Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.
(Quinze heures vingt minutes)
Le Président (M. Jolivet): À l'ordre! La commission
de l'énergie et des ressources est à nouveau réunie afin
d'entendre les personnes ou organismes qui veulent faire des
représentations relativement au plan d'équipement et de
développement 1981-1990 de la Société
Hydro-Québec.
Avant de commencer cette rencontre, j'aimerais demander l'indulgence des
membres de cette commission et des gens qui auront à m'entendre, j'ai
perdu une partie de ma voix en fin de semaine, compte tenu que j'ai
assisté au deuxième plus grand tournoi du Québec au niveau
pee wee, celui de Grand-Mère, ville qui se trouve dans mon
comté.
Les membres de cette commission sont M. Bérubé (Matane),
M. Biron (Lotbinière), M. Bordeleau (Abitibi-Est) est remplacé
par M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata), M. Ciaccia
(Mont-Royal), M. Desbiens (Dubuc), M. Fontaine (Nicolet-Yamaska), M. Fortier
(Outremont), M. Grégoire (Frontenac), M. Perron (Duplessis), M. Tremblay
(Gouin).
Les intervenants sont M. Brochu (Richmond), M. Dussault
(Châteauguay), M. Giasson (Montmagny-L'Islet), M. Mercier (Berthier), M.
Michaud (Laprairie), M. Rancourt (Saint-François), M. Samson
(Rouyn-Noranda) remplacé par M. Pagé (Portneuf).
Le rapporteur de cette commission est M. Denis Perron (Duplessis).
L'ordre du jour de cette journée, à partir de maintenant
et probabalement jusqu'à 24 heures, est le suivant premièrement,
Regroupement pour la surveillance du nucléaire; deuxièmement, la
Caisse d'entraide économique de Portneuf; troisièmement,
l'Association des mines de métaux du Québec;
quatrièmement, La Ligue des droits et libertés;
cinquièmement, M. Jean Gagnon, à titre personnel;
sixièmement, M. Pierre Marissal, à titre personnel, et
finalement, l'Association du Labrador québécois.
Je demande donc au Regroupement pour la surveillance du
nucléaire, représenté par Mme Francine J. Ruvinsky, de
bien vouloir s'approcher et présenter la personne qui l'accompagne.
Mais, avant, le député de Mont-Royal demande la parole.
M. le député de Mont-Royal.
Question de règlement
Le projet Archipel
M. Ciaccia: M. le Président, brièvement, avant le
début de nos travaux, aujourd'hui, je voudrais soulever une question de
règlement quant au mandat de cette commission et l'audition de certains
mémoires. Si vous vous rappelez, M. le Président, jeudi dernier,
je vous ai demandé pourquoi le mémoire sur l'Archipel ne serait
pas entendu vendredi, le lendemain. Il avait été prévu
pour cette journée. Du côté du gouvernement, on n'a pas pu
me donner une réponse satisfaisante à savoir pourquoi ce
mémoire avait été reporté à demain.
Il paraît que, vendredi matin, le gouvernement, par l'entreprise
de son ministre d'État à l'Aménagement, le
député de Crémazie, a annoncé, à Place
Bonaventure, le projet Archipel. J'ai visité les lieux moi-même
samedi soir. Apparemment, on explique le projet, on en donne le
développement à Hydro-Québec; on ne mentionne même
pas qu'Hydro-Québec ne l'a pas sur son plan d'investissement d'ici 1995,
on l'annonce comme un fait accompli. Cela m'amène à poser la
question à savoir si vraiment le gouvernement prend au sérieux
les travaux de cette commission. D'un côté, nous voulons - c'est
le mandat de la commission - entendre les personnes ou organismes qui veulent
faire des représentations relativement au plan d'équipement
1981-1990 de la société Hydro-Québec; les gens viennent
ici de bonne foi, nous les questionnons de bonne foi quant au plan
d'investissements d'Hydro-Québec; mais, d'un autre côté,
nous voyons que le gouvernement annonce le début de certains travaux et
le fait accompli de certains plans d'investissements. Cela nous amène
à mettre en doute le but de cette commission et le sérieux du
gouvernement.
Si vous vous souvenez, M. le Président, cette commission a
été prolongée. Originellement, elle devait durer trois
jours et, à la demande du député d'Outremont de prolonger
pour entendre tous les mémoires qui avaient été soumis -
il y a plus d'une trentaine de mémoires - le gouvernement a
accepté de prolonger le mandat de cette commission.
Je voulais soulever ce point. Premièrement, on ne m'a pas fourni
une réponse satisfaisante à savoir pourquoi le
mémoire d'Archipel avait été remis;
deuxièmement, je trouve que cela va à l'encontre même du
mandat de la commission qu'on examine certains projets et que le gouvernement
les tienne déjà pour des faits accomplis. Hydro-Québec,
pour votre information, M. le Président - vous allez vous en souvenir -
a confirmé qu'Archipel n'était pas sur son plan d'investissements
pour les années 1980 à 1995. Je voulais soulever ce point, M. le
Président, et porter ces facteurs à l'attention du
gouvernement.
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre, sur la
même question, je pense.
M. Bérubé: M. le Président, il y a erreur
d'interprétation de la part du député de Mont-Royal
puisque le ministre d'État à l'Aménagement du territoire
n'a pas annoncé une modification dans le plan d'équipement
d'Hydro-Québec. D'une part, le député de Mont-Royal dit
que le gouvernement effectue présentement des études portant sur
le projet Archipel et portant sur les aspects environnementaux, les aspects
fauniques du projet, les aspects sociaux, qu'à plusieurs reprises il y a
eu des consultations auprès des maires et conseils municipaux de
l'agglomération montréalaise et que, pour permettre à tous
les citoyens de peut-être mieux visualiser ce que représente le
projet Archipel ou des formes du projet Archipel, des maquettes ont
été préparées. Elles sont effectivement à la
disposition du public et traitent non pas seulement de production
d'électricité, mais des problèmes d'inondation dans
l'agglomération de Montréal, traitent des problèmes de
glaciation, par exemple, du port de Montréal, traitent des
problèmes de frasil dans les prises d'eau des municipalités
situées en aval des rapides de Lachine, en d'autres termes, traitent de
l'ensemble de la problématique de l'hydroélectricité dans
la région métropolitaine.
L'objectif de cette maquette est de permettre aux citoyens de se faire
une idée plus physique, plus concrète de ce qu'est le projet
Archipel, d'une part. D'autre part, en même temps, il est absolument
évident que, comme gouvernement, nous ne pouvons pas autoriser un tel
projet sans que des études soient complétées et sans qu'on
ait également sensibilisé la population. Des représentants
d'Hydro-Québec, en réponse aux questions qui ont
été posées, ont souligné que les coûts
d'Archipel avaient baissé de façon importante depuis que les
études avaient été entreprises. Toutefois, on ne peut pas
imaginer qu'Hydro-Québec ait terminé ses études
d'avant-projet avant au moins deux ans. On ne peut pas imaginer non plus que
les études environnementales puissent être
complétées avant deux ans; par conséquent, ce dont il
s'agit maintenant, c'est essentiellement de permettre à l'ensemble des
citoyens de bien connaître ce qu'est le projet Archipel, de
manière qu'on puisse avoir une discussion de fond. Lorsque les
études seront disponibles, c'est-à-dire lorsque, d'ici deux ans,
l'ensemble des éléments seront disponibles, on aura à la
fois une opinion publique sensibilisée et au courant du projet, nous
aurons également l'information scientifique concernant les
problèmes environnementaux et nous aurons les analyses techniques
d'Hydro-Québec concernant la faisabilité d'un point de vue de
production d'électricité du projet. C'est à partir de
l'ensemble de ces études qu'un gouvernement pourra prendre la
décision d'aller de l'avant ou non avec un tel projet. (15 h 30)
Donc, c'est à l'occasion du Salon nautique de Montréal,
où tous les amateurs d'eau douce et de plaisirs nautiques se retrouvent,
que le ministre d'État à l'Aménagement du territoire a
présenté en public une maquette qui, à ma connaissance,
doit être prête depuis au moins un an et demi, mais que nous
n'avions pas voulu sortir avant, faute d'avoir des études suffisamment
avancées pour nous permettre de dire que le projet semblait
effectivement un projet intéressant, qui mérite un appui actif de
la part du gouvernement.
M. Ciaccia: M. le Président...
Le Président (M. Jolivet): M. le député,
sans vouloir cependant commencer un débat...
M. Ciaccia: ... non, sur la même question de
règlement.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Mont-Royal.
M. Ciaccia: Je ne doute pas de la bonne foi du ministre, mais je
pourrais lui suggérer d'assister à la présentation de la
maquette et de l'audio-visuel qui l'accompagne. C'est clairement
explicité dans la présentation que ce projet, que les barrages
électriques seront construits. On ne fait aucunement
référence au fait qu'Hydro-Québec n'a pas
complété ses études, qu'Hydro-Québec ne les a pas
sur son plan d'investissement. On ne fait aucunement référence
à de l'information qui peut laisser entendre qu'il y aurait
peut-être des problèmes du côté
hydroélectrique. On fait une présentation comme si c'était
un fait accompli. Je peux l'en assurer, j'ai assisté moi-même,
comme je l'ai dit, samedi soir à la présentation. Si ce
n'était que pour présenter un projet probable et si l'audition,
qui devait avoir lieu vendredi matin, n'avait pas été
retardée, je vous assure, M. le Président, que je n'aurais pas
soulevé cette question ici. On pourrait demander au ministre, mais je
pense que même Hydro-
Québec ne pourrait pas dire quand le projet sera
réalisé. Vous mentionnez que les études sont en train
d'être complétées. Le ministre pourrait-il nous dire quand
les travaux commenceront et le plus tôt ils peuvent être entrepris?
La maquette qui est exposée à Place Bonaventure démontre
le chenal sur le Kahnawake, qui est le côté des terres
autochtones, et les autochtones ont dit: Jamais on ne vous donnera la
permission de construire le chenal sur ce côté.
Alors, ou vous donnez de l'information valable à la population,
ou vous faites de la propagande avant les élections sur un projet qui ne
peut pas être réalisé de telle façon.
Hydro-Québec n'a pas donné son approbation et même
Hydro-Québec a dit: Nous ne pouvons pas continuer nos études,
nous n'avons pas la permission d'aller sur les lieux.
Je voulais apporter ces précisions et demander au ministre quand
le projet pourrait commencer.
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.
M. Bérubé: Si on examinait ce projet remis dans
l'ensemble des rivières aménageables au Québec, je crois
qu'il devrait entrer normalement en production -s'il n'y avait aucun
problème - en 1997, si je ne m'abuse.
Ce dont on parle maintenant c'est, compte tenu des études qui
progressent, si ça ne peut pas être devancé, vers 1992, par
exemple. Donc devancé de cinq à six ans. Il y a évidemment
un coût au devancement d'un projet hydroélectrique, qui pourrait -
je dis bien "pourrait" - être plus coûteux qu'un autre projet d'une
autre rivière, il y a un coût économique associé au
devancement, mais il y a également des avantages
socio-économiques associés au devancement. C'est, par exemple, le
dégagement de propriétés riveraines, c'est, par exemple,
un terme aux problèmes d'inondation dans la région de
Montréal, et on sait à quel point nos concitoyens,
présentement, sont durement éprouvés par les inondations.
Je suis convaincu qu'un bon nombre de nos concitoyens, qui ont les pieds dans
l'eau présentement, ne verraient peut-être pas d'un mauvais oeil
un certain contrôle des écoulements des eaux dans la région
métropolitaine. En d'autres termes, il y a donc des avantages
économiques et sociaux très importants découlant d'un tel
projet.
Toutefois, il ne peut pas y avoir de décision d'aller de l'avant
avec un tel projet, même de devancement, mais d'aller de l'avant en
particulier, tant et aussi longtemps que l'on n'a pas véritablement
évalué l'impact environnemental et l'impact sur la faune d'une
tel projet.
C'est ce que le gouvernement s'est engagé à faire, soit
à très rapidement poursuivre ses études. Et
Hydro-Québec également a vraiment accordé toute sa
collaboration en poursuivant des études très rapides, je ne
dirais pas d'avant-projet, mais préliminaires, qui peuvent les conduire
aux études d'avant-projet, de telle sorte que d'ici deux ans
Hydro-Québec estime avoir en main tous les éléments
techniques lui permettant de dire ce que coûterait un tel projet, s'il
coûterait plus cher que les rivières alternatives ou si, au
contraire, après une analyse plus détaillée, il serait
effectivement plus économique que bien des projets que l'on envisageait;
à ce moment-là, un gouvernement aura à prendre la
décision. Cette décision devra tenir compte des facteurs sociaux,
des facteurs humains; comme vous l'avez souligné, il existe pour l'une
des versions, la version rive sud, un problème associé avec la
réserve de Kahnawake. C'est donc de l'ensemble de ces facteurs dont il
faudra tenir compte au moment de la prise de décision.
Toutefois, vous ne pouvez pas vous en aller avec un ensemble
d'études environnementales, un ensemble d'études, comme le
soulignait le président d'Hydro-Québec. Vous ne pouvez pas
demander des permis de passage sur la rive sud du Saint-Laurent aux
autochtones, aux Indiens qui y habitent sans que ceux-ci aient une idée
de la nature du projet, de quoi on parle, des avantages et des
inconvénients d'un tel projet. De là l'importance d'amener le
plus rapidement sur la place publique une notion du projet de manière
que ces gens puissent se faire une idée. Je pense que la
présentation de cette maquette contribue énormément
à sensibiliser les gens. La plus belle preuve, c'est que le
député de Mont-Royal vient finalement de se réveiller et
de s'apercevoir qu'il y avait peut-être un projet extraordinaire auquel
il n'avait jamais pensé.
Le Président (M. Jolivet): Merci aux deux intervenants.
Avant de donner la parole à Mme Ruvinsky, je tiendrais à faire
remarquer qu'il y a une décision qui a été rendue la
semaine dernière à savoir que les représentants qui
viennent présenter un mémoire ont 20 minutes à leur
disposition et que les gens autour de cette table ont à peu près
20 minutes de chaque côté. Tout en étant quand même
large dans cette heure qui est allouée, je tiendrais à faire
remarquer aux membres de cette commission et à ceux qui sont en face de
nous qu'il y a d'ici minuit ce soir sept mémoires à entendre.
Donc, la parole est à Mme Ruvinsky, qui va nous présenter la
personne qui l'accompagne.
Regroupement pour la surveillance du nucléaire
et Alliance Tournesol
Mme Ruvinsky (Francine J.): C'est M.
Boucher qui va commencer.
M. Boucher (Jacques): Oui. Je m'appelle Jacques Boucher. Je suis,
en fait, d'Alliance Tournesol, de Montréal. Ce n'est pas inscrit sur les
mémoires, mais on est deux groupements antinucléaires. De
façon plus spécifique Alliance Tournesol est
antinucléaire, mais également pour le désarmement, alors
que le Regroupement pour la surveillance du nucléaire est plutôt
orienté, de façon nationale ou au niveau du Canada, contre le
nucléaire.
Il y a également Mlle Ruvinsky. Sa langue maternelle est
l'anglais, alors, durant la période des questions, s'il était
possible qu'elle puisse répondre en anglais. Je pense que ce serait
mieux pour elle, parce qu'elle a de la difficulté, s'il y a des
questions précises qui s'adressent à elle.
On a divisé notre présentation en quatre parties de cinq
minutes. On a essayé de voir les quatre points qui pourraient être
les plus pertinents à présenter devant la commission. Le premier
point dont je vais traiter, c'est le processus décisionnel dans la
politique énergétique, à l'heure actuelle, la façon
dont ça déroule, la participation de la population, la
consultation, le sérieux de toute l'étude.
Dans un excellent article qui a paru, d'ailleurs, dans le Devoir la
semaine dernière, le mercredi 25, Mme Hélène Lajambe, du
Front commun pour un débat public sur l'énergie, faisait
remarquer que, dans plusieurs endroits ailleurs dans le monde, on attache
beaucoup plus de sérieux à la question énergétique.
C'est assez remarquable de voir qu'il n'y a pas tellement de groupes populaires
plus ou moins écologiques, cette fois-ci, qui viennent participer en
commission parlementaire. Sur l'ensemble des gens qui sont venus jusqu'à
maintenant, il y en a peut-être sept sur ving-huit qui
représentent un peu la population globale, avec des
intérêts moins attachés que les autres qui sont venus
présenter des mémoires.
On est solidaire du Front commun pour un débat public sur
l'énergie qui boycotte cette commission parlementaire. Cependant, on
considérait qu'il fallait que quelqu'un vienne le dire. Au moins, nous
autres, on s'est dit qu'on viendrait le dire. On n'a qu'à prendre
l'exemple de l'Ontario, comme le citait Mme Lajambe dans son article, où
Hydro-Ontario, de façon permanente, se fait interroger par la
Législature et par la population également. Vous êtes
sûrement au courant de la commission Porter qui a siégé
pendant cinq ans et demi pour en arriver à prendre des décisions
sur la question énergétique. Il y a eu de nombreux témoins
experts de convoqués, des groupes qui ont même été
subventionnés pour venir présenter leurs points de vue et leurs
connaissances sur la question.
Grâce à cet examen critique, comme le souligne Mme Lajambe,
la population s'est trouvée mieux impliquée dans le processus,
les prévisions de croissance de la demande ont baissé de
moitié et de nombreux équipements ont été
retardés, à cause justement du fait qu'on a
réfléchi sérieusement et qu'on a pris le temps de prendre
une décision sage sur la question énergétique.
Quand même, l'Ontario était déjà,
impliqué dans des investissements, ce qui a fait en sorte que sa
situation n'est quand même pas des plus reluisantes, à l'heure
actuelle. Durant les audiences de la commission Porter en 1977, Hydro-Ontario
prévoyait une croissance de 7% par année de la demande en
électricité. Dans son rapport, la commission considérait
que cela devrait être réduit à 4% par année et
depuis, cela a même baissé jusqu'à 2% ou 3%. L'année
dernière, la croissance effective de la demande domestique en Ontario,
et la vente à l'étranger, en étaient de 0.
Ici, au Québec, c'est toujours 6 1/2%, jusqu'à la fin du
siècle. Il n'y a personne en Amérique, à l'heure actuelle,
qui fait ces prévisions. Partout, aux États-Unis, c'est de
l'ordre de 2% à 3%. Naturellement, l'exemple de l'Ontario fait en sorte
qu'on peut éviter des erreurs. Mais, quand même, l'Ontario a
surestimé ses prévisions de croissance énergétique
depuis 1973 et maintenant elle a une surcapacité d'à peu
près 50% au-dessus de la demande de pointe, ce qui fait en sorte que
c'est une proposition tout à fait dispendieuse pour Hydro-Ontario et que
cela cause des problèmes financiers à la province, parce que,
à l'heure actuelle, la dette d'Hydro-Ontario est à peu
près la même que celle d'Hydro-Québec, $12 milliards et
elle a des difficultés à payer les intérêts des
dettes.
C'est pour en venir à dire que, dans le fond, on se demande
jusqu'à quel point le gouvernement du Québec ne se laisse pas un
peu embarquer par les estimations des fonctionnaires d'Hydro-Québec, des
fonctionnaires de son ministère de l'Énergie et s'il n'y a pas
derrière cela une image de nationalisme qui a été
créée d'Hydro-Québec qui est le symbole grandiose du
Québec qui est capable de faire des projets puissants et très
dispendieux, les plus gros au monde, surtout les plus dispendieux aussi,
naturellement. Il y aurait une nécessité urgente d'impliquer
beaucoup plus la population dans cette prise de décision. L'exemple de
l'Ontario n'est pas le seul. Tout le monde se rappelle la commission Berger sur
la construction du pipeline dans la vallée du Mackenzie. Ils ont mis des
années; je ne sais pas exactement combien de mois ils ont mis pour
étudier à fond, consulter à la fois au nord, au sud. Je
me
souviens qu'à ce moment, j'étais dans un groupement qui
avait présenté un mémoire à Montréal
même devant le juge Berger et c'était pour un projet qui
impliquait à peu près des investissements de l'ordre d'environ
$6,000,000,000; ce n'était pas $55,500,000,000 ou $90,000,000,000 comme
celui qu'Hydro-Québec nous jette à la face à l'heure
actuelle. (15 h 45)
II y a une foule d'exemples à travers le monde. La Suède,
en 1973, avait un problème de nucléaire. Elle a instauré
un débat public où plus de 100,000 groupes populaires ont pu
présenter des mémoires et des rapports au gouvernement, des
unions, des groupes d'Églises, des associations d'écoles, de
consommateurs, d'environnement, d'hommes d'affaires. La littérature du
gouvernement et des personnes était disponible pour l'information des
gens et, s'ils n'obtenaient pas de réponse, on leur indiquait où
ils pouvaient obtenir les informations. Cela a duré des mois, on a
impliqué la population dans la prise de position, dans la
réflexion sur la question énergétique.
La même chose s'est produite à plusieurs endroits aux
États-Unis également, dans plusieurs villes, Portland, en Oregon,
par exemple, où la population a été impliquée dans
le programme de réduction de l'utilisation d'énergie. À
différents endroits, à Ann Arbor, au Michigan, Springfield, dans
l'Illinois, Clayton, au Nouveau-Mexique, Cristal City, au Texas, les gens
étaient impliqués dans des programmes d'économie de
l'énergie et d'implantation de nouvelles technologies plus à la
portée de la population, plus décentralisés et
créant plus d'emplois avec moins d'investissement.
Au début des années soixante-dix, aux États-Unis,
on prévoyait que la demande en énergie serait de 230 quads - un
quad étant un quadrillion de BTU. À l'heure actuelle, c'est
baissé à 85 quads, ce qui veut dire qu'on a fait un effort
énorme aux États-Unis. La même chose pourrait être
faite au Québec, et ce n'est pas du tout dans les prévisions
d'Hydro-Québec. De plus, même si Hydro-Québec a, dans son
mandat, non seulement l'hydroélectricité mais l'approvisionnement
en énergie dans l'ensemble du secteur énergétique au
Québec, dans le sens de l'économie d'énergie, son rapport
n'est pas très optimiste, mais légèrement optimiste.
Ce n'est pas ce qui s'est produit dans plusieurs endroits au monde
où cela a dépassé énormément les
prévisions. Par exemple, le gouvernement américain ne
prévoyait pas qu'il y aurait 200,000 maisons chauffées à
l'énergie solaire; à l'heure actuelle, c'est le cas. À peu
près 50,000 maisons, à l'heure actuelle, ont un système de
solaire passif qui consiste seulement en l'installation d'un genre de serre
attenante à la maison, ce qui fait que la demande en énergie a
baissé énormément.
Tout cela nous amène à faire une critique un peu plus
poussée des investissements d'Hydro-Québec et de la question du
nucléaire que va compléter Mlle Ruvinsky.
Le Président (M. Jolivet): Mme
Ruvinsky.
Mme Ruvinsky: Je vais présenter un texte
présenté par le Dr Gordon Edwards, directeur du Regroupement pour
la surveillance du nucléaire. Le Dr Edwards, malheureusement, n'a pu se
rendre ici aujourd'hui; il est en train de faire des représentations au
Conseil des Territoires du Nord-Ouest.
Le Regroupement pour la surveillance du nucléaire
représente plus de 200 groupes de citoyens de toutes les régions
du Canada. Il a été fondé en 1975 afin de créer un
débat public ainsi qu'un libre forum pour discuter des problèmes
de l'énergie nucléaire.
Permettez-moi maintenant de consacrer quelques minutes aux
priorités d'investissement d'Hydro-Québec. Je commencerai par le
problème du règlement de la dette d'Hydro-Québec.
Hydro-Québec a pour environ $11,000,000,000 de dettes. Ce n'est pas
chose facile de créer assez de revenus annuels pour payer
l'intérêt d'une somme si grande. Hydro-Ontario a dû, lors
des dernières années, emprunter de l'argent seulement pour
pouvoir payer les intérêts de sa dette de $12 milliards.
Hydro-Québec veut dépenser environ $90 milliards durant les dix
prochaines années. Puisque de nouveaux investissements ne produisent pas
d'électricité nouvelle pendant environ dix ans, on peut
s'attendre à de sérieux problèmes d'argent liquide. La
dette d'Hydro-Québec est garantie par la province. Dans un sens, la
province entière sert de gage aux emprunts d'Hydro-Québec. Comme
a dit M. Amory Lovins, auteur et recherchiste sur des questions
énergétiques, pendant une conférence à
Montréal, le 6 novembre 1980: "La dette courante d'Hydro-Québec
représente 93% de toutes les dettes garanties par la province. Elle
excède de presque 19 fois la dette provincialement garantie des Jeux
olympiques. Elle dépasse la dette totale encourue par toutes les
municipalités et les communautés urbaines, les commissions
scolaires, les conseils gouvernementaux, les commissions et les corporations,
les universités et les collèges, les institutions de santé
et de bien-être social du Québec. La dette d'Hydro-Québec
garantie par la province est d'un peu plus de $5000 par foyer
québécois, c'est-à-dire de $1700 pour chaque femme, homme
et enfant de la province et croissant au taux actuel de $280 par année.
Hydro-Québec désire toutefois
augmenter cette dette à environ $14,000 pour chaque personne
vivant dans la province."
Le financement de cette dette exigera des efforts héroïques.
Si, pour quelque raison que ce soit, le Québec ne peut pas vendre autant
d'électricité qu'il l'espère, ce dernier pourrait se
retrouver dans une situation financière désespérée.
Hydro-Ontario, par exemple, qui possède une capacité
électrique de surproduction qui est d'environ 45% supérieure
à la demande maximale, fait face à de réelles
difficultés quant à la revente de ce surplus. Durant la
dernière année, il n'y eut quasiment pas d'augmentation du
chiffre de vente total en électricité par HydroOntario,
même en combinant les ventes domestiques et à l'étranger.
La vérité est qu'Hydro-Québec s'est engagée dans un
gigantesque jeu de spéculation. Il n'existe aucune autre utilité
qui prédise un taux de croissance en demande d'électricité
s'approchant des 6.5% d'Hydro-Québec. La projection courante
d'Hydro-Ontario est pour une croissance de 3,1% jusqu'à la fin du
siècle.
Sans un changement de direction massif vers le chauffage
électrique, ce qui est très peu probable à cause de son
coût trop élevé, il est impossible de créer de
grandes augmentations de demande d'électricité. À $0.025
le kilowattheure livré, le chauffage au foyer à
l'électricité équivaut à payer $40 un baril
d'huile. À $0.07 ou $0.08 par kilowattheure, prix que l'on pourrait
s'attendre à payer pour une centrale nucléaire nouvellement
construite, le chauffage au foyer à l'électricité serait
l'équivalent de payer de $120 à $130 pour un baril d'huile. Ceci
est quatre fois plus élevé que le prix de l'huile de l'OPEP.
L'électricité est une forme très coûteuse
d'énergie qu'on utilise pour le chauffage. Les gens qui se
détournent de l'huile ne chercheront pas automatiquement l'une des
possibilités les plus coûteuses, c'est-à-dire
l'électricité. Ils épuiseront d'abord toutes les autres
moins coûteuses surtout la conservation de l'énergie et les
énergies renouvelables. Si les espérances d'Hydro-Québec
ne se matérialisent pas, les gens du Québec seront
peut-être aux prises avec un fardeau financier qui donnerait l'apparence
d'une farce au déficit olympique.
Maintenant, le troisième point, il s'agit des investissements
optionnels. La façon la plus rapide et la moins coûteuse de
réduire nos importations d'huile est par la conservation de
l'énergie. Ceci devrait être la première priorité de
toute politique énergétique sensée. Au lieu d'investir
dans de nouvelles réserves d'électricité à
exporter, nous devrions investir dans nos propres communautés
québécoises. Avec $4000, le propriétaire d'une maison peut
s'acheter beaucoup d'isolation et payer en plus pour d'autres mesures visant
à améliorer son efficacité énergétique. En
allouant $14,000 par maison, $1 milliard serviraient à un quart de
million de foyers. Donc, avec un investissement de seulement quelques milliards
de dollars, le Québec pourrait devenir la province qui a le rendement
énergétique le plus efficace du Canada.
Un tel programme d'investissements, s'il était mis en fonction,
fournirait beaucoup d'emplois et créerait d'attrayantes occasions
d'affaires à travers le Québec. Le programme se paierait de
lui-même si chaque propriétaire était facturé d'un
montant mensuel égal aux épargnes mensuelles en énergie
créées par les améliorations faites à la maison.
D'après l'expérience acquise dans d'autres juridictions, on
estime à moins de dix ans la période de remboursement d'un tel
investissement, évitant ainsi tout sérieux problème de
disponibilité d'argent liquide.
Une fois ce programme autofinançant mis en oeuvre, il pourrait
être étendu pour couvrir les secteurs du commerce et de
l'industrie afin d'aider au financement d'une transition massive vers une
société plus efficace dans son utilisation de l'énergie.
Un tel programme peut être financé au même endroit. Par
exemple, on pourrait profiter du système actuel de facturation
d'Hydro-Québec pour émettre les cotisations. Toutefois, le projet
ne devrait pas être contrôlé là. Un contrôle
centralisé, avec toute la bureaucratie que cela implique, est beaucoup
trop lent, trop coûteux et trop inefficace pour bien fonctionner.
Plutôt, chacune communauté et même chaque
propriétaire devrait être libre d'investir son argent de la
meilleure façon qu'il ou elle le peut.
D'autre part, l'éducation publique, par la radio, la
télévision et les imprimés, irait loin quant à
réduire l'existence de produits dangereux ou de travaux mal
exécutés. La meilleure garantie assurant un travail de haute
qualité demeure l'éducation des consommateurs et l'information
publique. Nous n'avons pas besoin des experts pour prendre des
décisions, mais une partie de leur expertise devrait être
facilement disponible au public.
Notre deuxième priorité d'investissement devrait
être les énergies renouvelables à petite échelle,
domaine qui est clairement la vague de l'avenir. Les chauffe-eau solaires sont
déjà un choix sensé et devraient être
financés de la façon décrite
précédemment.
Le chauffage solaire des maisons est une question plus
compliquée, mais il représente une option définitivement
attrayante pour le Québec, à condition qu'il existe
déjà un haut degré d'efficacité
énergétique. Comme le chauffage solaire requiert une forme
quelconque de stockage de la chaleur, même des systèmes de
soutien
électriques n'exigeraient pas nécessairement de
capacité électrique accrue. Comme en Allemagne de l'Ouest et en
Suède, l'électricité ne serait jamais utilisée pour
chauffer la maison directement, mais seulement pour chauffer le stock mis en
réserve en se servant du courant en dehors des heures de pointe.
On pourrait financer des projets pilotes dans tous les domaines
suivants: des projets d'habitation au chauffage solaire à haut rendement
énergétique; l'adaptation au chauffage solaire des
édifices déjà en place; des réservoirs
communautaires de stockage de la chaleur solaire opérant à
l'année longue, tels que conçus par l'architecte
montréalais Robert Wright; la génération du gaz naturel
synthétique par l'utilisation du fumier que les fermes utiliseraient sur
les lieux; la génération d'un carburant liquide à l'alcool
dérivé des déchets de l'industrie forestière; la
cogénération de l'électricité de la part des
industries québécoises qui emploient présentement le
procédé de la vapeur.
De plus, le gouvernement pourrait instaurer des mesures incitatrices
pour réduire l'achat de voitures grosses consommatrices de carburant
tout en développant des carburants alternatifs au pétrole,
c'est-à-dire le gasoil, le méthanol, etc.
Si nous ne faisons pas d'investissements dans les technologies
renouvelables aujourd'hui, nous devrons les acheter des autres demain. La
conservation de l'énergie et les énergies renouvelables
représentent nos chances les plus sûres et les moins
coûteuses de nous assurer une autosuffisance énergétique.
Nos priorités d'investissement devraient viser les
Québécois tout d'abord et non nos voisins du Sud. Aucune
capacité génératrice nouvelle ne devrait être
construite au Québec à moins que ce ne soit clairement requis
pour subvenir aux besoins légitimes d'une société
possédant déjà un haut rendement
énergétique.
Le Président (M. Jolivet): Merci. M. le ministre.
M. Bérubé: Merci, M. le Président.
M. Boucher (Jacques): Est-ce vraiment terminé? II y a une
autre section sur le nucléaire.
Le Président (M. Jolivet): Vous avez déjà
dépassé de près de cinq minutes votre temps. À
moins que ce ne soit rapide...
M. Boucher (Jacques): Ce ne sera pas tellement long.
Mme Ruvinsky: Ce n'est pas tellement long, je pense que c'est
quatre minutes.
Le Président (M. Jolivet): Allez-y.
M. Boucher (Jacques): Merci, M. le Président.
Mme Ruvinsky: Pour ce qui reste de ce siècle,
l'énergie nucléaire n'est absolument pas nécessaire au
Québec; néanmoins, Hydro-Québec envisage de construire
d'autres réacteurs nucléaires. Ceci est extrêmement
irréfléchi et ne devrait pas être permis pour plusieurs
bonnes raisons: premièrement, la possibilité d'un effondrement
nucléaire. Comme le premier ministre Trudeau l'a dit l'année
dernière à Ottawa, l'industrie nucléaire canadienne est en
fort mauvaise posture financière, elle pourrait s'effondrer d'ici une
décennie. Si ceci se passe, le Québec fera face à de
sérieux problèmes de décontamination et d'entreposage des
déchets atomiques pendant au moins cent années après la
fermeture de la dernière centrale. Pourquoi le Québec devrait-il
prendre un risque si coûteux et inutile? (16 heures)
À lui seul, le Québec ne peut pas soutenir l'entreprise
nucléaire canadienne avec des commandes domestiques pour des
réacteurs nucléaires. L'industrie nucléaire a besoin de
ventes à l'étranger afin de rester en vie. Ceci veut dire que la
valeur ultime des investissements nucléaires du Québec
dépendra des décisions prises à l'étranger,
décisions sur lesquelles le Québec n'a aucun contrôle.
En plus, le Québec deviendra de plus en plus impliqué dans
la sale besogne d'aider à la prolifération de l'armement
nucléaire dans d'autres pays, dont des dictatures militaires comme
celles de l'Argentine, de la Corée du Sud et du Pakistan.
Nous ne sommes pas fiers du rôle que joue le Québec en
permettant à ces gouvernements l'accès aux matériaux
nucléaires. Nous ne désirons pas voir ce rôle continuer et
s'accroître par un engagement insensé de la part
d'Hydro-Québec dans l'expansion nucléaire et nous
considérons que la construction de Gentilly III, qui risque d'être
composée de quatre réacteurs de grande puissance,
représente un tel engagement insensé de l'expansion
nucléaire.
Un accident nucléaire catastrophique pourrait contaminer en
permanence de grandes étendues de terrain, tuant plusieurs milliers de
gens et causant pour plusieurs milliards de dollars de dommages à la
propriété.
La loi fédérale sur les responsabilités
nucléaires limite la responsabilité d'Hydro-Québec
à un maximum de $75,000,000 dans l'éventualité d'un tel
accident, ce qui représente moins de 1% des vraies évaluations du
dommage.
D'autre part, la police d'assurance de chaque propriétaire
contient une clause qui
garantit que les citoyens du Québec n'auront aucune protection de
la part des assurances dans l'éventualité d'une contamination
radioactive de leurs propriétés. Pourquoi le gouvernement du
Québec se montre-t-il plus préoccupé par la situation
financière d'Hydro-Québec que par la vie et la
sécurité de ses concitoyens? Nous considérons que, sous
prétexte de garder une expertise dans le domaine du nucléaire, le
gouvernement du Québec fait prendre aux Québécois des
risques qui dépassent de beaucoup le bienfait d'avoir à notre
solde quelques spécialistes de la technologie énergétique
la plus coûteuse et la plus dangereuse au monde.
Même l'accident non catastrophique qui eut lieu en Pennsylvanie il
y a deux ans a entraîné une facture de nettoyage
présentement évaluée à plus de $1,000,000,000.
Cette énorme quantité de dommage fut causée par une valve
coincée du système de refroidissement du réacteur,
entraînant une légère perte de refroidissant. Quelle est la
probabilité qu'un accident semblable de perte de refroidissant survienne
dans le réacteur de Gentilly II durant ses trente années de
fonctionnement? D'après les estimations de probabilités
officielles d'Énergie atomique du Canada Ltée, les risques sont
supérieurs à un sur quatre. Pourtant, quand cette information fut
présentée récemment au conseil des directeurs
d'Hydro-Québec, aucune action ne fut apparemment entreprise pour en
savoir plus long.
En Ontario, cinq des neuf réacteurs d'Hydro-Ontario fonctionnent
présentement à des niveaux réduits de puissance, pour des
raisons de sécurité. Le conseil de la ville de Toronto a
officiellement émis une requête demandant que les quatre autres
réacteurs de Pickering fonctionnent eux aussi à puissance
réduite pour des raisons de sécurité.
Ici, au Québec, l'unique réacteur déjà
construit a une "licence d'opération de puissance zéro" pour des
raisons de sécurité. Le gouvernement du Québec devrait,
à cet effet, exiger qu'Énergie Atomique du Canada Ltée
démantèle au plus vite la centrale de Gentilly I, qui constitue,
qu'elle fonctionne ou non, une menace permanente pour la région de
Trois-Rivières. Un tel démantèlement donnerait aux
gouvernements du monde une meilleure idée des coûts
véritables d'une opération de ce type, et les techniciens
canadiens et québécois ainsi formés pourraient exporter
l'expertise acquise pour les besoins de la cause partout dans le monde
où on devra sous peu faire face aux mêmes problèmes.
Le réacteur présentement en construction dans cette
province a une série de problèmes de sécurité
extrêmement sérieux se rapportant à la conception de
l'usine: aucun bâtiment de vacuum; inefficacité du système
original de refroidissement du coeur - il a dû être remplacé
- nouveau système de refroidissement du coeur qui n'a pas
été testé, il se peut qu'il ne soit pas fiable; conception
inadéquate en cas de séismes et fissures dans le bâtiment
de rétention. En vertu de ces faits, nous exigeons donc qu'une
révision complète de la conception et de la construction de
Gentilly II soit entreprise par une firme d'ingénieurs
indépendants, comme cela s'est récemment produit en Suède
pour les réacteurs. La "prêtrerie" nucléaire du
Québec prend toutes les décisions concernant la technologie
nucléaire sans intervention de la part des politiciens ou d'autres
citoyens parce que ces derniers sont gardés dans l'ignorance. La plupart
d'entre eux se sentent impuissants et incapables de faire face aux questions
nucléaires. Une telle situation représente une menace directe
envers les principes démocratiques de notre société. Ce
problème doit être redressé maintenant avant qu'il ne soit
trop tard.
Beaucoup de Québécois trouvent alarmant le fait que
l'ex-président de Canatom, Pierre Fortier, soit si rapidement
catapulté au pouvoir avec l'intention déclarée de
construire plusieurs réacteurs au Québec durant les quinze
prochaines années. À bien y penser, les investissements
énergétiques du Québec ne devraient pas dépendre du
fait que Canatom a besoin d'ouvrage.
Il ne devrait plus y avoir aucun développement nucléaire
au Québec sans mandat direct du peuple du Québec. C'est lui et
ses enfants qui prendront le risque et qui devront aussi payer pour les
erreurs. Ils méritent d'être pleinement informés par un
programme d'éducation publique bien mené et suffisamment bien
financé, non par la propagande d'Hydro-Québec, mais plutôt
par un débat public financé publiquement. De pair avec cette
initiative d'éducation nécessaire, il devrait y avoir des
audiences publiques approfondies à grande échelle concernant
toutes les questions vitales relatives à l'énergie
nucléaire.
De plus, il est évident que nous avons de fortes
appréhensions de voir éventuellement instaurer un tel
débat par l'entremise d'un parti qui compte parmi ses
députés l'ancien président de la plus grande firme
d'ingénieurs conseil en matière de nucléaire au
Canada.
Le Président (M. Jolivet): Merci. M. le ministre.
M. Bérubé: Merci, M. le Président.
D'une part, je tiens à vous remercier de l'appui que vous
apportez, en particulier, à la Loi sur l'isolation des maisons que le
gouvernement a soumise, lors de la dernière séance de
l'Assemblée nationale. Vous n'êtes pas d'ailleurs sans savoir que
l'Opposition libérale lui a fait une lutte féroce et que,
pour finalement réussir à la faire accepter par cette
Assemblée nationale, on a accepté un report de six mois dans sa
mise en application, l'Opposition libérale voulant que l'on gaspille
jusqu'aux dernières gouttes de ce précieux pétrole
albertain. Nous avons demandé de la mettre en application le plus tard
possible.
M. Fortier: Je ne sais pas comment il fait pour dire cela sans
rire.
M. Bérubé: Ah! Ah!
M. Ciaccia: Il rit! Il rit!
M. Bérubé: Deuxièmement, je pense qu'il faut
que je reprenne un certain nombre d'éléments dans votre
mémoire et que je souligne, en fait, mon appui assez complet à
énormément de vos propositions.
Il y a évidemment des éléments qui pourraient faire
l'objet d'une discussion. Par exemple, lorsque vous parlez de la croissance
immodérée de la consommation en électricité, il est
assez évident qu'avec des taux de croissance qui sont de l'ordre de 6%
pour la demande en électricité, cette croissance de la demande en
électricité n'a aucune commune mesure avec la croissance en
demande énergétique au Québec qui est plutôt de
l'ordre de 2%. On assiste donc plutôt à une substitution
qu'à une nouvelle demande énergétique. C'est donc un
remplacement. C'est peut-être déjà moins dramatique, en un
sens, puisqu'il s'agit d'une énergie autochtone qui, une fois les
barrages amortis, a quand même un intérêt assez grand pour
l'économie québécoise, d'une part.
Quant à vos affirmations concernant l'exportation de
l'électricité produite par les rivières du Québec,
je ne peux que souscrire, en fait, à votre position, avec cependant un
seul caveat. Je pense encore que l'exportation d'électricité
produite à partir de certaines rivières plus coûteuses,
supposons, par exemple, de 25% plus coûteuses que le nucléaire et
dont nous n'aurions pas besoin avant, par exemple, l'an 2000, 2005 ou 2010,
cette exportation pourrait être intéressante pour le Québec
parce qu'une fois ces barrages amortis sur une période de 15 ou 20 ans,
en récupérant l'électricité produite par ces
barrages, nous récupérerions en même temps de
l'électricité à bien meilleur marché que le
nucléaire.
En d'autres termes, nous étendrions le parc
hydroélectrique aménageable à coûts plus
économiques que le nucléaire simplement en faisant payer
essentiellement par l'importateur le coût de l'électricité
produite au cours des premières années. Cela pourrait donc
être une avenue intéressante.
Pour vous souligner à quel point je suis d'accord, lorsqu'on
examine les besoins en énergie au Québec, on se rend compte,
d'une part, qu'il y a des programmes beaucoup plus dynamiques d'économie
de l'énergie. Le premier ministre a annoncé dans son discours
inaugural un nouveau programme d'isolation des maisons qui va tenter de
répondre à certaines préoccupations des citoyens et faire
en sorte qu'on puisse isoler nos maisons beaucoup plus rapidement que l'on
pouvait le faire dans le cadre des programmes existants. Ce programme-là
va être annoncé bientôt et devrait nous permettre, dans le
secteur résidentiel, d'accroître nos économies
d'énergie de près de 23%. C'est significatif.
Également, si on considère comme aménageables des
rivières qui sont légèrement plus coûteuses que le
nucléaire -jusqu'à 25%, par exemple, plus coûteuses que le
nucléaire - on dégage, à nouveau, un potentiel
hydroélectrique qui se défend très bien en termes de
retombées économiques pour le Québec. Également, le
chauffage au gaz est probablement une façon plus logique de chauffer des
maisons, évidemment, en faisant abstraction de certains moyens que vous
avez soulignés, par exemple le chauffage solaire. Peut-être que la
technologie n'est pas encore complètement rodée en ce qui
concerne ce chauffage, mais, comme vous le soulignez, c'est une forme de
chauffage qui pénètre très rapidement et il ne fait aucun
doute qu'au niveau de Nouveler, de notre société d'État,
on devrait pouvoir mettre sur pied des technologies à des coûts
intéressants.
Il ne fait aucun doute que, si le coût du chauffage solaire est
beaucoup plus élevé que celui du chauffage à
l'électricité, ce sera difficile de convaincre les citoyens.
Peut-être que les programmes de subventions, par exemple, le programme
fédéral, pourraient inciter, dans le programme de substitution au
chauffage à l'huile, les citoyens à passer au chauffage solaire.
Je pense que le chauffage solaire est admissible à cette fin.
Donc, on peut imaginer que cette forme de chauffage pourrait
pénétrer plus rapidement. On peut aussi penser aux bombes
à chaleur qui sont très intéressantes sur le plan
thermodynamique et qui pourraient modifier nos habitudes de consommation
énergétique. Vous avez parfaitement raison. Il y a des avenues
autres que les autres avenues dures qui doivent être examinées.
Elles doivent, cependant, être concurrentielles avec les avenues dites
dures, sinon ce sera extrêmement difficile d'attirer les citoyens de ce
côté.
Lorsqu'on examine ça, on constate qu'effectivement on peut
peut-être supposer que les prévisions d'Hydro-Québec sont
optimistes quant à l'importance de la demande en
électricité au Québec et que peut-être le programme
d'équipement d'Hydro-Québec peut se faire sans que l'on ait
recours au nucléaire, du moins avant un
bon nombre d'années. Je pense que ceci doit faire l'objet d'un
débat public.
Mais un débat public ne devrait pas porter uniquement sur le
nucléaire. Cela m'apparaîtrait limité un peu trop. Il
faudrait que ce soit public sur l'ensemble de l'énergie. Le gouvernement
s'est déjà engagé dans son livre blanc - et c'est une des
dernières mesures à réaliser par rapport à ce qui
était prévu dans le livre blanc - à créer une
régie de l'énergie, une régie de l'énergie qui
aurait comme mandat de faciliter la discussion publique de la
problématique des approvisionnements énergétiques au
Québec et de peut-être discuter d'une question comme celle que
vous voulez aborder.
Je pense que le gouvernement devrait s'engager maintenant à
mettre très rapidement cette régie de l'énergie sur pied.
D'ailleurs, au moment où nous avons annoncé la nomination du
nouveau président de la Régie de l'électricité et
du gaz, M. Cloutier, nous avons bien clairement indiqué que notre
intention en le nommant à cette régie était de transformer
cette Régie de l'électricité et du gaz en une régie
beaucoup plus vaste, avec un mandat beaucoup plus large. Cette régie
devrait, à ce moment-là, organiser un débat public qui
devrait être itinérant. Je pense qu'on ne peut pas aborder un
débat public sur la question énergétigue à moins de
permettre à une commission de pouvoir circuler un peu partout au
Québec, d'aller dans nos régions, que ce soit le
Saguenay-Lac-Saint-Jean, que ce soit l'Estrie, que ce soit la région
montréalaise ou que ce soit la région du Nord-Ouest. (16 h
15)
Donc il faut que ce soit un débat le plus ouvert possible et
cette régie de l'énergie devrait prendre ce débat public
comme premier mandat. Mais il ne suffit pas d'avoir une régie de
l'énergie, il ne suffit pas d'avoir un débat public, je pense
qu'il faut un débat éclairé également. Vous serez
d'accord avec moi pour dire que le gouvernement devrait aussi s'engager au
niveau du financement de certains organismes qui veulent peut-être
étoffer leur représentation.
Mon inquiétude, c'est qu'un débat public sur
l'énergie soit un échange purement émotif, les tenants des
énergies douces se confrontant à ceux qui favorisent les
énergies plus dures et, finalement, qu'on n'ait peut-être pas
véritablement d'arguments pour étoffer nos
représentations. Je pense qu'un gouvernement ne devrait pas
hésiter, à ce moment-là, à aider
financièrement, à consacrer une partie des sommes qu'il consacre
actuellement aux fins de l'étude à des organismes, de
manière que ceux-ci puissent financer eux-mêmes ces études
afin de défendre leur point de vue, pour avoir un débat beaucoup
plus étoffé.
Cette idée m'est venue, en fait, puisque, ayant rencontré
à plusieurs reprises les groupements populaires qui s'opposent au
nucléaire, on doit constater que leurs moyens sont faibles. D'ailleurs,
on a souligné que, face à cette commission parlementaire, je
crois que c'est le regroupement, le front commun antinucléaire qui ne
pouvait pas se joindre à nos travaux, parce qu'il ne se sentait pas en
mesure véritablement d'étoffer une argumentation pouvant
convaincre les citoyens qui écoutent présentement les travaux de
cette commission, faute des moyens dont dispose Hydro-Québec.
Donc, il me paraît aussi fondamental, si on veut un exercice
démocratique, un véritable débat public, de pouvoir offrir
à ces regroupements de citoyens des moyens techniques. Cela devrait
prendre la forme peut-être d'une aide financière pour leur
permettre d'amasser ce bagage qui va leur permettre de convaincre leurs
concitoyens. Ce sont trois prérequis. Je pense qui si on
réussissait à mettre tout cela ensemble, cela devrait être
notre objectif, au cours de l'année prochaine, de mettre ces trois
mesures sur pied, de manière qu'on puisse tenir un véritable
sommet de l'énergie où on aura tous les tenants de toutes les
hypothèses possibles, capables d'exposer leur point de vue et, à
ce moment, permettre à nos concitoyens d'avoir une vue plus
éclairée de la question.
Je pense que cela ne peut pas se faire autrement qu'à travers une
structure assez bien établie, assez claire et qui permette à tous
les citoyens de s'exprimer. Je pense qu'un débat public comme celui que
vous proposez nécessite ce genre de mesures dont je vous parle.
J'aimerais savoir un peu comment vous voyez, vous, le débat
public et comment vous aimeriez le voir s'organiser de manière qu'il
atteigne véritablement ses buts.
Le Président (M. Jolivet): M. Boucher.
M. Boucher (Jacques): On n'a pas de formule magique comme telle
à proposer, mais on donnait l'exemple de la Suède où comme
je le mentionnais, plus de 200,000 groupes ont été invités
à participer à la réflexion sur la question
énergétique. Ils étaient assistés de
personnes-ressources du gouvernement qui allaient les rencontrer, qui allaient
leur donner l'information, qui allaient leur dire où l'information
était disponible si la personne même, la personne-ressource,
n'avait pas l'information.
Je pense que c'est un travail de longue haleine. C'est pour cela que la
commission parlementaire ne me semblait pas suffisante. Si vous annoncez que,
justement, il va y avoir une réflexion plus approfondie où
vraiment toute la population pourrait être impliquée... Comment la
faire, je n'ai pas de recette; cependant, c'est vraiment en
impliquant l'ensemble des citoyens et les groupes populaires et en
faisant une mobilisation probablement par les media également qu'on peut
arriver à quelque chose où la réflexion est
suffisante.
Mais je voudrais quand même ajouter quelque chose sur la
réponse que vous nous avez fournie. Vous nous avez dit tantôt que
vous étiez d'accord sur ce que nous disions. Probablement qu'il y a
certains points sur lesquels vous n'êtes pas d'accord, parce qu'on n'est
pas du tout d'accord avec les $55 milliards d'Hydro-Québec actuellement.
Vous dites que c'est pour l'indépendance énergétique du
Québec, que c'est une ressource autochtone, mais il faut voir un peu au
fond de la question. Tout cet argent, où va-t-on le chercher? C'est
cela, le vrai constructeur des barrages au Québec, c'est l'argent de M.
Rockefeller, l'argent de M. Rothschild, des banques suisses, etc. À quel
taux d'intérêt? À l'heure actuelle, HydroQuébec,
comme Hydro-Ontario, a des remboursements d'intérêt assez
fantastiques comparativement à ses revenus.
L'électricité - on le mentionne dans notre mémoire
- c'est le mode de chauffage des bâtiments le plus dispendieux,
même plus que le pétrole. Cela revient presque à $40 le
baril. À l'heure actuelle, c'est ce qu'il y a de plus cher si on fait la
transition du pétrole à l'électricité, même
si on appelle cela des ressources autochtones, alors que toute la technologie
et tous les capitaux surtout, que ce soit du nucléaire, sont à
l'étranger en grande partie. C'est le Canada, en grande partie, qui les
possède, si on veut vraiment parler en termes de souveraineté
québécoise.
Il y a tout cet aspect de souveraineté. Personnellement, je suis
très sensible à cet aspect, ça fait des années que
la question de la souveraineté des peuples me touche, que ce soit le
mien ou celui des autres. Je ne vois pas tellement la souveraineté qu'on
peut avoir en allant s'engager à fond dans des endettements
auprès des étrangers en partie pour construire des barrages afin
de leur vendre de l'électricité. C'est très
problématique parce que, à l'heure actuelle, il y a des surplus
d'électricité dans la plupart des régions aux
États-Unis, en Ontario et dans les Maritimes, et nous ne sommes pas les
seuls vendeurs d'électricité. Il n'y a pas seulement le
Québec; il y a, par exemple, la Tennessee Valley Authority qui a un
surplus phénoménal de capacité électrique et qui
veut vendre, elle aussi, de l'électricité à l'État
de New York. C'est un risque énorme, à l'heure actuelle, qu'on
prend sur les possibilités de vendre de l'électricité.
Possiblement qu'on ne sera pas capable de vendre beaucoup
d'électricité, de toute façon. Jusqu'à quel point
Hydro-Québec sera-t-elle capable de rembourser les intérêts
de ses dettes et que le Québec ne sera pas pris dans une aventure comme,
on le mentionnait, les Jeux olympiques?
Il y a également la question des ventes indirectes
d'électricité. Les gros consommateurs d'électricité
au Québec, actuellement, à part le chauffage, ce sont les
compagnies grandes consommatrices d'électricité: l'aluminium, les
métaux, les pâtes et papiers, ces choses-là. Ce sont toutes
des compagnies étrangères. De plus, on dit que c'est pour
favoriser l'industrie au Québec, mais toutes ces compagnies sont des
compagnies à haute technologie et la raison pour laquelle elles
consomment beaucoup d'électricité, c'est qu'elles utilisent des
machines. Ce sont les industries qui créent le moins d'emplois par
dollar investi. À l'heure actuelle, c'est nettement un engagement vers
une dépendance de plus en plus accrue face à la fois aux capitaux
étrangers et aux compagnies étrangères, au
détriment de la plupart des Québécois. Naturellement, il y
a quelques Québécois qui retirent de gros salaires pour
construire des barrages pendant quelques années, il va y avoir des
industriels québécois, des gens qui travaillent dans ces
industries, quelques pousse-boutons de compagnies à grande consommation
d'électricité qui vont avoir de gros salaires, mais c'est au
détriment de l'ensemble des Québécois que tous ces
engagements sont faits, à notre avis, d'après ce qui nous
apparaît. On n'est pas du tout d'accord à ce niveau.
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre, en
terminant.
M. Bérubé: Uniquement une correction. Le rapport
sur l'épargne a montré que, si on tenait compte des flux, entrant
et sortant du Québec, il y avait suffisamment d'épargne pour
répondre à tous nos besoins de financement. Sauf que, notre
société étant ce qu'elle est, une société
ouverte, on ne peut pas empêcher les Québécois d'exporter
une partie de leurs capitaux que nous récupérons d'autre part en
important une partie de nos capitaux. Il s'agit tout simplement que les deux
s'équilibrent. L'épargne actuelle des Québécois est
telle qu'un programme comme celui-là peut-être financé.
Toutefois, vous avez peut-être raison de poser la question: est-ce qu'on
devrait le mettre là plutôt qu'ailleurs? Il y a une limite aux
capitaux disponibles, et si on met l'argent au niveau de l'énergie, on
ne le mettra peut-être pas dans d'autres types d'investissements qui sont
nécessaires. La question est de savoir, cependant, si on installait, par
exemple, des chauffe-eau solaires par tout le Québec, est-ce que
l'investissement requis pour l'ensemble du Québec serait plus
élevé ou moins élevé que le chauffage
électrique? Dans certaines études de rentabilité, on dit
que ce serait
plus coûteux que le chauffage électrique tel qu'on le
produit au Québec, et alors on peut s'interroger si on doit mettre
l'accent sur le chauffage solaire qui pourrait être plus coûteux
que le chauffage à l'électricité. Cela peut être le
genre de discussion. Mais, je pense, la seule façon d'avoir une
discussion en profondeur c'est, effectivement, d'avoir un certain nombre de
données techniques qui nous permettraient de juger si, oui ou non, un
investissement est approprié et sage. Donc, concernant la
disponibilité des capitaux, je pense que ce n'est pas tellement un
problème pour l'instant.
Le Président (M. Jolivet): M. le député
d'Outremont.
M. Fortier: M. le Président, j'aimerais souhaiter la
bienvenue à M. Boucher et Mme Ruvinsky pour la présentation
qu'ils nous ont faite aujourd'hui. Dans leurs deux mémoires, celui qui
nous a été présenté il y a trois semaines
déjà et celui qui nous a été présenté
aujourd'hui, il y a de bons points et il y en a de moins bons. Je crois que les
bons points ont trait au débat public et a l'économie
d'énergie. Je laisserai mon collègue de Mont-Royal traiter des
économies d'énergie. Il est évident qu'on pourrait faire
beaucoup plus, au Québec, et qu'on doit remédier au fiasco du
programme existant dans les meilleurs délais. En ce qui concerne le
débat public, je l'ai dit à M. Bérubé, lors de
notre réunion à l'Université du Québec à
Montréal, pour ma part, j'ai toujours souhaité qu'il y ait ces
débats publics pour que le public puisse y participer.
Après cinq jours de commission parlementaire, et au fur et
à mesure qu'on se rapproche des élections, il semblerait que le
ministre maintenant croit que la population est un peu plus intelligente
qu'elle ne l'était il y a une semaine, que le public peut avoir
accès à l'information qui n'existait pas, il y a une semaine.
J'en prends bonne note.
M. Bérubé: C'est inexact. J'apprends, en
écoutant les gens, ce que je ne serai pas capable de faire.
M. Fortier: J'entends M. le ministre et je me rends compte que,
contrairement a ce qu'il a dit lors du débat pour un débat
public, il a dit exactement le contraire. On me dit qu'il a donné une
conférence de presse à 14 h 45 justement pour annoncer ses
grandes déclarations à savoir que, oui, il y aura un débat
public et que, oui, il serait important de discuter du tarif
d'Hydro-Québec. Enfin, si l'Opposition officielle a pu rendre service au
ministre, tant mieux, mais essayons de continuer l'analyse que vous avez
provoquée.
D'une part, il est bien certain que le gaz, comme dit le ministre,
malheureusement - je dis malheureusement parce que vous semblez dire que tout
ce qui vient du Canada c'est peut-être un peu ce dont on ne devrait pas
se satisfaire - le gaz, c'est certainement un produit qui permettrait de
réduire la demande électrique. Nous en avons discuté, la
semaine dernière, avec plusieurs intervenants et, idéalement,
oui, le gaz pourrait subvenir au chauffage des maisons. Je dis
idéalement parce qu'avec tous les délais qu'on est en train de
subir, il semblerait que la chance qu'on avait va être manquée de
façon irrémédiable. D'une part, cette année, il est
à peu près certain qu'on ne se rendra pas plus loin que
Boisbriand. D'autre part, on attend toujours la décision du ministre sur
le choix des distributeurs, à moins qu'il l'ait annoncée à
14 h 45. Cela fait une semaine qu'on lui pose les questions, mais il ne nous le
dit pas en commission parlementaire. Il va dire ça en conférence
de presse. J'aimerais bien qu'il nous dise s'il l'a dit déjà. On
attend toujours qu'il nous annonce le choix des distributeurs et qu'il rende
public le rapport de la Régie du gaz et de l'électricité
qui faisait justement des recommandations en ce sens.
Il faut savoir que dans ce dossier, à moins que l'on prenne des
décisions très bientôt, le gazoduc ne sera pas construit
avant un an, deux ans ou trois ans. Les chances qu'on avait que les gens ne se
chauffent pas à l'électricité, cette chance va être
manquée parce que les gens n'ayant pas le choix, voyant l'augmentation
du pétrole et du mazout et de l'huile à chauffage, les gens vont
aller vers l'électricité, ce qui sera la seule alternative que
leur aura laissée le ministre Bérubé. Mais, dans ces
considérations, oui, on est d'accord pour un débat public, comme
on l'a dit la semaine dernière.
On a dit également que la commission parlementaire sur
l'énergie n'était pas la meilleure forme de débat. Bien
sûr, cela nous donne un certain éclairage. Nous prenons bonne note
du fait que justement le ministre semble avoir viré capot pour
maintenant favoriser ce genre de débat. Pour quelle raison avons-nous
besoin d'un débat? À venir jusqu'à maintenant, et vous le
dites ici, parce que ces derniers, en parlant des citoyens, sont gardés
dans l'ignorance; la plupart d'entre eux se sentent impuissants et incapables
de faire face aux questions nucléaires". Justement, il me semble que
l'information qui pourrait être donnée au public, que ce soit
l'information qui vient de votre mouvement ou d'autres mouvements, permettrait
au public - si on croit que le public est assez intelligent; pour ma part, j'ai
toujours cru que le public pouvait absorber des connaissances suffisantes pour
faire un. choix dans ce domaine - d'avoir de l'information qui pourrait
être contradictoire,
mais, à ce moment-là, ce sera au public de juger de la
qualité de l'information. (16 h 30)
Vous avez fait, dans votre mémoire, plusieurs
déclarations. Je ne tiens pas à lancer le débat
maintenant. D'ailleurs, nous avons dit que nous l'organiserons. On le fera
d'une façon très intelligente, comme vous le désirez. Je
ne peux quand même pas passer sous silence le fait que M. Boucher ait
fait référence à M. Porter. Après cinq ans
d'études, vous savez que la commission royale d'enquête sur
l'électricité en Ontario a coûté au bas mot
$6,000,000 ou $7,000,000 si on inclut non seulement les études faites
par Hydro-Ontario, mais par tous les mouvements qui ont reçu les
subventions du gouvernement de l'Ontario. Il a dit ceci: Plus j'examine
l'option nucléaire, plus je crois qu'elle a un rôle à jouer
dans la substitution du pétrole en faveur de
l'électricité. C'est la raison pour laquelle on a besoin d'un
débat.
L'Ontario, dans le moment, fait en sorte qu'il y a 37% de toute
l'électricité produite en Ontario fournie par le
nucléaire. D'autre part, j'ai pris bonne note du commentaire de M.
Bérubé qui lui, sans avoir étudié l'option
nucléaire - il l'a dit plusieurs fois la semaine dernière - sans
avoir les faits, a déjà quasiment déterminé que
cela vaudrait peut-être la peine de payer 25% ou 50% de plus pour
l'électricité au Québec. Ce sont des déclarations
irresponsables. Nous croyons qu'avant de faire un choix il faut permettre un
débat public, il faut permettre d'approfondir cette question avec toutes
les données dont nous avons besoin.
Ceci étant dit, dans votre mémoire, vous faites allusion
à ma personne; j'en suis tout à fait flatté. Pour ma part,
j'aimerais vous donner un conseil parce qu'il me semble que le débat sur
l'électricité et sur l'énergie en général
est assez important pour qu'on doive dépersonnaliser ce genre de
débat et ce, pour des raisons bien nettes. Je crois que personne dans ce
bas monde ne peut prétendre être plus honnête, plus juste et
tout ce qu'on voudra que certaines autres personnes. Vous savez, M. Boucher et
Mme Ruvinsky, que durant ma dernière campagne électorale il y a
des gens qui font partie des mouvements antinucléaires qui se sont
permis de falsifier des brochures que j'avais distribuées; ils les ont
réimprimées, ils m'ont fait dire des choses que je n'ai jamais
dites. Ils les ont distribuées dans mon comté sans aucun
égard aux lois qui régissent les débats en période
électorale dans la province de Québec. Si on veut parler
d'honnêteté, on peut en parler, mais je constate que certaines
personnes de votre mouvement n'ont aucune leçon à donner à
qui que ce soit et j'aimerais bien que vous n'en donniez pas à
l'avenir.
Ceci étant dit, ce qui m'a frappé dans votre
mémoire, c'est le fait que vous croyez qu'il n'y a aucune demande aux
États-Unis. Vous dites aussi que le marché de
l'électricité en Amérique du Nord est presque
saturé. Beaucoup de gens sont venus nous voir pour nous inciter à
accélérer la production de l'électricité soit dans
un but d'exportation ou dans d'autres buts justement pour créer plus
d'emplois ici. J'aimerais avoir votre idée là-dessus. Comme on
l'a dit à plusieurs reprises la semaine dernière, il est
évident que le Québec, avec une demande d'énergie de
l'ordre de 2% ou un peu moins, sera dans la moyenne canadienne avec une telle
demande d'électricité. Bien sûr, on pourrait la
réduire à peut-être 1,7 ou 1,8 selon les économies
d'énergie, mais il reste qu'il s'agit de la substitution d'une forme
d'énergie par une autre. Si on n'admet pas que les économies
d'énergie pourraient réduire la consommation électrique ou
de l'énergie d'une façon générale à un point
tel qu'il ne faille pas construire d'autres centrales hydroélectriques.
À ce moment-là, de quelle façon croyez-vous que de telles
décisions, de la part de politiciens, pourraient avoir un impact sur
l'économie de la province de Québec? Il y a eu un autre
intervenant qui est venu ici et qui s'opposait au nucléaire. Pour lui,
le sens de son intervention, dans le fond, c'est qu'il était contre tout
développement économique justement pour empêcher la
construction de barrages hydroélectriques ou de centrales
nucléaires. À ce moment, le vrai débat devrait porter sur
le développement économique au lieu de porter sur des choix
énergétiques. La question que je vous pose est: Quel est
réellement le sens du débat? Est-ce que c'est un débat sur
le développement économique ou si c'est un débat sur des
choix d'énergie?
Le Président (M. Jolivet): M. Boucher.
M. Boucher (Jacques): Je voudrais d'abord dire, M. Fortier, que,
personnellement, je n'étais pas du tout au courant de l'histoire de la
falsification des feuillets dans son comté, ce n'est pas notre mouvement
qui a...
M. Fortier: Non, personne n'est au courant, parce qu'on a voulu
poursuivre les gens qui ont fait ça et ils étaient tellement
anonymes - ils ont fait ça la nuit - que personne n'a pu les prendre.
Mais je vous comprends, parce que si je les connaissais je les traduirais en
justice.
Mme Ruvinsky: Mais si vous ne les connaissez pas, monsieur, pour
certains qui l'auraient fait et qui seraient, comme vous l'avez dit, de notre
mouvement, ce n'est pas du tout raisonnable de faire des accusations.
M. Fortier: Ce ne sont pas des
accusations, ce sont des faits.
Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! M.
Boucher.
M. Boucher (Jacques): Enfin, je voulais également
souligner qu'on s'excuse, mais on est obligé de faire de la
personnalité, parce que c'est évident qu'il y a la
possibilité d'un conflit d'intérêts; c'est bien connu que
vous étiez président de Canatom auparavant.
M. Fortier: Est-ce que vous pouvez m'expliquer ça? J'ai
pris la peine, en venant en politique, de démissionner
complètement, deux jours après avoir été
élu, de liquider tous mes intérêts dans ce secteur.
Expliquez-moi comment une personne qui a travaillé dans le gaz, parce
que la personne aurait pu être dans l'industrie gazière, aurait pu
travailler pour Imperial Oil... Le fait de travailler pour une industrie, toute
personne ayant travaillé pour une industrie ne devrait pas participer au
débat public, d'après vous?
M. Boucher (Jacques): Je ne dis pas ça; je ne dis pas
qu'elle ne devrait pas participer, mais je dis qu'il y a une certaine
évidence qu'il peut y avoir conflit d'intérêts. C'est
relaté partout, on s'excuse de le répéter.
Pour la question du développement, on veut discuter à
savoir si c'est un choix énergétique ou un choix de
développement économique. Pour nous, c'est la question
énergétique, mais ça implique des facteurs
économiques, bien sûr.
C'est assez reconnu que, comme mode... En fait, il y a M. Amory Lovins,
un spécialiste des questions énergétiques - qui est venu
récemment donner une conférence à l'Université
McGill et il est venu également devant Hydro-Québec
présenter ses constatations, ses réflexions. M. Lovins disait
que, au point de vue purement de satisfaction des besoins
énergétiques, l'électricité, de façon
logique et raisonnable, peut satisfaire à peu près à 7%
des besoins énergétiques, de façon concurrentielle avec
les autres modes de satisfaction des besoins énergétiques et que,
au point de vue chauffage, l'électricité c'est ce qu'il y a de
plus dispendieux. L'électricité hydraulique est plus dispendieuse
que tous les autres modes de fourniture d'énergie au point de vue
chauffage des habitations, et le nucléaire est encore plus
dispendieux.
Il donnait des chiffres et disait que, avec
l'hydroélectricité, l'équivalent de chaque baril de
pétrole reviendrait à peu près à $40, alors
qu'actuellement il est d'environ $30; avec le nucléaire, ça
monterait à $120 ou $130 le baril, à l'heure actuelle.
C'est la dernière des façons de satisfaire les besoins en
chauffage au Québec et cette transition qui est en train de se faire en
faveur de l'électricité, sous prétexte que c'est une
source d'énergie autochtone, se fait sur le territoire des autochtones,
à l'heure actuelle, mais avec l'argent de l'étranqer, cependant.
Cela se fait également, en grande partie, pour les étrangers et
ça se fait au détriment des Québécois qui peuvent
se considérer comme autochtones parce que ce sont eux qui vont payer la
note finalement et, si Hydro-Québec n'est pas capable de rembourser les
intérêts de ces dettes après un certain temps, ce sont les
taux d'électricité des Québécois qui vont augmenter
de façon assez automatique. À ce moment-là, il s'agit de
savoir si le fait, justement, que le coût de l'électricité
va monter ne va pas décourager les gens à utiliser
l'électricité comme chauffage, ne va pas leur faire prendre
conscience de transformer leur système de chauffage, de pousser dans le
dos du gouvernement pour que vraiment il y ait un développement des
méthodes alternatives de chauffage, par exemple les collecteurs
solaires.
À l'heure actuelle, on dit que ce n'est pas rentable. Il y a
l'exemple de M. Jacques Sicotte à Lorraine qui a un système.
C'est un ancien ingénieur nucléaire d'ailleurs, mais il a
préféré s'en aller dans le solaire.
Une voix: ...
M. Boucher (Jacques): II est toujours ingénieur
nucléaire, probablement.
Cependant, il a développé un système qui s'adapte
aux vieilles maisons, pas seulement aux nouvelles, comme il y a d'autres
concepteurs - comme M. Nicholson -qui le font, un système qui s'adapte
aux vieilles maisons et couplé avec des pompes à chaleur. Son
système coûte à peu près $7000 à l'heure
actuelle. Ce n'est peut-être pas tout à fait à point. De
façon urgente, à l'heure actuelle, c'est de mettre tout l'argent,
les énergies dans le sens de l'isolation réelle des
bâtiments, de la conservation de l'énergie et des économies
d'énergie. En ce sens, je suis tout à fait d'accord avec le
gouvernement, mais il ne va pas assez loin et l'argent, les investissements,
c'est là-dedans qu'ils devraient être mis surtout, pas dans
l'hydroélectricité, le nucléaire ou quoi que ce soit du
genre. C'est dans la conservation de l'énergie et l'économie de
l'énergie. C'est ce que M. Lovins disait également et je suis
d'accord avec lui.
Le Président (M. Jolivet): M. le député
d'Outremont, en terminant.
M. Fortier: Je voulais seulement conclure dans le sens que nous
sommes d'accord avec vous que, pour le chauffage domestique, il faut absolument
favoriser le gaz - et c'est la politique de notre parti -
et faire en sorte que, justement, la pénétration du gaz
soit telle, dans les meilleurs délais possible, que cela peut être
une possibilité.
Là où je ne peux pas être d'accord avec vous, c'est
dans l'évaluation que vous faites de la situation financière
d'Hydro-Québec. Elle a, comme tout le monde le sait, une situation
financière très bonne, compte tenu des taux
d'intérêts auxquels elle emprunte et de la capacité qu'elle
a d'emprunter. Sûrement qu'il faudra être prudent dans l'avenir,
mais je crois que dire qu'en ce moment, avec les projets qui sont mis devant
nous, la situation financière d'Hydro-Québec en deviendra
mauvaise, je crois que c'est une évaluation à laquelle, pour ma
part, j'ai de la difficulté à souscrire. Merci.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Nicolet-Yamaska.
M. Fontaine: M. le Président, si c'était possible,
je demanderais au ministre de s'approcher de la table parce que j'aurais des
remarques à faire sur lesquelles j'aimerais qu'il intervienne, si
c'était possible.
Il y a certains avantages à avoir une commission comme celle-ci,
bien sûr, pour permettre à toute la population de venir exprimer
son opinion, mais il peut aussi y avoir des désavantages sérieux
à certaines occasions, parce que cela permet à des gens de venir
dire des choses qui pourraient, dans certains cas, inquiéter
énormément la population. Dans le mémoire que nous venons
d'entendre, il y a des choses qui ont été dites concernant
l'implantation de centrales nucléaires qui doivent être
relevées, à mon avis.
On nous indique dans le présent mémoire que la centrale
Gentilly I, qui n'est pas en fonctionnement, constitue, qu'elle fonctionne ou
non, une menace permanente pour la région de Trois-Rivières. On
nous dit un peu plus loin que la construction des autres centrales est
extrêmement dangereuse également. C'est presque un exposé
qui laisserait entendre que les gens de cette région pourraient
quasiment avoir une bombe nucléaire près d'eux. On nous accuse
même de quasiment fournir des armes nucléaires à des pays
comme l'Argentine, la Corée et le Pakistan.
Je ne suis pas un expert dans ce domaine, mais il y a des experts ici,
comme le député d'Outremont. Le ministre est également
assez au courant de ce domaine. Je pense qu'il serait important pour la
population qui nous écoute aujourd'hui de rectifier au moins un peu ce
qui s'est dit. Si c'est vrai, qu'on prenne des mesures, mais, si ce n'est pas
vrai, il faudrait nécessairement, au moins, essayer de rassurer la
population quant à ce qui a été dit devant les
caméras de télévision cet après-midi. (16 h 45)
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.
M. Bérubé: Je pense qu'il y a des divergences
d'opinions quant aux dangers que vous venez de rappeler, puisque les uns
prétendent qu'ils existent réellement, et d'autres
prétendent, au contraire, que de tels dangers ne sont que fiction et que
ce n'est pas possible pour une centrale nucléaire de connaître un
accident qui conduirait à un déversement de radioactivité
dans l'environnement. Donc, les points de vue divergent. C'est peut-être
là où un débat de fond permettant aux tenants du
nucléaire de s'exprimer et aux opposants du nucléaire de
s'exprimer aussi.
Moi, je n'aurai pas de réponse à ça à vous
donner, puisque je suis totalement incapable, sur le plan technique, de vous
fournir l'information objective qui vous permettrait de vous rassurer et de
rassurer vos commettants. Donc, la question soulevée est une question
importante. Elle est soulevée dans beaucoup de pays au monde. Si la
réponse était évidente, il n'y aurait pas de débat
au sujet du nucléaire. C'est probablement parce que la réponse
n'est pas évidente qu'il y a discussion.
M. Fontaine: Est-ce que même - je vais vous permettre de
prendre la parole par la suite - une centrale comme celle de Gentilly I, qui
n'est même pas en opération, présente des dangers pour la
population?
M. Bérubé: Je n'en ai pas la moindre
idée.
M. Fortier: Je peux répondre là-dessus.
Le Président (M. Jolivet): M. le député
d'Outremont.
M. Fortier: En ce qui concerne Gentilly I, il est évident
que la raison pour laquelle elle fonctionne présentement à une
puissance zéro, c'est que la Commission de contrôle de
l'énergie atomique, qui examine non seulement les plans avant que les
centrales soient construites, mais qui examine tous les modes
d'opération des centrales, a déterminé d'ailleurs, de
concert avec Énergie atomique du Canada et Hydro-Québec -qu'elle
devait fonctionner pour le moment. Je me demande même si elle fonctionne.
Mais même si elle fonctionnait à une puissance zéro, il y
n'y aurait absolument aucun danger. C'est la raison pour laquelle elle
fonctionnerait à la puissance zéro, si elle fonctionne
normalement, ce dont je doute. Je crois qu'elle ne fonctionne même pas
dans le moment.
Ce sont des accusations. C'est pour ça
que je disais tout à l'heure - et je suis d'accord avec le
ministre, que je suis heureux que finalement on l'ait éduqué sur
ce point - qu'il faut avoir un débat public, parce qu'il y a des gens
qui apportent des informations fausses. Vous avez raison de soulever le
débat. Lorsqu'on lance de telles accusations, les gens qui peuvent
demeurer dans la région où se trouvent ces réacteurs
peuvent avoir des incertitudes. Je crois qu'il est important, si le
débat est organisé, que ce soit fait de telle façon que
l'information, la meilleure soit-elle, puisse être diffusée et que
des accusations comme celles qui sont dans le document en ce qui concerne les
réacteurs nucléaires puissent être défendues par
ceux qui peuvent le faire.
Pour ma part, je m'en remets pour le moment aux spécialistes
d'Hydro-Québec, d'Énergie atomique du Canada et surtout de la
Commission de contrôle de l'énergie atomique qui est dix fois,
cent fois plus sévère qu'elle ne l'était il y a dix ans.
Dans ce sens-là, je crois que la population peut être tout
à fait rassurée et tant et aussi longtemps que la Commission de
contrôle de l'énergie atomique et tant et qu'on sera dans le
Canada et qu'il y aura une Commission de contrôle de l'énergie
atomique et aussi longtemps que ces gens-là feront leur devoir, on
pourra être assuré que les réacteurs, lorsqu'ils ont la
latitude de fonctionner, le seront d'une façon tout à fait
normale et sans danger pour le public.
Ceci étant dit, dans le cas de Gentilly I, il n'y a aucun
danger.
Le Président (M. Jolivet): Sur la même question, M.
le ministre.
M. Bérubé: Merci, M. le Président. J'ai
trouvé la réponse du député d'Outremont
extrêmement intéressante puisqu'on se rende compte que dans le
débat sur le nucléaire, lui, il sait exactement ce à quoi
il faut s'en tenir. Il n'y a aucun danger, dans son esprit, relié au
nucléaire, et sa position est très ferme. D'ailleurs, dans sa
déclaration, on s'en est rendu compte. Il est carrément
pronucléaire et, dans ce cas-là, je me demande pourquoi le Parti
libéral nous propose un débat public sur le nucléaire,
alors que, dans le fond, sa position est carrément...
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre!
M. Bérubé: ... une opération purement de
camouflage en période préélectrorale.
Le Président (M. Jolivet): M. le ministrel
M. Bérubé: Je m'interroge quant à ses
motivations...
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre, s'il vous
plaît! Juste une minute. Je vous ai demandé un peu de
tolérance, quant à ma voix. J'aimerais l'avoir du bord de cette
table. M. le député d'Outremont, s'il vous plaît.
M. Fortier: Un point, juste pour corriger. Je crois qu'il est
ridicule que le ministre fasse des interventions comme celle-là. C'est
un sujet très important. Tout ce que j'ai dit, en réponse
à la demande du député de Nicolet-Yamaska, qui voulait
savoir, après l'énoncé qui a été fait par
les intervenants qui viennent d'exposer leur point de vue, s'il y a vraiment
danger pour les citoyens qui demeurent dans la région de Gentilly
à cause de l'exploitation ou non de la centrale Gentilly I. Tout ce que
j'ai dit, c'est que, si elle ne fonctionne pas, il n'y a pas de danger, et, si
elle fonctionne à puissance zéro, il n'y a aucun danger non plus.
Si elle devait fonctionner à une puissance plus grande, tout le monde
sait que ce réacteur a eu des problèmes dans le passé;
c'est la raison pour laquelle d'ailleurs la commission de contrôle
d'Énergie atomique du Canada a édicté qu'elle ne pourrait
fonctionner tant et aussi longtemps qu'il n'y aurait pas de modifications qui
seraient faites.
Je n'ai jamais dit d'une façon absolue qu'il n'y avait aucun
danger d'utiliser des centrales nucléaires, j'ai dit qu'il n'y en avait
pas en ce qui concerne Gentilly I. Et, en ce qui concerne les autres dangers
qui pourraient exister, il faudrait que cela fasse le sujet d'un débat
public, justement pour qu'on puisse les mesurer, de la même façon
qu'il y a des dangers avec d'autres formes d'énergie. C'est cela que le
public aura à évaluer en temps et lieu.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Nicolet-Yamaska a-t-il d'autres questions?
M. Fontaine: C'est tout.
Le Président (M. Jolivet): M. Boucher.
M. Boucher (Jacques): Quand on a mentionné la question de
Gentilly I et qu'on a dit qu'elle était dangereuse, qu'elle fonctionne
ou pas, on voulait souligner le fait que cette centrale a fonctionné et
que sur place, probablement, il y a, à l'heure actuelle, des
déchets radioactifs qui sont entreposés là, qui doivent
être refoidis constamment, parce que la centrale a fonctionné, et
ces matériaux qui sont rendus extrêmement radioactifs
s'échauffent par leur propre radioactivité. Ils doivent
être continuellement refroidis.
Si, par malheur, il arrivait un accident quelconque avec ces
matériaux, s'ils manquaient de refroidissement ou quelque
chose du genre, il pourrait y avoir des éléments
radioactifs qui s'échapperaient dans la région de
Trois-Rivières. C'est un peu n'importe qui, n'importe quel
spécialiste du nucléaire qui va être capable de l'admettre.
Également, ce qu'on incluait, c'était le fait que c'est toujours
une menace du fait qu'à l'heure actuelle il y a des négociations
entre Énergie atomique du Canada Ltée et HydroQuébec pour
qu'Énergie atomique du Canada Ltée vende cette centrale à
Hydro-Québec.
Déjà deux fois, cette centrale, il a fallu changer son
système de contrôle. Il y a quelques années, ils ont
essayé de la repartir avec un nouveau système de contrôle
et ils perdaient le contrôle. C'est aussi clair que cela. Si jamais ils
vendent à Hydro-Québec, comment peut-on se fier à une
centrale qui, déjà, a eu tellement d'avatars? Est-ce qu'ils vont
encore retransformer le système de contrôle, essayer de le
réadapter, et à quel coût? C'est toujours une menace pour
la région de Trois-Rivières, en plus de celle qui s'en vient,
peut-être en 1981-1982 ou 1983, si c'est accepté.
Également, une question au sujet du nucléaire et qui n'est
pas du tout traitée dans les media, c'est la question de la fusion
à Varennes. Tous les media que j'ai pu lire, tous les gens du
nucléaire - il n'y a jamais eu de débat sur la question - nous
disent: II n'y a aucun danger avec la fusion nucléaire, avec les
expériences de la fusion nucléaire.
Mais moi, j'ai lu des articles de différents magazines
scientifiques qui, au contraire, considèrent qu'il y a un
élément très dangereux dans le fonctionnement et
même l'expérimentation avec la fusion nucléaire. Il y a le
tritium. Le tritium c'est de l'hydrogène radioactif qui ne se contient
pas. Alors l'hydrogène se mélange à tout ce qui s'appelle
eau. Les êtres vivants sont faits en grande partie d'eau et puis le
Tokamak expérimental à Varennes va être à
côté du bassin de population le plus volumineux du Québec.
Le tritium est un élément très dangereux qui n'a jamais
été mentionné à l'heure actuelle. C'est pour cela
qu'un débat pourrait en venir à faire ressortir ces
éléments pour que les gens soient au moins informés, avant
que l'irréparable arrive, que l'appareil soit construit et qu'il
fonctionne, au moins des risques qu'ils encourent. C'est déjà
leur argent qui est mis là-dedans.
Dans le fond, c'est plus le rôle du gouvernement d'informer
vraiment la population, d'être honnête avec la population et de
donner à la fois les avantages et les dangers des choses qui sont
construites avec l'argent des contribuables, surtout Hydro-Québec.
À ce moment, on trouve qu'on fait un peu du travail qui devrait
être fait par le gouvernement lui-même. L'information
d'Hydro-Québec, jusqu'à maintenant, a toujours été
de la propagande; on s'excuse, mais, d'une façon générale,
cela a toujours une saveur de propagande: nos projets, c'est merveilleux, il
n'y a aucun danger, un peu comme la plupart des gens du nucléaire
à l'heure actuelle.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Mont-Royal.
M. Ciaccia: Merci, M. le Président. M. Boucher, dans votre
mémoire, vous parlez d'économie d'énergie en vous
référant à la loi 9. Le ministre a essayé de faire
grand état du fait que nous ayons mené, d'après lui, une
lutte contre la loi 9 et que nous ayons obligé le gouvernement à
la reporter. C'est vrai, M. le Président, nous avons mené une
lutte contre la loi 9 et, effectivement, nous avons obligé le
gouvernement à la reporter. Mais il y a une chose que le ministre ne
vous dit pas. Je crois que c'est bon de la clarifier, de démontrer
exactement les implications de la loi 9. Supposément, la loi 9 est une
loi sur l'économie d'énergie. Pendant plusieurs années, le
gouvernement nous a promis une révision du Code du bâtiment. Dans
la loi 9, croyez-le ou non, cela s'applique aux entrepreneurs, cela veut dire
qu'il y a des exemptions pour des individus.
Nous avons dit ceci au gouvernement: Si vous êtes vraiment
intéressé à économiser l'énergie, ne mettons
pas d'exemption dans la loi, un Code du bâtiment s'applique à tout
le monde. Par exemple, si vous voulez construire de la tuyauterie ou un
système électrique dans votre maison, vous êtes assujetti
au Code du bâtiment, il n'y a pas d'exemption parce que vous êtes
un individu ou un entrepreneur. J'ai qualifié la loi 9 une loi contre
les entrepreneurs, pas vraiment une loi pour l'économie
d'énergie, parce qu'elle contient trop de trous. C'est pourquoi on a
demandé de la reporter, parce que quand le Parti libéral sera
élu, il apportera des modifications à la loi 9 pour s'assurer que
ce soit vraiment une loi...
M. Bérubé: M. le Président, on a besoin
d'économiser l'énergie bien avant cela, parce qu'on en a pour 50
ans à attendre.
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre!
M. Ciaccia: On va en parler... on a besoin que ça
s'applique à tout le monde pour vraiment économiser
l'énergie. Même les gens de son cabinet sont venus me voir
après pour me dire: M. Ciaccia, vous avez raison, on ne peut pas avoir
d'exemption dans une loi sur l'économie d'énergie. Pour un
gouvernement qui est vraiment intéressé à
l'économie d'énergie, le Bureau des économies
d'énergie va avoir 65 mises à pied pour le programme d'isolation
des maisons, même avant qu'Hydro-Québec soit prête
à
entreprendre son nouveau programme d'économie d'énergie.
Cela, c'est un gouvernement qui est vraiment intéressé à
l'économie d'énergie.
Je voulais apporter cette précision et peut-être
pourriez-vous apporter un commentaire à savoir si une loi sur
l'économie d'énergie peut ou doit contenir des exemptions pour
les individus ou s'appliquer seulement aux sociétés.
Quand on parle d'un programme d'économie d'énergie,
certainement dans les prochains jours, avant le 13 avril, il va y avoir un
programme sur l'économie d'énergie pour donner une application
aux déclarations du premier ministre dans le discours inaugural. C'est
un programme de $1,000,000,000 qui a été annoncé, qui sera
donné à Hydro-Québec; ce programme va être
échelonné sur dix ans, il y aura des dépenses
d'investissement de $100,000,000 par année.
J'ai demandé à Hydro-Québec, la semaine
dernière, sur quoi elle se basait, si elle avait fait une étude
pour arriver au chiffre de $1,000,000,000. Le ministre, parce qu'il n'avait pas
le choix - ce n'était pas par bonté, ce n'était pas parce
qu'il voulait éclairer la population - à la suite de ma demande
que l'étude soit déposée en commission parlementaire,
pouvait difficilement dire: Non, je ne déposerai pas l'étude,
parce que la transparence en aurait souffert encore un peu plus. Quand on
examine cette étude sur l'économie d'énergie... je
porterai certains chiffres à votre attention, M. Boucher, et je veux
entendre vos commentaires. Je veux que vous me donniez votre opinion sur les
mesures qu'un gouvernement devrait prendre dans le domaine de l'économie
d'énergie. Vous avez dit, dans votre exposé, que le gouvernement
ne va pas assez loin et même, dans l'autre document, vous dites: "II nous
semble ici qu'il y a du cynisme à parler d'économie
d'énergie aux citoyens."
L'étude nous dit que pour $1,000,000,000, cela entraînerait
chaque année une économie d'environ 21,8% de la consommation
d'énergie. Après cela, on va plus loin, on dit: Si on
dépense un montant additionnel de $157,000,000, on peut obtenir une
autre économie d'énergie de 8,4%, cela arrive à 30,7%
d'économie d'énergie. Finalement, on dit: En dernier lieu, on
pourrait réduire spécifiquement la demande de mazout de
près de 25% en investissant $220,000,000 dans la réfection des
chaudières et calorifères à mazout. Cette mesure se
rembourserait en moins de trois années. (17 heures)
Ils donnent un autre chiffre: "Si l'on s'attaquait à
l'amélioration des appareils de chauffage après l'isolation des
structures, on pourrait réaliser un autre 8% d'économie par
rapport à la quantité totale d'énergie que demande le
chauffage résidentiel en 1980." Or, ils en viennent à la
conclusion que, si on est prêt à dépenser une somme de
$1,900,000,000, on pourrait effectuer des économies d'énergie de
38,7%.
Je crois que les conclusions sautent aux yeux, mais le gouvernement n'a
pas annoncé ce programme. On examine ici un programme d'investissements
d'Hydro-Québec de $55 milliards, plus $34 milliards. On regarde un
programme de $89 milliards, dans l'ensemble, et nous avons une étude
devant nous qui nout dit que si on ne dépensait pas un milliard, comme
il a été annoncé par le premier ministre dans son discours
inaugural, mais si on dépensait presque le double, on aurait presque le
double d'économie d'énergie. C'est seulement au niveau de
l'économie d'énergie, il y a des retombées
économiques.
Premièrement, je voudrais avoir vos commentaires sur la question:
Est-ce qu'un gouvernement devrait, avant de procéder à la
construction de barrages, à la construction de projets
énergétiques, au moins essayer d'épuiser totalement, aller
jusqu'au bout dans la conservation d'énergie? Quel est votre commentaire
à la suite d'une étude de ce genre, avec les chiffres que j'ai
portés à votre attention?
Le Président (M. Jolivet): Rapidement, M. Boucher, s'il
vous plaît, parce qu'on doit terminer.
M. Boucher: Je l'ai déjà mentionné dans
notre mémoire, c'est sûr, c'est le premier élément
à étudier et à voir, surtout dans la question
résidentielle et de chauffage. On n'est pas au courant des
détails du règlement, à l'heure actuelle. J'ai
téléphoné au ministère de l'Énergie et des
Ressources et on m'a dit que, sous peu, il y aurait des déclarations et
qu'ils pourraient me les faire parvenir. On a vu des annonces à la
télévision du ministre Bérubé et on trouve que
c'est le bon sens, c'est une bonne direction. Il faut vraiment aller à
fond là-dedans. C'est ça qu'on dit, c'est bien sûr.
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre, en
terminant.
M. Bérubé: M. le Président, il reste une
minute et je vais l'utiliser. J'ai d'ailleurs l'habitude de laisser parler
l'Opposition, alors qu'eux ont l'habitude de m'interrompre. D'abord, il y a une
chose qui me frappe. Ce parti se prétend le défenseur des droits
individuels. Nous présentons un projet de loi qui est
sévère pour protéger le consommateur vis-à-vis de
ceux qui construisent des maisons à des fins commerciales, mais qui est
plus souple vis-à-vis de la personne qui construit elle-même sa
maison et qui veut déroger aux règles, je ne
dis pas de l'isolation - personne ne déroge aux règles
d'isolation - mais on peut déroger à des règles de
fenestration, par exemple, pour des motifs purement personnels, des goûts
personnels. Le projet de loi visait justement à donner une certaine
flexibilité de manière que des individus conscients, sachant les
implications des gestes qu'ils posent, puissent décider de
déroger à des normes de fenestration. Cela étonne le Parti
libéral. Je ne comprends pas pourquoi parce qu'ils se prétendent
les défenseurs des droits individuels et, lorsque l'on présente
un projet de loi souple, subitement, ils sont pris au dépourvu et ils
décident de s'y opposer.
Également, les commentaires du député de
Mont-Royal, quant au programme d'Hydro-Québec et quant au potentiel
d'isolation des maisons, dépassent l'entendement puisque ce même
parti s'est opposé à ce qu'Hydro-Québec prenne un tel
programme en charge disant qu'il était inadmissible et, maintenant, on
nous reproche de ne pas lui donner suffisamment d'ampleur. Donc, on est
à nouveau coincé entre les deux. On ne sait pas trop trop ce
qu'ils veulent. Sont-ils contre le programme que nous avons mis sur pied ou
sont-ils pour? On ne le sait pas, parce qu'une journée ils sont pour et
le lendemain ils sont contre.
D'ailleurs, c'est le député de Mégantic-Compton qui
nous disait dans une interview fort intéressante que j'ai
conservée: Le gros avantage du Parti libéral, c'est que
tantôt il est à gauche, tantôt il est à droite selon
ce que les circonstances dictent, selon l'opinion du moment au sein de la
population. Effectivement, c'est cette attitude assez phénoménale
au "girouettisme" qui permet au Parti libéral de toujours
prétendre être du bon côté, mais c'était
très intéressant tantôt d'écouter le
député d'Outremont nous dire à quel point le
nucléaire est sans danger et, en même temps, nous dire qu'on
devrait tenir une commission parlementaire ou un débat public, on ne
sait pas trop trop de quelle nature. On peut se demander s'il ne s'agit pas
tout simplement d'une opération de camouflage, sachant très bien
que lui sait ce qu'il veut et que tout le reste est de jeter de la poudre aux
yeux; au moins, avec la position du gouvernement actuel, on sait de quel
côté il penche quant à la question du nucléaire.
M. Ciaccia: M. le Président, selon l'article 96,
très brièvement...
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Mont-Royal.
M. Ciaccia: C'est simplement pour corriger une fausse
déclaration du ministre.
Le Président (M. Jolivet): Rapidement, s'il vous
plaît!
M. Ciaccia: Nous n'avons pas dit, du côté de
l'Opposition officielle ou du Parti libéral, nous n'avons jamais dit que
nous sommes contre le programme de l'Hydro-Québec sur l'économie
de l'énergie. C'est absolument faux.
Le Président (M. Jolivet): M. Boucher, en terminant.
M. Boucher (Jacques): J'ai oublié quelque chose
tantôt. M. Ciaccia a mentionné, un peu hors contexte, qu'on aurait
dit que c'était du cynisme d'inciter la population à conserver
l'énergie. Auparavant ou par après, on mentionnait
également que c'était du cynisme d'inciter la population à
conserver l'énergie si l'énergie qu'on était pour
produire, c'était pour l'exporter. C'est un peu ce qu'on mentionnait
dans notre mémoire. C'est pour cela que, hors contexte, cela ne sonne
pas tout à fait de la même façon.
Le Président (M. Jolivet): Merci, M. Boucher et Mme
Ruvinsky, de votre mémoire au nom des membres de la commission.
J'inviterais le groupe de la Caisse d'entraide économique de
Portneuf à venir prendre place pour que nous puissions entendre
l'exposé de M. Marcel Plamondon. Je demanderais à M. Plamondon de
nous faire connaître la personne qui l'accompagne.
Caisse d'entraide économique de
Portneuf
M. Plamondon (Marcel-R.): M. le Président, messieurs, mon
nom est Marcel-R. Plamondon, je suis le président de la Caisse
d'entraide économique de Portneuf et j'ai à mes
côtés le directeur général de ce même
organisme, M. René Paquet.
Je voudrais vous signaler, au départ, que notre discussion ne
portera pas sur l'ensemble de la stratégie de développement
d'Hydro-Québec mais sur seulement une des composantes de ce plan de
développement qui nous touche tout particulièrement, soit la
centrale, la réserve pompée de Delaney, qui doit être
construite dans Portneuf. Notre mémoire a été
déposé depuis déjà plusieurs semaines et nous avons
toutes les raisons de croire que chacun des membres en a pris connaissance.
Nous croyons pouvoir nous dispenser d'en faire la lecture.
Je pourrais peut-être commencer tout de suite à vous
fournir quelques explications sur ce mémoire. La démarche de la
Caisse d'entraide économique de Portneuf s'inscrit dans un contexte
particulier. Notre institution, nous en sommes conscients, est davantage une
entreprise financière qu'un organisme communautaire. Cependant, en
raison de sa vocation à caractère purement économique et
surtout de son appartenance régionale, il nous semble un devoir de
vous
faire part de notre point de vue sur la construction éventuelle
de la centrale Delaney. D'ailleurs, cette approche se retrouve dans ce que
Jacques Gagnon, le fondateur des caisses d'entraide, avait prévu
à l'origine, soit la régionalisation des cerveaux, la
régionalisation des capitaux et le développement régional
sur les plans économique, social et autres.
Comme vous l'avez remarqué en feuilletant le mémoire que
nous vous présentons, la Caisse d'entraide économique de Portneuf
n'en est pas a sa première intervention dans ce dossier. En novembre
1979, nous présentions un mémoire à HydroQuébec.
À ce moment-là, nous nous inquiétions de l'approche avec
laquelle on entrevoyait l'installation d'équipement d'accueil
nécessaire aux travailleurs du chantier et nous mettions
singulièrement l'accent sur l'après-construction. Dès
l'automne 1979, nous étions d'ailleurs les seuls intervenants de
Portneuf, avec la Société d'expansion économique de
Portneuf, à nous soucier de l'incidence régionale des
retombées économiques du projet Delaney. En ce sens, le titre de
notre mémoire ne laissait aucun doute sur le caractère de nos
préoccupations, puisqu'il s'intitulait: La révolution
socio-économique de Portneuf.
Sous certains aspects, ce mémoire de 1979 ne répondait pas
à la commande faite par Hydro-Québec aux organismes du milieu. Il
débordait, en effet, des questions soulevées par cette
société parce qu'il allait plus loin que les besoins
d'Hydro-Québec. Par sa vaste campagne de consultation de 1979,
Hydro-Québec visait essentiellement à mettre une dernière
touche à ses travaux d'intégration du projet Delaney à
l'environnement de Portneuf.
À ce titre, nous considérons qu'Hydro-Québec a
parfaitement réussi, en théorie, à fusionner son projet de
plus de $2,000,000,000 à la partie nord de Portneuf. Après plus
de sept ans d'études techniques, économiques et
environnementales, HydroQuébec a conclu que le projet est
réalisable et que la région de Portneuf en retirerait des
retombées estimées à environ $500,000,000 au cours des
travaux de construction. De plus, Portneuf bénéficierait par la
suite des équipements touristiques et de plein air qui seraient
aménagés en permanence à proximité de la
centrale.
Hydro-Québec a, d'autre part, demandé la participation du
milieu en faisant appel à la collaboration des municipalités et
de certains organismes de la région immédiate de Saint-Raymond et
de Saint-Léonard pour appliquer des mesures touchant à
l'hébergement des travailleurs et à l'aménagement
récréatif et faunique. C'est donc armée d'études
complètes et assurée de la collaboration de la population
qu'Hydro-Québec est maintenant raisonnablement certaine de pouvoir
réaliser le projet de centrale à réserve pompée
qu'elle désigne sous le nom de Delaney.
Nous, de la Caisse d'entraide économique de Portneuf,
reconnaissons le savoir-faire d'Hydro-Québec et la signature
d'excellence dont elle pare généralement ses travaux. Maintenant
que nous acceptons le projet Delaney, maintenant que nous savons exactement ce
que représentent pour la région de Portneuf les retombées
qui devraient en jaillir, nous considérons qu'il est urgent
d'entreprendre incessamment ce que nous appelons le processus
d'intégration de notre région à ce gigantesque ouvrage de
plus de $2,000,000,000.
Qu'Hydro-Québec ait principalement tenu compte, dans sa
planification, de l'aspect technique de la construction d'une centrale à
réserve pompée unique au monde nous semble normal. Mais nous
soutenons, aujourd'hui, un peu plus de deux ans avant le début des
travaux, qu'il est impérieux d'élaborer sans délai un plan
d'aménagement socio-économique qui couvrirait l'ensemble de la
région de Portneuf. Ce plan devrait prévoir des mesures qui
seraient appliquées au fur et à mesure de la progression des
travaux et surtout de la décroissance des retombées
économiques. Dans le contexte actuel, en regard de la petite structure
économique de Portneuf, nous craignons que la collectivité ne
subisse le ralentissement des activités du chantier, le contrecoup de la
croissance artificielle de son économie.
Aussi, comme nous l'avions souligné dans le mémoire de
1979, nous ne voudrions pas que le projet Delaney ne fasse qu'enrichir sur une
courte période la région de Portneuf, comme ce fut le cas pour
certains autres chantiers. En 1981, nous avons la chance inouïe d'avoir
huit ans devant nous pour composer avec ce gigantesque ouvrage de plus de
$2,000,000,000 que sera la centrale Delaney et nous croyons qu'il serait
dommage de ne rien entreprendre dès à présent pour faire
de Portneuf une région qui rapporterait des millions à la
société québécoise.
Au lieu de demeurer passifs devant cette formidable machine
énergétique que sera la centrale Delaney, nous voulons composer
avec elle pour construire un projet de développement économique
collectif. Un projet d'une telle envergure, qui doit se réaliser pour la
première fois au Québec à proximité d'une zone
semi-urbaine, exige la prise en considération d'une foule de facteurs.
Les principaux points qui retiennent notre attention ont trait au
développement spécifique et au développement
anticipé. (17 h 15)
Par développement spécifique, nous entendons
l'équipement additionnel dont Portneuf devra se doter, surtout la
région immédiate, pour satisfaire à la fois aux
besoins techniques du chantier et aux besoins sociaux et
matériels des travailleurs. À ce titre, des modifications
importantes seront faites dans les secteurs de l'habitation, des loisirs et des
voies de communication. Or, au moment présent, il n'existe encore aucun
indicateur faisant connaître clairement les besoins réels du
projet en comparaison des services existants. S'il est dans l'optique de la
plupart des intervenants de ne satisfaire qu'à la demande temporaire des
biens de services d'Hydro-Québec, tant pour les besoins de construction
proprement dite que pour ceux des travailleurs, on pourra vraisemblablement
trouver rapidement des solutions qui conviennent à tout le monde. Si, au
contraire, on mise sur la prestation de services extraordinaires pour donner
à la région de Portneuf une autre dimension économique, il
y a lieu de s'attarder immédiatement sur la vocation qui sera celle des
entreprises commerciales, industrielles et de loisir après la fin des
travaux. Ce changement prévisible d'orientation doit être
planifié sans tarder, mais dans le cadre d'une revalorisation globale de
l'économie de Portneuf.
Dans le cadre du développement spécifique, il faut
également mettre l'accent sur l'excroissance que provoquera sur la
structure économique de la région immédiate des
retombées qui viendront probablement doubler en période de pointe
le revenu brut de la population. De fait, le problème se situe
vraisemblablement davantage au plan de la régression des
retombées économiques qu'à celui de leur accroissement. Si
on ne refuse pas la perspective d'un enrichissement collectif rapide, on aura
probablement de la difficulté à accepter, de 1986 à 1990,
un manque de revenus de l'ordre de quelque $60,000,000. Il est sûr que
tout l'argent des retombées économiques prévues pour la
région de Portneuf n'ira pas uniquement dans les goussets des
résidents de Saint-Raymond et Saint-Léonard, mais la comparaison
que nous avons faite constitue un ordre de grandeur qui nous laisse
perplexes.
Au titre du développement anticipé, il nous semble que
l'application accélérée de divers programmes
d'aménagement touristique et d'amélioration des réseaux
routiers, aériens et ferroviaires s'impose, de même que le
réaménagement des installations portuaires de Portneuf. On
convient depuis longtemps que Portneuf, à quelques minutes de
Québec, est un véritable paradis du loisir. L'occasion est belle
de tout mettre en oeuvre pour en exploiter au maximum les ressources. Avec le
fantastique potentiel touristique que représente le projet Delaney, nous
croyons que la région de Portneuf doit se préparer
rationnellement à accueillir dès la fin de la décennie des
dizaines de milliers de touristes. Sachant que malgré son isolement et
son éloignement des grands centres, le complexe Manic-Outardes
accueillera cette année quelque 25,000 visiteurs, nous avons peine
à nous imaginer le nombre de personnes qui s'arrêteront dans
Portneuf après la construction de la centrale. En raison de sa situation
géographique, la région de Portneuf sera extrêmement facile
d'accès pour les métropolitains de Québec et
Montréal ainsi que pour une proportion sensible des millions de
touristes canadiens, américains et extracontinentaux qui
fréquentent ces villes à chaque année.
De plus, la centrale Delaney constituera une pièce de choix pour
susciter le tourisme industriel tant au plan international
qu'interrégional. L'industrie touristique prendra donc un essor sans
précédent au Québec à la condition qu'on veuille en
contrôler le développement. Mais il n'y a pas que cette industrie
que pourrait viser le plan d'aménagement global; il y a aussi tout le
secteur de l'industrie secondaire. Là encore, peut-être
pourrions-nous dans Portneuf devenir les premiers Québécois
à ouvrir un parc d'entreprises dont le processus de fabrication exige un
fort potentiel d'énergie électrique.
Nous sommes bien conscients que même si le projet Delaney doit
faire partie des équipements d'appoint d'Hydro-Québec, les lignes
de transport de 315 kV et 735 kV qui seront en service dans notre région
deviendront un acquis intéressant.
Il serait long d'énumérer ici tout ce surcroît et il
y aurait lieu de se pencher pour contrer la récession économique
que risquerait de subir Portneuf dès le lendemain de la construction de
la centrale. Nous vous dirons donc que c'est pour ces quelques raisons et pour
éviter un développement sauvage et désordonné que
la Caisse d'entraide économique de Portneuf vous demande d'autoriser et
de faciliter l'élaboration d'un plan d'aménagement global pour la
région de Portneuf.
Bien que le Québec ait son entité propre, nous soulignons
le fait que la France se spécialise, depuis quelques années, dans
l'élaboration de plans d'aménagement des régions non
métropolitaines où se sont ouverts de grands chantiers. Ainsi,
avons-nous appris qu'il existe entre Lyon et Marseilles une région pour
laquelle on a préparé un plan visant à intégrer un
projet d'environ $5,000,000,000 à un environnement humain composé
de 100,000 habitants et le nombre de travailleurs y étant d'environ
8,000. Comparativement au projet Delaney et à la région de
Portneuf, les données sont plus que doublées. Mais il nous semble
que la référence est pertinente.
En outre, d'après ce que savons de l'intervention de la
délégation à l'aménagement territorial et à
l'action régionale qui dépend directement du premier ministre de
France, le schéma
d'aménagement correspondrait, de prime abord, à notre
conception de l'imbrication harmonieuse d'un pareil ouvrage à une
économie semi-urbaine. Bien sûr, nous ne croyons pas qu'il faille
procéder a priori de la même façon que les Français.
Mais leur approche vis-à-vis du problème d'intégration de
gros ouvrages à un milieu à petite structure économique
renforce notre position sur le délicat problème de
l'après-construction de la centrale.
La Caisse d'entraide économique de Portneuf recommande donc au
gouvernement du Québec, premièrement, de déclarer Portneuf
région pilote. Deuxièmement, de prendre les mesures
nécessaires à la formation sans délai d'une équipe
multidisciplinaire chargée d'élaborer, d'ici à 1990, avec
la participation des citoyens, divers scénarios
d'aménagement.
Troisièmement, de disposer, à sa discrétion, de
crédits correspondant à 10% des retombées
économiques du projet aux fins d'aménagement de la région
pilote et enfin de faire en sorte que le projet Delaney porte le nom de
Portneuf, compte tenu que ce nom identifie bien la région où se
trouvera la future centrale.
Dans le cadre de la vocation de la Caisse d'entraide économique
de Portneuf, nous nous devions de vous faire part de nos appréhensions
en face de l'après-construction de la centrale Delaney et de vous
proposer un projet de développement collectif.
Le Président (M. Jolivet): Merci, M. Plamondon. M. le
ministre.
M. Bérubé: Merci, M. le Président. Je
remercie les intervenants qui viennent souligner, un peu comme dans le cas du
projet Archipel, l'importance d'intégrer les projets
hydroélectriques d'Hydro-Québec en milieu urbain ou semi-urbain,
de les intégrer dans le tissu social du milieu, de manière qu'on
ait un développement plus harmonieux que si on se contentait simplement
de considérer ce projet-là comme un simple projet
hydroélectrique.
Votre mémoire soulève, cependant, un certain nombre de
questions. C'est de savoir les limites de responsabilité du gouvernement
ou d'Hydro-Québec face à ce projet et d'essayer de voir comment
ce que vous demandez doit être financé. D'une part, vous
soulignez, à la page 3 de votre mémoire -du moins le
mémoire que vous nous avez lu qu'Hydro-Québec a fait appel
à la collaboration des municipalités et s'engage à
appliquer des mesures concernant l'hébergement des travailleurs et
l'aménagement récréatif et faunique.
Pourriez-vous, en une première étape, nous expliquer un
peu en quoi ont consisté les études d'Hydro-Québec pour
tenter de tirer le meilleur parti sur les plans environnemental et social d'un
projet comme celui-là?
Le Président (M. Jolivet): M.
Plamondon.
M. Plamondon: Évidemment, je pense que, pour vous donner
des réponses très précises, il faudrait demander à
Hydro-Québec. Pour ce que j'en sais, Hydro-Québec a pris contact
avec le milieu à différentes reprises. Il y a eu des rencontres
avec les individus, avec les organismes. On a demandé aux gens du milieu
de faire part de leurs représentations, de leurs remarques sur cette
question. Il est bien évident que le citoyen comme tel se trouve quelque
peu démuni face à un organisme aussi puissant, aussi gigantesque
qu'Hydro-Québec. Chacun peut faire valoir ses propres
représentations, ses propres inquiétudes qui sont très
souvent parcellaires, trop parcellaires. Ce qu'il nous manque, en quelque
sorte, c'est peut-être l'occasion de faire appel à des
spécialistes du milieu. C'est pourquoi nous parlons de cette
équipe multidisciplinaire à qui on pourrait, à cette
occasion, proposer des schémas d'aménagement qui seraient de
nature à tenir compte davantage du développement
économique et touristique du milieu.
Hydro-Québec jusqu'à maintenant a, dans le cadre de la
réalisation de son projet, avancé qu'elle était
prête à collaborer, dans une certaine mesure, à minimiser
les effets sur l'environnement, à intégrer certains projets
d'aménagements touristiques. Nous disons qu'il faut aller plus loin que
cela. Il faut vraiment qu'on pense en fonction d'une revalorisation de tout ce
secteur pour l'après-projet. C'est très beau, là, pendant
la période de construction, mais à la fin des travaux,
qu'arrive-t-il?
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.
M. Bérubé: La loi 125 nous amène à
constituer les municipalités régionales de comté qui ont
comme mandat l'élaboration de schémas d'aménagement du
territoire. Est-ce que, par exemple, votre conseil de comté, dans votre
région, intègre le projet en question dans sa réflexion
concernant le schéma d'aménagement?
Le Président (M. Jolivet): M.
Plamondon.
M. Plamondon: C'est une question que nous n'avons pas
posée au conseil de comté. D'ailleurs, je pense qu'on est en
pleine période de réforme, de réorganisation dans ce
domaine de l'"émercisation".
Remarquez que c'est une hypothèse qui peut être plausible.
Il s'agirait de l'analyser
très sérieusement, mais il faudra également que cet
organisme ait les ressources, tant humaines, techniques que financières,
pour vraiment mener à bien ce projet d'études collectives qui
sera nécessaire pour mettre en valeur la région. Et aussi, nous
croyons qu'une telle proposition, un tel programme constituerait en quelque
sorte un véritable laboratoire pour le gouvernement du Québec.
C'est peut-être une ou la première réalisation d'importance
aussi gigantesque, dans un milieu quasi urbain, mais ce n'est peut-être
pas la dernière. Et on aura de plus en plus à se
préoccuper de l'impact de telles installations face au milieu. On a,
jusqu'à maintenant, dans l'évolution sociale, porté
beaucoup d'intérêt à l'impact sur l'écologie, par
exemple, mais le milieu humain comme tel, l'individu comme tel, il sera
touché lui aussi. Peut-être faudra-t-il s'arrêter à
cela bientôt. C'est peut-être l'occasion idéale pour se
créer un laboratoire de recherche qui servira dans l'avenir pour des
projets semblables.
M. Bérubé: Vous nous proposez finalement une
approche très centralisée, très centralisatrice,
même, au sens que vous aimeriez que le Québec prenne en main tout
l'aménagement de votre territoire et qu'il décide comment devrait
se faire l'aménagement de la région de Portneuf, compte tenu de
l'implantation de ce barrage. Je me demande dans quelle mesure il ne faudrait
pas envisager surtout un processus plus démocratique où ce sont
les citoyens eux-mêmes qui, à partir du projet
d'Hydro-Québec, essaient de voir comment ils peuvent tirer parti du
projet.
J'ai cru comprendre, par les chiffres, indicatifs d'ailleurs, et vous le
soulignez dans votre mémoire, que les retombées
économiques directes ou indirectes dans la région de Portneuf
vont être considérables au point de presque doubler la masse
salariale disponible dans la région. Donc, on s'attend, pendant un
certain nombre d'années, à une activité économique
fiévreuse, source d'enrichissement pour les citoyens. (17 h 30)
Vous vous préoccupez à juste titre de l'avenir, de
l'après. La question que je me pose, c'est: Est-ce que, justement, les
hommes d'affaires de votre région - puisque la caisse d'entraide
économique a comme objectif, finalement, d'inciter les
Québécois à s'engager dans des projets de
développement en trouvant chez eux des sources de financement, et les
caisses d'entraide économique ont fait un travail absolument remarquable
à cet égard dans toutes les régions du Québec -
voient venir le projet et, déjà, essaient d'imaginer une
infrastructure touristique qui pourrait peut-être plus facilement se
financer au cours des sept, huit ou dix prochaines années grâce
à l'apport de travailleurs venus sur les lieux à la suite du
projet, du grand chantier, et qui pourraient, une fois ces investissements
amortis partiellement, devenir des investissements à fonction
touristique?
L'impression que j'ai, c'est que vous nous proposez surtout des
investissements gouvernementaux avec un schéma d'aménagement
gouvernemental qui déciderait comment la région doit se
développer. Ce que j'aimerais, c'est que vous me disiez maintenant quel
est le rôle que vous voyez pour les citoyens de Portneuf dans cette
réflexion concernant l'aménagement et surtout la maximisation des
retombées à plus long terme du chantier en question.
Le Président (M. Jolivet): M.
Plamondon.
M. Plamondon: Comme première partie, lorsque vous parlez
de cette approche centralisatrice, il est très loin de nous de
considérer notre proposition en ce sens. C'est justement un effort de
démocratisation et de décentralisation. Nous proposons la
formation d'une équipe multidisciplinaire. Les modalités, nous
sommes disposés à en discuter, par exemple, à partir des
crédits qui seraient attribués, ça pourrait être un
organisme tout à fait indépendant, un organisme du milieu, ce
comité pourrait aussi être formé de spécialistes
prêtés par les divers ministères. Cela aurait
peut-être un intérêt assez valable de mettre ensemble tous
ces ministères qu'on a souvent de la difficulté -je pense que
vous en êtes conscients plus que moi - à faire jouer ensemble sur
le même damier.
Cela aurait comme conséquence avec ces gens, d'une part, et avec
les gens du milieu, d'autre part, de vraiment préparer des plans
d'aménagement qui seraient de nature à répondre aux
besoins du milieu, pas du tout dans cet esprit de centralisation absolue. C'est
un peu la raison qui nous fait proposer une forme de financement en quelque
sorte de ce projet.
La deuxième partie de votre question, voudriez-vous me la
répéter, s'il vous plaît?
M. Bérubé: Je pense que vous avez traité
assez globalement de l'ensemble de ma question.
Le Président (M. Jolivet): Merci. M. le
député de Portneuf.
M. Pagé: Merci, M. le Président. Je voudrais tout
d'abord remercier bien sincèrement, au nom des citoyens que je
représente, la Caisse d'entraide économique de Portneuf, plus
particulièrement son président, M. Marcel-R. Plamondon, et M.
René Paquet, son directeur général, de leur apport, de
leur contribution et de leur
participation non seulement à nos travaux aujourd'hui, mais de
s'être préoccupés et d'avoir établi comme
étant un aspect prioritaire de leur intervention débordant de
leurs activités habituelles, et ce depuis plusieurs années, le
projet Delaney dans le comté de Portneuf. Vous avez collaboré
étroitement à toutes les séances d'information, vous avez
été non seulement réceptifs, mais vous avez
recommandé des choses qui sont très intéressantes et qui,
je l'espère, seront retenues par Hydro-Québec lors des
séances de consultation. Entre autres, vous avez proposé que soit
tenu par Hydro-Québec un salon de la sous-traitance permettant aux
entreprises manufacturières ou autres ou aux commerçants du
comté de Portneuf en premier et aussi de la région de
Québec d'être informés des besoins
d'Hydro-Québec.
Aujourd'hui, vous débordez, comme vous le dites dans votre
mémoire, ce que Hydro-Québec vous a demandé et ce à
quoi Hydro-Québec a convié tous les intervenants du milieu
pendant la période consultation. Vous vous préoccupez - et c'est
dans ce sens que je dois vous rendre un hommage particulier -de ce qui arrivera
au lendemain du projet. Vous arrivez avec quatre recommandations bien
spécifiques étoffées dans votre mémoire. J'aurai
tout d'abord un commentaire, ensuite, des questions à poser et au
ministre et à vous.
Vous recommandez que le comté de Portneuf soit
déclaré région pilote. Somme toute, vous dites au
gouvernement du Québec, c'est ce que j'ai semblé comprendre
aujourd'hui, que pour une première fois nous aurons un projet
d'investissement majeur dans une région suburbaine. Ce projet, par les
deux milliards et quelques centaines de millions de dollars qui seront
dépensés aura certainement des effets socio-économiques.
Il faut que soit intégrée une approche à long terme a
l'égard de ce projet sur plusieurs aspects. M. le ministre tout à
l'heure vous a posé des questions en interprétant les
recommandations que vous formuliez comme étant plutôt une
centralisation, parce que vous demandez, tant dans votre mémoire que
dans votre résumé d'aujourd'hui, votre annexe, l'intervention de
plusieurs ministères. Vous demandez l'intervention du ministère
de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme, du ministère du Loisir, de
la Chasse et de la Pêche, de l'Office de planification et du
développement du Québec. Tout ça, c'est bien.
Mon premier commentaire sera pour vous dire que non seulement
j'apprécie, mais je trouve que votre demande est tout à fait
fondée, savoir qu'une étude particulière soit faite sur
les impacts, les tenants et les aboutissants, etc. Vous dites de plus que cela
pourrait non seulement profiter au comté, mais à d'autres
régions du Québec éventuellement. Je m'explique. Trop
souvent, les gouvernements, quels qu'ils soient, et je suis convaincu que le
ministre en est bien conscient, vont agir, vont intervenir sans que pour autant
un autre ministère en particulier qui aurait pu être
consulté... ou encore, un ministère qui aurait pu participer
à l'élaboration d'un tel dossier... en fait, le gros
problème, je pense que les gouvernements le connaissent un jour ou
l'autre, c'est qu'il y a plusieurs couronnes sur la même couronne et,
bien souvent, un ministère va faire une chose, ignorant totalement ou
pratiquement ce que l'autre fait à côté. On a des
expériences presque sur une base quotidienne, qu'on le veuille ou
non.
Quand on regarde ici, voici ce qui se fait à Québec. Dans
le moment, le ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche -
je donne ça strictement comme exemple - a décrété
le parc des Laurentides parc de conservation; en même temps, d'un autre
côté, on a un autre ministère qui, lui, vient proposer la
construction d'une route dans ce secteur. Le ministère de
l'Environnement lui, en troisième lieu, vient s'inquiéter de ce
qui se fait. Cela va de soi qu'on a des objectifs à atteindre. Cela va
de soi que l'on a comme objectif de garantir que l'après-projet ne sera
pas trop pénible ou trop dommageable pour notre économie; on a un
autre objectif aussi à garantir, c'est que tout ça peut
s'intégrer. On a enfin la chance dans la région de Québec,
particulièrement, cette région de Québec dont
l'économie est particulièrement basée sur l'exploitation
touristique, d'ajouter un élément prioritaire, un
élément de premier plan dans le développement
éventuel de l'économie touristique.
Cela mérite sûrement d'être considéré.
Cela mérite certainement d'être étudié. Vous
demandez que ce soit déclaré région pilote. Cette
déclaration impliquerait des mesures nécessaires à la
formation d'une équipe multidisciplinaire, comme vous le dites. Le
ministre a semblé interpréter ça comme une mesure
centralisatrice. Quant à moi, je ne le crois pas. Je voudrais vous
entendre sur la façon dont le comité, premièrement,
pourrait être composé. Vous voulez que ce groupe s'adjoigne des
gens du milieu et des organismes du milieu. Je crois que c'est
nécessaire. Cela irait d'ailleurs dans le sens de la consultation qu'on
a connue depuis sept ans.
Ma première question est celle-ci. Qui devrait prendre le
leadership de ça? Qui devrait assumer le rôle d'agent de
cueillette d'information, de convocation, s'assurer que tout ce beau monde
travaille ensemble. C'est ma première question. Est-ce que ce serait le
gouvernement du Québec, un de ses ministères ou un comité
interministériel formé de plusieurs ministères? Est-ce
que
des groupes du milieu, dans le comté, parce que plusieurs vont
travailler, peuvent se concerter et prendre le leadership de ce dossier?
Enfin, vous souhaitez, à la recommandation 3, qu'un pourcentage
des retombées économiques du projet soit versé aux
aménagements de la région pilote. Même dans le rapport
d'Hydro-Québec, qui a été fait par la
société Hydro-Québec au gouvernement du Québec
à l'appui de sa recommandation de réaliser le projet Delaney, il
y a déjà pas mal de détails sur ce que pourrait contenir
et ce que pourrait devenir cette région en termes d'aménagement
touristique, faunique, mais pourquoi 10%? Sur quoi vous êtes-vous
appuyés pour arriver à 10% avant même que l'étude
soit faite, en quelque sorte? J'aurai peut-être un autre commentaire
à faire plus tard.
Le Président (M. Jolivet): M.
Plamondon.
M. Plamondon: Je vais demander à M. Paquet de
répondre à la première question.
Le Président (M. Jolivet): M. Paquet.
M. Paquet (René): La question de M. Pagé serait
peut-être un complément à la question que M. le ministre a
posée tout à l'heure. Au moment où on a
préparé notre mémoire - on avait jusqu'au 24 ou au 26
janvier pour préparer le mémoire - il y avait quand même un
document assez important, au niveau des MRC, qui n'était pas
déposé encore. En tout cas, nous ne l'avions pas et
c'était au niveau du pouvoir des MRC. On s'est dit qu'il est assez
difficile de travailler avec le conseil de comté pour avoir son
idée sur tout le développement socio-économique de
Portneuf. C'est pour cela qu'on a préféré y aller avec
notre idée. Lorsque les MRC seront fondées - il y aura une ou
trois MRC dans Portneuf - on espère s'asseoir avec elles pour essayer de
former un groupe réellement représentatif de Portneuf.
Il faudrait dire qu'au moment où on se parle, et au moment
où on a préparé le mémoire, il n'y avait pas encore
de groupes réellement régionaux avec lesquels on aurait pu
discuter pour essayer d'apporter des réponses aux questions qu'on savait
nous seraient posées aujourd'hui. On espère qu'avec la formation
de ces MRC, lorsqu'on connaîtra le pouvoir des MRC, on aura une
Société d'expansion économique régionale et elle
deviendra peut-être un interlocuteur valable au niveau du comté de
Portneuf. Nous pensons, en tout cas, comme institution, que notre rôle
est de susciter l'activité économique. Je pense que ce n'est pas
le rôle de la caisse de continuer après le projet dans le
même sens, ce sera de susciter l'économie et de voir à ce
qu'il y ait réellement un groupe représentatif des citoyens de
Portneuf.
M. Plamondon: Quant à la question des 10%, d'abord, nous
considérons que l'État, que le gouvernement du Québec va
quand même profiter grandement aussi des retombées de cette
construction. On n'a qu'à penser à l'impôt qui sera
perçu sur les salaires gagnés, sur les taxes de vente, etc. Une
comparaison qui peut être boiteuse comme toutes les autres mais qui,
quant à moi, vaut peut-être la peine d'être faite, c'est que
si on accepte, par exemple, d'aider nos artistes et de promouvoir les arts en
consacrant l'équivalent de 1% du coût de construction des
édifices gouvernementaux aux oeuvres d'art destinées à les
décorer, que mon sens artistique ne me permet malheureusement pas
toujours d'apprécier à leur juste valeur, je m'en confesse
remarquez que je ne porte pas de jugement sur cette politique - il nous
paraît tout aussi valable, sinon plus, de consacrer ces 10% des
retombées économiques qui représentent, en somme, à
peu près 2% du coût total de construction de la centrale.
Donc, nous ne croyons pas que ce soit exagéré, pour que le
milieu ne soit pas pénalisé trop fortement par les effets du
ressac après la construction, pour qu'on profite de la circonstance pour
faire de Portneuf une région dynamique, tant sur le plan
économique que social, qui bénéficiera et qui rapportera
à l'ensemble de la collectivité québécoise par la
suite et, enfin, pour constituer ce que j'appelle un véritable
laboratoire d'étude et de recherche, pour fournir les données
nécessaires pour tout autre projet du genre dans l'avenir et non
seulement des projets hydroélectriques. Non, vraiment, il ne nous
paraît pas que ce soit exagéré.
Par ailleurs, on peut faire un parallèle avec ce qui s'est fait
en France. Nous faisions référence tantôt à ce
projet en France qu'on appelle le projet de la région du Tricastin, dont
l'estimation initiale était de $2 milliards et qui est maintenant rendu,
en coût réel, à $5 milliards. Le début des travaux a
eu lieu en 1975 et la fin des travaux est prévue pour 1983. C'est une
opération pilote qui a généré une politique
générale au titre des grands chantiers et le coût initial
consacré au développement spécifique et anticipé a
été d'environ $70 millions; on a réparti les sommes
réservées à l'aménagement entre différents
organismes là-bas, de sorte que les municipalités ont eu
l'avantage de payer des équipements dont elles devaient se
prévaloir à des coûts qui étaient peut-être
aux trois quarts moindres que le prix courant.
C'est un peu un rapport qu'on a pu faire avec ça;
évidemment, toute
comparaison est souvent boiteuse, mais c'était quand même
un élément de référence qui nous apparaissait
valable. (17 h 45)
Le Président (M. Jolivet): M. le député.
M. Pagé: M. Plamondon, en terminant, je dois encore une
fois vous remercier; vous mettez - comme on dit bien souvent en bon canadien -
le doigt sur un point qui est important et il faudra certainement que le
gouvernement, selon moi, y donne suite.
Nous avons tous les éléments en main pour non seulement
intégrer ce projet au développement économique du
comté de Portneuf, mais assurer la continuité de ce
développement et de cette vigueur économique et contribuer ainsi
de façon appréciable au développement économique de
la grande région de Québec.
On a des touristes à Québec, on a une structure d'accueil
et d'information, on est sur le point de se doter, dans notre comté plus
particulièrement, d'une structure de promotion, on a la
Société d'expansion industrielle Nord-Portneuf, on a des plans
d'aménagement dans le secteur, on a une volonté clairement
exprimée par la population du comté de Portneuf que le projet est
non seulement souhaité, mais qu'il est désiré dans le
comté.
Ce que vous avez voulu porter à l'attention des membres de la
commission aujourd'hui, ce sont les avenues que pourrait prendre le
gouvernement du Québec pour y ajouter et en même temps se servir
de cette expérience, pour tenter une expérience
d'intégration du projet à un développement
social-économique beaucoup plus rationnel et beaucoup plus à long
terme.
Quant à moi, je vous remercie et j'ose espérer que le
gouvernement du Québec saura non seulement en prendre bonne note, mais y
donner suite.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Gouin.
M. Tremblay: Merci, M. le Président. Je serai bref, mais
vous me permettrez de ne pas passer sous silence la contribution des Caisses
d'entraide économique au développement régional du
Québec, à l'occasion du mémoire que nous présente
aujourd'hui la Caisse d'entraide économique de Portneuf.
Je ne voudrais pas non plus ignorer à cette occasion la
contribution de M. Jacques Gagnon, qui malheureusement, l'an passé, est
décédé. Il était le fondateur des Caisses
d'entraide économique et, comme l'a répété M.
Plamondon, à juste titre, il avait donné à son mouvement
financier cette responsabilité de régionaliser les cerveaux, les
capitaux et le développement régional.
Or, qu'est-ce qu'il y a de plus fondamental pour le développement
régional que des projets ou des chantiers dont la réalisation
repose sur les ressources ou les richesses naturelles d'un milieu? Et, à
l'occasion d'un projet de $2 milliards comme celui de la centrale Delaney, il
est tout à fait logique que des institutions financières comme
les caisses d'entraide économique se préoccupent des
retombées économiques qui accompagneront nécessairement ce
vaste projet. Ce que ce mémoire nous dit, finalement, c'est que le
problème des retombées économiques accompagnant un projet
de cette envergure dans une région déjà peuplée et
en voie de développement ne dépend pas seulement des institutions
locales, mais exige une coordination gouvernementale, ce qui, comme vous l'avez
mentionné, se fait dans d'autres pays.
Pour ma part, je voudrais, M. le Président, appuyer la
démarche que fait la Caisse d'entraide économique de Portneuf. Je
pense qu'il s'agit d'une évidence. Si on ne veut pas qu'une
région devienne victime d'un projet de grande envergure, mais non
permanent à cause de sa nature, il est absolument essentiel qu'il y ait
une planification des équipements et des investissements dans cette
région. Je souhaiterais, pour ma part, qu'un organisme comme l'OPDQ, qui
a été créé il y a une vingtaine d'années
à l'intérieur du gouvernement justement pour s'occuper
d'aménagement régional au-delà des frontières des
ministères, puisse, à cette occasion, prendre note de votre
recommandation d'une zone pilote et en faire une de ses priorités. Je
souhaiterais que le gouvernement prenne l'initiative de demander à
l'OPDQ de faire en sorte qu'un projet d'aménagement soit
préparé pour votre région. Je n'ose pas vous demander si
vous avez déjà fait cette démarche, mais permettez-moi de
vous la recommander.
Le Président (M. Jolivet): M.
Plamondon, avez-vous des commentaires?
M. Plamondon: Oui. Je dois remercier le député et
lui dire que, dans le mémoire, effectivement, nous avions
souligné certains groupes et organismes qui pourraient faire partie de
cette équipe. Nous disions qu'elle pourrait, notamment, être
formée de représentants des principaux organismes gouvernementaux
dont le MLCP, le MICT, le MTQ, le MEQ, l'OPDQ, etc. Je voudrais ajouter ceci:
Vous vous rappelez tous, par exemple, de ce que je qualifierais de la naissance
de l'OPDQ alors qu'on a travaillé à ce projet de l'Office de
développement de l'Est du Québec. Je pense que c'est ainsi qu'on
l'appelait. Cela a été sans doute les premiers
éléments peut-être, nos premiers balbutiements, je dirais,
dans le domaine de la planification.
Une voix: De véritables balbutiements.
M. Plamondon: Aujourd'hui, je pense que nous avons sans doute des
éléments qui nous permettent de travailler dans ce domaine de
façon fort valable. Nous sommes dans une situation vraiment
exceptionnelle. Au lieu d'arriver avec un problème qui est existant
comme c'était le cas quand on a dû mettre sur pied ce
système - on a dû déplacer des populations, on a dû
faire un tas de choses - nous avons la chance d'avoir huit ans devant nous,
nous avons la chance de pouvoir voir venir le problème, le
prévoir et prendre les mesures qui s'imposent pour éviter des
ennuis, des problèmes par la suite. Pourquoi ne pas agir rapidement?
Pourquoi ne pas prendre les mesures qui s'imposent pour penser d'avance
à ce qu'on va faire tantôt avec ces aménagements? Pensons
strictement à l'aspect touristique qu'on a survolé un peu
tantôt. On peut bien penser comme Hydro-Québec l'a fait, à
juste titre et fort bien, et dire: Qu'est-ce qu'on peut faire autour de la
centrale pour aménager cela de façon que ce soit
intéressant, valable, attirant et que les gens viennent dans le milieu?
Mais nous disons: Pourquoi ne pas aller plus loin? Pourquoi, par exemple, ce
comité d'étude ne pourra-t-il pas, lui, faire une étude
exhaustive? On dit depuis longtemps que Portneuf, c'est un paradis du loisir,
du tourisme et de la récréation.
Il y a un potentiel énorme qui est inexploité. Pourquoi ne
pas profiter de la circonstance? Le touriste qui viendra visiter la centrale,
pourquoi ne ferait-il pas comme quand on va dans les Montagnes Blanches, par
exemple, où il y a une foule d'attractions qu'on peut visiter dans un
même périple? Pourquoi, par exemple, au lieu de faire la route qui
va du point A au point B pour satisfaire aux besoins d'Hydro-Québec,
cette équipe ne pourrait-elle pas dire: Si on contournait, si on
détournait cette route-là avec une distance additionnelle de deux
ou trois kilomètres, on pourrait mettre en valeur tel site, par exemple,
qui serait intéressant?
Tout cela, M. le ministre, selon moi, ça contribuera à
renforcer l'économie du Québec.
Le Président (M. Jolivet): M. le député
d'Outremont.
M. Fortier: M. le Président, je voulais simplement
souligner jusqu'à quel point j'ai eu du plaisir d'entendre les
représentations qui nous ont été faites aujourd'hui, parce
que ça dénote un esprit tout à fait positif.
J'aimerais vous citer en exemple et je suis sûr
qu'Hydro-Québec doit se réjouir d'avoir comme interlocuteurs des
gens qui comprennent la dimension du problème, qui vont au-delà
de la conjoncture et qui cherchent à maximiser les retombées
économiques qui pourront en découler. Je peux vous assurer que
votre message a été entendu. Soyez assuré que le
député de
Portneuf saura toujours faire valoir vos revendications au sein de notre
parti. Je vous remercie beaucoup.
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre, comme dernier
intervenant. Cela va? Donc, M. Plamondon et M. Paquet, je vous remercie au nom
des membres de cette commission. Compte tenu de l'heure, je vais suspendre les
travaux jusqu'à 20 heures avec l'arrivée, à ce
moment-là, de l'Association des mines de métaux du
Québec.
Je tiens à faire remarquer aux membres de cette commission qu'il
nous reste encore cinq intervenants d'ici 24 heures, puisque la Ligue des
droits et libertés, qui devait seulement faire un dépôt, a
décidé de venir devant la commission.
A 20 heures, donc.
(Suspension de la séance à 17 h 55)
(Reprise de la séance à 20 h 16)
Le Président (M. Jolivet): À l'ordre!
La commission de l'énergie et des ressources est à nouveau
réunie aux fins d'entendre les personnes ou organismes qui veulent faire
des représentations relative au plan d'équipement et de
développement de 1981-1990 de la société
Hydro-Québec.
À nos rangs s'est joint tout à l'heure M. Desbiens
(Dubuc). Nous en étions rendus, au moment où nous avons
terminé, à l'Association des mines de métaux du
Québec.
Je tiens à rappeler aux membres de cette commission que nous
avons toujours cinq groupes ou personnes à entendre ce soir,
jusqu'à minuit, en essayant d'être le plus brefs possible dans vos
interventions, pour permettre à ces cinq personnes de ne pas être
venues pour rien, puisque nous n'aurons pas l'occasion de les entendre demain,
compte tenu que nous avons huit groupes ou organismes à entendre.
Je demanderais à M. Gonzague Langlois de bien vouloir nous
présenter les personnes qui l'accompagnent et de commencer le
mémoire.
M. Langlois.
Association des mines de métaux du
Québec
M. Langlois (L. Gonzague): Merci, M. le Président. M. le
ministre, MM. les membres de la commission, j'aimerais d'abord présenter
les membres qui m'accompagnent à cette table: M. Daniel Gosselin qui est
à ma droite immédiate, gérant des opérations de
la
mine Selbaie; M. Victor Saint-Onge, directeur de la fiscalité
pour la compagnie minière Québec Cartier; M. Jean-Claude
Bélanger, ingénieur pour la mine Noranda Limitée (division
Matagami); à mon extrême gauche, il y a M. Martin Thibodeau,
vice-président en ressources humaines de Fer et Titane du Québec,
et M. Raymond Soucy, directeur des services administratifs de Fer et Titane de
Sorel.
Tous ces gens qui m'accompagnent aujourd'hui représentent des
sociétés membres de l'Association des mines de métaux du
Québec, qui regroupe la presque totalité des exploitations
minières au Québec, à l'exclusion des mines d'amiante qui
possèdent leur propre association.
Parce qu'on retrouve des mines dans toutes les régions du
Québec, l'industrie minière a été, au cours des
soixante dernières années, le plus important facteur
d'aménagement de notre territoire. Pour permettre l'exploitation des
mines, même dans les endroits les plus reculés, il est bien
évident qu'il faut des moyens de transport, de communication tels que
les routes, les chemins de fer, les lignes téléphoniques, etc. Il
faut aussi construire des villes équipées de tous les services
modernes pour permettre aux travailleurs d'y vivre avec leurs familles. Enfin,
il faut avoir accès à des sources d'énergie dont la plus
importante est sans contredit l'électricité. Hydro-Québec,
comme principale productrice et distributrice d'électricité au
Québec, prend donc une importance primordiale lorsqu'il s'agit du
développement de l'industrie minière.
Nous sommes reconnaissants au ministre de l'Énergie et des
Ressources et aux membres de la commission parlementaire de nous permettre
d'exprimer notre point de vue concernant les politiques présentes et
futures de la société Hydro-Québec. Nous n'avons pas
l'intention, ce soir, de discuter des grandes politiques émises par
Hydro-Québec au cours des travaux de cette commission et nous nous
restreindrons plutôt à traiter de l'établissement
d'infrastructures qui servent à alimenter le secteur minier en
énergie électrique.
Les remarques que nous avons l'intention d'émettre dans ce court
mémoire sont donc de trois ordres. Tout d'abord, étant
donné que, souvent, les mines sont situées dans des endroits
éloignés et qu'il faut nécessairement les relier au
réseau électrique de la province, il nous apparaît
important d'examiner les présentes politiques d'Hydro-Québec pour
l'installation des infrastructures nécessaires au transport de
l'électricité jusqu'aux sites miniers. En second lieu, nous
traiterons succinctement de l'impact de l'augmentation des coûts de
l'électricité sur l'industrie minière. Et, en
troisième lieu, nous nous permettrons de souligner l'apport important de
certaines exploitations minières à l'aménagement des
rivières de la Baie James, tant en main-d'oeuvre qu'en services
urbains.
Parce que Hydro-Québec appartient à l'État et
qu'elle opère dans une situation de monopole, les investissements
miniers généralement responsables du développement de
nouveaux territoires seraient en droit de s'attendre que cette
société soit orientée de façon à aider
à la réalisation de tels objectifs d'aménagement. À
ce jour, nous devons avouer que si de telles politiques existent, elles sont
fort difficiles à déceler.
En effet, les négociations qui ont lieu entre les
sociétés minières et Hydro-Québec depuis la
nationalisation de l'électricité révèlent fort peu
de collaboration financière ou autre à l'endroit de ceux qui
doivent, aux fins de l'exploitation des richesses minérales,
aménager le territoire. Bien au contraire, Hydro-Québec leur
impose des conditions auxquelles ne sont généralement pas
soumises des entreprises situées à proximité des grands
centres.
L'aménagement de l'exploitation de fer du Mont Wright et de la
ville de Fermont, de 1971 à 1975, et celui plus récent de la mise
en valeur du gisement de cuivre de Selbaie, dans la région de
Joutel-Matagami sont des exemples très représentatifs des
politiques d'Hydro-Québec. Les termes du contrat pour fourniture
d'électricité au mont Wright sont particulièrement
sévères. En voici quelques exemples: comme utilisateur, la
compagnie Québec Cartier, face aux exigences d'Hydro-Québec, a
dû construire entièrement à ses frais une ligne de 100
milles de long en suivant rigoureusement les normes imposées par
Hydro-Québec. De plus, toute dépense occasionnée à
Hydro-Québec pour la surveillance de ses normes de construction
était remboursée par Québec Cartier à raison du
total des salaires payés par Hydro-Québec, plus 125% additionnels
pour les coûts indirects. On obligeait aussi Québec Cartier
à construire une ligne de 315 kilovolts alors que ses besoins
n'étaient que de 230 kV. Québec Cartier devait acquérir
à ses frais tous les terrains et permis nécessaires à la
construction de la ligne.
Vous trouvez en annexe, d'ailleurs, un extrait du procès-verbal
de la Commission hydroélectrique de Québec qui donne plus de
détails à ce sujet. Je me réfère au mémoire
qui a été déposé devant la Commission. Le
coût de cet ouvrage effectué en 1972-1973 a totalisé
$13,500,000. Or, le contrat stipule qu'au 1er janvier 1976 la compagnie
Québec Cartier devait transférer à Hydro-Québec
pour $1 tous ses actifs, lignes, postes de transfert, terrains, etc.
Hydro-Québec, par ailleurs, devait rembourser la compagnie Québec
Cartier pour l'excédent de coût entre une ligne de 315 kV et celle
ajustée aux besoins de l'opération, de son opération, soit
230 kV. Ce remboursement évalué par Hydro-
Québec à $1,200,000 était effectué à
raison d'un rabais de 10% sur la facture d'électricité jusqu'au
paiement complet. Évidemment, il n'était pas question pour
Hydro-Québec de payer l'intérêt sur cette dette.
Hydro-Québec aura donc forcé la compagnie minière
à faire des déboursés supérieurs à ses
besoins tout en remboursant sans intérêt sur une période de
dix ans, donc, en dollars dévalués, l'excédent de
l'investissement évalué par elle-même. Hydro-Québec
s'alloue d'ailleurs le droit d'alimenter d'autres clients importants à
même la ligne de 315 kV, ce qui est normal. Dans ces cas, toutefois,
Hydro-Québec s'engage à rembourser Québec Cartier d'une
partie de l'investissement préliminaire calculé au prorata de la
nouvelle demande d'électricité comparé à la
puissance totale de la ligne. Encore là, on rembourse avec des dollars
dépréciés et sans intérêt. Enfin, le contrat
de vente d'électricité a été établi au tarif
régulier alors en vigueur. Toutefois, il est stipulé qu'entre
1978 et 1983 le taux d'électricité ne serait majoré que de
10% par année, avec ajustement au taux courant tous les cinq ans. Ce
contrat ayant été paraphé en 1971, Hydro-Québec ne
pouvait prévoir que l'inflation et une décision gouvernementale
décréteraient des augmentations de taux d'au-delà de 20%
par année à partir de 1977.
Dans le cas de la mine Selbaie, c'est approximativement la même
situation, si on tient compte que le coût de la ligne est estimé
à $18,500,000 pour 66 milles de longueur, soit un coût de $280,000
le mille ou deux fois le coût de celle construite par Québec
Cartier il y a moins de dix ans.
Quant aux conditions imposées par Hydro-Québec aux
investisseurs de la mine Selbaie, elles sont sensiblement les mêmes, soit
la construction de la ligne par la compagnie selon les directives
d'Hydro-Québec ou le dépôt à l'avance, sans
intérêt, du coût total de la construction de la ligne par
tranches annuelles fixées par contrat. La proposition
d'Hydro-Québec est à l'effet qu'entre le 1er janvier 1981 et le
1er janvier 1984 Selbaie doit verser sans intérêt à
Hydro-Québec environ la moitié de l'investissement estimé,
soit $9 millions, et la balance de l'investissement réel, soit environ
$9,500,000 au cours de 1984. Quand on parle d'investissement réel, on
veut dire qu'il est fort possible que cet investissement dépasse les
$9,500,000.
Hydro-Québec ajoute que, même à cela, elle fait une
encoche dans ses politiques qui sont d'exiger la somme totale, sans
intérêt, avant le début des travaux. Par ailleurs, selon
des informations de dernière heure, l'entente proposée entre la
mine Détour, située à 30 milles au nord-ouest de la mine
Selbaie, mais du côté ontarien, et l'Hydro-
Ontario serait à l'effet que la compagnie minière
Détour construirait à ses frais une ligne d'alimentation de 125
milles de long ayant une puissance de 115 kV, donc approximativement semblable
à celle de Selbaie, pour un total estimé de $12 millions à
$15 millions.
D'autre part, l'Hydro-Ontario facturera Détour au taux
régulier pour les premiers cinq ans, alors que pour les six
années suivantes la facture de l'énergie électrique de la
mine Détour sera réduite de 25% par année pour
équivaloir approximativement au total des investissements consentis par
la compagnie minière, ce qui veut dire en gros que du côté
ontarien - du moins, selon les informations qu'on a au sujet de la mine
Détour - les infrastructures seraient absorbées par
l'Hydro-Ontario.
En général, Hydro-Québec s'accorde aussi d'autres
avantages; par exemple, le respect intégral du contrat de vente
d'électricité, même si l'utilisation
d'électricité est retardée à cause de délais
de force majeure dans les calendriers de construction. C'est ainsi qu'en 1974,
Québec Cartier a dû, à cause de retards dans le programme
de construction, défrayer pendant un an et demi le coût de la
quantité d'électricité prévue au contrat, bien
qu'elle n'ait pas été utilisée. Pourtant, ces
délais avaient été occasionnés par des actes de
sabotage dont Québec Cartier n'était aucunement responsable.
Après une action judiciaire contre Hydro-Québec, toutefois,
Québec Cartier a pu récupérer 50% de cette somme.
Il faut donc se rendre à l'évidence et constater
qu'Hydro-Québec profite de sa situation de monopole pour imposer aux
investisseurs miniers des conditions qui cadrent peu avec les objectifs de
développement de territoire que la publicité fait souvent
miroiter.
Pourtant, cet apport d'énergie dans les territoires non
aménagés, dont les coûts, après la nationalisation,
ont été absorbés par les investisseurs miniers, est aussi
utilisé par de nombreux autres agents de développement qui ne
manqueront pas de venir s'installer par la suite.
Matagami est un bel exemple de cet état de choses. Les lignes
électriques construites au début pour alimenter les exploitations
minières lac Matagami et Orchan sont depuis utilisées pour
fournir l'électricité à de nombreuses autres usines,
habitations et commerces qui se sont installés par la suite et ont servi
de point de départ aux travaux de la Baie James.
Dans ces cas, le premier investisseur dans les infrastructures de
transport d'énergie, soit les mines, n'est sujet à un
remboursement de la part d'Hydro-Québec que pour les clients utilisant
plus de 1000 kilowatts et ce remboursement est fait en
monnaie dépréciée, puisqu'il est basé sur le
coût original de la ligne et toujours sans intérêt. (20 h
30)
II est intéressant de souligner toutefois que la ligne
transportant l'électricité à Matagami, à partir de
la rivière Héva, soit environ 150 milles, a été
construite au début des années soixante et on a pu obtenir
d'Hydro-Québec d'alors, qui n'était pas, dans le temps, en
position de monopole - c'était avant la nationalisation - un contrat
beaucoup moins onéreux financièrement.
Tout d'abord, la ligne n'a coûté que $3,800,000 pour 150
milles, soit environ $25,000 le mille. Ce contrat prévoyait aussi que la
mine du lac Matagami ne devait défrayer que 25% du coût de la
ligne et que, pour une période de cinq ans après le début
de l'utilisation de l'énergie électrique, une somme
équivalant à 9% du coût total de la construction de la
ligne serait ajoutée annuellement au paiement de
l'électricité consommée; ce qui veut dire que Matagami n'a
défrayé en fait que 70% des investissements pour les
infrastructures de transport d'électricité et que 45% de ceux-ci
ont été remboursés en dollars
dépréciés. C'est l'inverse des présentes politiques
d'Hydro-Québec.
Les investissements additionnels imposés aux investisseurs
miniers pour la construction des lignes d'alimentation en énergie
électrique peuvent parfois faire la différence entre la
rentabilité et la non-rentabilité des masses
minéralisées repérées dans les régions
éloignées, surtout présentement, alors que les promoteurs
doivent envisager des taux d'intérêt de plus en plus
élevés.
Le fait de défrayer entièrement le coût des
équipements de transport d'énergie n'amène aucun
traitement de faveur dans les tarifs défrayés par les entreprises
minières.
En 1980, nos informations nous indiquent qu'une somme d'environ $75
millions a été payée par les 1000 membres de notre
association pour l'alimentation de leurs opérations en énergie
électrique, alors qu'en 1975, cette somme ne s'élevait
qu'à $26 millions. Ces sommes sont un strict minimum puisque certains
membres ne sont pas inclus dans cette compilation et que les mines d'amiante,
grandes utilisatrices d'énergie électrique, ne sont pas membres
de l'association.
Afin d'utiliser une base commune, nous avons calculé le
coût moyen d'électricité par employé dans
l'industrie minière pour fins de comparaisons entre 1975 et 1980. Nous
convenons que cette base n'est peut-être pas parfaitement conforme
à la réalité puisqu'il y a plusieurs facteurs qui peuvent
influencer ce coût en plus ou en moins: la productivité, par
exemple, le degré de transformation des minerais et, enfin, les
grèves qui augmentent le coût relatif de
l'électricité en diminuant les jours travaillés. C'est
toutefois la méthode la plus simple que nous ayons pu trouver dans les
circonstances.
Quant à l'augmentation du prix par kilowattheure, ces
données peuvent varier d'une entreprise à l'autre et
Hydro-Québec est à même de faire des calculs beaucoup plus
exacts que les nôtres à ce sujet. D'ailleurs, les informations
confidentielles des compagnies obtenues à partir de cette base ou par
unité de produit révèlent des pourcentages d'augmentation
approximativement semblables au coût par employé.
Vous constaterez donc, dans les tableaux 1 et 11, c'est-à-dire le
tableau des statistiques et la courbe, que ce coût moyen pour
l'électricité était de $1500 par employé, en 1975,
pour atteindre au-delà de $4300, en 1980, soit une augmentation totale
de 177% au cours de cette période de six ans, ce qui nous donne une
augmentation moyenne de 28% par année. Vous constaterez cependant que
cette augmentation est répartie de façon très
inégale au cours des années.
Étant donné qu'il ne nous est pas possible d'obtenir des
informations de toutes les mines québécoises, en prenant comme
base le coût par employé, il y a moyen de faire une extrapolation
pour le coût total approximatif en énergie électrique
utilisée par l'industrie minière, puisque celle-ci a
employé, au cours des six dernières années, une moyenne de
25,000 travailleurs, en incluant les mines d'amiante et autres exploitants de
minéraux. Ce coût total aura donc été, en 1975,
d'environ $38 millions, alors qu'en 1980 il aura dépassé $100
millions.
En 1975, le coût total d'énergie électrique pour
l'industrie minérale, à l'exclusion des matériaux de
construction, aurait donc équivalu à environ 4% de la valeur de
la production des métaux et minéraux qui, pour cette
année-là, avait atteint $950 millions. En 1980, ce coût a
équivalu à 5% de la valeur de la production minérale qui a
totalisé environ $2 milliards. C'est, à notre avis, une
contribution fort importante qui augmente à un taux beaucoup trop
rapide, soit deux fois plus que le taux de l'inflation. Dans ces coûts
sont inclus la transformation primaire des produits miniers, soit les usines de
smeltage pour le cuivre, les usines de bouletage pour le minerai de fer et la
transformation du minerai de fer titane en scorie de titane et en fonte par la
société Fer et Titane, à Sorel.
Permettez-moi de vous dire en passant que la société Fer
et Titane est le plus gros client d'Hydro-Québec à l'heure
actuelle. Il est évident que la transformation et l'affinage des
métaux exigent plus d'énergie que leur extraction et cette
dépense d'énergie s'accroît à mesure que l'on
atteint des stades de transformation plus poussée. À
cause de ses possibilités énormes en
hydroélectricité, le Québec possède un atout
important pour accélérer une transformation plus poussée
de nos richesses minérales. Encore faut-il que le prix de cette
énergie électrique, entre autres, demeure hautement
compétitif si on veut s'assurer que les produits transformés
puissent être écoulés avantageusement sur les
marchés mondiaux, car il est bien évident que notre production
minérale excède de beaucoup les besoins de notre économie
et que notre principal débouché est le marché
international.
Dans le passé, le coût et l'abondance de
l'électricité au Québec ont été des facteurs
prédominants dans l'établissement de l'afferinerie de zinc de
Valleyfield et de la plus grande affinerie de cuivre au monde, Canadian Copper
Refiners, à Montréal-Est, ainsi que des usines de transformation
du minerai de fer titane à Sorel.
Dans l'avenir, nous espérons bien que nos ressources
hydroélectriques seront aussi la base de nombreux autres
développement industriels. Enfin, nous aimerions signaler que
l'industrie minière a contribué, de façon importante,
quoique indirecte et involontaire, aux immenses travaux entrepris par
Hydro-Québec pour aménager les rivières de la Baie
James.
En effet, depuis 1972, les travaux de la Baie James ont provoqué
dans les mines du Nord-Ouest, plus particulièrement, dans celles de
Chibougamau et Matagami, des pénuries importantes de mineurs
expérimentés qui, attirés par des salaires et avantages
sociaux défiant toute concurrence de la part des mines, se sont
retrouvés en grand nombre sur les chantiers de la Baie James.
On peut facilement affirmer que la plupart des tunnels et excavations
souterraines dans ces chantiers ont été effectués par des
mineurs entraînés dans nos mines du Nord-Ouest
québécois, lesquelles au cours de cette période, sont en
quelque sorte devenues des centres d'entraînement pour les chantiers de
la Baie James, tellement le pourcentage de renouvellement de la main-d'oeuvre a
été important. Quoique difficile à évaluer,
l'impact et le coût additionnel occasionnés pour les mines
impliquées ont été fort importants, étant
donné surtout que cette période a coïncidé avec une
dépression générale des prix des métaux sur les
marchés mondiaux.
D'autre part, les villes de Matagami et de Chibougamau, en particulier,
ont été fortement mises à contribution pour assurer des
services additionnels (police, écoles, hôpitaux, etc.) aux
nombreux employés de la Société d'énergie de la
Baie James qui avaient leur pied à terre dans ces villes et cela, sans
aucune contribution financière significative de la part de la
société.
Entre 1972 et 1977, par exemple, la population de Matagami avait presque
doublé et la ville a dû augmenter considérablement ses
services tout en sachant que ce n'était que pour une période
temporaire. La Société d'énergie s'est toujours
désintéressée de ces problèmes et n'a jamais voulu
se compromettre sur la durée de cette période temporaire.
Étant donné que dans les villes de Chibougamau et Matagami
les mines représentent un très fort pourcentage de
l'évaluation municipale - 80% pour Matagami - il est évident que
ces entreprises ont endossé pratiquement seules la majeure partie du
fardeau financier additionnel que ces municipalités ont dû assumer
à cause du développement de la Baie James.
Nous pouvons donc aisément affirmer que l'industrie
minière a fait sa part pour assurer le succès du projet
hydroélectrique de la Baie James. De plus, en assumant la
totalité des coûts de transport d'électricité sur
les territoires qu'elle doit aménager pour exploiter les ressources,
l'industrie minière participe aussi de façon importante au
progrès d'Hydro-Québec qui peut ainsi étendre son
réseau sans investissement additionnel.
L'industrie minière ne demande pas de traitement de faveur,
cependant, elle croit sincèrement que le coût de la construction
des lignes de transport d'électricité dans les régions non
aménagées ne devrait pas être assumé uniquement par
elle. Hydro-Québec, comme d'ailleurs le fait présentement la
Société d'énergie de la Baie James, devrait absorber au
moins en partie ses investissements pour les infrastructures de transport
d'énergie.
Par ailleurs, l'industrie minière est prête à
accepter des augmentations de tarifs pour aider au financement des lignes de
transport, dans le sens du contrat signé avec les mines Lac Mattagami en
1964. Pour s'assurer une alimentation certaine en électricité,
elle pourrait même aller plus loin et accepter, afin de diminuer les
risques d'Hydro-Québec, de garantir les investissements
d'Hydro-Québec, en déposant la somme totale de la construction de
la ligne dans une société de fiducie pour la période du
contrat. Cependant, l'industrie minière n'est pas prête à
défrayer seule, et parfois presque en double, les infrastructures
installées pour le transport d'électricité dans les
régions non encore aménagées, surtout si ce
qu'Hydro-Ontario nous dit s'avère véridique.
De plus, à cause des nombreux facteurs qui peuvent intervenir,
exploration, recherche de procédés, délais dans la
construction, marché mondial, etc., il est toujours difficile de
prévoir la date exacte de la mise en marche d'une nouvelle exploitation
minière. Il peut parfois s'écouler des décennies entre la
découverte d'un dépôt et sa mise en exploitation. Nous
croyons donc qu'Hydro-
Québec devrait être plus flexible dans l'application de ses
contrats de vente d'électricité, surtout au début de
l'exploitation. L'expérience de Québec Cartier qui, à
cause de sérieux problèmes de sabotage durant les années
1972-1973, a dû retarder de 18 mois la mise en marche de son exploitation
alors qu'Hydro-Québec, au début, a quand même exigé
les sommes prévues au contrat, est loin d'être encourageante pour
l'établissement de nouvelles mines.
De plus, au cours de l'année dernière, le gouvernement a
mis de l'avant un programme d'incitation pour l'établissement de
nouvelles entreprises au Québec en leur accordant des tarifs
préférentiels pour l'utilisation de l'énergie
électrique. Toute nouvelle mine devrait, à notre point de vue, se
qualifier pour un tel programme.
Enfin, lorsque de nouveaux développement hydroélectriques
doivent mettre à contribution les services fournis par les villes
minières et affecter la main-d'oeuvre des mines avoisinantes, il nous
semblerait raisonnable qu'Hydro-Québec entre en contact avec les mines
et les autorités municipales impliquées afin de négocier
les moyens à prendre pour amoindrir autant que possible les
inconvénients que ces nouveaux développements peuvent avoir sur
l'industrie et la population locale.
Nous tenons, en terminant, à affirmer que les
représentants de l'industrie minière favorisent au plus haut
point le développement aussi rapide que possible de nos ressources
hydroélectriques. Le Québec, par sa situation
privilégiée dans le domaine de l'énergie
électrique, possède un levier formidable pour le
développement de son territoire et nous recommandons fortement
qu'Hydro-Québec oriente ses politiques d'action vers des objectifs de
développement de territoire de façon beaucoup plus
évidente qu'elle ne l'a fait jusqu'à maintenant.
De plus, nous réitérons que les possibilités
énormes en hydroélectricité sont un atout important pour
la transformation de nos richesses minérales en autant que les prix de
l'énergie électrique demeurent compétitifs, de
façon à favoriser l'exportation des produits transformés
chez nous.
Merci, M. le Président.
Le Président (M. Jolivet): Merci, M. Langlois.
M. le ministre.
M. Bérubé: M. Langlois, je dois vous avouer que,
lors des réunions de l'Association des mines de métaux, vous me
présentez toujours un superbe sonnet sur les critiques de l'association
à l'égard du gouvernement qui sont en général
pleines d'humour, et je dois vous dire que j'ai toujours
énormément de plaisir à analyser la rigueur de vos
mémoires. À l'intention de ceux qui ne le savent pas,
annuellement, depuis quelques années maintenant, M. Langlois y va d'un
poème au ministre de l'Énergie et des Ressources pour
présenter les remarques de l'Association des mines de métaux au
gouvernement. D'ailleurs, je suis maintenant pris pour lui répondre par
un quatrain le mieux sonné possible puisqu'il n'y a absolument aucune
autre façon que celle de traiter ces choses sur la même note
d'humour.
Je pense que vous avez soulevé un certain nombre de
problèmes intéressants qu'il vaudrait la peine de pousser plus
avant. Malheureusement, je n'ai pas réussi à me bâtir un
poème en si peu de temps en vous écoutant, d'autant plus que je
dois vous avouer que votre mémoire est fort bien bâti et assez
percutant. Il y a quand même quelques points que je ne peux pas laisser
pour compte, d'autant plus qu'il y a un représentant de la mine Selbaie
qui se fera un plaisir, sans doute, de me répondre. (20 h 45)
D'une part, j'aimerais savoir quels sont les projets de
développement minier qui sont bloqués à la suite de
négociations trop difficiles avec Hydro-Québec? Je ne vous cache
pas que, tout récemment, un de vos ex-collègues, le nouveau
président de la Société SOQUEM, a dû négocier
avec HydroQuébec des tarifs pour sa mine de sel aux
Îles-de-la-Madeleine et il a trouvé la négociation fort
ardue. Je ne vous le cacherai pas. Effectivement, c'est une remarque un peu
générale de tous ceux qui doivent négocier avec
Hydro-Québec, surtout lorsqu'ils sont placés dans une situation
un peu particulière qui est celle d'une entreprise minière qui
démarre, qui n'a pas vraiment beaucoup de marge de négociations
face à Hydro-Québec et qui n'est même pas capable de partir
de règles générales puisqu'il s'agit presque toujours de
cas particuliers et que la négociation se fait cas par cas, et cela
devient extrêmement difficile, j'imagine, de négocier avec
Hydro-Québec puisqu'elle détient le monopole.
Dans le cas, cependant, de Selbaie, c'est l'exemple que je donnerais, je
sais que SOQUEM s'est intéressée è une participation
financière au projet et que, dans sa proposition, elle avait même
avancé avec, je pense, l'accord d'Hydro-Québec, je
l'espère du moins, la possibilité que SOQUEM construise
elle-même la ligne et fournisse l'énergie à un coût
relativement bas. L'entreprise ayant calculé tous ses coûts, tout
évalué, a décidé qu'elle ne retiendrait pas la
proposition de SOQUEM en dépit d'une offre de livraison
d'électricité dans des délais intéressants. Elle a
choisi, au contraire, de s'associer - je ne dirais pas s'acoquiner, mais
s'associer - à une
entreprise pétrolière, j'ai l'impression. Je crois que
c'est une société pétrolière. C'est Hudson's Bay,
je m'excuse, c'est vraiment Hudson's Bay. Donc, il ne semble pas que les
problèmes de livraison d'électricité aient
été a ce point prédominants dans les études de
rentabilité que la proposition de SOQUEM ait dû être
retenue.
Ce qui m'amène a poser la question suivante. D'ailleurs, je
m'arrêterai immédiatement, vous faites référence
à une proposition fort intéressante du gouvernement ontarien,
mais je sais que le gouvernement ontarien est également en campagne
électorale et que, tout récemment, il s'est fendu d'une
magnifique offre...
M. Langlois: Je n'ai pas parlé du gouvernement ontarien.
J'ai parlé d'Hydro-Ontario.
M. Bérubé: Hydro-Ontario, mais enfin. Disons qu'il
n'est pas impossible que l'offre faite par Hydro-Ontario à la
société Amoco ait été légèrement
teintée par des préoccupations électorales qui auraient
fait en sorte, en fait, qu'on veuille faciliter le développement
minéral. Disons que c'est une hypothèse.
M. Saint-Onge (Victor): ... faire des demandes?
M. Bérubé: II faudrait attendre que le premier
ministre déclenche des élections, M. Saint-Onge. J'en arrive, en
fait, au coeur du problème. Est-ce que, à votre connaissance, les
négociations d'Hydro-Québec ont fait la différence dans un
projet rentable et non rentable? C'est ça, le fond de la question. C'est
bien sûr que c'est une négociation serrée et
qu'Hydro-Québec va chercher à maximiser ses profits. Il est
peut-être injuste, du fait qu'elle est en situation de monopole, qu'elle
puisse bénéficier d'une position de force qui nous amène
peut-être à négocier d'une façon un peu plus dure
que vous l'aimeriez, mais il reste quand même que si Hydro-Québec
négocie un contrat de façon plus serrée et que ça
n'empêche pas l'entreprise de démarrer et que ça permet
à Hydro-Québec de maximiser ses profits, tout ce qu'on peut dire,
c'est que les contribuables québécois ont tiré leur profit
de cette négociation serrée par Hydro-Québec. Donc,
personne ne va pleurer, même s'il y a évidemment l'industriel qui,
lui, est impliqué dans la négociation, n'aimera peut-être
pas tellement la position où il était placé.
Ce que j'aimerais, c'est que vous me disiez s'il y a des cas que vous
connaissez où la négociation entre Hydro-Québec et
l'entreprise a été à ce point serrée qu'on a
bloqué le développement d'un projet minier. Si ça devait
être le cas, ce serait beaucoup plus grave. Si ce n'est pas le cas, par
exemple, à ma connaissance, Québec-Cartier est en
opérations, donc, cette négociation dure de la part
d'Hydro-Québec n'a pas empêché la mine de voir le jour.
Elle a peut-être empêché les financiers, ceux qui ont
financé le projet de Québec-Cartier de faire tous les profits
qu'ils auraient espéré faire. Mais, il reste tout de même
que c'est difficile, pour le consommateur en tous les cas, de pleurer sur le
sort de Québec-Cartier si, finalement, la mine s'est
développée. Je m'excuse, M. Saint-Onge, évidemment. Mais
ce que j'aimerais savoir de vous, c'est un peu votre impression face aux
négociations avec Hydro-Québec et dans quelle mesure ces
négociations ont conduit, par exemple, au report ou à l'abandon
de projets de développement minéral dont serait responsable
Hydro-Québec?
Le Président (M. Jolivet): M. Saint-Onge.
M. Saint-Onge: M. le Président, je n'étais pas un
participant aux négociations avec Hydro-Québec, la
fiscalité me retenant ailleurs. Par ailleurs, comme vous le souligniez
tantôt, le directeur du projet de mont Wright, qui est maintenant le
président de SOQUEM, à ce que je peux voir, profite de
l'expérience acquise à cette période afin de mener les
négociations avec Hydro-Québec plus rondement, semble-t-il,
maintenant. Mais à ce que lui-même m'en a dit et d'autres dans mon
entreprise je peux conclure qu'il a fallu une intervention assez rondement
menée du bureau du premier ministre pour conduire au résultat qui
est expliqué ici, ce qui veut dire que les propositions initiales
étaient autrement plus exigeantes, plus onéreuses. Je dois citer
ce qu'on m'a répété - c'est du ouï-dire directement
des personnes impliquées dans cette négociation - qu'à
l'époque l'Hydro-Québec se foutait comme de l'an quarante du
développement de mont Wright, ce qui n'était pas le cas pour le
gouvernement du temps, heureusement, et ce qui, j'en suis sûr, ne sera le
cas pour aucun gouvernement.
Donc, ma conclusion est qu'étant donné cette situation de
monopole cela prendra toujours une intervention d'un ministre de
l'Énergie et des Ressources éclairé sur la situation
économique ou encore du bureau du premier ministre pour régler,
pour arbitrer ces situations difficiles.
M. Bérubé: Merci.
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.
M. Bérubé: Étant donné que mon
distingué collègue, le député d'Outremont, doit
malheureusement nous quitter, si cela ne
vous ennuie pas, je vais lui passer la parole.
Vous voyez à quel point nous nous entendons bien en dépit
de ces altercations continuelles...
Le Président (M. Jolivet): Donc, la parole est au...
M. Bérubé: ... que vous n'associerez,
évidemment, qu'au climat électoral.
Une voix: À l'ordre! À l'ordre!
M. Bérubé: Je vais lui passer la parole et je
reviendrai tantôt.
Le Président (M. Jolivet): Le député
d'Outremont.
M. Fortier: M. Langlois, vous avez fait état de
difficultés qui empêchent ou n'encouragent pas
l'établissement de nouvelles mines. Ces critiques s'ajoutent à de
nombreuses critiques qui ont été reçues
dernièrement à différents moments. L'intérêt
que j'ai dans le dossier que vous nous soumettez est qu'il me semble qu'il
faudrait une politique énergétique qui serait justement de
favoriser l'électricité pour différentes raisons. Une
question que j'aimerais vous poser serait celle-ci. Dans une mine, non
seulement vous avez besoin d'électricité, mais vous avez besoin
de pétrole, d'essence, de toutes sortes de produits pétroliers,
vous avez des camions. Bien sûr, on pourrait penser à utiliser
l'électricité davantage; dans les endroits
éloignés, le pétrole devient extrêmement
dispendieux. Si le gouvernement avait une politique de substitution en faveur
de l'électricité, l'utilisation de l'électricité
avantagerait la santé des travailleurs dans bien des cas. Qu'on pense
aux échappements des camions, etc., soit dans des mines ouvertes ou
autrement.
Qu'on pense à l'efficacité qui pourrait être accrue
et à la possibilité d'automatisation de l'équipement de
certaines mines qui pourrait être accrue si on utilisait
l'électricité. Une telle politique, bien sûr, voudrait dire
aussi une certaine incitation pour faire en sorte non seulement que les
industriels soient intéressés à établir de
nouvelles mines, mais que, lorsqu'ils établissent la mine, ils utilisent
l'électricité dans sa plus grande dimension possible justement
pour substituer l'électricité à toutes les autres formes
d'énergie.
En prenant comme exemple la moyenne des mines existantes, pourriez-vous
nous dire dans quelle mesure l'électricité est importante? Dans
quelle mesure une politique qui favoriserait-elle l'utilisation de
l'électricité dans le sens que vous le dites favoriserait en
même temps une substitution du pétrole par
l'électricité?
Le Président (M. Jolivet): M. Langlois.
M. Langlois: Je suis bien content que la question soit
posée. Ce que je peux dire à ce moment-ci, c'est que
l'électricité est absolument nécessaire au
développement des mines. Cela est présentement
négocié avec Hydro-Québec dans des conditions fort
difficiles, c'est-à-dire que ce sont les investisseurs miniers qui
absorbent complètement tous les investissements des infrastructures, ce
qui augmente, évidemment, la facture d'électricité.
Vous dites aussi qu'il est fort possible que l'électricité
soit beaucoup plus utilisée qu'elle ne l'est dans le moment et avec des
effets bénéfiques sur la santé et la
sécurité des travailleurs, surtout quant à la santé
des travailleurs. Il y a présentement certains équipements
électriques utilisés dans les mines souterraines, par
exemple.
Évidemment, il y a des limites parce que cela prend un
câble pour les transporter, mais il y a un gros équipement,
autrefois utilisé au diesel, qui est présentement
électrique; cela a le gros avantage de ne pas faire de bruit et
d'être complètement autonome pour autant qu'on puisse organiser
les câbles. Je ne dis pas que tout l'équipement minier pourrait
être électrifié, mais je peux dire que 30% de
l'équipement minier pour l'extraction du minérai sous terre
pourraient être utilisés avec l'énergie
électrique.
M. Fortier: Quelle est la proportion du bilan
énergétique dans une mine? Dites-vous 30%? En pourcentage du
total de...
M. Langlois: Présentement, l'équipement diesel, qui
est à peu près à 100% diesel... Je crois qu'environ 30% de
l'équipement souterrain pour l'extraction du minerai pourraient
être électrifiés, pourraient être mus par
l'électricité, ce qui aurait de nombreux avantages.
M. Fortier: Et, bien sûr, pour vous amener à une
telle substitution, il faudrait avoir une politique d'incitation. Est-ce que
c'est ça que vous dites?
M. Langlois: Là, je ne sais pas jusqu'où devrait
aller la politique d'incitation, mais la principale politique d'incitation - je
reviens à la question qui était posée par M. le ministre,
tout à l'heure - c'est qu'il est très difficile à dire
s'il y a des mines qui ne peuvent pas démarrer parce qu'elles sont
obligées de payer la ligne électrique, mais on sait qu'il y en a.
Celles qui font faillite et qui ne peuvent pas ouvrir, on n'en a jamais
connaissance, on ne les connaît pas. Par exemple, le projet Selbaie peut
se permettre de dépenser $18,500,000 de plus mais, par contre,
Phelps-Dodge, dans le territoire de la
Baie James, qui est une mine marginale, ne pourrait probablement pas se
le permettre, à moins de se raccrocher sur une ligne comme celle qui va
alimenter Selbaie.
Il y a toute une série de problèmes comme ça, c'est
très difficile à détecter. Avec un dépôt de
minerai, on peut faire à peu près ce qu'on veut, on peut en
exploiter 2,000,000 à très haute teneur comme, si les conditions
géologiques le permettent, en exploiter 15,000,000 ou 20,000,000
à basse teneur. Il est bien évident que, si on exploite
15,000,000 ou 20,000,000, c'est très profitable non seulement pour la
compagnie, mais aussi pour le gouvernement et pour la population du
Québec.
C'est dans ce sens qu'il y a une limite et, si on oblige les compagnies
minières à payer les investissements d'infrastructure, on limite
le développement minier, jusqu'à un certain point.
Le Président (M. Jolivet): M. Saint-Onge, je pense.
M. Saint-Onge: J'aimerais ajouter, pour l'information de M.
Fortier, qui n'a peut-être pas eu l'occasion de visiter le lac Jeannine
à l'époque où nous avions une rampe électrique dans
la mine même...
M. Fortier: J'ai lu un article là-dessus, oui.
M. Saint-Onge: Ah, bon! C'est une formule très
intéressante où il nous a été possible d'utiliser -
il y a de mes amis d'Hydro-Québec qui sont ici... Nous avons une petite
entreprise hydroélectrique - pour ne pas le dire à
Hydro-Québec - mais nous pouvions, à prix coûtant bien
sûr, utiliser du pouvoir hydroélectrique, ce qui a diminué
considérablement les coûts du camionnage du minerai de la mine.
Et, bien sûr, comme fiscaliste, je voyais chaque $0.25 de taxe sur
l'huile diesel conservé dans notre trésor, chaque fois qu'on
compensait par de l'électricité. Je me demande, par ailleurs, si,
au prix actuel d'Hydro-Québec, il serait possible d'avoir une
exploitation aussi rentable.
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.
M. Bérubé: Je pense que je vais passer mon droit de
parole au député de Duplessis; je le reprendrai tantôt s'il
me reste du temps.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Duplessis.
M. Perron: Merci, M. le Président. Je voudrais relever,
à la page 15, une partie de votre texte. Au troisième paragraphe,
vous mentionnez que, "depuis 1972, les travaux de la Baie James ont
provoqué, dans les mines du Nord-Ouest, plus particulièrement
dans celles de Chibougamau et de Matagami, des pénuries importantes de
mineurs expérimentés qui, attirés par les salaires et
avantages sociaux défiant toute compétiton de la part des mines,
se sont retrouvés en grand nombre sur les chantiers de la Baie
James."
Cela m'amène à vous poser la question suivante: Vous savez
qu'il existe un règlement de placement dans la construction qui est en
vigueur depuis le 1er juillet 1978; est-ce que, depuis les trois
dernières années, vous avez encore ce problème? Parce que,
effectivement, le règlement de placement contingente le domaine de la
construction et seuls les travailleurs qui ont, dans les cinq dernières
années, 5000 heures et plus ont le droit d'obtenir un permis
d'enregistrement dans la construction. Est-ce que ça vous a
touché pas mal, dans les trois dernières années? Disons
depuis...
M. Langlois: Je crois que le problème s'est
résorbé passablement dans les trois dernières
années. Je préférerais céder la parole à M.
Bélanger, de Matagami, à ce sujet.
M. Bélanger (Jean-Claude): Disons que le problème
s'est résorbé dans le sens que les mineurs que nous perdons
présentement, à Matagami et à Chibougamau, s'en vont dans
d'autres mines qui ouvrent; donc, ceux qu'on a perdus ne sont plus là et
on en perd d'autres qui vont dans d'autres mines qui ouvrent. Alors, le
problème n'est pas réglé pour autant pour nous. (21
heures)
M. Perron: Merci. M. Saint-Onge...
M. Langlois: M. Gosselin de Selbaie qui a été
impliqué dans les contrats de la Baie James pourrait peut-être
ajouter quelque chose.
M. Gosselin (Daniel): En 1975, lorsque je suis allé
à LG 2, je dirais qu'environ 50% à 60% des mineurs
expérimentés - ceux de cinq ans d'expérience et plus -
venaient de la région du Nord-Ouest du Québec qui comprend les
mines de Val-d'Or et Rouyn -la mine d'or no 1 de Rouyn fermait dans ce
temps-là - de même que Matagami et Chibougamau. Il est certain
que, lorsqu'on avance quelque chose comme ça, lorsque Gonzague avance
cela, on peut facilement sortir beaucoup de chiffres à l'appui.
M. Perron: Non, je ne conteste pas ce que vous avez dit au sujet
du placement des gens qui partaient de chez vous pour s'en aller dans la
construction, spécialement les opérateurs de machinerie lourde,
par
exemple, mais ce que je voulais vous demander, c'est justement cela;
j'ai eu la réponse que cela s'est amélioré depuis trois
ans à cause du règlement de placement. Cela m'amène...
M. Langlois: Ce qui est arrivé, c'est que les tunnels de
la Baie James sont pratiquement finis. On a moins besoin de mineurs qu'on en
avait besoin autour des années soixante-quinze.
M. Perron: Oui, mais, de toute façon, avec le
règlement de placement, actuellement, il n'y a aucun travailleur minier,
à moins qu'il n'ait les heures requises, qui peut passer dans le domaine
de la construction.
M. Langlois: C'est possible. Je ne pourrais pas vous
répondre là-dessus.
M. Perron: Cela m'amène à poser une question
supplémentaire. M. Saint-Onge, vous avez mentionné tout à
l'heure la compagnie d'énergie électrique Hart Jaune.
Considérant que la compagnie Québec Cartier est
propriétaire de cette installation, de cette centrale incluant le
barrage, pourriez-vous, peut-être quelqu'un ou plusieurs d'entre vous,
répondre à la question suivante? Selon vous, ne serait-il pas
rentable dans certains cas que les compagnies minières aménagent
pour leurs propres fins certains sites hydrauliques disponibles évitant
ainsi d'avoir recours aux services d'Hydro-Québec? On parle des
régions éloignées, des endroits éloignés
où on pourrait avoir une mine et où il y aurait des
possibilités, par le biais d'une rivière qu'on pourrait
aménager, d'établir des installations. Si ma mémoire est
bonne, cela vous prend un permis d'Hydro-Québec pour ce faire.
M. Saint-Onge: Mon député qui est un
hydroquébécois se fait, à bon escient, du souci pour les
ferroquébécois de notre région. Bien sûr, cette
idée de faire son propre aménagement, lorsque c'est possible - ce
n'est pas toujours possible - est avantageuse et pourrait parfois se
révéler moins dispendieuse que d'aller chercher l'énergie
électrique sur une très grande distance, mais on n'a pas toujours
les rivières qu'il faut à portée de la main, là
où la mine se trouve. La mine du lac Jeannine s'est bien
prêtée à cela. Il y avait la rivière Hart Jaune qui
était là, disponible et cela s'est fait par ailleurs avant
qu'Hydro-Québec soit ce qu'elle est aujourd'hui.
M. Langlois: Si je peux ajouter quelque chose, je ne sais pas si,
juridiquement, une compagnie privée a le droit d'aménager une
rivière. Le ministre pourrait peut-être nous répondre
à ce sujet.
M. Bérubé: Oui, à ma connaissance, mais avec
l'autorisation d'Hydro-Québec, si je ne m'abuse.
M. Langlois: Avec l'autorisation d'Hydro-Québec.
M. Ciaccia: La réponse est non, ils ont besoin de
l'autorisation du gouvernement.
M. Bérubé: Oui, oui, une entreprise privée
pourrait aménager une rivière conditionnellement à ce
qu'Hydro-Québec l'autorise, d'une part. Cela a d'ailleurs fait l'objet
d'une série de questions, messieurs, à cette commission, par je
ne sais quel organisme parce que, de mémoire, j'ai déjà
oublié le nom de l'organisme, où on suggérait, en fait,
que le gouvernement, peut-être, confie...
Une voix: L'Association des ingénieurs-conseils.
M. Bérubé: ... oui, je pense que c'est
l'Association des ingénieurs-conseils - à l'entreprise
privée le soin d'aménager un certain nombre de rivières
à des fins privées, quitte à consentir, à ce
moment-là, l'usufruit du pouvoir électrique pendant une
période de dix ou vingt ans - le temps de l'amortissement - de
manière qu'on développe, on aménage plus rapidement un
certain nombre de nos petites rivières. C'est peut-être le sens,
en fait, de l'intervention du député de Duplessis. Voyez-vous
cela d'un bon oeil?
M. Langlois: Je pense que cela a aidé
énormément Québec Cartier Mining avec le barrage sur la
Hart Jaune et l'Iron Ore aussi a eu son propre pouvoir et l'a encore
d'ailleurs.
M. Perron: ...
M. Langlois: Dans certaines circonstances, je pense que cela
pourrait aider énormément, dans des sites très
éloignés qui ne sont peut-être pas intéressants pour
Hydro-Québec.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Mont-Royal.
M. Ciaccia: M. Langlois, dans votre mémoire, vous avez des
critiques que je considère assez sévères sur les
politiques d'Hydro et sur les politiques du gouvernement et aussi sur l'effet
possible de telles politiques sur les investissements dans le domaine
minier.
M. Bérubé: M. le député de
Mont-Royal, je veux faire juste un commentaire. Vous avez dit "des critiques
sévères
concernant le gouvernement". On a mentionné en long et en large
le cas Québec-Cartier qui s'est produit sous le gouvernement
libéral. Alors, j'accepterais plutôt "des gouvernements."
M. Ciaccia: Si vous vous rappelez l'intervention de M.
Saint-Onge, il a dit qu'à ce moment-là il est intervenu
auprès du premier ministre qui a eu une intervention, si je comprends
bien, qui a semblé régler en partie le problème. Mais les
problèmes soulevés ici contre les pratiques actuelles, je ne
vois, par le mémoire des intervenants ni par leurs réponses, que,
vous, vous les avez réglés. Vous ne les avez pas
réglés et je répète: les critiques contre le
gouvernement. La question à poser n'est pas: Connaissez-vous une
entreprise qu'on a empêché d'exploiter par les politiques ou par
les coûts d'Hydro-Québec ou les politiques du gouvernement? La
question serait plutôt: Comment un gouvernement, par ses politiques,
pourrait-il inciter un plus grand développement? La compagnie qui
n'investit pas au Québec, qui s'en va ailleurs, on ne peut l'inclure
dans les statistiques. On va voir. C'est très concurrentiel, dans votre
domaine, comme dans tous les autres. Les gens ne sont pas obligés de
venir développer ici. Ils peuvent développer ailleurs.
L'exemple que vous nous donnez d'Hydro-Ontario, comme vous l'avez
très bien souligné, ce n'était pas une politique
électorale du gouvernement; c'était une décision de
Ontario Hydro, à la suite, peut-être, des politiques
gouvernementales. Une compagnie va évaluer l'ensemble de la situation et
elle décidera où faire ses investissements.
Il y a deux points particuliers qui me frappent dans votre
mémoire. Premièrement, c'est l'augmentation très
élevée des coûts de l'électricité depuis que
le Parti québécois est au pouvoir, depuis 1978, à la suite
de la décision prise en 1977 pour les augmentations. C'est le premier
point qui me frappe dans votre mémoire. Et les augmentations que nous
avons regardées au tableau, tantôt, franchement, elles sont plus
élevées que je le croyais.
Le deuxième, c'est un autre point que vous soulignez: c'est en ce
sens que les pratiques d'Hydro semblent être plus onéreuses
vis-à-vis du développement régional ou du
développement de ses territoires que l'étaient les politiques des
sociétés privées avant la nationalisation d'Hydro
Québec. Cela me surprend aussi, parce que j'aurais cru qu'une
société d'État, avec des politiques de gouvernement pour
encourager le développement, aurait facilité le
développement minier et le développement économique.
Je suis surpris de voir, dans votre mémoire, que quand
c'était une entreprise privée qui faisait des arrangements avec
vous pour le développement, pour les infrastructures et les arrangements
quant à l'approvisionnement de l'électricité, les termes
étaient beaucoup plus avantageux. J'aurais cru que ça aurait
été l'inverse.
Maintenant, regardons les coûts un instant. Vous nous
présentez un tableau I, en annexe à votre mémoire, et vous
nous donnez le nombre d'employés, de 1975 à 1980, année
par année, et ça se chiffre entre 16,000 et 18,700. Il n'y a pas
tellement de différence, grosso modo, dans le nombre d'employés.
Vous nous donnez le coût total de l'énergie électrique pour
vos entreprises et le coût par employé. Vous faites la division,
vous nous donnez le coût par employé.
Je remarque qu'en 1976 l'augmentation était de 7% du coût.
En 1977, l'augmentation était de 9,3%. M. le Président, si on se
souvient, aux commissions parlementaires qui avaient eu lieu, à ce
moment-là, les augmentations d'Hydro-Québec accordées par
le gouvernement, à la suite des commissions parlementaires,
étaient approximativement de 10% globalement, sujettes à
certaines variations dans les différents secteurs.
M. Langlois: Plus près de 20%.
M. Ciaccia: C'était de 20% avant 1976?
M. Langlois: Oui.
M. Ciaccia: Maintenant, je remarque qu'en 1978 l'augmentation va
de 9,3%, en 1977, à 51%, le coût de
l'électricité.
M. Langlois: Cela peut s'expliquer par les grèves qu'il y
a eu dans les mines de fer, par exemple, qui ont paralysé les mines de
fer. Vous savez que quand on est en grève, je l'explique un peu, on ne
produit plus; on paie la même facture d'électricité mais,
par contre, les jours de travail sont diminués.
Je pense qu'en 1978 on est tombé dans une année de
grèves pour le minerai de fer qui nous ont paralysés pendant
quatre ou cinq mois; donc cela peut s'expliquer par cela. C'est pour cela que
j'ai dit qu'il fallait prendre une moyenne.
M. Ciaccia: Alors cela n'était pas à cause
d'Hydro-Québec?
M. Langlois: Non, pas nécessairement.
M. Ciaccia: C'étaient les conditions de travail?
M. Langlois: Cela peut être d'autres facteurs. Les
grèves coûtent cher, vous savez cela.
M. Ciaccia: Et les autres augmentations de 22% et de 30%, comment
les expliquez-vous?
M. Langlois: Cela devrait correspondre à peu près
aux augmentations normales d'électricité par année. Les
augmentations d'après les références de compagnies
particulières, les gros clients d'Hydro-Québec, sont d'environ
25% par année, et ce, non seulement sur le coût par
employé, mais aussi soit par tonne de minerai ou par kilowattheure.
C'est autour de 25% par année.
M. Ciaccia: Le pourcentage de l'énergie dans votre produit
représente quelle valeur?
M. Langlois: Vous voulez dire en coût de production?
M. Ciaccia: La valeur de votre produit, quel pourcentage va
à l'énergie?
M. Langlois: On dit qu'en 1980 cela équivaut presque
à 5% de la valeur de la production minérale, $100 millions sur $2
milliards. C'est énorme, à mon point de vue.
M. Ciaccia: Vous avez souligné que ça
représentait une augmentation...
M. Langlois: D'environ 28% par employé par
année.
M. Ciaccia: ...plus que le taux d'inflation?
M. Langlois: Plus de deux fois le coût de l'inflation. Il
n'y a pas d'erreur.
M. Ciaccia: Alors, quand le gouvernement essaie de nous assurer
que les augmentations n'excéderont pas le taux d'inflation dans les
tarifs, votre expérience dans les trois dernières années
c'est que cela a excédé...
M. Langlois: Remarquez que ces augmentations ont
été aidées aussi par l'inflation et par l'augmentation du
pétrole et de toute une série de facteurs. On ne le nie pas.
M. Ciaccia: Maintenant, quand vous parlez des coûts
d'infrastructure, est-ce qu'il y a d'autres problèmes qui ne sont pas
seulement limités au coût de l'infrastructure?
M. Langlois: Je pense qu'il y a un problème qu'on n'a pas
souligné et qu'on devrait peut-être souligner, ce sont les
énormes délais que cela nous occasionne. Selbaie a
commencé à négocier avec Hydro-Québec en 1975 et
ils ne sont pas au bout de leur terme. Cela va aller en 1984-1985 avant que la
ligne soit construite. C'est énorme comme délai. Ce sont tous des
chiffres qui sont très importants dans les études de
faisabilité et il faut attendre de les avoir.
M. Ciaccia: C'est justement.
M. Langlois: C'est évident que, si on se rend aux
conditions d'Hydro-Québec, cela va aller bien plus rapidement. Mais il
faut tout de même discuter quand on a des investissements comme cela.
M. Ciaccia: C'est justement à cela que j'en venais, parce
qu'il y avait des représentations qui avaient été faites
auprès de nous disant que les délais, même si on met
à part les coûts d'infrastructure, étaient un peu trop
prolongés pour obtenir ces services. La position prise par ces
représentants, spécialement la compagnie que vous venez de
mentionner, Selbaie, était à l'effet que, durant tout ce
temps-là, ils étaient obligés d'utiliser d'autres sources
d'énergie comme le pétrole à des coûts beaucoup plus
élevés. Ils auraient espéré qu'Hydro-Québec
puisse leur fournir ces services dans un délai plus rapproché.
(21 h 15)
Sur les sujets que vous venez de mentionner, la question des
délais, la question des coûts d'infrastructures, est-ce que vous
avez fait des représentations auprès du gouvernement pour obtenir
un soulagement?
M. Langlois: On l'a mentionné dans certains de nos
mémoires, mais on n'a jamais fait de représentations
spécifiques. C'est pour cela qu'on tenait à l'invitation du
ministre de l'Énergie et des Ressources de présenter ce
mémoire à la commission parlementaire, de façon que ces
informations soient connues. Je pense qu'il y a très peu de personnes au
Québec, sauf celles qui sont spécialisées dans les mines,
qui connaissent ces faits, qui savent, par exemple, que les mines paient
absolument tous les investissements au sujet des infrastructures et ne
bénéficient aucunement de traitement de faveur à cause de
cela. Ces choses doivent être connues du public et c'est une des raisons
pour lesquelles on a présenté ce mémoire.
M. Ciaccia: Vous mentionnez - une dernière question, M. le
Président - le coût élevé de
l'électricité, les augmentations assez élevées.
Lors des dernières augmentations autorisées par le gouvernement
en 1978, la position que nous avions prise était qu'il aurait dû y
avoir des auditions publiques pour entendre ceux qui seraient principalement
affectés: non seulement les consommateurs du secteur résidentiel,
mais
aussi les gros consommateurs comme ceux de l'industrie minière.
D'ailleurs, je crois que c'est la pratique en Ontario, il y a une régie
de l'énergie avec un certain mandat et, quand les augmentations sont
demandées par Hydro-Ontario, je sais qu'il y a des représentants
de votre industrie qui vont faire certaines représentations quant aux
coûts d'exploitation et aux augmentations.
Croyez-vous que ce serait une bonne pratique ici? Je ne parle pas
nécessairement d'une régie de l'énergie, mais d'un
mécanisme qui pourrait aider votre industrie avant que le gouvernement
n'autorise une augmentation de tarifs comme il l'a fait en 1978. En 1978, il
l'a fait pour trois années d'affilée et nous avions deux jours
pour en discuter en commission parlementaire, ce n'était pas trop long.
Croyez-vous que cela pourrait aider votre industrie d'avoir un
mécanisme, que ce soit une régie de l'énergie ou un autre
mécanisme - oublions le nom pour le moment - devant lequel vous pourriez
comparaître et faire vos représentations concernant les effets
d'une telle augmentation sur votre industrie particulière?
M. Langlois: Définitivement, je pense que ce serait
très important pour l'industrie minière, entre autres, et pour
d'autres secteurs industriels de faire des représentations dans ce sens
non seulement pour essayer de faire pression auprès du gouvernement pour
qu'il soit plus modeste quant à l'augmentation, mais aussi pour faire
connaître au gouvernement et à Hydro-Québec l'impact que
ces augmentations peuvent avoir.
M. Ciaccia: Je pense que l'aspect le plus important, c'est que ce
soit connu publiquement, l'impact sur votre industrie.
M. Langlois: C'est cela, sur notre industrie.
Le Président (M. Jolivet): Merci. M. le ministre, en
terminant s'il vous plaît.
M. Bérubé: Oui, cela va être très
rapide, M. le Président, d'autant plus que mon collègue de
Duplessis a posé un certain nombre de questions. D'abord, une
réflexion que je ferai à l'endroit du député de
Mont-Royal. Il n'est pas sans savoir que les tarifs d'Hydro-Québec sont
fixés de manière à maintenir un niveau d'autofinancement
acceptable par les financiers des programmes d'investissements
d'Hydro-Québec et que, compte tenu de certains décisions
libérales dans les années 1971, 1972 d'investir dans la Baie
James, il s'est avéré que le niveau des investissements dans les
années 1976, 1977, 1978, etc., a été beaucoup plus
important que dans les années passées. Pour maintenir ce taux
d'autofinancement permettant de bénéficier de cotes et, donc, de
taux d'intérêt pour les emprunts qui soient favorables à
Hydro-Québec, il y a eu nécessité d'imposer une hausse des
tarifs. C'était la conséquence de certaines décisions
libérales d'autrefois, décisions, évidemment, que vous ne
reniez pas puisque vous les louez tant et tant. Par conséquent, je suis
convaincu que vous acceptez les hausses de tarifs conséquentes.
Cependant, évidemment, étant en campagne
électorale, ça paraît bien de prendre un certain nombre de
décisions qui conduisent à des hausses de tarifs et, après
cela, de se réfugier derrière l'Opposition pour dire que,
évidemment, on n'est pas responsable des hausses de tarifs en
question.
Ce dont j'aimerais parler maintenant, c'est essentiellement du
mécanisme de négociations que vous aimeriez voir instaurer avec
Hydro-Québec, parce qu'il reste que c'est inévitable,
Hydro-Québec est un monopole et toute nouvelle mine qui veut entrer en
production doit négocier avec Hydro-Québec, non pas ses tarifs de
grande puissance parce que, fort heureusement, depuis que le gouvernement est
là, on a maintenant des règles plus générales
concernant les tarifs grande puissance plutôt que d'avoir des
règlements carrément politiques comme ceux que l'ancien
gouvernement avait pris l'habitude d'instaurer et nous avons donc un standard
un peu plus uniforme pour l'ensemble des citoyens dans un esprit
d'équité la plus totale, comme vous le savez.
Toutefois se pose encore la question des négociations en ce qui a
trait aux lignes de transmission, à toute l'infrastructure
nécessaire. Comment verriez-rvous cette négociation? Est-ce que
c'est possible d'avoir des règles générales, universelles,
premièrement? Deuxièmement, est-ce que cela veut dire que, quand
une entreprise n'arrive pas à s'entendre avec Hydro-Québec, elle
appelle le cabinet du ministre? Quelle est la formule que vous
privilégiez?
Le Président (M. Jolivet): M. Langlois.
M. Langlois: Je n'étais peut-être pas très
prêt à répondre à une question comme
celle-là, mais, puisque le ministre me le demande, j'ai l'habitude de
répondre au ministre. Je ne lui répondrai pas en vers, de toute
façon. Je pense tout simplement que c'est à l'intérieur
d'une politique de l'énergie; il me semble que ce serait raisonnable,
premièrement, que n'importe quel organisme privé, par exemple, ne
pensera jamais de faire payer toutes ses infrastructures par les compagnies qui
utilisent son produit. C'est à lui à faire ça. Il me
semble que c'est assez clair qu'Hydro-Québec doit le faire et le
gouvernement, si
Hydro-Québec ne veut pas le faire, doit forcer
Hydro-Québec à établir des normes, à savoir que
c'est elle qui paie les infrastructures et non pas les utilisateurs. Comme
Hydro-Ontario est en train de le faire dans le moment. Finalement, je ne dis
pas que cela pourrait se faire comme ça. Il y a différentes
formules à adapter. Je vous ai parlé d'Hydro-Ontario. Ce qu'elle
fait, c'est que la compagnie construit la ligne et qu'Hydro-Ontario paie
l'investissement en répartissant la facture d'électricité
sur une certaine période de temps.
Il me semble que ce serait tout simplement normal d'agir comme
ça. Cela pourrait se décider à l'intérieur d'une
politique de l'énergie ou au niveau du gouvernement. Il me semble que ce
sont des méthodes tout simplement normales d'agir avec l'entreprise
privée. Surtout l'entreprise qui est obligée de développer
le territoire. On la surcharge. Parce qu'elle fait l'aménagement du
territoire, on la surcharge, ce que les entreprises autour des villes n'ont pas
besoin de payer. Elles ne paient pas les infrastructures d'Hydro-Québec;
les entreprises qui veulent s'établir autour de Montréal ou de
Québec n'ont pas à payer les infrastructures
d'Hydro-Québec. C'est aussi simple que ça. Je ne sais pas s'il y
en a d'autres dans mon groupe qui voudraient intervenir.
M. Gosselin (Daniel): M. le Président, à
Québec Cartier, il est évident, comme le ministre le soulignait,
qu'à la suite de bien des négociations, on est arrivé
à quelque chose qui est apparu plus raisonnable; sur des investissements
très considérables, les $13,500,000 qu'on a mentionnés
pouvaient s'absorber - et le ministre le sait puisqu'il lit bien tous nos
mémoires sur la fiscalité -avec l'amortissement au niveau de
l'impôt sur le revenu et des droits miniers. Cela minimise un peu,
éventuellement, les coûts de semblables investissements. Par
ailleurs, je pense qu'une formule qui pourrait être très
stimulante, c'est celle que vient de souligner M. Langlois, par laquelle, pour
minimiser les risques d'Hydro-Québec - elle n'a peut-être pas
à prendre les risques comme l'entreprise minière a à les
prendre -de sorte que c'est peut-être une bonne approche, dans la mesure
où ce n'est pas un investissement tout à fait hors de proportion
que celui ou la compagnie minière investirait le montant, quitte
à avoir immédiatement un rabais absolument complet sur sa facture
d'électricité, ce qui serait un stimulant extraordinaire pour le
développement et la mise en marche, les premières années,
d'une nouvelle mine.
M. Bérubé: Je vous remercie, M. le
Président. Je pense que le mémoire qui vient de nous être
soumis, je l'ai trouvé extrêmement intéressant, d'une part.
Également, la dernière suggestion que vient de nous faire M.
Langlois est une réflexion que nous avons prise en considération.
Je pense que l'idée est intéressante. Je pense qu'elle
mérite d'être fouillée. Je vous remercie infiniment de
votre mémoire très intéressant.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Mont-Royal, en terminant.
M. Ciaccia: Je veux remercier l'Association des mines de
métaux du Québec. Je ne voudrais pas laisser passer sans
commentaire l'explication que le ministre a donnée sur les augmentations
de tarifs, en disant que c'était à la suite des politiques du
gouvernement libéral. Je voudrais simplement lui rappeler qu'en 1976, le
montant qu'Hydro-Québec avait emprunté était de
$1,700,000,000. C'était connu avant la commission parlementaire. Les
emprunts d'Hydro-Québec, je crois, ont subi une légère
baisse après 1976 et ils ont augmenté pour arriver à $2
milliards, en 1979 ou en 1980. Ces emprunts de $1,700,000,000 n'ont pas
nécessité le genre d'augmentation que le Parti
québécois a autorisée. Je veux vous référer
à la commission parlementaire de 1978 où nous avons
démontré que certaines politiques du gouvernement étaient
responsables de coûts additionnels dans la politique d'emprunt
d'Hydro-Québec et cela peut peut-être expliquer, en plus des
autres politiques du gouvernement, les augmentations très
accélérées qu'Hydro-Québec a été
obligée de demander après 1976. Alors, l'explication que vous
avez donnée n'est pas non contestée.
Le Président (M. Jolivet): M. Bélanger, en
terminant, s'il vous plaît.
M. Bélanger (Jean-Claude): Le ministre
Bérubé a mentionné, au début, des projets qui
avaient avorté à cause de la politique d'Hydro-Québec.
L'année passée, la mine Phelps Dodge, comme M. Langlois a
parlé, dans le bout de Matagami, si on n'avait pas eu de ligne d'Hydro
à payer, probablement qu'elle serait en fonction présentement.
Aujourd'hui, c'est encore marginal dans le sens qu'avec les coûts de
ligne, je ne sais pas, peut-être $500,000, $600,000, tout de suite en
partant, cela rend le projet marginal.
Le Président (M. Jolivet): Merci, messieurs. Au nom des
membres de cette commission, je vous remercie de votre déposition.
M. Bérubé: M. le Président, seulement une
remarque, en passant.
Le Président (M. Jolivet): Oui, M. le ministre.
M. Bérubé: Si, effectivement, certaines compagnies
minières ont des problèmes dans leurs négociations avec
Hydro, j'espère qu'elles n'hésiteront pas, étant
donné que nous n'avons pas de meilleur mécanisme que celui que
vous nous avez indiqué antérieurement, à venir me
rencontrer, de manière qu'on puisse s'asseoir avec les gens
d'Hydro-Québec pour voir ce qui paraît le plus juste et le plus
raisonnable.
Le Président (M. Jolivet): Merci.
M. Langlois: Nous avons toujours été heureux de le
faire, M. le ministre.
Ligue des droits et libertés
Le Président (M. Jolivet): J'invite donc la Ligue des
droits et libertés, représentée par Mme Linda Collier et
Jean-René Proulx, à venir faire sa déposition. Le no 14M.
Est-ce M. Proulx ou Mme Collier qui fait la lecture?
M. Proulx (Jean-René): Je vous demande d'abord de nous
excuser de l'erreur qui semble s'être glissée quant au
dépôt simplement de notre mémoire et non pas à sa
présentation.
Le Président (M. Jolivet): Cela a été
corrigé.
M. Proulx (Jean-René): J'aimerais, avant de commencer,
préciser quelque chose. Mme Linda Collier et moi sommes membres de la
Ligue des droits et libertés; nous sommes plus particulièrement
membres du comité d'appui aux nations autochtones de la ligue. Le
mémoire qu'on soumet ce soir est présenté non seulement au
nom du comité, mais aussi au nom de la ligue. Il est important de
mentionner qu'on ne veut pas se poser en tant que porte-parole des nations
autochtones, mais plutôt en tant que Québécois
concernés par les relations qu'entretiennent notre gouvernement et ces
nations. C'est donc dans cette perspective que notre mémoire a
été fait. Nous allons en diviser la lecture entre nous deux.
Il y a quelques semaines, nous recevions des documents
d'Hydro-Québec nous faisant part qu'il se tiendrait une commission
parlementaire sur l'énergie à la fin de février. En tant
que groupe d'appui aux nations autochtones de la Ligue des droits et
libertés, les nations autochtones se trouvant directement visées
par plusieurs des installations dont veut se prémunir
Hydro-Québec dans son plan d'investissement de $55,5 milliards, nous
sommes intéressés à faire connaître notre point de
vue et nous vous remercions de nous avoir invités à participer
à cette commission parlementaire.
Cependant, nous sommes solidaires de la position prise par le front
commun pour un débat public sur l'énergie et nous
considérons qu'une commission parlementaire ne peut raisonnablement
vider la question énergétique au Québec. Tous les
Québécois ne peuvent pas se permettre d'écrire un
mémoire en cent copies et quitter leurs occupations pour venir à
Québec présenter leurs doléances devant vous. Un
véritable débat public verrait à l'information, à
la sensibilisation et à la participation de tous les
Québécois et de toutes les nations impliquées par les
projets d'Hydro-Québec et se ferait un devoir d'aller consulter partout
au niveau local. (21 h 30)
Nous sommes conscients que plusieurs groupes remettent en cause cette
façon d'envisager l'avenir énergétique du Québec
qui nous voue à la croissance électrique exponentielle, à
l'endettement exponentiel, si ce ne sont pas les coûts aux consommateurs
d'électricité et aux contribuables québécois qui
auront à s'accroître de façon logarithmique dans peu de
temps.
Nous sommes également conscients qu'on aurait pu nous proposer,
de prime abord, des stratégies, des scénarios différents
de celui proposé par Hydro-Québec et qui feraient appel à
des programmes beaucoup plus vigoureux de conservation de l'énergie et
d'implantation de sources moins dispendieuses et moins centralisées
d'approvisionnement en énergie pour les Québécois.
Nous sommes donc conscients qu'en plus de menacer les modes de vie et la
façon dont les nations autochtones entendent développer leurs
territoires ces projets d'investissements sont loin de constituer, de prime
abord, une priorité pour les citoyens du Québec.
Mais notre propos se rapporte d'abord à notre souci, en tant que
Québécois, de voir nos concitoyens rétablir des relations
de justice avec les différentes nations qui nous entourent.
En tant qu'êtres humains, nous ne croyons pas que la taille d'une
nation, son mode de vie ou son niveau de technicité puissent la faire
considérer comme inférieure ou supérieure, puissent
permettre de faire considérer ses intérêts comme
étant plus ou moins importants que ceux d'autres nations. Surtout
lorsque les intérêts de la nation majoritaire semblent se
confondre avec ceux de corporations publiques ou privées, qu'on peut
soupçonner de souvent faire passer leur prestige et leurs rêves de
grandeur avant le bien-être de leurs administrés et clients.
Mais reportons-nous aux projets qui doivent continuer d'affecter le
territoire désigné sous l'appellation de territoire de la
Baie James. En 1970, la loi 50 délimitait un territoire dont la
Société de développement de la Baie James se voyait
accorder la juridiction du développement intégré des
ressources. Ce territoire s'étend jusqu'au 55e parallèle au
Nouveau-Québec.
Aujourd'hui, avec le plan d'investissement d'Hydro-Québec pour
les années quatre-vingt, le gouvernement du Québec franchit un
autre pas important dans le développement des ressources du Nord
québécois. Bientôt, Hydro-Québec amorcera la mise en
valeur des terres adjacentes à la baie d'Hudson et ceci en
commençant l'aménagement des Petite et Grande rivières de
la Baleine. Cette région est demeurée jusqu'à maintenant
à l'écart de tout développement industriel.
Ce projet hydroélectrique aura un impact important autant sur les
nations autochtones que sur l'environnement biophysique. De plus, en rendant
accessible ce territoire, ce projet favorisera le développement de
l'ensemble des ressources. Les populations autochtones ne sont informées
que de l'aménagement des rivières et non de l'impact global
qu'entraînera ce développement.
Le projet d'Hydro-Québec, au nord du 55e parallèle, doit
donc s'intégrer à une approche plus globale du
développement de cette région, sinon nous revenons aux
années de développement anarchique des ressources avec tout les
problèmes que cela entraîne. De plus, l'ouverture des territoires,
au-delà du 55e parallèle, dépasse le mandat qu'a
reçu Hydro-Québec du gouvernement.
Aussi, en plus d'appuyer le débat public sur l'énergie mis
de l'avant par le front commun pour un débat public sur
l'énergie, le comité d'appui aux nations autochtones met en
évidence le cas particulier du développement des Petite et Grande
rivières de la Baleine. Notre organisme soulève la
nécessité d'informer les nations autochtones et l'ensemble des
Québécois des implications de ce développement au nord du
55e parallèle. Il insiste sur le fait qu'aucun plan de
développement intégré n'a été
présenté à la population du Québec et qu'un tel
plan doit prioritairement avoir l'accord des nations autochtones occupant ce
territoire.
Mme Collier (Linda): Pourtant, la question primordiale que nous
voulons soulever touche au fait qu'Hydro-Québec, dans ses projets de
développement, ignore de façon globale et
délibérée les droits des nations autochtones du
Québec.
Hors de toute doute, nous savons tous que les nations indiennes
occupaient et utilisaient tous les territoires que nous appelons maintenant
Québec bien avant l'arrivée des Européens.
L'archéologie nous confirme leur présence depuis des
millénaires. Elles ont toujours vécu en tant que nations
souveraines sur leurs divers territoires et, en tant que tel, il est
impératif de leur reconnaître des droits aborigènes. De
fait, une série de jugements dans les cours non indiennes reconnaissent
ces droits, à l'instar du droit international. À partir du juge
Marshall, aux États-Unis, jusqu'aux énoncés du juge Malouf
et du juge Berger, nous constations la reconnaissance juridique du droit
territorial des nations autochtones.
De façon encore plus précise, les droits territoriaux des
populations indiennes ont été tout particulièrement
reconnus dans différents documents juridiques historiques. Même si
nous n'entendons pas développer cette question dans tous les
détails, nous tenons quand même à remémorer certains
documents juridiques, toujours valides, qui énoncent clairement les
droits des populations autochtones du Québec, tels que définis
par les autorités gouvernementales non indiennes elles-mêmes.
D'abord, il y a eu la Proclamation royale de 1763, qui
définissait un territoire, borné au sud par la limite
septentrionale de la province de Québec de l'époque, et
borné au nord par la limite méridionale de la Terre de Rupert.
Ces territoires étaient reconnus comme étant la terre
indienne.
Dans cette proclamation, le roi garantit à tous les Indiens la
possession libre et paisible des territoires qu'ils occupent dans les limites
du territoire octroyé à son gouvernement du Québec.
De plus, la proclamation reconnaît la terre indienne comme
réservée exclusivement à l'usage de ses habitants et
spécifie que "the several nations of tribes of Indians with whom we are
connected, and who live under our protection, should not be molested or
disturbed in the possession of such parts of our dominions and
territories...".
En 1774, par l'Acte du Québec, les bornes de la province sont
élargies. La juridiction du gouvernement de la province s'étendra
donc sur ce nouveau territoire qui englobe le territoire indien, mais n'affecte
en rien les droits indiens qui ont été confirmés par la
proclamation royale puisqu'on y stipule à l'article III: "That nothing
in this Act shall extend, or be construed to extend, to make void, or to way or
alter any right, title, or possession, derived under any grant, conveyance, or
otherwise howsoever, of or to any lands within the said province,...; but that
the same shall remain and be in force and have effect, as if this Act had never
been made."
En 1898, le gouvernement du Canada cède à la province une
partie du territoire indien décrit dans la proclamation royale de 1763
ainsi qu'une partie du territoire de la compagnie de la Baie d'Hudson. Cette
cession est faite sujet aux droits indiens tant en vertu de la proclamation
royale, qu'en
vertu de l'Acte de Rupert qui étaient et qui sont encore des lois
en vigueur, et pour cette raison, il n'était pas nécessaire pour
le gouvernement fédéral de faire une stipulation spéciale
concernant les droits indiens.
En 1912, le gouvernement du Canada transporte par une loi à la
province de Québec ce qui reste de l'ancien territoire de la compagnie
de la Baie d'Hudson et une partie de la terre indienne aux mêmes
conditions que celles stipulées par la compagnie. Cette loi stipule,
entre autres: "That the province of Quebec will recognize the rights of the
Indian inhabitants in the territory above described to the same extent, and
will obtain surrender of such rights in the same manner, as the government of
Canada has heretofore recognized such rights and has obtained surrender
thereof, and the said province shall bear and satisfy all charges and
expenditure in connection with or arising out of such surrenders."
M. Henri Dorion, président de la Commission d'étude sur
l'intégrité du territoire du Québec et les autres
commissaires, dans leur rapport au gouvernement du Québec, en 1971, en
viennent à la conclusion que les Indiens et les Inuits ont des droits
sur des parties du territoire du Québec qui n'ont jamais
été cédées, et que le gouvernement devrait
négocier avec ces nations.
Malgré cela et malgré l'avis de ses conseillers, le
gouvernement du Québec a permis à Hydro-Québec et à
ses filiales de commencer la construction du projet de la Baie James, sans au
préalable négocier avec les nations autochtones auxquelles
appartiennent clairement ces territoires.
Le juge Malouf accorda une injonction au Grand Conseil des Cris,
stoppant le projet. Ceci aurait permis aux cours québécoises et
canadiennes d'avoir le temps de juger de la légalité (en termes
blancs) des agissements d'Hydro-Québec. Pourtant,
Hydro-Québec n'était pas intéressée à
savoir ce que les cours avaient à dire concernant les droits des nations
autochtones sur leurs territoires. Par conséquent, elle fit pression et
fit appel sans tarder. On ne permit donc jamais aux Indiens affectés par
le projet de la Baie James de négocier leurs droits avec le
gouvernement. On les força à signer l'entente, alors que les
travaux continuaient sur leurs territoires. Comment négocier avec un
fusil sur la tempe?
De plus, le gouvernement du Québec ne s'est résolu
qu'à une entente où loin de reconnaître les droits des
nations autochtones, il les éteignait, selon lui, de façon
définitive. Il ressort de cette comédie qu'un tiers des Inuits du
Québec refusent d'être considérés comme signataires
de l'entente de la Baie James. Ils exigent la reconnaissance de leurs droits,
pas leur extinction. Leur refus de se plier à la vente de leurs droits
aborigènes a engendré un tas de déboires pour leurs
communautés: manque de services scolaires et de services sociaux, par
exemple. Leur lutte continue, et on sait déjà qu'ils ont
l'intention de se rendre en cour pour cette question.
L'entente de la Baie James a également dépouillé
d'autres nations de leurs droits. Des Inuits habitant des parties avoisinantes
des Territoires du Nord-Ouest ont traditionnellement utilisé des
territoires compris dans l'entente de la Baie James, mais n'eurent aucune part
aux pseudonégociations qui aboutirent à l'extinction de leurs
droits. Certains Montagnais, également, se virent enlever leurs
territoires de chasse et de trappe traditionnels par cette entente à
laquelle ils n'ont pas participé.
Tout ceci constitue une triste et ironique histoire, alors que tous les
partis du Québec s'entendent sur la nécessité de
préserver l'intégrité territoriale de la province. Une
communauté sensible à la nécessité de
préserver ses droits à contrôler sa destinée propre
devrait faire preuve de plus de conscience, au niveau gouvernemental, envers
d'autres communautés plus anciennes qui réclament le respect des
mêmes droits.
M. Proulx (Jean-René): Dans le projet
d'Hydro-Québec, nous constatons l'intention de construire des
installations au complexe de la Grande Baleine et on doit y aménager des
canaux de dérivation à l'embouchure de la Grande rivière
de la Baleine qui, de façon illégitime et illégale,
portent atteinte à une partie des terres des populations inuites des
Territoires du Nord-Ouest, sur lesquelles Hydro-Québec ne peut, d'aucune
façon, prétendre avoir juridiction.
Nous constatons, dans le même projet, qu'Hydro-Québec
entend réaménager des rivières et des territoires
clairement reconnus comme appartenant aux Montagnais et aux
Atticamègues. Le Conseil des Atticamègues-Montagnais a clairement
fait connaître sa position, il y a quelque temps. Tous les documents
légaux au Québec et au Canada confirment leur opinion que ces
territoires leur appartiennent.
Le Conseil des Atticamègues-Montagnais est prêt à
négocier une entente sur cette question et, jusqu'à ce qu'une
telle entente soit signée, ils refusent tout nouveau
développement industriel sur leurs terres qui, de toute façon,
n'ont jamais été cédées. Ici. Il faudrait ajouter
le cas des Algonquins et des Atticamègues qui ont sur leurs territoires
des lignes de transmission provenant de la Baie-James.
Comment pouvons-nous prétendre nous respecter comme peuple et
comme individus, si nous permettons Hydro-Québec de planifier des
projets qu'elle entend construire sur des terres qui font l'objet de
négociations? Le
gouvernement a le devoir de respecter les droits de ses citoyens et des
citoyens des nations qui sont voisines du Québec; il a l'obligation de
se conformer à ses propres lois. Il ne doit pas être permis de
construire des barrages sur les territoires des Montagnais et des
Atticamègues, tant que le gouvernement n'a pas conclu une entente
satisfaisante pour ces populations. Le gouvernement doit mener ces
négociations non dans le but d'éteindre, mais dans le but de
reconnaître les droits des nations indiennes.
D'ailleurs, la Commission des droits de la personne du Québec,
elle-même, a fortement contesté la façon dont le
Québec et les agences énergétiques
québécoises ont mené les négociations et en sont
venus à une entente avec le Grand conseil des Cris et la Northern Quebec
Inuit Association. Elle se prononçait en ces termes: "La commission ne
saurait accepter la procédure traditionnelle au Canada qui pose comme
principe préalable obligatoire à toute négociation
l'extinction des droits territoriaux des autochtones. Il faut réviser
systématiquement les principes et les modes de négociation avec
les autochtones, notamment en matière des droits territoriaux et pour y
bannir, en particulier, le principe de l'extinction de ces droits comme
préalable obligatoire à toute négociation. La Convention
de la Baie James ne doit pas devenir un modèle de
négociation."
Quant au projet Archipel, qui est mentionné mais qui ne fait pas
partie intégrante du plan comme tel dans le document "Stratégie
pour les années 80" et que semble favoriser le gouvernement
québécois actuel, nous endossons sans réserve la position
unanime des Mohawks de Kahnawake (Caughnawaga) qui s'opposent à ce que
l'on touche aux rapides de Lachine qui se trouvent au niveau du territoire
Mohawk. À l'origine, le territoire Ganienkeh, c'est-à-dire le
territoire Mohawk, était de 9,500,000 acres, s'étendant de la
vallée du fleuve Saint-Laurent jusqu'à la vallée de la
rivière Mohawk dans l'État de New York, les montagnes Vertes du
Vermont jusqu'aux Adirondacks. La nation Ganienkeh a dû s'installer dans
les territoires limités, dont celui de Kaknawake qui, à
l'origine, était de 47,000 acres. Ce territoire était
grugé peu à peu et plusieurs projets de développement
(ponts, autoroutes, voie maritime, carrières, lignes
d'Hydro-Québec, etc.) ont causé des dégâts
considérables aux territoires et à la qualité de
l'environnement. Les 12,000 acres qui restent, à l'heure actuelle, ne
sont pas suffisants pour constituer une base économique pour les 5,000
personnes et plus qui y demeurent. En toute justice, il serait donc temps que
l'on songe à leur redonner des territoires suffisants pour leur assurer
une base économique, au lieu d'essayer d'encore toucher et de
détériorer ce qui leur reste de patrimoine.
De plus, le fleuve Saint-Laurent et la région montréalaise
ont déjà été suffisamment dégradés et
"artificialisés" et les rapides de Lachine, au niveau de Kahnawake,
constituent un des seuls sites ayant pu conserver un certain cachet naturel
dans la région, ayant un effet bénéfique pour la
régénération du fleuve. La population a un besoin
croissant de reprendre contact avec son environnement naturel. Par
conséquent, nous demandons que le territoire concerné soit
déclaré arrondissement naturel.
Le respect des nations indiennes se trouve donc, de toutes parts,
menacé par les projets d'investissements d'Hydro-Québec. D'autant
plus que le passé est loin de constituer une preuve de l'inclinaison des
dirigeants québécois à tenir outre mesure de leurs
obligations internationales envers les peuples autochtones qui constituent la
base et l'héritage humain de l'Amérique du Nord. (21 h 45)
Inutile de souligner à quel point nous considérons
insuffisante cette commission parlementaire pour vraiment rendre justice
à toutes les parties menacées par cette stratégie des
années quatre-vingt, qui constitue la présentation du plus grand
coup de rouleau compresseur à être envisagé sur le
territoire que l'on appelle Québec.
Nous nous opposons donc avec vigueur à cette opinion
exprimée par le ministre de l'Énergie et des Ressources, M. Yves
Bérubé - cela semble avoir changé - qui considère
que la commission parlementaire constitue le meilleur moyen d'exercer la
démocratie des citoyens du Québec. Nous avons tous en
mémoire la commission d'enquête Berger sur le projet de
développement d'un pipeline dans la vallée du fleuve Mackenzie.
Nous nous souvenons des séjours que le juge Berger avait
effectués au Nord, au Sud et dans toutes les parties du Canada, et
même ici au Québec. Nous nous souvenons de l'invitation qui nous
avait été faite alors, plusieurs mois à l'avance, de
présenter un mémoire à Montréal même devant
le juge Berger lui-même. Nous nous souvenons du temps et du
sérieux considérables qu'il avait mis à vraiment
consulter, peser le pour et le contre et préparer un rapport d'une
grande sagesse et d'un grand respect pour les nations indiennes des Territoires
du Nord-Ouest, et ceci, pour un projet de pipeline de l'ordre de $6 milliards
seulement. Nous n'en attendons pas moins du gouvernement du Québec. Bien
au contraire!
Le Président (M. Jolivet): Merci. M. le ministre.
M. Bérubé: Deux questions, M. le
Président.
C'est indéniable que le mémoire qui
vient de nous être soumis est un mémoire qui soulève
des questions qui, sur le plan humain, sont extrêmement délicates.
J'aimerais poser un certain nombre de questions qui nous permettraient
peut-être de mieux comprendre le point de vue des intervenants.
D'une part, vous présentez et vous défendez avec chaleur
les droits des autochtones. J'aimerais savoir, si dans votre esprit, les
Québécois ont également des droits sur le territoire?
M. Proulx (Jean-Marie): Certainement, oui, pour autant qu'ils
n'affectent pas les droits des autochtones, pour autant que ces deux genres de
droits peuvent être conciliés de façon harmonieuse,
oui.
M. Bérubé: Qui décide de
l'harmonisation?
M. Proulx (Jean-Marie): Je pense que les deux doivent
décider - c'est une opinion un peu personnelle que j'émets - dans
des négociations, dans des pourparlers qui ne sont pas empreints de
pressions telles que l'aménagement des territoires qui s'effectue lors
de ces négociations.
M. Bérubé: Et si une partie décide qu'elle
n'est pas satisfaite par le règlement, qui décide?
M. Proulx (Jean-Marie): Pour nous, prioritairement, ce seraient
les nations indiennes qui décideraient.
M. Bérubé: Donc, nous n'avons pas strictement de
droits. Les droits primitifs sont les droits des autochtones?
M. Proulx (Jean-Marie): Si l'on se réfère au
document que l'on cite dans le mémoire, il nous semble, après
étude, que la situation juridique des autochtones sur le sol que l'on
dit québécois peut être plus solide que celle du
gouvernement actuel ou du gouvernement du Québec.
M. Bérubé: Lorsque l'on examine les droits des
autochtones, d'ailleurs, vous les avez exposés, à un moment
donné - je pense que c'est madame, dans un anglais absolument parfait -
qui nous les a lus, on lit: "That the Province of Québec will recognize
the rights of the Indian inhabitants in the territory above described to the
same extent, and will obtain surrender of such rights in the same manner, as
the Government of Canada has heretofore recognized such rights and has obtained
surrender thereof..." Lorsque l'on étudie la façon
utilisée par le gouvernement canadien pour remettre ces droits aux
autochtones, on est surpris par l'ampleur du silence.
Lorsqu'on essaie d'étudier la nature exacte des droits des
autochtones, on est également surpris par la faiblesse des
détails, ce qui rend extrêmement difficile une négociation
puisque, lorsque vous avez un titre légal, un titre de
propriété clair, il est facile de l'utiliser en cour pour obtenir
justice. Toutefois, une des difficultés que l'on retrouve, lorsque l'on
négocie ces problèmes de droit, c'est que les droits des
autochtones sont des droits un peu vagues, des droits du premier occupant.
Comment peut-on, à ce moment-là, négocier, selon ce que
vous nous proposez, avec les autochtones une sorte d'entente alors que
n'importe quel autochtone qui naîtra demain se sentira totalement non
lié, puisqu'il n'y a pas d'entité légale
Atticamèques-Montagnais définie dans la loi, définie de
manière qu'on puisse lui attribuer des droits plus spécifiques,
ce qui veut donc dire qu'aucune entente avec les autochtones ne saurait tenir,
si un seul autochtone se lève et la conteste, puisque, à ce
moment-là, il peut toujours invoquer ceci: Si les droits que vous venez
de reconnaître sont effectivement les droits des autochtones, comme je
suis un autochtone en pleine possession de ses droits et que je refuse à
une majorité des miens d'aliéner quelque droit que ce soit, je
conteste le contrat qui vient d'être signé. Est-ce que ce contrat
n'est pas, à ce moment-là, nul et non avenu?
Le Président (M. Jolivet): Mme Collier.
Mme Collier: D'abord, il me semble que c'est un peu fausser le
débat de dire, comme à la question précédente
à laquelle mon collègue a répondu, comment on va juger
entre les deux droits, les droits des autochtones et les droits des
Québécois parce que, si on regarde, par exemple, ce qui a
été fait dans le rapport Berger, on voit très bien qu'il
n'y a pas un groupe d'Indiens ou d'Inuits en ce moment qui dit: Vous ne
viendrez jamais sur mon territoire. Vous savez très bien que ce qu'ils
réclament, ce n'est pas le droit de dire: Le territoire va toujours
demeurer tel quel, mais ils veulent être partie de ce qui va arriver sur
leur territoire. Ils veulent un droit de gérance sur leur propre
territoire. Ils n'ont jamais dit: Vous n'y ferez jamais rien; ils ont dit:
C'est très important qu'on soit impliqués, et à la
façon dont nous voulons l'être. On ne veut pas que quelque chose
nous soit imposé.
Par exemple, vous avez parlé des droits aborigènes qui
sont très vagues. Vous avez dit qu'on ne trouve pas des lois distinctes,
mais vous cherchez encore dans les lois des sociétés
colonisées dominantes. Encore là, il me semble qu'il faut avoir
un certain respect pour les indigènes. C'est clair, depuis le jugement
Marshall aux États-Unis jusqu'au rapport Berger, des gens ont dit: Les
droits aborigènes, c'est tel, tel et tel. À partir de
ce moment, vous négociez de bonne foi avec les autochtones qui
veulent le plus négocier. Vous êtes supposément en
négociation avec le Conseil Atticamèques-Montagnais. Ils disent:
C'est très bien, on va négocier et vous allez développer
le territoire, mais pas avant que nous ayons dit notre mot
là-dessus.
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.
M. Bérubé: Je pense qu'il n'y a aucune
difficulté quand on parle de négociations, comme vous dites, de
bonne foi. La difficulté se pose lorsqu'il y a signature d'un contrat
qui lie les parties parce que, à un moment donné, une
négociation doit mener à un contrat qui lie les parties. Si on se
fie à votre mémoire, il n'y a pas extinction des droits. Cela
permet alors à toute personne qui n'a pas été partie au
contrat en tant qu'individu de contester le contrat qui a été
signé en son nom et, effectivement, légalement, on voit mal
comment on pourrait contester la prétention de la personne en question.
Donc, le contrat n'a plus aucune validité. Je vous pose la question:
Comment conciliez-vous ce problème avec, à un moment
donné, l'obligation de s'asseoir et de négocier une entente avec
quelqu'un pour dire: On va faire telle chose dans telles et telles conditions?
Comment pouvez-vous signer le moindre contrat si la seule partie liée,
c'est vous?
En d'autres termes, je veux bien négocier un contrat avec qui que
ce soit à une condition, c'est qu'après la signature du contrat,
les deux parties soient liées. Si on me dit, après avoir
signé un contrat, que n'importe qui peut se lever et contester les
termes du contrat et que je n'ai absolument aucun moyen pour me
défendre, à ce moment-là, je suis le seul à me
lier. Comment conciliez-vous ce problème avec les objectifs que vous
poursuivez et qui sont, d'autre part, complètement louables?
Le Président (M. Jolivet): M. Proulx.
M. Proulx (Jean-René): C'est encore la question d'avoir
une entité légale ou un interlocuteur légal
vis-à-vis de soi. Je vais me référer encore au rapport
Berger qui est présentement, malheureusement, un des seuls exemples
facilement connaissables où la population dénée - parce
que c'est la population dénée que ce rapport concernait -a fait
une large unanimité quant à ses désirs par rapport au
projet de pipeline qui était projeté dans son territoire. Si les
Dénés, lors de consultations qui ont été, à
mon avis, très bien menées par le juge Berger et son
équipe qui a pris le temps d'aller non seulement dans les grands centres
régionaux, mais aussi dans les communautés et d'écouter
les gens, ont réussi à faire l'unanimité pour une
enquête qui, en quelque sorte, hypothéquait leur avenir, je pense
qu'il est fort possible que des gens, que ce soit des Dénés, des
Montagnais, des Atticamègues ou Algonquins, puissent, ici au
Québec, en arriver à un même consensus, à une
même unanimité vis-à-vis d'un règlement de relations
entre notre gouvernement et leur gouvernement futur à eux. Quant
à l'entité juridique, je comprends que dans notre système
de droit, il faut avoir une incorporation pour pouvoir bien traiter avec le
gouvernement. Mais vous comprendrez que les nations autochtones au
Québec n'ont jamais eu de tels droits privés et publics et que je
pense qu'on doit se fier, pour aboutir à un règlement final,
à une bonne menée des négociations. C'est là
prendre le temps vraiment de s'asseoir avec les qens non seulement ici à
Québec, mais aussi dans leurs communautés et je pense que c'est
là la meilleure façon d'en arriver à un règlement
valable.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Mont-Royal. Excusez-moi, M. le ministre. Vous n'aviez pas terminé. Je
pensais que vous aviez terminé.
M. Bérubé: Merci, M. le Président.
Simplement pour souligner, en fait, qu'il y a peut-être des
problèmes auxquels je n'aurai pas plus de réponse que beaucoup de
mes concitoyens. Je me pose des questions, mais je n'ai pas moi non plus les
réponses. C'est pour cela que j'essayais de vous pousser un petit peu au
bout de vos retranchements pour voir si vous n'auriez pas une idée
lumineuse qui permettrait d'éclairer notre lanterne. Il y a quand
même un élément qui m'apparaît fondamental, c'est la
partie concernant le débat public et je peux vous dire que je suis
parfaitement d'accord. Je pense qu'il y a une formule de débat public
qu'il m'apparaîtrait possible d'imaginer. Par exemple, autour d'une
régie de l'énergie qui pourrait, à ce moment, se
constituer en tribunal itinérant et prendre le pouls de l'ensemble de
l'opinion publique québécoise, surtout si on prend soin d'aider
les principaux groupements québécois intéressés
à témoigner sur la question, si on peut les aider
financièrement à bâtir, étayer des dossiers de
manière qu'ils puissent, face au lobby de l'énergie, arriver avec
une argumentation qui soit en mesure de faire le poids. Là-dessus, je
suis absolument d'accord, d'ailleurs, avec les demandes
répétées concernant un débat public. Ma seule
interrogation portait sur une sorte de structure qui permette un débat
public vraiment fructueux.
Je pense qu'avec les nombreuses suggestions qui ont été
faites ici à cette commission depuis le début, il y a moyen
d'imaginer un débat public qui nous permette véritablement
d'avancer dans ces questions des choix énergétiques pour le
Québec. Je suis entièrement d'accord. Sauf que je n'étais
pas non plus en désaccord avec l'autre partie concernant les
autochtones, mais j'essayais de trouver des réponses à des
questions que je me pose, auxquelles je n'ai malheureusement pas encore pu
trouver de réponse. J'ai l'impression que c'est assez complexe cette
question de toute façon.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Mont-Royal.
M. Ciaccia: Merci, M. le Président. M Proulx, j'ai
noté votre remarque au début de votre intervention à
savoir que vous n'étiez pas un porte-parole des autochtones, mais
plutôt que vous étiez ici comme Québécois. Je dois
vous en féliciter parce qu'il y a beaucoup de Québécois
qui ne s'occupent pas tellement des droits des autochtones au Québec et
je crois que c'est une responsabilité de tous les citoyens. Franchement,
les autochtones ont été assez négligés dans le
passé qu'il est nécessaire que soit les gouvernements, soit
d'autres groupes comme le vôtre portent à notre attention
certaines préoccupations qu'ont ces différents groupes
d'autochtones à travers tout le Québec.
Le ministre, à la suite d'une question ou d'une réponse
que vous lui avez donnée, s'est référé à la
loi de 1912 où on dit que le Québec avait l'obligation d'obtenir
l'extinction des droits de la même façon que le Canada l'avait
obtenue. Ce n'est pas quelque chose de vague. Le Canada a signé des
traités en Ontario, en Alberta, en d'autres endroits du pays. Si nous
devions prendre littéralement la loi de 1912 et dire: Nous allons
obtenir l'extinction des droits des autochtones au Québec de la
même façon que le Canada les a obtenus dans d'autres endroits, si
vous examinez les traités vous allez voir que les autochtones en
Ontario, au traité 3, les autochtones, au traité 7 et au
traité 8, n'ont pas reçu grand-chose des gouvernements de ce
temps-là. Ils ont reçu un peu de farine, quelques "trinkets",
comme on dit en anglais. Ils n'ont pas reçu vraiment ce que vous allez
trouver dans un examen de l'entente de la Baie James. (22 heures)
Si le Québec était limité strictement à son
obligation légale contenue dans la loi de 1912, il n'aurait pas fallu
donner grand-chose aux Indiens. Cela n'aurait pas été juste et le
gouvernement du Québec ne l'a pas fait de cette façon en 1974. La
question de l'obligation est claire: En 1912, le Québec devait obtenir
le "surrender", l'extinction de ces droits. Vous dites: Pourquoi
éteindre les droits? Il y a deux raisons.
Premièrement, c'est une obligation que la loi
fédérale a imposée. Alors, que le Québec le veuille
ou ne le veuille pas, il était obligé d'obtenir l'extinction de
ces droits parce que la loi lui imposait cela pour avoir un titre clair sur ces
territoires.
Deuxièmement, c'est impossible de faire un règlement, quel
que soit le règlement, sans obtenir l'extinction de ces droits parce que
cela voudrait dire qu'aujourd'hui, nous réglons, les parties s'entendent
et, le jour suivant, parce que les droits ne sont pas éteints, quelqu'un
peut reprendre la même injonction qu'en 1971 et arrêter tous les
travaux. Alors, du côté légal comme du côté
pratique, je crois que l'extinction des droits était
nécessaire.
D'ailleurs, ceux qui se plaignent que les droits ont été
éteints et n'auraient pas dû l'être, curieusement, ce ne
sont pas les autochtones dont les droits ont été éteints.
Les Cris ne se plaignent pas, ils ont signé l'entente volontairement;
non seulement ils ont signé l'entente, mais, pour éviter de se
faire dire qu'on a signé seulement avec les chefs alors que la
population indienne n'était pas au courant de ce qui était
contenu dans l'entente, nous avons demandé qu'un vote soit pris dans
toutes les communautés des Cris, dans toutes les communautés des
Inuits et nous avons posé comme condition que c'est au moment seulement
où les réserves et les individus de ces endroits accepteraient
l'entente que le gouvernement la compléterait.
Dans les communautés cries, le vote a été de plus
de 90% en faveur de l'entente. Je vois que vous me regardez un peu comme si
vous ne me croyiez pas. Ce n'est pas le gouvernement qui est allé faire
les pourparlers et les discussions, c'est la Anglican Church of Québec.
C'était une institution acceptée par les Cris parce qu'ils
étaient plutôt anglophones dans ces endroits. Les Inuits
étaient anglophones. Nous avons dit: Très bien, la surveillance
du vote sera faite par les religieux de l'Église anglicane pour nous
assurer de l'objectivité et de la non-ingérence du gouvernement.
Dans les réserves indiennes, il y a eu un résultat de plus de
90%.
Quand vous dites, dans votre document, que certaines communautés
inuites ne l'ont pas acceptée, vous avez raison. Sur 12
communautés inuites, 3 ne l'ont pas acceptée. Il y a eu
Povungnituk, Sugluk et Ivujivik. Mais les autres, 9 communautés l'ont
acceptée. Quel degré de majorité devons-nous demander pour
avoir une entente? Quand vous avez 90% des Cris qui la veulent, quand 9 sur 12
communautés inuites votent oui, c'est pas mal difficile de dire qu'il
n'y a pas eu un consentement pas mal unanime. C'est de cette façon que
l'entente s'est signée. Vous dites qu'ils avaient un fusil sur la tempe,
que c'était un couteau à deux tranchants. C'est vrai, les
travaux continuaient, mais les Cris et les Inuits ont fait appel
à la Cour suprême du Canada et il y avait autant de pression de la
part du gouvernement. C'est une épée de Damoclès, la Cour
suprême. Elle peut décider que l'injonction doit être
maintenue, et ça aurait signifié que tous les travaux
d'Hydro-Québec, non seulement les travaux qui avaient été
arrêtés en 1973, mais tous les travaux additionnels auraient
dû être arrêtés. C'est vrai qu'il y avait des
pressions sur les Indiens et les Inuits, mais je crois qu'il y avait autant de
pressions sur le gouvernement du Québec, par le biais de l'appel
à la Cour suprême, sur des lois, des documents assez clairs de la
part des Indiens.
M. Perron: M. le député de Mont-Royal, puisqu'on
parle des Inuits, le pourcentage du vote chez les Inuits était de
combien, pour?
M. Ciaccia: Pour, plus de 70%, quand on prend en
considération les trois communautés dissidentes, qui ne voulaient
pas l'entente.
M. Perron: D'accord, merci.
M. Ciaccia: C'est sur ces points. Maintenant, je crois que vous
avez dit, à la suite d'une question du ministre, que les Indiens veulent
une gérance sur leur propre territoire. Vous parliez de l'entente,
comment en venir à une entente, qu'est-ce que cette entente devrait
contenir.
Si vous examinez la Convention de la Baie-James - dans toute entente il
y a des défauts, il n'y a rien de parfait; je ne suis pas ici pour dire
que c'est la meilleure entente et qu'elle ne pouvait pas être
bonifiée - premièrement, il y a les $225 millions accordés
aux autochtones.
Deuxièmement, il y a le territoire, les droit d'expulsions sur
60,000 milles carrés de territoire dans le Grand Nord. Mais, en plus de
ça, il y a l'implication des autochtones dans la gérance du
territoire.
Je ne sais pas si vous avez vu le rapport du Comité consultatif
sur l'environnement de la Baie-James. Vous n'avez pas vu ce rapport?
M. Proulx (Jean-René): Non.
M. Ciaccia: Est-ce que vous savez qu'il y a un Comité
consultatif sur l'environnement de la Baie-James? Est-ce que vous savez comment
ce comité est constitué? C'est un nombre égal de
représentants autochtones et de représentants du
gouvernement.
Le mandat de ce comité est de s'assurer qu'il y ait des
études d'impact, qu'il y ait tous les travaux nécessaires pour
minimiser les dommages à l'environnement sur les travaux futurs. Donc,
quand vous mentionnez Grande Baleine, d'après la Convention de la
Baie-James, le gouvernement est obligé de faire des études
d'impact sur Grande Baleine, quant aux projets qu'il a l'intention
d'implanter.
Je peux aussi porter à votre attention que Grande Baleine a
voté pour l'entente à plus de 80%.
Il y a le comité sur l'environnement au nord du 55e
parallèle, il y a les gouvernements locaux, le gouvernement
régional de Kativik, il y a des commissions scolaires cries, il y a des
commissions scolaires inuit? Le but de l'entente c'est exactement de faire ce
que vous suggérez aujourd'hui, soit non seulement de ne pas
éteindre les droits... La question d'extinction des droits, c'est un
aspect légal, c'est la moindre des préoccupations des Cris et des
Inuits; l'important c'était tous les autres aspects de l'entente, en
plus même des $225 millions, parce que ce n'était pas l'aspect le
plus important, où les autochtones auraient des options, des droits
culturels, des droits économiques, des droits de gérance de leur
territoire, dans tous les différents comités institués
dans cette entente. Il y a le comité de coordination pour les droits de
chasse et pêche; encore une fois, c'est la première fois que des
autochtones et des membres du gouvernement font l'administration, la
gérance de ce régime. C'est la première fois que ça
se produit exactement de cette façon pour les impliquer dans toutes ces
différentes sphères d'activité.
Vous parlez des Montagnais. C'est vrai que les Montagnais n'ont pas
encore complété les négociations de l'entente, mais je me
souviens qu'en 1974 j'ai rencontré les Montagnais. Je les ai
invités à participer et ils n'étaient pas prêts
à négocier avec le gouvernement du Québec à ce
moment-là. Je n'ai pas suivi le dossier après 1976. Je ne sais
pas s'ils sont maintenant en mesure de négocier. Ce n'est pas un refus
de la part du gouvernement de cette époque, mais - et je ne critique pas
les Montagnais - ils n'étaient pas prêts. Ils n'avaient pas les
renseignements, les experts nécessaires. Nous avons conclu l'entente
avec un groupe, mais nous avons spécifié que cela ne devrait pas
enlever le droit de négocier avec les autres groupes; même si les
droits étaient éteints, il fallait accorder les mêmes
droits aux autres communautés autochtones que dans cette entente.
Je voulais seulement faire un tour d'horizon des droits des autochtones
et de l'ensemble de la Convention de la Baie-James sur les points que vous avez
soulevés. Je crois que vous avez soulevé quelques points qui sont
assez valables, mais il y en a d'autres sur lesquels votre avis n'est
peut-être pas tout à fait partagé, spécialement par
ceux qui sont directement impliqués. Je
ne parle pas des dissidents à Povungnituk, je parle des Cris, du
Grand conseil des Cris. Non seulement ont-ils approuvé l'entente
à ce moment-là, mais ils accusent maintenant le gouvernement de
ne pas la respecter. Ils veulent que l'entente soit respectée. Je ne
sais pas si vous avez eu l'occasion de rencontrer ceux qui ont signé
l'entente, d'aller dans les communautés comme je l'ai fait
moi-même pour m'assurer qu'ils comprenaient. Ils avaient
négocié et ils comprenaient les implications de l'entente. Je ne
sais pas si, depuis la signature de l'entente jusqu'à la
préparation de votre mémoire, vous avez eu l'occasion de
rencontrer le Grand conseil des Cris ou même les différentes
communautés cries dans le Nord pour connaître leur réaction
au contenu de l'entente de la Baie-James.
Le Président (M. Jolivet): M. Proulx.
M. Proulx (Jean-René): Mes collègues pourront me
reprendre si jamais il y a des omissions. Il y a beaucoup de choses.
Par où commencer? Je vais commencer par la convention.
C'était le point principal de l'intervention de M. Ciaccia. Vous dites
que les Indiens ne se plaignent pas de la convention comme telle et qu'il n'y a
pas de contestations qui viennent des signataires de l'entente. À cet
effet, j'aimerais mentionner que non seulement les Cris sont en cour
présentement à propos de l'entente, mais, depuis la signature et
l'application de l'entente, les Cris et les Inuits ont fait, à plusieurs
reprises, des déclarations, soit sur la mauvaise application selon eux
de l'entente ou même sur l'inapplicabilité de l'entente.
J'aimerais aussi mentionner les tiers non-signataires de l'entente de la
Baie James, de la convention. À cet égard, je fais allusion,
entre autres, aux Algonquins et aux Montagnais, qui sont plus directement
impliqués, qui ont assez clairement, je pense, - en tout cas, à
ma connaissance - dénoncé leur non-participation à
l'entente ou l'effet que l'entente peut avoir sur leurs territoires qu'ils ont
occupés et qu'ils occupent encore.
Quant aux chiffres que vous citiez et au référendum qui
visait l'acceptation de la convention de la Baie-James chez les populations
inuites et cries, j'aimerais seulement reprendre vos chiffres en disant que,
lorsque vous dites que chez les populations cries 90% ont accepté, c'est
plutôt 90% des 24% de votants, ce qui est une grosse différence.
Cela fait, si je calcule bien, 76% de non-votants, de non-participants, un
score on ne peut plus bas, je pense, pour un référendum.
Quant à la population inuite, vous parliez de trois villages sur
douze, mais on peut changer le chiffre et dire que c'est aussi un tiers de la
population inuite.
(22 h 15)
Lorsqu'on parle de l'épée de Damoclès sur la
tête des négociateurs de la partie autochtone lors de la
Convention de la Baie-James, on se réfère fièrement
à un passage de la commission d'enquête sur le pipeline du
Mackenzie, la Commission Berger, le juge rapportant des conversations qu'il a
eues avec des négociateurs du côté gouvernemental qui ont
dit - et, à ma connaissance, il n'y a pas eu rétractations -aux
Indiens: Take it or leave it. Excusez mon anglais, mais: Prends ça ou tu
n'auras rien. Je me demande vers où...
M. Ciaccia: Ce n'est pas ça qui s'est produit en 1975.
M. Proulx (Jean-René): Je me demande vers qui
l'épée penchait le plus. Si on reprend les bienfaits de
l'entente, encore là, il faut se référer aux critiques que
les Cris et les Inuits ont pu apporter. Bien sûr, le montant qu'ils ont
eu à la convention de la Baie-James est largement supérieur aux
$5 par tête de pipe que le gouvernement canadien a pu accorder lors des
traités dits numérotés qui ont couvert le restant du
Canada. J'aimerais seulement mentionner, pour votre information, qu'il y a un
article qui a paru dans Recherches amérindiennes, volume 9,
numéro 3, 1979, écrit par Pierre Trudel qui a fait un calcul,
à mon avis, très intéressant où il dit que, pour
les Cris, si on prend le revenu total d'un Cri pour une année, et si on
multiplie par 15 années, on obtient le montant que les Cris ont eu comme
compensation pour la convention.
Cela me semble peu énorme en termes d'argent. Il n'y a, bien
sûr, pas seulement l'argent. Il y a aussi toute la structure que la
convention met sur pied, structure, qui à notre avis, bien que nous n'y
sommes pas impliqués directement, nous semble très lourde au
point de vue consultatif. Ayant de la part des autochtones relativement peu de
pouvoirs, vous faisiez référence au comité sur
l'environnement, à ma connaissance -peut-être que Linda pourra me
corriger à ce sujet - qui est composé effectivement d'autochtones
et de personnel autre, de personnel blanc, sauf que le choix des autochtones
est sujet à l'accord de la société de
développement. Il faudrait voir aussi que ces pouvoirs de ce
comité ne seraient pas -à ma connaissance - coercitifs, mais
seulement des recommandations qui ne tiennent en rien de la
société de développement. Ce sont des structures qui
peuvent, à un moment donné, à mon avis, être
caduques.
Je vous réfère aussi, quant à la lourdeur de la
structure, à l'ouvrage qui s'intitule La négociation d'un mode de
vie. Ce que je tire de cet ouvrage, c'est que n'importe qui qui aurait
signé une entente
aurait besoin d'une armée de consultants pour bien administrer
l'entente, qu'elle soit inuite, crie ou québécoise. Une telle
entente ne me semble pas facilement malléable.
Enfin, vous parlez des Montagnais qui, lors du commencement des
procédures de la Convention de la Baie James, se sont retirés des
négociations. Je n'ai qu'à vous féliciter du fait de ne
pas les avoir forcés à négocier, mais il me semble qu'ils
ont beaucoup de chemin à reprendre actuellement, puisque sur une large
partie de leur territoire, ils négocient des droits qui sont
déjà éteints. Ils n'ont plus le choix de négocier
l'extinction de leurs droits.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Mont-Royal.
M. Ciaccia: II y a un aspect que je trouve toujours
intéressant dans les discussions avec les autochtones
particulièrement au sujet de l'entente de la Baie James. C'est rarement
ceux qui sont directement impliqués qui viennent se plaindre de
l'entente. C'est toujours d'autres. Remarquez bien, c'est votre droit; je ne
vous le conteste pas. Mais quand vous dites que les structures sont lourdes,
que le conseil consultatif a besoin de certaines approbations, je ne pense pas
que vous ayez parlé aux Cris, parce que ces derniers ne
considèrent pas les structures lourdes. Ils les considèrent
très adéquates pour protéger les objectifs qu'ils
voulaient dans l'entente, qui étaient des objectifs de droits culturels
et économiques.
Ce n'est pas nous. Nous n'avons pas créé ces
structures-là dans l'air; on les a négociées avec eux et
beaucoup des structures qui sont incluses là sont venues à la
suggestion même du gouvernement régional au nord du 55e
parallèle. Ce n'est pas Hydro-Québec, ou le gouvernement qui a
suggéré cela, ce sont les Inuits qui ont insisté pour
l'avoir.
Quand vous dites que les Montagnais ont beaucoup de chemin à
reprendre, je ne suis pas tout à fait d'accord avec vous. Leurs droits
sont protégés dans cette entente, parce que nous avons
protégé les droits de ceux qui ne l'ont pas signée,
même si les droits devaient être éteints, parce que la loi
l'obligeait; il y a même eu des ententes complémentaires avec
d'autres groupes, même si les droits étaient éteints.
Je vous remercie quand même de votre point de vue, vos
commentaires. Je crois que cela apporte un autre point de vue. Cela montre au
moins qu'il y a beaucoup de gens qui s'occupent des droits des autochtones au
Québec. C'est comme cela que cela devrait être. Merci.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Duplessis, en terminant.
M. Perron: Oui, en terminant, M. le Président.
Je voudrais faire deux ou trois commentaires en rapport avec votre
mémoire. Il y a une chose qui est très importante, c'est qu'en
tant que - si vous me permettez le terme - blancs du Québec,
Québécois et Québécoise en même temps, vous
êtes ici pour justement discuter de ces questions. Dans votre
mémoire, vous avez mentionné qu'il n'existe aucun scénario
autre que celui d'Hydro-Québec. Cela arrive à peu près
à cela. Je pense que cette commission parlementaire que nous avons
actuellement, c'est un pas vers ce qu'on appelle vraiment la
démocratie.
Je ne sais pas si vous vous rappelez la façon dont le
gouvernement - en tout cas celui qui est là - a agi en rapport avec
certaines lois qu'on a adoptées à l'Assemblée nationale,
mais avant de les adopter on a fait le tour du Québec. Prenons la loi
67, prenons la loi 17 sur la santé et la sécurité du
travail, prenons un paquet de lois comme cela où on est vraiment
allé, comme dirait M. Marois, dans le paysage pour discuter avec le
monde en vie. Je pense que le gouvernement du Québec, en tout cas celui
qui est en place, est prêt à s'asseoir et à regarder cela
attentivement, surtout avec les Atticamègues-Montagnais. Pour votre
information, la grande majorité est dans mon comté actuellement,
parce qu'il y a plusieurs bandes, il y en a quatre dans le comté de
Duplessis. Tout cela pour vous dire que, dans mon optique à moi, il
n'est pas question de marcher sur la tête de qui que ce soit et d'aller
de l'avant avec des projets sans consultation. Je pense que là-dessus,
de ce côté, on peut parler au nom du gouvernement du
Québec.
Considérant ce que je viens de vous mentionner, je voud,rais vous
poser une question. Si j'ai bien compris votre position, vous voudriez qu'on
négocie avant que les projets aillent de l'avant? C'est la
première question.
Maintenant, est-ce que vous désirez qu'on aille à peu
près dans le sens que cela s'est fait avec l'entente de la Baie James et
du Nord québécois? Le député de Mont-Royal
mentionnait tout à l'heure les Cris, les Inuits, mais il y a aussi les
Naskapis qui ont signé une entente et ils sont en train de faire tout le
travail qu'ils devaient faire, parce qu'on a adopté des lois, à
l'Assemblée nationale, qui entérinaient ce qui avait
été négocié lors de l'entente. J'aimerais bien que
vous répondiez à ces deux questions.
Le Président (M. Jolivet): M. Proulx ou Mme Collier.
M. Proulx (Jean-Marie): Je m'excuse, je n'ai retenu que la
deuxième question. Quant à nous, la convention de la Baie James -
on
s'excuse auprès de M. Ciaccia - ne doit pas être un
modèle. Si jamais, puisqu'il va y avoir des négociations, puisque
le processus de négociations est entamé avec le Conseil
Atticamèques-Montagnais, on désirait, en tant que
Québécois, pas nécessairement qu'il y ait un
règlement global sur l'ensemble des revendications des
Atticamègues-Montagnais, à moins qu'eux ne le souhaitent, mais on
souhaiterait qu'avant tout aménagement d'importance sur leur territoire
- Dieu sait s'il y en a déjà eu sans qu'il y ait eu pour autant
consultation; je fais référence ici aux ouvrages
Bersimis-Outardes - ces aménagements soient faits avec une oreille
très attentive aux doléances que les Montagnais concernés
peuvent avoir par rapport à ces aménagements de rivières.
Je pense à la rivière La Romaine qui affecte principalement la
bande de Mingan et la bande de Natashquan qui sont dans votre comté.
Avant tout, ce que les gens de Mingan m'ont dit, c'est qu'il y a
déjà des "bulldozers" rendus sur la rivière et, quant
à eux, ils aimeraient mieux savoir ce qui va arriver avant que ça
ne progresse trop.
M. Perron: Est-ce que vous parlez des tracteurs-chenilles sur la
rivière Romaine?
M. Proulx (Jean-René): Oui, c'est ce qu'on m'a dit.
M. Perron: Je n'en ai pas vu.
M. Proulx (Jean-René): Ce sont mes informations à
moi.
Le Président (M. Jolivet): Mme Collier va ajouter quelque
chose.
Mme Collier: J'aimerais préciser que, pour ce qui est du
Conseil Atticamègues-Montagnais, il a commencé des
négociations avec le gouvernement et il a réclamé du
gouvernement que rien ne se passe sur son territoire tant et aussi longtemps
qu'une entente ne serait pas signée. Ce qui arrive, en fait, c'est qu'on
commence toutes sortes de travaux et on dit qu'on est en train de
négocier avec le Conseil Atticamègues-Montagnais, mais,
entre-temps, on est en train d'en changer le territoire. On s'oppose à
cela parce que, par exemple, il y a des aménagements qui seront faits
à Manic, des lignes de transmission qui passeront sur le territoire et
sur la Romaine, éventuellement, en 1990, on va commencer des travaux,
mais le gouvernement connaît très bien la position du Conseil
Atticamègues-Montagnais, qui est un veto. Malgré cela, on
prévoit des travaux sur le territoire montagnais et c'est ce à
quoi on s'oppose, en fait.
M. Perron: Quand on regarde le projet de la Romaine, par exemple,
ou le projet de la Sainte-Marguerite ou encore le projet du Petit
Mécatina ou celui du lac Robertson, qui sera en marche probablement
cette année, est-ce que vous voulez dire qu'Hydro-Québec ne peut
pas faire d'étude actuellement sur ces projets? Quand on fait une
étude comme cela, cela amène d'autres études, mais il
n'est pas question de disloquer le territoire ou quoi que ce soit, il y a des
études préliminaires qui sont faites d'abord, et des
études finales. Est-ce que vous voulez dire qu'Hydro-Québec ne
pourrait pas aller sur le territoire et regarder ce qu'il est possible de faire
comme projets, faire des études? En faisant des études, on ne
construit pas de barrage, on ne construit pas de centrale. C'est ce qui se
fait, actuellement, au niveau d'Hydro-Québec.
M. Proulx (Jean-René): II faudrait peut-être plus
demander la permission aux Montagnais qu'à nous. Ce qui nous a
semblé important dans le plan d'investissement d'Hydro-Québec
pour les années quatre-vingt, c'est qu'elle prévoyait que le
projet de la Romaine serait en vigueur dans les années quatre-vingt-dix,
ce qui nous semblait hypothéquer sérieusement l'issue des
négociations possibles avec les Montagnais puisque, de toute
façon, Hydro-Québec prévoyait mettre en marche cette
centrale nonobstant le résultat des revendications des Montagnais. C'est
le point principal. Le même phénomène peut se
répéter avec les Atticamègues ou avec les Algonquins
concernant les lignes de transmission énergétique qui descendent
de la Baie James et qui passent par leur territoire.
M. Perron: En ce qui me concerne, madame et monsieur, je voudrais
excuser le ministre, parce qu'il a dû s'absenter pour quelques minutes.
En ce qui me concerne -je ne peux pas parler au nom du ministre, parce qu'il
n'est pas ici - j'ai toujours été favorable aux
négociations, c'est probablement dû à ma formation
syndicale, et je pense qu'il faut continuer à négocier. Comme je
le disais tout à l'heure, dans mon optique, il n'est pas question de
marcher sur la tête de qui que ce soit. Je vous remercie beaucoup, au nom
du ministre.
Le Président (M. Jolivet): Merci, au nom des membres de
cette commission, M. Proulx et Mme Collier.
J'inviterai maintenant, à titre personnel, M. Jean Gagnon, en
espérant qu'il pourra prendre son autobus, comme il l'a demandé.
C'est le mémoire 18. Allez-y, M. Gagnon, la parole est à
vous.
M. Jean Gagnon M. Gagnon (Jean): Certaines parties
seront enlevées, parce qu'il s'agit d'écrire un
mémoire pour obtenir des renseignements qu'on ne possède pas
avant, vous savez ce que c'est.
Communauté nord-américaine de l'énergie. Je juge
inacceptable la politique énergétique préconisée
par Hydro-Québec et rendue publique dans son document intitulé
"Une stratégie pour la décennie 80". Si le contrat des chutes
Churchill ne donne pas justice aux Terre-Neuviens, Hydro-Québec devrait
accepter de rouvrir le contrat. La stratégie énergétique
du Québec durant la décennie quatre-vingt doit s'inspirer de
préoccupations beaucoup plus larges que celles qu'entretiennent les
dirigeants d'Hydro-Québec. La modernisation de nos techniques
économiques exige que le marché québécois soit
élargi à un vaste ensemble qui comprenne non seulement tout le
Canada, mais aussi les États-Unis, soit créer la
Communauté nord-américaine de l'énergie. (22 h 30)
Après le rapatriement de la constitution canadienne,
l'unité canadienne ne sera pas pour autant consacrée. Au
contraire, les sujets de mésentente entre provinces et pouvoir central
seront plus nombreux que jamais. Le Canada ne peut être un pays unitaire.
L'histoire du pays, la dualité de cultures, la diversité des
minorités et des provinces, les résistances acharnées
à la politique du pouvoir central concernant les ressources naturelles
ne permettent pas d'entrevoir la création d'un État unitaire.
Récemment, il est apparu que la question de l'énergie
constituerait un obstacle majeur à la réforme constitutionnelle
qui devra forcément être amorcée en profondeur après
le rapatriement de la constitution. Seul un traité auquel toutes les
provinces seraient partie peut mettre en place une structure commune et
établir une politique de reconstruction canadienne qui permettrait
l'intégration des sources d'énergie et leur juste
répartition entre les provinces selon leurs besoins. Ce traité,
qui prévoirait les institutions nécessaires à la formation
d'une nouvelle communauté s'apparentant à une véritable
fédération dans laquelle tous les États provinciaux
seraient souverains, pourrait éventuellement accueillir les États
américains pour former une communauté nord-américaine de
l'énergie. L'Europe nous en fournit l'exemple, elle qui a adopté
dès 1951 un plan créant la communauté européenne du
charbon et de l'acier et, en 1958, Euratom, la communauté atomique
européenne.
Hydro-Québec, à cause de son envergure, à cause des
immenses ressources à sa disposition, à cause de son leadership
en hydroélectricité, est en bonne position pour élaborer
les grandes lignes d'un plan qui permettrait la mise en commun de toutes les
ressources énergétiques de l'Amérique du
Nord, de telle sorte que les énergies qui se perdent puissent
être utilisées et "harnachées" dans les plus brefs
délais au profit de tous.
Perte de 30,000 mégawatts non "harnachés". L'huile, le
gaz, l'uranium, le charbon, ces énergies si bien emmagasinées
dans les entrailles de la terre, se conservent indéfiniment. On ne
devrait donc puiser que très parcimonieusement dans ces énergies,
certes, la propriété de notre génération, mais
aussi l'héritage des générations futures. Or, pour le
pétrole, par exemple, on le brûle à un rythme tel que, dans
20 ans, cette richesse à la base de milliers de produits sera
épuisée, obligeant à recourir à d'autres sources
pour continuer la production. Par contre, la chaleur du soleil, le souffle du
vent, les marées, la descente des eaux dans nos fleuves et
rivières sont des énergies renouvelables qui se perdent,
cependant, constamment si on ne les capte pas au passage. On doit donc
utiliser, d'abord et avant tout, totalement les énergies qui se perdent.
Or, ici au Québec, 30,000 mégawatts se perdent annuellement dans
nos cours d'eau non "harnachés", l'équivalent de 120 millions de
barils d'huile par an ou de 330,000 par jour ou, à $40 le baril de,
$4,800,000,000, ou, avant longtemps à $60 le baril de $7,200,000,000
annuellement.
Si l'on se conforme à la stratégie de construction
à pas de tortue de barrages des années quatre-vingt de notre
Hydro-Québec il se perdra en 20 ans 2,400,000,000 de barils de
pétrole. En acceptant, à la suite des hausses continuelles, un
prix moyen de $60 le baril, tenant compte que les intérêts
doublent le capital en moins de sept ans, la perte est de $57 milliards. En
gros, au lieu de payer ces barrages par des revenus de $57 milliards,
Hydro-Québec nous endettera d'autant. Et le fait qu'Hydro-Québec
étire le "harnachement" sur 20 ans - je crois plutôt 30 ans - va
considérablement relever les coûts, comme ce fut le cas à
la Baie James à cause de l'inflation. De plus, qui nous assure que, dans
15 ou 20 ans, la construction de barrages sera encore rentable, que d'autres
sources d'énergie ne seront pas découvertes ou devenues moins
coûteuses tel l'hydrogène tiré de l'eau? En tel cas, nous
aurons manqué le bateau.
Suite à la page 5; le reste est rayé à la suite de
renseignements. Hydro-Québec doit posséder tous les barrages du
Québec. Notre Hydro-Québec doit posséder en
totalité et seule tous les barrages à construire et construits, y
compris ceux aux mains d'intérêts privés. On se pique
d'être plus cultivés que les Arabes; pourtant, eux
possèdent tous leurs puits de pétrole. Nous y avons droit, des
droits inaliénables parce que, lorsqu'il pleut ou neige pour remplir les
réservoirs, c'est sur nous que cela tombe et nous devons faire les frais
du déneigement,
(rarement nous voyons le soleil dans ma région) parce que l'eau
c'est notre propriété; parce que certains barrages, tels Manic 5
et certains au Saguenay- Lac- Saint-Jean sont des épées de
Damoclès suspendues sur nos têtes. Qu'une simple bombe explose
sous l'eau près de Manic 5 et il n'y a plus de Côte-Nord, ni de
Côte-Sud et la dévastation se chiffre par des centaines de
millions de dollars et les morts par dizaines de mille. Il faut donc
nationaliser tous les barrages privés. Toutefois, nous sommes favorables
à ce qu'on consente des taux privilégiés pour les
industries. Le peuple québécois voit dans la mainmise sur nos
richesses naturelles une trahison de la part de nos gouvernants du
Québec. Il est évident que tous les partis politiques conspirent
dans cette trahison puisque aucun ne parle de terminer la nationalisation.
Hydro doit vendre l'électricité aux Étas-Unis. Avec
de solides garanties que seule Hydro possède la propriété
complète, totale, à perpétuité de tous nos
barrages, que seule elle juge, décide, contrôle
l'électricité produite sur le sol québécois; je ne
vois que racisme et inhumanité. Soi-disant pour garder aux
Québécois dans vingt ou trente ans de l'énergie pour leurs
besoins futurs, on laisse se perdre des milliers de mégawatts dans nos
rivières non aménagées alors que Canadiens et
Américains ont un besoin si pressant et doivent payer des milliards en
pétrole pour se procurer de l'électricité. Hydro commet un
acte impardonnable en retardant, en étirant
délibérément l'aménagement de toutes nos
rivières. La stratégie énergétique du Québec
durant la décennie 1980 ne doit pas se replier sur les besoins
présents et à venir des seuls Québécois. Les
Amérindiens, premiers propriétaires du sol en Amérique du
Nord, étaient maîtres partout en Amérique, mais vous
connaissez ce propos d'un auteur dont le nom m'échappe: "Les
aborigènes, mauvaises herbes qui encombrent le sol des nouvelles
contrées et qui, peu après, l'enrichissent." Nous, leurs
remplaçants canadiens et américains, ne devons pas avoir perdu
les droits des premiers habitants d'Amérique. Les richesses naturelles,
en particulier celles qui se renouvellent tout en demeurant la
propriété des diverses provinces et États, doivent servir
tous les habitants de l'Amérique du Nord.
Le nouveau président des États-Unis M. Donald Reagan,
exprime son désir de relations plus étroites avec le Mexique et
le Canada par l'échange des ressources. Accepterions-nous de laisser
geler nos frères et soeurs américains, s'arrêter la roue de
leur activité économique par manque d'énergie, pour des
besoins hypothétiques des Québécois dans 20 ou 30 ans? En
ce temps-là, nous aviserons pour le mieux avec nos frères
américains, peuple avec qui, sur des milliers de milles, nous n'avons
que des frontières symboliques. C'est immédiatement que les
Américains ont un pressant besoin d'énergie et c'est
immédiatement que nous devons leur en fournir. Notre sort est
rivé à celui des Américains en temps de paix comme en
temps de guerre. Déjà, nous protégeons les industries
américaines. La Chrysler menace de fermer ses usines et nous intervenons
à coup de centaines de millions. Les papeteries vieillissent, nous les
rajeunissons à coup de centaines de millions. Donohue, Alcan
reçoivent des centaines de millions en subventions. Pour laisser
à l'Alcan l'entier usage de toutes les forces hydrauliques du Saguenay
et du Lac-Saint-Jean, Hydro a même dû amener du nord une ligne de
transmission au coût de $400 millions alors que toute
l'électricité vendue dans notre région ne pourrait couvrir
les intérêts.
La politique d'Hydro est dangereuse pour la paix mondiale. La
pénurie d'énergie est telle qu'une guerre mondiale pour le
pétrole est un danger imminent. L'achat du pétrole siphonne les
milliards, ruine les économies mondiales. Les investissements de ces
milliards viennent ajouter leur poids écrasant; s'il y a guerre, nous y
serons fatalement entraînés. D'ailleurs, les retombées
radioactives ne nous épargneront pas. Nous sommes déjà
terriblement en retard devant le problème de l'énergie. Il est
urgent, ensemble avec les Américains, de prendre les moyens pour
éviter la guerre du pétrole. Unissons nos efforts avec nos
frères américains pour gagner la guerre de l'énergie. Ils
comprendront facilement qu'au lieu de dépenser des billiards à
détruire et à tuer, il vaut mieux dépenser des milliards
à construire des barrages pour capter les énergies de nos eaux.
D'ailleurs, à quoi servirait une guerre du pétrole puisque, dans
20 ans, il n'y en aura presque plus alors que notre eau continuera de couler,
ce qui fait de nous, selon l'expression du ministre, des Arabes permanents.
Financement des barrages. Nous paierons les milliards des
Américains avec des mégawatts; eux en seront remboursés
par leurs milliards qu'ils envoient pour l'achat du pétrole. Non
seulement nos barrages se paieront, mais nous en tirerons des revenus
supplémentaires parce que le prix de notre électricité ne
doit pas couvrir que le coût des barrages, mais aussi payer des
redevances pour l'utilisation de la puissance de nos eaux, tout comme,
d'ailleurs, les Arabes ne retirent pas que le coût de l'extraction de
leur pétrole, mais un paiement pour le pétrole lui-même,
leur richesse naturelle.
En plus des milliards des États-Unis, ici même, dans nos
caisses, nous avons $13 milliards. En passant, dans ma région, les
caisses sont prêtes à fournir à Hydro tout
l'argent nécessaire pour l'aménagement de la
rivière Ashouapmouchouan. Évidemment, le crédit d'Hydro
est bon, elle qui est, la plus grande puissance hydroélectrique du
monde, elle qui jouit du privilège de pouvoir vendre sans concurrence
à des clients obligés une marchandise essentielle et de pouvoir
relever ses taux selon son bon plaisir.
Hydro doit cesser d'emprunter à l'étranger en y envoyant
notre argent pour payer des intérêts. Pour cette petite marge de
6%, de ce temps-ci, qu'elle paierait de plus, et encore à des
Québécois qui font vivre Hydro, car où Hydro prend-elle
ses revenus pour ce petit montant supérieur d'intérêt? Elle
nous fait perdre 16%. L'argent touché par les caisses, qui devraient
être le réservoir des capitaux de notre Hydro, sert à payer
des salaires à des milliers de Québécois.
Ce serait un acte de patriotisme, un acte intelligent
qu'Hydro-Québec utilise l'argent de nos caisses. Hydro-Québec
achète présentement des vaches à l'étranger, quand
nous en avons des troupeaux; elle les fait pacager dans nos champs et envoie le
lait à l'étranger.
Nombre de nos caisses sont dans le rouge, cela les aiderait, des
placements de toute sécurité. Présentement, pour placer
leur argent, elles dédoublent toutes sortes de commerces, d'entreprises
et, pour rendre rentables certains gros projets, tels le Centre d'affaires de
Chicoutimi, Jacques Gagnon d'Alma, Mont-Tremblant, Sainte-Anne, elles vont
chercher des millions en subventions, concurrençant ainsi durement les
intérêts privés qui exploitent sans subvention et utilisant
notre argent pour recevoir des gens dans nos hôtelleries que nous, leurs
membres, ne pouvons fréquenter, faute de revenus suffisants.
La terre ne cessera pas de tourner et nous n'arrêterons pas de
vivre parce que le loyer de l'argent est élevé. Nos emprunts
n'auront qu'à stipuler que les intérêts suivront le cours
de l'argent. Roosevelt, à qui on parlait de manque d'argent pour la
conduite de la guerre, réplique: Trouvez-le! Mon travail, c'est de
gagner la guerre. La tâche d'Hydro-Québec, ce puissant levier,
presque unique en Amérique, c'est de gagner la guerre de
l'énergie et, du coup, nous gagnerons la guerre contre la
récession. Il ne faut pas nous laisser abattre par la récession,
mais abattre la récession.
Croisade de construction de barrages: Lançons
immédiatement la construction, par tout le Québec, de barrages
sur toutes le rivières non encore aménagées.
Créons, s'il le faut, dix sociétés telle celle de la Baie
James. Nous avons les milliards, nous avons aussi, qui se perdent, les
énergies de centaines de cerveaux, les bras de milliers de
chômeurs. Il y en a encore plus aux États-Unis. Si nous en
manquons, employons- les. L'électricité ne doit pas être
considérée comme une énergie trop noble pour servir au
chauffage. Fée magique aux milliers d'usage, elle ne dépasse pas
en noblesse le pétrole, lequel est source de milliers de produits. Selon
David Armour, d'ici dix ans, la plupart des foyers en Ontario serons
chauffés à l'électricité. Amener le gaz, en
bâtissant tout un réseau au Québec, est une erreur.
D'ailleurs, ça se conserve très bien dans le sol et il faut
commencer pas utiliser les énergies qui se perdent. Les sommes que nous
dépenserons pour cela n'iront pas à notre Hydro et de plus, dans
quinze ans, il n'y aura plus de gaz, alors que notre eau continuera de
couler.
Hydro-Québec doit être le chef de file de l'utilisation de
l'électricité en tout domaine et, à ce titre, elle doit
presser les gouvernants d'organiser le transport en utilisant
l'électricité.
Selon M. J. Donald Howe, dans une solide étude sur le transport,
l'avion prend 95% plus d'énergie que le train électrique. Sur des
distances de 800 kilomètres, il déclare que l'avion ne devrait
pas servir au transport. Il préconise de rallier tous les coins du pays
par des trains électriques. Pourquoi, par exemple, de Bagotville,
élever une charge 150,000 livres à 28,000 pieds dans les airs, la
tenir suspendue dans le vide pendant une heure pour la redescendre au
même niveau qu'au départ à Dorval? Pourquoi pareil
gaspillage d'énergie pour pareille escalade dans les nuages quand, par
un train électrique, longeant une nouvelle voie le long de la route 175,
on pourrait transporter la même charge sans l'élever d'un pouce,
dans le même temps, trois heures, parce que, pour se rendre aux
aéroports des centre-ville, il faut une heure au départ et une
heure à l'arrivée. Et le voyage par train électrique ne
coûterait que $24 comparativement à $200 par avion. On peut bien
se faire cataloguer "d'éloigné"!
Ces trains pourraient, à moindres frais, transporter vannes,
camions, divers conteneurs automobiles, ce qui épargnerait des milliers
de tonnes de pétrole, des frais de mécanique, d'usure des routes
et surtout d'accidents meurtriers. On n'a qu'à voyager en Europe,
surtout au Japon, pour se rendre compte de l'efficacité des trains
électriques; pourtant, ils doivent produire leur
électricité à partir du pétrole.
Hydro-Québec doit aussi mousser la fabrication de l'automobile
mue à l'électricité. Elle a l'avantage de ne pas
polluer.
L'Ashuapmouchouan: Les citoyens du Saguenay-Lac-Saint-Jean subissent un
chômage plus élevé que dans le reste du Québec. Or,
décennie 80 ne parle pas des travaux de construction des barrages sur
l'Ashuapmouchouan dont toutes les études sont terminées.
Hydro-Québec, c'est à nous
aussi au Saguenay. Son puissant levier économique doit servir
immédiatement dans notre région. Hydro-Québec doit
immédiatement venir au secours de notre économie en fort mauvais
état. Que les travaux démarrent immédiatement. Nous
contribuons à la vie d'Hydro-Québec, qu'elle contribue à
la nôtre. Au lieu de faire vivre les chômeurs à ne rien
faire, il est plus productif de les faire vivre à travailler.
Paraît-il que les lois sur l'écologie et le respect de
l'environnement occasionnent des retards et des obstacles quasi insurmontables
à la construction des barrages. Jamais je ne croirai que nous assurons
la vie des poissons avant la nôtre ou, pour garder, pour la vue de ces
messieurs, de soi-disant beaux spectacles, nous empêchons
l'aménagement de nos rivières. Que les gouvernements mettent la
hache dans toutes ces lois.
Le Président (M. Jolivet): Merci, M. Gagnon.
M. le député de Dubuc.
M. Desbiens: Merci, M. le Président. Je remercie M. Gagnon
de sa participation à la commission et des observations très
personnelles qu'on lui connaît d'ailleurs, par chez nous.
M. Gagnon (Jean): Nous sommes de vieilles connaissances.
M. Desbiens: Je sais que, comme vous n'aurez pas de train
électrique pour retourner ce soir, peut-être pourrait-on discuter
un bon bout de temps, mais j'aurais quand même quelques observations, M.
Gagnon. (22 h 45)
Quand vous parlez de Terre-Neuve et du Haut-Churchill - vous en avez
parlé dans votre mémoire, des négociations, entre autres -
je crois que le Québec et Hydro-Québec sont prêts à
négocier. Il faut maintenant que la province de Terre-Neuve
elle-même accepte la négociation. Je vais essayer de faire comme
vous, je vais sauter un peu rapidement. La collaboration
énergétique avec des provinces canadiennes existe aussi
déjà. Il serait peut-être bon de l'amplifier.
Évidemment, ce sont des choses à étudier parce qu'il y a
déjà des interconnexions qui existent et des échanges qui
se font avec les provinces canadiennes en matière
d'électricité.
Un troisième point, sur le développement des ressources
hydroélectriques du Québc, évidemment, je suis
parfaitement d'accord. D'ailleurs, c'est la réalité qu'on vit et
depuis les quatre jours qu'on est ici, il y a d'autres mémoires qui ont
présenté des vues semblables, peut-être pas aussi rapides
que les vôtres, mais qui demandaient quand même
l'accélération du développement hydroélectrique du
Québec. Je pense que quand on parle d'un programme de $55 milliards en
dix ans, c'est quand même démontrer qu'on accorde une certaine
priorité à l'aménagement hydroélectrique.
Vous soulevez aussi les ventes d'électricité aux
États-Unis. Cela se fait déjà, vous le savez
également. Hydro-Québec vend déjà ses surplus
d'électricité, ses excédents. Est-ce que ce sera possible
plus tard? Cela reste quand même dans le domaine des possibilités.
Si Hydro-Québec augmentait sa capacité actuelle de façon
plus accélérée, cela reste dans le domaine des
possibilités que cette croissance du réseau puisse
entraîner aussi un excédent de ventes aux États-Unis dans
le domaine non pas de l'électricité ferme, comme on l'appelle,
mais des surplus d'énergie.
Vous parlez aussi dans votre mémoire du respect des droits des
autochtones. Je dois me dissocier un peu de vous là-dessus. Il y a
certaines réserves que je me dois de faire sur vos commentaires,
particulièrement aussi sur l'environnement. Évidemment, la
nature, c'est entier. Il y a des poissons. Il y a des hommes, mais il y a des
poissons aussi. Il y a des animaux. Il y a toute une flore et une faune qui
existe et qui se complètent. Le développement
énergétique doit se faire. Je crois qu'il est possible en
même temps de répondre à vos désirs. Le
développement énergétique doit se faire, mais il doit
aussi se faire en respectant ce qui existe déjà puisque c'est
possible de le faire en respectant ce qui existe. C'est peut-être la
raison principale dans le cas de la Chamouchouane. Je dirais peut-être
que c'est une prolongation. C'est une des raisons, en tout cas, qui faut que le
projet va peut-être être un peu plus long à démarrer
ou à réaliser que la protection de la ouananiche du lac. Mais il
reste que je crois que cette richesse naturelle aussi qu'est la ouananiche et
qu'on retrouve, vous le savez, chez nous uniquement, c'est-à-dire du
saumon d'eau douce, est importante et que la population, en tout cas, semble y
accorder cette importance également.
Dans le cas de la Chamouchouane, les études ne sont pas encore
complètement terminées, particulièrement les études
environnementales. Il reste qu'il y a des plans qui sont prêts
maintenant, je crois, des études sur des sujets d'importance technique
et qui devraient permettre de commencer les travaux pour juger ou voir quels
sont les résultats des hypothèses de protection de la ouananiche
qu'on a posées et qui devraient possiblement commencer en 1981.
C'est évident que la Chamouchouane est un sujet qui nous touche
beaucoup, et son développement. Des études ont été
commencées en 1970. Cela a été retardé parce que le
gouvernement libéral a décidé
de commencer les travaux de la Baie James. On a arrêté,
évidemment, à cause de ça, les études sur la
Chamouchouane. On les a reléguées à une époque
ultérieure. Mais les études sont reprises, les travaux sont
commencés. Il y a des auditions qui ont eu lieu. Comme je le disais, il
y aura des travaux d'aménagement faunique entrepris très
probablement cette année, en 1981.
Si on veut absolument tenir compte de cette richesse comme la masse des
citoyens du Saguenay-Lac-Saint-Jean le désirent, c'est évident
que ça donne plus de longueur à la réalisation d'un
projet. Mais je pense que ça vaut aussi le coup.
Ceci dit, j'aurais peut-être une question supplémentaire
avant de passer la parole à d'autres membres de la commission. Vous
parlez d'aménager immédiatement toutes nos rivières. Mais
aménager toutes les rivières, c'est une difficulté
d'abord. Peut-être qu'on peut aller chercher des hommes aux
États-Unis ou chercher tous les travailleurs du Québec et des
États-Unis, mais il y a aussi l'argent.
Vous dites que la situation financière d'Hydro est excellente;
c'est le cas. Mais si on se lançait dans des réalisations
d'aménagement de toutes les rivières en même temps, je n'ai
pas les connaissances pour le dire, mais, a priori, ça m'apparaît
impossible, en termes d'hommes, de travailleurs, de travailleurs de
génie, de manoeuvres, et aussi financiers. Aménager toutes ces
rivières en même temps et trouver tout l'argent en même
temps, ça me semble un peu contradictoire. J'aimerais que vous
m'éclairiez là-dessus, s'il vous platt.
Le Président (M. Jolivet): M. Gagnon.
M. Gagnon: Si on envoie un ambassadeur ou quelqu'un
d'Hydro-Québec rencontrer tous les États limitrophes du
Québec, surtout la Nouvelle-Angleterre, etc., ils seront prêts
à fournir l'argent. Bien entendu, je ne montrerai pas à Hydro
à faire un contrat; ils doivent être très habiles
là-dedans, ce serait remboursable en mégawatts. Pourquoi laisser
couler l'eau pour rien? Si les autres sont prêts à fournir des
milliards, prenons leurs milliards et donnons-leur des mégawatts en
retour, mais pas d'intérêts, pas d'argent, ni rien de ça.
S'ils ne consomment pas d'électricité, ils perdront leur
argent.
Je me suis informé comme je peux. Naturellement,
Hydro-Québec ne me transfère pas ses renseignements à la
pelletée. Il est évident que les États-Unis sont
prêts à consacrer des dizaines et des dizaines de milliards
immédiatement pour faire des études partout et surtout des
barrages, parce que ces eaux qui coulent, immédiatement, ces
forces-là sont perdues. Elles reviennent, mais elles sont perdues le
moment qu'elles passent. Comme je vous ai dit, au départ, les
énergies qui sont dans le sol sont bien emmagasinées. On ne doit
jamais discuter d'affaires, ni de prix pour ce qui se conserve quand on laisse
perdre des énergies. Ce sont des énergies qui se perdent, qu'il
faut utiliser, quel que soit le prix, avant de discuter si on va utiliser la
force atomique ou encore du pétrole qui est dans le sol, du charbon ou
de l'huile.
Or, les États-Unis sont prêts à nous fournir des
milliards. Il y a seulement à aller les rencontrer et ils sont
intéressés. Bien mieux consacrer des milliards, comme je l'ai dit
dans mon texte, à aménager toutes nos rivières que des
milliards à tuer et à détruire.
M. Desbiens: On pourrait continuer la discussion longtemps. Je
lis la prose de M. Gagnon sur l'électricité depuis 1950 ou autour
et il a commencé les batailles de municipalisation à Chicoutimi.
Je vous remercie, M. Gagnon.
M. Gagnon: Moi aussi, je remercie mon député.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Mont-Royal.
M. Ciaccia: Merci, M. le Président.
M. Gagnon, je vous remercie pour votre mémoire. Vous couvrez un
ensemble de sujets, vous ne les couvrez pas toujours d'une façon
orthodoxe. Vous avez des suggestions qui sont un peu particulières
à vous dans certaines de vos recommandations. Dans la question de
Terre-Neuve, je crois que quand vous dites: Si le contrat des chutes Churchill
ne leur donne plus justice, il s'agirait de considérer au moment
où le contrat a été fait si c'était un contrat qui
a été signé entre deux parties consentantes, si les
conditions économiques étaient raisonnables et adéquates,
le fait que peut-être aujourd'hui le coût de l'énergie a
augmenté, je ne pense pas que cela devrait obliger ceux qui ont pris le
risque, soit Hydro-Québec, ils ont pris le risque de leurs
investissements, de leurs capitaux, de leur main-d'oeuvre. Je pense bien qu'on
pourrait même en toute justice dire que le contrat devrait se respecter
et on devrait pouvoir donner de bonnes raisons pour ce faire.
Vous parlez aussi de la communauté...
M. Gagnon (Jean): Est-ce que je peux vous répondre sur ce
point?
M. Ciaccia: Oui, certainement.
M. Gagnon (Jean): Pour moi, il n'existe pas de Terreneuviens, il
n'existe pas de Canadiens, il n'existe pas d'Américains, il existe des
êtres humains. À titre d'être humain, le Terreneuvien, si le
contrat le
blesse comme un attelage blesse un cheval, je vais guérir
l'attelage, je vais corriger l'attelage. Moi, je suis un être
international. Je ne suis pas Québécois, moi, je suis un
être humain.
M. Ciaccia: Je vous félicite de votre point de vue. Je
pense qu'il y a beaucoup à dire de ce point de vue, comme nous sommes
tous des êtres humains, cela ne devrait pas être des
frontières artificielles qui nous divisent; alors sur ce point de vue,
je vous rejoins. Si je dis que le contrat devrait être respecté,
ce n'est pas parce que ce sont des Terreneuviens ou des
Québécois, c'est juste le fait qu'on peut justifier que c'est un
contrat qui a été dûment signé, qui est juste.
L'inverse pourrait se produire. Ce seraient d'autres êtres humains qui
seraient lésés plutôt que les êtres humains de
l'autre côté de Churchill Falls, ce seraient les êtres
humains de ce côté-ci de Churchill Falls qui seraient
affectés par une annulation de ce contrat.
Sur ce point, je pense que ce sont des sentiments assez nobles et je
suis d'accord avec vous.
Vous parlez de la communauté nord-américaine de
l'énergie. Vous savez sans doute que durant l'été de 1979,
durant la crise de pétrole iranienne, les États-Unis avaient
suggéré au Canada de faire un marché commun pour les
ressources énergétiques entre le Canada et les États-unis,
parce que les Américains importent presque 50% de leur pétrole,
tandis que nous, effectivement - on va augmenter un peu avec les politique de
M. Lougheed - jusqu'à dernièrement, on n'importait que 15% de nos
besoins en pétrole, et en plus, nous avons des ressources
hydroélectriques qui sont assez avantageuses pour le
développement économique du Québec.
Quel avantage voyez-vous pour nous d'avoir une communauté
nord-américaine de l'énergie quand nous serions clairement
désavantagés si cela se produisait? Parce que effectivement
toutes les ressources que nous avons en eau, en gaz naturel, même les
ressources pétrolières dont nous avons besoin pour notre propre
développement, on les partagerait avec nos amis les Américains.
Je n'ai rien contre le partage pourvu qu'on en ait assez pour nous-mêmes.
On ne voudrait pas avoir les crises qu'ils ont eues dans d'autres pays. Nous ne
voudrions pas que cela se reproduise ici. Alors, du point de vue
économique et du point de vue des ressources et des approvisionnements
et de la sécurité d'approvisionnement, je ne vois pas vraiment
l'avantage pour nous, à ce moment-ci, de suggérer une
communauté nord-américaine de l'énergie. Je pense que nous
sommes bien servis, au Québec, en ayant une communauté canadienne
de l'énergie, dans notre accès aux sources canadiennes. Peut-
être pourriez-vous apporter un commentaire sur les avantages pour nous
d'un marché nord-américain. (23 heures)
Le troisième point que je trouve intéressant, je crois que
nous sommes d'accord en termes de développement régional. Vous
parlez de la Chamuchouane dans la région du Lac-Saint-Jean. Cela
pourrait être un projet très valable suite aux études
qu'Hydro-Québec est en train de compléter. Cela pourrait non
seulement produire de l'électricité pour le Québec, mais
ça aiderait au développement régional de cet endroit,
alors cela aurait des retombées économiques assez
intéressantes pour des régions qui pourraient
bénéficier énormément de ce genre de
développement. Pour cette suggestion, je pense que nous sommes tous
d'accord à dire que ce serait une bonne direction pour
Hydro-Québec.
Le Président (M. Jolivet): M. Gagnon, avez-vous des
commentaires?
M. Gagnon (Jean): Un seul commentaire. Vous dites que nous nous
appauvririons en énergie si nous partagions avec les Américains,
j'accepte l'appauvrissement.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Duplessis.
M. Ciaccia: II va falloir que vous essayiez de convaincre vos
concitoyens d'accepter l'appauvrissement.
M. Gagnon (Jean): Je ne suis pas capable, à l'âge
où je suis rendu, de raisonner les problèmes autrement que sur
l'échelle humaine, et dans le cas américain.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Duplessis.
M. Perron: Merci, M. le Président. J'ai bien aimé
la façon dont vous avez présenté votre mémoire, il
était très ouvert. Vous parliez tout à l'heure de
Churchill Falls, soit CFLCO. Je me rappelle très bien, lorsque je
travaillais à Hydro-Québec, à ce moment-là, dans la
région de Hull, c'était déjà commencé, si ma
mémoire est bonne, en 1965, le contrat a été signé
en 1969. À ce moment-là, le contrat était très
avantageux, autant pour le Québec que pour Terre-Neuve, parce que les
lignes 7031, 7032, 7033 venant vers Baie-Comeau pouvaient ensuite être
dirigées vers Montréal, vers les grands centres. Il y a
même de cette électricité qui peut servir... Si ma
mémoire est bonne, il y a des contrats signés avec l'Ontario au
niveau de la pointe.
Il faut bien dire ici que le Québec et Hydro-Québec sont
prêts à négocier. Ce qui
arrive, c'est que Terre-Neuve ne veut pas négocier actuellement,
elle ne veut pas s'asseoir à la table. On est prêt à
regarder toutes les demandes de Terre-Neuve de ce côté, mais il ne
faut pas se faire embarquer non plus. Lorsqu'on signe un contrat, je pense
qu'il faut le respecter jusqu'à nouvel ordre, jusqu'à ce qu'il y
ait des négociations pour en changer la teneur. En 1965, on avait
à Hydro-Québec nos propres projets. Il aurait pu y avoir
Manic-Outardes, tous ces projets qui auraient pu être devancés, il
aurait pu y avoir le projet de la Baie James aussi, qui aurait pu être
devancé. Il fallait faire attention parce que, lorsque le contrat a
été signé avec CFLCO, le contrat lui-même
était avantageux, parce que cela coûtait moins cher à
construire que si on avait construit la Baie James, par exemple, malgré
que si on avait construit la Baie James à ce moment-là, au lieu
de nous coûter $16,500,000,000, elle nous coûterait à peu
près $8,000,000,000, 50% de ce que ça coûte
actuellement.
Vous avez parlé de dollars américains pour devancer des
projets. Je suis bien d'accord pour devancer des projets, j'ai même fait
la demande en commission parlementaire de devancer le projet de La Romaine
à cause de la conjoncture économique sur la Côte-Nord,
spécialement dans le comté de Duplessis: mises à pied,
fermeture d'usines. Il y a une chose, c'est qu'il faut tenir compte de beaucoup
de facteurs avant d'arriver et commencer à construire des barrages
partout et des centrales partout, parce qu'il ne faut pas se ramasser avec des
éléphants blancs. Si on a des centrales qui servent seulement
à la pointe, durant l'heure du déjeûner, du dîner et
du souper, et si on a trop de puissance en force, qu'est-ce qu'on fait avec? Il
faut tout de même que ça rapporte.
M. Gagnon (Jean): S'ils ont été payés par
les Américains, ils s'arrangeront avec leurs mégawatts.
M. Perron: Ce n'est pas comme cela que ça marche.
M. Gagnon (Jean): J'en fais des contrats, moi. Je passe ma vie
dans les contrats. On va leur faire un contrat.
M. Perron: II y a une chose, en tout cas, sur laquelle je ne suis
pas d'accord. Dans votre mémoire, vous dites qu'il faut "harnacher"
toutes les rivières, qu'il faut qu'on construise des barrages, qu'il
faut qu'on construise des centrales. Mais il faut penser, par exemple, à
la question de l'environnement, à la question de l'écologie. Le
saumon, je ne sais pas si vous en avez beaucoup dans votre région, mais
il y en a quand même un maudit paquet sur la Côte-Nord. Si ma
mémoire est bonne, il y a 23 rivières à saumon. Il faut
regarder quelle sorte d'impact cela va avoir sur l'écologie de ce
côté. Vous avez aussi des droits qui sont existants et, en tout
cas, qui ne sont pas clairs en rapport avec les Amérindiens. Ce sont des
choses qu'il faut regarder. On n'est pas pour arriver, comme je le disais tout
à l'heure aux intervenants avant vous, et marcher sur la tête de
tout le monde parce qu'on veut construire des barrages et donner des emplois
à tout le monde.
M. Gagnon (Jean): C'est ce que je dis, moi. Mettez le monde
à l'ouvrage. Faites les travaux pour l'écologie. Faites tous les
travaux. Faites toutes les rivières en même temps. C'est
bourré de chômeurs. La province, c'est du chômage complet.
Mettez-nous a l'ouvrage. Attelez-vous sur toutes les rivières et dans
tous les coins et prenez les milliards. L'argent, c'est fait pour être
dépensé. Plus on en dépense, plus on en fait.
M. Perron: Écoutez, je ne veux pas m'éterniser
là-dessus. C'est le dernier commentaire que je vais faire, mais on parle
de projet de $55 milliards actuellement. De la façon que vous vous
voulez ça, ce n'est pas $55 milliards que cela prendrait, c'est $250
milliards.
M. Gagnon (Jean): C'est $555 milliards, mais on les paiera en
mégawatts. On ne peut pas être attrapé.
Le Président (M. Jolivet): Merci, M. Gagnon.
M. Perron: Merci.
Le Président (M. Jolivet): M. Gagnon, je sais que vous
devez quitter rapidement. Donc, merci d'être venu. M. Pierre Marissal,
vous êtes demandé à l'avant. Pendant qu'il s'approche, je
donne l'horaire de demain: Fédération des travailleurs du
Québec, Dominion Bridge-Sulzer Inc., Association Environnement Archipel,
Conseil Atti-camègues-Montagnais, Corporation des maîtres
électriciens du Québec, Conseil régional de
développement de l'Abitibi-Témiscamingue; pour dépôt
seulement, Comité d'environnement Alma Inc., Chambre de commerce de
Sept-Îles, ce qui fait demain huit mémoire. Moins un qui est un
dépôt, cela donnera sept mémoires à entendre demain
et un mémoire a été enlevé de la liste. Je pense
que c'est Radio-Québec Côte-Nord qui s'est désisté,
qui ne viendra pas. Donc, c'est l'horaire de demain qui va terminer l'ensemble
de nos travaux pour les six jours. M. Marissal, la parole est à
vous.
M. Pierre Marissal
M. Marissal (Pierre): Merci, M. le Président. Je voudrais
d'abord remercier la commission d'avoir bien voulu m'entendre en dépit
du fait que je n'ai pas fourni les 100 exemplaires de mon mémoire. Du
fait que je me présente à titre personnel, cela aurait
supposé des dépenses qui excédaient mes moyens.
Maintenant, je dois déplorer l'absence de M. Fortier parce que j'avais
de la matière à traiter avec lui. Il n'est pas là.
Le Président (M. Jolivet): Je pense que M. Fortier avait
un engagement et, à ce moment, M. le député de Mont-Royal
devient le critique officiel de l'Opposition.
M. Marissal: La chaise est encore chaude d'un humaniste haut en
couleurs. Je vais aborder le sujet un peu sous le même angle. À
titre personnel, on ne peut pas faire de batailles de chiffres et de
statistiques avec un organisme comme Hydro-Québec. C'est une question de
moyens. Ce sera plutôt une approche sociale humaine, avec comme
principaux outils le gros bon sens et un souci d'une démarche
authentiquement démocratique. Je voudrais d'abord souligner un point qui
est commun entre nous autres consommateurs et Hydro-Québec, c'est que
nous devons, l'un et l'autre, boucler notre budget. Pour ce qui est des
engagements financiers d'Hydro-Québec, bien sûr qu'il est question
de grands projets. Cela demande une décennie de planification. La Baie
James, par exemple, a été planifiée pendant la
décennie soixante, alors que l'énergie était bon
marché.
En 1973, il y a eu le coup d'envoi de la montée des prix du
pétrole. Étant donné le volume des investissements
d'Hydro-Québec, il y avait l'obligation d'accrocher la tarification de
l'électricité au convoi en folie des coûts des
hydrocarbures. On en arrive à un point où il est impossible
d'interrompre les travaux, à titre temporaire parce que de toute
façon, le coût du pétrole ne baissera pas et
définitivement parce que ce n'est même pas envisageable, c'est
irréversible. Nous sommes donc nous, Hydro-Québécois,
condamnés à poursuivre. Il y a eu beaucoup d'idées, de
suggestions, d'approches déjà exposées devant la
commission, mais peu ou pas d'approche sociale. Pourtant, tous les
Québécois sont embarqués dans la galère par leur
consommation d'électricité. Donc, l'énergie
électrique, c'est un bien commun.
En prenant connaissance des comptes rendus des travaux de cette
commission, on éprouve une sensation de vide; on produit et on produira
beaucoup d'hydroénergie, mais il semble qu'on ne saurait trop quoi en
faire. On parle même de surplus temporaire. C'est une attitude
négative qui conduit à des hypothèses de bon
débarras comme la seconde aluminerie projetée par
Péchiney-Ugine ou la fourniture d'électricité aux
États de la Nouvelle-Angleterre. Soit dit en passant, les
Américains ne sont pas forcément intéressés
à notre électricité parce que, ce sur quoi les compagnies
hydroélectriques américaines peuvent faire du profit, c'est
précisément sur la production d'énergie. Donc, si on la
produit à leur place, les compagnies distributrices ne peuvent pas
prendre de profit. C'est pour cela qu'on a vu dans les journaux qu'il
était dit que les politiciens étaient peut-être plus
empressés que les industriels.
Donc, les Québécois sont des bailleurs de fonds otages des
grands travaux et on envisage de brader le produit de leur investissement
forcé. Ces grands travaux exigent un déploiement
considérable de matière grise pour la conception et la
réalisation. Il est indispensable d'en investir autant et davantage dans
la rentabilisation sociale des kilowatts produits. À ce stade, la
question n'est plus comment, mais pour qui? L'électricité est une
source énergétique dépréciée dans les
esprits, elle souffre de la présence du pétrole, produit miracle,
elle ne se stocke pas, elle est cantonnée à des utilisations
sectorielles.
Premier travail de réflexion: Explorer tous les domaines
consommateurs d'énergie et tenter d'y adapter
l'électricité. Explorer toutes les avenues conduisant au stockage
de l'hydroénergie. Exemple: Chauffage de groupes de maisons, d'immeubles
en partant d'immenses cuves chauffe-eau. Avantage subsidiaire: Chauffage
assuré pendant les pannes. Cette première démarche
débouche sur un changement de mentalité à l'endroit des
possibilités de l'hydroénergie. Il devient possible de
dételer le wagon hydroélectrique du convoi pétrolier alors
même que les coûts des hydrocarbures continuent de grimper à
cause des décisions politiques de l'OPEP, de l'épuisement
progressif, de l'extraction de plus en plus onéreuse.
Ces points acquis, on débouche sur une rentabilisation sociale
exponentielle des investissements hydroélectriques puisque le processus
de réflexion n'est limité que par le non-intérêt ou
une approche négative. Il n'est que juste de rendre à
César ce qui lui revient de droit. Les Québécois doivent
recevoir les dividendes de leurs investissements hydroquébécois.
Pour ce faire, on doit avoir pour objectif la création d'un nombre
maximum d'emplois permanents, le développement d'une technologie
hydroélectrique tous azimuts en rapport avec le volume de kilowatts
produits, l'affranchissement de la société
québécoise à l'endroit du pétrole importé.
Les chercheurs des grands secteurs technologiques édifient presque
toujours des tours d'ivoire au sommet desquelles - circonstances aggravantes -
ils "chaussent" des oeillères. Dire que les facteurs social et humain
n'entrent que rarement dans leurs équations
est un euphémisme. Leurs compétences de scientifiques ne
sont pas contestées ici, il est tout de même permis de
déplorer ce déploiement cérébral de la recherche
pour la recherche dénué de contenu humaniste.
J'ai visité l'IREQ l'automne dernier et j'en suis ressorti
impressionné, mais déçu de cette unique éolienne
poussive installée sur le toit de l'immeuble administratif. Maintenant,
on fait grand cas du Tokamak dont l'IREQ est en train de se doter. Je persiste
à croire que la recherche est autant affaire de philosophie que de
technologie. Avant de se lancer dans la recherche scientifique, il convient de
définir quel type de société elle va servir. Actuellement,
nous menons la recherche et nous modelons la société pour y
intégrer les résultats de ladite recherche. N'est-ce pas mettre
la charrue devant les boeufs? L'IREQ n'échappe pas à cette
aberration des fins de la science. Dans le secteur privé, la
prépondérance des moyens sur la fin se peut concevoir par
l'obligation de réaliser des profits. Une société
d'État, et plus spécifiquement HydroQuébec, ne peut se
soustraire à ses responsabilités sociales. Le souci de mettre
à profit les connaissances scientifiques de ses chercheurs ne justifie
pas la direction d'Hydro-Québec de négliger des voies qui, pour
être moins prestigieuses, n'en sont pas moins nobles. Il est essentiel
d'élargir l'horizon de la société d'État par
l'apport de sang et d'idées neufs. L'expérience a prouvé
que la conception de son rôle dans la société
québécoise souffre de l'absence d'une vision multidirectionnelle
de ce que doit être ce rôle.
L'engagement irréversible de la société
québécoise dans l'aventure hydroélectrique exige cette
contrepartie, faute de quoi les Québécois pourraient bien
être amenés à déclarer une faillite collective
à l'issue de la décennie 80. (23 h 15)
Abordons maintenant l'hydroélectricité nucléaire.
Pour le Québec, particulièrement, cela répondrait plus
à des considérations politiques - ce qui équivaut à
entrer dans le club atomique - qu'à des besoins réels. La fission
nucléaire ne produit d'ailleurs que de l'électricité, la
même que celle produite par la houille blanche. Souci pour
Hydro-Québec de ne pas perdre ses chercheurs du domaine
nucléaire; souci de l'industrie nucléaire canadienne de tourner,
par les commandes domestiques, hors de la très dure concurrence
internationale.
Puisque nous sommes au domaine nucléaire, je voudrais m'adresser
plus spécifiquement à M. Fortier. Je voudrais savoir ce qu'il
pense du nouveau moratoire que M. Bérubé a évoqué,
la semaine dernière. Il y a également la position personnelle que
M. Fortier a prise et qui a été rapportée dans le Devoir
du lundi 2 février; M. Fortier m'excusera si je le cite mal, ce serait
le journal qui serait en cause à ce moment-là. Vous avez
parlé d'une position personnelle. Dans un gouvernement libéral,
il est probable que vous deviendriez ministre de l'Énergie. Est-ce qu'on
peut dire que cette vue personnelle deviendrait une politique
ministérielle? Est-ce qu'on peut raisonnablement le penser?
Je voudrais aussi évoquer les difficultés de Pointe
Lepreau, au sujet des coûts et des retards. La vie moyenne d'une centrale
nucléaire est de 30 ans.
Je voudrais aussi souligner que, depuis le début de l'aventure
nucléaire dans le monde, ç'a été le silence total
sur les incidents qui ont pu se produire.
Or, à partir du 28 mars 1979, c'est-à-dire la date de la
presque catastrophe de Three Mile Island, on a assisté à une
avalanche de révélations ayant trait à des incidents qui
se sont produits dans des centrales partout dans le monde. Un peu comme si on
avait voulu saturer les gens d'informations en leur disant: Voyez-vous, il y a
eu des presque accidents, mais on est toujours capable de les contrôler.
Donc, ça remettait en cause l'infaillibilité de l'énergie
nucléaire, mais ça disait aussi: Ne vous inquiétez pas,
nous avons la situation en main et il ne peut pas arriver autre chose que des
accidents mineurs.
Dans le cas d'une société nucléaire, on peut
évoquer le terrorisme, et qui dit terrorisme dit mesures
policières. Une société hautement
nucléarisée, ça débouche sur une
société policière. On peut évoquer le triste
événement qui s'est produit récemment en Espagne,
l'assassinat de José Maria Ryan. On peut dire à ce sujet qu'on
verrait mal les terroristes s'attaquer aux occupants de maisons solaires.
Admettez-vous que les propos qualifiés d'alarmistes des
antinucléaires sont largement compensés par le poids
économique de l'industrie nucléaire?
Avec les effets de l'inflation, il s'est produit une augmentation
incontrôlable de coûts, du fait de la durée des travaux, de
la complexité de la technologie, des défectuosités
à corriger avant même la mise en exploitation. À ce sujet,
les Américains en sont bien revenus du nucléaire; c'est
peut-être ce qui explique leur engouement pour le solaire, notamment.
Sans vouloir entrer dans les détails techniques, parce que je ne
vous suivrais pas, je voudrais quand même aborder le rendement de Carnot
et j'aimerais avoir une confirmation des chiffres que je vais avancer et qui
viennent du professeur LeBreton, qui est un professeur de biologie à
l'Université de Lyon. Il avance que la centrale thermoélectrique
classique a un rendement de Carnot de 45%, tandis que la centrale
nucléaire en a un de 25%. Rien que pour
cette raison, dans l'esprit de ce scientifique, le recours au
nucléaire est absolument à proscrire, sans même parler des
conséquences autres.
Dans l'article que je citais tout à l'heure, vous avez dit: "II
sera très difficile au Québec d'éviter le choix
nucléaire." Je ne voudrais pas recommencer l'algarade qui a eu lieu cet
après-midi, mais je voudrais tout de même vous poser cette
question: Venant de l'ancien président de Canatom, cette affirmation
peut-elle être acceptée pour argent comptant ou bien cette forme
de fatalisme viendrait-elle de l'existence de centrales nucléaires hors
Québec et dont les retombées nous affecteraient de toute
façon, sans égard aux frontières politiques?
Il y a un autre point. Cela vient d'une de vos interventions de cet
après-midi. Si la sévérité de la Commission de
contrôle d'Énergie atomique du Canada est dix fois, cent fois plus
grande qu'il y a dix ans, ne peut-on pas admettre que dix ans
d'expérience ont amené les experts à découvrir des
problèmes dont on n'avait même pas conscience il y a une
décennie? Cent fois plus sévère, c'est énorme.
Il y a aussi une chose que je voudrais souligner. Les défenseurs
du recours au nucléaire semblent toujours reprocher aux
antinucléaires leur émotivité. C'est la rationnanté
contre l'émotivité, si vous voulez. C'est celui qui sait contre
celui qui ne sait pas. C'est le savoir contre l'ignorance. Cependant, la menace
nucléaire, c'est quelque chose de nouveau. Dans l'histoire de
l'humanité, cela n'a jamais existé et, face à cela,
même les plus grands savants du domaine ne peuvent pas affirmer qu'il n'y
aura pas un jour une catastrophe majeure. C'est un danger qui reste inconnu, et
on en arrive à des choses comme cela s'est produit pas plus tard
qu'hier, et c'est dans le journal d'aujourd'hui: un affrontement
antinucléaire à Hambourg qui a regroupé au minimum 50,000
participants; il y a eu un affrontement avec 20,000 policiers. Il y a eu des
centaines de blessés, 127 blessés dans les rangs de la police
dont sept blessés graves. C'est bien sûr que ces gens ont
réagi de façon émotive, mais 50,000 personnes, c'est la
population de la ville de Sherbrooke. Ces gens ne se sont pas
déplacés pour rien. C'est peut-être émotivement,
mais il y a forcément une base à ça, il y a
forcément une raison. Ce n'est pas sans fondement. Comme toute rumeur,
il y a une cause. Ce sont des questions que je poserais plus
spécifiquement à M. Fortier.
J'ai débordé pas mal le contenu de mon mémoire. On
pourrait peut-être y revenir brièvement sans le lire. Ce que je
voudrais dire, c'est qu'on est embarqué avec HydroQuébec dans le
même bateau, pour ne pas dire la même galère. On n'a plus le
choix. On produit de l'électricité, mais, s'il vous plaît,
ne la vendons pas sans créer d'emplois, soit à une aluminerie,
soit à des consommateurs nord-américains. S'il y a des surplus,
cela fonctionne déjà et cela continuera de fonctionner, mais
mettons-nous au travail, imaginons un comité multidisciplinaire - cela a
été évoqué cet après-midi, je le reprends,
je l'avais dans mon mémoire - avec des universitaires de toutes
tendances, de toutes disciplines, mais, autant que possible, des scientifiques
doublés d'humanistes, des gens qui vont penser peut-être
quelquefois social, humain, avant économique. Mettons-nous au travail et
essayons de rentabiliser le plus près possible de 100% les kilowatts
produits. N'essayons pas de nous en débarrasser en disant: Coudon,
ça ne se stocke pas. On a l'occasion de le vendre, même si c'est
à vil prix, faisons-le. Non.
Si on est capable de définir au niveau gouvernemental un grand
dessein collectif, on est capable de passer au travers de ce genre de
problème. Il y a déjà un pas qui a été fait,
mais les politiques gouvernementales se font coup par coup, c'est-à-dire
qu'elles sont très proches de l'opinion publique. Pour cette fois, il
faudrait dépasser cela avec dans l'idée qu'à partir de
1985 on va connaître une crise énergétique majeure du fait
du déficit de l'approvisionnement pétrolier, déficit
physique entre l'offre et la demande et le fait aussi que les gisements vont
devenir de plus en plus difficiles à exploiter. Quand on parle du
gisement Hibernia, on dit qu'on va créer des îles artificielles de
milliers de tonnes pour faire échec aux icebergs qui, eux aussi,
pèsent des milliers de tonnes. On dit: On va peut-être fonctionner
avec des sous-marins, avec des submersibles pour amener le pétrole
à la côte. On dit aussi: On va peut-être mettre en place des
dispositifs qui seront capables, dans les quinze minutes, de quitter les lieux,
parce qu'il y aussi des tempêtes avec des vagues de 20 mètres de
hauteur. Il y a deux courants qui se rejoignent et le bouchon de ciment se fait
automatiquement, et quand arrive la catastrophe, il n'y a plus rien qui
dépasse et les bateaux sont partis.
Mais quand on parle de ça, on est proche de la catastrophe. Les
gens de Terre-Neuve ne sont pas prêts à embarquer dans ce bateau,
parce qu'ils disent: Si jamais il y a une catastrophe du genre Ixtoc dans le
golfe du Mexique, c'est fini pour la pêche et c'est fini pour les
Terreneuviens. Alors, là il y a déjà - pourtant c'est un
gouvernement -un effort de réflexion. Le gouvernement de Terre-Neuve a
mis les compagnies en demeure de lui fournir des plans de marche des
différents projets avec l'assurance qu'il ne se produirait pas de
catastrophe majeure.
Pour en revenir à l'utilisation optimale de
l'électricité produite, je disais qu'un projet avait vu le jour.
Ce sont les lignes
suburbaines électrifiées dans les emprises des compagnies
ferroviaires actuelles. Mais il faudrait définir un projet global et
avoir assez d'audace pour se demander si ça vaut encore la peine de
considérer la société de consommation comme autre chose
qu'une carapace de homard dont on a mangé les chairs. C'est fini, la
société de consommation, elle est moribonde. Faut-il se dire
aussi: Au Québec, on n'a pas d'industrie automobile, comme telle,
à part les 4000 personnes qui travaillent à produire des
automobiles à Sainte-Thérèse et qu'on pourrait facilement
recycler, pourquoi ne pas prévoir, ne pas envisager un système de
transport collectif à l'aide duquel il est beaucoup plus facile de
consommer des kilowatts?
M. Gagnon, je crois, qui m'a précédé, disait:
À Hydro-Québec, travaillez et trouvez des batteries
d'accumulateurs qui soient capables de recevoir l'électricité et
qu'il ne faille pas les rechanger toutes les demi-heures et ainsi de suite.
Mais il est beaucoup plus facile de faire rouler un train ou, enfin, un convoi
ferroviaire à l'électricité que des véhicules
particuliers. Il est aussi beaucoup plus facile de rentabiliser l'exploitation
de ces convois, parce qu'une automobile particulière, finalement, vous
allez l'utiliser une ou deux heures par jour, seul, alors que souvent, elle
comporte quatre ou six places et le reste du temps, elle est là et elle
dort. Cela a pris de l'énergie pour la fabriquer. C'est le plus grand
gaspillage qu'on puisse imaginer.
Alors, si on était capable d'envisager ce fameux grand dessein et
de dire: On l'applique énergiquement, pas de façon coercitive,
non, mais que le gouvernement y croit et qu'il en fasse la promotion, comme il
peut la faire pour d'autres sujets. Je suis bien sûr que l'opinion
publique va suivre. Il faudrait créer une commission qui
étudierait les coûts comparés de ce que ça
coûte actuellement pour exploiter une automobile particulière et
de ce que ça coûterait à un abonnné de ces
réseaux de transport collectif qu'on pourrait très bien imaginer
intégré, c'est-à-dire comme la carte autobus-métro,
la CAM de la CTCUM. On pourrait envisager d'avoir une carte d'abonné qui
permettrait d'aller de Chicoutimi à Hull en passant par Rouyn-Noranda en
ayant un montant mensuel à acquitter.
Donc, si on est assez audacieux pour ça, les travaux de la
commission qui étudierait ces coûts comparatifs pourraient
être publicisés presque à mesure. On pourrait aussi
créer une zone pilote dans une banlieue dortoir proche de
Montréal, par exemple, où on pourrait, à une
échelle réduite, déjà, mettre en place ce genre de
système de transport collectif intégré, donner des
rapports vécus à la population. Comme les gens sont toujours - et
c'est bien normal, comme je le disais au début - soucieux de boucler
leur budget, si on leur montre que d'utiliser les transports publics
intégrés avec des correspondances qui correspondent, avec des
fréquences suffisantes pour que ce soit exploitable, avec des petits
véhicules qui pourraient amener les gens de leur domicile au point le
plus proche de ramassage, soit d'un métro, d'un suburbain ferroviaire ou
d'un autobus, ou d'un trolleybus, peu importe, je pense bien qu'ils y
réfléchiraient deux fois avant de conserver leur auto ou avant
d'en acheter une autre. (23 h 30)
L'automobile, c'est le moyen le plus sûr de se ruiner et on voit
aujourd'hui des gens qui, pour conserver leur moyen de locomotion, sont
obligés de se séparer de leur maison. On peut inverser le
mouvement et on peut en arriver à ce que les gens... En fait,
l'automobile répond à un faux problème, il y a un besoin
de déplacement et on y répond par la possession d'une automobile
dont on se sert 2 heures sur 24. Je sais que c'est bien pratique, je suis venu
à Québec aujourd'hui en auto et j'ai trouvé cela bien
commode, mais il y a peut-être moyen de sensibiliser les gens. Cela leur
permettrait peut-être de garder leur maison et il y en a d'autres qui
pourraient peut-être envisager l'accession à la
propriété, ce qui donnerait un sérieux coup de main
à l'industrie de la construction qui est pas mal en déclin.
Maintenant, pour la construction, pour la réalisation de tous ces
éléments...
Le Président (M. Jolivet): Je ne voudrais pas vous
importuner, mais si c'était possible de terminer votre exposé
pour qu'on puisse poser les questions.
M. Marissal: D'accord.
Le Président (M. Jolivet): Parce qu'il y a encore un autre
groupe après vous.
M. Marissal: Quand on est sur les rails, c'est difficile de
s'arrêter. Enfin, c'était l'essentiel de mon propos. On ne peut
pas revenir en arrière avec les travaux d'Hydro-Québec, au moins
pour ceux qui sont engagés, c'est quasiment impossible.
Donnons à l'électricité une importance telle qu'on
va être capable de se détacher de l'hypothèque du
pétrole. Je ne sais pas -on peut citer un chiffre - si on était
capable d'assumer 50% ou 60% de nos besoins énergétiques à
l'aide de notre électricité, à l'aide de notre eau, je
pense que ce serait déjà un magnifique objectif.
Merci, M. le Président.
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.
M. Bérubé: Merci, M. le Président.
M. Marissal, je voudrais d'abord vous remercier d'avoir accepté
en votre nom personnel de venir témoigner de vos préoccupations
face au défi énergétique que doit relever le Québec
et en même temps, d'exprimer un certain nombre de préoccupations
face à la conservation de l'énergie, face à une
utilisation beaucoup plus rationnelle, face à certains choix de la
société que nous devons effectivement discuter.
Je pense que cette commission parlementaire, sans être le
mécanisme parfait - il n'y en a pas de mécanisme parfait - est
néanmoins une occasion assez exceptionnelle de converser un peu avec
tous nos concitoyens et d'échanger sur ces questions. Je tiens à
vous remercier du témoignage que vous apportez à l'importance de
ces travaux.
Étant donné que nous avons malheureusement un autre
mémoire, que nos règlements de l'Assemblée nationale nous
obligent à finir à minuit et que je ne voudrais pas priver le
groupe suivant de sa représentation, je vais vous poser quelques
brèves questions.
Votre mémoire m'a frappé en ce qui a trait, soit à
l'exportation de l'électricité, soit à l'implantation, par
exemple, d'une aluminerie; vous parlez de Péchiney-Ugine comme
étant un exemple de décision à ne pas prendre. Ma question
serait donc en deux volets, la première: S'il était possible
d'aménager une rivière dont nous n'aurions pas besoin, en toute
connaissance de cause, avant 20 ou 25 ans et que nous pourrions, à ce
moment, l'aménager en faisant payer les frais d'aménagement par
un autre que nous, de telle sorte que nous n'aurions pas à faire
endosser par le consommateur québécois
d'électricité les frais additionnels de l'aménagement,
jusqu'à ce que cette rivière nous soit retournée pour
notre propre consommation du moins, est-ce que vous verriez d'un bon oeil
l'exportation de cette énergie plutôt que de laisser couler cette
rivière, sans qu'on en retire le moindre avantage économique?
Ma deuxième question serait la suivante. Si nous voulons utiliser
l'électricité comme facteur de localisation de l'industrie au
Québec, il faudra que le coût de l'énergie soit un facteur
structurant de cette industrie. Si l'énergie dans un secteur industriel
ne représente que 1%, 2%, ou 3% des coûts de production,
même avec de l'énergie à bon marché, il est peu
probable que l'on puisse amener une industrie à se localiser chez nous
plutôt qu'ailleurs puisque, finalement, l'apport
énergétique ne sera peut-être pas le facteur de
localisation par excellence. Si nous voulons donc utiliser notre ressource
énergétique à des fins d'attraction de l'investissement,
il y a des chances que nous devions sélectionner des industries pour
lesquelles l'énergie représente un coût appréciable,
en d'autres termes, que l'énergie donne un avantage comparatif à
cette entreprise. Si nous suivons cette logique, nous serons presque fatalement
amenés à considérer des industries énergivores du
type de l'aluminerie.
Est-ce vous voulez dire par là que nous ne devrions pas chercher
à attirer au Québec des industries pour lesquelles
l'électricité serait un facteur de localisation? Je ne sais pas
si ma question est suffisamment claire. De deux choses l'une: ou
l'électricité est importante dans les coûts de production
de l'entreprise et nous pouvons faire miroiter la présence de
l'électricité québécoise pour attirer cette
entreprise ou, au contraire, ça ne représente aucun facteur
important dans l'ensemble des coûts de l'entreprise, auquel cas vous
pourrez avoir n'importe quel tarif d'électricité et où ce
sera très difficile d'amener une entreprise à s'implanter chez
nous.
Cela veut donc dire que si nous voulons utiliser notre
électricité pour attirer une entreprise, il faudra que
l'électricité représente un facteur important des
coûts. Si tel est le cas, il y a des chances que le type d'industrie dont
on parle soit du type de celle de l'aluminerie. Comment, en ce cas, voyez-vous
l'électricité comme facteur d'industrialisation au
Québec?
Le Président (M. Jolivet): M. Marrissal.
M. Marrissal: Merci, M. le Président. Je répondrai
d'abord à la première question. En somme, ça reviendrait
à une sorte de jeu où tel ou tel client dirait: Moi, je voudrais
cette rivière. Ce n'est pas impossible, mais je pense que cette
conception se rattache plutôt, justement, à l'aspect
négatif que l'on a vis-à-vis de l'électricité. Si
on envisage de l'utiliser à notre profit pour créer le maximum
d'emplois, je pense que, à un moment donné, on va avoir
aménagé toutes les rivières et il va nous manquer de
l'électricité. C'est une considération d'ordre personnel,
pas du tout chiffrée ni chiffrable, mais je ne peux pas vous
répondre plus que cela.
Pour ce qui est des industries énergivores, le malheur avec ces
industries, c'est qu'en dépit des investissements considérables
que cela suppose, ça sous-tend très peu d'emplois, finalement, et
surtout très peu d'emplois permanents, parce qu'on va construire
l'usine, ça va faire travailler un certain nombre de personnes, mais,
ensuite, c'est du presse-boutons. Plus c'est gros, plus on automatise, pour des
raisons de productivité, à cause de la peur des grèves,
les machines n'ont pas de vacances, elles ne tombent pas malades, etc., c'est
l'avenir. On peut toujours vendre de l'électricité. Les surplus,
ça peut se faire au niveau des États
du nord-est des États-Unis, mais les industries
énergivores ne viendront pas si on ne leur assure pas une fourniture
permanente. Il se peut qu'à un moment donné, cette
hypothèque posée sur ce volume d'électricité fasse
qu'on soit déficitaire pour les besoins domestiques.
Le Président (M. Jolivet): M. le député
d'Outremont.
M. Fortiert M. Marrissal, merci de votre intervention. Vous
soulevez des problèmes qui vont à la racine même des
problèmes énergétiques. Vous m'avez posé certaines
questions, je vais tenter d'y répondre très brièvement, et
ça me fera extrêmement plaisir de vous rencontrer en d'autres
occasions, compte tenu des limites de temps que nous avons ce soir.
En ce qui concerne la position du parti auquel j'appartiens, c'est
très clair, cela a toujours été la position du parti
libéral depuis plusieurs années, soit de développer nos
ressources hydroélectriques. On a commencé par la Baie James, et
il y en a d'autres à aménager. Dans le projet de programme qui
est en discussion et qui sera adopté prochainement, nous favorisons
l'examen public des implications du nucléaire. Je dis favoriser l'examen
public, autrement dit, avoir un examen public ou un débat public.
Pourquoi? Je pense que tout le monde s'entend pour dire qu'en
déplaçant le pétrole, nous allons utiliser, bien
sûr, davantage d'hydroélectricité. Tous s'entendent
également pour dire que - nous en avons discuté toute la semaine
dernière - à une date à déterminer et
qu'Hydro-Québec place, je crois, vers 1995, il semble que le
nucléaire pourrait produire de l'électricité à un
coût compétitif avec les rivières qu'il nous restera
à aménager à cette date. À quelques reprises, le
ministre a évoqué, je crois, une date qui va au-delà de
l'an 2000, mais si on se reporte aux projections faites par
Hydro-Québec, il semblerait que cette date soit plus tôt que
ça. Dans tout débat énergétique, bien sûr,
j'ai toujours dit, quand j'étais dans le secteur privé, que les
politiciens étaient en conflit d'intérêts. Vous savez, on
accuse souvent les gens de l'industrie d'être en conflit
d'intérêts. J'ai toujours dit au ministre qui
précédait celui qui est là présentement, alors que
je le rencontrais, que les politiciens sont en conflit d'intérêts.
Par exemple, M. Bérubé, dans le moment, doit faire face à
une élection qui s'en vient. Les politiciens ne sont pas toujours les
gens les mieux placés pour prendre des décisions dans le domaine
énergétique parce que se sont toujours des décisions
à très long terme. C'est toujours un danger que les politiciens,
à la veille d'une élection, disent des choses qui ne soient pas
dans le meilleur intérêt du
Québec.
Pour ma part, c'est la raison pour laquelle je crois qu'il faut examiner
ces choses en public. S'il est vrai, comme Hydro-Québec le dit, qu'en
1995 il faudra considérer d'autres formes d'énergie, à ce
moment il faut absolument faire un examen public parce que ce sera
peut-être nécessaire, mais il est bien sûr que toute
décision dans ce domaine doit être une décision
démocratique et politique. Ce n'est pas une décision
technocratique; il faut que ce soit une décision politique. Je crois
que, jusqu'à maintenant, en tout cas, nous étions le seul parti
à défendre cet examen public. La raison pour laquelle il faut
absolument le faire, c'est qu'il faut que le public soit informé des
formes alternatives d'énergie pour voir si on doit, on peut, quels sont
les dangers.
Vous avez fait allusion, justement en parlant de dangers, au fait que,
s'il y a de l'exploration pétrolière au large de Terre-Neuve, le
gouvernement de Terre-Neuve va chercher à obtenir des assurances
maximales pour éviter qu'une catastrophe semblable à celle qui
est arrivée dans le golfe du Mexique n'arrive. Vous savez, il n'est pas
nécessaire d'être grand clerc ou d'être expert pour dire
qu'il n'y a personne qui va être capable de fournir une assurance
à 100%, que ce soit dans la mer de Beaufort, dans le golfe du Mexique ou
au large de Terre-Neuve.
Tout ça pour dire qu'à mon avis un examen public des
différentes formes d'énergie va révéler, comme la
catastrophe du golfe du Mexique l'a prouvé et comme l'incident de
Mississauga l'a prouvé également, que toutes les formes
d'énergie impliquent des dangers. Ce sont des dangers qu'il faut tenter
de mesurer et qu'il faut tenter d'évaluer en public.
Ceci dit, la position que j'ai prise dans le journal et à
laquelle vous avez fait allusion, j'ai tout simplement dit, en
résumé, ce que je viens de vous dire, à savoir qu'il va
falloir faire des choix. J'ai simplement dit que, si c'est, dans un sens, une
décision démocratique et politique, c'est-à-dire faite
avec concertation, discussion publique et tout ça sur les
économies d'énergie et s'il n'y a pas d'autres formes
d'énergie, si les énergies nouvelles ne peuvent pas nous amener
la quantité d'énergie que certains semblent pouvoir leur
attribuer, à ce moment, ce serait peut-être une option. Je l'ai
évoqué comme une option et c'est une option qu'il faut discuter.
C'est la raison pour laquelle le parti politique auquel j'appartiens a mis dans
son programme qu'il fallait en discuter publiquement avant même de
pouvoir prendre une décision politique à ce sujet.
Le Président (M. Jolivet): Merci. Est-ce qu'il y a
d'autres questions? M. Marissal, je
voudrais...
M. Marissal: Oui. Je voudrais brièvement poser une
question pour aller plus au fond des choses. Dans l'article que je citais tout
à l'heure, il y a un point qui me déplaît souverainement.
Je vais lire le paragraphe, il est très court. Au cours d'une entrevue,
le critique officiel de l'Opposition a indiqué qu'un gouvernement
libéral consulterait la population sur tout le dossier
énergétique, mais est contre la tenue d'un
référendum pour trancher la question. C'est pour cela que je vous
demandais tout à l'heure si, dans la peau d'un ministre de
l'Énergie, ces considérations d'ordre personnel deviendraient une
politique ministérielle, parce que je crois que, pour un sujet aussi
grave que celui-là et après les précédents d'autres
pays à travers le monde, il ne s'agit pas seulement d'informer les gens,
parce que c'est facile de faire une information biaisée ou
tronquée ou par omission, mais, finalement, on donne une bonne
information et ensuite on interroge les gens. C'est cela, le processus
démocratique. Le référendum, c'est un processus
démocratique. Je crois que, sur un sujet aussi grave que celui d'engager
le Québec sur la voie du nucléaire, on ne peut pas ne pas
recourir au référendum. (23 h 45)
M. Fortier: Tout ce que j'ai à dire en réponse
à cela, c'est que vous devriez savoir - M. le ministre
Bérubé pourrait me le confirmer - que ce soit au sein du Parti
québécois ou du Parti libéral, ce n'est pas tout le monde
qui est du même avis. Il faut bien comprendre les limites, le pouvoir
même d'un ministre dans une question aussi importante que
celle-là. On peut prendre n'importe quel domaine extrêmement
important, au sein d'un cabinet, un ministre seul ne peut pas faire la
différence dans un débat aussi lourd. Ce serait ridicule de la
part d'un premier ministre, quel qu'il soit, de se laisser manoeuvrer dans un
contexte et sur un sujet aussi important que celui-là. C'est pour cela
que je crois que, premièrement, il faut mettre une sourdine à
votre crainte. Qu'un ministre, quel qu'il soit, puisse prendre des
décisions aussi importantes sans avoir l'appui du cabinet qui
représente toutes les couches de la société et les
différents secteurs de la société, c'est quelque chose
d'impensable.
La remarque que j'avais faite au sujet du référendum ne
tenait pas tellement au nucléaire comme tel. Elle tenait, à mon
avis, à ce que le processus décisionnel du régime
britannique dans lequel nous vivons fait plutôt appel à des prises
de décision qui n'impliquent pas le référendum. Ceci dit,
on verra dans le temps comme dans le temps. J'exprimais une
préférence en disant: On discute d'une nouvelle constitution.
Est-ce qu'à chaque fois qu'on va parler de décisions importantes
dans le domaine constitutionnel, il faudra absolument faire un
référendum? D'ailleurs, le Parti québécois a dit
que, même s'il y avait des négociations prochainement à ce
sujet, il n'aurait pas recours à ce référendum. Il y a une
limite.
Il y a plusieurs sujets très importants lorsqu'un gouvernement
gouverne le pays. Il y a tout de même une limite au nombre de
référendums qu'on peut faire. Ceci dit, je suis d'accord avec
vous et je reconnais l'importance du sujet. Il faudrait faire en sorte que la
population soit réellement impliquée, que ce ne soit pas
seulement un cataplasme ou une illusion de consultation, et faire en sorte que
le gouvernement aille réellement chercher les renseignements. Je crois
finalement que, si on donne l'information au peuple, le peuple va comprendre
les choix. Il ne faut pas prendre le peuple pour ce qu'il n'est pas. Je crois
que, bien informé, informé d'une façon adéquate, le
peuple va être capable de s'exprimer sur ce sujet comme il peut
s'exprimer sur bien d'autres sujets.
Le Président (M. Jolivet): M. Marissal, au nom de
l'ensemble de cette commission, je vous remercie.
M. Marissal: Je vous remercie aussi, M. le Président.
Le Président (M. Jolivet): Comme dernier intervenant ce
soir, j'inviterais l'Association du Labrador québécois,
représentée par M. Paul De Bané. On m'a dit que ce serait
M. Charles Falardeau qui ferait la présentation. Je demanderais au
responsable de nous donner les noms des autres personnes qui
l'accompagnent.
Est-ce que c'est M. Falardeau qui doit commencer ou M. De
Bané?
Allez! M. De Bané, s'il vous plaît! Nous avons une bonne
journée de faite. Oui, je sais, celle qu'on va avoir demain aussi.
Allez! M. De Bané, s'il vous plaît!
Association du Labrador
québécois
M. De Bané (Paul): M. Jolivet, je vous remercie beaucoup
et je remercie chacun de vous d'être venu ce soir. Je remarque M.
Bérubé. Je remarque aussi M. Fortier et les autres aussi.
Le 4 février de cette année, l'Association du Labrador
québécois déposait son point de vue à la commission
québécoise de la constitution. Les téléspectateurs
de cette émission pourront lire le compte rendu dans le journal des
Débats du 4 février 1981. Nous ne reprendrons donc point notre
argumentation étayée à cette commission. Elle a
duré environ une heure et couvert une dizaine de pages du journal des
Débats. Nous
encourageons cependant les membres de votre commission à nous
poser toutes les questions qu'ils jugeront nécessaires.
Inutile de rappeler que le territoire du Labrador concerne un
cinquième du territoire du Québec et que la question du Labrador,
dans la déposition que M. Charles Falardeau va lire dans quelques
instants, représente le choix de plusieurs années avant de
considérer le nucléaire, s'il doit être
considéré à ce moment-là.
Depuis notre déposition du 4 février dernier, un groupe
d'hommes d'affaires et d'avocats québécois, la
Société de développement Québec-Labrador-Rigolet
Inc., a demandé au gouvernement du Québec, via Énergie et
Ressources Québec, d'enregistrer, entre autres, des concessions au
Labrador et sur la côte même du Labrador.
Notre association a déjà transmis depuis plus d'un an sept
documents d'importance sur cette question à tous les membres de
l'Assemblée nationale du Québec. Le 1er document est: Les titres
du Québec ou les lois canado-québécoises. Le 2e document
est: le discours de Frédéric Dorion, le 6 février 1948,
alors qu'il était député à la Chambre des communes.
Il avait très bien cerné la question. Par la suite, il est
devenu, début 1960 jusqu'au début 1970, juge en chef de la Cour
supérieure du Québec. Un autre document est: notre
déposition du 4 février contenu dans le journal des
Débats. Le quatrième document, intitulé Vergennes, est la
proposition du premier ministre René Lévesque concernant une
renégociation globale avec Terre-Neuve. Un autre document concerne la
couverture du pourquoi en 1949 le Labrador ne fut point rapatrié au
Québec. Ce document est intitulé: Document aux ambassadeurs en
poste à Ottawa. Un autre document est un document intitulé: Un
survol, qui est une demande de réaffirmation des droits du Québec
sur le Labrador, fin session, juin dernier. Le dernier document,
peut-être le plus important, est la première tranche du rapport
préliminaire transmis début octobre 1979 à toute la
députation du Québec.
Conséquemment, l'Association du Labrador québécois
croit fermement que le présent gouvernement est parfaitement
informé de la question et doit conséquemment, et ce sans
délai, accéder à la requête de la
Société de développement Québec-Labrador-Rigolet
Inc. Moralement et politiquement, ce gouvernement ne peut en aucun cas aller au
peuple québécois dans une élection qu'on dit pour
très bientôt sans une acceptation préalable de la
requête de ce groupe, non seulement au Labrador intérieur, mais
tout autant sur la côte. L'imbroglio de la question du Labrador dure
déjà depuis 1902, c'est-à-dire depuis 79 ans. Il s'agit
dès maintenant de régulariser.
Pour nous, en finissant, et ce à titre d'exemple, nous disons que
le contrat ou plus précisément la renégociation du contrat
des chutes "Churchill" soulevée par le gouvernement terre-neuvien est un
faux problème pour les Québécois. Le problème pour
le Québec actuellement est de rapatrier - et ce en respect des lois
territoriales canado-québécoises de 1898 et de 1912 - au plus
tôt l'ensemble du territoire du Labrador. Pour le gouvernement
terre-neuvien cette renégociation ou cette demande de
renégociation du contrat de ces chutes est un faux-fuyant pour tout ce
qui concerne le Labrador.
Je m'excuse, M. le Président, j'ai omis tantôt, pour une
question d'eau, de présenter la délégation de notre
association. Le doyen de l'association est M. Conrad Savard, 76 ans, de
Saint-Alban. M. Savard est un ami de l'association. Par la suite, par ordre de
doyenneté - si ce mot existe - M. Gilles Belleville, un ami de
l'association de la région de Québec; ma compagne, Marielle
Laprise, de Grondines, est naturellement une amie de l'association puisqu'elle
est une amie du coordonnateur. Par ordre de doyenneté, le coordonnateur,
Paul De Bané, de Grondines; ici, représentant la jeunesse,
Charles Falardeau, de Montréal, écrivain, qui est d'ailleurs un
de nos analystes qui va lire la déposition.
M. Falardeau (Charles): L'association du Labrador
québécois, en tout premier lieu, désire féliciter
de tout coeur Hydro-Québec, et par ricochet Hydro-Québec
international, d'avoir, et ce, en tout respect des lois territoriales
canado-québécoises, affiché publiquement (à la page
74) dans son présent document prévisionnel, Une stratégie
pour la décennie 80, la carte du Québec incluant le Labrador dans
son intégralité, c'est-à-dire la côte du Labrador
comprise.
En second lieu, elle demande à Hydro-Québec,
aussitôt les autorisations gouvernementales accordées via
Énergie-Ressources Québec, de réévaluer sans retard
sa stratégie de développement électrique compte tenu,
notamment, de tout le potentiel hydroélectrique, gazier,
pétrolier et éolien du Labrador.
L'Association du Labrador québécois demande donc à
Hydro-Québec de développer tous ces potentiels
énergétiques mentionnés et ce, en respectant
scrupuleusement l'écologie excessivement délicate du milieu
labradorien de même que le point de vue, les préoccupations et les
droits des autochtones du Labrador qui, d'ailleurs - et cela va de soi -
doivent être associés à part entière dans le
développement de leur région propre.
La collectivité québécoise - et que ceci soit bien
compris - ne saurait d'aucune façon envisager et encore moins
tolérer le recours au nucléaire électrique par son
Hydro-Québec castrée de ses immenses ressources
énergétiques du Labrador, jamais.
L'occupation illégale et inconstitutionnelle du Labrador par le
gouvernement terre-neuvien, et ce, avec la complicité des gouvernements
canadien et britannique, doit prendre fin sans délai. Au nom du
collectif, je vous remercie.
Le Président (M. Jolivet): Merci. M. le ministre.
M. Bérubé: M. le Président, je suis un peu
surpris par la brièveté du mémoire. À plusieurs
reprises votre association est intervenue auprès du gouvernement pour
plaider la reprise par le Québec du contrôle du Labrador. Vous
suggérez même que nous accordions les permis demandés par
cette société, qui s'appelle Québec-Labrador-Rigolet, sur
le territoire du Labrador. (Minuit)
Je ne vous cacherai pas que, présentement, nous étudions
cette demande de manière à en vérifier au moins la
légalité et que je ne suis pas en mesure, aujourd'hui, de vous
dire de quel côté penchera le gouvernement, puisque je n'ai en
main aucun élément me permettant de me prononcer.
Toutefois, je vous poserais simplement une question. Certes, lorsque M.
Dorion, au Parlement du Canada, faisait son intervention - je crois que c'est
soit en 1942 ou 1944...
M. De Bané: M. Dorion a fait son intervention exactement
le 6 février 1948. Il avait cependant été
député indépendant du comté de Charlevoix-Saguenay,
au fédéral, depuis 1942.
M. Bérubé: Alors, je me suis trompé de
quelques années. Il faisait état, à l'époque de son
assez brillant discours - je dois le dire -au Parlement, de la valeur toute
théorique du jugement du Conseil privé de Londres, qui
n'était en fait qu'une opinion exprimée au roi, d'une part, et
qui, d'autre part, ne tenait pas compte d'un ensemble de décisions
antérieures de la couronne britannique qui certifiaient de la
propriété du Labrador pour le Québec.
Toutefois, entre-temps, c'est-à-dire en 1949, il y a eu un
amendement à la constitution qui s'est fait sans l'accord du
Québec, de façon totalement unilatérale, et qui nous a
privés d'un territoire aux richesses extraordinaires. Jamais le
Québec n'a accepté, mais il s'est agi d'un de ces beaux exemples
de gestes unilatéraux du gouvernement fédéral,
réalisés avec l'appui du gouvernement britannique.
Comment voyez-vous la légalité de ce geste
unilatéral du gouvernement fédéral à
l'époque, qui devait priver le Québec d'un droit absolument
inattaquable et impossible à remettre en question, si au moins on se
réfère à l'article 3 de la constitution qui interdit au
gouvernement fédéral de modifier le territoire d'une province
sans l'accord de cette province? En d'autres termes, comment voyez-vous la
légalité d'un tel geste unilatéral qui semble
caractériser très fréquemment les comportements du
gouvernement fédéral, qui a pris une attitude fort paternaliste
vis-à-vis des provinces depuis sa création par les provinces?
Le Président (M. Jolivet): M. De Bané.
M. De Bané: Je vous remercie, M. le Président. Le
ministre des Richesses naturelles, M. Yves Bérubé, a très
bien posé la question. J'avais d'ailleurs répondu par un geste,
lors de notre témoignage à la commission québécoise
sur la constitution, le 4 février. J'avais fait ce geste-ci!
C'est exprimer ce que Frédéric avait dit: L'entente
Canada-Terre-Neuve, ne vaut pas le papier sur lequel elle est signée. M.
Falardeau me faisait remarquer ceci, eu égard au témoignage de M.
Scowen, lors de notre déposition précitée du 4
février, qui d'ailleurs a été excessivement honnête,
et je m'étais mépris; M. Falardeau répondait autrement et
je reprends son point de vue. M. Scowen parlait de frontières
d'État à État. Ce n'est pas le cas en ce qui concerne la
question du Labrador.
Cela veut dire ceci: actuellement, ces lois de 1898 et de 1912
canado-québécoises -parce qu'il fallait l'assentiment des deux
paliers de gouvernement - sont pleinement valides de par le caractère de
notre régime fédératif. Je me réfère non
seulement au discours de Frédéric Dorion, je me
réfère à une conversation téléphonique que
j'ai eue, samedi passé, avec le porte-parole de la Société
de développement Québec-Labrador-Rigolet Inc. qui, d'ailleurs, a
toujours été entièrement loyale envers notre association.
Il me faisait remarquer plusieurs points que ses avocats ont trouvés,
qui démontrent que l'entente Canada-Terre-Neuve est non fondée en
droit, que l'adresse au Parlement britannique n'était pas conforme
à nos lois, conséquemment invalide et comporte d'autres aspects
d'invalidité. J'aimerais mieux laisser à ces gens - je ne suis
pas homme de loi, j'ai préféré, comme coordonnateur, m'en
tenir uniquement à la position de M. Frédéric Dorion parce
que, pour moi, elle était assez complète. Il semble que, du
côté des avocats du groupe en question, ils ont très bien
cerné l'invalidité sous au moins sept aspects, à ce que
m'a dit le porte-parole de ce groupe. Entre autres que, dans un régime
fédératif, il ne saurait jamais y avoir une question de
reconnaissance par les années. Il y a un terme spécial pour cela,
on dit par prescription. Ce n'est pas ici un état de fait prescriptif,
d'aucune façon.
Il faut comprendre ceci. M. Chrétien d'ailleurs, en
éludant le problème, a répondu
d'une façon qui, un jour, lorsqu'elle sera soumise à notre
tribunal suprême actuellement la Cour suprême - tranchera
naturellement du côté du Québec.
M. Chrétien a répondu ceci: "Écoutez, M.
McGrath, le Canada a accepté unilatéralement Terre-Neuve." M.
McGrath lui a répondu: "Écoutez, vous induisez la Chambre en
erreur." M. Chrétien n'induisait nullement la Chambre en erreur,
Terre-Neuve pouvait, selon l'Acte de l'Amérique du Nord britannique,
être invitée et entrer dans la Confédération, mais
pas Terre-Neuve et le Labrador. Donc, le Canada, en 1949, a admis
unilatéralement Terre-Neuve avec le Labrador, qui appartenait toujours
au Québec. Donc, on peut dire que M. Chrétien a répondu en
politicien; d'une partie, satisfaisant Terre-Neuve en disant: "Écoutez,
nous sommes liés". Ceci ne lie nullement les cours. C'est aux cours de
statuer. Un ministre de la Justice peut donner une opinion, pour éluder
la question, c'est tout à fait compréhensif.
Je reviens essentiellement au point de vue de M. Bérubé.
M. Bérubé nous dit qu'Ottawa a agi unilatéralement. C'est
entièrement vrai qu'Ottawa a agi unilatéralement. Que vaut cette
entente? Elle ne vaut absolument rien. D'autant plus que Québec a
été le cofondateur de l'association canadienne. Terre-Neuve a
été le dernier associé à entrer dans cette
fédération. Québec est un associé majeur.
Québec a tous les atouts actuellement pour faire revendiquer ses droits.
Et je bénis le jour, que je crois d'ailleurs pour bientôt,
où notre gouvernement va accepter la requête de ce groupe.
Conséquemment, le cheminement normal sera suivi par le groupe ou par le
gouvernement, ou par les deux ensemble, c'est-à-dire que les tribunaux
devraient trancher.
Essentiellement, je crois avoir répondu au point de vue juridique
qu'a soulevé M. le ministre.
J'aimerais ajouter ceci en terminant -peut-être que M. Falardeau
ou d'autres personnes de la délégation voudraient dire quelque
chose - qu'essentiellement, la question du Labrador est très simple, en
se référant à ceci: II y a eu outrepassement
unilatéral en 1949, dans une question qui est sacrée et
inviolable dans une fédération. Nous ne sommes point dans une
question qu'on peut considérer comme une zone grise où un
gouvernement ou l'autre, ayant pris l'initiative, marque des points. Ceci
n'existe pas dans une fédération telle que la nôtre.
Je voudrais maintenant, avec votre permission, M. le Président,
laisser la parole à d'autres intervenants de la
délégation. J'inviterais M. Falardeau à dire quelques mots
à cet égard.
M. Falardeau: Peut-être plus tard.
Le Président (M. Jolivet): D'accord. M. le
député d'Outremont, avez-vous quelque chose à ajouter?
M. Fortier: Je crois que le mérite du mémoire que
nous a présenté M. De Bané, c'est indirectement de nous
souligner l'importance du Labrador dans notre bilan énergétique.
Bien sûr, cette dispute avec Terre-Neuve au sujet des limites du
territoire pourrait avoir un impact positif ou négatif, selon les
résultats. Cela m'a surpris, en examinant les questions que le ministre
avait posées à Hydro-Québec, de voir que ce sujet n'avait
pas été abordé. Il est évident qu'avec un bilan
énergétique où l'électricité
représente 25%, si jamais il fallait perdre les ressources
hydroélectriques de Churchill Falls, c'est environ 5% de notre bilan
énergétique que nous pourrions perdre.
D'autre part, comme vous le soulignez, on pourrait y gagner passablement
si le problème était réglé d'une façon ou
d'une autre. Par ailleurs, il y a d'autres impacts; il y a tout l'impact des
rivières, comme La Romaine et autres, qui prennent leur source dans le
territoire qui est présentement donné à Terre-Neuve et qui
pourraient être développées de façon plus rapide si
ce problème était réglé. Je suis allé
à Sept-Îles en fin de semaine. Il est évident que ces gens
aimeraient bien que - on me l'a dit de façon très claire - ce
problème soit réglé dans les meilleurs délais
possible.
Je crois que c'est le mérite de votre mémoire de nous
souligner l'importance de la question non seulement dans un contexte juridique
qui n'aurait de conséquence que de satisfaire notre amour propre, mais
également dans un contexte énergétique qui est celui que
nous discutons présentement. Je crois qu'on doit vous remercier de nous
le souligner parce que, trop souvent, la présentation qui nous a
été faite n'en a pas tenu compte et je crois que c'est un facteur
extrêmement important. Merci.
Le Président (M. Jolivet): Merci. M. De Bané, en
terminant.
M. De Bané: M. Fortier a très bien cerné la
question, d'une façon très loyale, d'une façon hautement
professionnelle, eu égard à son titre de représentant du
peuple. D'ailleurs, je disais, devant la commission québécoise
sur la constitution, que la question territoriale du Labrador était non
partisane et devait avoir l'appui de tous les représentants du peuple.
Je disais même à M. Fortier, lorsque je le rencontrais pour la
première fois de ma vie à la suspension, avant la reprise ce
soir, qu'en aucun cas aucun parti du Québec ne devait s'approprier la
question du Labrador. L'honneur de la régularisation ou du début
du processus, que nous croyons être pour bientôt, de
régularisation de la question du Labrador doit rejaillir non
seulement sur le gouvernement du Québec qui nous représente tous,
mais aussi sur l'Assemblée nationale et sur chacun et chacune de ses
membres.
Compte tenu de tous les facteurs forts au niveau de la loi, au niveau du
poids du Québec, nous croyons entrevoir, si naturellement le
gouvernement et chacun de ses membres y met du sien, une régularisation
très prochaine de cette question non seulement dans
l'intérêt du Québec, mais tout autant dans
l'intérêt des Terre-Neuviens.
Essentiellement, j'ai dit mon point de vue. Avec votre permission, M.
Jolivet, j'aimerais peut-être laisser la parole à M. Falardeau qui
a voulu relancer quelque chose. Si, d'autre part, quelqu'un de notre
délégation voulait dire quelque chose, je demanderais à M.
Jolivet d'être indulgent.
Le Président (M. Jolivet): La permission est
accordée. M. Falardeau.
M. Falardeau: Je voudrais souligner à tous les membres des
partis qui sont ici présents que cette question du Labrador, qui est
dans le vague depuis le début du siècle, est si importante pour
la population québécoise qu'on pourrait même entrevoir une
bonne part de l'économie québécoise du côté
du Labrador. Il s'agit donc d'une question fort importante pour le
Québec et pour tout le continent nord-américain. (0 h 15)
II n'est donc pas question de reculer puisque, jusqu'à ce jour,
presque aucun pas, hormis peut-être des réaffirmations
disséminées à travers tous les mandats des gouvernements
passés... Il s'agit donc d'entamer le processus. Cela demandera beaucoup
de courage, sans doute, mais c'est une question si importante pour la
population québécoise, économiquement parlant. Bien
entendu, peut-être aussi qu'enfin, les Terre-Neuviens pourront tout
à fait se cerner, se définir dans la fédération
canadienne à la suite d'un règlement tel que nous le
présentons. Je vous remercie.
Le Président (M. Jolivet): Merci. Donc, au nom des membres
de cette commission, je vous remercie tous et j'ajourne les travaux à
demain, 10 heures.
(Fin de la séance à 0 h 17)