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Version finale

31e législature, 6e session
(5 novembre 1980 au 12 mars 1981)

Le lundi 2 mars 1981 - Vol. 23 N° 56

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Plan d'équipement et de développement d'Hydro-Québec pour la décennie 1981-1990


Journal des débats

 

(Quinze heures vingt minutes)

Le Président (M. Jolivet): À l'ordre! La commission de l'énergie et des ressources est à nouveau réunie afin d'entendre les personnes ou organismes qui veulent faire des représentations relativement au plan d'équipement et de développement 1981-1990 de la Société Hydro-Québec.

Avant de commencer cette rencontre, j'aimerais demander l'indulgence des membres de cette commission et des gens qui auront à m'entendre, j'ai perdu une partie de ma voix en fin de semaine, compte tenu que j'ai assisté au deuxième plus grand tournoi du Québec au niveau pee wee, celui de Grand-Mère, ville qui se trouve dans mon comté.

Les membres de cette commission sont M. Bérubé (Matane), M. Biron (Lotbinière), M. Bordeleau (Abitibi-Est) est remplacé par M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata), M. Ciaccia (Mont-Royal), M. Desbiens (Dubuc), M. Fontaine (Nicolet-Yamaska), M. Fortier (Outremont), M. Grégoire (Frontenac), M. Perron (Duplessis), M. Tremblay (Gouin).

Les intervenants sont M. Brochu (Richmond), M. Dussault (Châteauguay), M. Giasson (Montmagny-L'Islet), M. Mercier (Berthier), M. Michaud (Laprairie), M. Rancourt (Saint-François), M. Samson (Rouyn-Noranda) remplacé par M. Pagé (Portneuf).

Le rapporteur de cette commission est M. Denis Perron (Duplessis).

L'ordre du jour de cette journée, à partir de maintenant et probabalement jusqu'à 24 heures, est le suivant premièrement, Regroupement pour la surveillance du nucléaire; deuxièmement, la Caisse d'entraide économique de Portneuf; troisièmement, l'Association des mines de métaux du Québec; quatrièmement, La Ligue des droits et libertés; cinquièmement, M. Jean Gagnon, à titre personnel; sixièmement, M. Pierre Marissal, à titre personnel, et finalement, l'Association du Labrador québécois.

Je demande donc au Regroupement pour la surveillance du nucléaire, représenté par Mme Francine J. Ruvinsky, de bien vouloir s'approcher et présenter la personne qui l'accompagne. Mais, avant, le député de Mont-Royal demande la parole.

M. le député de Mont-Royal.

Question de règlement

Le projet Archipel

M. Ciaccia: M. le Président, brièvement, avant le début de nos travaux, aujourd'hui, je voudrais soulever une question de règlement quant au mandat de cette commission et l'audition de certains mémoires. Si vous vous rappelez, M. le Président, jeudi dernier, je vous ai demandé pourquoi le mémoire sur l'Archipel ne serait pas entendu vendredi, le lendemain. Il avait été prévu pour cette journée. Du côté du gouvernement, on n'a pas pu me donner une réponse satisfaisante à savoir pourquoi ce mémoire avait été reporté à demain.

Il paraît que, vendredi matin, le gouvernement, par l'entreprise de son ministre d'État à l'Aménagement, le député de Crémazie, a annoncé, à Place Bonaventure, le projet Archipel. J'ai visité les lieux moi-même samedi soir. Apparemment, on explique le projet, on en donne le développement à Hydro-Québec; on ne mentionne même pas qu'Hydro-Québec ne l'a pas sur son plan d'investissement d'ici 1995, on l'annonce comme un fait accompli. Cela m'amène à poser la question à savoir si vraiment le gouvernement prend au sérieux les travaux de cette commission. D'un côté, nous voulons - c'est le mandat de la commission - entendre les personnes ou organismes qui veulent faire des représentations relativement au plan d'équipement 1981-1990 de la société Hydro-Québec; les gens viennent ici de bonne foi, nous les questionnons de bonne foi quant au plan d'investissements d'Hydro-Québec; mais, d'un autre côté, nous voyons que le gouvernement annonce le début de certains travaux et le fait accompli de certains plans d'investissements. Cela nous amène à mettre en doute le but de cette commission et le sérieux du gouvernement.

Si vous vous souvenez, M. le Président, cette commission a été prolongée. Originellement, elle devait durer trois jours et, à la demande du député d'Outremont de prolonger pour entendre tous les mémoires qui avaient été soumis - il y a plus d'une trentaine de mémoires - le gouvernement a accepté de prolonger le mandat de cette commission.

Je voulais soulever ce point. Premièrement, on ne m'a pas fourni une réponse satisfaisante à savoir pourquoi le

mémoire d'Archipel avait été remis; deuxièmement, je trouve que cela va à l'encontre même du mandat de la commission qu'on examine certains projets et que le gouvernement les tienne déjà pour des faits accomplis. Hydro-Québec, pour votre information, M. le Président - vous allez vous en souvenir - a confirmé qu'Archipel n'était pas sur son plan d'investissements pour les années 1980 à 1995. Je voulais soulever ce point, M. le Président, et porter ces facteurs à l'attention du gouvernement.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre, sur la même question, je pense.

M. Bérubé: M. le Président, il y a erreur d'interprétation de la part du député de Mont-Royal puisque le ministre d'État à l'Aménagement du territoire n'a pas annoncé une modification dans le plan d'équipement d'Hydro-Québec. D'une part, le député de Mont-Royal dit que le gouvernement effectue présentement des études portant sur le projet Archipel et portant sur les aspects environnementaux, les aspects fauniques du projet, les aspects sociaux, qu'à plusieurs reprises il y a eu des consultations auprès des maires et conseils municipaux de l'agglomération montréalaise et que, pour permettre à tous les citoyens de peut-être mieux visualiser ce que représente le projet Archipel ou des formes du projet Archipel, des maquettes ont été préparées. Elles sont effectivement à la disposition du public et traitent non pas seulement de production d'électricité, mais des problèmes d'inondation dans l'agglomération de Montréal, traitent des problèmes de glaciation, par exemple, du port de Montréal, traitent des problèmes de frasil dans les prises d'eau des municipalités situées en aval des rapides de Lachine, en d'autres termes, traitent de l'ensemble de la problématique de l'hydroélectricité dans la région métropolitaine.

L'objectif de cette maquette est de permettre aux citoyens de se faire une idée plus physique, plus concrète de ce qu'est le projet Archipel, d'une part. D'autre part, en même temps, il est absolument évident que, comme gouvernement, nous ne pouvons pas autoriser un tel projet sans que des études soient complétées et sans qu'on ait également sensibilisé la population. Des représentants d'Hydro-Québec, en réponse aux questions qui ont été posées, ont souligné que les coûts d'Archipel avaient baissé de façon importante depuis que les études avaient été entreprises. Toutefois, on ne peut pas imaginer qu'Hydro-Québec ait terminé ses études d'avant-projet avant au moins deux ans. On ne peut pas imaginer non plus que les études environnementales puissent être complétées avant deux ans; par conséquent, ce dont il s'agit maintenant, c'est essentiellement de permettre à l'ensemble des citoyens de bien connaître ce qu'est le projet Archipel, de manière qu'on puisse avoir une discussion de fond. Lorsque les études seront disponibles, c'est-à-dire lorsque, d'ici deux ans, l'ensemble des éléments seront disponibles, on aura à la fois une opinion publique sensibilisée et au courant du projet, nous aurons également l'information scientifique concernant les problèmes environnementaux et nous aurons les analyses techniques d'Hydro-Québec concernant la faisabilité d'un point de vue de production d'électricité du projet. C'est à partir de l'ensemble de ces études qu'un gouvernement pourra prendre la décision d'aller de l'avant ou non avec un tel projet. (15 h 30)

Donc, c'est à l'occasion du Salon nautique de Montréal, où tous les amateurs d'eau douce et de plaisirs nautiques se retrouvent, que le ministre d'État à l'Aménagement du territoire a présenté en public une maquette qui, à ma connaissance, doit être prête depuis au moins un an et demi, mais que nous n'avions pas voulu sortir avant, faute d'avoir des études suffisamment avancées pour nous permettre de dire que le projet semblait effectivement un projet intéressant, qui mérite un appui actif de la part du gouvernement.

M. Ciaccia: M. le Président...

Le Président (M. Jolivet): M. le député, sans vouloir cependant commencer un débat...

M. Ciaccia: ... non, sur la même question de règlement.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Je ne doute pas de la bonne foi du ministre, mais je pourrais lui suggérer d'assister à la présentation de la maquette et de l'audio-visuel qui l'accompagne. C'est clairement explicité dans la présentation que ce projet, que les barrages électriques seront construits. On ne fait aucunement référence au fait qu'Hydro-Québec n'a pas complété ses études, qu'Hydro-Québec ne les a pas sur son plan d'investissement. On ne fait aucunement référence à de l'information qui peut laisser entendre qu'il y aurait peut-être des problèmes du côté hydroélectrique. On fait une présentation comme si c'était un fait accompli. Je peux l'en assurer, j'ai assisté moi-même, comme je l'ai dit, samedi soir à la présentation. Si ce n'était que pour présenter un projet probable et si l'audition, qui devait avoir lieu vendredi matin, n'avait pas été retardée, je vous assure, M. le Président, que je n'aurais pas soulevé cette question ici. On pourrait demander au ministre, mais je pense que même Hydro-

Québec ne pourrait pas dire quand le projet sera réalisé. Vous mentionnez que les études sont en train d'être complétées. Le ministre pourrait-il nous dire quand les travaux commenceront et le plus tôt ils peuvent être entrepris? La maquette qui est exposée à Place Bonaventure démontre le chenal sur le Kahnawake, qui est le côté des terres autochtones, et les autochtones ont dit: Jamais on ne vous donnera la permission de construire le chenal sur ce côté.

Alors, ou vous donnez de l'information valable à la population, ou vous faites de la propagande avant les élections sur un projet qui ne peut pas être réalisé de telle façon. Hydro-Québec n'a pas donné son approbation et même Hydro-Québec a dit: Nous ne pouvons pas continuer nos études, nous n'avons pas la permission d'aller sur les lieux.

Je voulais apporter ces précisions et demander au ministre quand le projet pourrait commencer.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Bérubé: Si on examinait ce projet remis dans l'ensemble des rivières aménageables au Québec, je crois qu'il devrait entrer normalement en production -s'il n'y avait aucun problème - en 1997, si je ne m'abuse.

Ce dont on parle maintenant c'est, compte tenu des études qui progressent, si ça ne peut pas être devancé, vers 1992, par exemple. Donc devancé de cinq à six ans. Il y a évidemment un coût au devancement d'un projet hydroélectrique, qui pourrait - je dis bien "pourrait" - être plus coûteux qu'un autre projet d'une autre rivière, il y a un coût économique associé au devancement, mais il y a également des avantages socio-économiques associés au devancement. C'est, par exemple, le dégagement de propriétés riveraines, c'est, par exemple, un terme aux problèmes d'inondation dans la région de Montréal, et on sait à quel point nos concitoyens, présentement, sont durement éprouvés par les inondations. Je suis convaincu qu'un bon nombre de nos concitoyens, qui ont les pieds dans l'eau présentement, ne verraient peut-être pas d'un mauvais oeil un certain contrôle des écoulements des eaux dans la région métropolitaine. En d'autres termes, il y a donc des avantages économiques et sociaux très importants découlant d'un tel projet.

Toutefois, il ne peut pas y avoir de décision d'aller de l'avant avec un tel projet, même de devancement, mais d'aller de l'avant en particulier, tant et aussi longtemps que l'on n'a pas véritablement évalué l'impact environnemental et l'impact sur la faune d'une tel projet.

C'est ce que le gouvernement s'est engagé à faire, soit à très rapidement poursuivre ses études. Et Hydro-Québec également a vraiment accordé toute sa collaboration en poursuivant des études très rapides, je ne dirais pas d'avant-projet, mais préliminaires, qui peuvent les conduire aux études d'avant-projet, de telle sorte que d'ici deux ans Hydro-Québec estime avoir en main tous les éléments techniques lui permettant de dire ce que coûterait un tel projet, s'il coûterait plus cher que les rivières alternatives ou si, au contraire, après une analyse plus détaillée, il serait effectivement plus économique que bien des projets que l'on envisageait; à ce moment-là, un gouvernement aura à prendre la décision. Cette décision devra tenir compte des facteurs sociaux, des facteurs humains; comme vous l'avez souligné, il existe pour l'une des versions, la version rive sud, un problème associé avec la réserve de Kahnawake. C'est donc de l'ensemble de ces facteurs dont il faudra tenir compte au moment de la prise de décision.

Toutefois, vous ne pouvez pas vous en aller avec un ensemble d'études environnementales, un ensemble d'études, comme le soulignait le président d'Hydro-Québec. Vous ne pouvez pas demander des permis de passage sur la rive sud du Saint-Laurent aux autochtones, aux Indiens qui y habitent sans que ceux-ci aient une idée de la nature du projet, de quoi on parle, des avantages et des inconvénients d'un tel projet. De là l'importance d'amener le plus rapidement sur la place publique une notion du projet de manière que ces gens puissent se faire une idée. Je pense que la présentation de cette maquette contribue énormément à sensibiliser les gens. La plus belle preuve, c'est que le député de Mont-Royal vient finalement de se réveiller et de s'apercevoir qu'il y avait peut-être un projet extraordinaire auquel il n'avait jamais pensé.

Le Président (M. Jolivet): Merci aux deux intervenants. Avant de donner la parole à Mme Ruvinsky, je tiendrais à faire remarquer qu'il y a une décision qui a été rendue la semaine dernière à savoir que les représentants qui viennent présenter un mémoire ont 20 minutes à leur disposition et que les gens autour de cette table ont à peu près 20 minutes de chaque côté. Tout en étant quand même large dans cette heure qui est allouée, je tiendrais à faire remarquer aux membres de cette commission et à ceux qui sont en face de nous qu'il y a d'ici minuit ce soir sept mémoires à entendre. Donc, la parole est à Mme Ruvinsky, qui va nous présenter la personne qui l'accompagne.

Regroupement pour la surveillance du nucléaire et Alliance Tournesol

Mme Ruvinsky (Francine J.): C'est M.

Boucher qui va commencer.

M. Boucher (Jacques): Oui. Je m'appelle Jacques Boucher. Je suis, en fait, d'Alliance Tournesol, de Montréal. Ce n'est pas inscrit sur les mémoires, mais on est deux groupements antinucléaires. De façon plus spécifique Alliance Tournesol est antinucléaire, mais également pour le désarmement, alors que le Regroupement pour la surveillance du nucléaire est plutôt orienté, de façon nationale ou au niveau du Canada, contre le nucléaire.

Il y a également Mlle Ruvinsky. Sa langue maternelle est l'anglais, alors, durant la période des questions, s'il était possible qu'elle puisse répondre en anglais. Je pense que ce serait mieux pour elle, parce qu'elle a de la difficulté, s'il y a des questions précises qui s'adressent à elle.

On a divisé notre présentation en quatre parties de cinq minutes. On a essayé de voir les quatre points qui pourraient être les plus pertinents à présenter devant la commission. Le premier point dont je vais traiter, c'est le processus décisionnel dans la politique énergétique, à l'heure actuelle, la façon dont ça déroule, la participation de la population, la consultation, le sérieux de toute l'étude.

Dans un excellent article qui a paru, d'ailleurs, dans le Devoir la semaine dernière, le mercredi 25, Mme Hélène Lajambe, du Front commun pour un débat public sur l'énergie, faisait remarquer que, dans plusieurs endroits ailleurs dans le monde, on attache beaucoup plus de sérieux à la question énergétique. C'est assez remarquable de voir qu'il n'y a pas tellement de groupes populaires plus ou moins écologiques, cette fois-ci, qui viennent participer en commission parlementaire. Sur l'ensemble des gens qui sont venus jusqu'à maintenant, il y en a peut-être sept sur ving-huit qui représentent un peu la population globale, avec des intérêts moins attachés que les autres qui sont venus présenter des mémoires.

On est solidaire du Front commun pour un débat public sur l'énergie qui boycotte cette commission parlementaire. Cependant, on considérait qu'il fallait que quelqu'un vienne le dire. Au moins, nous autres, on s'est dit qu'on viendrait le dire. On n'a qu'à prendre l'exemple de l'Ontario, comme le citait Mme Lajambe dans son article, où Hydro-Ontario, de façon permanente, se fait interroger par la Législature et par la population également. Vous êtes sûrement au courant de la commission Porter qui a siégé pendant cinq ans et demi pour en arriver à prendre des décisions sur la question énergétique. Il y a eu de nombreux témoins experts de convoqués, des groupes qui ont même été subventionnés pour venir présenter leurs points de vue et leurs connaissances sur la question.

Grâce à cet examen critique, comme le souligne Mme Lajambe, la population s'est trouvée mieux impliquée dans le processus, les prévisions de croissance de la demande ont baissé de moitié et de nombreux équipements ont été retardés, à cause justement du fait qu'on a réfléchi sérieusement et qu'on a pris le temps de prendre une décision sage sur la question énergétique.

Quand même, l'Ontario était déjà, impliqué dans des investissements, ce qui a fait en sorte que sa situation n'est quand même pas des plus reluisantes, à l'heure actuelle. Durant les audiences de la commission Porter en 1977, Hydro-Ontario prévoyait une croissance de 7% par année de la demande en électricité. Dans son rapport, la commission considérait que cela devrait être réduit à 4% par année et depuis, cela a même baissé jusqu'à 2% ou 3%. L'année dernière, la croissance effective de la demande domestique en Ontario, et la vente à l'étranger, en étaient de 0.

Ici, au Québec, c'est toujours 6 1/2%, jusqu'à la fin du siècle. Il n'y a personne en Amérique, à l'heure actuelle, qui fait ces prévisions. Partout, aux États-Unis, c'est de l'ordre de 2% à 3%. Naturellement, l'exemple de l'Ontario fait en sorte qu'on peut éviter des erreurs. Mais, quand même, l'Ontario a surestimé ses prévisions de croissance énergétique depuis 1973 et maintenant elle a une surcapacité d'à peu près 50% au-dessus de la demande de pointe, ce qui fait en sorte que c'est une proposition tout à fait dispendieuse pour Hydro-Ontario et que cela cause des problèmes financiers à la province, parce que, à l'heure actuelle, la dette d'Hydro-Ontario est à peu près la même que celle d'Hydro-Québec, $12 milliards et elle a des difficultés à payer les intérêts des dettes.

C'est pour en venir à dire que, dans le fond, on se demande jusqu'à quel point le gouvernement du Québec ne se laisse pas un peu embarquer par les estimations des fonctionnaires d'Hydro-Québec, des fonctionnaires de son ministère de l'Énergie et s'il n'y a pas derrière cela une image de nationalisme qui a été créée d'Hydro-Québec qui est le symbole grandiose du Québec qui est capable de faire des projets puissants et très dispendieux, les plus gros au monde, surtout les plus dispendieux aussi, naturellement. Il y aurait une nécessité urgente d'impliquer beaucoup plus la population dans cette prise de décision. L'exemple de l'Ontario n'est pas le seul. Tout le monde se rappelle la commission Berger sur la construction du pipeline dans la vallée du Mackenzie. Ils ont mis des années; je ne sais pas exactement combien de mois ils ont mis pour étudier à fond, consulter à la fois au nord, au sud. Je me

souviens qu'à ce moment, j'étais dans un groupement qui avait présenté un mémoire à Montréal même devant le juge Berger et c'était pour un projet qui impliquait à peu près des investissements de l'ordre d'environ $6,000,000,000; ce n'était pas $55,500,000,000 ou $90,000,000,000 comme celui qu'Hydro-Québec nous jette à la face à l'heure actuelle. (15 h 45)

II y a une foule d'exemples à travers le monde. La Suède, en 1973, avait un problème de nucléaire. Elle a instauré un débat public où plus de 100,000 groupes populaires ont pu présenter des mémoires et des rapports au gouvernement, des unions, des groupes d'Églises, des associations d'écoles, de consommateurs, d'environnement, d'hommes d'affaires. La littérature du gouvernement et des personnes était disponible pour l'information des gens et, s'ils n'obtenaient pas de réponse, on leur indiquait où ils pouvaient obtenir les informations. Cela a duré des mois, on a impliqué la population dans la prise de position, dans la réflexion sur la question énergétique.

La même chose s'est produite à plusieurs endroits aux États-Unis également, dans plusieurs villes, Portland, en Oregon, par exemple, où la population a été impliquée dans le programme de réduction de l'utilisation d'énergie. À différents endroits, à Ann Arbor, au Michigan, Springfield, dans l'Illinois, Clayton, au Nouveau-Mexique, Cristal City, au Texas, les gens étaient impliqués dans des programmes d'économie de l'énergie et d'implantation de nouvelles technologies plus à la portée de la population, plus décentralisés et créant plus d'emplois avec moins d'investissement.

Au début des années soixante-dix, aux États-Unis, on prévoyait que la demande en énergie serait de 230 quads - un quad étant un quadrillion de BTU. À l'heure actuelle, c'est baissé à 85 quads, ce qui veut dire qu'on a fait un effort énorme aux États-Unis. La même chose pourrait être faite au Québec, et ce n'est pas du tout dans les prévisions d'Hydro-Québec. De plus, même si Hydro-Québec a, dans son mandat, non seulement l'hydroélectricité mais l'approvisionnement en énergie dans l'ensemble du secteur énergétique au Québec, dans le sens de l'économie d'énergie, son rapport n'est pas très optimiste, mais légèrement optimiste.

Ce n'est pas ce qui s'est produit dans plusieurs endroits au monde où cela a dépassé énormément les prévisions. Par exemple, le gouvernement américain ne prévoyait pas qu'il y aurait 200,000 maisons chauffées à l'énergie solaire; à l'heure actuelle, c'est le cas. À peu près 50,000 maisons, à l'heure actuelle, ont un système de solaire passif qui consiste seulement en l'installation d'un genre de serre attenante à la maison, ce qui fait que la demande en énergie a baissé énormément.

Tout cela nous amène à faire une critique un peu plus poussée des investissements d'Hydro-Québec et de la question du nucléaire que va compléter Mlle Ruvinsky.

Le Président (M. Jolivet): Mme

Ruvinsky.

Mme Ruvinsky: Je vais présenter un texte présenté par le Dr Gordon Edwards, directeur du Regroupement pour la surveillance du nucléaire. Le Dr Edwards, malheureusement, n'a pu se rendre ici aujourd'hui; il est en train de faire des représentations au Conseil des Territoires du Nord-Ouest.

Le Regroupement pour la surveillance du nucléaire représente plus de 200 groupes de citoyens de toutes les régions du Canada. Il a été fondé en 1975 afin de créer un débat public ainsi qu'un libre forum pour discuter des problèmes de l'énergie nucléaire.

Permettez-moi maintenant de consacrer quelques minutes aux priorités d'investissement d'Hydro-Québec. Je commencerai par le problème du règlement de la dette d'Hydro-Québec. Hydro-Québec a pour environ $11,000,000,000 de dettes. Ce n'est pas chose facile de créer assez de revenus annuels pour payer l'intérêt d'une somme si grande. Hydro-Ontario a dû, lors des dernières années, emprunter de l'argent seulement pour pouvoir payer les intérêts de sa dette de $12 milliards. Hydro-Québec veut dépenser environ $90 milliards durant les dix prochaines années. Puisque de nouveaux investissements ne produisent pas d'électricité nouvelle pendant environ dix ans, on peut s'attendre à de sérieux problèmes d'argent liquide. La dette d'Hydro-Québec est garantie par la province. Dans un sens, la province entière sert de gage aux emprunts d'Hydro-Québec. Comme a dit M. Amory Lovins, auteur et recherchiste sur des questions énergétiques, pendant une conférence à Montréal, le 6 novembre 1980: "La dette courante d'Hydro-Québec représente 93% de toutes les dettes garanties par la province. Elle excède de presque 19 fois la dette provincialement garantie des Jeux olympiques. Elle dépasse la dette totale encourue par toutes les municipalités et les communautés urbaines, les commissions scolaires, les conseils gouvernementaux, les commissions et les corporations, les universités et les collèges, les institutions de santé et de bien-être social du Québec. La dette d'Hydro-Québec garantie par la province est d'un peu plus de $5000 par foyer québécois, c'est-à-dire de $1700 pour chaque femme, homme et enfant de la province et croissant au taux actuel de $280 par année. Hydro-Québec désire toutefois

augmenter cette dette à environ $14,000 pour chaque personne vivant dans la province."

Le financement de cette dette exigera des efforts héroïques. Si, pour quelque raison que ce soit, le Québec ne peut pas vendre autant d'électricité qu'il l'espère, ce dernier pourrait se retrouver dans une situation financière désespérée. Hydro-Ontario, par exemple, qui possède une capacité électrique de surproduction qui est d'environ 45% supérieure à la demande maximale, fait face à de réelles difficultés quant à la revente de ce surplus. Durant la dernière année, il n'y eut quasiment pas d'augmentation du chiffre de vente total en électricité par HydroOntario, même en combinant les ventes domestiques et à l'étranger. La vérité est qu'Hydro-Québec s'est engagée dans un gigantesque jeu de spéculation. Il n'existe aucune autre utilité qui prédise un taux de croissance en demande d'électricité s'approchant des 6.5% d'Hydro-Québec. La projection courante d'Hydro-Ontario est pour une croissance de 3,1% jusqu'à la fin du siècle.

Sans un changement de direction massif vers le chauffage électrique, ce qui est très peu probable à cause de son coût trop élevé, il est impossible de créer de grandes augmentations de demande d'électricité. À $0.025 le kilowattheure livré, le chauffage au foyer à l'électricité équivaut à payer $40 un baril d'huile. À $0.07 ou $0.08 par kilowattheure, prix que l'on pourrait s'attendre à payer pour une centrale nucléaire nouvellement construite, le chauffage au foyer à l'électricité serait l'équivalent de payer de $120 à $130 pour un baril d'huile. Ceci est quatre fois plus élevé que le prix de l'huile de l'OPEP. L'électricité est une forme très coûteuse d'énergie qu'on utilise pour le chauffage. Les gens qui se détournent de l'huile ne chercheront pas automatiquement l'une des possibilités les plus coûteuses, c'est-à-dire l'électricité. Ils épuiseront d'abord toutes les autres moins coûteuses surtout la conservation de l'énergie et les énergies renouvelables. Si les espérances d'Hydro-Québec ne se matérialisent pas, les gens du Québec seront peut-être aux prises avec un fardeau financier qui donnerait l'apparence d'une farce au déficit olympique.

Maintenant, le troisième point, il s'agit des investissements optionnels. La façon la plus rapide et la moins coûteuse de réduire nos importations d'huile est par la conservation de l'énergie. Ceci devrait être la première priorité de toute politique énergétique sensée. Au lieu d'investir dans de nouvelles réserves d'électricité à exporter, nous devrions investir dans nos propres communautés québécoises. Avec $4000, le propriétaire d'une maison peut s'acheter beaucoup d'isolation et payer en plus pour d'autres mesures visant à améliorer son efficacité énergétique. En allouant $14,000 par maison, $1 milliard serviraient à un quart de million de foyers. Donc, avec un investissement de seulement quelques milliards de dollars, le Québec pourrait devenir la province qui a le rendement énergétique le plus efficace du Canada.

Un tel programme d'investissements, s'il était mis en fonction, fournirait beaucoup d'emplois et créerait d'attrayantes occasions d'affaires à travers le Québec. Le programme se paierait de lui-même si chaque propriétaire était facturé d'un montant mensuel égal aux épargnes mensuelles en énergie créées par les améliorations faites à la maison. D'après l'expérience acquise dans d'autres juridictions, on estime à moins de dix ans la période de remboursement d'un tel investissement, évitant ainsi tout sérieux problème de disponibilité d'argent liquide.

Une fois ce programme autofinançant mis en oeuvre, il pourrait être étendu pour couvrir les secteurs du commerce et de l'industrie afin d'aider au financement d'une transition massive vers une société plus efficace dans son utilisation de l'énergie. Un tel programme peut être financé au même endroit. Par exemple, on pourrait profiter du système actuel de facturation d'Hydro-Québec pour émettre les cotisations. Toutefois, le projet ne devrait pas être contrôlé là. Un contrôle centralisé, avec toute la bureaucratie que cela implique, est beaucoup trop lent, trop coûteux et trop inefficace pour bien fonctionner. Plutôt, chacune communauté et même chaque propriétaire devrait être libre d'investir son argent de la meilleure façon qu'il ou elle le peut.

D'autre part, l'éducation publique, par la radio, la télévision et les imprimés, irait loin quant à réduire l'existence de produits dangereux ou de travaux mal exécutés. La meilleure garantie assurant un travail de haute qualité demeure l'éducation des consommateurs et l'information publique. Nous n'avons pas besoin des experts pour prendre des décisions, mais une partie de leur expertise devrait être facilement disponible au public.

Notre deuxième priorité d'investissement devrait être les énergies renouvelables à petite échelle, domaine qui est clairement la vague de l'avenir. Les chauffe-eau solaires sont déjà un choix sensé et devraient être financés de la façon décrite précédemment.

Le chauffage solaire des maisons est une question plus compliquée, mais il représente une option définitivement attrayante pour le Québec, à condition qu'il existe déjà un haut degré d'efficacité énergétique. Comme le chauffage solaire requiert une forme quelconque de stockage de la chaleur, même des systèmes de soutien

électriques n'exigeraient pas nécessairement de capacité électrique accrue. Comme en Allemagne de l'Ouest et en Suède, l'électricité ne serait jamais utilisée pour chauffer la maison directement, mais seulement pour chauffer le stock mis en réserve en se servant du courant en dehors des heures de pointe.

On pourrait financer des projets pilotes dans tous les domaines suivants: des projets d'habitation au chauffage solaire à haut rendement énergétique; l'adaptation au chauffage solaire des édifices déjà en place; des réservoirs communautaires de stockage de la chaleur solaire opérant à l'année longue, tels que conçus par l'architecte montréalais Robert Wright; la génération du gaz naturel synthétique par l'utilisation du fumier que les fermes utiliseraient sur les lieux; la génération d'un carburant liquide à l'alcool dérivé des déchets de l'industrie forestière; la cogénération de l'électricité de la part des industries québécoises qui emploient présentement le procédé de la vapeur.

De plus, le gouvernement pourrait instaurer des mesures incitatrices pour réduire l'achat de voitures grosses consommatrices de carburant tout en développant des carburants alternatifs au pétrole, c'est-à-dire le gasoil, le méthanol, etc.

Si nous ne faisons pas d'investissements dans les technologies renouvelables aujourd'hui, nous devrons les acheter des autres demain. La conservation de l'énergie et les énergies renouvelables représentent nos chances les plus sûres et les moins coûteuses de nous assurer une autosuffisance énergétique. Nos priorités d'investissement devraient viser les Québécois tout d'abord et non nos voisins du Sud. Aucune capacité génératrice nouvelle ne devrait être construite au Québec à moins que ce ne soit clairement requis pour subvenir aux besoins légitimes d'une société possédant déjà un haut rendement énergétique.

Le Président (M. Jolivet): Merci. M. le ministre.

M. Bérubé: Merci, M. le Président.

M. Boucher (Jacques): Est-ce vraiment terminé? II y a une autre section sur le nucléaire.

Le Président (M. Jolivet): Vous avez déjà dépassé de près de cinq minutes votre temps. À moins que ce ne soit rapide...

M. Boucher (Jacques): Ce ne sera pas tellement long.

Mme Ruvinsky: Ce n'est pas tellement long, je pense que c'est quatre minutes.

Le Président (M. Jolivet): Allez-y.

M. Boucher (Jacques): Merci, M. le Président.

Mme Ruvinsky: Pour ce qui reste de ce siècle, l'énergie nucléaire n'est absolument pas nécessaire au Québec; néanmoins, Hydro-Québec envisage de construire d'autres réacteurs nucléaires. Ceci est extrêmement irréfléchi et ne devrait pas être permis pour plusieurs bonnes raisons: premièrement, la possibilité d'un effondrement nucléaire. Comme le premier ministre Trudeau l'a dit l'année dernière à Ottawa, l'industrie nucléaire canadienne est en fort mauvaise posture financière, elle pourrait s'effondrer d'ici une décennie. Si ceci se passe, le Québec fera face à de sérieux problèmes de décontamination et d'entreposage des déchets atomiques pendant au moins cent années après la fermeture de la dernière centrale. Pourquoi le Québec devrait-il prendre un risque si coûteux et inutile? (16 heures)

À lui seul, le Québec ne peut pas soutenir l'entreprise nucléaire canadienne avec des commandes domestiques pour des réacteurs nucléaires. L'industrie nucléaire a besoin de ventes à l'étranger afin de rester en vie. Ceci veut dire que la valeur ultime des investissements nucléaires du Québec dépendra des décisions prises à l'étranger, décisions sur lesquelles le Québec n'a aucun contrôle.

En plus, le Québec deviendra de plus en plus impliqué dans la sale besogne d'aider à la prolifération de l'armement nucléaire dans d'autres pays, dont des dictatures militaires comme celles de l'Argentine, de la Corée du Sud et du Pakistan.

Nous ne sommes pas fiers du rôle que joue le Québec en permettant à ces gouvernements l'accès aux matériaux nucléaires. Nous ne désirons pas voir ce rôle continuer et s'accroître par un engagement insensé de la part d'Hydro-Québec dans l'expansion nucléaire et nous considérons que la construction de Gentilly III, qui risque d'être composée de quatre réacteurs de grande puissance, représente un tel engagement insensé de l'expansion nucléaire.

Un accident nucléaire catastrophique pourrait contaminer en permanence de grandes étendues de terrain, tuant plusieurs milliers de gens et causant pour plusieurs milliards de dollars de dommages à la propriété.

La loi fédérale sur les responsabilités nucléaires limite la responsabilité d'Hydro-Québec à un maximum de $75,000,000 dans l'éventualité d'un tel accident, ce qui représente moins de 1% des vraies évaluations du dommage.

D'autre part, la police d'assurance de chaque propriétaire contient une clause qui

garantit que les citoyens du Québec n'auront aucune protection de la part des assurances dans l'éventualité d'une contamination radioactive de leurs propriétés. Pourquoi le gouvernement du Québec se montre-t-il plus préoccupé par la situation financière d'Hydro-Québec que par la vie et la sécurité de ses concitoyens? Nous considérons que, sous prétexte de garder une expertise dans le domaine du nucléaire, le gouvernement du Québec fait prendre aux Québécois des risques qui dépassent de beaucoup le bienfait d'avoir à notre solde quelques spécialistes de la technologie énergétique la plus coûteuse et la plus dangereuse au monde.

Même l'accident non catastrophique qui eut lieu en Pennsylvanie il y a deux ans a entraîné une facture de nettoyage présentement évaluée à plus de $1,000,000,000. Cette énorme quantité de dommage fut causée par une valve coincée du système de refroidissement du réacteur, entraînant une légère perte de refroidissant. Quelle est la probabilité qu'un accident semblable de perte de refroidissant survienne dans le réacteur de Gentilly II durant ses trente années de fonctionnement? D'après les estimations de probabilités officielles d'Énergie atomique du Canada Ltée, les risques sont supérieurs à un sur quatre. Pourtant, quand cette information fut présentée récemment au conseil des directeurs d'Hydro-Québec, aucune action ne fut apparemment entreprise pour en savoir plus long.

En Ontario, cinq des neuf réacteurs d'Hydro-Ontario fonctionnent présentement à des niveaux réduits de puissance, pour des raisons de sécurité. Le conseil de la ville de Toronto a officiellement émis une requête demandant que les quatre autres réacteurs de Pickering fonctionnent eux aussi à puissance réduite pour des raisons de sécurité.

Ici, au Québec, l'unique réacteur déjà construit a une "licence d'opération de puissance zéro" pour des raisons de sécurité. Le gouvernement du Québec devrait, à cet effet, exiger qu'Énergie Atomique du Canada Ltée démantèle au plus vite la centrale de Gentilly I, qui constitue, qu'elle fonctionne ou non, une menace permanente pour la région de Trois-Rivières. Un tel démantèlement donnerait aux gouvernements du monde une meilleure idée des coûts véritables d'une opération de ce type, et les techniciens canadiens et québécois ainsi formés pourraient exporter l'expertise acquise pour les besoins de la cause partout dans le monde où on devra sous peu faire face aux mêmes problèmes.

Le réacteur présentement en construction dans cette province a une série de problèmes de sécurité extrêmement sérieux se rapportant à la conception de l'usine: aucun bâtiment de vacuum; inefficacité du système original de refroidissement du coeur - il a dû être remplacé - nouveau système de refroidissement du coeur qui n'a pas été testé, il se peut qu'il ne soit pas fiable; conception inadéquate en cas de séismes et fissures dans le bâtiment de rétention. En vertu de ces faits, nous exigeons donc qu'une révision complète de la conception et de la construction de Gentilly II soit entreprise par une firme d'ingénieurs indépendants, comme cela s'est récemment produit en Suède pour les réacteurs. La "prêtrerie" nucléaire du Québec prend toutes les décisions concernant la technologie nucléaire sans intervention de la part des politiciens ou d'autres citoyens parce que ces derniers sont gardés dans l'ignorance. La plupart d'entre eux se sentent impuissants et incapables de faire face aux questions nucléaires. Une telle situation représente une menace directe envers les principes démocratiques de notre société. Ce problème doit être redressé maintenant avant qu'il ne soit trop tard.

Beaucoup de Québécois trouvent alarmant le fait que l'ex-président de Canatom, Pierre Fortier, soit si rapidement catapulté au pouvoir avec l'intention déclarée de construire plusieurs réacteurs au Québec durant les quinze prochaines années. À bien y penser, les investissements énergétiques du Québec ne devraient pas dépendre du fait que Canatom a besoin d'ouvrage.

Il ne devrait plus y avoir aucun développement nucléaire au Québec sans mandat direct du peuple du Québec. C'est lui et ses enfants qui prendront le risque et qui devront aussi payer pour les erreurs. Ils méritent d'être pleinement informés par un programme d'éducation publique bien mené et suffisamment bien financé, non par la propagande d'Hydro-Québec, mais plutôt par un débat public financé publiquement. De pair avec cette initiative d'éducation nécessaire, il devrait y avoir des audiences publiques approfondies à grande échelle concernant toutes les questions vitales relatives à l'énergie nucléaire.

De plus, il est évident que nous avons de fortes appréhensions de voir éventuellement instaurer un tel débat par l'entremise d'un parti qui compte parmi ses députés l'ancien président de la plus grande firme d'ingénieurs conseil en matière de nucléaire au Canada.

Le Président (M. Jolivet): Merci. M. le ministre.

M. Bérubé: Merci, M. le Président.

D'une part, je tiens à vous remercier de l'appui que vous apportez, en particulier, à la Loi sur l'isolation des maisons que le gouvernement a soumise, lors de la dernière séance de l'Assemblée nationale. Vous n'êtes pas d'ailleurs sans savoir que l'Opposition libérale lui a fait une lutte féroce et que,

pour finalement réussir à la faire accepter par cette Assemblée nationale, on a accepté un report de six mois dans sa mise en application, l'Opposition libérale voulant que l'on gaspille jusqu'aux dernières gouttes de ce précieux pétrole albertain. Nous avons demandé de la mettre en application le plus tard possible.

M. Fortier: Je ne sais pas comment il fait pour dire cela sans rire.

M. Bérubé: Ah! Ah!

M. Ciaccia: Il rit! Il rit!

M. Bérubé: Deuxièmement, je pense qu'il faut que je reprenne un certain nombre d'éléments dans votre mémoire et que je souligne, en fait, mon appui assez complet à énormément de vos propositions.

Il y a évidemment des éléments qui pourraient faire l'objet d'une discussion. Par exemple, lorsque vous parlez de la croissance immodérée de la consommation en électricité, il est assez évident qu'avec des taux de croissance qui sont de l'ordre de 6% pour la demande en électricité, cette croissance de la demande en électricité n'a aucune commune mesure avec la croissance en demande énergétique au Québec qui est plutôt de l'ordre de 2%. On assiste donc plutôt à une substitution qu'à une nouvelle demande énergétique. C'est donc un remplacement. C'est peut-être déjà moins dramatique, en un sens, puisqu'il s'agit d'une énergie autochtone qui, une fois les barrages amortis, a quand même un intérêt assez grand pour l'économie québécoise, d'une part.

Quant à vos affirmations concernant l'exportation de l'électricité produite par les rivières du Québec, je ne peux que souscrire, en fait, à votre position, avec cependant un seul caveat. Je pense encore que l'exportation d'électricité produite à partir de certaines rivières plus coûteuses, supposons, par exemple, de 25% plus coûteuses que le nucléaire et dont nous n'aurions pas besoin avant, par exemple, l'an 2000, 2005 ou 2010, cette exportation pourrait être intéressante pour le Québec parce qu'une fois ces barrages amortis sur une période de 15 ou 20 ans, en récupérant l'électricité produite par ces barrages, nous récupérerions en même temps de l'électricité à bien meilleur marché que le nucléaire.

En d'autres termes, nous étendrions le parc hydroélectrique aménageable à coûts plus économiques que le nucléaire simplement en faisant payer essentiellement par l'importateur le coût de l'électricité produite au cours des premières années. Cela pourrait donc être une avenue intéressante.

Pour vous souligner à quel point je suis d'accord, lorsqu'on examine les besoins en énergie au Québec, on se rend compte, d'une part, qu'il y a des programmes beaucoup plus dynamiques d'économie de l'énergie. Le premier ministre a annoncé dans son discours inaugural un nouveau programme d'isolation des maisons qui va tenter de répondre à certaines préoccupations des citoyens et faire en sorte qu'on puisse isoler nos maisons beaucoup plus rapidement que l'on pouvait le faire dans le cadre des programmes existants. Ce programme-là va être annoncé bientôt et devrait nous permettre, dans le secteur résidentiel, d'accroître nos économies d'énergie de près de 23%. C'est significatif.

Également, si on considère comme aménageables des rivières qui sont légèrement plus coûteuses que le nucléaire -jusqu'à 25%, par exemple, plus coûteuses que le nucléaire - on dégage, à nouveau, un potentiel hydroélectrique qui se défend très bien en termes de retombées économiques pour le Québec. Également, le chauffage au gaz est probablement une façon plus logique de chauffer des maisons, évidemment, en faisant abstraction de certains moyens que vous avez soulignés, par exemple le chauffage solaire. Peut-être que la technologie n'est pas encore complètement rodée en ce qui concerne ce chauffage, mais, comme vous le soulignez, c'est une forme de chauffage qui pénètre très rapidement et il ne fait aucun doute qu'au niveau de Nouveler, de notre société d'État, on devrait pouvoir mettre sur pied des technologies à des coûts intéressants.

Il ne fait aucun doute que, si le coût du chauffage solaire est beaucoup plus élevé que celui du chauffage à l'électricité, ce sera difficile de convaincre les citoyens. Peut-être que les programmes de subventions, par exemple, le programme fédéral, pourraient inciter, dans le programme de substitution au chauffage à l'huile, les citoyens à passer au chauffage solaire. Je pense que le chauffage solaire est admissible à cette fin.

Donc, on peut imaginer que cette forme de chauffage pourrait pénétrer plus rapidement. On peut aussi penser aux bombes à chaleur qui sont très intéressantes sur le plan thermodynamique et qui pourraient modifier nos habitudes de consommation énergétique. Vous avez parfaitement raison. Il y a des avenues autres que les autres avenues dures qui doivent être examinées. Elles doivent, cependant, être concurrentielles avec les avenues dites dures, sinon ce sera extrêmement difficile d'attirer les citoyens de ce côté.

Lorsqu'on examine ça, on constate qu'effectivement on peut peut-être supposer que les prévisions d'Hydro-Québec sont optimistes quant à l'importance de la demande en électricité au Québec et que peut-être le programme d'équipement d'Hydro-Québec peut se faire sans que l'on ait recours au nucléaire, du moins avant un

bon nombre d'années. Je pense que ceci doit faire l'objet d'un débat public.

Mais un débat public ne devrait pas porter uniquement sur le nucléaire. Cela m'apparaîtrait limité un peu trop. Il faudrait que ce soit public sur l'ensemble de l'énergie. Le gouvernement s'est déjà engagé dans son livre blanc - et c'est une des dernières mesures à réaliser par rapport à ce qui était prévu dans le livre blanc - à créer une régie de l'énergie, une régie de l'énergie qui aurait comme mandat de faciliter la discussion publique de la problématique des approvisionnements énergétiques au Québec et de peut-être discuter d'une question comme celle que vous voulez aborder.

Je pense que le gouvernement devrait s'engager maintenant à mettre très rapidement cette régie de l'énergie sur pied. D'ailleurs, au moment où nous avons annoncé la nomination du nouveau président de la Régie de l'électricité et du gaz, M. Cloutier, nous avons bien clairement indiqué que notre intention en le nommant à cette régie était de transformer cette Régie de l'électricité et du gaz en une régie beaucoup plus vaste, avec un mandat beaucoup plus large. Cette régie devrait, à ce moment-là, organiser un débat public qui devrait être itinérant. Je pense qu'on ne peut pas aborder un débat public sur la question énergétigue à moins de permettre à une commission de pouvoir circuler un peu partout au Québec, d'aller dans nos régions, que ce soit le Saguenay-Lac-Saint-Jean, que ce soit l'Estrie, que ce soit la région montréalaise ou que ce soit la région du Nord-Ouest. (16 h 15)

Donc il faut que ce soit un débat le plus ouvert possible et cette régie de l'énergie devrait prendre ce débat public comme premier mandat. Mais il ne suffit pas d'avoir une régie de l'énergie, il ne suffit pas d'avoir un débat public, je pense qu'il faut un débat éclairé également. Vous serez d'accord avec moi pour dire que le gouvernement devrait aussi s'engager au niveau du financement de certains organismes qui veulent peut-être étoffer leur représentation.

Mon inquiétude, c'est qu'un débat public sur l'énergie soit un échange purement émotif, les tenants des énergies douces se confrontant à ceux qui favorisent les énergies plus dures et, finalement, qu'on n'ait peut-être pas véritablement d'arguments pour étoffer nos représentations. Je pense qu'un gouvernement ne devrait pas hésiter, à ce moment-là, à aider financièrement, à consacrer une partie des sommes qu'il consacre actuellement aux fins de l'étude à des organismes, de manière que ceux-ci puissent financer eux-mêmes ces études afin de défendre leur point de vue, pour avoir un débat beaucoup plus étoffé.

Cette idée m'est venue, en fait, puisque, ayant rencontré à plusieurs reprises les groupements populaires qui s'opposent au nucléaire, on doit constater que leurs moyens sont faibles. D'ailleurs, on a souligné que, face à cette commission parlementaire, je crois que c'est le regroupement, le front commun antinucléaire qui ne pouvait pas se joindre à nos travaux, parce qu'il ne se sentait pas en mesure véritablement d'étoffer une argumentation pouvant convaincre les citoyens qui écoutent présentement les travaux de cette commission, faute des moyens dont dispose Hydro-Québec.

Donc, il me paraît aussi fondamental, si on veut un exercice démocratique, un véritable débat public, de pouvoir offrir à ces regroupements de citoyens des moyens techniques. Cela devrait prendre la forme peut-être d'une aide financière pour leur permettre d'amasser ce bagage qui va leur permettre de convaincre leurs concitoyens. Ce sont trois prérequis. Je pense qui si on réussissait à mettre tout cela ensemble, cela devrait être notre objectif, au cours de l'année prochaine, de mettre ces trois mesures sur pied, de manière qu'on puisse tenir un véritable sommet de l'énergie où on aura tous les tenants de toutes les hypothèses possibles, capables d'exposer leur point de vue et, à ce moment, permettre à nos concitoyens d'avoir une vue plus éclairée de la question.

Je pense que cela ne peut pas se faire autrement qu'à travers une structure assez bien établie, assez claire et qui permette à tous les citoyens de s'exprimer. Je pense qu'un débat public comme celui que vous proposez nécessite ce genre de mesures dont je vous parle.

J'aimerais savoir un peu comment vous voyez, vous, le débat public et comment vous aimeriez le voir s'organiser de manière qu'il atteigne véritablement ses buts.

Le Président (M. Jolivet): M. Boucher.

M. Boucher (Jacques): On n'a pas de formule magique comme telle à proposer, mais on donnait l'exemple de la Suède où comme je le mentionnais, plus de 200,000 groupes ont été invités à participer à la réflexion sur la question énergétique. Ils étaient assistés de personnes-ressources du gouvernement qui allaient les rencontrer, qui allaient leur donner l'information, qui allaient leur dire où l'information était disponible si la personne même, la personne-ressource, n'avait pas l'information.

Je pense que c'est un travail de longue haleine. C'est pour cela que la commission parlementaire ne me semblait pas suffisante. Si vous annoncez que, justement, il va y avoir une réflexion plus approfondie où vraiment toute la population pourrait être impliquée... Comment la faire, je n'ai pas de recette; cependant, c'est vraiment en

impliquant l'ensemble des citoyens et les groupes populaires et en faisant une mobilisation probablement par les media également qu'on peut arriver à quelque chose où la réflexion est suffisante.

Mais je voudrais quand même ajouter quelque chose sur la réponse que vous nous avez fournie. Vous nous avez dit tantôt que vous étiez d'accord sur ce que nous disions. Probablement qu'il y a certains points sur lesquels vous n'êtes pas d'accord, parce qu'on n'est pas du tout d'accord avec les $55 milliards d'Hydro-Québec actuellement. Vous dites que c'est pour l'indépendance énergétique du Québec, que c'est une ressource autochtone, mais il faut voir un peu au fond de la question. Tout cet argent, où va-t-on le chercher? C'est cela, le vrai constructeur des barrages au Québec, c'est l'argent de M. Rockefeller, l'argent de M. Rothschild, des banques suisses, etc. À quel taux d'intérêt? À l'heure actuelle, HydroQuébec, comme Hydro-Ontario, a des remboursements d'intérêt assez fantastiques comparativement à ses revenus.

L'électricité - on le mentionne dans notre mémoire - c'est le mode de chauffage des bâtiments le plus dispendieux, même plus que le pétrole. Cela revient presque à $40 le baril. À l'heure actuelle, c'est ce qu'il y a de plus cher si on fait la transition du pétrole à l'électricité, même si on appelle cela des ressources autochtones, alors que toute la technologie et tous les capitaux surtout, que ce soit du nucléaire, sont à l'étranger en grande partie. C'est le Canada, en grande partie, qui les possède, si on veut vraiment parler en termes de souveraineté québécoise.

Il y a tout cet aspect de souveraineté. Personnellement, je suis très sensible à cet aspect, ça fait des années que la question de la souveraineté des peuples me touche, que ce soit le mien ou celui des autres. Je ne vois pas tellement la souveraineté qu'on peut avoir en allant s'engager à fond dans des endettements auprès des étrangers en partie pour construire des barrages afin de leur vendre de l'électricité. C'est très problématique parce que, à l'heure actuelle, il y a des surplus d'électricité dans la plupart des régions aux États-Unis, en Ontario et dans les Maritimes, et nous ne sommes pas les seuls vendeurs d'électricité. Il n'y a pas seulement le Québec; il y a, par exemple, la Tennessee Valley Authority qui a un surplus phénoménal de capacité électrique et qui veut vendre, elle aussi, de l'électricité à l'État de New York. C'est un risque énorme, à l'heure actuelle, qu'on prend sur les possibilités de vendre de l'électricité. Possiblement qu'on ne sera pas capable de vendre beaucoup d'électricité, de toute façon. Jusqu'à quel point Hydro-Québec sera-t-elle capable de rembourser les intérêts de ses dettes et que le Québec ne sera pas pris dans une aventure comme, on le mentionnait, les Jeux olympiques?

Il y a également la question des ventes indirectes d'électricité. Les gros consommateurs d'électricité au Québec, actuellement, à part le chauffage, ce sont les compagnies grandes consommatrices d'électricité: l'aluminium, les métaux, les pâtes et papiers, ces choses-là. Ce sont toutes des compagnies étrangères. De plus, on dit que c'est pour favoriser l'industrie au Québec, mais toutes ces compagnies sont des compagnies à haute technologie et la raison pour laquelle elles consomment beaucoup d'électricité, c'est qu'elles utilisent des machines. Ce sont les industries qui créent le moins d'emplois par dollar investi. À l'heure actuelle, c'est nettement un engagement vers une dépendance de plus en plus accrue face à la fois aux capitaux étrangers et aux compagnies étrangères, au détriment de la plupart des Québécois. Naturellement, il y a quelques Québécois qui retirent de gros salaires pour construire des barrages pendant quelques années, il va y avoir des industriels québécois, des gens qui travaillent dans ces industries, quelques pousse-boutons de compagnies à grande consommation d'électricité qui vont avoir de gros salaires, mais c'est au détriment de l'ensemble des Québécois que tous ces engagements sont faits, à notre avis, d'après ce qui nous apparaît. On n'est pas du tout d'accord à ce niveau.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre, en terminant.

M. Bérubé: Uniquement une correction. Le rapport sur l'épargne a montré que, si on tenait compte des flux, entrant et sortant du Québec, il y avait suffisamment d'épargne pour répondre à tous nos besoins de financement. Sauf que, notre société étant ce qu'elle est, une société ouverte, on ne peut pas empêcher les Québécois d'exporter une partie de leurs capitaux que nous récupérons d'autre part en important une partie de nos capitaux. Il s'agit tout simplement que les deux s'équilibrent. L'épargne actuelle des Québécois est telle qu'un programme comme celui-là peut-être financé. Toutefois, vous avez peut-être raison de poser la question: est-ce qu'on devrait le mettre là plutôt qu'ailleurs? Il y a une limite aux capitaux disponibles, et si on met l'argent au niveau de l'énergie, on ne le mettra peut-être pas dans d'autres types d'investissements qui sont nécessaires. La question est de savoir, cependant, si on installait, par exemple, des chauffe-eau solaires par tout le Québec, est-ce que l'investissement requis pour l'ensemble du Québec serait plus élevé ou moins élevé que le chauffage électrique? Dans certaines études de rentabilité, on dit que ce serait

plus coûteux que le chauffage électrique tel qu'on le produit au Québec, et alors on peut s'interroger si on doit mettre l'accent sur le chauffage solaire qui pourrait être plus coûteux que le chauffage à l'électricité. Cela peut être le genre de discussion. Mais, je pense, la seule façon d'avoir une discussion en profondeur c'est, effectivement, d'avoir un certain nombre de données techniques qui nous permettraient de juger si, oui ou non, un investissement est approprié et sage. Donc, concernant la disponibilité des capitaux, je pense que ce n'est pas tellement un problème pour l'instant.

Le Président (M. Jolivet): M. le député d'Outremont.

M. Fortier: M. le Président, j'aimerais souhaiter la bienvenue à M. Boucher et Mme Ruvinsky pour la présentation qu'ils nous ont faite aujourd'hui. Dans leurs deux mémoires, celui qui nous a été présenté il y a trois semaines déjà et celui qui nous a été présenté aujourd'hui, il y a de bons points et il y en a de moins bons. Je crois que les bons points ont trait au débat public et a l'économie d'énergie. Je laisserai mon collègue de Mont-Royal traiter des économies d'énergie. Il est évident qu'on pourrait faire beaucoup plus, au Québec, et qu'on doit remédier au fiasco du programme existant dans les meilleurs délais. En ce qui concerne le débat public, je l'ai dit à M. Bérubé, lors de notre réunion à l'Université du Québec à Montréal, pour ma part, j'ai toujours souhaité qu'il y ait ces débats publics pour que le public puisse y participer.

Après cinq jours de commission parlementaire, et au fur et à mesure qu'on se rapproche des élections, il semblerait que le ministre maintenant croit que la population est un peu plus intelligente qu'elle ne l'était il y a une semaine, que le public peut avoir accès à l'information qui n'existait pas, il y a une semaine. J'en prends bonne note.

M. Bérubé: C'est inexact. J'apprends, en écoutant les gens, ce que je ne serai pas capable de faire.

M. Fortier: J'entends M. le ministre et je me rends compte que, contrairement a ce qu'il a dit lors du débat pour un débat public, il a dit exactement le contraire. On me dit qu'il a donné une conférence de presse à 14 h 45 justement pour annoncer ses grandes déclarations à savoir que, oui, il y aura un débat public et que, oui, il serait important de discuter du tarif d'Hydro-Québec. Enfin, si l'Opposition officielle a pu rendre service au ministre, tant mieux, mais essayons de continuer l'analyse que vous avez provoquée.

D'une part, il est bien certain que le gaz, comme dit le ministre, malheureusement - je dis malheureusement parce que vous semblez dire que tout ce qui vient du Canada c'est peut-être un peu ce dont on ne devrait pas se satisfaire - le gaz, c'est certainement un produit qui permettrait de réduire la demande électrique. Nous en avons discuté, la semaine dernière, avec plusieurs intervenants et, idéalement, oui, le gaz pourrait subvenir au chauffage des maisons. Je dis idéalement parce qu'avec tous les délais qu'on est en train de subir, il semblerait que la chance qu'on avait va être manquée de façon irrémédiable. D'une part, cette année, il est à peu près certain qu'on ne se rendra pas plus loin que Boisbriand. D'autre part, on attend toujours la décision du ministre sur le choix des distributeurs, à moins qu'il l'ait annoncée à 14 h 45. Cela fait une semaine qu'on lui pose les questions, mais il ne nous le dit pas en commission parlementaire. Il va dire ça en conférence de presse. J'aimerais bien qu'il nous dise s'il l'a dit déjà. On attend toujours qu'il nous annonce le choix des distributeurs et qu'il rende public le rapport de la Régie du gaz et de l'électricité qui faisait justement des recommandations en ce sens.

Il faut savoir que dans ce dossier, à moins que l'on prenne des décisions très bientôt, le gazoduc ne sera pas construit avant un an, deux ans ou trois ans. Les chances qu'on avait que les gens ne se chauffent pas à l'électricité, cette chance va être manquée parce que les gens n'ayant pas le choix, voyant l'augmentation du pétrole et du mazout et de l'huile à chauffage, les gens vont aller vers l'électricité, ce qui sera la seule alternative que leur aura laissée le ministre Bérubé. Mais, dans ces considérations, oui, on est d'accord pour un débat public, comme on l'a dit la semaine dernière.

On a dit également que la commission parlementaire sur l'énergie n'était pas la meilleure forme de débat. Bien sûr, cela nous donne un certain éclairage. Nous prenons bonne note du fait que justement le ministre semble avoir viré capot pour maintenant favoriser ce genre de débat. Pour quelle raison avons-nous besoin d'un débat? À venir jusqu'à maintenant, et vous le dites ici, parce que ces derniers, en parlant des citoyens, sont gardés dans l'ignorance; la plupart d'entre eux se sentent impuissants et incapables de faire face aux questions nucléaires". Justement, il me semble que l'information qui pourrait être donnée au public, que ce soit l'information qui vient de votre mouvement ou d'autres mouvements, permettrait au public - si on croit que le public est assez intelligent; pour ma part, j'ai toujours cru que le public pouvait absorber des connaissances suffisantes pour faire un. choix dans ce domaine - d'avoir de l'information qui pourrait être contradictoire,

mais, à ce moment-là, ce sera au public de juger de la qualité de l'information. (16 h 30)

Vous avez fait, dans votre mémoire, plusieurs déclarations. Je ne tiens pas à lancer le débat maintenant. D'ailleurs, nous avons dit que nous l'organiserons. On le fera d'une façon très intelligente, comme vous le désirez. Je ne peux quand même pas passer sous silence le fait que M. Boucher ait fait référence à M. Porter. Après cinq ans d'études, vous savez que la commission royale d'enquête sur l'électricité en Ontario a coûté au bas mot $6,000,000 ou $7,000,000 si on inclut non seulement les études faites par Hydro-Ontario, mais par tous les mouvements qui ont reçu les subventions du gouvernement de l'Ontario. Il a dit ceci: Plus j'examine l'option nucléaire, plus je crois qu'elle a un rôle à jouer dans la substitution du pétrole en faveur de l'électricité. C'est la raison pour laquelle on a besoin d'un débat.

L'Ontario, dans le moment, fait en sorte qu'il y a 37% de toute l'électricité produite en Ontario fournie par le nucléaire. D'autre part, j'ai pris bonne note du commentaire de M. Bérubé qui lui, sans avoir étudié l'option nucléaire - il l'a dit plusieurs fois la semaine dernière - sans avoir les faits, a déjà quasiment déterminé que cela vaudrait peut-être la peine de payer 25% ou 50% de plus pour l'électricité au Québec. Ce sont des déclarations irresponsables. Nous croyons qu'avant de faire un choix il faut permettre un débat public, il faut permettre d'approfondir cette question avec toutes les données dont nous avons besoin.

Ceci étant dit, dans votre mémoire, vous faites allusion à ma personne; j'en suis tout à fait flatté. Pour ma part, j'aimerais vous donner un conseil parce qu'il me semble que le débat sur l'électricité et sur l'énergie en général est assez important pour qu'on doive dépersonnaliser ce genre de débat et ce, pour des raisons bien nettes. Je crois que personne dans ce bas monde ne peut prétendre être plus honnête, plus juste et tout ce qu'on voudra que certaines autres personnes. Vous savez, M. Boucher et Mme Ruvinsky, que durant ma dernière campagne électorale il y a des gens qui font partie des mouvements antinucléaires qui se sont permis de falsifier des brochures que j'avais distribuées; ils les ont réimprimées, ils m'ont fait dire des choses que je n'ai jamais dites. Ils les ont distribuées dans mon comté sans aucun égard aux lois qui régissent les débats en période électorale dans la province de Québec. Si on veut parler d'honnêteté, on peut en parler, mais je constate que certaines personnes de votre mouvement n'ont aucune leçon à donner à qui que ce soit et j'aimerais bien que vous n'en donniez pas à l'avenir.

Ceci étant dit, ce qui m'a frappé dans votre mémoire, c'est le fait que vous croyez qu'il n'y a aucune demande aux États-Unis. Vous dites aussi que le marché de l'électricité en Amérique du Nord est presque saturé. Beaucoup de gens sont venus nous voir pour nous inciter à accélérer la production de l'électricité soit dans un but d'exportation ou dans d'autres buts justement pour créer plus d'emplois ici. J'aimerais avoir votre idée là-dessus. Comme on l'a dit à plusieurs reprises la semaine dernière, il est évident que le Québec, avec une demande d'énergie de l'ordre de 2% ou un peu moins, sera dans la moyenne canadienne avec une telle demande d'électricité. Bien sûr, on pourrait la réduire à peut-être 1,7 ou 1,8 selon les économies d'énergie, mais il reste qu'il s'agit de la substitution d'une forme d'énergie par une autre. Si on n'admet pas que les économies d'énergie pourraient réduire la consommation électrique ou de l'énergie d'une façon générale à un point tel qu'il ne faille pas construire d'autres centrales hydroélectriques. À ce moment-là, de quelle façon croyez-vous que de telles décisions, de la part de politiciens, pourraient avoir un impact sur l'économie de la province de Québec? Il y a eu un autre intervenant qui est venu ici et qui s'opposait au nucléaire. Pour lui, le sens de son intervention, dans le fond, c'est qu'il était contre tout développement économique justement pour empêcher la construction de barrages hydroélectriques ou de centrales nucléaires. À ce moment, le vrai débat devrait porter sur le développement économique au lieu de porter sur des choix énergétiques. La question que je vous pose est: Quel est réellement le sens du débat? Est-ce que c'est un débat sur le développement économique ou si c'est un débat sur des choix d'énergie?

Le Président (M. Jolivet): M. Boucher.

M. Boucher (Jacques): Je voudrais d'abord dire, M. Fortier, que, personnellement, je n'étais pas du tout au courant de l'histoire de la falsification des feuillets dans son comté, ce n'est pas notre mouvement qui a...

M. Fortier: Non, personne n'est au courant, parce qu'on a voulu poursuivre les gens qui ont fait ça et ils étaient tellement anonymes - ils ont fait ça la nuit - que personne n'a pu les prendre. Mais je vous comprends, parce que si je les connaissais je les traduirais en justice.

Mme Ruvinsky: Mais si vous ne les connaissez pas, monsieur, pour certains qui l'auraient fait et qui seraient, comme vous l'avez dit, de notre mouvement, ce n'est pas du tout raisonnable de faire des accusations.

M. Fortier: Ce ne sont pas des

accusations, ce sont des faits.

Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! M. Boucher.

M. Boucher (Jacques): Enfin, je voulais également souligner qu'on s'excuse, mais on est obligé de faire de la personnalité, parce que c'est évident qu'il y a la possibilité d'un conflit d'intérêts; c'est bien connu que vous étiez président de Canatom auparavant.

M. Fortier: Est-ce que vous pouvez m'expliquer ça? J'ai pris la peine, en venant en politique, de démissionner complètement, deux jours après avoir été élu, de liquider tous mes intérêts dans ce secteur. Expliquez-moi comment une personne qui a travaillé dans le gaz, parce que la personne aurait pu être dans l'industrie gazière, aurait pu travailler pour Imperial Oil... Le fait de travailler pour une industrie, toute personne ayant travaillé pour une industrie ne devrait pas participer au débat public, d'après vous?

M. Boucher (Jacques): Je ne dis pas ça; je ne dis pas qu'elle ne devrait pas participer, mais je dis qu'il y a une certaine évidence qu'il peut y avoir conflit d'intérêts. C'est relaté partout, on s'excuse de le répéter.

Pour la question du développement, on veut discuter à savoir si c'est un choix énergétique ou un choix de développement économique. Pour nous, c'est la question énergétique, mais ça implique des facteurs économiques, bien sûr.

C'est assez reconnu que, comme mode... En fait, il y a M. Amory Lovins, un spécialiste des questions énergétiques - qui est venu récemment donner une conférence à l'Université McGill et il est venu également devant Hydro-Québec présenter ses constatations, ses réflexions. M. Lovins disait que, au point de vue purement de satisfaction des besoins énergétiques, l'électricité, de façon logique et raisonnable, peut satisfaire à peu près à 7% des besoins énergétiques, de façon concurrentielle avec les autres modes de satisfaction des besoins énergétiques et que, au point de vue chauffage, l'électricité c'est ce qu'il y a de plus dispendieux. L'électricité hydraulique est plus dispendieuse que tous les autres modes de fourniture d'énergie au point de vue chauffage des habitations, et le nucléaire est encore plus dispendieux.

Il donnait des chiffres et disait que, avec l'hydroélectricité, l'équivalent de chaque baril de pétrole reviendrait à peu près à $40, alors qu'actuellement il est d'environ $30; avec le nucléaire, ça monterait à $120 ou $130 le baril, à l'heure actuelle.

C'est la dernière des façons de satisfaire les besoins en chauffage au Québec et cette transition qui est en train de se faire en faveur de l'électricité, sous prétexte que c'est une source d'énergie autochtone, se fait sur le territoire des autochtones, à l'heure actuelle, mais avec l'argent de l'étranqer, cependant. Cela se fait également, en grande partie, pour les étrangers et ça se fait au détriment des Québécois qui peuvent se considérer comme autochtones parce que ce sont eux qui vont payer la note finalement et, si Hydro-Québec n'est pas capable de rembourser les intérêts de ces dettes après un certain temps, ce sont les taux d'électricité des Québécois qui vont augmenter de façon assez automatique. À ce moment-là, il s'agit de savoir si le fait, justement, que le coût de l'électricité va monter ne va pas décourager les gens à utiliser l'électricité comme chauffage, ne va pas leur faire prendre conscience de transformer leur système de chauffage, de pousser dans le dos du gouvernement pour que vraiment il y ait un développement des méthodes alternatives de chauffage, par exemple les collecteurs solaires.

À l'heure actuelle, on dit que ce n'est pas rentable. Il y a l'exemple de M. Jacques Sicotte à Lorraine qui a un système. C'est un ancien ingénieur nucléaire d'ailleurs, mais il a préféré s'en aller dans le solaire.

Une voix: ...

M. Boucher (Jacques): II est toujours ingénieur nucléaire, probablement.

Cependant, il a développé un système qui s'adapte aux vieilles maisons, pas seulement aux nouvelles, comme il y a d'autres concepteurs - comme M. Nicholson -qui le font, un système qui s'adapte aux vieilles maisons et couplé avec des pompes à chaleur. Son système coûte à peu près $7000 à l'heure actuelle. Ce n'est peut-être pas tout à fait à point. De façon urgente, à l'heure actuelle, c'est de mettre tout l'argent, les énergies dans le sens de l'isolation réelle des bâtiments, de la conservation de l'énergie et des économies d'énergie. En ce sens, je suis tout à fait d'accord avec le gouvernement, mais il ne va pas assez loin et l'argent, les investissements, c'est là-dedans qu'ils devraient être mis surtout, pas dans l'hydroélectricité, le nucléaire ou quoi que ce soit du genre. C'est dans la conservation de l'énergie et l'économie de l'énergie. C'est ce que M. Lovins disait également et je suis d'accord avec lui.

Le Président (M. Jolivet): M. le député d'Outremont, en terminant.

M. Fortier: Je voulais seulement conclure dans le sens que nous sommes d'accord avec vous que, pour le chauffage domestique, il faut absolument favoriser le gaz - et c'est la politique de notre parti -

et faire en sorte que, justement, la pénétration du gaz soit telle, dans les meilleurs délais possible, que cela peut être une possibilité.

Là où je ne peux pas être d'accord avec vous, c'est dans l'évaluation que vous faites de la situation financière d'Hydro-Québec. Elle a, comme tout le monde le sait, une situation financière très bonne, compte tenu des taux d'intérêts auxquels elle emprunte et de la capacité qu'elle a d'emprunter. Sûrement qu'il faudra être prudent dans l'avenir, mais je crois que dire qu'en ce moment, avec les projets qui sont mis devant nous, la situation financière d'Hydro-Québec en deviendra mauvaise, je crois que c'est une évaluation à laquelle, pour ma part, j'ai de la difficulté à souscrire. Merci.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Nicolet-Yamaska.

M. Fontaine: M. le Président, si c'était possible, je demanderais au ministre de s'approcher de la table parce que j'aurais des remarques à faire sur lesquelles j'aimerais qu'il intervienne, si c'était possible.

Il y a certains avantages à avoir une commission comme celle-ci, bien sûr, pour permettre à toute la population de venir exprimer son opinion, mais il peut aussi y avoir des désavantages sérieux à certaines occasions, parce que cela permet à des gens de venir dire des choses qui pourraient, dans certains cas, inquiéter énormément la population. Dans le mémoire que nous venons d'entendre, il y a des choses qui ont été dites concernant l'implantation de centrales nucléaires qui doivent être relevées, à mon avis.

On nous indique dans le présent mémoire que la centrale Gentilly I, qui n'est pas en fonctionnement, constitue, qu'elle fonctionne ou non, une menace permanente pour la région de Trois-Rivières. On nous dit un peu plus loin que la construction des autres centrales est extrêmement dangereuse également. C'est presque un exposé qui laisserait entendre que les gens de cette région pourraient quasiment avoir une bombe nucléaire près d'eux. On nous accuse même de quasiment fournir des armes nucléaires à des pays comme l'Argentine, la Corée et le Pakistan.

Je ne suis pas un expert dans ce domaine, mais il y a des experts ici, comme le député d'Outremont. Le ministre est également assez au courant de ce domaine. Je pense qu'il serait important pour la population qui nous écoute aujourd'hui de rectifier au moins un peu ce qui s'est dit. Si c'est vrai, qu'on prenne des mesures, mais, si ce n'est pas vrai, il faudrait nécessairement, au moins, essayer de rassurer la population quant à ce qui a été dit devant les caméras de télévision cet après-midi. (16 h 45)

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Bérubé: Je pense qu'il y a des divergences d'opinions quant aux dangers que vous venez de rappeler, puisque les uns prétendent qu'ils existent réellement, et d'autres prétendent, au contraire, que de tels dangers ne sont que fiction et que ce n'est pas possible pour une centrale nucléaire de connaître un accident qui conduirait à un déversement de radioactivité dans l'environnement. Donc, les points de vue divergent. C'est peut-être là où un débat de fond permettant aux tenants du nucléaire de s'exprimer et aux opposants du nucléaire de s'exprimer aussi.

Moi, je n'aurai pas de réponse à ça à vous donner, puisque je suis totalement incapable, sur le plan technique, de vous fournir l'information objective qui vous permettrait de vous rassurer et de rassurer vos commettants. Donc, la question soulevée est une question importante. Elle est soulevée dans beaucoup de pays au monde. Si la réponse était évidente, il n'y aurait pas de débat au sujet du nucléaire. C'est probablement parce que la réponse n'est pas évidente qu'il y a discussion.

M. Fontaine: Est-ce que même - je vais vous permettre de prendre la parole par la suite - une centrale comme celle de Gentilly I, qui n'est même pas en opération, présente des dangers pour la population?

M. Bérubé: Je n'en ai pas la moindre idée.

M. Fortier: Je peux répondre là-dessus.

Le Président (M. Jolivet): M. le député d'Outremont.

M. Fortier: En ce qui concerne Gentilly I, il est évident que la raison pour laquelle elle fonctionne présentement à une puissance zéro, c'est que la Commission de contrôle de l'énergie atomique, qui examine non seulement les plans avant que les centrales soient construites, mais qui examine tous les modes d'opération des centrales, a déterminé d'ailleurs, de concert avec Énergie atomique du Canada et Hydro-Québec -qu'elle devait fonctionner pour le moment. Je me demande même si elle fonctionne. Mais même si elle fonctionnait à une puissance zéro, il y n'y aurait absolument aucun danger. C'est la raison pour laquelle elle fonctionnerait à la puissance zéro, si elle fonctionne normalement, ce dont je doute. Je crois qu'elle ne fonctionne même pas dans le moment.

Ce sont des accusations. C'est pour ça

que je disais tout à l'heure - et je suis d'accord avec le ministre, que je suis heureux que finalement on l'ait éduqué sur ce point - qu'il faut avoir un débat public, parce qu'il y a des gens qui apportent des informations fausses. Vous avez raison de soulever le débat. Lorsqu'on lance de telles accusations, les gens qui peuvent demeurer dans la région où se trouvent ces réacteurs peuvent avoir des incertitudes. Je crois qu'il est important, si le débat est organisé, que ce soit fait de telle façon que l'information, la meilleure soit-elle, puisse être diffusée et que des accusations comme celles qui sont dans le document en ce qui concerne les réacteurs nucléaires puissent être défendues par ceux qui peuvent le faire.

Pour ma part, je m'en remets pour le moment aux spécialistes d'Hydro-Québec, d'Énergie atomique du Canada et surtout de la Commission de contrôle de l'énergie atomique qui est dix fois, cent fois plus sévère qu'elle ne l'était il y a dix ans. Dans ce sens-là, je crois que la population peut être tout à fait rassurée et tant et aussi longtemps que la Commission de contrôle de l'énergie atomique et tant et qu'on sera dans le Canada et qu'il y aura une Commission de contrôle de l'énergie atomique et aussi longtemps que ces gens-là feront leur devoir, on pourra être assuré que les réacteurs, lorsqu'ils ont la latitude de fonctionner, le seront d'une façon tout à fait normale et sans danger pour le public.

Ceci étant dit, dans le cas de Gentilly I, il n'y a aucun danger.

Le Président (M. Jolivet): Sur la même question, M. le ministre.

M. Bérubé: Merci, M. le Président. J'ai trouvé la réponse du député d'Outremont extrêmement intéressante puisqu'on se rende compte que dans le débat sur le nucléaire, lui, il sait exactement ce à quoi il faut s'en tenir. Il n'y a aucun danger, dans son esprit, relié au nucléaire, et sa position est très ferme. D'ailleurs, dans sa déclaration, on s'en est rendu compte. Il est carrément pronucléaire et, dans ce cas-là, je me demande pourquoi le Parti libéral nous propose un débat public sur le nucléaire, alors que, dans le fond, sa position est carrément...

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre!

M. Bérubé: ... une opération purement de camouflage en période préélectrorale.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministrel

M. Bérubé: Je m'interroge quant à ses motivations...

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre, s'il vous plaît! Juste une minute. Je vous ai demandé un peu de tolérance, quant à ma voix. J'aimerais l'avoir du bord de cette table. M. le député d'Outremont, s'il vous plaît.

M. Fortier: Un point, juste pour corriger. Je crois qu'il est ridicule que le ministre fasse des interventions comme celle-là. C'est un sujet très important. Tout ce que j'ai dit, en réponse à la demande du député de Nicolet-Yamaska, qui voulait savoir, après l'énoncé qui a été fait par les intervenants qui viennent d'exposer leur point de vue, s'il y a vraiment danger pour les citoyens qui demeurent dans la région de Gentilly à cause de l'exploitation ou non de la centrale Gentilly I. Tout ce que j'ai dit, c'est que, si elle ne fonctionne pas, il n'y a pas de danger, et, si elle fonctionne à puissance zéro, il n'y a aucun danger non plus. Si elle devait fonctionner à une puissance plus grande, tout le monde sait que ce réacteur a eu des problèmes dans le passé; c'est la raison pour laquelle d'ailleurs la commission de contrôle d'Énergie atomique du Canada a édicté qu'elle ne pourrait fonctionner tant et aussi longtemps qu'il n'y aurait pas de modifications qui seraient faites.

Je n'ai jamais dit d'une façon absolue qu'il n'y avait aucun danger d'utiliser des centrales nucléaires, j'ai dit qu'il n'y en avait pas en ce qui concerne Gentilly I. Et, en ce qui concerne les autres dangers qui pourraient exister, il faudrait que cela fasse le sujet d'un débat public, justement pour qu'on puisse les mesurer, de la même façon qu'il y a des dangers avec d'autres formes d'énergie. C'est cela que le public aura à évaluer en temps et lieu.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Nicolet-Yamaska a-t-il d'autres questions?

M. Fontaine: C'est tout.

Le Président (M. Jolivet): M. Boucher.

M. Boucher (Jacques): Quand on a mentionné la question de Gentilly I et qu'on a dit qu'elle était dangereuse, qu'elle fonctionne ou pas, on voulait souligner le fait que cette centrale a fonctionné et que sur place, probablement, il y a, à l'heure actuelle, des déchets radioactifs qui sont entreposés là, qui doivent être refoidis constamment, parce que la centrale a fonctionné, et ces matériaux qui sont rendus extrêmement radioactifs s'échauffent par leur propre radioactivité. Ils doivent être continuellement refroidis.

Si, par malheur, il arrivait un accident quelconque avec ces matériaux, s'ils manquaient de refroidissement ou quelque

chose du genre, il pourrait y avoir des éléments radioactifs qui s'échapperaient dans la région de Trois-Rivières. C'est un peu n'importe qui, n'importe quel spécialiste du nucléaire qui va être capable de l'admettre. Également, ce qu'on incluait, c'était le fait que c'est toujours une menace du fait qu'à l'heure actuelle il y a des négociations entre Énergie atomique du Canada Ltée et HydroQuébec pour qu'Énergie atomique du Canada Ltée vende cette centrale à Hydro-Québec.

Déjà deux fois, cette centrale, il a fallu changer son système de contrôle. Il y a quelques années, ils ont essayé de la repartir avec un nouveau système de contrôle et ils perdaient le contrôle. C'est aussi clair que cela. Si jamais ils vendent à Hydro-Québec, comment peut-on se fier à une centrale qui, déjà, a eu tellement d'avatars? Est-ce qu'ils vont encore retransformer le système de contrôle, essayer de le réadapter, et à quel coût? C'est toujours une menace pour la région de Trois-Rivières, en plus de celle qui s'en vient, peut-être en 1981-1982 ou 1983, si c'est accepté.

Également, une question au sujet du nucléaire et qui n'est pas du tout traitée dans les media, c'est la question de la fusion à Varennes. Tous les media que j'ai pu lire, tous les gens du nucléaire - il n'y a jamais eu de débat sur la question - nous disent: II n'y a aucun danger avec la fusion nucléaire, avec les expériences de la fusion nucléaire.

Mais moi, j'ai lu des articles de différents magazines scientifiques qui, au contraire, considèrent qu'il y a un élément très dangereux dans le fonctionnement et même l'expérimentation avec la fusion nucléaire. Il y a le tritium. Le tritium c'est de l'hydrogène radioactif qui ne se contient pas. Alors l'hydrogène se mélange à tout ce qui s'appelle eau. Les êtres vivants sont faits en grande partie d'eau et puis le Tokamak expérimental à Varennes va être à côté du bassin de population le plus volumineux du Québec. Le tritium est un élément très dangereux qui n'a jamais été mentionné à l'heure actuelle. C'est pour cela qu'un débat pourrait en venir à faire ressortir ces éléments pour que les gens soient au moins informés, avant que l'irréparable arrive, que l'appareil soit construit et qu'il fonctionne, au moins des risques qu'ils encourent. C'est déjà leur argent qui est mis là-dedans.

Dans le fond, c'est plus le rôle du gouvernement d'informer vraiment la population, d'être honnête avec la population et de donner à la fois les avantages et les dangers des choses qui sont construites avec l'argent des contribuables, surtout Hydro-Québec. À ce moment, on trouve qu'on fait un peu du travail qui devrait être fait par le gouvernement lui-même. L'information d'Hydro-Québec, jusqu'à maintenant, a toujours été de la propagande; on s'excuse, mais, d'une façon générale, cela a toujours une saveur de propagande: nos projets, c'est merveilleux, il n'y a aucun danger, un peu comme la plupart des gens du nucléaire à l'heure actuelle.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Merci, M. le Président. M. Boucher, dans votre mémoire, vous parlez d'économie d'énergie en vous référant à la loi 9. Le ministre a essayé de faire grand état du fait que nous ayons mené, d'après lui, une lutte contre la loi 9 et que nous ayons obligé le gouvernement à la reporter. C'est vrai, M. le Président, nous avons mené une lutte contre la loi 9 et, effectivement, nous avons obligé le gouvernement à la reporter. Mais il y a une chose que le ministre ne vous dit pas. Je crois que c'est bon de la clarifier, de démontrer exactement les implications de la loi 9. Supposément, la loi 9 est une loi sur l'économie d'énergie. Pendant plusieurs années, le gouvernement nous a promis une révision du Code du bâtiment. Dans la loi 9, croyez-le ou non, cela s'applique aux entrepreneurs, cela veut dire qu'il y a des exemptions pour des individus.

Nous avons dit ceci au gouvernement: Si vous êtes vraiment intéressé à économiser l'énergie, ne mettons pas d'exemption dans la loi, un Code du bâtiment s'applique à tout le monde. Par exemple, si vous voulez construire de la tuyauterie ou un système électrique dans votre maison, vous êtes assujetti au Code du bâtiment, il n'y a pas d'exemption parce que vous êtes un individu ou un entrepreneur. J'ai qualifié la loi 9 une loi contre les entrepreneurs, pas vraiment une loi pour l'économie d'énergie, parce qu'elle contient trop de trous. C'est pourquoi on a demandé de la reporter, parce que quand le Parti libéral sera élu, il apportera des modifications à la loi 9 pour s'assurer que ce soit vraiment une loi...

M. Bérubé: M. le Président, on a besoin d'économiser l'énergie bien avant cela, parce qu'on en a pour 50 ans à attendre.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre!

M. Ciaccia: On va en parler... on a besoin que ça s'applique à tout le monde pour vraiment économiser l'énergie. Même les gens de son cabinet sont venus me voir après pour me dire: M. Ciaccia, vous avez raison, on ne peut pas avoir d'exemption dans une loi sur l'économie d'énergie. Pour un gouvernement qui est vraiment intéressé à l'économie d'énergie, le Bureau des économies d'énergie va avoir 65 mises à pied pour le programme d'isolation des maisons, même avant qu'Hydro-Québec soit prête à

entreprendre son nouveau programme d'économie d'énergie. Cela, c'est un gouvernement qui est vraiment intéressé à l'économie d'énergie.

Je voulais apporter cette précision et peut-être pourriez-vous apporter un commentaire à savoir si une loi sur l'économie d'énergie peut ou doit contenir des exemptions pour les individus ou s'appliquer seulement aux sociétés.

Quand on parle d'un programme d'économie d'énergie, certainement dans les prochains jours, avant le 13 avril, il va y avoir un programme sur l'économie d'énergie pour donner une application aux déclarations du premier ministre dans le discours inaugural. C'est un programme de $1,000,000,000 qui a été annoncé, qui sera donné à Hydro-Québec; ce programme va être échelonné sur dix ans, il y aura des dépenses d'investissement de $100,000,000 par année.

J'ai demandé à Hydro-Québec, la semaine dernière, sur quoi elle se basait, si elle avait fait une étude pour arriver au chiffre de $1,000,000,000. Le ministre, parce qu'il n'avait pas le choix - ce n'était pas par bonté, ce n'était pas parce qu'il voulait éclairer la population - à la suite de ma demande que l'étude soit déposée en commission parlementaire, pouvait difficilement dire: Non, je ne déposerai pas l'étude, parce que la transparence en aurait souffert encore un peu plus. Quand on examine cette étude sur l'économie d'énergie... je porterai certains chiffres à votre attention, M. Boucher, et je veux entendre vos commentaires. Je veux que vous me donniez votre opinion sur les mesures qu'un gouvernement devrait prendre dans le domaine de l'économie d'énergie. Vous avez dit, dans votre exposé, que le gouvernement ne va pas assez loin et même, dans l'autre document, vous dites: "II nous semble ici qu'il y a du cynisme à parler d'économie d'énergie aux citoyens."

L'étude nous dit que pour $1,000,000,000, cela entraînerait chaque année une économie d'environ 21,8% de la consommation d'énergie. Après cela, on va plus loin, on dit: Si on dépense un montant additionnel de $157,000,000, on peut obtenir une autre économie d'énergie de 8,4%, cela arrive à 30,7% d'économie d'énergie. Finalement, on dit: En dernier lieu, on pourrait réduire spécifiquement la demande de mazout de près de 25% en investissant $220,000,000 dans la réfection des chaudières et calorifères à mazout. Cette mesure se rembourserait en moins de trois années. (17 heures)

Ils donnent un autre chiffre: "Si l'on s'attaquait à l'amélioration des appareils de chauffage après l'isolation des structures, on pourrait réaliser un autre 8% d'économie par rapport à la quantité totale d'énergie que demande le chauffage résidentiel en 1980." Or, ils en viennent à la conclusion que, si on est prêt à dépenser une somme de $1,900,000,000, on pourrait effectuer des économies d'énergie de 38,7%.

Je crois que les conclusions sautent aux yeux, mais le gouvernement n'a pas annoncé ce programme. On examine ici un programme d'investissements d'Hydro-Québec de $55 milliards, plus $34 milliards. On regarde un programme de $89 milliards, dans l'ensemble, et nous avons une étude devant nous qui nout dit que si on ne dépensait pas un milliard, comme il a été annoncé par le premier ministre dans son discours inaugural, mais si on dépensait presque le double, on aurait presque le double d'économie d'énergie. C'est seulement au niveau de l'économie d'énergie, il y a des retombées économiques.

Premièrement, je voudrais avoir vos commentaires sur la question: Est-ce qu'un gouvernement devrait, avant de procéder à la construction de barrages, à la construction de projets énergétiques, au moins essayer d'épuiser totalement, aller jusqu'au bout dans la conservation d'énergie? Quel est votre commentaire à la suite d'une étude de ce genre, avec les chiffres que j'ai portés à votre attention?

Le Président (M. Jolivet): Rapidement, M. Boucher, s'il vous plaît, parce qu'on doit terminer.

M. Boucher: Je l'ai déjà mentionné dans notre mémoire, c'est sûr, c'est le premier élément à étudier et à voir, surtout dans la question résidentielle et de chauffage. On n'est pas au courant des détails du règlement, à l'heure actuelle. J'ai téléphoné au ministère de l'Énergie et des Ressources et on m'a dit que, sous peu, il y aurait des déclarations et qu'ils pourraient me les faire parvenir. On a vu des annonces à la télévision du ministre Bérubé et on trouve que c'est le bon sens, c'est une bonne direction. Il faut vraiment aller à fond là-dedans. C'est ça qu'on dit, c'est bien sûr.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre, en terminant.

M. Bérubé: M. le Président, il reste une minute et je vais l'utiliser. J'ai d'ailleurs l'habitude de laisser parler l'Opposition, alors qu'eux ont l'habitude de m'interrompre. D'abord, il y a une chose qui me frappe. Ce parti se prétend le défenseur des droits individuels. Nous présentons un projet de loi qui est sévère pour protéger le consommateur vis-à-vis de ceux qui construisent des maisons à des fins commerciales, mais qui est plus souple vis-à-vis de la personne qui construit elle-même sa maison et qui veut déroger aux règles, je ne

dis pas de l'isolation - personne ne déroge aux règles d'isolation - mais on peut déroger à des règles de fenestration, par exemple, pour des motifs purement personnels, des goûts personnels. Le projet de loi visait justement à donner une certaine flexibilité de manière que des individus conscients, sachant les implications des gestes qu'ils posent, puissent décider de déroger à des normes de fenestration. Cela étonne le Parti libéral. Je ne comprends pas pourquoi parce qu'ils se prétendent les défenseurs des droits individuels et, lorsque l'on présente un projet de loi souple, subitement, ils sont pris au dépourvu et ils décident de s'y opposer.

Également, les commentaires du député de Mont-Royal, quant au programme d'Hydro-Québec et quant au potentiel d'isolation des maisons, dépassent l'entendement puisque ce même parti s'est opposé à ce qu'Hydro-Québec prenne un tel programme en charge disant qu'il était inadmissible et, maintenant, on nous reproche de ne pas lui donner suffisamment d'ampleur. Donc, on est à nouveau coincé entre les deux. On ne sait pas trop trop ce qu'ils veulent. Sont-ils contre le programme que nous avons mis sur pied ou sont-ils pour? On ne le sait pas, parce qu'une journée ils sont pour et le lendemain ils sont contre.

D'ailleurs, c'est le député de Mégantic-Compton qui nous disait dans une interview fort intéressante que j'ai conservée: Le gros avantage du Parti libéral, c'est que tantôt il est à gauche, tantôt il est à droite selon ce que les circonstances dictent, selon l'opinion du moment au sein de la population. Effectivement, c'est cette attitude assez phénoménale au "girouettisme" qui permet au Parti libéral de toujours prétendre être du bon côté, mais c'était très intéressant tantôt d'écouter le député d'Outremont nous dire à quel point le nucléaire est sans danger et, en même temps, nous dire qu'on devrait tenir une commission parlementaire ou un débat public, on ne sait pas trop trop de quelle nature. On peut se demander s'il ne s'agit pas tout simplement d'une opération de camouflage, sachant très bien que lui sait ce qu'il veut et que tout le reste est de jeter de la poudre aux yeux; au moins, avec la position du gouvernement actuel, on sait de quel côté il penche quant à la question du nucléaire.

M. Ciaccia: M. le Président, selon l'article 96, très brièvement...

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: C'est simplement pour corriger une fausse déclaration du ministre.

Le Président (M. Jolivet): Rapidement, s'il vous plaît!

M. Ciaccia: Nous n'avons pas dit, du côté de l'Opposition officielle ou du Parti libéral, nous n'avons jamais dit que nous sommes contre le programme de l'Hydro-Québec sur l'économie de l'énergie. C'est absolument faux.

Le Président (M. Jolivet): M. Boucher, en terminant.

M. Boucher (Jacques): J'ai oublié quelque chose tantôt. M. Ciaccia a mentionné, un peu hors contexte, qu'on aurait dit que c'était du cynisme d'inciter la population à conserver l'énergie. Auparavant ou par après, on mentionnait également que c'était du cynisme d'inciter la population à conserver l'énergie si l'énergie qu'on était pour produire, c'était pour l'exporter. C'est un peu ce qu'on mentionnait dans notre mémoire. C'est pour cela que, hors contexte, cela ne sonne pas tout à fait de la même façon.

Le Président (M. Jolivet): Merci, M. Boucher et Mme Ruvinsky, de votre mémoire au nom des membres de la commission.

J'inviterais le groupe de la Caisse d'entraide économique de Portneuf à venir prendre place pour que nous puissions entendre l'exposé de M. Marcel Plamondon. Je demanderais à M. Plamondon de nous faire connaître la personne qui l'accompagne.

Caisse d'entraide économique de Portneuf

M. Plamondon (Marcel-R.): M. le Président, messieurs, mon nom est Marcel-R. Plamondon, je suis le président de la Caisse d'entraide économique de Portneuf et j'ai à mes côtés le directeur général de ce même organisme, M. René Paquet.

Je voudrais vous signaler, au départ, que notre discussion ne portera pas sur l'ensemble de la stratégie de développement d'Hydro-Québec mais sur seulement une des composantes de ce plan de développement qui nous touche tout particulièrement, soit la centrale, la réserve pompée de Delaney, qui doit être construite dans Portneuf. Notre mémoire a été déposé depuis déjà plusieurs semaines et nous avons toutes les raisons de croire que chacun des membres en a pris connaissance. Nous croyons pouvoir nous dispenser d'en faire la lecture.

Je pourrais peut-être commencer tout de suite à vous fournir quelques explications sur ce mémoire. La démarche de la Caisse d'entraide économique de Portneuf s'inscrit dans un contexte particulier. Notre institution, nous en sommes conscients, est davantage une entreprise financière qu'un organisme communautaire. Cependant, en raison de sa vocation à caractère purement économique et surtout de son appartenance régionale, il nous semble un devoir de vous

faire part de notre point de vue sur la construction éventuelle de la centrale Delaney. D'ailleurs, cette approche se retrouve dans ce que Jacques Gagnon, le fondateur des caisses d'entraide, avait prévu à l'origine, soit la régionalisation des cerveaux, la régionalisation des capitaux et le développement régional sur les plans économique, social et autres.

Comme vous l'avez remarqué en feuilletant le mémoire que nous vous présentons, la Caisse d'entraide économique de Portneuf n'en est pas a sa première intervention dans ce dossier. En novembre 1979, nous présentions un mémoire à HydroQuébec. À ce moment-là, nous nous inquiétions de l'approche avec laquelle on entrevoyait l'installation d'équipement d'accueil nécessaire aux travailleurs du chantier et nous mettions singulièrement l'accent sur l'après-construction. Dès l'automne 1979, nous étions d'ailleurs les seuls intervenants de Portneuf, avec la Société d'expansion économique de Portneuf, à nous soucier de l'incidence régionale des retombées économiques du projet Delaney. En ce sens, le titre de notre mémoire ne laissait aucun doute sur le caractère de nos préoccupations, puisqu'il s'intitulait: La révolution socio-économique de Portneuf.

Sous certains aspects, ce mémoire de 1979 ne répondait pas à la commande faite par Hydro-Québec aux organismes du milieu. Il débordait, en effet, des questions soulevées par cette société parce qu'il allait plus loin que les besoins d'Hydro-Québec. Par sa vaste campagne de consultation de 1979, Hydro-Québec visait essentiellement à mettre une dernière touche à ses travaux d'intégration du projet Delaney à l'environnement de Portneuf.

À ce titre, nous considérons qu'Hydro-Québec a parfaitement réussi, en théorie, à fusionner son projet de plus de $2,000,000,000 à la partie nord de Portneuf. Après plus de sept ans d'études techniques, économiques et environnementales, HydroQuébec a conclu que le projet est réalisable et que la région de Portneuf en retirerait des retombées estimées à environ $500,000,000 au cours des travaux de construction. De plus, Portneuf bénéficierait par la suite des équipements touristiques et de plein air qui seraient aménagés en permanence à proximité de la centrale.

Hydro-Québec a, d'autre part, demandé la participation du milieu en faisant appel à la collaboration des municipalités et de certains organismes de la région immédiate de Saint-Raymond et de Saint-Léonard pour appliquer des mesures touchant à l'hébergement des travailleurs et à l'aménagement récréatif et faunique. C'est donc armée d'études complètes et assurée de la collaboration de la population qu'Hydro-Québec est maintenant raisonnablement certaine de pouvoir réaliser le projet de centrale à réserve pompée qu'elle désigne sous le nom de Delaney.

Nous, de la Caisse d'entraide économique de Portneuf, reconnaissons le savoir-faire d'Hydro-Québec et la signature d'excellence dont elle pare généralement ses travaux. Maintenant que nous acceptons le projet Delaney, maintenant que nous savons exactement ce que représentent pour la région de Portneuf les retombées qui devraient en jaillir, nous considérons qu'il est urgent d'entreprendre incessamment ce que nous appelons le processus d'intégration de notre région à ce gigantesque ouvrage de plus de $2,000,000,000.

Qu'Hydro-Québec ait principalement tenu compte, dans sa planification, de l'aspect technique de la construction d'une centrale à réserve pompée unique au monde nous semble normal. Mais nous soutenons, aujourd'hui, un peu plus de deux ans avant le début des travaux, qu'il est impérieux d'élaborer sans délai un plan d'aménagement socio-économique qui couvrirait l'ensemble de la région de Portneuf. Ce plan devrait prévoir des mesures qui seraient appliquées au fur et à mesure de la progression des travaux et surtout de la décroissance des retombées économiques. Dans le contexte actuel, en regard de la petite structure économique de Portneuf, nous craignons que la collectivité ne subisse le ralentissement des activités du chantier, le contrecoup de la croissance artificielle de son économie.

Aussi, comme nous l'avions souligné dans le mémoire de 1979, nous ne voudrions pas que le projet Delaney ne fasse qu'enrichir sur une courte période la région de Portneuf, comme ce fut le cas pour certains autres chantiers. En 1981, nous avons la chance inouïe d'avoir huit ans devant nous pour composer avec ce gigantesque ouvrage de plus de $2,000,000,000 que sera la centrale Delaney et nous croyons qu'il serait dommage de ne rien entreprendre dès à présent pour faire de Portneuf une région qui rapporterait des millions à la société québécoise.

Au lieu de demeurer passifs devant cette formidable machine énergétique que sera la centrale Delaney, nous voulons composer avec elle pour construire un projet de développement économique collectif. Un projet d'une telle envergure, qui doit se réaliser pour la première fois au Québec à proximité d'une zone semi-urbaine, exige la prise en considération d'une foule de facteurs. Les principaux points qui retiennent notre attention ont trait au développement spécifique et au développement anticipé. (17 h 15)

Par développement spécifique, nous entendons l'équipement additionnel dont Portneuf devra se doter, surtout la région immédiate, pour satisfaire à la fois aux

besoins techniques du chantier et aux besoins sociaux et matériels des travailleurs. À ce titre, des modifications importantes seront faites dans les secteurs de l'habitation, des loisirs et des voies de communication. Or, au moment présent, il n'existe encore aucun indicateur faisant connaître clairement les besoins réels du projet en comparaison des services existants. S'il est dans l'optique de la plupart des intervenants de ne satisfaire qu'à la demande temporaire des biens de services d'Hydro-Québec, tant pour les besoins de construction proprement dite que pour ceux des travailleurs, on pourra vraisemblablement trouver rapidement des solutions qui conviennent à tout le monde. Si, au contraire, on mise sur la prestation de services extraordinaires pour donner à la région de Portneuf une autre dimension économique, il y a lieu de s'attarder immédiatement sur la vocation qui sera celle des entreprises commerciales, industrielles et de loisir après la fin des travaux. Ce changement prévisible d'orientation doit être planifié sans tarder, mais dans le cadre d'une revalorisation globale de l'économie de Portneuf.

Dans le cadre du développement spécifique, il faut également mettre l'accent sur l'excroissance que provoquera sur la structure économique de la région immédiate des retombées qui viendront probablement doubler en période de pointe le revenu brut de la population. De fait, le problème se situe vraisemblablement davantage au plan de la régression des retombées économiques qu'à celui de leur accroissement. Si on ne refuse pas la perspective d'un enrichissement collectif rapide, on aura probablement de la difficulté à accepter, de 1986 à 1990, un manque de revenus de l'ordre de quelque $60,000,000. Il est sûr que tout l'argent des retombées économiques prévues pour la région de Portneuf n'ira pas uniquement dans les goussets des résidents de Saint-Raymond et Saint-Léonard, mais la comparaison que nous avons faite constitue un ordre de grandeur qui nous laisse perplexes.

Au titre du développement anticipé, il nous semble que l'application accélérée de divers programmes d'aménagement touristique et d'amélioration des réseaux routiers, aériens et ferroviaires s'impose, de même que le réaménagement des installations portuaires de Portneuf. On convient depuis longtemps que Portneuf, à quelques minutes de Québec, est un véritable paradis du loisir. L'occasion est belle de tout mettre en oeuvre pour en exploiter au maximum les ressources. Avec le fantastique potentiel touristique que représente le projet Delaney, nous croyons que la région de Portneuf doit se préparer rationnellement à accueillir dès la fin de la décennie des dizaines de milliers de touristes. Sachant que malgré son isolement et son éloignement des grands centres, le complexe Manic-Outardes accueillera cette année quelque 25,000 visiteurs, nous avons peine à nous imaginer le nombre de personnes qui s'arrêteront dans Portneuf après la construction de la centrale. En raison de sa situation géographique, la région de Portneuf sera extrêmement facile d'accès pour les métropolitains de Québec et Montréal ainsi que pour une proportion sensible des millions de touristes canadiens, américains et extracontinentaux qui fréquentent ces villes à chaque année.

De plus, la centrale Delaney constituera une pièce de choix pour susciter le tourisme industriel tant au plan international qu'interrégional. L'industrie touristique prendra donc un essor sans précédent au Québec à la condition qu'on veuille en contrôler le développement. Mais il n'y a pas que cette industrie que pourrait viser le plan d'aménagement global; il y a aussi tout le secteur de l'industrie secondaire. Là encore, peut-être pourrions-nous dans Portneuf devenir les premiers Québécois à ouvrir un parc d'entreprises dont le processus de fabrication exige un fort potentiel d'énergie électrique.

Nous sommes bien conscients que même si le projet Delaney doit faire partie des équipements d'appoint d'Hydro-Québec, les lignes de transport de 315 kV et 735 kV qui seront en service dans notre région deviendront un acquis intéressant.

Il serait long d'énumérer ici tout ce surcroît et il y aurait lieu de se pencher pour contrer la récession économique que risquerait de subir Portneuf dès le lendemain de la construction de la centrale. Nous vous dirons donc que c'est pour ces quelques raisons et pour éviter un développement sauvage et désordonné que la Caisse d'entraide économique de Portneuf vous demande d'autoriser et de faciliter l'élaboration d'un plan d'aménagement global pour la région de Portneuf.

Bien que le Québec ait son entité propre, nous soulignons le fait que la France se spécialise, depuis quelques années, dans l'élaboration de plans d'aménagement des régions non métropolitaines où se sont ouverts de grands chantiers. Ainsi, avons-nous appris qu'il existe entre Lyon et Marseilles une région pour laquelle on a préparé un plan visant à intégrer un projet d'environ $5,000,000,000 à un environnement humain composé de 100,000 habitants et le nombre de travailleurs y étant d'environ 8,000. Comparativement au projet Delaney et à la région de Portneuf, les données sont plus que doublées. Mais il nous semble que la référence est pertinente.

En outre, d'après ce que savons de l'intervention de la délégation à l'aménagement territorial et à l'action régionale qui dépend directement du premier ministre de France, le schéma

d'aménagement correspondrait, de prime abord, à notre conception de l'imbrication harmonieuse d'un pareil ouvrage à une économie semi-urbaine. Bien sûr, nous ne croyons pas qu'il faille procéder a priori de la même façon que les Français. Mais leur approche vis-à-vis du problème d'intégration de gros ouvrages à un milieu à petite structure économique renforce notre position sur le délicat problème de l'après-construction de la centrale.

La Caisse d'entraide économique de Portneuf recommande donc au gouvernement du Québec, premièrement, de déclarer Portneuf région pilote. Deuxièmement, de prendre les mesures nécessaires à la formation sans délai d'une équipe multidisciplinaire chargée d'élaborer, d'ici à 1990, avec la participation des citoyens, divers scénarios d'aménagement.

Troisièmement, de disposer, à sa discrétion, de crédits correspondant à 10% des retombées économiques du projet aux fins d'aménagement de la région pilote et enfin de faire en sorte que le projet Delaney porte le nom de Portneuf, compte tenu que ce nom identifie bien la région où se trouvera la future centrale.

Dans le cadre de la vocation de la Caisse d'entraide économique de Portneuf, nous nous devions de vous faire part de nos appréhensions en face de l'après-construction de la centrale Delaney et de vous proposer un projet de développement collectif.

Le Président (M. Jolivet): Merci, M. Plamondon. M. le ministre.

M. Bérubé: Merci, M. le Président. Je remercie les intervenants qui viennent souligner, un peu comme dans le cas du projet Archipel, l'importance d'intégrer les projets hydroélectriques d'Hydro-Québec en milieu urbain ou semi-urbain, de les intégrer dans le tissu social du milieu, de manière qu'on ait un développement plus harmonieux que si on se contentait simplement de considérer ce projet-là comme un simple projet hydroélectrique.

Votre mémoire soulève, cependant, un certain nombre de questions. C'est de savoir les limites de responsabilité du gouvernement ou d'Hydro-Québec face à ce projet et d'essayer de voir comment ce que vous demandez doit être financé. D'une part, vous soulignez, à la page 3 de votre mémoire -du moins le mémoire que vous nous avez lu qu'Hydro-Québec a fait appel à la collaboration des municipalités et s'engage à appliquer des mesures concernant l'hébergement des travailleurs et l'aménagement récréatif et faunique.

Pourriez-vous, en une première étape, nous expliquer un peu en quoi ont consisté les études d'Hydro-Québec pour tenter de tirer le meilleur parti sur les plans environnemental et social d'un projet comme celui-là?

Le Président (M. Jolivet): M.

Plamondon.

M. Plamondon: Évidemment, je pense que, pour vous donner des réponses très précises, il faudrait demander à Hydro-Québec. Pour ce que j'en sais, Hydro-Québec a pris contact avec le milieu à différentes reprises. Il y a eu des rencontres avec les individus, avec les organismes. On a demandé aux gens du milieu de faire part de leurs représentations, de leurs remarques sur cette question. Il est bien évident que le citoyen comme tel se trouve quelque peu démuni face à un organisme aussi puissant, aussi gigantesque qu'Hydro-Québec. Chacun peut faire valoir ses propres représentations, ses propres inquiétudes qui sont très souvent parcellaires, trop parcellaires. Ce qu'il nous manque, en quelque sorte, c'est peut-être l'occasion de faire appel à des spécialistes du milieu. C'est pourquoi nous parlons de cette équipe multidisciplinaire à qui on pourrait, à cette occasion, proposer des schémas d'aménagement qui seraient de nature à tenir compte davantage du développement économique et touristique du milieu.

Hydro-Québec jusqu'à maintenant a, dans le cadre de la réalisation de son projet, avancé qu'elle était prête à collaborer, dans une certaine mesure, à minimiser les effets sur l'environnement, à intégrer certains projets d'aménagements touristiques. Nous disons qu'il faut aller plus loin que cela. Il faut vraiment qu'on pense en fonction d'une revalorisation de tout ce secteur pour l'après-projet. C'est très beau, là, pendant la période de construction, mais à la fin des travaux, qu'arrive-t-il?

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Bérubé: La loi 125 nous amène à constituer les municipalités régionales de comté qui ont comme mandat l'élaboration de schémas d'aménagement du territoire. Est-ce que, par exemple, votre conseil de comté, dans votre région, intègre le projet en question dans sa réflexion concernant le schéma d'aménagement?

Le Président (M. Jolivet): M.

Plamondon.

M. Plamondon: C'est une question que nous n'avons pas posée au conseil de comté. D'ailleurs, je pense qu'on est en pleine période de réforme, de réorganisation dans ce domaine de l'"émercisation".

Remarquez que c'est une hypothèse qui peut être plausible. Il s'agirait de l'analyser

très sérieusement, mais il faudra également que cet organisme ait les ressources, tant humaines, techniques que financières, pour vraiment mener à bien ce projet d'études collectives qui sera nécessaire pour mettre en valeur la région. Et aussi, nous croyons qu'une telle proposition, un tel programme constituerait en quelque sorte un véritable laboratoire pour le gouvernement du Québec. C'est peut-être une ou la première réalisation d'importance aussi gigantesque, dans un milieu quasi urbain, mais ce n'est peut-être pas la dernière. Et on aura de plus en plus à se préoccuper de l'impact de telles installations face au milieu. On a, jusqu'à maintenant, dans l'évolution sociale, porté beaucoup d'intérêt à l'impact sur l'écologie, par exemple, mais le milieu humain comme tel, l'individu comme tel, il sera touché lui aussi. Peut-être faudra-t-il s'arrêter à cela bientôt. C'est peut-être l'occasion idéale pour se créer un laboratoire de recherche qui servira dans l'avenir pour des projets semblables.

M. Bérubé: Vous nous proposez finalement une approche très centralisée, très centralisatrice, même, au sens que vous aimeriez que le Québec prenne en main tout l'aménagement de votre territoire et qu'il décide comment devrait se faire l'aménagement de la région de Portneuf, compte tenu de l'implantation de ce barrage. Je me demande dans quelle mesure il ne faudrait pas envisager surtout un processus plus démocratique où ce sont les citoyens eux-mêmes qui, à partir du projet d'Hydro-Québec, essaient de voir comment ils peuvent tirer parti du projet.

J'ai cru comprendre, par les chiffres, indicatifs d'ailleurs, et vous le soulignez dans votre mémoire, que les retombées économiques directes ou indirectes dans la région de Portneuf vont être considérables au point de presque doubler la masse salariale disponible dans la région. Donc, on s'attend, pendant un certain nombre d'années, à une activité économique fiévreuse, source d'enrichissement pour les citoyens. (17 h 30)

Vous vous préoccupez à juste titre de l'avenir, de l'après. La question que je me pose, c'est: Est-ce que, justement, les hommes d'affaires de votre région - puisque la caisse d'entraide économique a comme objectif, finalement, d'inciter les Québécois à s'engager dans des projets de développement en trouvant chez eux des sources de financement, et les caisses d'entraide économique ont fait un travail absolument remarquable à cet égard dans toutes les régions du Québec - voient venir le projet et, déjà, essaient d'imaginer une infrastructure touristique qui pourrait peut-être plus facilement se financer au cours des sept, huit ou dix prochaines années grâce à l'apport de travailleurs venus sur les lieux à la suite du projet, du grand chantier, et qui pourraient, une fois ces investissements amortis partiellement, devenir des investissements à fonction touristique?

L'impression que j'ai, c'est que vous nous proposez surtout des investissements gouvernementaux avec un schéma d'aménagement gouvernemental qui déciderait comment la région doit se développer. Ce que j'aimerais, c'est que vous me disiez maintenant quel est le rôle que vous voyez pour les citoyens de Portneuf dans cette réflexion concernant l'aménagement et surtout la maximisation des retombées à plus long terme du chantier en question.

Le Président (M. Jolivet): M.

Plamondon.

M. Plamondon: Comme première partie, lorsque vous parlez de cette approche centralisatrice, il est très loin de nous de considérer notre proposition en ce sens. C'est justement un effort de démocratisation et de décentralisation. Nous proposons la formation d'une équipe multidisciplinaire. Les modalités, nous sommes disposés à en discuter, par exemple, à partir des crédits qui seraient attribués, ça pourrait être un organisme tout à fait indépendant, un organisme du milieu, ce comité pourrait aussi être formé de spécialistes prêtés par les divers ministères. Cela aurait peut-être un intérêt assez valable de mettre ensemble tous ces ministères qu'on a souvent de la difficulté -je pense que vous en êtes conscients plus que moi - à faire jouer ensemble sur le même damier.

Cela aurait comme conséquence avec ces gens, d'une part, et avec les gens du milieu, d'autre part, de vraiment préparer des plans d'aménagement qui seraient de nature à répondre aux besoins du milieu, pas du tout dans cet esprit de centralisation absolue. C'est un peu la raison qui nous fait proposer une forme de financement en quelque sorte de ce projet.

La deuxième partie de votre question, voudriez-vous me la répéter, s'il vous plaît?

M. Bérubé: Je pense que vous avez traité assez globalement de l'ensemble de ma question.

Le Président (M. Jolivet): Merci. M. le député de Portneuf.

M. Pagé: Merci, M. le Président. Je voudrais tout d'abord remercier bien sincèrement, au nom des citoyens que je représente, la Caisse d'entraide économique de Portneuf, plus particulièrement son président, M. Marcel-R. Plamondon, et M. René Paquet, son directeur général, de leur apport, de leur contribution et de leur

participation non seulement à nos travaux aujourd'hui, mais de s'être préoccupés et d'avoir établi comme étant un aspect prioritaire de leur intervention débordant de leurs activités habituelles, et ce depuis plusieurs années, le projet Delaney dans le comté de Portneuf. Vous avez collaboré étroitement à toutes les séances d'information, vous avez été non seulement réceptifs, mais vous avez recommandé des choses qui sont très intéressantes et qui, je l'espère, seront retenues par Hydro-Québec lors des séances de consultation. Entre autres, vous avez proposé que soit tenu par Hydro-Québec un salon de la sous-traitance permettant aux entreprises manufacturières ou autres ou aux commerçants du comté de Portneuf en premier et aussi de la région de Québec d'être informés des besoins d'Hydro-Québec.

Aujourd'hui, vous débordez, comme vous le dites dans votre mémoire, ce que Hydro-Québec vous a demandé et ce à quoi Hydro-Québec a convié tous les intervenants du milieu pendant la période consultation. Vous vous préoccupez - et c'est dans ce sens que je dois vous rendre un hommage particulier -de ce qui arrivera au lendemain du projet. Vous arrivez avec quatre recommandations bien spécifiques étoffées dans votre mémoire. J'aurai tout d'abord un commentaire, ensuite, des questions à poser et au ministre et à vous.

Vous recommandez que le comté de Portneuf soit déclaré région pilote. Somme toute, vous dites au gouvernement du Québec, c'est ce que j'ai semblé comprendre aujourd'hui, que pour une première fois nous aurons un projet d'investissement majeur dans une région suburbaine. Ce projet, par les deux milliards et quelques centaines de millions de dollars qui seront dépensés aura certainement des effets socio-économiques. Il faut que soit intégrée une approche à long terme a l'égard de ce projet sur plusieurs aspects. M. le ministre tout à l'heure vous a posé des questions en interprétant les recommandations que vous formuliez comme étant plutôt une centralisation, parce que vous demandez, tant dans votre mémoire que dans votre résumé d'aujourd'hui, votre annexe, l'intervention de plusieurs ministères. Vous demandez l'intervention du ministère de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme, du ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche, de l'Office de planification et du développement du Québec. Tout ça, c'est bien.

Mon premier commentaire sera pour vous dire que non seulement j'apprécie, mais je trouve que votre demande est tout à fait fondée, savoir qu'une étude particulière soit faite sur les impacts, les tenants et les aboutissants, etc. Vous dites de plus que cela pourrait non seulement profiter au comté, mais à d'autres régions du Québec éventuellement. Je m'explique. Trop souvent, les gouvernements, quels qu'ils soient, et je suis convaincu que le ministre en est bien conscient, vont agir, vont intervenir sans que pour autant un autre ministère en particulier qui aurait pu être consulté... ou encore, un ministère qui aurait pu participer à l'élaboration d'un tel dossier... en fait, le gros problème, je pense que les gouvernements le connaissent un jour ou l'autre, c'est qu'il y a plusieurs couronnes sur la même couronne et, bien souvent, un ministère va faire une chose, ignorant totalement ou pratiquement ce que l'autre fait à côté. On a des expériences presque sur une base quotidienne, qu'on le veuille ou non.

Quand on regarde ici, voici ce qui se fait à Québec. Dans le moment, le ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche - je donne ça strictement comme exemple - a décrété le parc des Laurentides parc de conservation; en même temps, d'un autre côté, on a un autre ministère qui, lui, vient proposer la construction d'une route dans ce secteur. Le ministère de l'Environnement lui, en troisième lieu, vient s'inquiéter de ce qui se fait. Cela va de soi qu'on a des objectifs à atteindre. Cela va de soi que l'on a comme objectif de garantir que l'après-projet ne sera pas trop pénible ou trop dommageable pour notre économie; on a un autre objectif aussi à garantir, c'est que tout ça peut s'intégrer. On a enfin la chance dans la région de Québec, particulièrement, cette région de Québec dont l'économie est particulièrement basée sur l'exploitation touristique, d'ajouter un élément prioritaire, un élément de premier plan dans le développement éventuel de l'économie touristique.

Cela mérite sûrement d'être considéré. Cela mérite certainement d'être étudié. Vous demandez que ce soit déclaré région pilote. Cette déclaration impliquerait des mesures nécessaires à la formation d'une équipe multidisciplinaire, comme vous le dites. Le ministre a semblé interpréter ça comme une mesure centralisatrice. Quant à moi, je ne le crois pas. Je voudrais vous entendre sur la façon dont le comité, premièrement, pourrait être composé. Vous voulez que ce groupe s'adjoigne des gens du milieu et des organismes du milieu. Je crois que c'est nécessaire. Cela irait d'ailleurs dans le sens de la consultation qu'on a connue depuis sept ans.

Ma première question est celle-ci. Qui devrait prendre le leadership de ça? Qui devrait assumer le rôle d'agent de cueillette d'information, de convocation, s'assurer que tout ce beau monde travaille ensemble. C'est ma première question. Est-ce que ce serait le gouvernement du Québec, un de ses ministères ou un comité interministériel formé de plusieurs ministères? Est-ce que

des groupes du milieu, dans le comté, parce que plusieurs vont travailler, peuvent se concerter et prendre le leadership de ce dossier?

Enfin, vous souhaitez, à la recommandation 3, qu'un pourcentage des retombées économiques du projet soit versé aux aménagements de la région pilote. Même dans le rapport d'Hydro-Québec, qui a été fait par la société Hydro-Québec au gouvernement du Québec à l'appui de sa recommandation de réaliser le projet Delaney, il y a déjà pas mal de détails sur ce que pourrait contenir et ce que pourrait devenir cette région en termes d'aménagement touristique, faunique, mais pourquoi 10%? Sur quoi vous êtes-vous appuyés pour arriver à 10% avant même que l'étude soit faite, en quelque sorte? J'aurai peut-être un autre commentaire à faire plus tard.

Le Président (M. Jolivet): M.

Plamondon.

M. Plamondon: Je vais demander à M. Paquet de répondre à la première question.

Le Président (M. Jolivet): M. Paquet.

M. Paquet (René): La question de M. Pagé serait peut-être un complément à la question que M. le ministre a posée tout à l'heure. Au moment où on a préparé notre mémoire - on avait jusqu'au 24 ou au 26 janvier pour préparer le mémoire - il y avait quand même un document assez important, au niveau des MRC, qui n'était pas déposé encore. En tout cas, nous ne l'avions pas et c'était au niveau du pouvoir des MRC. On s'est dit qu'il est assez difficile de travailler avec le conseil de comté pour avoir son idée sur tout le développement socio-économique de Portneuf. C'est pour cela qu'on a préféré y aller avec notre idée. Lorsque les MRC seront fondées - il y aura une ou trois MRC dans Portneuf - on espère s'asseoir avec elles pour essayer de former un groupe réellement représentatif de Portneuf.

Il faudrait dire qu'au moment où on se parle, et au moment où on a préparé le mémoire, il n'y avait pas encore de groupes réellement régionaux avec lesquels on aurait pu discuter pour essayer d'apporter des réponses aux questions qu'on savait nous seraient posées aujourd'hui. On espère qu'avec la formation de ces MRC, lorsqu'on connaîtra le pouvoir des MRC, on aura une Société d'expansion économique régionale et elle deviendra peut-être un interlocuteur valable au niveau du comté de Portneuf. Nous pensons, en tout cas, comme institution, que notre rôle est de susciter l'activité économique. Je pense que ce n'est pas le rôle de la caisse de continuer après le projet dans le même sens, ce sera de susciter l'économie et de voir à ce qu'il y ait réellement un groupe représentatif des citoyens de Portneuf.

M. Plamondon: Quant à la question des 10%, d'abord, nous considérons que l'État, que le gouvernement du Québec va quand même profiter grandement aussi des retombées de cette construction. On n'a qu'à penser à l'impôt qui sera perçu sur les salaires gagnés, sur les taxes de vente, etc. Une comparaison qui peut être boiteuse comme toutes les autres mais qui, quant à moi, vaut peut-être la peine d'être faite, c'est que si on accepte, par exemple, d'aider nos artistes et de promouvoir les arts en consacrant l'équivalent de 1% du coût de construction des édifices gouvernementaux aux oeuvres d'art destinées à les décorer, que mon sens artistique ne me permet malheureusement pas toujours d'apprécier à leur juste valeur, je m'en confesse remarquez que je ne porte pas de jugement sur cette politique - il nous paraît tout aussi valable, sinon plus, de consacrer ces 10% des retombées économiques qui représentent, en somme, à peu près 2% du coût total de construction de la centrale.

Donc, nous ne croyons pas que ce soit exagéré, pour que le milieu ne soit pas pénalisé trop fortement par les effets du ressac après la construction, pour qu'on profite de la circonstance pour faire de Portneuf une région dynamique, tant sur le plan économique que social, qui bénéficiera et qui rapportera à l'ensemble de la collectivité québécoise par la suite et, enfin, pour constituer ce que j'appelle un véritable laboratoire d'étude et de recherche, pour fournir les données nécessaires pour tout autre projet du genre dans l'avenir et non seulement des projets hydroélectriques. Non, vraiment, il ne nous paraît pas que ce soit exagéré.

Par ailleurs, on peut faire un parallèle avec ce qui s'est fait en France. Nous faisions référence tantôt à ce projet en France qu'on appelle le projet de la région du Tricastin, dont l'estimation initiale était de $2 milliards et qui est maintenant rendu, en coût réel, à $5 milliards. Le début des travaux a eu lieu en 1975 et la fin des travaux est prévue pour 1983. C'est une opération pilote qui a généré une politique générale au titre des grands chantiers et le coût initial consacré au développement spécifique et anticipé a été d'environ $70 millions; on a réparti les sommes réservées à l'aménagement entre différents organismes là-bas, de sorte que les municipalités ont eu l'avantage de payer des équipements dont elles devaient se prévaloir à des coûts qui étaient peut-être aux trois quarts moindres que le prix courant.

C'est un peu un rapport qu'on a pu faire avec ça; évidemment, toute

comparaison est souvent boiteuse, mais c'était quand même un élément de référence qui nous apparaissait valable. (17 h 45)

Le Président (M. Jolivet): M. le député.

M. Pagé: M. Plamondon, en terminant, je dois encore une fois vous remercier; vous mettez - comme on dit bien souvent en bon canadien - le doigt sur un point qui est important et il faudra certainement que le gouvernement, selon moi, y donne suite.

Nous avons tous les éléments en main pour non seulement intégrer ce projet au développement économique du comté de Portneuf, mais assurer la continuité de ce développement et de cette vigueur économique et contribuer ainsi de façon appréciable au développement économique de la grande région de Québec.

On a des touristes à Québec, on a une structure d'accueil et d'information, on est sur le point de se doter, dans notre comté plus particulièrement, d'une structure de promotion, on a la Société d'expansion industrielle Nord-Portneuf, on a des plans d'aménagement dans le secteur, on a une volonté clairement exprimée par la population du comté de Portneuf que le projet est non seulement souhaité, mais qu'il est désiré dans le comté.

Ce que vous avez voulu porter à l'attention des membres de la commission aujourd'hui, ce sont les avenues que pourrait prendre le gouvernement du Québec pour y ajouter et en même temps se servir de cette expérience, pour tenter une expérience d'intégration du projet à un développement social-économique beaucoup plus rationnel et beaucoup plus à long terme.

Quant à moi, je vous remercie et j'ose espérer que le gouvernement du Québec saura non seulement en prendre bonne note, mais y donner suite.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Gouin.

M. Tremblay: Merci, M. le Président. Je serai bref, mais vous me permettrez de ne pas passer sous silence la contribution des Caisses d'entraide économique au développement régional du Québec, à l'occasion du mémoire que nous présente aujourd'hui la Caisse d'entraide économique de Portneuf.

Je ne voudrais pas non plus ignorer à cette occasion la contribution de M. Jacques Gagnon, qui malheureusement, l'an passé, est décédé. Il était le fondateur des Caisses d'entraide économique et, comme l'a répété M. Plamondon, à juste titre, il avait donné à son mouvement financier cette responsabilité de régionaliser les cerveaux, les capitaux et le développement régional.

Or, qu'est-ce qu'il y a de plus fondamental pour le développement régional que des projets ou des chantiers dont la réalisation repose sur les ressources ou les richesses naturelles d'un milieu? Et, à l'occasion d'un projet de $2 milliards comme celui de la centrale Delaney, il est tout à fait logique que des institutions financières comme les caisses d'entraide économique se préoccupent des retombées économiques qui accompagneront nécessairement ce vaste projet. Ce que ce mémoire nous dit, finalement, c'est que le problème des retombées économiques accompagnant un projet de cette envergure dans une région déjà peuplée et en voie de développement ne dépend pas seulement des institutions locales, mais exige une coordination gouvernementale, ce qui, comme vous l'avez mentionné, se fait dans d'autres pays.

Pour ma part, je voudrais, M. le Président, appuyer la démarche que fait la Caisse d'entraide économique de Portneuf. Je pense qu'il s'agit d'une évidence. Si on ne veut pas qu'une région devienne victime d'un projet de grande envergure, mais non permanent à cause de sa nature, il est absolument essentiel qu'il y ait une planification des équipements et des investissements dans cette région. Je souhaiterais, pour ma part, qu'un organisme comme l'OPDQ, qui a été créé il y a une vingtaine d'années à l'intérieur du gouvernement justement pour s'occuper d'aménagement régional au-delà des frontières des ministères, puisse, à cette occasion, prendre note de votre recommandation d'une zone pilote et en faire une de ses priorités. Je souhaiterais que le gouvernement prenne l'initiative de demander à l'OPDQ de faire en sorte qu'un projet d'aménagement soit préparé pour votre région. Je n'ose pas vous demander si vous avez déjà fait cette démarche, mais permettez-moi de vous la recommander.

Le Président (M. Jolivet): M.

Plamondon, avez-vous des commentaires?

M. Plamondon: Oui. Je dois remercier le député et lui dire que, dans le mémoire, effectivement, nous avions souligné certains groupes et organismes qui pourraient faire partie de cette équipe. Nous disions qu'elle pourrait, notamment, être formée de représentants des principaux organismes gouvernementaux dont le MLCP, le MICT, le MTQ, le MEQ, l'OPDQ, etc. Je voudrais ajouter ceci: Vous vous rappelez tous, par exemple, de ce que je qualifierais de la naissance de l'OPDQ alors qu'on a travaillé à ce projet de l'Office de développement de l'Est du Québec. Je pense que c'est ainsi qu'on l'appelait. Cela a été sans doute les premiers éléments peut-être, nos premiers balbutiements, je dirais, dans le domaine de la planification.

Une voix: De véritables balbutiements.

M. Plamondon: Aujourd'hui, je pense que nous avons sans doute des éléments qui nous permettent de travailler dans ce domaine de façon fort valable. Nous sommes dans une situation vraiment exceptionnelle. Au lieu d'arriver avec un problème qui est existant comme c'était le cas quand on a dû mettre sur pied ce système - on a dû déplacer des populations, on a dû faire un tas de choses - nous avons la chance d'avoir huit ans devant nous, nous avons la chance de pouvoir voir venir le problème, le prévoir et prendre les mesures qui s'imposent pour éviter des ennuis, des problèmes par la suite. Pourquoi ne pas agir rapidement? Pourquoi ne pas prendre les mesures qui s'imposent pour penser d'avance à ce qu'on va faire tantôt avec ces aménagements? Pensons strictement à l'aspect touristique qu'on a survolé un peu tantôt. On peut bien penser comme Hydro-Québec l'a fait, à juste titre et fort bien, et dire: Qu'est-ce qu'on peut faire autour de la centrale pour aménager cela de façon que ce soit intéressant, valable, attirant et que les gens viennent dans le milieu? Mais nous disons: Pourquoi ne pas aller plus loin? Pourquoi, par exemple, ce comité d'étude ne pourra-t-il pas, lui, faire une étude exhaustive? On dit depuis longtemps que Portneuf, c'est un paradis du loisir, du tourisme et de la récréation.

Il y a un potentiel énorme qui est inexploité. Pourquoi ne pas profiter de la circonstance? Le touriste qui viendra visiter la centrale, pourquoi ne ferait-il pas comme quand on va dans les Montagnes Blanches, par exemple, où il y a une foule d'attractions qu'on peut visiter dans un même périple? Pourquoi, par exemple, au lieu de faire la route qui va du point A au point B pour satisfaire aux besoins d'Hydro-Québec, cette équipe ne pourrait-elle pas dire: Si on contournait, si on détournait cette route-là avec une distance additionnelle de deux ou trois kilomètres, on pourrait mettre en valeur tel site, par exemple, qui serait intéressant?

Tout cela, M. le ministre, selon moi, ça contribuera à renforcer l'économie du Québec.

Le Président (M. Jolivet): M. le député d'Outremont.

M. Fortier: M. le Président, je voulais simplement souligner jusqu'à quel point j'ai eu du plaisir d'entendre les représentations qui nous ont été faites aujourd'hui, parce que ça dénote un esprit tout à fait positif.

J'aimerais vous citer en exemple et je suis sûr qu'Hydro-Québec doit se réjouir d'avoir comme interlocuteurs des gens qui comprennent la dimension du problème, qui vont au-delà de la conjoncture et qui cherchent à maximiser les retombées économiques qui pourront en découler. Je peux vous assurer que votre message a été entendu. Soyez assuré que le député de

Portneuf saura toujours faire valoir vos revendications au sein de notre parti. Je vous remercie beaucoup.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre, comme dernier intervenant. Cela va? Donc, M. Plamondon et M. Paquet, je vous remercie au nom des membres de cette commission. Compte tenu de l'heure, je vais suspendre les travaux jusqu'à 20 heures avec l'arrivée, à ce moment-là, de l'Association des mines de métaux du Québec.

Je tiens à faire remarquer aux membres de cette commission qu'il nous reste encore cinq intervenants d'ici 24 heures, puisque la Ligue des droits et libertés, qui devait seulement faire un dépôt, a décidé de venir devant la commission.

A 20 heures, donc.

(Suspension de la séance à 17 h 55)

(Reprise de la séance à 20 h 16)

Le Président (M. Jolivet): À l'ordre!

La commission de l'énergie et des ressources est à nouveau réunie aux fins d'entendre les personnes ou organismes qui veulent faire des représentations relative au plan d'équipement et de développement de 1981-1990 de la société Hydro-Québec.

À nos rangs s'est joint tout à l'heure M. Desbiens (Dubuc). Nous en étions rendus, au moment où nous avons terminé, à l'Association des mines de métaux du Québec.

Je tiens à rappeler aux membres de cette commission que nous avons toujours cinq groupes ou personnes à entendre ce soir, jusqu'à minuit, en essayant d'être le plus brefs possible dans vos interventions, pour permettre à ces cinq personnes de ne pas être venues pour rien, puisque nous n'aurons pas l'occasion de les entendre demain, compte tenu que nous avons huit groupes ou organismes à entendre.

Je demanderais à M. Gonzague Langlois de bien vouloir nous présenter les personnes qui l'accompagnent et de commencer le mémoire.

M. Langlois.

Association des mines de métaux du Québec

M. Langlois (L. Gonzague): Merci, M. le Président. M. le ministre, MM. les membres de la commission, j'aimerais d'abord présenter les membres qui m'accompagnent à cette table: M. Daniel Gosselin qui est à ma droite immédiate, gérant des opérations de la

mine Selbaie; M. Victor Saint-Onge, directeur de la fiscalité pour la compagnie minière Québec Cartier; M. Jean-Claude Bélanger, ingénieur pour la mine Noranda Limitée (division Matagami); à mon extrême gauche, il y a M. Martin Thibodeau, vice-président en ressources humaines de Fer et Titane du Québec, et M. Raymond Soucy, directeur des services administratifs de Fer et Titane de Sorel.

Tous ces gens qui m'accompagnent aujourd'hui représentent des sociétés membres de l'Association des mines de métaux du Québec, qui regroupe la presque totalité des exploitations minières au Québec, à l'exclusion des mines d'amiante qui possèdent leur propre association.

Parce qu'on retrouve des mines dans toutes les régions du Québec, l'industrie minière a été, au cours des soixante dernières années, le plus important facteur d'aménagement de notre territoire. Pour permettre l'exploitation des mines, même dans les endroits les plus reculés, il est bien évident qu'il faut des moyens de transport, de communication tels que les routes, les chemins de fer, les lignes téléphoniques, etc. Il faut aussi construire des villes équipées de tous les services modernes pour permettre aux travailleurs d'y vivre avec leurs familles. Enfin, il faut avoir accès à des sources d'énergie dont la plus importante est sans contredit l'électricité. Hydro-Québec, comme principale productrice et distributrice d'électricité au Québec, prend donc une importance primordiale lorsqu'il s'agit du développement de l'industrie minière.

Nous sommes reconnaissants au ministre de l'Énergie et des Ressources et aux membres de la commission parlementaire de nous permettre d'exprimer notre point de vue concernant les politiques présentes et futures de la société Hydro-Québec. Nous n'avons pas l'intention, ce soir, de discuter des grandes politiques émises par Hydro-Québec au cours des travaux de cette commission et nous nous restreindrons plutôt à traiter de l'établissement d'infrastructures qui servent à alimenter le secteur minier en énergie électrique.

Les remarques que nous avons l'intention d'émettre dans ce court mémoire sont donc de trois ordres. Tout d'abord, étant donné que, souvent, les mines sont situées dans des endroits éloignés et qu'il faut nécessairement les relier au réseau électrique de la province, il nous apparaît important d'examiner les présentes politiques d'Hydro-Québec pour l'installation des infrastructures nécessaires au transport de l'électricité jusqu'aux sites miniers. En second lieu, nous traiterons succinctement de l'impact de l'augmentation des coûts de l'électricité sur l'industrie minière. Et, en troisième lieu, nous nous permettrons de souligner l'apport important de certaines exploitations minières à l'aménagement des rivières de la Baie James, tant en main-d'oeuvre qu'en services urbains.

Parce que Hydro-Québec appartient à l'État et qu'elle opère dans une situation de monopole, les investissements miniers généralement responsables du développement de nouveaux territoires seraient en droit de s'attendre que cette société soit orientée de façon à aider à la réalisation de tels objectifs d'aménagement. À ce jour, nous devons avouer que si de telles politiques existent, elles sont fort difficiles à déceler.

En effet, les négociations qui ont lieu entre les sociétés minières et Hydro-Québec depuis la nationalisation de l'électricité révèlent fort peu de collaboration financière ou autre à l'endroit de ceux qui doivent, aux fins de l'exploitation des richesses minérales, aménager le territoire. Bien au contraire, Hydro-Québec leur impose des conditions auxquelles ne sont généralement pas soumises des entreprises situées à proximité des grands centres.

L'aménagement de l'exploitation de fer du Mont Wright et de la ville de Fermont, de 1971 à 1975, et celui plus récent de la mise en valeur du gisement de cuivre de Selbaie, dans la région de Joutel-Matagami sont des exemples très représentatifs des politiques d'Hydro-Québec. Les termes du contrat pour fourniture d'électricité au mont Wright sont particulièrement sévères. En voici quelques exemples: comme utilisateur, la compagnie Québec Cartier, face aux exigences d'Hydro-Québec, a dû construire entièrement à ses frais une ligne de 100 milles de long en suivant rigoureusement les normes imposées par Hydro-Québec. De plus, toute dépense occasionnée à Hydro-Québec pour la surveillance de ses normes de construction était remboursée par Québec Cartier à raison du total des salaires payés par Hydro-Québec, plus 125% additionnels pour les coûts indirects. On obligeait aussi Québec Cartier à construire une ligne de 315 kilovolts alors que ses besoins n'étaient que de 230 kV. Québec Cartier devait acquérir à ses frais tous les terrains et permis nécessaires à la construction de la ligne.

Vous trouvez en annexe, d'ailleurs, un extrait du procès-verbal de la Commission hydroélectrique de Québec qui donne plus de détails à ce sujet. Je me réfère au mémoire qui a été déposé devant la Commission. Le coût de cet ouvrage effectué en 1972-1973 a totalisé $13,500,000. Or, le contrat stipule qu'au 1er janvier 1976 la compagnie Québec Cartier devait transférer à Hydro-Québec pour $1 tous ses actifs, lignes, postes de transfert, terrains, etc. Hydro-Québec, par ailleurs, devait rembourser la compagnie Québec Cartier pour l'excédent de coût entre une ligne de 315 kV et celle ajustée aux besoins de l'opération, de son opération, soit 230 kV. Ce remboursement évalué par Hydro-

Québec à $1,200,000 était effectué à raison d'un rabais de 10% sur la facture d'électricité jusqu'au paiement complet. Évidemment, il n'était pas question pour Hydro-Québec de payer l'intérêt sur cette dette.

Hydro-Québec aura donc forcé la compagnie minière à faire des déboursés supérieurs à ses besoins tout en remboursant sans intérêt sur une période de dix ans, donc, en dollars dévalués, l'excédent de l'investissement évalué par elle-même. Hydro-Québec s'alloue d'ailleurs le droit d'alimenter d'autres clients importants à même la ligne de 315 kV, ce qui est normal. Dans ces cas, toutefois, Hydro-Québec s'engage à rembourser Québec Cartier d'une partie de l'investissement préliminaire calculé au prorata de la nouvelle demande d'électricité comparé à la puissance totale de la ligne. Encore là, on rembourse avec des dollars dépréciés et sans intérêt. Enfin, le contrat de vente d'électricité a été établi au tarif régulier alors en vigueur. Toutefois, il est stipulé qu'entre 1978 et 1983 le taux d'électricité ne serait majoré que de 10% par année, avec ajustement au taux courant tous les cinq ans. Ce contrat ayant été paraphé en 1971, Hydro-Québec ne pouvait prévoir que l'inflation et une décision gouvernementale décréteraient des augmentations de taux d'au-delà de 20% par année à partir de 1977.

Dans le cas de la mine Selbaie, c'est approximativement la même situation, si on tient compte que le coût de la ligne est estimé à $18,500,000 pour 66 milles de longueur, soit un coût de $280,000 le mille ou deux fois le coût de celle construite par Québec Cartier il y a moins de dix ans.

Quant aux conditions imposées par Hydro-Québec aux investisseurs de la mine Selbaie, elles sont sensiblement les mêmes, soit la construction de la ligne par la compagnie selon les directives d'Hydro-Québec ou le dépôt à l'avance, sans intérêt, du coût total de la construction de la ligne par tranches annuelles fixées par contrat. La proposition d'Hydro-Québec est à l'effet qu'entre le 1er janvier 1981 et le 1er janvier 1984 Selbaie doit verser sans intérêt à Hydro-Québec environ la moitié de l'investissement estimé, soit $9 millions, et la balance de l'investissement réel, soit environ $9,500,000 au cours de 1984. Quand on parle d'investissement réel, on veut dire qu'il est fort possible que cet investissement dépasse les $9,500,000.

Hydro-Québec ajoute que, même à cela, elle fait une encoche dans ses politiques qui sont d'exiger la somme totale, sans intérêt, avant le début des travaux. Par ailleurs, selon des informations de dernière heure, l'entente proposée entre la mine Détour, située à 30 milles au nord-ouest de la mine Selbaie, mais du côté ontarien, et l'Hydro-

Ontario serait à l'effet que la compagnie minière Détour construirait à ses frais une ligne d'alimentation de 125 milles de long ayant une puissance de 115 kV, donc approximativement semblable à celle de Selbaie, pour un total estimé de $12 millions à $15 millions.

D'autre part, l'Hydro-Ontario facturera Détour au taux régulier pour les premiers cinq ans, alors que pour les six années suivantes la facture de l'énergie électrique de la mine Détour sera réduite de 25% par année pour équivaloir approximativement au total des investissements consentis par la compagnie minière, ce qui veut dire en gros que du côté ontarien - du moins, selon les informations qu'on a au sujet de la mine Détour - les infrastructures seraient absorbées par l'Hydro-Ontario.

En général, Hydro-Québec s'accorde aussi d'autres avantages; par exemple, le respect intégral du contrat de vente d'électricité, même si l'utilisation d'électricité est retardée à cause de délais de force majeure dans les calendriers de construction. C'est ainsi qu'en 1974, Québec Cartier a dû, à cause de retards dans le programme de construction, défrayer pendant un an et demi le coût de la quantité d'électricité prévue au contrat, bien qu'elle n'ait pas été utilisée. Pourtant, ces délais avaient été occasionnés par des actes de sabotage dont Québec Cartier n'était aucunement responsable. Après une action judiciaire contre Hydro-Québec, toutefois, Québec Cartier a pu récupérer 50% de cette somme.

Il faut donc se rendre à l'évidence et constater qu'Hydro-Québec profite de sa situation de monopole pour imposer aux investisseurs miniers des conditions qui cadrent peu avec les objectifs de développement de territoire que la publicité fait souvent miroiter.

Pourtant, cet apport d'énergie dans les territoires non aménagés, dont les coûts, après la nationalisation, ont été absorbés par les investisseurs miniers, est aussi utilisé par de nombreux autres agents de développement qui ne manqueront pas de venir s'installer par la suite.

Matagami est un bel exemple de cet état de choses. Les lignes électriques construites au début pour alimenter les exploitations minières lac Matagami et Orchan sont depuis utilisées pour fournir l'électricité à de nombreuses autres usines, habitations et commerces qui se sont installés par la suite et ont servi de point de départ aux travaux de la Baie James.

Dans ces cas, le premier investisseur dans les infrastructures de transport d'énergie, soit les mines, n'est sujet à un remboursement de la part d'Hydro-Québec que pour les clients utilisant plus de 1000 kilowatts et ce remboursement est fait en

monnaie dépréciée, puisqu'il est basé sur le coût original de la ligne et toujours sans intérêt. (20 h 30)

II est intéressant de souligner toutefois que la ligne transportant l'électricité à Matagami, à partir de la rivière Héva, soit environ 150 milles, a été construite au début des années soixante et on a pu obtenir d'Hydro-Québec d'alors, qui n'était pas, dans le temps, en position de monopole - c'était avant la nationalisation - un contrat beaucoup moins onéreux financièrement.

Tout d'abord, la ligne n'a coûté que $3,800,000 pour 150 milles, soit environ $25,000 le mille. Ce contrat prévoyait aussi que la mine du lac Matagami ne devait défrayer que 25% du coût de la ligne et que, pour une période de cinq ans après le début de l'utilisation de l'énergie électrique, une somme équivalant à 9% du coût total de la construction de la ligne serait ajoutée annuellement au paiement de l'électricité consommée; ce qui veut dire que Matagami n'a défrayé en fait que 70% des investissements pour les infrastructures de transport d'électricité et que 45% de ceux-ci ont été remboursés en dollars dépréciés. C'est l'inverse des présentes politiques d'Hydro-Québec.

Les investissements additionnels imposés aux investisseurs miniers pour la construction des lignes d'alimentation en énergie électrique peuvent parfois faire la différence entre la rentabilité et la non-rentabilité des masses minéralisées repérées dans les régions éloignées, surtout présentement, alors que les promoteurs doivent envisager des taux d'intérêt de plus en plus élevés.

Le fait de défrayer entièrement le coût des équipements de transport d'énergie n'amène aucun traitement de faveur dans les tarifs défrayés par les entreprises minières.

En 1980, nos informations nous indiquent qu'une somme d'environ $75 millions a été payée par les 1000 membres de notre association pour l'alimentation de leurs opérations en énergie électrique, alors qu'en 1975, cette somme ne s'élevait qu'à $26 millions. Ces sommes sont un strict minimum puisque certains membres ne sont pas inclus dans cette compilation et que les mines d'amiante, grandes utilisatrices d'énergie électrique, ne sont pas membres de l'association.

Afin d'utiliser une base commune, nous avons calculé le coût moyen d'électricité par employé dans l'industrie minière pour fins de comparaisons entre 1975 et 1980. Nous convenons que cette base n'est peut-être pas parfaitement conforme à la réalité puisqu'il y a plusieurs facteurs qui peuvent influencer ce coût en plus ou en moins: la productivité, par exemple, le degré de transformation des minerais et, enfin, les grèves qui augmentent le coût relatif de l'électricité en diminuant les jours travaillés. C'est toutefois la méthode la plus simple que nous ayons pu trouver dans les circonstances.

Quant à l'augmentation du prix par kilowattheure, ces données peuvent varier d'une entreprise à l'autre et Hydro-Québec est à même de faire des calculs beaucoup plus exacts que les nôtres à ce sujet. D'ailleurs, les informations confidentielles des compagnies obtenues à partir de cette base ou par unité de produit révèlent des pourcentages d'augmentation approximativement semblables au coût par employé.

Vous constaterez donc, dans les tableaux 1 et 11, c'est-à-dire le tableau des statistiques et la courbe, que ce coût moyen pour l'électricité était de $1500 par employé, en 1975, pour atteindre au-delà de $4300, en 1980, soit une augmentation totale de 177% au cours de cette période de six ans, ce qui nous donne une augmentation moyenne de 28% par année. Vous constaterez cependant que cette augmentation est répartie de façon très inégale au cours des années.

Étant donné qu'il ne nous est pas possible d'obtenir des informations de toutes les mines québécoises, en prenant comme base le coût par employé, il y a moyen de faire une extrapolation pour le coût total approximatif en énergie électrique utilisée par l'industrie minière, puisque celle-ci a employé, au cours des six dernières années, une moyenne de 25,000 travailleurs, en incluant les mines d'amiante et autres exploitants de minéraux. Ce coût total aura donc été, en 1975, d'environ $38 millions, alors qu'en 1980 il aura dépassé $100 millions.

En 1975, le coût total d'énergie électrique pour l'industrie minérale, à l'exclusion des matériaux de construction, aurait donc équivalu à environ 4% de la valeur de la production des métaux et minéraux qui, pour cette année-là, avait atteint $950 millions. En 1980, ce coût a équivalu à 5% de la valeur de la production minérale qui a totalisé environ $2 milliards. C'est, à notre avis, une contribution fort importante qui augmente à un taux beaucoup trop rapide, soit deux fois plus que le taux de l'inflation. Dans ces coûts sont inclus la transformation primaire des produits miniers, soit les usines de smeltage pour le cuivre, les usines de bouletage pour le minerai de fer et la transformation du minerai de fer titane en scorie de titane et en fonte par la société Fer et Titane, à Sorel.

Permettez-moi de vous dire en passant que la société Fer et Titane est le plus gros client d'Hydro-Québec à l'heure actuelle. Il est évident que la transformation et l'affinage des métaux exigent plus d'énergie que leur extraction et cette dépense d'énergie s'accroît à mesure que l'on atteint des stades de transformation plus poussée. À

cause de ses possibilités énormes en hydroélectricité, le Québec possède un atout important pour accélérer une transformation plus poussée de nos richesses minérales. Encore faut-il que le prix de cette énergie électrique, entre autres, demeure hautement compétitif si on veut s'assurer que les produits transformés puissent être écoulés avantageusement sur les marchés mondiaux, car il est bien évident que notre production minérale excède de beaucoup les besoins de notre économie et que notre principal débouché est le marché international.

Dans le passé, le coût et l'abondance de l'électricité au Québec ont été des facteurs prédominants dans l'établissement de l'afferinerie de zinc de Valleyfield et de la plus grande affinerie de cuivre au monde, Canadian Copper Refiners, à Montréal-Est, ainsi que des usines de transformation du minerai de fer titane à Sorel.

Dans l'avenir, nous espérons bien que nos ressources hydroélectriques seront aussi la base de nombreux autres développement industriels. Enfin, nous aimerions signaler que l'industrie minière a contribué, de façon importante, quoique indirecte et involontaire, aux immenses travaux entrepris par Hydro-Québec pour aménager les rivières de la Baie James.

En effet, depuis 1972, les travaux de la Baie James ont provoqué dans les mines du Nord-Ouest, plus particulièrement, dans celles de Chibougamau et Matagami, des pénuries importantes de mineurs expérimentés qui, attirés par des salaires et avantages sociaux défiant toute concurrence de la part des mines, se sont retrouvés en grand nombre sur les chantiers de la Baie James.

On peut facilement affirmer que la plupart des tunnels et excavations souterraines dans ces chantiers ont été effectués par des mineurs entraînés dans nos mines du Nord-Ouest québécois, lesquelles au cours de cette période, sont en quelque sorte devenues des centres d'entraînement pour les chantiers de la Baie James, tellement le pourcentage de renouvellement de la main-d'oeuvre a été important. Quoique difficile à évaluer, l'impact et le coût additionnel occasionnés pour les mines impliquées ont été fort importants, étant donné surtout que cette période a coïncidé avec une dépression générale des prix des métaux sur les marchés mondiaux.

D'autre part, les villes de Matagami et de Chibougamau, en particulier, ont été fortement mises à contribution pour assurer des services additionnels (police, écoles, hôpitaux, etc.) aux nombreux employés de la Société d'énergie de la Baie James qui avaient leur pied à terre dans ces villes et cela, sans aucune contribution financière significative de la part de la société.

Entre 1972 et 1977, par exemple, la population de Matagami avait presque doublé et la ville a dû augmenter considérablement ses services tout en sachant que ce n'était que pour une période temporaire. La Société d'énergie s'est toujours désintéressée de ces problèmes et n'a jamais voulu se compromettre sur la durée de cette période temporaire.

Étant donné que dans les villes de Chibougamau et Matagami les mines représentent un très fort pourcentage de l'évaluation municipale - 80% pour Matagami - il est évident que ces entreprises ont endossé pratiquement seules la majeure partie du fardeau financier additionnel que ces municipalités ont dû assumer à cause du développement de la Baie James.

Nous pouvons donc aisément affirmer que l'industrie minière a fait sa part pour assurer le succès du projet hydroélectrique de la Baie James. De plus, en assumant la totalité des coûts de transport d'électricité sur les territoires qu'elle doit aménager pour exploiter les ressources, l'industrie minière participe aussi de façon importante au progrès d'Hydro-Québec qui peut ainsi étendre son réseau sans investissement additionnel.

L'industrie minière ne demande pas de traitement de faveur, cependant, elle croit sincèrement que le coût de la construction des lignes de transport d'électricité dans les régions non aménagées ne devrait pas être assumé uniquement par elle. Hydro-Québec, comme d'ailleurs le fait présentement la Société d'énergie de la Baie James, devrait absorber au moins en partie ses investissements pour les infrastructures de transport d'énergie.

Par ailleurs, l'industrie minière est prête à accepter des augmentations de tarifs pour aider au financement des lignes de transport, dans le sens du contrat signé avec les mines Lac Mattagami en 1964. Pour s'assurer une alimentation certaine en électricité, elle pourrait même aller plus loin et accepter, afin de diminuer les risques d'Hydro-Québec, de garantir les investissements d'Hydro-Québec, en déposant la somme totale de la construction de la ligne dans une société de fiducie pour la période du contrat. Cependant, l'industrie minière n'est pas prête à défrayer seule, et parfois presque en double, les infrastructures installées pour le transport d'électricité dans les régions non encore aménagées, surtout si ce qu'Hydro-Ontario nous dit s'avère véridique.

De plus, à cause des nombreux facteurs qui peuvent intervenir, exploration, recherche de procédés, délais dans la construction, marché mondial, etc., il est toujours difficile de prévoir la date exacte de la mise en marche d'une nouvelle exploitation minière. Il peut parfois s'écouler des décennies entre la découverte d'un dépôt et sa mise en exploitation. Nous croyons donc qu'Hydro-

Québec devrait être plus flexible dans l'application de ses contrats de vente d'électricité, surtout au début de l'exploitation. L'expérience de Québec Cartier qui, à cause de sérieux problèmes de sabotage durant les années 1972-1973, a dû retarder de 18 mois la mise en marche de son exploitation alors qu'Hydro-Québec, au début, a quand même exigé les sommes prévues au contrat, est loin d'être encourageante pour l'établissement de nouvelles mines.

De plus, au cours de l'année dernière, le gouvernement a mis de l'avant un programme d'incitation pour l'établissement de nouvelles entreprises au Québec en leur accordant des tarifs préférentiels pour l'utilisation de l'énergie électrique. Toute nouvelle mine devrait, à notre point de vue, se qualifier pour un tel programme.

Enfin, lorsque de nouveaux développement hydroélectriques doivent mettre à contribution les services fournis par les villes minières et affecter la main-d'oeuvre des mines avoisinantes, il nous semblerait raisonnable qu'Hydro-Québec entre en contact avec les mines et les autorités municipales impliquées afin de négocier les moyens à prendre pour amoindrir autant que possible les inconvénients que ces nouveaux développements peuvent avoir sur l'industrie et la population locale.

Nous tenons, en terminant, à affirmer que les représentants de l'industrie minière favorisent au plus haut point le développement aussi rapide que possible de nos ressources hydroélectriques. Le Québec, par sa situation privilégiée dans le domaine de l'énergie électrique, possède un levier formidable pour le développement de son territoire et nous recommandons fortement qu'Hydro-Québec oriente ses politiques d'action vers des objectifs de développement de territoire de façon beaucoup plus évidente qu'elle ne l'a fait jusqu'à maintenant.

De plus, nous réitérons que les possibilités énormes en hydroélectricité sont un atout important pour la transformation de nos richesses minérales en autant que les prix de l'énergie électrique demeurent compétitifs, de façon à favoriser l'exportation des produits transformés chez nous.

Merci, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): Merci, M. Langlois.

M. le ministre.

M. Bérubé: M. Langlois, je dois vous avouer que, lors des réunions de l'Association des mines de métaux, vous me présentez toujours un superbe sonnet sur les critiques de l'association à l'égard du gouvernement qui sont en général pleines d'humour, et je dois vous dire que j'ai toujours énormément de plaisir à analyser la rigueur de vos mémoires. À l'intention de ceux qui ne le savent pas, annuellement, depuis quelques années maintenant, M. Langlois y va d'un poème au ministre de l'Énergie et des Ressources pour présenter les remarques de l'Association des mines de métaux au gouvernement. D'ailleurs, je suis maintenant pris pour lui répondre par un quatrain le mieux sonné possible puisqu'il n'y a absolument aucune autre façon que celle de traiter ces choses sur la même note d'humour.

Je pense que vous avez soulevé un certain nombre de problèmes intéressants qu'il vaudrait la peine de pousser plus avant. Malheureusement, je n'ai pas réussi à me bâtir un poème en si peu de temps en vous écoutant, d'autant plus que je dois vous avouer que votre mémoire est fort bien bâti et assez percutant. Il y a quand même quelques points que je ne peux pas laisser pour compte, d'autant plus qu'il y a un représentant de la mine Selbaie qui se fera un plaisir, sans doute, de me répondre. (20 h 45)

D'une part, j'aimerais savoir quels sont les projets de développement minier qui sont bloqués à la suite de négociations trop difficiles avec Hydro-Québec? Je ne vous cache pas que, tout récemment, un de vos ex-collègues, le nouveau président de la Société SOQUEM, a dû négocier avec HydroQuébec des tarifs pour sa mine de sel aux Îles-de-la-Madeleine et il a trouvé la négociation fort ardue. Je ne vous le cacherai pas. Effectivement, c'est une remarque un peu générale de tous ceux qui doivent négocier avec Hydro-Québec, surtout lorsqu'ils sont placés dans une situation un peu particulière qui est celle d'une entreprise minière qui démarre, qui n'a pas vraiment beaucoup de marge de négociations face à Hydro-Québec et qui n'est même pas capable de partir de règles générales puisqu'il s'agit presque toujours de cas particuliers et que la négociation se fait cas par cas, et cela devient extrêmement difficile, j'imagine, de négocier avec Hydro-Québec puisqu'elle détient le monopole.

Dans le cas, cependant, de Selbaie, c'est l'exemple que je donnerais, je sais que SOQUEM s'est intéressée è une participation financière au projet et que, dans sa proposition, elle avait même avancé avec, je pense, l'accord d'Hydro-Québec, je l'espère du moins, la possibilité que SOQUEM construise elle-même la ligne et fournisse l'énergie à un coût relativement bas. L'entreprise ayant calculé tous ses coûts, tout évalué, a décidé qu'elle ne retiendrait pas la proposition de SOQUEM en dépit d'une offre de livraison d'électricité dans des délais intéressants. Elle a choisi, au contraire, de s'associer - je ne dirais pas s'acoquiner, mais s'associer - à une

entreprise pétrolière, j'ai l'impression. Je crois que c'est une société pétrolière. C'est Hudson's Bay, je m'excuse, c'est vraiment Hudson's Bay. Donc, il ne semble pas que les problèmes de livraison d'électricité aient été a ce point prédominants dans les études de rentabilité que la proposition de SOQUEM ait dû être retenue.

Ce qui m'amène a poser la question suivante. D'ailleurs, je m'arrêterai immédiatement, vous faites référence à une proposition fort intéressante du gouvernement ontarien, mais je sais que le gouvernement ontarien est également en campagne électorale et que, tout récemment, il s'est fendu d'une magnifique offre...

M. Langlois: Je n'ai pas parlé du gouvernement ontarien. J'ai parlé d'Hydro-Ontario.

M. Bérubé: Hydro-Ontario, mais enfin. Disons qu'il n'est pas impossible que l'offre faite par Hydro-Ontario à la société Amoco ait été légèrement teintée par des préoccupations électorales qui auraient fait en sorte, en fait, qu'on veuille faciliter le développement minéral. Disons que c'est une hypothèse.

M. Saint-Onge (Victor): ... faire des demandes?

M. Bérubé: II faudrait attendre que le premier ministre déclenche des élections, M. Saint-Onge. J'en arrive, en fait, au coeur du problème. Est-ce que, à votre connaissance, les négociations d'Hydro-Québec ont fait la différence dans un projet rentable et non rentable? C'est ça, le fond de la question. C'est bien sûr que c'est une négociation serrée et qu'Hydro-Québec va chercher à maximiser ses profits. Il est peut-être injuste, du fait qu'elle est en situation de monopole, qu'elle puisse bénéficier d'une position de force qui nous amène peut-être à négocier d'une façon un peu plus dure que vous l'aimeriez, mais il reste quand même que si Hydro-Québec négocie un contrat de façon plus serrée et que ça n'empêche pas l'entreprise de démarrer et que ça permet à Hydro-Québec de maximiser ses profits, tout ce qu'on peut dire, c'est que les contribuables québécois ont tiré leur profit de cette négociation serrée par Hydro-Québec. Donc, personne ne va pleurer, même s'il y a évidemment l'industriel qui, lui, est impliqué dans la négociation, n'aimera peut-être pas tellement la position où il était placé.

Ce que j'aimerais, c'est que vous me disiez s'il y a des cas que vous connaissez où la négociation entre Hydro-Québec et l'entreprise a été à ce point serrée qu'on a bloqué le développement d'un projet minier. Si ça devait être le cas, ce serait beaucoup plus grave. Si ce n'est pas le cas, par exemple, à ma connaissance, Québec-Cartier est en opérations, donc, cette négociation dure de la part d'Hydro-Québec n'a pas empêché la mine de voir le jour. Elle a peut-être empêché les financiers, ceux qui ont financé le projet de Québec-Cartier de faire tous les profits qu'ils auraient espéré faire. Mais, il reste tout de même que c'est difficile, pour le consommateur en tous les cas, de pleurer sur le sort de Québec-Cartier si, finalement, la mine s'est développée. Je m'excuse, M. Saint-Onge, évidemment. Mais ce que j'aimerais savoir de vous, c'est un peu votre impression face aux négociations avec Hydro-Québec et dans quelle mesure ces négociations ont conduit, par exemple, au report ou à l'abandon de projets de développement minéral dont serait responsable Hydro-Québec?

Le Président (M. Jolivet): M. Saint-Onge.

M. Saint-Onge: M. le Président, je n'étais pas un participant aux négociations avec Hydro-Québec, la fiscalité me retenant ailleurs. Par ailleurs, comme vous le souligniez tantôt, le directeur du projet de mont Wright, qui est maintenant le président de SOQUEM, à ce que je peux voir, profite de l'expérience acquise à cette période afin de mener les négociations avec Hydro-Québec plus rondement, semble-t-il, maintenant. Mais à ce que lui-même m'en a dit et d'autres dans mon entreprise je peux conclure qu'il a fallu une intervention assez rondement menée du bureau du premier ministre pour conduire au résultat qui est expliqué ici, ce qui veut dire que les propositions initiales étaient autrement plus exigeantes, plus onéreuses. Je dois citer ce qu'on m'a répété - c'est du ouï-dire directement des personnes impliquées dans cette négociation - qu'à l'époque l'Hydro-Québec se foutait comme de l'an quarante du développement de mont Wright, ce qui n'était pas le cas pour le gouvernement du temps, heureusement, et ce qui, j'en suis sûr, ne sera le cas pour aucun gouvernement.

Donc, ma conclusion est qu'étant donné cette situation de monopole cela prendra toujours une intervention d'un ministre de l'Énergie et des Ressources éclairé sur la situation économique ou encore du bureau du premier ministre pour régler, pour arbitrer ces situations difficiles.

M. Bérubé: Merci.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Bérubé: Étant donné que mon distingué collègue, le député d'Outremont, doit malheureusement nous quitter, si cela ne

vous ennuie pas, je vais lui passer la parole.

Vous voyez à quel point nous nous entendons bien en dépit de ces altercations continuelles...

Le Président (M. Jolivet): Donc, la parole est au...

M. Bérubé: ... que vous n'associerez, évidemment, qu'au climat électoral.

Une voix: À l'ordre! À l'ordre!

M. Bérubé: Je vais lui passer la parole et je reviendrai tantôt.

Le Président (M. Jolivet): Le député d'Outremont.

M. Fortier: M. Langlois, vous avez fait état de difficultés qui empêchent ou n'encouragent pas l'établissement de nouvelles mines. Ces critiques s'ajoutent à de nombreuses critiques qui ont été reçues dernièrement à différents moments. L'intérêt que j'ai dans le dossier que vous nous soumettez est qu'il me semble qu'il faudrait une politique énergétique qui serait justement de favoriser l'électricité pour différentes raisons. Une question que j'aimerais vous poser serait celle-ci. Dans une mine, non seulement vous avez besoin d'électricité, mais vous avez besoin de pétrole, d'essence, de toutes sortes de produits pétroliers, vous avez des camions. Bien sûr, on pourrait penser à utiliser l'électricité davantage; dans les endroits éloignés, le pétrole devient extrêmement dispendieux. Si le gouvernement avait une politique de substitution en faveur de l'électricité, l'utilisation de l'électricité avantagerait la santé des travailleurs dans bien des cas. Qu'on pense aux échappements des camions, etc., soit dans des mines ouvertes ou autrement.

Qu'on pense à l'efficacité qui pourrait être accrue et à la possibilité d'automatisation de l'équipement de certaines mines qui pourrait être accrue si on utilisait l'électricité. Une telle politique, bien sûr, voudrait dire aussi une certaine incitation pour faire en sorte non seulement que les industriels soient intéressés à établir de nouvelles mines, mais que, lorsqu'ils établissent la mine, ils utilisent l'électricité dans sa plus grande dimension possible justement pour substituer l'électricité à toutes les autres formes d'énergie.

En prenant comme exemple la moyenne des mines existantes, pourriez-vous nous dire dans quelle mesure l'électricité est importante? Dans quelle mesure une politique qui favoriserait-elle l'utilisation de l'électricité dans le sens que vous le dites favoriserait en même temps une substitution du pétrole par l'électricité?

Le Président (M. Jolivet): M. Langlois.

M. Langlois: Je suis bien content que la question soit posée. Ce que je peux dire à ce moment-ci, c'est que l'électricité est absolument nécessaire au développement des mines. Cela est présentement négocié avec Hydro-Québec dans des conditions fort difficiles, c'est-à-dire que ce sont les investisseurs miniers qui absorbent complètement tous les investissements des infrastructures, ce qui augmente, évidemment, la facture d'électricité.

Vous dites aussi qu'il est fort possible que l'électricité soit beaucoup plus utilisée qu'elle ne l'est dans le moment et avec des effets bénéfiques sur la santé et la sécurité des travailleurs, surtout quant à la santé des travailleurs. Il y a présentement certains équipements électriques utilisés dans les mines souterraines, par exemple.

Évidemment, il y a des limites parce que cela prend un câble pour les transporter, mais il y a un gros équipement, autrefois utilisé au diesel, qui est présentement électrique; cela a le gros avantage de ne pas faire de bruit et d'être complètement autonome pour autant qu'on puisse organiser les câbles. Je ne dis pas que tout l'équipement minier pourrait être électrifié, mais je peux dire que 30% de l'équipement minier pour l'extraction du minérai sous terre pourraient être utilisés avec l'énergie électrique.

M. Fortier: Quelle est la proportion du bilan énergétique dans une mine? Dites-vous 30%? En pourcentage du total de...

M. Langlois: Présentement, l'équipement diesel, qui est à peu près à 100% diesel... Je crois qu'environ 30% de l'équipement souterrain pour l'extraction du minerai pourraient être électrifiés, pourraient être mus par l'électricité, ce qui aurait de nombreux avantages.

M. Fortier: Et, bien sûr, pour vous amener à une telle substitution, il faudrait avoir une politique d'incitation. Est-ce que c'est ça que vous dites?

M. Langlois: Là, je ne sais pas jusqu'où devrait aller la politique d'incitation, mais la principale politique d'incitation - je reviens à la question qui était posée par M. le ministre, tout à l'heure - c'est qu'il est très difficile à dire s'il y a des mines qui ne peuvent pas démarrer parce qu'elles sont obligées de payer la ligne électrique, mais on sait qu'il y en a. Celles qui font faillite et qui ne peuvent pas ouvrir, on n'en a jamais connaissance, on ne les connaît pas. Par exemple, le projet Selbaie peut se permettre de dépenser $18,500,000 de plus mais, par contre, Phelps-Dodge, dans le territoire de la

Baie James, qui est une mine marginale, ne pourrait probablement pas se le permettre, à moins de se raccrocher sur une ligne comme celle qui va alimenter Selbaie.

Il y a toute une série de problèmes comme ça, c'est très difficile à détecter. Avec un dépôt de minerai, on peut faire à peu près ce qu'on veut, on peut en exploiter 2,000,000 à très haute teneur comme, si les conditions géologiques le permettent, en exploiter 15,000,000 ou 20,000,000 à basse teneur. Il est bien évident que, si on exploite 15,000,000 ou 20,000,000, c'est très profitable non seulement pour la compagnie, mais aussi pour le gouvernement et pour la population du Québec.

C'est dans ce sens qu'il y a une limite et, si on oblige les compagnies minières à payer les investissements d'infrastructure, on limite le développement minier, jusqu'à un certain point.

Le Président (M. Jolivet): M. Saint-Onge, je pense.

M. Saint-Onge: J'aimerais ajouter, pour l'information de M. Fortier, qui n'a peut-être pas eu l'occasion de visiter le lac Jeannine à l'époque où nous avions une rampe électrique dans la mine même...

M. Fortier: J'ai lu un article là-dessus, oui.

M. Saint-Onge: Ah, bon! C'est une formule très intéressante où il nous a été possible d'utiliser - il y a de mes amis d'Hydro-Québec qui sont ici... Nous avons une petite entreprise hydroélectrique - pour ne pas le dire à Hydro-Québec - mais nous pouvions, à prix coûtant bien sûr, utiliser du pouvoir hydroélectrique, ce qui a diminué considérablement les coûts du camionnage du minerai de la mine. Et, bien sûr, comme fiscaliste, je voyais chaque $0.25 de taxe sur l'huile diesel conservé dans notre trésor, chaque fois qu'on compensait par de l'électricité. Je me demande, par ailleurs, si, au prix actuel d'Hydro-Québec, il serait possible d'avoir une exploitation aussi rentable.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Bérubé: Je pense que je vais passer mon droit de parole au député de Duplessis; je le reprendrai tantôt s'il me reste du temps.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Duplessis.

M. Perron: Merci, M. le Président. Je voudrais relever, à la page 15, une partie de votre texte. Au troisième paragraphe, vous mentionnez que, "depuis 1972, les travaux de la Baie James ont provoqué, dans les mines du Nord-Ouest, plus particulièrement dans celles de Chibougamau et de Matagami, des pénuries importantes de mineurs expérimentés qui, attirés par les salaires et avantages sociaux défiant toute compétiton de la part des mines, se sont retrouvés en grand nombre sur les chantiers de la Baie James."

Cela m'amène à vous poser la question suivante: Vous savez qu'il existe un règlement de placement dans la construction qui est en vigueur depuis le 1er juillet 1978; est-ce que, depuis les trois dernières années, vous avez encore ce problème? Parce que, effectivement, le règlement de placement contingente le domaine de la construction et seuls les travailleurs qui ont, dans les cinq dernières années, 5000 heures et plus ont le droit d'obtenir un permis d'enregistrement dans la construction. Est-ce que ça vous a touché pas mal, dans les trois dernières années? Disons depuis...

M. Langlois: Je crois que le problème s'est résorbé passablement dans les trois dernières années. Je préférerais céder la parole à M. Bélanger, de Matagami, à ce sujet.

M. Bélanger (Jean-Claude): Disons que le problème s'est résorbé dans le sens que les mineurs que nous perdons présentement, à Matagami et à Chibougamau, s'en vont dans d'autres mines qui ouvrent; donc, ceux qu'on a perdus ne sont plus là et on en perd d'autres qui vont dans d'autres mines qui ouvrent. Alors, le problème n'est pas réglé pour autant pour nous. (21 heures)

M. Perron: Merci. M. Saint-Onge...

M. Langlois: M. Gosselin de Selbaie qui a été impliqué dans les contrats de la Baie James pourrait peut-être ajouter quelque chose.

M. Gosselin (Daniel): En 1975, lorsque je suis allé à LG 2, je dirais qu'environ 50% à 60% des mineurs expérimentés - ceux de cinq ans d'expérience et plus - venaient de la région du Nord-Ouest du Québec qui comprend les mines de Val-d'Or et Rouyn -la mine d'or no 1 de Rouyn fermait dans ce temps-là - de même que Matagami et Chibougamau. Il est certain que, lorsqu'on avance quelque chose comme ça, lorsque Gonzague avance cela, on peut facilement sortir beaucoup de chiffres à l'appui.

M. Perron: Non, je ne conteste pas ce que vous avez dit au sujet du placement des gens qui partaient de chez vous pour s'en aller dans la construction, spécialement les opérateurs de machinerie lourde, par

exemple, mais ce que je voulais vous demander, c'est justement cela; j'ai eu la réponse que cela s'est amélioré depuis trois ans à cause du règlement de placement. Cela m'amène...

M. Langlois: Ce qui est arrivé, c'est que les tunnels de la Baie James sont pratiquement finis. On a moins besoin de mineurs qu'on en avait besoin autour des années soixante-quinze.

M. Perron: Oui, mais, de toute façon, avec le règlement de placement, actuellement, il n'y a aucun travailleur minier, à moins qu'il n'ait les heures requises, qui peut passer dans le domaine de la construction.

M. Langlois: C'est possible. Je ne pourrais pas vous répondre là-dessus.

M. Perron: Cela m'amène à poser une question supplémentaire. M. Saint-Onge, vous avez mentionné tout à l'heure la compagnie d'énergie électrique Hart Jaune. Considérant que la compagnie Québec Cartier est propriétaire de cette installation, de cette centrale incluant le barrage, pourriez-vous, peut-être quelqu'un ou plusieurs d'entre vous, répondre à la question suivante? Selon vous, ne serait-il pas rentable dans certains cas que les compagnies minières aménagent pour leurs propres fins certains sites hydrauliques disponibles évitant ainsi d'avoir recours aux services d'Hydro-Québec? On parle des régions éloignées, des endroits éloignés où on pourrait avoir une mine et où il y aurait des possibilités, par le biais d'une rivière qu'on pourrait aménager, d'établir des installations. Si ma mémoire est bonne, cela vous prend un permis d'Hydro-Québec pour ce faire.

M. Saint-Onge: Mon député qui est un hydroquébécois se fait, à bon escient, du souci pour les ferroquébécois de notre région. Bien sûr, cette idée de faire son propre aménagement, lorsque c'est possible - ce n'est pas toujours possible - est avantageuse et pourrait parfois se révéler moins dispendieuse que d'aller chercher l'énergie électrique sur une très grande distance, mais on n'a pas toujours les rivières qu'il faut à portée de la main, là où la mine se trouve. La mine du lac Jeannine s'est bien prêtée à cela. Il y avait la rivière Hart Jaune qui était là, disponible et cela s'est fait par ailleurs avant qu'Hydro-Québec soit ce qu'elle est aujourd'hui.

M. Langlois: Si je peux ajouter quelque chose, je ne sais pas si, juridiquement, une compagnie privée a le droit d'aménager une rivière. Le ministre pourrait peut-être nous répondre à ce sujet.

M. Bérubé: Oui, à ma connaissance, mais avec l'autorisation d'Hydro-Québec, si je ne m'abuse.

M. Langlois: Avec l'autorisation d'Hydro-Québec.

M. Ciaccia: La réponse est non, ils ont besoin de l'autorisation du gouvernement.

M. Bérubé: Oui, oui, une entreprise privée pourrait aménager une rivière conditionnellement à ce qu'Hydro-Québec l'autorise, d'une part. Cela a d'ailleurs fait l'objet d'une série de questions, messieurs, à cette commission, par je ne sais quel organisme parce que, de mémoire, j'ai déjà oublié le nom de l'organisme, où on suggérait, en fait, que le gouvernement, peut-être, confie...

Une voix: L'Association des ingénieurs-conseils.

M. Bérubé: ... oui, je pense que c'est l'Association des ingénieurs-conseils - à l'entreprise privée le soin d'aménager un certain nombre de rivières à des fins privées, quitte à consentir, à ce moment-là, l'usufruit du pouvoir électrique pendant une période de dix ou vingt ans - le temps de l'amortissement - de manière qu'on développe, on aménage plus rapidement un certain nombre de nos petites rivières. C'est peut-être le sens, en fait, de l'intervention du député de Duplessis. Voyez-vous cela d'un bon oeil?

M. Langlois: Je pense que cela a aidé énormément Québec Cartier Mining avec le barrage sur la Hart Jaune et l'Iron Ore aussi a eu son propre pouvoir et l'a encore d'ailleurs.

M. Perron: ...

M. Langlois: Dans certaines circonstances, je pense que cela pourrait aider énormément, dans des sites très éloignés qui ne sont peut-être pas intéressants pour Hydro-Québec.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: M. Langlois, dans votre mémoire, vous avez des critiques que je considère assez sévères sur les politiques d'Hydro et sur les politiques du gouvernement et aussi sur l'effet possible de telles politiques sur les investissements dans le domaine minier.

M. Bérubé: M. le député de Mont-Royal, je veux faire juste un commentaire. Vous avez dit "des critiques sévères

concernant le gouvernement". On a mentionné en long et en large le cas Québec-Cartier qui s'est produit sous le gouvernement libéral. Alors, j'accepterais plutôt "des gouvernements."

M. Ciaccia: Si vous vous rappelez l'intervention de M. Saint-Onge, il a dit qu'à ce moment-là il est intervenu auprès du premier ministre qui a eu une intervention, si je comprends bien, qui a semblé régler en partie le problème. Mais les problèmes soulevés ici contre les pratiques actuelles, je ne vois, par le mémoire des intervenants ni par leurs réponses, que, vous, vous les avez réglés. Vous ne les avez pas réglés et je répète: les critiques contre le gouvernement. La question à poser n'est pas: Connaissez-vous une entreprise qu'on a empêché d'exploiter par les politiques ou par les coûts d'Hydro-Québec ou les politiques du gouvernement? La question serait plutôt: Comment un gouvernement, par ses politiques, pourrait-il inciter un plus grand développement? La compagnie qui n'investit pas au Québec, qui s'en va ailleurs, on ne peut l'inclure dans les statistiques. On va voir. C'est très concurrentiel, dans votre domaine, comme dans tous les autres. Les gens ne sont pas obligés de venir développer ici. Ils peuvent développer ailleurs.

L'exemple que vous nous donnez d'Hydro-Ontario, comme vous l'avez très bien souligné, ce n'était pas une politique électorale du gouvernement; c'était une décision de Ontario Hydro, à la suite, peut-être, des politiques gouvernementales. Une compagnie va évaluer l'ensemble de la situation et elle décidera où faire ses investissements.

Il y a deux points particuliers qui me frappent dans votre mémoire. Premièrement, c'est l'augmentation très élevée des coûts de l'électricité depuis que le Parti québécois est au pouvoir, depuis 1978, à la suite de la décision prise en 1977 pour les augmentations. C'est le premier point qui me frappe dans votre mémoire. Et les augmentations que nous avons regardées au tableau, tantôt, franchement, elles sont plus élevées que je le croyais.

Le deuxième, c'est un autre point que vous soulignez: c'est en ce sens que les pratiques d'Hydro semblent être plus onéreuses vis-à-vis du développement régional ou du développement de ses territoires que l'étaient les politiques des sociétés privées avant la nationalisation d'Hydro Québec. Cela me surprend aussi, parce que j'aurais cru qu'une société d'État, avec des politiques de gouvernement pour encourager le développement, aurait facilité le développement minier et le développement économique.

Je suis surpris de voir, dans votre mémoire, que quand c'était une entreprise privée qui faisait des arrangements avec vous pour le développement, pour les infrastructures et les arrangements quant à l'approvisionnement de l'électricité, les termes étaient beaucoup plus avantageux. J'aurais cru que ça aurait été l'inverse.

Maintenant, regardons les coûts un instant. Vous nous présentez un tableau I, en annexe à votre mémoire, et vous nous donnez le nombre d'employés, de 1975 à 1980, année par année, et ça se chiffre entre 16,000 et 18,700. Il n'y a pas tellement de différence, grosso modo, dans le nombre d'employés. Vous nous donnez le coût total de l'énergie électrique pour vos entreprises et le coût par employé. Vous faites la division, vous nous donnez le coût par employé.

Je remarque qu'en 1976 l'augmentation était de 7% du coût. En 1977, l'augmentation était de 9,3%. M. le Président, si on se souvient, aux commissions parlementaires qui avaient eu lieu, à ce moment-là, les augmentations d'Hydro-Québec accordées par le gouvernement, à la suite des commissions parlementaires, étaient approximativement de 10% globalement, sujettes à certaines variations dans les différents secteurs.

M. Langlois: Plus près de 20%.

M. Ciaccia: C'était de 20% avant 1976?

M. Langlois: Oui.

M. Ciaccia: Maintenant, je remarque qu'en 1978 l'augmentation va de 9,3%, en 1977, à 51%, le coût de l'électricité.

M. Langlois: Cela peut s'expliquer par les grèves qu'il y a eu dans les mines de fer, par exemple, qui ont paralysé les mines de fer. Vous savez que quand on est en grève, je l'explique un peu, on ne produit plus; on paie la même facture d'électricité mais, par contre, les jours de travail sont diminués.

Je pense qu'en 1978 on est tombé dans une année de grèves pour le minerai de fer qui nous ont paralysés pendant quatre ou cinq mois; donc cela peut s'expliquer par cela. C'est pour cela que j'ai dit qu'il fallait prendre une moyenne.

M. Ciaccia: Alors cela n'était pas à cause d'Hydro-Québec?

M. Langlois: Non, pas nécessairement.

M. Ciaccia: C'étaient les conditions de travail?

M. Langlois: Cela peut être d'autres facteurs. Les grèves coûtent cher, vous savez cela.

M. Ciaccia: Et les autres augmentations de 22% et de 30%, comment les expliquez-vous?

M. Langlois: Cela devrait correspondre à peu près aux augmentations normales d'électricité par année. Les augmentations d'après les références de compagnies particulières, les gros clients d'Hydro-Québec, sont d'environ 25% par année, et ce, non seulement sur le coût par employé, mais aussi soit par tonne de minerai ou par kilowattheure. C'est autour de 25% par année.

M. Ciaccia: Le pourcentage de l'énergie dans votre produit représente quelle valeur?

M. Langlois: Vous voulez dire en coût de production?

M. Ciaccia: La valeur de votre produit, quel pourcentage va à l'énergie?

M. Langlois: On dit qu'en 1980 cela équivaut presque à 5% de la valeur de la production minérale, $100 millions sur $2 milliards. C'est énorme, à mon point de vue.

M. Ciaccia: Vous avez souligné que ça représentait une augmentation...

M. Langlois: D'environ 28% par employé par année.

M. Ciaccia: ...plus que le taux d'inflation?

M. Langlois: Plus de deux fois le coût de l'inflation. Il n'y a pas d'erreur.

M. Ciaccia: Alors, quand le gouvernement essaie de nous assurer que les augmentations n'excéderont pas le taux d'inflation dans les tarifs, votre expérience dans les trois dernières années c'est que cela a excédé...

M. Langlois: Remarquez que ces augmentations ont été aidées aussi par l'inflation et par l'augmentation du pétrole et de toute une série de facteurs. On ne le nie pas.

M. Ciaccia: Maintenant, quand vous parlez des coûts d'infrastructure, est-ce qu'il y a d'autres problèmes qui ne sont pas seulement limités au coût de l'infrastructure?

M. Langlois: Je pense qu'il y a un problème qu'on n'a pas souligné et qu'on devrait peut-être souligner, ce sont les énormes délais que cela nous occasionne. Selbaie a commencé à négocier avec Hydro-Québec en 1975 et ils ne sont pas au bout de leur terme. Cela va aller en 1984-1985 avant que la ligne soit construite. C'est énorme comme délai. Ce sont tous des chiffres qui sont très importants dans les études de faisabilité et il faut attendre de les avoir.

M. Ciaccia: C'est justement.

M. Langlois: C'est évident que, si on se rend aux conditions d'Hydro-Québec, cela va aller bien plus rapidement. Mais il faut tout de même discuter quand on a des investissements comme cela.

M. Ciaccia: C'est justement à cela que j'en venais, parce qu'il y avait des représentations qui avaient été faites auprès de nous disant que les délais, même si on met à part les coûts d'infrastructure, étaient un peu trop prolongés pour obtenir ces services. La position prise par ces représentants, spécialement la compagnie que vous venez de mentionner, Selbaie, était à l'effet que, durant tout ce temps-là, ils étaient obligés d'utiliser d'autres sources d'énergie comme le pétrole à des coûts beaucoup plus élevés. Ils auraient espéré qu'Hydro-Québec puisse leur fournir ces services dans un délai plus rapproché. (21 h 15)

Sur les sujets que vous venez de mentionner, la question des délais, la question des coûts d'infrastructures, est-ce que vous avez fait des représentations auprès du gouvernement pour obtenir un soulagement?

M. Langlois: On l'a mentionné dans certains de nos mémoires, mais on n'a jamais fait de représentations spécifiques. C'est pour cela qu'on tenait à l'invitation du ministre de l'Énergie et des Ressources de présenter ce mémoire à la commission parlementaire, de façon que ces informations soient connues. Je pense qu'il y a très peu de personnes au Québec, sauf celles qui sont spécialisées dans les mines, qui connaissent ces faits, qui savent, par exemple, que les mines paient absolument tous les investissements au sujet des infrastructures et ne bénéficient aucunement de traitement de faveur à cause de cela. Ces choses doivent être connues du public et c'est une des raisons pour lesquelles on a présenté ce mémoire.

M. Ciaccia: Vous mentionnez - une dernière question, M. le Président - le coût élevé de l'électricité, les augmentations assez élevées. Lors des dernières augmentations autorisées par le gouvernement en 1978, la position que nous avions prise était qu'il aurait dû y avoir des auditions publiques pour entendre ceux qui seraient principalement affectés: non seulement les consommateurs du secteur résidentiel, mais

aussi les gros consommateurs comme ceux de l'industrie minière. D'ailleurs, je crois que c'est la pratique en Ontario, il y a une régie de l'énergie avec un certain mandat et, quand les augmentations sont demandées par Hydro-Ontario, je sais qu'il y a des représentants de votre industrie qui vont faire certaines représentations quant aux coûts d'exploitation et aux augmentations.

Croyez-vous que ce serait une bonne pratique ici? Je ne parle pas nécessairement d'une régie de l'énergie, mais d'un mécanisme qui pourrait aider votre industrie avant que le gouvernement n'autorise une augmentation de tarifs comme il l'a fait en 1978. En 1978, il l'a fait pour trois années d'affilée et nous avions deux jours pour en discuter en commission parlementaire, ce n'était pas trop long. Croyez-vous que cela pourrait aider votre industrie d'avoir un mécanisme, que ce soit une régie de l'énergie ou un autre mécanisme - oublions le nom pour le moment - devant lequel vous pourriez comparaître et faire vos représentations concernant les effets d'une telle augmentation sur votre industrie particulière?

M. Langlois: Définitivement, je pense que ce serait très important pour l'industrie minière, entre autres, et pour d'autres secteurs industriels de faire des représentations dans ce sens non seulement pour essayer de faire pression auprès du gouvernement pour qu'il soit plus modeste quant à l'augmentation, mais aussi pour faire connaître au gouvernement et à Hydro-Québec l'impact que ces augmentations peuvent avoir.

M. Ciaccia: Je pense que l'aspect le plus important, c'est que ce soit connu publiquement, l'impact sur votre industrie.

M. Langlois: C'est cela, sur notre industrie.

Le Président (M. Jolivet): Merci. M. le ministre, en terminant s'il vous plaît.

M. Bérubé: Oui, cela va être très rapide, M. le Président, d'autant plus que mon collègue de Duplessis a posé un certain nombre de questions. D'abord, une réflexion que je ferai à l'endroit du député de Mont-Royal. Il n'est pas sans savoir que les tarifs d'Hydro-Québec sont fixés de manière à maintenir un niveau d'autofinancement acceptable par les financiers des programmes d'investissements d'Hydro-Québec et que, compte tenu de certains décisions libérales dans les années 1971, 1972 d'investir dans la Baie James, il s'est avéré que le niveau des investissements dans les années 1976, 1977, 1978, etc., a été beaucoup plus important que dans les années passées. Pour maintenir ce taux d'autofinancement permettant de bénéficier de cotes et, donc, de taux d'intérêt pour les emprunts qui soient favorables à Hydro-Québec, il y a eu nécessité d'imposer une hausse des tarifs. C'était la conséquence de certaines décisions libérales d'autrefois, décisions, évidemment, que vous ne reniez pas puisque vous les louez tant et tant. Par conséquent, je suis convaincu que vous acceptez les hausses de tarifs conséquentes.

Cependant, évidemment, étant en campagne électorale, ça paraît bien de prendre un certain nombre de décisions qui conduisent à des hausses de tarifs et, après cela, de se réfugier derrière l'Opposition pour dire que, évidemment, on n'est pas responsable des hausses de tarifs en question.

Ce dont j'aimerais parler maintenant, c'est essentiellement du mécanisme de négociations que vous aimeriez voir instaurer avec Hydro-Québec, parce qu'il reste que c'est inévitable, Hydro-Québec est un monopole et toute nouvelle mine qui veut entrer en production doit négocier avec Hydro-Québec, non pas ses tarifs de grande puissance parce que, fort heureusement, depuis que le gouvernement est là, on a maintenant des règles plus générales concernant les tarifs grande puissance plutôt que d'avoir des règlements carrément politiques comme ceux que l'ancien gouvernement avait pris l'habitude d'instaurer et nous avons donc un standard un peu plus uniforme pour l'ensemble des citoyens dans un esprit d'équité la plus totale, comme vous le savez.

Toutefois se pose encore la question des négociations en ce qui a trait aux lignes de transmission, à toute l'infrastructure nécessaire. Comment verriez-rvous cette négociation? Est-ce que c'est possible d'avoir des règles générales, universelles, premièrement? Deuxièmement, est-ce que cela veut dire que, quand une entreprise n'arrive pas à s'entendre avec Hydro-Québec, elle appelle le cabinet du ministre? Quelle est la formule que vous privilégiez?

Le Président (M. Jolivet): M. Langlois.

M. Langlois: Je n'étais peut-être pas très prêt à répondre à une question comme celle-là, mais, puisque le ministre me le demande, j'ai l'habitude de répondre au ministre. Je ne lui répondrai pas en vers, de toute façon. Je pense tout simplement que c'est à l'intérieur d'une politique de l'énergie; il me semble que ce serait raisonnable, premièrement, que n'importe quel organisme privé, par exemple, ne pensera jamais de faire payer toutes ses infrastructures par les compagnies qui utilisent son produit. C'est à lui à faire ça. Il me semble que c'est assez clair qu'Hydro-Québec doit le faire et le gouvernement, si

Hydro-Québec ne veut pas le faire, doit forcer Hydro-Québec à établir des normes, à savoir que c'est elle qui paie les infrastructures et non pas les utilisateurs. Comme Hydro-Ontario est en train de le faire dans le moment. Finalement, je ne dis pas que cela pourrait se faire comme ça. Il y a différentes formules à adapter. Je vous ai parlé d'Hydro-Ontario. Ce qu'elle fait, c'est que la compagnie construit la ligne et qu'Hydro-Ontario paie l'investissement en répartissant la facture d'électricité sur une certaine période de temps.

Il me semble que ce serait tout simplement normal d'agir comme ça. Cela pourrait se décider à l'intérieur d'une politique de l'énergie ou au niveau du gouvernement. Il me semble que ce sont des méthodes tout simplement normales d'agir avec l'entreprise privée. Surtout l'entreprise qui est obligée de développer le territoire. On la surcharge. Parce qu'elle fait l'aménagement du territoire, on la surcharge, ce que les entreprises autour des villes n'ont pas besoin de payer. Elles ne paient pas les infrastructures d'Hydro-Québec; les entreprises qui veulent s'établir autour de Montréal ou de Québec n'ont pas à payer les infrastructures d'Hydro-Québec. C'est aussi simple que ça. Je ne sais pas s'il y en a d'autres dans mon groupe qui voudraient intervenir.

M. Gosselin (Daniel): M. le Président, à Québec Cartier, il est évident, comme le ministre le soulignait, qu'à la suite de bien des négociations, on est arrivé à quelque chose qui est apparu plus raisonnable; sur des investissements très considérables, les $13,500,000 qu'on a mentionnés pouvaient s'absorber - et le ministre le sait puisqu'il lit bien tous nos mémoires sur la fiscalité -avec l'amortissement au niveau de l'impôt sur le revenu et des droits miniers. Cela minimise un peu, éventuellement, les coûts de semblables investissements. Par ailleurs, je pense qu'une formule qui pourrait être très stimulante, c'est celle que vient de souligner M. Langlois, par laquelle, pour minimiser les risques d'Hydro-Québec - elle n'a peut-être pas à prendre les risques comme l'entreprise minière a à les prendre -de sorte que c'est peut-être une bonne approche, dans la mesure où ce n'est pas un investissement tout à fait hors de proportion que celui ou la compagnie minière investirait le montant, quitte à avoir immédiatement un rabais absolument complet sur sa facture d'électricité, ce qui serait un stimulant extraordinaire pour le développement et la mise en marche, les premières années, d'une nouvelle mine.

M. Bérubé: Je vous remercie, M. le Président. Je pense que le mémoire qui vient de nous être soumis, je l'ai trouvé extrêmement intéressant, d'une part. Également, la dernière suggestion que vient de nous faire M. Langlois est une réflexion que nous avons prise en considération. Je pense que l'idée est intéressante. Je pense qu'elle mérite d'être fouillée. Je vous remercie infiniment de votre mémoire très intéressant.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Mont-Royal, en terminant.

M. Ciaccia: Je veux remercier l'Association des mines de métaux du Québec. Je ne voudrais pas laisser passer sans commentaire l'explication que le ministre a donnée sur les augmentations de tarifs, en disant que c'était à la suite des politiques du gouvernement libéral. Je voudrais simplement lui rappeler qu'en 1976, le montant qu'Hydro-Québec avait emprunté était de $1,700,000,000. C'était connu avant la commission parlementaire. Les emprunts d'Hydro-Québec, je crois, ont subi une légère baisse après 1976 et ils ont augmenté pour arriver à $2 milliards, en 1979 ou en 1980. Ces emprunts de $1,700,000,000 n'ont pas nécessité le genre d'augmentation que le Parti québécois a autorisée. Je veux vous référer à la commission parlementaire de 1978 où nous avons démontré que certaines politiques du gouvernement étaient responsables de coûts additionnels dans la politique d'emprunt d'Hydro-Québec et cela peut peut-être expliquer, en plus des autres politiques du gouvernement, les augmentations très accélérées qu'Hydro-Québec a été obligée de demander après 1976. Alors, l'explication que vous avez donnée n'est pas non contestée.

Le Président (M. Jolivet): M. Bélanger, en terminant, s'il vous plaît.

M. Bélanger (Jean-Claude): Le ministre Bérubé a mentionné, au début, des projets qui avaient avorté à cause de la politique d'Hydro-Québec. L'année passée, la mine Phelps Dodge, comme M. Langlois a parlé, dans le bout de Matagami, si on n'avait pas eu de ligne d'Hydro à payer, probablement qu'elle serait en fonction présentement. Aujourd'hui, c'est encore marginal dans le sens qu'avec les coûts de ligne, je ne sais pas, peut-être $500,000, $600,000, tout de suite en partant, cela rend le projet marginal.

Le Président (M. Jolivet): Merci, messieurs. Au nom des membres de cette commission, je vous remercie de votre déposition.

M. Bérubé: M. le Président, seulement une remarque, en passant.

Le Président (M. Jolivet): Oui, M. le ministre.

M. Bérubé: Si, effectivement, certaines compagnies minières ont des problèmes dans leurs négociations avec Hydro, j'espère qu'elles n'hésiteront pas, étant donné que nous n'avons pas de meilleur mécanisme que celui que vous nous avez indiqué antérieurement, à venir me rencontrer, de manière qu'on puisse s'asseoir avec les gens d'Hydro-Québec pour voir ce qui paraît le plus juste et le plus raisonnable.

Le Président (M. Jolivet): Merci.

M. Langlois: Nous avons toujours été heureux de le faire, M. le ministre.

Ligue des droits et libertés

Le Président (M. Jolivet): J'invite donc la Ligue des droits et libertés, représentée par Mme Linda Collier et Jean-René Proulx, à venir faire sa déposition. Le no 14M. Est-ce M. Proulx ou Mme Collier qui fait la lecture?

M. Proulx (Jean-René): Je vous demande d'abord de nous excuser de l'erreur qui semble s'être glissée quant au dépôt simplement de notre mémoire et non pas à sa présentation.

Le Président (M. Jolivet): Cela a été corrigé.

M. Proulx (Jean-René): J'aimerais, avant de commencer, préciser quelque chose. Mme Linda Collier et moi sommes membres de la Ligue des droits et libertés; nous sommes plus particulièrement membres du comité d'appui aux nations autochtones de la ligue. Le mémoire qu'on soumet ce soir est présenté non seulement au nom du comité, mais aussi au nom de la ligue. Il est important de mentionner qu'on ne veut pas se poser en tant que porte-parole des nations autochtones, mais plutôt en tant que Québécois concernés par les relations qu'entretiennent notre gouvernement et ces nations. C'est donc dans cette perspective que notre mémoire a été fait. Nous allons en diviser la lecture entre nous deux.

Il y a quelques semaines, nous recevions des documents d'Hydro-Québec nous faisant part qu'il se tiendrait une commission parlementaire sur l'énergie à la fin de février. En tant que groupe d'appui aux nations autochtones de la Ligue des droits et libertés, les nations autochtones se trouvant directement visées par plusieurs des installations dont veut se prémunir Hydro-Québec dans son plan d'investissement de $55,5 milliards, nous sommes intéressés à faire connaître notre point de vue et nous vous remercions de nous avoir invités à participer à cette commission parlementaire.

Cependant, nous sommes solidaires de la position prise par le front commun pour un débat public sur l'énergie et nous considérons qu'une commission parlementaire ne peut raisonnablement vider la question énergétique au Québec. Tous les Québécois ne peuvent pas se permettre d'écrire un mémoire en cent copies et quitter leurs occupations pour venir à Québec présenter leurs doléances devant vous. Un véritable débat public verrait à l'information, à la sensibilisation et à la participation de tous les Québécois et de toutes les nations impliquées par les projets d'Hydro-Québec et se ferait un devoir d'aller consulter partout au niveau local. (21 h 30)

Nous sommes conscients que plusieurs groupes remettent en cause cette façon d'envisager l'avenir énergétique du Québec qui nous voue à la croissance électrique exponentielle, à l'endettement exponentiel, si ce ne sont pas les coûts aux consommateurs d'électricité et aux contribuables québécois qui auront à s'accroître de façon logarithmique dans peu de temps.

Nous sommes également conscients qu'on aurait pu nous proposer, de prime abord, des stratégies, des scénarios différents de celui proposé par Hydro-Québec et qui feraient appel à des programmes beaucoup plus vigoureux de conservation de l'énergie et d'implantation de sources moins dispendieuses et moins centralisées d'approvisionnement en énergie pour les Québécois.

Nous sommes donc conscients qu'en plus de menacer les modes de vie et la façon dont les nations autochtones entendent développer leurs territoires ces projets d'investissements sont loin de constituer, de prime abord, une priorité pour les citoyens du Québec.

Mais notre propos se rapporte d'abord à notre souci, en tant que Québécois, de voir nos concitoyens rétablir des relations de justice avec les différentes nations qui nous entourent.

En tant qu'êtres humains, nous ne croyons pas que la taille d'une nation, son mode de vie ou son niveau de technicité puissent la faire considérer comme inférieure ou supérieure, puissent permettre de faire considérer ses intérêts comme étant plus ou moins importants que ceux d'autres nations. Surtout lorsque les intérêts de la nation majoritaire semblent se confondre avec ceux de corporations publiques ou privées, qu'on peut soupçonner de souvent faire passer leur prestige et leurs rêves de grandeur avant le bien-être de leurs administrés et clients.

Mais reportons-nous aux projets qui doivent continuer d'affecter le territoire désigné sous l'appellation de territoire de la

Baie James. En 1970, la loi 50 délimitait un territoire dont la Société de développement de la Baie James se voyait accorder la juridiction du développement intégré des ressources. Ce territoire s'étend jusqu'au 55e parallèle au Nouveau-Québec.

Aujourd'hui, avec le plan d'investissement d'Hydro-Québec pour les années quatre-vingt, le gouvernement du Québec franchit un autre pas important dans le développement des ressources du Nord québécois. Bientôt, Hydro-Québec amorcera la mise en valeur des terres adjacentes à la baie d'Hudson et ceci en commençant l'aménagement des Petite et Grande rivières de la Baleine. Cette région est demeurée jusqu'à maintenant à l'écart de tout développement industriel.

Ce projet hydroélectrique aura un impact important autant sur les nations autochtones que sur l'environnement biophysique. De plus, en rendant accessible ce territoire, ce projet favorisera le développement de l'ensemble des ressources. Les populations autochtones ne sont informées que de l'aménagement des rivières et non de l'impact global qu'entraînera ce développement.

Le projet d'Hydro-Québec, au nord du 55e parallèle, doit donc s'intégrer à une approche plus globale du développement de cette région, sinon nous revenons aux années de développement anarchique des ressources avec tout les problèmes que cela entraîne. De plus, l'ouverture des territoires, au-delà du 55e parallèle, dépasse le mandat qu'a reçu Hydro-Québec du gouvernement.

Aussi, en plus d'appuyer le débat public sur l'énergie mis de l'avant par le front commun pour un débat public sur l'énergie, le comité d'appui aux nations autochtones met en évidence le cas particulier du développement des Petite et Grande rivières de la Baleine. Notre organisme soulève la nécessité d'informer les nations autochtones et l'ensemble des Québécois des implications de ce développement au nord du 55e parallèle. Il insiste sur le fait qu'aucun plan de développement intégré n'a été présenté à la population du Québec et qu'un tel plan doit prioritairement avoir l'accord des nations autochtones occupant ce territoire.

Mme Collier (Linda): Pourtant, la question primordiale que nous voulons soulever touche au fait qu'Hydro-Québec, dans ses projets de développement, ignore de façon globale et délibérée les droits des nations autochtones du Québec.

Hors de toute doute, nous savons tous que les nations indiennes occupaient et utilisaient tous les territoires que nous appelons maintenant Québec bien avant l'arrivée des Européens. L'archéologie nous confirme leur présence depuis des millénaires. Elles ont toujours vécu en tant que nations souveraines sur leurs divers territoires et, en tant que tel, il est impératif de leur reconnaître des droits aborigènes. De fait, une série de jugements dans les cours non indiennes reconnaissent ces droits, à l'instar du droit international. À partir du juge Marshall, aux États-Unis, jusqu'aux énoncés du juge Malouf et du juge Berger, nous constations la reconnaissance juridique du droit territorial des nations autochtones.

De façon encore plus précise, les droits territoriaux des populations indiennes ont été tout particulièrement reconnus dans différents documents juridiques historiques. Même si nous n'entendons pas développer cette question dans tous les détails, nous tenons quand même à remémorer certains documents juridiques, toujours valides, qui énoncent clairement les droits des populations autochtones du Québec, tels que définis par les autorités gouvernementales non indiennes elles-mêmes.

D'abord, il y a eu la Proclamation royale de 1763, qui définissait un territoire, borné au sud par la limite septentrionale de la province de Québec de l'époque, et borné au nord par la limite méridionale de la Terre de Rupert. Ces territoires étaient reconnus comme étant la terre indienne.

Dans cette proclamation, le roi garantit à tous les Indiens la possession libre et paisible des territoires qu'ils occupent dans les limites du territoire octroyé à son gouvernement du Québec.

De plus, la proclamation reconnaît la terre indienne comme réservée exclusivement à l'usage de ses habitants et spécifie que "the several nations of tribes of Indians with whom we are connected, and who live under our protection, should not be molested or disturbed in the possession of such parts of our dominions and territories...".

En 1774, par l'Acte du Québec, les bornes de la province sont élargies. La juridiction du gouvernement de la province s'étendra donc sur ce nouveau territoire qui englobe le territoire indien, mais n'affecte en rien les droits indiens qui ont été confirmés par la proclamation royale puisqu'on y stipule à l'article III: "That nothing in this Act shall extend, or be construed to extend, to make void, or to way or alter any right, title, or possession, derived under any grant, conveyance, or otherwise howsoever, of or to any lands within the said province,...; but that the same shall remain and be in force and have effect, as if this Act had never been made."

En 1898, le gouvernement du Canada cède à la province une partie du territoire indien décrit dans la proclamation royale de 1763 ainsi qu'une partie du territoire de la compagnie de la Baie d'Hudson. Cette cession est faite sujet aux droits indiens tant en vertu de la proclamation royale, qu'en

vertu de l'Acte de Rupert qui étaient et qui sont encore des lois en vigueur, et pour cette raison, il n'était pas nécessaire pour le gouvernement fédéral de faire une stipulation spéciale concernant les droits indiens.

En 1912, le gouvernement du Canada transporte par une loi à la province de Québec ce qui reste de l'ancien territoire de la compagnie de la Baie d'Hudson et une partie de la terre indienne aux mêmes conditions que celles stipulées par la compagnie. Cette loi stipule, entre autres: "That the province of Quebec will recognize the rights of the Indian inhabitants in the territory above described to the same extent, and will obtain surrender of such rights in the same manner, as the government of Canada has heretofore recognized such rights and has obtained surrender thereof, and the said province shall bear and satisfy all charges and expenditure in connection with or arising out of such surrenders."

M. Henri Dorion, président de la Commission d'étude sur l'intégrité du territoire du Québec et les autres commissaires, dans leur rapport au gouvernement du Québec, en 1971, en viennent à la conclusion que les Indiens et les Inuits ont des droits sur des parties du territoire du Québec qui n'ont jamais été cédées, et que le gouvernement devrait négocier avec ces nations.

Malgré cela et malgré l'avis de ses conseillers, le gouvernement du Québec a permis à Hydro-Québec et à ses filiales de commencer la construction du projet de la Baie James, sans au préalable négocier avec les nations autochtones auxquelles appartiennent clairement ces territoires.

Le juge Malouf accorda une injonction au Grand Conseil des Cris, stoppant le projet. Ceci aurait permis aux cours québécoises et canadiennes d'avoir le temps de juger de la légalité (en termes blancs) des agissements d'Hydro-Québec. Pourtant,

Hydro-Québec n'était pas intéressée à savoir ce que les cours avaient à dire concernant les droits des nations autochtones sur leurs territoires. Par conséquent, elle fit pression et fit appel sans tarder. On ne permit donc jamais aux Indiens affectés par le projet de la Baie James de négocier leurs droits avec le gouvernement. On les força à signer l'entente, alors que les travaux continuaient sur leurs territoires. Comment négocier avec un fusil sur la tempe?

De plus, le gouvernement du Québec ne s'est résolu qu'à une entente où loin de reconnaître les droits des nations autochtones, il les éteignait, selon lui, de façon définitive. Il ressort de cette comédie qu'un tiers des Inuits du Québec refusent d'être considérés comme signataires de l'entente de la Baie James. Ils exigent la reconnaissance de leurs droits, pas leur extinction. Leur refus de se plier à la vente de leurs droits aborigènes a engendré un tas de déboires pour leurs communautés: manque de services scolaires et de services sociaux, par exemple. Leur lutte continue, et on sait déjà qu'ils ont l'intention de se rendre en cour pour cette question.

L'entente de la Baie James a également dépouillé d'autres nations de leurs droits. Des Inuits habitant des parties avoisinantes des Territoires du Nord-Ouest ont traditionnellement utilisé des territoires compris dans l'entente de la Baie James, mais n'eurent aucune part aux pseudonégociations qui aboutirent à l'extinction de leurs droits. Certains Montagnais, également, se virent enlever leurs territoires de chasse et de trappe traditionnels par cette entente à laquelle ils n'ont pas participé.

Tout ceci constitue une triste et ironique histoire, alors que tous les partis du Québec s'entendent sur la nécessité de préserver l'intégrité territoriale de la province. Une communauté sensible à la nécessité de préserver ses droits à contrôler sa destinée propre devrait faire preuve de plus de conscience, au niveau gouvernemental, envers d'autres communautés plus anciennes qui réclament le respect des mêmes droits.

M. Proulx (Jean-René): Dans le projet d'Hydro-Québec, nous constatons l'intention de construire des installations au complexe de la Grande Baleine et on doit y aménager des canaux de dérivation à l'embouchure de la Grande rivière de la Baleine qui, de façon illégitime et illégale, portent atteinte à une partie des terres des populations inuites des Territoires du Nord-Ouest, sur lesquelles Hydro-Québec ne peut, d'aucune façon, prétendre avoir juridiction.

Nous constatons, dans le même projet, qu'Hydro-Québec entend réaménager des rivières et des territoires clairement reconnus comme appartenant aux Montagnais et aux Atticamègues. Le Conseil des Atticamègues-Montagnais a clairement fait connaître sa position, il y a quelque temps. Tous les documents légaux au Québec et au Canada confirment leur opinion que ces territoires leur appartiennent.

Le Conseil des Atticamègues-Montagnais est prêt à négocier une entente sur cette question et, jusqu'à ce qu'une telle entente soit signée, ils refusent tout nouveau développement industriel sur leurs terres qui, de toute façon, n'ont jamais été cédées. Ici. Il faudrait ajouter le cas des Algonquins et des Atticamègues qui ont sur leurs territoires des lignes de transmission provenant de la Baie-James.

Comment pouvons-nous prétendre nous respecter comme peuple et comme individus, si nous permettons Hydro-Québec de planifier des projets qu'elle entend construire sur des terres qui font l'objet de négociations? Le

gouvernement a le devoir de respecter les droits de ses citoyens et des citoyens des nations qui sont voisines du Québec; il a l'obligation de se conformer à ses propres lois. Il ne doit pas être permis de construire des barrages sur les territoires des Montagnais et des Atticamègues, tant que le gouvernement n'a pas conclu une entente satisfaisante pour ces populations. Le gouvernement doit mener ces négociations non dans le but d'éteindre, mais dans le but de reconnaître les droits des nations indiennes.

D'ailleurs, la Commission des droits de la personne du Québec, elle-même, a fortement contesté la façon dont le Québec et les agences énergétiques québécoises ont mené les négociations et en sont venus à une entente avec le Grand conseil des Cris et la Northern Quebec Inuit Association. Elle se prononçait en ces termes: "La commission ne saurait accepter la procédure traditionnelle au Canada qui pose comme principe préalable obligatoire à toute négociation l'extinction des droits territoriaux des autochtones. Il faut réviser systématiquement les principes et les modes de négociation avec les autochtones, notamment en matière des droits territoriaux et pour y bannir, en particulier, le principe de l'extinction de ces droits comme préalable obligatoire à toute négociation. La Convention de la Baie James ne doit pas devenir un modèle de négociation."

Quant au projet Archipel, qui est mentionné mais qui ne fait pas partie intégrante du plan comme tel dans le document "Stratégie pour les années 80" et que semble favoriser le gouvernement québécois actuel, nous endossons sans réserve la position unanime des Mohawks de Kahnawake (Caughnawaga) qui s'opposent à ce que l'on touche aux rapides de Lachine qui se trouvent au niveau du territoire Mohawk. À l'origine, le territoire Ganienkeh, c'est-à-dire le territoire Mohawk, était de 9,500,000 acres, s'étendant de la vallée du fleuve Saint-Laurent jusqu'à la vallée de la rivière Mohawk dans l'État de New York, les montagnes Vertes du Vermont jusqu'aux Adirondacks. La nation Ganienkeh a dû s'installer dans les territoires limités, dont celui de Kaknawake qui, à l'origine, était de 47,000 acres. Ce territoire était grugé peu à peu et plusieurs projets de développement (ponts, autoroutes, voie maritime, carrières, lignes d'Hydro-Québec, etc.) ont causé des dégâts considérables aux territoires et à la qualité de l'environnement. Les 12,000 acres qui restent, à l'heure actuelle, ne sont pas suffisants pour constituer une base économique pour les 5,000 personnes et plus qui y demeurent. En toute justice, il serait donc temps que l'on songe à leur redonner des territoires suffisants pour leur assurer une base économique, au lieu d'essayer d'encore toucher et de détériorer ce qui leur reste de patrimoine.

De plus, le fleuve Saint-Laurent et la région montréalaise ont déjà été suffisamment dégradés et "artificialisés" et les rapides de Lachine, au niveau de Kahnawake, constituent un des seuls sites ayant pu conserver un certain cachet naturel dans la région, ayant un effet bénéfique pour la régénération du fleuve. La population a un besoin croissant de reprendre contact avec son environnement naturel. Par conséquent, nous demandons que le territoire concerné soit déclaré arrondissement naturel.

Le respect des nations indiennes se trouve donc, de toutes parts, menacé par les projets d'investissements d'Hydro-Québec. D'autant plus que le passé est loin de constituer une preuve de l'inclinaison des dirigeants québécois à tenir outre mesure de leurs obligations internationales envers les peuples autochtones qui constituent la base et l'héritage humain de l'Amérique du Nord. (21 h 45)

Inutile de souligner à quel point nous considérons insuffisante cette commission parlementaire pour vraiment rendre justice à toutes les parties menacées par cette stratégie des années quatre-vingt, qui constitue la présentation du plus grand coup de rouleau compresseur à être envisagé sur le territoire que l'on appelle Québec.

Nous nous opposons donc avec vigueur à cette opinion exprimée par le ministre de l'Énergie et des Ressources, M. Yves Bérubé - cela semble avoir changé - qui considère que la commission parlementaire constitue le meilleur moyen d'exercer la démocratie des citoyens du Québec. Nous avons tous en mémoire la commission d'enquête Berger sur le projet de développement d'un pipeline dans la vallée du fleuve Mackenzie. Nous nous souvenons des séjours que le juge Berger avait effectués au Nord, au Sud et dans toutes les parties du Canada, et même ici au Québec. Nous nous souvenons de l'invitation qui nous avait été faite alors, plusieurs mois à l'avance, de présenter un mémoire à Montréal même devant le juge Berger lui-même. Nous nous souvenons du temps et du sérieux considérables qu'il avait mis à vraiment consulter, peser le pour et le contre et préparer un rapport d'une grande sagesse et d'un grand respect pour les nations indiennes des Territoires du Nord-Ouest, et ceci, pour un projet de pipeline de l'ordre de $6 milliards seulement. Nous n'en attendons pas moins du gouvernement du Québec. Bien au contraire!

Le Président (M. Jolivet): Merci. M. le ministre.

M. Bérubé: Deux questions, M. le Président.

C'est indéniable que le mémoire qui

vient de nous être soumis est un mémoire qui soulève des questions qui, sur le plan humain, sont extrêmement délicates. J'aimerais poser un certain nombre de questions qui nous permettraient peut-être de mieux comprendre le point de vue des intervenants.

D'une part, vous présentez et vous défendez avec chaleur les droits des autochtones. J'aimerais savoir, si dans votre esprit, les Québécois ont également des droits sur le territoire?

M. Proulx (Jean-Marie): Certainement, oui, pour autant qu'ils n'affectent pas les droits des autochtones, pour autant que ces deux genres de droits peuvent être conciliés de façon harmonieuse, oui.

M. Bérubé: Qui décide de l'harmonisation?

M. Proulx (Jean-Marie): Je pense que les deux doivent décider - c'est une opinion un peu personnelle que j'émets - dans des négociations, dans des pourparlers qui ne sont pas empreints de pressions telles que l'aménagement des territoires qui s'effectue lors de ces négociations.

M. Bérubé: Et si une partie décide qu'elle n'est pas satisfaite par le règlement, qui décide?

M. Proulx (Jean-Marie): Pour nous, prioritairement, ce seraient les nations indiennes qui décideraient.

M. Bérubé: Donc, nous n'avons pas strictement de droits. Les droits primitifs sont les droits des autochtones?

M. Proulx (Jean-Marie): Si l'on se réfère au document que l'on cite dans le mémoire, il nous semble, après étude, que la situation juridique des autochtones sur le sol que l'on dit québécois peut être plus solide que celle du gouvernement actuel ou du gouvernement du Québec.

M. Bérubé: Lorsque l'on examine les droits des autochtones, d'ailleurs, vous les avez exposés, à un moment donné - je pense que c'est madame, dans un anglais absolument parfait - qui nous les a lus, on lit: "That the Province of Québec will recognize the rights of the Indian inhabitants in the territory above described to the same extent, and will obtain surrender of such rights in the same manner, as the Government of Canada has heretofore recognized such rights and has obtained surrender thereof..." Lorsque l'on étudie la façon utilisée par le gouvernement canadien pour remettre ces droits aux autochtones, on est surpris par l'ampleur du silence.

Lorsqu'on essaie d'étudier la nature exacte des droits des autochtones, on est également surpris par la faiblesse des détails, ce qui rend extrêmement difficile une négociation puisque, lorsque vous avez un titre légal, un titre de propriété clair, il est facile de l'utiliser en cour pour obtenir justice. Toutefois, une des difficultés que l'on retrouve, lorsque l'on négocie ces problèmes de droit, c'est que les droits des autochtones sont des droits un peu vagues, des droits du premier occupant. Comment peut-on, à ce moment-là, négocier, selon ce que vous nous proposez, avec les autochtones une sorte d'entente alors que n'importe quel autochtone qui naîtra demain se sentira totalement non lié, puisqu'il n'y a pas d'entité légale Atticamèques-Montagnais définie dans la loi, définie de manière qu'on puisse lui attribuer des droits plus spécifiques, ce qui veut donc dire qu'aucune entente avec les autochtones ne saurait tenir, si un seul autochtone se lève et la conteste, puisque, à ce moment-là, il peut toujours invoquer ceci: Si les droits que vous venez de reconnaître sont effectivement les droits des autochtones, comme je suis un autochtone en pleine possession de ses droits et que je refuse à une majorité des miens d'aliéner quelque droit que ce soit, je conteste le contrat qui vient d'être signé. Est-ce que ce contrat n'est pas, à ce moment-là, nul et non avenu?

Le Président (M. Jolivet): Mme Collier.

Mme Collier: D'abord, il me semble que c'est un peu fausser le débat de dire, comme à la question précédente à laquelle mon collègue a répondu, comment on va juger entre les deux droits, les droits des autochtones et les droits des Québécois parce que, si on regarde, par exemple, ce qui a été fait dans le rapport Berger, on voit très bien qu'il n'y a pas un groupe d'Indiens ou d'Inuits en ce moment qui dit: Vous ne viendrez jamais sur mon territoire. Vous savez très bien que ce qu'ils réclament, ce n'est pas le droit de dire: Le territoire va toujours demeurer tel quel, mais ils veulent être partie de ce qui va arriver sur leur territoire. Ils veulent un droit de gérance sur leur propre territoire. Ils n'ont jamais dit: Vous n'y ferez jamais rien; ils ont dit: C'est très important qu'on soit impliqués, et à la façon dont nous voulons l'être. On ne veut pas que quelque chose nous soit imposé.

Par exemple, vous avez parlé des droits aborigènes qui sont très vagues. Vous avez dit qu'on ne trouve pas des lois distinctes, mais vous cherchez encore dans les lois des sociétés colonisées dominantes. Encore là, il me semble qu'il faut avoir un certain respect pour les indigènes. C'est clair, depuis le jugement Marshall aux États-Unis jusqu'au rapport Berger, des gens ont dit: Les droits aborigènes, c'est tel, tel et tel. À partir de

ce moment, vous négociez de bonne foi avec les autochtones qui veulent le plus négocier. Vous êtes supposément en négociation avec le Conseil Atticamèques-Montagnais. Ils disent: C'est très bien, on va négocier et vous allez développer le territoire, mais pas avant que nous ayons dit notre mot là-dessus.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Bérubé: Je pense qu'il n'y a aucune difficulté quand on parle de négociations, comme vous dites, de bonne foi. La difficulté se pose lorsqu'il y a signature d'un contrat qui lie les parties parce que, à un moment donné, une négociation doit mener à un contrat qui lie les parties. Si on se fie à votre mémoire, il n'y a pas extinction des droits. Cela permet alors à toute personne qui n'a pas été partie au contrat en tant qu'individu de contester le contrat qui a été signé en son nom et, effectivement, légalement, on voit mal comment on pourrait contester la prétention de la personne en question. Donc, le contrat n'a plus aucune validité. Je vous pose la question: Comment conciliez-vous ce problème avec, à un moment donné, l'obligation de s'asseoir et de négocier une entente avec quelqu'un pour dire: On va faire telle chose dans telles et telles conditions? Comment pouvez-vous signer le moindre contrat si la seule partie liée, c'est vous?

En d'autres termes, je veux bien négocier un contrat avec qui que ce soit à une condition, c'est qu'après la signature du contrat, les deux parties soient liées. Si on me dit, après avoir signé un contrat, que n'importe qui peut se lever et contester les termes du contrat et que je n'ai absolument aucun moyen pour me défendre, à ce moment-là, je suis le seul à me lier. Comment conciliez-vous ce problème avec les objectifs que vous poursuivez et qui sont, d'autre part, complètement louables?

Le Président (M. Jolivet): M. Proulx.

M. Proulx (Jean-René): C'est encore la question d'avoir une entité légale ou un interlocuteur légal vis-à-vis de soi. Je vais me référer encore au rapport Berger qui est présentement, malheureusement, un des seuls exemples facilement connaissables où la population dénée - parce que c'est la population dénée que ce rapport concernait -a fait une large unanimité quant à ses désirs par rapport au projet de pipeline qui était projeté dans son territoire. Si les Dénés, lors de consultations qui ont été, à mon avis, très bien menées par le juge Berger et son équipe qui a pris le temps d'aller non seulement dans les grands centres régionaux, mais aussi dans les communautés et d'écouter les gens, ont réussi à faire l'unanimité pour une enquête qui, en quelque sorte, hypothéquait leur avenir, je pense qu'il est fort possible que des gens, que ce soit des Dénés, des Montagnais, des Atticamègues ou Algonquins, puissent, ici au Québec, en arriver à un même consensus, à une même unanimité vis-à-vis d'un règlement de relations entre notre gouvernement et leur gouvernement futur à eux. Quant à l'entité juridique, je comprends que dans notre système de droit, il faut avoir une incorporation pour pouvoir bien traiter avec le gouvernement. Mais vous comprendrez que les nations autochtones au Québec n'ont jamais eu de tels droits privés et publics et que je pense qu'on doit se fier, pour aboutir à un règlement final, à une bonne menée des négociations. C'est là prendre le temps vraiment de s'asseoir avec les qens non seulement ici à Québec, mais aussi dans leurs communautés et je pense que c'est là la meilleure façon d'en arriver à un règlement valable.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Mont-Royal. Excusez-moi, M. le ministre. Vous n'aviez pas terminé. Je pensais que vous aviez terminé.

M. Bérubé: Merci, M. le Président. Simplement pour souligner, en fait, qu'il y a peut-être des problèmes auxquels je n'aurai pas plus de réponse que beaucoup de mes concitoyens. Je me pose des questions, mais je n'ai pas moi non plus les réponses. C'est pour cela que j'essayais de vous pousser un petit peu au bout de vos retranchements pour voir si vous n'auriez pas une idée lumineuse qui permettrait d'éclairer notre lanterne. Il y a quand même un élément qui m'apparaît fondamental, c'est la partie concernant le débat public et je peux vous dire que je suis parfaitement d'accord. Je pense qu'il y a une formule de débat public qu'il m'apparaîtrait possible d'imaginer. Par exemple, autour d'une régie de l'énergie qui pourrait, à ce moment, se constituer en tribunal itinérant et prendre le pouls de l'ensemble de l'opinion publique québécoise, surtout si on prend soin d'aider les principaux groupements québécois intéressés à témoigner sur la question, si on peut les aider financièrement à bâtir, étayer des dossiers de manière qu'ils puissent, face au lobby de l'énergie, arriver avec une argumentation qui soit en mesure de faire le poids. Là-dessus, je suis absolument d'accord, d'ailleurs, avec les demandes répétées concernant un débat public. Ma seule interrogation portait sur une sorte de structure qui permette un débat public vraiment fructueux.

Je pense qu'avec les nombreuses suggestions qui ont été faites ici à cette commission depuis le début, il y a moyen

d'imaginer un débat public qui nous permette véritablement d'avancer dans ces questions des choix énergétiques pour le Québec. Je suis entièrement d'accord. Sauf que je n'étais pas non plus en désaccord avec l'autre partie concernant les autochtones, mais j'essayais de trouver des réponses à des questions que je me pose, auxquelles je n'ai malheureusement pas encore pu trouver de réponse. J'ai l'impression que c'est assez complexe cette question de toute façon.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Merci, M. le Président. M Proulx, j'ai noté votre remarque au début de votre intervention à savoir que vous n'étiez pas un porte-parole des autochtones, mais plutôt que vous étiez ici comme Québécois. Je dois vous en féliciter parce qu'il y a beaucoup de Québécois qui ne s'occupent pas tellement des droits des autochtones au Québec et je crois que c'est une responsabilité de tous les citoyens. Franchement, les autochtones ont été assez négligés dans le passé qu'il est nécessaire que soit les gouvernements, soit d'autres groupes comme le vôtre portent à notre attention certaines préoccupations qu'ont ces différents groupes d'autochtones à travers tout le Québec.

Le ministre, à la suite d'une question ou d'une réponse que vous lui avez donnée, s'est référé à la loi de 1912 où on dit que le Québec avait l'obligation d'obtenir l'extinction des droits de la même façon que le Canada l'avait obtenue. Ce n'est pas quelque chose de vague. Le Canada a signé des traités en Ontario, en Alberta, en d'autres endroits du pays. Si nous devions prendre littéralement la loi de 1912 et dire: Nous allons obtenir l'extinction des droits des autochtones au Québec de la même façon que le Canada les a obtenus dans d'autres endroits, si vous examinez les traités vous allez voir que les autochtones en Ontario, au traité 3, les autochtones, au traité 7 et au traité 8, n'ont pas reçu grand-chose des gouvernements de ce temps-là. Ils ont reçu un peu de farine, quelques "trinkets", comme on dit en anglais. Ils n'ont pas reçu vraiment ce que vous allez trouver dans un examen de l'entente de la Baie James. (22 heures)

Si le Québec était limité strictement à son obligation légale contenue dans la loi de 1912, il n'aurait pas fallu donner grand-chose aux Indiens. Cela n'aurait pas été juste et le gouvernement du Québec ne l'a pas fait de cette façon en 1974. La question de l'obligation est claire: En 1912, le Québec devait obtenir le "surrender", l'extinction de ces droits. Vous dites: Pourquoi éteindre les droits? Il y a deux raisons.

Premièrement, c'est une obligation que la loi fédérale a imposée. Alors, que le Québec le veuille ou ne le veuille pas, il était obligé d'obtenir l'extinction de ces droits parce que la loi lui imposait cela pour avoir un titre clair sur ces territoires.

Deuxièmement, c'est impossible de faire un règlement, quel que soit le règlement, sans obtenir l'extinction de ces droits parce que cela voudrait dire qu'aujourd'hui, nous réglons, les parties s'entendent et, le jour suivant, parce que les droits ne sont pas éteints, quelqu'un peut reprendre la même injonction qu'en 1971 et arrêter tous les travaux. Alors, du côté légal comme du côté pratique, je crois que l'extinction des droits était nécessaire.

D'ailleurs, ceux qui se plaignent que les droits ont été éteints et n'auraient pas dû l'être, curieusement, ce ne sont pas les autochtones dont les droits ont été éteints. Les Cris ne se plaignent pas, ils ont signé l'entente volontairement; non seulement ils ont signé l'entente, mais, pour éviter de se faire dire qu'on a signé seulement avec les chefs alors que la population indienne n'était pas au courant de ce qui était contenu dans l'entente, nous avons demandé qu'un vote soit pris dans toutes les communautés des Cris, dans toutes les communautés des Inuits et nous avons posé comme condition que c'est au moment seulement où les réserves et les individus de ces endroits accepteraient l'entente que le gouvernement la compléterait.

Dans les communautés cries, le vote a été de plus de 90% en faveur de l'entente. Je vois que vous me regardez un peu comme si vous ne me croyiez pas. Ce n'est pas le gouvernement qui est allé faire les pourparlers et les discussions, c'est la Anglican Church of Québec. C'était une institution acceptée par les Cris parce qu'ils étaient plutôt anglophones dans ces endroits. Les Inuits étaient anglophones. Nous avons dit: Très bien, la surveillance du vote sera faite par les religieux de l'Église anglicane pour nous assurer de l'objectivité et de la non-ingérence du gouvernement. Dans les réserves indiennes, il y a eu un résultat de plus de 90%.

Quand vous dites, dans votre document, que certaines communautés inuites ne l'ont pas acceptée, vous avez raison. Sur 12 communautés inuites, 3 ne l'ont pas acceptée. Il y a eu Povungnituk, Sugluk et Ivujivik. Mais les autres, 9 communautés l'ont acceptée. Quel degré de majorité devons-nous demander pour avoir une entente? Quand vous avez 90% des Cris qui la veulent, quand 9 sur 12 communautés inuites votent oui, c'est pas mal difficile de dire qu'il n'y a pas eu un consentement pas mal unanime. C'est de cette façon que l'entente s'est signée. Vous dites qu'ils avaient un fusil sur la tempe, que c'était un couteau à deux tranchants. C'est vrai, les

travaux continuaient, mais les Cris et les Inuits ont fait appel à la Cour suprême du Canada et il y avait autant de pression de la part du gouvernement. C'est une épée de Damoclès, la Cour suprême. Elle peut décider que l'injonction doit être maintenue, et ça aurait signifié que tous les travaux d'Hydro-Québec, non seulement les travaux qui avaient été arrêtés en 1973, mais tous les travaux additionnels auraient dû être arrêtés. C'est vrai qu'il y avait des pressions sur les Indiens et les Inuits, mais je crois qu'il y avait autant de pressions sur le gouvernement du Québec, par le biais de l'appel à la Cour suprême, sur des lois, des documents assez clairs de la part des Indiens.

M. Perron: M. le député de Mont-Royal, puisqu'on parle des Inuits, le pourcentage du vote chez les Inuits était de combien, pour?

M. Ciaccia: Pour, plus de 70%, quand on prend en considération les trois communautés dissidentes, qui ne voulaient pas l'entente.

M. Perron: D'accord, merci.

M. Ciaccia: C'est sur ces points. Maintenant, je crois que vous avez dit, à la suite d'une question du ministre, que les Indiens veulent une gérance sur leur propre territoire. Vous parliez de l'entente, comment en venir à une entente, qu'est-ce que cette entente devrait contenir.

Si vous examinez la Convention de la Baie-James - dans toute entente il y a des défauts, il n'y a rien de parfait; je ne suis pas ici pour dire que c'est la meilleure entente et qu'elle ne pouvait pas être bonifiée - premièrement, il y a les $225 millions accordés aux autochtones.

Deuxièmement, il y a le territoire, les droit d'expulsions sur 60,000 milles carrés de territoire dans le Grand Nord. Mais, en plus de ça, il y a l'implication des autochtones dans la gérance du territoire.

Je ne sais pas si vous avez vu le rapport du Comité consultatif sur l'environnement de la Baie-James. Vous n'avez pas vu ce rapport?

M. Proulx (Jean-René): Non.

M. Ciaccia: Est-ce que vous savez qu'il y a un Comité consultatif sur l'environnement de la Baie-James? Est-ce que vous savez comment ce comité est constitué? C'est un nombre égal de représentants autochtones et de représentants du gouvernement.

Le mandat de ce comité est de s'assurer qu'il y ait des études d'impact, qu'il y ait tous les travaux nécessaires pour minimiser les dommages à l'environnement sur les travaux futurs. Donc, quand vous mentionnez Grande Baleine, d'après la Convention de la Baie-James, le gouvernement est obligé de faire des études d'impact sur Grande Baleine, quant aux projets qu'il a l'intention d'implanter.

Je peux aussi porter à votre attention que Grande Baleine a voté pour l'entente à plus de 80%.

Il y a le comité sur l'environnement au nord du 55e parallèle, il y a les gouvernements locaux, le gouvernement régional de Kativik, il y a des commissions scolaires cries, il y a des commissions scolaires inuit? Le but de l'entente c'est exactement de faire ce que vous suggérez aujourd'hui, soit non seulement de ne pas éteindre les droits... La question d'extinction des droits, c'est un aspect légal, c'est la moindre des préoccupations des Cris et des Inuits; l'important c'était tous les autres aspects de l'entente, en plus même des $225 millions, parce que ce n'était pas l'aspect le plus important, où les autochtones auraient des options, des droits culturels, des droits économiques, des droits de gérance de leur territoire, dans tous les différents comités institués dans cette entente. Il y a le comité de coordination pour les droits de chasse et pêche; encore une fois, c'est la première fois que des autochtones et des membres du gouvernement font l'administration, la gérance de ce régime. C'est la première fois que ça se produit exactement de cette façon pour les impliquer dans toutes ces différentes sphères d'activité.

Vous parlez des Montagnais. C'est vrai que les Montagnais n'ont pas encore complété les négociations de l'entente, mais je me souviens qu'en 1974 j'ai rencontré les Montagnais. Je les ai invités à participer et ils n'étaient pas prêts à négocier avec le gouvernement du Québec à ce moment-là. Je n'ai pas suivi le dossier après 1976. Je ne sais pas s'ils sont maintenant en mesure de négocier. Ce n'est pas un refus de la part du gouvernement de cette époque, mais - et je ne critique pas les Montagnais - ils n'étaient pas prêts. Ils n'avaient pas les renseignements, les experts nécessaires. Nous avons conclu l'entente avec un groupe, mais nous avons spécifié que cela ne devrait pas enlever le droit de négocier avec les autres groupes; même si les droits étaient éteints, il fallait accorder les mêmes droits aux autres communautés autochtones que dans cette entente.

Je voulais seulement faire un tour d'horizon des droits des autochtones et de l'ensemble de la Convention de la Baie-James sur les points que vous avez soulevés. Je crois que vous avez soulevé quelques points qui sont assez valables, mais il y en a d'autres sur lesquels votre avis n'est peut-être pas tout à fait partagé, spécialement par ceux qui sont directement impliqués. Je

ne parle pas des dissidents à Povungnituk, je parle des Cris, du Grand conseil des Cris. Non seulement ont-ils approuvé l'entente à ce moment-là, mais ils accusent maintenant le gouvernement de ne pas la respecter. Ils veulent que l'entente soit respectée. Je ne sais pas si vous avez eu l'occasion de rencontrer ceux qui ont signé l'entente, d'aller dans les communautés comme je l'ai fait moi-même pour m'assurer qu'ils comprenaient. Ils avaient négocié et ils comprenaient les implications de l'entente. Je ne sais pas si, depuis la signature de l'entente jusqu'à la préparation de votre mémoire, vous avez eu l'occasion de rencontrer le Grand conseil des Cris ou même les différentes communautés cries dans le Nord pour connaître leur réaction au contenu de l'entente de la Baie-James.

Le Président (M. Jolivet): M. Proulx.

M. Proulx (Jean-René): Mes collègues pourront me reprendre si jamais il y a des omissions. Il y a beaucoup de choses.

Par où commencer? Je vais commencer par la convention. C'était le point principal de l'intervention de M. Ciaccia. Vous dites que les Indiens ne se plaignent pas de la convention comme telle et qu'il n'y a pas de contestations qui viennent des signataires de l'entente. À cet effet, j'aimerais mentionner que non seulement les Cris sont en cour présentement à propos de l'entente, mais, depuis la signature et l'application de l'entente, les Cris et les Inuits ont fait, à plusieurs reprises, des déclarations, soit sur la mauvaise application selon eux de l'entente ou même sur l'inapplicabilité de l'entente.

J'aimerais aussi mentionner les tiers non-signataires de l'entente de la Baie James, de la convention. À cet égard, je fais allusion, entre autres, aux Algonquins et aux Montagnais, qui sont plus directement impliqués, qui ont assez clairement, je pense, - en tout cas, à ma connaissance - dénoncé leur non-participation à l'entente ou l'effet que l'entente peut avoir sur leurs territoires qu'ils ont occupés et qu'ils occupent encore.

Quant aux chiffres que vous citiez et au référendum qui visait l'acceptation de la convention de la Baie-James chez les populations inuites et cries, j'aimerais seulement reprendre vos chiffres en disant que, lorsque vous dites que chez les populations cries 90% ont accepté, c'est plutôt 90% des 24% de votants, ce qui est une grosse différence. Cela fait, si je calcule bien, 76% de non-votants, de non-participants, un score on ne peut plus bas, je pense, pour un référendum.

Quant à la population inuite, vous parliez de trois villages sur douze, mais on peut changer le chiffre et dire que c'est aussi un tiers de la population inuite.

(22 h 15)

Lorsqu'on parle de l'épée de Damoclès sur la tête des négociateurs de la partie autochtone lors de la Convention de la Baie-James, on se réfère fièrement à un passage de la commission d'enquête sur le pipeline du Mackenzie, la Commission Berger, le juge rapportant des conversations qu'il a eues avec des négociateurs du côté gouvernemental qui ont dit - et, à ma connaissance, il n'y a pas eu rétractations -aux Indiens: Take it or leave it. Excusez mon anglais, mais: Prends ça ou tu n'auras rien. Je me demande vers où...

M. Ciaccia: Ce n'est pas ça qui s'est produit en 1975.

M. Proulx (Jean-René): Je me demande vers qui l'épée penchait le plus. Si on reprend les bienfaits de l'entente, encore là, il faut se référer aux critiques que les Cris et les Inuits ont pu apporter. Bien sûr, le montant qu'ils ont eu à la convention de la Baie-James est largement supérieur aux $5 par tête de pipe que le gouvernement canadien a pu accorder lors des traités dits numérotés qui ont couvert le restant du Canada. J'aimerais seulement mentionner, pour votre information, qu'il y a un article qui a paru dans Recherches amérindiennes, volume 9, numéro 3, 1979, écrit par Pierre Trudel qui a fait un calcul, à mon avis, très intéressant où il dit que, pour les Cris, si on prend le revenu total d'un Cri pour une année, et si on multiplie par 15 années, on obtient le montant que les Cris ont eu comme compensation pour la convention.

Cela me semble peu énorme en termes d'argent. Il n'y a, bien sûr, pas seulement l'argent. Il y a aussi toute la structure que la convention met sur pied, structure, qui à notre avis, bien que nous n'y sommes pas impliqués directement, nous semble très lourde au point de vue consultatif. Ayant de la part des autochtones relativement peu de pouvoirs, vous faisiez référence au comité sur l'environnement, à ma connaissance -peut-être que Linda pourra me corriger à ce sujet - qui est composé effectivement d'autochtones et de personnel autre, de personnel blanc, sauf que le choix des autochtones est sujet à l'accord de la société de développement. Il faudrait voir aussi que ces pouvoirs de ce comité ne seraient pas -à ma connaissance - coercitifs, mais seulement des recommandations qui ne tiennent en rien de la société de développement. Ce sont des structures qui peuvent, à un moment donné, à mon avis, être caduques.

Je vous réfère aussi, quant à la lourdeur de la structure, à l'ouvrage qui s'intitule La négociation d'un mode de vie. Ce que je tire de cet ouvrage, c'est que n'importe qui qui aurait signé une entente

aurait besoin d'une armée de consultants pour bien administrer l'entente, qu'elle soit inuite, crie ou québécoise. Une telle entente ne me semble pas facilement malléable.

Enfin, vous parlez des Montagnais qui, lors du commencement des procédures de la Convention de la Baie James, se sont retirés des négociations. Je n'ai qu'à vous féliciter du fait de ne pas les avoir forcés à négocier, mais il me semble qu'ils ont beaucoup de chemin à reprendre actuellement, puisque sur une large partie de leur territoire, ils négocient des droits qui sont déjà éteints. Ils n'ont plus le choix de négocier l'extinction de leurs droits.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: II y a un aspect que je trouve toujours intéressant dans les discussions avec les autochtones particulièrement au sujet de l'entente de la Baie James. C'est rarement ceux qui sont directement impliqués qui viennent se plaindre de l'entente. C'est toujours d'autres. Remarquez bien, c'est votre droit; je ne vous le conteste pas. Mais quand vous dites que les structures sont lourdes, que le conseil consultatif a besoin de certaines approbations, je ne pense pas que vous ayez parlé aux Cris, parce que ces derniers ne considèrent pas les structures lourdes. Ils les considèrent très adéquates pour protéger les objectifs qu'ils voulaient dans l'entente, qui étaient des objectifs de droits culturels et économiques.

Ce n'est pas nous. Nous n'avons pas créé ces structures-là dans l'air; on les a négociées avec eux et beaucoup des structures qui sont incluses là sont venues à la suggestion même du gouvernement régional au nord du 55e parallèle. Ce n'est pas Hydro-Québec, ou le gouvernement qui a suggéré cela, ce sont les Inuits qui ont insisté pour l'avoir.

Quand vous dites que les Montagnais ont beaucoup de chemin à reprendre, je ne suis pas tout à fait d'accord avec vous. Leurs droits sont protégés dans cette entente, parce que nous avons protégé les droits de ceux qui ne l'ont pas signée, même si les droits devaient être éteints, parce que la loi l'obligeait; il y a même eu des ententes complémentaires avec d'autres groupes, même si les droits étaient éteints.

Je vous remercie quand même de votre point de vue, vos commentaires. Je crois que cela apporte un autre point de vue. Cela montre au moins qu'il y a beaucoup de gens qui s'occupent des droits des autochtones au Québec. C'est comme cela que cela devrait être. Merci.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Duplessis, en terminant.

M. Perron: Oui, en terminant, M. le Président.

Je voudrais faire deux ou trois commentaires en rapport avec votre mémoire. Il y a une chose qui est très importante, c'est qu'en tant que - si vous me permettez le terme - blancs du Québec, Québécois et Québécoise en même temps, vous êtes ici pour justement discuter de ces questions. Dans votre mémoire, vous avez mentionné qu'il n'existe aucun scénario autre que celui d'Hydro-Québec. Cela arrive à peu près à cela. Je pense que cette commission parlementaire que nous avons actuellement, c'est un pas vers ce qu'on appelle vraiment la démocratie.

Je ne sais pas si vous vous rappelez la façon dont le gouvernement - en tout cas celui qui est là - a agi en rapport avec certaines lois qu'on a adoptées à l'Assemblée nationale, mais avant de les adopter on a fait le tour du Québec. Prenons la loi 67, prenons la loi 17 sur la santé et la sécurité du travail, prenons un paquet de lois comme cela où on est vraiment allé, comme dirait M. Marois, dans le paysage pour discuter avec le monde en vie. Je pense que le gouvernement du Québec, en tout cas celui qui est en place, est prêt à s'asseoir et à regarder cela attentivement, surtout avec les Atticamègues-Montagnais. Pour votre information, la grande majorité est dans mon comté actuellement, parce qu'il y a plusieurs bandes, il y en a quatre dans le comté de Duplessis. Tout cela pour vous dire que, dans mon optique à moi, il n'est pas question de marcher sur la tête de qui que ce soit et d'aller de l'avant avec des projets sans consultation. Je pense que là-dessus, de ce côté, on peut parler au nom du gouvernement du Québec.

Considérant ce que je viens de vous mentionner, je voud,rais vous poser une question. Si j'ai bien compris votre position, vous voudriez qu'on négocie avant que les projets aillent de l'avant? C'est la première question.

Maintenant, est-ce que vous désirez qu'on aille à peu près dans le sens que cela s'est fait avec l'entente de la Baie James et du Nord québécois? Le député de Mont-Royal mentionnait tout à l'heure les Cris, les Inuits, mais il y a aussi les Naskapis qui ont signé une entente et ils sont en train de faire tout le travail qu'ils devaient faire, parce qu'on a adopté des lois, à l'Assemblée nationale, qui entérinaient ce qui avait été négocié lors de l'entente. J'aimerais bien que vous répondiez à ces deux questions.

Le Président (M. Jolivet): M. Proulx ou Mme Collier.

M. Proulx (Jean-Marie): Je m'excuse, je n'ai retenu que la deuxième question. Quant à nous, la convention de la Baie James - on

s'excuse auprès de M. Ciaccia - ne doit pas être un modèle. Si jamais, puisqu'il va y avoir des négociations, puisque le processus de négociations est entamé avec le Conseil Atticamèques-Montagnais, on désirait, en tant que Québécois, pas nécessairement qu'il y ait un règlement global sur l'ensemble des revendications des Atticamègues-Montagnais, à moins qu'eux ne le souhaitent, mais on souhaiterait qu'avant tout aménagement d'importance sur leur territoire - Dieu sait s'il y en a déjà eu sans qu'il y ait eu pour autant consultation; je fais référence ici aux ouvrages Bersimis-Outardes - ces aménagements soient faits avec une oreille très attentive aux doléances que les Montagnais concernés peuvent avoir par rapport à ces aménagements de rivières. Je pense à la rivière La Romaine qui affecte principalement la bande de Mingan et la bande de Natashquan qui sont dans votre comté.

Avant tout, ce que les gens de Mingan m'ont dit, c'est qu'il y a déjà des "bulldozers" rendus sur la rivière et, quant à eux, ils aimeraient mieux savoir ce qui va arriver avant que ça ne progresse trop.

M. Perron: Est-ce que vous parlez des tracteurs-chenilles sur la rivière Romaine?

M. Proulx (Jean-René): Oui, c'est ce qu'on m'a dit.

M. Perron: Je n'en ai pas vu.

M. Proulx (Jean-René): Ce sont mes informations à moi.

Le Président (M. Jolivet): Mme Collier va ajouter quelque chose.

Mme Collier: J'aimerais préciser que, pour ce qui est du Conseil Atticamègues-Montagnais, il a commencé des négociations avec le gouvernement et il a réclamé du gouvernement que rien ne se passe sur son territoire tant et aussi longtemps qu'une entente ne serait pas signée. Ce qui arrive, en fait, c'est qu'on commence toutes sortes de travaux et on dit qu'on est en train de négocier avec le Conseil Atticamègues-Montagnais, mais, entre-temps, on est en train d'en changer le territoire. On s'oppose à cela parce que, par exemple, il y a des aménagements qui seront faits à Manic, des lignes de transmission qui passeront sur le territoire et sur la Romaine, éventuellement, en 1990, on va commencer des travaux, mais le gouvernement connaît très bien la position du Conseil Atticamègues-Montagnais, qui est un veto. Malgré cela, on prévoit des travaux sur le territoire montagnais et c'est ce à quoi on s'oppose, en fait.

M. Perron: Quand on regarde le projet de la Romaine, par exemple, ou le projet de la Sainte-Marguerite ou encore le projet du Petit Mécatina ou celui du lac Robertson, qui sera en marche probablement cette année, est-ce que vous voulez dire qu'Hydro-Québec ne peut pas faire d'étude actuellement sur ces projets? Quand on fait une étude comme cela, cela amène d'autres études, mais il n'est pas question de disloquer le territoire ou quoi que ce soit, il y a des études préliminaires qui sont faites d'abord, et des études finales. Est-ce que vous voulez dire qu'Hydro-Québec ne pourrait pas aller sur le territoire et regarder ce qu'il est possible de faire comme projets, faire des études? En faisant des études, on ne construit pas de barrage, on ne construit pas de centrale. C'est ce qui se fait, actuellement, au niveau d'Hydro-Québec.

M. Proulx (Jean-René): II faudrait peut-être plus demander la permission aux Montagnais qu'à nous. Ce qui nous a semblé important dans le plan d'investissement d'Hydro-Québec pour les années quatre-vingt, c'est qu'elle prévoyait que le projet de la Romaine serait en vigueur dans les années quatre-vingt-dix, ce qui nous semblait hypothéquer sérieusement l'issue des négociations possibles avec les Montagnais puisque, de toute façon, Hydro-Québec prévoyait mettre en marche cette centrale nonobstant le résultat des revendications des Montagnais. C'est le point principal. Le même phénomène peut se répéter avec les Atticamègues ou avec les Algonquins concernant les lignes de transmission énergétique qui descendent de la Baie James et qui passent par leur territoire.

M. Perron: En ce qui me concerne, madame et monsieur, je voudrais excuser le ministre, parce qu'il a dû s'absenter pour quelques minutes. En ce qui me concerne -je ne peux pas parler au nom du ministre, parce qu'il n'est pas ici - j'ai toujours été favorable aux négociations, c'est probablement dû à ma formation syndicale, et je pense qu'il faut continuer à négocier. Comme je le disais tout à l'heure, dans mon optique, il n'est pas question de marcher sur la tête de qui que ce soit. Je vous remercie beaucoup, au nom du ministre.

Le Président (M. Jolivet): Merci, au nom des membres de cette commission, M. Proulx et Mme Collier.

J'inviterai maintenant, à titre personnel, M. Jean Gagnon, en espérant qu'il pourra prendre son autobus, comme il l'a demandé. C'est le mémoire 18. Allez-y, M. Gagnon, la parole est à vous.

M. Jean Gagnon M. Gagnon (Jean): Certaines parties

seront enlevées, parce qu'il s'agit d'écrire un mémoire pour obtenir des renseignements qu'on ne possède pas avant, vous savez ce que c'est.

Communauté nord-américaine de l'énergie. Je juge inacceptable la politique énergétique préconisée par Hydro-Québec et rendue publique dans son document intitulé "Une stratégie pour la décennie 80". Si le contrat des chutes Churchill ne donne pas justice aux Terre-Neuviens, Hydro-Québec devrait accepter de rouvrir le contrat. La stratégie énergétique du Québec durant la décennie quatre-vingt doit s'inspirer de préoccupations beaucoup plus larges que celles qu'entretiennent les dirigeants d'Hydro-Québec. La modernisation de nos techniques économiques exige que le marché québécois soit élargi à un vaste ensemble qui comprenne non seulement tout le Canada, mais aussi les États-Unis, soit créer la Communauté nord-américaine de l'énergie. (22 h 30)

Après le rapatriement de la constitution canadienne, l'unité canadienne ne sera pas pour autant consacrée. Au contraire, les sujets de mésentente entre provinces et pouvoir central seront plus nombreux que jamais. Le Canada ne peut être un pays unitaire. L'histoire du pays, la dualité de cultures, la diversité des minorités et des provinces, les résistances acharnées à la politique du pouvoir central concernant les ressources naturelles ne permettent pas d'entrevoir la création d'un État unitaire.

Récemment, il est apparu que la question de l'énergie constituerait un obstacle majeur à la réforme constitutionnelle qui devra forcément être amorcée en profondeur après le rapatriement de la constitution. Seul un traité auquel toutes les provinces seraient partie peut mettre en place une structure commune et établir une politique de reconstruction canadienne qui permettrait l'intégration des sources d'énergie et leur juste répartition entre les provinces selon leurs besoins. Ce traité, qui prévoirait les institutions nécessaires à la formation d'une nouvelle communauté s'apparentant à une véritable fédération dans laquelle tous les États provinciaux seraient souverains, pourrait éventuellement accueillir les États américains pour former une communauté nord-américaine de l'énergie. L'Europe nous en fournit l'exemple, elle qui a adopté dès 1951 un plan créant la communauté européenne du charbon et de l'acier et, en 1958, Euratom, la communauté atomique européenne.

Hydro-Québec, à cause de son envergure, à cause des immenses ressources à sa disposition, à cause de son leadership en hydroélectricité, est en bonne position pour élaborer les grandes lignes d'un plan qui permettrait la mise en commun de toutes les ressources énergétiques de l'Amérique du

Nord, de telle sorte que les énergies qui se perdent puissent être utilisées et "harnachées" dans les plus brefs délais au profit de tous.

Perte de 30,000 mégawatts non "harnachés". L'huile, le gaz, l'uranium, le charbon, ces énergies si bien emmagasinées dans les entrailles de la terre, se conservent indéfiniment. On ne devrait donc puiser que très parcimonieusement dans ces énergies, certes, la propriété de notre génération, mais aussi l'héritage des générations futures. Or, pour le pétrole, par exemple, on le brûle à un rythme tel que, dans 20 ans, cette richesse à la base de milliers de produits sera épuisée, obligeant à recourir à d'autres sources pour continuer la production. Par contre, la chaleur du soleil, le souffle du vent, les marées, la descente des eaux dans nos fleuves et rivières sont des énergies renouvelables qui se perdent, cependant, constamment si on ne les capte pas au passage. On doit donc utiliser, d'abord et avant tout, totalement les énergies qui se perdent. Or, ici au Québec, 30,000 mégawatts se perdent annuellement dans nos cours d'eau non "harnachés", l'équivalent de 120 millions de barils d'huile par an ou de 330,000 par jour ou, à $40 le baril de, $4,800,000,000, ou, avant longtemps à $60 le baril de $7,200,000,000 annuellement.

Si l'on se conforme à la stratégie de construction à pas de tortue de barrages des années quatre-vingt de notre Hydro-Québec il se perdra en 20 ans 2,400,000,000 de barils de pétrole. En acceptant, à la suite des hausses continuelles, un prix moyen de $60 le baril, tenant compte que les intérêts doublent le capital en moins de sept ans, la perte est de $57 milliards. En gros, au lieu de payer ces barrages par des revenus de $57 milliards, Hydro-Québec nous endettera d'autant. Et le fait qu'Hydro-Québec étire le "harnachement" sur 20 ans - je crois plutôt 30 ans - va considérablement relever les coûts, comme ce fut le cas à la Baie James à cause de l'inflation. De plus, qui nous assure que, dans 15 ou 20 ans, la construction de barrages sera encore rentable, que d'autres sources d'énergie ne seront pas découvertes ou devenues moins coûteuses tel l'hydrogène tiré de l'eau? En tel cas, nous aurons manqué le bateau.

Suite à la page 5; le reste est rayé à la suite de renseignements. Hydro-Québec doit posséder tous les barrages du Québec. Notre Hydro-Québec doit posséder en totalité et seule tous les barrages à construire et construits, y compris ceux aux mains d'intérêts privés. On se pique d'être plus cultivés que les Arabes; pourtant, eux possèdent tous leurs puits de pétrole. Nous y avons droit, des droits inaliénables parce que, lorsqu'il pleut ou neige pour remplir les réservoirs, c'est sur nous que cela tombe et nous devons faire les frais du déneigement,

(rarement nous voyons le soleil dans ma région) parce que l'eau c'est notre propriété; parce que certains barrages, tels Manic 5 et certains au Saguenay- Lac- Saint-Jean sont des épées de Damoclès suspendues sur nos têtes. Qu'une simple bombe explose sous l'eau près de Manic 5 et il n'y a plus de Côte-Nord, ni de Côte-Sud et la dévastation se chiffre par des centaines de millions de dollars et les morts par dizaines de mille. Il faut donc nationaliser tous les barrages privés. Toutefois, nous sommes favorables à ce qu'on consente des taux privilégiés pour les industries. Le peuple québécois voit dans la mainmise sur nos richesses naturelles une trahison de la part de nos gouvernants du Québec. Il est évident que tous les partis politiques conspirent dans cette trahison puisque aucun ne parle de terminer la nationalisation.

Hydro doit vendre l'électricité aux Étas-Unis. Avec de solides garanties que seule Hydro possède la propriété complète, totale, à perpétuité de tous nos barrages, que seule elle juge, décide, contrôle l'électricité produite sur le sol québécois; je ne vois que racisme et inhumanité. Soi-disant pour garder aux Québécois dans vingt ou trente ans de l'énergie pour leurs besoins futurs, on laisse se perdre des milliers de mégawatts dans nos rivières non aménagées alors que Canadiens et Américains ont un besoin si pressant et doivent payer des milliards en pétrole pour se procurer de l'électricité. Hydro commet un acte impardonnable en retardant, en étirant délibérément l'aménagement de toutes nos rivières. La stratégie énergétique du Québec durant la décennie 1980 ne doit pas se replier sur les besoins présents et à venir des seuls Québécois. Les Amérindiens, premiers propriétaires du sol en Amérique du Nord, étaient maîtres partout en Amérique, mais vous connaissez ce propos d'un auteur dont le nom m'échappe: "Les aborigènes, mauvaises herbes qui encombrent le sol des nouvelles contrées et qui, peu après, l'enrichissent." Nous, leurs remplaçants canadiens et américains, ne devons pas avoir perdu les droits des premiers habitants d'Amérique. Les richesses naturelles, en particulier celles qui se renouvellent tout en demeurant la propriété des diverses provinces et États, doivent servir tous les habitants de l'Amérique du Nord.

Le nouveau président des États-Unis M. Donald Reagan, exprime son désir de relations plus étroites avec le Mexique et le Canada par l'échange des ressources. Accepterions-nous de laisser geler nos frères et soeurs américains, s'arrêter la roue de leur activité économique par manque d'énergie, pour des besoins hypothétiques des Québécois dans 20 ou 30 ans? En ce temps-là, nous aviserons pour le mieux avec nos frères américains, peuple avec qui, sur des milliers de milles, nous n'avons que des frontières symboliques. C'est immédiatement que les Américains ont un pressant besoin d'énergie et c'est immédiatement que nous devons leur en fournir. Notre sort est rivé à celui des Américains en temps de paix comme en temps de guerre. Déjà, nous protégeons les industries américaines. La Chrysler menace de fermer ses usines et nous intervenons à coup de centaines de millions. Les papeteries vieillissent, nous les rajeunissons à coup de centaines de millions. Donohue, Alcan reçoivent des centaines de millions en subventions. Pour laisser à l'Alcan l'entier usage de toutes les forces hydrauliques du Saguenay et du Lac-Saint-Jean, Hydro a même dû amener du nord une ligne de transmission au coût de $400 millions alors que toute l'électricité vendue dans notre région ne pourrait couvrir les intérêts.

La politique d'Hydro est dangereuse pour la paix mondiale. La pénurie d'énergie est telle qu'une guerre mondiale pour le pétrole est un danger imminent. L'achat du pétrole siphonne les milliards, ruine les économies mondiales. Les investissements de ces milliards viennent ajouter leur poids écrasant; s'il y a guerre, nous y serons fatalement entraînés. D'ailleurs, les retombées radioactives ne nous épargneront pas. Nous sommes déjà terriblement en retard devant le problème de l'énergie. Il est urgent, ensemble avec les Américains, de prendre les moyens pour éviter la guerre du pétrole. Unissons nos efforts avec nos frères américains pour gagner la guerre de l'énergie. Ils comprendront facilement qu'au lieu de dépenser des billiards à détruire et à tuer, il vaut mieux dépenser des milliards à construire des barrages pour capter les énergies de nos eaux. D'ailleurs, à quoi servirait une guerre du pétrole puisque, dans 20 ans, il n'y en aura presque plus alors que notre eau continuera de couler, ce qui fait de nous, selon l'expression du ministre, des Arabes permanents.

Financement des barrages. Nous paierons les milliards des Américains avec des mégawatts; eux en seront remboursés par leurs milliards qu'ils envoient pour l'achat du pétrole. Non seulement nos barrages se paieront, mais nous en tirerons des revenus supplémentaires parce que le prix de notre électricité ne doit pas couvrir que le coût des barrages, mais aussi payer des redevances pour l'utilisation de la puissance de nos eaux, tout comme, d'ailleurs, les Arabes ne retirent pas que le coût de l'extraction de leur pétrole, mais un paiement pour le pétrole lui-même, leur richesse naturelle.

En plus des milliards des États-Unis, ici même, dans nos caisses, nous avons $13 milliards. En passant, dans ma région, les caisses sont prêtes à fournir à Hydro tout

l'argent nécessaire pour l'aménagement de la rivière Ashouapmouchouan. Évidemment, le crédit d'Hydro est bon, elle qui est, la plus grande puissance hydroélectrique du monde, elle qui jouit du privilège de pouvoir vendre sans concurrence à des clients obligés une marchandise essentielle et de pouvoir relever ses taux selon son bon plaisir.

Hydro doit cesser d'emprunter à l'étranger en y envoyant notre argent pour payer des intérêts. Pour cette petite marge de 6%, de ce temps-ci, qu'elle paierait de plus, et encore à des Québécois qui font vivre Hydro, car où Hydro prend-elle ses revenus pour ce petit montant supérieur d'intérêt? Elle nous fait perdre 16%. L'argent touché par les caisses, qui devraient être le réservoir des capitaux de notre Hydro, sert à payer des salaires à des milliers de Québécois.

Ce serait un acte de patriotisme, un acte intelligent qu'Hydro-Québec utilise l'argent de nos caisses. Hydro-Québec achète présentement des vaches à l'étranger, quand nous en avons des troupeaux; elle les fait pacager dans nos champs et envoie le lait à l'étranger.

Nombre de nos caisses sont dans le rouge, cela les aiderait, des placements de toute sécurité. Présentement, pour placer leur argent, elles dédoublent toutes sortes de commerces, d'entreprises et, pour rendre rentables certains gros projets, tels le Centre d'affaires de Chicoutimi, Jacques Gagnon d'Alma, Mont-Tremblant, Sainte-Anne, elles vont chercher des millions en subventions, concurrençant ainsi durement les intérêts privés qui exploitent sans subvention et utilisant notre argent pour recevoir des gens dans nos hôtelleries que nous, leurs membres, ne pouvons fréquenter, faute de revenus suffisants.

La terre ne cessera pas de tourner et nous n'arrêterons pas de vivre parce que le loyer de l'argent est élevé. Nos emprunts n'auront qu'à stipuler que les intérêts suivront le cours de l'argent. Roosevelt, à qui on parlait de manque d'argent pour la conduite de la guerre, réplique: Trouvez-le! Mon travail, c'est de gagner la guerre. La tâche d'Hydro-Québec, ce puissant levier, presque unique en Amérique, c'est de gagner la guerre de l'énergie et, du coup, nous gagnerons la guerre contre la récession. Il ne faut pas nous laisser abattre par la récession, mais abattre la récession.

Croisade de construction de barrages: Lançons immédiatement la construction, par tout le Québec, de barrages sur toutes le rivières non encore aménagées. Créons, s'il le faut, dix sociétés telle celle de la Baie James. Nous avons les milliards, nous avons aussi, qui se perdent, les énergies de centaines de cerveaux, les bras de milliers de chômeurs. Il y en a encore plus aux États-Unis. Si nous en manquons, employons- les. L'électricité ne doit pas être considérée comme une énergie trop noble pour servir au chauffage. Fée magique aux milliers d'usage, elle ne dépasse pas en noblesse le pétrole, lequel est source de milliers de produits. Selon David Armour, d'ici dix ans, la plupart des foyers en Ontario serons chauffés à l'électricité. Amener le gaz, en bâtissant tout un réseau au Québec, est une erreur. D'ailleurs, ça se conserve très bien dans le sol et il faut commencer pas utiliser les énergies qui se perdent. Les sommes que nous dépenserons pour cela n'iront pas à notre Hydro et de plus, dans quinze ans, il n'y aura plus de gaz, alors que notre eau continuera de couler.

Hydro-Québec doit être le chef de file de l'utilisation de l'électricité en tout domaine et, à ce titre, elle doit presser les gouvernants d'organiser le transport en utilisant l'électricité.

Selon M. J. Donald Howe, dans une solide étude sur le transport, l'avion prend 95% plus d'énergie que le train électrique. Sur des distances de 800 kilomètres, il déclare que l'avion ne devrait pas servir au transport. Il préconise de rallier tous les coins du pays par des trains électriques. Pourquoi, par exemple, de Bagotville, élever une charge 150,000 livres à 28,000 pieds dans les airs, la tenir suspendue dans le vide pendant une heure pour la redescendre au même niveau qu'au départ à Dorval? Pourquoi pareil gaspillage d'énergie pour pareille escalade dans les nuages quand, par un train électrique, longeant une nouvelle voie le long de la route 175, on pourrait transporter la même charge sans l'élever d'un pouce, dans le même temps, trois heures, parce que, pour se rendre aux aéroports des centre-ville, il faut une heure au départ et une heure à l'arrivée. Et le voyage par train électrique ne coûterait que $24 comparativement à $200 par avion. On peut bien se faire cataloguer "d'éloigné"!

Ces trains pourraient, à moindres frais, transporter vannes, camions, divers conteneurs automobiles, ce qui épargnerait des milliers de tonnes de pétrole, des frais de mécanique, d'usure des routes et surtout d'accidents meurtriers. On n'a qu'à voyager en Europe, surtout au Japon, pour se rendre compte de l'efficacité des trains électriques; pourtant, ils doivent produire leur électricité à partir du pétrole.

Hydro-Québec doit aussi mousser la fabrication de l'automobile mue à l'électricité. Elle a l'avantage de ne pas polluer.

L'Ashuapmouchouan: Les citoyens du Saguenay-Lac-Saint-Jean subissent un chômage plus élevé que dans le reste du Québec. Or, décennie 80 ne parle pas des travaux de construction des barrages sur l'Ashuapmouchouan dont toutes les études sont terminées. Hydro-Québec, c'est à nous

aussi au Saguenay. Son puissant levier économique doit servir immédiatement dans notre région. Hydro-Québec doit immédiatement venir au secours de notre économie en fort mauvais état. Que les travaux démarrent immédiatement. Nous contribuons à la vie d'Hydro-Québec, qu'elle contribue à la nôtre. Au lieu de faire vivre les chômeurs à ne rien faire, il est plus productif de les faire vivre à travailler.

Paraît-il que les lois sur l'écologie et le respect de l'environnement occasionnent des retards et des obstacles quasi insurmontables à la construction des barrages. Jamais je ne croirai que nous assurons la vie des poissons avant la nôtre ou, pour garder, pour la vue de ces messieurs, de soi-disant beaux spectacles, nous empêchons l'aménagement de nos rivières. Que les gouvernements mettent la hache dans toutes ces lois.

Le Président (M. Jolivet): Merci, M. Gagnon.

M. le député de Dubuc.

M. Desbiens: Merci, M. le Président. Je remercie M. Gagnon de sa participation à la commission et des observations très personnelles qu'on lui connaît d'ailleurs, par chez nous.

M. Gagnon (Jean): Nous sommes de vieilles connaissances.

M. Desbiens: Je sais que, comme vous n'aurez pas de train électrique pour retourner ce soir, peut-être pourrait-on discuter un bon bout de temps, mais j'aurais quand même quelques observations, M. Gagnon. (22 h 45)

Quand vous parlez de Terre-Neuve et du Haut-Churchill - vous en avez parlé dans votre mémoire, des négociations, entre autres - je crois que le Québec et Hydro-Québec sont prêts à négocier. Il faut maintenant que la province de Terre-Neuve elle-même accepte la négociation. Je vais essayer de faire comme vous, je vais sauter un peu rapidement. La collaboration énergétique avec des provinces canadiennes existe aussi déjà. Il serait peut-être bon de l'amplifier. Évidemment, ce sont des choses à étudier parce qu'il y a déjà des interconnexions qui existent et des échanges qui se font avec les provinces canadiennes en matière d'électricité.

Un troisième point, sur le développement des ressources hydroélectriques du Québc, évidemment, je suis parfaitement d'accord. D'ailleurs, c'est la réalité qu'on vit et depuis les quatre jours qu'on est ici, il y a d'autres mémoires qui ont présenté des vues semblables, peut-être pas aussi rapides que les vôtres, mais qui demandaient quand même l'accélération du développement hydroélectrique du Québec. Je pense que quand on parle d'un programme de $55 milliards en dix ans, c'est quand même démontrer qu'on accorde une certaine priorité à l'aménagement hydroélectrique.

Vous soulevez aussi les ventes d'électricité aux États-Unis. Cela se fait déjà, vous le savez également. Hydro-Québec vend déjà ses surplus d'électricité, ses excédents. Est-ce que ce sera possible plus tard? Cela reste quand même dans le domaine des possibilités. Si Hydro-Québec augmentait sa capacité actuelle de façon plus accélérée, cela reste dans le domaine des possibilités que cette croissance du réseau puisse entraîner aussi un excédent de ventes aux États-Unis dans le domaine non pas de l'électricité ferme, comme on l'appelle, mais des surplus d'énergie.

Vous parlez aussi dans votre mémoire du respect des droits des autochtones. Je dois me dissocier un peu de vous là-dessus. Il y a certaines réserves que je me dois de faire sur vos commentaires, particulièrement aussi sur l'environnement. Évidemment, la nature, c'est entier. Il y a des poissons. Il y a des hommes, mais il y a des poissons aussi. Il y a des animaux. Il y a toute une flore et une faune qui existe et qui se complètent. Le développement énergétique doit se faire. Je crois qu'il est possible en même temps de répondre à vos désirs. Le développement énergétique doit se faire, mais il doit aussi se faire en respectant ce qui existe déjà puisque c'est possible de le faire en respectant ce qui existe. C'est peut-être la raison principale dans le cas de la Chamouchouane. Je dirais peut-être que c'est une prolongation. C'est une des raisons, en tout cas, qui faut que le projet va peut-être être un peu plus long à démarrer ou à réaliser que la protection de la ouananiche du lac. Mais il reste que je crois que cette richesse naturelle aussi qu'est la ouananiche et qu'on retrouve, vous le savez, chez nous uniquement, c'est-à-dire du saumon d'eau douce, est importante et que la population, en tout cas, semble y accorder cette importance également.

Dans le cas de la Chamouchouane, les études ne sont pas encore complètement terminées, particulièrement les études environnementales. Il reste qu'il y a des plans qui sont prêts maintenant, je crois, des études sur des sujets d'importance technique et qui devraient permettre de commencer les travaux pour juger ou voir quels sont les résultats des hypothèses de protection de la ouananiche qu'on a posées et qui devraient possiblement commencer en 1981.

C'est évident que la Chamouchouane est un sujet qui nous touche beaucoup, et son développement. Des études ont été commencées en 1970. Cela a été retardé parce que le gouvernement libéral a décidé

de commencer les travaux de la Baie James. On a arrêté, évidemment, à cause de ça, les études sur la Chamouchouane. On les a reléguées à une époque ultérieure. Mais les études sont reprises, les travaux sont commencés. Il y a des auditions qui ont eu lieu. Comme je le disais, il y aura des travaux d'aménagement faunique entrepris très probablement cette année, en 1981.

Si on veut absolument tenir compte de cette richesse comme la masse des citoyens du Saguenay-Lac-Saint-Jean le désirent, c'est évident que ça donne plus de longueur à la réalisation d'un projet. Mais je pense que ça vaut aussi le coup.

Ceci dit, j'aurais peut-être une question supplémentaire avant de passer la parole à d'autres membres de la commission. Vous parlez d'aménager immédiatement toutes nos rivières. Mais aménager toutes les rivières, c'est une difficulté d'abord. Peut-être qu'on peut aller chercher des hommes aux États-Unis ou chercher tous les travailleurs du Québec et des États-Unis, mais il y a aussi l'argent.

Vous dites que la situation financière d'Hydro est excellente; c'est le cas. Mais si on se lançait dans des réalisations d'aménagement de toutes les rivières en même temps, je n'ai pas les connaissances pour le dire, mais, a priori, ça m'apparaît impossible, en termes d'hommes, de travailleurs, de travailleurs de génie, de manoeuvres, et aussi financiers. Aménager toutes ces rivières en même temps et trouver tout l'argent en même temps, ça me semble un peu contradictoire. J'aimerais que vous m'éclairiez là-dessus, s'il vous platt.

Le Président (M. Jolivet): M. Gagnon.

M. Gagnon: Si on envoie un ambassadeur ou quelqu'un d'Hydro-Québec rencontrer tous les États limitrophes du Québec, surtout la Nouvelle-Angleterre, etc., ils seront prêts à fournir l'argent. Bien entendu, je ne montrerai pas à Hydro à faire un contrat; ils doivent être très habiles là-dedans, ce serait remboursable en mégawatts. Pourquoi laisser couler l'eau pour rien? Si les autres sont prêts à fournir des milliards, prenons leurs milliards et donnons-leur des mégawatts en retour, mais pas d'intérêts, pas d'argent, ni rien de ça. S'ils ne consomment pas d'électricité, ils perdront leur argent.

Je me suis informé comme je peux. Naturellement, Hydro-Québec ne me transfère pas ses renseignements à la pelletée. Il est évident que les États-Unis sont prêts à consacrer des dizaines et des dizaines de milliards immédiatement pour faire des études partout et surtout des barrages, parce que ces eaux qui coulent, immédiatement, ces forces-là sont perdues. Elles reviennent, mais elles sont perdues le moment qu'elles passent. Comme je vous ai dit, au départ, les énergies qui sont dans le sol sont bien emmagasinées. On ne doit jamais discuter d'affaires, ni de prix pour ce qui se conserve quand on laisse perdre des énergies. Ce sont des énergies qui se perdent, qu'il faut utiliser, quel que soit le prix, avant de discuter si on va utiliser la force atomique ou encore du pétrole qui est dans le sol, du charbon ou de l'huile.

Or, les États-Unis sont prêts à nous fournir des milliards. Il y a seulement à aller les rencontrer et ils sont intéressés. Bien mieux consacrer des milliards, comme je l'ai dit dans mon texte, à aménager toutes nos rivières que des milliards à tuer et à détruire.

M. Desbiens: On pourrait continuer la discussion longtemps. Je lis la prose de M. Gagnon sur l'électricité depuis 1950 ou autour et il a commencé les batailles de municipalisation à Chicoutimi. Je vous remercie, M. Gagnon.

M. Gagnon: Moi aussi, je remercie mon député.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Merci, M. le Président.

M. Gagnon, je vous remercie pour votre mémoire. Vous couvrez un ensemble de sujets, vous ne les couvrez pas toujours d'une façon orthodoxe. Vous avez des suggestions qui sont un peu particulières à vous dans certaines de vos recommandations. Dans la question de Terre-Neuve, je crois que quand vous dites: Si le contrat des chutes Churchill ne leur donne plus justice, il s'agirait de considérer au moment où le contrat a été fait si c'était un contrat qui a été signé entre deux parties consentantes, si les conditions économiques étaient raisonnables et adéquates, le fait que peut-être aujourd'hui le coût de l'énergie a augmenté, je ne pense pas que cela devrait obliger ceux qui ont pris le risque, soit Hydro-Québec, ils ont pris le risque de leurs investissements, de leurs capitaux, de leur main-d'oeuvre. Je pense bien qu'on pourrait même en toute justice dire que le contrat devrait se respecter et on devrait pouvoir donner de bonnes raisons pour ce faire.

Vous parlez aussi de la communauté...

M. Gagnon (Jean): Est-ce que je peux vous répondre sur ce point?

M. Ciaccia: Oui, certainement.

M. Gagnon (Jean): Pour moi, il n'existe pas de Terreneuviens, il n'existe pas de Canadiens, il n'existe pas d'Américains, il existe des êtres humains. À titre d'être humain, le Terreneuvien, si le contrat le

blesse comme un attelage blesse un cheval, je vais guérir l'attelage, je vais corriger l'attelage. Moi, je suis un être international. Je ne suis pas Québécois, moi, je suis un être humain.

M. Ciaccia: Je vous félicite de votre point de vue. Je pense qu'il y a beaucoup à dire de ce point de vue, comme nous sommes tous des êtres humains, cela ne devrait pas être des frontières artificielles qui nous divisent; alors sur ce point de vue, je vous rejoins. Si je dis que le contrat devrait être respecté, ce n'est pas parce que ce sont des Terreneuviens ou des Québécois, c'est juste le fait qu'on peut justifier que c'est un contrat qui a été dûment signé, qui est juste. L'inverse pourrait se produire. Ce seraient d'autres êtres humains qui seraient lésés plutôt que les êtres humains de l'autre côté de Churchill Falls, ce seraient les êtres humains de ce côté-ci de Churchill Falls qui seraient affectés par une annulation de ce contrat.

Sur ce point, je pense que ce sont des sentiments assez nobles et je suis d'accord avec vous.

Vous parlez de la communauté nord-américaine de l'énergie. Vous savez sans doute que durant l'été de 1979, durant la crise de pétrole iranienne, les États-Unis avaient suggéré au Canada de faire un marché commun pour les ressources énergétiques entre le Canada et les États-unis, parce que les Américains importent presque 50% de leur pétrole, tandis que nous, effectivement - on va augmenter un peu avec les politique de M. Lougheed - jusqu'à dernièrement, on n'importait que 15% de nos besoins en pétrole, et en plus, nous avons des ressources hydroélectriques qui sont assez avantageuses pour le développement économique du Québec.

Quel avantage voyez-vous pour nous d'avoir une communauté nord-américaine de l'énergie quand nous serions clairement désavantagés si cela se produisait? Parce que effectivement toutes les ressources que nous avons en eau, en gaz naturel, même les ressources pétrolières dont nous avons besoin pour notre propre développement, on les partagerait avec nos amis les Américains. Je n'ai rien contre le partage pourvu qu'on en ait assez pour nous-mêmes. On ne voudrait pas avoir les crises qu'ils ont eues dans d'autres pays. Nous ne voudrions pas que cela se reproduise ici. Alors, du point de vue économique et du point de vue des ressources et des approvisionnements et de la sécurité d'approvisionnement, je ne vois pas vraiment l'avantage pour nous, à ce moment-ci, de suggérer une communauté nord-américaine de l'énergie. Je pense que nous sommes bien servis, au Québec, en ayant une communauté canadienne de l'énergie, dans notre accès aux sources canadiennes. Peut- être pourriez-vous apporter un commentaire sur les avantages pour nous d'un marché nord-américain. (23 heures)

Le troisième point que je trouve intéressant, je crois que nous sommes d'accord en termes de développement régional. Vous parlez de la Chamuchouane dans la région du Lac-Saint-Jean. Cela pourrait être un projet très valable suite aux études qu'Hydro-Québec est en train de compléter. Cela pourrait non seulement produire de l'électricité pour le Québec, mais ça aiderait au développement régional de cet endroit, alors cela aurait des retombées économiques assez intéressantes pour des régions qui pourraient bénéficier énormément de ce genre de développement. Pour cette suggestion, je pense que nous sommes tous d'accord à dire que ce serait une bonne direction pour Hydro-Québec.

Le Président (M. Jolivet): M. Gagnon, avez-vous des commentaires?

M. Gagnon (Jean): Un seul commentaire. Vous dites que nous nous appauvririons en énergie si nous partagions avec les Américains, j'accepte l'appauvrissement.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Duplessis.

M. Ciaccia: II va falloir que vous essayiez de convaincre vos concitoyens d'accepter l'appauvrissement.

M. Gagnon (Jean): Je ne suis pas capable, à l'âge où je suis rendu, de raisonner les problèmes autrement que sur l'échelle humaine, et dans le cas américain.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Duplessis.

M. Perron: Merci, M. le Président. J'ai bien aimé la façon dont vous avez présenté votre mémoire, il était très ouvert. Vous parliez tout à l'heure de Churchill Falls, soit CFLCO. Je me rappelle très bien, lorsque je travaillais à Hydro-Québec, à ce moment-là, dans la région de Hull, c'était déjà commencé, si ma mémoire est bonne, en 1965, le contrat a été signé en 1969. À ce moment-là, le contrat était très avantageux, autant pour le Québec que pour Terre-Neuve, parce que les lignes 7031, 7032, 7033 venant vers Baie-Comeau pouvaient ensuite être dirigées vers Montréal, vers les grands centres. Il y a même de cette électricité qui peut servir... Si ma mémoire est bonne, il y a des contrats signés avec l'Ontario au niveau de la pointe.

Il faut bien dire ici que le Québec et Hydro-Québec sont prêts à négocier. Ce qui

arrive, c'est que Terre-Neuve ne veut pas négocier actuellement, elle ne veut pas s'asseoir à la table. On est prêt à regarder toutes les demandes de Terre-Neuve de ce côté, mais il ne faut pas se faire embarquer non plus. Lorsqu'on signe un contrat, je pense qu'il faut le respecter jusqu'à nouvel ordre, jusqu'à ce qu'il y ait des négociations pour en changer la teneur. En 1965, on avait à Hydro-Québec nos propres projets. Il aurait pu y avoir Manic-Outardes, tous ces projets qui auraient pu être devancés, il aurait pu y avoir le projet de la Baie James aussi, qui aurait pu être devancé. Il fallait faire attention parce que, lorsque le contrat a été signé avec CFLCO, le contrat lui-même était avantageux, parce que cela coûtait moins cher à construire que si on avait construit la Baie James, par exemple, malgré que si on avait construit la Baie James à ce moment-là, au lieu de nous coûter $16,500,000,000, elle nous coûterait à peu près $8,000,000,000, 50% de ce que ça coûte actuellement.

Vous avez parlé de dollars américains pour devancer des projets. Je suis bien d'accord pour devancer des projets, j'ai même fait la demande en commission parlementaire de devancer le projet de La Romaine à cause de la conjoncture économique sur la Côte-Nord, spécialement dans le comté de Duplessis: mises à pied, fermeture d'usines. Il y a une chose, c'est qu'il faut tenir compte de beaucoup de facteurs avant d'arriver et commencer à construire des barrages partout et des centrales partout, parce qu'il ne faut pas se ramasser avec des éléphants blancs. Si on a des centrales qui servent seulement à la pointe, durant l'heure du déjeûner, du dîner et du souper, et si on a trop de puissance en force, qu'est-ce qu'on fait avec? Il faut tout de même que ça rapporte.

M. Gagnon (Jean): S'ils ont été payés par les Américains, ils s'arrangeront avec leurs mégawatts.

M. Perron: Ce n'est pas comme cela que ça marche.

M. Gagnon (Jean): J'en fais des contrats, moi. Je passe ma vie dans les contrats. On va leur faire un contrat.

M. Perron: II y a une chose, en tout cas, sur laquelle je ne suis pas d'accord. Dans votre mémoire, vous dites qu'il faut "harnacher" toutes les rivières, qu'il faut qu'on construise des barrages, qu'il faut qu'on construise des centrales. Mais il faut penser, par exemple, à la question de l'environnement, à la question de l'écologie. Le saumon, je ne sais pas si vous en avez beaucoup dans votre région, mais il y en a quand même un maudit paquet sur la Côte-Nord. Si ma mémoire est bonne, il y a 23 rivières à saumon. Il faut regarder quelle sorte d'impact cela va avoir sur l'écologie de ce côté. Vous avez aussi des droits qui sont existants et, en tout cas, qui ne sont pas clairs en rapport avec les Amérindiens. Ce sont des choses qu'il faut regarder. On n'est pas pour arriver, comme je le disais tout à l'heure aux intervenants avant vous, et marcher sur la tête de tout le monde parce qu'on veut construire des barrages et donner des emplois à tout le monde.

M. Gagnon (Jean): C'est ce que je dis, moi. Mettez le monde à l'ouvrage. Faites les travaux pour l'écologie. Faites tous les travaux. Faites toutes les rivières en même temps. C'est bourré de chômeurs. La province, c'est du chômage complet. Mettez-nous a l'ouvrage. Attelez-vous sur toutes les rivières et dans tous les coins et prenez les milliards. L'argent, c'est fait pour être dépensé. Plus on en dépense, plus on en fait.

M. Perron: Écoutez, je ne veux pas m'éterniser là-dessus. C'est le dernier commentaire que je vais faire, mais on parle de projet de $55 milliards actuellement. De la façon que vous vous voulez ça, ce n'est pas $55 milliards que cela prendrait, c'est $250 milliards.

M. Gagnon (Jean): C'est $555 milliards, mais on les paiera en mégawatts. On ne peut pas être attrapé.

Le Président (M. Jolivet): Merci, M. Gagnon.

M. Perron: Merci.

Le Président (M. Jolivet): M. Gagnon, je sais que vous devez quitter rapidement. Donc, merci d'être venu. M. Pierre Marissal, vous êtes demandé à l'avant. Pendant qu'il s'approche, je donne l'horaire de demain: Fédération des travailleurs du Québec, Dominion Bridge-Sulzer Inc., Association Environnement Archipel, Conseil Atti-camègues-Montagnais, Corporation des maîtres électriciens du Québec, Conseil régional de développement de l'Abitibi-Témiscamingue; pour dépôt seulement, Comité d'environnement Alma Inc., Chambre de commerce de Sept-Îles, ce qui fait demain huit mémoire. Moins un qui est un dépôt, cela donnera sept mémoires à entendre demain et un mémoire a été enlevé de la liste. Je pense que c'est Radio-Québec Côte-Nord qui s'est désisté, qui ne viendra pas. Donc, c'est l'horaire de demain qui va terminer l'ensemble de nos travaux pour les six jours. M. Marissal, la parole est à vous.

M. Pierre Marissal

M. Marissal (Pierre): Merci, M. le Président. Je voudrais d'abord remercier la commission d'avoir bien voulu m'entendre en dépit du fait que je n'ai pas fourni les 100 exemplaires de mon mémoire. Du fait que je me présente à titre personnel, cela aurait supposé des dépenses qui excédaient mes moyens. Maintenant, je dois déplorer l'absence de M. Fortier parce que j'avais de la matière à traiter avec lui. Il n'est pas là.

Le Président (M. Jolivet): Je pense que M. Fortier avait un engagement et, à ce moment, M. le député de Mont-Royal devient le critique officiel de l'Opposition.

M. Marissal: La chaise est encore chaude d'un humaniste haut en couleurs. Je vais aborder le sujet un peu sous le même angle. À titre personnel, on ne peut pas faire de batailles de chiffres et de statistiques avec un organisme comme Hydro-Québec. C'est une question de moyens. Ce sera plutôt une approche sociale humaine, avec comme principaux outils le gros bon sens et un souci d'une démarche authentiquement démocratique. Je voudrais d'abord souligner un point qui est commun entre nous autres consommateurs et Hydro-Québec, c'est que nous devons, l'un et l'autre, boucler notre budget. Pour ce qui est des engagements financiers d'Hydro-Québec, bien sûr qu'il est question de grands projets. Cela demande une décennie de planification. La Baie James, par exemple, a été planifiée pendant la décennie soixante, alors que l'énergie était bon marché.

En 1973, il y a eu le coup d'envoi de la montée des prix du pétrole. Étant donné le volume des investissements d'Hydro-Québec, il y avait l'obligation d'accrocher la tarification de l'électricité au convoi en folie des coûts des hydrocarbures. On en arrive à un point où il est impossible d'interrompre les travaux, à titre temporaire parce que de toute façon, le coût du pétrole ne baissera pas et définitivement parce que ce n'est même pas envisageable, c'est irréversible. Nous sommes donc nous, Hydro-Québécois, condamnés à poursuivre. Il y a eu beaucoup d'idées, de suggestions, d'approches déjà exposées devant la commission, mais peu ou pas d'approche sociale. Pourtant, tous les Québécois sont embarqués dans la galère par leur consommation d'électricité. Donc, l'énergie électrique, c'est un bien commun.

En prenant connaissance des comptes rendus des travaux de cette commission, on éprouve une sensation de vide; on produit et on produira beaucoup d'hydroénergie, mais il semble qu'on ne saurait trop quoi en faire. On parle même de surplus temporaire. C'est une attitude négative qui conduit à des hypothèses de bon débarras comme la seconde aluminerie projetée par Péchiney-Ugine ou la fourniture d'électricité aux États de la Nouvelle-Angleterre. Soit dit en passant, les Américains ne sont pas forcément intéressés à notre électricité parce que, ce sur quoi les compagnies hydroélectriques américaines peuvent faire du profit, c'est précisément sur la production d'énergie. Donc, si on la produit à leur place, les compagnies distributrices ne peuvent pas prendre de profit. C'est pour cela qu'on a vu dans les journaux qu'il était dit que les politiciens étaient peut-être plus empressés que les industriels.

Donc, les Québécois sont des bailleurs de fonds otages des grands travaux et on envisage de brader le produit de leur investissement forcé. Ces grands travaux exigent un déploiement considérable de matière grise pour la conception et la réalisation. Il est indispensable d'en investir autant et davantage dans la rentabilisation sociale des kilowatts produits. À ce stade, la question n'est plus comment, mais pour qui? L'électricité est une source énergétique dépréciée dans les esprits, elle souffre de la présence du pétrole, produit miracle, elle ne se stocke pas, elle est cantonnée à des utilisations sectorielles.

Premier travail de réflexion: Explorer tous les domaines consommateurs d'énergie et tenter d'y adapter l'électricité. Explorer toutes les avenues conduisant au stockage de l'hydroénergie. Exemple: Chauffage de groupes de maisons, d'immeubles en partant d'immenses cuves chauffe-eau. Avantage subsidiaire: Chauffage assuré pendant les pannes. Cette première démarche débouche sur un changement de mentalité à l'endroit des possibilités de l'hydroénergie. Il devient possible de dételer le wagon hydroélectrique du convoi pétrolier alors même que les coûts des hydrocarbures continuent de grimper à cause des décisions politiques de l'OPEP, de l'épuisement progressif, de l'extraction de plus en plus onéreuse.

Ces points acquis, on débouche sur une rentabilisation sociale exponentielle des investissements hydroélectriques puisque le processus de réflexion n'est limité que par le non-intérêt ou une approche négative. Il n'est que juste de rendre à César ce qui lui revient de droit. Les Québécois doivent recevoir les dividendes de leurs investissements hydroquébécois. Pour ce faire, on doit avoir pour objectif la création d'un nombre maximum d'emplois permanents, le développement d'une technologie hydroélectrique tous azimuts en rapport avec le volume de kilowatts produits, l'affranchissement de la société québécoise à l'endroit du pétrole importé. Les chercheurs des grands secteurs technologiques édifient presque toujours des tours d'ivoire au sommet desquelles - circonstances aggravantes - ils "chaussent" des oeillères. Dire que les facteurs social et humain n'entrent que rarement dans leurs équations

est un euphémisme. Leurs compétences de scientifiques ne sont pas contestées ici, il est tout de même permis de déplorer ce déploiement cérébral de la recherche pour la recherche dénué de contenu humaniste.

J'ai visité l'IREQ l'automne dernier et j'en suis ressorti impressionné, mais déçu de cette unique éolienne poussive installée sur le toit de l'immeuble administratif. Maintenant, on fait grand cas du Tokamak dont l'IREQ est en train de se doter. Je persiste à croire que la recherche est autant affaire de philosophie que de technologie. Avant de se lancer dans la recherche scientifique, il convient de définir quel type de société elle va servir. Actuellement, nous menons la recherche et nous modelons la société pour y intégrer les résultats de ladite recherche. N'est-ce pas mettre la charrue devant les boeufs? L'IREQ n'échappe pas à cette aberration des fins de la science. Dans le secteur privé, la prépondérance des moyens sur la fin se peut concevoir par l'obligation de réaliser des profits. Une société d'État, et plus spécifiquement HydroQuébec, ne peut se soustraire à ses responsabilités sociales. Le souci de mettre à profit les connaissances scientifiques de ses chercheurs ne justifie pas la direction d'Hydro-Québec de négliger des voies qui, pour être moins prestigieuses, n'en sont pas moins nobles. Il est essentiel d'élargir l'horizon de la société d'État par l'apport de sang et d'idées neufs. L'expérience a prouvé que la conception de son rôle dans la société québécoise souffre de l'absence d'une vision multidirectionnelle de ce que doit être ce rôle.

L'engagement irréversible de la société québécoise dans l'aventure hydroélectrique exige cette contrepartie, faute de quoi les Québécois pourraient bien être amenés à déclarer une faillite collective à l'issue de la décennie 80. (23 h 15)

Abordons maintenant l'hydroélectricité nucléaire. Pour le Québec, particulièrement, cela répondrait plus à des considérations politiques - ce qui équivaut à entrer dans le club atomique - qu'à des besoins réels. La fission nucléaire ne produit d'ailleurs que de l'électricité, la même que celle produite par la houille blanche. Souci pour Hydro-Québec de ne pas perdre ses chercheurs du domaine nucléaire; souci de l'industrie nucléaire canadienne de tourner, par les commandes domestiques, hors de la très dure concurrence internationale.

Puisque nous sommes au domaine nucléaire, je voudrais m'adresser plus spécifiquement à M. Fortier. Je voudrais savoir ce qu'il pense du nouveau moratoire que M. Bérubé a évoqué, la semaine dernière. Il y a également la position personnelle que M. Fortier a prise et qui a été rapportée dans le Devoir du lundi 2 février; M. Fortier m'excusera si je le cite mal, ce serait le journal qui serait en cause à ce moment-là. Vous avez parlé d'une position personnelle. Dans un gouvernement libéral, il est probable que vous deviendriez ministre de l'Énergie. Est-ce qu'on peut dire que cette vue personnelle deviendrait une politique ministérielle? Est-ce qu'on peut raisonnablement le penser?

Je voudrais aussi évoquer les difficultés de Pointe Lepreau, au sujet des coûts et des retards. La vie moyenne d'une centrale nucléaire est de 30 ans.

Je voudrais aussi souligner que, depuis le début de l'aventure nucléaire dans le monde, ç'a été le silence total sur les incidents qui ont pu se produire.

Or, à partir du 28 mars 1979, c'est-à-dire la date de la presque catastrophe de Three Mile Island, on a assisté à une avalanche de révélations ayant trait à des incidents qui se sont produits dans des centrales partout dans le monde. Un peu comme si on avait voulu saturer les gens d'informations en leur disant: Voyez-vous, il y a eu des presque accidents, mais on est toujours capable de les contrôler. Donc, ça remettait en cause l'infaillibilité de l'énergie nucléaire, mais ça disait aussi: Ne vous inquiétez pas, nous avons la situation en main et il ne peut pas arriver autre chose que des accidents mineurs.

Dans le cas d'une société nucléaire, on peut évoquer le terrorisme, et qui dit terrorisme dit mesures policières. Une société hautement nucléarisée, ça débouche sur une société policière. On peut évoquer le triste événement qui s'est produit récemment en Espagne, l'assassinat de José Maria Ryan. On peut dire à ce sujet qu'on verrait mal les terroristes s'attaquer aux occupants de maisons solaires.

Admettez-vous que les propos qualifiés d'alarmistes des antinucléaires sont largement compensés par le poids économique de l'industrie nucléaire?

Avec les effets de l'inflation, il s'est produit une augmentation incontrôlable de coûts, du fait de la durée des travaux, de la complexité de la technologie, des défectuosités à corriger avant même la mise en exploitation. À ce sujet, les Américains en sont bien revenus du nucléaire; c'est peut-être ce qui explique leur engouement pour le solaire, notamment.

Sans vouloir entrer dans les détails techniques, parce que je ne vous suivrais pas, je voudrais quand même aborder le rendement de Carnot et j'aimerais avoir une confirmation des chiffres que je vais avancer et qui viennent du professeur LeBreton, qui est un professeur de biologie à l'Université de Lyon. Il avance que la centrale thermoélectrique classique a un rendement de Carnot de 45%, tandis que la centrale nucléaire en a un de 25%. Rien que pour

cette raison, dans l'esprit de ce scientifique, le recours au nucléaire est absolument à proscrire, sans même parler des conséquences autres.

Dans l'article que je citais tout à l'heure, vous avez dit: "II sera très difficile au Québec d'éviter le choix nucléaire." Je ne voudrais pas recommencer l'algarade qui a eu lieu cet après-midi, mais je voudrais tout de même vous poser cette question: Venant de l'ancien président de Canatom, cette affirmation peut-elle être acceptée pour argent comptant ou bien cette forme de fatalisme viendrait-elle de l'existence de centrales nucléaires hors Québec et dont les retombées nous affecteraient de toute façon, sans égard aux frontières politiques?

Il y a un autre point. Cela vient d'une de vos interventions de cet après-midi. Si la sévérité de la Commission de contrôle d'Énergie atomique du Canada est dix fois, cent fois plus grande qu'il y a dix ans, ne peut-on pas admettre que dix ans d'expérience ont amené les experts à découvrir des problèmes dont on n'avait même pas conscience il y a une décennie? Cent fois plus sévère, c'est énorme.

Il y a aussi une chose que je voudrais souligner. Les défenseurs du recours au nucléaire semblent toujours reprocher aux antinucléaires leur émotivité. C'est la rationnanté contre l'émotivité, si vous voulez. C'est celui qui sait contre celui qui ne sait pas. C'est le savoir contre l'ignorance. Cependant, la menace nucléaire, c'est quelque chose de nouveau. Dans l'histoire de l'humanité, cela n'a jamais existé et, face à cela, même les plus grands savants du domaine ne peuvent pas affirmer qu'il n'y aura pas un jour une catastrophe majeure. C'est un danger qui reste inconnu, et on en arrive à des choses comme cela s'est produit pas plus tard qu'hier, et c'est dans le journal d'aujourd'hui: un affrontement antinucléaire à Hambourg qui a regroupé au minimum 50,000 participants; il y a eu un affrontement avec 20,000 policiers. Il y a eu des centaines de blessés, 127 blessés dans les rangs de la police dont sept blessés graves. C'est bien sûr que ces gens ont réagi de façon émotive, mais 50,000 personnes, c'est la population de la ville de Sherbrooke. Ces gens ne se sont pas déplacés pour rien. C'est peut-être émotivement, mais il y a forcément une base à ça, il y a forcément une raison. Ce n'est pas sans fondement. Comme toute rumeur, il y a une cause. Ce sont des questions que je poserais plus spécifiquement à M. Fortier.

J'ai débordé pas mal le contenu de mon mémoire. On pourrait peut-être y revenir brièvement sans le lire. Ce que je voudrais dire, c'est qu'on est embarqué avec HydroQuébec dans le même bateau, pour ne pas dire la même galère. On n'a plus le choix. On produit de l'électricité, mais, s'il vous plaît, ne la vendons pas sans créer d'emplois, soit à une aluminerie, soit à des consommateurs nord-américains. S'il y a des surplus, cela fonctionne déjà et cela continuera de fonctionner, mais mettons-nous au travail, imaginons un comité multidisciplinaire - cela a été évoqué cet après-midi, je le reprends, je l'avais dans mon mémoire - avec des universitaires de toutes tendances, de toutes disciplines, mais, autant que possible, des scientifiques doublés d'humanistes, des gens qui vont penser peut-être quelquefois social, humain, avant économique. Mettons-nous au travail et essayons de rentabiliser le plus près possible de 100% les kilowatts produits. N'essayons pas de nous en débarrasser en disant: Coudon, ça ne se stocke pas. On a l'occasion de le vendre, même si c'est à vil prix, faisons-le. Non.

Si on est capable de définir au niveau gouvernemental un grand dessein collectif, on est capable de passer au travers de ce genre de problème. Il y a déjà un pas qui a été fait, mais les politiques gouvernementales se font coup par coup, c'est-à-dire qu'elles sont très proches de l'opinion publique. Pour cette fois, il faudrait dépasser cela avec dans l'idée qu'à partir de 1985 on va connaître une crise énergétique majeure du fait du déficit de l'approvisionnement pétrolier, déficit physique entre l'offre et la demande et le fait aussi que les gisements vont devenir de plus en plus difficiles à exploiter. Quand on parle du gisement Hibernia, on dit qu'on va créer des îles artificielles de milliers de tonnes pour faire échec aux icebergs qui, eux aussi, pèsent des milliers de tonnes. On dit: On va peut-être fonctionner avec des sous-marins, avec des submersibles pour amener le pétrole à la côte. On dit aussi: On va peut-être mettre en place des dispositifs qui seront capables, dans les quinze minutes, de quitter les lieux, parce qu'il y aussi des tempêtes avec des vagues de 20 mètres de hauteur. Il y a deux courants qui se rejoignent et le bouchon de ciment se fait automatiquement, et quand arrive la catastrophe, il n'y a plus rien qui dépasse et les bateaux sont partis.

Mais quand on parle de ça, on est proche de la catastrophe. Les gens de Terre-Neuve ne sont pas prêts à embarquer dans ce bateau, parce qu'ils disent: Si jamais il y a une catastrophe du genre Ixtoc dans le golfe du Mexique, c'est fini pour la pêche et c'est fini pour les Terreneuviens. Alors, là il y a déjà - pourtant c'est un gouvernement -un effort de réflexion. Le gouvernement de Terre-Neuve a mis les compagnies en demeure de lui fournir des plans de marche des différents projets avec l'assurance qu'il ne se produirait pas de catastrophe majeure.

Pour en revenir à l'utilisation optimale de l'électricité produite, je disais qu'un projet avait vu le jour. Ce sont les lignes

suburbaines électrifiées dans les emprises des compagnies ferroviaires actuelles. Mais il faudrait définir un projet global et avoir assez d'audace pour se demander si ça vaut encore la peine de considérer la société de consommation comme autre chose qu'une carapace de homard dont on a mangé les chairs. C'est fini, la société de consommation, elle est moribonde. Faut-il se dire aussi: Au Québec, on n'a pas d'industrie automobile, comme telle, à part les 4000 personnes qui travaillent à produire des automobiles à Sainte-Thérèse et qu'on pourrait facilement recycler, pourquoi ne pas prévoir, ne pas envisager un système de transport collectif à l'aide duquel il est beaucoup plus facile de consommer des kilowatts?

M. Gagnon, je crois, qui m'a précédé, disait: À Hydro-Québec, travaillez et trouvez des batteries d'accumulateurs qui soient capables de recevoir l'électricité et qu'il ne faille pas les rechanger toutes les demi-heures et ainsi de suite. Mais il est beaucoup plus facile de faire rouler un train ou, enfin, un convoi ferroviaire à l'électricité que des véhicules particuliers. Il est aussi beaucoup plus facile de rentabiliser l'exploitation de ces convois, parce qu'une automobile particulière, finalement, vous allez l'utiliser une ou deux heures par jour, seul, alors que souvent, elle comporte quatre ou six places et le reste du temps, elle est là et elle dort. Cela a pris de l'énergie pour la fabriquer. C'est le plus grand gaspillage qu'on puisse imaginer.

Alors, si on était capable d'envisager ce fameux grand dessein et de dire: On l'applique énergiquement, pas de façon coercitive, non, mais que le gouvernement y croit et qu'il en fasse la promotion, comme il peut la faire pour d'autres sujets. Je suis bien sûr que l'opinion publique va suivre. Il faudrait créer une commission qui étudierait les coûts comparés de ce que ça coûte actuellement pour exploiter une automobile particulière et de ce que ça coûterait à un abonnné de ces réseaux de transport collectif qu'on pourrait très bien imaginer intégré, c'est-à-dire comme la carte autobus-métro, la CAM de la CTCUM. On pourrait envisager d'avoir une carte d'abonné qui permettrait d'aller de Chicoutimi à Hull en passant par Rouyn-Noranda en ayant un montant mensuel à acquitter.

Donc, si on est assez audacieux pour ça, les travaux de la commission qui étudierait ces coûts comparatifs pourraient être publicisés presque à mesure. On pourrait aussi créer une zone pilote dans une banlieue dortoir proche de Montréal, par exemple, où on pourrait, à une échelle réduite, déjà, mettre en place ce genre de système de transport collectif intégré, donner des rapports vécus à la population. Comme les gens sont toujours - et c'est bien normal, comme je le disais au début - soucieux de boucler leur budget, si on leur montre que d'utiliser les transports publics intégrés avec des correspondances qui correspondent, avec des fréquences suffisantes pour que ce soit exploitable, avec des petits véhicules qui pourraient amener les gens de leur domicile au point le plus proche de ramassage, soit d'un métro, d'un suburbain ferroviaire ou d'un autobus, ou d'un trolleybus, peu importe, je pense bien qu'ils y réfléchiraient deux fois avant de conserver leur auto ou avant d'en acheter une autre. (23 h 30)

L'automobile, c'est le moyen le plus sûr de se ruiner et on voit aujourd'hui des gens qui, pour conserver leur moyen de locomotion, sont obligés de se séparer de leur maison. On peut inverser le mouvement et on peut en arriver à ce que les gens... En fait, l'automobile répond à un faux problème, il y a un besoin de déplacement et on y répond par la possession d'une automobile dont on se sert 2 heures sur 24. Je sais que c'est bien pratique, je suis venu à Québec aujourd'hui en auto et j'ai trouvé cela bien commode, mais il y a peut-être moyen de sensibiliser les gens. Cela leur permettrait peut-être de garder leur maison et il y en a d'autres qui pourraient peut-être envisager l'accession à la propriété, ce qui donnerait un sérieux coup de main à l'industrie de la construction qui est pas mal en déclin.

Maintenant, pour la construction, pour la réalisation de tous ces éléments...

Le Président (M. Jolivet): Je ne voudrais pas vous importuner, mais si c'était possible de terminer votre exposé pour qu'on puisse poser les questions.

M. Marissal: D'accord.

Le Président (M. Jolivet): Parce qu'il y a encore un autre groupe après vous.

M. Marissal: Quand on est sur les rails, c'est difficile de s'arrêter. Enfin, c'était l'essentiel de mon propos. On ne peut pas revenir en arrière avec les travaux d'Hydro-Québec, au moins pour ceux qui sont engagés, c'est quasiment impossible.

Donnons à l'électricité une importance telle qu'on va être capable de se détacher de l'hypothèque du pétrole. Je ne sais pas -on peut citer un chiffre - si on était capable d'assumer 50% ou 60% de nos besoins énergétiques à l'aide de notre électricité, à l'aide de notre eau, je pense que ce serait déjà un magnifique objectif.

Merci, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Bérubé: Merci, M. le Président.

M. Marissal, je voudrais d'abord vous remercier d'avoir accepté en votre nom personnel de venir témoigner de vos préoccupations face au défi énergétique que doit relever le Québec et en même temps, d'exprimer un certain nombre de préoccupations face à la conservation de l'énergie, face à une utilisation beaucoup plus rationnelle, face à certains choix de la société que nous devons effectivement discuter.

Je pense que cette commission parlementaire, sans être le mécanisme parfait - il n'y en a pas de mécanisme parfait - est néanmoins une occasion assez exceptionnelle de converser un peu avec tous nos concitoyens et d'échanger sur ces questions. Je tiens à vous remercier du témoignage que vous apportez à l'importance de ces travaux.

Étant donné que nous avons malheureusement un autre mémoire, que nos règlements de l'Assemblée nationale nous obligent à finir à minuit et que je ne voudrais pas priver le groupe suivant de sa représentation, je vais vous poser quelques brèves questions.

Votre mémoire m'a frappé en ce qui a trait, soit à l'exportation de l'électricité, soit à l'implantation, par exemple, d'une aluminerie; vous parlez de Péchiney-Ugine comme étant un exemple de décision à ne pas prendre. Ma question serait donc en deux volets, la première: S'il était possible d'aménager une rivière dont nous n'aurions pas besoin, en toute connaissance de cause, avant 20 ou 25 ans et que nous pourrions, à ce moment, l'aménager en faisant payer les frais d'aménagement par un autre que nous, de telle sorte que nous n'aurions pas à faire endosser par le consommateur québécois d'électricité les frais additionnels de l'aménagement, jusqu'à ce que cette rivière nous soit retournée pour notre propre consommation du moins, est-ce que vous verriez d'un bon oeil l'exportation de cette énergie plutôt que de laisser couler cette rivière, sans qu'on en retire le moindre avantage économique?

Ma deuxième question serait la suivante. Si nous voulons utiliser l'électricité comme facteur de localisation de l'industrie au Québec, il faudra que le coût de l'énergie soit un facteur structurant de cette industrie. Si l'énergie dans un secteur industriel ne représente que 1%, 2%, ou 3% des coûts de production, même avec de l'énergie à bon marché, il est peu probable que l'on puisse amener une industrie à se localiser chez nous plutôt qu'ailleurs puisque, finalement, l'apport énergétique ne sera peut-être pas le facteur de localisation par excellence. Si nous voulons donc utiliser notre ressource énergétique à des fins d'attraction de l'investissement, il y a des chances que nous devions sélectionner des industries pour lesquelles l'énergie représente un coût appréciable, en d'autres termes, que l'énergie donne un avantage comparatif à cette entreprise. Si nous suivons cette logique, nous serons presque fatalement amenés à considérer des industries énergivores du type de l'aluminerie.

Est-ce vous voulez dire par là que nous ne devrions pas chercher à attirer au Québec des industries pour lesquelles l'électricité serait un facteur de localisation? Je ne sais pas si ma question est suffisamment claire. De deux choses l'une: ou l'électricité est importante dans les coûts de production de l'entreprise et nous pouvons faire miroiter la présence de l'électricité québécoise pour attirer cette entreprise ou, au contraire, ça ne représente aucun facteur important dans l'ensemble des coûts de l'entreprise, auquel cas vous pourrez avoir n'importe quel tarif d'électricité et où ce sera très difficile d'amener une entreprise à s'implanter chez nous.

Cela veut donc dire que si nous voulons utiliser notre électricité pour attirer une entreprise, il faudra que l'électricité représente un facteur important des coûts. Si tel est le cas, il y a des chances que le type d'industrie dont on parle soit du type de celle de l'aluminerie. Comment, en ce cas, voyez-vous l'électricité comme facteur d'industrialisation au Québec?

Le Président (M. Jolivet): M. Marrissal.

M. Marrissal: Merci, M. le Président. Je répondrai d'abord à la première question. En somme, ça reviendrait à une sorte de jeu où tel ou tel client dirait: Moi, je voudrais cette rivière. Ce n'est pas impossible, mais je pense que cette conception se rattache plutôt, justement, à l'aspect négatif que l'on a vis-à-vis de l'électricité. Si on envisage de l'utiliser à notre profit pour créer le maximum d'emplois, je pense que, à un moment donné, on va avoir aménagé toutes les rivières et il va nous manquer de l'électricité. C'est une considération d'ordre personnel, pas du tout chiffrée ni chiffrable, mais je ne peux pas vous répondre plus que cela.

Pour ce qui est des industries énergivores, le malheur avec ces industries, c'est qu'en dépit des investissements considérables que cela suppose, ça sous-tend très peu d'emplois, finalement, et surtout très peu d'emplois permanents, parce qu'on va construire l'usine, ça va faire travailler un certain nombre de personnes, mais, ensuite, c'est du presse-boutons. Plus c'est gros, plus on automatise, pour des raisons de productivité, à cause de la peur des grèves, les machines n'ont pas de vacances, elles ne tombent pas malades, etc., c'est l'avenir. On peut toujours vendre de l'électricité. Les surplus, ça peut se faire au niveau des États

du nord-est des États-Unis, mais les industries énergivores ne viendront pas si on ne leur assure pas une fourniture permanente. Il se peut qu'à un moment donné, cette hypothèque posée sur ce volume d'électricité fasse qu'on soit déficitaire pour les besoins domestiques.

Le Président (M. Jolivet): M. le député d'Outremont.

M. Fortiert M. Marrissal, merci de votre intervention. Vous soulevez des problèmes qui vont à la racine même des problèmes énergétiques. Vous m'avez posé certaines questions, je vais tenter d'y répondre très brièvement, et ça me fera extrêmement plaisir de vous rencontrer en d'autres occasions, compte tenu des limites de temps que nous avons ce soir.

En ce qui concerne la position du parti auquel j'appartiens, c'est très clair, cela a toujours été la position du parti libéral depuis plusieurs années, soit de développer nos ressources hydroélectriques. On a commencé par la Baie James, et il y en a d'autres à aménager. Dans le projet de programme qui est en discussion et qui sera adopté prochainement, nous favorisons l'examen public des implications du nucléaire. Je dis favoriser l'examen public, autrement dit, avoir un examen public ou un débat public. Pourquoi? Je pense que tout le monde s'entend pour dire qu'en déplaçant le pétrole, nous allons utiliser, bien sûr, davantage d'hydroélectricité. Tous s'entendent également pour dire que - nous en avons discuté toute la semaine dernière - à une date à déterminer et qu'Hydro-Québec place, je crois, vers 1995, il semble que le nucléaire pourrait produire de l'électricité à un coût compétitif avec les rivières qu'il nous restera à aménager à cette date. À quelques reprises, le ministre a évoqué, je crois, une date qui va au-delà de l'an 2000, mais si on se reporte aux projections faites par Hydro-Québec, il semblerait que cette date soit plus tôt que ça. Dans tout débat énergétique, bien sûr, j'ai toujours dit, quand j'étais dans le secteur privé, que les politiciens étaient en conflit d'intérêts. Vous savez, on accuse souvent les gens de l'industrie d'être en conflit d'intérêts. J'ai toujours dit au ministre qui précédait celui qui est là présentement, alors que je le rencontrais, que les politiciens sont en conflit d'intérêts. Par exemple, M. Bérubé, dans le moment, doit faire face à une élection qui s'en vient. Les politiciens ne sont pas toujours les gens les mieux placés pour prendre des décisions dans le domaine énergétique parce que se sont toujours des décisions à très long terme. C'est toujours un danger que les politiciens, à la veille d'une élection, disent des choses qui ne soient pas dans le meilleur intérêt du

Québec.

Pour ma part, c'est la raison pour laquelle je crois qu'il faut examiner ces choses en public. S'il est vrai, comme Hydro-Québec le dit, qu'en 1995 il faudra considérer d'autres formes d'énergie, à ce moment il faut absolument faire un examen public parce que ce sera peut-être nécessaire, mais il est bien sûr que toute décision dans ce domaine doit être une décision démocratique et politique. Ce n'est pas une décision technocratique; il faut que ce soit une décision politique. Je crois que, jusqu'à maintenant, en tout cas, nous étions le seul parti à défendre cet examen public. La raison pour laquelle il faut absolument le faire, c'est qu'il faut que le public soit informé des formes alternatives d'énergie pour voir si on doit, on peut, quels sont les dangers.

Vous avez fait allusion, justement en parlant de dangers, au fait que, s'il y a de l'exploration pétrolière au large de Terre-Neuve, le gouvernement de Terre-Neuve va chercher à obtenir des assurances maximales pour éviter qu'une catastrophe semblable à celle qui est arrivée dans le golfe du Mexique n'arrive. Vous savez, il n'est pas nécessaire d'être grand clerc ou d'être expert pour dire qu'il n'y a personne qui va être capable de fournir une assurance à 100%, que ce soit dans la mer de Beaufort, dans le golfe du Mexique ou au large de Terre-Neuve.

Tout ça pour dire qu'à mon avis un examen public des différentes formes d'énergie va révéler, comme la catastrophe du golfe du Mexique l'a prouvé et comme l'incident de Mississauga l'a prouvé également, que toutes les formes d'énergie impliquent des dangers. Ce sont des dangers qu'il faut tenter de mesurer et qu'il faut tenter d'évaluer en public.

Ceci dit, la position que j'ai prise dans le journal et à laquelle vous avez fait allusion, j'ai tout simplement dit, en résumé, ce que je viens de vous dire, à savoir qu'il va falloir faire des choix. J'ai simplement dit que, si c'est, dans un sens, une décision démocratique et politique, c'est-à-dire faite avec concertation, discussion publique et tout ça sur les économies d'énergie et s'il n'y a pas d'autres formes d'énergie, si les énergies nouvelles ne peuvent pas nous amener la quantité d'énergie que certains semblent pouvoir leur attribuer, à ce moment, ce serait peut-être une option. Je l'ai évoqué comme une option et c'est une option qu'il faut discuter. C'est la raison pour laquelle le parti politique auquel j'appartiens a mis dans son programme qu'il fallait en discuter publiquement avant même de pouvoir prendre une décision politique à ce sujet.

Le Président (M. Jolivet): Merci. Est-ce qu'il y a d'autres questions? M. Marissal, je

voudrais...

M. Marissal: Oui. Je voudrais brièvement poser une question pour aller plus au fond des choses. Dans l'article que je citais tout à l'heure, il y a un point qui me déplaît souverainement. Je vais lire le paragraphe, il est très court. Au cours d'une entrevue, le critique officiel de l'Opposition a indiqué qu'un gouvernement libéral consulterait la population sur tout le dossier énergétique, mais est contre la tenue d'un référendum pour trancher la question. C'est pour cela que je vous demandais tout à l'heure si, dans la peau d'un ministre de l'Énergie, ces considérations d'ordre personnel deviendraient une politique ministérielle, parce que je crois que, pour un sujet aussi grave que celui-là et après les précédents d'autres pays à travers le monde, il ne s'agit pas seulement d'informer les gens, parce que c'est facile de faire une information biaisée ou tronquée ou par omission, mais, finalement, on donne une bonne information et ensuite on interroge les gens. C'est cela, le processus démocratique. Le référendum, c'est un processus démocratique. Je crois que, sur un sujet aussi grave que celui d'engager le Québec sur la voie du nucléaire, on ne peut pas ne pas recourir au référendum. (23 h 45)

M. Fortier: Tout ce que j'ai à dire en réponse à cela, c'est que vous devriez savoir - M. le ministre Bérubé pourrait me le confirmer - que ce soit au sein du Parti québécois ou du Parti libéral, ce n'est pas tout le monde qui est du même avis. Il faut bien comprendre les limites, le pouvoir même d'un ministre dans une question aussi importante que celle-là. On peut prendre n'importe quel domaine extrêmement important, au sein d'un cabinet, un ministre seul ne peut pas faire la différence dans un débat aussi lourd. Ce serait ridicule de la part d'un premier ministre, quel qu'il soit, de se laisser manoeuvrer dans un contexte et sur un sujet aussi important que celui-là. C'est pour cela que je crois que, premièrement, il faut mettre une sourdine à votre crainte. Qu'un ministre, quel qu'il soit, puisse prendre des décisions aussi importantes sans avoir l'appui du cabinet qui représente toutes les couches de la société et les différents secteurs de la société, c'est quelque chose d'impensable.

La remarque que j'avais faite au sujet du référendum ne tenait pas tellement au nucléaire comme tel. Elle tenait, à mon avis, à ce que le processus décisionnel du régime britannique dans lequel nous vivons fait plutôt appel à des prises de décision qui n'impliquent pas le référendum. Ceci dit, on verra dans le temps comme dans le temps. J'exprimais une préférence en disant: On discute d'une nouvelle constitution. Est-ce qu'à chaque fois qu'on va parler de décisions importantes dans le domaine constitutionnel, il faudra absolument faire un référendum? D'ailleurs, le Parti québécois a dit que, même s'il y avait des négociations prochainement à ce sujet, il n'aurait pas recours à ce référendum. Il y a une limite.

Il y a plusieurs sujets très importants lorsqu'un gouvernement gouverne le pays. Il y a tout de même une limite au nombre de référendums qu'on peut faire. Ceci dit, je suis d'accord avec vous et je reconnais l'importance du sujet. Il faudrait faire en sorte que la population soit réellement impliquée, que ce ne soit pas seulement un cataplasme ou une illusion de consultation, et faire en sorte que le gouvernement aille réellement chercher les renseignements. Je crois finalement que, si on donne l'information au peuple, le peuple va comprendre les choix. Il ne faut pas prendre le peuple pour ce qu'il n'est pas. Je crois que, bien informé, informé d'une façon adéquate, le peuple va être capable de s'exprimer sur ce sujet comme il peut s'exprimer sur bien d'autres sujets.

Le Président (M. Jolivet): M. Marissal, au nom de l'ensemble de cette commission, je vous remercie.

M. Marissal: Je vous remercie aussi, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): Comme dernier intervenant ce soir, j'inviterais l'Association du Labrador québécois, représentée par M. Paul De Bané. On m'a dit que ce serait M. Charles Falardeau qui ferait la présentation. Je demanderais au responsable de nous donner les noms des autres personnes qui l'accompagnent.

Est-ce que c'est M. Falardeau qui doit commencer ou M. De Bané?

Allez! M. De Bané, s'il vous plaît! Nous avons une bonne journée de faite. Oui, je sais, celle qu'on va avoir demain aussi. Allez! M. De Bané, s'il vous plaît!

Association du Labrador québécois

M. De Bané (Paul): M. Jolivet, je vous remercie beaucoup et je remercie chacun de vous d'être venu ce soir. Je remarque M. Bérubé. Je remarque aussi M. Fortier et les autres aussi.

Le 4 février de cette année, l'Association du Labrador québécois déposait son point de vue à la commission québécoise de la constitution. Les téléspectateurs de cette émission pourront lire le compte rendu dans le journal des Débats du 4 février 1981. Nous ne reprendrons donc point notre argumentation étayée à cette commission. Elle a duré environ une heure et couvert une dizaine de pages du journal des Débats. Nous

encourageons cependant les membres de votre commission à nous poser toutes les questions qu'ils jugeront nécessaires.

Inutile de rappeler que le territoire du Labrador concerne un cinquième du territoire du Québec et que la question du Labrador, dans la déposition que M. Charles Falardeau va lire dans quelques instants, représente le choix de plusieurs années avant de considérer le nucléaire, s'il doit être considéré à ce moment-là.

Depuis notre déposition du 4 février dernier, un groupe d'hommes d'affaires et d'avocats québécois, la Société de développement Québec-Labrador-Rigolet Inc., a demandé au gouvernement du Québec, via Énergie et Ressources Québec, d'enregistrer, entre autres, des concessions au Labrador et sur la côte même du Labrador.

Notre association a déjà transmis depuis plus d'un an sept documents d'importance sur cette question à tous les membres de l'Assemblée nationale du Québec. Le 1er document est: Les titres du Québec ou les lois canado-québécoises. Le 2e document est: le discours de Frédéric Dorion, le 6 février 1948, alors qu'il était député à la Chambre des communes. Il avait très bien cerné la question. Par la suite, il est devenu, début 1960 jusqu'au début 1970, juge en chef de la Cour supérieure du Québec. Un autre document est: notre déposition du 4 février contenu dans le journal des Débats. Le quatrième document, intitulé Vergennes, est la proposition du premier ministre René Lévesque concernant une renégociation globale avec Terre-Neuve. Un autre document concerne la couverture du pourquoi en 1949 le Labrador ne fut point rapatrié au Québec. Ce document est intitulé: Document aux ambassadeurs en poste à Ottawa. Un autre document est un document intitulé: Un survol, qui est une demande de réaffirmation des droits du Québec sur le Labrador, fin session, juin dernier. Le dernier document, peut-être le plus important, est la première tranche du rapport préliminaire transmis début octobre 1979 à toute la députation du Québec.

Conséquemment, l'Association du Labrador québécois croit fermement que le présent gouvernement est parfaitement informé de la question et doit conséquemment, et ce sans délai, accéder à la requête de la Société de développement Québec-Labrador-Rigolet Inc. Moralement et politiquement, ce gouvernement ne peut en aucun cas aller au peuple québécois dans une élection qu'on dit pour très bientôt sans une acceptation préalable de la requête de ce groupe, non seulement au Labrador intérieur, mais tout autant sur la côte. L'imbroglio de la question du Labrador dure déjà depuis 1902, c'est-à-dire depuis 79 ans. Il s'agit dès maintenant de régulariser.

Pour nous, en finissant, et ce à titre d'exemple, nous disons que le contrat ou plus précisément la renégociation du contrat des chutes "Churchill" soulevée par le gouvernement terre-neuvien est un faux problème pour les Québécois. Le problème pour le Québec actuellement est de rapatrier - et ce en respect des lois territoriales canado-québécoises de 1898 et de 1912 - au plus tôt l'ensemble du territoire du Labrador. Pour le gouvernement terre-neuvien cette renégociation ou cette demande de renégociation du contrat de ces chutes est un faux-fuyant pour tout ce qui concerne le Labrador.

Je m'excuse, M. le Président, j'ai omis tantôt, pour une question d'eau, de présenter la délégation de notre association. Le doyen de l'association est M. Conrad Savard, 76 ans, de Saint-Alban. M. Savard est un ami de l'association. Par la suite, par ordre de doyenneté - si ce mot existe - M. Gilles Belleville, un ami de l'association de la région de Québec; ma compagne, Marielle Laprise, de Grondines, est naturellement une amie de l'association puisqu'elle est une amie du coordonnateur. Par ordre de doyenneté, le coordonnateur, Paul De Bané, de Grondines; ici, représentant la jeunesse, Charles Falardeau, de Montréal, écrivain, qui est d'ailleurs un de nos analystes qui va lire la déposition.

M. Falardeau (Charles): L'association du Labrador québécois, en tout premier lieu, désire féliciter de tout coeur Hydro-Québec, et par ricochet Hydro-Québec international, d'avoir, et ce, en tout respect des lois territoriales canado-québécoises, affiché publiquement (à la page 74) dans son présent document prévisionnel, Une stratégie pour la décennie 80, la carte du Québec incluant le Labrador dans son intégralité, c'est-à-dire la côte du Labrador comprise.

En second lieu, elle demande à Hydro-Québec, aussitôt les autorisations gouvernementales accordées via Énergie-Ressources Québec, de réévaluer sans retard sa stratégie de développement électrique compte tenu, notamment, de tout le potentiel hydroélectrique, gazier, pétrolier et éolien du Labrador.

L'Association du Labrador québécois demande donc à Hydro-Québec de développer tous ces potentiels énergétiques mentionnés et ce, en respectant scrupuleusement l'écologie excessivement délicate du milieu labradorien de même que le point de vue, les préoccupations et les droits des autochtones du Labrador qui, d'ailleurs - et cela va de soi - doivent être associés à part entière dans le développement de leur région propre.

La collectivité québécoise - et que ceci soit bien compris - ne saurait d'aucune façon envisager et encore moins tolérer le recours au nucléaire électrique par son Hydro-Québec castrée de ses immenses ressources

énergétiques du Labrador, jamais.

L'occupation illégale et inconstitutionnelle du Labrador par le gouvernement terre-neuvien, et ce, avec la complicité des gouvernements canadien et britannique, doit prendre fin sans délai. Au nom du collectif, je vous remercie.

Le Président (M. Jolivet): Merci. M. le ministre.

M. Bérubé: M. le Président, je suis un peu surpris par la brièveté du mémoire. À plusieurs reprises votre association est intervenue auprès du gouvernement pour plaider la reprise par le Québec du contrôle du Labrador. Vous suggérez même que nous accordions les permis demandés par cette société, qui s'appelle Québec-Labrador-Rigolet, sur le territoire du Labrador. (Minuit)

Je ne vous cacherai pas que, présentement, nous étudions cette demande de manière à en vérifier au moins la légalité et que je ne suis pas en mesure, aujourd'hui, de vous dire de quel côté penchera le gouvernement, puisque je n'ai en main aucun élément me permettant de me prononcer.

Toutefois, je vous poserais simplement une question. Certes, lorsque M. Dorion, au Parlement du Canada, faisait son intervention - je crois que c'est soit en 1942 ou 1944...

M. De Bané: M. Dorion a fait son intervention exactement le 6 février 1948. Il avait cependant été député indépendant du comté de Charlevoix-Saguenay, au fédéral, depuis 1942.

M. Bérubé: Alors, je me suis trompé de quelques années. Il faisait état, à l'époque de son assez brillant discours - je dois le dire -au Parlement, de la valeur toute théorique du jugement du Conseil privé de Londres, qui n'était en fait qu'une opinion exprimée au roi, d'une part, et qui, d'autre part, ne tenait pas compte d'un ensemble de décisions antérieures de la couronne britannique qui certifiaient de la propriété du Labrador pour le Québec.

Toutefois, entre-temps, c'est-à-dire en 1949, il y a eu un amendement à la constitution qui s'est fait sans l'accord du Québec, de façon totalement unilatérale, et qui nous a privés d'un territoire aux richesses extraordinaires. Jamais le Québec n'a accepté, mais il s'est agi d'un de ces beaux exemples de gestes unilatéraux du gouvernement fédéral, réalisés avec l'appui du gouvernement britannique.

Comment voyez-vous la légalité de ce geste unilatéral du gouvernement fédéral à l'époque, qui devait priver le Québec d'un droit absolument inattaquable et impossible à remettre en question, si au moins on se réfère à l'article 3 de la constitution qui interdit au gouvernement fédéral de modifier le territoire d'une province sans l'accord de cette province? En d'autres termes, comment voyez-vous la légalité d'un tel geste unilatéral qui semble caractériser très fréquemment les comportements du gouvernement fédéral, qui a pris une attitude fort paternaliste vis-à-vis des provinces depuis sa création par les provinces?

Le Président (M. Jolivet): M. De Bané.

M. De Bané: Je vous remercie, M. le Président. Le ministre des Richesses naturelles, M. Yves Bérubé, a très bien posé la question. J'avais d'ailleurs répondu par un geste, lors de notre témoignage à la commission québécoise sur la constitution, le 4 février. J'avais fait ce geste-ci!

C'est exprimer ce que Frédéric avait dit: L'entente Canada-Terre-Neuve, ne vaut pas le papier sur lequel elle est signée. M. Falardeau me faisait remarquer ceci, eu égard au témoignage de M. Scowen, lors de notre déposition précitée du 4 février, qui d'ailleurs a été excessivement honnête, et je m'étais mépris; M. Falardeau répondait autrement et je reprends son point de vue. M. Scowen parlait de frontières d'État à État. Ce n'est pas le cas en ce qui concerne la question du Labrador.

Cela veut dire ceci: actuellement, ces lois de 1898 et de 1912 canado-québécoises -parce qu'il fallait l'assentiment des deux paliers de gouvernement - sont pleinement valides de par le caractère de notre régime fédératif. Je me réfère non seulement au discours de Frédéric Dorion, je me réfère à une conversation téléphonique que j'ai eue, samedi passé, avec le porte-parole de la Société de développement Québec-Labrador-Rigolet Inc. qui, d'ailleurs, a toujours été entièrement loyale envers notre association. Il me faisait remarquer plusieurs points que ses avocats ont trouvés, qui démontrent que l'entente Canada-Terre-Neuve est non fondée en droit, que l'adresse au Parlement britannique n'était pas conforme à nos lois, conséquemment invalide et comporte d'autres aspects d'invalidité. J'aimerais mieux laisser à ces gens - je ne suis pas homme de loi, j'ai préféré, comme coordonnateur, m'en tenir uniquement à la position de M. Frédéric Dorion parce que, pour moi, elle était assez complète. Il semble que, du côté des avocats du groupe en question, ils ont très bien cerné l'invalidité sous au moins sept aspects, à ce que m'a dit le porte-parole de ce groupe. Entre autres que, dans un régime fédératif, il ne saurait jamais y avoir une question de reconnaissance par les années. Il y a un terme spécial pour cela, on dit par prescription. Ce n'est pas ici un état de fait prescriptif, d'aucune façon.

Il faut comprendre ceci. M. Chrétien d'ailleurs, en éludant le problème, a répondu

d'une façon qui, un jour, lorsqu'elle sera soumise à notre tribunal suprême actuellement la Cour suprême - tranchera naturellement du côté du Québec.

M. Chrétien a répondu ceci: "Écoutez, M. McGrath, le Canada a accepté unilatéralement Terre-Neuve." M. McGrath lui a répondu: "Écoutez, vous induisez la Chambre en erreur." M. Chrétien n'induisait nullement la Chambre en erreur, Terre-Neuve pouvait, selon l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, être invitée et entrer dans la Confédération, mais pas Terre-Neuve et le Labrador. Donc, le Canada, en 1949, a admis unilatéralement Terre-Neuve avec le Labrador, qui appartenait toujours au Québec. Donc, on peut dire que M. Chrétien a répondu en politicien; d'une partie, satisfaisant Terre-Neuve en disant: "Écoutez, nous sommes liés". Ceci ne lie nullement les cours. C'est aux cours de statuer. Un ministre de la Justice peut donner une opinion, pour éluder la question, c'est tout à fait compréhensif.

Je reviens essentiellement au point de vue de M. Bérubé. M. Bérubé nous dit qu'Ottawa a agi unilatéralement. C'est entièrement vrai qu'Ottawa a agi unilatéralement. Que vaut cette entente? Elle ne vaut absolument rien. D'autant plus que Québec a été le cofondateur de l'association canadienne. Terre-Neuve a été le dernier associé à entrer dans cette fédération. Québec est un associé majeur. Québec a tous les atouts actuellement pour faire revendiquer ses droits. Et je bénis le jour, que je crois d'ailleurs pour bientôt, où notre gouvernement va accepter la requête de ce groupe. Conséquemment, le cheminement normal sera suivi par le groupe ou par le gouvernement, ou par les deux ensemble, c'est-à-dire que les tribunaux devraient trancher.

Essentiellement, je crois avoir répondu au point de vue juridique qu'a soulevé M. le ministre.

J'aimerais ajouter ceci en terminant -peut-être que M. Falardeau ou d'autres personnes de la délégation voudraient dire quelque chose - qu'essentiellement, la question du Labrador est très simple, en se référant à ceci: II y a eu outrepassement unilatéral en 1949, dans une question qui est sacrée et inviolable dans une fédération. Nous ne sommes point dans une question qu'on peut considérer comme une zone grise où un gouvernement ou l'autre, ayant pris l'initiative, marque des points. Ceci n'existe pas dans une fédération telle que la nôtre.

Je voudrais maintenant, avec votre permission, M. le Président, laisser la parole à d'autres intervenants de la délégation. J'inviterais M. Falardeau à dire quelques mots à cet égard.

M. Falardeau: Peut-être plus tard.

Le Président (M. Jolivet): D'accord. M. le député d'Outremont, avez-vous quelque chose à ajouter?

M. Fortier: Je crois que le mérite du mémoire que nous a présenté M. De Bané, c'est indirectement de nous souligner l'importance du Labrador dans notre bilan énergétique. Bien sûr, cette dispute avec Terre-Neuve au sujet des limites du territoire pourrait avoir un impact positif ou négatif, selon les résultats. Cela m'a surpris, en examinant les questions que le ministre avait posées à Hydro-Québec, de voir que ce sujet n'avait pas été abordé. Il est évident qu'avec un bilan énergétique où l'électricité représente 25%, si jamais il fallait perdre les ressources hydroélectriques de Churchill Falls, c'est environ 5% de notre bilan énergétique que nous pourrions perdre.

D'autre part, comme vous le soulignez, on pourrait y gagner passablement si le problème était réglé d'une façon ou d'une autre. Par ailleurs, il y a d'autres impacts; il y a tout l'impact des rivières, comme La Romaine et autres, qui prennent leur source dans le territoire qui est présentement donné à Terre-Neuve et qui pourraient être développées de façon plus rapide si ce problème était réglé. Je suis allé à Sept-Îles en fin de semaine. Il est évident que ces gens aimeraient bien que - on me l'a dit de façon très claire - ce problème soit réglé dans les meilleurs délais possible.

Je crois que c'est le mérite de votre mémoire de nous souligner l'importance de la question non seulement dans un contexte juridique qui n'aurait de conséquence que de satisfaire notre amour propre, mais également dans un contexte énergétique qui est celui que nous discutons présentement. Je crois qu'on doit vous remercier de nous le souligner parce que, trop souvent, la présentation qui nous a été faite n'en a pas tenu compte et je crois que c'est un facteur extrêmement important. Merci.

Le Président (M. Jolivet): Merci. M. De Bané, en terminant.

M. De Bané: M. Fortier a très bien cerné la question, d'une façon très loyale, d'une façon hautement professionnelle, eu égard à son titre de représentant du peuple. D'ailleurs, je disais, devant la commission québécoise sur la constitution, que la question territoriale du Labrador était non partisane et devait avoir l'appui de tous les représentants du peuple. Je disais même à M. Fortier, lorsque je le rencontrais pour la première fois de ma vie à la suspension, avant la reprise ce soir, qu'en aucun cas aucun parti du Québec ne devait s'approprier la question du Labrador. L'honneur de la régularisation ou du début du processus, que nous croyons être pour bientôt, de

régularisation de la question du Labrador doit rejaillir non seulement sur le gouvernement du Québec qui nous représente tous, mais aussi sur l'Assemblée nationale et sur chacun et chacune de ses membres.

Compte tenu de tous les facteurs forts au niveau de la loi, au niveau du poids du Québec, nous croyons entrevoir, si naturellement le gouvernement et chacun de ses membres y met du sien, une régularisation très prochaine de cette question non seulement dans l'intérêt du Québec, mais tout autant dans l'intérêt des Terre-Neuviens.

Essentiellement, j'ai dit mon point de vue. Avec votre permission, M. Jolivet, j'aimerais peut-être laisser la parole à M. Falardeau qui a voulu relancer quelque chose. Si, d'autre part, quelqu'un de notre délégation voulait dire quelque chose, je demanderais à M. Jolivet d'être indulgent.

Le Président (M. Jolivet): La permission est accordée. M. Falardeau.

M. Falardeau: Je voudrais souligner à tous les membres des partis qui sont ici présents que cette question du Labrador, qui est dans le vague depuis le début du siècle, est si importante pour la population québécoise qu'on pourrait même entrevoir une bonne part de l'économie québécoise du côté du Labrador. Il s'agit donc d'une question fort importante pour le Québec et pour tout le continent nord-américain. (0 h 15)

II n'est donc pas question de reculer puisque, jusqu'à ce jour, presque aucun pas, hormis peut-être des réaffirmations disséminées à travers tous les mandats des gouvernements passés... Il s'agit donc d'entamer le processus. Cela demandera beaucoup de courage, sans doute, mais c'est une question si importante pour la population québécoise, économiquement parlant. Bien entendu, peut-être aussi qu'enfin, les Terre-Neuviens pourront tout à fait se cerner, se définir dans la fédération canadienne à la suite d'un règlement tel que nous le présentons. Je vous remercie.

Le Président (M. Jolivet): Merci. Donc, au nom des membres de cette commission, je vous remercie tous et j'ajourne les travaux à demain, 10 heures.

(Fin de la séance à 0 h 17)

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