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(Dix heures dix-huit minutes)
Le Président (M. Jolivet): A l'ordre, s'il vous
plaît! La commission de l'énergie et des ressources est à
nouveau réunie pour la deuxième journée aux fins
d'entendre les personnes ou organismes qui veulent faire des
représentations relativement au plan d'équipement et de
développement 1981-1990 de la Société
Hydro-Québec.
Nous avons, comme membres de cette commission: M. Bérubé
(Matane), M. Biron (Lotbinière), M. Bordeleau (Abitibi-Est), M. Ciaccia
(Mont-Royal), M. Desbiens (Dubuc), M. Fontaine (Nicolet-Yamaska), M. Fortier
(Outremont), M. Grégoire (Frontenac), M. Perron (Duplessis), M. Tremblay
(Gouin).
Les intervenants sont: M. Brochu (Richmond), M. Dussault
(Châteauguay), M. Giasson (Montmagny-L'Islet), M. Lévesque
(Kamouraska-Témiscouata) remplacé par M. Brassard
(Lac-Saint-Jean), M. Mercier (Berthier), M. Michaud (Laprairie), M. Rancourt
(Saint-François), M. Samson (Rouyn-Noranda).
Le rapporteur de la commission est toujours le député de
Duplessis, M. Perron.
Au moment où nous nous sommes quittés hier, nous avions
annoncé - je le répète pour les besoins de l'ensemble des
gens qui sont ici présents - l'ordre de présentation des
mémoires. Je vais nommer l'ensemble des gens qui vont passer aujourd'hui
et je les appellerai à tour de rôle ensuite: l'École
polytechnique (École d'ingénieurs), la
Confédération des syndicats nationaux, BP Canada, Gaz
Inter-Cité Québec Inc., le Centre de recherche de sciences de
l'environnement, Gaz Métropolitain Inc., la Société
d'électrolyse et de chimie Alcan Ltée (pour dépôt
seulement) et, finalement, M. Michel Jurdant.
Avant de passer la parole au premier groupe de l'École
polytechnique, à la suite d'une demande qui m'a été faite
par le député de Rouyn-Noranda hier concernant la limitation du
temps au regard des numéros du règlement que nous
possédons, je dois dire, comme je le disais lors d'une autre
décision hier, que l'article 160 n'est là que pour les projets de
loi ou les crédits. La coutume veut que l'article 118-A, qui a
remplacé d'autres articles de l'ancien règlement, du fait qu'il
ne fallait peut-être pas réécrire tout ce que la coutume
nous apportait comme habitude... Cela pour vous dire que selon l'ancien
règlement - c'est ce qui a d'ailleurs été appliqué
lors de la commission parlementaire sur la loi 101 ainsi que la commission
parlementaire sur la constitution - la coutume était la suivante,
inscrite dans le règlement. Je le lis pour les besoins et les
bénéfices de tout le monde: "La durée limite
allouée à chaque personne ou groupe pour un exposé
sommaire de son mémoire est de 20 minutes et le temps alloué aux
membres de la commission pour la période des questions est de 40
minutes, réparties équitablement entre les partis. Ces
périodes peuvent être prolongées si la commission le juge
à propos."
C'est la recommandation que je faisais hier aux membres de cette
commission, à savoir que le partage du temps soit de 20 minutes maximum,
en disant que si les groupes ou les personnes qui viendront devant cette
commission utilisent moins de 20 minutes, il est entendu qu'il y aura plus de
temps pour les questions. On invite donc les gens à faire un
résumé de leur mémoire ou encore à le
présenter le plus rapidement possible, mais d'une façon ou d'une
autre, chaque groupe ou chaque individu aura un maximum de 20 minutes. Ensuite,
il restera 20 minutes du côté ministériel et 20 minutes
pour les gens de l'Opposition. À moins que je me trompe, on m'a dit
qu'on aurait une répartition 15-5 du côté des membres de
l'Opposition. Nous avons aujourd'hui sept mémoires. Le maximum qu'on
pourrait aller chercher, toujours en étant quand même très
large et très souple dans l'utilisation du temps, c'est un maximum de
sept heures pour passer l'ensemble des sept mémoires qui seront entendus
aujourd'hui.
Cela vous donne la façon dont on va procéder durant les
cinq prochains jours.
Je demanderais aux membres de l'École polytechnique (École
d'ingénieurs) représentée par M. Roger-P. Langlois, de
bien vouloir s'approcher. Pour les besoins de chacun des membres de cette
commission ainsi que le journal des Débats, je vais lui demander de nous
présenter les membres qui l'accompagnent.
M. Langlois.
Mémoires École polytechnique
M. Langlois (Roger-P.): Merci, M. le Président, M. le
ministre, MM. les députés. J'ai avec moi les collègues
suivants: à ma gauche, M. Armand Patenaude, professeur au
département de génie mécanique de l'École
polytechnique, M. Yvon Gervais, directeur du département de génie
électrique, immédiatement à ma droite, M. Laurent Amyot,
directeur de l'Institut de génie nucléaire de l'École
polytechnique, et M. André Leclerc, directeur du département de
génie civil de l'École polytechnique.
Avec votre permission, M. le Président, je vais procéder
tout de suite à la lecture de notre mémoire. Nous sommes une
pépinière d'ingénieurs et singulièrement de
spécialistes qui, au sein d'Hydro-Québec, de la
Société d'énergie de la Baie James ou de bureaux
d'études, travaillons à bâtir l'avenir de
l'électricité dans le contexte énergétique
québécois. Nous sommes heureux de répondre à votre
invitation, M. le ministre. En apportant notre témoignage à la
commission parlementaire sur le plan d'équipement 1981-1990
d'Hydro-Québec, nous intervenons à plusieurs titres. Nos
programmes d'enseignement et de recherche nous amènent depuis longtemps
à diffuser et à développer les connaissances sur la
technologie de l'électricité et des ouvrages hydrauliques.
Notre institut de génie nucléaire, créé en
1970, demeure la seule entité universitaire au Québec qui oeuvre
dans le secteur des centrales à fission. Les énergies
redécouvertes et les techniques d'économie d'énergie
manifestent une présence sans cesse croissante dans nos plans
d'études. Enfin, dans le cadre de notre orientation d'enseignement en
énergie, notre école s'intéresse aux aspects
multidisciplinaires du problème général de
l'énergie. Il convient au surplus de rappeler la participation de nos
chercheurs à des travaux de prospective énergétique pour
le compte de l'OPDQ et d'Hydro-Québec, de même qu'aux
études réalisées par le comité
québécois de l'hydrogène.
Devant la stratégie que propose HydroQuébec pour la
décennie 1980, l'École polytechnique se perçoit donc
à la fois comme spectateur et comme acteur. Institution universitaire,
il lui incombe d'effectuer une analyse critique sous l'aspect particulier de sa
compétence, analyse de propositions susceptibles d'exercer un impact
socio-économique considérable sur l'avenir de la
collectivité. Pourvoyeur de ressources humaines et de connaissances
spécialisées, il nous appartiendra de contribuer plus ou moins
directement à l'exécution du plan approuvé par les
instances gouvernementales.
Certes, la qualité de la planification à
Hydro-Québec est trop bien connue pour qu'un jugement d'ensemble, en
particulier, quant à la procédure, soit autre qu'élogieux:
il s'agissait là d'un immense défi relevé avec l'expertise
consommée dont cette grande société d'État nous a
donné l'habitude. Sauf exception, les commentaires s'adresseront
davantage à certaines prémisses qui sous-tendent
l'établissement du plan et aux conclusions qui en découlent.
L'articulation entre, d'une part, le marché du travail et de la
technologie que touche immédiatement le plan d'Hydro-Québec et,
d'autre part, l'université, qui alimente ce marché, fera
naturellement l'objet d'une attention spéciale.
La prévision de la demande. L'époque des extrapolations
tendancielles paraît définitivement révolue. C'est sur la
base d'études prévisionnelles où se recoupent diverses
méthodes prospectives et qui font interagir un nombre relativement
élevé de variables explicatives qu'on a évalué la
demande d'énergie d'abord, puis à l'intérieur de celle-ci,
la consommation probable d'énergie durant la période de
référence.
Si la technique est irréprochable, on peut tout de même
s'interroger sur la distance des horizons temporels considérés.
En effet, pour déterminer un plan d'équipement couvrant la
décennie quatre-vingt, il est assez étonnant qu'on n'ait pas
jugé essentiel de jeter un coup d'oeil au-delà de 1996. Les
changements radicaux qui s'annoncent dans la technologie de l'offre aux
environs de l'an 2000 sembleraient imposer une projection plus lointaine,
même au niveau de la demande. Non seulement les délais
d'implantation ont-ils tendance à s'allonger, mais encore s'agit-il
antérieurement de mettre en place des infrastructures, de former du
personnel, dans une mesure que l'absence d'une prospective à longue vue
ne permet nullement de préciser.
On se souviendra, à cet égard, que le livre blanc du
gouvernement du Québec pour une politique québécoise de
l'énergie, "Assurer l'avenir", publié en 1978, n'étudiait
en détail que la période 1978-1990. Dans son mémoire de
janvier 1980 qui commentait ce document, l'Ordre des ingénieurs du
Québec souhaitait un élargissement des perspectives. On aurait
gagné, y lisait-on, à étendre la période d'analyse
au-delà de l'an 2000.
Quant à la demande d'énergie, timide quant à
l'intervalle de temps envisagé, les prévisions de la demande
énergétique le paraissent également quant au taux
postulé de croissance. À première vue du moins, il est
déconcertant que le Québec, dont le taux d'industrialisation
n'est pourtant pas très élevé, se voie attribuer un
pourcentage annuel de croissance énergétique de 2% qui est
inférieur à celui des États-Unis ou de l'Europe, du moins
selon les chiffres cités par Hydro-Québec.
Durant les quinze années qui suivent, l'augmentation totale de la
consommation se situerait alors nettement en deçà de 50%. La
répartition entre les grandes filières
énergétiques, le pétrole, le gaz, le charbon
et l'électricité, se conforme aux objectifs fixés a
priori par le gouvernement.
La sécurité de l'approvisionnement, par un recours maximal
aux ressources autochtones, ressort à l'évidence comme le
critère principal de distribution. Dans la conjoncture actuelle, il est
vraisemblable que cette politique axée sur un effacement
accéléré du pétrole n'entre pas en conflit avec la
recherche de moindres coûts. Seul le gaz naturel peut, sous ce rapport,
inspirer quelque réserve.
On peut logiquement se demander si la part qui lui est attachée
correspond au maximum souhaitable ou réalisable. N'est-il pas surprenant
que ce combustible, selon les estimations fournies, ne parvienne pas à
effectuer une pénétration majeure sur le marché du
chauffage domestique? On songe aux évaluations de l'Office national de
l'énergie selon lesquelles le taux d'insertion du gaz naturel dans les
habitations présentement chauffées au mazout et dans les nouveaux
immeubles pourrait atteindre de 40% à 50% dès 1984. Or, ce
scénario, bien que décrit brièvement dans les documents
produits par Hydro-Québec, ne semble pas se mériter un haut
degré de crédibilité. (10 h 30)
La demande d'électricité. La prise en ligne de compte des
économies d'énergie et d'électricité,
précise Hydro-Québec en réponse aux questions du
gouvernement, est "à la fois prudente et légèrement
optimiste." Sans doute doit-on se féliciter qu'un effort massif soit
ainsi déployé afin de réduire le gaspillage et d'augmenter
le rendement énergétique particulièrement bas du
système socio-économique québécois. En dépit
de caractéristiques défavorables liées au climat, aux
distances, au mode de vie, à la structure industrielle, il est
indéniable qu'une rationalisation de la dépense
énergétique s'impose au Québec. D'ailleurs, la
flambée des coûts ne peut qu'inciter à l'épargne.
Néanmoins, l'expérience relativement malheureuse des programmes
d'isolation thermique dans le secteur résidentiel n'invite-t-elle pas
à la circonspection?
Certes, jusqu'à 1988, les surplus d'énergie
électrique seront disponibles à l'exportation justement parce que
le ralentissement de l'économie et, dans une certaine mesure, les
économies d'énergie entraînent une révision à
la baisse des besoins prévisibles. On peut juger acceptable ou non une
expansion volontaire de la production aux fins des ventes à
l'étranger. Il apparaît, en tout cas, beaucoup plus confortable de
faire face à des excédents potentiels qu'à des
déficits difficiles et coûteux à combler en temps utile.
L'absence d'une marge de manoeuvre n'inspire-t-elle pas quelque
inquiétude? Des contraintes trop rigides ne risquent-elles pas
d'institutionnaliser la récession?
Encore une fois, le gaz naturel offre peut-être un moyen de
relâcher la pression exercée sur l'électricité. Une
question vient en corollaire: Malgré le rôle dominant que lui
confère sa charte dans le secteur général de
l'énergie, la position d'Hydro-Québec est-elle clairement
démarquée au regard des divers organismes à l'oeuvre dans
le domaine particulier des hydrocarbures?
Les programmes d'Hydro-Québec. Les installations, la technologie
et les ressources humaines constituent les trois volets du plan
Hydro-Québec sur lesquels porteront nos remarques subséquentes.
Les investissements pour toute la période d'analyse ne seront
mentionnés qu'à l'occasion, sans qu'ils se rangent sous une
rubrique distincte.
Les installations. Chacun trouvera sain, impérieux même,
que l'hydraulique continue de recevoir la priorité absolue dans la
stratégie de la décennie en cours. Tant les avantages
intrinsèques de cette filière étroitement associée
au sol québécois que les possibilités qu'elle
présente en retour à l'aménagement du territoire la
recommandent de toute évidence au planificateur.
Citons pourtant: "Dans la plupart des pays développés -
surtout là où il n'y a pas de production locale de charbon -
l'énergie nucléaire représente la principale source
d'énergie électrique exploitable à long terme. C'est cette
forme d'énergie qui a été retenue comme source de
référence pour mesurer la rentabilité du potentiel
hydroélectrique québécois."
Serait-on surpris de lire ensuite, presque par voie de
conséquence: "À première vue, il pourrait sembler
séduisant d'aménager d'abord tous les sites hydrauliques dont le
coût d'aménagement est plus faible que celui des centrales
nucléaires équivalentes. Cette option permettrait peut-être
de réaliser des économies dans l'immédiat, mais,
globalement, elle constituerait une erreur. En effet, une fois
épuisées les ressources hydrauliques rentables, il faudrait d'un
seul coup fournir des efforts énormes sur tous les plans à la
fois pour arriver à lancer un programme nucléaire d'une
importance considérable. Ce rythme effréné serait
impossible à soutenir..."?
Ces dernières propositions, nous les lisons dans un dossier de
janvier 1976 sur "Le réseau d'Hydro-Québec: orientations et choix
1985-2000". Elles n'ont perdu de leur force, ces propositions, que dans la
mesure où l'option nucléaire aurait été non pas
mise en veilleuse, mais plutôt rejetée définitivement. Mais
le nouveau plan sur lequel se penche aujourd'hui la commission parlementaire ne
parle plus de "transition harmonieuse et sans heurt". Il ne se
réfère de fait au nucléaire qu'avec une extrême
discrétion. Presque tout l'hydraulique meilleur marché que le
nucléaire est maintenant inscrit au programme 1981-1990. On accepte
du reste que la construction nucléaire diminue progressivement
durant les cinq années qui suivent et disparaisse même
complètement en 1985. Peut-on douter, comme le souligne
expressément Hydro-Québec, que "ceci risque de disperser la
main-d'oeuvre spécialisée oeuvrant dans ce domaine et, par
conséquent, de rendre une reprise éventuelle difficile"?
Le gouvernement mérite des éloges pour la transparence
qui, dans son intention, entourera les débats de la commission
parlementaire et la consultation très large qu'il effectue à
double fin de mieux informer la population et d'éclairer les
délibératins de ses représentants. Il serait impensable
qu'on élude ici la question, toute controversée qu'elle soit, de
l'énergie nucléaire et qu'on rate l'occasion de jeter plus de
lumière sur ce problème très important pour l'avenir du
Québec. Soit par les instruments classiques de la démocratie
québécoise, soit par d'autres mécanismes que le
gouvernement jugera plus appropriés, il devient urgent que les options y
soient clairement formulées et que soient mis en oeuvre les moyens
d'assurer de façon optimale le succès du choix ou des choix
finalement retenus pour la dernière décennie du
siècle.
Quant à la technologie, entre le plan des installations et celui
du développement de la technologie, on ne saurait signaler
d'incohérences majeures. Que le réseau de transport et de
distribution partage avec les nouvelles sources d'électricité la
part du lion en matière de recherches, ceci témoigne du souci de
maintenir la tradition d'excellence déjà associée en ces
domaines au nom de l'IREQ. Les longues distances que devront franchir les
lignes provenant des barrages futurs, les besoins prévisibles des
régions isolées soumises à un pétrole
déjà trop onéreux suffisent amplement à justifier
cette concentration des efforts.
Pour que prenne un relief accru cette portion du plan technologigue
reliée aux centrales thermiques, classiques ou nucléaires, il
faudra peut-être, en ce cas également, attendre que se
résorbent les difficultés d'ordre sociopolitique qui paraissent
aujourd'hui bloquer les décisions. Mais, soulignons-le,
l'enchaînement des délais, la priorité logique des travaux
à effectuer au niveau de l'acquisition des connaissances pourraient
entraîner des répercussions à longue portée. Le
passage du Québec à l'ère posthydraulique n'en serait que
davantage subordonné à un "know-how", à un savoir-faire
accumulé hors du Québec.
Entre 1981 et 1990, il est prévu que les effectifs globaux de la
recherche technologique à l'Hydro-Québec augmentent de
moitié, c'est-à-dire qu'une couple de centaines de chercheurs ou
techniciens de la recherche viennent grossir les rangs actuels. Dans son
Énoncé d'orientations et plan d'action pour la mise en oeuvre
d'une politique québécoise de la recherche scientifique,
publié l'an dernier, le gouvernement du Québec a signifié
son désir "d'assurer une organisation et une gestion du système
scientifique basées sur la pluralité et la
complémentarité des fonctions et des responsabilités."
Selon les politiques spécifiques à mettre en oeuvre à cet
effet, le gouvernement demande aux universités d'assurer la conjonction
recherche-formation et souhaite intégrer cette exigence dans des
programmes gouvernementaux d'aide à la recherche universitaire.
L'École polytechnique émet le voeu que le ministère de
l'Éducation soit sensibilisé aux besoins croissants de la
recherche dans le secteur général de l'énergie et, par le
moyen du nouveau fonds FCAC, formation de chercheurs et action
concertée, ou d'autres moyens qu'il estimerait plus à propos
favorise encore davantage et sélectivement les études au niveau
des "grades" supérieurs dans les universités du
Québec.
Quant aux ressources humaines directement associées à la
réalisation du plan des installations, elles passeront de 16,000 en 1981
à 34,500 personnes-année en 1990 pour l'Hydro-Québec, la
Société d'énergie de la Baie James, les bureaux
d'étude et les entrepreneurs. Ce doublement des effectifs tient à
la fois à l'expansion de la puissance installée et à la
taille plus modeste des projets individuels envisagés durant la
décennie en cours. Assurément, les exigences de la recherche,
qu'on vient à peine de singulariser, pâlissent devant ces nombres
dont, par surcroît, la croissance est fortement concentrée en une
période de cinq années, à compter de 1986.
Le défi posé à l'entreprise par cette augmentation
rapide de la main-d'oeuvre se répercute fatalement au sein des maisons
d'enseignement. Il importe que ces prévisions, sous une forme
désagrégée suivant les catégories
d'employés, soient portées assez rapidement à la
connaissance des institutions collégiales et universitaires afin de
rendre possibles les ajustements et les réorientations
nécessaires. La concertation s'impose d'autant plus en cette
matière que l'austérité des budgets accordés aux
universités en cette époque de récession entraîne
des coupures difficilement compatibles avec un accroissement notable de la
population étudiante dans des secteurs bien localisés de la
demande, comme dans le domaine qui nous intéresse.
Les nouveaux ingénieurs de 1986 sont présentement au
CEGEP. Bien qu'Hydro-Québec ait l'occasion de faire le plein de
spécialistes durant la première moitié, moins
trépidante, de la décennie en cours, cette constatation suffit
à rappeler derechef l'importance d'une planification à long terme
au chapitre des ressources humaines.
Le Président (M. Jolivet): II vous reste deux minutes.
M. Langlois: Les options futures. Pour scruter l'avenir un peu
plus lointain, il serait bon de nous reporter à ce graphique fort
instructif qui répartit le potentiel hydraulique du Québec non
aménagé en 1985 suivant les coûts d'aménagement des
projets. Les rapports indiqués sont pleins d'enseignement, mais leur
interprétation requiert quelques précisions additionnelles.
Par exemple, il faudra que soit confirmé par Hydro-Québec
le fait que l'usine-étalon représente vraiment le coût
minimal de l'énergie nucléaire. L'expérience ontarienne a
bien démontré que des épargnes substantielles sont
réalisables en construisant des centrales nucléaires à
tranches multiples, comportant habituellement quatre réacteurs. En
noyautant son parc nucléaire sur des centrales à un seul
réacteur, Hydro-Québec ajouterait à la série de
prototypes amorcée avec Gentilly 1 et 2 et n'aurait guère la
possibilité d'établir une base valable de comparaison
hydraulique-nucléaire du point de vue de la rentabilité. Il
faudrait avoir des précisions là-dessus.
Néanmoins, pour des raisons à caractère technique
ou sociopolitique, on peut imaginer qu'on accorde une prime à
l'hydraulique. Il conviendrait cependant - ce serait bon pour la commission -
pour éliminer tout arbitraire, que ces motifs invoqués soient
explicités et quantifiés dans toute la mesure du possible.
Enfin, une excellente étude sur les petites rivières
montre bien tout le parti que l'on peut en tirer pour l'alimentation des
réseaux isolés et sur les sites du réseau
intégré déjà dotés d'éléments
qui les rendent intéressants a priori. Tant pour ce potentiel
hydroélectrique résiduel que pour les énergies
redécouvertes, les documents d'Hydro-Québec nous en faisons le
témoignage - font preuve de réalisme.
Enfin, comme conclusions, dans le monde d'aujourd'hui et de demain et,
au premier chef, dans cette portion de la société industrielle
où se situe le Québec, l'énergie désormais assume
un rôle politique d'importance comparable à celui de la monnaie.
Depuis la guerre du Yom Kippur et les crises pétrolières qui
l'ont suivie, les gouvernements sont intervenus toujours plus massivement dans
ce secteur vital de l'économie où les lois perturbées du
marché n'assuraient plus spontanément la satisfaction des
objectifs nationaux.
Dans cette conjoncture, peut-être est-il normal que les
critères politiques déterminent dans une mesure non
négligeable et en profondeur le plan d'équipement d'une
société d'État comme Hydro-Québec. De par la nature
même de ses attributions, HydroQuébec doit évoluer entre
deux pôles caractérisés par les degrés minimal et
maximal d'implication gouvernementale. L'existence même de cette
commission parlementaire qui examine les propositions d'Hydro-Québec
atteste la résolution de définir un juste point
d'équilibre entre ces deux positions extrêmes, ce qui
répond le mieux, nous sembie-t-il, aux exigences du présent.
En résumé, c'est dans un esprit de collaboration à
cet effort commun auquel est convié l'ensemble de la collectivité
québécoise que l'École polytechnique soumet ce bref
mémoire. Ses critiques se sont voulues constructives et ne
dérogent en rien à l'impression nettement positive qui se
dégage du plan d'Hydro-Québec. Si le gaz naturel et
l'énergie nucléaire ont prêté à des remarques
relativement nombreuses, c'est que l'école estime urgent et essentiel
que se résolvent les incertitudes liées à ces deux
filières, dont l'apport aux décennies qui viennent peut
être crucial. Quant à la formation des chercheurs et du personnel
destiné aux programmes de production, il lui paraît
éminemment souhaitable qu'une concertation s'établisse avec le
ministère de l'Éducation et les maisons d'enseignement pour
mettre en oeuvre des moyens proportionnés aux besoins.
Enfin, une dernière suggestion: il serait intéressant que
des propositions future de nature analoque à celle-ci, celle
d'Hydro-Québec, s'accompagnent d'une étude économique,
comparant les scénarios analysés sous le rapport de la
création d'emplois, de l'autarcie énergétique, de
l'incidence sur la balance commerciale du Québec, de la production
d'industries nouvelles, du rapport entre les coûts d'investissement et de
fonctionnement.
Je vous remercie, M. le Président. (10 h 45)
Le Président (M. Jolivet): Merci, M. Langlois. Tout
simplement pour les besoins des gens qui auront à présenter des
mémoires, je voudrais vous rappeler que les membres de cette commission
ont tous reçu vos mémoires, de telle sorte que quand on demande
une présentation de 20 minutes, c'est simplement pour les besoins de
résumer l'ensemble de votre mémoire.
M. le ministre.
M. Bérubé: Merci, M. le Président. Merci,
messieurs de l'École polytechnique d'avoir accepté de venir
témoigner à cette commission parlementaire qui, nous
l'espérons va nous permettre d'obtenir des réponses à un
certain nombre de questions ou au moins obtenir les balises pour orienter notre
réflexion. Il est d'ailleurs intéressant, à voir les
titres de journaux d'hier de constater que les journalistes sautent beaucoup
plus rapidement aux conclusions que la commission, puisque les journalistes
avaient déjà décidé qu'il y aurait des hausses
spectaculaires des tarifs à Hydro-Québec, alors qu'il n'y
a pour ainsi dire eu aucune discussion sur les tarifs. Au contraire, les
réflexions ont surtout porté sur la profitabilité
peut-être trop élevée d'Hydro-Québec et des moyens
à prendre pour essayer d'y remédier. L'impression qu'on a, c'est
qu'on a peut-être eu une réaction incorrecte. La discussion que
nous avons en cours présentement va nous permettre de voir un peu mieux
comment analyser le plan d'équipement d'Hydro-Québec et comment,
non pas nécessairement le modifier, mais voir venir les
véritables défis que nous aurons à relever au cours des
années prochaines si on doit réaliser ce plan
d'équipement.
Or, il y a certaines choses qui me frappent dans votre mémoire.
D'une part, vous proposez pour le Québec une option nucléaire, je
ne dirais pas d'égale importance avec celle de
l'hydroélectricité, mais à tout le moins, vous parlez d'un
secteur nucléaire important au Québec qui permettrait de
développer l'expertise et les connaissances.
J'aimerais aller un peu plus à fond dans ce débat et voir
comment interpréter certaines parties de votre mémoire. D'une
part, vous dites: Les objectifs d'économie d'énergie sont
peut-être gonflés. On constate que les programmes
d'économie d'énergie n'ont pas atteint les objectifs
désirés. Lorsque je regarde les prévisions du
ministère de l'Énergie et des Ressources ici au Québec, on
propose pour l'horizon en question des économies d'énergie de
l'ordre de 28%. Lorsque l'on consulte les projections de Energy, Mines and
Ressources du Canada, on trouve 29%. Lorsqu'on examine les projections
d'Hydro-Québec, on est à 17%. Cependant, lorsqu'on va
également consulter les producteurs de gaz - nous en avons un certain
nombre qui vont témoigner - on s'aperçoit qu'alors que le
ministère de l'Énergie et des Ressources propose dans le
résidentiel 7,4%, les gaziers proposent des économies
d'énergie de 16,8%. Dans le résidentiel, 17,2% pour notre
ministère, et 21,1% pour les gaziers. En d'autres termes, beaucoup
d'intervenants proposent des niveaux d'économie d'énergie
beaucoup plus substantiels qu'Hydro-Québec, et même souvent, plus
importants que le gouvernement le prévoit.
J'aimerais que dans votre réponse, vous essayiez peut-être
l'analyser sur quoi vous fondez votre opinion concernant le potentiel des
économies d'énergie, sur quelle analyse cela a-t-il
été effectué par vos chercheurs universitaires.
Également, quand vous parlez de l'échec des programmes
d'isolation, je pense que nous avons pu hier le souligner, en 1978, il y avait
eu 7000 demandes au programme d'isolation des maisons, ce qui est passé
à 24,000 en 1979, et à 50,000 en 1980: en d'autres termes, une
progression très rapide. On peut donc parler d'un changement de
mentalité très réel. On peut être porté
à poser une conclusion erronée suivant qu'on regarde les chiffres
de 1978 ou les chiffres de 1980. On n'a pas du tout la même
réponse.
Donc, j'aimerais que vous élaboriez un peu ce problème des
économies d'énergie qui aura un impact assez important sur la
prévision de la demande. Lorsque vous parlez également de
pénétration du gaz, vous soulevez, premièrement, le fait
que le gouvernement ne voudrait pas une pénétration
particulièrement rapide du gaz. D'abord, j'aimerais savoir d'où
vous détenez ce renseignement qui ne me paraît pas correct,
strictement dans les faits. Le gouvernement a déjà fait part de
sa volonté d'éliminer la taxe de 8% sur le gaz naturel, de
manière justement à faciliter sa pénétration
dès que nous aurions les volumes de gaz disponibles.
Deuxièmement, nous avons négocié avec l'Alberta une
politique de prix sur le nouveau gaz entrant au Québec de manière
à faciliter sa pénétration et même subventionner
à 100% les conversions au gaz naturel. On doit constater, en ce qui a
trait aux objectifs qui étaient poursuivis, que, si une demande
était déposée à la fin de 1979-1980 pour la
pénétration du gazoduc au Québec, l'ONE ne l'a
approuvée qu'en mars, que les cartes détaillées permettant
de déterminer la localisation du gazoduc n'ont été
disponibles qu'en avril 1980 et qu'il m'apparaissait assez difficile, dans ces
conditions, de toute façon, de pouvoir dire que l'on terminerait en 1980
la pénétration du gazoduc au moins jusqu'à Québec.
De fait, en 1981, il est possible, suivant les prévisions initiales, de
passer le gazoduc. Donc, on ne voit pas ce qui retarde présentement la
pénétration du gaz naturel. J'aimerais donc que vous
élaboriez un peu de ce côté-là.
Le dernier point que j'aimerais vous voir aborder, c'est le suivant: si,
effectivement, des prévisions d'économie d'énergie que
posent plusieurs organismes se réalisaient, si, également, le gaz
naturel pénétrait plus rapidement, s'il y avait une meilleure
évaluation des coûts du nucléaire... On constate
qu'Hydro-Québec prend des marges d'imprécision de l'ordre de 20%
pour les coûts du nucléaire. Évidemment, il ne faudrait pas
voir comment cela s'est réalisé dans les faits puisqu'on
découvrirait que cette marge de 20% est largement trop faible et que
c'est d'ailleurs ce qui s'est produit dans à peu près tous les
projets de construction de centrales si ce n'est possiblement les constructions
de Pickering, il y a quelques années; mais vous pouvez peut-être
détailler là-dessus. Donc les marges de précision
concernant les prix du nucléaire supposées par
Hydro-Québec sont très faibles alors que les marges de
précision dans les
projets hydroélectriques, où on n'en est pas encore au
stade d'avant-projet, mais où on en est aux études
préliminaires, sont, évidemment, beaucoup plus
élevées, de l'ordre de 50%. Ce qui pourrait laisser entendre
qu'un bon nombre de projets hydroélectriques pourraient s'avérer
plus économiques que le nucléaire.
Dans ces conditions, ne serait-on pas justifié de proposer
d'attendre de voir si ces chiffres se réalisent et, par
conséquent, de maintenir un moratoire qui pourrait, cependant, prendre
l'allure d'un maintien au Québec d'un programme minimal dans le secteur
nucléaire, ce qui avait été approuvé par le Conseil
des ministres, de manière à ne jamais faire disparaître
l'expertise au Québec qui nous apparaît essentielle puisque ces
choix sont quand même non définitifs? Mais à part le
maintien d'un programme qu'on pourrait qualifier de minimal - je ne sais pas
comment vous pourriez définir ce que vous verriez, vous, comme programme
minimal pour maintenir au Québec une certaine expertise adéquate
pour l'avenir -compte tenu qu'il y a un potentiel hydroélectrique
possiblement plus élevé que l'on prévoit, compte tenu que
les coûts du nucléaire sont peut-être plus
élevés que l'on prévoit, compte tenu que les
économies d'énergie sont peut-être supérieures
à celles que l'on prévoit et compte tenu que le gaz pourrait
pénétrer plus rapidement que l'on prévoit, ne serait-on
pas justifié de parler d'un moratoire reporté d'année en
année concernant le nucléaire?
Le Président (M. Jolivet): M. Langlois.
M. Langlois Le ministre vient de nous poser de bonnes questions.
Bien sûr, nous ne sommes pas un bureau d'ingénieurs-conseils, nous
ne sommes pas Hydro-Québec même. Nous sommes un groupe de
professeurs et de chercheurs dans le domaine de l'énergie. Je pense que
nous allons pouvoir vous apporter les réponses qui, normalement,
découlent de notre compétence.
Je pense que, dans le cas de la question que vous avez posée
concernant l'économie d'énergie, le professeur Patenaude aurait
quelques commentaires à faire. Pour la question de la
pénétration du gaz, à savoir si on devrait maintenir un
moratoire si certaines prévisions se réalisaient, M. Amyot
pourrait aussi élaborer une réponse.
Le Président (M. Jolivet): M.
Patenaude.
M. Patenaude (Armand): Concernant les questions de conservation
d'énergie, lorsqu'on a mentionné l'expérience acquise dans
le secteur résidentiel en ce qui concerne le programme d'isolation,
c'est relativement malheureux. Ce qu'on voulait dire, en réalité,
c'est que le citoyen jusqu'à présent ne peut évaluer
l'importance relative des divers points de consommation, surtout en ce qui a
trait à l'aspect chauffage. Est-ce que les déperditions sont dues
à la conduction à travers les murs, le toit, les parois
vitrées ou encore le sous-sol, ou est-ce que réellement les
déperditions sont attribuables à l'infiltration d'air à
l'intérieur même des bâtiments? Jusqu'à maintenant,
aucun organisme n'a publié de façon méthodique de quelle
manière un propriétaire peut envisager le problème,
corriger le problème de façon méthodique, en prenant
l'année de construction de son bâtiment, par exemple. Si vous
n'avez pas de tels outils, chacun essaie de corriger au mieux de ses
connaissances, mais sans nécessairement corriger les bons points d'abord
ou les points qui seraient les plus rentables, au point de vue
économique, pour le consommateur lui-même. Ce qui voudrait dire...
Oui.
Le Président (M. Jolivet): C'est correct. Allez-y.
M. Patenaude: En termes de solutions, ceci exigerait que les
consommateurs aient les outils nécessaires pour pouvoir évaluer
leur consommation énergétique et ne pas s'engager à droite
et à gauche pour trouver des solutions partielles. D'accord, on
économise l'énergie, mais à des coûts très
élevés.
Il y a aussi un autre point. Bien que la consommation ou que les
produits qui entrent dans la fabrication d'une maison rencontrent
habituellement les normes des organismes comme la SCHL ou l'office des normes
du gouvernement canadien, l'installation de ces produits peut détruire
complètement le bien-fondé des normes. Actuellement, les produits
en vente au Québec sont éprouvés en laboratoire, mais cela
ne veut pas dire que, lorsque mis en place, les propriétés de ces
produits sont gardées. Donc, s'il n'y a aucune surveillance de
construction de la part de l'organisme intéressé au domaine
énergétique, cela ne veut absolument rien dire. On n'a
qu'à penser au cas des fenêtres mal installées, par
exemple; vous avez simplement investi de l'argent, mais sans corriger votre
problème énergétique.
Pour ce qui est de la question des isolants mousses, la stabilité
dimensionnelle de ces produits peut faire qu'après un certain temps le
produit rétrécisse et les propriétés d'isolant sont
complètement perdues. Donc, le produit, tel que vendu initialement, a
des propriétés, mais est-ce qu'il garde ces
propriétés dans le temps? Là-dessus, il n'y a pas
grand-chose qui soit connu de la part du consommateur. Il y a perte de
propriété d'isolation; le polyuréthane, par exemple, se
déprécie en fonction du temps. Si on achète quelque
chose qui vaut un prix initialement, même si les normes
établissent les propriétés du produit, après 28
jours, après 2 ans, après 5 ans, après 20 ans, quelles
sont les propriétés du produit? Ces choses devraient être
connues de la part du public en général.
Le Président (M. Jolivet): M. Amyot.
M. Amyot (Laurent): Si vous le permettez, je vais m'adresser
d'abord aux deux questions qui touchent le nucléaire et qui, en
réalité, sont assez étroitement reliées. Il y en a
une, d'abord, qui s'adressait à la place de l'énergie
nucléaire et l'autre à l'urgence de prendre une décision
à ce sujet.
Quant à la place de l'énergie nucléaire,
l'école polytechnique ne s'est pas prononcée et je ne crois pas
que ce soit son rôle de se prononcer quant au bien-fondé de
l'option nucléaire. Il me semble qu'il appartient à la population
dans son ensemble et à ses représentants de déterminer
quel devrait être le rôle joué par l'énergie
nucléaire. Ce sur quoi l'école polytechnique peut se prononcer,
émettre une opinion, c'est sur les conséquences possibles d'une
attente trop prolongée quant à la prise de décision,
conséquences qui pourraient placer le Québec dans une situation
telle que le choix nous deviendrait ultérieurement impossible,
très coûteux, ou extrêmement difficile.
Pourquoi a-t-on besoin de prendre une décision assez rapidement?
Hydro-Québec déjà, dans son exposé, attire
l'attention sur le fait que les délais de construction sont relativement
longs et que si on prétend installer une centrale ultérieure
à Gentilly III vers 1995, 1996, les décisions doivent se prendre
en dedans de quelques mois à partir de maintenant, parce que les
délais de construction sont maintenant de l'ordre de douze à
quatorze ans. (11 heures)
II apparaît, dans les prévisions d'Hydro-Québec, un
trou dans les projections de la main-d'oeuvre qui sera affectée aux
chantiers vers 1985. Il est clair qu'avec une situation telle que
celle-là, Hydro-Québec ne pourra pas très facilement
récupérer le personnel spécialisé affecté
à la construction des centrales et que la notion de programme minimal
dont parlait M. le ministre pourrait être affectée dans sa
réalisation.
Pour qu'on ait la possibilité à un moment donné de
démarrer un programme de quelque envergure, il faudrait qu'on dispose de
ressources humaines et d'infrastructures adéquates.
Dans les circonstances actuelles, avec l'incertitude qui entoure tout le
secteur nucléaire, on ne voit pas très bien comment il serait
possible de sensibiliser de jeunes ingénieurs québécois
à s'insérer de façon suffisante dans un secteur comme
celui-là ou à s'y maintenir, quand ils y sont
déjà.
On observe déjà effectivement, maintenant, des pertes en
quantité non négligeable dans le personnel attaché
à HydroQuébec et on observe déjà maintenant des
difficultés de recrutement assez prononcées dans le secteur de
l'enseignement pour autant que les domaines du génie relié
à l'application de l'énergie nucléaire sont
concernés.
On observe également que le contenu québécois de
l'entreprise nucléaire risque de souffrir et a déjà
souffert considérablement du moratoire. Alors qu'il y a quelques
années, on pouvait citer des chiffres de l'ordre de 45% pour le contenu
québécois des centrales de type Candu construites ici ou
ailleurs, en Ontario ou sur le marché international, les chiffres que
reproduit maintenant Hydro-Québec ne sont plus que de l'ordre de 25%. On
pourrait s'attendre logiquement que ce contenu continue de baisser à
mesure que le temps passe, si effectivement l'entreprise ne peut pas
prévoir un marché local suffisamment développé au
Québec. Elle sera naturellement encline à déménager
plus près de son marché le plus considérable, celui de
l'Ontario.
Il est vrai que les organismes situés au Québec
s'intéressent également au marché international. Il est
vrai aussi que le marché international ne risque pas de se
développer énormément, si, à l'intérieur
même du Canada et au Québec en particulier, on démontre
relativement peu d'intérêt envers cette option.
Je pense que j'ai touché un peu à tout. Peut-être
que j'ai oublié quelques points, vous pouvez peut-être me les
rappeler.
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.
M. Bérubé: Uniquement, très rapidement,
j'aime souligner que j'ai beaucoup apprécié les remarques que
vous avez faites concernant les programmes d'isolation des maisons. Je suis
entièrement d'accord avec vous. Je voyais M. Bourbeau, le
président du conseil d'administration d'Hydro-Québec, avec un
grand sourire, puisqu'il dit: Nous l'avons la réponse à vos
interrogations.
De fait, vous avez parfaitement raison, il faut que le citoyen
québécois puisse aller à un endroit où il
bénéficiera d'une action-conseil qui lui dira quels sont les
travaux véritablement utiles sur sa maison et que ce consultant soit un
consultant indépendant qui n'est pas lui-même en conflit
d'intérêts, puisqu'il vend les services, d'une part, et,
également, il faut que l'on puisse surveiller la qualité des
travaux et à ce moment-là effectuer les correctifs, si ceux-ci
s'avèrent nécessaires, à la lumière des
réflexions que vous avez faites. Je suis entièrement d'accord
avec votre réflexion, je n'ai aucune
divergence de vues.
Concernant le nucléaire, je n'ai pas vraiment la réponse
et j'aimerais avoir votre opinion. Quel serait le programme minimal dans le
secteur du nucléaire qui nous permettrait de maintenir, si vous voulez,
un noyau d'activité avant d'avoir franchi la barrière de
potentiel, puisque vous êtes sans doute thermodynamieien? Je ne vous
demande pas l'escalade en flèche et la croissance folle, je vous demande
le noyau minimal, juste sous critique, qui nous permette à un moment
donné de nous engager dans le nucléaire, si on en sent le besoin?
Je ne parle pas de 200 ingénieurs l'année prochaine, de 600
l'année d'après, de 1400 l'année suivante et de 3600
ingénieurs nucléaires ensuite, parce que, là,
évidemment, si vous me proposez cela, on s'en va carrément dans
le nucléaire. Je vous pose la question: Quel est le noyau minimum que
vous considérez comme viable dans le secteur du nucléaire?
Le Président (M. Jolivet): M. Amyot, je vous demande de
raccourcir votre réponse parce que le temps du ministre est
terminé.
M. Bérubé: Quant au départ,
évidemment, des gens qui quittent la profession du nucléaire,
vous n'êtes pas sans savoir que certains s'engagent en politique.
Le Président (M. Jolivet): M. Amyot.
M. Amyot: D'abord, je pense qu'il faut bien reconnaître que
le programme est extrêmement loin d'être optimal. Vous avez fait
allusion tout à l'heure à la situation de Gentilly II à ce
propos. Il faut bien se rendre compte que Gentilly II est effectivement un
prototype et que s'il y a eu dépassement par rapport aux estimations
initiales, une bonne partie de ce dépassement peut d'abord être
attribué à l'inflation. On observe un facteur de l'ordre de 3
pour l'augmentation du coût projeté de Gentilly II par rapport aux
estimations initiales. Or, pour la Baie James, ce n'est pas loin de là
non plus. L'inflation entre donc pour beaucoup là-dedans.
Il y a eu aussi des incertitudes - et c'est sur cela surtout que je vais
insister maintenant - qui sont liées au fait que Gentilly II est un
prototype. Si donc on parle d'un programme minimal, il faudrait qu'on s'adresse
à un programme minimal qui donne une chance d'acquérir la
technologie à son niveau le plus avancé et pour cette raison,
cela veut dire ne plus construire de prototype dans le cas du Québec,
mais s'adresser plutôt à des réalisations qui ont
déjà fait leurs preuves dans une province comme celle de
l'Ontario. Bruce, autant que Pickering, a conduit à des prix de
l'énergie qui étaient relativement bas en Ontario et
actuellement, on projette une centrale à Darlington qui a d'excellentes
chances de conduire à des coûts qui ne vont pas être
sensiblement différents de ceux qu'on a déjà
observés. Si Hydro-Québec s'adresse à la construction
d'une centrale de type Darlington, que la construction de ces centrales
à tranches multiples se fait à des délais suffisamment
courts pour qu'on puisse se tenir au fait de la technologie, ce serait ma
définition d'un programme minimal. Je ne crois pas que le Québec
pourra se satisfaire d'un tel programme parce qu'il m'apparaît
extrêmement douteux que dans la période postérieure
à 1995, il y ait d'autres sources d'énergie qui viennent
disponibles en des quantités suffisamment importantes pour
répondre à la demande qui se profilera à cette
époque. Vous me demandez une définition d'un programme minimal.
Ce serait celle-là, dans l'optique où il y aurait d'autres
sources d'énergie qui s'avéreraient plus économiques vers
1995.
Le Président (M. Jolivet): Merci. M. le
député d'Outremont.
M. Fortier: Merci, M. le Président. Au départ, je
voudrais souligner que, dans votre mémoire, il est fait allusion au fait
qu'il y a une certaine ambiguïté. Cette commission parlementaire a
été convoquée pour discuter du programme
d'Hydro-Québec pour les dix prochaines années. Plusieurs des
intervenants, dont l'École polytechnique, ont dit et disent que,
justement, il est impérieux que l'on discute du programme
énergétique à très long terme. J'aimerais que vous
précisiez votre opinion là-dessus. Vous dites, bien sûr: II
faudrait aller plus loin que 1996. On se souvient qu'à toutes fins
utiles, le livre blanc qui a été produit en 1978 s'arrêtait
en 1990. Je crois qu'après 1990 on prévoyait une demande
énergétique globale, pour le Québec, de l'ordre de 1%,
alors qu'Hydro-Québec nous dit que c'est de l'ordre de 2%. La politique
nationale de l'énergie parle de 1,9%. Il est certain qu'il est
impérieux de le définir, mais j'aimerais que vous disiez
pourquoi. Vous avez parlé de formation personnelle. Vous parlez
d'ingénieurs, mais en plus de cela, bien sûr, - et ce n'est
peut-être pas le rôle de l'École polytechnique - il y a
toute la question de la formation du personnel dans le domaine de la
construction et, bien sûr, les ingénieurs ont un rôle
à jouer là, dans le domaine de la fabrication comme telle, dans
la formation des techniciens. Quand on pense au contrôle des
qualités qui sont requises dans le domaine du nucléaire,
j'imagine que toute la formation du personnel est impérieuse.
Il y a également le programme de recherche et de
développement, l'acquisition de know-how, la formation
d'ingénieurs-praticiens, parce qu'on sait que ce n'est pas
suffisant de former un ingénieur qui sort de l'École
polytechnique; cela prend à peu près dix ans après cela.
J'aimerais que vous mettiez cela en perspective. Vous me disiez: Compte tenu de
toutes ces données, pour quelle raison est-il impérieux de
prendre une décision maintenant? Est-ce possible, réellement, si
on prend la recherche et le développement, d'avoir un programme de
recherche et de développement réellement adéquat si on ne
sait pas dans quelle direction on s'en va?
Le Président (M. Jolivet): M. Amyot.
M. Amyot: Je pense que le député d'Outremont a
déjà répondu partiellement à la question qu'il a
posée en indiquant que la pression se ferait surtout au niveau des
ressources humaines et des connaissances. Il est un fait, à l'heure
actuelle, que dans le secteur nucléaire au Québec, on ne dispose
pas suffisamment de ressources humaines ni de connaissances pour aborer avec
toute la sérénité voulue un programme d'envergure majeure.
Si effectivement il y a des décisions qui doivent se prendre voulant
qu'après 1995 on doive passer à la réalisation d'un
programme de quelque importance, il y aura lieu de préparer des
ressources humaines en nombre suffisant pour ce faire; il y aura lieu aussi que
les universités, les centres de recherche, comme celui de l'IREQ, et
Hydro-Québec même augmentent considérablement leur niveau
d'expertise dans ce secteur.
Il faut ajouter aux délais de construction, aux délais
liés à la prise de décision, une période de
plusieurs années pour qu'on puisse, au niveau des maisons d'enseignement
d'abord, et des entreprises qui forment sur place leur personnel, des nombres
suffisants pour qu'un programme ultérieur ait quelque chance de se
réaliser.
M. Fortier: Cela répond à ma question,
excepté que j'avais posé ma question d'une façon encore
plus globale. Je n'avais pas parlé du nucléaire en particulier.
Je disais qu'il y a une nécessité de définir une politique
énergétique globale.
M. Amyot: Oui.
M. Fortier: Avant de dire qu'on va faire du nucléaire, il
faudrait situer toute l'importance des énergies nouvelles dans le bilan
énergétique, parler des économies d'énergie pour
raffiner notre tir dans ce domaine et voir quelles sont les
possibilités. Avant de parler de nucléaire, il faudrait se poser
la question à savoir s'il est réellement possible que la fusion,
au tournant du siècle, puisse faire en sorte que l'on se passe de la
fission? Ma question était plus globale, mais vous y avez répondu
quand même.
J'enchaînerai tout simplement là-dessus. Compte tenu du
fait qu'il est impérieux de définir notre avenir
énergétique, s'il fallait définir une politique
énergétique, l'an prochain, est-ce que vous croyez
sérieusement en arriver à la conclusion qu'on pourrait se passer
de la fission en misant sur la fusion?
Autrement dit, est-ce que vous croyez qu'en l'an 2000, la fusion va
être commercialement viable?
Le Président (M. Jolivet): M. Amyot.
M. Amyot: Je ne crois pas que les experts ou les protagonistes de
la fusion nucléaire prétendent actuellement qu'il y ait quelque
possibilité que ce soit pour qu'on atteigne un seuil de
rentabilité avant 2020 et 2030, en mettant tout l'effort voulu
derrière le développement de la fusion nucléaire.
On sait que des efforts considérables sont consacrés
à cette filière énergétique dans des grandes
puissances comme les États-Unis, comme l'URSS, comme le Marché
commun européen. Et pourtant, avec le programme américain qui
inclut $20,000,000,000 de développement et de recherche, d'ici l'an
2000, et des ressources aussi considérables que celle-là, on
n'entrevoit pas la possibilité d'atteindre une étape commerciale
durant le premier quart de siècle qui va suivre l'an 2000.
C'est un horizon de planification qui m'apparaîtrait logique quand
on considère des filières qui vont s'annoncer après 1995.
C'est-à-dire que bien sûr, il faudra penser au
développement de la fusion et au fait qu'il faut préparer son
avènement pour 2025. Mais il ne suffit pas de regarder jusqu'à
l'an 2000, parce que, à ce moment-là, on pense seulement aux
technologies présentes. Étant donné qu'il faudra
développer, mettre des efforts, ici-même au Québec, dans le
secteur de la fusion, étant donné qu'il faut mettre des efforts
dans le secteur des énergies nouvelles et se garder prêts à
entrer dans le secteur nucléaire, cela ne suffit pas de regarder les
vingt prochaines années, il faut regarder la période qui va
suivre pour savoir ce qu'on doit faire au niveau de la recherche maintenant, ce
qu'on doit faire au niveau de la préparation de la main-d'oeuvre
maintenant, d'où, je pense, la nécessité d'un horizon de
planification beaucoup plus étendu que celui dont on parle
maintenant.
M. Fortier: Je peux conclure, d'après ce que vous avez
dit, que la possibilité que la fusion soit commercialement disponible en
l'an 2000, c'est une panacée, que c'est aléatoire? (11 h 15)
M. Amyot: C'est presque exclu, à l'heure actuelle; cela
prendrait une percée scientifique qui est...
M. Fortier: Commercialement, parce qu'on pourrait pour l'an 2000
avoir un réacteur qui produirait l'électricité, mais je
pense au trésorier d'Hydro-Québec qui devra, en l'an 2000,
financer les investissements pour produire 2000 MW par an et qui devra aller
à New York emprunter je ne sais combien de milliards de dollars. Est-ce
que la technologie sera commercialement développée à ce
moment-là pour qu'on puisse dire au trésorier
d'Hydro-Québec: Allez à New York et empruntez des milliards de
dollars, nous sommes suffisamment avancés pour pouvoir
générer l'électricité avec cette technologie?
M. Amyot: Dans le secteur de la fusion thermonucléaire, on
en est actuellement à l'étape purement scientifique où on
essaie de réaliser ce qu'on appelle le point de "breakeven" en anglais,
c'est-à-dire un point tel qu'on va pouvoir obtenir plus d'énergie
de ce processus qu'on est obligé d'injecter pour produire la fusion
thermonucléaire.
Il y a beaucoup de gens qui croient qu'il sera possible de parvenir
à ce point durant les cinq prochaines années. Mais, après,
il y aura tous les problèmes d'ingénierie à
résoudre qui sont comparables en complexité aux problèmes
scientifiques auxquels on fait face depuis 20 ou 25 ans. On procède
actuellement à une échelle de quelques watts, il faudrait qu'on
parvienne à l'échelle de quelques milliers de mégawatts
avant qu'on puisse réussir à commercialiser un réacteur de
ce type. Or, on a affaire à des températures qui, au sein du
placement thermonucléaire, sont de l'ordre de quelques centaines de
millions de degrés et on a affaire, dans les bobines de supraconducteurs
qui servent à produire ce placement-là, à des
températures voisines du zéro absolu.
Quand on fait cela en laboratoire de façon
contrôlée, c'est déjà difficile. Faire cela de
façon routinière dans une centrale qui va fonctionner de
façon commerciale, c'est un défi énorme à relever
pour des firmes d'ingénierie. Alors, il y a peu d'espoir qu'on
franchisse cette deuxième étape avant la fin du siècle et,
ensuite, il faudra probablement ajouter une couple de décennies avant
qu'on réussisse à commercialiser le processus.
M. Fortier: Soyez assurés que je vais faire parvenir votre
déposition à M. Landry, parce qu'il n'a pas l'air de s'y
connaître beaucoup dans le domaine de la fusion. On va éclaircir
le débat une fois pour toutes. Je vous remercie.
Le Président (M. Jolivet): II y a M. Langlois qui a
quelque chose à ajouter.
M. Langlois: Concernant la formation et le perfectionnement des
ressources humaines nécessaires, il ne faut pas oublier que, dans le
système universitaire québécois, les étudiants qui
viennent des CEGEP, qui entrent dans nos programmes d'université
choisissent leurs programmes en toute liberté. Bien sûr, il y a
des programmes qui sont contingentés, mais ils choisissent selon leur
perception à eux-mêmes de ce que ce sera plus tard le
marché du travail pour eux. Un plan de développement
d'installations hydroélectriques comme celui-ci a des
répercussions énormes. Cela sera connu dans les CEGEP et cela
aura une répercussion sur la motivation des futurs ingénieurs.
C'est très important de ne pas l'oublier.
M. Fortier: Je finirai simplement pour vous dire ceci: Vous
demandez qu'il y ait un débat public sur l'avenir
énergétique et plus particulièrement sur le
nucléaire. Notre formation politique, dans son programme, a dit que nous
voulions avoir un débat public avant que toute décision
importante soit prise et nous avons bien l'intention de faire en sorte que ce
débat public ait lieu dans les meilleurs délais, avant même
que les décisions importantes soient prises pour planifier notre avenir
énergétique, puisqu'il est important qu'une décision,
avantageuse ou non, soit prise dans ce domaine pour que vous puissiez, que nous
puissions planifier l'avenir du Québec.
Je vous remercie.
Le Président (M. Jolivet): Merci. M. le
député de Nicolet-Yamaska.
M. Fontaine: Merci, M. le Président.
Je suis le député de Nicolet où sont situés
Gentilly, LaPrade et le parc industriel de Bécancour. Vu que je n'ai que
quelques minutes à ma disposition, je vais poser trois questions qui ont
rapport à ces trois sujets.
Hier, un représentant d'Hydro-Québec, en réponse
à une question que je lui ai posée concernant la centrale
Gentilly I qui ne fonctionne pas, nous a dit qu'il y avait un contentieux entre
le Québec et le fédéral à savoir qui investirait
pour mettre cette centrale en fonction. Indépendamment de savoir qui
doit investir, est-ce que vous pourriez nous dire si, d'après vous, il
serait avantageux d'investir des sommes d'argent nécessaires à la
remise en fonction de cette centrale, si cela peut être rentable de le
faire et si on doit le faire peut-être aussi au niveau de la mise en
pratique du système nucléaire.
Deuxièmement, dans le parc industriel de Bécancour, il y a
une usine qui s'appelle SKW; c'est une électrométallurgie qui
doit construire une nouvelle fournaise prochainement et, pour ce faire, demande
au gouvernement de nouveaux contrats
d'approvisionnement en électricité. Par la suite, on
pourrait, nous dit-on, avec l'eau chaude ou la vapeur qui se dégage de
ces fournaises, chauffer 300 serres. Vous en parlez dans votre document
à la page 10. Est-ce que vous auriez un conseil à donner au
gouvernement quant à la vitesse avec laquelle il devrait donner une
réponse à cette usine?
Troisièmement, quant à l'usine d'eau lourde LaPrade - je
ne suis pas un expert dans le domaine, au contraire - vous parlez dans votre
document des promesses de l'hydrogène. Je ne sais pas s'il y aurait
quelque chose à faire avec l'usine d'eau lourde LaPrade à ce
niveau mais, de toute façon, est-ce que vous pensez que c'est mieux de
la conserver dans les boules à mites comme elle l'est actuellement ou
d'essayer de lui trouver une vocation nouvelle? Et s'il y a des vocations
nouvelles, quelles sont-elles?
Le Président (M. Jolivet): M. Amyot.
M. Amyot: La première question portait sur Gentilly 1.
Dans le cas de Gentilly 1, le fond de la question, c'est d'abord qu'au moment
où la centrale a été conçue par l'initiative de
l'Énergie atomique du Canada dont elle reste la propriété,
le type de centrale, le concept sur lequel la centrale de Gentilly 1 s'appuie
représentait alors pas mal de potentiel comme stade d'évolution
du concept CANDU. C'est un type différent de celui qui existe dans les
centrales ontariennes et différent également de celui qui existe
dans Gentilly 2. Avec le temps, avec le succès très
prononcé du concept CANDU de type classique en Ontario, le gouvernement
fédéral, c'est-à-dire l'Énergie atomique du Canada,
n'a pas trouvé aussi urgent de développer cette nouvelle variante
qui avait été réalisée dans Gentilly 1, d'où
sa réticence probablement à assurer le financement
ultérieur de la centrale pour la remettre en condition, la
"dépépiner", si on veut.
Du côté du Québec, il faut réaliser
qu'étant donné que la centrale a été construite aux
frais de l'Énergie atomique du Canada toute dépense
effectuée au niveau québécois qui serait inférieure
au coût normal d'une centrale pourrait conduire à des coûts
de production d'électricité qui ne seraient pas
nécessairement prohibitifs. Il reste que la question est purement
politique, elle n'est pas technologique. Je ne me crois pas
particulièrement compétent pour réagir aux aspects
politiques de la question.
Vous avez parlé de l'utilisation des rejets thermiques à
des fins agricoles. Il y a beaucoup de précédents à
l'étranger, en France, en particulier. Cela se fait de façon
quasi routinière. Je sais qu'autour du centre de Bruce, en Ontario, on a
des projets dans ce sens. Il n'y a pas de raison technologique qui nous
empêcherait de le faire autour de Gentilly. Si on n'a pas pris de
décision dans ce sens aujourd'hui, c'est lié à des causes
institutionnelles d'abord. Quel est le rôle d'Hydro-Québec dans le
domaine de la mise en marché de l'eau chaude à des fins
agricoles? C'est lié aussi à des causes socio-politiques. Quelle
serait la perception de la population autour de Gentilly à une telle
initiative? Il n'y a pas de raison d'ordre technologique qui, à mon
sens, empêcherait qu'on fasse usage de cette eau chaude à des fins
agricoles.
Quant à l'utilisation de l'hydrogène pour l'usine d'eau
lourde LaPrade, ce sont des technologies qui ne sont pas reliées
directement. Si on avait de l'hydrogène disponible en très grande
quantité, peut-être qu'il serait concevable qu'un jour on s'en
serve pour la production de l'eau lourde, mais ce n'est pas quelque chose qui
est prévisible avant le milieu du siècle prochain. Il n'y a pas
de liaison entre ces deux aspects.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Gouin, en terminant.
M. Tremblay: Merci beaucoup, M. le Président. Je voudrais
profiter du passage de M. Langlois et de ses collègues pour leur poser
quelques questions générales et faire, au début, un
commentaire général.
Le Président (M. Jolivet): M. le député, je
veux vous dire qu'il vous reste trois minutes, simplement pour vous laisser
savoir comment faire votre intervention.
M. Tremblay: Comment voulez-vous avoir un débat ouvert sur
le nucléaire si on le fait en une demi-minute?
Le Président (M. Jolivet): Allez! Posez votre question, M.
le député.
M. Bérubé: C'est un débat de trois minutes.
C'est ouvert.
Le Président (M. Jolivet): Vous aurez d'autres occasions
de poser la question à d'autres groupes, M. le député.
M. Fortier: C'est le débat du Parti
québécois.
M. Tremblay: Non, mais c'est le nucléaire. Nous avons
quand même devant nous...
Une voix: Trois minutes!
M. Tremblay: ...les dirigeants de l'Institut de génie
nucléaire, qui est notre principal noyau scientifique nucléaire
au
Québec, avec l'IREQ, et je ne crois pas que nous devrions perdre
l'occasion de leur poser des questions pertinentes sur un sujet qui est
tellement important et sur lequel tellement de gens font de la
démagogie.
Une voix: Trois minutes!
Le Président (M. Jolivet): Commencez, M. le
député, sinon, il ne vous restera plus de temps.
M. Fortier: II a déjà commencé; il a
parlé de démagogie.
Des voix: Ah!
Le Président (M. Jolivet): Allez, M. le
député.
M. Tremblay: M. Langlois, vous avez fait une profession de foi
dans les solutions politiques par rapport aux solutions économiques,
profession de foi qui montre une certaine confiance dans les politiciens,
profession que je ne partage pas tellement lorsque l'on voit des usines
à moitié complétées qui coûtent des
demi-milliards, comme celle de LaPrade, d'autres projets à moitié
lancés ou lorsqu'on voit les pénuries que les politiciens
développent par leurs décisions mal fondées. Lorsque
j'entends M. Patenaude nous dire que les consommateurs, les usagers n'ont
même pas l'information élémentaire pour prendre des
décisions économiques rationnelles, je me demande en quoi vous
fondez votre optimisme sur les décisions politiques.
D'autre part, je voulais vous demander si, compte tenu du
caractère nébuleux et un peu abstrait de cette question
nucléaire, le gouvernement a cru bon de vous demander, à vous les
spécialistes de l'Institut de génie nucléaire, des
études en profondeur sur la problématique nucléaire et sur
les possibilités que cette source d'énergie peut occuper dans le
bilan énergétique du Québec. Lorsqu'on veut prendre des
décisions éclairées, on les prend à partir
d'études bien établies et non pas à partir d'idées
préconçues ou de préjugés.
Vous avez mentionné la nécessité d'avoir une
étude économique globale pour situer cette question du
nucléaire comme les autres sources d'énergie. Je fais un peu un
lien avec votre confiance dans les politiciens. Nous constatons que nous
n'avons pas ce genre d'étude sur la table présentement même
si on a des $55,000,000,000 qui nous passent sous le nez. Nous n'avons pas
cette étude, nous n'avons même pas de politique
énergétique sur la table présentement pour discuter ce
genre de choses.
D'autre part, sur la question du nucléaire, est-ce que le
Québec possède vraiment des avantages comparatifs dans le
nucléaire? Du côté de l'hydroélectricité,
nous en avons de façon indiscutable. Du côté du
pétrole, du gaz et du charbon, nous n'en avons pas. Mais, du
côté du nucléaire, par rapport aux autres régions du
Canada, est-ce que nous avons intérêt, comme
société, à investir dans cette technologie, d'une part,
et, d'autre part, est-ce que cette technologie n'est pas disponible à
faible coût à l'intérieur du Canada si jamais, en l'an
2000, nous en avons besoin? Comprenez-moi bien! Je ne veux pas dire que nous ne
devrions pas, au niveau universitaire, avoir des centres d'étude et de
recherche qui soient à la fine pointe mondiale. D'ailleurs, le
gouvernement devrait peut-être investir davantage dans ce domaine.
Je parle en termes économiques. Est-ce que nous sommes vraiment
dans la nécessité d'investir par précaution des montants
importants sans que nous sachions, de façon définitive -
Hydro-Québec nous dit qu'elle n'est pas certaine si elle devra y aller
avec beaucoup de vitesse dans le nucléaire... Ne devrions-nous pas nous
fier à la technologie canadienne qui existe dans ce domaine et
devrions-nous aller dans ces projets de quatre réacteurs et faire appel
à la technologie canadienne en l'an 2000 ou en 1995?
Le Président (M. Jolivet): M. Langlois.
M. Langlois: C'est à l'initiative de l'École
polytechnique, à la fin des années soixante, que nous avons
demandé au ministère de l'Éducation d'autoriser la
création de l'Institut de génie nucléaire chez nous.
C'était justement pour y créer un foyer d'activité, de
recherche et d'enseignement dans ce domaine. On était moins à
l'avant, si vous voulez, à ce moment, dans l'opinion publique qu'il ne
l'est aujourd'hui. C'était en prévision d'une situation comme
celle-ci. On peut dire que le ministère de l'Éducation nous a
donc confié en quelque sorte, à ce moment, une mission qui
n'était pas explicite au point que nous aimerions l'avoir aujourd'hui,
mais cela a été reconfirmé par le Conseil des
universités dans les années 1971-1972; on a confirmé qu'en
effet Polytechnique avait une orientation en particulier dans l'Institut de
génie nucléaire. Depuis, nous avons cessé de l'appuyer
dans nos budgets dans la mesure où c'est possible de lui confier, du
moins dans l'institution même, la mission non seulement d'étudier
la question de l'énergie nucléaire, mais aussi de voir à
l'enseignement, à la recherche et au jugement universitaire qu'on doit
porter sur cette question de l'énergie dans son ensemble et en
particulier de l'énergie nucléaire.
Évidemment, les moyens de recherche sont plutôt
limités. Je peux rappeler à M. le député que ce
n'est pas seulement son comté qui a le monopole des réacteurs
nucléaires; il
y en a un autre en dehors et c'est le nôtre qui est un petit
réacteur d'enseignement et de recherche, bien sûr, mais qui est
efficace et qui fonctionne bien. C'est avec ces moyens que nous essayons de
développer, en effet, une expertise, comme disent les Américains,
dans le domaine du génie nucléaire. D'un autre côté,
il ne faut pas oublier que toute cette question de l'énergie
nucléaire - c'est justement ce que nos enseignements nous montrent - ne
peut s'apprécier aujourd'hui et dans l'avenir que dans l'ensemble de
toute la question énergétique, de tout le panorama
énergétique, si vous voulez que l'ensemble de l'École
polytechnique, par exemple, dans le domaine de la technologie peut offrir.
C'est justement, je pense, dans la bonne perspective qu'il faut la placer.
Par contre, on ne touche pas tous les secteurs d'activité
économique, bien sûr, la même chose. Si on demande qu'une
étude soit faite ainsi, ce n'est pas qu'on pense que cela doit nous
être donné. C'est qu'il faut que les instances compétentes
puissent la faire. C'est dans ce sens qu'on voulait intervenir. Peut-être
que M. Amyot, maintenant, pourrait, si vous le permettez, M. le
Président, ajouter à ceci en ce qui concerne
spécifiquement l'orientation de nos travaux en énergie
nucléaire.
Le Président (M. Jolivet): En terminant, justement, M.
Amyot.
M. Amyot (Laurent): M. le député a fait allusion
aux rôles respectifs du secteur politique et du secteur économique
dans les décisions relatives à l'énergie nucléaire.
Je pense qu'il est devenu évident que les décisions prises par
rapport à l'énergie nucléaire relèvent aujourd'hui
du secteur politique. Il y a un moratoire auquel on fait face
présentement qui n'est pas imposé pour des raisons purement
économiques. Il faut reconnaître cette évidence et c'est le
rôle, je crois, de l'Assemblée nationale, des représentants
de la population de prendre cette décision. Quant aux aspects
économiques, on a suffisamment d'exemples autour de nous, en Ontario, en
particulier, que l'énergie nucléaire représente une option
viable - elle occupe actuellement un tiers du secteur de
l'électricité en Ontario - qu'on n'a pas besoin
nécessairement d'en refaire la preuve indépendamment. C'est
déjà quelque chose qui est acquis à l'heure actuelle.
Quand on nous parle de la nécessité d'établir un programme
minimal pour nous permettre de nous insérer, ici au Québec, dans
ce secteur, il ne s'agit pas ici de reprendre à zéro
l'expérience acquise ailleurs au Canada. Il serait nécessaire,
par contre, qu'on ait de notre personnel québécois apte à
traiter les problèmes associés au moins à l'exploitation
de ces centrales et de façon normale à leur conception.
Même s'il s'agissait d'acheter, clé en main, des centrales
construites en Ontario, cela ne soustrairait pas grand-chose au fait qu'ici
même on devrait avoir développé une compétence
suffisante pour être capable d'opérer ces centrales et,
éventuellement, de prendre la relève. Il y a eu des
précédents dans d'autres pays où on a
procédé de cette façon; l'Allemagne de l'Ouest et la
France font maintenant compétition aux Américains au niveau
mondial dans le secteur même d'une filière que les
Américains ont développée.
Le Président (M. Jolivet): Merci à M. Langlois et
à ses collègues. Au nom de la commission, je vous remercie
d'être venus nous donner votre opinion. J'inviterais maintenant la
Confédération des syndicats nationaux, représentée
par M. Clément Gaumont et je vois aussi M. Norbert Rodrigue.
Confédération des syndicats
nationaux
Si je comprends, c'est M. Norbert Rodrigue qui sera le porte-parole.
M. Rodrigue (Norbert): Si vous n'y avez pas d'objection.
Le Président (M. Jolivet): Je n'ai pas d'objection; sur ma
feuille, c'était inscrit M. Gaumont. Pourriez-vous me présenter
maintenant les personnes qui vous accompagnent?
M. Rodrigue: Très bien. M. le ministre, M. le
Président, MM. les membres de la commission, j'aimerais d'abord
effectivement vous présenter les camarades qui m'accompagnent: à
ma gauche, Sylvio Gagnon, président de la Fédération des
travailleurs de la métallurgie, produits chimiques et mines; à ma
droite, Kémal Wassef, directeur du Service économique et de
recherche; Yvon Leclerc, président de la Fédération des
travailleurs du bâtiment et du bois, ainsi que Georges Cantin,
président de la Fédération des travailleurs du papier et
de la forêt.
Une stratégie pour la décennie 1980, signée
Hydro-Québec 1980, prévoit des investissements de l'ordre de
$55,500,000,000 pour la construction d'une nouvelle centrale de production
hydroélectrique pour le transport et le réseau de distribution
d'électricité et pour le développement technologique que
cette société d'État se propose d'entreprendre ou
d'étendre dans le cadre du mandat général que lui attribue
la loi.
Au point de départ, nous voudrions souligner qu'il est opportun
de noter les efforts d'analyses mises de l'avant dans le
cadre de ce programme de dix ans conçu par Hydro-Québec.
Cet effort d'ouverture est unique et significatif. Il correspond, quant
à nous, à une démarche maintes fois réclamée
par le mouvement ouvrier, la CSN en particulier, c'est-à-dire la
transparence des activités des entreprises privées et
publiques.
Pour étudier et apprécier le programme proposé par
Hydro-Québec, le gouvernement a choisi de réunir la commission
parlementaire de l'énergie et des ressources. Humblement, quant à
la CSN, ce choix est discutable, puisque personne n'a encore en main tous les
éléments essentiels au choix que feront les
Québécois en ce qui concerne leur avenir
énergétique.
Ainsi, à l'étude de la stratégie proposée
par Hydro-Québec, il est difficile de ne pas constater que
l'intérêt public en regard de toute la question
énergétique est traité fondamentalement du point de vue de
l'intérêt principal de cette société, de sorte que,
pour la CSN, la stratégie soumise par Hydro-Québec correspond
à un plan agressif de production et de vente d'un produit, un plan qui
laisse peu de place à d'autres sources énergétiques tout
aussi fiables que l'électricité. De plus, l'intérêt
public, en ce qui regarde particulièrement les tarifs futurs de vente
d'électricité, en est absent.
La stratégie soumise par Hydro-Québec ne tient pas
véritablement compte des autres filières
énergétiques disponibles et de leur coût, notamment le gaz
naturel.
De plus, nulle part, dans la stratégie qui est formulée,
il n'est question des tarifs précis qu'entraînerait à
court, à moyen et à long terme, l'adoption d'un plan de
développement des ressources électriques et de leur impact sur
les revenus des Québécois et l'économie du Québec.
Pourtant, selon Hydro-Québec, 30% des investissements nécessaires
ou $16,000,000,000 devraient être souscrits par les usagers de cette
ressource pour entreprendre ce vaste programme qui doit plus que doubler les
capacités de production électrique installées au
Québec. Même en tenant compte des revenus additionnels provenant
des conversions d'autres formes d'énergie vers
l'électricité, la facture des ménages du Québec va
nécessairement augmenter à un rythme qui dépasse les taux
d'inflation projetés pour la décennie. Hydro-Québec est
muette sur ce sujet. Je voudrais souligner à M. le ministre, avec tous
mes respects, que nous sommes portés à donner plus de
crédibilité aux projections des journalistes qu'au mutisme
d'Hydro-Québec sur cette question.
Au chapitre de la conservation et du recyclage, comme il n'existe pas
encore de politique québécoise précise dans ce secteur
pour forcer les sociétés et les fabricants à diminuer
leurs exigences énergétiques en propre et celles de leur
appareils et équipements produits pour la consommation, la
stratégie soumise par Hydro ne tient compte que d'un faible niveau
d'économie réalisable, soit 17% de la consommation de 1978 en
1996.
La CSN trouve illusoire une partie de la présente consultation,
d'autre part, qui porte sur la construction de centrales
hydroélectriques prévues pour la période 1981-1985,
puisque celles-ci sont déjà autorisées. Pour le reste du
plan d'aménagement, il est essentiel d'obtenir d'Hydro-Québec,
des autres producteurs et du ministère concerné des
éclaircissements et des données supplémentaires qui ne
sont pas disponibles présentement.
Afin de formuler une véritable stratégie
énergétique pour le Québec, la CSN invite la commission
parlementaire et le gouvernement du Québec à recevoir sans plus
la stratégie proposée par Hydro pour la période 1985-1990
et à organiser un débat public autour des orientations de
développement énergétique futur.
Ce débat devrait être confié à des
intervenants différents et appropriés, selon les étapes
qu'il y aurait à cerner, par exemple, l'inventaire de l'ensemble du
potentiel énergétique québécois et des coûts
de développement, la projection de la demande d'énergie, compte
tenu des efforts réalisables d'économies possibles, projet
d'intervention et exécution. La stratégie soumise par
Hydro-Québec prétend répondre à l'ensemble de ces
étapes.
Les enjeux énergétiques du Québec. Placés
devant les hausses successives et importantes des prix pétroliers
internationaux, dont le prix moyen pondéré se situe entre $38 et
$40 du baril, et le programme canadien d'augmentation annuelle du prix du
pétrole qui doit doubler en quatre ans, les Québécois
doivent faire des choix en regard de leur orientation énergétique
future.
Ces choix s'accompagnent d'une insécurité grandissante des
approvisionnements pétroliers à venir puisque les territoires
québécois et canadien contiennent peu ou relativement peu de
gisements de pétrole conventionnel. Et, de plus, les
Québécois font face à une hémorragie constante de
leur balance de paiement de l'ordre de $3,000,000,000 sur une base annuelle -
prix de 1980 - pour combler les besoins énergétiques
associés à cette ressource.
Les choix alternatifs en matière de source d'énergie
fiable techniquement sont multiples au Québec, mais non
illimités. Les possibilités à cet égard sont: la
poursuite du développement de l'hydroélectricité, le
recours à la filière nucléaire de fission et le recours au
gaz naturel.
D'autres filières énergétiques ont fait leur
apparition: le solaire, la biomasse, etc. Toutefois, ces nouvelles
filières ne peuvent atteindre rapidement un usage
généralisé et
sont difficilement comparables au degré de fiabilité et
d'application des filières traditionnelles.
Le choix des Québécois se complique quand on
dépasse le critère de la fiabilité technique des sources
d'énergie alternatives. En effet, des critères
économiques, sociaux et environnementaux interviennent, qui doivent
être connus et faire l'objet d'une appréciation
particulière, surtout dans le cas de la filière
nucléaire.
C'est pourquoi la stratégie soumise par Hydro-Québec doit
faire l'objet d'une consultation populaire. De plus, nous revendiquons la mise
sur pied d'une commission d'étude et de recherche indépendante
qui aurait pour but d'alimenter tout le débat sur la question
énergétique, notamment pendant le moratoire sur le
nucléaire, afin que les conditions pour un véritable débat
public soient remplies. À notre avis, tant que la consultation populaire
n'est pas terminée sur le nucléaire, HydroQuébec ne doit
pas procéder ou ne devrait pas procéder à aucune
installation de ce type.
Telle que soumise, la stratégie d'Hydro-Québec a pour
objet de restreindre le recours au gaz naturel pourtant très abondant au
Canada et ailleurs et, comme conséquence, de hâter
l'aménagement de l'ensemble des rivières et bassins
hydrographiques aménageables au Québec et assurer, dès
l'an 1990, l'implantation graduelle du nucléaire de fission.
C'est le choix d'Hydro-Québec! Est-ce le choix de l'ensemble des
Québécois?
Il est à noter que la stratégie d'Hydro-Québec ne
tient pas compte des critères économiques, sociaux et
environnementaux. Cette stratégie est-elle acceptable
économiquement, socialement et sur le plan de l'environnement?
Il est reconnu que les investissements nécessaires au
développement des ressources électriques sont importants. Selon
les experts de Gaz Métropolitain, les sommes nécessaires pour
développer une capacité de 1000 pieds cubes de gaz naturel est
2,5 fois moindre que la capacité équivalente en kilowatts
d'électricité. Pourtant, Hydro-Québec réserve,
selon ses projections, 12% au gaz naturel, alors qu'il est plus proche de 25%
au moment où nous parlons.
Il faut donc croire que ce sont des choix politiques ou encore plus
simplement la volonté d'Hydro-Québec qui freineraient la
pénétration du gaz naturel au Québec. À quel prix
pour les Québécois? Et à quel rythme
s'élèvera l'endettement de l'État?
Le projet de doubler et de tripler la capacité de distribution de
gaz naturel au Québec est associé au prolongement du pipeline
gazier de l'Ouest vers l'Est et à l'exploitation des gisements gaziers
de la mer de Beaufort, dans l'Arctique. Les retombées économiques
et industrielles d'une telle diversification permettraient, même à
des coûts comparables, de développer des régions du centre
du Québec plutôt que des sites très
éloignés.
Hydro-Québec a un mandat principal: elle doit fournir de
l'énergie électrique aux usagers, aux citoyens qui en font la
demande, aux entreprises commerciales et industrielles, aux administrations
publiques. Il est évident que, dans ces conditions, la stratégie
formulée par Hydro-Québec répond à une forte
demande d'énergie par un plan de croissance de l'offre
d'électricité exclusivement.
Par contre, il appartient, croyons-nous, au gouvernement et au
ministère concerné de soumettre un plan de développement
des ressources énergétiques du Québec. Il y va des
responsabilités ministérielles et gouvernementales à ce
chapitre.
L'exercice auquel s'est livré le prédécesseur de M.
Yves Bérubé, M. Guy Joron, pour aboutir au livre blanc sur
l'énergie, n'a pas été très loin, quant à
nous, et la CSN tient à souligner particulièrement la
nécessité d'accélérer la recherche technologique en
ce qui a trait aux énergies douces et renouvelables. La CSN estime que
le budget de $1,500,000,000 à ce chapitre n'est pas suffisant, compte
tenu des investissements globaux réalisés au cours de la
décennie dans ce secteur. Au plan de l'exécution des travaux
liés à tout le développement énergétique du
Québec, la CSN estime que toute la conception des travaux autant que
leur surveillance et leur inspection devrait être réservée
aux sociétés d'État engagées dans le secteur
énergétique, notamment Hydro-Québec. On pense qu'on
dépend assez des Américains dans d'autres domaines, il faut, dans
ce domaine-là, avec l'expérience qu'on a acquise, pouvoir voler
de nos propres ailes un peu.
Je vous fais grâce de la lecture de l'autre page, mais je vous
fais remarquer que nous avons des points d'interrogation sur la croissance de
la consommation globale et, bien sûr, sur la problématique du
choix des sources énergétiques. Voyons un peu les hausses de
tarifs cependant, parce que cela nous semble important. (11 h 45)
Les stratèges de la stratégie d'Hydro-Québec pour
la décennie quatre-vingt se gardent bien d'établir clairement les
hausses successives et importantes de tarifs que devront subir les
Québécois. Il s'agit essentiellement d'augmentations semblables
à celles qu'ont connues les abonnés d'Hydro au cours des
années passées, peut-on lire dans les documents
d'Hydro-Québec.
Depuis 1974, la hausse moyenne des tarifs d'Hydro-Québec a
été de 9,7% en 1975, 8,5% successivement en 1976 et 1977, un bond
de 17% en 1978 et 13,8% en 1979.
De plus, la hausse du prix de la dernière tranche de consommation
a été de 13,6% en 1975, 12% en 1976, 10,7% en 1977, 22,6% en 1978
et 15,8% en 1979. C'est un peu plus haut que l'inflation.
Le programme d'investissement de $55,500,000,000 d'Hydro pour les dix
prochaines années ne peut être examiné sans égard
aux conséquences économiques dont il est porteur.
Un mot sur le recours nucléaire de fission, M. le
Président. Le moratoire imposé par le gouvernement du
Québec sur le recours à la production électrique de
centrales nucléaires de fission s'est terminé en 1980. À
part quelques déclarations ministérielles qui ont pour objet d'en
prolonger indirectement la durée, aucune décision formelle
conernant ce moyen de productin d'électricité n'est
envisagée.
Compte tenu des 5000 emplois qui sont déjà attachés
à ce secteur au Québec, il est étonnant de constater
l'absence de débat public attaché à cette option.
La stratégie proposée par Hydro-Québec
prévoit, à partir de la fin des années quatre-vingt, la
mise en construction d'une centrale thermique ou nucléaire d'une
puissance installée de 1800 mégawatts.
Ne serait-il pas temps de prévoir un débat public sur
cette question et de faire en sorte que les conditions pour qu'il ait lieu
soient mises en place immédiatement. À notre avis, Hydro ne doit
procéder à aucune installation de ce type tant que le
débat ne s'est pa tenu. En conséquence, le moratoire actuel,
quant à la CSN, doit être prolongé.
Devant l'absence d'hydrocarbures dans son bilan
énergétique, le Québec - on va regarder un peu le
recyclage et la conservation - doit adopter rapidement de nouvelles attitudes
en regard de la question énergétique. Afin d'éviter les
atteintes à l'intégrité physique humaine et
environnementale ainsi que l'accroissement des dépenses
énergétiques dans l'économie et la population, une
politique de conservation et de recyclage doit être formulée.
C'est la responsabilité très stricte du gouvernement qui,
à cet égard, n'a pas pris les moyens suffisants pour
l'établir clairement.
Dans le contexte actuel, Hydro prévoit que l'ensemble des
économies d'énergie du Québec en 1996 ne
représenterait que 17% du niveau de consommation de 1978. Par secteur de
consommation, les économies d'énergie projetées seraient
de 1,7% en ce qui concerne la consommation résidentielle, 5% à la
consommation commerciale, 10% à la consommation industrielle, en
comptant les autoproducteurs tels que l'Alcan et Price.
Il est possible de comprendre l'importance des campagnes de
sensibilisation entreprises auprès des Québécois pour
réduire leur consommation énergétique
résidentielle; toutefois, ces campagnes n'ont aucune commune mesure avec
les véritables possibilités d'économie d'énergie
que les sociétés de fabrication d'automobiles et d'apareils
ménagers que les usagers commerciaux et industriels seraient
susceptibles d'introduire, parfois, à des coûts ridiculement
bas.
Le gouvernement du Québec et HydroQuébec ont pris des
mesures en ce qui concerne la formulation de normes d'isolation pour la
construction nouvelle résidentielle et commerciale. Cependant, des
mesures concrètes et importantes d'économies d'énergie
seraient réalisables si une réglementation sévère
obligeait les fabricants d'appareils ménagers et de moyens de transport
à améliorer l'efficacité énergétique de
leurs systèmes.
De plus, des mesure précises devraient être mises en
vigueur en ce qui concerne l'usage commercial et industriel d'énergie
où le gaspillage est encore plus marqué en raison surtout du prix
peu élevé des ressources énergétiques.
Dans les industries des pâtes et papiers et les industries de
production de métaux, il faut souligner qu'en bénéficiant
de tarifs énergétiques extrêmement bas par rapport à
leurs concurrents du Sud et d'outre-mer, le gaspillage des ressources
énergétiques du Québec frise le délire.
En Europe et aux États-Unis, les moulins à papier
utilisent de plus en plus la ressource forestière de façon
optimale, tandis que l'utilisation de la forêt québécoise
est minimale. Ainsi, au Québec, la récupération des
déchets d'abattage, des déchets de la production, le recyclage de
papier sont peu pratiqués. Pourtant, la vapeur et
l'électricité engendrées par la combustion des
déchets et l'économie liée au recyclage pourraient
réduire considérablement les besoins énergétiques
des industries forestières et papetières.
Afin de hâter les mesures d'économies d'énergie, la
CSN réclame l'abolition des tarifs privilégiés des gros
consommateurs industriels dont la production, en règle
générale, est exportée sous forme de matériau
primaire. Ces tarifs, à l'avenir, devraient tenir compte du prix de
l'énergie payé par leurs concurrents
d'outre-frontière.
Le gaspillage de l'énergie est plus marqué chez les
autoproducteurs comme Alcan et Price, qui jouissent du privilège de
posséder en propre des droits sur plusieurs rivières du
Québec et des capacités de production
d'hydroélectricité indépendante. La compagnie Alcan, la
plus importante, n'a pas de plan pour réduire systématiquement sa
consommation énergétique dans les usines existantes. Dans un laps
de temps déterminé, elle entreprendra des changements en regard
des procédés électrolytiques et ses installations en
fonction du vieillissement de ses usines. De plus, le nouveau
procédé mis
en place à l'usine de La Baie ne permettra d'économiser
que 15% de l'énergie concernée présentement, alors que les
alumineries d'outre-frontières ont développé des
procédés qui permettent d'économiser 30% de
l'énergie requise actuellement.
En février 1977, devant la commission parlementaire de
l'énergie et M. Guy Joron, la CSN avait réclamé la
nationalisation des pouvoirs de l'Alcan afin de mettre un terme à
quelques-uns des privilèges que cette compagnie possède au
Québec, notamment l'accès à une ressource
énergétique rare dont le développement est coûteux.
À cette époque, la CSN avait estimé la rente de situation
de l'Alcan par rapport à ses concurrents à $64,000,000.
En mars 1977, un groupe d'ingénieurs d'Hydro-Québec avait
estimé cette rente à $200,000,000 en 1980. Le ministre Joron,
très démagogiquement, à notre avis, avait refusé de
débattre le fond de cette question et s'était même
employé à démontrer qu'une telle rente n'existait pas
puisque les profits de l'Alcan n'étaient pas élevés. En
1981, nous avons des petites nouvelles: les profits de l'Alcan ont
dépassé le demi-milliard de dollars.
Le gouvernement du Québec n'a pas nationalisé les pouvoirs
de l'Alcan, le ministre des Finances, M. Parizeau, a doublé les
redevances de tous les autoproducteurs. On trouve que ce n'est pas suffisant
et, en conséquence, en 1981, la CSN réclame la nationalisation de
tous les autres autoproducteurs du Québec. Les revenus de la vente
d'énergie à ces producteurs pourraient permettre d'étaler
le remboursement des entreprises visées par la nationalisation.
Toutefois, comme en 1977, si le gouvernement choisit de relever une nouvelle
fois les redevances des autoproducteurs, cette fois, pour la CSN, il ne peut
agir qu'en récupérant la rente de situation de ces entreprises.
Si un montant égal ou équivalent à $200,000,000
était ainsi récupéré, l'impact des augmentations de
tarif pour l'ensemble des usagers résidentiels pourrait être
réduit pendant de nombreuses années et on pense que cela pourrait
diminuer les coûts pour la population, quand on considère
cela.
Nous proposons ce choix, à notre demande initiale, parce qu'on
prévoit déjà la défense que vous ferez probablement
de l'entreprise Alcan. Quant à nous, c'est important, même si cela
peut faire rire. C'est important fondamentalement pour les usagers, la
population, le petit peuple, je veux dire, pas dans le sens péjoratif,
mais ceux qui travaillent, qui ont peu de revenu et qui doivent payer des taux
d'électricité très élevés, ainsi que des
paniers de provisions très élevés, qui sont
affectés par l'inflation beaucoup plus que vous et moi. On doit l'avouer
humblement. Dans ce sens, nous trouvons que c'est important.
Je voudrais terminer, M. le Président, en espérant entrer
dans mes 20 minutes, parce que c'est $4,500,000,000 de la minute, si on
considère $90,000,000,000 sur dix ans, y compris l'entretien. Vous
comprendrez qu'on peut être humble, mais on peut avoir besoin aussi de
deux ou trois minutes pour s'expliquer là-dessus.
On ne peut passer sous silence les conditions rigoureuses de vie et de
travail dans les chantiers éloignés. Depuis 1978, la CSN a
exposé les nombreux problèmes vécus socialement et
individuellement par les travailleurs de la Baie James, et les nombreuses
atteintes à leurs droits et à leurs libertés. Ces
situations ont été partiellement corrigées avec
l'élargissement de la politique d'attribution de logements familiaux aux
femmes-cadres dont le conjoint n'est pas un cadre, de même que par
l'ouverture de clubs sociaux aux femmes-cadres. De même, aujourd'hui,
dans chacun des chantiers, un lieu de détente est accessible aux
travailleurs vivant dans les campements.
Toutefois, nous sommes encore loin d'être satisfaits des
politiques préconisées par la SEBJ en matière de droits
familiaux, individuels et sociaux. Les travailleurs non cadres de la Baie
James, à l'image de cet immense chantier isolé, doivent
continuellement s'exiler loin de leur famille, de leur conjoint, de leurs
enfants. De plus, même s'ils sont adultes, la SEBJ a pris en main leur
façon de vivre en réglementant les activités les plus
intimes.
Il y a de nombreuses façons d'entreprendre la construction des
ouvrages requis à la Baie James sans pour autant briser la vie
familiale, la vie sociale, la vie sexuelle des hommes et des femmes qui
contribuent, par leur force de travail, à l'aménagement des
réservoirs et des centrales hydroélectriques qui s'y
rattachent.
Évidemment, l'ensemble de ces mesures humaines et sociales
constitue un coût additionnel. Dans le projet soumis par
Hydro-Québec, malgré le feu d'artifice de $55,500,000,000 de
dépenses consacrés à la mise en chantier et à la
construction des centrales, aucune référence à
l'amélioration du sort des travailleurs de la Baie James n'est
soulevée, alors que ce sont les artisans qui montent ces barrages
à longueur d'année et dans l'isolement.
Sous le titre de Ressources humaines, dans le document
d'Hydro-Québec, on consacre quelques pages pour exposer les besoins
numériques de main-d'oeuvre au cours de la décade. Nous voulons
souligner, entre parenthèses, que cela veut dire, dans le programme
d'Hydro-Québec, entre 1982 et 1985, une baisse de main-d'oeuvre, que
nous constatons en tout cas, annoncée. On ne peut pas blâmer
complètement Hydro-Québec seule. Nous considérons que le
gouvernement
a une responsabilité très importante sur ce plan. Nous
considérons que l'élaboration d'une véritable
stratégie industrielle au Québec devrait permettre la
planification de l'emploi, la protection de l'emploi et le maintien aussi de
l'emploi dans des situations comme celles-là afin d'éviter que le
bassin de chômeurs, même s'il est nécessaire pour le
capitalisme, augmente quotidiennement ou annuellement d'une façon
importante.
Ces droits, le droit au travail en particulier, sont complètement
bafoués dans le pays en général et sur notre territoire
québécois. Aussi élémentaires que soient ces
besoins, la CSN, dans le cadre de la prolongation des travaux sur des sites
éloignés pour une quinzaine d'années, réclame pour
les travailleurs de la Baie James le droit de visite et d'établissement
au conjoint et aux enfants, le droit pour les adultes consentants d'avoir des
relations libres, le droit pour les adultes d'être responsables de leurs
activités.
Ces droits sont présentement réservés aux cadres.
Les travailleurs non cadres n'ont pas droit à la vie familiale et
à une véritable vie sociale, c'est la SEBJ qui l'a
déterminé sans tenir compte des besoins fondamentaux des
travailleurs.
De plus, les documents d'Hydro - on veut le souligner brièvement,
mais avec force aussi - ne tiennent pas compte de la spoliation du territoire
des autochtones que cette société d'État ignore
systématiquement.
En conclusion, la CSN soumet l'ensemble de ses demandes et
appréciations a la commission parlementaire dans le but de favoriser une
prise en charge des choix énergétiques du Québec par les
principaux concernés, les Québécois.
À priori, la CSN ne s'oppose pas au programme de construction des
nouvelles centrales hydroélectriques soumis par Hydro-Québec.
Toutefois, elle estime que toutes les conditions du développement
énergétique du Québec doivent être examinées
et les relations de travail dans les sites éloignés
modifiées.
Même avec toutes les réserves qui ont été
soulignées dans ce mémoire, la CSN ne met pas de
côté l'option réelle d'un développement
accéléré de ressources hydroélectriques du
Québec, compte tenu qu'une telle stratégie industrielle pourrait
permettre de dégager rapidement des surplus énergétiques
qui constitueraient un atout dans le développement des
Québécois en soi, dans la négociation avec des branches
industrielles internationalisées ou l'ouverture de marchés
extérieurs pour des produits finis du Québec. Toutefois, la CSN
insiste fortement sur la nécessité de la diversification des
ressources énergétiques québécoises, surtout devant
l'abondance du gaz naturel et des coûts relativement plus faibles de
cette ressource.
La présentation de la CSN devant cette commission parlementaire
vise également à déclencher un débat
énergétique sans lequel le gouvernement ne pourrait, à
notre avis, agir pour orienter à long terme le développement
énergétique du Québec.
Le choix de la commission parlementaire, pour nous, cela devrait
constituer l'amorce et le départ d'un débat populaire sur
l'ensemble de nos conditions énergétiques et de nos perspectives
dans ce domaine.
Le Président (M. Jolivet): Merci, M. Rodrigue.
M. le ministre.
M. Bérubé: Je pense, que du côté
gouvernemental, M. Dussault m'a demandé d'intervenir. Comme nous n'avons
que vingt minutes, je le laisserai intervenir et, s'il me reste du temps,
j'interviendrai.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Châteauguay.
M. Dussault: Merci, M. le Président et M. le ministre. Il
y a beaucoup de choses dans votre mémoire, mais celui de la CSN, on
pourrait en discuter toute une journée. Pour ma part, je vais m'en tenir
particulièrement à la proposition que vous faites à la
page 3 de votre mémoire, quand vous dites: "Afin de formuler une
véritable stratégie énergétique pour le
Québec, la CSN invite la commission parlementaire et le gouvernement du
Québec à recevoir sans plus la stratégie proposée
par Hydro pour la période 1985-1990 et à organiser un
débat public autour des orientations de développement
énergétique futur."
C'est une proposition qui est valable, mais dont il faudrait vraiment
voir toutes les conséquences. Dans ce sens, j'aurais un certain nombre
de questions à vous poser. Quelle serait la durée d'un tel
débat public sur l'énergie au Québec? Est-ce que ce
débat ne retarderait pas certaines prises de décision qui
s'avéreraient plus dispendieuses ou trop en retard à cause du
délai? Quelle serait la conséquence de ce délai sur la
sécurité d'approvisionnement des Québécois en
matière d'énergie? Que fait-on pendant la période du
débat? Cela me paraît être les questions auxquelles il
faudrait répondre pour juger de la valeur de votre proposition. J'y
reviendrai.
Le Président (M. Jolivet): M. Rodrigue.
M. Rodrigue: En ce qui concerne le débat populaire, le
débat public, la CSN propose et demande - je voudrais le souligner -
nous proposons les instruments pour le faire. Ce que nous disons, c'est qu'on
devrait confier aux intervenants, différents et
appropriés, par exemple, de faire un certain travail, je prends
le gaz, les autres sources d'énergie aussi, de façon que
l'information soit disponible et qu'on puisse dans le débat traiter de
l'ensemble de la situation. Finalement, lorsque nous affirmons que, de 1985
à 1990, au moment où nous nous parlons, le projet d'Hydro, la
commission devrait le recevoir ou le gouvernement devrait le recevoir, c'est
que nous estimons que, de 1980 à 1985, si nous sommes sérieux, si
nous voulons faire le débat, nous avons la possibilité
d'entreprendre et de réaliser ce débat sans pour autant
compromettre les projets à long terme tels que conçus par
Hydro-Québec. Nous pensons que, s'il y avait ce véritable
débat, il se pourrait que la place qu'occupe Hydro-Québec... (12
heures)
Jusqu'à un certain point, comme société,
Hydro-Québec puisque c'est sa tâche de fournir
l'électricité, peut à elle seule déterminer
l'ensemble des perspectives sur le plan de l'énergie, pour le moment.
Nous estimons que cela n'est pas suffisant. Dans ce cadre-là, notre
proposition ne vise pas à compromettre le long terme et les
intérêts des Québécois, mais vise tout simplement
à ce que les Québécois puissent s'approprier ce
débat davantage, qu'on puisse intervenir davantage et voir les
modifications ou les perspectives différentes et les choix qui
pourraient s'offrir au peuple québécois à court et
à moyen terme. Alors, cela ne vise pas du tout à geler le
développement économique du Québec de 1985 à 1990,
mais on dit: Sans ce débat, comment peut-on faire un véritable
choix? C'est cela qu'on dit.
Nous disons aussi - vous le remarquerez dans notre mémoire -
qu'en ce qui concerne la Régie du gaz, par exemple, ou d'autres
régies nous estimons que ces régies devraient avoir la
capacité ou un mandat, en quelque sorte, d'enquête similaire aux
enquêtes publiques avec des pouvoirs quasi judiciaires, dans le sens de
pouvoir faire comparaître les producteurs d'énergie du
Québec pour que ceux-ci viennent nous exposer l'ensemble de leurs
perspectives. Dans ce sens-là, on se dit: Là, le gouvernement et
les Québécois auraient le portrait de la situation et pourraient
intervenir d'une façon plus efficace, à notre point de vue, dans
l'intérêt des consommateurs québécois.
Le Président (M. Jolivet): M. le député.
M. Dussault: Du côté des travailleurs -on sait que
la CSN est un des organismes importants au Québec pour la défense
des intérêts des travailleurs - dans le plan qui nous a
été expliqué hier par Hydro-Québec, on constate
très nettement un creux du côté de l'emploi pour la
période 1981-1985. C'est là que les travailleurs risquent
d'être le plus vulnérables. On a évoqué aussi, hier,
devant cette réalité, du côté gouvernemental, une
hypothèse de devancement de travaux qui permettrait de lutter
particulièrement contre cette difficulté qui s'annonce.
Même si Hydro-Québec n'est pas un bureau de placement et n'a pas
un rôle social, comme on le disait hier, quand la conjoncture permet de
réaliser différents objectifs dans la concertation, c'est
intéressant d'essayer. Ne pensez-vous pas que, plutôt que de
tenter de faire un débat où on risque véritablement de
retarder des choses dans ce plan et que les travailleurs puissent en être
les premières victimes, il faudrait chercher du côté d'un
devancement de programme? Si vous êtes d'accord avec cela, avez-vous des
suggestions quant à ce qui pourrait être devancé?
M. Rodrigue: Nous prétendons qu'il n'y a pas
qu'Hydro-Québec au Québec et qu'en conséquence toute la
question du gaz, par exemple, l'exploitation du gaz est nécessairement
génératrice d'emplois. Dans ce sens-là, sans devancer et
sans compromettre l'avenir des Québécois, comme je le disais tout
à l'heure, mais en nous permettant de tenir le débat
général, en termes de planification, de recherche et de mise en
place de moyens de production d'énergie, nous sommes d'accord pour
regarder des projets de développement dans ces secteurs. Mais on affirme
- et on pense avoir raison - qu'Hydro-Québec, même si sa vocation,
c'est de fournir l'électricité aux Québécois, n'est
pas unique en termes d'énergie au Québec et que, par
conséquent, le gouvernement a des responsabilités pour voir
à la diversification des capacités du Québec en termes de
développement énergétique.
Alors, nous sommes, mon cher député, une centrale
ouvrière et vous comprendrez facilement que, si la CSN, tout au long de
ses 60 années d'histoire, a défendu le droit au travail et si
nous faisons actuellement une campagne et des tournées régionales
pour expliquer les conséquences, sur le plan économique et
social, de la crise dite économique au moment où on se parle,
malgré la prolifération des profits, c'est-à-dire qu'on ne
sera pas réfractaire à des projets qui vont stabiliser l'emploi,
mais attention de se renfermer, je veux dire, dans une seule et unique voie qui
s'appelle l'hydroélectricité.
M. Dussault: Évidemment, on n'est pas ici pour
débattre l'un et l'autre.
M. Fortier: On est ici pour ça.
M. Dussault: Et les députés ne peuvent pas partager
tous les points de vue. Je pense qu'il est extrêmement important de faire
un effort de devancer parce que les travailleurs sont concernés. Moi, je
fais ma petite part
de mon côté en faisant la promotion de l'Archipel qui est
un moyen de créer beaucoup d'emplois dans la région de
Montréal.
M. Rodrigue: C'est de la promotion, ça?
M. Dussault: C'est de la promotion et pour les travailleurs et
pour l'intérêt des citoyens de ma région
particulièrement. Est-ce que vous vous êtes penchés sur le
projet Archipel, qui est un des moyens qui pourraient nous permettre de
devancer des travaux? Est-ce que vous vous êtes penchés sur ce
projet? Est-ce que vous vous êtes fait une idée de ce que cela
pourrait valoir comme projet?
Le Président (M. Jolivet): M. Rodrigue.
M. Rodrigue: Ce que nous savons, puisque nous sommes capables
pour l'instant d'identifier... On doit avouer qu'on ne s'est pas encore
penché spécifiquement sur le programme en question, mais nous
savons déjà qu'il y a des conséquences environnementales
en regard de ce projet. Nous nous réservons la possibilité
d'intervenir et de commenter éventuellement ce plan.
Le Président (M. Jolivet): Merci.
M. Dussault: D'accord. Relativement au nucléaire, vous
faites remarquer au gouvernement que le moratoire est terminé
là-dessus. Si je comprends bien, cela devrait être pour vous un
des objets de ce large débat que vous vous voudriez voir. Est-ce que la
CSN a quand même une idée arrêtée sur l'utilisation
nucléaire de type fission ou si vous attendez que le débat se
fasse pour vous faire une opinion?
Le Président (M. Jolivet): M. Rodrigue.
M. Rodrigue: D'abord nous voulons entrer dans le débat
comme pleins participants. Nous estimons que nous ne sommes pas en possession
de la vérité, mais déjà nous pouvons dire que nous
sommes capables de reconnaître la capacité du nucléaire
comme producteur d'électricité. Mais les conséquences du
nucléaire sur l'environnement, sur la sécurité physique et
toutes les conséquences, je veux dire, en ce qui concerne la
capacité de garder les déchets, etc., ça là, pour
nous autres, il n'y a pas de prix dans une société comme la
nôtre et il n'y a pas de risques à prendre sur ce plan. C'est pour
cela qu'on propose un débat. On sait qu'il y a des
sociétés en Occident qui l'utilisent, mais il y a aussi des
débats importants en Europe sur cette question. Allez en France, vous
allez voir que c'est une question qui est très fortement discutée
et discutable.
Dans ce sens, nous voulons être du débat, mais nous
estimons que la population doit connaître et doit être
conscientisée sur cette question le plus possible parce qu'on
considère que c'est criminel de laisser des populations être
compromises par l'utilisation d'énergie de ce type sans qu'elles soient
bien informées et sans que les gouvernements sur le plan politique
prennent l'ensemble des précautions qu'il faut préalablement
à l'utilisation de ce type d'énergie. Cela n'a pas de maudit bon
sens. On crève dans les usines, on crève un peu partout et
là c'est rendu qu'on va crever au restaurant ou dans notre parterre de
maison. Je veux dire, il y a des vaches qui meurent d'amiantose à
Thetford, cela a pris des travailleurs qui ont dû mourir pour qu'on
puisse agir un peu. L'énergie nucléaire, on veut en discuter un
peu plus largement.
Le Président (M. Jolivet): M. le député.
M. Dussault: Pour terminer, vous avez entendu sûrement,
tout à l'heure, les représentants de l'École polytechnique
de Montréal à la suite d'une question du symbole du
nucélaire à l'Assemblée nationale; le député
d'Outremont posait une question sur les délais qu'on aurait à
vivre pour pouvoir compter sur le nucléaire, mais le type fusion, ce qui
comporte énormément moins de danger et beaucoup moins
d'inquiétude que la fission nucléaire comme telle. Est-ce que
vous avez tendance à la CSN à partager ce point de vue qu'il
faudra attendre jusqu'en l'an 2025, 2030 pour arriver à des
résultats ou si vous êtes portés à penser que,
même s'il y avait des délais assez longs, il y aurait moyen au
Québec d'utiliser différents autres moyens pour créer de
l'énergie et éviter le plus longtemps possible, en tout cas,
l'utilisation du nucléaire type fission?
M. Rodrigue: Ce sont des questions qui, selon nous, sont
contenues dans le débat. Il y a des experts ici, il y a des experts
là. Par exemple, on parle de la sécurité et de la
santé des travailleurs depuis 1949 à la CSN mais, depuis 1974, on
a découvert une foule d'experts, c'est inimaginable. Les médecins
sont tous devenus des experts en santé du travail, les ingénieurs
aussi. Dans notre société, maintenant, on n'a que des experts en
sécurité du travail.
En termes d'énergie, on a beaucoup d'experts actuellement. On
veut se confronter les uns aux autres dans ce débat. On n'a pas encore
fait de projections dans l'avenir, sur vingt ans, sur trente ans, quant aux
possibilités d'utilisation de ce type d'énergie, mais nous savons
qu'il est déjà démontré ailleurs qu'il y a des
risques importants pour une société d'utiliser ces produits.
C'est une contribution que la CSN
veut apporter sur cette question. La mission fondamentale de la CSN, ce
n'est pas de faire des recherches sur le nucléaire mais, de temps en
temps, on regarde cela parce que, quand une chose est susceptible de nous
affecter, cela nous intéresse.
M. Dussault: Merci.
Le Président (M. Jolivet): M. le député
d'Outremont.
M. Fortier: Merci, M. le Président. Je voudrais tout
d'abord féliciter la CSN pour son mémoire qui couvre une bonne
partie des préoccupations que nous avons à la commission. J'ai
pris note du fait que le ministre a cru bon de laisser la parole à un
autre député. J'imagine que le sujet est un peu trop chaud.
Étant donné que M. Joron était favorable à un
débat nucléaire et que M. Bérubé ne l'est pas, il a
pensé donner son droit de parole à quelqu'un d'autre.
Ceci étant dit, nous, nous sommes pour un examen public du
nucléaire. Nous avons pris position là-dessus et cela me fait
plaisir de vous dire que nous croyons, comme vous l'avez dit, que c'est
important que toutes les considérations de protection de
l'environnement, de sécurité, d'économie, de coûts
soient examinées à fond, avant même qu'une décision
soit prise d'aller de l'avant. Je parle de la construction de centrales
nucléaires.
Il y a l'École polytechnique et la CSN et il y a d'autres
groupements qui vont venir présenter des mémoires; plusieurs le
demandent. Je voulais simplement faire le point là-dessus pour vous dire
que nous sommes tout à fait d'accord avec votre point de vue sur ce
sujet.
Par ailleurs, je voulais aussi vous signaler que, dans notre programme,
nous sommes très sympathiques à l'idée de créer un
palier indépendant - je l'ai noté hier - du pouvoir
gouvernemental pour examiner les demandes d'augmentation des tarifs, les
contrats d'exportation et les projets d'investissements et de financement.
Ceci étant dit - je sais bien que vous n'êtes pas des
scientifiques ou des techniciens, mais vous l'avez dit, vous voulez participer
au débat nucléaire - il me semble que, dans ce débat, il y
eu beaucoup de psychose créée et c'est la raison pour laquelle la
seule façon de régler la question une fois pour toutes, c'est
d'avoir un débat. Nous, du Parti libéral, ne mettons pas cette
option de côté complètement. Nous croyons qu'avant
même de prendre des décisions dans ce domaine il faut avoir ce
débat. C'est très important.
J'aimerais poser une question. Je sais que les ouvriers sont des gens
qui ont les deux pieds sur terre, qui se préoccupent d'environnement et
qui veulent examiner ces choses-là mais, d'une façon
générale, pourriez-vous me dire si une psychose existe chez les
ouvriers ou si réellement leur point de vue, c'est de dire: Donnez-nous
l'information et, après cela, on donnera notre point de vue.
Le Président (M. Jolivet): M. Rodrigue.
M. Rodrigue: Je voudrais d'abord dire, M. le Président,
que notre mission de ce matin n'est pas non plus d'augmenter les antagonismes
sur le plan politique entre les partis. Nos intérêts fondamentaux,
c'est de voir la situation réelle.
Deuxièmement, je voudrais aussi souligner que, chez nous, chez
les ouvriers, c'est bien sûr qu'il y a des préoccupations du type
du développement économique, par exemple, un développement
économique davantage basé sur les besoins de la population.
D'autre part, les travailleurs, dans les circonstances actuelles, ce à
quoi ils sont sensibles et ce qu'ils réclament fondamentalement - c'est
pour cela qu'on a tenu à signaler l'effort d'Hydro-Québec au
début - c'est la transparence de l'entreprise. Les travailleurs
réclament la transparence, avoir l'information, la connaissance des
situations. Dans ce sens-là, ils sont intéressés,
préoccupés bien sûr par leur sort en termes d'emplois,
etc., mais ils sont intéressés à connaître la
réalité et les perspectives dans lesquelles on va s'aventurer
comme société.
Or, le débat, selon nous, doit servir à cela pour nous
permettre de faire le choix. On ne présume pas du choix qui sera fait,
on dit: Pour faire le choix, avec les informations pertinentes. (12 h 15)
M. Fortier: Ma question était plus précise.
Croyez-vous qu'un tel débat va être un débat rationnel
aussi, compte tenu de la psychose qui peut exister que le débat serait
irrationnel parce qu'il me semble que nos amis d'en face craignent que ce soit
un débat irrationnel?
M. Rodrigue: Je pense que sur ce plan, en ce qui concerne le
débat sur l'énergie en général, notamment sur le
nucléaire, les travailleurs sont capables d'être rationnels. La
psychose, effectivement, qui peut exister sur ce plan, quant à moi, ce
n'est pas une psychose, totalement. C'est un problème réel; quand
on observe les phénomènes aux États-Unis et en Europe, on
ne peut pas dire que c'est une psychose dans le sens d'autres psychoses qu'on
pourrait signaler et que je n'oserai pas énumérer ici.
M. Fortier: Autrement dit, il faut faire confiance à la
population, lui donner de l'information et voir à trancher la
question.
M. Rodrigue: Oui. Le Parti libéral aurait pu faire cela
depuis 1970 aussi.
Le Président (M. Jolivet): M. le
député...
M. Fortien Je vais passer mon droit de parole au
député de Mont-Royal.
Le Président (M. Jolivet): ...avant, il faut que je donne
la parole au député de Nicolet-Yamaska.
M. Fontaine: ...parce que vous représentez une
quantité considérable de travailleurs qui sont au service
d'Hydro-Québec et de la Société d'énergie de la
Baie James. Vous vous prononcez sur le maintien du moratoire sur le
nucléaire tant qu'il n'y aura pas de débat public
là-dessus. Vous vous prononcez également sur la vente des surplus
hydroélectriques aux voisins des États-Unis. Le programme qui
nous est proposé par Hydro-Québec démontre qu'il y aura,
si ce programme est appliqué - qu'on le veuille ou non, il va
sûrement être appliqué très prochainement, même
si vous souhaitez un débat public, je suis presque assuré qu'il
n'y en aura pas là-dessus - une stagnation au niveau du nombre d'emplois
réels pour les années 1981 à 1985. Un investissement
additionnel de $4,500,000,000 permettrait, durant ces années-là,
de pouvoir maintenir le rythme accéléré que nous
connaissons actuellement. Je voudrais que vous vous prononciez pour les
travailleurs que vous représentez de façon définitive,
à savoir si vous êtes en faveur ou non du projet
accéléré que nous avons examiné, hier. Vous avez
sans doute suivi nos débats d'hier. Vous savez de quoi je veux
parler.
Le Président (M. Jolivet): M. Rodrigue.
M. Rodrigue: Merci, M. le Président. La CSN est
taxée souvent d'être un peu particulière.
Des voix: Ah, ah!
M. Rodrigue: Je ne veux pas exagérer, mais je trouve que
les préoccupations, tout à coup, sur le sort des travailleurs
deviennent très importantes. Pendant que vous me parlez d'un projet
accéléré, sur les travaux de la Baie James ou les travaux
d'Hydro-Québec, nous nous posons le problème à savoir dans
quel type de société on va vivre demain. Pendant qu'on nous parle
d'un investissement de $55,000,000,000 plus environ $30,000,000,000 d'entretien
sur dix ans ou quelque chose comme cela, on nous annonce des coupures à
la santé; on nous annonce des coupures à l'éducation; on
nous annonce un certain nombre de mesures et les stratégies
gouvernementales dans tout l'occident, dans tous les pays riches nous indiquent
depuis cinq ou six ans qu'on va couper des dépenses d'ordre public pour
favoriser un certain nombre d'autres missions économiques.
Dans ce sens, vous comprendrez qu'on ne trouve pas et on ne voit pas de
contradiction dans notre position en disant: On va faire un débat
général. Cela ne met pas en cause 1995-1996 pour l'instant. On
pense qu'on a le temps de faire le débat pour permettre un certain
nombre de réalisations en termes de développement sur le plan de
l'énergie et, encore une fois, dans l'ensemble du problème de
l'énergie. Quand on veut investir $55,500,000,000 et qu'on coupe dans
des besoins fondamentaux comme l'éducation et les affaires sociales, on
se pose des questions aussi. Dans le projet accéléré, nous
vous disons et vous répétons qu'il y a d'autres sources
d'énergie qui peuvent être productrices d'emplois. D'ailleurs, je
pense que le gouvernement a déjà examiné ces questions.
Dans ce sens, nous souhaitons que ce soit accéléré et que
le débat se fasse de façon qu'on puisse intervenir
économiquement et en termes de développement suffisamment vite ou
rapidement pour que l'avenir du Québec ne soit pas compromis sur le plan
économique.
M. Fontaine: Mais le débat que vous proposez, vous
admettrez qu'il va prendre un certain temps et vous parlez même de 1985.
Cependant...
M. Rodrigue: Si la campagne électorale est relativement
courte, on peut le commencer tout de suite après.
M. Fontaine: Mais il va prendre un certain temps à se
tenir. C'est justement pendant cette période que les travailleurs vont
avoir à subir des hausses du taux de chômage au niveau
d'Hydro-Québec et c'est pendant cette période de temps que vous
voulez avoir un débat public.
Il me semble que, pour l'intérêt des travailleurs que vous
représentez, on devrait être en mesure d'accepter dès
maintenant -et que le débat public se tienne par après s'il le
faut - qu'Hydro-Québec puisse adopter un plan
accéléré de développement.
M. Rodrigue: Ce qu'on peut dire là-dessus, c'est qu'en
1978, je pense, il y a même un comité ministériel qui a
été mis sur pied pour regarder la planification de l'emploi dans
la construction. Nous avons proposé, dans la construction, des plans
précis en termes de construction de loyers à prix modique, etc.
La Fédération du bâtiment et du bois, ici, a proposé
un programme précis de tant de logements. On a précisément
quasiment tous les détails.
On dit, dans ce sens-là, que le gou-
vernement a la responsabilité de la planification de l'emploi,
l'élaboration d'une politique industrielle et Hydro-Québec
devrait s'insérer dans cette politique industrielle, de façon
qu'on puisse réellement et protéger et planifier et maintenir
l'emploi dans la construction. Bien sûr qu'on trouve cela fondamental.
Mais on pense que ce n'est pas dissociable ou contradictoire au fait que nous
voulions, en termes de développement hydroélectrique,
connaître davantage la situation sur le plan énergétique en
général, à moyen terme. Et le débat peut
s'organiser dans un laps de temps relativement court - je vous demande pardon,
mais je pense que c'est possible - pour nous permettre encore une fois
d'envisager de ne pas compromettre le développement économique du
Québec, et dans l'intérêt de la masse, c'est-à-dire
la population.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Mont-Royal.
M. Ciaccia: M. le Président, je suis entièrement
d'accord avec M. Rodrigue. Vous mentionnez que vous êtes
préoccupé par le genre de société que nous avons,
que nous préconisons. Je peux vous assurer qu'autour de cette table on a
aussi les mêmes préoccupations. Cependant, on croit aussi qu'il
faut avoir un minimum d'activités économiques, comme vous
l'admettez vous-même. Cela dépend de la qualité et du genre
d'activités économiques où nous allons nous diriger par
les politiques du gouvernement.
On vous a parlé tantôt du projet Archipel. On vous a
demandé combien d'emplois cela aurait créés. Le projet
Archipel, les gens de la région n'en veulent pas. Il y a eu une
pétition de 21,000 personnes qui ont signé contre. Les
autochtones qui seront affectés par un des projets n'en veulent pas.
C'est difficile d'essayer de vous demander combien d'emplois seront
perdus par un projet qui vraiment ne sera pas construit, dont les gens ne
veulent pas. Même Hydro-Québec n'en veut pas.
Mais le projet du gazoduc, vous avez soulevé la question,
où allons-nous dans le fait d'utiliser plus de gaz au Québec?
Est-ce que vous savez combien d'emplois ont été perdus, faute de
l'extension, l'année dernière, du gazoduc
Montréal-Boisbriand - cette phase est un projet de $35,000,000 - et
combien d'emplois seront perdus si le gazoduc n'est pas prolongé
après Boisbriand, par la faute de la politique du gouvernement de ne pas
choisir un distributeur? Avant de prolonger le gazoduc, il faut avoir des
distributeurs. Il peut être prolongé jusqu'à Boisbriand
parce que le distributeur est là. C'est une question que je voudrais
vous poser.
Je voudrais aussi vous poser une autre question sur les économies
d'énergie. Vous en avez parlé dans votre document. Je voudrais
vous demander si vous avez fait une étude sur l'impact sur les emplois
par les diverses formes d'énergie. Par exemple, il y a eu une
étude américaine, le Conseil sur les priorités
économiques, Council on Economic Priorities, qui a trouvé qu'avec
la conservation de l'énergie ces programmes pouvaient créer de
3,9% à 4,4% plus d'emplois pour les mêmes montants
dépensés pour la consommation de l'énergie.
Est-ce que votre organisme a fait des études d'impact sur les
emplois qui résulteraient de ces différentes formes
d'énergie, spécialement les économies
d'énergie?
Le Président (M. Jolivet): M. Rodrigue.
M. Rodrigue: Merci. Dans un premier temps, en ce qui concerne le
gaz, nos estimations ne soutiennent pas qu'il y a eu des emplois perdus, mais
qu'il y a eu, cependant, de 3000 à 4000 emplois retardés en
termes de création d'emplois.
En ce qui concerne l'énergie en général, ou les
différentes sources d'énergie, nous avons un comité
d'étude à la CSN qui a commencé à étudier
ces différents aspects dont celui, bien sûr, que vous soulevez en
ce qui concerne l'emploi comme tel, la création, la perte, etc., la
compromission.
Je voudrais dire cependant que nous observons sur le plan
général, au Québec, qu'il y a à peu près
25,000 mises à pied par année. Il y a eu 80 fermetures depuis
quatre ans, uniquement dans la juridiction de la CSN où on est
situé comme centrale syndicale. On considère que notre sort, en
termes d'emplois, est important quand on traite de la situation
d'Hydro-Québec, mais il n'est pas uniquement relié à la
situation d'Hydro-Québec et, en conséquence, sur le plan du
développement industriel, du développement économique, il
nous faut, en termes de volonté politique, agir davantage pour faire en
sorte, par exemple, que les sociétés d'État qu'on a
créées, qu'on a mises au monde depuis un certain nombre
d'années, au Québec puissent intervenir et sur le plan
économique et sur le plan du développement en termes de choix,
pour influencer les choix de développement de façon à
mieux servir la population québécoise.
Dans ce sens, la CSN a de multiples positions et revendications
concernant la Caisse de dépôt, concernant des organismes
anti-fermeture, concernant d'autres mesures comme la nationalisation de
l'épargne, même si tout le monde ne partage pas notre opinion,
alors que nos épargnes s'en vont aux États-Unis la plupart du
temps. Nous avons plusieurs perspectives de ce côté, mais il nous
semble que sur l'énergie, en tout cas, on devrait faire les efforts du
côté du gaz pour regarder concrètement ce que cela
pourrait donner à court terme.
Je vous ferai remarquer qu'Hydro-Québec, dans ses estimations,
donne une place au gaz, dans l'avenir beaucoup plus restreinte que celle que le
gaz occupe actuellement, c'est-à-dire environ 20% actuellement au
Canada, par rapport à 17% qu'on voudrait lui laisser comme place dans
l'avenir..
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Gouin.
M. Tremblay: M. le Président, je voudrais dire au
président de la CSN que son mémoire est très bien
fouillé, surtout au niveau des préoccupations et, par
conséquent, très utile à une commission et à un
débat comme celui que nous tenons.
Par contre, je me demande si vous n'avez pas un peu la partie facile,
dans le sens que vous tirez un peu, ou du moins vous semblez tirer dans toutes
les directions à la fois. Ceci se traduit peut-être par une
cohérence qui n'apparaît pas - du moins à mes yeux -
toujours évidente. Cela peut même conduire à certaines
contradictions.
Je soulève seulement deux points. Premièrement, vous
terminez, dans votre conclusion générale, en disant que la CSN
n'a pas d'objection ou, du moins, ne met pas de côté l'option de
l'accélération des investissements d'Hydro-Québec afin de
mieux étaler l'emploi. D'autre part, vous dites que ces surplus
d'énergie - parce que l'accélération veut dire surplus
d'énergie, ceci a été établi hier - ne devraient
pas être utilisés dans des usines fortement utilisatrices
d'électricité. Là, je vous demande ceci: Qu'allez-vous
faire avec ces surplus d'énergie pendant la période 1981-1988?
Est-ce que nous devrions exporter ces surplus en totalité ou si nous ne
devrions pas en garder une partie importante pour le développement
industriel, la création d'emplois et l'ouverture de nouvelles usines,
étant donné qu'il y en a eu 82 fermées dans le domaine
où vous fonctionnez? Donc, je vous pose la question, parce que si on
accélère, on va avoir des exédents. (12 h 30)
D'autre part, au niveau des tarifs d'électricité, vous
semblez déplorer les hausses présumées, annoncées
ou craintes, dans les taux d'électricité. Vous avouez ajouter
davantage de confiance aux journaux et aux journalistes qu'aux politiciens.
C'est donc une crainte que vous entretenez.
D'autre part, vous dites qu'il faudrait confisquer la rente que l'Alcan
obtient de ses 2300 mégawatts. Tout ceci indique que vous craignez une
hausse trop rapide des taux d'électricité. D'autre part, vous
dites également que vous n'approuvez pas la politique
d'Hydro-Québec de ralentir l'entrée du gaz naturel. Or, si on
veut substituer le gaz à l'électricité, il est
évident que les tarifs d'électricité devraient
s'accroître plus rapidement pour décourager la consommation. J'ai
cru hier que c'était un peu la direction dans laquelle se dirigeait le
gouvernement.
Par conséquent, je vous pose la question: Est-ce que vous
êtes davantage portés à être l'allié des
consommateurs concernant les tarifs d'électricité et, par
conséquent, favorisez-vous davantage l'implantation de l'énergie
hydroélectrique par rapport au gaz? Ou semblez-vous vous porter
davantage du côté des intentions dont ont fait part le ministre et
le gouvernement hier, à savoir de laisser les tarifs
d'électricité s'accroître plus rapidement qu'ils ne
devraient par rapport au coût de production, dans le but de laisser une
certaine place au gaz naturel?
Je pense qu'il faut écarter certaines choses. On ne peut pas tout
avoir en même temps. Je voudrais donc vous demander s'il n'y a pas une
certaine contradiction dans les objectifs que vous semblez vouloir
poursuivre.
Le Président (M. Jolivet): M. Rodrigue.
M. Rodrigue: Ce matin, la situation peut me faire sourire un peu,
parce que si on était arrivé ici avec une objection fondamentale
pour dire non à tout, on aurait dit: Tiens, c'est encore la CSN, elle
dit non à tout. On arrive ici avec une position qui essaie de tenir
compte de nos réalités économiques, sociales, politiques,
etc., on dit: La CSN ne sait pas où elle s'en va, elle tire dans toutes
les directions. Cela me fait sourire.
Je voudrais dire d'abord que nous estimons que, pour nous, il est
important que toutes les conditions du développement
énergétique soient connues pour qu'on élabore une
stratégie énergétique, une politique en termes
d'exploitation énergétique.
Deuxièmement, je voudrais souligner que, pour nous, en ce qui
concerne les hausses de tarifs, quand on regarde les dernières
années, on constate que c'est plus haut que l'inflation. On ne fait que
de petites projections. On n'est pas des mathématiciens, mais on est
quand même capable de calculer que deux plus deux font quatre. On estime
qu'on est, de ce côté, en danger par rapport aux hausses. Dans ce
sens, on ne parle pas de la confiance qu'on a envers les politiciens, on parle
du mutisme d'Hydro-Québec sur les prévisions d'augmentation de
coûts.
Troisièmement, en ce qui concerne l'Alcan, est-ce qu'on va
arrêter cela? L'électricité a été
nationalisée au Québec au début des années
soixante, 1963 ou 1964. Il y a des compagnies qui ont conservé des
privilèges. Vous le savez très bien. Tout le monde ici le sait.
Arrêtez de me parler de cela comme si on faisait un scandale quand
on réclame la nationalisation. Alcan bénéficie de
privilèges. Quand Alcan vend ses produits finis, savez-vous ce qu'elle
fait? Elle introduit dans le prix de ses produits finis le taux universel de
l'électricité. Elle ne prend pas le coût de
l'électricité que cela lui coûte ou le coût
d'Hydro-Québec. Elle introduit l'autre coût. On considère
que, sur ce plan, elle a un privilège important. Dans ce sens, on dit
que c'est la propriété de la population, que cela doit appartenir
à la population au même titre que les autres sources
hydroélectriques. On est d'accord pour proposer même une
alternative, si vous n'avez pas le courage politique, quel que soit le
gouvernement, de nationaliser. On dit que vous devriez avoir ce courage.
D'autre part, en ce qui concerne le gaz et les autres sources
énergétiques, on voudrait dissocier le pétrole du gaz pour
que le gaz ne soit pas dépendant à une proportion X ou à
un pourcentage X du prix du pétrole. On pense que c'est possible de
dissocier cela. On pense, d'autre part, qu'en ce qui concerne les surplus
d'électricité, quand on exporte nos surplus
d'électricité, on devrait exiger en retour, sur le plan des
marchés, l'ouverture de marchés nouveaux pour qu'on puisse vendre
aussi nos produits finis ailleurs. C'est cela qu'on veut, que le Québec
bénéficie de son électricité au maximum. Dans ce
sens-là, on trouve aussi, d'autre part, que, quand on fixe, pour les
travailleurs, pour la population en général, pour les
assistés sociaux, les hausses de coûts ou les prévisions de
coûts sur une période de douze mois, il faut tenir compte du fait
qu'on a besoin, disons, pendant six mois, au Québec, d'une pointe
importante en termes de consommation. Les autres mois, on vend ou on exporte
ailleurs, c'est-à-dire aux États-Unis. On pense que la population
québécoise doit être payée pour cela et qu'en
conséquence cela devrait nous permettre d'ouvrir des marchés
nouveaux et d'exiger de ceux à qui on vend notre
électricité d'acheter nos produits finis ici, par exemple, de la
chaussure. Je ne sais pas s'ils vont avoir deux ou trois paires de souliers,
mais, Christophel qu'ils achètent des produits finis au Québec,
des produits québécois puisqu'ils ont l'avantage de
bénéficier de notre ressource naturelle. C'est un peu un rapide
tour d'horizon de notre pensée là-dessus.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Rouyn-Noranda, brièvement.
M. Samson: Oui, M. le Président. J'aurais aimé
avoir un peu plus de temps, mais, malheureusement, on est à la fin.
M. Perron: Cela fait quarante fois que vous dites cela.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Rouyn-Noranda.
Une voix: On jappe de l'autre côté de la table.
M. Samson: M. le Président...
Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! La
parole est à vous, ne perdez pas votre temps; il est
précieux.
M. Samson: Ils sont donc bien nerveux ce matin! Ce serait sur une
question de règlement que je devrais continuer, je pense.
M. Perron: Cela fait trente fois.
M. Samson: M. le Président, je n'ai pas entendu les
imbécillités de mon collègue de Duplessis. Je voudrais
m'adresser au président de la CSN, M. Rodrigue, en lui disant qu'il y a
beaucoup...
M. Perron: Vous en avez assez de vous écouter
vous-même.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Duplessis.
M. Samson: ...de choses intéressantes dans sa
présentation. Notamment, je partage son point de vue quant aux
inquiétudes vis-à-vis de la tarification. Je voudrais parler d'un
sujet qui n'a pas encore été abordé par nos
collègues. Vous nous avez parlé de la vie des travailleurs dans
les chantiers éloignés, de votre préoccupation de la vie
sociale sur ces chantiers et du respect des droits familiaux et des
libertés de la personne. Je vous avoue que je suis sensible à ce
genre de choses. J'ai eu personnellement plusieurs revendications qui m'ont
été faites par des travailleurs de ma région qui sont sur
ce chantier. Sauriez-vous me dire quel genre d'approche vous avez eue avec les
dirigeants de la SEBJ quant à ce problème particulier, quel genre
de discussions? Quelles raisons, en fait, s'ils en ont eu à vous donner,
vous ont-ils données pour expliciter la position actuelle de la SEBJ en
ce qui concerne ce problème? Également - parce que je n'ai pas
beaucoup de temps et que je ne pourrai probablement pas revenir avec d'autres
questions - est-ce que, du côté de la CSN, il y a eu des
revendications ou encore des discussions quant à ce problème avec
la Commission des droits de la personne, en plus des discussions que vous
auriez pu avoir avec l'employeur?
Le Président (M. Jolivet): M. Rodrigue.
M. Rodrigue: Si vous me le permettez, M. le Président,
Yvon Leclerc, le président de la Fédération des
travailleurs de la
construction, pourrait faire deux ou trois commentaires
là-dessus.
Le Président (M. Jolivet): M. Leclerc.
M. Leclerc (Yvon): M. le Président, évidemment, on
a rencontré à quelques reprises la SEBJ et d'autres. Il faut dire
tout de suite - on l'a dit pour d'autres cas - qu'à la Baie James il y a
la SEBJ et il y avait Hydro-Québec à LG 3. La façon d'agir
d'Hydro-Québec était tout à fait différente de la
SEBJ. La SEBJ a une mentalité de Canadian Bechtel, les Américains
qui pensent qu'ici on doit avoir un concept de relations de travail d'il y a
peut-être 50 ans. Or, cela fait que, sur les chantiers, au départ,
on avait des réglementations qui étaient différentes dans
leur application d'un chantier à l'autre. Mais, indépendamment de
cela, on a toujours le fameux problème où le monde ordinaire
comme on l'appelle, les travailleurs de cuisine qui sont privés de leur
famille, de leurs enfants, de tout cela sous le prétexte qu'eux ne
demeurent pas assez longtemps sur les chantiers tandis que les cadres, les
ingénieurs, y demeurent plus longtemps. Nous avons donné comme
raison, et je pense que c'est très défendable, que les
travailleurs ordinaires, le monde ordinaire, vont rester plus longtemps sur les
chantiers si vous leur permettez d'avoir leur famille, leurs enfants et d'avoir
une vie familiale normale. Il y en a de ce genre de travailleurs. On l'a
vécu avec ce qu'on appelle Manic 5 où il y avait des travailleurs
qui montaient et il y avait des roulottes qui s'étaient
installées. Évidemment, on en est conscient, il y a un coût
à cela. Mais on pense qu'entre le coût et la vie sociale, la vie
du travailleur, c'est important de choisir la vie du travailleur, la vie
sociale parce que après il y a une autre sorte de coûts. Quand
vous envoyez un travailleur isolé, tout seul sur les chantiers, il se
décourage, il devient dépressif et il y a des coûts sociaux
au bout de cela.
À un moment donné, la vie familiale se brise, les
enfants... Cela existe. Ce n'est pas un secret. Il y a eu une revue qui est
sortie, ce n'est pas de la publicité, c'est le magazine Ovo et on vous
l'a adressé; dedans il y a des témoignages, je pense, assez
importants des travailleurs. Ce n'est pas pour faire brailler personne, mais ce
sont des situations qu'on pense qu'on doit corriger. Si vous pensez qu'on est
les seuls à la CSN, il y a d'autres organisations syndicales qui ont
pensé la même chose. Il y a la Commission des droits de la
personne qui pense que les politiques de la SEBJ sont discriminatoires, avec la
politique pour les cadres et la politique pour le monde ordinaire. Ils
prétendent - cette commission, c'est du monde sérieux - que c'est
discriminatoire.
On a beau lire les documents d'Hydro-
Québec, dans ses plans d'installation, elle nous parle de
cités ouvrières. Si c'est le genre de cité ouvrière
où on met des roulottes et que les travailleurs sont parqués dans
des roulottes, il y a une amélioration, ils ne sont plus deux par
chambre, ils sont un par chambre maintenant. On doit vous dire qu'on est
content. Cela a pris du temps, mais ce n'est pas suffisant. On souhaiterait que
de ce côté il y ait des efforts et on remercie le
député de Rouyn-Noranda de nous avoir posé la
question.
Le Président (M. Jolivet): M. Rodrigue avait quelque chose
à ajouter, je pense.
M. Rodrigue: Deux remarques. Une remarque d'abord de Sylvio
Gagnon de la métallurgie et ensuite une remarque très
brève de ma part.
Le Président (M. Jolivet): M. Gagnon.
M. Gagnon (Sylvio): Je vais essayer d'être très
bref. Je voudrais simplement vous adresser quelques remarques
générales, à la suite des questions qui ont
été posées durant cette séance...
Le Président (M. Jolivet): Écoutez, M.
Gagnon, il reste encore le ministre pour quelques minutes. Si vous
voulez attendre pour faire votre intervention finale à ce moment.
M. Gagnon: Je peux y aller tout de suite. Je laisserai à
Norbert le soin de répondre.
Le Président (M. Jolivet): D'accord.
M. Gagnon: Cela m'a porté à poser certaines
questions. À la suite des questions du premier intervenant, du premier
député, je me suis posé la question: Est-ce que le
gouvernement et les gouvernements antérieurs ont été
imprévoyants de façon telle qu'on se trouve aujourd'hui dans une
situation où on est incapable de faire un débat sur les
problèmes énergétiques du Québec? Est-ce tellement
pressé, est-ce qu'on est tellement à court de moyens qu'on doive
procéder sans faire de débat public autour du nucléaire,
autour du développement d'Hydro-Québec, etc? Cela me portait
à me poser des questions. Est-ce que c'est la situation? Il y a eu un
petit mot sur le rôle social d'Hydro-Québec qui semblait avoir
été mis de côté. Je pense que le rôle social
d'Hydro-Québec est important comme entreprise publique, mais il y a
aussi le rôle de l'entreprise en général. Qu'elle soit
privée ou publique, elle a un rôle très important. Ce
serait assez long à développer. On pourrait passer beaucoup de
temps à discuter là-dessus, mais je pense qu'on doit tenir
compte et Hydro, dans son développement, doit aussi tenir compte
de son rôle social peut-être plus qu'une autre entreprise, mais au
moins autant que n'importe quelle entreprise qui oeuvre au Québec ou
ailleurs. (12 h 45)
Le député d'Outremont a posé des questions sur les
préoccupations environnementales des ouvriers. Là-dessus, on peut
vous assurer très clairement que, bien sûr, les ouvriers ont des
préoccupations au niveau de l'environnement. D'abord, cela commence par
leur environnement où ils passent le tiers de leur vie, ou à peu
près, ou plus, à l'intérieur des usines, des mines, de
toutes les industries. C'est leur première préoccupation, parce
que c'est leur santé qui est affectée et leur
sécurité, mais ils ont aussi la préoccupation des
conditions de vie qu'ils ont, quand ils sortent de l'usine. C'est aussi
très important pour eux. On peut le démontrer. Par exemple, la
CSN, notre fédération a présenté des
mémoires devant les problèmes causés par la pollution dans
la région de Rouyn-Noranda, Des problèmes importants se posent au
sujet de ce qui est craché par les cheminées de la mine Noranda.
On se préoccupe, bien sûr, de nos problèmes à
l'intérieur des usines, mais aussi, quand on sort, on vit comme tout le
monde dans les villes, on vit dans le milieu et on respire aussi souvent les
poussières qu'on n'a pas réussi à respirer à
l'intérieur de l'usine, que ce soit à Thetford ou à
Rouyn.
Dans la question du gaz, on a parlé d'emplois ou de
prévisions de perte d'emplois. Je pense que le député de
Mont-Royal a parlé de cela. Une chose est certaine, si on
développait cette ressource du gaz qui vient de la mer de Beaufort ou de
l'Arctique, le transport peut se faire par voie maritime et on connaît
les difficultés actuelles dans les chantiers maritimes, que ce soit
à Lauzon ou à Sorel, à Marine Industrie qui est un
chantier gouvernemental, si vous voulez. Or, là-dessus, cela fait
longtemps qu'on a des politiques, à la CSN. À notre
fédération et à la CSN, cela fait trente ans qu'on essaie
d'améliorer la situation dans les chantiers maritimes et de proposer des
solutions. Récemment encore, il y a quelques années, en 1978 ou
1979, on a proposé des solutions où était compris le
problème du transport du gaz de l'Arctique et la construction des
méthaniers. Or, construire des méthaniers à Lauzon ici,
cela donne des emplois. Si on ne se sert pas du gaz, on ne le transportera pas.
C'est un problème qui est relié directement. Même si le
gouvernement nous a répété souvent le problème des
chantiers maritimes, que ce soit le gouvernement libéral, celui de
l'Union Nationale ou le gouvernement péquiste, on nous retournait
toujours à Ottawa. Effectivement, on allait à Ottawa et le
problème fondamental de la marine marchande, il est là. Mais il y
a aussi, de la part du Québec, des choses à faire et, à ce
niveau-là, au niveau du développement du gaz, cela aura des
effets directs sur l'emploi dans les chantiers maritimes. C'est l'ensemble des
remarques que je voulais faire.
Le Président (M. Jolivet): Merci. M. Rodrigue. Aimez-vous
mieux entendre d'abord le ministre?
M. Rodrigue: J'aimerais avoir ce privilège d'entendre M.
Bérubé s'exprimer.
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre, vous avez
quelques minutes à votre disposition.
M. Bérubé: Oui, ce sera très bref, M. le
Président. Je vous remercie de m'avoir accordé...
M. Rodrigue: J'aimerais que M. le ministre me laisse une
minute...
M. Bérubé: Vous avez un temps de parole
illimité, c'est le nôtre qui est contrôlé.
Le Président (M. Jolivet): Non, je m'excuse, M. le
ministre, vous êtes contrôlés tous les deux, mais je suis
large quant à son élasticité.
M. Bérubé: C'est cela. Il est beaucoup plus
sévère avec les membres de cette digne Assemblée.
En fait, si je ne m'abuse, je crois comprendre à votre
intervention, premièrement, que vous acceptez essentiellement le plan
d'équipement d'Hydro-Québec tel que proposé. Vous pouvez
avoir certaines réserves, vous aimeriez un débat public, - on
reviendra là-dessus - mais grosso modo, quand on vous parle de
devancement, vous dites: Oui, mais il faut tenir compte aussi d'autres sources
d'énergie. Je vous signalerais que cela a été exactement
la position d'Hydro-Québec hier. Elle a dit: II n'est pas vraiment
nécessaire de devancer notre plan d'équipement puisque la
pénétration du gaz va impliquer des investissements au
Québec, ce qui fait qu'en gros, le nombre d'emplois créés
dans le secteur énergétique devrait être constant. Donc,
j'ai interprété votre position comme étant un appui
essentiel au plan d'équipement tel qu'il nous est soumis, mais en
disant: Cependant, l'avenir nous oblige à réfléchir
beaucoup plus en profondeur et là, on a des réticences parce
qu'on estime ne pas être suffisamment informé. C'est ma
première impression. J'aimerais que vous me la corrigiez, la moduliez en
fonction de l'interprétation que j'en ai fait.
Vous avez mis l'accent sur la
diversification des sources d'énergie. Là-dessus, je suis
entièrement d'accord avec vous. Je pense que c'est indéniable
qu'il faut, par exemple, pousser pour que le site du terminal méthanier
soit à GrosCacouna. C'est pour cette raison, en particulier, que
déjà, on a engagé les études environnementales. On
s'est assuré par le zonage agricole qu'il y aurait un territoire
adéquat pour un parc industriel. On a voulu faire en sorte que tout ce
qui pourrait exiger du gouvernement du Québec soit effectivement
réalisé pour qu'on ne puisse pas nous accuser de quelque
façon d'avoir été cause à une décision qui
aurait pu amener le terminal méthanier ailleurs qu'au Québec.
Donc, c'est la volonté gouvernementale d'aller très vite et d'en
arriver avec les minstères très rapidement à une
concertation, une prise de décision.
La même chose quand il s'est agi du gazoduc. Je sais que le
député de Mont-Royal fait un grand plat de ce que nous ayons pris
trois ou quatre mois pour modifier un tracé de gazoduc. À cet
égard, j'aimerais avoir vos commentaires. Nous avons modifié le
tracé de gazoduc parce que, essentiellement, il passait à 100%
sur des terres agricoles de première qualité et qu'on n'avait pas
cherché dans le tracé à suivre, par exemple, les corridors
énergétiques, soit suivre les autoroutes, suivre un certain
nombre d'endroits où le dommage au milieu ou à l'environnement
serait moindre. On a donc cherché un tracé plus optimal. Comme
les cartes ont été déposées en avril, il faut quand
même un certain nombre de mois pour en arriver à un tracé
un peu plus optimal. Il nous a fallu quatre mois et aujourd'hui, il n'y a rien
qui retarde comme tel la pénétration du gaz, mais il faut
calculer qu'à la fin de 1981, effectivement, le tracé du gazoduc
pourra se traduire par une implantation carrément du gazoduc sur le
terrain.
J'aimerais savoir comment vous voyez le rôle d'un gouvernement
quand il cherche à essayer de faire la part des choses dans des
questions environnementales, des questions de projection du territoire agricole
et des questions de pénétration rapide du gaz où
là, il faut faire certains équilibres. Pensez-vous qu'on devrait
faire comme le député de Mont-Royal nous le propose,
c'est-à-dire charrier, ne pas s'occuper absolument d'aucune autre
considération et dire: Passez n'importe où, dans des
marécages où l'écologie est peut-être
menacée, passez au milieu des plus belles terres agricoles, cela n'a
aucune espèce d'importance; désorganisez le drainage, cela n'a
pas d'importance. Allez-y; nous, on est des aménageurs sauvages et
passez à travers. J'aimerais que vous analysiez. Je sais que vous ne
voulez pas opposer les partis les uns contre les autres, mais j'aimerais
beaucoup avoir votre analyse sur cette question particulière parce que
c'est une question intéressante.
M. Ciaccia: En vertu de l'article 96, M. le Président,
question de règlement.
Le Président (M. Jolivet): Oui, M. le
député. Je voudrais simplement dire pour les besoins des gens qui
nous écoutent que depuis que la télévision est
entrée en cette Chambre au niveau des commissions parlementaires,
l'article 96 est souvent utilisé.
M. le député de Mont-Royal.
M. Ciaccia: Oui, mais avec justice, cette fois-ci, parce que je
voudrais rectifier les faits. Je n'ai pas suggéré, je n'ai
même jamais dit qu'il fallait passer à travers toutes les terres
agricoles sans s'occuper de l'environnement. Ce n'est pas du tout cela que j'ai
dit. Je veux rectifier ce fait-là. J'ai seulement suggéré
que le gouvernement n'a pas pris ses responsabilités; il aurait pu
prendre la décision sur les terres agricoles l'année
dernière plutôt que cette année. J'ai posé la
question à M. Rodrigue, à savoir combien d'emplois ont
été retardés dû au fait que le gazoduc a
été retardé par la décision du gouvernement du
Québec et deuxièmement - le ministre a totalement changé
le sens de mes propos - combien d'emplois seraient perdus ou retardés si
le distributeur n'est pas désigné par le gouvernement du
Québec. C'est une décision du gouvernement.
M. Bérubé: Article 96, M. le Président.
Le Président (M. Jolivet): Juste un instant.
M. Ciaccia: Je vais terminer. Je veux bien croire que nous sommes
près des élections, mais ce n'est pas nécessaire de porter
toujours des accusations dans le but de faire de l'électoralisme. Il
faudrait au moins être exacts dans nos propos.
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre, en vous
demandant d'être bref, car on doit terminer.
M. Bérubé: Je vais être très bref. Le
gouvernement a pris un certain nombre de mesures assez draconiennes pour faire
pénétrer le gaz, ce qui a demandé des arbitrages
très délicats, et en avril 1980 on nous a déposé
une proposition de tracé sur cartes - parce que c'était la
première fois que nous en avions un - des cartes suffisamment
détaillées pour voir où passait le gazoduc. Il ne s'agit
pas simplement de dire qu'il passe sur le territoire, il faut quand même
dire où il passe. Il a fallu quatre mois. Mais nous sommes
absolument
d'accord avec vous qu'il faut faire pénétrer le gaz
très rapidement et que peut-être les projections
d'Hydro-Québec sont un peu pessimistes quant à sa vitesse de
pénétration.
Je souligne mon accord avec votre position. J'aimerais avoir un
commentaire de votre part autour de ces arbitrages délicats et voir
comment vous les envisagez. Mais le point sur lequel je voudrais revenir, parce
que c'est un point qui est revenu à plusieurs reprises, qui m'a
énormément intéressé, c'est la question du
débat public. Et je voudrais, à ce moment-là, y aller
d'une question.
Ce qui me frappe, dans un débat public, sur le plan
énergétique, c'est généralement l'insuffisance
d'information. Le gouvernement s'est toujours plaint, dans le passé,
d'être un peu à la merci d'Hydro-Québec parce
qu'Hydro-Québec a l'expertise et le gouvernement ne l'a pas, donc on est
pratiquement forcés d'accepter les recommandations
d'Hydro-Québec. Depuis maintenant une année, on l'a vu...
Après le dépôt du plan d'équipement
d'Hydro-Québec, le gouvernement a réagi en posant un certain
nombre de questions, en demandant des choix basés sur des raisons autres
que celles prises en considération par Hydro-Québec en
particulier, de manière qu'effectivement on ait un choix. Que l'on n'ait
pas encore véritablement toute l'information à un débat
public, je pense que cela m'apparaît assez évident. Mais mon
inquiétude est à ce niveau. L'impression que j'ai, c'est que ce
n'est pas en donnant $100,000 à un organisme pour se doter d'une
expertise technique qu'il va réussir à doubler les budgets
à l'énergie, qui sont peut-être de $15,000,000 ou
$20,000,000 et qui portent finalement, en bonne part, sur des études de
toutes sortes pour tenter de nous obtenir l'information sur le vrai coût
du nucléaire, les vraies retombées du nucléaire, les
avantages du gaz naturel, les possibilités des économies
d'énergie. En d'autres termes, il s'agit de nous fournir une sorte
d'information un peu scientifique de base sur laquelle nous pourrions avoir un
véritable débat.
Ma question, justement, c'est: Quel type d'information pensez-vous
devoir détenir pour être capable d'engager les
Québécois dans un véritable débat
énergétique? Car un débat qui reposerait purement et
simplement sur des affirmations gratuites de part et d'autre serait un
débat inutile. Il faut donc dépasser cette espèce
d'affirmation d'avoir un débat public et aller dire, au fond, quel genre
d'analyse, quel genre d'étude doit être disponible avant de
s'engager dans un tel débat.
Le Président (M. Jolivet): M. Rodrigue.
M. Rodrigue: M. le Président, je commencerais en disant
que, comme il y a de nombreuses rivières au Québec qui coulent
dans de nombreuses vallées, il me semble qu'une des
préoccupations fondamentales que nous devons tous avoir, une fois qu'on
a aménagé toutes ces énergies, c'est de voir à quel
coût et qu'est-ce que cela va coûter pour consommer, le
résultat de cet aménagement. Dans ce sens, je dirais que, dans un
premier temps, la CSN, je vous le rappelle, a été d'accord sur la
Loi sur le zonage agricole. En conséquence, je n'aurais pas beaucoup de
commentaires à faire sur la responsabilité ou les
préoccupations qui veulent qu'on protège nos terres agricoles,
etc.; on a été d'accord sur cela. Les arbitrages qui ont pu
être nécessaires, nous pensons que ce qui doit primer dans ces
arbitrages, c'est l'intérêt général de la population
d'abord, en ce qui concerne la question du débat public.
C'est pourquoi nous disons dans notre mémoire qu'il nous semble
que ces renseignements dont nous parlons, qui sont nécessaires,
devraient effectivement venir de diverses sources. Nous rappelons que la
Saskatchewan, selon notre information, a déjà, en ce qui concerne
l'uranium, subventionné des projets de recherche pour des organismes et
cela a été une contribution importante. Je ne vous dis pas que
cela va surmonter tous les obstacles, mais cela a été une
contribution importante. On ne l'a pas demandé dans notre
mémoire, on le souligne comme une expérience ayant
été vécue.
Deuxièmement, nous considérons que les régies qui
existent, les sociétés publiques devraient aller encore plus loin
dans la transparence sur le plan des informations et nous fournir les
renseignements relativement au coût des projets qu'ils prévoient,
les renseignements relativement aux effets que cela peut avoir sur le
développement. Nous pensons qu'une fois ce type de renseignement
véhiculé, il faut faire confiance à la population, parce
que nous estimons que, dans la population comme chez les travailleurs, nous
avons l'occasion de le constater tous les jours, c'est incroyable la source
d'idées, tout ce qu'on peut piger en quelque sorte et tout ce qui peut
nous être proposé par ceux qui vivent les réalités
quotidiennes. Nous pensons donc qu'un débat dans ce sens contribuerait
à aider quelque gouvernement que ce soit à faire les choix
pertinents pour l'avenir.
Je terminerai en disant que nous avons quant à nous deux
préoccupations. Il nous semble que le gouvernement a une
responsabilité fondamentale sur la question des tarifs de
l'électricité concernant les particuliers, par exemple, d'une
façon spécifique, et que, évaluant le fardeau des
particuliers dans ce sens, le gouvernement, sur le plan politique, a cette
responsabilité sociale de faire en sorte que les particuliers soient
protégés. Nous voulons souligner que, quant à l'arbitraire
possible ou aux arbitrages nécessaires, dans le débat que nous
proposons
sur le plan public, il nous semble que tous les événements
que nous avons mentionnés et sur lesquels nous nous interrogeons les uns
et les autres vont en quelque sorte être servis en termes de
réponse par le débat public. C'est pour cela qu'on y accorde tant
d'importance, sur le nucléaire comme sur les autres questions. En ce qui
concerne le gaz, on estime qu'il reste à agir. Comme vous le dites
vous-même, s'il n'y a pas d'empêchement immédiat, il faut
agir immédiatement pour connaître les effets qu'on veut rechercher
sur le plan économique, social, etc.
Le Président (M. Jolivet): Merci. Au nom des membres de la
commission, je vous remercie de votre présence. À la reprise des
travaux à 15 heures, nous entendrons BP Canada.
(Suspension de la séance à 13 h 1)
(Reprise de la séance à 15 h 10)
Le Président (M. Jolivet): À l'ordre, s'il vous
plaît:
La commission de l'énergie et des ressources est à nouveau
réunie aux fins d'entendre les personnes ou organismes qui veulent faire
des représentations relativement au plan d'équipement et de
développement 1981-1990 de la société
Hydro-Québec.
Pour l'information des membres de cette commission, M. le
député de Rouyn-Noranda m'indique que, de 16 heures à 18
heures, il sera remplacé par M. Michel Pagé, député
de Portneuf.
Les personnes qui ont à présenter un mémoire sont
les représentants de BP Canada. J'invite M. Jean Langelier à nous
présenter les membres qui l'entourent et à faire son
exposé. M. Langelier.
BP Canada
M. Langelier (Jean): M. le Président, messieurs, je suis
avec le Dr Dagher, le directeur à la planification de la compagnie, qui
est en même temps la cheville ouvrière dans la préparation
de ce mémoire, ainsi que M. David Mann, économiste du même
département.
BP Canada se réjouit, M. le Président, de l'occasion que
vous lui avez offerte de soumettre ses commentaires à votre commission
parlementaire sur le plan des installations 1981-1990 d'Hydro-Québec et
se dit favorable à tout dialogue constructif sur l'avenir
énergétique de la province. Nous regrettons, toutefois, de
n'avoir pu consacrer tout le temps que nous aurions voulu à un
problème si important, étant donné les très courts
délais qui nous avaient été impartis. Nous avons
reçu l'avis de convocation et les documents à la toute
dernière heure. Donc, nous demanderions, si c'est possible, à
l'avenir, de recevoir un préavis raisonnable.
Les premières conclusion et recommandation du dossier plus
détaillé que nous avons présenté en 1977 à
la commission parlementaire sur la politique de l'énergie du
Québec, alors que nous n'avions pas de contraintes de temps,
étaient que "la politique à long terme de l'énergie du
Québec ne devrait pas être basée sur l'hypothèse que
les approvisionnements en pétrole étranger seront disponibles en
quantités requises. Le développement de sources d'énergie
internes doit être poursuivi activement. L'accélération de
projets hydroélectriques doit être considérée comme
le fer de lance du développement des sources d'énergie du
Québec, ce qui, incidemment, donnerait une relance importante à
l'emploi au Québec."
Durant la courte période qui s'est écoulée depuis
les débats de 1977, les événements se sont
déroulés à un rythme plus rapide que nous le craignions,
d'une façon qui renforce la présente recommandation centrale et
rend son application encore plus urgente. Pour autant que le programme
proposé par Hydro-Québec participe à l'application de la
présente recommandation, nous en appuyons les grandes lignes en
précisant toutefois que nous désirons faire des observations plus
détaillées auxquelles nous reviendrons au cours de notre
exposé.
Pour ce qui est de l'énergie nationale, certaines des
incertitudes ont été éliminées depuis 1977.
Grâce à une période de stabilité relative des
politiques et des mesures fiscales et de conditions économiques
favorables, l'industrie a pu découvrir et mettre en valeur les
quantités supplémentaires de gaz naturel nécessaires pour
permettre l'expansion de sa distribution vers l'Est, laquelle est
déjà entreprise au Québec. L'objectif de la politique
gouvernementale, à savoir l'augmentation de la proportion du gaz naturel
dans l'équilibre énergétique de la province aux
dépens du pétrole, est ainsi atteint. L'industrie cherche
à résoudre le problème du surplus de mazout lourd qui en
résulte au moyen d'une étude sur l'amélioration de ce
produit menée en collaboration notamment avec SOQUIP et
Pétro-Canada et avec l'appui des deux gouvernements. Toutefois, un
soutien plus concret pourrait s'avérer nécessaire pour que ce
projet soit économiquement viable. Je pense, bien entendu, aux questions
d'ordre fiscal. (13 h 15)
Les résultats espérés dans la mer de Beaufort et la
région au large de la côte est ont été
confirmés par plusieurs résultats d'exploration très
encourageants.
La politique énergétique nationale
adoptée en 1980 a malheureusement occasionné de nouvelles
incertitudes et de nouveaux retards importants et assombri les perspectives
qui, autrement, seraient très positives.
À la suite de la nouvelle politique énergétique
fédérale, il est peu vraisemblable que se réalisent nos
prévisions de 1977 relativement à la production de brut
synthétique, prévisions que nous avions alors qualifiées
de conditionnelles à des changements fondamentaux de politique de la
part des gouvernements concernés. Dans la région au large de la
côte est, le litige sur la compétence juridictionnelle n'est
toujours pas près d'être résolu et pourrait bien retarder
la production. Les taxes fédérales supplémentaires et les
autres mesures dissuasives imposées à l'industrie en vertu de la
nouvelle politique énergétique restreindront sérieusement
ces moyens pour continuer à effectuer ces programmes poussés
d'exploration et de mise en valeur.
Bien que cette politique ne touche pas directement le Québec
à titre de producteur d'hydrocarbures, il en subira les effets
contraires, si, conformément à notre opinion et à celle de
bien d'autres, elle nuit à l'industrie. D'après les
prévisions d'Hydro-Québec, à la fin du siècle, le
pétrole et le gaz naturel constitueront encore plus de 50% de
l'équilibre énergétique du Québec. La
prospérité de l'industrie pétrolière et
gazière canadienne est donc d'un intérêt vital pour la
province.
M. le Président, pour ce qui est de l'approvisionnement en
énergie, qu'il soit dit que le pétrole brut subvient actuellement
environ 65% des besoins énergétiques du Québec.
Approximativement 60% de cette proportion provient de l'Ouest du Canada par
l'intermédiaire du pipeline Sarnia-Montréal, ainsi que des
échanges de pétrole brut avec les raffineurs
américains.
Les réserves de pétrole brut léger naturel et de
dérivés liquides du gaz naturel dans l'Ouest canadien ont
diminué régulièrement pour passer de 8,800,000,000 de
barils, en 1974, à 8,100,000,000 de barils, en 1979.
Il y a aussi les litiges relatifs à la compétence et au
prix entre les différents paliers de gouvernement qui menacent
actuellement d'accélérer le déclin de la production
canadienne, plutôt que seulement le retarder.
La nouvelle politique énergétique encourage les
sociétés canadiennes à investir dans les réserves
actuelles de pétrole brut et défavorise le capital de risque
étranger, tout en maintenant les prix du pétrole brut bien en
deçà de ceux qui prévalent ailleurs dans le monde
industrialisé. Les dépenses importantes nécessaires pour
l'exploration, la mise en valeur et la récupération
assistée du pétrole conventionnel, du pétrole lourd et du
brut synthétique sont réduites, reportées ou
annulées.
Si les tendances actuelles se poursuivent, la production du
pétrole brut léger naturel canadien aura diminué de 20%
à 30% en 1985. Dans un tel cas, l'approvisionnement des raffineurs
québécois en pétrole brut canadien commencerait à
diminuer en 1984. Si on ne tente pas d'arrêter le déclin de la
production dans l'Ouest du Canada, le Québec pourrait être
obligé à la fin des années quatre-vingt d'importer
entièrement de l'étranger le pétrole brut dont il a
besoin. Cela signifierait des paiements approximatifs de $7,000,000,000 par
année aux producteurs étrangers ainsi que des subventions
supplémentaires du fédéral en compensation du prix
élevé du pétrole importé de plus de $1,000,000,000
par année pour le Québec seulement.
Malheureusement, dans les années quatre-vingt, la situation des
marchés sera probablement aussi changeante qu'elle l'a été
dans les années soixante-dix avec des périodes de
stabilité des prix et d'équilibre de l'offre et de la demande et
des périodes de manques et d'augmentations rapides des prix suivies par
d'autres caractérisées par des surplus à court terme. Il
est donc probable que, dans le contexte de la nouvelle politique
énergétique canadienne, le Québec sera obligé
d'importer de l'étranger tout le pétrole brut dont il aura
besoin, mais l'équilibre entre les fournisseurs, les stocks et la
demande sera difficile. Même en admettant que les pays producteurs
maintiennent leur production à un niveau généralement
adéquat, la quantité, la qualité et les prix
d'approvisionnement ou les conditions s'y rapportant ne seraient pas toujours
favorables.
Le gaz naturel satisfait actuellement environ 6% des besoins
énergétiques du Québec comparativement à environ
25% de ceux de l'Ontario et à 45% de ceux des provinces des Prairies.
Contrairement à ses réserves de pétrole brut, le Canada a
un surplus de gaz naturel. Effectivement, les réserves commercialisables
ont augmenté considérablement entre 1974 et 1980. Il en est ainsi
de la nouvelle production nette. D'autre part, les réserves commerciales
de gaz naturel du Québec sont négligeables et les
possibilités d'accroissement de la production semblent quelque peu
limitées.
L'Office national de l'énergie a approuvé le prolongement
du gazoduc jusqu'à la ville de Québec. Compte tenu des objectifs
de fixation des prix pour le pétrole brut et le prix uniforme pour le
gaz naturel à l'est de Toronto, la part du marché
énergétique qu'occupe le gaz naturel au Québec devrait
doubler d'ici la fin de la décennie.
Au chapitre de l'hydroélectricité et de
la thermoélectricité, nous avons noté
qu'Hydro-Québec propose de doubler sa capacité actuelle par une
combinaison d'hydroélectricité, de
thermoélectricité, d'énergie nucléaire et de
stockage par accumulation, ce qui lui coûterait $55,000,000,000 et
compléterait la mise en valeur d'environ 60% du potentiel
hydroélectrique du Québec.
En 1979, le Québec était importateur
d'électricité, les réserves contractées à
long terme à Churchill Falls comptant pour environ 27% de
l'approvisionnement total. En incluant les achats au Labrador, le Québec
pourra répondre à sa propre demande en matière
d'électricité et aura des surplus à vendre pendant la
majeure partie de la décennie.
Quant aux autres ressources énergétiques, il y a le
charbon où les réserves canadiennes sont énormes. La
plupart des dépôts carbonifères se situent toutefois dans
l'ouest du pays. Comparé au pétrole, le charbon est volumineux, a
une faible valeur calorifique et pose de plus grands problèmes
environnementaux. Les évaluations techniques et économiques
actuellement en cours tendent à minimiser certains de ces
problèmes.
Bien qu'il n'y ait aucune réserve de charbon au Québec, on
estime que la province dispose d'environ 23 milliards de tonnes de tourbe, ce
qui équivaut à 115 billions de pieds cubes de gaz naturel. La
tourbe sert principalement à la production de chaleur et de
thermoélectricité dans d'autres parties du globe, mais on
étudie actuellement la possibilité d'applications locales.
L'énergie éolienne, solaire, marémotrice ainsi que
la biomasse continueront de faire l'objet de recherches et serviront à
petite échelle dans des régions éloignées et pour
des projets pilotes.
Bien qu'il y ait des dépôts d'uranium prouvés au
Québec, les dépôts de la Saskatchewan et de l'Ontario
pourraient être moins coûteux et de beaucoup plus abondants.
La demande énergétique est influencée par la
croissance économique, les prix et les réserves
énergétiques, les tendances démographiques, le mode de
vie, les facteurs structuraux et les politiques gouvernementales.
Nous prévoyons que la population s'accroîtra lentement au
cours des prochaines années, de façon à rejoindre les
niveaux de 1974-1978 d'ici le milieu des années quatre-vingt.
La croissance économique devrait prendre de l'ampleur vers la fin
de 1981, de façon à refléter le meilleur climat
économique dans d'autres secteurs: le revirement de l'industrie de la
construction et l'augmentation des investissements dans les secteurs des
affaires et de l'énergie. Le taux de croissance moyen devrait être
d'environ 3% au cours des cinq premières années de la
décennie.
Touchons maintenant à la situation énergétique.
Avant 1973, le pétrole brut était bon marché et facile
à obtenir. HydroQuébec a plus que doublé sa
capacité d'énergie utilisable entre 1965 et 1974. Étant
donné que le gaz naturel n'engendre relativement aucun pollution et que
son prix à la tête du puits est peu élevé,
comparativement au pétrole, on assiste actuellement à une
expansion graduelle des systèmes de distribution de ce produit. Bien que
le charbon ait suffi à presque 20% des besoins
énergétiques du Québec en 1958, il demeure sale,
volumineux et coûteux à transporter et à
manutentionner.
En 1973, les interventions de l'OPEP ont fait quadrupler les prix
internationaux du pétrole brut. Il devint alors manifeste que les
réserves supplémentaires de brut étranger ne pourraient
peut-être pas répondre à la demande future. Cette situation
est demeurée relativement stable pendant cinq ans. Le Canada a
réduit ses exportations de brut canadien léger aux raffineurs des
États-Unis. Il n'y eut aucune pénurie grave de brut et de
produits pétroliers. L'adaptation à une nouvelle situation fut
graduelle.
Ensemble, les prix élevés de l'énergie et la
lenteur de la croissance économique ont réduit le taux de
croissance de la demande énergétique industrielle, surtout en ce
qui concerne les produits pétroliers.
La croissante demande internationale de pétrole brut et la crise
iranienne ont fait doubler les prix internationaux de brut entre les premiers
trimestres de 1979 et de 1980. La production de l'OPEP a atteint son plus bas
niveau depuis les dix dernières années en partie à cause
de la guerre irano-irakienne. Malgré le ralentissement économique
mondial et la réduction graduelle de la demande de brut, les prix ont
encore augmenté de 30% au cours des trois premiers trimestres de 1980.
Inévitablement, l'histoire se répétera et il faudra faire
des rajustements pour s'adapter aux circonstances nouvelles.
En ce qui a trait à la demande énergétique, nous
prévoyons que, de 1980 à 1985, cette croissance au Québec
demeurera légèrement en dessous de la moyenne annuelle de 2%
connue entre 1969 et 1979, ce qui est le résultat de la lente croissance
économique et démographique qui se poursuit, ainsi que de la
conservation accrue, principalement dans les secteurs résidentiels et du
transport. Les prix de l'énergie continueront d'augmenter à un
rythme plus rapide que le total des prix à la consommation. (15 h
30)
Touchons maintenant la question du pétrole brut. Les ventes de
produits pétroliers raffinés n'indiquaient aucune hausse entre
1974 et 1979. L'augmentation dans le
secteur du transport contrebalance les baisses des secteurs
résidentiel, commercial et industriel. Les politiques gouvernementales,
les mesures d'encouragement et la hausse des prix des produits
pétroliers favoriseront la conservation et l'interchangeabilité
des carburants. Entre 1980 et 1990, la demande de produits pétroliers
baissera d'en moyenne 1% à 1,5% par année. L'augmentation des
ventes de plus petites voitures à plus faible consommation de carburant,
ainsi que l'accroissement des ventes de carburant diesel réduiront la
demande d'essence. La concurrence du gaz naturel dans le secteur industriel
entraînera une diminution des ventes de mazout lourd.
L'électricité, toutefois, continuera de s'emparer avidement du
marché que représente le chauffage résidentiel,
délogeant alors le mazout domestique.
Les produits pétroliers continueront quand même à
combler une part importante des besoin énergétiques de la
province pendant la décennie, soit 57% en 1985 et 48% en 1990.
La construction du pipeline
TransQuébec et Maritimes pourrait faire doubler les ventes de gaz
naturel au Québec au cours de la prochaine décennie; les
augmentations majeures se situeraient dans les secteurs industriel et
commercial.
Le charbon continuera de constituer une partie des réserves
énergétiques totales. L'énergie non classique sera
réservée aux usages spécialisés et n'apportera
aucune contribution majeure au bilan énergétique de la prochaine
décennie. Par voie de conclusion, les prévisions de charge et le
plan des installations d'Hydro-Québec ont une base plausible dans la
conjoncture énergétique actuelle. Le taux de croissance de la
demande évalué a 6,6% pour les années 1980-1985 pourrait
être un peu élevé. Les taux de croissance économique
et démographique semblent être trop optimistes par rapport aux
tendances récentes. L'uniformisation des prix du gaz naturel aux points
de livraison, entre Toronto et les villes de l'Est du Canada,
accélérera l'introduction du gaz naturel au Québec.
Même dans ces circonstances, la demande
d'électricité pourrait croître au rythme de 5% à
5,5% par année. Il serait beaucoup plus risqué de sous-estimer la
capacité que de la surévaluer, surtout si les surplus peuvent
être exportés à prix abordables. Il est, de plus, beaucoup
moins coûteux de ralentir les projets que d'accélérer la
construction.
Le désaccord entre Terre-Neuve et le Québec sur la
fixation des prix à long terme et les droits hydroélectriques de
Churchill Falls ainsi que sur la proposition de construire un réseau de
transport traversant le Québec est le seul point d'incertitude majeur
concernant l'approvisionnement en énergie électrique.
À long terme, le Québec peut avoir intérêt
à participer aux projets de Lower Churchill Falls à Gull Island
et à Muskrat Falls. Si Hydro-Québec et la Lower Churchill Falls
Corporation pouvaient en venir à une entente satisfaisante,
l'exploitation de ce potentiel de 2,300,000 kW serait dans la même voie
que sa mission, soit celle de fournir de l'énergie aux taux les plus bas
compatibles avec une saine administration financière, retardant la
proposition d'exploitation d'une partie du potentiel thermique ou
nucléaire entre 1992 et 1995.
Étant donné la nature générale des documents
stratégiques et le nombre d'avis qui précéderont les
audiences, nous avons choisi de commenter l'envergure et l'orientation des
plans d'Hydro-Québec au sein de l'environnement
énergétique global de la province. Comme en 1977, nous supportons
l'objectif d'expansion des ressources électriques internes lorsque ces
dernières sont plus économiques ou plus sûres que les
autres sources d'énergie substitutives.
Compte tenu de la taille d'Hydro-Québec et de la portée de
ses actes sur l'avenir du Québec, nous estimons qu'un examen beaucoup
plus détaillé sur la place publique, comprenant les points
suivants, serait non seulement avantageux, mais fort désirable pour le
peuple québécois. Je m'adresse aux structures tarifaires et
déterminations des coûts, à la pertinence des
schèmes de demande, aux exigences de pointe contre les exigences de
base, aux impacts sociaux et environnementaux, aux considérations
financières et à l'impact d'Hydro-Québec sur
l'économie, à un examen des technologies, à
l'énergie nucléaire, à la conservation et à la
gestion de la demande.
M. le Président, l'étude de la commission parlementaire
est un premier pas louable et nous espérons que les audiences
soulèveront des points qui feront l'objet d'une discussion publique plus
approfondie. Nous vous remercions.
Le Président (M. Jolivet): Merci, M. Langelier. M. le
ministre, la parole est à vous.
M. Bérubé: Merci, M. le Président. Je
m'excuse au nom des membres de cette commission pour le retard qui semble en
fait vous avoir empêchés d'être invités plus
tôt et peut-être d'avoir plus de temps pour préparer une
analyse à l'intention de notre commission. J'ignore si tous les
délais ont été respectés. Dans le cas de tous les
intervenants, je crois qu'il y a des délais normalement prévus
par notre règlement qui peut-être n'ont pas été
respectés, mais je vais quand même faire vérifier.
J'ai au moins deux questions à poser. Je vais les poser le plus
rapidement possible
pour donner l'occasion également aux membres de notre parti
d'intervenir. La première question a trait aux approvisionnements en
pétrole pour le Québec. J'aimerais avoir l'impression de la
compagnie concernant l'avenir immédiat. Hydro-Québec nous a
soumis un plan d'équipement qui fait appel à des turbines
à gaz pour la production d'une électricité dite de pointe
fine, c'est-à-dire des productions qui ne dépassent pas une
centaine d'heures par année. En même temps, cela implique
évidemment de faire appel au pétrole pour la production de cette
énergie et cela implique un rendement énergétique qui est
très bas, pratiquement du trois à un. On peut donc s'interroger
sur le bien-fondé d'une telle pratique et votre témoignage va
certainement aider la commission à mieux saisir le problème.
Dans la mesure où la production albertaine décroît
et dans la mesure où la production de la Saskatchewan également
décroît en pétrole, on peut imaginer que celui qui est
appelé à supporter cette réduction est celui qui est
placé à l'extrémité du tuyau. On n'est pas pour
priver quelqu'un le long de la ligne, alors qu'il y a du pétrole qui lui
coule sous les yeux, on va plutôt le faire porter par l'intervenant qui
est situé à l'extrémité du pipeline.
Également, compte tenu de la décision albertaine de
réduire la production, compte tenu de l'imbroglio politique actuel entre
le gouvernement fédéral et l'Alberta -je me passerai de
commentaires politiques en l'occurrence, j'en ai déjà fait en
d'autres temps - on ne peut pas ne pas être un peu inquiet de la
situation. Tout récemment, on portait à mon attention certaines
données techniques à savoir que le Québec verrait ses
approvisionnements peut-être coupés à la fin du
troisième trimestre à 36,000 mètres cubes par jour et cela
suppose même une coupure de près de 20,000 mètres cubes
à être supportée par l'Ontario. Il est loin d'être
évident que l'Ontario voudra encaisser une telle coupure et, par
conséquent, il n'est pas impossible que ce soit le Québec qui
encaisse tout. Dans le cadre des discussions PAC et SAC, avez-vous des
informations concernant l'état de vos approvisionnements en
pétrole, par exemple, dans un avenir immédiat? Je pose la
question, parce qu'il va de soi que la moindre pénurie de pétrole
pourrait provoquer un transfert à l'électricité qui n'a
rien à voir avec des questions de tarification, qui aurait simplement
à voir avec la sécurité d'approvisionnement. J'aimerais
savoir comment vous voyez la situation de vos approvisionnements au cours de
l'année qui se termine, l'année prochaine, dans l'avenir
immédiat.
Le Président (M. Jolivet): M. Langelier.
M. Langelier: M. le Président, je demanderais, avec votre
permission, M. le ministre, au Dr Dagher de répondre à cette
question qu'il a épuisée dernièrement.
Le Président (M. Jolivet): M. Dagher.
M. Dagher (Joseph): M. le Président, je crois qu'on
devrait aborder cette question sur deux plans. Quant au manque physique de
produits pétroliers, je crois qu'il est fort peu problable qu'il se
produise. On raffine au Québec 500,000 barils par jour, grosso modo,
dont 300,000 viennent de l'Alberta. Ces derniers seraient coupés de
60,000 barils par jour; au départ, 100,000 barils, en diminuant, de
façon que, pour le premier trimestre, il atteigne 60,000 barils par
jour. On a des inventaires, des stocks dans les raffineries qui d'habitude
couvrent nos besoins de 70 à 90 jours. Il est de pratique qu'entre les
mois d'avril et de septembre une ou deux des raffineries ferment pendant un bon
mois pour faire ce qu'on appelle a "measure overhaul". Le demande devrait
fléchir seulement à cause de cela.
Ensuite, le premier ministre Lougheed a inséré dans son
histoire une soupape de sécurité. Il y a dit que, s'il y avait
pénurie au Québec ou ailleurs, il rouvrirait le robinet. On peut
se fier à cela. Je crois qu'on devrait se fier à cet engagement
de sa part.
Jusqu'à un certain point, on est un peu chanceux que cela se
produise maintenant, passé la période d'hiver, surtout que, dans
les marchés mondiaux, malgré le conflit irano-irakien, les
approvisionnements sont assez amples. Il y a un surplus de production à
cause d'un fléchissement énorme de la demande à
l'échelle mondiale, surtout aux États-Unis et ailleurs, en partie
à cause du marasme économique général, mais aussi
à cause de l'augmentation des prix.
Par contre, je ne veux pas donner l'idée qu'il y a une
sécurité absolue et complète dans cette situation. Il y a
toujours des coûts d'approvisionnement supplémentaires en
pétrole en s'approvisionnant ailleurs. On n'a pas le choix dans ce
cas-là. On préférerait bien le pétrole brut
albertain au pétrole mondial qui serait en général un
pétrole beaucoup plus lourd. Si votre inquiétude est surtout
dirigée du côté du diesel, vous avez raison, ce
pétrole a moins de capacité de production que le pétrole
léger de l'Alberta.
Il y a une toile de fond qui dit qu'il y a une certaine
sécurité d'approvisionnement à venir dans le sens
où il y a une soupape de sécurité insérée
dans cela par M. Lougheed, que les stocks sont adéquats, que le
marché mondial est assez ample pour le moment, mais il y a quand
même le fait qu'on va avoir des économies à encourir en
achetant des bruts autres que ceux qu'on voudrait
normalement acheter. Le tout va être couvert par la subvention
d'Ottawa aux importateurs et aux consommateurs québécois, mais il
ne faut pas se leurrer là-dedans, Ottawa ne paie pas cela à
partir de rien, il prend l'argent de nos poches pour payer pour cela. Nous le
payons donc d'une manière indirecte, sauf qu'on le paie à
l'échelle du pays plutôt que d'impliquer directement les
consommateurs.
À long terme, comme mon collègue l'a dit, on est en train
d'étudier sérieusement la possibilité de transformer les
parties lourdes du baril, précisément pour faire place au gaz
naturel et à l'électricité dans certains secteurs, et de
transformer ce mazout lourd en du diesel, en particulier, en essence, en
produits plus légers qui devraient faire décroître la
demande totale de brut au Québec, mais c'est quelque chose qui
n'arrivera pas avant quatre ou cinq ans, si on va à toute vitesse
là-dedans.
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.
M. Bérubé: Pour y aller plus
précisément, êtes-vous avisés présentement
que vous devrez subir des coupures dans vos approvisionnements? De quel ordre
sont-elles? Deuxièmement, si je comprends bien votre réponse,
vous n'avez cependant tellement de crainte quant à votre
approvisionnement sur le marché mondial en ce sens que vous pensez que
le marché mondial, actuellement, est assez ample pour vous permettre
d'aller chercher le pétrole qui vous manquerait.
Le Président (M. Jolivet): M. Dagher.
M. Dagher: C'est cela, M. le ministre. M. le Président, si
je peux me permettre, notre part de coupures - je parle de BP Canada - serait
de l'ordre de 6000 barils par jour. On a 10% d'allocation totale de l'Alberta
au Québec, ce sont les pertes qu'on subirait mais, comme je le dis, on a
des inventaires qui vont pouvoir agir comme un coussin pendant un bon bout de
temps.
M. Bérubé: 6000 barils par jour; c'est au mois de
mars, la première coupure.
M. Dagher: D'accord.
M. Bérubé: II s'agit donc de trois coupures
successives. Cela pourrait porter cela à 18,000 barils par jour sur une
consommation de combien?
M. Dagher: Une consommation de 60,000 barils par jour, dans notre
cas.
M. Bérubé: D'accord. Ce sont les coupures maximales
auxquelles vous vous attendez et vous prévoyez pouvoir aller chercher
cela sur le marché mondial, en l'occurrence.
M. Dagher: Si le marché mondial continue à ce
rythme et qu'il n'y a pas d'autre conflagration, d'autre chambardement, oui, je
pense qu'on devrait être optimiste à ce sujet. Les coûts
seront assez élevés, par exemple, mais c'est une autre
histoire.
M. Bérubé: Oui, je m'en doute. Vous avez
parlé de l'usine de revalorisation. J'aimerais savoir si, dans votre
esprit, votre entreprise a l'intention de s'impliquer et, deuxièmement,
quand cette usine devrait être en mesure de fonctionner à
Montréal.
M. Dagher: D'accord. Oui, M. le Président, on est
impliqué dans cette étude très sérieusement avec
toutes les autres compagnies de Montréal, y compris SOQUIP et Petrocan
là-dedans aussi. On travaille à la plus forte allure qu'on peut
se permettre dans cela parce que, naturellement, quand on a plusieurs
partenaires dans une situation, il faut essayer de préserver les
intérêts de tous. On prévoit pouvoir prendre une
décision effective pour faire des commandes de matériel, etc.,
vers la fin de cette année, ce qui veut dire que l'usine pourrait
être en marche fin 1984, début 1985.
Le Président (M. Jolivet): D'autres questions, M. le
ministre?
M. Bérubé: Non, merci.
Le Président (M. Jolivet): M. le député
d'Outremont.
M. Fortier: J'aimerais revenir sur l'approvisionnement en
pétrole pour le Québec et, pour qu'on se comprenne bien,
j'aimerais définir trois scénarios. Il y aurait un premier
scénario; vous parliez du pétrole léger ou du
pétrole conventionnel de l'Alberta. C'est le scénario no 1. Le
scénario no 2, c'est dans une optique où on développerait
des sables bitumineux et de nouvelles sources de pétrole en Alberta.
C'est ce qui nous amènerait une assurance d'autonomie
pétrolière assez considérable. Le scénario no 3,
c'est le scénario no 1 modifié par la déclaration de M.
Lougheed de fermer le robinet tranquillement pour mettre la pression sur le
gouvernement fédéral de façon à faire avancer les
négociations.
Dans votre document, je crois, vous vous référez à
une date, 1984, à partir de laquelle vous dites que normalement - et je
crois qu'ici je me réfère au scénario no 1 -le
pétrole léger va commencer à manquer et ce, à cause
des réserves qui existent. Normalement, compte tenu de la consommation,
il s'ensuivrait que le pétrole léger, traditionnel de l'Alberta
commencerait
à manquer. Je voudrais, en premier, identifier, m'assurer qu'on
parle de la même chose. Est-ce qu'on parle exactement de trois
scénarios possibles?
M. Dagher: Oui, M. le député.
M. Fortier: Bien sûr, le scénario no 3 est un
scénario que l'on va expérimenter dans les jours qui viennent,
mais c'est un scénario artificiel dans le sens que cela dépend
considérablement de la possibilité de l'Alberta et du
fédéral de s'entendre. Dans votre présentation, vous avez
extrapolé ce scénario jusqu'à la fin des années
quatre-vingt. Ne serait-il pas raisonnable de penser que, compte tenu du fait
qu'il y a un besoin pressant pour le Canada et l'Alberta de s'entendre, pour
les raisons que vous avez évoquées... D'une part, même si
le gouvernement canadien a le loisir de payer à même nos taxes des
importations de pétrole, cela va sûrement être une pression
sur le fédéral pour négocier et, d'autre part, l'Alberta,
elle aussi, a certainement avantage à ce que le problème soit
réglé dans les meilleurs délais. N'y aurait-il pas lieu,
au lieu d'être très pessimiste et d'extrapoler ce scénario
jusqu'à la fin des années quatre-vingt, de supposer,
d'espérer que, d'ici quelques mois ou d'ici un an ou deux, une solution
soit trouvée au problème, que des négociations s'engagent
pour, de fait, revenir à ce moment-là au scénario no 2 qui
est de fait un scénario où les sables bitumineux sont
développés et que, finalement, on se retrouve dans des situations
où on aurait été s'il y avait eu entente entre l'Alberta
et le gouvernement fédéral il y a quelques mois?
Le Président (M. Jolivet): M. Langelier ou M. Dagher. M.
Dagher.
M. Dagher: Je suis pas mal optimiste et je crois
qu'éventuellement, on va retourner au scénario no 2, le
développement rapide des sables bitumineux. J'ajouterai à cela
qu'il y a d'autres sources, comme l'Ibernia et la mer de Beaufort, qui vont
apporter leur contribution si les problèmes politiques eux aussi sont
résolus.
C'est une course contre le temps, M. le député. On a perdu
un an ou deux dans le développement des sables bitumineux. C'est un
temps difficile à rattraper. À long terme, je reste très
optimiste dans le sens que, si toutes les données politiques sont
résolues à l'avantage de tout le monde, on a une
sécurité d'approvisionnement presque certaine à partir des
sables bitumineux des autres sources de pétrole naturel qu'on
retrouverait dans l'Est du pays ou dans la mer de Beaufort.
C'est une course contre le temps uniquement et je ne sais pas combien de
temps on peut se permettre de perdre à discuter l'aspect politique de la
question.
M. Fortier: On va revenir là-dessus, mais j'aimerais, au
préalable, que vous me donniez votre opinion sur la date à
laquelle on pourrait espérer faire en sorte que le Québec puisse
être alimenté par du pétrole qui viendrait du puits Ibernia
ou enfin, près de Terre-Neuve. Est-ce que votre compagnie est
impliquée dans cette région? Néanmoins, compte tenu de
votre connaissance du dossier, est-ce que vous pouvez mettre une date
approximative sur ce moment où on pourrait être
approvisionné par cette source de pétrole de Terre-Neuve?
M. Dagher: M. Fortier, notre compagnie n'est pas impliquée
directement dans le puits Ibernia. Tout ce que je peux, c'est citer ce que les
autres compagnies qui, elles, sont impliquées, ont dit. Elles ont
été très réservées dans leurs remarques.
Mais j'ai cru entendre, à l'audience récente de l'Office national
de l'énergie, que 1985 serait une date de production fort probable pour
l'Ibernia. Donc, pour la mer de Beaufort, on envisage commencer en 1986-1987 et
avoir une très forte production vers les années
quatre-vingt-dix.
M. Fortier: Bien sûr, le puits d'Ibernia ne sera pas
suffisant, selon ce qu'on en connaît maintenant. Il faudra quand
même avoir les sables bitumineux en plus de cela.
M. Dagher: Absolument, monsieur.
M. Fortier: Je suis allé en Alberta dernièrement et
on me dit qu'il y a une date fatidique, la date fatidique pour les compagnies
comme le projet de Cold Lake et de Alsands. On a dit qu'il y avait une date qui
est autour de juin ou de juillet cette année, date à laquelle
elles pourraient bien décider de ne pas continuer le projet et, à
ce moment-là, cela engagerait des projets encore plus
considérables que ceux dont vous parliez.
Compte tenu de cette situation, il y a une question que j'aimerais vous
poser. Il est bien entendu que le différend qui existe, qui est un
différend entre l'Alberta et Ottawa, Le ministre a tout à fait
raison de dire que ce différend pourrait causer un préjudice
considérable au Québec. Mais ce je ne peux pas comprendre, c'est
pour quelle raison le ministre ne cherche pas à trouver une solution ou
aider à trouver une solution. Ma question est donc celle-ci: Dans quelle
mesure serait-il avantageux pour le Québec de chercher à
réconcilier ce qui semble être irréconciliable dans le
moment? Ne pensez-vous pas que le Québec, compte tenu de sa position -
aurait avantage à faire des pressions? Jusqu'à maintenant, il ne
s'est pas exprimé hien fort dans ce dossier. Ma visite
là-bas m'a convaincu d'une chose, c'est que le Québec a
très bonne réputation là-bas. Est-ce qu'on n'aurait pas
avantage à essayer, non pas d'intervenir, parce que c'est un dossier
très litigieux, mais de faire certaines pressions politiques pur faire
en sorte que les deux parties se parlent et qu'enfin on trouve une solution
à ce problème?
Le Président (M. Jolivet): M. Dagher.
M. Dagher: M. Fortier, vous avez dit beaucoup plus clairement ce
qu'on a essayé de dire d'une manière un peu indirecte dans notre
mémoire. Bien que le Québec ne soit pas impliqué
directement dans la nouvelle politique énergétique d'Ottawa, dans
le sens que les impositions n'affectent pas le Québec en tant que
producteur, le Québec a un très grand intérêt
à la viabilité, au bien-être de l'industrie
pétrolière. Tout ce que le Québec pourrait faire dans ce
dossier, en assistant l'industrie, en essayant de concilier des buts
opposés de ses deux gouvernements, aurait des avantages très
directs pour le Québec même.
M. Fortier: Finalement, j'ai pris bonne note qu'une fois de plus
votre compagnie, en plus d'autres groupements et d'autres associations, a pris
position pour un débat public. Je vois ici que vous avez défini
ce que ce débat public ou cet examen public devrait couvrir. Quels
avantages croyez-vous pouvoir en retirer vous-mêmes? J'imagine que, si
vous l'avez suggéré, c'est parce que votre propre compagnie ou,
enfin, votre secteur énergétique y trouverait son compte.
Pourriez-vous expliciter votre pensée là-dessus?
Le Président (M. Jolivet): M. Dagher.
M. Dagher: D'abord, je voudrais dire, M. le député,
que le fait qu'on amorce un débat public n'implique pas
nécessairement que tout va s'arrêter, qu'on va cesser de
construire des centrales hydroélectriques. Il y a des choses communes,
le gaz va continuer à pénétrer. Ce que je veux essayer de
dire, c'est que le débat peut se dérouler pendant que les choses
avancent quand même. Donc, cela n'implique pas nécessairement un
délai dans la mise en marche des directions sur lesquelles tout le monde
est d'accord.
Ce que ce débat donnerait aux citoyens et aux compagnies,
à tous les agents économiques, c'est une connaissance plus
profonde des directions éventuelles et constantes du gouvernement. Si on
pouvait retirer de ce débat des perspectives assez constantes dans les
directions du gouvernement, de sa politique énergétique, on
serait plus capable d'agir. Pour vous donner un exemple, la décision
d'améliorer l'usine de transformation du pétrole lourd ou du
mazout lourd de Montréal, dans laquelle plusieurs compagnies sont
impliquées au stade des études, nécessitait d'abord une
décision de la part du gouvernement d'avoir une politique gazière
bien définie. Ce n'est que quand on a su que le gouvernement voulait
sérieusement mettre les choses en marche, de manière que le gaz
pénètre sérieusement le secteur énergétique
au Québec, que la question économique s'est posée: Est-ce
qu'il ne faudrait pas revaloriser le mazout lourd? La clarté qui
sortirait de cette discussion, je crois, aiderait tout le monde et
tranquilliserait beaucoup de personnes aussi.
M. Fortier: Finalement, la dernière question que
j'aimerais vous poser est celle-ci. Vous semblez indiquer dans votre
mémoire que vous croyez que l'électricité va prendre une
grande part du marché du chauffage domestique. Qu'est-ce qui vous
amène à dire cela? Pourquoi ne dites-vous pas qu'il serait
préférable que le gaz pénètre ce marché?
Le Président (M. Jolivet): M. Dagher.
M. Dagher: M. le Président, au fond, on ne fait, plus ou
moins, que répéter les statistiques ou les données
d'Hydro-Québec là-dedans. Je n'essaie pas de dire qu'on ne les
croit pas ou qu'on ne pense pas qu'elles sont valables. Sur la question du gaz
naturel, quand on dit qu'il augmentera de 6% à 12% en une
décennie, ce n'est pas sa pénétration ultime
évidemment; c'est la question du rythme auquel le gaz pourra petit
à petit s'implanter dans les villages et dans les villes. C'est un
travail de longue haleine, je crois. Certains clients d'une certaine taille
peuvent changer au gaz naturel très vite, mais, installer le gaz dans
tout un village, toute une ville ou toute une contrée, je pense que
c'est un travail de longue haleine qui va prendre beaucoup de temps. De ce
temps-ci, il n'y a que l'électricité qui peut subvenir presque
immédiatement à ces besoins. Cela soulève la question
suivante si à plus long terme le gaz devait prendre cette place: Est-ce
que, parce qu'on n'a pas pu avancer assez vite dans l'installation du gaz, on
s'embarque dans le chauffage électrique et qu'on le regrette plus
tard?
M. Fortier: Vous ne croyez pas que cela va se jouer, justement,
durant les cinq ou six prochaines années, puisque c'est là que
les prix du pétrole vont augmenter considérablement? Devant cette
flambée des prix du pétrole et du mazout domestique, les gens
vont réagir, aidés par des incitatifs de toutes sortes, pour
aller à l'électricité et, si le gaz n'y est pas, à
ce moment-là, ils n'auront pas le choix et cela va se jouer d'ici
1986.
M. Dagher: C'est précisément là le
problème, M. le député.
M. Fortier: Merci beaucoup.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Gouin. (16 heures)
M. Tremblay: M. le Président, j'aimerais profiter du
passage de M. Langelier et de M. Dagher, puisqu'ils sont les
représentants de la seule compagnie pétrolière à
venir témoigner devant la commission, pour soulever un des
problèmes économiques majeurs de la région de
Montréal qui se rattachent au problème énergétique.
Le problème, en l'occurrence, est le problème de l'industrie
pétrochimique. Je sais que votre compagnie n'est pas aussi
impliquée que d'autres, comme Union Carbide ou Gulf, dans les
vapocraqueurs et dans la pétrochimie, quoique vous soyez au niveau de la
pétrochimie, mais il est évident que le tableau que vous nous
avez brossé met en cause non seulement des enjeux
énergétiques, mais aussi des enjeux économiques importants
pour la région de Montréal. Je rappelle que l'industrie
pétrochimique, dans la région de Montréal, emploie
directement et indirectement, par la truchement de 400 entreprises qui s'y
approvisionnent, quelque 80,000 personnes, ce qui évidemment est
très important pour l'économie de la région de
Montréal.
Dans le passé, Montréal a été le centre
pétrochimique canadien par excellence. Nous avons déjà
produit plus que 50% de la production pétrochimique canadienne. Le
développement de Sarnia est venu entamer cette part du marché. Le
développement du complexe pétrochimique de l'Alberta continue de
diminuer la part du Québec. Si vos hypothèses sont justes - je
n'ai pas de raison de les mettre en cause - voulant qu'à la fin des
années quatre-vingt, nous devrions faire face à des
problèmes sérieux en approvisionnement de cette matière
première qu'est le pétrole pour la région de
Montréal, et que si nous avons un approvisionnement, ce sera un
approvisionnement en pétrole lourd qui coûtera cher à
bonifier, ou s'il vient, comme l'a dit le député d'Outremont, en
provenance des sables bitumineux, ce sera quand même un pétrole
dispendieux. Ceci pose donc une problématique particulière du
câté de l'approvisionnement de la matière
première.
D'autre part, au niveau de la politique des subventions, je pense que le
ministre fédéral de l'Énergie a indiqué qu'il
n'était pas favorable à la subvention du pétrole
importé pour des fins pétrochimiques dans le cadre, entre autres,
de l'expansion de Pétromont, avec le consortium de la SGF, Union Carbide
et Gulf. Donc, dans une perspective semblable, j'aimerais vous demander comment
vous voyez l'avenir de l'industrie pétrochimique de Montréal
rattachée un peu à celle des raffineries de Montréal, si
on s'en va vers un problème d'approvisionnement sérieux dans
cette matière première qu'est le pétrole. Je vous demande
s'il y a possibilité que le gaz naturel puisse, dans les années
creuses de l'approvisionnement en pétrole, prendre un peu le relais du
pétrole et empêcher que Montréal perde presque en
totalité, dans les années quatre-vingt-dix, son industrie
pétrochimique, avec la perte d'emplois et la pression au ralentissement
économique que ceci signifierait.
Le Président (M. Jolivet): M. Dagher.
M. Dagher: M. le Président, si nous avons soulevé
l'hypothèse de ce problème d'approvisionnement en pétrole
à long terme pour la région de Montréal vers la fin des
années quatre-vingt, nous avons dit aussi que ces problèmes
seraient de notre propre création en tant que Canadiens. Donc, nous
avons notre propre solution ici, pour la sécurité
d'approvisionnement, à Montréal. Il s'agit de se mettre à
la tâche. Comme le député d'Outremont l'a dit, il faudrait
que le Québec entre dans la discussion, offre ces bons offices pour
essayer de débloquer ce dossier qui semble pris dans une ornière.
Si on a dit qu'il y a certaines inquiétudes sur l'approvisionnement si
on est dépendant des marchés internationaux pour la fourniture
à Montréal, nous avons dit aussi qu'il y a des solutions
canadiennes qui sont en train d'émerger et qu'il s'agit simplement de
débloquer. Il en tient à nous collectivement de faire ce qu'on
peut là-dedans. Le pétrole lourd avec l'usine de bonification du
mazout lourd va créer certaines coupes de pétrole qui seront
adéquates pour des emplois de pétrochimie, du naphte en
particulier. Cela va augmenter la quantité de naphte total disponible
à partir du complexe de raffinage de Montréal.
M. Tremblay: À quel prix?
M. Dagher: Le prix de la bonification est encore en train
d'être étudié; il va être assez élevé,
j'ai bien peur. Cela va coûter cher, mais c'est presque
inévitable, pas uniquement pour la pétrochimie, mais en
général, pour toutes les raisons de la balance
énergétique du Québec. La possibilité que vous avez
soulevée d'employer le gaz naturel comme un des "feed-stock" pour la
pétrochimie est très valable surtout que le prix du gaz naturel
à Montréal ne devrait pas être différent de celui de
Sarnia ou de Toronto. Donc, s'ils peuvent le faire à partir de ce
"feed-stock", pourquoi pas nous? C'est la sécurité...
M. Tremblay: Donc, diriez-vous, M. Dagher, dans la perspective
que la politique énergétique canadienne ne sera pas
modifiée dans le sens que vous souhaitez et que, finalement, le
pétrole importé à Montréal deviendra la source
principale d'approvisionnement de l'industrie pétrochimique à un
prix international non subventionné, que la tendance vers le
déplacement de l'industrie pétrochimique en direction de Sarnia
et en direction de l'Ouest va se poursuivre. Du moins c'est une perspective que
l'on peut envisager? Si cette tendance existe, ne vaudrait-il pas la peine,
dans le cas du Québec, de prendre les mesures, dès maintenant,
pour diriger en priorité le gaz naturel, que nous aurons dans les
prochaines années, vers l'industrie pétrochimique? Comme vous
dites, ce gaz serait concurrentiel avec Sarnia alors que le pétrole ne
serait pas concurrentiel avec Sarnia.
Le Président (M. Jolivet): M. Dagher.
M. Dagher: Je ne souscris pas entièrement à une de
vos remarques, M. le député, parce que vous avez dit que...
Disons que la politique énergétique canadienne a subi beaucoup de
changements, mais elle a une constante. C'est que le prix du pétrole
est, grosso modo, le même à travers le pays. Quel que soit son
coût d'importation à un endroit donné, il va toujours
être égalisé de manière que, à
Montréal, il ne soit pas beaucoup plus élevé qu'à
Sarnia. La politique définie du gouvernement...
M. Tremblay: Un instant. Vous ne croyez donc pas M. Lalonde
lorsqu'il dit qu'il n'a pas l'intention de subventionner le pétrole
importé pour l'industrie pétrochimique, lors de certaines
déclarations qui ont été faites il y a quelques semaines,
ce qui a créé une consternation dans le consortium de
Pétromont, entre autres, parce que ce projet ne sera plus rentable si le
pétrole acheté n'est pas au prix canadien de $21 ou $22 le baril
et qu'on doive s'approvisionner sur le marché international à
$42.
M. Dagher: Je dois admettre que je ne suis pas au courant de
cette déclaration de M. Lalonde que la subvention variera selon la fin
à laquelle on emploie ce pétrole. Il serait difficile de mettre
cela en vigueur étant donné que le pétrole serait
subventionné à un certain niveau plus ou moins égal
à travers le pays aux raffineurs qui, eux, produiraient du naphte
à des prix, je dirais, concurrentiels avec le reste du pays. J'entrevois
le problème comme étant une question de sécurité
d'approvisionnement plutôt que de prix.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Saint-François.
M. Rancourt: Merci, M. le Président. J'aurais une question
à la suite de la présentation d'Hydro-Québec hier. Nous
avons appris que la disponibilité de capitaux sur les marchés
devenait de plus en plus difficile. Pourriez-vous me dire si cela pourrait
affecter les autres industries privées dans le domaine
énergétique surtout à la recherche de capitaux de
développement? Est-ce que les emprunts considérables que...
Le Président (M. Jolivet): M. Dagher.
M. Dagher: M. le Président, je ne suis pas qualifié
pour me prononcer sur la disponibilité du coût des capitaux
à l'échelle mondiale. Non, franchement, je ne connais pas le
manque de capital auquel Hydro-Québec se référait hier. Je
ne sais pas si elle se référait à un manque de capital ou
à un coût élevé du capital.
M. Rancourt: Le taux d'intérêt ne compte pas
beaucoup quand on fait une demande de capitaux pour de nouveaux
investissements. J'imagine que c'est la même façon que l'industrie
pétrolière pour financer ses recherches d'exploration et autres.
Cela doit être considéré dans son coût
d'opération, dans son coût de gestion, et cela doit sûrement
se ressentir à quelque endroit s'il y a plusieurs industries dans le
domaine énergétique qui sont à la recherche de capitaux en
même temps.
M. Dagher: C'est un des problèmes auxquels fait face
l'industrie pétrolière elle-même. On a à faire face
à des demandes de capitaux énormes pour les sables bitumineux et
les autres choses. On sera en concurrence avec Hydro-Québec si tout le
monde se lance en même temps sur les marchés mondiaux.
M. Rancourt: À un autre endroit de votre mémoire
que j'ai lu, vous parliez un peu de l'électrification du domaine du
transport, qui n'a pas été tellement touché. J'ai
posé la même question hier à Hydro-Québec au niveau
de la diversification de l'utilisation de l'électricité; on parle
du ferroviaire, en particulier, le métro. On m'a donné comme
réponse que le métro est un utilisateur de X millions de
kilowatts. Est-ce qu'on pourrait considérer que cela serait une bonne
utilisation de l'hydroélectricité versus l'industrie
pétrolière, le domaine du transport en commun, par exemple? Votre
point de vue.
M. Dagher: M. le Président, je crois que, bien qu'ayant
dit que le transport est un des domaines presque exclusifs des produits
pétroliers, cela n'exclut pas les
applications auxquelles vous faites référence. Nous en
avons parlé dans notre mémoire, le métro,
l'éelectrification des réseaux ferroviaires, peut-être
même des autobus dans certaines grandes villes; je ne connais pas les
données économiques du problème, mais je pense qu'il vaut
la peine d'être étudié.
M. Rancourt: Merci. J'ai été absent quelques
minutes. Il est possible qu'on vous ait posé cette question. Concernant
les programmes d'économie d'énergie, est-ce qu'à votre
niveau vous voyez que toute promotion d'économie d'énergie est
valable à tous les points de vue justement même pour les
compagnies gazières. D'ailleurs, dans les chiffres des compagnies
gazières et d'Hydro-Québec, hier, il y avait une
différence au niveau présumément de ce que pouvait
être la relation entre les deux. Est-ce que vous autres, comme industrie
pétrolière, considérez que tous les programmes
d'économie d'énergie sont valables et doivent être
menés avec de plus en plus de force?
Le Président (M. Jolivet): M. Dagher.
M. Dagher: M. le Président, je suis complètement
d'accord. Comme le président d'Hydro-Québec lui-même l'a
dit, l'énergie la meilleure marché est celle qu'on ne consomme
pas. À ce point de vue, l'industrie pétrolière tend de
plus en plus à penser que sa mission, sa vocation ultime est
précisément de se concentrer sur l'essence et la
pétrochimie, les lubrifiants, l'asphalte et laisser la place dans le
chauffage, où l'économie est la plus prononcée, aux autres
sources d'énergie qui sont beaucoup plus disponibles et beaucoup plus
sécuritaires telles que l'électricité et le gaz naturel.
Il n'y a pas de conflit là-dedans.
M. Rancourt: D'accord. Une dernière question. Dans votre
mémoire, vous indiquez aussi que la place du gaz en plus du chauffage
était dans l'industrie, ce qui veut dire qu'un gazoduc devrait, en
principe, rejoindre les plus grandes industries consommatrices au niveau du
coût de production pour leur fournir les énergies dont elles
auront besoin durant les 20 prochaines années. C'est cela que j'ai
compris de votre mémoire. C'est que cette industrie gazière
serait vraiment, à ce point de vue, très valable.
Le Président (M. Jolivet): M. Dagher.
M. Dagher: Oui, M. le Président. Il est beaucoup plus
facile de convertir un grand usager, une grande industrie qui emploie, disons,
du mazout au gaz naturel que d'essayer d'arriver à ce même
transfert de produits à partir de 10,000 maisons individuelles.
Naturellement, on va prendre, je crois, dix ans, quelque chose comme
ça.
M. Rancourt: Évidemment, c'est une vérité
qui est facile à comprendre.
Le Président (M. Jolivet): Merci, au nom des membres de
cette commission, M. Langelier, M. Dagher et M. Mann. Je vous remercie.
Gaz Inter-Cité Québec Inc.
Nous faisons appel maintenant à Gaz Inter-Cité
Québec Inc. représenté par M. Gilles Barbeau. À M.
Barbeau, je vais demander de nous indiquer le nom de la personne et les
responsabilités de cette personne qui l'accompagne. (16 h 15)
M. Barbeau (Gilles): M. le Président, j'ai avec moi ici M.
Jean De Grasse, le directeur des études de marché pour Gaz
Inter-Cité Québec.
M. le Président, MM. les membres de la commission, Gas
Inter-Cité Québec a présenté une demande pour
obtenir le droit exclusif d'exploiter un système de distribution de gaz
naturel en faveur des usagers des secteurs domestique, commercial et industriel
dans la plupart des régions du Québec non desservies
présentement en gaz naturel.
À la suite de la requête présentée par Gaz
Inter-Cité Québec, la Régie de l'électricité
et du gaz du Québec a tenu des audiences publiques. Au cours de ces
audiences, il fut longuement discuté, entre autres, du potentiel que
représentaient pour le gaz naturel les marchés non desservis
actuellement au Québec. Pour sa part, Gaz Inter-Cité
Québec a étudié de façon exhaustive les nouveaux
marchés québécois compris dans le territoire montré
à l'annexe
I du présent mémoire et qui inclut 85 municipalités
réparties à l'intérieur de quatre zones bien
définies, tel qu'indiqué à l'annexe
II du mémoire.
Les résultats de l'étude entreprise par Gaz
Inter-Cité Québec relativement au nombre de clients
raccordés et au volume de gaz vendus sont montrés aux annexe III
et IV de notre mémoire.
Conformément aux politiques gouvernementales mises de l'avant
dans le livre blanc sur l'énergie publié en juin 1978, le
rôle accru du gaz naturel au Québec contribuerait à
atteindre les quatre objectifs suivants: 1. accroître l'autonomie
énergétique du Québec; 2. privilégier le
développement simultané de l'économie et de l'emploi au
Québec; 3. impliquer des Québécois dans la mise en place
de la politique énergétique;
4. intégrer la dimension énergétique dans les
grandes décisions socio-économiques des pouvoirs publics.
De façon plus directe, une plus grande pénétration
du gaz naturel permettrait d'assurer une meilleure sécurité
d'approvisionnement et d'offrir aux Québécois une plus grande
flexibilité dans le choix des sources d'énergie qui leur sont
disponibles, tout en contribuant à l'essor du développement
industriel du Québec.
C'est dans cette optique que Gaz Inter-Cité Québec a fait
l'évaluation des marchés du Québec non desservis
présentement et qu'elle préconise l'adoption d'une politique
énergétique visant à réduire la dépendance
du Québec des sources énergétiques importées et
plus particulièrement à: 1. remplacer l'huile utilisée
pour le chauffage par le gaz naturel; 2. remplacer l'emploi du pétrole
brut importé par le gaz naturel, lorsque possible; 3. décourager
l'emploi de l'énergie hydroélectrique pour le chauffage; 4.
maintenir les exportations de gaz naturel en excès des besoins
domestiques.
Alors que l'expertise de Gaz Inter-Cité Québec se limite
principalement au domaine de l'industrie du gaz naturel, Gaz Inter-Cité
Québec ne s'aventurera pas dans le détail des calculs de la
demande prévue en énergie électrique au cours de la
prochaine décennie.
Gaz Inter-Cité désire plutôt soulever certains
points de discussion qui, à son avis, ne sont pas assez
précisés dans la stratégie mise de l'avant par
Hydro-Québec et qui doivent être pris en considération.
Les trois points majeurs sont les suivants: 1. approvisionnement en gaz
naturel; 2. pénétration possible du gaz naturel; 3. secteurs des
marchés susceptibles d'accroître la pénétration du
gaz naturel.
Étudions maintenant ces trois points. Approvisionnement en gaz
naturel. Dans la brochure d'Hydro-Québec intitulée Une
stratégie pour la décennie 80, il est mentionné, dans la
section avant-propos, que le Québec "ne peut compter que sur des apports
limités de gaz naturel canadien".
Cette affirmation, tout en créant une certaine confusion, fausse
quelque peu la réalité. En effet, il est publiquement connu que
les réserves de gaz naturel dans les régions conventionnelles,
principalement en Alberta, sont actuellement plus que suffisantes pour faire
face à une demande accrue des marchés canadiens incluant l'Est du
Canada, tout en respectant les contrats reliés à l'exportation
des volumes de gaz vers les États-Unis. De plus, les découvertes
de gaz naturel dans les régions frontalières, soit de la
vallée du Mackenzie, soit des îles de l'Arctique, permettent
d'envisager un approvisionnement à plus long terme, assuré et
continu.
Il y a lieu de mentionner ici que l'Office national de l'énergie
tient à tous les ans des audiences publiques, afin de s'assurer qu'un
équilibre constant est maintenu entre l'offre et la demande pour le gaz
naturel. Actuellement, les audiences de l'Office national de l'énergie
ont débuté en décembre 1980 et se poursuivent à ce
sujet. Si l'on se fie aux recommandations antérieures de l'office ainsi
qu'aux mémoires soumis par les principaux intervenants dans les
présentes audiences, il apparaît évident qu'alors que les
approvisionnements en pétrole canadien sont limités, les
approvisionnements en gaz naturel sont plus qu'adéquats.
Si l'on se reporte quelque temps en arrière, soit en
février 1979, il est à noter que, dans son rapport sur les
besoins et approvisionnements de gaz naturel au Canada, l'Office national de
l'énergie arrive à la conclusion que, sans tenir compte des
volumes de gaz trouvé dans les régions frontalières, il
existe au Canada un surplus de gaz naturel de l'ordre de deux billions de pieds
cubes.
Par la suite, dans les motifs de sa décision relative aux
demandes soumises en vue d'exporter aux États-Unis des volumes
supplémentaires de gaz naturel, l'office mentionne à la page 3-15
de son rapport ce qui suit: "Après avoir pris ces données en
considération, l'office a majoré son estimation du potentiel
ultime prévu en Alberta de quelque 130 billions de pieds cubes tant pour
la Colombie-Britannique, y incluant le sud des territoires. Les
prévisions passaient par la suite de 19 EJ à 21 EJ. Ses
prévisions de 3 EJ pour la Saskatchewan sont demeurées
inchangées. Par conséquent, le potentiel ultime prévu pour
les régions productrices traditionnelles de l'Ouest canadien est de 169
EJ ou de l'ordre de quelque 160 billions de pieds cubes de gaz par rapport
à une estimation antérieure de 154 EJ."
Plus loin, à la page 4-12 du même rapport, on lit:
"L'office reconnaît la possibilité d'une extension des
marchés de gaz naturel dans d'autres régions que le Québec
et les Maritimes. Il a donc inclus l'estimation de ventes additionnelles
susceptibles d'être entraînées au Manitoba et en Ontario par
des stimulants en matière d'établissement de prix; il a inclus
également une estimation des volumes auxquels on peut s'attendre par
suite de l'alimentation en gaz de l'île de Vancouver."
Et encore à la page 4-13 de son rapport, l'office ajoute, et je
cite: "Bien que les différences soient minimes au cours des
premières années, l'office note que l'utilisation des
prévisions du rapport de 1979 sur le gaz, dont les estimations à
long terme sont plus élevées que les autres prévisions,
permet une plus grande mesure de protection des besoins canadiens. Une telle
protection
additionnelle semble appropriée, en particulier si l'on tient
compte des incertitudes quant à l'effet sur la demande de gaz naturel de
l'augmentation des prix du pétrole canadien et des inquiétudes au
sujet des approvisionnements en pétrole. L'office est aussi porté
à utiliser les prévisions fortes, étant donné les
incertitudes quant aux répercussions des politiques et des stimulants
susceptibles d'être mis de l'avant pour étendre les marchés
du gaz naturel."
Des exportations additionnelles de gaz naturel ayant été
permises, il est assuré que la demande des marchés canadiens en
gaz naturel sera comblée pour de nombreuses années à venir
et, par conséquent, le Québec, tout comme les autres
régions du Canada, pourra bénéficier pleinement des
avantages indiscutables que procure cette source d'énergie dans tous les
secteurs des marchés: résidentiel, commercial et industriel.
Maintenant, parlons de la pénétration possible du gaz
naturel. Se référant sans doute au livre blanc sur
l'énergie, Hydro-Québec prévoit que la part du gaz naturel
dans le bilan énergétique québécois devrait passer
de 6% à 12% d'ici l'année 1996.
Cette prévision montre, bien sûr, une croissance
relativement intéressante pour le gaz naturel. Cependant, elle ne tient
pas compte des récents changements survenus dans le domaine de
l'énergie tant au Québec qu'au Canada.
Depuis la parution du livre blanc sur l'énergie, plusieurs
nouveaux éléments sont apparus dans le dossier
énergétique, dont les principaux sont les suivants: a)
Approbation donnée par l'Office national de l'énergie à la
construction d'un gazoduc transquébecois; b) Volonté ferme du
gouvernement québécois d'accroître la participation du gaz
naturel au Québec; et c) Mise en place par le gouvernement
fédéral de mesures incitatives en vue de permettre la
substitution accélérée par le gaz naturel des produits
pétroliers, les principales mesures du programme
énergétique national étant les suivantes:
L'indexation du prix du gaz naturel sur le prix du pétrole de
façon que le gaz naturel conserve, et même augmente au cours des
années à venir, une marge concurrentielle importante;
Subsides de $800 (maximum) servant à couvrir une partie des frais
reliés à la conversion des appareils de chauffage;
Subsides supplémentaires qui permettront aux distributeurs de gaz
naturel soit de combler le solde des frais de conversion, soit de rentabiliser
certains projets d'expansion qui, autrement, s'avéreraient non
rentables;
Subsides accordés en vue d'améliorer les installations de
raffinage du pétrole brut.
L'objectif de ces subsides est, selon les propos mêmes du ministre
Lalonde, de tirer un meilleur parti du pétrole brut disponible, de
satisfaire les besoins du marché en essence, en carburant d'aviation, en
carburant Diesel et en autres produits, et de diminuer le gaspillage
qu'entraîne actuellement le niveau élevé de production du
mazout:
Promesse du gouvernement du Québec d'améliorer le
mécanisme actuel de répartition de la taxe de vente de
façon que les usagers de gaz naturel n'aient pas à supporter une
taxe de vente plus élevée que celle imposée aux usagers
d'autres sources d'énergie.
Étude complète par la Régie de
l'électricité et du gaz relativement au choix du ou des
distributeurs qui se verront accorder des territoires exclusifs pour la
distribution du gaz naturel dans les marchés non desservis
présentement.
Ces éléments, jumelés à la mise en place de
programmes de marketing dynamiques et adaptés aux besoins des
consommateurs québécois, permettront sans l'ombre d'un doute de
développer rapidement l'industrie du gaz naturel au Québec et Gaz
Inter-Cité Québec est confiante que la part du gaz naturel puisse
atteindre de 20% à 25% au cours des dix prochaines années.
Secteurs des marchés susceptibles d'accroître la
pénétration du gaz naturel. À la page 24 de son document
intitulé Une stratégie pour la décennie 80,
Hydro-Québec affirme ce qui suit: "La poussée de
l'électricité dans le bilan énergétique
québécois s'exercera principalement dans le secteur
résidentiel et à un degré moindre dans le secteur
commercial. Elle s'explique naturellement par la position concurrentielle de
l'électricité face aux autres formes d'énergie
utilisées pour le chauffage."
Et plus loin, on y ajoute: "Quant au gaz, sa pénétration
se fera surtout dans le secteur industriel où il remplacera
partiellement les produits pétroliers lourds. Le gaz pourrait aussi
effectuer une percée dans le marché du chauffage des habitations
et des immeubles commerciaux."
Cet énoncé d'Hydro-Québec s'avère inexact.
De plus, il ignore les forces normales du marché et ne tient pas compte
de certaines réalités dont nous traiterons maintenant.
Premièrement, la situation concurrentielle. Toutes les études
préparées par divers organismes démontrent hors de tout
doute qu'au secteur résidentiel le gaz naturel est, depuis les
dernières années au moins, le combustible le moins cher. De plus,
les projections démontrent qu'en tenant compte des
éléments connus aujourd'hui le gaz naturel continuera
d'être avantagé au point de vue prix au cours des dix prochaines
années et ce, par une marge de l'ordre possible de 10%. Il serait
intéressant
qu'Hydro-Québec dépose devant la commission parlementaire
ses études de concurrence telles que préparées au cours
des dernières années.
Pénétration dans les divers secteurs des marchés.
Si l'on se fie à l'expérience passée, il est vrai de dire
que l'électricité a fait des gains considérables plus
spécialement dans le secteur résidentiel. Cependant, il faut
aussi admettre qu'un concours de circonstances a contribué à
cette pénétration accélérée de
l'électricité. En premier lieu, la non-présence du gaz
naturel dans la majorité des territoires du Québec a permis
à Hydro-Québec de s'implanter solidement dans ces territoires en
tant que seule alternative au pétrole. Deuxièmement, les
restrictions temporaires des approvisionnements de gaz naturel au cours des
années 1975 et 1976, ajoutées au manque d'opportunisme des
distributeurs existants de gaz naturel, ont limité l'expansion des
réseaux de distribution de gaz naturel, laissant ainsi le champ libre
à Hydro-Québec.
Compte tenu de ces problèmes majeurs, le gaz naturel a quand
même atteint au cours des 20 dernières années une
saturation globale de l'ordre de 25% à l'intérieur des
territoires présentement sous franchise. Il nous paraît donc plus
que justifié de prétendre que la part prévue pour le gaz
naturel dans les territoires non desservis présentement atteindra un
pourcentage de 20% à 25% d'ici l'année 1990.
Plusieurs facteurs militent en faveur du gaz naturel,
spécialement dans le secteur résidentiel. Premièrement,
les frais de conversion de l'huile à l'électricité sont
pratiquement deux fois plus élevés que ceux requis pour la
conversion de l'huile au gaz naturel. Deuxièmement, les programmes de
conversion mis en place par les distributeurs de gaz naturel assureront que la
majorité des frais de conversion sera payée conjointement par les
distributeurs et par le gouvernement fédéral.
Troisièmement, les coûts d'opération seront moins
élevés pour un chauffage au gaz naturel que pour un chauffage
à l'électricité.
Alors que le principal marché potentiel pour le gaz naturel est
un marché de conversion dans tous les secteurs, il apparaît de
plus en plus évident que le gaz naturel concurrencera fortement
l'électricité dans ces secteurs et réussira sans aucun
doute à atteindre rapidement un taux de saturation beaucoup plus
élevé que celui atteint dans le passé.
Quant aux secteurs commercial et industriel, il est
généralement admis que le gaz naturel est la source
d'énergie tout indiquée pour y remplacer le pétrole.
L'installation de systèmes de distribution de gaz naturel à la
grandeur du Québec dans un laps de temps relativement court permettra
aux usagers des secteurs commercial et industriel de se raccorder aux
systèmes de distribution conformément aux taux de
pénétration projetés par Gaz Inter-Cité
Québec et montrés à l'annexe VI jointe à notre
mémoire.
Conclusion et recommandations. Il ne fait aucun doute dans l'esprit de
Gaz Inter-Cité Québec que l'électricité deviendra
la source principale d'énergie au Québec d'ici la fin de la
décennie quatre-vingt. Cette source d'énergie est produite chez
nous, est renouvelable et a certains autres avantages indiscutables. (16 h
30)
D'autre part, le pétrole représente un
élément de risque dans le bilan énergétique
québécois, tant à cause de son approvisionnement
limité, de son instabilité au niveau des prix et de son
efficacité moindre.
Quant au gaz naturel, il représente une source d'énergie
canadienne et fiable dont les approvisionnements sont assurés à
long terme et dont le prix est et demeurera concurrentiel.
Il s'agit maintenant, pour le gouvernement québécois, de
déterminer l'usage qu'il entend faire de ces trois principales sources
d'énergie. Gaz Inter-Cité Québec soumet qu'en
établissant des politiques énergétiques bien
définies, le gouvernement du Québec pourra a) permettre à
Hydro-Québec une pénétration accrue et à long terme
dans les secteurs où son utilisation sera plus efficace; b)
réduire au minimum, dans le plus court laps de temps possible, la part
des produits pétroliers au Québec, conformément aux
désirs exprimés à cet égard par tous les organismes
gouvernementaux; c) laisser au gaz naturel l'occasion de développer des
réseaux de distribution qui permettront le remplacement
accéléré du pétrole au cours des dix prochaines
années, tout en faisant bénéficier au maximum les
consommateurs québécois des incitatifs prévus à cet
effet; d) éviter qu'Hydro-Québec ait à investir des sommes
considérables pour faire face à une demande de pointe excessive
résultant de l'utilisation accrue de l'électricité pour
fins de chauffage, alors que le même service pourrait être offert
à moindre coût par le gaz naturel; e) s'assurer que les
investissements requis pour la mise en place des nouvelles structures de la
distribution, tant pour l'électricité que pour le gaz naturel,
soient faits de façon ordonnée en reportant le plus loin possible
dans l'avenir certains investissements majeurs pouvant être
remplacés à moyen terme par d'autres de moindre importance.
En résumé Gaz Inter-Cité Québec croit
qu'avec le développement accéléré de l'industrie
gazière au québec, le gouvernement du Québec a
présentement la chance unique de remettre à plus tard
certains investissements majeurs requis pour la production de
l'électricité, en plus de retarder le plus loin possible dans le
temps l'installation de centrales nucléaires. En fait, le gaz naturel
peut être considéré, à ce moment, comme source
d'énergie tampon permettant d'éviter de créer des demandes
de pointe exagérées d'électricité, lors du
remplacement du pétrole dans les marchés québécois.
Ceci assurera les Québécois d'une meilleure flexibilité
dans le choix des sources d'énergie, de prix avantageux et d'une
situation économique enviable résultant d'un bilan
énergétique optimal. Je vous remercie.
Le Président (M. Jolivet): Merci, M. Barbeau.
M. le ministre.
M. Bérubé: Je pense que mon collègue de
Duplessis va commencer la première intervention et je le suivrai, s'il
veut bien me laisser du temps.
Le Président (M. Jolivet): Merci, M. le
député de Duplessis.
M. Perron: Merci, M. le Président.
M. Barbeau, dans votre mémoire, vous soulevez certains points
relatifs aux prévisions d'Hydro-Québec en matière de
pénétration gazière. Selon vous, HydroQuébec fausse
la réalité en soutenant, dans son avant-propos, que le
Québec ne peut compter que sur des apports limités de gaz naturel
canadien. D'autre part, vous notez que l'Office national de l'énergie
assure une protection efficace de l'approvisionnement gazier canadien pour de
nombreuses années.
Enfin, vous considérez erronée la proposition
d'Hydro-Québec à l'effet que l'électricité serait
plus concurrentielle que le gaz naturel au secteur résidentiel. Vous
expliquez, d'autre part, que le gaz naturel est le combustible le moins cher et
qu'il le demeurera dans une marge de 10%, alors que les frais de conversion au
gaz naturel non seulement sont moins chers, mais seront davantage
subventionnés par le gouvernement fédéral et le
distributeur lui-même que le serait la conversion à
l'électricité. C'est à peu près ce que vous dites
dans une bonne partie de votre mémoire.
Vous faites aussi des recommandations, dans vos conclusions, en
établissant des politiques énergétiques bien
définies que le gouvernement du Québec pourrait suivre, en
particulier en permettant la pénétration de
l'électricité là où elle est le plus efficace;
deuxièmement, en réduisant au minimum, le plus rapidement
possible, la plupart des produits pétroliers au Québec;
troisièmement, en laissant au gaz naturel la possibilité de se
substituer au pétrole; quatrièmement, en réduisant
l'investissement requis dans l'équipement de pointe, le gaz naturel
offrant un service de pointe moins dispendieux; et cinquièmement, en
ordonnant les projets d'investissement dans le temps et en reportant le plus
loin possible l'installation des centrales nucléaires, ce avec quoi je
suis d'accord d'ailleurs.
Il y a un point que je voudrais soulever. C'est le point d). À
mon avis, le gaz naturel représente la meilleure possibilité pour
le gouvernement du Québec de reporter très loin dans le temps le
développement du nucléaire. C'est drôlement important.
Cependant, au niveau des besoins domestiques de chauffage, le gaz n'a jamais
connu la faveur populaire au Québec. On le sait. On en a eu la preuve
à plusieurs reprises. Malgré tous les efforts pour exprimer ses
avantages. Le point d) que vous soulevez présente un attrait très
particulier en rapport avec les façons de favoriser la
pénétration du gaz naturel au Québec. La question que je
voudrais vous poser sur la recommandation d) est celle-ci: Est-ce que vous
pourriez nous donner et expliquer en même temps certaines façons,
selon vous, de favoriser la pénétration du marché
québécois, toujours en rapport avec le gaz naturel?
M. Barbeau: Certainement. Dans le passé, comme je l'ai
mentionné brièvement, il y a eu certains problèmes de
toutes sortes. Que l'on se reporte aux années soixante, alors qu'il y a
peut-être eu quelques incidents fâcheux. Par la suite, il y a
peut-être eu des problèmes de concurrence vis-à-vis des
autres sources d'énergie. Après, il y a eu des problèmes
d'approvisionnement, etc. Cependant, je dois vous dire que durant les vingt
dernières années, au cours desquelles j'ai été au
service de la population en tant que distributeur de gaz naturel - pendant un
bout de temps avec Gaz Métropolitain et maintenant, avec Gaz
Inter-Cité Québec - chaque fois que le distributeur a mis en
place des programmes audacieux pour pénétrer les marchés,
cela a quand même fonctionné relativement bien. Quand on dit que
le gaz naturel ne jouit pas de la faveur du public, c'est quand même
aller un peu loin. Je pourrais vous référer aux années
soixante - entre 1965 et 1970 -alors que la compagnie du temps, Corporation de
gaz naturel du Québec, qui est devenue Gaz Métropolitain, a
investi des sommes énormes pour faire la publicité pour le gaz
naturel, alors qu'elle a investi également des sommes énormes
pour payer des frais de conversion, le développement pour le secteur
résidentiel allait très bien. D'ailleurs, une grande partie de
l'ouest de l'île de Montréal, Dollard-des-Ormeaux, Pierrefonds et
ces régions-là, est au gaz naturel au-delà de 50%
actuellement, au point de vue résidentiel. La même chose pour les
villes de Brossard et de Candiac.
Autrement dit, partout où le gaz naturel était disponible
et où le distributeur a pris les moyens de faire pénétrer
les marchés, cela a quand même réussi relativement bien.
Également, dans le secteur résidentiel, peut-être pas des
maisons unifamiliales, mais si on parle des logements non chauffés, ce
qu'on appelle communément les "cold flat"... Même à
Montréal, alors que la compagnie a payé les frais de conversion
ou les frais d'installation de circuits intérieurs, il s'est
raccordé des clients en nombre très grand. Malheureusement, par
la suite, il y a eu des conditions qui ont été plus difficiles
pour tout le monde. La pénétration du marché s'est
ralentie quelque peu, ce qui a permis d'ailleurs à Hydro-Québec
d'aller peut-être un peu plus vite.
Maintenant, aujourd'hui, on revient à des conditions qui n'ont
même pas existé auparavant, qui sont mieux qu'elles
n'étaient. Tout le monde pousse en même temps. Tout le monde veut
une pénétration du gaz naturel. Les distributeurs sont
prêts à investir les sommes nécessaires. Les gouvernements
sont prêts à y mettre le paquet également pour aider.
À ce moment, il s'agit pour le distributeur d'avoir un programme de
publicité et de marketing dynamique, un programme qui s'adresse vraiment
à la population qu'il dessert et un programme qui pourra vraiment faire
connaître les avantages du gaz naturel au public. Je n'ai aucune
espèce de crainte à dire qu'on peut facilement
pénétrer les marchés résidentiels, comme on le
prévoit ici.
M. Perron: Je vous remercie d'avoir développé sur
cette question, parce que cela avait drôlement de l'importance qu'on
puisse connaître vos réactions. Dans votre mémoire, vous
avez mentionné qu'il y avait actuellement un surplus de 2,000,000 de
pieds cubes, si j'ai bien compris.
M. Barbeau: En 1979, dans le rapport publié par l'Office
de l'énergie, à Ottawa, il était mentionné qu'il y
avait un excédent de 2 billions de pieds cubes.
M. Perron: 2 billions. Parce que je trouvais le chiffre de
2,000,000 pas mal...
M. Barbeau: D'ailleurs, il faudrait faire attention parce qu'en
anglais, cela devient des "trillions". On est souvent porté à
appeler des "trillions" des trillions, mais ce sont des billions. Mais c'est
aussi gros.
M. Perron: Merci. C'est la même grosseur, si j'ai bien
compris. En ce qui concerne l'approvisionnement en gaz naturel, pourriez-vous
nous dire quelle serait la durée des réserves prouvées que
nous avons actuellement en rapport avec la demande au
Canada et la demande au Québec?
M. Barbeau: Oui. La demande au Canada actuellement est de l'ordre
d'environ 1,5 à 1,8 billion - cela varie - de pieds cubes de gaz. C'est
la demande annuelle au Canada. Les réserves connues en Alberta sont de
l'ordre de 150 à 160 billions de pieds cubes. Évidemment, il faut
quand même considérer les volumes à l'exportation qui
viennent également de l'Alberta et qui sont, dans le moment, un peu
moins élevés que les volumes consommés de façon
domestique ici.
Pour résumer, si on ajoute au volume domestique les volumes
exportés vers les États-Unis, on arrive à un total de
l'ordre de 2,5 à 3 billions de pieds cubes de gaz par année,
alors que les réserves peuvent aller présentement jusqu'à
150 ou 160 billions de pieds cubes de gaz. Déjà là, vous
parlez d'un ordre de grandeur d'une cinquantaine d'années en supposant
que la demande reste comme elle est, évidemment. Par contre, la demande
va croître par la demande accrue des marchés de l'Est. Ici, on
parle au Québec d'une demande possible, dans la dixième
année du projet, de 158 milliards de pieds cubes de gaz qui
représenteraient, enfin, à peu près 10% de la demande
actuelle canadienne. L'augmentation d'ici, requise au Québec et
même dans les marchés de l'Est, dans les Maritimes, ne crée
pas de problème majeur vis-à-vis des réserves.
À cela, il faut également ajouter les réserves
potentielles des régions frontalières, soit la vallée du
Mackenzie ou les îles de l'Arctique. On parle d'un port méthanier
dans le bout...
M. Perron: Vous parlez, M. Barbeau, des réserves non
classiques.
M. Barbeau: Pardon?
M. Perron: Est-ce que vous parlez des réserves non
classiques à ce moment-là?
M. Barbeau: Des réserves qu'on connaît, existantes.
Je ne parle pas des réserves... Je vais revenir un peu en
arrière.
M. Perron: ...à aller chercher.
M. Barbeau: En Alberta, il se fait encore de l'exploration et
d'autres réserves seront également trouvées. Mais je n'ai
pas le chiffre et on ne peut pas se baser là-dessus; on ne l'a pas
aujourd'hui. Par contre, dans la vallée du Mackenzie et dans les
îles de l'Arctique, il existe des volumes de gaz importants qui seront
commercialisés le jour où la commercialisation de ces
réserves sera rentable et viable. Comme exemple, on parle souvent ici
d'avoir un port méthanier à Gros Cacouna. Ce port
méthanier de Gros Cacouna serait alimenté par le gaz qui
viendrait des îles de l'Arctique, qui serait
liquéfié sur place et amené ainsi par méthanier.
 ce moment-là, ce sont des réserves supplémentaires
qui pourront aider également.
Dans l'ensemble, j'appelle le gaz naturel comme étant un produit
tampon, dans le moment. Il permet de remplacer le pétrole le plus
rapidement possible, il repousse l'électricité un peu plus loin
peut-être et il repousse certainement le nucléaire plus loin
également. Tout cela ensemble fait que ' réserves
présentes sont vraiment suffisantes pour permettre d'atteindre les
objectifs que l'on prétend être valables, nous, pour le
Québec.
M. Perron: Maintenant, j'aurais une question à poser sur
les réserves non classiques. On sait que c'est un mode qui est beaucoup
plus coûteux en termes d'infrastructure. D'ailleurs, vous venez juste de
mentionner la question des endroits non accessibles ou très difficiles
d'accès. C'est une méthode de récupération qui est
très complexe et qui n'est même pas encore au point. Ce que je
voudrais vous poser comme question: Est-ce que votre compagnie étudie
actuellement certaines possibilités dans le cadre, par exemple, du
charbon gazéifié? Est-ce que vous étudiez dans ce
sens-là?
M. Barbeau: Notre compagnie comme telle, non.
M. Perron: Non.
M. Barbeau: II y a beaucoup de recherches qui sont faites
à ce sujet. Il y a d'ailleurs des plans qui fonctionnent à des
endroits, mais comme tel, nous, non, on ne s'en occupe pas.
M. Perron: D'accord. Une dernière question. Vous dites
dans votre mémoire qu'on devrait réduire - en fait, c'est
à peu près cela que vous dites; je n'ai pas le texte
intégral - le plan d'équipement d'Hydro-Québec pour
permettre au gaz de s'impliquer à la place. Est-ce que vous pourriez
expliquer à la commission l'effet qu'aurait une telle
pénétration du marché? Vous parlez de 20% à 25% et
ça, c'est du bilan énergétique sur le plan
d'équipements d'Hydro-Québec.
M. Barbeau: Cela pourrait vouloir dire en fait qu'en 1996, au
lieu d'avoir un bilan énergétique qui comprendrait 45% de la
demande fournie par l'électricité, 41% par le pétrole, 12%
par le gaz naturel et 2% par le charbon, on pourrait en arriver à une
situation où l'électricité comblerait entre 40% et 42% de
la demande, par exemple -en 1996, je parle - et le pétrole pourrait
être entre 36% et 38% au lieu d'être à 41%. Tout cela
permettrait au gaz naturel d'être autour de 20%. Il y a certainement
place pour un réaménagement des approvisionnements de
façon à permettre une pénétration un peu plus
accélérée du gaz naturel.
Une des raisons importantes, je pense, qu'il ne faut pas perdre de vue,
c'est que le programme énergétique national prévu par le
fédéral est d'une durée de dix ans. Après
ça, ce dont on pourrait bénéficier aujourd'hui ne sera
probablement plus disponible. Je ne dis pas que cela ne le sera plus parce
qu'il pourrait peut-être, à un moment donné, y avoir
d'autres révisions au programme, mais aujourd'hui ce n'est pas le cas.
Je pense qu'il est beaucoup plus habile, à ce moment-ci, de prendre
avantage de tous les incitatifs possibles payés par d'autres pour
éviter peut-être de dépenser des sommes importantes pour
des choses qui pourront être faites, de toute façon, un peu plus
tard et qui seront là.
Les cours d'eau restent là, tout reste là et c'est
renouvelable. Cela ne crée aucun problème. Mais la question des
incitatifs vis-à-vis du gaz naturel, je pense qu'il faut en prendre
avantage dès maintenant.
M. Perron: Cela m'amène à poser une autre question.
Lorsque vous parlez de réduction du plan d'équipements
d'Hydro-Québec, cela voudrait dire qu'il y aurait une montée du
plan d'équipements dans le domaine du gaz. Quel serait le rapport des
emplois qu'on créerait par le biais d'Hydro-Québec par son plan
et le vôtre, selon ce que vous voyez?
M. Barbeau: Le rapport entre les coûts pour la production
des deux sources d'énergie varie, on va parler d'entre deux et trois
fois. C'est peut-être deux ou trois fois plus dispendieux de créer
la même équivalence en BTU par l'électricité que par
le gaz naturel. Je n'ai pas fait d'étude approfondie de ça et
dans le fond, je sais que le gaz naturel peut être distribué
à un prix avantageux dans le moment.
Au point de vue emploi, lorsque vous installez des réseaux, des
systèmes de distribution partout, vous comprendrez que vous avez
déjà les employés de la compagnie de distribution qui sont
requis. Vous parlez peut-être d'à peu près 500
employés additionnels dans la distribution du gaz naturel. Ce sont des
emplois permanents. Vous avez tous les emplois qui résultent des travaux
effectués par les entrepreneurs en construction pour l'installation des
réseaux. Encore là, je n'ai pas le nombre exact, mais c'est
certain que lorsque vous construisez des réseaux d'une façon
rapide dans toutes les municipalités de la ville, de la province,
à peu près en même temps, il y a de grosses
chances que vous ayez un paquet de gens qui y soient
impliqués.
Vous avez également les retombées au niveau de
l'installation des appareils, la fabrication des appareils, l'installation des
appareils et tout ce que cela entraîne comme retombées. Vous allez
me dire que si vous convertissez également des maisons à
l'électricité, vous avez aussi des retombées
économiques dans ce sens. Je ne le nie pas. La question de
connaître le ratio entre les deux, c'est peut-être un peu difficile
à déterminer à ce moment-ci, mais je pense -je reviens un
peu à ce que je disais tout à l'heure - que dans le moment c'est
avantageux d'aller le plus loin possible avec le gaz naturel,
considérant qu'on a des bénéfices qui y sont
rattachés pour lesquels on ne paierait pas.
M. Perron: M. Barbeau, je vous remercie.
Le Président (M. Jolivet): Merci. M. le
député de Mont-Royal.
M. Ciaccia: Merci, M. le Président. Vous avez
mentionné, M. Barbeau, sur les approvisionnements, qu'il y avait 50
années d'approvisionnement en réserve prouvées,
approximativement.
M. Barbeau: 50 années basées sur la demande comme
elle est aujourd'hui, mais la demande va augmenter. Alors, cela baisse en
proportion.
M. Ciaccia: Maintenant, ce sont les réserves
prouvées. Quelles sont les réserves probables?
M. Barbeau: II y en a qui vont vous donner des chiffres, on
parlait tout à l'heure de quelque 150 billions de pieds cubes de gaz,
selon le rapport de l'Office de l'énergie. Il y en a qui vont aller
aussi haut que 250, 300 billions de pieds cubes de gaz. Tout dépend
vraiment jusqu'où on veut s'engager dans l'exploration, parce
qu'évidemment les premiers puits sont les moins coûteux; plus vous
allez loin, plus vous allez profond, plus cela coûte cher. Je pense qu'il
serait quand même raisonnable de dire qu'on parle certainement d'une
possibilité d'addition de quelque 50 billions de pieds cubes de gaz aux
160 ou aux 150 billions de pieds cubes de gaz que l'on connaît
déjà.
M. Ciaccia: C'est traduit en année.
M. Barbeau: Je parle des régions conventionnelles,
l'Alberta, la Colombie-Britannique et un peu la Saskatchewan. À cela, on
pourrait ajouter les réserves qui sont prouvées jusqu'à un
certain point dans la vallée du Mackenzie et dans les îles de
l'Arctique. On parle peut-être là encore de vingt ou vingt-cinq
billions de pieds cubes dans les îles de l'Arctique, peut-être de
quinze billions dans la vallée du Mackenzie. Encore là,
l'exploration continue toujours. Globalement, je suis certain que le gaz
naturel sera disponible pour de nombreuses années à venir. C'est
difficile de déterminer exactement combien, mais on en aura assez
longtemps de toute façon pour avoir trouvé bien d'autres choses
pour le remplacer.
M. Ciaccia: Le premier ministre de l'Alberta a annoncé
qu'il y aurait des coupures de pétrole. Cela va-t-il affecter
l'approvisionnement en gaz naturel?
M. Barbeau: Non, absolument pas.
M. Ciaccia: Autrement dit, le gaz naturel continuerait à
être disponible, cela ne fait pas partie de la politique ou des...
M. Barbeau: Exactement.
M. Ciaccia: ... négociations entre le gouvernement
fédéral et l'Alberta.
M. Barbeau: Non, le gaz naturel n'est absolument pas
touché. D'ailleurs, il faudrait ajouter une chose aussi, c'est que, pour
l'approvisionnement en gaz naturel, vous fonctionnez toujours en vertu de
contrats d'approvisionnement avec le transporteur et les producteurs. Ils ont
des contrats à respecter et on ne peut pas couper comme cela. De toute
façon, M. Lougheed n'a jamais parlé de couper en aucune
façon les approvisionnements en gaz naturel.
M. Ciaccia: Vous parlez dans votre document de décourager
l'emploi de l'énergie hydroélectrique pour le chauffage.
Naturellement, vous allez à l'encontre de la direction
qu'Hydro-Québec semble avoir prise dans la présentation de son
document, hier, en commission parlementaire, dans ses prévisions pour
les quinze prochaines années et vous allez aussi à l'encontre des
prévisions du livre blanc du gouvernement, de 1977, où la
prévision pour le résidentiel situait l'augmentation à 23%
en 1975 et à 62%, en 1990. Vous avez souligné, je pense, je ne
crois pas que vous soyez les seuls intervenants à le faire, et cela vaut
certainement la peine de le répéter, que c'est le temps qu'on
établisse des politiques énergétiques bien
définies. J'interprète cela dans le sens qu'il n'y a pas
maintenant de politiques bien définies de la part du gouvernement du
Québec, parce que, d'une façon, Hydro-Québec vient ici et
nous présente des prévisions pour les prochaines quinze
années et se fait féliciter par le gouvernement. Vous venez ici,
vous dites l'inverse d'Hydro-Québec. Le gouvernement
vous félicite. Il va falloir à un moment donné que
le gouvernement prenne une décision d'une façon ou d'une autre.
On ne peut pas tous avoir raison. Ou ce sera le résidentiel
électrique ou ce sera le résidentiel au gaz naturel. Qu'est-ce
que le gouvernement pourrait faire de concret, d'après vous, pour vous
assurer que votre objectif serait atteint, c'est-à-dire qu'il y aurait
une utilisation accrue du gaz naturel dans le domaine résidentiel?
M. Barbeau: C'est une longue question. Je vais essayer d'y
répondre le mieux possible. Évidemment, je n'ai jamais
mentionné que le texte laisse entendre que le gouvernement n'a pas de
politiques énergétiques bien définies; si le texte le
laisse entendre, il ne faudrait quand même pas aller trop loin avec
cela.
M. Ciaccia: C'est une interprétation.
M. Barbeau: Oui, d'accord. Vu que c'est moi qui ai écrit
le texte, je peux vous donner la mienne également. Mon
interprétation du texte que j'ai écrit est effectivement que des
politiques énergétiques, il y en a, mais des politiques
énergétiques, c'est comme toute autre chose, on les change
continuellement. Le gouvernement fédéral passe son temps à
les changer; le gouvernement de l'Alberta les change et, ici, elles vont
changer également en fonction de ce qui se passe dans une situation
donnée.
Autrement dit, lorsque vous parlez, par exemple, d'avoir un accès
à des montants d'argent du fédéral pour une
pénétration accrue du gaz naturel, je pense qu'il faut en tenir
compte. Je ne dis pas qu'Hydro-Québec devrait arrêter de
pénétrer les marchés résidentiels, ce n'est pas le
cas du tout. Hydro-Québec va continuer à en prendre une bonne
partie. Je pense tout simplement que le gaz naturel pourra en prendre
également une bonne portion, parce que, de la façon qu'on
prépare notre projet, il reste encore passablement de volume à
aller chercher pour Hydro-Québec dans le marché
résidentiel. Cela, on ne le nie pas. On croit que le temps est venu pour
le gaz naturel d'aller en chercher plus, tout simplement.
M. Ciaccîa: Mais que pourrait faire le gouvernement du
Québec de façon concrète pour vous aider à
atteindre cet objectif?
M. Barbeau: Le gouvernement du Québec pourrait, d'abord,
contribuer de quelque façon que ce soit à la mise en place des
mesures incitatives prévues par le fédéral. Par exemple -
prenons seulement cet aspect - il y a $800 qui sont donnés pour la
conversion. C'est donné à tous, autant pour
l'électricité que pour le gaz naturel. C'est une chose. On parle
de montants additionnels à être donnés aux distributeurs de
gaz, par exemple, pour rentabiliser les projets qui seraient autrement non
rentables, pour permettre, justement, que le gaz naturel soit disponible dans
la plupart des régions du Québec. En effet, tant que le gaz
naturel n'est pas arrivé dans une région donnée,
l'électricité peut faire ce qu'elle veut en principe et aller
chercher les clients qu'elle veut, jusqu'à un certain point. On doit
s'assurer que le gaz naturel pénètre ces marchés le plus
rapidement possible. Actuellement, la concurrence est telle que le gaz naturel
est avantagé. Il s'agit peut-être de le maintenir ainsi pendant un
bout de temps pour s'assurer que le client bénéficie d'un
avantage lorsqu'il convertit, premièrement, et deuxièmement,
qu'on l'aide à payer les frais de conversion. C'est une chose qui semble
vouloir être mise en place. Ce sont toutes sortes de mesures où
tous les gens devront s'entendre de façon qu'effectivement le
distributeur puisse avoir les mains libres jusqu'à un certain point,
tout en fonctionnant selon les forces normales du marché, de la
concurrence. Hydro-Québec est là. Hydro-Québec sera
toujours là; il va falloir que le distributeur se relève les
manches et travaille.
M. Ciaccia: Je présume qu'une des mesures que le
gouvernement doit prendre, c'est de déterminer le distributeur parce
que, s'il n'y a pas de distributeur, plus le gouvernement tarde à
prendre cette décision, plus cela va prendre de temps pour
pénétrer dans le secteur résidentiel. Au niveau des
distributeurs, pensez-vous que ce serait plus favorable pour le consommateur et
pour l'ensemble du Québec d'avoir un distributeur ou d'avoir plusieurs
distributeurs? Par exemple, au sujet du port méthanier de Gros Cacouna,
cela peut-il faire une différence quant à la décision
finale qui sera prise pour l'installation du port à Gros Cacouna et pour
l'opération de ce port s'il y a un distributeur ou s'il y a plusieurs
distributeurs dans la province de Québec?
M. Barbeau: L'installation du port méthanier à Gros
Cacouna n'affecte en rien vraiment le distributeur parce que, de toute
façon, les installations de gaz naturel liquéfié à
Gros Cacouna seront raccordées au réseau de transmission, le
gazoduc qui a été installé par la compagnie Trans
Québec et Maritimes. C'est la conduite de transmission et le
distributeur n'a rien à voir, vraiment, avec le raccordement de Gros
Cacouna vis-à-vis de son système.
Quant à savoir si c'est mieux d'avoir plus d'un distributeur,
l'opinion de Gaz Inter-Cité a toujours été qu'il devrait y
en avoir plus qu'un. C'est ce qu'on dit. Ce n'est pas moi qui vais prendre la
décision finale. C'est
le gouvernement du Québec qui va décider quelle attitude
il prendra dans ce dossier. Je peux dire une chose: c'est que, partout dans
tout le Canada, les compagnies de distribution de gaz ont
développé leur territoire sur la base de plusieurs distributeurs
par province. Cela s'est avéré très bien. Deux
distributeurs permettraient au moins à une entreprise locale de
développer peut-être plus localement le marché qu'elle a au
lieu peut-être d'oublier un secteur vis-à-vis de l'autre. Il y a
des avantages, à notre point de vue, à avoir plus d'un
distributeur, oui.
M. Ciaccia: Une question additionnelle pour terminer. Vous parlez
de la pénétration du gaz naturel. Le livre blanc du gouvernement
prévoit 12% pour l'année 1990, je crois, et c'est le même
chiffre qu'Hydro-Québec nous a présenté. Vous parlez,
vous, dans votre mémoire d'une pénétration de 20% à
25%. Quel pourcentage est nécessaire? Il doit y avoir un seuil, un
minimum nécessaire pour justifier des investissements tant pour le
transport, le pipeline, que pour l'infrastructure. Quel pourcentage du
marché est le minimum comme objectif pour justifier ces investissements?
Est-ce qu'à 12% c'est entièrement rentable de faire tous les
investissements nécessaires ou vous faut-il plus que cela? (17
heures)
M. Barbeau: II faut partir du principe que 12%, c'est un
pourcentage global. Tout dépend évidemment des marchés que
vous allez desservir. Si vous vous limitez, si vous allez moins loin et si vous
desservez les clients industriels, les gros commerces, les institutions, un
pourcentage de 12% pourrait certainement être aussi rentable qu'un
pourcentage de 20%, par exemple, dans lequel vous auriez un très grand
nombre de clients résidentiels, éparpillés dans toutes
sortes de régions.
Par contre, la distribution du gaz naturel veut que, pour assurer une
stabilité de la demande, vous ayez quand même un volume
intéressant de résidentiels et de commerciaux, mais surtout de
résidentiels. Si vous construisez un réseau basé sur des
clients industriels uniquement, par exemple, vous pourriez arriver avec une
pénétration de 8% et ce serait rentable comme vous ne pourriez
jamais le croire. Mais d'un autre côté, lorsque vous avez
seulement des clients industriels, il ne faut pas oublier que lorsque les
conditions économiques sont moins bonnes, qu'il y a des grèves,
etc., le distributeur fait face à une situation où il a des
montants à payer pour le gaz qu'il achète et qu'il n'a pas pris
et alors, il y a des années difficiles.
Le client résidentiel, commercial et petit commercial ajoute une
stabilité à l'ensemble de l'exploitation de la compagnie de
distribution et permet au distributeur, bon an mal an, quand même de
maintenir un rendement raisonnable sur les investissements. Le pourcentage
n'est pas rattaché, je pense, à une question de
rentabilité. Tout dépend dans quel territoire vous allez et
jusqu'où vous allez, et quelle sorte de clients vous desservez vraiment.
Mais 12%, à mon avis, est rentable, sans aucun doute.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Gouin.
M. Tremblay: Merci, M. le Président. Il est évident
que le gaz naturel représente une source intéressante
d'énergie dans le bilan énergétique du Québec,
suivant l'évolution de certains paramètres
économiques.
J'aimerais demander au représentant de Gaz Inter-Cité
quelle devrait être l'évolution des prix pour que la
pénétration du gaz au Québec puisse se faire comme vous le
souhaitez, au cours des dix prochaines années. Vous indiquez que le gaz
naturel est le combustible le moins cher présentement et vous
prévoyez - vous le dites à la page 10 -que cet avantage
concurrentiel de l'ordre de 10% va se maintenir au cours des dix prochaines
années. Ceci signifie donc que vous avez une idée de
l'évolution des prix du gaz naturel au cours des dix prochaines
années.
D'après les politiques déjà annoncées et
d'après vos propres estimations, quelle serait l'augmentation annuelle
prévue, du prix du gaz naturel, au cours des prochaines années,
d'une part? Et d'autre part, compte tenu que la plus grande crainte que vous
nourrissez est une politique de bas prix de l'énergie
hydroélectrique, laquelle politique pourrait s'avérer un handicap
à votre entrée dans le marché énergétique,
quelle devrait être la croissance des tarifs de
l'hydroélectricité, au cours des dix prochaines années,
pour vous permettre d'être concurrentiel?
M. Barbeau: Je n'ai pas nécessairement tous les chiffres
que vous me demandez, mais je peux vous dire quand même, en principe,
comment cela fonctionne.
Premièrement, le prix du gaz naturel est prévu être
indexé à celui du pétrole brut sur la base du prix vendu
à Toronto. Cette indexation va aller en décroissant pendant un
certain nombre d'années. Aujourd'hui, on parle peut-être d'un
rapport entre les deux de quelque 78%, à peu près. Ce pourcentage
va décroître graduellement pour atteindre possiblement 67% dans
les années 1985 ou 1986 à peu près. Et par la suite, il y
aura quand même une remontée de façon qu'il se maintienne
à un niveau de 75%, 80% et peut-être 85%. Il reviendra à ce
qu'il était auparavant. Cela est une chose.
Quant à l'électricité, les études qu'on a
fait faire démontrent une progression normale de l'ordre de 10% ou un
peu plus, basée sur les projections d'Hydro-Québec. Je ne peux
faire mieux que de prendre les chiffres prévus par Hydro-Québec.
Quand on met tout cela ensemble, il reste que, pendant au moins les six
prochaines années, le gaz naturel jouit d'un avantage marqué dans
la plupart des secteurs des marchés. Et c'est durant cette
période que vraiment la conversion au gaz naturel va se faire.
Nous avons dit, dans la présentation, qu'on s'attaque au
marché de conversion. C'est évident qu'il y a la nouvelle
construction, mais pendant que vous êtes en train de développer
vos réseaux de distribution, les nouvelles constructions qui se font
à la périphérie des municipalités existantes
n'auront pas le choix tellement. Elles vont aller à Hydro-Québec
chercher l'électricité, parce qu'on ne sera même pas
là. Le gaz naturel ne sera pas présent. Graduellement le gaz
naturel va peut-être rejoindre un peu ces marchés, mais c'est
quand même minime dans l'ensemble des prévisions faites par Gaz
Inter-Cité. On parle d'un marché de conversion et ce
marché de conversion est disponible au cours des cinq ou sept prochaines
années. C'est durant cette période qu'il faut frapper vite, qu'il
faut aller le chercher, et après cela on aura des taux qui permettront
vraiment de maintenir une situation concurrentielle raisonnable.
M. Tremblay: Y a-t-il une raison pour laquelle vous dites
maintenant que cet avantage de 10% va durer pour les six prochaines
années, alors que dans votre mémoire vous parlez de dix
années ou davantage? Est-ce que vous avez changé depuis la
rédaction?
M. Barbeau: Non, on n'a pas changé. Globalement, je parle
de 10% de toute façon. Mais vous savez quand même une chose, il
n'y a personne que je connaisse qui voilà cinq ans aurait pu dire que le
prix du gaz naturel aujourd'hui, en 1981, va être de X et celui de
l'électricité va être Y. Cela, nous ne le savions pas et
les prévisions sont très difficiles à faire dans le
moment. On est obligé de marcher d'après des sources
d'information telles que, par exemple, le gouvernement fédéral
qui dit que le prix du pétrole va s'en aller dans ce sens et le prix du
gaz naturel s'en va dans l'autre sens. On parle ici de prévisions faites
par Hydro-Québec qui est vraiment le plus en mesure de faire des
prévisions. Il n'y a personne d'autre que les gens qui travaillent
à Hydro-Québec présentement qui peuvent dire ce qui va
arriver au prix de leur source d'énergie, ce sont les experts dans ce
domaine.
Par contre, vous mettez tout cela ensemble et vous regardez, et vous
dites: Je pense bien, il semble que j'ai un avantage global de 10%.
M. Tremblay: II y a quand même un très gros point
d'interrogation, vous l'admettrez, du fait que le prix du gaz naturel va
être d'une façon ou d'une autre rattaché au prix du
pétrole. Et comme notre prix du pétrole est un des plus bas au
monde présentement et qu'il est artificiellement bas et que tôt ou
tard il est appelé à monter assez rapidement, le prix du gaz va
monter. Si, d'autre part, la politique des prix de l'électricité
suit ce qui s'est fait dans le passé, c'est-à-dire des prix qui
collent à la réalité des coûts de production, comme
nous avons des coûts moyens de production à cause des anciens
barrages qui nous permettent d'avoir des augmentations assez petites,
possiblement, et hier, je vous rappelle que les gens d'Hydro-Québec nous
ont dit qu'ils pouvaient avoir une augmentation des tarifs
d'électricité qui soit collée au taux d'inflation,
c'est-à-dire un prix réel qui soit constant pour les dix
prochaines années...
Dans un contexte semblable, est-ce que votre optimisme serait
très touché? Est-ce que vous craindriez pour votre
capacité de faire pénétrer le gaz naturel aussi fortement
que vous le souhaitez?
M. Barbeau: Je ne crois pas nécessairement que ce soit le
cas. D'abord, je reviens un peu en arrière. Vous dites que les prix du
pétrole vont augmenter très vite pour rejoindre les prix du
marché mondial. Déjà dans les prévisions faites par
le gouvernement fédéral, il y a des augmentations très
rapides, pendant au moins trois, quatre ou cinq ans. Si on en tient compte dans
les prévisions dont on parle, il y aura d'autres augmentations par la
suite, c'est évident, mais je suis obligé de fonctionner en vue
de ce que je crois possiblement être la réalité du moment.
Encore une fois, si Hydro-Québec maintenait ses tarifs, ses taux
à un pourcentage de 10% net - enfin, ces gens disent qu'ils peuvent le
faire, je n'insisterai pas là-dessus - même à cela, pendant
les six prochaines années, le gaz naturel a un avantage et il est
capable d'aller chercher le marché de conversion. C'est ce marché
qu'il faut aller chercher.
Pour le distributeur de gaz dans le moment, c'est ce qu'il faut qu'il
vise. D'ailleurs, c'est là qu'il faut remplacer le pétrole. Dans
les nouvelles constructions, du pétrole il n'y en aura à peu
près pas. Le but de tout le monde est de réduire la
dépendance du Québec quant au pétrole importé.
Alors, le marché est là, il faut aller le chercher. Et pendant le
temps où on sera prêt à aller le chercher, on concurrencera
Hydro-Québec à des taux au moins aussi avantageux que
l'électricité.
M. Tremblay: C'est mon dernier commentaire, M. le
Président.
Le Président (M. Jolivet): M. le député.
M. Tremblay: II n'est pas nécessaire que le gouvernement
force Hydro-Québec à augmenter ses tarifs de
l'électricité, par exemple, au double de ce qu'elle avait
prévu, pour vous aider à pénétrer le marché
de conversion du pétrole vers le gaz naturel. Vous aimeriez
évidemment...
M. Barbeau: En tant que distributeur de gaz naturel, ce que vous
dites peut être une très bonne idée, mais en tant que
consommateur, je n'y tiens pas du tout.
Le Président (M. Jolivet): M. Barbeau, je vous remercie au
nom des membres de la commission.
J'invite le Centre de recherche en sciences de l'environnement,
représenté par M. Yvon Pageau, à s'approcher ici à
l'avant. Pendant qu'il s'installe, je dois vous dire que la
Société d'électrolyse et de chimie Alcan Ltée a un
document 11M qui est pour donner aux membres de cette commission. Quant
à moi, comme ils demandent simplement le dépôt, je
considère, du fait d'être déposé ici devant les
membres de cette commission et à la Bibliothèque nationale, que
leur voeu a été exaucé.
M. le ministre.
Documents produits
M. Bérubé: Puisque nous en sommes au
dépôt de document, l'Opposition nous avait demandé si nous
ne pourrions pas déposer également à cette table un
rapport des Consultants du Canada sur le potentiel d'économie
d'énergie dans le secteur résidentiel au Québec,
fondé essentiellement sur des analyses par ordinateur du potentiel. Il y
a essentiellement des tables d'ordinateur, mais il y a un résumé
des conclusions du rapport. J'en ai un certain nombre de copies pour les
membres de la commission. Il me fait plaisir de le déposer.
Le Président (M. Jolivet): En fait, M. le ministre, comme
il n'y a pas de dépôt, je considérerai donc que c'est une
distribution à chacun des membres de cette commission...
M. Bérubé: C'est un cadeau personnel aux membres de
cette commission.
Le Président (M. Jolivet): Merci. M. Pageau, vous avez
maintenant la parole.
Centre de recherche en sciences de
l'environnement
M. Pageau (Yvon): M. le Président, je suis
impressionné par les membres de cette commission pour leur patience et
l'attention qu'ils apportent à ces dossiers. Nous essaierons de faire
assez rapidement. Je voudrais d'abord faire comme une adresse
préliminaire et, après, faire un résumé de notre
mémoire rapidement sur les points principaux.
Le Président (M. Jolivet): Est-ce que vous pourriez
présenter la personne qui vous accompagne, s'il vous plaît?
M. Pageau: M. Alfred Jaouich, du département des sciences
de la terre de l'UQAM. Je vous prierais d'excuser l'absence des deux autres
collègues, M. Hade et M. Chodorowski, du département de chimie,
qui sont retenus par des obligations professorales.
Le premier ministre du Québec a souligné avec vigueur dans
le discours inaugural de la 31e Législature en novembre dernier les
éléments structurels d'une politique énergétique du
Québec. Rarement un discours inaugural n'aura été suivi
aussi rapidement de décisions touchant la mise en place d'instruments
collectifs pour une mise en oeuvre aussi cohérente et lucide d'une
politique. Force nous est de reconnaître le rôle dynamique
joué par le ministre de l'Énergie et des Ressources, M. Yves
Bérubé. Rarement aussi un gouvernement n'aura montré
autant de suite dans ses idées dans un dossier aussi complexe et crucial
que celui de l'énergie, depuis la consultation qui a mené en 1978
au livre blanc sur la politique québécoise de l'énergie,
"Assurer l'avenir". II faut reconnaître ici le rôle
prépondérant joué par l'ex-ministre d'État à
l'Énergie, M. Guy Joron. Or, cette politique fait état d'un
"porte-folio" diversifié qui sera le gage de son succès en
s'appuyant sur quatre sources d'énergie indispensables à la
poursuite du développement d'une société moderne. Chacune
de ces sources s'appuie à son tour sur des instruments collectifs dont
certains sont dans la foulée immédiate du discours inaugural. Ces
quatre sources sont les suivantes: 1) l'électricité, la seule
source autochtone d'énergie qui s'appuie sur Hydro-Québec, qui
est, comme disait le premier ministre dans le discours inaugural, le navire
amiral de la flotte des sociétés d'État; 2) le gaz
naturel, qui s'appuie sur Gaz Métropolitain, devenu récemment
partenaire d'État et qui devrait traverser le Québec pour
rejoindre les Maritimes et s'appuyer pour ses approvisionnements futurs sur le
port méthanier de Gros Cacouna; 3) le pétrole, qui s'appuie sur
deux piliers: a) sur SOQUIP, pour développer une usine de valorisation
des huiles lourdes avec les autres sociétés
pétrolières montréalaises; b) sur Pétromont, pour
développer davantage le secteur de la pétrochimie avec Gulf et
d'autres partenaires; enfin, 4) les économies
d'énergie et les énergies nouvelles qui s'appuieront, les
premières, sur Hydro-Québec, les secondes, sur Nouveler, une
société formée de partenaires de sociétés
d'État.
La force de cette politique, c'est de s'appuyer sur la diversification
des sources d'énergie, mais sa faiblesse, c'est de s'appuyer sur deux
sources sur quatre qui ne sont pas québécoises. C'est là
l'obstacle majeur à la réalisation de cette politique. En effet,
la réalisation de cette politique, pourtant indispensable au
Québec, ne pourra se faire sans une coordination étroite avec la
politique énergétique canadienne.
L'acquisition récente de Pétrofina par Pétro-Canada
fera qu'une société d'État canadienne sera maintenant
présente au Québec. Il faut souhaiter que le gouvernement
canadien, par sa société d'État, ne vienne pas
contrecarrer les plans de l'État québécois mais, tout au
contraire, bien en faciliter la réalisation, autrement des politiques
divergentes en ce domaine stratégique ne seraient pas dans
l'intérêt des Québécois et des Canadiens.
(17 h 15)
Donc, notre groupe est intéressé aux économies
d'énergie pour autant que toute économie d'énergie a un
impact positif sur l'environnement et, par conséquent,
s'intéresse aussi à des politiques énergétiques. II
s'agit ici de situer le plan d'investissement d'Hydro-Québec dans le
cadre d'une politique énergétique. Alors, notre rapport est
simple. Il souligne surtout une chose: c'est le problème de la
pénétration du gaz naturel versus
l'électricité.
Notre groupe, d'abord, est favorable au plan d'investissement
d'Hydro-Québec et estime qu'on ne devrait pas prendre prétexte de
certaines lacunes pour le réduire en quelque façon. Si un tel
plan coûtera cher, c'est pourtant l'un des meilleurs sinon le meilleur
investissement que les Québécois peuvent faire, individuellement
et collectivement, pour leur avenir. Puisque toute forme d'énergie
coûtera de plus en plus cher, vaut aussi bien que les
Québécois paient le coût d'une source d'énergie qui
leur appartienne, d'autant que la source d'énergie dont il s'agit ici,
c'est d'abord et avant tout l'énergie hydroélectrique, par
définition, renouvelable et non polluante, des caractères uniques
et inestimables par rapport aux sources d'énergie traditionnelles:
fossiles, pétrole, charbon, pour ne pas parler de l'énergie
nucléaire.
Ceci dit, notre groupe souligne une faiblesse dans le rapport
d'Hydro-Québec; une stratégie pour la décennie 80, et les
documents y attachés. Cette faiblesse concerne la
pénétration de l'électricité dans le chauffage des
espaces et, notamment, dans celui du secteur résidentiel. Nous estimons
que dans le contexte énergétique québécois et
canadien il serait préférable de favoriser la
pénétration du gaz naturel dans le chauffage des espaces.
Comme nous le disons dans notre rapport, on ne saurait faire grief
à HydroQuébec de ne pas prévoir une plus grande
pénétration du gaz naturel pour le chauffage des espaces, encore
moins lui reprocher de ne pas faire la promotion du gaz naturel. Ce n'est pas
dans son mandat de faire la promotion d'une forme d'énergie concurrente.
C'est là l'importance de cette commission, M. le Président, de se
pencher sur une analyse plus large de la situation
énergétique.
Les projections d'Hydro-Québec, quant à l'importance de la
pénétration de l'électricité dans le chauffage des
espaces et, particulièrement, dans le secteur résidentiel,
viennent du fait que l'électricité jouit d'un
préjugé favorable auprès des Québécois. On a
répété aux Québécois qu'elle était
propre. On a associé le Québécois aux grands travaux en
cours à la Baie James et à ceux du passé comme la Manic.
On l'assure de son approvisionnement et on lui dit qu'il en était
propriétaire. Rien de plus naturel que le Québécois se
convertisse au chauffage électrique.
Tout au contraire, le gaz naturel part perdant. À son endroit, le
préjugé est défavorable. Le Québécois a peur
du gaz naturel, il n'est pas sûr de son approvisionnement et il ne lui
appartient pas. Pourtant, Statistique Canada montre qu'en 1980 40% des
7,807,000 foyers canadiens sont chauffés au gaz naturel, 37% au mazout
et 20% à l'électricité. En Alberta, c'est 80%. En Europe,
le gaz naturel est une source d'énergie importante consacrée au
chauffage et aux usages domestiques. Pourtant, les réserves canadiennes
en gaz naturel sont bonnes au moins pour 30 ans; les ressources, encore
davantage.
Pourquoi alors faut-il favoriser la pénétration du gaz
pour le chauffage des espaces? Parce que c'est une excellente source
d'énergie pour le chauffage sans compter de bons usages industriels. On
peut rappeler celui du procédé mitrex par la SIDBEC, c'est pour
la réduction du fer. Deuxièmement, on économiserait
l'électricité pour l'appliquer à des fins plus
spécifiques et rechercher l'optimisation pour attirer au Québec
des industries importantes pour lesquelles l'électricité n'a pas
de substitut. Pensons à tous les procédés
d'électrolyse, l'aluminium, le cuivre, le zinc, l'étain,
l'hydrogène.
Troisièmement, on pourrait éviter de modifier
profondément la demande de pointe et le profil de charge du
réseau. C'est peut-être le point crucial. Les documents
d'Hydro-Québec disent que la décision n'est pas prise, qu'il
faudrait envisager, pour compenser pour les problèmes de pointe, les
problèmes de
charge, de mettre en service 5100 mégawatts de turbines à
gaz de 1986 à 1994 au coût de $1,500,000,000. Cela nous
apparaît un peu paradoxal pour ne pas dire absurde car, en fait, on
ferait pénétrer le gaz dans le chauffage des espaces par sa
transformation en électricité sans pallier les
inconvénients très importants décrits dans les rapports
d'Hydro-Québec qui en résulteraient sur la demande de pointe et
le profil de charge du réseau.
La conversion au gaz est moins coûteuse pour tous les foyers ou
les logements qui sont déjà dans des systèmes à air
chaud. On pourrait évidemment apporter des incitations
financières pour vaincre la résistance psychologique que le
Québécois a à l'endroit du gaz naturel. On pourrait
réserver le gaz, par exemple, a des maisons existantes dans les
banlieues qui exigent la plus grande consommation de chauffage, beaucoup plus
que des maisons en rangée; de ville et à étages, et
réserver l'électricité peut-être à des
développements de parcs de maisons nouvelles où c'est plus facile
de planifier tant les systèmes d'équipement que de distribution,
etc., parce qu'on connaîtra d'avance combien il y a de maisons nouvelles,
exiger des normes, évidemment, d'isolation, etc., et ainsi
établir un équilibre dans l'usage de ces deux sources
d'énergie assez remarquables l'une et l'autre d'ailleurs mais pour des
raisons différentes. Cela pourrait aussi s'accompagner de campagnes de
publicité, en les confiant à des organismes qui s'occupent de
psychosocial pour vaincre cette résistance psychologique qui existe,
à notre avis, chez les Québécois moyens.
Enfin, M. le Président, nous ne voudrions pas conclure sans dire
un mot des économies d'énergie. Hydro-Québec consacre
plusieurs pages à ce chapitre dans ses dossiers et nous nous
réjouissons des efforts et des recherches qu'elle entend mener dans les
énergies nouvelles, l'énergie solaire, l'énergie
éolienne, la biomasse, les pompes thermiques, l'hydrogène, la
fusion, le stockage, etc. Il faut se réjouir aussi que le gouvernement
ait confié à Hydro-Québec le mandat de développer
un programme dynamique d'isolation des bâtiments.
Nous pensons qu'Hydro-Québec peut jouer en ce domaine un
rôle déterminant sur le bilan énergétique global du
Québec en s'intéressant à la récupération
thermique conjointement avec l'industrie. On l'a dit, l'économie
d'énergie, c'est l'énergie la moins chère; c'est le
gisement de la ressource la moins chère, la ressource la plus propre, la
plus sécuritaire en termes d'approvisionnement et c'est une ressource
renouvelable. À la limite, elle est quasi inépuisable, parce
qu'on pourra toujours aller gruger dans les économies d'énergie.
C'est la seule ressource énergétique qui rendra l'industrie libre
et compétitive, la seule ressource qui nous rendra autonomes et
indépendants.
En conclusion, nous estimons que le plan d'investissements
d'Hydro-Québec est audacieux, mais il placera le Québec dans une
situation privilégiée pour son développement
socio-économique dans les années 1980-1990. C'est pourquoi il ne
s'agit pas de le réduire. Il s'agit de le canaliser pour utiliser d'une
façon optimale cette énergie exceptionnelle qu'est
l'électricité, surtout lorsqu'elle est d'origine hydraulique.
Si les efforts consentis par ces investissements considérables
allaient laisser des surplus d'électricité, il n'y aurait
qu'à réviser les tarifs à la baisse. Une telle conjoncture
aurait pour effet de redistribuer aux Québécois une part de la
richesse acquise à coups d'impôts, de taxes et de hausses
tarifaires successives comme les "royautés" pétrolières de
l'Alberta ont soulagé les Albertains d'une part importante
d'impôt. Mais il n'y aura pas de surplus longtemps. Avec une baisse
sensible des tarifs de l'énergie électrique, les surplus seraient
vite absorbés car l'énergie à bon marché attirera
industries et commerces qui verront là l'occasion de se
développer avec un atout concurrentiel important face à la
montée des coûts énergétiques ailleurs. C'est tous
et chacun de nous qui profiteraient d'une telle conjoncture, c'est le
Québec tout entier qui en profiterait. Merci, messieurs.
Le Président (M. Jolivet): Merci, M. Pageau. M. le
ministre.
M. Bérubé: M. Pageau, votre mémoire est
extrêmement intéressant. À ce point intéressant que
le député d'Outremont me suggérait qu'on limite nos
interventions à deux minutes chacun et qu'on passe à un autre
mémoire. En fait, il n'aimait pas tellement votre analyse de l'action
gouvernementale dans le domaine de l'énergie. Je vous remercie de ce
témoignage que vous avez rendu, d'une part, à mon
prédécesseur, M. Joron, qui est maintenant avec nous, d'ailleurs,
et en même temps à l'action gouvernementale. Je ne crois pas qu'on
ait réglé tous les problèmes, mais je crois, cependant,
que votre mémoire apporte, je ne dirais pas des solutions, mais une
avenue que j'aimerais fouiller un peu plus avant avec vous.
D'une part, vous avez délibérément choisi de ne pas
utiliser une approche fluviale, de ne pas vous asseoir sur le bord du fleuve et
regarder passer les bateaux, mais, au contraire, de réfléchir
à ce que devrait être la source énergétique la plus
appropriée pour certaines fonctions. Vous nous avez
suggéré des orientations, des politiques gouvernementales qui ne
se contenteraient pas simplement d'essayer de
prédire l'évolution et, à partir de cela, de
préparer des plans d'équipements qui ont simplement comme
objectif de se coller carrément à la prévision, mais, au
contraire, de chercher même à modeler la prévision, a
modeler les besoins jusqu'à ce que, finalement, on arrive à un
parc énergétique optimal au Québec. C'est vraiment une des
premières interventions où on sent cette volonté
d'intervenir.
J'aimerais, à ce moment-là, que vous me fassiez part des
réflexions des gens de votre centre plus spécifiquement sur les
mesures gouvernementales que vous recommanderiez pour favoriser, par exemple,
la pénétration du gaz naturel pour le chauffage, pour orienter
l'électricité vers des fonctions industrielles que vous avez
identifiées, mais que j'aimerais que vous développiez
peut-être un peu. En d'autres termes, quels gestes gouvernementaux
seriez-vous en mesure de recommander, dans le sens où vous nous le
suggérez?
Le Président (M. Jolivet): M. Pageau.
M. Pageau: M. le ministre, M. le Président, vous posez
là une question très délicate. Vous savez que nous ne
vivons pas dans un monde qui aime beaucoup le dirigisme d'État. Nous
sentons qu'il en faut. Si nous donnions des lignes de conduite
déterminées... Nous en avons esquissé une tout à
l'heure, en disant de réserver des parcs de banlieue de maisons
existantes pour favoriser le gaz naturel. Je crois que, si l'on veut respecter
la liberté des individus et qu'un État veuille imprimer quand
même un certain modèle, il doit le faire discrètement.
L'incitation financière, c'est aussi un outil délicat. Il peut
être, évidemment, assez puissant. Par exemple, dans l'état
actuel de l'inflation, les gens mettent leurs mains dans leur poche souvent
pour vérifier les comptes. Je crois que c'est par des campagnes de
conviction et de promotion sur la valeur de cette énergie. Ce sera un
processus d'éducation assez lent. Pour notre part, nous croyons que
c'est peut-être la façon la plus réaliste.
M. Bérubé: En fait, si on récapitule
très sommairement les activités de notre commission depuis deux
jours, on peut rappeler qu'hier les membres de cette commission ont
constaté que, dans les programmes d'investissements que nous soumettait
Hydro-Québec pour les cinq prochaines années, l'autofinancement
s'accroîtrait très rapidement. En d'autres termes, cela revient
à dire que le profits générés par
Hydro-Québec croîtraient très rapidement. C'est une
première observation qui a été faite.
Une deuxième observation a été faite par le
député de Gouin tantôt, en posant une question aux
représentants de Gaz Inter-Cité. Il a demandé: Même
si Hydro-Québec devait faire croître ses tarifs avec l'inflation,
est-ce que le gaz naturel cesserait d'être concurrentiel? La
réponse nous est venue tout aussi rapidement: Non, certainement pas pour
les cinq, six ou sept prochaines années. Le gaz naturel maintiendrait
son avantage comparatif. (17 h 30)
On a donc devant nous deux positions. La première position est un
profit intéressant pour Hydro-Québec. Donc, d'une part, pas de
pressions à la hausse sur les tarifs. D'autre part, même un
représentant des distributeurs de gaz naturel au moins nous a dit:
Même si les tarifs d'Hydro-Québec suivaient simplement l'inflation
et si nous suivions dans nos politiques tarifaires la politique
énergétique canadienne, nous serions en mesure de maintenir un
avantage comparatif. Sachant cela, envisagez-vous une action tarifaire comme
étant un moyen pour privilégier le gaz naturel afin de faciliter
ou accélérer sa pénétration?
M. Pageau: M. le ministre, je ne crois pas que les membres de
notre groupe soient en mesure de vous répondre sur cet aspect que
j'appellerais économique. Nous pensons que c'est plutôt par un
processus psychologique de pénétration. Mais il y a des choses
qui se passent, dans le monde. La nécessité fait loi. Vous avez
Londres, en Angleterre, par exemple, une ville importante qui s'est convertie
au gaz naturel rapidement. Résistance psychologique ou pas,
nécessité fait loi. Nous n'en sommes pas là, je crois. La
question, directement, sur l'évolution des tarifs, cela aiderait
certainement, mais là, c'est une opinion. Réellement, je ne peux
pas... Je ne pense pas, M. Lewis, que nous puissions répondre.
M. Bérubé: Je vous remercie.
Le Président (M. Jolivet): Merci, M. le ministre.
M. le député d'Outremont.
M. Fortier: M. Pageau, maintenant que le ministre a
révélé publiquement un sentiment dont je lui avais fait
part confidentiellement et à l'avenir...
M. Ciaccia: Auquel il avait... M. Fortier:
Agréé, d'ailleurs. M. Ciaccia: Oui.
M. Fortier: Je vous dirai tout droit ce que j'en pense, sans
flatteries. Il me semble que votre document est un des plus faibles que nous
ayons reçus jusqu'à maintenant et je vous dirai pourquoi.
La première raison, c'est que ce document était flatteur.
Je me suis demandé en le lisant si l'UQAM était tellement mal en
point avec les subventions du gouvernement qu'en flattant le gouvernement, vous
vous attendiez à avoir un traitement particulier. La deuxième,
c'est que, bien sûr, en examinant les arguments que vous apportez, cela
manque un peu de rigueur. Quant à la première raison, vous dites,
à la page 3, que Gaz Métropolitain n'avait pas encore la
certitude d'approvisionnements suffisants, vu le retard apporté à
la décision d'un nouveau pipeline. Il faut savoir que dans le moment,
Gaz Métropolitain est déjà relié au pipeline. Il
n'a pas besoin d'un nouveau pipeline pour avoir des approvisionnements
additionnels. La seconde, c'est lorsque vous dites, à la page 6, que
vous êtes en faveur d'une plus grande pénétration. Vous
dites: "Nous estimons donc que l'État doit prendre les dispositions pour
faciliter une plus grande pénétration du gaz naturel dans le
chauffage des espaces et surtout dans le secteur résidentiel." Le
ministre vous a demandé - et vous n'avez pas donné de
précisions là-dessus - quelles seraient les incitations. On a
parlé de prix; c'est sûrement, une incitation, c'est une
incitation de prix.
Ensuite, à la page 10, vous dites qu'il y a du surplus dans la
vente de l'électricité et vous dites: "Si ces efforts devaient
encore laisser du surplus, il n'y a qu'à réviser les tarifs
à la baisse." J'essaie de comprendre de quelle façon vous pouvez
en même temps être en faveur d'une pénétration du gaz
et suggérer des incitations très aléatoires et, d'autre
part, être en faveur d'une baisse du coût de
l'électricité, alors que nous savons tous que s'il y a une baisse
des tarifs de l'électricité, cela va favoriser une plus grande
pénétration de l'électricité. J'aimerais que vous
m'expliquiez ou que vous éclairiez ma lanterne sur ce sujet.
Le Président (M. Jolivet): M. Pageau.
M. Pageau: Je vais essayer, M. le Président. Je commence
par la fin. Si vous faites l'hypothèse que le gaz naturel connaît
une pénétration importante au Québec, vous devriez
comprendre que la part de l'électricité nécessaire
à assurer le chauffage des espaces sera moindre et que cela devrait
produire des surplus à ce moment-là. Nous prenons
l'hypothèse que nous acceptons les plans des équipements. Nous
croyons que c'est un investissement pour le Québec et il faut faire tout
ce qu'on peut de l'électricité, mais avant de la vendre, par
exemple, nous essaierons de l'utiliser au mieux au Québec.
M. Fortier: Â qui?
M. Pageau: Cela se parle, monsieur.
M. Fortier: Oh! À l'extérieur du Québec.
M. Pageau: Bon! Je ne sais pas si cela répond à
notre question. Cela suffit pour moi pour cela. Les autres, pour le pipeline,
je n'ai pas trop saisi.
M. Fortier: Non, non, sur le point de l'incitation, vous
dites...
M. Pageau: Est-ce que le Gaz Métropolitain, le pipeline
irait...
M. Fortier: ...que s'il y a des surplus dans la vente
d'électricité, on pourrait baisser les tarifs. Ne croyez-vous pas
qu'en baissant les tarifs de l'électricité, cela va favoriser une
plus grande pénétration de l'électricité au
Québec même?
M. Pageau: C'est le temps, monsieur. Vous ne prenez pas cela dans
le même temps. Si le gaz pénètre, d'une façon
significative, cela va prendre un certain nombre d'années -
d'après moi dix ans - pour arriver à 15% ou 20%. C'est donc
là que si l'on met en marche un plan d'équipement qui est
accepté ici, très important, dans dix ans, il se pourrait qu'il y
ait des surplus électriques.
M. Fortier: En tout cas. Un autre point sur lequel j'aimerais que
vous m'éclairiez encore une fois. Il s'agit d'un petit paragraphe dans
la lettre additionnelle que vous avez envoyée et où vous dites
ceci: "La force de cette politique, c'est de s'appuyer sur la diversification
des sources d'énergie, mais sa faiblesse est de s'appuyer sur deux
sources sur quatre qui ne sont pas québécoises. C'est là
l'obstacle majeur à la réalisation de cette politique."
Et en même temps, vous dites être en faveur du gaz - depuis
qu'on a eu un référendum le 20 mai dernier, je crois qu'on fait
encore partie du Canada - j'essaie de comprendre dans quelle mesure le fait
d'appartenir au Canada et, de pouvoir compter sur des quantités de gaz
considérables et même des quantités de pétrole dans
l'avenir, si on s'entend sur une politique énergétique, peut
être une faiblesse pour le Québec. J'essaie de comprendre et je ne
comprends pas.
Le Président (M. Jolivet): M. Pageau.
M. Pageau: M. le Président, je ne crois pas, à ma
connaissance, que le gaz soit une source d'énergie
québécoise, au Québec.
M. Fortier: Quelle différence cela fait-il?
M. Pageau: Cela fait, M. le Président,
que le contrôle de cette source dépend d'autres personnes.
Et nous avons un exemple actuellement avec le pétrole. Il y a une
province qui a des difficultés à s'entendre avec un gouvernement
central et elle nous dit qu'elle pourrait fermer le robinet. Rien ne nous
assure qu'une telle éventualité ne pourrait pas survenir pour le
gaz naturel également.
M. Fortier: Dans ce cas-là, M. Pageau, on ne devrait pas
compter sur le gaz et on devrait intensifier le développement
électrique de la province de Québec. Si vous dites qu'il y a un
danger de coupure de gaz, pourquoi favorisez-vous cette forme
d'énergie?
M. Pageau: Parce que, monsieur, dans le dernier paragraphe de
cette adresse, et à la fin de notre mémoire, nous faisons le pari
que les conditions politiques au Canada permettront des ententes entre hommes
de bonne volonté.
M. Fortier: Là-dessus, on est d'accord. Je suis
complètement d'accord là-dessus et je crois que c'est
là-dessus qu'on va terminer notre intervention. Je vous remercie
beaucoup.
Le Président (M. Jolivet): Merci. M. le
député de Dubuc.
M. Desbiens: Je crois que la plupart des questions qui ont
été soulevées par le mémoire ont été
posées. Toutefois, je voudrais faire au moins une remarque, parce que le
nom de votre organisme me portait à croire, avant d'entendre le
mémoire, qu'il serait beaucoup plus question d'environnement. Vous y
avez fait allusion à une couple de reprises tout de même.
Quand vous nous parlez, dans le mémoire, de développement
économique, est-ce que vous seriez en mesure de nous indiquer plus
précisément quel est le type d'industries que vous croyez que le
gouvernement devrait privilégier en premier, pour l'application des
tarifs préférentiels dont vous parlez, puisque vous parlez de
tarifs préférentiels d'électricité pour aider
l'industrialisation?
Le Président (M. Jolivet): M. Pageau.
M. Pageau: Toute industrie dont l'électricité est
une nécessité pour fonctionner. J'ai donné les exemples
des industries primaires comme l'industrie des métaux,
l'électrolyse pour fabriquer de l'aluminium, le cuivre, etc. Il y a eu
déjà, dans l'air, des pourparlers pour monter une industrie de
moteurs d'aluminium, par exemple. Si de tels genres d'industries venaient
s'installer au Québec, il faudrait de l'énergie électrique
pour le fabriquer, cet aluminium, s'il en faut encore davantage. Par
conséquent, c'est un exemple, je crois, d'optimisation de cette
énergie. C'est d'ailleurs le même pari que, ce matin, le groupe de
l'École polytechnique faisait en parlant d'énergie
nucléaire pour dire que ce sera un outil pour le développement
industriel. Je ne sais pas si je réponds.
M. Desbiens: D'accord. On parle beaucoup, depuis les
débuts de la commission, de la pénétration de gaz naturel,
on parle de mesures qui devraient inciter la pénétration du gaz
naturel au Québec. On parle toujours de mesures, mais on ne donne jamais
d'exemple de ces mesures. Quel pourrait être ce genre de mesures que vous
verriez qui inciteraient ou qui permettraient...
M. Pageau: M. le Président, M. le ministre, tout à
l'heure, a posé une question à peu près dans le même
sens. Il a demandé si des directions de l'État ou des tarifs...
Nous estimons que c'est très délicat d'agir d'une façon
trop directive pour un État dans notre système à nous;
peut-être des incitations financières. Nous avons indiqué
que dans la planification Hydro-Québec pourrait se réserver le
chauffage des espaces pour des parcs de maisons nouvelles dont on se serait
assuré des conditions de bonne isolation pour tirer le maximum,
l'optimisation de cette énergie, et réserver le chauffage au gaz
naturel des espaces des parcs de maisons de banlieue déjà
existantes qui, bien souvent, sont déjà dans des systèmes
d'air chaud à l'huile. Et aussi faire une campagne pour vaincre la
résistance psychologique des Québécois.
M. Desbiens: Ce sont les raisons que vous avez mentionnées
tantôt, mais, quand vous parlez de parcs de maisons existantes, vous
verriez quoi, des formes de subventions, pour transformation de ces maisons
actuellement chauffées au pétrole vers le gaz naturel?
M. Pageau: Bien oui. Je pense d'abord au programme
fédéral, conjointement avec les provinces, de conversion de
systèmes de chauffage. Certainement, si le gaz naturel est disponible,
cela pourra aider à sa pénétration. Pour notre part, nous
ne pensons pas que cela se fera très vite, il faudra que ce soit
accompagné de campagnes de promotion psychosociale pour vaincre la
résistance des Québécois.
M. Desbiens: Je vous remercie.
Le Président (M. Jolivet): Merci au nom des membres de
cette commission. Je vous remercie, monsieur.
Le prochain intervenant est - je vais nommer les deux qui restent d'ici
ce soir -Gaz Métropolitain Inc. et M. Michel Jurdant. Je ne sais pas si
les membres de la commission préfèrent suspendre nos travaux ou
attendre le dernier mémoire, quitte à dépasser 18
heures.
Une voix: Pourquoi ne pas suspendre jusqu'à 20 heures?
Le Président (M. Jolivet): Donc, nous allons suspendre
d'un commun accord jusqu'à 20 heures. Nous reviendrons avec Gaz
Métropolitain Inc.
(Suspension de la séance à 17 h 44)
(Reprise de la séance à 20 h 8)
Le Président (M. Jolivet): La commission de
l'énergie et des ressources est à nouveau réunie aux fins
d'entendre les personnes ou organismes qui veulent faire des
représentations relativement au plan d'équipement et de
développement 1981-1990 de la société
Hydro-Québec.
Au moment où nous nous sommes quittés, à l'heure du
souper, la parole était au groupe du Gaz Métropolitain Inc.,
représenté par M. Robert Normand, à qui je demanderais de
bien vouloir présenter les personnes qui l'accompagnent.
M. Normand.
Gaz Métropolitain Inc.
M. Normand (Robert): Merci, M. le Président. Comme premier
acte que je vais poser devant cette cour, je vais demander tout simplement
à M. Villion de présenter les gens qui représentent Gaz
Métro.
Le Président (M. Jolivet): M. Villion.
M. Villion (Jean François): Comme vous pouvez le
constater, dans notre compagnie, on fonctionne par délégation
directe. Alors, M. le Président, messieurs les membres de la commission,
j'ai ici avec moi, à ma gauche, M. Joseph Baladi, vice-président
du groupe exploitation et expansion; à ma droite, M. Normand, que vous
avez appelé tout à l'heure, qui est vice-président aux
finances et aux affaires de réglementation; ensuite M. Noël,
vice-président, marketing, et enfin M. Hung Bui-Quang, directeur de la
tarification et de la commercialisation à Gaz Métropolitain.
En tant qu'acteur important du domaine de l'énergie au
Québec, Gaz Métropolitain désire faire part à votre
commission de certains commentaires qui lui apparaissent appropriés
relativement au plan d'installation soumis par Hydro-Québec pour la
présente décennie. Gaz Métropolitain tient d'abord
à remercier le ministre de l'Énergie et des Ressources de
l'invitation qu'il lui a faite de faire connaître son point de vue sur
cette question.
Avant d'aborder les aspects formels de notre présentation, Gaz
Métropolitain aimerait souligner qu'elle partage le souhait
réitéré hier par le président du conseil
d'administration d'Hydro-Québec, M. Joseph Bourbeau, selon lequel le
Québec devrait mettre à contribution les ressources
considérables du gaz naturel canadien et que devrait se
concrétiser à court terme la volonté des gouvernements
d'étendre le réseau de distribution de gaz à l'est de
Montréal, de sorte que les trois quarts de la population du
Québec aient accès à cette forme d'énergie.
Malgré le fait que ce souhait ait été
exprimé par les plus hautes instances d'Hydro-Québec, il est pour
le moins surprenant de constater, comme nous le verrons plus loin, que ce
souhait ne se transpose pas au niveau d'une volonté claire et nette de
voir le gaz naturel connaître la pénétration
envisagée.
Dans un premier temps, nous allons traiter des perspectives de
développement du gaz naturel au Québec. À la
lumière des difficultés éprouvées au niveau des
approvisionnements pétroliers sur le plan international, canadien et
québécois, diverses mesures et décisions prenaient place
et permettaient au gaz naturel, pour la première fois de son histoire au
Québec, de bénéficier d'une situation prometteuse en
termes d'expansion de marché. Parmi ces différentes mesures de
décisions, mentionnons la politique québécoise de
l'énergie de 1978, favorisant distinctement une
pénétration substantiellement accrue de gaz naturel;
l'approbation en mai 1980 de la prolongation du gazoduc à l'est de
Montréal en vue de desservir l'ensemble des marchés importants du
Québec; l'intervention en octobre 1980 du programme
énergétique national du gouvernement fédéral
conférant un avantage concurrentiel significatif au gaz naturel
relativement aux produits pétroliers et prévoyant une assistance
pécuniaire intéressante au niveau de la conversion
d'équipements et de l'extension des réseaux de distribution, et
finalement, la décision imminente du gouvernement
québécois quant à l'octroi du droit de desservir le gaz
naturel dans les nouveaux territoires au Québec, territoires pour
lesquels Gaz Métropolitain a déposé une requête
auprès de la Régie de l'électricité et du gaz.
Face à ce nouveau contexte, Gaz Métropolitain croit qu'une
pénétration accrue du gaz naturel au Québec procurera aux
Québécois des bénéfices dérivés de
ses caractéristiques intrinsèques, de son aspect industrialisant
déjà depuis longtemps reconnu,
et de son avantage concurrentiel à l'égard des mazouts qui
ira croissant. Elle permettra d'améliorer la sécurité des
approvisionnements énergétiques du Québec par le
déplacement du pétrole brut importé que l'on évalue
à l'équivalent de 50,000 barils par jour dès 1984, tout en
allégeant considérablement le déficit de la balance
canadienne des paiements dont les effets québécois se traduiront
par un bénéfice de l'ordre de $650 millions dès 1980, au
cours des dix prochaines années.
Selon le résultat d'études d'impact
socio-économiques menées pour le compte de Gaz
Métropolitain sur la période de 1981 à 1990, les
bénéfices du projet pour la collectivité
québécoise se situeraient à près de $1 milliard et
l'incidence totale au niveau de l'emploi serait de 30,200 hommes/année.
Il s'agit d'effets minimaux puisque certaines régions du Québec
appelées à être desservies ne sont pas comprises dans ces
études, ni l'impact des effets industrialisants du gaz naturel et de
l'accroissement de la participation québécoise à la
conception, à la fabrication et à l'assemblage des composantes de
la distribution du gaz naturel. On estime que cette participation pourrait
être portée de 40% qu'elle est actuellement à environ 75%,
contribuant ainsi au second objectif de la politique québécoise
visant à privilégier le développement de l'économie
et de l'emploi au Québec. (20 h 15)
Gas Métropolitain estime que l'extension du réseau gazier
pourra se réaliser et permettra, en raison de la part accrue du gaz
naturel dans la consommation énergétique québécoise
totale, de rejoindre et même de dépasser un des objectifs
énoncés par le gouvernement du Québec dans sa politique
québécoise de l'énergie, soit le renforcement de la
sécurité des approvisionnements énergétiques du
Québec.
À l'aide des mesures incitatives proposées par les divers
ordres de gouvernement, la croissance de la consommation du gaz naturel se fera
principalement aux dépens de celle du pétrole et ne modifiera pas
de façon sensible la demande des autres formes d'énergie, plus
particulièrement celle de l'électricité. Les
résultats des études de Gaz Métropolitain ont
démontré, en outre, que la part du gaz naturel au sein du bilan
énergétique québécois pourrait et devrait
raisonnablement passer de 7% actuellement à 17% en 1990. La part du gaz
naturel en 1990 représenterait 16% de la consommation du secteur
résidentiel, 22% de celle du secteur commercial et 29% de celle du
secteur industriel.
Maintenant, d'une façon plus pratique, nous allons passer aux
commentaires de Gaz Métropolitain relativement au plan d'installation
d'Hydro-Québec pour la période de 1981 à 1990. La
décennie 1980 sera marquée par d'importants
réaménagements énergétiques au Québec qui se
traduiront par une substitution imposante du pétrole par d'autres formes
d'énergie. Le livre blanc sur la politique québécoise de
l'énergie a retenu à cet effet l'électricité et le
gaz naturel au titre des principales formes d'énergie de substitution.
Gaz Métropolitain a déjà manifesté et maintient son
appui à cette politique et désire souligner que la
réalisation du rôle retenu pour ces deux formes d'énergie
proviendra d'une allocation judicieuse de celles-ci de façon que les
efforts de substitution envisagés puissent être effectués
avec cohérence et harmonie.
Le plan d'installation intitulé Une stratégie pour la
décennie 80, présente à cet effet le point de vue
d'Hydro-Québec afin de réaliser cet objectif.
Après examen de ce document, Gaz Métropolitain aimerait
soumettre à l'appréciation de la commission parlementaire de
l'énergie et des ressources ses commentaires sur le plan proposé,
selon les trois aspects suivants. D'abord, la formulation du plan, ensuite
l'encadrement des décisions énergétiques et finalement les
questions de fond soulevées par le plan d'installation
d'Hydro-Québec.
D'abord, la formulation du plan: Le plan proposé à
l'examen de la commission parlementaire ne permet pas de parvenir à une
appréciation de sa portée exacte quant à la desserte
harmonieuse des besoins énergétiques québécois par
les différentes formes d'énergie appelées à jouer
un rôle important au cours de la présente décennie.
Qu'il s'agisse de la part du bilan énergétique
réservée au gaz naturel par Hydro-Québec, de la question
du nucléaire relativement à la satisfaction de la demande
d'électricité, de la philosophie tarifaire envisagée face
au nouveau contexte des années quatre-vingt, de la philosophie
d'équipements par rapport à la nature des besoins à
desservir ou de l'impact financier résultant des imposants programmes
d'immobilisations considérés, il est difficile de
déterminer si la stratégie proposée correspond aux
meilleurs intérêts de la société
québécoise.
Selon Gaz Métropolitain, le plan des installations
envisagées par Hydro-Québec permettrait une décision plus
éclairée si des réponses articulées étaient
données à ces questions fondamentales.
L'encadrement des décisions énergétiques. Les
difficultés éprouvées a évaluer la pertinence du
plan proposé par Hydro-Québec quant à la solution offerte
par ce plan relativement aux besoins de substitution des formes
d'énergie au Québec semblent en bonne partie imputables à
l'absence, actuellement, d'une instance constituée d'experts en
énergie et en mesure,
après audience de l'ensemble des parties prenantes du domaine,
d'aviser efficacement le gouvernement du Québec sur les choix
énergétiques qu'il lui incombe d'effectuer et sur les avenues
à emprunter pour y parvenir.
Selon Gaz Métropolitain, l'absence de ce forum d'experts au
Québec ne remet pas en question le rôle que doit jouer la
commission parlementaire de l'énergie et des ressources. Dans le cadre
du processus démocratique qui est le nôtre, cette commission
remplit une fonction fondamentale relativement à l'appréciation
des choix énergétiques faits par le gouvernement à
même les options énergétiques mises à sa
disposition.
Ce que Gaz Métropolitain désire mettre en lumière,
c'est plutôt la nécessité de l'intervention
préalable d'un mécanisme de prise d'information et d'analyse en
profondeur des avenues énergétiques s'offrant
périodiquement à la société
québécoise, afin que le gouvernement puisse être
avisé judicieusement sur les choix qui s'offrent à lui et sur
leurs conséquences respectives.
Selon Gaz Métropolitain, cette carence actuelle pourrait
être palliée en confiant un mandat explicite à cet effet
à la future régie de l'énergie, dont la création
éventuelle a été soulignée dans le livre blanc sur
la politique québécoise de l'énergie.
Quant au plan d'installations d'Hydro-Québec, il soulève
certaines questions fondamentales dont la commission parlementaire devrait
être saisie. Ces questions de fond, quant à Gaz
Métropolitain, sont les suivantes: d'abord, l'impact de la desserte
proposée du secteur chauffage; deuxièmement, l'intervention du
nucléaire et, enfin, la dimension des prix de
l'électricité.
Quant à l'impact de la desserte proposée du secteur
résidentiel, selon Gaz Métropolitain, la problématique
à cet égard est de deux ordres, l'un général et
l'autre de nature particulière. D'abord, quant à la
problématique d'un ordre général, selon les
prévisions d'Hydro-Québec, la part de l'électricité
dans le bilan énergétique québécois atteindra 45%
en 1990. Cette part sera atteinte en bonne partie grâce à une
pénétration poussée de la demande de chauffage par
l'électricité et à une participation restreinte au bilan
énergétique du gaz naturel, estimée à 12% par
Hydro-Québec.
Cette stratégie comporte différentes conséquences,
dont les suivantes: un investissement plus que significatif dans des
installations de base exploitées par la suite à un faible
coefficient d'utilisation tant à la production qu'à la
consommation; des effets sur les tarifs d'électricité qui
pourraient être entraînés par les imposants investissements
requis si la demande anticipée était plus faible que
prévu; des pertes d'opportunités dérivées d'une
allocation trop importante de l'électricité à la demande
de chauffage, alors qu'une demande importante pourrait voir le jour dans des
secteurs que l'électricité est mieux habilitée à
satisfaire, notamment aux fins de procédés et d'énergie de
travail; un impact négatif sur la pénétration du gaz
naturel, sur les possibilités qu'il offre quant à la
diversification des approvisionnements énergétiques et de la
production industrielle au Québec et sur les bénéfices
provenant des programmes gouvernementaux en vue de favoriser une
pénétration importante du gaz naturel; enfin, une perte de marge
de manoeuvre financière dont pourrait disposer Hydro-Québec,
compte tenu d'une présence du gaz naturel plus poussée que celle
retenue.
De l'avis de Gaz Métropolitain, ces différentes facettes
devraient faire l'objet d'un examen plus approfondi de la part de la commission
parlementaire et mené soit vers un ralentissement du programme
d'immobilisations proposé, ajusté à une
pénétration plus judicieuse du secteur chauffage par
l'électricité, soit vers un maintien du plan proposé de
façon que soient réservés les excédents de
production d'électricité au marché d'exportation afin
d'accroître les revenus dérivés de la vente de cette forme
d'énergie tout en stabilisant les remboursements de la dette
étrangère contractée par Hydro-Québec, et que
soient également disponibles les quantités
d'électricité requises par l'implantation de nouveaux
procédés consommateurs de cette forme d'énergie ou par le
développement des besoins en énergie-travail du
Québec.
Quant aux aspects particuliers, l'orientation qu'entend suivre
Hydro-Québec quant à la pénétration du secteur
chauffage intervient à un moment où le gaz naturel devrait
connaître une percée intéressante de ce même secteur.
Cette orientation pourrait compromettre sérieusement la présence
plus poussée du gaz naturel naturel au Québec, compte tenu de la
forte acceptation actuelle de l'électricité dans ce secteur de
consommation, du temps qu'il faudra au gaz naturel pour accéder à
la même acceptation dans les années à venir et de
l'envergure présente des ramifications du réseau de transmission
et de distribution d'électricité relativement à la
période requise d'établissement des réseaux gaziers au
Québec. À cet égard, le gaz naturel est la forme
d'énergie qui se prête le mieux aux usages de chauffage à
basse et moyenne températures. Il peut de plus être
entreposé sous forme gazeuse ou liquide et ainsi répondre de
façon flexible et peu coûteuse comparativement à
l'électricité aux besoins de la demande de pointe, d'où
une perte d'opportunités manifeste pour la société
québécoise.
Par ailleurs, la faisabilité de l'extension des réseaux
gaziers au Québec passera par
une pénétration raisonnable du secteur résidentiel
que Gaz Métropolitain Inc. évalue à 16% de la demande dans
ce secteur en 1990. Ce niveau de pénétration permettra de
stabiliser et équilibrer les revenus du distributeur face à la
fluctuation conjoncturelle des revenus provenant des secteurs commercial et
industriel. Sa desserte permettra d'optimiser la saturation des canalisations
et d'accéder à des marchés qui, autrement, ne pourraient
être desservis.
En raison du caractère irréversible - et je précise
en termes économiques - d'une pénétration trop importante
de l'électricité dans le secteur chauffage, Gaz
Métropolitain Inc. croit que certains aménagements devraient
être apportés à l'orientation proposée par
Hydro-Québec. Celle-ci tient à une tarification de
l'électricité pour fins de chauffage qui serait établie
à un niveau tel qu'il permettrait au gaz naturel de
bénéficier d'un avantage concurrentiel minimal de 10% dans ce
secteur, du moins au cours des six prochaines années. Gaz
Métropolitain tient également aux encouragements à
prodiguer au développement et à la mise en marché de
systèmes hybrides de chauffage où l'électricité
serait la forme principale d'énergie dans des régions à
faible densité de population ou de consommation
énergétique ou, encore, là où le gaz naturel ne
sera pas disponible. Ils tiennent, enfin, aux limitations à apporter aux
programmes promotionnels d'Hydro-Québec relativement à la
conversion d'équipement de chauffage.
Deuxième aspect, l'intervention du nucléaire. Le plan
d'installation proposé par Hydro-Québec, compte tenu de la
stratégie de pénétration de marchés
envisagée, mène aux limites du potentiel hydraulique
économiquement et écologiquement aménageable au
Québec d'ici 1996 et au recours à d'autres sources de
génération d'électricité dès 1992 pour
suppléer à la demande d'électricité. Compte tenu
des délais relatifs à l'installation de centrales
nucléaires, le Québec devra décider d'ici la fin de 1982
à quelle filière il voudra recourir pour fins de
génération d'électricité. Gaz Métropolitain
est consciente de l'intervention éventuelle du nucléaire au
Québec et de l'importance de maintenir un savoir-faire dans ce domaine.
Elle croit qu'il y aura lieu, toutefois, de ne pas perdre de vue le rôle
important que pourra jouer le gaz naturel au Québec lors du débat
public qui ne manquera pas d'intervenir sur cette question.
Ce rôle, Gaz Métropolitain l'estime de deux ordres. D'une
part, selon l'importance de la participation du gaz naturel au bilan
énergétique québécois, il serait possible de
différer la décision quant à la question nucléaire
d'une à quelques années. Advenant une percée technologique
quant au solaire ou à la fusion thermonucléaire, cette
décision pourrait même ne pas avoir à intervenir.
D'autre part, même si la société
québécoise devait choisir de recourir de façon
poussée aux centrales à fission nucléaire, une
présence significative du gaz naturel devrait tout de même
être maintenue au Québec, de façon qu'il puisse
bénéficier d'une diversification de l'offre des formes
d'énergie et de leurs effets industrialisants respectifs, tout en
optimisant les coûts auxquels ces différentes formes
d'énergie peuvent être acquises.
Enfin, dernier point, la dimension des prix de
l'électricité. Le plan d'installations soumis par
Hydro-Québec n'explicite pas l'impact qu'aura le programme
d'immobilisations proposé sur les tarifs de l'électricité,
ni la philosophie tarifaire qui devra animer cette compagnie au cours de la
présente décennie. Advenant que les tarifs futurs
d'Hydro-Québec se modèlent sur leur évolution historique,
il en résulterait une faible croissance relative des prix de
l'électricité qui exercerait une pression importante sur la
demande d'électricité que les installations proposées
seraient insuffisantes à satisfaire.
Cette situation, tout en précipitant le besoin d'une
décision quant au nucléaire et tout en entravant
sérieusement la pénétration du gaz naturel au
Québec, pourrait avoir les effets suivants: d'abord des efforts de
conservation d'énergie atténués, une dépendance
relativement au pétrole importé possiblement plus importante
compte tenu d'une présence moindre du gaz naturel et, enfin, une
diversification des formes d'énergie au Québec compromise.
Selon Gaz Métropolitain, la politique de prix poursuivie par
Hydro-Québec jusqu'à présent, conformément à
son mandat de fournir l'électricité au plus bas prix, ne
correspond plus à la réalité d'aujourd'hui. Cette nouvelle
réalité en est une où les économies
d'énergie doivent être stimulées et où la
substitution du pétrole à d'autres formes d'énergie telles
que le gaz naturel ne doit pas être favorisée. (20 h 30)
Cette nouvelle réalité devrait se traduire par l'adoption
d'une politique tarifaire de l'électricité où une forme
d'énergie serait vendue non seulement en conséquence des
coûts de production mais également en fonction de la valeur de
l'énergie sur le marché. Advenant qu'un surplus de
bénéfices résulte de cette modification, la politique
tarifaire de l'électricité... Excusez-moi, je vais reprendre
cette partie. Advenant qu'un surplus de bénéfices résulte
de cette modification de politique tarifaire de l'électricité,
Gaz Métropolitain soumet que ces surplus devraient constituer une rente
économique dont le produit devrait être utilisé au
bénéfice de l'ensemble des Québécois.
Maintenant, à titre de conclusion. Après
examen du plan d'installation d'Hydro-Québec pour la
présente décennie, Gaz Métropolitain a cru bon de faire
valoir son point de vue à la commission parlementaire de
l'énergie et des ressources relativement à ce plan. Gaz
Métropolitain ne prétend pas, ce faisant, que les commentaires
qu'elle avance soient les seuls considérés par la commission
parlementaire quant au plan qui fera l'objet de ses
délibérations, mais croit que ses suggestions devront être
prises en considération afin d'obtenir des retombées optimales du
plan proposé.
Maintenant, en terminant, Gaz Métropolitain aimerait revenir sur
le point qu'elle soulevait en début de présentation quant au
souhait exprimé par Hydro-Québec de voir une plus grande
présence du gaz au Québec. Quant à Gaz
Métropolitain, si ce souhait était volonté de la part
d'Hydro-Québec, il se manifesterait de façon évidente tant
au niveau des installations proposées par cette firme qu'à celui
des orientations de marché retenues par elle.
Gaz Métropolitain a bon espoir qu'à la suite de cette
commission parlementaire l'esprit, la philosophie ou l'objectif
d'Hydro-Québec quant à une présence accrue du gaz naturel
au Québec tel que proposé dans son plan d'installation sera
modifié de façon à se traduire concrètement dans
les faits.
Le Président (M. Jolivet): Merci. M. le ministre.
M. Bérubé: Merci, M. le Président. C'est
notre deuxième mémoire portant sur le gaz naturel et vous
réitérez un certain nombre de concepts. Le premier qui
m'apparaît extrêmement important, c'est celui que le gaz
représente une source d'énergie à des fins de chauffage
beaucoup plus logique que l'électricité. Je pense que
là-dessus on aura tendance à être d'accord sauf
peu-être pour certaines formes de chauffage à
l'électricité. Je pense au four électrique dans le cas,
par exemple, de la fabrication des scories titanifères ou encore dans la
fabrication de l'acier au four électrique. Mais il reste que votre
mémoire rappelle, en fait, une donnée fondamentale que
l'électricité est une source d'énergie remarquablement
efficace puisqu'il s'agit d'une source d'énergie mécanique et que
nous n'avons pas à convertir de la chaleur en énergie
mécanique dans ce cas et que le rendement, à ce moment, est
facilement trois fois supérieur à la conversion à partir
d'une source thermique.
Par conséquent, vous nous incitez à deux choses:
économiser notre potentiel électrique pour les usages industriels
plus appropriés et, également, favoriser la
pénétration du gaz dans le secteur du chauffage. J'aurai quelques
questions essentiellement dans cet ordre d'idées, si vous voulez.
J'ai pris bonne note également de l'importance que vous attachez
à la création d'une régie de l'énergie où on
pourrait avoir une discussion beaucoup plus en profondeur avec des
commissaires, avec des groupes d'étude qui pourraient informer ces
commissaires et qui pourraient effectivement peut-être donner un
instrument d'information au gouvernement. J'en ai pris bonne note
également, cela cadre avec les objectifs du livre blanc sur
l'énergie. On devrait être capable d'orienter notre Régie
de l'électricité et du gaz dans ce sens dans les années
qui viennent.
La question que je vous poserais, et j'imagine que vous avez la
réponse au bout des lèvres, c'est ceci. Vous affirmez que
l'électricité coûte trois fois plus cher à produire
que le gaz naturel - je suppose, en termes de valeur actualisée, je me
souviens de mémoire vaguement - en actualisant les coûts de
l'électricité et en actualisant les coûts de vente du gaz -
j'imagine que c'est la méthode que vous utilisez pour le calculer vous
arrivez à la conclusion que l'électricité devrait
coûter trois fois plus cher que le gaz. Dans ce cas, comment cela se
fait-il que le gaz n'ait pas pénétré au Québec?
Le Président (M. Jolivet): M. Villion.
M. Villion: Je pense que c'est une excellente question. Cela ne
se pose pas dans ces termes, du moins, pour le moment, pas tout à fait
dans ces termes. Peut-être qu'il vaudrait mieux que je passe la parole
à un de mes collègues ici, qui pourrait répondre plus
adéquatement à cette question.
M. Noël (Robert): Je me sens mal placé pour
répondre à la question qui touche le coût de
l'électricité. Je m'adresserai donc plutôt aux raisons qui
expliqueraient la non-pénétration du gaz, puisque cela faisait
partie de votre question. L'attitude du consommateur québécois -
cela a été mentionné par d'autres - est effectivement
beaucoup plus favorable à l'égard de l'électricité
qu'elle ne l'est à l'égard du gaz. Il existe une crainte de la
part des clients potentiels à faire usage de cette forme
d'énergie. C'est certainement un des éléments majeurs dans
la difficulté à laquelle nous avons eu à faire face pour
pénétrer le marché. H y en a d'autres.
Historiquement - je crois qu'on les a aussi mentionnés ce matin -
il y a eu un écart de prix qui était défavorable au gaz
par rapport à l'électricité et à l'huile. Il y a eu
par la suite des difficultés d'approvisionnement, alors que la situation
concurrentielle s'était rétablie, mais qui évitait que
nous puissions profiter de cette situation. Le résultat est que
notre
pénétration n'a pas atteint les objectifs que nous aurions
aimé atteindre.
Ceci dit, je ne crois pas que, dans le contexte actuel, il nous soit
impossible de corriger cette situation que nous avons connue dans le
passé. Le contexte actuel devient entièrement différent de
ce que nous avons connu depuis 20 ans. Pour la première fois, en fait,
tous les éléments concordent pour favoriser cette
pénétration du gaz naturel. Il demeure un élément
fort important, c'est l'attitude du consommateur à adopter cette forme
d'énergie. Je crois qu'avec une campagne d'information soutenue qui
éduquerait les gens sur ce qu'est le produit et sur la technique
employée pour le distribuer et l'utiliser, appuyée par une
campagne de promotion judicieuse, cette difficulté pourrait être
surmontée. C'est l'élément émotif auquel nous
devons nous adresser.
Reste maintenant l'élément rationnel et je pense à
la décision qu'un consommateur devrait prendre en tenant compte des
déboursés pour convertir ces appareils qui utiliseraient
présumément l'huile présentement. Et là, les
programmes de subventions qui ont été annoncés par le
fédéral et dont une partie est encore en négociation entre
les deux paliers de gouvernements devrait nous permettre d'atteindre ce
à quoi nous aspirions, c'est-à-dire de payer la presque
totalité des frais de conversion, donc, éliminer cet obstacle
pour le consommateur.
À plus long terme, le consommateur devrait trouver avantage
à l'utilisation du gaz si ce que nous préconisons dans notre
mémoire se réalise au niveau de la tarification de
l'électricité en particulier. Je crois qu'avec le budget
fédéral du 28 octobre, on peut au moins s'attendre que, dans les
quatre ou cinq prochaines années, le gaz bénéficie d'un
avantage à l'égard de l'huile. On n'a toutefois pas la même
certitude à l'égard de l'électricité à plus
long terme. Il m'apparaît que la politique tarifaire
d'Hydro-Québec aura un impact significatif sur le taux de
pénétration du gaz et il me semble possible de faire en sorte que
l'électricité conserve un avantage concurrentiel à
l'égard de l'huile tout en permettant au gaz lui-même de
bénéficier d'un avantage à l'égard de
l'électricité. Je crois que cela termine mes commentaires, M. le
Président.
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.
M. Bérubé: En fait, si je comprends bien, d'ici
1990, vous aimeriez occuper en gros 17% du bilan énergétique au
Québec, d'une part. On nous a présenté, avec Gaz
Inter-Cité, un pourcentage supérieur. En fait, on essaie
plutôt d'aller entre 20% et 25%.
Toutefois, il s'agit là évidemment d'un nouveau
marché complètement neuf alors que, dans le cas de Gaz
Métropolitain, vous avez un marché qui est déjà un
peu plus vieux. Est-ce que vous avez examiné le plan d'équipement
d'Hydro-Québec de manière à évaluer quels
investissements d'Hydro-Québec devraient être reportés de
manière à permettre la pénétration dont vous
parlez? Il faut donc que vous teniez compte, à ce moment, de vos
échéanciers pour la pénétration du gaz. C'est
relativement plus facile à Montréal puisque vous avez
déjà un réseau de distribution, mais cela implique, dans
tous les cas, un impact sur le plan d'équipement d'Hydro-Québec
dans les années qui viennent. J'aimerais voir comment vous avez
analysé vos objectifs de pénétration de gaz naturel en
termes de réduction par rapport au plan d'équipement qui nous est
soumis?
Le Président (M. Jolivet): M. Villion.
M. Villion: Nous n'avons pas essayé d'identifier un projet
ou un autre, tel que proposé par Hydro-Québec, qui pourrait
être reporté. Tout ce que nous avons essayé de voir
à cet égard, c'était qu'elle était la
différence de coût que cela représenterait pour la
société québécoise que le gaz naturel passe de 12%
à 17%, c'est-à-dire que le marché desserve cette
différence entre 12% et 17% par le gaz naturel plutôt que par
l'électricité. Selon le résultat de nos études, on
a pu déterminer que cela pouvait se faire à un meilleur
coût par le gaz naturel.
Pour répondre à la première facette de votre
question, je pense que nous n'avons pas essayé d'identifier
spécifiquement quels seraient les projets qui seraient à
reporter. Nous croyons qu'Hydro-Québec est beaucoup mieux placée
que nous pour faire ce genre d'exercice.
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.
M. Bérubé: J'ai déjà demandé
à Hydro-Québec de faire l'exercice à quelques reprises. La
réponse que j'en retire est essentiellement la suivante: il n'y a pas
d'interaction significative entre le gaz et l'électricité, dans
la mesure où vous êtes tous les deux à vouloir avoir la
tête des vilains pétroliers. Par conséquent, vous ne faites
que pénétrer plus ou moins un marché, qui est le
marché du pétrole, et, finalement, la pénétration
de l'un n'affecterait pas la pénétration de l'autre.
Comme c'est la réponse qu'Hydro-Québec me fournit, je
voulais savoir comment cette réponse est compatible avec votre
argumentation en faveur d'une tarification pour l'électricité,
qui impliquerait des tarifs, j'imagine, beaucoup plus élevés.
Je vais vous poser la question tantôt, pour voir un peu ce que
vous voyez de ce côté, au point de vue des tarifs, mais, si je
comprends bien, vous voulez freiner la pénétration de
l'électricité par une tarification appropriée. Cela
suppose que vous voyez une interaction entre votre pénétration et
celle d'Hydro-Québec. Or, le taux de pénétration - je vois
qu'il y a des gens d'Hydro-Québec ici, il y a peut-être quelqu'un
qui serait capable de me donner des chiffres; je ne les sais pas de
mémoire, on est en train de les chercher - de
l'électricité pour le chauffage domestique devrait être
d'environ 45%, si je ne m'abuse, à la fin de la période 1990-1996
et vous visez, dans votre cas, 17%. Si, tous les deux, vous le faites aux
dépens des pétroliers, à ma connaissance, les 45%-50% et
les 17% ne donnent pas encore 100%; donc, vous avez encore une marge de
manoeuvre. J'aimerais le savoir. Peut-être qu'il y a quelqu'un
d'Hydro-Québec qui a la réponse au bout du doigt.
Une voix: Disons 50% de la consommation.
M. Bérubé: II me semblait que c'était
45%-50%. Donc, en fin de période, on a des taux de
pénétration de l'électricité de 45%-50%. J'ai
risqué le chiffre à 45%; on me dit 50%. Alors, on était
"ball park figure". Vous, vous atteignez 17%. Je ne vois pas l'interaction
entre les deux, puisque vous vous arrachez, finalement, le marché du
pétrole qui, lui, est en perte de vitesse.
Le Président (M. Jolivet): M. Villion. (20 h 45)
M. Villion: Contrairement a ce que vous dites, il y a
effectivement chevauchement. Il y a chevauchement dans ce sens qu'il y a des
marchés qui existent actuellement, principalement des marchés
utilisateurs d'huile à chauffage qui devront passer au cours de la
présente décennie à une autre forme d'énergie,
selon les conditions actuelles et selon les anticipations qu'on peut avoir si
aucun remède n'est apporté. Normalement,
l'électricité devrait connaître une très forte
pénétration de ce secteur de la conversion. Dans ce
sens-là, ce qui sera pénétré par
l'électricité ne pourra l'être par le gaz naturel.
Dans un second temps, il y a également le délai
d'implantation des réseaux gaziers. Les réseaux gaziers
actuellement au Québec sont essentiellement situés à
Montréal, à Hull et à Rouyn-Noranda.
Pour arriver à desservir les trois quart de la population, selon
l'objectif, cela demandera au minimum, en termes d'installations, de
canalisations de transmission et de distribution, une période de trois
à quatre ans et, en termes d'implantation d'un réseau gazier dans
chacune des municipalités suffisamment étalé, une
période d'environ six ans. C'est pour cela que, dans notre
mémoire, on se réfère à une période d'au
moins six ans, lorsqu'on parle d'une hausse des taux
d'électricité de façon à nous donner une certaine
marge concurrentielle.
Compte tenu de ce délai, compte tenu d'une tarification qui ne
serait pas ajustée et qui permettrait à Hydro-Québec
d'avoir un avantage marqué comparativement aux autres formes
d'énergie, ce marché de conversion irait massivement du
côté de l'hydroélectricité. À partir du
moment où les réseaux gaziers commenceraient à
pénétrer dans des villes comme Québec, Chicoutimi ou quoi
que ce soit, déjà une bonne partie de la conversion aurait eu
lieu si bien que, lorsqu'on viendrait pour installer des canalisations dans
chacune des rues, on se retrouverait dans une situation où ce ne serait
absolument plus rentable et ce serait même aberrant d'installer des
canalisations dans ces rues. C'est pour cela qu'on dit: II faut trouver un
mécanisme quelconque pour faire en sorte d'éviter ce
chevauchement possible, pour que chacune des formes d'énergie aille
chercher la part des marchés qu'elle devrait normalement aller chercher
dans ces secteurs et une façon d'y parvenir que nous soumettons à
cette commission est de faire en sorte que les tarifs
d'électricité, en toute logique, s'alignent sur le prix de la
valeur du marché, le prix de la commodité au moins et on parle
également d'un certain avantage concurrentiel aussi.
M. Bérubé: À la fin de la période,
disons 1995, d'après votre société quel est le taux de
pénétration résiduel du pétrole aux fins de
chauffage dans le secteur domiciliaire?
M. Villion: Du pétrole, dans son ensemble, nous ne l'avons
pas fait pour 1995, nous l'avons fait pour 1990. Il doit être de l'ordre
de 38% à 39%, mais incluant le secteur transport. On n'a pas
essayé de le détailler par secteurs de marché.
M. Bérubé: D'accord.
Une voix: II pourrait se situer aux alentours de 15%.
M. Bérubé: 15%. Strictement parlant, nous aurions
85% du vieux parc domiciliaire et du nouveau parc domiciliare qui iraient aux
énergies dites nouvelles, soit l'électricité, soit le
gaz.
M. Villion: Oui.
M. Bérubé: Si je comprends bien,
l'électricité prétend aller en chercher 45%. Il
vous en reste donc 40%. La deuxième question qui vient
immédiatement, c'est: Quel est le taux de pénétration
qu'il devient rentable pour vous d'attaquer? En d'autres termes, s'il y a
déjà 75% des maisons chauffées à
l'électricité sur une rue, je présume que cela devient non
rentable d'entrer le gaz. Quel est le taux de pénétration que
vous attendez dans un secteur donné pour justifier l'adduction de
gaz?
M. Baladi (Joseph): À ce moment-là, dans un secteur
donné, il va falloir s'adresser du point de vue micro-économique,
c'est-à-dire regarder dans une ville, examiner une rue dans cette ville
et, en général, la règle qu'on suit, c'est à peu
près 40% à 50%, c'est-à-dire que le taux de conversion
pour rendre l'extension d'un tuyau dans une rue donnée devrait
être de l'ordre de 40% à 50%.
M. Bérubé: Victoire! M. Baladi: Pardon?
M. Bérubé: Victoire! Il n'y a pas de
problème, puisque vous venez de me dire que 15% vont rester au
pétrole et que, sur les 85% qui restent, Hydro-Québec
prétend en ramasser 45%. Il vous en reste donc 40%, c'est-à-dire
exactement le marché qui vous est suffisant.
M. Baladi: C'est exact, 40% ou 45% de pénétration
dans un secteur domiciliaire donné, il n'y aurait pas de
problème, mais nous disons que la problématique se poserait si
les tarifs d'Hydro-Québec ne permettaient pas une telle
pénétration.
Le Président (M. Jolivet): M. Normand.
M. Normand (Robert): M. le ministre, si vous me permettez,
lorsque vous regardez le taux de pénétration, naturellement, il
faut prendre en considération que le gazoduc ou le gaz naturel ne sera
pas présent dans tous les endroits. Cela change les pourcentages dont on
parle. Donc, les pourcentages généraux pour l'ensemble du
Québec ne s'appliquent pas.
M. Bérubé: Donc, vous craignez que dans une
situation où Hydro-Québec vendrait son énergie sur la base
des coûts et de la marge d'autofinancement requis pour justifier ses
programmes de développement, le gaz cesserait véritablement
d'être concurrentiel.
M. Normand: Effectivement. C'est toujours difficile de dire
qu'à un moment précis il va cesser d'être concurrentiel,
mais vous êtes assurément au niveau où le risque de
non-pénétration de gaz naturel est évident. Vous allez
voir, on a des études. Je peux demander à M. Hung Bui-Quang de
commenter cet aspect des tarifs démontrant qu'effectivement on a besoin
d'un écart substantiel pour que le gaz naturel pénètre
dans la proportion qu'on mentionne en ce moment et dans la courte
période. Vous avez besoin d'un incitatif évident au départ
qui est peut-être... Oui?
M. Bérubé: Pour lui permettre de répondre en
couvrant l'ensemble de la question...
M. Normand: Oui.
M. Bérubé: Je vais plutôt le laisser parler
et après cela, je reviendrai.
M. Normand: D'accord.
Le Président (M. Jolivet): Allez, monsieur.
M. Hung Bui-Quang: Sur la base d'une augmentation de 10% du prix
de l'électricité, ceci constitue à long terme à
amener à moyen terme une détérioration de la marche
concurrentielle du gaz. L'augmentation de 10% constitue, à notre avis,
un minimum qui n'est pas acceptable au niveau de l'électricité
considérant le fait que déjà, selon le programme
énergétique national, le coût d'achat du gaz pour les
distributeurs augmente en moyenne de 14% à 15% pour les trois prochaines
années et ceci, sans considérer les augmentations qui
découleraient encore de la négociation présente entre le
fédéral et l'Alberta et, également, du besoin de fonds que
le fédéral aura pour financer l'acquisition de Pétrofina.
À moyen terme, comme je l'ai dit tantôt, avec l'augmentation de
10%, la marche concurrentielle du gaz se trouvera
détériorée comparativement à
l'électricité. C'est ce qui est démontré dans nos
études.
M. Bérubé: En fait, si on examine le plan
d'équipement d'Hydro-Québec, on se rend compte que, pour les cinq
années qui viennent, il n'y a pas véritablement d'accroissement
des investissements; du moins, rien de significatif, d'une part, et on peut
même parler d'un certain ralentissement. On peut donc présumer que
si on maintient des taux d'accroissement des tarifs de l'ordre de ceux de
l'inflation, étant donné qu'il n'y a pas d'accroissement des
rythmes d'investissement, il faut s'attendre à une augmentation
importante, comme cela nous a été montré d'ailleurs, de
l'autofinancement à Hydro-Québec.
On n'a malheureusement pas pu y entrer en profondeur, puisque les
chiffres n'étaient pas disponibles, mais il apparaît que
passé 1985, là, il y a un programme
d'investissement majeur d'Hydro-Québec et, à ce
moment-là, elle prévoit avoir des difficultés de
financement certainement plus sérieuses qu'elles ne le sont maintenant,
puisqu'on nous parle de je ne sais combien de milliards de dollars à
financer.
Comme vous bénéficiez présentement d'un avantage
sur le plan tarifaire par rapport à l'électricité, comme
les gens de Gaz Inter-Cité nous ont souligné, par exemple, que
pour les cinq ou six prochaines années, même si le rythme
d'accroissement des tarifs d'électricité était de l'ordre
de celui de l'inflation, le gaz continuerait à profiter d'un avantage
concurrentiel si on laissait la situation évoluer normalement,
c'est-à-dire avec les projections d'accroissement de tarifs dont
Hydro-Québec ne nous a pas parlé. On peut supposer qu'elles
seront, selon ce qu'on nous a dit, de l'ordre de l'inflation, peut-être
beaucoup plus, évidemment. Les journalistes ont parlé de 20%, 25%
ou 30%. En fait, j'ai vu des 20% avec des points d'interrogation. Cela fait des
fichues de belles marges de profit pour Hydro-Québec. Je suis convaincu
que ses représentants étaient totalement ravis. Il se sont
même dit: Si les journalistes parlent de 20%, on pourra peut-être
obtenir 19% et ils ont commencé à se frotter les mains, mais
disons que ce n'est pas évident qu'on va approuver automatiquement ces
demandes spectaculaires d'accroissement de tarifs.
Ce qui me frappe, c'est que dans les quatre ou cinq prochaines
années, de fait, si on acceptait l'inflation simplement pour garder le
prix de l'électricité en ligne avec les facteurs d'inflation,
à ce moment-là, vous bénéficieriez d'un avantage de
pénétration et, à partir de 1985-1986, avec
l'accroissement des programmes d'équipement d'Hydro-Québec, il y
a des chances que vous voyiez les tarifs de l'électricité monter
plus rapidement.
À partir de cela, je me pose la question: Quel genre de politique
tarifaire envisagez-vous pour favoriser votre pénétration et quel
est la part du marché auquel vous voudriez voir Hydro-Québec se
restreindre en ce qui a trait à la pénétration de
l'électricité à des fins de chauffage?
M. Baladi: Je n'ai pas l'impression qu'on ait de la
difficulté à faire ressortir le point qu'avec des augmentations
dans les tarifs d'Hydro-Québec égales au taux de l'inflation, de
telles augmentations ne seraient pas suffisantes au cours des trois ou quatre
prochaines années pour maintenir l'écart concurrentiel. Je pense
que c'est le point que mon confrère a essayé de faire valoir,
mais je crois qu'on a de la difficulté.
En effet, au cours des quatre ou cinq prochaines années, avec le
programme énergétique national et avec des taux d'augmentation
dans les tarifs d'Hydro-Québec de l'ordre de 10%, l'écart
concurrentiel dont on jouit actuellement va en diminuant. Nous, le point qu'on
soulève, c'est que l'écart qui en résulte n'est pas
suffisant pour nous permettre d'atteindre un taux de pénétration
de 30% à 40% dans le secteur résidentiel.
En effet, ce qu'on dit, c'est que, devant l'augmentation
qu'Hydro-Québec va venir proposer au mois de septembre au gouvernement
pour les deux ou trois prochaines années, le gouvernement devrait
être flexible justement pour pouvoir ajuster ces taux dans le cas
où les prix du pétrole augmenteraient à un rythme plus
élevé ou plus rapide que ce que prévoit le gouvernement
fédéral ou que le prix du gaz qui, lui, est indexé au prix
du pétrole et qui augmenterait lui aussi à un rythme beaucoup
plus rapide que ce qu'on connaît aujourd'hui.
Donc, en conclusion, la situation concurrentielle actuelle, qui est de
l'ordre de 10% en faveur du gaz, ne se maintient pas dans le temps et il est
important de maintenir un tel ordre de concurrence comparativement au prix de
l'électricité.
Le Président (M. Jolivet): Merci. M. le
député d'Outremont.
M. Fortier: Merci beaucoup, M. le Président.
Premièrement, j'aimerais féliciter Gaz
Métropolitain de ce document bien articulé. Cela nous permet une
discussion intéressante d'autant plus que Gaz Métropolitain a
été en affaires pendant un certain nombre d'années dans ce
secteur et c'est une occasion pour nous de ne pas poser des questions
uniquement théoriques, mais d'obtenir des réponses pratiques. Il
y a des problèmes que vous avez vécus.
J'aimerais préfacer mes commentaires pour dire qu'en partant, le
Parti libéral du Québec est favorable à une
pénétration - et le Parti libéral du Canada
également - du gaz au Québec. Je crois que, ce soir, les
questions que nous posons et celles que nous avons posées hier, en ce
qui nous concerne, sont dans le sens, d'une part, d'essayer de savoir du
ministre quelles sont les politiques qu'il a peut-être déjà
prises ou instituées et quelles sont celles que vous recommandez de
votre part?
Vous avez fait état dans votre document du désir d'avoir
un mécanisme qui permettrait une revue plus technique ou mieux
coordonnée des tarifs, des programmes d'équipement et des
comparaisons des différents programmes qui pourraient venir de
différents producteurs d'énergie. C'est un article qui est dans
notre programme et nous sommes tout à fait d'accord là-dessus.
Cela me fait plaisir qu'à 8 h 38, M. le ministre se soit dit d'accord
avec nous là-dessus.
M. Bérubé: Je reprendrai la parole tantôt et
préciserai ma pensée.
M. Fortier: En ce qui concerne l'examen public du
nucléaire, encore là, c'est dans notre programme. C'est pour dire
que pour nous c'est acquis. Personnellement, même si j'ai oeuvré
dans un autre domaine jusqu'à maintenant, quand j'étais dans le
secteur privé, je dois dire que je crois que le gaz est une forme
d'énergie qui crée très peu de pollution et qu'on doit
encourager. Si on se fie d'ailleurs à une étude faite par la
Commission de contrôle de l'énergie atomique, où on avait
fait des études comparatives des risques courus par le gaz, le charbon,
le nucléaire et autres, on est arrivé à la conclusion que,
compte tenu de l'ensemble des opérations, le gaz était la forme
d'énergie la plus sûre. Je crois qu'il faut le dire en public et
c'est très important de le dire parce que, à moins que des hommes
politiques ne le disent, je ne crois pas que le public puisse lui-même se
convaincre de la chose. (21 heures)
Ceci étant dit, j'ai quelques questions à vous poser. Dans
le document original que vous nous aviez donné, vous avez dit, à
juste titre, qu'il y aurait chez le public une forte résistance au
nucléaire. Vous ne faites pas état dans votre document du fait
qu'il existe dans le public une forte résistance envers le gaz.
Étant donné que Gaz Métropolitain est en affaires depuis
nombre d'années, ce qui m'a toujours surpris, c'est justement le peu de
campagnes publicitaires qui ont été faites - vous corrigerez mon
affirmation si je n'ai pas raison - pour corriger cette lacune. M. le ministre
et moi-même, on peut discuter d'une pénétration du gaz
à 10%, 15% ou 25%, mais, si on ne peut pas convaincre le public que le
gaz est une forme sûre d'énergie - comme, personnellement, je le
crois - je crois qu'on peut manquer le bateau. Ce qui me surprend, c'est
qu'étant donné que Gaz Métropolitain est en affaires
depuis plusieurs années, comment se fait-il que vous n'avez pas
institué des programmes d'éducation? Si vous en avez fait,
auriez-vous l'obligeance de me le dire?
Le Président (M. Jolivet): M. Normand.
M. Normand: Bien, j'ai regardé mon confrère, M.
Noël, mais tout de même, M. Fortier, je peux me permettre certains
commentaires. Sûrement que M. Noël va apporter des nuances
très pertinentes.
Pour ma part, je dois vous faire remarquer que les dernières
campagnes publicitaires de Gaz Métropolitain visaient
effectivement à cet objectif de présenter le gaz naturel comme
une énergie sûre, une énergie assurée. Nous n'avons
pas voulu attaquer le problème de l'appréhension du public de
front parce que plusieurs fois lorsque vous voulez lui dire: Écoutez, ce
n'est pas dangereux, vous risquez, justement, de créer l'effet
contraire, d'attirer l'attention des gens et, finalement, de ne pas atteindre
votre objectif. Donc, notre préoccupation a été,
dernièrement, dans notre campagne publicitaire, axée beaucoup sur
ce genre d'information, sur cette perception que les gens semblent avoir et ont
effectivement du gaz naturel pour, subtilement, les amener à penser que,
finalement, le gaz naturel est une source d'énergie
sécuritaire.
M. Fortier: J'imagine que peut-être vous pouvez mesurer
l'impact de votre campagne. Tout ce que je peux vous dire, si j'en juge par les
amis, la famille que j'ai -je connais des gens à qui leur femme a dit:
Si tu entres le gaz, c'est un divorce - c'est que votre campagne n'a pas
réellement atteint son objectif.
En ce qui concerne la pénétration du gaz, vous faites
état dans le document original, justement, de stratégie de
pénétration de marché dans le domaine résidentiel.
Encore là, j'aimerais poser la question parce que vous avez vécu
cette expérience et M. Baladi parlait de pénétration quand
M. le ministre a demandé quelle pénétration était
nécessaire pour justifier des investissements additionnels sur une base
économique. Comme vous le savez, il y a des quartiers de Montréal
dans le moment - par exemple, Outremont où j'habite - où on a du
gaz. Je sais que vous avez demandé d'augmenter votre franchise mais,
sans être méchant, je vous poserais la question suivante. Vous
avez déjà une franchise. Le gaz naturel, pour la franchise que
vous avez, est déjà disponible. Vous dites, et je prends votre
parole, que le gaz, à l'heure qu'il est, est compétitif. Il me
semblerait que, sans penser à augmenter votre franchise, mais avec la
franchise que vous avez pour la vente de gaz, avec les atouts que vous avez en
main, vous auriez pu avoir une campagne de marketing beaucoup plus agressive
que celle que vous avez dans le moment. Si je me fie encore à des gens
que je connais, chaque fois que ces gens disent: Venez couper le gaz à
la maison, il n'y a personne qui va voir ces gens, comme peut-être on
pourrait l'espérer, pour dire: Monsieur, vous faites peut-être une
mauvaise affaire. Pourquoi ne conservez-vous pas le gaz puisque très
bientôt on va faire des investissements? Par ailleurs, je sais que, dans
certains quartiers comme Outremont, les conduites sont trop petites et, quand
les gens demandent de chauffer au gaz, ce n'est pas possible. C'est beau de
parler de pénétration future, mais ma question est bien directe:
Qu'est-ce que vous faites pour augmenter la pénétration du
gaz
avec la franchise que vous avez maintenant? Le Président (M.
Jolivet): M. Normand.
M. Normand: M. Fortier, j'aimerais juste vous souligner tout de
même que, dans les deux dernières années, la
pénétration de gaz naturel, dans la concession actuelle de Gaz
Métropolitain, a connu un accroissement marqué. Deux zones
demeurent difficiles à pénétrer, les instruments viennent
de nous êtres donnés. Ce sont les secteurs résidentiels
à faible consommation et les secteurs qui sont éloignés du
système existant de gazoduc dans le territoire, où l'extension
n'était pas économique auparavant mais elle vient de l'être
tout récemment avec l'écart favorable dont va
bénéficier le gaz naturel. À votre assertion
qu'effectivement le gaz naturel n'avait pas pénétré
beaucoup, je tiens à vous mentionner que dans les dernières
années, effectivement, lorsque la concurrence s'est
améliorée et lorsque les approvisionnements se sont
stabilisés en faveur du gaz naturel, celui-ci a
pénétré très sensiblement dans son territoire. Il
reste des domaines qui sont ceux auxquels vous avez référé
plus spécifiquement, soit ceux du résidentiel. Dans notre
dossier, on prétend qu'on a besoin d'un avantage concurrentiel par
rapport aux autres sources d'énergie. On vous a mentionné et on
vous mentionne dans notre document qu'il existe maintenant par rapport au
pétrole, qu'il existe par rapport à l'électricité.
Notre souci, c'est de nous assurer qu'il va être maintenu pendant la
période.
Il reste une autre considération économique importante,
c'est celle des programmes d'aide à la conversion des
équipements. Comme vous le savez, le programme fédéral
prévoit une certaine contribution dont le programme n'est pas encore
effectivement lancé, mais qui va l'être sous peu. On me dit au
début d'avril. Il y a également notre prétention que le
distributeur devra participer davantage aux frais de conversion s'il veut
pénétrer massivement le secteur résidentiel. Ces
programmes sont à l'étude présentement par le gouvernement
du Québec, par le gouvernement fédéral et par les
distributeurs. Ils seront incessamment complétés. Ce sont ces
deux éléments qui vont nous permettre d'atteindre le
marché que vous venez de me mentionner, qui est surtout le secteur
résidentiel.
M. Fortier: Se pourrait-il que, compte tenu des coûts...
S'il faut ouvrir toutes les rues - je m'excuse de prendre Outremont comme
référence, mais j'habite là d'Outremont, à ce
moment, il y a un coût attaché à cela, et, pour vous, ce
serait plus facile d'aborder des nouveaux secteurs, comme quelqu'un le
mentionnait cet après- midi, Dollard-des-Ormeaux. J'imagine que dans des
quartiers où c'est plus facile, à ce moment, les investissements
sont moins lourds. Se pourrait-il alors, lorsqu'on parle de
pénétration du gaz, qu'on devrait plutôt parler en termes
de moyenne québécoise? J'imagine que, quand vous parlez d'une
certaine pénétration, il y a des quartiers où vous
êtes intéressés réellement et il y a d'autres
quartiers où vous êtes moins intéressés. On devrait
parler de pénétration de gaz pour des quartiers bien
spécifiques, de la même façon que Gaz Inter-Cité
nous parlait de pénétration; j'imagine qu'ils parlaient de la
concession qu'ils espèrent obtenir, parce qu'au moment où on se
parle on n'a pas encore la réponse à la question que j'ai
posée, à savoir quels sont les distributeurs de gaz. À ce
moment, la discussion est un peu aléatoire, parce qu'on parle en termes
de moyenne québécoise, alors qu'il faudrait parler de quartier.
Je me demande ce que devient la moyenne québécoise, de quelle
façon cela peut influencer la pénétration vis-à-vis
d'Hydro-Québec.
M. Normand: M. Baladi a très bien répondu à
la question de M. Fortier, en disant que, pour qu'un gazoduc soit rentable sur
une rue donnée, on espérait atteindre des niveaux de
pénétration de 50%. Il est important, étant donné
les infrastructures d'un gazoduc, de concentrer l'extension du gazoduc dans des
endroits où l'objectif peut être atteint et de ne pas acheminer le
gazoduc dans des endroits à faible densité ou dans des endroits
où le gaz naturel risque de ne pas pénétrer. Vous faisiez
allusion au secteur d'Outremont. Effectivement, le gazoduc existe.
Peut-être que sa capacité n'est pas suffisante en ce moment, mais
les études internes de Gaz Métropolitain nous démontrent
que le remplacement du gazoduc existant où ce sera requis pourra
l'être économiquement à cause du potentiel le long de ces
lignes. Donc, pour nous, cela ne représente pas une difficulté
particulière. Le développement du réseau actuel ne
représente pas une difficulté particulière et ne nous
empêchera pas d'attaquer de nouveaux secteurs, soit à
l'intérieur de notre territoire ou, si la décision en est ainsi,
dans la province.
M. Fortier: Vous allez être d'accord avec moi, comme on l'a
noté hier et ce matin, que chaque jour qui passe est un jour de perdu,
parce que comme vous le savez, si je prends encore un secteur comme celui
où j'habite, où il y a beaucoup de rénovations qui se
font, lorsque les gens font des rénovations, ils ont un choix. Ils
appellent le Gaz Métropolitain et on leur dit: Vous savez, la
canalisation de la rue est trop petite et, à ce moment, ils choisissent
l'électricité. Ce
choix se fait chaque jour. Compte tenu de ces délais, vous me
parlez de faire des études, mais supposons que M. le ministre s'entende,
pour une fois, avec son homologue fédéral pour signer l'entente
le 1er avril. Quel délai...
M. Bérubé: Est-ce que mon homologue
fédéral voudrait pour une fois m'écrire pour me faire une
proposition? Je n'ai reçu aucune offre du gouvernement
fédéral concernant son plan. Absolument rien. Aucune lettre du
gouvernement fédéral.
M. Fortier: M. le ministre, vous avez reçu la politique
nationale de l'énergie comme nous tous. En tous les cas... Ma question
est celle-ci: S'il y avait entente le 1er avril - prenons cela comme date -
quels seraient les délais de réalisation de ces programmes? Comme
je le dis, on peut parler en termes de nouveaux quartiers et en termes de
quartiers où il existe des maisons; ces quartiers, à moins que
vous ne les pénétriez prochainement, seront perdus à
jamais.
M. Normand: M. Fortier, vos questions sont on ne peut plus
pertinentes dans le dossier du gaz naturel. On dirait en anglais: Time is of
the essence. Effectivement, si le développement du réseau gazier
ne se fait pas dans les années qui viennent, dans les trois ou cinq
dernières années, qui est une période de temps crucial
pour le développement du gaz naturel, on ne pourra, comme M. Villion le
mentionnait dans notre mémoire, revenir en arrière. Donc, il faut
s'assurer - et c'est la base de notre présentation ici - que les
mécanismes, pendant ces trois années qui vont être
cruciales pour le gaz naturel, tant en termes de prix
d'électricité qu'en termes de programmes d'aide à la
conversion, suffisent à une pénétration du gaz naturel.
Nous, les distributeurs, avons la responsabilité d'attaquer ces
marchés, de convaincre le public que le gaz naturel est un bon produit,
est un produit secure; c'est notre rôle. Je pense que si tous les
éléments sont mis en place dès le 1er avril, notre
franchise pourra, dès le printemps, dès le dégel,
être favorisée par cette source d'énergie.
M. Fortier: J'avais une question en ce qui concerne les
investissements. Dans le document que vous nous avez remis il y a quelques
jours, à la page 13, il y a un tableau de coûts comparatifs pour
7300 gigawattheures d'énergie par année. On fait la comparaison
entre le gaz naturel et l'électricité, ce qui a permis au
ministre de dire: II en coûte trois fois plus pour produire de
l'électricité. Corrigez-moi si je n'ai pas raison. Vous ne nous
parlez, dans ce tableau, que d'investissements au Québec. Si on incluait
les investissements qui doivent être faits en Alberta pour amener le gaz
ici, ce tableau serait-il modifié considérablement?
M. Villion: Non, M. Fortier. Selon le mécanisme actuel de
fixation des prix du gaz naturel, celui-ci est fixé à Toronto.
Tous les coûts qui se produisent en amont viennent en réduction de
ce qui est versé au producteur. Donc, quelles que soient les
installations qui soient faites par le transporteur, TransCanada PipeLines, en
l'occurrence, entre Montréal et Empress, qui est le point
d'interconnexion entre l'Alberta et la Saskatchewan, ces coûts sont
absorbés par les producteurs albertains, donc, ne se reflètent
pas...
M. Fortier: Je comprends, mais on parle de coûts
d'immobilisation. On ne parle pas de coûts à l'utilisateur.
M. Villion: En termes d'immobilisation, cela ne se
refléterait pas à ce niveau.
M. Fortier: Parce que dans les coûts d'immobilisation, si
je prends l'électricité, vous avez les prix
d'Hydro-Québec. Dans le gaz naturel, vous avez pris les coûts qui
devraient être investis au Québec et en acceptant le gaz à
la frontière du Québec, disons, de l'Ontario, prenons ça
comme point de référence. Le point que je désire faire,
c'est que pour amener ce gaz au Québec il y a eu des investissements en
Alberta. Remarquez bien que je ne critique pas, je ne fais que souligner que,
s'il fallait additionner en plus de ces investissements au Québec les
investissements qui ont lieu en Alberta, le tableau ne serait peut-être
pas tellement différent.
J'admets le point qui est fait. Le point qui est fait c'est que si on va
vers le gaz on aura moins d'investissements à faire au Québec et,
compte tenu des problèmes de financement dont a fait état hier M.
Lafond, le trésorier d'Hydro-Québec, c'est sûrement un
avantage marqué qu'on doit prendre en considération. Mais le
point que je désire quand même faire - et je ne veux pas que mon
commentaire soit interprété d'une façon négative -
c'est qu'il est peut-être faux de dire qu'il y a seulement des
investissements d'un à trois, il y a d'autres investissements qui sont
faits en Alberta et, si on pense aux retombées économiques qui
proviennent de ces investissements, il faut se rendre compte dans une certaine
mesure que les investissements faits en Alberta, ce sont des retombées
économiques que nous n'avons pas au Québec. C'est le seul point
que je voulais faire valoir; mais il est certain que ça prend moins
d'investissements au Québec pour acheter du gaz ici.
Le Président (M. Jolivet): M. Villion.
M. Villion: Je reconnais qu'il y a des retombées
économiques qui se font en Alberta; manifestement il y a des
retombées économiques qui se font également en Ontario,
mais si on les transpose en termes de coûts pour la collectivité
québécoise, c'est manifestement à l'avantage de la
collectivité québécoise, parce que plusieurs des
coûts qui sont impliqués, tant à la production qu'aux
grandes installations de transmission, sont absorbés par l'ensemble des
Canadiens et c'est à ce niveau un avantage net pour le
Québec.
M. Fortier: Je suis complètement d'accord avec le
commentaire, mais de la façon que c'était présenté
dans votre mémoire, je crois que celui-ci était
légèrement tendancieux.
En ce qui concerne...
Le Président (M. Jolivet): M. Normand.
M. Normand: Je m'excuse.
Effectivement, le mémoire ne se voulait pas dans ce sens. La
pénétration additionnelle du gaz naturel dans le secteur
résidentiel, nous, on doit la regarder dans un contexte de coûts
marginaux. L'infrastructure, pour acheminer le gaz de l'Alberta aux
marchés, existe ou existera, peu importent les marchés
additionnels que le gaz va pénétrer.
L'étude des coûts démontre que les coûts
marginaux à ajouter au gaz naturel pour pénétrer le
secteur résidentiel sont nettement inférieurs aux coûts que
devra encourir l'Hydro-Québec pour générer cette
électricité.
M. Fortier: J'accepte ça, sauf que votre document ne parle
pas de coût marginal.
M. Normand: D'accord.
M. Fortier: Mais, de toute façon, il y a un autre
commentaire dans votre document. Vous parlez d'une recommandation que vous
faites, c'est de ralentir le programme d'Hydro-Québec. C'est une
possibilité; ce que vous dites, dans le fond, c'est que, compte tenu de
l'espoir ou de la détermination qu'on pourrait mettre a faire
pénétrer le gaz, dans la même mesure, si on est logique
avec nous-mêmes, on devrait faire en sorte que le programme
d'Hydro-Québec soit moins important. Je pense bien que c'est ça
l'essence de votre intervention.
Ce que j'aimerais souligner ici et je crois que c'est le débat -
le ministre et moi-même posons des questions où on essaie de faire
le point - c'est que l'État québécois, la province de
Québec ne peut pas se permettre de se tromper, parce que, s'il fallait
demander à Hydro-Québec de retarder ses investissements
maintenant, et s'il fallait, dans cinq ans, lui demander de les
accélérer, l'Hydro-Québec me corrigera, si j'ai tort, mais
je sais qu'elle a fait des études pour démontrer que des
coûts de rattrapage seraient dix fois plus forts que si on lui demandait
de réaliser les programmes maintenant. Je veux seulement souligner que
votre demande a l'air anodine, mais elle peut être coûteuse si le
gouvernement prend les mauvaises décisions; je pense que vous êtes
d'accord avec moi là-dessus.
Mais je me rends bien compte quand même du dilemme dans lequel
vous êtes. Vous dites: Si l'électricité est très
abondante, à un tarif très alléchant, les chances de
réaliser notre pénétration vont être de beaucoup
réduites. J'accepte votre argumentation et c'est un dilemme très
crucial.
M. Bérubé: Cornélien!
M. Fortier: Cornélien même!
En ce qui concerne la tarification, je suis sûr que vous
êtes au courant du fait que ce que vous nous avez dit en ce qui concerne
les 10% d'augmentation par année, à comparer aux coûts du
programme national d'énergie, entre en contradiction avec ce que nous a
dit Gaz Inter Cité; ça me surprend, parce que ça me semble
assez facile de faire le calcul. Qu'est-ce qui peut faire en sorte que ce soit
si difficile de s'entendre sur un calcul aussi simple?
M. Normand: Vous posez la question ou vous donnez la
réponse?
M. Fortier: II n'y a pas de réponse là-dessus,
j'imagine. Merci.
Le Président (M. Jolivet): Merci. Je vais vous faire une
proposition. J'ai compris tout à l'heure que, compte tenu que
c'était le deuxième organisme et le dernier à venir ici,
devant cette commission, au sujet du gaz naturel, les membres de la commission
voudraient probablement ajouter au temps déjà accordé.
Jusqu'à maintenant, le ministre a pris 25 minutes, le
député d'Outremont a pris 18 minutes, de telle sorte que si on se
mettait d'accord pour cinq minutes additionnelles de chaque côté,
on pourrait terminer ensuite.
M. Fortier: Parfait! M. Bérubé:
D'accord!
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Duplessis aurait-il une question?
M. Perron: À la page 19 de votre mémoire, vous
faites des recommandations. La première recommandation que vous faites,
c'est l'adoption d'une stratégie de
développement de l'électricité compatible avec une
plus grande pénétration du gaz, afin d'en retirer - là,
vous nommez trois points - une plus grande diversité
d'approvisionnement, un coût moindre de la facture
énergétique des Québécois et, en troisième
lieu, de plus grandes retombées économiques.
Dans votre deuxième recommandation, vous mentionnez l'adoption
d'une nouvelle politique tarifaire. Je présume que, lorsque vous
mentionnez cette nouvelle philosophie tarifaire, vous incluez à
l'intérieur de tout cela ce qu'on appelle la tarification marginale.
Selon ce que j'ai pu constater, pour avoir travaillé à
Hydro-Québec pendant plusieurs années, il y a plusieurs
possibilités de tarification marginale. Vous avez, par exemple, une
possibilité où toute la clientèle du Québec
pourrait être touchée par des augmentations durant l'hiver.
Automatiquement, les coûts durant l'été du
kilowattheure seraient plus bas. Vous avez aussi la possibilité
d'établir avec des équipements techniques la tarification
marginale en rapport avec la pointe, celle du matin, celle du midi et celle du
soir. Vous pouvez prendre les trois ou encore prendre seulement la plus
élevée. Normalement, c'est celle entre 17 heures et 19 heures.
Vous avez aussi l'autre possibilité où, comme c'était
antérieurement à la nouvelle tarification d'Hydro, vous dites que
le client de zéro à 1000 paie plus que celui de 1000 à
1500. Je voudrais que vous m'expliquiez votre façon de voir cette
tarification marginale. Vous avez peut-être d'autres suggestions à
faire. Je n'en vois pas d'autres, mais vous en avez peut-être
d'autres.
Le Président (M. Jolivet): M. Villion.
M. Villion: Au risque de vous contredire, on ne parle pas
véritablement de tarification marginale. Ce dont on parle, c'est d'une
tarification qui serait faite en fonction de la valeur de la
commodité.
M. Perron: Excusez-moi, pourriez-vous répéter? De
la...
M. Villion: La valeur de la commodité. C'est un
anglicisme. Disons que c'est la valeur qu'est prêt à payer le
marché pour cette forme d'énergie.
Si on veut établir un exemple, vous avez actuellement un
mécanisme de fixation des prix entre le pétrole et le gaz
naturel, qui existe ici au Canada, selon lequel le prix du gaz naturel est
indexé à environ 85% du prix du pétrole. Ces prix
fixés n'ont pas de commune mesure avec une base quelconque qu'on
pourrait retrouver dans les coûts. C'est beaucoup plus en fonction d'une
valeur qui prévaut sur le marché et qui, plus souvent, est
dictée en termes d'origine par les marchés internationaux.
Lorsqu'on parle ici de cette valeur à la commodité, ce
serait de faire en sorte que les prix de l'électricité soient au
minimum en ligne avec les prix des autres formes énergétiques, du
moins le gaz naturel, et que, dans le cas plus particulier du chauffage, elle
se vende à un prix d'environ 10% supérieur au prix du gaz
naturel. C'est beaucoup plus à ce mécanisme qu'au
mécanisme de la tarification à la marge qu'on
réfère.
Le Président (M. Jolivet): M. le
député...
M. Perron: Une dernière.
Le Président (M. Jolivet): D'accord.
M. Perron: Une courte question. C'est M. Fillion, je crois,
n'est-ce pas?
M. Villion: Villion.
Le Président (M. Jolivet): Villion.
M. Perron: Selon vous, est-ce qu'une telle tarification que vous
préconisez serait bénéfique aux consommateurs? Je ne pose
pas une longue question, à moins que vous ne vouliez m'en donner une
longue.
M. Villion: Non, cela ne sera pas une longue réponse.
M. Perron: Une longue réponse, plutôt.
M. Villion: Oui, ce sera bénéfique aux
consommateurs, si on regarde le bien de la collectivité. Le grand danger
derrière cela, ce serait de dire: Effectivement, peut-être que les
consommateurs d'électricité pourraient bénéficier
d'un meilleur tarif, mais si, ce faisant, cela devait être au
détriment de la collectivité, ce ne serait pas valable. Nous
prétendons que cet ajustement des tarifs d'Hydro-Québec à
la valeur de la commodité est dans l'intérêt public des
Québécois.
M. Perron: Merci.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Rouyn-Noranda.
M. Samson: M. le Président, on assiste à un
phénomène très intéressant au cours de cette
commission. En effet, hier, HydroQuébec nous faisait part de son plan
d'équipement. Dans ce qu'on nous a dit, j'ai cru comprendre qu'on avait
un plan d'équipement qui s'alignait sur une pénétration du
gaz naturel d'environ 12% et aujourd'hui, les gens du gaz naturel de leur
côté parlent de 17%. C'est comme si l'un
voulait, sinon enlever le marché de l'autre, du moins lui faire
comprendre qu'il devrait en prendre un peu moins pour que chacun ait sa
place.
Je voudrais souliqner, M. le Président -parce qu'il en a
été question tantôt - la question de la
sécurité quant au chauffage au gaz. Je ne pense pas que cela pose
tellement de problèmes dans les régions qui sont desservies par
le gaz. Vous avez mentionné tantôt que, parmi ces régions,
il y a celle de Rouyn-Noranda effectivement. Je suis aussi un des clients du
gaz naturel. Je dois vous avouer que je n'ai jamais senti de danger
d'être chauffé au gaz naturel; le seul danger que
j'appréhende, c'est la tarification. Je vous avoue que c'est un danger
qui effraie pas mal de mes concitoyens également.
Quand j'ai entendu tantôt des propos qui veulent qu'on aligne,
pour autant que cela puisse être possible, les tarifs
d'électricité sur ceux du gaz naturel dans un avenir plus ou
moins proche, c'est le genre d'indexation, si on veut, à la hausse que,
du côté du public, on préférerait de beaucoup voir
inversée. Que ceux qui sont plus hauts s'alignent sur ceux qui sont plus
bas. Cela donnerait beaucoup plus de satisfaction à la population. Je
comprends qu'il y a peut-être de savants énoncés qui
peuvent expliquer le besoin, etc., mais il reste une chose; c'est que le public
doit payer. II y a aussi des limites et dans le choix des sources
d'énergie, s'il y a un choix, c'est la tarification qui va entrer en
ligne de compte, je pense, parmi les premiers facteurs. Je dis bien "s'il y a
un choix", parce que, si je regarde la façon dont on s'en va,
peut-être n'y aurait-il plus de choix un jour. On semble vouloir
s'aligner les uns sur les autres et, si c'est cela la politique
énergétique, le rôle social dont on nous a parlé
hier me semblerait un peu estompé. Je pense qu'il y a aussi un
rôle social là-dedans.
Je me demande si, du côté du gaz naturel qui, actuellement,
est très concurrentiel, on ne peut pas prévoir une
pénétration valable tout en conservant une tarification
acceptable et non pas basée sur le prix du marché ou encore sur
des comparaisons internationales. C'est sûr que, si on va sur des
comparaisons internationales, il y a peut-être là des raisons pour
augmenter la tarification, mais à l'encontre de cela il faudrait
peut-être dire aussi que, si on veut s'aligner sur des choses
internationales, il faudrait peut-être aligner d'autres choses sur des
choses internationales et il faudrait baisser des prix. Si on a des sources
d'énergie qui sont nôtres, qui sont canadiennes, qui sont
québécoises et si on est capable de les offrir à un
meilleur prix pour compenser pour des choses qu'ils ont ailleurs et qu'on n'a
pas - exemple, le soleil en hiver, la chaleur - je pense qu'il faut tenir
compte de cela aussi.
Je ne serais pas prêt à accepter facilement, en tout cas,
qu'on aligne des tarifications spécialement sur les prix internationaux,
sachant que dans des pays à environ 1500 ou 1800 milles d'ici, par
exemple, on n'a pas besoin de chauffer l'hiver. Donc, la tarification ne les
dérange pas trop, ceux-là, mais nous avons ce problème
parce qu'on est dans une région nordique. J'imagine que la population va
être intéressée davantage à avoir le meilleur
service possible au meilleur coût possible. Là-dessus, je ne peux
pas être d'accord avec vous. Je ne peux pas être d'accord avec vous
à un point tel que je demande à Hydro-Québec de ne surtout
pas tomber dans ce genre de choses.
Le Président (M. Jolivet): M. Normand. (21 h 30)
M. Normand: M. Samson, premièrement, je voudrais vous
remercier pour le plaidoyer favorable au gaz, en termes de
sécurité. Vous en êtes un bon utilisateur.
Maintenant, je voudrais tenter de vous sécuriser en ce qui
concerne la tarification. La tarification d'un distributeur de gaz n'est pas en
fonction des prix internationaux, c'est en fonction de son coût de
distribution. Croyez-moi, il y a une Régie de
l'électricité et du gaz qui s'assure de façon très
dynamique que le distributeur ne fait que passer les coûts à ses
clients.
Si vous voulez atteindre la meilleure tarification possible en termes de
gaz naturel, je vous suggère deux moyens. Premièrement, d'assurer
une pénétration maximale du gaz naturel, parce que les
infrastructures sont très coûteuses; plus grande est la
pénétration, meilleure est la saturation, moindre est le
coût moyen de vous le livrer. Donc, ce que vous discutez aujourd'hui
devrait toujours être pris dans cette optique de vous assurer que les
politiques des autres sources d'énergie ne viennent pas vous
pénaliser, vous, consommateurs de gaz, ou tous les autres consommateurs
de gaz éventuels. Assurez-vous que, par les décisions que vous
allez prendre, le gaz naturel va pouvoir atteindre un niveau de saturation
économique. C'est une façon de vous sécuriser en termes de
tarification et le gouvernement va sûrement prendre une bonne
décision pour un distributeur unique, ce qui est encore une façon
de réduire les coûts au distributeur.
Le Président (M. Jolivet): M. le député,
brièvement, s'il vous plaît.
M. Samson: Dans le domaine du gaz naturel, je ne sais pas
où vous en êtes à Gaz Métropolitain, mais je vais
vous citer l'exemple de la Northern and Central Gas qui est le distributeur
dans notre région et
qui, pour les fins de la distribution, s'appelle le Gaz Provincial du
Nord du Québec. Ce distributeur a une tarification où s'ajoute
à la facture une pénalité de 10%, advenant que le client
ne paie pas dans un délai de dix jours. Comme la facturation se fait
à Willowdale, en Ontario, et que cela prend quelques jours avant que les
factures arrivent à destination, j'ai eu connaissance à maintes
reprises qu'un client ait deux jours pour payer sa facture, sinon il devait
payer 10% de pénalité. La même chose existait
déjà à Hydro-Québec qui avait une facturation
mensuelle, à ce moment-là. Hydro-Québec, à la suite
de certaines représentations, a laissé tomber ce mode de
pénalité et en est arrivé à une facturation aux
deux mois et la pénalité n'en est pas une au même sens que
le gaz, c'est maintenant un intérêt qui est imposé
après le délai, ce qui est beaucoup plus raisonnable, je
pense.
Je ne sais pas si c'est votre procédure, je vous le demande, tout
en vous soulignant en même temps que la procédure utilisée
là-bas est contestée et contestable et, quant à moi, je
vais la contester aussi longtemps que je le pourrai, parce qu'il me semble que
c'est là un surplus de tarification. Beaucoup de gens ne sont pas
capables d'entrer dans les délais et c'est de l'argent net qui rentre
dans les poches de la compagnie et pour lequel le client n'a reçu aucun
service.
Le Président (M. Jolivet): M. Normand.
M. Normand: Nous souscrivons à votre objectif, M. Samson.
Effectivement, la politique tarifaire en ce sens à Gaz
Métropolitain, en termes de pénalité, a été
réduite de beaucoup dernièrement, en passant des 10% que vous
mentionnez à 5%. Nous comptons retourner devant la Régie de
l'électricité et du gaz et tenter d'ajuster cette politique
à une politique qui serait plus près de celle
d'Hydro-Québec, qu'on croit plus juste, soit d'imposer des
intérêts lorsque les délais sont expirés. Donc,
c'est une politique qui rapproche plus le coût de la
pénalité au préjudice subi par le distributeur, donc par
l'ensemble de ses clients.
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.
M. Samson: ...à l'autre compagnie à l'autre
bout.
M. Normand: Attention, c'est notre petite soeur.
Le Président (M. Jolivet): II reste les deux
dernières interventions de la fin, M. le ministre.
M. Bérubé: Moi, c'était uniquement pour vous
témoigner mon appréciation pour la qualité de votre
mémoire. En fait, il était nettement provoquant. D'ailleurs, vous
l'avez vu par le genre de questions qu'on vous a posées. Certes, en vous
aventurant sur la glace un peu mince, forcément, vous courez le risque
de vous faire critiquer et de vous faire houspiller mais, néanmoins,
vous nous donnez en même temps l'occasion de faire progresser un certain
nombre d'idées. Je tenais à vous rendre témoignage pour ce
mémoire. Merci.
Le Président (M. Jolivet): M. le député
d'Outremont.
M. Fortier: On pourrait conclure: Qui aime bien châtie
bien. J'aurais juste une question en terminant. Vous avez dit quelque chose qui
m'amène à une question. Vous avez dit: Si on veut réduire
les coûts, il faudrait favoriser un seul distributeur. Pourriez-vous, en
deux minutes, me dire pour quelle raison un seul distributeur pourrait
permettre des coûts moindres ou une tarification moindre
éventuellement, j'espère, ou des profits plus grands pour la
compagnie, je ne sais pas?
Le Président (M. Jolivet): M. Baladi.
M. Baladi: Pour la question d'un seul distributeur, en effet, il
y a trois dimensions importantes. C'est d'abord la maximisation des
retombées économiques au Québec; la question d'une gestion
harmonieuse entre les différents acteurs, autant le gouvernement que les
autres distributeurs d'énergie, et, troisièmement, la question du
temps, le temps de réaliser cette pénétration au cours des
six prochaines années.
Sur le premier élément, les retombées
économiques, je pense que le Québec, par l'entremise de la Caisse
de dépôt, s'est déjà doté d'un outil, qui est
Gaz Métropolitain et qui pourrait assurer cette maximisation des
retombées économiques. Donc, il n'y aurait pas lieu de
créer encore une deuxième roue et d'essayer de négocier un
autre contrôle qui va assurer que les retombées économiques
demeurent au Québec.
Quant à la gestion harmonieuse, je pense qu'Hydro-Québec
parle de partenaires. Donc, c'est important pour nous et je pense qu'avec un
seul acteur dans le domaine du gaz, la question d'une gestion harmonieuse peut
être assurée de façon beaucoup plus facile et beaucoup plus
rapide.
Le troisième élément est, la question du temps.
À Gaz Métropolitain, il existe une expertise, on a pu la
constater ce soir. Les outils sont en place tant au niveau de la formation que
de la main-d'oeuvre qui se trouve au Québec et à laquelle un
distributeur comme nous peut faire appel. En plus de ça, il y a les
économies d'échelle. Je pense qu'on a longuement discuté
des économies d'échelle devant la régie, mais il
y a un point important et c'est celui du coût du gaz naturel. Le
coût du gaz naturel représente pour le distributeur à peu
près 85% à 86% de ses frais d'exploitation. Je pense qu'avec un
seul distributeur pour l'ensemble du Québec, il y a cette
possibilité de faire la meilleure gestion possible, de faire justement
des diversions entre les différentes régions au Québec, de
faire surtout appel au bassin qu'est la région de Montréal pour
faire face aux fluctuations économiques qui peuvent avoir lieu dans
d'autres régions.
Donc, avec un ensemble de régions et un seul distributeur, il y a
cette facilité justement de minimiser les coûts et donc de
maximiser les bénéfices pour la société
québécoise.
Le Président (M. Jolivet): Merci. Au nom des membres de
cette commission, je vous remercie tous de votre mémoire et j'inviterais
à la barre M. Michel Jurdant à titre personnel.
Pendant qu'il s'approche, je vais vous donner l'ordre du jour de demain:
la Chambre de commerce du district de Montréal, l'Ordre des
ingénieurs du Québec, l'Association des constructeurs de routes
et grands travaux du Québec, l'Association des
ingénieurs-conseils du Québec, M. André Girard, la
Corporation de développement économique de la région de
Port-Cartier et M. Denis Bouliane. En fait, c'est l'horaire qui vous a
été distribué, sauf un changement entre le deuxième
et le troisième. Le troisième que vous avez sur votre horaire
devient le deuxième et le deuxième devient le troisième.
C'est la même liste que nous avions depuis une semaine. Je peux
m'informer auprès de... Je m'excuse, ce n'est pas la question. La
question est de savoir si on avait le rapport de M. Girard demain. Je vais
vérifier et je vous donnerai la réponse tout à
l'heure.
Une voix: C'est quel numéro, ça?
Le Président (M. Jolivet): C'est le numéro 33M.
M. Jurdant, nous avons pris connaissance de votre document. Nous savons
que vous avez vingt minutes à votre disposition et nous sommes
assurés que vous prendrez ce temps pour le présenter.
M. Jurdant, la parole est à vous.
M. Michel Jurdant
M. Jurdant (Michel): On a parlé tout à l'heure de
psychose à propos du nucléaire. Rassurez-vous, si j'en parle, je
ne suis pas un psychose. Je ne suis pas un psychotique, non plus. En fait,
comme présentation, je pense qu'il serait bon de dire quand même
un peu d'où je viens et ce que je suis. Je suis un ingénieur
forestier, avec une maîtrise et un doctorat en écologie. J'ai fait
22 ans de recherches dans le domaine de l'écologie dans le Nord du
Québec, surtout dans le domaine de la cartographie écologique du
territoire, en particulier cinq ans dans le territoire de la baie-James dont
j'ai dirigé les travaux de cartographie écologique.
Également, j'ai commencé la direction des études
écologiques dans le territoire de la Basse-Côte-Nord en relation
avec les projets hydroélectriques de la Basse-Côte-Nord pour le
compte d'Environnement Canada. Depuis juin 1980, je suis professeur au
département de géographie de l'Université Laval.
Mon mémoire porte un titre qui est Une électrotechnocratie
irresponsable.
J'espère qu'on va comprendre la raison de mon titre. En fait,
à la suite de tous les chiffres que j'ai entendus aujourd'hui - il a
surtout été question de dollars j'aurais peut-être pu
l'intituler Une fuite énergétique vers l'avant. Au cours de la
semaine dernière, s'est tenu à Montréal un colloque
d'information sur l'énergie organisé par le Front commun pour un
débat public sur l'énergie. Ce front commun regroupe 80
organismes ayant tous en commun une inquiétude profonde face à
l'avenir du Québec, tel qu'exprimé à travers les fins de
non-recevoir du gouvernement concernant leurs demandes
répétées en faveur d'un débat démocratique
sur notre avenir énergétique.
J'avais préparé un mémoire pour la présente
commission parlementaire. Toutefois, j'avais pris la décision
d'adhérer au mot d'ordre du front commun de boycotter cette commission
parlementaire pour les raisons suivantes: 1- par solidarité avec le
front commun. 2- par manque de temps, car c'est très difficile pour des
individus et des groupes de se préparer à deux
événements d'envergure du même genre, surtout que la date
du colloque avait été décidée bien avant celle de
la commission parlementaire. 3- parce que, tout comme le front commun, je
refuse de contribuer à entretenir l'illusion qu'une commission
parlementaire comme celle-ci constitue un débat public
véritablement démocratique, bien que j'accepte qu'elle puisse
constituer un des éléments d'un débat public. 4- parce que
je croyais que le colloque allait recevoir une couverture raisonnable par les
media et que les alternatives énergétiques auraient ainsi plus de
chances d'être diffusées et discutées avec les
citoyens.
Le colloque fut un succès sur le plan du contenu, mais je dois
reconnaître qu'une fois de plus nous - je prends ma part de
responsabilités là-dedans - les écologistes, n'avons pas
réussi à éveiller l'intérêt des citoyens sur
un problème crucial pour notre avenir individuel et collectif. Nous
acceptons
notre part de responsabilités, je le reconnais bien
sincèrement, par une attitude sans doute trop élitiste, trop
idéologique aussi. Nous manquons peut-être aussi de rigueur et de
maturité dans nos analyses. C'est probablement parce que notre mouvement
est jeune, parce que nous nous sentons très petits par rapport aux
valeurs que nous défendons et parce que parfois nous vivons très
mal notre écologie. Nous ne sommes peut-être pas aussi encore tous
d'accord sur le modèle de société alternative que nous
préconisons et nous sommes peut-être ainsi un mouvement encore en
gestation. Mais cette faiblesse d'aujourd'hui pourrait bien être notre
force de demain, surtout lorsque le prix de la gazoline à la pompe
grimpera à $1.25 le litre, comme il l'est déjà dans
certains pays d'Europe, ou à $2 ou, qui sait, à $5. Le trajet
Québec-Montréal, entre autres, aller-retour, coûtera $140
pour une Renault 5, et $400 pour une automobile à huit cylindres. Ce
serait ridicule de ne pas prendre cette possibilité au sérieux
d'ici cinq à dix ans. Il va falloir qu'on apprenne qu'il vaudrait
peut-être mieux vivre antiéconomiquement que de mourir
économiquement.
Je m'en voudrais, cependant, de mettre sur le dos de seuls
écologistes la responsabilité de l'apathie des citoyens face
à la politique énergétique, à l'exception pourtant
de la question des prix. C'est la raison principale pour laquelle je me suis
décidé à la dernière minute de présenter ce
mémoire dont le contenu éclairera, je l'espère, les
raisons de la non-participation du Front commun pour un débat public sur
l'énergie à la présente commission parlementaire. Je
tiens, cependant, à insister sur le fait que ma décision est
personnelle et que je ne représente donc que moi-même. Ceci ne
signifie nullement que je me dissocie du front commun dont je partage
entièrement les buts et les objectifs. J'accepte même d'être
désapprouvé par le même front commun. Je désirerais
que mon geste soit perçu surtout comme la manifestation de la profonde
détresse de l'une des fractions les plus dynamiques et les plus
généreuses du Québec face au gigantisme et à la
complexité de nos institutions et face au caractère de plus en
plus technocratique et de moins en moins politique des processus
décisionnels. (21 h 45)
À l'occasion de la parution du livre blanc sur la politique
scientifique du Québec, le ministre Camille Laurin disait ceci: "Les
enjeux de la science et des politiques de recherche doivent être
débattus au grand jour, comme le sont nos choix collectifs les plus
lourds de conséquences". Ce livre blanc intitulé "Un projet
collectif" reconnaît également que ce sont évidemment
d'abord et avant tout les citoyens et les groupes de citoyens qui donnent
réalité et consistance à un projet
démocratique".
S'il est un choix collectif lourd de conséquences pour notre
société, c'est bien celui de notre avenir
énergétique pour lequel nous avons consacré plus du quart
de notre richesse collective l'an dernier et pour lequel Hydro-Québec
propose d'investir l'équivalent de 50 installations olympiques au cours
des 10 prochaines années.
Malgré les multiples voeux exprimés par
Hydro-Québec et par l'État québécois en faveur d'un
débat public éclairé, il n'y a toujours pas de
débat public tout court, tout au plus deux commissions parlementaires en
quatre ans. Est-ce cela un débat public éclairé? Nous
vivons dans l'une des sociétés les plus avancées du monde
sur le plan technologique et nous faisons partie des sociétés les
plus riches et les plus puissantes. Au Canada, nous nous permettons même
d'utiliser 4% des matières premières du monde alors que nous
constituons moins de 0,6% de la population mondiale. Notre
société est-elle vraiment plus heureuse, plus cultivée,
moins violente, plus libre, plus belle, plus authentique que les autres
sociétés moins avancées technologiquement et
économiquement? Notre conception du progrès ne repose-t-elle pas
sur les utopies du bonheur par la consommation et de l'équité par
la croissance économique? Per capita, par exemple, nous Canadiens, nous
exportons plus de matériel de guerre que les Américains.
En fait, je référais ici à un éditorial de
lundi dans un de nos grands quotidiens de Montréal où en fait,
même si je suis d'accord avec l'ensemble de l'éditorial, ilétait écrit une phrase qui était celle-ci et qui est
très indicative: "Malheureusement, les adversaires du programme
d'Hydro-Québec s'en tiennent souvent à une argumentation
écologiste qui ne traverse pas la réalité
économique réglée des écologistes". Je ne veux pas
mettre en cause un éditorial en particulier car je pense qu'il exprime
une opinion très largement répandue et écarte
d'emblée, dès le départ, toute crédibilité
à l'argumentation écologique. Toute la question est là.
Qu'est-ce que c'est cette réalité économique dont parle
l'éditorialiste? Fait-elle notre bonheur? Réussit-elle à
nous rendre plus heureux que les peuples moins pourvus que nous à cet
égard? S'il vous plaît, ne pensez pas au Bangladesh ou à
l'URSS. Si oui, alors effectivement les écologistes n'ont aucune raison
de s'alarmer devant le programme d'investissement d'Hydro-Québec. Si
c'est non, alors ce n'est pas traverser la réalité
économique qu'il faut faire, mais nous libérer des contraintes
économiques. Je trouve que cette phrase est très indicative d'une
vision strictement économique de notre société comme si
seule une vision productiviste de la société
méritait notre attention.
C'est là que se situe le débat. Que voulons-nous?
L'être ou l'avoir? Ne trouvez-vous pas que les défenseurs de
l'être méritent d'être entendus même si l'être
ne résiste pas à la réalité économique? Une
telle notion de progrès se nourrit aussi d'une quantité
invraisemblable d'illusions comme celle de croire que notre niveau de vie
nord-américain pourrait être étendu à toute la
planète sans épuisement rapide des ressources ou celle de croire
que l'augmentation de la production d'énergie crée de l'emploi.
Selon la Fondation Ford les quinze industries les plus importantes des
États-Unis consomment 45% de l'énergie industrielle alors
qu'elles n'occupent que 6% de la main-d'oeuvre. La logique, en fait, du
progrès économique nous entraîne même ici au
Québec vers une industrie de guerre. Je mentionnerai ici la série
d'articles publiés dans le Devoir au cours du mois de juin. Je pense que
c'était intitulé: Des canons made in Québec. Entre autres,
je rappellerai également la fameuse discussion à propos du F-16
et du F-18 où il était question de se partaqer avec l'Ontario un
gâteau de trois milliards de dollars.
Nous sommes par là donc simplement des profiteurs de la violence
dans le Tiers-Monde et nous retirons notre large part des profits des tensions
internationales. Est-ce cela le progrès économique? Les
événements comme celui que nous abordons aujourd'hui
conditionnent notre présent et notre avenir individuel et collectif sur
le plan économique, bien sûr, aussi sur le plan culturel, social
et écologique. Ils sont pensés et mis au point,
décidés et orchestrés par de brillants scientifiques et
des technocrates qu'il nous faut cependant qualifier d'irresponsables. Pour la
vaste majorité d'entre eux, en effet, tout ce qui est techniquement et
économiquement possible doit être réalisé. Alfred
Rouleau, lui-même, président de la Confédération des
caisses populaires Desjardins, n'a pas hésité à
déclarer solennellement, devant 600 ingénieurs rassemblés
en congrès en 1980: "Les ingénieurs et les promoteurs de
l'innovation technologique à n'importe quel prix ont-ils une âme
et une conscience? Je suis porté à répondre oui, s'il
s'agit d'une âme ou d'une conscience technologique bien sûr, mais
en général non, s'il s'agit d'une conscience sociale."
Ce sont pourtant toujours les citoyens, ces inconscients, ces ignorants,
qui sont responsables des gaspillages et il faut faire confiance aux
scientifiques et aux experts, seuls détenteurs de la vraie connaissance,
seuls dépositaires de l'intérêt public, seuls
habilités à prendre des décisions. En tant que principaux
acteurs de notre mode de développement, ces technocrates sont ainsi
devenus les principaux détenteurs du pouvoir; un pouvoir d'autant plus
grand qu'il s'exerce de manière inconsciente.
À présent, j'aborderai les conséquences de la voie
dure, c'est-à-dire la voie qui nous est offerte par le plan
d'investissements d'Hydro-Québec. Cette voie dure, telle que
critiquée à partir du document Une stratégie pour la
décennie 80, est une voie irresponsable, non seulement parce qu'elle
n'est pas débattue au grand jour, mais aussi parce qu'elle implique des
conséquences écologiques, sociales et culturelles - j'insiste
surtout sur "sociales et culturelles" - sur notre milieu et notre mode de vie
qui sont inacceptables. C'est toute notre société qui est
bouleversée, charriée, "bulldozée" par ce modèle de
développement présenté à la population comme
inéluctable.
En tant que citoyen surtout, mais en tant que scientifique, je me sens
profondément violenté et j'implore les politiciens qui sont
devant moi pour qu'ils reprennent un pouvoir qu'ils laissent de plus en plus
dans les mains des technocrates et des experts.
Les conséquences de la voie dure qui suivent sont valables
d'abord pour la filière électronucléaire - elle nous pend
au nez -surtout en ce qui concerne les risques biologiques et physiques, mais
aussi pour toutes les autres filières qui impliquent des
aménagements gigantesques. Les risques biologiques sont cependant bien
réels. Pour la première fois dans l'histoire de
l'humanité, l'homme est menacé en tant qu'espèce par
l'introduction dans la biosphère d'éléments radioactifs
qui le seront encore dans des dizaines de milliers d'années.
Le moins que l'on puisse dire c'est qu'il n'y a pas consensus sur le
"non-danger" de l'électronucléaire et il m'apparaît injuste
d'exiger des antinucléaires tout le fardeau de la preuve.
Une société parfaite avec des techniciens parfaits, sans
terroristes, sans fous, sans guerres et sans catastrophes, n'existe tout
simplement pas; rappelez-vous le Titanic, il ne devait pas couler, il a
coulé à son premier voyage.
L'opposition à l'électronucléaire n'est cependant
pas basée exclusivement sur cette peur des radiations. En effet,
même propre -ici j'invoquerais la fusion - le nucléaire serait
inadmissible en vertu du fait que, fondamentalement, ce que les
écologistes lui reprochent, ce n'est pas tant de violer la nature, mais
ce faisant, de mettre en place de nouveaux instruments de pouvoir.
Nucléaire ou pas, l'électrotechnocratie ne propose que des modes
de production dont le gigantisme et la complexité sont tels que seules
des mégastructures autoritaires, concentrées et de plus en plus
technocratiques pourront en assurer le développement.
Une centrale nucléaire doit être gigantesque, au moins 600
mégawatts. Jean-
Claude Leny, directeur général de Franatome, a
déclaré: "Pour moi, il est essentiel que les centrales
nucléaires à construire soient peu nombreuses, donc de grande
taille, implantées sur des sites ad hoc et exploitées de
façon quasi militaire". Une société nucléaire sera
autoritaire, voire policière et violente. L'atome pacifique est en effet
un mythe au nom duquel des technocrates mettent en place des structures de
notre propre destruction.
La voie dure de la production d'énergie est de plus en plus
énergivore. Selon les prévisions du ministère de
l'Intérieur des États-Unis concernant la part de l'énergie
consommée par les producteurs d'énergie dans la consommation
totale, le coût énergétique était de 25% en 1971,
31% en 1980 et s'élèvera à 38% en 1990.
Cette voie dure est également linéaire, il n'y a pas
d'autorégulation; l'énergie électrique produite doit
être consommée, sinon elle se perd. Elle implique donc, du fait
même, une augmentation de la consommation et elle accélère
assez le processus d'épuisement des ressources naturelles de la
planète.
L'électrosociété est donc avant tout une
société de consommation, une société qui
privilégie les riches et les pays riches, une société
fondamentalement injuste car elle repose sur la stimulation de la
cupidité, de l'envie et de l'avarice pour stimuler la consommation, une
société aliénante, parce que de moins en moins conviviale,
une société de chômeurs et d'assistés, parce que, au
nom de la productivité et de l'efficacité, elle remplace la
majorité des hommes par des machines. C'est également une
société programmée.
Mon expérience dans le nord du Québec, à la Baie
James et sur la Côte-Nord m'a montré aussi que c'est
peut-être dans le Nord québécois que la situation est la
plus injuste. Les études environnementales masquent souvent le principal
impact du développement, celui qui est engendré par un changement
profond et radical du mode de vie des populations de cette région.
En effet, la mise en valeur des ressources énergétiques
dans le nord ne peut s'effectuer qu'à l'aide de technologies
sophistiquées et gigantesques qui ne peuvent que heurter culturellement
et socialement une société qui tente tant bien que mal de
survivre avec ce que nous avons bien voulu lui laisser de liberté.
Cette société a le droit de choisir son avenir et, nous,
les "développés", n'avons pas le droit de continuer à lui
laisser croire que sa survie et son bonheur sont intimement liés aux
seuls progrès technologiques de type lourd. Allons-nous asservir
à la technique ce dernier bastion écologique du Québec ou
profiterons-nous de cette menace pour mesurer l'ampleur de notre soif
d'énergie et amorcer pas là un nouveau progrès? Si
j'étais ici un Inuit ou un Amérindien, je vous dirais ceci: Si
vous avez besoin d'énergie, prenez-en donc les risques vous-mêmes.
Faites des centrales nucléaires, des centrales à réserve
pompée sur la Jacques-Cartier, etc. C'est votre affaire. Mais
arrêtons donc de nous détruire.
Que cela plaise ou non - ici, j'en arrive à l'alternative, parce
que c'est bien beau de critiquer, mais je n'ai pas envie d'être pris pour
un psychopathe. Nous proposons quand même des choix, nous, les
écologistes; que cela plaise ou non, il y a quand même quelque
chose qui ne tourne pas rond dans notre société d'abondance.
C'est surtout parce que c'est une société d'abondance que cela ne
tourne pas rond. La crise de l'énergie n'est sans doute que la pointe
d'un iceberg! On ne peut pas plus écarter l'hypothèse d'une
évolution catastrophique de l'humanité que
l'éventualité, par exemple, d'un sabotage par un commando de
terroristes quelque part le long de 25,000 kilomètres de lignes
électriques d'Hydro-Québec! Est-ce qu'Hydro-Québec et le
gouvernement du Québec ont un plan de survie en cas de sabotage le long
des 25,000 kilomètres de lignes hydroélectriques?
L'alternative écologique n'est pas seulement technologique. C'est
une grande erreur de penser que les écologistes transforment tout
simplement les technologies lourdes en technologies douces, des
éoliennes, du soleil, etc., et que c'est fini, parce qu'il est illusoire
de pouvoir perpétuer une société de consommation
simplement en remplaçant les technologies lourdes par les technologies
douces ou en préconisant l'austérité joyeuse de Pierre
Dansereau. L'écotechnocratie ne serait pas plus acceptable à
l'écologiste que l'électrotechnocratie actuelle.
En fait, cette alternative écologiste est globale et basée
sur la prééminence de l'être sur l'avoir, pour remplacer la
prééminence de l'avoir sur l'être que nous connaissons
actuellement. Elle préconise une économie autocentrée,
basée sur la production de biens accessibles à tous et
limitée à ce qui ne privilégie ni n'abaisse personne. On
pourrait supprimer le Concorde, par exemple. Je pense que cela ne ferait pas de
mal à grand-monde. Les besoins sont ainsi autorégulés et
la société devient autosuffisante, c'est-à-dire
véritablement souveraine. Les institutions seront
décentralisées, de petite taille et autogérées. La
priorité est accordée aux activités non
économiques, aux activités non mesurables en termes de PNB:
activités esthétiques, éducatives, décoration,
bricolage, lecture, musique, jardinage, danse. On peut en inventer tant qu'on
veut. Les privilèges de classe, de sexe, de race, d'âge, de
profession et d'instruction sont abolis, de même que le travail
salarié. Les femmes
jouent un rôle prépondérant dans ce type de
société, car, comme le dit Alain Touraine "de tous les
mouvements, c'est le mouvement des femmes qui résiste le mieux à
l'emprise des grandes entreprises sur notre vie quotidienne". Les valeurs
d'échange, par exemple le droit de propriété, sont
remplacées par les valeurs d'usage. Cela pourrait s'appliquer
également à l'automobile. Les technologies sont
appropriées, c'est-à-dire petites, simples, peu coûteuses,
douces et peu consommatrices d'énergie (voir à ce sujet les
scénarios éco-énergétiques d'Hélène
Lajambe, à Hélio-Québec).
Un débat public et démocratique sur notre avenir
énergétique serait l'occasion idéale pour préciser
cette alternative écologiste dont je n'ai pu esquisser évidemment
que les grands principes, les grands traits. Ce serait extrêmement long
de pouvoir expliquer cette alternative globale et de la débattre au
grand jour. Les écologistes seraient justement intéressés
à avoir des gens qui viendraient critiquer cette alternative.
Un certain nombre de conditions sont cependant prérequises pour
qu'un tel débat démocratique - je pense qu'il serait bon que je
les précise - soit véritablement démocratique. (22
heures)
Premièrement, il devrait être cogéré par les
citoyens et l'État; il nécessiterait une politique de divulgation
de la science et pas seulement d'information. Ce serait de la divulgation. Les
chercheurs et les citoyens devraient pouvoir travailler ensemble dans le cadre
de projets de recherche-intervention autogérés; les citoyens
devraient pouvoir participer à l'élaboration des objectifs de
recherche; les études d'impact sur l'environnement devaient être
abolies et remplacées par la proposition de scénarios
alternatifs; des moyens financiers et humains devraient être offerts aux
citoyens pour qu'ils soient en mesure d'élaborer, de divulguer et de
défendre des alternatives valables; l'éducation manuelle,
émotive et sociale des experts et futurs experts devrait être
considérée comme prioritaire au même titre que leur
éducation intellectuelle, technique et scientifique; les professeurs
d'université et les chercheurs devraient avoir à rendre compte
aux citoyens de la valeur sociale et culturelle de leurs activités, de
la même manière qu'ils ont actuellement à rendre compte
à leurs pairs de la valeur intellectuelle et scientifique de leurs
travaux et de leur enseignement.
La consommation énergétique aux États-Unis est
actuellement de 250,000 kilos calories par homme par jour et il est
prévu en l'an 2000 une consommation aux Etats-Unis de 400,000 kilos
calories par homme par jour. Je pense qu'ici, au Québec, nous ne devons
pas être très loin de ces chiffres non plus. Au Bangladesh, la
consommation énergétique est inférieure à 2500
kilos calories par homme par jour. À la fin du siècle, la
population totale de la terre sera d'environ 7 milliards. Si cette population
consommait au niveau actuel des Américains - ce qui est l'objectif, en
général, de tous les pays développés - la
consommation énergétique totale de la planète serait de
6,4x10 kilos calories par an. Or, la productivité totale de la
biosphère par la photosynthèse est estimée à 6x10?
kilos calories par an, moins que la consommation énergétique
totale.
Nous faisons donc face à une limite écologique absolue. Le
problème principal auquel l'humanité doit répondre
rapidement est le suivant: entre un minimum physiologique qui est reconnu comme
étant de 2500 kilos calories par homme par jour et un maximum
technologique estimé à 400,000 kilos calories par homme par jour,
où se situe l'optimum écologique? N'est-on pas très
imprudent dans notre société québécoise en
n'étudiant pas sérieusement la société alternative
écologique au cas où, par exemple - je cite quelques cas - il y
aurait une explosion d'une centrale nucléaire dans le monde? Quand on
pense qu'il y aura une nouvelle centrale nucléaire tous les jours dans
20 ans, je pense qu'on pourrait commencer à se poser de sérieuses
questions sur l'éventualité, même sur la probabilité
d'une explosion, même si ce n'est pas chez nous. À ce
moment-là, on va quand même se poser de sérieuses
questions. Un sabotage, ce pourrait être la même chose. Il y a
déjà une centrale nucléaire qui n'était pas en
action et qui a été bombardée lors du conflit entre l'Iran
et l'Irak. On peut également supposer que le Tiers-Monde ne va pas se
laisser exploiter par les pays dominants comme le nôtre
indéfiniment et que, donc, il va y avoir quelque chose qui va se passer.
Comment est-ce possible d'imaginer qu'on n'étudie pas une solution
alternative au niveau de la société?
La voie dure que nous présentent les électrotechnocrates
est la négation même du progrès. C'est une barricade
érigée contre l'évolution de notre société
et c'est une étape énorme vers l'asservissement de l'homme
à la technique et à ses grands-prêtres, c'est-à-dire
les universitaires, les scientifiques et les experts.
Si vous me le permettez, M. le Président, j'aimerais vous citer,
si j'ai le temps, quelques phrases de Simone de Beauvoir pour terminer un peu
en douceur, d'une façon écologique. Simone de Beauvoir a
écrit ces phrases qui définissent tellement bien, je pense, la
nature même de l'enjeu. Elle a écrit cela en 1966, bien avant
1968, dans un livre intitulé Les belles images. Simone de Beauvoir, dans
son style admirable, écrivait ceci: "Socialistes ou
capitalistes, dans tous les pays l'homme est écrasé par la
technique, aliéné à son travail, enchaîné,
abêti. Tout le mal vient de ce qu'il a multiplié ses besoins alors
qu'il aurait dû les contenir; au lieu de viser une abondance qui n'existe
pas et n'existera peut-être jamais, il lui aurait fallu se contenter d'un
minimum vital, comme le font encore certaines communautés pauvres, en
Sardaigne, en Grèce, par exemple, où les techniques n'ont pas
pénétré, que l'argent n'a pas corrompues. Là, des
gens connaissent un austère bonheur parce que certaines valeurs sont
préservées, des valeurs vraiment humaines de dignité, de
fraternité, de générosité qui donnent à la
vie un goût unique. Tant qu'on continuera à créer de
nouveaux besoins, on multipliera les frustrations. Quand est-ce que la
déchéance a commencé? Le jour où on a
préféré la science à la sagesse, l'utilité
à la beauté." Je vous remercie pour votre attention.
Le Président (M. Jolivet); Merci, M. Jourdant.
M. le ministre.
M. Bérubé: Vous avez un mémoire très
dur. Une des difficultés que l'on peut avoir à la lecture d'un
mémoire comme celui-là, c'est que, d'une part, vous nous proposez
un modèle de société certainement plus douce, plus
équilibrée et plus heureuse, mais en même temps il n'est
peut-être pas facile de la réaliser.
On nous a souligné, par exemple, qu'un des problèmes
qu'Hydro-Québec peut avoir de ce temps-ci, c'est que les
Québécois décident de transformer leur système de
chauffage pour un chauffage à l'électricité, avec des
problèmes de panne, avec des problèmes de mauvais fonctionnement
et l'obligation pour Hydro-Québec de faire face à la demande. Ce
n'est pas facile pour un homme politique. Vous nous prétendez
contrôlés par les technocrates; mon collègue et moi
étant nous-mêmes technocrates en partant, je ne sais pas si c'est
un défaut, un vilain défaut ou quoi. Vous nous parlez là
d'une société différente. Quand j'ai à prendre une
décision concernant un problème de chauffage à
l'électricité, je me gratte la tête, parce que je n'ai pas
l'impression de trouver la réponse dans ce que vous me proposez. Vous me
proposez un idéal, mais en même temps vous ne me proposez pas de
moyens. Vous ne me dites pas que faire avec celui qui sera privé de
chauffage parce qu'il n'y aura peut-être pas de pétrole disponible
dans cinq ans. Vous ne me donnez pas non plus de solution pour le chômeur
de la Matapédia ou de Matane -vous savez qu'il y en a à peu
près autant dans une place que dans l'autre. Vous ne me donnez pas de
solution pour ce monde-là. Vous me dites: Ils sont heureux de
même. Ce n'est pas l'impression que j'ai. En tout cas ce n'est pas ce
qu'ils manifestent.
En d'autres termes, vous me faites une proposition de
société. Je veux bien croire qu'elle est bonne, mais dans la
réalité concrète, quand il s'agit de l'actualiser, je ne
vois pas comment. Auriez-vous quelques petits indices?
Le Président (M. Jolivet): M. Jourdant.
M. Jourdant: Oui, M. Bérubé. Vraiment, je suis
obligé, évidemment, pour vous répondre, de me
référer de nouveau aux industries les plus énergivores des
États-Unis; puis c'est la même chose chez nous. Ce ne sont pas les
industries les plus énergivores qui procurent le plus d'emplois.
En fait, une étude de l'aluminium pourrait démontrer que
plus de 50% des produits de l'aluminium pourraient être remplacés
par des produits québécois en bois ou dans des matériaux
locaux, par de petites industries du genre de celle que Schumacher propose. Je
pense que ce que les écologistes proposent, entre autres, dans
l'immédiat, c'est le remplacement de beaucoup de produits que nous
fabriquons en ce moment, entre autres les plastiques et l'aluminium, par des
produits du bois.
Vous avez parlé des chômeurs de la Matapédia.
Justement, M. Bérubé, qu'est-ce qu'on a fait pour la forêt
depuis 50 ans? On l'a exploitée.
M. Bérubé: Je pourrais vous dire ce qu'on a fait
depuis quatre ans.
M. Jourdant: On n'a pas fait grand-chose non plus depuis quatre
ans, M. Bérubé. Cela ne s'appelle pas des forêts
aménagées, cela s'appelle des forêts exploitées. On
ne peut vraiment pas être sérieux quand on dit qu'on
aménage nos forêts. Il n'y a pas de sylviculture. Il s'est fait
des programmes de reboisement. Je suis ingénieur forestier
moi-même et je peux concevoir que les ingénieurs forestiers font
tout leur possible, mais ils n'ont tout de même pas les moyens qu'il faut
pour produire la quantité et faire justement de la foresterie
écologique, c'est-à-dire une foresterie très
centralisée, à l'aide d'une technologie appropriée et non
pas une technologie gigantesque, telle que celle qui est dans les mains des
grandes entreprises pour le moment.
S'il n'y a plus de bois dans le Bas-du-Fleuve et dans la
Gaspésie, il y en a encore suffisamment quand même pour ouvrir une
ou deux scieries. Je pourrais vous citer, par exemple, une région que je
connais très bien dans le Saguenay-Lac-Saint-Jean. J'ai fait une
cartographie écologique de cette région, il y a maintenant quinze
ans. À l'époque, parmi les conclusions de l'étude
écologique, il était question de plus de 50% du territoire du
Lac-Saint-Jean qui était en peupliers -
faux-trembles qu'il aurait fallu convertir en espèce
commercialement valable pour pouvoir donner du travail aux gens. Rien n'a
été fait pour convertir ces peuplements de
peupliers-faux-trembles. Très peu d'investissements ont
été accordés à la forêt. Or, le potentiel
forestier de la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean, le potentiel
lui-même des sols de cette région permettrait à au moins
six moulins de la taille de celui de Dolbeau d'être érigés,
à condition, évidemment, d'avoir une forêt en état,
cela veut dire qui possède toutes les classes d'âge voulues
à l'intérieur du bassin lui-même du lac Saint-Jean. Je
prends cet exemple, mais je suis sûr qu'il s'applique très bien
à la Gaspésie.
Autrement dit, la foresterie ou les entreprises forestières et
surtout les petites entreprises forestières autogérées de
préférence, selon les critères que les écologistes
préconisent, en ce qui concerne les emplois, créeraient beaucoup
plus d'emplois. Je ne parle pas uniquement d'un programme d'isolation, d'un
programme d'économie d'énergie qui est plus
générateur d'emploi que l'aménagement de la rivière
Grande Baleine ou La Romaine. De façon générale, ce que
les écologistes prétendent, c'est qu'en rapprochant l'outil de
l'homme, on le met en même temps dans une situation où il y a des
emplois. Je pense que c'est une orientation fondamentale de la
société et pour qu'elle soit crédible; je comprends que ce
soit difficile, ici, en vingts minutes; il faudrait qu'il y ait un débat
public. C'est pour ça qu'on insiste, c'est pour ça que les
écologistes insistent pour un débat public sur l'énergie.
C'est pour pouvoir offrir un scénario alternatif. Qu'on offre des
scénarios alternatifs pour, enfin, que les écologistes ne soient
plus dans la situation très embêtante d'avoir à critiquer
ce qui se fait et qu'ils puissent, à leur tour, offrir un
scénario et le débattre sur la place publique. À ce
moment, je suis sûr que les citoyens, les politiciens et même les
entreprises et les technocrates arriveraient à bout de définir
justement le scénario optimum qui n'est peut-être pas
nécessairement juste d'un côté ou de l'autre d'une
barrière. En ce moment, le scénario actuel, c'est un
scénario dur, violent.
M. Bérubé: Est-ce que vous essayez parfois de
prendre, par exemple, le modèle de la société
québécoise et imaginer sur le papier comment vous la
restructureriez, de quoi elle aurait l'air, quelles seraient ces productions
générées par les Québécois, quels seraient
ces biens de consommation dont vous nous parlez, de biens accessibles à
tous? En d'autres termes, arrivez-vous à définir un type de
société de telle sorte qu'on puisse, après ça,
examiner quel instrument on pourra mettre en place pour réaliser cette
société? Parce que le rôle de l'énergie, finalement,
est simplement de décupler l'action de l'homme. Si on utilise
aujourd'hui des machines agricoles, c'est purement et simplement que l'on veut
produire pour l'ensemble de l'humanité avec 6% ou 7% de la population,
alors qu'autrefois, il fallait que 90% de la population fasse vivre les autres
10%. C'était carrément l'exploitation de l'homme par l'homme.
Vous me direz que tous les systèmes se ressemblent. Que ce soit le
communisme ou le capitalisme, c'est toujours l'exploitation par l'homme, et
dans l'autre cas, c'est exactement le contraire.
Une question qui me vient immédiatement à l'esprit, c'est:
ce modèle de société que vous nous proposez, est-ce que ce
n'est pas un modèle de société où, finalement, un
très grand nombre de citoyens vont produire un tout petit nombre de
produits de consommation absolument essentiels et qui nous amèneraient,
par exemple, à une société avec des classes beaucoup plus
prononcées que celles que l'on connaît présentement?
M. Jurdant: Je pense que c'est le contraire. Vous avez dit que le
rôle de l'énergie est celui de décupler l'activité
de l'homme. Je pense que, au contraire, le rôle de l'énergie,
c'est de remplacer l'homme. L'énergie fossile a remplacé le
travail de l'homme. Prenons l'exemple de l'agriculture. Je pense que c'est
là que c'est le plus évident. L'agriculture industrielle a
vidé nos campagnes. Il y a même des plans qui sont
étudiés et très sérieusement, en science
économique. Entre autres, à l'Université Laval, on parle
de faire mettre une barrière dans la Gaspésie, une autre dans
l'Abitibi afin d'arrêter de vider ces régions de leur population.
Il y a un scénario. C'est très sérieux.
Économiquement parlant, cela ne veut plus rien dire en termes
économiques, cela ne traverse pas l'économie que de garder des
populations en Gaspésie. (22 h 15)
On est pris avec des problèmes de pollution, on est pris avec un
tas de problèmes, avec une agriculture industrielle et des
élevages industriels; qui pense à remplacer cette agriculture
industrielle par une agriculture écologique et artisanale? Il ne s'agit
pas de revenir au bonhomme derrière sa charrue ou derrière sa
mule bien que la mule, et le cheval vont commencer à avoir une
drôle d'importance avec l'augmentation du prix du pétrole.
Il y a tout de même toute une marge. Je pense qu'on a de
l'imagination en abondance au Québec. On ne se sert plus de
l'énergie la plus vitale qu'on peut posséder, celle qu'il y a
dans la tête des citoyens. Je pense que les citoyens sont capables. Je ne
pense pas qu'ils veuillent un Québec rural vide. Est-ce qu'ils ne
désireraient pas un Québec avec trois ou quatre villes de
500,000 habitants plutôt qu'un Québec avec une
métropole de 3,000,000? Ce sont des modèles. Est-ce que ce ne
serait pas intéressant d'avoir en Gaspésie une ville de 500,000
habitants et une autre en Abitibi qui permettrait justement cette
décentralisation? Évidemment, du jour au lendemain on n'aura pas
une ville de 500,000 habitants dans la Gaspésie. Mais c'est une
direction à prendre.
Le Président (M. Jolivet): M. le député
d'Outremont.
M. Fortier: M. Jurdant, je crois qu'on doit vous féliciter
d'avoir pris la peine de venir ici, comme vous dites vous-même, vous ne
représentez pas un mouvement puisque vous vous êtes
dissocié du front commun pour venir présenter vos idées.
D'ailleurs, vous le dites: C'est difficile pour des individus de poser ce
geste. Même si on ne partage pas toutes vos idées, je crois qu'on
doit vous féliciter de venir les exprimer assez clairement.
Dans un premier temps, ce qui me frappe, c'est le fait que vous exprimez
une certaine frustration et je crois que c'est certainement difficile pour des
politiciens et même si on diffère d'opinions des deux
côtés de la Chambre, je crois que ce qu'on essaie de faire dans
une mesure, c'est de créer une société plus juste au
Québec, une société où on crée de l'emploi,
où les gens sont heureux. Ce que vous nous dites, c'est que vous et
d'autres personnes êtes réellement frustrés de vivre dans
une société comme celle qui existe présentement.
Vous exprimez certaines craintes, mais ce que je retiens de tout cela et
comme vous le dites si bien: La centrale nucléaire, même si
c'était propre, ce n'est pas là réellement où est
votre crainte. C'est la dimension. Vous parlez d'une centrale nucléaire
de 600 mégawatts, je vous ferai remarquer que même dans le cas de
centrales hydroélectriques, il y a plusieurs centrales
hydroélectriques qui existent dans le moment et qui nous sont
proposées et qui sont beaucoup plus grosses que des centrales de 600
mégawatts nucléaires. Si on veut parler de crainte du
nucléaire, j'aimerais vous rassurer. Je suis sûr que je ne pourrai
pas le faire en deux minutes. Pour ma part, comme me disait un
Français... lorsque je vais en France, c'est arrivé plusieurs
fois l'année dernière. Il est curieux que les gens pensent aux
dangers des centrales nucléaires. Comme vous le savez, en 1985, il y
aura 50% de toute l'électricité en France qui va être
produite par des centrales nucléaires et, d'ailleurs, dans le moment, il
y a 37% de toute l'électricité en Ontario qui est produite par
des centrales nucléaires.
En France, ce qui est curieux, c'est qu'il y a une certaine opposition
et peut-être que vous-même cela vous a frappé, il y aura 50%
de l'énergie électrique qui va être produite par les
centrales nucléaires en France, mais ce qui est beaucoup plus dangereux
que ça, à mon avis, c'est bien plus les ogives nucléaires
qui existent sur le sol français, parce que si jamais il y avait une
guerre, je suis certain que les Russes, avant de frapper les centrales
nucléaires, frapperaient sûrement les ogives nucléaires qui
existent sur le sol français. On peut même se poser la question
étant tout près des États-Unis, savoir que le danger d'une
guerre militaire nucléaire est beaucoup plus menaçante, à
mon humble avis, que le danger d'avoir des centrales nucléaires ici. En
tout cas, je ne voudrais pas entrer dans un débat sur les risques
inhérents à cette forme d'énergie. Pour ma part, pour les
avoir étudiées pendant très longtemps, je crois qu'elles
sont très acceptables. Je ne veux pas amorcer un débat
là-dessus. Je crois qu'on peut dire que toutes les formes
d'énergie présentent des risques.
Il n'y a personne qui va me faire croire que les gens qui demeurent
à Montréal-Est près des raffineries de pétrole et
des usines pétrochimiques ne souffrent pas dans leur santé du
seul fait de vivre dans cette région de Montréal.
Malheureusement, je crois qu'à l'habitude, on accepte certaines formes
d'énergie, les énergies nouvelles, on ne les accepte pas. Pour ma
part, je crois que c'est une précaution de mesurer certains risques et
de poser des gestes. Ce que je voulais dire c'est que, sur cette terre, il n'y
a rien de blanc et noir, il n'y a pas de forme d'énergie qui ne
crée aucune pollution, il n'y a pas d'énergie qui crée
uniquement de la pollution; même les lignes de transport d'énergie
nous amènent à couper des arbres et je crois que c'est
malheureux, mais ce sont des choses qu'il faut accepter si on veut que
l'énergie électrique produite dans le Grand-Nord soit
acheminée vers Montréal.
J'apprécie votre honnêteté parce que, finalement, le
débat que vous amenez, ce n'est pas un débat sur des formes
d'énergie, ce que vous amenez c'est un débat sur un type de
société. Je ne tomberai pas dans le panneau de mon
collègue qui parlait des moyens. Pour ma part, je crois que vous le
proposez et j'ai souligné un paragraphe qui dit exactement ce que vous
pensez; vous dites: "L'alternative écologiste est globale et
basée sur la prééminence de l'être sur l'avoir. Elle
préconise une économie autocentrée basée sur la
production de biens accessibles à tous et limitée à ce qui
ne privilégie ni n'abaisse personne. Les besoins sont ainsi
autorégulés et la société devient autosuffisante,
c'est-à-dire véritablement souveraine. Les institutions seront
décentralisées, de petite taille et autogérées. La
priorité est accordée aux activités non économiques
- activités non mesurables en termes de produit national brut -
activités
esthétiques, éducatives, décoration, bricolage,
lecture, musique, jardinage, danse, etc."
Je crois que le problème auquel on fait face, en tant que
politiciens - et je suis entré en politique parce que je voulais devenir
un homme public et participer aux débats de l'Assemblée nationale
et des commissions parlementaires - c'est qu'on essaie de refléter la
volonté de la majorité des citoyens. C'est tellement vrai que,
quand un parti perd le pouvoir, la plupart du temps c'est parce que la
majorité dit: Les gestes que vous avez posés ne sont pas du genre
de ceux que nous voudrions que vous posiez. Et il n'y a personne qui va
s'opposer au genre de société que vous proposez, et la question
qu'on se pose, nous, en tant que démocrates, pour ceux qui sont
réellement démocrates, est: Est-ce qu'une très grande
majorité de citoyens désirent ce genre de société?
Je crois qu'aucun démocrate ne va dire que ceux qui veulent cette
société ne peuvent la vivre eux-mêmes. Et, de fait, je
connais des amis qui ont décidé de la vivre, qui sont partis
à la campagne et qui font exactement ce que vous proposez ici.
Mais pour nous, qui sommes appelés à prendre des
décisions démocratiques en faveur d'une majorité de
citoyens, je me permets de poser la question: Est-ce que vous croyez que, dans
le moment, une majorité de citoyens veulent ce genre de
société? Pour ma part, je crois que la réponse est non. Je
ne nie pas que ce genre de société a certains avantages; il est
évident, comme vous dites, que ce n'est pas le genre de
société à promouvoir le produit national brut. Il est
certain qu'un nombre important de personnes au Québec - comme le disait
le ministre, que ce soit dans la Matapédia, à Montréal ou
à Québec - veulent du travail, un travail
rémunérateur, des services de santé, la protection de
l'environnement, mais, comme le disait le ministre également, c'est
rendu à un point que, dans certains cas, lorsque les gens n'ont pas un
travail rémunérateur, ils sont rendus à demander au
gouvernement de faire fi des lois de la protection sur l'environnement,
justement pour qu'on leur donne du travail.
C'est pour ça que, sans vouloir accepter ce genre de demande, le
politicien fait face à une majorité de citoyens qui ne
préconisent pas le genre de société que vous proposez.
Alors, pour nous, c'est très difficile d'accepter vos conclusions, car
on doit vivre en tant que politiciens et, la vie démocratique ne nous le
permet pas, nous n'avons pas le pouvoir - et, si on le faisait, on se ferait
rejeter à la prochaine élection - d'imposer à la
société québécoise un genre de vie dont les
Québécois eux-mêmes ne veulent pas.
Ceci dit, si vous croyez que je fais erreur dans mon évaluation
du genre de vie que les Québécois désirent, j'aimerais
bien que vous me le disiez, mais je voulais simplement vous faire part de mes
commentaires.
Le Président (M. Jolivet): M. Jurdant.
M. Jurdant: Heureusement que vous n'avez pas le pouvoir de
l'imposer aux citoyens, parce que ce serait un terrible pouvoir.
M. Fortier: Sûrement, je suis complètement d'accord
avec vous.
M. Jurdant: Vous disiez que les écologistes étaient
frustrés. Ils ne sont pas frustrés, ils sont inquiets. Le terme
exact est "inquiets", ce n'est pas le terme "frustrés", parce que, dans
le fond, on n'a rien à perdre. On a peut-être une vue très
inquiète de la réalité, mais ce qui m'inquiète le
plus, c'est que vous dites: On ne peut pas changer les citoyens. En
décrivant la société de consommation, j'ai dit que les
citoyens étaient programmés. On est programmé. On est
programmé par une société de consommation, par une
société où toutes les activités visent à
augmenter la production et la consommation de biens et de services pour
augmenter la production. On vit dans cette phobie. Ce n'est pas aux citoyens
que je m'adresserais à ce moment-là. Ce que je trouve
déplorable - je pense que c'est assez typique à cette commission
parlementaire -c'est qu'il n'y ait pas plus d'intellectuels
québécois, des gens qui ont une crédibilité plus
grande que la mienne - la mienne n'est probablement pas très
élevée du fait que j'ai exprimé à maintes reprises
mes opinions concernant cette société "productiviste" - des
sages, non pas uniquement dans les universités, mais des gens qui sont
écoutés n'a pas pris la peine de regarder le contenu d'un des
éléments les plus importants de tout ce qui va se passer au
Québec dans les vingt prochaines années et ils sont vus à
travers ce programme de l'énergie au Québec.
M. Fortier: Ce que je n'accepte pas dans ce que vous venez de
dire, c'est ceci: Bien sûr, quand on est un homme d'action -même
avant d'entrer en politique, j'étais un homme d'action - on aime bien
qu'il y ait des gens qui prennent la peine de réfléchir un peu
plus que nous pour alimenter notre pensée. Ceci étant dit, quand
il s'agit de faire des choix démocratiques, j'ai non seulement une peur,
mais j'abhorre les intellectuels en pantoufles qui ne se mouilleront jamais les
pieds et qui vont nous dire comment réorganiser la
société. Je n'accepte pas non plus votre propre position quand
vous dites: Je ne suis pas tellement important, mais en tout cas, je vais vous
dire... Personnellement, je n'ai pas été éduqué de
cette façon et je ne me suis
jamais demandé si j'étais important ou non. Quand je
voulais faire quelque chose, je le faisais. Si vous croyez vraiment ce que vous
professez, formez un mouvement et commencez à faire en sorte que
d'autres gens vont penser comme vous. Je crois que c'est possible, d'ailleurs.
Il y a des exemples de partis politiques qui, il y a dix années,
n'existaient pas et qui existent maintenant. Je pense qu'on peut donner cela
comme exemple de gens qui se sont regroupés. C'est vrai et je l'accepte.
Pour ma part, ce que je n'accepte pas de ce que vous avez dit, c'est que je
crois que là où vous péchez le plus, c'est que vous dites
que ce n'est pas possible de changer la société.
M. Jurdant: Non.
M. Fortier: Non, mais vous comptez sur d'autres pour faire
cela.
M. Jurdant: Non.
M. Fortier: Je vous dis: Ne comptez pas sur d'autres, faites-le
vous-même.
M. Jurdant: Non, je pense que je me suis mal expliqué ou
que vous m'avez mal compris. Ce dont j'ai peur, c'est de tomber dans
l'éternel piège qu'il faut faire l'éducation populaire.
Dans le domaine de l'écologie et de l'environnement, on entend toujours
cette chanson, mais je pense que ceux qui doivent être
éduqués - et je parle de l'éducation émotive, c'est
pour cette raison que j'ai parlé de l'éducation émotive,
manuelle et sociale des élites, des universitaires, entre autres. Je ne
peux pas concevoir que, par exemple, encore aujourd'hui, quand on évalue
un travail d'un étudiant au niveau de la maîtrise ou au niveau
d'un diplôme de fin d'études, on évalue cela uniquement en
fonction de son intelligence. On n'évalue pas l'émotivité
ou les aspects sociaux qu'il peut mettre dans son travail. Ces critères
n'entrent pas en ligne de compte dans l'évaluation qu'on fait des gens
qui vont, somme toute, devenir des technocrates, qui vont être
amenés à prendre des décisions. C'est pour cela que les
technocrates ont pris le pouvoir. Je pense que l'éducation, il faut la
faire en haut, pour une fois.
M. Fortier: J'ai un peu de difficulté à saisir
votre image de technocrate parce qu'il faudrait s'entendre sur une
définition de technocrate.
M. Jurdant: Je suis un technocrate.
M. Fortier: Ah, oui? Qu'est-ce que c'est, un technocrate? C'est
quelqu'un qui sait plus de choses que d'autres ou quoi?
M. Jurdant: Un technocrate, c'est la catégorie des gens
dans notre société qui prennent des décisions au nom de la
science et de la technique et qui pensent que parce que la science... Ce sont
des gens qui appliquent le scientisme.
M. Fortier: Ce que vous venez de dire, cela va à
l'encontre de mes propres convictions. Je vais vous dire qu'une des raisons
pour lesquelles je suis venu en politique, c'est parce que je me suis
aperçu qu'en tant qu'ingénieur il y a bien des décisions
qui étaient prises et qui n'étaient pas prises par les
ingénieurs. Prenez tous les problèmes énergétiques
de l'Alberta; la décision n'est pas prise par les ingénieurs. Il
y a un tas d'ingénieurs dans le moment qui attendent que les politiciens
s'entendent pour faire démarrer les projets de l'Alberta et finalement,
les décisions sont prises sur la place publique par les politiciens. Je
ne sais pas si vous appelez cela des technocrates. Si on s'en remettait
uniquement à des compagnies, les projets seraient lancés depuis
trois ou quatre ans. C'est le processus démocratique de faire en sorte
que ceux qui sont élus par le peuple ou qui peuvent influencer l'opinion
publique prennent des décisions aussi importantes. Je crois que, dans un
certain sens, ma venue en politique est justement l'expression du fait que les
technocrates ne prennent pas les décisions, à mon avis. Les
décisions sont prises sur la place publique. (22 h 30)
C'est pour cette raison que, dans une très grande mesure, je suis
d'accord avec le débat public parce qu'il faut que les décisions
prises par les politiciens reflètent dans une très grande mesure
une acceptation, une "acceptabilité" des décisions par la
population. Il faut, dans ce sens, l'avoir, mais à cet égard je
comprends que le débat public que vous demandez et que, pour ma part,
j'acceptais et qui était un débat public sur les
différentes formes d'énergie... Mais vous, ce n'est pas tellement
le débat que vous voulez avoir. Le débat public que vous voulez
avoir, c'est sur les différentes formes de sociétés qu'on
devrait préconiser au Québec.
M. Jurdant: Mais vous parlez des technocrates. Je pense que vous
êtes peut-être - j'émets l'hypothèse - un exemple
vivant d'un technocrate qui veut prendre le pouvoir.
Des voix: Ah! Ah!
M. Fortier: On va conclure là-dessus.
Le Président (M. Jolivet): Merci, M. Jurdant.
M. Bérubé: Et aussi un exemple vivant de
technocrate qui ne veut pas perdre le pouvoir, j'imagine?
Des voix: Ah! Ah!
Le Président (M. Jolivet): M. Jurdant, au nom des membres
de cette commission, nous vous remercions pour votre mémoire. J'invite
donc les membres de cette commission à être présents demain
matin à 10 heures pour la poursuite de nos travaux.
(Fin de la séance à 22 h 32)