d'installation, elle nous parle de cités ouvrières. Si c'est le genre de cité ouvrière où on met des roulottes et que les travailleurs sont parqués dans des roulottes, il y a une amélioration, ils ne sont plus deux par chambre, ils sont un par chambre maintenant. On doit vous dire qu'on est content. Cela a pris du temps, mais ce n'est pas suffisant. On souhaiterait que de ce côté il y ait des efforts et on remercie le député de Rouyn-Noranda de nous avoir posé la question.

Le Président (M. Jolivet): M. Rodrigue avait quelque chose à ajouter, je pense.

M. Rodrigue: Deux remarques. Une remarque d'abord de Sylvio Gagnon de la métallurgie et ensuite une remarque très brève de ma part.

Le Président (M. Jolivet): M. Gagnon.

M. Gagnon (Sylvio): Je vais essayer d'être très bref. Je voudrais simplement vous adresser quelques remarques générales, à la suite des questions qui ont été posées durant cette séance...

Le Président (M. Jolivet): Écoutez, M.

Gagnon, il reste encore le ministre pour quelques minutes. Si vous voulez attendre pour faire votre intervention finale à ce moment.

M. Gagnon: Je peux y aller tout de suite. Je laisserai à Norbert le soin de répondre.

Le Président (M. Jolivet): D'accord.

M. Gagnon: Cela m'a porté à poser certaines questions. À la suite des questions du premier intervenant, du premier député, je me suis posé la question: Est-ce que le gouvernement et les gouvernements antérieurs ont été imprévoyants de façon telle qu'on se trouve aujourd'hui dans une situation où on est incapable de faire un débat sur les problèmes énergétiques du Québec? Est-ce tellement pressé, est-ce qu'on est tellement à court de moyens qu'on doive procéder sans faire de débat public autour du nucléaire, autour du développement d'Hydro-Québec, etc? Cela me portait à me poser des questions. Est-ce que c'est la situation? Il y a eu un petit mot sur le rôle social d'Hydro-Québec qui semblait avoir été mis de côté. Je pense que le rôle social d'Hydro-Québec est important comme entreprise publique, mais il y a aussi le rôle de l'entreprise en général. Qu'elle soit privée ou publique, elle a un rôle très important. Ce serait assez long à développer. On pourrait passer beaucoup de temps à discuter là-dessus, mais je pense qu'on doit tenir

compte et Hydro, dans son développement, doit aussi tenir compte de son rôle social peut-être plus qu'une autre entreprise, mais au moins autant que n'importe quelle entreprise qui oeuvre au Québec ou ailleurs. (12 h 45)

Le député d'Outremont a posé des questions sur les préoccupations environnementales des ouvriers. Là-dessus, on peut vous assurer très clairement que, bien sûr, les ouvriers ont des préoccupations au niveau de l'environnement. D'abord, cela commence par leur environnement où ils passent le tiers de leur vie, ou à peu près, ou plus, à l'intérieur des usines, des mines, de toutes les industries. C'est leur première préoccupation, parce que c'est leur santé qui est affectée et leur sécurité, mais ils ont aussi la préoccupation des conditions de vie qu'ils ont, quand ils sortent de l'usine. C'est aussi très important pour eux. On peut le démontrer. Par exemple, la CSN, notre fédération a présenté des mémoires devant les problèmes causés par la pollution dans la région de Rouyn-Noranda, Des problèmes importants se posent au sujet de ce qui est craché par les cheminées de la mine Noranda. On se préoccupe, bien sûr, de nos problèmes à l'intérieur des usines, mais aussi, quand on sort, on vit comme tout le monde dans les villes, on vit dans le milieu et on respire aussi souvent les poussières qu'on n'a pas réussi à respirer à l'intérieur de l'usine, que ce soit à Thetford ou à Rouyn.

Dans la question du gaz, on a parlé d'emplois ou de prévisions de perte d'emplois. Je pense que le député de Mont-Royal a parlé de cela. Une chose est certaine, si on développait cette ressource du gaz qui vient de la mer de Beaufort ou de l'Arctique, le transport peut se faire par voie maritime et on connaît les difficultés actuelles dans les chantiers maritimes, que ce soit à Lauzon ou à Sorel, à Marine Industrie qui est un chantier gouvernemental, si vous voulez. Or, là-dessus, cela fait longtemps qu'on a des politiques, à la CSN. À notre fédération et à la CSN, cela fait trente ans qu'on essaie d'améliorer la situation dans les chantiers maritimes et de proposer des solutions. Récemment encore, il y a quelques années, en 1978 ou 1979, on a proposé des solutions où était compris le problème du transport du gaz de l'Arctique et la construction des méthaniers. Or, construire des méthaniers à Lauzon ici, cela donne des emplois. Si on ne se sert pas du gaz, on ne le transportera pas. C'est un problème qui est relié directement. Même si le gouvernement nous a répété souvent le problème des chantiers maritimes, que ce soit le gouvernement libéral, celui de l'Union Nationale ou le gouvernement péquiste, on nous retournait toujours à Ottawa. Effectivement, on allait à Ottawa et le problème fondamental de la marine marchande, il est là. Mais il y a aussi, de la part du Québec, des choses à faire et, à ce niveau-là, au niveau du développement du gaz, cela aura des effets directs sur l'emploi dans les chantiers maritimes. C'est l'ensemble des remarques que je voulais faire.

Le Président (M. Jolivet): Merci. M. Rodrigue. Aimez-vous mieux entendre d'abord le ministre?

M. Rodrigue: J'aimerais avoir ce privilège d'entendre M. Bérubé s'exprimer.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre, vous avez quelques minutes à votre disposition.

M. Bérubé: Oui, ce sera très bref, M. le Président. Je vous remercie de m'avoir accordé...

M. Rodrigue: J'aimerais que M. le ministre me laisse une minute...

M. Bérubé: Vous avez un temps de parole illimité, c'est le nôtre qui est contrôlé.

Le Président (M. Jolivet): Non, je m'excuse, M. le ministre, vous êtes contrôlés tous les deux, mais je suis large quant à son élasticité.

M. Bérubé: C'est cela. Il est beaucoup plus sévère avec les membres de cette digne Assemblée.

En fait, si je ne m'abuse, je crois comprendre à votre intervention, premièrement, que vous acceptez essentiellement le plan d'équipement d'Hydro-Québec tel que proposé. Vous pouvez avoir certaines réserves, vous aimeriez un débat public, - on reviendra là-dessus - mais grosso modo, quand on vous parle de devancement, vous dites: Oui, mais il faut tenir compte aussi d'autres sources d'énergie. Je vous signalerais que cela a été exactement la position d'Hydro-Québec hier. Elle a dit: II n'est pas vraiment nécessaire de devancer notre plan d'équipement puisque la pénétration du gaz va impliquer des investissements au Québec, ce qui fait qu'en gros, le nombre d'emplois créés dans le secteur énergétique devrait être constant. Donc, j'ai interprété votre position comme étant un appui essentiel au plan d'équipement tel qu'il nous est soumis, mais en disant: Cependant, l'avenir nous oblige à réfléchir beaucoup plus en profondeur et là, on a des réticences parce qu'on estime ne pas être suffisamment informé. C'est ma première impression. J'aimerais que vous me la corrigiez, la moduliez en fonction de l'interprétation que j'en ai fait.

Vous avez mis l'accent sur la

diversification des sources d'énergie. Là-dessus, je suis entièrement d'accord avec vous. Je pense que c'est indéniable qu'il faut, par exemple, pousser pour que le site du terminal méthanier soit à GrosCacouna. C'est pour cette raison, en particulier, que déjà, on a engagé les études environnementales. On s'est assuré par le zonage agricole qu'il y aurait un territoire adéquat pour un parc industriel. On a voulu faire en sorte que tout ce qui pourrait exiger du gouvernement du Québec soit effectivement réalisé pour qu'on ne puisse pas nous accuser de quelque façon d'avoir été cause à une décision qui aurait pu amener le terminal méthanier ailleurs qu'au Québec. Donc, c'est la volonté gouvernementale d'aller très vite et d'en arriver avec les minstères très rapidement à une concertation, une prise de décision.

La même chose quand il s'est agi du gazoduc. Je sais que le député de Mont-Royal fait un grand plat de ce que nous ayons pris trois ou quatre mois pour modifier un tracé de gazoduc. À cet égard, j'aimerais avoir vos commentaires. Nous avons modifié le tracé de gazoduc parce que, essentiellement, il passait à 100% sur des terres agricoles de première qualité et qu'on n'avait pas cherché dans le tracé à suivre, par exemple, les corridors énergétiques, soit suivre les autoroutes, suivre un certain nombre d'endroits où le dommage au milieu ou à l'environnement serait moindre. On a donc cherché un tracé plus optimal. Comme les cartes ont été déposées en avril, il faut quand même un certain nombre de mois pour en arriver à un tracé un peu plus optimal. Il nous a fallu quatre mois et aujourd'hui, il n'y a rien qui retarde comme tel la pénétration du gaz, mais il faut calculer qu'à la fin de 1981, effectivement, le tracé du gazoduc pourra se traduire par une implantation carrément du gazoduc sur le terrain.

J'aimerais savoir comment vous voyez le rôle d'un gouvernement quand il cherche à essayer de faire la part des choses dans des questions environnementales, des questions de projection du territoire agricole et des questions de pénétration rapide du gaz où là, il faut faire certains équilibres. Pensez-vous qu'on devrait faire comme le député de Mont-Royal nous le propose, c'est-à-dire charrier, ne pas s'occuper absolument d'aucune autre considération et dire: Passez n'importe où, dans des marécages où l'écologie est peut-être menacée, passez au milieu des plus belles terres agricoles, cela n'a aucune espèce d'importance; désorganisez le drainage, cela n'a pas d'importance. Allez-y; nous, on est des aménageurs sauvages et passez à travers. J'aimerais que vous analysiez. Je sais que vous ne voulez pas opposer les partis les uns contre les autres, mais j'aimerais beaucoup avoir votre analyse sur cette question particulière parce que c'est une question intéressante.

M. Ciaccia: En vertu de l'article 96, M. le Président, question de règlement.

Le Président (M. Jolivet): Oui, M. le député. Je voudrais simplement dire pour les besoins des gens qui nous écoutent que depuis que la télévision est entrée en cette Chambre au niveau des commissions parlementaires, l'article 96 est souvent utilisé.

M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Oui, mais avec justice, cette fois-ci, parce que je voudrais rectifier les faits. Je n'ai pas suggéré, je n'ai même jamais dit qu'il fallait passer à travers toutes les terres agricoles sans s'occuper de l'environnement. Ce n'est pas du tout cela que j'ai dit. Je veux rectifier ce fait-là. J'ai seulement suggéré que le gouvernement n'a pas pris ses responsabilités; il aurait pu prendre la décision sur les terres agricoles l'année dernière plutôt que cette année. J'ai posé la question à M. Rodrigue, à savoir combien d'emplois ont été retardés dû au fait que le gazoduc a été retardé par la décision du gouvernement du Québec et deuxièmement - le ministre a totalement changé le sens de mes propos - combien d'emplois seraient perdus ou retardés si le distributeur n'est pas désigné par le gouvernement du Québec. C'est une décision du gouvernement.

M. Bérubé: Article 96, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): Juste un instant.

M. Ciaccia: Je vais terminer. Je veux bien croire que nous sommes près des élections, mais ce n'est pas nécessaire de porter toujours des accusations dans le but de faire de l'électoralisme. Il faudrait au moins être exacts dans nos propos.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre, en vous demandant d'être bref, car on doit terminer.

M. Bérubé: Je vais être très bref. Le gouvernement a pris un certain nombre de mesures assez draconiennes pour faire pénétrer le gaz, ce qui a demandé des arbitrages très délicats, et en avril 1980 on nous a déposé une proposition de tracé sur cartes - parce que c'était la première fois que nous en avions un - des cartes suffisamment détaillées pour voir où passait le gazoduc. Il ne s'agit pas simplement de dire qu'il passe sur le territoire, il faut quand même dire où il passe. Il a fallu quatre mois. Mais nous sommes absolument

d'accord avec vous qu'il faut faire pénétrer le gaz très rapidement et que peut-être les projections d'Hydro-Québec sont un peu pessimistes quant à sa vitesse de pénétration.

Je souligne mon accord avec votre position. J'aimerais avoir un commentaire de votre part autour de ces arbitrages délicats et voir comment vous les envisagez. Mais le point sur lequel je voudrais revenir, parce que c'est un point qui est revenu à plusieurs reprises, qui m'a énormément intéressé, c'est la question du débat public. Et je voudrais, à ce moment-là, y aller d'une question.

Ce qui me frappe, dans un débat public, sur le plan énergétique, c'est généralement l'insuffisance d'information. Le gouvernement s'est toujours plaint, dans le passé, d'être un peu à la merci d'Hydro-Québec parce qu'Hydro-Québec a l'expertise et le gouvernement ne l'a pas, donc on est pratiquement forcés d'accepter les recommandations d'Hydro-Québec. Depuis maintenant une année, on l'a vu... Après le dépôt du plan d'équipement d'Hydro-Québec, le gouvernement a réagi en posant un certain nombre de questions, en demandant des choix basés sur des raisons autres que celles prises en considération par Hydro-Québec en particulier, de manière qu'effectivement on ait un choix. Que l'on n'ait pas encore véritablement toute l'information à un débat public, je pense que cela m'apparaît assez évident. Mais mon inquiétude est à ce niveau. L'impression que j'ai, c'est que ce n'est pas en donnant $100,000 à un organisme pour se doter d'une expertise technique qu'il va réussir à doubler les budgets à l'énergie, qui sont peut-être de $15,000,000 ou $20,000,000 et qui portent finalement, en bonne part, sur des études de toutes sortes pour tenter de nous obtenir l'information sur le vrai coût du nucléaire, les vraies retombées du nucléaire, les avantages du gaz naturel, les possibilités des économies d'énergie. En d'autres termes, il s'agit de nous fournir une sorte d'information un peu scientifique de base sur laquelle nous pourrions avoir un véritable débat.

Ma question, justement, c'est: Quel type d'information pensez-vous devoir détenir pour être capable d'engager les Québécois dans un véritable débat énergétique? Car un débat qui reposerait purement et simplement sur des affirmations gratuites de part et d'autre serait un débat inutile. Il faut donc dépasser cette espèce d'affirmation d'avoir un débat public et aller dire, au fond, quel genre d'analyse, quel genre d'étude doit être disponible avant de s'engager dans un tel débat.

Le Président (M. Jolivet): M. Rodrigue.

M. Rodrigue: M. le Président, je commencerais en disant que, comme il y a de nombreuses rivières au Québec qui coulent dans de nombreuses vallées, il me semble qu'une des préoccupations fondamentales que nous devons tous avoir, une fois qu'on a aménagé toutes ces énergies, c'est de voir à quel coût et qu'est-ce que cela va coûter pour consommer, le résultat de cet aménagement. Dans ce sens, je dirais que, dans un premier temps, la CSN, je vous le rappelle, a été d'accord sur la Loi sur le zonage agricole. En conséquence, je n'aurais pas beaucoup de commentaires à faire sur la responsabilité ou les préoccupations qui veulent qu'on protège nos terres agricoles, etc.; on a été d'accord sur cela. Les arbitrages qui ont pu être nécessaires, nous pensons que ce qui doit primer dans ces arbitrages, c'est l'intérêt général de la population d'abord, en ce qui concerne la question du débat public.

C'est pourquoi nous disons dans notre mémoire qu'il nous semble que ces renseignements dont nous parlons, qui sont nécessaires, devraient effectivement venir de diverses sources. Nous rappelons que la Saskatchewan, selon notre information, a déjà, en ce qui concerne l'uranium, subventionné des projets de recherche pour des organismes et cela a été une contribution importante. Je ne vous dis pas que cela va surmonter tous les obstacles, mais cela a été une contribution importante. On ne l'a pas demandé dans notre mémoire, on le souligne comme une expérience ayant été vécue.

Deuxièmement, nous considérons que les régies qui existent, les sociétés publiques devraient aller encore plus loin dans la transparence sur le plan des informations et nous fournir les renseignements relativement au coût des projets qu'ils prévoient, les renseignements relativement aux effets que cela peut avoir sur le développement. Nous pensons qu'une fois ce type de renseignement véhiculé, il faut faire confiance à la population, parce que nous estimons que, dans la population comme chez les travailleurs, nous avons l'occasion de le constater tous les jours, c'est incroyable la source d'idées, tout ce qu'on peut piger en quelque sorte et tout ce qui peut nous être proposé par ceux qui vivent les réalités quotidiennes. Nous pensons donc qu'un débat dans ce sens contribuerait à aider quelque gouvernement que ce soit à faire les choix pertinents pour l'avenir.

Je terminerai en disant que nous avons quant à nous deux préoccupations. Il nous semble que le gouvernement a une responsabilité fondamentale sur la question des tarifs de l'électricité concernant les particuliers, par exemple, d'une façon spécifique, et que, évaluant le fardeau des particuliers dans ce sens, le gouvernement, sur le plan politique, a cette responsabilité sociale de faire en sorte que les particuliers soient protégés. Nous voulons souligner que, quant à l'arbitraire possible ou aux arbitrages nécessaires, dans le débat que nous proposons

sur le plan public, il nous semble que tous les événements que nous avons mentionnés et sur lesquels nous nous interrogeons les uns et les autres vont en quelque sorte être servis en termes de réponse par le débat public. C'est pour cela qu'on y accorde tant d'importance, sur le nucléaire comme sur les autres questions. En ce qui concerne le gaz, on estime qu'il reste à agir. Comme vous le dites vous-même, s'il n'y a pas d'empêchement immédiat, il faut agir immédiatement pour connaître les effets qu'on veut rechercher sur le plan économique, social, etc.

Le Président (M. Jolivet): Merci. Au nom des membres de la commission, je vous remercie de votre présence. À la reprise des travaux à 15 heures, nous entendrons BP Canada.

(Suspension de la séance à 13 h 1)

(Reprise de la séance à 15 h 10)

Le Président (M. Jolivet): À l'ordre, s'il vous plaît:

La commission de l'énergie et des ressources est à nouveau réunie aux fins d'entendre les personnes ou organismes qui veulent faire des représentations relativement au plan d'équipement et de développement 1981-1990 de la société Hydro-Québec.

Pour l'information des membres de cette commission, M. le député de Rouyn-Noranda m'indique que, de 16 heures à 18 heures, il sera remplacé par M. Michel Pagé, député de Portneuf.

Les personnes qui ont à présenter un mémoire sont les représentants de BP Canada. J'invite M. Jean Langelier à nous présenter les membres qui l'entourent et à faire son exposé. M. Langelier.

BP Canada

M. Langelier (Jean): M. le Président, messieurs, je suis avec le Dr Dagher, le directeur à la planification de la compagnie, qui est en même temps la cheville ouvrière dans la préparation de ce mémoire, ainsi que M. David Mann, économiste du même département.

BP Canada se réjouit, M. le Président, de l'occasion que vous lui avez offerte de soumettre ses commentaires à votre commission parlementaire sur le plan des installations 1981-1990 d'Hydro-Québec et se dit favorable à tout dialogue constructif sur l'avenir énergétique de la province. Nous regrettons, toutefois, de n'avoir pu consacrer tout le temps que nous aurions voulu à un problème si important, étant donné les très courts délais qui nous avaient été impartis. Nous avons reçu l'avis de convocation et les documents à la toute dernière heure. Donc, nous demanderions, si c'est possible, à l'avenir, de recevoir un préavis raisonnable.

Les premières conclusion et recommandation du dossier plus détaillé que nous avons présenté en 1977 à la commission parlementaire sur la politique de l'énergie du Québec, alors que nous n'avions pas de contraintes de temps, étaient que "la politique à long terme de l'énergie du Québec ne devrait pas être basée sur l'hypothèse que les approvisionnements en pétrole étranger seront disponibles en quantités requises. Le développement de sources d'énergie internes doit être poursuivi activement. L'accélération de projets hydroélectriques doit être considérée comme le fer de lance du développement des sources d'énergie du Québec, ce qui, incidemment, donnerait une relance importante à l'emploi au Québec."

Durant la courte période qui s'est écoulée depuis les débats de 1977, les événements se sont déroulés à un rythme plus rapide que nous le craignions, d'une façon qui renforce la présente recommandation centrale et rend son application encore plus urgente. Pour autant que le programme proposé par Hydro-Québec participe à l'application de la présente recommandation, nous en appuyons les grandes lignes en précisant toutefois que nous désirons faire des observations plus détaillées auxquelles nous reviendrons au cours de notre exposé.

Pour ce qui est de l'énergie nationale, certaines des incertitudes ont été éliminées depuis 1977. Grâce à une période de stabilité relative des politiques et des mesures fiscales et de conditions économiques favorables, l'industrie a pu découvrir et mettre en valeur les quantités supplémentaires de gaz naturel nécessaires pour permettre l'expansion de sa distribution vers l'Est, laquelle est déjà entreprise au Québec. L'objectif de la politique gouvernementale, à savoir l'augmentation de la proportion du gaz naturel dans l'équilibre énergétique de la province aux dépens du pétrole, est ainsi atteint. L'industrie cherche à résoudre le problème du surplus de mazout lourd qui en résulte au moyen d'une étude sur l'amélioration de ce produit menée en collaboration notamment avec SOQUIP et Pétro-Canada et avec l'appui des deux gouvernements. Toutefois, un soutien plus concret pourrait s'avérer nécessaire pour que ce projet soit économiquement viable. Je pense, bien entendu, aux questions d'ordre fiscal. (13 h 15)

Les résultats espérés dans la mer de Beaufort et la région au large de la côte est ont été confirmés par plusieurs résultats d'exploration très encourageants.

La politique énergétique nationale

adoptée en 1980 a malheureusement occasionné de nouvelles incertitudes et de nouveaux retards importants et assombri les perspectives qui, autrement, seraient très positives.

À la suite de la nouvelle politique énergétique fédérale, il est peu vraisemblable que se réalisent nos prévisions de 1977 relativement à la production de brut synthétique, prévisions que nous avions alors qualifiées de conditionnelles à des changements fondamentaux de politique de la part des gouvernements concernés. Dans la région au large de la côte est, le litige sur la compétence juridictionnelle n'est toujours pas près d'être résolu et pourrait bien retarder la production. Les taxes fédérales supplémentaires et les autres mesures dissuasives imposées à l'industrie en vertu de la nouvelle politique énergétique restreindront sérieusement ces moyens pour continuer à effectuer ces programmes poussés d'exploration et de mise en valeur.

Bien que cette politique ne touche pas directement le Québec à titre de producteur d'hydrocarbures, il en subira les effets contraires, si, conformément à notre opinion et à celle de bien d'autres, elle nuit à l'industrie. D'après les prévisions d'Hydro-Québec, à la fin du siècle, le pétrole et le gaz naturel constitueront encore plus de 50% de l'équilibre énergétique du Québec. La prospérité de l'industrie pétrolière et gazière canadienne est donc d'un intérêt vital pour la province.

M. le Président, pour ce qui est de l'approvisionnement en énergie, qu'il soit dit que le pétrole brut subvient actuellement environ 65% des besoins énergétiques du Québec. Approximativement 60% de cette proportion provient de l'Ouest du Canada par l'intermédiaire du pipeline Sarnia-Montréal, ainsi que des échanges de pétrole brut avec les raffineurs américains.

Les réserves de pétrole brut léger naturel et de dérivés liquides du gaz naturel dans l'Ouest canadien ont diminué régulièrement pour passer de 8,800,000,000 de barils, en 1974, à 8,100,000,000 de barils, en 1979.

Il y a aussi les litiges relatifs à la compétence et au prix entre les différents paliers de gouvernement qui menacent actuellement d'accélérer le déclin de la production canadienne, plutôt que seulement le retarder.

La nouvelle politique énergétique encourage les sociétés canadiennes à investir dans les réserves actuelles de pétrole brut et défavorise le capital de risque étranger, tout en maintenant les prix du pétrole brut bien en deçà de ceux qui prévalent ailleurs dans le monde industrialisé. Les dépenses importantes nécessaires pour l'exploration, la mise en valeur et la récupération assistée du pétrole conventionnel, du pétrole lourd et du brut synthétique sont réduites, reportées ou annulées.

Si les tendances actuelles se poursuivent, la production du pétrole brut léger naturel canadien aura diminué de 20% à 30% en 1985. Dans un tel cas, l'approvisionnement des raffineurs québécois en pétrole brut canadien commencerait à diminuer en 1984. Si on ne tente pas d'arrêter le déclin de la production dans l'Ouest du Canada, le Québec pourrait être obligé à la fin des années quatre-vingt d'importer entièrement de l'étranger le pétrole brut dont il a besoin. Cela signifierait des paiements approximatifs de $7,000,000,000 par année aux producteurs étrangers ainsi que des subventions supplémentaires du fédéral en compensation du prix élevé du pétrole importé de plus de $1,000,000,000 par année pour le Québec seulement.

Malheureusement, dans les années quatre-vingt, la situation des marchés sera probablement aussi changeante qu'elle l'a été dans les années soixante-dix avec des périodes de stabilité des prix et d'équilibre de l'offre et de la demande et des périodes de manques et d'augmentations rapides des prix suivies par d'autres caractérisées par des surplus à court terme. Il est donc probable que, dans le contexte de la nouvelle politique énergétique canadienne, le Québec sera obligé d'importer de l'étranger tout le pétrole brut dont il aura besoin, mais l'équilibre entre les fournisseurs, les stocks et la demande sera difficile. Même en admettant que les pays producteurs maintiennent leur production à un niveau généralement adéquat, la quantité, la qualité et les prix d'approvisionnement ou les conditions s'y rapportant ne seraient pas toujours favorables.

Le gaz naturel satisfait actuellement environ 6% des besoins énergétiques du Québec comparativement à environ 25% de ceux de l'Ontario et à 45% de ceux des provinces des Prairies. Contrairement à ses réserves de pétrole brut, le Canada a un surplus de gaz naturel. Effectivement, les réserves commercialisables ont augmenté considérablement entre 1974 et 1980. Il en est ainsi de la nouvelle production nette. D'autre part, les réserves commerciales de gaz naturel du Québec sont négligeables et les possibilités d'accroissement de la production semblent quelque peu limitées.

L'Office national de l'énergie a approuvé le prolongement du gazoduc jusqu'à la ville de Québec. Compte tenu des objectifs de fixation des prix pour le pétrole brut et le prix uniforme pour le gaz naturel à l'est de Toronto, la part du marché énergétique qu'occupe le gaz naturel au Québec devrait doubler d'ici la fin de la décennie.

Au chapitre de l'hydroélectricité et de

la thermoélectricité, nous avons noté qu'Hydro-Québec propose de doubler sa capacité actuelle par une combinaison d'hydroélectricité, de thermoélectricité, d'énergie nucléaire et de stockage par accumulation, ce qui lui coûterait $55,000,000,000 et compléterait la mise en valeur d'environ 60% du potentiel hydroélectrique du Québec.

En 1979, le Québec était importateur d'électricité, les réserves contractées à long terme à Churchill Falls comptant pour environ 27% de l'approvisionnement total. En incluant les achats au Labrador, le Québec pourra répondre à sa propre demande en matière d'électricité et aura des surplus à vendre pendant la majeure partie de la décennie.

Quant aux autres ressources énergétiques, il y a le charbon où les réserves canadiennes sont énormes. La plupart des dépôts carbonifères se situent toutefois dans l'ouest du pays. Comparé au pétrole, le charbon est volumineux, a une faible valeur calorifique et pose de plus grands problèmes environnementaux. Les évaluations techniques et économiques actuellement en cours tendent à minimiser certains de ces problèmes.

Bien qu'il n'y ait aucune réserve de charbon au Québec, on estime que la province dispose d'environ 23 milliards de tonnes de tourbe, ce qui équivaut à 115 billions de pieds cubes de gaz naturel. La tourbe sert principalement à la production de chaleur et de thermoélectricité dans d'autres parties du globe, mais on étudie actuellement la possibilité d'applications locales.

L'énergie éolienne, solaire, marémotrice ainsi que la biomasse continueront de faire l'objet de recherches et serviront à petite échelle dans des régions éloignées et pour des projets pilotes.

Bien qu'il y ait des dépôts d'uranium prouvés au Québec, les dépôts de la Saskatchewan et de l'Ontario pourraient être moins coûteux et de beaucoup plus abondants.

La demande énergétique est influencée par la croissance économique, les prix et les réserves énergétiques, les tendances démographiques, le mode de vie, les facteurs structuraux et les politiques gouvernementales.

Nous prévoyons que la population s'accroîtra lentement au cours des prochaines années, de façon à rejoindre les niveaux de 1974-1978 d'ici le milieu des années quatre-vingt.

La croissance économique devrait prendre de l'ampleur vers la fin de 1981, de façon à refléter le meilleur climat économique dans d'autres secteurs: le revirement de l'industrie de la construction et l'augmentation des investissements dans les secteurs des affaires et de l'énergie. Le taux de croissance moyen devrait être d'environ 3% au cours des cinq premières années de la décennie.

Touchons maintenant à la situation énergétique. Avant 1973, le pétrole brut était bon marché et facile à obtenir. HydroQuébec a plus que doublé sa capacité d'énergie utilisable entre 1965 et 1974. Étant donné que le gaz naturel n'engendre relativement aucun pollution et que son prix à la tête du puits est peu élevé, comparativement au pétrole, on assiste actuellement à une expansion graduelle des systèmes de distribution de ce produit. Bien que le charbon ait suffi à presque 20% des besoins énergétiques du Québec en 1958, il demeure sale, volumineux et coûteux à transporter et à manutentionner.

En 1973, les interventions de l'OPEP ont fait quadrupler les prix internationaux du pétrole brut. Il devint alors manifeste que les réserves supplémentaires de brut étranger ne pourraient peut-être pas répondre à la demande future. Cette situation est demeurée relativement stable pendant cinq ans. Le Canada a réduit ses exportations de brut canadien léger aux raffineurs des États-Unis. Il n'y eut aucune pénurie grave de brut et de produits pétroliers. L'adaptation à une nouvelle situation fut graduelle.

Ensemble, les prix élevés de l'énergie et la lenteur de la croissance économique ont réduit le taux de croissance de la demande énergétique industrielle, surtout en ce qui concerne les produits pétroliers.

La croissante demande internationale de pétrole brut et la crise iranienne ont fait doubler les prix internationaux de brut entre les premiers trimestres de 1979 et de 1980. La production de l'OPEP a atteint son plus bas niveau depuis les dix dernières années en partie à cause de la guerre irano-irakienne. Malgré le ralentissement économique mondial et la réduction graduelle de la demande de brut, les prix ont encore augmenté de 30% au cours des trois premiers trimestres de 1980. Inévitablement, l'histoire se répétera et il faudra faire des rajustements pour s'adapter aux circonstances nouvelles.

En ce qui a trait à la demande énergétique, nous prévoyons que, de 1980 à 1985, cette croissance au Québec demeurera légèrement en dessous de la moyenne annuelle de 2% connue entre 1969 et 1979, ce qui est le résultat de la lente croissance économique et démographique qui se poursuit, ainsi que de la conservation accrue, principalement dans les secteurs résidentiels et du transport. Les prix de l'énergie continueront d'augmenter à un rythme plus rapide que le total des prix à la consommation. (15 h 30)

Touchons maintenant la question du pétrole brut. Les ventes de produits pétroliers raffinés n'indiquaient aucune hausse entre 1974 et 1979. L'augmentation dans le

secteur du transport contrebalance les baisses des secteurs résidentiel, commercial et industriel. Les politiques gouvernementales, les mesures d'encouragement et la hausse des prix des produits pétroliers favoriseront la conservation et l'interchangeabilité des carburants. Entre 1980 et 1990, la demande de produits pétroliers baissera d'en moyenne 1% à 1,5% par année. L'augmentation des ventes de plus petites voitures à plus faible consommation de carburant, ainsi que l'accroissement des ventes de carburant diesel réduiront la demande d'essence. La concurrence du gaz naturel dans le secteur industriel entraînera une diminution des ventes de mazout lourd. L'électricité, toutefois, continuera de s'emparer avidement du marché que représente le chauffage résidentiel, délogeant alors le mazout domestique.

Les produits pétroliers continueront quand même à combler une part importante des besoin énergétiques de la province pendant la décennie, soit 57% en 1985 et 48% en 1990.

La construction du pipeline

TransQuébec et Maritimes pourrait faire doubler les ventes de gaz naturel au Québec au cours de la prochaine décennie; les augmentations majeures se situeraient dans les secteurs industriel et commercial.

Le charbon continuera de constituer une partie des réserves énergétiques totales. L'énergie non classique sera réservée aux usages spécialisés et n'apportera aucune contribution majeure au bilan énergétique de la prochaine décennie. Par voie de conclusion, les prévisions de charge et le plan des installations d'Hydro-Québec ont une base plausible dans la conjoncture énergétique actuelle. Le taux de croissance de la demande évalué a 6,6% pour les années 1980-1985 pourrait être un peu élevé. Les taux de croissance économique et démographique semblent être trop optimistes par rapport aux tendances récentes. L'uniformisation des prix du gaz naturel aux points de livraison, entre Toronto et les villes de l'Est du Canada, accélérera l'introduction du gaz naturel au Québec.

Même dans ces circonstances, la demande d'électricité pourrait croître au rythme de 5% à 5,5% par année. Il serait beaucoup plus risqué de sous-estimer la capacité que de la surévaluer, surtout si les surplus peuvent être exportés à prix abordables. Il est, de plus, beaucoup moins coûteux de ralentir les projets que d'accélérer la construction.

Le désaccord entre Terre-Neuve et le Québec sur la fixation des prix à long terme et les droits hydroélectriques de Churchill Falls ainsi que sur la proposition de construire un réseau de transport traversant le Québec est le seul point d'incertitude majeur concernant l'approvisionnement en énergie électrique.

À long terme, le Québec peut avoir intérêt à participer aux projets de Lower Churchill Falls à Gull Island et à Muskrat Falls. Si Hydro-Québec et la Lower Churchill Falls Corporation pouvaient en venir à une entente satisfaisante, l'exploitation de ce potentiel de 2,300,000 kW serait dans la même voie que sa mission, soit celle de fournir de l'énergie aux taux les plus bas compatibles avec une saine administration financière, retardant la proposition d'exploitation d'une partie du potentiel thermique ou nucléaire entre 1992 et 1995.

Étant donné la nature générale des documents stratégiques et le nombre d'avis qui précéderont les audiences, nous avons choisi de commenter l'envergure et l'orientation des plans d'Hydro-Québec au sein de l'environnement énergétique global de la province. Comme en 1977, nous supportons l'objectif d'expansion des ressources électriques internes lorsque ces dernières sont plus économiques ou plus sûres que les autres sources d'énergie substitutives.

Compte tenu de la taille d'Hydro-Québec et de la portée de ses actes sur l'avenir du Québec, nous estimons qu'un examen beaucoup plus détaillé sur la place publique, comprenant les points suivants, serait non seulement avantageux, mais fort désirable pour le peuple québécois. Je m'adresse aux structures tarifaires et déterminations des coûts, à la pertinence des schèmes de demande, aux exigences de pointe contre les exigences de base, aux impacts sociaux et environnementaux, aux considérations financières et à l'impact d'Hydro-Québec sur l'économie, à un examen des technologies, à l'énergie nucléaire, à la conservation et à la gestion de la demande.

M. le Président, l'étude de la commission parlementaire est un premier pas louable et nous espérons que les audiences soulèveront des points qui feront l'objet d'une discussion publique plus approfondie. Nous vous remercions.

Le Président (M. Jolivet): Merci, M. Langelier. M. le ministre, la parole est à vous.

M. Bérubé: Merci, M. le Président. Je m'excuse au nom des membres de cette commission pour le retard qui semble en fait vous avoir empêchés d'être invités plus tôt et peut-être d'avoir plus de temps pour préparer une analyse à l'intention de notre commission. J'ignore si tous les délais ont été respectés. Dans le cas de tous les intervenants, je crois qu'il y a des délais normalement prévus par notre règlement qui peut-être n'ont pas été respectés, mais je vais quand même faire vérifier.

J'ai au moins deux questions à poser. Je vais les poser le plus rapidement possible

pour donner l'occasion également aux membres de notre parti d'intervenir. La première question a trait aux approvisionnements en pétrole pour le Québec. J'aimerais avoir l'impression de la compagnie concernant l'avenir immédiat. Hydro-Québec nous a soumis un plan d'équipement qui fait appel à des turbines à gaz pour la production d'une électricité dite de pointe fine, c'est-à-dire des productions qui ne dépassent pas une centaine d'heures par année. En même temps, cela implique évidemment de faire appel au pétrole pour la production de cette énergie et cela implique un rendement énergétique qui est très bas, pratiquement du trois à un. On peut donc s'interroger sur le bien-fondé d'une telle pratique et votre témoignage va certainement aider la commission à mieux saisir le problème.

Dans la mesure où la production albertaine décroît et dans la mesure où la production de la Saskatchewan également décroît en pétrole, on peut imaginer que celui qui est appelé à supporter cette réduction est celui qui est placé à l'extrémité du tuyau. On n'est pas pour priver quelqu'un le long de la ligne, alors qu'il y a du pétrole qui lui coule sous les yeux, on va plutôt le faire porter par l'intervenant qui est situé à l'extrémité du pipeline. Également, compte tenu de la décision albertaine de réduire la production, compte tenu de l'imbroglio politique actuel entre le gouvernement fédéral et l'Alberta -je me passerai de commentaires politiques en l'occurrence, j'en ai déjà fait en d'autres temps - on ne peut pas ne pas être un peu inquiet de la situation. Tout récemment, on portait à mon attention certaines données techniques à savoir que le Québec verrait ses approvisionnements peut-être coupés à la fin du troisième trimestre à 36,000 mètres cubes par jour et cela suppose même une coupure de près de 20,000 mètres cubes à être supportée par l'Ontario. Il est loin d'être évident que l'Ontario voudra encaisser une telle coupure et, par conséquent, il n'est pas impossible que ce soit le Québec qui encaisse tout. Dans le cadre des discussions PAC et SAC, avez-vous des informations concernant l'état de vos approvisionnements en pétrole, par exemple, dans un avenir immédiat? Je pose la question, parce qu'il va de soi que la moindre pénurie de pétrole pourrait provoquer un transfert à l'électricité qui n'a rien à voir avec des questions de tarification, qui aurait simplement à voir avec la sécurité d'approvisionnement. J'aimerais savoir comment vous voyez la situation de vos approvisionnements au cours de l'année qui se termine, l'année prochaine, dans l'avenir immédiat.

Le Président (M. Jolivet): M. Langelier.

M. Langelier: M. le Président, je demanderais, avec votre permission, M. le ministre, au Dr Dagher de répondre à cette question qu'il a épuisée dernièrement.

Le Président (M. Jolivet): M. Dagher.

M. Dagher (Joseph): M. le Président, je crois qu'on devrait aborder cette question sur deux plans. Quant au manque physique de produits pétroliers, je crois qu'il est fort peu problable qu'il se produise. On raffine au Québec 500,000 barils par jour, grosso modo, dont 300,000 viennent de l'Alberta. Ces derniers seraient coupés de 60,000 barils par jour; au départ, 100,000 barils, en diminuant, de façon que, pour le premier trimestre, il atteigne 60,000 barils par jour. On a des inventaires, des stocks dans les raffineries qui d'habitude couvrent nos besoins de 70 à 90 jours. Il est de pratique qu'entre les mois d'avril et de septembre une ou deux des raffineries ferment pendant un bon mois pour faire ce qu'on appelle a "measure overhaul". Le demande devrait fléchir seulement à cause de cela.

Ensuite, le premier ministre Lougheed a inséré dans son histoire une soupape de sécurité. Il y a dit que, s'il y avait pénurie au Québec ou ailleurs, il rouvrirait le robinet. On peut se fier à cela. Je crois qu'on devrait se fier à cet engagement de sa part.

Jusqu'à un certain point, on est un peu chanceux que cela se produise maintenant, passé la période d'hiver, surtout que, dans les marchés mondiaux, malgré le conflit irano-irakien, les approvisionnements sont assez amples. Il y a un surplus de production à cause d'un fléchissement énorme de la demande à l'échelle mondiale, surtout aux États-Unis et ailleurs, en partie à cause du marasme économique général, mais aussi à cause de l'augmentation des prix.

Par contre, je ne veux pas donner l'idée qu'il y a une sécurité absolue et complète dans cette situation. Il y a toujours des coûts d'approvisionnement supplémentaires en pétrole en s'approvisionnant ailleurs. On n'a pas le choix dans ce cas-là. On préférerait bien le pétrole brut albertain au pétrole mondial qui serait en général un pétrole beaucoup plus lourd. Si votre inquiétude est surtout dirigée du côté du diesel, vous avez raison, ce pétrole a moins de capacité de production que le pétrole léger de l'Alberta.

Il y a une toile de fond qui dit qu'il y a une certaine sécurité d'approvisionnement à venir dans le sens où il y a une soupape de sécurité insérée dans cela par M. Lougheed, que les stocks sont adéquats, que le marché mondial est assez ample pour le moment, mais il y a quand même le fait qu'on va avoir des économies à encourir en achetant des bruts autres que ceux qu'on voudrait

normalement acheter. Le tout va être couvert par la subvention d'Ottawa aux importateurs et aux consommateurs québécois, mais il ne faut pas se leurrer là-dedans, Ottawa ne paie pas cela à partir de rien, il prend l'argent de nos poches pour payer pour cela. Nous le payons donc d'une manière indirecte, sauf qu'on le paie à l'échelle du pays plutôt que d'impliquer directement les consommateurs.

À long terme, comme mon collègue l'a dit, on est en train d'étudier sérieusement la possibilité de transformer les parties lourdes du baril, précisément pour faire place au gaz naturel et à l'électricité dans certains secteurs, et de transformer ce mazout lourd en du diesel, en particulier, en essence, en produits plus légers qui devraient faire décroître la demande totale de brut au Québec, mais c'est quelque chose qui n'arrivera pas avant quatre ou cinq ans, si on va à toute vitesse là-dedans.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Bérubé: Pour y aller plus précisément, êtes-vous avisés présentement que vous devrez subir des coupures dans vos approvisionnements? De quel ordre sont-elles? Deuxièmement, si je comprends bien votre réponse, vous n'avez cependant tellement de crainte quant à votre approvisionnement sur le marché mondial en ce sens que vous pensez que le marché mondial, actuellement, est assez ample pour vous permettre d'aller chercher le pétrole qui vous manquerait.

Le Président (M. Jolivet): M. Dagher.

M. Dagher: C'est cela, M. le ministre. M. le Président, si je peux me permettre, notre part de coupures - je parle de BP Canada - serait de l'ordre de 6000 barils par jour. On a 10% d'allocation totale de l'Alberta au Québec, ce sont les pertes qu'on subirait mais, comme je le dis, on a des inventaires qui vont pouvoir agir comme un coussin pendant un bon bout de temps.

M. Bérubé: 6000 barils par jour; c'est au mois de mars, la première coupure.

M. Dagher: D'accord.

M. Bérubé: II s'agit donc de trois coupures successives. Cela pourrait porter cela à 18,000 barils par jour sur une consommation de combien?

M. Dagher: Une consommation de 60,000 barils par jour, dans notre cas.

M. Bérubé: D'accord. Ce sont les coupures maximales auxquelles vous vous attendez et vous prévoyez pouvoir aller chercher cela sur le marché mondial, en l'occurrence.

M. Dagher: Si le marché mondial continue à ce rythme et qu'il n'y a pas d'autre conflagration, d'autre chambardement, oui, je pense qu'on devrait être optimiste à ce sujet. Les coûts seront assez élevés, par exemple, mais c'est une autre histoire.

M. Bérubé: Oui, je m'en doute. Vous avez parlé de l'usine de revalorisation. J'aimerais savoir si, dans votre esprit, votre entreprise a l'intention de s'impliquer et, deuxièmement, quand cette usine devrait être en mesure de fonctionner à Montréal.

M. Dagher: D'accord. Oui, M. le Président, on est impliqué dans cette étude très sérieusement avec toutes les autres compagnies de Montréal, y compris SOQUIP et Petrocan là-dedans aussi. On travaille à la plus forte allure qu'on peut se permettre dans cela parce que, naturellement, quand on a plusieurs partenaires dans une situation, il faut essayer de préserver les intérêts de tous. On prévoit pouvoir prendre une décision effective pour faire des commandes de matériel, etc., vers la fin de cette année, ce qui veut dire que l'usine pourrait être en marche fin 1984, début 1985.

Le Président (M. Jolivet): D'autres questions, M. le ministre?

M. Bérubé: Non, merci.

Le Président (M. Jolivet): M. le député d'Outremont.

M. Fortier: J'aimerais revenir sur l'approvisionnement en pétrole pour le Québec et, pour qu'on se comprenne bien, j'aimerais définir trois scénarios. Il y aurait un premier scénario; vous parliez du pétrole léger ou du pétrole conventionnel de l'Alberta. C'est le scénario no 1. Le scénario no 2, c'est dans une optique où on développerait des sables bitumineux et de nouvelles sources de pétrole en Alberta. C'est ce qui nous amènerait une assurance d'autonomie pétrolière assez considérable. Le scénario no 3, c'est le scénario no 1 modifié par la déclaration de M. Lougheed de fermer le robinet tranquillement pour mettre la pression sur le gouvernement fédéral de façon à faire avancer les négociations.

Dans votre document, je crois, vous vous référez à une date, 1984, à partir de laquelle vous dites que normalement - et je crois qu'ici je me réfère au scénario no 1 -le pétrole léger va commencer à manquer et ce, à cause des réserves qui existent. Normalement, compte tenu de la consommation, il s'ensuivrait que le pétrole léger, traditionnel de l'Alberta commencerait

à manquer. Je voudrais, en premier, identifier, m'assurer qu'on parle de la même chose. Est-ce qu'on parle exactement de trois scénarios possibles?

M. Dagher: Oui, M. le député.

M. Fortier: Bien sûr, le scénario no 3 est un scénario que l'on va expérimenter dans les jours qui viennent, mais c'est un scénario artificiel dans le sens que cela dépend considérablement de la possibilité de l'Alberta et du fédéral de s'entendre. Dans votre présentation, vous avez extrapolé ce scénario jusqu'à la fin des années quatre-vingt. Ne serait-il pas raisonnable de penser que, compte tenu du fait qu'il y a un besoin pressant pour le Canada et l'Alberta de s'entendre, pour les raisons que vous avez évoquées... D'une part, même si le gouvernement canadien a le loisir de payer à même nos taxes des importations de pétrole, cela va sûrement être une pression sur le fédéral pour négocier et, d'autre part, l'Alberta, elle aussi, a certainement avantage à ce que le problème soit réglé dans les meilleurs délais. N'y aurait-il pas lieu, au lieu d'être très pessimiste et d'extrapoler ce scénario jusqu'à la fin des années quatre-vingt, de supposer, d'espérer que, d'ici quelques mois ou d'ici un an ou deux, une solution soit trouvée au problème, que des négociations s'engagent pour, de fait, revenir à ce moment-là au scénario no 2 qui est de fait un scénario où les sables bitumineux sont développés et que, finalement, on se retrouve dans des situations où on aurait été s'il y avait eu entente entre l'Alberta et le gouvernement fédéral il y a quelques mois?

Le Président (M. Jolivet): M. Langelier ou M. Dagher. M. Dagher.

M. Dagher: Je suis pas mal optimiste et je crois qu'éventuellement, on va retourner au scénario no 2, le développement rapide des sables bitumineux. J'ajouterai à cela qu'il y a d'autres sources, comme l'Ibernia et la mer de Beaufort, qui vont apporter leur contribution si les problèmes politiques eux aussi sont résolus.

C'est une course contre le temps, M. le député. On a perdu un an ou deux dans le développement des sables bitumineux. C'est un temps difficile à rattraper. À long terme, je reste très optimiste dans le sens que, si toutes les données politiques sont résolues à l'avantage de tout le monde, on a une sécurité d'approvisionnement presque certaine à partir des sables bitumineux des autres sources de pétrole naturel qu'on retrouverait dans l'Est du pays ou dans la mer de Beaufort.

C'est une course contre le temps uniquement et je ne sais pas combien de temps on peut se permettre de perdre à discuter l'aspect politique de la question.

M. Fortier: On va revenir là-dessus, mais j'aimerais, au préalable, que vous me donniez votre opinion sur la date à laquelle on pourrait espérer faire en sorte que le Québec puisse être alimenté par du pétrole qui viendrait du puits Ibernia ou enfin, près de Terre-Neuve. Est-ce que votre compagnie est impliquée dans cette région? Néanmoins, compte tenu de votre connaissance du dossier, est-ce que vous pouvez mettre une date approximative sur ce moment où on pourrait être approvisionné par cette source de pétrole de Terre-Neuve?

M. Dagher: M. Fortier, notre compagnie n'est pas impliquée directement dans le puits Ibernia. Tout ce que je peux, c'est citer ce que les autres compagnies qui, elles, sont impliquées, ont dit. Elles ont été très réservées dans leurs remarques. Mais j'ai cru entendre, à l'audience récente de l'Office national de l'énergie, que 1985 serait une date de production fort probable pour l'Ibernia. Donc, pour la mer de Beaufort, on envisage commencer en 1986-1987 et avoir une très forte production vers les années quatre-vingt-dix.

M. Fortier: Bien sûr, le puits d'Ibernia ne sera pas suffisant, selon ce qu'on en connaît maintenant. Il faudra quand même avoir les sables bitumineux en plus de cela.

M. Dagher: Absolument, monsieur.

M. Fortier: Je suis allé en Alberta dernièrement et on me dit qu'il y a une date fatidique, la date fatidique pour les compagnies comme le projet de Cold Lake et de Alsands. On a dit qu'il y avait une date qui est autour de juin ou de juillet cette année, date à laquelle elles pourraient bien décider de ne pas continuer le projet et, à ce moment-là, cela engagerait des projets encore plus considérables que ceux dont vous parliez.

Compte tenu de cette situation, il y a une question que j'aimerais vous poser. Il est bien entendu que le différend qui existe, qui est un différend entre l'Alberta et Ottawa, Le ministre a tout à fait raison de dire que ce différend pourrait causer un préjudice considérable au Québec. Mais ce je ne peux pas comprendre, c'est pour quelle raison le ministre ne cherche pas à trouver une solution ou aider à trouver une solution. Ma question est donc celle-ci: Dans quelle mesure serait-il avantageux pour le Québec de chercher à réconcilier ce qui semble être irréconciliable dans le moment? Ne pensez-vous pas que le Québec, compte tenu de sa position - aurait avantage à faire des pressions? Jusqu'à maintenant, il ne s'est pas exprimé hien fort dans ce dossier. Ma visite

là-bas m'a convaincu d'une chose, c'est que le Québec a très bonne réputation là-bas. Est-ce qu'on n'aurait pas avantage à essayer, non pas d'intervenir, parce que c'est un dossier très litigieux, mais de faire certaines pressions politiques pur faire en sorte que les deux parties se parlent et qu'enfin on trouve une solution à ce problème?

Le Président (M. Jolivet): M. Dagher.

M. Dagher: M. Fortier, vous avez dit beaucoup plus clairement ce qu'on a essayé de dire d'une manière un peu indirecte dans notre mémoire. Bien que le Québec ne soit pas impliqué directement dans la nouvelle politique énergétique d'Ottawa, dans le sens que les impositions n'affectent pas le Québec en tant que producteur, le Québec a un très grand intérêt à la viabilité, au bien-être de l'industrie pétrolière. Tout ce que le Québec pourrait faire dans ce dossier, en assistant l'industrie, en essayant de concilier des buts opposés de ses deux gouvernements, aurait des avantages très directs pour le Québec même.

M. Fortier: Finalement, j'ai pris bonne note qu'une fois de plus votre compagnie, en plus d'autres groupements et d'autres associations, a pris position pour un débat public. Je vois ici que vous avez défini ce que ce débat public ou cet examen public devrait couvrir. Quels avantages croyez-vous pouvoir en retirer vous-mêmes? J'imagine que, si vous l'avez suggéré, c'est parce que votre propre compagnie ou, enfin, votre secteur énergétique y trouverait son compte. Pourriez-vous expliciter votre pensée là-dessus?

Le Président (M. Jolivet): M. Dagher.

M. Dagher: D'abord, je voudrais dire, M. le député, que le fait qu'on amorce un débat public n'implique pas nécessairement que tout va s'arrêter, qu'on va cesser de construire des centrales hydroélectriques. Il y a des choses communes, le gaz va continuer à pénétrer. Ce que je veux essayer de dire, c'est que le débat peut se dérouler pendant que les choses avancent quand même. Donc, cela n'implique pas nécessairement un délai dans la mise en marche des directions sur lesquelles tout le monde est d'accord.

Ce que ce débat donnerait aux citoyens et aux compagnies, à tous les agents économiques, c'est une connaissance plus profonde des directions éventuelles et constantes du gouvernement. Si on pouvait retirer de ce débat des perspectives assez constantes dans les directions du gouvernement, de sa politique énergétique, on serait plus capable d'agir. Pour vous donner un exemple, la décision d'améliorer l'usine de transformation du pétrole lourd ou du mazout lourd de Montréal, dans laquelle plusieurs compagnies sont impliquées au stade des études, nécessitait d'abord une décision de la part du gouvernement d'avoir une politique gazière bien définie. Ce n'est que quand on a su que le gouvernement voulait sérieusement mettre les choses en marche, de manière que le gaz pénètre sérieusement le secteur énergétique au Québec, que la question économique s'est posée: Est-ce qu'il ne faudrait pas revaloriser le mazout lourd? La clarté qui sortirait de cette discussion, je crois, aiderait tout le monde et tranquilliserait beaucoup de personnes aussi.

M. Fortier: Finalement, la dernière question que j'aimerais vous poser est celle-ci. Vous semblez indiquer dans votre mémoire que vous croyez que l'électricité va prendre une grande part du marché du chauffage domestique. Qu'est-ce qui vous amène à dire cela? Pourquoi ne dites-vous pas qu'il serait préférable que le gaz pénètre ce marché?

Le Président (M. Jolivet): M. Dagher.

M. Dagher: M. le Président, au fond, on ne fait, plus ou moins, que répéter les statistiques ou les données d'Hydro-Québec là-dedans. Je n'essaie pas de dire qu'on ne les croit pas ou qu'on ne pense pas qu'elles sont valables. Sur la question du gaz naturel, quand on dit qu'il augmentera de 6% à 12% en une décennie, ce n'est pas sa pénétration ultime évidemment; c'est la question du rythme auquel le gaz pourra petit à petit s'implanter dans les villages et dans les villes. C'est un travail de longue haleine, je crois. Certains clients d'une certaine taille peuvent changer au gaz naturel très vite, mais, installer le gaz dans tout un village, toute une ville ou toute une contrée, je pense que c'est un travail de longue haleine qui va prendre beaucoup de temps. De ce temps-ci, il n'y a que l'électricité qui peut subvenir presque immédiatement à ces besoins. Cela soulève la question suivante si à plus long terme le gaz devait prendre cette place: Est-ce que, parce qu'on n'a pas pu avancer assez vite dans l'installation du gaz, on s'embarque dans le chauffage électrique et qu'on le regrette plus tard?

M. Fortier: Vous ne croyez pas que cela va se jouer, justement, durant les cinq ou six prochaines années, puisque c'est là que les prix du pétrole vont augmenter considérablement? Devant cette flambée des prix du pétrole et du mazout domestique, les gens vont réagir, aidés par des incitatifs de toutes sortes, pour aller à l'électricité et, si le gaz n'y est pas, à ce moment-là, ils n'auront pas le choix et cela va se jouer d'ici 1986.

M. Dagher: C'est précisément là le problème, M. le député.

M. Fortier: Merci beaucoup.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Gouin. (16 heures)

M. Tremblay: M. le Président, j'aimerais profiter du passage de M. Langelier et de M. Dagher, puisqu'ils sont les représentants de la seule compagnie pétrolière à venir témoigner devant la commission, pour soulever un des problèmes économiques majeurs de la région de Montréal qui se rattachent au problème énergétique. Le problème, en l'occurrence, est le problème de l'industrie pétrochimique. Je sais que votre compagnie n'est pas aussi impliquée que d'autres, comme Union Carbide ou Gulf, dans les vapocraqueurs et dans la pétrochimie, quoique vous soyez au niveau de la pétrochimie, mais il est évident que le tableau que vous nous avez brossé met en cause non seulement des enjeux énergétiques, mais aussi des enjeux économiques importants pour la région de Montréal. Je rappelle que l'industrie pétrochimique, dans la région de Montréal, emploie directement et indirectement, par la truchement de 400 entreprises qui s'y approvisionnent, quelque 80,000 personnes, ce qui évidemment est très important pour l'économie de la région de Montréal.

Dans le passé, Montréal a été le centre pétrochimique canadien par excellence. Nous avons déjà produit plus que 50% de la production pétrochimique canadienne. Le développement de Sarnia est venu entamer cette part du marché. Le développement du complexe pétrochimique de l'Alberta continue de diminuer la part du Québec. Si vos hypothèses sont justes - je n'ai pas de raison de les mettre en cause - voulant qu'à la fin des années quatre-vingt, nous devrions faire face à des problèmes sérieux en approvisionnement de cette matière première qu'est le pétrole pour la région de Montréal, et que si nous avons un approvisionnement, ce sera un approvisionnement en pétrole lourd qui coûtera cher à bonifier, ou s'il vient, comme l'a dit le député d'Outremont, en provenance des sables bitumineux, ce sera quand même un pétrole dispendieux. Ceci pose donc une problématique particulière du câté de l'approvisionnement de la matière première.

D'autre part, au niveau de la politique des subventions, je pense que le ministre fédéral de l'Énergie a indiqué qu'il n'était pas favorable à la subvention du pétrole importé pour des fins pétrochimiques dans le cadre, entre autres, de l'expansion de Pétromont, avec le consortium de la SGF, Union Carbide et Gulf. Donc, dans une perspective semblable, j'aimerais vous demander comment vous voyez l'avenir de l'industrie pétrochimique de Montréal rattachée un peu à celle des raffineries de Montréal, si on s'en va vers un problème d'approvisionnement sérieux dans cette matière première qu'est le pétrole. Je vous demande s'il y a possibilité que le gaz naturel puisse, dans les années creuses de l'approvisionnement en pétrole, prendre un peu le relais du pétrole et empêcher que Montréal perde presque en totalité, dans les années quatre-vingt-dix, son industrie pétrochimique, avec la perte d'emplois et la pression au ralentissement économique que ceci signifierait.

Le Président (M. Jolivet): M. Dagher.

M. Dagher: M. le Président, si nous avons soulevé l'hypothèse de ce problème d'approvisionnement en pétrole à long terme pour la région de Montréal vers la fin des années quatre-vingt, nous avons dit aussi que ces problèmes seraient de notre propre création en tant que Canadiens. Donc, nous avons notre propre solution ici, pour la sécurité d'approvisionnement, à Montréal. Il s'agit de se mettre à la tâche. Comme le député d'Outremont l'a dit, il faudrait que le Québec entre dans la discussion, offre ces bons offices pour essayer de débloquer ce dossier qui semble pris dans une ornière. Si on a dit qu'il y a certaines inquiétudes sur l'approvisionnement si on est dépendant des marchés internationaux pour la fourniture à Montréal, nous avons dit aussi qu'il y a des solutions canadiennes qui sont en train d'émerger et qu'il s'agit simplement de débloquer. Il en tient à nous collectivement de faire ce qu'on peut là-dedans. Le pétrole lourd avec l'usine de bonification du mazout lourd va créer certaines coupes de pétrole qui seront adéquates pour des emplois de pétrochimie, du naphte en particulier. Cela va augmenter la quantité de naphte total disponible à partir du complexe de raffinage de Montréal.

M. Tremblay: À quel prix?

M. Dagher: Le prix de la bonification est encore en train d'être étudié; il va être assez élevé, j'ai bien peur. Cela va coûter cher, mais c'est presque inévitable, pas uniquement pour la pétrochimie, mais en général, pour toutes les raisons de la balance énergétique du Québec. La possibilité que vous avez soulevée d'employer le gaz naturel comme un des "feed-stock" pour la pétrochimie est très valable surtout que le prix du gaz naturel à Montréal ne devrait pas être différent de celui de Sarnia ou de Toronto. Donc, s'ils peuvent le faire à partir de ce "feed-stock", pourquoi pas nous? C'est la sécurité...

M. Tremblay: Donc, diriez-vous, M. Dagher, dans la perspective que la politique énergétique canadienne ne sera pas modifiée dans le sens que vous souhaitez et que, finalement, le pétrole importé à Montréal deviendra la source principale d'approvisionnement de l'industrie pétrochimique à un prix international non subventionné, que la tendance vers le déplacement de l'industrie pétrochimique en direction de Sarnia et en direction de l'Ouest va se poursuivre. Du moins c'est une perspective que l'on peut envisager? Si cette tendance existe, ne vaudrait-il pas la peine, dans le cas du Québec, de prendre les mesures, dès maintenant, pour diriger en priorité le gaz naturel, que nous aurons dans les prochaines années, vers l'industrie pétrochimique? Comme vous dites, ce gaz serait concurrentiel avec Sarnia alors que le pétrole ne serait pas concurrentiel avec Sarnia.

Le Président (M. Jolivet): M. Dagher.

M. Dagher: Je ne souscris pas entièrement à une de vos remarques, M. le député, parce que vous avez dit que... Disons que la politique énergétique canadienne a subi beaucoup de changements, mais elle a une constante. C'est que le prix du pétrole est, grosso modo, le même à travers le pays. Quel que soit son coût d'importation à un endroit donné, il va toujours être égalisé de manière que, à Montréal, il ne soit pas beaucoup plus élevé qu'à Sarnia. La politique définie du gouvernement...

M. Tremblay: Un instant. Vous ne croyez donc pas M. Lalonde lorsqu'il dit qu'il n'a pas l'intention de subventionner le pétrole importé pour l'industrie pétrochimique, lors de certaines déclarations qui ont été faites il y a quelques semaines, ce qui a créé une consternation dans le consortium de Pétromont, entre autres, parce que ce projet ne sera plus rentable si le pétrole acheté n'est pas au prix canadien de $21 ou $22 le baril et qu'on doive s'approvisionner sur le marché international à $42.

M. Dagher: Je dois admettre que je ne suis pas au courant de cette déclaration de M. Lalonde que la subvention variera selon la fin à laquelle on emploie ce pétrole. Il serait difficile de mettre cela en vigueur étant donné que le pétrole serait subventionné à un certain niveau plus ou moins égal à travers le pays aux raffineurs qui, eux, produiraient du naphte à des prix, je dirais, concurrentiels avec le reste du pays. J'entrevois le problème comme étant une question de sécurité d'approvisionnement plutôt que de prix.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Saint-François.

M. Rancourt: Merci, M. le Président. J'aurais une question à la suite de la présentation d'Hydro-Québec hier. Nous avons appris que la disponibilité de capitaux sur les marchés devenait de plus en plus difficile. Pourriez-vous me dire si cela pourrait affecter les autres industries privées dans le domaine énergétique surtout à la recherche de capitaux de développement? Est-ce que les emprunts considérables que...

Le Président (M. Jolivet): M. Dagher.

M. Dagher: M. le Président, je ne suis pas qualifié pour me prononcer sur la disponibilité du coût des capitaux à l'échelle mondiale. Non, franchement, je ne connais pas le manque de capital auquel Hydro-Québec se référait hier. Je ne sais pas si elle se référait à un manque de capital ou à un coût élevé du capital.

M. Rancourt: Le taux d'intérêt ne compte pas beaucoup quand on fait une demande de capitaux pour de nouveaux investissements. J'imagine que c'est la même façon que l'industrie pétrolière pour financer ses recherches d'exploration et autres. Cela doit être considéré dans son coût d'opération, dans son coût de gestion, et cela doit sûrement se ressentir à quelque endroit s'il y a plusieurs industries dans le domaine énergétique qui sont à la recherche de capitaux en même temps.

M. Dagher: C'est un des problèmes auxquels fait face l'industrie pétrolière elle-même. On a à faire face à des demandes de capitaux énormes pour les sables bitumineux et les autres choses. On sera en concurrence avec Hydro-Québec si tout le monde se lance en même temps sur les marchés mondiaux.

M. Rancourt: À un autre endroit de votre mémoire que j'ai lu, vous parliez un peu de l'électrification du domaine du transport, qui n'a pas été tellement touché. J'ai posé la même question hier à Hydro-Québec au niveau de la diversification de l'utilisation de l'électricité; on parle du ferroviaire, en particulier, le métro. On m'a donné comme réponse que le métro est un utilisateur de X millions de kilowatts. Est-ce qu'on pourrait considérer que cela serait une bonne utilisation de l'hydroélectricité versus l'industrie pétrolière, le domaine du transport en commun, par exemple? Votre point de vue.

M. Dagher: M. le Président, je crois que, bien qu'ayant dit que le transport est un des domaines presque exclusifs des produits pétroliers, cela n'exclut pas les

applications auxquelles vous faites référence. Nous en avons parlé dans notre mémoire, le métro, l'éelectrification des réseaux ferroviaires, peut-être même des autobus dans certaines grandes villes; je ne connais pas les données économiques du problème, mais je pense qu'il vaut la peine d'être étudié.

M. Rancourt: Merci. J'ai été absent quelques minutes. Il est possible qu'on vous ait posé cette question. Concernant les programmes d'économie d'énergie, est-ce qu'à votre niveau vous voyez que toute promotion d'économie d'énergie est valable à tous les points de vue justement même pour les compagnies gazières. D'ailleurs, dans les chiffres des compagnies gazières et d'Hydro-Québec, hier, il y avait une différence au niveau présumément de ce que pouvait être la relation entre les deux. Est-ce que vous autres, comme industrie pétrolière, considérez que tous les programmes d'économie d'énergie sont valables et doivent être menés avec de plus en plus de force?

Le Président (M. Jolivet): M. Dagher.

M. Dagher: M. le Président, je suis complètement d'accord. Comme le président d'Hydro-Québec lui-même l'a dit, l'énergie la meilleure marché est celle qu'on ne consomme pas. À ce point de vue, l'industrie pétrolière tend de plus en plus à penser que sa mission, sa vocation ultime est précisément de se concentrer sur l'essence et la pétrochimie, les lubrifiants, l'asphalte et laisser la place dans le chauffage, où l'économie est la plus prononcée, aux autres sources d'énergie qui sont beaucoup plus disponibles et beaucoup plus sécuritaires telles que l'électricité et le gaz naturel. Il n'y a pas de conflit là-dedans.

M. Rancourt: D'accord. Une dernière question. Dans votre mémoire, vous indiquez aussi que la place du gaz en plus du chauffage était dans l'industrie, ce qui veut dire qu'un gazoduc devrait, en principe, rejoindre les plus grandes industries consommatrices au niveau du coût de production pour leur fournir les énergies dont elles auront besoin durant les 20 prochaines années. C'est cela que j'ai compris de votre mémoire. C'est que cette industrie gazière serait vraiment, à ce point de vue, très valable.

Le Président (M. Jolivet): M. Dagher.

M. Dagher: Oui, M. le Président. Il est beaucoup plus facile de convertir un grand usager, une grande industrie qui emploie, disons, du mazout au gaz naturel que d'essayer d'arriver à ce même transfert de produits à partir de 10,000 maisons individuelles. Naturellement, on va prendre, je crois, dix ans, quelque chose comme ça.

M. Rancourt: Évidemment, c'est une vérité qui est facile à comprendre.

Le Président (M. Jolivet): Merci, au nom des membres de cette commission, M. Langelier, M. Dagher et M. Mann. Je vous remercie.

Gaz Inter-Cité Québec Inc.

Nous faisons appel maintenant à Gaz Inter-Cité Québec Inc. représenté par M. Gilles Barbeau. À M. Barbeau, je vais demander de nous indiquer le nom de la personne et les responsabilités de cette personne qui l'accompagne. (16 h 15)

M. Barbeau (Gilles): M. le Président, j'ai avec moi ici M. Jean De Grasse, le directeur des études de marché pour Gaz Inter-Cité Québec.

M. le Président, MM. les membres de la commission, Gas Inter-Cité Québec a présenté une demande pour obtenir le droit exclusif d'exploiter un système de distribution de gaz naturel en faveur des usagers des secteurs domestique, commercial et industriel dans la plupart des régions du Québec non desservies présentement en gaz naturel.

À la suite de la requête présentée par Gaz Inter-Cité Québec, la Régie de l'électricité et du gaz du Québec a tenu des audiences publiques. Au cours de ces audiences, il fut longuement discuté, entre autres, du potentiel que représentaient pour le gaz naturel les marchés non desservis actuellement au Québec. Pour sa part, Gaz Inter-Cité Québec a étudié de façon exhaustive les nouveaux marchés québécois compris dans le territoire montré à l'annexe

I du présent mémoire et qui inclut 85 municipalités réparties à l'intérieur de quatre zones bien définies, tel qu'indiqué à l'annexe

II du mémoire.

Les résultats de l'étude entreprise par Gaz Inter-Cité Québec relativement au nombre de clients raccordés et au volume de gaz vendus sont montrés aux annexe III et IV de notre mémoire.

Conformément aux politiques gouvernementales mises de l'avant dans le livre blanc sur l'énergie publié en juin 1978, le rôle accru du gaz naturel au Québec contribuerait à atteindre les quatre objectifs suivants: 1. accroître l'autonomie énergétique du Québec; 2. privilégier le développement simultané de l'économie et de l'emploi au Québec; 3. impliquer des Québécois dans la mise en place de la politique énergétique;

4. intégrer la dimension énergétique dans les grandes décisions socio-économiques des pouvoirs publics.

De façon plus directe, une plus grande pénétration du gaz naturel permettrait d'assurer une meilleure sécurité d'approvisionnement et d'offrir aux Québécois une plus grande flexibilité dans le choix des sources d'énergie qui leur sont disponibles, tout en contribuant à l'essor du développement industriel du Québec.

C'est dans cette optique que Gaz Inter-Cité Québec a fait l'évaluation des marchés du Québec non desservis présentement et qu'elle préconise l'adoption d'une politique énergétique visant à réduire la dépendance du Québec des sources énergétiques importées et plus particulièrement à: 1. remplacer l'huile utilisée pour le chauffage par le gaz naturel; 2. remplacer l'emploi du pétrole brut importé par le gaz naturel, lorsque possible; 3. décourager l'emploi de l'énergie hydroélectrique pour le chauffage; 4. maintenir les exportations de gaz naturel en excès des besoins domestiques.

Alors que l'expertise de Gaz Inter-Cité Québec se limite principalement au domaine de l'industrie du gaz naturel, Gaz Inter-Cité Québec ne s'aventurera pas dans le détail des calculs de la demande prévue en énergie électrique au cours de la prochaine décennie.

Gaz Inter-Cité désire plutôt soulever certains points de discussion qui, à son avis, ne sont pas assez précisés dans la stratégie mise de l'avant par Hydro-Québec et qui doivent être pris en considération.

Les trois points majeurs sont les suivants: 1. approvisionnement en gaz naturel; 2. pénétration possible du gaz naturel; 3. secteurs des marchés susceptibles d'accroître la pénétration du gaz naturel.

Étudions maintenant ces trois points. Approvisionnement en gaz naturel. Dans la brochure d'Hydro-Québec intitulée Une stratégie pour la décennie 80, il est mentionné, dans la section avant-propos, que le Québec "ne peut compter que sur des apports limités de gaz naturel canadien".

Cette affirmation, tout en créant une certaine confusion, fausse quelque peu la réalité. En effet, il est publiquement connu que les réserves de gaz naturel dans les régions conventionnelles, principalement en Alberta, sont actuellement plus que suffisantes pour faire face à une demande accrue des marchés canadiens incluant l'Est du Canada, tout en respectant les contrats reliés à l'exportation des volumes de gaz vers les États-Unis. De plus, les découvertes de gaz naturel dans les régions frontalières, soit de la vallée du Mackenzie, soit des îles de l'Arctique, permettent d'envisager un approvisionnement à plus long terme, assuré et continu.

Il y a lieu de mentionner ici que l'Office national de l'énergie tient à tous les ans des audiences publiques, afin de s'assurer qu'un équilibre constant est maintenu entre l'offre et la demande pour le gaz naturel. Actuellement, les audiences de l'Office national de l'énergie ont débuté en décembre 1980 et se poursuivent à ce sujet. Si l'on se fie aux recommandations antérieures de l'office ainsi qu'aux mémoires soumis par les principaux intervenants dans les présentes audiences, il apparaît évident qu'alors que les approvisionnements en pétrole canadien sont limités, les approvisionnements en gaz naturel sont plus qu'adéquats.

Si l'on se reporte quelque temps en arrière, soit en février 1979, il est à noter que, dans son rapport sur les besoins et approvisionnements de gaz naturel au Canada, l'Office national de l'énergie arrive à la conclusion que, sans tenir compte des volumes de gaz trouvé dans les régions frontalières, il existe au Canada un surplus de gaz naturel de l'ordre de deux billions de pieds cubes.

Par la suite, dans les motifs de sa décision relative aux demandes soumises en vue d'exporter aux États-Unis des volumes supplémentaires de gaz naturel, l'office mentionne à la page 3-15 de son rapport ce qui suit: "Après avoir pris ces données en considération, l'office a majoré son estimation du potentiel ultime prévu en Alberta de quelque 130 billions de pieds cubes tant pour la Colombie-Britannique, y incluant le sud des territoires. Les prévisions passaient par la suite de 19 EJ à 21 EJ. Ses prévisions de 3 EJ pour la Saskatchewan sont demeurées inchangées. Par conséquent, le potentiel ultime prévu pour les régions productrices traditionnelles de l'Ouest canadien est de 169 EJ ou de l'ordre de quelque 160 billions de pieds cubes de gaz par rapport à une estimation antérieure de 154 EJ."

Plus loin, à la page 4-12 du même rapport, on lit: "L'office reconnaît la possibilité d'une extension des marchés de gaz naturel dans d'autres régions que le Québec et les Maritimes. Il a donc inclus l'estimation de ventes additionnelles susceptibles d'être entraînées au Manitoba et en Ontario par des stimulants en matière d'établissement de prix; il a inclus également une estimation des volumes auxquels on peut s'attendre par suite de l'alimentation en gaz de l'île de Vancouver."

Et encore à la page 4-13 de son rapport, l'office ajoute, et je cite: "Bien que les différences soient minimes au cours des premières années, l'office note que l'utilisation des prévisions du rapport de 1979 sur le gaz, dont les estimations à long terme sont plus élevées que les autres prévisions, permet une plus grande mesure de protection des besoins canadiens. Une telle protection

additionnelle semble appropriée, en particulier si l'on tient compte des incertitudes quant à l'effet sur la demande de gaz naturel de l'augmentation des prix du pétrole canadien et des inquiétudes au sujet des approvisionnements en pétrole. L'office est aussi porté à utiliser les prévisions fortes, étant donné les incertitudes quant aux répercussions des politiques et des stimulants susceptibles d'être mis de l'avant pour étendre les marchés du gaz naturel."

Des exportations additionnelles de gaz naturel ayant été permises, il est assuré que la demande des marchés canadiens en gaz naturel sera comblée pour de nombreuses années à venir et, par conséquent, le Québec, tout comme les autres régions du Canada, pourra bénéficier pleinement des avantages indiscutables que procure cette source d'énergie dans tous les secteurs des marchés: résidentiel, commercial et industriel.

Maintenant, parlons de la pénétration possible du gaz naturel. Se référant sans doute au livre blanc sur l'énergie, Hydro-Québec prévoit que la part du gaz naturel dans le bilan énergétique québécois devrait passer de 6% à 12% d'ici l'année 1996.

Cette prévision montre, bien sûr, une croissance relativement intéressante pour le gaz naturel. Cependant, elle ne tient pas compte des récents changements survenus dans le domaine de l'énergie tant au Québec qu'au Canada.

Depuis la parution du livre blanc sur l'énergie, plusieurs nouveaux éléments sont apparus dans le dossier énergétique, dont les principaux sont les suivants: a) Approbation donnée par l'Office national de l'énergie à la construction d'un gazoduc transquébecois; b) Volonté ferme du gouvernement québécois d'accroître la participation du gaz naturel au Québec; et c) Mise en place par le gouvernement fédéral de mesures incitatives en vue de permettre la substitution accélérée par le gaz naturel des produits pétroliers, les principales mesures du programme énergétique national étant les suivantes:

L'indexation du prix du gaz naturel sur le prix du pétrole de façon que le gaz naturel conserve, et même augmente au cours des années à venir, une marge concurrentielle importante;

Subsides de $800 (maximum) servant à couvrir une partie des frais reliés à la conversion des appareils de chauffage;

Subsides supplémentaires qui permettront aux distributeurs de gaz naturel soit de combler le solde des frais de conversion, soit de rentabiliser certains projets d'expansion qui, autrement, s'avéreraient non rentables;

Subsides accordés en vue d'améliorer les installations de raffinage du pétrole brut.

L'objectif de ces subsides est, selon les propos mêmes du ministre Lalonde, de tirer un meilleur parti du pétrole brut disponible, de satisfaire les besoins du marché en essence, en carburant d'aviation, en carburant Diesel et en autres produits, et de diminuer le gaspillage qu'entraîne actuellement le niveau élevé de production du mazout:

Promesse du gouvernement du Québec d'améliorer le mécanisme actuel de répartition de la taxe de vente de façon que les usagers de gaz naturel n'aient pas à supporter une taxe de vente plus élevée que celle imposée aux usagers d'autres sources d'énergie.

Étude complète par la Régie de l'électricité et du gaz relativement au choix du ou des distributeurs qui se verront accorder des territoires exclusifs pour la distribution du gaz naturel dans les marchés non desservis présentement.

Ces éléments, jumelés à la mise en place de programmes de marketing dynamiques et adaptés aux besoins des consommateurs québécois, permettront sans l'ombre d'un doute de développer rapidement l'industrie du gaz naturel au Québec et Gaz Inter-Cité Québec est confiante que la part du gaz naturel puisse atteindre de 20% à 25% au cours des dix prochaines années.

Secteurs des marchés susceptibles d'accroître la pénétration du gaz naturel. À la page 24 de son document intitulé Une stratégie pour la décennie 80, Hydro-Québec affirme ce qui suit: "La poussée de l'électricité dans le bilan énergétique québécois s'exercera principalement dans le secteur résidentiel et à un degré moindre dans le secteur commercial. Elle s'explique naturellement par la position concurrentielle de l'électricité face aux autres formes d'énergie utilisées pour le chauffage."

Et plus loin, on y ajoute: "Quant au gaz, sa pénétration se fera surtout dans le secteur industriel où il remplacera partiellement les produits pétroliers lourds. Le gaz pourrait aussi effectuer une percée dans le marché du chauffage des habitations et des immeubles commerciaux."

Cet énoncé d'Hydro-Québec s'avère inexact. De plus, il ignore les forces normales du marché et ne tient pas compte de certaines réalités dont nous traiterons maintenant. Premièrement, la situation concurrentielle. Toutes les études préparées par divers organismes démontrent hors de tout doute qu'au secteur résidentiel le gaz naturel est, depuis les dernières années au moins, le combustible le moins cher. De plus, les projections démontrent qu'en tenant compte des éléments connus aujourd'hui le gaz naturel continuera d'être avantagé au point de vue prix au cours des dix prochaines années et ce, par une marge de l'ordre possible de 10%. Il serait intéressant

qu'Hydro-Québec dépose devant la commission parlementaire ses études de concurrence telles que préparées au cours des dernières années.

Pénétration dans les divers secteurs des marchés. Si l'on se fie à l'expérience passée, il est vrai de dire que l'électricité a fait des gains considérables plus spécialement dans le secteur résidentiel. Cependant, il faut aussi admettre qu'un concours de circonstances a contribué à cette pénétration accélérée de l'électricité. En premier lieu, la non-présence du gaz naturel dans la majorité des territoires du Québec a permis à Hydro-Québec de s'implanter solidement dans ces territoires en tant que seule alternative au pétrole. Deuxièmement, les restrictions temporaires des approvisionnements de gaz naturel au cours des années 1975 et 1976, ajoutées au manque d'opportunisme des distributeurs existants de gaz naturel, ont limité l'expansion des réseaux de distribution de gaz naturel, laissant ainsi le champ libre à Hydro-Québec.

Compte tenu de ces problèmes majeurs, le gaz naturel a quand même atteint au cours des 20 dernières années une saturation globale de l'ordre de 25% à l'intérieur des territoires présentement sous franchise. Il nous paraît donc plus que justifié de prétendre que la part prévue pour le gaz naturel dans les territoires non desservis présentement atteindra un pourcentage de 20% à 25% d'ici l'année 1990.

Plusieurs facteurs militent en faveur du gaz naturel, spécialement dans le secteur résidentiel. Premièrement, les frais de conversion de l'huile à l'électricité sont pratiquement deux fois plus élevés que ceux requis pour la conversion de l'huile au gaz naturel. Deuxièmement, les programmes de conversion mis en place par les distributeurs de gaz naturel assureront que la majorité des frais de conversion sera payée conjointement par les distributeurs et par le gouvernement fédéral. Troisièmement, les coûts d'opération seront moins élevés pour un chauffage au gaz naturel que pour un chauffage à l'électricité.

Alors que le principal marché potentiel pour le gaz naturel est un marché de conversion dans tous les secteurs, il apparaît de plus en plus évident que le gaz naturel concurrencera fortement l'électricité dans ces secteurs et réussira sans aucun doute à atteindre rapidement un taux de saturation beaucoup plus élevé que celui atteint dans le passé.

Quant aux secteurs commercial et industriel, il est généralement admis que le gaz naturel est la source d'énergie tout indiquée pour y remplacer le pétrole. L'installation de systèmes de distribution de gaz naturel à la grandeur du Québec dans un laps de temps relativement court permettra aux usagers des secteurs commercial et industriel de se raccorder aux systèmes de distribution conformément aux taux de pénétration projetés par Gaz Inter-Cité Québec et montrés à l'annexe VI jointe à notre mémoire.

Conclusion et recommandations. Il ne fait aucun doute dans l'esprit de Gaz Inter-Cité Québec que l'électricité deviendra la source principale d'énergie au Québec d'ici la fin de la décennie quatre-vingt. Cette source d'énergie est produite chez nous, est renouvelable et a certains autres avantages indiscutables. (16 h 30)

D'autre part, le pétrole représente un élément de risque dans le bilan énergétique québécois, tant à cause de son approvisionnement limité, de son instabilité au niveau des prix et de son efficacité moindre.

Quant au gaz naturel, il représente une source d'énergie canadienne et fiable dont les approvisionnements sont assurés à long terme et dont le prix est et demeurera concurrentiel.

Il s'agit maintenant, pour le gouvernement québécois, de déterminer l'usage qu'il entend faire de ces trois principales sources d'énergie. Gaz Inter-Cité Québec soumet qu'en établissant des politiques énergétiques bien définies, le gouvernement du Québec pourra a) permettre à Hydro-Québec une pénétration accrue et à long terme dans les secteurs où son utilisation sera plus efficace; b) réduire au minimum, dans le plus court laps de temps possible, la part des produits pétroliers au Québec, conformément aux désirs exprimés à cet égard par tous les organismes gouvernementaux; c) laisser au gaz naturel l'occasion de développer des réseaux de distribution qui permettront le remplacement accéléré du pétrole au cours des dix prochaines années, tout en faisant bénéficier au maximum les consommateurs québécois des incitatifs prévus à cet effet; d) éviter qu'Hydro-Québec ait à investir des sommes considérables pour faire face à une demande de pointe excessive résultant de l'utilisation accrue de l'électricité pour fins de chauffage, alors que le même service pourrait être offert à moindre coût par le gaz naturel; e) s'assurer que les investissements requis pour la mise en place des nouvelles structures de la distribution, tant pour l'électricité que pour le gaz naturel, soient faits de façon ordonnée en reportant le plus loin possible dans l'avenir certains investissements majeurs pouvant être remplacés à moyen terme par d'autres de moindre importance.

En résumé Gaz Inter-Cité Québec croit qu'avec le développement accéléré de l'industrie gazière au québec, le gouvernement du Québec a présentement la chance unique de remettre à plus tard

certains investissements majeurs requis pour la production de l'électricité, en plus de retarder le plus loin possible dans le temps l'installation de centrales nucléaires. En fait, le gaz naturel peut être considéré, à ce moment, comme source d'énergie tampon permettant d'éviter de créer des demandes de pointe exagérées d'électricité, lors du remplacement du pétrole dans les marchés québécois. Ceci assurera les Québécois d'une meilleure flexibilité dans le choix des sources d'énergie, de prix avantageux et d'une situation économique enviable résultant d'un bilan énergétique optimal. Je vous remercie.

Le Président (M. Jolivet): Merci, M. Barbeau.

M. le ministre.

M. Bérubé: Je pense que mon collègue de Duplessis va commencer la première intervention et je le suivrai, s'il veut bien me laisser du temps.

Le Président (M. Jolivet): Merci, M. le député de Duplessis.

M. Perron: Merci, M. le Président.

M. Barbeau, dans votre mémoire, vous soulevez certains points relatifs aux prévisions d'Hydro-Québec en matière de pénétration gazière. Selon vous, HydroQuébec fausse la réalité en soutenant, dans son avant-propos, que le Québec ne peut compter que sur des apports limités de gaz naturel canadien. D'autre part, vous notez que l'Office national de l'énergie assure une protection efficace de l'approvisionnement gazier canadien pour de nombreuses années.

Enfin, vous considérez erronée la proposition d'Hydro-Québec à l'effet que l'électricité serait plus concurrentielle que le gaz naturel au secteur résidentiel. Vous expliquez, d'autre part, que le gaz naturel est le combustible le moins cher et qu'il le demeurera dans une marge de 10%, alors que les frais de conversion au gaz naturel non seulement sont moins chers, mais seront davantage subventionnés par le gouvernement fédéral et le distributeur lui-même que le serait la conversion à l'électricité. C'est à peu près ce que vous dites dans une bonne partie de votre mémoire.

Vous faites aussi des recommandations, dans vos conclusions, en établissant des politiques énergétiques bien définies que le gouvernement du Québec pourrait suivre, en particulier en permettant la pénétration de l'électricité là où elle est le plus efficace; deuxièmement, en réduisant au minimum, le plus rapidement possible, la plupart des produits pétroliers au Québec; troisièmement, en laissant au gaz naturel la possibilité de se substituer au pétrole; quatrièmement, en réduisant l'investissement requis dans l'équipement de pointe, le gaz naturel offrant un service de pointe moins dispendieux; et cinquièmement, en ordonnant les projets d'investissement dans le temps et en reportant le plus loin possible l'installation des centrales nucléaires, ce avec quoi je suis d'accord d'ailleurs.

Il y a un point que je voudrais soulever. C'est le point d). À mon avis, le gaz naturel représente la meilleure possibilité pour le gouvernement du Québec de reporter très loin dans le temps le développement du nucléaire. C'est drôlement important. Cependant, au niveau des besoins domestiques de chauffage, le gaz n'a jamais connu la faveur populaire au Québec. On le sait. On en a eu la preuve à plusieurs reprises. Malgré tous les efforts pour exprimer ses avantages. Le point d) que vous soulevez présente un attrait très particulier en rapport avec les façons de favoriser la pénétration du gaz naturel au Québec. La question que je voudrais vous poser sur la recommandation d) est celle-ci: Est-ce que vous pourriez nous donner et expliquer en même temps certaines façons, selon vous, de favoriser la pénétration du marché québécois, toujours en rapport avec le gaz naturel?

M. Barbeau: Certainement. Dans le passé, comme je l'ai mentionné brièvement, il y a eu certains problèmes de toutes sortes. Que l'on se reporte aux années soixante, alors qu'il y a peut-être eu quelques incidents fâcheux. Par la suite, il y a peut-être eu des problèmes de concurrence vis-à-vis des autres sources d'énergie. Après, il y a eu des problèmes d'approvisionnement, etc. Cependant, je dois vous dire que durant les vingt dernières années, au cours desquelles j'ai été au service de la population en tant que distributeur de gaz naturel - pendant un bout de temps avec Gaz Métropolitain et maintenant, avec Gaz Inter-Cité Québec - chaque fois que le distributeur a mis en place des programmes audacieux pour pénétrer les marchés, cela a quand même fonctionné relativement bien. Quand on dit que le gaz naturel ne jouit pas de la faveur du public, c'est quand même aller un peu loin. Je pourrais vous référer aux années soixante - entre 1965 et 1970 -alors que la compagnie du temps, Corporation de gaz naturel du Québec, qui est devenue Gaz Métropolitain, a investi des sommes énormes pour faire la publicité pour le gaz naturel, alors qu'elle a investi également des sommes énormes pour payer des frais de conversion, le développement pour le secteur résidentiel allait très bien. D'ailleurs, une grande partie de l'ouest de l'île de Montréal, Dollard-des-Ormeaux, Pierrefonds et ces régions-là, est au gaz naturel au-delà de 50% actuellement, au point de vue résidentiel. La même chose pour les villes de Brossard et de Candiac.

Autrement dit, partout où le gaz naturel était disponible et où le distributeur a pris les moyens de faire pénétrer les marchés, cela a quand même réussi relativement bien. Également, dans le secteur résidentiel, peut-être pas des maisons unifamiliales, mais si on parle des logements non chauffés, ce qu'on appelle communément les "cold flat"... Même à Montréal, alors que la compagnie a payé les frais de conversion ou les frais d'installation de circuits intérieurs, il s'est raccordé des clients en nombre très grand. Malheureusement, par la suite, il y a eu des conditions qui ont été plus difficiles pour tout le monde. La pénétration du marché s'est ralentie quelque peu, ce qui a permis d'ailleurs à Hydro-Québec d'aller peut-être un peu plus vite.

Maintenant, aujourd'hui, on revient à des conditions qui n'ont même pas existé auparavant, qui sont mieux qu'elles n'étaient. Tout le monde pousse en même temps. Tout le monde veut une pénétration du gaz naturel. Les distributeurs sont prêts à investir les sommes nécessaires. Les gouvernements sont prêts à y mettre le paquet également pour aider. À ce moment, il s'agit pour le distributeur d'avoir un programme de publicité et de marketing dynamique, un programme qui s'adresse vraiment à la population qu'il dessert et un programme qui pourra vraiment faire connaître les avantages du gaz naturel au public. Je n'ai aucune espèce de crainte à dire qu'on peut facilement pénétrer les marchés résidentiels, comme on le prévoit ici.

M. Perron: Je vous remercie d'avoir développé sur cette question, parce que cela avait drôlement de l'importance qu'on puisse connaître vos réactions. Dans votre mémoire, vous avez mentionné qu'il y avait actuellement un surplus de 2,000,000 de pieds cubes, si j'ai bien compris.

M. Barbeau: En 1979, dans le rapport publié par l'Office de l'énergie, à Ottawa, il était mentionné qu'il y avait un excédent de 2 billions de pieds cubes.

M. Perron: 2 billions. Parce que je trouvais le chiffre de 2,000,000 pas mal...

M. Barbeau: D'ailleurs, il faudrait faire attention parce qu'en anglais, cela devient des "trillions". On est souvent porté à appeler des "trillions" des trillions, mais ce sont des billions. Mais c'est aussi gros.

M. Perron: Merci. C'est la même grosseur, si j'ai bien compris. En ce qui concerne l'approvisionnement en gaz naturel, pourriez-vous nous dire quelle serait la durée des réserves prouvées que nous avons actuellement en rapport avec la demande au

Canada et la demande au Québec?

M. Barbeau: Oui. La demande au Canada actuellement est de l'ordre d'environ 1,5 à 1,8 billion - cela varie - de pieds cubes de gaz. C'est la demande annuelle au Canada. Les réserves connues en Alberta sont de l'ordre de 150 à 160 billions de pieds cubes. Évidemment, il faut quand même considérer les volumes à l'exportation qui viennent également de l'Alberta et qui sont, dans le moment, un peu moins élevés que les volumes consommés de façon domestique ici.

Pour résumer, si on ajoute au volume domestique les volumes exportés vers les États-Unis, on arrive à un total de l'ordre de 2,5 à 3 billions de pieds cubes de gaz par année, alors que les réserves peuvent aller présentement jusqu'à 150 ou 160 billions de pieds cubes de gaz. Déjà là, vous parlez d'un ordre de grandeur d'une cinquantaine d'années en supposant que la demande reste comme elle est, évidemment. Par contre, la demande va croître par la demande accrue des marchés de l'Est. Ici, on parle au Québec d'une demande possible, dans la dixième année du projet, de 158 milliards de pieds cubes de gaz qui représenteraient, enfin, à peu près 10% de la demande actuelle canadienne. L'augmentation d'ici, requise au Québec et même dans les marchés de l'Est, dans les Maritimes, ne crée pas de problème majeur vis-à-vis des réserves.

À cela, il faut également ajouter les réserves potentielles des régions frontalières, soit la vallée du Mackenzie ou les îles de l'Arctique. On parle d'un port méthanier dans le bout...

M. Perron: Vous parlez, M. Barbeau, des réserves non classiques.

M. Barbeau: Pardon?

M. Perron: Est-ce que vous parlez des réserves non classiques à ce moment-là?

M. Barbeau: Des réserves qu'on connaît, existantes. Je ne parle pas des réserves... Je vais revenir un peu en arrière.

M. Perron: ...à aller chercher.

M. Barbeau: En Alberta, il se fait encore de l'exploration et d'autres réserves seront également trouvées. Mais je n'ai pas le chiffre et on ne peut pas se baser là-dessus; on ne l'a pas aujourd'hui. Par contre, dans la vallée du Mackenzie et dans les îles de l'Arctique, il existe des volumes de gaz importants qui seront commercialisés le jour où la commercialisation de ces réserves sera rentable et viable. Comme exemple, on parle souvent ici d'avoir un port méthanier à Gros Cacouna. Ce port méthanier de Gros Cacouna serait alimenté par le gaz qui

viendrait des îles de l'Arctique, qui serait liquéfié sur place et amené ainsi par méthanier. Â ce moment-là, ce sont des réserves supplémentaires qui pourront aider également.

Dans l'ensemble, j'appelle le gaz naturel comme étant un produit tampon, dans le moment. Il permet de remplacer le pétrole le plus rapidement possible, il repousse l'électricité un peu plus loin peut-être et il repousse certainement le nucléaire plus loin également. Tout cela ensemble fait que '• réserves présentes sont vraiment suffisantes pour permettre d'atteindre les objectifs que l'on prétend être valables, nous, pour le Québec.

M. Perron: Maintenant, j'aurais une question à poser sur les réserves non classiques. On sait que c'est un mode qui est beaucoup plus coûteux en termes d'infrastructure. D'ailleurs, vous venez juste de mentionner la question des endroits non accessibles ou très difficiles d'accès. C'est une méthode de récupération qui est très complexe et qui n'est même pas encore au point. Ce que je voudrais vous poser comme question: Est-ce que votre compagnie étudie actuellement certaines possibilités dans le cadre, par exemple, du charbon gazéifié? Est-ce que vous étudiez dans ce sens-là?

M. Barbeau: Notre compagnie comme telle, non.

M. Perron: Non.

M. Barbeau: II y a beaucoup de recherches qui sont faites à ce sujet. Il y a d'ailleurs des plans qui fonctionnent à des endroits, mais comme tel, nous, non, on ne s'en occupe pas.

M. Perron: D'accord. Une dernière question. Vous dites dans votre mémoire qu'on devrait réduire - en fait, c'est à peu près cela que vous dites; je n'ai pas le texte intégral - le plan d'équipement d'Hydro-Québec pour permettre au gaz de s'impliquer à la place. Est-ce que vous pourriez expliquer à la commission l'effet qu'aurait une telle pénétration du marché? Vous parlez de 20% à 25% et ça, c'est du bilan énergétique sur le plan d'équipements d'Hydro-Québec.

M. Barbeau: Cela pourrait vouloir dire en fait qu'en 1996, au lieu d'avoir un bilan énergétique qui comprendrait 45% de la demande fournie par l'électricité, 41% par le pétrole, 12% par le gaz naturel et 2% par le charbon, on pourrait en arriver à une situation où l'électricité comblerait entre 40% et 42% de la demande, par exemple -en 1996, je parle - et le pétrole pourrait être entre 36% et 38% au lieu d'être à 41%. Tout cela permettrait au gaz naturel d'être autour de 20%. Il y a certainement place pour un réaménagement des approvisionnements de façon à permettre une pénétration un peu plus accélérée du gaz naturel.

Une des raisons importantes, je pense, qu'il ne faut pas perdre de vue, c'est que le programme énergétique national prévu par le fédéral est d'une durée de dix ans. Après ça, ce dont on pourrait bénéficier aujourd'hui ne sera probablement plus disponible. Je ne dis pas que cela ne le sera plus parce qu'il pourrait peut-être, à un moment donné, y avoir d'autres révisions au programme, mais aujourd'hui ce n'est pas le cas. Je pense qu'il est beaucoup plus habile, à ce moment-ci, de prendre avantage de tous les incitatifs possibles payés par d'autres pour éviter peut-être de dépenser des sommes importantes pour des choses qui pourront être faites, de toute façon, un peu plus tard et qui seront là.

Les cours d'eau restent là, tout reste là et c'est renouvelable. Cela ne crée aucun problème. Mais la question des incitatifs vis-à-vis du gaz naturel, je pense qu'il faut en prendre avantage dès maintenant.

M. Perron: Cela m'amène à poser une autre question. Lorsque vous parlez de réduction du plan d'équipements d'Hydro-Québec, cela voudrait dire qu'il y aurait une montée du plan d'équipements dans le domaine du gaz. Quel serait le rapport des emplois qu'on créerait par le biais d'Hydro-Québec par son plan et le vôtre, selon ce que vous voyez?

M. Barbeau: Le rapport entre les coûts pour la production des deux sources d'énergie varie, on va parler d'entre deux et trois fois. C'est peut-être deux ou trois fois plus dispendieux de créer la même équivalence en BTU par l'électricité que par le gaz naturel. Je n'ai pas fait d'étude approfondie de ça et dans le fond, je sais que le gaz naturel peut être distribué à un prix avantageux dans le moment.

Au point de vue emploi, lorsque vous installez des réseaux, des systèmes de distribution partout, vous comprendrez que vous avez déjà les employés de la compagnie de distribution qui sont requis. Vous parlez peut-être d'à peu près 500 employés additionnels dans la distribution du gaz naturel. Ce sont des emplois permanents. Vous avez tous les emplois qui résultent des travaux effectués par les entrepreneurs en construction pour l'installation des réseaux. Encore là, je n'ai pas le nombre exact, mais c'est certain que lorsque vous construisez des réseaux d'une façon rapide dans toutes les municipalités de la ville, de la province, à peu près en même temps, il y a de grosses

chances que vous ayez un paquet de gens qui y soient impliqués.

Vous avez également les retombées au niveau de l'installation des appareils, la fabrication des appareils, l'installation des appareils et tout ce que cela entraîne comme retombées. Vous allez me dire que si vous convertissez également des maisons à l'électricité, vous avez aussi des retombées économiques dans ce sens. Je ne le nie pas. La question de connaître le ratio entre les deux, c'est peut-être un peu difficile à déterminer à ce moment-ci, mais je pense -je reviens un peu à ce que je disais tout à l'heure - que dans le moment c'est avantageux d'aller le plus loin possible avec le gaz naturel, considérant qu'on a des bénéfices qui y sont rattachés pour lesquels on ne paierait pas.

M. Perron: M. Barbeau, je vous remercie.

Le Président (M. Jolivet): Merci. M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Merci, M. le Président. Vous avez mentionné, M. Barbeau, sur les approvisionnements, qu'il y avait 50 années d'approvisionnement en réserve prouvées, approximativement.

M. Barbeau: 50 années basées sur la demande comme elle est aujourd'hui, mais la demande va augmenter. Alors, cela baisse en proportion.

M. Ciaccia: Maintenant, ce sont les réserves prouvées. Quelles sont les réserves probables?

M. Barbeau: II y en a qui vont vous donner des chiffres, on parlait tout à l'heure de quelque 150 billions de pieds cubes de gaz, selon le rapport de l'Office de l'énergie. Il y en a qui vont aller aussi haut que 250, 300 billions de pieds cubes de gaz. Tout dépend vraiment jusqu'où on veut s'engager dans l'exploration, parce qu'évidemment les premiers puits sont les moins coûteux; plus vous allez loin, plus vous allez profond, plus cela coûte cher. Je pense qu'il serait quand même raisonnable de dire qu'on parle certainement d'une possibilité d'addition de quelque 50 billions de pieds cubes de gaz aux 160 ou aux 150 billions de pieds cubes de gaz que l'on connaît déjà.

M. Ciaccia: C'est traduit en année.

M. Barbeau: Je parle des régions conventionnelles, l'Alberta, la Colombie-Britannique et un peu la Saskatchewan. À cela, on pourrait ajouter les réserves qui sont prouvées jusqu'à un certain point dans la vallée du Mackenzie et dans les îles de l'Arctique. On parle peut-être là encore de vingt ou vingt-cinq billions de pieds cubes dans les îles de l'Arctique, peut-être de quinze billions dans la vallée du Mackenzie. Encore là, l'exploration continue toujours. Globalement, je suis certain que le gaz naturel sera disponible pour de nombreuses années à venir. C'est difficile de déterminer exactement combien, mais on en aura assez longtemps de toute façon pour avoir trouvé bien d'autres choses pour le remplacer.

M. Ciaccia: Le premier ministre de l'Alberta a annoncé qu'il y aurait des coupures de pétrole. Cela va-t-il affecter l'approvisionnement en gaz naturel?

M. Barbeau: Non, absolument pas.

M. Ciaccia: Autrement dit, le gaz naturel continuerait à être disponible, cela ne fait pas partie de la politique ou des...

M. Barbeau: Exactement.

M. Ciaccia: ... négociations entre le gouvernement fédéral et l'Alberta.

M. Barbeau: Non, le gaz naturel n'est absolument pas touché. D'ailleurs, il faudrait ajouter une chose aussi, c'est que, pour l'approvisionnement en gaz naturel, vous fonctionnez toujours en vertu de contrats d'approvisionnement avec le transporteur et les producteurs. Ils ont des contrats à respecter et on ne peut pas couper comme cela. De toute façon, M. Lougheed n'a jamais parlé de couper en aucune façon les approvisionnements en gaz naturel.

M. Ciaccia: Vous parlez dans votre document de décourager l'emploi de l'énergie hydroélectrique pour le chauffage.

Naturellement, vous allez à l'encontre de la direction qu'Hydro-Québec semble avoir prise dans la présentation de son document, hier, en commission parlementaire, dans ses prévisions pour les quinze prochaines années et vous allez aussi à l'encontre des prévisions du livre blanc du gouvernement, de 1977, où la prévision pour le résidentiel situait l'augmentation à 23% en 1975 et à 62%, en 1990. Vous avez souligné, je pense, je ne crois pas que vous soyez les seuls intervenants à le faire, et cela vaut certainement la peine de le répéter, que c'est le temps qu'on établisse des politiques énergétiques bien définies. J'interprète cela dans le sens qu'il n'y a pas maintenant de politiques bien définies de la part du gouvernement du Québec, parce que, d'une façon, Hydro-Québec vient ici et nous présente des prévisions pour les prochaines quinze années et se fait féliciter par le gouvernement. Vous venez ici, vous dites l'inverse d'Hydro-Québec. Le gouvernement

vous félicite. Il va falloir à un moment donné que le gouvernement prenne une décision d'une façon ou d'une autre. On ne peut pas tous avoir raison. Ou ce sera le résidentiel électrique ou ce sera le résidentiel au gaz naturel. Qu'est-ce que le gouvernement pourrait faire de concret, d'après vous, pour vous assurer que votre objectif serait atteint, c'est-à-dire qu'il y aurait une utilisation accrue du gaz naturel dans le domaine résidentiel?

M. Barbeau: C'est une longue question. Je vais essayer d'y répondre le mieux possible. Évidemment, je n'ai jamais mentionné que le texte laisse entendre que le gouvernement n'a pas de politiques énergétiques bien définies; si le texte le laisse entendre, il ne faudrait quand même pas aller trop loin avec cela.

M. Ciaccia: C'est une interprétation.

M. Barbeau: Oui, d'accord. Vu que c'est moi qui ai écrit le texte, je peux vous donner la mienne également. Mon interprétation du texte que j'ai écrit est effectivement que des politiques énergétiques, il y en a, mais des politiques énergétiques, c'est comme toute autre chose, on les change continuellement. Le gouvernement fédéral passe son temps à les changer; le gouvernement de l'Alberta les change et, ici, elles vont changer également en fonction de ce qui se passe dans une situation donnée.

Autrement dit, lorsque vous parlez, par exemple, d'avoir un accès à des montants d'argent du fédéral pour une pénétration accrue du gaz naturel, je pense qu'il faut en tenir compte. Je ne dis pas qu'Hydro-Québec devrait arrêter de pénétrer les marchés résidentiels, ce n'est pas le cas du tout. Hydro-Québec va continuer à en prendre une bonne partie. Je pense tout simplement que le gaz naturel pourra en prendre également une bonne portion, parce que, de la façon qu'on prépare notre projet, il reste encore passablement de volume à aller chercher pour Hydro-Québec dans le marché résidentiel. Cela, on ne le nie pas. On croit que le temps est venu pour le gaz naturel d'aller en chercher plus, tout simplement.

M. Ciaccîa: Mais que pourrait faire le gouvernement du Québec de façon concrète pour vous aider à atteindre cet objectif?

M. Barbeau: Le gouvernement du Québec pourrait, d'abord, contribuer de quelque façon que ce soit à la mise en place des mesures incitatives prévues par le fédéral. Par exemple - prenons seulement cet aspect - il y a $800 qui sont donnés pour la conversion. C'est donné à tous, autant pour l'électricité que pour le gaz naturel. C'est une chose. On parle de montants additionnels à être donnés aux distributeurs de gaz, par exemple, pour rentabiliser les projets qui seraient autrement non rentables, pour permettre, justement, que le gaz naturel soit disponible dans la plupart des régions du Québec. En effet, tant que le gaz naturel n'est pas arrivé dans une région donnée, l'électricité peut faire ce qu'elle veut en principe et aller chercher les clients qu'elle veut, jusqu'à un certain point. On doit s'assurer que le gaz naturel pénètre ces marchés le plus rapidement possible. Actuellement, la concurrence est telle que le gaz naturel est avantagé. Il s'agit peut-être de le maintenir ainsi pendant un bout de temps pour s'assurer que le client bénéficie d'un avantage lorsqu'il convertit, premièrement, et deuxièmement, qu'on l'aide à payer les frais de conversion. C'est une chose qui semble vouloir être mise en place. Ce sont toutes sortes de mesures où tous les gens devront s'entendre de façon qu'effectivement le distributeur puisse avoir les mains libres jusqu'à un certain point, tout en fonctionnant selon les forces normales du marché, de la concurrence. Hydro-Québec est là. Hydro-Québec sera toujours là; il va falloir que le distributeur se relève les manches et travaille.

M. Ciaccia: Je présume qu'une des mesures que le gouvernement doit prendre, c'est de déterminer le distributeur parce que, s'il n'y a pas de distributeur, plus le gouvernement tarde à prendre cette décision, plus cela va prendre de temps pour pénétrer dans le secteur résidentiel. Au niveau des distributeurs, pensez-vous que ce serait plus favorable pour le consommateur et pour l'ensemble du Québec d'avoir un distributeur ou d'avoir plusieurs distributeurs? Par exemple, au sujet du port méthanier de Gros Cacouna, cela peut-il faire une différence quant à la décision finale qui sera prise pour l'installation du port à Gros Cacouna et pour l'opération de ce port s'il y a un distributeur ou s'il y a plusieurs distributeurs dans la province de Québec?

M. Barbeau: L'installation du port méthanier à Gros Cacouna n'affecte en rien vraiment le distributeur parce que, de toute façon, les installations de gaz naturel liquéfié à Gros Cacouna seront raccordées au réseau de transmission, le gazoduc qui a été installé par la compagnie Trans Québec et Maritimes. C'est la conduite de transmission et le distributeur n'a rien à voir, vraiment, avec le raccordement de Gros Cacouna vis-à-vis de son système.

Quant à savoir si c'est mieux d'avoir plus d'un distributeur, l'opinion de Gaz Inter-Cité a toujours été qu'il devrait y en avoir plus qu'un. C'est ce qu'on dit. Ce n'est pas moi qui vais prendre la décision finale. C'est

le gouvernement du Québec qui va décider quelle attitude il prendra dans ce dossier. Je peux dire une chose: c'est que, partout dans tout le Canada, les compagnies de distribution de gaz ont développé leur territoire sur la base de plusieurs distributeurs par province. Cela s'est avéré très bien. Deux distributeurs permettraient au moins à une entreprise locale de développer peut-être plus localement le marché qu'elle a au lieu peut-être d'oublier un secteur vis-à-vis de l'autre. Il y a des avantages, à notre point de vue, à avoir plus d'un distributeur, oui.

M. Ciaccia: Une question additionnelle pour terminer. Vous parlez de la pénétration du gaz naturel. Le livre blanc du gouvernement prévoit 12% pour l'année 1990, je crois, et c'est le même chiffre qu'Hydro-Québec nous a présenté. Vous parlez, vous, dans votre mémoire d'une pénétration de 20% à 25%. Quel pourcentage est nécessaire? Il doit y avoir un seuil, un minimum nécessaire pour justifier des investissements tant pour le transport, le pipeline, que pour l'infrastructure. Quel pourcentage du marché est le minimum comme objectif pour justifier ces investissements? Est-ce qu'à 12% c'est entièrement rentable de faire tous les investissements nécessaires ou vous faut-il plus que cela? (17 heures)

M. Barbeau: II faut partir du principe que 12%, c'est un pourcentage global. Tout dépend évidemment des marchés que vous allez desservir. Si vous vous limitez, si vous allez moins loin et si vous desservez les clients industriels, les gros commerces, les institutions, un pourcentage de 12% pourrait certainement être aussi rentable qu'un pourcentage de 20%, par exemple, dans lequel vous auriez un très grand nombre de clients résidentiels, éparpillés dans toutes sortes de régions.

Par contre, la distribution du gaz naturel veut que, pour assurer une stabilité de la demande, vous ayez quand même un volume intéressant de résidentiels et de commerciaux, mais surtout de résidentiels. Si vous construisez un réseau basé sur des clients industriels uniquement, par exemple, vous pourriez arriver avec une pénétration de 8% et ce serait rentable comme vous ne pourriez jamais le croire. Mais d'un autre côté, lorsque vous avez seulement des clients industriels, il ne faut pas oublier que lorsque les conditions économiques sont moins bonnes, qu'il y a des grèves, etc., le distributeur fait face à une situation où il a des montants à payer pour le gaz qu'il achète et qu'il n'a pas pris et alors, il y a des années difficiles.

Le client résidentiel, commercial et petit commercial ajoute une stabilité à l'ensemble de l'exploitation de la compagnie de distribution et permet au distributeur, bon an mal an, quand même de maintenir un rendement raisonnable sur les investissements. Le pourcentage n'est pas rattaché, je pense, à une question de rentabilité. Tout dépend dans quel territoire vous allez et jusqu'où vous allez, et quelle sorte de clients vous desservez vraiment. Mais 12%, à mon avis, est rentable, sans aucun doute.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Gouin.

M. Tremblay: Merci, M. le Président. Il est évident que le gaz naturel représente une source intéressante d'énergie dans le bilan énergétique du Québec, suivant l'évolution de certains paramètres économiques.

J'aimerais demander au représentant de Gaz Inter-Cité quelle devrait être l'évolution des prix pour que la pénétration du gaz au Québec puisse se faire comme vous le souhaitez, au cours des dix prochaines années. Vous indiquez que le gaz naturel est le combustible le moins cher présentement et vous prévoyez - vous le dites à la page 10 -que cet avantage concurrentiel de l'ordre de 10% va se maintenir au cours des dix prochaines années. Ceci signifie donc que vous avez une idée de l'évolution des prix du gaz naturel au cours des dix prochaines années.

D'après les politiques déjà annoncées et d'après vos propres estimations, quelle serait l'augmentation annuelle prévue, du prix du gaz naturel, au cours des prochaines années, d'une part? Et d'autre part, compte tenu que la plus grande crainte que vous nourrissez est une politique de bas prix de l'énergie hydroélectrique, laquelle politique pourrait s'avérer un handicap à votre entrée dans le marché énergétique, quelle devrait être la croissance des tarifs de l'hydroélectricité, au cours des dix prochaines années, pour vous permettre d'être concurrentiel?

M. Barbeau: Je n'ai pas nécessairement tous les chiffres que vous me demandez, mais je peux vous dire quand même, en principe, comment cela fonctionne.

Premièrement, le prix du gaz naturel est prévu être indexé à celui du pétrole brut sur la base du prix vendu à Toronto. Cette indexation va aller en décroissant pendant un certain nombre d'années. Aujourd'hui, on parle peut-être d'un rapport entre les deux de quelque 78%, à peu près. Ce pourcentage va décroître graduellement pour atteindre possiblement 67% dans les années 1985 ou 1986 à peu près. Et par la suite, il y aura quand même une remontée de façon qu'il se maintienne à un niveau de 75%, 80% et peut-être 85%. Il reviendra à ce qu'il était auparavant. Cela est une chose.

Quant à l'électricité, les études qu'on a fait faire démontrent une progression normale de l'ordre de 10% ou un peu plus, basée sur les projections d'Hydro-Québec. Je ne peux faire mieux que de prendre les chiffres prévus par Hydro-Québec. Quand on met tout cela ensemble, il reste que, pendant au moins les six prochaines années, le gaz naturel jouit d'un avantage marqué dans la plupart des secteurs des marchés. Et c'est durant cette période que vraiment la conversion au gaz naturel va se faire.

Nous avons dit, dans la présentation, qu'on s'attaque au marché de conversion. C'est évident qu'il y a la nouvelle construction, mais pendant que vous êtes en train de développer vos réseaux de distribution, les nouvelles constructions qui se font à la périphérie des municipalités existantes n'auront pas le choix tellement. Elles vont aller à Hydro-Québec chercher l'électricité, parce qu'on ne sera même pas là. Le gaz naturel ne sera pas présent. Graduellement le gaz naturel va peut-être rejoindre un peu ces marchés, mais c'est quand même minime dans l'ensemble des prévisions faites par Gaz Inter-Cité. On parle d'un marché de conversion et ce marché de conversion est disponible au cours des cinq ou sept prochaines années. C'est durant cette période qu'il faut frapper vite, qu'il faut aller le chercher, et après cela on aura des taux qui permettront vraiment de maintenir une situation concurrentielle raisonnable.

M. Tremblay: Y a-t-il une raison pour laquelle vous dites maintenant que cet avantage de 10% va durer pour les six prochaines années, alors que dans votre mémoire vous parlez de dix années ou davantage? Est-ce que vous avez changé depuis la rédaction?

M. Barbeau: Non, on n'a pas changé. Globalement, je parle de 10% de toute façon. Mais vous savez quand même une chose, il n'y a personne que je connaisse qui voilà cinq ans aurait pu dire que le prix du gaz naturel aujourd'hui, en 1981, va être de X et celui de l'électricité va être Y. Cela, nous ne le savions pas et les prévisions sont très difficiles à faire dans le moment. On est obligé de marcher d'après des sources d'information telles que, par exemple, le gouvernement fédéral qui dit que le prix du pétrole va s'en aller dans ce sens et le prix du gaz naturel s'en va dans l'autre sens. On parle ici de prévisions faites par Hydro-Québec qui est vraiment le plus en mesure de faire des prévisions. Il n'y a personne d'autre que les gens qui travaillent à Hydro-Québec présentement qui peuvent dire ce qui va arriver au prix de leur source d'énergie, ce sont les experts dans ce domaine.

Par contre, vous mettez tout cela ensemble et vous regardez, et vous dites: Je pense bien, il semble que j'ai un avantage global de 10%.

M. Tremblay: II y a quand même un très gros point d'interrogation, vous l'admettrez, du fait que le prix du gaz naturel va être d'une façon ou d'une autre rattaché au prix du pétrole. Et comme notre prix du pétrole est un des plus bas au monde présentement et qu'il est artificiellement bas et que tôt ou tard il est appelé à monter assez rapidement, le prix du gaz va monter. Si, d'autre part, la politique des prix de l'électricité suit ce qui s'est fait dans le passé, c'est-à-dire des prix qui collent à la réalité des coûts de production, comme nous avons des coûts moyens de production à cause des anciens barrages qui nous permettent d'avoir des augmentations assez petites, possiblement, et hier, je vous rappelle que les gens d'Hydro-Québec nous ont dit qu'ils pouvaient avoir une augmentation des tarifs d'électricité qui soit collée au taux d'inflation, c'est-à-dire un prix réel qui soit constant pour les dix prochaines années...

Dans un contexte semblable, est-ce que votre optimisme serait très touché? Est-ce que vous craindriez pour votre capacité de faire pénétrer le gaz naturel aussi fortement que vous le souhaitez?

M. Barbeau: Je ne crois pas nécessairement que ce soit le cas. D'abord, je reviens un peu en arrière. Vous dites que les prix du pétrole vont augmenter très vite pour rejoindre les prix du marché mondial. Déjà dans les prévisions faites par le gouvernement fédéral, il y a des augmentations très rapides, pendant au moins trois, quatre ou cinq ans. Si on en tient compte dans les prévisions dont on parle, il y aura d'autres augmentations par la suite, c'est évident, mais je suis obligé de fonctionner en vue de ce que je crois possiblement être la réalité du moment. Encore une fois, si Hydro-Québec maintenait ses tarifs, ses taux à un pourcentage de 10% net - enfin, ces gens disent qu'ils peuvent le faire, je n'insisterai pas là-dessus - même à cela, pendant les six prochaines années, le gaz naturel a un avantage et il est capable d'aller chercher le marché de conversion. C'est ce marché qu'il faut aller chercher.

Pour le distributeur de gaz dans le moment, c'est ce qu'il faut qu'il vise. D'ailleurs, c'est là qu'il faut remplacer le pétrole. Dans les nouvelles constructions, du pétrole il n'y en aura à peu près pas. Le but de tout le monde est de réduire la dépendance du Québec quant au pétrole importé. Alors, le marché est là, il faut aller le chercher. Et pendant le temps où on sera prêt à aller le chercher, on concurrencera Hydro-Québec à des taux au moins aussi avantageux que l'électricité.

M. Tremblay: C'est mon dernier commentaire, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): M. le député.

M. Tremblay: II n'est pas nécessaire que le gouvernement force Hydro-Québec à augmenter ses tarifs de l'électricité, par exemple, au double de ce qu'elle avait prévu, pour vous aider à pénétrer le marché de conversion du pétrole vers le gaz naturel. Vous aimeriez évidemment...

M. Barbeau: En tant que distributeur de gaz naturel, ce que vous dites peut être une très bonne idée, mais en tant que consommateur, je n'y tiens pas du tout.

Le Président (M. Jolivet): M. Barbeau, je vous remercie au nom des membres de la commission.

J'invite le Centre de recherche en sciences de l'environnement, représenté par M. Yvon Pageau, à s'approcher ici à l'avant. Pendant qu'il s'installe, je dois vous dire que la Société d'électrolyse et de chimie Alcan Ltée a un document 11M qui est pour donner aux membres de cette commission. Quant à moi, comme ils demandent simplement le dépôt, je considère, du fait d'être déposé ici devant les membres de cette commission et à la Bibliothèque nationale, que leur voeu a été exaucé.

M. le ministre.

Documents produits

M. Bérubé: Puisque nous en sommes au dépôt de document, l'Opposition nous avait demandé si nous ne pourrions pas déposer également à cette table un rapport des Consultants du Canada sur le potentiel d'économie d'énergie dans le secteur résidentiel au Québec, fondé essentiellement sur des analyses par ordinateur du potentiel. Il y a essentiellement des tables d'ordinateur, mais il y a un résumé des conclusions du rapport. J'en ai un certain nombre de copies pour les membres de la commission. Il me fait plaisir de le déposer.

Le Président (M. Jolivet): En fait, M. le ministre, comme il n'y a pas de dépôt, je considérerai donc que c'est une distribution à chacun des membres de cette commission...

M. Bérubé: C'est un cadeau personnel aux membres de cette commission.

Le Président (M. Jolivet): Merci. M. Pageau, vous avez maintenant la parole.

Centre de recherche en sciences de l'environnement

M. Pageau (Yvon): M. le Président, je suis impressionné par les membres de cette commission pour leur patience et l'attention qu'ils apportent à ces dossiers. Nous essaierons de faire assez rapidement. Je voudrais d'abord faire comme une adresse préliminaire et, après, faire un résumé de notre mémoire rapidement sur les points principaux.

Le Président (M. Jolivet): Est-ce que vous pourriez présenter la personne qui vous accompagne, s'il vous plaît?

M. Pageau: M. Alfred Jaouich, du département des sciences de la terre de l'UQAM. Je vous prierais d'excuser l'absence des deux autres collègues, M. Hade et M. Chodorowski, du département de chimie, qui sont retenus par des obligations professorales.

Le premier ministre du Québec a souligné avec vigueur dans le discours inaugural de la 31e Législature en novembre dernier les éléments structurels d'une politique énergétique du Québec. Rarement un discours inaugural n'aura été suivi aussi rapidement de décisions touchant la mise en place d'instruments collectifs pour une mise en oeuvre aussi cohérente et lucide d'une politique. Force nous est de reconnaître le rôle dynamique joué par le ministre de l'Énergie et des Ressources, M. Yves Bérubé. Rarement aussi un gouvernement n'aura montré autant de suite dans ses idées dans un dossier aussi complexe et crucial que celui de l'énergie, depuis la consultation qui a mené en 1978 au livre blanc sur la politique québécoise de l'énergie, "Assurer l'avenir". II faut reconnaître ici le rôle prépondérant joué par l'ex-ministre d'État à l'Énergie, M. Guy Joron. Or, cette politique fait état d'un "porte-folio" diversifié qui sera le gage de son succès en s'appuyant sur quatre sources d'énergie indispensables à la poursuite du développement d'une société moderne. Chacune de ces sources s'appuie à son tour sur des instruments collectifs dont certains sont dans la foulée immédiate du discours inaugural. Ces quatre sources sont les suivantes: 1) l'électricité, la seule source autochtone d'énergie qui s'appuie sur Hydro-Québec, qui est, comme disait le premier ministre dans le discours inaugural, le navire amiral de la flotte des sociétés d'État; 2) le gaz naturel, qui s'appuie sur Gaz Métropolitain, devenu récemment partenaire d'État et qui devrait traverser le Québec pour rejoindre les Maritimes et s'appuyer pour ses approvisionnements futurs sur le port méthanier de Gros Cacouna; 3) le pétrole, qui s'appuie sur deux piliers: a) sur SOQUIP, pour développer une usine de valorisation des huiles lourdes avec les autres sociétés pétrolières montréalaises; b) sur Pétromont, pour développer davantage le secteur de la pétrochimie avec Gulf et d'autres partenaires; enfin, 4) les économies

d'énergie et les énergies nouvelles qui s'appuieront, les premières, sur Hydro-Québec, les secondes, sur Nouveler, une société formée de partenaires de sociétés d'État.

La force de cette politique, c'est de s'appuyer sur la diversification des sources d'énergie, mais sa faiblesse, c'est de s'appuyer sur deux sources sur quatre qui ne sont pas québécoises. C'est là l'obstacle majeur à la réalisation de cette politique. En effet, la réalisation de cette politique, pourtant indispensable au Québec, ne pourra se faire sans une coordination étroite avec la politique énergétique canadienne.

L'acquisition récente de Pétrofina par Pétro-Canada fera qu'une société d'État canadienne sera maintenant présente au Québec. Il faut souhaiter que le gouvernement canadien, par sa société d'État, ne vienne pas contrecarrer les plans de l'État québécois mais, tout au contraire, bien en faciliter la réalisation, autrement des politiques divergentes en ce domaine stratégique ne seraient pas dans l'intérêt des Québécois et des Canadiens.

(17 h 15)

Donc, notre groupe est intéressé aux économies d'énergie pour autant que toute économie d'énergie a un impact positif sur l'environnement et, par conséquent, s'intéresse aussi à des politiques énergétiques. II s'agit ici de situer le plan d'investissement d'Hydro-Québec dans le cadre d'une politique énergétique. Alors, notre rapport est simple. Il souligne surtout une chose: c'est le problème de la pénétration du gaz naturel versus l'électricité.

Notre groupe, d'abord, est favorable au plan d'investissement d'Hydro-Québec et estime qu'on ne devrait pas prendre prétexte de certaines lacunes pour le réduire en quelque façon. Si un tel plan coûtera cher, c'est pourtant l'un des meilleurs sinon le meilleur investissement que les Québécois peuvent faire, individuellement et collectivement, pour leur avenir. Puisque toute forme d'énergie coûtera de plus en plus cher, vaut aussi bien que les Québécois paient le coût d'une source d'énergie qui leur appartienne, d'autant que la source d'énergie dont il s'agit ici, c'est d'abord et avant tout l'énergie hydroélectrique, par définition, renouvelable et non polluante, des caractères uniques et inestimables par rapport aux sources d'énergie traditionnelles: fossiles, pétrole, charbon, pour ne pas parler de l'énergie nucléaire.

Ceci dit, notre groupe souligne une faiblesse dans le rapport d'Hydro-Québec; une stratégie pour la décennie 80, et les documents y attachés. Cette faiblesse concerne la pénétration de l'électricité dans le chauffage des espaces et, notamment, dans celui du secteur résidentiel. Nous estimons que dans le contexte énergétique québécois et canadien il serait préférable de favoriser la pénétration du gaz naturel dans le chauffage des espaces.

Comme nous le disons dans notre rapport, on ne saurait faire grief à HydroQuébec de ne pas prévoir une plus grande pénétration du gaz naturel pour le chauffage des espaces, encore moins lui reprocher de ne pas faire la promotion du gaz naturel. Ce n'est pas dans son mandat de faire la promotion d'une forme d'énergie concurrente. C'est là l'importance de cette commission, M. le Président, de se pencher sur une analyse plus large de la situation énergétique.

Les projections d'Hydro-Québec, quant à l'importance de la pénétration de l'électricité dans le chauffage des espaces et, particulièrement, dans le secteur résidentiel, viennent du fait que l'électricité jouit d'un préjugé favorable auprès des Québécois. On a répété aux Québécois qu'elle était propre. On a associé le Québécois aux grands travaux en cours à la Baie James et à ceux du passé comme la Manic. On l'assure de son approvisionnement et on lui dit qu'il en était propriétaire. Rien de plus naturel que le Québécois se convertisse au chauffage électrique.

Tout au contraire, le gaz naturel part perdant. À son endroit, le préjugé est défavorable. Le Québécois a peur du gaz naturel, il n'est pas sûr de son approvisionnement et il ne lui appartient pas. Pourtant, Statistique Canada montre qu'en 1980 40% des 7,807,000 foyers canadiens sont chauffés au gaz naturel, 37% au mazout et 20% à l'électricité. En Alberta, c'est 80%. En Europe, le gaz naturel est une source d'énergie importante consacrée au chauffage et aux usages domestiques. Pourtant, les réserves canadiennes en gaz naturel sont bonnes au moins pour 30 ans; les ressources, encore davantage.

Pourquoi alors faut-il favoriser la pénétration du gaz pour le chauffage des espaces? Parce que c'est une excellente source d'énergie pour le chauffage sans compter de bons usages industriels. On peut rappeler celui du procédé mitrex par la SIDBEC, c'est pour la réduction du fer. Deuxièmement, on économiserait l'électricité pour l'appliquer à des fins plus spécifiques et rechercher l'optimisation pour attirer au Québec des industries importantes pour lesquelles l'électricité n'a pas de substitut. Pensons à tous les procédés d'électrolyse, l'aluminium, le cuivre, le zinc, l'étain, l'hydrogène.

Troisièmement, on pourrait éviter de modifier profondément la demande de pointe et le profil de charge du réseau. C'est peut-être le point crucial. Les documents d'Hydro-Québec disent que la décision n'est pas prise, qu'il faudrait envisager, pour compenser pour les problèmes de pointe, les problèmes de

charge, de mettre en service 5100 mégawatts de turbines à gaz de 1986 à 1994 au coût de $1,500,000,000. Cela nous apparaît un peu paradoxal pour ne pas dire absurde car, en fait, on ferait pénétrer le gaz dans le chauffage des espaces par sa transformation en électricité sans pallier les inconvénients très importants décrits dans les rapports d'Hydro-Québec qui en résulteraient sur la demande de pointe et le profil de charge du réseau.

La conversion au gaz est moins coûteuse pour tous les foyers ou les logements qui sont déjà dans des systèmes à air chaud. On pourrait évidemment apporter des incitations financières pour vaincre la résistance psychologique que le Québécois a à l'endroit du gaz naturel. On pourrait réserver le gaz, par exemple, a des maisons existantes dans les banlieues qui exigent la plus grande consommation de chauffage, beaucoup plus que des maisons en rangée; de ville et à étages, et réserver l'électricité peut-être à des développements de parcs de maisons nouvelles où c'est plus facile de planifier tant les systèmes d'équipement que de distribution, etc., parce qu'on connaîtra d'avance combien il y a de maisons nouvelles, exiger des normes, évidemment, d'isolation, etc., et ainsi établir un équilibre dans l'usage de ces deux sources d'énergie assez remarquables l'une et l'autre d'ailleurs mais pour des raisons différentes. Cela pourrait aussi s'accompagner de campagnes de publicité, en les confiant à des organismes qui s'occupent de psychosocial pour vaincre cette résistance psychologique qui existe, à notre avis, chez les Québécois moyens.

Enfin, M. le Président, nous ne voudrions pas conclure sans dire un mot des économies d'énergie. Hydro-Québec consacre plusieurs pages à ce chapitre dans ses dossiers et nous nous réjouissons des efforts et des recherches qu'elle entend mener dans les énergies nouvelles, l'énergie solaire, l'énergie éolienne, la biomasse, les pompes thermiques, l'hydrogène, la fusion, le stockage, etc. Il faut se réjouir aussi que le gouvernement ait confié à Hydro-Québec le mandat de développer un programme dynamique d'isolation des bâtiments.

Nous pensons qu'Hydro-Québec peut jouer en ce domaine un rôle déterminant sur le bilan énergétique global du Québec en s'intéressant à la récupération thermique conjointement avec l'industrie. On l'a dit, l'économie d'énergie, c'est l'énergie la moins chère; c'est le gisement de la ressource la moins chère, la ressource la plus propre, la plus sécuritaire en termes d'approvisionnement et c'est une ressource renouvelable. À la limite, elle est quasi inépuisable, parce qu'on pourra toujours aller gruger dans les économies d'énergie. C'est la seule ressource énergétique qui rendra l'industrie libre et compétitive, la seule ressource qui nous rendra autonomes et indépendants.

En conclusion, nous estimons que le plan d'investissements d'Hydro-Québec est audacieux, mais il placera le Québec dans une situation privilégiée pour son développement socio-économique dans les années 1980-1990. C'est pourquoi il ne s'agit pas de le réduire. Il s'agit de le canaliser pour utiliser d'une façon optimale cette énergie exceptionnelle qu'est l'électricité, surtout lorsqu'elle est d'origine hydraulique.

Si les efforts consentis par ces investissements considérables allaient laisser des surplus d'électricité, il n'y aurait qu'à réviser les tarifs à la baisse. Une telle conjoncture aurait pour effet de redistribuer aux Québécois une part de la richesse acquise à coups d'impôts, de taxes et de hausses tarifaires successives comme les "royautés" pétrolières de l'Alberta ont soulagé les Albertains d'une part importante d'impôt. Mais il n'y aura pas de surplus longtemps. Avec une baisse sensible des tarifs de l'énergie électrique, les surplus seraient vite absorbés car l'énergie à bon marché attirera industries et commerces qui verront là l'occasion de se développer avec un atout concurrentiel important face à la montée des coûts énergétiques ailleurs. C'est tous et chacun de nous qui profiteraient d'une telle conjoncture, c'est le Québec tout entier qui en profiterait. Merci, messieurs.

Le Président (M. Jolivet): Merci, M. Pageau. M. le ministre.

M. Bérubé: M. Pageau, votre mémoire est extrêmement intéressant. À ce point intéressant que le député d'Outremont me suggérait qu'on limite nos interventions à deux minutes chacun et qu'on passe à un autre mémoire. En fait, il n'aimait pas tellement votre analyse de l'action gouvernementale dans le domaine de l'énergie. Je vous remercie de ce témoignage que vous avez rendu, d'une part, à mon prédécesseur, M. Joron, qui est maintenant avec nous, d'ailleurs, et en même temps à l'action gouvernementale. Je ne crois pas qu'on ait réglé tous les problèmes, mais je crois, cependant, que votre mémoire apporte, je ne dirais pas des solutions, mais une avenue que j'aimerais fouiller un peu plus avant avec vous.

D'une part, vous avez délibérément choisi de ne pas utiliser une approche fluviale, de ne pas vous asseoir sur le bord du fleuve et regarder passer les bateaux, mais, au contraire, de réfléchir à ce que devrait être la source énergétique la plus appropriée pour certaines fonctions. Vous nous avez suggéré des orientations, des politiques gouvernementales qui ne se contenteraient pas simplement d'essayer de

prédire l'évolution et, à partir de cela, de préparer des plans d'équipements qui ont simplement comme objectif de se coller carrément à la prévision, mais, au contraire, de chercher même à modeler la prévision, a modeler les besoins jusqu'à ce que, finalement, on arrive à un parc énergétique optimal au Québec. C'est vraiment une des premières interventions où on sent cette volonté d'intervenir.

J'aimerais, à ce moment-là, que vous me fassiez part des réflexions des gens de votre centre plus spécifiquement sur les mesures gouvernementales que vous recommanderiez pour favoriser, par exemple, la pénétration du gaz naturel pour le chauffage, pour orienter l'électricité vers des fonctions industrielles que vous avez identifiées, mais que j'aimerais que vous développiez peut-être un peu. En d'autres termes, quels gestes gouvernementaux seriez-vous en mesure de recommander, dans le sens où vous nous le suggérez?

Le Président (M. Jolivet): M. Pageau.

M. Pageau: M. le ministre, M. le Président, vous posez là une question très délicate. Vous savez que nous ne vivons pas dans un monde qui aime beaucoup le dirigisme d'État. Nous sentons qu'il en faut. Si nous donnions des lignes de conduite déterminées... Nous en avons esquissé une tout à l'heure, en disant de réserver des parcs de banlieue de maisons existantes pour favoriser le gaz naturel. Je crois que, si l'on veut respecter la liberté des individus et qu'un État veuille imprimer quand même un certain modèle, il doit le faire discrètement. L'incitation financière, c'est aussi un outil délicat. Il peut être, évidemment, assez puissant. Par exemple, dans l'état actuel de l'inflation, les gens mettent leurs mains dans leur poche souvent pour vérifier les comptes. Je crois que c'est par des campagnes de conviction et de promotion sur la valeur de cette énergie. Ce sera un processus d'éducation assez lent. Pour notre part, nous croyons que c'est peut-être la façon la plus réaliste.

M. Bérubé: En fait, si on récapitule très sommairement les activités de notre commission depuis deux jours, on peut rappeler qu'hier les membres de cette commission ont constaté que, dans les programmes d'investissements que nous soumettait Hydro-Québec pour les cinq prochaines années, l'autofinancement s'accroîtrait très rapidement. En d'autres termes, cela revient à dire que le profits générés par Hydro-Québec croîtraient très rapidement. C'est une première observation qui a été faite.

Une deuxième observation a été faite par le député de Gouin tantôt, en posant une question aux représentants de Gaz Inter-Cité. Il a demandé: Même si Hydro-Québec devait faire croître ses tarifs avec l'inflation, est-ce que le gaz naturel cesserait d'être concurrentiel? La réponse nous est venue tout aussi rapidement: Non, certainement pas pour les cinq, six ou sept prochaines années. Le gaz naturel maintiendrait son avantage comparatif. (17 h 30)

On a donc devant nous deux positions. La première position est un profit intéressant pour Hydro-Québec. Donc, d'une part, pas de pressions à la hausse sur les tarifs. D'autre part, même un représentant des distributeurs de gaz naturel au moins nous a dit: Même si les tarifs d'Hydro-Québec suivaient simplement l'inflation et si nous suivions dans nos politiques tarifaires la politique énergétique canadienne, nous serions en mesure de maintenir un avantage comparatif. Sachant cela, envisagez-vous une action tarifaire comme étant un moyen pour privilégier le gaz naturel afin de faciliter ou accélérer sa pénétration?

M. Pageau: M. le ministre, je ne crois pas que les membres de notre groupe soient en mesure de vous répondre sur cet aspect que j'appellerais économique. Nous pensons que c'est plutôt par un processus psychologique de pénétration. Mais il y a des choses qui se passent, dans le monde. La nécessité fait loi. Vous avez Londres, en Angleterre, par exemple, une ville importante qui s'est convertie au gaz naturel rapidement. Résistance psychologique ou pas, nécessité fait loi. Nous n'en sommes pas là, je crois. La question, directement, sur l'évolution des tarifs, cela aiderait certainement, mais là, c'est une opinion. Réellement, je ne peux pas... Je ne pense pas, M. Lewis, que nous puissions répondre.

M. Bérubé: Je vous remercie.

Le Président (M. Jolivet): Merci, M. le ministre.

M. le député d'Outremont.

M. Fortier: M. Pageau, maintenant que le ministre a révélé publiquement un sentiment dont je lui avais fait part confidentiellement et à l'avenir...

M. Ciaccia: Auquel il avait... M. Fortier: Agréé, d'ailleurs. M. Ciaccia: Oui.

M. Fortier: Je vous dirai tout droit ce que j'en pense, sans flatteries. Il me semble que votre document est un des plus faibles que nous ayons reçus jusqu'à maintenant et je vous dirai pourquoi.

La première raison, c'est que ce document était flatteur. Je me suis demandé en le lisant si l'UQAM était tellement mal en point avec les subventions du gouvernement qu'en flattant le gouvernement, vous vous attendiez à avoir un traitement particulier. La deuxième, c'est que, bien sûr, en examinant les arguments que vous apportez, cela manque un peu de rigueur. Quant à la première raison, vous dites, à la page 3, que Gaz Métropolitain n'avait pas encore la certitude d'approvisionnements suffisants, vu le retard apporté à la décision d'un nouveau pipeline. Il faut savoir que dans le moment, Gaz Métropolitain est déjà relié au pipeline. Il n'a pas besoin d'un nouveau pipeline pour avoir des approvisionnements additionnels. La seconde, c'est lorsque vous dites, à la page 6, que vous êtes en faveur d'une plus grande pénétration. Vous dites: "Nous estimons donc que l'État doit prendre les dispositions pour faciliter une plus grande pénétration du gaz naturel dans le chauffage des espaces et surtout dans le secteur résidentiel." Le ministre vous a demandé - et vous n'avez pas donné de précisions là-dessus - quelles seraient les incitations. On a parlé de prix; c'est sûrement, une incitation, c'est une incitation de prix.

Ensuite, à la page 10, vous dites qu'il y a du surplus dans la vente de l'électricité et vous dites: "Si ces efforts devaient encore laisser du surplus, il n'y a qu'à réviser les tarifs à la baisse." J'essaie de comprendre de quelle façon vous pouvez en même temps être en faveur d'une pénétration du gaz et suggérer des incitations très aléatoires et, d'autre part, être en faveur d'une baisse du coût de l'électricité, alors que nous savons tous que s'il y a une baisse des tarifs de l'électricité, cela va favoriser une plus grande pénétration de l'électricité. J'aimerais que vous m'expliquiez ou que vous éclairiez ma lanterne sur ce sujet.

Le Président (M. Jolivet): M. Pageau.

M. Pageau: Je vais essayer, M. le Président. Je commence par la fin. Si vous faites l'hypothèse que le gaz naturel connaît une pénétration importante au Québec, vous devriez comprendre que la part de l'électricité nécessaire à assurer le chauffage des espaces sera moindre et que cela devrait produire des surplus à ce moment-là. Nous prenons l'hypothèse que nous acceptons les plans des équipements. Nous croyons que c'est un investissement pour le Québec et il faut faire tout ce qu'on peut de l'électricité, mais avant de la vendre, par exemple, nous essaierons de l'utiliser au mieux au Québec.

M. Fortier: Â qui?

M. Pageau: Cela se parle, monsieur.

M. Fortier: Oh! À l'extérieur du Québec.

M. Pageau: Bon! Je ne sais pas si cela répond à notre question. Cela suffit pour moi pour cela. Les autres, pour le pipeline, je n'ai pas trop saisi.

M. Fortier: Non, non, sur le point de l'incitation, vous dites...

M. Pageau: Est-ce que le Gaz Métropolitain, le pipeline irait...

M. Fortier: ...que s'il y a des surplus dans la vente d'électricité, on pourrait baisser les tarifs. Ne croyez-vous pas qu'en baissant les tarifs de l'électricité, cela va favoriser une plus grande pénétration de l'électricité au Québec même?

M. Pageau: C'est le temps, monsieur. Vous ne prenez pas cela dans le même temps. Si le gaz pénètre, d'une façon significative, cela va prendre un certain nombre d'années - d'après moi dix ans - pour arriver à 15% ou 20%. C'est donc là que si l'on met en marche un plan d'équipement qui est accepté ici, très important, dans dix ans, il se pourrait qu'il y ait des surplus électriques.

M. Fortier: En tout cas. Un autre point sur lequel j'aimerais que vous m'éclairiez encore une fois. Il s'agit d'un petit paragraphe dans la lettre additionnelle que vous avez envoyée et où vous dites ceci: "La force de cette politique, c'est de s'appuyer sur la diversification des sources d'énergie, mais sa faiblesse est de s'appuyer sur deux sources sur quatre qui ne sont pas québécoises. C'est là l'obstacle majeur à la réalisation de cette politique."

Et en même temps, vous dites être en faveur du gaz - depuis qu'on a eu un référendum le 20 mai dernier, je crois qu'on fait encore partie du Canada - j'essaie de comprendre dans quelle mesure le fait d'appartenir au Canada et, de pouvoir compter sur des quantités de gaz considérables et même des quantités de pétrole dans l'avenir, si on s'entend sur une politique énergétique, peut être une faiblesse pour le Québec. J'essaie de comprendre et je ne comprends pas.

Le Président (M. Jolivet): M. Pageau.

M. Pageau: M. le Président, je ne crois pas, à ma connaissance, que le gaz soit une source d'énergie québécoise, au Québec.

M. Fortier: Quelle différence cela fait-il?

M. Pageau: Cela fait, M. le Président,

que le contrôle de cette source dépend d'autres personnes. Et nous avons un exemple actuellement avec le pétrole. Il y a une province qui a des difficultés à s'entendre avec un gouvernement central et elle nous dit qu'elle pourrait fermer le robinet. Rien ne nous assure qu'une telle éventualité ne pourrait pas survenir pour le gaz naturel également.

M. Fortier: Dans ce cas-là, M. Pageau, on ne devrait pas compter sur le gaz et on devrait intensifier le développement électrique de la province de Québec. Si vous dites qu'il y a un danger de coupure de gaz, pourquoi favorisez-vous cette forme d'énergie?

M. Pageau: Parce que, monsieur, dans le dernier paragraphe de cette adresse, et à la fin de notre mémoire, nous faisons le pari que les conditions politiques au Canada permettront des ententes entre hommes de bonne volonté.

M. Fortier: Là-dessus, on est d'accord. Je suis complètement d'accord là-dessus et je crois que c'est là-dessus qu'on va terminer notre intervention. Je vous remercie beaucoup.

Le Président (M. Jolivet): Merci. M. le député de Dubuc.

M. Desbiens: Je crois que la plupart des questions qui ont été soulevées par le mémoire ont été posées. Toutefois, je voudrais faire au moins une remarque, parce que le nom de votre organisme me portait à croire, avant d'entendre le mémoire, qu'il serait beaucoup plus question d'environnement. Vous y avez fait allusion à une couple de reprises tout de même.

Quand vous nous parlez, dans le mémoire, de développement économique, est-ce que vous seriez en mesure de nous indiquer plus précisément quel est le type d'industries que vous croyez que le gouvernement devrait privilégier en premier, pour l'application des tarifs préférentiels dont vous parlez, puisque vous parlez de tarifs préférentiels d'électricité pour aider l'industrialisation?

Le Président (M. Jolivet): M. Pageau.

M. Pageau: Toute industrie dont l'électricité est une nécessité pour fonctionner. J'ai donné les exemples des industries primaires comme l'industrie des métaux, l'électrolyse pour fabriquer de l'aluminium, le cuivre, etc. Il y a eu déjà, dans l'air, des pourparlers pour monter une industrie de moteurs d'aluminium, par exemple. Si de tels genres d'industries venaient s'installer au Québec, il faudrait de l'énergie électrique pour le fabriquer, cet aluminium, s'il en faut encore davantage. Par conséquent, c'est un exemple, je crois, d'optimisation de cette énergie. C'est d'ailleurs le même pari que, ce matin, le groupe de l'École polytechnique faisait en parlant d'énergie nucléaire pour dire que ce sera un outil pour le développement industriel. Je ne sais pas si je réponds.

M. Desbiens: D'accord. On parle beaucoup, depuis les débuts de la commission, de la pénétration de gaz naturel, on parle de mesures qui devraient inciter la pénétration du gaz naturel au Québec. On parle toujours de mesures, mais on ne donne jamais d'exemple de ces mesures. Quel pourrait être ce genre de mesures que vous verriez qui inciteraient ou qui permettraient...

M. Pageau: M. le Président, M. le ministre, tout à l'heure, a posé une question à peu près dans le même sens. Il a demandé si des directions de l'État ou des tarifs... Nous estimons que c'est très délicat d'agir d'une façon trop directive pour un État dans notre système à nous; peut-être des incitations financières. Nous avons indiqué que dans la planification Hydro-Québec pourrait se réserver le chauffage des espaces pour des parcs de maisons nouvelles dont on se serait assuré des conditions de bonne isolation pour tirer le maximum, l'optimisation de cette énergie, et réserver le chauffage au gaz naturel des espaces des parcs de maisons de banlieue déjà existantes qui, bien souvent, sont déjà dans des systèmes d'air chaud à l'huile. Et aussi faire une campagne pour vaincre la résistance psychologique des Québécois.

M. Desbiens: Ce sont les raisons que vous avez mentionnées tantôt, mais, quand vous parlez de parcs de maisons existantes, vous verriez quoi, des formes de subventions, pour transformation de ces maisons actuellement chauffées au pétrole vers le gaz naturel?

M. Pageau: Bien oui. Je pense d'abord au programme fédéral, conjointement avec les provinces, de conversion de systèmes de chauffage. Certainement, si le gaz naturel est disponible, cela pourra aider à sa pénétration. Pour notre part, nous ne pensons pas que cela se fera très vite, il faudra que ce soit accompagné de campagnes de promotion psychosociale pour vaincre la résistance des Québécois.

M. Desbiens: Je vous remercie.

Le Président (M. Jolivet): Merci au nom des membres de cette commission. Je vous remercie, monsieur.

Le prochain intervenant est - je vais nommer les deux qui restent d'ici ce soir -Gaz Métropolitain Inc. et M. Michel Jurdant. Je ne sais pas si les membres de la commission préfèrent suspendre nos travaux ou attendre le dernier mémoire, quitte à dépasser 18 heures.

Une voix: Pourquoi ne pas suspendre jusqu'à 20 heures?

Le Président (M. Jolivet): Donc, nous allons suspendre d'un commun accord jusqu'à 20 heures. Nous reviendrons avec Gaz Métropolitain Inc.

(Suspension de la séance à 17 h 44)

(Reprise de la séance à 20 h 8)

Le Président (M. Jolivet): La commission de l'énergie et des ressources est à nouveau réunie aux fins d'entendre les personnes ou organismes qui veulent faire des représentations relativement au plan d'équipement et de développement 1981-1990 de la société Hydro-Québec.

Au moment où nous nous sommes quittés, à l'heure du souper, la parole était au groupe du Gaz Métropolitain Inc., représenté par M. Robert Normand, à qui je demanderais de bien vouloir présenter les personnes qui l'accompagnent.

M. Normand.

Gaz Métropolitain Inc.

M. Normand (Robert): Merci, M. le Président. Comme premier acte que je vais poser devant cette cour, je vais demander tout simplement à M. Villion de présenter les gens qui représentent Gaz Métro.

Le Président (M. Jolivet): M. Villion.

M. Villion (Jean François): Comme vous pouvez le constater, dans notre compagnie, on fonctionne par délégation directe. Alors, M. le Président, messieurs les membres de la commission, j'ai ici avec moi, à ma gauche, M. Joseph Baladi, vice-président du groupe exploitation et expansion; à ma droite, M. Normand, que vous avez appelé tout à l'heure, qui est vice-président aux finances et aux affaires de réglementation; ensuite M. Noël, vice-président, marketing, et enfin M. Hung Bui-Quang, directeur de la tarification et de la commercialisation à Gaz Métropolitain.

En tant qu'acteur important du domaine de l'énergie au Québec, Gaz Métropolitain désire faire part à votre commission de certains commentaires qui lui apparaissent appropriés relativement au plan d'installation soumis par Hydro-Québec pour la présente décennie. Gaz Métropolitain tient d'abord à remercier le ministre de l'Énergie et des Ressources de l'invitation qu'il lui a faite de faire connaître son point de vue sur cette question.

Avant d'aborder les aspects formels de notre présentation, Gaz Métropolitain aimerait souligner qu'elle partage le souhait réitéré hier par le président du conseil d'administration d'Hydro-Québec, M. Joseph Bourbeau, selon lequel le Québec devrait mettre à contribution les ressources considérables du gaz naturel canadien et que devrait se concrétiser à court terme la volonté des gouvernements d'étendre le réseau de distribution de gaz à l'est de Montréal, de sorte que les trois quarts de la population du Québec aient accès à cette forme d'énergie.

Malgré le fait que ce souhait ait été exprimé par les plus hautes instances d'Hydro-Québec, il est pour le moins surprenant de constater, comme nous le verrons plus loin, que ce souhait ne se transpose pas au niveau d'une volonté claire et nette de voir le gaz naturel connaître la pénétration envisagée.

Dans un premier temps, nous allons traiter des perspectives de développement du gaz naturel au Québec. À la lumière des difficultés éprouvées au niveau des approvisionnements pétroliers sur le plan international, canadien et québécois, diverses mesures et décisions prenaient place et permettaient au gaz naturel, pour la première fois de son histoire au Québec, de bénéficier d'une situation prometteuse en termes d'expansion de marché. Parmi ces différentes mesures de décisions, mentionnons la politique québécoise de l'énergie de 1978, favorisant distinctement une pénétration substantiellement accrue de gaz naturel; l'approbation en mai 1980 de la prolongation du gazoduc à l'est de Montréal en vue de desservir l'ensemble des marchés importants du Québec; l'intervention en octobre 1980 du programme énergétique national du gouvernement fédéral conférant un avantage concurrentiel significatif au gaz naturel relativement aux produits pétroliers et prévoyant une assistance pécuniaire intéressante au niveau de la conversion d'équipements et de l'extension des réseaux de distribution, et finalement, la décision imminente du gouvernement québécois quant à l'octroi du droit de desservir le gaz naturel dans les nouveaux territoires au Québec, territoires pour lesquels Gaz Métropolitain a déposé une requête auprès de la Régie de l'électricité et du gaz.

Face à ce nouveau contexte, Gaz Métropolitain croit qu'une pénétration accrue du gaz naturel au Québec procurera aux Québécois des bénéfices dérivés de ses caractéristiques intrinsèques, de son aspect industrialisant déjà depuis longtemps reconnu,

et de son avantage concurrentiel à l'égard des mazouts qui ira croissant. Elle permettra d'améliorer la sécurité des approvisionnements énergétiques du Québec par le déplacement du pétrole brut importé que l'on évalue à l'équivalent de 50,000 barils par jour dès 1984, tout en allégeant considérablement le déficit de la balance canadienne des paiements dont les effets québécois se traduiront par un bénéfice de l'ordre de $650 millions dès 1980, au cours des dix prochaines années.

Selon le résultat d'études d'impact socio-économiques menées pour le compte de Gaz Métropolitain sur la période de 1981 à 1990, les bénéfices du projet pour la collectivité québécoise se situeraient à près de $1 milliard et l'incidence totale au niveau de l'emploi serait de 30,200 hommes/année. Il s'agit d'effets minimaux puisque certaines régions du Québec appelées à être desservies ne sont pas comprises dans ces études, ni l'impact des effets industrialisants du gaz naturel et de l'accroissement de la participation québécoise à la conception, à la fabrication et à l'assemblage des composantes de la distribution du gaz naturel. On estime que cette participation pourrait être portée de 40% qu'elle est actuellement à environ 75%, contribuant ainsi au second objectif de la politique québécoise visant à privilégier le développement de l'économie et de l'emploi au Québec. (20 h 15)

Gas Métropolitain estime que l'extension du réseau gazier pourra se réaliser et permettra, en raison de la part accrue du gaz naturel dans la consommation énergétique québécoise totale, de rejoindre et même de dépasser un des objectifs énoncés par le gouvernement du Québec dans sa politique québécoise de l'énergie, soit le renforcement de la sécurité des approvisionnements énergétiques du Québec.

À l'aide des mesures incitatives proposées par les divers ordres de gouvernement, la croissance de la consommation du gaz naturel se fera principalement aux dépens de celle du pétrole et ne modifiera pas de façon sensible la demande des autres formes d'énergie, plus particulièrement celle de l'électricité. Les résultats des études de Gaz Métropolitain ont démontré, en outre, que la part du gaz naturel au sein du bilan énergétique québécois pourrait et devrait raisonnablement passer de 7% actuellement à 17% en 1990. La part du gaz naturel en 1990 représenterait 16% de la consommation du secteur résidentiel, 22% de celle du secteur commercial et 29% de celle du secteur industriel.

Maintenant, d'une façon plus pratique, nous allons passer aux commentaires de Gaz Métropolitain relativement au plan d'installation d'Hydro-Québec pour la période de 1981 à 1990. La décennie 1980 sera marquée par d'importants réaménagements énergétiques au Québec qui se traduiront par une substitution imposante du pétrole par d'autres formes d'énergie. Le livre blanc sur la politique québécoise de l'énergie a retenu à cet effet l'électricité et le gaz naturel au titre des principales formes d'énergie de substitution. Gaz Métropolitain a déjà manifesté et maintient son appui à cette politique et désire souligner que la réalisation du rôle retenu pour ces deux formes d'énergie proviendra d'une allocation judicieuse de celles-ci de façon que les efforts de substitution envisagés puissent être effectués avec cohérence et harmonie.

Le plan d'installation intitulé Une stratégie pour la décennie 80, présente à cet effet le point de vue d'Hydro-Québec afin de réaliser cet objectif.

Après examen de ce document, Gaz Métropolitain aimerait soumettre à l'appréciation de la commission parlementaire de l'énergie et des ressources ses commentaires sur le plan proposé, selon les trois aspects suivants. D'abord, la formulation du plan, ensuite l'encadrement des décisions énergétiques et finalement les questions de fond soulevées par le plan d'installation d'Hydro-Québec.

D'abord, la formulation du plan: Le plan proposé à l'examen de la commission parlementaire ne permet pas de parvenir à une appréciation de sa portée exacte quant à la desserte harmonieuse des besoins énergétiques québécois par les différentes formes d'énergie appelées à jouer un rôle important au cours de la présente décennie.

Qu'il s'agisse de la part du bilan énergétique réservée au gaz naturel par Hydro-Québec, de la question du nucléaire relativement à la satisfaction de la demande d'électricité, de la philosophie tarifaire envisagée face au nouveau contexte des années quatre-vingt, de la philosophie d'équipements par rapport à la nature des besoins à desservir ou de l'impact financier résultant des imposants programmes d'immobilisations considérés, il est difficile de déterminer si la stratégie proposée correspond aux meilleurs intérêts de la société québécoise.

Selon Gaz Métropolitain, le plan des installations envisagées par Hydro-Québec permettrait une décision plus éclairée si des réponses articulées étaient données à ces questions fondamentales.

L'encadrement des décisions énergétiques. Les difficultés éprouvées a évaluer la pertinence du plan proposé par Hydro-Québec quant à la solution offerte par ce plan relativement aux besoins de substitution des formes d'énergie au Québec semblent en bonne partie imputables à l'absence, actuellement, d'une instance constituée d'experts en énergie et en mesure,

après audience de l'ensemble des parties prenantes du domaine, d'aviser efficacement le gouvernement du Québec sur les choix énergétiques qu'il lui incombe d'effectuer et sur les avenues à emprunter pour y parvenir.

Selon Gaz Métropolitain, l'absence de ce forum d'experts au Québec ne remet pas en question le rôle que doit jouer la commission parlementaire de l'énergie et des ressources. Dans le cadre du processus démocratique qui est le nôtre, cette commission remplit une fonction fondamentale relativement à l'appréciation des choix énergétiques faits par le gouvernement à même les options énergétiques mises à sa disposition.

Ce que Gaz Métropolitain désire mettre en lumière, c'est plutôt la nécessité de l'intervention préalable d'un mécanisme de prise d'information et d'analyse en profondeur des avenues énergétiques s'offrant périodiquement à la société québécoise, afin que le gouvernement puisse être avisé judicieusement sur les choix qui s'offrent à lui et sur leurs conséquences respectives.

Selon Gaz Métropolitain, cette carence actuelle pourrait être palliée en confiant un mandat explicite à cet effet à la future régie de l'énergie, dont la création éventuelle a été soulignée dans le livre blanc sur la politique québécoise de l'énergie.

Quant au plan d'installations d'Hydro-Québec, il soulève certaines questions fondamentales dont la commission parlementaire devrait être saisie. Ces questions de fond, quant à Gaz Métropolitain, sont les suivantes: d'abord, l'impact de la desserte proposée du secteur chauffage; deuxièmement, l'intervention du nucléaire et, enfin, la dimension des prix de l'électricité.

Quant à l'impact de la desserte proposée du secteur résidentiel, selon Gaz Métropolitain, la problématique à cet égard est de deux ordres, l'un général et l'autre de nature particulière. D'abord, quant à la problématique d'un ordre général, selon les prévisions d'Hydro-Québec, la part de l'électricité dans le bilan énergétique québécois atteindra 45% en 1990. Cette part sera atteinte en bonne partie grâce à une pénétration poussée de la demande de chauffage par l'électricité et à une participation restreinte au bilan énergétique du gaz naturel, estimée à 12% par Hydro-Québec.

Cette stratégie comporte différentes conséquences, dont les suivantes: un investissement plus que significatif dans des installations de base exploitées par la suite à un faible coefficient d'utilisation tant à la production qu'à la consommation; des effets sur les tarifs d'électricité qui pourraient être entraînés par les imposants investissements requis si la demande anticipée était plus faible que prévu; des pertes d'opportunités dérivées d'une allocation trop importante de l'électricité à la demande de chauffage, alors qu'une demande importante pourrait voir le jour dans des secteurs que l'électricité est mieux habilitée à satisfaire, notamment aux fins de procédés et d'énergie de travail; un impact négatif sur la pénétration du gaz naturel, sur les possibilités qu'il offre quant à la diversification des approvisionnements énergétiques et de la production industrielle au Québec et sur les bénéfices provenant des programmes gouvernementaux en vue de favoriser une pénétration importante du gaz naturel; enfin, une perte de marge de manoeuvre financière dont pourrait disposer Hydro-Québec, compte tenu d'une présence du gaz naturel plus poussée que celle retenue.

De l'avis de Gaz Métropolitain, ces différentes facettes devraient faire l'objet d'un examen plus approfondi de la part de la commission parlementaire et mené soit vers un ralentissement du programme d'immobilisations proposé, ajusté à une pénétration plus judicieuse du secteur chauffage par l'électricité, soit vers un maintien du plan proposé de façon que soient réservés les excédents de production d'électricité au marché d'exportation afin d'accroître les revenus dérivés de la vente de cette forme d'énergie tout en stabilisant les remboursements de la dette étrangère contractée par Hydro-Québec, et que soient également disponibles les quantités d'électricité requises par l'implantation de nouveaux procédés consommateurs de cette forme d'énergie ou par le développement des besoins en énergie-travail du Québec.

Quant aux aspects particuliers, l'orientation qu'entend suivre Hydro-Québec quant à la pénétration du secteur chauffage intervient à un moment où le gaz naturel devrait connaître une percée intéressante de ce même secteur. Cette orientation pourrait compromettre sérieusement la présence plus poussée du gaz naturel naturel au Québec, compte tenu de la forte acceptation actuelle de l'électricité dans ce secteur de consommation, du temps qu'il faudra au gaz naturel pour accéder à la même acceptation dans les années à venir et de l'envergure présente des ramifications du réseau de transmission et de distribution d'électricité relativement à la période requise d'établissement des réseaux gaziers au Québec. À cet égard, le gaz naturel est la forme d'énergie qui se prête le mieux aux usages de chauffage à basse et moyenne températures. Il peut de plus être entreposé sous forme gazeuse ou liquide et ainsi répondre de façon flexible et peu coûteuse comparativement à l'électricité aux besoins de la demande de pointe, d'où une perte d'opportunités manifeste pour la société québécoise.

Par ailleurs, la faisabilité de l'extension des réseaux gaziers au Québec passera par

une pénétration raisonnable du secteur résidentiel que Gaz Métropolitain Inc. évalue à 16% de la demande dans ce secteur en 1990. Ce niveau de pénétration permettra de stabiliser et équilibrer les revenus du distributeur face à la fluctuation conjoncturelle des revenus provenant des secteurs commercial et industriel. Sa desserte permettra d'optimiser la saturation des canalisations et d'accéder à des marchés qui, autrement, ne pourraient être desservis.

En raison du caractère irréversible - et je précise en termes économiques - d'une pénétration trop importante de l'électricité dans le secteur chauffage, Gaz Métropolitain Inc. croit que certains aménagements devraient être apportés à l'orientation proposée par Hydro-Québec. Celle-ci tient à une tarification de l'électricité pour fins de chauffage qui serait établie à un niveau tel qu'il permettrait au gaz naturel de bénéficier d'un avantage concurrentiel minimal de 10% dans ce secteur, du moins au cours des six prochaines années. Gaz Métropolitain tient également aux encouragements à prodiguer au développement et à la mise en marché de systèmes hybrides de chauffage où l'électricité serait la forme principale d'énergie dans des régions à faible densité de population ou de consommation énergétique ou, encore, là où le gaz naturel ne sera pas disponible. Ils tiennent, enfin, aux limitations à apporter aux programmes promotionnels d'Hydro-Québec relativement à la conversion d'équipement de chauffage.

Deuxième aspect, l'intervention du nucléaire. Le plan d'installation proposé par Hydro-Québec, compte tenu de la stratégie de pénétration de marchés envisagée, mène aux limites du potentiel hydraulique économiquement et écologiquement aménageable au Québec d'ici 1996 et au recours à d'autres sources de génération d'électricité dès 1992 pour suppléer à la demande d'électricité. Compte tenu des délais relatifs à l'installation de centrales nucléaires, le Québec devra décider d'ici la fin de 1982 à quelle filière il voudra recourir pour fins de génération d'électricité. Gaz Métropolitain est consciente de l'intervention éventuelle du nucléaire au Québec et de l'importance de maintenir un savoir-faire dans ce domaine. Elle croit qu'il y aura lieu, toutefois, de ne pas perdre de vue le rôle important que pourra jouer le gaz naturel au Québec lors du débat public qui ne manquera pas d'intervenir sur cette question.

Ce rôle, Gaz Métropolitain l'estime de deux ordres. D'une part, selon l'importance de la participation du gaz naturel au bilan énergétique québécois, il serait possible de différer la décision quant à la question nucléaire d'une à quelques années. Advenant une percée technologique quant au solaire ou à la fusion thermonucléaire, cette décision pourrait même ne pas avoir à intervenir.

D'autre part, même si la société québécoise devait choisir de recourir de façon poussée aux centrales à fission nucléaire, une présence significative du gaz naturel devrait tout de même être maintenue au Québec, de façon qu'il puisse bénéficier d'une diversification de l'offre des formes d'énergie et de leurs effets industrialisants respectifs, tout en optimisant les coûts auxquels ces différentes formes d'énergie peuvent être acquises.

Enfin, dernier point, la dimension des prix de l'électricité. Le plan d'installations soumis par Hydro-Québec n'explicite pas l'impact qu'aura le programme d'immobilisations proposé sur les tarifs de l'électricité, ni la philosophie tarifaire qui devra animer cette compagnie au cours de la présente décennie. Advenant que les tarifs futurs d'Hydro-Québec se modèlent sur leur évolution historique, il en résulterait une faible croissance relative des prix de l'électricité qui exercerait une pression importante sur la demande d'électricité que les installations proposées seraient insuffisantes à satisfaire.

Cette situation, tout en précipitant le besoin d'une décision quant au nucléaire et tout en entravant sérieusement la pénétration du gaz naturel au Québec, pourrait avoir les effets suivants: d'abord des efforts de conservation d'énergie atténués, une dépendance relativement au pétrole importé possiblement plus importante compte tenu d'une présence moindre du gaz naturel et, enfin, une diversification des formes d'énergie au Québec compromise.

Selon Gaz Métropolitain, la politique de prix poursuivie par Hydro-Québec jusqu'à présent, conformément à son mandat de fournir l'électricité au plus bas prix, ne correspond plus à la réalité d'aujourd'hui. Cette nouvelle réalité en est une où les économies d'énergie doivent être stimulées et où la substitution du pétrole à d'autres formes d'énergie telles que le gaz naturel ne doit pas être favorisée. (20 h 30)

Cette nouvelle réalité devrait se traduire par l'adoption d'une politique tarifaire de l'électricité où une forme d'énergie serait vendue non seulement en conséquence des coûts de production mais également en fonction de la valeur de l'énergie sur le marché. Advenant qu'un surplus de bénéfices résulte de cette modification, la politique tarifaire de l'électricité... Excusez-moi, je vais reprendre cette partie. Advenant qu'un surplus de bénéfices résulte de cette modification de politique tarifaire de l'électricité, Gaz Métropolitain soumet que ces surplus devraient constituer une rente économique dont le produit devrait être utilisé au bénéfice de l'ensemble des Québécois.

Maintenant, à titre de conclusion. Après

examen du plan d'installation d'Hydro-Québec pour la présente décennie, Gaz Métropolitain a cru bon de faire valoir son point de vue à la commission parlementaire de l'énergie et des ressources relativement à ce plan. Gaz Métropolitain ne prétend pas, ce faisant, que les commentaires qu'elle avance soient les seuls considérés par la commission parlementaire quant au plan qui fera l'objet de ses délibérations, mais croit que ses suggestions devront être prises en considération afin d'obtenir des retombées optimales du plan proposé.

Maintenant, en terminant, Gaz Métropolitain aimerait revenir sur le point qu'elle soulevait en début de présentation quant au souhait exprimé par Hydro-Québec de voir une plus grande présence du gaz au Québec. Quant à Gaz Métropolitain, si ce souhait était volonté de la part d'Hydro-Québec, il se manifesterait de façon évidente tant au niveau des installations proposées par cette firme qu'à celui des orientations de marché retenues par elle.

Gaz Métropolitain a bon espoir qu'à la suite de cette commission parlementaire l'esprit, la philosophie ou l'objectif d'Hydro-Québec quant à une présence accrue du gaz naturel au Québec tel que proposé dans son plan d'installation sera modifié de façon à se traduire concrètement dans les faits.

Le Président (M. Jolivet): Merci. M. le ministre.

M. Bérubé: Merci, M. le Président. C'est notre deuxième mémoire portant sur le gaz naturel et vous réitérez un certain nombre de concepts. Le premier qui m'apparaît extrêmement important, c'est celui que le gaz représente une source d'énergie à des fins de chauffage beaucoup plus logique que l'électricité. Je pense que là-dessus on aura tendance à être d'accord sauf peu-être pour certaines formes de chauffage à l'électricité. Je pense au four électrique dans le cas, par exemple, de la fabrication des scories titanifères ou encore dans la fabrication de l'acier au four électrique. Mais il reste que votre mémoire rappelle, en fait, une donnée fondamentale que l'électricité est une source d'énergie remarquablement efficace puisqu'il s'agit d'une source d'énergie mécanique et que nous n'avons pas à convertir de la chaleur en énergie mécanique dans ce cas et que le rendement, à ce moment, est facilement trois fois supérieur à la conversion à partir d'une source thermique.

Par conséquent, vous nous incitez à deux choses: économiser notre potentiel électrique pour les usages industriels plus appropriés et, également, favoriser la pénétration du gaz dans le secteur du chauffage. J'aurai quelques questions essentiellement dans cet ordre d'idées, si vous voulez.

J'ai pris bonne note également de l'importance que vous attachez à la création d'une régie de l'énergie où on pourrait avoir une discussion beaucoup plus en profondeur avec des commissaires, avec des groupes d'étude qui pourraient informer ces commissaires et qui pourraient effectivement peut-être donner un instrument d'information au gouvernement. J'en ai pris bonne note également, cela cadre avec les objectifs du livre blanc sur l'énergie. On devrait être capable d'orienter notre Régie de l'électricité et du gaz dans ce sens dans les années qui viennent.

La question que je vous poserais, et j'imagine que vous avez la réponse au bout des lèvres, c'est ceci. Vous affirmez que l'électricité coûte trois fois plus cher à produire que le gaz naturel - je suppose, en termes de valeur actualisée, je me souviens de mémoire vaguement - en actualisant les coûts de l'électricité et en actualisant les coûts de vente du gaz - j'imagine que c'est la méthode que vous utilisez pour le calculer vous arrivez à la conclusion que l'électricité devrait coûter trois fois plus cher que le gaz. Dans ce cas, comment cela se fait-il que le gaz n'ait pas pénétré au Québec?

Le Président (M. Jolivet): M. Villion.

M. Villion: Je pense que c'est une excellente question. Cela ne se pose pas dans ces termes, du moins, pour le moment, pas tout à fait dans ces termes. Peut-être qu'il vaudrait mieux que je passe la parole à un de mes collègues ici, qui pourrait répondre plus adéquatement à cette question.

M. Noël (Robert): Je me sens mal placé pour répondre à la question qui touche le coût de l'électricité. Je m'adresserai donc plutôt aux raisons qui expliqueraient la non-pénétration du gaz, puisque cela faisait partie de votre question. L'attitude du consommateur québécois - cela a été mentionné par d'autres - est effectivement beaucoup plus favorable à l'égard de l'électricité qu'elle ne l'est à l'égard du gaz. Il existe une crainte de la part des clients potentiels à faire usage de cette forme d'énergie. C'est certainement un des éléments majeurs dans la difficulté à laquelle nous avons eu à faire face pour pénétrer le marché. H y en a d'autres.

Historiquement - je crois qu'on les a aussi mentionnés ce matin - il y a eu un écart de prix qui était défavorable au gaz par rapport à l'électricité et à l'huile. Il y a eu par la suite des difficultés d'approvisionnement, alors que la situation concurrentielle s'était rétablie, mais qui évitait que nous puissions profiter de cette situation. Le résultat est que notre

pénétration n'a pas atteint les objectifs que nous aurions aimé atteindre.

Ceci dit, je ne crois pas que, dans le contexte actuel, il nous soit impossible de corriger cette situation que nous avons connue dans le passé. Le contexte actuel devient entièrement différent de ce que nous avons connu depuis 20 ans. Pour la première fois, en fait, tous les éléments concordent pour favoriser cette pénétration du gaz naturel. Il demeure un élément fort important, c'est l'attitude du consommateur à adopter cette forme d'énergie. Je crois qu'avec une campagne d'information soutenue qui éduquerait les gens sur ce qu'est le produit et sur la technique employée pour le distribuer et l'utiliser, appuyée par une campagne de promotion judicieuse, cette difficulté pourrait être surmontée. C'est l'élément émotif auquel nous devons nous adresser.

Reste maintenant l'élément rationnel et je pense à la décision qu'un consommateur devrait prendre en tenant compte des déboursés pour convertir ces appareils qui utiliseraient présumément l'huile présentement. Et là, les programmes de subventions qui ont été annoncés par le fédéral et dont une partie est encore en négociation entre les deux paliers de gouvernements devrait nous permettre d'atteindre ce à quoi nous aspirions, c'est-à-dire de payer la presque totalité des frais de conversion, donc, éliminer cet obstacle pour le consommateur.

À plus long terme, le consommateur devrait trouver avantage à l'utilisation du gaz si ce que nous préconisons dans notre mémoire se réalise au niveau de la tarification de l'électricité en particulier. Je crois qu'avec le budget fédéral du 28 octobre, on peut au moins s'attendre que, dans les quatre ou cinq prochaines années, le gaz bénéficie d'un avantage à l'égard de l'huile. On n'a toutefois pas la même certitude à l'égard de l'électricité à plus long terme. Il m'apparaît que la politique tarifaire d'Hydro-Québec aura un impact significatif sur le taux de pénétration du gaz et il me semble possible de faire en sorte que l'électricité conserve un avantage concurrentiel à l'égard de l'huile tout en permettant au gaz lui-même de bénéficier d'un avantage à l'égard de l'électricité. Je crois que cela termine mes commentaires, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Bérubé: En fait, si je comprends bien, d'ici 1990, vous aimeriez occuper en gros 17% du bilan énergétique au Québec, d'une part. On nous a présenté, avec Gaz Inter-Cité, un pourcentage supérieur. En fait, on essaie plutôt d'aller entre 20% et 25%.

Toutefois, il s'agit là évidemment d'un nouveau marché complètement neuf alors que, dans le cas de Gaz Métropolitain, vous avez un marché qui est déjà un peu plus vieux. Est-ce que vous avez examiné le plan d'équipement d'Hydro-Québec de manière à évaluer quels investissements d'Hydro-Québec devraient être reportés de manière à permettre la pénétration dont vous parlez? Il faut donc que vous teniez compte, à ce moment, de vos échéanciers pour la pénétration du gaz. C'est relativement plus facile à Montréal puisque vous avez déjà un réseau de distribution, mais cela implique, dans tous les cas, un impact sur le plan d'équipement d'Hydro-Québec dans les années qui viennent. J'aimerais voir comment vous avez analysé vos objectifs de pénétration de gaz naturel en termes de réduction par rapport au plan d'équipement qui nous est soumis?

Le Président (M. Jolivet): M. Villion.

M. Villion: Nous n'avons pas essayé d'identifier un projet ou un autre, tel que proposé par Hydro-Québec, qui pourrait être reporté. Tout ce que nous avons essayé de voir à cet égard, c'était qu'elle était la différence de coût que cela représenterait pour la société québécoise que le gaz naturel passe de 12% à 17%, c'est-à-dire que le marché desserve cette différence entre 12% et 17% par le gaz naturel plutôt que par l'électricité. Selon le résultat de nos études, on a pu déterminer que cela pouvait se faire à un meilleur coût par le gaz naturel.

Pour répondre à la première facette de votre question, je pense que nous n'avons pas essayé d'identifier spécifiquement quels seraient les projets qui seraient à reporter. Nous croyons qu'Hydro-Québec est beaucoup mieux placée que nous pour faire ce genre d'exercice.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Bérubé: J'ai déjà demandé à Hydro-Québec de faire l'exercice à quelques reprises. La réponse que j'en retire est essentiellement la suivante: il n'y a pas d'interaction significative entre le gaz et l'électricité, dans la mesure où vous êtes tous les deux à vouloir avoir la tête des vilains pétroliers. Par conséquent, vous ne faites que pénétrer plus ou moins un marché, qui est le marché du pétrole, et, finalement, la pénétration de l'un n'affecterait pas la pénétration de l'autre.

Comme c'est la réponse qu'Hydro-Québec me fournit, je voulais savoir comment cette réponse est compatible avec votre argumentation en faveur d'une tarification pour l'électricité, qui impliquerait des tarifs, j'imagine, beaucoup plus élevés.

Je vais vous poser la question tantôt, pour voir un peu ce que vous voyez de ce côté, au point de vue des tarifs, mais, si je comprends bien, vous voulez freiner la pénétration de l'électricité par une tarification appropriée. Cela suppose que vous voyez une interaction entre votre pénétration et celle d'Hydro-Québec. Or, le taux de pénétration - je vois qu'il y a des gens d'Hydro-Québec ici, il y a peut-être quelqu'un qui serait capable de me donner des chiffres; je ne les sais pas de mémoire, on est en train de les chercher - de l'électricité pour le chauffage domestique devrait être d'environ 45%, si je ne m'abuse, à la fin de la période 1990-1996 et vous visez, dans votre cas, 17%. Si, tous les deux, vous le faites aux dépens des pétroliers, à ma connaissance, les 45%-50% et les 17% ne donnent pas encore 100%; donc, vous avez encore une marge de manoeuvre. J'aimerais le savoir. Peut-être qu'il y a quelqu'un d'Hydro-Québec qui a la réponse au bout du doigt.

Une voix: Disons 50% de la consommation.

M. Bérubé: II me semblait que c'était 45%-50%. Donc, en fin de période, on a des taux de pénétration de l'électricité de 45%-50%. J'ai risqué le chiffre à 45%; on me dit 50%. Alors, on était "ball park figure". Vous, vous atteignez 17%. Je ne vois pas l'interaction entre les deux, puisque vous vous arrachez, finalement, le marché du pétrole qui, lui, est en perte de vitesse.

Le Président (M. Jolivet): M. Villion. (20 h 45)

M. Villion: Contrairement a ce que vous dites, il y a effectivement chevauchement. Il y a chevauchement dans ce sens qu'il y a des marchés qui existent actuellement, principalement des marchés utilisateurs d'huile à chauffage qui devront passer au cours de la présente décennie à une autre forme d'énergie, selon les conditions actuelles et selon les anticipations qu'on peut avoir si aucun remède n'est apporté. Normalement, l'électricité devrait connaître une très forte pénétration de ce secteur de la conversion. Dans ce sens-là, ce qui sera pénétré par l'électricité ne pourra l'être par le gaz naturel.

Dans un second temps, il y a également le délai d'implantation des réseaux gaziers. Les réseaux gaziers actuellement au Québec sont essentiellement situés à Montréal, à Hull et à Rouyn-Noranda.

Pour arriver à desservir les trois quart de la population, selon l'objectif, cela demandera au minimum, en termes d'installations, de canalisations de transmission et de distribution, une période de trois à quatre ans et, en termes d'implantation d'un réseau gazier dans chacune des municipalités suffisamment étalé, une période d'environ six ans. C'est pour cela que, dans notre mémoire, on se réfère à une période d'au moins six ans, lorsqu'on parle d'une hausse des taux d'électricité de façon à nous donner une certaine marge concurrentielle.

Compte tenu de ce délai, compte tenu d'une tarification qui ne serait pas ajustée et qui permettrait à Hydro-Québec d'avoir un avantage marqué comparativement aux autres formes d'énergie, ce marché de conversion irait massivement du côté de l'hydroélectricité. À partir du moment où les réseaux gaziers commenceraient à pénétrer dans des villes comme Québec, Chicoutimi ou quoi que ce soit, déjà une bonne partie de la conversion aurait eu lieu si bien que, lorsqu'on viendrait pour installer des canalisations dans chacune des rues, on se retrouverait dans une situation où ce ne serait absolument plus rentable et ce serait même aberrant d'installer des canalisations dans ces rues. C'est pour cela qu'on dit: II faut trouver un mécanisme quelconque pour faire en sorte d'éviter ce chevauchement possible, pour que chacune des formes d'énergie aille chercher la part des marchés qu'elle devrait normalement aller chercher dans ces secteurs et une façon d'y parvenir que nous soumettons à cette commission est de faire en sorte que les tarifs d'électricité, en toute logique, s'alignent sur le prix de la valeur du marché, le prix de la commodité au moins et on parle également d'un certain avantage concurrentiel aussi.

M. Bérubé: À la fin de la période, disons 1995, d'après votre société quel est le taux de pénétration résiduel du pétrole aux fins de chauffage dans le secteur domiciliaire?

M. Villion: Du pétrole, dans son ensemble, nous ne l'avons pas fait pour 1995, nous l'avons fait pour 1990. Il doit être de l'ordre de 38% à 39%, mais incluant le secteur transport. On n'a pas essayé de le détailler par secteurs de marché.

M. Bérubé: D'accord.

Une voix: II pourrait se situer aux alentours de 15%.

M. Bérubé: 15%. Strictement parlant, nous aurions 85% du vieux parc domiciliaire et du nouveau parc domiciliare qui iraient aux énergies dites nouvelles, soit l'électricité, soit le gaz.

M. Villion: Oui.

M. Bérubé: Si je comprends bien, l'électricité prétend aller en chercher 45%. Il

vous en reste donc 40%. La deuxième question qui vient immédiatement, c'est: Quel est le taux de pénétration qu'il devient rentable pour vous d'attaquer? En d'autres termes, s'il y a déjà 75% des maisons chauffées à l'électricité sur une rue, je présume que cela devient non rentable d'entrer le gaz. Quel est le taux de pénétration que vous attendez dans un secteur donné pour justifier l'adduction de gaz?

M. Baladi (Joseph): À ce moment-là, dans un secteur donné, il va falloir s'adresser du point de vue micro-économique, c'est-à-dire regarder dans une ville, examiner une rue dans cette ville et, en général, la règle qu'on suit, c'est à peu près 40% à 50%, c'est-à-dire que le taux de conversion pour rendre l'extension d'un tuyau dans une rue donnée devrait être de l'ordre de 40% à 50%.

M. Bérubé: Victoire! M. Baladi: Pardon?

M. Bérubé: Victoire! Il n'y a pas de problème, puisque vous venez de me dire que 15% vont rester au pétrole et que, sur les 85% qui restent, Hydro-Québec prétend en ramasser 45%. Il vous en reste donc 40%, c'est-à-dire exactement le marché qui vous est suffisant.

M. Baladi: C'est exact, 40% ou 45% de pénétration dans un secteur domiciliaire donné, il n'y aurait pas de problème, mais nous disons que la problématique se poserait si les tarifs d'Hydro-Québec ne permettaient pas une telle pénétration.

Le Président (M. Jolivet): M. Normand.

M. Normand (Robert): M. le ministre, si vous me permettez, lorsque vous regardez le taux de pénétration, naturellement, il faut prendre en considération que le gazoduc ou le gaz naturel ne sera pas présent dans tous les endroits. Cela change les pourcentages dont on parle. Donc, les pourcentages généraux pour l'ensemble du Québec ne s'appliquent pas.

M. Bérubé: Donc, vous craignez que dans une situation où Hydro-Québec vendrait son énergie sur la base des coûts et de la marge d'autofinancement requis pour justifier ses programmes de développement, le gaz cesserait véritablement d'être concurrentiel.

M. Normand: Effectivement. C'est toujours difficile de dire qu'à un moment précis il va cesser d'être concurrentiel, mais vous êtes assurément au niveau où le risque de non-pénétration de gaz naturel est évident. Vous allez voir, on a des études. Je peux demander à M. Hung Bui-Quang de commenter cet aspect des tarifs démontrant qu'effectivement on a besoin d'un écart substantiel pour que le gaz naturel pénètre dans la proportion qu'on mentionne en ce moment et dans la courte période. Vous avez besoin d'un incitatif évident au départ qui est peut-être... Oui?

M. Bérubé: Pour lui permettre de répondre en couvrant l'ensemble de la question...

M. Normand: Oui.

M. Bérubé: Je vais plutôt le laisser parler et après cela, je reviendrai.

M. Normand: D'accord.

Le Président (M. Jolivet): Allez, monsieur.

M. Hung Bui-Quang: Sur la base d'une augmentation de 10% du prix de l'électricité, ceci constitue à long terme à amener à moyen terme une détérioration de la marche concurrentielle du gaz. L'augmentation de 10% constitue, à notre avis, un minimum qui n'est pas acceptable au niveau de l'électricité considérant le fait que déjà, selon le programme énergétique national, le coût d'achat du gaz pour les distributeurs augmente en moyenne de 14% à 15% pour les trois prochaines années et ceci, sans considérer les augmentations qui découleraient encore de la négociation présente entre le fédéral et l'Alberta et, également, du besoin de fonds que le fédéral aura pour financer l'acquisition de Pétrofina. À moyen terme, comme je l'ai dit tantôt, avec l'augmentation de 10%, la marche concurrentielle du gaz se trouvera détériorée comparativement à l'électricité. C'est ce qui est démontré dans nos études.

M. Bérubé: En fait, si on examine le plan d'équipement d'Hydro-Québec, on se rend compte que, pour les cinq années qui viennent, il n'y a pas véritablement d'accroissement des investissements; du moins, rien de significatif, d'une part, et on peut même parler d'un certain ralentissement. On peut donc présumer que si on maintient des taux d'accroissement des tarifs de l'ordre de ceux de l'inflation, étant donné qu'il n'y a pas d'accroissement des rythmes d'investissement, il faut s'attendre à une augmentation importante, comme cela nous a été montré d'ailleurs, de l'autofinancement à Hydro-Québec.

On n'a malheureusement pas pu y entrer en profondeur, puisque les chiffres n'étaient pas disponibles, mais il apparaît que passé 1985, là, il y a un programme

d'investissement majeur d'Hydro-Québec et, à ce moment-là, elle prévoit avoir des difficultés de financement certainement plus sérieuses qu'elles ne le sont maintenant, puisqu'on nous parle de je ne sais combien de milliards de dollars à financer.

Comme vous bénéficiez présentement d'un avantage sur le plan tarifaire par rapport à l'électricité, comme les gens de Gaz Inter-Cité nous ont souligné, par exemple, que pour les cinq ou six prochaines années, même si le rythme d'accroissement des tarifs d'électricité était de l'ordre de celui de l'inflation, le gaz continuerait à profiter d'un avantage concurrentiel si on laissait la situation évoluer normalement, c'est-à-dire avec les projections d'accroissement de tarifs dont Hydro-Québec ne nous a pas parlé. On peut supposer qu'elles seront, selon ce qu'on nous a dit, de l'ordre de l'inflation, peut-être beaucoup plus, évidemment. Les journalistes ont parlé de 20%, 25% ou 30%. En fait, j'ai vu des 20% avec des points d'interrogation. Cela fait des fichues de belles marges de profit pour Hydro-Québec. Je suis convaincu que ses représentants étaient totalement ravis. Il se sont même dit: Si les journalistes parlent de 20%, on pourra peut-être obtenir 19% et ils ont commencé à se frotter les mains, mais disons que ce n'est pas évident qu'on va approuver automatiquement ces demandes spectaculaires d'accroissement de tarifs.

Ce qui me frappe, c'est que dans les quatre ou cinq prochaines années, de fait, si on acceptait l'inflation simplement pour garder le prix de l'électricité en ligne avec les facteurs d'inflation, à ce moment-là, vous bénéficieriez d'un avantage de pénétration et, à partir de 1985-1986, avec l'accroissement des programmes d'équipement d'Hydro-Québec, il y a des chances que vous voyiez les tarifs de l'électricité monter plus rapidement.

À partir de cela, je me pose la question: Quel genre de politique tarifaire envisagez-vous pour favoriser votre pénétration et quel est la part du marché auquel vous voudriez voir Hydro-Québec se restreindre en ce qui a trait à la pénétration de l'électricité à des fins de chauffage?

M. Baladi: Je n'ai pas l'impression qu'on ait de la difficulté à faire ressortir le point qu'avec des augmentations dans les tarifs d'Hydro-Québec égales au taux de l'inflation, de telles augmentations ne seraient pas suffisantes au cours des trois ou quatre prochaines années pour maintenir l'écart concurrentiel. Je pense que c'est le point que mon confrère a essayé de faire valoir, mais je crois qu'on a de la difficulté.

En effet, au cours des quatre ou cinq prochaines années, avec le programme énergétique national et avec des taux d'augmentation dans les tarifs d'Hydro-Québec de l'ordre de 10%, l'écart concurrentiel dont on jouit actuellement va en diminuant. Nous, le point qu'on soulève, c'est que l'écart qui en résulte n'est pas suffisant pour nous permettre d'atteindre un taux de pénétration de 30% à 40% dans le secteur résidentiel.

En effet, ce qu'on dit, c'est que, devant l'augmentation qu'Hydro-Québec va venir proposer au mois de septembre au gouvernement pour les deux ou trois prochaines années, le gouvernement devrait être flexible justement pour pouvoir ajuster ces taux dans le cas où les prix du pétrole augmenteraient à un rythme plus élevé ou plus rapide que ce que prévoit le gouvernement fédéral ou que le prix du gaz qui, lui, est indexé au prix du pétrole et qui augmenterait lui aussi à un rythme beaucoup plus rapide que ce qu'on connaît aujourd'hui.

Donc, en conclusion, la situation concurrentielle actuelle, qui est de l'ordre de 10% en faveur du gaz, ne se maintient pas dans le temps et il est important de maintenir un tel ordre de concurrence comparativement au prix de l'électricité.

Le Président (M. Jolivet): Merci. M. le député d'Outremont.

M. Fortier: Merci beaucoup, M. le Président.

Premièrement, j'aimerais féliciter Gaz Métropolitain de ce document bien articulé. Cela nous permet une discussion intéressante d'autant plus que Gaz Métropolitain a été en affaires pendant un certain nombre d'années dans ce secteur et c'est une occasion pour nous de ne pas poser des questions uniquement théoriques, mais d'obtenir des réponses pratiques. Il y a des problèmes que vous avez vécus.

J'aimerais préfacer mes commentaires pour dire qu'en partant, le Parti libéral du Québec est favorable à une pénétration - et le Parti libéral du Canada également - du gaz au Québec. Je crois que, ce soir, les questions que nous posons et celles que nous avons posées hier, en ce qui nous concerne, sont dans le sens, d'une part, d'essayer de savoir du ministre quelles sont les politiques qu'il a peut-être déjà prises ou instituées et quelles sont celles que vous recommandez de votre part?

Vous avez fait état dans votre document du désir d'avoir un mécanisme qui permettrait une revue plus technique ou mieux coordonnée des tarifs, des programmes d'équipement et des comparaisons des différents programmes qui pourraient venir de différents producteurs d'énergie. C'est un article qui est dans notre programme et nous sommes tout à fait d'accord là-dessus. Cela me fait plaisir qu'à 8 h 38, M. le ministre se soit dit d'accord avec nous là-dessus.

M. Bérubé: Je reprendrai la parole tantôt et préciserai ma pensée.

M. Fortier: En ce qui concerne l'examen public du nucléaire, encore là, c'est dans notre programme. C'est pour dire que pour nous c'est acquis. Personnellement, même si j'ai oeuvré dans un autre domaine jusqu'à maintenant, quand j'étais dans le secteur privé, je dois dire que je crois que le gaz est une forme d'énergie qui crée très peu de pollution et qu'on doit encourager. Si on se fie d'ailleurs à une étude faite par la Commission de contrôle de l'énergie atomique, où on avait fait des études comparatives des risques courus par le gaz, le charbon, le nucléaire et autres, on est arrivé à la conclusion que, compte tenu de l'ensemble des opérations, le gaz était la forme d'énergie la plus sûre. Je crois qu'il faut le dire en public et c'est très important de le dire parce que, à moins que des hommes politiques ne le disent, je ne crois pas que le public puisse lui-même se convaincre de la chose. (21 heures)

Ceci étant dit, j'ai quelques questions à vous poser. Dans le document original que vous nous aviez donné, vous avez dit, à juste titre, qu'il y aurait chez le public une forte résistance au nucléaire. Vous ne faites pas état dans votre document du fait qu'il existe dans le public une forte résistance envers le gaz. Étant donné que Gaz Métropolitain est en affaires depuis nombre d'années, ce qui m'a toujours surpris, c'est justement le peu de campagnes publicitaires qui ont été faites - vous corrigerez mon affirmation si je n'ai pas raison - pour corriger cette lacune. M. le ministre et moi-même, on peut discuter d'une pénétration du gaz à 10%, 15% ou 25%, mais, si on ne peut pas convaincre le public que le gaz est une forme sûre d'énergie - comme, personnellement, je le crois - je crois qu'on peut manquer le bateau. Ce qui me surprend, c'est qu'étant donné que Gaz Métropolitain est en affaires depuis plusieurs années, comment se fait-il que vous n'avez pas institué des programmes d'éducation? Si vous en avez fait, auriez-vous l'obligeance de me le dire?

Le Président (M. Jolivet): M. Normand.

M. Normand: Bien, j'ai regardé mon confrère, M. Noël, mais tout de même, M. Fortier, je peux me permettre certains commentaires. Sûrement que M. Noël va apporter des nuances très pertinentes.

Pour ma part, je dois vous faire remarquer que les dernières campagnes publicitaires de Gaz Métropolitain visaient effectivement à cet objectif de présenter le gaz naturel comme une énergie sûre, une énergie assurée. Nous n'avons pas voulu attaquer le problème de l'appréhension du public de front parce que plusieurs fois lorsque vous voulez lui dire: Écoutez, ce n'est pas dangereux, vous risquez, justement, de créer l'effet contraire, d'attirer l'attention des gens et, finalement, de ne pas atteindre votre objectif. Donc, notre préoccupation a été, dernièrement, dans notre campagne publicitaire, axée beaucoup sur ce genre d'information, sur cette perception que les gens semblent avoir et ont effectivement du gaz naturel pour, subtilement, les amener à penser que, finalement, le gaz naturel est une source d'énergie sécuritaire.

M. Fortier: J'imagine que peut-être vous pouvez mesurer l'impact de votre campagne. Tout ce que je peux vous dire, si j'en juge par les amis, la famille que j'ai -je connais des gens à qui leur femme a dit: Si tu entres le gaz, c'est un divorce - c'est que votre campagne n'a pas réellement atteint son objectif.

En ce qui concerne la pénétration du gaz, vous faites état dans le document original, justement, de stratégie de pénétration de marché dans le domaine résidentiel. Encore là, j'aimerais poser la question parce que vous avez vécu cette expérience et M. Baladi parlait de pénétration quand M. le ministre a demandé quelle pénétration était nécessaire pour justifier des investissements additionnels sur une base économique. Comme vous le savez, il y a des quartiers de Montréal dans le moment - par exemple, Outremont où j'habite - où on a du gaz. Je sais que vous avez demandé d'augmenter votre franchise mais, sans être méchant, je vous poserais la question suivante. Vous avez déjà une franchise. Le gaz naturel, pour la franchise que vous avez, est déjà disponible. Vous dites, et je prends votre parole, que le gaz, à l'heure qu'il est, est compétitif. Il me semblerait que, sans penser à augmenter votre franchise, mais avec la franchise que vous avez pour la vente de gaz, avec les atouts que vous avez en main, vous auriez pu avoir une campagne de marketing beaucoup plus agressive que celle que vous avez dans le moment. Si je me fie encore à des gens que je connais, chaque fois que ces gens disent: Venez couper le gaz à la maison, il n'y a personne qui va voir ces gens, comme peut-être on pourrait l'espérer, pour dire: Monsieur, vous faites peut-être une mauvaise affaire. Pourquoi ne conservez-vous pas le gaz puisque très bientôt on va faire des investissements? Par ailleurs, je sais que, dans certains quartiers comme Outremont, les conduites sont trop petites et, quand les gens demandent de chauffer au gaz, ce n'est pas possible. C'est beau de parler de pénétration future, mais ma question est bien directe: Qu'est-ce que vous faites pour augmenter la pénétration du gaz

avec la franchise que vous avez maintenant? Le Président (M. Jolivet): M. Normand.

M. Normand: M. Fortier, j'aimerais juste vous souligner tout de même que, dans les deux dernières années, la pénétration de gaz naturel, dans la concession actuelle de Gaz Métropolitain, a connu un accroissement marqué. Deux zones demeurent difficiles à pénétrer, les instruments viennent de nous êtres donnés. Ce sont les secteurs résidentiels à faible consommation et les secteurs qui sont éloignés du système existant de gazoduc dans le territoire, où l'extension n'était pas économique auparavant mais elle vient de l'être tout récemment avec l'écart favorable dont va bénéficier le gaz naturel. À votre assertion qu'effectivement le gaz naturel n'avait pas pénétré beaucoup, je tiens à vous mentionner que dans les dernières années, effectivement, lorsque la concurrence s'est améliorée et lorsque les approvisionnements se sont stabilisés en faveur du gaz naturel, celui-ci a pénétré très sensiblement dans son territoire. Il reste des domaines qui sont ceux auxquels vous avez référé plus spécifiquement, soit ceux du résidentiel. Dans notre dossier, on prétend qu'on a besoin d'un avantage concurrentiel par rapport aux autres sources d'énergie. On vous a mentionné et on vous mentionne dans notre document qu'il existe maintenant par rapport au pétrole, qu'il existe par rapport à l'électricité. Notre souci, c'est de nous assurer qu'il va être maintenu pendant la période.

Il reste une autre considération économique importante, c'est celle des programmes d'aide à la conversion des équipements. Comme vous le savez, le programme fédéral prévoit une certaine contribution dont le programme n'est pas encore effectivement lancé, mais qui va l'être sous peu. On me dit au début d'avril. Il y a également notre prétention que le distributeur devra participer davantage aux frais de conversion s'il veut pénétrer massivement le secteur résidentiel. Ces programmes sont à l'étude présentement par le gouvernement du Québec, par le gouvernement fédéral et par les distributeurs. Ils seront incessamment complétés. Ce sont ces deux éléments qui vont nous permettre d'atteindre le marché que vous venez de me mentionner, qui est surtout le secteur résidentiel.

M. Fortier: Se pourrait-il que, compte tenu des coûts... S'il faut ouvrir toutes les rues - je m'excuse de prendre Outremont comme référence, mais j'habite là d'Outremont, à ce moment, il y a un coût attaché à cela, et, pour vous, ce serait plus facile d'aborder des nouveaux secteurs, comme quelqu'un le mentionnait cet après- midi, Dollard-des-Ormeaux. J'imagine que dans des quartiers où c'est plus facile, à ce moment, les investissements sont moins lourds. Se pourrait-il alors, lorsqu'on parle de pénétration du gaz, qu'on devrait plutôt parler en termes de moyenne québécoise? J'imagine que, quand vous parlez d'une certaine pénétration, il y a des quartiers où vous êtes intéressés réellement et il y a d'autres quartiers où vous êtes moins intéressés. On devrait parler de pénétration de gaz pour des quartiers bien spécifiques, de la même façon que Gaz Inter-Cité nous parlait de pénétration; j'imagine qu'ils parlaient de la concession qu'ils espèrent obtenir, parce qu'au moment où on se parle on n'a pas encore la réponse à la question que j'ai posée, à savoir quels sont les distributeurs de gaz. À ce moment, la discussion est un peu aléatoire, parce qu'on parle en termes de moyenne québécoise, alors qu'il faudrait parler de quartier. Je me demande ce que devient la moyenne québécoise, de quelle façon cela peut influencer la pénétration vis-à-vis d'Hydro-Québec.

M. Normand: M. Baladi a très bien répondu à la question de M. Fortier, en disant que, pour qu'un gazoduc soit rentable sur une rue donnée, on espérait atteindre des niveaux de pénétration de 50%. Il est important, étant donné les infrastructures d'un gazoduc, de concentrer l'extension du gazoduc dans des endroits où l'objectif peut être atteint et de ne pas acheminer le gazoduc dans des endroits à faible densité ou dans des endroits où le gaz naturel risque de ne pas pénétrer. Vous faisiez allusion au secteur d'Outremont. Effectivement, le gazoduc existe. Peut-être que sa capacité n'est pas suffisante en ce moment, mais les études internes de Gaz Métropolitain nous démontrent que le remplacement du gazoduc existant où ce sera requis pourra l'être économiquement à cause du potentiel le long de ces lignes. Donc, pour nous, cela ne représente pas une difficulté particulière. Le développement du réseau actuel ne représente pas une difficulté particulière et ne nous empêchera pas d'attaquer de nouveaux secteurs, soit à l'intérieur de notre territoire ou, si la décision en est ainsi, dans la province.

M. Fortier: Vous allez être d'accord avec moi, comme on l'a noté hier et ce matin, que chaque jour qui passe est un jour de perdu, parce que comme vous le savez, si je prends encore un secteur comme celui où j'habite, où il y a beaucoup de rénovations qui se font, lorsque les gens font des rénovations, ils ont un choix. Ils appellent le Gaz Métropolitain et on leur dit: Vous savez, la canalisation de la rue est trop petite et, à ce moment, ils choisissent l'électricité. Ce

choix se fait chaque jour. Compte tenu de ces délais, vous me parlez de faire des études, mais supposons que M. le ministre s'entende, pour une fois, avec son homologue fédéral pour signer l'entente le 1er avril. Quel délai...

M. Bérubé: Est-ce que mon homologue fédéral voudrait pour une fois m'écrire pour me faire une proposition? Je n'ai reçu aucune offre du gouvernement fédéral concernant son plan. Absolument rien. Aucune lettre du gouvernement fédéral.

M. Fortier: M. le ministre, vous avez reçu la politique nationale de l'énergie comme nous tous. En tous les cas... Ma question est celle-ci: S'il y avait entente le 1er avril - prenons cela comme date - quels seraient les délais de réalisation de ces programmes? Comme je le dis, on peut parler en termes de nouveaux quartiers et en termes de quartiers où il existe des maisons; ces quartiers, à moins que vous ne les pénétriez prochainement, seront perdus à jamais.

M. Normand: M. Fortier, vos questions sont on ne peut plus pertinentes dans le dossier du gaz naturel. On dirait en anglais: Time is of the essence. Effectivement, si le développement du réseau gazier ne se fait pas dans les années qui viennent, dans les trois ou cinq dernières années, qui est une période de temps crucial pour le développement du gaz naturel, on ne pourra, comme M. Villion le mentionnait dans notre mémoire, revenir en arrière. Donc, il faut s'assurer - et c'est la base de notre présentation ici - que les mécanismes, pendant ces trois années qui vont être cruciales pour le gaz naturel, tant en termes de prix d'électricité qu'en termes de programmes d'aide à la conversion, suffisent à une pénétration du gaz naturel. Nous, les distributeurs, avons la responsabilité d'attaquer ces marchés, de convaincre le public que le gaz naturel est un bon produit, est un produit secure; c'est notre rôle. Je pense que si tous les éléments sont mis en place dès le 1er avril, notre franchise pourra, dès le printemps, dès le dégel, être favorisée par cette source d'énergie.

M. Fortier: J'avais une question en ce qui concerne les investissements. Dans le document que vous nous avez remis il y a quelques jours, à la page 13, il y a un tableau de coûts comparatifs pour 7300 gigawattheures d'énergie par année. On fait la comparaison entre le gaz naturel et l'électricité, ce qui a permis au ministre de dire: II en coûte trois fois plus pour produire de l'électricité. Corrigez-moi si je n'ai pas raison. Vous ne nous parlez, dans ce tableau, que d'investissements au Québec. Si on incluait les investissements qui doivent être faits en Alberta pour amener le gaz ici, ce tableau serait-il modifié considérablement?

M. Villion: Non, M. Fortier. Selon le mécanisme actuel de fixation des prix du gaz naturel, celui-ci est fixé à Toronto. Tous les coûts qui se produisent en amont viennent en réduction de ce qui est versé au producteur. Donc, quelles que soient les installations qui soient faites par le transporteur, TransCanada PipeLines, en l'occurrence, entre Montréal et Empress, qui est le point d'interconnexion entre l'Alberta et la Saskatchewan, ces coûts sont absorbés par les producteurs albertains, donc, ne se reflètent pas...

M. Fortier: Je comprends, mais on parle de coûts d'immobilisation. On ne parle pas de coûts à l'utilisateur.

M. Villion: En termes d'immobilisation, cela ne se refléterait pas à ce niveau.

M. Fortier: Parce que dans les coûts d'immobilisation, si je prends l'électricité, vous avez les prix d'Hydro-Québec. Dans le gaz naturel, vous avez pris les coûts qui devraient être investis au Québec et en acceptant le gaz à la frontière du Québec, disons, de l'Ontario, prenons ça comme point de référence. Le point que je désire faire, c'est que pour amener ce gaz au Québec il y a eu des investissements en Alberta. Remarquez bien que je ne critique pas, je ne fais que souligner que, s'il fallait additionner en plus de ces investissements au Québec les investissements qui ont lieu en Alberta, le tableau ne serait peut-être pas tellement différent.

J'admets le point qui est fait. Le point qui est fait c'est que si on va vers le gaz on aura moins d'investissements à faire au Québec et, compte tenu des problèmes de financement dont a fait état hier M. Lafond, le trésorier d'Hydro-Québec, c'est sûrement un avantage marqué qu'on doit prendre en considération. Mais le point que je désire quand même faire - et je ne veux pas que mon commentaire soit interprété d'une façon négative - c'est qu'il est peut-être faux de dire qu'il y a seulement des investissements d'un à trois, il y a d'autres investissements qui sont faits en Alberta et, si on pense aux retombées économiques qui proviennent de ces investissements, il faut se rendre compte dans une certaine mesure que les investissements faits en Alberta, ce sont des retombées économiques que nous n'avons pas au Québec. C'est le seul point que je voulais faire valoir; mais il est certain que ça prend moins d'investissements au Québec pour acheter du gaz ici.

Le Président (M. Jolivet): M. Villion.

M. Villion: Je reconnais qu'il y a des retombées économiques qui se font en Alberta; manifestement il y a des retombées économiques qui se font également en Ontario, mais si on les transpose en termes de coûts pour la collectivité québécoise, c'est manifestement à l'avantage de la collectivité québécoise, parce que plusieurs des coûts qui sont impliqués, tant à la production qu'aux grandes installations de transmission, sont absorbés par l'ensemble des Canadiens et c'est à ce niveau un avantage net pour le Québec.

M. Fortier: Je suis complètement d'accord avec le commentaire, mais de la façon que c'était présenté dans votre mémoire, je crois que celui-ci était légèrement tendancieux.

En ce qui concerne...

Le Président (M. Jolivet): M. Normand.

M. Normand: Je m'excuse.

Effectivement, le mémoire ne se voulait pas dans ce sens. La pénétration additionnelle du gaz naturel dans le secteur résidentiel, nous, on doit la regarder dans un contexte de coûts marginaux. L'infrastructure, pour acheminer le gaz de l'Alberta aux marchés, existe ou existera, peu importent les marchés additionnels que le gaz va pénétrer.

L'étude des coûts démontre que les coûts marginaux à ajouter au gaz naturel pour pénétrer le secteur résidentiel sont nettement inférieurs aux coûts que devra encourir l'Hydro-Québec pour générer cette électricité.

M. Fortier: J'accepte ça, sauf que votre document ne parle pas de coût marginal.

M. Normand: D'accord.

M. Fortier: Mais, de toute façon, il y a un autre commentaire dans votre document. Vous parlez d'une recommandation que vous faites, c'est de ralentir le programme d'Hydro-Québec. C'est une possibilité; ce que vous dites, dans le fond, c'est que, compte tenu de l'espoir ou de la détermination qu'on pourrait mettre a faire pénétrer le gaz, dans la même mesure, si on est logique avec nous-mêmes, on devrait faire en sorte que le programme d'Hydro-Québec soit moins important. Je pense bien que c'est ça l'essence de votre intervention.

Ce que j'aimerais souligner ici et je crois que c'est le débat - le ministre et moi-même posons des questions où on essaie de faire le point - c'est que l'État québécois, la province de Québec ne peut pas se permettre de se tromper, parce que, s'il fallait demander à Hydro-Québec de retarder ses investissements maintenant, et s'il fallait, dans cinq ans, lui demander de les accélérer, l'Hydro-Québec me corrigera, si j'ai tort, mais je sais qu'elle a fait des études pour démontrer que des coûts de rattrapage seraient dix fois plus forts que si on lui demandait de réaliser les programmes maintenant. Je veux seulement souligner que votre demande a l'air anodine, mais elle peut être coûteuse si le gouvernement prend les mauvaises décisions; je pense que vous êtes d'accord avec moi là-dessus.

Mais je me rends bien compte quand même du dilemme dans lequel vous êtes. Vous dites: Si l'électricité est très abondante, à un tarif très alléchant, les chances de réaliser notre pénétration vont être de beaucoup réduites. J'accepte votre argumentation et c'est un dilemme très crucial.

M. Bérubé: Cornélien!

M. Fortier: Cornélien même!

En ce qui concerne la tarification, je suis sûr que vous êtes au courant du fait que ce que vous nous avez dit en ce qui concerne les 10% d'augmentation par année, à comparer aux coûts du programme national d'énergie, entre en contradiction avec ce que nous a dit Gaz Inter Cité; ça me surprend, parce que ça me semble assez facile de faire le calcul. Qu'est-ce qui peut faire en sorte que ce soit si difficile de s'entendre sur un calcul aussi simple?

M. Normand: Vous posez la question ou vous donnez la réponse?

M. Fortier: II n'y a pas de réponse là-dessus, j'imagine. Merci.

Le Président (M. Jolivet): Merci. Je vais vous faire une proposition. J'ai compris tout à l'heure que, compte tenu que c'était le deuxième organisme et le dernier à venir ici, devant cette commission, au sujet du gaz naturel, les membres de la commission voudraient probablement ajouter au temps déjà accordé. Jusqu'à maintenant, le ministre a pris 25 minutes, le député d'Outremont a pris 18 minutes, de telle sorte que si on se mettait d'accord pour cinq minutes additionnelles de chaque côté, on pourrait terminer ensuite.

M. Fortier: Parfait! M. Bérubé: D'accord!

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Duplessis aurait-il une question?

M. Perron: À la page 19 de votre mémoire, vous faites des recommandations. La première recommandation que vous faites, c'est l'adoption d'une stratégie de

développement de l'électricité compatible avec une plus grande pénétration du gaz, afin d'en retirer - là, vous nommez trois points - une plus grande diversité d'approvisionnement, un coût moindre de la facture énergétique des Québécois et, en troisième lieu, de plus grandes retombées économiques.

Dans votre deuxième recommandation, vous mentionnez l'adoption d'une nouvelle politique tarifaire. Je présume que, lorsque vous mentionnez cette nouvelle philosophie tarifaire, vous incluez à l'intérieur de tout cela ce qu'on appelle la tarification marginale. Selon ce que j'ai pu constater, pour avoir travaillé à Hydro-Québec pendant plusieurs années, il y a plusieurs possibilités de tarification marginale. Vous avez, par exemple, une possibilité où toute la clientèle du Québec pourrait être touchée par des augmentations durant l'hiver.

Automatiquement, les coûts durant l'été du kilowattheure seraient plus bas. Vous avez aussi la possibilité d'établir avec des équipements techniques la tarification marginale en rapport avec la pointe, celle du matin, celle du midi et celle du soir. Vous pouvez prendre les trois ou encore prendre seulement la plus élevée. Normalement, c'est celle entre 17 heures et 19 heures. Vous avez aussi l'autre possibilité où, comme c'était antérieurement à la nouvelle tarification d'Hydro, vous dites que le client de zéro à 1000 paie plus que celui de 1000 à 1500. Je voudrais que vous m'expliquiez votre façon de voir cette tarification marginale. Vous avez peut-être d'autres suggestions à faire. Je n'en vois pas d'autres, mais vous en avez peut-être d'autres.

Le Président (M. Jolivet): M. Villion.

M. Villion: Au risque de vous contredire, on ne parle pas véritablement de tarification marginale. Ce dont on parle, c'est d'une tarification qui serait faite en fonction de la valeur de la commodité.

M. Perron: Excusez-moi, pourriez-vous répéter? De la...

M. Villion: La valeur de la commodité. C'est un anglicisme. Disons que c'est la valeur qu'est prêt à payer le marché pour cette forme d'énergie.

Si on veut établir un exemple, vous avez actuellement un mécanisme de fixation des prix entre le pétrole et le gaz naturel, qui existe ici au Canada, selon lequel le prix du gaz naturel est indexé à environ 85% du prix du pétrole. Ces prix fixés n'ont pas de commune mesure avec une base quelconque qu'on pourrait retrouver dans les coûts. C'est beaucoup plus en fonction d'une valeur qui prévaut sur le marché et qui, plus souvent, est dictée en termes d'origine par les marchés internationaux.

Lorsqu'on parle ici de cette valeur à la commodité, ce serait de faire en sorte que les prix de l'électricité soient au minimum en ligne avec les prix des autres formes énergétiques, du moins le gaz naturel, et que, dans le cas plus particulier du chauffage, elle se vende à un prix d'environ 10% supérieur au prix du gaz naturel. C'est beaucoup plus à ce mécanisme qu'au mécanisme de la tarification à la marge qu'on réfère.

Le Président (M. Jolivet): M. le député...

M. Perron: Une dernière.

Le Président (M. Jolivet): D'accord.

M. Perron: Une courte question. C'est M. Fillion, je crois, n'est-ce pas?

M. Villion: Villion.

Le Président (M. Jolivet): Villion.

M. Perron: Selon vous, est-ce qu'une telle tarification que vous préconisez serait bénéfique aux consommateurs? Je ne pose pas une longue question, à moins que vous ne vouliez m'en donner une longue.

M. Villion: Non, cela ne sera pas une longue réponse.

M. Perron: Une longue réponse, plutôt.

M. Villion: Oui, ce sera bénéfique aux consommateurs, si on regarde le bien de la collectivité. Le grand danger derrière cela, ce serait de dire: Effectivement, peut-être que les consommateurs d'électricité pourraient bénéficier d'un meilleur tarif, mais si, ce faisant, cela devait être au détriment de la collectivité, ce ne serait pas valable. Nous prétendons que cet ajustement des tarifs d'Hydro-Québec à la valeur de la commodité est dans l'intérêt public des Québécois.

M. Perron: Merci.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Rouyn-Noranda.

M. Samson: M. le Président, on assiste à un phénomène très intéressant au cours de cette commission. En effet, hier, HydroQuébec nous faisait part de son plan d'équipement. Dans ce qu'on nous a dit, j'ai cru comprendre qu'on avait un plan d'équipement qui s'alignait sur une pénétration du gaz naturel d'environ 12% et aujourd'hui, les gens du gaz naturel de leur côté parlent de 17%. C'est comme si l'un

voulait, sinon enlever le marché de l'autre, du moins lui faire comprendre qu'il devrait en prendre un peu moins pour que chacun ait sa place.

Je voudrais souliqner, M. le Président -parce qu'il en a été question tantôt - la question de la sécurité quant au chauffage au gaz. Je ne pense pas que cela pose tellement de problèmes dans les régions qui sont desservies par le gaz. Vous avez mentionné tantôt que, parmi ces régions, il y a celle de Rouyn-Noranda effectivement. Je suis aussi un des clients du gaz naturel. Je dois vous avouer que je n'ai jamais senti de danger d'être chauffé au gaz naturel; le seul danger que j'appréhende, c'est la tarification. Je vous avoue que c'est un danger qui effraie pas mal de mes concitoyens également.

Quand j'ai entendu tantôt des propos qui veulent qu'on aligne, pour autant que cela puisse être possible, les tarifs d'électricité sur ceux du gaz naturel dans un avenir plus ou moins proche, c'est le genre d'indexation, si on veut, à la hausse que, du côté du public, on préférerait de beaucoup voir inversée. Que ceux qui sont plus hauts s'alignent sur ceux qui sont plus bas. Cela donnerait beaucoup plus de satisfaction à la population. Je comprends qu'il y a peut-être de savants énoncés qui peuvent expliquer le besoin, etc., mais il reste une chose; c'est que le public doit payer. II y a aussi des limites et dans le choix des sources d'énergie, s'il y a un choix, c'est la tarification qui va entrer en ligne de compte, je pense, parmi les premiers facteurs. Je dis bien "s'il y a un choix", parce que, si je regarde la façon dont on s'en va, peut-être n'y aurait-il plus de choix un jour. On semble vouloir s'aligner les uns sur les autres et, si c'est cela la politique énergétique, le rôle social dont on nous a parlé hier me semblerait un peu estompé. Je pense qu'il y a aussi un rôle social là-dedans.

Je me demande si, du côté du gaz naturel qui, actuellement, est très concurrentiel, on ne peut pas prévoir une pénétration valable tout en conservant une tarification acceptable et non pas basée sur le prix du marché ou encore sur des comparaisons internationales. C'est sûr que, si on va sur des comparaisons internationales, il y a peut-être là des raisons pour augmenter la tarification, mais à l'encontre de cela il faudrait peut-être dire aussi que, si on veut s'aligner sur des choses internationales, il faudrait peut-être aligner d'autres choses sur des choses internationales et il faudrait baisser des prix. Si on a des sources d'énergie qui sont nôtres, qui sont canadiennes, qui sont québécoises et si on est capable de les offrir à un meilleur prix pour compenser pour des choses qu'ils ont ailleurs et qu'on n'a pas - exemple, le soleil en hiver, la chaleur - je pense qu'il faut tenir compte de cela aussi.

Je ne serais pas prêt à accepter facilement, en tout cas, qu'on aligne des tarifications spécialement sur les prix internationaux, sachant que dans des pays à environ 1500 ou 1800 milles d'ici, par exemple, on n'a pas besoin de chauffer l'hiver. Donc, la tarification ne les dérange pas trop, ceux-là, mais nous avons ce problème parce qu'on est dans une région nordique. J'imagine que la population va être intéressée davantage à avoir le meilleur service possible au meilleur coût possible. Là-dessus, je ne peux pas être d'accord avec vous. Je ne peux pas être d'accord avec vous à un point tel que je demande à Hydro-Québec de ne surtout pas tomber dans ce genre de choses.

Le Président (M. Jolivet): M. Normand. (21 h 30)

M. Normand: M. Samson, premièrement, je voudrais vous remercier pour le plaidoyer favorable au gaz, en termes de sécurité. Vous en êtes un bon utilisateur.

Maintenant, je voudrais tenter de vous sécuriser en ce qui concerne la tarification. La tarification d'un distributeur de gaz n'est pas en fonction des prix internationaux, c'est en fonction de son coût de distribution. Croyez-moi, il y a une Régie de l'électricité et du gaz qui s'assure de façon très dynamique que le distributeur ne fait que passer les coûts à ses clients.

Si vous voulez atteindre la meilleure tarification possible en termes de gaz naturel, je vous suggère deux moyens. Premièrement, d'assurer une pénétration maximale du gaz naturel, parce que les infrastructures sont très coûteuses; plus grande est la pénétration, meilleure est la saturation, moindre est le coût moyen de vous le livrer. Donc, ce que vous discutez aujourd'hui devrait toujours être pris dans cette optique de vous assurer que les politiques des autres sources d'énergie ne viennent pas vous pénaliser, vous, consommateurs de gaz, ou tous les autres consommateurs de gaz éventuels. Assurez-vous que, par les décisions que vous allez prendre, le gaz naturel va pouvoir atteindre un niveau de saturation économique. C'est une façon de vous sécuriser en termes de tarification et le gouvernement va sûrement prendre une bonne décision pour un distributeur unique, ce qui est encore une façon de réduire les coûts au distributeur.

Le Président (M. Jolivet): M. le député, brièvement, s'il vous plaît.

M. Samson: Dans le domaine du gaz naturel, je ne sais pas où vous en êtes à Gaz Métropolitain, mais je vais vous citer l'exemple de la Northern and Central Gas qui est le distributeur dans notre région et

qui, pour les fins de la distribution, s'appelle le Gaz Provincial du Nord du Québec. Ce distributeur a une tarification où s'ajoute à la facture une pénalité de 10%, advenant que le client ne paie pas dans un délai de dix jours. Comme la facturation se fait à Willowdale, en Ontario, et que cela prend quelques jours avant que les factures arrivent à destination, j'ai eu connaissance à maintes reprises qu'un client ait deux jours pour payer sa facture, sinon il devait payer 10% de pénalité. La même chose existait déjà à Hydro-Québec qui avait une facturation mensuelle, à ce moment-là. Hydro-Québec, à la suite de certaines représentations, a laissé tomber ce mode de pénalité et en est arrivé à une facturation aux deux mois et la pénalité n'en est pas une au même sens que le gaz, c'est maintenant un intérêt qui est imposé après le délai, ce qui est beaucoup plus raisonnable, je pense.

Je ne sais pas si c'est votre procédure, je vous le demande, tout en vous soulignant en même temps que la procédure utilisée là-bas est contestée et contestable et, quant à moi, je vais la contester aussi longtemps que je le pourrai, parce qu'il me semble que c'est là un surplus de tarification. Beaucoup de gens ne sont pas capables d'entrer dans les délais et c'est de l'argent net qui rentre dans les poches de la compagnie et pour lequel le client n'a reçu aucun service.

Le Président (M. Jolivet): M. Normand.

M. Normand: Nous souscrivons à votre objectif, M. Samson. Effectivement, la politique tarifaire en ce sens à Gaz Métropolitain, en termes de pénalité, a été réduite de beaucoup dernièrement, en passant des 10% que vous mentionnez à 5%. Nous comptons retourner devant la Régie de l'électricité et du gaz et tenter d'ajuster cette politique à une politique qui serait plus près de celle d'Hydro-Québec, qu'on croit plus juste, soit d'imposer des intérêts lorsque les délais sont expirés. Donc, c'est une politique qui rapproche plus le coût de la pénalité au préjudice subi par le distributeur, donc par l'ensemble de ses clients.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Samson: ...à l'autre compagnie à l'autre bout.

M. Normand: Attention, c'est notre petite soeur.

Le Président (M. Jolivet): II reste les deux dernières interventions de la fin, M. le ministre.

M. Bérubé: Moi, c'était uniquement pour vous témoigner mon appréciation pour la qualité de votre mémoire. En fait, il était nettement provoquant. D'ailleurs, vous l'avez vu par le genre de questions qu'on vous a posées. Certes, en vous aventurant sur la glace un peu mince, forcément, vous courez le risque de vous faire critiquer et de vous faire houspiller mais, néanmoins, vous nous donnez en même temps l'occasion de faire progresser un certain nombre d'idées. Je tenais à vous rendre témoignage pour ce mémoire. Merci.

Le Président (M. Jolivet): M. le député d'Outremont.

M. Fortier: On pourrait conclure: Qui aime bien châtie bien. J'aurais juste une question en terminant. Vous avez dit quelque chose qui m'amène à une question. Vous avez dit: Si on veut réduire les coûts, il faudrait favoriser un seul distributeur. Pourriez-vous, en deux minutes, me dire pour quelle raison un seul distributeur pourrait permettre des coûts moindres ou une tarification moindre éventuellement, j'espère, ou des profits plus grands pour la compagnie, je ne sais pas?

Le Président (M. Jolivet): M. Baladi.

M. Baladi: Pour la question d'un seul distributeur, en effet, il y a trois dimensions importantes. C'est d'abord la maximisation des retombées économiques au Québec; la question d'une gestion harmonieuse entre les différents acteurs, autant le gouvernement que les autres distributeurs d'énergie, et, troisièmement, la question du temps, le temps de réaliser cette pénétration au cours des six prochaines années.

Sur le premier élément, les retombées économiques, je pense que le Québec, par l'entremise de la Caisse de dépôt, s'est déjà doté d'un outil, qui est Gaz Métropolitain et qui pourrait assurer cette maximisation des retombées économiques. Donc, il n'y aurait pas lieu de créer encore une deuxième roue et d'essayer de négocier un autre contrôle qui va assurer que les retombées économiques demeurent au Québec.

Quant à la gestion harmonieuse, je pense qu'Hydro-Québec parle de partenaires. Donc, c'est important pour nous et je pense qu'avec un seul acteur dans le domaine du gaz, la question d'une gestion harmonieuse peut être assurée de façon beaucoup plus facile et beaucoup plus rapide.

Le troisième élément est, la question du temps. À Gaz Métropolitain, il existe une expertise, on a pu la constater ce soir. Les outils sont en place tant au niveau de la formation que de la main-d'oeuvre qui se trouve au Québec et à laquelle un distributeur comme nous peut faire appel. En plus de ça, il y a les économies d'échelle. Je pense qu'on a longuement discuté des économies d'échelle devant la régie, mais il

y a un point important et c'est celui du coût du gaz naturel. Le coût du gaz naturel représente pour le distributeur à peu près 85% à 86% de ses frais d'exploitation. Je pense qu'avec un seul distributeur pour l'ensemble du Québec, il y a cette possibilité de faire la meilleure gestion possible, de faire justement des diversions entre les différentes régions au Québec, de faire surtout appel au bassin qu'est la région de Montréal pour faire face aux fluctuations économiques qui peuvent avoir lieu dans d'autres régions.

Donc, avec un ensemble de régions et un seul distributeur, il y a cette facilité justement de minimiser les coûts et donc de maximiser les bénéfices pour la société québécoise.

Le Président (M. Jolivet): Merci. Au nom des membres de cette commission, je vous remercie tous de votre mémoire et j'inviterais à la barre M. Michel Jurdant à titre personnel.

Pendant qu'il s'approche, je vais vous donner l'ordre du jour de demain: la Chambre de commerce du district de Montréal, l'Ordre des ingénieurs du Québec, l'Association des constructeurs de routes et grands travaux du Québec, l'Association des ingénieurs-conseils du Québec, M. André Girard, la Corporation de développement économique de la région de Port-Cartier et M. Denis Bouliane. En fait, c'est l'horaire qui vous a été distribué, sauf un changement entre le deuxième et le troisième. Le troisième que vous avez sur votre horaire devient le deuxième et le deuxième devient le troisième. C'est la même liste que nous avions depuis une semaine. Je peux m'informer auprès de... Je m'excuse, ce n'est pas la question. La question est de savoir si on avait le rapport de M. Girard demain. Je vais vérifier et je vous donnerai la réponse tout à l'heure.

Une voix: C'est quel numéro, ça?

Le Président (M. Jolivet): C'est le numéro 33M.

M. Jurdant, nous avons pris connaissance de votre document. Nous savons que vous avez vingt minutes à votre disposition et nous sommes assurés que vous prendrez ce temps pour le présenter.

M. Jurdant, la parole est à vous.

M. Michel Jurdant

M. Jurdant (Michel): On a parlé tout à l'heure de psychose à propos du nucléaire. Rassurez-vous, si j'en parle, je ne suis pas un psychose. Je ne suis pas un psychotique, non plus. En fait, comme présentation, je pense qu'il serait bon de dire quand même un peu d'où je viens et ce que je suis. Je suis un ingénieur forestier, avec une maîtrise et un doctorat en écologie. J'ai fait 22 ans de recherches dans le domaine de l'écologie dans le Nord du Québec, surtout dans le domaine de la cartographie écologique du territoire, en particulier cinq ans dans le territoire de la baie-James dont j'ai dirigé les travaux de cartographie écologique. Également, j'ai commencé la direction des études écologiques dans le territoire de la Basse-Côte-Nord en relation avec les projets hydroélectriques de la Basse-Côte-Nord pour le compte d'Environnement Canada. Depuis juin 1980, je suis professeur au département de géographie de l'Université Laval.

Mon mémoire porte un titre qui est Une électrotechnocratie irresponsable.

J'espère qu'on va comprendre la raison de mon titre. En fait, à la suite de tous les chiffres que j'ai entendus aujourd'hui - il a surtout été question de dollars j'aurais peut-être pu l'intituler Une fuite énergétique vers l'avant. Au cours de la semaine dernière, s'est tenu à Montréal un colloque d'information sur l'énergie organisé par le Front commun pour un débat public sur l'énergie. Ce front commun regroupe 80 organismes ayant tous en commun une inquiétude profonde face à l'avenir du Québec, tel qu'exprimé à travers les fins de non-recevoir du gouvernement concernant leurs demandes répétées en faveur d'un débat démocratique sur notre avenir énergétique.

J'avais préparé un mémoire pour la présente commission parlementaire. Toutefois, j'avais pris la décision d'adhérer au mot d'ordre du front commun de boycotter cette commission parlementaire pour les raisons suivantes: 1- par solidarité avec le front commun. 2- par manque de temps, car c'est très difficile pour des individus et des groupes de se préparer à deux événements d'envergure du même genre, surtout que la date du colloque avait été décidée bien avant celle de la commission parlementaire. 3- parce que, tout comme le front commun, je refuse de contribuer à entretenir l'illusion qu'une commission parlementaire comme celle-ci constitue un débat public véritablement démocratique, bien que j'accepte qu'elle puisse constituer un des éléments d'un débat public. 4- parce que je croyais que le colloque allait recevoir une couverture raisonnable par les media et que les alternatives énergétiques auraient ainsi plus de chances d'être diffusées et discutées avec les citoyens.

Le colloque fut un succès sur le plan du contenu, mais je dois reconnaître qu'une fois de plus nous - je prends ma part de responsabilités là-dedans - les écologistes, n'avons pas réussi à éveiller l'intérêt des citoyens sur un problème crucial pour notre avenir individuel et collectif. Nous acceptons

notre part de responsabilités, je le reconnais bien sincèrement, par une attitude sans doute trop élitiste, trop idéologique aussi. Nous manquons peut-être aussi de rigueur et de maturité dans nos analyses. C'est probablement parce que notre mouvement est jeune, parce que nous nous sentons très petits par rapport aux valeurs que nous défendons et parce que parfois nous vivons très mal notre écologie. Nous ne sommes peut-être pas aussi encore tous d'accord sur le modèle de société alternative que nous préconisons et nous sommes peut-être ainsi un mouvement encore en gestation. Mais cette faiblesse d'aujourd'hui pourrait bien être notre force de demain, surtout lorsque le prix de la gazoline à la pompe grimpera à $1.25 le litre, comme il l'est déjà dans certains pays d'Europe, ou à $2 ou, qui sait, à $5. Le trajet Québec-Montréal, entre autres, aller-retour, coûtera $140 pour une Renault 5, et $400 pour une automobile à huit cylindres. Ce serait ridicule de ne pas prendre cette possibilité au sérieux d'ici cinq à dix ans. Il va falloir qu'on apprenne qu'il vaudrait peut-être mieux vivre antiéconomiquement que de mourir économiquement.

Je m'en voudrais, cependant, de mettre sur le dos de seuls écologistes la responsabilité de l'apathie des citoyens face à la politique énergétique, à l'exception pourtant de la question des prix. C'est la raison principale pour laquelle je me suis décidé à la dernière minute de présenter ce mémoire dont le contenu éclairera, je l'espère, les raisons de la non-participation du Front commun pour un débat public sur l'énergie à la présente commission parlementaire. Je tiens, cependant, à insister sur le fait que ma décision est personnelle et que je ne représente donc que moi-même. Ceci ne signifie nullement que je me dissocie du front commun dont je partage entièrement les buts et les objectifs. J'accepte même d'être désapprouvé par le même front commun. Je désirerais que mon geste soit perçu surtout comme la manifestation de la profonde détresse de l'une des fractions les plus dynamiques et les plus généreuses du Québec face au gigantisme et à la complexité de nos institutions et face au caractère de plus en plus technocratique et de moins en moins politique des processus décisionnels. (21 h 45)

À l'occasion de la parution du livre blanc sur la politique scientifique du Québec, le ministre Camille Laurin disait ceci: "Les enjeux de la science et des politiques de recherche doivent être débattus au grand jour, comme le sont nos choix collectifs les plus lourds de conséquences". Ce livre blanc intitulé "Un projet collectif" reconnaît également que ce sont évidemment d'abord et avant tout les citoyens et les groupes de citoyens qui donnent réalité et consistance à un projet démocratique".

S'il est un choix collectif lourd de conséquences pour notre société, c'est bien celui de notre avenir énergétique pour lequel nous avons consacré plus du quart de notre richesse collective l'an dernier et pour lequel Hydro-Québec propose d'investir l'équivalent de 50 installations olympiques au cours des 10 prochaines années.

Malgré les multiples voeux exprimés par Hydro-Québec et par l'État québécois en faveur d'un débat public éclairé, il n'y a toujours pas de débat public tout court, tout au plus deux commissions parlementaires en quatre ans. Est-ce cela un débat public éclairé? Nous vivons dans l'une des sociétés les plus avancées du monde sur le plan technologique et nous faisons partie des sociétés les plus riches et les plus puissantes. Au Canada, nous nous permettons même d'utiliser 4% des matières premières du monde alors que nous constituons moins de 0,6% de la population mondiale. Notre société est-elle vraiment plus heureuse, plus cultivée, moins violente, plus libre, plus belle, plus authentique que les autres sociétés moins avancées technologiquement et économiquement? Notre conception du progrès ne repose-t-elle pas sur les utopies du bonheur par la consommation et de l'équité par la croissance économique? Per capita, par exemple, nous Canadiens, nous exportons plus de matériel de guerre que les Américains.

En fait, je référais ici à un éditorial de lundi dans un de nos grands quotidiens de Montréal où en fait, même si je suis d'accord avec l'ensemble de l'éditorial, ilétait écrit une phrase qui était celle-ci et qui est très indicative: "Malheureusement, les adversaires du programme d'Hydro-Québec s'en tiennent souvent à une argumentation écologiste qui ne traverse pas la réalité économique réglée des écologistes". Je ne veux pas mettre en cause un éditorial en particulier car je pense qu'il exprime une opinion très largement répandue et écarte d'emblée, dès le départ, toute crédibilité à l'argumentation écologique. Toute la question est là. Qu'est-ce que c'est cette réalité économique dont parle l'éditorialiste? Fait-elle notre bonheur? Réussit-elle à nous rendre plus heureux que les peuples moins pourvus que nous à cet égard? S'il vous plaît, ne pensez pas au Bangladesh ou à l'URSS. Si oui, alors effectivement les écologistes n'ont aucune raison de s'alarmer devant le programme d'investissement d'Hydro-Québec. Si c'est non, alors ce n'est pas traverser la réalité économique qu'il faut faire, mais nous libérer des contraintes économiques. Je trouve que cette phrase est très indicative d'une vision strictement économique de notre société comme si seule une vision productiviste de la société

méritait notre attention.

C'est là que se situe le débat. Que voulons-nous? L'être ou l'avoir? Ne trouvez-vous pas que les défenseurs de l'être méritent d'être entendus même si l'être ne résiste pas à la réalité économique? Une telle notion de progrès se nourrit aussi d'une quantité invraisemblable d'illusions comme celle de croire que notre niveau de vie nord-américain pourrait être étendu à toute la planète sans épuisement rapide des ressources ou celle de croire que l'augmentation de la production d'énergie crée de l'emploi. Selon la Fondation Ford les quinze industries les plus importantes des États-Unis consomment 45% de l'énergie industrielle alors qu'elles n'occupent que 6% de la main-d'oeuvre. La logique, en fait, du progrès économique nous entraîne même ici au Québec vers une industrie de guerre. Je mentionnerai ici la série d'articles publiés dans le Devoir au cours du mois de juin. Je pense que c'était intitulé: Des canons made in Québec. Entre autres, je rappellerai également la fameuse discussion à propos du F-16 et du F-18 où il était question de se partaqer avec l'Ontario un gâteau de trois milliards de dollars.

Nous sommes par là donc simplement des profiteurs de la violence dans le Tiers-Monde et nous retirons notre large part des profits des tensions internationales. Est-ce cela le progrès économique? Les événements comme celui que nous abordons aujourd'hui conditionnent notre présent et notre avenir individuel et collectif sur le plan économique, bien sûr, aussi sur le plan culturel, social et écologique. Ils sont pensés et mis au point, décidés et orchestrés par de brillants scientifiques et des technocrates qu'il nous faut cependant qualifier d'irresponsables. Pour la vaste majorité d'entre eux, en effet, tout ce qui est techniquement et économiquement possible doit être réalisé. Alfred Rouleau, lui-même, président de la Confédération des caisses populaires Desjardins, n'a pas hésité à déclarer solennellement, devant 600 ingénieurs rassemblés en congrès en 1980: "Les ingénieurs et les promoteurs de l'innovation technologique à n'importe quel prix ont-ils une âme et une conscience? Je suis porté à répondre oui, s'il s'agit d'une âme ou d'une conscience technologique bien sûr, mais en général non, s'il s'agit d'une conscience sociale."

Ce sont pourtant toujours les citoyens, ces inconscients, ces ignorants, qui sont responsables des gaspillages et il faut faire confiance aux scientifiques et aux experts, seuls détenteurs de la vraie connaissance, seuls dépositaires de l'intérêt public, seuls habilités à prendre des décisions. En tant que principaux acteurs de notre mode de développement, ces technocrates sont ainsi devenus les principaux détenteurs du pouvoir; un pouvoir d'autant plus grand qu'il s'exerce de manière inconsciente.

À présent, j'aborderai les conséquences de la voie dure, c'est-à-dire la voie qui nous est offerte par le plan d'investissements d'Hydro-Québec. Cette voie dure, telle que critiquée à partir du document Une stratégie pour la décennie 80, est une voie irresponsable, non seulement parce qu'elle n'est pas débattue au grand jour, mais aussi parce qu'elle implique des conséquences écologiques, sociales et culturelles - j'insiste surtout sur "sociales et culturelles" - sur notre milieu et notre mode de vie qui sont inacceptables. C'est toute notre société qui est bouleversée, charriée, "bulldozée" par ce modèle de développement présenté à la population comme inéluctable.

En tant que citoyen surtout, mais en tant que scientifique, je me sens profondément violenté et j'implore les politiciens qui sont devant moi pour qu'ils reprennent un pouvoir qu'ils laissent de plus en plus dans les mains des technocrates et des experts.

Les conséquences de la voie dure qui suivent sont valables d'abord pour la filière électronucléaire - elle nous pend au nez -surtout en ce qui concerne les risques biologiques et physiques, mais aussi pour toutes les autres filières qui impliquent des aménagements gigantesques. Les risques biologiques sont cependant bien réels. Pour la première fois dans l'histoire de l'humanité, l'homme est menacé en tant qu'espèce par l'introduction dans la biosphère d'éléments radioactifs qui le seront encore dans des dizaines de milliers d'années.

Le moins que l'on puisse dire c'est qu'il n'y a pas consensus sur le "non-danger" de l'électronucléaire et il m'apparaît injuste d'exiger des antinucléaires tout le fardeau de la preuve.

Une société parfaite avec des techniciens parfaits, sans terroristes, sans fous, sans guerres et sans catastrophes, n'existe tout simplement pas; rappelez-vous le Titanic, il ne devait pas couler, il a coulé à son premier voyage.

L'opposition à l'électronucléaire n'est cependant pas basée exclusivement sur cette peur des radiations. En effet, même propre -ici j'invoquerais la fusion - le nucléaire serait inadmissible en vertu du fait que, fondamentalement, ce que les écologistes lui reprochent, ce n'est pas tant de violer la nature, mais ce faisant, de mettre en place de nouveaux instruments de pouvoir. Nucléaire ou pas, l'électrotechnocratie ne propose que des modes de production dont le gigantisme et la complexité sont tels que seules des mégastructures autoritaires, concentrées et de plus en plus technocratiques pourront en assurer le développement.

Une centrale nucléaire doit être gigantesque, au moins 600 mégawatts. Jean-

Claude Leny, directeur général de Franatome, a déclaré: "Pour moi, il est essentiel que les centrales nucléaires à construire soient peu nombreuses, donc de grande taille, implantées sur des sites ad hoc et exploitées de façon quasi militaire". Une société nucléaire sera autoritaire, voire policière et violente. L'atome pacifique est en effet un mythe au nom duquel des technocrates mettent en place des structures de notre propre destruction.

La voie dure de la production d'énergie est de plus en plus énergivore. Selon les prévisions du ministère de l'Intérieur des États-Unis concernant la part de l'énergie consommée par les producteurs d'énergie dans la consommation totale, le coût énergétique était de 25% en 1971, 31% en 1980 et s'élèvera à 38% en 1990.

Cette voie dure est également linéaire, il n'y a pas d'autorégulation; l'énergie électrique produite doit être consommée, sinon elle se perd. Elle implique donc, du fait même, une augmentation de la consommation et elle accélère assez le processus d'épuisement des ressources naturelles de la planète.

L'électrosociété est donc avant tout une société de consommation, une société qui privilégie les riches et les pays riches, une société fondamentalement injuste car elle repose sur la stimulation de la cupidité, de l'envie et de l'avarice pour stimuler la consommation, une société aliénante, parce que de moins en moins conviviale, une société de chômeurs et d'assistés, parce que, au nom de la productivité et de l'efficacité, elle remplace la majorité des hommes par des machines. C'est également une société programmée.

Mon expérience dans le nord du Québec, à la Baie James et sur la Côte-Nord m'a montré aussi que c'est peut-être dans le Nord québécois que la situation est la plus injuste. Les études environnementales masquent souvent le principal impact du développement, celui qui est engendré par un changement profond et radical du mode de vie des populations de cette région.

En effet, la mise en valeur des ressources énergétiques dans le nord ne peut s'effectuer qu'à l'aide de technologies sophistiquées et gigantesques qui ne peuvent que heurter culturellement et socialement une société qui tente tant bien que mal de survivre avec ce que nous avons bien voulu lui laisser de liberté.

Cette société a le droit de choisir son avenir et, nous, les "développés", n'avons pas le droit de continuer à lui laisser croire que sa survie et son bonheur sont intimement liés aux seuls progrès technologiques de type lourd. Allons-nous asservir à la technique ce dernier bastion écologique du Québec ou profiterons-nous de cette menace pour mesurer l'ampleur de notre soif d'énergie et amorcer pas là un nouveau progrès? Si j'étais ici un Inuit ou un Amérindien, je vous dirais ceci: Si vous avez besoin d'énergie, prenez-en donc les risques vous-mêmes. Faites des centrales nucléaires, des centrales à réserve pompée sur la Jacques-Cartier, etc. C'est votre affaire. Mais arrêtons donc de nous détruire.

Que cela plaise ou non - ici, j'en arrive à l'alternative, parce que c'est bien beau de critiquer, mais je n'ai pas envie d'être pris pour un psychopathe. Nous proposons quand même des choix, nous, les écologistes; que cela plaise ou non, il y a quand même quelque chose qui ne tourne pas rond dans notre société d'abondance. C'est surtout parce que c'est une société d'abondance que cela ne tourne pas rond. La crise de l'énergie n'est sans doute que la pointe d'un iceberg! On ne peut pas plus écarter l'hypothèse d'une évolution catastrophique de l'humanité que l'éventualité, par exemple, d'un sabotage par un commando de terroristes quelque part le long de 25,000 kilomètres de lignes électriques d'Hydro-Québec! Est-ce qu'Hydro-Québec et le gouvernement du Québec ont un plan de survie en cas de sabotage le long des 25,000 kilomètres de lignes hydroélectriques?

L'alternative écologique n'est pas seulement technologique. C'est une grande erreur de penser que les écologistes transforment tout simplement les technologies lourdes en technologies douces, des éoliennes, du soleil, etc., et que c'est fini, parce qu'il est illusoire de pouvoir perpétuer une société de consommation simplement en remplaçant les technologies lourdes par les technologies douces ou en préconisant l'austérité joyeuse de Pierre Dansereau. L'écotechnocratie ne serait pas plus acceptable à l'écologiste que l'électrotechnocratie actuelle.

En fait, cette alternative écologiste est globale et basée sur la prééminence de l'être sur l'avoir, pour remplacer la prééminence de l'avoir sur l'être que nous connaissons actuellement. Elle préconise une économie autocentrée, basée sur la production de biens accessibles à tous et limitée à ce qui ne privilégie ni n'abaisse personne. On pourrait supprimer le Concorde, par exemple. Je pense que cela ne ferait pas de mal à grand-monde. Les besoins sont ainsi autorégulés et la société devient autosuffisante, c'est-à-dire véritablement souveraine. Les institutions seront décentralisées, de petite taille et autogérées. La priorité est accordée aux activités non économiques, aux activités non mesurables en termes de PNB: activités esthétiques, éducatives, décoration, bricolage, lecture, musique, jardinage, danse. On peut en inventer tant qu'on veut. Les privilèges de classe, de sexe, de race, d'âge, de profession et d'instruction sont abolis, de même que le travail salarié. Les femmes

jouent un rôle prépondérant dans ce type de société, car, comme le dit Alain Touraine "de tous les mouvements, c'est le mouvement des femmes qui résiste le mieux à l'emprise des grandes entreprises sur notre vie quotidienne". Les valeurs d'échange, par exemple le droit de propriété, sont remplacées par les valeurs d'usage. Cela pourrait s'appliquer également à l'automobile. Les technologies sont appropriées, c'est-à-dire petites, simples, peu coûteuses, douces et peu consommatrices d'énergie (voir à ce sujet les scénarios éco-énergétiques d'Hélène Lajambe, à Hélio-Québec).

Un débat public et démocratique sur notre avenir énergétique serait l'occasion idéale pour préciser cette alternative écologiste dont je n'ai pu esquisser évidemment que les grands principes, les grands traits. Ce serait extrêmement long de pouvoir expliquer cette alternative globale et de la débattre au grand jour. Les écologistes seraient justement intéressés à avoir des gens qui viendraient critiquer cette alternative.

Un certain nombre de conditions sont cependant prérequises pour qu'un tel débat démocratique - je pense qu'il serait bon que je les précise - soit véritablement démocratique. (22 heures)

Premièrement, il devrait être cogéré par les citoyens et l'État; il nécessiterait une politique de divulgation de la science et pas seulement d'information. Ce serait de la divulgation. Les chercheurs et les citoyens devraient pouvoir travailler ensemble dans le cadre de projets de recherche-intervention autogérés; les citoyens devraient pouvoir participer à l'élaboration des objectifs de recherche; les études d'impact sur l'environnement devaient être abolies et remplacées par la proposition de scénarios alternatifs; des moyens financiers et humains devraient être offerts aux citoyens pour qu'ils soient en mesure d'élaborer, de divulguer et de défendre des alternatives valables; l'éducation manuelle, émotive et sociale des experts et futurs experts devrait être considérée comme prioritaire au même titre que leur éducation intellectuelle, technique et scientifique; les professeurs d'université et les chercheurs devraient avoir à rendre compte aux citoyens de la valeur sociale et culturelle de leurs activités, de la même manière qu'ils ont actuellement à rendre compte à leurs pairs de la valeur intellectuelle et scientifique de leurs travaux et de leur enseignement.

La consommation énergétique aux États-Unis est actuellement de 250,000 kilos calories par homme par jour et il est prévu en l'an 2000 une consommation aux Etats-Unis de 400,000 kilos calories par homme par jour. Je pense qu'ici, au Québec, nous ne devons pas être très loin de ces chiffres non plus. Au Bangladesh, la consommation énergétique est inférieure à 2500 kilos calories par homme par jour. À la fin du siècle, la population totale de la terre sera d'environ 7 milliards. Si cette population consommait au niveau actuel des Américains - ce qui est l'objectif, en général, de tous les pays développés - la consommation énergétique totale de la planète serait de 6,4x10 kilos calories par an. Or, la productivité totale de la biosphère par la photosynthèse est estimée à 6x10? kilos calories par an, moins que la consommation énergétique totale.

Nous faisons donc face à une limite écologique absolue. Le problème principal auquel l'humanité doit répondre rapidement est le suivant: entre un minimum physiologique qui est reconnu comme étant de 2500 kilos calories par homme par jour et un maximum technologique estimé à 400,000 kilos calories par homme par jour, où se situe l'optimum écologique? N'est-on pas très imprudent dans notre société québécoise en n'étudiant pas sérieusement la société alternative écologique au cas où, par exemple - je cite quelques cas - il y aurait une explosion d'une centrale nucléaire dans le monde? Quand on pense qu'il y aura une nouvelle centrale nucléaire tous les jours dans 20 ans, je pense qu'on pourrait commencer à se poser de sérieuses questions sur l'éventualité, même sur la probabilité d'une explosion, même si ce n'est pas chez nous. À ce moment-là, on va quand même se poser de sérieuses questions. Un sabotage, ce pourrait être la même chose. Il y a déjà une centrale nucléaire qui n'était pas en action et qui a été bombardée lors du conflit entre l'Iran et l'Irak. On peut également supposer que le Tiers-Monde ne va pas se laisser exploiter par les pays dominants comme le nôtre indéfiniment et que, donc, il va y avoir quelque chose qui va se passer. Comment est-ce possible d'imaginer qu'on n'étudie pas une solution alternative au niveau de la société?

La voie dure que nous présentent les électrotechnocrates est la négation même du progrès. C'est une barricade érigée contre l'évolution de notre société et c'est une étape énorme vers l'asservissement de l'homme à la technique et à ses grands-prêtres, c'est-à-dire les universitaires, les scientifiques et les experts.

Si vous me le permettez, M. le Président, j'aimerais vous citer, si j'ai le temps, quelques phrases de Simone de Beauvoir pour terminer un peu en douceur, d'une façon écologique. Simone de Beauvoir a écrit ces phrases qui définissent tellement bien, je pense, la nature même de l'enjeu. Elle a écrit cela en 1966, bien avant 1968, dans un livre intitulé Les belles images. Simone de Beauvoir, dans son style admirable, écrivait ceci: "Socialistes ou

capitalistes, dans tous les pays l'homme est écrasé par la technique, aliéné à son travail, enchaîné, abêti. Tout le mal vient de ce qu'il a multiplié ses besoins alors qu'il aurait dû les contenir; au lieu de viser une abondance qui n'existe pas et n'existera peut-être jamais, il lui aurait fallu se contenter d'un minimum vital, comme le font encore certaines communautés pauvres, en Sardaigne, en Grèce, par exemple, où les techniques n'ont pas pénétré, que l'argent n'a pas corrompues. Là, des gens connaissent un austère bonheur parce que certaines valeurs sont préservées, des valeurs vraiment humaines de dignité, de fraternité, de générosité qui donnent à la vie un goût unique. Tant qu'on continuera à créer de nouveaux besoins, on multipliera les frustrations. Quand est-ce que la déchéance a commencé? Le jour où on a préféré la science à la sagesse, l'utilité à la beauté." Je vous remercie pour votre attention.

Le Président (M. Jolivet); Merci, M. Jourdant.

M. le ministre.

M. Bérubé: Vous avez un mémoire très dur. Une des difficultés que l'on peut avoir à la lecture d'un mémoire comme celui-là, c'est que, d'une part, vous nous proposez un modèle de société certainement plus douce, plus équilibrée et plus heureuse, mais en même temps il n'est peut-être pas facile de la réaliser.

On nous a souligné, par exemple, qu'un des problèmes qu'Hydro-Québec peut avoir de ce temps-ci, c'est que les Québécois décident de transformer leur système de chauffage pour un chauffage à l'électricité, avec des problèmes de panne, avec des problèmes de mauvais fonctionnement et l'obligation pour Hydro-Québec de faire face à la demande. Ce n'est pas facile pour un homme politique. Vous nous prétendez contrôlés par les technocrates; mon collègue et moi étant nous-mêmes technocrates en partant, je ne sais pas si c'est un défaut, un vilain défaut ou quoi. Vous nous parlez là d'une société différente. Quand j'ai à prendre une décision concernant un problème de chauffage à l'électricité, je me gratte la tête, parce que je n'ai pas l'impression de trouver la réponse dans ce que vous me proposez. Vous me proposez un idéal, mais en même temps vous ne me proposez pas de moyens. Vous ne me dites pas que faire avec celui qui sera privé de chauffage parce qu'il n'y aura peut-être pas de pétrole disponible dans cinq ans. Vous ne me donnez pas non plus de solution pour le chômeur de la Matapédia ou de Matane -vous savez qu'il y en a à peu près autant dans une place que dans l'autre. Vous ne me donnez pas de solution pour ce monde-là. Vous me dites: Ils sont heureux de même. Ce n'est pas l'impression que j'ai. En tout cas ce n'est pas ce qu'ils manifestent.

En d'autres termes, vous me faites une proposition de société. Je veux bien croire qu'elle est bonne, mais dans la réalité concrète, quand il s'agit de l'actualiser, je ne vois pas comment. Auriez-vous quelques petits indices?

Le Président (M. Jolivet): M. Jourdant.

M. Jourdant: Oui, M. Bérubé. Vraiment, je suis obligé, évidemment, pour vous répondre, de me référer de nouveau aux industries les plus énergivores des États-Unis; puis c'est la même chose chez nous. Ce ne sont pas les industries les plus énergivores qui procurent le plus d'emplois.

En fait, une étude de l'aluminium pourrait démontrer que plus de 50% des produits de l'aluminium pourraient être remplacés par des produits québécois en bois ou dans des matériaux locaux, par de petites industries du genre de celle que Schumacher propose. Je pense que ce que les écologistes proposent, entre autres, dans l'immédiat, c'est le remplacement de beaucoup de produits que nous fabriquons en ce moment, entre autres les plastiques et l'aluminium, par des produits du bois.

Vous avez parlé des chômeurs de la Matapédia. Justement, M. Bérubé, qu'est-ce qu'on a fait pour la forêt depuis 50 ans? On l'a exploitée.

M. Bérubé: Je pourrais vous dire ce qu'on a fait depuis quatre ans.

M. Jourdant: On n'a pas fait grand-chose non plus depuis quatre ans, M. Bérubé. Cela ne s'appelle pas des forêts aménagées, cela s'appelle des forêts exploitées. On ne peut vraiment pas être sérieux quand on dit qu'on aménage nos forêts. Il n'y a pas de sylviculture. Il s'est fait des programmes de reboisement. Je suis ingénieur forestier moi-même et je peux concevoir que les ingénieurs forestiers font tout leur possible, mais ils n'ont tout de même pas les moyens qu'il faut pour produire la quantité et faire justement de la foresterie écologique, c'est-à-dire une foresterie très centralisée, à l'aide d'une technologie appropriée et non pas une technologie gigantesque, telle que celle qui est dans les mains des grandes entreprises pour le moment.

S'il n'y a plus de bois dans le Bas-du-Fleuve et dans la Gaspésie, il y en a encore suffisamment quand même pour ouvrir une ou deux scieries. Je pourrais vous citer, par exemple, une région que je connais très bien dans le Saguenay-Lac-Saint-Jean. J'ai fait une cartographie écologique de cette région, il y a maintenant quinze ans. À l'époque, parmi les conclusions de l'étude écologique, il était question de plus de 50% du territoire du Lac-Saint-Jean qui était en peupliers -

faux-trembles qu'il aurait fallu convertir en espèce commercialement valable pour pouvoir donner du travail aux gens. Rien n'a été fait pour convertir ces peuplements de peupliers-faux-trembles. Très peu d'investissements ont été accordés à la forêt. Or, le potentiel forestier de la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean, le potentiel lui-même des sols de cette région permettrait à au moins six moulins de la taille de celui de Dolbeau d'être érigés, à condition, évidemment, d'avoir une forêt en état, cela veut dire qui possède toutes les classes d'âge voulues à l'intérieur du bassin lui-même du lac Saint-Jean. Je prends cet exemple, mais je suis sûr qu'il s'applique très bien à la Gaspésie.

Autrement dit, la foresterie ou les entreprises forestières et surtout les petites entreprises forestières autogérées de préférence, selon les critères que les écologistes préconisent, en ce qui concerne les emplois, créeraient beaucoup plus d'emplois. Je ne parle pas uniquement d'un programme d'isolation, d'un programme d'économie d'énergie qui est plus générateur d'emploi que l'aménagement de la rivière Grande Baleine ou La Romaine. De façon générale, ce que les écologistes prétendent, c'est qu'en rapprochant l'outil de l'homme, on le met en même temps dans une situation où il y a des emplois. Je pense que c'est une orientation fondamentale de la société et pour qu'elle soit crédible; je comprends que ce soit difficile, ici, en vingts minutes; il faudrait qu'il y ait un débat public. C'est pour ça qu'on insiste, c'est pour ça que les écologistes insistent pour un débat public sur l'énergie. C'est pour pouvoir offrir un scénario alternatif. Qu'on offre des scénarios alternatifs pour, enfin, que les écologistes ne soient plus dans la situation très embêtante d'avoir à critiquer ce qui se fait et qu'ils puissent, à leur tour, offrir un scénario et le débattre sur la place publique. À ce moment, je suis sûr que les citoyens, les politiciens et même les entreprises et les technocrates arriveraient à bout de définir justement le scénario optimum qui n'est peut-être pas nécessairement juste d'un côté ou de l'autre d'une barrière. En ce moment, le scénario actuel, c'est un scénario dur, violent.

M. Bérubé: Est-ce que vous essayez parfois de prendre, par exemple, le modèle de la société québécoise et imaginer sur le papier comment vous la restructureriez, de quoi elle aurait l'air, quelles seraient ces productions générées par les Québécois, quels seraient ces biens de consommation dont vous nous parlez, de biens accessibles à tous? En d'autres termes, arrivez-vous à définir un type de société de telle sorte qu'on puisse, après ça, examiner quel instrument on pourra mettre en place pour réaliser cette société? Parce que le rôle de l'énergie, finalement, est simplement de décupler l'action de l'homme. Si on utilise aujourd'hui des machines agricoles, c'est purement et simplement que l'on veut produire pour l'ensemble de l'humanité avec 6% ou 7% de la population, alors qu'autrefois, il fallait que 90% de la population fasse vivre les autres 10%. C'était carrément l'exploitation de l'homme par l'homme. Vous me direz que tous les systèmes se ressemblent. Que ce soit le communisme ou le capitalisme, c'est toujours l'exploitation par l'homme, et dans l'autre cas, c'est exactement le contraire.

Une question qui me vient immédiatement à l'esprit, c'est: ce modèle de société que vous nous proposez, est-ce que ce n'est pas un modèle de société où, finalement, un très grand nombre de citoyens vont produire un tout petit nombre de produits de consommation absolument essentiels et qui nous amèneraient, par exemple, à une société avec des classes beaucoup plus prononcées que celles que l'on connaît présentement?

M. Jurdant: Je pense que c'est le contraire. Vous avez dit que le rôle de l'énergie est celui de décupler l'activité de l'homme. Je pense que, au contraire, le rôle de l'énergie, c'est de remplacer l'homme. L'énergie fossile a remplacé le travail de l'homme. Prenons l'exemple de l'agriculture. Je pense que c'est là que c'est le plus évident. L'agriculture industrielle a vidé nos campagnes. Il y a même des plans qui sont étudiés et très sérieusement, en science économique. Entre autres, à l'Université Laval, on parle de faire mettre une barrière dans la Gaspésie, une autre dans l'Abitibi afin d'arrêter de vider ces régions de leur population. Il y a un scénario. C'est très sérieux. Économiquement parlant, cela ne veut plus rien dire en termes économiques, cela ne traverse pas l'économie que de garder des populations en Gaspésie. (22 h 15)

On est pris avec des problèmes de pollution, on est pris avec un tas de problèmes, avec une agriculture industrielle et des élevages industriels; qui pense à remplacer cette agriculture industrielle par une agriculture écologique et artisanale? Il ne s'agit pas de revenir au bonhomme derrière sa charrue ou derrière sa mule bien que la mule, et le cheval vont commencer à avoir une drôle d'importance avec l'augmentation du prix du pétrole.

Il y a tout de même toute une marge. Je pense qu'on a de l'imagination en abondance au Québec. On ne se sert plus de l'énergie la plus vitale qu'on peut posséder, celle qu'il y a dans la tête des citoyens. Je pense que les citoyens sont capables. Je ne pense pas qu'ils veuillent un Québec rural vide. Est-ce qu'ils ne désireraient pas un Québec avec trois ou quatre villes de

500,000 habitants plutôt qu'un Québec avec une métropole de 3,000,000? Ce sont des modèles. Est-ce que ce ne serait pas intéressant d'avoir en Gaspésie une ville de 500,000 habitants et une autre en Abitibi qui permettrait justement cette décentralisation? Évidemment, du jour au lendemain on n'aura pas une ville de 500,000 habitants dans la Gaspésie. Mais c'est une direction à prendre.

Le Président (M. Jolivet): M. le député d'Outremont.

M. Fortier: M. Jurdant, je crois qu'on doit vous féliciter d'avoir pris la peine de venir ici, comme vous dites vous-même, vous ne représentez pas un mouvement puisque vous vous êtes dissocié du front commun pour venir présenter vos idées. D'ailleurs, vous le dites: C'est difficile pour des individus de poser ce geste. Même si on ne partage pas toutes vos idées, je crois qu'on doit vous féliciter de venir les exprimer assez clairement.

Dans un premier temps, ce qui me frappe, c'est le fait que vous exprimez une certaine frustration et je crois que c'est certainement difficile pour des politiciens et même si on diffère d'opinions des deux côtés de la Chambre, je crois que ce qu'on essaie de faire dans une mesure, c'est de créer une société plus juste au Québec, une société où on crée de l'emploi, où les gens sont heureux. Ce que vous nous dites, c'est que vous et d'autres personnes êtes réellement frustrés de vivre dans une société comme celle qui existe présentement.

Vous exprimez certaines craintes, mais ce que je retiens de tout cela et comme vous le dites si bien: La centrale nucléaire, même si c'était propre, ce n'est pas là réellement où est votre crainte. C'est la dimension. Vous parlez d'une centrale nucléaire de 600 mégawatts, je vous ferai remarquer que même dans le cas de centrales hydroélectriques, il y a plusieurs centrales hydroélectriques qui existent dans le moment et qui nous sont proposées et qui sont beaucoup plus grosses que des centrales de 600 mégawatts nucléaires. Si on veut parler de crainte du nucléaire, j'aimerais vous rassurer. Je suis sûr que je ne pourrai pas le faire en deux minutes. Pour ma part, comme me disait un Français... lorsque je vais en France, c'est arrivé plusieurs fois l'année dernière. Il est curieux que les gens pensent aux dangers des centrales nucléaires. Comme vous le savez, en 1985, il y aura 50% de toute l'électricité en France qui va être produite par des centrales nucléaires et, d'ailleurs, dans le moment, il y a 37% de toute l'électricité en Ontario qui est produite par des centrales nucléaires.

En France, ce qui est curieux, c'est qu'il y a une certaine opposition et peut-être que vous-même cela vous a frappé, il y aura 50% de l'énergie électrique qui va être produite par les centrales nucléaires en France, mais ce qui est beaucoup plus dangereux que ça, à mon avis, c'est bien plus les ogives nucléaires qui existent sur le sol français, parce que si jamais il y avait une guerre, je suis certain que les Russes, avant de frapper les centrales nucléaires, frapperaient sûrement les ogives nucléaires qui existent sur le sol français. On peut même se poser la question étant tout près des États-Unis, savoir que le danger d'une guerre militaire nucléaire est beaucoup plus menaçante, à mon humble avis, que le danger d'avoir des centrales nucléaires ici. En tout cas, je ne voudrais pas entrer dans un débat sur les risques inhérents à cette forme d'énergie. Pour ma part, pour les avoir étudiées pendant très longtemps, je crois qu'elles sont très acceptables. Je ne veux pas amorcer un débat là-dessus. Je crois qu'on peut dire que toutes les formes d'énergie présentent des risques.

Il n'y a personne qui va me faire croire que les gens qui demeurent à Montréal-Est près des raffineries de pétrole et des usines pétrochimiques ne souffrent pas dans leur santé du seul fait de vivre dans cette région de Montréal. Malheureusement, je crois qu'à l'habitude, on accepte certaines formes d'énergie, les énergies nouvelles, on ne les accepte pas. Pour ma part, je crois que c'est une précaution de mesurer certains risques et de poser des gestes. Ce que je voulais dire c'est que, sur cette terre, il n'y a rien de blanc et noir, il n'y a pas de forme d'énergie qui ne crée aucune pollution, il n'y a pas d'énergie qui crée uniquement de la pollution; même les lignes de transport d'énergie nous amènent à couper des arbres et je crois que c'est malheureux, mais ce sont des choses qu'il faut accepter si on veut que l'énergie électrique produite dans le Grand-Nord soit acheminée vers Montréal.

J'apprécie votre honnêteté parce que, finalement, le débat que vous amenez, ce n'est pas un débat sur des formes d'énergie, ce que vous amenez c'est un débat sur un type de société. Je ne tomberai pas dans le panneau de mon collègue qui parlait des moyens. Pour ma part, je crois que vous le proposez et j'ai souligné un paragraphe qui dit exactement ce que vous pensez; vous dites: "L'alternative écologiste est globale et basée sur la prééminence de l'être sur l'avoir. Elle préconise une économie autocentrée basée sur la production de biens accessibles à tous et limitée à ce qui ne privilégie ni n'abaisse personne. Les besoins sont ainsi autorégulés et la société devient autosuffisante, c'est-à-dire véritablement souveraine. Les institutions seront décentralisées, de petite taille et autogérées. La priorité est accordée aux activités non économiques - activités non mesurables en termes de produit national brut - activités

esthétiques, éducatives, décoration, bricolage, lecture, musique, jardinage, danse, etc."

Je crois que le problème auquel on fait face, en tant que politiciens - et je suis entré en politique parce que je voulais devenir un homme public et participer aux débats de l'Assemblée nationale et des commissions parlementaires - c'est qu'on essaie de refléter la volonté de la majorité des citoyens. C'est tellement vrai que, quand un parti perd le pouvoir, la plupart du temps c'est parce que la majorité dit: Les gestes que vous avez posés ne sont pas du genre de ceux que nous voudrions que vous posiez. Et il n'y a personne qui va s'opposer au genre de société que vous proposez, et la question qu'on se pose, nous, en tant que démocrates, pour ceux qui sont réellement démocrates, est: Est-ce qu'une très grande majorité de citoyens désirent ce genre de société? Je crois qu'aucun démocrate ne va dire que ceux qui veulent cette société ne peuvent la vivre eux-mêmes. Et, de fait, je connais des amis qui ont décidé de la vivre, qui sont partis à la campagne et qui font exactement ce que vous proposez ici.

Mais pour nous, qui sommes appelés à prendre des décisions démocratiques en faveur d'une majorité de citoyens, je me permets de poser la question: Est-ce que vous croyez que, dans le moment, une majorité de citoyens veulent ce genre de société? Pour ma part, je crois que la réponse est non. Je ne nie pas que ce genre de société a certains avantages; il est évident, comme vous dites, que ce n'est pas le genre de société à promouvoir le produit national brut. Il est certain qu'un nombre important de personnes au Québec - comme le disait le ministre, que ce soit dans la Matapédia, à Montréal ou à Québec - veulent du travail, un travail rémunérateur, des services de santé, la protection de l'environnement, mais, comme le disait le ministre également, c'est rendu à un point que, dans certains cas, lorsque les gens n'ont pas un travail rémunérateur, ils sont rendus à demander au gouvernement de faire fi des lois de la protection sur l'environnement, justement pour qu'on leur donne du travail.

C'est pour ça que, sans vouloir accepter ce genre de demande, le politicien fait face à une majorité de citoyens qui ne préconisent pas le genre de société que vous proposez. Alors, pour nous, c'est très difficile d'accepter vos conclusions, car on doit vivre en tant que politiciens et, la vie démocratique ne nous le permet pas, nous n'avons pas le pouvoir - et, si on le faisait, on se ferait rejeter à la prochaine élection - d'imposer à la société québécoise un genre de vie dont les Québécois eux-mêmes ne veulent pas.

Ceci dit, si vous croyez que je fais erreur dans mon évaluation du genre de vie que les Québécois désirent, j'aimerais bien que vous me le disiez, mais je voulais simplement vous faire part de mes commentaires.

Le Président (M. Jolivet): M. Jurdant.

M. Jurdant: Heureusement que vous n'avez pas le pouvoir de l'imposer aux citoyens, parce que ce serait un terrible pouvoir.

M. Fortier: Sûrement, je suis complètement d'accord avec vous.

M. Jurdant: Vous disiez que les écologistes étaient frustrés. Ils ne sont pas frustrés, ils sont inquiets. Le terme exact est "inquiets", ce n'est pas le terme "frustrés", parce que, dans le fond, on n'a rien à perdre. On a peut-être une vue très inquiète de la réalité, mais ce qui m'inquiète le plus, c'est que vous dites: On ne peut pas changer les citoyens. En décrivant la société de consommation, j'ai dit que les citoyens étaient programmés. On est programmé. On est programmé par une société de consommation, par une société où toutes les activités visent à augmenter la production et la consommation de biens et de services pour augmenter la production. On vit dans cette phobie. Ce n'est pas aux citoyens que je m'adresserais à ce moment-là. Ce que je trouve déplorable - je pense que c'est assez typique à cette commission parlementaire -c'est qu'il n'y ait pas plus d'intellectuels québécois, des gens qui ont une crédibilité plus grande que la mienne - la mienne n'est probablement pas très élevée du fait que j'ai exprimé à maintes reprises mes opinions concernant cette société "productiviste" - des sages, non pas uniquement dans les universités, mais des gens qui sont écoutés n'a pas pris la peine de regarder le contenu d'un des éléments les plus importants de tout ce qui va se passer au Québec dans les vingt prochaines années et ils sont vus à travers ce programme de l'énergie au Québec.

M. Fortier: Ce que je n'accepte pas dans ce que vous venez de dire, c'est ceci: Bien sûr, quand on est un homme d'action -même avant d'entrer en politique, j'étais un homme d'action - on aime bien qu'il y ait des gens qui prennent la peine de réfléchir un peu plus que nous pour alimenter notre pensée. Ceci étant dit, quand il s'agit de faire des choix démocratiques, j'ai non seulement une peur, mais j'abhorre les intellectuels en pantoufles qui ne se mouilleront jamais les pieds et qui vont nous dire comment réorganiser la société. Je n'accepte pas non plus votre propre position quand vous dites: Je ne suis pas tellement important, mais en tout cas, je vais vous dire... Personnellement, je n'ai pas été éduqué de cette façon et je ne me suis

jamais demandé si j'étais important ou non. Quand je voulais faire quelque chose, je le faisais. Si vous croyez vraiment ce que vous professez, formez un mouvement et commencez à faire en sorte que d'autres gens vont penser comme vous. Je crois que c'est possible, d'ailleurs. Il y a des exemples de partis politiques qui, il y a dix années, n'existaient pas et qui existent maintenant. Je pense qu'on peut donner cela comme exemple de gens qui se sont regroupés. C'est vrai et je l'accepte. Pour ma part, ce que je n'accepte pas de ce que vous avez dit, c'est que je crois que là où vous péchez le plus, c'est que vous dites que ce n'est pas possible de changer la société.

M. Jurdant: Non.

M. Fortier: Non, mais vous comptez sur d'autres pour faire cela.

M. Jurdant: Non.

M. Fortier: Je vous dis: Ne comptez pas sur d'autres, faites-le vous-même.

M. Jurdant: Non, je pense que je me suis mal expliqué ou que vous m'avez mal compris. Ce dont j'ai peur, c'est de tomber dans l'éternel piège qu'il faut faire l'éducation populaire. Dans le domaine de l'écologie et de l'environnement, on entend toujours cette chanson, mais je pense que ceux qui doivent être éduqués - et je parle de l'éducation émotive, c'est pour cette raison que j'ai parlé de l'éducation émotive, manuelle et sociale des élites, des universitaires, entre autres. Je ne peux pas concevoir que, par exemple, encore aujourd'hui, quand on évalue un travail d'un étudiant au niveau de la maîtrise ou au niveau d'un diplôme de fin d'études, on évalue cela uniquement en fonction de son intelligence. On n'évalue pas l'émotivité ou les aspects sociaux qu'il peut mettre dans son travail. Ces critères n'entrent pas en ligne de compte dans l'évaluation qu'on fait des gens qui vont, somme toute, devenir des technocrates, qui vont être amenés à prendre des décisions. C'est pour cela que les technocrates ont pris le pouvoir. Je pense que l'éducation, il faut la faire en haut, pour une fois.

M. Fortier: J'ai un peu de difficulté à saisir votre image de technocrate parce qu'il faudrait s'entendre sur une définition de technocrate.

M. Jurdant: Je suis un technocrate.

M. Fortier: Ah, oui? Qu'est-ce que c'est, un technocrate? C'est quelqu'un qui sait plus de choses que d'autres ou quoi?

M. Jurdant: Un technocrate, c'est la catégorie des gens dans notre société qui prennent des décisions au nom de la science et de la technique et qui pensent que parce que la science... Ce sont des gens qui appliquent le scientisme.

M. Fortier: Ce que vous venez de dire, cela va à l'encontre de mes propres convictions. Je vais vous dire qu'une des raisons pour lesquelles je suis venu en politique, c'est parce que je me suis aperçu qu'en tant qu'ingénieur il y a bien des décisions qui étaient prises et qui n'étaient pas prises par les ingénieurs. Prenez tous les problèmes énergétiques de l'Alberta; la décision n'est pas prise par les ingénieurs. Il y a un tas d'ingénieurs dans le moment qui attendent que les politiciens s'entendent pour faire démarrer les projets de l'Alberta et finalement, les décisions sont prises sur la place publique par les politiciens. Je ne sais pas si vous appelez cela des technocrates. Si on s'en remettait uniquement à des compagnies, les projets seraient lancés depuis trois ou quatre ans. C'est le processus démocratique de faire en sorte que ceux qui sont élus par le peuple ou qui peuvent influencer l'opinion publique prennent des décisions aussi importantes. Je crois que, dans un certain sens, ma venue en politique est justement l'expression du fait que les technocrates ne prennent pas les décisions, à mon avis. Les décisions sont prises sur la place publique. (22 h 30)

C'est pour cette raison que, dans une très grande mesure, je suis d'accord avec le débat public parce qu'il faut que les décisions prises par les politiciens reflètent dans une très grande mesure une acceptation, une "acceptabilité" des décisions par la population. Il faut, dans ce sens, l'avoir, mais à cet égard je comprends que le débat public que vous demandez et que, pour ma part, j'acceptais et qui était un débat public sur les différentes formes d'énergie... Mais vous, ce n'est pas tellement le débat que vous voulez avoir. Le débat public que vous voulez avoir, c'est sur les différentes formes de sociétés qu'on devrait préconiser au Québec.

M. Jurdant: Mais vous parlez des technocrates. Je pense que vous êtes peut-être - j'émets l'hypothèse - un exemple vivant d'un technocrate qui veut prendre le pouvoir.

Des voix: Ah! Ah!

M. Fortier: On va conclure là-dessus.

Le Président (M. Jolivet): Merci, M. Jurdant.

M. Bérubé: Et aussi un exemple vivant de technocrate qui ne veut pas perdre le pouvoir, j'imagine?

Des voix: Ah! Ah!

Le Président (M. Jolivet): M. Jurdant, au nom des membres de cette commission, nous vous remercions pour votre mémoire. J'invite donc les membres de cette commission à être présents demain matin à 10 heures pour la poursuite de nos travaux.

(Fin de la séance à 22 h 32)

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