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(Dix heures dix minutes)
Le Président (M. Jolivet): À l'ordre, s'il vous
plaît!
Bonjour! La commission parlementaire de l'énergie et des
ressources est à nouveau réunie aux fins d'entendre les personnes
ou organismes qui veulent faire des représentations relativement au plan
d'équipement et de développement 1981-1990 de la
société Hydro-Québec.
Les membres de cette commission sont: M. Bérubé (Matane),
M. Biron (Lotbinière), M. Bordeleau (Abitibi-Est), M. Ciaccia
(Mont-Royal), M. Desbiens (Dubuc), M. Fontaine (Nicolet-Yamaska), M. Fortier
(Outremont), M. Grégoire (Frontenac), M. Perron (Duplessis) et M.
Tremblay (Gouin).
Les intervenants sont: M. Brochu (Richmond), M. Dussault
(Châteauguay), M. Giasson (Montmagny-L'Islet), M. Lévesque
(Kamouraska-Témiscouata), M. Mercier (Berthier), M. Michaud (Laprairie),
M. Rancourt (Saint-François) et M. Samson (Rouyn-Noranda).
Le rapporteur de cette commission est toujours M. Denis Perron, de
Duplessis.
Les mémoires que nous entendrons aujourd'hui sont ceux de
Trans-Québec et Maritimes, la Chambre de commerce et d'industrie du
Québec métropolitain pour dépôt seulement, de
l'Office de protection du consommateur, du Conseil régional de
l'environnement de l'Est du Québec, pour dépôt seulement,
du Conseil régional de développement de l'Est du Québec et
de la ville de Matagami. Aux gens qui sont ici présents, nous tenons
à rappeler que les règles du jeu, c'est toujours dans l'enveloppe
d'une heure, plus ou moins; les gens qui présentent des mémoires
doivent utiliser environ 20 minutes au maximum et, de chaque côté
de cette table, de la même façon, 20 minutes du côté
du gouvernement et, 20 minutes du côté de l'Opposition.
En espérant que cette journée sera profitable, j'invite
donc M. John K. Archambault, de Trans-Québec et Maritimes, à bien
vouloir nous présenter d'abord les membres qui l'accompagnent et ensuite
à faire lecture de son mémoire. M. Archambault.
Gazoduc Trans-Québec et Maritimes Inc. M. Archambault (John
K.): Merci, M. le Président. Je vous présente à ma
gauche, donc à votre droite, M. André Lizotte, directeur
général des communications à Trans-Québec et
Maritimes, et à côté de lui, M. Marc Fortier,
vice-président aux affaires juridiques et réglementaires à
Trans-Québec et Maritimes. À ma droite, vous avez M. Jean
Richard, membre associé du groupe d'ingénierie Lalonde, Girouard
et Letendre.
M. le Président, M. le ministre, MM. les députés,
plutôt que de lire le mémoire in extenso, je préfère
lire un résumé des points saillants du mémoire. Je vais
d'abord vous remercier de cette occasion de commenter le programme
d'équipement et d'investissement d'Hydro-Québec.
Le Québec se trouve à l'aube des années
quatre-vingt dépendant à 65% du marché du pétrole,
mais sans pour autant être un prisonnier à vie de sa
dépendance du marché international, mais plutôt, à
notre point de vue, disposant d'options qui pourront sensiblement
élargir sa marge d'autonomie et lui permettre d'atteindre un meilleur
équilibre de son bilan énergétique.
Le but du mémoire que soumet la société Gazoduc
Trans-Québec et Maritimes est justement de souligner le rôle du
gaz naturel dans l'avenir québécois et de démontrer
l'étroite compatibilité qui liera le gaz et
l'électricité dans l'avenir.
Loin de gêner le développement des ressources hydrauliques
du Québec, la venue du gaz naturel permet au contraire une planification
plus rationnelle des investisssements énergétiques, plus de
souplesse pour éviter une demande de pointe trop contraignante et un
éventail de choix plus large et certainement plus avantageux pour les
consommateurs dans les secteurs industriel, commercial et
résidentiel.
En fait, non seulement le gaz et l'électricité sont des
sources d'énergie qui se complètent, mais elles doivent
être considérées comme faisant toutes deux partie
intégrante d'un programme énergétique
québécois. C'est dans ce contexte que j'aimerais d'abord discuter
de TQ et M et du prolongement du gazoduc pancanadien au Québec.
Trans-Québec et Maritimes fut créée en avril 1980,
le produit de la fusion des projets des sociétés TransCanada
Pipelines et de Q et M Pipelines, filiale de Novan, qui toutes deux entendaient
prolonger le gazoduc de l'Alberta au-delà de Montréal.
Depuis 1958, après le parachèvement du gazoduc canadien
jusqu'à Montréal, la région métropolitaine
était, à peu de choses près, la seule grande région
du Québec à avoir accès au gaz naturel de l'Ouest
canadien. (10 h 15)
II faut se rappeler qu'il n'était pas non plus
immédiatement avantageux pour le Québec d'accroître son
approvisionnement en gaz naturel à cette époque en raison de la
faiblesse des prix du pétrole sur les marchés internationaux et
sa grande abondance.
Toutefois, depuis le quadruplement des prix du pétrole en
1973-1974, les gouvernements fédéral et provincial ont
décidé de réduire le plus possible la consommation du
pétrole, plus particulièrement du pétrole importé,
en lui substituant d'autres formes d'énergie. Le gaz naturel constitue
un atout privilégié pour la réalisation de cet objectif
puisque le Canada en dispose en abondance. D'ailleurs, dès 1978, dans
son livre blanc sur l'énergie, le gouvernement du Québec avait
parlé de doubler la pénétration du gaz naturel sur le
marché québécois soit de la faire de 6% à 12%.
C'est dans ce contexte, M. le Président, que, l'an dernier,
l'Office national de l'énergie autorisait la première
étape du prolongement du gazoduc. Cette étape s'effectuera sur
une distance de près de 1000 milles au Québec et rendra le gaz
naturel accessible à un bon nombre de régions, soit la
région située dans l'axe Montréal-Québec, les
Cantons de l'Est, les Bois - Francs, la Beauce, Charlevoix et le
Saguenay-Lac-Saint-Jean. Il s'agit d'un investissement de près de
$500,000, excluant, bien sûr, des investissements semblables
nécessaires à la construction des réseaux de distribution
qui seront raccordés au nouveau gazoduc. Viendront s'ajouter les
investissements pour la conversion d'équipement. On prévoit que
le réseau transportera, en 1990, 136,5 milliards de pieds cubes
additionnels de gaz naturel au Québec, en dehors des territoires
déjà sous franchise, l'équivalent de près de
$900,000,000 de pétrole importé au prix actuel. Ce projet est
possible, d'abord, parce qu'il reflète une volonté politique
claire d'accroître la pénétration du gaz au Québec
et, par conséquent, de donner plus de flexibilité aux
Québécois dans leur choix de consommation.
Le livre blanc sur l'énergie, comme je le disais plus tôt,
visait un taux de pénétration de gaz naturel passant de 6%
à 12%. Plus tard, en janvier 1980, devant l'Office national de
l'énergie, le gouvernement du Québec déclarait que la
pénétration du gaz devrait facilement atteindre entre 15% et 16%
d'ici 1990. Un peu plus tard, toujours en 1980, M. le ministre de
l'Énergie et des Ressources disait, dans une entrevue qu'il avait
accordée au Devoir, que la part du gaz naturel dans le bilan
énergétique pourrait peut-être atteindre 25% en 1990.
Cette volonté politique exprimée à plusieurs
reprises par le qouvernement provincial a été renforcée en
octobre dernier par le programme énergétique national, lequel
prévoit de nombreuses incitations à l'utilisation du gaz naturel.
Entre autres, le prix du gaz naturel sera fixé à environ 67% du
prix du pétrole sur le marché canadien et la zone tarifaire de
l'Est inclura le Québec. Deuxièmement, le gouvernement
fédéral subventionnera à 50% jusqu'à concurrence de
$800 les coûts de conversion des appareils de chauffage.
Troisièmement, les distributeurs de gaz naturel auront
accès à des subsides fédéraux
supplémentaires pour combler le solde des frais de conversion ou pour
rentabiliser des des projets additionnels. Finalement, la transformation des
raffineries existantes pour réduire la production du mazout lourd
favorisera la pénétration de gaz naturel.
Vient s'ajouter à ces objectifs de la politique
énergétique du Québec et du gouvernement
fédéral, le fait de l'abondance du gaz naturel canadien.
Contrairement à ce que semble laisser entendre Hydro-Québec dans
son document intitulé Une stratégie pour la décennie 80,
je cite: "Le Québec ne dispose pas de réserves de pétrole
et ne peut compter que sur des apports limités de gaz naturel canadien,"
le Canada, nous le prétendons, dispose, au contraire, d'énormes
réserves de gaz naturel. En 1979, l'Office national de l'énergie
concluait son rapport sur les besoins et approvisionnements de gaz naturel en
affirmant qu'il existait au pays un surplus de gaz naturel canadien d'environ 2
milliards de pieds cubes ou 2000 milliards, c'est-à-dire autrefois
TCF.
Depuis quelques années, l'Office national de l'énergie ne
cesse de réviser à la hausse les réserves de gaz naturel
canadien, ce qui lui a même permis de consentir des exportations
additionnelles de gaz vers les États-Unis. Cette année, l'Office
national de l'énergie poursuit son enquête sur les besoins et
approvisionnements canadiens en énergie. Tous les intervenants sont de
l'avis que les réserves de gaz naturel conventionnelles sont suffisantes
pour satisfaire à la croissance de la demande intérieure -
résultant incidemment du prolongement du gazoduc au Québec et
dans les provinces de l'Atlantique, ainsi qu'à l'île de Vancouver
- et aux exportations prévues. On anticipe les réserves
additionnelles provenant de l'ÎIe-des-Sables et des îles de
l'Arctique qui viendront encore gonfler ces prévisions.
Devant cette conjugaison d'une forte volonté politique et de
l'abondance des réserves de gaz naturel canadien, le scénario de
pénétration du gaz de 6 à 12% que
propose Hydro-Québec nous paraît trop faible. Ce
scénario ne semble pas tenir compte des nouvelles incitations dont
bénéficie le gaz et suppose un manque à
pénétrer, à notre avis, qui est trop grand. De plus, il ne
déplacerait qu'environ l'équivalent de 45,000 barils de
pétrole par jour, ainsi que l'équivalent de 500 MWh
d'électricité. D'autre part, toutes nos études nous
rapprochent d'un seuil de pénétration de l'ordre de 16%, lequel
déplacerait l'équivalent de 85,000 barils de pétrole par
jour ou 40% du pétrole que le Québec achète
présentement sur le marché international. De plus, TQM pourra
remplacer environ 1000 MWh d'électricité, soit
l'équivalent de LG 1 ou d'un projet de turbines à gaz
décrit dans le programme d'équipement. C'est-à-dire,
à toutes fins utiles, qu'il y a 1000 MWh qui, en 1990, n'auront pas
besoin d'être produits.
J'ajouterai que si le gaz devient disponible dans des régions
plus nombreuses, il pourra atteindre un taux de pénétration de
18% d'ici 1990 et même de 18% à 22% d'ici 1995. Il faut se
rappeler que le taux de pénétration dans la région de
l'agglomération montréalaise a déjà
dépassé le seuil de 18%.
À 18% de seuil de pénétration, le gaz naturel
permet de déplacer 115,000 barils de pétrole par jour en 1990,
soit l'équivalent de 52,5% du pétrole qu'achète
aujourd'hui le Québec sur les marchés internationaux. Le
déplacement d'électricité correspond à environ 1200
MWh.
Avec ces taux de pénétration, nos études indiquent
qu'en 1990, le secteur industriel représenterait 60% des ventes de gaz
naturel. Le gaz représente un avantage certain pour plusieurs
industries. Lorsqu'un procédé nécessite une flamme propre
et non contaminante et que le contrôle de la température compte
pour une part importante du procédé, il y a là un vaste
champ d'application pour le gaz, d'autant plus que le coût du gaz est
avantageux et qu'il offre des attraits évidents au niveau de la
manutention du stockage. Qu'il suffise de rappeler qu'on connaît au gaz
naturel plus de 26,000 usages industriels. Il est déjà connu que
certaines industries attendent de connaître la disponibilité du
gaz dans certaines régions avant d'arrêter leur décision de
localisation.
Dans le secteur résidentiel, qui représenterait environ
20% des ventes de gaz, nous sommes convaincus que l'avantage que
présente le gaz au niveau des coûts de chauffage et de la
sécurité sera irrésistible pour de nombreux
Québécois. Nous visons surtout le marché des conversions
des domiciles, où nous estimons que le coût de capital de
conversion du pétrole à l'électricité est presque
le double du coût de conversion du pétrole au gaz naturel. La
venue du gaz dans le secteur résidentiel offre des avantages importants
à Hydro-
Québec.
D'ici 1995, un taux de pénétration de 18% à 22%
implique un déplacement d'environ 140,000 barils de pétrole. Aux
prix actuels, nous parlons donc, pour la balance des paiements, d'une
économie de $1,9 milliards par année. Ceci correspond à
63,9% du pétrole que le Québec achète sur le marché
international. Le déplacement de l'électricité serait
alors d'environ 1700 MWh. Hydro-Québec, comme le témoigne son
programme d'investissements, anticipe une très forte demande de pointe
dans les années quatre-vingt. On prévoit même un projet de
turbines au gaz pour aider à satisfaire à cette demande. Nos
études sur le coût marginal du chauffage démontrent
qu'à ce moment-ci le coût marginal de l'électricité
pour le chauffage, tenant compte de l'efficacité thermique, serait, par
milliard de BTU, plus de trois fois plus élevé que le prix du gaz
naturel. Or, dans le secteur résidentiel, le gaz naturel pourrait
prendre à sa charge, en 1990, une partie de la demande de pointe, soit
120 MWh et 16,000 barils de pétrole par jour, de mazout léger no
2.
En l'absence du gaz naturel, ces mêmes 16,000 barils seraient
éventuellement, tôt ou tard, devenus de
l'électricité de pointe. En conséquence, une des
contributions significatives de la venue de TQM est la prise en charge
d'environ 1000 MWh d'énergie de pointe. Cette contribution aiderait le
Québec en général dans la mesure où un
investissement prévu serait non nécessaire à la
communauté et où les fonds seraient alors disponibles pour des
fins d'industrialisation plus productive.
Pour le secteur commercial comme pour le secteur résidentiel,
l'avantage "coût et sécurité" nous laisse croire qu'il
représentera 20% des ventes de gaz.
En conclusion, je termine cet exposé sur une note
évidemment plus optimiste quant à la pénétration du
gaz naturel qu'Hydro-Québec prévoit dans son plan
d'investissement et d'installation. Nos prévisions reposent sur des
hypothèses déjà entérinées par l'Office
national de l'énergie, sur l'abondance du gaz naturel canadien ainsi que
sur les comparaisons des coûts du gaz et des autres sources
d'énergie. Nous reconnaissons la volonté politique du
Québec de rééquilibrer son bilan énergétique
et sommes convaincus que le gaz peut y jouer un rôle appréciable.
Dans l'immédiat, c'est-à-dire 1981-1990, un taux de
pénétration de 15% à 16% nous semble beaucoup plus
réaliste. Dans un avenir à plus long terme, 1990 à 1995,
nous envisageons un créneau de 18% à 22%, ce qui englobe des
réseaux de transport additionnels, soit par gazoduc, soit par navires
méthaniers.
En plus de l'attrait du gaz naturel pour réduire la
dépendance du Québec à l'égard
du pétrole, son apport sur le plan sectoriel technique est
incontestable. Le gaz est sans doute un facteur d'industrialisation. De plus,
en déplaçant une partie de la demande de pétrole et
d'électricité, le gaz naturel évite la création
d'un fardeau de pointes trop important pour Hydro-Québec. Le gaz et
l'électricité deviendront donc, au cours de la prochaine
décennie, beaucoup plus étroitement liés, tous deux
agissant ensemble comme instruments de transformation de la situation
énergétique du Québec. Une stratégie efficace de
changement doit prévoir que le gaz naturel et
l'électricité seront développés en tandem pour
maximiser leur compatibilité, favoriser les consommateurs dans tous les
secteurs et faire bénéficier les Québécois de la
façon la plus optimale possible des options industrielles qui s'offrent
à eux.
Le Président (M. Jolivet): Merci. Oui.
M. Archambault: Merci, M. le Président. Avant de
procéder aux questions, j'aimerais apporter certaines corrections au
mémoire. Il n'y en a que cinq, mais certaines sont assez importantes. Si
vous me donnez les trois ou quatre minutes nécessaires, j'aimerais le
faire à ce moment-ci.
Le Président (M. Jolivet): Vous pouvez y aller, M.
Archambault. (10 h 30)
M. Archambault: Merci. À la page 3, dans la citation, la
deuxième ligne avant la fin, il y a le chiffre "164 pétajoules"
et cela devrait se lire "264". À la page 11, nous commençons
à discuter du scénario de pénétration de 15%. Dans
le deuxième paragraphe, on lit la phrase qui suit: "En se basant sur nos
études de marché et des secteurs susceptibles de se convertir au
gaz naturel, nous assumons dans le marché des conversions du secteur
industriel un déplacement de 100% du mazout lourd no 6; dans le secteur
commercial, 75% du mazout léger no 2 et 25% de déplacement de
l'électricité; dans le secteur résidentiel, 12% de
déplacement de l'électricité et 88% de déplacement
du pétrole." Ici, effectivement, ce qu'on veut dire, c'est qu'on estime
qu'on pourra capturer 100% du marché industriel potentiel existant. Pour
ce qui est du commercial, on estime, lorsqu'on a développé les
quantités de gaz naturel qui pourront pénétrer ce
marché, que 75% de ces quantités sont présentement ou
auraient, dans l'avenir, été au pétrole. De même,
25% sont présentement ou auraient été à
l'électricité.
Pour le résidentiel, - et c'est là qu'on a peut-être
un peu d'équivoque - nous prévoyons la même chose. On
prévoit une certaine quantité de gaz naturel, 20% de la
quantité totale, qui ira dans le marché résidentiel. Or,
quant à nous, on prétend que de ce 20%, 88% de cette
quantité de gaz naturel résidentiel est pris du pétrole
soit actuel ou futur. Quant au 12% pour l'électricité, nous
prétendons que c'est 12% qui aurait été à
l'électricité, n'eut été de la présence du
gaz naturel.
À la page 13, - permettez-moi de lire les premières lignes
et vous apporter les corrections nécessaires - nous disons: Les
études qu'a entreprises TQM permettent de conclure qu'en 1990, un taux
de pénétration du gaz naturel aux environs de 16%
déplacerait l'équivalent de 85,000 barils de pétrole par
jour. On ajoute: En fait, à 16% de pénétration, si on
convertit le gaz naturel en unités d'équivalence
d'électricité, le projet TQM représente environ 1000 MWh.
Or, ce n'est pas exprimé correctement.
La deuxième phrase devrait se lire: En plus, - plutôt qu'en
fait - à 16% de pénétration, si on convertit le gaz
naturel en unités d'équivalence d'électricité, le
projet TQM - au lieu de "représente" - contribue à
déplacer environ 1000 MWh d'électricité - il faudrait
ajouter "d'électricité" - soit l'équivalent approximatif
de... etc.
À la page 18, au troisième paragraphe, on y lit: II faut
dire aussi qu'en plus de l'avantage coût, le gaz naturel offre des
attraits au niveau de la manutention et du stockage
(l'électricité, par exemple, ne peut être stockée)
ce qui, par le fait même, permet une plus grande flexibilité dans
la planification de la production.
Ici, on essaie de comparer le gaz naturel à
l'électricité. Or, ce n'est pas le cas. C'est le gaz naturel
comme l'électricité ne peut être stocké, mais c'est
le pétrole qu'on doit stocker, mais en fait, le gaz et
l'électricité sur ce plan ont le même avantage.
Finalement, un petit ajout, à la page 21. Dans le secteur
commercial, vous avez un tableau: Source d'énergie, secteur commercial.
Les chiffres que vous y voyez représentent des pourcentages et ce n'est
pas noté.
Le Président (M. Jolivet): Merci.
M. Archambault: Merci, M. le Président.
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.
M. Bérubé: Merci, M. le Président.
Permettez-moi de témoigner mon appréciation pour l'acceptation
par la société TQM de venir soumettre un mémoire à
cette commission parlementaire. Ce mémoire est d'autant plus important
que la pénétration du gaz a fait l'objet de nos réflexions
continues, soit par les distributeurs de gaz qui ont senti le besoin d'insister
sur le fait qu'il ne fallait
pas encourager une pénétration trop rapide de
l'électricité immédiatement, ce qui pourrait bloquer les
marchés du gaz naturel lorsque celui-ci sera disponible dans trois ou
quatre ans.
On a souligné également à quel point le gaz naturel
pouvait représenter un potentiel extrêmement intéressant
sur le plan énergétique et qui pourrait retarder par exemple la
pénétration d'énergie plus dure, comme l'énergie
nucléaire par exemple, donc extensionner notre parc
hydroélectrique.
On a souligné également - et cela vient
d'Hydro-Québec - l'impact de la construction du gazoduc, de tout le
réseau de distribution, sur l'industrie de la construction au
Québec, au cours des années qui viennent. J'aimerais
essentiellement essayer de répondre avec vous à ces
questions.
Prenons d'abord les réserves de gaz. Très
fréquemment, des prévisions de réserves de gaz ont
été pessimistes. En 1977, on a même parlé d'une
pénurie de gaz naturel au Canada. Hydro-Québec nous parle de
réserves d'une trentaine d'années, vingt à trente ans.
Vous semblez beaucoup plus optimiste.
Un élément de problématique qui m'a toujours
inquiété, c'est si nous décidons de favoriser
l'utilisation de l'électricité dans des secteurs où
l'électricité est particulièrement efficace, je pense
à la mécanique et autres éléments que le chauffage,
on se dit: C'est bien. Mais si, d'ici quinze ou vingt ans, tout le monde se
chauffe au gaz et que, dans vingt ans, on n'a plus de gaz et qu'il faut revenir
à l'électricité, nous ne serons guère mieux. Est-ce
que ce n'est pas préférable, à ce moment-là, de se
dépêcher de faire pénétrer
l'électricité, et on verra bien dans quinze ou vingt ans?
Vous semblez beaucoup plus optimiste quant aux réserves de gaz.
Tout récemment, je lisais une plaquette, "Energy Squeeze" où, au
contraire, on a pris une attitude très pessimiste concernant le gaz. On
donne trente ans, mais on dit: II n'y a pas vraiment de nouvelles
découvertes de champs gaziers. Il y a des champs secondaires
résultant de l'accroissement du prix qui nous permettent effectivement
de mettre en valeur des réserves que nous connaissions mais qui
n'étaient pas économiques. Mais on dit qu'il n'y a pas vraiment
de nouvelles découvertes de gaz au Canada, sauf peut-être dans
l'Arctique, dans le Nord. Mais là, on n'est pas trop certain des volumes
en cause.
Et pourtant, elle est capitale, puisque si on nous parle d'abondance de
gaz pour les 50 prochaines années, à ce moment-là, il n'y
a aucun problème de miser sur le gaz, pour le Québec.
J'aimerais avoir, de votre part, votre impression, votre état de
l'estimation des réserves que vous faites au Canada, non seulement des
réserves actuelles, mais également de ce que vous prévoyez
comme évolution des réserves ou de la vie des réserves,
avec l'accroissement de la consommation. On sait, par exemple, qu'à
chaque année de consommation, les réserves ne baissent pas
nécessairement d'une année, puisqu'il y a de nouvelles
découvertes et, par conséquent, on peut même avoir un
accroissement des réserves si le taux de découverte est
supérieur à la consommation.
J'aimerais voir comment vous évaluez présentement la
vitesse à laquelle on développe de nouvelles réserves avec
l'accroissement de la consommation et souhaiterais que vous essayiez de nous
faire des projections sur les disponibilités de gaz naturel pour le
Québec dans les années qui viennent.
Le Président (M. Jolivet): M.
Archambault.
M. Archambault: M. Bérubé, je vais vous
répondre en vous donnant simplement des indices de tendance plutôt
qu'une projection absolue et technique.
Relevant le dernier point que vous avez mentionné, c'est
très clair, depuis quelques années, que le taux de
découverte et de mise en valeur de gaz naturel dans l'Ouest canadien est
supérieur au taux de production, c'est-à-dire qu'il y a des
augmentations des réserves, et cela depuis deux ou trois ans.
Il y a un grand nombre de producteurs, dans l'Ouest canadien, et ils
sont très variés. C'est-à-dire que vous avez d'immenses
entreprises qui sont peut-être un peu plus conservatrices, vous avez des
moyennes entreprises qui sont très agressives, il y a des producteurs
qui s'intéressent à des formations géologiques
particulières, alors que d'autre semblent moins s'y
intéresser.
Où on voit l'optimisme de tout le monde, c'est vraiment un peu
dans le tableau qui est en annexe de notre mémoire, l'appendice 2. Par
exemple, vous y voyez des chiffres de réserves ultimes de l'ordre de
200, 214, 208, 190, et là ce sont des réserves conventionnelles.
On ne voyait pas des chiffres de cet ordre, il y a quatre ou cinq ans; les
personnes qui osaient avancer des chiffres de cet ordre étaient
généralement perçues comme... enfin, leur
crédibilité n'était pas à la hauteur de la masse.
Alors que ce qu'on voit maintenant, ce sont des chiffres qui sont tous à
peu près de l'ordre de 200 à 220. Et c'est énorme.
Donc, qu'on parle à Dome, à Gulf, à IPAC, à
tous ces gens, on voit à peu près la même chose. Et la
tendance est de beaucoup plus accrue que celle d'il y a trois ou quatre ans. Si
on regarde les régions frontalières, il y a
énormément d'exploration. Vous savez sans doute que l'actionnaire
principal de Trans-Canada, qui est à 50% dans TQM, est Dome Petroleum.
Dome Petroleum est très
active dans le nord et, effectivement, il y a eu des découvertes
importantes. Cela coûte très cher. Il y a la question: À
quel moment? Il faut quand même le sortir. Si on investit en 1980 des
centaines de millions de dollars pour une production en l'an 2000, c'est
peut-être moins intéressant que si on prévoit la production
dans un horizon de dix ans. Alors, vous avez quand même un facteur comme
cela qui joue. Mais, à très long terme... Moi, je suis
personnellement absolument convaincu que 20 ans, 30 ans, c'est très
clair. Or, mondialement, il n'y a aucune région qui peut vous offrir
cela, nulle part, compte tenu de la consommation intérieure du Canada et
des réserves qui sont très grandes.
En plus, si on veut être un peu futuriste, à défaut
de réserves de méthane, c'est-à-dire de gaz à
l'état naturel, c'est-à-dire la distillation de fossiles il y a
des millions d'années, qu'arriverait-il si vraiment on en manquait ou
qu'on voyait poindre le jour où il n'y en aurait plus? Nous avons des
réserves de charbon immenses au Canada, et encore dans l'Ouest canadien.
Or, le méthane peut être produit à même le charbon.
Il y a des usines dans le monde qui produisent du méthane à
partir du charbon. C'est la gazéification du charbon. Donc, vous avez
une réserve qui n'est pas à l'état de méthane, en
ce moment, mais qui est à l'état de carbone, que vous pouvez
traiter pour obtenir du méthane, soit du gaz naturel, et vous servir des
infrastructures. (10 h 45)
De plus, il y a toutes les énergies nouvelles, genre biomasse et
tout; effectivement, au point de vue de l'énergie transportable, c'est
soit du méthane ou de l'hydrogène. Encore une fois, on se sert
des canalisations et de l'infrastructure existantes. Donc, compte tenu de la
tendance des réserves dans le bassin sédimentaire conventionnel
et de l'unanimité de ceux qui sont présents, compte tenu des
réserves de l'Arctique, compte tenu de l'existence du charbon, compte
tenu de l'existence de la biomasse, compte tenu du fait qu'on dit souvent que
l'énergie de l'an 2000, de la deuxième moitié du
siècle prochain, sera peut-être l'hydrogène, les
infrastructures de canalisations sont nécessaires. Je ne sais pas si
cela répond à votre question.
M. Bérubé: Si je prends votre appendice 2, si je
suppose 200 exajoules de réserves ultimes et 2,67 exajoules de
production, cela voudrait dire 75 ans. On joue donc dans cet horizon. J'ai
calculé le chiffre rapidement; je sais que le député de
Mont-Royal va certainement utiliser son calculateur, il est beaucoup plus
précis que le mien, mais c'est à peu près cela.
M. Archambault: Vous parlez des réserves ultimes.
M. Bérubé: Je prends le 200 que vous m'avez
indiqué tantôt dans votre exposé, je l'ai divisé par
2,67 et, à moins d'avoir fait une erreur de "pitonnage", comme on dit en
termes vulgaires, c'est toujours le même chiffre: 75 ans de
réserves conventionnelles.
M. Archambault: C'est cela.
M. Bérubé: Donc, on peut parler vraiment
d'abondance de disponibilité de gaz naturel pour un horizon qui peut
facilement faire 30 ou 40 ans.
M. Archambault: C'est cela. Au taux actuel de consommation.
M. Bérubé: Au taux actuel de consommation.
M. Archambault: M. Bérubé, ce que vous devez
nécessairement prévoir, c'est que les producteurs, qui,
évidemment, dépensent des millions de dollars et risquent de
l'argent, vont vouloir avoir des marchés pour ce gaz naturel avant 75
ans. Je peux vous assurer de cela, mais c'est une autre histoire.
M. Bérubé: On laissera l'Office national de
l'énergie trancher ce délicat débat. La deuxième
question qui me vient à l'esprit porte sur l'interaction entre
électricité et qaz, qui s'est trouvée au centre de nos
préoccupations depuis trois jours. On a même eu des positions un
peu contradictoires. Par exemple, Hydro-Québec, en réponse
à une question portant sur les moyens d'éviter la construction de
turbines à gaz pour répondre aux besoins de pointe - turbine
à gaz voulant surtout dire turbine à kérosène,
puisqu'en fait on m'a appris qu'elles ne fonctionnaient pas au gaz naturel - a
suggéré soit la télécommande des chauffe-eau, mais
a mis peut-être plus d'insistance encore sur l'installation de
systèmes hybrides de chauffage au Québec, c'est-à-dire que
les maisons pourraient être équipées de chauffage
électrique avec un appoint au gaz naturel en période de pointe.
C'était une façon élégante pour Hydro-Québec
d'éliminer la pointe. J'aimerais avoir votre réaction
là-dessus.
J'ai également un autre mémoire, celui de Gaz
Métropolitain, qui nous a dit, par contre, que ce serait très
dangereux de faire appel aux systèmes de chauffage hybrides pour
différentes raisons: cela ralentirait la conversion des usagers du
pétrole et provoquerait des hausses de coût considérables
pour les distributeurs de gaz. On s'y est opposé. Dans votre
exposé, à plusieurs reprises, vous avez souligné que la
pénétration du gaz naturel pourrait permettre
à Hydro-Québec d'épargner plusieurs milliers de
mégawatts, au moins 1000 mW en puissance de pointe. Comment
conciliez-vous, pour l'instant, ces trois déclarations un peu
contradictoires? D'une part, Hydro-Québec nous dit: Effectivement, aller
au gaz, c'est peut-être une bonne façon de minimiser la pointe.
Les distributeurs de gaz nous répondent: Attention, ce serait, au
contraire, très nocif pour nous si on ne faisait que de la pointe. Vous
soulignez quand même que la pénétration du gaz naturel va
nous permettre d'épargner la puissance de pointe à
HydroQuébec.
Le Président (M. Jolivet): M.
Archambault.
M. Archambault: M. Bérubé, on parle de points de
vue très différents. Hydro-Québec - je n'ai pas le texte
de sa réponse d'une façon générale, entrevoit son
programme d'équipement comme étant une volonté de faire
quelque chose. Elle se place du point de vue qu'effectivement cette
électricité sera produite, qu'Hydro-Québec se doit de
répondre aux besoins de chauffage, et qu'en conséquence, il y a
un problème de pointe. Comment résoudre votre problème de
pointe? C'est très simple. Faites la télécommande.
Évidemment, cela s'est fait dans le passé. Je ne crois pas que ce
soit à Montréal, mais j'ai lu qu'on l'avait fait à
Toronto. Il y avait un tarif spécial, en fait, et il y avait un
déclencheur des chauffe-eau entre 17 heures et 20 heures.
Donc, le point de vue d'Hydro-Québec est le suivant. Notre
vocation est effectivement la production de toute l'électricité,
de tout l'équipement qu'on prévoit. Ensuite, si cela crée
des problèmes de pointe, on va réparer cela. Alors, on va mettre
du gaz d'appoint ou on va mettre des télécommandes pour l'eau
chaude.
Notre point de vue, c'est le contraire, dans le sens qu'on entrevoit
nous-mêmes une vocation de prendre une part importante du bilan
énergétique; on parle d'un créneau de 16% pour 1990 et
d'un créneau plus élevé pour 1995. C'est là notre
vocation. En voyant les effets de notre vocation, les effets
bénéfiques sur l'industrialisation, sur le déplacement du
pétrole, etc., on voit également un effet bénéfique
sur HydroQuébec parce que, effectivement, en ayant des réseaux de
distribution relativement bien équilibrés, on va aller chercher
une demande de pointe qui, autrement, aurait été à
Hydro-Québec. Dans un sens, on part du même point de vue et ils ne
sont conciliables que dans le résultat.
M. Bérubé: Ce qui nous amène aux
problèmes de tarification qui ont fait l'objet, certainement à
notre première séance avec les titres spectaculaires... à
votre opinion, quelle devrait être l'interaction entre gaz et
électricité d'un point de vue, par exemple, tarifaire?
La position d'Hydro-Québec semble exprimer qu'il n'y a pas
vraiment d'interaction entre les deux, que, de toute façon,
Hydro-Québec envisage de détenir 45% du chauffage dans les
années quatre-vingt-dix et que les projections de
pénétration du gaz naturel, même en prenant des optimistes
de 20%, 22% ou 23% pour la même période 1990-1995, font en sorte
que l'on pourrait a priori supposer que les deux sont simplement en concurrence
avec le pétrole, mais qu'ils n'interagissent pas l'un avec l'autre...
C'est-à-dire qu'il y a suffisamment de remplacement de pétrole
possible pour que vous puissiez chacun chercher à prendre votre part du
marché, que vous ne vous nuirez pas l'un à l'autre parce que, de
toute façon, vous avez une quantité infinie de pétrole
à remplacer et que vous pouvez rentrer dans le marché
allègrement sans vous préoccuper l'un de l'autre. Ce qui nous
permettrait d'avoir une structure tarifaire tout à fait autonome pour
l'électricité basée uniquement sur les coûts de
production et une structure tarifaire pour le gaz naturel qui dépendrait
essentiellement de la décision du tsar énergétique
à Ottawa qui décidera quel prix il veut imposer aux provinces
productrices.
Donc, la question que je vous pose est la suivante: Doit-on se
préoccuper de tarifs concurrentiels entre le gaz et
l'électricité si nous voulons atteindre les objectifs que vous
visez, compte tenu qu'il semble que les deux vont pénétrer au
détriment du pétrole et que la concurrence se fait avec le
pétrole et non entre les deux autres sources?
Le Président (M. Jolivet): M.
Archambault.
M. Archambault: Sûrement, du point de vue du consommateur,
à moins qu'il ne soit contraint par règlement ou qu'il ne soit
contraint par un procédé quelconque de prendre une source
d'énergie comparée à l'autre, le prix qu'il va payer pour
son énergie va être une chose très importante pour son
choix. Le prix qu'on paie pour l'énergie, on appelle ça des
tarifs, enfin, que ce soit industriel, que ce soit commercial ou
résidentiel. Donc, ce n'est pas un sujet à ignorer. Par contre,
où et comment doivent se faire les interventions, si elles doivent avoir
lieu?
Pour le moment, d'après nos données et nos projections, il
ne semble pas qu'il y ait lieu d'intervenir, c'est-à-dire de
créer une chambre de compensation provinciale qui égaliserait
tous les tarifs ou quelque chose comme ça. Ce n'est pas
nécessaire pour le moment parce qu'il n'y a aucun doute que la
consommation d'énergie électrique au Québec
va aller en s'accroissant, que la consommation de gaz va aussi aller en
s'accroissant et, d'après les données que nous possédons,
les prix restent concurrentiels.
Pour le moment, ce qu'on voit, ça va, le marché, comme
vous dites, est très grand, il y a du déplacement de
pétrole et, pour le moment, il n'y a pas lieu d'intervenir. Mais
là où, dans notre mémoire, en fait, nous parlons de
planifier l'électricité, nous entendions ça dans un sens
très large et, effectivement, une commission comme celle-ci est un outil
de planification, mais je crois que le moment n'est pas arrivé
d'intervenir au niveau des tarifs, ce n'est pas nécessaire.
Le Président (M. Jolivet): M. le député
d'Outremont.
M. Fortier: Merci, M. le Président. M. Archambault,
j'aimerais vous féliciter tout d'abord pour votre mémoire, si
bien présenté, si bien étoffé. On voit que
Trans-Québec et Maritimes est dotée d'une direction qui se veut
dynamique, d'une façon nécessaire et loyale. On doit vous en
féliciter pour plusieurs raisons. C'est d'abord que le Québec a
besoin de gaz. Nous croyons que le gaz est une forme d'énergie qui est
nécessaire, non seulement pour subvenir à nos besoins, pour
déplacer le pétrole, mais également pour développer
notre industrie. Il y a un sujet que j'aimerais discuter avec vous, c'est celui
de la pénétration du gaz en particulier dans le domaine du
chauffage résidentiel.
Nous avons discuté de ce sujet avec Hydro-Québec et avec
certaines compagnies de gaz et on a fait, je crois, une certaine
unanimité que la pénétration du gaz dans ce secteur,
à long terme, dépend de la pénétration du gaz
à court terme.
L'objectif qu'on atteindra dans une très grande mesure en 1996 ou
en l'an 2000 dépend très fortement de la
pénétration dans le domaine résidentiel et la
pénétration du gaz dans les années qui viennent et d'ici
sûrement 1986. Pourquoi? Je peux résumer bien sommairement les
raisons. Bien sûr, il y aura des augmentations de pétrole qui ont
été annoncées par le gouvernement fédéral
et, d'ailleurs, ces augmentations sont moindres que les prix internationaux
malgré le fait que le ministre Bérubé s'était
prononcé dans le passé en faveur des prix internationaux. Mais il
reste que ces prix annoncés nous ont dit des augmentations et on sait
d'avance que ces prix seront des prix minimaux pour plusieurs raisons.
C'est que l'industrie elle-même n'est pas tellement satisfaite de
ces augmentations de prix. On prétend que ces augmentations ne
permettront pas à l'industrie justement de poursuivre ses efforts
d'exploration et de développement des puits de gaz dans l'Ouest. Par
ailleurs, on pourrait penser qu'à la suite des négociations entre
le fédéral et l'Alberta, ces négociations nous
amèneraient justement à satisfaire les demandes de l'Alberta et
de l'industrie quant au prix. Pour toutes ces raisons et parce que ces
augmentations se feront sentir d'une façon
accélérée dans les années qui viennent, 1981, 1982,
1983, 1984 et 1985, tout ça va créer des facteurs psychologiques
pour pousser les individus, les citoyens du Québec à faire une
conversion, qui pourrait se faire soit vers l'électricité, soit
vers le gaz, mais si le gaz n'est pas disponible, la conversion se fera
nécessairement vers l'électricité.
Par ailleurs, il y a des facteurs psychologiques qui jouent
vis-à-vis des individus et non pas vis-à-vis de l'industrie. Pour
ce qui est de l'industrie, je pense bien que l'industrie va faire un choix
rationnel; quant aux individus, ils vont faire des choix basés en partie
sur des facteurs psychologiques, que ce soit le secteur de l'utilisation du
gaz, que ce soient des déclarations un peu irresponsables du ministre
indiquant que l'Alberta pourrait fermer les vannes et faire en sorte que le
Québec ne soit pas approvisionné en pétrole. Justement,
des gens qui m'en ont parlé hier on cru que cela pourrait signifier que
si M. Lougheed peut fermer le robinet qui nous approvisionne en pétrole,
cela pourrait psychologiquement créer chez les citoyens du Québec
une psychose dans le sens de dire: Peut-être que M. Lougheed pourrait
également fermer les vannes pour ce qui concerne le gaz. (11 heures)
Pour toutes ces raisons, compte tenu de ces facteurs, j'aimerais que
vous me confirmiez ce consensus qui, je crois, s'est
révélé, justement, en ce sens que la
pénétration du gaz dans le secteur du chauffage domestique se
fera d'ici 1986 ou ne se fera pas du tout, ou se fera en partie du moins, mais
pas autant que vous pouvez l'escompter dans vos prévisions à long
terme.
Le Président (M. Jolivet): M.
Archambault.
M. Archambault: Pour répondre à votre question, je
peux dire que cela ne se fera pas en 1986. Qu'est-ce qui va se faire en 1986?
C'est difficile pour moi de répondre à cette question
précise. Ce qui est très clair, évidemment, c'est que,
dans le domaine de la conversion du chauffage résidentiel, la personne
qui fait un choix en 1981 fera le choix entre l'électricité et le
gaz. Vous avez raison. Essentiellement, on ne retourne pas au charbon, quoique
je peux vous dire que, dans certaines régions, on ira probablement au
chauffage au bois. Cela a déjà commencé.
Par exemple, la décision étant prise en 1981, le type
convertit son système de chauffage. Il ne le convertira pas deux ans
après à l'autre source. C'est certain. Ce que
le gaz ne peut pas avoir en 1981 et qui part à
l'électricité, c'est parti à l'électricité.
Si un propriétaire d'une maison, en 1981, à cause du climat
social, la panique, etc., dit: Je ne me chauffe plus à l'huile, je
change, et que le gaz n'est pas disponible, il va aller à
l'électricité et le gaz ne l'aura jamais. Peut-être que
dans toutes nos statistiques, ce gars allait se convertir en 1986. On ne l'aura
pas. Il n'y a pas de doute, vous avez raison là-dessus. La
quantification, c'est difficile à préciser.
M. Fortier: Si on s'entend là-dessus, j'imagine qu'on peut
justement penser qu'Hydro-Québec fait ce raisonnement-là. C'est
normal. Je crois que c'est tout à fait normal. Ce que vous avez dit sur
cette question de prévisions, c'est en partie une question d'opinion,
mais c'est aussi une question de résultats. Il s'agit d'escompter des
résultats. Hydro-Québec étant dans le domaine de
l'électricité, elle a escompté des résultats
à la lumière de ses prévisions. Du fait qu'elle soit dans
le domaine de l'électricité, c'est normal qu'elle pense à
des prévisions qui favorisent l'électricité. C'est normal
que l'industrie du gaz fasse des prévisions qui favorisent le gaz. Je
crois que, finalement, le gouvernement doit essayer de voir clair dans ce
débat. Mais si on veut poursuivre ce débat sur la
pénétration du gaz dans le domaine du chauffage
résidentiel, sans vouloir porter de jugement, je vais laisser cela
à mon collègue de Mont-Royal -il a bien raison d'ailleurs de le
faire parce que je ne voudrais pas commencer un débat sur les raisons
qui ont fait que le gazoduc n'est pas encore construit. Je sais qu'avec raison,
le député de Mont-Royal a soulevé plusieurs questions
là-dessus, mais ce n'est pas le sujet que je veux évoquer
maintenant. Je tiens pour acquis que nous sommes en retard déjà
d'un an, et je ne veux pas discuter des raisons qui font que nous sommes
déjà en retard d'un an. J'essaie d'extrapoler dans l'avenir. Il
semblerait -corrigez-moi si j'ai tort - que le gazoduc serait construit
jusqu'à Boisbriand à la fin de 1981. Compte tenu du fait que le
distributeur n'est pas encore choisi et que, s'il était choisi
prochainement, on pourrait se rendre à Trois-Rivières, en 1982,
et probablement à Québec, en 1983, si on ajoute à ces
dates justement la période de temps requise pour faire en sorte que les
canalisations soient posées dans ces villes et dans d'autres villes, et
si on extrapole, à partir de ces années, 1981, 1982 et 1983, vers
d'autres villes de la province, on s'en va vers un calendrier qui est un peu
pessimiste, justement, à la lumière de la discussion qu'on vient
d'avoir. Je me demandais si vous pouviez confirmer ou infirmer que l'analyse
que je fais est pessimiste, optimiste ou réaliste.
Le Président (M. Jolivet): M.
Archambault.
M. Archambault: Vous me parlez de notre échéancier
de construction, mais le fond de votre question, c'est sur le
résidentiel.
M. Fortier: Oui.
M. Archambault: Sur le résidentiel, je
répète ce que je vous ai dit plus tôt: Celui qu'on ne
convertit pas cette année, il ne changera pas. S'il est parti avec
l'électricité, on ne l'aura plus. Il y a un impact, c'est clair,
alors que ce n'est pas le cas pour l'industriel...
M. Fortier: D'accord.
M. Archambault: ...parce que l'industriel est capable d'attendre.
Il est peut-être plus informé et le gaz naturel, pour
l'industriel, joue un rôle peut-être plus important que le choix
entre les deux énergies pour une résidence.
M. Fortier: Mais n'est-il pas vrai, si l'on veut discuter de
l'industriel pour une seconde, qu'il existe dans le moment des surplus de
mazout lourd et que ces surplus, jusqu'à ce qu'une usine de
transformation soit construite à Montréal, sont vendus à
des prix extrêmement bas? De fait, il y a une guerre des prix qui
prévaut dans le moment au Québec et les raffineries vendent ces
surplus de mazout lourd à des prix bien en deçà du prix du
gaz. Ne croyez-vous pas qu'encore là, durant les prochaines
années -peut-être que, lorsque l'usine viendra, ce sera
différent - il va y avoir une guerre des prix qui pourrait handicaper
votre prévision de pénétration dans le domaine
industriel?
M. Archambault: L'existence de produits du raffinage par voie de
mazout lourd est une contrainte, mais ce n'est pas une contrainte
insurmontable. Déjà, lors des auditions devant l'Office national
de l'énergie, nous avions présenté une étude
très approfondie sur l'impact de nos prévisions sur les
raffineries dans l'Est du Canada et on en était arrivé à
la conclusion qu'avec le marché qu'on allait capter, il n'y avait pas de
contrainte majeure. Il fallait en tenir compte, mais il pouvait y avoir une
coexistence entre le gaz naturel et les raffineries telles qu'elles existaient
et compte tenu des plans d'équipement des raffineries parce que
certaines avaient déjà annoncé l'intention de se
transformer quelque peu afin de produire moins de mazout lourd.
Depuis, évidemment, avec le plan énergétique
national, on compte faire une raffinerie indépendante qui va traiter
100,000 barils de mazout lourd en surplus. Cela
devrait sensiblement alléger la contrainte. Je ne dis pas qu'il
ne faut pas en tenir compte. Il va toujours y en avoir un peu, mais cela semble
ne pas être l'obstacle qu'on entrevoyait il y a deux ans.
M. Fortier: Je vous remercie.
Le Président (M. Jolivet): Merci. M. le
député de Nicolet-Yamaska.
M. Fontaine: Merci, M. le Président. D'abord, je voudrais
faire une remarque et il pourrait peut-être formuler un commentaire sur
la remarque que je vais faire.
Hydro-Québec a établi ses prévisions. Vous
établissez vos prévisions quant à la
pénétration du gaz et vous ne semblez pas avoir les mêmes
prédictions qu'Hydro-Québec. Ne pensez-vous pas qu'il serait
normal qu'il y ait des discussions ou des rencontres ou même qu'on
institutionnalise une certaine forme de dialogue entre les différents
intervenants dans le domaine énergétique? C'est ma
première question.
Deuxièmement - je les pose toutes les deux ensemble parce qu'on
n'a pas tellement de temps - vous prévoyez dans un certain
scénario une pénétration de 18% à 22% en 1995.
À supposer que vous ayez raison et à supposer
qu'Hydro-Québec adopte un plan d'installation d'équipement
accéléré, pour combien de temps pensez-vous
qu'Hydro-Québec pourrait continuer à faire des exportations vers
les États-Unis? On pourrait peut-être avoir des contrats
d'exportation à moyen terme.
Le Président (M. Jolivet): M.
Archambault.
M. Archambault: D'après ma connaissance
générale, Hydro-Québec, dans les dernières
années, n'a pas eu de difficultés majeures à trouver des
marchés pour l'électricité qu'elle avait en trop, soit
d'une façon saisonnière ou à peut-être un peu plus
long terme.
J'imagine, compte tenu du fait que la population de l'État de
New-York est aussi grande que la population du Canada en général,
cela ne devrait pas poser de problème à l'avenir. Je vois
très bien une continuation de cette politique d'Hyro-Québec,
plutôt que de garder l'eau derrière le barrage, on va la faire
couler tout simplement; qu'on exporte les surplus saisonniers. Voilà la
réponse à votre deuxième question.
Quant à la première question, vous savez, ce qui est
extraordinaire, c'est que notre siège social est à
Montréal, dans l'ancien magasin de Dupuis Frères, qui s'appelle
Les Atriums. Nous sommes aux cinquième et sixième étages.
La planification d'Hydro-Québec est au quatrième étage,
comme par hasard.
Nous n'avons vraiment pas eu de rencontres importantes, formelles et
continues avec Hydro-Québec, sauf qu'on se voit dans les ascenceurs.
Vous avez raison, il en faut des rencontres comme cela. Institutionnaliser,
cela me fait un peu peur. On le mentionne dans notre mémoire, il faut le
faire en tandem, c'est un outil de planification énergétique
québécois. Le rôle de cette commission, c'est cela. On l'a
l'institution. Mais je vois difficilement des rencontres
institutionnalisées à tous les mois, avec caméras de
télévision, etc. Je ne suis pas sûr que ce serait aussi
productif que des rencontres informelles. Je favorise par contre, aller devant
la commission ou des forums publics, pour rendre compte de nos points de vue
qui seront toujours marginalement au moins différents.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Gouin.
M. Tremblay: Merci beaucoup, M. le Président. J'aimerais
faire une remarque rapide à l'intention des gens de Q et M. La loi des
combines défend aux entreprises de se rencontrer pour comploter contre
les consommateurs, de sorte que si vous rencontrez les dirigeants
d'Hydro-Québec, faites-le dans les ascenceurs, mais ne le faites pas
dans des endroits publics, vous pourriez être poursuivis.
Sur la question du gaz, j'aimerais poser quelques questions rapides,
compte tenu de notre contrainte de temps, aux représentants de Q et M.
Ils ont eux-mêmes confirmé ce qu'Hydro-Québec nous avait
dit, savoir que le gaz représentait des avantages importants pour
l'industrie au Québec. Je concours avec eux sur ce point. Il y a de
nombreuses industries pour lesquelles le gaz naturel est une source
d'énergie de première qualité et qui peut facilement
remplacer le mazout, le pétrole et même
l'électricité.
Par contre, ce qui intéresse de nombreux Québécois,
c'est la question du gaz naturel pour le résidentiel et pour le
chauffage. Dans votre mémoire, vous nous dites que la conversion des
systèmes de chauffage au pétrole vers le gaz naturel coûte
la moitié moins ou presque la moitié moins que la conversion
à l'électricité. Il est logique que les citoyens se
demandent pourquoi leurs taxes, soit au niveau du Québec, soit au niveau
d'Ottawa, devraient être utilisées pour subventionner la
conversion au gaz et non pas pour subventionner la conversion à
l'électricité.
Autrement dit, cette subvention de $800 qui a été
annoncée par le gouvernement fédéral en faveur de la
conversion des systèmes de chauffage, le fédéral n'ayant
pas exclu l'électricité, alors que le gouvernement du
Québec laisse entendre qu'il faudrait
exclure l'électricité de cette subvention, d'après
vous, est-ce qu'il y a une logique économique à faire cette
distinction? Vous avez mentionné la balance des paiements, mais
l'argument de la balance des paiements vaut pour l'électricité;
quant à l'argument du pouvoir d'achat, l'électricité est
davantage produite ici que le gaz. Donc, même si c'est à
l'intérieur du Canada et qu'il n'y a pas de problème de balance
des paiements, il y a quand même une sortie de pouvoir d'achat lorsque
nous consommons du gaz naturel. (11 h 15)
Je vous pose la question: Vous, quelle est votre argumentation pour que
les taxes des citoyens soient utilisées pour donner une subvention de
$800 à ceux qui convertissent leur système de chauffage vers le
gaz naturel, mais non pas vers l'électricité?
Deuxième question, concernant le prix du gaz naturel. Il y a eu
une déclaration qui a été faite devant cette commission et
qui intrigue. Elle a été faite par Hydro-Québec, elle
relayait une information en provenance d'Hydro-Ontario, que, d'ici 1983 ou
même en 1983 - je pense que c'était l'année retenue
-Hydro-Ontario, qui produit 30% de son énergie électrique
à partir du nucléaire, serait en mesure de concurrencer par le
prix, compte tenu du haut taux d'efficacité de l'énergie
électrique, le gaz naturel. Or, si Hydro-Ontario est capable de
concurrencer, à partir de ses coûts de production, le gaz naturel
en 1983, pourquoi ne serait-ce pas le cas pour Hydro-Québec, qui produit
à partir de l'hydroélectrique?
Sur cette question de prix, comme l'a dit le député
d'Outremont, jusqu'à un certain point, et comme vous le dites
vous-même à la page 15 de votre rapport, vous n'osez pas
prédire l'évolution du prix du gaz par rapport aux autres sources
d'énergie au-delà des huit ou dix prochaines années. Il
est évident qu'un consommateur qui songe à changer son
système de chauffage ne regarde pas seulement cinq ou dix ans devant
lui, mais il regarde 20 ans, et quand on est un constructeur, on construit une
maison pour 30, 40 ou 50 ans.
Comme les politiciens au Canada sont très intimement liés
au prix du gaz et du pétrole, comme les politiciens du Québec,
notamment le gouvernement du Québec, favorisent ouvertement que le prix
du pétrole canadien rejoigne le prix international très
rapidement, comme, d'autre part, le prix du gaz naturel est arrimé,
accroché au prix du pétrole, est-ce que les citoyens n'ont pas
raison de craindre un peu que le gaz naturel va connaître des hausses de
prix - peut-être pas au cours des cinq prochaines années, mais
au-delà - qui vont être rapides? Là, je pose une question
aussi qui est un peu dure. Est-ce que les citoyens n'auraient pas lieu de
craindre que le gaz naturel soit une sorte de trappe que les politiciens,
grâce à des subventions immédiates, font
pénétrer dans la consommation, mais qui se
révélerait coûteuse dans dix ou quinze ans? Je suis certain
que c'est à l'esprit des gens, cette question et elle devrait être
à l'esprit de notre commission.
Troisième question, concernant le gazoduc dans lequel Q et M est
très impliquée évidemment, l'enjeu économique pour
le Québec est très important, parce qu'en ce qui concerne le
pétrole, il est évident que nous sommes au bout des pipelines;
nous sommes au bout de celui de l'Ouest, donc les coûts de transport font
que nous payons notre pétrole plus cher qu'ailleurs. Nous avons le
pipeline de Portland, qui nous amène le pétrole des pays de
l'OPEP; C'est une source d'approvisionnement importée, donc non fiable.
Il est évident que le pipeline pour le gaz est très important, le
gazoduc pour nous est très important.
Essayons de savoir si, pour le gaz du Grand-Nord, ce pipeline va rentrer
par Gros Cacouna au Québec, faisant du Québec une localisation
à la tête du gazoduc ou s'il va entrer par un port en
Nouvelle-Écosse. Là, j'aimerais demander aux représentants
de Q et M, qui sollicitent l'appui du gouvernement du Québec et celui de
la population du Québec pour leur produit, si ils favorisent, eux, ou
s'ils sont prêts à favoriser ouvertement le port méthanier
de Gros Cacouna et en faire une recommandation au gouvernement
fédéral et à l'Office de l'énergie afin que, pour
une fois, concernant au moins le gaz, le Québec ne soit pas
défavorisé, surtout pour que notre industrialisation, comme vous
l'avez mentionné, puisse en profiter. Nous avons des industries de
l'acier au Québec, nous avons des industries de pétrochimie au
Québec qui vont avoir besoin de gaz naturel et d'un gaz naturel au
meilleur marché.
Le Président (M. Jolivet): M.
Archambault.
M. Archambault: M. Tremblay, pour commencer par votre
dernière question, soyez assuré que je comprends et que je
sympathise avec votre point de vue. Le terminal méthanier n'est qu'une
partie d'un projet de grande envergure qui est celui de liquéfier du gaz
dans les îles de l'Arctique, et le transporter par navires
méthaniers, des navires cryogéniques dans l'Est du Canada,
à Gros-Cacouna ou Canso, parce que ce sont essentiellement les deux
ports qui sont considérés. L'ensemble du projet s'appelle Le
projet pilote de l'Arctique. TQM a pris comme politique de ne pas favoriser
l'un ou l'autre des sites. On nous informe que les deux sites sont valables,
c'est-à-dire que si on était à l'école, ils
passeraient tous les deux. Ils sont tous les deux valables. TQM,
par contre, peut dire qu'on sera prêt à raccorder -
évidemment, on n'est pas pour avoir une usine qui va gazéfier et
personne pour raccorder - le pipeline à l'un ou l'autre des sites. Je
conviens avec vous qu'avoir un approvisionnement de plus ou une source
d'approvisionnement de plus sur son territoire est un avantage pour les
ressortissants de ce territoire, mais je suis sûr que les gens en
Nouvelle-Écosse vont dire la même chose et ils auront raison.
M. Tremblay: Sur le plan économique ou sur le plan
politique?
M. Archambault: La décision, quant au choix du site, sera
prise par l'Office national de l'énergie. J'étais à Gros
Cacouna il y a un mois peut-être, et le seul conseil que je pouvais
donner aux personnes qui étaient là, c'était: Faites
valoir vos points de vue à l'Office national de l'énergie, parce
que c'est là que cela va se décider.
M. Tremblay: En termes économiques, M. Archambault, est-ce
que vous avez fait des calculs pour montrer que compte tenu des coûts de
transport, compte tenu de la proximité des marchés, il y aurait
un avantage pour une des deux localisations au plan économique, pas au
plan politique?
M. Archambault: Non, on n'a pas de calculs.
M. Tremblay: Avez-vous des indications, des opinions?
M. Archambault: M. Tremblay, TQM est une filiale relativement
autonome de ses parents qui sont TransCanada PipeLines et Nova. Le
propriétaire de l'usine de regazéification, c'est TransCanada
PipeLines, ce n'est pas TQM. On n'a pas fait ces calculs
économiques.
M. Tremblay: Etes-vous au courant s'il y en a eu des calculs?
Le Président (M. Jolivet): M. le député, je
ne voudrais pas qu'on... Vous avez posé des questions. Je pense qu'il y
a d'autres membres à la commission qui ont des questions à
poser.
M. Archambault: Rapidement, sur votre première question,
la question des $800 à savoir si cela devrait s'appliquer à
l'électricité et non pas au gaz naturel, ou au gaz naturel
seulement et non pas à l'électricité, ce n'est pas nous
qui faisons cette politique. Selon mon intérêt étroit
sectoriel et personnel, je pourrais vous dire: Non, ne le mettez qu'au gaz,
c'est parfait. Ce qu'on dit dans notre mémoire, c'est qu'il en
coûte plus cher pour se convertir à l'électricité
qu'au gaz naturel. Il y aurait peut-être là un argument pour dire:
Si on est pour subventionner, il vaut mieux subventionner là, cela va
coûter moins cher. D'accord?
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Mont-Royal.
M. Fontaine: Question de règlement.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Nicolet-Yamaska.
M. Fontaine: Je n'ai pas voulu intervenir tout à l'heure
pour ne pas déranger le député de Gouin, mais il a repris
mes paroles pour dire que j'avais suggéré que des
sociétés complotent ensemble contre les consommateurs. Ce n'est
pas cela du tout que j'ai dit. J'ai tout simplement demandé qu'on fasse
des échanges de données afin de mieux établir des
prévisions sur différents points de vue afin d'établir des
possibilités dans l'avenir. Je n'ai pas suggéré d'autre
chose que cela.
Le Président (M. Jolivet): Merci. M. le
député de Mont-Royal.
M. Archambault: M. le Président, si vous permettez, c'est
de cette façon que je l'ai compris également.
M. Ciaccia: M. Archambault, je me réfère à
l'appendice 3 de votre document. Vous faites différents scénarios
de pénétration de gaz naturel au Québec. Vous avez un
scénario de pénétration, par exemple, à 22% et,
à l'aide d'un tableau, vous démontrez que les produits
pétroliers représenteront 44%, le gaz naturel, 22% et que la part
de l'électricité pour l'année 1995 sera de 28,6% du bilan
énergétique global du Québec.
Les représentants d'Hydro-Québec sont venus devant cette
commission et ils nous ont donné des chiffres sensiblement
différents des vôtres. Pour l'année 1996 -c'est à
peu près le même temps - ils nous disent que
l'électricité devrait atteindre 45%. Sur la question
pétrolière, les chiffres sont presque les mêmes, ceux
d'Hydro-Québec et les vôtres. Pour le gaz naturel, leur
scénario est de 12%. La différence entre la part de
l'électricité pour 1995 est assez considérable. Vous nous
dites, dans votre scénario, qu'il y aura 28,6% et Hydro-Québec
nous dit 45%. Aujourd'hui, comme vous le savez bien et, en 1978, c'était
approximativement 26%.
Comment expliquer cette différence considérable? Je crois
que cela ne s'explique que partiellement par l'augmentation de la
pénétration du gaz naturel; même cela représente
seulement 12% du bilan énergétique. Si vos chiffres sont
exacts,
quelle serait l'implication pour le Québec, pour le gouvernement
sur les investissements nécessaires à Hydro-Québec? Je
présume que cela voudrait dire que le programme d'Hydro-Québec
devrait être réduit considérablement, car je
réfère aussi à votre affirmation ou suggestion à la
page 24 où vous dites "qu'une stratégie efficace de changement
doit prévoir que le gaz naturel et l'électricité seront
développés en tandem". Est-ce que cela veut dire que le programme
de $89 milliards d'Hydro-Québec serait réduit
considérablement parce qu'on n'augmente que de 2%? Alors, ce serait un
accroissement très léger. Dans quelle proportion, parce que vous
avez fait des études, cet investissement d'Hydro-Québec serait-il
réduit, si votre scénario est exact?
Le Président (M. Jolivet): M.
Archambault.
M. Archambault: M. Ciaccia, d'une façon
générale, notre mémoire indique non seulement, si vous
voulez, la volonté de poursuivre les développements
énergétiques en tandem, mais également il y a, sous nos
chiffres, beaucoup de place pour HydroQuébec. Quant à nous, avec
un programme qui laisserait le gaz pénétrer de la façon
dont on le prévoit, il reste encore énormément
d'électricité à développer. Si vous regardez le
scénario de pénétration de 22%, à l'appendice 3
dont vous m'avez parlé, la différence majeure entre ce que vous
voyez ici et les chiffres qui ont été produits par
Hydro-Québec, c'est que, dans notre cas, on inclut le secteur du
transport alors qu'Hydro-Québec l'exclut. Si on excluait le secteur du
transport, la part d'Hydro-Québec en 1995 passerait à 36,8% et
ceci est comparable aux 45% dont vous parlez. Évidemment, il y a une
différence, mais cela s'explique. L'énormité de la
différence, c'est la question que le transport est inclus dans notre cas
alors qu'il est exclu dans le cas d'Hydro-Québec.
M. Ciaccia: Oui, parce qu'à première vue la
différence est trop considérable. Maintenant, cela se comprend un
peu mieux. La différence, c'est la pénétration du gaz
naturel. Alors, les chiffres d'Hydro-Québec et les vôtres semblent
se rejoindre. (11 h 30)
Une autre courte question. Est-ce que vous avez fait des études
de la différence en termes de réduction d'investissements pour
des projets hydroélectriques si la part du gaz naturel était de
22% et celle d'Hydro-Québec était réduite de 45% à
38%?
M. Archambault: C'est-à-dire, dans notre mémoire,
une centrale équivalant à LG1, que ce soit celle-là ou une
autre, parce que le coût précis des investissements
d'Hydro-Québec nous ne l'avons pas. Tout ce qu'on sait, c'est qu'il y a
de la puissance installée qui ne sera pas nécessaire. Or, la
puissance installée non nécessaire avec la venue du gaz dans
notre créneau de 16% en 1990...
M. Ciaccia: Excusez. Je veux simplement comprendre. Est-ce que
vous nous dites que réduire la part d'Hydro-Québec de 45%
à 38% et augmenter la vôtre à 22%, cela représente
seulement la différence de LG1?
M. Archambault: Non.
M. Ciaccia: Combien de LG1 pour réduire la part
d'Hydro-Québec de 7% à 8% environ?
M. Archambault: Sur le scénario de 1995, je ne saurais
vous dire maintenant. Sur le scénario de 1990 avec ce qu'on a
décrit comme étant notre hypothèse de 16%, c'est
l'équivalent de LG1.
Le Président (M. Jolivet): Merci. Au nom des membres de la
commission, je vous remercie. Je dois vous dire que votre document qui n'a pas
été lu, mais, qui a été résumé, est
toujours disponible à la bibliothèque de la Législature
ainsi qu'au secrétariat des commissions pour toute personne qui voudrait
l'avoir.
J'inviterais l'Office de la protection du consommateur,
représenté par M. Rafic Nammour, à venir ici à
l'avant. Pendant ce temps, je dois dire, pour les besoins du journal des
Débats, que la Chambre de commerce et d'industrie du Québec
métropolitain a soumis un mémoire pour dépôt
seulement et lui aussi sera disponible à la bibliothèque de La
législature ainsi qu'au secrétariat des commissions. Quand M.
Nammour sera ici à l'avant, je lui demanderai de présenter les
personnes qui l'accompagnent. Vous pouvez y aller, M. Nammour.
Office de la protection du consommateur
M. Nammour (Rafic): Je vous présente, à ma droite,
Mme Jacqueline Ramoisy de la direction de la recherche de l'Office de la
protection du consommateur et, à ma gauche, Mme Monique Lachance de la
direction de la recherche également.
M. le Président, M. le ministre, MM. les députés,
je tiens tout d'abord à vous remercier d'avoir bien voulu inviter
l'Office de la protection du consommateur à venir exposer son point de
vue devant la commission parlementaire de l'énergie et des
ressources.
Le Président (M. Jolivet): Voulez-vous approcher votre
micro, s'il vous plaît, pour
qu'on puisse mieux entendre? Vous n'avez qu'à l'approcher, il est
déjà branché.
M. Mammour: L'office s'est naturellement empressé de
saisir l'occasion qui lui était offerte pour faire valoir les
intérêts des consommateurs dans ce premier débat public sur
les orientations et les projets d'Hydro-Québec.
Les sommes qu'Hydro-Québec s'apprête à investir au
cours de la décennie quatre-vingt sont impressionnantes. Elles
illustrent de façon éloquente le dynamisme du secteur de
l'énergie hydraulique au Québec et le rôle grandissant
d'Hydro-Québec en matière d'approvisionnement
énergétique pour les Québécois.
Néanmoins, l'impact socio-économique des ambitieux projets
d'Hydro-Québec et des sommes qui y seront consacrées,
particulièrement la question de la répartition des coûts,
ne saurait être passé sous silence. Le document
d'Hydro-Québec mentionne que l'autofinancement de ses investissements
devra osciller autour de 30% au cours des cinq prochaines années et que
cette proportion constitue "un minimum raisonnable, si l'on tient compte des
possibilités d'emprunts prévus". Cet objectif de 30% à
même les fonds de l'entreprise signifie-t-il pour le consommateur
québécois des hausses de tarifs supérieures au rythme
actuel? Dans quelle mesure ces hausses seront-elles marquées par les
effets combinés des coûts croissants de l'équipement
hydraulique et de l'éloignement géographique progressif entre
centres de production et centres de consommation? Le Québécois
moyen, profane en matière d'hydroélectricité peut d'autant
moins y répondre que le document d'Hydro-Québec demeure
étrangement silencieux sur la question de la tarification et des
prix.
Or, ce sont bien les consommateurs québécois qui, en
définitive, devront payer la note. Mais ils ne disposent jusqu'à
présent d'aucun véritable instrument d'intervention sur les
activités d'Hydro-Québec si ce n'est par l'intermédiaire
de leurs élus et d'une certaine participation au conseil
d'administration d'Hydro-Québec. Ce n'est pas suffisant. L'office se
permet donc d'intervenir sur cette question et sur d'autres pertinentes
à la notion fondamentale de service. L'article 292 de la Loi sur la
protection du consommateur accorde en effet à l'office le mandat de
promouvoir les intérêts des consommateurs devant un organisme
gouvernemental dont les activités affectent le consommateur.
Comme toute entreprise à caractère commercial, Hydro
fournit un service dûment rémunéré, mais, qui plus
est, avec les nécessités de la vie moderne, un service essentiel.
Or, la stratégie élaborée par Hydro-Québec et qui
engage, pour les dix ans à venir et même au-delà, l'avenir
économique du Québec, semble vouloir éviter cette notion
essentielle de service; elle ne dit rien sur les coûts qu'auront à
supporter les Québécois; elle ne dit rien non plus sur les
améliorations possibles à apporter au service à la
clientèle. Pourtant, les consommateurs doivent pouvoir raisonnablement
s'attendre que l'expansion du réseau d'Hydro-Québec aille de pair
avec une hausse de la qualité des services offerts.
Enfin, les consommateurs, en particulier les plus démunis, sont
en droit de s'attendre à ne pas être pénalisés
indûment, lorsqu'ils sont dans l'impossibilité de faire face
à leurs obligations. Ils sont en droit de revendiquer l'accès
égal pour tous et sans discrimination à un service devenu
essentiel.
Il ne s'agit pas ici de préjuger de l'attitude qu'adopteront les
responsables d'Hydro-Québec sur ces questions, mais simplement de faire
ressortir, pour le bénéfice des consommateurs, les lacunes de la
stratégie, telle qu'elle nous est présentée et de proposer
des améliorations et des moyens de contrôle à partir de la
situation qui existe actuellement. Un fait est capital: on doit s'assurer que
les intérêts des consommateurs sont pris en compte par
Hydro-Québec, d'autant plus que cette gigantesque société
détient un monopole d'État, qu'elle fournit un service essentiel
et que le consommateur ne dispose évidemment d'aucune solution de
rechange.
Les recommandations que l'Office de la protection du consommateur veut
faire valoir auprès de la commission parlementaire portent sur cinq
points. Les trois premiers touchent à des questions de principe, tandis
que les deux autres concernent les pratiques du service à la
clientèle.
La première recommandation vise ainsi à instituer un forum
public permanent où les citoyens pourront se faire entendre sur les
questions énergétiques et plus particulièrement sur les
politiques d'Hydro-Québec.
La deuxième recommandation vise à interdire
complètement les interruptions de service qu'on appelle plus
communément coupures d'électricité.
La troisième recommandation découle en partie de la
deuxième. Elle veut mettre fin à l'exigence d'un
dépôt en argent pour la fourniture
d'électricité.
La quatrième recommandation, quant à elle, est à
l'effet d'obtenir pour les consommateurs une facturation sur une base
régulière mensuelle, afin de prévenir les problèmes
découlant de l'accumulation de comptes élevés.
Enfin, la cinquième recommandation de l'office vise à
corriger certains aspects des services à la clientèle, notamment
par l'amélioration de l'accueil aux consommateurs et du traitement de
leurs réclamations.
La premiere préoccupation de l'office est donc la prise en
considération des intérêts des consommateurs dans
l'élaboration des politiques d'Hydro.
Afin que la population puisse exercer un droit de regard adéquat
sur les activités d'Hydro-Québec et afin que toutes les
catégories de consommateurs puissent, sur un pied
d'égalité, faire valoir leur point de vue, principalement sur les
questions reliées à la tarification et au service à la
clientèle, l'Office de la protection du consommateur recommande la mise
en place d'un mécanisme institutionnalisé de consultation
systématique.
Le livre blanc sur l'énergie a déjà proposé
la formation d'une régie de l'énergie. A titre de comparaison,
l'Ontario a, depuis 1973, sa propre régie, l'Ontario Energy Board,
auprès de laquelle le grand public a l'occasion d'exercer sa critique
à l'endroit des décisions d'Hydro-Ontario et de proposer, s'il y
a lieu, des changements, notamment au chapitre de la tarification. Aux
États-Unis, tous les États, sauf le Nebraska, ont une commission
des services d'utilité publique. Composées de gens élus ou
nommés par le gouverneur de l'État, ces commissions ont pour
tâche l'examen des modifications dans les tarifs et les prix des
compagnies américaines d'électricité, de gaz, de
téléphone et d'eau; celles-ci ne peuvent alors hausser leurs
tarifs sans le consentement de la commission. Cette dernière
procède au préalable à des auditions publiques où
experts, représentants de l'industrie et groupes de consommateurs
expriment leur point de vue. Les décisions de la commission sont alors
exécutoires.
Même si Hydro-Québec est une entreprise publique, il ne
nous paraît pas moins nécessaire que les citoyens aient la
possibilité de s'exprimer directement sur ses politiques et ses
activités en raison de la situation de monopole dont jouit la
société d'État. L'impact socio-économique de ces
politiques et de ces activités sur le niveau et la qualité de vie
des Québécois est si considérable qu'il nous paraît
indispensable que les citoyens concernés puissent avoir accès
à un forum où ils seraient consultés
régulièrement, surtout lorsqu'une hausse de tarifs est
envisagée.
Il n'appartient pas à l'Office de la protection du consommateur
de se prononcer sur la forme que devra prendre ce forum de consultation. Des
experts ont déjà proposé des solutions à cet
égard. L'essentiel, pour nous, c'est qu'il contribue à mieux
assurer l'implication des consommateurs dans le processus
décisionnel.
La deuxième recommandation de l'office est l'interdiction
complète des coupures d'électricité. À
l'époque où l'électricité était un luxe
réservé à quelques privilégiés, il
était concevable que l'approvisionnement soit interrompu chez quiconque
négligeait de s'acquitter des frais encourus. Maintenant que
l'électricité est devenue un service public accessible à
tous et surtout un service essentiel, une telle pratique est inacceptable;
d'autant plus que la libre concurrence dans ce domaine n'existe pas.
En conséquence, même si l'article 265 du Code civil sur
l'exception d'inexécution autorise un commerçant à
suspendre ses services à un client qui n'a pas payé la
marchandise ou le service déjà obtenu, l'Office de la protection
du consommateur considère que cette disposition ne devrait plus pouvoir
s'appliquer à une entreprise telle qu'Hydro-Québec. C'est
pourquoi l'office demande l'interdiction complète des coupures
d'électricité par une modification des lois et règlements
qui autorisent une interruption de service, et ce pour quelque motif que ce
soit. Ainsi, les citoyens défavorisés, vivant grâce aux
prestations d'aide sociale ou se trouvant momentanément dans une
situation financière précaire, en particulier les vieillards et
les familles monoparentales, ne risqueront plus d'être
pénalisés s'ils sont dans l'incapacité de payer. Quant
à ceux qui, par mauvaise foi ou négligence flagrante, ne
s'acquittent pas de leurs obligations, Hydro-Québec pourra toujours les
poursuivre en justice, comme peut le faire tout commerçant qui n'a pas
obtenu le paiement de sa marchandise.
Dans la même optique, l'Office de la protection du consommateur
demande que soit supprimée l'exigence d'un dépôt pour la
fourniture d'électricité. Par l'article 9 de ses
règlements, Hydro-Québec peut exiger ce dépôt en
tout temps. Dans les faits, elle l'impose de manière discriminatoire
puisqu'elle l'exige de personnes qui ont un mauvais crédit envers
Hydro-Québec, c'est-à-dire en général de gens qui
ont éprouvé des difficultés antérieures à
acquitter leurs comptes et qui auront tout autant de difficultés
à acquitter le dépôt. D'ordinaire, Hydro-Québec
exige l'équivalent de deux mois de fourniture
d'électricité.
Avec l'interdiction totale des coupures d'électricité, une
telle pratique devrait automatiquement disparaître. Toutefois, l'Office
de la protection du consommateur se devait de la dénoncer, car elle
équivaut à nos yeux à accorder aux consommateurs un
traitement inégal pour la prestation d'un service essentiel. Qui plus
est, cette pratique est de nature à constituer un facteur d'endettement,
vu que les réclamations peuvent représenter un fardeau pesant
pour les citoyens les plus défavorisés.
Comme quatrième recommandation, l'office souhaite que la
facturation se fasse sur une base régulière et à une
périodicité rapprochée. Malgré des
améliorations notables dans la fréquence des relevés de
compteurs,
des consommateurs reçoivent encore des factures
représentant leurs frais d'électricité accumulés
sur plusieurs mois.
L'Office de la protection du consommateur propose donc que la
facturation soit effectuée à intervalles réguliers - de
préférence un mois - afin d'éviter les problèmes
que connaissent certains consommateurs qui doivent faire face à des
dépenses imprévues dans leur budget. C'est
particulièrement le cas des retraités et des
bénéficiaires d'aide sociale qui reçoivent leur
chèque sur une base mensuelle; il serait donc pour eux souhaitable de
recevoir aussi leur compte d'électricité sur une base mensuelle,
ce qui leur permettrait de mieux planifier leurs dépenses.
Enfin, l'office veut mettre l'accent sur la nécessité
d'améliorer le service à la clientèle de façon
à le rendre accessible à tous les usagers. Des sommes fabuleuses
seront engagées par Hydro-Québec au cours des prochaines
années pour l'expansion et la modernisation du réseau. L'Hydro
a-t-elle prévu également de se réserver certains montants
d'argent pour l'amélioration de son service à la
clientèle, en particulier l'accessibilité pour tous les citoyens
à travers la province à son service de renseignements? C'est
là une question que le consommateur se pose en toute
légitimité lorsqu'il voit une entreprise de monopole public comme
Hydro-Québec jongler avec les milliards.
L'Office de la protection du consommateur reçoit encore des
plaintes à savoir qu'il est très difficile pour certains
consommateurs de rejoindre l'Hydro en raison de la surcharge du réseau
téléphonique. L'office réclame en conséquence une
augmentation du nombre de lignes téléphoniques. Il demande
également que soit généralisée l'utilisation de
lignes de type INWATS ou l'abonnement au système Zénith de
manière à éviter aux consommateurs des régions
éloignées des grands centres des frais d'appels coûteux.
(16 h 45)
Voilà donc l'essentiel des préoccupations de l'Office de
la protection du consommateur en regard des politiques d'Hydro-Québec.
Nous espérons que nos remarques et propositions, qui se veulent
constructives, seront prises en considération. Nous espérons
surtout que le dialogue qui s'amorce aujourd'hui s'intensifiera et deviendra
une pratique consacrée dans le cadre d'une structure qui reste à
définir.
Je vous remercie, M. le Président, M. le ministre et MM. les
députés, de votre attention.
Le Président (M. Jolivet): Merci, M. Nammour. M. le
ministre.
M. Bérubé: Je remercie l'Office de la protection du
consommateur d'avoir souligné ici un certain nombre de problèmes
d'équité et je ne vous cache pas que c'est souvent ce genre de
problèmes qui remontent jusque dans les cabinets de ministres. En fait,
les problèmes qui sont soumis à notre attention sont, les trois
quarts du temps, des problèmes de mauvais services à la
clientèle, de téléphones qui ne répondent pas ou
encore qui sont toujours occupés, ou encore de coupures l'hiver, comme
le député de Nicolet-Yamaska nous l'a souligné.
Évidemment, on essaie de régler cela sur une base un peu à
l'amiable, mais ce n'est pas normal que des citoyens soient obligés
d'appeler à un cabinet de ministre et veuillent parler au ministre parce
qu'ils ont un problème avec Hydro-Québec. Il y a quelque chose
qui ne marche pas dans ce temps-là. Les principaux appels que je
reçois à propos d'Hydro-Québec, c'est presque toujours ce
type de problème. Il y a certainement un malaise.
Il y a également - c'est l'impression que j'ai - une nette
amélioration au niveau d'Hydro-Québec depuis quelques
années pour faire en sorte que son service à la clientèle
soit plus humain, que l'on réponde davantage, qu'on améliore les
communications téléphoniques et qu'on arrive peut-être
à avoir ne serait-ce qu'un peu plus d'amabilité de la part de
ceux qui sont préposés au service. Ils ont peut-être
reçu 25 appels au cours de la journée, mais ils sont payés
pour cela, et ils finissent par oublier que le 26e, lui, ne le sait pas qu'il
en a eu 25 avant lui. Par conséquent, se faire recevoir comme un chien
dans un jeu de quilles n'est pas particulièrement intéressant,
surtout quand vous avez des problèmes de service.
Je dois vous avouer que, quand je me suis occupé de
problèmes semblables, cela a toujours été sur une base
ponctuelle. Là, vous l'abordez dans le cadre d'une problématique
plus globale et j'aimerais avoir un peu votre opinion. Par exemple, vous dites:
Interdiction complète des coupures d'électricité. On m'a
expliqué à Hydro-Québec que maintenant on ne coupe plus
l'électricité l'hiver, puisque cela met le citoyen dans des
conditions absolument épouvantables. On m'a soulevé un ou deux
cas, je pense, qui doivent être grattés parce que, d'après
moi, ces cas ne devraient pas se produire, puisque, à
Hydro-Québec, on m'a dit que l'hiver on ne privait pas les citoyens
d'électricité. Cela a souvent comme conséquence que le
citoyen accumule un compte de plus en plus élevé que, de toute
façon, il n'est pas capable de payer, ce qui fait qu'en pratique, cela
revient, pour Hydro-Québec, à jouer un rôle d'aide sociale,
c'est-à-dire à fournir l'électricité
gratuitement.
On pourrait se poser la question: Dans quelle mesure Hydro-Québec
doit-elle se
mettre à la place du service d'aide sociale et fournir un service
gratuitement à une population qui est incapable de payer? C'est une
question qui me vient à l'esprit. Si, a priori, on dit: II n'y a jamais
de coupure, on peut toujours dire: Vous allez poursuivre. Mais le citoyen qui
n'a pas payé son compte ne sera pas plus capable de le payer
après, surtout s'il vit de l'aide sociale, par exemple, puisque la loi
interdit la saisie des prestations de bien-être social.
Donc, cela revient à dire que tout assisté social qui ne
voudrait pas payer son compte d'électricité pourrait se faire
fournir gratuitement l'électricité et cela, sans qu'on ait aucun
moyen pour empêcher cela. Vous aurez beau aller en cour, vous
n'obtiendrez jamais gain de cause. Cela revient à dire: Le gouvernement
va offrir à toute personne qui ne veut pas payer son compte une
prestation sociale supplémentaire qui n'est pas prévue dans la
loi.
Comment, dans votre réflexion sur la portection du consommateur,
conciliez-vous cette problématique avec l'autre aspect qui
m'apparaît aussi très important, soit que
l'électricité est aujourd'hui un bien essentiel et qu'on ne peut
pas priver les citoyens de biens essentiels?
Le Président (M. Jolivet): M. Nammour.
M. Nammour: Je suis parfaitement conscient du problème que
vous soulevez et de ses implications pour Hydro-Québec. En fait, il ne
devrait pas s'agir, pour Hydro-Québec, de fournir le service
gratuitement à tous les assistés sociaux. Il faudrait trouver des
mécanismes qui permettraient à ces assistés sociaux
d'étaler leurs paiements. Je sais qu'il y a des arrangements qui sont
actuellement pris par Hydro-Québec, qu'il y a eu des efforts faits dans
ce sens, mais il y a toujours la menace d'une coupure qui pèse sur la
tête des assistés sociaux. Je ne pense pas non plus que le fait de
couper l'électricité va régler le problème, parce
que si le consommateur ne peut payer, il ne pourra pas payer davantage si
l'électricité est coupée et il va se retrouver avec un
problème évident qui est celui de l'absence de prestations d'un
service essentiel.
Je pense qu'il faudrait trouver des mécanismes souples
d'ajustement peut-être par le réseau des affaires sociales - je
dis cela juste à titre suggestif - qui permettraient aux personnes
concernées, aux personnes pénalisées plutôt que
d'être complètement coupées de service, d'avoir droit
à une prestation minimale d'électricité pour leurs besoins
et quitte, en fait, à étaler leurs paiements. Il y a
peut-être des conseillers budgétaires qui pourraient les aider
à mettre tant d'argent de côté pour payer leurs comptes. Je
sais qu'il y a déjà eu des efforts qui ont été
faits dans ce sens, ce sont des cas isolés, mais si on pouvait arriver
à une politique généralisée et
systématisée, je pense qu'on réglerait le problème
une fois pour toutes.
M. Bérubé: Est-ce que l'office accepterait de
réfléchir justement à ce problème, de
manière à proposer des mécanismes? Puisque l'impression
que j'ai, c'est que c'est faute d'avoir ces mécanismes. Je pense qu'on
est tous d'accord sur le fond. C'est-à-dire qu'on ne doit pas priver un
citoyen d'un bien essentiel sous prétexte qu'il est à court
d'argent et de faire geler en plein hiver une famille avec des enfants. C'est
totalement inhumain et inadmissible au sein de notre société.
Donc, vous avez parfaitement raison sur le fond. Le problème,
c'est toujours le problème de la fraude. Comment doit-on se
prémunir contre la fraude, sachant que lorsque l'on ne peut pas se
prémunir contre la fraude, celle-ci a tendance à se
généraliser? Puisqu'on comprend bien vite que le système
est ainsi conçu, on ne pourra pas se prémunir contre la fraude,
il n'y a rien de façon interne qui le permet.
J'aimerais cela si l'office pouvait réfléchir à
cette question. Je pense que du côté gouvernemental, cela me
paraît un point qu'il va falloir fouiller beaucoup plus en profondeur. Il
va falloir en arriver à une mécanisme, peut-être dans le
sens de celui que vous avez proposé. Est-ce que ce serait un
prélèvement à la source qu'Hydro-Québec pourrait
faire de concert avec le gouvernement? Je n'ai pas la moindre idée. Mais
est-ce que c'est cette avenue que vous semblez favoriser présentement,
qui pourrait effectivement peut-être nous permettre d'avoir une loi ou un
règlement interdisant les coupures d'électricité, mais en
même temps un mécanisme qui assure qu'Hydro-Québec n'est
pas amenée à fournir un service social qui, normalement, doit
être fourni par l'État.
M. Nammour: En fait, notre préoccupation essentielle,
c'est qu'Hydro-Québec ne soit pas à la fois juge et partie. Je
pense que cela devrait relever d'une autre instance de pouvoir trancher le
litige et de pouvoir déterminer s'il y a eu fraude ou non. Au cas
où il y aurait fraude, le consommateur serait lui-même
pénalisé, et il devrait s'acquitter, quitte à être
mis en faillite s'il le faut. Sauf que dans le cas où il ne peut pas
payer, c'est autre chose, ce sont les mécanismes d'aide sociale qui
interviendraient. Je pense qu'il ne faut pas laisser à
Hydro-Québec seule le soin de déterminer si le consommateur est
un bon ou un mauvais payeur, de bonne foi ou de mauvaise foi. Il faudra trouver
des mécanismes qui permettraient d'arbitrer, si on peut dire, le conflit
éventuel.
M. Bérubé: La preuve de mauvaise foi est toujours
très difficile à faire. Par conséquent, l'impression que
j'ai, c'est qu'Hydro-Québec fonctionne présentement sur une base
très discrétionnaire, en essayant de faire preuve de bon
jugement, essentiellement dans les cas, et on a des cas, effectivement, de
mauvais jugement, puisque l'homme restant l'homme, parfois, il exerce son
jugement correctement et parfois incorrectement.
Donc, on n'a pas vraiment de mécanisme. Mais ce serait
intéressant si l'office pouvait réfléchir à une
formule. Parce qu'il ne suffit pas de dire: Les coupures sont inadmissibles, il
faut également proposer une formule en vertu de laquelle les coupures ne
sont plus nécessaires. Je pense que c'est cela qui nous permettrait de
nous sortir de la difficulté que vous soulignez. Mais je pense que votre
point est fondamentalement correct. Il faut prendre les moyens pour qu'il n'y
ait plus de coupures d'un service aussi essentiel que
l'électricité, mais en même temps, il faut prendre les
moyens pour qu'Hydro-Québec ne soit pas placée dans une position
où elle se substitue à d'autres organismes gouvernementaux qui
sont là pour aider les plus démunis de notre
société.
L'interdiction du dépôt pour la fourniture
d'électricité, j'ai toujours eu l'impression que ce
dépôt ne s'appliquait qu'aux entreprises commerciales. Est-ce
exact?
M. Nammour: II existe encore pour les particuliers, pour les
usagers résidentiels.
M. Bérubé: Alors, c'est dans le cas des
particuliers que vous voudriez...
M. Nammour: C'est cela.
M. Bérubé: ...voir ce dépôt
retiré.
M. Nammour: C'est cela.
M. Bérubé: Est-ce qu'Hydro-Québec devrait
exiger certaines garanties de service, en ce sens que, si je décide
d'aller m'installer dans la forêt à 25 milles d'un point de
service et que je demande à Hydro-Québec de me desservir - je
caricature pour les fins de la cause - à ce moment, Hydro-Québec
peut refuser de fournir le service ou le fournir contre une garantie. Vous
suggérez ici qu'il n'y ait jamais de garantie demandée par
Hydro-Québec?
M. Nammour: À titre de comparaison, je dirai que,
lorsqu'on fait venir un plombier chez soi pour faire une réparation,
bien souvent, il fait la réparation et il vous dit: On vous enverra le
compte. Donc, il n'a aucune garantie en main, sinon qu'il y a une signature du
client. Si on considère qu'Hydro-Québec passe un contrat avec ses
clients, cela pourrait peut-être même prendre la forme d'un contrat
écrit, le contrat vaudrait comme engagement de la part du client, comme
n'importe quel autre contrat d'affaires.
M. Bérubé: C'est une formule effectivement
envisagée. Je n'ai pas d'autre question pour l'instant.
Le Président (M. Jolivet): Merci. M. le
député de Rouyn-Noranda.
M. Samson: M. le Président, je voudrais remercier
également les représentants de l'Office de la protection du
consommateur qui, ce matin, viennent nous faire part de leurs
préoccupations. Je veux en même temps les assurer que ces
préoccupations qui sont les leurs sont également les
nôtres. À l'instar du ministre, j'ai aussi parfois des gens qui
viennent me faire part de certains problèmes que nous retrouvons dans
votre mémoire. Je note particulièrement votre
préoccupation vis-à-vis des possibilités de coupure de
service à la population, et notamment aux plus démunis,
c'est-à-dire les assistés sociaux.
Vous faites certaines recommandations qui me semblent très
valables. Cependant, il me semble... c'est peut-être dû au fait que
vous n'avez pas tellement de possibilités avec l'actuelle Loi sur la
protection du consommateur pour intervenir; si ma mémoire est
fidèle, Hydro-Québec est soustraite à la loi et les
compagnies distributrices de gaz naturel sont également soustraites
à la loi, ce qui fait que, du point de vue d'un besoin de
l'énergie, les relations entre le distributeur et le consommateur ne
peuvent pas être facilement protégées par votre office, si
je comprends bien.
II est bien sûr que, sur le plan pratique, il n'est pas facile de
demander à Hydro-Québec aussi bien qu'à un autre organisme
de distribution de services publics essentiels de le faire à titre
gratuit. Il n'est pas facile non plus d'exiger d'eux de ne pas faire payer
certaines classes en faisant payer une autre classe. Le problème est
assez complexe. Vous l'avez cependant souligné et, je pense, à
bon escient. Il me semble - vous me direz ce que vous en pensez - que la base,
en partie, du problème que vous soulignez quant aux coupures, d'abord,
s'il y a coupures, c'est qu'il n'y a pas paiement de facture.
Vous avez souligné à la quatrième recommandation de
votre mémoire votre désir de voir une facturation plus
régulière. Je pense que vous avez touché à un
élément essentiel du problème. Comme vous, j'ai
été témoin souvent du fait que des assistés sociaux
se voyaient couper des services ou
encore se voyaient devant la possibilité d'une coupure de service
en raison du fait qu'ils venaient de recevoir une facture
d'électricité qui était à ce point
élevée qu'il devenait impossible pour le consommateur à
faible revenu de s'acquitter de cette facture. (12 heures)
Évidemment, en même temps, cela a un effet
d'entraînement sur le dépôt. Puisqu'on ne sait pas si
l'acheteur paiera bien dans l'avenir, la tendance est d'exiqer un
dépôt pour s'assurer des prochains paiements. Malheureusement,
quand on fait affaires avec des gens à faible revenu, des gens
démunis, ce sont justement, comme vous le dites si bien d'ailleurs,
ceux-là qui n'ont pas les moyens de donner un dépôt.
Mais ce problème, puisque, à cette commission, nous ne
discutons pas que d'Hydro-Québec, mais du problème
énergétique en général, je le retrouve quant aux
coupures, pas quant à la facturation. La facturation, c'est surtout
à Hydro-Québec que cela arrive et je pense que cela arrive dans
certaines régions où il n'est pas facile d'avoir accès aux
compteurs durant l'hiver. Il y a une facturation qui est basée sur je ne
sais quel mécanisme, mais une facturation réduite et, tout
à coup, quand il y a lecture des compteurs, il y a une explosion. La
facture est trop élevée et on se retrouve devant une
éventualité comme une coupure d'électricité.
Cependant, comme le ministre le disait tantôt, il y a, évidemment,
une question de jugement. Je dois, devant cette commission, dire que depuis
quelques années il y a eu amélioration de ce
côté-là à Hydro-Québec. Je me rappelle avoir
eu des discussions sérieuses et avoir même dû intervenir
pour lui faire savoir ce que je pensais. Depuis quelques années, il y a
- je pense que cela dépend aussi des gens avec qui...
M. Bérubé: Changement de gouvernement.
M. Samson: Pardon?
M. Bérubé: Changement de gouvernement.
M. Samson: Non. Quand je dis quelques années, je suis
là depuis onze ans. Cela fait plus longtemps que cela.
Des voix: Ah!
M. Samson: Le monde n'a pas été découvert en
1976, vous savez. Christophe Colomb est arrivé avant vous autres.
M. Ciaccia: Un bon Italien!
M. Samson: Je dois dire que selon les gens avec qui on fait
affaires, il y a toujours moyen de s'arranger. Ce moyen de s'arranger, c'est,
comme vous l'avez suggéré, un étalement sur un certain
nombre de mois. Je n'irai pas jusqu'à demander que l'aide sociale
intervienne pour devenir l'agent de l'assisté social parce que cela
équivaudrait à placer l'assisté social dans une situation
d'administration par le gouvernement. Je n'irai pas jusque là. C'est
bien sûr que si l'assisté social est dans une situation telle
qu'il ne peut pas facilement payer ses factures, il me semble que la principale
raison, cela saute aux yeux de tout le monde, c'est le manque d'argent. Le
manque d'argent, cela ne dépend pas nécessairement
d'Hydro-Québec. Cela ne dépend pas nécessairement de la
compagnie de gaz non plus. À titre d'exemple, si, dans une année
donnée, les tarifs d'électricité augmentent de 17,5% et
que, durant cette même année, le barème d'aide sociale est
indexé à 8,7%, il y a sûrement quelque chose qui manque
à l'assisté social pour payer quelque chose. Il a le choix entre
retarder ses paiements d'électricité, retarder ses paiements de
nourriture, retarder ses paiements de logement ou ne pas s'acheter de
vêtements. C'est le problème qui se pose. Si je donne cet exemple,
c'est que je pourrais fouiller dans mes livres et vous donner les années
exactes où ce phénomène s'est produit. Il va se produire
encore parce que l'indexation actuelle est de 9,9% et l'augmentation du prix de
l'électricité sera plus élevée. C'est le
problème des assistés sociaux que vous voulez défendre et
qu'évidemment vous avez raison de vouloir défendre.
Maintenant, je voudrais savoir si l'office croit qu'il faudrait
créer un mécanisme quelconque indépendant du gouvernement
ou relié au gouvernement, qui aurait à arbitrer ce genre de
choses, à décider des augmentations de tarifs, par exemple, ou
encore à décider de la politique de services, à savoir si
de tel mois à tel mois on n'a pas le droit ou on a le droit de couper
les services tant dans le domaine de l'électricité que dans le
domaine du gaz naturel, parce que là il faut aussi parler de gaz
naturel. Étant donné la pénétration de gaz naturel
qu'on va avoir de plus en plus, il va falloir en parler sur la même base
dont on parle de l'électricité.
De ce côté, est-ce que vous croyez qu'un organisme comme
celui-là, avec un mécanisme qui serait hors du fournisseur,
pourrait mieux aider à aborder ce problème?
Le Président (M. Jolivet): M. Nammour.
M. Nammour: M. le député de Rouyn-Noranda, en fait,
ce que vous venez de dire rejoint la préoccupation que j'ai
exposée tantôt. Il faudrait idéalement qu'il y ait une
instance qui soit indépendante d'Hydro-Québec pour agir à
la fois comme arbitre et
comme, en fait, organisme régulateur par rapport aux pratiques
d'Hydro-Québec vis-à-vis de ses clients. Je pense que c'est en
cherchant un mécanisme de ce genre qu'on va peut-être pouvoir
arriver à des solutions qui soient à la fois équitables et
souples, et satisfaisantes aussi.
M. Samson: Est-ce que l'Office de la protection du consommateur a
aussi été saisi de pratiques de coupures du côté du
gaz naturel, un peu dans le même sens que ce que vous avez
énoncé dans votre mémoire vis-à-vis
d'Hydro-Québec? Est-ce que vous avez été saisi aussi de
pratiques visant à pénaliser un client de 10% du montant de la
facture après un délai de dix jours seulement, ce
qu'Hydro-Québec pratiquait jadis, et qu'elle a changé,
heureusement, pour en revenir à une méthode qui est celle du
commerce en général, c'est-à-dire le taux
d'intérêt après un premier mois?
Le Président (M. Jolivet): M. Nammour.
M. Nammour: En 1977, nous étions venus justement à
la commission parlementaire de l'énergie et nous avions
précisément dénoncé les pratiques qui
étaient en cours aussi bien d'Hydro-Québec que de Gaz
Métropolitain qui imposaient effectivement une pénalité de
10%. Ce qui est arrivé depuis 1977, c'est qu'Hydro-Québec a
amélioré de beaucoup ses pratiques. La pénalité de
10% n'existe pas. En fait, actuellement, ce que les consommateurs ont comme
pénalité, si on veut l'appeler comme ça, ce sont frais
d'administration de 1 1/2%, donc, comme n'importe quel autre compte. Nous
souhaitons que les mêmes mesures soient adoptées aussi bien pour
les compagnies de gaz que pour Hydro-Québec, ainsi que pour tous les
services de prestation d'électricité, municipaux et autres.
Peut-être qu'à ce moment il faudrait parler non plus seulement
d'un organisme de coordination ou de régulation juste pour
Hydro-Québec, mais d'énergie en général, de toute
fourniture, de toute prestation de services énergétiques, qu'il
s'agisse de gaz, de pétrole ou d'électricité, parce que,
surtout avec les éventuelles conversions de systèmes, le
problème qui se pose aujourd'hui pour une personne dans le domaine de
l'électricité va se poser peut-être avec le gaz et il
faudrait que les solutions qui seront adaptées à l'un soient
également adaptées ou prises en considération pour les
autres.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Nicolet-Yamaska.
M. Fontaine: Je suis tout à fait d'accord avec ce que vous
proposez concernant l'interdiction complète des coupures
d'électricité. Je l'avais d'ailleurs mentionné dans mon
allocution d'ouverture au début de cette commission parlementaire. Le
député de Bellechasse a eu également l'occasion de
souligner publiquement quelques cas. Je pense qu'il faut essayer de trouver une
solution à ces problèmes. La solution, quelle qu'elle soit, je
pense que cela revient au gouvernement à la trouver et peut-être
qu'avec l'aide de votre organisme, on pourra le faire le plus rapidement
possible.
Je voudrais soulever un autre point, parce que vous dites dans votre
mémoire qu'Hydro-Québec est devenue un service accessible
à tout le public, bien sûr, et surtout un service essentiel. Il y
a quelque temps, on a eu à vivre dans le Québec des grèves
dans le secteur d'Hydro-Québec. Personnellement, j'en ai vécu une
de façon tangible. Je suis allé passer une journée avec
des gens qui étaient privés des services d'Hydro-Québec
depuis sept jours et cela un peu avant la période des fêtes, l'an
passé. Pourriez-vous me donner votre opinion à savoir s'il serait
opportun d'interdire le droit de grève dans ce secteur qui est
jugé comme un service essentiel aujourd'hui dans la province de
Québec?
Le Président (M. Jolivet): M.
Nammour.
M. Nammour: M. le député de Nicolet-Yamaska, votre
question est assez complexe, parce que, à l'intérieur d'un
organisme comme Hydro-Québec, il faudrait voir d'abord quelles sont les
activités qui pourraient menacer la prestation du service essentiel et
quelles sont celles qui ne le sont pas. Il est évident que des emplois
comme ceux d'administration ou de bureau n'ont peut-être pas une
implication en matière de services essentiels et qu'une interruption de
travail dans ces secteurs n'affectera pas la fourniture du service, mais il y a
peut-être d'autres emplois où cela risque de compromettre de
façon radicale la fourniture de services. À ce moment-là,
je pense que ce problème devrait être traité de la
même façon que tout autre service essentiel, aussi bien les
services hospitaliers ou d'autres services qu'on considère comme
essentiels à la population et que le traitement qui sera appliqué
à l'un de ces services soit aussi, pour être équitable,
appliqués à Hydro-Québec, si tel était le cas.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Mont-Royal.
M. Ciaccia: Merci, M. le Président. Je note que l'Office
de la protection du consommateur a fait plusieurs recommandations dont une est
la création d'un mécanisme, tel qu'une régie de
l'énergie pour des auditions publiques, pour entendre les
représentations des différents groupes,
quant aux augmentations possibles des tarifs d'Hydro-Québec. Je
voudrais seulement porter à votre attention qu'en 1978, durant une
commission parlementaire telle que celle-ci, j'ai moi-même fait une
motion formelle à cet égard. À ce moment-là, je
parlais de la régie de l'énergie, mais cela aurait pu être
aussi un autre mécanisme. Le gouvernement avait inclus dans son livre
blanc la création de la régie de l'énergie. À ce
moment-là, ce n'était pas le ministre actuel, c'était M.
Joron. Il était d'accord en général avec le principe d'un
mécanisme devant lequel les individus, les citoyens et les autres
institutions québécoises pourraient se présenter, mais,
malheureusement, le gouvernement n'a pas agi dans ce domaine. C'est malheureux,
parce que nous croyons que c'est important d'avoir un tel mécanisme pour
justement avoir toutes les informations nécessaires quant aux prises de
décision, que ce soit les prises de décision du gouvernement
vis-à-vis d'une politique énergétique ou les tarifs
d'Hydro ou les recommandations d'Hydro-Québec. (12 h 15)
Je voudrais porter une autre chose à votre attention aussi et
vous poser une question. Le gouvernement a annoncé un programme de
conservation de l'énergie. Dans son discours inaugural, le premier
ministre a déclaré qu'il y aurait un programme de $1 milliard qui
comprendrait des déboursés de $100,000,000 par année
échelonnés sur les dix prochaines années. J'ai
demandé le dépôt du document, de l'étude sur
laquelle était basé ce programme et je me suis aperçu que,
les conclusions de l'étude étaient à que non seulement il
y avait différents scénarios, - il y avait notamment le
scénario de la dépense de $1 milliard - mais que si le
gouvernement avait dépensé $1,900,000,000, l'économie
d'énergie serait beaucoup plus élevée. Au lieu
d'être de 21,8%, elle aurait pu monter à 38% et, même si
Hydro avait voulu aller au-delà de dix ans avec un
déboursé de $2,500,000,000, elle aurait pu effectuer des
économies d'énergie de 41,8% dans le domaine résidentiel,
qui affecte les gens que vous représentez et pour lesquels vous venez
faire des représentations aujourd'hui. La question que je voudrais vous
poser est donc la suivante: Face aux recommandations, aux conclusions de ce
document, seriez-vous d'opinion de demander au gouvernement d'accepter les
conclusions de ce document à savoir qu'on devrait dépenser plus
d'arqent pour effectuer de plus hautes économies d'énergie
plutôt que de se limiter à seulement une partie des
recommandations, naturellement avec une économie d'énergie
beaucoup moindre?
Le Président (M. Jolivet): M. Nammour.
M. Nammour: M. le député de Mont-Royal, nous
n'avons malheureusement pas eu connaissance de ce document et nous serions,
bien sûr, très intéressés à l'étudier
parce que je pense que l'objectif d'économiser le maximum
d'énergie, ne serait-ce d'abord qu'à cause de la rareté de
cette ressource, mais aussi pour les implications économiques que cela a
pour le portefeuille des citoyens, cela nous intéresse au plus haut
chef. Je pense que nous ne sommes pas les seuls à l'intérieur de
l'administration publique à souhaiter qu'on en arrive à un
résultat satisfaisant.
M. Ciaccia: Vous pourriez peut-être en prendre connaissance
et, par l'entremise de votre bureau, faire les représentations qui
s'imposent. Merci.
Le Président (M. Jolivet): Merci, M. Nammour et vos
représentants.
J'invite donc le Conseil régional de développement de
l'Est du Québec, représenté par M. Pierre Jobin, à
bien vouloir venir présenter son mémoire. Pendant ce temps, - ce
qui permettra aux gens de venir s'installer - je tiens à faire part aux
membres de cette commission que le Conseil régional de l'environnement
de l'Est du Québec a demandé que l'on dépose son
mémoire et, comme prévu, il sera à la bibliothèque
de la Législature ainsi qu'au secrétariat des commissions.
La parole est à M. Pierre Jobin, du Conseil régional de
développement de l'Est du Québec, mémoire no 23. Allez, M.
Jobin!
Conseil régional de développement de
l'Est du Québec
M. Jobin (Pierre): Merci, M. le Président.
D'abord, en guise d'introduction, on tient à remercier la
commission de recevoir le Conseil régional de développement de
l'Est du Québec. Nous croyons qu'il est de notre devoir de faire valoir
le point de vue de notre région par rapport à l'avenir du
Québec au niveau de l'électricité et nous espérons
que nos considérations vous seront utiles.
Notre exposé consiste d'abord en une présentation rapide
de ce qu'est notre CRD et des caractéristiques majeures de notre
région; par la suite, on sera en mesure de mieux expliquer
l'intérêt qu'on a dans le dossier.
Cela fait, on va analyser les documents préparés par
Hydro-Québec, d'abord d'une façon générale. Notre
évaluation portera ensuite sur les éléments
régionaux du programme. Finalement, on va tenter d'envisager la
pertinence des propositions en regard de notre bilan énergétique
régional et on va présenter nos conclusions. Toutefois,
pour éviter toute ambiguïté, on tient à vous
signaler que nous ne sommes pas des experts des questions
énergétiques, d'une part, et que, d'autre part, les délais
impartis par la commission sont très courts pour des organismes comme le
nôtre qui doivent réunir un conseil exécutif, un conseil
d'administration, etc., surtout compte tenu de la...
Le Président (M. Jolivet): On a de la difficulté
à vous entendre.
M. Jobin: Excusez-moi... surtout compte tenu de la
complexité des questions en cause.
Le portrait d'ensemble de l'Est du Québec. Très
rapidement, l'Est du Québec est un pays qui est grand comme la Suisse
-16,000 milles carrés - où sont éparpillées plus de
200 municipalités pour une population totale de l'ordre de 315,000
habitants. C'est une région que l'on désigne comme
périphérique, marginale, ou ressource, selon les auteurs. Le
Bas-Saint-Laurent, la Gaspésie, les Îles-de-la-Madeleine font
depuis longtemps l'objet d'expériences de planification dont la plus
célèbre, le Bureau d'aménagement de l'Est du
Québec, le BAEQ, a constitué une première au
Québec.
Tous les problèmes ne sont pas réglés, loin de
là, comme nous le révèle un coup d'oeil rapide sur ce
qu'on est convenu d'appeler les macro-variables: le revenu disponible par
ménage dans notre région ne représente que 80% de la
moyenne du Québec. C'est de l'ordre de 65%, si on le considère
per capita; le taux de chômage est parmi les plus élevés au
Québec et dépasse régulièrement 20% malgré
un taux d'activité inférieur de 10% à la moyenne et un
travail extra-régional très important qui est de l'ordre de 4%
à 5%; la population diminue et vieillit à cause d'un bilan
migratoire négatif, qui dépasse parfois les 5000 personnes et
frappe surtout les strates jeunes.
C'est dans ce contexte que la population de l'Est du Québec se
débat. C'est par des expériences originales de
développement, à caractère populaire et communautaire, que
les gens de l'Est ont décidé de prendre en charge leur avenir.
Partout sur le territoire, des coopératives de pêcheurs aux
îles et en Gaspésie aux clubs alimentaires du Témiscouata,
de la cartonnerie de Cabano à la papeterie de Matane - cela a
été écrit pour le 6 février -des radios
communautaires à l'aménagement intégré des
ressources dans le JAL, partout, dans tous les domaines jaillissent les
initiatives, à telle enseigne que le mouvement coopératif
connaît chez nous un chiffre d'affaires 2,5 fois plus élevé
per capita que la moyenne provinciale.
Quant à notre CRD, c'est un orqanisme qui est né en 1967
de la fusion entre le Conseil d'orientation économique du Bas
Saint-Laurent et le Conseil régional d'expansion économique de la
Gaspésie et des Îles-de-la-Madeleine, compagnie sans but lucratif
régie par la troisième partie de la Loi sur les compagnies.
Reconnu comme interlocuteur privilégié en matière
de développement régional, il vise des objectifs de consultation
et de concertation en regroupant les intervenants préoccupés par
le développement de notre région. Ces derniers participent aux
activités du CRD et élisent, chaque année, lors de
l'assemblée générale, les membres du conseil
d'administration parmi lesquels seront choisis ceux du conseil
exécutif.
Le CRD regroupe aussi bien des centrales syndicales que des corporations
municipales; des coopératives que des associations patronales ou des
groupes communautaires; des entreprises mais également des individus et
divers conseils régionaux sectoriels. Ces intervenants se retrouvent au
CRD pour échanger des points de vue sur le développement
régional et se concerter sur des questions d'intérêt
régional.
La structure d'organisation et de participation du CRD est conçue
en fonction d'une approche à la fois sectorielle économique,
sociale, culturelle et civique -et territoriale - KRT, Métis,
Gaspésie-Îles-de-la-Madeleine. C'est à partir de cette
organisation que le CRD émet des avis à ses divers interlocuteurs
régionaux et extra-régionaux, volontaires ou gouvernementaux. On
retrouve d'ailleurs un graphique qui illustre le mécanisme
d'organisation du CRD.
Notre intérêt dans ce dossier. Ce n'est pas d'hier que le
CRD de l'Est du Québec s'intéresse de près aux questions
énergétiques. Nous avons même eu l'occasion, dès
novembre 1977, de soumettre un mémoire à la commission
parlementaire sur l'énergie où on faisait un portrait rapide de
la situation de notre région qui, en pratique, doit importer la presque
totalité de son énergie.
Nous avons eu également à nous prononcer à quelques
reprises sur les tracés de ligne proposés par Hydro-Québec
à l'intérieur de notre région. De la même
façon, nous avons fait des représentations auprès de
l'Office national de l'énergie du Canada sur la prolongation du gazoduc
dans notre région l'an dernier et nous comptons également faire
connaître notre point de vue sur le terminal méthanier à
toutes les instances autorisées. C'est fait depuis la date du
dépôt de ce rapport. Nous sommes intervenus devant le Bureau des
audiences publiques à Cacouna, à Rivière-du-Loup.
Finalement, il faut souligner les actions que nous avons menées
en ce qui concerne le prix de l'essence. Nous avons identifié qu'en
1978, il en coûtait au moins $9 millions de plus à notre
région que dans les régions centrales pour une même
quantité d'essence. Nous avions alors organisé une
pétition qui a recueilli plus de 20,000 appuis et adressé au
ministre d'État à l'énergie un mémoire exposant
diverses solutions à cette situation d'iniquité pour notre
région.
Ces présentations faites, on peut parler un peu plus directement
de l'avenir électrique. Hydro-Québec nous a fait parvenir, il y a
quelque temps, un certain nombre de documents pertinents aux questions qui sont
soumises à la commission. Après avoir établi quelques
principes, on va analyser ces documents de façon générale
et en fonction de notre région.
Quelques principes de base. On pense que c'est utile de présenter
d'abord les considérations d'ensemble qui guident notre intervention. En
tout premier lieu, nous tenons à établir clairement que
l'étalon auquel nous mesurons la situation et les propositions qui sont
mises de l'avant, c'est le développement de l'Est du Québec et le
mieux-être de ses habitants. Notre point de vue est donc
résolument régionaliste.
L'épuisement des ressources de la planète constitue un
phénomène dont la prise de conscience commence à se
manifester; cela a même amené des chercheurs à proposer que
la société de consommation dans laquelle nous vivons fasse place
à une société de conservation. Dans le domaine de
l'énergie, l'insécurité des approvisionnements
pétroliers, accompagnée de la flambée des prix ont conduit
à des mesures d'économie: cylindrée des automobiles,
réduction de la vitesse, isolation des maisons, etc.
Il nous apparaît qu'on doit développer une attitude
semblable vis-à-vis de l'électricité que trop souvent on
tient pour acquise au Québec, sans doute à cause des
réalisations exceptionnelles d'Hydro-Québec dans ce domaine:
Manic, la Baie James, les lignes des 735 kV etc., qui sont, d'ailleurs,
devenues des symboles du génie national des Québécois.
Cela peut être important de se mettre à économiser,
tant d'un point de vue écologique que d'un point de vue
économique. L'électricité, surtout
l'hydroélectricité, constitue, de l'avis général,
une source d'énergie relativement respectueuse de l'environnement. En
effet, elle ne produit pas, par sa consommation, de déchets polluants;
renouvelable, elle -n'exige pas non plus, pour sa production, l'utilisation de
ressources finies. Mais elle présente quand même certains
inconvénients.
La construction de barrages, même si les petits sont à cet
égard moins offensants que les gros, vient quand même perturber
considérablement l'écologie des cours d'eau qu'on canalise et des
bassins hydrographiques qui sont touchés. Quant aux lignes de
transmission, elles présentent divers désagréments. En
premier lieu, on ne peut nier qu'elles constituent un important facteur de
pollution visuelle. Dans une région qui présente un
intérêt touristique, cela peut être un problème. De
plus, même si là-dessus le dernier mot n'a pas été
dit, il se pourrait qu'elles affectent les humains et les bêtes dans les
alentours immédiats, surtout dans les cas de hauts voltages. On
connaît également les nombreux désagréments qu'elles
causent à l'agriculture. Finalement, en favorisant l'accès
à la forêt dans certaines zones, elles constituent un facteur
d'augmentation du braconnage.
D'un point de vue économique, l'électricité au
Québec est offerte à un coût qui s'avère très
concurrentiel avec celui des autres sources d'énergie. Il n'y a pas de
raison qui permette de prévoir que cette situation soit appelée
à changer. Toutefois, cela ne signifie pas qu'il faut arrêter
là l'analyse des aspects économiques du développement
électrique.
Le Québec peut, à partir de ses propres ressources en
personnel, en équipement et en matières premières, fournir
à peu près tout ce qu'il faut pour produire et distribuer
l'hydroélectricité et ce secteur représente un
élément important dans l'économie. Le pari
hydroélectrique, s'il réussit, peut nous faire oublier l'absence
presque complète du Québec dans la technologie
nucléaire.
Mais, de toute façon, hydraulique ou nucléaire,
l'électricité exige des investissements colossaux tant du
côté des équipements de production que de celui de la
distribution. À telle enseigne que les vastes projets
d'Hydro-Québec, qui se chiffrent par des dizaines de milliards de
dollars, pèsent très lourd sur les marchés financiers,
conditionnent le crédit du Québec dans son ensemble et
influencent la balance des paiements, voire la valeur du dollar.
Comme on peut le constater, il y a, tant du point de vue
écologique que du point de vue économique, des bonnes raisons
pour appliquer à l'électricité, comme aux autres sources
d'énergie, un programme de conservation détaillé et
efficace.
L'électricité comme outil de développement - parce
que c'est également un outil de développement important - sa
disponibilité en abondance et à des prix avantageux constitue
certainement un atout important pour la promotion économique du
Québec.
La question de l'exportation. Quand nous exportons de
l'électricité à l'état brut plutôt qu'en
produits transformés, c'est comme quand nous exportons nos richesses
naturelles à l'état brut plutôt qu'en produits
transformés: nous exportons des emplois. Ceci ne veut pas dire de ne pas
vendre à l'extérieur, surtout que nous devons disposer de nos
surplus et que les périodes de pointe
de nos clients correspondent à nos périodes de creux. Mais
on croit qu'il faut dépasser les simples considérations
financières immédiates et plutôt considérer les
perspectives économiques d'ensemble du développement industriel
du Québec pour évaluer correctement les termes de
l'échange.
La question des tarifs préférentiels. Il y a quelques
années, la question des tarifs préférentiels avait
été soulevée par rapport à l'implantation
hypothétique, qui ne s'est pas réalisée finalement, d'une
usine de ferrosilicone à Rimouski. Le gouvernement devait
déclarer qu'il a choisi le recours aux subventions directes, claires et
nettes plutôt qu'à des incitations plus cachées dont on
connaît moins bien les coûts à l'avance, comme les tarifs
préférentiels d'électricité. Mais qu'en serait-il
d'une réduction s'appliquant à toute une région pour lui
permettre de payer la même facture que les autres régions pour sa
consommation énergétique totale?
Le programme d'Hydro-Québec.
D'entrée, en tout cas, quand on se place d'un point de vue
régionaliste, il y a une constatation qui s'impose, clairement à
la lecture des documents que nous a présentés
Hydro-Québec: on n'y retrouve aucune perspective régionale. Que
ce soit dans le document Prévision de la demande
d'électricité, 1981 à 1986; plan des installations, 1981
à 1990, ou dossier préparé en réponse aux questions
du gouvernement du Québec, aucune des études fournies ne nous
permet de conclure quoi que ce soit sur notre région. Il n'y a pas
là de données qui nous permettent cette vision des choses. (12 h
30)
Prévision de la demande d'électricité: C'est
à la base de tout le programme, la prévision de la demande pour
ajuster l'offre. Là-dessus, nous comprenons qu'Hydro-Québec
dispose d'équipes multidisciplinaires qualifiées face auxquelles
on peut difficilement soulever des objections. Cependant, compte tenu de la
position de monopole d'Hydro-Québec et de sa large autonomie de gestion,
ses prévisions peuvent facilement devenir des "self-fulfilling
prophecies" et il vaut la peine de les regarder de plus près.
En pratique, la demande devrait doubler d'ici 1990, selon les
prévisions; conséquemment, le programme d'équipement
requis pour répondre à cette croissance de la consommation va
nécessiter des investissements substantiels.
Cependant, Hydro-Québec prévoit un budget de seulement $50
millions au cours de la décennie pour le développement du solaire
thermique, des thermopompes et des économies dans les édifices et
le matériel roulant. Si la somme paraît respectable à
première vue et peut certainement contribuer à restreindre la
croissance de la consommation d'électricité, la valeur de
l'effort en question est resituée dans une perspective nouvelle quand on
la compare à un programme d'investissements de $40 milliards d'ici 1990
pour les seuls équipements de production.
Sur un autre plan, la croissance énergétique des autres
pays permet de mieux évaluer l'évolution de la demande
québécoise. Même si, dans l'ensemble, le Québec se
compare favorablement au reste du monde occidental, on doit noter d'abord un
pourcentage annuel moyen d'augmentation une fois et demi plus
élevé que celui du Canada pour la période 1978-1990 et un
ratio énergie consommée/produit intérieur brut une fois et
demi plus élevé que celui de l'Europe en 1990. Ces données
indiquent bien qu'il reste place à amélioration du
côté de la restriction de la demande.
Le plan des installations nous permettra de revenir une fois de plus sur
la constatation que nous faisions en début de chapitre, à savoir
que les documents d'Hydro-Québec ne contiennent pas de données
régionalisées. Il est alors assez difficile d'exposer un point de
vue régional et cela risque de laisser occuper le champ des
débats de la commission par les seuls groupes et individus qui ont un
point de vue panquébécois à exposer et à
défendre. Nous ne saurions faire autrement que souhaiter que l'ensemble
des commissions parlementaires soient conçues de façon à
faciliter l'expression des collectivités régionales, tant par la
documentation de soutien que, pourquoi pas, par des audiences
régionales.
Cela dit, comment évaluer le plan des installations par rapport
à l'Est? Nous avons tenté de contacter divers employés
d'Hydro-Québec dans notre région et ce que nous en avons retenu,
c'est qu'on ne compte pas faire des investissements importants dans les
équipements de production dans l'Est du Québec. Par ailleurs, la
modernisation du réseau de transport de l'électricité dans
l'Est du Québec tout comme notre programme spécial d'isolation et
de conversion à l'huile pour les Îles-de-la-Madeleine sont
déjà en cours. Somme toute, l'Est du Québec continuera
d'être un importateur net d'électricité.
Notre situation énergétique dans l'Est: En ce qui concerne
la production d'énergie du côté des carburants fossiles,
nous n'en produisons pas à l'heure actuelle, ni le charbon, ni le
pétrole, ni le gaz naturel. Toutefois, on entretient toujours l'espoir
de découvrir du pétrole et ou du gaz naturel en Gaspésie
et aux Îles-de-la-Madeleine. La présence de dôme de sel est,
semble-t-il, très souvent accompagnée de la découverte de
puits de qualité commerciale.
Par ailleurs, à propos du gaz naturel, l'installation d'un
terminal méthanier à Gros
Cacouna amènerait dans notre région d'immenses
quantités de gaz naturel en provenance de l'Arctique canadien. De plus,
on explore avec beaucoup d'intérêt la possibilité
d'entreposer ce gaz dans les immenses cavernes que la géologie de notre
région a situées à Parke, tout près de Gros Cacouna
justement. La rareté des ports méthaniers additionnée
à ces capacités d'entreposage exceptionnelles créent une
situation aussi avantageuse ou presque que la présence d'un puits -
somme toute, on a un puits artificiel - mais à la condition de pouvoir
compter sur le gazoduc dans notre région.
Finalement, même si on a, quelque temps, fondé des espoirs
sur la tourbe dont notre région est la plus grande productrice au
Québec, il semble que la qualité du produit régional le
destine plutôt au marché de la tourbe horticole, qui est plus
payant de toute façon.
Les énergies redécouvertes. Sauf quelques sections de
notre territoire comme certains coins de la baie des Chaleurs, la région
de l'Est ne connaît pas une insolation suffisante pour justifier un
recours important à l'énergie solaire, du moins d'après ce
que les experts nous disent.
Du côté de l'énergie éolienne, les
Îles-de-la-Madeleine offrent un potentiel intéressant; on sait
qu'Hydro-Québec y expérimente un équipement qui se situe
à la fine pointe de la technologie.
Quant aux résidus du bois, déjà quelques-unes des
usines de transformation des produits de la forêt de notre région
sont équipées pour utiliser ces déchets à des fins
énergétiques. Par ailleurs, le syndicat des producteurs de bois
du Bas-Saint-Laurent mène actuellement des recherches appliquées
sur la technologie de récupération de la biomasse lors de la
récolte forestière. Finalement, on peut encore entretenir
quelques espoirs de voir s'installer une usine de production de
méthanol.
La production d'électricité dans notre région,
c'est très faible. C'est réparti entre plusieurs petites
unités. Des centrales thermiques comme Cap-aux-Meules, Chandler,
Murdochville, ou des centrales hydroélectriques comme Métis et
Rivière-du-Loup produisent environ 50,000 kW, ce qui ne peut,
évidemment, répondre à la consommation régionale.
D'ailleurs, la plupart sont collées à des usines.
Le coût comparatif de l'énergie chez nous. Si la production
d'énergie ne constitue pas encore une vocation régionale,
éventuellement, avec des découvertes de gaz naturel, on pourrait
faire un peu de rattrapage, mais il ne semble pas que ce soit notre grande
vocation. Il faut évaluer les effets de cette situation de
rareté, jointe aux coûts de transport et à la relative
dispersion de la population en regard des prix exigés des divers
utilisateurs et ce, selon les diverses formes d'énergie disponible.
En ce qui concerne l'électricité, d'abord, il faut
reconnaître et affirmer haut et clair que la nationalisation de
l'électricité et la politique de tarifs d'Hydro-Québec ont
valu à notre région, d'une part, de payer le même prix
qu'ailleurs pour l'électricité et, d'autre part, d'obtenir enfin
un service convenable. Sans Hydro-Québec et à travers elle, une
certaine péréquation entre tous les Québécois, nous
en serions encore, dans l'Est du Québec, à payer plus cher pour
moins d'électricité. Il nous semble que ces choses-là
méritent d'être dites et répétées, mais il
n'en va pas de même par rapport aux autres sources majeures
d'énergie.
Le gaz naturel est disponible en abondance au Canada et les
approvisionnements sont sûrs. Il ne pollue pas l'environnement et son
prix est indexé en fonction de maintenir une marge incitative par
rapport au pétrole.
Mais voilà, le gazoduc n'est pas encore rendu dans notre
région. Bien plus, la demande de permis que vient de déposer
devant l'Office national de l'énergie du Canada le promoteur Gazoduc
Trans-Québec et Maritimes, qui est intervenu tout à l'heure, ne
prévoit rien pour l'Est du Québec, du moins à court terme.
Pourtant, lors des audiences de l'hiver 1980 de l'Office national de
l'énergie du Canada, le ministère de l'Énergie et des
Ressources du Québec avait officiellement appuyé nos demandes de
prolongation du gazoduc, jusqu'à Matane, à tout le moins.
Même si on prévoit une tarification incitative, voire des
subventions pour la conversion des systèmes au gaz naturel, ces mesures
ne serviront à rien dans l'Est du Québec tant que le gazoduc ne
couvrira pas notre région. En attendant, nous continuons à payer
plus cher pour notre chauffage et le combustible de nos machines
industrielles.
Sur les produits pétroliers, comme l'huile à chauffage et
l'essence pour automobile, on n'a pas d'expertise récente sur la
question. D'ailleurs, la flambée des prix des produits pétroliers
rend très rapidement caduques les meilleures données sur la
question.
Une enquête-maison qu'on avait faite en 1978 indiquait qu'on
payait $9,000,000 et on peut même dire $10,000,000 de plus dans notre
région que dans les régions centrales pour une même
quantité d'essence. $9,000,000, c'était le chiffre très
prudent pour ne pas se faire critiquer par personne. Mais les fonctionnaires du
ministère de l'Énergie et des Ressources nous avaient
déclaré que $10,000,000, c'était encore une approximation
généreuse.
À l'échelle des dizaines de milliards que prévoit
investir Hydro-Québec, $10,000,000 peuvent sembler bien modestes.
Toutefois, si on les compare à d'autres réalités
qu'on vit dans l'Est du Québec, cela prend son véritable sens.
$10,000,000, c'est plus que l'ensemble des revenus agricoles des comtés
de Bonaventure, Gaspé-Est, Gaspé-Ouest et des
Îles-de-la-Madeleine réunis. Nous sommes la région la plus
rurale du Québec. $10,000,000, c'est plus que les salaires
manufacturiers de la plupart des comtés de l'Est du Québec pris
un par un. $10,000,000, c'est trois fois les budgets du fonds de
développement régional dans notre région. $10,000,000,
c'est plus que les investissements privés dans le secteur manufacturier
pour l'ensemble de la région au cours d'une année moyenne.
$10,000,000, c'est plus que $30 par habitant et $50 par personne en âge
de conduire. Finalement, $10,000,000, c'est, en gros, la masse salariale
d'Hydro-Québec, région Matapédia.
Comme nous n'avons pas eu l'occasion de mener une recherche similaire
sur les prix de l'huile a chauffage, nous n'osons pas avancer de chiffres, mais
tout indique que la situation est sensiblement la même, ce qui viendrait
encore accroître le déficit de notre bilan
énergétique.
En conclusion, on présente des recommandations qui, selon nous,
ont des aspects panquébécois et d'autres qui sont plus
régionales. La première, c'est qu'Hydro-Québec devrait
consacrer une plus forte proportion de son budget à la recherche et
à la promotion de l'utilisation plus efficace de
l'électricité et de l'énergie en général. La
deuxième, c'est qu'Hydro-Québec devrait étudier la
possibilité d'organiser une tarification variable selon les heures de la
journée ou les saisons de façon à écrêter les
pointes de consommation par des réductions à d'autres
périodes. Cette mesure nous semble plus respectueuse des abonnés
qu'un système de télécommande d'interruption
centralisé, un peu comme dans le roman d'Orwell, "1984", où c'est
Big Brother qui décidait tout ce qui se passait. La troisième,
c'est qu'une des priorités de la recherche d'Hydro-Québec devrait
être le stockage d'électricité, soit sous forme
d'accumulateurs, d'air comprimé, d'uranium enrichi, d'hydrogène
liquide, de production de méthanol, etc., de façon à
conserver l'énergie produite par les barrages la nuit, où
l'utilisation est plus faible. Si on réussissait à l'accumuler
toute, on doublerait ou presque la capacité des équipements
existants, ce qui entraînerait de sérieuses économies dans
les programmes d'investissements prévus.
Les aspects plus régionaux. Si les mesures décrites plus
haut permettent effectivement d'épargner des quantités
suffisantes d'électricité pour éviter ou retarder des
investissements dans les équipements de production, on pourrait
avantageusement se servir des intérêts ainsi
épargnés à des fins de développement
régional. En tout cas, c'est ce que nous pensons. Et il ne s'agit pas de
menue monnaie. Si on épargne 5% du programme d'investissements de
production ($40 milliards), cela représente, à 10%
d'intérêt, ce qui est un intérêt relativement faible
par les temps qui courent, une somme annuelle de l'ordre de $200,000,000.
Voilà qui dépasse amplement le budget du fonds de
développement régional.
Hydro-Québec devrait, selon nous, étudier la
possibilité d'établir des tarifs différentiels selon les
régions de façon à équilibrer les coûts
différentiels des autres sources d'énergie, spécialement
les produits pétroliers. Tant qu'on n'aura pas mis au point une voiture
électrique de série, cela permettrait au moins de compenser pour
les coûts supérieurs de l'essence dans notre région, si ce
n'était que cela.
Également, on pense qu'Hydro-Québec devrait étudier
la possibilité de déconcentrer vers les régions des
activités des divisions, services, départements, etc., dont la
télématique rend la présence physique au siège
social beaucoup moins nécessaire. On suivrait en cela l'exemple encore
timide des gouvernements, fédéral et provincial, et on pourrait
éventuellement épargner sur les $330,000,000 prévus pour
le nouveau siège social au cours de la décennie.
En conclusion finale, nous voulons revenir sur l'utilité d'un
meilleur souci des intervenants régionaux, tant par la ventilation des
projets et budgets contenus dans les documents de soutien que par des
rencontres régionales d'information et remercier à nouveau la
commission de nous avoir entendus.
Le Président (M. Jolivet): Merci. Avant de donner la
parole à M. le ministre, j'aime bien m'entendre avec les gens autour de
cette table au niveau des deux mémoires qui nous restent. Est-ce que
nous continuons après 13 heures de façon à terminer
à peu près à 14 heures, 14 h 15 ou si nous allons
dîner? Consentement de chaque côté? M. le ministre, la
parole est à vous.
M. Bérubé: Merci, M. le Président.
Le Président (M. Jolivet): Un instant, M. le ministre. Je
pense qu'il y a objection.
M. Samson: Si on fait ça, on va bousculer l'autre.
Le Président (M. Jolivet): Non, je pense...
M. Fortier: Quand revient-on?
Le Président (M. Jolivet): II n'est aucunement question de
bousculer qui que ce
soit. Il reste la ville de Matagami. Il s'agit de continuer et
d'arrêter quand on aura terminé. On prévoit que cela
pourrait aller jusqu'à 14 heures, 14 h 30, à peu près.
C'est le temps normal prévu pour chacun des mémoires.
Une voix: Sans bousculer personne.
Le Président (M. Jolivet): II n'est aucunement question de
bousculer quiconque.
M. Bérubé: Simplement que ça bouscule notre
lunch. J'ai l'impression que le député de Rouyn-Noranda a
faim.
M. Samson: M. le Président, si on veut jouer à
cela, de toute façon on a un règlement c'est 13 heures.
Le Président (M. Jolivet): M. le député, je
n'ai pas d'objection. Si c'est 13 heures, nous arrêterons à 13
heures. Cela dépendra de vous.
M. Samson: On reprendra à 15 heures.
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre, la parole est
à vous.
M. Bérubé: Je n'ai aucune objection pour autant que
je suis concerné. Merci, M. le Président. En fait, vous avez un
certain nombre d'éléments qui sont introduits ici et qui sont
intéressants, d'abord parce que comme mémoire régional,
vous n'avez pas comme tel d'intérêt à défendre sur
le plan hydroélectrique. Nous avons eu des interventions
régionales ici, mais en général il s'agissait de porter
à l'attention de la commission des travaux potentiels dans le secteur
hydroélectrique que l'on aimerait voir devancer chez soi, alors que vous
avez abordé la question sous un autre angle. Il y a au moins deux points
dans les aspects régionaux que vous soulevez: premièrement la
notion de tarification et, deuxièmement, la notion de
déconcentration. Comme, effectivement, le gouvernement a fait pression
sur Hydro-Québec indéniablement pour l'amener à
réfléchir au problème du siège social et d'en
arriver à une proposition éventuellement et que votre position
est essentiellement contraire, en ce sens que, plutôt que de voir un
siège social bien centralisé à Montréal, vous
aimeriez le voir déconcentré, j'aimerais peut-être que vous
développiez un peu cette idée de déconcentration, que vous
nous disiez quel genre de services pourraient être offerts en
région plutôt que de nous venir du centre. Je pense au niveau
peut-être de la facturation. J'aimerais voir un peu la réflexion
que vous avez poursuivie de ce côté-là. (12 h 45)
M. Jobin: Sans que ma réflexion ait été
poussée très loin, essentiellement, il s'agit de services comme
la facturation. On n'a pas besoin d'être à un endroit
précis pour envoyer une facture. Cela peut se faire de n'importe
où. Les équipements de télécommunication et
même de télétraitement des données, je pense,
permettent maintenant une relative indépendance de localisation pour ce
genre de fonctions. L'exemple qui nous guide, c'est celui du
fédéral à Matane, que vous devez bien connaître,
où on a un système de vérification des chèques qui
ont été encaissés. Ce sont tous les chèques du
gouvernement du Canada qui transitent par le bureau de Matane. Il me semble que
la vérification des paiements de factures et l'envoi de la facturation
pourraient également se faire, soit de Matane, soit de Rimouski, soit de
quelque part dans notre région. On n'a pas évalué avec
précision quels services pourraient effectivement être
déconcentrés. C'est plus pour amener l'idée, mais si
jamais la commission manifestait quelque intérêt de ce
côté-là, je suis sûr qu'il pourrait y avoir des
recherches supplémentaires à faire par le CRD qui a
déjà, d'ailleurs, accumulé des données sur
l'ensemble des fonctions qui pourraient être déconcentrées
dans l'administration publique québécoise.
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.
M. Bérubé: Vous suggéreriez, en fait, que le
gouvernement, dans ses discussions avez Hydro-Québec peut-être,
demande qu'Hydro-Québec nous fournisse une analyse des types de services
qu'elle offre à la clientèle aussi bien que des services internes
nécessaires à son bon fonctionnement comme tel et qu'à la
suite de cette analyse elle étudie en même temps les
possibilités de décentralisation de tels services, de telle sorte
qu'on ait peut-être un peu plus d'information qui nous permettrait de
trancher dans le sens peut-être que vous suggérez.
M. Jobin: II nous semble, en tout cas, que cela devrait
être surtout les services internes et les services à la
clientèle qui doivent être près de la clientèle.
Malheureusement, il y en a moins dans notre région qu'il peut y en avoir
à Montréal, mais des services internes - je ne parle pas de la
gestion du personnel - comme la facturation, des choses comme cela, peuvent, de
nos jours, être faits par des systèmes de
télématique avec écrans cathodiques et, des relais
micro-ondes. Il n'y a pas d'impossibilité là-dedans; c'est
même sur le plan physique très facile à organiser. Si le
gouvernement décidait de la faire pour sa propre administration -
Hydro-Québec est
quand même une masse aussi à déplacer -avec le
réseau des constituantes de l'Université du Québec et tout
cela, il pourrait peut-être même se développer au
Québec une industrie de la télématique qui pourrait
compter sur un marché quand même assez intéressant,
dès le départ, avec ces transferts de fonctionnaires.
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.
M. Bérubé: Le deuxième point, c'est celui
des tarifs. C'est un point intéressant que vous soulevez, mais, en
même temps, c'est une voix discordante que l'on entend. En effet, nous
avons eu de la part d'Hydro-Québec une position en faveur d'un
accroissement des tarifs qui suivrait l'inflation ou même irait plus vite
que l'inflation pour permettre à Hydro-Québec peut-être de
réduire les emprunts et de faire en sorte qu'on n'hypothèque pas
l'avenir trop fortement. C'est une position. Vous avez eu de la part des
producteurs de gaz des réflexions à savoir que les progressions
prévues de la tarification d'Hydro-Québec semblent correctes et
ne nuisent pas à leurs capacités concurrentielles, donc, s'en
tenir en gros à la stratégie de tarification
antérieure.
Un distributeur de gaz, lui, a au contraire suggéré une
croissance plus rapide des tarifs d'électricité sous peine de
voir le gaz pénétrer moins facilement au Québec
particulièrement dans les années qui viennent.
Vous êtes le premier à suggérer une réduction
de tarifs d'électricité et en même temps de suggérer
qu'on cherche à économiser l'énergie et même qu'on
essaie de mettre moins d'argent dans les investissements lourds
d'Hydro-Québec, mais davantage d'argent dans les économies
d'énergie. Là, je me pose immédiatement une question. En
général, on économise sur les choses qui ont de la valeur
et quelque chose qui est trop bon marché, qui n'augmente même pas
avec le prix de l'inflation, par exemple, pourrait avoir comme
conséquence d'inciter les gens à ne pas s'en préoccuper.
Cela ne sert absolument à rien d'investir dans l'isolation d'une maison
si cela vous coûte plus cher en matériaux isolants et en
coûts de main-d'oeuvre que ce que vous économisez en
énergie. Donc, il y a un lien entre l'incitation à
l'économie d'énergie et les prix. Or, vous nous présentez,
en fait, une proposition de réduction régionale de tarifs qui
aurait comme objectif - si j'ai compris clairement - de faire en sorte que les
tarifs moyens d'énergie, si on tient compte du pétrole, soient
finalement comparables dans l'Est avec ce qui se passe dans l'ensemble du
Québec. Cela voudrait donc dire une réduction très
importante des tarifs d'électricité puisque cela peut
représenter 25% ou 27% de l'énergie. Si on veut, avec 27%
d'énergie, baisser suffisamment les tarifs pour que, finalement, le
coût moyen, ce qui implique le coût moyen sur l'autre 65% ou 70% de
l'électricité, cela veut dire une baisse substantielle des tarifs
d'électricité. N'y a-t-il pas un danger de surconsommation?
M. Jobin: Je dois vous avouer qu'on n'a pas calculé avec
précision exactement les montants que cela représenterait. On ne
pense pas que ce soit la seule solution non plus pour équilibrer notre
balance énergétique. On avait déjà
présenté à M. Joron une série de mesures et
d'hypothèses par lesquelles il y avait moyen aussi de réduire le
coût des produits pétroliers dans notre région. Cette
réduction de tarifs de l'électricité ne nous semble pas
être le seul moyen. Aujourd'hui, on préconise celui-là
parce qu'on parle surtout du programme d'Hydro-Québec, mais il nous
semble que pour ramener notre balance énergétique à un
niveau comparable à celui du Québec, c'est un ensemble de mesures
qu'il faudrait prendre dont, entre autres, les réductions du prix des
produits pétroliers éventuellement en jouant sur la
fiscalité des produits pétroliers qui, elle, est
contrôlée par le gouvernement du Québec, si je me rappelle
bien. Il y a même une loi qui lui permet de fixer un prix maximum pour
les produits pétroliers dans tout le Québec ou dans certaines
régions. Donc, il y a, là aussi, un lieu où il peut y
avoir des interventions qui permettent l'équilibrage de notre balance
des paiements sur le plan énergétique, mais on ne pense pas qu'on
doive pour autant négliger l'hypothèse électrique dans un
cadre général à ce propos.
M. Bérubé: D'accord. Vous verriez, comme autre
facteur, la subvention au pétrole ou que cela se fasse directement par
une subvention au distributeur...
M. Jobin: Une réduction de la taxe de vente.
M. Bérubé: Ou par une réduction de la
taxation. Cela revient exactement au même point, de manière
à peut-être trouver un équilibre, plutôt que
d'essayer de réduire de façon significative le coût
d'électricité qui est déjà bas.
M. Jobin: C'est exact. Et il nous semble qu'il est très
difficile d'y parvenir autrement, en termes économiques, à cause
de la dispersion des utilisateurs dans notre région. Les coûts de
livraison de l'énergie vont toujours être plus grands. Ce n'est
pas en accroissant l'efficacité des fournisseurs d'énergie, parce
qu'il n'y a pas moyen d'aller plus loin qu'un certain seuil. C'est un vice
de l'occupation de l'espace qui fait que l'énergie nous
coûte plus cher qu'ailleurs.
M. Bérubé: Concernant la pénétration
du gaz naturel, vous avez souligné que dans les projections de
TransCanada PipeLines, on ne prévoyait pas desservir l'Est du
Québec essentiellement. On fait même un petit virage vers les
Maritimes, très rapide, avant même de se rendre à
Rivière-du-Loup, et on évite allègrement le
territoire.
Compte tenu que le gouvernement fédéral a annoncé
un programme massif de subventions pour la construction du gazoduc jusque dans
les Maritimes, puisque la pénétration de ce gazoduc est non
rentable et qu'il faut donc le subventionner massivement d'une part et que
d'autre part, par une politique de tarification uniforme, on force le
producteur de gaz à supporter finalement les coûts additionnels
reliés au transport, n'avez-vous pas l'impression qu'à ce
moment-là, il y a une discrimination vis-à-vis de l'Est du
Québec, à subventionner un gazoduc et une distribution non
rentable dans les Maritimes mais en même temps à ne pas le faire
pour l'Est du Québec?
M. Jobin: Je dois dire que cet aspect de la question n'a pas
été discuté comme tel par les membres de notre conseil
d'administration et les opinions que je pourrais avancer là-dessus me
sont plus personnelles, sans essayer de faire exprès pour dire le
contraire de ce qu'on peut penser que nos administrateurs auraient dit. Mais je
pense qu'effectivement, il y a, chez beaucoup de gens dans notre région,
un sentiment du type de celui que vous venez d'exposer, de discrimination,
surtout que le gazoduc tourne juste lorsqu'il arrive à la
frontière. Cela fait quasiment exprès. Il ne vient même pas
faire un petit tour.
Cela aussi est relié, dans l'esprit de la plupart des gens,
à la question du terminal méthanier à Gros Cacouna,
où le sentiment régionaliste est assez fort pour toutes les
régions et tous les organismes qu'il y a dans la région sont pour
Gros Cacouna qui, de toute façon, attend depuis des décennies
qu'il se passe quelque chose. Donc, si on avait le terminal méthanier,
ils seraient obligés au moins de rendre le gazoduc jusqu'à Gros
Cacouna au minimum, ce serait déjà cela de pris.
D'ailleurs, d'après les calculs qui ont été faits
par le secrétariat de l'Office national de l'énergie du Canada,
l'an dernier, lors des audiences - je ne me rappelle pas le chiffre exact - la
prolongation du gazoduc jusqu'à Matane, étant donné la
grosseur des conduites qui seraient requises, ne présentait pas une
somme considérable. C'était de l'ordre de $30,000,000 ou quelque
chose d'approchant. Je ne parle pas de $30,000,000 de subventions; $30,000,000
de coût de construction, donc ce n'est pas les qros chars encore.
M. Bérubé: La société
Trans-Québec et Maritimes, nous a d'ailleurs présenté une
carte ce matin. Effectivement, vous avez parfaitement raison, on voit le
gazoduc qui, juste avant d'entrer dans l'Est du Québec, fait un joli
petit virage sur la droite pour éviter la Gaspésie et ensuite,
avec une bretelle, vient longer la frontière de l'Est du Québec
pour aller desservir le nord du Nouveau-Brunswick, Bathurst, Dalhousie, mais
évite allègrement d'aller desservir la Gaspésie.
Effectivement, on voit très clairement que le gazoduc
évite carrément l'Est du Québec, pour aller desservir le
nord du Nouveau-Brunswick entièrement, mais sans desservir des
régions comme Rimouski, Matane, l'Est du Québec qui, comme vous
le savez, avec les annonces qui viennent d'être faites, vont
connaître un essor industriel assez spectaculaire puisqu'on
prévoit pratiquement 1100 emplois, 1028 emplois directs dans le secteur
manufacturier, au cours des deux ou trois prochaines années. Il faut
s'attendre, effectivement, à un essor industriel très important,
sans compter d'ailleurs tout le développement minéral que je me
ferai fort d'expliquer dans quelques semaines à toute la région.
Je pense qu'il faut s'attendre à une expansion économique
spectaculaire. Il faudrait absolument qu'on ait le gazoduc de manière
à desservir nos industries.
Le Président (M. Jolivet): M. le député
d'Outremont.
M. Fortier: Merci, M. le Président. Je voudrais juste vous
faire préciser votre pensée sur toute la question du
développement régional. Nous avons eu beaucoup de mémoires
qui ont traité de développement régional: la Caisse
d'entraide économique de Portneuf, cet après-midi, on va entendre
Matagami, Sept-Îles, votre région. On sent justement que les
régions qui bénéficient d'un investissement massif sont
bien heureuses parce qu'elles cherchent à avoir des retombées.
Celles qui ne bénéficient pas de ces investissements massifs
cherchent à connaître quel sera l'impact d'un investissement de
$55 milliards, plus toute la recherche qui n'est pas incluse dans ce chiffre
sur notre région. C'est la question que vous posez dans votre
mémoire, qui m'intéresse hautement. Comme vous le savez, ce n'est
pas la mission première d'Hydro-Québec de faire du
développement régional. Il y a un Office de planification et de
développement du Québec. D'ailleurs, votre mouvement, j'en suis
sûr, a des relations suivies avec cet office. La question que j'aimerais
vous poser est celle-ci: si je
comprends bien, votre désir aurait été qu'avec la
publication des documents d'Hydro-Québec une étude soit faite
justement pour permettre aux différentes régions du Québec
de connaître quel impact ces investissements auraient sur elles. Hier, la
Chambre de commerce de Montréal justement a parlé des
retombées économiques qu'un tel investissement pourrait avoir. On
parlait peut-être un peu moins de développement régional.
Je crois que votre intervention vient dans le même sens, dans le sens de
favoriser un développement économique. Vous parlez des
économies nouvelles, en particulier. Il semble difficile, parce que les
documents n'ont pas été fournis par le gouvernement, même
si le gouvernement avait en main les documents d'Hydro-Québec depuis un
an, de mesurer quelle serait la part des choses dans les régions qui ne
bénéficient pas d'investissements comme tels. Est-ce que
c'était bien là le sens de votre question?
M. Jobin: Oui. De fait c'est une intervention qui peut porter sur
deux ou trois objets. Le premier, c'est qu'il n'y a pas de présentation
régionale. Dans les documents qu'on a eus, c'est très difficile
de trouver des données régionales. On parle un peu des
Îles-de-la-Madeleine, parce qu'il s'y passe des expériences
particulières. En dehors de cela, on parle de grands barrages, de petits
barrages, mais on ne sait jamais lesquels ce sont et où ils sont. Donc,
il n'y a pas de données régionales. Même sur le programme,
on ne sait pas ce que cela donne dans quelque région du Québec
que ce soit, à moins de bien connaître le réseau
électrique du Québec. (13 heures)
Deuxièmement, il n'y a pas non plus, comme vous le mentionnez,
d'étude sur les retombées économiques régionales de
ces programmes d'investissement gui, quand même, totalisent $55 milliards
si on prend l'ensemble du programme et au moins $40 milliards dans les
équipements de production seulement. Il n'y a pas de présentation
des retombées économiques régionales de cela. On sait que
notre région, en termes du nombre de travailleurs qui sont à la
Baie James, après Montréal et Québec et avant l'Abitibi
qui, pourtant, est à la porte de la Baie James, est le troisième
fournisseur de main-d'oeuvre à la Baie James, ce qui est quand
même très loin de chez nous, en termes de distance. Donc,
concernant les programmes d'investissements massifs dans la construction de
barrages dans les régions nordiques, on peut prévoir que, compte
tenu de l'expérience accumulée par nos travailleurs, il y aurait
des retombées intéressantes pour eux. C'est une situation qui
favorise encore le travail extra-régional avec tous les problèmes
sociaux et familiaux que cela pose et qui n'entraîne pas comme tel,
à part des effets de revenus finalement assez faibles, de
développement économique régional.
L'autre aspect sur lequel, en termes de développement
régional, on pense qu'Hydro-Québec pourrait jouer un rôle,
c'est la question de la tarification différentielle. Là-dessus,
on ne pense pas que ce soit le seul intervenant en ce qui concerne le bilan
énergétique de nos régions, mais que cela peut en
être un très important.
M. Fortier: Mais croyez bien qu'on déplore...
Le Président (M. Jolivet): M. le député.
M. Fortier: ...ce manque d'analyse...
Le Président (M. Jolivet): M. le député.
M. Fortier: ...par rapport au plan d'investissements et que cela
aurait permis un débat peut-être plus éclairé.
M. le Président, je voudrais soulever un point de
rèqlement. Il est 13 heures. Je crois qu'on a discuté, il y a
quelques minutes, à savoir si on pourrait continuer. Vous avez
demandé le consentement. Après discussion avec mes
collègues, on est arrivé à certaines recommandations.
D'une part, plusieurs d'entre nous ont oeuvré ici toute la semaine et,
bien sûr, une des options, c'est de faire en sorte que l'on puisse
retourner chacun dans nos domiciles le plus tôt possible. D'autre part,
il faudrait rendre justice à ceux qui ont voulu présenter des
mémoires et ne pas les bousculer. Nous avons encore à entendre,
en plus de terminer l'audition du Conseil réqional de
développement de l'Est du Québec, le Conseil régional de
l'environnement de l'Est du Québec et la ville de Matagami.
J'aimerais faire une proposition. Au lieu de revenir à 15 heures,
M. le Président, que l'on revienne plutôt vers 14 h 30, s'il n'y
avait pas d'objection. Alors, cela nous permettrait de terminer plus tôt,
comme plusieurs d'entre nous le voudraient, mais, d'autre part, faisons en
sorte que l'on rende justice à ceux qui voudraient bien se
présenter et avoir le bénéfice d'autant de questions que
ceux qui ont présenté des mémoires plus tôt dans la
journée.
Le Président (M. Jolivet): M. le député, je
vais, cependant, faire mention d'une chose. Il nous reste seulement, en plus de
l'intervenant qui est devant nous, la ville de Matagami. Quant à l'autre
organisme, c'est un dépôt qui a été fait. Donc, il
ne reste qu'un seul mémoire.
M.. Fortier: Mais quand même la ville de Matagami est
située dans le Nord-Ouest
du Québec et c'est un secteur très important pour nous.
À 14 h 30, cela nous irait.
Une voix: Est-ce que, M. le Président...
M. Bérubé: J'ai une activité à 14 h
45 malheureusement, de 14 h 45 à 15 heures. C'est un peu
compliqué. À moins que vous me permettiez de m'absenter pendant
quinze minutes.
M. Samson: Ce n'est pas nous qui avons décidé de
siéger aujourd'hui, c'est vous.
Une voix: On peut le permettre.
Le Président (M. Jolivet): M. le député, je
pense que...
M. Desbiens: M. le Président.
Le Président (M. Jolivet): Oui, M. le député
de Dubuc.
M. Bérubé: On peut suspendre à 13 heures et
revenir à 15 heures, comme on l'a souligné tantôt. Je n'ai
pas d'objection, d'une façon ou d'une autre. J'ai accepté la
proposition qui nous venait de l'Opposition hier.
M. Desbiens: Est-ce que par sa proposition, le
député d'Outremont veut dire qu'on termine quand même
l'audition du mémoire actuel ou si on arrête
immédiatement?
M. Fortier: Je ne crois pas. Ce qu'on aimerait, c'est de...
M. Desbiens: Terminer immédiatement.
M. Fortier: ...de suspendre maintenant et de revenir à 14
h 30.
Une voix: Ce n'est pas 14 h 30, c'est 15 heures.
M. Fortier: Enfin, 14 h 30 est une proposition, sinon c'est le
règlement qui s'appliquera. Mais si c'était 14 h 30, cela nous
permettrait de finir plus tôt. Je pense que certains d'entre nous
voudraient bien terminer un peu plus tôt parce qu'on a eu une semaine
très chargée.
M. Bérubé: Je n'ai pas d'objection à
m'absenter à 14 h 45, mais malheureusement, ce ne sera pas très
gentil pour la personne qui va témoigner. C'est juste cela.
Le Président (M. Jolivet): 15 heures? Donc, retour
à 15 heures.
(Suspension de la séance à 13 h 04)
(Reprise de la séance à 15 h 7)
Le Président (M. Jolivet): À l'ordre, s'il vous
plaît;
La commission permanente de l'énergie et des ressources est
à nouveau réunie pour l'étude des mémoires sur le
plan d'équipement et de développement d'Hydro-Québec
1981-1990.
Au moment où nous nous sommes quittés, la parole
était au député d'Outremont qui posait ses questions au
représentant du Conseil régional de développement de l'Est
du Québec, M. Pierre Jobin. M. le député d'Outremont.
M. Fortier: M. Jobin, merci pour votre réponse. Lorsqu'on
s'est quitté, on discutait du développement régional et de
la nécessité d'évaluer ses programmes non pas uniquement
en fonction de l'énergie, de la consommation d'énergie ou de la
production d'énergie, mais en fonction également des
retombées économiques et non pas uniquement dans les
régions où les investissements se font, mais également de
la nécessité de chercher à voir si ces investissements ne
pourraient pas créer des emplois, des retombées
économiques dans les parties de la province où les
investissements ne se font pas d'une façon directe.
J'ai remarqué, par ailleurs, que vous traitez dans votre document
de différentes formes d'énergie. Justement, vous faites la
remarque qu'il n'y a peut-être pas assez d'investissements dans les
énergies nouvelles. Entre autres, vous faites allusion à la
biomasse. J'imagine que, dans votre région, c'est un facteur important.
Nous avons fait des représentations dans ce sens-là. Il semble
bien qu'il y ait un travail qui peut être fait, davantage
d'investissements qui pourraient être faits d'autant plus que si on
s'appuyait en plus sur les deniers disponibles au Québec, sur les fonds
qui peuvent être obtenus d'Ottawa, on pourrait développer des
programmes très importants de ce côté-là.
Peut-être pourriez-vous nous dire si votre comité a
considéré certaines de ces énergies nouvelles et
lesquelles auraient le plus de chance de se développer? La remarque que
vous avez faite était-elle générale ou si vous avez des
intérêts bien particuliers dans ce dossier?
M. Jobin: Celle à laquelle on pense le plus,
indépendamment des éoliennes aux Iles-de-la-Madeleine, qui sont
vraiment un cas particulier, c'est évidemment la question du
méthanol à partir des sous-produits du bois ou,
éventuellement aussi, si le terminal méthanier se
réalisait à Gros Cacouna, à partir du gaz naturel qui, lui
aussi, peut être transformé en méthanol, ce qui rend son
utilisation plus intéressante à cause des facilités de
transport et de la polyvalence
plus grande que cela permet, que de ne l'avoir qu'à l'état
gazeux. Donc, la production de méthanol pourrait être envisageable
selon ces deux formules dans notre région, spécialement, si on
tient compte - là-dedans, je vous avoue que je ne suis pas un expert -
que le CRD s'est intéressé rapidement à cette question de
la possibilité de cultiver des essences comme les aulnes, par exemple,
à croissance très rapide qui, semble-t-il, donnent un rendement
méthanier intéressant. Il y a des chercheurs à
l'Université Laval qui font du travail là-dessus tant à
Manic qu'à la baie James sur la croissance des aulnes et il semble que
les conditions géoclimatiques de notre région se
prêteraient assez bien à une culture de ces espèces. Cela
donne des rendements de quelque chose comme cinq tonnes anhydres à
l'heure avec une rotation de quatre ans. Donc, il y a vraiment moyen d'avoir
une production forestière suffisante pour alimenter des usines.
Le problème, c'est que, sur le plan technologique, il semble que
l'on n'ait pas encore mis au point tout à fait des formules qui
permettent de traiter le bois pour en faire du méthanol sans qu'il y ait
des problèmes de chauffage, de poussière, etc. Il faut absolument
éliminer toutes les particules, si on veut s'en servir dans des moteurs.
Mais cela ne doit pas être d'une complexité telle que cela ne
puisse être réalisé si on consacre à la recherche
sur ces questions les montants nécessaires. Dans la mesure où
cela utiliserait une production régionale renouvelable, cela pourrait
être assez intéressant dans notre région.
M. Fortier: Je voulais juste conclure. Somme toute, à part
des investissements qui sont faits par Hydro-Québec dans le
développement des éoliennes aux Îles-de-la-Madeleine, il y
a peu de retombées économiques pour votre région.
M. Jobin: II y a ça et, éventuellement, dans les
grands chantiers, là où on emploie de la main-d'oeuvre
régionale, c'est une retombée économique
intéressante, mais cela amène des problèmes sociaux,
familiaux, etc., et les seuls effets économiques sont finalement des
effets de revenu et c'est assez mince.
M. Fortier: Merci.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Mont-Royal.
M. Ciaccia: Merci, M. le Président. M. Jobin, je remarque
que, dans votre mémoire, vous êtes très sensibilisé
à la question de conservation de l'énergie. Vous en parlez. Vous
faites référence aux conditions de notre société
qui nous porteraient à faire attention à ce secteur du
développement énergétique du Québec. Vous faites
aussi référence à l'aspect écologique. Je suis
heureux de voir que, dans votre mémoire, vous portez une attention
particulière au domaine de la conservation de l'énergie. Ce qui
arrive, c'est que, des fois, beaucoup de gens en parlent, le gouvernement en
parle, on fait des suggestions, on en parle, on en discute, mais on ne passe
pas à l'action concrète. Pensez-vous qu'on doive conserver le
maximum d'énergie possible avant d'investir dans des projets de
production d'énergie? Pensez-vous qu'on devrait faire le plus grand
effort possible dans ce domaine et que, si on le faisait, cela réduirait
nos investissements dans la production de projets énergétiques,
soit hydroélectriques, soit gaziers, soit autres, pour baisser la
facture du contribuable? Est-ce la position que vous prenez?
M. Jobin: Oui, c'est, d'une part, pour baisser la facture du
contribuable dans la mesure du possible et, d'autre part, parce que les
ressources, qu'on les prenne au Québec, au Canada ou sur des
marchés extérieurs du Canada, sont des ressources assez
considérables. Quand on parle d'un programme de $55 milliards sur dix
ans, c'est très important. Ces ressources ne sont donc plus disponibles
pour d'autres fins qui pourraient contribuer, elles aussi, et peut-être
plus au développement économique du Québec dans son
ensemble et peut-être des régions qui en ont le plus besoin en
particulier. En ce sens-là, si on parvient à économiser
l'énergie ou à en faire le stockage par des
procédés qu'il reste à mettre au point, à diminuer
la nécessité d'emprunt ou d'autofinancement d'Hydro-Québec
et, finalement, la facture énergétigue globale dans le domaine de
l'électricité, on pourrait affecter ces ressources à des
fins qui pourraient être plus productives. (15 h 15)
M. Ciaccia: Je suis heureux de voir votre approche. Je voudrais
porter à votre attention une étude qui a été faite
sur le potentiel d'économie d'énergie dans le secteur
résidentiel au Québec et sur laquelle le gouvernement s'est
basé pour faire l'annonce d'un programme de conservation
d'énergie. Je voudrais avoir vos commentaires sur les conclusions et sur
les recommandations ou sur les décisions du gouvernement. Il y a eu une
étude qui a été faite par une compagnie qui s'appelle
Scanada Consultants Ltd et, à la suite de cette étude, le
gouvernement a annoncé dans le discours inaugural du premier ministre
l'automne dernier qu'il y aurait un programme d'économie
d'énergie et il a estimé cela à un montant de $1 milliard.
L'étude avait démontré que, si on dépensait plus
que le gouvernement a annoncé, on
pourrait effectuer plus d'économies. Autrement dit, ce que le
gouvernement a annoncé pourrait nous apporter des économies
d'environ 21%, mais l'étude a démontré comment on pourrait
effectuer 41% d'économie en dépensant $900,000,000 ou $1 milliard
de plus. Cela veut dire, en effet, 41% de moins sur la facture du contribuable
dans le secteur résidentiel.
Il y a d'autres conséquences d'un programme de conservation de
l'énergie. On ne baisse pas seulement la facture du contribuable. On
crée des emplois. Vous parliez du développement régional,
de la création d'emplois sectoriels. Vous avez dit que dans votre
région beaucoup de travailleurs vont à la Baie James et vous
auriez aimé suggérer des moyens pour créer des emplois
dans votre région. Justement, dans cette étude, on parle de
l'efficacité des fournaises à l'huile et on démontre
comment, en dépensant un certain montant d'argent, on peut fournir des
équipements non seulement pour économiser de l'énergie,
mais créer des emplois. On dit ici: Si le marché de la
rénovation des fournaises se confirmait, le Québec pourrait
aisément adopter les mesures nécessaires pour les faire
même manufacturer par l'industrie québécoise. Non seulement
il y a de la conservation d'énergie, mais des retombées
économiques telles que la création d'emplois, la création
d'autres industries au Québec.
Je voudrais avoir vos commentaires sur la décision du
gouvernement qui, plutôt que de prendre toutes les recommandations et
d'annoncer ce programme au complet, a décidé de le couper en deux
et de mettre en vigueur seulement la moitié du programme. Croyez-vous,
comme contribuable représentant d'une des régions où on
pourrait bénéficier de ces économies d'énergie,
où on pourrait bénéficier de la création d'emplois,
que le gouvernement devrait pousser au maximum la conservation d'énergie
et non seulement annoncer la moitié du programme qui a été
recommandé, mais l'adopter dans son ensemble pour créer plus
d'économie d'énergie et créer plus d'emplois dans les
différents secteurs qui seront affectés?
M. Jobin: Un peu comme j'ai répondu à M.
Bérubé ce matin sur une autre question, je dois souligner que les
membres de notre conseil d'administration n'ont pas été saisis de
cette dimension et que cette étude ne nous était pas connue au
moment où on a élaboré notre mémoire.
Donc, ma réponse, comme celle que j'ai fournie à M.
Bérubé ce matin, risque d'être plus personnelle que
collective, même si je peux essayer de tâter la
température.
Notre mémoire dit que toutes les économies
d'énergie, que ce soit par une diminution de la consommation,
l'amélioration technique de l'appareil de chauffage, par exemple, ou
éventuellement par le stockage d'électricité, nous
semblent des mesures qu'on doit mettre de l'avant de façon prioritaire
pour conserver le plus possible les ressources financières qu'on
dépenserait - pas qu'on gaspillerait, mais qu'on dépenserait -
à construire des barrages, les utiliser à d'autres fins, pas
forcément dans le domaine énergétique, et
éventuellement pour équilibrer peut-être aussi la facture
énergétique interrégionale.
Donc, en ce sens-là, sans être des experts et sans pouvoir
me prononcer pour le CRD sur l'étude à laquelle vous faites
allusion, l'esprit général de notre mémoire est le
suivant: Économisons d'abord l'énergie de façon à
dépenser le moins possible sur des immobilisations.
M. Ciaccia: Merci. Si on vous faisait parvenir une copie de cette
étude, peut-être que vous pourriez la soumettre à votre
groupe de travail et faire les représentations qui s'imposent
auprès du gouvernement?
M. Jobin: Oui, et je pense que le CRD serait
intéressé effectivement à avoir copie de ce document.
M. Ciaccia: Et, si c'est possible, on aimerait avoir vos
commentaires.
Le Président (M. Jolivet): Merci, M. Jobin. Au nom des
membres de cette commission, je tiens à vous remercier de la
présentation de votre dossier.
J'inviterais le dernier groupe de la journée à intervenir
au niveau des mémoires, la ville de Matagami, représentée
par M. Réjean Choquet, gérant-greffier.
M. Choquet, vous pouvez commencer.
Ville de Matagami
M. Choquet (Réjean): Merci, M. le Président.
M. le Président, M. le ministre, MM. les députés,
le Conseil de ville de Matagami tient à vous remercier de lui donner
l'occasion de faire certaines représentations à la
présente commission. Comme vous le savez, notre ville est directement
touchée par le projet NBR qui fait partie de La stratégie de la
décennie 80 d'Hydro-Québec et on voudrait profiter de l'occasion
qui nous est offerte pour vous faire connaître nos préoccupations
pour l'avenir.
Parmi les personnes présentes qui n'ont pas la chance de
connaître Matagami, je peux vous dire que Matagami est une ville
minière située au sud du projet de la Baie James et qui compte
actuellement une population de 4000 habitants.
Dans le passé, Matagami fut touchée par le projet Baie
James, lors de l'ouverture
de la route donnant accès directement aux chantiers et,
aujourd'hui, nous bénéficions en partie de quelques
retombées par l'implantation de services et sociétés se
rapportant audit projet.
Matagami possède déjà des structures et services en
place, mais nous voulons nous préparer pour ne pas nous retrouver dans
la même situation qu'en 1972, alors que Matagami s'est vue envahie par
des entrepreneurs, commerçants et gens venant de tous les milieux et ce,
sans en avoir été avisée dans un délai
raisonnable.
À ce jour, le conseil de ville a rencontré des
représentants de la Société d'énergie de la Baie
James pour discuter du projet NBR. À la suite de discussions, un
comité a été formé des membres du conseil de ville,
de la Commission d'urbanisme, de la chambre de commerce locale et des
représentants de la Société d'énergie de la Baie
James et, déjà, des informations sont échangées et
nous croyons que c'est indispensable pour un bon fonctionnement. La ville
espère que, dans l'avenir, cela se poursuivra, et encore plus
intensément une fois le projet accepté.
Même avec la création de ce comité, nous croyons
opportun de vous sensibiliser à nos préoccupations et
revendications pour vous permettre de mieux analyser notre situation face
à la réalisation de tels projet et ce, quels que soient les
délais de réalisation dudit projet.
Voici donc les points sur lesquels nous tenons à vous
sensibiliser.
Premièrement, le rehaussement de la rivière Bell dans le
secteur urbanisé. Cette rivière, qui longe en très grande
partie le secteur urbanisé du territoire, est touchée par la
création du réservoir Soscumica-Matagami, qui provoquera un effet
de rehaussement des eaux d'environ trois mètres et, par
conséquent, causera le déplacement de bâtiments
résidentiels, commerciaux et industriels, en plus des usines de
traitement des eaux potables et usées de la ville et de l'usine de
pompage de la mine Noranda Ltée.
Le déplacement. Ce rehaussement de la rivière affecte plus
ou moins soixante résidences qui sont construites, dans la majeure
partie des cas, depuis la création de la ville. Bien entendu, en
étant déplacées, elles perdront leur emplacement le long
de la rivière Bell et ainsi perdront leur vue sur la rivière.
Actuellement, les contribuables de ce secteur se rendent à pied
au centre-ville pour faire leurs commissions de tous les jours, mais dans
l'avenir le trajet sera plus long et leur occasionnera l'utilisation probable
d'un véhicule.
En ce qui concerne les commerces, ils pourront être
déplacés à l'entrée de la ville. Actuellement, il
n'y a pratiquement aucun service d'aménagé.
Pour ce qui est des industries, elles devront être
déplacées à l'extérieur de la ville où il
n'y a pas de rues, donc pas d'aqueduc ni d'égout. Jusqu'à
aujourd'hui, elles ont toujours bénéficié des services de
base, soit l'aqueduc, les égouts, rues asphaltées, etc.
Au niveau des infrastructures municipales, les usines de traitement des
eaux et le garage municipal, incluant la caserne des incendies, elles devront
être déplacées dans d'autres secteurs.
En ce qui concerne les réseaux d'aqueduc et d'égout dans
le secteur remblayé, ils devront être reconstruits dans certains
cas et dans d'autres, non, et des rues devront être
réaménagées à l'autre extrémité de la
ville.
Plusieurs autres terrains et bâtiments sur le territoire sont
affectés et devront eux aussi être pris en considération
lors des déplacements.
Tous ces déplacements affectent très sérieusement
le centre-ville commercial, de telle façon qu'il ne sera plus
situé au centre-ville, mais à une extrémité du
secteur urbanisé et que cela occasionnera l'ouverture ou le
déplacement de commerces dans des secteurs non prévus
initialement.
Les annonces dans les journaux, les séances d'information, la
commission parlementaire, les ouï-dire, beaucoup d'information est
véhiculée. Les gens savent que les projets sont en marche et
qu'ils sont sujets à déménager et ils se posent beaucoup
de questions. Quand cela va se faire? Est-ce que je suis appelé à
être relogé? Qui va être affecté? Combien vais-je
recevoir pour mon relogement? Est-ce que c'est négociable? Est-ce que
c'est sérieux, ce projet?
Cette situation, vous comprendrez comme moi, crée un climat
d'insécurité dans la population. Il y a lieu, dès que les
décisions seront prises en ce sens, que les gens
intéressés soient contactés pour les rassurer. Vous savez,
déménager des castors, c'est une chose, déménager
des gens, c'est autre chose.
Environnement dans le secteur urbanisé. Bien entendu, par le
déménagement des bâtiments, il est prévu de
réaménager les berges de la rivière, mais une attention
toute spéciale devra être apportée pour garder un cachet
local et garantir au maximum la sécurité des contribuables qui ne
seront pas déménagés, mais qui sont touchés par le
rehaussement de la rivière. De ce côté, nous comptons sur
la bonne collaboration du gouvernement pour encourager fortement
l'aménagement des berges et des secteurs affectés pour leur
redonner un environnement naturel.
Le zonage. Comme il en est fait mention précédemment,
beaucoup de bâtiments seront déplacés et, bien entendu, des
axes routiers seront affectés en
conséquence et Matagami, qui est en construction depuis 1962,
verra changer son plan d'urbanisme en profondeur. Au cours de 1979, une
commission d'urbanisme a effectivement été mise sur pied pour
repenser la réglementation et les plans d'urbanisme pour tout le
territoire, mais vu La stratégie de la décennie 80, les travaux
de la commission d'urbanisme, ainsi que de l'urbaniste-conseil se voient donc
tous remis en question, à tel point que le plan est adopté en
fonction de la situation actuelle et que nous devrons reprendre le tout lorsque
nous aurons en main le plan définitif approuvé pour le remblayaqe
dans le secteur inondé et que nous aurons connu tout l'impact du projet.
Entre-temps, la ville a prévu une zone de campement temporaire pour
recevoir les entrepreneurs de passage. Déjà là, vous
pouvez remarquer la bonne volonté de la ville de recevoir les gens sur
son territoire et non à l'extérieur.
Développement économique et social. Comme on peut le
remarquer dans La stratégie de la décennie 80, le projet de
développement de cette région s'étend sur plusieurs
années et aura un impact certain dans toute la province. Nous voulons
nous attarder surtout sur le développement régional et local.
Nous pensons que notre développement sera considérablement
affecté par ce projet et que nous bénéficierons, dans une
bonne mesure, des retombées. Cela s'explique par notre situation
géographique, par la similitude de nos ressources naturelles, de la
disponibilité des services offerts et du potentiel des ressources
humaines.
Il existe présentement des industries se rapportant aux travaux
qui sont appelés à être réalisés sur le
territoire de la Baie James et nous vous demandons d'encourager fortement ces
industries et compagnies à participer activement au développement
de notre localité. C'est pourquoi nous vous suggérons
d'inventorier nos industries et entreprises locales.
Les compagnies existantes sont disposées à faire parvenir
à qui de droit les services qu'elles sont en mesure d'offrir. (15 h
30)
De plus, tout devrait être mis en marche pour favoriser la
formation et le perfectionnement des travailleurs de la région de
l'Abitibi et nous comptons sur les programmes de notre gouvernement pour ce
faire.
Services à Matagami. Nous savons que, pour réaliser un
projet de cette envergure, la Société d'énergie de la Baie
James devra se doter de plusieurs personnes et qu'il devra y avoir des
déplacements fréquents pour assurer une bonne coordination et
surveillance des travaux.
Matagami possède déjà les services de base d'une
ville bien organisée et est prête à recevoir des gens et
des infrastructures pour assurer un bon fonctionnement et un bon suivi lors de
la réalisation des travaux. Nous croyons qu'il serait souhaitable que
des permanents du projet prennent racine à Matagami. Matagami a la seule
route d'accès pour le projet de la Baie James, un aéroport
déjà aménagé, des services essentiels, de l'espace
d'aménagement, etc. La porte est ouverte.
L'implantation des chantiers de travail. Lors de la réalisation
des travaux, il devra nécessairement y avoir des chantiers
d'aménagés pour héberger les travailleurs de la
construction et nous voulons que, dans le mesure du possible, ce genre de
chantier n'existe pas aux abords des limites de la ville, mais dans la ville
même toujours dans la mesure où la chose est possible. La ville de
Matagami est disposée à négocier et espère que
cette demande sera prise en considération.
Pour conclure, la ville de Matagami est pour le développement de
la province et pour le mieux-être des Québécois. Mais nous
vous demandons de prendre en considération nos revendications et
commentaires afin que tous les Québécois puissent
bénéficier de ce projet. Nous vous remercions, M. le
Président et messieurs les membres de la commission, de nous avoir
consacré le temps nécessaire pour faire connaître la
position de Matagamiens.
Le Président (M. Jolivet): Merci, M. Choquet. La parole
est à M. le ministre.
M. Bérubé: En fait, nous avons là un beau
cas, peut-être un peu semblable à celui que nous avons eu hier
dans le cas de Portneuf, d'une municipalité qui va vivre aux abords d'un
vaste projet hydroélectrique au cours des dix prochaines années
et qui cherche à s'ajuster. Dans le cas de Portneuf, il a semblé
que les relations entre Hydro-Québec et la municipalité
étaient heureuses et qu'on a réussi finalement à trouver
des terrains d'entente sur la façon de faire les aménagements de
manière à avoir un minimum d'impact environnemental
résultant du projet. Dans le cas plus particulier de Matagami,
j'aimerais savoir quel est l'état des échanges, des relations, la
fréquence des contacts que vous avez. Avez-vous lieu d'être
satisfaits de ces échanges?
M. Choquet: Oui, jusqu'à maintenant, comme j'en ai fait
mention, il y a un comité de formé, à Matagami, on
l'appelle le comité NBR, composé de représentants de
Matagami, de représentants de la Société d'énergie
de la Baie James. À l'heure actuelle, il se fait des échanges
pour voir l'implication au niveau de l'inondation surtout parce que cela nous
donne 25% du secteur urbanisé inondé. Cela se discute, mais la
SEBJ est la gérante du projet, si on comprend bien la structure.
Pour la ville, cela implique des déboursés. À
l'heure actuelle on peut dire qu'on est satisfait des relations qui existent,
mais cela va impliquer des déboursés assez considérables
au niveau de la ville. D'accord, la Société d'énerqie de
la Baie James a des spécialistes pour préparer des relevés
techniques sur notre territoire et tout ça, mais il peut y avoir des
retombées à long terme et on n'a pas le personnel
nécessaire pour faire ces études. C'est la même chose au
niveau du zonage et de tout ça. Tant et aussi longtemps que des budgets
ne seront pas adoptés, cela implique toujours des
déboursés pour la ville, pour les Matagamiens. Cela nous
restreint peut-être dans nos démarches à ce moment-ci.
On serait peut-être intéressés à approfondir
certains points, mais cela implique des déboursés assez
sérieux. Jusqu'à maintenant, on peut dire que c'est acceptable
comme relations, cela va bien.
M. Bérubé: On me dit qu'il y a une firme St-Amant,
Vézina, Vinet et Brassard, je crois, une firme de Val-d'Or, qui a fait
des études un peu plus détaillées sur l'impact de la
hausse du niveau de l'eau dans le lac Matagami sur la ville comme telle.
D'abord, vous avez obtenu copie de ces études. Deuxièmement,
est-ce que vous avez été en mesure d'évaluer l'impact, vu
que vous semblez, dans votre mémoire, indiquer que les gens nagent dans
l'inconnu le plus total? Ils n'ont pas d'idée de ce que seront les cotes
de hauteur d'eau, des travaux correcteurs qui devront être accomplis et,
par conséquent, tous les gens se demandent s'ils vont être
expropriés ou s'ils ne le seront pas. Avez-vous présentement
assez d'information permettant de répondre à ces questions que
les citoyens vous posent?
M. Choquet: Justement, la firme Saint-Amant et Vézina a
déposé un rapport technique pour les implications. Il y a quatre
options possibles de proposées. La SEBJ propose l'option B; nous autres,
nous ne le savons pas encore. C'est justement le point que j'ai soulevé
tantôt. Pour être en mesure de connaître l'impact direct pour
Matagami ils font des recommandations, mais si on veut faire une analyse plus
technique avec des ingénieurs, cela va impliquer des
déboursés. À cette étape-ci, si on se fie aux
ingénieurs Saint-Amant, Vézina et Brassard et sur la SEBJ, ils
favorisent un coin en particulier; on a délimité les maisons qui
devaient être relocalisées et tout cela. De notre
côté, ce n'est pas qu'on n'a pas confiance à la
Société d'énergie ou à Saint-Amant et
Vézina, mais on voudrait avoir la possibilité de faire des
études de ce côté-là, nous aussi.
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.
M. Bérubé: Cela implique en gros combien de maisons
délogées par le projet, du moins dans l'étude de
Saint-Amant?
M. Choquet: Initialement, on parlait de 80 maisons, incluant les
maisons mobiles, mais, depuis le temps, il y a eu 16 ou 18 maisons mobiles qui
ont été déménagées. Cela inclut aujourd'hui
une soixantaine de maisons.
M. Bérubé: Et combien sont des maisons mobiles?
M. Choquet: II en reste peut-être 4 ou 5, pas plus que
cela.
M. Bérubé: Pas plus que cela.
M. Choquet: Les autres, ce sont des résidences construites
là depuis une dizaine d'années au minimum. Dans la majeure partie
des cas, les maisons appartiennent à la mine Noranda Ltée, mais
encore là il y a des particuliers qui ont des propriétés
dans ces secteurs. C'est en plus de tout le secteur de la rue Nottaway
où il y a des industries et des commerces, des entreprises de la
Société de développement de la Baie James, des bureaux de
la Société d'énergie et de la municipalité de la
Baie James et des entrepreneurs locaux, le garage municipal, en fin de compte,
un paquet de choses, les usines de traitement des eaux. On relocalise le
secteur urbanisé dans une autre partie de la ville complètement.
On est obligé de refaire un plan de zonage pour déplacer les axes
routiers. On va avoir un remblai. Comment sera-t-il aménagé?
C'est pour cela qu'on a demandé d'avoir la collaboration du
ministère de l'Environnement de ce côté-là.
Là, actuellement, il n'y a pas de problème d'aménagement
de berges, c'est naturel. On n'a pas de problème avec les niveaux d'eau,
mais avec l'implantation du projet, on relocalise des réseaux d'aqueduc
et d'égout. Les stations de pompes devront être installées
et tout cela. C'est très technique, la relocalisation et on n'a pas le
potentiel nécessaire à ce moment-ci.
M. Bérubé: Avez-vous des engagements de la SEBJ
disant qu'elle va défrayer le coût de ces modifications?
M. Choquet: Oui. On a même commencé à en
discuter dans le comité NBR, entre autres. Des idées sont
lancées. Il y aura peut-être la formation d'une corporation
incluant la SEBJ et le conseil de ville. Il n'y a pas d'idée
arrêtée de ce côté-là. C'est notre
première expérience. Mais il y a des échanges de faits de
ce côté-là.
Le Président (M. Jolivet): Merci. M. le
député de Rouyn-Noranda.
M. Samson: M. le Président, je remercie d'abord M. Choquet
d'être venu nous rencontrer au nom de la ville de Matagami et de nous
avoir fait part des préoccupations de cette ville relativement au projet
NBR. Évidemment, suivant le tableau que nous ont brossé
Hydro-Québec et la SEBJ au début de cette commission
parlementaire mardi dernier, ce sont là des travaux qui
débuteront vers 1992. C'est une phase de travaux qui n'est pas encore
totalement acceptée, si j'ai bien compris. Jusqu'en 1985, ce sont des
travaux acceptés, mais, de 1985 à plus loin, ce sont des
projections qui pourraient peut-être faire l'objet de révision
d'ici quelques années On ne nous l'a pas certifié, si j'ai bien
compris. Je vois le président d'Hydro-Québec qui me fait signe
que c'est bien cela.
Ceci dit, M. Choquet, tenons pour acquis qu'Hydro-Québec irait de
l'avant avec ce projet. Vous auriez alors des problèmes qui seraient
soulevés à la ville de Matagami. J'essaie de synthétiser.
La consultation devrait devenir extrêmement utile et nécessaire
pour une bonne harmonisation des relations. Évidemment, vous
suggérez que les eaux de la rivière Bell pourraient être
élevées d'environ trois mètres, soit une dizaine de pieds.
C'est considérable, surtout au bord d'une ville semblable et cela
pourrait vous obliger à relocaliser des résidences, des commerces
et des industries, à remettre en question les infrastructures
municipales, à faire le réaménagement de rues, le
déplacement du centre-ville, ce qui n'est pas peu dire. Dans le cas
d'une ville, déplacer son centre-ville, c'est un problème assez
important.
Vous nous parlez de l'incertitude de la population à la suite de
certaines déclarations publiques, j'imagine, de ce qui se dit à
cette commission et de ce qui s'est dit avant. Compte tenu de ce qui vient
d'être dit - parce que je ne savais pas que vous aviez déjà
en main des études d'ingénieurs qui offraient un choix de quatre
options - ne sachant pas, au moment où on se parle, quelle serait la
meilleure des options à retenir et comme cela doit se faire en
collaboration avec la SEBJ, j'imagine, avez-vous déjà, à
la ville de Matagami, pris des dispositions pour que le développement
futur, à partir de maintenant, se fasse dans un territoire donné
qui ne serait pas celui assujetti à une future inondation? Dans un
premier temps, avez-vous pris ce genre de mesures ou vous apprêtez-vous
à les prendre?
Le Président (M. Jolivet): M. Choquet. M. Choquet:
C'est au chapitre sur le zonage. Je crois que c'est le chapitre 4 dans le
document. Actuellement, nous avons refait le plan et le règlement
d'urbanisme au complet. Il est justement en période d'approbation; cela
va être lundi et mardi prochain. C'est un nouveau plan d'urbanisme pour
tout le territoire de Matagami. Ce qui a été fait en
réalité, c'est qu'on a - le mot est peut-être... -
gelé le territoire tant et aussi longtemps que l'option finale ne sera
pas retenue, de remblayage, ou l'option A, B, C ou D.
Donc, la première idée du conseil de ville
là-dessus, c'était qu'en 1980, le mandat qui avait
été donné à l'urbaniste-conseil et à la
commission d'urbanisme était de repenser tout le plan d'urbanisme pour
tout le territoire. Mais, au cours de l'année 1980, on a eu des
rencontres, on a eu de l'information avec des gens de la SEBJ surtout et ils
nous ont dit: II y a le projet NBR, il y a des possibilités
d'inondation, et tout cela. (15 h 45)
Ce qui est arrivé, c'est que le conseil de ville et la commission
d'urbanisme ont dit: On va zoner, on va refaire notre plan de zonage pour
redéfinir nos zones actuelles et l'essentiel à court terme. Et,
une fois que cela sera défini pour l'option retenue, à ce
moment-là, on fera une étude complète de notre plan
d'urbanisme pour l'ensemble du territoire. Je ne sais pas si cela répond
à votre question.
M. Samson: Oui. Comme vous êtes obligés de refaire
ce travail, sur une base au moins temporaire, ne sachant pas exactement quelle
sera l'option retenue, c'est sûr que cela vous a apporté des
coûts?
M. Choquet: Oui, exactement.
M. Samson: Et cela va vous en apporter encore. Comme il y a de
forts risques que le projet NBR aboutisse un jour, même s'il ne nous a
pas été présenté de façon définitive.
Dans vos relations avec la SEBJ, est-ce que vous avez su en arriver à
des ententes de compensation pour les dépenses faites pour vos plans
d'urbanisme à court terme, tenant compte de l'éventualité
de ces inondations et tenant compte aussi du fait que vous ne devez pas aller
dans une certaine zone? Donc, cela dérange votre plan. Est-ce qu'il y a
eu des possibilités d'entente avec la SEBJ à ce sujet?
M. Choquet: Oui, effectivement. Au niveau du comité du
projet NBR, cela a été discuté avec la
Société d'énergie de la Baie James. On lui a
expliqué la situation, entre autres du plan de zonage, qui devait
nécessairement être refait au complet, ajoutant que cela
occasionnerait des frais assez considérables à la ville, le fait
qu'on serait obligé de reprendre tout cela.
Les représentants de la Société d'énergie de
la Baie James nous ont dit qu'ils étaient ouverts à cela. On n'a
avancé de chiffres ni d'un côté ni de l'autre, parce qu'on
ne sait pas dans quoi on s'embarquera exactement. C'est tout à refaire.
Ce sera à renégocier à ce moment-là. Mais la
Société d'énergie de la Baie James nous a dit que son
portefeuille était ouvert, pas pour qu'on y fouille quand on veut, mais
il est ouvert.
M. Samson: II est peut-être ouvert d'une certaine heure
à une certaine heure, mais pas longtemps dans le jour.
De toute façon, je suis heureux de voir que vous entretenez de
bonnes relations et que ce point-là a été reconnu par les
deux parties comme étant un point compensable.
Dans votre mémoire, en relation avec l'éventualité
de la mise en chantier du projet NBR, vous demandez que soit retenue la
possibilité d'un développement local et régional. Vous
demandez que soient encouragées les industries, les entreprises locales,
qu'on fasse un inventaire de ce qui existe pour savoir dans quoi la SEBJ
pourrait puiser pour aller s'alimenter selon ses besoins. Est-ce que vous avez,
de ce côté-là, à la suite des discussions que vous
avez soutenues, une approche qui vous semble intéressante, à ce
moment-ci?
M. Choquet: II en a été discuté, mais on n'a
pas tous les mécanismes qu'il faut pour faire les pressions où il
faut. Je ne sais pas si c'est l'endroit ici.
M. Samson: Profitez-en, c'est le temps.
M. Choquet: En fin de compte, ce qu'on veut, c'est de favoriser
notre développement local et régional aussi. D'ailleurs, la CRDAT
a fait des représentations à cet effet. Mais, du
côté local, c'est qu'il y a des industries et des commerces qui
ont été créés depuis 1972, lors de l'ouverture de
la route donnant accès à la Baie James. Entre autres,
actuellement, dans le transport, ils sont dans une période morte, si on
peut dire. Il serait assez intéressant que, lors de l'octroi des
contrats, les gens qui sont déjà sur place, qui ont des
compagnies de transport - il y a d'autres compagnies, mais là je pense
au transport -soient favorisés dans la mesure du possible.
Étant donné que ces gens se sont implantés et
qu'ils ont investi à la porte de la Baie James, il y aurait lieu que des
mesures soient prises au niveau des cahiers de charges de la
Société d'énergie de la Baie James. Ces gens ont investi
et il y a d'autres commerces aussi qui existent. Nous, nous pensons que ce sont
les premiers intéressés. Il y a la région, bien entendu,
qui doit être encouragée aussi. Ce dont j'ai fait mention, c'est
aussi au niveau des ressources humaines, au niveau de l'Abitibi.
Au niveau du programme d'Hydro-Québec, on fait mention de 25,000
travailleurs, à un moment donné, vers 1990. On suggère au
gouvernement de créer des programmes de formation pour ces travailleurs
au Québec. On n'est pas contre les gens venant de pays étrangers,
mais si on peut trouver la clientèle nécessaire dans la province,
entre autres en Abitibi, ce serait une bonne chose. On n'a pas tous les outils
en main, nous, pour que cela se fasse, mais on est ici pour que les choses se
fassent dans ce sens.
M. Samson: Au niveau de la main-d'oeuvre, vous êtes sans
doute au courant que la région - on va parler de l'ensemble de la
région, si vous le voulez - a un bassin de main-d'oeuvre disponible.
En réponse à mes questions, la SEBJ m'a dit l'autre jour
qu'ils employaient environ 1500 personnes en provenance de la région
cette année, parce qu'il n'y en avait pas plus de disponibles.
Après avoir compris tout ce qu'ils avaient à dire, nous avons
compris qu'il n'y en avait pas plus de disponibles possédant la fameuse
carte de classification en vertu du règlement de placement de l'OCQ, ce
qui fait que si l'on tient compte du bassin de main-d'oeuvre disponible avec
carte de compétence, mais ne possédant pas le fameux
privilège de cette carte de l'OCQ, cela réduit le bassin et cela
a amené la société d'énergie à ne pas
pouvoir employer plus de 1500 personnes.
Si on prend comme point de comparaison l'année 1976 alors que
nous avions au-delà de 18% de la main-d'oeuvre de la Baie James en
provenance de la région et qu'en 1980 c'est tombé de
moitié, c'est sûr que nous en arrivons à conclure que ce
règlement de placement de l'OCQ devrait être revu si l'on veut que
la main-d'oeuvre existante et capable de remplir ces fonctions puisse avoir
accès aux chantiers. En même temps, de 1976 à 1980, la
main-d'oeuvre en provenance de la région a tombé d'environ 18%
à 9%, c'est-à-dire de moitié; en même temps, les
chômeurs de la région sont passés de 7000, en 1976,
à 8000 en 1980. Donc, il y a un bassin, il y a un réservoir de
disponible.
Vous suggérez qu'on aille en chercher le maximum possible. Il y a
un problème présentement au niveau de la réglementation.
Évidemment, le plus vite ce problème sera réglé, le
plus vite la SEBJ pourra prendre plus de travailleurs dans la région. Ce
n'est pas nécessairement un problème de formation de
main-d'oeuvre. Il y a beaucoup de main-d'oeuvre formée, prête
à travailler, des gens qui sont obligés - vous le savez
probablement, parce que vous êtes de la région, comme moi -
présentement d'aller travailler en Ontario et dans le Nord du
Québec, à Cornwallis Island, parce qu'en
Ontario et là-bas ils n'ont pas besoin de la fameuse carte de
classification. La main-d'oeuvre qu'on nous dit ne pas pouvoir venir chercher
parce qu'elle n'est pas disponible, elle est disponible, mais elle est au
travail ailleurs, parce que ailleurs on n'exige pas le petit papier qui donne
le droit de vivre. On exige cela présentement en fonction des actuels
règlements. J'espère que cela va changer au plus vite pour qu'on
puisse donner suite à vos revendications.
J'aimerais savoir, puisque vous avez fait mention de certaines
recommandations du CRDAT, si la ville de Matagami est d'accord sur des
recommandations du CRDAT, comme par exemple, la politique d'achat de la SEBJ,
que les fournisseurs soient appelés à livrer FOB Matagami,
première question. La deuxième, je la passe, parce qu'on vient
d'en parler. L'autre, c'est qu'une certaine priorité d'embauche soit
donnée à la région dans laquelle le projet a lieu,
c'est-à-dire dans la région du Nord-Ouest. La troisième,
j'imagine que vous êtes d'accord avec: que la ville de Matagami soit
utilisée comme centre névralgique du complexe NBR. Il me semble
que cela saute aux yeux. L'autre, que les transporteurs aériens
régionaux soient utilisés au maximum - c'est une recommandation
du CRDAT aussi et que les décisions relativement au développement
du territoire soient prises en fonction de leur impact sur le
développement socio-économique de l'Abitibi-Témiscamingue.
Je pense que vous en avez parlé. J'aimerais avoir votre opinion sur les
autres questions.
Le Président (M. Jolivet): M. Choquet.
M. Choquet: Cela va être assez court. Je pense que c'est
oui sur toute la ligne. On est de la même région, on a les
mêmes priorités et on veut développer notre région
d'abord, c'est normal. On n'est pas loin du territoire de la Baie James, on est
même dans le territoire de la Baie James, parce qu'on est des villes
enclaves, en l'occurrence Matagami. Il est normal et naturel que les premiers
encouragés soient les premiers le long du projet, parce que,
normalement, cela devrait coûter moins cher aux compagnies
intéressées à faire le transport ou à fabriquer des
pièces nécessaires pour le projet. Ce seraient les premiers
à encourager.
De quelle façon? Tantôt, la question m'a été
posée, on ne connaît pas le mécanisme de tout cela, mais
c'est sûr qu'on veut que cela soit pris en considération et, dans
la mesure du possible, qu'il y ait des pourcentages d'inclus même dans
les cahiers de charges, si c'est possible d'encourager la région de
l'Abitibi comme telle.
M. Samson: J'aurais juste une dernière petite question.
Vous mentionnez dans votre mémoire, à un moment donné, que
vous aimeriez que les travailleurs de la construction, pour le projet NBR,
soient logés, dans la mesure du possible, aux abords de la ville de
Matagami. La question que je pose est la suivante: Est-ce que vous y voyez des
avantages importants et est-ce qu'il y a, d'autre part, des
inconvénients? Évidemment, un chantier, c'est un chantier. Est-ce
que les deux, le pour et le contre, ont été bien pesés?
Est-ce que la ville peut loger à ses portes un nombre de travailleurs
aussi important que celui qui serait nécessité par le projet sans
que cela lui crée des problèmes particuliers? Est-ce que cela a
été étudié par vous autres?
Le Président (M. Jolivet): M. Choquet.
M. Choquet: Oui, cela a effectivement été
étudié en commission d'urbanisme et au conseil de ville. Les
résultats, il en est fait mention dans le rapport. Il y a un campement
temporaire de chantier de travail de prévu. C'est le même site ou
à peu près qui a été utilisé en 1972 pour
l'implantation des compagnies de passage, les entrepreneurs de passage.
De plus, au niveau des chantiers de travail comme tels, la SEBJ nous a
informés qu'il devrait y en avoir un non loin de Matagami, à 70
kilomètres de Matagami où il y aurait 1800 hommes. C'est
prévu pour 1986, pour une durée de cinq ans.
On se demande si c'est possible, si c'est néqociable. Si ce n'est
pas possible de tous les avoir, qu'on ait au moins une partie de ces
gens-là dans la ville de Matagami. À 70 kilomètres, ils
n'auront probablement pas la possibilité de sortir du chantier de
travail, tandis qu'à Matagami, on offre des services de base. On a
déjà une aréna, un club de curling, un centre civique et
un terrain de golf. On a déjà tous les services de base. Si on
regarde le projet de la Baie James comme Radisson, ce sont tous des services
gu'ont est obligé d'implanter et ce, pour une courte période.
Donc, il y a une possibilité d'économie de coûts par
l'État, par la Société d'énergie de la Baie James.
On a déjà sur place ces services et la ville de Matagami est
prête à les offrir.
Quant à l'ouverture des rues, s'ils sont obligés d'en
ouvrir dans d'autres secteurs, à 60 ou 70 kilomètres de Matagami,
c'est entendu que la ville est ouverte à des négociations. Cela
pourra nous rester par la suite et cela peut être négocié.
En compensation, nous autres, on donne des services de base d'une ville.
M. Samson: Merci beaucoup, M. Choquet.
Le Président (M. Jolivet): Merci. M. le
député de Mont-Royal.
M. Ciaccia: Merci, M. le Président. Je remarque, M.
Choquet, que votre mémoire démontre un haut degré de
volonté de collaboration avec les autorités sur des questions qui
peuvent causer certains problèmes à la ville de Matagami, aux
résidents de Matagami, en ce qui a trait au développement des
projets d'Hydro-Québec. (16 heures)
Je présume que, dans votre mémoire, quand vous dites:
"Vous savez, déménaqer des castors, c'est une chose;
déménager des gens, c'est autre chose", sans doute vous
référez à l'entente de la Baie James où il y a eu
effectivement un engagement par le gouvernement de déménager les
castors pour le bénéfice des autochtones. Je me rappelle, M. le
Président, qu'à cette époque, avant de conclure cette
entente, j'ai demandé de rencontrer les autorités municipales de
Matagami afin de les consulter en ce qui concernait certains effets ou
certaines conséquences qu'aurait pu entraîner cette entente pour
les résidents de Matagami. Le principe de collaboration, de
coopération, c'est un principe en vertu duquel je crois fermement qu'un
gouvernement ne devrait pas prendre de décisions qui vont affecter un
secteur de la population, dans ce cas-ci la municipalité et les
résidents de Matagami, sans avoir consulté les autorités
et collaboré avec ces autorités parce que, dans l'entente de la
baie James, il y avait des choses qui pouvaient affecter indirectement et
même directement la ville de Matagami. Il y avait la question des droits
de pêche qu'on donnait aux autochtones. Cela pouvait affecter les droits
des résidents de Matagami. Il y avait la construction de certaines
routes et tous les droits des pourvoyeurs. Avant de conclure cette entente nous
avons consulté et nous avons eu la collaboration entière des
autorités et de la population de Matagami.
Je voulais prendre cette occasion pour le souligner et j'espère
que ce degré de collaboration qui existait à cette époque
continue et continuera en ce qui concerne les projets qui affectent votre ville
et vos résidents. Merci.
Le Président (M. Jolivet): Merci, M. le
député. M. Choquet, au nom des membres de cette commission, je
vous remercie d'être venu nous rencontrer.
Pour les besoins des membres de cette commission, je dois leur donner
l'ordre du jour du lundi 2 mars. C'est déjà celui que vous avez
reçu et qui concerne le Regroupement pour la surveillance
nucléaire; la Caisse d'entraide économique de Portneuf;
l'Association des mines de métaux du Québec; la Ligue des droits
et libertés; M. Jean Gagnon, M. Pierre Marissal et l'Association du
Québec-Labrador. Je crois comprendre que la convocation est pour 15
heures. Ajournement à 15 heures, le lundi 2 mars.
(Fin de la séance à 16 h 3)