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Version finale

31e législature, 6e session
(5 novembre 1980 au 12 mars 1981)

Le mardi 3 mars 1981 - Vol. 23 N° 57

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Plan d'équipement et de développement d'Hydro-Québec pour la décennie 1981-1990


Journal des débats

 

(Dix heures dix minutes)

Le Président (M. Jolivet): À l'ordre, messieurs!

La commission de l'énergie et des ressources est à nouveau réunie pour la dernière journée - la sixième de cette série aux fins d'entendre les personnes ou organismes qui veulent faire des représentations relativement au plan d'équipement et de développement 1981-1990 de la société Hydro-Québec.

Je tiens, encore une fois, à m'excuser auprès de mes collègues et des gens qui nous écoutent à cause de ma voix. Comme j'en faisais mention hier - il faudrait visiter un peu plus mon coin - c'est dû au tournoi Pee Wee de Grand-Mère, le deuxième plus grand du Québec!

Les membres de cette commission sont M. Bérubé (Matane), M. Biron (Lotbinière), remplacé par M. Baril (Arthabaska), M. Bordeleau (Abitibi-Est), M. Ciaccia (Mont-Royal), M. Desbiens (Dubuc), M. Fontaine (Nicolet-Yamaska), remplacé par M. Goulet (Bellechasse), M. Fortier (Outremont), M. Grégoire (Frontenac), M. Perron (Duplessis) qui sera remplacé de façon permanente après le repas du midi par M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata), M. Tremblay (Gouin).

Les intervenants sont: M. Brochu (Richmond), M. Dussault (Châteauguay), M. Giasson (Montmagny-L'Islet), remplacé par M. Pagé (Portneuf), M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata), M. Mercier (Berthier), M. Michaud (Laprairie), M. Rancourt (Saint-François), M. Samson (Rouyn-Noranda). Le rapporteur est toujours M. Denis Perron (Duplessis).

L'horaire de la journée: d'abord, la Fédération des travailleurs du Québec, Dominion Bridge-Sulzer Inc., Association environnement Archipel, Conseil

Attikamègues-Montagnais, Corporation des maîtres électriciens du Québec, Conseil régional de développement de l'Abitibi-Témiscamingue, le Comité d'environnement d'Alma Inc. et la Chambre de commerce de Sept-Îles. Le Comité d'environnement d'Alma Inc. pour dépôt seulement.

Je tiens à faire remarquer aux gens qui auront à intervenir comme groupes et individus ainsi qu'aux membres de cette commission l'entente qui existe toujours en ce sens que les personnes qui comparaissent devant nous ont environ vingt minutes pour présenter leur mémoire, chacun des groupes autour de cette table, à gauche et à droite, ayant environ vingt minutes, ce qui donne en gros - je dis bien en gros - une heure pour l'ensemble des mémoires. Cependant, c'est flexible, selon les besoins des membres de cette commission. C'est l'horaire que l'on s'est donné.

Je demanderais à M. Laberge de bien vouloir nous présenter les personnes qui l'accompagnent et, ensuite, de commencer la lecture de leur mémoire.

Fédération des travailleurs du Québec

M. Laberge (Louis): Merci, M. le Président. Si vous me permettez quelque chose qui va être un peu différent, je vais commencer par ma droite à vous présenter Paccelli Desrosiers, qui est président du Syndicat des techniciens à Hydro-Québec, Bernard Houle, qui nous a aidés à rédiger le mémoire, Jean-Guy Frenette, directeur de recherche de la FTQ, Charles Cuerrier, président du local des métiers - c'est comme ça qu'on l'appelle à Hydro-Québec, Roger Laramé, directeur québécois du Syndicat canadien de la fonction publique, auquel syndicat appartiennent tous les travailleurs d'Hydro-Québec et vice-président de la FTQ, et, à ma gauche - je regarde toujours, c'est parce que le tout petit à ma gauche, je ne sais jamais s'il y en a un autre derrière lui -Michel Morasse, représentant de la FTQ ici à Québec, Edmond Gallant, directeur québécois du Syndicat canadien des travailleurs du papier et vice-président de la FTQ, Jean Lavallée, immédiatement à ma gauche, qui est président de la FTQ-Construction et vice-président de la FTQ, et votre humble serviteur, Louis Laberge.

M. le Président, nous avons préparé un très court mémoire sur le sujet qui est devant vous, c'est-à-dire le plan de développement des ressources hydroélectriques d'Hydro-Québec pour la prochaine décennie. Toutefois, avant de procéder très rapidement à la lecture du mémoire, je voudrais établir une chose. Nous avons beaucoup d'admiration pour la haute technologie d'Hydro-Québec, très peu pour ses connaissances humaines et ses relations

de travail. En fait, il y a eu des compagnies nationalisées au Québec - tout le monde s'en souviendra - il y a 18 ans, la Shawinigan Water and Power, Quebec Power, Southern Power et dans le Bas Saint-Laurent et tout cela, Hydro-Québec n'a jamais trouvé le moyen d'intégrer, de façon compétente et sans injustice, tous ces travailleurs au plan de la caisse de retraite que les employés d'Hydro-Québec avaient. Je trouve cela épouvantable et je tiens à vous le dire, tout de suite, M. le Président. Nous aurons l'occasion d'en discuter à d'autres tantôt, et c'est pour cela que cela ne fait pas partie de notre mémoire. (10 h 15)

D'ailleurs, M. le ministre Bérubé nous avait promis une commission parlementaire pour en discuter. Dans les circonstances, on a jugé, d'un commun accord, qu'il était peut-être mieux de retarder quelque peu la commission parlementaire, mais elle se tiendra, à un moment donné. Je pense que ce sera le temps de discuter de toutes ces choses. Mais laissez-moi vous dire tout de suite que nous trouvons Hydro-Québec, dans ses négociations, d'une assurance qui frise de très près l'arrogance, étant assurée qu'elle n'avait pas besoin de négocier de bonne foi avec le syndicat, se fiant sur les gouvernements antérieurs et actuel, que dans des situations de crise, le gouvernement serait forcé d'adopter une loi spéciale permettant à Hydro-Québec de se sauver de négociations de bonne foi, ce qui fait que des injustices aussi criantes que les disparités que nous trouvons dans les caisses de retraite existent toujours après 18 ans que les compagnies ont été intégrées. On trouve le moyen de faire des projets aussi fantastiques que celui de la Baie James, mais on ne trouve pas le moyen de protéger les plus anciens employés d'Hydro-Québec et de leur donner au moins une équité dans la caisse de retraite.

Je ne m'étendrai pas non plus sur les conditions de travail sur les chantiers de la Baie James alors que là, vous avez deux régimes: l'un pour les cadres qui ont une vie familiale, des rapports sociaux normaux et l'autre pour les travailleurs, qui n'ont droit à rien. Pourtant, que je sache, il n'y a jamais un chantier qui s'est fait seulement avec des cadres, ça prend des travailleurs et il y en a de bons; d'ailleurs, tout le monde les félicite. Vous avez participé, comme gouvernement, à l'ouverture officielle de LG 2, vous avez même demandé à un travailleur de presser le bouton symbolique. Cela nous a fait chaud au coeur; mais ça nous aurait fait beaucoup plus chaud au coeur si les travailleurs avaient pu obtenir le même genre de traitement qu'Hydro-Québec et la Société d'énergie de la Baie James accordent aux travailleurs-cadres.

Cela dit, je passe tout de suite au mémoire. Ensuite, nous serons disposés à répondre à toutes les questions en gardant toujours en souvenir ces conditions quasi archaïques que la Société d'énergie de la Baie James et Hydro-Québec imposent aux travailleurs de la Baie James.

À l'aube des années quatre-vingt, les prévisions économiques ne sont pas reluisantes pour les Québécois. Aucune prévision, par exemple, n'envisage de baisse du taux de chômage au cours des cinq prochaines années.

La FTQ rappelle au gouvernement qu'une de ses grandes orientations économiques, énoncée dans le document Bâtir le Québec, était la mise en valeur des ressources naturelles et des avantages comparatifs du Québec afin de développer une économie québécoise diversifiée qui réduirait le chômage.

L'énergie hydroélectrique a été identifiée par le gouvernement comme une de nos richesses qui donnait au Québec un avantage comparatif important. C'est pourquoi, dans sa politique de développement économique, le gouvernement avait exprimé l'intention de maximiser les retombées économiques dans le développement des ressources hydroélectriques afin de favoriser l'implantation d'industries au Québec.

Le livre blanc sur la politique énergétique québécoise a poursuivi en soutenant que la disponibilité de l'électricité à bas prix représentait un facteur de localisation très important pour les industries secondaires telles l'aluminium, le magnésium, le zinc, le papier journal et la chimie inorganique à usage industriel. La FTQ exige donc de la part du gouvernement qu'il soit cohérent et qu'il intègre le plan de développement d'Hydro-Québec aux objectifs du développement économique et industriel du Québec.

Priorité à la main-d'oeuvre. Nous avons abordé l'étude du plan de développement d'Hydro-Québec sous l'angle de ses rapports avec la situation de la main-d'oeuvre, qui constitue pour nous l'aspect principal à privilégier dans le contexte économique québécois actuel. Hydro-Québec n'est pas un quelconque employeur. C'est une société d'État monopolistique qui a constitué, pendant la dernière décennie, un des piliers importants du développement économique du Québec. Chacun sait que les investissements publics nécessités pour la construction de nouvelles centrales hydroélectriques ont permis au Québec, par rapport aux autres provinces canadiennes industrialisées, de ne pas glisser plus à fond dans une situation plus grave de sous-investissement, avec toutes les conséquences encore plus désastreuses que cela aurait entraîné sur la hausse du chômage, les coûts sociaux et l'appauvrissement collectif.

Le plein emploi, une responsabilité de

l'État. Dans la période difficile que nous traversons et qui pour nous prend la triste figure du chômage et de l'insécurité économique généralisée chez les travailleurs, la politique énergétique du gouvernement et particulièrement le développement d'Hydro-Québec revêtent une grande importance. Ce n'est, bien sûr, pas à Hydro-Québec qu'il revient d'assurer le plein emploi des travailleurs québécois, mais il incombe très certainement au gouvernement de veiller à ce que cette société d'État fasse sa part pour stabiliser et accroître l'emploi des Québécois au moyen de projets rentables, dans le cadre d'une politique générale orientée vers le plein emploi.

Avec un taux de chômage qui, de 1976 à 1979, est passé de 8,7% à 9,6%, sachant qu'environ 11% des travailleurs québécois sont en chômage cet hiver et que les perspectives de reprise économique sont fort incertaines, pour dire le moins, la FTQ réclame plus que jamais que le gouvernement s'oriente résolument vers une politique de plein emploi, dont une politique de main-d'oeuvre axée sur les besoins des travailleurs en relation avec les impératifs du développement économique serait un élément déterminant.

Or, nous piétinons en ce domaine. Nous attendons toujours la manifestation d'une volonté politique claire, le harnachement des ressources gouvernementales vers cet objectif. Nous n'avons qu'entendu l'énoncé d'intentions généreuses et générales, nous n'avons qu'assisté à la continuation ou à la mise sur pied de politiques et services sectoriels et fragmentaires. Pour la FTQ, qui souhaite voir le plein emploi et la reconnaissance réelle du droit du travail devenir de véritables projets collectifs, nous sommes loin du compte.

Un des moyens privilégiés de réaliser une politique de plein emploi réside dans la planification des investissements et travaux publics. Nous avons souvent souhaité voir le gouvernement intervenir de façon plus directive et énergique dans le secteur privé de l'économie de façon que les travailleurs et notre collectivité cessent d'être les éternels otages des détenteurs du pouvoir économique.

Mais, lorsqu'il s'agit du secteur public, le gouvernement n'est pas en mal de pouvoir. Il n'a pas, du moins, de façon aussi évidente à se plier aux diktats des représentants d'intérêts privés qui n'entendent que le langage du profit. Il peut alors intégrer aux considérations économiques qu'il n'est pas de notre propos de condamner une proccupation d'ordre social, une attention au plein emploi et aux problèmes de chômage.

La protection des emplois existants. Depuis une décennie et plus, nos hommes politiques nous parlent de création d'emplois. Créer des emplois, ce n'est pas sans besoin au Québec et nous ne saurions être contre le principe, malgré que nous n'approuvons pas nécessairement les voies utilisées, dont celles des subventions sans contrôle rigoureux sur les entreprises bénéficiaires.

Mais, dans ce discours et dans cette pratique, on entend bien peu parler de protection des emplois existants, et donc de prévention des licenciements et fermetures. En cette matière, quatre paragraphes dans une loi, une réglementation faiblarde des initiatives administratives et politiques ponctuelles tiennent lieu de politique gouvernementale. Encore ici, pas de politique d'ensemble, pas d'action concertée, planifiée pour mettre un frein a l'épidémie des licenciements collectifs.

Alors que les subventions gouvernementales sont utilisées pour créer des emplois à coût élevé, on laisse disparaître des emplois qui auraient pu subsister à la suite d'interventions bien moins coûteuses. Toutes ces questions ont été débattues lors du colloque récent que tenait la FTQ sur le thème des fermetures et des licenciements collectifs. Nos affiliés ressentent vivement la gravité de la situation actuelle et demandent une action énergique de la part du gouvernement. Cette situation ne fait pas que pénaliser les travailleurs concernés et leurs familles; c'est un fardeau que nous contribuons tous à porter, individuellement et collectivement. Qui dit hausse dit chômage, dit accentuation de la dépendance économique et donc hausse des coûts directs pour l'État, pressions budgétaires, sans parler de la perte d'emplois indirects par suite de la baisse de la demande. Dans ce contexte, la protection des emplois existants revêt donc une importance très grande.

Hydro-Québec et les licenciements collectifs. Au palmarès des chômeurs involontaires, c'est-à-dire victimes de licenciements, les travailleurs de la construction sont bons premiers: 71% en 1976 au Canada. Normal, dira-t-on, c'est dans la nature de l'industrie: un chantier ouvre, puis ferme, en attendant le suivant. C'est, en effet, un fonctionnement caractéristique et, dans une certaine mesure, il faut admettre cette instabilité de chantier.

Ce que la FTQ n'a, cependant, jamais voulu reconnaître comme inévitables, ce sont les fluctuations à l'échelle de tout le secteur de la construction qui sont beaucoup trop élevées, déstabilisant la main-d'oeuvre et engendrant des coûts sociaux immenses. Nous avons toujours réclamé du gouvernement qu'il veille à stabiliser l'emploi dans la construction par la planification des investissements publics et privés et des travaux publics.

À cet égard, Hydro-Québec n'est pas un quelconque petit entrepreneur. C'est le plus gros maître d'oeuvre et c'est une société

d'État qui a des comptes à nous rendre. Hydro-Québec nous confirme froidement qu'entre 1979 et 1984 elle licencie plus de 12,600 travailleurs affectés aux chantiers de construction des projets hydroélectriques. Or, ce secteur de la construction a connu, l'an passé, une perte d'emplois de 15% et affiche actuellement un taux de chômage de 20%.

Cette situation est d'autant plus inacceptable qu'Hydro-Québec aura besoin, à partir de 1985, des travailleurs pour poursuivre d'autres projets hydroélectriques, tels que la Grande Baleine. La Grande phase II et NBR. Je ne sais pas comment cela s'appelle, je l'ai même oublié. Les travailleurs devront attendre cinq ans avant d'être rappelés entre 1984 et 1990; les effectifs passeront alors de 4400 à 24,600. On ne peut accepter qu'une société d'État traite ses travailleurs comme de simples facteurs de production qu'elle place quand bon lui semble.

Hydro-Québec se doit d'avoir une responsabilité sociale beaucoup plus grande envers les travailleurs qu'elle a formés que n'importe quelle compagnie privée. (Il faut bien reconnaître que ces travailleurs ont été formés un peu avec notre argent. C'est la population qui paie les taux qui lui sont demandés pour l'électricité. Donc, nous avons quand même un capital d'investi dans cette main-d'oeuvre formée.) Elle a, de plus, la responsabilité de développer les ressources humaines nécessaires pour réaliser le développement des ressources hydroélectriques du Québec.

Pour la population québécoise qui a investi dans la formation initiale des ressources humaines et qui investira encore dans les projets hydroélectriques rentables, le démembrement de cette main-d'oeuvre compétente et spécialisée, dont la réputation n'est plus à faire, est un gaspillage inimaginable. Pourrais-je vous rappeler, à vous tous, que tous les dirigeants d'Hydro-Québec, tous les dirigeants de la Société d'énergie de la Baie James comme tous les représentants de toutes les formations politiques lors de l'ouverture officielle de LG2, vantaient la main-d'oeuvre? Vous aviez, grâce à la main-d'oeuvre, grâce à une productivité plus élevée, devancé les échéanciers et, pour tout le monde, c'était l'euphorie, cela allait très bien. On ne peut pas laisser une main-d'oeuvre aussi spécialisée être démembrée. Quant à la FTQ, elle considère que le coût économique de cette fluctuation des effectifs de pointe est trop élevé pour le Québec qui connaît actuellement un nombre sans précédent de licenciements.

Dans certaines régions du Québec, le point d'arrêt dans la progression d'investissements d'Hydro-Québec aux chantiers hydroélectriques serait le point de départ d'une réaction en chaîne catastrophique. Si les 1350 licenciements d'Iron Ore à Sept-Îles sont évalués, et à juste titre, comme une catastrophe pour la Basse-Côte-Nord, que dire de l'impact de 12,600 licenciements pour le Québec?

À l'échelle du Québec, ces 12,600 licenciements qui désignent techniquement 12,600 postes à pourvoir se réfèrent enfin à un nombre beaucoup plus élevé de travailleurs, compte tenu du roulement constaté sur les grands chantiers hydroélectriques. À l'échelle des régions du Québec, c'est la catastrophe pour plusieurs d'entre elles. On a estimé ainsi, en 1979, que 34,5% des travailleurs de la Société d'énergie de la Baie James viennent de la région montréalaise, 14,7% de la région de Québec, 9,4% du Nord-Ouest, 6,4% de la Côte-Nord, régions déjà très atteintes par le chômage.

Ces travailleurs ont également une moyenne d'âge assez basse par rapport à l'ensemble de la main-d'oeuvre. Ils viendraient ainsi accroître le sous-emploi déjà marqué des moins de 30 ans. Selon la société d'énergie, 53% des travailleurs étaient âgés de moins de 35 ans en juillet 1980 et la moyenne d'âge à l'intérieur de ce groupe était de 26 ans. Si l'on sait que 45,1% des chômeurs étaient composés de personnes âgées de moins de 25 ans en 1979, selon Statistique Canada, les conséquences de ces licenciements seront énormes sur cette couche de la population. (10 h 30)

Aux termes de la loi, il n'y a pas de licenciements collectifs dans la construction, seulement une cascade de licenciements individuels. Nous disons que, lorsqu'on s'apprête à supprimer 12,600 postes, à licencier 12,600 travailleurs, on s'apprête à procéder au plus gigantesque licenciement collectif de notre histoire contemporaine et c'est d'une société d'État que nous vient cette nouvelle.

Face à ce licenciement collectif prévu dans le plan actuel, la FTQ demande à Hydro-Québec de replanifier ses investissements en fonction du maintien de l'emploi des travailleurs. Pour ce faire, nous croyons qu'Hydro-Québec devrait devancer l'échéancier des travaux hydroélectriques qui draineront $28 milliards des $55 milliards du plan d'investissement.

Le coût supplémentaire du plan de devancement est de l'ordre de $580 millions, selon les calculs d'Hydro-Québec que nous ne mettons pas en doute. Là-dessus, nous faisons confiance à Hydro-Québec et aussi au gouvernement qui, lui, est bien équipé pour vérifier toutes ces données. La réalisation de cette variante devancée du plan entraîne, pour Hydro-Québec, soit un profit d'au plus $620 millions, soit un déficit de $280 millions. Mais dans la majorité des hypothèses envisagées, Hydro-Québec en

retire un profit.

D'autre part, Hydro-Québec ne tient pas compte, dans son plan de devancement, des possibilités d'exportation vers les réseaux voisins des surplus d'électricité qui sont estimés à 174 milliards de kWh, soit 44 milliards de kWh de plus que le surplus prévu dans le plan actuel. Nous pensons, que si Hydro-Québec réussissait à exporter une partie de ses surplus vers les réseaux voisins, cela allégerait d'autant le coût du financement de la variante devancée du plan. Nous demandons donc à Hydro-Québec de préciser les obstacles qu'elle rencontre pour exporter ses surplus d'électricité vers les États-Unis en particulier.

Finalement, même si Hydro-Québec n'obtient aucun revenu supplémentaire de l'exportation de l'électricité et qu'elle connaît même un déficit de $280 millions en adoptant le plan de devancement, nous estimons que ce coût sera inférieur à celui que les travailleurs et la population québécoise tout entière devront débourser en termes de chômage et de coûts sociaux si le plan actuel est accepté. Nous comprenons qu'Hydro-Québec n'a pas à se préoccuper de l'assistance sociale, comme l'a si bien dit son président, devant vous, il y a quelque temps, sauf qu'avec tout le respect que je dois aux deux présidents, le président du conseil d'administration et l'autre, ce ne sont pas eux qui paient, c'est nous, les Québécois, qui payons les taux d'électricité. Je pense que c'est au gouvernement de décider ce qui va coûter le moins cher à la population, un déficit possible. C'est le député Grégoire, qui commençait à poser des questions fort embarrassantes, qui a touché de plus près la question. Le député Grégoire disait: Oui, mais est-ce que vous avez vu cette possibilité d'un déficit de $280 millions, en mettant les choses au pire? Les réponses ont été beaucoup plus vagues que les hypothèses avancées par l'Hydro-Québec.

Nous pouvons facilement estimer à près d'un demi milliard pour la période le coût en assurance-chômage et en assistance sociale pour les licenciés d'Hydro-Québec. Si on y ajoute les effets multiplicateurs à la hausse sur l'économie, on réalise facilement qu'il n'y a plus de commune mesure entre les pertes possibles pour Hydro-Québec et le coût que la société québécoise devra supporter pour ces licenciements.

Le principal obstacle au devancement du plan de développement des installations semble être pour Hydro-Québec l'investissement supplémentaire de $4,5 milliards pour la période de 1981-1990, mais ce supplément constitue à peine 8% d'augmentation par rapport aux $55 milliards prévus. Pourquoi Hydro ne serait-elle pas capable de trouver du financement pour $59,9 milliards, alors qu'elle est en mesure de le faire pour $55 milliards? Surtout s'il y va de la stabilisation des emplois existants sur les chantiers de construction des projets hydroélectriques.

Dans le livre blanc sur la politique énergétique, le gouvernement québécois attache une grande importance à la création d'emploi afin "d'assumer la mise en valeur et la promotion de la main-d'oeuvre québécoise." La FTQ demande donc au gouvernement d'être conséquent avec lui-même et de développer une politique énergétique de façon à pratiquer une véritable politique de plein emploi. C'est pourquoi nous demandons qu'Hydro-Québec replanifie ses investissements afin de stabiliser les emplois actuels.

Nous acceptons la variante devancée comme un minimum, pour autant qu'elle diminue considérablement la fluctuation du nombre de travailleurs sur les chantiers hydroélectriques.

Sur ce dernier point, nous voudrions préciser que les effectifs de pointe sont un indicateur plus précis, puisqu'ils montrent plus clairement les fluctuations du nombre de travailleurs. Si nous considérons les besoins globaux de main-d'oeuvre évalués en années-personnes, on retrouve, à l'intérieur de cette catégorie, d'une part, les effectifs moyens sur les chantiers qui ne représentent qu'environ 60% des effectifs de pointe, et, d'autre part, les effectifs directement affectés, tant aux études qu'à l'ingénierie et à la gérance de projets.

C'est la raison pour laquelle les pertes d'emplois sont plus élevées, si nous considérons les effectifs de pointe que si nous nous référons aux effectifs globaux.

Nous pensons finalement que le plan de devancement a des avantages économiques certains, car, en plus de diminuer la fluctuation du nombre de travailleurs, il étalera les investissements publics de manière à éviter de fortes perturbations à l'économie québécoise au cours des dix prochaines années.

Nous voudrions donc connaître les répercussions exactes du plan de devancement sur les effectifs de pointe de projets hydroélectriques. À quel niveau se stabiliseront les effectifs de pointe des chantiers hydroélectriques entre 1981 et 1984?

La FTQ demande au gouvernement québécois d'accélérer la pénétration du gaz dans la province afin de combler la baisse du nombre d'emplois dans le secteur énergétique au Québec entre 1981 et 1985. Cette pénétration du gaz aura pour effet de stimuler la demande de certains métiers de la construction, dans des régions différentes de celles touchées par les projets hydroélectriques, ce qui réduira le chômage dans les régions du centre du Québec.

Selon la FTQ, la politique de plein emploi et le développement en fonction des

intérêts de la majorité doivent se réaliser dans le respect de l'environnement; il y va de notre avenir à tous. C'est pourquoi nous favorisons l'adoption de mesures visant à assurer la qualité de l'air et de l'eau et à combattre toutes les formes de pollution, dont celle par le bruit.

Dans ce sens, la FTQ s'oppose, à ce stade-ci, à l'utilisation de l'énergie nucléaire au Québec. Il est trop tôt pour se lancer dans une telle aventure, compte tenu de l'état des recherches, des risques importants que cela comporte et de l'irresponsabilité des constructeurs de centrales nucléaires. La société québécoise doit continuer le développement de ses ressources hydroélectriques en fonction de ses propres besoins avant d'envisager l'utilisation du nucléaire sur une grande échelle.

Nous comprenons toutefois qu'il faudra bien avoir recours à l'énergie nucléaire lorsque nous aurons exploité toutes nos ressources hydroélectriques et qu'alors se posera le crucial problème de notre connaissance technologique dans la construction de ce type de centrale. Il importe pour le Québec de ne pas se retrouver, dans une dizaines d'années, sous la dépendance quasi complète de la technologie étrangère dans ce domaine.

Uniquement en fonction du développement de notre expertise technologique en ce domaine et de notre indépendance éventuelle, nous ne pouvons nous opposer à la nécessité, pour Hydro-Québec, de maintenir et développer ses connaissances par la construction d'une autre centrale nucléaire dans les conditions maximales de sécurité et de protection de l'environnement.

En conclusion, le Québec est actuellement la province la plus affectée par les licenciements, avec un taux de 12,4%, selon une étude récente effectuée par le Secrétariat d'État au développement social du Québec, comparativement à 7,2% pour l'Ontario et 9,2% pour le Canada.

Puisque Hydro-Québec est une société d'État que les Québécois ont créée afin de pouvoir orienter le plus possible le développement économique en leur faveur, la FTQ n'accepte pas son plan de développement des installations pour la prochaine décennie et nous nous opposons énergiquement aux 12,600 licenciements prévus dans ce plan.

Dotée du mandat exclusif de développer et gérer nos ressources hydroélectriques, Hydro-Québec doit s'acquitter, selon nous, de mandats corollaires consistant à développer et former des ressources humaines à la mesure de ses projets.

Tous les Québécois sont fiers des réalisation d'Hydro-Québec, fiers surtout que des centrales comme la Manic ou LG 2, qui ont acquis une réputation internationale, aient été conçues par des Québécois. Ce rôle de développement de ressources humaines, allant des ingénieurs aux ouvriers en passant par les techniciens, Hydro-Québec doit continuer à l'assumer pleinement. Et, pour la FTQ, il serait catastrophique qu'un ralentissement marqué des activités de développement d'Hydro-Québec incite la main-d'oeuvre à se diriger ailleurs; le maintien de la qualité des ressources humaines passe par la stabilité de l'emploi. C'est pourquoi la FTQ demande à Hydro-Québec de devancer les travaux des projets hydroélectriques afin d'éviter ce licenciement collectif. Nous considérons l'acceptation de la variante devancée du plan de développement comme un minimum, malgré le faible risque d'un déficit pour Hydro-Québec. Nous estimons en effet que le coût que la population devra absorber pour ces licenciements est sans commune mesure avec la faible possibilité d'un déficit de $280 millions envisagé par l'Hydro-Québec.

Finalement, nous demandons au gouvernement qu'il pratique une politique de plein emploi et qu'il planifie le développement économique afin qu'il puisse passer des paroles aux gestes et qu'il applique une véritable politique de stabilisation des emplois dans le secteur énergétique qui est sous son contrôle.

Le Président (M. Jolivet): Merci, M. Laberge. Avant de donner la parole à M. le ministre, j'ai cru comprendre qu'il y en a plusieurs autour de cette table qui veulent poser des questions. Sans vouloir restreindre votre nombre de minutes - en termes de temps - je veux simplement vous rappeler que vous avez sept mémoires à entendre aujourd'hui.

De plus, une entente a été conclue à savoir que l'on accordera vingt minutes à Hydro-Québec, vingt minutes au ministre, vingt minutes à l'Opposition officielle et à l'Union Nationale, à la fin. Donc, nous avons une très bonne journée devant nous.

M. le ministre.

M. Bérubé: Merci, M. le Président. M. Laberge, d'abord, je vous remercie de ce mémoire qui souligne les préoccupations des travailleurs face au ralentissement dans le programme d'équipement d'Hydro-Québec, surtout dans les années 1981 à 1985. Lorsque vous parlez de l'importance d'avoir un plan d'équipement qui serait mieux intégré au développement du Québec, est-ce que vous faites référence uniquement au ralentissement que l'on observe dans le programme jusqu'en 1985 ou à plus large que ça? Aimeriez-vous voir d'autres modifications au plan de l'équipement pour essayer d'atteindre une meilleure intégration et, si c'est le cas, lesquelles seraient-elles?

M. Laberge (Louis): Nous n'avons pas voulu nous embarquer dans des considérations hautement techniques, il nous aurait fallu beaucoup plus de temps. Enfin, vous savez qu'avec le sommet économique sur Montréal, avec la commission parlementaire prévue sur le droit de grève et les services essentiels dans les secteurs public et parapublic, avec la commission Jean, avec la commission des droits de la personne, enfin, la question nationale où nous avons présenté des mémoires chaque fois, nos ressources étaient taxées à leur suprême degré. Nous n'avons pas voulu nous embarquer dans d'autres considérations, pour le moment. Ce qui ne nous empêchera pas d'y revenir.

M. Bérubé: Donc, nous nous en tiendrons aux points que vous avez soulevés.

En remarque préliminaire, en rapport avec les relations de travail, je pense, vous le savez maintenant, qu'à la demande du conseil d'administration, il y a eu un comité formé au niveau du conseil d'administration pour étudier le problème des relations de travail au sein d'Hydro-Québec. Depuis maintenant un mois et demi à peu près, ils ont un mémoire à l'intention du conseil, qui leur permet peut-être d'avoir une vision un peu plus claire des problèmes qu'ils ont rencontrés.

Vous l'avez souligné tantôt, l'importance d'une commission parlementaire sur les relations de travail devrait se faire sentir. Il est peut-être, comme vous l'avez souligné tantôt, prématuré, faute d'avoir tous les outils nécessaires, aussi bien du côté d'Hydro-Québec, que du côté du gouvernement ou du syndicat, mais je pense que maintenant, on pourrait l'envisager, surtout avant les prochaines négociations collectives.

Je pense qu'en pleine période de conflit de travail, une commission parlementaire ne permet généralement pas de résoudre quoi que ce soit, mais si ça pouvait aider à la préparation des nouvelles négociations, on aurait alors certainement ouvert la voie à un mécanisme de négociations peut-être un peu plus souple.

Si j'examine essentiellement la position de la FTQ par rapport au plan d'équipement, vous soulignez, en pratique, ce que l'Association des constructeurs de routes et l'Association des ingénieurs-conseils ont souligné, c'est-à-dire un ralentissement assez perceptible de l'importance des travaux jusqu'en 1985 et puis subitement, un démarrage exponentiel à toute allure où on peut se demander si on aura assez de main-d'oeuvre.

Ce qui m'amène à soulever des questions de deux ordres. Croyez-vous, comme le souligne Hydro-Québec, et comme votre mémoire le laisse peut-être entendre, que le début de la construction du gazoduc au mois de mai, celle qui est annoncée maintenant, et la pénétration du gaz un peu partout au Québec, avec les bretelles de service un peu partout, est susceptible de créer suffisamment d'activités économiques, de telle sorte que, d'ici 1985, on soit impliqué dans de très gros travaux de pénétration du gaz et qu'à partir de 1985 ces travailleurs de la construction retournent sur les chantiers d'Hydro-Québec? Croyez-vous que cela pourrait être une façon, en passant par le gaz, avant de retourner à l'électricité, d'amortir les fluctuations dans la demande? (10 h 45)

M. Laberge (Louis): Tout d'abord, vous n'avez pas le même genre de métier. Ceux qui essaient de vous raconter ces bobards ne sont pas sérieux. Ce n'est pas le même genre de métier.

Deuxièmement, cela a pris quelques années avant de développer l'équipe qui a reçu les félicitations de tout le monde à la Baie James, une équipe hautement qualifiée, expérimentée. On ne peut pas laisser partir ces gens-là pendant cinq ans et espérer qu'on va les ravoir au bout de cinq ans. C'est de la folie furieuse. Ils n'attendront pas cinq ans le bon plaisir d'Hydro-Québec pour qu'on leur offre de retourner à la Baie James. Ils vont se trouver des emplois ailleurs. Plusieurs d'entre eux s'en iront probablement dans des usines, travailler à l'entretien d'usines, des choses semblables, et ne retourneront plus dans la construction. Il faudra - cela nous fait terriblement peur -monter de 5000 à 10,000 emplois d'un coup et, ensuite, de 10,000 à 24,000 en quelques années. Cela voudra dire de la formation de main-d'oeuvre, encore une fois. Cela ne veut pas dire qu'un électricien n'est pas un électricien, mais pour des travaux comme ceux de la Baie James, cela prend une expérience un peu différente. Il faut que les gens s'acclimatent à de nouvelles conditions de travail, à des chantiers immenses, enfin, à tout ce que cela implique.

Le Président (M. Jolivet): M. Laramé, je pense, avait quelque chose à ajouter.

M. Laramé (Roger): Si vous me permettez, M. le Président, j'aimerais revenir aux relations de travail et, plus particulièrement, sur le point qui touche les "nationalisés". Le ministre parlait d'une commission parlementaire au cours de laquelle on pourrait traiter de ce sujet. Je dois rappeler au président que cette commission parlementaire a été promise, il y a plusieurs années, par l'ex-ministre du Travail du temps, au niveau du Parti libéral, et qu'un engagement écrit avait été pris à ce moment-là. Il y a eu plusieurs échanges. On a demandé aux parties de traiter de ce problème au cour de négociations, ce que le

syndicat a accepté de faire. Mais, en fin de compte, après de longs débats sur le sujet, il y a eu une commission parlementaire que nous avions qualifiée dans le temps de commission parlementaire bidon et avec raison, je crois, au cours de laquelle les syndicats d'Hydro auraient voulu se faire entendre sur un sujet aussi important que celui-là.

Les gens d'Hydro auraient voulu dire au gouvernement et à Hydro-Québec: Lorsque vous avez nationalisé l'électricité, vous avez fait un travail extraordinaire dans tout l'équipement au Québec. Dans toutes les régions éloignées, vous avez changé les lignes de transport d'énergie, les lignes de distribution. Vous avez investi énormément, mais vous avec encore une fois oublié le plan humain. Les "nationalisés" qui sont ici présentement, pour plusieurs, à leur retraite, vous demandent encore une fois aujourd'hui de leur donner une plate-forme pour donner justice à ces gens-là. On ne voudrait pas non plus que ce soit une promessse électorale, mais on pense que cela presse, parce que plus les années courent, plus il y a des gens qui prennent leur retraite et sont pénalisés de façon éhontée, parce qu'ils n'ont plus aucun recours à leur retraite. Nous voulons traiter du sujet et inclure le problème des retraités actuellement. Le ministre nous a promis une rencontre éventuellement. Que ce soit au niveau d'une commission parlementaire ou autrement, je pense qu'il est important de traiter de ce sujet dans les plus brefs délais.

Je vais terminer en disant que, lorsque le gouvernement du temps a parlé de nationalisation et que nous étions en négociation, d'énormes pressions étaient faites par les gouvernements, par les ministres impliqués dans ces négociations pour être très certains que les syndicats respecteraient intégralement l'ancienneté de tous les travailleurs nationalisés. On l'a fait. Je me demande pourquoi il y a eu tant de pressions, parce qu'au niveau même du principe on ne pouvait pas refuser d'accepter de reconnaître l'ancienneté de ces gens-là. Par contre, Hydro refuse de reconnaître un droit fondamental, c'est un traitement égal pour des retraités, pour une caisse de retraite et je pense que le gouvernement a sa part de responsabilités. J'insiste énormément pour qu'une plate-forme nous soit donnée au cours de laquelle on pourrait débattre ce sujet en présence des responsables du gouvernement et d'Hydro-Québec.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre. Oh, excusez-moi: M. Morasse.

M. Morasse (Michel): En ce qui a trait à la question que le ministre posait à M. Laberge à savoir si les travaux du gazoduc qui vont débuter bientôt étaient pour remplacer le vide qui serait créé par le plan d'Hydro-Québec de réduire ses effectifs jusqu'en 1984, je pense que c'est exactement la réponse que M. Laberge a faite. Ce ne sont pas les mêmes travailleurs et ce n'est pas le même genre de travail.

Après discussion tout dernièrement avec Trans-Québec et Maritimes, qui est le propriétaire et qui va voir à la planification des travaux, on a tout simplement besoin d'effectifs d'environ 150 à 200 opérateurs de "sideboards" comme on les appelle et une couple de cent soudeurs avec des manoeuvres qui vont voir à faire le "buffage" des tuyaux. Cela ne pourrait pas créer le vide ou le manque de main-d'oeuvre, de travail qu'on aurait par rapport au ralentissement des travaux d'Hydro-Québec. Dans notre mémoire, on spécifie que nous avons eu une perte d'emplois de 15% depuis trois à quatre ans. On spécifie 20% de chômage, mais c'est un peu plus que cela. Cela joue entre 25% et 30% de chômage. Au moment où l'économie dans la constrution semble se stabiliser un peu plus dans la région métropolitaine, s'il fallait qu'on subisse par rapport au ralentissement des investissements d'Hydro-Québec des pertes d'emplois de 10,000 à 12,000 travailleurs, ceci veut dire qu'on aurait à subir pour quatre années additionnelles un chômage comme celui qu'on vient de traverser. Imaginez-vous, même si, dans la construction, on mentionne qu'il y a de gros salaires qui sont payés, on n'a quand même qu'une moyenne de 1000 heures de travail, ceci veut dire que les salariés de la construction gagnent en moyenne par année entre $14,000 et $15,000.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Bérubé: II y a une question que vous avez soulevée tantôt et qui m'inquiète également et on se demande comment on va y faire face. Vous avez parlé tantôt du chômage actuel dans l'industrie de la construction, mais vous avez parlé également des préoccupations que nous devrions avoir pour 1985. Effectivement, lorsqu'on regarde la création d'emplois depuis quelques années, par exemple, depuis trois ou quatre ans -2000 emplois ont été créés au Québec en trois ans et c'est une des meilleures performances, en fait, de longue date - on s'aperçoit que si la population s'accroît d'à peu près 1% par année, - je vais prendre les chiffres de 1979 - l'emploi, lui, s'est accru de 2% par année, donc, nettement plus rapidement que la croissance de la population, mais là où on se fait avoir au retour, c'est que la main-d'oeuvre active, elle, croît à un rythme de 2,8%, c'est-à-dire qu'on n'arrive pas à créer suffisamment d'emplois pour la main-d'oeuvre active,

même si on en crée deux fois plus vite que l'accroissement de la population le demanderait normalement. C'est vrai jusqu'en 1984-1985, mais le problème, cependant, c'est qu'à partir de 1984-1985, on prévoit que le taux de chômage va commencer à fléchir parce qu'à ce moment-là, on va avoir le creux des naissances qui va nous atteindre et là, on prévoit manquer de travailleurs.

Comment voyez-vous, justement, le plan d'équipement qui nous est proposé en devançant certains travaux maintenant de manière à arrondir la courbe, ce que veut, je pense, l'Association des constructeurs de routes? Croyez-vous, d'abord, que cela va véritablement permettre de répondre aux besoins de main-d'oeuvre après 1985-1986? Cela aura-t-il un effet significatif sur la disponibilité de la main-d'oeuvre?

M. Laberge: Si vous me permettez une comparaison, - et je sais que toute comparaison est un peu odieuse - dans l'avionnerie, un certain temps à Canadair, il y avait 12,000 travailleurs. Ensuite, cela est tombé à 2000 y compris les cols blancs et là, c'est remonté à 5000, 6000 ou 7,000. Voyez-vous le coût fantastique pour la société québécoise? Un énorme pourcentage de ces travailleurs hautement qualifiés dans cette industrie sont partis et ne sont jamais revenus. Il faut en entraîner d'autres et ce serait la même chose sur des chantiers tel celui de la Baie James. Encore une fois, un électricien, un plombier et un opérateur, c'est très différent. Un opérateur, un chauffeur de camion sur un dix tonnes, quand il arrive sur les "bétails" que vous avez à la Baie James, c'est très différent. Un mécanicien... S'il doit y avoir une diminution du taux de chômage en 1985, à plus forte raison, Hydro-Québec ne devrait pas attendre à 1985 pour commencer à augmenter le nombre d'emplois. Elle devrait le faire, au contraire, durant la période la plus creuse, c'est-à-dire de 1981 à 1985. Il me semble que c'est tellement logique. Et, encore une fois, c'est un coût fort minime. Je fais confiance à Hydro-Québec. Elle nous est arrivée avec un tas de statistiques. Elle est beaucoup mieux équipée que nous pour le faire. Le seul autre qui pourrait le faire, c'est vous, le gouvernement, pour vérifier ces données. Mais je lui fais confiance; ce doit être des données assez exactes. C'est un coût minime, parce que, dans la pire des éventualités, il pourrait y avoir un déficit de $280 000. Est-ce qu'on a figuré ce que cela pourrait coûter seulement 12 600 travailleurs, sans compter les effets cumulatifs que cela aurait sur la balance des travailleurs actifs, pendant quatre ans de chômage? Ce sont des coûts fantastiques.

Moi, comme consommateur et comme citoyen payeur de taxes, j'aime saprement mieux payer un peu plus cher pour garder quelqu'un à l'ouvrage que payer quelqu'un en chômage. Et ce n'est pas vrai qu'un travailleur aime cela être en chômage. Évidemment, si on le force à demeurer chômeur pendant cinq ans, il peut développer une mauvaise habitude. Dans le cas de la création d'emplois, c'est vrai que le Québec a un assez bon dossier là-dessus. Ce qu'on reproche un peu au gouvernement, c'est qu'on a peut-être mis un peu trop d'emphase à créer des emplois et pas assez à garder les emplois qu'on avait. On pourrait citer -le ministre est au courant - la fermeture malheureuse de Desourdy, par exemple, qui était une usine qui fonctionnait très bien, prospère, etc. Cela aurait pris, si ma mémoire est fidèle, $1,500,000 ou $2,000,000 pour la garder. Cela employait de 400 à 500 travailleurs. Pendant ce temps-là, tant le fédéral que le provincial ont donné des subventions à je ne sais pas combien d'entreprises tombereaux qui ont loué de vieilles granges et de vieilles "sheds" et qui ont commencé à construire des maisons usinées, avec une concurrence épouvantable, sans aucune garantie pour le consommateur. Il faut qu'on prenne les guides et qu'on redresse ce genre de choses. Je pense que le gouvernement du Québec a porté, depuis quelque temps du moins, une oreille assez attentive à la responsabilité qu'il a sur les entreprises qui bénéficient de subventions. On n'a pas le droit de leur donner l'argent des citoyens et de les laisser aller comme bon leur semble.

Le Président (M. Jolivet): M. le député d'Outremont.

M. Fortier: M. Laberge, je dois vous féliciter de porter à notre attention le rôle social et le rôle économique que peut jouer Hydro-Québec, en plus de jouer un rôle important dans le domaine énergétique, et de nous souligner l'importance de la main-d'oeuvre. Moi-même, je viens d'une industrie où on disait toujours: L'actif le plus important, ce sont les êtres humains, et je comprends pertinemment vos commentaires. Il n'est pas nécessaire d'être grand clerc pour savoir que les ouvriers et les ingénieurs qui travaillent dans le domaine hydroélectrique ne sont pas les mêmes qui sont dans le domaine du gaz et que ceux qui travaillent dans le domaine du gaz ou dans le domaine hydroélectrique ne sont pas les mêmes qui, éventuellement, travailleront dans le domaine nucléaire.

M. Laberge: Exactement.

M. Fortier: C'est toute la question de la planification, planification sur le plan technologique, planification sur le plan de la main-d'oeuvre et planification sur le plan social. Compte tenu du fait que cette année

les investissements dans le domaine de l'énergie représentent 25% de tous les investissements faits au Québec, bien sûr, ils jouent un rôle extrêmement important, d'autant plus que, depuis 1976, il y a eu une baisse significative des investissements dans les domaines autres que l'énergie. Par voie de conséquence, les investissements faits par Hydro-Québec ou dans l'énergie, d'une façon générale, deviennent très significatifs.

J'ai noté vos représentations en ce qui concerne la caisse de retraite et j'ai pris note du fait que le ministre du Travail de l'ancien gouvernement libéral avait pris des engagements à cet effet. Je ne puis que déplorer qu'après quatre ans et demi maintenant on se retrouve à peu près au même point où nous étions avant les dernières élections. Je laisserai à mon collègue de Portneuf, si vous le voulez bien, le soin d'approfondir, de poser des questions sur ce dossier, parce qu'il est plus familier que moi avec ce différend et avec ce problème qui a des dimensions sociales.

En ce qui concerne l'avancement des travaux, j'aimerais vous souligner qu'il y a une certaine dimension aux demandes que vous faites, mais je comprends l'intervention que vous avez faite en vue de planifier les travaux d'Hydro-Québec dans un sens non seulement de création d'emplois, mais de stabilisation d'emplois et de stabilisation d'une main-d'oeuvre qui a déjà acquis une certaine formation et de s'assurer, de cette façon, que ça joue un rôle de développement économique positif. (11 heures)

II a des gens qui ont souligné, la semaine dernière, qu'un tel avancement pourrait avoir un impact, d'une part, sur la tarification de l'électricité. Bien sûr, si on emprunte davantage, Hydro-Québec nous a souligné qu'il était peut-être possible d'aller chercher le financement requis, mais qu'il faudrait peut-être augmenter le degré d'autofinancement. Ce que ça signifie, si on veut être clair pour tout le monde, c'est que, si le programme est plus important qu'il ne l'est maintenant, il y a un danger que la tarification doive augmenter et ceci affecterait tout le monde au Québec, pas seulement les ouvriers qui sont syndiqués, mais les ouvriers non syndiqués. Comme vous le savez, pour certaines personnes, cela a un impact considérable.

Ensuite, il y a toute la dimension de garder nos tarifs les plus bas possible, comme vous l'avez souligné vous-même, pour attirer l'industrie ici au Québec. Une autre dimension, c'est toute la question de l'exportation de l'électricité aux États-Unis, dans le sens que certains disent: Si on peut négocier un bon marché, tant mieux et, si on ne le peut pas, il faudrait peut-être ne pas le faire. Certains disent: On ne devrait pas sacrifier certaines de nos rivières, puisque, plus tard, on en aura besoin. La question que j'aimerais vous poser là-dessus est: Est-ce que vous favorisez un développement économique à tout prix, même s'il fallait exporter pour créer de l'emploi? Une dernière question, c'est que, si on favorise l'électricité et si on avance les travaux d'Hydro-Québec, il se pourrait fort bien que cet avancement va aussi favoriser la pénétration de l'électricité au Québec même. Ce n'est peut-être pas mauvais. Il y en qui disent - et je suis de ceux-là - qu'il faudrait également favoriser le gaz.

En parlant du gaz, bien sûr, il y a des retards. Trans-Québec et Maritimes, cette année, d'après mes informations, ne peut se rendre qu'à Boisbriand, pour des raisons bien simples. C'est que le gouvernement n'a pas encore choisi les distributeurs de gaz et, tant et aussi longtemps que les distributeurs ne sont pas choisis, l'Office national de l'énergie ne peut donner les permis de construction pour faire en sorte que la ligne aille plus loin que Boisbriand, ce qui fait que les investissements ne pourraient pas continuer dans un avenir immédiat.

Mais les questions fondamentales, à mon avis, sont celles d'un développement économique important qui pourra avoir des répercussions sur la tarification, ou sur une politique d'exportation, ou sur notre politique énergétique dans un sens d'une plus grande pénétration de l'électricité.

M. Laberge (Louis): Nous apprenons plus de choses par les media d'information que nous en apprenons dans les comités, parce que nous ne participons pas à ces discussions dans le haut savoir d'Hydro et avec les responsables des États de la Nouvelle-Angleterre aux États-Unis et tout ça. Mais, s'il faut se fier aux media d'information, les Américains nous supplient quasiment. Nous ne voulons pas aménager toutes nos ressources hydroélectriques pour exporter de l'électricité, non. Mais, comme période tampon, bien sûr, pourquoi ne pas en profiter? Mais on doit se donner une politique pour attirer au Québec les industries qui ont besoin d'électricité à un débit assez volumineux, à un taux relativement comparable à ce qui se fait partout ailleurs et à une quantité sûre. Dans ce sens-là, le développement des ressources hydroélectriques, bien sûr que nous en sommes.

Maintenant, on dit que ça va coûter plus cher. Je connais bien M. Lafond qui est le trésorier d'Hydro-Québec. Je siège avec lui à la Caisse de dépôt et je sais qu'il pourrait nous présenter toutes sortes de calculs très savants, parce qu'il est très savant dans les chiffres. Mais il y a une chose qu'il n'a pas mentionnée, et ça me surprend. Des travaux qui seront faits en 1981, 1982, 1983 et 1984, qu'il me dise que

ça va coûter plus cher que s'il les fait en 1990, je ne peux accepter ça. Si on considère que le coût de la vie augmente d'à peu près 10% par année, ça veut donc dire que ce qu'on pourrait faire en 1982, si on le fait huit ans plus tard, ça devrait coûter un peu plus cher. Pas besoin d'être un économiste ni un expert pour calculer ça.

Il est possible qu'actuellement, le taux d'intérêt soit un peu plus élevé qu'il le sera dans quatre ans, mais qui peut nous l'affirmer? À peu près personne. Tout ceci pour vous dire: Nous ne croyons pas que ces prévisions d'Hydro-Québec soient tellement sûres qu'elles ne peuvent pas être flexibles. D'ailleurs, j'ai lu les déclarations de M. Boyd et de M. Bourbeau et parfois, j'avais de la misère à m'y retrouver, alors que, dans leur discours inaugural, ils disaient qu'ils étaient très heureux de cette commission parlementaire qui permettait à tous les citoyens intéressés et à tous les groupements intéressés de se faire entendre et qu'eux étaient très disposés à nous écouter et que leur plan de développement était très flexible. Par contre, lorsqu'ils répondaient au député de Frontenac, ils disaient que le conseil d'administration avait déjà été choisi.

Je pense que nous devons dire à HydroQuébec, avec tout le respect que nous avons pour Hydro-Québec, que ce n'est pas à eux de prendre ce genre de décision. Je pense qu'il appartient à l'Assemblée nationale de prendre ce genre de décision et c'est pour cela que nous sommes devant vous.

M. Fortier: Je crois que nous...

M. Laberge: Je veux dire, l'État dans l'État, il me semble que c'est assez.

Le Président (M. Jolivet): M. le député.

M. Fortier: Je crois que nous sommes d'accord avec vous pour dire que c'est au gouvernement de préciser ses orientations économiques et, même en ce qui concerne des choix de technologie, de consulter la population, mais de prendre la décision qui s'impose et ne pas refiler ce genre de dossier à Hydro-Québec, même si Hydro-Québec est prête à collaborer à plusieurs de ces dossiers.

Je sais que vous avez dit que vous favorisiez, entre autres, le développement hydroélectrique dans la protection de l'environnement et tout cela. Mais l'impression qui se dégage - et corrigez-moi si je n'ai pas raison - c'est qu'à ce stade-ci de la situation économique du Québec, vous favorisez nettement un développement économique. Vous voudriez que le gouvernement soit beaucoup plus agressif dans les négociations de contrats d'exportation et beaucoup plus agressif dans le développement de nos ressources hydro- électriques. Les autres considérations prendraient le second pas vis-à-vis de ce développement économique et la création d'emplois, à ce moment-ci du développement économique du Québec.

M. Laberge: Et c'est sans aucune espèce d'hésitation que nous vous disons oui. Mais, encore une fois, pas dans une politique pour exporter ad vitam aeternam les surplus d'électricité, non. Mais pour une période tampon, bien sûr, qu'on en profite et, ensuite, qu'on se donne la politique d'attirer ici des entreprises qui auront besoin d'électricité.

M. Fortier: Mais, il faudrait bien comprendre, M. Laberge, que dans une politique d'exportation, bien sûr, on voudrait négocier le meilleur contrat possible pour le Québec...

M. Laberge: Évidemment, on pourrait peut-être aider là-dedans.

M. Fortier: ...dans le sens de dire qu'on aurait besoin de telle rivière dans dix ans d'ici, on va exporter seulement pour dix ans. Mais il se pourrait que les Américains disent: Vous savez, sur une période de dix ans, nous, nous ne pouvons pas amortir les installations qu'on doit construire sur notre côté de la frontière. Quand on négocie, il faut mettre de l'eau dans son vin et il se pourrait que le contrat idéal que l'on voudrait avoir ne soit pas possible. À ce moment-là, il faudra faire un choix. Si on veut absolument créer un développement économique, si c'est la priorité première que vous suggérez, il va falloir mettre un peu d'eau dans notre vin pour dire: S'il faut créer des emplois, il faudra peut-être négocier le meilleur contrat possible. C'est un peu, je crois, ce que vous suggérez.

M. Laberge: II n'y a aucun doute qu'il faut négocier les meilleures ententes possible. Tout en n'étant pas expert dans le domaine, nous croyons que nos amis, les Américains, ne sont pas parmi les mieux placés dans le développement des ressources électriques.

M. Fortier: Complètement d'accord.

M. Laberge: Cela nous donne un avantage. D'ailleurs, je pense qu'ils ne se sont pas gênés pour dire qu'ils comptaient sur le développement des ressources hydroélectriques du Québec. Pourquoi ne pas en profiter? On n'est pas obligé d'ambitionner, au contraire, mais de négocier de bonnes ententes.

M. Fortier: Une question que j'aimerais vous poser. Il me semble que je vois une

certaine contradiction de votre prise de position en ce qui concerne le nucléaire. Vous dites: Nous voulons absolument un moratoire, parce que nous ne sommes pas sûrs que la protection de l'environnement ou la santé soit assurée. D'autre part, vous dites: On sait très bien qu'éventuellement il faudra avoir recours à cette forme d'énergie. Et même là, vous dites: On est favorable à la construction d'une centrale nucléaire.

Comment pouvez-vous concilier ces deux points de vue, si vous croyez que vous n'êtes pas satisfaits? Nous, du Parti libéral, on a suggéré un débat public justement pour permettre à tout le monde d'avoir l'information. On était même prêt à aller plus loin pour dire: Tant et aussi longtemps que le public et que le gouvernement ne seront pas certains qu'il s'agit là d'une forme d'énergie acceptable, on devrait suspendre la construction - pas les études, mais la construction - de centrales nucléaires. Vous allez plus loin que cela, vous dites: Nous, nous sommes même prêts à accepter la construction d'une centrale nucléaire dans l'immédiat.

M. Laberge: J'avais un peu peur qu'un expert comme vous dans ce domaine nous pose des questions là-dessus. C'est vrai que cela peut sembler un peu contradictoire. Toutefois - je vais essayer de vous traduire cela en mes termes - ce que nous avons vu jusqu'à maintenant nous laisse fort perplexes quant aux mesures de sécurité qui ont été prises partout où des centrales thermonucléaires ont été construites. On a vu ce qui s'est passé, tout dernièrement encore, aux États-Unis, et d'après les media d'information toujours, on nous cache au moins 90% de la vérité. S'il fallait qu'on connaisse toute la vérité, les cheveux nous dresseraient sur la tête, pour ceux à qui il en reste.

Cela étant dit, nous sommes d'accord que le moratoire continue, mais, d'un autre côté, il ne faut pas non plus qu'Hydro-Québec devienne à la remorque de ceux qui seront les experts dont on aura probablement absolument besoin dans dix, quinze ou vingt ans. On parle de la construction d'une autre centrale ou d'essais en laboratoire, mais, enfin, ce qu'on veut, dans le fond, c'est que nos experts dans le domaine aient la chance de se garder à la fine pointe. Quand le temps viendra, avec une nouvelle expérience, avec de nouvelles mesures de sécurité, qu'on ne soit pas obligés d'être dépendants des autres.

M. Fortier: Ce que j'aimerais vous souligner, M. Laberge, c'est que, dans le cas du nucléaire comme dans le cas de l'hydroélectrique, la technologie ne se fait pas en laboratoire dans un certain sens. Vous avez parlé de la formation d'ouvriers à la

Baie James, et on peut dire la même chose de ceux qui travaillent...

M. Laberge (Louis): C'est un peu pour cela que, malgré notre position, on dit: On serait même d'accord qu'ils en construisent une autre pour se garder à la fine pointe.

M. Fortier: Ce que je voulais vous souligner, c'est que tout le monde dit: On va maintenir une technologie au Québec en faisant des recherches en laboratoire. Mais il faut bien se rendre compte que des recherches en laboratoire...

M. Laberge (Louis): Ce n'est pas possible.

M. Fortier: ... cela ne nous donne absolument rien, dans un certain sens, pour développer une technologie, des ouvriers, des ingénieurs, des cadres qui connaissent non seulement l'exploitation, mais la construction et l'ingénierie de centrales nucléaires.

C'est la raison pour laquelle je reçois votre recommandation et je vous souligne simplement que, encore là, cela pose un problème délicat parce que je suis sûr que les experts d'Hydro-Québec vous diront qu'ils ne veulent pas d'une autre Gentilly 2, c'est-à-dire d'une autre centrale isolée parce que, comme vous le savez, la technologie qui a été développée en Ontario se fait par grappes de quatre réacteurs. Si on se met à construire un réacteur à la fois, ici, on va se lancer dans un autre prototype. Chaque fois qu'on parle de prototype, on parle d'une technologie qui est non expérimentée et, à ce moment-là, on peut se poser des questions à savoir s'il serait préférable de retarder la construction de cette centrale justement une fois qu'on serait satisfait de l'expérience ontarienne. Vous n'avez pas fait allusion à l'expérience ontarienne, mais je sais que les unions auxquelles vous êtes associés travaillent en Ontario et connaissent le dossier de l'Ontario où se produit 37% de l'électricité, et le fait de s'engager sur un réacteur proprement dit serait un autre prototype au Québec. On peut se poser la question: Est-ce qu'on veut d'un autre prototype au Québec? Je pense qu'il y a des gens qui ne veulent plus d'un autre prototype.

M. Laberge (Louis): Ce qu'on a voulu dire, c'est que, dans les circonstances actuelles, on ne croit pas devoir se lancer dans le nucléaire, il n'y a pas assez de garanties. D'un autre côté, on ne veut pas non plus tomber tellement en arrière des autres que, lorsque le jour viendra où on ne pourra plus s'en passer, on soit dépendants des autres. Ce n'est pas pour demain, apparemment, nos ressources hydroélectriques nous suffiront pendant encore quinze, peut-

être vingt ans.

M. Fortier: Comme vous le savez, on dit quinze ans ou dix ans, mais ça prend à peu près dix ou douze ans pour planifier. J'ai l'impression que vous êtes, comme les Américains le disent, "half pregnant"; vous ne le voulez pas, mais vous le voulez.

M. Laberge (Louis): On a peut-être une période de cinq ou six ans.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Bellechasse.

M. Goulet: Merci, M. le Président. Très rapidement, trois questions du même souffle: une au niveau de l'interprétation du texte et des propos de M. Laberge, une autre au niveau du principe et une question d'opinion.

À la première phrase de votre texte, au niveau de l'interprétation, justement, vous dites: "À l'aube des années quatre-vingt, les prévisions économiques ne sont pas reluisantes pour les Québécois. Aucune prévision, par exemple, n'envisage de baisse du taux de chômage au cours des cinq prochaines années." En répondant au ministre, vous avez dit tout à l'heure: Le gouvernement a un bon dossier au niveau de la création d'emplois. J'aimerais savoir comment concilier ces propos; c'est au niveau de l'interprétation.

Au niveau du principe quant à ce que vous demandez dans votre texte, vous soutenez qu'Hydro-Québec a un rôle social à jouer en tant que société d'État, et vous dites à peu près ceci: II est de son devoir de devancer son plan d'investissement afin de minimiser la hausse de la courbe de chômage. Vous ajoutez: Même si, pour cela, elle devait présenter un bilan déficitaire. Je pense que cette façon de voir les choses peut vouloir dire qu'Hydro-Québec peut remplacer une forme de bien-être. Ne croyez-vous pas qu'il y ait un dilemme, au niveau d'une société d'État? D'un côté, nous exigeons comme parlementaires, et même l'ensemble des Québécois, que nos sociétés d'État soient rentables. On veut très fortement que nos sociétés d'État soient rentables, mais, d'un autre côté, on leur demande de jouer un rôle social en disant: Maintenez l'emploi même si vous devez présenter un bilan déficitaire. C'était ma question au niveau du principe.

Une très courte question d'opinion. Est-ce que, en 1980, dans nos années contemporaines, l'électricité est devenue un service essentiel au Québec? (11 h 15)

Cela va, M. le Président, pour ma question à trois volets.

Le Président (M. Jolivet): M. Laberge.

M. Laberge: Évidemment, l'électricité est moins essentielle quand personne ne mange à la maison, qu'il fait beau et qu'il fait chaud. L'électricité est quand même une source d'énergie dont on ne peut pas se passer pas plus qu'on ne peut se passer bien longtemps de gazoline et de pétrole. Pourtant, que je sache, je n'ai pas encore entendu un membre de l'Assemblée nationale dire que le gouvernement devrait décréter que les stations-service n'ont plus le droit de faire la grève parce que c'est un service essentiel. Pourtant, vous auriez beaucoup plus de misère a vous déplacer et moi aussi. Je ne me vois pas bien sur un vélo, de Montréal à Québec. Probablement qu'on se téléphonerait. Non, il faut se voir tel qu'on est, autant que possible.

Quant à votre première question, c'est vrai que le Québec a créé beaucoup d'emplois depuis quelques années, et on l'a dit tantôt: ce n'est pas suffisant de créer des emplois, il faut surtout stabiliser les emplois, il faut sauver des emplois. On en a vu. Je pourrais vous nommer un tas de compagnies. J'ai parlé des Entreprises Désourdy, tantôt. Je peux vous en nommer une autre, une usine de portes et fenêtres qui ferme à Saint-Georges de Beauce, jette sur le pavé 50 employés de 20 ou 22 ans de service, obtient des subventions du gouvernement du Québec et du gouvernement fédéral, va ouvrir à Saint-Jérôme et réengage 45 employés. Évidemment, l'usine a créé 45 emplois, mais on en a perdu 45 ou 50 de l'autre bord. C'est un peu ça la folie furieuse, le cercle vicieux dans lequel on se trouve. Évidemment, on sait que viennent sur le marché du travail maintenant nombre de femmes qui auparavant ne faisaient pas partie de la population active, qui, maintenant, font partie de la population active et veulent des emplois. Cela crée des demandes. Quant à...

M. Goulet: Le dilemme au niveau du rôle social d'Hydro-Québec.

M. Laberge: II n'est pas question pour Hydro-Québec de collaborer à un programme social. Il est question, au contraire, en activant son plan d'investissement, de bâtir un meilleur marché, ce qu'elle devra bâtir plus tard, de toute façon. Ce n'est pas comme si on demandait à Hydro-Québec: même si tu n'as pas besoin de créer des jobs, crée des jobs quand même. Bien non, ce n'est pas ça. On sait que tantôt elle va être obligée d'augmenter, seulement d'un coup, de 5300 sur les chantiers à 10,100 travailleurs. Où va-t-elle prendre ça, 5000 travailleurs qualifiés d'un coup? Ce n'est pas vrai. Cela veut dire plusieurs centaines de milliers de dollars et probablement plusieurs millions pour former cette nouvelle main-d'oeuvre alors qu'on a de la main-

d'oeuvre toute formée, toute prête à continuer les travaux. C'est dans ce sens.

Le Président (M. Jolivet): M. le député d'Arthabaska.

M. Baril: J'aimerais traiter de l'à-côté du dossier. Bien entendu, on sait bien que cette commission a pour but de discuter du développement futur d'Hydro-Québec, des projets d'investissement. Mais ça, c'est l'aspect de développement. Il ne faut pas oublier, comme M. Laberge l'a souligné tout à l'heure, l'aspect humain d'Hydro-Québec en entier. Comme on sait, depuis plusieurs années, le problème des compagnies qu'Hydro-Québec a nationalisées n'est pas résolu et le gouvernement antérieur, le ministre de l'Énergie du temps avait proposé deux solutions à Hydro-Québec dont une était de traiter les "nationalisés" sur la même base que les employés de la vieille HydroQuébec à partir de la date d'embauche ou encore de les traiter comme tel qu'à compter de janvier 1966. Même si 70% des "nationalisés", au 31 décembre 1965, avaient versé des cotisations plus élevées que celles des employés de la vieille Hydro-Québec, en chiffre, ce qui veut dire qu'au 31 décembre 1965, Hydro-Québec avait un déficit de $33,204,000, soit 98% du déficit total tandis que les employés des compagnies avaient un déficit de $687,257 qui représentaient 2% seulement du déficit des fonds de pension.

On sait également qu'au début de l'année 1979, le Conseil du trésor du gouvernement actuel a proposé une solution à Hydro-Québec, soit d'offrir 1,6% des pensions aux "nationalisés". J'aimerais poser une question soit à M. Laberge ou à M. Laramé: Est-ce qu'Hydro vous a fait des approches pour discuter de cette offre du Conseil du trésor et quels en sont les résultats?

Le Président (M. Jolivet): M. Laramé.

M. Laramé: Cela fait partie des problèmes que je crois majeurs dans les relations de travail qui existent à Hydro-Québec. Les syndicats impliqués, à la suite de nombreuses discussions avec le ministre du temps, M. Joron, avaient compris qu'il y aurait des rencontres entre Hydro, le syndicat et, possiblement, le gouvernement pour trouver une espèce de solution comme celle que vous avez mentionnée, sauf qu'il y a un problème. Hydro, avec l'accord du ministre, selon nos renseignements, a passé par-dessus la tête des instances syndicales et a voulu traiter directement avec les "nationalisés". C'est ce qui a fait avorter le projet, entre autres. Ce n'est pas une façon, dans les relations de travail, de traiter avec plusieurs centaines ou milliers de travailleurs quand il y a des syndicats légalement constitués et reconnus en place. La solution proposée était très loin des éléments que demandait le syndicat ou l'équivalent de ce qu'avaient déjà les employés de l'ancienne Hydro-Québec. C'est un des problèmes majeurs dont on va sûrement discuter au moment d'une éventuelle rencontre avec les trois parties.

Le Président (M. Jolivet): M. le député.

M. Baril: Bien entendu, on voudrait que les deux groupes de personnes soient traités d'une façon égale. Si on regarde également ce qui est suggéré ou ce qui existe actuellement, les employés de l'ancienne Hydro - puisqu'Hydro a existé avant la nationalisation - reçoivent 2% de rente par année de service et ce, à partir de la date d'embauche jusqu'au 31 décembre 1965. Ils reçoivent par la suite 2 1/4% de rente par année de service à compter du 1er janvier 1966 jusqu'au jour de leur rente.

Je comprends que, pour les "nationalisés", c'est difficile d'accepter un règlement de 1,6% parce qu'ils ont toujours cotisé, mais il y a quand même des questions qui se posent également, puisque les "nationalisés" payaient un fonds de retraite à une compagnie d'assurances, la Sun Life. On me dit que cela a toujours été difficile de savoir exactement les sommes d'argent qui ont été versées à cette compagnie ou qui restent dans les fonds de cette compagnie et qu'Hydro-Québec devait racheter ou acquérir lors de la nationalisation.

M. Laberge (Louis): Vous vous souviendrez peut-être que, quand il y a eu la campagne pour la nationalisation de toutes ces compagnies, en tout cas, à la FTQ, on a endossé cela. C'était le Parti libéral dans le temps. On a fait campagne et on a dit: On y va, on est d'accord, sauf qu'ils ont arrêté un peu notre cours. On aurait bien voulu que l'Alcan et les autres soient nationalisées en même temps. De toute façon, on était d'accord. Vous vous souviendrez que, dans le temps, plusieurs de ces compagnies - je ne suis pas trop sûr si ce n'était pas la Shawinigan, entre autres - dans plusieurs régions du Québec avaient le courant alternatif. Je ne me souviens pas combien cela a coûté de dizaines de millions de dollars pour changer cela. Tout le monde trouvait cela bien correct. On avait maintenant seulement une Hydro-Québec. C'étaient tous les mêmes clients au même niveau qui avaient droit aux mêmes services. Parfait: Mais comment cela se fait-il qu'en dix-huit ans, on n'ait pas trouvé le moyen de régler le problème des travailleurs d'Hydro-Québec? Ce sont les mêmes maudits travailleurs. Il n'y a aucune raison. Je ne sais pas si c'est 1,6%, 2,6% ou 3,6%. Cela n'a aucune espèce d'importance. Ce qui est important, c'est qu'ils soient traités

exactement comme les autres. Ce sont tous aujourd'hui des employés d'Hydro.

M. Baril: Oui, je suis bien d'accord sur votre position également. J'aimerais demander au ministre - je sais que l'ex-ministre de l'Énergie, M. Joron, s'était engagé à tenir une commission parlementaire sur ce sujet particulier - quelle est sa position. Je sais que ce n'est pas facile pour lui de répondre à une position qui semble assez ferme de la part d'Hydro-Québec. Comme on dit, le gouvernement est quand même là pour gouverner et je pense que quelqu'un, dans ce dossier, devra prendre une position assez ferme. Il ne faudrait pas attendre. Actuellement, je pense qu'il reste encore entre 3000 et 4000 employés d'Hydro-Québec ou "ex-nationalisés" d'Hydro-Québec. Bien entendu, si on attend encore dix ou quinze ans, le problème va se régler par lui-même parce qu'il n'y aura plus aucun pensionné; ils seront tous décédés. Donc, il ne faudrait pas répéter ce qu'on a fait de la francophonie au Manitoba: attendre qu'il n'y ait plus de français pour légiférer.

J'aimerais que le ministre nous dise ce qu'il entend faire.

M. Bérubé: D'une part...

M. Laberge (Louis): ...et, après, vous viendrez nous voir.

Des voix: Ah!

M. Bérubé: Ce problème des fonds de retraite des "nationalisés" a fait l'objet, lors de la dernière négociation collective, d'une analyse au Conseil du trésor et d'une position, finalement, par la direction d'Hydro-Québec. Ce que nous avions convenu de faire comme gouvernement, c'était de tenir une commission parlementaire qui irait au fond des questions de relations de travail, en incluant cette question-là, et qui nous permettrait d'avoir une idée plus claire. Pour autant que cela me concerne, je n'ai pas une position différente de celle adoptée par le gouvernement lors des dernières négociations et, forcément, même si je n'ai pas été impliqué comme tel dans son élaboration, n'étant pas ministre de l'Énergie et des Ressources à l'époque, je dois respecter la décision du Conseil des ministres de l'époque.

Toutefois, cela m'apparaît assez clair qu'il nous faut cette commission parlementaire pour aborder un certain nombre de questions de relations de travail au sein d'Hydro-Québec. Le syndicat a soulevé plusieurs points litigieux et qui méritent, je pense, d'aller en profondeur. Comme je le disais tantôt, le conseil d'administration, pour se préparer en vue de cette commission parlementaire, a formé un groupe de travail au sein du conseil d'administration qui a justement passé en revue le problème des relations de travail au sein d'Hydro-Québec.

Nous avions convenu, à ce moment-là, directement avec la FTQ, de reporter la commission parlementaire, les deux parties n'étant pas véritablement prêtes, l'année dernière, à une telle commission. Je pense que, maintenant, du moins du côté d'Hydro-Québec, on est prêt. Je crois même que, du côté syndical, on est également prêt, que le temps est maintenant mûr pour une commmission parlementaire et que cela devrait être une des premières choses à réaliser d'ici la fin de l'année, à mon point de vue.

Le Président (M. Jolivet): En terminant, rapidement, M. le député.

M. Baril: En terminant, j'aimerais d'abord remercier et féliciter les gens impliqués dans le dossier, soit les "nationalisés" qui se sont déplacés ce matin pour venir à Québec. Si on ne traite pas plus longtemps de votre dossier, de la situation, ce n'est pas faute d'importance, mais, comme je l'ai expliqué tout à l'heure à quelques-uns, le but premier de cette commission n'était pas de traiter de ce sujet.

Je remercie également le député de Duplessis de m'avoir laissé son droit de parole pour pouvoir traiter plus à fond de la situation, même si on l'a touchée très brièvement. Aussitôt que cette commission parlementaire sera annoncée, soyez bien assurés qu'autour de la table, il y aura des intéressés qui défendront la position des "nationalisés".

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Gouin.

M. Tremblay: M. Laberge, l'importance de votre délégation impressionne. C'est donc que vous jugez ce plan de développement extrêmement important non seulement pour vos propres employés syndiqués, mais pour l'ensemble du Québec. On a souligné tout à l'heure que nous sommes en train de discuter le quart de tous les investissements qui se produiront au Québec au cours des dix prochaines années et vous avez vous-même souligné que, dans l'industrie de la construction, en ce qui concerne les travailleurs, il y avait un chômage de 30%. Je pense que les chiffres de l'Office de la construction indiquent que nous avons environ 100,000 travailleurs alors que nous en avions 160,000 il y a quelques années.

Vous avez soulevé plusieurs points, mais j'aimerais vous questionner sur deux points en particulier: le financement en provenance des caisses de retraite et l'étalement, évidemment, plus rationnel des travaux. Vous

avez mentionné qu'en ce qui concernait la caisse de retraite des employés d'Hydro-Québec, vous n'étiez pas représentés du tout. Je pense que c'est un problème fondamental au Québec. Les enseignants ne sont pas représentés à leur fonds de retraite, les fonctionnaires non plus. Il s'agit de milliards de dollars et l'affectation de ces milliards est très importante pour le développement économique du Québec. Vous êtes, par contre, au conseil d'administration de la Caisse de dépôt. La Caisse de dépôt va prêter à Hydro-Québec $400,000,000 cette année sur environ $2 milliards de fonds. (11 h 30)

Lorsqu'on regarde ce besoin d'investissements dans des barrages qui durent 50 ans, est-ce que vous ne seriez pas d'avis que les fonds de retraite, au Québec, celui des employés de la construction, par exemple, et d'autres fonds de retraite devraient investir une plus grande proportion de leurs fonds dans ces projets d'investissements de longue haleine? Je pose cette première question.

Sur la question de l'étalement des projets, il y a quand même un certain mystère ici et je le dis à titre de membre de la commission. Je ne suis pas surpris que vous soyez vous-mêmes un peu dans l'incertitude. C'est que, l'an passé, Hydro-Québec avait présenté un plan d'investissements de $64 milliards, qui était beaucoup plus logique, qui répartissait les investissements de façon à ne pas avoir ce creux en 1983 où pratiquement tout le monde est en chômage alors que tout le monde est en surchauffe à la fin de la période. On nous présente cette année un autre plan de la part d'Hydro-Québec, mais rien de la part du gouvernement. Tout à l'heure, vous avez critiqué un peu Hydro-Québec, mais il aurait fallu dire au gouvernement qu'il fallait déposer d'autres documents parce que nous n'en avons pas en provenance du gouvernement.

Il est évident que c'est une question majeure et, pour ma part, je crois qu'il serait illogique de garder ce plan tel quel. Comme vous avez eu l'expérience des Jeux olympiques où on avait eu un manque de planification - peut-être par la force des choses, parce que les Olympiques se décidaient à l'étranger, etc. - et une surchauffe, est-ce que vous voyez un peu le même phénomène en train de se construire si on approuvait ce plan tel quel, c'est-à-dire du chômage jusqu'en 1984, 1985, et, après, on monterait à 27,000 travailleurs avec toutes les perturbations qui s'ensuivraient, de sorte qu'on aurait les jeux olympiques hydrauliques après avoir eu les Jeux olympiques internationaux?

M. Laberge (Louis): Enfin, c'est le noeud de notre mémoire. On ne peut pas continuer un tel marasme dans l'industrie de la construction. Il faut planifier les investissements; autrement, il est fort possible qu'on connaisse d'autres olympiques et la commission Malouf... D'ailleurs, on aura bientôt un livre pour répondre au jugement de la commission Malouf.

M. Tremblay: Est-ce celui de M. Drapeau?

M. Laberge (Louis): II me semble que j'ai vu hier dans la Presse que le livre s'en venait - qui sait, peut-être pendant le sommet économique de Montréal - et que, de toute façon, on aurait une réponse à ça. C'est inévitable quand il n'y a pas de planification. Encore une fois, les travailleurs de la construction n'attendront pas cinq ans sur des tablettes que repartent d'autres travaux. Ils vont faire autre chose. Ils vont "saprer" le camp, ils vont se trouver des emplois dans l'entreprise, dans l'industrie, ailleurs et, à ce moment, ils ne reviendront pas dans la construction. Une fois qu'un travailleur s'est installé dans une entreprise, qu'il a un emploi qui a relativement de l'allure, il ne prendra pas le "gamble" encore une fois de laisser ça et de s'en retourner à l'aventure. Il faut une planification.

M. Tremblay: M. Laberge, seulement sur la question de la planification. Lors des Jeux olympiques, il y a eu des dépassements de coûts importants. Même à l'occasion d'investissements à la Baie James, il y a eu aussi des dépassements de coûts. On parlait de quelques milliards de dollars au début, on est rendu dans les 15 ou 16 milliards de dollars pour toutes sortes de raisons. Vous parlez de planification. On a un plan du capital. On planifie le capital pendant dix ans. Est-ce qu'il ne serait pas dans l'ordre des choses de sortir un peu des sentiers battus et de faire une sorte de plan du travail au cours des dix prochaines années? Vous pourriez rencontrer les dirigeants d'Hydro-Québec et dire: Cela va vous prendre des travailleurs pour dix ans. Est-ce qu'on pourrait compter... C'est la population qui paie les tarifs; les tarifs vont augmenter très rapidement, cela augmente déjà rapidement. Quand c'est mal planifié, c'est la population qui paie. Il y a des chômeurs aussi qui paient, mais c'est la population qui paie. Est-ce qu'on ne devrait pas songer, que cela vienne d'Hydro-Québec, du gouvernement ou de vous-mêmes, à faire un plan décennal des emplois pour les travaux d'Hydro-Québec?

M. Laberge (Louis): Actuellement, on manque de mécaniciens en machinerie. C'est aberrant, avec tous les travailleurs de la construction qui sont en chômage depuis des mois et des mois et qui veulent travailler:

Apparemment, il y a du monde qui est convaincu que les travailleurs en chômage ne veulent plus travailler. Nous autres, on se fait achaler à longueur de journée par des gars qui sont en beau jouai vert contre nous autres parce qu'on ne réussit pas à leur trouver des "jobs". C'est drôle, on ne fréquente pas le même monde, certain. Il va manquer de mécaniciens en machinerie. Pourquoi n'en forme-t-on pas maintenant? Imaginez-vous avec les hauts et les bas qu'il y a dans le plan d'Hydro-Québec, c'est aberrant. Comme vous dites, les compagnies qui sont comme Hydro-Québec, qui sont capables de planifier un développement sensationnel comme celui de la Baie James, M. Lafond qui va planifier les investissements et les emprunts à une virgule et un poil près, quand vient le temps de s'occuper de la main-d'oeuvre, on dirait que personne ne se soucie de cela. Les relations humaines à Hydro-Québec, on en a parlé tantôt; vous en avez parlé tantôt, M. le député, et plusieurs en ont parlé à des commissions parlementaires, à des rencontres. Il y aurait peut-être un moyen plus facile, c'est que tous les partis ici, à l'Assemblée nationale, signent une lettre unanime, l'envoient à Hydro-Québec et disent à Hydro-Québec qu'aux prochaines négociations elle devra se démerder toute seule, que vous ne viendrez pas la sortir du pétrin. Je suis convaincu qu'on va régler le problème "rien que d'une claque"!

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Duplessis.

M. Tremblay: II y avait aussi la Caisse de dépôt.

Le Président (M. Jolivet): Je m'excuse.

M. Tremblay: M. Laberge fait partie du conseil d'administration de la Caisse de dépôt. Je pense que c'est le seul président de centrale syndicale. Donc, vous décidez.

M. Laberge (Louis): Le seul président de centrale? Je suis le seul, j'ai remplacé Marcel Pépin. Apparemment, les présidents de centrale, cela mène à tout pourvu que tu en sortes!

M. Tremblay: Maintenant, concernant...

Le Président (M. Jolivet): Rapidement, M. le député.

M. Tremblay: ... les placements des fonds de retraite, face à des besoins d'investissements énormes comme ceux d'Hydro-Québec, étant donné aussi qu'Hydro-Québec dit que ce sera difficile, avec les hauts taux d'intérêts, de financer $55 milliards, quelle devrait être la politique des fonds de retraite publics et parapublics face à ces investissements?

M. Laberge (Louis): Encore une fois, je suis très à l'aise pour répondre à cela parce que, dès la création de la Caisse de dépôt -on ne pensait pas, dans le temps, avoir un poste là-dessus - nous avons préconisé que la loi permette à la Caisse de dépôt de prendre tous les plans de retraite privés, parce que c'était la façon de pouvoir créer de l'investissement. Bien sûr, on a un droit de regard et on peut s'assurer qu'on a au moins un retour équivalent à ce qu'on pourrait obtenir ailleurs, mais il faudrait au moins canaliser cela pour investir et faire fonctionner l'économie du Québec. Nous avons toujours été entièrement d'accord avec cela, nous, à la FTQ; même dans la construction, ils ont exigé de la Caisse de dépôt qu'elle investisse davantage dans les hypothèques afin de créer de la construction, ce que la Caisse de dépôt n'a pas toujours suivi. Soit dit en passant, j'étais un de ceux qui étaient pour foutre le camp de la caisse quand sont arrivés des changements assez importants. Bien sûr, il y a eu des pleurs et des grincements de dents, mais il y a eu des changements importants et je suis encore là. Mais j'étais sur le bord de foutre le camp.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Duplessis, en vous disant qu'il reste encore trois intervenants après vous, le député de Portneuf et le député de Frontenac; il faudrait essayer de terminer pour 12 heures, de façon à entendre un autre mémoire d'ici 13 heures.

M. Perron: Merci, M. le Président. Je vais essayer de le faire assez brièvement. Je voudrais, premièrement, dire au député d'Arthabaska que je ne lui avais pas donné mon droit de parole, je le lui avais prêté. Si vous avez remarqué, je parle au moment où c'est opportun.

Le député de Gouin, tout à l'heure, mentionnait que le gouvernement ne semblait pas vouloir prendre ses responsabilités en rapport avec les investissements d'Hydro-Québec. Je ne voudrais pas parler au nom du ministre, mais, si on a une commission parlementaire justement sur les investissements prévus par Hydro-Québec pour les quinze prochaines années, il faudrait peut-être regarder le fait que c'est le gouvernement qui a décidé d'en avoir une à la demande de plusieurs intervenants; par contre, on a l'intention de prendre nos responsabilités de ce côté.

D'autre part, je voudrais saluer mes anciens collègues, pour ne pas dire mes collègues, d'Hydro-Québec, spécialement mon ancien président, M. Cuerrier, au local 1500, et en même temps toute la délégation qui est ici aujourd'hui. Je remercie mon collègue

d'Arthabaska des questions qu'il a posées sur les "nationalisés". Je voudrais, au début, mentionner que je ne suis pas moi-même touché par la question des "nationalisés" parce qu'à ce moment, si vous vous rappelez bien, je travaillais pour Gatineau Power Corporation, un très beau nom qui a été francisé depuis en Hydro-Québec. On ne payait pas de pension, dans le temps, à moins d'avoir 30 ans. Lorsque la nationalisation est arrivée, je n'avais que 26 ans. Aujourd'hui, j'ai vieilli, comme M. Laberge d'ailleurs.

M. Laberge (Louis): Ah! Cela avait été assez agréable jusqu'à maintenant!

M. Perron: Chez vous, ça ne paraît pas; chez moi, ça paraît! Je voudrais mentionner qu'en rapport avec les "nationalisés", je pense qu'il y a lieu que le gouvernement étudie cette question. Je dis bien le gouvernement. Là-dessus, je voudrais dire qu'il est anormal que, lorsque la proposition du Conseil du trésor est arrivée à Hydro-Québec, on soit passé par-dessus les syndicats d'Hydro-Québec, les locaux 1500, 2000, 957, et qu'on soit allé directement vers les "nationalisés" eux-mêmes, ce qui empêchait probablement de régler le problème sur une base collective.

Je suggère qu'Hydro-Québec devrait entrer en contact, dans les plus brefs délais, avec les syndicats d'Hydro-Québec pour régler cette question.

Il y a une question que je voudrais poser en rapport avec ça, puisqu'elle n'a pas été posée. Est-ce que vous avez eu le loisir - la chance, en tout cas - d'étudier la proposition du Conseil du trésor en rapport avec le 1,6% et est-ce que vous êtes toujours favorables à ce pourcentage?

Le Président (M. Jolivet): M. Laramé.

M. Laramé: Les syndicats ont fait savoir à Hydro-Québec qu'ils n'étaient pas favorables à ça. Dans la proposition, dans les demandes syndicales, entre autres, les syndicats demandaient que tous les employés, incluant les retraités, puissent bénéficier des avantages. Le plan n'offrait pas ça. Dans l'offre, les salariés payaient totalement le rachat et, dans la demande syndicale, on demandait qu'Hydro-Québec paie ce rachat. La troisième particularité très importante, c'était qu'une partie seulement des années pouvait être rachetée, alors que nous, on demandait le rachat total de ces années.

Sur ces points, on n'a pu s'entendre, parce qu'il n'y a pas eu de négociation effective à ce sujet. C'est, entre autres, sur ces points qu'on a passé par-dessus la tête des syndicats en place.

M. Perron: II arrive, dans certains cas de rachat, que, par exemple, Hydro-Québec paie 50% et les "nationalisés", dans ce cas, paient 50%. Est-ce que cette question a été étudiée?

M. Laberge (Louis): Dès que vous mentionnez une chose comme celle-là, ça implique une négociation, donc ça implique des rencontres. Ce qu'Hydro-Québec s'est obstinément refusée à faire.

M. Perron: Bon, d'accord. Maintenant, en rapport avec les relations de travail à Hydro-Québec - j'ai travaillé pendant 20 ans, près de 21 ans; je sais un peu ce qui se passe dans ce domaine - je maintiens qu'il faudrait, dans les plus brefs délais, une commission parlementaire, justement, sur cette question spécifique. C'est drôlement important qu'on l'ait dans les plus brefs délais. D'ailleurs, je pense que le ministre a donné son assentiment en rapport avec ça. Donc, parlant au nom du gouvernement, ça va se faire éventuellement.

Il y a une dernière question que je voudrais poser et qui se rapporte aux 12,600 travailleurs de la construction qui, en quatre ans, perdraient leur emploi, puisqu'il y aurait une baisse de construction dans le domaine hydroélectrique. Cela représente une moyenne de 3000 par année, si j'ai bien compris.

M. Laberge (Louis): D'après les chiffres d'Hydro-Québec, en 1979, il y avait 16,998 travailleurs sur les chantiers d'Hydro-Québec - je parle seulement des chantiers - l'an dernier, en 1980, il y en avait 12,165; en 1981, on prévoit qu'il y en aura 9550; en 1982, 7200; en 1983, 5200; en 1984, 4400. Donc, de 1979 à 1984, une diminution... Ce n'est pas 2000 par année; c'est 4000 de moins qui ont travaillé en 1980; c'est 3000 de moins qui ont travaillé en 1981 ou qui vont travailler en 1981; c'est 2300 de moins qui vont travailler en 1982; encore 2000 de moins qui vont travailler en 1983 et, finalement, 800 de moins qui vont travailler en 1984.

Donc, en 1984, il y aurait 12,600 travailleurs; en 1983, il y en aurait 11,800, etc. C'est beaucoup d'emplois, ça! On arrive à une somme fantastique et à je ne sais trop combien d'heures-hommes par année, mais autour de 40,000 ou 45,000 probablement.

M. Perron: Merci pour avoir apporté des éclaircissements là-dessus. Une dernière question et ensuite je vais passer la parole à d'autres; en fait, je vais la remettre au président. Lorsque vous avez regardé toutes ces mises à pied...

M. Laberge (Louis): Excusez-moi, j'ai dit heures-hommes, mais c'est années-hommes; grosse différence!

M. Fortier: Ce n'est pas le même salaire!

M. Perron: M. Laberge, lorsque vous avez parlé de ces pertes d'emploi, est-ce que vous avez regardé l'impact que ça pourrait avoir, par exemple, dans le domaine des travailleurs de la construction, en rapport avec le règlement no 5, le règlement de placement, qui spécifie, dans un des articles, que ça prend 5000 heures en cinq ans? Avez-vous calculé à peu près combien de travailleurs seraient touchés? On sait que le règlement, on peut le changer, on peut tout de même l'amender avec l'accord du Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre, mais, cependant, est-ce que vous avez regardé les chiffres, l'impact? Combien de travailleurs seraient touchés et seraient passibles de perdre leur permis d'enregistrement dans la construction? (11 h 45)

M. Laberge (Louis): À peu près 8000 à 9000 travailleurs, en moyenne, par année, pendant cinq ans. Moi, j'oserais dire qu'à peu près 80% d'entre eux perdraient leur permis de travail. Au taux de chômage de 30% ou 35% que l'on connaît présentement viennent s'ajouter tous ces travailleurs qui, pendant des mois, et certains, pendant des années, ont travaillé à la Baie James. Dans les régions, ceux qui ont une "job" sur les chantiers ne sont pas prêts à la laisser à ceux qui vont revenir de la Baie James. Ce sont plusieurs milliers de travailleurs qui ne seraient plus considérés comme admissibles à travailler sur les chantiers de construction. Vous voyez le problème?

M. Perron: Merci beaucoup, M. Laberge, ainsi que les représentants d'Hydro-Québec au niveau syndical. Je voudrais mentionner, en terminant, que je pense qu'il est nécessaire, surtout à cause de la conjoncture économique que nous avons sur la Côte-Nord actuellement, qg'on devance des travaux, surtout sur la Côte-Nord, bien entendu, mais après ça, qu'on regarde attentivement pour devancer des travaux, afin de maintenir l'emploi dans la construction et permettre aussi des investissements, ce qui va avoir des retombées socio-économiques à peu près partout, en rapport avec ça.

M. Laberge (Louis): Cela a l'air qu'on est déjà rendu à trois ou quatre votes, il n'en manque plus que 106.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Portneuf.

M. Pagé: Merci, M. le Président. Je dois tout d'abord souhaiter la bienvenue aux interlocuteurs de ce matin, M. Laberge, M. Laramé, M. Lavallée et les gens du Syndicat canadien de la fonction publique, la FTQ en général. Je dois vous dire que j'ai bien apprécié vous entendre, entre autres sur deux sujets, notamment sur la question du climat des relations de travail à Hydro-Québec, qui n'est certainement pas des plus sereins. Le moins qu'on puisse dire, c'est que ça ne va certainement pas pour le mieux dans le meilleur des mondes à Hydro-Québec, si on se réfère aux négociations combien ardues et combien difficiles que vous avez eues à vivre, auxquelles le gouvernement a eu à assister et dont les citoyens du Québec ont eu à souffrir au cours des dernières années.

Il est question d'une commission parlementaire. Je trouve que vous avez témoigné de beaucoup de patience depuis le règlement de votre convention collective jusqu'à aujourd'hui. On est à la fin du régime, à quelques semaines des élections générales au Québec. Peut-être que cette patience reflète aussi l'acquiescement spontané que vous avez manifesté comme syndicat. Je ne parle pas au nom des travailleurs, je ne veux pas parler des travailleurs, parce que je sais que les travailleurs n'étaient pas contents ni satisfaits de la loi matraque et du règlement de convention collective qui leur a été imposé. Mais à voir l'acquiescement spontané que vous avez manifesté à ce moment-là, il est peut-être explicable que le gouvernement ne se soit pas dépêché plus qu'il ne fallait pour tenir la commission parlementaire.

De toute façon, j'espère qu'elle va se tenir dans les meilleurs délais et je présume que, comme d'habitude, c'est nous qui allons la tenir d'ici quelques mois, après les élections.

M. Grégoire: ...on est tombé dans la petite politicaillerie.

Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît.

M. Laberge (Louis): Ce n'est pas tombé dans l'oreille d'un sourd, M. le Président.

M. Pagé: M. le Président.... Le Président (M. Jolivet): À l'ordre! M. Laberge (Louis): Vous êtes témoin. M. Grégoire: Ça allait bien, pourtant.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Portneuf.

M. Pagé: Vous savez, M. Laberge, je ne veux pas vous envoyer de flèche ce matin. Quand je veux vous en envoyer, je vous le dis. Je vous en ai envoyé, il n'y a pas longtemps, sur votre implication au référendum, mais je ne veux pas embarquer là-dedans ce matin. Il y a des questions

beaucoup plus importantes pour les travailleurs que vous représentez...

M. Laberge (Louis): C'est parce que vous avez dit quelque chose d'extrêmement important...

M. Pagé: Oui.

M. Laberge (Louis): ...vous avez dit: Vous avez été d'une patience très grande.

M. Pagé: Vous avez été patient.

M. Laberge (Louis): Ce n'est pas tombé dans l'oreille d'un sourd. Nous le reconnaissons, nous avons peut-être été trop patients.

M. Pagé: Ah! ça, qu'est-ce que vous voulez que je vous dise, monsieur, moi? Il faut connaître les motifs au soutien de la patience...

M. Laberge (Louis): Nous nous rappellerons cela, et vous aussi, nous l'espérons.

M. Pagé: ...parce qu'on a eu la campagne référendaire, on a eu tout ça.

Le Président (M. Jolivet): Allez, M. le député.

M. Pagé: M. le Président, je voudrais soulever à l'attention du ministre, ce matin, toute la question qui a été évoquée plusieurs fois, relativement aux employés "nationalisés" lors de la création de la nouvelle HydroQuébec, en 1966. C'est un problème qui a été soulevé...

M. Laberge (Louis): Ils ne vous entendent pas.

M. Pagé: On va parler plus fort.

C'est un problème qui est aigu, qui se pose avec beaucoup d'acuité, c'est un problème qui a été régulièrement porté à l'attention des gouvernements...

Le Président (M. Jolivet): M. le député, je m'excuse...

M. Pagé: Oui?

Le Président (M. Jolivet): ...c'est simplement votre micro qui ne fonctionne peut-être pas. On vous entend bien mais, à l'arrière, on vous entend mal.

M. Pagé: On va en prendre deux, si ça ne fait pas.

Bon. J'en étais à évoquer, comme préliminaire, comme préambule, tout le problème qui affecte les employés des compagnies nationalisées par Hydro-Québec. J'étais à dire que chacun des gouvernements, depuis une dizaine d'années, a été concerné par ce problème, a eu à écouter des représentations, des demandes qui lui ont été formulées. Chacun des gouvernements a tenté d'élaborer des ébauches de solutions et on se retrouve aujourd'hui avec la situation suivante: C'est-à-dire que l'employé de l'ancienne Hydro-Québec, qui travaillait pour Hydro-Québec avant le processus de nationalisation, se voit nettement privilégié et avantagé, selon les informations qu'on en a - le ministre pourra rectifier au besoin -par rapport à celui qui travaillait pour une compagnie qui a été nationalisée en 1965 et ce, même si le travailleur qui travaillait pour une compagnie qui a été nationalisée versait des contributions assez appréciables en termes de pourcentage de salaire. Le député d'Arthabaska signalait tantôt 4%. Dans certains cas, c'est 4%; dans d'autres, c'est 6% et, dans d'autres, c'est 7%.

On sait que le fonds de retraite des employés d'Hydro-Québec, au moment de l'intégration, présentait un déficit d'environ $34,000,000, alors que le déficit des employés des compagnies nationalisées était beaucoup moindre, même pas $1,000,000, à l'époque.

On sait que les employés qui travaillaient pour l'ancienne Hydro ont droit, pour le calcul de leur fonds de retraite, pour les années de service avant la nationalisation, à un pourcentage de 2% et, après 1965, à 2,25%. Je vais vous donner deux cas spécifiques, M. le ministre.

Prenez l'employé qui avait 20 ans de service, au 31 décembre 1965, pour l'ancienne Hydro; avec une moyenne de salaire des 5 meilleures années - prenons un chiffre pour que cela soit plus vite à calculer, $25,000 - avec un salaire de $25,000, à 2%, cela lui donne 40% et ce, pour les années avant 1966. $25,000 multiplié par 16 ans, c'est-à-dire de 1966 à 1981, multiplié par 2,25%, cela lui donne 36%. Cela lui donne un total de 76% du montant, c'est-à-dire une pension de $19,000. C'est pour l'ancien employé d'Hydro-Québec, celui qui a toujours travaillé pour Hydro-Québec.

Prenez le "nationalisé" qui prend sa retraite à l'âge de 60 ans. Pour le premier dont je vous parlais, c'était à l'âge de 60 ans. Le type avait 20 ans de service au 31 décembre 1965, lui aussi. Il y a 16 ans depuis la nationalisation et, pour le même salaire, $25,000, sa pension se calcule à 1,66%, selon la proposition formulée par le Conseil du trésor, en 1979, et, avant cette proposition-là, c'était 1,5% pour les années avant d'être "nationalisé" et le même régime, depuis qu'il est "nationalisé", c'est-à-dire 2,25%. Cela donne à ce travailleur $14,940, comparativement à $19,000 dans l'autre cas.

Prenez le cas où ce même travailleur continuerait jusqu'à 65 ans, selon le régime proposé par le Conseil du trésor qui prend 1,5% et 2,25% après pour faire un tout à 1,66%, cela lui donnerait $17,015.

Les gens sont inquiets. Les gens, selon moi, ont eu raison de faire des pressions soutenues et continuelles et les gens ont raison d'être ici ce matin. Ce qu'Hydro-Québec leur a proposé, c'est un régime contributoire avec deux options, une option par laquelle ils pourraient contribuer à 25% et Hydro-Québec à 75% et, l'autre option, à 50% et Hydro-Québec à 50%. Mais cela implique pour chacun de ces travailleurs l'obligation de débourser des sommes qui peuvent aller jusqu'à $5000 environ. Ce qu'il y a d'assez intéressant et qui n'a pas été dit, c'est que, dans les options qui sont proposées, le crédit acheté n'est payable qu'à l'âge de 65 ans; on n'en a pas parlé ce matin. Ce crédit acheté n'est pas sujet à indexation non plus; on n'en a pas parlé ce matin. Quand le retraité décède, le crédit acheté n'est pas considéré dans l'établissement de la demi-pension pour les survivants; on n'en a pas parlé ce matin.

La position que j'ai cru percevoir du ministre tantôt, c'est de dire: Hydro-Québec a formé un comité. Elle est en train d'étudier tout cela et elle va éventuellement proposer des choses au syndicat. Si HydroQuébec a formé un comité, M. le ministre, si c'est à l'étude actuellement, comment pouvez-vous justifier la réponse de M. Boyd, d'Hydro-Québec, la semaine dernière, à une question qui lui était posée par le député de Nicolet-Yamaska, M. Fontaine, qui disait, le 24 février 1981, sur la galée, R/314-ER du journal des Débats, à 21 h 10, le 24 février... Et je cite M. Boyd qui probablement avait reçu une information ne contenant pas toutes les données, c'est le moins qu'on puisse dire, mais, en tout cas, parce que je comprends que M. Boyd a bien des choses à traiter. Je cite: "Quant à ce qui concerne les gens de l'ancienne compagnie de la Shawinigan, puisque c'est dans votre territoire, - c'est toujours M. Boyd qui parle - je crois, nous avons corrigé leur fonds de retraite et apporté des correctifs à plusieurs reprises dans le passé. Ce qu'on leur a offert, en fait, ce qu'on leur a donné la dernière fois leur permettait de racheter les années de service et, avec cela, ils avaient un régime de retraite égal ou ils avaient l'occasion d'avoir un régime de retraite égal à celui des autres employés qui avaient toujours travaillé à Hydro-Québec. La majorité des employés que j'ai rencontrés moi-même sur ce sujet sont satisfaits, etc."

Comment concilier le fait que M. Boyd d'Hydro-Québec nous dise que cela semble être réglé, dans son esprit, et que le ministre nous dise ce matin: II y a un comité interne à Hydro-Québec avec des actuaires et tout cela qui étudient cela et on aura des propositions éventuellement à formuler? Hydro-Québec a transigé avec une association bona fide qui est l'association du personnel des anciennes compagnies hydroélectriques du Québec. Cela n'a pas plu au syndicat, ce qui est certainement légitime, mais il ne faudrait pas, M. le Président, que, parce qu'il y a eu des problèmes de savoir avec qui Hydro-Québec doit parler, les travailleurs paient la note encore pendant quelques années.

Le sens de ma question, ce matin, au ministre de l'Énergie et des Ressources est le suivant. J'aimerais aussi qu'il me réponde bien précisément. Je ne sais pas s'il est au fait de tout le dossier. Le travailleur qui occupait un poste dans une compagnie qui a été nationalisée recevait, en fait, pour le bénéfice de sa rente, un pourcentage de 1,5% et 2,25% tout comme les employés d'Hydro-Québec après 1966; la proposition formulée par le Conseil du trésor, ces gens l'interprètent comme voulant dire ceci: Au lieu d'avoir 1,5% et 2,25%, on aurait 1,66% en tout. Le ministre peut-il corriger cette information ou la confirmer ou l'infirmer? Mais qu'il nous donne la réponse! Les 2,25% acquis des travailleurs nationalisés pour la période courant après le 1er janvier 1966, vont-ils la conserver, premièrement, au point de vue technique, pour être capables de mieux interpréter la proposition formulée par le Conseil du trésor? Deuxièmement, - M. le ministre, je voudrais que vous demeuriez calme, que vous demeuriez serein...

M. Bérubé: Oh, oui.

M. Pagé: ... c'est beau de dire: On va siéger et on va étudier cela, on va s'asseoir et on va s'entendre. Il y a eu des propositions qui ont été faites en 1972, qui ont été acceptées pour une bonne part. Cela a contribué à faire avancer le dossier. En 1976, on avait encore le même problème parce que les ajouts apportés en 1972 n'étaient pas satisfaisants. Il y avait encore de l'inéquité, parce que je dois vous dire que cette situation m'apparaît inéquitable, injuste et inacceptable. Aujourd'hui, depuis quatre ans, le dossier a avancé dans le sens de la proposition du Conseil du trésor de mai ou juin 1979. Encore là, cette proposition témoigne de beaucoup d'inéquité, d'injustice et de caractère inacceptable. Aujourd'hui, on est en commission parlementaire chargée d'étudier le mandat d'Hydro-Québec et d'entendre Hydro-Québec. Quand M. Boyd a répondu cela, la semaine dernière, nous autres ici, autour de la table, on était bien heureux. On s'est dit: C'est réglé. On n'en reparlera plus, c'est réglé. Mais on s'est aperçu que ce n'était pas réglé et là, vous nous dites: On aura une commission parlementaire éventuellement.

Je veux vous demander ceci et j'espère que vous allez dire oui, à part ça. Ce n'est pas une affaire terrible. On n'a pas eu de commission parlementaire ici au sujet d'Hydro-Québec depuis deux ans, deux ans et demi, depuis 1978. Chaque fois que ces gens viennent pour soulever cette question à l'Assemblée nationale, ce n'est jamais le temps et ce n'est jamais le bon débat. On en parle dans le discours inaugural et on n'a pas de réplique du ministre. On n'est pas plus avancé. On va en parler dans une motion de mercredi. Cela peut être reporté. On pourrait en parler dans la motion du mercredi 11 mars prochain. Cela va être reporté aux calendes grecques et cela va couler aux élections. Cela va partir avec le PQ. Je veux vous demander...

Motion pour prolonger les travaux de la commission

On doit terminer nos travaux demain matin. La commission est maîtresse de ses travaux, la commission est souveraine, la commission peut prolonger ses travaux, la commission, en principe, peut mettre fin à ses travaux, la commission peut choisir d'entendre qui elle veut. Elle a le mandat de l'Assemblée nationale de travailler. Je propose - j'en fais une motion et j'aimerais que vous l'acceptiez; vous me répondrez en même temps - que la commission parlementaire de l'énergie et des ressources siège le mercredi 4 mars, c'est-à-dire demain, de 10 heures à 13 heures, aux fins d'entendre Hydro-Québec. S'ils ont commencé à travailler, ils doivent avoir quelque chose à nous dire. Si le comité est formé et s'ils ont commencé à faire des rapports, et ils sont capables de venir nous dire - comme M. Boyd nous l'a signalé le 24 février - que c'est réglé. M. Boyd, ses officiers, ses actuaires, ses comptables et son personnel viendront nous rencontrer. J'aimerais que le syndicat d'Hydro-Québec se fasse entendre. (12 heures)

II nous apparaît que la solution à ce problème ne peut être que politique. Il faudra qu'un gouvernement prenne la responsabilité d'une décision politique et dise: II y a un problème, cela coûte tant de millions pour le régler et on va le régler. Là, les parlementaires vont entendre les deux côtés. Je suis certain que M. Laberge et M. Laramé accepteraient de venir. Probablement que l'Association du personnel des anciennes compagnies hydroélectriques du Québec, qui est une association, pourrait, elle aussi, être entendue, j'en conviens. Je fais motion dans ce sens-là, M. le Président. Cela pourrait certainement contribuer à faire avancer le dossier.

Je dois vous dire que, malheureusement, j'aimerais bien ne pas avoir de méfiance à votre endroit, mais j'en ai pas mal et j'ai peur que cela parte avec les élections, tout cela. C'est le sens de la motion que je viens de déposer, M. le Président. Même si je suis intervenant, j'ai le droit de la déposer et, avant que le ministre donne sa position sur la motion, j'aimerais qu'il réponde au moins à la question spécifique que je lui ai formulée à l'égard de tout ce problème qui témoigne d'une injustice profonde à l'égard de ces gens-là.

Je ne suis pas du tout d'accord sur la solution du député d'Arthabaska - je lui dirai cela pour le taquiner - quand il disait tantôt que, dans une dizaine d'années, plus ça va aller, plus ça va se régler; ces gens-là vont être décédés. Même s'il y a plusieurs personnes d'une cinquantaine d'années ici aujourd'hui, elles ont l'air en pleine forme. Il n'y a pas de problème.

M. Perron: II ne faut pas charrier. Ce n'est pas à cela qu'il faisait allusion surtout.

M. Pagé: II faut le régler.

Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît!

M. Pagé: Là, vous êtes fâché parce que c'est nous autres qui le faisons. Calmez-vous donc et votez donc avec moi. Votez avec moi si vous voulez vraiment les représenter, ces gens-là.

Le Président (M. Jolivet): À l'ordre:

M. Perron: Actuellement, vous êtes en train de faire de la politique sur le dos des travailleurs. Je n'aime pas cela. Je suis un travailleur, moi aussi.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Duplessis.

M. Pagé: Ces gens-là savent que le député de Portneuf s'est occupé du dossier des nationalisés depuis 1976 et vous, vous n'avez rien fait là-dedans. Rien fait! Vous deviez être le 12 012ième, à Hydro-Québec.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Portneuf.

M. Perron: Je regrette, mais vous n'avez rien fait quand vous étiez là, vous autres non plus. Ce dossier traîne.

Le Président (M. Jolivet): À l'ordre! S'il vous plaît!

A ceux qui sont à cette assemblée, je tiens à faire remarquer que je ne dois, en aucune façon, accepter que vous donniez votre impression à des gens qui parlent en avant. Quant à ceux qui sont à ma gauche et à ma droite, je vous ai demandé de la tolérance envers ma voix et, jusqu'à

maintenant, tout a bien été. Je suis assuré que cela va continuer comme cela.

Cependant, avant de donner la parole au ministre, je dois faire remarquer au député de Portneuf que cette commission parlementaire, en vertu de ses règlements, à moins qu'il n'y ait consentement des membres de cette assemblée, ne peut accepter aucune motion. C'est une décision qui avait été rendue lors de la commission parlementaire qui a précédé celle-ci, celle sur la constitution. On a réglé le problème de cette façon: les membres de cette commission ont accepté, de façon unanime, une présentation de motion, puisque la convocation des commissions parlementaires sont du ressort du leader du gouvernement. Tout ce que les gens autour de cette table peuvent faire, c'est d'émettre des voeux pour que le leader du gouvernement convoque des commissions parlementaires.

Cette commission, bien entendu, a les pouvoirs qui lui sont conférés en vertu des règlements à l'effet de suspendre ou d'allonger les débats, ce qui veut dire qu'actuellement, c'est jusqu'à 24 heures ce soir, mais dans les autres cas c'est le leader du gouvernement qui est responsable de la convocation des commissions. Ce que la commission peut faire comme notion, si on peut le prendre dans le sens du mot motion, c'est d'inciter, par cette motion qui deviendra une forme de voeu, le leader du gouvernement à convoquer, en vertu des règlements, cette commission parlementaire pour la semaine prochaine.

M. Pagé: M. le Président, question de règlement.

Le Président (M. Jolivet): Question de règlement, M. le député de Portneuf.

M. Pagé: M. le Président, je dois vous faire part qu'à la même commission parlementaire - le ministre Bérubé était là avec nous - lorsque nous avons étudié toute la question des pâtes et papiers. À plusieurs reprises, des motions ont été déposées. Cela allait même, M. le Président, jusqu'à faire revenir à la table des gens qui avaient déjà témoigné, jusqu'à prolonger les travaux et même suspendre les travaux. On est allé aussi loin qu'obliger des intervenants à déposer des bilans d'entreprise. Rappelez-vous quand on avait obligé la Consolidated Bathurst à déposer ses bilans de la Wayagamack. M. le Président, je ne comprends pas aujourd'hui le sens de votre décision. Je ne la conteste pas, mais je dois vous dire ceci: Appelons les choses par ce qu'elles sont. Si j'ai demandé que la commission siège demain, c'est en raison du caractère urgent et impérieux de siéger dans les meilleurs délais. Je n'accepterai pas, moi, que le leader nous donne un ordre en

Chambre pour revenir siéger en commission en reconvoquant tout ça. M. le Président, c'est noyer le poisson.

M. le Président, face à votre décision, j'en appelle au consentement des membres.

M. Tremblay: Consentement.

Le Président (M. Jolivet): Je veux simplement vous dire que la commission élue permanente de l'énergie et des ressources, en vertu de la convocation qui lui avait été demandée pour les 24, 25 et 26 février, ainsi que les 2 et 3 mars, a lieu aux fins d'entendre les personnes et organismes qui veulent faire des représentations relativement aux plans d'équipement et de développement 1981-1890 de la société d'Hydro-Québec et, qu'en conséquence, toute autre question afférente n'est pas l'objet de cette convocation. C'est pour ça que je vous ai dit que la commission peut faire des demandes au leader, l'amener à convoquer une commission, mais que ça me prend le consentement de l'ensemble de ses membres pour ce faire.

M. Pagé: M. le Président, je dois d'abord vous dire que rarement nous voyons à l'Assemblée une procédure par laquelle un député en appelle à l'Assemblée, au président, parce que, essentiellement, ça veut dire à l'Assemblée: Est-ce que vous acceptez qu'on mette de côté la décision du président? M. le Président, je vous demanderais d'en appeler à l'Assemblée et vous devez certainement savoir que ça implique un appel nominal des députés.

Le Président (M. Jolivet): Je l'avais très bien compris, M. le député, puisque j'ai dit que la commission était toujours responsable de ses actes, mais que ça me prenait le consentement de l'ensemble, à ce niveau. Je demande donc, aux gens de cette commission, pour éviter toutes sortes de procédures et de discussions, puisque je pense que tous les membres sont au fait, quels sont ceux qui seront d'accord que la commission parlementaire actuelle discute de la motion présentée par le député de Portneuf. M. le député Bérubé (Matane).

M. Bérubé: Non, M. le Président. Une voix: Pardon?

Le Président (M. Jolivet): M. le député Baril (Arthabaska), pour ou contre?

M. Baril: Contre.

Le Président (M. Jolivet): M. le député Bordeleau (Abitibi-Est).

Une voix: Contre.

Le Président (M. Jolivet): M. le député Ciaccia (Mont-Royal).

M. Ciaccia: Pour.

Le Président (M. Jolivet): M. le député Desbiens (Dubuc).

M. Desbiens: Contre.

Le Président (M. Jolivet): M. le député Goulet (Bellechasse).

M. Goulet: Pour.

Le Président (M. Jolivet): M. le député Fortier (Outremont).

M. Fortier: Pour.

Le Président (M. Jolivet): M. le député Grégoire (Frontenac).

M. Grégoire: Contre.

Le Président (M. Jolivet): M. le député Perron (Duplessis).

M. Perron: Contre, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): M. le député Tremblay (Gouin).

M. Tremblay: Consentement, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): Donc, nous sommes arrivés à un, deux, trois, quatre, cinq voix contre et quatre pour. Donc, la motion n'est pas recevable.

M. Samson: M. le Président, est-ce que je pourrais vous poser une question?

Le Président (M. Jolivet): J'espère que ce n'est pas sur le même sujet, parce que...

M. Samson: Non, c'est sur une question de règlement.

Le Président (M. Jolivet): Oui, M. le député.

M. Samson: Vous avez fait l'appel des membres qui ont le droit de vote et vous avez appelé M. Bordeleau (Abitibi-Est). J'ai entendu "contre", mais je ne le vois pas.

Le Président (M. Jolivet): Je dois vous dire, monsieur, qu'il n'a pas participé au vote et que le vote est toujours cinq contre quatre.

M. Samson: C'est parce qu'il y a quelqu'un qui a crié "contre". Je pensais que ç'aurait été compté.

Le Président (M. Jolivet): Non, il n'y a personne. Je ne l'ai pas entendu, quant a moi.

M. le ministre, pour réponses aux questions posées par le député de Portneuf. Je tiens toujours à faire remarquer que le député de Frontenac a demandé la parole et que nous avons une autre association qui a demandé à être entendue avant quinze heures, puisqu'elle doit nous quitter. M. le ministre.

M. Bérubé: M. le Président, le député de Portneuf m'a demandé de rester calme et serein et je compléterai mes propos en étant moins arrogant qu'il ne l'a été dans son intervention. Son intervention avec le sourire au coin des lèvres était assez caractéristique d'un homme politique qui, pendant des années, a fait partie d'un gouvernement qui n'a pas réglé les problèmes. Se retrouvant à la veille d'élections, il croit qu'il va se faire du capital politique en démontrant subitement une ferveur qu'il n'a pas montrée antérieurement. On peut se demander dans quelle mesure cette ferveur n'est pas feinte, simplement, pour essayer de se ménager du capital politique, mais ça ne prend plus de nos jours.

La première question qu'il a posée porte sur le contenu technique du programme de régime de retraite existant à Hydro-Québec. Malheureusement, je ne suis pas en mesure de répondre techniquement à votre question pour une raison très simple: je n'ai pas été partie au moment de la préparation des négociations; je n'ai donc pas suivi...

M. Pagé: Vous ne connaissez pas le dossier?

M. Bérubé: Exactement. C'est...

M. Pagé: Vous avez avoué, ce matin, que vous ne connaissiez pas le dossier?

M. Bérubé: C'est ça.

M. Pagé: Vous vous en êtes occupé pas mal avant, vous, pas mal!

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Portneuf, tous les gens autour de cette table vous ont permis, en vertu de l'article 100, de parler sans être dérangé. Laissez au ministre le soin de répondre, s'il vous plaît.

M. Bérubé: Oh, c'est un jeune garnement, M. le Président; il faut comprendre certains de ses excès. Je pense qu'il n'a pas encore appris à présenter un certain calme. Il est excellent acteur, d'ailleurs, et on voit immédiatement à son sourire narquois au coin des lèvres qu'il ne croit absolument rien de ce qu'il dit.

M. Pagé: Un jeune garnement qui est arrivé ici avant toi et qui va partir après.

M. Bérubé: C'est connu depuis longtemps, le député de Portneuf n'a aucune sincérité dans les propos qu'il tient; c'est purement et simplement du théâtre.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Bérubé: Donc, à la première question, je ne peux pas répondre sur le contenu technique, parce qu'en toute honnêteté je n'ai pas les éléments pour véritablement en parler et, dans ce temps-là, je ne parle pas. Point, à la ligne.

Concernant, cependant, l'importance d'une discussion de fond, à quelques reprises j'ai rencontré des délégations qui m'ont fait part de cette question qui est extrêmement complexe et nous avons senti le besoin de la replacer dans le contexte de toutes les négociations syndicales-patronales à l'intérieur d'Hydro-Québec. C'est pour cette raison qu'à l'époque nous avions pensé tenir une commission parlementaire en deux volets. Le premier volet aurait pu être, par exemple, les relations de travail. Le deuxième volet aurait pu être le plan d'équipement d'Hydro-Québec. C'était la proposition initiale que j'avais faite.

Toutefois - c'est ce que j'ai souligné dans mon intervention et c'est également ce que le président de la FTQ a souligné dans son intervention - il est apparu aux deux parties - ce n'est pas la position gouvernementale plus que la position syndicale; nous nous sommes rencontrés et les deux étaient exactement du même avis -qu'elles n'étaient pas suffisamment préparées pour s'engager dans une commission parlementaire sur les relations de travail qui pourrait porter des fruits. Nous avions demandé à Hydro-Québec de faire une partie de la réflexion. Du côté syndical, on fait cette réflexion, de telle sorte que l'on pourra s'engager, comme je l'ai indiqué tantôt, dans un véritable débat de fond sur toutes les relations de travail à l'intérieur d'Hydro-Québec et cela, dans un climat où les deux parties se seront suffisamment bien préparées pour apporter une contribution positive et tenter de régler véritablement des problèmes. Cette question n'a jamais préoccupé le député de Portneuf, cela ne l'a jamais empêché de dormir. Ne vous inquiétez pas, cela ne le fatigue pas plus que cela. Cependant, se retrouvant en période préélectorale, évidemment, cela paraît bien de subitement y montrer un certain intérêt.

M. Pagé: M. le Président, question de règlement.

Le Président (M. Jolivet): Question de règlement, M. le député de Portneuf, s'il vous plaît.

M. Pagé: Question de règlement, strictement pour soulever mon privilège de député.

Une voix: II n'y a pas de question de privilège.

M. Pagé: Oui, oui. Ce n'est pas une question de privilège, M. le Président, mais on peut soulever une question de règlement, selon 99.

Le Président (M. Jolivet): M. le député, je tiens à vous faire remarquer que la coutume a été établie que vous puissiez intervenir après l'intervention du ministre, en vertu de l'article 96, dans le but de rectifier des faits.

M. Pagé: Ah, oui! Merci!

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Bérubé: Merci, M. le Président. En fait, je termine en disant qu'effectivement cette question est importante. Je sais qu'en 1979 Hydro-Québec avait fait une proposition d'amélioration du régime de pension en faisant porter la contribution de 1,5% à 1,66% du salaire des cinq meilleures années par année de services. C'était une amélioration par rapport à ce qui existait antérieurement, entre 1% et 1,5%, mais ce n'était pas suffisant pour répondre à l'attente de la partie syndicale. C'est absolument indéniable, mais c'était connu. On sait comment se sont terminées les dernières négociations. Je pense qu'elles ne se sont pas terminées d'une façon normale, en tout cas, à mon point de vue, et je ne pense pas du point de vue syndical, non plus. Toutefois, le but de cette commission n'est pas ici -d'ailleurs, d'un commun accord - de s'engager dans un débat de fond sur les relations de travail au sein d'Hydro-Québec. Le but de cette commission, c'est de discuter du plan d'équipement d'Hydro-Québec et je ne suis pas venu à cette commission préparé en fonction d'un débat de fond sur les relations de travail à l'intérieur d'Hydro-Québec.

Maintenant, je n'ai, évidemment, pas l'aptitude du député de Portneuf à pouvoir parler de n'importe quel sujet sans être préparé. Malheureusement, je dois dire que je ne suis pas préparé techniquement pour discuter d'un sujet aussi complexe que tout le dossier du fonds de retraite d'Hydro-Québec. Dans ces conditions, ce ne sera pas une discussion; cela va être un monologue purement et simplement politique du député de Portneuf qui, lui, simplement prévoit des

difficultés dans son propre comté à se faire réélire et qui sent le besoin d'aller se raccrocher deux ou trois votes ici et là. Mais je pense bien que cela ne convainc personne.

M. Pagé: M. le Président, en vertu de l'article 96.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Portneuf, en vertu de l'article 96.

M. Pagé: Très brièvement, pour rétablir certains faits. Premièrement, je passerai outre au qualificatif de jeune garnement du ministre. Je dois lui dire que je suis arrivé ici trois ans avant lui et que je vais partir pas mal d'années après lui. (12 h 15)

Deuxièmement, mon intérêt au dossier; M. le Président, les gens du comté et les travailleurs savent pertinemment que je m'intéresse à ce dossier depuis 1975. Troisièmement, ce qui est beaucoup plus grave - et je demanderai au ministre d'écouter - c'est que le ministre vient de nous dire: Je ne suis pas préparé techniquement pour répondre. M. le Président...

M. Grégoire: M. le Président, ce n'est plus pour rectifier des faits et, si c'est un débat qui s'amorce, je vous demanderai de le rappeler à l'ordre.

M. Pagé: M. le Président...

Le Président (M. Jolivet): Je vais quand même entendre ce qu'il a à dire, en espérant qu'il va s'en tenir au règlement.

M. Pagé: Oui, oui.

M. Bérubé: II n'a rien à dire, M. le Président.

M. Pagé: M. le Président, je voudrais porter à votre attention que, dans une lettre du 13 novembre 1979 adressée à M. M. Beaudoin, président de l'Association du personnel des anciennes compagnies hydroélectriques du Québec, M. Yves Bérubé, sous sa signature, ministre de l'Énergie et des Ressources, disait: "L'étude que j'ai faite du dossier m'indique que les mesures apportées par Hydro-Québec en 1972 et 1979 ont comblé une part importante de vos demandes."

M. Grégoire: Question de règlement! Je crois que les propos du député de Portneuf sont nettement antiréglementaires.

Le Président (M. Jolivet): M. le député! M. le député!

M. Pagé: II dit que, techniquement, il n'est pas préparé et, dans cette lettre, il dit qu'il accepte ce qu'Hydro-Québec a proposé.

M. Grégoire: Ce n'est plus un rétablissement des faits, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Frontenac, la parole est à vous.

M. Grégoire: M. le Président, on va sortir de la période de politique dans laquelle on a été entraîné et on va essayer de revenir au vif du sujet qui nous intéresse ce matin, soit le devancement des travaux. Vos arguments me convainquent, je sais que le président d'Hydro-Québec est aussi dans la salle aujourd'hui, j'espère qu'il va en sortir convaincu, j'ai hâte d'entendre ses réponses à tout cela ce soir. Mais il y a un point parmi vos arguments, M. Laberge, qui n'a peut-être pas été assez soulevé. C'est le coût d'une période creuse pour les travailleurs sur les chantiers. Vous dites, à la page 9 de votre mémoire: Nous pouvons facilement estimer à près de $500,000,000 pour la période le coût en assurance-chômage et aide sociale pour les licenciés d'Hydro-Québec et, si on y ajoute les effets multiplicateurs à la hausse sur l'économie, ces $500 millions dépasseraient de beaucoup le déficit de $280 millions qui, lui, n'est constitué que dans une seule hypothèse sur neuf, parce que les huit autres hypothèses entraînaient des profits malgré les coûts supplémentaires et la neuvième entraînait des pertes. Mais, comme on nous l'a dit, c'est dans les cas les plus défavorables, cataclysmes possiblement, une sur neuf. Connaissant Hydro-Québec et connaissant ses compétences, nous savons fort bien, vous et moi, qu'elle va s'en tenir aux trois ou quatre premières hypothèses plutôt qu'à la septième, la huitième ou la neuvième.

D'un autre côté, vous mentionnez une perte pour le gouvernement de $500 millions. Avez-vous fait des analyses là-dessus, M. Laberge?

M. Laberge (Louis): Une moyenne de 6000 travailleurs par année, mettons-les simplement, en bénéfices d'assurance-chômage, à $10,000 par année, ce n'est pas exagéré, déjà, ça fait combien, 6000 à $10,000? Vous calculez vite, vous. Cela fait combien? $60 millions? C'est cela? $60 millions multiplié par cinq ans, on arrive tout de suite à $300 millions. C'est facile à calculer; avec les autres retombées que cela peut avoir, on atteint très facilement les $500 millions. Ce n'est pas exagéré du tout.

M. Grégoire: Le coût, comme vous le mentionnez, de préparer une nouvelle équipe pour les chantiers?

M. Laberge (Louis): Cela aussi, c'est la danse des millions encore une fois, il n'y a aucun doute.

M. Grégoire: C'est le point que je voulais faire ressortir, le coût du non-devancement.

Le Président (M. Jolivet): Merci.

M. Laberge (Louis): Est-ce que le temps est venu de vous remercier, M. le Président?

Le Président (M. Jolivet): Je pense, oui.

M. Laberge (Louis): M. le Président, membres de la commission, nous tenons à vous remercier. Nous avons apprécié votre attention, nous avons apprécié vos questions. D'après ce que nous pouvons voir, vous semblez être unanimes, il y aura donc une recommandation de la commission, et nous en sommes fort heureux. Vous semblez aussi unanimes à dire qu'il y a eu une injustice vis-à-vis de ce qu'on appelle les "nationalisés" d'Hydro-Québec en ce qui a trait à la caisse de retraite. Je suppose que vous continuerez d'être unanimes là-dessus pour régler le problème une fois pour toutes. Vous l'étiez au mois de décembre, il y a deux ans, quand vous avez adopté la loi spéciale nous privant de notre droit de grève; je vous souhaite encore la même unanimité.

Le Président (M. Jolivet): Merci à M. Laberge et à ses compagnons, au nom des membres de cette commission.

Pendant que j'invite l'Association Environnement Archipel à se présenter, représentée par M. Charles Mallory, je dois dire que j'ai fait une erreur tout à l'heure: le mémoire présenté par Dominion Bridge-Sulzer Inc. n'est que pour dépôt, de telle sorte que le mémoire est reçu au secrétariat des commissions ainsi qu'à la bibliothèque de la Législature et qu'il pourra être remis à ceux qui en feront la demande soit au secrétariat des commissions ou à la bibliothèque de la Législature.

Je tiens à faire remarquer aux gens qui nous quittent de nous laisser cependant la possibilité de poursuivre nos travaux. S'il vous plaît.

M. Charles Mallory. Est-ce que vous êtes seul, M. Mallory?

Association Environnement Archipel

M. Mallory (Charles): Non, nous sommes cinq, mais c'est assez difficile...

Le Président (M. Jolivet): Maintenant que vous êtes installés, est-ce que vous pouvez nous donner le nom et la fonction des personnes qui vous accompagnent?

M. Malllory (Charles): Oui, certainement, M. le Président. Je vous présente notre président, M. Pierre André, à ma gauche. À sa gauche, M. Edwin MacKay, le secrétaire; et Yolaine Lebeau, et, à ma droite, Robert Cordner. Nous sommes tous membres de l'exécutif de l'Association Environnement Archipel.

Le Président (M. Jolivet): Je m'excuse, j'ai mal compris le nom de votre...

M. Mallory: M. Pierre André.

Le Président (M. Jolivet): Pierre André.

M. Mallory: Comme le prénom.

Le Président (M. Jolivet): Merci.

M. Mallory: M. le Président, juste avant que nous présentions notre mémoire, je veux demander ici si ce n'est pas possible de permettre au beau soleil d'allumer et éclairer nos débats. On voit qu'on a allumé partout. Ce n'est pas totalement hors du sujet. Hydro-Québec indique qu'il y a une très forte demande qu'il faut combler. On se demande si ce n'est pas un gaspillage à grande échelle qui est peut-être responsable aussi de cette forte demande.

Le Président (M. Jolivet): Vous devrez considérer cependant que pour les besoins de la télévision ces grosses lumières qui nous éclairent sont nécessaires et que les rayons du soleil, malheureusement, viennent nuire à la bonne image qui est transmise sur les écrans de télévision.

M. André (Pierre): Je vais lire assez rapidement le mémoire que nous vous présentons aujourd'hui. Comme il est relativement court, je vais me permettre de le lire. Ce mémoire se compose de trois parties principales. Dans un premier temps, on présente l'association, qui est un groupe de citoyens de la région de Montréal. Il faut dire que le mémoire concerne particulièrement le projet Archipel, qui est relativement peu mentionné dans les planifications d'Hydro-Québec pour une stratégie des années quatre-vingt.

La première partie rappelle un peu un historique de l'Association Environnement Archipel. Dans la deuxième partie, nous allons apporter certains commentaires sur les documents d'Hydro-Québec, une stratégie pour les années quatre-vingt. Et, dans la troisième partie, nous allons apporter certains commentaires sur les documents du secrétariat d'État à l'Aménagement, secrétariat qui est en charge du projet Archipel dans la région de Montréal.

Ces divers commentaires se veulent constructifs et ne sont aucunement

destructifs. J'espère que même s'ils peuvent être parfois piquants, cette assemblée les prendra avec un certain optimisme plutôt que pessimisme.

C'est à la suite de l'inquiétude venue de spécialistes de l'environnement qu'a pris naissance l'Association Environnement Archipel. Tout a débuté à la ville de LaSalle le 15 septembre 1980. Les représentants d'une dizaine d'associations de la région de Montréal vouées à la récréation, au sport, à l'écologie et à la conservation de la faune étaient alors présents. Les participants ont jugé qu'il s'avérait nécessaire de réunir les gens intéressés à mieux connaître les implications du projet Archipel tel que conçu par les autorités gouvernementales. À la suite de cette première, des réunions de structure et d'organisation ont eu lieu pour établir l'association sur des bases solides. C'est dont à l'Université du Québec à Montréal, le 17 novembre 1980, que s'est tenue l'assemblée générale de fondation. Une constitution, les règlements et les buts à poursuivre y ont été discutés et établis.

Je voudrais maintenant vous rappeler les buts de notre association. Les buts de l'association sont de récolter et d'analyser toute information pertinente au projet Archipel, de faire en sorte que cette information parvienne au public en des termes clairs et compréhensibles, de favoriser l'échange d'opinion entre les membres de l'association et le grand public, d'être vigilant et inquisiteur face à l'évolution du projet, de proposer, s'il y a lieu, des solutions de rechange aux problèmes cruciaux de l'archipel de Montréal, d'organiser les interventions à la réalisation des politiques de l'association et de s'opposer aux parties du projet qui nuiraient aux populations concernées.

Il va de soi qu'il est important qu'il existe une collaboration étroite entre les autorités gouvernementales et le public touché par le projet. Pour ce faire, l'Association Environnement Archipel a eu -c'est écrit ici une première, mais, depuis ce temps, il y a eu certaines autres rencontres - une première rencontre officielle avec le comité Archipel du secrétariat d'État à l'aménagement qui gère les études de faisabilité du projet. Les buts de cette rencontre étaient alors d'échanger tout renseignement et toute documentation pertinente et de nous assurer une certaine collaboration pour l'établissement de nos propres séances publiques d'information.

L'association a mis sur pied des ateliers de travail qui étudieront les implications réelles touchant les divers aspects de l'environnement, comme la récréation sur les voies d'eau, la faune aquatique et semi-aquatique, la réalisation de centrales hydroélectriques et le problème des inondations.

En plus de ces ateliers, l'association est à mettre sur pied des corps régionaux. Ces corps veulent regrouper les gens impliqués dans les problèmes environnementaux de leur milieu, et plus particulièrement ceux de l'eau. Sur une base régionale, ils permettront de réunir les gens concernés par de similaires problèmes.

Une invitation a été lancée dans la région de Montréal pour intéresser plus de 200 associations concernées par le projet sur l'île de Montréal et ses environs. Ces associations sont invitées à venir étudier les problèmes d'aménagement des espaces bleus, à faire entendre leur point de vue et enfin être en mesure de parler du projet avec les gens qui sont impliqués.

L'Association Environnement Archipel est structurée démocratiquement et toute prise de position doit être entérinée en assemblée générale. Il nous serait actuellement impossible de considérer l'ensemble du projet ou même ses différentes constituantes avant la présentation et l'analyse des études en cours. Nous n'avons pas encore de position ferme à communiquer. Nous affichons présentement une objectivité face au projet. Nous voulons toutefois par cette présentation montrer l'intérêt du public sur ces questions et même en profiter pour amener certaines interrogations. Nous espérons que les questions suscitées seront résolues avant que ne soient prises les décisions sur le projet.

En plus du livre blanc sur l'énergie, nous avons étudié le document présenté récemment par Hydro-Québec: Une stratégie des années quatre-vingt, et aussi plusieurs documents diffusés par le secrétariat d'État à l'aménagement sur le projet Archipel.

Nos commentaires sur le document d'Hydro-Québec: La présentation du projet Archipel dans les documents d'Hydro-Québec suscite plusieurs questions, mais n'offre que peu de réponses. Le fait que le projet soit presque ignoré nous encourage et nous inquiète à la fois. C'est encourageant, en ce sens qu'Hydro ne le voit pas comme une priorité de développement, ce qui laisse passablement plus de temps pour accomplir d'adéquates études d'impacts, mais c'est inquiétant quand on voit la propagande massive faite par certaines instances gouvernementales en faveur de cette option. Est-il possible qu'Hydro-Québec puisse être confrontée à une décision de nature politique face à l'accomplissement du projet?

Selon les documents, le Québec se lancerait, dès les années quatre-vingt-dix dans, l'ère du nucléaire. La construction des installations requises pour ce type de production commencerait au cours de la décennie quatre-vingt. Un regard sur le graphique 3.2, le graphique qui figure ici en annexe, laisse entrevoir qu'à la suite des investissements hydroélectriques prévus à

court terme, aucun projet hydroélectrique ne pourrait concurrencer le nucléaire. Donc, avant la fin de cette décennie, la construction d'un certain nombre d'installations nucléaires sera entreprise, installations qui seront en fonction au cours de la suivante décennie.

Aucun chiffre précis n'est cité en ce qui concerne les coûts d'exploitation des différentes alternatives (le nucléaire, les autres projets hydroélectriques et les centrales au charbon) toutefois, il est possible de discuter les résultats escomptés. Pourquoi diverses compagnies américaines ont-elles décidé non seulement de construire leur nouvelle centrale thermique au charbon, mais aussi d'abandonner plusieurs projets de centrales nucléaires déjà amorcées avec des pertes financières importantes?

Supposons que les coûts du nucléaire soient au moins égaux à ceux des centrales au charbon, le graphique 3.2 nous offre une perspective bien différente. Entre autres, le projet Archipel, version de 730 MW, devient rentable. Il devient requis et mis en activité pour les années 1996, la construction commençant en 1986.

Le projet Archipel n'est pas un projet comme les autres, vous en conviendrez. Il est situé au sein de la métropole du Québec. N'est-ce pas l'unique projet de cette envergure en milieu urbain? Il faut donc considérer attentivement les retombées sociales, les besoins les plus pressants en aménagement de la faune et la préservation d'endroits à l'état naturel, compte tenu du nombre important de personnes qui occupent la région montréalaise et qui veulent bénéficier de façon optimale des eaux de l'Archipel. (12 h 30)

Peu de renseignements concernant les résultats des études faites sur le projet Archipel sont actuellement accessibles. Le projet initial, version de 1600 MW, coûterait deux fois plus que le nucléaire et le petit projet, version 730 MW, 1,46 fois plus. Mais quels sont les coûts ici considérés? Quelques indications sont disponibles dans le document intitulé "Plan des installations". Les coûts comprennent l'ensemble des installations, ce qui doit inclure des mesures correctrices pour rendre ces projets plus acceptables et pour harmoniser l'insertion dans le milieu.

Nous ne pouvons évidemment pas critiquer ces calculs, mais nous suggérons qu'ils doivent inclure non seulement ces travaux et ceux qui remédient au tort fait à l'environnement, mais qu'ils incluent également les travaux requis pour l'assainissement de nos eaux. Nous savons tous que les eaux de la région montréalaise sont sérieusement polluées. Plusieurs travaux sont projetés pour améliorer cette situation et en voici quelques exemples. Montréal a eu priorité pour le nettoyage du côté sud de la rivière des Prairies et Laval, son côté nord, ainsi que la rivière des Mille Îles; ces deux rivières sont assurément les plus polluées de la région. L'égout intercepteur nécessaire au sud de l'île de Montréal sera assurément construit avec ou sans Archipel. C'est déjà un commencement et de nombreux autres projets d'épuration et d'assainissement doivent être mis de l'avant.

Il faut aussi faire attention de ne pas occasionner de nouvelles détériorations du milieu. La retenue des eaux du lac Saint-Louis avec un barrage pourrait amener de nouveaux problèmes et, possiblement, une détérioration inacceptable de la qualité de l'eau. Un tel barrage pourrait entraîner la réalisation de nouveaux travaux de dépollution et ces coûts devraient faire partie des coûts prévus pour la réalisation du projet hydroélectrique. Un programme d'assainissement des eaux et d'épuration des eaux, géré par le ministère de l'Environnement, ne devrait-il pas s'imbriquer au projet Archipel afin qu'il puisse vraiment intégrer tous les problèmes de la gestion des eaux de l'Archipel montréalais?

Nous tenons à vous assurer que nous ne considérons pas les données reçues suffisantes pour faire du projet Archipel une évaluation valable. Il faut que les études, qui ne sont pas encore nommées, soient rendues publiques. Il nous sera alors possible de vous faire connaître notre opinion sur leur contenu et leurs implications par rapport à la liste des projets prioritaires d'Hydro-Québec.

Il nous faut aussi mentionner la nécessité de consultation publique. C'est assez normal au Québec. Par exemple, les autochtones de la Baie James ont pu siéger à quelques comités en une consultation formelle et continuelle. Alors qu'au nord du Québec, il n'y a que quelques milliers de résidents, il y a, dans la région métropolitaine, une population de quelques millions. Il est, cependant, évident que cette consultation ne doit pas être mille fois plus longue et compliquée. Un processus de consultation a été mis sur pied par le Secrétariat d'État à l'aménagement. C'est sûrement le plus grand effort de ce genre jamais entrepris au Québec, mais est-ce suffisant pour desservir une population aussi grande? Un délai d'une année est bien maigre s'il faut en même temps faire les études et entendre les citoyens sur leurs résultats.

Commentaires sur les documents du Secrétariat d'État à l'aménagement. Des documents présentés par le Secrétariat d'État à l'aménagement sur le projet Archipel, c'est surtout le document intitulé "Programme de travail: étude de faisabilité" qui fera l'objet de nos commentaires. Nous avons remarqué que la version anglaise diffère considérablement de la version française, la

première discutant plus en profondeur des études à entreprendre.

Nous savons bien qu'il y a encore beaucoup à apprendre sur la dynamique des écosystèmes aquatiques comme celle des rapides de Lachine. Nous osons espérer que les études en cours dans cette région sauront apporter des réponses aux nombreuses questions qui surgissent lorsque l'on entrevoit la possibilité de construire un barrage juste en amont des rapides - il faut lire amont plutôt que aval ici. Nous avons cependant peur des conséquences néfastes que pourrait entraîner la construction d'un tel barrage sur les écosystèmes impliqués.

On se rappellera l'élimination, par la construction de la Voie maritime du Saint-Laurent, des rapides du Long-Sault entre Messina, New York, et Cornwall, Ontario. Pour ne citer que M. Pearce, chef d'un comité d'études de la Commission conjointe internationale, "une des plus productives et belles sections de rivière dans le pays et dans le monde fut transformée en un désert semi-biologique lorsque les rapides du Long-Sault furent détruits".

Dans le programme d'études, on peut également lire que "relativement peu de choses sont connues sur les rapides en tant qu'environnement biologique, la dynamique de mélange des eaux, les micro-climats, la migration des poissons et des oiseaux", et bien d'autres choses.

Il nous faut aussi noter qu'à la suite de plusieurs études menées sur des rapides à travers l'Amérique du Nord, beaucoup de ces lieux furent déclarés réserves écologiques pour le bénéfice des générations à venir.

Dans ce même programme d'études, il est mentionné que "toute altération dans la quantité ou qualité des eaux de l'Archipel aura sans aucun doute des répercussions sur la végétation et la faune aquatiques et ripariennes ainsi que sur les oiseaux aquatiques et semi-aquatiques".

Il y a environ trois ans, à la suite d'études sur les répercussions possibles d'un tel projet sur les rapides de Lachine, M. Pearce mentionnait: "D'un point de vue environnemental et biologique, la perte d'une partie quelconque des rapides de Lachine serait un désastre".

Une période d'un an, telle qu'allouée dans le programme pour l'étude du milieu biologique des rapides de Lachine, semble beaucoup trop courte en raison de la complexité et de la variété de la faune et de la flore présentes à cet endroit. Il nous suffit de mentionner que la région des rapides héberge près de 76 espèces de poissons et un nombre tout aussi impressionnant d'espèces d'oiseaux aquatiques et semi-aquatiques; de plus, la faune qui occupe les rives de cette région est des plus diversifiées.

L'aménagement des rapides de Lachine tel que proposé par le projet Archipel ressemble beaucoup au projet de Beauharnois, Québec. Situé sur le Saint-Laurent à environ 50 kilomètres de Montréal, ce projet consiste en un canal dérivant près de 80% des eaux du fleuve. Ce projet a eu un effet désastreux sur l'environnement de cette région et causait des disparitions presque totales de très beaux rapides entre les lacs Saint-François et Saint-Louis.

Le programme d'étude sur le projet Archipel mentionne l'aspect déjà artificiel que possède le milieu d'aujourd'hui et demande quelles seraient les mesures correctrices à apporter pour que soit demain restauré autant que possible l'état naturel du milieu. Vous admettrez avec nous que ce point de départ est discutable pour un important projet de construction comme le projet Archipel. Comment peut-on également restaurer et rendre aux eaux de l'Archipel leur état naturel si nous y créons un milieu nettement artificiel? Jamais dans l'histoire de la construction de barrages, un ensemble de rapides n'ont été aménagés sans que s'ensuive leur destruction.

L'élément hydroélectrique du projet Archipel nécessiterait l'aménagement des rapides de Lachine, la drague et le dynamitage d'une portion ou d'une certaine région au niveau du lac Saint-Louis et du bassin de Laprairie ainsi que la destruction probable de plusieurs espèces végétales et animales de cette région. M. Parkinson et M. Décarie, respectivement concepteur et directeur du projet, ont affirmé lors des séances d'information publiques que 80% du projet se concentrerait dans le secteur des rapides de Lachine.

Le programme d'études mentionne qu'il y a raison de croire que la situation par rapport à la qualité de l'eau sera améliorée et que le projet pourrait résulter en une meilleure dilution des eaux. Il est difficile de concevoir comment l'emmagasinage des eaux en amont du barrage pourrait entraîner, pour ne pas dire créer, une plus grande quantité d'eau facilitant cette dilution. Autant de pollution qui sera certainement présente dans ce réservoir; elle pourrait possiblement se déplacer vers l'aval des présents rapides, nuisant aux populations de cette nouvelle région, compte tenu de l'élimination de l'effet auto-épurateur des gros rapides.

Dans la région montréalaise, la façon la plus simple de prévenir la pollution, et d'y remédier, est de cesser d'utiliser nos voies d'eau comme des réservoirs d'eaux usées et de procéder à un aménagement complet pour assurer l'assainissement et l'épuration des eaux, comme l'installation de tuyaux collecteurs et la construction d'usines d'épuration. Ce problème majeur, bien que déjà partiellement résolu, est constamment remis à plus tard et n'est strictement pas mentionné dans le programme d'étude, plan

de travail du projet Archipel qui se veut un projet d'intégration des problèmes des eaux de l'Archipel de Montréal.

M. Jean-René Mongeau, biologiste en chef du ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche et sûrement un des spécialistes au sujet des rapides de Lachine, a fortement recommandé au gouvernement que tous les rapides de Lachine soient déclarés arrondissement naturel et qu'aucun barrage ou canal ne soit construit tant en aval qu'en amont de ces mêmes rapides et que cesdits rapides soient préservés à leur état naturel. Y aurait-il là contradiction au sein de notre organisation gouvernementale?

Plusieurs municipalités aux alentours des rapides de Lachine se sont déjà opposées ouvertement au projet; près de 25,000 personnes ont signé une pétition afin de conserver les rapides en tant que lieu historique. Il est important de réaliser dans la mesure du possible les besoins des aspirations de la majorité silencieuse qui semble consciente de l'ampleur et des implications d'un tel projet.

Derniers rapides d'importance conservés à l'état naturel, les rapides de Lachine revêtent une importance tant historique qu'environnementale. Ne serait-il pas opportun que ces rapides, les îles et les espaces verts avoisinants soient annexés au projet de un fleuve un parc, comme parc régional et lieu historique, pour la joie et au profit des générations à venir?

C'est sur ce que je termine la présentation de ce mémoire, M. le Président, et que je vous remets la parole.

Le Président (M. Jolivet): Merci, M. le député de Crémazie et ministre d'État à l'aménagement et délégué à l'habitation, vous avez la parole.

M. Tardif: M. le Président, j'imagine que je suis inscrit à titre d'intervenant maintenant. Je désire, en effet, intervenir à ce moment-ci, d'abord pour remercier l'association Environnement Archipel de sa présentation. On constate, à l'énoncé des buts de cette association qui consistent à récolter, à analyser l'information pertinente au projet, à informer le public en termes clairs et compréhensibles. Troisièmement, nous dit-elle, à favoriser l'échange d'opinions entre l'association et le grand public. Quatrièmement, dit-elle, d'être vigilant et inquisiteur face à l'évolution du projet. Cinquièmement, de proposer s'il y a lieu des solutions de rechange aux problèmes cruciaux de l'Archipel et, sixièmement, de s'opposer aux parties du projet qui nuiraient aux populations concernées.

Je dis qu'il s'agit là d'objectifs que nous poursuivons également et c'est la raison pour laquelle je voudrais intervenir à ce moment-ci, en réponse, si vous voulez, à la question posée par les intervenants au tout début, qui disaient à la fois se réjouir et s'inquiéter de ce que le projet Archipel n'apparaissait pas de façon plus détaillée dans le plan d'investissements, dans le programme d'équipement d'Hydro-Québec.

Si le projet Archipel n'apparaît pas comme tel dans ces documents, c'est que ce projet, avant même d'être un projet hydroélectrique ou de production d'électricité, est d'abord un projet d'aménagement. C'est d'abord un projet visant à régulariser le régime des eaux de l'archipel de Montréal, de ces quelque 350 ou 360 îles qui forment l'archipel. Là-dessus, l'objectif est clair. Les journaux, récemment, rapportaient que des dizaines de milles carrés de territoire étaient inondés, inondations dévastatrices que les populations riveraines, tout le long de la rivière des Mille-Îles, connaissent très bien.

Cet hiver, le gel a provoqué un embâcle dans le port de Montréal durant deux semaines, a causé des pertes considérables au transbordement des marchandises, aux installations portuaires. Cet hiver également, il y a trois semaines à peu près, les journaux nous apprenaient que 250,000 personnes, sur la rive sud, étaient privées d'eau par suite de la formation de frasil qui était venu obturer les conduites d'amenée d'eau. D'autres problèmes sont également liés au phénomène inverse des basses eaux l'été, des étiages, comme on les appelle, et ce sont tous des problèmes auxquels on ne saurait tenter d'apporter des solutions parcellaires, auxquels il nous faut apporter une solution globale.

La seule solution, un des éléments de solution qui pourrait être greffé à une telle entreprise de régularisation des cours d'eau est, d'une part, c'est vrai, la production d'électricité. À partir du moment où des ouvrages sont effectués pour régulariser les cours d'eau, un des avantages qui peut en découler est la production d'électricité, mais il y en a d'autres: le transport, la navigation, les passoires à poisson, la navigation, notamment, sur la rivière des Prairies, d'un bout à l'autre de la rivière, l'utilisation possible des ouvrages comme voie de transit d'une rive à l'autre. Donc, des bénéfices secondaires pourraient découler des ouvrages. C'est la raison pour laquelle bien au-delà...

Concernant ce qu'a déclaré le député de Mont-Royal, ce que je suis allé annoncer vendredi - d'ailleurs, les représentants du groupe qui sont ici présents étaient là à ce moment-là - ce n'est pas la réalisation d'un projet d'ouvrage; j'ai dévoilé vendredi à Montréal la maquette, donc une reproduction à l'échelle, de l'archipel de Montréal. Il n'y a rien de neuf là-dedans. Évidemment, on peut oublier. Quand on vit à Mont-Royal ou ailleurs, même sur l'île de Montréal,

n'importe où, qu'on vit sur une île. Les ponts, les tunnels, les autoroutes ont pour effet de nous faire oublier ce phénomène. On les traverse assez allègrement sans s'en rendre compte. Il reste, M. le Président, qu'effectivement, cet ensemble d'îles de la région de Montréal a connu, enfin connaît présentement des problèmes et que nous devons essayer de trouver les solutions, solutions qui peuvent entraîner encore une fois la production d'électricité. (12 h 45)

Je constate, à la lecture du mémoire de l'Association Environnement Archipel que ce groupe nous dit, à la page 2 de son mémoire: "II nous serait actuellement impossible de considérer l'ensemble du projet ou mêmes ses différentes constituantes avant la présentation et l'analyse des études en cours. Nous n'avons pas encore de positions fermes à communiquer et nous affichons présentement une objectivité face au projet". Je pense que cette attitude l'honore, même si, dans la deuxième partie du mémoire, on énumère un certain nombre d'arguments pouvant laisser entendre qu'on a déjà statué en quelque sorte sur tout projet éventuel quel qu'il soit, même si on n'en connaît pas les composantes.

Évidemment, j'aurai peut-être l'occasion tantôt, par des questions, de relever un certain nombre de points contenus dans le mémoire. Je constate par exemple que l'on a changé le mot "amont" par le mot "aval", ce qui rend peut-être un peu plus intelligible une partie du texte, mais, M. le Président, j'ai constaté, par exemple, qu'à la lecture, où il était fait état d'une pétition, on a parlé de 25,000 pétitionnaires, alors que le rapport parle à la page 9 de 250,000 noms. Je dois présumer encore là qu'il s'agit d'une correction et je voudrais qu'il soit inscrit au journal des Débats qu'il ne s'agit pas d'une pétition de 250,000 individus, mais bien de 25,000, comme il a été dit d'ailleurs par celui qui en a fait la présentation.

Il y a un autre point, M. le Président, qui rejoint d'ailleurs un certain nombre des préoccupations qui ont été exprimées par le groupe qui a précédé, c'est celui, du strict point de vue énergétique, de la réalisation d'un projet de type Archipel. Contrairement à ce qui est affirmé dans cette note, ce projet ne comporte pas de barrages avec la constitution de réservoirs en amont, puisqu'il s'agirait d'un projet de groupes au fil de l'eau. Mais l'importance de ce projet, compte tenu justement du programme d'investissements d'Hydro-Québec qui, tel qu'il nous est présenté, laisse entrevoir une période creuse à partir de maintenant jusqu'en 1985-1986 à peu près avec des variations importantes allant d'un minimum de 4000 emplois générés annuellement jusqu'à une pointe de 24,000. De tels écarts, évidemment, ne sont pas sans causer des problèmes dans le domaine de la construction et le mémoire qui a été présenté précédemment en a fait abondamment état. Évidemment, ce serait plus à Hydro-Québec qu'il faudrait poser ce genre de questions. Puisque j'étais ici à l'ouverture pour entendre le président d'Hydro-Québec faire état de dépenses additionnelles de l'ordre de $4,500,000,000 pour tout devancement de projets, pas uniquement du projet Archipel, j'aurais évidemment aimé qu'on puisse analyser les échanges qu'on pourrait faire entre les projets de pointe soit par turbines à gaz ou stations de pompage dont les coûts de réalisation sont de l'ordre d'à peu près $4 milliards également et qui ont, somme toute, pour des investissements relativement moins élevés, des immobilisations relativement moins élevées, des coûts de fonctionnement extrêmement plus élevés que les équipements de base d'Hydro-Québec.

Il est bien évident que - et c'est peut-être là aussi qu'il est important de souligner la différence - à partir du moment où Hydro-Québec aura établi que le projet Archipel peut être techniquement réalisable selon diverses variantes étudiées et financièrement rentable, il reste que c'est au gouvernement de prendre la décision si socialement et écologiquement les propositions, les sous-variantes qui seront retenues sont acceptables. C'est à ce titre que je suis ici aujourd'hui pour accueillir ce mémoire et pour assurer tous ceux qui s'occupent, se préoccupent de la protection de l'environnement dans la région de Montréal, que nous partageons tout à fait leurs préoccupations. C'est peut-être une des raisons pour lesquelles il ne nous apparaît pas opportun d'introduire ceci dans le plan d'équipement sans d'abord s'assurer que les études sur la faune, sur la flore et sur l'environnement aient été parachevées.

Maintenant, M. le Président, si je reviens à certains des passages du mémoire, notamment à la page 4, on dit: Est-il possible qu'Hydro-Québec puisse être confrontée à une décision de nature politique? Je dis oui. Effectivement, c'est possible et c'est souhaitable, parce qu'il ne s'agit pas d'un barrage construit in vitro, en dehors de gens qui vivent dans un milieu donné. Au contraire, il s'agit d'un projet qui sera réalisé en milieu très densément peuplé. Il m'apparaît normal que le pouvoir politique ait évalué autre chose que strictement la production d'électricité avant de donner le feu vert à un tel projet. La réponse à cette question, c'est oui.

Il y aurait évidemment beaucoup de questions qui mériteraient d'être posées, notamment en ce qui concerne l'évolution du projet depuis le projet initial de 1600 mégawatts dont on fait état à la page 5 du mémoire, avec des coûts apparaissant sur le graphique comme étant le double du ceux du

nucléaire. On sait que des sous-variantes retenues ont abaissé ceci à 1,46 et à 1,35 et même plus bas maintenant, de sorte que c'est beaucoup plus le genre de questions qui devraient être et qui seront posées éventuellement à Hydro-Québec.

J'aimerais cependant que le groupe Environnement Archipel nous explique une chose lorsqu'il admet, à la page 6 de son mémoire: "Un processus de consultation a été mis sur pied par le Secrétariat d'État à l'aménagement. C'est sûrement le plus grand effort de ce genre jamais entrepris au Québec." J'aimerais demander comment on peut justement concilier cette affirmation -ce n'est pas nous qui le disons, c'est le groupe qui est devant nous présentement -avec, d'autre part, certaines des réserves qui sont entretenues plus loin quant à la nature de cette consultation. D'une part, on dit: Bravo, vous vous êtes engagés dans un processus qui nous convient, mais, d'autre part, on a des inquiétudes. Est-ce que vous pourriez formuler un peu ces inquiétudes, s'il vous plaît?

Le Président (M. Jolivet): M. André.

M. André: Simplement pour apporter un commentaire sur le fait que M. le ministre a dit que nous avons statué non officiellement. J'aimerais faire remarquer que dans notre association, nous regroupons des associations qui sont pour le projet, autant que des associations qui sont contre le projet, de sorte que nous sommes constamment confrontés les uns avec les autres et que, justement à cause de cette polyvalence, notre groupe est d'autant plus intéressé et d'autant plus intéressant, je crois. Cela nous permet de poser plusieurs questions. Les questions de la troisième partie, qui peuvent sembler très pointues, presque contre le projet d'une certaine façon, sont simplement des faits déjà apparus ailleurs que nous voulions porter à votre attention, afin d'éviter que ces évévements ne se reproduisent pas dans les rapides de Lachine.

À la suite de cet éclaircissement, je voudrais remettre la parole à Charles Mallory qui a écrit la deuxième partie ou les commentaires sur le document d'Hydro-Québec. Il pourra sûrement répondre à une série de questions que vous nous avez posées.

Le Président (M. Jolivet): M. Mallory.

M. Mallory: Merci, M. le Président. Je préfère accepter moi-même l'exclusive responsabilité de la partie, mais j'ai peut-être étudié plus profondément cette partie. Je veux répondre à deux ou trois points et particulièrement à la dernière question que M. Tardif a posée. Je pense que c'est bien évident que nous partageons l'optique du ministère sur les bénéfices que l'aménagement peut apporter à la qualité de la vie à Montréal. Du fait que nous l'avons ignorée depuis longtemps, qu'elle est maintenant tellement polluée qu'elle est inutilisable à différentes fins récréatives, commerciales et même en termes de qualité de l'eau, il est très difficile d'utiliser cette eau-là.

Alors, nous commençons, au moins, de la même façon. Mais en termes de nos inquiétudes, le processus de consultation, nous voyons que c'est très important par rapport aux autres enquêtes vis-à-vis du point de vue du public à cause du fait qu'on a alloué $14,000,000 pour trois années. Je ne connais aucun autre essai aussi important que ça en termes d'argent mis à la disposition d'une consultation. Malheureusement, et plus récemment, depuis que nous avons écrit ce mémoire aussi, certains problèmes sont arrivés. Le ministre a donné une conférence de presse, en septembre dernier, quelques-uns d'entre nous y ont assisté également, c'était avant la fondation d'un autre regroupement, mais nous avons pris de bonne foi les mots des deux ministres, c'était M. Léonard à ce moment-là, qui occupait le poste que M. Tardif occupe maintenant. On nous a invité, le public, à participer à tous les niveaux et à toutes les étapes du développement, des études et de l'évaluation du projet. On a donné un certain échéancier dont la première phase était de six mois, la phase où on a déterminé les principales études que nous devions faire en termes d'évaluation environnementale principalement, et on a suivi ces études pendant au moins un an et, après cela, on a fait l'évaluation des résultats. Le gouvernement se prépare à prendre une décision et cela nous rendra à l'été de 1982.

Maintenant, on se trouve à la fin de la première phase et aussitôt que nous serons organisés, nous nous présenterons au secrétariat d'Archipel et au ministère de l'Aménagement pour identifier notre intérêt dans ces problèmes et pour essayer de nous impliquer autant que possible dans le processus. Jusqu'à maintenant, on a demandé, il y a quelques jours, si nous avions reçu des nouvelles en termes des études qu'on fait. Il y a même une liste des études qu'on veut faire et on ne l'a pas. C'est très difficile d'aider le ministère à définir les études qu'on doit faire quand cette phase prendra fin, à la fin de février, on ne sait pas encore quelles études on fait. On a mentionné le chiffre de 50 études. C'est un des problèmes que nous rencontrons, en consultation publique, après un an et demi. Il y a déjà un tiers d'écoulé, il y a une phase complétée et essentiellement aucune consultation. (13 heures)

Le Président (M. Jolivet): M. Mallory, je m'excuse de vous arrêter, c'est parce que

je vois arriver 13 heures. Je sais que vous avez demandé à être entendu de façon à pouvoir quitter tout de suite après, puisque vous ne pouvez pas y être vers 15 heures. J'ai essayé de voir si j'avais le consentement. On m'a assuré qu'on pourrait continuer pendant un laps de temps quand même assez court, puisque nous avons besoin, nous aussi, d'aller dîner et, si tous sont d'accord, on devrait terminer l'ensemble des interventions - compte tenu qu'il reste à entendre les députés de Mont-Royal et de Châteauguay - au plus tard à 13h20 ou 13h25.

Donc, si vous voulez abréger vos réponses, afin qu'on puisse poser toutes les questions, s'il vous plaît.

M. Mallory: Oui, si je peux juste soulever l'autre point important en termes de nos inquiétudes, sur lequel vous pourriez peut-être réfléchir pendant l'heure du dîner.

Parmi les études qui ont été faites, il y en a plusieurs qui ne sont pas disponibles, par exemple, les études mentionnées dans le document d'Hydro-Québec. Elle a fait des études qui ne sont pas disponibles ainsi que d'autres, par exemple l'étude faite pour Hydro-Québec par le Centre de recherches écologiques, de Montréal dont nous avons, pensons-nous, la seule copie en circulation. Il a été très difficile de trouver ce document.

Il n'y a aucun document qui montre les différentes options, variantes; dans le rapport CREM on utilise une variante dans le document de base. C'est la seule variante que nous connaissions et ce n'est même pas en détail, mais on parle de plusieurs options, de différents barrages, de toutes sortes de possibilités pour aménager les eaux à une fin ou à l'autre.

C'est difficile pour le public de s'impliquer dans les discussions s'il n'y a aucun document de travail - je ne parle pas de la position ministérielle - indiquant les options qu'on considère actuellement. C'est donc très difficile de s'impliquer dans le processus de consultation, c'est le problème que nous avons.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Merci, M. le Président.

M. Tardif: Juste en réponse à ce qui vient d'être dit, il y a une étude sur les micro-climats, je voudrais répondre à la question de l'intervenant, si on me permet...

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre, la seule chose, c'est qu'à ma gauche, j'ai une question de règlement de la part du député de Rouyn-Noranda qui vous demande de laisser la parole au député de Mont-Royal.

M. Samson: Vous reviendrez après.

Le Président (M. Jolivet): Vous pouvez revenir à la fin, si vous voulez.

M. Tardif: Je pensais répondre à la question de l'intervenant.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Merci, M. le Président. Je veux remercier l'Association Environnement Archipel pour le mémoire qu'elle nous a présenté. Vous avez soulevé plusieurs questions assez fondamentales et assez importantes.

Je voudrais faire quelques commentaires au sujet de votre mémoire et des remarques que le ministre a faites, puis, je voudrais vous poser quelques questions sur certains points pertinents que vous avez soulevés dans votre mémoire.

Premièrement, l'Opposition officielle est en faveur d'essayer de trouver des moyens, des schémas d'aménagement pour éviter les inondations qui surviennent dans les alentours de l'île de Montréal. M. le ministre, on n'a pas besoin de nous rappeler que Montréal est une île, surtout pas à moi. Vous savez, nous sommes tous conscients que Montréal est une île et qu'à certains endroits, il y a des inondations.

Je ne suis pas né à Montréal, il a fallu que je me rende de quelque façon, il a fallu que je traverse sur l'eau, alors, je sais que c'est une île. Mais voici ce que nous soulevons comme question. Est-ce que c'est par le biais de ce projet Archipel? Est-ce que c'est le meilleur moyen, le moins coûteux, le moins désavantageux pour l'environnement? Est-ce que c'est le projet qui répond le mieux aux préoccupations de la population? Je veux faire une nette distinction entre le projet Delaney et le projet Archipel. Vous voyez, le projet Archipel ne fait pas partie du plan d'investissement d'Hydro-Québec; Hydro-Québec a dit: On ne l'a pas dans notre programme d'ici 1995, et elle a même ajouté - on reviendra aux questions des coûts -qu'elle ne peut pas aller sur les lieux pour faire des forages afin de déterminer les coûts.

Quant au projet Delaney, nous voyons une implication complète de la population, une coopération, une collaboration totale et une réponse aux demandes de la population, tandis qu'ici, nous avons une pétition de 25,000 personnes qui s'opposent au projet. Alors, il y a une distinction claire entre le projet Archipel et les autres projets qu'Hydro-Québec nous a soumis dans son programme d'investissements.

Deuxièmement, vous avez parlé des études d'environnement. Je voudrais vous

poser quelques questions sur ces études et sur les coûts. Vous avez mentionné l'étude de M. Mongeau. Y a-t-il des études sur l'environnement qui font des recommandations contre le projet? Ces études ont-elles été rendues publiques par le gouvernement?

Le Président (M. Jolivet): M. André.

M. André: Je vais répondre à cette question et je vais laisser Robert Cordner répondre peut-être aux questions subséquentes qui vont toucher au domaine de l'environnement, étant donné qu'il a collaboré à la préparation de la troisième partie de ce mémoire. Il existe une autre étude qui a été commandée par Hydro-Québec, qui a été faite par le Centre de recherches écologiques de Montréal, qui arrive à des conclusions défavorables concernant le projet Archipel. Ce rapport semble...

M. Ciaccia: Le nom de ce rapport? M. André: Le nom du rapport?

M. Cordner (Robert): L'étude préliminaire d'impact sur l'environnement biophysique concernant le réaménagement des rapides de Lachine.

M. Ciaccia: Qui a fait cette étude?

M. Cordner: Elle a été faite pour Hydro-Québec. Elle s'est terminée au mois de novembre 1979. Elle a été faite par le Centre de recherches écologiques de Montréal, de l'Université de Montréal.

M. Ciaccia: Brièvement, quelles en sont les conclusions? Je ne veux pas vous bousculer dans vos réponses, mais on a très peu de temps et j'avais certains points sur lesquels je voulais vous questionner.

M. Cordner: Les conclusions sont très définitives. Elle dit que ce sera nettement destructif à l'environnement de la région des rapides de Lachiner.

M. Ciaccia: Le gouvernement a-t-il rendu cette étude publique?

M. Cordner: Non, nous avons reçu la première copie. Nous en avons demandé une copie depuis, je pense, un an ou un an et demi. La seule copie disponible, je pense, a été donnée à la ville de LaSalle, parce que c'est la principale ville où passent les rapides de Lachine.

M. Ciaccia: L'étude de M. Mongeau a-t-elle été rendue publique ou est-ce une citation que vous avez...

M. Cordner: Oui, nous avons eu des problèmes avec cette étude aussi. Elle a été faite par des experts les plus connus de la région des rapides de Lachine. Elle a été faite par M. René Mongeau connu comme expert là, qui a recommandé que la région des rapides de Lachine soit déclarée arrondissement naturel et qu'elle soit préservée. Mais cette étude a circulé dans le public pendant quelques semaines. Après cela, elle a été retirée et elle a été retenue pour à peu près six mois avant de la laisser aller de nouveau.

M. Ciaccia: Je ne demanderai pas au ministre de répondre maintenant parce qu'on est à court de temps, mais, à la fin de votre intervention, je vous demanderais de rendre publiques les études qui ont été référées par M. Cordner et M. André et de les déposer. Je sais qu'on ne peut pas demander un dépôt à la commission parlementaire, mais vous pouvez nous donner communication de ces études.

Il y a un autre point sur ces études. On a souvent dit que le nouveau projet Archipel n'affecterait pas les rapides de Lachine. C'est un site très historique. Cela fait partie de notre patrimoine. Est-ce que, d'après la variante qu'on voit dans la maquette qui est au salon nautique de Place Bonaventure, les rapides de Lachine seront affectés par le projet Archipel?

Le Président (M. Jolivet): M. André.

M. André: Ce n'est pas une variante qui est présentée sur la maquette. C'est la maquette de l'Archipel à l'état actuel, comme l'a précisé M. Tardif tout à l'heure. Il n'y a aucun aménagement dessus et c'est d'ailleurs un avantage, à notre grande satisfaction. Nous n'aurions pas aimé voir un aménagement prévu et qui ne serait pas réel; nous ne voudrions pas avoir à en discuter.

À la suite de l'intervention qui nous revient toujours, les rapides vont demeurer. Il y a plusieurs variantes étudiées. On n'est pas au courant de toutes les variantes étudiées. Une des variantes est de remplir les fosses. Il y a des fosses qui laissent passer 80% de l'eau. On veut changer, dans le cadre de cette étude, la structure du fond et c'est bien écrit, dans l'étude de préfaisabilité, qu'on entend en parler. Dans ce cas, on change la nature des rapides comme telle, mais les rapides vont demeurer. On va les voir.

M. Ciaccia: Mais le débit d'eau va-t-il changer?

Le Président (M. Jolivet): M. Cordner.

M. Cordner: Merci, M. le Président. Dans le rapport du CREM qui a été fait

pour Hydro-Québec et qui était basé sur une des variantes, il est dit que la profondeur moyenne de quinze pieds dans les rapides de Lachine va être réduite à une moyenne d'un pied.

M. Ciaccia: Cela va affecter...

M. Cordner: II est dit dans le rapport que cela va être un peu de l'eau bouillonnante qui représente de petites vagues comme il en existe dans la rivière des Prairies, mais les gros rapides comme les rapides de Lachine vont disparaître.

M. Ciaccia: Voilà! C'est la quasi-destruction des rapides.

Dans la variante au sujet de laquelle le ministre a fait allusion que c'était 25% de plus que le nucléaire, dans cette variante, les rapides de Lachine sont-ils affectés?

Le Président (M. Jolivet): M. Mallory.

M. Mallory: Si je peux répondre à cela, notre position est très ferme à ce sujet. Nous n'avons reçu aucune donnée qu'on peut critiquer et dont on peut dire qu'on aura tel ou tel effet On parle de plusieurs variantes, mais le gouvernement n'a pas dévoilé ces variantes. C'est très difficile pour moi et la position de notre groupe est qu'on ne peut pas donner des avis professionnels ou des avis publics de l'association sur une variante dont on ne sait presque rien. C'est cela, le problème en termes de consultation.

M. Ciaccia: Est-ce qu'à votre connaissance il y aurait un autre rapport qui aurait été fait, pas dernièrement, mais auparavant, sur la méthode de contrôler les inondations à Montréal? Est-ce qu'il y a une alternative, d'après des rapports soit du gouvernement actuel ou d'Hydro-Québec, pour effectuer les travaux pour empêcher l'inondation dans les environs de Montréal, sans affecter les rapides de Lachine?

M. Mallory: Oui, certainement. Le projet a commencé effectivement dans une étude des débits. On a fait un rapport qui est sorti il y a cinq ans. Dans cette étude faite par le ministère des Richesses naturelles et Environnement Canada, on a proposé différentes options. Une des options est de contrôler les débits dans les barrages plus hauts. Il y a à peu près 150 barrages dans la rivière Outaouais et, si ce n'est pas la saison de pointe en termes de demande énergétique, il y a une possibilité d'aménager les eaux dans un autre but pour contrôler les inondations. (13 h 15)

M. Ciaccia: D'après ce que vous me dites, de la façon dont vous décrivez les séances d'information et les études qui ne sont pas connues, est-ce que c'est votre opinion que le gouvernement est cachottier dans sa façon de procéder pour le projet Archipel? Il ne nous donne pas toutes les informations, ne dévoile pas les études et il fait des présentations au Salon nautique à Place Bonaventure.

M. Tardif: Auquel était invité le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: J'y suis allé samedi soir, vous pouvez en être certain. On va en reparler si on en a le temps.

Le Président (M. Jolivet): M. Mallory, une réponse brève. M. André.

M. André: Nous ne voudrions pas dire que c'est le gouvernement qui est cachottier. Nous trouvons que, dans la situation du complexe Hydro-Québec-gouvernement via le Secrétariat d'État à l'aménagement, les cartes ne semblent pas être ouvertes; c'est plutôt dans ce sens-là.

Le Président (M. Jolivet): M. le député.

M. Ciaccia: Je ne crois pas qu'on puisse mettre le blâme sur Hydro-Québec, parce que, dans ce projet-ci, même d'après le ministre, ça va être une décision politique et c'est le gouvernement... Alors, s'il y a manque d'information, ce n'est pas de la part d'Hydro-Québec, parce que je voudrais porter à l'attention du ministre, quand il parle des coûts, lorsqu'il a annoncé vendredi soir que les deux seules raisons pour lesquelles le projet pourrait ne pas être réalisé, pourrait être retardé, ce seraient des raisons sociales et environnementales. Il n'a pas mentionné qu'Hydro-Québec a clairement affirmé, devant cette commission, qu'elle n'a pas eu la permission d'aller sur les lieux et qu'elle ne peut pas faire les études. Elle ne peut pas donner des coûts; elle ne peut pas faire de forage. D'après ce qu'Hydro-Québec nous a indiqué par ses réponses, le projet d'Hydro n'est pas tellement avancé quant aux coûts, quant à la protection de l'environnement, quant à l'aménagement de tout le projet.

Maintenant, je remarque que, dans une des variantes, ça va par le chenal; il est construit sur le côté de la réserve des terres indiennes Kahnawake. Alors, ça veut dire que, sur l'autre côté, il y a accès à l'eau. Si les Indiens ne sont pas d'accord et ne donnent par leur permission - parce que, pour construire le chenal sur le côté Kahnawake, il faut avoir la permission des Indiens - est-ce que ça veut dire que le chenal sera construit de l'autre côté, sur le côté de Lachine, sur le côté de Dorval, de LaSalle? À ce moment-là, est-ce que ça veut dire que l'accès à l'eau de ces endroits va

être limité et est-ce que ça va apporter des dommages à ces municipalités qui, maintenant, ont accès à l'eau? Le gouvernement leur a octroyé des sommes pour aménager leur territoire et maintenant, si les Indiens n'acceptent pas le chenal sur un côté et si on est obligé d'aller sur l'autre, est-ce que ça peut occasionner des coûts additionnels? D'après vous - vous avez mentionné les coûts d'Hydro - est-ce que ces coûts sont compris dans les chiffres qu'on vous a donnés? Est-ce que les coûts incluent tous les coûts des barrages en amont qu'Hydro doit aménager? Autrement dit, est-ce que les coûts qu'on vous a fournis incluent tous les coûts?

Par exemple, à la Baie James, ça inclut les coûts de la Baie James, les coûts de l'impact sur l'environnement, les coûts des travaux remédiateurs. C'est un coût global et ainsi on sait le coût du projet. Quand je parle des municipalités qui sont très préoccupées par le projet, j'ai devant moi ici une résolution de la ville de Verdun qui recommande, considérant les effets que toute construction sur les rapides de Lachine pourrait avoir sur la flore et la faune, la qualité de l'eau potable et l'environnement total présenté par les rapides de Lachine, lesquels sont un héritage national, que la ville de Verdun s'oppose fortement à l'utilisation des rapides de Lachine pour la construction d'un barrage hydroélectrique et que copie de la présente résolution soit transmise aux membres du gouvernement.

Le Président (M. Jolivet): M. André.

M. André: Pour répondre aux différentes questions, vous avez plus d'une question. Vous avez soulevé la question du canal sur la rive nord, l'autre côté de Lachine et de LaSalle. C'est certain que c'est une question cruciale, et plusieurs municipalités font présentement un débat sur la question. Nous avons ici des représentants de la ville de LaSalle qui seraient en mesure d'en parler. Mais je ne voudrais pas amener le débat ici sur cela. Je ne crois pas que nous sommes habilités actuellement pour discuter de cette possibilité d'un canal sur la rive nord et des différents facteurs ou problèmes qu'elle pourrait occasionner.

Dans l'autre question, vous parliez des coûts. Les seuls coûts que nous avons, actuellement, sont les coûts de l'étude de préfaisabilité. L'étude de préfaisabilité n'est plus d'actualité, comme pourrait nous le dire sûrement le ministre Tardif. Actuellement, comme on ne sait pas quelle variante pourrait être considérée, on n'a aucune idée des coûts d'Hydro-Québec. Pour l'instant, j'ose dire Hydro-Québec. Hydro-Québec n'a pas divulgué, je crois, les coûts d'un système hydroélectrique dans les rapides de Lachine utilisant les groupes turbines, les groupes bulbes ou quelque méthode que ce soit. Cela répond à vos questions.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Châteauguay.

M. Dussault: Merci, M. le Président.

J'aurais beaucoup de questions à poser au groupe, mais je sais que le temps ne me le permet pas. J'aurais surtout beaucoup de questions à poser à la suite des questions suggestions du député de Mont-Royal. Mais tout cela revient quand même au même état d'esprit. Je suis très agréablement surpris de constater combien le mémoire du groupe est positif dans le sens qu'il y a une certaine latitude d'attente normale, parce qu'il y a encore une information qui viendra, dans la mesure où il sera possible de fournir l'information. Mais il faut quand même faire le travail d'étude. Et cela, je pense que tout le monde en convient. Je suis agréablement surpris, d'autant plus que cela contraste beaucoup avec certaines attitudes qu'on a connues dans les derniers mois, où on ne pouvait pas vraiment dire que c'était positif de la même façon que je peux le sentir aujourd'hui. Il y a une pétition qui a été signée. D'ailleurs, M. Cordner n'est pas étranger à la pétition, que j'aurais pu signer moi-même. Je me suis procuré le libellé, on parle d'une requête pour protester contre le projet de développement hydroélectrique dans les rapides de Lachine et les environs. On dit: "Par la présente, nous exigeons que les rapides de Lachine ou les parcs environnants soient préservés comme un site historique pour le bénéfice de la population du Québec."

Moi qui ai été, au début, un des promoteurs du projet Archipel dans le sens qu'on fasse les études appropriées pour savoir à quoi s'en tenir là-dessus, j'aurais signé cette pétition parce que personne ne peut signer contre la vertu. Mais, ce contre quoi j'en ai, ce sont les raisons qu'on donnait aux gens pour signer la pétition. M. Cordner qui est ici n'est pas étranger aux raisons qu'on a données aux gens. Je n'avance pas des choses en l'air, j'ai fait sortir au hasard des feuilles de la pétition, j'ai fait des téléphones, j'ai fait des vérifications pour savoir exactement quel genre d'arguments on donnait aux gens pour signer cette pétition. Malheureusement, c'est ce que je craignais, le genre de raisons, c'était: Il y aura un barrage dans les rapides de Lachine. Voyez-vous? C'est le genre de choses très évocatrices pour faire peur aux gens. C'est le même genre d'arguments auxquels on a eu droit, ici en commission parlementaire, de la part du député de Mont-Royal. On lance de grosses images épeurantes à la population et, ensuite, on laisse entendre qu'on a fait signer une pétition pour la vertu. Je suis contre ce genre de choses.

Vous n'êtes pas responsables de cela, mais vous avez quand même dans vos rangs, maintenant, quelqu'un qui a dit partout qu'il était question d'un barrage dans les rapides de Lachine. M. Cordner a répété partout cet argument. Il ne faut pas s'étonner aujourd'hui qu'il y ait des gens un peu confus. Mais je pense qu'il y a une chose sur laquelle il faut s'entendre, c'est qu'il ne faut plus dire que les gens qui ont signé cette pétition l'ont tous fait pour des raisons vertueuses. Une chance que vous avez changé votre chiffre, parce que le quart de million m'a énormément surpris. La pétition qui a été déposée à l'Assemblée nationale par le député de Marguerite-Bourgeoys, c'était à peu près 21,000 signatures, ça fait déjà plusieurs mois de cela.

À ce moment-là, je l'entendais, mais il y a des gens de mon comté qui ont signé cette pétition sur l'argument fallacieux qu'il y aurait un barrage dans les rapides de Lachine. Beaucoup de gens ont signé cette pétition et aujourd'hui, malheureusement, vous utilisez cette pétition pour venir dire que vous êtes appuyés par 25,000 personnes qui veulent s'opposer au projet Archipel. Je pense que quand on a fourni cet argument à la population, on a trompé des gens. Il était prématuré d'utiliser ce genre d'argument et je trouve aujourd'hui beaucoup plus raisonnable l'attitude que vous avez et qu'on ressent maintenant à travers votre mémoire quand vous dites: Nous n'avons pas les données qui nous permettent de faire une certaine critique du projet. Nous savons cependant que le gouvernement a mis en place une opération de consultation, d'information, et que nous serons en mesure de connaître le fin fond de cette question.

Je pense qu'il ne faudrait pas employer cet argument, à savoir que 25,000 personnes ont signé contre quelque chose. Elles ont signé contre quelque chose qui était flou et qui était utilisé par des personnes.

Vous avez dit aussi dans votre mémoire que plusieurs villes se sont prononcées contre. À ma connaissance, il y a LaSalle qui s'est prononcée contre et à un moment où encore M. Cordner a répandu dans le décor qu'il allait y avoir un barrage dans les rapides de Lachine. J'aimerais qu'on me dise - 266, c'est ça - j'aimerais savoir c'est quoi, ça, plusieurs? Généralement, quand on emploie le mot plusieurs, je me mets à penser à sept, huit, dix, douze peut-être. Quelles sont ces villes, ces plusieurs municipalités qui se sont prononcées contre le projet? Ne pensez-vous pas - je sais qu'il n'y en a pas plus de deux - qu'il est normal actuellement que les municipalités ne se prononcent pas sur un projet avant d'avoir vu le fond de la question?

Ma deuxième question c'est le rapport qu'on a évoqué tout à l'heure, qui a fait l'objet de questions - suggestions, c'était un scénario extraordinaire que j'ai constaté tout à l'heure. Dans ce rapport que vous avez évoqué tout à l'heure, quelle est la variante qu'on étudie, qui nous permettrait aujourd'hui de dire que ce rapport est à jour par rapport à ce qu'on a évoqué déjà? M. le ministre disait tout à l'heure: II y a eu plusieurs études de variantes et on est arrivé à des coûts différents d'une variante à l'autre. On est arrivé même à une variante qui pouvait être fort intéressante sur le plan économique. C'est quoi, cette ou ces variantes? À quoi est-ce qu'on se raccrocherait dans ce rapport pour pouvoir dire aujourd'hui que cette étude est tout à fait le genre d'étude sur laquelle on doit s'appuyer pour juger du projet actuellement? J'aimerais qu'on clarifie tout ça.

Le Président (M. Jolivet): Rapidement, s'il vous plaît, M. André et M. Cordner ensuite.

M. Cordner: Excusez, Pierre, mais parce que j'ai été accusé, je dois avoir le droit, M. le Président, de répondre. La pétition a été faite avec le but de déclarer les rapides de Lachine et l'arrondissement naturel comme parc et site historiques. Ils n'ont jamais mentionné, les promoteurs de cette collecte de noms, que ça va être un barrage direct dans les rapides. Ils suivent les recommandations de l'expert le plus connu dans les rapides de Lachine, qui est employé du gouvernement du Québec. On ne parle pas de barrage dans les rapides.

Deuxièmement, au commencement, quand le projet a été présenté, le responsable du "design" du projet faisait des discours dans les universités et il parlait seulement d'une variante dans le temps, et l'étude du CREM a été faite sur cette variante. À cause qu'il y avait beaucoup d'options pour ce projet, on joue maintenant avec quatre ou cinq variantes. Mais on demande, nous, les chiffres et comment peuvent-ils sortir les coûts du projet quand Hydro-Québec ne peut pas commencer avant quinze ou vingts ans? Merci, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): Rapidement, M. le député, parce que...

M. Dussault: M. le Président, je suis très content d'entendre M. Cordner nous dire aujourd'hui qu'il n'a jamais été question de cela. J'espère qu'il y a beaucoup de gens qui vont écouter cela à la télévision, qui vont donc entendre M. Cordner nous dire cela, parce que cela va permettre à pas mal de gens de constater qu'ils ont été trompés quand ils ont signé cette pétition. Cela va clarifier les choses pour beaucoup de gens. Ce sont les questions que je voulais poser. On pourrait en parler très longtemps. Malheureusement, on a peu de temps. Je

trouve très dommage que M. le ministre n'ait pu avoir plus de temps pour pouvoir davantage discuter de cette question avec les gens qui sont ici. C'est important.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Mont-Royal, en terminant.

M. Ciaccia: M. le Président, le député de Châteauguay vient de faire certaines affirmations dans le sens que j'essaie de faire peur aux gens. Écoutez, je n'essaie pas de faire peur aux gens. Je veux les réponses aux questions. Hydro-Québec a dit qu'elle ne veut pas de ce projet. Ce n'est pas dans son plan d'investissement. Elle ne connaît pas les coûts. Elle ne peut pas aller sur les lieux pour faire des forages. On a le droit de poser ces questions. Hydro-Québec est assujettie aux décisions politiques. Le gouvernement pourrait imposer ce projet à Hydro-Québec, c'est vrai, mais ce n'est pas un projet d'Hydro. C'est l'aspect du gouvernement.

Deuxièmement, on parle de l'opération consultation. C'est plutôt une opération de propagande. Opération consultation, est-ce que les autochtones font partie de votre séance d'information? Est-ce qu'Hydro-Québec fait partie de votre séance d'information?

J'ai assisté au Salon nautique. J'ai entendu des gens interroger le type qui était en charge pour savoir s'ils pouvaient avoir d'autres aspects de ce projet, le pour et le contre, pas seulement de la propagande. Ce sont les commentaires que j'ai moi-même entendus samedi soir au Salon nautique. Vous n'avez pas dévoilé toutes les études. Vous ne nous dites pas tous les faits. Vous ne nous dites pas qu'il y avait eu d'autres études pour aménager les eaux dans les environs de Montréal qui coûteraient beaucoup moins cher et qui n'affecteraient pas les rapides de Lachine. Quand vous dites que les gens ont signé, vous accusez 25,000 personnes d'être de mauvaise foi. Vous dites que ne pas être d'accord avec le gouvernement, c'est être de mauvaise foi. C'est ce que vous venez de dire, M. le député de Châteauguay. Je ne sais pas si vous êtes conscient de la portée de vos paroles. Ce sont les conséquences.

M. Dussault: M. le Président, en vertu de l'article 96. (13 h 30)

M. Ciaccia: M. le Président, on a le droit de poser des questions. Nous sommes en faveur d'essayer d'arrêter les inondations dans les environs de Montréal, mais qu'on nous donne toutes les données, qu'on fasse un vrai processus de consultation. Comment cela se fait-il qu'à Delaney, on n'a pas eu de problème? Parce que cela ne s'est pas passé de cette façon. C'était en coopération, en collaboration avec toute la population. Ce n'est pas ce que vous faites ici. Je vous l'ai déjà dit et je vais vous le répéter. Vous avez annoncé les études sur ce projet avant le référendum. Vous avez fait un grand éclat. À ce moment, c'était un ballon référendaire.

M. Tardif: II est complètement à l'encontre du règlement, M. le Président.

M. Ciaccia: Je vous dis que maintenant, c'est un ballon électoral. C'est tout.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Châteauguay, en vertu de l'article 96.

M. Dussault: En vertu de l'article 96... Le Président (M. Jolivet): Rapidement.

M. Dussault: ... M. le député de Mont-Royal me fait dire des choses. Je me rappelle très bien qu'à cette commission parlementaire, dans les derniers jours, M. le député de Mont-Royal nous disait que le projet allait priver les gens de l'accès aux rives du fleuve.

M. Ciaccia: Certaines variantes, oui.

M. Dussault: Cela n'apparaît nulle part, alors que le projet vise essentiellement à donner accès aux eaux de l'archipel de Montréal. Fondamentalement, c'est un projet d'aménagement global et un accent important, c'est celui-là. Le député de Mont-Royal, à l'Assemblée nationale, déjà avançait qu'il s'agissait de construire un barrage dans les rapides de Lachine. Les peurs que le député de Mont-Royal nous faisait, ce n'est pas d'aujourd'hui qu'elles ont commencé. Cela fait plusieurs mois qu'il a commencé à faire cela.

Le député de Mont-Royal disait, à l'Assemblée nationale, que moi, le simple député de Châteauguay, j'avais annoncé le projet Archipel, alors que j'avais donné une conférence de presse avec mon collègue de Bourassa pour demander au gouvernement d'étudier cette question qui en ferait un potentiel extraordinaire. M. le député de Mont-Royal, depuis le début, depuis qu'on parle de ce projet, ment à la population chaque fois qu'il a l'occasion de le faire. Il raconte des histoires. Je ne me gêne pas pour le dire. C'est cela, la réalité. Il essayait de souffler certaines choses, tout à l'heure, aux groupes pour leur faire dire des choses dans le sens de ce qu'il a toujours essayé de faire croire à la population. Cela, je ne le prends pas et c'est pour cela qu'aujourd'hui je le répète au député de Mont-Royal: II nous raconte des histoires pour faire peur au monde. Mais les gens sont plus critiques que cela vis-à-vis du député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: M. le Président, en vertu de l'article 96.

Le Président (M. Jolivet): En vertu de l'article 96, M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: J'invoque aussi l'article 99, car il m'impute des motifs et c'est contre notre règlement. Mais je vais passer. En vertu de l'article 96, M. le Président, je répète que je n'ai pas dit que toutes les variantes empêchaient l'accès d'Hydro-Québec au lac Saint-Louis.

M. Dussault: C'est le temps de placer des nuances, M. le député de Mont-Royal. Il commence à être temps.

M. Ciaccia: Écoutezl laissez-moi finir! M. le Président, s'il vous plaît!

Le Président (M. Jolivet): M. le député.

M. Ciaccia: Mais la variante que vous démontrez, soit de construire un canal le long de Kahnawake, si les Indiens n'acceptent pas cela, vous serez obligés de construire votre canal de l'autre côté. Si vous construisez le canal du côté de ville LaSalle, Lachine et Dorval, vous allez empêcher que ces municipalités aient accès à l'eau, certaines des variantes. Je ne fais pas peur au monde. Les résolutions des différentes municipalités sont là.

M. Dussault; De combien?

Une voix: Combien de municipalités?

M. Ciaccia: Deuxièmement, la question de...

M. Dussault: De combien de municipalités?

M. Ciaccia: ...construire le barrage aux rapides de Lachine. Que vous construisiez le barrage avant les rapides de Lachine ou de l'autre côté des rapides de Lachine, c'est un barrage. C'est la même chose, c'est ambigu. Écoutezl Vous avez un barrage à cet endroit, n'essayez pas de vous en défaire, n'essayez pas de refaire le projet Archipel pour défaire la vérité.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre, en terminant.

M. Tardif: M. le Président, je constate que le député de Mont-Royal n'a pas tellement approfondi ce dossier; heureusement, je l'ai invité, lui comme tous les députés de la région de Montréal, à assister au dévoilement de la maquette non pas du projet, mais de l'île de Montréal pour lui apprendre à mieux connaître sa région.

M. le Président, il y a eu toutes sortes d'affirmations de faites ici. C'est vraiment invraisemblable. D'abord, je voudrais rappeler que l'étude qui a été citée, c'est une étude fédérale-provinciale à l'époque, entre 1974 et 1976, pour voir le problème de la régularisation du régime des eaux dans la région de Montréal et qui recommandait trois choses. La première possibilité était de contrôler l'Outaouais, la deuxième possibilité de régler le problème, c'était d'exproprier les gens. La troisième hypothèse, c'était le projet Archipel. Le contrôle des eaux de l'Outaouais, M. le Président, n'aurait réglé qu'une partie du problème; l'expropriation, c'est hors de question, on sait que l'ancien gouvernement a déjà vidé de pleins villages en Gaspésie et qu'il n'était pas question de recommencer cela. Troisièmement, Archipel était la solution du rapport fédéral-provincial. Deuxièmement, M. le Président, les études dont ont fait état les gens qui sont ici, notamment celle sur le micro-climat de l'île aux Hérons, ont été rendues publiques par le secrétariat d'Archipel. Il y a présentement neuf études biologiques en cours et si le groupe veut savoir les mandats qui ont été donnés aux chercheurs biologiques, ces mandats peuvent leur être dévoilés avant même que les études soient connues.

Il y a eu six études hydrauliques complétées et qui nous ont été remises au mois de février. Ces études, M. le Président, j'ai donné ordre qu'elles soient imprimées, diffusées et rendues publiques le plus rapidement possible. Donc, sur ce plan, il y a eu 32 séances d'information, 16 avec le public, 16 avec les municipalités. Sur 66 municipalités, 3 ont manifesté des inquiétudes dont deux au point de s'opposer effectivement. Mais c'est deux municipalités sur 66, alors que les autres nous disent qu'il est urgent que ce projet non seulement se fasse, mais soit même devancé dans le temps, M. le Président. Autre point, également, en ce qui concerne l'affirmation de M. Cordner, il est venu nous faire une présentation en disant qu'il y avait quinze pieds d'eau dans les rapides et qu'on allait réduire cela à un pied. Je pense que M. Cordner s'est trompé et qu'il a voulu mentionner quinze mètres d'eau dans les rapides et non pas quinze pieds. N'est-ce pas, M. Cordner, c'est quinze mètres au lieu de quinze pieds?

M. Cordner: C'est quinze mètres, et un mètre.

M. Tardif: Vous avez fait de la plongée. C'est quinze mètres ou quinze pieds, M. Cordner?

M. Cordner: Quinze mètres et un mètre.

M. Tardif: Quinze mètres, et non pas quinze pieds. Vous avez parlé de quinze pieds de profondeur pour la fosse des rapides, M. le Président.

M. Cordner: Vous allez ôter 95% de l'eau; même si c'est fait en russe, cela va être le même exemple.

M. Tardif: Je reproche cela au mémoire. On y parle de 250,000 signatures au lieu de 25,000, de quinze mètres au lieu de quinze pieds, c'est quand même assez important de citer les choses comme il le faut.

M. Cordner: M. le ministre, sur la question du quart de million de signatures...

Le Président (M. Jolivet): M. Cordner, vous aurez l'occasion de répondre après, s'il vous plaît!

M. Tardif: M. le Président, j'en arrive maintenant au fait que ce programme n'est pas inclus dans le plan d'Hydro-Québec, ce qui semble préoccuper le député de Mont-Royal. M. le Président, l'étalon utilisé par Hydro-Québec pour juger de la rentabilité d'un projet, soit le nucléaire, le nucléaire étant égal à 1, on situe les autres projets par rapport à cela dans le graphique qu'on vous a montré, et on met Archipel à 2. Je dis que cette façon de procéder est discutable parce que effectivement je poserai peut-être des questions à Hydro-Québec en temps et lieu. D'une part, l'étalon 1 pour le nucléaire est sous-évalué. On n'a qu'à considérer le coût de Gentilly II qui est passé de $385 millions à $1,400,000,000. On ne tient pas compte d'accidents du type de Three Mile Island et on n'a mis que des réserves de 30% dans le cas du nucléaire alors que les réserves devraient être beaucoup plus grandes que cela. Cela, c'est pour ce que j'appelle la sous-évaluation du nucléaire.

Quant à la surévaluation d'Archipel, les variantes qu'on étudie et toute l'argumentation du groupe - et je ne les blâme pas, ils n'existaient pas à ce moment-là comme groupe, eux - sont basées sur une première hypothèse, en 1979, d'une variante qui était d'à peu près 1500 mégawatts produits selon une des formules retenues dans le mémoire. Toutes les études qui ont été faites sont basées là-dessus. Depuis ce temps-là, on a évolué. On a fait des études et ces études semblent nous indiquer qu'il y a des formules plus douces, moins agressives sur le paysage, permettant de régulariser les cours d'eau où les ratios sont rabaissés de 1,46 à 1,35 ou à 1,25. Mais ces études ont été faites sans tenir compte d'autres facteurs pouvant réduire les coûts, notamment un canal plus lisse, notamment d'avoir les groupes situés à deux endroits différents, l'utilisation de convoyeurs plutôt que d'autres méthodes de transport des matériaux d'excavation, d'avoir des groupes plus importants. La réduction des imprévus. On a mis des imprévus de l'ordre de 15% pour le projet Archipel alors que, dans certains projets, dans le nord, on ne met que des imprévus de l'ordre de 10%.

Finalement - je termine là-dessus, M. le Président - il y a d'autres coûts qui sont liés, par exemple, au problème de baisse ou de chute de tension lors du transport de l'énergie sur une longue distance; ils sont inexistants dans la région de Montréal. Pour toutes ces raisons, je pense qu'aucune personne, présentement, ne peut dire qu'elle est pour ou contre le projet de production hydroélectrique dans l'ensemble du projet Archipel. Ce qu'il faut faire effectivement, c'est quelque chose pour régulariser les cours d'eau et, en même temps, en tirer des effets secondaires du type production hydroélectrique.

Je suis parfaitement conscient qu'il y a un tas de questions qui doivent être posées beaucoup plus à Hydro-Québec. Ces questions, nous pourrions, justement en rapport avec le nucléaire, les poser et demander au député de Mont-Royal et au député d'Outremont, notamment, si la filière nucléaire les intéresse plus que la filière Archipel, d'aller défendre cela auprès des populations riveraines de la région de Montréal qu'ils préfèrent avoir deux centrales nucléaires plutôt que 1000 mégawatts produits par Archipel. J'aimerais les entendre défendre cela sur la place publique à Montréal.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre, je ne voudrais pas vous interrompre, mais nous avons une très grosse journée devant nous. Nous finirons très tard ce soir et je pense qu'on doit aller dîner. Je voudrais terminer le débat.

M. Tardif: M. le Président, je voudrais juste terminer en disant que j'aimerais qu'Hydro-Québec, effectivement, nous apporte un certain nombre de réponses sur le plan énergétique. Par exemple, peut-elle nous faire part des nouvelles données sur la puissance d'énergie que peut produire le projet et nous renseigner sur les évaluations économiques les plus récentes des diverses variantes? Est-ce qu'Hydro-Québec, d'après l'évolution antérieure des coûts, peut prévoir la tendance à la baisse? Est-ce que la tendance à la baisse se maintiendra si on poursuit l'effort d'optimisation des variantes retenues, M. le Président? Est-ce qu'elle peut nous renseigner sur les aspects visuels que peuvent présenter les installations du projet Archipel, sur le plan strictement électrique, une fois complétées? Quel est

l'avis d'Hydro-Québec sur la date la plus rapprochée? M. Boyd - contrairement à ce qu'a affirmé le député de Mont-Royal là-dessus - à la Chambre de commerce de Montréal, a déclaré que le projet hydroélectrique...

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre, j'ai encore une question de règlement posée par M. le député de Rouyn-Noranda.

M. Samson: Question de règlement, M. le Président. On s'était entendu pour continuer jusqu'à 13h20, il est maintenant 13h40 et le ministre...

M. Tardif: Ils ont posé un tas de questions et là, ils ne veulent pas avoir de réponses, si je comprends bien!

M. Samson: ... en est rendu à...

M. Tardif: Le député de Mont-Royal n'est pas intéressé à avoir de réponses.

M. Ciaccia: Vous posez d'autres questions à Hydro-Québec, alors qu'elle n'est même pas ici.

M. Fortier: Vous êtes en train de lire un discours.

M. Samson: M. le Président, je pose une question de règlement.

Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît: S'il vous plaît!

M. Samson: Le ministre en est rendu...

Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît: Je pense que j'étais en train d'entendre une question de règlement soulevée par M. le député de Rouyn-Noranda. J'ai l'obligation de l'entendre, M. le ministre. M. le député de Rouyn-Noranda.

M. Samson: M. le Président, ce que je voulais vous dire, c'est qu'on est en train de dépasser le temps et que le ministre dépasse également le mandat que nous avons aujourd'hui de questionner les gens qui sont devant nous. Il questionne Hydro-Québec, alors qu'elle n'est pas là et que le ministre de l'Énergie n'est même pas là.

Je pense que c'est pousser un peu trop loin. Si le ministre veut questionner Hydro-Québec, il questionnera Hydro-Québec quand elle sera devant nous et j'espère qu'elle sera là avant la fin de la journée.

Le Président (M. Jolivet): M. le député, je dois simplement faire une correction, de la même façon que je l'ai fait pour le député d'Outremont hier soir. Lorsqu'un intervenant a mentionné le fait qu'il n'était pas présent, j'ai dit qu'il avait d'autres engagements. Le ministre, en quittant tout à l'heure, m'a indiqué que, compte tenu qu'on a dépassé l'heure, il avait d'autres engagements qu'il ne pouvait annuler. Je pense qu'il faut être juste envers les deux.

M. le ministre, je vous demande de terminer.

M. Tardif: M. le Président, je termine en disant que ce qu'a affirmé le député de Mont-Royal est faux, à savoir qu'Hydro-Québec n'était pas intéressée; M. Boyd, à la Chambre de commerce de Montréal, a dit qu'il n'y avait aucun problème à inscrire ce projet dans le plan d'équipement. En posant des questions, plutôt que de faire des affirmations gratuites et mensongères, comme le député de Mont-Royal a fait, j'ai préféré poser les bonnes questions à Hydro-Québec.

M. Ciaccia: M. le Président, question de règlement.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Maintenant, on m'a accusé de dire des mensonges et je ne peux pas laisser passer ça.

J'ai, moi aussi, questionné HydroQuébec, ce que vous auriez pu faire le jour où Hydro-Québec a comparu devant nous. Vous jugez bon de ne pas le faire et vous choisissez de lancer des affirmations très gratuites à l'égard d'Hydro-Québec et à mon égard.

Les représentants d'Hydro-Québec nous ont dit très clairement que ce n'était pas dans leurs projets d'investissements. J'ai assisté à des séances d'information données par Hydro-Québec et on nous a dit que c'était un projet du gouvernement.

Alors, avant d'accuser les autres de dire des mensonges, je vous prierais vous-même de dire la vérité.

Le Président (M. Jolivet): En terminant, M. Cordner.

M. Cordner: M. le Président, nous sommes venus ici faire part de notre inquiétude au sujet du projet Archipel et nous sommes désappointés de voir qu'il y en a qui en profitent pour parler de politique. La question des 250,000 personnes, excusez-nous, c'était mêlé dans notre rapport, mais avec votre variante sur le côté nord pour le chenal artificiel, vous allez couper l'accès à l'eau pour 250,000 personnes, et les représentants de tous ces gens se sont prononcés contre la variante.

Le Président (M. Jolivet): M. André, si

vous voulez terminer.

M. André: Si je peux conclure, je me réjouis de voir que le projet Archipel a autant intéressé les gens de la commission. J'espère que ce débat pourra arriver un jour à un niveau supérieur au niveau qu'il nous a été permis d'observer ici même. Je voudrais lancer une invitation toute spéciale à ceux qui sont ici et qui s'intéressent au projet Archipel d'adhérer à notre association, cela ne coûte que $5.

Pour conclure, j'aimerais citer une phrase de M. Réal L'Heureux qui est président du Conseil consultatif de la protection de l'environnement: Ce n'est plus au gouvernement à présenter la variante à vendre, mais il doit présenter à la population l'ensemble des variantes possibles et laisser la population choisir.

Merci à la commission, merci, M. le Président.

M. Tardif: M. le Président, je remercie l'Association Environnement Archipel. Encore une fois, les motifs qui l'animent l'honorent, nous les partageons, nous sommes tout à fait intéressés à trouver une solution au problème du régime des eaux de la région de Montréal, et toutes les représentations seront dûment entendues, reçues et discutées sur la place publique. Il y aura même une commission de l'environnement qui étudiera le projet en temps et lieux, M. le Président. On entendra le député de Mont-Royal.

Le Président (M. Jolivet): Merci. Compte tenu de l'heure, je suspends les travaux jusqu'à 15 h 15 et nous reviendrons avec la Corporation des maîtres électriciens du Québec, puisque le Conseil Atticamèque-Montagnais nous a demandé de le déplacer vers 16 heures environ.

(Fin de la séance à 13 h 46)

(Reprise de la séance à 15 h 36)

Le Président (M. Jolivet): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission permanente de l'énergie et des ressources est à nouveau réunie pour entendre les personnes ou organismes qui veulent faire des représentations relativement au plan d'équipement et de développement 1981-1990 de la Société Hydro-Québec.

J'invite maintenant la Corporation des maîtres électriciens du Québec, représentée par M. Yvon Guilbault, à s'avancer à la table, et je demanderais à M. Guilbault de nous présenter les personnes qui l'accompagnent et de procéder à la lecture de son mémoire.

M. Guilbault, la parole est à vous.

Corporation des maîtres électriciens

M. Guilbault (Yvon): Je vous remercie, M. le Président. J'aimerais présenter notre délégation aux membres de la commission. À mon extrême gauche, M. Henri Audet, vice-président de la Corporation des maîtres électriciens du Québec.

Le Président (M. Jolivet): Veuillez approcher votre micro.

M. Guilbault: D'accord.

Le Président (M. Jolivet): M. Audet, si j'ai bien compris?

M. Guilbault: M. Henri Audet, vice-président de la Corporation des maîtres électriciens du Québec; à ma gauche, M. Jean-Baptiste Deschênes, président de l'organisme; à mon extrême droite, M. Paul Hurtubise, conseiller technique et, à ma droite, M. Jos Patafie, directeur du service des communications.

J'aimerais remercier la commission de nous donner l'occasion d'émettre nos commentaires sur le plan d'aménagement d'Hydro-Québec. J'aimerais vous souligner que nous avons émis des commentaires sur une partie des notes qui ont été remises par Hydro-Québec, c'est-à-dire le chapitre qui traitait des économies d'énergie, particulièrement dans le domaine résidentiel.

La Corporation des maîtres électriciens du Québec a préparé ce mémoire en fonction des responsabilités qui lui incombent en tant que partenaire à part entière de l'industrie électrique québécoise. Il représente fidèlement les opinions de la CMEQ sur le dossier intitulé Une stratégie pour la décennie 1980. En plus d'une étude sérieuse des documents du dossier, une notion intuitive des attentes de la population québécoise ainsi que la connaissance des besoins de planification et de gestion des installations d'Hydro-Québec ont guidé la rédaction de ce mémoire. La CMEQ, qui regroupe les quelque 2500 entrepreneurs-électriciens de la province qui emploient les 15,000 électriciens compagnons ou apprentis de l'industrie de la construction, a longuement pesé les implications de ses propos et croit présenter de façon positive les ajustements qu'elle juge nécessaires à la poursuite à bon escient d'une saine politique énergétique.

En tant que représentante de ses membres auprès des différents organismes de l'industrie électrique, la CMEQ s'est surtout préoccupée des moyens proposés quant à l'utilisation et l'économie de l'énergie dans le secteur résidentiel et du rôle de l'entrepreneur électricien à cet effet.

La préoccupation initiale de la CMEQ est l'administration d'une loi selon laquelle elle est dûment constituée, l'aspect technique

des installations électriques étant sous la gouverne d'autres organismes gouvernementaux. La concertation de ces partenaires assure la sécurité du public ainsi qu'une concurrence équitable. Depuis plusieurs années, la CMEQ participe activement aux travaux qui ont été faits dans le domaine de la formation de la main-d'oeuvre. Dans son mémoire à la Commission d'étude sur la formation des adultes, la commission Jean, elle a clairement exposé l'importance de la formation de la main-d'oeuvre et ce, particulièrement dans le secteur électrique. Elle a mis sur pied des cours de formation à l'intention de ses membres et, en collaboration avec des spécialistes reconnus, elle a publié plusieurs manuels techniques et administratifs.

En résumé, la CMEQ est consciente de son mandat en accordant une place importante au perfectionnement des entrepreneurs électriciens et à la formation de la main-d'oeuvre employée par les entrepreneurs électriciens. Somme toute, l'entrepreneur électricien est le premier interlocuteur du consommateur québécois en matière d'installations électriques. C'est une responsabilité dont on doit tenir compte dans l'élaboration de tout programme énergétique global. Avant tout organisme, l'entrepreneur électricien est le premier intervenant direct auprès du consommateur.

Selon le document "Dossier préparé en réponse aux questions du gouvernement du Québec", la part des ressources consacrées au programme d'utilisation et d'économie de l'énergie devrait augmenter de 15% à 29% entre 1980 et 1990 en incluant la recherche et le développement des énergies nouvelles. Une partie importante de ces ressources est prévue pour l'utilisation des ressources humaines, les campagnes de promotion pour l'utilisation rationnelle de l'électricité et les améliorations techniques. Le but ultime de ces mesures vise à "réduire la consommation globale d'énergie, à minimiser la pointe de la demande de puissance électrique tout en respectant les besoins des abonnés et à remplacer le pétrole par des sources d'énergie québécoises". C'était une citation qui était dans le document d'Hydro-Québec.

Dans le secteur résidentiel, ces mesures pourraient amener une réduction de la consommation totale d'énergie en 1996 de 14% et des économies de l'ordre de 21% pour la même période. Ce secteur représente donc un potentiel attrayant au chapitre des économies d'énergie et de la réduction globale de la consommation. Parmi les principales actions entreprises et prévues par Hydro-Québec dans le secteur résidentiel, on retrouve les campagnes d'information et de sensibilisation auprès du public, les hausses de tarif, la tarification saisonnière, l'essai du calculateur du prix de l'énergie, la pompe de chaleur, la télécommande des chauffe-eau, le mesurage des immeubles d'habitation et le chauffage mixte. On peut donc conclure que le secteur résidentiel représente des défis intéressants, tant au point de vue de la multiplicité des solutions que des économies d'énergie réalisables surtout si l'on tient compte du fait d'une résistance naturelle du consommateur face aux moyens proposés.

Dans cet ordre d'idées, un paragraphe est particulièrement révélateur et nous le reproduisons. "Cette approche tient compte des économies qui se feront de façon naturelle en réaction aux lois du marché de l'offre et de la demande et suppose en plus des interventions de la part des principaux acteurs de la scène énergétique. La prévision qui en résulte est donc à la fois prudente et légèrement optimiste".

Dans plusieurs solutions, on préconise une intervention indirecte ou incitative auprès des consommateurs: campagne d'information, mesures tarifaires, amélioration technique, etc. Cependant, une intervention directe est souhaitable dans la mesure où les effectifs engagés dans ces interventions sont justifiables en termes de rentabilité ou d'atteinte d'objectifs. Tel que mentionné au paragraphe reproduit plus haut, l'intervention des principaux acteurs de la scène énergétique est l'une des prémisses mises de l'avant.

Dans le secteur résidentiel, l'acteur principal est l'entrepreneur électricien. Il est un intervenant direct chez le consommateur. Il agit souvent à titre de conseiller en matière énergétique. Les solutions qu'il propose sont acceptées d'emblée par les consommateurs. Aux yeux de ceux-ci, il est l'homme à tout faire. Il émet des hypothèses, des solutions, en calcule les coûts, procède à l'achat des matériaux, effectue l'installation de ces matériaux et agit comme intermédiaire entre ses clients et les organismes de contrôle. En somme, il est, à notre avis, l'intervenant par excellence. Il est à déplorer qu'il est complètement ignoré dans les moyens envisagés pour stimuler les économies d'énergie. Jusqu'à maintenant, aucune démarche n'a été faite pour corriger cette situation.

Au début de ce mémoire, nous avons mentionné les efforts que déployait la CMEQ dans le domaine de la formation. Hélas! les ressources humaines, financières et matérielles nécessaires à l'aboutissement d'un tel projet ne peuvent être supportées par ce seul organisme. Il doit être mené de concert avec les organismes qui possèdent les connaissances techniques et économiques dans le domaine de l'utilisation et de l'économie d'énergie.

La formation, l'information et la sensibilisation des entrepreneurs électriciens au problème énergétique sont essentielles à leur fonction de conseiller en économie

d'énergie. Ce sont des intervenants qui sont déjà spécialisés et qui pourraient facilement s'intégrer dans un programme d'utilisation rationnelle de l'énergie. Bien qu'il soit difficile d'évaluer les coûts d'une telle orientation, nous croyons qu'elle est relativement facile à intégrer à l'intérieur du rouage actuel et économiquement justifiable.

En conclusion, en sa qualité d'intervenant privilégié auprès du public québécois, il est important que tous les outils nécessaires à l'accomplissement de cette tâche soient mis à la disposition de l'entrepreneur électricien. Une fois assimilées, les notions fondamentales d'énergie et d'économie d'énergie lui permettront d'effectuer des recommandations qui tiendront compte de la situation énergétique actuelle et ceci, en accord avec les politiques énergétiques gouvernementales, les prévisions du distributeur d'électricité et les attentes de la population québécoise. II est à espérer que cette lacune de la stratégie pourra être comblée au bénéfice de tous les intervenants de l'industrie québécoise. La CMEQ est disposée à collaborer en ce sens et ainsi revaloriser la signification du mot "partenaire".

Le Président (M. Jolivet): Merci. M. le ministre.

M. Bérubé: Merci, M. le Président. Effectivement, le mémoire qui nous est soumis ici par la Corporation des maîtres électriciens du Québec souligne que celui ou celle qui est peut-être le plus près du consommateur d'électricité, c'est de loin le maître électricien, celui qui est responsable de l'installation des équipements et qui, souvent, est le plus en mesure de conseiller directement le client quant à certaines mesures qu'il doit prendre.

Aussi, vous avez réfléchi, en fait, à ce rôle de partenaire que vous voulez jouer, avec raison, ce qui va m'amener à vous demander, en tant que partenaire, ce que vous pensez d'un certain nombre de mesures. En particulier, vous avez souligné, à la page 4 de votre mémoire, l'importance de campagnes d'information, le rôle que peut jouer les hausses de tarifs, la tarification saisonnière, l'effet du calculateur du prix de l'énergie. Enfin, vous avez souligné un certain nombre de moyens.

J'aimerais savoir, par exemple, comment vous voyez, en tant que maîtres électriciens, le rôle de certains moyens qu'on pourrait mettre en place pour gérer la demande. Je pense, par exemple, à des systèmes de compteurs d'électricité qui feraient la distinction entre l'énergie consommée en période de base et en période de pointe. On sait que l'électricité en période de pointe coûte beaucoup plus cher à Hydro-Québec à produire. Si tout le monde décide de prendre sa douche à 17 heures, au moment où tout le monde utilise la cuisinière et tous les appareils domestiques, on sait qu'il y a une période de pointe de la demande électrique qui coûte très cher à Hydro-Québec quand il s'agit d'y faire face. Donc, on peut imaginer des instruments. D'abord, est-ce que vous trouvez cela, comme maîtres électriciens, intéressant que l'on se dirige du côté de la gestion de la demande, des compteurs qui font une distinction entre l'électricité consommée en certaines périodes de la journée ou en d'autres périodes, ou encore des appareils électriques qui pourraient être débranchés automatiquement en périodes de pointe de manière à éviter à Hydro-Québec d'avoir à installer une turbine à gaz pour répondre à la demande? J'aimerais savoir comment vous voyez les possibilités technologiques au Québec qui nous permettraient de gérer la demande. Est-ce que vous estimez que vos membres sont présentement en mesure de conseiller les gens ou même d'implanter ces types d'équipement?

Le Président (M. Jolivet): M. Guilbault.

M. Guilbault: Notre position là-dessus est la suivante: les maîtres électriciens ou les entrepreneurs électriciens, comme le reste de la population, commencent à être plus que sensibilisés aux problèmes d'économie de l'énergie. Il ne faut pas se leurrer, voilà quatre ou cinq ans, c'est un problème qui touchait seulement les initiés, les spécialistes et ainsi de suite. On commence jusqu'à un certain point à être conscient de la situation avec la tenue de commissions parlementaires comme celle-là. Par ailleurs, dans les journaux de plus en plus il y a des articles qui traitent des pénuries possibles de pétrole, de l'augmentation de la pénétration du gaz naturel, ainsi de suite. Les gens commencent à être de plus en plus conscients des faits. C'est la même chose, c'est le même cas chez nos membres, chez les entrepreneurs électriciens. Votre question concernant les moyens que je dirais mécaniques pour contrôler la demande d'énergie, nous voyons cela d'un très bon oeil parce qu'on sait fort bien qu'un jour ou l'autre, il va falloir en arriver là. Cela se pratique quand même dans beaucoup d'États aux États-Unis, cela se pratique en Europe de façon courante tout simplement parce qu'à un moment donné, la nécessité fait loi.

Les gens ont dû se rendre compte, à un moment donné, qu'il fallait se plier à certaines contraintes pour en arriver à conserver l'énergie qui, même si elle est renouvelable, peut se faire de plus en plus rare. Ce sont les moyens mécaniques, comme je les ai appelés. Le sens de notre intervention, et cela rejoint un peu ce que je

mentionnais au début, c'est que, chez nous aussi, les entrepreneurs électriciens doivent de plus en plus, et peut-être en avance de la population, être sensibilisés aux problèmes des économies d'énergie. C'est dans ce sens que la corporation, qui veut affirmer son leadership là-dedans, fait cette intervention, car elle trouve un peu bizarre qu'il se développe des politiques énergétiques en matière d'économie d'énergie quand 2500 entrepreneurs électriciens ont complètement été laissés en dehors du portrait.

C'est ça qu'on trouve bizarre: il n'y a aucun programme d'éducation, de sensibilisation, d'information, de formation qui a été prévu pour ces gens. Pourtant, si vous avez des problèmes dans votre installation électrique chez vous, et je ne parle pas nécessairement de seulement celle du chauffage, il n'y a pas seulement le chauffage dans l'électricité, vous appelerez un entrepreneur électricien. Vous n'appellerez pas quelqu'un d'Hydro-Québec d'abord. Vous allez appeler un entrepreneur électricien et vous allez vous fier, comme tout citoyen, à l'entrepreneur électricien pour la réparation, pour recueillir des conseils, etc. Nous disons qu'au lieu de dépenser des millions qui sont nécessaires en campagne de sensibilisation auprès du public il devrait y avoir une part de consacrée au maître électricien, à l'entrepreneur électricien qui est le premier intervenant chez le consommateur. Il y en a 2500 à travers le Québec. On ne dit pas que tous font du résidentiel; il y en a beaucoup qui se spécialisent dans les travaux commerciaux et industriels, mais on trouve inadmissible et très peu logique que ces gens n'aient pas été considérés dans un programme global d'économie d'énergie.

Si l'entrepreneur électricien va chez vous non seulement pour faire de l'électricité, mais qu'il en profite en même temps pour vous donner certains conseils en matière d'économie d'énergie, cette personne, comme entrepreneur électricien, a quand même une crédibilité que votre voisin, qui n'est pas entrepreneur, n'a pas et, à ce moment-là, les gens sont plus réceptifs. C'est cet aspect qu'on voulait faire ressortir dans le mémoire.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Merci, M. le Président. En lui souhaitant la bienvenue, je veux remercier la Corporation des maîtres électriciens du Québec pour son mémoire. Vous touchez un aspect assez important dans le bilan énergétique du Québec. Nous avons reçu devant cette commission plusieurs représentations quant à l'économie d'énergie. Différents groupes sont venus devant nous, des groupes qui s'occupaient de l'environnement et des consultants dans le domaine énergétique.

Ce que je retiens de votre mémoire, c'est que, premièrement, vous vous joignez à ces programmes et que vous croyez à la nécessité de l'économie de l'énergie. Ceci vient d'un groupe de professionnels qui oeuvrent dans le domaine. Au point de vue pratique, c'est l'aspect important de votre mémoire. Des fois, la population peut tenter de dire: Les gens qui préconisent l'économie de l'énergie n'ont pas l'aspect pratique de ce qu'ils viennent de nous dire, tandis que votre organisme est dans le champ, est dans la pratique de l'application de ces travaux.

Vous avez souligné un aspect qui, je pense, saute aux yeux: vous êtes dans le domaine et vous n'êtes pas consultés dans l'élaboration des politiques énergétiques qui visent à l'économie d'énergie.

Le gouvernement a annoncé un programme d'économie d'énergie et Hydro-Québec doit le mettre en vigueur prochainement. Je voudrais vous poser deux questions: Est-ce que soit le gouvernement ou Hydro-Québec vous a consultés sur l'application de ce programe? Je voudrais aussi vous demander... Apparemment, d'après les témoignages d'Hydro-Québec, ce programme a été mis de l'avant à la suite d'une étude faite par un groupe de consultants qui s'appelle Scanada Consultants Ltd. Est-ce que vous avez pris connaissance de cette étude sur laquelle se base le programme du gouvernement qui sera remis à Hydro-Québec pour application?

Le Président (M. Jolivet): M. Guilbault.

M. Guilbault: Malheureusement on n'a premièrement pas pris connaissance de cette étude qui, semble-t-il, porte sur les économies d'énergie et, deuxièmement, nous n'avons pas été consultés sur le rôle que pourrait jouer l'entrepreneur électricien, face à un programme d'économie d'énergie.

C'est justement sur cette part du programme que nous voulons soulever des objections. On sait fort bien qu'il n'est pas trop tard; le programme n'a pas été annoncé officiellement, semble-t-il, mais l'idée du mémoire d'aujourd'hui était justement de soulever cette question, parce qu'on est des plus conscients que, lorsqu'il y a 2500 entrepreneurs, dans toutes les régions du Québec, qui vont chez la plupart des citoyens, à un moment ou à un autre, ils ont un rôle de masse énorme à jouer, et c'est ce rôle qu'on voulait faire ressortir.

Par contre, ce que nous déplorons, c'est de n'avoir pas été consultés par les personnes concernées.

M. Ciaccia: Oui, parce que, au début de son intervention, le ministre vous a attribué certaines principales actions qui devraient être prises ou qui se retrouvent

dans le programme d'économie d'énergie, mais, simplement pour situer le débat, ces principales actions ne sont pas les vôtres, ce n'est pas ce que vous avez préconisé, ce sont les principales actions que vous attribuez à Hydro-Québec.

M. Guilbault: C'est exact.

M. Ciaccia: Et vous soulignez, je crois que c'est juste, qu'un organisme comme le vôtre n'a pas été consulté pour l'élaboration du programme et sa mise en application; on peut faire des programmes en théorie, mais je crois que les gens qui vont le mettre en application pourraient certainement apporter des suggestions, des recommandations très pratiques pour la mise en application de ce programme. Alors, quand vous dites que, malheureusement, vous n'avez pas pris connaissance de cette étude, ce n'est pas un reproche; je ne voudrais pas que vous interprétiez ça comme un reproche que je vous fais de ne pas en avoir pris connaissance. Malheureusement, l'étude a été rendue publique seulement la semaine dernière, mercredi soir, à la suite d'une demande que nous avons faite au gouvernement pour de la rendre publique.

Je voudrais porter à votre attention certains éléments de cette étude et peut-être avoir vos commentaires, votre réaction. Vous parlez d'économies d'énergie, de pourcentage, d'après l'étude, le plan et les propos d'Hydro-Québec dans sa documentation à laquelle vous vous êtes référé.

D'après cette étude-ci, on pourrait, par exemple, dépenser certaines sommes dans certains secteurs - on se limite au secteur résidentiel - pour obtenir des économies d'énergie. On parle de $1,000,000,000 et, d'après l'étude, ce serait une économie d'environ 21,8% comme consommation d'énergie, tous les ans. C'est le programme que le gouvernement a annoncé: $1,000,000,000, $100,000,000 par année, échelonné sur dix années. L'étude va plus loin. Elle parle de réduire la demande de mazout de près de 25% en investissant $220,000,000 dans la réfection des chaudières et calorifères à mazout. Cette mesure se rembourserait en moins de trois années. Si on s'attaquait à l'amélioration des appareils de chauffage, après l'isolation des structures; on pourrait réaliser 8% d'économie par rapport à la quantité totale d'énergie que demande le chauffage résidentiel en 1980.

Pour un déboursé additionnel de $220,000,000, on pourrait effectuer 8% de plus d'économie, et il y a d'autres mesures. On nous dit que des $220,000,000 que coûterait la rénovation de fournaises à l'huile au Québec, 25% iraient à la main-d'oeuvre et 75% à la rénovation d'équipement. (16 heures)

On ajoute d'autres chiffres pour venir à la conclusion que si on dépensait non pas $1,000,000,000, mais $1,990,000,000, pendant les mêmes dix années, les économies d'énergie qui en résulteraient ne seraient pas de 21.8%, mais de 38%. On va encore plus loin; si on voulait aller plus loin que dix ans dans les déboursés, on pourrait arriver à une enveloppe globale de $2,500,000,000, pour 41%.

Premièrement, on a un chiffre plus élevé dans les déboursés, mais aussi dans les économies d'énergie. Non seulement y a-t-il des économies d'énergie, mais je présume qu'il y a des retombées dans les différents secteurs économiques impliqués; je présume qu'il y en aurait dans votre domaine. Quelle serait votre réaction ou vos commentaires face à un tel programme?

M. Guilbault: Évidemment, vous apportez des questions de coûts. Pour commenter les questions de coûts, cela présuppose de savoir exactement à quoi ces montants vont servir et, comme on n'a pas eu en main l'étude, cela m'est assez difficile de vous répondre. Il y a une chose qu'on sait, par exemple, c'est que, dans tous les programmes d'économie d'énergie, que ce soit par des moyens mécaniques ou autres, on ne peut pas forcer les gens de façon globale à faire des choses qu'ils ne veulent pas faire, s'ils ne sont pas conscients qu'ils doivent les faire, peu importe le montant qui sera investi. C'est à ce niveau qu'on veut agir, parce qu'on est très conscient que, tôt ou tard, il va falloir entreprendre des programmes de sensibilisation d'économie d'énergie et peut-être introduire en catastrophe des moyens mécaniques pour économiser l'énergie. Nous disons : II y a moyen de commencer lentement pour agir psychologiquement et massivement sur les gens; or un groupe comme le nôtre peut le faire.

Je disais à quelques-uns de mes proches dernièrement: Souvenez-vous qu'il y a quinze ans, quelqu'un qui courait tout seul dans la rue passait pour un illuminé. Ils étaient 10,000 illuminés sur le pont Jacques-Cartier l'an passé et cette année, tout simplement, parce qu'il y a eu une campagne de sensibilisation de masse faite sur le conditionnement physique. Les gens y ont cru, y croient et c'est ainsi qu'on voit de plus en plus d'illuminés et, aujourd'hui, c'est presque le contraire, c'est celui qui ne court pas qui reçoit, sans être des reproches, les boutades des ses copains. De façon massive, c'est un peu comme cela qu'on le voit. C'est pourquoi il m'est difficile de commenter les chiffres. Mais en termes de masse, on se dit: On est en contact direct avec le public et on a un rôle à jouer.

Je profite de votre question pour souligner un autre aspect aussi du programme d'économie d'énergie. Il semble, d'après les

media d'information, qu'il doit y avoir avant longtemps, à Hydro-Québec, des conseillers en économie d'énergie qui vont évaluer l'isolation thermique, les installations, que ce soit à l'huile, au gaz ou à l'électricité de la maison et on trouve curieux qu'on prenne la peine de former encore une fois des gens qui seront de l'extérieur - il faut prendre ces gens-là quelque part - quand, dans le fond, les personnes idéales - ce sont des choses qui pourraient être discutables dans un programme - pourraient être des entrepreneurs électriciens qui, de toute façon, rencontrent le consommateur. Pourquoi c'est ce qu'on mentionne dans notre mémoire - n'y aurait-il pas lieu d'accorder une formation à l'entrepreneur électricien, selon un programme bien défini, parce que c'est quand même quelque chose de nouveau, même si on en parle de plus en plus, plutôt qu'encore une fois s'en remettre à un organisme gouvernemental? Là, on en revient aux fameuses discussions à savoir l'État par rapport à l'entreprise privée. Mais plus cela va, plus l'État grossit et plus les entreprises privées doivent se débattre à travers tout cela. Pourquoi l'entrepreneur électricien n'aurait-il pas un rôle très précis à jouer dans un programme d'économie d'énergie? Ce sont des questions qu'on se pose aujourd'hui et on trouve cela un peu curieux que ce soit toujours du côté de l'État et que, du côté de l'entreprise privée, qui est d'ailleurs extrêmement contrôlée... Ceux qui connaissent le domaine savent que les entrepreneurs électriciens ont des comptes à rendre et qu'il y a des contrôles extrêmement serrés envers eux. Que ce soit le Bureau des examinateurs électriciens, la Régie des entreprises en construction du Québec, Hydro-Québec, l'Office de la construction du Québec, il y en a des organismes qui contrôlent leur travail. Pourtant, on veut les contrôler et, quand vient le temps de leur donner une responsabilité qui fait partie de leur travail, de leur juridiction, on ne pense pas à eux. Ce sont des choses qui nous apparaissent cocasses.

M. Ciaccia: Je suis entièrement d'accord avec vous, spécialement sur le rôle de l'État face à l'entreprise privée. Je crois que nous arrivons maintenant à un moment où vraiment l'étatisation de certaines entreprises commence à aller un peu trop loin. On oublie les initiatives individuelles et le rôle de l'entreprise privée. Parce que notre économie est basée sur les taxes et sur les contributions, la base est l'entreprise privée et les gouvernements devraient intervenir seulement dans certains endroits où l'entreprise privée, vraiment, ne peut pas accomplir certaines tâches. Cela devrait être pour inciter l'entreprise privée à apporter une plus grande contribution à notre économie.

Vous parlez de votre rôle dans le domaine de l'économie d'énergie et de la sensibilisation de la population qui est nécessaire parce qu'elle ne semble pas être encore tout à fait sensibilisée à l'importance de l'économie d'énergie et aux moyens à prendre. Vous soulignez l'importance, que nous appuyons ici de ce côté de la table, d'avoir un débat public sur ces questions. Je pourrais vous demander: Seriez-vous prêt, si on fait parvenir à votre corporation une copie de l'étude sur l'économie d'énergie, à faire des commentaires sur cette étude et à les rendre publics? Je pense même que le ministre est d'accord qu'il faut avoir un débat public sur tous les aspects. Votre corporation serait-elle prête à prendre connaissance de cette étude et à rendre publics vos commentaires sur l'étude?

M. Guilbault: Poser la question, c'est presque y répondre, évidemment. C'est ce qu'on cherche. On cherche à alimenter le débat et, comme partenaires, à intervenir dans cette industrie qui prend de plus en plus d'importance. Il est évident que, si la chose nous est demandée, on va intervenir de plus en plus souvent parce qu'on est, nous, comme tout le monde, de plus en plus conscients de l'importance de ces choses. Il est évident qu'on va le faire.

M. Ciaccia: Merci.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Bellechasse.

M. Goulet: Merci, M. le Président. Bien sûr, l'entrepreneur électricien est l'intervenant par excellence auprès du consommateur, comme vous le dites si bien. Vous dites dans votre mémoire qu'il est à déplorer que l'entrepreneur électricien soit complètement ignoré dans les moyens envisagés pour stimuler les économies d'énergie. Vous ajoutez: "La formation, l'information et la sensibilisation des entrepreneurs électriciens aux problèmes énergétiques sont essentielles à leur fonction de conseillers en économie d'énergie." J'imagine que la formation, vous l'avez déjà, l'information également et la sensibilisation, bien sûr. Vous possédez déjà ces qualités.

Vous dites, en guise de conclusion: "II est important que tous les outils nécessaires à l'accomplissement de cette tâche soient mis à la disposition de l'entrepreneur électricien." J'aimerais que vous nous disiez, concrètement, quels sont les outils qui vous manquent actuellement. Mis à la disposition, mais par qui? Par le gouvernement, par Hydro-Québec ou par d'autres organismes? Comment pourrait-on mettre ces outils à votre disposition? Tout à l'heure, vous avez dit: On peut jouer concrètement un plus

grand rôle. Vous avez donné comme exemple qu'au niveau d'une campagne de sensibilisation où le gouvernement ou HydroQuébec débourse X mille dollars ou X millions pour sensibiliser la population à la récupération de l'énergie, vous devriez être consultés, vous devriez faire partie de ce comité. Je suis d'accord, mais en dehors de cela, au niveau de la masse monétaire, quels sont les outils qu'on pourrait mettre à votre disposition? Qui pourrait les mettre à votre disposition et comment? Autrement dit, qu'est-ce qui vous empêche actuellement avec vos compétences d'affirmer le leadership que vous affirmez déjà, d'ailleurs, mais que vous semblez critiquer en disant: On n'a pas ce qu'il nous faut pour l'affirmer. Qu'est-ce qui manque pour affirmer ce leadership?

M. Guilbault: Dans la première partie de votre intervention, vous mentionnez la formation, la sensibilisation de l'entrepreneur électricien. C'est en partie vrai. En termes d'approche, l'entrepreneur électricien, évidemment, possède la connaissance technique, cela va de soi. Par contre, face à la nouvelle approche de mesures, en termes de bonne utilisation de l'électricité et d'économies d'énergie, c'est une approche différente où, de notre côté, comme Corporation des maîtres électriciens, on a un leadership à exercer vis-à-vis de nos membres. C'est une approche différente qui se fait dans le temps, à travers nos structures, par un paquet de conférences, des conférenciers et de l'information, où il peut nous manquer des moyens. Mis à part les moyens financiers qui peuvent se régler assez rapidement, c'est en termes de formation vis-à-vis de cette nouvelle approche.

Évidemment, on n'a pas l'expertise et les ressources humaines nécessaires pour présenter à l'entrepreneur électricien des cours de formation, par exemple, sur la conversion de systèmes de chauffage au pétrole, à l'électricité, vu sous l'angle de l'économie d'énergie. Et cela est important, vu sous l'angle de l'économie d'énergie. Les structures, on les a; les ressources humaines, dans le temps, cela pourrait se faire, mais on veut hâter les choses.

Cela, c'est toute une façon de penser et nous, à la Corporation des maîtres électriciens, avec tout ce que cela comporte d'exécutif, nous devons d'abord nous dire: Cela est important et ensuite transmettre cela du côté des membres.

La question de la formation, de l'information et de la sensibilisation des membres, pour que cela se projette ensuite sur le consommateur, cette partie, ce plan d'ensemble, on ne peut pas le faire tout seuls. Il faut, en termes de stratégie, si je pourrais dire, d'approche, le faire avec ce qui existe de structures ailleurs, comme le

Bureau des économies d'énergie. Si tout le monde fait sa petite part sans que ce soit parti d'un programme intégré, il va y avoir des problèmes quelque part. Il y a du monde qui va se chicaner quelque part et c'est humain.

Nous autres, on dit: Intégrez-nous dans des discussions où, à un moment donné, l'entrepreneur électricien pourra jouer son vrai rôle et on pourra voir jusqu'où on va aller. C'est une partie.

Il y a énormément de moyens aussi. On parlait tout à l'heure de conseillers en énergie. Il peut être possible, par une formation à travers un programme, que des entrepreneurs électriciens soient reconnus publiquement comme conseillers en énergie, de telle sorte que le public sera capable d'identifier parmi d'autres un entrepreneur qui est conseiller en énergie, par suite de sa formation; par la suite, cela peut donner un genre d'émulation pour les autres entrepreneurs qui ne le sont pas, et ainsi de suite. Ce sont des choses qui se font couramment. Ce sont des choses qui se discutent, mais à l'heure actuelle, c'est difficile pour nous de le faire parce qu'il n'y a personne qui nous consulte et on est 2500 qui embauchons 15 000 compagnons électriciens et apprentis. Ce n'est pas juste 2500 entrepreneurs. On engage du monde. L'entrepreneur forme sa main-d'oeuvre et ainsi de suite.

C'est dans ce sens-là que notre intervention prévaut.

M. Goulet: M. le Président, au chapitre des économies d'énergie et de la réduction globale de la consommation, Hydro propose certaines mesures, certaines actions. Vous le mentionnez d'ailleurs dans votre mémoire, comme au niveau des campagnes d'information et de sensibilisation auprès du public. J'imagine que parmi ce qu'Hydro fait actuellement et ce qu'elle fera, elle pourrait consentir un budget aux maîtres électriciens en disant: Vous allez nous aider à le faire et voici ce qu'on attend de vous. J'imagine que si Hydro-Québec proposait des mesures que vous n'acceptez pas en tant qu'experts -exemple pompe de chaleur, télécommande des chauffe-eau, chauffage mixte - si vous n'étiez pas d'accord, vous n'hésiteriez pas à dénoncer cela. (16 h 15)

Je voudrais simplement vous amener à participer, en consentant un budget aux maîtres électriciens, en disant: Ecoutez, on fait une campagne d'information et de sensibilisation auprès du public. On pense que telle ou telle mesure va donner des effets bénéfiques. Or, on vous demande... et même à vous récompenser, mais c'est dans ce sens qu'on veut s'orienter. Si vous n'étiez pas d'accord en tant qu'experts, j'imagine que vous n'hésiteriez pas à dire au public: Ce

qu'Hydro ou d'autres experts vous demandent, nous, on n'est pas d'accord avec ça.

Si vous étiez, par exemple, contre les mesures préconisées par Hydro, vous n'hésiteriez pas à le dire. Mais vous dites: On ne nous a pas consultés. Est-ce qu'on doit conclure qu'il y a des mesures là-dedans qui ne sont pas bonnes ou tout simplement dire: Ils devraient se servir de nous, parce que le premier intervenant auprès du consommateur, c'est nous. C'est nous qui aurons à appliquer ces mesures, on devrait nous consulter ou nous dire comment les appliquer et nous aider à les appliquer.

Quand je parle d'aider, par exemple, ça peut être de donner des cours gratuits à vos membres pour dire: Voici, on s'oriente dans tel domaine et, étant donné que vous êtes les premiers interlocuteurs auprès du public, on va vous donner gratuitement des cours, parce qu'on veut entrer la télécommande, par exemple, des chauffe-eau ou tel nouveau système de chauffage sur le marché, quand on est conscient qu'on va économiser de l'énergie. Alors, étant donné que ça va être vous qui allez installer ça, on va vous donner des cours gratuits; on va vous aider de ce côté-là. Mais je ne vois pas comment vous pourriez intervenir autrement. Je ne sais pas si les mesures pour économiser sont bonnes, c'est vous qui les appliquez, vous payez pour les appliquer. Je suis d'accord pour aider à les appliquer, mais à part ça!

M. Guilbault: II peut y avoir un paquet de mesures qui sont prônées par Hydro à travers sa publicité et ainsi de suite qui incitent le public à vouloir des choses; c'est un fait. Mais quand...

M. Goulet: Vous voulez dire à dépenser de l'énergie, non? J'entends par là...

M. Guilbault: Je veux dire que si une personne est...

M. Goulet: Je m'excuse, M. le Président, je retire le mot "dépenser", mais à convertir, par exemple, un système à l'huile en un système électrique, parce qu'Hydro ne vend que l'électricité. Non, il n'y a pas de mesure, il n'y a pas de campagne comme telle faite par Hydro. Hydro ne propose pas aux gens des choses qui ne sont pas bonnes pour eux, ce n'est pas ça que vous dites.

M. Guilbault: Non, c'est évident que, par notre intervention, on ne critique aucunement Hydro dans le travail qu'elle fait. Elle a un rôle à jouer, c'est clair, et un rôle majeur. Je pense que tous les intervenants qui sont venus ici le reconnaissent. Il y a un rôle pour le producteur d'électricité, mais les installateurs, ce sont les entrepreneurs électriciens. Pour bien faire la distinction, ce n'est pas un employé d'Hydro qui va aller dire au consommateur: Installe - à partir du poteau qui entre dans votre maison - ton équipement de telle ou telle façon; c'est l'entrepreneur électricien. De par la loi, c'est sa juridiction.

En faisant cette intervention, on ne critique pas le rôle d'Hydro. On n'est pas en désaccord avec son plan d'aménagement, excepté que les réserves qui ont été faites sur l'avancement des travaux, on pourrait les faire; cela nous apparaît évident. Je pense que ça paraît aussi de plus en plus évident à tout le monde. Mais, on dit: Chacun son rôle et, à un moment donné, il se produit une espèce d'évolution qui fait que tout bifurque tranquillement, lentement vers l'État et on dit: Respectons chacun notre rôle. Hydro, qu'elle produise de l'électricité et, l'entrepreneur électricien, qu'il installe l'équipement, parce que c'est trop facile de dire: Hydro va le faire.

Il y a un aspect aussi où on veut jouer avec la question de l'État et de l'entreprise privée. C'est une distinction nette qu'on veut faire ressortir, s'il y a des choses, comme vous dites, avec lesquelles on ne serait pas d'accord. Il est arrivé, voici quelques semaines, des choses avec lesquelles on n'était pas d'accord. On a fait des interventions au public là-dessus. On va faire ces interventions de telle sorte qu'on puisse, d'une façon, rectifier des faits ou, encore, alimenter le débat, parce qu'il y a des choses qui peuvent être en partie vraies et qu'on peut compléter par la suite.

Mais le rôle qu'on veut définir, c'est le rôle pratique de l'entrepreneur électricien, de l'entrepreneur qui va chez vous faire de l'installation électrique. Ce qu'on ne comprend pas, c'est que son rôle est sous-estimé dans les documents qui ont été fournis par Hydro-Québec en termes d'économie d'énergie. C'est la distinction qu'on veut faire avec les deux. On ne dit pas que les moyens mécaniques envisagés par Hydro pour économiser l'énergie sont mauvais. Au contraire, la plupart de ces moyens, vous admettrez qu'ils en sont au stade expérimental. Ce ne sont pas des choses communes ici, pour la plupart des consommateurs. On expérimente, mais il faut expérimenter aujourd'hui, pour prévoir pour demain. C'est le rôle d'Hydro de le faire. Quand ça sera sur le marché, ça revient à l'entrepreneur électricien.

C'est la distinction qu'on veut faire entre les deux organismes: Hydro-Québec et l'entrepreneur-électricien. Sinon, un jour, ce sont tous des employés de l'État qui vont faire les installations et on n'en sortira jamais. On veut faire la nette distinction entre les deux.

Le Président (M. Jolivet): M. Audet

voulait ajouter quelque chose, je pense?

M. Audet (Henri): M. le Président, j'aimerais ajouter quelque chose. Tout à l'heure, on parlait de spécialistes de formation. Vous vous souvenez, il y a une quinzaine d'années environ, quand HydroQuébec a décidé de lancer son programme de promotion du chauffage électrique; moi, je m'en souviens, j'étais là. À ce moment, on nous avait consultés pour former des spécialistes. Je pense qu'on a bien réussi dans l'ensemble. Hydro-Québec avait un programme quand même assez important et cela a très bien réussi. Je me demande aujourd'hui pourquoi on ne nous consulterait pas pour - M. Guilbault l'a mentionné tout à l'heure - faire justement de nous des spécialistes en économie d'énergie. Je pense que cela pourrait être la même chose. C'est cela que je voulais apporter.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Gouin.

M. Tremblay: Merci, M. le Président.

M. Guilbault, je pense que tous ici accordent beaucoup de poids à votre témoignage, qui me paraît plein de bon sens. Le fait que vous soulignez votre rôle d'interlocuteurs directs auprès des consommateurs devrait être une évidence pour tous. Le fait aussi que vous ne soyez pas consultés, lorsqu'il y a des programmes ou des politiques de conservation de l'énergie et qu'on ne fasse pas appel à vous pour appliquer de tels programmes me paraît, pour ma part, invraisemblable.

Mais ce n'est pas le point principal sur lequel je voudrais vous poser des questions. Comme vous le savez, la question de la substitution des modes de chauffage et de la substitution entre les formes d'énergie est une des grandes coordonnées de toute la discussion à cette table. Comme vous le savez aussi, le chauffage des maisons a été très coûteux cet hiver pour le portefeuille des individus et des familles à cause de l'hiver très froid que nous avons eu, au mois de décembre et au mois de janvier. Ces coûts continuent, parce qu'aujourd'hui - c'est peut-être un mardi gras, mais c'est aussi un mardi noir jusqu'à un certain point l'Alberta a fait une coupe d'environ 110,000 barils par jour en pétrole et qu'il y a une augmentation de $0.0225 dans le prix de l'huile à chauffage; pour l'essence, la gazoline, c'est un peu pire, parce que nous avons une taxe de 20% au niveau du gouvernement du Québec, ce qui va pousser presque à $0.03 l'augmentation du gallon d'essence. Donc, on voit que le Québec est dans une position très vulnérable au plan du pétrole, pour la bonne raison que nous n'en produisons pas.

Sur la conversion des systèmes de chauffage, vous êtes des experts, puisque c'est vous, souvent, qui faites ce genre de conversion. Comme vous le savez, dans le budget d'octobre du gouvernement fédéral, il y avait cette mesure proposant d'encourager, pour des raisons de balance des paiements, la conversion des systèmes de chauffage des résidences canadiennes du pétrole au gaz ou à l'électricité, le gaz et l'électricité étant deux des sources d'énergie que nous produisons le plus au Canada. C'était avec l'intention de verser aux citoyens qui acceptaient de faire cette conversion une subvention d'environ $800. Pour les résidents du Québec, il y a un problème, puisque le gouvernement, même si l'électricité est la seule énergie que nous produisons au Québec, même si c'est une énergie qui est propre et renouvelable par rapport aux autres sources, a donné comme indication qu'il n'était pas tellement intéressé à ce que ces $800 s'appliquent au chauffage électrique. Finalement, par après, on a dit que si c'était pour un chauffage central, ce serait peut-être acceptable.

En tant qu'expert dans ce domaine, j'aimerais vous poser quelques questions. Est-il exact que la préférence des Québécois va du côté des plinthes électriques plutôt que vers le chauffage central, parce que, si les plinthes ne sont pas subventionnées, ce serait donc aller contre une préférence des individus et des citoyens? Maintenant, lorsque les gens installent des plinthes électriques dans leur résidence, est-ce qu'il n'est pas possible de garder le système actuel au pétrole et d'avoir quand même ce double système qui pourrait, dans les années à venir, être réactivé dépendant de la conjoncture? Il faut bien se rendre compte que tout le monde est un peu dans l'incertitude face au prix de l'énergie, aux sources d'approvisionnement et aux décisions politiques qui vont accompagner cela.

Concernant les plinthes, je crois avoir lu dans les journaux que votre association a fait une déclaration disant que c'était un mode de contrôle et d'économie d'énergie qui était très versatile étant donné que dans chaque pièce il y avait un thermostat et que, dépendant des circonstances dans lesquelles se trouvent les citoyens, il y avait possibilité de fermer des chambres l'hiver et d'économiser un pourcentage élevé. Je ne me souviens pas du pourcentage que vous aviez indiqué, mais c'était un pourcentage élevé. Vous souleviez aussi le fait que l'électricité, à cause de la chaleur qui s'échappe dans les cheminées par le pétrole et le gaz, était une forme d'énergie qui était très efficace, de l'ordre de 35% à 37% plus efficace que les autres formes d'énergie.

J'aimerais que vous nous donniez votre point de vue concernant les plinthes, concernant le choix des individus d'économiser de l'argent avec les plinthes et

les thermostats. Et je vous poserai une autre question plus générale. Étant donné que nous aurons des excédents d'électricité entre l'année 1981 et l'année 1988 - c'est ce qui ressort du plan d'investissements d'Hydro-Québec - étant donné que le prix du gaz naturel est concurrentiel par rapport à l'électricité présentement, mais que, dans les années à venir, nous n'en sommes nullement certains vu que le prix du gaz naturel est accroché au prix du pétrole; étant donné aussi que les frais de conversion des systèmes de chauffage actuels, qui sont au pétrole, sont deux fois plus élevés lorsqu'on va à l'électricité qu'au gaz naturel et étant donné aussi que les gens, au Québec, aiment les plinthes, je vous demanderais s'il y a quelque chose de mauvais dans les désirs des citoyens au Québec que les bureaucrates et les politiciens devraient corriger, dans leur sagesse suprême, afin que les taxes des citoyens soient utilisées contre les désirs des citoyens pour favoriser une forme d'énergie que nous ne produisons pas au Québec, c'est-à-dire le gaz naturel.

Le Président (M. Jolivet): M. Guilbault.

M. Guilbault: Je vais laisser le soin à M. Hurtubise de répondre quant à la partie technique.

M. Hurtubise (Paul): M. le député, vous posez plusieurs hypothèses et plusieurs problèmes; la réponse pourrait être fort complexe. Je vais essayer d'énumérer quelques-uns des sujets que vous avez mentionnés. L'article de la CMEQ, qui était, en somme, un plaidoyer en faveur des plinthes chauffantes, visait à faire la part des choses et à "dénoircir", si on veut, certains propos tenus par des représentants du gouvernement sur ce sujet. On visait à faire la part des choses et, à la fin de l'article, il était bien mentionné que cela visait à permettre aux consommateurs de prendre des décisions éclairées. Dépendant de la situation à laquelle un consommateur particulier fait face, il y a des solutions qui peuvent être autres que celles préconisées soit dans le cas d'une subvention ou non.

Vous avez mentionné la préférence des consommateurs pour les plinthes. Des chiffres ont été avancés démontrant que les conversions, actuellement, et possiblement le parc d'habitations nouvelles allaient à 90% vers les plinthes chauffantes. Ce sont des chiffres qui ont été avancés et on n'a pas pu les vérifier, mais on dit que, même à 80%, il est sûr que les consommateurs ont une préférence pour les plinthes chauffantes pour des raisons qu'on a mentionnées et que vous avez mentionnées également, de propreté, d'efficacité, de simplicité. On peut facilement comprendre que, lorsqu'on enlève un système central, on récupère de l'espace.

On peut se poser des questions à savoir pourquoi les consommateurs, à ce moment-là, vont dépenser un montant substantiel pour aller vers les plinthes chauffantes alors que, si le gaz pénètre, ce sera presque une subvention totale de la conversion, etc. Donc, il y a vraiment chez les consommateurs certaines peurs ancrées envers d'autres systèmes d'énergie et une préférence qui a été mise de l'avant il y a déjà plusieurs années. M. Audet mentionnait qu'Hydro-Québec, dans la campagne Novelec, a fait la promotion du chauffage électrique, et cela a eu un succès fort escompté. Donc, il y a assurément une préférence des consommateurs et lorsqu'on discute avec nos entrepreneurs, habituellement, il va y avoir aussi cette recommandation.

C'est là où on en vient à notre mémoire qui dit que les entrepreneurs ont une formation. La situation économique et énergétique a changé. Face à des solutions traditionnelles - par le passé, on enlevait le système central et on le remplaçait par des plinthes - il faut sensibiliser les consommateurs au fait que possiblement le nouveau parc d'habitation et le parc d'habitation qui existe aujourd'hui pourraient bénéficier de la conservation d'un système central, dans certains cas, et, dans d'autres cas, non. Dans d'autres cas, ce n'est pas possible. Comme vous l'avez mentionné, le gouvernement, dans son programme de subvention n'entend pas subventionner les plinthes électriques. Nous, on a fait nos représentations puisqu'on n'était pas d'accord avec ça. On veut faire la part des choses et on a donné des cas d'exception.

M. Tremblay: Pourquoi n'êtes-vous pas d'accord avec ça? C'est ce qui serait intéressant pour nous de savoir.

M. Hurtubise: À cause des cas d'exception. Je crois que le consommateur doit être à même de pouvoir bénéficier d'une subvention. Dans le cas - si on veut prendre un cas hypothétique, qu'on retrouve facilement - par exemple des fournaises de plancher, il est évident que n'ayant pas un système de distribution forcée, la conversion aux plinthes est une solution économique et possiblement, à notre avis, la meilleure. On est d'accord là-dessus. C'est une exception et s'il y en a une, on peut facilement supposer qu'il y en a d'autres.

Donc, on n'est pas d'accord dans ce sens et c'est pour en arriver à ça qu'on dit qu'on veut des décisions éclairées, permettre au consommateur de prendre des décisions éclairées. Les entrepreneurs, en tant que conseillers, vont parfois aider le consommateur à prendre cette décision éclairée, vont s'affirmer comme conseillers, et ce qu'ils avancent, habituellement, c'est ce qui va arriver.

M. Tremblay: Quels sont les chiffres d'économies, selon les systèmes, selon vous, que vous aviez, je pense publiés?

M. Hurtubise: On avait avancé un chiffre d'économies de 10%.

M. Tremblay: Qui venait d'où?

M. Hurtubise: C'est un chiffre qui est très subjectif et qui dépend beaucoup de l'habitude de vie des gens, comme dans toute économie d'énergie. Nos entrepreneurs, intervenant directement, ont cette fonction de conseiller. S'ils ne sont pas éclairés aux nouvelles technologies qui peuvent survenir, il sera peut-être trop tard dans quatre ou cinq ans, puisque le système central ne sera plus là et qu'il ne sera plus possible de retourner en arrière. Donc, nous, on prône une formation, une information, une sensibilisation de l'entrepreneur électricien pour que lui, à son tour, puisse donner de l'information éclairée et objective au consommateur.

Le Président (M. Jolivet): M. le député d'Outremont.

M. Fortier: M. Guilbault, ce que j'ai retenu d'une partie de votre intervention, puisque je suis arrivé légèrement en retard, c'est que vous dites que les économies d'énergie se feront ou ne se feront pas, selon les convictions de chacun des citoyens de cette province, ce à quoi je souscris beaucoup. Dans une certaine mesure, nos attitudes personnelles sont extrêmement importantes pour qu'on assure les économies d'énergie. Vous dites également qu'il faudrait travailler le plus possible par l'intermédiaire d'agents qui existent dans la société. Pour les plus gros édifices, ça peut être les ingénieurs-conseils, les architectes. Pour des plus petits travaux, ça peut être des gens comme les maîtres électriciens.

Je crois que le rôle que vous revendiquez, c'est un double rôle. C'est un rôle d'exécutant et un rôle de conseiller. Je pense qu'il n'y a personne qui conteste votre rôle d'exécutant dans le sens que sur certains projets, vous soumissionnez, j'imagine, et vous exécutez des travaux qui sont définis.

En ce qui concerne le rôle de conseiller des clients, j'ai l'impression que certains de nos amis de l'autre côté divisent le monde en deux: il y a les purs et les impurs. On vous a classés un peu dans les impurs. On dit ceci parce que, bien sûr - et j'aimerais avoir vos commentaires là-dessus - ce sont des gens comme vous. Lorsque vous allez conseiller vos clients dans le sens qu'ils favorisent vos propres intérêts financiers, dans quelle mesure seriez-vous objectifs, dans le sens de faire les meilleures recommandations qui favoriseraient les objectifs que l'État se serait fixés? C'est dans cette mesure... Bien sûr, je suis d'accord sur ce que vous avez dit, en ce qui a trait à Hydro-Québec, quoique je sais pertinemment que, dans le passé, HydroQuébec a travaillé par l'entremise de gens comme vous, vous l'avez dit tout à l'heure. Dans quelle mesure, en ce qui concerne le rôle de conseiller de la clientèle, pourrait-on vous considérer comme "purs", si vous acceptez la définition de ce rôle?

Le Président (M. Jolivet): M. Guilbault.

M. Guilbault: Vous considérez notre côté impur.

M. Fortier: J'ai dit qu'il y a des gens qui vous considèrent comme impurs.

M. Guilbault: En termes de perception, c'est souvent l'argument qu'on a au niveau gouvernemental. Évidemment, dans une entreprise privée, il y a une notion de profit, il y a de bonnes chances que vous ne soyez pas honnête envers le client. Il y a des choses, pour protéger le bien public ou le bien commun, pour lesquelles on est tenté de dire: L'État va s'en occuper. En termes d'intérêt, il est clairement défini, comme vous l'avez mentionné, que l'exécutant, c'est l'entrepreneur électricien par un paquet de lois et par un paquet de contrôles qui surveillent ces lois et les exécutants. Si on s'en tient à la question du chauffage simplement, dans le domaine électrique, il y a deux choses: il y la plinthe et la fournaise électrique. On a posé énormément de questions à nos gens. En termes de coût pour le consommateur, est-ce qu'il y a une grosse différence entre poser des plinthes et une fournaise électrique? Nous semble-t-il que la différence entre les deux systèmes est excessivement minime, quelque chose comme $200 ou $300 pour quelqu'un qui choisit les plinthes librement. Évidemment, les plinthes, pour les gens, ont quand même beaucoup d'intérêt, parce qu'une fois que c'est là, tu n'as plus besoin de vérifier la fournaise, la petite courroie qui ne fonctionne plus. S'il y a un thermostat qui brise, cela fonctionne quand même dans les autres pièces. Pour les gens, c'est quelque chose d'acquis, de vendu. Pour l'entrepreneur, en termes de vente - si on le prend du côté impur - cela représente à peu près une différence de $200 ou $300 de plus dans la vente, pour la plinthe. Pour le profit, à toutes fins égales, cela revient pratiquement au même, excepté que pour poser une fournaise, cela va être moins long que pour poser des plinthes, parce que dans les deux cas, vous devez changer le branchement. Si vous avez un 100 ampères, vous allez devoir avoir un 200, même si c'est à plinthes ou fournaise. La différence,

entre les plinthes ou la fournaise, c'est à peu près pareil. La différence est assez minime pour que cela ne fasse pas un point majeur dans la décision.

M. Fortier: Vous n'irez pas jusqu'à recommander le gaz à un client.

M. Guilbault: C'est très évident. Ce qui veut dire qu'au bout du compte, si on en vient à la question des plinthes, ce qui complète un peu la question de M. Tremblay, l'entrepreneur électricien pourrait avoir autant d'intérêt à recommander à son client la fournaise électrique pour conserver tout le système à canalisation, mais il est évident aussi que le consommateur veut la plinthe. Or, dans bien des cas, l'entrepreneur électricien va poser la plinthe, même si à son avis, il vaudrait mieux y avoir une fournaise électrique. C'est là qu'on entre dans les fameuses questions de sensibilisation: Garde ton système à canalisation parce que, peut-être, tu vas pouvoir ajouter un autre système complémentaire après, pompe de chaleur et ainsi de suite. C'est là que l'entrepreneur électricien joue un très grand rôle. Pour répondre directement à votre question, en termes de profit - si on revient au côté impur, il faut bien imager la réponse - pour l'entrepreneur électricien, de façon pratique, il n'a pas plus d'intérêt, mais comme vous dites, il va vendre de l'électricité, c'est clair.

M. Fortier: Soyez bien assurés que je comprends votre position parce qu'assez souvent, on me dit que je suis impur.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Kamouraska-Témiscouata.

M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata):

Merci, M. le Président. Je voudrais revenir un peu sur la question du début, celle que M. le ministre posait. Nous sommes pas mal tous d'accord, purs et impurs, pour dire que ce sont les maîtres électriciens qui sont le plus près des consommateurs pour mieux informer vos gens, vos clients et les consommateurs. Avez-vous suffisamment réfléchi au programme ou à cette question pour être en mesure de formuler dès maintenant des suggestions concrètes dans tout futur programme que pourraient mettre sur pied le gouvernement et Hydro-Québec? Êtes-vous en mesure de dire que vous pourriez avoir un programme, soumettre un programme à Hydro-Québec et de vous faire dire: Allez-y dans tel et tel domaine, si vous voulez participer? Vous avez fait des suggestions tout à l'heure, mais êtes-vous rendus assez loin dans vos études pour nous formuler des suggestions concrètes aujourd'hui même?

M. Guilbault: Je veux être bien honnête avec vous, les suggestions qu'on a faites tout à l'heure sont celles auxquelles on pense à l'heure actuelle. Mais nous sommes aussi très conscients qu'à mesure qu'on apprend des bribes des divers programmes qui sont en train d'être élaborés, ce sont des choses dont on ne peut pas faire abstraction, parce que tu ne penses pas tout seul de ton côté, un groupe pense de son côté et, à un moment donné, on marie tout cela. Il faut que tout cela fermente ensemble. À l'heure actuelle, ce sont des idées qu'on a de notre côté qu'on a exprimées tout à l'heure. Mais, à mesure qu'on apprend des détails des différents programmes qui sont en train d'être élaborés, évidemment, cela nous donne d'autres idées.

C'est pour cela qu'au moment où on vous parle, on ne peut presque pas aller plus loin dans nos recommandations ou nos suggestions. Il faut prendre connaissance de ce qui est en train de se développer à l'heure actuelle. C'est cela qu'on déplore, parce qu'il existe un organisme qui est le nôtre et qui a des structures très bien identifiées à travers tout le Québec. C'est divisé en 17 régions où les entrepreneurs sont très bien identifiés et personne ne pense à se servir, à utiliser ces structures pour faire passer des messages d'économie d'énergie qui, pour nous, sont très importants. On se dit qu'une fois que cette volonté politique, si je puis dire, se sera manifestée, les moyens seront très faciles à trouver. On n'a qu'à aller rencontrer des fonctionnaires; il y en a tout plein des moyens, il y en a, ce n'est pas possible, c'est de les intégrer, de les transformer en termes d'action. Nous, on est là pour cela.

M. Hurtubise mentionnait tout à l'heure une réponse à la question de M. Tremblay concernant les plinthes. Il y a eu des articles et des fuites, si je puis dire, habiles pour dire que les plinthes ne seraient pas subventionnées. On est là pour dire au public: Ce n'est pas correct de dire que les plinthes ne seraient pas subventionnées quand il y a tellement d'exceptions qui existent que la personne qui aurait peut-être besoin de la subvention ne l'aurait pas parce que, de façon générale, il est décrété que les plinthes ne seraient pas subventionnées. Il peut aussi se produire des cas où la canalisation qu'on veut tant garder pour en arriver à un autre système de chauffage par une autre source d'énergie ne soit plus bonne. C'est possible. À Outremont, par exemple, il y a des maisons qui datent de 60 et 75 ans et où il y a des systèmes de canalisation qui sont désuets. Parce qu'il y a un système de canalisation, il n'y aurait pas de plinthes, si la personne en veut? Il y a des choses qui ne sont pas logiques là-dedans et qui devraient être pensées avant que ce soit rendu public et je pense que c'est notre

rôle de le dire publiquement. Autrement dit, on fait une intervention publique, on met les choses où elles doivent être, mais on veut bien progresser dans le sens des économies d'énergie et c'est notre rôle de le faire. C'est dans ce sens-là qu'on ne peut pas aller plus loin en termes de suggestions.

M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata):

Dans votre mémoire, vous dites surtout que vous êtes prêts, vous êtes ouverts à...

M. Guilbault: Sérieusement.

M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata): ...toutes sortes de suggestions et à aider le gouvernement ou Hydro-Québec dans de futurs programmes auxquels vous pourriez participer financièrement...

M. Guilbault: Certainement.

M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata): ...pour faire valoir ni plus ni moins les connaissances que vous pourriez transmettre aux consommateurs. C'est dans ce sens-là que je l'ai vu. Est-ce cela?

M. Guilbault: Oui, exactement. Le Président (M. Jolivet): Merci.

M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata):

D'accord, merci.

Le Président (M. Jolivet): En terminant, M. le ministre. M. le ministre m'a demandé de prendre le temps qui lui est permis. M. le ministre. (16 h 45)

M. Bérubé: Merci, M. le Président. Concernant votre intervention face à la participation des maîtres électriciens, je pense que vous avez raison de souligner qu'en élaborant le programme, Hydro-Québec devrait vous rencontrer. D'ailleurs - vous n'avez peut-être pas eu l'occasion de le souligner, mais je pense que vous en êtes conscients - déjà, le ministère vous a consultés. Par exemple, lorsqu'on a préparé la loi no 9, avec toute la réglementation concernant les économies d'énergie, mon ministère a consulté votre organisation justement pour profiter de votre expertise dans ce secteur. J'avais l'impression, d'ailleurs, que tout récemment vous confirmiez votre intention de vous engager dans un programme de sensibilisation de vos maîtres électriciens, de concert avec mon ministère, aux économies d'énergie. Je pense qu'il y a déjà un début de collaboration intéressant entre mon ministère et votre association, qui devrait se traduire également par ce même type de collaboration avec les électriciens, cette fois impliquant Hydro-Québec.

Je pense qu'effectivement le programme d'isolation des maisons pourrait très bien faire appel aux services des électriciens, à l'expertise des électriciens. Il reste que, dans l'élaboration d'un programme, c'est sûr que, pour une action-conseil, on aura toujours tendance à vouloir faire appel à quelqu'un qui n'est pas lui-même impliqué ou en conflit d'intérêts. C'est bien sûr que, si on vend, par exemple, du matériel d'isolation et qu'en même temps on conseille les citoyens quant aux travaux d'isolation à faire, le consommateur ne sait jamais si celui qui lui conseille une mesure d'isolation donnée le fait parce qu'il a un intérêt monétaire ou bien le fait en fonction simplement du bien de la personne à qui il le conseille. Donc, on va devoir chercher un mécanisme pour conseiller les citoyens qui soit le plus objectif possible afin que ceux-ci puissent y avoir entièrement confiance.

Vous avez également mentionné tantôt dans votre intervention des problèmes d'équipements de chauffage qui seraient admissibles aux subventions et d'autres qui ne le seraient pas. En fait, le seul élément que je retiendrais pour l'instant face à un équipement comme les plinthes électriques, c'est que lorsqu'il existe déjà un système central de chauffage, je pense qu'il faudrait maintenir ce système central de chauffage. Je pense que vous avez été en mesure de voir, par exemple, au cours des travaux de cette commission, qu'il est bien évident que nous ne disposons pas de ressources hydroélectriques pour répondre aux besoins du Québec pendant encore 1000 ou 2000 années. On en a pour jusqu'à la fin du siècle, suivant certaines hypothèses. Selon d'autres hypothèses, on peut étendre cela de plus ou moins cinq ou dix ans, mais enfin on est au bout du fuseau.

Cela a comme conséquence que, si les Québécois choisissent de se chauffer à l'électricité plutôt que de se chauffer au gaz naturel comme le font, par exemple, les New-Yorkais ou les Torontois ou à peu près tous les Nord-Américains, forcément, on va manquer d'électricité. Là, on risque d'être obligés de produire cette électricité à un coût qui est passablement élevé. Ce sont tous les consommateurs québécois qui vont payer la facture d'électricité parce qu'un programme d'équipement comme celui qu'on propose présentement implique des moyens investissements et cela va se traduire à un moment donné par quelqu'un qui va devoir le payer. Il ne faut pas s'imaginer qu'on s'engage dans un programme comme celui-là sans le payer. Ce que les producteurs ou les distributeurs de gaz ont souligné, c'est que, toutes proportions gardées, le gaz a toujours des chances, au moins pour les années qui viennent, d'être meilleur marché que l'électricité, d'une part, et qu'en termes d'investissements il leur apparaît beaucoup

moins coûteux d'investir, par exemple, dans le chauffage au gaz que d'investir dans les infrastructures pour le chauffage à l'électricité.

Lorsque vous dites que les plinthes ne sont pas acceptées par le gouvernement, ce n'est pas exact. Lorsqu'il y a un système central de chauffage à l'huile, nous croyons qu'il faut conserver ce chauffage central, de manière que, si les besoins en énergie sont tels au Québec vers 1990 ou 1995 qu'il faille faire un appel beaucoup plus massif au gaz naturel compte tenu des choix que les Québécois auront faits sur le plan énergétique, à ce moment, effectivement les gens pourront convertir. Si vous avez installé des plinthes électriques et que, dans cinq ou sept ou huit ans, les tarifs d'électricité doivent monter en flèche par suite des programmes d'investissements d'Hydro-Québec pour répondre à la demande de chauffage, là cela risque de coûter cher à celui qui se serait installé des plinthes parce que, dans cinq, six, sept ans, il sera poigné avec ses plinthes et il va être poigné avec les tarifs d'électricité et là il risque de le regretter. D'où l'importance de conseiller, je pense, aux clients une certaine flexibilité au cas où.

Compte tenu qu'on sait qu'on n'a pas de disponibilités - on l'a vu dans les documents déposés par Hydro-Québec - et que le coût d'aménagement des rivières monte très rapidement - passé NBR, on voit que cela monte en flèche - cela veut donc dire que chaque nouvelle demande d'électricité va nous coûter de plus en plus cher. Dans ces conditions, je pense qu'il va falloir faire les choix les plus rationnels et le gaz naturel est, à mon avis, pour les chauffages à basse température, un choix absolument rationnel. Il faut donc encourager les Québécois à garder leur système central de chauffage, mais de là à dire qu'on doit abolir les plinthes, non. Quand il n'y a pas de système central de chauffage, je ne vois pas pourquoi... Je pense à un "cold flat", par exemple, un appartement où le chauffage n'est pas fourni, où il y a une petite fournaise à l'huile dans l'appartement, qu'on installe cela ou des plinthes électriques, cela ne changera pas grand-chose au coût d'installation. Par conséquent, je n'ai pas d'objection, en principe, pour l'instant; on est d'ailleurs en train d'examiner cette question. Donc, il n'y a pas vraiment de problème à ce niveau.

Le Président (M. Jolivet): M. Guilbault.

M. Guilbault: M. le ministre, c'est la première fois que je vous entends faire cette distinction sur la question des plinthes. C'est quand même une question qui est venue sur le tapis en relation avec le programme des subventions. S'il n'y avait pas eu le programme des subventions, on n'aurait même pas parlé de cette question. Cela est quand même un élément qui s'est ajouté au débat. C'est la première fois que je vous entends faire cette distinction sur la question des plinthes. Je le mentionne, nous ne sommes pas des vendeurs de plinthes, c'est important en termes de profit, côté impur. C'est la première fois qu'on entend cette distinction où on fait des nuances précises.

Si on s'en reporte à tous les articles de journaux - et on les a - la distinction n'a jamais été faite de façon précise. Les gens pensent que, s'ils font poser des plinthes de façon méthodique, ils ne seront pas admissibles à la subvention. Remarquez que ce n'est pas la subvention qui peut empêcher certaines gens de se poser des plinthes; c'est évident aussi, les gens conservent leur liberté. Notre propos était tout autre, évidemment, en intervenant ici aujourd'hui.

Le Président (M. Jolivet): Merci, messieurs, au nom des membres de cette commission, d'être venus devant nous.

Conseil Attikamèques-Montagnais

J'inviterais maintenant le Conseil Attikamek-Montagnais, représenté par M. René Simon, à bien vouloir se présenter et à nous donner les nom et titre des personnes qui l'accompagnent. M. Simon, la parole est à vous.

M. Simon (René): Merci, M. le Président. D'abord, à ma gauche, j'aimerais vous présenter le conseiller juridique de notre organisme, Mme Renée Dupuis; à ma droite, l'adjoint au bureau du secrétariat des négociations, un Montagnais de Bersimis, M. Camil Vollant.

Premièrement, M. le Président, j'aimerais...

Le Président (M. Dussault): Si vous permettez, pourriez-vous rapprocher votre micro un peu? Nous avons beaucoup de difficulté à vous entendre.

M. Simon: Premièrement, j'aimerais m'excuser de notre retard. Nous étions en réunion avec certains membres de divers ministères au SAGMAI.

Avant d'entrer dans les détails de notre mémoire, j'aimerais, en guise d'introduction, faire un court exposé. Peut-être que messieurs les membres de la commission ne sont pas tous au courant de l'organisme qu'on représente. L'organisme qu'on représente est le Conseil Attikamègues-Montagnais. Comme son nom le dit, il y a deux nations regroupées à l'intérieur de l'association indienne comme telle, les Attikamègues et les Montagnais. Lorsqu'on parle de conseil de bande, c'est l'administration légale, d'après la loi

indienne, qui gère les affaires de la bande. Il y a neuf bandes montagnaises regroupées sur la Côte-Nord et la Basse-Côte-Nord; il y a une réserve aussi au niveau du Lac-Saint-Jean qui est Pointe-Bleue.

Au niveau des Attikamègues, il y a trois réserves indiennes situées dans le Saint-Maurice, dans la Haute-Mauricie, qui sont: Obedjiwan, Weymontachingue et Manouan. Pour ce qui est des réserves montagnaises, il y a Pointe-Bleue, dont je parlais tout à l'heure, au niveau du Lac-Saint-Jean; en descendant la côte, il y a les Escoumins, Bersimis, Sept-Îles, Schefferville. Pour la Basse-Côte-Nord, il y a Mingan, Natashquan, Romaine et Saint-Augustin.

Comme vous le savez, le Conseil Attikamègues-Montagnais a été formé en novembre 1975, et sa formation a été orientée afin de regrouper les Indiens ayant un intérêt commun.

L'intérêt commun pour les autochtones, en ce qui touche les Montagnais et les Attikamègues, c'est la question des droits territoriaux.

L'organisation s'est formée pour la poursuite de ce qui avait déjà été entrepris par l'Association des Indiens du Québec, c'est-à-dire la défense des droits autochtones dans le milieu qui nous concerne.

Comme vous le savez aussi, il y a environ trois ans, on a essayé par tous les moyens de sensibiliser le gouvernement en place, c'est-à-dire le Parti québécois, à toute la question des revendications autochtones, spécifiquement lorsqu'on parlait des Attikamègues et des Montagnais.

Il y a eu diverses rencontres pour parler justement de ce qui se passait à l'intérieur de ce qu'on considère comme nôtre, le territoire indien, tel que défini par les textes de loi, notamment la Proclamation royale de 1763.

Il y a eu plusieurs rencontres, plusieurs discussions avec divers ministères québécois pour justement parler, comme je le disais tout à l'heure, des divers développements qui ont lieu dans notre territoire, le territoire attikamèque-montagnais.

On a essayé, par la même occasion, de sensibiliser le gouvernement du Québec pour essayer de faire comprendre qu'il y a un problème du côté indien qui est peut-être causé par les développements dans le territoire québécois. Ces problèmes, on veut les régler à l'amiable, c'est-à-dire d'égal à égal - comme le Parti québécois le dit assez souvent - et essayer justement de les résoudre, par des discussions et des ententes, pour en arriver à une entente globale qui serait un genre de contrat social entre le groupe autochtone et le gouvernement concerné.

À l'heure actuelle, il y a des discussions sur des principes, il n'y a pas de négociation, il n'y a pas de processus d'amorcé d'une façon complète, à temps plein. Il y a plusieurs dossiers qui ont été soumis au gouvernement du Québec pour étude et, ultérieurement, on prévoit commencer le processus de négociation.

Il y a du travail qui se fait tant par le gouvernement que par notre association indienne.

La raison pour laquelle on a soumis un mémoire à cette commission, c'est qu'on pense que, dans tout ce qu'on a entrepris dans le passé, on est lésé dans nos droits, c'est-à-dire ce qu'on appelle les droits autochtones liés à divers documents légaux, droits autochtones qui n'ont jamais été cédés, qui n'ont jamais été négociés avec quelque gouvernement que ce soit.

Ce sont des points qui, à mon humble avis, devraient faire l'objet d'une négociation et, tel que mentionné tout à l'heure, on veut essayer d'amorcer le processus de négociation.

Je vais maintenant lire le mémoire qui a été présenté à cette commission.

M. le Président, MM. les membres de la commission, dans le contexte des pourparlers déjà entamés entre notre association et le gouvernement du Québec et qui doivent se poursuivre d'ici peu par des négociations d'égal à égal au sujet de nos droits aborigènes et de l'avenir de nos deux nations et de nos treize communautés, le présent mémoire s'adresse, à travers la commission parlementaire sur l'énergie, aux instances législatives et exécutives de la province devant lesquelles la société Hydro-Québec est ultimement redevable de ses faits et gestes. Nous voulons faire savoir d'emblée qu'en aucun temps, nous voulons discuter ou négocier avec Hydro-Québec en ce qui concerne ses projets qui affecteraient nos territoires et nos communautés, pas plus que nous ne désirons le faire avec quelque autre compagnie nationale ou multinationale exploitant déjà ou désirant exploiter, dans l'avenir, les ressources naturelles que renferment nos territoires. En tant que nations, n'ayant pas été conquises par les armes et n'ayant jamais abdiqué leur souveraineté, ni cédé leur territoire par quelque traité ou autre entente que ce soit, nous ne voulons faire affaires qu'avec les plus hautes instances politiques et administratives du Québec. (17 heures)

Nous nous croyons aussi bien placés que quiconque pour intervenir dans l'actuel débat sur les futures politiques énergétiques de l'Hydro-Québec pour deux raisons fondamentales.

Primo, c'est sur notre territoire et en aménageant trois de nos plus belles rivières, Bersimis, Outardes et Manicouagan, que cette société s'est fait la main pendant 25 ans dans le domaine de l'hydroélectricité en détruisant nos lignes de piégeage, nos

territoires de chasse, notre gibier, nos voies de pénétration vers l'intérieur, en un mot, en détruisant nos racines culturelles et en nous détruisant nous-même comme peuple.

Secundo, après avoir temporairement détourné son attention vers les territoires de nos frères cris et inuits, depuis le début des années 1970, Hydro-Québec songe maintenant à poursuivre son oeuvre de destruction dans plusieurs autres de nos bassins hydrographiques d'ici la fin du siècle. Dans ses documents officiels, la société d'État est plutôt avare de détails sur les projets hydroélectriques nous concernant, mais les sommes considérables qu'elle dépense actuellement au Lac-Saint-Jean et sur la Côte-Nord ainsi que quelques études d'avant-projet qui nous sont parvenues nous indiquent qu'elle n'aura de cesse que lorsque toutes nos rivières auront été domptées, comme elle le dit si bien.

On pourrait, semble-t-il, tirer encore plus de 10,000 mégawatts de nos rivières. Nous apprenons aussi que le potentiel de 14 d'entre elles a déjà été évalué et classé en termes de rentabilité économique... économique uniquement, car le social préoccupe très peu Hydro-Québec. Nous n'avons que très peu d'information sur les petites rivières susceptibles d'être aménagées à plus ou moins brève échéance, à part le fait qu'après avoir étudié les potentiels et les coûts d'aménagement des rivières Brador, Coxipi et Napetipi sur la Basse-Côte-Nord, la société aurait tout à coup jeté son dévolu sur la décharge du lac Robertson, derrière La Tabatière, où une petite centrale pourrait être complétée pour 1984.

Pour une surprise, c'est une surprise et ce n'est là qu'un exemple de la façon secrète de procéder d'Hydro-Québec. Pourquoi laisser l'eau couler pour rien, nous dit un grand amant des hydrodollars. Nos ancêtres, pour leur part, ont toujours apprécié la beauté de l'eau qui coule et des chutes qui bouillonnent et en ont toujours tiré une grande satisfaction et un grand bonheur, indépendamment de leur valeur économique calculée en dollars, en peaux de castor ou en quoi que ce soit.

En ce qui concerne les impacts négatifs des barrages et réservoirs sur nos rivières, nos territoires, nos activités traditionnelles et nos communautés, les résultats de recherches que nous avons effectuées ont déjà été résumés dans un article publié récemment dans la revue Recherches amérindiennes au Québec, dont nous vous suggérons la lecture et dont un exemplaire se trouve annexé. Ceci nous permettra donc de porter notre attention, dans les pages qui suivent, sur la critique du document d'Hydro-Québec intitulé "Une stratégie pour la décennie 80", qui sera suivie d'un exemple concret de la façon de procéder de cette société dans ses études d'avant-projet, celui de la Chamouchouane.

Une stratégie pour tromper la population? D'autres avant nous, dont certains éditorialistes, ont souligné la faiblesse du document d'Hydro-Québec qui escamote bien des questions fondamentales dont, entre autres, celle du mode de financement des futurs investissements qui pourraient s'élever à plus de $55,000,000,000 d'ici 1990. C'est beaucoup demander à toute la population du Québec pour si peu d'information et de données précises et nous sommes tous en droit d'en obtenir beaucoup plus. Nous, en particulier, les Indiens attikamèques et montagnais, dont les territoires doivent être affectés, dans les décennies quatre-vingt et quatre-vingt-dix par ces projets grandioses, sommes en droit d'en savoir plus, car, comme par le passé, c'est sur notre dos que continuera à s'édifier la prospérité des Hydro-Québécois. Non seulement nous exigeons une meilleure information de la part d'Hydro-Québec, mais nous voulons aussi qu'elle change ses orientations et ses politiques dans certains domaines.

La seule partie quelque peu étoffée du document est celle concernant l'augmentation des besoins et des ventes d'électricité pour les quinze prochaines années. Si HydroQuébec prévoit - presque à regret - une certaine diminution de l'accroissement annuel de la consommation d'électricité à partir de données dites "historiques", ainsi que des données démographiques et économiques concernant le Québec, elle établit très peu de comparaisons avec ce qui se passe ailleurs dans d'autres pays industrialisés. Or, ce qui s'est passé récemment en Ontario où Hydro-Ontario a dû réévaluer à la baisse ses programmes de construction et la stagnation économique qui pourrait durer encore assez longtemps, de même que les très faibles taux d'accroissement de la consommation de certaines des dernières années pourraient laisser croire que l'augmentation de la dépense énergétique ne durera pas indéfiniment.

Nous remarquons, par ailleurs, une absence totale de données statistiques précises sur certains surplus d'électricité qui seraient disponibles entre les années 1981 et 1988 et qui devraient disparaître par la suite malgré plusieurs mises en chantier. Cette question s'avère très importante, car il y a des pressions politiques externes et internes pour que le Québec exporte davantage d'électricité. Qu'en est-il des hydrodollars? Nous avons tous droit à plus d'information sur cette question.

Tout le domaine des sources alternatives d'énergie est touché de façon superficielle dans le document, bien qu'il se trouve davantage développé dans un autre document remis au gouvernement en novembre dernier. Cependant, on ne trouve

dans aucun autre document récent des explications sur ce qu'il advient du nucléaire dont on faisait tant de cas il n'y a pas si longtemps. Est-ce là un sujet tabou actuellement? Quelles sont les raisons de cette volte-face? Technologiques? Politiques? Elles ne semblent pas être d'ordre économique en tout cas, car nous apprenons à la page 76 que, dans les années quatre-vingt-dix, l'hydraulique coûtera plus cher que le nucléaire.

Hydro-Québec ne semble pas se préparer de façon adéquate à cette modification de la situation. Cette question nous préoccupe au plus haut point car, en mettant de côté le nucléaire et en optant essentiellement, voire quasi uniquement, pour l'hydraulique pour les quinze prochaines années au moins, Hydro-Québec opte pour l'inondation des territoires indiens du nord du Québec. Il nous semble donc que, dans l'esprit des planificateurs d'Hydro-Québec et probablement dans celui des gouvernants, le poids de l'opinion des habitants de la vallée du Saint-Laurent qui s'opposent au nucléaire pèse beaucoup plus lourd que celui des Amérindiens dont les territoires apparaissent peu peuplés et facilement expropriables. La construction de centrales nucléaires sécuritaires en dehors des zones de peuplement dense ne serait-elle pas une solution de rechange envisageable pour éviter la modification radicale de la grande majorité des beaux cours d'eau du Québec?

La démarche "dynamique" ou "souple" que préconisera Hydro-Québec dans les prochaines décennies n'est pas non plus sans nous inquiéter. Comment, par exemple, des groupes comme le nôtre pourront-ils réagir et se préparer à faire face à certains projets d'aménagement qui pourront être avancés de plusieurs années si les échéanciers sont changés pour une raison ou pour une autre que seule Hydro-Québec connaîtra vraiment? De même que la nouvelle centrale d'énergie de pointe de Manic 5 et la petite centrale non reliée au réseau du lac Robertson sont apparues soudainement dans les programmes de construction d'Hydro-Québec, pourrait-on tout à coup apprendre que les aménagements de la Chamouchouane ou de la Romaine prévus pour les années quatre-vingt-dix sont avancés de plusieurs années? Le gouvernement aura-t-il un contrôle sur ces changements subits dans la stratégie d'Hydro? Les populations concernées auront-elles le droit de s'y opposer et d'exiger le respect des échéanciers?

Finalement, nous avons beaucoup à dire sur les études techniques et d'impact pour lesquelles Hydro-Québec prévoit dépenser $500,000,000 pour la décennie quatre-vingt. Tout d'abord, nous considérons que les impacts sur les populations humaines doivent faire partie des critères de décision et avoir un poids tout au moins égal à celui des impacts sur le milieu naturel. Ensuite, nous pensons que les études d'impact sur les milieux humains et naturels doivent être réalisées par un organisme indépendant autre qu'Hydro-Québec. Dans les conditions actuelles où la société d'État finance et contrôle directement ou indirectement ces recherches, il n'est pas surprenant d'apprendre que, dans chaque cas, des mesures correctives appropriées réussiront toujours à minimiser les impacts négatifs des aménagements hydroélectriques. Si, par hasard, les rapports ne vont pas dans ce sens, ils sont jugés inadéquats et rendus non disponibles ou encore tronqués de quelques pages. Si une telle commission indépendante n'est pas créée, que le gouvernement oblige alors Hydro-Québec à financer à même ses budgets de recherche des études de qualité par les groupes directement affectés par les projets énergétiques. À ce moment-là, les règles du jeu deviendront un peu plus égales et ne seront pas totalement biaisées par Hydro-Québec qui actuellement contrôle tout à sa guise. Finalement, le gouvernement doit exiger d'Hydro-Québec un accès total par le public à l'information concernant les impacts des grands aménagements énergétiques sur les milieux humains et naturels.

Le cas de la Chamouchouane. En guise de conclusion, voici un exemple de la façon qu'Hydro-Québec tient compte des droits des populations amérindiennes, même après la leçon de la Baie James dont elle minimise les impacts négatifs sur le milieu naturel pour survaloriser les impacts positifs sur l'économie: celui des études préliminaires sur la rivière Chamouchouane. Dans un rapport d'études de 46 pages, les Montagnais dont les terres ancestrales seraient les plus directement affectées par les futures centrales et réservoirs ne font l'objet que de 23 lignes de texte au total. Dans un document synthèse de douze pages tiré du rapport principal qui a servi de base à la publicité d'Hydro-Québec au niveau régional, seulement six petites lignes leur sont consacrées à la fin du texte. Par contre, il est question, page après page, des impacts sur la ouananiche, sur le camping de la Grande Chute à l'Ours, sur les emplois qui seront créés et sur les problèmes d'hébergement. Nous en concluons que, pour Hydro-Québec, les poissons sont plus importants que les hommes, surtout lorsqu'il s'agit de Montagnais. Il n'est évidemment aucunement question dans ces textes de droits territoriaux des Montagnais, de l'importance de leurs activités traditionnelles de chasse et de piégeage, des effets sur la communauté de Pointe-Bleue, etc. Près de dix ans après l'expérience de la Baie James, on en est encore à redécouvrir qu'il y a des Indiens dans le Nord du Québec et qu'ils n'ont pas aliéné leurs droits ancestraux.

Par ailleurs, la phraséologie du rapport

tente constamment de minimiser les impacts écologiques des barrages, réservoirs et centrales projetés. Du gros et petit gibier, on affirme toujours gratuitement qu'il trouvera des habitats favorables ailleurs. Avec un raisonnement aussi simpliste, on pourrait aussi bien soutenir que l'inondation de l'ensemble du Québec nuira peu à la faune et qu'il continuera à en avoir autant qu'avant.

Finalement, dans les sept projets d'études proposés à la fin du rapport, un seul - extrêmement limité dans sa définition même - concerne les Montagnais. Par contre, le projet sur la ouananiche se divise en quatre sous-projets d'importance, bien que ce poisson soit déjà étudié depuis trois ans.

Quant à nous, ce rapport révèle le grand mépris que la société Hydro-Québec a envers nos droits, nos activités traditionnelles, nos choix de vie et de développement au niveau communautaire. Nous espérons que cela n'est pas le reflet de la position du gouvernement actuel, du Parlement ainsi que du reste de la population du Québec. Notre terre, nous y tenons et nous la défendrons jusqu'au bout, même face à la toute-puissante Hydro-Québec.

Le Président (M. Jolivet): Merci. M. le ministre, la parole est à vous.

M. Bérubé: Merci, M. le Président. Permettez-moi de vous remercier de ce mémoire qui vient souligner, d'une part, l'impact de grands travaux comme ceux qu'Hydro-Québec a conduits dans le passé sur les populations autochtones qui vivent dans l'environnement, qui voient, en fait, leur milieu de vie et leurs conditions de vie modifiés en profondeur pendant un certain nombre d'années et qui souvent se retrouvent à la fin avec un territoire qui, pour l'usage qu'ils en faisaient dans le passé - que ce soit un usage de chasse et de pêche - a perdu une partie de sa valeur. Je pense que vous venez là de sensibiliser l'Assemblée nationale aux problèmes que représente le développement hydroélectrique au Québec, sensibilisation qui, je pense, n'avait pas été faite avant; par exemple, les décisions concernant les travaux de la Baie James qui ont conduit à des conflits inacceptables entre les autochtones, Hydro-Québec et les citoyens du Québec en général.

Ce qui me frappe dans votre mémoire, c'est, d'une part, votre désir de vous voir impliqués dans les projets. Vous avez évidemment certaines demandes comme lorsque, relativement aux études d'impact, vous aimeriez voir ces études faites par des organismes indépendants d'Hydro-Québec. Malheureusement, la loi de l'environnement est assez claire. Il faut que ce soit le promoteur qui demeure responsable des études d'impact puisque c'est le promoteur qui doit répondre devant la loi des dégâts qu'il cause. Par conséquent, il lui appartient de faire les études d'impact. Cela ne veut pas dire pour autant que vous ne pouvez pas être impliqués dans ce processus et que vous n'avez pas votre mot à dire. J'aimerais savoir sous quelle forme vous aimeriez participer au développement des ressources hydroélectriques sur le territoire et quelles sont les réticences que vous avez, les conditions que vous aimeriez voir respecter par Hydro-Québec permettant un développement harmonieux des richesses naturelles. (17 h 15)

Le Président (M. Jolivet): M. Simon.

M. Simon: Je pense qu'à notre niveau, il y a eu plusieurs représentations de faites auprès du gouvernement du Québec, auprès du gouvernement fédéral. Depuis que nous connaissons le phénomène du développement, que ce soit industriel, minier ou autre, je pense que la partie indienne n'a jamais été consultée sur quelque projet que ce soit. On n'a jamais tenu compte de la présence autochtone dans un territoire donné bien précis, lorsqu'il s'agissait de développement, ce que nous voulons déterminer avec les gouvernements concernés. Nous savons qu'historiquement, la nation indienne a été la première arrivée, avant celle des non-Indiens. À ce sujet, ont paru, tant dans les journaux nationaux qu'internationaux, plusieurs articles qui allèguent ce droit que nous voulons revendiquer à divers paliers de gouvernement. C'est le droit à l'autodétermination, c'est-à-dire le droit de décider, dans le milieu dans lequel on vit, du genre de développement qui pourrait se faire, sans pour autant détruire ce qui existe présentement. Je pense que cela a été le cas des Montagnais.

Personnellement, j'ai vécu l'expérience du développement hydroélectrique de la Manic, Outardes et Bersimis. Je pense que les Indiens n'ont jamais été consultés à ce sujet. À l'heure actuelle, on nous accuse, dans certains journaux, d'être des destructeurs, on nous accuse d'être une nation qui est contre le développement. Je pense qu'historiquement ce n'est pas le cas. On n'a jamais bloqué le développement comme tel. On n'a jamais essayé d'aller à l'encontre des divers projets gouvernementaux.

Pour répondre à la question que vous me posiez, c'est justement de participer, en tant que nation souveraine à l'intérieur du Québec, à toutes les décisions, à toutes les discussions qui vont se faire au niveau du développement, lorsqu'on touche à la question de territoire indien, lorsqu'on touche au mode de vie traditionnel. Et je pense que c'est pas mal important pour les Indiens de participer, en tant que nation, au même titre que les Québécois, à tout développement.

Et, comme je le disais tout à l'heure, notre but, c'est justement de ne pas contrer divers développements qui vont se faire, mais de participer d'égal à égal, au même titre que les divers ministères qui sont impliqués et le gouvernement du Québec.

M. Bérubé: Nous avons, en présence du premier ministre et de plusieurs de mes collègues, rencontré des représentants des Attikamèques et des Montagnais pour discuter de tout ce problème de développement. À la suite de cette rencontre, le Conseil des ministres a pris une position concernant une participation des Attikamègues et des Montagnais à leur développement, à leurs positions de principe, concernant par exemple leur droit à contrôler leurs instruments de développement socio-culturels en particulier, à faire en sorte également que le développement des ressources se fasse de concert avec les Attikamègues et que les Attikamèques soient impliqués dans leur élaboration.

Jusqu'à maintenant, vous avez travaillé avec les gens du SAGMAI. Comment voyez-vous le dossier évoluer présentement?

M. Simon: À l'heure actuelle, les divers développements qu'on a connus par le SAGMAI ont été des discussions sur des points bien idéologiques, sur des principes, à savoir le droit des Indiens, le contrôle indien, lorsqu'on parle de développement quelconque. On est toujours arrivé à des questions purement philosophiques, purement idéologiques et on n'a jamais touché le point, à savoir: Est-ce qu'on entame le processus de négociation par les plus hautes instances gouvernementales - c'est le cas qui nous est arrivé cet après-midi - ou si on fuit le problème tel qu'il est posé en se ramenant toujours à un palier administratif, à savoir: La construction d'une route, est-ce que vous êtes pour ou contre? Je pense qu'il y a des points de base qui y sont rattachés, lorsqu'on parle d'une construction de route, dans un territoire donné, lorsqu'on parle de territoire indien. Il y a une question fondamentale qui n'est pas réglée au départ, à savoir le droit indien. Est-ce que le gouvernement du Québec accepte la notion, la définition du droit autochtone, tel que défini dans certains textes de loi?

C'est le problème qu'on connaît à l'heure actuelle. On est toujours amené à éclaircir des points techniques, alors qu'en réalité on n'est pas des techniciensl S'il y a une construction de route, nous ne sommes pas des arpenteurs. Nous ne sommes pas, par exemple, des écologistes pour évaluer les impacts aux niveaux de la faune, de l'écologie, etc.

C'est toujours le point fondamental qui est ramené. Je pense que, lorsqu'on parle de développement énergétique, c'est la même question qui est soulevée. Le gouvernement du Québec reconnaît-il des droits aux autochtones, comme le fait peut-être le gouvernement fédéral, le droit d'utiliser un territoire quelconque pour fins de développement au niveau autochtone, c'est à dire qu'on puisse donner à une nation de premiers occupants des instruments pour se développer, des outils au même titre, disons, que les autres résidents du Québec?

Je ne sais pas si ça répond à votre question, M. Bérubé.

M. Bérubé: J'aimerais aussi vous parler des droits des Attikamègues. Mais, chaque fois qu'on parle des droits de l'un, on est toujours pris avec les droits de l'autre. Vous voyez comment les droits des Québécois, de l'ensemble de la collectivité québécoise sur le territoire?

M. Vollant (Camil): Je peux y répondre très rapidement, M. le ministre. Tout dépendra de la façon que les Québécois...et de quelle façon ils sont prêts à partager. Jusqu'ici, lorsqu'il est question de négociations ou d'approches négociatoires sur des projets hydroélectriques, en particulier, ou même de voies d'accès dans les territoires montagnais, on nous demande toujours de partager avec les Québécois. Jusqu'ici, on l'a toujours fait, mais on n'a jamais rien retiré de très positif sur des partages qu'on a faits. J'ai l'impression qu'on peut parler de droits, mais sommes-nous en mesure actuellement, nous, autochtones, de parler des droits des Québécois lorsque les Québécois ne veulent même pas nous entendre parler de droits autochtones? Toute la problématique est là.

M. Bérubé: Je vois qu'on en est encore au stade des principes, comme vous dites. Un des prérequis que les Attikamègues et les Montagnais ont posé à toute discussion, c'est qu'il n'y ait pas le principe de l'extinction des droits comme préalable à toute négociation. Le gouvernement a accepté en disant: Plutôt que de se bloquer sur ce point-là, essayons donc d'avancer pour voir ce que nous sommes capables de négocier et on verra en temps et lieu. On n'a donc pas posé ça comme prérequis. Mais je vais vous poser une question plus directe maintenant. Supposons que les droits des Attikamègues et des Montagnais sont définis de manière qu'ils puissent être opposés aux droits, par exemple, d'Hydro-Québec ou aux droits du gouvernement de faire du développement et qu'à ce moment-là il s'ensuive une négociation, en disant: Voici, sur notre territoire, vous ne pouvez pas y aller sans une compensation appropriée. À un moment donné il y a une entente. On s'est assis à la table, on a longuement discuté et, finalement, le conseil de bande des

Attikamèques-Montagnais signe un protocole d'entente avec le gouvernement et Hydro-Québec sur la procédure d'utilisation ou de développement, par exemple, de la rivière Romaine.

La question à laquelle je n'ai jamais pu obtenir de réponse, et j'aimerais savoir ce que vous, vous en pensez, c'est: Qu'est-ce qui empêche un jeune Attikamègue qui vient au monde dans dix ou quinze ans de dire: Moi, je ne souscris pas à cette entente. Personne n'a le droit d'aliéner mes droits, pas plus le chef de bande qu'un autre. Ce sont mes droits qui sont prévus dans la loi. Par conséquent: demande d'injonction, poursuites judiciaires, reniement de l'entente, enfin, tout est à recommencer. Comment réglez-vous ce problème-là?

M. Simon: Je pense que je peux répondre à une partie de la question et je vais laisser à Me Dupuis le soin de compléter. La réponse que moi, je peux donner, c'est un peu la réponse à la question qu'on pouvait poser à un Québécois, face a la constitution canadienne. C'est un peu l'approche qu'on a à l'heure actuelle. On parle de contrat où la population est impliquée. C'est pour le bien des Québécois. C'est la même approche qu'on a à l'heure actuelle, lorsqu'on est face aux négociations, face au gouvernement du Québec. On dit: C'est pour le bien des autochtones Montagnais et Attikamègues. Donc, on travaille pour l'ensemble d'une population donnée. Alors, c'est dans cette approche-là.

Je pense que, lorsque vous soulevez le problème légal, on est plus ou moins, on subit une situation donnée. La loi indienne a été créée par le gouvernement fédéral sans consultation avec les Indiens. Dans le processus de négociation qu'on essaie d'amorcer avec le gouvernement du Québec, on essaie justement d'établir les divers points en litige qui sont soulevés par la loi indienne, comme le statut de la femme et autres droits rattachés aux droits indiens. Qui est Indien, qui ne l'est pas?

Ce sont tous des points qu'on essaie de ramener par la négociation, d'éclaircir entre Indiens; on essai de s'entendre entre Indiens et de les soumettre au gouvernement pour approbation.

Je laisse la parole à Me Dupuis.

Mme Dupuis (Renée): M. Bérubé, j'ai presque envie de vous retourner votre question en vous disant que la question que vous posez, enfin, l'attitude du gouvernement du Québec va être une indication pour nous, à savoir que, lorsque le gouvernement affirme qu'il est prêt à négocier, par exemple avec les Attikamèques et les Montagnais, sans éteindre au préalable leurs droits, cela suppose que les ententes que le gouvernement va conclure avec le Conseil

Attikamègues-Montagnais ne seront pas figées dans le béton, face à une population, par exemple, qui serait en voie d'extinction. Cela suppose qu'on se laisse le bénéfice du doute que les Québécois vont évoluer, que les Indiens vont continuer à évoluer et que, éventuellement, dans dix, quinze, vingt ou trente ans, nos enfants et nos petits-enfants vont peut-être se rasseoir à des tables pour réévaluer les stratégies que vous aurez développées, que nous aurons appuyées ou pas, en vous réélisant ou pas, mais cela suppose donc que les gens vont continuer d'évoluer et qu'éventuellement, on va peut-être réévaluer les stratégies qu'on a adoptées aujourd'hui.

Cela veut dire cela, quand je dis que c'est une espèce de façon pour les Attikamègues et les Montagnais de vérifier si le gouvernement est sérieux quand il dit qu'il est prêt à négocier avec eux en n'exigeant pas au préalable l'extinction de leurs droits, c'est justement dans le sens que: Est-ce que le gouvernement va permettre aux Attikamègues et aux Montagnais de participer à ce développement, de collaborer avec le gouvernement du Québec au développement de leur territoire, ce qui veut dire aussi de poursuivre les discussions peut-être pas à l'infini, mais de rouvrir des dossiers? C'est posé.

M. Bérubé: Je vous pose une question légale et vous me répondez par une réponse politique. On va peut-être changer de place.

Mme Dupuis: Je ne suis pas certaine que cela me tenterait.

M. Bérubé: La question que je vous pose est une question purement juridique. Est-ce qu'une fois une entente conclue, il est possible à un Attikamèque d'invoquer ses droits en vertu de la loi, droits qui n'auraient pas été abolis, et de contester l'entente?

Votre façon de répondre, je l'ai mal saisie, et je pense qu'il faudrait peut-être la gratter un peu plus, mais j'ai l'impression que vous disiez que cette entente pourrait être rouverte dans dix ans, dans quinze ans, on laisserait les sociétés évoluer et possiblement que, dans dix ans, quinze ans, vingt ans, on décidera qu'elle n'est plus adaptée et il faudrait la modifier, à ce moment-là. Parfait.

Mais est-ce que cela veut dire que, dans dix ou quinze ans, le gouvernement du Québec pourra renier sa signature ni plus ni moins et décider qu'elle ne tient plus purement et simplement et, à ce moment-là, la jeter au panier; ou bien, au contraire, est-ce que le gouvernement qui aura signé cette entente sera lié par l'entente qu'il aura signée? C'est cela, fondamentalement, la question, on signe un contrat. Alors, est-ce

que le gouvernement du Québec est lié à jamais par le contrat qu'il signe, à moins qu'il n'en soit délié par l'autre partie - et là je vous pose la question - est-ce que l'autre partie est aussi liée au contrat qu'elle signe, ou bien, au contraire, est-ce que n'importe quel élément de cette partie-là peut, n'importe quel temps, contester cette entente, en invoquant que ses droits n'étant pas éteints, elle les invoque pour contester le droit de quiconque d'aliéner ses droits à lui?

Ma question est fondamentalement une question légale et je vous avouerai que beaucoup de conseillers juridiques à qui j'en ai parlé du côté gouvernemental m'ont toujours dit que c'est une des pierres d'achoppement majeures à la signature de tout contrat, parce qu'elle ne lie qu'une partie, le gouvernement, qui, lui, est une entité légale qui peut se figer dans un contrat alors que la partie cosignataire de l'entente, elle, ne se lie en rien. (17 h 30)

Mme Dupuis; Le Conseil Attikamègues-Montagnais, pour prendre cet exemple, ou le Grand conseil des Cris, est tout de même une corporation qui est une entité légale et qui peut agir dans les limites des pouvoirs qui lui sont permis par les lois fédérales qui l'ont constitué. Les conseils de bandes sont également des entités légales qui ont le pouvoir d'agir dans les limites qui leur sont reconnues par la loi sur les Indiens. Dans ce sens, je ne vois pas... Quant à la question strictement technique, un individu membre d'une bande qui a accepté par référendum une entente avec le gouvernement, ne pourrait pas remettre en question une entente intervenue entre le gouvernement et son conseil de bande, par exemple, laquelle entente aurait été ratifiée par un référendum de cette population. Cela me semble assez évident.

M. Bérubé: Le contrat...

Mme Dupuis: Je reviens à ma réponse de tantôt, quand j'ai dit que les gens ne veulent pas des ententes qui vont être figées dans le béton. Il est clair que si vous dites que vous êtes prêts non pas à reconnaître, mais à ne pas éteindre les droits des Attikamègues et des Montagnais et que, dans les ententes que vous voulez conclure, vous offrez des choses, en les fixant ainsi: On vous le donne et c'est terminé, on ne veut plus en reparler on vous dit que, actuellement, le Conseil Attikamèques-Montagnais ne serait pas prêt à conclure ce genre d'entente avec le gouvernement, parce que les gens n'ont pas la prétention de lier les générations futures autant des Attikamèques que des Montagnais. Je pense quand même qu'on peut en arriver à des ententes où aussi bien le gouvernement que les groupes indiens concernés - dans le cas présent, les Attikamègues et les Montagnais - devront, à la lumière des événements, à la lumière des développements à venir, se rasseoir, s'asseoir ou créer un mécanisme continu au lieu d'attendre des drames, où les deux parties vont avoir à discuter sur la base de certains principes reconnus au départ.

M. Bérubé: II n'y a aucun problème, je pense, quand les deux parties sont consentantes à rouvrir cette entente. Le problème, c'est lorsqu'une partie veut rouvrir l'entente et que l'autre ne veut pas. Quand on fait des contrats, ce n'est jamais pour les circonstances où tout va bien; dans un contrat, on prévoit les moments où ça va mal aller. Un contrat prévoit toujours le pire, sinon on n'aurait jamais de contrat. Vous ne chercheriez certainement pas à négocier des contrats avec le gouvernement si vous n'étiez pas méfiants à l'avance face à l'avenir.

Donc, un contrat est là pour essayer de prévoir ce qui pourrait mal aller. Je suis obligé de poser l'hypothèse que, à un moment donné, ça ira mal. Ma question principale, je pense que vous y avez répondu. Vous faites allusion à un contrat qui doit être perpétuellement renégocié puisque, les droits n'étant pas éteints et la société évoluant, il faut continuellement remettre à jour ce contrat. Là-dessus, il n'y a aucun problème sur le plan conceptuel, sauf lorsqu'il y a eu des engagements contractuels qui impliquent des responsabilités qui peuvent difficilement être contestées unilatéralement par une des parties sans que l'autre soit d'accord.

On pourrait poser exactement la même hypothèse. Vous avez l'entente de la Baie James. À un moment donné, le gouvernement décide qu'il y a un élément de l'entente avec lequel il n'est pas d'accord et décide purement et simplement qu'il abolit cette partie de l'entente; ce n'est plus une entente, alors une entente lie les parties. La question qu'on se pose tout le temps, c'est: Jusqu'à quel point une entente signée lierait-elle de façon indéfinie et irrémédiable les Attikamègues et comment voyez-vous ce genre d'entente? Est-ce que c'est une entente en vertu de laquelle le gouvernement accorde des compensations pour quelque chose, mais lesdites compensations ne sont nullement définies à jamais, ce sont simplement des compensations immédiates et, dans cinq ans, on pourra réexaminer la question et en ajouter et, dans quinze ans, de nouvelles, et ainsi de suite, de telle sorte que ce soit une entente ouverte toujours dans le sens d'aller en demande? Est-ce que ce n'est pas dans ce sens que vous percevez l'entente?

Mme Dupuis: Je pense qu'il y a un sens dans lequel on ne perçoit pas l'entente conclue éventuellement entre le Conseil Attikamègues-Montagnais et le gouvernement. C'est une entente qui aurait comme principe de base des compensations. Je pense que ce n'est pas de cela qu'on parle. Si, éventuellement, il y a, dans des discussions qui viendraient par la suite, des compensations pour des dommages qui auraient été causés, par exemple, dans le cas du territoire de la Baie James - il y a un engagement, on sait ce que ça vaut - il est textuel dans la convention de la Baie James que le gouvernement du Québec s'est engagé à indemniser les autres groupes qui ne sont pas signataires de la convention pour les dommages qu'ils auraient pu subir dans ce territoire. On sait, d'autre part, que le gouvernement exigeait, en même temps, l'extinction des droits, ce qui met les Indiens dans une drôle de position pour aller négocier ces indemnisations. De façon plus globale, je pense que le genre d'entente que les Indiens attikamèques et montagnais veulent conclure avec le gouvernement, ce serait une entente qui serait basée sur, comme vous le disiez tout à l'heure, la reconnaissance d'assurer eux-mêmes leur développement social et culturel. À ce moment, la discussion devient tout à fait différente que de savoir si on vous donne $225,000,000 aujourd'hui, est-ce que vous allez en demander $250,000,000 l'année prochaine? Et est-ce que n'importe qui va pouvoir venir nous dire: C'est passé, moi, j'aurais voulu plus?

Je pense que ce n'est pas du tout l'esprit dans lequel les Attikamèques et les Montagnais veulent aborder la discussion avec le gouvernement. Mais c'est dans ce sens que je dis que, pour nous, il ne s'agit pas de vous dire: C'est $225,000,000 aujourd'hui et peut-être $250,000,000; et, si ce sont les libéraux, ça va être $275,000,000, parce qu'ils nous ont fait un coup lors de la Baie James. Ce n'est pas dans cette optique qu'on veut discuter avec le gouvernement du Québec. Ce qu'on vous dit, c'est qu'on veut discuter sur la base que le Conseil des ministres a acceptée au mois de septembre d'une reconnaissance que les Indiens attikamègues et montagnais auront le droit de décider pour eux-mêmes quel va être leur développement social, culturel et économique, ce qui veut dire que ça va des écoles au développement économique, au développement de leur territoire.

M. Bérubé: D'accord. Cela pose la question, car vous avez soulevé la question de la route tantôt, je pense que c'est M. Simon qui a soulevé cette question, la question de la route. On est aux prises avec une route. Il faut que le gouvernement du Québec décide de construire une route. On est aux prises avec la conciliation d'un objectif québécois gouvernemental et d'un objectif qui est de permettre aux Attikamèques et aux Montagnais de contrôler leur développement. Comment est-ce qu'on concilie ces deux juridictions ou ces deux souverainetés?

Mme Dupuis: Si on ne peut pas les réconcilier, c'est à cause de la façon dont vous avez ouvert et mis en marche ce dossier, c'est d'aller dire aux Attikamèques et, surtout aux Montagnais, parce que ce sont eux qui sont impliqués: Écoutez, on regrette, il y a une route qui va passer là. On ne peut pas la changer, les travaux sont commencés, vous êtes d'accord, on vous donne une semaine pour y penser, correct? Je pense que c'est la seule façon dont ça ne peut pas marcher. À partir de là, il y a toutes sortes de possibilités, y compris le fait de dire: Écoutez, on a des projets de route, ça passe en plein dans vos territoires, c'est nécessaire parce qu'il y a une population X, Y ou Z qui est enclavée là-bas, qui n'a pas accès aux services auxquels les Québécois, en général, ont accès. Ces gens ont droit à ces services, on va s'asseoir, la route, on veut la passer ici. Ça passe dans vos territoires, on va étudier de quelle façon ça vous affecte. Est-ce qu'il y a moyen que ça vous affecte moins? Quels sont les avantages que vous allez en tirer aussi parce qu'il y a probablement des avantages, et on va discuter à partir de là.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Merci, M. le Président. Je voudrais tout d'abord remercier le Conseil attikamègue-montagnais pour son mémoire sur les droits des autochtones dans les territoires auxquels se réfère ce mémoire. Je voudrais procéder en faisant quelques commentaires sur votre mémoire, quelques commentaires sur les propos du ministre et je voudrais aussi vous poser quelques questions qui ont été soulevées par des affirmations qu'on retrouve dans votre mémoire.

Premièrement, les discussions que vient de tenir le ministre avec vous, je pense que c'est la façon - et je ne le dis pas de façon à rendre le débat politique - d'après mon expérience, de ne pas commencer une discussion avec les autochtones. On ne commence pas par... Je pense que ce conseil s'applique autant aux autochtones qu'au ministre. Il y a l'aspect légal, et c'est vrai, mais il y a aussi l'aspect humain et l'aspect des problèmes des autochtones. Au sens légal, si vous commencez par essayer de définir les droits des autochtones, vous allez éterniser le débat non seulement durant votre vie, mais la vie de la prochaine et des

futures générations. Mon expérience est qu'essayer de définir d'une façon acceptable de toutes les parties les droits des autochtones, c'est presque essayer de dire: on va... Au temps médiéval, au Moyen-Âge, on posait la question: Combien d'anges y a-t-il sur la tête d'une aiguille? Si vous examinez les décisions des tribunaux, même jusqu'à la Cour suprême, les problèmes qui existent dans les communautés autochtones, les problèmes sociaux, les problèmes culturels, les problèmes de discussion, ce n'est pas un tribunal qui peut les trancher. Il peut vous dire: Oui, vous avez des droits d'usufruit ou vous avez des droits dans un certain cas, mais c'est très limité. Le conseil que je pourrais donner aux deux parties, c'est d'essayer de mettre la question des droits légaux en suspens pour le moment, de discuter des problèmes qui existent, d'accepter des deux côtés que les autochtones ont certains droits. Essayez plutôt de résoudre les problèmes et vous allez trouver, des deux côtés, que les discussions sont beaucoup plus fructueuses.

Il y a la question des communications. Vous avez dit dans votre mémoire à la fin -c'est assez sévère envers l'Hydro - "Notre terre, nous y tenons et nous la défendrons jusqu'au bout. Même face à la toute-puissante Hydro-Québec." Vous savez, la confrontation, c'est le résultat du manque de dialogue. La suggestion que je pourrais faire aux deux parties, c'est de vous parler. Je ne veux pas prêcher, je ne veux pas vous dire quoi faire, mais ce serait beaucoup plus fructueux, des deux côtés, si Hydro-Québec s'assoyait avec vous et vous consultait. Je suis entièrement d'accord quand Me Dupuis a dit qu'il ne faut pas dire aux autochtones: La route va ici et vous avez une semaine pour nous donner vos commentaires. Je crois que cela aurait été beaucoup plus fructueux s'il y avait eu des discussions entre les deux parties pour décider la localisation de la route. Je ne pense pas que ce soit un problème insurmontable. Il devient insurmontable quand il y a un manque de dialogue, quand les parties ne se parlent pas. Ce n'est pas un problème qu'un tribunal peut régler. Le tribunal ne peut pas vous dire où la route va aller. Cela ne sert à rien de commencer à discuter les droits pour savoir si ce sont des droits éteints ou non. Réglez les problèmes et vous allez voir que l'aspect légal, vous allez le régler après parce que vous aurez attaqué les vrais problèmes des autochtones et les vrais problèmes qui existent dans ces communautés.

Vous parlez de négociations. Je voudrais savoir si le gouvernement est d'accord pour négocier avec vous. J'ai semblé déceler dans votre discussion qu'il y avait, en effet, des négociations avec le gouvernement. Peut-être que vous pourrez m'éclairer sur ce sujet. Est-ce qu'il y a un échéancier pour les discussions? Malgré ce qu'on peut penser de l'entente de la Baie James, il y avait une clause dans l'entente qui obligeait le gouvernement, malgré l'extinction des droits. Il ne faut pas trop s'attacher au terme "extinction des droits"; je sais que cela devient comme un symbole pour les deux côtés. Malgré cette stipulation dans l'entente de la Baie James, il y a eu une obligation de la part du gouvernement de négocier avec tous les groupes qui ne faisaient pas partie de l'entente et, subséquemment, les Naskapis ont négocié des termes qui leur étaient acceptables, même si les droits étaient éteints. Je pense que la porte est ouverte pour les Montagnais. Vous dites que vous avez commencé votre association en 1975. Vous n'étiez pas prêts, je crois, à ce moment-là, à négocier avec le gouvernement. Alors, je voudrais savoir si, en effet, le processus de négociation a été entamé sérieusement et si vous avez établi un échéancier.

Le Président (M. Jolivet): M. Simon.

M. Simon: À l'heure actuelle, lorsgu'on parle de processus, je sais qu'il y a des discussions à notre niveau et au niveau du gouvernement, mais il n'y a pas de processus officiel comme tel d'établi entre le gouvernement du Québec pour parler justement de tout l'aspect indien au Québec. Mais on veut ramener ces points. Je reviens à ce que vous mentionniez, surtout les conseils que vous nous prodiguiez à l'endroit du CAM. Je reviens justement à la réponse que j'avais donnée à M. Bérubé, c'est-à-dire qu'on est toujours ramené, lorsqu'il n'y a pas de reconnaissance de droits, à des discussions purement administratives alors que dans le processus qui a été établi entre le gouvernement du Québec et la partie indienne, elles se situaient sur le plan politique. On ne veut pas être ramené, en tant que groupe autochtone, au même niveau que d'autres groupes ethniques du Québec. Je pense qu'on a une spécificité, une antériorité en tant que groupe au sein de la société québécoise. On veut discuter justement de ces approches-là.

Lorsqu'on parle d'échéancier, on n'a jamais établi d'échéancier dans le processus de négociation. Mais ce qu'on a demandé au gouvernement du Québec, c'est de fonctionner à la même vitesse que les autochtones. On n'a pas l'appareil gouvernemental, on n'a pas l'appareil administratif pour entrer en compétition avec le gouvernement du Québec. Nos moyens sont très faibles. C'est pour cela qu'on dit qu'on veut négocier; on est prêt à négocier, mais pour autant que cela soit dans l'approche indienne. On ne veut pas embarquer dans le processus administratif et suivre l'exemple des Cris, c'est-à-dire qu'on négocie pendant

deux mois dans des chambres d'hôtel pour arriver à une entente finale. On veut essayer de consulter les gens dans la mesure du possible, c'est-à-dire les Indiens concernés, et revenir à la table de négociation une fois qu'on aura établi nos positions.

M. Ciaccia: Pour votre information, les négociations avec les Cris n'ont pas duré deux mois dans une chambre d'hôtel. Il y a eu des visites dans les communautés cries. Je me suis rendu dans ces territoires. J'ai parlé et discuté avec les populations autochtones, tant cries qu'inuites, jusque même dans les endroits où il y a des dissidents, à Sugluk, à Fort George. Les négociations n'ont pas eu lieu seulement à Place Dupuis, au quatrième étage, au Holiday Inn, à côté des bureaux de la SEBJ.

Dans les négociations, il faut avoir un certain objectif, il faut avoir certains principes directeurs pour que les négociations puissent avancer. Si les objectifs du gouvernement sont complètement contraires à vos objectifs, ce sera difficile de progresser dans les négociations. De la même façon si vos objectifs étaient d'empêcher complètement, quelque développement que ce soit d'Hydro-Québec, si vous vouliez arrêter complètement tout développement dans ces territoires, le gouvernement n'accepterait pas ce genre d'objectif. Seriez-vous prêts à accepter comme principes de négociation, les deux suivants: Premièrement, que le Québec a le droit de développer les ressources dans ses territoires d'une façon rationnelle, mais pour le bénéfice de toute la population? Premier principe, développement rationnel pour le bénéfice de toute la population? Deuxième principe directeur, mais d'égale importance, que, dans le développement de ces territoires, on doit répondre aux besoins des autochtones qui ont une culture et un mode de vie tout à fait différents des autres Québécois et qu'on doit aider les autochtones à se développer de la façon qu'ils le désirent pour leur avenir? Est-ce que vous accepteriez ces deux principes comme la base de négociation entre le gouvernement et vos communautés, votre peuple?

M. Simon: Je pense, M. Ciaccia, que toute l'approche, disons, qu'on a prise devant le gouvernement du Québec s'est résumée en dix principes directeurs. C'est un peu dans cette optique qu'on a émis des principes directeurs de négociation, c'est-à-dire en tant que groupes culturellement différents. En tant que premier groupe du Québec, je pense qu'on avait droit, lorsqu'on parlait de développement des diverses ressources à l'intérieur du Québec, au même titre que les autres Québécois, à ce développement. Mon confrère l'a mentionné ici, et je le disais dans l'introduction que j'ai faite, on n'a jamais été des "antidéveloppeurs." Je pense que l'histoire le prouve. On n'a jamais bloqué quoi que ce soit. Je pense que le développement s'est fait. Maintenant, je pense que la population indienne prend de plus en plus conscience que son territoire est menacé, un peu dans le sens que vous le dites, c'est-à-dire un développement rationnel, mais répondant justement aux aspirations tant québécoises qu'autochtones.

Je pense que c'est l'esprit avec lequel on veut s'engager dans le processus de négociation avec le gouvernement du Québec. Je pense que ça répond un peu à mon aspiration aussi.

M. Ciaccia: Je suis heureux de voir que vous acceptez ces principes parce que je crois qu'avec la bonne foi de toutes les parties, il serait possible de faire du progrès dans les discussions. Vous, vous êtes prêt, je présume, corrigez-moi si je me trompe, à négocier, discuter avec le gouvernement pour faire valoir au gouvernement les revendications, la position de vos peuples.

M. Simon: Je pense qu'on est orienté justement dans le sens que vous formulez. En tant que groupe, on veut justement arriver à dire: D'ici les dix ou quinze prochaines années, on veut former un genre de gouvernement indien où les Indiens seraient maîtres de leur développement en ce qui les touche, et on veut partager en même temps tout ce qui touche le développement des ressources, le développement du territoire dans tout le Québec. On prend bien conscience que 10,000 Indiens attikamègues-montagnais ne font pas le poids contre 6,000,000. On se fait taper là-dessus toutes les fois qu'on a des rencontres officielles. Je pense qu'on est prêt à marcher dans ce sens. Il y a un point que j'aimerais souligner à la suite du point que vous avez souligné tout à l'heure quand vous parliez d'un manque de dialogue entre les diverses instances, notamment, Hydro-Québec. Je pense que ce n'est pas un manque de dialogue, mais il y a des points à éclaircir au départ lorsqu'on parle de négociations entre le gouvernement du Québec et la partie autochtone, c'est-à-dire qu'on veut discuter, premièrement, sur un palier politique. On sait que le gouvernement du Québec est le maître-d'oeuvre de tout ce qui se fait au Québec. Hydro-Québec doit emboîter le pas au gouvernement du Québec qui va recommander telle chose à partir des discussions que le gouvernement du Québec aura eues avec la partie autochtone. On a eu des expériences peut-être pas désastreuses, mais négatives avec Hydro-Québec. Au tout début, quand vous parliez des dialogues et de l'aménagement des rivières de la Basse-Côte-Nord, une bande a été approchée et on a complètement éliminé l'association comme telle qui représentait 12 bandes. Je pense

qu'on a complètement ignoré les structures qui ont été établies au départ entre le gouvernement du Québec et la partie autochtone, c'est-à-dire une structure de fonctionnement. Qui faisait quoi? À quel palier allait-on s'adresser lorsqu'il y avait des problèmes? À notre niveau, c'est au Conseil Attikamèque; au niveau gouvernemental, c'est à SAGMAI. C'est Hydro-Québec qui a éliminé ces points au départ. Cela a été le même cas pour la rivière Chamouchouane. On a consulté la bande, peut-être avec une invitation en dernier lieu au niveau du CAM. Ce sont tous des points.

S'il y a un manque de dialogue à l'heure actuelle, ce n'est pas dû à la partie autochtone; on doit respecter ce qu'on a établi au préalable, les diverses instances, mais c'est aussi au gouvernement du Québec de prendre ses responsabilités. Ce qu'on a établi au départ, les discussions qu'on a eues avec le Parti québécois qui est au pouvoir, la façon de fonctionner, les instances à respecter, je pense que c'est au gouvernement du Québec a prendre connaissance des diverses discussions qui ont été établies dans ce sens et se diriger dans ce sens et non pas dire à Hydro-Québec: Allez consulter telle population. Ou prendre les indices sur le même palier, sur le même niveau que les autres groupes québécois. C'est ce qu'on essaie d'éliminer au départ.

M. Ciaccia: Si les discussions étaient structurées de façon reconnue, seriez-vous prêts à discuter avec Hydro-Québec ou si vous voulez vous limiter strictement au palier politique, comme vous le dites?

M. Simon: II y a certaines choses à établir sur le palier politique, avec le gouvernement du Québec. Il y a certaines choses à discuter lorsqu'on parle de développement. À l'heure actuelle, il n'y a pas eu de discussion sur le développement en général lorsqu'on parle du Québec, c'est-à-dire entre la partie autochtone et le gouvernement du Québec. Aucune discussion n'a eu lieu, c'est pour cela que je veux ramener la décision au palier gouvernemental. Je ne veux pas être pris dans le même processus dans lequel je suis embarqué à l'heure actuelle, c'est-à-dire que je fais affaires avec une dizaine de ministères, avec des administrateurs et le palier politique on le délaisse complètement, sous ce prétexte: essayez donc de régler ce problème avec tel ou tel individu. Donc, je pense que ce sont des paliers à respecter et ça revient au gouvernement du Québec de respecter ce qui a été établi au départ.

M. Ciaccia: Seriez-vous prêts à entamer des discussions avec le gouvernement du Québec et à mettre de côté, pour le moment, la question légale? Est-ce que les droits seront éteints oui ou non? Seriez-vous prêts à entamer des discussions avec le gouvernement sur les problèmes pratiques que vous avez quant au développement, quant à vos droits culturels, quant aux mesures qui devraient être prises par le gouvernement pour assurer que vos communautés aient tout le nécessaire pour leur développement culturel, y compris le développement économique, à vous impliquer dans les discussions, dans les consultations, dans la participation? Seriez-vous prêts à faire ça et à mettre de côté la question à savoir quelle est la nature des droits, doit-on les éteindre ou non, et discuter de ça à la fin?

M. Simon: Je pense que c'est un point qui a été discuté avec SAGMAI durant les deux premières années de formation du CREM. Nous avons demandé, au préalable, la reconnaissance des droits autochtones. On a toujours essayé de mettre de côté cette reconnaissance, pour en arriver, en dernier lieu, avec le gouvernement en place, à reconnaître des droits historiques. Je suis entièrement d'accord avec l'opinion que vous avez émise tout à l'heure concernant toute la question de jurisprudence, c'est le point sur lequel on discute depuis plusieurs années: Est-ce que la justice des Blancs pourra reconnaître des droits autochtones à l'intérieur d'un gouvernement non indien?

On s'est toujours posé la question et je pense que, dans tout le Canada, il y a des exemples assez concrets où le cas de la jurisprudence a toujours penché du côté de la majorité. C'est un peu dans ce sens que...

M. Ciaccia: Je ne voudrais pas que vous interprétiez mal mes propos. Quand je dis que ce ne sont pas les tribunaux qui peuvent trancher la question, que ce soient des problèmes des autochtones ou des problèmes de même nature, ce sont des problèmes sociaux et politiques. Un tribunal peut seulement vous donner une opinion légale, il ne peut pas vous forcer à faire partie d'un comité de coordination, il ne peut pas vous obliger de participer aux décisions politiques. Ce n'est donc pas parce que c'est la justice des Blancs, c'est la nature même d'une décision légale et même, devant les tribunaux, on est allé à la cour du Manitoba et on a dit: Le fédéral ne peut pas rapatrier unilatéralement la constitution; un tribunal a dit: C'est une question politique.

Ce sont des questions sociales, politiques et économiques, ce ne sont pas strictement des questions légales. C'est pour ça que je vous dis que le tribunal ne peut pas trancher, un tribunal ne pourrait jamais écrire toutes les conditions qui existent dans l'entente de la baie James, parce que ça va plus loin que la compétence d'un tribunal.

Les questions d'environnement, le comité sur l'environnement, est-ce qu'un tribunal peut dire comment le comité d'environnement va faire ses études d'impact, ce qui sera inclus dans les études d'impact? Non, ça, ce sont des négociations.

Vous avez parlé de l'aspect humain. Dans les études d'impact, dans ce document-ci, il y a tout l'aspect du milieu social, tout ça est inclus, mais cela a été inclus par négociation. Au début, il y avait des groupes qui voulaient qu'on commence par définir les droits. La seule suggestion que je pourrais vous faire - je vous assure que je vous parle selon l'expérience que j'ai eue dans ces discussions - c'est que si on s'attarde au début et on s'arrête à définir la position légale, les eaux vont continuer à couler, les barrages vont continuer à se construire et, la prochaine génération va encore discuter de la position légale.

Ce n'est pas parce qu'il n'y a pas de justice des blancs, mais si vous changez d'approche et que le gouvernement change d'approche, je le sais, de part et d'autre -parce qu'il y a aussi des officiers du gouvernement et la première chose qu'ils veulent établir, c'est: vous n'avez pas le droit ici, vous n'avez pas le droit là. Si on arrête de parler des droits légaux pour le moment, pour s'attaquer aux vrais problèmes dans vos communautés, une fois que vous aurez franchi cette étape, que vous aurez établi le dialogue, que vous aurez établi certaines structures, certaines méthodes pour procéder, je suis persuadé que l'aspect légal va se résoudre de lui-même.

Alors, M. le Président, je vois que le temps d'ajourner nos travaux approche. Je veux vous remercier de votre mémoire. Je pense que c'est important que la population sache qu'il y a des autochtones dans ces endroits, qui sont affectés par les développements hydroélectriques, les développements économiques et c'est absolument nécessaire que les gouvernements prennent leurs responsabilités, qu'ils négocient, qu'ils discutent avec vous pour créer une atmosphère de paix sociale. Quand l'atmosphère est perturbée, ce n'est pas bon pour vous et ce n'est pas bon pour les autres.

Si je pouvais donner un autre conseil, ce serait que les gouvernements soient un peu plus idéalistes dans ce domaine et que certains des conseillers qui parlent des droits soient un peu plus réalistes. Avec cette approche, je pense que vous pourriez faire beaucoup de progrès et je souhaite que vos négociations et discussions soient très fructueuses dans les revendications que vous faites.

Le Président (M. Jolivet): En terminant, M. Simon, je souhaite que vos négociations, vos discussions soient très fructueuses et que les revendications que vous formulez soient entendues.

Le Président (M. Jolivet): En terminant, M. Simon et Mme Dupuis, je pense.

M. Simon: J'aurais seulement un petit commentaire à ajouter à ce que M. Ciaccia vient de dire. Je suis entièrement d'accord avec les propositions de M. Ciaccia, mais ce que je demande, c'est un peu ce que j'ai essayé de décrire, c'est que, lorsqu'on parle d'autochtones au Québec, je pense qu'il y a une base à établir au préalable, c'est la question de droits. Je ne veux pas les définir comme tels; je ne veux pas non plus m'embarquer dans l'aspect légal. Je pense que, comme vous le dites, c'est une question d'entente entre le gouvernement et la partie autochtone. Je me dis une chose: Je ne veux pas être ramené au même palier que les autres Québécois, lorsqu'on parle de développement, et me faire dire: Vous avez tel problème. On va parler avec tel ministère concerné ou on va parler avec Hydro-Québec en leur disant: Essayez donc de résoudre ce problème. Les développements vont se faire quand même. Je veux dire qu'il n'y a aucun élément changeant à tout ce que vous venez de nous conseiller je l'admets, je suis complètement d'accord avec cela, mais pour autant que les gouvernements, que le palier politique fassent de bonne foi l'effort de négocier à l'amiable, d'égal à égal, comme ils le disent, avec la partie autochtone. C'est tout ce que j'ai à ajouter.

Le Président (M. Jolivet): Mme Dupuis.

Mme Dupuis: Juste pour ajouter un peu à ce que René disait sur votre commentaire, M. Ciaccia, je pense que l'attitude du Conseil Attikamèque-Montagnais, jusqu'ici dans ses discussions préliminaires dans l'amorce de ses négociations avec le gouvernement, n'a pas été une attitude légaliste stricte dans le sens que si on ne définit pas de façon précise ce qu'on entend par "droits aboriginaux", on ne s'assoit pas ensemble. Je pense qu'il faut, comme vous le disiez tout à l'heure, que le gouvernement, s'il accepte de s'asseoir avec les Attikamèques et les Montagnais, reconnaisse jusqu'à un certain point que, s'il est là, ce n'est peut-être pas pour définir de façon précise des droits, mais c'est au moins parce qu'il considère que les Attikamèques et les Montagnais ont certains droits, ce qui nous permettra de se sortir de l'espèce de couloir de "privilèges" dans lequel on est enfermé actuellement. C'est pour cela qu'on demande au gouvernement du Québec d'affirmer qu'il est prêt à reconnaître que les Attikamèques et les Montagnais ont certains droits sur les territoires qu'ils occupent. On les définira plus tard, s'il faut absolument les définir,

mais que la base de la discussion soit sur cette reconnaissance de droits, parce que, actuellement, le point sur lequel on achoppe constamment, c'est que les différents ministères considèrent toujours que ce qu'ils offrent aux Indiens, ce sont des privilèges. C'est une position qui est intenable - dans ce sens-là, je parle en tant que blanche -pour un gouvernement vis-à-vis de la population blanche, de la population des Québécois. Les Québécois ne seront jamais d'accord qu'on "privilégie", si le gouvernement ne justifie pas que les gens avec lequels il négocie ont des droits, un groupe de la population. C'est dans ce sens-là qu'on demande au gouvernement de sortir de ce couloir dans lequel on est enfermé actuellement et où on nous dit constamment: On ne peut pas vous concéder ceci parce que ce seraient des privilèges et telle catégorie de gens, que ce soient des chasseurs sportifs ou les enseignants ou les assistés sociaux québécois, ne seront pas d'accord pour qu'on vous concède des privilèges. C'est dans ce sens qu'on dit qu'il faut quand même que cela se fasse sur une base nominale de reconnaissance de certains droits.

Le Président (M. Jolivet): En terminant, M. le député de Dubuc.

M. Desbiens: M. le Président, le ministre ayant dû s'abstenter, je voudrais quand même m'attarder sur un petit point très bref. C'est le cas de la Chamouchouane où j'ai cru pouvoir saisir finalement qu'il y avait eu des difficultés dans l'approche qu'avait utilisée Hydro-Québec. Je pense pouvoir dire que le ministre est bien conscient qu'il y a peut-être une approche différente à utiliser et je peux vous assurer, je crois, qu'on va essayer d'introduire un déroulement des études un peu différent. Au nom du ministre et au nom de mes collègues, je vous remercie beaucoup de votre participation.

Le Président (M. Jolivet): Merci au nom des membres de la commission. Quant à moi, je vous remercie et je vais suspendre les travaux jusqu'à 20 heures, en disant qu'il reste le Conseil régional de développement de l'Abitibi-Témiscamingue, en premier lieu, la Chambre de commerce de Sept-Îles et la dernière tournée de table, avant de se quitter et d'ajourner sine die vers les 23 heures ou minuit.

(Suspension de la séance à 18 h 6)

(Reprise de la séance à 20 h 11)

Le Président (M. Jolivet): A l'ordre, messieurs!

La commission de l'énergie et des ressources est à nouveau réunie aux fins d'entendre les groupes et organismes qui veulent comparaître en vue de parler du plan d'équipement et de développement 1981-1990 de la Société Hydro-Québec.

Au moment où nous nous sommes quittés à l'heure du souper, nous en étions rendus au Conseil régional de développement de l'Abitibi-Témiscamingue qui sera représenté par M. Roland Lord. J'aimerais que M. Lord nous présente la personne qui l'accompagne avant de commencer la lecture de son mémoire. M. Lord.

Conseil régional de développement de l'Abitibi-Témiscamingue

M. Lord (Roland): M. Roméo Julien, qui est membre de l'exécutif du Conseil régional de développement de l'Abitibi-Témiscamingue, fera la lecture du mémoire qu'on a présenté.

Le Président (M. Jolivet): Allez, M. Julien.

M. Julien (Roméo): Merci, M. le Président. Le Conseil régional de développement de l'Abitibi-Témiscamingue est heureux d'avoir l'occasion de se prononcer sur la stratégie de développement d'Hydro-Québec pour la décennie 1980. En effet, comme il est précisé dans la brochure de présentation de la société d'État, les décisions de l'entreprise auront une influence marquante non seulement sur l'avenir énergétique, mais également sur l'évolution économique et sociale du Québec.

Comme le plan des installations 1981-1990 d'Hydro-Québec démontre clairement que la majorité de l'ensemble des installations qu'Hydro-Québec devra ajouter à celles déjà en place sera aménagée sur le territoire de la Baie James, nous croyons que l'évolution économique et sociale de l'Abitibi-Témiscamingue dépend énormément des décisions qui seront prises sur l'aménagement et le développement de ce territoire. Étant donné que les territoires de la Baie James et de l'Abitibi-Témiscamingue sont géographiquement liés et que leurs ressources naturelles sont identiques, le développement de l'une et l'autre de ces régions est donc connexe.

C'est pourquoi nous insistons, dans le présent document, sur cette partie du plan de développement d'Hydro-Québec. D'autant plus que l'organisme qui initialement devait développer et aménager le territoire de la Baie James et qui, à notre avis, défend des idées qui ont tendance à s'orienter dans le même sens que les nôtres, la SDBJ, n'a plus le contrôle sur les décisions depuis que la SEBJ est devenue une filiale d'Hydro-Québec.

Exploitation des richesses naturelles à partir de la réqion.

Bien que l'accent soit mis présentement

sur les ressources hydroélectriques du territoire de la Baie James, celui-ci regorge de richesses minières et forestières, celles-là mêmes qui caractérisent l'économie de l'Abitibi-Témiscamingue. Par conséquent, il est donc très important, pour notre région, que le développement de ce territoire soit pensé non seulement en fonction des besoins énergétiques de la province, mais également en fonction du développement économique de l'Abitibi-Témiscamingue.

Pour ce faire, les infrastructures des services nécessaires au bon fonctionnement des chantiers et à l'opération des centrales devraient être pensées en fonction de l'exploitation des richesses naturelles du territoire à partir de l'Abitibi-Témiscamingue et de façon à utiliser au maximum les infrastructures existantes de la région. En bref, elles devraient être aménagées en fonction des besoins économiques à moyen et à long terme de la région et non en fonction des besoins à court terme des chantiers. À cette condition, les gens de notre région pourront penser qu'il existe une planification rationnelle de la part d'Hydro-Québec et que ses administrateurs sont conscients de l'impact de leurs décisions sur le développement de certaines régions du Québec. (20 h 15)

La situation actuelle. Des efforts ont été faits dans la région, en vue de maximiser le plus possible les retombées économiques des importants travaux en cours dans le territoire de la Baie James. Cependant, malgré certaines données positives, il faut reconnaître que les résultats obtenus n'ont pas été à la hauteur des espérances des gens de la région.

Un extrait de l'éditorial de M. Armand Beaudoin, dans l'Écho abitibien du 20 août 1975, résume bien, en quelques mots, la situation telle que vue par les Abitibiens:"L'accès aux chantiers fut toujours maintenu très difficile par la route ou autrement. L'embauche ne nous a guère été favorable pendant longtemps. Et du côté du commerce, un hercule compétiteur a découragé maints espoirs. Même l'information est devenue faible et peu invitante."

L'éditorialiste, dans ces quelques lignes, touche les points sur lesquels la région se sent le plus négligée, soit la politique d'embauche aux chantiers et la politique d'achat à la SEBJ. Sur ces deux points, la région aurait dû être favorisée, alors que tous admettent qu'elle n'a pas profité de la priorité qu'elle aurait dû obtenir.

Politique d'achat. Plus de 75% du volume d'achat de la SEBJ s'effectuent directement auprès des manufacturiers: produits pétroliers, ciment, acier, équipement de bureau, équipement spécialisé etc., et auprès des fournisseurs localisés surtout dans la région métropolitaine: location et achat d'équipement lourd, pièces de rechange etc.

Pour le reste de ses besoins, la SEBJ invite les fournisseurs de l'Abitibi-Témiscamingue à soumissionner. Ce qui veut dire que, curieusement, les produits les plus achetés par la SEBJ ne proviennent pas de la région et, bien plus, que nos fournisseurs ne sont même pas invités à y soumissionner. Les produits achetés chez nous consistent surtout en des matériaux et services généraux qui ne représentent que 4,9% de la valeur totale des achats en 1979. Nous, ici, en Abitibi-Témiscamingue, croyons que nous pouvons offrir beaucoup plus et que nous devrions avoir accès à la fourniture des produits de base nécessaires aux chantiers.

De plus, depuis quelques années, il semble que la valeur des bons de commande émis pour la région par la SEBJ est en baisse constante. Les raisons de cet état de choses sont nombreuses. Ainsi, une enquête très sommaire menée auprès des commerçants et industriels de la région démontre tout simplement que le système d'achat actuel et le réseau de distribution des produits ne font que décourager les initiatives régionales. On se plaint notamment des exigences trop sévères de la part du service des achats et des délais de paiement trop longs. De même, les infrastructures du territoire ne sont pas faites de façon à favoriser la région et principalement en ce qui concerne le transport des produits. Par exemple, les fournisseurs de Montréal livrent leurs marchandises directement à Dorval, soit à quelques milles seulement de leur place d'affaires. De là, elle est prise en charge par la SEBJ. Ceux de la région, par contre, doivent livrer leur marchandise à Matagami, ce qui occasionne, pour certains, jusqu'à 200 milles supplémentaires en frais de livraison. Cette façon de procéder ne fait qu'avantager encore une fois les commerçants de Montréal au détriment de ceux de notre région, car il est évident qu'au départ, ces derniers doivent assumer des coûts supplémentaires. Il semble que la stratégie actuelle soit de décourager les fournisseurs régionaux, de dire certains commerçants.

Pour la main-d'oeuvre. Au chapitre de la main-d'oeuvre, il faut bien le dire, des efforts ont été faits pour améliorer le recrutement dans la région.

En effet, on a eu connaissance, il y a quelques années de ça, que des travailleurs abitibiens avaient tenté de se trouver un emploi à la Baie James et que ces derniers s'étaient vu fermer les portes des chantiers. Cependant, cette situation semble s'être améliorée au cours des dernières années puisque le pourcentage de main-d'oeuvre active au complexe La Grande en provenance de la région était de 18,6%, en 1976, ce qui plaçait la région au deuxième rang. En 1980, ce pourcentage était descendu à 9,5%, soit

le quatrième rang. Cette diminution pourrait cependant s'expliquer par notre disponibilité qui, elle aussi, a diminué à la suite de la consolidation de notre économie régionale: relance du secteur minier, ouverture de nouveaux marchés pour les industries forestières, et le reste.

En somme, à ce chapitre, il demeure très important pour nous que le recrutement de main-d'oeuvre pour les chantiers se maintienne et que l'on améliore les façons dont ce recrutement se fait. De plus, il y a lieu de mettre un accent régional particulier sur le recrutement des gens qui occuperont les emplois permanents qui seront créés lors de la livraison des centrales à Hydro-Québec par la SEBJ. Pour ce faire, ces emplois devraient être offerts prioritairement aux gens de la région, car notre population active devrait augmenter au cours des années. Ceci permettrait d'optimiser l'utilisation de la main-d'oeuvre en fonction de la disponibilité régionale.

L'avenir de l'Abitibi-Témiscamingue face au développement des ressources de la Baie James. À cette étape-ci, il est important de faire la distinction entre les impacts économiques régionaux relatifs à l'étape construction et à l'étape opération des installations hydroélectriques, car chacune d'elles aura des incidences différentes pour notre région. C'est pourquoi nous considérons comme très importante cette consultation afin que les décisions qui seront prises le soient en fonction d'un développement économique rationnel pour l'Abitibi-Témiscamingue plutôt que sans considération pour notre région, comme cela s'est déjà fait dans le passé. H ne faut pas se le cacher, ce que nous avons obtenu du "projet du siècle", nous avons dû nous battre pour l'avoir.

Utilisation des infrastructures existantes en Abitibi-Témiscamingue. Outre un impact économique temporaire, la phase de construction aura un impact à long terme important puisqu'elle pose les bases des modalités d'opération des centrales qui, elles, auront une incidence économique permanente sur la région. À partir de là, il est donc très important que les infrastructures qui seront aménagées sur le territoire de la Baie James soient planifiées en fonction du développement de l'Abitibi-Témiscamingue en collaboration avec les gens de la région puisque le contraire produirait un impact économique nul. Nous ne le soulignerons jamais trop.

À titre d'exemple, le futur complexe NBR, qui sera situé à environ une centaine de milles seulement au nord de Matagami, devrait être organisé à partir de cette ville. En effet, l'aménagement d'infrastructures permanentes sur ce chantier et, notamment, des villages familiaux ne ferait que nuire à la région en dispersant dangereusement l'impact socio-économique régional attendu de la réalisation de ce complexe. Pourquoi dépenser des millions supplémentaires quand une ville située presque au centre du complexe possède déjà toutes les installations nécessaires?

Ainsi, actuellement, on songe à aménager un aéroport régional au nord de Matagami, alors que l'on a déjà dépensé des millions pour aménager un aéroport régional dans cette municipalité. Il faut souligner que cet aéroport est aujourd'hui presque inutilisé. Il va sans dire qu'une telle infrastructure aéroportuaire aurait pour conséquence de contourner la région en accentuant le sud du Québec et le complexe et, encore une fois, permettrait aux gens des chantiers d'être complètement indépendants de la région et ne permettrait pas à Matagami de jouer son rôle de porte d'entrée au complexe NBR.

Cette situation est, à notre avis, le plus bel exemple du manque d'intérêt dans le développement de notre économie régionale de la part des administrateurs des grands projets. En fait, lorsqu'il y a planification d'un chantier, on voudrait que cette planification soit faite en ayant constamment en tête l'impact que telle ou telle décision aura sur notre région. Nous avons trop souvent subi des décisions qui ne répondaient pas à nos besoins. Il est vrai qu'à force de parler de milliards de dollars, on perd la perspective régionale. C'est peut-être la raison qui fait que notre région a été négligée dans l'attribution des sous-contrats lors de la réalisation du projet La Grande, phase I.

Dans l'avenir, il est donc très important pour nous que les politiques d'achats, de transport et d'octrois de sous-contrats soient d'abord adaptées à la région.

Une politique d'achats appropriée, le seul moyen d'obtenir des retombées économiques valables. Pour faire l'adaptation dont on a parlé plus haut, l'une des priorités, et qui en plus est pratiquement le seul moyen d'obtenir des retombées économiques valables, serait d'opter pour une politique d'achats FOB/Matagami, c'est-à-dire avec livraison à Matagami. De cette manière, les chances d'être fournisseurs à la Baie James seraient pratiquement égales pour tout le monde.

La même méthode devrait être employée pour le transport des travailleurs c'est-à-dire que la SEBJ se charge de leur transport aux chantiers à partir de Matagami. Il est évident que de telles habitudes ne seraient que positives pour la région. De plus, elles établiraient les principes de fonctionnement des activités postérieures à la période de construction.

Exploitation et entretien des centrales. Nous considérons l'exploitation des centrales comme très importante pour l'Abitibi-Témiscamingue car l'impact économique

qu'elle créera sera permanent. Les emplois créés le seront pour longtemps d'où l'importance d'une régionalisation des activités.

Déjà, pour l'exploitation des centrales mises en service, on a commencé à employer le même scénario que lors de leur construction. Les centrales hydroélectriques de la Baie James dépendent de la région Baie James à Hydro-Québec, région dont le siège social se trouve toujours à Montréal. Pourquoi ce bureau ne se trouverait-il pas plus près des centrales? Les réponses que l'on nous a données jusqu'à maintenant restent très vagues et peu satisfaisantes.

Commutation aérienne des travailleurs. L'exemple de l'aéroport du projet NBR dont on a parlé plus haut est encore plus significatif car l'aménagement d'un tel aéroport ne fait qu'établir un lien direct entre le sud de la province et le complexe. Ceci soulève donc un problème important pour notre région, problème qui fait la manchette depuis un certain temps: la commutation aérienne des travailleurs.

Ce système consiste à transporter par avion les travailleurs sur le lieu de leur travail pour une période déterminée et de les ramener chez eux une fois cette période terminée. Il est donc clair que la présence d'infrastructures aéroportuaires permanentes sur le complexe ne serait que négative pour la région, étant donné que l'on pourra faire l'entretien et l'opération des centrales à partir du sud de la province "en nous passant au-dessus de la tête". D'ailleurs, il semble qu'au siège social de la région Baie James d'Hydro-Québec, l'on s'oriente déjà de cette façon. Évidemment, cela explique pourquoi la région s'oppose immédiatement à la commutation à partir du sud, puisqu'elle est défavorisée au départ par un tel processus.

Par exemple, les gens de Matagami doivent se taper 165 milles d'automobile pour aller prendre l'avion à Val-d'Or et l'on utilise un "Twin Otter" pour transporter les gens de la région qui sont affectés à l'opération et à l'entretien des centrales, tandis que les travailleurs qui viennent du sud voyagent en Boeing 737. Nos travailleurs n'ont-ils pas droit à la même qualité de transport?

Le gouvernement du Québec a investi dernièrement quelques millions de dollars dans PROPAIR, un transporteur aérien régional. Il serait facile d'optimiser cet investissement par une politique de commutation aérienne à partir de la région et adaptée à nos besoins. Est-il vraiment plus rentable de développer un réseau aérien parallèle que l'on pourrait qualifier de "Québec Air Force" que d'encourager les transporteurs aériens régionaux par des politiques appropriées?

Nous voulons donc que le siège social de la région Baie James à Hydro-Québec soit situé plus près des centrales et que la majorité des travailleurs affectés à l'opération des centrales soient recrutés dans la région. Nous possédons toutes les installations nécessaires pour que cette commutation se fasse à partir de la région et, à long terme, à des coûts beaucoup moindres que si elle se faisait à partir de Montréal, et ce, d'autant plus qu'Hydro-Québec a l'habitude de former elle-même le personnel qui travaille aux centrales. Il devrait en coûter le même prix pour former des travailleurs de l'Abitibi-Témiscamingue que pour former des travailleurs de Montréal. Aussi, le taux de mobilité serait amélioré car des études démontrent que les travailleurs sont plus satisfaits quand ils travaillent plus près de leur résidence et de leur famille.

En conclusion, compte tenu de tout ce qui précède, vous comprendrez sans doute que le Conseil régional de développement de l'Abitibi-Témiscamingue se doit de sensibiliser les membres de la commission parlementaire de l'énergie aux aspects socio-économiques du plan des installations d'Hydro-Québec pour la décennie 1980. Des milliards de dollars sont en jeu et plusieurs personnes disent que l'avenir du Québec se trouve dans le Moyen-Nord; nous ne voulons pas manquer le bateau encore une fois.

Trop longtemps notre région a été considérée comme une région isolée des pôles économiques et le fait qu'elle ne soit pas prise en considération ni consultée lorsque l'on parle d'aménager cette partie du territoire qui lui est intimement liée ne fait que concrétiser son isolement aux yeux du reste du Québec. Pourtant, l'Abitibi-Témiscamingue nous offre un milieu de vie agréable que l'on n'a pas ailleurs. Vous comprendrez donc le sentiment de frustration que peut ressentir notre population face au "projet du siècle".

Le but de ce document est de faire réfléchir nos dirigeants sur la nécessité d'agir en fonction d'une orientation régionale trop souvent négligée.

D'une façon plus précise, il ressort de nos propos un certain nombre de recommandations pour lesquelles nous voudrions que des actions concrètes soient prises prochainement. (20 h 30)

Nous recommandons donc:

Que les politiques d'achat de la SEBJ soient adaptées à la région en exigeant que les fournisseurs livrent leurs marchandises à Matagami et ce, afin que tous les commerçants et industriels soient sur le même pied;

Que le réseau de recrutement des travailleurs de la région pour la phase de construction des centrales soit amélioré et qu'un programme de publicité soit établi si nécessaire;

Dans le même sens, que l'on donne priorité à l'embauche de personnes de l'Abitibi-Témiscamingue pour l'opération et l'entretien des centrales;

Que la ville de Matagami soit utilisée comme centre névralgique du complexe NBR, afin de permettre une meilleure utilisation des infrastructures régionales déjà en place;

Que les transporteurs aériens régionaux soient utilisés au maximum par Hydro-Québec et ses filiales afin d'abord d'optimiser les importants investissements faits par le gouvernement du Québec dans ce secteur et ensuite d'accentuer davantage les retombées économiques régionales des projets;

Que les décisions relatives au développement du territoire de la Baie James soient prises en fonction de leur impact sur le développement socio-économique de l'Abitibi-Témiscamingue;

Que le siège social de la région Baie James d'Hydro-Québec soit situé plus près des centrales;

Qu'un comité de travail composé de représentants de la SDBJ, de l'OPDQ, du CPDQ et du CRDAT soit formé pour produire un document proposant les politiques d'embauche, d'achat et d'aménagement du territoire qui devraient être établies lors de la réalisation des chantiers du complexe NBR et pour l'opération des centrales, afin de déterminer les façons de maximiser les impacts socio-économiques des projets sur les pôles urbains existants et les régions limitrophes.

Le Président (M. Jolivet): Merci, M. Julien. M. le député d'Abitibi-Est.

M. Bordeleau: M. le Président, je voudrais tout d'abord féliciter les gens du CRDAT d'avoir décidé de présenter un mémoire comme celui-là et également les remercier de s'être présentés devant la commission pour faire valoir leur point de vue. Je sais que, pour une région comme la nôtre, ce sont des démarches impressionnantes. Vous avez passé la journée ici et je vous en félicite. Cela prouve simplement que le CRD chez nous, en Abitibi-Témiscamingue, est au courant de ce qui se passe dans le développement du nord, est très impliqué et travaille également pour la population du Nord-Ouest ou de l'Abitibi-Témiscamingue.

Depuis la semaine dernière, un certain nombre de questions qui sont posées dans votre mémoire ont reçu une réponse par les gens d'Hydro-Québec ou de la SEBJ. Par contre, je voudrais revenir sur un certain nombre de points. Par exemple, à la page 2 de votre mémoire, vous dites que la SDBJ, depuis son changement, défend des idées qui ont tendance à s'orienter dans le sens de celles du CRD. Je voyais cela un peu comme un blâme envers le gouvernement d'avoir modifié la dépendance ou l'interdépendance de la SDBJ par rapport à Hydro-Québec et à la SEBJ. Pouvez-vous me dire si, au CRD, on pense que la SDBJ a vraiment joué son rôle depuis 1971 alors qu'elle était vraiment chargée du développement de la région du Nord?

Le Président (M. Jolivet): M. Lord.

M. Lord: Disons que, depuis quelques années, la SEBJ commence à s'impliquer d'une façon concrète dans des projets à caractère économique. Dernièrement, elle s'est impliquée dans le secteur minier dans la région de Chibougamau. De plus en plus, la SEBJ semble vouloir développer certains secteurs économiques dans la région et je pense qu'elle commence à jouer son rôle.

M. Bordeleau: Comme vous dites, elle commence simplement.

M. Lord: Oui.

M. Bordeleau: Cela ne fait pas plusieurs années, je pense. Êtes-vous d'accord avec moi?

M. Lord: Elle s'implique dans des projets concrets, ce qu'elle ne faisait pas auparavant.

M. Bordeleau: D'accord. Maintenant, un peu plus loin, à la page 8 plus précisément de votre mémoire, vous parlez de la main-d'oeuvre. Bien sûr, c'est important, pour une région comme la nôtre, d'avoir le maximum de main-d'oeuvre qui puisse aller travailler sur des chantiers de cette ampleur. Par contre, vous expliquez la diminution de la main-d'oeuvre par "la consolidation de notre économie régionale" (relance du secteur minier et nouveaux marchés pour nos industries forestières.

Plus loin, vous parlez des emplois permanents qui sont peut-être encore plus intéressants parce qu'ils sont permanents. Là-dessus, la SEBJ, par M. Godin, je pense, la semaine dernière, a répondu qu'il y avait une priorité d'emploi accordée aux gens de l'Abitibi-Témiscamingue, du moins dans certains domaines, dans certains métiers précis. Je ne sais pas si vous avez entendu la réponse de la SEBJ là-dessus. C'est un commentaire que je voudrais faire. Si la réponse n'est pas exacte, j'aimerais bien que le CRD vérifie et qu'on revienne à la charge auprès de la société Hydro-Québec dans ce sens-là, s'il y a lieu.

À la page 10 de votre mémoire, vous parlez d'un complexe futur, celui de NBR qui est également très intéressant parce que celui-là, au moins, n'est pas commencé. S'il y a eu des erreurs dans le passé, c'est encore le temps, je pense, de les corriger et

d'améliorer la situation pour notre région. Vous parlez de l'aéroport de Matagami et d'un autre aéroport dans le nord. Là-dessus, je n'ai pas trop bien compris. Selon les réponses d'Hydro-Québec ou de la SEBJ, dans le développement de NBR il y aurait la construction de deux nouveaux aéroports près de certains chantiers, mais il y aurait aussi l'utilisation maximale de deux aéroports existants, soit celui de Matagami et celui d'Eastmain, si je me souviens bien, EOL probablement. Je n'ai pas trop compris ce que vous vouliez signifier; il me semble que vos informations ne sont pas tout à fait précises.

Le Président (M. Jolivet): M. Lord.

M. Lord: Peut-être y a-t-il eu dernièrement, certains changements desquels on n'a pas été informé. Mais à partir des informations qu'on avait il était question de construire un aéroport permanent, un aéroport dit régional permanent, à quelques centaines de milles au nord de Matagami.

Nous, on se posait la question à savoir pourquoi ne pas utiliser celui de Matagami qui est vraiment sous-utilisé, qui possède toutes les installations nécessaires et qui pourrait fournir le même service.

Le danger qu'on voyait surtout c'est de dépenser des millions de dollars à l'aménagement d'un aéroport permanent qui va servir plus tard à transporter des travailleurs du sud de la province aux centrales pour l'entretien et l'exploitation de ces centrales. Si on aménage des infrastructures aéroportuaires permanentes et très bien équipées, ça va être un autre argument pour contourner encore une fois la région. C'est pour ça qu'on soulève ce point dans notre mémoire.

M. Bordeleau: Oui, il semble que, selon ce que j'ai compris de la réponse de la SEBJ à ce moment, il fallait, à cause des distances, quand même construire au moins un autre aéroport plus loin dans le nord pour être proche des chantiers, mais je serais d'accord avec vous pour dire qu'il faudrait d'abord qu'on maximise au maximum - si on peut maximiser au maximuml - les infrastructures existantes et, en particulier, l'aéroport de Matagami qui est déjà bien placé, déjà construit et pour lequel on a déjà investi des sommes d'argent.

M. Lord: J'aimerais également apporter une précision: c'est qu'on n'est pas en désaccord sur le principe des aéroports, sauf que là où on est en désaccord, c'est sur le principe des aéroports permanents. C'est-à-dire que l'aménagement d'aéroports temporaires, ce n'est pas nécessairement néfaste, en tout cas à court terme, pour la région, sauf que nous, lorsque nous parlons d'environ 1500 emplois permanents qui seront créés lorsque les projets NBR, Grande Baleine et La Grande seront terminés, ça nous intéresse grandement d'avoir un impact économique régional, puisque ces emplois seront permanents et le seront pour longtemps.

L'aménagement de l'infrastructure aéroportuaire permanente risque donc d'être dangereux pour la région.

M. Bordeleau: Merci. Un peu plus loin dans le mémoire vous dites: Nous voulons que le siège social de la région Baie James s'installe dans la région. Vous semblez avoir une position assez ferme là-dessus et je serais également des plus heureux si ça se réalisait, soyez-en sûrs.

Y a-t-il quand même eu certaines études... Je comprends que le CERDAT n'est pas nécessairement équipé pour faire des études comme Hydro-Québec peut en faire, mais avez-vous quand même vérifié certaines données pour voir si c'était plus économique de procéder ainsi, d'installer un siège social régional en Abitibi-Témiscamingue ou l'inverse? Parce que j'imagine qu'Hydro-Québec ou la SEBJ vont tantôt nous dire: Cela n'a pas de bon sens, ça va être très dispendieux. Avez-vous pu vérifier certaines données prouvant qu'il y aurait certains avantages?

M. Lord: On n'a tellement vérifié, en termes économiques, parce qu'on n'a pas nécessairement l'expertise et toutes les informations non plus pour pouvoir vérifier cela, sauf qu'on a eu des contacts avec ces gens-là et, comme le dit notre mémoire, les réponses qu'on nous a données ont été vraiment peu satisfaisantes. On est arrivé avec des arguments comme par exemple: Si on allait s'installer chez vous, on aurait un problème de recrutement de cadres. Je pense que ce n'est pas une réponse valable pour nous.

M. Bordeleau: D'accord. J'espère en tout cas que quelqu'un d'Hydro-Québec pourra peut-être tantôt donner des réponses plus complètes ou des justifications ou, sinon, nous annoncer qu'effectivement le siège social d'Hydro-Québec pour la région de la Baie James s'installera bientôt en Abitibi-Témiscamingue.

M. Lord: Cela nous ferait vraiment plaisir.

M. Bordeleau: Dans votre conclusion, vous parlez de la formation d'un comté de travail qui serait composé de différents éléments, soit la SDBJ, l'OPDQ, le CPDQ, le Conseil de planification et de développement du Québec, et le CRDAT, pour produire un document proposant des politiques

d'embauche. Quant au comité, je serais assez d'accord. Quand vous parlez d'un comité pour se réunir et produire un document afin d'établir une politique, je trouve cela un peu compliqué comme formule. Souvent, on nous reproche de faire trop de comités et de paperasse. Auriez-vous une suggestion précise là-dessus? De quelle façon ce comité devrait-il fonctionner pour être vraiment efficace également? Si c'était simplement un comité pour faire un beau rapport, selon moi, cela ne ferait pas tellement avancer la situation. Pratiquement, que pourrait faire ce comité et qu'est-ce qu'il pourrait donner comme résultat?

M. Julien: Nous avons déjà eu quelqu'un, M. le député, de présent au conseil d'administration de la SEBJ qui pouvait travailler pour nous. Nous croyons que notre présence aux décisions pour développer notre milieu est juste et normale, car ce sera la différence entre la prospérité des années à venir ou la désintégration de notre territoire. Nous sommes persuadés que notre connaissance du Nord-Ouest nous donne l'occasion d'être plus éveillés à nos besoins à venir que les gens qui vivent dans les grands centres, sans connaître réellement ce qu'est l'Abitibi-Témiscamingue. Qu'il y ait quelqu'un de l'Abitibi au conseil d'administration, je pense qu'il y a des gens assez de valeur pour pouvoir prendre ces positions-là.

Le gouvernement semble être favorable à la négociation sur le développement - c'est ce que j'ai entendu tantôt - avec les premiers arrivés sur le territoire, soit les autochtones. Nous sommes les deuxièmes arrivés dans le Nord-Ouest et les premiers défricheurs. Nous aimerions aussi être reconnus comme partie qui a des droits acquis sur ce territoire.

M. Bordeleau: Je vous remercie. Quant aux questions, j'aurais simplement un petit commentaire à ajouter à la fin. Je suis très content de voir le CRDAT présenter un mémoire comme celui-là. Hydro a déjà répondu à un certain nombre de vos questions, de vos recommandations. J'espère que ces réponses pourront être vérifiées dans une période assez rapprochée et que, si des choses qu'on nous a dites la semaine dernière n'étaient pas exactes, le CRDAT s'occupera de suivre ce dossier à la trace. Quant à moi, je m'engage à l'appuyer aussi de toutes mes forces, de toutes les façons possibles pour que finalement on en arrive à modifier la forme de développement, à corriger certaines choses qui sont arrivées dans le passé et à obtenir le plus de retombées possible en Abitibi-Témiscamingue. Je vous remercie.

Le Président (M. Jolivet): Merci. M. le député de Rouyn-Noranda.

M. Samson: Merci, M. le Président. Je voudrais également remercier les représentants du CRDAT de s'être déplacés pour venir nous présenter leur mémoire. Nous retrouvons sûrement dans ce mémoire la préoccupation généralisée des gens de l'Abitibi-Témiscamingue. (20 h 45)

M. le Président, j'ai écouté avec beaucoup d'attention. J'avais d'ailleurs reçu le mémoire auparavant. Je peux vous dire que les revendications faites aujourd'hui par MM. Lord et Julien, au nom du CRDAT, sont de justes revendications que je considère sans exagération. Ce sont des revendications qui nous viennent du milieu, que l'on a souvent entendues. Vous avez reflété dans' votre mémoire la pensée des gens de l'Abitibi-Témiscamingue, notamment en vous basant sur le fait que les développements d'Hydro-Québec, de la SEBJ ou de l'ancienne SDBJ, quand elle avait le mandat, tout cela, ce sont des choses qui ont été annoncées dans la région de l'Abitibi-Témiscamingue. C'est sûr qu'au début - je me rappelle 1971, quand nous avons discuté de la loi 50, qui a lancé tout ce programme - il était question - et cela a été réaffirmé maintes et maintes fois, en matière d'embauche, par exemple, que priorité serait donnée aux régions limitrophes. Or, il y a une région limitrophe, c'est bien celle de l'Abitibi-Témiscamingue, parce que si on regarde le territoire de la Baie James, qui se situe dans l'actuel comté d'Ungava pour l'élection qui s'en vient, le territoire de la Baie James se trouve donc situé en plein coeur de la région administrative 08, donc la région de l'Abitibi-Témiscamingue. Ce n'est pas une région limitrophe; c'est dans la région même que cela se construit.

Vous avez souligné avec beaucoup d'à-propos le fait que nous sommes en droit, dans cette région, de nous attendre que plus d'ouvriers soient appelés à participer à la construction et au développement tant hydroélectrique que celui minier et forestier de la SDBJ. Elle a également un mandat de développement touristique.

Vous nous avez souligné aussi qu'en 1976 - et cela faisait suite à un éditorial que vous avez rapporté de M. Beaudoin en 1975 - les ouvriers en provenance de la région constituaient 18,6% de la main-d'oeuvre de la Baie James et qu'en 1980, ce pourcentage est descendu à 9,5%. Vous soulignez que cela peut s'expliquer par le fait qu'il y a une activité du côté des mines, du côté de certaines industries forestières, mais il n'y a rien de plus difficile à évaluer que des statistiques.

C'est évident. Il n'y a rien de plus menteur, parfois, que des statistiques, mais, de toute façon, il y a une chose qui saute aux yeux, c'est que même s'il y avait dans ces statistiques des variantes possibles, de

1976 à 1980, il y a quand même la moitié moins en pourcentage de travailleurs, alors qu'en 1976 par rapport à 1980, selon Statistique Canada, il y avait dans le Nord-Ouest 7000 chômeurs en 1976 et qu'en 1980, il y en a 8000. Or, malgré la reprise de l'activité minière, malgré une certaine relance de l'activité forestière, il y a quand même 1000 chômeurs de plus au moment où on se parle, et au moment où on se parle, la Société d'énergie de la Baie James emploie 50% moins d'ouvriers en provenance de la région.

Pourquoi en arrive-t-on à ce jeu de chiffres? Cela s'explique peut-être par le fait que l'activité minière a ramené en région des mineurs qui étaient à l'extérieur depuis un certain nombre d'années, parce qu'il y avait eu une baisse de l'activité minière et que ces mineurs étaient allés à l'extérieur. Donc, s'ils sont revenus, ils ont rempli ces postes, j'imagine, et, avec la compensation, cela fait qu'on se retrouve avec 1000 chômeurs de plus et 50% de moins d'employés qui sont appelés à aller travailler aux chantiers de la Baie James. Donc, vous avez raison de réclamer qu'on ait un peu plus de considération de ce côté-là, mais, comme le député d'Abitibi-Est l'a dit tantôt, nous avons eu mardi dernier des réponses de M. Laliberté, de la Société d'énergie de la Baie James, qui disait que ce qui était employé cette année, c'est le maximum possible. Où se trouve le problème? Évidemment, il ne revient pas au président de la Société d'énergie de la Baie James de régler ce problème, parce que c'est un problème politique. Le problème se trouve dans le fait que M. Laliberté nous a dit: On a embauché tous les ouvriers qu'on a pu embaucher qui possédaient une carte de classification et, après cela, on est allé à l'extérieur. Donc, c'est pour cela qu'on n'en a pas pris plus que 9,5% cette année. Le problème provient du règlement de la construction qui exige les fameuses cartes de classification. Dans notre région, un nombre très important d'ouvriers qui possèdent des cartes de compétence, soit dit en passant, ne peuvent pas travailler sur les chantiers parce qu'ils n'ont pas la fameuse carte de classification à cause de l'actuel règlement de placement dans la construction. Là, vous avez une réponse assez complète au problème qui se pose. C'est un problème politique qui devrait être réglé par une solution politique.

D'autre part, vous parlez de la politique d'achat et je pense que vous avez grandement raison. Vous soulignez le fait que des entreprises de l'extérieur de la région, ayant à soumissionner, le font FOB Dorval, alors que les entreprises de la région le font FOB Matagami. On peut dire, au premier regard, que cela semble équitable, mais il faut savoir que les entreprises qui ont à soumissionner FOB Dorval sont situées à trois ou quatre milles de Dorval, tandis que celles qui ont à soumissionner FOB Matagami, celles de la région d'Abitibi-Témiscamingue, peuvent être à 200 milles et à 250 milles de Matagami. Cela fait une différence appréciable dans les coûts de transport, de sorte que la soumission, à ce moment-là, ne favorise pas l'industrie, ne favorise pas le commerce régional.

Là-dessus, on nous a répondu, à la Société d'énergie de la Baie James, que même si, de Montréal, c'était FOB Dorval et que, de la région, c'était FOB Matagami, de Montréal, la société calculait, dans les coûts, le coût du transport qu'elle effectuait elle-même entre Dorval et les chantiers, la même chose entre Matagami et les chantiers. Mais, encore là, il y a un rapport de forces qui ne peut nous favoriser à moins qu'il n'y ait un incitatif et une volonté de la Société d'énergie de la Baie James et d'Hydro-Québec, et du gouvernement, de favoriser la région. Parce que FOB Dorval, même si on calcule les coûts de transport, quand on sait qu'on emplit un avion Hercule au complet, c'est bien sûr que le coût de transport revient moins cher que lorsqu'on embarque cela de Matagami dans des petits avions où, finalement, cela coûte plus cher.

Vous avez raison de le dire. Là-dessus, on ne se chicanera pas. Comme mon collègue d'Abitibi-Est, je suis d'accord avec vous. On se l'est déjà dit, d'ailleurs. Ce n'est pas une question de cachette. On est favorable à ce que la région puisse en bénéficier, non pas de façon exagérée, non pas de façon disproportionnée non plus. Ce qu'on demande ici et ce que vous demandez, ce ne sont pas des faveurs spéciales. Ce sont des choses normales. Autrement dit, on réclame ce qui, normalement, doit revenir à une région qui, comme celle-là, fournit la richesse naturelle. Ce n'est pas dans les "buildings" de la rue Dorchester que les richesses naturelles existent, c'est à la Baie James, dans notre région. C'est là que cela existe.

Cela m'amène à vous dire que, quand vous mentionnez votre désir de voir la possibilité de décentraliser un peu ceux-là qui prennent les décisions, de les amener un peu vers la région, c'est une chose qui me plaît, qui me plaît beaucoup même. La SEBJ, en soi, c'est une société qui est mandatée par Hydro-Québec, donc qui a un mandat précis pour un temps limité, pour le temps du développement de la Baie James. Il me semble qu'il serait normal que le siège social, le centre de ses activités, soit situé en région, comme ce serait normal pour la SDBJ, notamment. Mais, je vous avoue que je n'ai pas l'impression, en les regardant, qu'ils ont envie de faire cela demain matin, eux autres. J'ai plutôt l'impression que ce serait plus facile de faire descendre les barrages de la Baie James à pied à Montréal

que de faire monter les fonctionnaires en avion à la Baie James. Mais qu'est-ce que vous voulez? C'est une bataille qui ne sera pas facile à faire. Sans aller jusqu'à demander qu'on déménage l'ensemble du carrousel, il serait peut-être valable qu'on pense emmener dans la région un peu plus de cadres, un peu plus de monde qui n'aurait pas besoin de circuler entre la Baie James et Montréal régulièrement, parce que c'est là que sont les richesses naturelles. Si c'est vrai que les richesses naturelles constituent des richesses qui doivent servir à des régions, ça devrait être dans ce cas-là comme ça devrait être vrai pour d'autres régions, parce que je ne plaide pas seulement pour la nôtre. Il y a des développements dans d'autres régions et il me semble que ce serait naturel aussi que d'autres régions aient la même chose dans leur cas.

La consultation que vous revendiquez, je pense que c'est une bonne suggestion. Je ne sais pas si elle sera retenue, mais elle a donné de bons résultats. On l'a dit à cette commission parlementaire. Elle a donné de bons résultats dans le cas du projet Delaney et elle pourrait sûrement apporter de bons résultats aussi dans le cas du projet NBR, par exemple. Là-dessus, vous touchez le point sensible, parce qu'il me semble que la consultation est la base des possibilités d'un développement mieux planifié en fonction des besoins d'une région, en fonction aussi des retombées économiques sur cette région et en fonction des questions sociales, parce qu'on a dit que ces projets, évidemment, visent d'abord à procurer de l'énergie électrique, c'est bien sûr, mais également contribuent grandement au développement économique et social de la province et de certaines régions. Je suis d'accord avec vous sur ce sujet également. Que les infrastructures de Matagami servent davantage. Là-dessus, on a eu à cette commission un représentant de la ville de Matagami qui est venu réclamer aussi des choses semblables à vos réclamations. Je pense qu'il avait également raison. D'ailleurs, c'est tellement vrai que le complexe NBR est proche de Matagami que lorsqu'il devra être réalisé, il fera monter le niveau des eaux de la rivière Bell de quelque chose comme une dizaine de pieds, ce qui devra obliger la ville de Matagami à faire des déménagements de quartiers. C'est donc assez près pour qu'on soit obligé de faire des déménagements de quartiers.

Je voudrais, bien sûr, en plus de toutes ces choses que j'endosse, vous demander si vous avez fait une consultation, si vous avez eu la chance de pouvoir faire une consultation. Je sais qu'auprès de tous les travailleurs, ce n'est pas trop facile, mais auprès des hommes d'affaires de la région, sur ce que vous dénoncez dans votre mémoire. La sévérité que l'on exerce quand il s'agit de soumissions envers les hommes d'affaires de la région et, également, un autre point que j'ai retenu, le fait que, dans certains cas, il y avait eu des retards dans les paiements, ce qui avait pour but de décourager certains hommes d'affaires de traiter avec la Société d'énergie de la Baie James, est-ce que vous avez pu faire une consultation récente à ce sujet auprès des hommes d'affaires de ia région aux fins de savoir si ce problème existe toujours ou s'il y a eu amélioration?

Le Président (M. Jolivet): M. Lord ou

M. Julien. (21 heures)

M. Lord: Pour ce qui est de la consultation, on n'a pas eu le temps de faire une consultation très élaborée, étant donné que, premièrement, on a eu le plan des installations d'Hydro-Québec très tard, ce qui nous laissait peu de temps pour pouvoir faire des recherches poussées afin d'étudier davantage ce dossier. Mais les gens qu'on a consultés et qui faisaient déjà affaires à la SEBJ sous toutes les formes, eux entre autres nous ont dit que, par exemple, dans un cas, ils n'étaient plus intéressés à faire affaires avec le service des achats de la SEBJ, parce qu'ils trouvaient qu'il était vraiment trop exigeant et que, pendant le temps qu'ils perdaient à transiger avec lui, ils négligeaient certains clients et leur chiffre d'affaires s'en ressentait. Alors, dans bien des cas où ils nous répondaient, cela rejoignait cette idée.

Probablement que M. Julien, en tant qu'industriel qui fait affaires assez régulièrement avec ces gens, pourrait donner plus de détails.

M. Julien: Nous n'avons pas, M. le député, fait de grandes concertations à ce moment précis, parce que, faisant affaires de temps à autre moi-même avec la SEBJ, je sais pertinemment bien que, présentement, les travaux sont très modérés dans tous les chantiers. Ce n'est pas un bon moment pour faire une vérification parce que je ne pense pas qu'il y ait de gros contrats à exécuter présentement. De toute façon, les gens de l'Abitibi ne sont pas beaucoup impliqués présentement dans le domaine.

Je voulais revenir surtout sur la question du transport, que vous sembliez appuyer tantôt. Ce que je voudrais bien que la commission comprenne, c'est que dans le Nord-Ouest présentement il faudrait absolument que la population augmente au moment où on a un projet d'envergure qui est en marche. Or, la façon d'augmenter la population de l'Abitibi n'est certainement pas d'avoir un avion qui transporte les gens directement de Montréal. Si les gens allaient de l'Abitibi vers la Baie James, on aurait certainement une population qui viendrait

s'établir chez nous. La société d'énergie épargnerait probablement de l'argent sur le transport étant donné que les gens seraient établis dans l'Abitibi. Quand les gens sortiraient au moment des vacances, ils n'auraient qu'à sortir vers l'Abitibi, ils pourraient s'établir chez nous et vivre aussi bien chez nous que l'on peut vivre ailleurs. Cela nous donnerait l'avantage d'aller se chercher une population entre 25,000 et 50,000 qui nous rendrait un peu plus, vis-à-vis du reste de la province, aptes à être reconnus comme faisant partie nous autres aussi de la province de Québec.

M. Samson: Est-ce que vous avez eu l'occasion de demander des rencontres avec les autorités de la SEBJ aux fins de pouvoir discuter l'ensemble de tous ces dossiers avec eux? Est-ce que vous avez fait ce genre de demande auprès de la SEBJ?

M. Lord: Disons qu'on a une recontre qui est prévue pour le 3 avril avec les autorités de la SEBJ pour pouvoir vraiment établir les bases, les modalités qui serviront dans l'avenir de contact entre la région et la SEBJ.

M. Samson: Est-ce qu'à cette occasion - j'imagine que c'est une première rencontre, le 3 avril - vous avez l'intention de tenter de mettre sur pied un groupe de travail représentatif de certains groupes socio-économiques de la région, en plus du vôtre, bien entendu? Est-ce que c'est là votre intention?

M. Lord: Actuellement, il y a certains projets dans la région qui sont en mûrissement et, lorsqu'ils seront plus avancés, probablement qu'il va avoir, par exemple, une association des entrepreneurs, des fournisseurs du Nord-Ouest. Il y a possibilité également de regroupement de certains fournisseurs pour avoir un meilleur volume et, à ce moment, ce serait plus facile aux gens de la région éventuellement de soumissionner sur les gros contrats.

De toute façon, cela restera à déterminer avec le service des achats et les gens de la SEBJ.

M. Samson: Dans toutes vos revendications, notamment dans la question des achats, dans la question de la main-d'oeuvre permanente à venir, question du transport, nous souhaitons que vous puissiez en arriver à des ententes valables et satisfaisantes avec la Société d'énergie de la Baie James. Je vous invite à nous faire part du résultat de ces rencontres à l'occasion, et soyez assurés que nous recevrons vos suggestions de façon très sympathique.

Le Président (M. Jolivet): Merci. M.

Lord et M. Julien, au nom des membres de la commission, je vous remercie de votre déposition.

J'invite maintenant la Chambre de commerce de Sept-Îles, représentée par M. Jacques Hamel. Pendant que M. Hamel s'installe avec son collègue, je tiens à déposer, au nom du Comité d'environnement d'Alma Inc., le mémoire 36M, qui sera toujours disponible à la bibliothèque de la Législature ainsi qu'au secrétariat des commissions.

À M. Hamel, de la Chambre de commerce de Sept-îles, je demanderais de nous faire connaître le nom de son collègue.

Chambre de Commerce de Sept-Îles

M. Hamel (Jacques): J'aimerais, en premier lieu, vous présenter le directeur général de la Chambre de commerce de Sept-îles, M. Michel Gingras, qui m'accompagne ce soir.

M. le Président, messieurs les députés qui siègent à cette commission parlementaire, nous voudrions tout d'abord vous remercier pour l'occasion qui est offerte à la Chambre de commerce de Sept-îles de s'exprimer devant vous sur un sujet qui est devenu, par les événements survenus dernièrement sur la Côte-Nord et en particulier à Sept-îles, un sujet d'extrême importance pour la survie même de ce coin du Québec.

La Chambre de commerce de Sept-îles existe depuis le 14 février 1954. Elle a été fondée pour regrouper les gens d'affaires des secteurs commercial, industriel, financier ainsi que toute personne intéressée à la promotion du développement économique et social de son milieu. Depuis plus de 25 ans, la Chambre de commerce de Sept-Îles s'applique à suivre de près l'économie de Sept-îles afin d'en maximiser les retombées économiques possibles. La Chambre de commerce de Sept-îles est supportée par près de 300 membres et, de ce fait, elle est l'organisme le plus représentatif de la communauté des affaires de Sept-Îles. Plusieurs de nos membres nous ont fait part de leurs préoccupations face au développement hydroélectrique sur les rivières de la Côte-Nord. C'est pourquoi nous vous présentons ce mémoire.

Depuis près de deux ans maintenant, la région Sept-Îles-Port-Cartier encaisse coup dur sur coup dur. En effet, après la fermeture de l'usine Rayonier-Québec, à Port-Cartier, c'est maintenant aux compagnies minières de toute la région de connaître des difficultés. Ainsi, la compagnie minière IOC, principal employeur de Sept-Îles, annonçait récemment la mise à pied de 650 employés. Elle était suivie, quelques semaines plus tard, par la compagnie Québec-Cartier qui, elle, annonçait la mise à

pied de 85 travailleurs. De plus, la semaine dernière, SIDBEC-Normines annonçait à la population l'interruption de ses activités pour une durée de six à neuf semaines au cours de l'été prochain. Toutes ces mises à pied font craindre le pire aux habitants de Sept-îles et de Port-Cartier.

Dans une étude de l'OPDQ rédigée en 1979, on pouvait voir que la croissance démographique de la Côte-Nord était la plus élevée du Québec, entre 1966 et 1976, soit 18%. Or, dans une recherche effectuée par la chambre de commerce en 1980, on dénote que la ville de Sept-Îles a eu une croissance démographique nulle, entre 1976 et 1980. En 1976, il y avait 30,617 habitants et, en 1980, la population est de 30,620. De plus, ce taux de croissance était calculé avant l'annonce par les compagnies minières des mises à pied.

Dans son étude citée plus haut, l'OPDQ notait: "II faudra probablement attendre le prochain cycle d'investissements, vraisemblablement au cours de la décennie 1980-1990, lors de la construction de barrages et de l'exploitation de nouvelles ressources pour qu'un tel nombre d'emplois puisse être créé."

Le nombre d'emplois à créer dont parle l'OPDQ, c'est 13,000 emplois. Ce nombre devait garder le taux de chômage au niveau de 1976, soit approximativement 10%. Or, en janvier 1981, le taux de chômage atteignait 13% avant l'annonce des mises à pied par les compagnies minières.

La Chambre de commerce de Sept-îles croit sincèrement que l'évaluation de l'OPDQ est réaliste et endosse la citation mentionnée plus haut.

Nous croyons sincèrement que la main-d'oeuvre représente la plus belle richesse de la Côte-Nord. En ce sens, il devient important d'empêcher l'exode qui ne manquera pas de survenir si les mises à pied continuent et durent pour des périodes qui deviendraient innacceptables pour nos travailleurs.

Bien entendu, il est indispensable de diversifier notre économie et que celle-ci soit prise en main par des investisseurs locaux. Pour ce faire, la chambre de commerce, en concertation avec la Corporation de promotion industrielle de Sept-Îles, désire établir les bases de cette prise en main lors d'un sommet économique au mois de mars 1981, c'est-à-dire, plus précisément, les 20 et 21 mars prochain. Cependant, tout comme l'OPDQ, nous croyons que "la prise en charge par les gens eux-mêmes de leur propre développement avec le soutien de programmes spéciaux de l'État constitue la base d'un cadre souhaité d'intervention."

La Chambre de commerce de Sept-Îles considère que le développement hydroélectrique de la rivière Romaine constitue un programme spécial qui pourra très bien jouer ce rôle.

Les projets de développement d'Hydro-Québec sur la Côte-Nord seront sûrement un des plus précieux moyens de raffermir l'économie de la Côte-Nord. Ainsi, les infrastructures mises en place pour les constructions sur la rivière Romaine accéléreront la jonction routière entre le reste de la Moyenne-Côte-Nord et Havre -Saint-Pierre. De plus, l'accès aux ressources telles que la forêt, les gisements miniers et la faune sera facilité.

Dans le texte "Une stratégie pour la décennie 80", il est dit: "Le plan des installations d'Hydro-Québec a été conçu de façon dynamique. Il est révisé régulièrement tous les ans pour rajuster son déroulement et son contenu en fonction de nouvelles connaissances et des changements dans la conjoncture énergétique et économique. Ces considérations englobent non seulement les aspects techniques et économiques des projets mais aussi d'autres éléments fondamentaux tels que l'environnement naturel, les contraintes politiques, les préoccupations du public, les possibilités de financement et la disponibilité des ressources matérielles et humaines."

La Chambre de commerce de Sept-Îles croit que les dirigeants d'Hydro-Québec sont sincères lorsqu'ils déclarent ce qui précède. En ce sens, nous les encourageons à devancer la date du début des travaux sur la rivière Romaine, début qui était prévu pour 1985.

Plusieurs raisons nous amènent à faire une telle demande. Tout d'abord, la disponibilité des ressources matérielles et humaines. Même si Sept-Îles a été durement touchée dernièrement, il n'en reste pas moins que les ressources humaines et matérielles sont présentement encore disponibles sur place. De plus, les effectifs affectés aux projets hydroélectriques de base sont en baisse à partir de 1981 jusqu'à 1985 et nous croyons que ce sujet a été hautement discuté durant la dernière semaine. Devancés à 1982, le début des travaux sur la Romaine ne représente pas une surcharge du côté de la main-d'oeuvre pour Hydro-Québec.

Deuxièmement, les préoccupations du public. Contrairement à la croyance publique, l'étude socio-économique auparavant citée semble indiquer qu'il existe effectivement un sentiment d'appartenance à la Côte-Nord qui se développe de plus en plus fortement. Or, les gens sont de plus en plus inquiets face à la situation économique de Sept-Îles et ils regardent avec angoisse vers l'avenir. Il ne faudrait pas que la région de Sept-Îles-Port-Cartier devienne une autre région à chômage chronique. Une action prompte encouragerait sûrement les gens à demeurer dans leur région d'adoption. (21 h 15)

Avant de conclure, nous aimerions

réviser avec vous quelques-unes des interventions de la semaine dernière et apporter nos commentaires. L'économie de la Côte-Nord est malade et nous croyons que le projet de développement hydroélectrique de la rivière Romaine, sans être le remède miracle pour guérir cette maladie, pourrait certainement être un remontant qui nous permettrait de vaincre le cancer qui nous ronge avant que ce dernier ne se généralise et n'emporte la région de Sept-Îles-Port-Cartier.

Dans le rapport sur les audiences de la semaine dernière, M. Damien Morissette, président de l'Association des constructeurs de routes et grands travaux du Québec, estimait qu'il serait difficile de combler les besoins d'expertise et de main-d'oeuvre que demande l'avalanche de projets à partir de 1985. Or, voici qu'il existe présentement sur la Côte-Nord une main-d'oeuvre disponible et qualifiée. Cependant, il n'est pas sûr que cette main-d'oeuvre sera encore présente en 1985. Avec les difficultés que l'on connaît, il est logique de penser qu'un exode est possible, voire probable, mais sûrement pas souhaitable.

Toujours en prenant connaissance des déclarations de la semaine dernière devant cette commission, deux autres points ont attiré notre attention: tout d'abord, la Chambre de commerce de Sept-Îles voudrait dire qu'elle partage les vues de M. le ministre Bérubé lorsque celui-ci s'étonnait des craintes d'Hydro-Québec qui prévoyait avoir de la difficulté à trouver les $2,800,000,000 par année jusqu'en 1985, alors qu'elle prévoit être capable de s'en procurer $8 milliards par année entre les années 1985 et 1990. Nous croyons cependant que d'avancer les travaux de la Romaine permettrait de mieux équilibrer ses problèmes d'emprunts.

L'autre point qui a attiré notre attention, c'est la déclaration du Comité de promotion économique de Montréal qui demandait à Hydro-Québec de confier aux entreprises privées plusieurs tâches, plutôt que de tout faire intra-muros. À ceci, nous aimerions ajouter que nous souhaitons qu'Hydro-Québec favorise le plus possible les entreprises régionales dans les régions où elle effectue des travaux.

Pour terminer, nous retournons aux trois dernières pages du mémoire que nous vous avons présenté. Nous croyons que notre point de vue y était très bien représenté.

La Chambre de commerce de Sept-Îles croit que le contexte socio-économique de la région de Sept-Îles et Port-Cartier a changé depuis la publication de "Une stratégie pour la décennie 80." En conséquence, nous croyons que: attendu que le projet de développement hydroélectrique sur la rivière Romaine est un projet rentable et déjà étudié par Hydro-

Québec; attendu que la région de Sept-Îles et Port-Cartier vit présentement des heures difficiles économiquement dues aux mises à pied faites par les compagnies minières; attendu qu'une telle situation pourrait mener à un exode de la main-d'oeuvre et qu'un tel exode n'est pas souhaitable; attendu qu'il existe, même avant les mises à pied des compagnies minières, un taux de chômage inacceptable de 13% sur la Côte-Nord; attendu que les divers organismes locaux, dont la Chambre de commerce de Sept-Îles, tentent présentement d'assurer une diversification de l'économie de la région et qu'un vent d'optimisme les aiderait dans cette initiative; attendu qu'il existe présentement une main-d'oeuvre qualifiée et disponible sur la Côte-Nord; attendu que le développement de la Romaine facilitera les communications entre la Basse-Côte-Nord et le reste du Québec; attendu qu'Hydro-Québec déclare pouvoir réviser ses plans régulièrement pour pouvoir s'ajuster à la situation; attendu que la population actuelle désire demeurer sur la Côte-Nord et qu'il est acquis comme un droit de pouvoir travailler; en conséquence, la Chambre de commerce de Sept-Îles se prononce en accord avec le document "Une stratégie pour la décennie 80", mais demande que les travaux du projet de développement hydroélectrique de la rivière Romaine débutent dans le cours de l'année 1982. Ceci afin d'aider la région Côte-Nord à diversifier son économie.

M. le Président, MM. les députés, nous vous remercions de l'attention que vous nous avez apportée et nous espérons que nos représentations ne resteront pas lettre morte puisqu'à 13,4% de chômage avant la mise à pied par des compagnies minières, la Côte-Nord est en danger. Merci.

Le Président (M. Jolivet): Merci, M. Hamel. La parole est au député de Châteauguay.

M. Dussault: Merci, M. Hamel. M. le député de Duplessis, mon collègue, a dû quitter très tôt cet après-midi. Il m'a prié de l'excuser auprès de vous. Il m'a remis d'ailleurs une lettre à ce sujet. Je vous l'ai transmise tout à l'heure. Il me demande de vous transmettre ses félicitations pour vous être donné la peine de venir à Québec présenter les difficultés économiques de la région, dont fait partie Sept-Îles, et venir insister sur la nécessité de commencer les travaux d'aménagement de la rivière Romaine au plus tôt afin de résoudre une partie tout au moins de ces difficultés.

Il m'a laissé des notes de façon à

pouvoir toucher des questions qui lui tiennent très à coeur. La première question porterait sur le contexte économique de la région. Il me dit que la Chambre de commerce de Sept-Îles souligne, à la page 2 du mémoire, qu'elle suit de très près l'économie de Sept-îles et de la région environnante. D'ailleurs, on le voit par un mémoire. Je pense que c'est une étude qui a été faite par la Chambre de commerce de Sept-Îles. Elle souligne aussi, à la page 7, que les projets d'Hydro-Québec sur la Côte-Nord seront un des plus précieux moyens de raffermir l'économie de la Côte-Nord.

En premier lieu, avant d'aborder le projet spécifique de la Romaine et afin de se replacer dans le contexte économique de la région, est-ce que le représentant de la Chambre de commerce de Sept-Îles pourrait nous dire quels sont les autres principaux projets ou moyens qui sont à envisager au cours des prochaines années pour raffermir l'économie de sa région?

Autrement dit, si les travaux d'aménagement de la rivière Romaine ne commencent qu'en 1985, comme cela est prévu au document de la société HydroQuébec, une stratégie pour la décennie 1980, est-ce que les difficultés économiques que vous avez signalées dans votre mémoire pourraient être résolues par la réalisation d'autres projets prévus dans la région?

M. Hamel: M. le Président, la Chambre de commerce, comme on l'a dit dans le mémoire avec la Corporation de promotion industrielle, tente actuellement de trouver les moyens pour diversifier l'économie. Vous savez, sur la Côte-Nord, sûrement que les gens ne pensaient pas que les compagnies minières pourraient annoncer un jour ce qu'elles ont annoncé au début de janvier. Nous, à la Chambre de commerce, croyons que d'abord pour diversifier l'économie, Sept-îles doit commencer par développer ses installations portuaires. Nous croyons que toute l'économie de Sept-Îles est axée à son port, et avec les travaux qui ont été faits dernièrement, tout semble prêt pour effectivement commencer ce développement. Donc, nous attendons des décisions à ce sujet. Nous croyons que la venue de nouveaux développements portuaires à Sept-îles amènerait facilement une diversification. Pour cette raison, Hydro-Québec, en avançant ses projets sur la rivière Romaine, ferait en sorte durant le temps que le développement portuaire s'effectuerait de trouver à nos travailleurs la main-d'oeuvre nécessaire pour les occuper.

M. Dussault: Maintenant, sur les difficultés d'aménagement rapide de la rivière Romaine comme telle, il se trouve un problème de négociations avec Terre-Neuve. Cela a été évoqué par Hydro-Québec, ce qui nous a été signalé la semaine dernière lors de la présentation du plan à la commission parlementaire. On disait que l'un des facteurs qui empêchait l'amorce rapide des travaux d'aménagement sur la rivière Romaine provenait de problèmes de négociation avec Terre-Neuve. Est-ce que ces deux variantes sont présentement étudiées à Hydro-Québec? Une première variante à quatre centrales et d'une puissance de 1416 mégawatts nécessite d'abord une entente avec Terre-Neuve. Une seconde variante a trois centrales seulement et d'une puissance inférieure à 1300 mégawatts permettrait d'éviter tout débat donnant sur le territoire du Labrador et donc pourrait être construite sans accord avec Terre-Neuve, mais à un coût légèrement supérieur. Compte tenu que les négociations avec la province de Terre-Neuve semblent être l'une des principales questions qui retardent le début des travaux sur la rivière Romaine, est-ce que la Chambre de commerce de Sept-Îles a pris connaissance de ces deux variantes et, si oui, est-ce qu'il en privilégie une en particulier?

M. Hamel: Oui, effectivement, la Chambre de commerce a pris connaissance de ces variantes lorsqu'elle a lu le document qu'Hydro-Québec est d'ailleurs venu nous présenter à Sept-Îles il y a quelques semaines. C'est sûr qu'il serait souhaitable d'avoir le complexe à quatre barrages. Il serait souhaitable que les négociations avec Terre-Neuve s'engagent dans les plus brefs délais, mais si jamais il n'y a pas de possibilité d'entente entre Terre-Neuve et le Québec, il reste que je pense qu'on a déjà trouvé la solution à Hydro-Québec avec un complexe à trois barrages qui, selon le document, coûterait un peu plus cher à construire. On pense que la solution est déjà là; on a déjà trouvé la solution si jamais aucune entente ne semble souhaitable.

M. Dussault: On a évoqué aussi le problème de la rivière à saumon comme étant un facteur de plus qui retarderait le début des travaux de l'aménagement de la rivière Romaine. Cela a donc trait à l'environnement. Il semble en effet que la rivière Romaine soit une importante rivière à saumon, selon ce que nous a dit Hydro-Québec lors de son passage en commission. Est-ce que la Chambre de commerce de Sept-Îles a une opinion sur cette question?

M. Hamel: Effectivement, on sait que, sur la Côte-Nord, il existe des rivières à saumon. Que je sache, sur la Côte-Nord, il existe actuellement des associations pour la protection de l'environnement et que je sache, aucune de ces associations ne s'est présentée ici, devant la commission, pour défendre son point de vue. Il faut se demander jusqu'à quel point l'environnement

serait attaqué quant au saumon dans le cas de la rivière Romaine.

M. Dussault: Ce serait donc une préoccupation fort louable d'Hydro-Québec mais qui ne serait pas partagée par la population dans votre région.

M. Hamel: On n'a pas de données, tout ce qu'on peut vous dire: C'est qu'il existe actuellement certaines associations qui sont déjà très actives sur la Côte-Nord pour la protection de l'environnement. On se demande pourquoi ces associations ne se sont pas présentées à cette commission si, effectivement, il y avait de graves problèmes quant à la protection du saumon de la rivière Romaine.

M. Dussault: En terminant, vous dites, dans votre mémoire que les effectifs affectés aux projets hydroélectriques de base sont en baisse de 1981 à 1985. Cela a été effectivement discuté, vous en avez parlé un peu tout à l'heure aussi. Devancer à 1982 le début des travaux sur la rivière Romaine ne représente pas une surcharge du côté de la main-d'oeuvre pour Hydro-Québec. Est-ce que la Chambre de commerce de - j'ai failli dire de Châteauguay - Sept-Îles pourrait apporter des précisions sur cette question, sur cet argument qui paraît intéresser plusieurs personnes?

M. Hamel: À savoir?

M. Dussault: Relativement au creux d'emploi prévu de 1981 à 1985, et en commençant les travaux sur la rivière Romaine en 1982 - le député de Duplessis pense comme vous, mais il voudrait que vous donniez davantage d'explications là-dessus -cela ne représenterait pas une surcharge de main-d'oeuvre du côté d'Hydro-Québec. Est-ce votre point de vue?

M. Hamel: M. Gingras va vous répondre.

M. Gingras (Michel): Depuis la semaine dernière, vous avez dû entendre plusieurs organismes qui sont venus dire exactement la même chose que nous à ce niveau, entre autres M. Laberge ce matin. Présentement -là, je prends les chiffres d'Hydro-Québec - il y a 11,100 personnes employées sur les chantiers; à partir de 1982 et ce jusqu'en 1985, on reste en deçà de 8700 en 1982, et cela atteint un creux à 7700 en 1983.

Pour pouvoir équilibrer la demande de main-d'oeuvre, nous croyons qu'il serait très à propos de commencer plus tôt les travaux sur la Romaine; de cette manière, on enlèverait une surcharge sur la demande de la main-d'oeuvre à partir de 1985.

M. Dussault: Je vous remercie au nom du député de Duplessis.

Le Président (M. Jolivet): Merci. M. le député d'Outremont.

M. Fortier: M. Hamel, je vous remercie de vous être déplacé pour venir nous voir. J'étais moi-même à Sept-Îles dimanche dernier et j'ai été à même de discuter du sujet que vous avez abordé aujourd'hui avec plusieurs des Sept-Îlois, des gens de la région, pour constater jusqu'à quel point il y a un besoin de développement économique et d'action, non pas d'études à ce stade-ci de la situation. (21 h 30)

Pour en avoir discuté avec des gens de votre ville et de votre région, je sais que la proposition qu'ils mettent de l'avant va dans le sens de développer une rivière qui, d'après l'information qu'Hydro-Québec nous donne, est compétitive par rapport à d'autres rivières, et que la solution que vous proposez est pour vous de probablement substituer cette rivière à une autre, mais de faire en sorte que le résultat soit quand même une proposition économique. Les gens ont fait état de la possibilité d'attirer certaines industries qui requièrent de grandes quantités d'énergie. Bien sûr, pour ce faire, il faut que notre énergie soit compétitive et que, quelle que soit la solution trouvée, la tarification d'Hydro-Québec ne soit pas artificiellement haute, en prenant en considération la construction des projets qui seraient mis en oeuvre.

J'ai pris note du fait qu'en 1979 le gouvernement a fait faire par l'OPDQ une étude sur le développement ou ce qui pourrait être fait pour développer la région.

J'imagine que vous avez dû avoir des rencontres avec le ministre Bérubé ou d'autres ministres. Avez-vous eu des rencontres et cette proposition que vous faites dans votre mémoire, est-ce la première fois que vous la mettez sur la table ou s'il y a eu des discussions qui auraient pu vous éclairer davantage sur la possibilité de sa réalisation?

M. Hamel: Non, effectivement, c'est la première fois que cette proposition est mise sur la table, mais nous comptons bien, lors de notre sommet économique à Sept-Îles, les 20 et 21 mars prochains - d'ailleurs, M. Bérubé nous a confirmé sa venue à Sept-Îles, lors de ce sommet - pouvoir en discuter de façon plus particulière avec lui; mais c'est la première fois que nous...

M. Fortier: C'est la première fois que vous la mettez de l'avant? C'est malheureux que votre sommet économique arrive en période électorale; de toute évidence ce n'est peut-être pas le moment le plus

fructueux. Mais quand même, nous prenons note de vos propositions et j'ose espérer que le ministre pourra résoudre votre problème avant les prochaines élections.

M. Bérubé: Vous en prenez bonne note et vous prenez l'engagement que si vous êtes élus, évidemment, vous allez leur donner tout ce qui est demandé.

M. Fortier: M. le ministre, ne faites pas de promesses pour moi, moi, je n'en fais pas!

M. Bérubé: Parfait!

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Rouyn-Noranda.

M. Samson: M. le Président, je voudrais également féliciter la Chambre de commerce de Sept-Îles qui nous présente un mémoire ce soir. C'est le dernier mémoire à nous être présenté. Vous nous venez de loin et j'ai entendu dire que vous devez repartir par avion vers 23 heures; on va tenter de ne pas vous garder trop longtemps.

Je pense que les problèmes que vous connaissez dans votre région méritent une attention spéciale. Quant à nous, nous sommes tout à fait sympathiques aux problèmes que vous connaissez; particulièrement moi qui vous parle, qui viens d'une région minière où nous avons eu aussi à connaître des problèmes de fermeture semblables à ceux que vous connaissez présentement, avec des hauts et des bas. Évidemment, le creux de la vague est toujours difficile à prendre, mais je dois vous féliciter pour la façon dont vous approchez les choses. Je vous félicite spécialement car je vois, dans votre présentation, que vous voulez diversifier votre économie et, pour autant que cela puisse être possible, que ce soit fait à partir d'investisseurs locaux, donc de personnes intéressées à la région, qui sûrement auront beaucoup plus d'intérêt à maintenir leurs investissements et à les faire fructifier, donc à multiplier les emplois.

Dans votre présentation, vous incluez, comme possibilité de... je ne sais pas si on peut appeler cela une relance économique, c'est plutôt - dans votre cas et compte tenu du problème particulier que vous connaissez dans votre région - un tampon pour tenir le coup en attendant que les activités minières reprennent, parce qu'elles reprendront un jour, c'est sûr. Votre sous-sol est riche en minerai, votre région est une région qui promet énormément, c'est une question de temps, mais il faut tenir le coup entretemps. C'est bien sûr qu'il faut que les gens puissent se loger, s'habiller, se nourrir convenablement en attendant que les activités minières reprennent et que le marché permette aux activités minières de reprendre.

Vous avez, je pense, fait preuve de beaucoup de courage et d'initiative, dans ce contexte de vos préoccupations. Vous demandez qu'Hydro, qui est un organisme gouvernemental qui nous a démontré sa préoccupation économique et sociale au tout début de sa présentation, la semaine dernière, vous donne un coup de pouce en faisant avancer son projet de la Romaine et, évidemment, j'ai cru comprendre que vous vous adressiez en même temps au gouvernement qui a un gros mot à dire sur cette question. Compte tenu des circonstances, si cela est physiquement et techniquement possible, il me semble que votre proposition d'avancer les travaux de la Romaine à 1982 serait une proposition qui permettrait à votre population de tenir le coup, en attendant que les autres activités reprennent.

Finalement, sur le plan de la logique et du bon sens, que la construction d'un barrage soit faite en 1982 ou en 1985, une fois que la construction est faite, on ne peut pas construire deux fois la même chose, ce n'est que déplacer l'activité dans le temps, mais en la déplaçant dans le temps, cela vous permettrait de tenir le coup, si j'ai bien compris votre présentation. Dites-moi, si j'ai mal compris. Premièrement, avez-vous bien voulu dire cela? Deuxièmement, avez-vous eu des discussions avez les autorités d'Hydro pour savoir si elles seraient techniquement et physiquement prêtes - mettons la question des finances de côté pour le moment - à commencer en 1982?

M. Hamel: À votre deuxième question, je pourrais vous répondre immédiatement que, compte tenu qu'Hydro-Québec est quand même venue nous présenter son document dans la semaine précédant cette commission, nous n'avons pas encore rencontré Hydro-Québec à ce sujet. Nous avons fait part à la personne d'Hydro-Québec qui est venue à Sept-Îles de nos préoccupations et elle n'a pas pu répondre spécifiquement à cette question. Mais nous espérons bien qu'à la suite de cette commission parlementaire nous pourrons rencontrer les dirigeants d'Hydro et approfondir le mémoire qu'on leur soumet.

À votre première question, j'aimerais simplement aller comme vous et dire que ce que nous demandons, c'est un peu ce que vous avez décrit précédemment, que l'apport qu'Hydro-Québec pourrait donner à Sept-Îles et sur la Côte-Nord serait un apport semblable à ce que la Société d'énergie de la Baie James a pu apporter dans votre coin, comme vous l'avez si bien décrit tantôt juste avant nous. Tout ce qu'on demande, c'est un peu ce que la Société d'énergie de la Baie James a pu apporter dans votre région. On est sûr que si la Société d'énergie de la Baie

James et Hydro-Québec nous apportaient ce qu'elles ont pu donner à votre région, les jours seraient sûrement meilleurs et qu'on pourrait assurer la survie de notre main-d'oeuvre à Sept-Îles.

M. Gingras: J'aimerais relever deux points de votre intervention. Vous avez d'abord parlé du creux de la vague. C'est vrai que le creux de la vague est dur à passer, mais dans la région Sept-Îles-Port-Cartier, il est doublement dur à passer pour une raison, c'est que les gens ne viennent pas de cette région. Cela a pris trente ans pour développer un minimum de sentiment d'appartenance à la région de la Côte-Nord. Ce sentiment va-t-il disparaître en cinq ans, parce qu'il n'y aura plus de travail pendant cette période? Faudra-t-il recommencer complètement à partir de 1985? C'est la question que je pose.

On demandait tout à l'heure s'il était possible techniquement de commencer les travaux sur la rivière Romaine. Il y a sûrement un côté technique qu'il est facile de commencer et ce sont les travaux d'accès. Si ces travaux d'accès routiers devaient ne pas servir à Hydro-Québec, pour des raisons que j'ignore, parce que la Romaine ne pourrait être développée, ils pourraient au moins nous aider à réunir la Basse-Côte-Nord avec le reste du Québec et je pense que c'est un point assez important. Présentement, je ne crois pas qu'on ait besoin de beaucoup d'études pour commencer ces travaux d'accès et cela serait sûrement une bonne place pour commencer.

M. Samson: M. le Président, je voudrais seulement souligner un point que M. Gingras, je pense, vient de mentionner. Ce fameux creux de vague arrive après 30 ans d'existence, ce qui vous rend la vie difficile. Dans la région que je représente, qui est une région minière aussi, on a eu le même problème que vous connaissez à peu près à 30 ans d'existence également. Je vous comprends probablement plus que n'importe qui autour de la table parce que j'ai connu le problème et je vous assure qu'il n'est pas facile à passer, mais il passe quand on a la volonté que vous avez et c'est à partir des gens du milieu que l'on peut le mieux surmonter ce genre de choses. C'est votre détermination que vous manifestez ce soir. Je trouve que vous prenez les choses par le bon bout et je vous encourage énormément à continuer.

Vous avez dit que vous n'avez pas eu la chance d'avoir des discussions avec les dirigeants d'Hydro-Québec. C'est sûr que vous aurez avantage à en avoir. Vous avez le président qui est derrière vous et qui est aux écoutes. Il a été aux écoutes durant tout le temps de cette commission parlementaire et je pense que, comme dernier intervenant, il pourrait probablement s'occuper de vous spécialement et voir à peut-être discuter avec vous de possibilités de venir donner son petit coup de pouce, lui et d'autres, parce qu'il y a d'autres intervenants qui seront sûrement appelés à la rescousse. Vous en appellerez sûrement et il y en a probablement d'autres qui nous écoutent qui saisiront le message et qui auront des suggestions à faire pour venir en aide à votre région. Il faut que votre région continue à se développer. Votre région est très prometteuse. Il faut tenir le coup pendant les quelques moments que cela va durer; vous avez un sous-sol immensément riche et il ne faudrait pas que les gens repartent de là pour finalement y retourner plus tard. Cela ne donnerait pas grand-chose. Je le dis de façon assez à l'aise parce que j'ai beaucoup de concitoyens qui sont chez vous, parce que c'est une région minière. Ils sont partis de ma région minière au moment où on avait le creux de la vague pour aller chez vous. C'est sûr que ces gens comprennent ce que je veux dire ce soir.

Je vous souhaite bonne chance. Vous avez toute notre considération, la sympathie et la collaboration de notre groupement parlementaire.

Le Président (M. Jolivet): M. Hamel, M. Gingras, merci au nom des membres de la commission et nous vous souhaitons un bon retour.

Nous voilà maintenant rendus, après près de six jours de discussions, à ce qu'on a appelé la conclusion et elle se produira de la façon suivante: Nous nous sommes entendus au niveau de cette table pour que, d'abord, Hydro-Québec ait un moment de 20 minutes au maximum. M. le ministre aura 20 minutes. M. le député d'Outremont, comme représentant de l'Opposition officielle, aura 20 minutes. Les gens de l'Union Nationale, nous ayant dit qu'ils ne pouvaient pas être ici ce soir, auraient eu droit aussi à 20 minutes. M. le ministre conclura cette série de six jours de rencontres.

J'invite donc les membres d'Hydro-Québec à venir s'installer ici à l'avant et à débuter.

M. Bourbeau, la parole est à vous.

Conclusion M. Joseph Bourbeau

M. Bourbeau (Joseph): M. Le Président, M. le ministre, MM. les membres de la Commission permanente de l'énergie et des ressources, mon propos se limitera ce soir à vous livrer tout d'abord mes premières impressions sur les présentations auxquelles nous avons assisté ces jours derniers. Je vous ferai part ensuite des gestes que j'entends poser pour assurer que les travaux de cette commission parlementaire aient un prolongement concret.

Je voudrais, M. le Président, au terme de ces audiences, vous exprimer mon appréciation et celle des représentants d'Hydro-Québec. D'une part, nous sommes sensibles à l'intérêt manifesté à l'endroit de notre entreprise par les nombreux intervenants qui se sont présentés devant la commission. D'autre part, j'ai le sentiment du devoir accompli, car j'ai vraiment l'impression que les efforts d'information mis en oeuvre au cours des derniers mois ont donné de bons résultats. (21 h 45)

Je tiens aussi à souligner la qualité des mémoires qui ont été soumis ici. Ils témoignent d'une capacité d'analyse remarquable, compte tenu de la complexité des sujets abordés et des délais impartis aux intervenants pour les préparer.

La lecture de ces mémoires laisse voir une nette évolution de la pensée des Québécois et de leur engagement en matière d'énergie, depuis les audiences de la commission parlementaire de février 1977.

Bien que l'autosuffisance et les économies d'énergie demeurent encore aujourd'hui les deux grandes préoccupations en matière énergétique au Québec, la teneur des exposés ne laisse aucun doute sur le chemin parcouru au cours des dernières années. La réflexion a gagné en profondeur et en originalité. J'ai même le sentiment, M. le Président, que les mémoires recèlent - et c'est pourquoi il faudra en faire une analyse plus poussée - des voies nouvelles pour assurer un meilleur avenir énergétique au Québec.

Un des faits qui m'a particulièrement frappé, c'est que des citoyens aient pris la peine et le temps de venir nous exposer leurs vues sur certains aspects de la question énergétique. Je pense à Michel Jurdant, qui propose un nouveau modèle de société; je pense à Denis Bouliane, qui explore des moyens inédits de financer le développement hydroélectrique du Québec; à Jean Gagnon, qui préconise l'aménagement accéléré de toutes nos rivières; et enfin, à Pierre Marissal, qui fait part de ses craintes à l'égard du nucléaire.

Me frappent également les mémoires des centrales syndicales qui insistent sur l'importance des conditions de vie sur les grands chantiers. Je leur sais gré d'avoir tenu à s'engager dans ce qu'on peut qualifier de réflexion sérieuse sur les questions d'énergie et de nous rappeler les dimensions humaines de l'activité de notre entreprise.

D'autres organismes nous ont aussi fait part de leurs préoccupations. Par exemple, le Conseil Attikamèques-Montagnais nous rappelle que l'aménagement de nouvelles rivières devra se faire dans le respect des activités et du mode de vie des autochtones. Quant à l'Office de la protection du consommateur, il nous invite à réexaminer divers aspects de nos pratiques commerciales. Enfin, je ne saurais passer sous silence le mémoire du Comité de promotion économique de Montréal, le COPEM, qui, par l'originalité de son approche et la richesse des sujets abordés, nous apporte ample matière à réflexion. Cet organisme incite Hydro-Québec à contribuer davantage à l'émergence et à l'essor, au Québec, d'industries plus concurrentielles à l'échelle mondiale, notamment en donnant une nouvelle dimension à sa politique d'achat. C'est là une idée dont nous analyserons les possibilités d'application.

Bien que les interventions aient été très diversifiées et parfois même contradictoires, quelques grands thèmes, à mon avis, se dégagent des discussions des derniers jours. Certains ont trait à la prévision de la demande d'électricité, d'autres à l'échéancier de réalisation du plan des installations et aux ressources nécessaires à sa mise en oeuvre. Nombre d'entre eux, enfin, font état de l'urgence de tenir un vaste débat public sur l'énergie.

Plusieurs intervenants ont soutenu que la prévision de la demande établie par Hydro-Québec est trop élevée. Parmi ceux-ci, les transporteurs et les distributeurs de gaz s'étonnent que nous n'accordions pas une part plus grande au gaz naturel dans le bilan énergétique du Québec. D'autres jugent trop modestes nos prévisions en matière d'économie d'énergie. À ce sujet, je rappelle que nos prévisions n'expriment pas un souhait et encore moins des objectifs qu'Hydro-Québec proposerait à la population. Elles sont plutôt la perception des besoins futurs en énergie des Québécois, à partir desquels l'entreprise élabore son plan des installations.

Il n'appartient donc pas à Hydro-Québec de décider quelle part le gaz naturel devrait occuper dans le bilan énergétique futur du Québec. Néanmoins, je le souligne une fois de plus, Hydro-Québec partage le point de vue de ceux qui souhaitent que les conditions favorables à une pénétration accrue du gaz naturel soient réunies très rapidement. En cette matière, les gaziers l'ont confirmé, tout retard risque de compromettre un recours significatif à cette source d'énergie, particulièrement pour le chauffage des locaux.

Les intervenants, de façon quasi unanime, souhaitent ou prévoient un ralentissement de la demande d'électricité dans les années à venir. Il serait logique, dans de telles circonstances, de ralentir la mise en place de nouveaux équipements de production. Par ailleurs, plusieurs mémoires réclament le devancement d'un ou de plusieurs projets prévus au plan des installations et ce, pour diverses raisons. Toutes, cependant, se rapportent au rôle moteur joué par Hydro-Québec dans l'économie québécoise.

Un premier motif invoqué pour favoriser le devancement est d'augmenter la contribution d'Hydro-Québec à la croissance économique, soit par la création d'emplois directs ou indirects, soit par l'entrée de nouvelles devises résultant des exportations d'électricité.

Un deuxième argument à l'appui du devancement concerne la répartition de nos investissements dans le temps. Certains déplorent le ralentissement des travaux jusqu'en 1985, craignant qu'il n'entraîne des effets négatifs sur l'activité économique du Québec. Ils doutent que les ressources humaines, matérielles et financières soient disponibles en quantité suffisante en fin de période.

Le troisième facteur mis en lumière pour nous amener à accélérer nos investissements a trait à la volonté de certaines régions, notamment celles de la Côte-Nord, du Saguenay-Lac-Saint-Jean et de l'Abitibi-Témiscamingue, de stimuler leur développement économique par le biais des projets d'Hydro-Québec.

Cet ensemble de préoccupations est certes légitime. De fait, Hydro-Québec, dans sa planification, tient compte de l'effet de ses actions sur l'économie du Québec. Je dois cependant rappeler aux membres de cette commission que la variante du devancement n'est pas aussi attrayante qu'on pourrait le croire, pour diverses raisons.

D'abord, cette variante implique la présence simultanée de plusieurs conditions favorables à l'écoulement des surplus: ententes avec les réseaux voisins, capacité suffisante des interconnexions et obtention, en temps voulu, des permis de l'Office national de l'énergie et des organismes similaires régissant les clients éventuels. La satisfaction de ces exigences est d'autant plus aléatoire qu'elle échappe en grande partie à notre contrôle.

En second lieu, les gains potentiels ne doivent pas nous faire oublier les risques de pertes. Ces risques sont d'autant plus réels que toute diminution du rythme d'accroissement de la demande occasionnerait de nouveaux surplus, difficiles, voire impossibles à écouler.

À ces deux raisons s'ajoute la difficulté de trouver les capitaux supplémentaires requis par le devancement. Même si ces capitaux devaient être disponibles, le niveau élevé des investissement entraînerait des augmentations de tarifs plus importantes que celles exigées par le plan de base.

Finalement, je ne crois pas que la variante du devancement soit aussi indispensable à la santé de l'économie québécoise qu'il n'apparaît de prime abord puisque, dans la période 1981-1985, l'expansion du réseau gazier compensera largement, en termes de main-d'oeuvre, le ralentissement des activités d'Hydro-Québec.

Le premier geste que j'entends poser pour donner une suite concrète à cette commission parlementaire sera de faire partager a mes collègues du conseil d'administration l'enrichissante expérience que je viens de vivre. Je leur transmettrai les divers points de vue des intervenants et je suis assuré qu'ils éclaireront nos discussions sur les orientations de l'entreprise.

Puisque nos employés auront à contribuer à la réalisation du plan des installations, nous les informerons des résultats de la commission et des effet qu'ils pourraient avoir sur le plan de développement d'Hydro-Québec.

Nous continuerons également à communiquer avec les media afin qu'ils puissent le mieux possible informer le grand public des conséquences des diverses options qui s'offrent au Québec en matière énergétique. L'ampleur et la complexité du sujet rendent leur tâche difficile et nous sommes persuadés qu'ils sauront l'accomplir dans le respect de la diversité d'opinions qui s'expriment dans une société comme la nôtre.

Présentement, la révision annuelle des principales composantes de notre plan des installations est en cours. Nous sommes maintenant en mesure de la poursuivre à la lumière des points de vue mis de l'avant au cours de cette dernière semaine. Nous aurons certes l'occasion dans les mois à venir de vous faire part des résultats de notre démarche. Soyez assurés que nous le ferons avec la même ouverture d'esprit que celle qui nous a animés au cours de la préparation de cette commission parlementaire.

M. le Président, au nom de mes collègues du conseil d'administration des employés d'Hydro-Québec ainsi qu'en mon nom personnel, je tiens à réitérer mes remerciements à l'endroit des intervenants et plus particulièrement à chacun d'entre vous, membres de cette commission permanente de l'énergie et des ressources. Tous ensemble, nous sommes concernés par l'avenir de l'électricité dans le contexte énergétique québécois et c'est aussi tous ensemble que nous devons travailler à le définir. Merci.

Le Président (M. Jolivet): Merci, M. Bourbeau.

M. le ministre, votre droit de parole.

M. Yves Bérubé

M. Bérubé: Merci, M. le Président, merci également au président du conseil d'administration d'Hydro-Québec, M.

Bourbeau. (22 heures)

Nous venons de passer quelque six journées très intenses à écouter de nombreux témoignages portant sur le plan d'équipement

d'Hydro-Québec. Au fait, il y a eu des critiques, il y a eu des appuis, mais je pense qu'il ne faudrait peut-être pas oublier la première journée des témoignages. Nous avons eu droit, de la part d'Hydro-Québec, à une présentation que je pourrais qualifier d'impeccable, de remarquable par sa solidité et faite d'une façon très professionnelle. Les Québécois sont fiers d'Hydro-Québec et je pense que cette commission parlementaire ne pouvait que nous rendre encore plus fiers parce qu'elle nous rassure dans la mesure où on retrouve au sein d'Hydro-Québec un niveau de connaissance, de compétence, de capacité de dévouement aux objectifs de la société québécoise qui sont absolument remarquables. Si certains parfois veulent poser des questions à Hydro-Québec, je me dis: Pourrait-on poser autant de questions si cette société n'était pas notre société, à nous les Québécois, si les gens qui l'animent n'étaient pas imbus de cette conviction qu'Hydro-Québec fait partie du Québec et est en même temps un des instruments les plus puissants de son développement?

C'est certainement avec beaucoup de fierté que j'ai assisté à la présentation d'Hydro-Québec; avec un certain sourire aussi, parce que la force, la compétence d'Hydro-Québec étaient tellement écrasantes qu'on se sent un peu petit devant la puissance d'Hydro-Québec. Mais, en même temps, je pense que c'est avec beaucoup de fierté qu'on voit à quel point des gens d'une rare compétence ont pu se retrouver au sein de la même entreprise. Peut-être est-ce leur même vision du Québec qui les a amenés finalement à travailler ensemble pour un idéal qui est celui de la défense de nos intérêts à tous. Nous avons eu droit, d'une part, à une analyse très serrée de la prévision de la demande, à un plan des installations et, ce qui est intéressant aussi, à des choix, à des alternatives, à des scénarios de devancement, de retard qui nous permettaient, évidemment, de réfléchir sur les options qui s'offraient à nous, mais qui, en même temps, permettaient à tous et chacun de jauger si leurs idées avaient une certaine valeur. Je pense qu'il faut rendre témoignage à Hydro-Québec d'avoir justement offert ce choix à la société québécoise, ce qui rend d'autant plus facile, à ce moment, la critique parce que nous avons devant nous les choix et que nous pouvons en mesurer les avantages et les inconvénients.

Je tiens aussi à souligner le risque conscient qu'Hydro-Québec a pris, celui de présenter quelques scénarios de financement. Je dis bien "risque" parce qu'il est extraordinairement difficile de préjuger de l'avenir; préjuger des mécanismes de financement est certainement risqué et Hydro-Québec prenait un risque en venant exposer publiquement quelques scénarios de financement. Elle l'a fait, ce qui nous a permis de replacer le plan d'équipement d'Hydro-Québec dans le cadre plus global, en fait, des investissements et du financement de ces investissements qu'Hydro-Québec doit réaliser au cours des années qui viennent. En fait, la présentation d'Hydro-Québec était d'une telle densité qu'il nous aurait fallu beaucoup plus qu'une journée - il faut le reconnaître, nous avons trouvé cela beaucoup trop court et il nous aurait fallu plusieurs jours - pour pouvoir aller beaucoup plus au fond avec les gens d'Hydro-Québec pour nous faire une idée plus claire dès le départ.

Je pense qu'à cet égard la commission parlementaire a été révélatrice pour le gouvernement, d'une part, parce que nous avions devant nous un éventail d'hypothèses sur des scénarios de devancement, des hypothèses de financement, des hypothèses de demandes qui nous permettaient de mieux comprendre les variables en cause et également, je pense, peut-être pour Hydro-Québec. Là, je voudrais témoigner, d'ailleurs, de la présence tout au long de cette commission du président du conseil d'administration et également du président de cette société qui a passé de nombreuses journées ici. J'ai vu également plusieurs membres du conseil d'administration, sinon tous en fait, se succéder continuellement aux travaux de cette commission. En d'autres termes, la haute direction d'Hydro-Québec n'a pas pris cette commission à la légère. Au contraire, elle a tenu à la suivre et à quelques reprises j'ai eu l'occasion de converser avec les membres du conseil d'administration qui trouvaient extraordinairement intéressants les témoignages qu'ils entendaient à cette commission parce que effectivement c'était une occasion de voir un peu le point de vue de nos concitoyens sur le travail d'Hydro-Québec.

L'atmosphère, également, doit être soulignée. Certains ont parlé de climat préélectoral. Je n'ai pas pu m'empêcher de souligner aux journalistes qu'au contraire le climat a été extraordinairement serein. Évidemment, dans cette période, il était inévitable que mon bon collègue, le le député de Mont-Royal, y aille de quelques pointes. J'avouerai, en toute franchise, que j'ai parfois succombé à la tentation du moment et que je lui ai retourné la pareille; j'ai peut-être même pu déclencher tout le processus. Mais lorsqu'on fait le décompte, qu'on regarde ces échanges, qui sont absolument inévitables, et qu'on les compare avec le sérieux qui a prévalu pour l'ensemble de nos travaux, je pense que la préoccupation électorale était vraiment très faible. Au contraire, je dois souligner la contribution de tous nos collègues, tant de l'Opposition que du gouvernement, pour relever le niveau de ces débats et tenter, par nos questions un peu de laïcs, de

comprendre davantage et d'éclaircir une situation qui, somme toute, est fort confuse, aussi bien pour nous, j'imagine, que pour tous nos concitoyens qui nous écoutaient à la télévision. Je ne peux pas m'empêcher de souligner cette contribution extrêmement importante des membres de cette commission.

Il y a un certain nombre de points qui ont été soulevés lors de cette commission. En particulier, il a fallu s'arrêter sur l'impact que représente un plan d'équipement aussi vaste, aussi important: $55,000,000,000 en investissements majeurs, c'est le quart des investissements au Québec dans la décennie qui s'ouvre devant nous. Il va donc modeler notre vie quotidienne. Qu'on s'en rende compte ou qu'on ne s'en rende pas compte, si le quart des investissements au Québec est entre les mains d'Hydro-Québec, on imagine l'influence quotidienne sur notre activité. C'est peut-être ça qui a frappé. C'est pour ça que nous ayons eu des témoignages de nos firmes d'ingénieurs-conseils, de l'Ordre des ingénieurs, de l'Association des constructeurs, des "développeurs", des syndicats qui nous ont souligné à quel point Hydro-Québec ne devait pas simplement considérer son plan d'équipement en termes de production d'électricité, mais devait également tenir compte des retombées économiques pour le Québec et devait tenir compte, en particulier, des problèmes de stabilité d'emploi, faire en sorte qu'on puisse maintenir au Québec un niveau d'emploi, dans le secteur de la construction, qui soit suffisamment stable pour ne pas désorganiser notre économie au Québec.

Je pense qu'il y avait là une opinion assez unanime de la part de tous les intervenants. Est-ce fondé, est-ce non fondé? Je pense qu'il est trop tôt et il serait présomptueux de ma part de vouloir tirer une conclusion. Il nous faudra, dans les semaines, dans les mois qui viennent, aller peut-être plus en profondeur et essayer de se faire une idée plus personnelle. Mais je pense qu'on a soulevé des points valables qu'il faudra soupeser en tenant compte de l'ensemble des interventions qui ont été présentées ici.

Un autre point qui a fait l'unanimité, c'est certainement la demande d'un débat public, face aux grandes options énergétiques au Québec. On a retrouvé des compagnies pétrolières, des compagnies gazières, on a retrouvé des organismes publics voués à la lutte contre l'énergie nucléaire, on a retrouvé, au sein de l'ensemble des citoyens, une volonté d'avoir un débat public en profondeur.

Là-dessus, on ne peut passer sous silence cette demande et il faut y donner suite.

Le Front commun pour un débat public sur l'énergie nucléaire, en refusant de participer à cette commission, a bien souligné un des obstacles à tout débat public, celui de l'information. Il ne faut pas que seul le gouvernement, seul Hydro-Québec ou seuls quelques experts participent à ce débat public, de telle sorte que l'ensemble des citoyens aient l'impression qu'ils sont laissés pour compte et qu'ils n'ont pas d'opinion. Au contraire, il faut permettre à tous les éléments de notre société de s'impliquer. Cela veut dire impliquer l'ensemble des régions du Québec, faire un débat ouvert à toute la population et que la population n'ait pas nécessairement à se déplacer à une commission parlementaire pour pouvoir s'exprimer, ce qui n'est pas toujours facile. Cela veut dire en même temps non seulement que l'ensemble des régions du Québec puissent s'exprimer, mais également que les organismes susceptibles d'avoir un son de cloche différent de celui de ceux auxquels nous sommes habitués aient peut-être des moyens financiers pour poursuivre un certain nombre d'études qui leur permettent de s'exprimer.

Je pense qu'un débat public devrait respecter ces conditions et nous devrons nous y engager fermement, de manière à respecter cet engagement de transparence vis-à-vis de nos concitoyens. Là, il ne faut pas passer sous silence - le président du conseil d'administration l'a bien noté - le mémoire de la Chambre de commerce de Montréal, non pas que je tente de minimiser les autres mémoires, mais j'ai été particulièrement impressionné par la solidité du mémoire de la Chambre de commerce de Montréal et du Montréal Board of Trade. Ils nous ont introduit une sorte de vision du développement économique qui fait place à un rôle un peu particulier d'Hydro-Québec. On peut peut-être contester ce rôle, mais il est néanmoins vrai que, grâce à Hydro-Québec fondée dans les années soixante, on a pu aujourd'hui bâtir une expertise québécoise dans le domaine du génie-conseil qui est absolument phénoménale.

Si on vous dit: Trois des dix plus grandes firmes d'ingénieurs-conseils au monde sont des firmes québécoises, c'est essentiellement et uniquement dû à la présence d'Hydro-Québec qui a tenté de structurer un certain niveau d'expertise au sein des firmes d'ingénieurs-conseils qui a fait qu'en fait, alors qu'on disait au Québec, il y a dix, quinze ou vingt ans, que nous n'avions pas de carrière devant nous dans le domaine du génie et dans le domaine de la technologie, au contraire, aujourd'hui, les pays étrangers viennent visiter ce que nous faisons dans le domaine non seulement de l'électricité, mais également de la-construction civile, dans le domaine industriel et cela simplement parce que Hydro-Québec a servi de bougie d'allumage à ce

développement. La Chambre de commerce de Montréal a souligné que, si Hydro-Québec avait pu jouer ce rôle face à nos firmes d'ingénieurs-conseils, elle pourrait jouer ce rôle face au développement industriel du Québec, en concentrant certaines de ses activités, de manière à susciter la création au Québec de certains secteurs forts, capables d'exporter des technologies québécoises.

Ce mémoire doit être souligné, parce qu'il représente un défi pour les dix ou quinze prochaines années de la vie d'Hydro-Québec et ce défi doit certainement être relevé.

Beaucoup de nos concitoyens sont également intervenus pour souligner à quel point les travaux d'Hydro-Québec représentaient pour eux une chance unique de développement économique, que ce soient nos concitoyens de Portneuf, ceux du Lac-Saint-Jean avec leurs demandes de devancement de la Chamouchouane ou encore tantôt nos citoyens de la Côte-Nord qui demandaient le devancement des travaux d'aménagement de nos rivières. On se rend compte à quel point les travaux d'Hydro-Québec ont des retombées directes sur le développement industriel et économique de notre société et sur un mieux-être de nos concitoyens, non pas seulement à cause de la disponibilité d'électricité et d'énergie, mais également de par les retombées économiques associées ou face aux travaux d'investissement au Québec.

Mais il y a un projet sur lequel je ne peux passer outre, c'est le projet Archipel. Je pense que nous avons là un projet unique, puisqu'il va toucher une région qui est quand même la plus populeuse du Québec, qui permettrait d'implanter des unités de production d'électricité à proximité des marchés, qui permettrait en même temps de voir à un aménagement un peu global de l'hydraulique, de l'écoulement des eaux dans la région montréalaise, qui nous permettrait de nous attaquer à un ensemble de problèmes beaucoup plus vastes que la simple production d'électricité. C'est un problème complexe. On a souligné les problèmes environnementaux, les problèmes sociaux avec nos compatriotes autochtones de la réserve de Kahnawake. C'est indéniablement un projet complexe.

Néanmoins, plus nous fouillons ce problème, plus nous constatons que ces coûts peuvent être abaissés et que, possiblement, ils seront fort intéressants d'ici peu, d'une part. D'autre part, on doit constater que les retombées socio-économiques sur l'ensemble de la région métropolitaine sont tellement importantes qu'une société pourrait accepter de payer légèrement plus cher un devancement de projet, compte tenu de toutes les retombées. Ce que cela veut dire, c'est qu'il nous faut certainement pousser les études rapidement et, en même temps, qu'on ne peut pas demander à Hydro-Québec de prendre une décision avant d'avoir en main toutes les études, et un gouvernement ne peut pas prendre une décision sans avoir en main toutes les études.

Ils faut donc étudier les retombées d'un projet comme celui-là sur la faune, sur l'environnement, sur le contexte sociologique de la métropole montréalaise. Il nous faut en même temps compléter toutes les études de préfaisabilité du projet, les études d'avant-projet qui nous permettraient de prendre une décision, mais je pense qu'il faut absolument, dans un cas comme celui-là, consacrer toutes nos énergies à faire en sorte que ce projet puisse se réaliser. S'il ne peut pas se réaliser parce que les études le démontrent, à ce moment-là, on conclura, mais il faut tout mettre en oeuvre de manière à pouvoir avoir la réponse rapidement aux questions qui sont posées. Je pense que c'est un projet qui est un exemple - exemple qui a été rappelé à plusieurs reprises par nos compatriotes intéressés à différents projets - de projet où on intègre un ensemble de préoccupations qui montrent à quel point Hydro-Québec peut avoir un rôle social dans ces projets d'aménagement de nos rivières. (22 h 15)

Également, on a souligné dans le domaine du nucléaire certaines réserves. Certains disent qu'il faut nous engager rapidement dans le secteur du nucléaire. D'autres disent, au contraire: Ne nous pressons pas. Évidemment, dans la mesure où sera efficace le programme d'économie d'énergie, dans la mesure où nous aurons une meilleure évaluation des coûts du nucléaire, dans la mesure où nous saurons mieux évaluer le coût d'aménagement de nos rivières, il n'est pas impossible que nous puissions reporter dans le temps l'obligation d'avoir à recourir de façon massive au nucléaire. Entre-temps, sans doute, devrons-nous maintenir au Québec un minimum d'expertise, c'est-à-dire qu'après Gentilly II il faudra sans doute envisager Gentilly III. Le gouvernement a d'ailleurs déjà pris position face à Gentilly III puisque nous estimions déjà depuis quelques années qu'il était nécessaire de maintenir au Québec un minimum d'expertise qui nous permette de faire face à toute situation, parce que toute prévision de la demande repose sur un certain nombre d'hypothèses et nul ne peut absolument garantir la solidité de ces hypothèses. Par conséquent, il n'y a peut-être pas de risque à prendre et il faut sans doute maintenir cette expertise du nucléaire au sein d'Hydro-Québec, mais nous sommes certainement en droit de reporter cette échéance d'un programme massif dans le domaine du nucléaire de manière que nous puissions avoir ce débat en profondeur de l'option nucléaire et, à cet effet, obtenir un plus grand nombre d'informations qui

permettront à nos concitoyens soit de se rassurer ou soit, au contraire, de se convaincre qu'ils doivent tenter d'éviter cette filière énergétique particulière.

Il est trop tôt à la fin d'une commission comme celle-ci pour prendre des décisions. Je pense, cependant, que les travaux que nous avons effectués au cours des derniers jours nous ont permis, d'une part, de voir le point de vue d'Hydro-Québec, d'autre part, de voir le point de vue de nos concitoyens et, en même temps, d'identifier un certain nombre d'inconnues auxquelles nous devrons trouver réponse. Le sens de cette commission était donc de sensibiliser non seulement les parlementaires et le gouvernement aux problèmes d'Hydro-Québec, mais également de sensibiliser l'ensemble de nos concitoyens. Nous n'aurions jamais réussi sans cette collaboration exceptionnelle d'Hydro-Québec qui a fourni à nos concitoyens une abondante moisson d'informations, sans doute trop abondante, mais néanmoins nécessaire pour que le processus démocratique de prise de décision puisse fonctionner normalement.

Je ne peux, en terminant, que remercier tout le personnel d'Hydro-Québec qui est responsable de la qualité des documents qui nous ont été soumis, qui est en même temps responsable de la qualité de l'entreprise qu'il a contribué à bâtir et je ne peux pas passer sous silence l'extraordinaire contribution de l'actuel président-directeur général, M. Boyd, et également celle de M. Bourbeau qui a contribué pendant des années à la planification des programmes d'investissements d'Hydro-Québec. Je pense qu'avec tous leurs coéquipiers ils ont fait de cette société un remarquable succès. On ne peut, en fait, comme Québécois, qu'en être fiers. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): Merci, M. le ministre.

M. le député d'Outremont.

M. Pierre-C. Fortier

M. Fortier: M. le Président, M. Bourbeau, M. Boyd, c'est avec plaisir qu'au nom de l'Opposition officielle je ferai une évaluation de nos travaux des derniers jours, eu égard aux objectifs que nous nous étions fixés à son départ.

Quels sont les progrès accomplis par rapport aux attentes du public ainsi qu'à nos propres attentes? Nous avons indiqué dans notre allocution au début de cette commission dans quel esprit nous, de l'Opposition officielle, avions l'intention d'oeuvrer. Nous avons fait état des limites inhérentes à une telle commission pour traiter d'investissements aussi majeurs, des investissements de quelque $55 milliards, accompagnés de dépenses de fonctionnement de quelque $30 milliards, je crois, et qui auront nécessairement un impact très important sur la vie du Québec.

Nous avons déploré les maigres moyens dont dispose l'Opposition officielle pour pouvoir faire une analyse exhaustive d'un tel programme. Néanmoins, il est bien évident -et cela l'était dès le début de nos travaux -qu'un tel investissement aura un impact considérable sur le niveau d'emploi et sur la vitalité de notre économie en général.

M. le Président, nous avions dit que l'Opposition officielle, malgré les imperfections d'une telle commission, jouerait le jeu à fond, en examinant le programme d'investissements d'Hydro-Québec, et ce, sous toute réserve, compte tenu du manque flagrant d'information fournie par le gouvernement. Comment est-il possible d'ailleurs qu'un ministre de l'Énergie, représentant un gouvernement responsable, se présente en commission parlementaire, une commission qui n'a pas siégé depuis 1978 et qui revient avec aucune analyse sur le programme présenté par Hydro-Québec, comment est-il possible que le ministre se présente devant le public sans fournir une analyse gouvernementale d'un programme qu'il connaissait dans ses grandes lignes, et même avec beaucoup de détails, depuis plus d'un an?

Pourquoi n'a-t-il pas fait, en particulier, une analyse de la variation de la main-d'oeuvre et de l'impact du programme d'Hydro-Québec sur la stabilité de l'emploi, ainsi que sur des options pour corriger les variations que plusieurs ont déplorées? Pourquoi n'a-t-il pas fait faire une analyse du programme d'Hydro-Québec en fonction du développement régional et de l'impact économique de ce programme sur les régions? Pourquoi n'a-t-il pas fait faire une analyse du développement économique et des retombées économiques d'un tel programme pour l'ensemble de la province de Québec?

Il est incompréhensible que le gouvernement fasse de telles études lorsqu'il s'agit d'un investissement de quelques millions de dollars, mais semble ne pas se préoccuper de ces mêmes questions lorsqu'il s'agit d'un investissement et des dépenses d'opération de quelque $90 milliards. C'est à en perdre son latin. C'est d'un illogisme flagrant.

Où sont les recommandations du gouvernement qui, notons-le, est au pouvoir depuis 1976? La population en tirera elle-même ses propres conclusions quant à l'intérêt du gouvernement sortant pour le développement économique du Québec. Dans ce domaine, il ne faut pas seulement des paroles, mais il faut passer à l'action.

Malgré tout, grâce à la qualité de plusieurs mémoires et à force de poser des questions, nous avons appris certains faits et nous pouvons tirer certaines conclusions.

Qu'avons-nous appris que nous pressentions mais que nous ne savions pas? Sûrement la présentation qu'Hydro-Québec nous a faite sur l'ensemble de son programme a été d'un très grand intérêt et je désire l'en remercier ici-même. Mais quelles sont les autres conclusions que nous pouvons en tirer? La première qu'on a apprise, pour sûr, mais dont on se doutait dès le début de la commission, c'est que le gouvernement qui nous dirige n'a pas de politique énergétique à long terme. Hydro-Québec, bien sûr, nous a soumis ses orientations et ses idées sur l'avenir énergétique du Québec, mais presque tous les intervenants, tous ceux de l'industrie, des universités, ainsi que des groupes populaires, sont venus nous dire qu'il était important de se doter d'une telle politique à long terme. Tous ont dit qu'il était quasiment impossible de commenter sérieusement le programme d'Hydro-Québec sans pouvoir se référer à une telle politique. Comme par magie, le livre blanc qui a été présenté en 1978 s'arrêtait en 1990. Où est réellement la politique à long terme?

D'ailleurs, ce manque de politique est évident dans certains des débats et certaines des discussions que nous avons eus. Prenons le débat public sur l'énergie. Il y a quelque dix jours, le ministre se disait tout à fait opposé à un tel débat parce qu'il n'y avait pas d'information disponible qui permettrait au public d'en juger d'une façon honnête et d'une façon judicieuse. Maintenant, après cinq ou six jours, il est convaincu que ceci est valable.

La semaine dernière, le ministre nous disait qu'à la suite des coupures annoncées par le premier ministre Lougheed, il y aurait pénurie de pétrole à Montréal très bientôt. À la suite d'une conférence de presse, hier même, le ministre maintenant tente de nous convaincre qu'il n'y a pas pénurie et qu'on n'a pas à s'inquiéter.

Parlons de la politique du gaz. La très grande majorité des intervenants ont admis que les prochains mois et les prochaines années seront critiques pour la pénétration du gaz dans le domaine du chauffage résidentiel. En effet, à cause des augmentations de prix, les consommateurs feront leur choix, si le gaz n'est pas disponible, en faveur de l'électricité.

Au début de la semaine dernière, j'avais posé quelques questions et je constate qu'aucune réponse n'a été donnée à ces questions. Entre autres, j'ai posé les questions suivantes: Quelle politique le ministre entend-il mettre en oeuvre pour faire en sorte que ces objectifs soient réalisés? Et, quels sont-ils ces objectifs? Quand le ministre rendra-t-il public le rapport de la Régie de l'électricité et du gaz traitant du choix des distributeurs québécois? Quand le gouvernement nous dira-t-il s'il favorise un ou plusieurs distributeurs?

Qu'adviendra-t-il de Gaz Métropolitain? Quelle sera l'étendue de sa franchise? Est-ce que le gouvernement a l'intention de favoriser le gaz en éliminant la taxe de vente?

Entre-temps, nous devons nous en remettre aux journaux. Ainsi, on lit dans la revue Finance du 2 mars que les actions de Gaz Inter-Cité montaient en flèche. Il semblerait, selon la revue, que Gaz Inter-Cité obtiendra la franchise de distribution du gaz naturel à Québec.

M. le ministre, je vous pose la question: Est-ce qu'on peut permettre que le public manque ainsi d'information au point que les actions de Gaz Inter-Cité puissent ne profiter qu'à quelques personnes? Quand saurons-nous, M. le ministre, quelle sera votre politique relative au gaz? Est-ce que les membres de l'Assemblée nationale vont apprendre toutes vos politiques par le truchement des journaux?

En ce qui concerne la tarification, quoique le gouvernement a été avare d'information, le ministre a suffisamment parlé pour qu'on sache qu'il songeait sérieusement à accélérer la hausse des tarifs d'électricité, de telle façon que les prix de cette forme d'énergie ne s'écartent pas trop de ses concurrents le gaz et le pétrole.

D'ailleurs, la Presse en faisait état, le mercredi 25 février dernier, lorsque Alain Dubuc écrivait: "Le ministre de l'Énergie et des Ressources, M. Bérubé, songe à accélérer la hausse des tarifs de l'électricité pour que le prix de cette forme d'énergie ne s'écarte pas trop de ses deux concurrents, le gaz et le pétrole. "C'est en effet une hypothèse que le ministre a évoquée hier au cours de la commission parlementaire sur le plan d'investissements d'Hydro-Québec qui se poursuivra jusqu'à la semaine prochaine." Malgré les allégations du ministre faites le lendemain, il semble bien que ce dernier ait envisagé sérieusement cette option et qu'il ait dû faire marche arrière sous la pression des autres membres du cabinet.

Troisièmement, il y a une troisième conclusion. Nous nous sommes rendu compte que cette commission parlementaire a été voulue par le gouvernement sortant comme un outil de propagande. Nous ne sommes pas les seuls, M. le Président, à conclure de la même manière.

Je voudrais vous référer à un texte d'Alain Dubuc, dans la Presse du samedi 28 février, qui se lit ainsi: "De forum où devait se discuter l'avenir énergétique du Québec, la commission parlementaire sur le plan d'investissement d'Hydro-Québec s'est transformée pour devenir le premier jalon de la stratégie électorale du gouvernement péquiste, dans le domaine économique. Les quatre premiers jours de délibérations de la commission permanente de l'énergie et des

ressources ont en effet ressemblé avant tout à un show télévisé, visant à montrer que le gouvernement s'occupe d'énergie, un peu comme le seront dans quelques jours le sommet tant attendu sur Montréal ou le budget préélectoral de M. Parizeau".

Il est évident, M. le Président, que la commission a été voulue comme un outil de propagande. Je veux m'en référer à l'attitude du ministre lui-même. Ce dernier, en effet, a posé beaucoup de questions, comme s'il n'était pas ministre de l'Énergie, comme s'il n'était pas au courant des dossiers. Pourtant, cela fait un an que le ministre a en main le programme d'Hydro-Québec qui est revenu dernièrement avec des modifications, somme toute, peu importantes, eu égard à l'impact général du programme qui avait été soumis l'an dernier.

Cependant, dans d'autres dossiers, nous avons appris que le gouvernement et que le ministre en particulier est intervenu dans le projet Archipel, et que le gouvernement était sérieusement impliqué. La question qu'on se pose, M. le Président, est celle-ci: Est-ce que le ministre est ignorant des vraies questions? S'il ne l'est pas, pourquoi a-t-il posé tant de questions? Est-ce que c'était dans le but de faire dire les choses que lui-même savait, qu'il n'avait pas le couraqe de les dire ou est-ce qu'il était réellement ignorant de tous ces dossiers? Depuis quand est-il ministre de l'Énergie? Comment se fait-il qu'il n'en savait pas davantage? Comment se fait-il qu'il n'avait pas pris la peine de communiquer avec la direction d'Hydro-Québec pour pouvoir nous présenter des points de vue plus éclairés? (22 h 30)

Quatrièmement, M. le Président, une autre conclusion, il est évident que plusieurs intervenants ont demandé que le gouvernement prenne plus au sérieux la possibilité de développement économique ainsi que de développement régional. La Chambre de commerce de Montréal, en particulier, The Board of Trade, a même fait état de la nécessité de se doter d'une stratégie industrielle lorsqu'on s'attaque à de nouvelles technologies. On a constaté l'ignorance du ministre sur ces questions.

Pour notre part, nous, du Parti libéral du Québec, avons pris bonne note de tout, parce que tout ce qui touche au développement économique et à la création d'emplois est d'un grand intérêt pour nous.

Voilà, M. le Président, les conclusions auxquelles nous sommes arrivés. En général, nous avons trouvé une Hydro-Québec attentive à toutes les présentations, puisque son président du conseil ainsi que plusieurs membres de la direction ont été présents durant toute la semaine, jusqu'à ce jour. Nous avons constaté que le ministre était soit ignorant des vrais problèmes, soit mal conseillé, soit feignant l'ignorance de façon à faire croire à sa grande ouverture d'esprit et à cacher son manque de préparation et son manque de politique. Nous avons eu beaucoup de plaisir et d'intérêt à prendre connaissance des nombreuses recommandations faites par la très grande majorité des intervenants.

M. le Président, somme toute, ce fut une commission parlementaire utile et nous avons pris bonne note des recommandations que le public nous a faites. Je vous remercie.

Le Président (M. Jolivet): Merci, M. le député.

M. le ministre, en terminant.

M. Yves Bérubé

M. Bérubé: M. le Président, j'ai écouté avec beaucoup de plaisir le député d'Outremont. S'il s'imagine avoir fait du millage ce soir, j'ai l'impression qu'il y a un certain nombre de libéraux déçus après l'avoir écouté; c'est dommage pour lui. J'avais d'ailleurs dit, après une intervention fort pertinente à l'Assemblée nationale, que je trouvais effectivement que le député d'Outremont pouvait apporter une contribution fort valable à nos travaux. Mais je lui avais dit de se méfier de la partisanerie politique qui l'amènerait très rapidement sur la pente glissante, enduite de vaseline, qui l'amènerait dans les bas-fonds de la politique, et je dois dire qu'il les a vite retrouvés.

M. Fortier: Vous avez peur de la vérité.

M. Bérubé: En fait, il n'a plus rien à envier à son chef, vraiment, il a atteint le même niveau, c'est-à-dire le niveau zéro.

M. le Président, je ne peux, en fait, que terminer sur une note plus optimiste, plus souriante parce que cette commission a fait du bon travail, à l'exception de la note fausse de notre collègue d'Outremont qui, malheureusement, n'a pas pu oublier la campagne électorale sans doute évidente et il a eu l'impression qu'il fallait qu'il y aille, finalement, d'un texte qu'il estimait le plus vigoureux, le plus fort possible.

Néanmoins, je pense que ce qu'il faut souligner c'est, d'une part, l'analyse du président du conseil en cette fin de commission; il nous a présenté sur un ton pondéré, élevé, les réflexions qu'il a retirées des travaux de cette commission. L'impression très nette que j'en retire, c'est que non seulement le gouvernement a appris beaucoup de cette commission parlementaire, mais également que le conseil d'administration, la direction d'Hydro-Québec a également appris. Elle a peut-être senti davantage les préoccupations de nos concitoyens et l'impression que j'ai eue, c'est

que ces préoccupations avaient porté. Non pas nécessairement que tout ce que nos concitoyens ont demandé peut être satisfait, peut se réaliser, mais je pense qu'on peut en tenir compte lorsqu'on planifie un programme d'investissements aussi massif que celui qu'Hydro-Québec planifie présentement.

Je ne peux, M. le Président, en terminant, que remercier même le député d'Outremont qui y est allé d'une fâcheuse allocution de clôture, en lui souhaitant bonne chance aux prochaines élections, je pense que ses électeurs ne l'oublieront pas.

Merci, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): Merci. Quant à moi, je remercie tous les intervenants à cette commission, les membres de cette commission qui, malgré les éclats d'aujourd'hui et d'hier, ont quand même été tolérants envers ma voix. Je vous remercie pour tous les travaux.

En terminant, je vais faire mon "commercial". Je vous invite à venir prendre une voix semblable à la mienne lors du tournoi pee-wee de Grand-Mère.

Entre-temps, la commission ajourne ses travaux sine die.

(Fin de la séance à 22 h 35)

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