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(Dix heures douze minutes)
Le Président (M. Jolivet): À l'ordre, s'il vous
plaît! La commission de l'énergie et des ressources est à
nouveau réunie aux fins d'entendre les personnes ou organismes gui
veulent faire des représentations relativement au plan
d'équipement et de développement 1981-1990 de la
société Hydro-Québec.
Les membres de cette commission sont M. Bérubé (Matane),
M. Biron (Lotbinière), M. Bordeleau (Abitibi-Est), M. Ciaccia
(Mont-Royal), M. Desbiens (Dubuc), M. Fontaine (Nicolet-Yamaska), M. Fortier
(Outremont), M. Grégoire (Frontenac), M. Perron (Duplessis), M. Tremblay
(Gouin).
Les intervenants sont: M. Brochu (Richmond), M. Dussault
(Châteauguay), M. Giasson (Montmagny-L'Islet); M. Lévesque
(Kamouraska-Témiscouata) remplacé par M. Brassard
(Lac-Saint-Jean); M. Mercier (Berthier), M. Michaud (Laprairie), M. Rancourt
(Saint-François), M. Samson (Rouyn-Noranda).
Le rapporteur de cette commission est toujours M. Perron
(Duplessis).
Au moment où nous nous sommes quittés, nous avions
déjà donné l'ordre du jour que je répète: La
Chambre de commerce du district de Montréal, l'Ordre des
ingénieurs du Québec, l'Association des constructeurs de routes
et grands travaux du Québec, l'Association des
ingénieurs-conseils du Québec, M. André Girard,
Corporation de développement économique de la région de
Port-Cartier et M. Denis Bouliane.
Je tiens à faire remarquer, pour le bénéfice de
l'ensemble des personnes qui auront à venir témoigner
aujourd'hui, que nous nous sommes entendus sur une procédure qui permet
un maximum de vingt minutes aux intervenants pour présenter leur rapport
et, ensuite, une répartition équitable entre les membres de
chacun des partis, en tenant compte que nous essayons d'être le plus
souple possible, tout en essayant de restreindre notre temps à une
heure. Il reste qu'on peut se permettre, compte tenu du nombre d'heures que
nous avons à notre disposition, de jouer, mais nous sommes dans la
limite à peu près de vingt minutes de chaque côté et
de vingt minutes pour les intervenants.
M. Pierre Lortie et M. Arthur Earle, de la Chambre de commerce du
district de Montréal, vous avez maintenant la parole. Le mémoire
porte le numéro 30M.
Chambre de commerce du district de
Montréal
M. Lortie (Pierre): M. le Président, je vous remercie.
Nous représentons le Comité de promotion économique de
Montréal, qui est un organisme conjoint de la Chambre de commerce du
district de Montréal et du Montreal Board of Trade. Par
conséquent, c'est un mémoire des deux organismes. J'ai avec moi
mon collègue, le président du Montreal Board of Trade, M. Arthur
Earle, qui fera une partie de la présentation ici.
Le COPEM est l'instrument des deux plus importantes associations du
milieu des affaires montréalais pour exprimer d'une voix commune l'avis
de la communauté des affaires ou pour susciter une action
cohésive quant au développement de Montréal.
Le programme d'investissements d'Hydro-Québec suscite de
nombreuses questions. À l'analyse du dossier, il nous est apparu qu'un
aspect extrêmement important lié au programme d'investissements
était passé sous silence: il s'agit de la contribution
potentielle du programme d'Hydro-Québec à la mise en oeuvre d'une
stratégie industrielle au Québec. Paradoxalement, il s'agit d'une
considération à la fois essentielle et négligée.
Nous avons jugé que nous ferions oeuvre utile dans ce débat en
élaborant les principales articulations d'une telle stratégie
industrielle pour Hydro-Québec. Il s'agit là de l'essence de
notre message. (10 h 15)
L'autarcie peut constituer un objectif louable pour une politique
énergétique. Cependant, force est de reconnaître que
l'aptitude à devenir et à demeurer concurrentiel au niveau
mondial demeure l'épreuve ultime d'une politique économique bien
comprise. Il est important que le lien qui existe entre ces deux propositions
soit analysé à fond dans le présent débat, car nous
possédons un levier extrêmement puissant pour réaliser cet
objectif. Le fait que notre mémoire porte presque exclusivement sur ce
volet du dossier énergétique témoigne de l'importance que
nous accordons à la contribution possible des investissements
d'Hydro-Québec et au renforcement d'un appareil industriel
québécois concurrentiel à l'échelle
internationale.
À notre avis, plusieurs raisons justifient qu'Hydro-Québec
serve d'instrument de mise en oeuvre d'une politique industrielle.
Premièrement, Hydro-Québec est une société publique
possédant un pouvoir de monopole. Ce caractère requiert de la
direction de cet organisme une sensibilité aux besoins de la
collectivité qu'elle doit servir supérieure à celle que
l'on exige d'autres entreprises. Évidemment, il existe des limites qu'on
ne saurait dépasser car elles pourraient mettre en danger la
santé de l'entreprise. Mais entre l'indifférence complète
et la servilité à tous les groupes de pression, il existe une
marge qu'une bonne administration peut exploiter à bon escient.
Deuxièmement, depuis sa fondation, Hydro-Québec a
été un instrument au service de l'économie du
Québec. Jusqu'à présent, son bilan est fort positif.
À l'aube d'un virage important au niveau des caractéristiques des
installations de production, nous croyons qu'un effort conscient de
planification industrielle doit faire partie intégrante de la
planification d'Hydro-Québec. On ne peut négliger le fait que le
programme prévoit de nouveaux types d'équipement. Ce virage
technologique peut être utilisé de façon à permettre
à l'industrie québécoise d'acquérir la
maîtrise de nouvelles expertises et méthodes de travail, de se
restructurer et, enfin, de développer de nouvelles technologies.
Troisièmement, il est évident qu'on ne peut
dépenser $55 milliards au Québec sans créer un effet sur
l'activité économique en général et sur l'appareil
industriel en particulier. Mais l'élément le plus significatif de
ce programme d'investissements, c'est qu'il est intégré. C'est
cet aspect intégré qui donne à Hydro-Québec la
possibilité d'optimiser l'impact des investissements comparativement
à une situation où les investissements proviendraient d'une
multitude d'acteurs. Cette unicité de la direction fait de l'entreprise
un levier extrêmement puissant; le Québec possède peu de
leviers de cette envergure. C'est pourquoi, à notre avis, le
gouvernement du Québec doit donner à la direction
d'Hydro-Québec la responsabilité de faire en sorte que sa
planification et la réalisation de son plan des installations
incorporent explicitement des considérations de stratégie
industrielle.
Deux objectifs doivent guider Hydro-Québec. Le premier doit
demeurer celui de produire de l'électricité au meilleur
coût pour les usagers québécois. Le second objectif doit
être celui de maximiser la contribution économique de son
programme d'investissements. Cette contribution doit tenir compte des impacts
majeurs en aval et en amont. En aval, la tarification constitue le meilleur
instrument d'intervention. En amont, la question est plus complexe car il
s'agit de l'élaboration d'une stratégie industrielle. À
cet égard, nous croyons que l'objectif d'une telle stratégie est
de susciter au Québec l'émergence d'entreprises concurrentielles
à l'échelle mondiale. À noter que cette notion ne fait pas
nécessairement appel à de grosses entreprises;
l'agressivité, le savoir-faire et l'excellence technologique sont
souvent de meilleurs gages de succès que la constitution de grosses
organisations.
La stratégie industrielle d'Hydro-Québec doit se
manifester dans une série de principes d'intervention qui doivent
devenir en quelque sorte des règles de décision. Ces principes
sont au nombre de trois. Premièrement, le "faire faire" doit être
privilégié par opposition au "faire" et ce, dans tous les
domaines d'activité, y compris la recherche et le
développement.
Deuxièmement, l'exploration simultanée de plusieurs routes
technologiques doit être maintenue afin de favoriser l'émulation
technologique et d'accélérer le développement de
technologies supérieures. Hydro-Québec doit privilégier
les technologies d'application mondiale.
Troisièmement, la politique d'achat doit contribuer à
l'émergence et à l'essor au Québec d'un appareil
industriel (et d'entreprises) compétitif(ves) à l'échelle
mondiale. Le critère de maximisation du contenu québécois
est insatisfaisant et peut avoir un effet déstructurant sur certains
secteurs industriels. En fait, nous croyons que l'application de ce
critère doit s'inscrire à l'intérieur de
considérations plus globales concernant la contribution à long
terme au développement des marchés mondiaux pour des produits
fabriqués au Québec.
Nous aimerions dans les minutes qui suivent expliciter les principes
d'interventions qui, à notre avis, doivent sous-tendre la
stratégie industrielle d'Hydro-Québec. Enfin, nous avons
l'intention d'aborder deux questions intimement liées à la
stratégie industrielle que nous préconisons, à savoir le
calendrier des investissements et l'exportation
d'électricité.
M. Earle (Arthur): Sujet no 1, le "faire faire" par opposition au
"faire". On peut classer les retombées économiques
découlant du programme d'investissements d'Hydro-Québec en deux
catégories: 1) les retombées directes, c'est-à-dire celles
découlant de la conception et de la construction des installations; 2)
les retombées dynamiques, c'est-à-dire celles qui surviennent au
Québec à la suite du fait que les entreprises
québécoises satisfont des marchés extérieurs en
utilisant le savoir-faire acquis sur des projets réalisés au
Québec. Les retombées directes sont plus facile à
calculer, surtout ex ante, que les retombées indirectes. Cela
ne signifie pas pour autant que ces dernières ne peuvent
être importantes ou qu'elles n'existent pas. Au contraire,
l'expérience démontre que l'ampleur de ces retombées
dynamiques est souvent supérieure à la valeur des
retombées directes.
L'objectif d'Hydro-Québec doit être de maximiser l'ensemble
des retombées directes et dynamiques. Pour ce faire, il faut que ses
politiques soient orientées de façon à maximiser les
retombées dynamiques, car les retombées directes sont
approximativement les mêmes selon que l'on adopte la stratégie du
"faire" ou celle du "faire faire". En effet, quelle que soit la démarche
suivie, la valeur des retombées directes a presque le caractère
d'un paramètre dans un programme d'investissements. Heureusement, de
nombreuses recherches théoriques et empiriques menées au Canada
et à l'étranger nous renseignent sur les stratégies qui
offrent les meilleures potentialités de maximiser les retombées
dynamiques. Invariablement, ces stratégies ont comme fondement
l'adoption d'une politique d'impartition. L'avantage principal d'une telle
politique résulte du fait qu'elle donne ainsi à plusieurs
entreprises la possibilité d'acquérir un savoir-faire et une
expérience démontrable à d'autres clients. D'ailleurs,
toutes les études portant sur les processus de diffusion technologique
arrivent à des conclusions similaires.
Il n'est pas vraiment nécessaire de nous référer
à des expériences étrangères pour démontrer
le bien-fondé d'une politique d'impartition. La comparaison entre les
pratiques d'Hydro-Québec et d'Ontario Hydro, d'une part, et la structure
du secteur du génie-conseil dans les deux provinces, d'autre part,
fournit une illustration probante de l'effet structurant d'une politique
d'impartition des travaux gouvernementaux sur le développement de
l'appareil industriel. Les résultats découlant de ces pratiques
différentes sont bien connus et montrent le bien-fondé d'une
politique d'impartition.
Nous croyons que cette politique d'impartition doit également
prévaloir pour les travaux de recherche et de développement. Il
importe que l'IREQ continue de poursuivre vigoureusement sa politique
d'associer des firmes québécoises à ses projets de
recherche et de développement. Quel que soit le domaine ou les fins
poursuivies, la recherche et le développement ne seront utiles que
lorsqu'ils auront débouché sur un produit, un
procédé ou encore un nouveau savoir-faire. Ici encore, les
pratiques doivent privilégier les modes qui favorisent la
capacité de transfert. On oublie trop souvent, à notre avis, que
la fécondité et le rendement des efforts en recherche et
développement proviennent essentiellement du jeu des relations
interindustrielles et institutionnelles, de la complémentarité ou
de la substitution des produits nouveaux, de la compétition et de
l'imitation. C'est pourquoi, dans le domaine de la R & D,
Hydro-Québec doit également poursuivre une vigoureuse politique
d'impartition.
Conclusions. Nous sommes conscients de la tentation pour les entreprises
de production d'électricité de se doter d'équipes
permanentes de conception détaillée. Mais la théorie comme
l'expérience montrent que ce serait commettre une faute grave que de ne
pas privilégier systématiquement le "faire faire", car c'est une
méthode éprouvée pour maximiser l'ensemble des
retombées directes et dynamiques découlant de programmes
d'investissements. Jusqu'à présent, les pratiques
dHydro-Québec se sont inscrites dans ce cadre de
référence. Il s'agit simplement de s'assurer qu'elles
conserveront la même orientation dans l'avenir.
Avec son pouvoir d'achat considérable, Hydro-Québec peut
influencer les orientations des entreprises qui l'approvisionnent. Nous croyons
que notre entreprise d'État a la responsabilité additionnelle de
stimuler l'innovation et de provoquer une saine émulation entre les
firmes qui oeuvrent dans le secteur énergétique.
Les approvisionnements d'Hydro-Québec doivent donc servir
à guider la fourniture vers des types de produits qui incorporent les
derniers développements de la technologie moderne, qui ne mènent
pas à des culs-de-sac techniques et, surtout, qui permettent aux
entreprises d'être compétitives sur les marchés
internationaux.
Cela implique une connaissance détaillée des
marchés mondiaux, doublée d'analyses stratégiques de la
compétition internationale et de l'évaluation de la
capacité de nos industries de manoeuvrer efficacement sur les
marchés mondiaux.
Hydro-Québec se doit de susciter une saine compétition
entre les entreprises sur le marché québécois. Elle le
fait déjà au niveau de la fourniture des composantes qu'elle
acquiert, mais elle doit aussi étendre le processus d'émulation
au niveau de la technologie de base. Elle doit même agir dans le sens du
maintien en lice de plusieurs technologies concurrentes de façon
à ne pas limiter ses choix futurs et risquer de se retrouver en face
d'une structure industrielle orientée vers des produits qui incorporent
des technologies désuètes. Dans notre mémoire, nous
illustrons cette question de la multiplicité des routes technologiques
par l'exemple des turbines pour l'exploitation du potentiel des petites
rivières. Évidemment, il y a la question des ressources mises en
cause. Dans la mesure du possible, on doit se garder d'effectuer des choix
prématurés afin de conserver la possibilité de changer
d'orientation sans pénalité trop lourde. Le Comité de
promotion économique de
Montréal souhaite donc qu'Hydro-Québec établisse le
principe de la multiplicité des approches technologiques et que des
mesures particulières soient prises par le biais des approvisionnements
et par le programme de recherche d'IREQ pour privilégier la
diversité des voies.
M. Lortie: Une politique d'achat. L'effet d'un programme
d'investissements de $55 milliards sur notre appareil industriel sera
significatif. À notre avis, la direction de cet effet peut être
gérée de façon à en maximiser les retombées
dynamiques pour notre économie. L'objectif pour HydroQuébec doit
être de faire en sorte que son programme d'investissements contribue
à l'émergence et à l'essor d'une structure industrielle
compétitive internationalement. L'instrument privilégié
pour ce faire est sa politique d'achat.
Depuis longtemps déjà, Hydro-Québec a adopté
une politique d'achat. L'idée n'est donc pas nouvelle. Il convient
d'abord de souligner que l'élaboration d'une politique d'achat
n'implique pas un protectionnisme à l'endroit des entreprises
localisées sur le territoire. Souvent, une telle politique mène
à l'obésité des entreprises locales qui sont ainsi
protégées de la concurrence. Cet environnement serein amenuise
leur capacité d'adaptation et de réaction aux nouveaux
défis. Une telle politique protectionniste est donc dysfonctionnelle.
Une politique d'achat bien comprise constitue un ensemble de règles de
décisions et une approche quant à la façon dont
l'entreprise s'approvisionnera en biens et en services. (10 h 30)
Les principaux éléments d'une politique d'achat nous
apparaissent être les suivants: les critères de choix, un
programme pour susciter de la part des entreprises l'adaptation
nécessaire pour répondre à la demande de biens et services
et des considérations concernant les types de structures industrielles
à privilégier.
Premièrement, les critères de choix. Traditionnellement,
à part le prix, la politique d'achat au Québec a utilisé
le critère du contenu québécois. On entend par contenu
québécois la part des dépenses d'approvisionnement en
biens et en services qui sera effectuée chez des entreprises ou des
individus établis au Québec. Ce critère a l'avantage
d'être relativement simple à appliquer. Il n'en demeure pas moins
qu'il est imparfait et, dans une optique de maximisation des retombées
du programme d'investissements, il peut facilement mener à de mauvais
choix.
Le fait d'acheter des composantes même très
sophistiquées pour un projet ne rend pas nécessairement les
fournisseurs capables de soumissionner pour l'ensemble du projet sur les
marchés extérieurs. L'objectif de structuration industrielle doit
être constamment tenu à l'esprit lorsqu'on passe de telles
commandes.
En ce qui concerne le deuxième critère, je crois qu'il
n'est pas nécessaire d'élaborer longtemps sur la
nécessité d'établir des balises pour guider la
planification des entreprises. Dans la mesure où Hydro-Québec
veut s'approvisionner de fournisseurs québécois, il importe
qu'elle fasse connaître ses besoins et ce, le plus longtemps à
l'avance, afin de fournir à l'industrie québécoise les
jalons nécessaires à l'élaboration de la stratégie
de chaque entreprise.
Le programme d'investissements d'Hydro-Québec est très
intéressant à cet égard car il annonce des virages
importants dans la nature des équipements qu'il faudra installer dans
l'avenir. La politique d'achat d'Hydro-Québec doit favoriser
l'ajustement de notre appareil productif à ces changements. En
particulier, il est évident qu'à moyen terme il faut
prévoir une percée des sources thermiques de production
d'énergie électrique à combustibles classiques ou
nucléaire. Le Québec doit commencer dans les plus brefs
délais à adapter son industrie à la fourniture de
composantes spécialisées dans ces domaines, sinon il risque de
devoir dépendre, à moyen et à long termes, d'une
technologie et de ressources professionnelles hors Québec.
Le troisième volet: privilégier des technologies
d'application mondiale. Les pratiques suivies par les grands donneurs de
commandes d'une région économique ont une influence
déterminante sur la structure industrielle qui émergera dans le
territoire. Afin de faire en sorte que son programme d'investissements
contribue à l'émergence et à l'essor d'une structure
industrielle concurrentielle sur les marchés internationaux, il est
nécessaire que les pratiques suivies par Hydro-Québec visent
à structurer l'appareil industriel québécois dans la forme
qu'ont adoptée les meilleures entreprises de ce secteur sur le
marché mondial. Cela implique qu'Hydro-Québec doit
posséder une bonne connaissance de la structure et des formes
d'organisations industrielles qui prévalent sur les marchés
potentiels d'exportation et comprendre la dynamique interne de ces
marchés. Dans notre mémoire, nous nous servons de deux exemples
pour illustrer le sens qu'il faut donner à ce troisième
élément de la politique d'achat que nous préconisons,
celui de l'exploitation du potentiel des petites rivières et celui de la
structure de l'industrie canadienne de fournitures des centrales
nucléaires.
En ce qui concerne ce dernier exemple, il convient de souligner que le
développement d'industries de pointe constitue un élément
central de la politique industrielle de tous
les pays industrialisés. Les potentialités qu'offre
l'exploitation de la technologie du CANDU dans une structure organisationnelle
adéquate nous apparaissent suffisamment intéressantes pour
justifier qu'Hydro-Québec examine, en collaboration avec les
représentants des secteurs industriels concernés, les tenants et
aboutissants de cette question. Les données essentielles à cette
étude existent par bribes dans les différents milieux
concernés. Il n'y manque que la volonté unifiante d'une politique
d'achat axée sur la mise en oeuvre d'une stratégie industrielle
pour amener des résultats concrets. Nous sommes convaincus qu'une telle
étude de l'industrie nucléaire permettrait d'identifier des
possibilités jusqu'alors insoupçonnées pour
l'amélioration de notre appareil industriel.
En résumé, on peut conclure qu'ici encore une politique
d'achat qui intègre les données structurelles des marchés
d'exportation mène à des résultats différents de
ceux qui découleraient de la simple utilisation du contenu
québécois. Les faibles retombées dynamiques obtenues par
le programme majeur d'investissements d'Ontario Hydro nous paraissent fournir
une preuve assez convaincante que cette politique d'achat ne serait pas
appropriée pour le Québec.
Enfin, nous croyons que la politique d'achat doit encourager
l'établissement de missions mondiales. Par le passé, la
majorité des politiques des gouvernements du Canada et des provinces
concernant l'industrie manufacturière a été de favoriser
la mise en place d'usines et la création d'emplois sans tenir compte du
genre d'entreprise. Ces politiques ont généralement
favorisé l'implantation d'usines satellites. Les politiques d'achat du
gouvernement et des organismes paragouvernementaux constituent un des moyens
les plus puissants pour encourager la restructuration de ces "branch plants"
vers des entreprises à mission mondiale. Le concept de mandat exclusif
et mondial pour une gamme de produits pour la filiale canadienne d'une
entreprise multinationale implique que les responsabilités de la
recherche et du développement des produits, de la mise en marché,
de la production et de la gestion des projets d'installation et le service
après-vente sur une base mondiale sont confiées à la
filiale. Ces nouvelles responsabilités provoquent la création de
nouveaux emplois de très haute qualité, puisque cette
stratégie signifie de fait l'établissement d'une entreprise
d'envergure mondiale en lieu et place d'un simple "branch plant".
Il est certain que les politiques d'achat donnant une
préférence à un produit à contenu
québécois ont favorisé la structuration d'usines
satellites par les entreprises multinationales au Québec.
Souvent, ces entreprises ont mis en place au Québec et dans
d'autres provinces canadiennes des usines identiques pour produire un produit
ou un groupe de produits pour les marchés québécois et
canadien. À cause de la duplication des installations, les coûts
de revient sont substantiellement plus élevés que les coûts
mondiaux. Par contre, les préférences d'achat envers ces produits
permettent de les vendre à des prix plus élevés.
Ces usines satellites ou "branch plants", qui, dans la plupart des cas,
sont identiques à d'autres usines des mêmes multinationales
établies ailleurs dans le monde, n'ont généralement qu'une
équipe limitée de cadres à vocation très
restreinte. Ces usines utilisent des designs venant d'ailleurs, quitte à
les adapter, si nécessaire, aux besoins du marché local. Il
arrive parfois qu'on les autorisera à exporter si les autres usines
à mission identique de la même entreprise dans le monde ne peuvent
suffire à la demande. Ces usines satellites ne font aucun R & D et
très peu de designs.
La politique d'achat d'Hydro-Québec doit diminuer l'emphase qui
existe présentement sur le contenu québécois produit par
produit et mettre l'emphase sur la politique globale de l'entreprise concernant
la balance des paiements du Québec, la création d'emplois au
Québec vis-à-vis des emplois totaux de la même entreprise
ailleurs au Canada et dans le reste du monde et la qualité des emplois
créés et le degré d'autonomie confié à
l'entreprise locale qui lui permettra de réorienter ses activités
vers la recherche et les exportations.
Le Président (M. Jolivet): M. Lortie, je m'excuse de vous
interrompre. Simplement pour les besoins des membres de cette commission, je
voudrais savoir combien il reste encore de pages à lire.
M. Earle: On en a plus que les deux tiers de lus.
Le Président (M. Jolivet): Donc, vous êtes d'accord
pour qu'on leur permette de finir?
M. Bérubé: Absolument d'accord.
Le Président (M. Jolivet): D'accord. Allez, M. Lortie.
M. Earle: Merci beaucoup, M. le Président.
Autres considérations reliées au plan des installations.
La réalisation du programme d'équipement proposé par
HydroQuébec nécessitera la mise en oeuvre de moyens
énormes et la mobilisation d'une main-d'oeuvre imposante durant les
quinze prochaines années. Les informations rendues
publiques par Hydro-Québec indiquent une baisse sensible des
effectifs requis: employés de la construction, ingénieurs,
industrie de la fabrication, etc., jusque vers la moitié de la
décennie pour, ensuite, connaître une croissance extrêmement
rapide. Il faut craindre que les autres secteurs d'activité au
Québec et au Canada seront soumis à des fluctuations identiques.
Les grands chantiers de gazoducs, de distribution de gaz naturel et de
complexes pétrochimiques exigeront également une main-d'oeuvre
qualifiée, ce qui accentuera les pénuries prévues. De
telles fluctuations ne sont pas très propices à
l'établissement d'un climat économique sain.
Lorsqu'on envisage que ces fluctuations coïncideront
vraisemblablement avec des besoins plus ou moins identiques dans les autres
secteurs de notre économie, on ne peut éviter de conclure que
l'impact des grands travaux d'Hydro-Québec superposés aux
investissements des autres secteurs aura un net effet de
surenchérissement sur les prix, en plus de créer des
problèmes de pure capacité, sinon de pénurie
sérieuse de ressources humaines et matérielles.
Les prévisions de la demande. Les considérations qui
précèdent sur les fluctuations brutales des besoins de
main-d'oeuvre et de l'échéancier de réalisation des
projets acquièrent une singulière importance si on
considère l'éventualité d'une demande plus
élevée que les prévisions. Les conséquences
d'erreurs de sous-estimation des capacités requises sont plus lourdes
que dans le cas contraire. Dans les estimations d'Hydro-Québec, on note
qu'après 1988 il n'y aurait que peu de surplus. Cette situation
combinée à une hausse possible de la demande, à la suite
d'une évolution différente de la conjoncture
énergétique, pourrait conduire à une situation de
pénurie.
Les initiatives concertées d'économies d'énergie et
les ralentissements cycliques de l'activité industrielle peuvent, au
début, vérifier des estimations de faible demande, mais le
momentum fondamental de l'économie pourrait avoir tôt fait de
niveler les fluctuations occasionnelles et de susciter des reprises hardies. Il
est fort possible que les prévisions actuelles soient trop
influencées par la chute rapide des tendances de la demande des
dernières années. Un phénomène similaire s'est
produit au cours de la récession des années trente.
L'évolution subséquente de la demande a rattrapé et
compensé les retards momentanés. Les efforts pour conserver
l'énergie ont certes une influence sur le taux de croissance de la
demande, mais il faut être prudent. C'est ainsi que plusieurs
réseaux américains ont connu des baisses de consommation
d'énergie, tout en ayant des appels de puissance relativement plus
élevés à rencontrer. Nous pensons ici aux
célèbres campagnes de "Save a watt" aux États-Unis. Des
wattheures étaient épargnés, ce qui diminuait les revenus
mais, dans les moments de chaleur intense, il fallait rencontrer les
mêmes watts de pointe requis par la climatisation.
Le Comité de promotion économique de Montréal est
d'avis qu'Hydro-Québec, premièrement, doit procéder
à un nouvel examen de son programme d'investissements afin de prendre en
considération l'effet des fluctuations excessives dans les appels des
ressources humaines et matérielles que le plan actuel implique. Elle
doit procéder à un rigoureux processus d'évaluation et de
d'itérations successives afin de définir le schéma optimal
pour l'ensemble des activités économiques au Québec.
Compte tenu du risque qu'Hydro-Québec ne puisse pas disposer du temps
et, surtout, des ressources humaines adéquates pour réaliser ses
projets hydrauliques, thermiques et nucléaires prévus, le COPEM
est d'avis que le programme d'études détaillées des
nouveaux projets doit démarrer le plus tôt possible.
Cette suggestion soulève la question du moratoire imposé
par le gouvernement du Québec au sujet du nucléaire. Nous sommes
d'avis que le Québec se prépare des lendemains pénibles
s'il n'adopte pas une attitude plus mature à l'égard de cette
question. Dans le domaine nucléaire encore plus qu'ailleurs, les
ressources humaines sont le facteur clé du succès. Les
universités du Québec qui assurent la formation des
ingénieurs en nucléaire dans diverses spécialités
subissent actuellement le contrecoup du moratoire du gouvernement. Comme il
faut dix ans d'études et de formation pratique pour obtenir un
spécialiste compétent, la réalisation des prochains
réacteurs Candu se trouve compromise. La conception et la construction
de Gentilly II fourniront du travail aux spécialistes pour un maximum
d'un à deux ans, le travail étant déjà
terminé dans certaines disciplines. Ce délai est malheureusement
trop court pour assurer une bonne interface avec le personnel d'exploitation.
Dans cette perspective, la réalisation de l'avant-projet
définitif de Gentilly III permettrait d'assurer la relève. (10 h
45)
Bref, la réalisation d'un programme nucléaire est une
oeuvre complexe qui exige la mise en place d'une organisation humaine fortement
structurée, tant sur le plan externe qu'interne à
Hydro-Québec. Un programme nucléaire continu et progressif est la
condition essentielle à la planification et à l'organisation des
ressources humaines et de l'appareil industriel. La situation actuelle ne
permet pas d'implanter cette organisation et compromet même la
réalisation du programme nucléaire actuel.
Mise à part cette question de la protection contre le risque de
ne pouvoir répondre à la demande, nous demeurons
convaincus que les coûts initiaux additionnels que pourrait
représenter un devancement des travaux seront plus que compensés
par la pression moindre sur les prix associés aux travaux de la fin de
la décennie. Enfin, une meilleure répartition des effectifs
conduira à un rendement d'utilisation amélioré, à
une exécution moins pressée et à une meilleure
qualité.
Pour une politique d'exportation de l'énergie électrique.
Actuellement, l'exportation d'électricité par Hydro-Québec
constitue un élément régulateur du réseau. Il est
préférable d'exporter que de déverser bêtement les
surplus d'eau.
Dans la perspective où Hydro-Québec voudrait "balancer"
son plan d'installation, la question de l'exportation
d'électricité prend une acuité particulière. Une
avenue de solution serait, pour le gouvernement du Québec, d'autoriser
Hydro-Québec à procéder à l'examen de la
possibilité de devancer des aménagements hydroélectriques
de base pour répondre à ses besoins et à ceux des
réseaux voisins. Cette politique est susceptible de procurer les
avantages additionnels suivants: 1- Des bénéfices additionnels,
grâce à l'exportation des nouveaux excédents à
partir de 1985 ou 1987, dépendant de la rapidité avec laquelles
les devancements (1800 MW à 2500MW) peuvent être
réalisés et du délai requis pour obtenir les autorisations
nécessaires à la construction des lignes de transport dans les
réseaux voisins, particulièrement aux États-Unis.
Toutefois, la reconnaissance des besoins prioritaires par les autorités
gouvernementales pourrait accélérer de plusieurs années le
processus. 2- De nouvelles interconnexions seraient réalisées et
rentabilisées plus rapidement, ce qui permettrait aussi d'écouler
une partie des excédents qu'Hydro-Québec a déjà
prévus, mais qui s'avèrent impossibles à exporter en ce
moment.
Évidemment, nous préconisons que cette énergie soit
vendue au plus haut prix possible et au moins à des prix
supérieurs aux coûts marginaux des projets devancés chez
nous. Il ne faudrait pas que la puissance et l'énergie ainsi
écoulées sur les marchés hors Québec le soient
à des prix inférieurs aux tarifs exigés à notre
industrie.
Le Québec peut, en fait, adopter une attitude agressive.
Hydro-Québec pourrait procéder à l'aménagement
d'installations pour le marché d'exportation pour des périodes de
quinze ans ou plus, avec des clauses de rapatriement en cas d'urgence pendant
cette période et par étapes successives par la suite. Il faudrait
déterminer le rythme auquel la capacité de l'appareil industriel
québécois pourrait réaliser ces projets et obtenir un
financement au préalable ou utiliser une formule de pré-paiements
pour l'énergie qui serait exportée, afin de ne pas affecter la
bonne position financière d'Hydro-Québec.
Les devancements des aménagements hydroélectriques pour
fins d'exportation représentent une chance unique pour le Québec
de profiter de la crise énergétique. L'intérêt pour
une telle approche existe aux Étas-Unis. À deux reprises
déjà, le gouverneur de l'État du Vermont, M. Richard
Snelling, a indiqué un intérêt à négocier une
telle entente, entre autres lorsqu'il agissait comme président de
l'assemblée de la huitième conférence des gouvernements de
la Nouvelle-Angleterre et des premiers ministres de l'Est du Canada, tenue
à Basin Harbour, au Vermont, le 26 juin 1980. Sa proposition disait que
des compagnies américaines pourraient financer à 100% ces
ressources hydroélectriques dont l'entière
propriété demeurerait aux mains des Canadiens. En échange
de cet investissement, les États de la Nouvelle-Angleterre
bénéficieraient pour une période déterminée
de l'électricité ainsi produite chez nous.
Au Québec, le débat sur cette question a toujours
été influencé par l'opinion fortement répandue
qu'exporter de l'électricité, c'est exporter nos "jobs". Cet
argument n'est pas appuyé par les résultats des études
effectuées sur la question.
Une étude récente d'un groupe interministériel, au
sujet de l'électricité, facteur de développement
industriel, indique que, malgré que les quatre grands groupes du secteur
industriel - les pâtes et papiers, les métaux primaires, les
minéraux non métalliques et les produits chimiques consomment, en
1980, 82% de toute l'électricité du secteur industriel, ils ne
représentent que moins de 30% de la valeur ajoutée
manufacturière et ne fournissent que 20% de l'emploi dans le secteur
manufacturier. Il en est de même en Ontario et aux États-Unis.
Cette dernière constatation mérite d'être fortement
soulignée. Elle exprime, en d'autres termes, le fait que
l'énergie électrique comme telle n'est pas un facteur
prépondérant dans la croissance du secteur manufacturier.
Le Québec devrait aussi s'inspirer de l'exemple des pays
Scandinaves qui, après la seconde guerre mondiale, ont mis en oeuvre
d'ambitieux programmes d'industrialisation basés sur leurs avantages
comparatifs énormes sur le plan de la production hydroélectrique.
Cette stratégie, qui fut maintenue de façon consistante pendant
un quart de siècle, fut remise en question vers le milieu des
années soixante-dix, à cause de son insuccès relatif. Elle
amènera certes une concentration de l'industrie
électrométallurgique et de l'industrie de
l'électrochimique européenne en Norvège, en Suède
et en Finlande. Mais elle ne peut amener, malgré une persistance et des
efforts imaginatifs, une industrialisation diversifiée et plus
particulièrement en aval de la grappe des industries à haute
intensité
électrique.
Un exemple d'une stratégie d'exportation nous est donné
par l'action du gouvernement canadien qui autorise l'exportation
systématique de près de la moitié de la production de gaz
naturel, ainsi qu'une partie de la production pétrolière, avec un
résultat bénéfique sur la balance canadienne des
paiements. Il est donc de toute évidence que l'autarcie
énergétique, impossible à atteindre à cause de
l'absence de pétrole et de gaz naturel du sous-sol
québécois, ne peut être atteinte dans son ensemble que par
une stratégie bien déterminée d'exporter une partie de
notre électricité en contrepoids partiel de nos importations de
pétrole et de gaz naturel; cela s'ajouterait évidemment à
nos exportations indirectes par la voie de la valeur ajoutée à
certains produits tel l'aluminium.
D'autres provinces canadiennes semblent vouloir saisir l'occasion. Si on
veut en profiter, il devient urgent d'agir, sinon l'occasion sera perdue
à jamais.
L'énergie hydraulique du Québec est la seule ressource
exportable directement dont nous disposions pour équilibrer notre bilan
des comptes énergétiques. Plutôt qu'en faire une
opération d'utilisation des surplus temporaires, nous croyons que nous
devrions songer sérieusement à faire de l'exportation de
l'électricité un volet prioritaire de notre politique
énergétique. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Jolivet): Merci. M. Lortie, pourriez-vous
nous présenter la personne qui vous accompagne? J'ai oublié de
vous le demander tout à l'heure.
M. Lortie: André Bellavance, vice-président
exécutif de la Chambre de commerce du district de Montréal.
Le Président (M. Jolivet): Pendant que j'ai encore la
parole, le député de Saint-Hyacinthe, M. Cordeau, remplace le
député de Nicolet-Yamaska. M. le ministre, la parole est à
vous.
M. Bérubé: Merci, M. le Président.
J'aimerais d'abord témoigner mon appréciation pour le
mémoire que vous venez de nous présenter. Ce qui est vraiment
intéressant dans ce mémoire, c'est qu'il ouvre un horizon sur une
action d'Hydro-Québec dans la structuration industrielle au
Québec. C'est le seul mémoire, je pense, à ma connaissance
qui met vraiment l'accent sur l'utilisation d'Hydro-Québec comme un
moteur de développement. Hydro-Québec, qui a joué un
rôle très important au plan du développement du
génie-conseil - vous l'avez reconnu - n'a peut-être pas
joué véritablement ce rôle au niveau de la recherche et au
niveau même du type de développement industriel. Je pense à
l'exemple que vous citez, soit des turbines ou soit encore, je crois, des
chaudières. Si je me souviens vaguement, c'était des
chaudières à haute pression. Vous ne l'avez pas souligné
dans votre mémoire. Vous avez sauté cette partie, mais vous avez
donné quelques exemples.
J'ai trop de questions à poser pour les 20 minutes qui me sont
allouées. Je vais essayer d'y aller rapidement. Premièrement,
j'ai l'impression de déceler une contradiction. Je vais y aller tout de
suite pour la contradiction. Vous nous proposez, d'une part, de nous engager
dans le nucléaire, parce que vous voyez qu'en 1995, de toute
façon, nous devrons relever le défi du nucléaire. Il
faudra donc désormais s'engager dans cette avenue, dans cette
filière.
Mais un peu plus loin, vous nous proposez un programme massif
d'exportation de base. On ne parle pas vraiment de l'exportation de puissance
de diversité ou encore de puissance saisonnière. On parle
vraiment de puissance ferme. C'est l'hypothèse Snelling ou
l'hypothèse Bourassa.
Ce qui m'inquiète un tout petit peu là-dedans, c'est que
de deux choses l'une: ou, en 1995, nous n'avons plus assez de rivières
à aménager pour répondre à nos besoins, ou nous en
avons assez. C'est l'un ou l'autre. Si nous n'en avons pas assez, je comprends
que votre hypothèse nucléaire se défend. Le cas
échéant, il faut aller au nucléaire. Mais si effectivement
nous en avons trop, votre hypothèse d'exportation se défend. Mais
pas l'une et l'autre en même temps. Je vois mal comment vous pourriez
nous proposer un programme d'exportation sur au moins quinze ou vingt ans, en
supposant que nos barrages soient terminés en 1992, en faisant une
accélération phénoménale - parce qu'il faudrait
accélérer d'une façon presque inimaginable - mais
admettons qu'on arriverait à devancer et aménager nos
rivières pour être prêts en 1995. Si nous vendons 20 ans,
cela veut dire que nous vendons jusqu'en 2015. Et si nous avons amplement
d'énergie pour répondre à nos besoins jusqu'en 2015,
pourquoi nous propsez-vous le nucléaire?
Le Président (M. Jolivet): M. Lortie.
M. Lortie: Tout d'abord, je voudrais vous remercier, M. le
ministre, pour vos commentaire. Je pense qu'effectivement, au niveau de
l'exportation, vous avez bien placé le problème. Il y a deux ou
trois façons d'aborder la question des exportations. Il y a d'abord le
contrôle, jusqu'à un certain point, ou un aspect régulateur
du réseau, ce que fait Hydro-Québec actuellement. Il y a
l'hypothèse d'avancer des travaux de base, donc une exportation un peu
plus massive dans ce sens-là. Et troisièmement, l'autre
hypothèse qui consiste à déterminer qu'au
Québec, on peut être dans le "business" d'exporter
l'électricité. Selon notre troisième option, celle qui est
recommandée - on pense que le gouvernement du Québec devrait
l'analyser très sérieusement - c'est cette décision de
dire: On peut exporter de l'électricité. Et on peut le faire
comme moyen délibéré, à moyen terme.
Vous posez la question - je pense qu'elle est très juste - en
disant: Si on fait cela, pourquoi le nucléaire? Si on examine les
documents qui ont été déposés par
Hydro-Québec, on voit qu'il y a toute une série de
rivières. Il y a un bassin hydroélectrique au Québec qui
pourrait nous alimenter, assez longtemps. Mais la question, c'est celle des
coûts. La question, c'est celle de savoir si un moyen en particulier
coûte moins cher à un moment donné qu'à un autre. Et
au niveau de la société, il y a des choix qui peuvent être
faits pour toutes sortes de considérations, mais un des choix certains,
c'est de prendre celui qui, pour nous, coûte le moins cher.
La question est de savoir quels sont les prix relatifs d'autres
acheteurs potentiels. Et à cet égard, il est assez clair dans le
moment que les prix ou les coûts relatifs de nos clients éventuels
sont marginalement beaucoup plus élevés que notre coût
à nous, au Québec.
Et la question est la suivante: Est-ce que, dans cette fenêtre de
coûts relatifs, on peut passer des projets qui, pour nous, seraient plus
chers ou ne seraient pas rentables pour nous, parce qu'il y aurait d'autres
choix? Et c'est cette question qu'on pose.
La stratégie tend à savoir si, entre notre coût et
leur coût, on peut passer nos projets qui, pour nous, dans le cadre de
nos prix à l'intérieur du Québec, ne seraient pas
rentables, mais pour eux, le sont. Et si on réussit à les faire
financer par les autres, parce que la meilleure façon de faire de
l'argent, c'est de prendre celui des autres, jusqu'à un certain point on
aura, au terme de ce projet, des équipements à nous qui ne nous
auront pas coûté très cher. Je comprends très bien
votre question, mais je pense qu'il y a cette fenêtre. Cette
fenêtre n'existera pas ad vitam aeternam, c'est assez clair, mais je
pense que cette fenêtre existe et que le gouvernement
québécois devrait se préoccuper de savoir si on peut en
tirer avantage.
M. Bérubé: Présenté comme cela, je
suis entièrement d'accord avec vous. C'est-à-dire que nous sommes
d'accord pour dire que le bassin de rivières aménageables
à des coûts comparables soit au nucléaire, soit à
une centrale thermique, n'est pas à ce point considérable que
nous puissions nous permettre d'en hypothéquer le stock pour exportation
à long terme, parce que nous savons que nous en avons besoin de toute
façon.
Donc, ce bassin de rivières, nous ne voulons pas en envisager
l'exportation.
M. Lortie: Ce n'est pas de cela qu'on parle.
M. Bérubé: Cette partie, on la met de
côté.
Il y a une possibilité et vous avez parfaitement raison
d'examiner certaines rivières; pensons à la Caniapiscau dont nous
n'aurions pas besoin avant 2005 et qui, de toute façon, serait beaucoup
plus cher que le nucléaire. À ce moment, nous pourrions nous
interroger à savoir dans quelle mesure nous ne pourrions pas essayer
d'aménager cette rivière pour exportation. Sauf qu'à ce
moment, c'est le prix, c'est-à-dire qu'il faut calculer notre coût
de mise en service, il faut calculer l'exportation, le transport jusqu'aux
États-Unis et supposer que cette électricité, puisqu'elle
nous coûte déjà plus cher qu'une centrale thermique ou
qu'une centrale nucléaire, une fois livrée à New York, va
coûter évidemment déjà pas mal plus cher qu'une
centrale nucléaire là-bas.
En d'autres termes, il n'y aurait que l'impossibilité des
Américains d'implanter là des centrales nucléaires ou des
centrales thermiques qui rendrait ces rivières véritablement
exportables. On n'a pas une si grande marge de manoeuvre que cela.
M. Lortie: Je ne dis pas qu'on a une grande marge, mais je dis
que le problème est analogue à celui de la décision
d'investissement, à savoir si on doit acheter ou si on doit faire du
"leasing". Le barrage va demeurer, va rester, il y a une valeur qui reste
à cela, mais quelle valeur accorde-t-on au fait qu'on aura reçu
des paiements pendant une grande période de temps?
M. Bérubé: Non, non, ce que je veux dire, c'est
ceci.
M. Lortie: Je comprends votre point.
M. Bérubé: S'il en coûte 50 mills du kilowatt
pour faire du thermique aujourd'hui et que ma rivière dans le nord me
coûte 50 mills du kilowatt, si j'ajoute 20 mills pour acheminer
l'électricité à New York, je la lui vends 70 mills. La
question est de savoir s'il veut acheter à 70 mills, alors qu'il
pourrait en avoir à 50 mills. C'est là qu'est la question.
Le seul point qui peut nous aider, c'est qu'il ne veut peut-être
pas de centrale thermique en banlieue de New York et qu'à ce moment il
soit prêt à payer plus cher, étant forcé de le
faire. Mais je vous dis: II y a une hypothèse très forte, c'est
pour cela
que les hypothèses d'exportation ne me paraissent pas
bénéfiques. On peut imaginer de petits volumes, possiblement,
mais certainement pas d'immenses volumes, dans mon esprit, pour l'instant.
J'aimerais que vous explicitiez un peu sur un point qui m'a
frappé, qui correspond d'ailleurs à une préoccupation que
le gouvernement avait, parce que je ne vous cache pas qu'en 1979, au moment
où nous avons eu le premier plan d'équipement, nous avons
retourné une série de questions à Hydro-Québec et
la troisième question portait sur une demande de programme
d'étude préliminaire d'avant-projet, ainsi que d'un programme de
recherche et de développement technologique. Nous nous demandions
justement dans quelle mesure nous ne devrions pas utiliser Hydro-Québec
dans le sens de structurer, sur le plan technologique, une industrie
québécoise capable d'envahir les marchés
internationaux.
Vous avez également abordé cette question, je pense, de
façon tout à fait pertinente et vous avez posé la
question: une fois qu'Hydro-Québec a eu un impact aussi important que
celui qu'elle a eu dans le domaine du génie-conseil, pourquoi
n'aurait-elle pas un impact tout aussi important? Pourriez-vous expliciter dans
un sens qui pourrait aider, par exemple, Hydro-Québec et le conseil
d'administration concernant le type d'industrie que vous aimeriez
peut-être voir se structurer autour d'Hydro-Québec et comment vous
aimeriez voir Hydro-Québec faire du "faire faire" dans le domaine de la
recherche, plus particulièrement. Parce que j'ai de la difficulté
à imaginer quel laboratoire au Québec pourrait effectuer cette
recherche pour Hydro-Québec, par exemple, ce qui nous amènerait
à développer une expertise scientifique au Québec
parallèle à celle d'Hydro-Québec.
Le Président (M. Jolivet): M. Earle.
M. Earle: II y a les petites rivières, il y a
déjà même une société, Dominion Bridge
Sulzer, qui commence à préparer un système de fabrication
de turbines pour des petites rivières. C'est un genre d'industrie qu'on
peut essayer d'aider avec nos investissements. Cette technologie peut
être exportée dans le monde entier après.
M. Lortie: Je pense qu'il y a trois points à votre
question. La première, c'est que nous ne disons pas qu'Hydro doit
s'embarquer pour le plaisir de s'embarquer dans l'appareil industriel. On dit:
Dans la mesure où elle dépense pour satisfaire à ses
missions ou à des objectifs de politique énergétique que
le gouvernement pourrait lui donner, ce qu'elle fait et la façon dont
elle le fait doit avoir un comportement qui fait en sorte qu'on" va structurer
les choses.
Donc, ce n'est pas une question de dire: Je veux m'en aller. Je voudrais
qu'elle fasse des micro-processeurs. Si elle n'en a pas besoin, elle n'en a pas
besoin. Dans la mesure où l'Hydro en a besoin, la façon dont elle
va essayer de tirer l'industrie, elle doit la tirer dans un sens qui fasse en
sorte qu'on ait des entreprises qui soient concurrentielles à
l'échelle mondiale.
Si on prend l'exemple des petites rivières - dans le
mémoire on le donne -Hydro se demande si, par exemple, il faudrait le
donner clé en main. La question, ce n'est pas cela, dans notre esprit.
La question, c'est de dire: Demain matin, lorsqu'on va vouloir exporter ou
développer dans d'autres pays des petites rivières, comment ces
utilités publiques vont-elles se comporter? Si elles se comportent
clé en main, cela veut dire qu'Hydro doit se retourner et donner des
contrats clé en main, de façon qu'on ait des gens qui puissent
avoir ce genre de capacité. C'est, dans le fond, ce type de comportement
qu'on a. Dès qu'on s'en va du point du vue du "manufacturing", cela
exige une connaissance beaucoup plus intime de la dynamique industrielle des
différents secteurs que l'on a jusqu'à maintenant. Je ne les
blâme pas, jusqu'à maintenant, ils n'avaient vraiment pas de
besoins, jusqu'à un certain point. Dans la mesure où on a
certains virages, c'est une préoccupation qu'on doit avoir.
En ce qui concerne l'IREQ, qui est le programme de recherches et de
développement, je pense qu'on fait erreur, on fait fausse route si on
pense qu'on peut faire de la recherche et du développement à
l'intérieur d'un laboratoire. La richesse, le transfert qui, dans le
fond, est le truc dans une politique de recherche et de développement,
cela se fait quand les gens sont associés au projet. Je dois dire que,
jusqu'à maintenant, l'IREQ a un comportement qui s'inscrit très
bien dans cette logique. Vous le savez très bien, le COPEM a
poussé de façon très forte pour le projet du Tokamak. Dans
le projet du Tokamak, il y a des entreprises de la région de
Montréal qui y sont associées ou qui y seront associées.
Dans l'élaboration d'une technologie de pointe à l'échelle
mondiale, du point de vue de l'éolienne, c'est la même chose. Il y
a des gens de Canadair, parce qu'il y a des problèmes
d'aréodynamique dans ces trucs, qui vont être associés
à ce genre de choses. On sait qu'à Montréal, il y a une
multinationale qui cherche à avoir une mission mondiale pour
l'exportation de cette technologie. L'IREQ, dans la mesure où le projet
n'est pas trop immense, doit essayer de favoriser plusieurs entreprises, parce
que c'est une illusion de croire, en termes de politique publique, qu'on
épargne de l'argent si on se concentre seulement sur des individus. Par
définition, la recherche et le
développement, cela veut dire qu'il y a du hasard. Cela veut dire
qu'il y a des chances que cela ne fonctionne pas. Donc, on doit essayer d'avoir
plusieurs routes, parce que, ce faisant, on minimise les chances
d'échec. On maximise jusqu'à un certain point les chances qu'il y
ait un des groupes qui puisse l'exporter et vendre et exploiter cette
technologie.
Je pense que dans une certaine mesure, à l'IREQ, sur certains des
projets qu'on connaît, ils ont associé certaines entreprises avec
eux. On dit: Essayez de voir si vous ne pouvez pas les associer un peu plus
qu'ils ne le font déjà et, jusqu'à un certain point,
essayez de les pousser pour que le R and D se fasse en entreprise dans la
mesure où c'est possible. Troisièmement, et c'est un point
important dans notre message, on ne dit pas de le faire pour le plaisir de le
faire, on dit: Faites des choses dont vous avez besoin dans votre place
d'investissement. Lorsque vous les faites, c'est là qu'entre la
dimension de savoir comment on va le tirer pour faire en sorte qu'au bout de
notre investissement, qu'on aurait fait de toute façon, il restera des
entreprises qui peuvent l'exploiter ailleurs. Je ne sais pas si cela
répond...
M. Bérubé: Oui. Je donnerai un exemple pour faire
plaisir au député de Montmagny-L'Islet. Si Hydro-Québec
devait s'impliquer avec Nouveler dans le développement d'une technologie
de fabrication du méthanol, vous aimeriez voir un ensemble d'entreprises
québécoises impliquées dans le développement de ce
procédé de manière qu'il y ait plus de retombées
sur l'ensemble des partenaires. C'est à peu près le sens. C'est
un mauvais exemple.
M. Giasson: C'est un mauvais exemple.
M. Bérubé: Je suis convaincu d'ailleurs que le
député de Montmagny-L'Islet, qui a travaillé très
fort pour mettre au point ce projet, avait cela à l'esprit dans sa
planification initiale. Je le taquine un petit peu.
Le Président (M. Jolivet): Disons M. le ministre, qu'il
restera cinq minutes qui pourront être employées par le
député de Châteauguay. Pour le moment, la parole est au
député d'Outremont.
M. Fortier: Je remercie la Chambre de commerce et le Board of
Trade d'exprimer des points de vue, en quelque sorte, nouveaux qui nous
permettent d'avoir un nouvel éclairage sur le programme
d'Hydro-Québec.
Ce qui me frappe, c'est que je crois que votre mémoire -
corrigez-moi si je n'ai pas raison - se veut être non seulement en faveur
de l'industrie qui est située à
Montréal, mais pourrait jouer en faveur d'industries qui se
trouvent ailleurs dans la province de Québec. Je crois que c'est
important de le remarquer parce que, comme vous l'avez dit, il s'agit de
choisir, dans ces stratégies, des industries qui ont des missions
mondiales et l'emplacement dans la région de Montréal n'est pas
une condition essentielle.
Dans cette définition de stratégies et dans le choix
qu'Hydro-Québec va faire, qui peut permettre justement une
restructuration industrielle, ce qui me frappe, c'est que la date à
laquelle on aura besoin de nouvelles technologies sur une très grande
échelle a peu d'importance dans un sens. On peut se disputer très
longtemps pour savoir si on aura besoin du thermique ou du nucléaire en
1992, en 1995 ou en 1998. Ce que j'ai retenu de votre présentation,
c'est que, quelle que soit la date, plus ou moins trois ou quatre ans, il
serait dans notre meilleur intérêt de planifier ce genre
d'intégration à l'avance. Compte tenu, bien sûr, des
délais de réalisation, comme vous en faites mention, que ce soit
en 1998, en l'an 2000 ou en 1992, il est évident que, d'ici cinq, six ou
sept ans, il faudrait mettre en oeuvre ce genre de stratégie.
Hier, lorsqu'on a parlé de thermique ou de nucléaire - au
moment où on se parle, le choix n'est pas fait - on a exprimé des
opinions très fortes, quant à nous, d'un besoin de définir
des politiques énergétiques à très long terme qui
n'existent pas dans le moment et qui, justement, nous permettraient de
définir encore d'une façon plus précise les choix qui
seront faits dans l'avenir. À partir de là, bien sûr, il
faudra avoir un débat public. Avant même de définir la
politique énergétique, il faudra, en parallèle ou avant
même de la commencer, de la définir ou de l'accepter, avoir un
débat public pour savoir si la population est d'accord avec certaines
des propositions qu'un gouvernement pourrait faire. Ceci étant fait,
vous dites qu'il faudrait définir des stratégies industrielles
qui s'imposeraient justement pour augmenter nos retombées
économiques.
Bien sûr, on sait qu'au Canada - le Québec est dans la
même position - 25% du produit national brut vont à l'exportation.
J'imagine que ce que vous nous dites, dans le fond, c'est que malgré le
fait qu'Hydro-Québec a joué un rôle considérable
dans la mise en place de facteurs d'exportation -vous donnez, entre autres,
comme exemple l'industrie de génie-conseil - si je comprends bien ce que
vous nous dites, il y aurait encore moyen de faire bien davantaqe dans
l'exportation parce qu'en plus de l'exportation de services on pourrait
inclure, dans des stratégies, des pièces d'équipement
accompagnées de services qui maximiseraient davantage les
retombées économiques.
J'aimerais que vous nous en disiez
davantage là-dessus pour nous éclairer sur l'impact
considérable que pourraient avoir non seulement l'exportation de
services pris isolément, non seulement l'exportation de pièces
d'équipement prises isolément, mais, bien sûr,
l'exportation de "packages" qui incluraient des services et des pièces
d'équipement. Vous avez fait allusion aux petites turbines et, que ce
soit dans le domaine thermique ou dans le domaine nucléaire, la
même chose prévaut. On sait que dans les pays étrangers,
très souvent, les compagnies d'utilités publiques à
l'étranger achètent des centrales thermiques ou des centrales
nucléaires quasiment clés en main sur une base à prix fixe
ou sur une base remboursable. Vous pourriez peut-être nous donner des
chiffres ou illustrer davantage l'impact que pourrait avoir une telle
stratégie sur la vie économique du Québec.
Le Président (M. Jolivet): M. Lortie.
M. Lortie: J'aurais deux ou trois commentaires à faire.
Premièrement, on ne propose pas, dans le mémoire, que le
Québec ait nécessairement une stratégie industrielle dans
le sens dont vous en parlez. Ce qu'on dit, c'est que le comportement
d'Hydro-Québec doit intégrer, dans sa planification et dans ses
règles de décision, l'objectif de faire en sorte qu'on ait des
entreprises qui soient concurrentielles à l'échelle mondiale. Je
pense qu'il y a une grande nuance entre dire qu'on va faire des grands plans au
niveau du ministère de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme ou
ailleurs et dire à une entreprise: II faut que votre comportement soit
de telle sorte que vous allez pouvoir maximiser cela. Je pense que c'est la
première nuance et c'est une nuance très importante. (11 h
15)
La deuxième question, c'est de dire: Est-ce qu'on pourrait
maximiser ou faire mieux que l'on fait dans le moment? Probablement qu'il y a
toujours place à l'amélioration, mais il faut dire que ce
qu'Hydro-Québec a fait jusqu'à maintenant, dans une large mesure,
correspond à la nature des plans d'installation ou des installations
qu'elle a. Les barrages, c'est fondamentalement un problème de
génie, de génie-conseil, si vous voulez, ou de gérance de
projet et ça, elle l'a bien fait. Il y a évidemment des turbines.
Il y a des gens qui font des turbines hydrauliques dans la région de
Montréal et qui en exportent, d'ailleurs, à travers le monde. Les
Américains, leur grand barrage, c'est le barrage Grande Coulée et
il faut dire que les turbines ont été faites à
Montréal.
Donc, il y a cette exportation à cet effet. Ce qu'on dit, c'est
que ce qui était vrai et ce que vous faisiez bien dans le passé,
dans la mesure où vous allez changer le type d'équipement, il
n'est pas du tout certain que l'appareil industriel qui est là est
structuré de telle façon qu'elle va être compétitive
sur les marchés internationaux. Il y a d'autres aspects à prendre
en considération parce que vous changez, dans le fond, de patinoire.
Lorsque vous allez embarquer sur l'autre patinoire, il y a d'autres aspects
à prendre en considération. Prenons cet exemple. Vous dites:
Est-ce que vous pouvez nous donner deux exemples? Il y en a un qui est
certainement celui de la façon dont on structure des filiales de
multinationales. Est-ce qu'on en fait, comme la politique actuelle de
maximisation du contenu québécois l'exige jusqu'à un
certain point, une série d'usines satellites des "branch plant" ou si on
incorpore à l'intérieur de notre politique d'achat la question ou
le critère de l'équivalence pour tirer des missions
mondiales?
Si vous voulez savoir la différence, vous regarderez Cegelec et
vous regarderez la croissance de Pratt & Whitney vous allez voir que cela
fait pas mal de différence et sur les exportations et sur le niveau de
technologie et sur les retombées dans la région et au
Québec, etc. C'est ça la différence. Donc, on dit que
c'est ce genre, au niveau des filiales et des multinationales, de
préoccupations qu'on a. Ce qu'on dit, c'est que la décision doit
se prendre en ayant à l'esprit la façon dont est structuré
le marché international. Si vous voulez un exemple, on va en prendre un
que vous connaissez bien. Prenons celui des centrales nucléaires
canadiennes. Les centrales nucléaires canadiennes, il n'y a pas un
manufacturier au Canada qui puisse s'en aller n'importe où dans le monde
et en vendre. Pourtant, vous savez très bien qu'en France, les
concurrents les plus sérieux sont en France, en Allemagne et aux
États-Unis. Ce sont des manufacturiers qui contrôlent la
technologie. Ce sont des manufacturiers qui sont responsables de fournir, de
faire le design, etc. La question, c'est de savoir: Est-ce que dans le fond on
fait le même genre de politique qu'Hydro-Ontario qui dit: On va ramasser
un paquet de bebelles un peu partout et on va avoir des ingénieurs qui
vont l'assembler un peu comme un mécano ou si on va voir le coeur des
centrales nucléaires comme un produit, comme une pièce
d'équipement qui se vend comme ça sur le marché
mondial?
La réponse est que, sur le marché mondial, c'est comme
ça que ça va. C'est comme ça que ça se vend. Par
conséquent, tant et aussi longtemps que notre emphase au niveau canadien
ne sera pas sur cette dimension, on ne réussira pas à vendre de
Candu d'une façon compétitive chez les marchés
internationaux. C'est cette dimension d'incorporation des stratégies
dans le fond qui correspond à ce qu'est la
technologie. Il est évident que dans celle des centrales
thermiques, la façon dont le marché est structuré, c'est
différent. Par conséquent, si on allait dans les centrales
thermiques conventionnelles, cela voudrait dire que la politique d'achat
d'Hydro-Québec devrait avoir une stratégie vis-à-vis des
manufacturiers différente de celle qu'on aurait vis-à-vis du
nucléaire.
M. Fortier: J'aurais juste une sous-question sur ça. Cela
nous amène à des problèmes délicats et qui
affectent des choix démocratiques. Je crois que vous l'avez
démontré par des exemples et il y en a à
l'étranger. Je me souviens moi-même lorsque j'allais en
Corée... Justement, en Corée on donne à des compagnies de
construction des contrats considérables sur une base de monopole,
à la condition que ces mêmes compagnies fassent de l'exportation;
l'État fait un choix. Comme il s'agit de gouvernement un peu
autoritaire, c'est assez facile. L'État fait un choix et dit à
une compagnie de construction: Nous allons vous donner toute la construction de
toutes les centrales nucléaires. En revanche, vous faites de
l'exportation. Sans procéder d'une façon aussi autoritaire, le
choix de la compagnie ou du groupe de compagnies ou d'un ensemble de compagnies
qui serait privilégié pour faire l'exportation, vous prenez
l'exemple de Framatome en France, bien sûr, il y a eu des débats,
mais à la fin pour maximiser justement l'échange dont vous
parlez, il a fallu que l'État dise: Creusot-Loire, avec une
participation minoritaire d'Électricité de France, avec la
participation d'autres sociétés industrielles, vous formez un
consortium; nous vous appuyons. Dorénavant, chaque fois que nous allons
construire des centrales nucléaires, nous négocierons avec vous
et nous vous donnerons toutes les commandes.
Je crois que c'est un changement radical non seulement dans la
définition d'une stratégie industrielle, mais également
dans la politique d'achat...
M. Lortie: Je pense, M. le député...
M. Fortier: ... qui se ferait sur une base de négociation.
C'est pour cela que je me demandais si vous aviez des recommandations à
faire de ce côté-là. Je voulais seulement illustrer la
difficulté d'application.
M. Lortie: Je pense que l'exemple que vous donnez, M. le
député, est très mauvais, parce que vous savez très
bien qu'au Canada, par exemple, lorsqu'on a voulu, au début des
années soixante, donner le contrôle des centrales
nucléaires à un manufacturier, on a procédé par
voie de soumissions publiques. On a invité dix entreprises à en
prendre la responsabilité. Finalement, une s'est pointée.
Quand on parle du problème de Framatom, en France, vous savez
très bien que le groupe Framatom a gagné, par voie de soumissions
publiques, Fessenheim I et Fessenheim II. C'est à la suite de ces gains,
par soumissions publiques, que l'industrie s'est finalement structurée
autour de ce groupe-là. Je pense qu'il y a des techniques qui font en
sorte qu'on est capable, dans une large mesure, de trouver des entreprises
gagnantes.
On a le même problème dans le génie-conseil
aujourd'hui, ne vous trompez pas. On a le même problème dans le
génie-conseil. Il y a plusieurs grandes firmes de génie-conseil.
Il y a des choix à faire. Pourtant, on réussit à les faire
sans violer, jusqu'à un certain point, des principes de base
d'approvisionnement public.
M. Fortier: Si je comprends bien, ce que vous suggérez -
je pense que je suis d'accord avec ce que vous dites - c'est que, dans le choix
des firmes, justement, si Hydro-Québec acceptait ou si le gouvernement
lui donnait cette mission, en plus d'utiliser les critères qu'elle
utilise normalement pour se satisfaire elle-même que les services qu'elle
recevra seront adéquats, elle devrait y ajouter d'autres critères
qui favoriseraient justement l'exportation de ces services ou de ces
pièces d'équipement.
M. Lortie: C'est cela.
Le Président (M. Jolivet): M. Earle.
M. Earle: Oui, je peux ajouter quelque chose. Le système
d'évaluation à Hydro-Québec est un système qui doit
être très sophistiqué et on doit voir à la
gérance de ce système. Je pense que la formation du groupe qui va
travailler sur cela, c'est le groupe clef à Hydro qui va faire cela. On
n'a pas parlé de cela dans notre présentation, mais c'est une
chose très importante. Si le gouvernement décide de dire oui
à nos idées, il faut parler sérieusement du système
à Hydro-Québec qui fait cela.
Le Président (M. Jolivet): Merci. M. le
député de Saint-Hyacinthe.
M. Cordeau: Merci, M. le Président. Permettez-moi tout
d'abord de vous remercier pour votre participation positive à cette
commission parlementaire. Étant donné que plusieurs veulent poser
des questions, je vais aller tout de suite à la question. À la
page 14 de votre mémoire, vous nous faites part de votre opinion
concernant la politique d'achat d'Hydro-Québec. Ma question est la
suivante: En quoi la politique d'achat
d'Hydro-Québec est-elle différente, s'il y a
différence, des politiques d'achat des organismes gouvernementaux ou
paragouvernementaux de l'Ontario?
Le Président (M. Jolivet): M. Lortie ou M. Earle.
M. Earle: En Ontario, les gens font, autant qu'ils le peuvent,
les travaux techniques au sein de leur société, mais dans les
années soixante-dix, spécialement ici au Québec, Hydro a
demandé à des sociétés de génie-conseil, en
particulier de l'extérieur de faire des travaux, de faire le desiqn, la
gérance des grands projets. L'expertise est là au lieu
d'être au sein d'Hydro. C'est exportable et on voit que c'est vraiment
exportable. Ce sont des sociétés énormes. Il y a trois
sociétés d'ingénierie à Montréal qui font
partie des dix plus grandes sociétés de génie-conseil du
monde.
M. Cordeau: Je comprends que le Québec fait beaucoup
d'échanges ou d'expertises avec les autres provinces. D'ailleurs, je
suis allé dernièrement en Colombie-Britannique et,
déjà, il y a une entente avec Hydro-Québec concernant le
projet là-bas. Je ne veux pas parler simplement au point de vue des
connaissances, parce que la politique d'achat d'Hydro-Québec est
d'acheter beaucoup de matériaux et ainsi de suite. Est-ce ce à
quoi vous faites allusion, dans votre mémoire?
M. Lortie: Je pense qu'il y a trois points. Le premier, c'est que
si on étudie de façon économique la question du contenu
québécois, au bout de l'équation, on est
indifférent si les ingénieurs ou les techniciens sont à
l'intérieur d'Hydro-Québec ou s'ils sont dans une firme
d'ingénieurs-conseils. Au bout de l'équation, le contenu
québécois est le même. En termes de stratégie
industrielle, il y a une très grande différence si les
ingénieurs sont à l'intérieur d'Hydro-Québec ou
s'ils sont dans des boîtes où ils vont devoir exporter par la
suite. Donc, la polique d'achat doit avoir cela comme considération, pas
seulement de maximiser le contenu québécois, parce que le contenu
québécois est indifférent du lieu et de la place tant
qu'ils sont dans le territoire. En termes de stratégie industrielle, on
n'est pas indifférent.
Le deuxième point est le suivant: Les entreprises
d'électricité à travers le monde ont des échanges
d'informations extrêmement importants. Ce n'est pas seulement au niveau
du Canada; c'est à travers le monde et je pense que cela correspond,
dans une large mesure, à la tradition de fiabilité qui existe
dans ces compagnies, dans ces entreprises. Dans une large mesure, c'est presque
une tradition. Que vous ayez assisté à cela à travers le
Canada, vous le verriez aussi à travers le monde. C'est la tradition et
c'est, dans le fond, améliorer la capacité de gestion de
l'entreprise elle-même. Je pense qu'il n'y a absolument rien qui s'oppose
à cela. Au contraire.
Votre troisième volet de la question, c'est: Si on sort du
génie, la politique d'achat vis-à-vis des équipements
est-elle différente? Dans le cas des barrages, ce qu'Hydro-Québec
a fait n'est probablement pas différent de ce qu'on retrouverait
ailleurs, mais dans la mesure où Hydro-Québec va sortir des
grands barrages, va aller à d'autres types d'installation, si on veut
que les entreprises québécoises et non seulement
montréalaises puissent exporter sur les marchés internationaux ou
nord-américains, il faut adapter des règles de décision
d'approvisionnement qui sont différentes et, dans une large mesure,
différentes de celles d'Ontario Hydro parce qu'elle n'a pas
suscité le genre de retombées dynamiques que l'on recherche. Je
ne sais pas si cela répond à votre question.
Le Président (M. Jolivet): Merci. M. le
député de Gouin.
M. Tremblay: Merci beaucoup, M. le Président. Je pense
qu'il convient de féliciter la Chambre de commerce et le Board of Trade
de Montréal pour avoir joint leurs efforts en vue de favoriser l'essor
économique de Montréal. Si j'en juge par leur mémoire, je
pense que ceci donne de bons fruits puisque votre mémoire a presque deux
fois la qualité moyenne des mémoires que nous avons reçus
jusqu'à maintenant.
Vous ouvrez, dans ce mémoire, énormément de choix
énergétiques et économiques qui débordent de
beaucoup le plan de développement d'Hydro-Québec. Vous commencez
par la politique d'achat d'Hydro-Québec. Ayant été
moi-même en charge d'une politique d'achat pendant quelque temps, je ne
peux que souscrire à votre proposition à l'effet qu'une politique
d'achat ne doit pas être à la pièce et encourager
l'inefficacité, mais doit déborder sur l'encouragement à
l'efficacité et la productivité et, par conséquent,
à l'exportation. Mais comme nous n'avons pas le temps d'entrer dans le
détail de ce sujet très intéressant, j'aimerais quand
même revenir sur les choix énergétiques, politiques et
économiques que vous proposez dans votre mémoire.
Concernant la balance des comptes énergétiques, - et votre
mémoire est un des premiers à soulever cette question importante,
parce qu'il est évident que du côté de l'énergie,
nous avons une ponction du pouvoir d'achat qui est très importante
maintenant et qui va aller en s'accroissant, étant donné que nous
importons les trois
quarts de notre énergie présentement au Québec -
vous semblez favoriser l'option de l'exportation plutôt que l'option de
substitution poussée. Il est évident que l'on peut diminuer notre
déficit énergétique en accélérant la
substitution aux importations avec notre énergie renouvelable face aux
importations d'énergie non renouvelable ou nous pouvons exporter et
obtenir des revenus financiers équivalents.
C'est une question de choix et elle ne peut se décider, à
mon avis, qu'à partir des faits. Et c'est peut-être la grande
lacune de tout ce débat, c'est que nous avons des
préférences, des indications d'orientations. Mais, sur les faits,
nous manquons de données et celles dont nous disposons ne sont pas d'une
clarté limpide. Hydro-Québec nous a fourni des faits, je pense
qu'il faut l'en féliciter, mais nous avons reçu très peu
de faits financiers et économiques en provenance d'autres sources.
Deuxième point concernant la stratégie industrielle. Sur
cette question il y a deux éléments que vous soulevez.
Premièrement, qu'Hydro-Québec joue un rôle plus actif dans
une stratégie industrielle. Ma crainte devant une telle suggestion,
c'est qu'on donne à des sociétés d'État des
responsabilités qui débordent énormément leur
mandat. On en fait des États dans l'État, en quelque sorte, on
leur dit de construire le mât d'un stade olympique, de s'occuper
d'économie d'énergie, de s'occuper de stratégie
industrielle et, par après, on va s'étonner de constater qu'on a
créé, dans les sociétés d'État, des
États très forts, qui remplacent le gouvernement. Dans ce
cas-là, il faudrait que les dirigeants d'Hydro-Québec se
présentent aux prochaines élections et fassent connaître
leurs projets dans tous les domaines de la société. Je crois que
nous avons un gouvernement, normalement, à qui il appartient
d'élaborer des stratégies industrielles. S'il n'y en a pas, ce
n'est pas à Hydro-Québec qu'il faut adresser le reproche. C'est
au gouvernement. Et ma crainte, c'est que vous alliez dans la direction de
proposer à des sociétés d'État, et à
Hydro-Québec en particulier, des mandats qui sont contradictoires, de
produire de l'électricité au meilleur coût, avec une saine
gestion financière, et en même temps subventionner le
développement industriel. Ils ne peuvent pas faire les deux en
même temps. Et quand vous avez des directions de sociétés
d'État qui ont des mandats contradictoires, elles ne savent plus quoi
faire après un certain temps; les conseils d'administration abdiquent
après un certain temps et téléphonent aux ministres pour
leur demander ce que l'on fait pour chacun des cas.
Et c'est la tragédie des sociétés d'État au
Québec, sauf à Hydro-Québec en particulier, parce que le
mandat a toujours été très clair dans sa loi, c'est qu'on
a des mandats extensibles. Première crainte avec cette proposition.
Deuxième crainte, c'est que vous enfourchez le cheval de
l'exportation de l'énergie brute, mais sans fournir de précisions
sur les faits financiers et économiques fondamentaux. Personne n'a rien
contre les exportations en général. Mais quand vous dites qu'il
nous faut exporter de l'énergie de base, sur une période de
quinze ans et plus, il faut faire attention. On voit que Terre-Neuve-Labrador,
avec Churchill Falls, se retrouve, après le coup de Joe Smallwood, en
1965, devant l'obligation de regarder les fils électriques amener son
énergie vers le Québec. Pour nous, cela fait notre affaire. Et
à l'époque, c'était une décision
financièrement intéressante pour Joe Smallwood et pour
Terre-Neuve. Mais ils s'en mordent les pouces. Il ne faudrait pas refaire
l'erreur qu'a faite Terre-Neuve, si nous nous trouvons devant des
excédents qui ne seraient que temporaires, et engager l'avenir pour
longtemps. Il y a une certaine contradiction, pas la même qu'a
soulevée le ministre, mais il y a l'autre contradiction.
Vous dites que l'énergie hydroélectrique, au
Québec, c'est un levier industriel puissant. D'autre part, vous dites
que ce levier, il faut l'exporter pour des retombées financières
qui nous permettraient d'équilibrer notre balance
énergétique.
Je vous dis de faire attention avec ce genre de raisonnement. C'est vrai
que c'est un levier puissant. C'est un des rares que nous ayons, parce que, au
point de vue salarial, nous ne sommes pas compétitifs au plan
nord-américain. Nous avons une productivité qui est plus basse
que dans le reste de l'Amérique du Nord, mais nous avons des salaires
qui sont égaux. Et nous sommes en compétition pour attirer des
industries avec l'État de New York, entre autres. Prenez la ville de
Massena, où General Motors est établie pour une usine de
pièces, qui reçoit de l'énergie électrique
présentement du barrage de la Beauharnois. Et je vous garantis que
General Motors n'établira pas de grosses usines au Québec pour
les beaux yeux des Québécois. C'est seulement parce qu'ils
auraient besoin, soit d'une ressource absolument essentielle, soit d'un
approvisionnement hydroélectrique garanti pour un quart de siècle
et plus. Donc exporter ce genre de levier que vous identifiez, devient
très dangereux. Parce que de l'argent cela ne crée pas de
l'emploi. Moi, je mettrais en garde des organismes comme le vôtre de
croire trop facilement les arguments superficiels que nous entendons voulant
que nous devrions exporter de l'énergie de base, de l'énergie
excédentaire "interruptible", d'accord, mais de l'énergie de base
sur de longues périodes de temps, je pense que ce serait dangereux. Ce
serait dangereux, finalement, que nous devenions
une sorte de porteur d'eau par surfil où nous regarderions nos
futurs emplois s'en aller vers l'État de New York ou vers les
États-Unis en général.
Le Président (M. Jolivet): Avez-vous des commentaires, M.
Lortie ou M. Earle.
M. Earle: Oui. J'ai guelques points et peut-être que Pierre
en aura après.
Premièrement, on n'a jamais dit dans notre mémoire qu'on
doit subventionner l'industrie. Je pense que c'est une expression dont on ne
doit pas se servir.
Deuxièmement, Hydro-Québec dans les années
soixante-dix a déjà eu une politique qui a créé des
sociétés qui sont un grand atout pour la province de
Québec, et spécialement pour la ville de Montréal
maintenant. On parle seulement de continuer ce genre d'affaires et de faire une
expansion de ce genre de politique. Mais, on a dit carrément qu'on doit
le faire d'une façon concurrentielle, parmi les compagnies qui se font
concurrence pour n'importe quel genre de technologie dont on peut parler. On ne
veut pas de subvention, on veut qu'on crée des sociétés
qui sont vraiment concurrentes sur la scène mondiale.
Sur un autre point, on n'a pas dit que Hydro-Québec doit le
faire. Si le gouvernement décide que c'est lui qui doit le faire, que le
gouvernement le fasse. Nous pensons que c'est nécessaire qu'on prenne
ces $55 milliards et qu'on les utilise d'une façon qui va créer
quelque chose qui est plutôt permanent - ce n'est pas le bon mot - qui a
une vie plus longue.
Concernant les ventes hors de notre province et de notre pays, nous
comprenons qu'il y a des erreurs qui ont été faites dans les
dernières années, mais on pense que c'est possible de faire des
négociations, d'arriver à des ententes où on évite
ce genre d'erreurs qui ont déjà été faites.
Le Président (M. Jolivet): Merci. M. Lortie, est-ce que
vous avez quelque chose à ajouter?
M. Lortie: Oui. Ce qu'on a dit comme levier, c'est le plan
d'investissement et non pas l'électricité. Il y a une nuance
importante.
Deuxièmement, ce qu'on recherche d'Hydro-Québec, c'est un
comportement, ce sont des règles de décision, ce sont les
mêmes genres de comportement que dans des politiques provinciales ou
canadiennes. On aimerait, par exemple, que les multinationales adoptent... Si
c'est vrai pour les filiales étrangères, pourquoi cela ne
l'est-il pas pour nos propres entreprises?
Ce qu'on dit, c'est que ces décisions ne doivent pas être
prises à l'aveuglette. Si on peut prendre des décisions qui sont
plus intelligentes pour le restant de l'économie. Je pense qu'il y a une
nuance très forte entre ce qu'on dit là et votre exemple du stade
ou telle autre chose.
M. Tremblay: C'est la politique d'achat, il faut bien
s'entendre.
M. Lortie: Pardon?
M. Tremblay: C'est une politique d'achat spéciale que vous
demandez à Hydro-Québec, ce n'est pas une stratégie
industrielle comme telle.
M. Lortie: Ce sont des règles de décision...
M. Tremblay: Pour les achats.
M. Lortie: ...qui devraient guider ces approvisionnements.
M. Tremblay: Des achats en groupe plutôt que des achats
à la pièce.
M. Lortie: Si dans l'industrie en question ça s'appelle en
groupe plutôt qu'à la pièce.
Finalement, la question que vous posez sur l'exportation, c'est
fondamentalement le débat qui n'a pas lieu au Québec, le
débat à savoir si exporter de l'électricité, c'est
exporter des jobs. C'est fondamentalement la question que vous posez. Notre
réponse à cela, c'est qu'il existe, ou on peut supposer que le
fait de construire les installations, et avoir l'expertise pour
développer ces installations peut nous donner pas mal plus de
retombées industrielles que la simple exportation
d'électricité, surtout si on le fait de façon que nos
entreprises soient concurrentielles à l'échelle mondiale.
M. Tremblay: Avez-vous des faits, des données, des
chiffres pour appuyer cet énoncé?
M. Lortie: Par exemple, lorsqu'on regarde la valeur de
l'énergie dans des entreprises à haute consommation
d'énergie on s'aperçoit qu'elle est, indépendamment du
tarif en vigueur dans la zone dont on parle, relativement dans la même
proportion en termes de valeur. Comme économiste, vous allez comprendre
que, fondamentalement, ce que cela signifie, c'est que dans le design du
processus on peut faire varier les facteurs de production suivant leur
coût relatif et, en moyenne période, ces décisions
d'investissements vont s'ajuster aux tarifs. Il va y avoir un peu moins
d'électricité et plus d'autre chose, et vice versa. Les exemples
qu'on a eus, qui ont été faits pour le ministère des
Affaires intergouvernementales ou celui de l'Énergie, montrent bien que
si
on regarde au Québec, si on regarde en Ontario, si on regarde aux
États-Unis, par exemple, dans les alumineries, la valeur de
l'électricité est à peu près la même partout.
Ce que cela signifie, c'est qu'on a changé la fonction de production.
C'est évident que si vous "jackez" les prix du jour au lendemain, cela
ne fonctionne pas, parce que ces processus sont un peu gelés. Lorsqu'on
connaît les prix, on varie la fonction de production.
M. Tremblay: Laissez-moi vous poser une question: Pensez-vous que
nous aurions une industrie de l'aluminerie au Québec si l'Alcan n'avait
pas des barrages qui lui donnent de l'électricité à deux
mills le kilowattheure, parce que nous n'avons pas de bauxite.
M. Lortie: Non, sauf que, M. Tremblay, vous allez très
bien réaliser que tous ceux qui sont préoccupés par le
développement de la région de Chicoutimi se demandent pourquoi on
n'a pas toute l'intégration en aval.
M. Tremblay: Cela est la stratégie industrielle, c'est une
autre chose.
M. Lortie: L'exemple de la Norvège démontre que
vous aurez les politiques que vous voudrez, cela n'arrive pas comme cela.
M. Tremblay: II n'y a rien qui arrive comme cela. Il faut
commencer par la matière première, le produit primaire.
M. Lortie: Oui, c'est sûr. Ils ont l'aluminium, mais cela
arrête là. Je ne dis pas que dans la grappe industrielle il n'y a
pas certaines entreprises, mais c'est finalement, dans l'ensemble, relativement
limité.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Mont-Royal.
M. Ciaccia: Merci, M. le Président. M. Lortie, vous avez
soulevé dans votre mémoire un aspect qu'on oublie souvent dans
tout le débat énergétique, comme plusieurs intervenants,
même de ce côté-ci de la table, aspect auquel on ne se
réfère pas assez souvent quand on parle des investissements dans
le domaine énergétique. Je me réfère à votre
introduction, quand vous dites que le programme d'investissements
d'Hydro-Québec est important surtout parce qu'il sous-tend un choix de
société. Je crois que c'est un aspect que nous ne devons pas
oublier, parce que souvent on vient nous faire des représentations. On
parle strictement de l'effet sur une industrie en particulier. Vous avez pris
une approche un peu plus globale.
Non seulement vous n'avez pas parlé uniquement pour la
région de Montréal, des hommes d'affaires de Montréal,
mais vous avez ouvert la porte à un examen de ces politiques sur
l'ensemble du Québec et sur le choix de société que nous
allons avoir à la suite des décisions qui seront prises par
Hydro-Québec et, surtout, par les politiques du gouvernement.
Vous avez fait référence, dans votre document, au
développement d'entreprises concurrentielles, à la main-d'oeuvre,
aux chantiers de construction, aux exigences d'une main-d'oeuvre
qualifiée et même à la question des coûts. Vous avez
fait référence aux économies d'énergie. Je voudrais
porter à votre attention deux questions, une que je vais vous poser,
mais je voudrais poser l'autre au ministre. Le gouvernement a annoncé un
programme de conservation d'énergie. D'après Hydro-Québec,
c'est basé sur une étude qui a été faite par un
groupe qui s'appelle Scanada Consultants Limited. Se basant sur cette
étude, le gouvernement ou Hydro-Québec a donné certains
détails d'économie d'énergie. (11 h 45)
La question que je voudrais vous poser, c'est la suivante: Est-ce que
vous avez fait des études sur l'impact d'un programme d'économie
d'énergie pour la région de Montréal, non seulement pour
la région de Montréal, mais sur les sujets que vous avez
soulevés dans votre mémoire? Le programme d'Hydro-Québec,
pour votre information - je suis bien certain que vous êtes au courant,
mais c'est pour vous le rappeler à la mémoire - c'est $1 milliard
échelonné sur une période de dix ans.
Je voudrais vous demander si vous avez fait une étude sur les
conséquences de ce programme, sur tous les sujets ou sur les sujets que
vous avez soulevés, et particulièrement sur le sujet principal
que vous avez mis de l'avant, le facteur principal, le choix de
société.
Avant de vous donner la parole, parce que je suis limité dans le
temps de mon intervention, j'ai demandé le dépôt du
document de Scanada et, à l'examen de ce document, d'après les
recommandations de Scanada Consultants Limited, ce n'est pas $1 milliard
échelonné sur dix ans qu'ils ont recommandé. Leur
conclusion, c'était près de $2 milliards, $1,990,000,000,
échelonnés sur la même période de dix ans. Dans les
différents tableaux qu'ils ont inclus dans le document, ils
démontrent que dépenser $1 milliard, c'est un programme qui va
entraîner des économies d'énergie de 21%, mais
dépenser les $2 milliards dans la même période de dix ans
va entraîner des économies d'énergie de près de
38%.
La question que je pose au ministre: Pourquoi, étant donné
l'approche du gouvernement envers l'économie d'énergie,
nous dites-vous toujours qu'un kilowatt conservé, c'est moins
cher qu'un kilowatt de construction d'Hydro-Québec? Est-ce que vous
pouvez nous expliquer pourquoi vous avez choisi de ne mettre en vigueur ou
d'annoncer que la moitié des recommandations des consultants de Scanada,
et pourquoi vous n'avez pas pris l'ensemble des $2 milliards, tenant compte,
premièrement, des économies d'énergie qui sont
prévues par ces $2 milliards, qui se chiffrent à presque 40%? On
parle de pénurie, on parle d'investissements d'Hydro-Québec de
$89 milliards, on parle d'exportation d'électricité. Voici un
facteur, un élément qui pourrait non seulement aider dans tous
ces différents problèmes que nous avons, mais qui pourrait
réduire sensiblement la consommation d'énergie dans le secteur
résidentiel. Le ministre pourrait peut-être nous expliquer
pourquoi il n'a pas annoncé le programme de $1,900,000,000. C'est vrai
que dans ce rapport, on mentionne la création d'emplois. $1 milliard
vont créer 17,000 emplois. D'autres dépenses vont créer
moins d'emplois. Mais la question qu'on peut se poser: Est-ce qu'on veut
l'économie d'énergie ou la création d'emplois? Il y a
aussi des dépenses qui sont prévues dans cinq à dix ans.
En plus, il y avait des dépenses prévues de dix à quinze
ans. Dans le chiffre de $2 milliards, on exclut ces montants, on exclut les
montants qui sont pour au-delà de dix ans. On se limite aux
dépenses dans les dix premières années et on arrive
à un chiffre de $1,900,000,000 pour une économie d'énergie
d'environ 38%.
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre, d'abord.
M. Bérubé: M. le Président, j'ai ressorti ma
petite calculatrice qui est toujours très utile, avec le
député de Mont-Royal. Elle a déjà fait sensation
dans le passé. Il vient de dire: Pourquoi le gouvernement a-t-il pris la
moitié de ce qui est proposé? En fait, s'il avait bien lu les
chiffres, il se serait rendu compte que les économies d'énergie,
le potentiel pour des mesures ayant une rentabilité
récupérable, donc, permettant de récupérer
l'investissement sur cinq ans, capital et intérês, cela
représente 21,8% des économies d'énergie potentielles et
les mesures qui, elles, ont une capacité de récupération
de dix ans représentent 8,9% additionnels. Donc, si je suppose que j'ai
des mesures d'investissements, j'ai 21,8% plus 8,9%, et si je regarde le
pourcentage, le programme gouvernemental va permettre d'atteindre 71% de ce que
vous nous proposez. Pourquoi ça? Essentiellement, nous étions
d'accord avec Hydro-Québec et je ne vous cache pas que c'est
également ma propre philosophie. Nous étions d'accord avec
Hydro-Québec pour dire: II ne faut qu'on étende la facturation
sur une période trop longue. En d'autres termes, il faudrait que le
client ne paie pas une facture à Hydro-Québec pour ses travaux
d'isolation pendant plus de cinq ans.
On s'est donc fixé des mesures d'économie d'énergie
qui peuvent être recouvrées financièrement en dedans de
cette période de cinq ans, ce qui nous permet d'aller chercher 21,8% de
l'économie d'énergie potentielle. Prenez le tableau de la page
18. C'est donc le sens de notre intervention. Il s'agit de mesures
d'économie d'énergie qui vont se payer par elles-mêmes en
dedans de cinq ans. C'est bien certain que je peux aller chercher pour encore
$757,000,000 des mesures qui sont moins rentables qui, elles, vont se repayer
entre cinq et dix ans. Si j'essaie de les facturer sur cinq ans, mon client va
commencer à payer de sa poche. Il ne pourra pas récupérer
avant une plus longue période. On a simplement essayé de mettre
sur pied un programme cohérent qui ferait en sorte que la personne qui
s'engage dans son programme d'isolation se fait facturer par
Hydro-Québec un montant, mais que, de toute façon, elle
récupère sous forme d'économie d'énergie à
l'intérieur de la période de cinq ans envisagée. Donc,
pour elle, elle ne voit pas de différence entre une diminution de sa
facture d'électricité ou d'énergie et un accroissement de
sa facture d'isolation.
C'est le sens du programme. C'est donc un programme qui s'autofinance
sur cinq ans. C'est uniquement sur cette base que nous avons fait le choix et
cela représente quand même 70% de ce qu'on aurait pu
économiser si on avait étalé ça sur dix ans au lieu
de cinq ans.
M. Ciaccia: M. le Président.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Mont-Royal.
M. Ciaccia: M. le Président, je suggérerais
peut-être que le ministre fasse sortir sa calculatrice encore une fois et
fasse les vrais calculs. Oui, l'utiliser comme il faut parce que vous avez dit:
Je vais dépenser encore $757,000,000 pour 8,9%. Mais si vous allez plus
loin au bas de la page, il y a $220,000,000 qui vont ajouter 8%. Alors, les
$900,000,000 de plus que le million vont vous donner 8,9% plus 8%, ils vont
vous donner 16,9%. Votre premier milliard vous donne 21%. C'est presque
kif-kif. Autrement dit, votre premier milliard vous donne 21,8%, les
$757,000,000 vous en donnent 8,9% en dedans de cinq à dix ans, mais
l'autre chiffre, l'amélioration des appareils de chauffage, les
$220,000,000 vous donnent 8%. Premièrement, pour dépenser
$1,900,000,000, vous avez 38,9%, qui sont presque le double grosso modo de
l'annonce
de votre programme.
Deuxièmement, vous dites que vous avez adopté ce programme
parce que vous échelonnez ça sur cinq ans et vous avez fait vos
calculs; ça présuppose, M. le ministre, ce qui va à
l'encontre de votre conférence de presse d'hier, que vous savez la base
de la tarification d'Hydro-Québec pour les cinq prochaines
années. Deuxièmement, ça vous met carrément en
contradiction avec les propos de votre premier ministre qui, lui,
l'échelonnait sur dix ans. Dans les Débats de l'Assemblée
nationale, page 4 du mois de novembre, le premier ministre dit: En pleine
opération, ce programme injectera dans l'économie et dans toutes
nos régions habitables quelque $100,000,000 par année. Votre
$1,000,000,000 de programme de conservation d'énergie divisé par
dix ans donne $100,000,000 par année. Je suggère, M. le ministre,
que vous révisiez, non seulement vos calculs, mais votre programme de
conservation, si vraiment vous êtes intéressé à
donner un programme de conservation...
M. Bérubé: M. le député de
Mont-Royal, effectivement...
M. Ciaccia: Vous pourriez... Vous n'avez pas
expliqué...
Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! S'il
vous plaît!
M. Ciaccia: Vous n'avez pas expliqué pourquoi vous n'avez
pas retenu les conclusions de...
M. Bérubé: M. le Président...
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre. M. Earle, vous
allez avoir la parole, ne vous inquiétez pas. J'ai un débat de
gauche à droite.
M. Ciaccia: Excusez-nous, excusez-nous.
M. Bérubé: M. le Président, je
constate...
M. Ciaccia: On est juste à la veille d'une
élection. Il ne faut pas laisser le ministre de l'Énergie et des
Ressources...
M. Bérubé: Voilà enfin l'aveu que
j'attendais.
M. Ciaccia: ... faire des déclarations...
M. Bérubé: Voilà enfin l'aveu que
j'attendais.
M. Ciaccia: J'ai la parole, M. le Président.
M. Bérubé: Non, j'ai la parole, M. le
Président.
M. Ciaccia: II ne faut pas laisser le ministre de
l'Énergie et des Ressources faire des déclarations, des promesses
électorales qui ne tiennent pas debout par rapport aux
réalités.
Le Président (M. Jolivet): M. le député,
vous n'aviez plus la parole, je m'excuse, le ministre l'avait. M. le
ministre.
M. Bérubé: Exactement.
M. Ciaccia: Excusez-moi, M. le Président.
M. Bérubé: Eh voilà: M. le Président,
le chat est sorti du sac. Le député de Mont-Royal a enfin
expliqué que le sens de sa question était uniquement, au lieu de
faire un travail sérieux sur le programme de l'équipement, pour
tenter d'essayer de nous passer trente secondes ou cinq minutes de politique
préélectorale.
Une voix: C'est cela.
M. Bérubé: II faut bien qu'il le fasse, mais je
vais lui répondre. Premièrement, l'amélioration des
appareils de chauffage pour lesquels il y a un recouvrement de moins de trois
ans, il est inclus dans notre programme. En ce cas-là, vous auriez
dû dire $1,220,000,000 plutôt que $1 milliard. Oui, effectivement,
on n'a pas l'habitude du gonflement libéral classique et on a dit en
gros $1 milliard, c'est $1,200,000,000. Je m'excuse, M. le député
de Mont-Royal, j'aurais dû faire une promesse en gonflant, un peu comme
M. Bourassa faisait ses promesses. Il promettait 100,000 emplois et il en
créait 45,000. C'est à peu près ce que j'aurais dû
faire. C'est seulement une petite erreur de calcul.
Effectivement, le programme que nous avons mis sur pied a comme objectif
de permettre l'autofinancement de tous les programmes d'économie
d'énergie qui se justifient, si on est capable de
récupérer son argent en dedans de cinq ans, capital et
intérêt. Voilà le sens du programme gouvernemental.
À ce moment-là, vous avez effectivement ce qui est inclus
là-dedans, $1,013,000,000 pour des mesures d'économie
d'énergie récupérables sur cinq ans et moins et vous avez
éqalement des mesures concernant les appareils de chauffage qui
représentent des investissements de l'ordre de $220,000,000, soit en
général du "rétro fitting" des fournaises à
l'huile, par exemple, des choses comme cela, ce qui effectivement permettrait
aussi d'aller chercher plus d'économies d'énergie et c'est
également inclus dans le programme.
Vous me demandez: Pourquoi n'avez-
vous pas cherché... J'avoue que j'aurais dû prendre mon
calculateur à nouveau et aller plus loin que cela...
M. Ciaccia: Ce n'est pas le même programme
qu'Hydro-Québec a annoncé.
M. Bérubé: ... et inclure l'amélioration des
appareils de chauffage, parce que, là, ce serait encore plus de 71% que
j'aurais découvert. Mais, en fait, vous persistez à vouloir faire
de la politique et je pense que c'est une erreur à cette commission-ci.
Nous ne sommes pas ici pour faire de la politique, nous sommes ici pour essayer
d'avoir une idée du plan d'équipement d'Hydro-Québec. Nous
sommes ici pour écouter des intervenants qui veulent nous dire ce qu'ils
pensent du plan d'équipement d'Hydro-Québec, et, la Chambre de
commerce du district de Montréal nous a présenté un
excellent mémoire. Pourquoi ne dirigez-vous pas vos questions vers la
Chambre de commerce qui a un excellent mémoire, qui a des choses
à vous enseigner, plutôt que de vous amuser à faire de la
politique à partir d'un mémoire que j'ai eu le plaisir de vous
donner hier, et je ne pensais pas que vous essaieriez de l'utiliser aujourd'hui
pour faire de la vulgaire petite politique?
M. Ciaccia: M. le Président, article 96.
Le Président (M. Jolivet): Je m'excuse. Je ne voudrais pas
ouvrir un dialogue de gauche à droite, parce que vous savez très
bien - M. le député! - que le principe même de cette
commission est plutôt d'ici vers l'avant de nous de façon à
pouvoir répondre. La parole devait être donnée au
député de Mont-Royal, en vertu de l'article 96, mais en
espérant que ce serait bien en vertu de l'article 96.
M. Ciaccia: Très brièvement, M. le
Président. Ce n'est pas pour abuser de mon droit de parole, mais on m'a
accusé d'avoir soulevé cette question pour des fins politiques.
C'est absolument faux. J'ai soulevé la question, premièrement,
pour poser la question à M. Lortie et, deuxièmement, pour obtenir
des éclaircissements que je n'ai pas obtenus du ministre qui vient de
changer en cours de route le programme qui a été annoncé
par Hydro-Québec et qui a été annoncé par son
premier ministre. Je voudrais retourner, si vous me permettez, M. le
Président, à M. Lortie pour répondre...
Le Président (M. Jolivet): Je pense que M. Earle avait
déjà préparé la réponse à votre
première question.
M. Ciaccia: Ou M. Earle, très bien.
M. Earle: Oui. Merci, M. le Président.
On ne veut pas entrer dans le débat entre les deux
députés, le ministre et le député, mais je pense
qu'on peut souligner quelques points de notre politique qui ont une valeur. Le
premier point, c'est que l'énergie n'est pas une chose mauvaise.
L'énergie est à la base totale de notre qualité de vie,
ici dans la province de Québec. C'est une bonne chose. La seule chose
qu'on veut faire, c'est d'éviter le gaspillage d'énergie,
d'éviter des procédés qui ne sont pas efficaces dans
l'électricité. Je suis le représentant d'une
société nommée Dominion Textile, que chez nous, nous avons
commencé, il y a cinq ans, un programme pour éviter le
gaspillage. Maintenant, on est rendu à 29%, mais on a encore à
peu près le même montant d'énergie parce que nous avons
augmenté notre production de 25% au cours de ces années. On
arrive à peu près au même point. Dans notre mémoire
à M. Lalonde du gouvernement fédéral, il y a trois
semaines ou deux semaines et demie, nous avons souligné le même
genre de point et un des points qu'on a mis sur la table - et je pense qu'on
doit le souligner ici - c'est la différence entre le chauffage
électrique de maison et le chauffage d'une maison ou d'un édifice
avec pompe à chaleur. Un système nous donne une unité
d'énergie pour une unité d'électricité et l'autre
système nous en donne trois. Nous nous demandons pourquoi le
qouvernement fédéral et le gouvernement provincial ne poussent
pas sur cela, parce qu'on va épargner beaucoup d'énergie à
long terme avec un système semblable.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Châteauguay, le dernier intervenant de cette commission sur ce sujet.
M. Dussault: Merci, M. le Président. Je voudrais d'abord
féliciter la Chambre de commerce, le Board of Trade of Montreal, pour
l'excellence de son mémoire. C'est sans doute un contenu qui va
être utile pour la réflexion présente et future sur les
questions énergétiques.
Vous avez - et je voudrais revenir sur une question qu'on a
abordée tout à l'heure -abordé dans votre mémoire
la question du potentiel des petites rivières, sur lequel vous avez mis
un accent important. Vous avez mis aussi un accent important sur la question de
l'exportation. Les deux questions sont même reliées. Vous dites
à la page 17: "Privilégier des technologies d'application
mondiale." Effectivement, pour en arriver à cet objectif d'exportation -
et, à la page 18, au chapitre de l'exploitation du potentiel des petites
rivières, vous parlez d'un important volet d'exploitation du potentiel
hydroélectrique des petites rivières. Un peu plus loin, vous
dites: "Ce virage est fort intéressant car de nombreux pays
procèdent ou vont procéder à un nouvel inventaire de leurs
ressources
hydrauliques afin de prendre en compte le potentiel de leurs petites
rivières."
Je voudrais dire d'abord que sur le plan recherche, quant à la
technologie nouvelle pour l'exploitation des petites rivières, on ne
part pas à zéro; c'est même une technologie
éprouvée en France, particulièrement sur la Rance et sur
le Rhône. On connaît aussi les inventaires qui ont
été faits relativement au potentiel hydroélectrique des
petites rivières ailleurs. M. Laplante et moi qui, il y a quelques mois,
faisions la promotion de la mise en place d'un plan d'équipement dans la
région de Montréal, qu'on appelle maintenant le projet Archipel,
dans un mémoire qu'on avait soumis au ministre concerné,
déclarions qu'aux États-Unis il y avait un potentiel de 113,000
MW qu'on pouvait utiliser, qu'on pouvait exploiter, donc, une technologie qui
devrait venir de quelque part devrait couvrir ces besoins. Je pense qu'on peut
dire aussi que, si on peut arriver à s'imposer relativement tôt
dans le temps, ce serait intéressant pour nous aussi parce qu'on en
arriverait à créer énormément d'emplois, ce que
tout le monde recherche, je pense.
Hydro-Québec nous disait, dans son exposé relativement aux
petites rivières, qu'elle avait envisagé deux scénarios:
un scénario A et un scénario B. On dit retenir le scénario
B qui, à toutes fins utiles, vise à exploiter l'équivalent
de 1000 MW, alors que dans le scénario A il serait question de 2000 MW.
Ce qu'Hydro-Québec nous faisait savoir, c'est qu'elle avait un programme
de recherche, d'étude et de développement. Dans son programme de
développement, en fonction des 1000 MW, on parle de trois projets
pilotes d'ici 1990. Or, j'ai trois questions, en fait, une question à
trois volets à vous poser. D'abord, vous parlez d'un virage fort
intéressant, mais considérez-vous que c'est un virage suffisant?
Je pense que c'est une nuance extrêmement importante.
Deuxièmement, je voudrais savoir si vous inciteriez
Hydro-Québec à faire plus, peut-être, au minimum, à
passer du côté de leur scénario A plutôt que de leur
scénario B, où il serait question de 2000 mégawatts. Et
toujours dans ce deuxième volet, ne pensez-vous pas que mettre l'accent
sur cette nouvelle technologie des petites rivières, c'est en même
temps, en passant, accrocher Archipel qui, à toutes fins utiles, est un
projet qui utiliserait ce type de technologie? Est-ce qu'il n'y aurait pas lieu
de parler d'un devancement, qu'on a évoqué
régulièrement pendant nos travaux, qui passerait par plus de
projets du côté des petites rivières, peut-être plus
de projets pilotes, s'il est toujours question de projets pilotes? Est-ce qu'il
n'y aurait pas lieu de devancer, de faire davantage d'efforts du
côté d'Archipel, puisque cela créerait des milliers et des
milliers d'emplois dans la région de Montréal, à
brève échéance?
Et troisième question, je ne suis pas satisfait de votre
réponse à la question du ministre tout à l'heure.
Puisqu'il y a un potentiel hydroélectrique - vous faites valoir qu'il
est considérable - vous êtes d'accord sur le plan
d'Hydro-Québec, vous êtes d'accord avec un virage du
côté des petites rivières, donc, vous donnez un accord
très fort au plan d'Hydro-Québec. Si, effectivement, il existe,
ce potentiel hydroélectrique, et s'il peut satisfaire - si on y met les
accents qu'il faut - nos besoins, est-ce que vous ne pensez pas que le
nucléaire - cela rejoint la question que le ministre vous posait - type
fission, peut être retardé encore un bon bout de temps?
Et pour relier tout cela à la question d'importation, parce que
vous la faisiez valoir d'une façon importante, ne pensez-vous pas que du
côté du nucléaire, exportation ne veut pas dire grand-chose
pour nous puisque, du côté CANDU - ce que connaît
très bien le député d'Outremont - on sait maintenant que
cela ne se vend pas à travers le monde? C'est vraiment limité, le
marché, de ce côté-là. On sait que les autres
méthodes d'utilisation du nucléaire de type fission ont vraiment
couvert tout le marché à travers le monde et elles ont une
renommée énormément plus grande que CANDU. CANDU, cela ne
marche pas à travers le monde. Du côté exportation, ce
n'est sans doute pas là qu'on va véritablement faire des
miracles. J'en conclus que votre accent exportation se met sur autre chose que
sur le nucléaire.
Il y a un secteur témoin sur lequel tout le monde s'entend, du
côté nucléaire. Ce n'est pas remis en question. Mais ne
pensez-vous pas que, de ce côté-là, il n'y a rien à
faire et que c'est encore du côté du potentiel
hydroélectrique que les accents devront être mis et que
peut-être les petites rivières, technologies nouvelles dans ce
sens-là, c'est une formule d'avenir? Ce sont les trois volets de ma
question.
Le Président (M. Jolivet): M. Lortie.
M. Lortie: Je pensais qu'il y avait cinq ou six volets.
M. Dussault: II y en aurait d'autres, mais le temps manque.
M. Fortier: Heureusement que le sous-ministre lui donne des
questions. Mais ce n'est pas grave.
Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît, M. le
député.
M. Lortie: Il y a quelques points que j'aimerais
éclaircir. Le premier, c'est qu'au Board of Trade comme à la
Chambre de commerce, il y a une série d'entreprises qui
sont elles-mêmes impliquées dans le secteur
énergétique. Beaucoup sont venues devant vous hier. D'autres
viendront au cours des prochains jours.
Ce qui nous a paru le plus sage de faire, c'est de voir comment, nous,
on pourrait venir porter un message, avec leur collaboration, dans l'"input" de
ce que cela pourrait être, qui serait différent des questions
strictes des prévisions d'énergie ou de consommation
d'énergie, par exemple, des substitutions, etc.
Donc, notre mémoire, pour les raisons qu'on a expliquées
là-dedans, disait: Sur la question de l'adéquation du plan
d'Hydro, comme tel, pour les besoins québécois, on le prend comme
il est. A partir de ce qu'il est, qu'est-ce qu'on peut faire? Dans le plan
comme il est, il y a des petites rivières. Dans le plan comme il est, il
y a certaines technologies qui peuvent être utilisées. D'ailleurs,
à Montréal, on a annoncé dernièrement un
investissement manufacturier important pour la construction de turbines STRAFLO
- qui sont différentes des françaises, qui sont les turbines II -
qui a été amené par un projet des utilités
publiques au Canada, afin d'essayer de développer ou de voir si cette
technologie s'appliquerait chez nous. C'est un investissement de $20,000,000
qui va servir le marché canadien et même plus que le marché
canadien.
Donc, ce que les gens voient comme potentiel semble, à
première vue, suffisant pour générer le type
d'investissements dont on a besoin au niveau manufacturier. Le point qu'on
souligne, c'est que posséder la technologie, ce n'est pas tout, il faut
savoir la gérer, il faut savoir la mettre en place, il faut savoir la
vendre aussi. Par conséquent, dans la mesure où
Hydro-Québec fait des petites rivières, sa façon
d'approvisionner ou d'acheter, dans le fond, différents services qu'il y
a là devrait être conforme à la façon dont le
marché international sera structuré de façon que les
groupes québécois qui ont pris l'expertise chez nous puissent
l'exporter à l'étranger.
Donc, ce n'est pas juste la question de savoir si on a telle
technologie, parce qu'avoir telle technologie, ce n'est pas tout. C'est comme
avoir un brevet, cela ne vous rend pas riche. Ce qui est important dans le fait
d'avoir un brevet, c'est d'avoir des entreprises qui le vendent et font de
l'argent sur la production, ce n'est pas d'avoir le brevet. C'est la même
chose là-dedans, c'est d'avoir des entreprises qui sont
structurées, qui ont l'expérience nécessaire pour
être capables de la mettre en oeuvre.
Dans le plan d'Hydro-Québec il nous paraissait, que ce soit le a,
le b ou le c, qu'il y avait suffisamment de potentiel, et, dans la mesure
où on le ferait, on devrait le faire en adoptant un comportement qui
ferait en sorte que les retombées dynamiques soient
maximisées.
Premier point, on a pris le plan d'Hydro-Québec comme il
était, on a dit: À partir de ces choix, qu'est-ce qu'on peut
faire? Ou quel genre de comportement, quel genre de règles de
décision Hydro-Québec pourrait-elle avoir pour maximiser les
retombées dynamiques? On ne s'est pas préoccupé de savoir
si c'était Archipel ou un autre projet. C'est un tout autre
problème.
Deuxièmement, est-ce qu'on fait les petites rivières ou
les autres, des turbines à gaz et tout le bazar? D'après ce qu'on
comprend, c'est que 20% de la puissance est requise pour 1% du temps dans
l'année. Par conséquent, en termes de gestion - il y a
différents modes de production d'électricité -on cherche
des installations ou des modes de production d'électricité qui
vont coûter le moins cher possible par kilowatt. Cela nous amène
à tous les plans de turbines à gaz, réserves
pompées, petites rivières, etc.
Donc, cela se traduit, d'après ce qu'on peut comprendre, dans une
façon d'organiser notre série d'investissements pour
répondre à la configuration de la demande. Je pense que c'est
sage. Il s'agit de voir là-dedans, comme on n'est pas seul à
avoir ce problème, comment on peut, dans le fond, gagner des
expériences qui vont être profitables ailleurs.
Le troisième point, vous dites: Est-ce que le potentiel est
grand? Je pense que nous avons dit: C'est un virage intéressant en ce
sens qu'on n'en a pas fait vraiment au Québec de cette exploitation de
petites rivières; dans une foule de pays, c'est ce qu'on regarde. Aux
États-Unis on le regarde, mais dans les pays en voie de
développement, ce qui est important de remarquer, c'est que le "grid"
n'est pas suffisant pour supporter des grosses installations. Par
conséquent, ce genre de projet est important, c'est celui qui est le
plus apte à répondre à leurs demandes. Ce sont des pays
où, dans le fond, on va exporter presque clé en main. Donc, ce
sont nos marchés d'exportation potentiels.
Votre quatrième point, vous dites: Est-ce que, si on s'embarque
là-dedans, cela veut dire que le nucléaire tombe? Il est assez
clair dans le plan d'Hydro-Québec que, si on regarde en termes de
besoins, on aura, à coûts égaux, recours à d'autres
sources de production d'énergie, des sources classiques, thermigues
classiques ou nucléaires. Toutes les études qu'on a vues montrent
que, dans une centrale nucléaire de base, le mill coûte moins cher
que celui d'une centrale de charbon. D'ailleurs, le problème
d'Hydro-Québec sur l'approvisionnement du charbon n'est pas
réglé non plus. (12 h 15)
Si on regarde les coûts, le nucléaire sort comme un moyen
de production, pas une fin en soi, qui est avantageux par rapport à
d'autres projets. La question, c'est de savoir: les autres projets
hydroélectriques possibles, notre autre bassin à l'autre bout,
où le coût marginal pour nous, compte tenu de nos autres choix,
est supérieur, ne se justifie pas, sur une base de coût, est-ce
que sur certains marchés d'exportation, compte tenu de conditions
différentes, il y a une fenêtre où on pourrait faire
financer pour une période importante ou pour une portion importante, les
installations dont on aurait besoin plus tard? Il est clair dans notre esprit
que vous ne pouvez pas vendre à d'autres gens, si vous n'avez pas dans
l'idée que peut-être il y a un marché à faire. Tant
et aussi longtemps qu'au Québec, on ne dira pas: Oui, peut-être
que cela vaut la peine de le regarder, que dans le fond, si on avait un bon
"deal", on serait prêt à y aller, c'est clair que de l'autre
côté de la clôture, de l'autre côté de la
frontière, les gens ne sont pas près d'en acheter sur un
programme d'exportation. Pour être capable de le regarder, pour
être capable de voir les contraintes, pour être capable de faire
les calculs, il faut être sérieux dans des discussions, il faut
avoir la volonté au moins d'engager des discussions. C'est un des volets
qui manquent, qui est ce qu'on dit, à savoir qu'on devrait y songer
sérieusement, on devrait regarder cela et dire: Est-ce que dans le fond,
il y a un bon "deal" à faire là-dedans? Si oui, dans quels termes
cela se passe-t-il? Il faut au moins indiquer qu'on peut être vendeur si
on veut que cela se passe. Une fois qu'on fait cela, qu'est-ce que cela veut
dire?
Peut-être qu'on n'est pas tellement brillant, mais il y a un
monsieur Robert Boyd, qui est invité au déjeuner causerie de la
chambre, qui parlait du problème de Brinco, le problème de
Churchill Falls. Il disait: Les centrales dont le coût de production est
plus élevé que celui de la centrale de Churchill Falls ont
été construites après cette dernière. En raison de
l'achat de l'électricité de Churchill Falls, on a dû
suspendre en 1968 les travaux à Outarde 2 pour les reprendre en 1974,
faisant ainsi grimper le coût du projet de $70, selon l'estimation
initiale, à $310 millions, coût final de réalisation. Pour
la même raison, la mise en chantier de Manic 3 a été
retardée de quelques années avec une augmentation importante du
coût du projet. En plus, si nous n'avions pas signé en 1966 le
protocole d'entente avec Churchill Falls, la Baie James aurait
été développée plus tôt avant la
période inflationniste de 1973 et suivante, et nous aurait
coûté près de $8 milliards de moins. Donc, parce que nous
avons retardé l'aménagement de nos rivières pour acheter
l'électricité de Churchill Falls, il nous a fallu supporter des
accroissements de coût considérables.
Je vous dis que si c'est vrai dans le cas d'Hydro-Québec
vis-à-vis de Churchill Falls, il y a de bonnes raisons de croire que
cela peut être aussi vrai en termes de nos propres projets par rapport
à d'autres dans le temps. C'est cet élément, c'est cette
dimension qu'il faut regarder.
Ceux qui veulent la référence, il s'agit de la
conférence de M. Robert Boyd à la Chambre de commerce du district
de Montréal, le 18 novembre 1980. Je ne sais pas si cela répond
à votre question.
M. Dussault: M. le Président, pour conclure, si vous
permettez...
Le Président (M. Jolivet): Je m'excuse, M. le
député, s'il vous plaît! J'ai été très
large, et même d'un trop grand laxisme.
M. Dussault: D'accord. En fait, l'exposé que vient de
faire M. Lortie amènerait énormément de sous-questions. On
pourrait faire un long débat. Je ne voulais que terminer en disant qu'il
faudrait faire attention pour qu'on ne s'embourbe pas avec des centrales
nucléaires ici, alors qu'on éviterait aux Américains de
devoir s'en aller sur leur propre territoire, sous prétexte qu'on
pourrait vendre l'électricité. C'est là-dessus qu'on
aurait pu discuter longtemps. Merci, M. Lortie.
Le Président (M. Jolivet): Merci, messieurs. Au nom des
membres... Oui, M. Lortie.
M. Lortie: Est-ce que je pourrais faire une demande à
cette commission? Que notre mémoire au complet soit annexé au
journal des Débats?
Le Président (M. Jolivet): Je vous permets de faire la
demande, mais je ne vous l'accorderai pas, parce que le mémoire est
déjà à la bibliothèque nationale. En
conséquence, on nous a - c'est une décision de la
présidence - demandé que les mémoires qui étaient
lus puissent faire partie du journal des Débats. Quant aux autres, ils
sont disponibles à la bibliothèque nationale, toute personne qui
voudrait en prendre connaissance peut les avoir en ce lieu.
Merci, au nom des membres de la commission. Comme je venais de le dire
il y a quelques minutes, j'ai peut-être été très
large ce matin, peut-être un peu trop, mais je pense que les membres de
la commission aussi bien que d'autres devront se discipliner et pour les
fonctions - éviter de faire de longs discours - et pour les
réponses s'il vous plaît.
L'Ordre des ingénieurs du Québec, représenté
par M. Pierre Delisle, est demandé à l'avant.
M. Perron: M. le Président.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Duplessis.
M. Perron: Je voudrais vous demander une directive. Au
sixième point, vous avez la Corporation de développement
économique de la région de Port-Cartier. Est-ce que cela prend
l'accord de la commission pour présenter ce mémoire un peu plus
tôt? Parce que les gens doivent retourner par avion, ce soir, à 22
h 45. Selon l'ordre du jour, il est possible que ce mémoire soit
même repoussé jusqu'à demain.
Le Président (M. Jolivet): Non seulement cela prend
l'accord des membres de la commission, mais aussi des autres intervenants parce
qu'il faut considérer qu'il y a peut-être d'autres personnes qui
ont d'autres engagements. Comme ils ont été convoqués en
sachant que nous siégeons de 10 heures à minuit, je ne peux le
faire de votre chef de membre de commission, sans l'accord des autres groupes
qui doivent être représentés. Donc, ce que je pourrais
suggérer aux gens de la Corporation de développement
économique de la région de Port-Cartier, c'est d'aller rencontrer
M. Carol Wagner de l'Association des constructeurs de routes et grands travaux
du Québec, M. Jean-Marc Lagacé de l'Association des
ingénieurs-conseils du Québec et M. André Girard, maire de
la paroisse de Saint-Raymond, et obtenir leur accord avant de pouvoir
l'accepter en commission.
M. Delisle, pouvez-vous nous présenter votre collègue?
L'Ordre des ingénieurs du Québec
M. Delisle (Pierre): Merci, M. le Président. Je suis
accompagné de M. Jean-Paul Dagenais, conseiller aux affaires publiques
à l'Ordre des ingénieurs, qui a été
mêlé de très près à la préparation
à la fois de ce mémoire et du mémoire de l'an dernier,
auquel nous faisons référence dans notre texte.
En janvier 1980, l'Ordre des ingénieurs du Québec
présentait un mémoire au ministre de l'Énergie et des
Ressources, M. Yves Bérubé, exposant les vues de notre groupe
professionnel sur la politique du gouvernement en matière
d'énergie, dont les détails avaient été
énoncés au livre blanc du gouvernement intitulé Assurer
l'avenir.
Nous émettions alors l'opinion que, dans ce domaine, le grand
défi à relever était "de faire travailler les divers
agents économiques vers un objectif commun", sans parti pris
irrémédiable et dans le meilleur intérêt à
long terme de la population.
Nous soulignions alors que "la proposition du livre blanc de convoquer
des commissions parlementaires périodiquement, où les
Québécois seraient appelés à exprimer leurs
opinions et leurs propositions sur la question énergétique, ne
sera utile que si les autorités concernées démontrent le
sens politique, la vision et l'ouverture d'esprit nécessaires pour
orienter ces échanges de vues dans une voie constructive et
réaliste afin d'en tirer les conclusions les plus susceptibles de servir
l'intérêt commun."
La présente commission parlementaire sur l'avenir de
l'électricité dans le contexte énergétique
québécois répond à nos attentes, puisqu'elle permet
aux divers intervenants d'exprimer une opinion sur un document bien explicite
d'Hydro-Québec, exposant la stratégie qu'entend adopter cette
société d'État au cours de la décennie
quatre-vingt, avec quelques projections jusqu'en 1996.
Les propositions mises de l'avant dans cet exposé nous font
prendre conscience de l'importance de nos ressources hydroélectriques,
mais également de leurs limites; de notre dépendance de
l'extérieur pour presque toutes les autres formes d'énergie; des
limitations des énergies douces dont certains s'emploient à
surévaluer l'importance relative; de l'urgence de favoriser les
économies d'énergie par tous les moyens; de la largeur d'esprit
dont nous devons faire montre pour préparer l'ère
posthydrauligue; finalement, de l'immensité des sommes d'argent requises
pour développer nos richesses énergétiques et
procéder aux recherches appliquées nécessaires à la
mise au point des sources d'énergie du futur.
Nous sommes donc heureux de collaborer avec les autorités
gouvernementales dans la mesure de nos moyens et de vous présenter les
remarques que nous jugeons appropriées et que nous avons voulu aussi
constructives et aussi succinctes que possible.
Importance et limites de nos ressources hydroélectriques. II faut
espérer que le document d'Hydro-Québec fera réaliser
à la population que notre seule source massive d'énergie est
l'hydroélectricité et que, d'ici une quinzaine d'années,
cette ressource, toute importante qu'elle soit, ne sera plus suffisante pour
répondre à nos besoins d'électricité.
Les ressources hydroélectriques qui n'auront pas
été exploitées en 1996 seront ou des petites
rivières dont le potentiel, sans être négligeable, ne
saurait être considéré comme très important -
d'ailleurs, Hydro-Québec évalue ce potentiel aménageable
à environ 5000 mégawatts répartis sur 305 sites
différents, ces 5000 mégawatts représentant environ 10% du
total installé en 1996 - ou, d'autre part, des sites d'un potentiel de
plus de 100 mégawatts chacun, mais qui, pour des raisons d'ordre
technique, environnemental, politique, légal, social ou
économique, seront difficilement aménageables.
Hydro-Québec estime, en
effet, que l'exploitation de certains de ces sites pourrait coûter
jusqu'à quatre fois plus cher que la construction d'une centrale
nucléaire d'une puissance équivalente.
Puisque, par ailleurs, et comme l'affirme le document
d'Hydro-Québec, "les décisions qui assureront la
disponibilité de l'énergie électrique dans dix ou
même quinze ans doivent être prises ou préparées
dès aujourd'hui," il faut dès maintenant songer aux projets qui
devront être mis en service à compter de 1996.
Le document dont nous analysons les mérites aujourd'hui
répond aux questions de la population pour ce qui est des quinze
prochaines années. Malheureusement, il propose peu de solutions
concrètes pour les années suivantes qui, de toute
évidence, seront critiques pour le Québec.
La période posthydraulique. Il est évident que la
situation peut changer quant à l'opportunité de procéder
à l'aménagement de certains sites dont le coût est
aujourd'hui considéré comme excessif ou qui, dans le
présent contexte, est jugé impossible pour diverses raisons.
Il n'en demeure pas moins que nous en serons alors aux derniers
mégawatts de puissance et qu'au taux prévisible de croissance de
la demande, le potentiel hydroélectrique résiduel pourra tout au
plus reporter l'échéance de quelques années.
Il est donc important que l'on commence dès maintenant à
planifier pour après 1996. Et à la lecture du document
d'Hydro-Québec, on a nettement l'impression qu'il y a hésitation
à aborder ce sujet.
Il est vrai que selon les termes mêmes de son mandat,
Hydro-Québec est chargée de prévoir "les besoins du
Québec en énergie et les moyens de les satisfaire, dans le cadre
des politiques énergétiques que le lieutenant-gouverneur en
conseil peut par ailleurs établir".
Or, le gouvernement, en publiant son livre blanc sur l'énergie et
en décrétant un moratoire sur l'utilisation de la fission
nucléaire, a effectivement limité la marge de manoeuvre de la
société d'État. Nous reviendrons, pour notre part, sur
deux points capitaux de notre mémoire de l'an dernier.
Premièrement, le gaz naturel. Le livre blanc du gouvernement
proposait de faire passer la part du gaz naturel canadien, dans le bilan
énergétique québécois, de 6% à 12% entre
1976 et l'an 2000.
Hydro-Québec suggère, pour sa part, que ces 12% soient
atteints dès 1996, ce qui n'est guère plus ambitieux. Et dans
l'hypothèse de ce que le document considère comme une "forte
pénétration du gaz", le pourcentage additionnel du bilan
énergétique qui passerait de l'énergie au gaz en 1996 ne
serait que d'environ 2,6%.
Lorsqu'on considère qu'en 1975 le gaz naturel occupait 30% du
marché énergétique de la province d'Ontario, 24,5% de
celui de l'ensemble du Canada et 28,3% de celui des États-Unis, les
objectifs du Québec en ce domaine nous paraissent nettement
insuffisants.
Si, en 1996, le gaz naturel devait satisfaire 25% de la demande
énergétique du Québec, et si, par hypothèse, la
totalité de cet accroissement devait être réalisée
au détriment de l'électricité, la demande pour cette
dernière forme d'énergie serait alors théoriquement
réduite de 65,5 milliards de kWh, soit de près de 30% du total
des ventes prévu pour 1996.
Évidemment, tel ne sera pas le cas. Il n'en demeure pas moins que
nos investissements dans le secteur hydroélectrique seraient ralentis
puisque, plutôt que de passer de 9 milliards de kWh en 1981 à 222
milliards de kWh en 1996, la demande d'électricité en 1996
pourrait, théoriquement, je dis bien, se situer aux environs de 160
milliards de kWh ou du moins entre ce chiffre et les 222 milliards
estimés.
Ainsi, certains aménagements que nous prévoyons
compléter pour 1996 pourraient être alors reportés
jusqu'après l'an 2000.
Si, par ailleurs, nous choisissions de maintenir le même niveau
d'investissement dans le secteur hydroélectrique, nous disposerions
alors de vastes surplus qui pourraient favoriser un développement
industriel accéléré ou qui pourraient être vendus
aux réseaux limitrophes à des taux sans doute avantageux, alors
que nos voisins sont, pour la plupart, à court de ressources
hydrauliques.
L'utilisation accrue du gaz naturel pour le chauffage domestique,
industriel et commercial serait particulièrement avantageuse, comme l'a
d'ailleurs souligné à diverses reprises, le ministre, M.
Bérubé. En effet, l'électricité, qu'au
Québec on semble vouloir favoriser pour cet usage, pourrait alors
être utilisée à des fins dont les retombées seraient
nettement plus avantageuses. (12 h 30)
La fission nucléaire. Par suite de la publication de notre
mémoire sur l'énergie en 1980, les mass media ont surtout fait
état de ce qu'ils ont considéré comme un appui
inconditionnel à l'option nucléaire, appui que d'aucuns ont
qualifié d'intéressé. On a alors oublié plusieurs
choses et d'abord que notre mémoire traitait de l'ensemble de la
question énergétique et non seulement de l'option
nucléaire.
En nous accusant alors d'avoir agi par intérêt pour la
profession, on a de plus oublié qu'on trouve des ingénieurs non
seulement dans le secteur nucléaire, mais également dans tous les
autres domaines touchant l'énergie et qu'on ne saurait dire quel est
celui qui présente le plus d'intérêt pour notre
profession.
On a surtout oublié de faire état des nuances qui
qualifiaient notre expression d'opinion. On nous a représenté
comme des partisans aveugles de l'énergie nucléaire alors que
nous avons tout simplement souligné que, selon nous, il faudrait
tôt ou tard recourir à cette forme d'énergie et que,
précisément parce que certaines questions restent encore à
résoudre, mieux valait s'y attaquer franchement et tenter, alors qu'il
en est encore temps, d'en amoindrir les inconvénients. Nous
étions alors d'avis et nous croyons encore que la décision du
gouvernement d'imposer un moratoire sur le sujet ne peut être que
nuisible.
Nous regrettons surtout que le moratoire empêche qu'une discussion
publique ouverte et éclairée ait lieu sur le sujet. Et si nous
avions souhaité en faire la preuve, nous n'aurions pu mieux le faire que
de citer en exemple le document d'Hydro-Québec dont il est question
aujourd'hui.
En effet, Hydro-Québec semble aborder ce sujet avec beaucoup de
réserve et en prenant bien des précautions pour nuancer ses
déclarations. Il faut comprendre, comme nous l'avons dit plus haut,
qu'Hydro-Québec se doit de tenir compte des politiques
énergétiques établies par le gouvernement, ce qui
forcément limite sa liberté d'action.
Pour notre part, nous maintenons les propositions que nous avons
formulées dans notre mémoire et nous recommandons qu'une
commission spéciale soit formée aussitôt que possible pour
établir les bases de la politique québécoise sur
l'utilisation de l'énergie nucléaire, après consultation
de la population.
Nous sommes d'accord avec les conclusions du document
d'Hydro-Québec qui affirme qu'à moins de percées
technologiques spectaculaires et inattendues aucune nouvelle forme
d'énergie ne sera économiquement exploitable à temps pour
prendre la relève de l'hydroélectricité. Il faudra
vraisemblablement recourir à des centrales thermiques ou
nucléaires.
Mais, contrairement à ce document, nous croyons que c'est
dès maintenant qu'il faut s'attaquer au problème et non pas dans
un avenir plus ou moins éloigné.
Il nous apparaît enfin important de continuer nos travaux de
recherche dans ce domaine, de façon à poursuivre le
développement de notre technologie. Il n'est pas souhaitable que le
Québec se place dans une situation où il devra importer la
technologie requise, lorsque les besoins s'en feront sentir et nous sommes
persuadés que ce n'est pas en gardant tabou le sujet de l'énergie
nucléaire que nous arriverons à éliminer une telle
éventualité.
Les énergies nouvelles et redécouvertes. Dans le livre
blanc du gouvernement, on prévoyait que les énergies nouvelles ou
redécouvertes, que certains ont qualifiées tout récemment
d'énergies fluides, occuperaient 5% du bilan énergétique
québécois en l'an 2000.
Hydro-Québec, pour sa part, ne fait aucune prédiction
à ce sujet et, dans son graphique de la page 25 sur les diverses formes
d'énergie utilisées en 1996, les énergies nouvelles sont
intégrées au secteur électricité.
Toujours selon Hydro-Québec, les sources d'énergies
nouvelles locales les plus intéressantes sont la biomasse,
l'énergie solaire, l'énergie éolienne et la fusion
thermonucléaire.
Les trois premières formes d'énergie offrent des
possibilités, mais ne peuvent guère être
considérées comme des sources massives d'énergie
susceptibles, dans un avenir prévisible, de prendre la relève
lorsque les formes conventionnelles d'énergie auront été
épuisées.
Il est de toute première importance que la population
réalise pleinement ce fait. Certains groupements s'emploient à
berner les gens à ce sujet et les autorités n'insisteront jamais
assez sur les limites de ces formes d'énergie et sur l'obligation dans
laquelle nous nous trouvons de faire porter le gros de nos efforts dans
d'autres domaines plus susceptibles de répondre à nos
besoins.
La fusion thermonucléaire est précisément une de
ces formes d'énergie offrant de grandes possibilités et, tout
récemment, nous avons été heureux de constater que le
projet Tokamak prévu pour Varennes ira de l'avant, nous permettant de
garder notre place dans le groupe des nations à l'avant-garde dans ce
domaine de la recherche.
Quant à l'hydrogène, on ne saurait, à proprement
parler, le considérer comme une énergie nouvelle, puisqu'il
s'agit plutôt d'un procédé de stockage utilisant
l'hydrogène comme porteur. Nous avons cependant été
heureux qu'Hydro-Québec ait tenu à signaler son projet de
construction d'une usine expérimentale de production d'hydrogène
liquide, en collaboration avec le groupe Noranda.
Dans un récent communiqué, le comité de promotion
économique de Montréal suggérait que la région de
Montréal possédait tous les atouts pour devenir un centre mondial
de l'industrie de l'hydrogène. Il était alors signalé que
dans ce domaine, le groupe Noranda était à l'avant-garde au
niveau international. Il est donc intéressant de constater
qu'Hydro-Québec entend conjuguer ses efforts avec Noranda pour
poursuivre les recherches sur l'hydrogène liquide.
Les économies d'énergie. Dès l'avant-propos du
document de présentation de sa stratégie pour la décennie
1980, HydroQuébec signale que les effets des mesures d'économie
d'énergie tardent malheureusement à se faire sentir au
Québec.
Comme nous le mentionnions dans notre mémoire, le succès
des campagnes d'information sur les économies d'énergie sera
fonction essentiellement du niveau de perception que la population aura de la
gravité de la crise d'énergie.
Le gouvernement peut contribuer, par contre, de trois façons
principales à améliorer cette situation. Premièrement, en
prenant des mesures législatives susceptibles de favoriser les
économies d'énergie; deuxièmement, en ne manquant aucune
occasion pour signaler l'importance de la question et le sérieux de la
situation et troisièmement, en prêchant par l'exemple.
La formation du Bureau des économies d'énergie au
ministère de l'Énergie et des Ressources, la mise sur pied de
Nouveler dans l'un des mandats est d'assurer la promotion de
l'efficacité énergétique, les intentions
d'Hydro-Québec annoncées par M. Joseph Bourbeau, président
du conseil d'administration, de lancer un programme destiné à
stimuler les économies d'énergie, l'adoption de la loi 9 sur
l'économie de l'énergie dans le bâtiment dont l'application
a d'ailleurs été confiée au ministre du Travail et de la
Main-d'Oeuvre sont d'autant de mesures positives.
On est cependant en droit de se demander si la multiplicité des
organismes impliqués et l'absence d'une autorité unique en ce
domaine n'aura pas pour effet de diluer l'efficacité de l'action tout en
augmentant considérablement les frais encourus.
Il nous semble donc que le gouvernement devrait revoir l'ensemble des
structures prévues en ce domaine pour rationaliser l'opération et
ainsi améliorer l'efficacité et en réduire les
coûts.
Nous signalions, il y a quelques minutes, que les gouvernements et les
corps publics doivent donner l'exemple s'ils veulent être pris au
sérieux lorsqu'ils prônent des économies
d'énergie.
À ce sujet, un détail de la publication, une
stratégie pour la décennie 80 nous a frappés. Au tableau
1.4 de la page 26, on donne la prévision des ventes
d'électricité par catégories d'usagers de 1980 à
1996. La dernière colonne de ce tableau montre le pourcentage
d'augmentation annuelle prévue dans chacune de ces catégories.
Or, c'est dans la catégorie des "autres usages" qu'on prévoit le
plus fort taux d'augmentation annuelle, c'est-à-dire dans la
catégorie qui englobe les ventes aux réseaux municipaux de
distribution, l'éclairage public, l'autoconsommation
d'Hydro-Québec sur ses grands chantiers, le transport public et
d'autres. Bien qu'en valeur absolue, la consommation dans cette
catégorie soit relativement faible, il n'en demeure pas moins
qu'à prime abord, on peut se demander si les divers niveaux de
gouvernement ont réellement décidé de faire tous les
efforts nécessaires pour convaincre par l'exemple.
Comme nous vous l'avons annoncé au début, nos commentaires
ont été succincts. Il ne faut pas s'en étonner puisque,
comme nous l'avons déjà signalé, nous avons
présenté un mémoire au ministre de l'Énergie et des
Ressources, il y a tout au plus un an, offrant le point de vue de l'Ordre des
ingénieurs sur le livre blanc du gouvernement: Assurer l'avenir. Les
remarques que nous vous présentons aujourd'hui doivent être
considérées comme le complément de notre premier
mémoire dont l'actualité persiste.
Nous vous remercions de nous avoir invités à vous faire
connaître nos réactions à la lumière des derniers
développements et nous vous assurons de l'intérêt soutenu
que nous conserverons pour toutes les guestions à la discussion
desquelles les ingénieurs peuvent contribuer dans le meilleur
intérêt de l'ensemble de la population. Je vous remercie.
Le Président (M. Jolivet): Merci beaucoup. Le
député d'Abitibi-Est, comme premier intervenant.
M. Bordeleau: Merci, M. le Président. Je voudrais d'abord
remercier M. Delisle de sa présentation au nom de l'Ordre des
ingénieurs du Québec. Je pense que d'abord l'ordre est
sûrement l'un des plus impliqués dans le domaine du
développement et de l'utilisation de nos énergies. Le
mémoire, tout en étant mince, touche plusieurs points importants,
- très importants même - de notre développement
énergétique.
Dans votre mémoire, comme vous le dites d'ailleurs à la
page 8, vous aviez déjà présenté un mémoire
à l'occasion du livre blanc sur l'énergie et vous parliez
à ce moment - vous en reparlez dans ce mémoire-ci - de la
formation d'une commission spéciale, aussitôt que possible, pour
établir les bases d'une politique québécoise après
consultation. On a parlé au cours des derniers jours d'une
éventuelle commission ou d'une consultation populaire. J'aimerais que
vous explicitiez un peu là-dessus. Quel serait le mandat de cette
commission et quelle forme pourrait-elle prendre pour qu'on ait vraiment une
discussion la plus large possible et qu'on trouve des solutions?
M. Delisle: D'abord, je dois mentionner que même dans le
mémoire auquel je fais référence, qui a été
remis au ministre il y a un an, nous n'allions pas dans les détails au
niveau du type de commission, du type de représentation qu'on devrait y
retrouver. Tout ce qu'on voulait, c'est qu'il y ait un débat public sur
la question, parce que les gens, à quelque niveau qu'ils soient,
semblent avoir peur des mots, ou du moins peur
d'aborder le sujet du nucléaire.
On considère - du moins, avec certaines statistiques en main -
qu'il va probablement être nécessaire d'avoir recours au
nucléaire dans une vingtaine d'années et on doit dès
maintenant se brancher sur une politique en ce sens. C'est à la suite
d'une consultation avec le public qu'on aura peut-être le meilleur
éclairage pour cette prise de position politique.
M. Bordeleau: Sur la technique ou sur la pratique des
technicités...
M. Delisle: Les technicités, la suggestion a
été faite au gouvernement. Par la suite, on pense que vous avez
tous les mécanismes requis pour évaluer quels devraient
être les intervenants principaux dans une telle commission et de quelle
façon cela devrait s'articuler. Mais nous n'allions pas dans les
détails sur le fonctionnement comme tel de cette commission.
M. Bordeleau: Ma deuxième question porterait surtout sur
la demande future d'électricité au Québec. Vous ne faites
pas vraiment de projection de demande d'énergie dans votre
mémoire. L'Ordre des ingénieurs est quand même bien
impliqué dans la nouvelle construction, que ce soit au niveau
résidentiel, au niveau commercial même, dans les structures, dans
l'architecture, notre façon de vivre dans certaines bâtisses.
Quelle est votre vision future de l'utilisation de l'électricité
dans nos résidences et aussi dans nos édifices commerciaux?
Vous ne semblez pas considérer qu'on pourrait réduire
passablement notre dépense d'énergie avec des nouveaux modes de
construction, des modes plus économiques ou, en tout cas, qui
économisent davantage d'énergie. Là-dessus, je pense qu'il
y a eu des expériences en Saskatchewan, où on peut prouver qu'on
peut réussir à chauffer un logement pour environ $100 par
année. Étant donné que vous êtes un ordre
très impliqué dans ce domaine, j'aimerais savoir quelle est votre
vision de tout cela. Est-ce que l'ordre lui-même, ou certains membres de
l'ordre font des efforts pour penser à des nouvelles techniques de
construction, à des nouvelles formes de construction pour qu'on en
arrive à cela le plus rapidement possible?
M. Delisle: Certainement, en tant que membres individuels,
plusieurs ingénieurs au Québec sont drôlement
impliqués dans le dossier et font même des recherches pour en
arriver à améliorer les procédés de construction.
Ce qu'on a fait, avec le présent mémoire, cela a
été surtout de se pencher sur les propositions qu'Hydro faisait
et se dire: Partant des chiffres qui sont mentionnés là, est-ce
qu'on ne devrait pas penser à une autre répartition au niveau de
ce bilan énergétique?
Vous parlez du chauffage domestique. On considère que
l'utilisation de l'électricité, et même favoriser de
façon globale la conversion de l'huile vers l'électricité,
ce n'est pas tout à fait la bonne direction à prendre. On
considère que la part du gaz naturel, entre autres pour le chauffage,
devrait être augmentée. On cite des chiffres de ce qui existe
ailleurs comme pourcentages dans le bilan énergétique,
strictement pour la question du chauffage.
Évidemment, à ce moment-là, je ne réponds
pas à votre question à savoir quelle est notre projection en ce
qui concerne les besoins en électricité ou en énergie
quelconque pour le chauffage domestique d'ici X années. C'est une
question qui ne faisait pas l'objet de notre présente étude et
à laquelle nous sommes intéressés, mais plutôt en
tant qu'individus qu'en tant que groupe comme tel, qui est l'Ordre des
ingénieurs.
C'est la réponse que je peux vous donner pour l'instant. Mais le
point sur lequel nous avons voulu insister, c'est le départage entre
l'électricité et le chauffage au gaz, aux fins d'utilisation
domestique et commerciale.
M. Bordeleau: Mais est-ce que vous pouvez me dire, par exemple,
si vous avez des choses pratiques comme ordre. Est-ce qu'il pourrait y avoir
une espèce de tentative de réduire les coûts de toutes les
façons, dans des nouvelles formules de construction, y a-t-il quelque
chose de bien palpable, de bien précis qui se fait du côté
de l'ordre ou individuellement par certains de ses membres?
M. Delisle: C'est surtout individuellement par certains de ses
membres, et non pas par l'ordre comme tel.
M. Bordeleau: Comme je veux laisser du temps au ministre et
à certains de mes collègues, je vous remercie, M. le
Président.
Le Président (M. Jolivet): Merci. M. le
député d'Outremont.
M. Fortier: Je voudrais féliciter l'Ordre des
ingénieurs. Bien sûr, non seulement le mémoire que vous
nous présentez cette année est très bon, mais celui de
l'an dernier était meilleur, étant donné que
j'étais l'un de ceux qui y avaient participé.
Une voix: L'humilité l'étouffé. (12 h
45)
M. Fortier: D'ailleurs, il semblerait que tous ceux qui
participent à la rédaction de vos mémoires ont des
promotions, soit en politique, à Hydro-Québec, enfin dans
différents secteurs. C'est un signe que
l'ordre est un foyer d'excellence et de promotion.
Ceci étant dit, ce qui m'intéresse le plus dans votre
mémoire, c'est le débat public. J'aimerais un peu revenir sur les
questions qui ont été posées là-dessus. Il est bien
certain, et je pense que toutes les interventions, entre autres celle qu'on
vient d'avoir, celle de la Chambre de commerce et du Board of Trade, et celle
qu'on a eue d'ailleurs de l'École polytechnique hier, vont dans le sens
de dire: Quelle que soit la date à laquelle on va vers le
nucléaire, c'est un peu une discussion théorique; l'important,
c'est de s'y préparer. Pour s'y préparer, bien sûr, il faut
d'abord prendre une décision à savoir: est-ce qu'on va vers le
thermique ou vers le nucléaire? Ceci nécessite un débat
public. Le débat public, il faudrait l'avoir le plus tôt possible.
L'an dernier, dans votre mémoire au ministre, vous aviez dit: Ayons ce
débat public immédiatement et finissons-en d'ici un an.
Pour notre part, du Parti libéral du Québec, c'est dans
notre proqramme, nous voulons le débat public et nous croyons justement
que la population est en mesure d'y participer. Certaines personnes
s'inquiètent à savoir si, réellement, un tel débat
public serait fructueux, et cela m'amène à vous poser une
question sur ce sujet: Est-ce qu'on veut un débat public simplement pour
que les gens disent ce qu'ils ont à dire, même si, selon certains,
ce ne serait pas tellement positif? Mais bien sûr, si on a un
débat public, il faudrait l'organiser d'une façon
sérieuse. C'est pourquoi on aimerait en savoir davantage
là-dessus.
En ce qui traite du nucléaire, justement, j'aimerais porter
à votre attention tout d'abord qu'il y eu au moins sept commissions
d'enquête sur le nucléaire au Canada, depuis quelques
annés. Je peux vous les citer ici: il y a la Commission royale
d'enquête sur la santé et la sécurité des mineurs en
Ontario, la Commission d'enquête sur la planification de l'énergie
électrique en Ontario, Cluff Lake Board of Inquiry, en Saskatchewan,
l'Enquête sur l'expansion des mines d'uranium dans les régions de
Deer Lake, en Ontario, Commission royale d'enquête sur les mines
d'uranium en Colombie-Britannique, Comité de la Législature du
gouvernement de l'Ontario sur les affaires d'Hydro-Ontario, et enfin un
Comité de la législation du gouvernement du Nouveau-Brunswick sur
les questions énergétiques.
Le ministre s'inquiète et dit: On manque d'information. Moi, je
crois qu'on pourrait avoir accès à une multitude de
renseignements, parce que si on prend entre autres la Porter Commission, qui
est la Commission d'enquête royale sur la planification de
l'énergie électrique en Ontario, cela a coûté des
millions de dollars.
Il y a une multitude de renseignements qui sont disponibles.
Le ministre s'inquiète, d'autre part, de la question des
coûts. Bien sûr, on sait qu'Hydro-Ontario, déjà,
produit de l'électricité - je crois que 37% de toute
l'électricité produite en Ontario vient du nucléaire.
D'ailleurs, on sait très pertinemment qu'Hydro-Ontario connaît
parfaitement combien cela lui coûte. Lorsqu'elle s'engage dans des
programmes de construction de centrales nucléaires, elle a des objectifs
et on peut s'y référer.
Ceci m'amène à dire, sur les questions des coûts,
que si le Québec se lançait dans le nucléaire, ceux qui
n'ont pas de complexe d'infériorité, pensent bien qu'on pourrait
faire aussi bien que les gens de l'Ontario et même mieux. Avec ce
renseignement, et sur la question de la santé et de la
sécurité et de la protection de l'environnement, d'autre part,
sur la question des coûts, qui sont des facteurs extrêmement
importants, parce qu'il faut savoir qu'à l'avenir, pour nous, ce sera
des choix peut-être entre certaines rivières et le
nucléaire... La question que je vous pose et je reviens à la
question qui vous était posée il y a quelques minutes, de quelle
façon voyez-vous l'organisation de cette commission ou de cette
enquête ou de cet examen public ou de ce débat public? Quels
seraient les objectifs qui seraient poursuivis? Quels sujets devrons-nous
toucher en priorité?
Lorsque vous dites que vous voulez un débat public, quel serait
l'objectif poursuivi pour les citoyens en général? Est-ce qu'il
s'agit, d'une part, d'informer la population pour que l'information qui est
disponible soit transférée au Québec et qu'on examine
toutes les conclusions auxquelles ces commissions d'enquête sont
arrivées et qui sont d'ailleurs favorables à 95% au
nucléaire? L'important, c'est qu'elles faisaient des recommandations
pertinentes au gouvernement en disant: Si vous vous engagez, vous devez le
faire de telle et telle façon. C'est la raison pour laquelle je me
demande si on veut seulement un débat public pour que les protagonistes
soient sur la place publique et que cela fasse les manchettes des journaux ou
si on veut plus que cela. Est-ce qu'on veut finalement qu'il y ait des
retombées positives dans le sens qu'à la suite de ce débat
public le gouvernement serait en mesure de dire: Nous croyons qu'on peut
s'engager, mais aux conditions suivantes et que les conditions soient
très bien définies? J'aimerais avoir votre opinion de
façon plus précise.
Le Président (M. Jolivet): M. Delisle.
M. Delisle: Le premier objectif d'abord, c'est qu'on en parle.
Vous savez comme moi qu'on évite de plus en plus de parler du
sujet. Le deuxième objectif, c'est de faire en sorte que toute
l'information qui est disponible - vous avez mentionné une foule de
références - soit mise à jour par rapport au contexte
québécois. Il y a quand même un contexte
québécois qui est relativement différent, compte tenu de
nos ressources hydroélectriques. On voudrait que, de façon
très objective, on puisse comparer les résultats de ces
enquêtes sans refaire toutes les analyses, mais au moins les comparer
avec les données que nous avons au Québec, le contexte dans
lequel nous sommes, avec nos ressources hydroélectriques. Nous voudrions
également que le gouvernement s'engage, comme vous le mentionnez,
à donner suite à cette consultation en prenant vraiment position
et en tenant compte peut-être des éléments qui seront
soulevés à la fois par la population et aussi les experts dans le
domaine qui pourront venir témoigner et dire: Voici, le
nucléaire, c'est bon jusqu'à telle limite. Cela pourrait
être utilisé à telle ou telle fin dans telle ou telle
proportion et dans tel ou tel délai. Je pense que ce sont des
éléments qui pourront être exposés en public devant
les autorités gouvernementales, mais cela ne donnera rien de plus si le
gouvernement ne s'engage pas par la suite à faire quelque chose. Ce
serait déjà un gros point si au moins, en posant le geste de
faire cette consultation, on décidait qu'on désire en parler
publiquement avec les personnes, les intervenants et les experts du domaine, et
aussi, bien entendu, les représentants des différents groupes de
la population qui pourraient avoir certaines choses à dire sur le sujet
également. Globalement, c'est l'optique que nous visons. Comme je le
disais tout à l'heure, nous ne sommes pas allés dans les
détails quant à la procédure qui devrait être
suivie, quant à la forme que devrait prendre cette commission ou ce
comité, mais nous voulons tout au moins qu'on puisse une fois pour
toutes en public, et que cela vienne du gouvernement, en parler, et par la
suite élaborer une politique en ce sens.
M. Fortier; Est-ce que les recommandations qui ont fait l'objet
de votre mémoire l'an dernier, et celles-ci en particulier, mais
peut-être plus celles de l'an dernier, ont provoqué une certaine
discussion au sein de l'ordre? Je sais que vous aviez organisé un
débat sur l'énergie. Mais je parle des recommandations
spécifiques de votre mémoire. Cela a été revu par
votre bureau, mais dans quelle mesure cela a-t-il été
discuté à l'intérieur de l'ordre même?
M. Delisle: Je vais commencer et peut-être que Jean-Paul
pourrait élaborer davantage. Avant que le document ne soit
acheminé aux autorités gouvernementales, cela avait fait
l'étude non seulement de la part d'un comité, mais de la part du
conseil d'administration de l'ordre. Nous avions, à ce moment-là,
commenté divers aspects. Par la suite, il y a eu des discussions lors de
certains congrès de l'ordre. L'an dernier, entre autres, le sujet
n'était pas spécifiquement l'énergie, mais certains, par
ricochet, ont discuté de la question. L'ordre comme tel n'a pas
modifié, pour l'instant -je ne pense pas que ce soit le cas non plus
dans l'avenir, du moins en ce qui me concerne - les positions qui sont
exprimées dans ce document. Vous faites peut-être allusion
à certains commentaires, certaines prises de position publiques ou
certains faits relatés par les media.
M. Fortier: Dans quelle mesure le mémoire
présente-t-il réellement une réflexion
générale des membres de l'ordre...
M. Delisle: Écoutez!
M. Fortier: ...et non pas une représentation du bureau
comme tel?
M. Delisle: Vous pourriez même aller plus loin et demander:
Pourquoi cela ne représente-t-il pas simplement l'opinion de quelques
membres d'un comité? H faut quand même...
M. Fortier: Je ne porte pas de jugement, je pose la question.
M. Delisle: ...faire la part des choses. Vous savez comme moi que
dans un organisme comme le nôtre et même dans beaucoup d'autres
organismes, lorsqu'une prise de position est formulée, il y a d'abord un
groupe de travail qui est constitué; des grands objectifs lui sont
donnés et on élabore un document de travail à partir de
cela. Par la suite, les gens qui sont élus par les ingénieurs
pour les représenter au bureau de l'ordre prennent connaissance du
document et suggèrent certaines modifications avant qu'il soit
définitivement rendu public par la voix du président de l'ordre
qui est le porte-parole officiel. Évidemment, on ne peut pas
prétendre qu'il y a 22,000 membres qui souscrivent à 100% au
contenu d'un rapport, mais quelle que soit la position prise sur quelque
domaine que ce soit, on ne pourra jamais parler de la totalité des
membres qu'on représente.
Nous croyons fermement qu'à la suite des consultations au niveau.
des régionales et des administrateurs, ce mémoire
représente le pouls réel en 1980, et aussi cette année, de
l'opinion des ingénieurs sur la question de l'énergie.
Jean-Paul, est-ce que tu as des...
Le Président (M. Jolivet): M. Dagenais.
M. Dagenais (Jean-Paul): Je pourrais peut-être ajouter
quelque chose à ce sujet. Au moment où nous étions
à préparer le mémoire que nous avons
présenté au ministre en janvier 1980, nous avons tenu un
congrès, le congrès de juin 1979, qui a été
consacré à la question de l'énergie. Le congrès
avait été annoncé, évidemment, à l'ensemble
de nos membres et au moins 700 membres ont participé à
l'assemblée. Alors, à cette occasion, ils ont été
à même d'exprimer leur point de vue et, évidemment, cela a
influencé le raisonnement et les conclusions auxquelles le comité
en est arrivé.
Le Président (M. Jolivet): Merci. M. le
député de Gouin.
M. Tremblay: Merci beaucoup, M. le Président. M. Delisle
et M. Dagenais, il y aurait deux passages dans votre intéressant
mémoire qui me frappent et sur lesquels j'aimerais avoir quelques
explications de votre part. À la page 6, vous dites: "Si, par ailleurs,
nous choisissions de maintenir le même niveau d'investissement dans le
secteur hydroélectrique, nous disposerions alors de vastes surplus qui
pourraient favoriser un développement industriel
accéléré ou qui pourraient être vendus aux
réseaux limitrophes à des taux sans doute avantageux." Nous avons
discuté de cette question tout à l'heure avec la Chambre de
commerce et, sauf erreur, ce passage semble contredire ce que la Chambre de
commerce de Montréal et le Board of Trade tout à l'heure nous
disaient.
D'autre part, à la page 8, vous avez un passage qui dit ceci:
"Nous sommes d'accord avec les conclusions du document d'Hydro-Québec
qui affirme - et là vous citez - qu'à moins de percées
technologiques spectaculaires et inattendues, aucune nouvelle forme
d'énergie ne sera économiquement exploitable à temps pour
prendre la relève de l'hydroélectricité. Il faudra
vraisemblablement recourir à des centrales thermiques ou
nucléaires." Sur ce dernier point, je ne veux pas ouvrir un débat
philosophique parce que, lorsqu'on parle du thermique et du nucléaire,
surtout du nucléaire, on semble mêler la philosophie et
l'économie. Mais en ce qui concerne les faits, en ce qui concerne
l'économie, on peut peut-être s'entendre sur le fait que ce
potentiel, cette limite du potentiel énergétique
hydroélectrique du Québec, c'est 12,000 mégawatts, tel
qu'Hydro-Québec le prétend. J'aimerais que l'Ordre des
ingénieurs me confirme que ce fait fourni par Hydro-Québec est
aussi ce qu'ils ont évalué.
L'autre fait - et j'aimerais aussi avoir vos opinions sur son
interprétation - c'est la situation objective du Québec à
laquelle vous avez fait allusion tout à l'heure indirectement,
c'est-à-dire que le Québec est un importateur net
d'énergie. Nous importons 75%, et même plus, de ce que nous
consommons. Oui, jusqu'à 80%, étant donné que nous
importons 5000 mégawatts de Churchill Falls. Or, nous importons de
l'énergie qui coûte cher; du pétrole, même le gaz
naturel va coûter de plus en plus cher aussi et nous importons du charbon
pour 2%. Nous avons la possibilité d'exporter de l'énergie qui
est un peu meilleur marché que les centrales thermiques au charbon aux
États-Unis, par exemple, et qui pourrait être plus cher aussi que
l'énergie produite par les centrales nucléaires. Donc, la
question que je vous pose, c'est une question de logique économique.
Est-ce qu'il est logique d'importer de l'énergie qui coûte cher
pour exporter de l'énergie qui est relativement bon marché? La
logique économique veut, habituellement, qu'avant d'exporter de
l'énergie qui coûte relativement peu cher on substitue au maximum
ce que nous importons et qui coûte cher.
Rattachée à cette question, c'est celle que je pose et qui
flotte un peu dans le décor: Si nous poursuivons une politique
d'exportation de l'énergie électrique, non pas au niveau des
excédents temporaires, saisonniers ou interruptibles - il faut bien se
comprendre - mais ces exportations massives, n'y aurait-il pas danger ou, du
moins, ne craindriez-vous pas que les consommateurs et les usagers du
Québec en viennent à être forcés de subventionner
par les tarifs internes du Québec l'exportation d'énergie
hydroélectrique?
Le Président (M. Jolivet): M. Delisle.
M. Delisle: D'abord, en ce qui concerne la première
question, quand vous soulevez le deuxième paragraphe de la page 6, je
dois dire quand même que c'est dans le contexte de ce qui
précède en page 5. C'était un énoncé
où on disait que, théoriquement, si d'une part on a 25% de la
demande qui est satisfaite par le gaz et que ces 25% étaient encore au
détriment de l'électricité en totalité, ce qui est
quand même hypothétique, à ce moment, cela donnerait ceci
comme bilan. Le gouvernement, s'il décidait de poursuivre les
investissements tels qu'ils sont prévus jusqu'en l'an 1996 disposerait
de certains surplus pour, soit faire du développement industriel
accéléré ou encore vendre ces suppléments en
attendant d'en avoir réellement besoin parce qu'il aura
accéléré, à ce moment, son plan vu que le gaz
serait plus utilisé. (13 heures)
M. Tremblay: C'est établi. HydroQuébec nous a
prouvé que nous allons avoir des excédents d'ici 1988 et nous
aurons des excédents d'autant plus grands évidemment que la
pénétration du gaz sera plus grande. Maintenant, que faisons-nous
avec ces
excédents temporaires? Vous dites: Ou on fait cela, ou on fait
cela. Quel est votre choix? Que recommandez-vous au gouvernement? Que
recommandez-vous à la population du Québec de faire de cet
excédent temporaire d'énergie hydroélectrigue?
M. Delisle: Vous parliez tantôt de logigue
économique. C'est fonction évidemment des taux auxquels on sera
capable de vendre l'électricité livrée aux réseaux
limitrophes. Si, par contre, économiquement parlant, ce n'est pas
rentable, parce que, comme vous le dites, on va importer de l'énergie
qui va coûter plus cher que celle qu'on exporte, à ce
moment-là, l'utilisation logique qui devrait en être faite, c'est
au niveau industriel ici au Québec.
M. Tremblay: Donc, cela nous prend une analyse
coûts-bénéfices que nous n'avons pas
présentement.
M. Delisle: On ne l'a pas en main. M. Tremblay:
D'accord.
M. Delisle: Je pense qu'affirmer des choses sans avoir toutes les
statistiques en main, ce ne serait pas sérieux de notre part.
M. Tremblay: Très bien.
Le Président (M. Jolivet): M. Dagenais.
M. Dagenais: II y aurait évidemment la possibilité
de réduire la vitesse de nos investissements dans le domaine
hydroélectrique qui serait à considérer, parce qu'à
ce moment-là, on parle de la difficulté d'emprunter de plus en
plus grande. En réduisant le taux d'investissement, on réduit
notre taux d'emprunt, notre niveau d'emprunt.
M. Tremblay: Mais, M. Dagenais, je vous souligne
qu'Hydro-Québec nous a remis une analyse économique de cette
option de ralentir le plan. Sa conclusion allait dans le sens qu'en
ralentissant, non seulement les investissements ne diminueraient pas sur la
période, mais augmenteraient de $1,300,000,000 et il y aurait une perte
nette de $950,000,000.
M. Dagenais: C'est cela. Il faut considérer tous les
facteurs économiques. Il faut surtout considérer l'inflation qui
augmente les prix de 10% ou de 12% par année.
M. Tremblay: Oui.
M. Dagenais: C'est une balance. Il faut se demander si on doit
investir plus vite pour que cela coûte moins cher et, à ce
moment-là, si on a des surplus, il faut en disposer ou s'il est
préférable d'attendre, parce que l'inflation, c'est un
phénomène qui va dans les deux sens. Les prix augmentent en
apparence, mais, de fait, en valeur réelle, ils n'augmentent pas.
M. Tremblay: Maintenant, sur la question de la
substitution...
M. Delisle: Je n'avais quand même pas encore répondu
à la deuxième partie de votre question. Quand on cite un extrait
du livre d'Hydro, en page 8 de notre mémoire, c'est
qu'évidemment, on est d'accord avec les conclusions, mais elle se
contente d'affirmer ceci et ne nous dit pas ce qu'on fait, tandis que nous nous
disons: C'est maintenant qu'il faut y penser. Elle se dit simplement: II faudra
vraisemblablement recourir à des centrales thermiques ou
nucléaires. Mais on ne ne dit nulle part ailleurs que c'est maintenant
qu'on doit commencer à se préparer ou, du moins, continuer
à se développer dans ce domaine pour être quand même
prêt, lorsque ce sera requis, parce qu'on est devant un constat que ce
sera requis, toujours d'après le texte.
M. Tremblay: C'est peut-être injuste, ce que vous dites
à l'endroit d'Hydro-Québec, M. Delisle. C'est que, dans son plan
d'installation, il y a des prévisions disant que, soit le
nucléaire, soit des centrales thermiques vont devoir commencer à
être mises en marche, à partir de 1992. En 1995, par exemple, 2337
MW devront, selon elle, provenir du nucléaire.
M. Delisle: Ou autres.
M. Tremblay: Cumulatif. Dans le tableau XIV que j'ai ici, on
n'inscrit pas "autres". Habituellement, je vois "autres". Mais, dans le tableau
remis par HydroQuébec, on inscrit "nucléaire cumulatif: 2337 MW,
en 1995". Elle y a donc songé.
M. Delisle: D'accord. Si vous permettez...
Le Président (M. Jolivet): Oui, M. Delisle.
M. Delisle: Vous avez remarqué comme nous que, dans le
tableau, il n'y a pas le mot "autres", mais partout dans le texte, chaque fois
qu'on parle du nucléaire, il y a toujours le mot "autres". C'est de
savoir quelle est la proportion de chacun.
M. Tremblay: Oui, mais...
Le Président (M. Jolivet): M. le député!
M. Delisle: Mais, encore là, je dirais que c'est en
fonction aussi du mandat ou de l'encadrement à l'intérieur duquel
Hydro doit fonctionner. On connaît évidemment la situation, le
moratoire et tout cela. C'est quand même très difficile pour un
organisme d'État d'aller en dehors des sentiers que lui trace le
gouvernement auquel il se rapporte.
Le Président (M. Jolivet): Merci. Dans le but de vous
éviter de revenir cet après-midi, on s'est entendu de chaque
côté de cette table, pour donner la parole à deux autres
intervenants. Pour terminer, M. le député de Mont-Royal, d'abord,
et M. le ministre ensuite, de façon que l'on puisse supendre nos travaux
jusqu'à 15 heures.
M. le député de Mont-Royal.
M. Ciaccia: Merci, M. le Président. Dans votre
mémoire, vous faites référence au gaz naturel. Vous dites
que les objectifs de 12% ne sont pas suffisants; à tout le moins, vous
dites que ce n'est pas un objectif ambitieux. Vous dites que les objectifs du
Québec en ce domaine vous paraissent nettement insuffisants. À
part les prix incitatifs, à part d'enlever la taxe de vente ou d'autres
mesures de ce genre, y a-t-il des mesures spécifiques, plus
fondamentales que le gouvernement pourrait prendre pour assurer qu'il y ait une
augmentation plus élevée du gaz naturel si c'est l'objectif?
Hier, dans d'autres mémoires, le genre de suggestions qu'on nous faisait
était de dire: II faut que ce soit plus concurrentiel. Y a-t-il d'autres
éléments plus fondamentaux que ceux-là?
Le Président (M. Jolivet): M. Delisle.
M. Delisle: D'une part, on a rattaché, comme vous voyez,
le gaz naturel surtout au niveau du chauffage domestique, industriel et
commercial. Il existe, comme vous le savez, des programmes qui subventionnent
la conversion du système de chauffage à l'huile vers
l'électricité. Si des programmes aussi, sinon plus
généreux existaient pour la conversion de l'huile au gaz naturel,
déjà, ce serait un facteur incitatif intéressant. Il faut
faire en sorte que le transfert se fasse dans la direction que nous souhaitons
parce qu'on considère que l'électricité est une source
d'énergie qui peut être utilisée de façon plus
adéquate que pour du chauffage tout simplement, alors que le gaz nous
semble très adéquat pour le chauffage. C'est un exemple dans les
facteurs incitatifs. Hier, à cette commission, il y a eu d'autres
exemples qui ont été suggérés et je pense que
chacun a sa valeur. Il s'agirait de faire la part des choses et de voir de
quelle façon le gouvernement pourrait choisir un programme.
M. Ciaccia: Si je comprends bien, vous recommandez fortement ce
genre de programmes ou des mesures par le gouvernement pour augmenter la part
du gaz naturel au Québec.
M. Delisle: Oui, avec ce moyen, entre autres, qui est la
conversion des systèmes de chauffage.
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre, votre
période de questions.
M. Delisle: Je pense que M. Dagenais avait quelque chose à
ajouter là-dessus.
Le Président (M. Jolivet): Oui, M. Dagenais. Allez-y.
M. Dagenais: Une seconde, si vous permettez. Je voudrais
simplement signaler qu'Hydro-Québec, au simple titre du chauffage
domestique, prévoit que la consommation d'électricité
passera de 11,2 milliards de kilowattheures en 1980 à 41 milliards de
kilowattheures en 1996. En l'espace de seize ans, on prévoit que la
consommation d'électricité pour le chauffage domestique sera
pratiquement multipliée par quatre, ce qui est énorme. Cela va
prendre des mesures incitatives pour que cette chose-là se fasse. Les
mesures incitatives pourraient être dirigées vers un autre medium
qui serait le gaz.
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.
M. Bérubé: Merci, M. le Président. En fait,
il n'y a qu'une seule question que je voudrais aborder avec vous puisque, comme
vous le soulignez, en janvier 1980, nous nous rencontrions pour recevoir un
mémoire de l'Ordre des ingénieurs, qui prenait très
fermement position en faveur du nucléaire. J'ai pris bonne note,
d'ailleurs, de l'introduction par le député d'Outremont
concernant la qualité du mémoire actuel qu'il attribue,
évidemment, uniquement à son départ de l'ordre et à
sa non-participation au mémoire actuel. Si le mémoire original de
l'ordre était à ce point teinté en faveur du
nucléaire et qu'il s'estime être à l'origine de cette
position, je tire la conclusion que le député d'Outremont,
effectivement, a derrière la tête une pénétration
rapide du nucléaire au Québec. Je me demande d'ailleurs si la
prise de position dont il fait état continuellement concernant un
débat public n'est pas plutôt une opération camouflage en
public de manière à pouvoir glisser ses idées.
C'est donc cette question que je veux fouiller beaucoup plus en
profondeur parce qu'on vous avait dit à ce moment-là: II y aura
un débat sur le nucléaire, et je pense
qu'il est temps d'ouvrir un débat sur le nucléaire
immédiatement avec vous parce que j'aimerais avoir votre position.
La position du gouvernement est claire présentement. Elle
était annoncée dans le livre blanc. C'était,
premièrement, un moratoire concernant un programme massif de
nucléarisation de notre équipement de production
d'électricité; deuxièmement, non seulement un moratoire -
on disait jusqu'en 1980 à l'époque - mais, ce qui apparaissait
aussi clair dans la décision gouvernementale, l'existence de
miniprogrammes au Québec de manière à maintenir
l'expertise, s'assurer que l'on puisse garder des ingénieurs
compétents comme le député d'Outremont dans le secteur du
nucléaire et, à la prochaine élection, nous allons prendre
certaines mesures pour le retourner à sa profession initiale où,
j'en suis convaincu, il excellait.
M. Fortier: Ah, ah!
M. Bérubé: II est nettement moins bon, d'ailleurs,
dans son rôle actuel et je ne voudrais pas que les mémoires de
l'Ordre des ingénieurs continuent à se dégrader à
la suite de son départ. Je pense qu'il faut le retourner chez vous le
plus vite possible.
M. Fortier: Vous avez du travail à faire.
M. Ciaccia: Ne faites pas de politique, M. le ministre.
M. Fortier: Bonne chance dans Outremont.
M. Samson: II va y avoir une explosion dans Outremont.
M. Bérubé: Lorsqu'on examine le moratoire en place
et qu'on se demande: Devrait-on le remettre en question, comme vous le faites,
je dois dire que je ne suis pas d'accord avec vous. Je vais vous expliquer
pourquoi et je vais essayer de voir, après cela, quelle position vous
prenez par rapport à cela. Le moratoire implique que nous ne sommes pas
encore convaincus que le nucléaire sera nécessaire, contrairement
à ce que vous affirmez dans votre mémoire. Vous parlez de
l'après-hydraulique et, évidemment, l'après-hydraulique,
il faut lui donner un horizon. Vous voyez l'après-hydraulique dans les
années quatre-vingt-quinze, j'imagine, puisque vous voulez qu'on
s'engage immédiatement dans le nucléaire.
Nous voyons l'après-hydraulique plus loin que vous; d'où
une certaine réticence à s'engager tout de suite dans un
programme nucléaire. Il faut laisser la technologie évoluer,
laisser les ingénieurs-conseils qui se font la main sur les
réacteurs nucléaires à un prix assez élevé,
mais qui, quand même, s'exercent, améliorer leur technologie et
éventuellement, lorsque tout sera en place, peut-être qu'on sera
justifiés d'aller au nucléaire.
J'essaie de voir jusqu'où on peut étendre cet horizon. On
va le faire ensemble. D'abord, il faut se poser la question: Est-ce que les
prévisions de demande en électricité
qu'Hydro-Québec a déposées correspondent à la
réalité? C'est la première question qu'il faut se poser.
Plusieurs intervenants, je dirais la plupart des intervenants, ont
souligné qu'Hydro-Québec était plutôt optimiste
quant à la demande dans ses prévisions. Elle prévoit
toujours qu'on va avoir besoin de plus d'électricité qu'on n'en a
besoin dans les faits. Cela se comprend et cela a été
souligné ce matin par la Chambre de commerce. Hydro-Québec ne
peut pas courir de risque; elle préfère prévoir une
demande supérieure, quitte à ralentir son programme dans les
années qui viennent au fur et à mesure qu'elle constate
qu'effectivement sa prévision était peut-être
optimiste.
J'en tiens pour bel exemple la prévision qu'Hydro-Québec
faisait pour 1990 des besoins en électricité. En 1976, on
prévoit 220 térawatts; en 1978, toujours pour 1990, on dit:
Vérifions, c'est plutôt 185; en 1980, toujours pour 1990, on dit:
Cela baisse à 158. Finalement, on tombe sur ce que le ministère
de l'Énergie et des Ressources proposait, qui était autour de 150
ou 160. N'essayons pas d'être trop précis dans ces calculs. Il y a
donc une possibilité très réelle que la demande ne soit
pas aussi forte que celle que prévoit Hydro-Québec. Si tel devait
être le cas, nous aurions environ 8000 mégawatts disponibles en
surplus aménageables de rivières. C'est vers 1995, l'an 2000.
J'en ajoute. Les économies d'énergie. Par un programme
plus dynamique, lorsque l'on compare les prévisions
d'Hydro-Québec et ce que le ministère des mines, ce que mon
propre ministère prévoit et que plusieurs organismes ont
suggéré, dans le cas du gaz, par exemple, on pourrait
peut-être prévoir 3000 mégawatts additionnels. On peut
s'amuser aussi. Les gaziers nous ont dit, et vous-mêmes l'avez
répété: II ne faudrait pas que les Québécois
se chauffent à l'électricité; ce n'est peut-être pas
la forme d'énergie la plus appropriée. Se chauffer à
l'électricité peut vouloir dire qu'on va se chauffer avec des
centrales nucléaires en 1995. Cela revient à cela. Avec nos
centrales nucléaires, on fabrique de l'électricité avec
laquelle on chauffe les Québécois. On peut se poser la question:
Est-ce qu'on devrait prendre des centrales nucléaires pour se chauffer
ou du gaz naturel? Très bonne question que vous avez posée. Mais
comme il y aura entre 8000 et 10,000 mégawatts
d'électricité dans les
projections d'Hydro-Québec servant au chauffage, si on utilisait
du gaz à la place, il y a un bon pourcentage de cela qui ne serait pas
nécessaire en besoin d'électricité.
Et je continue. On connaît les imprécisions dans la
détermination du coût du nucléaire, comme dans le cas de
l'hydraulique. C'est peut-être un peu plus précis dans le cas de
l'hydraulique. Parce que ces rivières, une fois aménagées,
peuvent fournir de l'électricité pendant au moins une quinzaine
à une cinquantaine d'années, on pourrait imaginer qu'une marge de
25% de sécurité quant au coût de l'hydraulique serait
acceptable et que toute rivière coûtant 25% de plus que le
nucléaire devrait être aménagée, plutôt que du
nucléaire. On vient d'aller chercher 6000 MW. Je m'amuse à
nouveau et je prends les petites rivières et je constate que, de l'avis
d'Hydro-Québec, il y a peut-être 3000 MW - avant d'avoir fait les
études, j'entends bien, puisque, justement, Hydro-Québec s'engage
dans un programme intensif d'études - qu'on pourrait dégager des
petites rivières. Je viens de trouver 28,000 MW et j'ai fait un calcul
rapide. Mais avec une consommation annuelle, passé 1985, de l'ordre de
1200 ou 1500 MW, c'est - il faut bien le retenir - presque 15 à 20 ans
additionnels de pouvoir hydroélectrique disponible.
Donc, il est possible qu'en l'an 2010 ou 2015 j'aie effectivement besoin
du nucléaire. Possible! En 1995, ce n'est pas sûr. Est-ce que ceci
ne veut pas dire que nous serions justifiés de maintenir un moratoire au
moins jusqu'en 1984 ou 1985 et peut-être le reporter jusqu'en 1990, et
suivre continuellement la croissance de notre demande, de manière que
tant et aussi longtemps qu'on arrive effectivement à économiser
plus d'énergie qu'on prévoyait, qu'on arrive à
réduire notre consommation, qu'on arrive, par nos études,
à dégager du potentiel plus économique de petites
rivières, à ce moment, on puisse retarder continuellement, par ce
moratoire, la pénétration du nucléaire jusqu'à ce
qu'on soit collés avec le nucléaire, et je vois cela
peut-être en l'an 2010 ou 2015?
En d'autres termes, je n'affirme pas que nous n'aurons pas besoin du
nucléaire avant 1995, mais je dis que des chiffres préliminaires
indiquent que ce n'est pas du tout évident qu'il faille prendre une
décision maintenant. Au contraire, les chiffres que nous avons indiquent
qu'on devrait plutôt retarder. Comment concilier, donc, toutes ces
données qui nous viennent des différents intervenants depuis le
début de la commission avec votre position très ferme qu'il faut
dès maintenant s'engager dans le nucléaire alors qu'au contraire
j'opinerais plutôt vers un moratoire prolongé, au moins encore de
trois ou quatre ans. Là, nous pourrions avoir un véritable
débat parce que c'est le débat d'un gouvernement qui n'est pas
pour le nucléaire, contrairement peut-être à la position
défendue par M. Fortier quand il a préparé votre
mémoire.
Donc, nous ne favorisons pas le nucléaire à l'heure
actuelle. Nous l'avons bien clairement montré. Par conséquent, un
débat public serait de nature à peut-être nous amener
à changer d'idée. Mais, au moins, on connaîtrait en partant
quelle est la position du gouvernement du Québec dans ce secteur.
J'aimerais avoir votre réaction à ça.
Le Président (M. Jolivet): M. Delisle.
M. Delisle: Il y a beaucoup de choses dans votre exposé.
D'abord, je voudrais préciser que ce n'est pas le mémoire de M.
Fortier, mais le mémoire de l'Ordre des ingénieurs.
M. Bérubé: Il s'en est attribué la
paternité tantôt.
Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît'
M. Delisle: Je ne voudrais pas mettre en doute les affirmations
du ministre quand il semble nous prouver que le ministère de
l'Énergie et des Ressources est meilleur planificateur de la demande que
les gens d'Hydro-Québec. Ce que je voudrais quand même faire
ressortir, c'est que quand le ministre nous dit: Nous ne sommes pas convaincus
qu'on va avoir besoin du nucléaire, donc on doit maintenir le moratoire,
je peux facilement retourner la question en disant: Nous ne sommes pas
convaincus qu'on n'en aura pas besoin, donc il faut en parler et il faut
décider qu'est-ce qu'on va faire. C'est pour ça que c'est
peut-être une question de sémantique à un moment
donné: il y en a qui disent que ça va être en 1995,
d'autres, par toutes sortes d'artifices de calculs, vont nous dire que
ça va être en l'an 2000. Si, par exemple - à ce que je peux
lire entre les lignes de M. Bérubé - on semble vouloir vraiment
s'engager vers une conversion plus massive vers le gaz, déjà ce
serait peut-être une façon de retarder l'échéance du
nucléaire. On n'a jamais dit que l'échéance était
finale pour telle date. Mais, quand même, dans votre exposé, vous
avez fait allusion à une foule d'intervenants qui sont venus ici et qui
vont continuer à venir dans les jours qui viennent pour essayer de vous
prouver que tel ou tel chiffre devrait être interprété de
telle ou telle façon. Tout ça nous prouve qu'on aura vraiment
besoin, justement, de ce fameux débat pour vider la question de
façon très objective, avoir les données en main, les
données qui sont vôtres, les données qui sont
d'Hydro-Québec, les données qui viennent
d'ailleurs. Évidemment, ce n'est pas à Hydro-Québec
à prôner la conversion vers le gaz, entre autres; je ne pense pas
que ce soit dans son mandat. Donc, tout de suite là, c'est un
élément qui va ressortir autour d'une autre table que celle-ci.
Lorsqu'on va parler vraiment de la question nucléaire, on va parler de
toutes les formes d'énergie et, à ce moment, chaque forme aura sa
place dans le débat.
Vous mentionniez tout à l'heure que vous trouviez inconciliable
le fait qu'on demandait et qu'on demande encore la levée du moratoire
avec des chiffres que vous nous apportez, à savoir que c'est seulement
vers l'an 2000 ou 2015 que le recours, que vous dites vous-même
peut-être inévitable, au nucléair sera requis.
Là-dessus, pour reprendre ce qu'on mentionnait tantôt, la preuve
n'est pas plus évidente pour nous, dans le sens que vous dites, qu'elle
l'est dans le sens inverse. Ces chiffres sont très hypothétiques.
Les nôtres le sont également quand on parle de conversion au gaz.
Je comprends, dans vos propos, que le gouvernement semble vouloir s'engager de
façon très positive vers la conversion plus massive vers le gaz.
Déjà, là, je dis, peut-être, M. le ministre, que
vous venez de gagner deux ans pour le nucléaire. Mais, ce n'est rien
d'officiel, comme position gouvernementale, pour l'instant.
Donc, nous, nous nous en tenons à ce que nous connaissons de la
position gouvernementale, aux chiffres qu'Hydro-Québec, avec son service
de planificatin, a bien voulu mettre devant nous. À partir de ces
données, nous ne nous posons pas en experts pour voir lequel a raison au
niveau de ces projections. Nous disons: Si on commence ces projections,
ça ne nous prouve pas qu'on n'aura pas besoin du nucléaire, et si
on en a besoin, commençons dès maintenant à s'y
préparer. C'est ça, l'optique. On peut, hors contexte,
évidemment, en arriver à toutes sortes de dates pour
l'échéance du nucléaire et, à ce moment, les
hypothèses et les scénarios seront différents.
On pourra dire: Peut-être que ça va prendre encore cinq ans
et laissons continuer le nucléaire. Mais, nous, nous nous fions aux
données que nous avons, qui nous semblent crédibles, et aussi aux
prises de position du gouvernement. Je fais allusion encore au programme de
favorisation de la conversion de l'huile à l'électricité,
par exemple, dans le cas du chauffage. C'est le contexte dans lequel on vit
actuellement.
M. Bérubé: Je pense qu'on n'est pas si loin l'un de
l'autre. Vous reconnaissez qu'il faut avoir une expertise minimale. La seule
différence, finalement, c'est que tant et aussi longtemps qu'on ne nous
fait pas la preuve que nos besoins en énergie, que nos projections de
demandes que l'on faisait initialement ne doivent pas être
évalués à la baisse, on ne prend pas de décision
concernant le nucléaire. Le moratoire repose simplement sur une
comparaison continue de la demande réelle en électricité
et de la demande que l'on projetait et qui nous amenait au nucléaire.
Chaque fois que la demande réelle est inférieure à ce que
l'on projetait, qui nous amenait vers le nucléaire, on est
justifié de reporter la décision concernant le nucléaire
jusqu'à ce que, finalement, on soit devant l'inévitable, et
ça pourrait être en l'an 2000. Pas plus que vous je n'ai
l'assurance que les chiffres que je vous ai apportés sont exacts. Donc,
il y a une marge d'inconnu. Mais la notion de moratoire implique qu'on ne
s'engage pas dans le nucléaire maintenant pour découvrir, en
1995, qu'on n'aurait pas dû, parce que, de toute façon, on avait
assez d'électricité.
Ma position est plutôt l'inverse: n'entrons pas dans le
nucléaire, aménageons notre hydraulique, favorisons les
économies d'énergie, favorisons la pénétration du
gaz et, là, si, effectivement, on arrive à restreindre la demande
en électricité, on aurait évité le nucléaire
pendant une très longue période. C'est très
différent de la vôtre, si vous voulez, dans sa conclusion.
Vous voulez aller au nucléaire et vous verrez, en 1995, si vous
en aviez besoin. Moi, je dis, tant et aussi longtemps qu'on ne m'a pas fait la
démonstration que la demande va croître aussi rapidement qu'on le
dit et que je n'ai aucun autre potentiel disponible, je dis: N'entrons pas dans
le nucléaire.
Le Président (M. Jolivet): M. Delisle.
M. Delisle: J'ajouterais simplement que vous me permettrez de
croire qu'en sus des éléments que vous venez de soulever qui ont
motivé l'imposition et le maintien du moratoire, il y a peut-être
d'autres éléments qui sont entrés en considération
sur lesquels on ne doit pas entrer ce matin. Mais il y a d'autres
éléments qui ont sûrement motivé la position du
gouvernement d'imposer et de maintenir ce moratoire.
Le Président (M. Jolivet): M. le député
d'Outremont.
M. Fortier: J'invoque le règlement, M. le
Président, parce que j'aimerais rétablir certains faits.
J'entendais le ministre faire de la petite politique sur un sujet aussi
important. Il attaquait le député de Mont-Royal, tout à
l'heure, en lui disant que ce n'était pas un endroit pour agir de la
sorte. Je m'aperçois qu'il n'est pas capable de se tenir à la
hauteur même où il voudrait bien que les autres se tiennent.
En ce qui concerne le rapport de l'Ordre des ingénieurs, il est
vrai que j'y ai
participé l'an dernier. J'aimerais vous dire, M. le ministre,
parce qu'il semblerait que vous n'avez pas pris le temps de lire le
mémoire, qu'au moins dix ingénieurs ont participé à
la rédaction de ce mémoire. J'étais le seul
représentant de l'industrie nucléaire, les neuf autres
étaient dans le domaine de l'économie d'énergie, de
l'hydroélectricité, du gaz, enfin, de toutes les formes
d'énergie. Laisser supposer que l'Ordre des ingénieurs accepte,
d'une part, le rapport de comités, c'est une aberration mentale et,
d'autre part, même le comité était en majorité
formé de personnes qui n'avaient rien à faire à
l'industrie nucléaire comme telle.
Au lieu de faire des allusions de ce genre, M. le ministre, vous seriez
bien mieux de prendre les décisions qui s'imposent et de nous dire ce
que vous allez faire avec Gaz Métropolitain, quand vous allez choisir
les distributeurs de gaz. Au lieu de supposer une certaine
pénétration du gaz, prenez donc les décisions qui doivent
être prises maintenant et faites donc face à vos
responsabilités.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Rouyn-Noranda.
M. Samson: M. le Président, je voudrais souligner mon
accord avec lé mémoire en ce qui concerne un débat public
sur la question du nucléaire, un débat public qu'on
suggère être une commission spéciale. J'imagine, quand on
parle de commission spéciale - et je vous pose la question - que vous
voyez là une commission qui pourrait être itinérante et
recevoir non seulement des mémoires, mais consulter également la
population sur divers aspects se rapportant à cette question. Est-ce que
c'est le genre de commission spéciale dont vous parlez dans votre
mémoire?
M. Delisle: Cela pourrait être envisagé de cette
façon. Évidemment, compte tenu de l'importance du dossier, nous
croyons qu'on pourrait aller jusque-là.
M. Samson: Une commission spéciale qui tiendrait compte de
l'expertise, qui tiendrait compte de ce que les scientifiques pourraient
apporter et qui tiendrait compte également de la perception de la
population ou de la capacité de perception de la population au moment du
débat. C'est bien ça?
Le Président (M. Jolivet): M. Dagenais.
M. Dagenais: Je pense qu'il ne faudrait pas oublier aussi de
penser aux diverses instances gouvernementales. Ce serait une excellente
occasion pour Hydro-Québec et les divers ministères de faire
valoir leurs points de vue qui, de toute évidence, ne sont pas
nécessairement convergents.
M. Samson: Alors, je suis bien heureux d'entendre ça de
votre bouche.
M. le Président, j'ai quelques minutes à peine pour
m'interroger quant à la position gouvernementale, cependant. Nous sommes
d'accord avec le débat public. Nous sommes d'accord avec cette forme de
commission spéciale où on tiendra compte du point de vue de la
population. Mais, quand j'entends parler le ministre, M. le Président,
je ne peux faire autrement que de me rappeler le débat de 1971 sur la
Loi constituant la Société de développement de la Baie
James. Nous avons, au cours de cette commission parlementaire, entendu parler
surtout d'équipement, de développement, mais dans la
région spécifique de la Baie James. M. le Président, vous
n'étiez pas là, le ministre non plus, mais savez-vous quel
était l'argument principal invoqué par le Parti
québécois dans ce temps-là - j'étais là, moi
- pour ne pas consentir à cautionner la loi sur le développement
de la Baie James? L'argument principal à ce moment-là du Parti
québécois, c'était qu'il fallait aller au nucléaire
le plus rapidement possible.
Vous voyez, M. le Président, comme il peut y avoir des
changements de position surtout quand on arrive à la veille d'une
élection comme ça. Notre constante... J'entendais le ministre,
tantôt, dire: on est contre le nucléaire, c'est clair et nous, on
voudrait retarder ça. Quand j'entendais parler le ministre tantôt,
je revoyais le discours du premier ministre Bourassa en 1971. Alors, il fait
sienne des propositions du premier ministre Bourassa en 1971, aujourd'hui,
alors que son parti était contre en 1971; ces gens ont été
contre aussi longtemps qu'ils ont pu tenir le coup, jusqu'à ce qu'ils
réalisent que, réellement, c'est le Parti libéral qui
avait eu raison. Je suis bien à l'aise pour le dire, M. le
Président, non pas parce que je suis dans le Parti libéral
aujourd'hui. J'étais dans un autre parti à ce moment, mais
j'étais d'accord avec le Parti libéral. J'étais tellement
d'accord que j'ai cautionné la loi 50.
Il faudrait rétablir les choses dans leur juste perspective. Qui
sont ceux qui ont voulu aller au maximum de notre développement
énergétique actuel? C'est le Parti libéral. Qui sont ceux
qui ne veulent pas s'aventurer aveuglément dans une autre forme
d'énergie qui est actuellement discutée et probablement
discutable? C'est encore le Parti libéral. Qui sont ceux qui,
aveuglément, ont dit, en 1971: On ne veut pas de ça parce que
c'est du nucléaire qu'on veut? Qui sont ceux qui ont continué le
débat jusqu'en 1976, jusqu'à la veille des élections?
C'est encore le Parti québécois. Qui sont ceux qui, aujourd'hui,
à la veille d'une autre élection, viennent nous dire: Nous, vous
savez, on est
contre ça et on voudrait peut-être le retarder? Oui, vous
étiez pour avant, vous êtes contre maintenant et si vous
étiez réélus, vous seriez peut-être pour
après. Nous, on dit: ce n'est pas de cette façon que les choses
doivent se passer, parce que c'est un débat où, on le sait, il y
a des gens qui sont favorables et il y en a qui ne sont pas favorables. (13 h
30)
C'est un débat qui est non seulement scientifique, mais qui a des
incidences sur la population et sur la compréhension de la population
vis-à-vis de cette forme d'énergie. Vis-à-vis de
ça, nous croyons et nous nous croyons justifiés de continuer -
non pas d'arriver aujourd'hui avec une formule de débat public -
à réclamer le débat public et à dire ce que nous
avons dit en 1971: Allons-y au maximum de notre capacité et, s'il y a
nécessité, on consultera après. C'est la constante du
Parti libéral qui est contraire au cahotement du Parti
québécois dont l'honorable ministre que j'ai devant moi est le
champion maintenant.
Le Président (M. Jolivet): Merci, M. le
député. M. Delisle, en terminant.
M. Delisle: Je voulais simplement remercier les membres de cette
commission et je me demande si c'est possible que le document auquel nous
faisons référence - et pour vous prouver, d'ailleurs, qu'il a
été fait en toute objectivité - puisse être
considéré comme un complément au mémoire que nous
avons présenté ce matin.
Le Président (M. Jolivet): Vous me permettrez de faire une
rectification à ce que j'ai dit tout à l'heure concernant la
Chambre de commerce du district de Montréal. J'ai parlé de la
Bibliothèque nationale, alors que j'aurais dû parler de la
bibliothèque de la Législature. Si votre document peut nous
être apporté, nous le transmettrons à ce niveau, mais il ne
sera pas inscrit au journal des Débats. Si vous en avez des copies
additionnelles...
M. Delisle: On pourra vous en faire parvenir des copies.
Dites-nous combien.
Le Président (M. Jolivet): D'accord. Donc, c'est la
façon la plus logique de faire parvenir aux membres de cette commission
une copie de ce document. Quant à moi, je vous remercie au nom des
membres de cette commission d'être venus devant cette commission et,
à 15 heures, nous reprendrons les débats avec l'Association des
constructeurs de routes et grands travaux du Québec.
(Suspension de la séance à 13 h 32)
(Reprise de la séance à 15 h 17)
Le Président (M. Jolivet): À l'ordre: La commission
de l'énergie et des ressources est à nouveau réunie aux
fins d'entendre les personnes ou organismes qui veulent faire des
représentations relativement au plan d'équipement et de
développement 1981-1990 de la société
Hydro-Québec.
Au moment où nous nous sommes quittés, nous en
étions rendus à l'Association des constructeurs de routes et
grands travaux du Québec, représentée par M. Carol
Wagner.
J'aimerais que M. Wagner nous présente les membres qui
l'accompagnent avant de commencer le mémoire.
Association des constructeurs de routes et grands
travaux du Québec
M. Wagner (Carol): M. le Président, je vous
présente à ma gauche Me Serge Caron, je suis Carol Wagner,
à droite, MM. Jos. Carré, Serge Poulin et Damien Morissette.
Le Président (M. Jolivet): Avant que vous commenciez, j'ai
à annoncer aux membres de cette commission qu'il y a eu quelques
changements quant aux membres. M. Fortier (Outremont) est remplacé par
M. Samson (Rouyn-Noranda) et M. Samson (Rouyn-Noranda) est remplacé par
M. Pagé (Portneuf).
Vous pouvez commencer votre mémoire.
M. Wagner: M. le Président, avec votre permission, je
demanderais à M. Jos. Carré, notre président au conseil
d'administration, de lire le mémoire.
Le Président (M. Jolivet): Allez.
M. Carré (Jos.) Merci, M. le Président.
L'Association des constructeurs de routes et grands travaux du
Québec regroupe la majorité des entrepreneurs oeuvrant dans le
domaine du génie civil au Québec. Tous les entrepreneurs de la
Baie James sont membres de notre association. Il en est de même pour les
entreprises de lignes de transport d'énergie et de postes de
transformation. C'est au nom de ces entreprises membres qu'il nous fait plaisir
de vous présenter ce mémoire.
Le 16 décembre 1980, Hydro-Québec présentait le
plan des installations qu'elle se propose de réaliser au cours de la
prochaine décennie. Ce plan est en relation directe avec la demande
d'électricité prévue. Aucun autre critère n'est
intervenu dans le choix des différents projets, mis à part
l'état d'avancement de leur phase d'exploration et d'ingénierie
et leur potentiel énergétique.
Après étude des documents publiés par
Hydro-Québec, notre première constatation est que le plan des
installations tel que
proposé est hors de la capacité de notre industrie. En
effet, il n'y aura pas assez d'entrepreneurs au Québec pour
réaliser l'empilement des travaux de 1988 à 1990 et, de plus, il
n'y aura pas assez de travailleurs. Si ce plan est maintenu, nous assisterons
à un phénomène de surinflation qui fera passer la somme
des investissements requis de $55,490,000,000 à $60,610,000,000, soit un
coût supplémentaire d'environ $5,120,000,000.
Disponibilité de la main-d'oeuvre. Présentement, on
dénombre 110,000 travailleurs pouvant oeuvrer dans l'industrie de la
construction au Québec. Nous avons constaté, depuis l'apparition
des effets de l'application du règlement sur le placement, une
diminution d'environ 40,000 travailleurs, ce qui abaisse le total à
70,000 travailleurs actuellement classifiés par l'Office de la
construction. Cependant, pour les besoins de notre étude, nous
considérons le chiffre de 110,000 travailleurs, reconnaissant que, si la
demande en main-d'oeuvre des chantiers éloignés est grande, les
40,000 travailleurs qui sont présentement absents de l'industrie
pourront y revenir.
La baisse de la croissance démographique associée aux
effets du règlement sur le placement et au manque de programmes de
formation défavorise pour les années qui viennent une
augmentation de la main-d'oeuvre et nous fait conclure plutôt à
une diminution ou, du moins, à une stabilité du nombre actuel de
110,000 travailleurs jusqu'en 1990. Nous évaluons à environ
25,000 le nombre de travailleurs qui sera disponible, à la pointe de
1989-1990, pour satisfaire les chantiers éloignés. En effet, sur
les 110,000 travailleurs mentionnés plus haut, environ la moitié
travailleront ailleurs au Québec. Des 55,000 restant, un maximum de 45%
seront disposés à travailler sur des chantiers
éloignés, ce qui nous donne notre total de 25,000.
Les prévisions d'Hydro-Québc, reproduites dans le tableau
no 1 en annexe, montrent un total des effectifs de pointe de 25,000 hommes en
1989 et de 27,700 en 1990. Il faut ajouter à ces chiffres un minimum de
30% de contingence. Nous disons bien un minimum, car l'expérience des
cinq années passées nous démontre que, plus le nombre de
travailleurs requis est élevé, plus la contingence en pourcentage
augmente. Nous pouvons facilement constater cette affirmation en examinant les
tableaux no 2 et no 3 en annexe. Le tableau no 2 donne la pointe annuelle de la
main-d'oeuvre active au complexe La Grande et le tableau no 3, le nombre de
travailleurs acheminés au complexe La Grande. Nous constatons, par
exemple, qu'en 1978 la pointe annuelle des travailleurs était de 17,000
hommes et qu'il a fallu acheminer 24,257 hommes pour la satisfaire, soit une
contingence ou un roulement, si vous voulez, d'environ 43%.
De plus, si le nombre de jours que doit passer un travailleur sur le
chantier avant de pouvoir prendre des vacances diminue lors des prochaines
conventions collectives, la contingence augmentera encore plus. L'effectif de
pointe maximum prévu par Hydro-Québec est donc de 36,000
années-hommes, si on ajoute 30% de contingence. Comme nous l'avons vu
plus haut, le maximum d'hommes qui pourront se trouver sur les chantiers
hydroélectriques en 1990 est de 25,000, selon nos prévisions. Au
cours de cette même année, il manquerait donc 11,000 travailleurs
au Québec. En 1989, il en manquerait 7500.
Variations apportées au plan des installations
d'Hydro-Québec. Les effectifs de pointe incluant la contingence de 30%
sont montrés au tableau no 4. Le seul moyen de diminuer la pointe de
1988, 1989 et 1990 consiste donc à avancer un certain nombre de projets.
En effet, les besoins en électricité de 1990 demeurant les
mêmes que ceux prévus par Hydro-Québec, on ne peut donc
retarder aucun des projets déjà considérés pour
réalisation. Nous montrons donc, dans le tableau no 4, les variations
apportées aux effectifs de pointe en avançant, du nombre
d'années indiqué, un certain nombre de projets de centrale, de
même que la construction de quelques lignes de transport d'énergie
et de postes de transformation. Ces avancements de projets sont tous
physiquement réalisables compte tenu de l'état actuel des travaux
d'ingénierie. Nous obtenons ainsi un nouveau total des effectifs de
pointe avec contingence qui se situe aux alentours de 23,000
hommes-années pour la période allant de 1987 à 1990
inclusivement.
La courbe du tableau no 5 indique bien de quelle façon les
effectifs de pointe deviennent soit stables soit en progression constante. Le
sommet des années 1988 à 1990 est coupé, pour venir
combler le creux de la vague des années 1982 à 1985.
Disponibilité des entreprises québécoises de
génie civil. Au niveau de la disponibilité des entreprises de
génie civil, il existe actuellement un maximum possible de l'ordre de
quinze entreprises, si on fait exception des entreprises de construction de
lignes de transport, disposées à soumissionner sur des contrats
d'envergure comme ceux de la Baie James. Nous estimons qu'en 1988, environ 25
entreprises seront disposées à soumissionner. Si on analyse les
échéanciers des travaux prévus selon le plan des
installations d'Hydro-Québec, environ 40 contrats majeurs de
génie civil, c'est-à-dire les contrats de $40,000,000 et plus,
seraient en demande de soumissions au cours de l'année 1988,
nécesssitant donc 40 entreprises ou entreprises conjointes, ce qui nous
donne un manque d'au moins quinze entreprises de génie civil pour cette
même année.
Ces 40 contrats majeurs ne peuvent pas être fractionnés et
ils se réaliseront parallèlement à plusieurs contrats de
moindre envergure qui, eux, occuperont la totalité des moyennes
entreprises québécoises. Hydro-Québec devra donc trouver
ailleurs les entreprises nécessaires à la réalisation
d'une quinzaine de ces 40 contrats majeurs.
De plus, il est probable qu'en 1988, un bon nombre de ces 25 entreprises
disposées à soumissionner sur des contrats de cette envergure
soient déjà occupées à d'autres contrats, ce qui
augmentera le nombre des entreprises manquantes. Il est donc très facile
d'affirmer qu'un phénomène de surinflation apparaîtra au
cours de cette même année, ce qui amènera une augmentation
très rapide des coûts des projets pour les années 1988,
1989 et 1990.
Pendant le creux de la vague prévu entre 1982 et 1985, les
entreprises travaillant actuellement dans le cadre de la réalisation du
complexe La Grande, phase I, démobiliseront leurs chantiers et se
déplaceront même hors du Québec, à cause de la
faible activité de la construction, ce qui contribuera à
augmenter les coûts lors de la remobilisation.
Lorsque le volume des travaux augmente de façon trop forte, comme
il est prévu pendant la période de pointe de 1988 à 1990,
la capacité des entreprises ne leur permet pas de soumissionner à
prix compétitifs car elles doivent faire face à la situation de
la façon suivante: Embaucher du personnel cadre nouveau à prix
fort et non familier avec leur nouvelle entreprise, ce qui entraîne une
perte de productivité; embaucher le personnel de base selon les
mêmes critères, ce qui cause encore une perte de
productivité; augmenter le coût de financement; affronter une
situation entraînant l'augmentation considérable des risques;
subir une pression syndicale supplémentaire durant les périodes
de forte activité.
Tous ces facteurs augmentent considérablement les soumissions et
il y a donc à nouveau apparition d'un phénomène de
surinflation.
Surinflation. Du point de vue des investissements requis, il est
évident que notre plan est beaucoup moins dispendieux, même si les
travaux sont avancés, et ceci pour deux raisons: La première,
c'est que les entrepreneurs et les travailleurs sont déjà sur les
lieux des travaux, compte tenu de la fin de la réalisation actuelle du
complexe La Grande, phase I, et sont donc prêts à soumissionner
immédiatement à des prix compétitifs sur ces autres
projets. La deuxième raison est que nous annulons complètement la
surinflation inévitable qu'occasionnerait la réalisation des
installations proposées par Hydro-Québec au cours des
années 1988, 1989 et 1990 en ramenant à un niveau acceptable les
effectifs de pointe prévus, de même que les flux
pécuniaires des projets.
Les facteurs inflationnaires, comme nous l'avons vu
précédemment, sont la disponibilité de la main-d'oeuvre de
construction et la disponibilité des entreprises de génie civil
au cours des années 1988, 1989 et 1990. Cette surinflation augmenterait
le coût des projets de l'ordre de 20% au cours de ces trois
années. Les investissements requis augmenteront donc d'un total de
$5,120,000,000, comme le montre le tableau no 7. Ce montant inclut les
intérêts durant la construction. Une autre façon de le
calculer aurait été de ne considérer que le coût de
la construction pure, en ajoutant les intérêts
supplémentaires, mais le résultat aurait été
sensiblement le même. (15 h 30)
À ceci, nous devons ajouter que, s'il se trouvait d'autres
projets importants de génie civil, non prévisibles à ce
jour, en voie de réalisation en 1988, 1989 et 1990, concurrement
à ces travaux, le facteur de surinflation serait encore plus grand.
Nous prévoyons donc qu'une situation analogue à celle
vécue pour la construction des installations du parc olympique se
reproduira et sera même plus fortement ressentie, si le plan des
installations prévu se réalise sans que l'on y apporte les
variations que nous proposons.
En tant qu'entrepreneurs, nous ne demandons pas mieux que d'obtenir les
meilleurs prix possible pour la réalisation de nos contrats, mais, si on
veut apporter notre contribution à l'amélioration de
l'économie du Québec, nous nous devons de prévoir et de
signaler même ce genre de situation, car, pour nous, la stabilité
dans les investissements de notre industrie est plus importante que les pointes
hors proportion, comme celles prévues par Hydro-Québec pour la
période de 1988 à 1990.
L'effet des variations proposées sur la puissance disponible.
L'avancement des projets montrés au tableau no 4 donnera cependant,
à Hydro-Québec, un supplément de puissance disponible
à la pointe, pour les années 1987, 1988, 1989 et 1990. Ces
suppléments sont montrés au tableau no 6.
Ce surplus de puissance installée de 2897 MW pourra partiellement
être contré en retardant le développement de
l'énergie nucléaire.
Cependant, nous pourrions conserver ce surplus et promouvoir la vente
d'électricité à taux réduits pour les industries
désireuses de s'implanter au Québec ou encore encourager la
conversion des maisons à l'électricité.
Conclusion. En conclusion, nous recommandons que le creux de la vague
prévu pur 1982 à 1985 soit comblé et que la pointe hors
proportion des années 1988 à
1990 soit adoucie en tenant compte de la capacité de notre
industrie en termes de travailleurs et d'entrepreneurs.
Nous recommandons que les projets complexe Grande Baleine, centrale LA 1
et centrale LG 1 soient avancés d'un an; la centrale Brisay
avancée de deux ans et les centrales LA 2 et EM 1 avancées de
cinq ans, par rapport au programme RP 80-04 annoncé par
Hydro-Québec. Les projets de construction de lignes à 735 KV et
des postes de transformation doivent être répartis sur une plus
longue période afin de respecter un flux monétaire et une
prévision des effectifs de pointe plus uniformes, tel que le montrent
les tableaux no 4 et no 5.
Nous recommandons aussi que le surplus d'électricité ainsi
créé soit considéré dans un programme de vente
d'électricité à tarif réduit à l'intention
des entreprises désireuses de s'installer au Québec.
Enfin, nous recommandons que l'accès aux chantiers
éloignés soit facilité aux entreprises de moyenne taille
en leur avançant le coût des équipements nécessaires
à la réalisation de leur contrat comme cela se fait dans d'autres
provinces. Leur facteur de liquidité est ainsi protégé, ce
qui leur permet alors de se qualifier pour ce genre de soumissions. Cette
avance est évidemment remise au propriétaire lors des
estimés mensuels.
Vous aurez, membres de ce Parlement, à allier l'aspect de la
rentabilité d'Hydro-Québec et les conséquences d'un
accroissement de chômage dans le secteur des travaux de génie.
Nous avons à peine atteint en 1980 les 100 millions d'heures
travaillées dans l'industrie de la construction; ce
phénomène ne s'est pas vu depuis les années cinquante.
Pour remédier à cette triste prévision des années
1981 à 1985, le gouvernement aura un choix politique à faire pour
combler cette vague creuse et en amoindrir les conséquences de
l'instabilité dans l'industrie de la construction au Québec.
Nous vous conseillons de référer à l'étude
préparée par l'Office de la construction du Québec, un
organisme dirigé par le gouvernement, soit "La stabilisation de la
construction au Québec".
Nous espérons que les conclusions de cette étude,
lesquelles s'apparentent aux nôtres, convaincront le gouvernement que la
construction publique demeure le vrai stabilisateur de l'économie
québécoise.
Nous aimerions, en terminant, remercier la commission parlementaire sur
l'énergie de nous avoir accordé l'opportunité de venir
exprimer ici le point de vue des entrepreneurs sur le programme
d'investissements d'Hydro-Québec et nous sommes assurés que les
points soulevés dans notre mémoire sauront apporter un
éclairage différent qui permettra à la commission de
prendre la meilleure décision possible dans l'intérêt du
Québec et des Québécois.
Le Président (M. Jolivet): Merci. M. le ministre, vous
avez la parole.
M. Bérubé: Votre mémoire, messieurs de
l'Association des constructeurs de routes, rejoint des préoccupations
qui sont apparues assez clairement lors de la première journée de
la commission, lorsque plusieurs membres de cette commission se sont rendu
compte qu'on assisterait à un creux de l'emploi sur les chantiers de la
Baie James à partir de 1982 jusqu'en 1985, d'une part. Également,
nous nous sommes préoccupés de voir une croissance assez
phénoménale, tant des investissements que de l'engagement du
personnel, dans les années qui suivent 1985 jusqu'en 1990.
Pour éclairer notre lanterne, vous avez cherché à
quantifier l'impact. J'aimerais savoir comment vous avez évalué
le nombre d'entreprises disponibles dans le secteur de la construction. Pour le
nombre de travailleurs, vous avez simplement postulé que le nombre
serait constant. Comment, à partir du nombre d'entreprises que vous avez
imaginé et du nombre de travailleurs disponibles, avez-vous
calculé ce facteur de surinflation de l'ordre de 20%, ce qui vous
amène à accroître le coût du programme
d'Hydro-Québec de $5 milliards?
Le Président (M. Jolivet): M. Wagner ou M.
Carré.
M. Carré: Je vais répondre, M. le Président.
Actuellement, M. le ministre, les 20% qu'on a prévus pour la
surinflation, c'est très conservateur, surtout si on considère
que, le programme étant très restreint durant la période
1988, 1989 et 1990, on peut imaginer toutes sortes de phénomènes
qui peuvent se produire. Effectivement, tout le monde se souvient de ce qui
nous est arrivé durant la période de construction des Jeux
olympiques. Les 20% qui pouvaient peut-être être prévus
avant la construction des jeux étaient hors proportion de la
réalité, Alors les 20% qu'on a pris, c'est réellement
conservateur et cela peut aller définitivement plus loin que cela.
Maintenant, le nombre d'entreprises habilitées à
soumissionner sur les contrats d'envergure, c'est établi à la
suite d'une analyse que nous avons faite des entreprises
québécoises qui peuvent entreprendre des contrats d'envergure de
$25,000,000 à $30,000,000. Effectivement, je pense qu'on n'a pas plus
que cela.
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.
M. Bérubé: Vous arrivez finalement
avec un parallèle que vous faites avec le chantier olympique
où, effectivement, on avait eu une escalade des coûts
extrêmement importante. Il y a deux façons, évidemment,
d'étaler. On pourrait soit devancer, comme vous le suggérez, ou
retarder les travaux vers 1988-1989.
Compte tenu que l'on est à la pointe entre les deux options, vous
avez privilégié le devancement avec une surproduction
d'énergie. Vous suggérez qu'elle soit vendue à tarifs
réduits, soit à des industries ou encore qu'elle serve à
la pénétration de l'électricité. Fort heureusement,
nos collègues du gaz naturel, je pense, ont quitté la salle et,
par conséquent, ils n'ont pas trop mal réagi à cette
affirmation, mais s'ils avaient pu être là, ils auraient
réagi assez fortement, puisque eux suggèrent plutôt le
contraire.
À ce moment-là, je vous poserais simplement la question:
Avez-vous envisagé un report plutôt qu'un devancement, et quel
serait l'impact d'un report sur les paramètres que vous avez
identifiés?
M. Carré: Non, effectivement, on n'a pas vu un recul du
programme. On veut réellement combler le creux qui va se produire, qui
se produit actuellement et qui va durer les trois ou quatre prochaines
années. Nous croyons que la solution est de devancer les projets.
Le Président (M. Jolivet): Je m'excuse, M. Carré,
essayez donc l'autre micro.
M. Carré: Je m'excuse. Comme je le dis, notre but est de
remplir le creux de la courbe qui indique les investissements
d'Hydro-Québec d'ici dix ans. Effectivement, retarder les travaux ne
serait pas la solution. Nous croyons que la solution serait de devancer les
travaux pour emplir le creux et pour donner de l'ouvrage à nos
travailleurs et de l'ouvrage à nos entreprises en construction.
M. Bérubé: Si je comprends bien, l'approche que
vous recommandez, c'est celle que vous suivez chaque fois que vous dessinez une
route, vous cherchez des élévations suivies de creux de
manière à vous débarrasser de la terre à une place
pour l'envoyer ailleurs?
M. Carré: C'est exactement cela.
M. Bérubé: C'est l'approche des constructeurs de
routes au programme d'équipement d'Hydro-Québec. C'est une
approche certainement intéressante, effectivement.
M. Carré: C'est exactement cela.
M. Bérubé: Je n'ai pas d'autres questions pour
l'instant, M. le Président.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Mont-Royal.
M. Ciaccia: M. le Président, je dois avouer que je trouve
votre mémoire un peu décourageant, c'est le moins qu'on puisse
dire, pour l'avenir du programme d'Hydro-Québec. Si les chiffres que
vous nous donnez sont exacts, si votre analyse est exacte, la réflexion
que je ferais serait: Comment une entreprise comme Hydro-Québec
pourrait-elle se permettre de soumettre au gouvernement, et comment le
gouvernement, qui est constamment en discussion avec HydroQuébec,
pourrait-il se permettre de rendre public un projet d'investissements? Et vous
nous dites que vous ne pourriez pas le réaliser avec la main-d'oeuvre et
avec les entreprises qui existent au Québec. C'est la première
fois que j'entends cette réflexion et je trouve cela surprenant. Cela
jette de l'eau froide sur le plan d'investissements qu'Hydro vient de nous
présenter. Je vais vous dire une autre chose: Votre analyse confirme les
manchettes des journaux d'hier qui disaient que, les tarifs d'Hydro doivent
monter en flèche, malgré les négations dans la
conférence de presse du ministre. Vous venez de nous montrer qu'il va y
avoir surinflation. Vous n'avez pas la main-d'oeuvre. Il va falloir payer plus
cher pour un programme d'investissements de $90 milliards. Si ce n'est pas
déprimant, c'est certainement décourageant, votre mémoire.
Je voudrais que vous m'expliquiez quelques-unes des affirmations que vous avez
faites. Premièrement, vous parlez de l'application du règlement
sur le placement. Vous avez constaté, depuis l'apparition du
règlement sur le placement, une diminution d'environ 40,000
travailleurs. C'est un règlement que le gouvernement a mis en place il y
a quelques années. Est-ce que vous pouvez m'expliquer comment cela s'est
produit, cette diminution de 40,000 travailleurs due au règlement du
gouvernement?
Le Président (M. Jolivet): M. Carré.
M. Carré: Avec votre permission, M. le Président,
je vais demander à M. Carol Wagner de répondre à la
question de M. Ciaccia.
Le Président (M. Jolivet): M. Wagner.
M. Wagner: M. le Président, disons qu'on considère
que le bassin des ouvriers est d'environ 150,000 employés, travailleurs
de la construction. Graduellement, on a même atteint, dans la
période de l'Expo, peut-être 194,000. Cela a été un
spécial. On sait fort bien que le gouvernement, par son bureau de
placement, a voulu, comme on dit, assainir le climat dans l'industrie de
la construction. Il a établi un bureau de placement grâce auquel
les ouvriers qui travaillent dans l'industrie de la construction pourront vivre
de leur métier. On constate qu'actuellement le bassin de ces 150,000
travailleurs diminue en fonction du volume des travaux qui se produisent
graduellement. On sait fort bien que la pointe maximum a été en
1975 et que, graduellement, cela descend et que le volume d'hommes actifs
diminue au prorata des volumes de travaux engagés. Ces 40,000 sont une
perte ou une diminution en fonction d'un critère qu'on établit en
moyenne à 150,000 le bassin disponible. (15 h 45)
M. Ciaccia: L'effet de ce règlement du gouvernement a
été effectivement de diminuer le nombre, d'enlever 40,000
travailleurs de l'industrie de la construction. Est-ce que c'est cela que vous
nous dites?
M. Wagner: Non, je ne le pense pas. Le bureau de placement
n'enlève pas 40,000. Le bureau de placement, comme on dit, donne de
l'ouvrage à ceux qui travaillent réellement dans l'industrie de
la construction. Maintenant, on se base sur un critère qui est de
150,000, comme on se base sur un critère de 15,000 entrepreneurs
disponibles au Québec quand on regarde les électriciens, les
plombiers, etc. C'est un maximum dans lequel le nombre de travailleurs est
fonction du volume de travaux disponibles.
M. Ciaccia: Vous dites que, si vous devancez les travaux, vous
pourrez combler la baisse sur les chantiers de construction. Quand
Hydro-Québec est venue ici, quelqu'un d'autre avait
suggéré cela, mais cela ajoutait sensiblement aux coûts des
projets d'Hydro-Québec, parce que, s'ils n'ont pas besoin de
l'électricité ou des projets pour certaines années, s'ils
devancent les travaux, cela va signifier plus d'investissements, plus
d'intérêts à payer sur les emprunts. Est-ce que vous avez
songé, plutôt que de faire devancer les travaux
d'Hydro-Québec, qu'il serait possible de remplacer les travaux par
exemple par d'autres projets comme le prolongement du gazoduc? Est-ce que ces
travaux, si jamais le gouvernement choisit le distributeur, donne le feu vert
et que le projet commence, peuvent répondre aux difficultés que
vous avez soulevées?
M. Carré: Effectivement, les gazoducs, selon ce qu'on
comprend, seront construits. Nous croyons qu'il y aura seulement, de la
façon dont on le voit, trois contrats qui pourront fonctionner ensemble
dans le système des gazoducs. Pour ces trois projets, on peut
peut-être compter entre 400 et 500 personnes par projet, pour un total
d'environ 1200, une pointe de 1200 travailleurs. Nous voyons difficilement que
le projet de gazoduc puisse combler le creux. Maintenant, nous croyons qu'il y
a ici au Québec la possibilité de prolonger le réseau
d'Hydro-Québec et de réaliser les projets qu'on suggère.
Nous pensons réellement qu'Hydro-Québec n'aura aucune
difficulté à se débarrasser du surplus de puissance
qu'elle pourra avoir. Les 2800 MW supplémentaires, je suis
persuadé qu'Hydro-Québec va disposer de cette énergie soit
en encourageant les entreprises, l'industrie secondaire, si vous voulez,
à s'installer ici au Québec, ou, s'il le faut, en vendant le
surplus ailleurs.
M. Ciaccia: On entre complètement dans un autre champ de
discussion...
M. Carré: C'est exact.
M. Ciaccia: ...celui des ventes et des exportations.
M. Carré: On n'a pas pensé qu'on discuterait de
cela.
M. Ciaccia: Si je comprends bien, vous avez pris en
considération la construction du gazoduc. Vous dites que cela peut
produire 1200 emplois additionnels et que cela ne peut pas combler les besoins
que votre industrie aura.
M. Carré: C'est exact.
M. Ciaccia: M. le Président, je veux bien donner à
mes collègues l'occasion de poser des questions, mais je suis
étonné qu'on vienne aujourd'hui nous démontrer, si les
chiffres sont exacts, je ne le sais pas, jusqu'à présent, le
ministre ou le gouvernement ne nous a pas donné d'autres indications...
Je vois un manque de coordination, c'est le moins qu'on puisse dire, entre ce
que le gouvernement propose, ce qu'Hydro-Québec fait et ce que vous
dites qu'il est possible de faire. Ce manque complet de planification, à
ce stade-ci, je me demande vraiment comment une telle chose peut produire de
tels effets. Est-ce que vous avez eu, vous, des discussions avec
Hydro-Québec? Est-ce que vous avez fait ces représentations? Ce
n'est pas un nouveau plan d'Hydro-Québec. Le gouvernement, cela fait un
an qu'il en discute. Il est au courant. Est-ce que vous avez fait des
représentations? Est-ce que vous avez eu des discussions?
Le Président (M. Jolivet): M. Carré.
M. Carré: Effectivement. Si vous me le permettez, M. le
Président, je vais demander à M. Wagner d'exprimer les
pensées de notre association à ce sujet.
Le Président (M. Jolivet): M. Wagner.
M. Wagner: La préoccupation de notre association est une
stabilisation de la planification dans l'industrie de la construction. Je pense
que, depuis des années, on essaie d'avoir ça. Quand nous avons
appris le programme d'Hydro-Québec de 1980-1990, je pense que nous nous
sommes exprimés peut-être en termes plus restreints, quelques
jours avant à HydroQuébec même, nous voulions, par ce moyen
qui nous est donné aujourd'hui, commenter le programme
d'Hydro-Québec. En plus aussi, on se réfère facilement au
fameux livre de l'OCQ qui dit que dans les périodes creuses, la
stabilisation va être compensée par le secteur public. Nous
considérons qu'Hydro-Québec c'est un secteur public et il devrait
être compensé. Et si on regarde, dans ce volume, les avantages
qu'il y aurait à une stabilisation par l'industrie dans le secteur
public, c'est ça qu'on vise et c'est dans ce sens qu'on voudrait que la
décision soit politique vers la fin. C'est une décision politique
qui doit tenir compte de la demande et du programme établi
d'Hydro-Québec.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Saint-Hyacinthe.
M. Cordeau: M. le Président, permettez-moi tout d'abord de
vous féliciter de votre participation à cette commission. Surtout
de nous faire voir dans quelles difficultés vous êtes actuellement
vous autres, l'Association de constructeurs de routes et grands travaux du
Québec, devant le creux qui existe présentement et qui va
peut-être continuer pendant quelques années encore. J'aime bien
vos conclusions: "Nous recommandons aussi que le surplus
d'électricité ainsi créé soit
considéré dans un programme de vente d'électricité
à tarif réduit à l'intention des entreprises
désireuses de s'installer au Québec." Pour faire suite à
votre invitation aux industries de s'installer au Québec, je profite de
cette occasion pour inviter ces entreprises à venir à
Saint-Hyacinthe parce que nous y possédons un magnifique parc industriel
dont les infrastructures sont déjà en place, où il y a une
corporation de promotion industrielle très active qui pourrait les aider
à s'implanter à Saint-Hyacinthe. Elles pourraient s'apercevoir
qu'à Saint-Hyacinthe il y a une population stable et très
travaillante où il y a de la productivité.
Ceci dit, M. le Président, vous dites, à un moment
donné, que la nouvelle réglementation de l'OCQ a diminué
sensiblement le nombre de travailleurs, dans le domaine de la construction,
à 70,000. Actuellement, dans ce bassin de 70,000 travailleurs - c'est
bien sûr que nous sommes dans une période creuse - est-ce que vous
trouvez assez facilement les effectifs dont vous avez besoin pour la
réalisation de vos travaux?
Le Président (M. Jolivet): M. Carré.
M. Carré: Merci, M. le Président. Pour l'instant,
on n'a pas de problème, si vous voulez, pour trouver des travailleurs
parce qu'avec la période qu'on vit aujourd'hui, les projets sont
plutôt rares. Effectivement, la main-d'oeuvre est plus que
disponible.
M. Cordeau: Est-il exact aussi qu'étant donné le
manque de travail, il y a plusieurs travailleurs qui ne peuvent plus se
qualifier parce que, dans la réglementation actuelle, il faut qu'ils
travaillent pendant un certain nombre d'heures, et lorsqu'ils ne travaillent
pas pendant un certain nombre d'heures, ils perdent ou ils sont exposés
à perdre leur carte de qualification?
M. Carré: Dans le contexte de la loi d'aujourd'hui, c'est
exact, monsieur.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Gouin. Vous n'avez pas terminé, excusez-moi. M. le député
de Saint-Hyacinthe.
M. Cordeau: Une petite question, s'il vous plaît. Dans vos
conclusions aussi vous dites: Nous avons à peine atteint, en 1980, les
100,000,000 d'heures travaillées dans l'industrie de la construction.
Devant les effectifs de votre association, la capacité de
réalisation de projets, que représentent en pourcentage les
100,000,000 d'heures travaillées dans l'industrie de la
construction?
M. Carré: Regardez, dans les années 1966-1967, on a
travaillé 196,000,000 d'heures, dans l'industrie de la construction.
Cela vous donne une idée, Aujourd'hui, on travaille la moitié des
heures qu'on pourrait, si vous voulez, travailler, même pas la
moitié, si on considère...
M. Cordeau: Cela veut dire environ 50% de votre capacité
de réalisation.
M. Carré: Exactement.
M. Cordeau: Les suggestions que vous faites dans votre
mémoire de peut-être avancer l'échéancier des
travaux dans le domaine de l'énergie viennent certainement à
point et méritent considération. Merci.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Gouin.
M. Tremblay: M. le Président, je crois que nous avons
devant nous un des meilleurs
rapports qui nous ont été présentés
jusqu'à maintenant, un rapport qui essaie de chiffrer certaines des
questions que nous nous posons depuis le début des travaux de la
commission, mais c'est en même temps peut-être le rapport le plus
préoccupant.
D'après votre témoignage, ce plan d'investissements
d'Hydro-Québec, si la population ou le gouvernement l'adoptait, serait
un plan déstabilisateur de l'économie. C'est une lacune sur
laquelle nous avions mis le doigt lors de la première journée, en
ce sens que nous avions une sorte de programme en V d'investissements, avec un
creux en 1983, où le nombre d'emplois tombait de façon dangereuse
et s'accroissait de façon exponentielle rapidement dans les
dernières années.
Vous nous dites: Nous sommes en train de planifier la même erreur
qu'on a faite pour les Jeux olympiques. Je pense, M. le Président, que
c'est très sérieux. On a vécu une période
incroyablement coûteuse dans la construction des installations
olympiques. Il faudrait au moins tirer profit des leçons de l'histoire
et ne pas répéter les mêmes erreurs.
Vous dites: Si on adopte ce plan tel quel, ce ne sera pas $55 milliards
qui seront nécessaires, mais quelque chose comme $60 milliards.
Êtes-vous au courant qu'Hydro-Québec nous a dit lors de la
première journée que, s'il y avait une accélération
du plan d'investissements, il n'en coûterait que $4,500,000,000 de plus?
Et Hydro-Québec, parmi les scénarios divers
étudiés, pourrait accroître ses revenus nets par une
accélération. La question est évidente. Comment se fait-il
que nous nous retrouvons aujourd'hui avec un plan d'équipement ralenti?
Vous n'ignorez pas que, l'an passé, le plan d'équipement
d'Hydro-Québec était de $9 milliards supérieur à
celui qui a été déposé.
L'autre élément qui est sorti du témoignage
d'Hydro-Québec est celui-ci: la contrainte majeure d'Hydro-Québec
n'était pas que vous, constructeurs, n'aviez pas le personnel ou les
capacités de réaliser les investissements, mais c'était la
contrainte du financement. Nous avons découvert ce que je pourrais
appeler la hantise de 1982. Le trésorier d'Hydro-Québec nous a
dit, chiffres à l'appui: Messieurs, nous avons $2,512,000,000 à
financer en 1982. C'est un montant énorme. Nous allons avoir
énormément de difficultés. Il y avait même des
perles sur son front quand je le regardais. Donc, la question est
évidente: Comment se fait-il qu'Hydro-Québec, en dedans d'un an,
a baissé son projet d'investissement de $9 milliards, alors que tous les
chiffres démontrent que ceci est non économique? Se pourrait-il
que l'engorgement des marchés de capitaux, parce qu'on a parlé de
la Caise de dépôt avec les gens d'Hydro, pour 1982, provenant du
gouvernement lui-même, force Hydro-Québec à retarder des
investissements d'immobilisation aussi cruciaux pour l'avenir de l'industrie de
la construction?
Je vais continuer sur une autre question. J'espère que vous
pourrez répondre à ma question ou, du moins, me donner votre
appréciation de la situation, mais je ne voudrais pas passer sous
silence le témoignage énormément préoccupant que
vous avez fait concernant le règlement de placement. Je pense
qu'à ma connaissance c'est la première que, publiquement, un
organisme qualifié vient affirmer devant des caméras de
télévision qu'un règlement gouvernemental a fait perdre
à 40,000 travailleurs leurs qualifications de travailleurs de la
construction. Je vous demanderais si, à votre avis, il existe une
relation de cause à effet entre cette contraction dans les
spécialistes de la construction au Québec et ce fameux
règlement 5 de la construction. (16 heures)
D'autre part, vous nous dites que le "pool" de travailleurs de la
construction étant diminué, cela va créer une surchauffe
très forte de 1985 à 1990 s'il faut adopter le plan
d'Hydro-Québec tel que présenté. Vous semblez être
optimiste jusqu'à un certain point en supposant - et vous pouvez me
corriger si j'ai tort - qu'il existerait une sorte d'armée de
chômeurs des employés de la construction, qui seraient une
armée dans le sens marxiste du terme à savoir que ces
travailleurs attendraient pendant cinq à six ans que Dieu le Père
à Québec ou à HydroQuébec les ramène sur les
chantiers de la construction en 1985. Est-ce vraiment réaliste ou s'il
ne faudrait peut-être pas plutôt penser que ces travailleurs
spécialisés vont s'en aller dans l'Ouest canadien, vont s'en
aller ailleurs gagner leur vie, alors qu'ici, on répétera les
trous de $500,000,000 et de $1 milliard qu'on a connus lors des Jeux
olympiques?
Le Président (M. Jolivet): M. Carré.
M. Carré: Avec votre permission, M. le Président,
je vais demander à M. Damien Morissette de répondre à M.
le député.
Le Président (M. Jolivet): M.
Morissette.
M. Morissette (Damien): M. le Président, je suis
très heureux de constater avec quel sérieux les membres de cette
commission prennent nos avancés. Souvent, on se fait traiter un peu de
terre à terre parce qu'on a une approche assez réaliste des
dossiers semblables, c'est-à-dire qu'on se borne à parler de
réalisation des travaux et nous pensons que c'est pas mal important,
basé sur ce qui s'est passé dans les autres
années, de regarder cet aspect avec beaucoup de
réalisme.
Cela dit, pour répondre à la première question, il
m'apparaît presque superflu d'y répondre actuellement parce qu'il
y a eu tellement de facteurs positifs qui ont été apportés
ici devant cette commission en faveur d'une accélération des
travaux. Il m'apparaît presque superflu d'y ajouter quelque chose, sauf
pour dire que nous espérons bien qu'Hydro-Québec pourra trouver
le financement. Évidemment, on n'est pas des experts en financement et
je vous l'ai dit tout à l'heure. On s'est borné à regarder
l'aspect réalisation des travaux à partir des besoins qui ont
été mis de l'avant par Hydro-Québec et certains
échéanciers.
Le règlement sur le placement fait deux choses. M. Wagner vous
l'a dit tout à l'heure. Il empêche, si le volume des travaux n'est
pas là, en premier lieu, d'autres travailleurs de se joindre au domaine
de la construction. Deuxièmement, il peut faire perdre à des
travailleurs déjà impliqués dans la construction leur
carte de classification s'ils n'ont pas acquis les heures nécessaires.
Je reviens un peu au problème général. Notre approche, -
que je qualifie d'extrêmement positive - c'est qu'en planifiant, en
accélérant quelque peu le programme, sans investir davantage on
obtiendra une progression régulière des travaux, ce qui
favorisera le développement des travailleurs, l'incorporation de nos
travailleurs. On gardera les travailleurs déjà impliqués
plus, - ce qui n'est pas négligeable, je pense, nous y pensons beaucoup,
en tout cas - le développement des entreprises
québécoises. Quand on a dit tantôt 25% des entreprises
québécoises qu'on pense pouvoir intéresser en 1988-1990,
on tient pour acquis que par de l'information adéquate, - c'est notre
bébé, si on veut - on pourra intéresser 25 entreprises
québécoises, mais ce n'est pas acquis. On essaie d'être
optimiste. Par un programme des travaux mieux équilibré, plus
progressif, ce sera plus facile, évidemment, d'intéresser
ces...
Le Président (M. Jolivet): M. le député, je
voudrais...
M. Tremblay: Seulement un dernier commentaire sur ce que vient de
dire...
Le Président (M. Jolivet): D'accord, ça va.
M. Tremblay: ...parce que c'est quand même un groupe assez
nombreux et très qualifié. Étant donné que vous
travaillez sur les chantiers de...
Le Président (M. Jolivet): M. le député,
sans vous arrêter, je ne veux pas avoir le même laxisme que ce
matin puisque nous avons énormément de personnes à
entendre. Donc, je voudrais qu'on soit bref.
M. Tremblay: D'accord. Ce matin, votre laxisme était pour
un membre de votre parti. Cet après-midi, c'est du côté de
l'Opposition.
Le Président (M. Jolivet): Je m'excuse, M. le
député. Je pense que vous n'avez pas à mettre en doute mon
intégrité et l'ensemble des gens qui ont participé
à cette commission seraient capable d'en témoigner.
M. Tremblay: D'accord, M. le Président.
Le Président (M. Jolivet): Je m'excuse, M. le
député, à ce niveau-là.
M. Bérubé: Vous devriez vous excuser, M. le
député de Gouin.
M. Tremblay: D'accord, M. le Président, je retire mes
paroles.
Je reviens sur vos derniers propos. Vous êtes des constructeurs
sur les chantiers de la Baie James, etc. Vous constatez qu'il y aura une baisse
graduelle des travaux pendant les prochaines années et, à partir
de 1985, une montée vertigineuse. Peut-être que vous
possédez des renseignements que nous ne possédons pas. Puisqu'il
n'y a pas de contrainte physique du côté de vos
équipements, du côté des travailleurs, à votre avis,
pourquoi le plan d'investissements d'Hydro-Québec, qui était de
$64 milliards l'an passé, a-t-il été ramené
à $9 milliards plus bas, alors que tous les chiffres nous
démontrent que ceci n'est pas une opération rentable?
Le Président (M. Jolivet): M.
Morissette.
M. Morissette: Je ne peux pas répondre pour
Hydro-Québec, M. le Président. Tout ce qu'on peut faire, c'est de
le déplorer à ce moment-ci et d'ajouter même que, dans les
projections qu'on nous a faites du plan actuel d'Hydro-Québec, on n'a
tout simplement pas tenu compte du problème de surinflation qu'on a
mentionné, qui est réel et qui est, à notre avis,
très conservateur. Les autres facteurs économiques de
mobilisation, de remobilisation, du fait que les entreprises actuellement n'ont
pas beaucoup de travail, elles peuvent faire des prix très
compétitifs, très bon marché, pour réaliser
certaines parties des travaux. Il y a un petit instant, on a entendu M.
Laliberté de la SEBJ dire qu'il reverrait tout le programme
d'investissements à la baisse. Cela ne vient pas du ciel, je pense.
À un moment donné, on l'a revu à la hausse, en 1973-1975,
parce qu'il y a eu effectivement une surchauffe dans le domaine de la
construction.
Maintenant, on parle de le revoir à la
baisse, parce que les travailleurs qui sont impliqués
actuellement sur le territoire de la Baie James font des prix très
très compétitifs. C'est un phénomène qu'on a
peut-être négligé ou sous-estimé dans la
rentabilité du programme, avec un échéancier
accéléré.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Rouyn-Noranda.
M. Samson: M. le Président, je voudrais féliciter
les gens qui sont devant nous pour la présentation de leur
mémoire. En effet, on apprend beaucoup dans votre mémoire. Il y a
des choses qui confirment nos appréhensions. Je retiens que vous
êtes inquiets au sujet du programme de construction, en ce sens qu'il y
aura un creux et une période de pointe que vous risquez de ne pas
pouvoir remplir, selon ce que nous retrouvons dans votre mémoire. Je
retiens qu'il y a, d'après ce que vous nous dites, un manque de
travailleurs en même temps que, d'autre part, selon ma vision des choses,
il y a un grand nombre de chômeurs. Je retiens cela.
Je retiens également que vous envisagez, suite à vos
calculs, une période -si le programme demeure tel qu'il est - de
surinflation qui aurait comme conséquence un coût de
$5,012,000,000 de plus que les chiffres qu'on nous a livrés. Cela ne
fait que confirmer davantage les appréhensions que nous avions au
début de cette commission, à savoir que la présente
opération va amener le gouvernement à permettre une tarification
beaucoup plus haute que celle qu'on a voulu laisser entendre. Il y a ce facteur
qui est un grand point d'interrogation, mais une chose nous apparaît
certaine maintenant, après les témoignages qu'on a eus, c'est
qu'il va y avoir hausse des tarifs, ce qui sera inévitable, si le
programme va tel qu'il est prévu.
Vous proposez, pour corriger cette situation, d'avancer les projets et
d'écouler l'électricité produite, pour la période
où nous n'en aurions pas besoin, sous forme d'incitatif à
l'entreprise nouvelle qui viendrait s'installer au Québec.
Évidemment, vous avez donné des noms de centrales qui pourraient
être construites à l'avance.
Les questions que j'ai à vous poser -parce que le temps est
très limité - sont les suivantes. D'abord, c'est sûrement
suite à une étude que vous nous mentionnez les centrales Laforge
1, LG 1, Brisay, LA 2, Eastmain 1, alors, selon votre conception, est-ce que ce
serait la seule option possible d'avancement des travaux ou s'il y a d'autres
options possibles, au point de vue du constructeur, de vous autres? Est-ce
qu'il y aurait d'autres approches possibles, comme NBR, par exemple,
Nottaway-Broadback-Rupert, ou d'autres projets?
Ma deuxième question, est-ce que vous croyez qu'en utilisant
l'excédent d'électricité pour une période
donnée comme incitatif à l'entreprise, ce serait suffisant pour
attirer l'entreprise, sachant qu'après la période X, l'entreprise
serait obligée d'en revenir à des taux beaucoup plus
élevés, parce que le surplus n'existerait plus? Est-ce que vous
avez évalué cet aspect?
Le Président (M. Jolivet): M. Carré.
M. Carré: Avec votre permission, M. le Président,
je demanderais à M. Serge Poulin, qui est le directeur de notre division
technique, de répondre.
Le Président (M. Jolivet): M. Poulin.
M. Poulin (Serge): M. le Président, la variante que nous
proposons est sensiblement la même que celle préconisée par
HydroQuébec dans la formule devancée qu'elle a
étudiée, à deux petites exceptions près; nous
proposons que la centrale EM 1 et celle de LA 2 soient devancées de cinq
ans; Hydro, dans sa variante devancée propose trois ans.
Mais, pour les fins comparatives d'une variante devancée, je
crois que c'est semblable. Nous n'avons pas considéré d'autres
projets dans une variante devancée parce que les données que nous
avons, tant sur l'aspect technique que sur d'autres aspects, ne sont que pour
ces centrales. On ne peut pas considérer d'autres projets, pour autant
qu'on est concerné. Mais si les études d'avant-projet et
d'ingénierie étaient, à ce moment-ci, avancées sur
d'autres projets qu'on ne connaît pas, il est évident qu'on
pourrait les remplacer par n'importe quelle autre dans cette variante-ci.
M. Samson: Deuxième question.
Le Président (M. Jolivet): Est-ce que vous pouvez la
répéter, M. le député?
M. Samson: Ma deuxième question concerne le surplus
d'électricité qui proviendrait de projets avancés. Vous
suggérez qu'il soit utilisé comme incitatif à l'entreprise
pour encourager l'entreprise, de l'extérieur à venir s'installer
au Québec. Moi, je dis que cela va pour le temps que cela dure, mais,
à un moment donné, il n'y aura pas de surplus. Est-ce que vous
croyez que cette seule période de réduction des tarifs pour
l'entreprise est suffisante pour l'encourager à s'installer car il y
aura un retour à la normale, c'est-à-dire à un prix plus
élevé pour ces gens-là. Est-ce que vous avez
étudié cette chose de cette façon?
Le Président (M. Jolivet): M. Poulin. M. Poulin: Au
niveau des surplus, on
n'a pas fait d'étude très poussée, parce que,
encore une fois, on manque un peu de données de notre côté,
mais cela fait trois jours qu'on est ici maintenant et on s'aperçoit
qu'il y a là un problème. Or, je crois que la seule façon
de le régler serait de vérifier quels sont les marchés
réels à l'étranger, quel est le potentiel au
Québec, de s'asseoir à table et d'en discuter. Je crois
qu'Hydro-Québec doit avoir une certaine idée de cela. Quelqu'un
disait aussi qu'il y a un certain aspect technique qui n'est pas
négligeable: c'est qu'on ne met pas l'électricité en
bouteille. C'est tout de même un secteur techniquement très
difficile. Notre seule approche serait de voir tout le monde s'y mettre et
penser à des solutions. Nous, on n'en a pas plus que...
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Portneuf.
M. Pagé: M. le Président, très
brièvement, je voudrais tout d'abord ajouter à ce dont a fait
part mon collègue de Gouin à l'égard du règlement
de placement. Vous n'êtes certainement pas sans savoir que, depuis 1978,
j'ai été intimement lié à la critique
apportée à ce fameux règlement de placement qui a
été adopté par le gouvernement du Québec et
imposant à une personne possédant un certificat de qualification,
c'est-à-dire qui est qualifiée par le même gouvernement et
qui est considérée comme étant qualifiée par le
ministère du Travail et les services de la main-d'oeuvre de
posséder en plus de tout cela un certificat de classification. Vous avez
abordé le problème, vous avez abordé la question. C'est
exceptionnel et c'est rare, dois-je dire, qu'on ait l'occasion de rencontrer
votre association ici à l'Assemblée nationale. J'aimerais vous
demander, strictement comme mesure incidente, si vous avez déjà
eu l'occasion de calculer le prix qu'a à payer la société
québécoise pour l'application du règlement de placement.
Je m'explique. Le règlement de placement a des effets directs sur les
coûts pour un entrepreneur ou une entreprise lorsqu'elle a à
réaliser un chantier, un projet de construction. Qu'il me suffise de me
référer aux frais de déplacement, aux frais
d'hébergement imposés qu'un entrepreneur doit payer pour faire
venir un travailleur qualifié d'une autre région alors que cet
employeur pourrait avoir à côté de chez lui en
chômage un travailleur qui possède un certificat de qualification
mais, parce que le travailleur possède un certificat de classification
B, l'employeur est obligé d'aller dans le bassin de main-d'oeuvre d'une
autre région pour aller chercher un A alors que les A de la
région sont tous au travail. Combien cela a-t-il coûté? (16
h 15)
Je conviens que les entrepreneurs du Québec et les groupes
patronaux et syndicaux doivent payer à l'OCQ, à l'Office de la
construction du Québec, des sommes importantes qui, elles, ne visent pas
seulement l'administration des régimes de bénéfices
marginaux pour les travailleurs de la construction. Somme toute, les
travailleurs et les entrepreneurs paient déjà pour le
règlement de placement par le biais de l'OCQ, parce que cela coûte
des sous à l'OCQ pour l'administrer. Ces sommes, on est en mesure de
voir ce que cela peut représenter par les rapports annuels qui nous sont
faits. Mais à l'égard des sommes directement dans l'entreprise,
est-ce que vous avez déjà fait une étude là-dessus?
Est-ce que vous avez été en mesure de quantifier, à la
lumière de l'expérience que vous avez depuis deux ans, ce que
cela a pu coûter? Je présume - vous pourrez me le confirmer - que,
quand vous avez une augmentation de coûts inhérente au
règlement de placement, vous ne devez certainement pas l'absorber
à 100%. Vous devez refiler la facture ailleurs, parce que c'est
définitivement de nature à faire augmenter les coûts
quelque part. Combien a coûté le règlement de placement? La
société du Québec doit payer combien pour cette affaire
qui, je l'espère, va être abolie dans les meilleurs délais
après les événements du 13 avril?
Le Président (M. Jolivet): M. Wagner.
M. Wagner: M. le Président, je pense que, cet
après-midi, on essaye de tourner alentour des bureaux de placement. Je
ne pense pas que l'association ait pour mandat ici de discuter le
bien-fondé ou les mauvais côtés d'un bureau de placement.
En ce qui me regarde, et je parle peut-être pour l'ensemble de
l'association, il faut discerner deux choses. Je pense que l'ensemble des
travailleurs québécois ou de ceux qui travaillent dans
l'industrie de la construction sont intéressés à
travailler dans l'industrie de la construction. On voulait éliminer les
pompiers, les policiers qui venaient prendre nos emplois pendant la
période d'été ou bien qui travaillaient trois jours et qui
venaient travailler deux jours chez nous. Le fondement lui-même, je ne
pense pas qu'on soit contre un bureau de placement en théorie. Il
faudrait que ce soit clair aujourd'hui.
Au sujet de la main-d'oeuvre, il y a les personnes qualifiées et
les personnes non qualifiées ou qui ont moins de qualifications
requises, tels les manoeuvres. Pour les personnes qualifiées,
électriciens, plombiers, etc., cela nous prend un apprentissage. Si on
n'a pas une planification établie d'avance dans l'industrie de la
construction, on ne perdra pas les emplois qu'on dit qu'on va
perdre; on va surtout avoir un vieillissement de la main-d'oeuvre
qualifiée d'électriciens, plombiers, opérateurs de
machinerie lourde. D'un autre côté, il semble y avoir une lacune
compte tenu - cela ne nous regarde pas - du contrôle entre
l'Éducation et le ministère du Travail. On ne sait pas lequel
devrait donner l'apprentissage requis dans l'industrie de la construction. Je
pense qu'on vit le problème. Cela existe depuis plusieurs années.
Il n'est pas encore réglé. On a peur que la main-d'oeuvre
qualifiée puisse, comme on dit, subir un vieillissement ou qu'elle
puisse aller à l'extérieur. On est très
intéressé à ce que les employés de la construction
travaillent pour la construction. Par contre, certaines contraintes du bureau
de placement sont néfastes. C'est dû aux questions de
déplacement. Il faut le payer. Cela engage surtout des coûts
additionnels. Encore là, c'est une opinion peut-être plus
personnelle, le bureau de placement aussi est un peu conditionné
à la convention qu'on négocie de part et d'autre.
Dernièrement, on a dit: II va y avoir une surinflation peut-être
de 20%. On est très conservateur, parce que, si lors de la prochaine
convention à la Baie James - actuellement, on est passé de 60
à 54 - on tombe à 48 heures, la période de contingence
pourra varier jusqu'à 50% ou 60%. Là, la surinflation de 20%
pourra monter jusqu'à 50% ou 60%. Vous voyez que c'est difficile
actuellement de rabattre le débat strictement sur le bureau de
placement, parce qu'il y a un bon et un mauvais côté. Je ne sais
pas si cela répond à M. Pagé, mais je voulais mettre les
points sur les "i".
M. Pagé: Vous ne l'avez jamais quantifié, pour
répondre à la question précise?
M. Wagner: Non.
Une voix: Ils n'osent pas vous contredire.
M. Pagé: C'est peut-être parce qu'ils ont peur de
vous autres, vous savez.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Frontenac, comme dernier intervenant.
M. Grégoire: M. le Président, il y avait certaines
fausses impressions qui avaient été laissées auparavant,
mais qu'il faut rectifier. Je crois que M. Wagner vient de rectifier une fausse
impression que voulait laisser le député de Portneuf. Je ne
m'attarderai pas sur cette question des bureaux de placement, parce que je
crois que M. Wagner vient de rectifier cette fausse impression d'une
façon magistrale.
Je voudrais parler du programme lui-même d'investissements
d'Hydro-Québec et revenir au sujet qui nous préoccupe. C'est le
gouvernement qui a demandé à Hydro-Québec de
présenter différents scénarios, dont un scénario de
devancement ou d'accélération des travaux, tel que vous le
suggérez dans votre mémoire, en même temps qu'un
scénario de report ou de décélération des travaux.
Vous avez mentionné tout à l'heure que vous étiez ici
depuis mardi, soit depuis que cette commission siège. Vous avez dû
vous apercevoir que le gouvernement n'avait pas insisté tellement et
n'avait même presque pas effleuré le scénario de report,
mais vous avez dû constater que le ministre de l'Énergie et des
Ressources, dans sa première intervention et durant tout le temps qui
lui était alloué, soit 20 minutes, a questionné et a
insisté pour avoir des réponses précisément sur ce
devancement ou cette accélération des travaux à la Baie
James. Un peu plus tard, j'ai insisté, j'ai même mis beaucoup
d'insistance sur cette question de devancement. Concernant les idées que
mentionnait, tout à l'heure, le député de Gouin, il sait
que j'ai réussi, après maintes difficultés, à
obtenir du président d'Hydro-Québec qu'il nous dise que la
principale objection au devancement, c'était la question du financement.
Sur tous ces sujets qu'a soulevés le député de Gouin,
j'avais insisté, même avec beaucoup d'insistance, si on peut dire,
auprès du président d'Hydro-Québec pour avoir des
réponses.
Donc, concernant l'accélération des travaux, vous venez
d'ajouter une autre dimension par votre mémoire. L'autre jour, on avait
la dimension des surplus qu'on exportait. Vous parlez de vendre les surplus
à l'industrie. Je crois que le député de Rouyn-Noranda a
très bien expliqué que si ces surplus n'existent que pour
quelques années, puisqu'ils vont s'amenuiser vers 1990-1991 et seront
même rendus nuls, l'industrie qu'on voudrait favoriser à
s'établir ici perdrait ces avantages vers cette année-là.
Aujourd'hui, ils sont exportés. On avait, l'autre jour, avec
Hydro-Québec, ces avantages. Même avec le devancement, on continue
d'exporter des surplus, faisant entrer des devises étrangères de
l'ordre d'environ $1,200,000,000 pour la période du devancement,
entraînant des profits nets pouvant aller jusqu'à $620,000,000
pour Hydro-Québec. C'était un des arguments.
Un autre argument, c'était que le devancement pouvait
empêcher la disparition d'environ 2000 emplois directs à la Baie
James pendant cette période de devancement. Vous arrivez avec un autre
argument qui milite en faveur du devancement. Vers 1988, 1989 ou 1990 il
pourrait y avoir pénurie de travailleurs sur les chantiers, si on
n'accélère pas. J'ai vu que le député de Mont-Royal
semblait tout découragé et même décontenancé
à l'idée
qu'on puisse manquer de main-d'oèuvre. J'ai été
encouragé, au contraire. Je me suis dit: Enfin! Il nous vient tellement
souvent des citoyens dans nos bureaux de comté pour nous demander: Ne
pourriez-vous pas nous trouver un emploi à la Baie James, que j'anticipe
le jour où on pourra dire: Mon cher ami, dès que vous voudrez y
aller, on en manque. Cela ne me décourage pas du tout, je tiens à
le dire au député de Mont-Royal. Au contraire, j'ai hâte
qu'on puisse dire: II en manque à la Baie James.
M. Ciaccia: ...
M. Grégoire: Dans cinq ans, oui. Mais c'est tout de
même...
M. Ciaccia: Les chômeurs d'aujourd'hui, qu'allez-vous en
faire?
M. Grégoire: M. le Président, je ferai remarquer au
député de Mont-Royal que...
M. Ciaccia: Ils vont partir de la province?
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Mont-Royal!
M. Grégoire: ...je me suis assis bien tranquillement et
que je n'en ai interrompu aucun.
M. Ciaccia: C'est cet aspect-là qui est
décourageant.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Mont-Royal, s'il vous plaît!
M. Ciaccia: Mais il ne faut pas qu'il déforme mes paroles.
C'est cela que j'ai trouvé décourageant.
M. Grégoire: Je n'ai interrompu personne.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Mont-Royal...
M. Ciaccia: Du chômage pour cinq ans et, après, pas
de travailleurs.
Le Président (M. Jolivet): ...vous savez très bien
que cela a bien été jusqu'à maintenant. Vous connaissez le
règlement aussi bien que moi. Vous l'avez bien respecté au cours
de la session qu'on est en train de vivre, mais laissez le député
de Frontenac continuer, en vertu de l'article 100.
M. Pagé: M. le Président, je crois que c'est une
question... vous savez que le député de Frontenac...
M. Grégoire: Monsieur...
M. Pagé: ...soulève souvent des questions
hypothétiques.
Le Président (M. Jolivet): Oui, mais...
M. Pagé: C'est hypothétique de dire que vous serez
là dans cinq ans, vous savez.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Frontenac, la parole est à vous.
Une voix: Bien hypothétique.
M. Grégoire: Le député de Portneuf
soulève une question hypothétique. Je pense qu'il peut être
rassuré. Il sera encore à la même place et je serai encore
à la même place. Je ne suis pas sûr pour lui, par
exemple.
M. Pagé: Ah! Vous allez voir, cela va bien aller.
M. Grégoire: C'est moins sûr pour lui. Après
toutes ces interruptions...
M. Bérubé: II sera dans l'Opposition, c'est
sûr.
Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! Si vous
ne prenez pas votre temps pour poser des questions aux gens d'en face, je vais
arrêter le débat.
M. Grégoire: M. le Président, je voudrais bien y
arriver, mais j'ai été interrompu déjà à
plusieurs reprises.
Le Président (M. Jolivet): Allez!
M. Grégoire: Ma question est la suivante, à qui que
ce soit. Vous prévoyez ce nombre de 36,000 employés à la
Baie James pour 1988-1989, comprenant les contingences. S'il y a devancement,
si Hydro-Québec se laisse convaincre et fait un devancement, est-ce que
vous avez calculé, d'après son programme de devancement, son
scénario de devancement tel qu'elle nous l'a exposé, quelle
serait la progression du nombre d'emplois à la Baie-James dans vos
travaux? À partir de quelle année cela augmenterait-il et
jusqu'à quel sommet cela pourrait-il se rendre d'ici les années
quatre-vingt-dix? Est-ce que vous avez calculé le nombre d'emplois que
cela pourrait procurer?
Le Président (M. Jolivet): M. Poulin.
M. Poulin: M. le député, on vous donne la
réponse à cette question au tableau 4 de notre mémoire.
Dans la dernière colonne, à droite, vous constatez que, pour les
années 1981 à 1984, on maintient un effectif de pointe avec
contingence de l'ordre de quelque 14,000 travailleurs. De 1984 à
1986,
vous avez une progression constante qui, par la suite, se maintient
jusqu'à la toute fin des travaux ou la fin de la période pour
laquelle on s'est intéressé à l'étude, soit 1990.
C'est une progression qui part d'un niveau stable, qui augmente et qui se
restabilise à la fin, ce qui est beaucoup plus réel qu'un "peak"
énorme de l'ordre des années quatre-vingt-huit, tel que le plan
normal des installation d'Hydro-Québec nous l'a donné.
M. Grégoire: Ce qui veut dire qu'il y aurait une
progression continuelle jusqu'à un effectif...
M. Poulin: C'est-à-dire qu'il y a un maintien, dans les
premières années, d'à peu près 14,500 personnes.
Par la suite, on progresse lentement et on se maintient ensuite, jusqu'à
la fin des travaux, à un autre palier.
M. Grégoire: Vers 24,000 emplois. Merci.
Le Président (M. Jolivet): Merci. Au nom des membres de la
commission, je vous remercie d'être venu présenter votre
mémoire.
J'inviterais l'Association des ingénieurs-conseils du
Québec, représentée par M. Jean-Marc Lagacé,
à bien vouloir se présenter à l'avant. Nous avons pris
connaissance du mémoire des ingénieurs-conseils et nous devons
leur rappeler qu'ils ont environ 20 minutes de présentation, en sachant
toujours que les membres de cette commission ont déjà reçu
le mémoire, que les gens de cette commission en ont pris connaissance
normalement et que ce mémoire est disponible à la
Bibliothèque de la législature ainsi qu'au secrétariat des
commissions, pour toute personne qui voudrait en prendre connaissance.
Maintenant, je demanderais à M. Lagacé de bien vouloir nous
présenter les membres qui l'accompagnent.
Association des ingénieurs-conseils du
Québec
M. Lagacé (Jean-Marc): M. le Président, M. le
ministre, messieurs, je tiens d'abord à vous présenter les
représentants de notre délégation aujourd'hui. À ma
droite, M. Marcel Desrochers, directeur général de l'Association
des ingénieurs-conseils du Québec. À mon immédiate
droite, M. Gérald Ruel, vice-président de l'Association des
ingénieurs-conseils du Québec. À ma gauche, M. Jean-Guy
René, secrétaire-trésorier, Association des
ingénieurs-conseils du Québec.
Le Président (M. Jolivet): Est-ce que vous pouvez
répéter l'avant-dernier, s'il vous plaît?
M. Lagacé: M. Gérald Ruel.
Le Président (M. Jolivet): Ruel. Merci.
M. Lagacé: Ayant assisté à quelques-unes des
présentations aujourd'hui, je me permets, au tout début, de
souligner que notre mémoire est le fruit du travail de plusieurs
ingénieurs de différentes régions de la province de
Québec, et aussi qu'il exprime les opinions des ingénieurs de
multiples disciplines que notre association représente.
M. le Président, à titre d'acteur important sur la
scène énergétique du Québec, l'industrie de
l'ingénierie, représentée par notre association,
désire apporter une contribution aux présentes
délibérations en participant aux réflexions que suscitent
les orientations d'Hydro-Québec pour les années quatre-vingt.
Nous croyons que nos membres, en symbiose avec Hydro-Québec et
les entreprises du secteur énergétique, jouent au Québec
un rôle spécial de catalyseurs du développement
économique et de missionnaires de la technologie,
particulièrement à cause de la dimension internationale de notre
activité.
Les travaux de votre commission sur l'avenir de
l'électricité dans le contexte énergétique
québécois et la réflexion que vous suscitez au sujet des
orientations d'Hydro-Québec pour les prochaines décennies
présentent pour nous un vif intérêt et nous vous remercions
de votre invitation à y participer. (16 h 30)
Nous croyons que l'évaluation réaliste des orientations
actuelles et futures d'Hydro-Québec doit continuer à se faire en
fonction du contexte social global d'un Québec situé dans un
monde en rapide évolution et c'est justement ce rôle
d'intermédiaire que nos membres veulent souligner. Nous tenons à
ce que l'activité de l'ingénierie au Québec soit reconnue
comme offrant une contribution essentielle à l'économie de notre
province et que des mesures d'encouragement soit instaurées pour que
notre industrie continue à y jouer son rôle de stimulateur du
développement.
Tout d'abord, M. le Président, nous tenons à
féliciter Hydro-Québec pour l'étendue et l'excellence de
la documentation qu'elle met à la disposition du public au sujet du
programme d'équipement qu'elle propose. Nous l'avons
étudié avec énormément d'intérêt
à cause de l'impact des réalisations sur notre industrie et aussi
en notre qualité de citoyens québécois,
propriétaires d'une fabuleuse richesse renouvelable et actionnaires de
notre grande entreprise, Hydro-Québec.
Les quelques réflexions que nous présentons, M. le
Président, ont pour objet de mieux vous faire connaître la nature
et
l'importance de l'industrie de l'ingénierie au Québec,
d'étudier les implications du programme d'équipement
d'Hydro-Québec sur l'activité de nos membres et de vous
présenter quelques suggestions sur les perspectives d'avenir et le
rôle que devrait assumer notre industrie dans le secteur
énergétique.
Avec votre permission, nous vous proposons, en premier lieu, de situer
notre industrie, l'ingénierie, dans le contexte économique du
Québec et nous vous présenterons, par la suite, quelques
réflexions que nous voulons constructives sur les réactions de
nos membres au sujet des prévisions de la demande
énergétique québécoise, telles que
présentées par Hydro-Québec. Nous poursuivrons en
soulignant l'impact sur l'ingénierie du programme d'équipement
qui en découle.
Nous traiterons ensuite du problème qui nous préoccupe
présentement, soit le net ralentissement des activités
d'ingénierie au Québec et qui ne sera renversé que dans
quelques années alors que nous assisterons à un encombrement du
marché. Nous vous suggérerons quelques moyens de remédier
à cette situation et nous terminerons en soulignant la vocation
exportatrice particulière de l'ingénierie
québécoise, tout cela avec l'espoir que sa croissance devienne
une priorité du développement industriel de notre province.
Nous tenons à assurer votre commission, ainsi
qu'Hydro-Québec et tous les organismes du secteur de l'énergie de
notre entière collaboration pour toute demande d'information relative
aux sujets abordés, comme à toute autre question passée
sous silence dans le présent document.
Nous voulons vous souligner ici les points saillants relatifs à
notre organisation et quelques recommandations. Qu'il nous soit permis de vous
souligner que l'industrie québécoise de l'ingénierie a
l'importance suivante: Elle est composée de 228 firmes. Elle regroupe
20% des ingénieurs inscrits à l'Ordre des ingénieurs du
Québec, où il y en a 22,000. Elle regroupe 10,000 emplois, dont
50% de professionnels. Ce sont, dans tous les cas ce qu'on appelle des PME
à contrôle québécois. Son chiffre d'affaires annuel
est de $400,000,000. Elle a généré des retombées de
quelque $2,500,000,000 au Québec par son travail à
l'étranger pendant dix ans. 40% de ses activités sont hors
Québec.
Quant au programme d'équipement d'Hydro-Québec vu par
notre industrie du génie-conseil, nous le résumons comme suit:
$55 milliards d'immobilisations répartis sur dix ans dont $38 milliards
en projets hydrauliques. Le programme présente une prévision
conservatrice de la demande d'électricité. Nous y voyons un
risque de sous-capacité électrique éventuelle. Nous
prévoyons un net ralentissement actuel de l'industrie suivi d'une
reprise accélérée à tendance inflationniste dans
quelques années.
Nous formulons les suggestions suivantes d'ordre stratégique:
Nous préconisons le devancement de la réalisation de certains
travaux. Nous préconisons des initiatives nucléaires
immédiates. Nous préconisons l'aménagement rapide des
petites rivières. Nous préconisons une délégation
des études détaillées d'Hydro-Québec. Nous vous
formulons que l'industrie québécoise de l'ingénierie doit
être soutenue.
Voici les recommandations précises que l'Association des
ingénieurs-conseils du Québec note dans ce mémoire.
Recommandation no 1: Que soit adoptée une attitude plutôt
positive qu'attentiste quant aux espoirs de développement industriel du
Québec. La demande en électricité qui en découlera
serait alors plus vigoureuse que celle prévue par
Hydro-Québec.
Recommandation no 2: Que le gouvernement du Québec, avec la
participation d'organismes tels que l'Association des
ingénieurs-conseils du Québec, établisse un recensement
des multiples projets d'investissement des secteurs privés, publics et
parapublics afin de mieux évaluer leurs besoins en effectifs
professionnels, en biens et en ressources pour leur réalisation
optimale.
Recommandation no 3: Que, dans un contexte plus immédiat, des
mesures énergiques soient instituées pour utiliser de la
façon la plus rentable possible les ressources humaines affectées
à la conception, à l'ingénierie et à l'encadrement
présentement en surplus temporaire au Québec.
Recommandation no 4: Qu'un mandat soit incessamment attribué pour
évaluer les implications et présenter des recommandations au
sujet du devancement de certaines études et certains travaux en rapport
avec les projets du programme d'équipement d'Hydro-Québec
prévus pour une mise en service avant 1990.
Recommandation no 5: Que le gouvernement du Québec autorise
clairement le démarrage des études détaillées
reliées à la réalisation d'une nouvelle centrale
nucléaire au Québec.
Recommandation no 6: Que la réalisation
accélérée des projets d'aménagement des petites
rivières du Québec soit effectuée en favorisant la formule
envisagée d'une délégation totale à l'entreprise
privée à l'exception de la planification, du choix des sites et
des caractéristiques générales qui seront
réservées à Hydro-Québec.
Recommandation no 7: Qu'à l'avenir la formule de gérance
mandatée du style SEBJ soit retenue pour les projets majeurs
réalisés par Hydro-Québec et par les
sociétés d'État.
Voilà, M. le Président, l'exposé des
recommandations de l'association.
Je demanderais maintenant à chacun des membres de notre
délégation de vous faire rapport d'une partie de notre
mémoire chacun à sa façon.
M. René (Jean-Guy): Le programme d'équipement
d'Hydro-Québec du point de vue de l'industrie de l'ingénierie.
Vue d'ensemble. Le programme d'équipement soumis pour discussion par
Hydro-Québec s'inscrit dans la foulée des grands projets
hydroélectriques destinés à développer la
principale ressource énergétique de notre province. La justesse
de cette orientation n'est pas à discuter surtout lorsqu'on constate que
ce développement est conforme à un grand objectif
d'autosuffisance.
Le plan représente un grand intérêt pour l'industrie
québécoise de l'ingénierie car on y note que les
investissements, durant la seule décennie quatre-vingt, seront
près de $55 milliards. Les seuls équipements de production
représenteront plus de 72% des nouvelles installations ou $40 milliards
dont près de $38 milliards sont des projets hydroélectriques.
Il est sûr qu'un tel programme va exiger la mobilisation de
ressources humaines, techniques et financières sans commune mesure avec
la situation vécue durant les cinq dernières années.
À ce seul chapitre, les études de planification, de conception,
d'ingénierie détaillée, de gérance et de
surveillance des travaux représenteront des déboursés de
l'ordre de $3 milliards à $5 milliards durant la décennie. Ces
chiffres suscitent une sérieuse réflexion.
Il est donc logique que nous examinions les hypothèses sur
lesquelles sont fondées ces estimations et, en particulier, sur la
variable indépendante principale, soit la demande. A cause des
conséquences subséquentes de ce facteur sur les investissements,
nous nous devons d'en examiner les prévisions de très
près.
Les prévisions de la demande par Hydro-Québec.
L'Association des ingénieurs-conseils du Québec ne met pas en
doute la justesse de l'exercice prévisionnel d'Hydro-Québec. En
effet, la société d'État québécoise a
amplement démontré par le passé son aptitude à
effectuer les arbitrages essentiels entre les divers instruments de prospective
énergétique et, d'ailleurs, elle a bien su se garder une marge de
manoeuvre prudente dans l'échelonnement de ses projets.
D'autre part, l'essence des prévisions d'Hydro-Québec
réside dans le choix d'hypothèses de croissance réalistes
et qui tiennent compte de l'évolution probable de l'environnement
économique plusieurs années à l'avance. Les engagements
dans des tranches énergétiques majeures doivent être
effectués plusieurs années à l'avance et il peut
s'avérer qu'un faible changement du rythme de croissance prévu de
la demande ou de son allure dans le temps ait des conséquences qui
puissent se chiffrer par quelques milliards de dollars en plus ou en moins.
Hydro-Québec ne construit que pour satisfaire la demande
prévisible du réseau provincial tout en maintenant une saine
marge de manoeuvre pour parer aux imprévus. D'autre part, elle dispose
de possibilités d'échanges avec les réseaux
extérieurs qui lui fournissent l'occasion d'écouler de
façon rentable ses surplus momentanés.
Nous sommes d'ailleurs convaincus que les planificateurs
d'Hydro-Québec ont fait des efforts marqués pour contrer le
dilemme de la surcapacité et de la souscapacité. Leurs choix sont
d'autant plus difficiles qu'un intervalle de 10 à 12 ans sépare
en général l'instant de la décision de celui de la mise en
service de la plupart des projets.
L'AICQ suggère que les inconvénients de ne pas pouvoir
satisfaire la demande sont plus lourds de conséquences que ceux de nous
retrouver avec des surplus momentanés de puissance et
d'énergie.
Lorsqu'on examine les hypothèses sous-jacentes aux
prévisions de la demande, on constate que le niveau de risque
associé aux hypothèses moyennes de croissance de la demande au
rythme annuel moyen de 6% entre 1980 et 1996, pour les besoins prioritaires en
énergie et en puissance, s'avère un peu serré.
Hydro-Québec reconnaît d'ailleurs que ces prévisions
s'appuient sur des hypothèses dont les valeurs peuvent souffrir des
modifications inattendues et qui pourraient avoir un effet considérable
sur l'évolution réelle de la demande
d'électricité.
Nous avons l'impression que les planificateurs d'Hydro-Québec
n'ont pas suffisamment prévu l'effet des mesures de stimulation
économique. Après 1990, la progression est en dessous de la
tendance historique et il est possible qu'on ait été pessimiste
dans le choix du scénario le plus probable.
L'hypothèse d'une pénétration rapide du gaz naturel
est sujette à de multiples variantes. Les investissements, dans la
distribution gazière, seront énormes et son usage sera surtout
destiné à l'industrie et au chauffage des nouvelles habitations.
Malgré son indexation initiale à un prix inférieur
à celui du pétrole, le gaz peut rapidement devenir plus cher que
ce dernier et ne réussir que partiellement à déplacer le
chauffage électrique. D'ailleurs, les prix du gaz sont fixés
arbitrairement par des agents extérieurs au Québec et ils
dépendent d'impératifs de politique intérieure canadienne,
d'équilibre de la balance des paiements et de multiples autres facteurs
hors du contrôle des Québécois.
L'AICQ constate que la croissance accrue dans le bilan
énergétique due au gaz naturel prévue par
Hydro-Québec, 6% en 1980 à 12% en 1996, pourrait affecter
sensiblement l'industrie québécoise. Elle exigera des
investissements d'infrastructure élevés et concurrencera les
ressources affectées aux autres sources d'énergie. Nous ne
possédons que peu d'information détaillée relativement aux
modalités de la réalisation et aux coûts impliqués
et nous nous sentons relativement moins bien situés pour offrir des
cmmentaires pertinents.
Nous souhaitons que, dans le futur, les services du ministère de
l'Énergie et des Ressources fournissent une documentation
équivalente à celle obtenue d'Hydro-Québec afin de
permettre une participation plus éclairée des intervenants.
Les prix de l'électricité, eux, sont fixés en
fonction des seuls coûts québécois et n'ont que peu de
relation avec les fluctuations des marchés internationaux du
pétrole. Les tarifs de notre électricité sont fixés
en vertu d'objectifs québécois et notre industrie, parmi
plusieurs autres, est persuadée que cette source d'énergie est le
principal moteur de développement économique du Québec.
Dans le futur, nos administrations publiques vont constamment chercher à
optimiser cet atout industriel. Sa part du marché pourrait augmenter
beaucoup plus rapidement que prévu si les Québécois
choisissent la voie d'une industrialisation rapide.
Enfin, des événements à l'échelle
géopolitique pourraient bouleverser les interdépendances
actuelles et, nonobstant les meilleures estimations, modifier de manière
significative la scène énergétique
québécoise. Nous pourrions nous retrouver dans un scénario
où nos installations seraient insuffisantes pour satisfaire la demande
intérieure de la province.
À notre avis, les risques pourraient être
atténués par l'adoption d'une hypothèse de croissance
annuelle moyenne de la demande légèrement supérieure
à celle mentionnée au plan actuel d'équipement quitte, si
elle ne se matérialise pas, à tenter de conclure des accords
d'échange d'énergie avec nos voisins au moyen de contrats
à termes légèrement plus longs que ceux des
échanges occasionnels présents. (16 h 45)
Nous pouvons noter aussi que, malgré la hausse rapide des prix de
l'énergie pétrolière et la poussée inflationniste,
le ralentissement de l'économie et les efforts d'économie
d'énergie ont conduit Hydro-Québec à choisir cette
année des hypothèses de croissance sensiblement
inférieures à celles de 1979. Les fluctuations à court
terme peuvent fort bien accentuer moins fortement la tendance historique que
nous pourrions le croire présentement.
Somme toute, notre industrie croit fermement qu'il vaut mieux avoir trop
d'électricité que pas assez, car il n'y a pas d'énergie
plus chère que celle que l'on n'a pas.
Ces raisonnements nous amènent à proposer respectueusement
une première recommandation comme suit:
Que soit adoptée une attitude plutôt positive qu'attentiste
quant aux espoirs de développement industriel du Québec. La
demande en électricité qui en découlera serait alors plus
vigoureuse que celle prévue par Hydro-Québec.
Notre industrie croit que la demande révisée peut subir un
grand nombre de modifications et que le risque associé à une
sous-estimation est plus élevé que celui découlant d'une
surestimation. Nous nous attendons que les nouvelles hypothèses
conduisent à une croissance prévue supérieure à
celle présentée à votre commission.
M. Ruel (Gérald): Regardons maintenant les ressources
requises pour réaliser le programme proposé (à la page 15
de notre mémoire).
L'industrie de la construction et l'industrie de l'ingénierie
vont de pair et elles sont toutes deux mises fortement à contribution
pour réaliser le programme d'équipement proposé par
Hydro-Québec.
Nous notons que le calendrier de réalisation des projets
cités situe une grande portion de la masse des travaux vers la fin des
années quatre-vingt et qu'il existe un ralentissement prononcé du
même volume au début de la période.
Les effectifs de pointe des chantiers de construction des
équipements de production ont été calculés comme
suit: - nous pouvons constater dans le tableau, au bas de la page 15, en
partant de l'année de base 1981, que les effectifs de pointe, en
années-personnes, sont de 11,100, pour diminuer, jusqu'en 1983, à
un minimum de 7700 et augmenter par la suite à un maximum de 27,700 en
1990.
Cette courbe des effectifs des chantiers indique que le programme
d'équipement proposé engendrera des variations importantes des
emplois dans le secteur. Or, les chantiers d'Hydro-Québec ne seront pas
les seuls en activité au Québec durant cette période car
on prévoit généralement qu'une remontée du cycle
économique coïncidera avec la reprise remarquable des travaux de
construction suscitée par le programme d'équipement
d'Hydro-Québec. Pour n'en citer que quelques-uns, il existera en
parallèle de grands chantiers de construction de gazoducs, de
réseaux de distribution gazière, de terminaux méthaniers
et de projets pétrochimiques.
Or, tous ces projets risquent de conduire à une situation de
surenchère dans l'industrie de la construction en raison de la
multiplicité et de la simultanéité des contrats
majeurs. Une inflation accélérée des coûts
s'ensuivra inévitablement sans compter les délais et la
vulnérabilité accrue des projets aux difficultés des
relations de travail.
Le même phénomène peut être anticipé
dans le secteur de l'ingénierie. À partir de la courbe des
effectifs ouvriers prévus dans le plan d'équipement, on peut
estimer les besoins en personnel professionnel pour effectuer
l'ingénierie et la gérance des travaux. À titre d'exemple,
on prévoit que les besoins pour l'ingénierie proprement dite des
projets à la Baie James décroîtront progressivement avec la
fin du projet La Grande, phase I, pour atteindre seulement 150
années-personnes en 1982. À partir de 1984, s'amorce une
croissance accélérée qui conduit à une pointe de
950 années-personnes en 1987 suivie d'une diminution progressive. Ces
chiffres, comparés à une pointe d'effectifs professionnels de 450
années-personnes pour les projets du complexe La Grande, phase I,
illustrent bien les cycles de compression et de décompression des
effectifs de bureaux d'ingénierie exigés par les seuls projets du
secteur hydroélectrique.
Pour les firmes privées fournissant le personnel de
gérance des grands travaux, on note une situation identique avec,
toutefois, un décalage de deux années par rapport à
l'ingénierie. Les effectifs de gérance passeraient de 1450
années-personnes en 1980 à un creux de 850 en 1984, suivi d'une
remontée rapide pour atteindre 3400 années-personnes en 1991.
La situation que nous venons de décrire pour le secteur
hydroélectrique se répète à peu de chose
près dans les autres secteurs des activités de construction, si
bien que nous pouvons conclure que: la situation de l'emploi dans le secteur de
l'ingénierie subira un net ralentissement durant les années 1981,
1982 et 1983, tant dans le secteur hydroélectrique que dans les autres
secteurs de l'activité de construction; entre 1984 et 1990, on observera
une période d'activité intense qui pourrait se prolonger pendant
plusieurs années.
Durant le creux des années 1981-1983, les firmes
d'ingénierie devront se départir d'une grande partie de leur
personnel formé au prix de grands efforts. Ces professionnels se
retrouveront sur un marché de travail difficile et devront se recycler
ou s'exiler. Lorsque le cycle des grands travaux remontera brutalement à
partir de 1984, les effectifs professionnels pourront être difficilement
recrutés ou même récupérés, car ils se seront
alors recyclés dans d'autres secteurs d'activité qui, eux aussi,
seront en pleine croissance. La résultante de cette conjoncture sera une
diminution tangible de la quantité et de la qualité des effectifs
disponibles. Une inflation accélérée des coûts
s'ensuivrait inévitablement.
La même situation prévaudra sans doute aussi dans le
secteur de la fabrication des équipements
électromécaniques et dans les industries de fourniture de
matières premières telles que le ciment et l'acier. Il ressort
donc que le problème dépasse le cadre du programme
d'équipement d'Hydro-Québec et qu'il se situe à
l'échelle de la province tout entière.
Nous formulons à ce moment la recommandation no 2: Que le
gouvernement du Québec, avec la participation d'organismes tels que
l'Association des ingénieurs-conseils du Québec, établisse
un recensement des multiples projets d'investissement des secteurs
privés, publics et parapublics afin de mieux évaluer leurs
besoins en effectifs professionnels, en biens et en ressources pour leur
réalisation optimale.
Le Président (M. Jolivet): Je m'excuse, M. Ruel. Je vois
qu'on est rendu à la page 18 et que nous avons 33 pages.
Déjà, on a dépassé largement le temps alloué
de vingt minutes. Je ne sais pas si j'ai dit tout à l'heure que les
membres de la commission avaient déjà reçu le document et
qu'ils en ont pris connaissance. S'il y avait un résumé qui
était donné. Sans cela, vous allez prendre pas mal de temps et il
restera moins pour les questions.
M. Lagacé: M. le Président, je dois vous dire que
nous avons présenté notre mémoire, comme vous le savez.
Depuis que nous sommes ici ce matin, nous avons tenté par tous les
moyens d'en enlever des parties pour qu'il vous soit présentable
à l'intérieur des limites. Même à l'heure du midi,
c'est ce que nous avons fait. Nous avons réussi à enlever
beaucoup de pages. Je comprends que nous prendrons peut-être plus que
vingt minutes, mais je pense que le reste doit être entendu. C'est notre
désir.
Le Président (M. Jolivet): C'est simplement pour les
besoins des membres de la commission. S'il y a un consentement pour qu'on
puisse vous demander de terminer dans les plus brefs délais ce qui
reste, il n'y a pas de difficulté, quant à moi.
M. Lagacé: On a calculé à l'heure du midi
que cela nous prendrait 35 minutes à peu près pour le
présenter.
Le Président (M. Jolivet): Cela va. Continuez.
M. Desrochers (Marcel): On va accélérer la lecture
à partir d'ici. La stratégie suggérée par
l'Association des ingénieurs-conseils du Québec: Le
problème du ralentissement actuel de l'industrie de l'ingénierie
et les prévisions d'une reprise à
un taux très élevé vers la fin des années
quatre-vingt nous amènent à formuler la recommandation suivante:
recommandation no 3): Que, dans un contexte plus immédiat, des mesures
énergiques soient instituées pour utiliser de la façon la
plus rentable possible les ressources humaines affectées à la
conception, à l'ingénierie et à l'encadrement
présentement en surplus temporaire au Québec. L'Association des
ingénieurs-conseils du Québec considère que cette
recommandation devrait se voir accorder un statut de haute priorité.
Afin d'aider à sa mise en application, nous suggérons que
les mesures suivantes soient considérées: une exécution
plus rapprochée de l'ingénierie de certains projets
énergétiques. L'objectif serait de combler les creux des
années 1982 à 1985, de façon à écrêter
les pointes prévues pour plus tard dans les travaux d'ingénierie,
de gérance et de construction. Nous ne préconisons pas
nécessairement le devancement des dates de mise en service des projets,
mais plutôt l'étalement dans le temps de certaines
activités. Évidemment, on ne peut rejeter l'hypothèse d'un
devancement de certaines mises en service si des impératifs de
satisfaction d'une demande plus rapide qu'anticipée ou des
possibilités de transactions avantageuses pour l'énergie
additionnelle produite se matérialisaient. Nous pensons ici à des
ventes plus considérables aux réseaux interconnectés ou
à la dédication de blocs de puissance à de grands projets
industriels qui relanceraient l'économie québécoise.
Les devancements auxquels nous pensons concernent surtout les travaux
d'ingénierie détaillée et l'exécution de certains
ouvrages qui font partie de projets non encore approuvés, mais dont la
réalisation est inévitable dans l'avenir immédiat.
Recommandation no 4: Qu'un mandat soit incessamment attribué pour
évaluer les implications et présenter des recommandations au
sujet du devancement de certaines études et certains travaux en rapport
avec les projets du programme d'équipement d'Hydro-Québec
prévus pour une mise en service avant 1990.
Des administrateurs du gouvernement, d'Hydro-Québec, de
l'Association des ingénieurs-conseils du Québec et des
représentants de l'industrie de la construction du Québec
seraient appelés à contribuer à cette étude.
L'exécution, à courte échéance,
d'études détaillées reliées à la
réalisation d'un projet nucléaire au Québec. Tout d'abord,
au Québec, la quantité de ressources hydrauliques, en termes de
potentiel de puissance électrique aménageable, est
limitée. II est tout probable qu'au tournant du siècle, ces
ressources ne suffiront pas à répondre à la demande. Une
autre source sera nécessaire.
Malgré l'intérêt qu'on porte à la
conservation, à l'énergie solaire et aux énergies
redécouvertes, le consensus actuel est que ces sources ne pourront, dans
un avenir prévisible, représenter qu'un pourcentage relativement
faible du bilan énergétique des pays industrialisés.
Une source d'énergie attrayante semble être la fusion. Son
développement, toutefois, exige une infrastructure technologique
très avancée, et l'arrivée à maturité d'un
réacteur à fusion pour la production commerciale
d'électricité ne peut être attendue avant les années
2020 à 2030. Il ne fait donc aucun doute qu'une solution
intérimaire doit être retenue, d'une part, pour établir la
base technologique nécessaire à la fusion et, d'autre part, pour
combler les besoins énergétiques des quelque 20 années de
l'après 2000. Or, la seule solution qu'on puisse imaginer à
l'heure présente est celle que la France a suivie, soit la mise en
oeuvre d'un programme de fission nucléaire dynamique et
entièrement sous contrôle national.
L'AICQ comprend, sans nécessairement les partager, les raisons
qui ont motivé la décision du gouvernement d'imposer un moratoire
sur tout nouveau projet nucléaire au Québec. Malgré cette
prise de position, l'AICQ constate, avec Hydro-Québec, qu'à tout
le moins en 1992 et possiblement avant, le Québec nécessitera
environ 800 MW de puissance thermique ou nucléaire pour satisfaire la
demande provinciale.
Or, tous s'accordent dans l'industrie pour dire que
l'échéancier de réalisation d'un projet nucléaire a
une durée de quelque douze ans pour un projet sur un site connu et de
quatorze ans si l'on doit procéder à une recherche de sites. De
plus, à l'intérieur du programme de douze ans, on doit allouer
une phase de plus de trois ans d'études approfondies avant que ne soit
requise l'autorisation gouvernementale de construction et que ne soit
octroyé le premier contrat pour la fabrication d'équipement.
Ces délais de réalisation sont, d'ailleurs, sensiblement
du même ordre pour la réalisation de projets de centrales
thermiques à combustible fossile, particulièrement le
charbon.
Il est donc plus ou moins inévitable que le Québec devra
recourir à cette forme d'énergie qui devrait d'ailleurs, à
cette époque, avoir atteint un degré satisfaisant de
maturité et de sécurité.
D'autre part, l'AICQ ne croit pas que, dans la conjoncture actuelle, le
charbon représente le meilleur choix. Par contre, cette
possibilité doit retenir l'attention de très près non
seulement au niveau d'une surveillance générale du secteur, mais
aussi au niveau de réalisations concrètes qui
pourraient dépasser le stade des études conceptuelles et
faire l'objet d'études de choix de sites et d'ingénierie
détaillée, ne serait-ce que pour renforcer le pouvoir de
négociation d'Hydro-Québec, le cas échéant. (17
heures)
Cela ne veut pas dire qu'il faille pour autant négliger le
domaine des centrales thermiques, ne serait-ce que dans
l'éventualité où les recherches pétrolières
effectuées dans le golfe Saint-Laurent aboutiraient à une
découverte. Nous pourrions nous retrouver dans une situation
d'autosuffisance pétrolière, à l'instar de Terre-Neuve et
de l'Angleterre. Il serait alors malencontreux que nous ayions à
importer totalement la technologie et les ressources humaines requises pour la
réalisation de projets thermiques alimentés aux combustibles
classiques.
L'AICQ désire souligner qu'il existe au Québec, en
dépit des faibles engagements locaux dans le domaine, une industrie
nucléaire assez considérable. La vigueur de cette industrie
dépend, pour une grande part, du programme nucléaire ontarien et
de la vente de centrales nucléaires à l'étranger.
Contrairement à l'enthousiasme des années soixante, les
années soixante-dix ont vu naître un climat d'incertitude dans la
population relativement à la sûreté des centrales
électronucléaires et aux risques engendrés par les
déchets. Ceci a conduit à l'instauration d'un moratoire
temporaire sur l'énergie nucléaire au Québec.
Là-dessus un certain nombre de commentaires s'imposent.
Premièrement, en l'absence d'activités reliées à
des réalisations concrètes dans le domaine nucléaire, on
peut à la rigueur conserver un certain niveau d'intérêt
dans les milieux académiques, mais on étouffera très
rapidement tout dynamisme au niveau de l'industrie manufacturière et
chez les entrepreneurs oeuvrant dans ce domaine. Le personnel de conception des
ouvrages n'aura pas, non plus, grand enthousiasme à se tenir à
jour au sujet des progrès accomplis dans ce domaine.
On risque alors de se retrouver dans une situation où il faudra
importer la quasi-totalité du savoir-faire nécessaire pour
effectuer de tels travaux, et chacun sait que le savoir-faire entraîne
avec lui des engagements industriels forcément situés là
où la "sympathie" des concepteurs y trouve sa meilleure
satisfaction.
L'industrie nucléaire québécoise se trouve
présentement dans une grande incertitude. Elle devra, dans bien des cas,
prendre prochainement des décisions difficiles, fondées sur la
seule foi des impératifs économiques du moment. Il importe donc
pour le gouvernement du Québec de ne pas retarder indûment son
processus de prise de décision dans le domaine nucléaire si nous
voulons protéger les compétences existantes et permettre la
survie de cette industrie. On ne peut investir indéfiniment en
équipement et en ressources humaines dans une technologie de pointe si
un volume seuil n'est pas assuré afin de compenser les risques des
investisseurs.
Le gouvernement français, en raison de la rareté des
ressources énergétiques, a pris une orientation ferme en faveur
du nucléaire. Son programme dynamique lui a permis non seulement
d'être à l'avant-garde dans le domaine de la fission
nucléaire, mais aussi a servi à mettre le pays en très
bonne position dans d'autres sphères de haute technologie. Les
retombées sur son économie sont présentement comparables
aux effets bénéfiques qu'a suscités, aux
États-Unis, le programme spatial des années soixante.
Dans l'état d'incertitude où se trouve l'industrie
nucléaire au Québec, un démarrage agressif des
études pour la réalisation d'une centrale ne signifiera un espoir
de travail pour l'industrie manufacturière que seulement trois ou quatre
ans après leur démarrage. Repousser plus loin les études
approfondies rattachées à un projet déterminé
risquerait de mettre fortement en danger toute l'industrie du secteur
nucléaire.
Recommandation no 5: Que le gouvernement du Québec autorise
clairement le démarrage des études détaillées
reliées à la réalisation d'une nouvelle centrale
nucléaire au Québec.
On ne devrait pas se limiter à étudier les grandes
caractéristiques techniques, économiques et environnementales,
ainsi que les problèmes particuliers tels qu'approvisionnement,
disposition des déchets, développements technologiques sur les
nouvelles filières ou les nouveaux procédés, etc. Ces
types d'études, vus de l'industrie, sont interprétés
à peu près comme l'équivalent d'une volonté de ne
pas faire du nucléaire. Nous exprimons le désir
d'exécuter, tout au moins, la partie des études qui
précède les étapes d'obtention des autorisations
gouvernementales et qui peut durer près de trois ou quatre ans.
Finalement, l'industrie nucléaire interprète la crainte
que provoque cette source d'énergie plutôt comme une
réaction du public devant une technologie mystérieuse et qui
semble si complexe qu'on se résigne à ne pas la comprendre ni
à l'accepter. On croit aussi, au sein de l'industrie nucléaire,
qu'un dialogue éclairé avec la population peut permettre à
celle-ci de juger l'énergie nucléaire sur un même pied que
les autres outils de support à une société
industrialisée. La population doit se forger une opinion des avantages
et les inconvénients de cet instrument par rapport aux autres et elle
pourra ensuite procéder à des choix éclairés. Nous
croyons sincèrement que le peuple saura faire la part des choses, qu'il
saura évaluer les risques et les avantages réels du
nucléaire et ignorer les épouvantails issus des
déclarations démagogiques de la part de groupes voués
à son élimination.
La réponse ultime du public à la suite d'un tel dialogue
n'est pas, d'après nous, une garantie de survie du nucléaire,
mais, d'une part, on sait que, dans la majorité des endroits où
cet exercice a été tenté, le pari nucléaire a
été relevé. D'autre part, si la réponse est
négative, elle aura à tout le moins été
exprimée sur la foi de données claires et précises.
Donner le feu vert aux études et à l'aménagement
énergétique des petites rivières. L'association accueille
très favorablement le programme documenté par Hydro-Québec
visant à aménager entre 39 et 70 sites de petites centrales.
À notre avis, ce type de réalisation convient parfaitement
aux entrepreneurs que sont fondamentalement les ingénieurs-conseils.
Notre industrie d'ingénierie a les moyens et surtout la motivation
d'exécuter cette série de projets relativement trop petits pour
les grandes structures administratives d'Hydro-Québec, mais qui ont une
taille intéressante pour l'industrie de l'ingénierie et qui
offrent un potentiel d'emploi régional considérable.
L'association encourage fortement de telles initiatives qui auraient
l'avantage de fournir un élément structurel de base à
notre industrie et qui permettraient le maintien d'un savoir-faire en
ingénierie dont le réseau aura grandement besoin vers la fin des
années quatre-vingt pour les nouveaux grands projets
hydroélectriques.
D'autre part, Hydro-Québec devrait coordonner l'ensemble de la
réalisation de ces projets, les planifier dans leurs grandes lignes,
choisir les sites et fixer des normes de qualité de réalisation.
Par la suite, les projets pourraient être entièrement
réalisés sous forme de projets, clé en main, ou
d'arrangements similaires par l'entreprise privée.
Nous formulons ce désir sous la forme de notre recommandation no
6: Que la réalisation accélérée des projets
d'aménagement des petites rivières du Québec soit
effectuée en favorisant la formule envisagée d'une
délégation totale à l'entreprise privée, à
l'exception de la planification, du choix des sites et des
caractéristiques générales qui seront
réservées à Hydro-Québec.
M. Lagacé: À titre de conclusion, M. le
Président, c'est notre opinion que les quelques idées que nous
venons d'exposer ajoutent aux considérations que nous avions
présentées en février 1980 au ministère de
l'Énergie et des Ressources.
Dans le présent document, nous faisons un examen de la structure
et de la problématique de l'industrie québécoise de
l'ingénierie, examinée dans l'optique du programme
d'équipement proposé par Hydro-Québec pour la
décennie 1980.
La situation de notre industrie transcende le seul secteur de
l'énergie. Elle influence l'ensemble de l'économie
québécoise. Sa croissance dynamique dépend de
l'encouragement continu que l'administration publique et Hydro-Québec
lui apportent.
Nous osons croire que les responsables de la politique de
l'énergie auront saisi toute l'acuité des problèmes
auxquels est confrontée l'industrie québécoise de
l'ingénierie et qu'ils verront à l'application des
recommandations qui leur ont été respectueusement soumises.
Merci.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Dubuc, en premier.
M. Desbiens: Merci, M. le Président. Je vais d'abord
remercier et féliciter l'Association des ingénieurs-conseils de
son mémoire et de sa participation aux travaux de la commission.
Évidemment, de tous les groupes assez nombreux qui font des
représentations ici à cette commission, on s'attend à une
excellente présentation et on l'a eue de votre association.
Au début, vous nous rappelez l'importance de l'industrie de
l'ingénierie au Québec, à juste titre d'ailleurs. Vous
avez pu le constater déjà, elle est considérée par
le gouvernement actuel comme un des secteurs stratégiques du
développement du Québec.
J'aimerais poser des questions sur deux points, sur deux suggestions que
vous faites dans votre mémoire. L'une se rapporte au devancement de la
réalisation de certains travaux. La deuxième portera sur
l'aménagement rapide des petites rivières.
Concernant la première série de questions, dans votre
mémoire, vous soulignez que le plan de développement
proposé par Hydro-Québec vous semble basé sur une
prévision beaucoup trop conservatrice de la demande
d'électricité et présente des dangers d'un manque
d'électricité. Pourtant - je me fais un peu l'avocat du diable -
j'aimerais que vous nous précisiez les hypothèses qui vous
amènent à dire qu'Hydro-Québec a des prévisions
beaucoup trop basses. Si on a à l'idée la croissance
économique du Québec prévue au cours des années qui
viennent, la croissance démographique québécoise qui est
de 3,7%, je crois, la possibilité d'une pénétration
beaucoup plus accrue du gaz, -on parle d'une proportion d'au-delà 20%
-des politiques d'énergie également qui seraient donc une source
d'économie et qui libéreraient d'autres possibilités,
votre hypothèse d'un manque d'électricité semble se
contredire.
Le deuxième volet de la question se rapporte toujours au
devancement des
travaux. Vous parlez, au début, d'une reprise qui donnerait des
tendances inflationnistes. Je pense qu'il serait intéressant et utile de
savoir de votre part quels sont les avantages et les coûts que vous allez
évaluer d'un tel devancement de travaux, tout cela, évidemment,
toujours en regard avec la possibilité de pénétration plus
rapide du gaz naturel sur le marché québécois dans les
années quatre-vingt. Je reviendrai après cela sur les petites
rivières.
Le Président (M. Jolivet): M. Lagacé.
M. Lagacé: Je peux peut-être reprendre la
première question à l'égard du devancement des travaux.
Lorsque vous parcourez les documents préparés par
HydroQuébec, on peut s'apercevoir que le point de départ d'abord
de toute l'étude est certes la courbe qui exprime l'augmentation de la
demande à Hydro-Québec. L'augmentation de cette courbe tient
compte de beaucoup de facteurs qui sont entre autres le facteur
démographique, le facteur de l'augmentation des affaires au
Québec, la pénétration du gaz et l'énergie; mais le
rythme d'augmentation de cette courbe de demande s'exprime par des chiffres qui
sont inférieurs, sur la fin du cycle considéré, à
ceux auxquels nous faisons face au début du cycle de la période
de dix ans. C'est ce qui nous place dans une situation où on est
porté à croire que cette courbe, que cette expansion du
réseau requis devrait atteindre un seuil plus ralenti à cause des
facteurs d'accroissement de l'activité, au Québec,
regroupés sous l'étiquette de la démographie, la
pénétration du gaz et de ces différents secteurs. Croyant
que cette courbe de la demande pourrait facilement être atteinte par les
besoins réels, nous préconisons qu'il vaudrait mieux envisager la
possibilité de devancer certains travaux de façon à
pouvoir être prêts au cas où cette demande se produirait
à un rythme plus rapide que le rythme estimé.
Quant aux avantages et aux coûts, traitons d'abord des premiers.
L'industrie du génie-conseil y voit des avantages en préconisant
immédiatement le début des études parce que
évidemment, l'industrie du génie-conseil serait elle-même
plus satisfaite. Elle pourrait même voir certains débouchés
quant à sa propre période d'activité.
Quant aux coûts que ce devancement des travaux pourrait impliquer,
je ne voudrais pas en faire le calcul ici. Notre document vous indique
déjà une formule de calcul estimé par nous sur ce choix,
mais pour résumer, nous avons inscrit dans le rapport un chiffre de $300
millions pour la période des quelques années dont il est
question, ce qui pourrait être récupéré assez
facilement par la suite à cause des économies sur le financement
qui pourraient être réalisées.
Le Président (M. Jolivet): M. le député.
M. Desbiens: Je vous remercie. Une deuxième suggestion,
l'aménagement des rapides des petites rivières. Vous avez
étudié le rythme prévu par Hydro-Québec pour
l'aménagement des petites rivières. Je vais vous poser la
question, j'imagine la réponse. Est-ce que vous calculez qu'il est
suffisant? Est-ce que vous aimeriez qu'il soit plus élevé? On
sait que c'est 1000 mégawatts, de 1990 à l'an 2000. Quelle serait
la proposition précise que vous auriez à faire dans ce secteur
particulier de l'aménagement des petites rivières, en relation
avec l'entreprise privée, concession entreprise privée
d'aménagement?
M. Lagacé: II n'est pas facile de répondre
précisément à cette question. J'ai le goût, aux fins
de la discussion, de faire un tour d'horizon rapide sur cette fameuse courbe de
la demande qui est celle exprimée par Hydro-Québec. Nous
admettons tous que la courbe a été faite avec les meilleures
intentions du monde, les meilleures prévisions possibles, même le
passé d'Hydro-Québec est garant de son avenir, mais il y a des
facteurs qui sont très importants et qui vont faire que la courbe peut
se déplacer légèrement pour exprimer la demande des dix ou
des quinze prochaines années.
Je pense qu'un facteur très important qui doit être
souligné, c'est celui de la facture d'électricité. Comment
établir la facture d'électricité? On vit dans un monde
où l'électricité nous est réellement offerte
à un prix relativement bas par rapport à tous ceux qui nous
entourent, qui sont limitrophes à nos frontières.
S'il arrivait que, pour un besoin de relance industrielle, on convenait
que notre électricité, qui fait déjà l'objet
d'envie de ceux qui se disent industriels, s'il leur était permis de
venir prendre avantage de cette électricité qui est nôtre,
naturellement renouvelable, ils seraient dans une position où ils
viendraient s'installer chez nous. Conséquemment, on aurait un
développement économique industriel accéléré
et le tout aurait pour effet d'augmenter notre courbe de la demande.
Dans le cas inverse, s'il arrivait que notre facturation
d'électricité s'avère plus lourde, plus difficile, c'est
certain que tant les étrangers, les multinationales, que nos propres
résidents du Québec auraient une tendance à moins utiliser
l'électricité et, conséguemment, à rabattre la
courbe légèrement. Mais ce qui fait foi de tout, c'est toujours
la forme de la courbe. C'est ce qui rend la situation difficile.
De quelle façon pense-t-on que la courbe qui a été
évaluée, que cette courbe qui exprime la demande, qui exprime le
besoin du réseau, de quelle façon sera-t-elle
respectée avec les années qui viendront, d'ici 1990, ou
même 1995? Comme les facteurs dépendent tous de la politique
même d'Hydro-Québec et de la province de Québec quant
à l'utilisation de cette ressource énergétique qui est
bien la sienne, il n'est pas facile de donner une appréciation exacte
sur ce que devra être la capacité des petites rivières.
Mais je crois qu'il y a un principe fondamental qui doit être à la
base de toute décision, c'est que chez nous,
l'électricité, c'est notre seule ressource
énergétique, la seule que nous ayons à l'intérieur
de nos limites, qui nous appartienne. Et, surtout, cette énergie est
renouvelable. Elle ne coûte rien une fois l'immobilisation faite.
Je crois que dans cet esprit d'énergie renouvelable, lorsque
l'immobilisation a eu lieu, il s'agit de la faire marcher le plus longtemps
possible et si nous avons d'autres installations qui s'avèrent
renouvelables, telles les petites rivières, je pense que la
décision est relativement facile à prendre. On devrait installer
le plus possible de ces petites centrales à énergie renouvelable,
parce qu'une fois installées elles sont capitalisées. Il n'y a
pas beaucoup de frais à caractère d'entretien, parce que c'est
notre énergie, c'est naturellement renouvelable, il n'y a pas
d'entretien à y incorporer; on devrait en prendre avantage au
maximum.
Quelle devrait être la réponse exacte à tout
ça? C'est l'intérêt que la population ou l'industrie
peuvent manifester à utiliser cette énergie qui est le facteur
déterminant.
M. Desbiens: Évidemment, ça pourrait
entraîner d'autres questions, mais je ne veux pas, non plus, prendre trop
de temps.
Sur le point précis de confier à l'entreprise
privée la réalisation entre autres, par exemple,
l'aménagement de petites rivières, voulez-vous préciser
votre position?
M. Lagacé: Je vais demander à M. René
d'apporter des commentaires là-dessus, s'il vous plaît.
M. René: Disons que le milieu du génie-conseil a
quand même une expérience très grande de
l'aménagement de petites rivières, à l'extérieur du
pays surtout, dans d'autres provinces, peut-être, mais il reste que le
milieu même du génie-conseil a une expérience très
vaste de la chose.
Nous, on croit que l'aménagement de petites rivières, si
on parle de quelques kilowatts, si on parle de quelques mégawatts,
souvent ça peut sembler beaucoup pour une organisation de la taille
d'Hydro-Québec, parce que tout n'est pas nécessairement conforme
à la façon de faire dans de gros aménagements, dans les
grands aménagements.
Or, on pense que notre industrie est très apte à
entreprendre ces travaux et, une fois déterminées les
caractéristiques principales - parce que ça, on ne peut pas
l'enlever à Hydro-Québec et jamais on ne pourra le leur enlever -
à déterminer ce qu'on fait comme aménagement de petites
rivières. Le "dimensionnement" final de la chose, tout ça
appartient à Hydro-Québec, mais l'ingénierie de
détail pourrait être remise à l'industrie du
génie-conseil.
M. Desbiens: Je vous remercie. Je vais laisser la parole à
d'autres.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Mont-Royal.
M. Ciaccia: Merci, M. le Président. Tout d'abord, je
voudrais remercier l'Association des ingénieurs-conseils du
Québec pour son mémoire.
Vous portez à notre attention des points qui sont très
importants. Vous êtes le deuxième groupe, aujourd'hui, qui porte
à notre attention le fait qu'au cours des prochains quatre ou cinq ans,
d'après le programme d'investissements qui a été
présenté par Hydro-Québec, il va y avoir un
décalage dans l'emploi, pour les travailleurs, les ouvriers et aussi
pour les ingénieurs-conseils, les professionnels, les cadres et que ce
sera suivi par une remontée assez considérable. Vous portez
à notre attention qu'il peut y avoir certaines conséquences,
à la suite de ces événements, si le programme
d'Hydro-Québec est mis en application.
Je répète ce que j'ai dit aux intervenants de l'autre
groupe; je trouve ça inquiétant, c'est décourageant dans
le sens que, pour un certain nombre d'années, il n'y aura pas assez de
travail. Les gens de l'industrie de la construction se plaignent depuis
quelques années qu'il n'y a pas assez d'activité et, tout
à coup, on va aller à l'autre extrême et il va y avoir
tellement de travail qu'on ne pourra pas fournir. Pour moi, ça
crée un déséquilibre et si une politique
énergétique doit nous faire prévoir un choix de
société, moi, ce n'est pas le choix de société que
je préconise avec une politique énergétique saine et qui
aurait pour but de répondre aux besoins de tout le Québec.
Dans ce sens, je le répète, c'est inquiétant, c'est
décourageant et ça porte, par exemple, à se poser des
questions. On tient pour acquis que le programme qu'Hydro-Québec nous a
soumis sera appliqué tel qu'il a été suggéré
et rendu public par Hydro-Québec. Cela n'a pas encore été
décidé et peut-être faudrait-il mettre en doute certaines
des données, chercher d'autres solutions, chercher d'autres moyens pour
éviter les situations que vous portez à notre attention.
Ici, M. le Président, je voudrais ramener la discussion à
un autre contexte,
parce que j'ai clairement l'impression qu'on cherche - quand je dis
"on", je veux dire le gouvernement - à faire porter sur le dos
d'Hydro-Québec tous les problèmes qui sont soulevés par
les différents intervenants. Or, je voudrais rappeler à cette
commission, premièrement, le mandat d'Hydro-Québec. Le mandat
d'Hydro-Québec, c'est de prévoir les besoins du Québec en
énergie et les moyens de les satisfaire - et je le souligne ici -dans le
cadre des politiques énergétiques que le lieutenant-gouverneur en
conseil peut, par ailleurs, établir. Si Hydro est venue cette semaine
nous présenter un programme d'investissements et un programme
d'équipement, elle ne l'a pas fait d'elle-même. Elle l'a fait
à la suite de la responsabilité du gouvernement de lui donner une
direction. Je déplore, quand j'entends autour de la table les questions
qui sont posées, que ce soit toujours dirigé contre Hydro. Ce
n'est pas dirigé contre le manque d'action du gouvernement qui n'a pas
donné ses propres directives. Ce qui se produit ici - on voit que, dans
quatre ans, on ne pourra pas faire face à la demande de main-d'oeuvre,
à la demande d'ingénieurs-conseils, etc. - ce n'est pas de la
faute d'Hydro-Québec. C'est la faute du gouvernement qui a manqué
de planification. C'est la faute du gouvernement de ne pas avoir
impliqué toutes les institutions, tous les organismes responsables. Il
ne faudrait pas que, par le biais de cette commission, on mette
Hydro-Québec sur la sellette, parce que c'est injuste et c'est faux. Ce
n'est pas sur le dos d'Hydro-Québec, mais ce sont les
responsabilités de ce gouvernement. Il faut le rétablir
clairement et, s'il y a des carences et des questions à poser, qu'il se
les pose à lui-même; qu'il ne les pose pas à vous pour
faire paraître qu'Hydro-Québec n'a pas fait sa planification, que
les estimations d'Hydro-Québec sont trop hautes ou trop basses.
Relisons et réexaminons le mandat d'Hydro-Québec. Elle
doit le faire dans le cadre des politiques énergétiques du
gouvernement. Si Hydro-Québec nous dépose un programme
d'investissements aujourd'hui, après avoir discuté avec le
gouvernement -cela fait un an que le ministre en discute -posons les vraies
questions au gouvernement et ne faisons pas passer le manque de
responsabilités sur le dos d'Hydro-Québec. Je crois que c'est
important d'établir ce fait. C'est très important pour qu'on ne
fausse pas le débat, pour qu'on ne fausse pas tout ce qui se produit ici
devant cette commission parlementaire.
Vous portez à notre attention une autre recommandation, la
deuxième recommandation. Vous dites: "Que le gouvernement du
Québec, avec la participation d'organismes tels que l'Association des
ingénieurs-conseils du Québec, établisse un recensement
des multiples projets d'investissement des secteurs privés, publics et
parapublics afin de mieux évaluer leurs besoins en effectifs
professionnels, en biens et en ressources par leur réalisation
optimale". M. le Président, un gouvernement qui fait vraiment une saine
administration est obligé de le faire. C'est bien que vous le portiez
à son attention. C'est quelque chose. C'est le devoir
élémentaire d'un gouvernement de faire cette coordination. On a
un ministère de l'Immigration. On a un ministère de la
Main-d'Oeuvre. On a un ministère de l'Industrie et du Commerce. On a
l'OPDQ. Ce ne sont pas les outils qui manquent au gouvernement; c'est la
direction, c'est un manque de responsabilités. Vous faites cette
recommandation et je vous en félicite. Si le gouvernement avait
donné une direction à Hydro, si le gouvernement avait dit: Dans
le cadre de la main-d'oeuvre disponible, dans le cadre des investissements qui
sont disponibles, Hydro devrait nous produire ceci au titre d'un plan
énergétique, il y a beaucoup de ces recommandations ici que vous
n'auriez pas été obligés de faire. Vous avez
été obligés de les faire parce que le gouvernement n'a pas
pris ses responsabilités.
On parle du gazoduc. On parle de la conservation d'énergie, de
tout le reste. On veut créer l'impression que le gouvernement est ici
pour essayer de chercher des renseignements, qu'il veut protéger le
consommateur, qu'il veut voir vraiment ce qu'il a à faire et faire
apparaître comme le gros méchant du scénario
Hydro-Québec. Rétablissons un peu les faits. Soyons
honnêtes et peut-être qu'on pourra avoir un dialogue qui sera un
peu plus réaliste, que la population pourra mieux juger de la vraie
responsabilité de ce gouvernement et du manque de politique qu'il a eu
dans tous les domaines: dans le domaine de la construction, les 40,000 emplois
qu'on perd, les problèmes énormes dans ce domaine, et dans le
domaine énergétique. Il faut rétablir les faits et imputer
la responsabilité à qui elle appartient.
M. le Président, j'aurais une question à poser à
nos invités. S'ils veulent faire un commentaire sur le préambule,
je les y invite. (17 h 30)
M. Lagacé: Oui, je veux apporter un commentaire sur le
préambule de M. le député. C'est, évidemment, cette
inquiétude que nous voulons vous souligner à l'égard de
l'emploi chez nos membres, ceux qui composent notre association. Il serait
peut-être bon d'apporter la précision suivante, à savoir
que nous réalisons très bien que nous faisons partie de ce qu'on
peut appeler l'industrie privée et que nous ne voulons pas, pour nos
membres, l'assurance absolue de l'emploi parce que justement nous avons choisi
de faire partie de cette activité du Québec où nous sommes
d'un groupe privé.
Alors, on doit être assez habile pour s'ajuster aux besoins. Mais
le point que nous aimerions souligner, c'est que cette situation qu'on est
appelé à vivre dans les années 1982, 1983 et 1984 est
celle où nos membres nous indiquent qu'ils devront se départir de
beaucoup de leurs propres talents, de leur propre personnel, pour se trouver,
quelques années après, dans l'obligation de recomposer leur
personnel, ce qui, à nos yeux, nous apparaît comme étant
une situation un peu anormale, qu'on doit souligner. Si, par contre, on
était dans la situation où l'occupation de nos firmes
était relativement constante ou avec une courbe bien
contrôlée, à ce moment-là, on ne serait pas ici pour
vous indiquer la difficulté qu'on a cru déceler dans
l'activité qui est indiquée à nos membres. Je me permets
ce court commentaire additionnel.
M. Ciaccia: M. le Président, j'espère que je ne
vous ai pas donné l'impression que je vous critiquais d'avoir fait les
constatations que vous avez faites. Je vous en remercie et je crois important
que la population en sache les conséquences possibles dans les
prochaines années. Je vous remercie de l'avoir porté à
notre attention. Le point que je veux soulever, c'est que ce n'est pas la faute
d'Hydro-Québec si cela va se produire. C'est la faute de ceux qui ont la
responsabilité de donner la direction à Hydro-Québec, de
formuler des politiques énergétiques, de décider les
politiques pour l'ensemble du Québec. C'est à eux qu'incombe
cette responsabilité. Inutile de le répéter, je vous
remercie de l'avoir porté à notre attention. Je ne vous
blâme pas du tout. C'est quelque chose qui doit être
souligné.
Une autre de vos recommandations est que soit adoptée une
attitude plutôt positive qu'attentiste quant aux espoirs de
développement industriel du Québec. La demande en
électricité qui en découlera serait alors plus vigoureuse
que celle prévue par Hydro-Québec. Pourriez-vous nous donner
quelques exemples ou quelques recommandations un peu plus spécifiques?
Je suis entièrement d'accord que nous devrions avoir une approche
positive, pas être attentistes, parce que c'est l'atentisme qui
crée les délais, qui crée les situations où,
à un moment donné, on a un surplus de ressources humaines et
où, à un autre moment, on peut avoir un manque de ces ressources.
Est-ce que vous avez quelques recommandations ou suggestions? Comment un
gouvernement pourrait-il concrétiser cette attitude positive
plutôt qu'attentiste?
Le Président (M. Jolivet): M. Lagacé ou M.
René?
M. Lagacé: Je demanderais à M. René de
relever cette question, s'il vous plaît! Le Président (M.
Jolivet): M. René.
M. René: M. le Président, je pense que M. le
député est bien conscient des difficultés qu'on peut avoir
à établir réellement une courbe de demande. Il faut
être spécialiste, avoir beaucoup de ressources sur le plan
technique et sur le plan humain pour y arriver, et beaucoup
d'expérience. Or, on n'est pas en mesure de critiquer
Hydro-Québec ou quoi que ce soit dans la prévision même de
la demande. Ce qu'on dit, c'est que, comme outil de travail, comme outil de
planification et comme outil de programme d'investissements, on trouve qu'en
passant de ce qu'on pourrait appeler, disons, un milieu où on va gruger
du côté pétrole, d'un pourcentage
d'électricité de 26% à 45%, il y a une foule d'inconnues
tout au long d'un programme de ce genre. C'est pour bien tenir compte de cela
que nous croyons qu'on devrait être un peu plus optimistes du
côté de la demande parce que même si le gaz devait
s'implanter plus que prévu, il y a une foule d'éléments
imprévisibles. On parlait de demande, ce matin, et je pense qu'on
pourrait dialoguer très longtemps sur la demande. On le voit. À
la lumière des récentes expériences sur la pointe du
réseau, etc., on n'a pas beaucoup d'éléments qui nous
permettent d'être très pessimistes. On n'y croit pas, du moins
comme outil de travail, comme outil de planification, comme outil pour
établir un programme d'investissements.
M. Ciaccia: Merci.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Gouin.
M. Tremblay: Merci, M. le Président. Je pense que nous
sommes comblés aujourd'hui par la haute qualité des
mémoires qui nous sont présentés, et celui de
l'Association des ingénieurs-conseils du Québec entre
certainement dans cette catégorie. Je ne veux pas prendre beaucoup de
temps, mais j'aimerais quand même revenir sur deux points, poser deux
questions qui ressortent de votre mémoire et qui sont sous-jacentes
finalement aux enjeux de ce plan d'équipement d'Hydro-Québec et
des travaux de cette commission. Je reviens sur votre recommandation no 1,
comme l'a fait le député de Mont-Royal, mais dans une perspective
peut-être un peu différente. Vous dites: Que soit adoptée
une attitude plutôt positive qu'attentiste quant aux espoirs de
développement industriel du Québec. Vous êtes des
ingénieurs conseil, vous êtes très près des milieux
industriels, des milieux d'investissement. Quand vous recommandez une telle
chose, c'est donc que vous avez
quelque chose derrière la tête. Du moins, vous avez une
appréciation de la situation qui n'est pas conforme à vos
espoirs.
Est-ce que vous comparez la politique industrielle du Québec avec
ce qui se fait ailleurs où existent des excédents
d'énergie, comme en Alberta, comme au Mexique, comme au Venezuela, comme
en Arabie Saoudite, parce qu'il y a des régions dans le monde qui ont
des excédents d'énergie et où on a mis sur pied des
programmes de développement industriel accéléré?
Est-ce que vous déploreriez l'absence de volonté industrielle au
Québec par cette recommandation en disant qu'on semblerait attentiste,
peut-être, au Québec alors qu'on devrait être positif et
agressif? Ceci représente ma première question.
La deuxième, vous avez sans doute été
témoins de l'excellent témoignage de l'Association des
constructeurs de routes et grands travaux du Québec, qui vous ont
précédés à la tribune. Vous avez sans doute entendu
qu'il se dégage de plus en plus, des travaux de cette commission, que
l'enjeu majeur de ce plan d'équipement et d'investissement
d'Hydro-Québec c'est le devancement ou l'étalement des projets
d'investissements.
Les constructeurs nous ont dit qu'il y avait un danger réel que
nous soyons en train de répéter l'erreur des Jeux olympiques en
concentrant sur une période trop courte un volume trop gros
d'investissements. Donc, à cause de votre expérience dans ce
domaine, il serait très utile que vous nous donniez votre
appréciation de cette crainte des constructeurs. Est-ce que vous
partagez cette crainte de voir se répéter l'erreur des Jeux
olympiques?
M. Lagacé: Sans pouvoir en évaluer l'envergure ni
l'ampleur, je pense que...
M. Tremblay: Est-ce que vous commencez par la première ou
la deuxième question?
M. Lagacé: Je vais prendre la première, si vous
permettez. Très bien. Je vais relever la première: l'attitude
agressive plutôt qu'attentiste. J'aimerais souligner à l'attention
de l'assemblée que chez nous, l'industrie de l'électricité
fait partie d'une autosuffisance qui n'existe pas dans les mêmes
proportions dans les pays ou les provinces qui nous entourent. Chez nous, le
pétrole, ce n'est pas un produit du sous-sol. Il n'y a pas de
pétrole chez nous. Il n'y a pas de gaz naturel au Québec. Il n'y
a pas de charbon au Québec. Il y a toutefois de
l'électricité. Or, l'électricité, c'est le seul
produit énergétique qui nous permet de parler d'un peu
d'autosuffisance. En plus de cela, l'électricité dont on discute,
aujourd'hui, la génération, est une énergie, qui se
renouvelle sans qu'on ait à acheter la matière première
pour la faire renouveler. C'est une richesse extraordinaire.
Je me permets de le souligner, peut-être que le mémoire
aurait dû être présenté avec des lettres majuscules
à ces endroits. Je veux dire que chez nous, l'autosuffisance
énergétique existe en électricité et, par
surcroît, c'est avec un matériel qui est naturellement
renouvelable, à l'instar du nucléaire qui, lui, devra utiliser
une partie du sous-sol, ou à l'instar du thermique qui, lui, devra
utiliser une source d'énergie qu'on devra acheter ailleurs. Cette
énergie, qui est bien québécoise, qui fait partie de
l'autosuffisance du Québec, qui est naturellement renouvelable -
répétons-le encore beaucoup de fois, qui est naturellement
renouvelable - tant et aussi longtemps qu'on est dans ce secteur de
génération de l'énergie, on devrait l'utiliser pour
promouvoir l'essor industriel du Québec.
M. Tremblay: Comment?
M. Lagacé: C'est dans cet esprit d'utiliser une partie de
cette énergie qui fait partie de l'autosuffance du Québec, qui
est naturellement renouvelable, que nous avons aujourd'hui déposé
ces commentaires dans notre mémoire. Mais comment? Je ne pense pas que
cela fasse partie du mandat que notre association s'est donné d'indiquer
de quelle façon on devrait arriver à faire entrer le
Québec dans cette utilisation de l'énergie dans le but de
promouvoir son essor industriel; mais nous voulons seulement souligner dans le
mémoire que cette possibilité existe et qu'il pourrait fort bien
arriver que dans les dix années qui se présentent devant nous ou
même les années qui se présentent devant nous, qui pourront
même dépasser 1990 ou 1995, dans cette optique, si cela devenait
la philosophie soit d'Hydro-Québec ou du gouvernement du Québec
de promouvoir un essor industriel, nous sommes là justement
placés pour le permettre, à cause de
l'électricité.
M. Tremblay: Diriez-vous qu'entre le choix d'exporter des
excédents d'électricité et le choix
d'accélérer le développement industriel, votre association
préférerait de beaucoup que l'accent soit mis sur le
développement industriel?
M. Lagacé: C'est-à-dire que c'est peut-être
tenter de refaire l'histoire du Québec que de vendre nos ressources
premières à bon compte et se retrouver, au bout d'un quart de
siècle, en ayant un peu de regret d'avoir pris les décisions
peut-être nécessaires au moment où elles ont
été prises, mais dans l'évolution d'un monde
industrialisé, s'apercevoir que nos ressources premières,
l'électricité incluse, sont venues à
ceux qui les utilisent et que, peut-être, si nous avions eu les
moyens financiers et l'habilité technique, parce qu'il y a un
mélange des deux et probablement que l'aspect financier revêt un
caractère particulier, si on avait eu la capacité
financière et la capacité technique, dis-je, de faire implanter
chez nous le plus d'industries possible, avec cette énergie -
redisons-le encore, naturellement renouvelable - une fois que la capitalisation
initiale est faite, c'est un atout que, je pense bien, aucune autre province du
Canada ne peut revendiquer actuellement.
M. Tremblay: J'attends la deuxième question.
M. Lagacé: La deuxième question? M. Tremblay:
La deuxième question.
M. Lagacé: Pouvez-vous demander à M. René de
la relever?
M. René: On en a parlé tout à l'heure aussi,
mais c'est un enjeu majeur. Cela peut rejoindre même la pensée du
député de Mont-Royal. C'est aussi très inquiétant
pour nous. Ce que l'association qui nous a précédés ici
voulait dire, nous le reprenons aussi, parce que, on le dit plus tôt
aussi, il n'y a aucune commune mesure entre ce qu'on a connu, même dans
les gros aménagements de la Baie James, phase I, et ce qu'on va
connaître dans quelques années, mais, là, il y a un creux
très difficile à digérer pour l'instant, qui risque de
nous faire perdre beaucoup de nos ressources et qui va nous préparer
très mal à affronter ce à quoi on va devoir faire face
à partir des années 1985, 1986, 1987, sur le plan
ingénierie. Cela nous inquiète donc aussi.
Le Président (M. Jolivet): Merci. M. le ministre, comme
dernier intervenant.
M. Bérubé: Oui, M. le Président. Je voudrais
uniquement répondre aux remarques du député de Mont-Royal,
qui, je pense, a pris, malheureusement, une mauvaise orientation et, en
même temps souligner l'importance du mémoire qui nous est soumis
présentement. Je pense que mon collègue de Dubuc a posé un
certain nombre de questions fort pertinentes. Je n'irai pas plus loin qu'il n'a
été, d'autant plus que le député de Gouin a aussi
repris plusieurs éléments extrêmement intéressants
et je pense que les réponses nous éclairent.
J'essaierai en même temps de poser le sens de cette commission
parlementaire. Le député de Mont-Royal nous présente cela
comme étant symptomatique de l'absence de politique gouvernementale,
d'une part, et, d'autre part, il présente évidemment la
commission parlementaire comme si le Québec était au banc des
accusés. Bien au contraire, il se tourne et dit: On ne devrait pas
être en train d'accuser Hydro-Québec, on devrait être en
train d'accuser le gouvernement. Je comprends qu'il est en campagne
électorale et que cela fait bien à la télévision,
mais je pense qu'il faut que je ramène les membres de cette commission
et ceux qui nous regardent à l'esprit de cette commission. (17 h 45)
D'abord, il n'appartient pas au gouvernement de se substituer au conseil
d'administration d'Hydro-Québec. L'article 22 de la loi est très
clair: "La société a pour objet de fournir l'énergie aux
municipalités, aux entreprises industrielles ou commerciales et aux
citoyens de cette province, aux taux les plus bas compatibles avec une saine
administration financière." Donc, le conseil d'administration a comme
mandat de chercher ce qui apparaîtrait comme l'optimum pour l'entreprise,
compte tenu des contraintes de la loi, mais la loi va plus loin et elle dit que
la société prévoit les besoins du Québec en
énergie et les moyens de les satisfaire dans le cadre des politiques
énergétiques que le gouvernement peut par ailleurs
établir.
Nous sommes ici essentiellement pour une raison très simple. Le
plan d'équipement d'Hydro-Québec, très clairement, va
toucher chaque citoyen. Il va déranger les firmes
d'ingénieurs-conseils et il va également influencer les
constructeurs, on l'a vu ce matin. On peut voir d'ailleurs que l'impact du plan
d'équipement d'Hydro-Québec sera tellement majeur sur le
développement économique et industriel du Québec que la
Chambre de commerce de Montréal nous a présenté un
excellent mémoire dans lequel elle élaborait une stratégie
pour augmenter les impacts du plan d'équipement d'Hydro-Québec
sur l'ensemble de la société.
En d'autres termes, on est ici pour essayer de voir comment chaque
citoyen va être affecté dans sa vie quotidienne par le plan
d'équipement d'Hydro-Québec qui nous est présenté
ici et c'est pour cette raison qu'il appartient au gouvernement de demander
différents scénarios à Hydro-Québec, ce qui a
été fait il y a un an.
C'est également à ce moment le mandat
d'Hydro-Québec de travailler à ces scénarios et de venir
nous présenter en public - ce qui n'a jamais été fait dans
le passé - un ensemble de scénarios possibles et, à ce
moment-là, les uns peuvent favoriser un scénario de devancement,
les autres le scénario standard, le troisième un recours au
nucléaire, etc. Nous avons à ce moment-là une discussion
ouverte. De cette façon, nos concitoyens qui seront influencés
dans leur vie quotidienne par la décision que prendra
Hydro-Québec ont la chance de voir
toutes sortes de points de vue émis concernant le plan
d'équipement d'Hydro-Québec et cela peut permettre à un
gouvernement, quel qu'il soit, d'en arriver peut-être à
élaborer une politique différente de celle qu'Hydro-Québec
a proposée en tenant compte de facteurs comme ceux que vous venez de
soulever, messieurs, en ce qui a trait, par exemple, à l'impact sur le
génie-conseil dans le domaine du développement des petites
rivières et le développement d'une expertise
québécoise plus décentralisée.
Je pense que vous avez soumis à cet égard une
réflexion extrêmement salutaire et très avantageuse pour
nous, ce qu'il ne faudrait pas oublier. Malheureusement, le
député de Mont-Royal l'oublie. Justement, le but de cette
commission parlementaire est de nous permettre tous ensemble de
réfléchir au plan d'équipement d'Hydro-Québec, d'en
voir les forces, d'en voir également les faiblesses, de voir l'impact
qu'il a sur l'ensemble de la société et, à partir de cela,
nous aider à élaborer une politique gouvernementale qui serait
possiblement différente de ce qui nous a été
proposé ici.
J'en tire la conclusion, à ce moment-là, très
simplement, qu'il faut accepter cette discussion ouverte, ne pas chercher
à en faire de la politique, mais, au contraire, chercher ensemble, d'une
façon honnête, quels seraient les choix véritables qui
s'offrent au Québec et comment, tous ensemble, on peut en arriver
à élaborer ce qui pourrait être une politique
gouvernementale dans ce domaine. Cela m'apparaît fondamental.
Malheureusement, le député de Mont-Royal a toujours tendance
à imaginer qu'on a mis Hydro-Québec sur le banc des
accusés et qu'on est là pour tirer à boulets rouges sur
elle alors que ce n'est pas du tout le cas. Les mémoires qui nous sont
soumis ici sont des mémoires pour nous aider à faire progresser
notre réflexion. Je remercie énormément ceux qui viennent
témoigner ici, parce que, effectivement, je ne vois jamais leurs
témoignages comme étant des attaques contre Hydro-Québec.
Je pense au contraire que ce sont des suggestions que vous apportez au
gouvernement pour que, peut-être, nous modulions une politique de
manière à tenir compte de plus de paramètres que ce
qu'Hydro-Québec envisage dans son plan d'équipement. C'est
normal. Elle a un mandat et il appartient au gouvernement, peut-être, de
modifier ce mandat dans le sens d'une politique qui, peut-être,
augmenterait les retombées économiques au Québec.
Je pense que votre mémoire est absolument capital. Au lieu de
chercher noise à Hydro-Québec et de vouloir forcer le
gouvernement à adopter une politique avant même qu'on ait permis
aux gens de s'exprimer, je pense que si le Parti libéral veut vraiment
parler d'un débat public sur l'énergie, il va falloir qu'il
aborde un débat public sur l'énergie, non pas avec une
idée préconçue de ce qu'il veut imposer aux citoyens, mais
avec une idée d'ouverture, de manière qu'il puisse même
changer sa propre option, par exemple, en ce qui a trait au nucléaire.
Je pense que c'est cela, un débat ouvert. Malheureusement le
député de Mont-Royal ne semble pas assez mettre l'accent sur
l'ouverture d'esprit face aux intervenants qui sont ici.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Mont-Royal.
M. Ciaccia: M. le Président, une courte question au
ministre, à la suite de ses remarques. Si le ministre ou le gouvernement
ne veut pas se substituer aux décisions du conseil d'administration
d'Hydro-Québec, est-ce que le ministre pourrait nous expliquer pourquoi
cela fait deux ans qu'on n'a pas de commission parlementaire? Et l'année
dernière, quand Hydro-Québec a soumis son plan d'investissements,
le ministre le lui a renvoyé pour révision, parce qu'il voulait
qu'on tienne compte de l'impact de la pénétration du gaz naturel.
Est-ce que le ministre pourrait nous expliquer cela, nous dise s'il n'a rien
à faire avec cela, si ses propos sont exacts?
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.
M. Bérubé: II n'y a jamais eu de demande de
révision par le gouvernement. Il y a eu cependant une demande
précise dans le sens qu'on devrait offrir plus de choix à la
société et que pour s'engager dans un débat comme celui
dans lequel nous nous sommes engagés aujourd'hui... Je vais vous lire
d'ailleurs le texte de la décision gouvernementale du 12 décembre
1979.
On dit: On demande à Hydro-Québec de préparer des
plans d'équipement qui correspondent à divers scénarios de
prévision de la demande découlant soit de politiques
d'interconnexions et d'exportation d'électricité... Si
aujourd'hui l'Association des ingénieurs-conseils nous demande de
réfléchir à une possibilité d'accroissement des
exportations d'électricité, c'est en bonne part parce que, dans
les scénarios qu'Hydro-Québec a proposés, il y a
maintenant un scénario de devancement qui nous permettrait d'exporter
davantage d'électricité.
Également, on demande de tenir compte de politiques de gestion de
la consommation et d'économies d'énergie. Nous avons
demandé également des politiques de développement aptes
à élargir les choix énergétiques du Québec
en matière de production d'électricité, pour la
période
commençant en 1980, notamment en ce qui concerne les
énergies nouvelles et le développement des petites
rivières. C'est exactement le sens des interventions que nous avons cet
après-midi.
Nous avons dit à Hydro-Québec: Réfléchissez
donc à cette question de manière qu'on ait peut-être un peu
plus d'éléments à se mettre sous la dent et qu'on soit
peut-être plus en mesure d'avoir une discussion
éclairée.
Nous avons également demandé un programme d'étude
préliminaire d'avant-projets ainsi qu'un programme de recherche et de
développement technologique. Je vous rappellerais le sens de
l'intervention de la chambre de commerce qui, justement, a souligné
l'effet structurant de l'action d'Hydro-Québec - qui a été
d'ailleurs repris par le député de Gouin abondamment - sur toute
l'ossature industrielle du Québec et sur l'impact que l'on pourrait
avoir dans une réorganisation, par exemple, d'un certain emprire
industriel capable d'exporter.
Voilà des questions que les Québécois se posent,
pas vous, mais les Québécois. Et, par conséquent, le
gouvernement a voulu, avant qu'on ait un débat public comme celui-ci,
qu'Hydro-Québec nous présente un certain nombre de choix,
d'informations qui n'existaient pas dans le plan initial d'équipement et
qui permettent d'avoir la discussion ici présentement. C'est une
attitude d'ouverture à la discussion de déposer sur la table le
plus de renseignements possible. Je ne prétends pas que tous les
documents sont adéquats. Non, Hydro-Québec a fait un travail
remarquable, mais c'est bien sûr qu'il y a encore des failles. Certains
intervenants trouvent des failles dans les mémoires
présentés par Hydro-Québec, mais il faut quand même
remarquer que c'est la première fois qu'on commence à avoir une
idée de ce que sera l'autofinancement d'Hydro-Québec dans les
années qui vont venir. Ils ont des problèmes de financement,
à Hydro-Québec. C'est également une des premières
fois qu'on commence à avoir des idées sur les petites
rivières, sur les économies d'énergie, et cela, c'est
complètement nouveau.
Je pense que le député de Mont-Royal, au lieu de
continuellement voir cette attitude d'ouverture du gouvernement comme un signe
d'une absence de politique, qu'il la voie plutôt comme une ouverture
à la démocratie.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Rouyn-Noranda.
M. Samson: M. le Président.
M. Tremblay: M. le Président, question de
règlement.
Le Président (M. Jolivet): Question de règlement,
M. le député de Gouin.
M. Tremblay: Le ministre vient de lire une partie d'un
arrêté en conseil, si je ne m'abuse. Est-ce qu'il aurait objection
à le faire circuler? Je pense que ce serait utile pour les membres de la
commission que nous en prenions connaissance.
Le Président (M. Jolivet): Le ministre dit qu'il n'a
aucune objection. Je vous répète qu'en commission parlementaire,
il n'y a aucun dépôt, il n'y a que des distributions.
M. Bérubé: Cela me fait plaisir de le
déposer.
M. Tremblay: Et je lui demanderais, s'il y a d'autres
arrêtés en conseil concernant le même plan
d'équipement, s'il aurait l'amabilité de nous les
communiquer.
M. Bérubé: Non, il n'y en a pas d'autres.
M. Tremblay: Vous avez mentionné le financement, est-ce
qu'il y a eu des directives?
M. Bérubé: Cela s'est fait par des conversations
avec Hydro-Québec. On a demandé d'ouvrir sur cette pente.
M. Tremblay: Avec le ministre des Finances.
M. Bérubé: Oui.
Le Président (M. Jolivet): Donc, le ministre fera la
distribution en temps et lieu.
M. le député de Rouyn-Noranda.
M. Samson: M. le Président, cela fait plusieurs fois que
le ministre fait allusion aux paroles prononcées par le
député de Mont-Royal. Le ministre dit que le député
de Mont-Royal a des attitudes préélectorales. Je voudrais
rappeler à l'attention de cette commission et à l'attention du
ministre, M. le Président, que ce n'est pas nous qui avons
décidé de la date de cette commission parlementaire, c'est le
gouvernement. Ce n'est pas l'Opposition qui a décidé de retarder
cela à quelques heures d'un déclenchement d'élections, M.
le Président, c'est le gouvernement. Cela fait un an que le gouvernement
aurait pu commander cette commission parlementaire. Il aurait pu y avoir des
discussions au cours de l'été, alors que la Chambre ne
siégeait pas. Cela ne dépend pas de l'Opposition. Cela
dépend du gouvernement. Alors que ce gouvernement aurait pu normalement
et aurait dû déclencher des élections, et qu'il n'en a
pas
déclenché et qu'il n'y avait pas de session, on aurait pu
alors avoir un débat. C'est à ce moment-ci que le gouvernement a
décidé de nous amener ce débat. Qu'on n'aille pas nous
prêter des intentions.
Cela saute aux yeux de tout le monde que le gouvernement a
convoqué cette commission spécifiquement pour la propagande
préélectorale, alors que vous savez, vous, du côté
du gouvernement, à quelle heure exactement vous allez déclencher
les élections. C'est très bientôt. Tout le monde en parle.
Si vous ne le dites pas bientôt, la presse va vous donner l'heure.
D'ailleurs, votre premier ministre est en croisade dans votre région
présentement. Il a justement été assez mal reçu par
des gens de la Matapédia, hier soir. C'est donc que vous êtes
déjà en campagne électorale.
C'est à ce moment-ci que vous avez décidé de
convoquer cette commission parlementaire. Vous voulez tenter de faire croire
à la population que c'est un débat public ouvert qui va alimenter
les décision gouvernementales. Non, ce que vous voulez tout simplement -
cela saute aux yeux de tout le monde - c'est faire miroiter des milliards de
dollars, parce que vous êtes en campagne électorale. Vous avez
commencé votre campagne électorale samedi dernier, de
façon plus qu'officielle. Tout le monde sait que cette semaine, vous
l'accentuez. Au cours des jours qui vont suivre, vous allez utiliser tout ce
que vous pourrez, y inclus cette commission parlementaire qui est
télévisée.
Je pense qu'il est temps qu'on replace les choses dans leur
véritable contexte. Le gouvernement a convoqué cette commission
parlementaire sans aucune consultation avec l'Opposition. On ne nous a pas
consultés d'aucune façon sur l'ordre du jour des travaux, sur
l'ordre des mémoires à être présentés, sur
l'ordre de présentation la première journée. On nous a mis
devant un fait accompli. Qu'on ne vienne pas nous accuser d'avoir des propos
électoraux, alors qu'il est clair - cela saute aux yeux de tout le monde
- que ce gouvernement a convoqué à ce moment-ci cette commission
parlementaire spécialement pour faire de la politique partisane et
spécialement pour arranger sa campagne électorale, sur le dos
d'Hydro-Québec en plus. C'est inacceptable. Si le ministre
s'était contenu le moindrement, il n'aurait pas risqué de dire ce
qu'il a dit. Il aurait été un petit peu plus souple dans ses
propos pour au moins ne pas faire ressortir de façon aussi claire que
cela ressort présentement que le gouvernement se sert
d'Hydro-Québec pour des fins de politique partisane.
M. Grégoire: M. le Président.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Frontenac.
M. Grégoire: Pour rétablir les faits en 30
secondes, c'est en décembre 1979 que le gouvernement a demandé
à Hydro-Québec d'exiger différents scénarios de
remplacement à son plan originellement présenté. C'est au
mois de novembre 1980, un an plus tard, qu'Hydro-Québec est
arrivée avec des scénarios de remplacement. À ce
moment-là, le gouvernement avait en main ce qu'il fallait. Trois
semaines plus tard, le gouvernement a convoqué la commission
parlementaire pour le 25 février allouant le temps nécessaire
pour faire paraître les avis dans les journaux et recevoir des
mémoires. On sait que les règlements demandent un délai de
30 jours, après la parution dans les journaux, pour que les
mémoires puissent parvenir à la commission. Cela a
été respecté pratiquement à l'heure ou à la
minute, les délais légaux prévus par notre
procédure parlementaire. Si cela arrive aujourd'hui - c'était le
22 février le jour de la convocation de la commission parlementaire -
c'est pour respecter exactement les délais légaux. Il n'y a
jamais eu une journée de perdue dans ces délais, ce qui fait que
l'intervention du député de Rouyn-Noranda tombe pas mal à
plat.
Le Président (M. Jolivet): Merci.
M. Samson: C'est probablement pour cela que vous avez eu hier
soir un intervenant qui ne savait même pas s'il devait venir.
M. Ciaccia: La vraie démocratie!
Le Président (M. Jolivet): Messieurs, s'il vous
plaît:
Messieurs, vous avez participé à un débat de ma
gauche à ma droite, mais je vous remercie quand même pour l'autre
partie qui a été, je pense, au nom des membres de la commission,
fort intéressante. Je tiens à dire à l'assemblée
que nous reprendrons nos travaux à 20 heures avec les trois intervenants
qu'il reste, soit M. André Girard, maire de la paroisse de
Saint-Raymond-de-Portneuf, la Corporation de développement
économique de la région de Port-Cartier et M. Denis Bouliane,
à titre personnel. (18 heures)
M. Lagacé: M. le Président, nous tenons à
vous remercier de même que les membres de la commission de nous avoir
reçus et de nous avoir permis d'exprimer nos vues. Nous vous signalons
ici que nous sommes évidemment apolitiques, et nous ne voudrions surtout
pas être responsables de ces échanges pour lesquels nous nous
sommes...
Une voix: Absolument pas.
M. Lagacé: ...même si l'argumentation peut avoir
déclenché une activité.
M. Bérubé: II n'y a aucun lien entre les
interventions du député de Mont-Royal et la nature des
mémoires qui sont soumis.
Le Président (M. Jolivet): D'ailleurs...
M. Ciaccia: Et les remarques du ministre non plus.
Le Président (M. Jolivet): Merci. Nous reviendrons
à 20 heures.
(Suspension de la séance à 18 h 01)
(Reprise de la séance à 20 h 31)
Le Président (M. Jolivet): À l'ordre, s'il vous
plaît!
La commission de l'énergie et des ressources est à nouveau
réunie aux fins d'entendre les personnes et organismes qui veulent faire
des représentations relativement au plan d'équipement et de
développement 1981-1990 de la Société Hydro-Québec.
Au moment où nous nous sommes quittés, nous en étions
rendus au mémoire présenté par M. André Girard,
maire de Saint-Raymond paroisse. Je demanderais qu'il s'avance et qu'il nous
présente les personnes qui l'accompagnent. Nous nous excusons du retard.
Maintenant, nous pouvons commencer. M. Girard.
M. André Girard
M. Girard (André): M. le Président, m'accompagne M.
Guy Alain, secrétaire trésorier de la municipalité de la
paroisse de Saint-Raymond.
M. le Président, messieurs les membres de la commission,
permettez-moi de vous dire brièvement les raisons qui m'ont amené
aujourd'hui à présenter ce mémoire. Depuis plus de 22 ans
maintenant, je travaille sur la scène municipale à Saint-Raymond
à titre de conseiller durant douze ans et à titre de maire depuis
bientôt dix ans. Il m'a été donné durant toutes ces
années de m'intéresser d'une façon particulière au
dossier qui touche la population de Saint-Raymond. Que ce soit du point de vue
social, culturel ou économique, j'ai toujours participé
activement à leur élaboration. Afin de sensibiliser les membres
de cette commission et d'être certain que la voix de mes concitoyens et
concitoyennes sera entendue, il m'est agréable aujourd'hui de venir vous
exprimer l'appui de la population de Saint-Raymond face au projet Delaney.
Hydro-Québec projette de mettre en service, de 1981 à 1989, la
première centrale à accumulation par pompage du Québec, la
centrale Delaney.
Ce projet, situé dans la région de Portneuf et plus
précisément dans la paroisse de Saint-Raymond, est, d'une part,
d'une grande importance pour l'exploitation du réseau
d'Hydro-Québec - j'en laisse la démonstration aux
représentants d'Hydro-Québec - et, d'autre part, d'une importance
primordiale pour les citoyens de la région de Portneuf.
Cet équipement de production, conçu spécifiquement
pour répondre aux besoins de pointe de la demande du Québec,
nécessitera un investissement total de l'ordre de $2,036,000,000, qui
seront dépensés de 1981 à 1989 inclusivement.
Les retombées économiques seront, pour la région de
Portneuf, très avantageuses, en termes d'emplois directement
reliés à la construction et d'emplois indirects que
générera la réalisation de la centrale Delaney.
Ce projet représente, pour la région de Portneuf, un
élément très important. Delaney est un projet
désiré et souhaité par l'ensemble de la population du
comté de Portneuf. C'est depuis le début des années
soixante-dix qu'Hydro-Québec entretient les espoirs de notre population.
En effet, dès le début du projet, les citoyens ont
été impliqués par Hydro-Québec et ont
été réceptifs afin d'aller jusqu'au bout. J'ai
moi-même assisté à toutes les séances depuis le
début du projet.
Je me réjouis donc de voir que la décisions
d'Hydro-Québec d'aller de l'avant est enfin prise. Restent à
venir les décisions gouvernementales que je suivrai de très
près.
Je suis convaincu que ce projet s'intégrera harmonieusement
à notre environnement, les territoires affectés n'étant
que de faibles étendues. Il faut dire également
qu'Hydro-Québec a pris beaucoup d'expérience dans la protection
de l'environnement depuis le célèbre projet "Champigny", dans la
vallée de la rivière Jacques-Cartier. Par exemple, la solution
qu'Hydro-Québec propose pour la cascade du ruisseau Delaney, haute de
500 pieds, est satisfaisante pour tout le monde.
Un train de mesures correctives, que je considère satisfaisantes,
nous est proposé pour remédier aux principales
répercussions du projet sur le milieu naturel et humain.
Je me permet de souligner en particulier: la relocalisation des routes
submergées et la réfection de plusieurs routes existantes, sur
une longueur totale de 85 km; la construction d'une route de contour, à
Saint-Raymond, pour résoudre les problèmes causés à
la circulation par le transport des matériaux et des travailleurs; la
récupération de quelque 11 kilomètres carrés de
boisé submergé; les possibilités d'aménagement de
frayères et d'ensemencement au réservoir inférieur
à la
suite de la diminution de la productivité biologique des
réservoirs.
De plus, le projet Delaney serait accompagné
d'aménagements récréatifs et fauniques, tels que: camping,
canot-camping, sentier de randonnée, portage, point d'observation,
centre d'information, ensemencement de poissons et aménagements de
frayères.
La mise en oeuvre du projet Delaney aura des retombées
économiques très importantes pour tout le Québec - plus de
80% du contenu sera québécois - et plus particulièrement
pour la région de Portneuf.
Durant les cinq années d'intenses activités, la moyenne
des emplois s'établira à plus de 1000 par année. La pointe
des emplois sera de plus de 2000. Les possibilités d'emplois pour les
travailleurs de la construction du comté de Portneuf seront de l'ordre
de 500.
Conclusion. En résumé, les résultats pour le
comté de Portneuf seront des plus bénéfiques.
L'accès des territoires situés plus au nord sera maintenu et
amélioré; Portneuf verra son infrastructure routière
s'améliorer. Le comté augmentera la mise en valeur de son
potentiel touristique et bénéficiera de retombées
économiques régionales, en termes de salaires, dépenses de
biens et services, logements et autres.
Pour la région de Portneuf, Delaney sera le projet de la
décennie 1980. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Jolivet): Merci, M. Girard. M. le
ministre.
M. Bérubé: M. le Président, je tiens
à remercier M. Girard, maire de Saint-Raymond, de sa
présentation. J'aurai un certain nombre de remarques
générales concernant la présentation qu'il nous a
faite.
Premièrement, je m'attaquerai au projet lui-même. Ce qui
est intéressant dans la réserve pompée, c'est que, d'une
part, contrairement peut-être à une façon différente
de produire de l'électricité de pointe... je pense qu'il y a
beaucoup de nos concitoyens qui ne réalisent pas que nos barrages ne
peuvent pas répondre à tous nos besoins, pour une raison facile
à comprendre, c'est que nos barrages produisent de
l'électricité d'une façon continue et, malheureusement,
l'hiver, nous avons entre 17 heures et 19 heures souvent une demande excessive,
très forte et on n'est pas pour construire des barrages qui ne vont
fonctionner qu'à tous les soirs de 17 heures à 19 heures, pendant
l'hiver le plus froid, pour fournir de l'énergie au
Québécois, parce que, à moment-là, les barrages
coûteraient les yeux de la tête pour relativement peu
d'utilisation. C'est alors qu'on se dit: Pourquoi ne pas fabriquer une sorte de
réservoir que l'on remplit la nuit, quand nous avons des surplus
d'électricité, en pompant l'eau dans le réservoir, et que
l'on vide en période critique, au moment où justement on a besoin
d'énergie en turbinant l'eau de manière à produire
l'électricité. Donc, c'est un projet extrêmement important,
parce qu'il va permettre, avec des investissements de beaucoup
inférieurs, de produire de l'électricité juste au bon
moment, au moment où on a une pointe de demande et où, si on
voulait fabriquer l'électricité par de grands barrages
hydrauliques, évidemment, cela nous coûterait très cher
pour des investissements qui ne serviraient que très peu d'heures par
jour, tout compte fait, et très peu d'heures par année, en bas de
100 heures.
Ce projet est donc intéressant parce qu'on s'est même
imaginé que si HydroQuébec avait moins besoin de turbines
à gaz pour la pointe fine, elle pourrait peut-être utiliser
même ce barrage pour fournir une partie de l'électricité, -
et c'est très intéressant - mais ce qui me frappe, c'est moins
cela, c'est que nous avons eu le projet, par exemple, de la Jacques-Cartier
où Hydro-Québec s'est heurtée à un mur, faute de
communication. Mais, pour qu'il y ait de la communication, pour que cela
fonctionne, parce qu'on a été à même de constater -
j'y suis personnellement allé en hélicoptère, je suis
même retourné avec mes enfants dans la vallée pour aller
voir, rencontrer les gens, parler au garagiste du coin, seulement pour avoir
une idée de la façon dont c'était perçu - ce qui
m'a frappé, c'est qu'à Portneuf, on attend ce projet comme une
bénédiction.
Ce que cela veut dire, c'est qu'Hydro-Québec a su
présenter ce projet, trouver des mesures correctrices pour faire en
sorte que les gens l'acceptent, mais ce n'est possible que d'une seule
façon; il faut qu'il y ait communication. En d'autres termes, si vous
voulez un échange entre des personnes, il faut absolument que les deux
parties veuillent communiquer. Ce qui me frappe là-dedans, c'est qu'on
réussisse à présenter un projet accepté de tous -
je ne mets pas en doute la bonne volonté d'Hydro-Québec, elle a
fait un effort réel - mais, encore une fois, ce qui me frappe, c'est que
du côté de la population, c'est très bien accueilli.
L'impression que j'ai, c'est que vous avez joué, M. le maire, un
rôle extrêmement important en défendant les
intérêts de vos citoyens, en faisant en sorte qu'ils sachent en
quoi consiste le projet, d'une part, et en même temps, en faisant en
sorte que vous puissiez avoir vraiment une communication entre
Hydro-Québec et la population en général. J'aimerais que
vous m'expliquiez un peu comment on a réussi à mettre sur pied un
projet avec l'accord entre la population et Hydro-Québec.
Le Président (M. Jolivet): M. Girard.
M. Girard: M. le Président, comme je l'ai dit un peu plus
tôt, évidemment, l'expérience de la Jacques-Cartier a
certainement été profitable à la société
Hydro-Québec. Dès le début, Hydro-Québec a
communiqué avec les gens de Saint-Raymond, les gens du comté de
Portneuf, et cela s'est fait d'une façon soutenue. Chaque fois qu'il se
produisait, par exemple, un changement dans le projet, on nous a toujours
consultés au fur et à mesure de l'avancement du projet à
partir du début du projet. Jamais, au départ, les gens n'ont
été négatifs. Ils ont toujours vu venir le projet,
évidemment, d'une façon positive.
Comme vous le disiez tantôt, M. le ministre, j'avais dit,
après un certain temps, que si la société
Hydro-Québec était arrivée à Saint-Raymond et avait
annoncé que le projet était arrêté, les gens
auraient été très désappointés, même
si, au départ, certains étaient un peu inquiets. C'est
évident que cela va déranger la vie des gens à certains
endroits. Mais il y a un vieux cliché qui dit: "Le progrès,
ça dérange".
De mon côté, comme maire, j'ai toujours tenté de
faire prendre conscience aux gens que ce n'était pas le temps de mettre
des bois dans les roues et dire en partant: Non, on n'en veut pas. C'est
sûr et certain que si on s'était opposé formellement au
départ, j'ai bien l'impression que la société
Hydro-Québec avait des visées ailleurs. Au même moment
où elle faisait des démarches à Saint-Raymond, elle en
faisait ailleurs. Étant donné que la population a
été réceptive, je pense que c'est cela qui a permis de
faire avancer le projet assez bien et qu'il n'y a pas eu trop d'accrochages
nulle part. Les communications ont été très bonnes.
M. Bérubé: En fait, vous avez su établir
véritablement ce pont entre la population de Saint-Raymond et les gens
d'Hydro-Québec et faire en sorte que ce projet puisse, d'une
façon harmonieuse, se développer en faisant en sorte qu'on
respecte les attentes de la population.
M. Girard: Les gens venaient me consulter à l'occasion et
disaient: Ecoute un peu, cela n'a pas de bon sens cette affaire-là, ils
vont tout briser. Ils étaient inquiets, craignant de se faire exproprier
des terres bois, etc. Ils avaient toujours l'inquiétude de ne pas avoir
assez pour tout cela. Je leur disais: Écoutez, il me semble que tout va
rentrer dans l'ordre à un moment donné. Je pense qu'il fallait
dissiper leur inquiétude. Je félicite Hydro-Québec parce
qu'elle a toujours respecté ses engagements concernant les
communications. Chaque fois qu'elle nous avait dit qu'elle reviendrait
consulter la population, elle l'a toujours fait dans les délais
prévus. Je pense que c'est cela qui a favorisé une bonne
démarche pour que le projet soit rendu à ce point-là. (20
h 45)
M. Bérubé: Quant à nous, je peux vous dire
que comme membres du gouvernement, on va faire tout notre possible pour que les
échéanciers soient respectés. Dès la fin de
janvier, Hydro-Québec nous a soumis sa demande officiellement.
L'étude du dossier a commencé en février et se poursuivra
jusqu'au 30 mars. Je dois vous dire qu'il y a plusieurs ministères qui
sont participants dans un projet comme celui-là. Vous avez le
ministère des Affaires culturelles, le ministère de
l'Agriculture, le ministère des Affaires municipales, le
ministère de l'Énergie et des Ressources, le ministère de
l'Environnement, le ministère des Loisirs, de la Chasse et de la
Pêche, le ministère de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme, le
ministère des Transports, l'OPDQ. C'est absolument incroyable. Pour
arriver à amener absolument tout le monde à mesurer,
évaluer, chacune des facettes du projet, je pense qu'il faut quand
même lui laisser quelques semaines. Mais, je suis convaincu que, d'ici le
début d'avril, nous serons en mesure de soumettre au comité
ministériel permanent à l'aménagement du territoire
l'analyse que nous aurons faite du projet et nous serons en mesure, à ce
moment-là, de donner le feu vert du côté
gouvernemental.
Je peux vous assurer une chose, c'est qu'on va faire tout notre possible
pour faire en sorte que tous les permis soient accessibles à
Hydro-Québec, de manière qu'ils puissent aller de l'avant avec ce
projet et qu'ils puissent remplir les attentes que vous exprimez dans votre
mémoire en défendant les intérêts de la population
de tout le comté de Portneuf.
Je vous remercie beaucoup de votre témoignage.
Le Président (M. Jolivet): Merci, M. le ministre.
M. le député de Portneuf.
M. Pagé: Merci, M. le Président.
Je vais souhaiter la bienvenue à M. Girard et à M. Alain.
Je suis toujours heureux d'avoir des électeurs de mon comté qui
viennent au parlement, particulièrement se faire entendre. Je peux vous
dire que j'ai lu avec beaucoup d'attention et d'intérêt le
mémoire qui est présenté aujourd'hui, qui est bref, qui
est limité, qui constitue un résumé assez succinct du
document qui a été déposé par Hydro-Québec
à l'appui de sa recommandation de réaliser le projet Delaney,
document qui a été déposé au mois de janvier
dernier.
Je me suis interrogé, M. le Président, et vous en
conviendrez, sur le genre de questions qui pouvaient être posées
dans les circonstances. Dans la liste des groupes des
intervenants qui était déposée ce matin paraissait,
à l'article 5, M. André Girard, mémoire à titre
personnel. Si je comprends bien nos invités qui viennent
témoigner ce soir, M. Girard particulièrement est coiffé
en quelque sorte de quelques chapeaux, sans que ce soit péjoratif. M.
Girard comparaît personnellement. Il comparaît aussi comme maire de
la paroisse de Saint-Raymond, ce qui est bien justifié, et
peut-être aussi comme candidat péquiste dans le comté de
Portneuf.
Je vais, M. le Président, me limiter à une question qui
touchera évidemment la municipalité de la paroisse de
Saint-Raymond comme entité municipale, parce que M. le
secrétaire-trésorier de la municipalité accompagne le
maire. Je dois donc présumer que le mémoire est
déposé pour et au nom de la municipalité, et que le
mémoire a été accepté en séance du conseil
municipal par les échevins de la municipalité.
À la page 3 du document, vous faites état des
aménagements récréatifs et d'information, des
aménagements qui s'inscriront à l'intérieur d'une
démarche globale de développement touristique qui sera
greffé au projet. D'ailleurs, dans le mémoire, comme vous l'avez
certainement constaté, le ministère du Tourisme, de la Chasse et
de la Pêche s'est montré disposé à intervenir,
à agir comme maître d'oeuvre même, dans certains cas, pour
de l'aménagement d'équipements là-bas pour promouvoir le
site et en même temps promouvoir l'ensemble du comté. Dans le
document, le ministère du Tourisme recommande cependant que les
aménagements soient placés sous la gestion autant que faire se
pourra d'un organisme autre que gouvernemental une fois que le projet sera
réalisé.
C'est ce qui me faisait dire l'autre soir à M. Bourbeau, le
président d'Hydro-Québec et à M. Boyd, des administrateurs
d'Hydro-Québec, que dans le milieu, il serait plus favorable que ce
soient des organismes du milieu qui gèrent tout cela. J'aimerais
connaître la position de la municipalité. Est-ce que la
municipalité de la paroisse de Saint-Raymond est prête à
s'impliquer dans la gestion des aménagements qui devront continuer une
fois que le projet sera terminé? Jusqu'où la municipalité
est-elle prête à s'impliquer dans tout cela?
M. Girard; La municipalité de la paroisse de Saint-Raymond
est prête à s'impliquer. Il n'est pas dit que ce ne serait pas un
organisme sans but lucratif qui en aurait la gestion, mais toujours sous la
responsabilité de la municipalité de la paroisse de
Saint-Raymond. Je ne veux pas impliquer la ville là-dedans, mais
peut-être que cela pourrait se faire conjointement avec les deux
municipalités qui seraient les garants, si vous voulez, d'un organisme
sans but lucratif qui pourrait faire la gestion de ces équipements
récréatifs. Ce n'est pas définitivement
arrêté parce qu'il faut commencer par construire le projet. C'est
évident que ces choses arriveront vers la fin de la construction du
projet.
Soyez assuré, M. le Président, qu'en tout temps, la
municipalité aura un oeil attentif là-dessus pour que ces choses
se fassent pour qu'à la fin du projet, on en tire le plus de
bénéfices possible par l'attrait touristique qui s'en
dégagera.
M. Pagé: Si je comprends bien, la municipalité de
la paroisse de Saint-Raymond est prête à prendre ses
responsabilités, les responsabilités qui lui incombent dans la
gestion des aménagements qui seront construits.
M. Girard: La municipalité de Saint-Raymond est
prête à prendre ses responsabilités comme elle les a
toujours prises dans d'autres domaines.
M. Pagé: D'accord. M. le maire, vous me permettrez ce
commentaire avant d'en arriver à un bref commentaire de conclusion. Vous
disiez que la municipalité de la paroisse de Saint-Raymond est
certainement prête, peut-être pas nécessairement la ville de
Saint-Raymond, ce sera en 1989, et peut-être que de toute façon,
d'ici là, on ne sait pas quelle suite sera donnée à la
proposition que la paroisse formulait, soit la résolution qu'elle
adoptait qui visait à annexer la ville de Saint-Raymond à la
paroisse. Peut-être que cela sera fait, selon ce qui adviendra.
M. Girard: C'est assez rare qu'un gouvernement municipal ou autre
peut engager des prévisions dix ans d'avance.
M. Pagé: On verra.
M. Girard: À ce moment-là, je ne serai certainement
pas maire, mais pour ce qui se sera passé dans ce temps, à la fin
du projet, de toute façon, le temps que ça se passe, on aura pris
nos responsabilités et ceux qui nous suivront respecteront certainement
ces engagements pris dans l'intérêt de la population de
Saint-Raymond et du comté également parce que, quand on parle
d'aménagement touristique, évidemment, ce n'est pas simplement
pour Saint-Raymond. C'est pour amener le touriste et pour qu'on ait des
retombées économiques le plus possible, non seulement à
Saint-Raymond, mais dans tout le comté de Portneuf.
M. Pagé: M. le Président, je sais que mon
collègue a une question plus spécifique, mais je veux remercier
les représentants de la paroisse de Saint-Raymond. Ce que ceux-ci
viennent de nous dire aujourd'hui est
sensiblement ce que j'avais l'occasion de formuler l'autre soir à
l'endroit des dirigeants d'Hydro-Québec, c'est-à-dire des
remerciements pour la bonne collaboration qu'ils ont donnée au dossier.
Je sais que la paroisse de Saint-Raymond a suivi le dossier de très
près, comme la ville l'a fait, et il faut convenir, comme le ministre le
disait, qu'Hydro-Québec a agi ave un sens démocratique
très élevé, un sens de participation très
élevé dans le dossier. Autant les intervenants municipaux ont
été invités à chacune des séances, autant
Hydro-Québec a poussé la délicatesse jusqu'à
inviter le député de Portneuf à chacune de ses
séances. Lorsque je ne pouvais pas m'y rendre, Hydro-Québec
allait même jusqu'à me rencontrer en privé
immédiatement après ou quelques jours avant la rencontre.
Je dois dire que cela a été bien fait et, en terminant, je
voudrais remercier le maire de Saint-Raymond, un citoyen de mon comté;
et même s'il est candidat péquiste aux prochaines
élections, je le remercie d'ajouter sa voix à la mienne pour la
réalisation du projet. Merci.
Le Président (M. Jolivet): M. Girard.
M. Girard: Je pense qu'il était tout à fait normal
que je sois ici ce soir, parce que tout citoyen pouvait se présenter
à cette commission parlementaire. Étant donné que je suis
le premier citoyen de la paroisse de Saint-Raymond, j'ai cru que c'était
mon devoir et ma responsabilité d'être ici, même si,
à un moment donné, le député sortant pense que je
veux tirer; des pointes politiques du fait d'être candidat du Parti
québécois.
M. Pagé: Je n'ai pas voulu dire cela!
M. Girard: Je suis ici en tant que maire de la paroisse de
Saint-Raymond et je tiens à le préciser. Quand on voudra faire de
la politique, on en fera à un autre endroit qu'ici.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Mont-Royal.
M. Ciaccia: M. le Président, vous avez entièrement
raison, M. Girard, vous avez tous les droits - et, de ce côté-ci
de la table, on ne vous les nierait pas - de faire des représentations
en commission parlementaire. Vous êtes le maire de Saint-Raymond et si
vous croyez vraiment à ce projet, si quelqu'un remettait ce droit en
question, je défendrais votre droit d'être ici ce soir. Vous aviez
entièrement le droit de le faire et de représenter vos
concitoyens en regard d'un projet dans lequel vous croyez et qui sera
bénéfique à l'ensemble de la population. Vous soulignez,
dans votre mémoire, que vous êtes heureux de voir que la
décision d'Hydro-Québec a été prise d'aller de
l'avant avec ce projet. Cependant, comme vous l'avez souligné, il reste
à venir les décisions gouvernementales que vous allez suivre de
très près, d'après ce que votre mémoire
indique.
Je voudrais me référer à une réponse que M.
Boyd a faite à la suite de questions du député de
Portneuf. Il a confirmé que le gouvernement devait accepter de
construire le projet Delaney et que si la solution de station de pompage
n'était pas retenue, Hydro-Québec devrait procéder
à l'implantation de turbines à gaz. C'est la réponse de M.
Boyd à une question de mon collègue le député de
Portneuf. Seriez-vous quand même d'accord avec cette solution?
M. Girard: Je n'ai pas eu de discussion au sujet des turbines
à gaz. C'est probablement les coûts, mais, en qui me concerne,
j'ai seulement assisté aux réunions concernant le projet de
centrale Delaney, dans ce sens.
Le Président (M. Jolivet): M. le député,
c'est terminé? M. le député de Frontenac.
M. Grégoire: Juste un mot, parce que je voudrais corriger
cette impression. Comme le ministre l'indiquait tout à l'heure, il n'est
pas question et il ne saurait être question de refuser ce projet Delaney
pour le remplacer par un projet de turbines à gaz. Je crois que le
ministre n'a jamais laissé sous-entendre cela et...
M. Pagé: M. le Président, question de
règlement, strictement pour l'information du député.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Portneuf.
M. Pagé: On se rappellera - et ce pour l'information du
député et des autres membres de la commission - que le
député de Mont-Royal s'est référé à
une question que j'ai posée, non pas au ministre, mais que j'ai
posée lundi soir...
M. Bérubé: C'est vrai.
M. Pagé: ... à M. Boyd, d'Hydro-Québec, par
laquelle je lui demandais à peu près - pour clore sur cette
question - si le gouvernement peut dire non à la recommandation que la
Société Hydro-Québec lui a formulée au début
de janvier. La réponse a été assez claire et
évidente: c'est que si le gouvernement du Québec refuse le projet
Delaney, en 1987 on manquera d'énergie en périodes de pointe. La
justification énergétique de la station de pompage est
là.
Si le gouvernement du Québec dit non
à la station de pompage ou au principe de la station de pompage,
le gouvernement du Québec est obligé d'autoriser
Hydro-Québec à se diriger vers une production à partir de
turbines à gaz, ce qui coûte 43% plus cher.
Et si Hydro-Québec met de côté les turbines à
gaz et doit aller dans les turbines et du suréquipement, cela
équivaut environ à 28%, d'où l'obligation pour le
gouvernement d'accepter le projet et d'où la réponse
donnée par M. Boyd qui me disait: On ne peut pas présumer que le
gouvernement puisse refuser un projet comme celui-là.
C'est ce qui nous fait dire, à juste titre, que le projet doit
être acquis pour les citoyens du comté.
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.
M. Bérubé: Je répondrais, a priori, en
tenant compte essentiellement des considérations
énergétiques qui viennent de mon ministère...
M. Pagé: Considérations économiques
aussi.
M. Bérubé: Oui, énergétiques et
économiques. C'est que, de fait, si nous remplaçons, par exemple,
une centrale à réserve pompée par des turbines à
gaz, il ne faut jamais oublier qu'une turbine à gaz a un rendement
énergétique d'à peu près 30%...
M. Pagé: C'est 100 heures par année.
M. Bérubé: Donc, il faut pratiquement trois fois la
quantité d'énergie, pour ainsi dire, pour produire
l'énergie de pointe dont nous avons besoin, alors qu'une centrale
à réserve pompée fonctionne avec une efficacité de
75%. Une centrale à réserve pompée est une gigantesque
batterie et elle fonctionne avec un rendement d'à peu près 75%,
pour tenir compte des pertes d'efficacité dans les pompes et autres.
C'est donc un moyen beaucoup plus rentable de produire de
l'énergie, surtout lorsque la plage d'utilisation est plus longue, ce
qui est le cas par opposition aux turbines à gaz qui, normalement, ne
devraient pas fonctionner beaucoup plus d'une centaine d'heures pour...
M. Pagé: Oui, 100 heures comparativement à 350
heures.
M. Bérubé: C'est ça.
M. Pagé: C'est ce qui nous fait dire que vous allez
accepter le projet et que vous devez l'accepter.
M. Bérubé: Sur le plan énergétique,
je pense que c'est un excellent projet.
M. Pagé: Sur le plan économique aussi, compte tenu
des solutions que vous aurez, parce que, en 1987, vous avez l'obligation de
produire en périodes de pointe.
M. Bérubé: Cela m'apparaît, oui, aussi.
M. Pagé: Sur le plan économique, si vous regardez
le dossier, ce sont $2,095,000, comparativement à une augmentation de
coût, dans le cas des turbines, de 43%.
M. Bérubé: Mais il va de soi, cependant, comme
c'est la responsabilité de tout gouvernement, de tenir compte des
considérations culturelles, des considérations environnementales,
des considérations de zonage agricole. Là, évidemment,
c'est un peu nouveau dans la façon de penser. Je sais que ce n'est pas
tout à fait entré dans les moeurs et qu'il y a des gens qui ont
de la difficulté à comprendre que les décisions,
aujourd'hui, se prennent en tenant compte d'un grand nombre de facteurs, mais
vous avez parfaitement raison, si on considère uniquement les deux
facteurs que vous avez pris en considération, et le gouvernement devrait
être d'accord. (21 heures)
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Frontenac, votre droit de parole...
M. Grégoire: M. le Président, c'était
simplement pour enlever le "si" de cette question. Le ministre vient de le dire
clairement, il n'y a pas de "si le gouvernement refuse l'usine de pompage".
M. Pagé: Non, c'est acquis.
M. Grégoire: Cela peut rassurer toute la population. M. le
Président, je voudrais dire qu'il y a bien des régions du
Québec qui voudraient se retrouver dans la position de la
municipalité de Saint-Raymond qui va avoir des travaux de $2 milliards,
d'après ce qui est indiqué ici. $2 milliards, c'est tout de
même énorme. Je pense que plusieurs régions du
Québec aimeraient se retrouver avec un si vaste projet et seraient
enthousiates. Je félicite le maire...
M. Pagé: La Matapédia, notamment, n'est-ce pas?
M. Grégoire: ... de son bon travail dans le dossier.
Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! S'il
vous plaît!
M. Bérubé: Vous allez être surpris, dans la
Matapédia.
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre! M. le ministre,
je pense que...
M. Samson: II y 354 péquistes qui ont revolé, hier
soir.
M. Bérubé: 2600 emplois...
Le Président (M. Jolivet): M. le député! M.
le député!
M. Bérubé: J'ai le plus grand respect pour la
présidence, M. le Président.
Le Président (M. Jolivet): Dans ce cas-là,
permettez-moi...
M. Pagé: Je ne voulais mettre de chicane ici, M. le
Président.
Le Président (M. Jolivet): À l'ordre: À
l'ordre!
M. Pagé: M. le Président, je m'excuse. Je ne
voulais pas mettre de chicane ici.
Le Président (M. Jolivet): Je pense... M. le
député! M. le député!
M. Pagé: Avoir voulu en mettre, j'aurais dit que le
député de Sept-Îles a perdu une usine, mais je n'en
parlerai pas.
Le Président (M. Jolivet): M. le député,
cela a très bien été jusqu'à maintenant.
Laissez tomber le dialogue de gauche à droite.
M. Bérubé: Le député de Duplessis n'a
pas perdu une usine, il a perdu une illusion.
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre! M. le
ministre!
M. Pagé: Si vous voulez vous chicaner entre vous autres,
on peut suspendre quelques minutes.
Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît, M. le
député!
M. Perron: Ce n'est pas le député de
Sept-Îles, c'est le député de Duplessis.
M. Pagé: De Duplessis.
Le Président (M. Jolivet): M. le député, je
dois vous dire que si vous continuez à entretenir le dialogue, nous ne
terminerons jamais avec les gens qui doivent partir par avion à 22 h
45.
Une voix: Ah!
Le Président (M. Jolivet): M. le député:
Monsieur en face de nous, maintenant, à qui on aurait dû
laisser la majorité de notre temps, M. Girard, je vous remercie ainsi
que M....
M. Ciaccia: Un instant, M. le Président:
M. Bérubé: Mais c'est le futur député
de Portneuf, d'après...
Le Président (M. Jolivet): Je pensais qu'on avait
terminé, excusez-moi. M. le député de Mont-Royal.
M. Ciaccia: M. le Président, je voudrais vous faire
remarquer que, personnellement, je me suis fait accuser, cet après-midi,
de faire de l'électoralisme par le ministre. Le maire de Saint-Raymond a
tous les droits au monde de se présenter devant cette commission. Je
l'ai dit au début de mon intervention. Mais, M. le Président, je
voudrais porter à votre attention que le maire de Saint-Raymond, M.
Girard, est aussi le candidat - un instant -du Parti québécois
dans le comté de Portneuf. Je voudrais seulement porter à votre
attention les éloges que le ministre a faites à l'égard de
M. Girard, les engagements fermes pris par le ministre, les éloges
indiquant qu'il représentait bien ses électeurs, ce dont je ne
doute pas, et le fait qu'il ait mentionné les communications entre
Hydro-Québec et la population de Portneuf et ait remercié le
maire de Saint-Raymond sans faire aucune allusion aux efforts de mon
collègue, le député de Portneuf...
M. Pagé: M. le Président, le député
de Mont-Royal n'a pas besoin de parler de cela, les électeurs de
Portneuf le savent.
M. Ciaccia: Ils le savent, mais je veux seulement porter cela
à votre attention.
M. Pagé: Oui.
M. Ciaccia: Le ministre a pris l'engagement ferme, c'est une
décision du gouvernement, que, d'ici au début d'avril... C'est la
première fois que le ministre prend un tel engagement devant cette
commission. Toutes sortes de représentations ont été
faites au ministre, des suggestions, des recommandations et le ministre a
toujours dit: Oui, nous allons examiner cela, mais à vous, M. le
Président, à cet intervenant, c'est un engagement ferme. Ce sont
des louanges qu'il porte à son égard. Je ne dis pas que, comme
maire, vous n'avez pas le droit à ses louanges, mais c'est seulement
pour situer vraiment les accusations du ministre quant à
l'électoralisme.
M. Bérubé: Les accusations?
M. Ciaccia: Les accusations, les affirmations du ministre...
M. Bérubé: Ah! voilà!
M. Ciaccia: ... devant une commission
parlementaire qui est télédiffusée, sans notre
consentement, sans consultation avec nous, à la veille d'une
élection. J'espère que, d'ici à la fin des travaux de
cette commission parlementaire, le ministre ne tiendra plus aucun propos de ce
genre vis-à-vis du député de Mont-Royal ou de l'Opposition
officielle au sujet de l'électoralisme. Je pense qu'on vient de vraiment
illustrer le but de la commission, non pas nécessairement par les
représentations du maire de Saint-Raymond, mais par les remarques du
ministre. J'espère, M. le Président, que cette partisanerie et
cet électoralisme seront reconnus par tous ceux qui regardent nos
délibérations. Qu'on ne vienne pas nous dire que c'est de la
vraie démocratie et que c'est là la volonté d'apporter de
l'information à la population quant aux opérations
d'Hydro-Québec.
Le Président (M. Jolivet): M. Girard.
M. Girard: M. le Président, pour répondre au
député de Mont-Royal, cela doit certainement vous faire plaisir
que le ministre ait au moins annoncé que le projet avancerait, parce que
depuis un bout de temps, vous trouvez que cela ne va pas assez vite. Cela doit
vous faire certainement plaisir. Je pense que je n'ai pas de leçon
à recevoir du Parti libéral concernant la démocratie.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Frontenac.
M. Grégoire: Simplement, M. le Président, pour
terminer, je demanderais au député de Mont-Royal de relire le
sermon de Bossuet à la Toussaint et il reconnaîtra cela
là.
M. Ciaccia: M. le Président...
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Mont-Royal.
M. Ciaccia: M. le Président, je voudrais faire remarquer
à M. Girard, par votre entremise, sur la question de leçon de
démocratie, que mes remarques ne lui étaient pas
adressées. Si vous aviez assisté aux délibérations
de cette commission avant 18 heures cet après-midi, mes remarques
étaient adressées au ministre. Le Parti québécois
voulait nous faire à nous la leçon de la démocratie.
Pour revenir à votre première remarque à savoir
qu'il nous fait plaisir que le ministre ait pris un engagement. Oui, cela fait
quatre ans que nous essayons d'obtenir des engagements fermes de la part du
gouvernement dans le développement économique, dans le
développement énergétique. Je suis heureux de voir que ce
soir, au moins, même si c'est pour essayer de faire avancer votre cause
dans Portneuf, pour la population de Portneuf - la population va même se
rappeler des efforts du député de Portneuf - le ministre a
confirmé vraiment que le projet Delaney va aller de l'avant.
Le Président (M. Jolivet): M. Girard.
M. Girard: M. le Président, je peux répondre au
député de Mont-Royal que je n'aurais pas besoin de ces
affirmations pour faire avancer ma cause dans Portneuf. Je m'occupe de choses
économiques et sociales dans Portneuf. Quand j'ai commencé
à m'en occuper, le député sortant n'était pas au
monde.
Le Président (M. Jolivet): Merci, M. André Girard,
maire de la paroisse de Saint-Raymond et M. Alain, de votre
présence.
J'inviterais la Corporation de développement économique de
la région de Port-Cartier représentée par M. Pierre
Bédard.
Pendant que M. Pierre Bédard s'approche, je voudrais faire deux
remarques que je me dois de faire à titre de président de cette
commission par rapport à deux affirmations qui ont été
faites au cours de la journée. Premièrement, étant
donné qu'on a affirmé que la commission avait été
convoquée sans consultation du parti d'Opposition, je dois simplement
rappeler l'article 140 qui dit que c'est le leader du gouvernement qui convoque
les commissions parlementaires. Je ne nie pas cette partie-là. La
deuxième a trait au fait qu'on aurait affirmé que la commission
était télévisée sans consultation du Parti
libéral. Je dois simplement rappeler, comme président - je me
réfère à des débats qui ont eu lieu en cette
commission parlementaire qui est la commission parlementaire de
l'Assemblée nationale où l'ensemble des partis d'Opposition
étaient présents - que la décision a été
prise à la pluralité des voix. C'est simplement pour rectifier,
comme président, cette partie-là.
M. Ciaccia: M. le Président, question de
règlement...
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Mont-Royal.
M. Ciaccia: ...pour ne pas laisser une mauvaise impression
à ceux qui écoutent nos délibérations. Je
répète que nous n'avons pas été consultés.
C'est vrai que la commission de l'Assemblée nationale peut prendre une
décision pour télédiffuser un débat. Nous n'avons
pas été consultés. Je voudrais porter à votre
attention qu'il y a d'autres commissions parlementaires qui siègent, en
particulier la commission sur les engagements
financiers du gouvernement. Le gouvernement n'a pas choisi de
télédiffuser les débats de cette commission.
Peut-être que cela aurait apporté un peu plus
d'éclaircissements à la population quant aux engagements
financiers et je remarque que c'est...
Une voix: Les contrats.
M. Ciaccia: Oui, ce sont les contrats que le gouvernement signe,
les sommes d'argent qu'il dépense à la SHQ. Il y a un autre
aspect, M. le Président. La commission parlementaire sur la
Société d'habitation du Québec n'a pas été
télédiffusée elle non plus et c'est seulement celle-ci,
avant l'élection, pour des fins électoralistes, que le
gouvernement choisit de télédiffuser.
Le Président (M. Jolivet): Les mises au point étant
faites...
M. Bérubé: M. le Président...
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre...
M. Bérubé: ...je pense qu'à cet
égard, il faut absolument que j'invoque au moins une question de
règlement pour rectification des faits. D'une part, lorsqu'il y a eu
discussion concernant la télédiffusion de la commission
parlementaire sur la constitution, l'Opposition libérale a
soulevé la question à savoir pourquoi le gouvernement choisissait
de télédiffuser la commission parlementaire sur la constitution
et non la commission parlementaire sur l'énergie.
Le leader parlementaire a communiqué avec moi pour me demander ce
que j'en pensais. Je lui ai manifesté mon accord. À la suite de
cela, nous avons donc décidé qu'il y aurait effectivement
télédiffusion de la commission parlementaire sur
l'énergie.
Pourquoi n'y a-t-il pas télédiffusion de la commission
parlementaire sur les engagements financiers? Comme vous le savez, le
gouvernement a mis sur pied un mécanisme neutre, objectif, pour allouer
les contrats, par exemple, de consultants de toutes sortes, de
génie-conseil, de publicité, qui fait appel à l'ordinateur
pour la sélection et qui fonctionne essentiellement sur le principe de
Loto-Québec. Comme vous le savez, nous avons des programmes de
Loto-Québec à intervalles réguliers et je ne vois vraiment
pas pourquoi on aurait une commission parlementaire pour expliquer comment
l'ordinateur a choisi, dans l'objectivité la plus complète, les
consultants engagés par le gouvernement, ce qui a assuré une
redistribution assez spectaculaire des contrats chez énormément
de citoyens. D'ailleurs, le ministre des Affaires municipales a souligné
que 75% des gens qui obtenaient des contrats grâce à l'ordinateur
n'avaient jamais obtenu de contrats du gouvernement dans le passé, et il
y a même un investisseur, je n'ose presque pas mentionner son nom...
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.
M. Bérubé: Oui, M. le Président.
Le Président (M. Jolivet): Je pense que cela va un peu
trop loin. Tout ce que j'ai voulu faire, je n'ai voulu ouvrir aucun
débat, mais rappeler simplement que j'ai dit dès le départ
que j'acceptais l'assertion, dans le premier cas, puisque le règlement
prévoit que c'est le leader qui convoque, mais que, dans le
deuxième cas, il y avait eu une commission parlementaire.
C'est simplement ce que j'ai voulu amener. Comme président, je
représente l'ensemble de la présidence et je devais le dire, car
j'ai assisté à cette commission parlementaire et il y a eu une
décision qui a été prise à la majorité des
voix.
M. Ciaccia: M. le Président...
Le Président (M. Jolivet): Pour terminer?
M. Ciaccia: Juste pour terminer. Le Président (M.
Jolivet): D'accord.
M. Ciaccia: J'aurais pu invoquer l'article 96. Je ne voudrais pas
laisser l'impression que nous sommes contre la télédiffusion de
ces débats. Nous sommes très heureux qu'ils aient
été télédiffusés. On voit vraiment la vraie
couleur de ce gouvernement et ce qu'il essaie de faire. Mais, je
répète, M. le Président, que nous n'avons pas
été consultés, nous avons soulevé la question
durant le débat constitutionnel...
M. Grégoire: Ce n'est plus de la rectification. Cela
devrait être terminé, l'électoralisme.
Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît:
M. Ciaccia: J'ai le droit de parole, M. le Président.
M. Grégoire: Depuis le matin que le député
de Mont-Royal traite de cela. Il devrait être temps de mettre un terme
à l'électoralisme.
M. Ciaccia: J'ai le droit de parole. Nous avons soulevé la
question, nous n'avons jamais été consultés, mais nous
sommes très heureux que le gouvernement ait pris cette décision,
parce que le public verra vraiment
ce qui se passe ici.
Le Président (M. Jolivet): M. Bédard, la parole est
maintenant à vous, en espérant que vous pourrez prendre votre
avion.
Corporation de développement économique
de la région de Port-Cartier
M. Bédard (Pierre): Merci, M. le Président. MM. les
membres de la commission, la région de Port-Cartier se compose des
municipalités de Baie-Trinité, Rivière-Pentecôte,
Port-Cartier, Gallix, Gagnon et Fermont. Ces municipalités se sont unies
afin de se donner un outil de développement économique
appelé un commissariat industriel.
L'économie de la région est basée uniquement sur
l'exploitation des ressources naturelles, en l'occurrence, le minerai de fer
extrait de la fosse du Labrador à Mont-Wright et à Fire Lake,
dans le secteur nordique de notre région. Ce minerai est acheminé
vers Port-Cartier afin d'être expédié à travers le
monde aux clients des compagnies minières.
Notre région compte une population d'environ 20,000 habitants
dont près de 5000 travaillent directement pour les grandes entreprises
d'extraction de minerai.
Le but de la Corporation de développement économique de la
région de Port-Cartier est de favoriser la diversification de notre
économie en identifiant les autres secteurs à développer
et en suscitant l'intérêt des promoteurs pour l'implantation
d'entreprises manufacturières basées sur la transformation de nos
richesses naturelles.
Les grandes entreprises.
Traditionnellement, la Côte-Nord - et plus particulièrement
la sous-région de Port-Cartier-Sept-Îles - a été
reconnue pour le gigantisme des projets qui s'y sont implantés.
L'exploitation des mines de fer, qui caractérise notre région,
demande de très gros investissements. Les compagnies minières ont
même construit de toutes pièces les municipalités de
Gagnon, Fermont, Schefferville et même en grande partie la ville de
Port-Cartier. Ces entreprises sont responsables en grande partie de la
santé économique de notre région. On a l'habitude de dire,
sur la Côte-Nord, que, lorsque les compagnies minières toussent,
la Côte-Nord attrappe la grippe. Cela décrit très bien la
fragilité de notre économie.
De plus en plus, nous sommes conscients de cette fragilité et
nous faisons un effort de diversification de l'économie afin
d'échapper un peu à la dépendance des grandes entreprises
en favorisant l'implantation de PME manufacturières. (21 h 15)
La main-d'oeuvre. La plus grande richesse de notre région est sa
main-d'oeuvre. Elle provient de toutes les parties du Québec. Elle est
jeune, dynamique, compétente et ne demande qu'à travailler. Elle
n'a cependant pas acquis ce sentiment d'appartenance qui caractérise la
plupart des autres régions du Québec. Elle reste
profondément attachée à ses origines qui sont la
Gaspésie, le Saguenay-Lac-Saint-Jean, le Bas-du-Fleuve ou même les
autres régions du Québec et risque d'y retourner si elle venait
à manquer de travail dans notre région. La situation sera
très différente dans dix ou quinze ans, lorsque nos enfants qui
sont nés dans la région décideront de s'y installer. Leurs
racines à eux sont sur la Côte-Nord.
Nos richesses naturelles, maintenant. La Côte-Nord et la
région de Port-Cartier peuvent compter sur un énorme potentiel de
développement. Les richesses naturelles y abondent. On n'a qu'à
penser à la tourbe, la pêche maritime, le potentiel
hydroélectrique, la forêt, etc. Toutes ces richesses sont
actuellement sous-développées ou tout simplement non
exploitées. Tous les agents de développement économique de
notre région visent le développement de ces ressources, afin de
diversifier la base économique de notre région. Il faut souligner
ici que le besoin de diversification dans la région est assez nouveau,
compte tenu de la prospérité relative qu'a connue notre
région jusqu'en 1979. Il faut aussi ajouter que le processus de
création d'une mentalité industrielle pour une région
comme la nôtre est une démarche à moyen et à long
terme et que notre région en est à ses balbutiements dans ce
domaine.
Le Saint-Laurent. Le fleuve Saint-Laurent est considéré
depuis toujours comme l'autoroute maritime de l'Amérique du Nord. Il
offre l'avantage d'être navigable à l'année. On sait que
les coûts de transport par bateau sont beaucoup plus bas que pour tous
les autres moyens de transport. La Côte-Nord est très bien pourvue
de ports de mer et autres moyens de communication. Il est d'ailleurs
prévu que le traversier-rail entre Matane et Port-Cartier entre en
service vers le printemps 1982. On connaît l'importance des coûts
de transport qu'occasionnent les projets de construction de barrages
hydroélectriques.
Le rôle d'Hydro-Québec. La société a pour
objet de fournir l'énergie aux municipalités, aux entreprises
industrielles ou commerciales et aux citoyens de cette province aux taux les
plus bas compatibles avec une saine administration financière. C'est
extrait de la stratégie elle-même.
Certains projets très intéressants pour
Hydro-Québec existent sur la Côte-Nord. La zone A, la
Côte-Nord, représente d'ailleurs la troisième région
du Québec pour son potentiel hydraulique non aménagé, 7043
MW.
Elle vient immédiatement après la zone E, la baie d'Ungava
et la zone C, la baie de Rupert et la baie de Hanna, respectivement 7121 MW et
7106 MW. Les coûts comparatifs de réalisation de ces ouvrages se
comportent très bien par rapport au coût du nucléaire: La
Romaine, .85, Petit-Mécatina, 1.07 et la rivière
Sainte-Marguerite, 1.20, comparés aux coûts du nucléaire
toujours.
Hydro-Québec, on l'a vu, a un mandat bien précis.
Cependant, si on considère les retombées économiques que
celle-ci peut générer au sein d'une région comme la
nôtre, du point de vue des approvisionnements, des fournisseurs de biens
et de services et autres, sans oublier la diversification de notre
économie, il serait peut-être administrativement sain, dans un
contexte provincial de développement, de favoriser les projets de la
Côte-Nord au détriment des projets du Grand-Nord.
Conclusion. Le Commissariat industriel de la région de
Port-Cartier, après la lecture de la stratégie, attendu la grande
dépendance de notre région envers les grandes entreprises;
attendu que la situation économique mondiale et la concurrence des pays
producteurs entraînent une diminution considérable de la
production de minerai de fer sur la Côte-Nord, au Québec et au
Labrador, depuis quelques années, que cette situation s'aggrave en 1981
et semble vouloir persister; attendu que la compagnie Iron Ore du Canada vient
d'annoncer la fermeture de ses usines de traitement et de bouletage de minerai
de fer à Sept-îles et quelque 650 mises à pied, à
Sept-îles et Schefferville, d'ici le 15 mai 1981; attendu que les autres
compagnies minières de la région (Québec Cartier,
Sidbec-Normines et Wabush) ont déjà fait une mise à pied
temporaire au cours de la récente période des fêtes et
devront vraisemblablement faire d'autres fermetures temporaires au cours de
l'année 1981; attendu que l'économie de notre région est
mono-industrielle, qu'une diversification s'impose, mais que ce processus est
très long; attendu que les programmes publics d'investissements, dont
ceux d'Hydro-Québec, peuvent être mis en place dans la
région lorsque l'économie privée est en butte à des
difficultés; attendu que la plus grande richesse de la Côte-Nord
est sa main-d'oeuvre et que celle-ci est susceptible de quitter la
Côte-Nord si elle est sans emploi; attendu que les autres richesses
naturelles de la Côte-Nord pourront être développées
dans la prochaine décennie; attendu que le fleuve Saint-Laurent est
considéré comme l'autoroute maritime de l'Amérique du Nord
et que le transport naval représente une économie substantielle
dans des projets semblables; attendu qu'Hydro-Québec, à titre
d'entreprise parapublique, doit être sensible aux problèmes des
régions; attendu que le développement des rivières de la
Basse-Côte-Nord représentent pour notre région un projet
essentiel; en conséquence, nous nous prononçons en accord avec La
stratégie pour la décennie 1980, mais en faisant un effort pour
modifier l'échéancier de réalisation des projets de
construction des centrales Sainte-Marguerite, La Romaine et
Petit-Mécatina. Cet échéancier devrait être
révisé afin de mettre en chantier le plus tôt possible les
projets de la Côte-Nord, zone A. Cela nous permettrait d'avoir le temps
de diversifier notre économie et de renforcer notre économie.
Merci.
Le Président (M. Jolivet): Merci. M. le
député de Duplessis.
M. Perron: Merci d'avoir apporté des précisions, M.
Bédard, en rapport avec ce que j'ai déjà mentionné
ici devant cette commission. Une chose qui est remarquable, c'est que la
Corporation de développement économique de la région de
Port-Cartier, qui couvre d'ailleurs plusieurs villes et plusieurs villages
spécifiques du comté de Duplessis, a pris ses
responsabilités en venant ici devant cette commission pour exprimer les
besoins de rapprocher l'échéancier de la construction des
barrages et des centrales d'Hydro-Québec en rapport avec La Romaine, le
Petit-Mécatina, ainsi que la rivière Sainte-Marguerite.
D'autre part, vous avez mentionné dans votre mémoire qu'il
était possible de renforcer et de diversifier l'économie de la
région. Est-ce que vous pourriez préciser un peu plus cette
façon dont vous verriez un renforcement et une diversification, en
prenant des domaines où vous pourriez vous servir d'exemples.
M. Bédard (Pierre): D'accord. Dans des situations comme
celles-ci qu'on a vécues sur la Côte-Nord, où il y avait
beaucoup d'investissements, au complexe Manic-Outardes, la mise en place des
grandes entreprises comme Iron Ore Canada, ITT Rayonier, il fut un temps
où on vivait dans une situation économique assez
particulière, c'est-à-dire qu'on vivait d'un boom à
l'autre. Quand on vit dans une situation économique du genre champignon,
on se préoccupe très peu de développer ce qu'il y a
à côté. On en a déjà plein les bras avec ce
qu'on a. Donc, la diversification de l'économie, cela compte. C'est
moins important que dans la situation qu'on vit actuellement. Actuellement, le
marché du fer n'est pas bon. ITT Rayonier est fermée. On vivait
exclusivement de cela
dans la région. Il y a cependant d'autres richesses naturelles
disponibles dans la région de Port-Cartier, exemple, les pêches.
Tous les bancs de poissons, si on regarde les rapports gui sont émis par
la DGPM ou par Pêche et Océan Canada, les zones grises et noires
se situent toutes sur la Côte-Nord.
M. Perron: Excusez-moi, mais pendant que vous parlez des
pêcheries, où se fait la transformation actuellement?
M. Bédard (Pierre): En Gaspésie.
Une voix: À Matane, ce sont les crevettes.
M. Bédard (Pierre): Ce sont les crevettes, mais pour le
reste, le poisson existe sur la Côte-Nord et il n'y est pas
transformé. On a une autre richesse naturelle qui s'appelle la tourbe.
On peut fabriguer un paguet de choses avec de la tourbe et, actuellement, c'est
très peu exploité sur la Côte-Nord, sauf par une entreprise
dans la région de Baie-Comeau et une autre dans la région de
Sept-Îles sur une échelle moyenne et petite. On a du bois. Toutes
les concessions forestières d'ITT - Rayonier - on n'a pas de
confirmation officielle de ça -seraient censées être
disponibles. On a aussi des compagnies sur la Côte-Nord, ces compagnies
n'ont pas seulement des défauts, elles ont de grandes qualités
aussi, elles dépensent de l'argent, elles dépensent
au-delà de $700,000,000 par année en biens et services et on les
dessert très mal sur la Côte-Nord par nos entrepreneurs. Je pense
gue j'ai pas mal fait le tour des richesses naturelles de notre coin.
Si Hydro-Québec décidait de procéder, dans un court
laps de temps, à la réalisation des projets sur la
Côte-Nord, il est évident gue la région de Port-Cartier en
aurait des retombées, peut-être pas autant gue
Hâvre-Saint-Pierre ou même Sept-Îles, mais on pourrait en
profiter. Pendant qu'on profiterait de ces retombées, il y a un an, la
région de Port-Cartier s'est dotée d'un commissariat industriel
et elle a engagé votre humble serviteur à titre de commissaire.
Le but premier d'un commissaire industriel, c'est de diversifier
l'économie d'une région ou d'en faire la promotion. C'est ce
à quoi on travaille actuellement. Mais dans la situation
économigue qu'on connaît, il est évident que les gens ne
sont pas intéressés ou très peu intéressés
à investir quand il y a toutes sortes de rumeurs gui planent. Donc,
c'est pour cela gue j'insistais sur l'importance de l'investissement
d'Hydro-Québec sur la Côte-Nord.
M. Perron: Maintenant, une autre guestion. Compte tenu que vous
êtes commissaire industriel depuis un an, il est sûr que vous avez
fait le tour du dossier de la fermeture d'ITT-Rayonier. En fait, c'est une
guestion en deux volets. Le premier volet: Combien d'unités de logements
sont actuellement libres dans Port-Cartier? Deuxième volet: Combien y
a-t-il eu - s'il y en a eu - de faillites depuis 18 mois, parce gue justement
il n'y avait pas de diversification et il n'y avait pas de gros projet dans le
coin pour permettre à ces gens de se recycler ou encore de continuer
dans le sens où ils s'en allaient, je parle, bien entendu, du domaine
tertiaire surtout?
M. Bédard (Pierre): En réponse à votre
première guestion, je ne me rappelle pas dans quel rapport j'ai vu cela,
mais on parlait, à un moment donné, de quelque 760 logements
vides. Cela comprenait les maisons unifamiliales et les maisons d'habitation.
Je n'ai pas vérifié dernièrement. Ce sont des
données gui sont plutôt démoralisantes.
Pour le deuxième volet de votre guestion, à titre de
commissaire industriel, je me dois d'être optimiste et je me suis
toujours refusé à regarder des statistiques de faillites. Mais,
selon ce gui circule en ville, on parle de 65 faillites depuis un an.
M. Perron: Merci. Maintenant, vous avez justement parlé du
fait gue les citoyens et citoyennes de Port-Cartier et de la sous-région
de Port-Cartier - Sept-îles sont portés à se recycler
ailleurs et à déménager à Montréal, à
Québec, à des endroits où il y a du travail. Est-ce que
vous avez eu la confirmation dernièrement à savoir combien
était la population de Port-Cartier en 1979 et combien elle est au
moment où on se parle? Je pense gue vous avez cela guelgue part. Je ne
me rappelle pas des chiffres, mais dans votre rapport annuel.
M. Bédard (Pierre): Elle a diminué de 4300.
M. Perron: C'est parti de quel chiffre à quel chiffre?
M. Bédard (Pierre): 12,400 à 8,100. (21 h 30)
M. Perron: Je voudrais remercier le commissaire industriel de
Port-Cartier qui, d'ailleurs, touche, pour l'information de la Commission les
villages de Gallix, Sainte-Marguerite-de-Gallix, Pentecôte,
Baie-Trinité, Pointe-aux-Anglais, Baie-des-Homards ainsi gue les villes
de Gagnon, Eermont et Schefferville, je crois, aussi; non, Schefferville n'est
pas incluse.
Donc, ça lui donne un territoire assez étendu, parce gue
très souvent il est en très bonne collaboration avec les villes
et les villages dont j'ai parlé. D'ailleurs, il a contribué
lui-même à faire en sorte qu'il y
ait une implantation qui crée à peu près 70 emplois
dans un petit village actuellement. C'est pour ça que, quand il parle de
la diversification, ç'a beaucoup d'importance.
Je maintiens qu'en ce qui a trait à la mention de garder les gens
chez nous, le fait de devancer l'échéancier d'Hydro-Québec
en rapport avec La Romaine, la Sainte-Marguerite et le Petit-Mécatina
aiderait énormément à garder nos gens dans le milieu.
Merci, M. Bédard; on va être à bord du même avion, ce
soir, on aura l'occasion d'en discuter.
M. Bédard (Pierre): Si on le prend. M. Perron: Si
on le prend.
Le Président (M. Jolivet): Je pense que les chances sont
bonnes. M. le député de Rouyn-Noranda.
M. Samson: M. le Président, je voudrais remercier M.
Bédard, qui vient devant cette commission pour faire part de ses
préoccupations. On sait que vous déplacer d'aussi loin, c'est
déjà un bon contrat et vous avez toute ma sympathie; moi qui
viens également d'une région minière
éloignée, je sais ce que c'est.
Je voudrais, M. le Président, souligner que les problèmes
qu'a mentionnés M. Bédard, problèmes qui sont connus
présentement sur la Côte-Nord, à cause de la fermeture
d'usines, c'est le genre de problèmes malheureusement que nous
connaissons à l'occasion - j'espère pas trop souvent, mais en
tout cas à l'occasion - dans des régions minières comme
celle que j'habite, la région du Nord-Ouest québécois.
Nous avons eu, à un certain moment des problèmes de ce
genre à cause de la fermeture massive de mines d'or, fermeture qui
provenait du fait que le marché mondial et le prix de l'or
étaient tombés tellement bas que personne ne pouvait exploiter
ces mines de façon rentable.
Nous avons eu des mines de molybdène qui ont été
fermées et le problème qui se pose chez vous ressemble aussi,
dans une certaine mesure, au problème qui s'est posé dans des
régions du nord de l'Ontario, les régions d'Elliott Lake et Blind
River en particulier, alors qu'il y a eu aussi des booms de
développement et qu'à un moment donné, à cause des
prix, il y a eu des fermetures massives. Cela entraîne toujours
évidemment des conséquences difficiles pour les gens de ces
régions, soit que les travailleurs n'ont plus d'emploi et parfois
cherchent ailleurs; ça risque de dépeupler, en partie, une
région; de petits propriétaires de maison sont obligés de
s'expatrier à l'extérieur et voient la valeur de leur
propriété diminuer; les commerçants, dans une certaine
proportion, sont obligés aussi de restreindre leurs activités et,
dans certains cas, ça entraîne des faillites.
Vous avez toute ma sympathie et je peux vous dire, M. Bédard - je
m'adresse à mon collègue de Duplessis également - que je
me solidarise avec vos préoccupations. Les sujets que vous apportez
comme possibilité de solution, soit la diversification vers les petite
et moyenne entreprises, sont des choses qui me semblent être, dans les
circonstances, réalistes et mériteraient l'encouragement des
paliers de gouvernement, pour vous permettre de passer cette période qui
me semble difficile, mais, comme je vis aussi dans une région
minière, je sais que si, un jour, à cause des fluctuations du
marché, de la baisse des prix, certaines mines ou certaines industries
ferment, un autre jour, il y a un retour à de meilleurs prix et il y a
réouverture.
Chez nous, présentement, des réouvertures de mines d'or se
font à un rythme assez accéléré et
intéressant; on revit donc le contraire de ce que nous avons vécu
au cours des fermetures. Dans ce genre de région que vous avez, les
grandes industries, à cause de ce que je viens de mentionner, un jour,
se retrouvent fermées, parce qu'elles n'ont pas le choix, mais il y a un
retour. Ce retour, je l'espère pour vous le plus rapide possible, mais,
en attendant, c'est sûr que vous devez trouver des moyens de subsistance
et surtout des moyens qui permettront de tenir le coup. Vous avez d'autres
potentiels; vous les avez mentionnés avec raison: la tourbe, les
pêches maritimes, les forêts, le potentiel hydroélectrique.
Là-dessus, M. le Président, je ne peux faire autrement
qu'encourager Hydro-Québec et le gouvernement à se solidariser
avec la population de cette région, du moins en tenant en
considération le problème particulier que connaît cette
région. Compte tenu du rôle économique et social
qu'Hydro-Québec s'est donné, on le sait, depuis un certain temps
déjà, il me semble qu'une forme de relance - ce n'est pas la
seule -économique serait celle qui est proposée par vous, M.
Bédard, et qui a été proposée également par
le député de Duplessis, soit qu'Hydro-Québec envisage
sérieusement, compte tenu de la situation - il me semble que c'est une
situation spéciale qui mérite une attention spéciale -
d'avoir des préoccupations spéciales, ainsi que le gouvernement,
pour tenter d'avancer cet échéancier qui nous a été
communiqué.
M. le Président, je termine là-dessus. Je n'ai pas
tellement de questions à poser à M. Bédard, son
mémoire est tellement bien préparé, mais je voulais vous
assurer que nous sommes solidaires avec vos préoccupations et solidaires
aussi avec les possibilités de solutions à être
apportées dans votre région.
Le Président (M. Jolivet): Merci. M. Bédard,
avez-vous quelque chose à ajouter?
M. Bédard (Pierre): Non, cela va.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Gouin.
M. Tremblay: Merci beaucoup, M. le Président. Bonsoir, M.
Bédard. On doit féliciter M. Bédard de prendre à
coeur son rôle de directeur de la Corporation de développement
économique de la région de Port-Cartier et de venir attirer
l'attention de la population du Québec et des membres de cette
Assemblée nationale sur le genre de sinistre qui est en train de
s'établir au plan économique dans cette région,
naguère prospère du Québec.
Dans d'autres régions, lorsqu'il y a des inondations, on se rend
compte que les autorités prennent des décisions spéciales,
déclarent des situations d'urgence et mettent à la disposition
des sinistrés des sommes particulières pour éviter des
catastrophes.
La lecture de votre mémoire nous confirme qu'il semble exister
dans la région de la Côte-Nord une sorte de marasme
économique qui exigerait peut-être de la part des autorités
des gestes spéciaux et spectaculaires.
Je me demande par contre si vous frappez à la bonne porte en vous
adressant tout particulièrement à Hydro-Québec
plutôt qu'en vous adressant au gouvernement lui-même, parce que,
finalement, le développement économique d'une région ne
relève pas du mandat de la société Hydro-Québec. Ce
mandat relève, au premier titre - vous le répétez dans
votre mémoire - du gouvernement du Québec et du gouvernement
d'Ottawa sous certains rapports. Je suis certain que vous avez fait des
démarches auprès du gouvernement; ce n'est certainement pas la
première démarche que vous faites de venir de Port-Cartier ce
soir jusqu'à Québec pour étayer votre thèse. Vous
avez sans doute fait des démarches semblables auprès du
gouvernement. Avez-vous eu des résultats? Est-ce qu'on vous a
assuré que des actions spéciales seraient prises? ITT Rayonier
est fermée. Sidbec Normines doit fermer une partie de ses installations.
L'Iron Ore a annoncé des mises à pied. Il y a cette cascade de
fermetures qu'on semble prendre avec fatalisme. Peut-être que vous
êtes le seul dans votre région à soulever le sujet. Vous
devriez peut-être tirer une leçon de certaines autres
régions et ne pas accepter de façon fataliste un pareil marasme,
une pareille dégringolade. Donc, c'est la première question que
je voulais vous poser: Vos espoirs sont-ils devenus tellement minces
auprès du gouvernement que vous en êtes réduits à
considérer Hydro-Québec comme une sorte de deus ex machina qui
viendrait finalement sauver la région de la Côte-Nord? C'est la
première question.
D'autre part, je reviens sur votre demande particulière
concernant un avancement ou un devancement de certains projets que l'on
retrouve à la marge du plan d'équipement et de
développement d'Hydro-Québec, c'est-à-dire des barrages
qui coûteraient, du moins deux d'entre eux, plus cher dans leur
production d'énergie que des centrales nucléaires. Vous avez sans
doute suivi le déroulement des discussions cet après-midi et il
est ressorti très clairement de ces discussion qu'Hydro-Québec
faisait face à des problèmes de financement de son plan
d'équipement, les déficits budgétaires du gouvernement
étant tellement importants que les marchés de capitaux regorgent
d'obligations du gouvernement présentement et Hydro-Québec se
trouve dans une situation où elle doit augmenter son autofinancement
pour pouvoir réaliser son plan et même retarder dans l'avenir
certains projets. Cet étalement de nouveaux projets vaut pour des
projets rentables, que l'on connaît rentables, qui produiraient de
l'électricité à un taux plus bas que le nucléaire.
Or, vous demandez d'accélérer la construction de ces trois
barrages qui sont des barrages relativement coûteux.
M. Bérubé: M. le Président, question de
règlement. Je crois que monsieur a un avion à prendre à 22
h 15.
Le Président (M. Jolivet): M. le...
M. Tremblay: Je vois que le ministre voudrait sans doute faire
bifurquer le débat.
M. Bérubé: Non, ceci nous a été
indiqué par le député de Duplessis cet après-midi
en nous demandant si on ne pouvait pas essayer d'accélérer...
Le Président (M. Jolivet): ...de le déplacer.
M. Bérubé: ...non pas que votre élan
oratoire ne soit pas passionnant, tout au contraire, loin de moi cette
idée. C'était simplement une constatation, c'est tout.
M. Ciaccia: M. le Président, je remarque que notre
invité, il est peut-être un peu trop gêné pour le
dire, vient de regarder sa montre parce qu'il doit prendre un avion.
Alors...
Des voix: Ah! Ah!
M. Ciaccia: Je voulais seulement le faire remarquer à la
commission.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Gouin, vous pouvez continuer.
M. Tremblay: Nous avons eu une discussion avec le témoin
précédent qui était assez frivole, à mon avis, de
sorte qu'il faudrait peut-être quelques minutes de discussion au sujet de
l'avenir économique de la Côte-Nord.
Une voix: Aucun problème.
M. Tremblay: En ce qui concerne le projet La Romaine...
M. Bérubé: Vous venez de manquer votre avion,
monsieur.
M. Tremblay: ...comme vous le savez, il y a un problème
politique qui bloque ce projet beaucoup plus, peut-être, que les
considérations économiques. C'est une négociation avec
Terre-Neuve, premièrement, et une négociation avec les Indiens,
par le truchement du comité SIGMAI, qui relève du bureau du
premier ministre. Donc, c'est un problème politique. Il faudrait que
vous vous adressiez au premier ministre pour faire débloquer le projet
La Romaine.
Les deux autres, comme je vous le disais, sont des projets qui sont
très coûteux. La question qu'on peut se poser est la suivante: Si
l'Hydro commence à se lancer dans les projets les plus coûteux
avant de mettre en marche les projets les moins coûteux, la population du
Québec ne devra-t-elle pas subir des augmentations des tarifs
d'électricité encore plus rapides que ceux qui sont prévus
et que le gouvernement s'apprête peut-être, après les
élections, à imposer à la population ou, d'autre part,
à accentuer ces problèmes d'autofinancement et de ralentir tout
son projet d'investissement; cela nuirait à l'industrie de la
construction, non seulement de la région de la Basse-Côte-Nord,
mais de l'ensemble du Québec. L'industrie de la construction est dans un
marasme au Québec présentement, pas seulement sur la
Côte-Nord, mais partout; on l'a vu cet après-midi. Il est
important que nous mettions l'accent, au cours des prochaines années,
sur le développement des projets d'investissements qui vont relancer
l'industrie de la construction.
M. Bédard, je ne peux pas faire autrement que de vous donner
aussi mon encouragement moral, mais je ne pense pas que la solution vienne
d'Hydro-Québec pour les problèmes économiques globaux de
la région de la Côte-Nord. Ils viennent plutôt de politiques
urgentes qui devraient venir du gouvernement lui-même. (21 h 45)
Le Président (M. Jolivet): M. Bédard, vos
commentaires et vos réponses.
M. Bédard (Pierre): Par contre, si le coût de
construction des centrales versus le nucléaire avait été
à 1,5% ou 1,7%, probablement que la corporation n'aurait pas fait la
démarche qu'elle fait ce soir. Mais à .85%, dans le cas de La
Romaine, à 1.07% dans le cas de Petit-Mécatina, il me semble que
c'est relativement acceptable compte tenu de la situation. A 1,20%, il est
évident que c'est une majoration par rapport au nucléaire de 20%.
Cela peut paraître important. Je suis d'accord avec vous sur ce
point.
Mais je me devais, surtout que la rivière Sainte-Marguerite se
trouve à couler dans mes limites territoriales, de la mettre
là-dedans.
M. Tremblay: Quant à la première question, vos
démarches auprès du gouvernement comme tel.
M. Bédard (Pierre): À titre de commissaire
industriel, je me défends le plus possible de faire des démarches
politiques.
M. Tremblay: Vous avez tort.
M. Bédard (Pierre): On a des hommes politiques très
habiles pour faire cela et je pense que c'est leur rôle de le faire.
Le Président (M. Jolivet): Merci. M. le
député de Mont-Royal.
M. Ciaccia: M. le Président, je ne veux pas retarder notre
invité, je ne veux pas qu'il rate son avion, mais je voudrais le
remercier au nom de l'Opposition officielle pour son mémoire. Cela
souligne l'importance du développement régional et l'Hydro, par
l'entremise des politiques du gouvernement, aurait un rôle à jouer
dans ce développement régional. Je veux vous féliciter
d'être venu devant cette commission parlementaire pour nous faire la
présentation de ce mémoire.
Je crois que c'est important de faire ces représentations
à l'Assemblée nationale et je pense que cela démontre que
tout développement économique, que ce soit le
développement de l'Hydro ou que ce soit le développement d'autres
projets économiques, il y a toujours un aspect humain. Nous ne devons
pas oublier cet aspect humain. Je pense que cela s'applique
particulièrement dans le cas du développement de nos ressources
énergétiques. Quelquefois, dans les tracas et les
préoccupations avec les milliards de dollars d'emprunt, on oublie un peu
l'aspect humain, qu'il y a des gens qui dépendent de nos
activités économiques pour avoir un choix de
société.
Nous approuvons le principe que vous avez soumis, qui est contenu dans
votre mémoire, soit le développement régional qui doit
être une préoccupation dans les politiques du gouvernement. Nous
vous remercions d'avoir porté ce mémoire à notre
attention. Merci.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Duplessis.
M. Perron: M. le Président, en terminant, je voudrais
ajouter ceci, pour le bénéfice du député de Gouin
et peut-être aussi pour celui du député de Mont-Royal.
Selon ce que j'ai toujours dit dans le comté de Duplessis, et je
l'ai toujours dit aussi à l'Assemblée nationale - je rapporte des
paroles presque textuelles du député de Gouin qui disait que
c'est au gouvernement, au gouvernement et toujours au gouvernement - ce n'est
pas toujours au gouvernement.
D'après moi, il y a trois facteurs importants dans ce domaine.
Vous avez le gouvernement, vous avez Hydro-Québec, qui n'est pas
nécessairement le gouvernement, qui est une société
d'État normalement autonome, et vous avez aussi les entreprises. Ajoutez
à cela tout le monde qui est impliqué dans le milieu, c'est tout
ce monde ensemble qu'on doit impliquer pour faire en sorte qu'il y ait une
reprise de l'économie sur la Côte-Nord.
Je pense que c'est quatre bons endroits où on peut s'adresser. Je
peux dire devant cette commission que dans tous les dossiers extérieurs
à Hydro-Québec, j'ai toujours travaillé en très
bonne collaboration avec le commissaire industriel lorsque les dossiers
étaient discutés et lorsqu'ils étaient
présentés. Et il m'en a présenté des dossiers,
soyez-en assuré. C'est la même chose pour Sept-Îles, c'est
la même chose pour Havre-Saint-Pierre. Et je pense qu'on doit travailler
ensemble. Et comme il le disait tout à l'heure, c'est vrai que les
hommes politiques doivent prendre leurs responsabilités à la
suite de la présentation de dossiers. Si on travaille sur tous les
fronts ensemble et conjointement, on va arriver à débloquer des
choses vraiment concrètes.
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre, en
terminant.
M. Bérubé: Merci, M. le Président. En fait,
quand je regarde la situation de la Côte-Nord, présentement, il y
a un secteur qui va être à fouiller au cours des années
prochaines. D'une part, nous avons un potentiel minéral assez
extraordinaire dans ce qu'on appelle la fosse du Labrador. Comme vous le savez,
on a exploité la région de Schefferville pour son minerai de fer,
mais purement et simplement pour son minérai de fer, alors qu'il y a un
potentiel minéral assez extraordinaire pour le nickel dans le nord de
cette bande minéralisée très intéressante, mais
également un potentiel uranifère assez spectaculaire aussi.
Je pense qu'une orientation - je ne dirais pas à court terme,
parce qu'on a des fois tendance à prendre le gouvernement pour saint
Jude, le patron des causes désespérées, je pense, dis-je
qu'un gouvernement est souvent un peu malhabile face à une crise
ponctuelle, instantanée, parce qu'on n'a pas vraiment de moyens d'aller
corriger la situation sur place, mais l'avenir de la Côte-Nord me
paraît à moi très intéressant. D'abord, parce que
vous avez un chemin de fer qui ouvre sur l'Ungava, qui n'est pas
complété, indéniablement, passé Schefferville, et
il faut envisager le moment où on développera les rivières
du nord et où on pourra s'interroger très sérieusement
à savoir si la voie d'accès pour le Grand-Nord n'est pas
plutôt Schefferville, la Côte-Nord, Sept-Îles plutôt
que Matagami, qui va plutôt vers la Baie James et qui, à ce
moment, est davantage tourné vers l'Ouest. Il y a donc une porte
d'accès au Grand Nord qui est extrêmement intéressante.
Vous avez souligné également l'aménagement des
rivières de la Moyenne-CÔte-Nord qui, quand même, s'en vient
dans un avenir tout à fait rapproché et je pense que l'ouverture
vers le Grand Nord va nous donner également la chance de procéder
au développement des ressources minières. Croyez-moi, le
potentiel géologique est très intéressant, mais l'absence
de voies de communications a fait en sorte que peu d'entreprises se sont
intéressées au développement. Si le gouvernement devait
véritablement voir à l'avenir, on devrait peut-être faire
un peu ce que nous avons fait dans le cas du Nord-Ouest, où nous avons
mis sur pied un programme d'inventaires très systématiques et une
des raisons que le député de Rouyn-Noranda connaît
très bien d'ailleurs, même s'il a simplement par inadvertance
oublié de la mentionner, c'est la conséquence de ce programme du
Nord-Ouest qui a augmenté énormément les connaissances
géologiques de base avec les avantages fiscaux que nous avons consentis
et qui sont finalement responsables en bonne part de l'essor qu'il
connaît présentement dans sa région.
C'est une question de prix. C'est indéniable que la conjoncture
des prix du minerai de fer n'est pas favorable sur la Côte-Nord
présentement, mais également ce qui est très
intéressant, c'est que vous avez un potentiel minéral de
première qualité, vous avez un très grand nombre de
très belles rivières à aménager et vous avez la
porte sur le Nord.
Je pense que la Côte-Nord a un potentiel intéressant qu'il
va falloir un certain nombre d'années à développer, mais
qui devrait vous laisser très optimiste pour l'avenir.
Le Président (M. Jolivet): M. Bédard. M. le
député de Rouyn-Noranda.
M. Samson: Seulement quelques mots, M. le Président, parce
que le ministre vient de mentionner quelque chose. Je voudrais que le ministre
se rassure, si je n'ai pas, dans ma courte allocution, mentionné ce
qu'il vient de dire. Il a raison, je l'admets. Maintenant, on pourrait ajouter
aussi que la hausse du prix de l'or est un facteur très important, parce
que la réouverture d'anciennes mines a été...
M. Bérubé: Prédominant.
M. Samson: ...rendue possible.
M. Bérubé: Absolument.
M. Samson: Au moment où on se parle, c'est surtout le
résultat de l'ouverture d'anciennes mines, mais, dans un an et dans deux
ans, cela va être le résultat surtout de l'inventaire qui a
été fait par...
M. Bérubé: L'harmonie entre le député
de Rouyn-Noranda et le député de Matane est totale.
M. Samson: ...les services d'Hydro-Québec.
C'est inquiétant. Cela devient dangereux...
Le Président (M. Jolivet): Cela devient dangereux pour
moi.
Une voix: C'est le temps d'ajourner.
Le Président (M. Jolivet): M. Bédard, je vous
remercie et, au nom de la commission, nous vous souhaitons un bon retour
à Port-Cartier.
M. Bédard (Pierre): Merci.
Le Président (M. Jolivet): Nous invitons M. Denis Bouliane
qui, à titre personnel, nous a exprimé l'intention de
présenter un mémoire.
M. Denis Bouliane
M. Bouliane (Denis): Bonsoir. Je remercie la commission de son
invitation et, comme vous le savez, je viens ici à titre personnel.
Ce qui me tracasse, c'est qu'il ne faut pas tenir pour acquis que
l'énergie sera éternellement une denrée rare. Il y a
à peine dix ans, l'énergie n'était pas rare. Viendra un
jour peut-être où chaque foyer pourra être
indépendant au niveau énergétique, avec les piles
solaires. Ce jour-là, les sociétés telles
qu'Hydro-Québec devront affronter une concurrence que certains
qualifieront de déloyale. Par conséquent, il est probable qu'il y
aura une baisse radicale des tarifs et cette éventualité doit
être étudiée et considérée dans toute
décision à prendre.
Les emprunts d'Hydro-Québec ou de ses filiales sont actuellement
productifs. Cependant, à cause des coûts énormes de
décontamination des usines nucléaires, il se pourrait que le
nucléaire cesse économiquement d'être un attrait. D'un
autre côté, si les usines nucléaires sont construites pour
ne plus représenter de danger, le coût de l'énergie
produite pourrait être prohibitif et des solutions de rechange, à
ce moment, apparaîtront un peu partout. Donc, tout emprunt
d'Hydro-Québec pour construire une usine nucléaire est
présentement, à mon avis, un passif et représente un
danger pour sa santé financière.
Des centrales au charbon ou au bois seraient des choix plus judicieux,
de même que des centrales hydroélectriques au gaz ou à
l'hydrogène, hydrogène qui pourrait être produit
près des barrages dans le nord et être transporté vers le
sud. Quant à la pollution produite par le charbon ou le bois, celle-ci
peut être corrigée actuellement avec les outils qui existent.
C'est notre devoir de mettre en marche le plus grand nombre de projets
hydroélectriques afin d'acquérir une autosuffisance
énergétique pour autant qu'on le peut, et, par le fait
même, on se trouve à aider l'humanité. Chaque baril de
pétrole sauvé, c'est un baril de pétrole ailleurs
où on en a plus besoin que nous. Quelques objections seront
apportées en ce qui concerne le financement et les possibilités
physiques. De ces deux objections majeures, la dernière est valable;
d'ailleurs, il y a des gens qui sont venus cet après-midi et qui en ont
parlé.
Quant au financement, les problèmes seraient minimisés si
on adoptait une formule ressemblant à ce que je propose. Une fois
l'étude d'impact et de faisabilité d'un projet terminée,
le propriétaire, c'est-à-dire l'État ou
Hydro-Québec, subdiviserait le coût du projet en unités,
disons $1 million l'unité. Ces unités ne porteraient aucun
intérêt. Elles donneraient à l'acheteur sa part
énergétique produite pour un temps donné. Elles se
transigeraient sur le parquet de la Bourse. Grâce à son
réseau de distribution, Hydro-Québec livrerait l'énergie
à ses frontières avec un prix de livraison ou un prix
défini à l'avance. L'État conserverait 25%,
peut-être 20%, peut - être 15%, peut-être 30% de
l'énergie produite pour ses redevances ou royautés et
reprendrait, à partir de la cinguième année de livraison
de l'énergie, 5% de sa production annuelle vendue, et ce pendant les 15
dernières années du contrat. Donc, à la fin du contrat
original de 20 ans, cette énergie redeviendrait la
propriété exclusive de l'État.
Ainsi, la Tennessee Valley Authority, qui présentement a trop
d'énergie, pourrait
acheter cent unités d'un projet pour un coût de $100
millions à être déboursés durant la construction.
Cet acheteur s'occuperait de faire acheminer l'électricité
jusqu'à ses portes. Et parce qu'elle a déboursé $100
millions, elle obtiendrait pendant cinq ans un certain nombre de kilowatts et,
par la suite, il y aurait une diminution constante jusqu'à la fin de la
vingtième année du contrat. Si elle le désirait, la TVA
pourrait, après disons dix ans, vendre ses unités en tout ou en
partie sur le parquet de la Bourse à des clients qui pourraient
être Hydro-Ontario, le Nouveau-Brunswick, l'Alcan. Donc, à la fin
des contrats, le Québec contrôlerait toute l'énergie et
pourrait encore une fois la revendre à ses abonnés ou revendre
les unités sur le parquet de la Bourse.
Dans l'éventualité où aucun ou trop peu d'acheteurs
s'intéresseraient à un projet en particulier, on pourrait en
déduire que le projet sous sa forme présentée est
inacceptable, le jugement ayant été porté par une
multitude d'investisseurs et non par quelques individus.
En ce qui a trait aux rivières possédant des débits
de moindre importance, il existe au Québec plusieurs rivières
dont l'aménagement n'intéresse pas, ou très peu, une
société comme Hydro-Québec, habituée à
penser en termes de milliards. Je propose tout simplement la vente de ces
débits au plus offrant, à la condition que cette énergie
reste à l'intérieur de nos frontières, l'acheteur
s'engageant à construire un barrage à l'intérieur d'une
période de temps donnée, avec des plans soumis à
HydroQuébec pour acceptation et sujets à des inspections
régulières. C'est ce que je voulais vous dire ce soir.
Le Président (M. Jolivet): Merci, M. Bouliane.
M. le ministre.
M. Bérubé: M. le Président, je pense que la
présentation de M. Bouliane rejoint un peu celle de l'Association des
ingénieurs-conseils qui a proposé une sorte de
développement par des firmes de consultants ou d'ingénierie avec
l'entière responsabilité du projet ici et là sur le
territoire, dans le cas des petites rivières, compte tenu que la
structure administrative d'Hydro-Québec les amène à
s'intéresser aux vastes projets, et les plus petits projets étant
peut-être moins accessibles pour eux, et le caractère un peu
centralisé des opérations d'Hydro-Québec ne leur
permettant peut-être pas effectivement d'envisager de façon
pratique la réalisation des petites rivières. (22 heures)
Je dois dire, cependant, qu'Hydro-Québec a modifié
considérablement son point de vue, qu'elle commence à nous
proposer d'abord trois projets expérimentaux et qu'elle nous propose
également d'examiner de l'aménagement pour au moin 1000
mégawatts entre 1990 et l'an 2000. Il n'est point impossible, cependant,
qu'une analyse plus systématique de toutes nos petites rivières
amène Hydro-Québec à constater qu'il y a un potentiel
effectivement intéressant plus important qu'on le prétend.
Ce qui m'inquiète, dans votre proposition, c'est cette
espèce de vente à long terme. Lorsque je regarde cet excellent
document qu'Hydro-Québec nous a présenté, Une
stratégie pour la décennie 80, je parle du document un peu
résumé, je dois constater que lorsque nous aurons
aménagé NBR, ce qui est prévu dans le plan
d'équipement que nous propose Hydro-Québec actuellement, il va
nous rester sans doute dans le plan tel que présenté ici et
compte tenu que je ne mets pas en question les prévisions
d'Hydro-Québec, un certain nombre de rivières, mais qui
coûtent de plus en plus cher. Ce qui me frappe, c'est que très
rapidement elles dépassent le coût du nucléaire et
même, elles vont jusqu'à dépasser assez rapidement le
coût d'une centrale au charbon. La question que je me pose: si j'ajoute,
à ce coût de production, le coût de transport
d'électricité jusqu'au Tennessee Valley Authority, qui est
l'exemple que vous utilisez, il y a des chances que l'électricité
livrée au Tennessee Valley Authority soit passablement
élevé. On sait, par exemple, que dans le Tennessee ils ont de
vastes gisements de charbon. Mais on peut se poser la question: pourquoi
Tennessee Valley Authority ne mettrait-elle pas en développement ses
gisements de charbon pour construire des centrales au charbon? Cela lui
donnerait, de toute façon, de l'électricité meilleur
marché que notre coût de production auquel il faut ajouter nos
coûts de transport très élevés.
Cette question de vente me pose une question de deux ordres. Le premier
ordre, c'est: est-ce que notre prix de vente aux États-Unis ne sera pas
trop élevé pour que le client américain soit
véritablement intéressé? La question de deuxième
ordre, c'est: si, effectivement, le coût est plus faible que ce qui est
anticipé ici, le Québec ne sera-t-il pas lui-même
intéressé à mettre la main sur cette richesse naturelle
avant peut-être l'année 2000, 2005 et, par conséquent, ne
veuille peut-être pas le vendre à long terme?
Le Président (M. Jolivet): M. Bouliane.
M. Bouliane: Si le coût énergétique est trop
élevé pour la Tennessee Valley Authority ou pour PASNY ou
n'importe qui, il l'est trop pour nous aussi. Moi je suis venu ici surtout
parce que je ne veux pas que mon crédit soit pénalisé par
des projets très dispendieux qui vont être faits un petit peu
partout, avec des coûts de financement qui n'en finissent plus,
des augmentations de 15% et de 20% annuellement dans notre coût
énergétique. Ce que je venais dire ici tout simplement, c'est
qu'avant d'aller faire ces projets, il faut faire très attention. Il est
probable, il est même possible que des découvertes vont être
faites à n'importe quel niveau, que ce soient les piles solaires, la
fission, la fusion, etc. Tout le monde nous vient avec des idées. Je me
dis qu'avant d'aller là-bas, il faudrait s'assurer que c'est
réellement rentable. Si, comme vous dites, le nucléaire, à
ce moment, devient beaucoup moins cher, il faut penser au point de vue
économique et s'arranger pour que le nucléaire ne soit pas
dangereux. Et si parce qu'on le rend moins dangereux il devient trop cher, il
faudra peut-être penser à aller à la rivière et
essayer de faciliter le financement des projets. C'est dans cet esprit que je
suis venu ici.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Mont-Royal.
M. Ciaccia: Merci, M. le Président. M. Bouliane, je veux
vous remercier au nom de l'Opposition officielle pour votre mémoire. Je
comprends que vous soyez soucieux des augmentations des tarifs et des
coûts d'investissements d'Hydro-Québec. Cette préoccupation
est partagée par beaucoup, par nous et, je crois bien, par l'ensemble de
la population. Si je comprends, vous cherchez des solutions pour essayer de
trouver des moyens par lesquels on pourrait minimiser, pour le consommateur,
les augmentations possibles. Vous essayer de trouver, premièrement, des
moyens de financement qui pourraient réduire le fardeau fiscal
d'Hydro-Québec et, par conséquent, le fardeau fiscal du
consommateur, et je partage entièrement cette préoccupation avec
vous. D'ailleurs nous l'avons soulevé à maintes reprises avec
Hydro-Québec. Peut-être votre suggestion sur la façon de
financer n'est-elle pas tout à fait orthodoxe, dans le sens que ce n'est
pas dans les habitudes des institutions financières ou
d'Hydro-Québec de se financer de cette façon, mais parfois
ça porte au moins à l'attention de la population ce souci que
vous avez et que nous avons tous de chercher et trouver d'autres moyens soit de
le financer ou soit de développer nos ressources
énergétiques.
Parfois c'est par des suggestions de ce genre que viennent des
idées qui pourraient être mises en application, pas
nécessairement de cette façon, mais au moins vous faites
réfléchir les gens auxquels vous faites ces
représentations. Il y a une portion de la population qui est
concernée par ces augmentations.
Il y a un autre aspect. Quand vous parlez du développement des
rivières moins importantes, plus petites, peut-être que ça
rejoint la pratique qui existe dans d'autres pays où des petites
rivières peuvent être développées pour des fins
hydrauliques par des individus, des sociétés ou des
coopératives et l'État est obligé d'acheter
l'électricité qui est produite par ce développement. Cela
libère une société d'État géante, comme
Hydro-Québec, de faire ces petits développements, ça
permet le développement de ces petites rivières pour une
production hydroélectrique qui ne serait pas autrement produite et
ça fait vraiment le travail que la société d'État,
Hydro-Québec, devrait faire.
Peut-être serait-ce une suggestion que le gouvernement pourrait
prendre en considération pour le développement de ces petites
rivières et que vous avez proprement apportée à notre
attention.
Une question. Vous suggérez que, dans le développement des
plus petites rivières dont l'aménagement n'intéresse pas
une société comme Hydro-Québec, cette énergie reste
à l'intérieur de nos frontières. Y a-t-il une raison
particulière pour limiter ça? Pouvez-vous expliquer pourquoi vous
voulez limiter le développement pour que ça produise de
l'électricité seulement pour les fins du Québec, sans en
exporter?
M. Bouliane: Je pense à la rivière Richelieu. Je
pense à une usine - elle s'appelle Sivaco ou Ivaco - qui est non loin de
là. Elle a quelques milliers d'employés. Elle en aurait
peut-être encore quelques milliers de plus si avec ses profits qui sont
quand même considérables elle pouvait construire le barrage...
c'est-à-dire qu'il y a déjà un barrage existant, mais
l'utiliser, prendre l'énergie, l'envoyer à son usine, ne pas la
mettre dans le système d'Hydro-Québec, la conserver pour elle.
C'est dans ce sens que je disais que les débits de petites
rivières devraient être vendus au plus offrant. Cela pourrait
être une municipalité, mais je pensais surtout à des
industriels locaux ou même de l'extérieur.
De plus, vous avez dit tout à l'heure aussi que le mode de
financement n'était pas orthodoxe. Anciennement, le financement se
faisait avec ce qu'on appelait des émissions qui étaient
indexées sur l'or.
M. Ciaccia: "A joint stock company" dans l'ancien temps, non?
M. Bouliane: Non, je parle tout simplement de "gold back
securities"...
M. Ciaccia: Ah, oui.
M. Bouliane: ...et présentement, cela recommence un peu.
Je ne vous apprendrai rien. Le Wall Street Journal l'a dit; la
plupart des sociétés énergétiques dans le
moment aux États-Unis ont de graves difficultés. Les compagnies
ne sont pas chanceuses aux États-Unis. Elles font face à des
commissions qui les empêchent d'augmenter les prix. Ici, il n'y en a pas.
Ici, les prix ne font qu'augmenter. Bell Canada ne peut pas augmenter parce
qu'il y a une commission qui l'empêche d'augmenter, mais aux
États-Unis, ils ont tous des problèmes à cause de cela.
Ils ne sont plus capables de vendre de bons sur le marché avec les taux
d'intérêt qu'on leur connaît.
Tout ce que je suggère, c'est de payer les intérêts
avec de l'électricité et d'en garder une bonne partie pour nous -
c'est tout - cette électricité pouvant sortir ou rester.
M. Ciaccia: Quant à l'autre aspect de votre
mémoire, vous mentionnez que le Tennessee Valley Authority pourrait
acheter ses unités et l'acheteur éventuel s'occuperait de faire
acheminer l'électricité jusqu'à ses portes. Il y aurait
peut-être un problème technique pour l'acheminement parce que je
crois qu'il y a des limites dans lesquelles l'électricité peut
être transportée et distribuée. Par exemple, on va
développer Grande Baleine et on va acheminer l'électricité
jusqu'à Montréal et peut-être jusqu'à New York, mais
au-delà d'une certaine distance, cela devient un problème
technique. Je crois que la technologie, si je comprends bien, n'a pas encore
été développée à ce point où
l'électricité pourrait être acheminée... Par
exemple, on ne pourrait pas acheminer de l'électricité de
Montréal jusqu'en Californie. La technologie n'est pas là.
L'exemple que vous avez donné peut créer certains
problèmes techniques.
M. Bouliane: Mais je ne pensais pas d'envoyer le courant de
Grande Baleine directement là-bas, mais il y a des échanges qui
se font, c'est-à-dire que New York vendrait ce qu'elle a sur sa
frontière sud au Tennessee pendant que sur le nord, elle le prendrait.
Je pensais surtout en termes de transfert beaucoup plus que d'envoyer notre
propre électricité là-bas.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Gouin.
M. Tremblay: Merci beaucoup, M. le Président. Par mesure
de précaution, j'aimerais demander à M. Bouliane s'il a un avion
à prendre avant 23 heures.
M. Bouliane: Non, j'ai un véhicule en bas.
M. Tremblay: Non?
M. Ciaccia: Ne me dites pas que vous voulez parler jusqu'à
23 heures!
M. Tremblay: Je crois, tout d'abord, qu'il convient de vous
féliciter de la démarche que vous faites présentement.
Cela prend un certain courage de prendre le temps de rédiger un
mémoire et venir en discuter à l'Assemblée nationale sur
un sujet qui est important, mais qui est aussi complexe.
Je note que vous manifestez une confiance dans la possibilité de
résoudre les problèmes énergétiques et vous faites
un acte de foi dans la possibilité pour le Québec de se servir de
ses richesses hydroélectriques pour être à l'avant-garde de
la solution du problème de l'énergie sur notre territoire.
Votre mémoire est relativement succinct, mais contient des
idées qui ne sont pas nécessairement à rejeter du revers
de la main. Je pense que le problème du financement, qui a
été touché seulement de façon indirecte par la
plupart des mémoires, et même par Hydro-Québec puique que
nous n'avons eu l'occasion d'en discuter que pendant une quinzaine ou une
vingtaine de minutes, est un problème fondamental, en période
d'inflation comme celle que nous vivons présentement.
Le fait que nous ayons un monopole d'État au Québec,
possédé par conséquent en totalité par le
gouvernement, oblige cette société à se financer par des
obligations, lesquelles comportent des taux d'intérêt, lesquels
taux d'intérêt en période d'inflation, évidemment,
sont très élevés. Hydro-Québec a emprunté,
il y a quelques jours, à tout près de 14% et à des taux
légèrement plus élevés au cours de l'année,
en tenant compte de l'escompte sur l'obligation vendue à des taux
très élevés. Alors qu'une entreprise privée
habituellement finance une partie de ses immobilisations par du capital-actions
qui, lui, ne rapporte pas d'intérêts et est gratuit jusqu'à
ce qu'il y ait des dividendes à payer et ne finance qu'une partie de ses
immobilisations par des emprunts obligataires. La règle courante c'est
du 40/60, c'est-à-dire 40% d'équité et 60% d'obligations.
Même les entreprises privées présentement en période
d'inflation ont tendance à vouloir diminuer les emprunts sur
obligations, puisqu'ils sont tellement coûteux, afin d'émettre des
actions qui, elles, évidemment, permettent d'attirer des capitaux qui
partagent les risques des investissements.
Dans une situation comme celle que nous vivons présentement, il
est évident qu'Hydro-Québec aurait intérêt
théoriquement à émettre des actions sur le marché,
parce que ce serait la façon la plus économique de financer des
projets d'investissements. En ce faisant, son coût moyen de financement
deviendrait plus bas et certains projets d'investissements - et je regrette que
M.
Bédard ait déjà pris son avion, parce que je ne
savais pas que votre mémoire était aussi intéressant par
le sujet qu'il soulève, même si, au niveau technique,
peut-être qu'il y a des choses à préciser - s'ils
étaient escomptés par un taux d'intérêt plus bas, un
taux moyen plus bas, deviendraient rentables et permettraient un
développement. (22 h 15)
Donc, par votre technique de financement, celle que vous proposez ici,
vous posez un problème très sérieux. Est-ce que le
monopole d'État d'Hydro-Québec devrait demeurer entier, à
100%? Est-ce que l'État ne devrait pas un jour sonqer à
émettre des actions dans la population au lieu de se financer uniquement
par le truchement des obligations, à supposer que l'inflation aille en
se maintenant ou en s'accélérant, parce qu'en poussant un peu
à l'extrême, on a vu d'autres sociétés, avec les
gouvernements souvent irresponsables qu'on a, qui font marcher la planche
à billets et qui créent de l'inflation où les taux
d'intérêt deviennent 30%, 40%, 50%? Évidemment, à
des taux d'intérêt semblables pour des projets qui ont une
utilité économique de 50 ans comme un barrage
hydroélectrique, cela devient impossible à financer par des
obligations. Il faut trouver d'autres méthodes de financement. Nous
sommes dans une période inflationniste comme nous n'en avons jamais
vécu, nous, en Amérique du Nord depuis au moins 50 ans et
même je pense qu'historiquement, nous n'avons jamais vécu une
période inflationniste aussi rapide. En Europe, en Allemagne, on a
vécu des périodes semblables.
Vous êtes le premier à proposer cela. Vous ne le dites pas
de façon formelle dans votre mémoire, mais c'est sous-jacent.
Est-ce que le mécanisme de financement par des actions ne devrait pas
être considéré? Le gouvernement peut toujours garder le
contrôle d'une société d'État en ne détenant
pas 100% des actions. Pour contrôler une compagnie, on le voit avec
Abitibi Price, ces jours-ci, souvent une minorité, un bloc minoritaire
des actions permet à un propriétaire de contrôler une
société. Dans le cas d'un gouvernement, évidemment, ceci
peut certainement se produire. J'aimerais vous demander si c'était un
peu l'idée que vous aviez derrière la tête.
M. Bouliane: Évidemment, je vois chaque rivière
développée individuellement par des sociétés
différentes de rivière en rivière et avec un risque
différent soit pour les investisseurs ou les acheteurs d'actions; en
fait, c'est ça mon idée, pour enlever, comme vous dites, de sur
mon dos le financement de projets qui peut-être ne sont pas bons.
M. Tremblay: M. Bouliane, vous semblez me dire que ce qui vous
préoccupe, ce sont les rivières marginales trop petites pour
qu'Hydro-Québec s'en occupe. Je croyais, moi, que vous remettiez
pratiquement en question le monopole d'État.
M. Bouliane: Je le remets en question. Tout d'abord, il y a les
petites rivières. Je les laisse carrément au plus offrant, mais,
ensuite, il y a les gros projets qui, dans le moment, commencent à
pénaliser le crédit du Québec. C'est mon opinion. Je n'ai
peut-être pas raison. Moi, je dis qu'Hydro-Québec, à partir
d'aujourd'hui, lorsqu'elle a un très gros projet, devrait soit trouver
une formule de financement pas orthodoxe ou tout simplement émettre des
actions pour ledit projet. De cette façon, cela n'entacherait pas le
crédit actuel d'Hydro-Québec. On aurait le projet quand
même. On ferait travailler tout le monde. On pourrait faire dix projets
de front sans du tout faire de difficulté à la qualité
financière d'Hydro-Québec parce qu'on aurait
énormément d'investisseurs qui seraient prêts à
investir dans l'énergie. C'est simple, c'est ça, en fait, que je
suis venu vous dire.
M. Tremblay: M. le Président, lors du témoignage
d'Hydro-Québec, mardi, nous n'avons passé que 15 à 20
minutes sur cette question du financement. Je suis très heureux, pour ma
part, que M. Bouliane ait amené ce sujet devant la commission. Je vois,
dans l'auditoire, le président d'Hydro-Québec qui est très
attentif à cette question. Les sujets qui sont soulevés par le
mémoire de M. Bouliane devraient peut-être faire l'objet,
même si au plan technique il y a peut-être certaines faiblesses,
parce que M. Bouliane n'est sans doute pas un expert et n'a pas toutes les
facilités de consultation et d'expertise pour dégager des
solutions, d'études plus poussées, entre autres - et, ça
je le dis à l'adresse du président du conseil d'administration
d'Hydro-Québec - concernant le taux d'escompte qu'Hydro-Québec
utilise présentement pour déterminer la rentabilité de ses
projets hydroélectriques.
J'ai mentionné le taux d'inflation tout à l'heure. Ce taux
d'inflation peut continuer à se maintenir avec des taux
d'intérêt de 14% et 15%. Je me rappelle que M. Lafond ou M.
Fontaine, un des hauts fonctionnaires d'Hydro-Québec, nous disait que,
pour l'accélération des projets d'investissements, on avait
utilisé un taux d'escompte de 14% et qu'à ce taux de 14%
l'accélération ne donnait ni perte, ni gain. Donc, en utilisant
des taux d'escompte aussi élevés que ceux-là, on aboutit
à une rentabilité assez grande de nombreux projets au
Québec, même ceux qui sont marginaux dans la phase II du plan
d'équipement.
Et, rattaché à cela, il y a toute la question de savoir si
on ne devrait pas
utiliser un taux d'escompte qui épurge, en quelque sorte, du taux
d'intérêt une inflation qui ne peut pas être permanente
jusqu'à la fin des siècles, un taux réel
d'intérêt en quelque sorte. Je pense que c'est une question
technique qu'il vaut la peine de creuser; d'autant plus qu'Hydro-Québec
étant un monopole d'État dépendant du gouvernement pour la
fixation de ses tarifs et non pas uniquement des seuls marchés, il y a
possibilité de garantir des hausses de tarifs pendant une période
très longue pour couvrir l'inflation. D'ailleurs, nous étions
arrivés à la conclusion, mardi, qu'au cours des dix prochaines
années Hydro-Québec pourrait se contenter de tarifs
d'électricité qui ne fassent que couvrir l'inflation.
Or, devant cette possibilité qui existe d'avoir des tarifs qui
couvrent l'inflation, il faut s'interroger sur le taux d'escompte pour calculer
le rendement des projets. L'Hydro n'est-elle pas trop conservatrice dans sa
pratique actuelle du calcul de la rentabilité de ses projets? Je suis
très heureux que ce soit M. Bouliane, grâce à son
mémoire, qui nous amène à soulever ce problème pour
la première fois en commission parlementaire. Si vous avez d'autres
remarques à ajouter aux miennes, M. Bouliane, comme vous n'avez pas
d'avion à prendre, vous pouvez peut-être les faire valoir.
M. Bouliane: J'avais plus de 40 pages dans mon mémoire et
je l'ai ramené à deux pages en me disant qu'il serait
préférable de mettre seulement l'essentiel dedans que de mettre
des détails.
M. Tremblay: Ah, vous êtes trop modestel Les gouvernements
publient des tonnes de papier. Deux pages, on considère que ce n'est pas
assez sérieux. Il faudrait...
M. Bérubé: Un encouragement à notre
industrie des pâtes et papiers d'ailleurs.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Frontenac.
M. Grégoire: M. le Président, je ne serai pas long.
Je veux simplement ajouter ma voix à celles du député de
Mont-Royal et du député de Gouin pour féliciter M.
Bouliane d'être venu ici présenter son mémoire. En fait,
c'est vrai - comme le soulignait le député de Gouin - que M.
Bouliane est le premier à parler de financement. Il a un peu, si on peut
dire, bouclé la boucle, le cercle de la boucle. Alors qu'il y a des
personnes ou des organismes qui sont venus témoigner pour demander
l'accélération des projets, qu'Hydro-Québec de son
côté dit: C'est difficile de devancer, on a des problèmes
de financement, M. Bouliane arrive et dit: Résolvons le problème
du financement en essayant d'émettre des unités d'actions pour
faire financer ces développements par les utilisateurs futurs des
barrages. C'est un peu votre principe du financement. Si on doit exporter de
l'électricité, disons aux Américains d'avance: Payez tout
de suite, vous aurez plus tard de l'électricité parce que cela
prend du temps à faire un barrage. Tout comme le type qui se construit
une maison embauche un entrepreneur, lui donne un acompte et paie au fur et
à mesure des travaux, quitte, lui, et non pas l'entrepreneur, à
emprunter l'argent pour payer l'entrepreneur au fur et à mesure que la
maison se construit. Cela vient boucler la boucle.
Si, d'un côté, des organismes comme les constructeurs de
grands travaux, l'Association des constructeurs de routes du Québec, les
citoyens de la Côte-Nord qui sont venus tout à l'heure,
l'Association des ingénieurs-conseils du Québec et ceux du
Lac-Saint-Jean, qui demandent l'accélération d'un projet sur une
rivière là-bas et tout cela, viennent nous demander
d'accélérer les travaux, si le problème est un
problème de financement et si on peut trouver - je ne dis pas que c'est
là - la méthode de financement, je vais faire le même...
Vous nous avez présenté en deux pages ce que vous aviez
écrit en 40 pages et je suppose que les 38 autres pages doivent
détailler un peu plus votre mode de financement. Mais le principe est
là, c'est de faire payer au fur et à mesure de la construction
des travaux ceux qui auront à utiliser cette électricité
plus tard, tout comme le gars qui achète une maison, paie au fur et
à mesure que la maison se construit, quitte à lui, l'acheteur,
à hypothéquer sa maison et à emprunter. Ce n'est pas
l'entrepreneur qui finance la maison.
M. le Président, je voudrais féliciter M. Bouliane. Je me
dis qu'il y a peut-être quelque chose là, mais d'une
manière ou d'une autre, il a quelque chose certainement dans
l'idée. Il va falloir trouver d'autres modes de financement si ceux
qu'on a présentement, ceux qu'on connaît présentement, qui
sont devenus astronomiques, c'est rendu à $2 milliards, $2,5 milliards,
on parle de $8 milliards, en 1989 et 1990... Évidemment, plutôt
que de faire payer aux usagers actuels la production
d'électricité qui servira dans dix ans, douze ans, si on peut le
faire payer par les utilisateurs d'alors, l'exportation entre autres pour les
travaux accélérés, j'en suis, et je félicite M.
Bouliane pour cela.
Le Président (M. Jolivet): Merci, M. Bouliane. En
terminant nos travaux ce soir, avant d'ajourner à demain dix heures, je
vais d'abord donner l'ensemble des groupes qui vont venir demain.
Il y a d'abord Trans-Québec et
Maritimes, la Chambre de commerce et d'industrie du Québec
métropolitain, pour dépôt seulement, l'Office de la
protection du consommateur, le Conseil régional de l'Environnement de
l'Est du Québec, pour dépôt seulement, le Conseil
régional de développement de l'Est du Québec et la Ville
de Matagami, ce gui nous donne six mémoires à venir dont deux
pour dépôts. Ce gui nous donne, dans la marge de manoeuvre de
vendredi, une possibilité de terminer un peu plus tôt que ce soir
et les soirs précédents.
M. le député de Mont-Royal.
M. Ciaccia: M. le Président, dans l'avis gue nous avions
reçu du bureau du cabinet du leader du gouvernement, vendredi, soit
demain, devait comparaître l'Association environnement Archipel. Est-ce
gue vous pouvez nous expliguer pourguoi ses porte-parole ne seront pas entendus
demain?
Le Président (M. Jolivet): Tout ce gue je sais,
après renseignements, c'est gue l'Association environnement Archipel
viendrait mardi, mais on ne m'en a pas donné les raisons. Donc est-ce
à leur demande ou pour d'autres raisons gue je ne connais pas? Cela
arrive des fois que des gens sont prévus dans un horaire qu'on avait
d'abord préétabli, mais qui, pour des raisons diverses, demandent
d'être changés de place.
M. Ciaccia: J'espère qu'ils n'ont pas été
retardés par le gouvernement, parce qu'on ne veut pas les entendre.
J'espère que ce n'est pas cela du tout.
Le Président (M. Jolivet): On m'a dit qu'ils viendraient
mardi prochain.
M. Bérubé: II s'agit là d'un projet
tellement intéressant.
Le Président (M. Jolivet): Donc, j'ajourne les travaux
à demain matin, dix heures, avec l'espoir qu'on puisse terminer
très tôt demain après-midi.
Une voix: Oui, M. le Président.
(Fin de la séance à 22 h 27)