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Version finale

31e législature, 6e session
(5 novembre 1980 au 12 mars 1981)

Le jeudi 26 février 1981 - Vol. 23 N° 54

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Plan d'équipement et de développement d'Hydro-Québec pour la décennie 1981-1990


Journal des débats

 

(Dix heures douze minutes)

Le Président (M. Jolivet): À l'ordre, s'il vous plaît! La commission de l'énergie et des ressources est à nouveau réunie aux fins d'entendre les personnes ou organismes gui veulent faire des représentations relativement au plan d'équipement et de développement 1981-1990 de la société Hydro-Québec.

Les membres de cette commission sont M. Bérubé (Matane), M. Biron (Lotbinière), M. Bordeleau (Abitibi-Est), M. Ciaccia (Mont-Royal), M. Desbiens (Dubuc), M. Fontaine (Nicolet-Yamaska), M. Fortier (Outremont), M. Grégoire (Frontenac), M. Perron (Duplessis), M. Tremblay (Gouin).

Les intervenants sont: M. Brochu (Richmond), M. Dussault (Châteauguay), M. Giasson (Montmagny-L'Islet); M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata) remplacé par M. Brassard (Lac-Saint-Jean); M. Mercier (Berthier), M. Michaud (Laprairie), M. Rancourt (Saint-François), M. Samson (Rouyn-Noranda).

Le rapporteur de cette commission est toujours M. Perron (Duplessis).

Au moment où nous nous sommes quittés, nous avions déjà donné l'ordre du jour que je répète: La Chambre de commerce du district de Montréal, l'Ordre des ingénieurs du Québec, l'Association des constructeurs de routes et grands travaux du Québec, l'Association des ingénieurs-conseils du Québec, M. André Girard, Corporation de développement économique de la région de Port-Cartier et M. Denis Bouliane.

Je tiens à faire remarquer, pour le bénéfice de l'ensemble des personnes qui auront à venir témoigner aujourd'hui, que nous nous sommes entendus sur une procédure qui permet un maximum de vingt minutes aux intervenants pour présenter leur rapport et, ensuite, une répartition équitable entre les membres de chacun des partis, en tenant compte que nous essayons d'être le plus souple possible, tout en essayant de restreindre notre temps à une heure. Il reste qu'on peut se permettre, compte tenu du nombre d'heures que nous avons à notre disposition, de jouer, mais nous sommes dans la limite à peu près de vingt minutes de chaque côté et de vingt minutes pour les intervenants.

M. Pierre Lortie et M. Arthur Earle, de la Chambre de commerce du district de Montréal, vous avez maintenant la parole. Le mémoire porte le numéro 30M.

Chambre de commerce du district de Montréal

M. Lortie (Pierre): M. le Président, je vous remercie. Nous représentons le Comité de promotion économique de Montréal, qui est un organisme conjoint de la Chambre de commerce du district de Montréal et du Montreal Board of Trade. Par conséquent, c'est un mémoire des deux organismes. J'ai avec moi mon collègue, le président du Montreal Board of Trade, M. Arthur Earle, qui fera une partie de la présentation ici.

Le COPEM est l'instrument des deux plus importantes associations du milieu des affaires montréalais pour exprimer d'une voix commune l'avis de la communauté des affaires ou pour susciter une action cohésive quant au développement de Montréal.

Le programme d'investissements d'Hydro-Québec suscite de nombreuses questions. À l'analyse du dossier, il nous est apparu qu'un aspect extrêmement important lié au programme d'investissements était passé sous silence: il s'agit de la contribution potentielle du programme d'Hydro-Québec à la mise en oeuvre d'une stratégie industrielle au Québec. Paradoxalement, il s'agit d'une considération à la fois essentielle et négligée. Nous avons jugé que nous ferions oeuvre utile dans ce débat en élaborant les principales articulations d'une telle stratégie industrielle pour Hydro-Québec. Il s'agit là de l'essence de notre message. (10 h 15)

L'autarcie peut constituer un objectif louable pour une politique énergétique. Cependant, force est de reconnaître que l'aptitude à devenir et à demeurer concurrentiel au niveau mondial demeure l'épreuve ultime d'une politique économique bien comprise. Il est important que le lien qui existe entre ces deux propositions soit analysé à fond dans le présent débat, car nous possédons un levier extrêmement puissant pour réaliser cet objectif. Le fait que notre mémoire porte presque exclusivement sur ce volet du dossier énergétique témoigne de l'importance que nous accordons à la contribution possible des investissements d'Hydro-Québec et au renforcement d'un appareil industriel

québécois concurrentiel à l'échelle internationale.

À notre avis, plusieurs raisons justifient qu'Hydro-Québec serve d'instrument de mise en oeuvre d'une politique industrielle. Premièrement, Hydro-Québec est une société publique possédant un pouvoir de monopole. Ce caractère requiert de la direction de cet organisme une sensibilité aux besoins de la collectivité qu'elle doit servir supérieure à celle que l'on exige d'autres entreprises. Évidemment, il existe des limites qu'on ne saurait dépasser car elles pourraient mettre en danger la santé de l'entreprise. Mais entre l'indifférence complète et la servilité à tous les groupes de pression, il existe une marge qu'une bonne administration peut exploiter à bon escient.

Deuxièmement, depuis sa fondation, Hydro-Québec a été un instrument au service de l'économie du Québec. Jusqu'à présent, son bilan est fort positif. À l'aube d'un virage important au niveau des caractéristiques des installations de production, nous croyons qu'un effort conscient de planification industrielle doit faire partie intégrante de la planification d'Hydro-Québec. On ne peut négliger le fait que le programme prévoit de nouveaux types d'équipement. Ce virage technologique peut être utilisé de façon à permettre à l'industrie québécoise d'acquérir la maîtrise de nouvelles expertises et méthodes de travail, de se restructurer et, enfin, de développer de nouvelles technologies.

Troisièmement, il est évident qu'on ne peut dépenser $55 milliards au Québec sans créer un effet sur l'activité économique en général et sur l'appareil industriel en particulier. Mais l'élément le plus significatif de ce programme d'investissements, c'est qu'il est intégré. C'est cet aspect intégré qui donne à Hydro-Québec la possibilité d'optimiser l'impact des investissements comparativement à une situation où les investissements proviendraient d'une multitude d'acteurs. Cette unicité de la direction fait de l'entreprise un levier extrêmement puissant; le Québec possède peu de leviers de cette envergure. C'est pourquoi, à notre avis, le gouvernement du Québec doit donner à la direction d'Hydro-Québec la responsabilité de faire en sorte que sa planification et la réalisation de son plan des installations incorporent explicitement des considérations de stratégie industrielle.

Deux objectifs doivent guider Hydro-Québec. Le premier doit demeurer celui de produire de l'électricité au meilleur coût pour les usagers québécois. Le second objectif doit être celui de maximiser la contribution économique de son programme d'investissements. Cette contribution doit tenir compte des impacts majeurs en aval et en amont. En aval, la tarification constitue le meilleur instrument d'intervention. En amont, la question est plus complexe car il s'agit de l'élaboration d'une stratégie industrielle. À cet égard, nous croyons que l'objectif d'une telle stratégie est de susciter au Québec l'émergence d'entreprises concurrentielles à l'échelle mondiale. À noter que cette notion ne fait pas nécessairement appel à de grosses entreprises; l'agressivité, le savoir-faire et l'excellence technologique sont souvent de meilleurs gages de succès que la constitution de grosses organisations.

La stratégie industrielle d'Hydro-Québec doit se manifester dans une série de principes d'intervention qui doivent devenir en quelque sorte des règles de décision. Ces principes sont au nombre de trois. Premièrement, le "faire faire" doit être privilégié par opposition au "faire" et ce, dans tous les domaines d'activité, y compris la recherche et le développement.

Deuxièmement, l'exploration simultanée de plusieurs routes technologiques doit être maintenue afin de favoriser l'émulation technologique et d'accélérer le développement de technologies supérieures. Hydro-Québec doit privilégier les technologies d'application mondiale.

Troisièmement, la politique d'achat doit contribuer à l'émergence et à l'essor au Québec d'un appareil industriel (et d'entreprises) compétitif(ves) à l'échelle mondiale. Le critère de maximisation du contenu québécois est insatisfaisant et peut avoir un effet déstructurant sur certains secteurs industriels. En fait, nous croyons que l'application de ce critère doit s'inscrire à l'intérieur de considérations plus globales concernant la contribution à long terme au développement des marchés mondiaux pour des produits fabriqués au Québec.

Nous aimerions dans les minutes qui suivent expliciter les principes d'interventions qui, à notre avis, doivent sous-tendre la stratégie industrielle d'Hydro-Québec. Enfin, nous avons l'intention d'aborder deux questions intimement liées à la stratégie industrielle que nous préconisons, à savoir le calendrier des investissements et l'exportation d'électricité.

M. Earle (Arthur): Sujet no 1, le "faire faire" par opposition au "faire". On peut classer les retombées économiques découlant du programme d'investissements d'Hydro-Québec en deux catégories: 1) les retombées directes, c'est-à-dire celles découlant de la conception et de la construction des installations; 2) les retombées dynamiques, c'est-à-dire celles qui surviennent au Québec à la suite du fait que les entreprises québécoises satisfont des marchés extérieurs en utilisant le savoir-faire acquis sur des projets réalisés au Québec. Les retombées directes sont plus facile à calculer, surtout ex ante, que les retombées indirectes. Cela

ne signifie pas pour autant que ces dernières ne peuvent être importantes ou qu'elles n'existent pas. Au contraire, l'expérience démontre que l'ampleur de ces retombées dynamiques est souvent supérieure à la valeur des retombées directes.

L'objectif d'Hydro-Québec doit être de maximiser l'ensemble des retombées directes et dynamiques. Pour ce faire, il faut que ses politiques soient orientées de façon à maximiser les retombées dynamiques, car les retombées directes sont approximativement les mêmes selon que l'on adopte la stratégie du "faire" ou celle du "faire faire". En effet, quelle que soit la démarche suivie, la valeur des retombées directes a presque le caractère d'un paramètre dans un programme d'investissements. Heureusement, de nombreuses recherches théoriques et empiriques menées au Canada et à l'étranger nous renseignent sur les stratégies qui offrent les meilleures potentialités de maximiser les retombées dynamiques. Invariablement, ces stratégies ont comme fondement l'adoption d'une politique d'impartition. L'avantage principal d'une telle politique résulte du fait qu'elle donne ainsi à plusieurs entreprises la possibilité d'acquérir un savoir-faire et une expérience démontrable à d'autres clients. D'ailleurs, toutes les études portant sur les processus de diffusion technologique arrivent à des conclusions similaires.

Il n'est pas vraiment nécessaire de nous référer à des expériences étrangères pour démontrer le bien-fondé d'une politique d'impartition. La comparaison entre les pratiques d'Hydro-Québec et d'Ontario Hydro, d'une part, et la structure du secteur du génie-conseil dans les deux provinces, d'autre part, fournit une illustration probante de l'effet structurant d'une politique d'impartition des travaux gouvernementaux sur le développement de l'appareil industriel. Les résultats découlant de ces pratiques différentes sont bien connus et montrent le bien-fondé d'une politique d'impartition.

Nous croyons que cette politique d'impartition doit également prévaloir pour les travaux de recherche et de développement. Il importe que l'IREQ continue de poursuivre vigoureusement sa politique d'associer des firmes québécoises à ses projets de recherche et de développement. Quel que soit le domaine ou les fins poursuivies, la recherche et le développement ne seront utiles que lorsqu'ils auront débouché sur un produit, un procédé ou encore un nouveau savoir-faire. Ici encore, les pratiques doivent privilégier les modes qui favorisent la capacité de transfert. On oublie trop souvent, à notre avis, que la fécondité et le rendement des efforts en recherche et développement proviennent essentiellement du jeu des relations interindustrielles et institutionnelles, de la complémentarité ou de la substitution des produits nouveaux, de la compétition et de l'imitation. C'est pourquoi, dans le domaine de la R & D, Hydro-Québec doit également poursuivre une vigoureuse politique d'impartition.

Conclusions. Nous sommes conscients de la tentation pour les entreprises de production d'électricité de se doter d'équipes permanentes de conception détaillée. Mais la théorie comme l'expérience montrent que ce serait commettre une faute grave que de ne pas privilégier systématiquement le "faire faire", car c'est une méthode éprouvée pour maximiser l'ensemble des retombées directes et dynamiques découlant de programmes d'investissements. Jusqu'à présent, les pratiques dHydro-Québec se sont inscrites dans ce cadre de référence. Il s'agit simplement de s'assurer qu'elles conserveront la même orientation dans l'avenir.

Avec son pouvoir d'achat considérable, Hydro-Québec peut influencer les orientations des entreprises qui l'approvisionnent. Nous croyons que notre entreprise d'État a la responsabilité additionnelle de stimuler l'innovation et de provoquer une saine émulation entre les firmes qui oeuvrent dans le secteur énergétique.

Les approvisionnements d'Hydro-Québec doivent donc servir à guider la fourniture vers des types de produits qui incorporent les derniers développements de la technologie moderne, qui ne mènent pas à des culs-de-sac techniques et, surtout, qui permettent aux entreprises d'être compétitives sur les marchés internationaux.

Cela implique une connaissance détaillée des marchés mondiaux, doublée d'analyses stratégiques de la compétition internationale et de l'évaluation de la capacité de nos industries de manoeuvrer efficacement sur les marchés mondiaux.

Hydro-Québec se doit de susciter une saine compétition entre les entreprises sur le marché québécois. Elle le fait déjà au niveau de la fourniture des composantes qu'elle acquiert, mais elle doit aussi étendre le processus d'émulation au niveau de la technologie de base. Elle doit même agir dans le sens du maintien en lice de plusieurs technologies concurrentes de façon à ne pas limiter ses choix futurs et risquer de se retrouver en face d'une structure industrielle orientée vers des produits qui incorporent des technologies désuètes. Dans notre mémoire, nous illustrons cette question de la multiplicité des routes technologiques par l'exemple des turbines pour l'exploitation du potentiel des petites rivières. Évidemment, il y a la question des ressources mises en cause. Dans la mesure du possible, on doit se garder d'effectuer des choix prématurés afin de conserver la possibilité de changer d'orientation sans pénalité trop lourde. Le Comité de promotion économique de

Montréal souhaite donc qu'Hydro-Québec établisse le principe de la multiplicité des approches technologiques et que des mesures particulières soient prises par le biais des approvisionnements et par le programme de recherche d'IREQ pour privilégier la diversité des voies.

M. Lortie: Une politique d'achat. L'effet d'un programme d'investissements de $55 milliards sur notre appareil industriel sera significatif. À notre avis, la direction de cet effet peut être gérée de façon à en maximiser les retombées dynamiques pour notre économie. L'objectif pour HydroQuébec doit être de faire en sorte que son programme d'investissements contribue à l'émergence et à l'essor d'une structure industrielle compétitive internationalement. L'instrument privilégié pour ce faire est sa politique d'achat.

Depuis longtemps déjà, Hydro-Québec a adopté une politique d'achat. L'idée n'est donc pas nouvelle. Il convient d'abord de souligner que l'élaboration d'une politique d'achat n'implique pas un protectionnisme à l'endroit des entreprises localisées sur le territoire. Souvent, une telle politique mène à l'obésité des entreprises locales qui sont ainsi protégées de la concurrence. Cet environnement serein amenuise leur capacité d'adaptation et de réaction aux nouveaux défis. Une telle politique protectionniste est donc dysfonctionnelle. Une politique d'achat bien comprise constitue un ensemble de règles de décisions et une approche quant à la façon dont l'entreprise s'approvisionnera en biens et en services. (10 h 30)

Les principaux éléments d'une politique d'achat nous apparaissent être les suivants: les critères de choix, un programme pour susciter de la part des entreprises l'adaptation nécessaire pour répondre à la demande de biens et services et des considérations concernant les types de structures industrielles à privilégier.

Premièrement, les critères de choix. Traditionnellement, à part le prix, la politique d'achat au Québec a utilisé le critère du contenu québécois. On entend par contenu québécois la part des dépenses d'approvisionnement en biens et en services qui sera effectuée chez des entreprises ou des individus établis au Québec. Ce critère a l'avantage d'être relativement simple à appliquer. Il n'en demeure pas moins qu'il est imparfait et, dans une optique de maximisation des retombées du programme d'investissements, il peut facilement mener à de mauvais choix.

Le fait d'acheter des composantes même très sophistiquées pour un projet ne rend pas nécessairement les fournisseurs capables de soumissionner pour l'ensemble du projet sur les marchés extérieurs. L'objectif de structuration industrielle doit être constamment tenu à l'esprit lorsqu'on passe de telles commandes.

En ce qui concerne le deuxième critère, je crois qu'il n'est pas nécessaire d'élaborer longtemps sur la nécessité d'établir des balises pour guider la planification des entreprises. Dans la mesure où Hydro-Québec veut s'approvisionner de fournisseurs québécois, il importe qu'elle fasse connaître ses besoins et ce, le plus longtemps à l'avance, afin de fournir à l'industrie québécoise les jalons nécessaires à l'élaboration de la stratégie de chaque entreprise.

Le programme d'investissements d'Hydro-Québec est très intéressant à cet égard car il annonce des virages importants dans la nature des équipements qu'il faudra installer dans l'avenir. La politique d'achat d'Hydro-Québec doit favoriser l'ajustement de notre appareil productif à ces changements. En particulier, il est évident qu'à moyen terme il faut prévoir une percée des sources thermiques de production d'énergie électrique à combustibles classiques ou nucléaire. Le Québec doit commencer dans les plus brefs délais à adapter son industrie à la fourniture de composantes spécialisées dans ces domaines, sinon il risque de devoir dépendre, à moyen et à long termes, d'une technologie et de ressources professionnelles hors Québec.

Le troisième volet: privilégier des technologies d'application mondiale. Les pratiques suivies par les grands donneurs de commandes d'une région économique ont une influence déterminante sur la structure industrielle qui émergera dans le territoire. Afin de faire en sorte que son programme d'investissements contribue à l'émergence et à l'essor d'une structure industrielle concurrentielle sur les marchés internationaux, il est nécessaire que les pratiques suivies par Hydro-Québec visent à structurer l'appareil industriel québécois dans la forme qu'ont adoptée les meilleures entreprises de ce secteur sur le marché mondial. Cela implique qu'Hydro-Québec doit posséder une bonne connaissance de la structure et des formes d'organisations industrielles qui prévalent sur les marchés potentiels d'exportation et comprendre la dynamique interne de ces marchés. Dans notre mémoire, nous nous servons de deux exemples pour illustrer le sens qu'il faut donner à ce troisième élément de la politique d'achat que nous préconisons, celui de l'exploitation du potentiel des petites rivières et celui de la structure de l'industrie canadienne de fournitures des centrales nucléaires.

En ce qui concerne ce dernier exemple, il convient de souligner que le développement d'industries de pointe constitue un élément central de la politique industrielle de tous

les pays industrialisés. Les potentialités qu'offre l'exploitation de la technologie du CANDU dans une structure organisationnelle adéquate nous apparaissent suffisamment intéressantes pour justifier qu'Hydro-Québec examine, en collaboration avec les représentants des secteurs industriels concernés, les tenants et aboutissants de cette question. Les données essentielles à cette étude existent par bribes dans les différents milieux concernés. Il n'y manque que la volonté unifiante d'une politique d'achat axée sur la mise en oeuvre d'une stratégie industrielle pour amener des résultats concrets. Nous sommes convaincus qu'une telle étude de l'industrie nucléaire permettrait d'identifier des possibilités jusqu'alors insoupçonnées pour l'amélioration de notre appareil industriel.

En résumé, on peut conclure qu'ici encore une politique d'achat qui intègre les données structurelles des marchés d'exportation mène à des résultats différents de ceux qui découleraient de la simple utilisation du contenu québécois. Les faibles retombées dynamiques obtenues par le programme majeur d'investissements d'Ontario Hydro nous paraissent fournir une preuve assez convaincante que cette politique d'achat ne serait pas appropriée pour le Québec.

Enfin, nous croyons que la politique d'achat doit encourager l'établissement de missions mondiales. Par le passé, la majorité des politiques des gouvernements du Canada et des provinces concernant l'industrie manufacturière a été de favoriser la mise en place d'usines et la création d'emplois sans tenir compte du genre d'entreprise. Ces politiques ont généralement favorisé l'implantation d'usines satellites. Les politiques d'achat du gouvernement et des organismes paragouvernementaux constituent un des moyens les plus puissants pour encourager la restructuration de ces "branch plants" vers des entreprises à mission mondiale. Le concept de mandat exclusif et mondial pour une gamme de produits pour la filiale canadienne d'une entreprise multinationale implique que les responsabilités de la recherche et du développement des produits, de la mise en marché, de la production et de la gestion des projets d'installation et le service après-vente sur une base mondiale sont confiées à la filiale. Ces nouvelles responsabilités provoquent la création de nouveaux emplois de très haute qualité, puisque cette stratégie signifie de fait l'établissement d'une entreprise d'envergure mondiale en lieu et place d'un simple "branch plant".

Il est certain que les politiques d'achat donnant une préférence à un produit à contenu québécois ont favorisé la structuration d'usines satellites par les entreprises multinationales au Québec.

Souvent, ces entreprises ont mis en place au Québec et dans d'autres provinces canadiennes des usines identiques pour produire un produit ou un groupe de produits pour les marchés québécois et canadien. À cause de la duplication des installations, les coûts de revient sont substantiellement plus élevés que les coûts mondiaux. Par contre, les préférences d'achat envers ces produits permettent de les vendre à des prix plus élevés.

Ces usines satellites ou "branch plants", qui, dans la plupart des cas, sont identiques à d'autres usines des mêmes multinationales établies ailleurs dans le monde, n'ont généralement qu'une équipe limitée de cadres à vocation très restreinte. Ces usines utilisent des designs venant d'ailleurs, quitte à les adapter, si nécessaire, aux besoins du marché local. Il arrive parfois qu'on les autorisera à exporter si les autres usines à mission identique de la même entreprise dans le monde ne peuvent suffire à la demande. Ces usines satellites ne font aucun R & D et très peu de designs.

La politique d'achat d'Hydro-Québec doit diminuer l'emphase qui existe présentement sur le contenu québécois produit par produit et mettre l'emphase sur la politique globale de l'entreprise concernant la balance des paiements du Québec, la création d'emplois au Québec vis-à-vis des emplois totaux de la même entreprise ailleurs au Canada et dans le reste du monde et la qualité des emplois créés et le degré d'autonomie confié à l'entreprise locale qui lui permettra de réorienter ses activités vers la recherche et les exportations.

Le Président (M. Jolivet): M. Lortie, je m'excuse de vous interrompre. Simplement pour les besoins des membres de cette commission, je voudrais savoir combien il reste encore de pages à lire.

M. Earle: On en a plus que les deux tiers de lus.

Le Président (M. Jolivet): Donc, vous êtes d'accord pour qu'on leur permette de finir?

M. Bérubé: Absolument d'accord.

Le Président (M. Jolivet): D'accord. Allez, M. Lortie.

M. Earle: Merci beaucoup, M. le Président.

Autres considérations reliées au plan des installations. La réalisation du programme d'équipement proposé par HydroQuébec nécessitera la mise en oeuvre de moyens énormes et la mobilisation d'une main-d'oeuvre imposante durant les quinze prochaines années. Les informations rendues

publiques par Hydro-Québec indiquent une baisse sensible des effectifs requis: employés de la construction, ingénieurs, industrie de la fabrication, etc., jusque vers la moitié de la décennie pour, ensuite, connaître une croissance extrêmement rapide. Il faut craindre que les autres secteurs d'activité au Québec et au Canada seront soumis à des fluctuations identiques. Les grands chantiers de gazoducs, de distribution de gaz naturel et de complexes pétrochimiques exigeront également une main-d'oeuvre qualifiée, ce qui accentuera les pénuries prévues. De telles fluctuations ne sont pas très propices à l'établissement d'un climat économique sain.

Lorsqu'on envisage que ces fluctuations coïncideront vraisemblablement avec des besoins plus ou moins identiques dans les autres secteurs de notre économie, on ne peut éviter de conclure que l'impact des grands travaux d'Hydro-Québec superposés aux investissements des autres secteurs aura un net effet de surenchérissement sur les prix, en plus de créer des problèmes de pure capacité, sinon de pénurie sérieuse de ressources humaines et matérielles.

Les prévisions de la demande. Les considérations qui précèdent sur les fluctuations brutales des besoins de main-d'oeuvre et de l'échéancier de réalisation des projets acquièrent une singulière importance si on considère l'éventualité d'une demande plus élevée que les prévisions. Les conséquences d'erreurs de sous-estimation des capacités requises sont plus lourdes que dans le cas contraire. Dans les estimations d'Hydro-Québec, on note qu'après 1988 il n'y aurait que peu de surplus. Cette situation combinée à une hausse possible de la demande, à la suite d'une évolution différente de la conjoncture énergétique, pourrait conduire à une situation de pénurie.

Les initiatives concertées d'économies d'énergie et les ralentissements cycliques de l'activité industrielle peuvent, au début, vérifier des estimations de faible demande, mais le momentum fondamental de l'économie pourrait avoir tôt fait de niveler les fluctuations occasionnelles et de susciter des reprises hardies. Il est fort possible que les prévisions actuelles soient trop influencées par la chute rapide des tendances de la demande des dernières années. Un phénomène similaire s'est produit au cours de la récession des années trente. L'évolution subséquente de la demande a rattrapé et compensé les retards momentanés. Les efforts pour conserver l'énergie ont certes une influence sur le taux de croissance de la demande, mais il faut être prudent. C'est ainsi que plusieurs réseaux américains ont connu des baisses de consommation d'énergie, tout en ayant des appels de puissance relativement plus élevés à rencontrer. Nous pensons ici aux célèbres campagnes de "Save a watt" aux États-Unis. Des wattheures étaient épargnés, ce qui diminuait les revenus mais, dans les moments de chaleur intense, il fallait rencontrer les mêmes watts de pointe requis par la climatisation.

Le Comité de promotion économique de Montréal est d'avis qu'Hydro-Québec, premièrement, doit procéder à un nouvel examen de son programme d'investissements afin de prendre en considération l'effet des fluctuations excessives dans les appels des ressources humaines et matérielles que le plan actuel implique. Elle doit procéder à un rigoureux processus d'évaluation et de d'itérations successives afin de définir le schéma optimal pour l'ensemble des activités économiques au Québec. Compte tenu du risque qu'Hydro-Québec ne puisse pas disposer du temps et, surtout, des ressources humaines adéquates pour réaliser ses projets hydrauliques, thermiques et nucléaires prévus, le COPEM est d'avis que le programme d'études détaillées des nouveaux projets doit démarrer le plus tôt possible.

Cette suggestion soulève la question du moratoire imposé par le gouvernement du Québec au sujet du nucléaire. Nous sommes d'avis que le Québec se prépare des lendemains pénibles s'il n'adopte pas une attitude plus mature à l'égard de cette question. Dans le domaine nucléaire encore plus qu'ailleurs, les ressources humaines sont le facteur clé du succès. Les universités du Québec qui assurent la formation des ingénieurs en nucléaire dans diverses spécialités subissent actuellement le contrecoup du moratoire du gouvernement. Comme il faut dix ans d'études et de formation pratique pour obtenir un spécialiste compétent, la réalisation des prochains réacteurs Candu se trouve compromise. La conception et la construction de Gentilly II fourniront du travail aux spécialistes pour un maximum d'un à deux ans, le travail étant déjà terminé dans certaines disciplines. Ce délai est malheureusement trop court pour assurer une bonne interface avec le personnel d'exploitation. Dans cette perspective, la réalisation de l'avant-projet définitif de Gentilly III permettrait d'assurer la relève. (10 h 45)

Bref, la réalisation d'un programme nucléaire est une oeuvre complexe qui exige la mise en place d'une organisation humaine fortement structurée, tant sur le plan externe qu'interne à Hydro-Québec. Un programme nucléaire continu et progressif est la condition essentielle à la planification et à l'organisation des ressources humaines et de l'appareil industriel. La situation actuelle ne permet pas d'implanter cette organisation et compromet même la réalisation du programme nucléaire actuel.

Mise à part cette question de la protection contre le risque de ne pouvoir répondre à la demande, nous demeurons

convaincus que les coûts initiaux additionnels que pourrait représenter un devancement des travaux seront plus que compensés par la pression moindre sur les prix associés aux travaux de la fin de la décennie. Enfin, une meilleure répartition des effectifs conduira à un rendement d'utilisation amélioré, à une exécution moins pressée et à une meilleure qualité.

Pour une politique d'exportation de l'énergie électrique. Actuellement, l'exportation d'électricité par Hydro-Québec constitue un élément régulateur du réseau. Il est préférable d'exporter que de déverser bêtement les surplus d'eau.

Dans la perspective où Hydro-Québec voudrait "balancer" son plan d'installation, la question de l'exportation d'électricité prend une acuité particulière. Une avenue de solution serait, pour le gouvernement du Québec, d'autoriser Hydro-Québec à procéder à l'examen de la possibilité de devancer des aménagements hydroélectriques de base pour répondre à ses besoins et à ceux des réseaux voisins. Cette politique est susceptible de procurer les avantages additionnels suivants: 1- Des bénéfices additionnels, grâce à l'exportation des nouveaux excédents à partir de 1985 ou 1987, dépendant de la rapidité avec laquelles les devancements (1800 MW à 2500MW) peuvent être réalisés et du délai requis pour obtenir les autorisations nécessaires à la construction des lignes de transport dans les réseaux voisins, particulièrement aux États-Unis. Toutefois, la reconnaissance des besoins prioritaires par les autorités gouvernementales pourrait accélérer de plusieurs années le processus. 2- De nouvelles interconnexions seraient réalisées et rentabilisées plus rapidement, ce qui permettrait aussi d'écouler une partie des excédents qu'Hydro-Québec a déjà prévus, mais qui s'avèrent impossibles à exporter en ce moment.

Évidemment, nous préconisons que cette énergie soit vendue au plus haut prix possible et au moins à des prix supérieurs aux coûts marginaux des projets devancés chez nous. Il ne faudrait pas que la puissance et l'énergie ainsi écoulées sur les marchés hors Québec le soient à des prix inférieurs aux tarifs exigés à notre industrie.

Le Québec peut, en fait, adopter une attitude agressive. Hydro-Québec pourrait procéder à l'aménagement d'installations pour le marché d'exportation pour des périodes de quinze ans ou plus, avec des clauses de rapatriement en cas d'urgence pendant cette période et par étapes successives par la suite. Il faudrait déterminer le rythme auquel la capacité de l'appareil industriel québécois pourrait réaliser ces projets et obtenir un financement au préalable ou utiliser une formule de pré-paiements pour l'énergie qui serait exportée, afin de ne pas affecter la bonne position financière d'Hydro-Québec.

Les devancements des aménagements hydroélectriques pour fins d'exportation représentent une chance unique pour le Québec de profiter de la crise énergétique. L'intérêt pour une telle approche existe aux Étas-Unis. À deux reprises déjà, le gouverneur de l'État du Vermont, M. Richard Snelling, a indiqué un intérêt à négocier une telle entente, entre autres lorsqu'il agissait comme président de l'assemblée de la huitième conférence des gouvernements de la Nouvelle-Angleterre et des premiers ministres de l'Est du Canada, tenue à Basin Harbour, au Vermont, le 26 juin 1980. Sa proposition disait que des compagnies américaines pourraient financer à 100% ces ressources hydroélectriques dont l'entière propriété demeurerait aux mains des Canadiens. En échange de cet investissement, les États de la Nouvelle-Angleterre bénéficieraient pour une période déterminée de l'électricité ainsi produite chez nous.

Au Québec, le débat sur cette question a toujours été influencé par l'opinion fortement répandue qu'exporter de l'électricité, c'est exporter nos "jobs". Cet argument n'est pas appuyé par les résultats des études effectuées sur la question.

Une étude récente d'un groupe interministériel, au sujet de l'électricité, facteur de développement industriel, indique que, malgré que les quatre grands groupes du secteur industriel - les pâtes et papiers, les métaux primaires, les minéraux non métalliques et les produits chimiques consomment, en 1980, 82% de toute l'électricité du secteur industriel, ils ne représentent que moins de 30% de la valeur ajoutée manufacturière et ne fournissent que 20% de l'emploi dans le secteur manufacturier. Il en est de même en Ontario et aux États-Unis. Cette dernière constatation mérite d'être fortement soulignée. Elle exprime, en d'autres termes, le fait que l'énergie électrique comme telle n'est pas un facteur prépondérant dans la croissance du secteur manufacturier.

Le Québec devrait aussi s'inspirer de l'exemple des pays Scandinaves qui, après la seconde guerre mondiale, ont mis en oeuvre d'ambitieux programmes d'industrialisation basés sur leurs avantages comparatifs énormes sur le plan de la production hydroélectrique. Cette stratégie, qui fut maintenue de façon consistante pendant un quart de siècle, fut remise en question vers le milieu des années soixante-dix, à cause de son insuccès relatif. Elle amènera certes une concentration de l'industrie électrométallurgique et de l'industrie de l'électrochimique européenne en Norvège, en Suède et en Finlande. Mais elle ne peut amener, malgré une persistance et des efforts imaginatifs, une industrialisation diversifiée et plus particulièrement en aval de la grappe des industries à haute intensité

électrique.

Un exemple d'une stratégie d'exportation nous est donné par l'action du gouvernement canadien qui autorise l'exportation systématique de près de la moitié de la production de gaz naturel, ainsi qu'une partie de la production pétrolière, avec un résultat bénéfique sur la balance canadienne des paiements. Il est donc de toute évidence que l'autarcie énergétique, impossible à atteindre à cause de l'absence de pétrole et de gaz naturel du sous-sol québécois, ne peut être atteinte dans son ensemble que par une stratégie bien déterminée d'exporter une partie de notre électricité en contrepoids partiel de nos importations de pétrole et de gaz naturel; cela s'ajouterait évidemment à nos exportations indirectes par la voie de la valeur ajoutée à certains produits tel l'aluminium.

D'autres provinces canadiennes semblent vouloir saisir l'occasion. Si on veut en profiter, il devient urgent d'agir, sinon l'occasion sera perdue à jamais.

L'énergie hydraulique du Québec est la seule ressource exportable directement dont nous disposions pour équilibrer notre bilan des comptes énergétiques. Plutôt qu'en faire une opération d'utilisation des surplus temporaires, nous croyons que nous devrions songer sérieusement à faire de l'exportation de l'électricité un volet prioritaire de notre politique énergétique. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): Merci. M. Lortie, pourriez-vous nous présenter la personne qui vous accompagne? J'ai oublié de vous le demander tout à l'heure.

M. Lortie: André Bellavance, vice-président exécutif de la Chambre de commerce du district de Montréal.

Le Président (M. Jolivet): Pendant que j'ai encore la parole, le député de Saint-Hyacinthe, M. Cordeau, remplace le député de Nicolet-Yamaska. M. le ministre, la parole est à vous.

M. Bérubé: Merci, M. le Président. J'aimerais d'abord témoigner mon appréciation pour le mémoire que vous venez de nous présenter. Ce qui est vraiment intéressant dans ce mémoire, c'est qu'il ouvre un horizon sur une action d'Hydro-Québec dans la structuration industrielle au Québec. C'est le seul mémoire, je pense, à ma connaissance qui met vraiment l'accent sur l'utilisation d'Hydro-Québec comme un moteur de développement. Hydro-Québec, qui a joué un rôle très important au plan du développement du génie-conseil - vous l'avez reconnu - n'a peut-être pas joué véritablement ce rôle au niveau de la recherche et au niveau même du type de développement industriel. Je pense à l'exemple que vous citez, soit des turbines ou soit encore, je crois, des chaudières. Si je me souviens vaguement, c'était des chaudières à haute pression. Vous ne l'avez pas souligné dans votre mémoire. Vous avez sauté cette partie, mais vous avez donné quelques exemples.

J'ai trop de questions à poser pour les 20 minutes qui me sont allouées. Je vais essayer d'y aller rapidement. Premièrement, j'ai l'impression de déceler une contradiction. Je vais y aller tout de suite pour la contradiction. Vous nous proposez, d'une part, de nous engager dans le nucléaire, parce que vous voyez qu'en 1995, de toute façon, nous devrons relever le défi du nucléaire. Il faudra donc désormais s'engager dans cette avenue, dans cette filière.

Mais un peu plus loin, vous nous proposez un programme massif d'exportation de base. On ne parle pas vraiment de l'exportation de puissance de diversité ou encore de puissance saisonnière. On parle vraiment de puissance ferme. C'est l'hypothèse Snelling ou l'hypothèse Bourassa.

Ce qui m'inquiète un tout petit peu là-dedans, c'est que de deux choses l'une: ou, en 1995, nous n'avons plus assez de rivières à aménager pour répondre à nos besoins, ou nous en avons assez. C'est l'un ou l'autre. Si nous n'en avons pas assez, je comprends que votre hypothèse nucléaire se défend. Le cas échéant, il faut aller au nucléaire. Mais si effectivement nous en avons trop, votre hypothèse d'exportation se défend. Mais pas l'une et l'autre en même temps. Je vois mal comment vous pourriez nous proposer un programme d'exportation sur au moins quinze ou vingt ans, en supposant que nos barrages soient terminés en 1992, en faisant une accélération phénoménale - parce qu'il faudrait accélérer d'une façon presque inimaginable - mais admettons qu'on arriverait à devancer et aménager nos rivières pour être prêts en 1995. Si nous vendons 20 ans, cela veut dire que nous vendons jusqu'en 2015. Et si nous avons amplement d'énergie pour répondre à nos besoins jusqu'en 2015, pourquoi nous propsez-vous le nucléaire?

Le Président (M. Jolivet): M. Lortie.

M. Lortie: Tout d'abord, je voudrais vous remercier, M. le ministre, pour vos commentaire. Je pense qu'effectivement, au niveau de l'exportation, vous avez bien placé le problème. Il y a deux ou trois façons d'aborder la question des exportations. Il y a d'abord le contrôle, jusqu'à un certain point, ou un aspect régulateur du réseau, ce que fait Hydro-Québec actuellement. Il y a l'hypothèse d'avancer des travaux de base, donc une exportation un peu plus massive dans ce sens-là. Et troisièmement, l'autre

hypothèse qui consiste à déterminer qu'au Québec, on peut être dans le "business" d'exporter l'électricité. Selon notre troisième option, celle qui est recommandée - on pense que le gouvernement du Québec devrait l'analyser très sérieusement - c'est cette décision de dire: On peut exporter de l'électricité. Et on peut le faire comme moyen délibéré, à moyen terme.

Vous posez la question - je pense qu'elle est très juste - en disant: Si on fait cela, pourquoi le nucléaire? Si on examine les documents qui ont été déposés par Hydro-Québec, on voit qu'il y a toute une série de rivières. Il y a un bassin hydroélectrique au Québec qui pourrait nous alimenter, assez longtemps. Mais la question, c'est celle des coûts. La question, c'est celle de savoir si un moyen en particulier coûte moins cher à un moment donné qu'à un autre. Et au niveau de la société, il y a des choix qui peuvent être faits pour toutes sortes de considérations, mais un des choix certains, c'est de prendre celui qui, pour nous, coûte le moins cher.

La question est de savoir quels sont les prix relatifs d'autres acheteurs potentiels. Et à cet égard, il est assez clair dans le moment que les prix ou les coûts relatifs de nos clients éventuels sont marginalement beaucoup plus élevés que notre coût à nous, au Québec.

Et la question est la suivante: Est-ce que, dans cette fenêtre de coûts relatifs, on peut passer des projets qui, pour nous, seraient plus chers ou ne seraient pas rentables pour nous, parce qu'il y aurait d'autres choix? Et c'est cette question qu'on pose.

La stratégie tend à savoir si, entre notre coût et leur coût, on peut passer nos projets qui, pour nous, dans le cadre de nos prix à l'intérieur du Québec, ne seraient pas rentables, mais pour eux, le sont. Et si on réussit à les faire financer par les autres, parce que la meilleure façon de faire de l'argent, c'est de prendre celui des autres, jusqu'à un certain point on aura, au terme de ce projet, des équipements à nous qui ne nous auront pas coûté très cher. Je comprends très bien votre question, mais je pense qu'il y a cette fenêtre. Cette fenêtre n'existera pas ad vitam aeternam, c'est assez clair, mais je pense que cette fenêtre existe et que le gouvernement québécois devrait se préoccuper de savoir si on peut en tirer avantage.

M. Bérubé: Présenté comme cela, je suis entièrement d'accord avec vous. C'est-à-dire que nous sommes d'accord pour dire que le bassin de rivières aménageables à des coûts comparables soit au nucléaire, soit à une centrale thermique, n'est pas à ce point considérable que nous puissions nous permettre d'en hypothéquer le stock pour exportation à long terme, parce que nous savons que nous en avons besoin de toute façon.

Donc, ce bassin de rivières, nous ne voulons pas en envisager l'exportation.

M. Lortie: Ce n'est pas de cela qu'on parle.

M. Bérubé: Cette partie, on la met de côté.

Il y a une possibilité et vous avez parfaitement raison d'examiner certaines rivières; pensons à la Caniapiscau dont nous n'aurions pas besoin avant 2005 et qui, de toute façon, serait beaucoup plus cher que le nucléaire. À ce moment, nous pourrions nous interroger à savoir dans quelle mesure nous ne pourrions pas essayer d'aménager cette rivière pour exportation. Sauf qu'à ce moment, c'est le prix, c'est-à-dire qu'il faut calculer notre coût de mise en service, il faut calculer l'exportation, le transport jusqu'aux États-Unis et supposer que cette électricité, puisqu'elle nous coûte déjà plus cher qu'une centrale thermique ou qu'une centrale nucléaire, une fois livrée à New York, va coûter évidemment déjà pas mal plus cher qu'une centrale nucléaire là-bas.

En d'autres termes, il n'y aurait que l'impossibilité des Américains d'implanter là des centrales nucléaires ou des centrales thermiques qui rendrait ces rivières véritablement exportables. On n'a pas une si grande marge de manoeuvre que cela.

M. Lortie: Je ne dis pas qu'on a une grande marge, mais je dis que le problème est analogue à celui de la décision d'investissement, à savoir si on doit acheter ou si on doit faire du "leasing". Le barrage va demeurer, va rester, il y a une valeur qui reste à cela, mais quelle valeur accorde-t-on au fait qu'on aura reçu des paiements pendant une grande période de temps?

M. Bérubé: Non, non, ce que je veux dire, c'est ceci.

M. Lortie: Je comprends votre point.

M. Bérubé: S'il en coûte 50 mills du kilowatt pour faire du thermique aujourd'hui et que ma rivière dans le nord me coûte 50 mills du kilowatt, si j'ajoute 20 mills pour acheminer l'électricité à New York, je la lui vends 70 mills. La question est de savoir s'il veut acheter à 70 mills, alors qu'il pourrait en avoir à 50 mills. C'est là qu'est la question.

Le seul point qui peut nous aider, c'est qu'il ne veut peut-être pas de centrale thermique en banlieue de New York et qu'à ce moment il soit prêt à payer plus cher, étant forcé de le faire. Mais je vous dis: II y a une hypothèse très forte, c'est pour cela

que les hypothèses d'exportation ne me paraissent pas bénéfiques. On peut imaginer de petits volumes, possiblement, mais certainement pas d'immenses volumes, dans mon esprit, pour l'instant.

J'aimerais que vous explicitiez un peu sur un point qui m'a frappé, qui correspond d'ailleurs à une préoccupation que le gouvernement avait, parce que je ne vous cache pas qu'en 1979, au moment où nous avons eu le premier plan d'équipement, nous avons retourné une série de questions à Hydro-Québec et la troisième question portait sur une demande de programme d'étude préliminaire d'avant-projet, ainsi que d'un programme de recherche et de développement technologique. Nous nous demandions justement dans quelle mesure nous ne devrions pas utiliser Hydro-Québec dans le sens de structurer, sur le plan technologique, une industrie québécoise capable d'envahir les marchés internationaux.

Vous avez également abordé cette question, je pense, de façon tout à fait pertinente et vous avez posé la question: une fois qu'Hydro-Québec a eu un impact aussi important que celui qu'elle a eu dans le domaine du génie-conseil, pourquoi n'aurait-elle pas un impact tout aussi important? Pourriez-vous expliciter dans un sens qui pourrait aider, par exemple, Hydro-Québec et le conseil d'administration concernant le type d'industrie que vous aimeriez peut-être voir se structurer autour d'Hydro-Québec et comment vous aimeriez voir Hydro-Québec faire du "faire faire" dans le domaine de la recherche, plus particulièrement. Parce que j'ai de la difficulté à imaginer quel laboratoire au Québec pourrait effectuer cette recherche pour Hydro-Québec, par exemple, ce qui nous amènerait à développer une expertise scientifique au Québec parallèle à celle d'Hydro-Québec.

Le Président (M. Jolivet): M. Earle.

M. Earle: II y a les petites rivières, il y a déjà même une société, Dominion Bridge Sulzer, qui commence à préparer un système de fabrication de turbines pour des petites rivières. C'est un genre d'industrie qu'on peut essayer d'aider avec nos investissements. Cette technologie peut être exportée dans le monde entier après.

M. Lortie: Je pense qu'il y a trois points à votre question. La première, c'est que nous ne disons pas qu'Hydro doit s'embarquer pour le plaisir de s'embarquer dans l'appareil industriel. On dit: Dans la mesure où elle dépense pour satisfaire à ses missions ou à des objectifs de politique énergétique que le gouvernement pourrait lui donner, ce qu'elle fait et la façon dont elle le fait doit avoir un comportement qui fait en sorte qu'on" va structurer les choses.

Donc, ce n'est pas une question de dire: Je veux m'en aller. Je voudrais qu'elle fasse des micro-processeurs. Si elle n'en a pas besoin, elle n'en a pas besoin. Dans la mesure où l'Hydro en a besoin, la façon dont elle va essayer de tirer l'industrie, elle doit la tirer dans un sens qui fasse en sorte qu'on ait des entreprises qui soient concurrentielles à l'échelle mondiale.

Si on prend l'exemple des petites rivières - dans le mémoire on le donne -Hydro se demande si, par exemple, il faudrait le donner clé en main. La question, ce n'est pas cela, dans notre esprit. La question, c'est de dire: Demain matin, lorsqu'on va vouloir exporter ou développer dans d'autres pays des petites rivières, comment ces utilités publiques vont-elles se comporter? Si elles se comportent clé en main, cela veut dire qu'Hydro doit se retourner et donner des contrats clé en main, de façon qu'on ait des gens qui puissent avoir ce genre de capacité. C'est, dans le fond, ce type de comportement qu'on a. Dès qu'on s'en va du point du vue du "manufacturing", cela exige une connaissance beaucoup plus intime de la dynamique industrielle des différents secteurs que l'on a jusqu'à maintenant. Je ne les blâme pas, jusqu'à maintenant, ils n'avaient vraiment pas de besoins, jusqu'à un certain point. Dans la mesure où on a certains virages, c'est une préoccupation qu'on doit avoir.

En ce qui concerne l'IREQ, qui est le programme de recherches et de développement, je pense qu'on fait erreur, on fait fausse route si on pense qu'on peut faire de la recherche et du développement à l'intérieur d'un laboratoire. La richesse, le transfert qui, dans le fond, est le truc dans une politique de recherche et de développement, cela se fait quand les gens sont associés au projet. Je dois dire que, jusqu'à maintenant, l'IREQ a un comportement qui s'inscrit très bien dans cette logique. Vous le savez très bien, le COPEM a poussé de façon très forte pour le projet du Tokamak. Dans le projet du Tokamak, il y a des entreprises de la région de Montréal qui y sont associées ou qui y seront associées. Dans l'élaboration d'une technologie de pointe à l'échelle mondiale, du point de vue de l'éolienne, c'est la même chose. Il y a des gens de Canadair, parce qu'il y a des problèmes d'aréodynamique dans ces trucs, qui vont être associés à ce genre de choses. On sait qu'à Montréal, il y a une multinationale qui cherche à avoir une mission mondiale pour l'exportation de cette technologie. L'IREQ, dans la mesure où le projet n'est pas trop immense, doit essayer de favoriser plusieurs entreprises, parce que c'est une illusion de croire, en termes de politique publique, qu'on épargne de l'argent si on se concentre seulement sur des individus. Par définition, la recherche et le

développement, cela veut dire qu'il y a du hasard. Cela veut dire qu'il y a des chances que cela ne fonctionne pas. Donc, on doit essayer d'avoir plusieurs routes, parce que, ce faisant, on minimise les chances d'échec. On maximise jusqu'à un certain point les chances qu'il y ait un des groupes qui puisse l'exporter et vendre et exploiter cette technologie.

Je pense que dans une certaine mesure, à l'IREQ, sur certains des projets qu'on connaît, ils ont associé certaines entreprises avec eux. On dit: Essayez de voir si vous ne pouvez pas les associer un peu plus qu'ils ne le font déjà et, jusqu'à un certain point, essayez de les pousser pour que le R and D se fasse en entreprise dans la mesure où c'est possible. Troisièmement, et c'est un point important dans notre message, on ne dit pas de le faire pour le plaisir de le faire, on dit: Faites des choses dont vous avez besoin dans votre place d'investissement. Lorsque vous les faites, c'est là qu'entre la dimension de savoir comment on va le tirer pour faire en sorte qu'au bout de notre investissement, qu'on aurait fait de toute façon, il restera des entreprises qui peuvent l'exploiter ailleurs. Je ne sais pas si cela répond...

M. Bérubé: Oui. Je donnerai un exemple pour faire plaisir au député de Montmagny-L'Islet. Si Hydro-Québec devait s'impliquer avec Nouveler dans le développement d'une technologie de fabrication du méthanol, vous aimeriez voir un ensemble d'entreprises québécoises impliquées dans le développement de ce procédé de manière qu'il y ait plus de retombées sur l'ensemble des partenaires. C'est à peu près le sens. C'est un mauvais exemple.

M. Giasson: C'est un mauvais exemple.

M. Bérubé: Je suis convaincu d'ailleurs que le député de Montmagny-L'Islet, qui a travaillé très fort pour mettre au point ce projet, avait cela à l'esprit dans sa planification initiale. Je le taquine un petit peu.

Le Président (M. Jolivet): Disons M. le ministre, qu'il restera cinq minutes qui pourront être employées par le député de Châteauguay. Pour le moment, la parole est au député d'Outremont.

M. Fortier: Je remercie la Chambre de commerce et le Board of Trade d'exprimer des points de vue, en quelque sorte, nouveaux qui nous permettent d'avoir un nouvel éclairage sur le programme d'Hydro-Québec.

Ce qui me frappe, c'est que je crois que votre mémoire - corrigez-moi si je n'ai pas raison - se veut être non seulement en faveur de l'industrie qui est située à

Montréal, mais pourrait jouer en faveur d'industries qui se trouvent ailleurs dans la province de Québec. Je crois que c'est important de le remarquer parce que, comme vous l'avez dit, il s'agit de choisir, dans ces stratégies, des industries qui ont des missions mondiales et l'emplacement dans la région de Montréal n'est pas une condition essentielle.

Dans cette définition de stratégies et dans le choix qu'Hydro-Québec va faire, qui peut permettre justement une restructuration industrielle, ce qui me frappe, c'est que la date à laquelle on aura besoin de nouvelles technologies sur une très grande échelle a peu d'importance dans un sens. On peut se disputer très longtemps pour savoir si on aura besoin du thermique ou du nucléaire en 1992, en 1995 ou en 1998. Ce que j'ai retenu de votre présentation, c'est que, quelle que soit la date, plus ou moins trois ou quatre ans, il serait dans notre meilleur intérêt de planifier ce genre d'intégration à l'avance. Compte tenu, bien sûr, des délais de réalisation, comme vous en faites mention, que ce soit en 1998, en l'an 2000 ou en 1992, il est évident que, d'ici cinq, six ou sept ans, il faudrait mettre en oeuvre ce genre de stratégie.

Hier, lorsqu'on a parlé de thermique ou de nucléaire - au moment où on se parle, le choix n'est pas fait - on a exprimé des opinions très fortes, quant à nous, d'un besoin de définir des politiques énergétiques à très long terme qui n'existent pas dans le moment et qui, justement, nous permettraient de définir encore d'une façon plus précise les choix qui seront faits dans l'avenir. À partir de là, bien sûr, il faudra avoir un débat public. Avant même de définir la politique énergétique, il faudra, en parallèle ou avant même de la commencer, de la définir ou de l'accepter, avoir un débat public pour savoir si la population est d'accord avec certaines des propositions qu'un gouvernement pourrait faire. Ceci étant fait, vous dites qu'il faudrait définir des stratégies industrielles qui s'imposeraient justement pour augmenter nos retombées économiques.

Bien sûr, on sait qu'au Canada - le Québec est dans la même position - 25% du produit national brut vont à l'exportation. J'imagine que ce que vous nous dites, dans le fond, c'est que malgré le fait qu'Hydro-Québec a joué un rôle considérable dans la mise en place de facteurs d'exportation -vous donnez, entre autres, comme exemple l'industrie de génie-conseil - si je comprends bien ce que vous nous dites, il y aurait encore moyen de faire bien davantaqe dans l'exportation parce qu'en plus de l'exportation de services on pourrait inclure, dans des stratégies, des pièces d'équipement accompagnées de services qui maximiseraient davantage les retombées économiques.

J'aimerais que vous nous en disiez

davantage là-dessus pour nous éclairer sur l'impact considérable que pourraient avoir non seulement l'exportation de services pris isolément, non seulement l'exportation de pièces d'équipement prises isolément, mais, bien sûr, l'exportation de "packages" qui incluraient des services et des pièces d'équipement. Vous avez fait allusion aux petites turbines et, que ce soit dans le domaine thermique ou dans le domaine nucléaire, la même chose prévaut. On sait que dans les pays étrangers, très souvent, les compagnies d'utilités publiques à l'étranger achètent des centrales thermiques ou des centrales nucléaires quasiment clés en main sur une base à prix fixe ou sur une base remboursable. Vous pourriez peut-être nous donner des chiffres ou illustrer davantage l'impact que pourrait avoir une telle stratégie sur la vie économique du Québec.

Le Président (M. Jolivet): M. Lortie.

M. Lortie: J'aurais deux ou trois commentaires à faire. Premièrement, on ne propose pas, dans le mémoire, que le Québec ait nécessairement une stratégie industrielle dans le sens dont vous en parlez. Ce qu'on dit, c'est que le comportement d'Hydro-Québec doit intégrer, dans sa planification et dans ses règles de décision, l'objectif de faire en sorte qu'on ait des entreprises qui soient concurrentielles à l'échelle mondiale. Je pense qu'il y a une grande nuance entre dire qu'on va faire des grands plans au niveau du ministère de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme ou ailleurs et dire à une entreprise: II faut que votre comportement soit de telle sorte que vous allez pouvoir maximiser cela. Je pense que c'est la première nuance et c'est une nuance très importante. (11 h 15)

La deuxième question, c'est de dire: Est-ce qu'on pourrait maximiser ou faire mieux que l'on fait dans le moment? Probablement qu'il y a toujours place à l'amélioration, mais il faut dire que ce qu'Hydro-Québec a fait jusqu'à maintenant, dans une large mesure, correspond à la nature des plans d'installation ou des installations qu'elle a. Les barrages, c'est fondamentalement un problème de génie, de génie-conseil, si vous voulez, ou de gérance de projet et ça, elle l'a bien fait. Il y a évidemment des turbines. Il y a des gens qui font des turbines hydrauliques dans la région de Montréal et qui en exportent, d'ailleurs, à travers le monde. Les Américains, leur grand barrage, c'est le barrage Grande Coulée et il faut dire que les turbines ont été faites à Montréal.

Donc, il y a cette exportation à cet effet. Ce qu'on dit, c'est que ce qui était vrai et ce que vous faisiez bien dans le passé, dans la mesure où vous allez changer le type d'équipement, il n'est pas du tout certain que l'appareil industriel qui est là est structuré de telle façon qu'elle va être compétitive sur les marchés internationaux. Il y a d'autres aspects à prendre en considération parce que vous changez, dans le fond, de patinoire. Lorsque vous allez embarquer sur l'autre patinoire, il y a d'autres aspects à prendre en considération. Prenons cet exemple. Vous dites: Est-ce que vous pouvez nous donner deux exemples? Il y en a un qui est certainement celui de la façon dont on structure des filiales de multinationales. Est-ce qu'on en fait, comme la politique actuelle de maximisation du contenu québécois l'exige jusqu'à un certain point, une série d'usines satellites des "branch plant" ou si on incorpore à l'intérieur de notre politique d'achat la question ou le critère de l'équivalence pour tirer des missions mondiales?

Si vous voulez savoir la différence, vous regarderez Cegelec et vous regarderez la croissance de Pratt & Whitney vous allez voir que cela fait pas mal de différence et sur les exportations et sur le niveau de technologie et sur les retombées dans la région et au Québec, etc. C'est ça la différence. Donc, on dit que c'est ce genre, au niveau des filiales et des multinationales, de préoccupations qu'on a. Ce qu'on dit, c'est que la décision doit se prendre en ayant à l'esprit la façon dont est structuré le marché international. Si vous voulez un exemple, on va en prendre un que vous connaissez bien. Prenons celui des centrales nucléaires canadiennes. Les centrales nucléaires canadiennes, il n'y a pas un manufacturier au Canada qui puisse s'en aller n'importe où dans le monde et en vendre. Pourtant, vous savez très bien qu'en France, les concurrents les plus sérieux sont en France, en Allemagne et aux États-Unis. Ce sont des manufacturiers qui contrôlent la technologie. Ce sont des manufacturiers qui sont responsables de fournir, de faire le design, etc. La question, c'est de savoir: Est-ce que dans le fond on fait le même genre de politique qu'Hydro-Ontario qui dit: On va ramasser un paquet de bebelles un peu partout et on va avoir des ingénieurs qui vont l'assembler un peu comme un mécano ou si on va voir le coeur des centrales nucléaires comme un produit, comme une pièce d'équipement qui se vend comme ça sur le marché mondial?

La réponse est que, sur le marché mondial, c'est comme ça que ça va. C'est comme ça que ça se vend. Par conséquent, tant et aussi longtemps que notre emphase au niveau canadien ne sera pas sur cette dimension, on ne réussira pas à vendre de Candu d'une façon compétitive chez les marchés internationaux. C'est cette dimension d'incorporation des stratégies dans le fond qui correspond à ce qu'est la

technologie. Il est évident que dans celle des centrales thermiques, la façon dont le marché est structuré, c'est différent. Par conséquent, si on allait dans les centrales thermiques conventionnelles, cela voudrait dire que la politique d'achat d'Hydro-Québec devrait avoir une stratégie vis-à-vis des manufacturiers différente de celle qu'on aurait vis-à-vis du nucléaire.

M. Fortier: J'aurais juste une sous-question sur ça. Cela nous amène à des problèmes délicats et qui affectent des choix démocratiques. Je crois que vous l'avez démontré par des exemples et il y en a à l'étranger. Je me souviens moi-même lorsque j'allais en Corée... Justement, en Corée on donne à des compagnies de construction des contrats considérables sur une base de monopole, à la condition que ces mêmes compagnies fassent de l'exportation; l'État fait un choix. Comme il s'agit de gouvernement un peu autoritaire, c'est assez facile. L'État fait un choix et dit à une compagnie de construction: Nous allons vous donner toute la construction de toutes les centrales nucléaires. En revanche, vous faites de l'exportation. Sans procéder d'une façon aussi autoritaire, le choix de la compagnie ou du groupe de compagnies ou d'un ensemble de compagnies qui serait privilégié pour faire l'exportation, vous prenez l'exemple de Framatome en France, bien sûr, il y a eu des débats, mais à la fin pour maximiser justement l'échange dont vous parlez, il a fallu que l'État dise: Creusot-Loire, avec une participation minoritaire d'Électricité de France, avec la participation d'autres sociétés industrielles, vous formez un consortium; nous vous appuyons. Dorénavant, chaque fois que nous allons construire des centrales nucléaires, nous négocierons avec vous et nous vous donnerons toutes les commandes.

Je crois que c'est un changement radical non seulement dans la définition d'une stratégie industrielle, mais également dans la politique d'achat...

M. Lortie: Je pense, M. le député...

M. Fortier: ... qui se ferait sur une base de négociation. C'est pour cela que je me demandais si vous aviez des recommandations à faire de ce côté-là. Je voulais seulement illustrer la difficulté d'application.

M. Lortie: Je pense que l'exemple que vous donnez, M. le député, est très mauvais, parce que vous savez très bien qu'au Canada, par exemple, lorsqu'on a voulu, au début des années soixante, donner le contrôle des centrales nucléaires à un manufacturier, on a procédé par voie de soumissions publiques. On a invité dix entreprises à en prendre la responsabilité. Finalement, une s'est pointée.

Quand on parle du problème de Framatom, en France, vous savez très bien que le groupe Framatom a gagné, par voie de soumissions publiques, Fessenheim I et Fessenheim II. C'est à la suite de ces gains, par soumissions publiques, que l'industrie s'est finalement structurée autour de ce groupe-là. Je pense qu'il y a des techniques qui font en sorte qu'on est capable, dans une large mesure, de trouver des entreprises gagnantes.

On a le même problème dans le génie-conseil aujourd'hui, ne vous trompez pas. On a le même problème dans le génie-conseil. Il y a plusieurs grandes firmes de génie-conseil. Il y a des choix à faire. Pourtant, on réussit à les faire sans violer, jusqu'à un certain point, des principes de base d'approvisionnement public.

M. Fortier: Si je comprends bien, ce que vous suggérez - je pense que je suis d'accord avec ce que vous dites - c'est que, dans le choix des firmes, justement, si Hydro-Québec acceptait ou si le gouvernement lui donnait cette mission, en plus d'utiliser les critères qu'elle utilise normalement pour se satisfaire elle-même que les services qu'elle recevra seront adéquats, elle devrait y ajouter d'autres critères qui favoriseraient justement l'exportation de ces services ou de ces pièces d'équipement.

M. Lortie: C'est cela.

Le Président (M. Jolivet): M. Earle.

M. Earle: Oui, je peux ajouter quelque chose. Le système d'évaluation à Hydro-Québec est un système qui doit être très sophistiqué et on doit voir à la gérance de ce système. Je pense que la formation du groupe qui va travailler sur cela, c'est le groupe clef à Hydro qui va faire cela. On n'a pas parlé de cela dans notre présentation, mais c'est une chose très importante. Si le gouvernement décide de dire oui à nos idées, il faut parler sérieusement du système à Hydro-Québec qui fait cela.

Le Président (M. Jolivet): Merci. M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Cordeau: Merci, M. le Président. Permettez-moi tout d'abord de vous remercier pour votre participation positive à cette commission parlementaire. Étant donné que plusieurs veulent poser des questions, je vais aller tout de suite à la question. À la page 14 de votre mémoire, vous nous faites part de votre opinion concernant la politique d'achat d'Hydro-Québec. Ma question est la suivante: En quoi la politique d'achat

d'Hydro-Québec est-elle différente, s'il y a différence, des politiques d'achat des organismes gouvernementaux ou paragouvernementaux de l'Ontario?

Le Président (M. Jolivet): M. Lortie ou M. Earle.

M. Earle: En Ontario, les gens font, autant qu'ils le peuvent, les travaux techniques au sein de leur société, mais dans les années soixante-dix, spécialement ici au Québec, Hydro a demandé à des sociétés de génie-conseil, en particulier de l'extérieur de faire des travaux, de faire le desiqn, la gérance des grands projets. L'expertise est là au lieu d'être au sein d'Hydro. C'est exportable et on voit que c'est vraiment exportable. Ce sont des sociétés énormes. Il y a trois sociétés d'ingénierie à Montréal qui font partie des dix plus grandes sociétés de génie-conseil du monde.

M. Cordeau: Je comprends que le Québec fait beaucoup d'échanges ou d'expertises avec les autres provinces. D'ailleurs, je suis allé dernièrement en Colombie-Britannique et, déjà, il y a une entente avec Hydro-Québec concernant le projet là-bas. Je ne veux pas parler simplement au point de vue des connaissances, parce que la politique d'achat d'Hydro-Québec est d'acheter beaucoup de matériaux et ainsi de suite. Est-ce ce à quoi vous faites allusion, dans votre mémoire?

M. Lortie: Je pense qu'il y a trois points. Le premier, c'est que si on étudie de façon économique la question du contenu québécois, au bout de l'équation, on est indifférent si les ingénieurs ou les techniciens sont à l'intérieur d'Hydro-Québec ou s'ils sont dans une firme d'ingénieurs-conseils. Au bout de l'équation, le contenu québécois est le même. En termes de stratégie industrielle, il y a une très grande différence si les ingénieurs sont à l'intérieur d'Hydro-Québec ou s'ils sont dans des boîtes où ils vont devoir exporter par la suite. Donc, la polique d'achat doit avoir cela comme considération, pas seulement de maximiser le contenu québécois, parce que le contenu québécois est indifférent du lieu et de la place tant qu'ils sont dans le territoire. En termes de stratégie industrielle, on n'est pas indifférent.

Le deuxième point est le suivant: Les entreprises d'électricité à travers le monde ont des échanges d'informations extrêmement importants. Ce n'est pas seulement au niveau du Canada; c'est à travers le monde et je pense que cela correspond, dans une large mesure, à la tradition de fiabilité qui existe dans ces compagnies, dans ces entreprises. Dans une large mesure, c'est presque une tradition. Que vous ayez assisté à cela à travers le Canada, vous le verriez aussi à travers le monde. C'est la tradition et c'est, dans le fond, améliorer la capacité de gestion de l'entreprise elle-même. Je pense qu'il n'y a absolument rien qui s'oppose à cela. Au contraire.

Votre troisième volet de la question, c'est: Si on sort du génie, la politique d'achat vis-à-vis des équipements est-elle différente? Dans le cas des barrages, ce qu'Hydro-Québec a fait n'est probablement pas différent de ce qu'on retrouverait ailleurs, mais dans la mesure où Hydro-Québec va sortir des grands barrages, va aller à d'autres types d'installation, si on veut que les entreprises québécoises et non seulement montréalaises puissent exporter sur les marchés internationaux ou nord-américains, il faut adapter des règles de décision d'approvisionnement qui sont différentes et, dans une large mesure, différentes de celles d'Ontario Hydro parce qu'elle n'a pas suscité le genre de retombées dynamiques que l'on recherche. Je ne sais pas si cela répond à votre question.

Le Président (M. Jolivet): Merci. M. le député de Gouin.

M. Tremblay: Merci beaucoup, M. le Président. Je pense qu'il convient de féliciter la Chambre de commerce et le Board of Trade de Montréal pour avoir joint leurs efforts en vue de favoriser l'essor économique de Montréal. Si j'en juge par leur mémoire, je pense que ceci donne de bons fruits puisque votre mémoire a presque deux fois la qualité moyenne des mémoires que nous avons reçus jusqu'à maintenant.

Vous ouvrez, dans ce mémoire, énormément de choix énergétiques et économiques qui débordent de beaucoup le plan de développement d'Hydro-Québec. Vous commencez par la politique d'achat d'Hydro-Québec. Ayant été moi-même en charge d'une politique d'achat pendant quelque temps, je ne peux que souscrire à votre proposition à l'effet qu'une politique d'achat ne doit pas être à la pièce et encourager l'inefficacité, mais doit déborder sur l'encouragement à l'efficacité et la productivité et, par conséquent, à l'exportation. Mais comme nous n'avons pas le temps d'entrer dans le détail de ce sujet très intéressant, j'aimerais quand même revenir sur les choix énergétiques, politiques et économiques que vous proposez dans votre mémoire.

Concernant la balance des comptes énergétiques, - et votre mémoire est un des premiers à soulever cette question importante, parce qu'il est évident que du côté de l'énergie, nous avons une ponction du pouvoir d'achat qui est très importante maintenant et qui va aller en s'accroissant, étant donné que nous importons les trois

quarts de notre énergie présentement au Québec - vous semblez favoriser l'option de l'exportation plutôt que l'option de substitution poussée. Il est évident que l'on peut diminuer notre déficit énergétique en accélérant la substitution aux importations avec notre énergie renouvelable face aux importations d'énergie non renouvelable ou nous pouvons exporter et obtenir des revenus financiers équivalents.

C'est une question de choix et elle ne peut se décider, à mon avis, qu'à partir des faits. Et c'est peut-être la grande lacune de tout ce débat, c'est que nous avons des préférences, des indications d'orientations. Mais, sur les faits, nous manquons de données et celles dont nous disposons ne sont pas d'une clarté limpide. Hydro-Québec nous a fourni des faits, je pense qu'il faut l'en féliciter, mais nous avons reçu très peu de faits financiers et économiques en provenance d'autres sources.

Deuxième point concernant la stratégie industrielle. Sur cette question il y a deux éléments que vous soulevez. Premièrement, qu'Hydro-Québec joue un rôle plus actif dans une stratégie industrielle. Ma crainte devant une telle suggestion, c'est qu'on donne à des sociétés d'État des responsabilités qui débordent énormément leur mandat. On en fait des États dans l'État, en quelque sorte, on leur dit de construire le mât d'un stade olympique, de s'occuper d'économie d'énergie, de s'occuper de stratégie industrielle et, par après, on va s'étonner de constater qu'on a créé, dans les sociétés d'État, des États très forts, qui remplacent le gouvernement. Dans ce cas-là, il faudrait que les dirigeants d'Hydro-Québec se présentent aux prochaines élections et fassent connaître leurs projets dans tous les domaines de la société. Je crois que nous avons un gouvernement, normalement, à qui il appartient d'élaborer des stratégies industrielles. S'il n'y en a pas, ce n'est pas à Hydro-Québec qu'il faut adresser le reproche. C'est au gouvernement. Et ma crainte, c'est que vous alliez dans la direction de proposer à des sociétés d'État, et à Hydro-Québec en particulier, des mandats qui sont contradictoires, de produire de l'électricité au meilleur coût, avec une saine gestion financière, et en même temps subventionner le développement industriel. Ils ne peuvent pas faire les deux en même temps. Et quand vous avez des directions de sociétés d'État qui ont des mandats contradictoires, elles ne savent plus quoi faire après un certain temps; les conseils d'administration abdiquent après un certain temps et téléphonent aux ministres pour leur demander ce que l'on fait pour chacun des cas.

Et c'est la tragédie des sociétés d'État au Québec, sauf à Hydro-Québec en particulier, parce que le mandat a toujours été très clair dans sa loi, c'est qu'on a des mandats extensibles. Première crainte avec cette proposition.

Deuxième crainte, c'est que vous enfourchez le cheval de l'exportation de l'énergie brute, mais sans fournir de précisions sur les faits financiers et économiques fondamentaux. Personne n'a rien contre les exportations en général. Mais quand vous dites qu'il nous faut exporter de l'énergie de base, sur une période de quinze ans et plus, il faut faire attention. On voit que Terre-Neuve-Labrador, avec Churchill Falls, se retrouve, après le coup de Joe Smallwood, en 1965, devant l'obligation de regarder les fils électriques amener son énergie vers le Québec. Pour nous, cela fait notre affaire. Et à l'époque, c'était une décision financièrement intéressante pour Joe Smallwood et pour Terre-Neuve. Mais ils s'en mordent les pouces. Il ne faudrait pas refaire l'erreur qu'a faite Terre-Neuve, si nous nous trouvons devant des excédents qui ne seraient que temporaires, et engager l'avenir pour longtemps. Il y a une certaine contradiction, pas la même qu'a soulevée le ministre, mais il y a l'autre contradiction.

Vous dites que l'énergie hydroélectrique, au Québec, c'est un levier industriel puissant. D'autre part, vous dites que ce levier, il faut l'exporter pour des retombées financières qui nous permettraient d'équilibrer notre balance énergétique.

Je vous dis de faire attention avec ce genre de raisonnement. C'est vrai que c'est un levier puissant. C'est un des rares que nous ayons, parce que, au point de vue salarial, nous ne sommes pas compétitifs au plan nord-américain. Nous avons une productivité qui est plus basse que dans le reste de l'Amérique du Nord, mais nous avons des salaires qui sont égaux. Et nous sommes en compétition pour attirer des industries avec l'État de New York, entre autres. Prenez la ville de Massena, où General Motors est établie pour une usine de pièces, qui reçoit de l'énergie électrique présentement du barrage de la Beauharnois. Et je vous garantis que General Motors n'établira pas de grosses usines au Québec pour les beaux yeux des Québécois. C'est seulement parce qu'ils auraient besoin, soit d'une ressource absolument essentielle, soit d'un approvisionnement hydroélectrique garanti pour un quart de siècle et plus. Donc exporter ce genre de levier que vous identifiez, devient très dangereux. Parce que de l'argent cela ne crée pas de l'emploi. Moi, je mettrais en garde des organismes comme le vôtre de croire trop facilement les arguments superficiels que nous entendons voulant que nous devrions exporter de l'énergie de base, de l'énergie excédentaire "interruptible", d'accord, mais de l'énergie de base sur de longues périodes de temps, je pense que ce serait dangereux. Ce serait dangereux, finalement, que nous devenions

une sorte de porteur d'eau par surfil où nous regarderions nos futurs emplois s'en aller vers l'État de New York ou vers les États-Unis en général.

Le Président (M. Jolivet): Avez-vous des commentaires, M. Lortie ou M. Earle.

M. Earle: Oui. J'ai guelques points et peut-être que Pierre en aura après.

Premièrement, on n'a jamais dit dans notre mémoire qu'on doit subventionner l'industrie. Je pense que c'est une expression dont on ne doit pas se servir.

Deuxièmement, Hydro-Québec dans les années soixante-dix a déjà eu une politique qui a créé des sociétés qui sont un grand atout pour la province de Québec, et spécialement pour la ville de Montréal maintenant. On parle seulement de continuer ce genre d'affaires et de faire une expansion de ce genre de politique. Mais, on a dit carrément qu'on doit le faire d'une façon concurrentielle, parmi les compagnies qui se font concurrence pour n'importe quel genre de technologie dont on peut parler. On ne veut pas de subvention, on veut qu'on crée des sociétés qui sont vraiment concurrentes sur la scène mondiale.

Sur un autre point, on n'a pas dit que Hydro-Québec doit le faire. Si le gouvernement décide que c'est lui qui doit le faire, que le gouvernement le fasse. Nous pensons que c'est nécessaire qu'on prenne ces $55 milliards et qu'on les utilise d'une façon qui va créer quelque chose qui est plutôt permanent - ce n'est pas le bon mot - qui a une vie plus longue.

Concernant les ventes hors de notre province et de notre pays, nous comprenons qu'il y a des erreurs qui ont été faites dans les dernières années, mais on pense que c'est possible de faire des négociations, d'arriver à des ententes où on évite ce genre d'erreurs qui ont déjà été faites.

Le Président (M. Jolivet): Merci. M. Lortie, est-ce que vous avez quelque chose à ajouter?

M. Lortie: Oui. Ce qu'on a dit comme levier, c'est le plan d'investissement et non pas l'électricité. Il y a une nuance importante.

Deuxièmement, ce qu'on recherche d'Hydro-Québec, c'est un comportement, ce sont des règles de décision, ce sont les mêmes genres de comportement que dans des politiques provinciales ou canadiennes. On aimerait, par exemple, que les multinationales adoptent... Si c'est vrai pour les filiales étrangères, pourquoi cela ne l'est-il pas pour nos propres entreprises?

Ce qu'on dit, c'est que ces décisions ne doivent pas être prises à l'aveuglette. Si on peut prendre des décisions qui sont plus intelligentes pour le restant de l'économie. Je pense qu'il y a une nuance très forte entre ce qu'on dit là et votre exemple du stade ou telle autre chose.

M. Tremblay: C'est la politique d'achat, il faut bien s'entendre.

M. Lortie: Pardon?

M. Tremblay: C'est une politique d'achat spéciale que vous demandez à Hydro-Québec, ce n'est pas une stratégie industrielle comme telle.

M. Lortie: Ce sont des règles de décision...

M. Tremblay: Pour les achats.

M. Lortie: ...qui devraient guider ces approvisionnements.

M. Tremblay: Des achats en groupe plutôt que des achats à la pièce.

M. Lortie: Si dans l'industrie en question ça s'appelle en groupe plutôt qu'à la pièce.

Finalement, la question que vous posez sur l'exportation, c'est fondamentalement le débat qui n'a pas lieu au Québec, le débat à savoir si exporter de l'électricité, c'est exporter des jobs. C'est fondamentalement la question que vous posez. Notre réponse à cela, c'est qu'il existe, ou on peut supposer que le fait de construire les installations, et avoir l'expertise pour développer ces installations peut nous donner pas mal plus de retombées industrielles que la simple exportation d'électricité, surtout si on le fait de façon que nos entreprises soient concurrentielles à l'échelle mondiale.

M. Tremblay: Avez-vous des faits, des données, des chiffres pour appuyer cet énoncé?

M. Lortie: Par exemple, lorsqu'on regarde la valeur de l'énergie dans des entreprises à haute consommation d'énergie on s'aperçoit qu'elle est, indépendamment du tarif en vigueur dans la zone dont on parle, relativement dans la même proportion en termes de valeur. Comme économiste, vous allez comprendre que, fondamentalement, ce que cela signifie, c'est que dans le design du processus on peut faire varier les facteurs de production suivant leur coût relatif et, en moyenne période, ces décisions d'investissements vont s'ajuster aux tarifs. Il va y avoir un peu moins d'électricité et plus d'autre chose, et vice versa. Les exemples qu'on a eus, qui ont été faits pour le ministère des Affaires intergouvernementales ou celui de l'Énergie, montrent bien que si

on regarde au Québec, si on regarde en Ontario, si on regarde aux États-Unis, par exemple, dans les alumineries, la valeur de l'électricité est à peu près la même partout. Ce que cela signifie, c'est qu'on a changé la fonction de production. C'est évident que si vous "jackez" les prix du jour au lendemain, cela ne fonctionne pas, parce que ces processus sont un peu gelés. Lorsqu'on connaît les prix, on varie la fonction de production.

M. Tremblay: Laissez-moi vous poser une question: Pensez-vous que nous aurions une industrie de l'aluminerie au Québec si l'Alcan n'avait pas des barrages qui lui donnent de l'électricité à deux mills le kilowattheure, parce que nous n'avons pas de bauxite.

M. Lortie: Non, sauf que, M. Tremblay, vous allez très bien réaliser que tous ceux qui sont préoccupés par le développement de la région de Chicoutimi se demandent pourquoi on n'a pas toute l'intégration en aval.

M. Tremblay: Cela est la stratégie industrielle, c'est une autre chose.

M. Lortie: L'exemple de la Norvège démontre que vous aurez les politiques que vous voudrez, cela n'arrive pas comme cela.

M. Tremblay: II n'y a rien qui arrive comme cela. Il faut commencer par la matière première, le produit primaire.

M. Lortie: Oui, c'est sûr. Ils ont l'aluminium, mais cela arrête là. Je ne dis pas que dans la grappe industrielle il n'y a pas certaines entreprises, mais c'est finalement, dans l'ensemble, relativement limité.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Merci, M. le Président. M. Lortie, vous avez soulevé dans votre mémoire un aspect qu'on oublie souvent dans tout le débat énergétique, comme plusieurs intervenants, même de ce côté-ci de la table, aspect auquel on ne se réfère pas assez souvent quand on parle des investissements dans le domaine énergétique. Je me réfère à votre introduction, quand vous dites que le programme d'investissements d'Hydro-Québec est important surtout parce qu'il sous-tend un choix de société. Je crois que c'est un aspect que nous ne devons pas oublier, parce que souvent on vient nous faire des représentations. On parle strictement de l'effet sur une industrie en particulier. Vous avez pris une approche un peu plus globale.

Non seulement vous n'avez pas parlé uniquement pour la région de Montréal, des hommes d'affaires de Montréal, mais vous avez ouvert la porte à un examen de ces politiques sur l'ensemble du Québec et sur le choix de société que nous allons avoir à la suite des décisions qui seront prises par Hydro-Québec et, surtout, par les politiques du gouvernement.

Vous avez fait référence, dans votre document, au développement d'entreprises concurrentielles, à la main-d'oeuvre, aux chantiers de construction, aux exigences d'une main-d'oeuvre qualifiée et même à la question des coûts. Vous avez fait référence aux économies d'énergie. Je voudrais porter à votre attention deux questions, une que je vais vous poser, mais je voudrais poser l'autre au ministre. Le gouvernement a annoncé un programme de conservation d'énergie. D'après Hydro-Québec, c'est basé sur une étude qui a été faite par un groupe qui s'appelle Scanada Consultants Limited. Se basant sur cette étude, le gouvernement ou Hydro-Québec a donné certains détails d'économie d'énergie. (11 h 45)

La question que je voudrais vous poser, c'est la suivante: Est-ce que vous avez fait des études sur l'impact d'un programme d'économie d'énergie pour la région de Montréal, non seulement pour la région de Montréal, mais sur les sujets que vous avez soulevés dans votre mémoire? Le programme d'Hydro-Québec, pour votre information - je suis bien certain que vous êtes au courant, mais c'est pour vous le rappeler à la mémoire - c'est $1 milliard échelonné sur une période de dix ans.

Je voudrais vous demander si vous avez fait une étude sur les conséquences de ce programme, sur tous les sujets ou sur les sujets que vous avez soulevés, et particulièrement sur le sujet principal que vous avez mis de l'avant, le facteur principal, le choix de société.

Avant de vous donner la parole, parce que je suis limité dans le temps de mon intervention, j'ai demandé le dépôt du document de Scanada et, à l'examen de ce document, d'après les recommandations de Scanada Consultants Limited, ce n'est pas $1 milliard échelonné sur dix ans qu'ils ont recommandé. Leur conclusion, c'était près de $2 milliards, $1,990,000,000, échelonnés sur la même période de dix ans. Dans les différents tableaux qu'ils ont inclus dans le document, ils démontrent que dépenser $1 milliard, c'est un programme qui va entraîner des économies d'énergie de 21%, mais dépenser les $2 milliards dans la même période de dix ans va entraîner des économies d'énergie de près de 38%.

La question que je pose au ministre: Pourquoi, étant donné l'approche du gouvernement envers l'économie d'énergie,

nous dites-vous toujours qu'un kilowatt conservé, c'est moins cher qu'un kilowatt de construction d'Hydro-Québec? Est-ce que vous pouvez nous expliquer pourquoi vous avez choisi de ne mettre en vigueur ou d'annoncer que la moitié des recommandations des consultants de Scanada, et pourquoi vous n'avez pas pris l'ensemble des $2 milliards, tenant compte, premièrement, des économies d'énergie qui sont prévues par ces $2 milliards, qui se chiffrent à presque 40%? On parle de pénurie, on parle d'investissements d'Hydro-Québec de $89 milliards, on parle d'exportation d'électricité. Voici un facteur, un élément qui pourrait non seulement aider dans tous ces différents problèmes que nous avons, mais qui pourrait réduire sensiblement la consommation d'énergie dans le secteur résidentiel. Le ministre pourrait peut-être nous expliquer pourquoi il n'a pas annoncé le programme de $1,900,000,000. C'est vrai que dans ce rapport, on mentionne la création d'emplois. $1 milliard vont créer 17,000 emplois. D'autres dépenses vont créer moins d'emplois. Mais la question qu'on peut se poser: Est-ce qu'on veut l'économie d'énergie ou la création d'emplois? Il y a aussi des dépenses qui sont prévues dans cinq à dix ans. En plus, il y avait des dépenses prévues de dix à quinze ans. Dans le chiffre de $2 milliards, on exclut ces montants, on exclut les montants qui sont pour au-delà de dix ans. On se limite aux dépenses dans les dix premières années et on arrive à un chiffre de $1,900,000,000 pour une économie d'énergie d'environ 38%.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre, d'abord.

M. Bérubé: M. le Président, j'ai ressorti ma petite calculatrice qui est toujours très utile, avec le député de Mont-Royal. Elle a déjà fait sensation dans le passé. Il vient de dire: Pourquoi le gouvernement a-t-il pris la moitié de ce qui est proposé? En fait, s'il avait bien lu les chiffres, il se serait rendu compte que les économies d'énergie, le potentiel pour des mesures ayant une rentabilité récupérable, donc, permettant de récupérer l'investissement sur cinq ans, capital et intérês, cela représente 21,8% des économies d'énergie potentielles et les mesures qui, elles, ont une capacité de récupération de dix ans représentent 8,9% additionnels. Donc, si je suppose que j'ai des mesures d'investissements, j'ai 21,8% plus 8,9%, et si je regarde le pourcentage, le programme gouvernemental va permettre d'atteindre 71% de ce que vous nous proposez. Pourquoi ça? Essentiellement, nous étions d'accord avec Hydro-Québec et je ne vous cache pas que c'est également ma propre philosophie. Nous étions d'accord avec Hydro-Québec pour dire: II ne faut qu'on étende la facturation sur une période trop longue. En d'autres termes, il faudrait que le client ne paie pas une facture à Hydro-Québec pour ses travaux d'isolation pendant plus de cinq ans.

On s'est donc fixé des mesures d'économie d'énergie qui peuvent être recouvrées financièrement en dedans de cette période de cinq ans, ce qui nous permet d'aller chercher 21,8% de l'économie d'énergie potentielle. Prenez le tableau de la page 18. C'est donc le sens de notre intervention. Il s'agit de mesures d'économie d'énergie qui vont se payer par elles-mêmes en dedans de cinq ans. C'est bien certain que je peux aller chercher pour encore $757,000,000 des mesures qui sont moins rentables qui, elles, vont se repayer entre cinq et dix ans. Si j'essaie de les facturer sur cinq ans, mon client va commencer à payer de sa poche. Il ne pourra pas récupérer avant une plus longue période. On a simplement essayé de mettre sur pied un programme cohérent qui ferait en sorte que la personne qui s'engage dans son programme d'isolation se fait facturer par Hydro-Québec un montant, mais que, de toute façon, elle récupère sous forme d'économie d'énergie à l'intérieur de la période de cinq ans envisagée. Donc, pour elle, elle ne voit pas de différence entre une diminution de sa facture d'électricité ou d'énergie et un accroissement de sa facture d'isolation.

C'est le sens du programme. C'est donc un programme qui s'autofinance sur cinq ans. C'est uniquement sur cette base que nous avons fait le choix et cela représente quand même 70% de ce qu'on aurait pu économiser si on avait étalé ça sur dix ans au lieu de cinq ans.

M. Ciaccia: M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: M. le Président, je suggérerais peut-être que le ministre fasse sortir sa calculatrice encore une fois et fasse les vrais calculs. Oui, l'utiliser comme il faut parce que vous avez dit: Je vais dépenser encore $757,000,000 pour 8,9%. Mais si vous allez plus loin au bas de la page, il y a $220,000,000 qui vont ajouter 8%. Alors, les $900,000,000 de plus que le million vont vous donner 8,9% plus 8%, ils vont vous donner 16,9%. Votre premier milliard vous donne 21%. C'est presque kif-kif. Autrement dit, votre premier milliard vous donne 21,8%, les $757,000,000 vous en donnent 8,9% en dedans de cinq à dix ans, mais l'autre chiffre, l'amélioration des appareils de chauffage, les $220,000,000 vous donnent 8%. Premièrement, pour dépenser $1,900,000,000, vous avez 38,9%, qui sont presque le double grosso modo de l'annonce

de votre programme.

Deuxièmement, vous dites que vous avez adopté ce programme parce que vous échelonnez ça sur cinq ans et vous avez fait vos calculs; ça présuppose, M. le ministre, ce qui va à l'encontre de votre conférence de presse d'hier, que vous savez la base de la tarification d'Hydro-Québec pour les cinq prochaines années. Deuxièmement, ça vous met carrément en contradiction avec les propos de votre premier ministre qui, lui, l'échelonnait sur dix ans. Dans les Débats de l'Assemblée nationale, page 4 du mois de novembre, le premier ministre dit: En pleine opération, ce programme injectera dans l'économie et dans toutes nos régions habitables quelque $100,000,000 par année. Votre $1,000,000,000 de programme de conservation d'énergie divisé par dix ans donne $100,000,000 par année. Je suggère, M. le ministre, que vous révisiez, non seulement vos calculs, mais votre programme de conservation, si vraiment vous êtes intéressé à donner un programme de conservation...

M. Bérubé: M. le député de Mont-Royal, effectivement...

M. Ciaccia: Vous pourriez... Vous n'avez pas expliqué...

Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! S'il vous plaît!

M. Ciaccia: Vous n'avez pas expliqué pourquoi vous n'avez pas retenu les conclusions de...

M. Bérubé: M. le Président...

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre. M. Earle, vous allez avoir la parole, ne vous inquiétez pas. J'ai un débat de gauche à droite.

M. Ciaccia: Excusez-nous, excusez-nous.

M. Bérubé: M. le Président, je constate...

M. Ciaccia: On est juste à la veille d'une élection. Il ne faut pas laisser le ministre de l'Énergie et des Ressources...

M. Bérubé: Voilà enfin l'aveu que j'attendais.

M. Ciaccia: ... faire des déclarations...

M. Bérubé: Voilà enfin l'aveu que j'attendais.

M. Ciaccia: J'ai la parole, M. le Président.

M. Bérubé: Non, j'ai la parole, M. le Président.

M. Ciaccia: II ne faut pas laisser le ministre de l'Énergie et des Ressources faire des déclarations, des promesses électorales qui ne tiennent pas debout par rapport aux réalités.

Le Président (M. Jolivet): M. le député, vous n'aviez plus la parole, je m'excuse, le ministre l'avait. M. le ministre.

M. Bérubé: Exactement.

M. Ciaccia: Excusez-moi, M. le Président.

M. Bérubé: Eh voilà: M. le Président, le chat est sorti du sac. Le député de Mont-Royal a enfin expliqué que le sens de sa question était uniquement, au lieu de faire un travail sérieux sur le programme de l'équipement, pour tenter d'essayer de nous passer trente secondes ou cinq minutes de politique préélectorale.

Une voix: C'est cela.

M. Bérubé: II faut bien qu'il le fasse, mais je vais lui répondre. Premièrement, l'amélioration des appareils de chauffage pour lesquels il y a un recouvrement de moins de trois ans, il est inclus dans notre programme. En ce cas-là, vous auriez dû dire $1,220,000,000 plutôt que $1 milliard. Oui, effectivement, on n'a pas l'habitude du gonflement libéral classique et on a dit en gros $1 milliard, c'est $1,200,000,000. Je m'excuse, M. le député de Mont-Royal, j'aurais dû faire une promesse en gonflant, un peu comme M. Bourassa faisait ses promesses. Il promettait 100,000 emplois et il en créait 45,000. C'est à peu près ce que j'aurais dû faire. C'est seulement une petite erreur de calcul.

Effectivement, le programme que nous avons mis sur pied a comme objectif de permettre l'autofinancement de tous les programmes d'économie d'énergie qui se justifient, si on est capable de récupérer son argent en dedans de cinq ans, capital et intérêt. Voilà le sens du programme gouvernemental. À ce moment-là, vous avez effectivement ce qui est inclus là-dedans, $1,013,000,000 pour des mesures d'économie d'énergie récupérables sur cinq ans et moins et vous avez éqalement des mesures concernant les appareils de chauffage qui représentent des investissements de l'ordre de $220,000,000, soit en général du "rétro fitting" des fournaises à l'huile, par exemple, des choses comme cela, ce qui effectivement permettrait aussi d'aller chercher plus d'économies d'énergie et c'est également inclus dans le programme.

Vous me demandez: Pourquoi n'avez-

vous pas cherché... J'avoue que j'aurais dû prendre mon calculateur à nouveau et aller plus loin que cela...

M. Ciaccia: Ce n'est pas le même programme qu'Hydro-Québec a annoncé.

M. Bérubé: ... et inclure l'amélioration des appareils de chauffage, parce que, là, ce serait encore plus de 71% que j'aurais découvert. Mais, en fait, vous persistez à vouloir faire de la politique et je pense que c'est une erreur à cette commission-ci. Nous ne sommes pas ici pour faire de la politique, nous sommes ici pour essayer d'avoir une idée du plan d'équipement d'Hydro-Québec. Nous sommes ici pour écouter des intervenants qui veulent nous dire ce qu'ils pensent du plan d'équipement d'Hydro-Québec, et, la Chambre de commerce du district de Montréal nous a présenté un excellent mémoire. Pourquoi ne dirigez-vous pas vos questions vers la Chambre de commerce qui a un excellent mémoire, qui a des choses à vous enseigner, plutôt que de vous amuser à faire de la politique à partir d'un mémoire que j'ai eu le plaisir de vous donner hier, et je ne pensais pas que vous essaieriez de l'utiliser aujourd'hui pour faire de la vulgaire petite politique?

M. Ciaccia: M. le Président, article 96.

Le Président (M. Jolivet): Je m'excuse. Je ne voudrais pas ouvrir un dialogue de gauche à droite, parce que vous savez très bien - M. le député! - que le principe même de cette commission est plutôt d'ici vers l'avant de nous de façon à pouvoir répondre. La parole devait être donnée au député de Mont-Royal, en vertu de l'article 96, mais en espérant que ce serait bien en vertu de l'article 96.

M. Ciaccia: Très brièvement, M. le Président. Ce n'est pas pour abuser de mon droit de parole, mais on m'a accusé d'avoir soulevé cette question pour des fins politiques. C'est absolument faux. J'ai soulevé la question, premièrement, pour poser la question à M. Lortie et, deuxièmement, pour obtenir des éclaircissements que je n'ai pas obtenus du ministre qui vient de changer en cours de route le programme qui a été annoncé par Hydro-Québec et qui a été annoncé par son premier ministre. Je voudrais retourner, si vous me permettez, M. le Président, à M. Lortie pour répondre...

Le Président (M. Jolivet): Je pense que M. Earle avait déjà préparé la réponse à votre première question.

M. Ciaccia: Ou M. Earle, très bien.

M. Earle: Oui. Merci, M. le Président.

On ne veut pas entrer dans le débat entre les deux députés, le ministre et le député, mais je pense qu'on peut souligner quelques points de notre politique qui ont une valeur. Le premier point, c'est que l'énergie n'est pas une chose mauvaise. L'énergie est à la base totale de notre qualité de vie, ici dans la province de Québec. C'est une bonne chose. La seule chose qu'on veut faire, c'est d'éviter le gaspillage d'énergie, d'éviter des procédés qui ne sont pas efficaces dans l'électricité. Je suis le représentant d'une société nommée Dominion Textile, que chez nous, nous avons commencé, il y a cinq ans, un programme pour éviter le gaspillage. Maintenant, on est rendu à 29%, mais on a encore à peu près le même montant d'énergie parce que nous avons augmenté notre production de 25% au cours de ces années. On arrive à peu près au même point. Dans notre mémoire à M. Lalonde du gouvernement fédéral, il y a trois semaines ou deux semaines et demie, nous avons souligné le même genre de point et un des points qu'on a mis sur la table - et je pense qu'on doit le souligner ici - c'est la différence entre le chauffage électrique de maison et le chauffage d'une maison ou d'un édifice avec pompe à chaleur. Un système nous donne une unité d'énergie pour une unité d'électricité et l'autre système nous en donne trois. Nous nous demandons pourquoi le qouvernement fédéral et le gouvernement provincial ne poussent pas sur cela, parce qu'on va épargner beaucoup d'énergie à long terme avec un système semblable.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Châteauguay, le dernier intervenant de cette commission sur ce sujet.

M. Dussault: Merci, M. le Président. Je voudrais d'abord féliciter la Chambre de commerce, le Board of Trade of Montreal, pour l'excellence de son mémoire. C'est sans doute un contenu qui va être utile pour la réflexion présente et future sur les questions énergétiques.

Vous avez - et je voudrais revenir sur une question qu'on a abordée tout à l'heure -abordé dans votre mémoire la question du potentiel des petites rivières, sur lequel vous avez mis un accent important. Vous avez mis aussi un accent important sur la question de l'exportation. Les deux questions sont même reliées. Vous dites à la page 17: "Privilégier des technologies d'application mondiale." Effectivement, pour en arriver à cet objectif d'exportation - et, à la page 18, au chapitre de l'exploitation du potentiel des petites rivières, vous parlez d'un important volet d'exploitation du potentiel hydroélectrique des petites rivières. Un peu plus loin, vous dites: "Ce virage est fort intéressant car de nombreux pays procèdent ou vont procéder à un nouvel inventaire de leurs ressources

hydrauliques afin de prendre en compte le potentiel de leurs petites rivières."

Je voudrais dire d'abord que sur le plan recherche, quant à la technologie nouvelle pour l'exploitation des petites rivières, on ne part pas à zéro; c'est même une technologie éprouvée en France, particulièrement sur la Rance et sur le Rhône. On connaît aussi les inventaires qui ont été faits relativement au potentiel hydroélectrique des petites rivières ailleurs. M. Laplante et moi qui, il y a quelques mois, faisions la promotion de la mise en place d'un plan d'équipement dans la région de Montréal, qu'on appelle maintenant le projet Archipel, dans un mémoire qu'on avait soumis au ministre concerné, déclarions qu'aux États-Unis il y avait un potentiel de 113,000 MW qu'on pouvait utiliser, qu'on pouvait exploiter, donc, une technologie qui devrait venir de quelque part devrait couvrir ces besoins. Je pense qu'on peut dire aussi que, si on peut arriver à s'imposer relativement tôt dans le temps, ce serait intéressant pour nous aussi parce qu'on en arriverait à créer énormément d'emplois, ce que tout le monde recherche, je pense.

Hydro-Québec nous disait, dans son exposé relativement aux petites rivières, qu'elle avait envisagé deux scénarios: un scénario A et un scénario B. On dit retenir le scénario B qui, à toutes fins utiles, vise à exploiter l'équivalent de 1000 MW, alors que dans le scénario A il serait question de 2000 MW. Ce qu'Hydro-Québec nous faisait savoir, c'est qu'elle avait un programme de recherche, d'étude et de développement. Dans son programme de développement, en fonction des 1000 MW, on parle de trois projets pilotes d'ici 1990. Or, j'ai trois questions, en fait, une question à trois volets à vous poser. D'abord, vous parlez d'un virage fort intéressant, mais considérez-vous que c'est un virage suffisant? Je pense que c'est une nuance extrêmement importante.

Deuxièmement, je voudrais savoir si vous inciteriez Hydro-Québec à faire plus, peut-être, au minimum, à passer du côté de leur scénario A plutôt que de leur scénario B, où il serait question de 2000 mégawatts. Et toujours dans ce deuxième volet, ne pensez-vous pas que mettre l'accent sur cette nouvelle technologie des petites rivières, c'est en même temps, en passant, accrocher Archipel qui, à toutes fins utiles, est un projet qui utiliserait ce type de technologie? Est-ce qu'il n'y aurait pas lieu de parler d'un devancement, qu'on a évoqué régulièrement pendant nos travaux, qui passerait par plus de projets du côté des petites rivières, peut-être plus de projets pilotes, s'il est toujours question de projets pilotes? Est-ce qu'il n'y aurait pas lieu de devancer, de faire davantage d'efforts du côté d'Archipel, puisque cela créerait des milliers et des milliers d'emplois dans la région de Montréal, à brève échéance?

Et troisième question, je ne suis pas satisfait de votre réponse à la question du ministre tout à l'heure. Puisqu'il y a un potentiel hydroélectrique - vous faites valoir qu'il est considérable - vous êtes d'accord sur le plan d'Hydro-Québec, vous êtes d'accord avec un virage du côté des petites rivières, donc, vous donnez un accord très fort au plan d'Hydro-Québec. Si, effectivement, il existe, ce potentiel hydroélectrique, et s'il peut satisfaire - si on y met les accents qu'il faut - nos besoins, est-ce que vous ne pensez pas que le nucléaire - cela rejoint la question que le ministre vous posait - type fission, peut être retardé encore un bon bout de temps?

Et pour relier tout cela à la question d'importation, parce que vous la faisiez valoir d'une façon importante, ne pensez-vous pas que du côté du nucléaire, exportation ne veut pas dire grand-chose pour nous puisque, du côté CANDU - ce que connaît très bien le député d'Outremont - on sait maintenant que cela ne se vend pas à travers le monde? C'est vraiment limité, le marché, de ce côté-là. On sait que les autres méthodes d'utilisation du nucléaire de type fission ont vraiment couvert tout le marché à travers le monde et elles ont une renommée énormément plus grande que CANDU. CANDU, cela ne marche pas à travers le monde. Du côté exportation, ce n'est sans doute pas là qu'on va véritablement faire des miracles. J'en conclus que votre accent exportation se met sur autre chose que sur le nucléaire.

Il y a un secteur témoin sur lequel tout le monde s'entend, du côté nucléaire. Ce n'est pas remis en question. Mais ne pensez-vous pas que, de ce côté-là, il n'y a rien à faire et que c'est encore du côté du potentiel hydroélectrique que les accents devront être mis et que peut-être les petites rivières, technologies nouvelles dans ce sens-là, c'est une formule d'avenir? Ce sont les trois volets de ma question.

Le Président (M. Jolivet): M. Lortie.

M. Lortie: Je pensais qu'il y avait cinq ou six volets.

M. Dussault: II y en aurait d'autres, mais le temps manque.

M. Fortier: Heureusement que le sous-ministre lui donne des questions. Mais ce n'est pas grave.

Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît, M. le député.

M. Lortie: Il y a quelques points que j'aimerais éclaircir. Le premier, c'est qu'au Board of Trade comme à la Chambre de commerce, il y a une série d'entreprises qui

sont elles-mêmes impliquées dans le secteur énergétique. Beaucoup sont venues devant vous hier. D'autres viendront au cours des prochains jours.

Ce qui nous a paru le plus sage de faire, c'est de voir comment, nous, on pourrait venir porter un message, avec leur collaboration, dans l'"input" de ce que cela pourrait être, qui serait différent des questions strictes des prévisions d'énergie ou de consommation d'énergie, par exemple, des substitutions, etc.

Donc, notre mémoire, pour les raisons qu'on a expliquées là-dedans, disait: Sur la question de l'adéquation du plan d'Hydro, comme tel, pour les besoins québécois, on le prend comme il est. A partir de ce qu'il est, qu'est-ce qu'on peut faire? Dans le plan comme il est, il y a des petites rivières. Dans le plan comme il est, il y a certaines technologies qui peuvent être utilisées. D'ailleurs, à Montréal, on a annoncé dernièrement un investissement manufacturier important pour la construction de turbines STRAFLO - qui sont différentes des françaises, qui sont les turbines II - qui a été amené par un projet des utilités publiques au Canada, afin d'essayer de développer ou de voir si cette technologie s'appliquerait chez nous. C'est un investissement de $20,000,000 qui va servir le marché canadien et même plus que le marché canadien.

Donc, ce que les gens voient comme potentiel semble, à première vue, suffisant pour générer le type d'investissements dont on a besoin au niveau manufacturier. Le point qu'on souligne, c'est que posséder la technologie, ce n'est pas tout, il faut savoir la gérer, il faut savoir la mettre en place, il faut savoir la vendre aussi. Par conséquent, dans la mesure où Hydro-Québec fait des petites rivières, sa façon d'approvisionner ou d'acheter, dans le fond, différents services qu'il y a là devrait être conforme à la façon dont le marché international sera structuré de façon que les groupes québécois qui ont pris l'expertise chez nous puissent l'exporter à l'étranger.

Donc, ce n'est pas juste la question de savoir si on a telle technologie, parce qu'avoir telle technologie, ce n'est pas tout. C'est comme avoir un brevet, cela ne vous rend pas riche. Ce qui est important dans le fait d'avoir un brevet, c'est d'avoir des entreprises qui le vendent et font de l'argent sur la production, ce n'est pas d'avoir le brevet. C'est la même chose là-dedans, c'est d'avoir des entreprises qui sont structurées, qui ont l'expérience nécessaire pour être capables de la mettre en oeuvre.

Dans le plan d'Hydro-Québec il nous paraissait, que ce soit le a, le b ou le c, qu'il y avait suffisamment de potentiel, et, dans la mesure où on le ferait, on devrait le faire en adoptant un comportement qui ferait en sorte que les retombées dynamiques soient maximisées.

Premier point, on a pris le plan d'Hydro-Québec comme il était, on a dit: À partir de ces choix, qu'est-ce qu'on peut faire? Ou quel genre de comportement, quel genre de règles de décision Hydro-Québec pourrait-elle avoir pour maximiser les retombées dynamiques? On ne s'est pas préoccupé de savoir si c'était Archipel ou un autre projet. C'est un tout autre problème.

Deuxièmement, est-ce qu'on fait les petites rivières ou les autres, des turbines à gaz et tout le bazar? D'après ce qu'on comprend, c'est que 20% de la puissance est requise pour 1% du temps dans l'année. Par conséquent, en termes de gestion - il y a différents modes de production d'électricité -on cherche des installations ou des modes de production d'électricité qui vont coûter le moins cher possible par kilowatt. Cela nous amène à tous les plans de turbines à gaz, réserves pompées, petites rivières, etc.

Donc, cela se traduit, d'après ce qu'on peut comprendre, dans une façon d'organiser notre série d'investissements pour répondre à la configuration de la demande. Je pense que c'est sage. Il s'agit de voir là-dedans, comme on n'est pas seul à avoir ce problème, comment on peut, dans le fond, gagner des expériences qui vont être profitables ailleurs.

Le troisième point, vous dites: Est-ce que le potentiel est grand? Je pense que nous avons dit: C'est un virage intéressant en ce sens qu'on n'en a pas fait vraiment au Québec de cette exploitation de petites rivières; dans une foule de pays, c'est ce qu'on regarde. Aux États-Unis on le regarde, mais dans les pays en voie de développement, ce qui est important de remarquer, c'est que le "grid" n'est pas suffisant pour supporter des grosses installations. Par conséquent, ce genre de projet est important, c'est celui qui est le plus apte à répondre à leurs demandes. Ce sont des pays où, dans le fond, on va exporter presque clé en main. Donc, ce sont nos marchés d'exportation potentiels.

Votre quatrième point, vous dites: Est-ce que, si on s'embarque là-dedans, cela veut dire que le nucléaire tombe? Il est assez clair dans le plan d'Hydro-Québec que, si on regarde en termes de besoins, on aura, à coûts égaux, recours à d'autres sources de production d'énergie, des sources classiques, thermigues classiques ou nucléaires. Toutes les études qu'on a vues montrent que, dans une centrale nucléaire de base, le mill coûte moins cher que celui d'une centrale de charbon. D'ailleurs, le problème d'Hydro-Québec sur l'approvisionnement du charbon n'est pas réglé non plus. (12 h 15)

Si on regarde les coûts, le nucléaire sort comme un moyen de production, pas une fin en soi, qui est avantageux par rapport à

d'autres projets. La question, c'est de savoir: les autres projets hydroélectriques possibles, notre autre bassin à l'autre bout, où le coût marginal pour nous, compte tenu de nos autres choix, est supérieur, ne se justifie pas, sur une base de coût, est-ce que sur certains marchés d'exportation, compte tenu de conditions différentes, il y a une fenêtre où on pourrait faire financer pour une période importante ou pour une portion importante, les installations dont on aurait besoin plus tard? Il est clair dans notre esprit que vous ne pouvez pas vendre à d'autres gens, si vous n'avez pas dans l'idée que peut-être il y a un marché à faire. Tant et aussi longtemps qu'au Québec, on ne dira pas: Oui, peut-être que cela vaut la peine de le regarder, que dans le fond, si on avait un bon "deal", on serait prêt à y aller, c'est clair que de l'autre côté de la clôture, de l'autre côté de la frontière, les gens ne sont pas près d'en acheter sur un programme d'exportation. Pour être capable de le regarder, pour être capable de voir les contraintes, pour être capable de faire les calculs, il faut être sérieux dans des discussions, il faut avoir la volonté au moins d'engager des discussions. C'est un des volets qui manquent, qui est ce qu'on dit, à savoir qu'on devrait y songer sérieusement, on devrait regarder cela et dire: Est-ce que dans le fond, il y a un bon "deal" à faire là-dedans? Si oui, dans quels termes cela se passe-t-il? Il faut au moins indiquer qu'on peut être vendeur si on veut que cela se passe. Une fois qu'on fait cela, qu'est-ce que cela veut dire?

Peut-être qu'on n'est pas tellement brillant, mais il y a un monsieur Robert Boyd, qui est invité au déjeuner causerie de la chambre, qui parlait du problème de Brinco, le problème de Churchill Falls. Il disait: Les centrales dont le coût de production est plus élevé que celui de la centrale de Churchill Falls ont été construites après cette dernière. En raison de l'achat de l'électricité de Churchill Falls, on a dû suspendre en 1968 les travaux à Outarde 2 pour les reprendre en 1974, faisant ainsi grimper le coût du projet de $70, selon l'estimation initiale, à $310 millions, coût final de réalisation. Pour la même raison, la mise en chantier de Manic 3 a été retardée de quelques années avec une augmentation importante du coût du projet. En plus, si nous n'avions pas signé en 1966 le protocole d'entente avec Churchill Falls, la Baie James aurait été développée plus tôt avant la période inflationniste de 1973 et suivante, et nous aurait coûté près de $8 milliards de moins. Donc, parce que nous avons retardé l'aménagement de nos rivières pour acheter l'électricité de Churchill Falls, il nous a fallu supporter des accroissements de coût considérables.

Je vous dis que si c'est vrai dans le cas d'Hydro-Québec vis-à-vis de Churchill Falls, il y a de bonnes raisons de croire que cela peut être aussi vrai en termes de nos propres projets par rapport à d'autres dans le temps. C'est cet élément, c'est cette dimension qu'il faut regarder.

Ceux qui veulent la référence, il s'agit de la conférence de M. Robert Boyd à la Chambre de commerce du district de Montréal, le 18 novembre 1980. Je ne sais pas si cela répond à votre question.

M. Dussault: M. le Président, pour conclure, si vous permettez...

Le Président (M. Jolivet): Je m'excuse, M. le député, s'il vous plaît! J'ai été très large, et même d'un trop grand laxisme.

M. Dussault: D'accord. En fait, l'exposé que vient de faire M. Lortie amènerait énormément de sous-questions. On pourrait faire un long débat. Je ne voulais que terminer en disant qu'il faudrait faire attention pour qu'on ne s'embourbe pas avec des centrales nucléaires ici, alors qu'on éviterait aux Américains de devoir s'en aller sur leur propre territoire, sous prétexte qu'on pourrait vendre l'électricité. C'est là-dessus qu'on aurait pu discuter longtemps. Merci, M. Lortie.

Le Président (M. Jolivet): Merci, messieurs. Au nom des membres... Oui, M. Lortie.

M. Lortie: Est-ce que je pourrais faire une demande à cette commission? Que notre mémoire au complet soit annexé au journal des Débats?

Le Président (M. Jolivet): Je vous permets de faire la demande, mais je ne vous l'accorderai pas, parce que le mémoire est déjà à la bibliothèque nationale. En conséquence, on nous a - c'est une décision de la présidence - demandé que les mémoires qui étaient lus puissent faire partie du journal des Débats. Quant aux autres, ils sont disponibles à la bibliothèque nationale, toute personne qui voudrait en prendre connaissance peut les avoir en ce lieu.

Merci, au nom des membres de la commission. Comme je venais de le dire il y a quelques minutes, j'ai peut-être été très large ce matin, peut-être un peu trop, mais je pense que les membres de la commission aussi bien que d'autres devront se discipliner et pour les fonctions - éviter de faire de longs discours - et pour les réponses s'il vous plaît.

L'Ordre des ingénieurs du Québec, représenté par M. Pierre Delisle, est demandé à l'avant.

M. Perron: M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Duplessis.

M. Perron: Je voudrais vous demander une directive. Au sixième point, vous avez la Corporation de développement économique de la région de Port-Cartier. Est-ce que cela prend l'accord de la commission pour présenter ce mémoire un peu plus tôt? Parce que les gens doivent retourner par avion, ce soir, à 22 h 45. Selon l'ordre du jour, il est possible que ce mémoire soit même repoussé jusqu'à demain.

Le Président (M. Jolivet): Non seulement cela prend l'accord des membres de la commission, mais aussi des autres intervenants parce qu'il faut considérer qu'il y a peut-être d'autres personnes qui ont d'autres engagements. Comme ils ont été convoqués en sachant que nous siégeons de 10 heures à minuit, je ne peux le faire de votre chef de membre de commission, sans l'accord des autres groupes qui doivent être représentés. Donc, ce que je pourrais suggérer aux gens de la Corporation de développement économique de la région de Port-Cartier, c'est d'aller rencontrer M. Carol Wagner de l'Association des constructeurs de routes et grands travaux du Québec, M. Jean-Marc Lagacé de l'Association des ingénieurs-conseils du Québec et M. André Girard, maire de la paroisse de Saint-Raymond, et obtenir leur accord avant de pouvoir l'accepter en commission.

M. Delisle, pouvez-vous nous présenter votre collègue?

L'Ordre des ingénieurs du Québec

M. Delisle (Pierre): Merci, M. le Président. Je suis accompagné de M. Jean-Paul Dagenais, conseiller aux affaires publiques à l'Ordre des ingénieurs, qui a été mêlé de très près à la préparation à la fois de ce mémoire et du mémoire de l'an dernier, auquel nous faisons référence dans notre texte.

En janvier 1980, l'Ordre des ingénieurs du Québec présentait un mémoire au ministre de l'Énergie et des Ressources, M. Yves Bérubé, exposant les vues de notre groupe professionnel sur la politique du gouvernement en matière d'énergie, dont les détails avaient été énoncés au livre blanc du gouvernement intitulé Assurer l'avenir.

Nous émettions alors l'opinion que, dans ce domaine, le grand défi à relever était "de faire travailler les divers agents économiques vers un objectif commun", sans parti pris irrémédiable et dans le meilleur intérêt à long terme de la population.

Nous soulignions alors que "la proposition du livre blanc de convoquer des commissions parlementaires périodiquement, où les Québécois seraient appelés à exprimer leurs opinions et leurs propositions sur la question énergétique, ne sera utile que si les autorités concernées démontrent le sens politique, la vision et l'ouverture d'esprit nécessaires pour orienter ces échanges de vues dans une voie constructive et réaliste afin d'en tirer les conclusions les plus susceptibles de servir l'intérêt commun."

La présente commission parlementaire sur l'avenir de l'électricité dans le contexte énergétique québécois répond à nos attentes, puisqu'elle permet aux divers intervenants d'exprimer une opinion sur un document bien explicite d'Hydro-Québec, exposant la stratégie qu'entend adopter cette société d'État au cours de la décennie quatre-vingt, avec quelques projections jusqu'en 1996.

Les propositions mises de l'avant dans cet exposé nous font prendre conscience de l'importance de nos ressources hydroélectriques, mais également de leurs limites; de notre dépendance de l'extérieur pour presque toutes les autres formes d'énergie; des limitations des énergies douces dont certains s'emploient à surévaluer l'importance relative; de l'urgence de favoriser les économies d'énergie par tous les moyens; de la largeur d'esprit dont nous devons faire montre pour préparer l'ère posthydrauligue; finalement, de l'immensité des sommes d'argent requises pour développer nos richesses énergétiques et procéder aux recherches appliquées nécessaires à la mise au point des sources d'énergie du futur.

Nous sommes donc heureux de collaborer avec les autorités gouvernementales dans la mesure de nos moyens et de vous présenter les remarques que nous jugeons appropriées et que nous avons voulu aussi constructives et aussi succinctes que possible.

Importance et limites de nos ressources hydroélectriques. II faut espérer que le document d'Hydro-Québec fera réaliser à la population que notre seule source massive d'énergie est l'hydroélectricité et que, d'ici une quinzaine d'années, cette ressource, toute importante qu'elle soit, ne sera plus suffisante pour répondre à nos besoins d'électricité.

Les ressources hydroélectriques qui n'auront pas été exploitées en 1996 seront ou des petites rivières dont le potentiel, sans être négligeable, ne saurait être considéré comme très important - d'ailleurs, Hydro-Québec évalue ce potentiel aménageable à environ 5000 mégawatts répartis sur 305 sites différents, ces 5000 mégawatts représentant environ 10% du total installé en 1996 - ou, d'autre part, des sites d'un potentiel de plus de 100 mégawatts chacun, mais qui, pour des raisons d'ordre technique, environnemental, politique, légal, social ou économique, seront difficilement aménageables. Hydro-Québec estime, en

effet, que l'exploitation de certains de ces sites pourrait coûter jusqu'à quatre fois plus cher que la construction d'une centrale nucléaire d'une puissance équivalente.

Puisque, par ailleurs, et comme l'affirme le document d'Hydro-Québec, "les décisions qui assureront la disponibilité de l'énergie électrique dans dix ou même quinze ans doivent être prises ou préparées dès aujourd'hui," il faut dès maintenant songer aux projets qui devront être mis en service à compter de 1996.

Le document dont nous analysons les mérites aujourd'hui répond aux questions de la population pour ce qui est des quinze prochaines années. Malheureusement, il propose peu de solutions concrètes pour les années suivantes qui, de toute évidence, seront critiques pour le Québec.

La période posthydraulique. Il est évident que la situation peut changer quant à l'opportunité de procéder à l'aménagement de certains sites dont le coût est aujourd'hui considéré comme excessif ou qui, dans le présent contexte, est jugé impossible pour diverses raisons.

Il n'en demeure pas moins que nous en serons alors aux derniers mégawatts de puissance et qu'au taux prévisible de croissance de la demande, le potentiel hydroélectrique résiduel pourra tout au plus reporter l'échéance de quelques années.

Il est donc important que l'on commence dès maintenant à planifier pour après 1996. Et à la lecture du document d'Hydro-Québec, on a nettement l'impression qu'il y a hésitation à aborder ce sujet.

Il est vrai que selon les termes mêmes de son mandat, Hydro-Québec est chargée de prévoir "les besoins du Québec en énergie et les moyens de les satisfaire, dans le cadre des politiques énergétiques que le lieutenant-gouverneur en conseil peut par ailleurs établir".

Or, le gouvernement, en publiant son livre blanc sur l'énergie et en décrétant un moratoire sur l'utilisation de la fission nucléaire, a effectivement limité la marge de manoeuvre de la société d'État. Nous reviendrons, pour notre part, sur deux points capitaux de notre mémoire de l'an dernier.

Premièrement, le gaz naturel. Le livre blanc du gouvernement proposait de faire passer la part du gaz naturel canadien, dans le bilan énergétique québécois, de 6% à 12% entre 1976 et l'an 2000.

Hydro-Québec suggère, pour sa part, que ces 12% soient atteints dès 1996, ce qui n'est guère plus ambitieux. Et dans l'hypothèse de ce que le document considère comme une "forte pénétration du gaz", le pourcentage additionnel du bilan énergétique qui passerait de l'énergie au gaz en 1996 ne serait que d'environ 2,6%.

Lorsqu'on considère qu'en 1975 le gaz naturel occupait 30% du marché énergétique de la province d'Ontario, 24,5% de celui de l'ensemble du Canada et 28,3% de celui des États-Unis, les objectifs du Québec en ce domaine nous paraissent nettement insuffisants.

Si, en 1996, le gaz naturel devait satisfaire 25% de la demande énergétique du Québec, et si, par hypothèse, la totalité de cet accroissement devait être réalisée au détriment de l'électricité, la demande pour cette dernière forme d'énergie serait alors théoriquement réduite de 65,5 milliards de kWh, soit de près de 30% du total des ventes prévu pour 1996.

Évidemment, tel ne sera pas le cas. Il n'en demeure pas moins que nos investissements dans le secteur hydroélectrique seraient ralentis puisque, plutôt que de passer de 9 milliards de kWh en 1981 à 222 milliards de kWh en 1996, la demande d'électricité en 1996 pourrait, théoriquement, je dis bien, se situer aux environs de 160 milliards de kWh ou du moins entre ce chiffre et les 222 milliards estimés.

Ainsi, certains aménagements que nous prévoyons compléter pour 1996 pourraient être alors reportés jusqu'après l'an 2000.

Si, par ailleurs, nous choisissions de maintenir le même niveau d'investissement dans le secteur hydroélectrique, nous disposerions alors de vastes surplus qui pourraient favoriser un développement industriel accéléré ou qui pourraient être vendus aux réseaux limitrophes à des taux sans doute avantageux, alors que nos voisins sont, pour la plupart, à court de ressources hydrauliques.

L'utilisation accrue du gaz naturel pour le chauffage domestique, industriel et commercial serait particulièrement avantageuse, comme l'a d'ailleurs souligné à diverses reprises, le ministre, M. Bérubé. En effet, l'électricité, qu'au Québec on semble vouloir favoriser pour cet usage, pourrait alors être utilisée à des fins dont les retombées seraient nettement plus avantageuses. (12 h 30)

La fission nucléaire. Par suite de la publication de notre mémoire sur l'énergie en 1980, les mass media ont surtout fait état de ce qu'ils ont considéré comme un appui inconditionnel à l'option nucléaire, appui que d'aucuns ont qualifié d'intéressé. On a alors oublié plusieurs choses et d'abord que notre mémoire traitait de l'ensemble de la question énergétique et non seulement de l'option nucléaire.

En nous accusant alors d'avoir agi par intérêt pour la profession, on a de plus oublié qu'on trouve des ingénieurs non seulement dans le secteur nucléaire, mais également dans tous les autres domaines touchant l'énergie et qu'on ne saurait dire quel est celui qui présente le plus d'intérêt pour notre profession.

On a surtout oublié de faire état des nuances qui qualifiaient notre expression d'opinion. On nous a représenté comme des partisans aveugles de l'énergie nucléaire alors que nous avons tout simplement souligné que, selon nous, il faudrait tôt ou tard recourir à cette forme d'énergie et que, précisément parce que certaines questions restent encore à résoudre, mieux valait s'y attaquer franchement et tenter, alors qu'il en est encore temps, d'en amoindrir les inconvénients. Nous étions alors d'avis et nous croyons encore que la décision du gouvernement d'imposer un moratoire sur le sujet ne peut être que nuisible.

Nous regrettons surtout que le moratoire empêche qu'une discussion publique ouverte et éclairée ait lieu sur le sujet. Et si nous avions souhaité en faire la preuve, nous n'aurions pu mieux le faire que de citer en exemple le document d'Hydro-Québec dont il est question aujourd'hui.

En effet, Hydro-Québec semble aborder ce sujet avec beaucoup de réserve et en prenant bien des précautions pour nuancer ses déclarations. Il faut comprendre, comme nous l'avons dit plus haut, qu'Hydro-Québec se doit de tenir compte des politiques énergétiques établies par le gouvernement, ce qui forcément limite sa liberté d'action.

Pour notre part, nous maintenons les propositions que nous avons formulées dans notre mémoire et nous recommandons qu'une commission spéciale soit formée aussitôt que possible pour établir les bases de la politique québécoise sur l'utilisation de l'énergie nucléaire, après consultation de la population.

Nous sommes d'accord avec les conclusions du document d'Hydro-Québec qui affirme qu'à moins de percées technologiques spectaculaires et inattendues aucune nouvelle forme d'énergie ne sera économiquement exploitable à temps pour prendre la relève de l'hydroélectricité. Il faudra vraisemblablement recourir à des centrales thermiques ou nucléaires.

Mais, contrairement à ce document, nous croyons que c'est dès maintenant qu'il faut s'attaquer au problème et non pas dans un avenir plus ou moins éloigné.

Il nous apparaît enfin important de continuer nos travaux de recherche dans ce domaine, de façon à poursuivre le développement de notre technologie. Il n'est pas souhaitable que le Québec se place dans une situation où il devra importer la technologie requise, lorsque les besoins s'en feront sentir et nous sommes persuadés que ce n'est pas en gardant tabou le sujet de l'énergie nucléaire que nous arriverons à éliminer une telle éventualité.

Les énergies nouvelles et redécouvertes. Dans le livre blanc du gouvernement, on prévoyait que les énergies nouvelles ou redécouvertes, que certains ont qualifiées tout récemment d'énergies fluides, occuperaient 5% du bilan énergétique québécois en l'an 2000.

Hydro-Québec, pour sa part, ne fait aucune prédiction à ce sujet et, dans son graphique de la page 25 sur les diverses formes d'énergie utilisées en 1996, les énergies nouvelles sont intégrées au secteur électricité.

Toujours selon Hydro-Québec, les sources d'énergies nouvelles locales les plus intéressantes sont la biomasse, l'énergie solaire, l'énergie éolienne et la fusion thermonucléaire.

Les trois premières formes d'énergie offrent des possibilités, mais ne peuvent guère être considérées comme des sources massives d'énergie susceptibles, dans un avenir prévisible, de prendre la relève lorsque les formes conventionnelles d'énergie auront été épuisées.

Il est de toute première importance que la population réalise pleinement ce fait. Certains groupements s'emploient à berner les gens à ce sujet et les autorités n'insisteront jamais assez sur les limites de ces formes d'énergie et sur l'obligation dans laquelle nous nous trouvons de faire porter le gros de nos efforts dans d'autres domaines plus susceptibles de répondre à nos besoins.

La fusion thermonucléaire est précisément une de ces formes d'énergie offrant de grandes possibilités et, tout récemment, nous avons été heureux de constater que le projet Tokamak prévu pour Varennes ira de l'avant, nous permettant de garder notre place dans le groupe des nations à l'avant-garde dans ce domaine de la recherche.

Quant à l'hydrogène, on ne saurait, à proprement parler, le considérer comme une énergie nouvelle, puisqu'il s'agit plutôt d'un procédé de stockage utilisant l'hydrogène comme porteur. Nous avons cependant été heureux qu'Hydro-Québec ait tenu à signaler son projet de construction d'une usine expérimentale de production d'hydrogène liquide, en collaboration avec le groupe Noranda.

Dans un récent communiqué, le comité de promotion économique de Montréal suggérait que la région de Montréal possédait tous les atouts pour devenir un centre mondial de l'industrie de l'hydrogène. Il était alors signalé que dans ce domaine, le groupe Noranda était à l'avant-garde au niveau international. Il est donc intéressant de constater qu'Hydro-Québec entend conjuguer ses efforts avec Noranda pour poursuivre les recherches sur l'hydrogène liquide.

Les économies d'énergie. Dès l'avant-propos du document de présentation de sa stratégie pour la décennie 1980, HydroQuébec signale que les effets des mesures d'économie d'énergie tardent malheureusement à se faire sentir au Québec.

Comme nous le mentionnions dans notre mémoire, le succès des campagnes d'information sur les économies d'énergie sera fonction essentiellement du niveau de perception que la population aura de la gravité de la crise d'énergie.

Le gouvernement peut contribuer, par contre, de trois façons principales à améliorer cette situation. Premièrement, en prenant des mesures législatives susceptibles de favoriser les économies d'énergie; deuxièmement, en ne manquant aucune occasion pour signaler l'importance de la question et le sérieux de la situation et troisièmement, en prêchant par l'exemple.

La formation du Bureau des économies d'énergie au ministère de l'Énergie et des Ressources, la mise sur pied de Nouveler dans l'un des mandats est d'assurer la promotion de l'efficacité énergétique, les intentions d'Hydro-Québec annoncées par M. Joseph Bourbeau, président du conseil d'administration, de lancer un programme destiné à stimuler les économies d'énergie, l'adoption de la loi 9 sur l'économie de l'énergie dans le bâtiment dont l'application a d'ailleurs été confiée au ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre sont d'autant de mesures positives.

On est cependant en droit de se demander si la multiplicité des organismes impliqués et l'absence d'une autorité unique en ce domaine n'aura pas pour effet de diluer l'efficacité de l'action tout en augmentant considérablement les frais encourus.

Il nous semble donc que le gouvernement devrait revoir l'ensemble des structures prévues en ce domaine pour rationaliser l'opération et ainsi améliorer l'efficacité et en réduire les coûts.

Nous signalions, il y a quelques minutes, que les gouvernements et les corps publics doivent donner l'exemple s'ils veulent être pris au sérieux lorsqu'ils prônent des économies d'énergie.

À ce sujet, un détail de la publication, une stratégie pour la décennie 80 nous a frappés. Au tableau 1.4 de la page 26, on donne la prévision des ventes d'électricité par catégories d'usagers de 1980 à 1996. La dernière colonne de ce tableau montre le pourcentage d'augmentation annuelle prévue dans chacune de ces catégories. Or, c'est dans la catégorie des "autres usages" qu'on prévoit le plus fort taux d'augmentation annuelle, c'est-à-dire dans la catégorie qui englobe les ventes aux réseaux municipaux de distribution, l'éclairage public, l'autoconsommation d'Hydro-Québec sur ses grands chantiers, le transport public et d'autres. Bien qu'en valeur absolue, la consommation dans cette catégorie soit relativement faible, il n'en demeure pas moins qu'à prime abord, on peut se demander si les divers niveaux de gouvernement ont réellement décidé de faire tous les efforts nécessaires pour convaincre par l'exemple.

Comme nous vous l'avons annoncé au début, nos commentaires ont été succincts. Il ne faut pas s'en étonner puisque, comme nous l'avons déjà signalé, nous avons présenté un mémoire au ministre de l'Énergie et des Ressources, il y a tout au plus un an, offrant le point de vue de l'Ordre des ingénieurs sur le livre blanc du gouvernement: Assurer l'avenir. Les remarques que nous vous présentons aujourd'hui doivent être considérées comme le complément de notre premier mémoire dont l'actualité persiste.

Nous vous remercions de nous avoir invités à vous faire connaître nos réactions à la lumière des derniers développements et nous vous assurons de l'intérêt soutenu que nous conserverons pour toutes les guestions à la discussion desquelles les ingénieurs peuvent contribuer dans le meilleur intérêt de l'ensemble de la population. Je vous remercie.

Le Président (M. Jolivet): Merci beaucoup. Le député d'Abitibi-Est, comme premier intervenant.

M. Bordeleau: Merci, M. le Président. Je voudrais d'abord remercier M. Delisle de sa présentation au nom de l'Ordre des ingénieurs du Québec. Je pense que d'abord l'ordre est sûrement l'un des plus impliqués dans le domaine du développement et de l'utilisation de nos énergies. Le mémoire, tout en étant mince, touche plusieurs points importants, - très importants même - de notre développement énergétique.

Dans votre mémoire, comme vous le dites d'ailleurs à la page 8, vous aviez déjà présenté un mémoire à l'occasion du livre blanc sur l'énergie et vous parliez à ce moment - vous en reparlez dans ce mémoire-ci - de la formation d'une commission spéciale, aussitôt que possible, pour établir les bases d'une politique québécoise après consultation. On a parlé au cours des derniers jours d'une éventuelle commission ou d'une consultation populaire. J'aimerais que vous explicitiez un peu là-dessus. Quel serait le mandat de cette commission et quelle forme pourrait-elle prendre pour qu'on ait vraiment une discussion la plus large possible et qu'on trouve des solutions?

M. Delisle: D'abord, je dois mentionner que même dans le mémoire auquel je fais référence, qui a été remis au ministre il y a un an, nous n'allions pas dans les détails au niveau du type de commission, du type de représentation qu'on devrait y retrouver. Tout ce qu'on voulait, c'est qu'il y ait un débat public sur la question, parce que les gens, à quelque niveau qu'ils soient, semblent avoir peur des mots, ou du moins peur

d'aborder le sujet du nucléaire.

On considère - du moins, avec certaines statistiques en main - qu'il va probablement être nécessaire d'avoir recours au nucléaire dans une vingtaine d'années et on doit dès maintenant se brancher sur une politique en ce sens. C'est à la suite d'une consultation avec le public qu'on aura peut-être le meilleur éclairage pour cette prise de position politique.

M. Bordeleau: Sur la technique ou sur la pratique des technicités...

M. Delisle: Les technicités, la suggestion a été faite au gouvernement. Par la suite, on pense que vous avez tous les mécanismes requis pour évaluer quels devraient être les intervenants principaux dans une telle commission et de quelle façon cela devrait s'articuler. Mais nous n'allions pas dans les détails sur le fonctionnement comme tel de cette commission.

M. Bordeleau: Ma deuxième question porterait surtout sur la demande future d'électricité au Québec. Vous ne faites pas vraiment de projection de demande d'énergie dans votre mémoire. L'Ordre des ingénieurs est quand même bien impliqué dans la nouvelle construction, que ce soit au niveau résidentiel, au niveau commercial même, dans les structures, dans l'architecture, notre façon de vivre dans certaines bâtisses. Quelle est votre vision future de l'utilisation de l'électricité dans nos résidences et aussi dans nos édifices commerciaux?

Vous ne semblez pas considérer qu'on pourrait réduire passablement notre dépense d'énergie avec des nouveaux modes de construction, des modes plus économiques ou, en tout cas, qui économisent davantage d'énergie. Là-dessus, je pense qu'il y a eu des expériences en Saskatchewan, où on peut prouver qu'on peut réussir à chauffer un logement pour environ $100 par année. Étant donné que vous êtes un ordre très impliqué dans ce domaine, j'aimerais savoir quelle est votre vision de tout cela. Est-ce que l'ordre lui-même, ou certains membres de l'ordre font des efforts pour penser à des nouvelles techniques de construction, à des nouvelles formes de construction pour qu'on en arrive à cela le plus rapidement possible?

M. Delisle: Certainement, en tant que membres individuels, plusieurs ingénieurs au Québec sont drôlement impliqués dans le dossier et font même des recherches pour en arriver à améliorer les procédés de construction. Ce qu'on a fait, avec le présent mémoire, cela a été surtout de se pencher sur les propositions qu'Hydro faisait et se dire: Partant des chiffres qui sont mentionnés là, est-ce qu'on ne devrait pas penser à une autre répartition au niveau de ce bilan énergétique?

Vous parlez du chauffage domestique. On considère que l'utilisation de l'électricité, et même favoriser de façon globale la conversion de l'huile vers l'électricité, ce n'est pas tout à fait la bonne direction à prendre. On considère que la part du gaz naturel, entre autres pour le chauffage, devrait être augmentée. On cite des chiffres de ce qui existe ailleurs comme pourcentages dans le bilan énergétique, strictement pour la question du chauffage.

Évidemment, à ce moment-là, je ne réponds pas à votre question à savoir quelle est notre projection en ce qui concerne les besoins en électricité ou en énergie quelconque pour le chauffage domestique d'ici X années. C'est une question qui ne faisait pas l'objet de notre présente étude et à laquelle nous sommes intéressés, mais plutôt en tant qu'individus qu'en tant que groupe comme tel, qui est l'Ordre des ingénieurs.

C'est la réponse que je peux vous donner pour l'instant. Mais le point sur lequel nous avons voulu insister, c'est le départage entre l'électricité et le chauffage au gaz, aux fins d'utilisation domestique et commerciale.

M. Bordeleau: Mais est-ce que vous pouvez me dire, par exemple, si vous avez des choses pratiques comme ordre. Est-ce qu'il pourrait y avoir une espèce de tentative de réduire les coûts de toutes les façons, dans des nouvelles formules de construction, y a-t-il quelque chose de bien palpable, de bien précis qui se fait du côté de l'ordre ou individuellement par certains de ses membres?

M. Delisle: C'est surtout individuellement par certains de ses membres, et non pas par l'ordre comme tel.

M. Bordeleau: Comme je veux laisser du temps au ministre et à certains de mes collègues, je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): Merci. M. le député d'Outremont.

M. Fortier: Je voudrais féliciter l'Ordre des ingénieurs. Bien sûr, non seulement le mémoire que vous nous présentez cette année est très bon, mais celui de l'an dernier était meilleur, étant donné que j'étais l'un de ceux qui y avaient participé.

Une voix: L'humilité l'étouffé. (12 h 45)

M. Fortier: D'ailleurs, il semblerait que tous ceux qui participent à la rédaction de vos mémoires ont des promotions, soit en politique, à Hydro-Québec, enfin dans différents secteurs. C'est un signe que

l'ordre est un foyer d'excellence et de promotion.

Ceci étant dit, ce qui m'intéresse le plus dans votre mémoire, c'est le débat public. J'aimerais un peu revenir sur les questions qui ont été posées là-dessus. Il est bien certain, et je pense que toutes les interventions, entre autres celle qu'on vient d'avoir, celle de la Chambre de commerce et du Board of Trade, et celle qu'on a eue d'ailleurs de l'École polytechnique hier, vont dans le sens de dire: Quelle que soit la date à laquelle on va vers le nucléaire, c'est un peu une discussion théorique; l'important, c'est de s'y préparer. Pour s'y préparer, bien sûr, il faut d'abord prendre une décision à savoir: est-ce qu'on va vers le thermique ou vers le nucléaire? Ceci nécessite un débat public. Le débat public, il faudrait l'avoir le plus tôt possible. L'an dernier, dans votre mémoire au ministre, vous aviez dit: Ayons ce débat public immédiatement et finissons-en d'ici un an.

Pour notre part, du Parti libéral du Québec, c'est dans notre proqramme, nous voulons le débat public et nous croyons justement que la population est en mesure d'y participer. Certaines personnes s'inquiètent à savoir si, réellement, un tel débat public serait fructueux, et cela m'amène à vous poser une question sur ce sujet: Est-ce qu'on veut un débat public simplement pour que les gens disent ce qu'ils ont à dire, même si, selon certains, ce ne serait pas tellement positif? Mais bien sûr, si on a un débat public, il faudrait l'organiser d'une façon sérieuse. C'est pourquoi on aimerait en savoir davantage là-dessus.

En ce qui traite du nucléaire, justement, j'aimerais porter à votre attention tout d'abord qu'il y eu au moins sept commissions d'enquête sur le nucléaire au Canada, depuis quelques annés. Je peux vous les citer ici: il y a la Commission royale d'enquête sur la santé et la sécurité des mineurs en Ontario, la Commission d'enquête sur la planification de l'énergie électrique en Ontario, Cluff Lake Board of Inquiry, en Saskatchewan, l'Enquête sur l'expansion des mines d'uranium dans les régions de Deer Lake, en Ontario, Commission royale d'enquête sur les mines d'uranium en Colombie-Britannique, Comité de la Législature du gouvernement de l'Ontario sur les affaires d'Hydro-Ontario, et enfin un Comité de la législation du gouvernement du Nouveau-Brunswick sur les questions énergétiques.

Le ministre s'inquiète et dit: On manque d'information. Moi, je crois qu'on pourrait avoir accès à une multitude de renseignements, parce que si on prend entre autres la Porter Commission, qui est la Commission d'enquête royale sur la planification de l'énergie électrique en Ontario, cela a coûté des millions de dollars.

Il y a une multitude de renseignements qui sont disponibles.

Le ministre s'inquiète, d'autre part, de la question des coûts. Bien sûr, on sait qu'Hydro-Ontario, déjà, produit de l'électricité - je crois que 37% de toute l'électricité produite en Ontario vient du nucléaire. D'ailleurs, on sait très pertinemment qu'Hydro-Ontario connaît parfaitement combien cela lui coûte. Lorsqu'elle s'engage dans des programmes de construction de centrales nucléaires, elle a des objectifs et on peut s'y référer.

Ceci m'amène à dire, sur les questions des coûts, que si le Québec se lançait dans le nucléaire, ceux qui n'ont pas de complexe d'infériorité, pensent bien qu'on pourrait faire aussi bien que les gens de l'Ontario et même mieux. Avec ce renseignement, et sur la question de la santé et de la sécurité et de la protection de l'environnement, d'autre part, sur la question des coûts, qui sont des facteurs extrêmement importants, parce qu'il faut savoir qu'à l'avenir, pour nous, ce sera des choix peut-être entre certaines rivières et le nucléaire... La question que je vous pose et je reviens à la question qui vous était posée il y a quelques minutes, de quelle façon voyez-vous l'organisation de cette commission ou de cette enquête ou de cet examen public ou de ce débat public? Quels seraient les objectifs qui seraient poursuivis? Quels sujets devrons-nous toucher en priorité?

Lorsque vous dites que vous voulez un débat public, quel serait l'objectif poursuivi pour les citoyens en général? Est-ce qu'il s'agit, d'une part, d'informer la population pour que l'information qui est disponible soit transférée au Québec et qu'on examine toutes les conclusions auxquelles ces commissions d'enquête sont arrivées et qui sont d'ailleurs favorables à 95% au nucléaire? L'important, c'est qu'elles faisaient des recommandations pertinentes au gouvernement en disant: Si vous vous engagez, vous devez le faire de telle et telle façon. C'est la raison pour laquelle je me demande si on veut seulement un débat public pour que les protagonistes soient sur la place publique et que cela fasse les manchettes des journaux ou si on veut plus que cela. Est-ce qu'on veut finalement qu'il y ait des retombées positives dans le sens qu'à la suite de ce débat public le gouvernement serait en mesure de dire: Nous croyons qu'on peut s'engager, mais aux conditions suivantes et que les conditions soient très bien définies? J'aimerais avoir votre opinion de façon plus précise.

Le Président (M. Jolivet): M. Delisle.

M. Delisle: Le premier objectif d'abord, c'est qu'on en parle. Vous savez comme moi qu'on évite de plus en plus de parler du

sujet. Le deuxième objectif, c'est de faire en sorte que toute l'information qui est disponible - vous avez mentionné une foule de références - soit mise à jour par rapport au contexte québécois. Il y a quand même un contexte québécois qui est relativement différent, compte tenu de nos ressources hydroélectriques. On voudrait que, de façon très objective, on puisse comparer les résultats de ces enquêtes sans refaire toutes les analyses, mais au moins les comparer avec les données que nous avons au Québec, le contexte dans lequel nous sommes, avec nos ressources hydroélectriques. Nous voudrions également que le gouvernement s'engage, comme vous le mentionnez, à donner suite à cette consultation en prenant vraiment position et en tenant compte peut-être des éléments qui seront soulevés à la fois par la population et aussi les experts dans le domaine qui pourront venir témoigner et dire: Voici, le nucléaire, c'est bon jusqu'à telle limite. Cela pourrait être utilisé à telle ou telle fin dans telle ou telle proportion et dans tel ou tel délai. Je pense que ce sont des éléments qui pourront être exposés en public devant les autorités gouvernementales, mais cela ne donnera rien de plus si le gouvernement ne s'engage pas par la suite à faire quelque chose. Ce serait déjà un gros point si au moins, en posant le geste de faire cette consultation, on décidait qu'on désire en parler publiquement avec les personnes, les intervenants et les experts du domaine, et aussi, bien entendu, les représentants des différents groupes de la population qui pourraient avoir certaines choses à dire sur le sujet également. Globalement, c'est l'optique que nous visons. Comme je le disais tout à l'heure, nous ne sommes pas allés dans les détails quant à la procédure qui devrait être suivie, quant à la forme que devrait prendre cette commission ou ce comité, mais nous voulons tout au moins qu'on puisse une fois pour toutes en public, et que cela vienne du gouvernement, en parler, et par la suite élaborer une politique en ce sens.

M. Fortier; Est-ce que les recommandations qui ont fait l'objet de votre mémoire l'an dernier, et celles-ci en particulier, mais peut-être plus celles de l'an dernier, ont provoqué une certaine discussion au sein de l'ordre? Je sais que vous aviez organisé un débat sur l'énergie. Mais je parle des recommandations spécifiques de votre mémoire. Cela a été revu par votre bureau, mais dans quelle mesure cela a-t-il été discuté à l'intérieur de l'ordre même?

M. Delisle: Je vais commencer et peut-être que Jean-Paul pourrait élaborer davantage. Avant que le document ne soit acheminé aux autorités gouvernementales, cela avait fait l'étude non seulement de la part d'un comité, mais de la part du conseil d'administration de l'ordre. Nous avions, à ce moment-là, commenté divers aspects. Par la suite, il y a eu des discussions lors de certains congrès de l'ordre. L'an dernier, entre autres, le sujet n'était pas spécifiquement l'énergie, mais certains, par ricochet, ont discuté de la question. L'ordre comme tel n'a pas modifié, pour l'instant -je ne pense pas que ce soit le cas non plus dans l'avenir, du moins en ce qui me concerne - les positions qui sont exprimées dans ce document. Vous faites peut-être allusion à certains commentaires, certaines prises de position publiques ou certains faits relatés par les media.

M. Fortier: Dans quelle mesure le mémoire présente-t-il réellement une réflexion générale des membres de l'ordre...

M. Delisle: Écoutez!

M. Fortier: ...et non pas une représentation du bureau comme tel?

M. Delisle: Vous pourriez même aller plus loin et demander: Pourquoi cela ne représente-t-il pas simplement l'opinion de quelques membres d'un comité? H faut quand même...

M. Fortier: Je ne porte pas de jugement, je pose la question.

M. Delisle: ...faire la part des choses. Vous savez comme moi que dans un organisme comme le nôtre et même dans beaucoup d'autres organismes, lorsqu'une prise de position est formulée, il y a d'abord un groupe de travail qui est constitué; des grands objectifs lui sont donnés et on élabore un document de travail à partir de cela. Par la suite, les gens qui sont élus par les ingénieurs pour les représenter au bureau de l'ordre prennent connaissance du document et suggèrent certaines modifications avant qu'il soit définitivement rendu public par la voix du président de l'ordre qui est le porte-parole officiel. Évidemment, on ne peut pas prétendre qu'il y a 22,000 membres qui souscrivent à 100% au contenu d'un rapport, mais quelle que soit la position prise sur quelque domaine que ce soit, on ne pourra jamais parler de la totalité des membres qu'on représente.

Nous croyons fermement qu'à la suite des consultations au niveau. des régionales et des administrateurs, ce mémoire représente le pouls réel en 1980, et aussi cette année, de l'opinion des ingénieurs sur la question de l'énergie.

Jean-Paul, est-ce que tu as des...

Le Président (M. Jolivet): M. Dagenais.

M. Dagenais (Jean-Paul): Je pourrais peut-être ajouter quelque chose à ce sujet. Au moment où nous étions à préparer le mémoire que nous avons présenté au ministre en janvier 1980, nous avons tenu un congrès, le congrès de juin 1979, qui a été consacré à la question de l'énergie. Le congrès avait été annoncé, évidemment, à l'ensemble de nos membres et au moins 700 membres ont participé à l'assemblée. Alors, à cette occasion, ils ont été à même d'exprimer leur point de vue et, évidemment, cela a influencé le raisonnement et les conclusions auxquelles le comité en est arrivé.

Le Président (M. Jolivet): Merci. M. le député de Gouin.

M. Tremblay: Merci beaucoup, M. le Président. M. Delisle et M. Dagenais, il y aurait deux passages dans votre intéressant mémoire qui me frappent et sur lesquels j'aimerais avoir quelques explications de votre part. À la page 6, vous dites: "Si, par ailleurs, nous choisissions de maintenir le même niveau d'investissement dans le secteur hydroélectrique, nous disposerions alors de vastes surplus qui pourraient favoriser un développement industriel accéléré ou qui pourraient être vendus aux réseaux limitrophes à des taux sans doute avantageux." Nous avons discuté de cette question tout à l'heure avec la Chambre de commerce et, sauf erreur, ce passage semble contredire ce que la Chambre de commerce de Montréal et le Board of Trade tout à l'heure nous disaient.

D'autre part, à la page 8, vous avez un passage qui dit ceci: "Nous sommes d'accord avec les conclusions du document d'Hydro-Québec qui affirme - et là vous citez - qu'à moins de percées technologiques spectaculaires et inattendues, aucune nouvelle forme d'énergie ne sera économiquement exploitable à temps pour prendre la relève de l'hydroélectricité. Il faudra vraisemblablement recourir à des centrales thermiques ou nucléaires." Sur ce dernier point, je ne veux pas ouvrir un débat philosophique parce que, lorsqu'on parle du thermique et du nucléaire, surtout du nucléaire, on semble mêler la philosophie et l'économie. Mais en ce qui concerne les faits, en ce qui concerne l'économie, on peut peut-être s'entendre sur le fait que ce potentiel, cette limite du potentiel énergétique hydroélectrique du Québec, c'est 12,000 mégawatts, tel qu'Hydro-Québec le prétend. J'aimerais que l'Ordre des ingénieurs me confirme que ce fait fourni par Hydro-Québec est aussi ce qu'ils ont évalué.

L'autre fait - et j'aimerais aussi avoir vos opinions sur son interprétation - c'est la situation objective du Québec à laquelle vous avez fait allusion tout à l'heure indirectement, c'est-à-dire que le Québec est un importateur net d'énergie. Nous importons 75%, et même plus, de ce que nous consommons. Oui, jusqu'à 80%, étant donné que nous importons 5000 mégawatts de Churchill Falls. Or, nous importons de l'énergie qui coûte cher; du pétrole, même le gaz naturel va coûter de plus en plus cher aussi et nous importons du charbon pour 2%. Nous avons la possibilité d'exporter de l'énergie qui est un peu meilleur marché que les centrales thermiques au charbon aux États-Unis, par exemple, et qui pourrait être plus cher aussi que l'énergie produite par les centrales nucléaires. Donc, la question que je vous pose, c'est une question de logique économique. Est-ce qu'il est logique d'importer de l'énergie qui coûte cher pour exporter de l'énergie qui est relativement bon marché? La logique économique veut, habituellement, qu'avant d'exporter de l'énergie qui coûte relativement peu cher on substitue au maximum ce que nous importons et qui coûte cher.

Rattachée à cette question, c'est celle que je pose et qui flotte un peu dans le décor: Si nous poursuivons une politique d'exportation de l'énergie électrique, non pas au niveau des excédents temporaires, saisonniers ou interruptibles - il faut bien se comprendre - mais ces exportations massives, n'y aurait-il pas danger ou, du moins, ne craindriez-vous pas que les consommateurs et les usagers du Québec en viennent à être forcés de subventionner par les tarifs internes du Québec l'exportation d'énergie hydroélectrique?

Le Président (M. Jolivet): M. Delisle.

M. Delisle: D'abord, en ce qui concerne la première question, quand vous soulevez le deuxième paragraphe de la page 6, je dois dire quand même que c'est dans le contexte de ce qui précède en page 5. C'était un énoncé où on disait que, théoriquement, si d'une part on a 25% de la demande qui est satisfaite par le gaz et que ces 25% étaient encore au détriment de l'électricité en totalité, ce qui est quand même hypothétique, à ce moment, cela donnerait ceci comme bilan. Le gouvernement, s'il décidait de poursuivre les investissements tels qu'ils sont prévus jusqu'en l'an 1996 disposerait de certains surplus pour, soit faire du développement industriel accéléré ou encore vendre ces suppléments en attendant d'en avoir réellement besoin parce qu'il aura accéléré, à ce moment, son plan vu que le gaz serait plus utilisé. (13 heures)

M. Tremblay: C'est établi. HydroQuébec nous a prouvé que nous allons avoir des excédents d'ici 1988 et nous aurons des excédents d'autant plus grands évidemment que la pénétration du gaz sera plus grande. Maintenant, que faisons-nous avec ces

excédents temporaires? Vous dites: Ou on fait cela, ou on fait cela. Quel est votre choix? Que recommandez-vous au gouvernement? Que recommandez-vous à la population du Québec de faire de cet excédent temporaire d'énergie hydroélectrigue?

M. Delisle: Vous parliez tantôt de logigue économique. C'est fonction évidemment des taux auxquels on sera capable de vendre l'électricité livrée aux réseaux limitrophes. Si, par contre, économiquement parlant, ce n'est pas rentable, parce que, comme vous le dites, on va importer de l'énergie qui va coûter plus cher que celle qu'on exporte, à ce moment-là, l'utilisation logique qui devrait en être faite, c'est au niveau industriel ici au Québec.

M. Tremblay: Donc, cela nous prend une analyse coûts-bénéfices que nous n'avons pas présentement.

M. Delisle: On ne l'a pas en main. M. Tremblay: D'accord.

M. Delisle: Je pense qu'affirmer des choses sans avoir toutes les statistiques en main, ce ne serait pas sérieux de notre part.

M. Tremblay: Très bien.

Le Président (M. Jolivet): M. Dagenais.

M. Dagenais: II y aurait évidemment la possibilité de réduire la vitesse de nos investissements dans le domaine hydroélectrique qui serait à considérer, parce qu'à ce moment-là, on parle de la difficulté d'emprunter de plus en plus grande. En réduisant le taux d'investissement, on réduit notre taux d'emprunt, notre niveau d'emprunt.

M. Tremblay: Mais, M. Dagenais, je vous souligne qu'Hydro-Québec nous a remis une analyse économique de cette option de ralentir le plan. Sa conclusion allait dans le sens qu'en ralentissant, non seulement les investissements ne diminueraient pas sur la période, mais augmenteraient de $1,300,000,000 et il y aurait une perte nette de $950,000,000.

M. Dagenais: C'est cela. Il faut considérer tous les facteurs économiques. Il faut surtout considérer l'inflation qui augmente les prix de 10% ou de 12% par année.

M. Tremblay: Oui.

M. Dagenais: C'est une balance. Il faut se demander si on doit investir plus vite pour que cela coûte moins cher et, à ce moment-là, si on a des surplus, il faut en disposer ou s'il est préférable d'attendre, parce que l'inflation, c'est un phénomène qui va dans les deux sens. Les prix augmentent en apparence, mais, de fait, en valeur réelle, ils n'augmentent pas.

M. Tremblay: Maintenant, sur la question de la substitution...

M. Delisle: Je n'avais quand même pas encore répondu à la deuxième partie de votre question. Quand on cite un extrait du livre d'Hydro, en page 8 de notre mémoire, c'est qu'évidemment, on est d'accord avec les conclusions, mais elle se contente d'affirmer ceci et ne nous dit pas ce qu'on fait, tandis que nous nous disons: C'est maintenant qu'il faut y penser. Elle se dit simplement: II faudra vraisemblablement recourir à des centrales thermiques ou nucléaires. Mais on ne ne dit nulle part ailleurs que c'est maintenant qu'on doit commencer à se préparer ou, du moins, continuer à se développer dans ce domaine pour être quand même prêt, lorsque ce sera requis, parce qu'on est devant un constat que ce sera requis, toujours d'après le texte.

M. Tremblay: C'est peut-être injuste, ce que vous dites à l'endroit d'Hydro-Québec, M. Delisle. C'est que, dans son plan d'installation, il y a des prévisions disant que, soit le nucléaire, soit des centrales thermiques vont devoir commencer à être mises en marche, à partir de 1992. En 1995, par exemple, 2337 MW devront, selon elle, provenir du nucléaire.

M. Delisle: Ou autres.

M. Tremblay: Cumulatif. Dans le tableau XIV que j'ai ici, on n'inscrit pas "autres". Habituellement, je vois "autres". Mais, dans le tableau remis par HydroQuébec, on inscrit "nucléaire cumulatif: 2337 MW, en 1995". Elle y a donc songé.

M. Delisle: D'accord. Si vous permettez...

Le Président (M. Jolivet): Oui, M. Delisle.

M. Delisle: Vous avez remarqué comme nous que, dans le tableau, il n'y a pas le mot "autres", mais partout dans le texte, chaque fois qu'on parle du nucléaire, il y a toujours le mot "autres". C'est de savoir quelle est la proportion de chacun.

M. Tremblay: Oui, mais...

Le Président (M. Jolivet): M. le député!

M. Delisle: Mais, encore là, je dirais que c'est en fonction aussi du mandat ou de l'encadrement à l'intérieur duquel Hydro doit fonctionner. On connaît évidemment la situation, le moratoire et tout cela. C'est quand même très difficile pour un organisme d'État d'aller en dehors des sentiers que lui trace le gouvernement auquel il se rapporte.

Le Président (M. Jolivet): Merci. Dans le but de vous éviter de revenir cet après-midi, on s'est entendu de chaque côté de cette table, pour donner la parole à deux autres intervenants. Pour terminer, M. le député de Mont-Royal, d'abord, et M. le ministre ensuite, de façon que l'on puisse supendre nos travaux jusqu'à 15 heures.

M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Merci, M. le Président. Dans votre mémoire, vous faites référence au gaz naturel. Vous dites que les objectifs de 12% ne sont pas suffisants; à tout le moins, vous dites que ce n'est pas un objectif ambitieux. Vous dites que les objectifs du Québec en ce domaine vous paraissent nettement insuffisants. À part les prix incitatifs, à part d'enlever la taxe de vente ou d'autres mesures de ce genre, y a-t-il des mesures spécifiques, plus fondamentales que le gouvernement pourrait prendre pour assurer qu'il y ait une augmentation plus élevée du gaz naturel si c'est l'objectif? Hier, dans d'autres mémoires, le genre de suggestions qu'on nous faisait était de dire: II faut que ce soit plus concurrentiel. Y a-t-il d'autres éléments plus fondamentaux que ceux-là?

Le Président (M. Jolivet): M. Delisle.

M. Delisle: D'une part, on a rattaché, comme vous voyez, le gaz naturel surtout au niveau du chauffage domestique, industriel et commercial. Il existe, comme vous le savez, des programmes qui subventionnent la conversion du système de chauffage à l'huile vers l'électricité. Si des programmes aussi, sinon plus généreux existaient pour la conversion de l'huile au gaz naturel, déjà, ce serait un facteur incitatif intéressant. Il faut faire en sorte que le transfert se fasse dans la direction que nous souhaitons parce qu'on considère que l'électricité est une source d'énergie qui peut être utilisée de façon plus adéquate que pour du chauffage tout simplement, alors que le gaz nous semble très adéquat pour le chauffage. C'est un exemple dans les facteurs incitatifs. Hier, à cette commission, il y a eu d'autres exemples qui ont été suggérés et je pense que chacun a sa valeur. Il s'agirait de faire la part des choses et de voir de quelle façon le gouvernement pourrait choisir un programme.

M. Ciaccia: Si je comprends bien, vous recommandez fortement ce genre de programmes ou des mesures par le gouvernement pour augmenter la part du gaz naturel au Québec.

M. Delisle: Oui, avec ce moyen, entre autres, qui est la conversion des systèmes de chauffage.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre, votre période de questions.

M. Delisle: Je pense que M. Dagenais avait quelque chose à ajouter là-dessus.

Le Président (M. Jolivet): Oui, M. Dagenais. Allez-y.

M. Dagenais: Une seconde, si vous permettez. Je voudrais simplement signaler qu'Hydro-Québec, au simple titre du chauffage domestique, prévoit que la consommation d'électricité passera de 11,2 milliards de kilowattheures en 1980 à 41 milliards de kilowattheures en 1996. En l'espace de seize ans, on prévoit que la consommation d'électricité pour le chauffage domestique sera pratiquement multipliée par quatre, ce qui est énorme. Cela va prendre des mesures incitatives pour que cette chose-là se fasse. Les mesures incitatives pourraient être dirigées vers un autre medium qui serait le gaz.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Bérubé: Merci, M. le Président. En fait, il n'y a qu'une seule question que je voudrais aborder avec vous puisque, comme vous le soulignez, en janvier 1980, nous nous rencontrions pour recevoir un mémoire de l'Ordre des ingénieurs, qui prenait très fermement position en faveur du nucléaire. J'ai pris bonne note, d'ailleurs, de l'introduction par le député d'Outremont concernant la qualité du mémoire actuel qu'il attribue, évidemment, uniquement à son départ de l'ordre et à sa non-participation au mémoire actuel. Si le mémoire original de l'ordre était à ce point teinté en faveur du nucléaire et qu'il s'estime être à l'origine de cette position, je tire la conclusion que le député d'Outremont, effectivement, a derrière la tête une pénétration rapide du nucléaire au Québec. Je me demande d'ailleurs si la prise de position dont il fait état continuellement concernant un débat public n'est pas plutôt une opération camouflage en public de manière à pouvoir glisser ses idées.

C'est donc cette question que je veux fouiller beaucoup plus en profondeur parce qu'on vous avait dit à ce moment-là: II y aura un débat sur le nucléaire, et je pense

qu'il est temps d'ouvrir un débat sur le nucléaire immédiatement avec vous parce que j'aimerais avoir votre position.

La position du gouvernement est claire présentement. Elle était annoncée dans le livre blanc. C'était, premièrement, un moratoire concernant un programme massif de nucléarisation de notre équipement de production d'électricité; deuxièmement, non seulement un moratoire - on disait jusqu'en 1980 à l'époque - mais, ce qui apparaissait aussi clair dans la décision gouvernementale, l'existence de miniprogrammes au Québec de manière à maintenir l'expertise, s'assurer que l'on puisse garder des ingénieurs compétents comme le député d'Outremont dans le secteur du nucléaire et, à la prochaine élection, nous allons prendre certaines mesures pour le retourner à sa profession initiale où, j'en suis convaincu, il excellait.

M. Fortier: Ah, ah!

M. Bérubé: II est nettement moins bon, d'ailleurs, dans son rôle actuel et je ne voudrais pas que les mémoires de l'Ordre des ingénieurs continuent à se dégrader à la suite de son départ. Je pense qu'il faut le retourner chez vous le plus vite possible.

M. Fortier: Vous avez du travail à faire.

M. Ciaccia: Ne faites pas de politique, M. le ministre.

M. Fortier: Bonne chance dans Outremont.

M. Samson: II va y avoir une explosion dans Outremont.

M. Bérubé: Lorsqu'on examine le moratoire en place et qu'on se demande: Devrait-on le remettre en question, comme vous le faites, je dois dire que je ne suis pas d'accord avec vous. Je vais vous expliquer pourquoi et je vais essayer de voir, après cela, quelle position vous prenez par rapport à cela. Le moratoire implique que nous ne sommes pas encore convaincus que le nucléaire sera nécessaire, contrairement à ce que vous affirmez dans votre mémoire. Vous parlez de l'après-hydraulique et, évidemment, l'après-hydraulique, il faut lui donner un horizon. Vous voyez l'après-hydraulique dans les années quatre-vingt-quinze, j'imagine, puisque vous voulez qu'on s'engage immédiatement dans le nucléaire.

Nous voyons l'après-hydraulique plus loin que vous; d'où une certaine réticence à s'engager tout de suite dans un programme nucléaire. Il faut laisser la technologie évoluer, laisser les ingénieurs-conseils qui se font la main sur les réacteurs nucléaires à un prix assez élevé, mais qui, quand même, s'exercent, améliorer leur technologie et éventuellement, lorsque tout sera en place, peut-être qu'on sera justifiés d'aller au nucléaire.

J'essaie de voir jusqu'où on peut étendre cet horizon. On va le faire ensemble. D'abord, il faut se poser la question: Est-ce que les prévisions de demande en électricité qu'Hydro-Québec a déposées correspondent à la réalité? C'est la première question qu'il faut se poser. Plusieurs intervenants, je dirais la plupart des intervenants, ont souligné qu'Hydro-Québec était plutôt optimiste quant à la demande dans ses prévisions. Elle prévoit toujours qu'on va avoir besoin de plus d'électricité qu'on n'en a besoin dans les faits. Cela se comprend et cela a été souligné ce matin par la Chambre de commerce. Hydro-Québec ne peut pas courir de risque; elle préfère prévoir une demande supérieure, quitte à ralentir son programme dans les années qui viennent au fur et à mesure qu'elle constate qu'effectivement sa prévision était peut-être optimiste.

J'en tiens pour bel exemple la prévision qu'Hydro-Québec faisait pour 1990 des besoins en électricité. En 1976, on prévoit 220 térawatts; en 1978, toujours pour 1990, on dit: Vérifions, c'est plutôt 185; en 1980, toujours pour 1990, on dit: Cela baisse à 158. Finalement, on tombe sur ce que le ministère de l'Énergie et des Ressources proposait, qui était autour de 150 ou 160. N'essayons pas d'être trop précis dans ces calculs. Il y a donc une possibilité très réelle que la demande ne soit pas aussi forte que celle que prévoit Hydro-Québec. Si tel devait être le cas, nous aurions environ 8000 mégawatts disponibles en surplus aménageables de rivières. C'est vers 1995, l'an 2000.

J'en ajoute. Les économies d'énergie. Par un programme plus dynamique, lorsque l'on compare les prévisions d'Hydro-Québec et ce que le ministère des mines, ce que mon propre ministère prévoit et que plusieurs organismes ont suggéré, dans le cas du gaz, par exemple, on pourrait peut-être prévoir 3000 mégawatts additionnels. On peut s'amuser aussi. Les gaziers nous ont dit, et vous-mêmes l'avez répété: II ne faudrait pas que les Québécois se chauffent à l'électricité; ce n'est peut-être pas la forme d'énergie la plus appropriée. Se chauffer à l'électricité peut vouloir dire qu'on va se chauffer avec des centrales nucléaires en 1995. Cela revient à cela. Avec nos centrales nucléaires, on fabrique de l'électricité avec laquelle on chauffe les Québécois. On peut se poser la question: Est-ce qu'on devrait prendre des centrales nucléaires pour se chauffer ou du gaz naturel? Très bonne question que vous avez posée. Mais comme il y aura entre 8000 et 10,000 mégawatts d'électricité dans les

projections d'Hydro-Québec servant au chauffage, si on utilisait du gaz à la place, il y a un bon pourcentage de cela qui ne serait pas nécessaire en besoin d'électricité.

Et je continue. On connaît les imprécisions dans la détermination du coût du nucléaire, comme dans le cas de l'hydraulique. C'est peut-être un peu plus précis dans le cas de l'hydraulique. Parce que ces rivières, une fois aménagées, peuvent fournir de l'électricité pendant au moins une quinzaine à une cinquantaine d'années, on pourrait imaginer qu'une marge de 25% de sécurité quant au coût de l'hydraulique serait acceptable et que toute rivière coûtant 25% de plus que le nucléaire devrait être aménagée, plutôt que du nucléaire. On vient d'aller chercher 6000 MW. Je m'amuse à nouveau et je prends les petites rivières et je constate que, de l'avis d'Hydro-Québec, il y a peut-être 3000 MW - avant d'avoir fait les études, j'entends bien, puisque, justement, Hydro-Québec s'engage dans un programme intensif d'études - qu'on pourrait dégager des petites rivières. Je viens de trouver 28,000 MW et j'ai fait un calcul rapide. Mais avec une consommation annuelle, passé 1985, de l'ordre de 1200 ou 1500 MW, c'est - il faut bien le retenir - presque 15 à 20 ans additionnels de pouvoir hydroélectrique disponible.

Donc, il est possible qu'en l'an 2010 ou 2015 j'aie effectivement besoin du nucléaire. Possible! En 1995, ce n'est pas sûr. Est-ce que ceci ne veut pas dire que nous serions justifiés de maintenir un moratoire au moins jusqu'en 1984 ou 1985 et peut-être le reporter jusqu'en 1990, et suivre continuellement la croissance de notre demande, de manière que tant et aussi longtemps qu'on arrive effectivement à économiser plus d'énergie qu'on prévoyait, qu'on arrive à réduire notre consommation, qu'on arrive, par nos études, à dégager du potentiel plus économique de petites rivières, à ce moment, on puisse retarder continuellement, par ce moratoire, la pénétration du nucléaire jusqu'à ce qu'on soit collés avec le nucléaire, et je vois cela peut-être en l'an 2010 ou 2015?

En d'autres termes, je n'affirme pas que nous n'aurons pas besoin du nucléaire avant 1995, mais je dis que des chiffres préliminaires indiquent que ce n'est pas du tout évident qu'il faille prendre une décision maintenant. Au contraire, les chiffres que nous avons indiquent qu'on devrait plutôt retarder. Comment concilier, donc, toutes ces données qui nous viennent des différents intervenants depuis le début de la commission avec votre position très ferme qu'il faut dès maintenant s'engager dans le nucléaire alors qu'au contraire j'opinerais plutôt vers un moratoire prolongé, au moins encore de trois ou quatre ans. Là, nous pourrions avoir un véritable débat parce que c'est le débat d'un gouvernement qui n'est pas pour le nucléaire, contrairement peut-être à la position défendue par M. Fortier quand il a préparé votre mémoire.

Donc, nous ne favorisons pas le nucléaire à l'heure actuelle. Nous l'avons bien clairement montré. Par conséquent, un débat public serait de nature à peut-être nous amener à changer d'idée. Mais, au moins, on connaîtrait en partant quelle est la position du gouvernement du Québec dans ce secteur. J'aimerais avoir votre réaction à ça.

Le Président (M. Jolivet): M. Delisle.

M. Delisle: Il y a beaucoup de choses dans votre exposé. D'abord, je voudrais préciser que ce n'est pas le mémoire de M. Fortier, mais le mémoire de l'Ordre des ingénieurs.

M. Bérubé: Il s'en est attribué la paternité tantôt.

Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît'

M. Delisle: Je ne voudrais pas mettre en doute les affirmations du ministre quand il semble nous prouver que le ministère de l'Énergie et des Ressources est meilleur planificateur de la demande que les gens d'Hydro-Québec. Ce que je voudrais quand même faire ressortir, c'est que quand le ministre nous dit: Nous ne sommes pas convaincus qu'on va avoir besoin du nucléaire, donc on doit maintenir le moratoire, je peux facilement retourner la question en disant: Nous ne sommes pas convaincus qu'on n'en aura pas besoin, donc il faut en parler et il faut décider qu'est-ce qu'on va faire. C'est pour ça que c'est peut-être une question de sémantique à un moment donné: il y en a qui disent que ça va être en 1995, d'autres, par toutes sortes d'artifices de calculs, vont nous dire que ça va être en l'an 2000. Si, par exemple - à ce que je peux lire entre les lignes de M. Bérubé - on semble vouloir vraiment s'engager vers une conversion plus massive vers le gaz, déjà ce serait peut-être une façon de retarder l'échéance du nucléaire. On n'a jamais dit que l'échéance était finale pour telle date. Mais, quand même, dans votre exposé, vous avez fait allusion à une foule d'intervenants qui sont venus ici et qui vont continuer à venir dans les jours qui viennent pour essayer de vous prouver que tel ou tel chiffre devrait être interprété de telle ou telle façon. Tout ça nous prouve qu'on aura vraiment besoin, justement, de ce fameux débat pour vider la question de façon très objective, avoir les données en main, les données qui sont vôtres, les données qui sont d'Hydro-Québec, les données qui viennent

d'ailleurs. Évidemment, ce n'est pas à Hydro-Québec à prôner la conversion vers le gaz, entre autres; je ne pense pas que ce soit dans son mandat. Donc, tout de suite là, c'est un élément qui va ressortir autour d'une autre table que celle-ci. Lorsqu'on va parler vraiment de la question nucléaire, on va parler de toutes les formes d'énergie et, à ce moment, chaque forme aura sa place dans le débat.

Vous mentionniez tout à l'heure que vous trouviez inconciliable le fait qu'on demandait et qu'on demande encore la levée du moratoire avec des chiffres que vous nous apportez, à savoir que c'est seulement vers l'an 2000 ou 2015 que le recours, que vous dites vous-même peut-être inévitable, au nucléair sera requis. Là-dessus, pour reprendre ce qu'on mentionnait tantôt, la preuve n'est pas plus évidente pour nous, dans le sens que vous dites, qu'elle l'est dans le sens inverse. Ces chiffres sont très hypothétiques. Les nôtres le sont également quand on parle de conversion au gaz. Je comprends, dans vos propos, que le gouvernement semble vouloir s'engager de façon très positive vers la conversion plus massive vers le gaz. Déjà, là, je dis, peut-être, M. le ministre, que vous venez de gagner deux ans pour le nucléaire. Mais, ce n'est rien d'officiel, comme position gouvernementale, pour l'instant.

Donc, nous, nous nous en tenons à ce que nous connaissons de la position gouvernementale, aux chiffres qu'Hydro-Québec, avec son service de planificatin, a bien voulu mettre devant nous. À partir de ces données, nous ne nous posons pas en experts pour voir lequel a raison au niveau de ces projections. Nous disons: Si on commence ces projections, ça ne nous prouve pas qu'on n'aura pas besoin du nucléaire, et si on en a besoin, commençons dès maintenant à s'y préparer. C'est ça, l'optique. On peut, hors contexte, évidemment, en arriver à toutes sortes de dates pour l'échéance du nucléaire et, à ce moment, les hypothèses et les scénarios seront différents.

On pourra dire: Peut-être que ça va prendre encore cinq ans et laissons continuer le nucléaire. Mais, nous, nous nous fions aux données que nous avons, qui nous semblent crédibles, et aussi aux prises de position du gouvernement. Je fais allusion encore au programme de favorisation de la conversion de l'huile à l'électricité, par exemple, dans le cas du chauffage. C'est le contexte dans lequel on vit actuellement.

M. Bérubé: Je pense qu'on n'est pas si loin l'un de l'autre. Vous reconnaissez qu'il faut avoir une expertise minimale. La seule différence, finalement, c'est que tant et aussi longtemps qu'on ne nous fait pas la preuve que nos besoins en énergie, que nos projections de demandes que l'on faisait initialement ne doivent pas être évalués à la baisse, on ne prend pas de décision concernant le nucléaire. Le moratoire repose simplement sur une comparaison continue de la demande réelle en électricité et de la demande que l'on projetait et qui nous amenait au nucléaire. Chaque fois que la demande réelle est inférieure à ce que l'on projetait, qui nous amenait vers le nucléaire, on est justifié de reporter la décision concernant le nucléaire jusqu'à ce que, finalement, on soit devant l'inévitable, et ça pourrait être en l'an 2000. Pas plus que vous je n'ai l'assurance que les chiffres que je vous ai apportés sont exacts. Donc, il y a une marge d'inconnu. Mais la notion de moratoire implique qu'on ne s'engage pas dans le nucléaire maintenant pour découvrir, en 1995, qu'on n'aurait pas dû, parce que, de toute façon, on avait assez d'électricité.

Ma position est plutôt l'inverse: n'entrons pas dans le nucléaire, aménageons notre hydraulique, favorisons les économies d'énergie, favorisons la pénétration du gaz et, là, si, effectivement, on arrive à restreindre la demande en électricité, on aurait évité le nucléaire pendant une très longue période. C'est très différent de la vôtre, si vous voulez, dans sa conclusion.

Vous voulez aller au nucléaire et vous verrez, en 1995, si vous en aviez besoin. Moi, je dis, tant et aussi longtemps qu'on ne m'a pas fait la démonstration que la demande va croître aussi rapidement qu'on le dit et que je n'ai aucun autre potentiel disponible, je dis: N'entrons pas dans le nucléaire.

Le Président (M. Jolivet): M. Delisle.

M. Delisle: J'ajouterais simplement que vous me permettrez de croire qu'en sus des éléments que vous venez de soulever qui ont motivé l'imposition et le maintien du moratoire, il y a peut-être d'autres éléments qui sont entrés en considération sur lesquels on ne doit pas entrer ce matin. Mais il y a d'autres éléments qui ont sûrement motivé la position du gouvernement d'imposer et de maintenir ce moratoire.

Le Président (M. Jolivet): M. le député d'Outremont.

M. Fortier: J'invoque le règlement, M. le Président, parce que j'aimerais rétablir certains faits. J'entendais le ministre faire de la petite politique sur un sujet aussi important. Il attaquait le député de Mont-Royal, tout à l'heure, en lui disant que ce n'était pas un endroit pour agir de la sorte. Je m'aperçois qu'il n'est pas capable de se tenir à la hauteur même où il voudrait bien que les autres se tiennent.

En ce qui concerne le rapport de l'Ordre des ingénieurs, il est vrai que j'y ai

participé l'an dernier. J'aimerais vous dire, M. le ministre, parce qu'il semblerait que vous n'avez pas pris le temps de lire le mémoire, qu'au moins dix ingénieurs ont participé à la rédaction de ce mémoire. J'étais le seul représentant de l'industrie nucléaire, les neuf autres étaient dans le domaine de l'économie d'énergie, de l'hydroélectricité, du gaz, enfin, de toutes les formes d'énergie. Laisser supposer que l'Ordre des ingénieurs accepte, d'une part, le rapport de comités, c'est une aberration mentale et, d'autre part, même le comité était en majorité formé de personnes qui n'avaient rien à faire à l'industrie nucléaire comme telle.

Au lieu de faire des allusions de ce genre, M. le ministre, vous seriez bien mieux de prendre les décisions qui s'imposent et de nous dire ce que vous allez faire avec Gaz Métropolitain, quand vous allez choisir les distributeurs de gaz. Au lieu de supposer une certaine pénétration du gaz, prenez donc les décisions qui doivent être prises maintenant et faites donc face à vos responsabilités.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Rouyn-Noranda.

M. Samson: M. le Président, je voudrais souligner mon accord avec lé mémoire en ce qui concerne un débat public sur la question du nucléaire, un débat public qu'on suggère être une commission spéciale. J'imagine, quand on parle de commission spéciale - et je vous pose la question - que vous voyez là une commission qui pourrait être itinérante et recevoir non seulement des mémoires, mais consulter également la population sur divers aspects se rapportant à cette question. Est-ce que c'est le genre de commission spéciale dont vous parlez dans votre mémoire?

M. Delisle: Cela pourrait être envisagé de cette façon. Évidemment, compte tenu de l'importance du dossier, nous croyons qu'on pourrait aller jusque-là.

M. Samson: Une commission spéciale qui tiendrait compte de l'expertise, qui tiendrait compte de ce que les scientifiques pourraient apporter et qui tiendrait compte également de la perception de la population ou de la capacité de perception de la population au moment du débat. C'est bien ça?

Le Président (M. Jolivet): M. Dagenais.

M. Dagenais: Je pense qu'il ne faudrait pas oublier aussi de penser aux diverses instances gouvernementales. Ce serait une excellente occasion pour Hydro-Québec et les divers ministères de faire valoir leurs points de vue qui, de toute évidence, ne sont pas nécessairement convergents.

M. Samson: Alors, je suis bien heureux d'entendre ça de votre bouche.

M. le Président, j'ai quelques minutes à peine pour m'interroger quant à la position gouvernementale, cependant. Nous sommes d'accord avec le débat public. Nous sommes d'accord avec cette forme de commission spéciale où on tiendra compte du point de vue de la population. Mais, quand j'entends parler le ministre, M. le Président, je ne peux faire autrement que de me rappeler le débat de 1971 sur la Loi constituant la Société de développement de la Baie James. Nous avons, au cours de cette commission parlementaire, entendu parler surtout d'équipement, de développement, mais dans la région spécifique de la Baie James. M. le Président, vous n'étiez pas là, le ministre non plus, mais savez-vous quel était l'argument principal invoqué par le Parti québécois dans ce temps-là - j'étais là, moi - pour ne pas consentir à cautionner la loi sur le développement de la Baie James? L'argument principal à ce moment-là du Parti québécois, c'était qu'il fallait aller au nucléaire le plus rapidement possible.

Vous voyez, M. le Président, comme il peut y avoir des changements de position surtout quand on arrive à la veille d'une élection comme ça. Notre constante... J'entendais le ministre, tantôt, dire: on est contre le nucléaire, c'est clair et nous, on voudrait retarder ça. Quand j'entendais parler le ministre tantôt, je revoyais le discours du premier ministre Bourassa en 1971. Alors, il fait sienne des propositions du premier ministre Bourassa en 1971, aujourd'hui, alors que son parti était contre en 1971; ces gens ont été contre aussi longtemps qu'ils ont pu tenir le coup, jusqu'à ce qu'ils réalisent que, réellement, c'est le Parti libéral qui avait eu raison. Je suis bien à l'aise pour le dire, M. le Président, non pas parce que je suis dans le Parti libéral aujourd'hui. J'étais dans un autre parti à ce moment, mais j'étais d'accord avec le Parti libéral. J'étais tellement d'accord que j'ai cautionné la loi 50.

Il faudrait rétablir les choses dans leur juste perspective. Qui sont ceux qui ont voulu aller au maximum de notre développement énergétique actuel? C'est le Parti libéral. Qui sont ceux qui ne veulent pas s'aventurer aveuglément dans une autre forme d'énergie qui est actuellement discutée et probablement discutable? C'est encore le Parti libéral. Qui sont ceux qui, aveuglément, ont dit, en 1971: On ne veut pas de ça parce que c'est du nucléaire qu'on veut? Qui sont ceux qui ont continué le débat jusqu'en 1976, jusqu'à la veille des élections? C'est encore le Parti québécois. Qui sont ceux qui, aujourd'hui, à la veille d'une autre élection, viennent nous dire: Nous, vous savez, on est

contre ça et on voudrait peut-être le retarder? Oui, vous étiez pour avant, vous êtes contre maintenant et si vous étiez réélus, vous seriez peut-être pour après. Nous, on dit: ce n'est pas de cette façon que les choses doivent se passer, parce que c'est un débat où, on le sait, il y a des gens qui sont favorables et il y en a qui ne sont pas favorables. (13 h 30)

C'est un débat qui est non seulement scientifique, mais qui a des incidences sur la population et sur la compréhension de la population vis-à-vis de cette forme d'énergie. Vis-à-vis de ça, nous croyons et nous nous croyons justifiés de continuer - non pas d'arriver aujourd'hui avec une formule de débat public - à réclamer le débat public et à dire ce que nous avons dit en 1971: Allons-y au maximum de notre capacité et, s'il y a nécessité, on consultera après. C'est la constante du Parti libéral qui est contraire au cahotement du Parti québécois dont l'honorable ministre que j'ai devant moi est le champion maintenant.

Le Président (M. Jolivet): Merci, M. le député. M. Delisle, en terminant.

M. Delisle: Je voulais simplement remercier les membres de cette commission et je me demande si c'est possible que le document auquel nous faisons référence - et pour vous prouver, d'ailleurs, qu'il a été fait en toute objectivité - puisse être considéré comme un complément au mémoire que nous avons présenté ce matin.

Le Président (M. Jolivet): Vous me permettrez de faire une rectification à ce que j'ai dit tout à l'heure concernant la Chambre de commerce du district de Montréal. J'ai parlé de la Bibliothèque nationale, alors que j'aurais dû parler de la bibliothèque de la Législature. Si votre document peut nous être apporté, nous le transmettrons à ce niveau, mais il ne sera pas inscrit au journal des Débats. Si vous en avez des copies additionnelles...

M. Delisle: On pourra vous en faire parvenir des copies. Dites-nous combien.

Le Président (M. Jolivet): D'accord. Donc, c'est la façon la plus logique de faire parvenir aux membres de cette commission une copie de ce document. Quant à moi, je vous remercie au nom des membres de cette commission d'être venus devant cette commission et, à 15 heures, nous reprendrons les débats avec l'Association des constructeurs de routes et grands travaux du Québec.

(Suspension de la séance à 13 h 32)

(Reprise de la séance à 15 h 17)

Le Président (M. Jolivet): À l'ordre: La commission de l'énergie et des ressources est à nouveau réunie aux fins d'entendre les personnes ou organismes qui veulent faire des représentations relativement au plan d'équipement et de développement 1981-1990 de la société Hydro-Québec.

Au moment où nous nous sommes quittés, nous en étions rendus à l'Association des constructeurs de routes et grands travaux du Québec, représentée par M. Carol Wagner.

J'aimerais que M. Wagner nous présente les membres qui l'accompagnent avant de commencer le mémoire.

Association des constructeurs de routes et grands travaux du Québec

M. Wagner (Carol): M. le Président, je vous présente à ma gauche Me Serge Caron, je suis Carol Wagner, à droite, MM. Jos. Carré, Serge Poulin et Damien Morissette.

Le Président (M. Jolivet): Avant que vous commenciez, j'ai à annoncer aux membres de cette commission qu'il y a eu quelques changements quant aux membres. M. Fortier (Outremont) est remplacé par M. Samson (Rouyn-Noranda) et M. Samson (Rouyn-Noranda) est remplacé par M. Pagé (Portneuf).

Vous pouvez commencer votre mémoire.

M. Wagner: M. le Président, avec votre permission, je demanderais à M. Jos. Carré, notre président au conseil d'administration, de lire le mémoire.

Le Président (M. Jolivet): Allez.

M. Carré (Jos.) Merci, M. le Président.

L'Association des constructeurs de routes et grands travaux du Québec regroupe la majorité des entrepreneurs oeuvrant dans le domaine du génie civil au Québec. Tous les entrepreneurs de la Baie James sont membres de notre association. Il en est de même pour les entreprises de lignes de transport d'énergie et de postes de transformation. C'est au nom de ces entreprises membres qu'il nous fait plaisir de vous présenter ce mémoire.

Le 16 décembre 1980, Hydro-Québec présentait le plan des installations qu'elle se propose de réaliser au cours de la prochaine décennie. Ce plan est en relation directe avec la demande d'électricité prévue. Aucun autre critère n'est intervenu dans le choix des différents projets, mis à part l'état d'avancement de leur phase d'exploration et d'ingénierie et leur potentiel énergétique.

Après étude des documents publiés par Hydro-Québec, notre première constatation est que le plan des installations tel que

proposé est hors de la capacité de notre industrie. En effet, il n'y aura pas assez d'entrepreneurs au Québec pour réaliser l'empilement des travaux de 1988 à 1990 et, de plus, il n'y aura pas assez de travailleurs. Si ce plan est maintenu, nous assisterons à un phénomène de surinflation qui fera passer la somme des investissements requis de $55,490,000,000 à $60,610,000,000, soit un coût supplémentaire d'environ $5,120,000,000.

Disponibilité de la main-d'oeuvre. Présentement, on dénombre 110,000 travailleurs pouvant oeuvrer dans l'industrie de la construction au Québec. Nous avons constaté, depuis l'apparition des effets de l'application du règlement sur le placement, une diminution d'environ 40,000 travailleurs, ce qui abaisse le total à 70,000 travailleurs actuellement classifiés par l'Office de la construction. Cependant, pour les besoins de notre étude, nous considérons le chiffre de 110,000 travailleurs, reconnaissant que, si la demande en main-d'oeuvre des chantiers éloignés est grande, les 40,000 travailleurs qui sont présentement absents de l'industrie pourront y revenir.

La baisse de la croissance démographique associée aux effets du règlement sur le placement et au manque de programmes de formation défavorise pour les années qui viennent une augmentation de la main-d'oeuvre et nous fait conclure plutôt à une diminution ou, du moins, à une stabilité du nombre actuel de 110,000 travailleurs jusqu'en 1990. Nous évaluons à environ 25,000 le nombre de travailleurs qui sera disponible, à la pointe de 1989-1990, pour satisfaire les chantiers éloignés. En effet, sur les 110,000 travailleurs mentionnés plus haut, environ la moitié travailleront ailleurs au Québec. Des 55,000 restant, un maximum de 45% seront disposés à travailler sur des chantiers éloignés, ce qui nous donne notre total de 25,000.

Les prévisions d'Hydro-Québc, reproduites dans le tableau no 1 en annexe, montrent un total des effectifs de pointe de 25,000 hommes en 1989 et de 27,700 en 1990. Il faut ajouter à ces chiffres un minimum de 30% de contingence. Nous disons bien un minimum, car l'expérience des cinq années passées nous démontre que, plus le nombre de travailleurs requis est élevé, plus la contingence en pourcentage augmente. Nous pouvons facilement constater cette affirmation en examinant les tableaux no 2 et no 3 en annexe. Le tableau no 2 donne la pointe annuelle de la main-d'oeuvre active au complexe La Grande et le tableau no 3, le nombre de travailleurs acheminés au complexe La Grande. Nous constatons, par exemple, qu'en 1978 la pointe annuelle des travailleurs était de 17,000 hommes et qu'il a fallu acheminer 24,257 hommes pour la satisfaire, soit une contingence ou un roulement, si vous voulez, d'environ 43%.

De plus, si le nombre de jours que doit passer un travailleur sur le chantier avant de pouvoir prendre des vacances diminue lors des prochaines conventions collectives, la contingence augmentera encore plus. L'effectif de pointe maximum prévu par Hydro-Québec est donc de 36,000 années-hommes, si on ajoute 30% de contingence. Comme nous l'avons vu plus haut, le maximum d'hommes qui pourront se trouver sur les chantiers hydroélectriques en 1990 est de 25,000, selon nos prévisions. Au cours de cette même année, il manquerait donc 11,000 travailleurs au Québec. En 1989, il en manquerait 7500.

Variations apportées au plan des installations d'Hydro-Québec. Les effectifs de pointe incluant la contingence de 30% sont montrés au tableau no 4. Le seul moyen de diminuer la pointe de 1988, 1989 et 1990 consiste donc à avancer un certain nombre de projets. En effet, les besoins en électricité de 1990 demeurant les mêmes que ceux prévus par Hydro-Québec, on ne peut donc retarder aucun des projets déjà considérés pour réalisation. Nous montrons donc, dans le tableau no 4, les variations apportées aux effectifs de pointe en avançant, du nombre d'années indiqué, un certain nombre de projets de centrale, de même que la construction de quelques lignes de transport d'énergie et de postes de transformation. Ces avancements de projets sont tous physiquement réalisables compte tenu de l'état actuel des travaux d'ingénierie. Nous obtenons ainsi un nouveau total des effectifs de pointe avec contingence qui se situe aux alentours de 23,000 hommes-années pour la période allant de 1987 à 1990 inclusivement.

La courbe du tableau no 5 indique bien de quelle façon les effectifs de pointe deviennent soit stables soit en progression constante. Le sommet des années 1988 à 1990 est coupé, pour venir combler le creux de la vague des années 1982 à 1985.

Disponibilité des entreprises québécoises de génie civil. Au niveau de la disponibilité des entreprises de génie civil, il existe actuellement un maximum possible de l'ordre de quinze entreprises, si on fait exception des entreprises de construction de lignes de transport, disposées à soumissionner sur des contrats d'envergure comme ceux de la Baie James. Nous estimons qu'en 1988, environ 25 entreprises seront disposées à soumissionner. Si on analyse les échéanciers des travaux prévus selon le plan des installations d'Hydro-Québec, environ 40 contrats majeurs de génie civil, c'est-à-dire les contrats de $40,000,000 et plus, seraient en demande de soumissions au cours de l'année 1988, nécesssitant donc 40 entreprises ou entreprises conjointes, ce qui nous donne un manque d'au moins quinze entreprises de génie civil pour cette même année.

Ces 40 contrats majeurs ne peuvent pas être fractionnés et ils se réaliseront parallèlement à plusieurs contrats de moindre envergure qui, eux, occuperont la totalité des moyennes entreprises québécoises. Hydro-Québec devra donc trouver ailleurs les entreprises nécessaires à la réalisation d'une quinzaine de ces 40 contrats majeurs.

De plus, il est probable qu'en 1988, un bon nombre de ces 25 entreprises disposées à soumissionner sur des contrats de cette envergure soient déjà occupées à d'autres contrats, ce qui augmentera le nombre des entreprises manquantes. Il est donc très facile d'affirmer qu'un phénomène de surinflation apparaîtra au cours de cette même année, ce qui amènera une augmentation très rapide des coûts des projets pour les années 1988, 1989 et 1990.

Pendant le creux de la vague prévu entre 1982 et 1985, les entreprises travaillant actuellement dans le cadre de la réalisation du complexe La Grande, phase I, démobiliseront leurs chantiers et se déplaceront même hors du Québec, à cause de la faible activité de la construction, ce qui contribuera à augmenter les coûts lors de la remobilisation.

Lorsque le volume des travaux augmente de façon trop forte, comme il est prévu pendant la période de pointe de 1988 à 1990, la capacité des entreprises ne leur permet pas de soumissionner à prix compétitifs car elles doivent faire face à la situation de la façon suivante: Embaucher du personnel cadre nouveau à prix fort et non familier avec leur nouvelle entreprise, ce qui entraîne une perte de productivité; embaucher le personnel de base selon les mêmes critères, ce qui cause encore une perte de productivité; augmenter le coût de financement; affronter une situation entraînant l'augmentation considérable des risques; subir une pression syndicale supplémentaire durant les périodes de forte activité.

Tous ces facteurs augmentent considérablement les soumissions et il y a donc à nouveau apparition d'un phénomène de surinflation.

Surinflation. Du point de vue des investissements requis, il est évident que notre plan est beaucoup moins dispendieux, même si les travaux sont avancés, et ceci pour deux raisons: La première, c'est que les entrepreneurs et les travailleurs sont déjà sur les lieux des travaux, compte tenu de la fin de la réalisation actuelle du complexe La Grande, phase I, et sont donc prêts à soumissionner immédiatement à des prix compétitifs sur ces autres projets. La deuxième raison est que nous annulons complètement la surinflation inévitable qu'occasionnerait la réalisation des installations proposées par Hydro-Québec au cours des années 1988, 1989 et 1990 en ramenant à un niveau acceptable les effectifs de pointe prévus, de même que les flux pécuniaires des projets.

Les facteurs inflationnaires, comme nous l'avons vu précédemment, sont la disponibilité de la main-d'oeuvre de construction et la disponibilité des entreprises de génie civil au cours des années 1988, 1989 et 1990. Cette surinflation augmenterait le coût des projets de l'ordre de 20% au cours de ces trois années. Les investissements requis augmenteront donc d'un total de $5,120,000,000, comme le montre le tableau no 7. Ce montant inclut les intérêts durant la construction. Une autre façon de le calculer aurait été de ne considérer que le coût de la construction pure, en ajoutant les intérêts supplémentaires, mais le résultat aurait été sensiblement le même. (15 h 30)

À ceci, nous devons ajouter que, s'il se trouvait d'autres projets importants de génie civil, non prévisibles à ce jour, en voie de réalisation en 1988, 1989 et 1990, concurrement à ces travaux, le facteur de surinflation serait encore plus grand.

Nous prévoyons donc qu'une situation analogue à celle vécue pour la construction des installations du parc olympique se reproduira et sera même plus fortement ressentie, si le plan des installations prévu se réalise sans que l'on y apporte les variations que nous proposons.

En tant qu'entrepreneurs, nous ne demandons pas mieux que d'obtenir les meilleurs prix possible pour la réalisation de nos contrats, mais, si on veut apporter notre contribution à l'amélioration de l'économie du Québec, nous nous devons de prévoir et de signaler même ce genre de situation, car, pour nous, la stabilité dans les investissements de notre industrie est plus importante que les pointes hors proportion, comme celles prévues par Hydro-Québec pour la période de 1988 à 1990.

L'effet des variations proposées sur la puissance disponible. L'avancement des projets montrés au tableau no 4 donnera cependant, à Hydro-Québec, un supplément de puissance disponible à la pointe, pour les années 1987, 1988, 1989 et 1990. Ces suppléments sont montrés au tableau no 6.

Ce surplus de puissance installée de 2897 MW pourra partiellement être contré en retardant le développement de l'énergie nucléaire.

Cependant, nous pourrions conserver ce surplus et promouvoir la vente d'électricité à taux réduits pour les industries désireuses de s'implanter au Québec ou encore encourager la conversion des maisons à l'électricité.

Conclusion. En conclusion, nous recommandons que le creux de la vague prévu pur 1982 à 1985 soit comblé et que la pointe hors proportion des années 1988 à

1990 soit adoucie en tenant compte de la capacité de notre industrie en termes de travailleurs et d'entrepreneurs.

Nous recommandons que les projets complexe Grande Baleine, centrale LA 1 et centrale LG 1 soient avancés d'un an; la centrale Brisay avancée de deux ans et les centrales LA 2 et EM 1 avancées de cinq ans, par rapport au programme RP 80-04 annoncé par Hydro-Québec. Les projets de construction de lignes à 735 KV et des postes de transformation doivent être répartis sur une plus longue période afin de respecter un flux monétaire et une prévision des effectifs de pointe plus uniformes, tel que le montrent les tableaux no 4 et no 5.

Nous recommandons aussi que le surplus d'électricité ainsi créé soit considéré dans un programme de vente d'électricité à tarif réduit à l'intention des entreprises désireuses de s'installer au Québec.

Enfin, nous recommandons que l'accès aux chantiers éloignés soit facilité aux entreprises de moyenne taille en leur avançant le coût des équipements nécessaires à la réalisation de leur contrat comme cela se fait dans d'autres provinces. Leur facteur de liquidité est ainsi protégé, ce qui leur permet alors de se qualifier pour ce genre de soumissions. Cette avance est évidemment remise au propriétaire lors des estimés mensuels.

Vous aurez, membres de ce Parlement, à allier l'aspect de la rentabilité d'Hydro-Québec et les conséquences d'un accroissement de chômage dans le secteur des travaux de génie.

Nous avons à peine atteint en 1980 les 100 millions d'heures travaillées dans l'industrie de la construction; ce phénomène ne s'est pas vu depuis les années cinquante. Pour remédier à cette triste prévision des années 1981 à 1985, le gouvernement aura un choix politique à faire pour combler cette vague creuse et en amoindrir les conséquences de l'instabilité dans l'industrie de la construction au Québec.

Nous vous conseillons de référer à l'étude préparée par l'Office de la construction du Québec, un organisme dirigé par le gouvernement, soit "La stabilisation de la construction au Québec".

Nous espérons que les conclusions de cette étude, lesquelles s'apparentent aux nôtres, convaincront le gouvernement que la construction publique demeure le vrai stabilisateur de l'économie québécoise.

Nous aimerions, en terminant, remercier la commission parlementaire sur l'énergie de nous avoir accordé l'opportunité de venir exprimer ici le point de vue des entrepreneurs sur le programme d'investissements d'Hydro-Québec et nous sommes assurés que les points soulevés dans notre mémoire sauront apporter un éclairage différent qui permettra à la commission de prendre la meilleure décision possible dans l'intérêt du Québec et des Québécois.

Le Président (M. Jolivet): Merci. M. le ministre, vous avez la parole.

M. Bérubé: Votre mémoire, messieurs de l'Association des constructeurs de routes, rejoint des préoccupations qui sont apparues assez clairement lors de la première journée de la commission, lorsque plusieurs membres de cette commission se sont rendu compte qu'on assisterait à un creux de l'emploi sur les chantiers de la Baie James à partir de 1982 jusqu'en 1985, d'une part. Également, nous nous sommes préoccupés de voir une croissance assez phénoménale, tant des investissements que de l'engagement du personnel, dans les années qui suivent 1985 jusqu'en 1990.

Pour éclairer notre lanterne, vous avez cherché à quantifier l'impact. J'aimerais savoir comment vous avez évalué le nombre d'entreprises disponibles dans le secteur de la construction. Pour le nombre de travailleurs, vous avez simplement postulé que le nombre serait constant. Comment, à partir du nombre d'entreprises que vous avez imaginé et du nombre de travailleurs disponibles, avez-vous calculé ce facteur de surinflation de l'ordre de 20%, ce qui vous amène à accroître le coût du programme d'Hydro-Québec de $5 milliards?

Le Président (M. Jolivet): M. Wagner ou M. Carré.

M. Carré: Je vais répondre, M. le Président. Actuellement, M. le ministre, les 20% qu'on a prévus pour la surinflation, c'est très conservateur, surtout si on considère que, le programme étant très restreint durant la période 1988, 1989 et 1990, on peut imaginer toutes sortes de phénomènes qui peuvent se produire. Effectivement, tout le monde se souvient de ce qui nous est arrivé durant la période de construction des Jeux olympiques. Les 20% qui pouvaient peut-être être prévus avant la construction des jeux étaient hors proportion de la réalité, Alors les 20% qu'on a pris, c'est réellement conservateur et cela peut aller définitivement plus loin que cela.

Maintenant, le nombre d'entreprises habilitées à soumissionner sur les contrats d'envergure, c'est établi à la suite d'une analyse que nous avons faite des entreprises québécoises qui peuvent entreprendre des contrats d'envergure de $25,000,000 à $30,000,000. Effectivement, je pense qu'on n'a pas plus que cela.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Bérubé: Vous arrivez finalement

avec un parallèle que vous faites avec le chantier olympique où, effectivement, on avait eu une escalade des coûts extrêmement importante. Il y a deux façons, évidemment, d'étaler. On pourrait soit devancer, comme vous le suggérez, ou retarder les travaux vers 1988-1989.

Compte tenu que l'on est à la pointe entre les deux options, vous avez privilégié le devancement avec une surproduction d'énergie. Vous suggérez qu'elle soit vendue à tarifs réduits, soit à des industries ou encore qu'elle serve à la pénétration de l'électricité. Fort heureusement, nos collègues du gaz naturel, je pense, ont quitté la salle et, par conséquent, ils n'ont pas trop mal réagi à cette affirmation, mais s'ils avaient pu être là, ils auraient réagi assez fortement, puisque eux suggèrent plutôt le contraire.

À ce moment-là, je vous poserais simplement la question: Avez-vous envisagé un report plutôt qu'un devancement, et quel serait l'impact d'un report sur les paramètres que vous avez identifiés?

M. Carré: Non, effectivement, on n'a pas vu un recul du programme. On veut réellement combler le creux qui va se produire, qui se produit actuellement et qui va durer les trois ou quatre prochaines années. Nous croyons que la solution est de devancer les projets.

Le Président (M. Jolivet): Je m'excuse, M. Carré, essayez donc l'autre micro.

M. Carré: Je m'excuse. Comme je le dis, notre but est de remplir le creux de la courbe qui indique les investissements d'Hydro-Québec d'ici dix ans. Effectivement, retarder les travaux ne serait pas la solution. Nous croyons que la solution serait de devancer les travaux pour emplir le creux et pour donner de l'ouvrage à nos travailleurs et de l'ouvrage à nos entreprises en construction.

M. Bérubé: Si je comprends bien, l'approche que vous recommandez, c'est celle que vous suivez chaque fois que vous dessinez une route, vous cherchez des élévations suivies de creux de manière à vous débarrasser de la terre à une place pour l'envoyer ailleurs?

M. Carré: C'est exactement cela.

M. Bérubé: C'est l'approche des constructeurs de routes au programme d'équipement d'Hydro-Québec. C'est une approche certainement intéressante, effectivement.

M. Carré: C'est exactement cela.

M. Bérubé: Je n'ai pas d'autres questions pour l'instant, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: M. le Président, je dois avouer que je trouve votre mémoire un peu décourageant, c'est le moins qu'on puisse dire, pour l'avenir du programme d'Hydro-Québec. Si les chiffres que vous nous donnez sont exacts, si votre analyse est exacte, la réflexion que je ferais serait: Comment une entreprise comme Hydro-Québec pourrait-elle se permettre de soumettre au gouvernement, et comment le gouvernement, qui est constamment en discussion avec HydroQuébec, pourrait-il se permettre de rendre public un projet d'investissements? Et vous nous dites que vous ne pourriez pas le réaliser avec la main-d'oeuvre et avec les entreprises qui existent au Québec. C'est la première fois que j'entends cette réflexion et je trouve cela surprenant. Cela jette de l'eau froide sur le plan d'investissements qu'Hydro vient de nous présenter. Je vais vous dire une autre chose: Votre analyse confirme les manchettes des journaux d'hier qui disaient que, les tarifs d'Hydro doivent monter en flèche, malgré les négations dans la conférence de presse du ministre. Vous venez de nous montrer qu'il va y avoir surinflation. Vous n'avez pas la main-d'oeuvre. Il va falloir payer plus cher pour un programme d'investissements de $90 milliards. Si ce n'est pas déprimant, c'est certainement décourageant, votre mémoire. Je voudrais que vous m'expliquiez quelques-unes des affirmations que vous avez faites. Premièrement, vous parlez de l'application du règlement sur le placement. Vous avez constaté, depuis l'apparition du règlement sur le placement, une diminution d'environ 40,000 travailleurs. C'est un règlement que le gouvernement a mis en place il y a quelques années. Est-ce que vous pouvez m'expliquer comment cela s'est produit, cette diminution de 40,000 travailleurs due au règlement du gouvernement?

Le Président (M. Jolivet): M. Carré.

M. Carré: Avec votre permission, M. le Président, je vais demander à M. Carol Wagner de répondre à la question de M. Ciaccia.

Le Président (M. Jolivet): M. Wagner.

M. Wagner: M. le Président, disons qu'on considère que le bassin des ouvriers est d'environ 150,000 employés, travailleurs de la construction. Graduellement, on a même atteint, dans la période de l'Expo, peut-être 194,000. Cela a été un spécial. On sait fort bien que le gouvernement, par son bureau de

placement, a voulu, comme on dit, assainir le climat dans l'industrie de la construction. Il a établi un bureau de placement grâce auquel les ouvriers qui travaillent dans l'industrie de la construction pourront vivre de leur métier. On constate qu'actuellement le bassin de ces 150,000 travailleurs diminue en fonction du volume des travaux qui se produisent graduellement. On sait fort bien que la pointe maximum a été en 1975 et que, graduellement, cela descend et que le volume d'hommes actifs diminue au prorata des volumes de travaux engagés. Ces 40,000 sont une perte ou une diminution en fonction d'un critère qu'on établit en moyenne à 150,000 le bassin disponible. (15 h 45)

M. Ciaccia: L'effet de ce règlement du gouvernement a été effectivement de diminuer le nombre, d'enlever 40,000 travailleurs de l'industrie de la construction. Est-ce que c'est cela que vous nous dites?

M. Wagner: Non, je ne le pense pas. Le bureau de placement n'enlève pas 40,000. Le bureau de placement, comme on dit, donne de l'ouvrage à ceux qui travaillent réellement dans l'industrie de la construction. Maintenant, on se base sur un critère qui est de 150,000, comme on se base sur un critère de 15,000 entrepreneurs disponibles au Québec quand on regarde les électriciens, les plombiers, etc. C'est un maximum dans lequel le nombre de travailleurs est fonction du volume de travaux disponibles.

M. Ciaccia: Vous dites que, si vous devancez les travaux, vous pourrez combler la baisse sur les chantiers de construction. Quand Hydro-Québec est venue ici, quelqu'un d'autre avait suggéré cela, mais cela ajoutait sensiblement aux coûts des projets d'Hydro-Québec, parce que, s'ils n'ont pas besoin de l'électricité ou des projets pour certaines années, s'ils devancent les travaux, cela va signifier plus d'investissements, plus d'intérêts à payer sur les emprunts. Est-ce que vous avez songé, plutôt que de faire devancer les travaux d'Hydro-Québec, qu'il serait possible de remplacer les travaux par exemple par d'autres projets comme le prolongement du gazoduc? Est-ce que ces travaux, si jamais le gouvernement choisit le distributeur, donne le feu vert et que le projet commence, peuvent répondre aux difficultés que vous avez soulevées?

M. Carré: Effectivement, les gazoducs, selon ce qu'on comprend, seront construits. Nous croyons qu'il y aura seulement, de la façon dont on le voit, trois contrats qui pourront fonctionner ensemble dans le système des gazoducs. Pour ces trois projets, on peut peut-être compter entre 400 et 500 personnes par projet, pour un total d'environ 1200, une pointe de 1200 travailleurs. Nous voyons difficilement que le projet de gazoduc puisse combler le creux. Maintenant, nous croyons qu'il y a ici au Québec la possibilité de prolonger le réseau d'Hydro-Québec et de réaliser les projets qu'on suggère. Nous pensons réellement qu'Hydro-Québec n'aura aucune difficulté à se débarrasser du surplus de puissance qu'elle pourra avoir. Les 2800 MW supplémentaires, je suis persuadé qu'Hydro-Québec va disposer de cette énergie soit en encourageant les entreprises, l'industrie secondaire, si vous voulez, à s'installer ici au Québec, ou, s'il le faut, en vendant le surplus ailleurs.

M. Ciaccia: On entre complètement dans un autre champ de discussion...

M. Carré: C'est exact.

M. Ciaccia: ...celui des ventes et des exportations.

M. Carré: On n'a pas pensé qu'on discuterait de cela.

M. Ciaccia: Si je comprends bien, vous avez pris en considération la construction du gazoduc. Vous dites que cela peut produire 1200 emplois additionnels et que cela ne peut pas combler les besoins que votre industrie aura.

M. Carré: C'est exact.

M. Ciaccia: M. le Président, je veux bien donner à mes collègues l'occasion de poser des questions, mais je suis étonné qu'on vienne aujourd'hui nous démontrer, si les chiffres sont exacts, je ne le sais pas, jusqu'à présent, le ministre ou le gouvernement ne nous a pas donné d'autres indications... Je vois un manque de coordination, c'est le moins qu'on puisse dire, entre ce que le gouvernement propose, ce qu'Hydro-Québec fait et ce que vous dites qu'il est possible de faire. Ce manque complet de planification, à ce stade-ci, je me demande vraiment comment une telle chose peut produire de tels effets. Est-ce que vous avez eu, vous, des discussions avec Hydro-Québec? Est-ce que vous avez fait ces représentations? Ce n'est pas un nouveau plan d'Hydro-Québec. Le gouvernement, cela fait un an qu'il en discute. Il est au courant. Est-ce que vous avez fait des représentations? Est-ce que vous avez eu des discussions?

Le Président (M. Jolivet): M. Carré.

M. Carré: Effectivement. Si vous me le permettez, M. le Président, je vais demander à M. Wagner d'exprimer les pensées de notre association à ce sujet.

Le Président (M. Jolivet): M. Wagner.

M. Wagner: La préoccupation de notre association est une stabilisation de la planification dans l'industrie de la construction. Je pense que, depuis des années, on essaie d'avoir ça. Quand nous avons appris le programme d'Hydro-Québec de 1980-1990, je pense que nous nous sommes exprimés peut-être en termes plus restreints, quelques jours avant à HydroQuébec même, nous voulions, par ce moyen qui nous est donné aujourd'hui, commenter le programme d'Hydro-Québec. En plus aussi, on se réfère facilement au fameux livre de l'OCQ qui dit que dans les périodes creuses, la stabilisation va être compensée par le secteur public. Nous considérons qu'Hydro-Québec c'est un secteur public et il devrait être compensé. Et si on regarde, dans ce volume, les avantages qu'il y aurait à une stabilisation par l'industrie dans le secteur public, c'est ça qu'on vise et c'est dans ce sens qu'on voudrait que la décision soit politique vers la fin. C'est une décision politique qui doit tenir compte de la demande et du programme établi d'Hydro-Québec.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Cordeau: M. le Président, permettez-moi tout d'abord de vous féliciter de votre participation à cette commission. Surtout de nous faire voir dans quelles difficultés vous êtes actuellement vous autres, l'Association de constructeurs de routes et grands travaux du Québec, devant le creux qui existe présentement et qui va peut-être continuer pendant quelques années encore. J'aime bien vos conclusions: "Nous recommandons aussi que le surplus d'électricité ainsi créé soit considéré dans un programme de vente d'électricité à tarif réduit à l'intention des entreprises désireuses de s'installer au Québec." Pour faire suite à votre invitation aux industries de s'installer au Québec, je profite de cette occasion pour inviter ces entreprises à venir à Saint-Hyacinthe parce que nous y possédons un magnifique parc industriel dont les infrastructures sont déjà en place, où il y a une corporation de promotion industrielle très active qui pourrait les aider à s'implanter à Saint-Hyacinthe. Elles pourraient s'apercevoir qu'à Saint-Hyacinthe il y a une population stable et très travaillante où il y a de la productivité.

Ceci dit, M. le Président, vous dites, à un moment donné, que la nouvelle réglementation de l'OCQ a diminué sensiblement le nombre de travailleurs, dans le domaine de la construction, à 70,000. Actuellement, dans ce bassin de 70,000 travailleurs - c'est bien sûr que nous sommes dans une période creuse - est-ce que vous trouvez assez facilement les effectifs dont vous avez besoin pour la réalisation de vos travaux?

Le Président (M. Jolivet): M. Carré.

M. Carré: Merci, M. le Président. Pour l'instant, on n'a pas de problème, si vous voulez, pour trouver des travailleurs parce qu'avec la période qu'on vit aujourd'hui, les projets sont plutôt rares. Effectivement, la main-d'oeuvre est plus que disponible.

M. Cordeau: Est-il exact aussi qu'étant donné le manque de travail, il y a plusieurs travailleurs qui ne peuvent plus se qualifier parce que, dans la réglementation actuelle, il faut qu'ils travaillent pendant un certain nombre d'heures, et lorsqu'ils ne travaillent pas pendant un certain nombre d'heures, ils perdent ou ils sont exposés à perdre leur carte de qualification?

M. Carré: Dans le contexte de la loi d'aujourd'hui, c'est exact, monsieur.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Gouin. Vous n'avez pas terminé, excusez-moi. M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Cordeau: Une petite question, s'il vous plaît. Dans vos conclusions aussi vous dites: Nous avons à peine atteint, en 1980, les 100,000,000 d'heures travaillées dans l'industrie de la construction. Devant les effectifs de votre association, la capacité de réalisation de projets, que représentent en pourcentage les 100,000,000 d'heures travaillées dans l'industrie de la construction?

M. Carré: Regardez, dans les années 1966-1967, on a travaillé 196,000,000 d'heures, dans l'industrie de la construction. Cela vous donne une idée, Aujourd'hui, on travaille la moitié des heures qu'on pourrait, si vous voulez, travailler, même pas la moitié, si on considère...

M. Cordeau: Cela veut dire environ 50% de votre capacité de réalisation.

M. Carré: Exactement.

M. Cordeau: Les suggestions que vous faites dans votre mémoire de peut-être avancer l'échéancier des travaux dans le domaine de l'énergie viennent certainement à point et méritent considération. Merci.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Gouin.

M. Tremblay: M. le Président, je crois que nous avons devant nous un des meilleurs

rapports qui nous ont été présentés jusqu'à maintenant, un rapport qui essaie de chiffrer certaines des questions que nous nous posons depuis le début des travaux de la commission, mais c'est en même temps peut-être le rapport le plus préoccupant.

D'après votre témoignage, ce plan d'investissements d'Hydro-Québec, si la population ou le gouvernement l'adoptait, serait un plan déstabilisateur de l'économie. C'est une lacune sur laquelle nous avions mis le doigt lors de la première journée, en ce sens que nous avions une sorte de programme en V d'investissements, avec un creux en 1983, où le nombre d'emplois tombait de façon dangereuse et s'accroissait de façon exponentielle rapidement dans les dernières années.

Vous nous dites: Nous sommes en train de planifier la même erreur qu'on a faite pour les Jeux olympiques. Je pense, M. le Président, que c'est très sérieux. On a vécu une période incroyablement coûteuse dans la construction des installations olympiques. Il faudrait au moins tirer profit des leçons de l'histoire et ne pas répéter les mêmes erreurs.

Vous dites: Si on adopte ce plan tel quel, ce ne sera pas $55 milliards qui seront nécessaires, mais quelque chose comme $60 milliards. Êtes-vous au courant qu'Hydro-Québec nous a dit lors de la première journée que, s'il y avait une accélération du plan d'investissements, il n'en coûterait que $4,500,000,000 de plus? Et Hydro-Québec, parmi les scénarios divers étudiés, pourrait accroître ses revenus nets par une accélération. La question est évidente. Comment se fait-il que nous nous retrouvons aujourd'hui avec un plan d'équipement ralenti? Vous n'ignorez pas que, l'an passé, le plan d'équipement d'Hydro-Québec était de $9 milliards supérieur à celui qui a été déposé.

L'autre élément qui est sorti du témoignage d'Hydro-Québec est celui-ci: la contrainte majeure d'Hydro-Québec n'était pas que vous, constructeurs, n'aviez pas le personnel ou les capacités de réaliser les investissements, mais c'était la contrainte du financement. Nous avons découvert ce que je pourrais appeler la hantise de 1982. Le trésorier d'Hydro-Québec nous a dit, chiffres à l'appui: Messieurs, nous avons $2,512,000,000 à financer en 1982. C'est un montant énorme. Nous allons avoir énormément de difficultés. Il y avait même des perles sur son front quand je le regardais. Donc, la question est évidente: Comment se fait-il qu'Hydro-Québec, en dedans d'un an, a baissé son projet d'investissement de $9 milliards, alors que tous les chiffres démontrent que ceci est non économique? Se pourrait-il que l'engorgement des marchés de capitaux, parce qu'on a parlé de la Caise de dépôt avec les gens d'Hydro, pour 1982, provenant du gouvernement lui-même, force Hydro-Québec à retarder des investissements d'immobilisation aussi cruciaux pour l'avenir de l'industrie de la construction?

Je vais continuer sur une autre question. J'espère que vous pourrez répondre à ma question ou, du moins, me donner votre appréciation de la situation, mais je ne voudrais pas passer sous silence le témoignage énormément préoccupant que vous avez fait concernant le règlement de placement. Je pense qu'à ma connaissance c'est la première que, publiquement, un organisme qualifié vient affirmer devant des caméras de télévision qu'un règlement gouvernemental a fait perdre à 40,000 travailleurs leurs qualifications de travailleurs de la construction. Je vous demanderais si, à votre avis, il existe une relation de cause à effet entre cette contraction dans les spécialistes de la construction au Québec et ce fameux règlement 5 de la construction. (16 heures)

D'autre part, vous nous dites que le "pool" de travailleurs de la construction étant diminué, cela va créer une surchauffe très forte de 1985 à 1990 s'il faut adopter le plan d'Hydro-Québec tel que présenté. Vous semblez être optimiste jusqu'à un certain point en supposant - et vous pouvez me corriger si j'ai tort - qu'il existerait une sorte d'armée de chômeurs des employés de la construction, qui seraient une armée dans le sens marxiste du terme à savoir que ces travailleurs attendraient pendant cinq à six ans que Dieu le Père à Québec ou à HydroQuébec les ramène sur les chantiers de la construction en 1985. Est-ce vraiment réaliste ou s'il ne faudrait peut-être pas plutôt penser que ces travailleurs spécialisés vont s'en aller dans l'Ouest canadien, vont s'en aller ailleurs gagner leur vie, alors qu'ici, on répétera les trous de $500,000,000 et de $1 milliard qu'on a connus lors des Jeux olympiques?

Le Président (M. Jolivet): M. Carré.

M. Carré: Avec votre permission, M. le Président, je vais demander à M. Damien Morissette de répondre à M. le député.

Le Président (M. Jolivet): M.

Morissette.

M. Morissette (Damien): M. le Président, je suis très heureux de constater avec quel sérieux les membres de cette commission prennent nos avancés. Souvent, on se fait traiter un peu de terre à terre parce qu'on a une approche assez réaliste des dossiers semblables, c'est-à-dire qu'on se borne à parler de réalisation des travaux et nous pensons que c'est pas mal important, basé sur ce qui s'est passé dans les autres

années, de regarder cet aspect avec beaucoup de réalisme.

Cela dit, pour répondre à la première question, il m'apparaît presque superflu d'y répondre actuellement parce qu'il y a eu tellement de facteurs positifs qui ont été apportés ici devant cette commission en faveur d'une accélération des travaux. Il m'apparaît presque superflu d'y ajouter quelque chose, sauf pour dire que nous espérons bien qu'Hydro-Québec pourra trouver le financement. Évidemment, on n'est pas des experts en financement et je vous l'ai dit tout à l'heure. On s'est borné à regarder l'aspect réalisation des travaux à partir des besoins qui ont été mis de l'avant par Hydro-Québec et certains échéanciers.

Le règlement sur le placement fait deux choses. M. Wagner vous l'a dit tout à l'heure. Il empêche, si le volume des travaux n'est pas là, en premier lieu, d'autres travailleurs de se joindre au domaine de la construction. Deuxièmement, il peut faire perdre à des travailleurs déjà impliqués dans la construction leur carte de classification s'ils n'ont pas acquis les heures nécessaires. Je reviens un peu au problème général. Notre approche, - que je qualifie d'extrêmement positive - c'est qu'en planifiant, en accélérant quelque peu le programme, sans investir davantage on obtiendra une progression régulière des travaux, ce qui favorisera le développement des travailleurs, l'incorporation de nos travailleurs. On gardera les travailleurs déjà impliqués plus, - ce qui n'est pas négligeable, je pense, nous y pensons beaucoup, en tout cas - le développement des entreprises québécoises. Quand on a dit tantôt 25% des entreprises québécoises qu'on pense pouvoir intéresser en 1988-1990, on tient pour acquis que par de l'information adéquate, - c'est notre bébé, si on veut - on pourra intéresser 25 entreprises québécoises, mais ce n'est pas acquis. On essaie d'être optimiste. Par un programme des travaux mieux équilibré, plus progressif, ce sera plus facile, évidemment, d'intéresser ces...

Le Président (M. Jolivet): M. le député, je voudrais...

M. Tremblay: Seulement un dernier commentaire sur ce que vient de dire...

Le Président (M. Jolivet): D'accord, ça va.

M. Tremblay: ...parce que c'est quand même un groupe assez nombreux et très qualifié. Étant donné que vous travaillez sur les chantiers de...

Le Président (M. Jolivet): M. le député, sans vous arrêter, je ne veux pas avoir le même laxisme que ce matin puisque nous avons énormément de personnes à entendre. Donc, je voudrais qu'on soit bref.

M. Tremblay: D'accord. Ce matin, votre laxisme était pour un membre de votre parti. Cet après-midi, c'est du côté de l'Opposition.

Le Président (M. Jolivet): Je m'excuse, M. le député. Je pense que vous n'avez pas à mettre en doute mon intégrité et l'ensemble des gens qui ont participé à cette commission seraient capable d'en témoigner.

M. Tremblay: D'accord, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): Je m'excuse, M. le député, à ce niveau-là.

M. Bérubé: Vous devriez vous excuser, M. le député de Gouin.

M. Tremblay: D'accord, M. le Président, je retire mes paroles.

Je reviens sur vos derniers propos. Vous êtes des constructeurs sur les chantiers de la Baie James, etc. Vous constatez qu'il y aura une baisse graduelle des travaux pendant les prochaines années et, à partir de 1985, une montée vertigineuse. Peut-être que vous possédez des renseignements que nous ne possédons pas. Puisqu'il n'y a pas de contrainte physique du côté de vos équipements, du côté des travailleurs, à votre avis, pourquoi le plan d'investissements d'Hydro-Québec, qui était de $64 milliards l'an passé, a-t-il été ramené à $9 milliards plus bas, alors que tous les chiffres nous démontrent que ceci n'est pas une opération rentable?

Le Président (M. Jolivet): M.

Morissette.

M. Morissette: Je ne peux pas répondre pour Hydro-Québec, M. le Président. Tout ce qu'on peut faire, c'est de le déplorer à ce moment-ci et d'ajouter même que, dans les projections qu'on nous a faites du plan actuel d'Hydro-Québec, on n'a tout simplement pas tenu compte du problème de surinflation qu'on a mentionné, qui est réel et qui est, à notre avis, très conservateur. Les autres facteurs économiques de mobilisation, de remobilisation, du fait que les entreprises actuellement n'ont pas beaucoup de travail, elles peuvent faire des prix très compétitifs, très bon marché, pour réaliser certaines parties des travaux. Il y a un petit instant, on a entendu M. Laliberté de la SEBJ dire qu'il reverrait tout le programme d'investissements à la baisse. Cela ne vient pas du ciel, je pense. À un moment donné, on l'a revu à la hausse, en 1973-1975, parce qu'il y a eu effectivement une surchauffe dans le domaine de la construction.

Maintenant, on parle de le revoir à la

baisse, parce que les travailleurs qui sont impliqués actuellement sur le territoire de la Baie James font des prix très très compétitifs. C'est un phénomène qu'on a peut-être négligé ou sous-estimé dans la rentabilité du programme, avec un échéancier accéléré.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Rouyn-Noranda.

M. Samson: M. le Président, je voudrais féliciter les gens qui sont devant nous pour la présentation de leur mémoire. En effet, on apprend beaucoup dans votre mémoire. Il y a des choses qui confirment nos appréhensions. Je retiens que vous êtes inquiets au sujet du programme de construction, en ce sens qu'il y aura un creux et une période de pointe que vous risquez de ne pas pouvoir remplir, selon ce que nous retrouvons dans votre mémoire. Je retiens qu'il y a, d'après ce que vous nous dites, un manque de travailleurs en même temps que, d'autre part, selon ma vision des choses, il y a un grand nombre de chômeurs. Je retiens cela.

Je retiens également que vous envisagez, suite à vos calculs, une période -si le programme demeure tel qu'il est - de surinflation qui aurait comme conséquence un coût de $5,012,000,000 de plus que les chiffres qu'on nous a livrés. Cela ne fait que confirmer davantage les appréhensions que nous avions au début de cette commission, à savoir que la présente opération va amener le gouvernement à permettre une tarification beaucoup plus haute que celle qu'on a voulu laisser entendre. Il y a ce facteur qui est un grand point d'interrogation, mais une chose nous apparaît certaine maintenant, après les témoignages qu'on a eus, c'est qu'il va y avoir hausse des tarifs, ce qui sera inévitable, si le programme va tel qu'il est prévu.

Vous proposez, pour corriger cette situation, d'avancer les projets et d'écouler l'électricité produite, pour la période où nous n'en aurions pas besoin, sous forme d'incitatif à l'entreprise nouvelle qui viendrait s'installer au Québec. Évidemment, vous avez donné des noms de centrales qui pourraient être construites à l'avance.

Les questions que j'ai à vous poser -parce que le temps est très limité - sont les suivantes. D'abord, c'est sûrement suite à une étude que vous nous mentionnez les centrales Laforge 1, LG 1, Brisay, LA 2, Eastmain 1, alors, selon votre conception, est-ce que ce serait la seule option possible d'avancement des travaux ou s'il y a d'autres options possibles, au point de vue du constructeur, de vous autres? Est-ce qu'il y aurait d'autres approches possibles, comme NBR, par exemple, Nottaway-Broadback-Rupert, ou d'autres projets?

Ma deuxième question, est-ce que vous croyez qu'en utilisant l'excédent d'électricité pour une période donnée comme incitatif à l'entreprise, ce serait suffisant pour attirer l'entreprise, sachant qu'après la période X, l'entreprise serait obligée d'en revenir à des taux beaucoup plus élevés, parce que le surplus n'existerait plus? Est-ce que vous avez évalué cet aspect?

Le Président (M. Jolivet): M. Carré.

M. Carré: Avec votre permission, M. le Président, je demanderais à M. Serge Poulin, qui est le directeur de notre division technique, de répondre.

Le Président (M. Jolivet): M. Poulin.

M. Poulin (Serge): M. le Président, la variante que nous proposons est sensiblement la même que celle préconisée par HydroQuébec dans la formule devancée qu'elle a étudiée, à deux petites exceptions près; nous proposons que la centrale EM 1 et celle de LA 2 soient devancées de cinq ans; Hydro, dans sa variante devancée propose trois ans.

Mais, pour les fins comparatives d'une variante devancée, je crois que c'est semblable. Nous n'avons pas considéré d'autres projets dans une variante devancée parce que les données que nous avons, tant sur l'aspect technique que sur d'autres aspects, ne sont que pour ces centrales. On ne peut pas considérer d'autres projets, pour autant qu'on est concerné. Mais si les études d'avant-projet et d'ingénierie étaient, à ce moment-ci, avancées sur d'autres projets qu'on ne connaît pas, il est évident qu'on pourrait les remplacer par n'importe quelle autre dans cette variante-ci.

M. Samson: Deuxième question.

Le Président (M. Jolivet): Est-ce que vous pouvez la répéter, M. le député?

M. Samson: Ma deuxième question concerne le surplus d'électricité qui proviendrait de projets avancés. Vous suggérez qu'il soit utilisé comme incitatif à l'entreprise pour encourager l'entreprise, de l'extérieur à venir s'installer au Québec. Moi, je dis que cela va pour le temps que cela dure, mais, à un moment donné, il n'y aura pas de surplus. Est-ce que vous croyez que cette seule période de réduction des tarifs pour l'entreprise est suffisante pour l'encourager à s'installer car il y aura un retour à la normale, c'est-à-dire à un prix plus élevé pour ces gens-là. Est-ce que vous avez étudié cette chose de cette façon?

Le Président (M. Jolivet): M. Poulin. M. Poulin: Au niveau des surplus, on

n'a pas fait d'étude très poussée, parce que, encore une fois, on manque un peu de données de notre côté, mais cela fait trois jours qu'on est ici maintenant et on s'aperçoit qu'il y a là un problème. Or, je crois que la seule façon de le régler serait de vérifier quels sont les marchés réels à l'étranger, quel est le potentiel au Québec, de s'asseoir à table et d'en discuter. Je crois qu'Hydro-Québec doit avoir une certaine idée de cela. Quelqu'un disait aussi qu'il y a un certain aspect technique qui n'est pas négligeable: c'est qu'on ne met pas l'électricité en bouteille. C'est tout de même un secteur techniquement très difficile. Notre seule approche serait de voir tout le monde s'y mettre et penser à des solutions. Nous, on n'en a pas plus que...

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Portneuf.

M. Pagé: M. le Président, très brièvement, je voudrais tout d'abord ajouter à ce dont a fait part mon collègue de Gouin à l'égard du règlement de placement. Vous n'êtes certainement pas sans savoir que, depuis 1978, j'ai été intimement lié à la critique apportée à ce fameux règlement de placement qui a été adopté par le gouvernement du Québec et imposant à une personne possédant un certificat de qualification, c'est-à-dire qui est qualifiée par le même gouvernement et qui est considérée comme étant qualifiée par le ministère du Travail et les services de la main-d'oeuvre de posséder en plus de tout cela un certificat de classification. Vous avez abordé le problème, vous avez abordé la question. C'est exceptionnel et c'est rare, dois-je dire, qu'on ait l'occasion de rencontrer votre association ici à l'Assemblée nationale. J'aimerais vous demander, strictement comme mesure incidente, si vous avez déjà eu l'occasion de calculer le prix qu'a à payer la société québécoise pour l'application du règlement de placement. Je m'explique. Le règlement de placement a des effets directs sur les coûts pour un entrepreneur ou une entreprise lorsqu'elle a à réaliser un chantier, un projet de construction. Qu'il me suffise de me référer aux frais de déplacement, aux frais d'hébergement imposés qu'un entrepreneur doit payer pour faire venir un travailleur qualifié d'une autre région alors que cet employeur pourrait avoir à côté de chez lui en chômage un travailleur qui possède un certificat de qualification mais, parce que le travailleur possède un certificat de classification B, l'employeur est obligé d'aller dans le bassin de main-d'oeuvre d'une autre région pour aller chercher un A alors que les A de la région sont tous au travail. Combien cela a-t-il coûté? (16 h 15)

Je conviens que les entrepreneurs du Québec et les groupes patronaux et syndicaux doivent payer à l'OCQ, à l'Office de la construction du Québec, des sommes importantes qui, elles, ne visent pas seulement l'administration des régimes de bénéfices marginaux pour les travailleurs de la construction. Somme toute, les travailleurs et les entrepreneurs paient déjà pour le règlement de placement par le biais de l'OCQ, parce que cela coûte des sous à l'OCQ pour l'administrer. Ces sommes, on est en mesure de voir ce que cela peut représenter par les rapports annuels qui nous sont faits. Mais à l'égard des sommes directement dans l'entreprise, est-ce que vous avez déjà fait une étude là-dessus? Est-ce que vous avez été en mesure de quantifier, à la lumière de l'expérience que vous avez depuis deux ans, ce que cela a pu coûter? Je présume - vous pourrez me le confirmer - que, quand vous avez une augmentation de coûts inhérente au règlement de placement, vous ne devez certainement pas l'absorber à 100%. Vous devez refiler la facture ailleurs, parce que c'est définitivement de nature à faire augmenter les coûts quelque part. Combien a coûté le règlement de placement? La société du Québec doit payer combien pour cette affaire qui, je l'espère, va être abolie dans les meilleurs délais après les événements du 13 avril?

Le Président (M. Jolivet): M. Wagner.

M. Wagner: M. le Président, je pense que, cet après-midi, on essaye de tourner alentour des bureaux de placement. Je ne pense pas que l'association ait pour mandat ici de discuter le bien-fondé ou les mauvais côtés d'un bureau de placement. En ce qui me regarde, et je parle peut-être pour l'ensemble de l'association, il faut discerner deux choses. Je pense que l'ensemble des travailleurs québécois ou de ceux qui travaillent dans l'industrie de la construction sont intéressés à travailler dans l'industrie de la construction. On voulait éliminer les pompiers, les policiers qui venaient prendre nos emplois pendant la période d'été ou bien qui travaillaient trois jours et qui venaient travailler deux jours chez nous. Le fondement lui-même, je ne pense pas qu'on soit contre un bureau de placement en théorie. Il faudrait que ce soit clair aujourd'hui.

Au sujet de la main-d'oeuvre, il y a les personnes qualifiées et les personnes non qualifiées ou qui ont moins de qualifications requises, tels les manoeuvres. Pour les personnes qualifiées, électriciens, plombiers, etc., cela nous prend un apprentissage. Si on n'a pas une planification établie d'avance dans l'industrie de la construction, on ne perdra pas les emplois qu'on dit qu'on va

perdre; on va surtout avoir un vieillissement de la main-d'oeuvre qualifiée d'électriciens, plombiers, opérateurs de machinerie lourde. D'un autre côté, il semble y avoir une lacune compte tenu - cela ne nous regarde pas - du contrôle entre l'Éducation et le ministère du Travail. On ne sait pas lequel devrait donner l'apprentissage requis dans l'industrie de la construction. Je pense qu'on vit le problème. Cela existe depuis plusieurs années. Il n'est pas encore réglé. On a peur que la main-d'oeuvre qualifiée puisse, comme on dit, subir un vieillissement ou qu'elle puisse aller à l'extérieur. On est très intéressé à ce que les employés de la construction travaillent pour la construction. Par contre, certaines contraintes du bureau de placement sont néfastes. C'est dû aux questions de déplacement. Il faut le payer. Cela engage surtout des coûts additionnels. Encore là, c'est une opinion peut-être plus personnelle, le bureau de placement aussi est un peu conditionné à la convention qu'on négocie de part et d'autre. Dernièrement, on a dit: II va y avoir une surinflation peut-être de 20%. On est très conservateur, parce que, si lors de la prochaine convention à la Baie James - actuellement, on est passé de 60 à 54 - on tombe à 48 heures, la période de contingence pourra varier jusqu'à 50% ou 60%. Là, la surinflation de 20% pourra monter jusqu'à 50% ou 60%. Vous voyez que c'est difficile actuellement de rabattre le débat strictement sur le bureau de placement, parce qu'il y a un bon et un mauvais côté. Je ne sais pas si cela répond à M. Pagé, mais je voulais mettre les points sur les "i".

M. Pagé: Vous ne l'avez jamais quantifié, pour répondre à la question précise?

M. Wagner: Non.

Une voix: Ils n'osent pas vous contredire.

M. Pagé: C'est peut-être parce qu'ils ont peur de vous autres, vous savez.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Frontenac, comme dernier intervenant.

M. Grégoire: M. le Président, il y avait certaines fausses impressions qui avaient été laissées auparavant, mais qu'il faut rectifier. Je crois que M. Wagner vient de rectifier une fausse impression que voulait laisser le député de Portneuf. Je ne m'attarderai pas sur cette question des bureaux de placement, parce que je crois que M. Wagner vient de rectifier cette fausse impression d'une façon magistrale.

Je voudrais parler du programme lui-même d'investissements d'Hydro-Québec et revenir au sujet qui nous préoccupe. C'est le gouvernement qui a demandé à Hydro-Québec de présenter différents scénarios, dont un scénario de devancement ou d'accélération des travaux, tel que vous le suggérez dans votre mémoire, en même temps qu'un scénario de report ou de décélération des travaux. Vous avez mentionné tout à l'heure que vous étiez ici depuis mardi, soit depuis que cette commission siège. Vous avez dû vous apercevoir que le gouvernement n'avait pas insisté tellement et n'avait même presque pas effleuré le scénario de report, mais vous avez dû constater que le ministre de l'Énergie et des Ressources, dans sa première intervention et durant tout le temps qui lui était alloué, soit 20 minutes, a questionné et a insisté pour avoir des réponses précisément sur ce devancement ou cette accélération des travaux à la Baie James. Un peu plus tard, j'ai insisté, j'ai même mis beaucoup d'insistance sur cette question de devancement. Concernant les idées que mentionnait, tout à l'heure, le député de Gouin, il sait que j'ai réussi, après maintes difficultés, à obtenir du président d'Hydro-Québec qu'il nous dise que la principale objection au devancement, c'était la question du financement. Sur tous ces sujets qu'a soulevés le député de Gouin, j'avais insisté, même avec beaucoup d'insistance, si on peut dire, auprès du président d'Hydro-Québec pour avoir des réponses.

Donc, concernant l'accélération des travaux, vous venez d'ajouter une autre dimension par votre mémoire. L'autre jour, on avait la dimension des surplus qu'on exportait. Vous parlez de vendre les surplus à l'industrie. Je crois que le député de Rouyn-Noranda a très bien expliqué que si ces surplus n'existent que pour quelques années, puisqu'ils vont s'amenuiser vers 1990-1991 et seront même rendus nuls, l'industrie qu'on voudrait favoriser à s'établir ici perdrait ces avantages vers cette année-là. Aujourd'hui, ils sont exportés. On avait, l'autre jour, avec Hydro-Québec, ces avantages. Même avec le devancement, on continue d'exporter des surplus, faisant entrer des devises étrangères de l'ordre d'environ $1,200,000,000 pour la période du devancement, entraînant des profits nets pouvant aller jusqu'à $620,000,000 pour Hydro-Québec. C'était un des arguments.

Un autre argument, c'était que le devancement pouvait empêcher la disparition d'environ 2000 emplois directs à la Baie James pendant cette période de devancement. Vous arrivez avec un autre argument qui milite en faveur du devancement. Vers 1988, 1989 ou 1990 il pourrait y avoir pénurie de travailleurs sur les chantiers, si on n'accélère pas. J'ai vu que le député de Mont-Royal semblait tout découragé et même décontenancé à l'idée

qu'on puisse manquer de main-d'oèuvre. J'ai été encouragé, au contraire. Je me suis dit: Enfin! Il nous vient tellement souvent des citoyens dans nos bureaux de comté pour nous demander: Ne pourriez-vous pas nous trouver un emploi à la Baie James, que j'anticipe le jour où on pourra dire: Mon cher ami, dès que vous voudrez y aller, on en manque. Cela ne me décourage pas du tout, je tiens à le dire au député de Mont-Royal. Au contraire, j'ai hâte qu'on puisse dire: II en manque à la Baie James.

M. Ciaccia: ...

M. Grégoire: Dans cinq ans, oui. Mais c'est tout de même...

M. Ciaccia: Les chômeurs d'aujourd'hui, qu'allez-vous en faire?

M. Grégoire: M. le Président, je ferai remarquer au député de Mont-Royal que...

M. Ciaccia: Ils vont partir de la province?

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Mont-Royal!

M. Grégoire: ...je me suis assis bien tranquillement et que je n'en ai interrompu aucun.

M. Ciaccia: C'est cet aspect-là qui est décourageant.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Mont-Royal, s'il vous plaît!

M. Ciaccia: Mais il ne faut pas qu'il déforme mes paroles. C'est cela que j'ai trouvé décourageant.

M. Grégoire: Je n'ai interrompu personne.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Mont-Royal...

M. Ciaccia: Du chômage pour cinq ans et, après, pas de travailleurs.

Le Président (M. Jolivet): ...vous savez très bien que cela a bien été jusqu'à maintenant. Vous connaissez le règlement aussi bien que moi. Vous l'avez bien respecté au cours de la session qu'on est en train de vivre, mais laissez le député de Frontenac continuer, en vertu de l'article 100.

M. Pagé: M. le Président, je crois que c'est une question... vous savez que le député de Frontenac...

M. Grégoire: Monsieur...

M. Pagé: ...soulève souvent des questions hypothétiques.

Le Président (M. Jolivet): Oui, mais...

M. Pagé: C'est hypothétique de dire que vous serez là dans cinq ans, vous savez.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Frontenac, la parole est à vous.

Une voix: Bien hypothétique.

M. Grégoire: Le député de Portneuf soulève une question hypothétique. Je pense qu'il peut être rassuré. Il sera encore à la même place et je serai encore à la même place. Je ne suis pas sûr pour lui, par exemple.

M. Pagé: Ah! Vous allez voir, cela va bien aller.

M. Grégoire: C'est moins sûr pour lui. Après toutes ces interruptions...

M. Bérubé: II sera dans l'Opposition, c'est sûr.

Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! Si vous ne prenez pas votre temps pour poser des questions aux gens d'en face, je vais arrêter le débat.

M. Grégoire: M. le Président, je voudrais bien y arriver, mais j'ai été interrompu déjà à plusieurs reprises.

Le Président (M. Jolivet): Allez!

M. Grégoire: Ma question est la suivante, à qui que ce soit. Vous prévoyez ce nombre de 36,000 employés à la Baie James pour 1988-1989, comprenant les contingences. S'il y a devancement, si Hydro-Québec se laisse convaincre et fait un devancement, est-ce que vous avez calculé, d'après son programme de devancement, son scénario de devancement tel qu'elle nous l'a exposé, quelle serait la progression du nombre d'emplois à la Baie-James dans vos travaux? À partir de quelle année cela augmenterait-il et jusqu'à quel sommet cela pourrait-il se rendre d'ici les années quatre-vingt-dix? Est-ce que vous avez calculé le nombre d'emplois que cela pourrait procurer?

Le Président (M. Jolivet): M. Poulin.

M. Poulin: M. le député, on vous donne la réponse à cette question au tableau 4 de notre mémoire. Dans la dernière colonne, à droite, vous constatez que, pour les années 1981 à 1984, on maintient un effectif de pointe avec contingence de l'ordre de quelque 14,000 travailleurs. De 1984 à 1986,

vous avez une progression constante qui, par la suite, se maintient jusqu'à la toute fin des travaux ou la fin de la période pour laquelle on s'est intéressé à l'étude, soit 1990. C'est une progression qui part d'un niveau stable, qui augmente et qui se restabilise à la fin, ce qui est beaucoup plus réel qu'un "peak" énorme de l'ordre des années quatre-vingt-huit, tel que le plan normal des installation d'Hydro-Québec nous l'a donné.

M. Grégoire: Ce qui veut dire qu'il y aurait une progression continuelle jusqu'à un effectif...

M. Poulin: C'est-à-dire qu'il y a un maintien, dans les premières années, d'à peu près 14,500 personnes. Par la suite, on progresse lentement et on se maintient ensuite, jusqu'à la fin des travaux, à un autre palier.

M. Grégoire: Vers 24,000 emplois. Merci.

Le Président (M. Jolivet): Merci. Au nom des membres de la commission, je vous remercie d'être venu présenter votre mémoire.

J'inviterais l'Association des ingénieurs-conseils du Québec, représentée par M. Jean-Marc Lagacé, à bien vouloir se présenter à l'avant. Nous avons pris connaissance du mémoire des ingénieurs-conseils et nous devons leur rappeler qu'ils ont environ 20 minutes de présentation, en sachant toujours que les membres de cette commission ont déjà reçu le mémoire, que les gens de cette commission en ont pris connaissance normalement et que ce mémoire est disponible à la Bibliothèque de la législature ainsi qu'au secrétariat des commissions, pour toute personne qui voudrait en prendre connaissance. Maintenant, je demanderais à M. Lagacé de bien vouloir nous présenter les membres qui l'accompagnent.

Association des ingénieurs-conseils du Québec

M. Lagacé (Jean-Marc): M. le Président, M. le ministre, messieurs, je tiens d'abord à vous présenter les représentants de notre délégation aujourd'hui. À ma droite, M. Marcel Desrochers, directeur général de l'Association des ingénieurs-conseils du Québec. À mon immédiate droite, M. Gérald Ruel, vice-président de l'Association des ingénieurs-conseils du Québec. À ma gauche, M. Jean-Guy René, secrétaire-trésorier, Association des ingénieurs-conseils du Québec.

Le Président (M. Jolivet): Est-ce que vous pouvez répéter l'avant-dernier, s'il vous plaît?

M. Lagacé: M. Gérald Ruel.

Le Président (M. Jolivet): Ruel. Merci.

M. Lagacé: Ayant assisté à quelques-unes des présentations aujourd'hui, je me permets, au tout début, de souligner que notre mémoire est le fruit du travail de plusieurs ingénieurs de différentes régions de la province de Québec, et aussi qu'il exprime les opinions des ingénieurs de multiples disciplines que notre association représente.

M. le Président, à titre d'acteur important sur la scène énergétique du Québec, l'industrie de l'ingénierie, représentée par notre association, désire apporter une contribution aux présentes délibérations en participant aux réflexions que suscitent les orientations d'Hydro-Québec pour les années quatre-vingt.

Nous croyons que nos membres, en symbiose avec Hydro-Québec et les entreprises du secteur énergétique, jouent au Québec un rôle spécial de catalyseurs du développement économique et de missionnaires de la technologie, particulièrement à cause de la dimension internationale de notre activité.

Les travaux de votre commission sur l'avenir de l'électricité dans le contexte énergétique québécois et la réflexion que vous suscitez au sujet des orientations d'Hydro-Québec pour les prochaines décennies présentent pour nous un vif intérêt et nous vous remercions de votre invitation à y participer. (16 h 30)

Nous croyons que l'évaluation réaliste des orientations actuelles et futures d'Hydro-Québec doit continuer à se faire en fonction du contexte social global d'un Québec situé dans un monde en rapide évolution et c'est justement ce rôle d'intermédiaire que nos membres veulent souligner. Nous tenons à ce que l'activité de l'ingénierie au Québec soit reconnue comme offrant une contribution essentielle à l'économie de notre province et que des mesures d'encouragement soit instaurées pour que notre industrie continue à y jouer son rôle de stimulateur du développement.

Tout d'abord, M. le Président, nous tenons à féliciter Hydro-Québec pour l'étendue et l'excellence de la documentation qu'elle met à la disposition du public au sujet du programme d'équipement qu'elle propose. Nous l'avons étudié avec énormément d'intérêt à cause de l'impact des réalisations sur notre industrie et aussi en notre qualité de citoyens québécois, propriétaires d'une fabuleuse richesse renouvelable et actionnaires de notre grande entreprise, Hydro-Québec.

Les quelques réflexions que nous présentons, M. le Président, ont pour objet de mieux vous faire connaître la nature et

l'importance de l'industrie de l'ingénierie au Québec, d'étudier les implications du programme d'équipement d'Hydro-Québec sur l'activité de nos membres et de vous présenter quelques suggestions sur les perspectives d'avenir et le rôle que devrait assumer notre industrie dans le secteur énergétique.

Avec votre permission, nous vous proposons, en premier lieu, de situer notre industrie, l'ingénierie, dans le contexte économique du Québec et nous vous présenterons, par la suite, quelques réflexions que nous voulons constructives sur les réactions de nos membres au sujet des prévisions de la demande énergétique québécoise, telles que présentées par Hydro-Québec. Nous poursuivrons en soulignant l'impact sur l'ingénierie du programme d'équipement qui en découle.

Nous traiterons ensuite du problème qui nous préoccupe présentement, soit le net ralentissement des activités d'ingénierie au Québec et qui ne sera renversé que dans quelques années alors que nous assisterons à un encombrement du marché. Nous vous suggérerons quelques moyens de remédier à cette situation et nous terminerons en soulignant la vocation exportatrice particulière de l'ingénierie québécoise, tout cela avec l'espoir que sa croissance devienne une priorité du développement industriel de notre province.

Nous tenons à assurer votre commission, ainsi qu'Hydro-Québec et tous les organismes du secteur de l'énergie de notre entière collaboration pour toute demande d'information relative aux sujets abordés, comme à toute autre question passée sous silence dans le présent document.

Nous voulons vous souligner ici les points saillants relatifs à notre organisation et quelques recommandations. Qu'il nous soit permis de vous souligner que l'industrie québécoise de l'ingénierie a l'importance suivante: Elle est composée de 228 firmes. Elle regroupe 20% des ingénieurs inscrits à l'Ordre des ingénieurs du Québec, où il y en a 22,000. Elle regroupe 10,000 emplois, dont 50% de professionnels. Ce sont, dans tous les cas ce qu'on appelle des PME à contrôle québécois. Son chiffre d'affaires annuel est de $400,000,000. Elle a généré des retombées de quelque $2,500,000,000 au Québec par son travail à l'étranger pendant dix ans. 40% de ses activités sont hors Québec.

Quant au programme d'équipement d'Hydro-Québec vu par notre industrie du génie-conseil, nous le résumons comme suit: $55 milliards d'immobilisations répartis sur dix ans dont $38 milliards en projets hydrauliques. Le programme présente une prévision conservatrice de la demande d'électricité. Nous y voyons un risque de sous-capacité électrique éventuelle. Nous prévoyons un net ralentissement actuel de l'industrie suivi d'une reprise accélérée à tendance inflationniste dans quelques années.

Nous formulons les suggestions suivantes d'ordre stratégique: Nous préconisons le devancement de la réalisation de certains travaux. Nous préconisons des initiatives nucléaires immédiates. Nous préconisons l'aménagement rapide des petites rivières. Nous préconisons une délégation des études détaillées d'Hydro-Québec. Nous vous formulons que l'industrie québécoise de l'ingénierie doit être soutenue.

Voici les recommandations précises que l'Association des ingénieurs-conseils du Québec note dans ce mémoire.

Recommandation no 1: Que soit adoptée une attitude plutôt positive qu'attentiste quant aux espoirs de développement industriel du Québec. La demande en électricité qui en découlera serait alors plus vigoureuse que celle prévue par Hydro-Québec.

Recommandation no 2: Que le gouvernement du Québec, avec la participation d'organismes tels que l'Association des ingénieurs-conseils du Québec, établisse un recensement des multiples projets d'investissement des secteurs privés, publics et parapublics afin de mieux évaluer leurs besoins en effectifs professionnels, en biens et en ressources pour leur réalisation optimale.

Recommandation no 3: Que, dans un contexte plus immédiat, des mesures énergiques soient instituées pour utiliser de la façon la plus rentable possible les ressources humaines affectées à la conception, à l'ingénierie et à l'encadrement présentement en surplus temporaire au Québec.

Recommandation no 4: Qu'un mandat soit incessamment attribué pour évaluer les implications et présenter des recommandations au sujet du devancement de certaines études et certains travaux en rapport avec les projets du programme d'équipement d'Hydro-Québec prévus pour une mise en service avant 1990.

Recommandation no 5: Que le gouvernement du Québec autorise clairement le démarrage des études détaillées reliées à la réalisation d'une nouvelle centrale nucléaire au Québec.

Recommandation no 6: Que la réalisation accélérée des projets d'aménagement des petites rivières du Québec soit effectuée en favorisant la formule envisagée d'une délégation totale à l'entreprise privée à l'exception de la planification, du choix des sites et des caractéristiques générales qui seront réservées à Hydro-Québec.

Recommandation no 7: Qu'à l'avenir la formule de gérance mandatée du style SEBJ soit retenue pour les projets majeurs réalisés par Hydro-Québec et par les sociétés d'État.

Voilà, M. le Président, l'exposé des

recommandations de l'association.

Je demanderais maintenant à chacun des membres de notre délégation de vous faire rapport d'une partie de notre mémoire chacun à sa façon.

M. René (Jean-Guy): Le programme d'équipement d'Hydro-Québec du point de vue de l'industrie de l'ingénierie. Vue d'ensemble. Le programme d'équipement soumis pour discussion par Hydro-Québec s'inscrit dans la foulée des grands projets hydroélectriques destinés à développer la principale ressource énergétique de notre province. La justesse de cette orientation n'est pas à discuter surtout lorsqu'on constate que ce développement est conforme à un grand objectif d'autosuffisance.

Le plan représente un grand intérêt pour l'industrie québécoise de l'ingénierie car on y note que les investissements, durant la seule décennie quatre-vingt, seront près de $55 milliards. Les seuls équipements de production représenteront plus de 72% des nouvelles installations ou $40 milliards dont près de $38 milliards sont des projets hydroélectriques.

Il est sûr qu'un tel programme va exiger la mobilisation de ressources humaines, techniques et financières sans commune mesure avec la situation vécue durant les cinq dernières années. À ce seul chapitre, les études de planification, de conception, d'ingénierie détaillée, de gérance et de surveillance des travaux représenteront des déboursés de l'ordre de $3 milliards à $5 milliards durant la décennie. Ces chiffres suscitent une sérieuse réflexion.

Il est donc logique que nous examinions les hypothèses sur lesquelles sont fondées ces estimations et, en particulier, sur la variable indépendante principale, soit la demande. A cause des conséquences subséquentes de ce facteur sur les investissements, nous nous devons d'en examiner les prévisions de très près.

Les prévisions de la demande par Hydro-Québec. L'Association des ingénieurs-conseils du Québec ne met pas en doute la justesse de l'exercice prévisionnel d'Hydro-Québec. En effet, la société d'État québécoise a amplement démontré par le passé son aptitude à effectuer les arbitrages essentiels entre les divers instruments de prospective énergétique et, d'ailleurs, elle a bien su se garder une marge de manoeuvre prudente dans l'échelonnement de ses projets.

D'autre part, l'essence des prévisions d'Hydro-Québec réside dans le choix d'hypothèses de croissance réalistes et qui tiennent compte de l'évolution probable de l'environnement économique plusieurs années à l'avance. Les engagements dans des tranches énergétiques majeures doivent être effectués plusieurs années à l'avance et il peut s'avérer qu'un faible changement du rythme de croissance prévu de la demande ou de son allure dans le temps ait des conséquences qui puissent se chiffrer par quelques milliards de dollars en plus ou en moins.

Hydro-Québec ne construit que pour satisfaire la demande prévisible du réseau provincial tout en maintenant une saine marge de manoeuvre pour parer aux imprévus. D'autre part, elle dispose de possibilités d'échanges avec les réseaux extérieurs qui lui fournissent l'occasion d'écouler de façon rentable ses surplus momentanés.

Nous sommes d'ailleurs convaincus que les planificateurs d'Hydro-Québec ont fait des efforts marqués pour contrer le dilemme de la surcapacité et de la souscapacité. Leurs choix sont d'autant plus difficiles qu'un intervalle de 10 à 12 ans sépare en général l'instant de la décision de celui de la mise en service de la plupart des projets.

L'AICQ suggère que les inconvénients de ne pas pouvoir satisfaire la demande sont plus lourds de conséquences que ceux de nous retrouver avec des surplus momentanés de puissance et d'énergie.

Lorsqu'on examine les hypothèses sous-jacentes aux prévisions de la demande, on constate que le niveau de risque associé aux hypothèses moyennes de croissance de la demande au rythme annuel moyen de 6% entre 1980 et 1996, pour les besoins prioritaires en énergie et en puissance, s'avère un peu serré.

Hydro-Québec reconnaît d'ailleurs que ces prévisions s'appuient sur des hypothèses dont les valeurs peuvent souffrir des modifications inattendues et qui pourraient avoir un effet considérable sur l'évolution réelle de la demande d'électricité.

Nous avons l'impression que les planificateurs d'Hydro-Québec n'ont pas suffisamment prévu l'effet des mesures de stimulation économique. Après 1990, la progression est en dessous de la tendance historique et il est possible qu'on ait été pessimiste dans le choix du scénario le plus probable.

L'hypothèse d'une pénétration rapide du gaz naturel est sujette à de multiples variantes. Les investissements, dans la distribution gazière, seront énormes et son usage sera surtout destiné à l'industrie et au chauffage des nouvelles habitations. Malgré son indexation initiale à un prix inférieur à celui du pétrole, le gaz peut rapidement devenir plus cher que ce dernier et ne réussir que partiellement à déplacer le chauffage électrique. D'ailleurs, les prix du gaz sont fixés arbitrairement par des agents extérieurs au Québec et ils dépendent d'impératifs de politique intérieure canadienne, d'équilibre de la balance des paiements et de multiples autres facteurs hors du contrôle des Québécois.

L'AICQ constate que la croissance accrue dans le bilan énergétique due au gaz naturel prévue par Hydro-Québec, 6% en 1980 à 12% en 1996, pourrait affecter sensiblement l'industrie québécoise. Elle exigera des investissements d'infrastructure élevés et concurrencera les ressources affectées aux autres sources d'énergie. Nous ne possédons que peu d'information détaillée relativement aux modalités de la réalisation et aux coûts impliqués et nous nous sentons relativement moins bien situés pour offrir des cmmentaires pertinents.

Nous souhaitons que, dans le futur, les services du ministère de l'Énergie et des Ressources fournissent une documentation équivalente à celle obtenue d'Hydro-Québec afin de permettre une participation plus éclairée des intervenants.

Les prix de l'électricité, eux, sont fixés en fonction des seuls coûts québécois et n'ont que peu de relation avec les fluctuations des marchés internationaux du pétrole. Les tarifs de notre électricité sont fixés en vertu d'objectifs québécois et notre industrie, parmi plusieurs autres, est persuadée que cette source d'énergie est le principal moteur de développement économique du Québec. Dans le futur, nos administrations publiques vont constamment chercher à optimiser cet atout industriel. Sa part du marché pourrait augmenter beaucoup plus rapidement que prévu si les Québécois choisissent la voie d'une industrialisation rapide.

Enfin, des événements à l'échelle géopolitique pourraient bouleverser les interdépendances actuelles et, nonobstant les meilleures estimations, modifier de manière significative la scène énergétique québécoise. Nous pourrions nous retrouver dans un scénario où nos installations seraient insuffisantes pour satisfaire la demande intérieure de la province.

À notre avis, les risques pourraient être atténués par l'adoption d'une hypothèse de croissance annuelle moyenne de la demande légèrement supérieure à celle mentionnée au plan actuel d'équipement quitte, si elle ne se matérialise pas, à tenter de conclure des accords d'échange d'énergie avec nos voisins au moyen de contrats à termes légèrement plus longs que ceux des échanges occasionnels présents. (16 h 45)

Nous pouvons noter aussi que, malgré la hausse rapide des prix de l'énergie pétrolière et la poussée inflationniste, le ralentissement de l'économie et les efforts d'économie d'énergie ont conduit Hydro-Québec à choisir cette année des hypothèses de croissance sensiblement inférieures à celles de 1979. Les fluctuations à court terme peuvent fort bien accentuer moins fortement la tendance historique que nous pourrions le croire présentement.

Somme toute, notre industrie croit fermement qu'il vaut mieux avoir trop d'électricité que pas assez, car il n'y a pas d'énergie plus chère que celle que l'on n'a pas.

Ces raisonnements nous amènent à proposer respectueusement une première recommandation comme suit:

Que soit adoptée une attitude plutôt positive qu'attentiste quant aux espoirs de développement industriel du Québec. La demande en électricité qui en découlera serait alors plus vigoureuse que celle prévue par Hydro-Québec.

Notre industrie croit que la demande révisée peut subir un grand nombre de modifications et que le risque associé à une sous-estimation est plus élevé que celui découlant d'une surestimation. Nous nous attendons que les nouvelles hypothèses conduisent à une croissance prévue supérieure à celle présentée à votre commission.

M. Ruel (Gérald): Regardons maintenant les ressources requises pour réaliser le programme proposé (à la page 15 de notre mémoire).

L'industrie de la construction et l'industrie de l'ingénierie vont de pair et elles sont toutes deux mises fortement à contribution pour réaliser le programme d'équipement proposé par Hydro-Québec.

Nous notons que le calendrier de réalisation des projets cités situe une grande portion de la masse des travaux vers la fin des années quatre-vingt et qu'il existe un ralentissement prononcé du même volume au début de la période.

Les effectifs de pointe des chantiers de construction des équipements de production ont été calculés comme suit: - nous pouvons constater dans le tableau, au bas de la page 15, en partant de l'année de base 1981, que les effectifs de pointe, en années-personnes, sont de 11,100, pour diminuer, jusqu'en 1983, à un minimum de 7700 et augmenter par la suite à un maximum de 27,700 en 1990.

Cette courbe des effectifs des chantiers indique que le programme d'équipement proposé engendrera des variations importantes des emplois dans le secteur. Or, les chantiers d'Hydro-Québec ne seront pas les seuls en activité au Québec durant cette période car on prévoit généralement qu'une remontée du cycle économique coïncidera avec la reprise remarquable des travaux de construction suscitée par le programme d'équipement d'Hydro-Québec. Pour n'en citer que quelques-uns, il existera en parallèle de grands chantiers de construction de gazoducs, de réseaux de distribution gazière, de terminaux méthaniers et de projets pétrochimiques.

Or, tous ces projets risquent de conduire à une situation de surenchère dans l'industrie de la construction en raison de la

multiplicité et de la simultanéité des contrats majeurs. Une inflation accélérée des coûts s'ensuivra inévitablement sans compter les délais et la vulnérabilité accrue des projets aux difficultés des relations de travail.

Le même phénomène peut être anticipé dans le secteur de l'ingénierie. À partir de la courbe des effectifs ouvriers prévus dans le plan d'équipement, on peut estimer les besoins en personnel professionnel pour effectuer l'ingénierie et la gérance des travaux. À titre d'exemple, on prévoit que les besoins pour l'ingénierie proprement dite des projets à la Baie James décroîtront progressivement avec la fin du projet La Grande, phase I, pour atteindre seulement 150 années-personnes en 1982. À partir de 1984, s'amorce une croissance accélérée qui conduit à une pointe de 950 années-personnes en 1987 suivie d'une diminution progressive. Ces chiffres, comparés à une pointe d'effectifs professionnels de 450 années-personnes pour les projets du complexe La Grande, phase I, illustrent bien les cycles de compression et de décompression des effectifs de bureaux d'ingénierie exigés par les seuls projets du secteur hydroélectrique.

Pour les firmes privées fournissant le personnel de gérance des grands travaux, on note une situation identique avec, toutefois, un décalage de deux années par rapport à l'ingénierie. Les effectifs de gérance passeraient de 1450 années-personnes en 1980 à un creux de 850 en 1984, suivi d'une remontée rapide pour atteindre 3400 années-personnes en 1991.

La situation que nous venons de décrire pour le secteur hydroélectrique se répète à peu de chose près dans les autres secteurs des activités de construction, si bien que nous pouvons conclure que: la situation de l'emploi dans le secteur de l'ingénierie subira un net ralentissement durant les années 1981, 1982 et 1983, tant dans le secteur hydroélectrique que dans les autres secteurs de l'activité de construction; entre 1984 et 1990, on observera une période d'activité intense qui pourrait se prolonger pendant plusieurs années.

Durant le creux des années 1981-1983, les firmes d'ingénierie devront se départir d'une grande partie de leur personnel formé au prix de grands efforts. Ces professionnels se retrouveront sur un marché de travail difficile et devront se recycler ou s'exiler. Lorsque le cycle des grands travaux remontera brutalement à partir de 1984, les effectifs professionnels pourront être difficilement recrutés ou même récupérés, car ils se seront alors recyclés dans d'autres secteurs d'activité qui, eux aussi, seront en pleine croissance. La résultante de cette conjoncture sera une diminution tangible de la quantité et de la qualité des effectifs disponibles. Une inflation accélérée des coûts s'ensuivrait inévitablement.

La même situation prévaudra sans doute aussi dans le secteur de la fabrication des équipements électromécaniques et dans les industries de fourniture de matières premières telles que le ciment et l'acier. Il ressort donc que le problème dépasse le cadre du programme d'équipement d'Hydro-Québec et qu'il se situe à l'échelle de la province tout entière.

Nous formulons à ce moment la recommandation no 2: Que le gouvernement du Québec, avec la participation d'organismes tels que l'Association des ingénieurs-conseils du Québec, établisse un recensement des multiples projets d'investissement des secteurs privés, publics et parapublics afin de mieux évaluer leurs besoins en effectifs professionnels, en biens et en ressources pour leur réalisation optimale.

Le Président (M. Jolivet): Je m'excuse, M. Ruel. Je vois qu'on est rendu à la page 18 et que nous avons 33 pages. Déjà, on a dépassé largement le temps alloué de vingt minutes. Je ne sais pas si j'ai dit tout à l'heure que les membres de la commission avaient déjà reçu le document et qu'ils en ont pris connaissance. S'il y avait un résumé qui était donné. Sans cela, vous allez prendre pas mal de temps et il restera moins pour les questions.

M. Lagacé: M. le Président, je dois vous dire que nous avons présenté notre mémoire, comme vous le savez. Depuis que nous sommes ici ce matin, nous avons tenté par tous les moyens d'en enlever des parties pour qu'il vous soit présentable à l'intérieur des limites. Même à l'heure du midi, c'est ce que nous avons fait. Nous avons réussi à enlever beaucoup de pages. Je comprends que nous prendrons peut-être plus que vingt minutes, mais je pense que le reste doit être entendu. C'est notre désir.

Le Président (M. Jolivet): C'est simplement pour les besoins des membres de la commission. S'il y a un consentement pour qu'on puisse vous demander de terminer dans les plus brefs délais ce qui reste, il n'y a pas de difficulté, quant à moi.

M. Lagacé: On a calculé à l'heure du midi que cela nous prendrait 35 minutes à peu près pour le présenter.

Le Président (M. Jolivet): Cela va. Continuez.

M. Desrochers (Marcel): On va accélérer la lecture à partir d'ici. La stratégie suggérée par l'Association des ingénieurs-conseils du Québec: Le problème du ralentissement actuel de l'industrie de l'ingénierie et les prévisions d'une reprise à

un taux très élevé vers la fin des années quatre-vingt nous amènent à formuler la recommandation suivante: recommandation no 3): Que, dans un contexte plus immédiat, des mesures énergiques soient instituées pour utiliser de la façon la plus rentable possible les ressources humaines affectées à la conception, à l'ingénierie et à l'encadrement présentement en surplus temporaire au Québec. L'Association des ingénieurs-conseils du Québec considère que cette recommandation devrait se voir accorder un statut de haute priorité.

Afin d'aider à sa mise en application, nous suggérons que les mesures suivantes soient considérées: une exécution plus rapprochée de l'ingénierie de certains projets énergétiques. L'objectif serait de combler les creux des années 1982 à 1985, de façon à écrêter les pointes prévues pour plus tard dans les travaux d'ingénierie, de gérance et de construction. Nous ne préconisons pas nécessairement le devancement des dates de mise en service des projets, mais plutôt l'étalement dans le temps de certaines activités. Évidemment, on ne peut rejeter l'hypothèse d'un devancement de certaines mises en service si des impératifs de satisfaction d'une demande plus rapide qu'anticipée ou des possibilités de transactions avantageuses pour l'énergie additionnelle produite se matérialisaient. Nous pensons ici à des ventes plus considérables aux réseaux interconnectés ou à la dédication de blocs de puissance à de grands projets industriels qui relanceraient l'économie québécoise.

Les devancements auxquels nous pensons concernent surtout les travaux d'ingénierie détaillée et l'exécution de certains ouvrages qui font partie de projets non encore approuvés, mais dont la réalisation est inévitable dans l'avenir immédiat.

Recommandation no 4: Qu'un mandat soit incessamment attribué pour évaluer les implications et présenter des recommandations au sujet du devancement de certaines études et certains travaux en rapport avec les projets du programme d'équipement d'Hydro-Québec prévus pour une mise en service avant 1990.

Des administrateurs du gouvernement, d'Hydro-Québec, de l'Association des ingénieurs-conseils du Québec et des représentants de l'industrie de la construction du Québec seraient appelés à contribuer à cette étude.

L'exécution, à courte échéance, d'études détaillées reliées à la réalisation d'un projet nucléaire au Québec. Tout d'abord, au Québec, la quantité de ressources hydrauliques, en termes de potentiel de puissance électrique aménageable, est limitée. II est tout probable qu'au tournant du siècle, ces ressources ne suffiront pas à répondre à la demande. Une autre source sera nécessaire.

Malgré l'intérêt qu'on porte à la conservation, à l'énergie solaire et aux énergies redécouvertes, le consensus actuel est que ces sources ne pourront, dans un avenir prévisible, représenter qu'un pourcentage relativement faible du bilan énergétique des pays industrialisés.

Une source d'énergie attrayante semble être la fusion. Son développement, toutefois, exige une infrastructure technologique très avancée, et l'arrivée à maturité d'un réacteur à fusion pour la production commerciale d'électricité ne peut être attendue avant les années 2020 à 2030. Il ne fait donc aucun doute qu'une solution intérimaire doit être retenue, d'une part, pour établir la base technologique nécessaire à la fusion et, d'autre part, pour combler les besoins énergétiques des quelque 20 années de l'après 2000. Or, la seule solution qu'on puisse imaginer à l'heure présente est celle que la France a suivie, soit la mise en oeuvre d'un programme de fission nucléaire dynamique et entièrement sous contrôle national.

L'AICQ comprend, sans nécessairement les partager, les raisons qui ont motivé la décision du gouvernement d'imposer un moratoire sur tout nouveau projet nucléaire au Québec. Malgré cette prise de position, l'AICQ constate, avec Hydro-Québec, qu'à tout le moins en 1992 et possiblement avant, le Québec nécessitera environ 800 MW de puissance thermique ou nucléaire pour satisfaire la demande provinciale.

Or, tous s'accordent dans l'industrie pour dire que l'échéancier de réalisation d'un projet nucléaire a une durée de quelque douze ans pour un projet sur un site connu et de quatorze ans si l'on doit procéder à une recherche de sites. De plus, à l'intérieur du programme de douze ans, on doit allouer une phase de plus de trois ans d'études approfondies avant que ne soit requise l'autorisation gouvernementale de construction et que ne soit octroyé le premier contrat pour la fabrication d'équipement.

Ces délais de réalisation sont, d'ailleurs, sensiblement du même ordre pour la réalisation de projets de centrales thermiques à combustible fossile, particulièrement le charbon.

Il est donc plus ou moins inévitable que le Québec devra recourir à cette forme d'énergie qui devrait d'ailleurs, à cette époque, avoir atteint un degré satisfaisant de maturité et de sécurité.

D'autre part, l'AICQ ne croit pas que, dans la conjoncture actuelle, le charbon représente le meilleur choix. Par contre, cette possibilité doit retenir l'attention de très près non seulement au niveau d'une surveillance générale du secteur, mais aussi au niveau de réalisations concrètes qui

pourraient dépasser le stade des études conceptuelles et faire l'objet d'études de choix de sites et d'ingénierie détaillée, ne serait-ce que pour renforcer le pouvoir de négociation d'Hydro-Québec, le cas échéant. (17 heures)

Cela ne veut pas dire qu'il faille pour autant négliger le domaine des centrales thermiques, ne serait-ce que dans l'éventualité où les recherches pétrolières effectuées dans le golfe Saint-Laurent aboutiraient à une découverte. Nous pourrions nous retrouver dans une situation d'autosuffisance pétrolière, à l'instar de Terre-Neuve et de l'Angleterre. Il serait alors malencontreux que nous ayions à importer totalement la technologie et les ressources humaines requises pour la réalisation de projets thermiques alimentés aux combustibles classiques.

L'AICQ désire souligner qu'il existe au Québec, en dépit des faibles engagements locaux dans le domaine, une industrie nucléaire assez considérable. La vigueur de cette industrie dépend, pour une grande part, du programme nucléaire ontarien et de la vente de centrales nucléaires à l'étranger.

Contrairement à l'enthousiasme des années soixante, les années soixante-dix ont vu naître un climat d'incertitude dans la population relativement à la sûreté des centrales électronucléaires et aux risques engendrés par les déchets. Ceci a conduit à l'instauration d'un moratoire temporaire sur l'énergie nucléaire au Québec.

Là-dessus un certain nombre de commentaires s'imposent. Premièrement, en l'absence d'activités reliées à des réalisations concrètes dans le domaine nucléaire, on peut à la rigueur conserver un certain niveau d'intérêt dans les milieux académiques, mais on étouffera très rapidement tout dynamisme au niveau de l'industrie manufacturière et chez les entrepreneurs oeuvrant dans ce domaine. Le personnel de conception des ouvrages n'aura pas, non plus, grand enthousiasme à se tenir à jour au sujet des progrès accomplis dans ce domaine.

On risque alors de se retrouver dans une situation où il faudra importer la quasi-totalité du savoir-faire nécessaire pour effectuer de tels travaux, et chacun sait que le savoir-faire entraîne avec lui des engagements industriels forcément situés là où la "sympathie" des concepteurs y trouve sa meilleure satisfaction.

L'industrie nucléaire québécoise se trouve présentement dans une grande incertitude. Elle devra, dans bien des cas, prendre prochainement des décisions difficiles, fondées sur la seule foi des impératifs économiques du moment. Il importe donc pour le gouvernement du Québec de ne pas retarder indûment son processus de prise de décision dans le domaine nucléaire si nous voulons protéger les compétences existantes et permettre la survie de cette industrie. On ne peut investir indéfiniment en équipement et en ressources humaines dans une technologie de pointe si un volume seuil n'est pas assuré afin de compenser les risques des investisseurs.

Le gouvernement français, en raison de la rareté des ressources énergétiques, a pris une orientation ferme en faveur du nucléaire. Son programme dynamique lui a permis non seulement d'être à l'avant-garde dans le domaine de la fission nucléaire, mais aussi a servi à mettre le pays en très bonne position dans d'autres sphères de haute technologie. Les retombées sur son économie sont présentement comparables aux effets bénéfiques qu'a suscités, aux États-Unis, le programme spatial des années soixante.

Dans l'état d'incertitude où se trouve l'industrie nucléaire au Québec, un démarrage agressif des études pour la réalisation d'une centrale ne signifiera un espoir de travail pour l'industrie manufacturière que seulement trois ou quatre ans après leur démarrage. Repousser plus loin les études approfondies rattachées à un projet déterminé risquerait de mettre fortement en danger toute l'industrie du secteur nucléaire.

Recommandation no 5: Que le gouvernement du Québec autorise clairement le démarrage des études détaillées reliées à la réalisation d'une nouvelle centrale nucléaire au Québec.

On ne devrait pas se limiter à étudier les grandes caractéristiques techniques, économiques et environnementales, ainsi que les problèmes particuliers tels qu'approvisionnement, disposition des déchets, développements technologiques sur les nouvelles filières ou les nouveaux procédés, etc. Ces types d'études, vus de l'industrie, sont interprétés à peu près comme l'équivalent d'une volonté de ne pas faire du nucléaire. Nous exprimons le désir d'exécuter, tout au moins, la partie des études qui précède les étapes d'obtention des autorisations gouvernementales et qui peut durer près de trois ou quatre ans.

Finalement, l'industrie nucléaire interprète la crainte que provoque cette source d'énergie plutôt comme une réaction du public devant une technologie mystérieuse et qui semble si complexe qu'on se résigne à ne pas la comprendre ni à l'accepter. On croit aussi, au sein de l'industrie nucléaire, qu'un dialogue éclairé avec la population peut permettre à celle-ci de juger l'énergie nucléaire sur un même pied que les autres outils de support à une société industrialisée. La population doit se forger une opinion des avantages et les inconvénients de cet instrument par rapport aux autres et elle pourra ensuite procéder à des choix éclairés. Nous croyons sincèrement que le peuple saura faire la part des choses, qu'il saura évaluer les risques et les avantages réels du

nucléaire et ignorer les épouvantails issus des déclarations démagogiques de la part de groupes voués à son élimination.

La réponse ultime du public à la suite d'un tel dialogue n'est pas, d'après nous, une garantie de survie du nucléaire, mais, d'une part, on sait que, dans la majorité des endroits où cet exercice a été tenté, le pari nucléaire a été relevé. D'autre part, si la réponse est négative, elle aura à tout le moins été exprimée sur la foi de données claires et précises.

Donner le feu vert aux études et à l'aménagement énergétique des petites rivières. L'association accueille très favorablement le programme documenté par Hydro-Québec visant à aménager entre 39 et 70 sites de petites centrales.

À notre avis, ce type de réalisation convient parfaitement aux entrepreneurs que sont fondamentalement les ingénieurs-conseils. Notre industrie d'ingénierie a les moyens et surtout la motivation d'exécuter cette série de projets relativement trop petits pour les grandes structures administratives d'Hydro-Québec, mais qui ont une taille intéressante pour l'industrie de l'ingénierie et qui offrent un potentiel d'emploi régional considérable.

L'association encourage fortement de telles initiatives qui auraient l'avantage de fournir un élément structurel de base à notre industrie et qui permettraient le maintien d'un savoir-faire en ingénierie dont le réseau aura grandement besoin vers la fin des années quatre-vingt pour les nouveaux grands projets hydroélectriques.

D'autre part, Hydro-Québec devrait coordonner l'ensemble de la réalisation de ces projets, les planifier dans leurs grandes lignes, choisir les sites et fixer des normes de qualité de réalisation. Par la suite, les projets pourraient être entièrement réalisés sous forme de projets, clé en main, ou d'arrangements similaires par l'entreprise privée.

Nous formulons ce désir sous la forme de notre recommandation no 6: Que la réalisation accélérée des projets d'aménagement des petites rivières du Québec soit effectuée en favorisant la formule envisagée d'une délégation totale à l'entreprise privée, à l'exception de la planification, du choix des sites et des caractéristiques générales qui seront réservées à Hydro-Québec.

M. Lagacé: À titre de conclusion, M. le Président, c'est notre opinion que les quelques idées que nous venons d'exposer ajoutent aux considérations que nous avions présentées en février 1980 au ministère de l'Énergie et des Ressources.

Dans le présent document, nous faisons un examen de la structure et de la problématique de l'industrie québécoise de l'ingénierie, examinée dans l'optique du programme d'équipement proposé par Hydro-Québec pour la décennie 1980.

La situation de notre industrie transcende le seul secteur de l'énergie. Elle influence l'ensemble de l'économie québécoise. Sa croissance dynamique dépend de l'encouragement continu que l'administration publique et Hydro-Québec lui apportent.

Nous osons croire que les responsables de la politique de l'énergie auront saisi toute l'acuité des problèmes auxquels est confrontée l'industrie québécoise de l'ingénierie et qu'ils verront à l'application des recommandations qui leur ont été respectueusement soumises. Merci.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Dubuc, en premier.

M. Desbiens: Merci, M. le Président. Je vais d'abord remercier et féliciter l'Association des ingénieurs-conseils de son mémoire et de sa participation aux travaux de la commission. Évidemment, de tous les groupes assez nombreux qui font des représentations ici à cette commission, on s'attend à une excellente présentation et on l'a eue de votre association.

Au début, vous nous rappelez l'importance de l'industrie de l'ingénierie au Québec, à juste titre d'ailleurs. Vous avez pu le constater déjà, elle est considérée par le gouvernement actuel comme un des secteurs stratégiques du développement du Québec.

J'aimerais poser des questions sur deux points, sur deux suggestions que vous faites dans votre mémoire. L'une se rapporte au devancement de la réalisation de certains travaux. La deuxième portera sur l'aménagement rapide des petites rivières.

Concernant la première série de questions, dans votre mémoire, vous soulignez que le plan de développement proposé par Hydro-Québec vous semble basé sur une prévision beaucoup trop conservatrice de la demande d'électricité et présente des dangers d'un manque d'électricité. Pourtant - je me fais un peu l'avocat du diable - j'aimerais que vous nous précisiez les hypothèses qui vous amènent à dire qu'Hydro-Québec a des prévisions beaucoup trop basses. Si on a à l'idée la croissance économique du Québec prévue au cours des années qui viennent, la croissance démographique québécoise qui est de 3,7%, je crois, la possibilité d'une pénétration beaucoup plus accrue du gaz, -on parle d'une proportion d'au-delà 20% -des politiques d'énergie également qui seraient donc une source d'économie et qui libéreraient d'autres possibilités, votre hypothèse d'un manque d'électricité semble se contredire.

Le deuxième volet de la question se rapporte toujours au devancement des

travaux. Vous parlez, au début, d'une reprise qui donnerait des tendances inflationnistes. Je pense qu'il serait intéressant et utile de savoir de votre part quels sont les avantages et les coûts que vous allez évaluer d'un tel devancement de travaux, tout cela, évidemment, toujours en regard avec la possibilité de pénétration plus rapide du gaz naturel sur le marché québécois dans les années quatre-vingt. Je reviendrai après cela sur les petites rivières.

Le Président (M. Jolivet): M. Lagacé.

M. Lagacé: Je peux peut-être reprendre la première question à l'égard du devancement des travaux. Lorsque vous parcourez les documents préparés par HydroQuébec, on peut s'apercevoir que le point de départ d'abord de toute l'étude est certes la courbe qui exprime l'augmentation de la demande à Hydro-Québec. L'augmentation de cette courbe tient compte de beaucoup de facteurs qui sont entre autres le facteur démographique, le facteur de l'augmentation des affaires au Québec, la pénétration du gaz et l'énergie; mais le rythme d'augmentation de cette courbe de demande s'exprime par des chiffres qui sont inférieurs, sur la fin du cycle considéré, à ceux auxquels nous faisons face au début du cycle de la période de dix ans. C'est ce qui nous place dans une situation où on est porté à croire que cette courbe, que cette expansion du réseau requis devrait atteindre un seuil plus ralenti à cause des facteurs d'accroissement de l'activité, au Québec, regroupés sous l'étiquette de la démographie, la pénétration du gaz et de ces différents secteurs. Croyant que cette courbe de la demande pourrait facilement être atteinte par les besoins réels, nous préconisons qu'il vaudrait mieux envisager la possibilité de devancer certains travaux de façon à pouvoir être prêts au cas où cette demande se produirait à un rythme plus rapide que le rythme estimé.

Quant aux avantages et aux coûts, traitons d'abord des premiers. L'industrie du génie-conseil y voit des avantages en préconisant immédiatement le début des études parce que évidemment, l'industrie du génie-conseil serait elle-même plus satisfaite. Elle pourrait même voir certains débouchés quant à sa propre période d'activité.

Quant aux coûts que ce devancement des travaux pourrait impliquer, je ne voudrais pas en faire le calcul ici. Notre document vous indique déjà une formule de calcul estimé par nous sur ce choix, mais pour résumer, nous avons inscrit dans le rapport un chiffre de $300 millions pour la période des quelques années dont il est question, ce qui pourrait être récupéré assez facilement par la suite à cause des économies sur le financement qui pourraient être réalisées.

Le Président (M. Jolivet): M. le député.

M. Desbiens: Je vous remercie. Une deuxième suggestion, l'aménagement des rapides des petites rivières. Vous avez étudié le rythme prévu par Hydro-Québec pour l'aménagement des petites rivières. Je vais vous poser la question, j'imagine la réponse. Est-ce que vous calculez qu'il est suffisant? Est-ce que vous aimeriez qu'il soit plus élevé? On sait que c'est 1000 mégawatts, de 1990 à l'an 2000. Quelle serait la proposition précise que vous auriez à faire dans ce secteur particulier de l'aménagement des petites rivières, en relation avec l'entreprise privée, concession entreprise privée d'aménagement?

M. Lagacé: II n'est pas facile de répondre précisément à cette question. J'ai le goût, aux fins de la discussion, de faire un tour d'horizon rapide sur cette fameuse courbe de la demande qui est celle exprimée par Hydro-Québec. Nous admettons tous que la courbe a été faite avec les meilleures intentions du monde, les meilleures prévisions possibles, même le passé d'Hydro-Québec est garant de son avenir, mais il y a des facteurs qui sont très importants et qui vont faire que la courbe peut se déplacer légèrement pour exprimer la demande des dix ou des quinze prochaines années.

Je pense qu'un facteur très important qui doit être souligné, c'est celui de la facture d'électricité. Comment établir la facture d'électricité? On vit dans un monde où l'électricité nous est réellement offerte à un prix relativement bas par rapport à tous ceux qui nous entourent, qui sont limitrophes à nos frontières.

S'il arrivait que, pour un besoin de relance industrielle, on convenait que notre électricité, qui fait déjà l'objet d'envie de ceux qui se disent industriels, s'il leur était permis de venir prendre avantage de cette électricité qui est nôtre, naturellement renouvelable, ils seraient dans une position où ils viendraient s'installer chez nous. Conséquemment, on aurait un développement économique industriel accéléré et le tout aurait pour effet d'augmenter notre courbe de la demande.

Dans le cas inverse, s'il arrivait que notre facturation d'électricité s'avère plus lourde, plus difficile, c'est certain que tant les étrangers, les multinationales, que nos propres résidents du Québec auraient une tendance à moins utiliser l'électricité et, conséguemment, à rabattre la courbe légèrement. Mais ce qui fait foi de tout, c'est toujours la forme de la courbe. C'est ce qui rend la situation difficile.

De quelle façon pense-t-on que la courbe qui a été évaluée, que cette courbe qui exprime la demande, qui exprime le besoin du réseau, de quelle façon sera-t-elle

respectée avec les années qui viendront, d'ici 1990, ou même 1995? Comme les facteurs dépendent tous de la politique même d'Hydro-Québec et de la province de Québec quant à l'utilisation de cette ressource énergétique qui est bien la sienne, il n'est pas facile de donner une appréciation exacte sur ce que devra être la capacité des petites rivières. Mais je crois qu'il y a un principe fondamental qui doit être à la base de toute décision, c'est que chez nous, l'électricité, c'est notre seule ressource énergétique, la seule que nous ayons à l'intérieur de nos limites, qui nous appartienne. Et, surtout, cette énergie est renouvelable. Elle ne coûte rien une fois l'immobilisation faite.

Je crois que dans cet esprit d'énergie renouvelable, lorsque l'immobilisation a eu lieu, il s'agit de la faire marcher le plus longtemps possible et si nous avons d'autres installations qui s'avèrent renouvelables, telles les petites rivières, je pense que la décision est relativement facile à prendre. On devrait installer le plus possible de ces petites centrales à énergie renouvelable, parce qu'une fois installées elles sont capitalisées. Il n'y a pas beaucoup de frais à caractère d'entretien, parce que c'est notre énergie, c'est naturellement renouvelable, il n'y a pas d'entretien à y incorporer; on devrait en prendre avantage au maximum.

Quelle devrait être la réponse exacte à tout ça? C'est l'intérêt que la population ou l'industrie peuvent manifester à utiliser cette énergie qui est le facteur déterminant.

M. Desbiens: Évidemment, ça pourrait entraîner d'autres questions, mais je ne veux pas, non plus, prendre trop de temps.

Sur le point précis de confier à l'entreprise privée la réalisation entre autres, par exemple, l'aménagement de petites rivières, voulez-vous préciser votre position?

M. Lagacé: Je vais demander à M. René d'apporter des commentaires là-dessus, s'il vous plaît.

M. René: Disons que le milieu du génie-conseil a quand même une expérience très grande de l'aménagement de petites rivières, à l'extérieur du pays surtout, dans d'autres provinces, peut-être, mais il reste que le milieu même du génie-conseil a une expérience très vaste de la chose.

Nous, on croit que l'aménagement de petites rivières, si on parle de quelques kilowatts, si on parle de quelques mégawatts, souvent ça peut sembler beaucoup pour une organisation de la taille d'Hydro-Québec, parce que tout n'est pas nécessairement conforme à la façon de faire dans de gros aménagements, dans les grands aménagements.

Or, on pense que notre industrie est très apte à entreprendre ces travaux et, une fois déterminées les caractéristiques principales - parce que ça, on ne peut pas l'enlever à Hydro-Québec et jamais on ne pourra le leur enlever - à déterminer ce qu'on fait comme aménagement de petites rivières. Le "dimensionnement" final de la chose, tout ça appartient à Hydro-Québec, mais l'ingénierie de détail pourrait être remise à l'industrie du génie-conseil.

M. Desbiens: Je vous remercie. Je vais laisser la parole à d'autres.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Merci, M. le Président. Tout d'abord, je voudrais remercier l'Association des ingénieurs-conseils du Québec pour son mémoire.

Vous portez à notre attention des points qui sont très importants. Vous êtes le deuxième groupe, aujourd'hui, qui porte à notre attention le fait qu'au cours des prochains quatre ou cinq ans, d'après le programme d'investissements qui a été présenté par Hydro-Québec, il va y avoir un décalage dans l'emploi, pour les travailleurs, les ouvriers et aussi pour les ingénieurs-conseils, les professionnels, les cadres et que ce sera suivi par une remontée assez considérable. Vous portez à notre attention qu'il peut y avoir certaines conséquences, à la suite de ces événements, si le programme d'Hydro-Québec est mis en application.

Je répète ce que j'ai dit aux intervenants de l'autre groupe; je trouve ça inquiétant, c'est décourageant dans le sens que, pour un certain nombre d'années, il n'y aura pas assez de travail. Les gens de l'industrie de la construction se plaignent depuis quelques années qu'il n'y a pas assez d'activité et, tout à coup, on va aller à l'autre extrême et il va y avoir tellement de travail qu'on ne pourra pas fournir. Pour moi, ça crée un déséquilibre et si une politique énergétique doit nous faire prévoir un choix de société, moi, ce n'est pas le choix de société que je préconise avec une politique énergétique saine et qui aurait pour but de répondre aux besoins de tout le Québec.

Dans ce sens, je le répète, c'est inquiétant, c'est décourageant et ça porte, par exemple, à se poser des questions. On tient pour acquis que le programme qu'Hydro-Québec nous a soumis sera appliqué tel qu'il a été suggéré et rendu public par Hydro-Québec. Cela n'a pas encore été décidé et peut-être faudrait-il mettre en doute certaines des données, chercher d'autres solutions, chercher d'autres moyens pour éviter les situations que vous portez à notre attention.

Ici, M. le Président, je voudrais ramener la discussion à un autre contexte,

parce que j'ai clairement l'impression qu'on cherche - quand je dis "on", je veux dire le gouvernement - à faire porter sur le dos d'Hydro-Québec tous les problèmes qui sont soulevés par les différents intervenants. Or, je voudrais rappeler à cette commission, premièrement, le mandat d'Hydro-Québec. Le mandat d'Hydro-Québec, c'est de prévoir les besoins du Québec en énergie et les moyens de les satisfaire - et je le souligne ici -dans le cadre des politiques énergétiques que le lieutenant-gouverneur en conseil peut, par ailleurs, établir. Si Hydro est venue cette semaine nous présenter un programme d'investissements et un programme d'équipement, elle ne l'a pas fait d'elle-même. Elle l'a fait à la suite de la responsabilité du gouvernement de lui donner une direction. Je déplore, quand j'entends autour de la table les questions qui sont posées, que ce soit toujours dirigé contre Hydro. Ce n'est pas dirigé contre le manque d'action du gouvernement qui n'a pas donné ses propres directives. Ce qui se produit ici - on voit que, dans quatre ans, on ne pourra pas faire face à la demande de main-d'oeuvre, à la demande d'ingénieurs-conseils, etc. - ce n'est pas de la faute d'Hydro-Québec. C'est la faute du gouvernement qui a manqué de planification. C'est la faute du gouvernement de ne pas avoir impliqué toutes les institutions, tous les organismes responsables. Il ne faudrait pas que, par le biais de cette commission, on mette Hydro-Québec sur la sellette, parce que c'est injuste et c'est faux. Ce n'est pas sur le dos d'Hydro-Québec, mais ce sont les responsabilités de ce gouvernement. Il faut le rétablir clairement et, s'il y a des carences et des questions à poser, qu'il se les pose à lui-même; qu'il ne les pose pas à vous pour faire paraître qu'Hydro-Québec n'a pas fait sa planification, que les estimations d'Hydro-Québec sont trop hautes ou trop basses.

Relisons et réexaminons le mandat d'Hydro-Québec. Elle doit le faire dans le cadre des politiques énergétiques du gouvernement. Si Hydro-Québec nous dépose un programme d'investissements aujourd'hui, après avoir discuté avec le gouvernement -cela fait un an que le ministre en discute -posons les vraies questions au gouvernement et ne faisons pas passer le manque de responsabilités sur le dos d'Hydro-Québec. Je crois que c'est important d'établir ce fait. C'est très important pour qu'on ne fausse pas le débat, pour qu'on ne fausse pas tout ce qui se produit ici devant cette commission parlementaire.

Vous portez à notre attention une autre recommandation, la deuxième recommandation. Vous dites: "Que le gouvernement du Québec, avec la participation d'organismes tels que l'Association des ingénieurs-conseils du Québec, établisse un recensement des multiples projets d'investissement des secteurs privés, publics et parapublics afin de mieux évaluer leurs besoins en effectifs professionnels, en biens et en ressources par leur réalisation optimale". M. le Président, un gouvernement qui fait vraiment une saine administration est obligé de le faire. C'est bien que vous le portiez à son attention. C'est quelque chose. C'est le devoir élémentaire d'un gouvernement de faire cette coordination. On a un ministère de l'Immigration. On a un ministère de la Main-d'Oeuvre. On a un ministère de l'Industrie et du Commerce. On a l'OPDQ. Ce ne sont pas les outils qui manquent au gouvernement; c'est la direction, c'est un manque de responsabilités. Vous faites cette recommandation et je vous en félicite. Si le gouvernement avait donné une direction à Hydro, si le gouvernement avait dit: Dans le cadre de la main-d'oeuvre disponible, dans le cadre des investissements qui sont disponibles, Hydro devrait nous produire ceci au titre d'un plan énergétique, il y a beaucoup de ces recommandations ici que vous n'auriez pas été obligés de faire. Vous avez été obligés de les faire parce que le gouvernement n'a pas pris ses responsabilités.

On parle du gazoduc. On parle de la conservation d'énergie, de tout le reste. On veut créer l'impression que le gouvernement est ici pour essayer de chercher des renseignements, qu'il veut protéger le consommateur, qu'il veut voir vraiment ce qu'il a à faire et faire apparaître comme le gros méchant du scénario Hydro-Québec. Rétablissons un peu les faits. Soyons honnêtes et peut-être qu'on pourra avoir un dialogue qui sera un peu plus réaliste, que la population pourra mieux juger de la vraie responsabilité de ce gouvernement et du manque de politique qu'il a eu dans tous les domaines: dans le domaine de la construction, les 40,000 emplois qu'on perd, les problèmes énormes dans ce domaine, et dans le domaine énergétique. Il faut rétablir les faits et imputer la responsabilité à qui elle appartient.

M. le Président, j'aurais une question à poser à nos invités. S'ils veulent faire un commentaire sur le préambule, je les y invite. (17 h 30)

M. Lagacé: Oui, je veux apporter un commentaire sur le préambule de M. le député. C'est, évidemment, cette inquiétude que nous voulons vous souligner à l'égard de l'emploi chez nos membres, ceux qui composent notre association. Il serait peut-être bon d'apporter la précision suivante, à savoir que nous réalisons très bien que nous faisons partie de ce qu'on peut appeler l'industrie privée et que nous ne voulons pas, pour nos membres, l'assurance absolue de l'emploi parce que justement nous avons choisi de faire partie de cette activité du Québec où nous sommes d'un groupe privé.

Alors, on doit être assez habile pour s'ajuster aux besoins. Mais le point que nous aimerions souligner, c'est que cette situation qu'on est appelé à vivre dans les années 1982, 1983 et 1984 est celle où nos membres nous indiquent qu'ils devront se départir de beaucoup de leurs propres talents, de leur propre personnel, pour se trouver, quelques années après, dans l'obligation de recomposer leur personnel, ce qui, à nos yeux, nous apparaît comme étant une situation un peu anormale, qu'on doit souligner. Si, par contre, on était dans la situation où l'occupation de nos firmes était relativement constante ou avec une courbe bien contrôlée, à ce moment-là, on ne serait pas ici pour vous indiquer la difficulté qu'on a cru déceler dans l'activité qui est indiquée à nos membres. Je me permets ce court commentaire additionnel.

M. Ciaccia: M. le Président, j'espère que je ne vous ai pas donné l'impression que je vous critiquais d'avoir fait les constatations que vous avez faites. Je vous en remercie et je crois important que la population en sache les conséquences possibles dans les prochaines années. Je vous remercie de l'avoir porté à notre attention. Le point que je veux soulever, c'est que ce n'est pas la faute d'Hydro-Québec si cela va se produire. C'est la faute de ceux qui ont la responsabilité de donner la direction à Hydro-Québec, de formuler des politiques énergétiques, de décider les politiques pour l'ensemble du Québec. C'est à eux qu'incombe cette responsabilité. Inutile de le répéter, je vous remercie de l'avoir porté à notre attention. Je ne vous blâme pas du tout. C'est quelque chose qui doit être souligné.

Une autre de vos recommandations est que soit adoptée une attitude plutôt positive qu'attentiste quant aux espoirs de développement industriel du Québec. La demande en électricité qui en découlera serait alors plus vigoureuse que celle prévue par Hydro-Québec. Pourriez-vous nous donner quelques exemples ou quelques recommandations un peu plus spécifiques? Je suis entièrement d'accord que nous devrions avoir une approche positive, pas être attentistes, parce que c'est l'atentisme qui crée les délais, qui crée les situations où, à un moment donné, on a un surplus de ressources humaines et où, à un autre moment, on peut avoir un manque de ces ressources. Est-ce que vous avez quelques recommandations ou suggestions? Comment un gouvernement pourrait-il concrétiser cette attitude positive plutôt qu'attentiste?

Le Président (M. Jolivet): M. Lagacé ou M. René?

M. Lagacé: Je demanderais à M. René de relever cette question, s'il vous plaît! Le Président (M. Jolivet): M. René.

M. René: M. le Président, je pense que M. le député est bien conscient des difficultés qu'on peut avoir à établir réellement une courbe de demande. Il faut être spécialiste, avoir beaucoup de ressources sur le plan technique et sur le plan humain pour y arriver, et beaucoup d'expérience. Or, on n'est pas en mesure de critiquer Hydro-Québec ou quoi que ce soit dans la prévision même de la demande. Ce qu'on dit, c'est que, comme outil de travail, comme outil de planification et comme outil de programme d'investissements, on trouve qu'en passant de ce qu'on pourrait appeler, disons, un milieu où on va gruger du côté pétrole, d'un pourcentage d'électricité de 26% à 45%, il y a une foule d'inconnues tout au long d'un programme de ce genre. C'est pour bien tenir compte de cela que nous croyons qu'on devrait être un peu plus optimistes du côté de la demande parce que même si le gaz devait s'implanter plus que prévu, il y a une foule d'éléments imprévisibles. On parlait de demande, ce matin, et je pense qu'on pourrait dialoguer très longtemps sur la demande. On le voit. À la lumière des récentes expériences sur la pointe du réseau, etc., on n'a pas beaucoup d'éléments qui nous permettent d'être très pessimistes. On n'y croit pas, du moins comme outil de travail, comme outil de planification, comme outil pour établir un programme d'investissements.

M. Ciaccia: Merci.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Gouin.

M. Tremblay: Merci, M. le Président. Je pense que nous sommes comblés aujourd'hui par la haute qualité des mémoires qui nous sont présentés, et celui de l'Association des ingénieurs-conseils du Québec entre certainement dans cette catégorie. Je ne veux pas prendre beaucoup de temps, mais j'aimerais quand même revenir sur deux points, poser deux questions qui ressortent de votre mémoire et qui sont sous-jacentes finalement aux enjeux de ce plan d'équipement d'Hydro-Québec et des travaux de cette commission. Je reviens sur votre recommandation no 1, comme l'a fait le député de Mont-Royal, mais dans une perspective peut-être un peu différente. Vous dites: Que soit adoptée une attitude plutôt positive qu'attentiste quant aux espoirs de développement industriel du Québec. Vous êtes des ingénieurs conseil, vous êtes très près des milieux industriels, des milieux d'investissement. Quand vous recommandez une telle chose, c'est donc que vous avez

quelque chose derrière la tête. Du moins, vous avez une appréciation de la situation qui n'est pas conforme à vos espoirs.

Est-ce que vous comparez la politique industrielle du Québec avec ce qui se fait ailleurs où existent des excédents d'énergie, comme en Alberta, comme au Mexique, comme au Venezuela, comme en Arabie Saoudite, parce qu'il y a des régions dans le monde qui ont des excédents d'énergie et où on a mis sur pied des programmes de développement industriel accéléré? Est-ce que vous déploreriez l'absence de volonté industrielle au Québec par cette recommandation en disant qu'on semblerait attentiste, peut-être, au Québec alors qu'on devrait être positif et agressif? Ceci représente ma première question.

La deuxième, vous avez sans doute été témoins de l'excellent témoignage de l'Association des constructeurs de routes et grands travaux du Québec, qui vous ont précédés à la tribune. Vous avez sans doute entendu qu'il se dégage de plus en plus, des travaux de cette commission, que l'enjeu majeur de ce plan d'équipement et d'investissement d'Hydro-Québec c'est le devancement ou l'étalement des projets d'investissements.

Les constructeurs nous ont dit qu'il y avait un danger réel que nous soyons en train de répéter l'erreur des Jeux olympiques en concentrant sur une période trop courte un volume trop gros d'investissements. Donc, à cause de votre expérience dans ce domaine, il serait très utile que vous nous donniez votre appréciation de cette crainte des constructeurs. Est-ce que vous partagez cette crainte de voir se répéter l'erreur des Jeux olympiques?

M. Lagacé: Sans pouvoir en évaluer l'envergure ni l'ampleur, je pense que...

M. Tremblay: Est-ce que vous commencez par la première ou la deuxième question?

M. Lagacé: Je vais prendre la première, si vous permettez. Très bien. Je vais relever la première: l'attitude agressive plutôt qu'attentiste. J'aimerais souligner à l'attention de l'assemblée que chez nous, l'industrie de l'électricité fait partie d'une autosuffisance qui n'existe pas dans les mêmes proportions dans les pays ou les provinces qui nous entourent. Chez nous, le pétrole, ce n'est pas un produit du sous-sol. Il n'y a pas de pétrole chez nous. Il n'y a pas de gaz naturel au Québec. Il n'y a pas de charbon au Québec. Il y a toutefois de l'électricité. Or, l'électricité, c'est le seul produit énergétique qui nous permet de parler d'un peu d'autosuffisance. En plus de cela, l'électricité dont on discute, aujourd'hui, la génération, est une énergie, qui se renouvelle sans qu'on ait à acheter la matière première pour la faire renouveler. C'est une richesse extraordinaire.

Je me permets de le souligner, peut-être que le mémoire aurait dû être présenté avec des lettres majuscules à ces endroits. Je veux dire que chez nous, l'autosuffisance énergétique existe en électricité et, par surcroît, c'est avec un matériel qui est naturellement renouvelable, à l'instar du nucléaire qui, lui, devra utiliser une partie du sous-sol, ou à l'instar du thermique qui, lui, devra utiliser une source d'énergie qu'on devra acheter ailleurs. Cette énergie, qui est bien québécoise, qui fait partie de l'autosuffisance du Québec, qui est naturellement renouvelable - répétons-le encore beaucoup de fois, qui est naturellement renouvelable - tant et aussi longtemps qu'on est dans ce secteur de génération de l'énergie, on devrait l'utiliser pour promouvoir l'essor industriel du Québec.

M. Tremblay: Comment?

M. Lagacé: C'est dans cet esprit d'utiliser une partie de cette énergie qui fait partie de l'autosuffance du Québec, qui est naturellement renouvelable, que nous avons aujourd'hui déposé ces commentaires dans notre mémoire. Mais comment? Je ne pense pas que cela fasse partie du mandat que notre association s'est donné d'indiquer de quelle façon on devrait arriver à faire entrer le Québec dans cette utilisation de l'énergie dans le but de promouvoir son essor industriel; mais nous voulons seulement souligner dans le mémoire que cette possibilité existe et qu'il pourrait fort bien arriver que dans les dix années qui se présentent devant nous ou même les années qui se présentent devant nous, qui pourront même dépasser 1990 ou 1995, dans cette optique, si cela devenait la philosophie soit d'Hydro-Québec ou du gouvernement du Québec de promouvoir un essor industriel, nous sommes là justement placés pour le permettre, à cause de l'électricité.

M. Tremblay: Diriez-vous qu'entre le choix d'exporter des excédents d'électricité et le choix d'accélérer le développement industriel, votre association préférerait de beaucoup que l'accent soit mis sur le développement industriel?

M. Lagacé: C'est-à-dire que c'est peut-être tenter de refaire l'histoire du Québec que de vendre nos ressources premières à bon compte et se retrouver, au bout d'un quart de siècle, en ayant un peu de regret d'avoir pris les décisions peut-être nécessaires au moment où elles ont été prises, mais dans l'évolution d'un monde industrialisé, s'apercevoir que nos ressources premières, l'électricité incluse, sont venues à

ceux qui les utilisent et que, peut-être, si nous avions eu les moyens financiers et l'habilité technique, parce qu'il y a un mélange des deux et probablement que l'aspect financier revêt un caractère particulier, si on avait eu la capacité financière et la capacité technique, dis-je, de faire implanter chez nous le plus d'industries possible, avec cette énergie - redisons-le encore, naturellement renouvelable - une fois que la capitalisation initiale est faite, c'est un atout que, je pense bien, aucune autre province du Canada ne peut revendiquer actuellement.

M. Tremblay: J'attends la deuxième question.

M. Lagacé: La deuxième question? M. Tremblay: La deuxième question.

M. Lagacé: Pouvez-vous demander à M. René de la relever?

M. René: On en a parlé tout à l'heure aussi, mais c'est un enjeu majeur. Cela peut rejoindre même la pensée du député de Mont-Royal. C'est aussi très inquiétant pour nous. Ce que l'association qui nous a précédés ici voulait dire, nous le reprenons aussi, parce que, on le dit plus tôt aussi, il n'y a aucune commune mesure entre ce qu'on a connu, même dans les gros aménagements de la Baie James, phase I, et ce qu'on va connaître dans quelques années, mais, là, il y a un creux très difficile à digérer pour l'instant, qui risque de nous faire perdre beaucoup de nos ressources et qui va nous préparer très mal à affronter ce à quoi on va devoir faire face à partir des années 1985, 1986, 1987, sur le plan ingénierie. Cela nous inquiète donc aussi.

Le Président (M. Jolivet): Merci. M. le ministre, comme dernier intervenant.

M. Bérubé: Oui, M. le Président. Je voudrais uniquement répondre aux remarques du député de Mont-Royal, qui, je pense, a pris, malheureusement, une mauvaise orientation et, en même temps souligner l'importance du mémoire qui nous est soumis présentement. Je pense que mon collègue de Dubuc a posé un certain nombre de questions fort pertinentes. Je n'irai pas plus loin qu'il n'a été, d'autant plus que le député de Gouin a aussi repris plusieurs éléments extrêmement intéressants et je pense que les réponses nous éclairent.

J'essaierai en même temps de poser le sens de cette commission parlementaire. Le député de Mont-Royal nous présente cela comme étant symptomatique de l'absence de politique gouvernementale, d'une part, et, d'autre part, il présente évidemment la commission parlementaire comme si le Québec était au banc des accusés. Bien au contraire, il se tourne et dit: On ne devrait pas être en train d'accuser Hydro-Québec, on devrait être en train d'accuser le gouvernement. Je comprends qu'il est en campagne électorale et que cela fait bien à la télévision, mais je pense qu'il faut que je ramène les membres de cette commission et ceux qui nous regardent à l'esprit de cette commission. (17 h 45)

D'abord, il n'appartient pas au gouvernement de se substituer au conseil d'administration d'Hydro-Québec. L'article 22 de la loi est très clair: "La société a pour objet de fournir l'énergie aux municipalités, aux entreprises industrielles ou commerciales et aux citoyens de cette province, aux taux les plus bas compatibles avec une saine administration financière." Donc, le conseil d'administration a comme mandat de chercher ce qui apparaîtrait comme l'optimum pour l'entreprise, compte tenu des contraintes de la loi, mais la loi va plus loin et elle dit que la société prévoit les besoins du Québec en énergie et les moyens de les satisfaire dans le cadre des politiques énergétiques que le gouvernement peut par ailleurs établir.

Nous sommes ici essentiellement pour une raison très simple. Le plan d'équipement d'Hydro-Québec, très clairement, va toucher chaque citoyen. Il va déranger les firmes d'ingénieurs-conseils et il va également influencer les constructeurs, on l'a vu ce matin. On peut voir d'ailleurs que l'impact du plan d'équipement d'Hydro-Québec sera tellement majeur sur le développement économique et industriel du Québec que la Chambre de commerce de Montréal nous a présenté un excellent mémoire dans lequel elle élaborait une stratégie pour augmenter les impacts du plan d'équipement d'Hydro-Québec sur l'ensemble de la société.

En d'autres termes, on est ici pour essayer de voir comment chaque citoyen va être affecté dans sa vie quotidienne par le plan d'équipement d'Hydro-Québec qui nous est présenté ici et c'est pour cette raison qu'il appartient au gouvernement de demander différents scénarios à Hydro-Québec, ce qui a été fait il y a un an.

C'est également à ce moment le mandat d'Hydro-Québec de travailler à ces scénarios et de venir nous présenter en public - ce qui n'a jamais été fait dans le passé - un ensemble de scénarios possibles et, à ce moment-là, les uns peuvent favoriser un scénario de devancement, les autres le scénario standard, le troisième un recours au nucléaire, etc. Nous avons à ce moment-là une discussion ouverte. De cette façon, nos concitoyens qui seront influencés dans leur vie quotidienne par la décision que prendra Hydro-Québec ont la chance de voir

toutes sortes de points de vue émis concernant le plan d'équipement d'Hydro-Québec et cela peut permettre à un gouvernement, quel qu'il soit, d'en arriver peut-être à élaborer une politique différente de celle qu'Hydro-Québec a proposée en tenant compte de facteurs comme ceux que vous venez de soulever, messieurs, en ce qui a trait, par exemple, à l'impact sur le génie-conseil dans le domaine du développement des petites rivières et le développement d'une expertise québécoise plus décentralisée.

Je pense que vous avez soumis à cet égard une réflexion extrêmement salutaire et très avantageuse pour nous, ce qu'il ne faudrait pas oublier. Malheureusement, le député de Mont-Royal l'oublie. Justement, le but de cette commission parlementaire est de nous permettre tous ensemble de réfléchir au plan d'équipement d'Hydro-Québec, d'en voir les forces, d'en voir également les faiblesses, de voir l'impact qu'il a sur l'ensemble de la société et, à partir de cela, nous aider à élaborer une politique gouvernementale qui serait possiblement différente de ce qui nous a été proposé ici.

J'en tire la conclusion, à ce moment-là, très simplement, qu'il faut accepter cette discussion ouverte, ne pas chercher à en faire de la politique, mais, au contraire, chercher ensemble, d'une façon honnête, quels seraient les choix véritables qui s'offrent au Québec et comment, tous ensemble, on peut en arriver à élaborer ce qui pourrait être une politique gouvernementale dans ce domaine. Cela m'apparaît fondamental. Malheureusement, le député de Mont-Royal a toujours tendance à imaginer qu'on a mis Hydro-Québec sur le banc des accusés et qu'on est là pour tirer à boulets rouges sur elle alors que ce n'est pas du tout le cas. Les mémoires qui nous sont soumis ici sont des mémoires pour nous aider à faire progresser notre réflexion. Je remercie énormément ceux qui viennent témoigner ici, parce que, effectivement, je ne vois jamais leurs témoignages comme étant des attaques contre Hydro-Québec. Je pense au contraire que ce sont des suggestions que vous apportez au gouvernement pour que, peut-être, nous modulions une politique de manière à tenir compte de plus de paramètres que ce qu'Hydro-Québec envisage dans son plan d'équipement. C'est normal. Elle a un mandat et il appartient au gouvernement, peut-être, de modifier ce mandat dans le sens d'une politique qui, peut-être, augmenterait les retombées économiques au Québec.

Je pense que votre mémoire est absolument capital. Au lieu de chercher noise à Hydro-Québec et de vouloir forcer le gouvernement à adopter une politique avant même qu'on ait permis aux gens de s'exprimer, je pense que si le Parti libéral veut vraiment parler d'un débat public sur l'énergie, il va falloir qu'il aborde un débat public sur l'énergie, non pas avec une idée préconçue de ce qu'il veut imposer aux citoyens, mais avec une idée d'ouverture, de manière qu'il puisse même changer sa propre option, par exemple, en ce qui a trait au nucléaire. Je pense que c'est cela, un débat ouvert. Malheureusement le député de Mont-Royal ne semble pas assez mettre l'accent sur l'ouverture d'esprit face aux intervenants qui sont ici.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: M. le Président, une courte question au ministre, à la suite de ses remarques. Si le ministre ou le gouvernement ne veut pas se substituer aux décisions du conseil d'administration d'Hydro-Québec, est-ce que le ministre pourrait nous expliquer pourquoi cela fait deux ans qu'on n'a pas de commission parlementaire? Et l'année dernière, quand Hydro-Québec a soumis son plan d'investissements, le ministre le lui a renvoyé pour révision, parce qu'il voulait qu'on tienne compte de l'impact de la pénétration du gaz naturel. Est-ce que le ministre pourrait nous expliquer cela, nous dise s'il n'a rien à faire avec cela, si ses propos sont exacts?

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Bérubé: II n'y a jamais eu de demande de révision par le gouvernement. Il y a eu cependant une demande précise dans le sens qu'on devrait offrir plus de choix à la société et que pour s'engager dans un débat comme celui dans lequel nous nous sommes engagés aujourd'hui... Je vais vous lire d'ailleurs le texte de la décision gouvernementale du 12 décembre 1979.

On dit: On demande à Hydro-Québec de préparer des plans d'équipement qui correspondent à divers scénarios de prévision de la demande découlant soit de politiques d'interconnexions et d'exportation d'électricité... Si aujourd'hui l'Association des ingénieurs-conseils nous demande de réfléchir à une possibilité d'accroissement des exportations d'électricité, c'est en bonne part parce que, dans les scénarios qu'Hydro-Québec a proposés, il y a maintenant un scénario de devancement qui nous permettrait d'exporter davantage d'électricité.

Également, on demande de tenir compte de politiques de gestion de la consommation et d'économies d'énergie. Nous avons demandé également des politiques de développement aptes à élargir les choix énergétiques du Québec en matière de production d'électricité, pour la période

commençant en 1980, notamment en ce qui concerne les énergies nouvelles et le développement des petites rivières. C'est exactement le sens des interventions que nous avons cet après-midi.

Nous avons dit à Hydro-Québec: Réfléchissez donc à cette question de manière qu'on ait peut-être un peu plus d'éléments à se mettre sous la dent et qu'on soit peut-être plus en mesure d'avoir une discussion éclairée.

Nous avons également demandé un programme d'étude préliminaire d'avant-projets ainsi qu'un programme de recherche et de développement technologique. Je vous rappellerais le sens de l'intervention de la chambre de commerce qui, justement, a souligné l'effet structurant de l'action d'Hydro-Québec - qui a été d'ailleurs repris par le député de Gouin abondamment - sur toute l'ossature industrielle du Québec et sur l'impact que l'on pourrait avoir dans une réorganisation, par exemple, d'un certain emprire industriel capable d'exporter.

Voilà des questions que les Québécois se posent, pas vous, mais les Québécois. Et, par conséquent, le gouvernement a voulu, avant qu'on ait un débat public comme celui-ci, qu'Hydro-Québec nous présente un certain nombre de choix, d'informations qui n'existaient pas dans le plan initial d'équipement et qui permettent d'avoir la discussion ici présentement. C'est une attitude d'ouverture à la discussion de déposer sur la table le plus de renseignements possible. Je ne prétends pas que tous les documents sont adéquats. Non, Hydro-Québec a fait un travail remarquable, mais c'est bien sûr qu'il y a encore des failles. Certains intervenants trouvent des failles dans les mémoires présentés par Hydro-Québec, mais il faut quand même remarquer que c'est la première fois qu'on commence à avoir une idée de ce que sera l'autofinancement d'Hydro-Québec dans les années qui vont venir. Ils ont des problèmes de financement, à Hydro-Québec. C'est également une des premières fois qu'on commence à avoir des idées sur les petites rivières, sur les économies d'énergie, et cela, c'est complètement nouveau.

Je pense que le député de Mont-Royal, au lieu de continuellement voir cette attitude d'ouverture du gouvernement comme un signe d'une absence de politique, qu'il la voie plutôt comme une ouverture à la démocratie.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Rouyn-Noranda.

M. Samson: M. le Président.

M. Tremblay: M. le Président, question de règlement.

Le Président (M. Jolivet): Question de règlement, M. le député de Gouin.

M. Tremblay: Le ministre vient de lire une partie d'un arrêté en conseil, si je ne m'abuse. Est-ce qu'il aurait objection à le faire circuler? Je pense que ce serait utile pour les membres de la commission que nous en prenions connaissance.

Le Président (M. Jolivet): Le ministre dit qu'il n'a aucune objection. Je vous répète qu'en commission parlementaire, il n'y a aucun dépôt, il n'y a que des distributions.

M. Bérubé: Cela me fait plaisir de le déposer.

M. Tremblay: Et je lui demanderais, s'il y a d'autres arrêtés en conseil concernant le même plan d'équipement, s'il aurait l'amabilité de nous les communiquer.

M. Bérubé: Non, il n'y en a pas d'autres.

M. Tremblay: Vous avez mentionné le financement, est-ce qu'il y a eu des directives?

M. Bérubé: Cela s'est fait par des conversations avec Hydro-Québec. On a demandé d'ouvrir sur cette pente.

M. Tremblay: Avec le ministre des Finances.

M. Bérubé: Oui.

Le Président (M. Jolivet): Donc, le ministre fera la distribution en temps et lieu.

M. le député de Rouyn-Noranda.

M. Samson: M. le Président, cela fait plusieurs fois que le ministre fait allusion aux paroles prononcées par le député de Mont-Royal. Le ministre dit que le député de Mont-Royal a des attitudes préélectorales. Je voudrais rappeler à l'attention de cette commission et à l'attention du ministre, M. le Président, que ce n'est pas nous qui avons décidé de la date de cette commission parlementaire, c'est le gouvernement. Ce n'est pas l'Opposition qui a décidé de retarder cela à quelques heures d'un déclenchement d'élections, M. le Président, c'est le gouvernement. Cela fait un an que le gouvernement aurait pu commander cette commission parlementaire. Il aurait pu y avoir des discussions au cours de l'été, alors que la Chambre ne siégeait pas. Cela ne dépend pas de l'Opposition. Cela dépend du gouvernement. Alors que ce gouvernement aurait pu normalement et aurait dû déclencher des élections, et qu'il n'en a pas

déclenché et qu'il n'y avait pas de session, on aurait pu alors avoir un débat. C'est à ce moment-ci que le gouvernement a décidé de nous amener ce débat. Qu'on n'aille pas nous prêter des intentions.

Cela saute aux yeux de tout le monde que le gouvernement a convoqué cette commission spécifiquement pour la propagande préélectorale, alors que vous savez, vous, du côté du gouvernement, à quelle heure exactement vous allez déclencher les élections. C'est très bientôt. Tout le monde en parle. Si vous ne le dites pas bientôt, la presse va vous donner l'heure. D'ailleurs, votre premier ministre est en croisade dans votre région présentement. Il a justement été assez mal reçu par des gens de la Matapédia, hier soir. C'est donc que vous êtes déjà en campagne électorale.

C'est à ce moment-ci que vous avez décidé de convoquer cette commission parlementaire. Vous voulez tenter de faire croire à la population que c'est un débat public ouvert qui va alimenter les décision gouvernementales. Non, ce que vous voulez tout simplement - cela saute aux yeux de tout le monde - c'est faire miroiter des milliards de dollars, parce que vous êtes en campagne électorale. Vous avez commencé votre campagne électorale samedi dernier, de façon plus qu'officielle. Tout le monde sait que cette semaine, vous l'accentuez. Au cours des jours qui vont suivre, vous allez utiliser tout ce que vous pourrez, y inclus cette commission parlementaire qui est télévisée.

Je pense qu'il est temps qu'on replace les choses dans leur véritable contexte. Le gouvernement a convoqué cette commission parlementaire sans aucune consultation avec l'Opposition. On ne nous a pas consultés d'aucune façon sur l'ordre du jour des travaux, sur l'ordre des mémoires à être présentés, sur l'ordre de présentation la première journée. On nous a mis devant un fait accompli. Qu'on ne vienne pas nous accuser d'avoir des propos électoraux, alors qu'il est clair - cela saute aux yeux de tout le monde - que ce gouvernement a convoqué à ce moment-ci cette commission parlementaire spécialement pour faire de la politique partisane et spécialement pour arranger sa campagne électorale, sur le dos d'Hydro-Québec en plus. C'est inacceptable. Si le ministre s'était contenu le moindrement, il n'aurait pas risqué de dire ce qu'il a dit. Il aurait été un petit peu plus souple dans ses propos pour au moins ne pas faire ressortir de façon aussi claire que cela ressort présentement que le gouvernement se sert d'Hydro-Québec pour des fins de politique partisane.

M. Grégoire: M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Frontenac.

M. Grégoire: Pour rétablir les faits en 30 secondes, c'est en décembre 1979 que le gouvernement a demandé à Hydro-Québec d'exiger différents scénarios de remplacement à son plan originellement présenté. C'est au mois de novembre 1980, un an plus tard, qu'Hydro-Québec est arrivée avec des scénarios de remplacement. À ce moment-là, le gouvernement avait en main ce qu'il fallait. Trois semaines plus tard, le gouvernement a convoqué la commission parlementaire pour le 25 février allouant le temps nécessaire pour faire paraître les avis dans les journaux et recevoir des mémoires. On sait que les règlements demandent un délai de 30 jours, après la parution dans les journaux, pour que les mémoires puissent parvenir à la commission. Cela a été respecté pratiquement à l'heure ou à la minute, les délais légaux prévus par notre procédure parlementaire. Si cela arrive aujourd'hui - c'était le 22 février le jour de la convocation de la commission parlementaire - c'est pour respecter exactement les délais légaux. Il n'y a jamais eu une journée de perdue dans ces délais, ce qui fait que l'intervention du député de Rouyn-Noranda tombe pas mal à plat.

Le Président (M. Jolivet): Merci.

M. Samson: C'est probablement pour cela que vous avez eu hier soir un intervenant qui ne savait même pas s'il devait venir.

M. Ciaccia: La vraie démocratie!

Le Président (M. Jolivet): Messieurs, s'il vous plaît:

Messieurs, vous avez participé à un débat de ma gauche à ma droite, mais je vous remercie quand même pour l'autre partie qui a été, je pense, au nom des membres de la commission, fort intéressante. Je tiens à dire à l'assemblée que nous reprendrons nos travaux à 20 heures avec les trois intervenants qu'il reste, soit M. André Girard, maire de la paroisse de Saint-Raymond-de-Portneuf, la Corporation de développement économique de la région de Port-Cartier et M. Denis Bouliane, à titre personnel. (18 heures)

M. Lagacé: M. le Président, nous tenons à vous remercier de même que les membres de la commission de nous avoir reçus et de nous avoir permis d'exprimer nos vues. Nous vous signalons ici que nous sommes évidemment apolitiques, et nous ne voudrions surtout pas être responsables de ces échanges pour lesquels nous nous sommes...

Une voix: Absolument pas.

M. Lagacé: ...même si l'argumentation peut avoir déclenché une activité.

M. Bérubé: II n'y a aucun lien entre les interventions du député de Mont-Royal et la nature des mémoires qui sont soumis.

Le Président (M. Jolivet): D'ailleurs...

M. Ciaccia: Et les remarques du ministre non plus.

Le Président (M. Jolivet): Merci. Nous reviendrons à 20 heures.

(Suspension de la séance à 18 h 01)

(Reprise de la séance à 20 h 31)

Le Président (M. Jolivet): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission de l'énergie et des ressources est à nouveau réunie aux fins d'entendre les personnes et organismes qui veulent faire des représentations relativement au plan d'équipement et de développement 1981-1990 de la Société Hydro-Québec. Au moment où nous nous sommes quittés, nous en étions rendus au mémoire présenté par M. André Girard, maire de Saint-Raymond paroisse. Je demanderais qu'il s'avance et qu'il nous présente les personnes qui l'accompagnent. Nous nous excusons du retard. Maintenant, nous pouvons commencer. M. Girard.

M. André Girard

M. Girard (André): M. le Président, m'accompagne M. Guy Alain, secrétaire trésorier de la municipalité de la paroisse de Saint-Raymond.

M. le Président, messieurs les membres de la commission, permettez-moi de vous dire brièvement les raisons qui m'ont amené aujourd'hui à présenter ce mémoire. Depuis plus de 22 ans maintenant, je travaille sur la scène municipale à Saint-Raymond à titre de conseiller durant douze ans et à titre de maire depuis bientôt dix ans. Il m'a été donné durant toutes ces années de m'intéresser d'une façon particulière au dossier qui touche la population de Saint-Raymond. Que ce soit du point de vue social, culturel ou économique, j'ai toujours participé activement à leur élaboration. Afin de sensibiliser les membres de cette commission et d'être certain que la voix de mes concitoyens et concitoyennes sera entendue, il m'est agréable aujourd'hui de venir vous exprimer l'appui de la population de Saint-Raymond face au projet Delaney. Hydro-Québec projette de mettre en service, de 1981 à 1989, la première centrale à accumulation par pompage du Québec, la centrale Delaney.

Ce projet, situé dans la région de Portneuf et plus précisément dans la paroisse de Saint-Raymond, est, d'une part, d'une grande importance pour l'exploitation du réseau d'Hydro-Québec - j'en laisse la démonstration aux représentants d'Hydro-Québec - et, d'autre part, d'une importance primordiale pour les citoyens de la région de Portneuf.

Cet équipement de production, conçu spécifiquement pour répondre aux besoins de pointe de la demande du Québec, nécessitera un investissement total de l'ordre de $2,036,000,000, qui seront dépensés de 1981 à 1989 inclusivement.

Les retombées économiques seront, pour la région de Portneuf, très avantageuses, en termes d'emplois directement reliés à la construction et d'emplois indirects que générera la réalisation de la centrale Delaney.

Ce projet représente, pour la région de Portneuf, un élément très important. Delaney est un projet désiré et souhaité par l'ensemble de la population du comté de Portneuf. C'est depuis le début des années soixante-dix qu'Hydro-Québec entretient les espoirs de notre population. En effet, dès le début du projet, les citoyens ont été impliqués par Hydro-Québec et ont été réceptifs afin d'aller jusqu'au bout. J'ai moi-même assisté à toutes les séances depuis le début du projet.

Je me réjouis donc de voir que la décisions d'Hydro-Québec d'aller de l'avant est enfin prise. Restent à venir les décisions gouvernementales que je suivrai de très près.

Je suis convaincu que ce projet s'intégrera harmonieusement à notre environnement, les territoires affectés n'étant que de faibles étendues. Il faut dire également qu'Hydro-Québec a pris beaucoup d'expérience dans la protection de l'environnement depuis le célèbre projet "Champigny", dans la vallée de la rivière Jacques-Cartier. Par exemple, la solution qu'Hydro-Québec propose pour la cascade du ruisseau Delaney, haute de 500 pieds, est satisfaisante pour tout le monde.

Un train de mesures correctives, que je considère satisfaisantes, nous est proposé pour remédier aux principales répercussions du projet sur le milieu naturel et humain.

Je me permet de souligner en particulier: la relocalisation des routes submergées et la réfection de plusieurs routes existantes, sur une longueur totale de 85 km; la construction d'une route de contour, à Saint-Raymond, pour résoudre les problèmes causés à la circulation par le transport des matériaux et des travailleurs; la récupération de quelque 11 kilomètres carrés de boisé submergé; les possibilités d'aménagement de frayères et d'ensemencement au réservoir inférieur à la

suite de la diminution de la productivité biologique des réservoirs.

De plus, le projet Delaney serait accompagné d'aménagements récréatifs et fauniques, tels que: camping, canot-camping, sentier de randonnée, portage, point d'observation, centre d'information, ensemencement de poissons et aménagements de frayères.

La mise en oeuvre du projet Delaney aura des retombées économiques très importantes pour tout le Québec - plus de 80% du contenu sera québécois - et plus particulièrement pour la région de Portneuf.

Durant les cinq années d'intenses activités, la moyenne des emplois s'établira à plus de 1000 par année. La pointe des emplois sera de plus de 2000. Les possibilités d'emplois pour les travailleurs de la construction du comté de Portneuf seront de l'ordre de 500.

Conclusion. En résumé, les résultats pour le comté de Portneuf seront des plus bénéfiques. L'accès des territoires situés plus au nord sera maintenu et amélioré; Portneuf verra son infrastructure routière s'améliorer. Le comté augmentera la mise en valeur de son potentiel touristique et bénéficiera de retombées économiques régionales, en termes de salaires, dépenses de biens et services, logements et autres.

Pour la région de Portneuf, Delaney sera le projet de la décennie 1980. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): Merci, M. Girard. M. le ministre.

M. Bérubé: M. le Président, je tiens à remercier M. Girard, maire de Saint-Raymond, de sa présentation. J'aurai un certain nombre de remarques générales concernant la présentation qu'il nous a faite.

Premièrement, je m'attaquerai au projet lui-même. Ce qui est intéressant dans la réserve pompée, c'est que, d'une part, contrairement peut-être à une façon différente de produire de l'électricité de pointe... je pense qu'il y a beaucoup de nos concitoyens qui ne réalisent pas que nos barrages ne peuvent pas répondre à tous nos besoins, pour une raison facile à comprendre, c'est que nos barrages produisent de l'électricité d'une façon continue et, malheureusement, l'hiver, nous avons entre 17 heures et 19 heures souvent une demande excessive, très forte et on n'est pas pour construire des barrages qui ne vont fonctionner qu'à tous les soirs de 17 heures à 19 heures, pendant l'hiver le plus froid, pour fournir de l'énergie au Québécois, parce que, à moment-là, les barrages coûteraient les yeux de la tête pour relativement peu d'utilisation. C'est alors qu'on se dit: Pourquoi ne pas fabriquer une sorte de réservoir que l'on remplit la nuit, quand nous avons des surplus d'électricité, en pompant l'eau dans le réservoir, et que l'on vide en période critique, au moment où justement on a besoin d'énergie en turbinant l'eau de manière à produire l'électricité. Donc, c'est un projet extrêmement important, parce qu'il va permettre, avec des investissements de beaucoup inférieurs, de produire de l'électricité juste au bon moment, au moment où on a une pointe de demande et où, si on voulait fabriquer l'électricité par de grands barrages hydrauliques, évidemment, cela nous coûterait très cher pour des investissements qui ne serviraient que très peu d'heures par jour, tout compte fait, et très peu d'heures par année, en bas de 100 heures.

Ce projet est donc intéressant parce qu'on s'est même imaginé que si HydroQuébec avait moins besoin de turbines à gaz pour la pointe fine, elle pourrait peut-être utiliser même ce barrage pour fournir une partie de l'électricité, - et c'est très intéressant - mais ce qui me frappe, c'est moins cela, c'est que nous avons eu le projet, par exemple, de la Jacques-Cartier où Hydro-Québec s'est heurtée à un mur, faute de communication. Mais, pour qu'il y ait de la communication, pour que cela fonctionne, parce qu'on a été à même de constater - j'y suis personnellement allé en hélicoptère, je suis même retourné avec mes enfants dans la vallée pour aller voir, rencontrer les gens, parler au garagiste du coin, seulement pour avoir une idée de la façon dont c'était perçu - ce qui m'a frappé, c'est qu'à Portneuf, on attend ce projet comme une bénédiction.

Ce que cela veut dire, c'est qu'Hydro-Québec a su présenter ce projet, trouver des mesures correctrices pour faire en sorte que les gens l'acceptent, mais ce n'est possible que d'une seule façon; il faut qu'il y ait communication. En d'autres termes, si vous voulez un échange entre des personnes, il faut absolument que les deux parties veuillent communiquer. Ce qui me frappe là-dedans, c'est qu'on réussisse à présenter un projet accepté de tous - je ne mets pas en doute la bonne volonté d'Hydro-Québec, elle a fait un effort réel - mais, encore une fois, ce qui me frappe, c'est que du côté de la population, c'est très bien accueilli.

L'impression que j'ai, c'est que vous avez joué, M. le maire, un rôle extrêmement important en défendant les intérêts de vos citoyens, en faisant en sorte qu'ils sachent en quoi consiste le projet, d'une part, et en même temps, en faisant en sorte que vous puissiez avoir vraiment une communication entre Hydro-Québec et la population en général. J'aimerais que vous m'expliquiez un peu comment on a réussi à mettre sur pied un projet avec l'accord entre la population et Hydro-Québec.

Le Président (M. Jolivet): M. Girard.

M. Girard: M. le Président, comme je l'ai dit un peu plus tôt, évidemment, l'expérience de la Jacques-Cartier a certainement été profitable à la société Hydro-Québec. Dès le début, Hydro-Québec a communiqué avec les gens de Saint-Raymond, les gens du comté de Portneuf, et cela s'est fait d'une façon soutenue. Chaque fois qu'il se produisait, par exemple, un changement dans le projet, on nous a toujours consultés au fur et à mesure de l'avancement du projet à partir du début du projet. Jamais, au départ, les gens n'ont été négatifs. Ils ont toujours vu venir le projet, évidemment, d'une façon positive.

Comme vous le disiez tantôt, M. le ministre, j'avais dit, après un certain temps, que si la société Hydro-Québec était arrivée à Saint-Raymond et avait annoncé que le projet était arrêté, les gens auraient été très désappointés, même si, au départ, certains étaient un peu inquiets. C'est évident que cela va déranger la vie des gens à certains endroits. Mais il y a un vieux cliché qui dit: "Le progrès, ça dérange".

De mon côté, comme maire, j'ai toujours tenté de faire prendre conscience aux gens que ce n'était pas le temps de mettre des bois dans les roues et dire en partant: Non, on n'en veut pas. C'est sûr et certain que si on s'était opposé formellement au départ, j'ai bien l'impression que la société Hydro-Québec avait des visées ailleurs. Au même moment où elle faisait des démarches à Saint-Raymond, elle en faisait ailleurs. Étant donné que la population a été réceptive, je pense que c'est cela qui a permis de faire avancer le projet assez bien et qu'il n'y a pas eu trop d'accrochages nulle part. Les communications ont été très bonnes.

M. Bérubé: En fait, vous avez su établir véritablement ce pont entre la population de Saint-Raymond et les gens d'Hydro-Québec et faire en sorte que ce projet puisse, d'une façon harmonieuse, se développer en faisant en sorte qu'on respecte les attentes de la population.

M. Girard: Les gens venaient me consulter à l'occasion et disaient: Ecoute un peu, cela n'a pas de bon sens cette affaire-là, ils vont tout briser. Ils étaient inquiets, craignant de se faire exproprier des terres bois, etc. Ils avaient toujours l'inquiétude de ne pas avoir assez pour tout cela. Je leur disais: Écoutez, il me semble que tout va rentrer dans l'ordre à un moment donné. Je pense qu'il fallait dissiper leur inquiétude. Je félicite Hydro-Québec parce qu'elle a toujours respecté ses engagements concernant les communications. Chaque fois qu'elle nous avait dit qu'elle reviendrait consulter la population, elle l'a toujours fait dans les délais prévus. Je pense que c'est cela qui a favorisé une bonne démarche pour que le projet soit rendu à ce point-là. (20 h 45)

M. Bérubé: Quant à nous, je peux vous dire que comme membres du gouvernement, on va faire tout notre possible pour que les échéanciers soient respectés. Dès la fin de janvier, Hydro-Québec nous a soumis sa demande officiellement. L'étude du dossier a commencé en février et se poursuivra jusqu'au 30 mars. Je dois vous dire qu'il y a plusieurs ministères qui sont participants dans un projet comme celui-là. Vous avez le ministère des Affaires culturelles, le ministère de l'Agriculture, le ministère des Affaires municipales, le ministère de l'Énergie et des Ressources, le ministère de l'Environnement, le ministère des Loisirs, de la Chasse et de la Pêche, le ministère de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme, le ministère des Transports, l'OPDQ. C'est absolument incroyable. Pour arriver à amener absolument tout le monde à mesurer, évaluer, chacune des facettes du projet, je pense qu'il faut quand même lui laisser quelques semaines. Mais, je suis convaincu que, d'ici le début d'avril, nous serons en mesure de soumettre au comité ministériel permanent à l'aménagement du territoire l'analyse que nous aurons faite du projet et nous serons en mesure, à ce moment-là, de donner le feu vert du côté gouvernemental.

Je peux vous assurer une chose, c'est qu'on va faire tout notre possible pour faire en sorte que tous les permis soient accessibles à Hydro-Québec, de manière qu'ils puissent aller de l'avant avec ce projet et qu'ils puissent remplir les attentes que vous exprimez dans votre mémoire en défendant les intérêts de la population de tout le comté de Portneuf.

Je vous remercie beaucoup de votre témoignage.

Le Président (M. Jolivet): Merci, M. le ministre.

M. le député de Portneuf.

M. Pagé: Merci, M. le Président.

Je vais souhaiter la bienvenue à M. Girard et à M. Alain. Je suis toujours heureux d'avoir des électeurs de mon comté qui viennent au parlement, particulièrement se faire entendre. Je peux vous dire que j'ai lu avec beaucoup d'attention et d'intérêt le mémoire qui est présenté aujourd'hui, qui est bref, qui est limité, qui constitue un résumé assez succinct du document qui a été déposé par Hydro-Québec à l'appui de sa recommandation de réaliser le projet Delaney, document qui a été déposé au mois de janvier dernier.

Je me suis interrogé, M. le Président, et vous en conviendrez, sur le genre de questions qui pouvaient être posées dans les circonstances. Dans la liste des groupes des

intervenants qui était déposée ce matin paraissait, à l'article 5, M. André Girard, mémoire à titre personnel. Si je comprends bien nos invités qui viennent témoigner ce soir, M. Girard particulièrement est coiffé en quelque sorte de quelques chapeaux, sans que ce soit péjoratif. M. Girard comparaît personnellement. Il comparaît aussi comme maire de la paroisse de Saint-Raymond, ce qui est bien justifié, et peut-être aussi comme candidat péquiste dans le comté de Portneuf.

Je vais, M. le Président, me limiter à une question qui touchera évidemment la municipalité de la paroisse de Saint-Raymond comme entité municipale, parce que M. le secrétaire-trésorier de la municipalité accompagne le maire. Je dois donc présumer que le mémoire est déposé pour et au nom de la municipalité, et que le mémoire a été accepté en séance du conseil municipal par les échevins de la municipalité.

À la page 3 du document, vous faites état des aménagements récréatifs et d'information, des aménagements qui s'inscriront à l'intérieur d'une démarche globale de développement touristique qui sera greffé au projet. D'ailleurs, dans le mémoire, comme vous l'avez certainement constaté, le ministère du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche s'est montré disposé à intervenir, à agir comme maître d'oeuvre même, dans certains cas, pour de l'aménagement d'équipements là-bas pour promouvoir le site et en même temps promouvoir l'ensemble du comté. Dans le document, le ministère du Tourisme recommande cependant que les aménagements soient placés sous la gestion autant que faire se pourra d'un organisme autre que gouvernemental une fois que le projet sera réalisé.

C'est ce qui me faisait dire l'autre soir à M. Bourbeau, le président d'Hydro-Québec et à M. Boyd, des administrateurs d'Hydro-Québec, que dans le milieu, il serait plus favorable que ce soient des organismes du milieu qui gèrent tout cela. J'aimerais connaître la position de la municipalité. Est-ce que la municipalité de la paroisse de Saint-Raymond est prête à s'impliquer dans la gestion des aménagements qui devront continuer une fois que le projet sera terminé? Jusqu'où la municipalité est-elle prête à s'impliquer dans tout cela?

M. Girard; La municipalité de la paroisse de Saint-Raymond est prête à s'impliquer. Il n'est pas dit que ce ne serait pas un organisme sans but lucratif qui en aurait la gestion, mais toujours sous la responsabilité de la municipalité de la paroisse de Saint-Raymond. Je ne veux pas impliquer la ville là-dedans, mais peut-être que cela pourrait se faire conjointement avec les deux municipalités qui seraient les garants, si vous voulez, d'un organisme sans but lucratif qui pourrait faire la gestion de ces équipements récréatifs. Ce n'est pas définitivement arrêté parce qu'il faut commencer par construire le projet. C'est évident que ces choses arriveront vers la fin de la construction du projet.

Soyez assuré, M. le Président, qu'en tout temps, la municipalité aura un oeil attentif là-dessus pour que ces choses se fassent pour qu'à la fin du projet, on en tire le plus de bénéfices possible par l'attrait touristique qui s'en dégagera.

M. Pagé: Si je comprends bien, la municipalité de la paroisse de Saint-Raymond est prête à prendre ses responsabilités, les responsabilités qui lui incombent dans la gestion des aménagements qui seront construits.

M. Girard: La municipalité de Saint-Raymond est prête à prendre ses responsabilités comme elle les a toujours prises dans d'autres domaines.

M. Pagé: D'accord. M. le maire, vous me permettrez ce commentaire avant d'en arriver à un bref commentaire de conclusion. Vous disiez que la municipalité de la paroisse de Saint-Raymond est certainement prête, peut-être pas nécessairement la ville de Saint-Raymond, ce sera en 1989, et peut-être que de toute façon, d'ici là, on ne sait pas quelle suite sera donnée à la proposition que la paroisse formulait, soit la résolution qu'elle adoptait qui visait à annexer la ville de Saint-Raymond à la paroisse. Peut-être que cela sera fait, selon ce qui adviendra.

M. Girard: C'est assez rare qu'un gouvernement municipal ou autre peut engager des prévisions dix ans d'avance.

M. Pagé: On verra.

M. Girard: À ce moment-là, je ne serai certainement pas maire, mais pour ce qui se sera passé dans ce temps, à la fin du projet, de toute façon, le temps que ça se passe, on aura pris nos responsabilités et ceux qui nous suivront respecteront certainement ces engagements pris dans l'intérêt de la population de Saint-Raymond et du comté également parce que, quand on parle d'aménagement touristique, évidemment, ce n'est pas simplement pour Saint-Raymond. C'est pour amener le touriste et pour qu'on ait des retombées économiques le plus possible, non seulement à Saint-Raymond, mais dans tout le comté de Portneuf.

M. Pagé: M. le Président, je sais que mon collègue a une question plus spécifique, mais je veux remercier les représentants de la paroisse de Saint-Raymond. Ce que ceux-ci viennent de nous dire aujourd'hui est

sensiblement ce que j'avais l'occasion de formuler l'autre soir à l'endroit des dirigeants d'Hydro-Québec, c'est-à-dire des remerciements pour la bonne collaboration qu'ils ont donnée au dossier. Je sais que la paroisse de Saint-Raymond a suivi le dossier de très près, comme la ville l'a fait, et il faut convenir, comme le ministre le disait, qu'Hydro-Québec a agi ave un sens démocratique très élevé, un sens de participation très élevé dans le dossier. Autant les intervenants municipaux ont été invités à chacune des séances, autant Hydro-Québec a poussé la délicatesse jusqu'à inviter le député de Portneuf à chacune de ses séances. Lorsque je ne pouvais pas m'y rendre, Hydro-Québec allait même jusqu'à me rencontrer en privé immédiatement après ou quelques jours avant la rencontre.

Je dois dire que cela a été bien fait et, en terminant, je voudrais remercier le maire de Saint-Raymond, un citoyen de mon comté; et même s'il est candidat péquiste aux prochaines élections, je le remercie d'ajouter sa voix à la mienne pour la réalisation du projet. Merci.

Le Président (M. Jolivet): M. Girard.

M. Girard: Je pense qu'il était tout à fait normal que je sois ici ce soir, parce que tout citoyen pouvait se présenter à cette commission parlementaire. Étant donné que je suis le premier citoyen de la paroisse de Saint-Raymond, j'ai cru que c'était mon devoir et ma responsabilité d'être ici, même si, à un moment donné, le député sortant pense que je veux tirer; des pointes politiques du fait d'être candidat du Parti québécois.

M. Pagé: Je n'ai pas voulu dire cela!

M. Girard: Je suis ici en tant que maire de la paroisse de Saint-Raymond et je tiens à le préciser. Quand on voudra faire de la politique, on en fera à un autre endroit qu'ici.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: M. le Président, vous avez entièrement raison, M. Girard, vous avez tous les droits - et, de ce côté-ci de la table, on ne vous les nierait pas - de faire des représentations en commission parlementaire. Vous êtes le maire de Saint-Raymond et si vous croyez vraiment à ce projet, si quelqu'un remettait ce droit en question, je défendrais votre droit d'être ici ce soir. Vous aviez entièrement le droit de le faire et de représenter vos concitoyens en regard d'un projet dans lequel vous croyez et qui sera bénéfique à l'ensemble de la population. Vous soulignez, dans votre mémoire, que vous êtes heureux de voir que la décision d'Hydro-Québec a été prise d'aller de l'avant avec ce projet. Cependant, comme vous l'avez souligné, il reste à venir les décisions gouvernementales que vous allez suivre de très près, d'après ce que votre mémoire indique.

Je voudrais me référer à une réponse que M. Boyd a faite à la suite de questions du député de Portneuf. Il a confirmé que le gouvernement devait accepter de construire le projet Delaney et que si la solution de station de pompage n'était pas retenue, Hydro-Québec devrait procéder à l'implantation de turbines à gaz. C'est la réponse de M. Boyd à une question de mon collègue le député de Portneuf. Seriez-vous quand même d'accord avec cette solution?

M. Girard: Je n'ai pas eu de discussion au sujet des turbines à gaz. C'est probablement les coûts, mais, en qui me concerne, j'ai seulement assisté aux réunions concernant le projet de centrale Delaney, dans ce sens.

Le Président (M. Jolivet): M. le député, c'est terminé? M. le député de Frontenac.

M. Grégoire: Juste un mot, parce que je voudrais corriger cette impression. Comme le ministre l'indiquait tout à l'heure, il n'est pas question et il ne saurait être question de refuser ce projet Delaney pour le remplacer par un projet de turbines à gaz. Je crois que le ministre n'a jamais laissé sous-entendre cela et...

M. Pagé: M. le Président, question de règlement, strictement pour l'information du député.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Portneuf.

M. Pagé: On se rappellera - et ce pour l'information du député et des autres membres de la commission - que le député de Mont-Royal s'est référé à une question que j'ai posée, non pas au ministre, mais que j'ai posée lundi soir...

M. Bérubé: C'est vrai.

M. Pagé: ... à M. Boyd, d'Hydro-Québec, par laquelle je lui demandais à peu près - pour clore sur cette question - si le gouvernement peut dire non à la recommandation que la Société Hydro-Québec lui a formulée au début de janvier. La réponse a été assez claire et évidente: c'est que si le gouvernement du Québec refuse le projet Delaney, en 1987 on manquera d'énergie en périodes de pointe. La justification énergétique de la station de pompage est là.

Si le gouvernement du Québec dit non

à la station de pompage ou au principe de la station de pompage, le gouvernement du Québec est obligé d'autoriser Hydro-Québec à se diriger vers une production à partir de turbines à gaz, ce qui coûte 43% plus cher.

Et si Hydro-Québec met de côté les turbines à gaz et doit aller dans les turbines et du suréquipement, cela équivaut environ à 28%, d'où l'obligation pour le gouvernement d'accepter le projet et d'où la réponse donnée par M. Boyd qui me disait: On ne peut pas présumer que le gouvernement puisse refuser un projet comme celui-là.

C'est ce qui nous fait dire, à juste titre, que le projet doit être acquis pour les citoyens du comté.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Bérubé: Je répondrais, a priori, en tenant compte essentiellement des considérations énergétiques qui viennent de mon ministère...

M. Pagé: Considérations économiques aussi.

M. Bérubé: Oui, énergétiques et économiques. C'est que, de fait, si nous remplaçons, par exemple, une centrale à réserve pompée par des turbines à gaz, il ne faut jamais oublier qu'une turbine à gaz a un rendement énergétique d'à peu près 30%...

M. Pagé: C'est 100 heures par année.

M. Bérubé: Donc, il faut pratiquement trois fois la quantité d'énergie, pour ainsi dire, pour produire l'énergie de pointe dont nous avons besoin, alors qu'une centrale à réserve pompée fonctionne avec une efficacité de 75%. Une centrale à réserve pompée est une gigantesque batterie et elle fonctionne avec un rendement d'à peu près 75%, pour tenir compte des pertes d'efficacité dans les pompes et autres.

C'est donc un moyen beaucoup plus rentable de produire de l'énergie, surtout lorsque la plage d'utilisation est plus longue, ce qui est le cas par opposition aux turbines à gaz qui, normalement, ne devraient pas fonctionner beaucoup plus d'une centaine d'heures pour...

M. Pagé: Oui, 100 heures comparativement à 350 heures.

M. Bérubé: C'est ça.

M. Pagé: C'est ce qui nous fait dire que vous allez accepter le projet et que vous devez l'accepter.

M. Bérubé: Sur le plan énergétique, je pense que c'est un excellent projet.

M. Pagé: Sur le plan économique aussi, compte tenu des solutions que vous aurez, parce que, en 1987, vous avez l'obligation de produire en périodes de pointe.

M. Bérubé: Cela m'apparaît, oui, aussi.

M. Pagé: Sur le plan économique, si vous regardez le dossier, ce sont $2,095,000, comparativement à une augmentation de coût, dans le cas des turbines, de 43%.

M. Bérubé: Mais il va de soi, cependant, comme c'est la responsabilité de tout gouvernement, de tenir compte des considérations culturelles, des considérations environnementales, des considérations de zonage agricole. Là, évidemment, c'est un peu nouveau dans la façon de penser. Je sais que ce n'est pas tout à fait entré dans les moeurs et qu'il y a des gens qui ont de la difficulté à comprendre que les décisions, aujourd'hui, se prennent en tenant compte d'un grand nombre de facteurs, mais vous avez parfaitement raison, si on considère uniquement les deux facteurs que vous avez pris en considération, et le gouvernement devrait être d'accord. (21 heures)

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Frontenac, votre droit de parole...

M. Grégoire: M. le Président, c'était simplement pour enlever le "si" de cette question. Le ministre vient de le dire clairement, il n'y a pas de "si le gouvernement refuse l'usine de pompage".

M. Pagé: Non, c'est acquis.

M. Grégoire: Cela peut rassurer toute la population. M. le Président, je voudrais dire qu'il y a bien des régions du Québec qui voudraient se retrouver dans la position de la municipalité de Saint-Raymond qui va avoir des travaux de $2 milliards, d'après ce qui est indiqué ici. $2 milliards, c'est tout de même énorme. Je pense que plusieurs régions du Québec aimeraient se retrouver avec un si vaste projet et seraient enthousiates. Je félicite le maire...

M. Pagé: La Matapédia, notamment, n'est-ce pas?

M. Grégoire: ... de son bon travail dans le dossier.

Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! S'il vous plaît!

M. Bérubé: Vous allez être surpris, dans la Matapédia.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre! M. le ministre, je pense que...

M. Samson: II y 354 péquistes qui ont revolé, hier soir.

M. Bérubé: 2600 emplois...

Le Président (M. Jolivet): M. le député! M. le député!

M. Bérubé: J'ai le plus grand respect pour la présidence, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): Dans ce cas-là, permettez-moi...

M. Pagé: Je ne voulais mettre de chicane ici, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): À l'ordre: À l'ordre!

M. Pagé: M. le Président, je m'excuse. Je ne voulais pas mettre de chicane ici.

Le Président (M. Jolivet): Je pense... M. le député! M. le député!

M. Pagé: Avoir voulu en mettre, j'aurais dit que le député de Sept-Îles a perdu une usine, mais je n'en parlerai pas.

Le Président (M. Jolivet): M. le député, cela a très bien été jusqu'à maintenant.

Laissez tomber le dialogue de gauche à droite.

M. Bérubé: Le député de Duplessis n'a pas perdu une usine, il a perdu une illusion.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre! M. le ministre!

M. Pagé: Si vous voulez vous chicaner entre vous autres, on peut suspendre quelques minutes.

Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît, M. le député!

M. Perron: Ce n'est pas le député de Sept-Îles, c'est le député de Duplessis.

M. Pagé: De Duplessis.

Le Président (M. Jolivet): M. le député, je dois vous dire que si vous continuez à entretenir le dialogue, nous ne terminerons jamais avec les gens qui doivent partir par avion à 22 h 45.

Une voix: Ah!

Le Président (M. Jolivet): M. le député:

Monsieur en face de nous, maintenant, à qui on aurait dû laisser la majorité de notre temps, M. Girard, je vous remercie ainsi que M....

M. Ciaccia: Un instant, M. le Président:

M. Bérubé: Mais c'est le futur député de Portneuf, d'après...

Le Président (M. Jolivet): Je pensais qu'on avait terminé, excusez-moi. M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: M. le Président, je voudrais vous faire remarquer que, personnellement, je me suis fait accuser, cet après-midi, de faire de l'électoralisme par le ministre. Le maire de Saint-Raymond a tous les droits au monde de se présenter devant cette commission. Je l'ai dit au début de mon intervention. Mais, M. le Président, je voudrais porter à votre attention que le maire de Saint-Raymond, M. Girard, est aussi le candidat - un instant -du Parti québécois dans le comté de Portneuf. Je voudrais seulement porter à votre attention les éloges que le ministre a faites à l'égard de M. Girard, les engagements fermes pris par le ministre, les éloges indiquant qu'il représentait bien ses électeurs, ce dont je ne doute pas, et le fait qu'il ait mentionné les communications entre Hydro-Québec et la population de Portneuf et ait remercié le maire de Saint-Raymond sans faire aucune allusion aux efforts de mon collègue, le député de Portneuf...

M. Pagé: M. le Président, le député de Mont-Royal n'a pas besoin de parler de cela, les électeurs de Portneuf le savent.

M. Ciaccia: Ils le savent, mais je veux seulement porter cela à votre attention.

M. Pagé: Oui.

M. Ciaccia: Le ministre a pris l'engagement ferme, c'est une décision du gouvernement, que, d'ici au début d'avril... C'est la première fois que le ministre prend un tel engagement devant cette commission. Toutes sortes de représentations ont été faites au ministre, des suggestions, des recommandations et le ministre a toujours dit: Oui, nous allons examiner cela, mais à vous, M. le Président, à cet intervenant, c'est un engagement ferme. Ce sont des louanges qu'il porte à son égard. Je ne dis pas que, comme maire, vous n'avez pas le droit à ses louanges, mais c'est seulement pour situer vraiment les accusations du ministre quant à l'électoralisme.

M. Bérubé: Les accusations?

M. Ciaccia: Les accusations, les affirmations du ministre...

M. Bérubé: Ah! voilà!

M. Ciaccia: ... devant une commission

parlementaire qui est télédiffusée, sans notre consentement, sans consultation avec nous, à la veille d'une élection. J'espère que, d'ici à la fin des travaux de cette commission parlementaire, le ministre ne tiendra plus aucun propos de ce genre vis-à-vis du député de Mont-Royal ou de l'Opposition officielle au sujet de l'électoralisme. Je pense qu'on vient de vraiment illustrer le but de la commission, non pas nécessairement par les représentations du maire de Saint-Raymond, mais par les remarques du ministre. J'espère, M. le Président, que cette partisanerie et cet électoralisme seront reconnus par tous ceux qui regardent nos délibérations. Qu'on ne vienne pas nous dire que c'est de la vraie démocratie et que c'est là la volonté d'apporter de l'information à la population quant aux opérations d'Hydro-Québec.

Le Président (M. Jolivet): M. Girard.

M. Girard: M. le Président, pour répondre au député de Mont-Royal, cela doit certainement vous faire plaisir que le ministre ait au moins annoncé que le projet avancerait, parce que depuis un bout de temps, vous trouvez que cela ne va pas assez vite. Cela doit vous faire certainement plaisir. Je pense que je n'ai pas de leçon à recevoir du Parti libéral concernant la démocratie.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Frontenac.

M. Grégoire: Simplement, M. le Président, pour terminer, je demanderais au député de Mont-Royal de relire le sermon de Bossuet à la Toussaint et il reconnaîtra cela là.

M. Ciaccia: M. le Président...

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: M. le Président, je voudrais faire remarquer à M. Girard, par votre entremise, sur la question de leçon de démocratie, que mes remarques ne lui étaient pas adressées. Si vous aviez assisté aux délibérations de cette commission avant 18 heures cet après-midi, mes remarques étaient adressées au ministre. Le Parti québécois voulait nous faire à nous la leçon de la démocratie.

Pour revenir à votre première remarque à savoir qu'il nous fait plaisir que le ministre ait pris un engagement. Oui, cela fait quatre ans que nous essayons d'obtenir des engagements fermes de la part du gouvernement dans le développement économique, dans le développement énergétique. Je suis heureux de voir que ce soir, au moins, même si c'est pour essayer de faire avancer votre cause dans Portneuf, pour la population de Portneuf - la population va même se rappeler des efforts du député de Portneuf - le ministre a confirmé vraiment que le projet Delaney va aller de l'avant.

Le Président (M. Jolivet): M. Girard.

M. Girard: M. le Président, je peux répondre au député de Mont-Royal que je n'aurais pas besoin de ces affirmations pour faire avancer ma cause dans Portneuf. Je m'occupe de choses économiques et sociales dans Portneuf. Quand j'ai commencé à m'en occuper, le député sortant n'était pas au monde.

Le Président (M. Jolivet): Merci, M. André Girard, maire de la paroisse de Saint-Raymond et M. Alain, de votre présence.

J'inviterais la Corporation de développement économique de la région de Port-Cartier représentée par M. Pierre Bédard.

Pendant que M. Pierre Bédard s'approche, je voudrais faire deux remarques que je me dois de faire à titre de président de cette commission par rapport à deux affirmations qui ont été faites au cours de la journée. Premièrement, étant donné qu'on a affirmé que la commission avait été convoquée sans consultation du parti d'Opposition, je dois simplement rappeler l'article 140 qui dit que c'est le leader du gouvernement qui convoque les commissions parlementaires. Je ne nie pas cette partie-là. La deuxième a trait au fait qu'on aurait affirmé que la commission était télévisée sans consultation du Parti libéral. Je dois simplement rappeler, comme président - je me réfère à des débats qui ont eu lieu en cette commission parlementaire qui est la commission parlementaire de l'Assemblée nationale où l'ensemble des partis d'Opposition étaient présents - que la décision a été prise à la pluralité des voix. C'est simplement pour rectifier, comme président, cette partie-là.

M. Ciaccia: M. le Président, question de règlement...

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: ...pour ne pas laisser une mauvaise impression à ceux qui écoutent nos délibérations. Je répète que nous n'avons pas été consultés. C'est vrai que la commission de l'Assemblée nationale peut prendre une décision pour télédiffuser un débat. Nous n'avons pas été consultés. Je voudrais porter à votre attention qu'il y a d'autres commissions parlementaires qui siègent, en particulier la commission sur les engagements

financiers du gouvernement. Le gouvernement n'a pas choisi de télédiffuser les débats de cette commission. Peut-être que cela aurait apporté un peu plus d'éclaircissements à la population quant aux engagements financiers et je remarque que c'est...

Une voix: Les contrats.

M. Ciaccia: Oui, ce sont les contrats que le gouvernement signe, les sommes d'argent qu'il dépense à la SHQ. Il y a un autre aspect, M. le Président. La commission parlementaire sur la Société d'habitation du Québec n'a pas été télédiffusée elle non plus et c'est seulement celle-ci, avant l'élection, pour des fins électoralistes, que le gouvernement choisit de télédiffuser.

Le Président (M. Jolivet): Les mises au point étant faites...

M. Bérubé: M. le Président...

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre...

M. Bérubé: ...je pense qu'à cet égard, il faut absolument que j'invoque au moins une question de règlement pour rectification des faits. D'une part, lorsqu'il y a eu discussion concernant la télédiffusion de la commission parlementaire sur la constitution, l'Opposition libérale a soulevé la question à savoir pourquoi le gouvernement choisissait de télédiffuser la commission parlementaire sur la constitution et non la commission parlementaire sur l'énergie.

Le leader parlementaire a communiqué avec moi pour me demander ce que j'en pensais. Je lui ai manifesté mon accord. À la suite de cela, nous avons donc décidé qu'il y aurait effectivement télédiffusion de la commission parlementaire sur l'énergie.

Pourquoi n'y a-t-il pas télédiffusion de la commission parlementaire sur les engagements financiers? Comme vous le savez, le gouvernement a mis sur pied un mécanisme neutre, objectif, pour allouer les contrats, par exemple, de consultants de toutes sortes, de génie-conseil, de publicité, qui fait appel à l'ordinateur pour la sélection et qui fonctionne essentiellement sur le principe de Loto-Québec. Comme vous le savez, nous avons des programmes de Loto-Québec à intervalles réguliers et je ne vois vraiment pas pourquoi on aurait une commission parlementaire pour expliquer comment l'ordinateur a choisi, dans l'objectivité la plus complète, les consultants engagés par le gouvernement, ce qui a assuré une redistribution assez spectaculaire des contrats chez énormément de citoyens. D'ailleurs, le ministre des Affaires municipales a souligné que 75% des gens qui obtenaient des contrats grâce à l'ordinateur n'avaient jamais obtenu de contrats du gouvernement dans le passé, et il y a même un investisseur, je n'ose presque pas mentionner son nom...

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Bérubé: Oui, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): Je pense que cela va un peu trop loin. Tout ce que j'ai voulu faire, je n'ai voulu ouvrir aucun débat, mais rappeler simplement que j'ai dit dès le départ que j'acceptais l'assertion, dans le premier cas, puisque le règlement prévoit que c'est le leader qui convoque, mais que, dans le deuxième cas, il y avait eu une commission parlementaire.

C'est simplement ce que j'ai voulu amener. Comme président, je représente l'ensemble de la présidence et je devais le dire, car j'ai assisté à cette commission parlementaire et il y a eu une décision qui a été prise à la majorité des voix.

M. Ciaccia: M. le Président...

Le Président (M. Jolivet): Pour terminer?

M. Ciaccia: Juste pour terminer. Le Président (M. Jolivet): D'accord.

M. Ciaccia: J'aurais pu invoquer l'article 96. Je ne voudrais pas laisser l'impression que nous sommes contre la télédiffusion de ces débats. Nous sommes très heureux qu'ils aient été télédiffusés. On voit vraiment la vraie couleur de ce gouvernement et ce qu'il essaie de faire. Mais, je répète, M. le Président, que nous n'avons pas été consultés, nous avons soulevé la question durant le débat constitutionnel...

M. Grégoire: Ce n'est plus de la rectification. Cela devrait être terminé, l'électoralisme.

Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît:

M. Ciaccia: J'ai le droit de parole, M. le Président.

M. Grégoire: Depuis le matin que le député de Mont-Royal traite de cela. Il devrait être temps de mettre un terme à l'électoralisme.

M. Ciaccia: J'ai le droit de parole. Nous avons soulevé la question, nous n'avons jamais été consultés, mais nous sommes très heureux que le gouvernement ait pris cette décision, parce que le public verra vraiment

ce qui se passe ici.

Le Président (M. Jolivet): M. Bédard, la parole est maintenant à vous, en espérant que vous pourrez prendre votre avion.

Corporation de développement économique de la région de Port-Cartier

M. Bédard (Pierre): Merci, M. le Président. MM. les membres de la commission, la région de Port-Cartier se compose des municipalités de Baie-Trinité, Rivière-Pentecôte, Port-Cartier, Gallix, Gagnon et Fermont. Ces municipalités se sont unies afin de se donner un outil de développement économique appelé un commissariat industriel.

L'économie de la région est basée uniquement sur l'exploitation des ressources naturelles, en l'occurrence, le minerai de fer extrait de la fosse du Labrador à Mont-Wright et à Fire Lake, dans le secteur nordique de notre région. Ce minerai est acheminé vers Port-Cartier afin d'être expédié à travers le monde aux clients des compagnies minières.

Notre région compte une population d'environ 20,000 habitants dont près de 5000 travaillent directement pour les grandes entreprises d'extraction de minerai.

Le but de la Corporation de développement économique de la région de Port-Cartier est de favoriser la diversification de notre économie en identifiant les autres secteurs à développer et en suscitant l'intérêt des promoteurs pour l'implantation d'entreprises manufacturières basées sur la transformation de nos richesses naturelles.

Les grandes entreprises.

Traditionnellement, la Côte-Nord - et plus particulièrement la sous-région de Port-Cartier-Sept-Îles - a été reconnue pour le gigantisme des projets qui s'y sont implantés. L'exploitation des mines de fer, qui caractérise notre région, demande de très gros investissements. Les compagnies minières ont même construit de toutes pièces les municipalités de Gagnon, Fermont, Schefferville et même en grande partie la ville de Port-Cartier. Ces entreprises sont responsables en grande partie de la santé économique de notre région. On a l'habitude de dire, sur la Côte-Nord, que, lorsque les compagnies minières toussent, la Côte-Nord attrappe la grippe. Cela décrit très bien la fragilité de notre économie.

De plus en plus, nous sommes conscients de cette fragilité et nous faisons un effort de diversification de l'économie afin d'échapper un peu à la dépendance des grandes entreprises en favorisant l'implantation de PME manufacturières. (21 h 15)

La main-d'oeuvre. La plus grande richesse de notre région est sa main-d'oeuvre. Elle provient de toutes les parties du Québec. Elle est jeune, dynamique, compétente et ne demande qu'à travailler. Elle n'a cependant pas acquis ce sentiment d'appartenance qui caractérise la plupart des autres régions du Québec. Elle reste profondément attachée à ses origines qui sont la Gaspésie, le Saguenay-Lac-Saint-Jean, le Bas-du-Fleuve ou même les autres régions du Québec et risque d'y retourner si elle venait à manquer de travail dans notre région. La situation sera très différente dans dix ou quinze ans, lorsque nos enfants qui sont nés dans la région décideront de s'y installer. Leurs racines à eux sont sur la Côte-Nord.

Nos richesses naturelles, maintenant. La Côte-Nord et la région de Port-Cartier peuvent compter sur un énorme potentiel de développement. Les richesses naturelles y abondent. On n'a qu'à penser à la tourbe, la pêche maritime, le potentiel hydroélectrique, la forêt, etc. Toutes ces richesses sont actuellement sous-développées ou tout simplement non exploitées. Tous les agents de développement économique de notre région visent le développement de ces ressources, afin de diversifier la base économique de notre région. Il faut souligner ici que le besoin de diversification dans la région est assez nouveau, compte tenu de la prospérité relative qu'a connue notre région jusqu'en 1979. Il faut aussi ajouter que le processus de création d'une mentalité industrielle pour une région comme la nôtre est une démarche à moyen et à long terme et que notre région en est à ses balbutiements dans ce domaine.

Le Saint-Laurent. Le fleuve Saint-Laurent est considéré depuis toujours comme l'autoroute maritime de l'Amérique du Nord. Il offre l'avantage d'être navigable à l'année. On sait que les coûts de transport par bateau sont beaucoup plus bas que pour tous les autres moyens de transport. La Côte-Nord est très bien pourvue de ports de mer et autres moyens de communication. Il est d'ailleurs prévu que le traversier-rail entre Matane et Port-Cartier entre en service vers le printemps 1982. On connaît l'importance des coûts de transport qu'occasionnent les projets de construction de barrages hydroélectriques.

Le rôle d'Hydro-Québec. La société a pour objet de fournir l'énergie aux municipalités, aux entreprises industrielles ou commerciales et aux citoyens de cette province aux taux les plus bas compatibles avec une saine administration financière. C'est extrait de la stratégie elle-même.

Certains projets très intéressants pour Hydro-Québec existent sur la Côte-Nord. La zone A, la Côte-Nord, représente d'ailleurs la troisième région du Québec pour son potentiel hydraulique non aménagé, 7043 MW.

Elle vient immédiatement après la zone E, la baie d'Ungava et la zone C, la baie de Rupert et la baie de Hanna, respectivement 7121 MW et 7106 MW. Les coûts comparatifs de réalisation de ces ouvrages se comportent très bien par rapport au coût du nucléaire: La Romaine, .85, Petit-Mécatina, 1.07 et la rivière Sainte-Marguerite, 1.20, comparés aux coûts du nucléaire toujours.

Hydro-Québec, on l'a vu, a un mandat bien précis. Cependant, si on considère les retombées économiques que celle-ci peut générer au sein d'une région comme la nôtre, du point de vue des approvisionnements, des fournisseurs de biens et de services et autres, sans oublier la diversification de notre économie, il serait peut-être administrativement sain, dans un contexte provincial de développement, de favoriser les projets de la Côte-Nord au détriment des projets du Grand-Nord.

Conclusion. Le Commissariat industriel de la région de Port-Cartier, après la lecture de la stratégie, attendu la grande dépendance de notre région envers les grandes entreprises; attendu que la situation économique mondiale et la concurrence des pays producteurs entraînent une diminution considérable de la production de minerai de fer sur la Côte-Nord, au Québec et au Labrador, depuis quelques années, que cette situation s'aggrave en 1981 et semble vouloir persister; attendu que la compagnie Iron Ore du Canada vient d'annoncer la fermeture de ses usines de traitement et de bouletage de minerai de fer à Sept-îles et quelque 650 mises à pied, à Sept-îles et Schefferville, d'ici le 15 mai 1981; attendu que les autres compagnies minières de la région (Québec Cartier, Sidbec-Normines et Wabush) ont déjà fait une mise à pied temporaire au cours de la récente période des fêtes et devront vraisemblablement faire d'autres fermetures temporaires au cours de l'année 1981; attendu que l'économie de notre région est mono-industrielle, qu'une diversification s'impose, mais que ce processus est très long; attendu que les programmes publics d'investissements, dont ceux d'Hydro-Québec, peuvent être mis en place dans la région lorsque l'économie privée est en butte à des difficultés; attendu que la plus grande richesse de la Côte-Nord est sa main-d'oeuvre et que celle-ci est susceptible de quitter la Côte-Nord si elle est sans emploi; attendu que les autres richesses naturelles de la Côte-Nord pourront être développées dans la prochaine décennie; attendu que le fleuve Saint-Laurent est considéré comme l'autoroute maritime de l'Amérique du Nord et que le transport naval représente une économie substantielle dans des projets semblables; attendu qu'Hydro-Québec, à titre d'entreprise parapublique, doit être sensible aux problèmes des régions; attendu que le développement des rivières de la Basse-Côte-Nord représentent pour notre région un projet essentiel; en conséquence, nous nous prononçons en accord avec La stratégie pour la décennie 1980, mais en faisant un effort pour modifier l'échéancier de réalisation des projets de construction des centrales Sainte-Marguerite, La Romaine et Petit-Mécatina. Cet échéancier devrait être révisé afin de mettre en chantier le plus tôt possible les projets de la Côte-Nord, zone A. Cela nous permettrait d'avoir le temps de diversifier notre économie et de renforcer notre économie. Merci.

Le Président (M. Jolivet): Merci. M. le député de Duplessis.

M. Perron: Merci d'avoir apporté des précisions, M. Bédard, en rapport avec ce que j'ai déjà mentionné ici devant cette commission. Une chose qui est remarquable, c'est que la Corporation de développement économique de la région de Port-Cartier, qui couvre d'ailleurs plusieurs villes et plusieurs villages spécifiques du comté de Duplessis, a pris ses responsabilités en venant ici devant cette commission pour exprimer les besoins de rapprocher l'échéancier de la construction des barrages et des centrales d'Hydro-Québec en rapport avec La Romaine, le Petit-Mécatina, ainsi que la rivière Sainte-Marguerite.

D'autre part, vous avez mentionné dans votre mémoire qu'il était possible de renforcer et de diversifier l'économie de la région. Est-ce que vous pourriez préciser un peu plus cette façon dont vous verriez un renforcement et une diversification, en prenant des domaines où vous pourriez vous servir d'exemples.

M. Bédard (Pierre): D'accord. Dans des situations comme celles-ci qu'on a vécues sur la Côte-Nord, où il y avait beaucoup d'investissements, au complexe Manic-Outardes, la mise en place des grandes entreprises comme Iron Ore Canada, ITT Rayonier, il fut un temps où on vivait dans une situation économique assez particulière, c'est-à-dire qu'on vivait d'un boom à l'autre. Quand on vit dans une situation économique du genre champignon, on se préoccupe très peu de développer ce qu'il y a à côté. On en a déjà plein les bras avec ce qu'on a. Donc, la diversification de l'économie, cela compte. C'est moins important que dans la situation qu'on vit actuellement. Actuellement, le marché du fer n'est pas bon. ITT Rayonier est fermée. On vivait exclusivement de cela

dans la région. Il y a cependant d'autres richesses naturelles disponibles dans la région de Port-Cartier, exemple, les pêches. Tous les bancs de poissons, si on regarde les rapports gui sont émis par la DGPM ou par Pêche et Océan Canada, les zones grises et noires se situent toutes sur la Côte-Nord.

M. Perron: Excusez-moi, mais pendant que vous parlez des pêcheries, où se fait la transformation actuellement?

M. Bédard (Pierre): En Gaspésie.

Une voix: À Matane, ce sont les crevettes.

M. Bédard (Pierre): Ce sont les crevettes, mais pour le reste, le poisson existe sur la Côte-Nord et il n'y est pas transformé. On a une autre richesse naturelle qui s'appelle la tourbe. On peut fabriguer un paguet de choses avec de la tourbe et, actuellement, c'est très peu exploité sur la Côte-Nord, sauf par une entreprise dans la région de Baie-Comeau et une autre dans la région de Sept-Îles sur une échelle moyenne et petite. On a du bois. Toutes les concessions forestières d'ITT - Rayonier - on n'a pas de confirmation officielle de ça -seraient censées être disponibles. On a aussi des compagnies sur la Côte-Nord, ces compagnies n'ont pas seulement des défauts, elles ont de grandes qualités aussi, elles dépensent de l'argent, elles dépensent au-delà de $700,000,000 par année en biens et services et on les dessert très mal sur la Côte-Nord par nos entrepreneurs. Je pense gue j'ai pas mal fait le tour des richesses naturelles de notre coin.

Si Hydro-Québec décidait de procéder, dans un court laps de temps, à la réalisation des projets sur la Côte-Nord, il est évident gue la région de Port-Cartier en aurait des retombées, peut-être pas autant gue Hâvre-Saint-Pierre ou même Sept-Îles, mais on pourrait en profiter. Pendant qu'on profiterait de ces retombées, il y a un an, la région de Port-Cartier s'est dotée d'un commissariat industriel et elle a engagé votre humble serviteur à titre de commissaire. Le but premier d'un commissaire industriel, c'est de diversifier l'économie d'une région ou d'en faire la promotion. C'est ce à quoi on travaille actuellement. Mais dans la situation économigue qu'on connaît, il est évident que les gens ne sont pas intéressés ou très peu intéressés à investir quand il y a toutes sortes de rumeurs gui planent. Donc, c'est pour cela gue j'insistais sur l'importance de l'investissement d'Hydro-Québec sur la Côte-Nord.

M. Perron: Maintenant, une autre guestion. Compte tenu que vous êtes commissaire industriel depuis un an, il est sûr que vous avez fait le tour du dossier de la fermeture d'ITT-Rayonier. En fait, c'est une guestion en deux volets. Le premier volet: Combien d'unités de logements sont actuellement libres dans Port-Cartier? Deuxième volet: Combien y a-t-il eu - s'il y en a eu - de faillites depuis 18 mois, parce gue justement il n'y avait pas de diversification et il n'y avait pas de gros projet dans le coin pour permettre à ces gens de se recycler ou encore de continuer dans le sens où ils s'en allaient, je parle, bien entendu, du domaine tertiaire surtout?

M. Bédard (Pierre): En réponse à votre première guestion, je ne me rappelle pas dans quel rapport j'ai vu cela, mais on parlait, à un moment donné, de quelque 760 logements vides. Cela comprenait les maisons unifamiliales et les maisons d'habitation. Je n'ai pas vérifié dernièrement. Ce sont des données gui sont plutôt démoralisantes.

Pour le deuxième volet de votre guestion, à titre de commissaire industriel, je me dois d'être optimiste et je me suis toujours refusé à regarder des statistiques de faillites. Mais, selon ce gui circule en ville, on parle de 65 faillites depuis un an.

M. Perron: Merci. Maintenant, vous avez justement parlé du fait gue les citoyens et citoyennes de Port-Cartier et de la sous-région de Port-Cartier - Sept-îles sont portés à se recycler ailleurs et à déménager à Montréal, à Québec, à des endroits où il y a du travail. Est-ce que vous avez eu la confirmation dernièrement à savoir combien était la population de Port-Cartier en 1979 et combien elle est au moment où on se parle? Je pense gue vous avez cela guelgue part. Je ne me rappelle pas des chiffres, mais dans votre rapport annuel.

M. Bédard (Pierre): Elle a diminué de 4300.

M. Perron: C'est parti de quel chiffre à quel chiffre?

M. Bédard (Pierre): 12,400 à 8,100. (21 h 30)

M. Perron: Je voudrais remercier le commissaire industriel de Port-Cartier qui, d'ailleurs, touche, pour l'information de la Commission les villages de Gallix, Sainte-Marguerite-de-Gallix, Pentecôte, Baie-Trinité, Pointe-aux-Anglais, Baie-des-Homards ainsi gue les villes de Gagnon, Eermont et Schefferville, je crois, aussi; non, Schefferville n'est pas incluse.

Donc, ça lui donne un territoire assez étendu, parce gue très souvent il est en très bonne collaboration avec les villes et les villages dont j'ai parlé. D'ailleurs, il a contribué lui-même à faire en sorte qu'il y

ait une implantation qui crée à peu près 70 emplois dans un petit village actuellement. C'est pour ça que, quand il parle de la diversification, ç'a beaucoup d'importance.

Je maintiens qu'en ce qui a trait à la mention de garder les gens chez nous, le fait de devancer l'échéancier d'Hydro-Québec en rapport avec La Romaine, la Sainte-Marguerite et le Petit-Mécatina aiderait énormément à garder nos gens dans le milieu. Merci, M. Bédard; on va être à bord du même avion, ce soir, on aura l'occasion d'en discuter.

M. Bédard (Pierre): Si on le prend. M. Perron: Si on le prend.

Le Président (M. Jolivet): Je pense que les chances sont bonnes. M. le député de Rouyn-Noranda.

M. Samson: M. le Président, je voudrais remercier M. Bédard, qui vient devant cette commission pour faire part de ses préoccupations. On sait que vous déplacer d'aussi loin, c'est déjà un bon contrat et vous avez toute ma sympathie; moi qui viens également d'une région minière éloignée, je sais ce que c'est.

Je voudrais, M. le Président, souligner que les problèmes qu'a mentionnés M. Bédard, problèmes qui sont connus présentement sur la Côte-Nord, à cause de la fermeture d'usines, c'est le genre de problèmes malheureusement que nous connaissons à l'occasion - j'espère pas trop souvent, mais en tout cas à l'occasion - dans des régions minières comme celle que j'habite, la région du Nord-Ouest québécois.

Nous avons eu, à un certain moment des problèmes de ce genre à cause de la fermeture massive de mines d'or, fermeture qui provenait du fait que le marché mondial et le prix de l'or étaient tombés tellement bas que personne ne pouvait exploiter ces mines de façon rentable.

Nous avons eu des mines de molybdène qui ont été fermées et le problème qui se pose chez vous ressemble aussi, dans une certaine mesure, au problème qui s'est posé dans des régions du nord de l'Ontario, les régions d'Elliott Lake et Blind River en particulier, alors qu'il y a eu aussi des booms de développement et qu'à un moment donné, à cause des prix, il y a eu des fermetures massives. Cela entraîne toujours évidemment des conséquences difficiles pour les gens de ces régions, soit que les travailleurs n'ont plus d'emploi et parfois cherchent ailleurs; ça risque de dépeupler, en partie, une région; de petits propriétaires de maison sont obligés de s'expatrier à l'extérieur et voient la valeur de leur propriété diminuer; les commerçants, dans une certaine proportion, sont obligés aussi de restreindre leurs activités et, dans certains cas, ça entraîne des faillites.

Vous avez toute ma sympathie et je peux vous dire, M. Bédard - je m'adresse à mon collègue de Duplessis également - que je me solidarise avec vos préoccupations. Les sujets que vous apportez comme possibilité de solution, soit la diversification vers les petite et moyenne entreprises, sont des choses qui me semblent être, dans les circonstances, réalistes et mériteraient l'encouragement des paliers de gouvernement, pour vous permettre de passer cette période qui me semble difficile, mais, comme je vis aussi dans une région minière, je sais que si, un jour, à cause des fluctuations du marché, de la baisse des prix, certaines mines ou certaines industries ferment, un autre jour, il y a un retour à de meilleurs prix et il y a réouverture.

Chez nous, présentement, des réouvertures de mines d'or se font à un rythme assez accéléré et intéressant; on revit donc le contraire de ce que nous avons vécu au cours des fermetures. Dans ce genre de région que vous avez, les grandes industries, à cause de ce que je viens de mentionner, un jour, se retrouvent fermées, parce qu'elles n'ont pas le choix, mais il y a un retour. Ce retour, je l'espère pour vous le plus rapide possible, mais, en attendant, c'est sûr que vous devez trouver des moyens de subsistance et surtout des moyens qui permettront de tenir le coup. Vous avez d'autres potentiels; vous les avez mentionnés avec raison: la tourbe, les pêches maritimes, les forêts, le potentiel hydroélectrique. Là-dessus, M. le Président, je ne peux faire autrement qu'encourager Hydro-Québec et le gouvernement à se solidariser avec la population de cette région, du moins en tenant en considération le problème particulier que connaît cette région. Compte tenu du rôle économique et social qu'Hydro-Québec s'est donné, on le sait, depuis un certain temps déjà, il me semble qu'une forme de relance - ce n'est pas la seule -économique serait celle qui est proposée par vous, M. Bédard, et qui a été proposée également par le député de Duplessis, soit qu'Hydro-Québec envisage sérieusement, compte tenu de la situation - il me semble que c'est une situation spéciale qui mérite une attention spéciale - d'avoir des préoccupations spéciales, ainsi que le gouvernement, pour tenter d'avancer cet échéancier qui nous a été communiqué.

M. le Président, je termine là-dessus. Je n'ai pas tellement de questions à poser à M. Bédard, son mémoire est tellement bien préparé, mais je voulais vous assurer que nous sommes solidaires avec vos préoccupations et solidaires aussi avec les possibilités de solutions à être apportées dans votre région.

Le Président (M. Jolivet): Merci. M. Bédard, avez-vous quelque chose à ajouter?

M. Bédard (Pierre): Non, cela va.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Gouin.

M. Tremblay: Merci beaucoup, M. le Président. Bonsoir, M. Bédard. On doit féliciter M. Bédard de prendre à coeur son rôle de directeur de la Corporation de développement économique de la région de Port-Cartier et de venir attirer l'attention de la population du Québec et des membres de cette Assemblée nationale sur le genre de sinistre qui est en train de s'établir au plan économique dans cette région, naguère prospère du Québec.

Dans d'autres régions, lorsqu'il y a des inondations, on se rend compte que les autorités prennent des décisions spéciales, déclarent des situations d'urgence et mettent à la disposition des sinistrés des sommes particulières pour éviter des catastrophes.

La lecture de votre mémoire nous confirme qu'il semble exister dans la région de la Côte-Nord une sorte de marasme économique qui exigerait peut-être de la part des autorités des gestes spéciaux et spectaculaires.

Je me demande par contre si vous frappez à la bonne porte en vous adressant tout particulièrement à Hydro-Québec plutôt qu'en vous adressant au gouvernement lui-même, parce que, finalement, le développement économique d'une région ne relève pas du mandat de la société Hydro-Québec. Ce mandat relève, au premier titre - vous le répétez dans votre mémoire - du gouvernement du Québec et du gouvernement d'Ottawa sous certains rapports. Je suis certain que vous avez fait des démarches auprès du gouvernement; ce n'est certainement pas la première démarche que vous faites de venir de Port-Cartier ce soir jusqu'à Québec pour étayer votre thèse. Vous avez sans doute fait des démarches semblables auprès du gouvernement. Avez-vous eu des résultats? Est-ce qu'on vous a assuré que des actions spéciales seraient prises? ITT Rayonier est fermée. Sidbec Normines doit fermer une partie de ses installations. L'Iron Ore a annoncé des mises à pied. Il y a cette cascade de fermetures qu'on semble prendre avec fatalisme. Peut-être que vous êtes le seul dans votre région à soulever le sujet. Vous devriez peut-être tirer une leçon de certaines autres régions et ne pas accepter de façon fataliste un pareil marasme, une pareille dégringolade. Donc, c'est la première question que je voulais vous poser: Vos espoirs sont-ils devenus tellement minces auprès du gouvernement que vous en êtes réduits à considérer Hydro-Québec comme une sorte de deus ex machina qui viendrait finalement sauver la région de la Côte-Nord? C'est la première question.

D'autre part, je reviens sur votre demande particulière concernant un avancement ou un devancement de certains projets que l'on retrouve à la marge du plan d'équipement et de développement d'Hydro-Québec, c'est-à-dire des barrages qui coûteraient, du moins deux d'entre eux, plus cher dans leur production d'énergie que des centrales nucléaires. Vous avez sans doute suivi le déroulement des discussions cet après-midi et il est ressorti très clairement de ces discussion qu'Hydro-Québec faisait face à des problèmes de financement de son plan d'équipement, les déficits budgétaires du gouvernement étant tellement importants que les marchés de capitaux regorgent d'obligations du gouvernement présentement et Hydro-Québec se trouve dans une situation où elle doit augmenter son autofinancement pour pouvoir réaliser son plan et même retarder dans l'avenir certains projets. Cet étalement de nouveaux projets vaut pour des projets rentables, que l'on connaît rentables, qui produiraient de l'électricité à un taux plus bas que le nucléaire. Or, vous demandez d'accélérer la construction de ces trois barrages qui sont des barrages relativement coûteux.

M. Bérubé: M. le Président, question de règlement. Je crois que monsieur a un avion à prendre à 22 h 15.

Le Président (M. Jolivet): M. le...

M. Tremblay: Je vois que le ministre voudrait sans doute faire bifurquer le débat.

M. Bérubé: Non, ceci nous a été indiqué par le député de Duplessis cet après-midi en nous demandant si on ne pouvait pas essayer d'accélérer...

Le Président (M. Jolivet): ...de le déplacer.

M. Bérubé: ...non pas que votre élan oratoire ne soit pas passionnant, tout au contraire, loin de moi cette idée. C'était simplement une constatation, c'est tout.

M. Ciaccia: M. le Président, je remarque que notre invité, il est peut-être un peu trop gêné pour le dire, vient de regarder sa montre parce qu'il doit prendre un avion. Alors...

Des voix: Ah! Ah!

M. Ciaccia: Je voulais seulement le faire remarquer à la commission.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Gouin, vous pouvez continuer.

M. Tremblay: Nous avons eu une discussion avec le témoin précédent qui était assez frivole, à mon avis, de sorte qu'il faudrait peut-être quelques minutes de discussion au sujet de l'avenir économique de la Côte-Nord.

Une voix: Aucun problème.

M. Tremblay: En ce qui concerne le projet La Romaine...

M. Bérubé: Vous venez de manquer votre avion, monsieur.

M. Tremblay: ...comme vous le savez, il y a un problème politique qui bloque ce projet beaucoup plus, peut-être, que les considérations économiques. C'est une négociation avec Terre-Neuve, premièrement, et une négociation avec les Indiens, par le truchement du comité SIGMAI, qui relève du bureau du premier ministre. Donc, c'est un problème politique. Il faudrait que vous vous adressiez au premier ministre pour faire débloquer le projet La Romaine.

Les deux autres, comme je vous le disais, sont des projets qui sont très coûteux. La question qu'on peut se poser est la suivante: Si l'Hydro commence à se lancer dans les projets les plus coûteux avant de mettre en marche les projets les moins coûteux, la population du Québec ne devra-t-elle pas subir des augmentations des tarifs d'électricité encore plus rapides que ceux qui sont prévus et que le gouvernement s'apprête peut-être, après les élections, à imposer à la population ou, d'autre part, à accentuer ces problèmes d'autofinancement et de ralentir tout son projet d'investissement; cela nuirait à l'industrie de la construction, non seulement de la région de la Basse-Côte-Nord, mais de l'ensemble du Québec. L'industrie de la construction est dans un marasme au Québec présentement, pas seulement sur la Côte-Nord, mais partout; on l'a vu cet après-midi. Il est important que nous mettions l'accent, au cours des prochaines années, sur le développement des projets d'investissements qui vont relancer l'industrie de la construction.

M. Bédard, je ne peux pas faire autrement que de vous donner aussi mon encouragement moral, mais je ne pense pas que la solution vienne d'Hydro-Québec pour les problèmes économiques globaux de la région de la Côte-Nord. Ils viennent plutôt de politiques urgentes qui devraient venir du gouvernement lui-même. (21 h 45)

Le Président (M. Jolivet): M. Bédard, vos commentaires et vos réponses.

M. Bédard (Pierre): Par contre, si le coût de construction des centrales versus le nucléaire avait été à 1,5% ou 1,7%, probablement que la corporation n'aurait pas fait la démarche qu'elle fait ce soir. Mais à .85%, dans le cas de La Romaine, à 1.07% dans le cas de Petit-Mécatina, il me semble que c'est relativement acceptable compte tenu de la situation. A 1,20%, il est évident que c'est une majoration par rapport au nucléaire de 20%. Cela peut paraître important. Je suis d'accord avec vous sur ce point.

Mais je me devais, surtout que la rivière Sainte-Marguerite se trouve à couler dans mes limites territoriales, de la mettre là-dedans.

M. Tremblay: Quant à la première question, vos démarches auprès du gouvernement comme tel.

M. Bédard (Pierre): À titre de commissaire industriel, je me défends le plus possible de faire des démarches politiques.

M. Tremblay: Vous avez tort.

M. Bédard (Pierre): On a des hommes politiques très habiles pour faire cela et je pense que c'est leur rôle de le faire.

Le Président (M. Jolivet): Merci. M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: M. le Président, je ne veux pas retarder notre invité, je ne veux pas qu'il rate son avion, mais je voudrais le remercier au nom de l'Opposition officielle pour son mémoire. Cela souligne l'importance du développement régional et l'Hydro, par l'entremise des politiques du gouvernement, aurait un rôle à jouer dans ce développement régional. Je veux vous féliciter d'être venu devant cette commission parlementaire pour nous faire la présentation de ce mémoire.

Je crois que c'est important de faire ces représentations à l'Assemblée nationale et je pense que cela démontre que tout développement économique, que ce soit le développement de l'Hydro ou que ce soit le développement d'autres projets économiques, il y a toujours un aspect humain. Nous ne devons pas oublier cet aspect humain. Je pense que cela s'applique particulièrement dans le cas du développement de nos ressources énergétiques. Quelquefois, dans les tracas et les préoccupations avec les milliards de dollars d'emprunt, on oublie un peu l'aspect humain, qu'il y a des gens qui dépendent de nos activités économiques pour avoir un choix de société.

Nous approuvons le principe que vous avez soumis, qui est contenu dans votre mémoire, soit le développement régional qui doit être une préoccupation dans les politiques du gouvernement. Nous vous remercions d'avoir porté ce mémoire à notre attention. Merci.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Duplessis.

M. Perron: M. le Président, en terminant, je voudrais ajouter ceci, pour le bénéfice du député de Gouin et peut-être aussi pour celui du député de Mont-Royal.

Selon ce que j'ai toujours dit dans le comté de Duplessis, et je l'ai toujours dit aussi à l'Assemblée nationale - je rapporte des paroles presque textuelles du député de Gouin qui disait que c'est au gouvernement, au gouvernement et toujours au gouvernement - ce n'est pas toujours au gouvernement.

D'après moi, il y a trois facteurs importants dans ce domaine. Vous avez le gouvernement, vous avez Hydro-Québec, qui n'est pas nécessairement le gouvernement, qui est une société d'État normalement autonome, et vous avez aussi les entreprises. Ajoutez à cela tout le monde qui est impliqué dans le milieu, c'est tout ce monde ensemble qu'on doit impliquer pour faire en sorte qu'il y ait une reprise de l'économie sur la Côte-Nord.

Je pense que c'est quatre bons endroits où on peut s'adresser. Je peux dire devant cette commission que dans tous les dossiers extérieurs à Hydro-Québec, j'ai toujours travaillé en très bonne collaboration avec le commissaire industriel lorsque les dossiers étaient discutés et lorsqu'ils étaient présentés. Et il m'en a présenté des dossiers, soyez-en assuré. C'est la même chose pour Sept-Îles, c'est la même chose pour Havre-Saint-Pierre. Et je pense qu'on doit travailler ensemble. Et comme il le disait tout à l'heure, c'est vrai que les hommes politiques doivent prendre leurs responsabilités à la suite de la présentation de dossiers. Si on travaille sur tous les fronts ensemble et conjointement, on va arriver à débloquer des choses vraiment concrètes.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre, en terminant.

M. Bérubé: Merci, M. le Président. En fait, quand je regarde la situation de la Côte-Nord, présentement, il y a un secteur qui va être à fouiller au cours des années prochaines. D'une part, nous avons un potentiel minéral assez extraordinaire dans ce qu'on appelle la fosse du Labrador. Comme vous le savez, on a exploité la région de Schefferville pour son minerai de fer, mais purement et simplement pour son minérai de fer, alors qu'il y a un potentiel minéral assez extraordinaire pour le nickel dans le nord de cette bande minéralisée très intéressante, mais également un potentiel uranifère assez spectaculaire aussi.

Je pense qu'une orientation - je ne dirais pas à court terme, parce qu'on a des fois tendance à prendre le gouvernement pour saint Jude, le patron des causes désespérées, je pense, dis-je qu'un gouvernement est souvent un peu malhabile face à une crise ponctuelle, instantanée, parce qu'on n'a pas vraiment de moyens d'aller corriger la situation sur place, mais l'avenir de la Côte-Nord me paraît à moi très intéressant. D'abord, parce que vous avez un chemin de fer qui ouvre sur l'Ungava, qui n'est pas complété, indéniablement, passé Schefferville, et il faut envisager le moment où on développera les rivières du nord et où on pourra s'interroger très sérieusement à savoir si la voie d'accès pour le Grand-Nord n'est pas plutôt Schefferville, la Côte-Nord, Sept-Îles plutôt que Matagami, qui va plutôt vers la Baie James et qui, à ce moment, est davantage tourné vers l'Ouest. Il y a donc une porte d'accès au Grand Nord qui est extrêmement intéressante.

Vous avez souligné également l'aménagement des rivières de la Moyenne-CÔte-Nord qui, quand même, s'en vient dans un avenir tout à fait rapproché et je pense que l'ouverture vers le Grand Nord va nous donner également la chance de procéder au développement des ressources minières. Croyez-moi, le potentiel géologique est très intéressant, mais l'absence de voies de communications a fait en sorte que peu d'entreprises se sont intéressées au développement. Si le gouvernement devait véritablement voir à l'avenir, on devrait peut-être faire un peu ce que nous avons fait dans le cas du Nord-Ouest, où nous avons mis sur pied un programme d'inventaires très systématiques et une des raisons que le député de Rouyn-Noranda connaît très bien d'ailleurs, même s'il a simplement par inadvertance oublié de la mentionner, c'est la conséquence de ce programme du Nord-Ouest qui a augmenté énormément les connaissances géologiques de base avec les avantages fiscaux que nous avons consentis et qui sont finalement responsables en bonne part de l'essor qu'il connaît présentement dans sa région.

C'est une question de prix. C'est indéniable que la conjoncture des prix du minerai de fer n'est pas favorable sur la Côte-Nord présentement, mais également ce qui est très intéressant, c'est que vous avez un potentiel minéral de première qualité, vous avez un très grand nombre de très belles rivières à aménager et vous avez la porte sur le Nord.

Je pense que la Côte-Nord a un potentiel intéressant qu'il va falloir un certain nombre d'années à développer, mais qui devrait vous laisser très optimiste pour l'avenir.

Le Président (M. Jolivet): M. Bédard. M. le député de Rouyn-Noranda.

M. Samson: Seulement quelques mots, M. le Président, parce que le ministre vient de mentionner quelque chose. Je voudrais que le ministre se rassure, si je n'ai pas, dans ma courte allocution, mentionné ce qu'il vient de dire. Il a raison, je l'admets. Maintenant, on pourrait ajouter aussi que la hausse du prix de l'or est un facteur très important, parce que la réouverture d'anciennes mines a été...

M. Bérubé: Prédominant.

M. Samson: ...rendue possible.

M. Bérubé: Absolument.

M. Samson: Au moment où on se parle, c'est surtout le résultat de l'ouverture d'anciennes mines, mais, dans un an et dans deux ans, cela va être le résultat surtout de l'inventaire qui a été fait par...

M. Bérubé: L'harmonie entre le député de Rouyn-Noranda et le député de Matane est totale.

M. Samson: ...les services d'Hydro-Québec.

C'est inquiétant. Cela devient dangereux...

Le Président (M. Jolivet): Cela devient dangereux pour moi.

Une voix: C'est le temps d'ajourner.

Le Président (M. Jolivet): M. Bédard, je vous remercie et, au nom de la commission, nous vous souhaitons un bon retour à Port-Cartier.

M. Bédard (Pierre): Merci.

Le Président (M. Jolivet): Nous invitons M. Denis Bouliane qui, à titre personnel, nous a exprimé l'intention de présenter un mémoire.

M. Denis Bouliane

M. Bouliane (Denis): Bonsoir. Je remercie la commission de son invitation et, comme vous le savez, je viens ici à titre personnel.

Ce qui me tracasse, c'est qu'il ne faut pas tenir pour acquis que l'énergie sera éternellement une denrée rare. Il y a à peine dix ans, l'énergie n'était pas rare. Viendra un jour peut-être où chaque foyer pourra être indépendant au niveau énergétique, avec les piles solaires. Ce jour-là, les sociétés telles qu'Hydro-Québec devront affronter une concurrence que certains qualifieront de déloyale. Par conséquent, il est probable qu'il y aura une baisse radicale des tarifs et cette éventualité doit être étudiée et considérée dans toute décision à prendre.

Les emprunts d'Hydro-Québec ou de ses filiales sont actuellement productifs. Cependant, à cause des coûts énormes de décontamination des usines nucléaires, il se pourrait que le nucléaire cesse économiquement d'être un attrait. D'un autre côté, si les usines nucléaires sont construites pour ne plus représenter de danger, le coût de l'énergie produite pourrait être prohibitif et des solutions de rechange, à ce moment, apparaîtront un peu partout. Donc, tout emprunt d'Hydro-Québec pour construire une usine nucléaire est présentement, à mon avis, un passif et représente un danger pour sa santé financière.

Des centrales au charbon ou au bois seraient des choix plus judicieux, de même que des centrales hydroélectriques au gaz ou à l'hydrogène, hydrogène qui pourrait être produit près des barrages dans le nord et être transporté vers le sud. Quant à la pollution produite par le charbon ou le bois, celle-ci peut être corrigée actuellement avec les outils qui existent.

C'est notre devoir de mettre en marche le plus grand nombre de projets hydroélectriques afin d'acquérir une autosuffisance énergétique pour autant qu'on le peut, et, par le fait même, on se trouve à aider l'humanité. Chaque baril de pétrole sauvé, c'est un baril de pétrole ailleurs où on en a plus besoin que nous. Quelques objections seront apportées en ce qui concerne le financement et les possibilités physiques. De ces deux objections majeures, la dernière est valable; d'ailleurs, il y a des gens qui sont venus cet après-midi et qui en ont parlé.

Quant au financement, les problèmes seraient minimisés si on adoptait une formule ressemblant à ce que je propose. Une fois l'étude d'impact et de faisabilité d'un projet terminée, le propriétaire, c'est-à-dire l'État ou Hydro-Québec, subdiviserait le coût du projet en unités, disons $1 million l'unité. Ces unités ne porteraient aucun intérêt. Elles donneraient à l'acheteur sa part énergétique produite pour un temps donné. Elles se transigeraient sur le parquet de la Bourse. Grâce à son réseau de distribution, Hydro-Québec livrerait l'énergie à ses frontières avec un prix de livraison ou un prix défini à l'avance. L'État conserverait 25%, peut-être 20%, peut - être 15%, peut-être 30% de l'énergie produite pour ses redevances ou royautés et reprendrait, à partir de la cinguième année de livraison de l'énergie, 5% de sa production annuelle vendue, et ce pendant les 15 dernières années du contrat. Donc, à la fin du contrat original de 20 ans, cette énergie redeviendrait la propriété exclusive de l'État.

Ainsi, la Tennessee Valley Authority, qui présentement a trop d'énergie, pourrait

acheter cent unités d'un projet pour un coût de $100 millions à être déboursés durant la construction. Cet acheteur s'occuperait de faire acheminer l'électricité jusqu'à ses portes. Et parce qu'elle a déboursé $100 millions, elle obtiendrait pendant cinq ans un certain nombre de kilowatts et, par la suite, il y aurait une diminution constante jusqu'à la fin de la vingtième année du contrat. Si elle le désirait, la TVA pourrait, après disons dix ans, vendre ses unités en tout ou en partie sur le parquet de la Bourse à des clients qui pourraient être Hydro-Ontario, le Nouveau-Brunswick, l'Alcan. Donc, à la fin des contrats, le Québec contrôlerait toute l'énergie et pourrait encore une fois la revendre à ses abonnés ou revendre les unités sur le parquet de la Bourse.

Dans l'éventualité où aucun ou trop peu d'acheteurs s'intéresseraient à un projet en particulier, on pourrait en déduire que le projet sous sa forme présentée est inacceptable, le jugement ayant été porté par une multitude d'investisseurs et non par quelques individus.

En ce qui a trait aux rivières possédant des débits de moindre importance, il existe au Québec plusieurs rivières dont l'aménagement n'intéresse pas, ou très peu, une société comme Hydro-Québec, habituée à penser en termes de milliards. Je propose tout simplement la vente de ces débits au plus offrant, à la condition que cette énergie reste à l'intérieur de nos frontières, l'acheteur s'engageant à construire un barrage à l'intérieur d'une période de temps donnée, avec des plans soumis à HydroQuébec pour acceptation et sujets à des inspections régulières. C'est ce que je voulais vous dire ce soir.

Le Président (M. Jolivet): Merci, M. Bouliane.

M. le ministre.

M. Bérubé: M. le Président, je pense que la présentation de M. Bouliane rejoint un peu celle de l'Association des ingénieurs-conseils qui a proposé une sorte de développement par des firmes de consultants ou d'ingénierie avec l'entière responsabilité du projet ici et là sur le territoire, dans le cas des petites rivières, compte tenu que la structure administrative d'Hydro-Québec les amène à s'intéresser aux vastes projets, et les plus petits projets étant peut-être moins accessibles pour eux, et le caractère un peu centralisé des opérations d'Hydro-Québec ne leur permettant peut-être pas effectivement d'envisager de façon pratique la réalisation des petites rivières. (22 heures)

Je dois dire, cependant, qu'Hydro-Québec a modifié considérablement son point de vue, qu'elle commence à nous proposer d'abord trois projets expérimentaux et qu'elle nous propose également d'examiner de l'aménagement pour au moin 1000 mégawatts entre 1990 et l'an 2000. Il n'est point impossible, cependant, qu'une analyse plus systématique de toutes nos petites rivières amène Hydro-Québec à constater qu'il y a un potentiel effectivement intéressant plus important qu'on le prétend.

Ce qui m'inquiète, dans votre proposition, c'est cette espèce de vente à long terme. Lorsque je regarde cet excellent document qu'Hydro-Québec nous a présenté, Une stratégie pour la décennie 80, je parle du document un peu résumé, je dois constater que lorsque nous aurons aménagé NBR, ce qui est prévu dans le plan d'équipement que nous propose Hydro-Québec actuellement, il va nous rester sans doute dans le plan tel que présenté ici et compte tenu que je ne mets pas en question les prévisions d'Hydro-Québec, un certain nombre de rivières, mais qui coûtent de plus en plus cher. Ce qui me frappe, c'est que très rapidement elles dépassent le coût du nucléaire et même, elles vont jusqu'à dépasser assez rapidement le coût d'une centrale au charbon. La question que je me pose: si j'ajoute, à ce coût de production, le coût de transport d'électricité jusqu'au Tennessee Valley Authority, qui est l'exemple que vous utilisez, il y a des chances que l'électricité livrée au Tennessee Valley Authority soit passablement élevé. On sait, par exemple, que dans le Tennessee ils ont de vastes gisements de charbon. Mais on peut se poser la question: pourquoi Tennessee Valley Authority ne mettrait-elle pas en développement ses gisements de charbon pour construire des centrales au charbon? Cela lui donnerait, de toute façon, de l'électricité meilleur marché que notre coût de production auquel il faut ajouter nos coûts de transport très élevés.

Cette question de vente me pose une question de deux ordres. Le premier ordre, c'est: est-ce que notre prix de vente aux États-Unis ne sera pas trop élevé pour que le client américain soit véritablement intéressé? La question de deuxième ordre, c'est: si, effectivement, le coût est plus faible que ce qui est anticipé ici, le Québec ne sera-t-il pas lui-même intéressé à mettre la main sur cette richesse naturelle avant peut-être l'année 2000, 2005 et, par conséquent, ne veuille peut-être pas le vendre à long terme?

Le Président (M. Jolivet): M. Bouliane.

M. Bouliane: Si le coût énergétique est trop élevé pour la Tennessee Valley Authority ou pour PASNY ou n'importe qui, il l'est trop pour nous aussi. Moi je suis venu ici surtout parce que je ne veux pas que mon crédit soit pénalisé par des projets très dispendieux qui vont être faits un petit peu

partout, avec des coûts de financement qui n'en finissent plus, des augmentations de 15% et de 20% annuellement dans notre coût énergétique. Ce que je venais dire ici tout simplement, c'est qu'avant d'aller faire ces projets, il faut faire très attention. Il est probable, il est même possible que des découvertes vont être faites à n'importe quel niveau, que ce soient les piles solaires, la fission, la fusion, etc. Tout le monde nous vient avec des idées. Je me dis qu'avant d'aller là-bas, il faudrait s'assurer que c'est réellement rentable. Si, comme vous dites, le nucléaire, à ce moment, devient beaucoup moins cher, il faut penser au point de vue économique et s'arranger pour que le nucléaire ne soit pas dangereux. Et si parce qu'on le rend moins dangereux il devient trop cher, il faudra peut-être penser à aller à la rivière et essayer de faciliter le financement des projets. C'est dans cet esprit que je suis venu ici.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Merci, M. le Président. M. Bouliane, je veux vous remercier au nom de l'Opposition officielle pour votre mémoire. Je comprends que vous soyez soucieux des augmentations des tarifs et des coûts d'investissements d'Hydro-Québec. Cette préoccupation est partagée par beaucoup, par nous et, je crois bien, par l'ensemble de la population. Si je comprends, vous cherchez des solutions pour essayer de trouver des moyens par lesquels on pourrait minimiser, pour le consommateur, les augmentations possibles. Vous essayer de trouver, premièrement, des moyens de financement qui pourraient réduire le fardeau fiscal d'Hydro-Québec et, par conséquent, le fardeau fiscal du consommateur, et je partage entièrement cette préoccupation avec vous. D'ailleurs nous l'avons soulevé à maintes reprises avec Hydro-Québec. Peut-être votre suggestion sur la façon de financer n'est-elle pas tout à fait orthodoxe, dans le sens que ce n'est pas dans les habitudes des institutions financières ou d'Hydro-Québec de se financer de cette façon, mais parfois ça porte au moins à l'attention de la population ce souci que vous avez et que nous avons tous de chercher et trouver d'autres moyens soit de le financer ou soit de développer nos ressources énergétiques.

Parfois c'est par des suggestions de ce genre que viennent des idées qui pourraient être mises en application, pas nécessairement de cette façon, mais au moins vous faites réfléchir les gens auxquels vous faites ces représentations. Il y a une portion de la population qui est concernée par ces augmentations.

Il y a un autre aspect. Quand vous parlez du développement des rivières moins importantes, plus petites, peut-être que ça rejoint la pratique qui existe dans d'autres pays où des petites rivières peuvent être développées pour des fins hydrauliques par des individus, des sociétés ou des coopératives et l'État est obligé d'acheter l'électricité qui est produite par ce développement. Cela libère une société d'État géante, comme Hydro-Québec, de faire ces petits développements, ça permet le développement de ces petites rivières pour une production hydroélectrique qui ne serait pas autrement produite et ça fait vraiment le travail que la société d'État, Hydro-Québec, devrait faire.

Peut-être serait-ce une suggestion que le gouvernement pourrait prendre en considération pour le développement de ces petites rivières et que vous avez proprement apportée à notre attention.

Une question. Vous suggérez que, dans le développement des plus petites rivières dont l'aménagement n'intéresse pas une société comme Hydro-Québec, cette énergie reste à l'intérieur de nos frontières. Y a-t-il une raison particulière pour limiter ça? Pouvez-vous expliquer pourquoi vous voulez limiter le développement pour que ça produise de l'électricité seulement pour les fins du Québec, sans en exporter?

M. Bouliane: Je pense à la rivière Richelieu. Je pense à une usine - elle s'appelle Sivaco ou Ivaco - qui est non loin de là. Elle a quelques milliers d'employés. Elle en aurait peut-être encore quelques milliers de plus si avec ses profits qui sont quand même considérables elle pouvait construire le barrage... c'est-à-dire qu'il y a déjà un barrage existant, mais l'utiliser, prendre l'énergie, l'envoyer à son usine, ne pas la mettre dans le système d'Hydro-Québec, la conserver pour elle. C'est dans ce sens que je disais que les débits de petites rivières devraient être vendus au plus offrant. Cela pourrait être une municipalité, mais je pensais surtout à des industriels locaux ou même de l'extérieur.

De plus, vous avez dit tout à l'heure aussi que le mode de financement n'était pas orthodoxe. Anciennement, le financement se faisait avec ce qu'on appelait des émissions qui étaient indexées sur l'or.

M. Ciaccia: "A joint stock company" dans l'ancien temps, non?

M. Bouliane: Non, je parle tout simplement de "gold back securities"...

M. Ciaccia: Ah, oui.

M. Bouliane: ...et présentement, cela recommence un peu. Je ne vous apprendrai rien. Le Wall Street Journal l'a dit; la

plupart des sociétés énergétiques dans le moment aux États-Unis ont de graves difficultés. Les compagnies ne sont pas chanceuses aux États-Unis. Elles font face à des commissions qui les empêchent d'augmenter les prix. Ici, il n'y en a pas. Ici, les prix ne font qu'augmenter. Bell Canada ne peut pas augmenter parce qu'il y a une commission qui l'empêche d'augmenter, mais aux États-Unis, ils ont tous des problèmes à cause de cela. Ils ne sont plus capables de vendre de bons sur le marché avec les taux d'intérêt qu'on leur connaît.

Tout ce que je suggère, c'est de payer les intérêts avec de l'électricité et d'en garder une bonne partie pour nous - c'est tout - cette électricité pouvant sortir ou rester.

M. Ciaccia: Quant à l'autre aspect de votre mémoire, vous mentionnez que le Tennessee Valley Authority pourrait acheter ses unités et l'acheteur éventuel s'occuperait de faire acheminer l'électricité jusqu'à ses portes. Il y aurait peut-être un problème technique pour l'acheminement parce que je crois qu'il y a des limites dans lesquelles l'électricité peut être transportée et distribuée. Par exemple, on va développer Grande Baleine et on va acheminer l'électricité jusqu'à Montréal et peut-être jusqu'à New York, mais au-delà d'une certaine distance, cela devient un problème technique. Je crois que la technologie, si je comprends bien, n'a pas encore été développée à ce point où l'électricité pourrait être acheminée... Par exemple, on ne pourrait pas acheminer de l'électricité de Montréal jusqu'en Californie. La technologie n'est pas là. L'exemple que vous avez donné peut créer certains problèmes techniques.

M. Bouliane: Mais je ne pensais pas d'envoyer le courant de Grande Baleine directement là-bas, mais il y a des échanges qui se font, c'est-à-dire que New York vendrait ce qu'elle a sur sa frontière sud au Tennessee pendant que sur le nord, elle le prendrait. Je pensais surtout en termes de transfert beaucoup plus que d'envoyer notre propre électricité là-bas.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Gouin.

M. Tremblay: Merci beaucoup, M. le Président. Par mesure de précaution, j'aimerais demander à M. Bouliane s'il a un avion à prendre avant 23 heures.

M. Bouliane: Non, j'ai un véhicule en bas.

M. Tremblay: Non?

M. Ciaccia: Ne me dites pas que vous voulez parler jusqu'à 23 heures!

M. Tremblay: Je crois, tout d'abord, qu'il convient de vous féliciter de la démarche que vous faites présentement. Cela prend un certain courage de prendre le temps de rédiger un mémoire et venir en discuter à l'Assemblée nationale sur un sujet qui est important, mais qui est aussi complexe.

Je note que vous manifestez une confiance dans la possibilité de résoudre les problèmes énergétiques et vous faites un acte de foi dans la possibilité pour le Québec de se servir de ses richesses hydroélectriques pour être à l'avant-garde de la solution du problème de l'énergie sur notre territoire.

Votre mémoire est relativement succinct, mais contient des idées qui ne sont pas nécessairement à rejeter du revers de la main. Je pense que le problème du financement, qui a été touché seulement de façon indirecte par la plupart des mémoires, et même par Hydro-Québec puique que nous n'avons eu l'occasion d'en discuter que pendant une quinzaine ou une vingtaine de minutes, est un problème fondamental, en période d'inflation comme celle que nous vivons présentement.

Le fait que nous ayons un monopole d'État au Québec, possédé par conséquent en totalité par le gouvernement, oblige cette société à se financer par des obligations, lesquelles comportent des taux d'intérêt, lesquels taux d'intérêt en période d'inflation, évidemment, sont très élevés. Hydro-Québec a emprunté, il y a quelques jours, à tout près de 14% et à des taux légèrement plus élevés au cours de l'année, en tenant compte de l'escompte sur l'obligation vendue à des taux très élevés. Alors qu'une entreprise privée habituellement finance une partie de ses immobilisations par du capital-actions qui, lui, ne rapporte pas d'intérêts et est gratuit jusqu'à ce qu'il y ait des dividendes à payer et ne finance qu'une partie de ses immobilisations par des emprunts obligataires. La règle courante c'est du 40/60, c'est-à-dire 40% d'équité et 60% d'obligations. Même les entreprises privées présentement en période d'inflation ont tendance à vouloir diminuer les emprunts sur obligations, puisqu'ils sont tellement coûteux, afin d'émettre des actions qui, elles, évidemment, permettent d'attirer des capitaux qui partagent les risques des investissements.

Dans une situation comme celle que nous vivons présentement, il est évident qu'Hydro-Québec aurait intérêt théoriquement à émettre des actions sur le marché, parce que ce serait la façon la plus économique de financer des projets d'investissements. En ce faisant, son coût moyen de financement deviendrait plus bas et certains projets d'investissements - et je regrette que M.

Bédard ait déjà pris son avion, parce que je ne savais pas que votre mémoire était aussi intéressant par le sujet qu'il soulève, même si, au niveau technique, peut-être qu'il y a des choses à préciser - s'ils étaient escomptés par un taux d'intérêt plus bas, un taux moyen plus bas, deviendraient rentables et permettraient un développement. (22 h 15)

Donc, par votre technique de financement, celle que vous proposez ici, vous posez un problème très sérieux. Est-ce que le monopole d'État d'Hydro-Québec devrait demeurer entier, à 100%? Est-ce que l'État ne devrait pas un jour sonqer à émettre des actions dans la population au lieu de se financer uniquement par le truchement des obligations, à supposer que l'inflation aille en se maintenant ou en s'accélérant, parce qu'en poussant un peu à l'extrême, on a vu d'autres sociétés, avec les gouvernements souvent irresponsables qu'on a, qui font marcher la planche à billets et qui créent de l'inflation où les taux d'intérêt deviennent 30%, 40%, 50%? Évidemment, à des taux d'intérêt semblables pour des projets qui ont une utilité économique de 50 ans comme un barrage hydroélectrique, cela devient impossible à financer par des obligations. Il faut trouver d'autres méthodes de financement. Nous sommes dans une période inflationniste comme nous n'en avons jamais vécu, nous, en Amérique du Nord depuis au moins 50 ans et même je pense qu'historiquement, nous n'avons jamais vécu une période inflationniste aussi rapide. En Europe, en Allemagne, on a vécu des périodes semblables.

Vous êtes le premier à proposer cela. Vous ne le dites pas de façon formelle dans votre mémoire, mais c'est sous-jacent. Est-ce que le mécanisme de financement par des actions ne devrait pas être considéré? Le gouvernement peut toujours garder le contrôle d'une société d'État en ne détenant pas 100% des actions. Pour contrôler une compagnie, on le voit avec Abitibi Price, ces jours-ci, souvent une minorité, un bloc minoritaire des actions permet à un propriétaire de contrôler une société. Dans le cas d'un gouvernement, évidemment, ceci peut certainement se produire. J'aimerais vous demander si c'était un peu l'idée que vous aviez derrière la tête.

M. Bouliane: Évidemment, je vois chaque rivière développée individuellement par des sociétés différentes de rivière en rivière et avec un risque différent soit pour les investisseurs ou les acheteurs d'actions; en fait, c'est ça mon idée, pour enlever, comme vous dites, de sur mon dos le financement de projets qui peut-être ne sont pas bons.

M. Tremblay: M. Bouliane, vous semblez me dire que ce qui vous préoccupe, ce sont les rivières marginales trop petites pour qu'Hydro-Québec s'en occupe. Je croyais, moi, que vous remettiez pratiquement en question le monopole d'État.

M. Bouliane: Je le remets en question. Tout d'abord, il y a les petites rivières. Je les laisse carrément au plus offrant, mais, ensuite, il y a les gros projets qui, dans le moment, commencent à pénaliser le crédit du Québec. C'est mon opinion. Je n'ai peut-être pas raison. Moi, je dis qu'Hydro-Québec, à partir d'aujourd'hui, lorsqu'elle a un très gros projet, devrait soit trouver une formule de financement pas orthodoxe ou tout simplement émettre des actions pour ledit projet. De cette façon, cela n'entacherait pas le crédit actuel d'Hydro-Québec. On aurait le projet quand même. On ferait travailler tout le monde. On pourrait faire dix projets de front sans du tout faire de difficulté à la qualité financière d'Hydro-Québec parce qu'on aurait énormément d'investisseurs qui seraient prêts à investir dans l'énergie. C'est simple, c'est ça, en fait, que je suis venu vous dire.

M. Tremblay: M. le Président, lors du témoignage d'Hydro-Québec, mardi, nous n'avons passé que 15 à 20 minutes sur cette question du financement. Je suis très heureux, pour ma part, que M. Bouliane ait amené ce sujet devant la commission. Je vois, dans l'auditoire, le président d'Hydro-Québec qui est très attentif à cette question. Les sujets qui sont soulevés par le mémoire de M. Bouliane devraient peut-être faire l'objet, même si au plan technique il y a peut-être certaines faiblesses, parce que M. Bouliane n'est sans doute pas un expert et n'a pas toutes les facilités de consultation et d'expertise pour dégager des solutions, d'études plus poussées, entre autres - et, ça je le dis à l'adresse du président du conseil d'administration d'Hydro-Québec - concernant le taux d'escompte qu'Hydro-Québec utilise présentement pour déterminer la rentabilité de ses projets hydroélectriques.

J'ai mentionné le taux d'inflation tout à l'heure. Ce taux d'inflation peut continuer à se maintenir avec des taux d'intérêt de 14% et 15%. Je me rappelle que M. Lafond ou M. Fontaine, un des hauts fonctionnaires d'Hydro-Québec, nous disait que, pour l'accélération des projets d'investissements, on avait utilisé un taux d'escompte de 14% et qu'à ce taux de 14% l'accélération ne donnait ni perte, ni gain. Donc, en utilisant des taux d'escompte aussi élevés que ceux-là, on aboutit à une rentabilité assez grande de nombreux projets au Québec, même ceux qui sont marginaux dans la phase II du plan d'équipement.

Et, rattaché à cela, il y a toute la question de savoir si on ne devrait pas

utiliser un taux d'escompte qui épurge, en quelque sorte, du taux d'intérêt une inflation qui ne peut pas être permanente jusqu'à la fin des siècles, un taux réel d'intérêt en quelque sorte. Je pense que c'est une question technique qu'il vaut la peine de creuser; d'autant plus qu'Hydro-Québec étant un monopole d'État dépendant du gouvernement pour la fixation de ses tarifs et non pas uniquement des seuls marchés, il y a possibilité de garantir des hausses de tarifs pendant une période très longue pour couvrir l'inflation. D'ailleurs, nous étions arrivés à la conclusion, mardi, qu'au cours des dix prochaines années Hydro-Québec pourrait se contenter de tarifs d'électricité qui ne fassent que couvrir l'inflation.

Or, devant cette possibilité qui existe d'avoir des tarifs qui couvrent l'inflation, il faut s'interroger sur le taux d'escompte pour calculer le rendement des projets. L'Hydro n'est-elle pas trop conservatrice dans sa pratique actuelle du calcul de la rentabilité de ses projets? Je suis très heureux que ce soit M. Bouliane, grâce à son mémoire, qui nous amène à soulever ce problème pour la première fois en commission parlementaire. Si vous avez d'autres remarques à ajouter aux miennes, M. Bouliane, comme vous n'avez pas d'avion à prendre, vous pouvez peut-être les faire valoir.

M. Bouliane: J'avais plus de 40 pages dans mon mémoire et je l'ai ramené à deux pages en me disant qu'il serait préférable de mettre seulement l'essentiel dedans que de mettre des détails.

M. Tremblay: Ah, vous êtes trop modestel Les gouvernements publient des tonnes de papier. Deux pages, on considère que ce n'est pas assez sérieux. Il faudrait...

M. Bérubé: Un encouragement à notre industrie des pâtes et papiers d'ailleurs.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Frontenac.

M. Grégoire: M. le Président, je ne serai pas long. Je veux simplement ajouter ma voix à celles du député de Mont-Royal et du député de Gouin pour féliciter M. Bouliane d'être venu ici présenter son mémoire. En fait, c'est vrai - comme le soulignait le député de Gouin - que M. Bouliane est le premier à parler de financement. Il a un peu, si on peut dire, bouclé la boucle, le cercle de la boucle. Alors qu'il y a des personnes ou des organismes qui sont venus témoigner pour demander l'accélération des projets, qu'Hydro-Québec de son côté dit: C'est difficile de devancer, on a des problèmes de financement, M. Bouliane arrive et dit: Résolvons le problème du financement en essayant d'émettre des unités d'actions pour faire financer ces développements par les utilisateurs futurs des barrages. C'est un peu votre principe du financement. Si on doit exporter de l'électricité, disons aux Américains d'avance: Payez tout de suite, vous aurez plus tard de l'électricité parce que cela prend du temps à faire un barrage. Tout comme le type qui se construit une maison embauche un entrepreneur, lui donne un acompte et paie au fur et à mesure des travaux, quitte, lui, et non pas l'entrepreneur, à emprunter l'argent pour payer l'entrepreneur au fur et à mesure que la maison se construit. Cela vient boucler la boucle.

Si, d'un côté, des organismes comme les constructeurs de grands travaux, l'Association des constructeurs de routes du Québec, les citoyens de la Côte-Nord qui sont venus tout à l'heure, l'Association des ingénieurs-conseils du Québec et ceux du Lac-Saint-Jean, qui demandent l'accélération d'un projet sur une rivière là-bas et tout cela, viennent nous demander d'accélérer les travaux, si le problème est un problème de financement et si on peut trouver - je ne dis pas que c'est là - la méthode de financement, je vais faire le même... Vous nous avez présenté en deux pages ce que vous aviez écrit en 40 pages et je suppose que les 38 autres pages doivent détailler un peu plus votre mode de financement. Mais le principe est là, c'est de faire payer au fur et à mesure de la construction des travaux ceux qui auront à utiliser cette électricité plus tard, tout comme le gars qui achète une maison, paie au fur et à mesure que la maison se construit, quitte à lui, l'acheteur, à hypothéquer sa maison et à emprunter. Ce n'est pas l'entrepreneur qui finance la maison.

M. le Président, je voudrais féliciter M. Bouliane. Je me dis qu'il y a peut-être quelque chose là, mais d'une manière ou d'une autre, il a quelque chose certainement dans l'idée. Il va falloir trouver d'autres modes de financement si ceux qu'on a présentement, ceux qu'on connaît présentement, qui sont devenus astronomiques, c'est rendu à $2 milliards, $2,5 milliards, on parle de $8 milliards, en 1989 et 1990... Évidemment, plutôt que de faire payer aux usagers actuels la production d'électricité qui servira dans dix ans, douze ans, si on peut le faire payer par les utilisateurs d'alors, l'exportation entre autres pour les travaux accélérés, j'en suis, et je félicite M. Bouliane pour cela.

Le Président (M. Jolivet): Merci, M. Bouliane. En terminant nos travaux ce soir, avant d'ajourner à demain dix heures, je vais d'abord donner l'ensemble des groupes qui vont venir demain.

Il y a d'abord Trans-Québec et

Maritimes, la Chambre de commerce et d'industrie du Québec métropolitain, pour dépôt seulement, l'Office de la protection du consommateur, le Conseil régional de l'Environnement de l'Est du Québec, pour dépôt seulement, le Conseil régional de développement de l'Est du Québec et la Ville de Matagami, ce gui nous donne six mémoires à venir dont deux pour dépôts. Ce gui nous donne, dans la marge de manoeuvre de vendredi, une possibilité de terminer un peu plus tôt que ce soir et les soirs précédents.

M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: M. le Président, dans l'avis gue nous avions reçu du bureau du cabinet du leader du gouvernement, vendredi, soit demain, devait comparaître l'Association environnement Archipel. Est-ce gue vous pouvez nous expliguer pourguoi ses porte-parole ne seront pas entendus demain?

Le Président (M. Jolivet): Tout ce gue je sais, après renseignements, c'est gue l'Association environnement Archipel viendrait mardi, mais on ne m'en a pas donné les raisons. Donc est-ce à leur demande ou pour d'autres raisons gue je ne connais pas? Cela arrive des fois que des gens sont prévus dans un horaire qu'on avait d'abord préétabli, mais qui, pour des raisons diverses, demandent d'être changés de place.

M. Ciaccia: J'espère qu'ils n'ont pas été retardés par le gouvernement, parce qu'on ne veut pas les entendre. J'espère que ce n'est pas cela du tout.

Le Président (M. Jolivet): On m'a dit qu'ils viendraient mardi prochain.

M. Bérubé: II s'agit là d'un projet tellement intéressant.

Le Président (M. Jolivet): Donc, j'ajourne les travaux à demain matin, dix heures, avec l'espoir qu'on puisse terminer très tôt demain après-midi.

Une voix: Oui, M. le Président.

(Fin de la séance à 22 h 27)

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