Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.
(Dix heures dix minutes)
Le Président (M. Jolivet): À l'ordre,
messieurs!
La commission de l'énergie et des ressources est à nouveau
réunie pour la dernière journée - la sixième de
cette série aux fins d'entendre les personnes ou organismes qui veulent
faire des représentations relativement au plan d'équipement et de
développement 1981-1990 de la société
Hydro-Québec.
Je tiens, encore une fois, à m'excuser auprès de mes
collègues et des gens qui nous écoutent à cause de ma
voix. Comme j'en faisais mention hier - il faudrait visiter un peu plus mon
coin - c'est dû au tournoi Pee Wee de Grand-Mère, le
deuxième plus grand du Québec!
Les membres de cette commission sont M. Bérubé (Matane),
M. Biron (Lotbinière), remplacé par M. Baril (Arthabaska), M.
Bordeleau (Abitibi-Est), M. Ciaccia (Mont-Royal), M. Desbiens (Dubuc), M.
Fontaine (Nicolet-Yamaska), remplacé par M. Goulet (Bellechasse), M.
Fortier (Outremont), M. Grégoire (Frontenac), M. Perron (Duplessis) qui
sera remplacé de façon permanente après le repas du midi
par M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata), M. Tremblay
(Gouin).
Les intervenants sont: M. Brochu (Richmond), M. Dussault
(Châteauguay), M. Giasson (Montmagny-L'Islet), remplacé par M.
Pagé (Portneuf), M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata), M.
Mercier (Berthier), M. Michaud (Laprairie), M. Rancourt
(Saint-François), M. Samson (Rouyn-Noranda). Le rapporteur est toujours
M. Denis Perron (Duplessis).
L'horaire de la journée: d'abord, la Fédération des
travailleurs du Québec, Dominion Bridge-Sulzer Inc., Association
environnement Archipel, Conseil
Attikamègues-Montagnais, Corporation des maîtres
électriciens du Québec, Conseil régional de
développement de l'Abitibi-Témiscamingue, le Comité
d'environnement d'Alma Inc. et la Chambre de commerce de Sept-Îles. Le
Comité d'environnement d'Alma Inc. pour dépôt
seulement.
Je tiens à faire remarquer aux gens qui auront à
intervenir comme groupes et individus ainsi qu'aux membres de cette commission
l'entente qui existe toujours en ce sens que les personnes qui comparaissent
devant nous ont environ vingt minutes pour présenter leur
mémoire, chacun des groupes autour de cette table, à gauche et
à droite, ayant environ vingt minutes, ce qui donne en gros - je dis
bien en gros - une heure pour l'ensemble des mémoires. Cependant, c'est
flexible, selon les besoins des membres de cette commission. C'est l'horaire
que l'on s'est donné.
Je demanderais à M. Laberge de bien vouloir nous présenter
les personnes qui l'accompagnent et, ensuite, de commencer la lecture de leur
mémoire.
Fédération des travailleurs du
Québec
M. Laberge (Louis): Merci, M. le Président. Si vous me
permettez quelque chose qui va être un peu différent, je vais
commencer par ma droite à vous présenter Paccelli Desrosiers, qui
est président du Syndicat des techniciens à Hydro-Québec,
Bernard Houle, qui nous a aidés à rédiger le
mémoire, Jean-Guy Frenette, directeur de recherche de la FTQ, Charles
Cuerrier, président du local des métiers - c'est comme ça
qu'on l'appelle à Hydro-Québec, Roger Laramé, directeur
québécois du Syndicat canadien de la fonction publique, auquel
syndicat appartiennent tous les travailleurs d'Hydro-Québec et
vice-président de la FTQ, et, à ma gauche - je regarde toujours,
c'est parce que le tout petit à ma gauche, je ne sais jamais s'il y en a
un autre derrière lui -Michel Morasse, représentant de la FTQ ici
à Québec, Edmond Gallant, directeur québécois du
Syndicat canadien des travailleurs du papier et vice-président de la
FTQ, Jean Lavallée, immédiatement à ma gauche, qui est
président de la FTQ-Construction et vice-président de la FTQ, et
votre humble serviteur, Louis Laberge.
M. le Président, nous avons préparé un très
court mémoire sur le sujet qui est devant vous, c'est-à-dire le
plan de développement des ressources hydroélectriques
d'Hydro-Québec pour la prochaine décennie. Toutefois, avant de
procéder très rapidement à la lecture du mémoire,
je voudrais établir une chose. Nous avons beaucoup d'admiration pour la
haute technologie d'Hydro-Québec, très peu pour ses connaissances
humaines et ses relations
de travail. En fait, il y a eu des compagnies nationalisées au
Québec - tout le monde s'en souviendra - il y a 18 ans, la Shawinigan
Water and Power, Quebec Power, Southern Power et dans le Bas Saint-Laurent et
tout cela, Hydro-Québec n'a jamais trouvé le moyen
d'intégrer, de façon compétente et sans injustice, tous
ces travailleurs au plan de la caisse de retraite que les employés
d'Hydro-Québec avaient. Je trouve cela épouvantable et je tiens
à vous le dire, tout de suite, M. le Président. Nous aurons
l'occasion d'en discuter à d'autres tantôt, et c'est pour cela que
cela ne fait pas partie de notre mémoire. (10 h 15)
D'ailleurs, M. le ministre Bérubé nous avait promis une
commission parlementaire pour en discuter. Dans les circonstances, on a
jugé, d'un commun accord, qu'il était peut-être mieux de
retarder quelque peu la commission parlementaire, mais elle se tiendra,
à un moment donné. Je pense que ce sera le temps de discuter de
toutes ces choses. Mais laissez-moi vous dire tout de suite que nous trouvons
Hydro-Québec, dans ses négociations, d'une assurance qui frise de
très près l'arrogance, étant assurée qu'elle
n'avait pas besoin de négocier de bonne foi avec le syndicat, se fiant
sur les gouvernements antérieurs et actuel, que dans des situations de
crise, le gouvernement serait forcé d'adopter une loi spéciale
permettant à Hydro-Québec de se sauver de négociations de
bonne foi, ce qui fait que des injustices aussi criantes que les
disparités que nous trouvons dans les caisses de retraite existent
toujours après 18 ans que les compagnies ont été
intégrées. On trouve le moyen de faire des projets aussi
fantastiques que celui de la Baie James, mais on ne trouve pas le moyen de
protéger les plus anciens employés d'Hydro-Québec et de
leur donner au moins une équité dans la caisse de retraite.
Je ne m'étendrai pas non plus sur les conditions de travail sur
les chantiers de la Baie James alors que là, vous avez deux
régimes: l'un pour les cadres qui ont une vie familiale, des rapports
sociaux normaux et l'autre pour les travailleurs, qui n'ont droit à
rien. Pourtant, que je sache, il n'y a jamais un chantier qui s'est fait
seulement avec des cadres, ça prend des travailleurs et il y en a de
bons; d'ailleurs, tout le monde les félicite. Vous avez
participé, comme gouvernement, à l'ouverture officielle de LG 2,
vous avez même demandé à un travailleur de presser le
bouton symbolique. Cela nous a fait chaud au coeur; mais ça nous aurait
fait beaucoup plus chaud au coeur si les travailleurs avaient pu obtenir le
même genre de traitement qu'Hydro-Québec et la
Société d'énergie de la Baie James accordent aux
travailleurs-cadres.
Cela dit, je passe tout de suite au mémoire. Ensuite, nous serons
disposés à répondre à toutes les questions en
gardant toujours en souvenir ces conditions quasi archaïques que la
Société d'énergie de la Baie James et Hydro-Québec
imposent aux travailleurs de la Baie James.
À l'aube des années quatre-vingt, les prévisions
économiques ne sont pas reluisantes pour les Québécois.
Aucune prévision, par exemple, n'envisage de baisse du taux de
chômage au cours des cinq prochaines années.
La FTQ rappelle au gouvernement qu'une de ses grandes orientations
économiques, énoncée dans le document Bâtir le
Québec, était la mise en valeur des ressources naturelles et des
avantages comparatifs du Québec afin de développer une
économie québécoise diversifiée qui
réduirait le chômage.
L'énergie hydroélectrique a été
identifiée par le gouvernement comme une de nos richesses qui donnait au
Québec un avantage comparatif important. C'est pourquoi, dans sa
politique de développement économique, le gouvernement avait
exprimé l'intention de maximiser les retombées économiques
dans le développement des ressources hydroélectriques afin de
favoriser l'implantation d'industries au Québec.
Le livre blanc sur la politique énergétique
québécoise a poursuivi en soutenant que la disponibilité
de l'électricité à bas prix représentait un facteur
de localisation très important pour les industries secondaires telles
l'aluminium, le magnésium, le zinc, le papier journal et la chimie
inorganique à usage industriel. La FTQ exige donc de la part du
gouvernement qu'il soit cohérent et qu'il intègre le plan de
développement d'Hydro-Québec aux objectifs du
développement économique et industriel du Québec.
Priorité à la main-d'oeuvre. Nous avons abordé
l'étude du plan de développement d'Hydro-Québec sous
l'angle de ses rapports avec la situation de la main-d'oeuvre, qui constitue
pour nous l'aspect principal à privilégier dans le contexte
économique québécois actuel. Hydro-Québec n'est pas
un quelconque employeur. C'est une société d'État
monopolistique qui a constitué, pendant la dernière
décennie, un des piliers importants du développement
économique du Québec. Chacun sait que les investissements publics
nécessités pour la construction de nouvelles centrales
hydroélectriques ont permis au Québec, par rapport aux autres
provinces canadiennes industrialisées, de ne pas glisser plus à
fond dans une situation plus grave de sous-investissement, avec toutes les
conséquences encore plus désastreuses que cela aurait
entraîné sur la hausse du chômage, les coûts sociaux
et l'appauvrissement collectif.
Le plein emploi, une responsabilité de
l'État. Dans la période difficile que nous traversons et
qui pour nous prend la triste figure du chômage et de
l'insécurité économique généralisée
chez les travailleurs, la politique énergétique du gouvernement
et particulièrement le développement d'Hydro-Québec
revêtent une grande importance. Ce n'est, bien sûr, pas à
Hydro-Québec qu'il revient d'assurer le plein emploi des travailleurs
québécois, mais il incombe très certainement au
gouvernement de veiller à ce que cette société
d'État fasse sa part pour stabiliser et accroître l'emploi des
Québécois au moyen de projets rentables, dans le cadre d'une
politique générale orientée vers le plein emploi.
Avec un taux de chômage qui, de 1976 à 1979, est
passé de 8,7% à 9,6%, sachant qu'environ 11% des travailleurs
québécois sont en chômage cet hiver et que les perspectives
de reprise économique sont fort incertaines, pour dire le moins, la FTQ
réclame plus que jamais que le gouvernement s'oriente résolument
vers une politique de plein emploi, dont une politique de main-d'oeuvre
axée sur les besoins des travailleurs en relation avec les
impératifs du développement économique serait un
élément déterminant.
Or, nous piétinons en ce domaine. Nous attendons toujours la
manifestation d'une volonté politique claire, le harnachement des
ressources gouvernementales vers cet objectif. Nous n'avons qu'entendu
l'énoncé d'intentions généreuses et
générales, nous n'avons qu'assisté à la
continuation ou à la mise sur pied de politiques et services sectoriels
et fragmentaires. Pour la FTQ, qui souhaite voir le plein emploi et la
reconnaissance réelle du droit du travail devenir de véritables
projets collectifs, nous sommes loin du compte.
Un des moyens privilégiés de réaliser une politique
de plein emploi réside dans la planification des investissements et
travaux publics. Nous avons souvent souhaité voir le gouvernement
intervenir de façon plus directive et énergique dans le secteur
privé de l'économie de façon que les travailleurs et notre
collectivité cessent d'être les éternels otages des
détenteurs du pouvoir économique.
Mais, lorsqu'il s'agit du secteur public, le gouvernement n'est pas en
mal de pouvoir. Il n'a pas, du moins, de façon aussi évidente
à se plier aux diktats des représentants d'intérêts
privés qui n'entendent que le langage du profit. Il peut alors
intégrer aux considérations économiques qu'il n'est pas de
notre propos de condamner une proccupation d'ordre social, une attention au
plein emploi et aux problèmes de chômage.
La protection des emplois existants. Depuis une décennie et plus,
nos hommes politiques nous parlent de création d'emplois. Créer
des emplois, ce n'est pas sans besoin au Québec et nous ne saurions
être contre le principe, malgré que nous n'approuvons pas
nécessairement les voies utilisées, dont celles des subventions
sans contrôle rigoureux sur les entreprises
bénéficiaires.
Mais, dans ce discours et dans cette pratique, on entend bien peu parler
de protection des emplois existants, et donc de prévention des
licenciements et fermetures. En cette matière, quatre paragraphes dans
une loi, une réglementation faiblarde des initiatives administratives et
politiques ponctuelles tiennent lieu de politique gouvernementale. Encore ici,
pas de politique d'ensemble, pas d'action concertée, planifiée
pour mettre un frein a l'épidémie des licenciements
collectifs.
Alors que les subventions gouvernementales sont utilisées pour
créer des emplois à coût élevé, on laisse
disparaître des emplois qui auraient pu subsister à la suite
d'interventions bien moins coûteuses. Toutes ces questions ont
été débattues lors du colloque récent que tenait la
FTQ sur le thème des fermetures et des licenciements collectifs. Nos
affiliés ressentent vivement la gravité de la situation actuelle
et demandent une action énergique de la part du gouvernement. Cette
situation ne fait pas que pénaliser les travailleurs concernés et
leurs familles; c'est un fardeau que nous contribuons tous à porter,
individuellement et collectivement. Qui dit hausse dit chômage, dit
accentuation de la dépendance économique et donc hausse des
coûts directs pour l'État, pressions budgétaires, sans
parler de la perte d'emplois indirects par suite de la baisse de la demande.
Dans ce contexte, la protection des emplois existants revêt donc une
importance très grande.
Hydro-Québec et les licenciements collectifs. Au palmarès
des chômeurs involontaires, c'est-à-dire victimes de
licenciements, les travailleurs de la construction sont bons premiers: 71% en
1976 au Canada. Normal, dira-t-on, c'est dans la nature de l'industrie: un
chantier ouvre, puis ferme, en attendant le suivant. C'est, en effet, un
fonctionnement caractéristique et, dans une certaine mesure, il faut
admettre cette instabilité de chantier.
Ce que la FTQ n'a, cependant, jamais voulu reconnaître comme
inévitables, ce sont les fluctuations à l'échelle de tout
le secteur de la construction qui sont beaucoup trop élevées,
déstabilisant la main-d'oeuvre et engendrant des coûts sociaux
immenses. Nous avons toujours réclamé du gouvernement qu'il
veille à stabiliser l'emploi dans la construction par la planification
des investissements publics et privés et des travaux publics.
À cet égard, Hydro-Québec n'est pas un quelconque
petit entrepreneur. C'est le plus gros maître d'oeuvre et c'est une
société
d'État qui a des comptes à nous rendre.
Hydro-Québec nous confirme froidement qu'entre 1979 et 1984 elle
licencie plus de 12,600 travailleurs affectés aux chantiers de
construction des projets hydroélectriques. Or, ce secteur de la
construction a connu, l'an passé, une perte d'emplois de 15% et affiche
actuellement un taux de chômage de 20%.
Cette situation est d'autant plus inacceptable qu'Hydro-Québec
aura besoin, à partir de 1985, des travailleurs pour poursuivre d'autres
projets hydroélectriques, tels que la Grande Baleine. La Grande phase II
et NBR. Je ne sais pas comment cela s'appelle, je l'ai même
oublié. Les travailleurs devront attendre cinq ans avant d'être
rappelés entre 1984 et 1990; les effectifs passeront alors de 4400
à 24,600. On ne peut accepter qu'une société d'État
traite ses travailleurs comme de simples facteurs de production qu'elle place
quand bon lui semble.
Hydro-Québec se doit d'avoir une responsabilité sociale
beaucoup plus grande envers les travailleurs qu'elle a formés que
n'importe quelle compagnie privée. (Il faut bien reconnaître que
ces travailleurs ont été formés un peu avec notre argent.
C'est la population qui paie les taux qui lui sont demandés pour
l'électricité. Donc, nous avons quand même un capital
d'investi dans cette main-d'oeuvre formée.) Elle a, de plus, la
responsabilité de développer les ressources humaines
nécessaires pour réaliser le développement des ressources
hydroélectriques du Québec.
Pour la population québécoise qui a investi dans la
formation initiale des ressources humaines et qui investira encore dans les
projets hydroélectriques rentables, le démembrement de cette
main-d'oeuvre compétente et spécialisée, dont la
réputation n'est plus à faire, est un gaspillage inimaginable.
Pourrais-je vous rappeler, à vous tous, que tous les dirigeants
d'Hydro-Québec, tous les dirigeants de la Société
d'énergie de la Baie James comme tous les représentants de toutes
les formations politiques lors de l'ouverture officielle de LG2, vantaient la
main-d'oeuvre? Vous aviez, grâce à la main-d'oeuvre, grâce
à une productivité plus élevée, devancé les
échéanciers et, pour tout le monde, c'était l'euphorie,
cela allait très bien. On ne peut pas laisser une main-d'oeuvre aussi
spécialisée être démembrée. Quant à la
FTQ, elle considère que le coût économique de cette
fluctuation des effectifs de pointe est trop élevé pour le
Québec qui connaît actuellement un nombre sans
précédent de licenciements.
Dans certaines régions du Québec, le point d'arrêt
dans la progression d'investissements d'Hydro-Québec aux chantiers
hydroélectriques serait le point de départ d'une réaction
en chaîne catastrophique. Si les 1350 licenciements d'Iron Ore à
Sept-Îles sont évalués, et à juste titre, comme une
catastrophe pour la Basse-Côte-Nord, que dire de l'impact de 12,600
licenciements pour le Québec?
À l'échelle du Québec, ces 12,600 licenciements qui
désignent techniquement 12,600 postes à pourvoir se
réfèrent enfin à un nombre beaucoup plus
élevé de travailleurs, compte tenu du roulement constaté
sur les grands chantiers hydroélectriques. À l'échelle des
régions du Québec, c'est la catastrophe pour plusieurs d'entre
elles. On a estimé ainsi, en 1979, que 34,5% des travailleurs de la
Société d'énergie de la Baie James viennent de la
région montréalaise, 14,7% de la région de Québec,
9,4% du Nord-Ouest, 6,4% de la Côte-Nord, régions
déjà très atteintes par le chômage.
Ces travailleurs ont également une moyenne d'âge assez
basse par rapport à l'ensemble de la main-d'oeuvre. Ils viendraient
ainsi accroître le sous-emploi déjà marqué des moins
de 30 ans. Selon la société d'énergie, 53% des
travailleurs étaient âgés de moins de 35 ans en juillet
1980 et la moyenne d'âge à l'intérieur de ce groupe
était de 26 ans. Si l'on sait que 45,1% des chômeurs
étaient composés de personnes âgées de moins de 25
ans en 1979, selon Statistique Canada, les conséquences de ces
licenciements seront énormes sur cette couche de la population. (10 h
30)
Aux termes de la loi, il n'y a pas de licenciements collectifs dans la
construction, seulement une cascade de licenciements individuels. Nous disons
que, lorsqu'on s'apprête à supprimer 12,600 postes, à
licencier 12,600 travailleurs, on s'apprête à procéder au
plus gigantesque licenciement collectif de notre histoire contemporaine et
c'est d'une société d'État que nous vient cette
nouvelle.
Face à ce licenciement collectif prévu dans le plan
actuel, la FTQ demande à Hydro-Québec de replanifier ses
investissements en fonction du maintien de l'emploi des travailleurs. Pour ce
faire, nous croyons qu'Hydro-Québec devrait devancer
l'échéancier des travaux hydroélectriques qui draineront
$28 milliards des $55 milliards du plan d'investissement.
Le coût supplémentaire du plan de devancement est de
l'ordre de $580 millions, selon les calculs d'Hydro-Québec que nous ne
mettons pas en doute. Là-dessus, nous faisons confiance à
Hydro-Québec et aussi au gouvernement qui, lui, est bien
équipé pour vérifier toutes ces données. La
réalisation de cette variante devancée du plan entraîne,
pour Hydro-Québec, soit un profit d'au plus $620 millions, soit un
déficit de $280 millions. Mais dans la majorité des
hypothèses envisagées, Hydro-Québec en
retire un profit.
D'autre part, Hydro-Québec ne tient pas compte, dans son plan de
devancement, des possibilités d'exportation vers les réseaux
voisins des surplus d'électricité qui sont estimés
à 174 milliards de kWh, soit 44 milliards de kWh de plus que le surplus
prévu dans le plan actuel. Nous pensons, que si Hydro-Québec
réussissait à exporter une partie de ses surplus vers les
réseaux voisins, cela allégerait d'autant le coût du
financement de la variante devancée du plan. Nous demandons donc
à Hydro-Québec de préciser les obstacles qu'elle rencontre
pour exporter ses surplus d'électricité vers les
États-Unis en particulier.
Finalement, même si Hydro-Québec n'obtient aucun revenu
supplémentaire de l'exportation de l'électricité et
qu'elle connaît même un déficit de $280 millions en adoptant
le plan de devancement, nous estimons que ce coût sera inférieur
à celui que les travailleurs et la population québécoise
tout entière devront débourser en termes de chômage et de
coûts sociaux si le plan actuel est accepté. Nous comprenons
qu'Hydro-Québec n'a pas à se préoccuper de l'assistance
sociale, comme l'a si bien dit son président, devant vous, il y a
quelque temps, sauf qu'avec tout le respect que je dois aux deux
présidents, le président du conseil d'administration et l'autre,
ce ne sont pas eux qui paient, c'est nous, les Québécois, qui
payons les taux d'électricité. Je pense que c'est au gouvernement
de décider ce qui va coûter le moins cher à la population,
un déficit possible. C'est le député Grégoire, qui
commençait à poser des questions fort embarrassantes, qui a
touché de plus près la question. Le député
Grégoire disait: Oui, mais est-ce que vous avez vu cette
possibilité d'un déficit de $280 millions, en mettant les choses
au pire? Les réponses ont été beaucoup plus vagues que les
hypothèses avancées par l'Hydro-Québec.
Nous pouvons facilement estimer à près d'un demi milliard
pour la période le coût en assurance-chômage et en
assistance sociale pour les licenciés d'Hydro-Québec. Si on y
ajoute les effets multiplicateurs à la hausse sur l'économie, on
réalise facilement qu'il n'y a plus de commune mesure entre les pertes
possibles pour Hydro-Québec et le coût que la
société québécoise devra supporter pour ces
licenciements.
Le principal obstacle au devancement du plan de développement des
installations semble être pour Hydro-Québec l'investissement
supplémentaire de $4,5 milliards pour la période de 1981-1990,
mais ce supplément constitue à peine 8% d'augmentation par
rapport aux $55 milliards prévus. Pourquoi Hydro ne serait-elle pas
capable de trouver du financement pour $59,9 milliards, alors qu'elle est en
mesure de le faire pour $55 milliards? Surtout s'il y va de la stabilisation
des emplois existants sur les chantiers de construction des projets
hydroélectriques.
Dans le livre blanc sur la politique énergétique, le
gouvernement québécois attache une grande importance à la
création d'emploi afin "d'assumer la mise en valeur et la promotion de
la main-d'oeuvre québécoise." La FTQ demande donc au gouvernement
d'être conséquent avec lui-même et de développer une
politique énergétique de façon à pratiquer une
véritable politique de plein emploi. C'est pourquoi nous demandons
qu'Hydro-Québec replanifie ses investissements afin de stabiliser les
emplois actuels.
Nous acceptons la variante devancée comme un minimum, pour autant
qu'elle diminue considérablement la fluctuation du nombre de
travailleurs sur les chantiers hydroélectriques.
Sur ce dernier point, nous voudrions préciser que les effectifs
de pointe sont un indicateur plus précis, puisqu'ils montrent plus
clairement les fluctuations du nombre de travailleurs. Si nous
considérons les besoins globaux de main-d'oeuvre évalués
en années-personnes, on retrouve, à l'intérieur de cette
catégorie, d'une part, les effectifs moyens sur les chantiers qui ne
représentent qu'environ 60% des effectifs de pointe, et, d'autre part,
les effectifs directement affectés, tant aux études qu'à
l'ingénierie et à la gérance de projets.
C'est la raison pour laquelle les pertes d'emplois sont plus
élevées, si nous considérons les effectifs de pointe que
si nous nous référons aux effectifs globaux.
Nous pensons finalement que le plan de devancement a des avantages
économiques certains, car, en plus de diminuer la fluctuation du nombre
de travailleurs, il étalera les investissements publics de
manière à éviter de fortes perturbations à
l'économie québécoise au cours des dix prochaines
années.
Nous voudrions donc connaître les répercussions exactes du
plan de devancement sur les effectifs de pointe de projets
hydroélectriques. À quel niveau se stabiliseront les effectifs de
pointe des chantiers hydroélectriques entre 1981 et 1984?
La FTQ demande au gouvernement québécois
d'accélérer la pénétration du gaz dans la province
afin de combler la baisse du nombre d'emplois dans le secteur
énergétique au Québec entre 1981 et 1985. Cette
pénétration du gaz aura pour effet de stimuler la demande de
certains métiers de la construction, dans des régions
différentes de celles touchées par les projets
hydroélectriques, ce qui réduira le chômage dans les
régions du centre du Québec.
Selon la FTQ, la politique de plein emploi et le développement en
fonction des
intérêts de la majorité doivent se réaliser
dans le respect de l'environnement; il y va de notre avenir à tous.
C'est pourquoi nous favorisons l'adoption de mesures visant à assurer la
qualité de l'air et de l'eau et à combattre toutes les formes de
pollution, dont celle par le bruit.
Dans ce sens, la FTQ s'oppose, à ce stade-ci, à
l'utilisation de l'énergie nucléaire au Québec. Il est
trop tôt pour se lancer dans une telle aventure, compte tenu de
l'état des recherches, des risques importants que cela comporte et de
l'irresponsabilité des constructeurs de centrales nucléaires. La
société québécoise doit continuer le
développement de ses ressources hydroélectriques en fonction de
ses propres besoins avant d'envisager l'utilisation du nucléaire sur une
grande échelle.
Nous comprenons toutefois qu'il faudra bien avoir recours à
l'énergie nucléaire lorsque nous aurons exploité toutes
nos ressources hydroélectriques et qu'alors se posera le crucial
problème de notre connaissance technologique dans la construction de ce
type de centrale. Il importe pour le Québec de ne pas se retrouver, dans
une dizaines d'années, sous la dépendance quasi complète
de la technologie étrangère dans ce domaine.
Uniquement en fonction du développement de notre expertise
technologique en ce domaine et de notre indépendance éventuelle,
nous ne pouvons nous opposer à la nécessité, pour
Hydro-Québec, de maintenir et développer ses connaissances par la
construction d'une autre centrale nucléaire dans les conditions
maximales de sécurité et de protection de l'environnement.
En conclusion, le Québec est actuellement la province la plus
affectée par les licenciements, avec un taux de 12,4%, selon une
étude récente effectuée par le Secrétariat
d'État au développement social du Québec, comparativement
à 7,2% pour l'Ontario et 9,2% pour le Canada.
Puisque Hydro-Québec est une société d'État
que les Québécois ont créée afin de pouvoir
orienter le plus possible le développement économique en leur
faveur, la FTQ n'accepte pas son plan de développement des installations
pour la prochaine décennie et nous nous opposons énergiquement
aux 12,600 licenciements prévus dans ce plan.
Dotée du mandat exclusif de développer et gérer nos
ressources hydroélectriques, Hydro-Québec doit s'acquitter, selon
nous, de mandats corollaires consistant à développer et former
des ressources humaines à la mesure de ses projets.
Tous les Québécois sont fiers des réalisation
d'Hydro-Québec, fiers surtout que des centrales comme la Manic ou LG 2,
qui ont acquis une réputation internationale, aient été
conçues par des Québécois. Ce rôle de
développement de ressources humaines, allant des ingénieurs aux
ouvriers en passant par les techniciens, Hydro-Québec doit continuer
à l'assumer pleinement. Et, pour la FTQ, il serait catastrophique qu'un
ralentissement marqué des activités de développement
d'Hydro-Québec incite la main-d'oeuvre à se diriger ailleurs; le
maintien de la qualité des ressources humaines passe par la
stabilité de l'emploi. C'est pourquoi la FTQ demande à
Hydro-Québec de devancer les travaux des projets hydroélectriques
afin d'éviter ce licenciement collectif. Nous considérons
l'acceptation de la variante devancée du plan de développement
comme un minimum, malgré le faible risque d'un déficit pour
Hydro-Québec. Nous estimons en effet que le coût que la population
devra absorber pour ces licenciements est sans commune mesure avec la faible
possibilité d'un déficit de $280 millions envisagé par
l'Hydro-Québec.
Finalement, nous demandons au gouvernement qu'il pratique une politique
de plein emploi et qu'il planifie le développement économique
afin qu'il puisse passer des paroles aux gestes et qu'il applique une
véritable politique de stabilisation des emplois dans le secteur
énergétique qui est sous son contrôle.
Le Président (M. Jolivet): Merci, M. Laberge. Avant de
donner la parole à M. le ministre, j'ai cru comprendre qu'il y en a
plusieurs autour de cette table qui veulent poser des questions. Sans vouloir
restreindre votre nombre de minutes - en termes de temps - je veux simplement
vous rappeler que vous avez sept mémoires à entendre
aujourd'hui.
De plus, une entente a été conclue à savoir que
l'on accordera vingt minutes à Hydro-Québec, vingt minutes au
ministre, vingt minutes à l'Opposition officielle et à l'Union
Nationale, à la fin. Donc, nous avons une très bonne
journée devant nous.
M. le ministre.
M. Bérubé: Merci, M. le Président. M.
Laberge, d'abord, je vous remercie de ce mémoire qui souligne les
préoccupations des travailleurs face au ralentissement dans le programme
d'équipement d'Hydro-Québec, surtout dans les années 1981
à 1985. Lorsque vous parlez de l'importance d'avoir un plan
d'équipement qui serait mieux intégré au
développement du Québec, est-ce que vous faites
référence uniquement au ralentissement que l'on observe dans le
programme jusqu'en 1985 ou à plus large que ça? Aimeriez-vous
voir d'autres modifications au plan de l'équipement pour essayer
d'atteindre une meilleure intégration et, si c'est le cas, lesquelles
seraient-elles?
M. Laberge (Louis): Nous n'avons pas voulu nous embarquer dans
des considérations hautement techniques, il nous aurait fallu beaucoup
plus de temps. Enfin, vous savez qu'avec le sommet économique sur
Montréal, avec la commission parlementaire prévue sur le droit de
grève et les services essentiels dans les secteurs public et parapublic,
avec la commission Jean, avec la commission des droits de la personne, enfin,
la question nationale où nous avons présenté des
mémoires chaque fois, nos ressources étaient taxées
à leur suprême degré. Nous n'avons pas voulu nous embarquer
dans d'autres considérations, pour le moment. Ce qui ne nous
empêchera pas d'y revenir.
M. Bérubé: Donc, nous nous en tiendrons aux points
que vous avez soulevés.
En remarque préliminaire, en rapport avec les relations de
travail, je pense, vous le savez maintenant, qu'à la demande du conseil
d'administration, il y a eu un comité formé au niveau du conseil
d'administration pour étudier le problème des relations de
travail au sein d'Hydro-Québec. Depuis maintenant un mois et demi
à peu près, ils ont un mémoire à l'intention du
conseil, qui leur permet peut-être d'avoir une vision un peu plus claire
des problèmes qu'ils ont rencontrés.
Vous l'avez souligné tantôt, l'importance d'une commission
parlementaire sur les relations de travail devrait se faire sentir. Il est
peut-être, comme vous l'avez souligné tantôt,
prématuré, faute d'avoir tous les outils nécessaires,
aussi bien du côté d'Hydro-Québec, que du côté
du gouvernement ou du syndicat, mais je pense que maintenant, on pourrait
l'envisager, surtout avant les prochaines négociations collectives.
Je pense qu'en pleine période de conflit de travail, une
commission parlementaire ne permet généralement pas de
résoudre quoi que ce soit, mais si ça pouvait aider à la
préparation des nouvelles négociations, on aurait alors
certainement ouvert la voie à un mécanisme de négociations
peut-être un peu plus souple.
Si j'examine essentiellement la position de la FTQ par rapport au plan
d'équipement, vous soulignez, en pratique, ce que l'Association des
constructeurs de routes et l'Association des ingénieurs-conseils ont
souligné, c'est-à-dire un ralentissement assez perceptible de
l'importance des travaux jusqu'en 1985 et puis subitement, un démarrage
exponentiel à toute allure où on peut se demander si on aura
assez de main-d'oeuvre.
Ce qui m'amène à soulever des questions de deux ordres.
Croyez-vous, comme le souligne Hydro-Québec, et comme votre
mémoire le laisse peut-être entendre, que le début de la
construction du gazoduc au mois de mai, celle qui est annoncée
maintenant, et la pénétration du gaz un peu partout au
Québec, avec les bretelles de service un peu partout, est susceptible de
créer suffisamment d'activités économiques, de telle sorte
que, d'ici 1985, on soit impliqué dans de très gros travaux de
pénétration du gaz et qu'à partir de 1985 ces travailleurs
de la construction retournent sur les chantiers d'Hydro-Québec?
Croyez-vous que cela pourrait être une façon, en passant par le
gaz, avant de retourner à l'électricité, d'amortir les
fluctuations dans la demande? (10 h 45)
M. Laberge (Louis): Tout d'abord, vous n'avez pas le même
genre de métier. Ceux qui essaient de vous raconter ces bobards ne sont
pas sérieux. Ce n'est pas le même genre de métier.
Deuxièmement, cela a pris quelques années avant de
développer l'équipe qui a reçu les félicitations de
tout le monde à la Baie James, une équipe hautement
qualifiée, expérimentée. On ne peut pas laisser partir ces
gens-là pendant cinq ans et espérer qu'on va les ravoir au bout
de cinq ans. C'est de la folie furieuse. Ils n'attendront pas cinq ans le bon
plaisir d'Hydro-Québec pour qu'on leur offre de retourner à la
Baie James. Ils vont se trouver des emplois ailleurs. Plusieurs d'entre eux
s'en iront probablement dans des usines, travailler à l'entretien
d'usines, des choses semblables, et ne retourneront plus dans la construction.
Il faudra - cela nous fait terriblement peur -monter de 5000 à 10,000
emplois d'un coup et, ensuite, de 10,000 à 24,000 en quelques
années. Cela voudra dire de la formation de main-d'oeuvre, encore une
fois. Cela ne veut pas dire qu'un électricien n'est pas un
électricien, mais pour des travaux comme ceux de la Baie James, cela
prend une expérience un peu différente. Il faut que les gens
s'acclimatent à de nouvelles conditions de travail, à des
chantiers immenses, enfin, à tout ce que cela implique.
Le Président (M. Jolivet): M. Laramé, je pense,
avait quelque chose à ajouter.
M. Laramé (Roger): Si vous me permettez, M. le
Président, j'aimerais revenir aux relations de travail et, plus
particulièrement, sur le point qui touche les "nationalisés". Le
ministre parlait d'une commission parlementaire au cours de laquelle on
pourrait traiter de ce sujet. Je dois rappeler au président que cette
commission parlementaire a été promise, il y a plusieurs
années, par l'ex-ministre du Travail du temps, au niveau du Parti
libéral, et qu'un engagement écrit avait été pris
à ce moment-là. Il y a eu plusieurs échanges. On a
demandé aux parties de traiter de ce problème au cour de
négociations, ce que le
syndicat a accepté de faire. Mais, en fin de compte, après
de longs débats sur le sujet, il y a eu une commission parlementaire que
nous avions qualifiée dans le temps de commission parlementaire bidon et
avec raison, je crois, au cours de laquelle les syndicats d'Hydro auraient
voulu se faire entendre sur un sujet aussi important que celui-là.
Les gens d'Hydro auraient voulu dire au gouvernement et à
Hydro-Québec: Lorsque vous avez nationalisé
l'électricité, vous avez fait un travail extraordinaire dans tout
l'équipement au Québec. Dans toutes les régions
éloignées, vous avez changé les lignes de transport
d'énergie, les lignes de distribution. Vous avez investi
énormément, mais vous avec encore une fois oublié le plan
humain. Les "nationalisés" qui sont ici présentement, pour
plusieurs, à leur retraite, vous demandent encore une fois aujourd'hui
de leur donner une plate-forme pour donner justice à ces gens-là.
On ne voudrait pas non plus que ce soit une promessse électorale, mais
on pense que cela presse, parce que plus les années courent, plus il y a
des gens qui prennent leur retraite et sont pénalisés de
façon éhontée, parce qu'ils n'ont plus aucun recours
à leur retraite. Nous voulons traiter du sujet et inclure le
problème des retraités actuellement. Le ministre nous a promis
une rencontre éventuellement. Que ce soit au niveau d'une commission
parlementaire ou autrement, je pense qu'il est important de traiter de ce sujet
dans les plus brefs délais.
Je vais terminer en disant que, lorsque le gouvernement du temps a
parlé de nationalisation et que nous étions en
négociation, d'énormes pressions étaient faites par les
gouvernements, par les ministres impliqués dans ces négociations
pour être très certains que les syndicats respecteraient
intégralement l'ancienneté de tous les travailleurs
nationalisés. On l'a fait. Je me demande pourquoi il y a eu tant de
pressions, parce qu'au niveau même du principe on ne pouvait pas refuser
d'accepter de reconnaître l'ancienneté de ces gens-là. Par
contre, Hydro refuse de reconnaître un droit fondamental, c'est un
traitement égal pour des retraités, pour une caisse de retraite
et je pense que le gouvernement a sa part de responsabilités. J'insiste
énormément pour qu'une plate-forme nous soit donnée au
cours de laquelle on pourrait débattre ce sujet en présence des
responsables du gouvernement et d'Hydro-Québec.
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre. Oh,
excusez-moi: M. Morasse.
M. Morasse (Michel): En ce qui a trait à la question que
le ministre posait à M. Laberge à savoir si les travaux du
gazoduc qui vont débuter bientôt étaient pour remplacer le
vide qui serait créé par le plan d'Hydro-Québec de
réduire ses effectifs jusqu'en 1984, je pense que c'est exactement la
réponse que M. Laberge a faite. Ce ne sont pas les mêmes
travailleurs et ce n'est pas le même genre de travail.
Après discussion tout dernièrement avec
Trans-Québec et Maritimes, qui est le propriétaire et qui va voir
à la planification des travaux, on a tout simplement besoin d'effectifs
d'environ 150 à 200 opérateurs de "sideboards" comme on les
appelle et une couple de cent soudeurs avec des manoeuvres qui vont voir
à faire le "buffage" des tuyaux. Cela ne pourrait pas créer le
vide ou le manque de main-d'oeuvre, de travail qu'on aurait par rapport au
ralentissement des travaux d'Hydro-Québec. Dans notre mémoire, on
spécifie que nous avons eu une perte d'emplois de 15% depuis trois
à quatre ans. On spécifie 20% de chômage, mais c'est un peu
plus que cela. Cela joue entre 25% et 30% de chômage. Au moment où
l'économie dans la constrution semble se stabiliser un peu plus dans la
région métropolitaine, s'il fallait qu'on subisse par rapport au
ralentissement des investissements d'Hydro-Québec des pertes d'emplois
de 10,000 à 12,000 travailleurs, ceci veut dire qu'on aurait à
subir pour quatre années additionnelles un chômage comme celui
qu'on vient de traverser. Imaginez-vous, même si, dans la construction,
on mentionne qu'il y a de gros salaires qui sont payés, on n'a quand
même qu'une moyenne de 1000 heures de travail, ceci veut dire que les
salariés de la construction gagnent en moyenne par année entre
$14,000 et $15,000.
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.
M. Bérubé: II y a une question que vous avez
soulevée tantôt et qui m'inquiète également et on se
demande comment on va y faire face. Vous avez parlé tantôt du
chômage actuel dans l'industrie de la construction, mais vous avez
parlé également des préoccupations que nous devrions avoir
pour 1985. Effectivement, lorsqu'on regarde la création d'emplois depuis
quelques années, par exemple, depuis trois ou quatre ans -2000 emplois
ont été créés au Québec en trois ans et
c'est une des meilleures performances, en fait, de longue date - on
s'aperçoit que si la population s'accroît d'à peu
près 1% par année, - je vais prendre les chiffres de 1979 -
l'emploi, lui, s'est accru de 2% par année, donc, nettement plus
rapidement que la croissance de la population, mais là où on se
fait avoir au retour, c'est que la main-d'oeuvre active, elle, croît
à un rythme de 2,8%, c'est-à-dire qu'on n'arrive pas à
créer suffisamment d'emplois pour la main-d'oeuvre active,
même si on en crée deux fois plus vite que l'accroissement
de la population le demanderait normalement. C'est vrai jusqu'en 1984-1985,
mais le problème, cependant, c'est qu'à partir de 1984-1985, on
prévoit que le taux de chômage va commencer à
fléchir parce qu'à ce moment-là, on va avoir le creux des
naissances qui va nous atteindre et là, on prévoit manquer de
travailleurs.
Comment voyez-vous, justement, le plan d'équipement qui nous est
proposé en devançant certains travaux maintenant de
manière à arrondir la courbe, ce que veut, je pense,
l'Association des constructeurs de routes? Croyez-vous, d'abord, que cela va
véritablement permettre de répondre aux besoins de main-d'oeuvre
après 1985-1986? Cela aura-t-il un effet significatif sur la
disponibilité de la main-d'oeuvre?
M. Laberge: Si vous me permettez une comparaison, - et je sais
que toute comparaison est un peu odieuse - dans l'avionnerie, un certain temps
à Canadair, il y avait 12,000 travailleurs. Ensuite, cela est
tombé à 2000 y compris les cols blancs et là, c'est
remonté à 5000, 6000 ou 7,000. Voyez-vous le coût
fantastique pour la société québécoise? Un
énorme pourcentage de ces travailleurs hautement qualifiés dans
cette industrie sont partis et ne sont jamais revenus. Il faut en
entraîner d'autres et ce serait la même chose sur des chantiers tel
celui de la Baie James. Encore une fois, un électricien, un plombier et
un opérateur, c'est très différent. Un opérateur,
un chauffeur de camion sur un dix tonnes, quand il arrive sur les
"bétails" que vous avez à la Baie James, c'est très
différent. Un mécanicien... S'il doit y avoir une diminution du
taux de chômage en 1985, à plus forte raison, Hydro-Québec
ne devrait pas attendre à 1985 pour commencer à augmenter le
nombre d'emplois. Elle devrait le faire, au contraire, durant la période
la plus creuse, c'est-à-dire de 1981 à 1985. Il me semble que
c'est tellement logique. Et, encore une fois, c'est un coût fort minime.
Je fais confiance à Hydro-Québec. Elle nous est arrivée
avec un tas de statistiques. Elle est beaucoup mieux équipée que
nous pour le faire. Le seul autre qui pourrait le faire, c'est vous, le
gouvernement, pour vérifier ces données. Mais je lui fais
confiance; ce doit être des données assez exactes. C'est un
coût minime, parce que, dans la pire des éventualités, il
pourrait y avoir un déficit de $280 000. Est-ce qu'on a figuré ce
que cela pourrait coûter seulement 12 600 travailleurs, sans compter les
effets cumulatifs que cela aurait sur la balance des travailleurs actifs,
pendant quatre ans de chômage? Ce sont des coûts fantastiques.
Moi, comme consommateur et comme citoyen payeur de taxes, j'aime
saprement mieux payer un peu plus cher pour garder quelqu'un à l'ouvrage
que payer quelqu'un en chômage. Et ce n'est pas vrai qu'un travailleur
aime cela être en chômage. Évidemment, si on le force
à demeurer chômeur pendant cinq ans, il peut développer une
mauvaise habitude. Dans le cas de la création d'emplois, c'est vrai que
le Québec a un assez bon dossier là-dessus. Ce qu'on reproche un
peu au gouvernement, c'est qu'on a peut-être mis un peu trop d'emphase
à créer des emplois et pas assez à garder les emplois
qu'on avait. On pourrait citer -le ministre est au courant - la fermeture
malheureuse de Desourdy, par exemple, qui était une usine qui
fonctionnait très bien, prospère, etc. Cela aurait pris, si ma
mémoire est fidèle, $1,500,000 ou $2,000,000 pour la garder. Cela
employait de 400 à 500 travailleurs. Pendant ce temps-là, tant le
fédéral que le provincial ont donné des subventions
à je ne sais pas combien d'entreprises tombereaux qui ont loué de
vieilles granges et de vieilles "sheds" et qui ont commencé à
construire des maisons usinées, avec une concurrence
épouvantable, sans aucune garantie pour le consommateur. Il faut qu'on
prenne les guides et qu'on redresse ce genre de choses. Je pense que le
gouvernement du Québec a porté, depuis quelque temps du moins,
une oreille assez attentive à la responsabilité qu'il a sur les
entreprises qui bénéficient de subventions. On n'a pas le droit
de leur donner l'argent des citoyens et de les laisser aller comme bon leur
semble.
Le Président (M. Jolivet): M. le député
d'Outremont.
M. Fortier: M. Laberge, je dois vous féliciter de porter
à notre attention le rôle social et le rôle
économique que peut jouer Hydro-Québec, en plus de jouer un
rôle important dans le domaine énergétique, et de nous
souligner l'importance de la main-d'oeuvre. Moi-même, je viens d'une
industrie où on disait toujours: L'actif le plus important, ce sont les
êtres humains, et je comprends pertinemment vos commentaires. Il n'est
pas nécessaire d'être grand clerc pour savoir que les ouvriers et
les ingénieurs qui travaillent dans le domaine hydroélectrique ne
sont pas les mêmes qui sont dans le domaine du gaz et que ceux qui
travaillent dans le domaine du gaz ou dans le domaine hydroélectrique ne
sont pas les mêmes qui, éventuellement, travailleront dans le
domaine nucléaire.
M. Laberge: Exactement.
M. Fortier: C'est toute la question de la planification,
planification sur le plan technologique, planification sur le plan de la
main-d'oeuvre et planification sur le plan social. Compte tenu du fait que
cette année
les investissements dans le domaine de l'énergie
représentent 25% de tous les investissements faits au Québec,
bien sûr, ils jouent un rôle extrêmement important, d'autant
plus que, depuis 1976, il y a eu une baisse significative des investissements
dans les domaines autres que l'énergie. Par voie de conséquence,
les investissements faits par Hydro-Québec ou dans l'énergie,
d'une façon générale, deviennent très
significatifs.
J'ai noté vos représentations en ce qui concerne la caisse
de retraite et j'ai pris note du fait que le ministre du Travail de l'ancien
gouvernement libéral avait pris des engagements à cet effet. Je
ne puis que déplorer qu'après quatre ans et demi maintenant on se
retrouve à peu près au même point où nous
étions avant les dernières élections. Je laisserai
à mon collègue de Portneuf, si vous le voulez bien, le soin
d'approfondir, de poser des questions sur ce dossier, parce qu'il est plus
familier que moi avec ce différend et avec ce problème qui a des
dimensions sociales.
En ce qui concerne l'avancement des travaux, j'aimerais vous souligner
qu'il y a une certaine dimension aux demandes que vous faites, mais je
comprends l'intervention que vous avez faite en vue de planifier les travaux
d'Hydro-Québec dans un sens non seulement de création d'emplois,
mais de stabilisation d'emplois et de stabilisation d'une main-d'oeuvre qui a
déjà acquis une certaine formation et de s'assurer, de cette
façon, que ça joue un rôle de développement
économique positif. (11 heures)
II a des gens qui ont souligné, la semaine dernière, qu'un
tel avancement pourrait avoir un impact, d'une part, sur la tarification de
l'électricité. Bien sûr, si on emprunte davantage,
Hydro-Québec nous a souligné qu'il était peut-être
possible d'aller chercher le financement requis, mais qu'il faudrait
peut-être augmenter le degré d'autofinancement. Ce que ça
signifie, si on veut être clair pour tout le monde, c'est que, si le
programme est plus important qu'il ne l'est maintenant, il y a un danger que la
tarification doive augmenter et ceci affecterait tout le monde au
Québec, pas seulement les ouvriers qui sont syndiqués, mais les
ouvriers non syndiqués. Comme vous le savez, pour certaines personnes,
cela a un impact considérable.
Ensuite, il y a toute la dimension de garder nos tarifs les plus bas
possible, comme vous l'avez souligné vous-même, pour attirer
l'industrie ici au Québec. Une autre dimension, c'est toute la question
de l'exportation de l'électricité aux États-Unis, dans le
sens que certains disent: Si on peut négocier un bon marché, tant
mieux et, si on ne le peut pas, il faudrait peut-être ne pas le faire.
Certains disent: On ne devrait pas sacrifier certaines de nos rivières,
puisque, plus tard, on en aura besoin. La question que j'aimerais vous poser
là-dessus est: Est-ce que vous favorisez un développement
économique à tout prix, même s'il fallait exporter pour
créer de l'emploi? Une dernière question, c'est que, si on
favorise l'électricité et si on avance les travaux
d'Hydro-Québec, il se pourrait fort bien que cet avancement va aussi
favoriser la pénétration de l'électricité au
Québec même. Ce n'est peut-être pas mauvais. Il y en qui
disent - et je suis de ceux-là - qu'il faudrait également
favoriser le gaz.
En parlant du gaz, bien sûr, il y a des retards.
Trans-Québec et Maritimes, cette année, d'après mes
informations, ne peut se rendre qu'à Boisbriand, pour des raisons bien
simples. C'est que le gouvernement n'a pas encore choisi les distributeurs de
gaz et, tant et aussi longtemps que les distributeurs ne sont pas choisis,
l'Office national de l'énergie ne peut donner les permis de construction
pour faire en sorte que la ligne aille plus loin que Boisbriand, ce qui fait
que les investissements ne pourraient pas continuer dans un avenir
immédiat.
Mais les questions fondamentales, à mon avis, sont celles d'un
développement économique important qui pourra avoir des
répercussions sur la tarification, ou sur une politique d'exportation,
ou sur notre politique énergétique dans un sens d'une plus grande
pénétration de l'électricité.
M. Laberge (Louis): Nous apprenons plus de choses par les media
d'information que nous en apprenons dans les comités, parce que nous ne
participons pas à ces discussions dans le haut savoir d'Hydro et avec
les responsables des États de la Nouvelle-Angleterre aux
États-Unis et tout ça. Mais, s'il faut se fier aux media
d'information, les Américains nous supplient quasiment. Nous ne voulons
pas aménager toutes nos ressources hydroélectriques pour exporter
de l'électricité, non. Mais, comme période tampon, bien
sûr, pourquoi ne pas en profiter? Mais on doit se donner une politique
pour attirer au Québec les industries qui ont besoin
d'électricité à un débit assez volumineux, à
un taux relativement comparable à ce qui se fait partout ailleurs et
à une quantité sûre. Dans ce sens-là, le
développement des ressources hydroélectriques, bien sûr que
nous en sommes.
Maintenant, on dit que ça va coûter plus cher. Je connais
bien M. Lafond qui est le trésorier d'Hydro-Québec. Je
siège avec lui à la Caisse de dépôt et je sais qu'il
pourrait nous présenter toutes sortes de calculs très savants,
parce qu'il est très savant dans les chiffres. Mais il y a une chose
qu'il n'a pas mentionnée, et ça me surprend. Des travaux qui
seront faits en 1981, 1982, 1983 et 1984, qu'il me dise que
ça va coûter plus cher que s'il les fait en 1990, je ne
peux accepter ça. Si on considère que le coût de la vie
augmente d'à peu près 10% par année, ça veut donc
dire que ce qu'on pourrait faire en 1982, si on le fait huit ans plus tard,
ça devrait coûter un peu plus cher. Pas besoin d'être un
économiste ni un expert pour calculer ça.
Il est possible qu'actuellement, le taux d'intérêt soit un
peu plus élevé qu'il le sera dans quatre ans, mais qui peut nous
l'affirmer? À peu près personne. Tout ceci pour vous dire: Nous
ne croyons pas que ces prévisions d'Hydro-Québec soient tellement
sûres qu'elles ne peuvent pas être flexibles. D'ailleurs, j'ai lu
les déclarations de M. Boyd et de M. Bourbeau et parfois, j'avais de la
misère à m'y retrouver, alors que, dans leur discours inaugural,
ils disaient qu'ils étaient très heureux de cette commission
parlementaire qui permettait à tous les citoyens
intéressés et à tous les groupements
intéressés de se faire entendre et qu'eux étaient
très disposés à nous écouter et que leur plan de
développement était très flexible. Par contre, lorsqu'ils
répondaient au député de Frontenac, ils disaient que le
conseil d'administration avait déjà été choisi.
Je pense que nous devons dire à HydroQuébec, avec tout le
respect que nous avons pour Hydro-Québec, que ce n'est pas à eux
de prendre ce genre de décision. Je pense qu'il appartient à
l'Assemblée nationale de prendre ce genre de décision et c'est
pour cela que nous sommes devant vous.
M. Fortier: Je crois que nous...
M. Laberge: Je veux dire, l'État dans l'État, il me
semble que c'est assez.
Le Président (M. Jolivet): M. le député.
M. Fortier: Je crois que nous sommes d'accord avec vous pour dire
que c'est au gouvernement de préciser ses orientations
économiques et, même en ce qui concerne des choix de technologie,
de consulter la population, mais de prendre la décision qui s'impose et
ne pas refiler ce genre de dossier à Hydro-Québec, même si
Hydro-Québec est prête à collaborer à plusieurs de
ces dossiers.
Je sais que vous avez dit que vous favorisiez, entre autres, le
développement hydroélectrique dans la protection de
l'environnement et tout cela. Mais l'impression qui se dégage - et
corrigez-moi si je n'ai pas raison - c'est qu'à ce stade-ci de la
situation économique du Québec, vous favorisez nettement un
développement économique. Vous voudriez que le gouvernement soit
beaucoup plus agressif dans les négociations de contrats d'exportation
et beaucoup plus agressif dans le développement de nos ressources hydro-
électriques. Les autres considérations prendraient le second pas
vis-à-vis de ce développement économique et la
création d'emplois, à ce moment-ci du développement
économique du Québec.
M. Laberge: Et c'est sans aucune espèce
d'hésitation que nous vous disons oui. Mais, encore une fois, pas dans
une politique pour exporter ad vitam aeternam les surplus
d'électricité, non. Mais pour une période tampon, bien
sûr, qu'on en profite et, ensuite, qu'on se donne la politique d'attirer
ici des entreprises qui auront besoin d'électricité.
M. Fortier: Mais, il faudrait bien comprendre, M. Laberge, que
dans une politique d'exportation, bien sûr, on voudrait négocier
le meilleur contrat possible pour le Québec...
M. Laberge: Évidemment, on pourrait peut-être aider
là-dedans.
M. Fortier: ...dans le sens de dire qu'on aurait besoin de telle
rivière dans dix ans d'ici, on va exporter seulement pour dix ans. Mais
il se pourrait que les Américains disent: Vous savez, sur une
période de dix ans, nous, nous ne pouvons pas amortir les installations
qu'on doit construire sur notre côté de la frontière. Quand
on négocie, il faut mettre de l'eau dans son vin et il se pourrait que
le contrat idéal que l'on voudrait avoir ne soit pas possible. À
ce moment-là, il faudra faire un choix. Si on veut absolument
créer un développement économique, si c'est la
priorité première que vous suggérez, il va falloir mettre
un peu d'eau dans notre vin pour dire: S'il faut créer des emplois, il
faudra peut-être négocier le meilleur contrat possible. C'est un
peu, je crois, ce que vous suggérez.
M. Laberge: II n'y a aucun doute qu'il faut négocier les
meilleures ententes possible. Tout en n'étant pas expert dans le
domaine, nous croyons que nos amis, les Américains, ne sont pas parmi
les mieux placés dans le développement des ressources
électriques.
M. Fortier: Complètement d'accord.
M. Laberge: Cela nous donne un avantage. D'ailleurs, je pense
qu'ils ne se sont pas gênés pour dire qu'ils comptaient sur le
développement des ressources hydroélectriques du Québec.
Pourquoi ne pas en profiter? On n'est pas obligé d'ambitionner, au
contraire, mais de négocier de bonnes ententes.
M. Fortier: Une question que j'aimerais vous poser. Il me semble
que je vois une
certaine contradiction de votre prise de position en ce qui concerne le
nucléaire. Vous dites: Nous voulons absolument un moratoire, parce que
nous ne sommes pas sûrs que la protection de l'environnement ou la
santé soit assurée. D'autre part, vous dites: On sait très
bien qu'éventuellement il faudra avoir recours à cette forme
d'énergie. Et même là, vous dites: On est favorable
à la construction d'une centrale nucléaire.
Comment pouvez-vous concilier ces deux points de vue, si vous croyez que
vous n'êtes pas satisfaits? Nous, du Parti libéral, on a
suggéré un débat public justement pour permettre à
tout le monde d'avoir l'information. On était même prêt
à aller plus loin pour dire: Tant et aussi longtemps que le public et
que le gouvernement ne seront pas certains qu'il s'agit là d'une forme
d'énergie acceptable, on devrait suspendre la construction - pas les
études, mais la construction - de centrales nucléaires. Vous
allez plus loin que cela, vous dites: Nous, nous sommes même prêts
à accepter la construction d'une centrale nucléaire dans
l'immédiat.
M. Laberge: J'avais un peu peur qu'un expert comme vous dans ce
domaine nous pose des questions là-dessus. C'est vrai que cela peut
sembler un peu contradictoire. Toutefois - je vais essayer de vous traduire
cela en mes termes - ce que nous avons vu jusqu'à maintenant nous laisse
fort perplexes quant aux mesures de sécurité qui ont
été prises partout où des centrales
thermonucléaires ont été construites. On a vu ce qui s'est
passé, tout dernièrement encore, aux États-Unis, et
d'après les media d'information toujours, on nous cache au moins 90% de
la vérité. S'il fallait qu'on connaisse toute la
vérité, les cheveux nous dresseraient sur la tête, pour
ceux à qui il en reste.
Cela étant dit, nous sommes d'accord que le moratoire continue,
mais, d'un autre côté, il ne faut pas non plus
qu'Hydro-Québec devienne à la remorque de ceux qui seront les
experts dont on aura probablement absolument besoin dans dix, quinze ou vingt
ans. On parle de la construction d'une autre centrale ou d'essais en
laboratoire, mais, enfin, ce qu'on veut, dans le fond, c'est que nos experts
dans le domaine aient la chance de se garder à la fine pointe. Quand le
temps viendra, avec une nouvelle expérience, avec de nouvelles mesures
de sécurité, qu'on ne soit pas obligés d'être
dépendants des autres.
M. Fortier: Ce que j'aimerais vous souligner, M. Laberge, c'est
que, dans le cas du nucléaire comme dans le cas de
l'hydroélectrique, la technologie ne se fait pas en laboratoire dans un
certain sens. Vous avez parlé de la formation d'ouvriers à la
Baie James, et on peut dire la même chose de ceux qui
travaillent...
M. Laberge (Louis): C'est un peu pour cela que, malgré
notre position, on dit: On serait même d'accord qu'ils en construisent
une autre pour se garder à la fine pointe.
M. Fortier: Ce que je voulais vous souligner, c'est que tout le
monde dit: On va maintenir une technologie au Québec en faisant des
recherches en laboratoire. Mais il faut bien se rendre compte que des
recherches en laboratoire...
M. Laberge (Louis): Ce n'est pas possible.
M. Fortier: ... cela ne nous donne absolument rien, dans un
certain sens, pour développer une technologie, des ouvriers, des
ingénieurs, des cadres qui connaissent non seulement l'exploitation,
mais la construction et l'ingénierie de centrales nucléaires.
C'est la raison pour laquelle je reçois votre recommandation et
je vous souligne simplement que, encore là, cela pose un problème
délicat parce que je suis sûr que les experts
d'Hydro-Québec vous diront qu'ils ne veulent pas d'une autre Gentilly 2,
c'est-à-dire d'une autre centrale isolée parce que, comme vous le
savez, la technologie qui a été développée en
Ontario se fait par grappes de quatre réacteurs. Si on se met à
construire un réacteur à la fois, ici, on va se lancer dans un
autre prototype. Chaque fois qu'on parle de prototype, on parle d'une
technologie qui est non expérimentée et, à ce
moment-là, on peut se poser des questions à savoir s'il serait
préférable de retarder la construction de cette centrale
justement une fois qu'on serait satisfait de l'expérience ontarienne.
Vous n'avez pas fait allusion à l'expérience ontarienne, mais je
sais que les unions auxquelles vous êtes associés travaillent en
Ontario et connaissent le dossier de l'Ontario où se produit 37% de
l'électricité, et le fait de s'engager sur un réacteur
proprement dit serait un autre prototype au Québec. On peut se poser la
question: Est-ce qu'on veut d'un autre prototype au Québec? Je pense
qu'il y a des gens qui ne veulent plus d'un autre prototype.
M. Laberge (Louis): Ce qu'on a voulu dire, c'est que, dans les
circonstances actuelles, on ne croit pas devoir se lancer dans le
nucléaire, il n'y a pas assez de garanties. D'un autre
côté, on ne veut pas non plus tomber tellement en arrière
des autres que, lorsque le jour viendra où on ne pourra plus s'en
passer, on soit dépendants des autres. Ce n'est pas pour demain,
apparemment, nos ressources hydroélectriques nous suffiront pendant
encore quinze, peut-
être vingt ans.
M. Fortier: Comme vous le savez, on dit quinze ans ou dix ans,
mais ça prend à peu près dix ou douze ans pour planifier.
J'ai l'impression que vous êtes, comme les Américains le disent,
"half pregnant"; vous ne le voulez pas, mais vous le voulez.
M. Laberge (Louis): On a peut-être une période de
cinq ou six ans.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Bellechasse.
M. Goulet: Merci, M. le Président. Très rapidement,
trois questions du même souffle: une au niveau de l'interprétation
du texte et des propos de M. Laberge, une autre au niveau du principe et une
question d'opinion.
À la première phrase de votre texte, au niveau de
l'interprétation, justement, vous dites: "À l'aube des
années quatre-vingt, les prévisions économiques ne sont
pas reluisantes pour les Québécois. Aucune prévision, par
exemple, n'envisage de baisse du taux de chômage au cours des cinq
prochaines années." En répondant au ministre, vous avez dit tout
à l'heure: Le gouvernement a un bon dossier au niveau de la
création d'emplois. J'aimerais savoir comment concilier ces propos;
c'est au niveau de l'interprétation.
Au niveau du principe quant à ce que vous demandez dans votre
texte, vous soutenez qu'Hydro-Québec a un rôle social à
jouer en tant que société d'État, et vous dites à
peu près ceci: II est de son devoir de devancer son plan
d'investissement afin de minimiser la hausse de la courbe de chômage.
Vous ajoutez: Même si, pour cela, elle devait présenter un bilan
déficitaire. Je pense que cette façon de voir les choses peut
vouloir dire qu'Hydro-Québec peut remplacer une forme de
bien-être. Ne croyez-vous pas qu'il y ait un dilemme, au niveau d'une
société d'État? D'un côté, nous exigeons
comme parlementaires, et même l'ensemble des Québécois, que
nos sociétés d'État soient rentables. On veut très
fortement que nos sociétés d'État soient rentables, mais,
d'un autre côté, on leur demande de jouer un rôle social en
disant: Maintenez l'emploi même si vous devez présenter un bilan
déficitaire. C'était ma question au niveau du principe.
Une très courte question d'opinion. Est-ce que, en 1980, dans nos
années contemporaines, l'électricité est devenue un
service essentiel au Québec? (11 h 15)
Cela va, M. le Président, pour ma question à trois
volets.
Le Président (M. Jolivet): M. Laberge.
M. Laberge: Évidemment, l'électricité est
moins essentielle quand personne ne mange à la maison, qu'il fait beau
et qu'il fait chaud. L'électricité est quand même une
source d'énergie dont on ne peut pas se passer pas plus qu'on ne peut se
passer bien longtemps de gazoline et de pétrole. Pourtant, que je sache,
je n'ai pas encore entendu un membre de l'Assemblée nationale dire que
le gouvernement devrait décréter que les stations-service n'ont
plus le droit de faire la grève parce que c'est un service essentiel.
Pourtant, vous auriez beaucoup plus de misère a vous déplacer et
moi aussi. Je ne me vois pas bien sur un vélo, de Montréal
à Québec. Probablement qu'on se téléphonerait. Non,
il faut se voir tel qu'on est, autant que possible.
Quant à votre première question, c'est vrai que le
Québec a créé beaucoup d'emplois depuis quelques
années, et on l'a dit tantôt: ce n'est pas suffisant de
créer des emplois, il faut surtout stabiliser les emplois, il faut
sauver des emplois. On en a vu. Je pourrais vous nommer un tas de compagnies.
J'ai parlé des Entreprises Désourdy, tantôt. Je peux vous
en nommer une autre, une usine de portes et fenêtres qui ferme à
Saint-Georges de Beauce, jette sur le pavé 50 employés de 20 ou
22 ans de service, obtient des subventions du gouvernement du Québec et
du gouvernement fédéral, va ouvrir à
Saint-Jérôme et réengage 45 employés.
Évidemment, l'usine a créé 45 emplois, mais on en a perdu
45 ou 50 de l'autre bord. C'est un peu ça la folie furieuse, le cercle
vicieux dans lequel on se trouve. Évidemment, on sait que viennent sur
le marché du travail maintenant nombre de femmes qui auparavant ne
faisaient pas partie de la population active, qui, maintenant, font partie de
la population active et veulent des emplois. Cela crée des demandes.
Quant à...
M. Goulet: Le dilemme au niveau du rôle social
d'Hydro-Québec.
M. Laberge: II n'est pas question pour Hydro-Québec de
collaborer à un programme social. Il est question, au contraire, en
activant son plan d'investissement, de bâtir un meilleur marché,
ce qu'elle devra bâtir plus tard, de toute façon. Ce n'est pas
comme si on demandait à Hydro-Québec: même si tu n'as pas
besoin de créer des jobs, crée des jobs quand même. Bien
non, ce n'est pas ça. On sait que tantôt elle va être
obligée d'augmenter, seulement d'un coup, de 5300 sur les chantiers
à 10,100 travailleurs. Où va-t-elle prendre ça, 5000
travailleurs qualifiés d'un coup? Ce n'est pas vrai. Cela veut dire
plusieurs centaines de milliers de dollars et probablement plusieurs millions
pour former cette nouvelle main-d'oeuvre alors qu'on a de la main-
d'oeuvre toute formée, toute prête à continuer les
travaux. C'est dans ce sens.
Le Président (M. Jolivet): M. le député
d'Arthabaska.
M. Baril: J'aimerais traiter de l'à-côté du
dossier. Bien entendu, on sait bien que cette commission a pour but de discuter
du développement futur d'Hydro-Québec, des projets
d'investissement. Mais ça, c'est l'aspect de développement. Il ne
faut pas oublier, comme M. Laberge l'a souligné tout à l'heure,
l'aspect humain d'Hydro-Québec en entier. Comme on sait, depuis
plusieurs années, le problème des compagnies
qu'Hydro-Québec a nationalisées n'est pas résolu et le
gouvernement antérieur, le ministre de l'Énergie du temps avait
proposé deux solutions à Hydro-Québec dont une
était de traiter les "nationalisés" sur la même base que
les employés de la vieille HydroQuébec à partir de la date
d'embauche ou encore de les traiter comme tel qu'à compter de janvier
1966. Même si 70% des "nationalisés", au 31 décembre 1965,
avaient versé des cotisations plus élevées que celles des
employés de la vieille Hydro-Québec, en chiffre, ce qui veut dire
qu'au 31 décembre 1965, Hydro-Québec avait un déficit de
$33,204,000, soit 98% du déficit total tandis que les employés
des compagnies avaient un déficit de $687,257 qui représentaient
2% seulement du déficit des fonds de pension.
On sait également qu'au début de l'année 1979, le
Conseil du trésor du gouvernement actuel a proposé une solution
à Hydro-Québec, soit d'offrir 1,6% des pensions aux
"nationalisés". J'aimerais poser une question soit à M. Laberge
ou à M. Laramé: Est-ce qu'Hydro vous a fait des approches pour
discuter de cette offre du Conseil du trésor et quels en sont les
résultats?
Le Président (M. Jolivet): M. Laramé.
M. Laramé: Cela fait partie des problèmes que je
crois majeurs dans les relations de travail qui existent à
Hydro-Québec. Les syndicats impliqués, à la suite de
nombreuses discussions avec le ministre du temps, M. Joron, avaient compris
qu'il y aurait des rencontres entre Hydro, le syndicat et, possiblement, le
gouvernement pour trouver une espèce de solution comme celle que vous
avez mentionnée, sauf qu'il y a un problème. Hydro, avec l'accord
du ministre, selon nos renseignements, a passé par-dessus la tête
des instances syndicales et a voulu traiter directement avec les
"nationalisés". C'est ce qui a fait avorter le projet, entre autres. Ce
n'est pas une façon, dans les relations de travail, de traiter avec
plusieurs centaines ou milliers de travailleurs quand il y a des syndicats
légalement constitués et reconnus en place. La solution
proposée était très loin des éléments que
demandait le syndicat ou l'équivalent de ce qu'avaient
déjà les employés de l'ancienne Hydro-Québec. C'est
un des problèmes majeurs dont on va sûrement discuter au moment
d'une éventuelle rencontre avec les trois parties.
Le Président (M. Jolivet): M. le député.
M. Baril: Bien entendu, on voudrait que les deux groupes de
personnes soient traités d'une façon égale. Si on regarde
également ce qui est suggéré ou ce qui existe
actuellement, les employés de l'ancienne Hydro - puisqu'Hydro a
existé avant la nationalisation - reçoivent 2% de rente par
année de service et ce, à partir de la date d'embauche jusqu'au
31 décembre 1965. Ils reçoivent par la suite 2 1/4% de rente par
année de service à compter du 1er janvier 1966 jusqu'au jour de
leur rente.
Je comprends que, pour les "nationalisés", c'est difficile
d'accepter un règlement de 1,6% parce qu'ils ont toujours cotisé,
mais il y a quand même des questions qui se posent également,
puisque les "nationalisés" payaient un fonds de retraite à une
compagnie d'assurances, la Sun Life. On me dit que cela a toujours
été difficile de savoir exactement les sommes d'argent qui ont
été versées à cette compagnie ou qui restent dans
les fonds de cette compagnie et qu'Hydro-Québec devait racheter ou
acquérir lors de la nationalisation.
M. Laberge (Louis): Vous vous souviendrez peut-être que,
quand il y a eu la campagne pour la nationalisation de toutes ces compagnies,
en tout cas, à la FTQ, on a endossé cela. C'était le Parti
libéral dans le temps. On a fait campagne et on a dit: On y va, on est
d'accord, sauf qu'ils ont arrêté un peu notre cours. On aurait
bien voulu que l'Alcan et les autres soient nationalisées en même
temps. De toute façon, on était d'accord. Vous vous souviendrez
que, dans le temps, plusieurs de ces compagnies - je ne suis pas trop sûr
si ce n'était pas la Shawinigan, entre autres - dans plusieurs
régions du Québec avaient le courant alternatif. Je ne me
souviens pas combien cela a coûté de dizaines de millions de
dollars pour changer cela. Tout le monde trouvait cela bien correct. On avait
maintenant seulement une Hydro-Québec. C'étaient tous les
mêmes clients au même niveau qui avaient droit aux mêmes
services. Parfait: Mais comment cela se fait-il qu'en dix-huit ans, on n'ait
pas trouvé le moyen de régler le problème des travailleurs
d'Hydro-Québec? Ce sont les mêmes maudits travailleurs. Il n'y a
aucune raison. Je ne sais pas si c'est 1,6%, 2,6% ou 3,6%. Cela n'a aucune
espèce d'importance. Ce qui est important, c'est qu'ils soient
traités
exactement comme les autres. Ce sont tous aujourd'hui des
employés d'Hydro.
M. Baril: Oui, je suis bien d'accord sur votre position
également. J'aimerais demander au ministre - je sais que l'ex-ministre
de l'Énergie, M. Joron, s'était engagé à tenir une
commission parlementaire sur ce sujet particulier - quelle est sa position. Je
sais que ce n'est pas facile pour lui de répondre à une position
qui semble assez ferme de la part d'Hydro-Québec. Comme on dit, le
gouvernement est quand même là pour gouverner et je pense que
quelqu'un, dans ce dossier, devra prendre une position assez ferme. Il ne
faudrait pas attendre. Actuellement, je pense qu'il reste encore entre 3000 et
4000 employés d'Hydro-Québec ou "ex-nationalisés"
d'Hydro-Québec. Bien entendu, si on attend encore dix ou quinze ans, le
problème va se régler par lui-même parce qu'il n'y aura
plus aucun pensionné; ils seront tous décédés.
Donc, il ne faudrait pas répéter ce qu'on a fait de la
francophonie au Manitoba: attendre qu'il n'y ait plus de français pour
légiférer.
J'aimerais que le ministre nous dise ce qu'il entend faire.
M. Bérubé: D'une part...
M. Laberge (Louis): ...et, après, vous viendrez nous
voir.
Des voix: Ah!
M. Bérubé: Ce problème des fonds de retraite
des "nationalisés" a fait l'objet, lors de la dernière
négociation collective, d'une analyse au Conseil du trésor et
d'une position, finalement, par la direction d'Hydro-Québec. Ce que nous
avions convenu de faire comme gouvernement, c'était de tenir une
commission parlementaire qui irait au fond des questions de relations de
travail, en incluant cette question-là, et qui nous permettrait d'avoir
une idée plus claire. Pour autant que cela me concerne, je n'ai pas une
position différente de celle adoptée par le gouvernement lors des
dernières négociations et, forcément, même si je
n'ai pas été impliqué comme tel dans son
élaboration, n'étant pas ministre de l'Énergie et des
Ressources à l'époque, je dois respecter la décision du
Conseil des ministres de l'époque.
Toutefois, cela m'apparaît assez clair qu'il nous faut cette
commission parlementaire pour aborder un certain nombre de questions de
relations de travail au sein d'Hydro-Québec. Le syndicat a
soulevé plusieurs points litigieux et qui méritent, je pense,
d'aller en profondeur. Comme je le disais tantôt, le conseil
d'administration, pour se préparer en vue de cette commission
parlementaire, a formé un groupe de travail au sein du conseil
d'administration qui a justement passé en revue le problème des
relations de travail au sein d'Hydro-Québec.
Nous avions convenu, à ce moment-là, directement avec la
FTQ, de reporter la commission parlementaire, les deux parties n'étant
pas véritablement prêtes, l'année dernière, à
une telle commission. Je pense que, maintenant, du moins du côté
d'Hydro-Québec, on est prêt. Je crois même que, du
côté syndical, on est également prêt, que le temps
est maintenant mûr pour une commmission parlementaire et que cela devrait
être une des premières choses à réaliser d'ici la
fin de l'année, à mon point de vue.
Le Président (M. Jolivet): En terminant, rapidement, M. le
député.
M. Baril: En terminant, j'aimerais d'abord remercier et
féliciter les gens impliqués dans le dossier, soit les
"nationalisés" qui se sont déplacés ce matin pour venir
à Québec. Si on ne traite pas plus longtemps de votre dossier, de
la situation, ce n'est pas faute d'importance, mais, comme je l'ai
expliqué tout à l'heure à quelques-uns, le but premier de
cette commission n'était pas de traiter de ce sujet.
Je remercie également le député de Duplessis de
m'avoir laissé son droit de parole pour pouvoir traiter plus à
fond de la situation, même si on l'a touchée très
brièvement. Aussitôt que cette commission parlementaire sera
annoncée, soyez bien assurés qu'autour de la table, il y aura des
intéressés qui défendront la position des
"nationalisés".
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Gouin.
M. Tremblay: M. Laberge, l'importance de votre
délégation impressionne. C'est donc que vous jugez ce plan de
développement extrêmement important non seulement pour vos propres
employés syndiqués, mais pour l'ensemble du Québec. On a
souligné tout à l'heure que nous sommes en train de discuter le
quart de tous les investissements qui se produiront au Québec au cours
des dix prochaines années et vous avez vous-même souligné
que, dans l'industrie de la construction, en ce qui concerne les travailleurs,
il y avait un chômage de 30%. Je pense que les chiffres de l'Office de la
construction indiquent que nous avons environ 100,000 travailleurs alors que
nous en avions 160,000 il y a quelques années.
Vous avez soulevé plusieurs points, mais j'aimerais vous
questionner sur deux points en particulier: le financement en provenance des
caisses de retraite et l'étalement, évidemment, plus rationnel
des travaux. Vous
avez mentionné qu'en ce qui concernait la caisse de retraite des
employés d'Hydro-Québec, vous n'étiez pas
représentés du tout. Je pense que c'est un problème
fondamental au Québec. Les enseignants ne sont pas
représentés à leur fonds de retraite, les fonctionnaires
non plus. Il s'agit de milliards de dollars et l'affectation de ces milliards
est très importante pour le développement économique du
Québec. Vous êtes, par contre, au conseil d'administration de la
Caisse de dépôt. La Caisse de dépôt va prêter
à Hydro-Québec $400,000,000 cette année sur environ $2
milliards de fonds. (11 h 30)
Lorsqu'on regarde ce besoin d'investissements dans des barrages qui
durent 50 ans, est-ce que vous ne seriez pas d'avis que les fonds de retraite,
au Québec, celui des employés de la construction, par exemple, et
d'autres fonds de retraite devraient investir une plus grande proportion de
leurs fonds dans ces projets d'investissements de longue haleine? Je pose cette
première question.
Sur la question de l'étalement des projets, il y a quand
même un certain mystère ici et je le dis à titre de membre
de la commission. Je ne suis pas surpris que vous soyez vous-mêmes un peu
dans l'incertitude. C'est que, l'an passé, Hydro-Québec avait
présenté un plan d'investissements de $64 milliards, qui
était beaucoup plus logique, qui répartissait les investissements
de façon à ne pas avoir ce creux en 1983 où pratiquement
tout le monde est en chômage alors que tout le monde est en surchauffe
à la fin de la période. On nous présente cette
année un autre plan de la part d'Hydro-Québec, mais rien de la
part du gouvernement. Tout à l'heure, vous avez critiqué un peu
Hydro-Québec, mais il aurait fallu dire au gouvernement qu'il fallait
déposer d'autres documents parce que nous n'en avons pas en provenance
du gouvernement.
Il est évident que c'est une question majeure et, pour ma part,
je crois qu'il serait illogique de garder ce plan tel quel. Comme vous avez eu
l'expérience des Jeux olympiques où on avait eu un manque de
planification - peut-être par la force des choses, parce que les
Olympiques se décidaient à l'étranger, etc. - et une
surchauffe, est-ce que vous voyez un peu le même phénomène
en train de se construire si on approuvait ce plan tel quel,
c'est-à-dire du chômage jusqu'en 1984, 1985, et, après, on
monterait à 27,000 travailleurs avec toutes les perturbations qui
s'ensuivraient, de sorte qu'on aurait les jeux olympiques hydrauliques
après avoir eu les Jeux olympiques internationaux?
M. Laberge (Louis): Enfin, c'est le noeud de notre
mémoire. On ne peut pas continuer un tel marasme dans l'industrie de la
construction. Il faut planifier les investissements; autrement, il est fort
possible qu'on connaisse d'autres olympiques et la commission Malouf...
D'ailleurs, on aura bientôt un livre pour répondre au jugement de
la commission Malouf.
M. Tremblay: Est-ce celui de M. Drapeau?
M. Laberge (Louis): II me semble que j'ai vu hier dans la Presse
que le livre s'en venait - qui sait, peut-être pendant le sommet
économique de Montréal - et que, de toute façon, on aurait
une réponse à ça. C'est inévitable quand il n'y a
pas de planification. Encore une fois, les travailleurs de la construction
n'attendront pas cinq ans sur des tablettes que repartent d'autres travaux. Ils
vont faire autre chose. Ils vont "saprer" le camp, ils vont se trouver des
emplois dans l'entreprise, dans l'industrie, ailleurs et, à ce moment,
ils ne reviendront pas dans la construction. Une fois qu'un travailleur s'est
installé dans une entreprise, qu'il a un emploi qui a relativement de
l'allure, il ne prendra pas le "gamble" encore une fois de laisser ça et
de s'en retourner à l'aventure. Il faut une planification.
M. Tremblay: M. Laberge, seulement sur la question de la
planification. Lors des Jeux olympiques, il y a eu des dépassements de
coûts importants. Même à l'occasion d'investissements
à la Baie James, il y a eu aussi des dépassements de coûts.
On parlait de quelques milliards de dollars au début, on est rendu dans
les 15 ou 16 milliards de dollars pour toutes sortes de raisons. Vous parlez de
planification. On a un plan du capital. On planifie le capital pendant dix ans.
Est-ce qu'il ne serait pas dans l'ordre des choses de sortir un peu des
sentiers battus et de faire une sorte de plan du travail au cours des dix
prochaines années? Vous pourriez rencontrer les dirigeants
d'Hydro-Québec et dire: Cela va vous prendre des travailleurs pour dix
ans. Est-ce qu'on pourrait compter... C'est la population qui paie les tarifs;
les tarifs vont augmenter très rapidement, cela augmente
déjà rapidement. Quand c'est mal planifié, c'est la
population qui paie. Il y a des chômeurs aussi qui paient, mais c'est la
population qui paie. Est-ce qu'on ne devrait pas songer, que cela vienne
d'Hydro-Québec, du gouvernement ou de vous-mêmes, à faire
un plan décennal des emplois pour les travaux d'Hydro-Québec?
M. Laberge (Louis): Actuellement, on manque de mécaniciens
en machinerie. C'est aberrant, avec tous les travailleurs de la construction
qui sont en chômage depuis des mois et des mois et qui veulent
travailler:
Apparemment, il y a du monde qui est convaincu que les travailleurs en
chômage ne veulent plus travailler. Nous autres, on se fait achaler
à longueur de journée par des gars qui sont en beau jouai vert
contre nous autres parce qu'on ne réussit pas à leur trouver des
"jobs". C'est drôle, on ne fréquente pas le même monde,
certain. Il va manquer de mécaniciens en machinerie. Pourquoi n'en
forme-t-on pas maintenant? Imaginez-vous avec les hauts et les bas qu'il y a
dans le plan d'Hydro-Québec, c'est aberrant. Comme vous dites, les
compagnies qui sont comme Hydro-Québec, qui sont capables de planifier
un développement sensationnel comme celui de la Baie James, M. Lafond
qui va planifier les investissements et les emprunts à une virgule et un
poil près, quand vient le temps de s'occuper de la main-d'oeuvre, on
dirait que personne ne se soucie de cela. Les relations humaines à
Hydro-Québec, on en a parlé tantôt; vous en avez
parlé tantôt, M. le député, et plusieurs en ont
parlé à des commissions parlementaires, à des rencontres.
Il y aurait peut-être un moyen plus facile, c'est que tous les partis
ici, à l'Assemblée nationale, signent une lettre unanime,
l'envoient à Hydro-Québec et disent à Hydro-Québec
qu'aux prochaines négociations elle devra se démerder toute
seule, que vous ne viendrez pas la sortir du pétrin. Je suis convaincu
qu'on va régler le problème "rien que d'une claque"!
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Duplessis.
M. Tremblay: II y avait aussi la Caisse de
dépôt.
Le Président (M. Jolivet): Je m'excuse.
M. Tremblay: M. Laberge fait partie du conseil d'administration
de la Caisse de dépôt. Je pense que c'est le seul président
de centrale syndicale. Donc, vous décidez.
M. Laberge (Louis): Le seul président de centrale? Je suis
le seul, j'ai remplacé Marcel Pépin. Apparemment, les
présidents de centrale, cela mène à tout pourvu que tu en
sortes!
M. Tremblay: Maintenant, concernant...
Le Président (M. Jolivet): Rapidement, M. le
député.
M. Tremblay: ... les placements des fonds de retraite, face
à des besoins d'investissements énormes comme ceux
d'Hydro-Québec, étant donné aussi qu'Hydro-Québec
dit que ce sera difficile, avec les hauts taux d'intérêts, de
financer $55 milliards, quelle devrait être la politique des fonds de
retraite publics et parapublics face à ces investissements?
M. Laberge (Louis): Encore une fois, je suis très à
l'aise pour répondre à cela parce que, dès la
création de la Caisse de dépôt -on ne pensait pas, dans le
temps, avoir un poste là-dessus - nous avons préconisé que
la loi permette à la Caisse de dépôt de prendre tous les
plans de retraite privés, parce que c'était la façon de
pouvoir créer de l'investissement. Bien sûr, on a un droit de
regard et on peut s'assurer qu'on a au moins un retour équivalent
à ce qu'on pourrait obtenir ailleurs, mais il faudrait au moins
canaliser cela pour investir et faire fonctionner l'économie du
Québec. Nous avons toujours été entièrement
d'accord avec cela, nous, à la FTQ; même dans la construction, ils
ont exigé de la Caisse de dépôt qu'elle investisse
davantage dans les hypothèques afin de créer de la construction,
ce que la Caisse de dépôt n'a pas toujours suivi. Soit dit en
passant, j'étais un de ceux qui étaient pour foutre le camp de la
caisse quand sont arrivés des changements assez importants. Bien
sûr, il y a eu des pleurs et des grincements de dents, mais il y a eu des
changements importants et je suis encore là. Mais j'étais sur le
bord de foutre le camp.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Duplessis, en vous disant qu'il reste encore trois intervenants après
vous, le député de Portneuf et le député de
Frontenac; il faudrait essayer de terminer pour 12 heures, de façon
à entendre un autre mémoire d'ici 13 heures.
M. Perron: Merci, M. le Président. Je vais essayer de le
faire assez brièvement. Je voudrais, premièrement, dire au
député d'Arthabaska que je ne lui avais pas donné mon
droit de parole, je le lui avais prêté. Si vous avez
remarqué, je parle au moment où c'est opportun.
Le député de Gouin, tout à l'heure, mentionnait que
le gouvernement ne semblait pas vouloir prendre ses responsabilités en
rapport avec les investissements d'Hydro-Québec. Je ne voudrais pas
parler au nom du ministre, mais, si on a une commission parlementaire justement
sur les investissements prévus par Hydro-Québec pour les quinze
prochaines années, il faudrait peut-être regarder le fait que
c'est le gouvernement qui a décidé d'en avoir une à la
demande de plusieurs intervenants; par contre, on a l'intention de prendre nos
responsabilités de ce côté.
D'autre part, je voudrais saluer mes anciens collègues, pour ne
pas dire mes collègues, d'Hydro-Québec, spécialement mon
ancien président, M. Cuerrier, au local 1500, et en même temps
toute la délégation qui est ici aujourd'hui. Je remercie mon
collègue
d'Arthabaska des questions qu'il a posées sur les
"nationalisés". Je voudrais, au début, mentionner que je ne suis
pas moi-même touché par la question des "nationalisés"
parce qu'à ce moment, si vous vous rappelez bien, je travaillais pour
Gatineau Power Corporation, un très beau nom qui a été
francisé depuis en Hydro-Québec. On ne payait pas de pension,
dans le temps, à moins d'avoir 30 ans. Lorsque la nationalisation est
arrivée, je n'avais que 26 ans. Aujourd'hui, j'ai vieilli, comme M.
Laberge d'ailleurs.
M. Laberge (Louis): Ah! Cela avait été assez
agréable jusqu'à maintenant!
M. Perron: Chez vous, ça ne paraît pas; chez moi,
ça paraît! Je voudrais mentionner qu'en rapport avec les
"nationalisés", je pense qu'il y a lieu que le gouvernement
étudie cette question. Je dis bien le gouvernement. Là-dessus, je
voudrais dire qu'il est anormal que, lorsque la proposition du Conseil du
trésor est arrivée à Hydro-Québec, on soit
passé par-dessus les syndicats d'Hydro-Québec, les locaux 1500,
2000, 957, et qu'on soit allé directement vers les "nationalisés"
eux-mêmes, ce qui empêchait probablement de régler le
problème sur une base collective.
Je suggère qu'Hydro-Québec devrait entrer en contact, dans
les plus brefs délais, avec les syndicats d'Hydro-Québec pour
régler cette question.
Il y a une question que je voudrais poser en rapport avec ça,
puisqu'elle n'a pas été posée. Est-ce que vous avez eu le
loisir - la chance, en tout cas - d'étudier la proposition du Conseil du
trésor en rapport avec le 1,6% et est-ce que vous êtes toujours
favorables à ce pourcentage?
Le Président (M. Jolivet): M. Laramé.
M. Laramé: Les syndicats ont fait savoir à
Hydro-Québec qu'ils n'étaient pas favorables à ça.
Dans la proposition, dans les demandes syndicales, entre autres, les syndicats
demandaient que tous les employés, incluant les retraités,
puissent bénéficier des avantages. Le plan n'offrait pas
ça. Dans l'offre, les salariés payaient totalement le rachat et,
dans la demande syndicale, on demandait qu'Hydro-Québec paie ce rachat.
La troisième particularité très importante, c'était
qu'une partie seulement des années pouvait être rachetée,
alors que nous, on demandait le rachat total de ces années.
Sur ces points, on n'a pu s'entendre, parce qu'il n'y a pas eu de
négociation effective à ce sujet. C'est, entre autres, sur ces
points qu'on a passé par-dessus la tête des syndicats en
place.
M. Perron: II arrive, dans certains cas de rachat, que, par
exemple, Hydro-Québec paie 50% et les "nationalisés", dans ce
cas, paient 50%. Est-ce que cette question a été
étudiée?
M. Laberge (Louis): Dès que vous mentionnez une chose
comme celle-là, ça implique une négociation, donc
ça implique des rencontres. Ce qu'Hydro-Québec s'est
obstinément refusée à faire.
M. Perron: Bon, d'accord. Maintenant, en rapport avec les
relations de travail à Hydro-Québec - j'ai travaillé
pendant 20 ans, près de 21 ans; je sais un peu ce qui se passe dans ce
domaine - je maintiens qu'il faudrait, dans les plus brefs délais, une
commission parlementaire, justement, sur cette question spécifique.
C'est drôlement important qu'on l'ait dans les plus brefs délais.
D'ailleurs, je pense que le ministre a donné son assentiment en rapport
avec ça. Donc, parlant au nom du gouvernement, ça va se faire
éventuellement.
Il y a une dernière question que je voudrais poser et qui se
rapporte aux 12,600 travailleurs de la construction qui, en quatre ans,
perdraient leur emploi, puisqu'il y aurait une baisse de construction dans le
domaine hydroélectrique. Cela représente une moyenne de 3000 par
année, si j'ai bien compris.
M. Laberge (Louis): D'après les chiffres
d'Hydro-Québec, en 1979, il y avait 16,998 travailleurs sur les
chantiers d'Hydro-Québec - je parle seulement des chantiers - l'an
dernier, en 1980, il y en avait 12,165; en 1981, on prévoit qu'il y en
aura 9550; en 1982, 7200; en 1983, 5200; en 1984, 4400. Donc, de 1979 à
1984, une diminution... Ce n'est pas 2000 par année; c'est 4000 de moins
qui ont travaillé en 1980; c'est 3000 de moins qui ont travaillé
en 1981 ou qui vont travailler en 1981; c'est 2300 de moins qui vont travailler
en 1982; encore 2000 de moins qui vont travailler en 1983 et, finalement, 800
de moins qui vont travailler en 1984.
Donc, en 1984, il y aurait 12,600 travailleurs; en 1983, il y en aurait
11,800, etc. C'est beaucoup d'emplois, ça! On arrive à une somme
fantastique et à je ne sais trop combien d'heures-hommes par
année, mais autour de 40,000 ou 45,000 probablement.
M. Perron: Merci pour avoir apporté des
éclaircissements là-dessus. Une dernière question et
ensuite je vais passer la parole à d'autres; en fait, je vais la
remettre au président. Lorsque vous avez regardé toutes ces mises
à pied...
M. Laberge (Louis): Excusez-moi, j'ai dit heures-hommes, mais
c'est années-hommes; grosse différence!
M. Fortier: Ce n'est pas le même salaire!
M. Perron: M. Laberge, lorsque vous avez parlé de ces
pertes d'emploi, est-ce que vous avez regardé l'impact que ça
pourrait avoir, par exemple, dans le domaine des travailleurs de la
construction, en rapport avec le règlement no 5, le règlement de
placement, qui spécifie, dans un des articles, que ça prend 5000
heures en cinq ans? Avez-vous calculé à peu près combien
de travailleurs seraient touchés? On sait que le règlement, on
peut le changer, on peut tout de même l'amender avec l'accord du Conseil
consultatif du travail et de la main-d'oeuvre, mais, cependant, est-ce que vous
avez regardé les chiffres, l'impact? Combien de travailleurs seraient
touchés et seraient passibles de perdre leur permis d'enregistrement
dans la construction? (11 h 45)
M. Laberge (Louis): À peu près 8000 à 9000
travailleurs, en moyenne, par année, pendant cinq ans. Moi, j'oserais
dire qu'à peu près 80% d'entre eux perdraient leur permis de
travail. Au taux de chômage de 30% ou 35% que l'on connaît
présentement viennent s'ajouter tous ces travailleurs qui, pendant des
mois, et certains, pendant des années, ont travaillé à la
Baie James. Dans les régions, ceux qui ont une "job" sur les chantiers
ne sont pas prêts à la laisser à ceux qui vont revenir de
la Baie James. Ce sont plusieurs milliers de travailleurs qui ne seraient plus
considérés comme admissibles à travailler sur les
chantiers de construction. Vous voyez le problème?
M. Perron: Merci beaucoup, M. Laberge, ainsi que les
représentants d'Hydro-Québec au niveau syndical. Je voudrais
mentionner, en terminant, que je pense qu'il est nécessaire, surtout
à cause de la conjoncture économique que nous avons sur la
Côte-Nord actuellement, qg'on devance des travaux, surtout sur la
Côte-Nord, bien entendu, mais après ça, qu'on regarde
attentivement pour devancer des travaux, afin de maintenir l'emploi dans la
construction et permettre aussi des investissements, ce qui va avoir des
retombées socio-économiques à peu près partout, en
rapport avec ça.
M. Laberge (Louis): Cela a l'air qu'on est déjà
rendu à trois ou quatre votes, il n'en manque plus que 106.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Portneuf.
M. Pagé: Merci, M. le Président. Je dois tout
d'abord souhaiter la bienvenue aux interlocuteurs de ce matin, M. Laberge, M.
Laramé, M. Lavallée et les gens du Syndicat canadien de la
fonction publique, la FTQ en général. Je dois vous dire que j'ai
bien apprécié vous entendre, entre autres sur deux sujets,
notamment sur la question du climat des relations de travail à
Hydro-Québec, qui n'est certainement pas des plus sereins. Le moins
qu'on puisse dire, c'est que ça ne va certainement pas pour le mieux
dans le meilleur des mondes à Hydro-Québec, si on se
réfère aux négociations combien ardues et combien
difficiles que vous avez eues à vivre, auxquelles le gouvernement a eu
à assister et dont les citoyens du Québec ont eu à
souffrir au cours des dernières années.
Il est question d'une commission parlementaire. Je trouve que vous avez
témoigné de beaucoup de patience depuis le règlement de
votre convention collective jusqu'à aujourd'hui. On est à la fin
du régime, à quelques semaines des élections
générales au Québec. Peut-être que cette patience
reflète aussi l'acquiescement spontané que vous avez
manifesté comme syndicat. Je ne parle pas au nom des travailleurs, je ne
veux pas parler des travailleurs, parce que je sais que les travailleurs
n'étaient pas contents ni satisfaits de la loi matraque et du
règlement de convention collective qui leur a été
imposé. Mais à voir l'acquiescement spontané que vous avez
manifesté à ce moment-là, il est peut-être
explicable que le gouvernement ne se soit pas dépêché plus
qu'il ne fallait pour tenir la commission parlementaire.
De toute façon, j'espère qu'elle va se tenir dans les
meilleurs délais et je présume que, comme d'habitude, c'est nous
qui allons la tenir d'ici quelques mois, après les élections.
M. Grégoire: ...on est tombé dans la petite
politicaillerie.
Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît.
M. Laberge (Louis): Ce n'est pas tombé dans l'oreille d'un
sourd, M. le Président.
M. Pagé: M. le Président.... Le Président
(M. Jolivet): À l'ordre! M. Laberge (Louis): Vous êtes
témoin. M. Grégoire: Ça allait bien, pourtant.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Portneuf.
M. Pagé: Vous savez, M. Laberge, je ne veux pas vous
envoyer de flèche ce matin. Quand je veux vous en envoyer, je vous le
dis. Je vous en ai envoyé, il n'y a pas longtemps, sur votre implication
au référendum, mais je ne veux pas embarquer là-dedans ce
matin. Il y a des questions
beaucoup plus importantes pour les travailleurs que vous
représentez...
M. Laberge (Louis): C'est parce que vous avez dit quelque chose
d'extrêmement important...
M. Pagé: Oui.
M. Laberge (Louis): ...vous avez dit: Vous avez été
d'une patience très grande.
M. Pagé: Vous avez été patient.
M. Laberge (Louis): Ce n'est pas tombé dans l'oreille d'un
sourd. Nous le reconnaissons, nous avons peut-être été trop
patients.
M. Pagé: Ah! ça, qu'est-ce que vous voulez que je
vous dise, monsieur, moi? Il faut connaître les motifs au soutien de la
patience...
M. Laberge (Louis): Nous nous rappellerons cela, et vous aussi,
nous l'espérons.
M. Pagé: ...parce qu'on a eu la campagne
référendaire, on a eu tout ça.
Le Président (M. Jolivet): Allez, M. le
député.
M. Pagé: M. le Président, je voudrais soulever
à l'attention du ministre, ce matin, toute la question qui a
été évoquée plusieurs fois, relativement aux
employés "nationalisés" lors de la création de la nouvelle
HydroQuébec, en 1966. C'est un problème qui a été
soulevé...
M. Laberge (Louis): Ils ne vous entendent pas.
M. Pagé: On va parler plus fort.
C'est un problème qui est aigu, qui se pose avec beaucoup
d'acuité, c'est un problème qui a été
régulièrement porté à l'attention des
gouvernements...
Le Président (M. Jolivet): M. le député, je
m'excuse...
M. Pagé: Oui?
Le Président (M. Jolivet): ...c'est simplement votre micro
qui ne fonctionne peut-être pas. On vous entend bien mais, à
l'arrière, on vous entend mal.
M. Pagé: On va en prendre deux, si ça ne fait
pas.
Bon. J'en étais à évoquer, comme
préliminaire, comme préambule, tout le problème qui
affecte les employés des compagnies nationalisées par
Hydro-Québec. J'étais à dire que chacun des gouvernements,
depuis une dizaine d'années, a été concerné par ce
problème, a eu à écouter des représentations, des
demandes qui lui ont été formulées. Chacun des
gouvernements a tenté d'élaborer des ébauches de solutions
et on se retrouve aujourd'hui avec la situation suivante: C'est-à-dire
que l'employé de l'ancienne Hydro-Québec, qui travaillait pour
Hydro-Québec avant le processus de nationalisation, se voit nettement
privilégié et avantagé, selon les informations qu'on en a
- le ministre pourra rectifier au besoin -par rapport à celui qui
travaillait pour une compagnie qui a été nationalisée en
1965 et ce, même si le travailleur qui travaillait pour une compagnie qui
a été nationalisée versait des contributions assez
appréciables en termes de pourcentage de salaire. Le
député d'Arthabaska signalait tantôt 4%. Dans certains cas,
c'est 4%; dans d'autres, c'est 6% et, dans d'autres, c'est 7%.
On sait que le fonds de retraite des employés
d'Hydro-Québec, au moment de l'intégration, présentait un
déficit d'environ $34,000,000, alors que le déficit des
employés des compagnies nationalisées était beaucoup
moindre, même pas $1,000,000, à l'époque.
On sait que les employés qui travaillaient pour l'ancienne Hydro
ont droit, pour le calcul de leur fonds de retraite, pour les années de
service avant la nationalisation, à un pourcentage de 2% et,
après 1965, à 2,25%. Je vais vous donner deux cas
spécifiques, M. le ministre.
Prenez l'employé qui avait 20 ans de service, au 31
décembre 1965, pour l'ancienne Hydro; avec une moyenne de salaire des 5
meilleures années - prenons un chiffre pour que cela soit plus vite
à calculer, $25,000 - avec un salaire de $25,000, à 2%, cela lui
donne 40% et ce, pour les années avant 1966. $25,000 multiplié
par 16 ans, c'est-à-dire de 1966 à 1981, multiplié par
2,25%, cela lui donne 36%. Cela lui donne un total de 76% du montant,
c'est-à-dire une pension de $19,000. C'est pour l'ancien employé
d'Hydro-Québec, celui qui a toujours travaillé pour
Hydro-Québec.
Prenez le "nationalisé" qui prend sa retraite à
l'âge de 60 ans. Pour le premier dont je vous parlais, c'était
à l'âge de 60 ans. Le type avait 20 ans de service au 31
décembre 1965, lui aussi. Il y a 16 ans depuis la nationalisation et,
pour le même salaire, $25,000, sa pension se calcule à 1,66%,
selon la proposition formulée par le Conseil du trésor, en 1979,
et, avant cette proposition-là, c'était 1,5% pour les
années avant d'être "nationalisé" et le même
régime, depuis qu'il est "nationalisé", c'est-à-dire
2,25%. Cela donne à ce travailleur $14,940, comparativement à
$19,000 dans l'autre cas.
Prenez le cas où ce même travailleur continuerait
jusqu'à 65 ans, selon le régime proposé par le Conseil du
trésor qui prend 1,5% et 2,25% après pour faire un tout à
1,66%, cela lui donnerait $17,015.
Les gens sont inquiets. Les gens, selon moi, ont eu raison de faire des
pressions soutenues et continuelles et les gens ont raison d'être ici ce
matin. Ce qu'Hydro-Québec leur a proposé, c'est un régime
contributoire avec deux options, une option par laquelle ils pourraient
contribuer à 25% et Hydro-Québec à 75% et, l'autre option,
à 50% et Hydro-Québec à 50%. Mais cela implique pour
chacun de ces travailleurs l'obligation de débourser des sommes qui
peuvent aller jusqu'à $5000 environ. Ce qu'il y a d'assez
intéressant et qui n'a pas été dit, c'est que, dans les
options qui sont proposées, le crédit acheté n'est payable
qu'à l'âge de 65 ans; on n'en a pas parlé ce matin. Ce
crédit acheté n'est pas sujet à indexation non plus; on
n'en a pas parlé ce matin. Quand le retraité
décède, le crédit acheté n'est pas
considéré dans l'établissement de la demi-pension pour les
survivants; on n'en a pas parlé ce matin.
La position que j'ai cru percevoir du ministre tantôt, c'est de
dire: Hydro-Québec a formé un comité. Elle est en train
d'étudier tout cela et elle va éventuellement proposer des choses
au syndicat. Si HydroQuébec a formé un comité, M. le
ministre, si c'est à l'étude actuellement, comment pouvez-vous
justifier la réponse de M. Boyd, d'Hydro-Québec, la semaine
dernière, à une question qui lui était posée par le
député de Nicolet-Yamaska, M. Fontaine, qui disait, le 24
février 1981, sur la galée, R/314-ER du journal des
Débats, à 21 h 10, le 24 février... Et je cite M. Boyd qui
probablement avait reçu une information ne contenant pas toutes les
données, c'est le moins qu'on puisse dire, mais, en tout cas, parce que
je comprends que M. Boyd a bien des choses à traiter. Je cite: "Quant
à ce qui concerne les gens de l'ancienne compagnie de la Shawinigan,
puisque c'est dans votre territoire, - c'est toujours M. Boyd qui parle - je
crois, nous avons corrigé leur fonds de retraite et apporté des
correctifs à plusieurs reprises dans le passé. Ce qu'on leur a
offert, en fait, ce qu'on leur a donné la dernière fois leur
permettait de racheter les années de service et, avec cela, ils avaient
un régime de retraite égal ou ils avaient l'occasion d'avoir un
régime de retraite égal à celui des autres employés
qui avaient toujours travaillé à Hydro-Québec. La
majorité des employés que j'ai rencontrés moi-même
sur ce sujet sont satisfaits, etc."
Comment concilier le fait que M. Boyd d'Hydro-Québec nous dise
que cela semble être réglé, dans son esprit, et que le
ministre nous dise ce matin: II y a un comité interne à
Hydro-Québec avec des actuaires et tout cela qui étudient cela et
on aura des propositions éventuellement à formuler?
Hydro-Québec a transigé avec une association bona fide qui est
l'association du personnel des anciennes compagnies hydroélectriques du
Québec. Cela n'a pas plu au syndicat, ce qui est certainement
légitime, mais il ne faudrait pas, M. le Président, que, parce
qu'il y a eu des problèmes de savoir avec qui Hydro-Québec doit
parler, les travailleurs paient la note encore pendant quelques
années.
Le sens de ma question, ce matin, au ministre de l'Énergie et des
Ressources est le suivant. J'aimerais aussi qu'il me réponde bien
précisément. Je ne sais pas s'il est au fait de tout le dossier.
Le travailleur qui occupait un poste dans une compagnie qui a été
nationalisée recevait, en fait, pour le bénéfice de sa
rente, un pourcentage de 1,5% et 2,25% tout comme les employés
d'Hydro-Québec après 1966; la proposition formulée par le
Conseil du trésor, ces gens l'interprètent comme voulant dire
ceci: Au lieu d'avoir 1,5% et 2,25%, on aurait 1,66% en tout. Le ministre
peut-il corriger cette information ou la confirmer ou l'infirmer? Mais qu'il
nous donne la réponse! Les 2,25% acquis des travailleurs
nationalisés pour la période courant après le 1er janvier
1966, vont-ils la conserver, premièrement, au point de vue technique,
pour être capables de mieux interpréter la proposition
formulée par le Conseil du trésor? Deuxièmement, - M. le
ministre, je voudrais que vous demeuriez calme, que vous demeuriez
serein...
M. Bérubé: Oh, oui.
M. Pagé: ... c'est beau de dire: On va siéger et on
va étudier cela, on va s'asseoir et on va s'entendre. Il y a eu des
propositions qui ont été faites en 1972, qui ont
été acceptées pour une bonne part. Cela a contribué
à faire avancer le dossier. En 1976, on avait encore le même
problème parce que les ajouts apportés en 1972 n'étaient
pas satisfaisants. Il y avait encore de l'inéquité, parce que je
dois vous dire que cette situation m'apparaît inéquitable, injuste
et inacceptable. Aujourd'hui, depuis quatre ans, le dossier a avancé
dans le sens de la proposition du Conseil du trésor de mai ou juin 1979.
Encore là, cette proposition témoigne de beaucoup
d'inéquité, d'injustice et de caractère inacceptable.
Aujourd'hui, on est en commission parlementaire chargée d'étudier
le mandat d'Hydro-Québec et d'entendre Hydro-Québec. Quand M.
Boyd a répondu cela, la semaine dernière, nous autres ici, autour
de la table, on était bien heureux. On s'est dit: C'est
réglé. On n'en reparlera plus, c'est réglé. Mais on
s'est aperçu que ce n'était pas réglé et là,
vous nous dites: On aura une commission parlementaire
éventuellement.
Je veux vous demander ceci et j'espère que vous allez dire oui,
à part ça. Ce n'est pas une affaire terrible. On n'a pas eu de
commission parlementaire ici au sujet d'Hydro-Québec depuis deux ans,
deux ans et demi, depuis 1978. Chaque fois que ces gens viennent pour soulever
cette question à l'Assemblée nationale, ce n'est jamais le temps
et ce n'est jamais le bon débat. On en parle dans le discours inaugural
et on n'a pas de réplique du ministre. On n'est pas plus avancé.
On va en parler dans une motion de mercredi. Cela peut être
reporté. On pourrait en parler dans la motion du mercredi 11 mars
prochain. Cela va être reporté aux calendes grecques et cela va
couler aux élections. Cela va partir avec le PQ. Je veux vous
demander...
Motion pour prolonger les travaux de la
commission
On doit terminer nos travaux demain matin. La commission est
maîtresse de ses travaux, la commission est souveraine, la commission
peut prolonger ses travaux, la commission, en principe, peut mettre fin
à ses travaux, la commission peut choisir d'entendre qui elle veut. Elle
a le mandat de l'Assemblée nationale de travailler. Je propose - j'en
fais une motion et j'aimerais que vous l'acceptiez; vous me répondrez en
même temps - que la commission parlementaire de l'énergie et des
ressources siège le mercredi 4 mars, c'est-à-dire demain, de 10
heures à 13 heures, aux fins d'entendre Hydro-Québec. S'ils ont
commencé à travailler, ils doivent avoir quelque chose à
nous dire. Si le comité est formé et s'ils ont commencé
à faire des rapports, et ils sont capables de venir nous dire - comme M.
Boyd nous l'a signalé le 24 février - que c'est
réglé. M. Boyd, ses officiers, ses actuaires, ses comptables et
son personnel viendront nous rencontrer. J'aimerais que le syndicat
d'Hydro-Québec se fasse entendre. (12 heures)
II nous apparaît que la solution à ce problème ne
peut être que politique. Il faudra qu'un gouvernement prenne la
responsabilité d'une décision politique et dise: II y a un
problème, cela coûte tant de millions pour le régler et on
va le régler. Là, les parlementaires vont entendre les deux
côtés. Je suis certain que M. Laberge et M. Laramé
accepteraient de venir. Probablement que l'Association du personnel des
anciennes compagnies hydroélectriques du Québec, qui est une
association, pourrait, elle aussi, être entendue, j'en conviens. Je fais
motion dans ce sens-là, M. le Président. Cela pourrait
certainement contribuer à faire avancer le dossier.
Je dois vous dire que, malheureusement, j'aimerais bien ne pas avoir de
méfiance à votre endroit, mais j'en ai pas mal et j'ai peur que
cela parte avec les élections, tout cela. C'est le sens de la motion que
je viens de déposer, M. le Président. Même si je suis
intervenant, j'ai le droit de la déposer et, avant que le ministre donne
sa position sur la motion, j'aimerais qu'il réponde au moins à la
question spécifique que je lui ai formulée à
l'égard de tout ce problème qui témoigne d'une injustice
profonde à l'égard de ces gens-là.
Je ne suis pas du tout d'accord sur la solution du député
d'Arthabaska - je lui dirai cela pour le taquiner - quand il disait
tantôt que, dans une dizaine d'années, plus ça va aller,
plus ça va se régler; ces gens-là vont être
décédés. Même s'il y a plusieurs personnes d'une
cinquantaine d'années ici aujourd'hui, elles ont l'air en pleine forme.
Il n'y a pas de problème.
M. Perron: II ne faut pas charrier. Ce n'est pas à cela
qu'il faisait allusion surtout.
M. Pagé: II faut le régler.
Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît!
M. Pagé: Là, vous êtes fâché
parce que c'est nous autres qui le faisons. Calmez-vous donc et votez donc avec
moi. Votez avec moi si vous voulez vraiment les représenter, ces
gens-là.
Le Président (M. Jolivet): À l'ordre:
M. Perron: Actuellement, vous êtes en train de faire de la
politique sur le dos des travailleurs. Je n'aime pas cela. Je suis un
travailleur, moi aussi.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Duplessis.
M. Pagé: Ces gens-là savent que le
député de Portneuf s'est occupé du dossier des
nationalisés depuis 1976 et vous, vous n'avez rien fait
là-dedans. Rien fait! Vous deviez être le 12 012ième,
à Hydro-Québec.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Portneuf.
M. Perron: Je regrette, mais vous n'avez rien fait quand vous
étiez là, vous autres non plus. Ce dossier traîne.
Le Président (M. Jolivet): À l'ordre! S'il vous
plaît!
A ceux qui sont à cette assemblée, je tiens à faire
remarquer que je ne dois, en aucune façon, accepter que vous donniez
votre impression à des gens qui parlent en avant. Quant à ceux
qui sont à ma gauche et à ma droite, je vous ai demandé de
la tolérance envers ma voix et, jusqu'à
maintenant, tout a bien été. Je suis assuré que
cela va continuer comme cela.
Cependant, avant de donner la parole au ministre, je dois faire
remarquer au député de Portneuf que cette commission
parlementaire, en vertu de ses règlements, à moins qu'il n'y ait
consentement des membres de cette assemblée, ne peut accepter aucune
motion. C'est une décision qui avait été rendue lors de la
commission parlementaire qui a précédé celle-ci, celle sur
la constitution. On a réglé le problème de cette
façon: les membres de cette commission ont accepté, de
façon unanime, une présentation de motion, puisque la convocation
des commissions parlementaires sont du ressort du leader du gouvernement. Tout
ce que les gens autour de cette table peuvent faire, c'est d'émettre des
voeux pour que le leader du gouvernement convoque des commissions
parlementaires.
Cette commission, bien entendu, a les pouvoirs qui lui sont
conférés en vertu des règlements à l'effet de
suspendre ou d'allonger les débats, ce qui veut dire qu'actuellement,
c'est jusqu'à 24 heures ce soir, mais dans les autres cas c'est le
leader du gouvernement qui est responsable de la convocation des commissions.
Ce que la commission peut faire comme notion, si on peut le prendre dans le
sens du mot motion, c'est d'inciter, par cette motion qui deviendra une forme
de voeu, le leader du gouvernement à convoquer, en vertu des
règlements, cette commission parlementaire pour la semaine
prochaine.
M. Pagé: M. le Président, question de
règlement.
Le Président (M. Jolivet): Question de règlement,
M. le député de Portneuf.
M. Pagé: M. le Président, je dois vous faire part
qu'à la même commission parlementaire - le ministre
Bérubé était là avec nous - lorsque nous avons
étudié toute la question des pâtes et papiers. À
plusieurs reprises, des motions ont été déposées.
Cela allait même, M. le Président, jusqu'à faire revenir
à la table des gens qui avaient déjà
témoigné, jusqu'à prolonger les travaux et même
suspendre les travaux. On est allé aussi loin qu'obliger des
intervenants à déposer des bilans d'entreprise. Rappelez-vous
quand on avait obligé la Consolidated Bathurst à déposer
ses bilans de la Wayagamack. M. le Président, je ne comprends pas
aujourd'hui le sens de votre décision. Je ne la conteste pas, mais je
dois vous dire ceci: Appelons les choses par ce qu'elles sont. Si j'ai
demandé que la commission siège demain, c'est en raison du
caractère urgent et impérieux de siéger dans les meilleurs
délais. Je n'accepterai pas, moi, que le leader nous donne un ordre
en
Chambre pour revenir siéger en commission en reconvoquant tout
ça. M. le Président, c'est noyer le poisson.
M. le Président, face à votre décision, j'en
appelle au consentement des membres.
M. Tremblay: Consentement.
Le Président (M. Jolivet): Je veux simplement vous dire
que la commission élue permanente de l'énergie et des ressources,
en vertu de la convocation qui lui avait été demandée pour
les 24, 25 et 26 février, ainsi que les 2 et 3 mars, a lieu aux fins
d'entendre les personnes et organismes qui veulent faire des
représentations relativement aux plans d'équipement et de
développement 1981-1890 de la société
d'Hydro-Québec et, qu'en conséquence, toute autre question
afférente n'est pas l'objet de cette convocation. C'est pour ça
que je vous ai dit que la commission peut faire des demandes au leader,
l'amener à convoquer une commission, mais que ça me prend le
consentement de l'ensemble de ses membres pour ce faire.
M. Pagé: M. le Président, je dois d'abord vous dire
que rarement nous voyons à l'Assemblée une procédure par
laquelle un député en appelle à l'Assemblée, au
président, parce que, essentiellement, ça veut dire à
l'Assemblée: Est-ce que vous acceptez qu'on mette de côté
la décision du président? M. le Président, je vous
demanderais d'en appeler à l'Assemblée et vous devez certainement
savoir que ça implique un appel nominal des députés.
Le Président (M. Jolivet): Je l'avais très bien
compris, M. le député, puisque j'ai dit que la commission
était toujours responsable de ses actes, mais que ça me prenait
le consentement de l'ensemble, à ce niveau. Je demande donc, aux gens de
cette commission, pour éviter toutes sortes de procédures et de
discussions, puisque je pense que tous les membres sont au fait, quels sont
ceux qui seront d'accord que la commission parlementaire actuelle discute de la
motion présentée par le député de Portneuf. M. le
député Bérubé (Matane).
M. Bérubé: Non, M. le Président. Une
voix: Pardon?
Le Président (M. Jolivet): M. le député
Baril (Arthabaska), pour ou contre?
M. Baril: Contre.
Le Président (M. Jolivet): M. le député
Bordeleau (Abitibi-Est).
Une voix: Contre.
Le Président (M. Jolivet): M. le député
Ciaccia (Mont-Royal).
M. Ciaccia: Pour.
Le Président (M. Jolivet): M. le député
Desbiens (Dubuc).
M. Desbiens: Contre.
Le Président (M. Jolivet): M. le député
Goulet (Bellechasse).
M. Goulet: Pour.
Le Président (M. Jolivet): M. le député
Fortier (Outremont).
M. Fortier: Pour.
Le Président (M. Jolivet): M. le député
Grégoire (Frontenac).
M. Grégoire: Contre.
Le Président (M. Jolivet): M. le député
Perron (Duplessis).
M. Perron: Contre, M. le Président.
Le Président (M. Jolivet): M. le député
Tremblay (Gouin).
M. Tremblay: Consentement, M. le Président.
Le Président (M. Jolivet): Donc, nous sommes
arrivés à un, deux, trois, quatre, cinq voix contre et quatre
pour. Donc, la motion n'est pas recevable.
M. Samson: M. le Président, est-ce que je pourrais vous
poser une question?
Le Président (M. Jolivet): J'espère que ce n'est
pas sur le même sujet, parce que...
M. Samson: Non, c'est sur une question de règlement.
Le Président (M. Jolivet): Oui, M. le
député.
M. Samson: Vous avez fait l'appel des membres qui ont le droit de
vote et vous avez appelé M. Bordeleau (Abitibi-Est). J'ai entendu
"contre", mais je ne le vois pas.
Le Président (M. Jolivet): Je dois vous dire, monsieur,
qu'il n'a pas participé au vote et que le vote est toujours cinq contre
quatre.
M. Samson: C'est parce qu'il y a quelqu'un qui a crié
"contre". Je pensais que ç'aurait été compté.
Le Président (M. Jolivet): Non, il n'y a personne. Je ne
l'ai pas entendu, quant a moi.
M. le ministre, pour réponses aux questions posées par le
député de Portneuf. Je tiens toujours à faire remarquer
que le député de Frontenac a demandé la parole et que nous
avons une autre association qui a demandé à être entendue
avant quinze heures, puisqu'elle doit nous quitter. M. le ministre.
M. Bérubé: M. le Président, le
député de Portneuf m'a demandé de rester calme et serein
et je compléterai mes propos en étant moins arrogant qu'il ne l'a
été dans son intervention. Son intervention avec le sourire au
coin des lèvres était assez caractéristique d'un homme
politique qui, pendant des années, a fait partie d'un gouvernement qui
n'a pas réglé les problèmes. Se retrouvant à la
veille d'élections, il croit qu'il va se faire du capital politique en
démontrant subitement une ferveur qu'il n'a pas montrée
antérieurement. On peut se demander dans quelle mesure cette ferveur
n'est pas feinte, simplement, pour essayer de se ménager du capital
politique, mais ça ne prend plus de nos jours.
La première question qu'il a posée porte sur le contenu
technique du programme de régime de retraite existant à
Hydro-Québec. Malheureusement, je ne suis pas en mesure de
répondre techniquement à votre question pour une raison
très simple: je n'ai pas été partie au moment de la
préparation des négociations; je n'ai donc pas suivi...
M. Pagé: Vous ne connaissez pas le dossier?
M. Bérubé: Exactement. C'est...
M. Pagé: Vous avez avoué, ce matin, que vous ne
connaissiez pas le dossier?
M. Bérubé: C'est ça.
M. Pagé: Vous vous en êtes occupé pas mal
avant, vous, pas mal!
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Portneuf, tous les gens autour de cette table vous ont permis, en vertu de
l'article 100, de parler sans être dérangé. Laissez au
ministre le soin de répondre, s'il vous plaît.
M. Bérubé: Oh, c'est un jeune garnement, M. le
Président; il faut comprendre certains de ses excès. Je pense
qu'il n'a pas encore appris à présenter un certain calme. Il est
excellent acteur, d'ailleurs, et on voit immédiatement à son
sourire narquois au coin des lèvres qu'il ne croit absolument rien de ce
qu'il dit.
M. Pagé: Un jeune garnement qui est arrivé ici
avant toi et qui va partir après.
M. Bérubé: C'est connu depuis longtemps, le
député de Portneuf n'a aucune sincérité dans les
propos qu'il tient; c'est purement et simplement du théâtre.
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.
M. Bérubé: Donc, à la première
question, je ne peux pas répondre sur le contenu technique, parce qu'en
toute honnêteté je n'ai pas les éléments pour
véritablement en parler et, dans ce temps-là, je ne parle pas.
Point, à la ligne.
Concernant, cependant, l'importance d'une discussion de fond, à
quelques reprises j'ai rencontré des délégations qui m'ont
fait part de cette question qui est extrêmement complexe et nous avons
senti le besoin de la replacer dans le contexte de toutes les
négociations syndicales-patronales à l'intérieur
d'Hydro-Québec. C'est pour cette raison qu'à l'époque nous
avions pensé tenir une commission parlementaire en deux volets. Le
premier volet aurait pu être, par exemple, les relations de travail. Le
deuxième volet aurait pu être le plan d'équipement
d'Hydro-Québec. C'était la proposition initiale que j'avais
faite.
Toutefois - c'est ce que j'ai souligné dans mon intervention et
c'est également ce que le président de la FTQ a souligné
dans son intervention - il est apparu aux deux parties - ce n'est pas la
position gouvernementale plus que la position syndicale; nous nous sommes
rencontrés et les deux étaient exactement du même avis
-qu'elles n'étaient pas suffisamment préparées pour
s'engager dans une commission parlementaire sur les relations de travail qui
pourrait porter des fruits. Nous avions demandé à
Hydro-Québec de faire une partie de la réflexion. Du
côté syndical, on fait cette réflexion, de telle sorte que
l'on pourra s'engager, comme je l'ai indiqué tantôt, dans un
véritable débat de fond sur toutes les relations de travail
à l'intérieur d'Hydro-Québec et cela, dans un climat
où les deux parties se seront suffisamment bien préparées
pour apporter une contribution positive et tenter de régler
véritablement des problèmes. Cette question n'a jamais
préoccupé le député de Portneuf, cela ne l'a jamais
empêché de dormir. Ne vous inquiétez pas, cela ne le
fatigue pas plus que cela. Cependant, se retrouvant en période
préélectorale, évidemment, cela paraît bien de
subitement y montrer un certain intérêt.
M. Pagé: M. le Président, question de
règlement.
Le Président (M. Jolivet): Question de règlement,
M. le député de Portneuf, s'il vous plaît.
M. Pagé: Question de règlement, strictement pour
soulever mon privilège de député.
Une voix: II n'y a pas de question de privilège.
M. Pagé: Oui, oui. Ce n'est pas une question de
privilège, M. le Président, mais on peut soulever une question de
règlement, selon 99.
Le Président (M. Jolivet): M. le député, je
tiens à vous faire remarquer que la coutume a été
établie que vous puissiez intervenir après l'intervention du
ministre, en vertu de l'article 96, dans le but de rectifier des faits.
M. Pagé: Ah, oui! Merci!
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.
M. Bérubé: Merci, M. le Président. En fait,
je termine en disant qu'effectivement cette question est importante. Je sais
qu'en 1979 Hydro-Québec avait fait une proposition d'amélioration
du régime de pension en faisant porter la contribution de 1,5% à
1,66% du salaire des cinq meilleures années par année de
services. C'était une amélioration par rapport à ce qui
existait antérieurement, entre 1% et 1,5%, mais ce n'était pas
suffisant pour répondre à l'attente de la partie syndicale. C'est
absolument indéniable, mais c'était connu. On sait comment se
sont terminées les dernières négociations. Je pense
qu'elles ne se sont pas terminées d'une façon normale, en tout
cas, à mon point de vue, et je ne pense pas du point de vue syndical,
non plus. Toutefois, le but de cette commission n'est pas ici -d'ailleurs, d'un
commun accord - de s'engager dans un débat de fond sur les relations de
travail au sein d'Hydro-Québec. Le but de cette commission, c'est de
discuter du plan d'équipement d'Hydro-Québec et je ne suis pas
venu à cette commission préparé en fonction d'un
débat de fond sur les relations de travail à l'intérieur
d'Hydro-Québec.
Maintenant, je n'ai, évidemment, pas l'aptitude du
député de Portneuf à pouvoir parler de n'importe quel
sujet sans être préparé. Malheureusement, je dois dire que
je ne suis pas préparé techniquement pour discuter d'un sujet
aussi complexe que tout le dossier du fonds de retraite d'Hydro-Québec.
Dans ces conditions, ce ne sera pas une discussion; cela va être un
monologue purement et simplement politique du député de Portneuf
qui, lui, simplement prévoit des
difficultés dans son propre comté à se faire
réélire et qui sent le besoin d'aller se raccrocher deux ou trois
votes ici et là. Mais je pense bien que cela ne convainc personne.
M. Pagé: M. le Président, en vertu de l'article
96.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Portneuf, en vertu de l'article 96.
M. Pagé: Très brièvement, pour
rétablir certains faits. Premièrement, je passerai outre au
qualificatif de jeune garnement du ministre. Je dois lui dire que je suis
arrivé ici trois ans avant lui et que je vais partir pas mal
d'années après lui. (12 h 15)
Deuxièmement, mon intérêt au dossier; M. le
Président, les gens du comté et les travailleurs savent
pertinemment que je m'intéresse à ce dossier depuis 1975.
Troisièmement, ce qui est beaucoup plus grave - et je demanderai au
ministre d'écouter - c'est que le ministre vient de nous dire: Je ne
suis pas préparé techniquement pour répondre. M. le
Président...
M. Grégoire: M. le Président, ce n'est plus pour
rectifier des faits et, si c'est un débat qui s'amorce, je vous
demanderai de le rappeler à l'ordre.
M. Pagé: M. le Président...
Le Président (M. Jolivet): Je vais quand même
entendre ce qu'il a à dire, en espérant qu'il va s'en tenir au
règlement.
M. Pagé: Oui, oui.
M. Bérubé: II n'a rien à dire, M. le
Président.
M. Pagé: M. le Président, je voudrais porter
à votre attention que, dans une lettre du 13 novembre 1979
adressée à M. M. Beaudoin, président de l'Association du
personnel des anciennes compagnies hydroélectriques du Québec, M.
Yves Bérubé, sous sa signature, ministre de l'Énergie et
des Ressources, disait: "L'étude que j'ai faite du dossier m'indique que
les mesures apportées par Hydro-Québec en 1972 et 1979 ont
comblé une part importante de vos demandes."
M. Grégoire: Question de règlement! Je crois que
les propos du député de Portneuf sont nettement
antiréglementaires.
Le Président (M. Jolivet): M. le député! M.
le député!
M. Pagé: II dit que, techniquement, il n'est pas
préparé et, dans cette lettre, il dit qu'il accepte ce
qu'Hydro-Québec a proposé.
M. Grégoire: Ce n'est plus un rétablissement des
faits, M. le Président.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Frontenac, la parole est à vous.
M. Grégoire: M. le Président, on va sortir de la
période de politique dans laquelle on a été
entraîné et on va essayer de revenir au vif du sujet qui nous
intéresse ce matin, soit le devancement des travaux. Vos arguments me
convainquent, je sais que le président d'Hydro-Québec est aussi
dans la salle aujourd'hui, j'espère qu'il va en sortir convaincu, j'ai
hâte d'entendre ses réponses à tout cela ce soir. Mais il y
a un point parmi vos arguments, M. Laberge, qui n'a peut-être pas
été assez soulevé. C'est le coût d'une
période creuse pour les travailleurs sur les chantiers. Vous dites,
à la page 9 de votre mémoire: Nous pouvons facilement estimer
à près de $500,000,000 pour la période le coût en
assurance-chômage et aide sociale pour les licenciés
d'Hydro-Québec et, si on y ajoute les effets multiplicateurs à la
hausse sur l'économie, ces $500 millions dépasseraient de
beaucoup le déficit de $280 millions qui, lui, n'est constitué
que dans une seule hypothèse sur neuf, parce que les huit autres
hypothèses entraînaient des profits malgré les coûts
supplémentaires et la neuvième entraînait des pertes. Mais,
comme on nous l'a dit, c'est dans les cas les plus défavorables,
cataclysmes possiblement, une sur neuf. Connaissant Hydro-Québec et
connaissant ses compétences, nous savons fort bien, vous et moi, qu'elle
va s'en tenir aux trois ou quatre premières hypothèses
plutôt qu'à la septième, la huitième ou la
neuvième.
D'un autre côté, vous mentionnez une perte pour le
gouvernement de $500 millions. Avez-vous fait des analyses là-dessus, M.
Laberge?
M. Laberge (Louis): Une moyenne de 6000 travailleurs par
année, mettons-les simplement, en bénéfices
d'assurance-chômage, à $10,000 par année, ce n'est pas
exagéré, déjà, ça fait combien, 6000
à $10,000? Vous calculez vite, vous. Cela fait combien? $60 millions?
C'est cela? $60 millions multiplié par cinq ans, on arrive tout de suite
à $300 millions. C'est facile à calculer; avec les autres
retombées que cela peut avoir, on atteint très facilement les
$500 millions. Ce n'est pas exagéré du tout.
M. Grégoire: Le coût, comme vous le mentionnez, de
préparer une nouvelle équipe pour les chantiers?
M. Laberge (Louis): Cela aussi, c'est la danse des millions
encore une fois, il n'y a aucun doute.
M. Grégoire: C'est le point que je voulais faire
ressortir, le coût du non-devancement.
Le Président (M. Jolivet): Merci.
M. Laberge (Louis): Est-ce que le temps est venu de vous
remercier, M. le Président?
Le Président (M. Jolivet): Je pense, oui.
M. Laberge (Louis): M. le Président, membres de la
commission, nous tenons à vous remercier. Nous avons
apprécié votre attention, nous avons apprécié vos
questions. D'après ce que nous pouvons voir, vous semblez être
unanimes, il y aura donc une recommandation de la commission, et nous en sommes
fort heureux. Vous semblez aussi unanimes à dire qu'il y a eu une
injustice vis-à-vis de ce qu'on appelle les "nationalisés"
d'Hydro-Québec en ce qui a trait à la caisse de retraite. Je
suppose que vous continuerez d'être unanimes là-dessus pour
régler le problème une fois pour toutes. Vous l'étiez au
mois de décembre, il y a deux ans, quand vous avez adopté la loi
spéciale nous privant de notre droit de grève; je vous souhaite
encore la même unanimité.
Le Président (M. Jolivet): Merci à M. Laberge et
à ses compagnons, au nom des membres de cette commission.
Pendant que j'invite l'Association Environnement Archipel à se
présenter, représentée par M. Charles Mallory, je dois
dire que j'ai fait une erreur tout à l'heure: le mémoire
présenté par Dominion Bridge-Sulzer Inc. n'est que pour
dépôt, de telle sorte que le mémoire est reçu au
secrétariat des commissions ainsi qu'à la bibliothèque de
la Législature et qu'il pourra être remis à ceux qui en
feront la demande soit au secrétariat des commissions ou à la
bibliothèque de la Législature.
Je tiens à faire remarquer aux gens qui nous quittent de nous
laisser cependant la possibilité de poursuivre nos travaux. S'il vous
plaît.
M. Charles Mallory. Est-ce que vous êtes seul, M. Mallory?
Association Environnement Archipel
M. Mallory (Charles): Non, nous sommes cinq, mais c'est assez
difficile...
Le Président (M. Jolivet): Maintenant que vous êtes
installés, est-ce que vous pouvez nous donner le nom et la fonction des
personnes qui vous accompagnent?
M. Malllory (Charles): Oui, certainement, M. le Président.
Je vous présente notre président, M. Pierre André,
à ma gauche. À sa gauche, M. Edwin MacKay, le secrétaire;
et Yolaine Lebeau, et, à ma droite, Robert Cordner. Nous sommes tous
membres de l'exécutif de l'Association Environnement Archipel.
Le Président (M. Jolivet): Je m'excuse, j'ai mal compris
le nom de votre...
M. Mallory: M. Pierre André.
Le Président (M. Jolivet): Pierre André.
M. Mallory: Comme le prénom.
Le Président (M. Jolivet): Merci.
M. Mallory: M. le Président, juste avant que nous
présentions notre mémoire, je veux demander ici si ce n'est pas
possible de permettre au beau soleil d'allumer et éclairer nos
débats. On voit qu'on a allumé partout. Ce n'est pas totalement
hors du sujet. Hydro-Québec indique qu'il y a une très forte
demande qu'il faut combler. On se demande si ce n'est pas un gaspillage
à grande échelle qui est peut-être responsable aussi de
cette forte demande.
Le Président (M. Jolivet): Vous devrez considérer
cependant que pour les besoins de la télévision ces grosses
lumières qui nous éclairent sont nécessaires et que les
rayons du soleil, malheureusement, viennent nuire à la bonne image qui
est transmise sur les écrans de télévision.
M. André (Pierre): Je vais lire assez rapidement le
mémoire que nous vous présentons aujourd'hui. Comme il est
relativement court, je vais me permettre de le lire. Ce mémoire se
compose de trois parties principales. Dans un premier temps, on présente
l'association, qui est un groupe de citoyens de la région de
Montréal. Il faut dire que le mémoire concerne
particulièrement le projet Archipel, qui est relativement peu
mentionné dans les planifications d'Hydro-Québec pour une
stratégie des années quatre-vingt.
La première partie rappelle un peu un historique de l'Association
Environnement Archipel. Dans la deuxième partie, nous allons apporter
certains commentaires sur les documents d'Hydro-Québec, une
stratégie pour les années quatre-vingt. Et, dans la
troisième partie, nous allons apporter certains commentaires sur les
documents du secrétariat d'État à l'Aménagement,
secrétariat qui est en charge du projet Archipel dans la région
de Montréal.
Ces divers commentaires se veulent constructifs et ne sont
aucunement
destructifs. J'espère que même s'ils peuvent être
parfois piquants, cette assemblée les prendra avec un certain optimisme
plutôt que pessimisme.
C'est à la suite de l'inquiétude venue de
spécialistes de l'environnement qu'a pris naissance l'Association
Environnement Archipel. Tout a débuté à la ville de
LaSalle le 15 septembre 1980. Les représentants d'une dizaine
d'associations de la région de Montréal vouées à la
récréation, au sport, à l'écologie et à la
conservation de la faune étaient alors présents. Les participants
ont jugé qu'il s'avérait nécessaire de réunir les
gens intéressés à mieux connaître les implications
du projet Archipel tel que conçu par les autorités
gouvernementales. À la suite de cette première, des
réunions de structure et d'organisation ont eu lieu pour établir
l'association sur des bases solides. C'est dont à l'Université du
Québec à Montréal, le 17 novembre 1980, que s'est tenue
l'assemblée générale de fondation. Une constitution, les
règlements et les buts à poursuivre y ont été
discutés et établis.
Je voudrais maintenant vous rappeler les buts de notre association. Les
buts de l'association sont de récolter et d'analyser toute information
pertinente au projet Archipel, de faire en sorte que cette information
parvienne au public en des termes clairs et compréhensibles, de
favoriser l'échange d'opinion entre les membres de l'association et le
grand public, d'être vigilant et inquisiteur face à
l'évolution du projet, de proposer, s'il y a lieu, des solutions de
rechange aux problèmes cruciaux de l'archipel de Montréal,
d'organiser les interventions à la réalisation des politiques de
l'association et de s'opposer aux parties du projet qui nuiraient aux
populations concernées.
Il va de soi qu'il est important qu'il existe une collaboration
étroite entre les autorités gouvernementales et le public
touché par le projet. Pour ce faire, l'Association Environnement
Archipel a eu -c'est écrit ici une première, mais, depuis ce
temps, il y a eu certaines autres rencontres - une première rencontre
officielle avec le comité Archipel du secrétariat d'État
à l'aménagement qui gère les études de
faisabilité du projet. Les buts de cette rencontre étaient alors
d'échanger tout renseignement et toute documentation pertinente et de
nous assurer une certaine collaboration pour l'établissement de nos
propres séances publiques d'information.
L'association a mis sur pied des ateliers de travail qui
étudieront les implications réelles touchant les divers aspects
de l'environnement, comme la récréation sur les voies d'eau, la
faune aquatique et semi-aquatique, la réalisation de centrales
hydroélectriques et le problème des inondations.
En plus de ces ateliers, l'association est à mettre sur pied des
corps régionaux. Ces corps veulent regrouper les gens impliqués
dans les problèmes environnementaux de leur milieu, et plus
particulièrement ceux de l'eau. Sur une base régionale, ils
permettront de réunir les gens concernés par de similaires
problèmes.
Une invitation a été lancée dans la région
de Montréal pour intéresser plus de 200 associations
concernées par le projet sur l'île de Montréal et ses
environs. Ces associations sont invitées à venir étudier
les problèmes d'aménagement des espaces bleus, à faire
entendre leur point de vue et enfin être en mesure de parler du projet
avec les gens qui sont impliqués.
L'Association Environnement Archipel est structurée
démocratiquement et toute prise de position doit être
entérinée en assemblée générale. Il nous
serait actuellement impossible de considérer l'ensemble du projet ou
même ses différentes constituantes avant la présentation et
l'analyse des études en cours. Nous n'avons pas encore de position ferme
à communiquer. Nous affichons présentement une objectivité
face au projet. Nous voulons toutefois par cette présentation montrer
l'intérêt du public sur ces questions et même en profiter
pour amener certaines interrogations. Nous espérons que les questions
suscitées seront résolues avant que ne soient prises les
décisions sur le projet.
En plus du livre blanc sur l'énergie, nous avons
étudié le document présenté récemment par
Hydro-Québec: Une stratégie des années quatre-vingt, et
aussi plusieurs documents diffusés par le secrétariat
d'État à l'aménagement sur le projet Archipel.
Nos commentaires sur le document d'Hydro-Québec: La
présentation du projet Archipel dans les documents d'Hydro-Québec
suscite plusieurs questions, mais n'offre que peu de réponses. Le fait
que le projet soit presque ignoré nous encourage et nous inquiète
à la fois. C'est encourageant, en ce sens qu'Hydro ne le voit pas comme
une priorité de développement, ce qui laisse passablement plus de
temps pour accomplir d'adéquates études d'impacts, mais c'est
inquiétant quand on voit la propagande massive faite par certaines
instances gouvernementales en faveur de cette option. Est-il possible
qu'Hydro-Québec puisse être confrontée à une
décision de nature politique face à l'accomplissement du
projet?
Selon les documents, le Québec se lancerait, dès les
années quatre-vingt-dix dans, l'ère du nucléaire. La
construction des installations requises pour ce type de production commencerait
au cours de la décennie quatre-vingt. Un regard sur le graphique 3.2, le
graphique qui figure ici en annexe, laisse entrevoir qu'à la suite des
investissements hydroélectriques prévus à
court terme, aucun projet hydroélectrique ne pourrait
concurrencer le nucléaire. Donc, avant la fin de cette décennie,
la construction d'un certain nombre d'installations nucléaires sera
entreprise, installations qui seront en fonction au cours de la suivante
décennie.
Aucun chiffre précis n'est cité en ce qui concerne les
coûts d'exploitation des différentes alternatives (le
nucléaire, les autres projets hydroélectriques et les centrales
au charbon) toutefois, il est possible de discuter les résultats
escomptés. Pourquoi diverses compagnies américaines ont-elles
décidé non seulement de construire leur nouvelle centrale
thermique au charbon, mais aussi d'abandonner plusieurs projets de centrales
nucléaires déjà amorcées avec des pertes
financières importantes?
Supposons que les coûts du nucléaire soient au moins
égaux à ceux des centrales au charbon, le graphique 3.2 nous
offre une perspective bien différente. Entre autres, le projet Archipel,
version de 730 MW, devient rentable. Il devient requis et mis en
activité pour les années 1996, la construction commençant
en 1986.
Le projet Archipel n'est pas un projet comme les autres, vous en
conviendrez. Il est situé au sein de la métropole du
Québec. N'est-ce pas l'unique projet de cette envergure en milieu
urbain? Il faut donc considérer attentivement les retombées
sociales, les besoins les plus pressants en aménagement de la faune et
la préservation d'endroits à l'état naturel, compte tenu
du nombre important de personnes qui occupent la région
montréalaise et qui veulent bénéficier de façon
optimale des eaux de l'Archipel. (12 h 30)
Peu de renseignements concernant les résultats des études
faites sur le projet Archipel sont actuellement accessibles. Le projet initial,
version de 1600 MW, coûterait deux fois plus que le nucléaire et
le petit projet, version 730 MW, 1,46 fois plus. Mais quels sont les
coûts ici considérés? Quelques indications sont disponibles
dans le document intitulé "Plan des installations". Les coûts
comprennent l'ensemble des installations, ce qui doit inclure des mesures
correctrices pour rendre ces projets plus acceptables et pour harmoniser
l'insertion dans le milieu.
Nous ne pouvons évidemment pas critiquer ces calculs, mais nous
suggérons qu'ils doivent inclure non seulement ces travaux et ceux qui
remédient au tort fait à l'environnement, mais qu'ils incluent
également les travaux requis pour l'assainissement de nos eaux. Nous
savons tous que les eaux de la région montréalaise sont
sérieusement polluées. Plusieurs travaux sont projetés
pour améliorer cette situation et en voici quelques exemples.
Montréal a eu priorité pour le nettoyage du côté sud
de la rivière des Prairies et Laval, son côté nord, ainsi
que la rivière des Mille Îles; ces deux rivières sont
assurément les plus polluées de la région. L'égout
intercepteur nécessaire au sud de l'île de Montréal sera
assurément construit avec ou sans Archipel. C'est déjà un
commencement et de nombreux autres projets d'épuration et
d'assainissement doivent être mis de l'avant.
Il faut aussi faire attention de ne pas occasionner de nouvelles
détériorations du milieu. La retenue des eaux du lac Saint-Louis
avec un barrage pourrait amener de nouveaux problèmes et, possiblement,
une détérioration inacceptable de la qualité de l'eau. Un
tel barrage pourrait entraîner la réalisation de nouveaux travaux
de dépollution et ces coûts devraient faire partie des coûts
prévus pour la réalisation du projet hydroélectrique. Un
programme d'assainissement des eaux et d'épuration des eaux,
géré par le ministère de l'Environnement, ne devrait-il
pas s'imbriquer au projet Archipel afin qu'il puisse vraiment intégrer
tous les problèmes de la gestion des eaux de l'Archipel
montréalais?
Nous tenons à vous assurer que nous ne considérons pas les
données reçues suffisantes pour faire du projet Archipel une
évaluation valable. Il faut que les études, qui ne sont pas
encore nommées, soient rendues publiques. Il nous sera alors possible de
vous faire connaître notre opinion sur leur contenu et leurs implications
par rapport à la liste des projets prioritaires
d'Hydro-Québec.
Il nous faut aussi mentionner la nécessité de consultation
publique. C'est assez normal au Québec. Par exemple, les autochtones de
la Baie James ont pu siéger à quelques comités en une
consultation formelle et continuelle. Alors qu'au nord du Québec, il n'y
a que quelques milliers de résidents, il y a, dans la région
métropolitaine, une population de quelques millions. Il est, cependant,
évident que cette consultation ne doit pas être mille fois plus
longue et compliquée. Un processus de consultation a été
mis sur pied par le Secrétariat d'État à
l'aménagement. C'est sûrement le plus grand effort de ce genre
jamais entrepris au Québec, mais est-ce suffisant pour desservir une
population aussi grande? Un délai d'une année est bien maigre
s'il faut en même temps faire les études et entendre les citoyens
sur leurs résultats.
Commentaires sur les documents du Secrétariat d'État
à l'aménagement. Des documents présentés par le
Secrétariat d'État à l'aménagement sur le projet
Archipel, c'est surtout le document intitulé "Programme de travail:
étude de faisabilité" qui fera l'objet de nos commentaires. Nous
avons remarqué que la version anglaise diffère
considérablement de la version française, la
première discutant plus en profondeur des études à
entreprendre.
Nous savons bien qu'il y a encore beaucoup à apprendre sur la
dynamique des écosystèmes aquatiques comme celle des rapides de
Lachine. Nous osons espérer que les études en cours dans cette
région sauront apporter des réponses aux nombreuses questions qui
surgissent lorsque l'on entrevoit la possibilité de construire un
barrage juste en amont des rapides - il faut lire amont plutôt que aval
ici. Nous avons cependant peur des conséquences néfastes que
pourrait entraîner la construction d'un tel barrage sur les
écosystèmes impliqués.
On se rappellera l'élimination, par la construction de la Voie
maritime du Saint-Laurent, des rapides du Long-Sault entre Messina, New York,
et Cornwall, Ontario. Pour ne citer que M. Pearce, chef d'un comité
d'études de la Commission conjointe internationale, "une des plus
productives et belles sections de rivière dans le pays et dans le monde
fut transformée en un désert semi-biologique lorsque les rapides
du Long-Sault furent détruits".
Dans le programme d'études, on peut également lire que
"relativement peu de choses sont connues sur les rapides en tant
qu'environnement biologique, la dynamique de mélange des eaux, les
micro-climats, la migration des poissons et des oiseaux", et bien d'autres
choses.
Il nous faut aussi noter qu'à la suite de plusieurs études
menées sur des rapides à travers l'Amérique du Nord,
beaucoup de ces lieux furent déclarés réserves
écologiques pour le bénéfice des générations
à venir.
Dans ce même programme d'études, il est mentionné
que "toute altération dans la quantité ou qualité des eaux
de l'Archipel aura sans aucun doute des répercussions sur la
végétation et la faune aquatiques et ripariennes ainsi que sur
les oiseaux aquatiques et semi-aquatiques".
Il y a environ trois ans, à la suite d'études sur les
répercussions possibles d'un tel projet sur les rapides de Lachine, M.
Pearce mentionnait: "D'un point de vue environnemental et biologique, la perte
d'une partie quelconque des rapides de Lachine serait un désastre".
Une période d'un an, telle qu'allouée dans le programme
pour l'étude du milieu biologique des rapides de Lachine, semble
beaucoup trop courte en raison de la complexité et de la
variété de la faune et de la flore présentes à cet
endroit. Il nous suffit de mentionner que la région des rapides
héberge près de 76 espèces de poissons et un nombre tout
aussi impressionnant d'espèces d'oiseaux aquatiques et semi-aquatiques;
de plus, la faune qui occupe les rives de cette région est des plus
diversifiées.
L'aménagement des rapides de Lachine tel que proposé par
le projet Archipel ressemble beaucoup au projet de Beauharnois, Québec.
Situé sur le Saint-Laurent à environ 50 kilomètres de
Montréal, ce projet consiste en un canal dérivant près de
80% des eaux du fleuve. Ce projet a eu un effet désastreux sur
l'environnement de cette région et causait des disparitions presque
totales de très beaux rapides entre les lacs Saint-François et
Saint-Louis.
Le programme d'étude sur le projet Archipel mentionne l'aspect
déjà artificiel que possède le milieu d'aujourd'hui et
demande quelles seraient les mesures correctrices à apporter pour que
soit demain restauré autant que possible l'état naturel du
milieu. Vous admettrez avec nous que ce point de départ est discutable
pour un important projet de construction comme le projet Archipel. Comment
peut-on également restaurer et rendre aux eaux de l'Archipel leur
état naturel si nous y créons un milieu nettement artificiel?
Jamais dans l'histoire de la construction de barrages, un ensemble de rapides
n'ont été aménagés sans que s'ensuive leur
destruction.
L'élément hydroélectrique du projet Archipel
nécessiterait l'aménagement des rapides de Lachine, la drague et
le dynamitage d'une portion ou d'une certaine région au niveau du lac
Saint-Louis et du bassin de Laprairie ainsi que la destruction probable de
plusieurs espèces végétales et animales de cette
région. M. Parkinson et M. Décarie, respectivement concepteur et
directeur du projet, ont affirmé lors des séances d'information
publiques que 80% du projet se concentrerait dans le secteur des rapides de
Lachine.
Le programme d'études mentionne qu'il y a raison de croire que la
situation par rapport à la qualité de l'eau sera
améliorée et que le projet pourrait résulter en une
meilleure dilution des eaux. Il est difficile de concevoir comment
l'emmagasinage des eaux en amont du barrage pourrait entraîner, pour ne
pas dire créer, une plus grande quantité d'eau facilitant cette
dilution. Autant de pollution qui sera certainement présente dans ce
réservoir; elle pourrait possiblement se déplacer vers l'aval des
présents rapides, nuisant aux populations de cette nouvelle
région, compte tenu de l'élimination de l'effet
auto-épurateur des gros rapides.
Dans la région montréalaise, la façon la plus
simple de prévenir la pollution, et d'y remédier, est de cesser
d'utiliser nos voies d'eau comme des réservoirs d'eaux usées et
de procéder à un aménagement complet pour assurer
l'assainissement et l'épuration des eaux, comme l'installation de tuyaux
collecteurs et la construction d'usines d'épuration. Ce problème
majeur, bien que déjà partiellement résolu, est
constamment remis à plus tard et n'est strictement pas mentionné
dans le programme d'étude, plan
de travail du projet Archipel qui se veut un projet d'intégration
des problèmes des eaux de l'Archipel de Montréal.
M. Jean-René Mongeau, biologiste en chef du ministère du
Loisir, de la Chasse et de la Pêche et sûrement un des
spécialistes au sujet des rapides de Lachine, a fortement
recommandé au gouvernement que tous les rapides de Lachine soient
déclarés arrondissement naturel et qu'aucun barrage ou canal ne
soit construit tant en aval qu'en amont de ces mêmes rapides et que
cesdits rapides soient préservés à leur état
naturel. Y aurait-il là contradiction au sein de notre organisation
gouvernementale?
Plusieurs municipalités aux alentours des rapides de Lachine se
sont déjà opposées ouvertement au projet; près de
25,000 personnes ont signé une pétition afin de conserver les
rapides en tant que lieu historique. Il est important de réaliser dans
la mesure du possible les besoins des aspirations de la majorité
silencieuse qui semble consciente de l'ampleur et des implications d'un tel
projet.
Derniers rapides d'importance conservés à l'état
naturel, les rapides de Lachine revêtent une importance tant historique
qu'environnementale. Ne serait-il pas opportun que ces rapides, les îles
et les espaces verts avoisinants soient annexés au projet de un fleuve
un parc, comme parc régional et lieu historique, pour la joie et au
profit des générations à venir?
C'est sur ce que je termine la présentation de ce mémoire,
M. le Président, et que je vous remets la parole.
Le Président (M. Jolivet): Merci, M. le
député de Crémazie et ministre d'État à
l'aménagement et délégué à l'habitation,
vous avez la parole.
M. Tardif: M. le Président, j'imagine que je suis inscrit
à titre d'intervenant maintenant. Je désire, en effet, intervenir
à ce moment-ci, d'abord pour remercier l'association Environnement
Archipel de sa présentation. On constate, à
l'énoncé des buts de cette association qui consistent à
récolter, à analyser l'information pertinente au projet, à
informer le public en termes clairs et compréhensibles.
Troisièmement, nous dit-elle, à favoriser l'échange
d'opinions entre l'association et le grand public. Quatrièmement,
dit-elle, d'être vigilant et inquisiteur face à l'évolution
du projet. Cinquièmement, de proposer s'il y a lieu des solutions de
rechange aux problèmes cruciaux de l'Archipel et, sixièmement, de
s'opposer aux parties du projet qui nuiraient aux populations
concernées.
Je dis qu'il s'agit là d'objectifs que nous poursuivons
également et c'est la raison pour laquelle je voudrais intervenir
à ce moment-ci, en réponse, si vous voulez, à la question
posée par les intervenants au tout début, qui disaient à
la fois se réjouir et s'inquiéter de ce que le projet Archipel
n'apparaissait pas de façon plus détaillée dans le plan
d'investissements, dans le programme d'équipement
d'Hydro-Québec.
Si le projet Archipel n'apparaît pas comme tel dans ces documents,
c'est que ce projet, avant même d'être un projet
hydroélectrique ou de production d'électricité, est
d'abord un projet d'aménagement. C'est d'abord un projet visant à
régulariser le régime des eaux de l'archipel de Montréal,
de ces quelque 350 ou 360 îles qui forment l'archipel. Là-dessus,
l'objectif est clair. Les journaux, récemment, rapportaient que des
dizaines de milles carrés de territoire étaient inondés,
inondations dévastatrices que les populations riveraines, tout le long
de la rivière des Mille-Îles, connaissent très bien.
Cet hiver, le gel a provoqué un embâcle dans le port de
Montréal durant deux semaines, a causé des pertes
considérables au transbordement des marchandises, aux installations
portuaires. Cet hiver également, il y a trois semaines à peu
près, les journaux nous apprenaient que 250,000 personnes, sur la rive
sud, étaient privées d'eau par suite de la formation de frasil
qui était venu obturer les conduites d'amenée d'eau. D'autres
problèmes sont également liés au phénomène
inverse des basses eaux l'été, des étiages, comme on les
appelle, et ce sont tous des problèmes auxquels on ne saurait tenter
d'apporter des solutions parcellaires, auxquels il nous faut apporter une
solution globale.
La seule solution, un des éléments de solution qui
pourrait être greffé à une telle entreprise de
régularisation des cours d'eau est, d'une part, c'est vrai, la
production d'électricité. À partir du moment où des
ouvrages sont effectués pour régulariser les cours d'eau, un des
avantages qui peut en découler est la production
d'électricité, mais il y en a d'autres: le transport, la
navigation, les passoires à poisson, la navigation, notamment, sur la
rivière des Prairies, d'un bout à l'autre de la rivière,
l'utilisation possible des ouvrages comme voie de transit d'une rive à
l'autre. Donc, des bénéfices secondaires pourraient
découler des ouvrages. C'est la raison pour laquelle bien
au-delà...
Concernant ce qu'a déclaré le député de
Mont-Royal, ce que je suis allé annoncer vendredi - d'ailleurs, les
représentants du groupe qui sont ici présents étaient
là à ce moment-là - ce n'est pas la réalisation
d'un projet d'ouvrage; j'ai dévoilé vendredi à
Montréal la maquette, donc une reproduction à l'échelle,
de l'archipel de Montréal. Il n'y a rien de neuf là-dedans.
Évidemment, on peut oublier. Quand on vit à Mont-Royal ou
ailleurs, même sur l'île de Montréal,
n'importe où, qu'on vit sur une île. Les ponts, les
tunnels, les autoroutes ont pour effet de nous faire oublier ce
phénomène. On les traverse assez allègrement sans s'en
rendre compte. Il reste, M. le Président, qu'effectivement, cet ensemble
d'îles de la région de Montréal a connu, enfin
connaît présentement des problèmes et que nous devons
essayer de trouver les solutions, solutions qui peuvent entraîner encore
une fois la production d'électricité. (12 h 45)
Je constate, à la lecture du mémoire de l'Association
Environnement Archipel que ce groupe nous dit, à la page 2 de son
mémoire: "II nous serait actuellement impossible de considérer
l'ensemble du projet ou mêmes ses différentes constituantes avant
la présentation et l'analyse des études en cours. Nous n'avons
pas encore de positions fermes à communiquer et nous affichons
présentement une objectivité face au projet". Je pense que cette
attitude l'honore, même si, dans la deuxième partie du
mémoire, on énumère un certain nombre d'arguments pouvant
laisser entendre qu'on a déjà statué en quelque sorte sur
tout projet éventuel quel qu'il soit, même si on n'en
connaît pas les composantes.
Évidemment, j'aurai peut-être l'occasion tantôt, par
des questions, de relever un certain nombre de points contenus dans le
mémoire. Je constate par exemple que l'on a changé le mot "amont"
par le mot "aval", ce qui rend peut-être un peu plus intelligible une
partie du texte, mais, M. le Président, j'ai constaté, par
exemple, qu'à la lecture, où il était fait état
d'une pétition, on a parlé de 25,000 pétitionnaires, alors
que le rapport parle à la page 9 de 250,000 noms. Je dois
présumer encore là qu'il s'agit d'une correction et je voudrais
qu'il soit inscrit au journal des Débats qu'il ne s'agit pas d'une
pétition de 250,000 individus, mais bien de 25,000, comme il a
été dit d'ailleurs par celui qui en a fait la
présentation.
Il y a un autre point, M. le Président, qui rejoint d'ailleurs un
certain nombre des préoccupations qui ont été
exprimées par le groupe qui a précédé, c'est celui,
du strict point de vue énergétique, de la réalisation d'un
projet de type Archipel. Contrairement à ce qui est affirmé dans
cette note, ce projet ne comporte pas de barrages avec la constitution de
réservoirs en amont, puisqu'il s'agirait d'un projet de groupes au fil
de l'eau. Mais l'importance de ce projet, compte tenu justement du programme
d'investissements d'Hydro-Québec qui, tel qu'il nous est
présenté, laisse entrevoir une période creuse à
partir de maintenant jusqu'en 1985-1986 à peu près avec des
variations importantes allant d'un minimum de 4000 emplois
générés annuellement jusqu'à une pointe de 24,000.
De tels écarts, évidemment, ne sont pas sans causer des
problèmes dans le domaine de la construction et le mémoire qui a
été présenté précédemment en a fait
abondamment état. Évidemment, ce serait plus à
Hydro-Québec qu'il faudrait poser ce genre de questions. Puisque
j'étais ici à l'ouverture pour entendre le président
d'Hydro-Québec faire état de dépenses additionnelles de
l'ordre de $4,500,000,000 pour tout devancement de projets, pas uniquement du
projet Archipel, j'aurais évidemment aimé qu'on puisse analyser
les échanges qu'on pourrait faire entre les projets de pointe soit par
turbines à gaz ou stations de pompage dont les coûts de
réalisation sont de l'ordre d'à peu près $4 milliards
également et qui ont, somme toute, pour des investissements relativement
moins élevés, des immobilisations relativement moins
élevées, des coûts de fonctionnement extrêmement plus
élevés que les équipements de base
d'Hydro-Québec.
Il est bien évident que - et c'est peut-être là
aussi qu'il est important de souligner la différence - à partir
du moment où Hydro-Québec aura établi que le projet
Archipel peut être techniquement réalisable selon diverses
variantes étudiées et financièrement rentable, il reste
que c'est au gouvernement de prendre la décision si socialement et
écologiquement les propositions, les sous-variantes qui seront retenues
sont acceptables. C'est à ce titre que je suis ici aujourd'hui pour
accueillir ce mémoire et pour assurer tous ceux qui s'occupent, se
préoccupent de la protection de l'environnement dans la région de
Montréal, que nous partageons tout à fait leurs
préoccupations. C'est peut-être une des raisons pour lesquelles il
ne nous apparaît pas opportun d'introduire ceci dans le plan
d'équipement sans d'abord s'assurer que les études sur la faune,
sur la flore et sur l'environnement aient été
parachevées.
Maintenant, M. le Président, si je reviens à certains des
passages du mémoire, notamment à la page 4, on dit: Est-il
possible qu'Hydro-Québec puisse être confrontée à
une décision de nature politique? Je dis oui. Effectivement, c'est
possible et c'est souhaitable, parce qu'il ne s'agit pas d'un barrage construit
in vitro, en dehors de gens qui vivent dans un milieu donné. Au
contraire, il s'agit d'un projet qui sera réalisé en milieu
très densément peuplé. Il m'apparaît normal que le
pouvoir politique ait évalué autre chose que strictement la
production d'électricité avant de donner le feu vert à un
tel projet. La réponse à cette question, c'est oui.
Il y aurait évidemment beaucoup de questions qui
mériteraient d'être posées, notamment en ce qui concerne
l'évolution du projet depuis le projet initial de 1600 mégawatts
dont on fait état à la page 5 du mémoire, avec des
coûts apparaissant sur le graphique comme étant le double du ceux
du
nucléaire. On sait que des sous-variantes retenues ont
abaissé ceci à 1,46 et à 1,35 et même plus bas
maintenant, de sorte que c'est beaucoup plus le genre de questions qui
devraient être et qui seront posées éventuellement à
Hydro-Québec.
J'aimerais cependant que le groupe Environnement Archipel nous explique
une chose lorsqu'il admet, à la page 6 de son mémoire: "Un
processus de consultation a été mis sur pied par le
Secrétariat d'État à l'aménagement. C'est
sûrement le plus grand effort de ce genre jamais entrepris au
Québec." J'aimerais demander comment on peut justement concilier cette
affirmation -ce n'est pas nous qui le disons, c'est le groupe qui est devant
nous présentement -avec, d'autre part, certaines des réserves qui
sont entretenues plus loin quant à la nature de cette consultation.
D'une part, on dit: Bravo, vous vous êtes engagés dans un
processus qui nous convient, mais, d'autre part, on a des inquiétudes.
Est-ce que vous pourriez formuler un peu ces inquiétudes, s'il vous
plaît?
Le Président (M. Jolivet): M. André.
M. André: Simplement pour apporter un commentaire sur le
fait que M. le ministre a dit que nous avons statué non officiellement.
J'aimerais faire remarquer que dans notre association, nous regroupons des
associations qui sont pour le projet, autant que des associations qui sont
contre le projet, de sorte que nous sommes constamment confrontés les
uns avec les autres et que, justement à cause de cette polyvalence,
notre groupe est d'autant plus intéressé et d'autant plus
intéressant, je crois. Cela nous permet de poser plusieurs questions.
Les questions de la troisième partie, qui peuvent sembler très
pointues, presque contre le projet d'une certaine façon, sont simplement
des faits déjà apparus ailleurs que nous voulions porter à
votre attention, afin d'éviter que ces évévements ne se
reproduisent pas dans les rapides de Lachine.
À la suite de cet éclaircissement, je voudrais remettre la
parole à Charles Mallory qui a écrit la deuxième partie ou
les commentaires sur le document d'Hydro-Québec. Il pourra
sûrement répondre à une série de questions que vous
nous avez posées.
Le Président (M. Jolivet): M. Mallory.
M. Mallory: Merci, M. le Président. Je
préfère accepter moi-même l'exclusive responsabilité
de la partie, mais j'ai peut-être étudié plus
profondément cette partie. Je veux répondre à deux ou
trois points et particulièrement à la dernière question
que M. Tardif a posée. Je pense que c'est bien évident que nous
partageons l'optique du ministère sur les bénéfices que
l'aménagement peut apporter à la qualité de la vie
à Montréal. Du fait que nous l'avons ignorée depuis
longtemps, qu'elle est maintenant tellement polluée qu'elle est
inutilisable à différentes fins récréatives,
commerciales et même en termes de qualité de l'eau, il est
très difficile d'utiliser cette eau-là.
Alors, nous commençons, au moins, de la même façon.
Mais en termes de nos inquiétudes, le processus de consultation, nous
voyons que c'est très important par rapport aux autres enquêtes
vis-à-vis du point de vue du public à cause du fait qu'on a
alloué $14,000,000 pour trois années. Je ne connais aucun autre
essai aussi important que ça en termes d'argent mis à la
disposition d'une consultation. Malheureusement, et plus récemment,
depuis que nous avons écrit ce mémoire aussi, certains
problèmes sont arrivés. Le ministre a donné une
conférence de presse, en septembre dernier, quelques-uns d'entre nous y
ont assisté également, c'était avant la fondation d'un
autre regroupement, mais nous avons pris de bonne foi les mots des deux
ministres, c'était M. Léonard à ce moment-là, qui
occupait le poste que M. Tardif occupe maintenant. On nous a invité, le
public, à participer à tous les niveaux et à toutes les
étapes du développement, des études et de
l'évaluation du projet. On a donné un certain
échéancier dont la première phase était de six
mois, la phase où on a déterminé les principales
études que nous devions faire en termes d'évaluation
environnementale principalement, et on a suivi ces études pendant au
moins un an et, après cela, on a fait l'évaluation des
résultats. Le gouvernement se prépare à prendre une
décision et cela nous rendra à l'été de 1982.
Maintenant, on se trouve à la fin de la première phase et
aussitôt que nous serons organisés, nous nous présenterons
au secrétariat d'Archipel et au ministère de l'Aménagement
pour identifier notre intérêt dans ces problèmes et pour
essayer de nous impliquer autant que possible dans le processus. Jusqu'à
maintenant, on a demandé, il y a quelques jours, si nous avions
reçu des nouvelles en termes des études qu'on fait. Il y a
même une liste des études qu'on veut faire et on ne l'a pas. C'est
très difficile d'aider le ministère à définir les
études qu'on doit faire quand cette phase prendra fin, à la fin
de février, on ne sait pas encore quelles études on fait. On a
mentionné le chiffre de 50 études. C'est un des problèmes
que nous rencontrons, en consultation publique, après un an et demi. Il
y a déjà un tiers d'écoulé, il y a une phase
complétée et essentiellement aucune consultation. (13 heures)
Le Président (M. Jolivet): M. Mallory, je m'excuse de vous
arrêter, c'est parce que
je vois arriver 13 heures. Je sais que vous avez demandé à
être entendu de façon à pouvoir quitter tout de suite
après, puisque vous ne pouvez pas y être vers 15 heures. J'ai
essayé de voir si j'avais le consentement. On m'a assuré qu'on
pourrait continuer pendant un laps de temps quand même assez court,
puisque nous avons besoin, nous aussi, d'aller dîner et, si tous sont
d'accord, on devrait terminer l'ensemble des interventions - compte tenu qu'il
reste à entendre les députés de Mont-Royal et de
Châteauguay - au plus tard à 13h20 ou 13h25.
Donc, si vous voulez abréger vos réponses, afin qu'on
puisse poser toutes les questions, s'il vous plaît.
M. Mallory: Oui, si je peux juste soulever l'autre point
important en termes de nos inquiétudes, sur lequel vous pourriez
peut-être réfléchir pendant l'heure du dîner.
Parmi les études qui ont été faites, il y en a
plusieurs qui ne sont pas disponibles, par exemple, les études
mentionnées dans le document d'Hydro-Québec. Elle a fait des
études qui ne sont pas disponibles ainsi que d'autres, par exemple
l'étude faite pour Hydro-Québec par le Centre de recherches
écologiques, de Montréal dont nous avons, pensons-nous, la seule
copie en circulation. Il a été très difficile de trouver
ce document.
Il n'y a aucun document qui montre les différentes options,
variantes; dans le rapport CREM on utilise une variante dans le document de
base. C'est la seule variante que nous connaissions et ce n'est même pas
en détail, mais on parle de plusieurs options, de différents
barrages, de toutes sortes de possibilités pour aménager les eaux
à une fin ou à l'autre.
C'est difficile pour le public de s'impliquer dans les discussions s'il
n'y a aucun document de travail - je ne parle pas de la position
ministérielle - indiquant les options qu'on considère
actuellement. C'est donc très difficile de s'impliquer dans le processus
de consultation, c'est le problème que nous avons.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Mont-Royal.
M. Ciaccia: Merci, M. le Président.
M. Tardif: Juste en réponse à ce qui vient
d'être dit, il y a une étude sur les micro-climats, je voudrais
répondre à la question de l'intervenant, si on me permet...
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre, la seule chose,
c'est qu'à ma gauche, j'ai une question de règlement de la part
du député de Rouyn-Noranda qui vous demande de laisser la parole
au député de Mont-Royal.
M. Samson: Vous reviendrez après.
Le Président (M. Jolivet): Vous pouvez revenir à la
fin, si vous voulez.
M. Tardif: Je pensais répondre à la question de
l'intervenant.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Mont-Royal.
M. Ciaccia: Merci, M. le Président. Je veux remercier
l'Association Environnement Archipel pour le mémoire qu'elle nous a
présenté. Vous avez soulevé plusieurs questions assez
fondamentales et assez importantes.
Je voudrais faire quelques commentaires au sujet de votre mémoire
et des remarques que le ministre a faites, puis, je voudrais vous poser
quelques questions sur certains points pertinents que vous avez soulevés
dans votre mémoire.
Premièrement, l'Opposition officielle est en faveur d'essayer de
trouver des moyens, des schémas d'aménagement pour éviter
les inondations qui surviennent dans les alentours de l'île de
Montréal. M. le ministre, on n'a pas besoin de nous rappeler que
Montréal est une île, surtout pas à moi. Vous savez, nous
sommes tous conscients que Montréal est une île et qu'à
certains endroits, il y a des inondations.
Je ne suis pas né à Montréal, il a fallu que je me
rende de quelque façon, il a fallu que je traverse sur l'eau, alors, je
sais que c'est une île. Mais voici ce que nous soulevons comme question.
Est-ce que c'est par le biais de ce projet Archipel? Est-ce que c'est le
meilleur moyen, le moins coûteux, le moins désavantageux pour
l'environnement? Est-ce que c'est le projet qui répond le mieux aux
préoccupations de la population? Je veux faire une nette distinction
entre le projet Delaney et le projet Archipel. Vous voyez, le projet Archipel
ne fait pas partie du plan d'investissement d'Hydro-Québec;
Hydro-Québec a dit: On ne l'a pas dans notre programme d'ici 1995, et
elle a même ajouté - on reviendra aux questions des coûts
-qu'elle ne peut pas aller sur les lieux pour faire des forages afin de
déterminer les coûts.
Quant au projet Delaney, nous voyons une implication complète de
la population, une coopération, une collaboration totale et une
réponse aux demandes de la population, tandis qu'ici, nous avons une
pétition de 25,000 personnes qui s'opposent au projet. Alors, il y a une
distinction claire entre le projet Archipel et les autres projets
qu'Hydro-Québec nous a soumis dans son programme d'investissements.
Deuxièmement, vous avez parlé des études
d'environnement. Je voudrais vous
poser quelques questions sur ces études et sur les coûts.
Vous avez mentionné l'étude de M. Mongeau. Y a-t-il des
études sur l'environnement qui font des recommandations contre le
projet? Ces études ont-elles été rendues publiques par le
gouvernement?
Le Président (M. Jolivet): M. André.
M. André: Je vais répondre à cette question
et je vais laisser Robert Cordner répondre peut-être aux questions
subséquentes qui vont toucher au domaine de l'environnement,
étant donné qu'il a collaboré à la
préparation de la troisième partie de ce mémoire. Il
existe une autre étude qui a été commandée par
Hydro-Québec, qui a été faite par le Centre de recherches
écologiques de Montréal, qui arrive à des conclusions
défavorables concernant le projet Archipel. Ce rapport semble...
M. Ciaccia: Le nom de ce rapport? M. André: Le nom
du rapport?
M. Cordner (Robert): L'étude préliminaire d'impact
sur l'environnement biophysique concernant le réaménagement des
rapides de Lachine.
M. Ciaccia: Qui a fait cette étude?
M. Cordner: Elle a été faite pour
Hydro-Québec. Elle s'est terminée au mois de novembre 1979. Elle
a été faite par le Centre de recherches écologiques de
Montréal, de l'Université de Montréal.
M. Ciaccia: Brièvement, quelles en sont les conclusions?
Je ne veux pas vous bousculer dans vos réponses, mais on a très
peu de temps et j'avais certains points sur lesquels je voulais vous
questionner.
M. Cordner: Les conclusions sont très définitives.
Elle dit que ce sera nettement destructif à l'environnement de la
région des rapides de Lachiner.
M. Ciaccia: Le gouvernement a-t-il rendu cette étude
publique?
M. Cordner: Non, nous avons reçu la première copie.
Nous en avons demandé une copie depuis, je pense, un an ou un an et
demi. La seule copie disponible, je pense, a été donnée
à la ville de LaSalle, parce que c'est la principale ville où
passent les rapides de Lachine.
M. Ciaccia: L'étude de M. Mongeau a-t-elle
été rendue publique ou est-ce une citation que vous avez...
M. Cordner: Oui, nous avons eu des problèmes avec cette
étude aussi. Elle a été faite par des experts les plus
connus de la région des rapides de Lachine. Elle a été
faite par M. René Mongeau connu comme expert là, qui a
recommandé que la région des rapides de Lachine soit
déclarée arrondissement naturel et qu'elle soit
préservée. Mais cette étude a circulé dans le
public pendant quelques semaines. Après cela, elle a été
retirée et elle a été retenue pour à peu
près six mois avant de la laisser aller de nouveau.
M. Ciaccia: Je ne demanderai pas au ministre de répondre
maintenant parce qu'on est à court de temps, mais, à la fin de
votre intervention, je vous demanderais de rendre publiques les études
qui ont été référées par M. Cordner et M.
André et de les déposer. Je sais qu'on ne peut pas demander un
dépôt à la commission parlementaire, mais vous pouvez nous
donner communication de ces études.
Il y a un autre point sur ces études. On a souvent dit que le
nouveau projet Archipel n'affecterait pas les rapides de Lachine. C'est un site
très historique. Cela fait partie de notre patrimoine. Est-ce que,
d'après la variante qu'on voit dans la maquette qui est au salon
nautique de Place Bonaventure, les rapides de Lachine seront affectés
par le projet Archipel?
Le Président (M. Jolivet): M. André.
M. André: Ce n'est pas une variante qui est
présentée sur la maquette. C'est la maquette de l'Archipel
à l'état actuel, comme l'a précisé M. Tardif tout
à l'heure. Il n'y a aucun aménagement dessus et c'est d'ailleurs
un avantage, à notre grande satisfaction. Nous n'aurions pas aimé
voir un aménagement prévu et qui ne serait pas réel; nous
ne voudrions pas avoir à en discuter.
À la suite de l'intervention qui nous revient toujours, les
rapides vont demeurer. Il y a plusieurs variantes étudiées. On
n'est pas au courant de toutes les variantes étudiées. Une des
variantes est de remplir les fosses. Il y a des fosses qui laissent passer 80%
de l'eau. On veut changer, dans le cadre de cette étude, la structure du
fond et c'est bien écrit, dans l'étude de
préfaisabilité, qu'on entend en parler. Dans ce cas, on change la
nature des rapides comme telle, mais les rapides vont demeurer. On va les
voir.
M. Ciaccia: Mais le débit d'eau va-t-il changer?
Le Président (M. Jolivet): M. Cordner.
M. Cordner: Merci, M. le Président. Dans le rapport du
CREM qui a été fait
pour Hydro-Québec et qui était basé sur une des
variantes, il est dit que la profondeur moyenne de quinze pieds dans les
rapides de Lachine va être réduite à une moyenne d'un
pied.
M. Ciaccia: Cela va affecter...
M. Cordner: II est dit dans le rapport que cela va être un
peu de l'eau bouillonnante qui représente de petites vagues comme il en
existe dans la rivière des Prairies, mais les gros rapides comme les
rapides de Lachine vont disparaître.
M. Ciaccia: Voilà! C'est la quasi-destruction des
rapides.
Dans la variante au sujet de laquelle le ministre a fait allusion que
c'était 25% de plus que le nucléaire, dans cette variante, les
rapides de Lachine sont-ils affectés?
Le Président (M. Jolivet): M. Mallory.
M. Mallory: Si je peux répondre à cela, notre
position est très ferme à ce sujet. Nous n'avons reçu
aucune donnée qu'on peut critiquer et dont on peut dire qu'on aura tel
ou tel effet On parle de plusieurs variantes, mais le gouvernement n'a pas
dévoilé ces variantes. C'est très difficile pour moi et la
position de notre groupe est qu'on ne peut pas donner des avis professionnels
ou des avis publics de l'association sur une variante dont on ne sait presque
rien. C'est cela, le problème en termes de consultation.
M. Ciaccia: Est-ce qu'à votre connaissance il y aurait un
autre rapport qui aurait été fait, pas dernièrement, mais
auparavant, sur la méthode de contrôler les inondations à
Montréal? Est-ce qu'il y a une alternative, d'après des rapports
soit du gouvernement actuel ou d'Hydro-Québec, pour effectuer les
travaux pour empêcher l'inondation dans les environs de Montréal,
sans affecter les rapides de Lachine?
M. Mallory: Oui, certainement. Le projet a commencé
effectivement dans une étude des débits. On a fait un rapport qui
est sorti il y a cinq ans. Dans cette étude faite par le
ministère des Richesses naturelles et Environnement Canada, on a
proposé différentes options. Une des options est de
contrôler les débits dans les barrages plus hauts. Il y a à
peu près 150 barrages dans la rivière Outaouais et, si ce n'est
pas la saison de pointe en termes de demande énergétique, il y a
une possibilité d'aménager les eaux dans un autre but pour
contrôler les inondations. (13 h 15)
M. Ciaccia: D'après ce que vous me dites, de la
façon dont vous décrivez les séances d'information et les
études qui ne sont pas connues, est-ce que c'est votre opinion que le
gouvernement est cachottier dans sa façon de procéder pour le
projet Archipel? Il ne nous donne pas toutes les informations, ne
dévoile pas les études et il fait des présentations au
Salon nautique à Place Bonaventure.
M. Tardif: Auquel était invité le
député de Mont-Royal.
M. Ciaccia: J'y suis allé samedi soir, vous pouvez en
être certain. On va en reparler si on en a le temps.
Le Président (M. Jolivet): M. Mallory, une réponse
brève. M. André.
M. André: Nous ne voudrions pas dire que c'est le
gouvernement qui est cachottier. Nous trouvons que, dans la situation du
complexe Hydro-Québec-gouvernement via le Secrétariat
d'État à l'aménagement, les cartes ne semblent pas
être ouvertes; c'est plutôt dans ce sens-là.
Le Président (M. Jolivet): M. le député.
M. Ciaccia: Je ne crois pas qu'on puisse mettre le blâme
sur Hydro-Québec, parce que, dans ce projet-ci, même
d'après le ministre, ça va être une décision
politique et c'est le gouvernement... Alors, s'il y a manque d'information, ce
n'est pas de la part d'Hydro-Québec, parce que je voudrais porter
à l'attention du ministre, quand il parle des coûts, lorsqu'il a
annoncé vendredi soir que les deux seules raisons pour lesquelles le
projet pourrait ne pas être réalisé, pourrait être
retardé, ce seraient des raisons sociales et environnementales. Il n'a
pas mentionné qu'Hydro-Québec a clairement affirmé, devant
cette commission, qu'elle n'a pas eu la permission d'aller sur les lieux et
qu'elle ne peut pas faire les études. Elle ne peut pas donner des
coûts; elle ne peut pas faire de forage. D'après ce
qu'Hydro-Québec nous a indiqué par ses réponses, le projet
d'Hydro n'est pas tellement avancé quant aux coûts, quant à
la protection de l'environnement, quant à l'aménagement de tout
le projet.
Maintenant, je remarque que, dans une des variantes, ça va par le
chenal; il est construit sur le côté de la réserve des
terres indiennes Kahnawake. Alors, ça veut dire que, sur l'autre
côté, il y a accès à l'eau. Si les Indiens ne sont
pas d'accord et ne donnent par leur permission - parce que, pour construire le
chenal sur le côté Kahnawake, il faut avoir la permission des
Indiens - est-ce que ça veut dire que le chenal sera construit de
l'autre côté, sur le côté de Lachine, sur le
côté de Dorval, de LaSalle? À ce moment-là, est-ce
que ça veut dire que l'accès à l'eau de ces endroits
va
être limité et est-ce que ça va apporter des
dommages à ces municipalités qui, maintenant, ont accès
à l'eau? Le gouvernement leur a octroyé des sommes pour
aménager leur territoire et maintenant, si les Indiens n'acceptent pas
le chenal sur un côté et si on est obligé d'aller sur
l'autre, est-ce que ça peut occasionner des coûts additionnels?
D'après vous - vous avez mentionné les coûts d'Hydro -
est-ce que ces coûts sont compris dans les chiffres qu'on vous a
donnés? Est-ce que les coûts incluent tous les coûts des
barrages en amont qu'Hydro doit aménager? Autrement dit, est-ce que les
coûts qu'on vous a fournis incluent tous les coûts?
Par exemple, à la Baie James, ça inclut les coûts de
la Baie James, les coûts de l'impact sur l'environnement, les coûts
des travaux remédiateurs. C'est un coût global et ainsi on sait le
coût du projet. Quand je parle des municipalités qui sont
très préoccupées par le projet, j'ai devant moi ici une
résolution de la ville de Verdun qui recommande, considérant les
effets que toute construction sur les rapides de Lachine pourrait avoir sur la
flore et la faune, la qualité de l'eau potable et l'environnement total
présenté par les rapides de Lachine, lesquels sont un
héritage national, que la ville de Verdun s'oppose fortement à
l'utilisation des rapides de Lachine pour la construction d'un barrage
hydroélectrique et que copie de la présente résolution
soit transmise aux membres du gouvernement.
Le Président (M. Jolivet): M. André.
M. André: Pour répondre aux différentes
questions, vous avez plus d'une question. Vous avez soulevé la question
du canal sur la rive nord, l'autre côté de Lachine et de LaSalle.
C'est certain que c'est une question cruciale, et plusieurs
municipalités font présentement un débat sur la question.
Nous avons ici des représentants de la ville de LaSalle qui seraient en
mesure d'en parler. Mais je ne voudrais pas amener le débat ici sur
cela. Je ne crois pas que nous sommes habilités actuellement pour
discuter de cette possibilité d'un canal sur la rive nord et des
différents facteurs ou problèmes qu'elle pourrait
occasionner.
Dans l'autre question, vous parliez des coûts. Les seuls
coûts que nous avons, actuellement, sont les coûts de
l'étude de préfaisabilité. L'étude de
préfaisabilité n'est plus d'actualité, comme pourrait nous
le dire sûrement le ministre Tardif. Actuellement, comme on ne sait pas
quelle variante pourrait être considérée, on n'a aucune
idée des coûts d'Hydro-Québec. Pour l'instant, j'ose dire
Hydro-Québec. Hydro-Québec n'a pas divulgué, je crois, les
coûts d'un système hydroélectrique dans les rapides de
Lachine utilisant les groupes turbines, les groupes bulbes ou quelque
méthode que ce soit. Cela répond à vos questions.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Châteauguay.
M. Dussault: Merci, M. le Président.
J'aurais beaucoup de questions à poser au groupe, mais je sais
que le temps ne me le permet pas. J'aurais surtout beaucoup de questions
à poser à la suite des questions suggestions du
député de Mont-Royal. Mais tout cela revient quand même au
même état d'esprit. Je suis très agréablement
surpris de constater combien le mémoire du groupe est positif dans le
sens qu'il y a une certaine latitude d'attente normale, parce qu'il y a encore
une information qui viendra, dans la mesure où il sera possible de
fournir l'information. Mais il faut quand même faire le travail
d'étude. Et cela, je pense que tout le monde en convient. Je suis
agréablement surpris, d'autant plus que cela contraste beaucoup avec
certaines attitudes qu'on a connues dans les derniers mois, où on ne
pouvait pas vraiment dire que c'était positif de la même
façon que je peux le sentir aujourd'hui. Il y a une pétition qui
a été signée. D'ailleurs, M. Cordner n'est pas
étranger à la pétition, que j'aurais pu signer
moi-même. Je me suis procuré le libellé, on parle d'une
requête pour protester contre le projet de développement
hydroélectrique dans les rapides de Lachine et les environs. On dit:
"Par la présente, nous exigeons que les rapides de Lachine ou les parcs
environnants soient préservés comme un site historique pour le
bénéfice de la population du Québec."
Moi qui ai été, au début, un des promoteurs du
projet Archipel dans le sens qu'on fasse les études appropriées
pour savoir à quoi s'en tenir là-dessus, j'aurais signé
cette pétition parce que personne ne peut signer contre la vertu. Mais,
ce contre quoi j'en ai, ce sont les raisons qu'on donnait aux gens pour signer
la pétition. M. Cordner qui est ici n'est pas étranger aux
raisons qu'on a données aux gens. Je n'avance pas des choses en l'air,
j'ai fait sortir au hasard des feuilles de la pétition, j'ai fait des
téléphones, j'ai fait des vérifications pour savoir
exactement quel genre d'arguments on donnait aux gens pour signer cette
pétition. Malheureusement, c'est ce que je craignais, le genre de
raisons, c'était: Il y aura un barrage dans les rapides de Lachine.
Voyez-vous? C'est le genre de choses très évocatrices pour faire
peur aux gens. C'est le même genre d'arguments auxquels on a eu droit,
ici en commission parlementaire, de la part du député de
Mont-Royal. On lance de grosses images épeurantes à la population
et, ensuite, on laisse entendre qu'on a fait signer une pétition pour la
vertu. Je suis contre ce genre de choses.
Vous n'êtes pas responsables de cela, mais vous avez quand
même dans vos rangs, maintenant, quelqu'un qui a dit partout qu'il
était question d'un barrage dans les rapides de Lachine. M. Cordner a
répété partout cet argument. Il ne faut pas
s'étonner aujourd'hui qu'il y ait des gens un peu confus. Mais je pense
qu'il y a une chose sur laquelle il faut s'entendre, c'est qu'il ne faut plus
dire que les gens qui ont signé cette pétition l'ont tous fait
pour des raisons vertueuses. Une chance que vous avez changé votre
chiffre, parce que le quart de million m'a énormément surpris. La
pétition qui a été déposée à
l'Assemblée nationale par le député de
Marguerite-Bourgeoys, c'était à peu près 21,000
signatures, ça fait déjà plusieurs mois de cela.
À ce moment-là, je l'entendais, mais il y a des gens de
mon comté qui ont signé cette pétition sur l'argument
fallacieux qu'il y aurait un barrage dans les rapides de Lachine. Beaucoup de
gens ont signé cette pétition et aujourd'hui, malheureusement,
vous utilisez cette pétition pour venir dire que vous êtes
appuyés par 25,000 personnes qui veulent s'opposer au projet Archipel.
Je pense que quand on a fourni cet argument à la population, on a
trompé des gens. Il était prématuré d'utiliser ce
genre d'argument et je trouve aujourd'hui beaucoup plus raisonnable l'attitude
que vous avez et qu'on ressent maintenant à travers votre mémoire
quand vous dites: Nous n'avons pas les données qui nous permettent de
faire une certaine critique du projet. Nous savons cependant que le
gouvernement a mis en place une opération de consultation,
d'information, et que nous serons en mesure de connaître le fin fond de
cette question.
Je pense qu'il ne faudrait pas employer cet argument, à savoir
que 25,000 personnes ont signé contre quelque chose. Elles ont
signé contre quelque chose qui était flou et qui était
utilisé par des personnes.
Vous avez dit aussi dans votre mémoire que plusieurs villes se
sont prononcées contre. À ma connaissance, il y a LaSalle qui
s'est prononcée contre et à un moment où encore M. Cordner
a répandu dans le décor qu'il allait y avoir un barrage dans les
rapides de Lachine. J'aimerais qu'on me dise - 266, c'est ça -
j'aimerais savoir c'est quoi, ça, plusieurs? Généralement,
quand on emploie le mot plusieurs, je me mets à penser à sept,
huit, dix, douze peut-être. Quelles sont ces villes, ces plusieurs
municipalités qui se sont prononcées contre le projet? Ne
pensez-vous pas - je sais qu'il n'y en a pas plus de deux - qu'il est normal
actuellement que les municipalités ne se prononcent pas sur un projet
avant d'avoir vu le fond de la question?
Ma deuxième question c'est le rapport qu'on a
évoqué tout à l'heure, qui a fait l'objet de questions -
suggestions, c'était un scénario extraordinaire que j'ai
constaté tout à l'heure. Dans ce rapport que vous avez
évoqué tout à l'heure, quelle est la variante qu'on
étudie, qui nous permettrait aujourd'hui de dire que ce rapport est
à jour par rapport à ce qu'on a évoqué
déjà? M. le ministre disait tout à l'heure: II y a eu
plusieurs études de variantes et on est arrivé à des
coûts différents d'une variante à l'autre. On est
arrivé même à une variante qui pouvait être fort
intéressante sur le plan économique. C'est quoi, cette ou ces
variantes? À quoi est-ce qu'on se raccrocherait dans ce rapport pour
pouvoir dire aujourd'hui que cette étude est tout à fait le genre
d'étude sur laquelle on doit s'appuyer pour juger du projet
actuellement? J'aimerais qu'on clarifie tout ça.
Le Président (M. Jolivet): Rapidement, s'il vous
plaît, M. André et M. Cordner ensuite.
M. Cordner: Excusez, Pierre, mais parce que j'ai
été accusé, je dois avoir le droit, M. le
Président, de répondre. La pétition a été
faite avec le but de déclarer les rapides de Lachine et l'arrondissement
naturel comme parc et site historiques. Ils n'ont jamais mentionné, les
promoteurs de cette collecte de noms, que ça va être un barrage
direct dans les rapides. Ils suivent les recommandations de l'expert le plus
connu dans les rapides de Lachine, qui est employé du gouvernement du
Québec. On ne parle pas de barrage dans les rapides.
Deuxièmement, au commencement, quand le projet a
été présenté, le responsable du "design" du projet
faisait des discours dans les universités et il parlait seulement d'une
variante dans le temps, et l'étude du CREM a été faite sur
cette variante. À cause qu'il y avait beaucoup d'options pour ce projet,
on joue maintenant avec quatre ou cinq variantes. Mais on demande, nous, les
chiffres et comment peuvent-ils sortir les coûts du projet quand
Hydro-Québec ne peut pas commencer avant quinze ou vingts ans? Merci, M.
le Président.
Le Président (M. Jolivet): Rapidement, M. le
député, parce que...
M. Dussault: M. le Président, je suis très content
d'entendre M. Cordner nous dire aujourd'hui qu'il n'a jamais été
question de cela. J'espère qu'il y a beaucoup de gens qui vont
écouter cela à la télévision, qui vont donc
entendre M. Cordner nous dire cela, parce que cela va permettre à pas
mal de gens de constater qu'ils ont été trompés quand ils
ont signé cette pétition. Cela va clarifier les choses pour
beaucoup de gens. Ce sont les questions que je voulais poser. On pourrait en
parler très longtemps. Malheureusement, on a peu de temps. Je
trouve très dommage que M. le ministre n'ait pu avoir plus de
temps pour pouvoir davantage discuter de cette question avec les gens qui sont
ici. C'est important.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Mont-Royal, en terminant.
M. Ciaccia: M. le Président, le député de
Châteauguay vient de faire certaines affirmations dans le sens que
j'essaie de faire peur aux gens. Écoutez, je n'essaie pas de faire peur
aux gens. Je veux les réponses aux questions. Hydro-Québec a dit
qu'elle ne veut pas de ce projet. Ce n'est pas dans son plan d'investissement.
Elle ne connaît pas les coûts. Elle ne peut pas aller sur les lieux
pour faire des forages. On a le droit de poser ces questions.
Hydro-Québec est assujettie aux décisions politiques. Le
gouvernement pourrait imposer ce projet à Hydro-Québec, c'est
vrai, mais ce n'est pas un projet d'Hydro. C'est l'aspect du gouvernement.
Deuxièmement, on parle de l'opération consultation. C'est
plutôt une opération de propagande. Opération consultation,
est-ce que les autochtones font partie de votre séance d'information?
Est-ce qu'Hydro-Québec fait partie de votre séance
d'information?
J'ai assisté au Salon nautique. J'ai entendu des gens interroger
le type qui était en charge pour savoir s'ils pouvaient avoir d'autres
aspects de ce projet, le pour et le contre, pas seulement de la propagande. Ce
sont les commentaires que j'ai moi-même entendus samedi soir au Salon
nautique. Vous n'avez pas dévoilé toutes les études. Vous
ne nous dites pas tous les faits. Vous ne nous dites pas qu'il y avait eu
d'autres études pour aménager les eaux dans les environs de
Montréal qui coûteraient beaucoup moins cher et qui
n'affecteraient pas les rapides de Lachine. Quand vous dites que les gens ont
signé, vous accusez 25,000 personnes d'être de mauvaise foi. Vous
dites que ne pas être d'accord avec le gouvernement, c'est être de
mauvaise foi. C'est ce que vous venez de dire, M. le député de
Châteauguay. Je ne sais pas si vous êtes conscient de la
portée de vos paroles. Ce sont les conséquences.
M. Dussault: M. le Président, en vertu de l'article 96.
(13 h 30)
M. Ciaccia: M. le Président, on a le droit de poser des
questions. Nous sommes en faveur d'essayer d'arrêter les inondations dans
les environs de Montréal, mais qu'on nous donne toutes les
données, qu'on fasse un vrai processus de consultation. Comment cela se
fait-il qu'à Delaney, on n'a pas eu de problème? Parce que cela
ne s'est pas passé de cette façon. C'était en
coopération, en collaboration avec toute la population. Ce n'est pas ce
que vous faites ici. Je vous l'ai déjà dit et je vais vous le
répéter. Vous avez annoncé les études sur ce projet
avant le référendum. Vous avez fait un grand éclat.
À ce moment, c'était un ballon référendaire.
M. Tardif: II est complètement à l'encontre du
règlement, M. le Président.
M. Ciaccia: Je vous dis que maintenant, c'est un ballon
électoral. C'est tout.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Châteauguay, en vertu de l'article 96.
M. Dussault: En vertu de l'article 96... Le Président
(M. Jolivet): Rapidement.
M. Dussault: ... M. le député de Mont-Royal me fait
dire des choses. Je me rappelle très bien qu'à cette commission
parlementaire, dans les derniers jours, M. le député de
Mont-Royal nous disait que le projet allait priver les gens de l'accès
aux rives du fleuve.
M. Ciaccia: Certaines variantes, oui.
M. Dussault: Cela n'apparaît nulle part, alors que le
projet vise essentiellement à donner accès aux eaux de l'archipel
de Montréal. Fondamentalement, c'est un projet d'aménagement
global et un accent important, c'est celui-là. Le député
de Mont-Royal, à l'Assemblée nationale, déjà
avançait qu'il s'agissait de construire un barrage dans les rapides de
Lachine. Les peurs que le député de Mont-Royal nous faisait, ce
n'est pas d'aujourd'hui qu'elles ont commencé. Cela fait plusieurs mois
qu'il a commencé à faire cela.
Le député de Mont-Royal disait, à
l'Assemblée nationale, que moi, le simple député de
Châteauguay, j'avais annoncé le projet Archipel, alors que j'avais
donné une conférence de presse avec mon collègue de
Bourassa pour demander au gouvernement d'étudier cette question qui en
ferait un potentiel extraordinaire. M. le député de Mont-Royal,
depuis le début, depuis qu'on parle de ce projet, ment à la
population chaque fois qu'il a l'occasion de le faire. Il raconte des
histoires. Je ne me gêne pas pour le dire. C'est cela, la
réalité. Il essayait de souffler certaines choses, tout à
l'heure, aux groupes pour leur faire dire des choses dans le sens de ce qu'il a
toujours essayé de faire croire à la population. Cela, je ne le
prends pas et c'est pour cela qu'aujourd'hui je le répète au
député de Mont-Royal: II nous raconte des histoires pour faire
peur au monde. Mais les gens sont plus critiques que cela vis-à-vis du
député de Mont-Royal.
M. Ciaccia: M. le Président, en vertu de l'article 96.
Le Président (M. Jolivet): En vertu de l'article 96, M. le
député de Mont-Royal.
M. Ciaccia: J'invoque aussi l'article 99, car il m'impute des
motifs et c'est contre notre règlement. Mais je vais passer. En vertu de
l'article 96, M. le Président, je répète que je n'ai pas
dit que toutes les variantes empêchaient l'accès
d'Hydro-Québec au lac Saint-Louis.
M. Dussault: C'est le temps de placer des nuances, M. le
député de Mont-Royal. Il commence à être temps.
M. Ciaccia: Écoutezl laissez-moi finir! M. le
Président, s'il vous plaît!
Le Président (M. Jolivet): M. le député.
M. Ciaccia: Mais la variante que vous démontrez, soit de
construire un canal le long de Kahnawake, si les Indiens n'acceptent pas cela,
vous serez obligés de construire votre canal de l'autre
côté. Si vous construisez le canal du côté de ville
LaSalle, Lachine et Dorval, vous allez empêcher que ces
municipalités aient accès à l'eau, certaines des
variantes. Je ne fais pas peur au monde. Les résolutions des
différentes municipalités sont là.
M. Dussault; De combien?
Une voix: Combien de municipalités?
M. Ciaccia: Deuxièmement, la question de...
M. Dussault: De combien de municipalités?
M. Ciaccia: ...construire le barrage aux rapides de Lachine. Que
vous construisiez le barrage avant les rapides de Lachine ou de l'autre
côté des rapides de Lachine, c'est un barrage. C'est la même
chose, c'est ambigu. Écoutezl Vous avez un barrage à cet endroit,
n'essayez pas de vous en défaire, n'essayez pas de refaire le projet
Archipel pour défaire la vérité.
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre, en
terminant.
M. Tardif: M. le Président, je constate que le
député de Mont-Royal n'a pas tellement approfondi ce dossier;
heureusement, je l'ai invité, lui comme tous les députés
de la région de Montréal, à assister au dévoilement
de la maquette non pas du projet, mais de l'île de Montréal pour
lui apprendre à mieux connaître sa région.
M. le Président, il y a eu toutes sortes d'affirmations de faites
ici. C'est vraiment invraisemblable. D'abord, je voudrais rappeler que
l'étude qui a été citée, c'est une étude
fédérale-provinciale à l'époque, entre 1974 et
1976, pour voir le problème de la régularisation du régime
des eaux dans la région de Montréal et qui recommandait trois
choses. La première possibilité était de contrôler
l'Outaouais, la deuxième possibilité de régler le
problème, c'était d'exproprier les gens. La troisième
hypothèse, c'était le projet Archipel. Le contrôle des eaux
de l'Outaouais, M. le Président, n'aurait réglé qu'une
partie du problème; l'expropriation, c'est hors de question, on sait que
l'ancien gouvernement a déjà vidé de pleins villages en
Gaspésie et qu'il n'était pas question de recommencer cela.
Troisièmement, Archipel était la solution du rapport
fédéral-provincial. Deuxièmement, M. le Président,
les études dont ont fait état les gens qui sont ici, notamment
celle sur le micro-climat de l'île aux Hérons, ont
été rendues publiques par le secrétariat d'Archipel. Il y
a présentement neuf études biologiques en cours et si le groupe
veut savoir les mandats qui ont été donnés aux chercheurs
biologiques, ces mandats peuvent leur être dévoilés avant
même que les études soient connues.
Il y a eu six études hydrauliques complétées et qui
nous ont été remises au mois de février. Ces
études, M. le Président, j'ai donné ordre qu'elles soient
imprimées, diffusées et rendues publiques le plus rapidement
possible. Donc, sur ce plan, il y a eu 32 séances d'information, 16 avec
le public, 16 avec les municipalités. Sur 66 municipalités, 3 ont
manifesté des inquiétudes dont deux au point de s'opposer
effectivement. Mais c'est deux municipalités sur 66, alors que les
autres nous disent qu'il est urgent que ce projet non seulement se fasse, mais
soit même devancé dans le temps, M. le Président. Autre
point, également, en ce qui concerne l'affirmation de M. Cordner, il est
venu nous faire une présentation en disant qu'il y avait quinze pieds
d'eau dans les rapides et qu'on allait réduire cela à un pied. Je
pense que M. Cordner s'est trompé et qu'il a voulu mentionner quinze
mètres d'eau dans les rapides et non pas quinze pieds. N'est-ce pas, M.
Cordner, c'est quinze mètres au lieu de quinze pieds?
M. Cordner: C'est quinze mètres, et un mètre.
M. Tardif: Vous avez fait de la plongée. C'est quinze
mètres ou quinze pieds, M. Cordner?
M. Cordner: Quinze mètres et un mètre.
M. Tardif: Quinze mètres, et non pas quinze pieds. Vous
avez parlé de quinze pieds de profondeur pour la fosse des rapides, M.
le Président.
M. Cordner: Vous allez ôter 95% de l'eau; même si
c'est fait en russe, cela va être le même exemple.
M. Tardif: Je reproche cela au mémoire. On y parle de
250,000 signatures au lieu de 25,000, de quinze mètres au lieu de quinze
pieds, c'est quand même assez important de citer les choses comme il le
faut.
M. Cordner: M. le ministre, sur la question du quart de million
de signatures...
Le Président (M. Jolivet): M. Cordner, vous aurez
l'occasion de répondre après, s'il vous plaît!
M. Tardif: M. le Président, j'en arrive maintenant au fait
que ce programme n'est pas inclus dans le plan d'Hydro-Québec, ce qui
semble préoccuper le député de Mont-Royal. M. le
Président, l'étalon utilisé par Hydro-Québec pour
juger de la rentabilité d'un projet, soit le nucléaire, le
nucléaire étant égal à 1, on situe les autres
projets par rapport à cela dans le graphique qu'on vous a montré,
et on met Archipel à 2. Je dis que cette façon de procéder
est discutable parce que effectivement je poserai peut-être des questions
à Hydro-Québec en temps et lieu. D'une part, l'étalon 1
pour le nucléaire est sous-évalué. On n'a qu'à
considérer le coût de Gentilly II qui est passé de $385
millions à $1,400,000,000. On ne tient pas compte d'accidents du type de
Three Mile Island et on n'a mis que des réserves de 30% dans le cas du
nucléaire alors que les réserves devraient être beaucoup
plus grandes que cela. Cela, c'est pour ce que j'appelle la
sous-évaluation du nucléaire.
Quant à la surévaluation d'Archipel, les variantes qu'on
étudie et toute l'argumentation du groupe - et je ne les blâme
pas, ils n'existaient pas à ce moment-là comme groupe, eux - sont
basées sur une première hypothèse, en 1979, d'une variante
qui était d'à peu près 1500 mégawatts produits
selon une des formules retenues dans le mémoire. Toutes les
études qui ont été faites sont basées
là-dessus. Depuis ce temps-là, on a évolué. On a
fait des études et ces études semblent nous indiquer qu'il y a
des formules plus douces, moins agressives sur le paysage, permettant de
régulariser les cours d'eau où les ratios sont rabaissés
de 1,46 à 1,35 ou à 1,25. Mais ces études ont
été faites sans tenir compte d'autres facteurs pouvant
réduire les coûts, notamment un canal plus lisse, notamment
d'avoir les groupes situés à deux endroits différents,
l'utilisation de convoyeurs plutôt que d'autres méthodes de
transport des matériaux d'excavation, d'avoir des groupes plus
importants. La réduction des imprévus. On a mis des
imprévus de l'ordre de 15% pour le projet Archipel alors que, dans
certains projets, dans le nord, on ne met que des imprévus de l'ordre de
10%.
Finalement - je termine là-dessus, M. le Président - il y
a d'autres coûts qui sont liés, par exemple, au problème de
baisse ou de chute de tension lors du transport de l'énergie sur une
longue distance; ils sont inexistants dans la région de Montréal.
Pour toutes ces raisons, je pense qu'aucune personne, présentement, ne
peut dire qu'elle est pour ou contre le projet de production
hydroélectrique dans l'ensemble du projet Archipel. Ce qu'il faut faire
effectivement, c'est quelque chose pour régulariser les cours d'eau et,
en même temps, en tirer des effets secondaires du type production
hydroélectrique.
Je suis parfaitement conscient qu'il y a un tas de questions qui doivent
être posées beaucoup plus à Hydro-Québec. Ces
questions, nous pourrions, justement en rapport avec le nucléaire, les
poser et demander au député de Mont-Royal et au
député d'Outremont, notamment, si la filière
nucléaire les intéresse plus que la filière Archipel,
d'aller défendre cela auprès des populations riveraines de la
région de Montréal qu'ils préfèrent avoir deux
centrales nucléaires plutôt que 1000 mégawatts produits par
Archipel. J'aimerais les entendre défendre cela sur la place publique
à Montréal.
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre, je ne voudrais
pas vous interrompre, mais nous avons une très grosse journée
devant nous. Nous finirons très tard ce soir et je pense qu'on doit
aller dîner. Je voudrais terminer le débat.
M. Tardif: M. le Président, je voudrais juste terminer en
disant que j'aimerais qu'Hydro-Québec, effectivement, nous apporte un
certain nombre de réponses sur le plan énergétique. Par
exemple, peut-elle nous faire part des nouvelles données sur la
puissance d'énergie que peut produire le projet et nous renseigner sur
les évaluations économiques les plus récentes des diverses
variantes? Est-ce qu'Hydro-Québec, d'après l'évolution
antérieure des coûts, peut prévoir la tendance à la
baisse? Est-ce que la tendance à la baisse se maintiendra si on poursuit
l'effort d'optimisation des variantes retenues, M. le Président? Est-ce
qu'elle peut nous renseigner sur les aspects visuels que peuvent
présenter les installations du projet Archipel, sur le plan strictement
électrique, une fois complétées? Quel est
l'avis d'Hydro-Québec sur la date la plus rapprochée? M.
Boyd - contrairement à ce qu'a affirmé le député de
Mont-Royal là-dessus - à la Chambre de commerce de
Montréal, a déclaré que le projet
hydroélectrique...
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre, j'ai encore une
question de règlement posée par M. le député de
Rouyn-Noranda.
M. Samson: Question de règlement, M. le Président.
On s'était entendu pour continuer jusqu'à 13h20, il est
maintenant 13h40 et le ministre...
M. Tardif: Ils ont posé un tas de questions et là,
ils ne veulent pas avoir de réponses, si je comprends bien!
M. Samson: ... en est rendu à...
M. Tardif: Le député de Mont-Royal n'est pas
intéressé à avoir de réponses.
M. Ciaccia: Vous posez d'autres questions à
Hydro-Québec, alors qu'elle n'est même pas ici.
M. Fortier: Vous êtes en train de lire un discours.
M. Samson: M. le Président, je pose une question de
règlement.
Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît: S'il
vous plaît!
M. Samson: Le ministre en est rendu...
Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît: Je pense
que j'étais en train d'entendre une question de règlement
soulevée par M. le député de Rouyn-Noranda. J'ai
l'obligation de l'entendre, M. le ministre. M. le député de
Rouyn-Noranda.
M. Samson: M. le Président, ce que je voulais vous dire,
c'est qu'on est en train de dépasser le temps et que le ministre
dépasse également le mandat que nous avons aujourd'hui de
questionner les gens qui sont devant nous. Il questionne Hydro-Québec,
alors qu'elle n'est pas là et que le ministre de l'Énergie n'est
même pas là.
Je pense que c'est pousser un peu trop loin. Si le ministre veut
questionner Hydro-Québec, il questionnera Hydro-Québec quand elle
sera devant nous et j'espère qu'elle sera là avant la fin de la
journée.
Le Président (M. Jolivet): M. le député, je
dois simplement faire une correction, de la même façon que je l'ai
fait pour le député d'Outremont hier soir. Lorsqu'un intervenant
a mentionné le fait qu'il n'était pas présent, j'ai dit
qu'il avait d'autres engagements. Le ministre, en quittant tout à
l'heure, m'a indiqué que, compte tenu qu'on a dépassé
l'heure, il avait d'autres engagements qu'il ne pouvait annuler. Je pense qu'il
faut être juste envers les deux.
M. le ministre, je vous demande de terminer.
M. Tardif: M. le Président, je termine en disant que ce
qu'a affirmé le député de Mont-Royal est faux, à
savoir qu'Hydro-Québec n'était pas intéressée; M.
Boyd, à la Chambre de commerce de Montréal, a dit qu'il n'y avait
aucun problème à inscrire ce projet dans le plan
d'équipement. En posant des questions, plutôt que de faire des
affirmations gratuites et mensongères, comme le député de
Mont-Royal a fait, j'ai préféré poser les bonnes questions
à Hydro-Québec.
M. Ciaccia: M. le Président, question de
règlement.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Mont-Royal.
M. Ciaccia: Maintenant, on m'a accusé de dire des
mensonges et je ne peux pas laisser passer ça.
J'ai, moi aussi, questionné HydroQuébec, ce que vous
auriez pu faire le jour où Hydro-Québec a comparu devant nous.
Vous jugez bon de ne pas le faire et vous choisissez de lancer des affirmations
très gratuites à l'égard d'Hydro-Québec et à
mon égard.
Les représentants d'Hydro-Québec nous ont dit très
clairement que ce n'était pas dans leurs projets d'investissements. J'ai
assisté à des séances d'information données par
Hydro-Québec et on nous a dit que c'était un projet du
gouvernement.
Alors, avant d'accuser les autres de dire des mensonges, je vous
prierais vous-même de dire la vérité.
Le Président (M. Jolivet): En terminant, M. Cordner.
M. Cordner: M. le Président, nous sommes venus ici faire
part de notre inquiétude au sujet du projet Archipel et nous sommes
désappointés de voir qu'il y en a qui en profitent pour parler de
politique. La question des 250,000 personnes, excusez-nous, c'était
mêlé dans notre rapport, mais avec votre variante sur le
côté nord pour le chenal artificiel, vous allez couper
l'accès à l'eau pour 250,000 personnes, et les
représentants de tous ces gens se sont prononcés contre la
variante.
Le Président (M. Jolivet): M. André, si
vous voulez terminer.
M. André: Si je peux conclure, je me réjouis de
voir que le projet Archipel a autant intéressé les gens de la
commission. J'espère que ce débat pourra arriver un jour à
un niveau supérieur au niveau qu'il nous a été permis
d'observer ici même. Je voudrais lancer une invitation toute
spéciale à ceux qui sont ici et qui s'intéressent au
projet Archipel d'adhérer à notre association, cela ne
coûte que $5.
Pour conclure, j'aimerais citer une phrase de M. Réal L'Heureux
qui est président du Conseil consultatif de la protection de
l'environnement: Ce n'est plus au gouvernement à présenter la
variante à vendre, mais il doit présenter à la population
l'ensemble des variantes possibles et laisser la population choisir.
Merci à la commission, merci, M. le Président.
M. Tardif: M. le Président, je remercie l'Association
Environnement Archipel. Encore une fois, les motifs qui l'animent l'honorent,
nous les partageons, nous sommes tout à fait intéressés
à trouver une solution au problème du régime des eaux de
la région de Montréal, et toutes les représentations
seront dûment entendues, reçues et discutées sur la place
publique. Il y aura même une commission de l'environnement qui
étudiera le projet en temps et lieux, M. le Président. On
entendra le député de Mont-Royal.
Le Président (M. Jolivet): Merci. Compte tenu de l'heure,
je suspends les travaux jusqu'à 15 h 15 et nous reviendrons avec la
Corporation des maîtres électriciens du Québec, puisque le
Conseil Atticamèque-Montagnais nous a demandé de le
déplacer vers 16 heures environ.
(Fin de la séance à 13 h 46)
(Reprise de la séance à 15 h 36)
Le Président (M. Jolivet): À l'ordre, s'il vous
plaît!
La commission permanente de l'énergie et des ressources est
à nouveau réunie pour entendre les personnes ou organismes qui
veulent faire des représentations relativement au plan
d'équipement et de développement 1981-1990 de la
Société Hydro-Québec.
J'invite maintenant la Corporation des maîtres électriciens
du Québec, représentée par M. Yvon Guilbault, à
s'avancer à la table, et je demanderais à M. Guilbault de nous
présenter les personnes qui l'accompagnent et de procéder
à la lecture de son mémoire.
M. Guilbault, la parole est à vous.
Corporation des maîtres
électriciens
M. Guilbault (Yvon): Je vous remercie, M. le Président.
J'aimerais présenter notre délégation aux membres de la
commission. À mon extrême gauche, M. Henri Audet,
vice-président de la Corporation des maîtres électriciens
du Québec.
Le Président (M. Jolivet): Veuillez approcher votre
micro.
M. Guilbault: D'accord.
Le Président (M. Jolivet): M. Audet, si j'ai bien
compris?
M. Guilbault: M. Henri Audet, vice-président de la
Corporation des maîtres électriciens du Québec; à ma
gauche, M. Jean-Baptiste Deschênes, président de l'organisme;
à mon extrême droite, M. Paul Hurtubise, conseiller technique et,
à ma droite, M. Jos Patafie, directeur du service des
communications.
J'aimerais remercier la commission de nous donner l'occasion
d'émettre nos commentaires sur le plan d'aménagement
d'Hydro-Québec. J'aimerais vous souligner que nous avons émis des
commentaires sur une partie des notes qui ont été remises par
Hydro-Québec, c'est-à-dire le chapitre qui traitait des
économies d'énergie, particulièrement dans le domaine
résidentiel.
La Corporation des maîtres électriciens du Québec a
préparé ce mémoire en fonction des responsabilités
qui lui incombent en tant que partenaire à part entière de
l'industrie électrique québécoise. Il représente
fidèlement les opinions de la CMEQ sur le dossier intitulé Une
stratégie pour la décennie 1980. En plus d'une étude
sérieuse des documents du dossier, une notion intuitive des attentes de
la population québécoise ainsi que la connaissance des besoins de
planification et de gestion des installations d'Hydro-Québec ont
guidé la rédaction de ce mémoire. La CMEQ, qui regroupe
les quelque 2500 entrepreneurs-électriciens de la province qui emploient
les 15,000 électriciens compagnons ou apprentis de l'industrie de la
construction, a longuement pesé les implications de ses propos et croit
présenter de façon positive les ajustements qu'elle juge
nécessaires à la poursuite à bon escient d'une saine
politique énergétique.
En tant que représentante de ses membres auprès des
différents organismes de l'industrie électrique, la CMEQ s'est
surtout préoccupée des moyens proposés quant à
l'utilisation et l'économie de l'énergie dans le secteur
résidentiel et du rôle de l'entrepreneur électricien
à cet effet.
La préoccupation initiale de la CMEQ est l'administration d'une
loi selon laquelle elle est dûment constituée, l'aspect
technique
des installations électriques étant sous la gouverne
d'autres organismes gouvernementaux. La concertation de ces partenaires assure
la sécurité du public ainsi qu'une concurrence équitable.
Depuis plusieurs années, la CMEQ participe activement aux travaux qui
ont été faits dans le domaine de la formation de la
main-d'oeuvre. Dans son mémoire à la Commission d'étude
sur la formation des adultes, la commission Jean, elle a clairement
exposé l'importance de la formation de la main-d'oeuvre et ce,
particulièrement dans le secteur électrique. Elle a mis sur pied
des cours de formation à l'intention de ses membres et, en collaboration
avec des spécialistes reconnus, elle a publié plusieurs manuels
techniques et administratifs.
En résumé, la CMEQ est consciente de son mandat en
accordant une place importante au perfectionnement des entrepreneurs
électriciens et à la formation de la main-d'oeuvre
employée par les entrepreneurs électriciens. Somme toute,
l'entrepreneur électricien est le premier interlocuteur du consommateur
québécois en matière d'installations électriques.
C'est une responsabilité dont on doit tenir compte dans
l'élaboration de tout programme énergétique global. Avant
tout organisme, l'entrepreneur électricien est le premier intervenant
direct auprès du consommateur.
Selon le document "Dossier préparé en réponse aux
questions du gouvernement du Québec", la part des ressources
consacrées au programme d'utilisation et d'économie de
l'énergie devrait augmenter de 15% à 29% entre 1980 et 1990 en
incluant la recherche et le développement des énergies nouvelles.
Une partie importante de ces ressources est prévue pour l'utilisation
des ressources humaines, les campagnes de promotion pour l'utilisation
rationnelle de l'électricité et les améliorations
techniques. Le but ultime de ces mesures vise à "réduire la
consommation globale d'énergie, à minimiser la pointe de la
demande de puissance électrique tout en respectant les besoins des
abonnés et à remplacer le pétrole par des sources
d'énergie québécoises". C'était une citation qui
était dans le document d'Hydro-Québec.
Dans le secteur résidentiel, ces mesures pourraient amener une
réduction de la consommation totale d'énergie en 1996 de 14% et
des économies de l'ordre de 21% pour la même période. Ce
secteur représente donc un potentiel attrayant au chapitre des
économies d'énergie et de la réduction globale de la
consommation. Parmi les principales actions entreprises et prévues par
Hydro-Québec dans le secteur résidentiel, on retrouve les
campagnes d'information et de sensibilisation auprès du public, les
hausses de tarif, la tarification saisonnière, l'essai du calculateur du
prix de l'énergie, la pompe de chaleur, la télécommande
des chauffe-eau, le mesurage des immeubles d'habitation et le chauffage mixte.
On peut donc conclure que le secteur résidentiel représente des
défis intéressants, tant au point de vue de la
multiplicité des solutions que des économies d'énergie
réalisables surtout si l'on tient compte du fait d'une résistance
naturelle du consommateur face aux moyens proposés.
Dans cet ordre d'idées, un paragraphe est particulièrement
révélateur et nous le reproduisons. "Cette approche tient compte
des économies qui se feront de façon naturelle en réaction
aux lois du marché de l'offre et de la demande et suppose en plus des
interventions de la part des principaux acteurs de la scène
énergétique. La prévision qui en résulte est donc
à la fois prudente et légèrement optimiste".
Dans plusieurs solutions, on préconise une intervention indirecte
ou incitative auprès des consommateurs: campagne d'information, mesures
tarifaires, amélioration technique, etc. Cependant, une intervention
directe est souhaitable dans la mesure où les effectifs engagés
dans ces interventions sont justifiables en termes de rentabilité ou
d'atteinte d'objectifs. Tel que mentionné au paragraphe reproduit plus
haut, l'intervention des principaux acteurs de la scène
énergétique est l'une des prémisses mises de l'avant.
Dans le secteur résidentiel, l'acteur principal est
l'entrepreneur électricien. Il est un intervenant direct chez le
consommateur. Il agit souvent à titre de conseiller en matière
énergétique. Les solutions qu'il propose sont acceptées
d'emblée par les consommateurs. Aux yeux de ceux-ci, il est l'homme
à tout faire. Il émet des hypothèses, des solutions, en
calcule les coûts, procède à l'achat des matériaux,
effectue l'installation de ces matériaux et agit comme
intermédiaire entre ses clients et les organismes de contrôle. En
somme, il est, à notre avis, l'intervenant par excellence. Il est
à déplorer qu'il est complètement ignoré dans les
moyens envisagés pour stimuler les économies d'énergie.
Jusqu'à maintenant, aucune démarche n'a été faite
pour corriger cette situation.
Au début de ce mémoire, nous avons mentionné les
efforts que déployait la CMEQ dans le domaine de la formation.
Hélas! les ressources humaines, financières et matérielles
nécessaires à l'aboutissement d'un tel projet ne peuvent
être supportées par ce seul organisme. Il doit être
mené de concert avec les organismes qui possèdent les
connaissances techniques et économiques dans le domaine de l'utilisation
et de l'économie d'énergie.
La formation, l'information et la sensibilisation des entrepreneurs
électriciens au problème énergétique sont
essentielles à leur fonction de conseiller en économie
d'énergie. Ce sont des intervenants qui sont déjà
spécialisés et qui pourraient facilement s'intégrer dans
un programme d'utilisation rationnelle de l'énergie. Bien qu'il soit
difficile d'évaluer les coûts d'une telle orientation, nous
croyons qu'elle est relativement facile à intégrer à
l'intérieur du rouage actuel et économiquement justifiable.
En conclusion, en sa qualité d'intervenant
privilégié auprès du public québécois, il
est important que tous les outils nécessaires à l'accomplissement
de cette tâche soient mis à la disposition de l'entrepreneur
électricien. Une fois assimilées, les notions fondamentales
d'énergie et d'économie d'énergie lui permettront
d'effectuer des recommandations qui tiendront compte de la situation
énergétique actuelle et ceci, en accord avec les politiques
énergétiques gouvernementales, les prévisions du
distributeur d'électricité et les attentes de la population
québécoise. II est à espérer que cette lacune de la
stratégie pourra être comblée au bénéfice de
tous les intervenants de l'industrie québécoise. La CMEQ est
disposée à collaborer en ce sens et ainsi revaloriser la
signification du mot "partenaire".
Le Président (M. Jolivet): Merci. M. le ministre.
M. Bérubé: Merci, M. le Président.
Effectivement, le mémoire qui nous est soumis ici par la Corporation des
maîtres électriciens du Québec souligne que celui ou celle
qui est peut-être le plus près du consommateur
d'électricité, c'est de loin le maître électricien,
celui qui est responsable de l'installation des équipements et qui,
souvent, est le plus en mesure de conseiller directement le client quant
à certaines mesures qu'il doit prendre.
Aussi, vous avez réfléchi, en fait, à ce rôle
de partenaire que vous voulez jouer, avec raison, ce qui va m'amener à
vous demander, en tant que partenaire, ce que vous pensez d'un certain nombre
de mesures. En particulier, vous avez souligné, à la page 4 de
votre mémoire, l'importance de campagnes d'information, le rôle
que peut jouer les hausses de tarifs, la tarification saisonnière,
l'effet du calculateur du prix de l'énergie. Enfin, vous avez
souligné un certain nombre de moyens.
J'aimerais savoir, par exemple, comment vous voyez, en tant que
maîtres électriciens, le rôle de certains moyens qu'on
pourrait mettre en place pour gérer la demande. Je pense, par exemple,
à des systèmes de compteurs d'électricité qui
feraient la distinction entre l'énergie consommée en
période de base et en période de pointe. On sait que
l'électricité en période de pointe coûte beaucoup
plus cher à Hydro-Québec à produire. Si tout le monde
décide de prendre sa douche à 17 heures, au moment où tout
le monde utilise la cuisinière et tous les appareils domestiques, on
sait qu'il y a une période de pointe de la demande électrique qui
coûte très cher à Hydro-Québec quand il s'agit d'y
faire face. Donc, on peut imaginer des instruments. D'abord, est-ce que vous
trouvez cela, comme maîtres électriciens, intéressant que
l'on se dirige du côté de la gestion de la demande, des compteurs
qui font une distinction entre l'électricité consommée en
certaines périodes de la journée ou en d'autres périodes,
ou encore des appareils électriques qui pourraient être
débranchés automatiquement en périodes de pointe de
manière à éviter à Hydro-Québec d'avoir
à installer une turbine à gaz pour répondre à la
demande? J'aimerais savoir comment vous voyez les possibilités
technologiques au Québec qui nous permettraient de gérer la
demande. Est-ce que vous estimez que vos membres sont présentement en
mesure de conseiller les gens ou même d'implanter ces types
d'équipement?
Le Président (M. Jolivet): M. Guilbault.
M. Guilbault: Notre position là-dessus est la suivante:
les maîtres électriciens ou les entrepreneurs électriciens,
comme le reste de la population, commencent à être plus que
sensibilisés aux problèmes d'économie de l'énergie.
Il ne faut pas se leurrer, voilà quatre ou cinq ans, c'est un
problème qui touchait seulement les initiés, les
spécialistes et ainsi de suite. On commence jusqu'à un certain
point à être conscient de la situation avec la tenue de
commissions parlementaires comme celle-là. Par ailleurs, dans les
journaux de plus en plus il y a des articles qui traitent des pénuries
possibles de pétrole, de l'augmentation de la pénétration
du gaz naturel, ainsi de suite. Les gens commencent à être de plus
en plus conscients des faits. C'est la même chose, c'est le même
cas chez nos membres, chez les entrepreneurs électriciens. Votre
question concernant les moyens que je dirais mécaniques pour
contrôler la demande d'énergie, nous voyons cela d'un très
bon oeil parce qu'on sait fort bien qu'un jour ou l'autre, il va falloir en
arriver là. Cela se pratique quand même dans beaucoup
d'États aux États-Unis, cela se pratique en Europe de
façon courante tout simplement parce qu'à un moment donné,
la nécessité fait loi.
Les gens ont dû se rendre compte, à un moment donné,
qu'il fallait se plier à certaines contraintes pour en arriver à
conserver l'énergie qui, même si elle est renouvelable, peut se
faire de plus en plus rare. Ce sont les moyens mécaniques, comme je les
ai appelés. Le sens de notre intervention, et cela rejoint un peu ce que
je
mentionnais au début, c'est que, chez nous aussi, les
entrepreneurs électriciens doivent de plus en plus, et peut-être
en avance de la population, être sensibilisés aux problèmes
des économies d'énergie. C'est dans ce sens que la corporation,
qui veut affirmer son leadership là-dedans, fait cette intervention, car
elle trouve un peu bizarre qu'il se développe des politiques
énergétiques en matière d'économie d'énergie
quand 2500 entrepreneurs électriciens ont complètement
été laissés en dehors du portrait.
C'est ça qu'on trouve bizarre: il n'y a aucun programme
d'éducation, de sensibilisation, d'information, de formation qui a
été prévu pour ces gens. Pourtant, si vous avez des
problèmes dans votre installation électrique chez vous, et je ne
parle pas nécessairement de seulement celle du chauffage, il n'y a pas
seulement le chauffage dans l'électricité, vous appelerez un
entrepreneur électricien. Vous n'appellerez pas quelqu'un
d'Hydro-Québec d'abord. Vous allez appeler un entrepreneur
électricien et vous allez vous fier, comme tout citoyen, à
l'entrepreneur électricien pour la réparation, pour recueillir
des conseils, etc. Nous disons qu'au lieu de dépenser des millions qui
sont nécessaires en campagne de sensibilisation auprès du public
il devrait y avoir une part de consacrée au maître
électricien, à l'entrepreneur électricien qui est le
premier intervenant chez le consommateur. Il y en a 2500 à travers le
Québec. On ne dit pas que tous font du résidentiel; il y en a
beaucoup qui se spécialisent dans les travaux commerciaux et
industriels, mais on trouve inadmissible et très peu logique que ces
gens n'aient pas été considérés dans un programme
global d'économie d'énergie.
Si l'entrepreneur électricien va chez vous non seulement pour
faire de l'électricité, mais qu'il en profite en même temps
pour vous donner certains conseils en matière d'économie
d'énergie, cette personne, comme entrepreneur électricien, a
quand même une crédibilité que votre voisin, qui n'est pas
entrepreneur, n'a pas et, à ce moment-là, les gens sont plus
réceptifs. C'est cet aspect qu'on voulait faire ressortir dans le
mémoire.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Mont-Royal.
M. Ciaccia: Merci, M. le Président. En lui souhaitant la
bienvenue, je veux remercier la Corporation des maîtres
électriciens du Québec pour son mémoire. Vous touchez un
aspect assez important dans le bilan énergétique du
Québec. Nous avons reçu devant cette commission plusieurs
représentations quant à l'économie d'énergie.
Différents groupes sont venus devant nous, des groupes qui s'occupaient
de l'environnement et des consultants dans le domaine
énergétique.
Ce que je retiens de votre mémoire, c'est que,
premièrement, vous vous joignez à ces programmes et que vous
croyez à la nécessité de l'économie de
l'énergie. Ceci vient d'un groupe de professionnels qui oeuvrent dans le
domaine. Au point de vue pratique, c'est l'aspect important de votre
mémoire. Des fois, la population peut tenter de dire: Les gens qui
préconisent l'économie de l'énergie n'ont pas l'aspect
pratique de ce qu'ils viennent de nous dire, tandis que votre organisme est
dans le champ, est dans la pratique de l'application de ces travaux.
Vous avez souligné un aspect qui, je pense, saute aux yeux: vous
êtes dans le domaine et vous n'êtes pas consultés dans
l'élaboration des politiques énergétiques qui visent
à l'économie d'énergie.
Le gouvernement a annoncé un programme d'économie
d'énergie et Hydro-Québec doit le mettre en vigueur
prochainement. Je voudrais vous poser deux questions: Est-ce que soit le
gouvernement ou Hydro-Québec vous a consultés sur l'application
de ce programe? Je voudrais aussi vous demander... Apparemment, d'après
les témoignages d'Hydro-Québec, ce programme a été
mis de l'avant à la suite d'une étude faite par un groupe de
consultants qui s'appelle Scanada Consultants Ltd. Est-ce que vous avez pris
connaissance de cette étude sur laquelle se base le programme du
gouvernement qui sera remis à Hydro-Québec pour application?
Le Président (M. Jolivet): M. Guilbault.
M. Guilbault: Malheureusement on n'a premièrement pas pris
connaissance de cette étude qui, semble-t-il, porte sur les
économies d'énergie et, deuxièmement, nous n'avons pas
été consultés sur le rôle que pourrait jouer
l'entrepreneur électricien, face à un programme d'économie
d'énergie.
C'est justement sur cette part du programme que nous voulons soulever
des objections. On sait fort bien qu'il n'est pas trop tard; le programme n'a
pas été annoncé officiellement, semble-t-il, mais
l'idée du mémoire d'aujourd'hui était justement de
soulever cette question, parce qu'on est des plus conscients que, lorsqu'il y a
2500 entrepreneurs, dans toutes les régions du Québec, qui vont
chez la plupart des citoyens, à un moment ou à un autre, ils ont
un rôle de masse énorme à jouer, et c'est ce rôle
qu'on voulait faire ressortir.
Par contre, ce que nous déplorons, c'est de n'avoir pas
été consultés par les personnes concernées.
M. Ciaccia: Oui, parce que, au début de son intervention,
le ministre vous a attribué certaines principales actions qui devraient
être prises ou qui se retrouvent
dans le programme d'économie d'énergie, mais, simplement
pour situer le débat, ces principales actions ne sont pas les
vôtres, ce n'est pas ce que vous avez préconisé, ce sont
les principales actions que vous attribuez à Hydro-Québec.
M. Guilbault: C'est exact.
M. Ciaccia: Et vous soulignez, je crois que c'est juste, qu'un
organisme comme le vôtre n'a pas été consulté pour
l'élaboration du programme et sa mise en application; on peut faire des
programmes en théorie, mais je crois que les gens qui vont le mettre en
application pourraient certainement apporter des suggestions, des
recommandations très pratiques pour la mise en application de ce
programme. Alors, quand vous dites que, malheureusement, vous n'avez pas pris
connaissance de cette étude, ce n'est pas un reproche; je ne voudrais
pas que vous interprétiez ça comme un reproche que je vous fais
de ne pas en avoir pris connaissance. Malheureusement, l'étude a
été rendue publique seulement la semaine dernière,
mercredi soir, à la suite d'une demande que nous avons faite au
gouvernement pour de la rendre publique.
Je voudrais porter à votre attention certains
éléments de cette étude et peut-être avoir vos
commentaires, votre réaction. Vous parlez d'économies
d'énergie, de pourcentage, d'après l'étude, le plan et les
propos d'Hydro-Québec dans sa documentation à laquelle vous vous
êtes référé.
D'après cette étude-ci, on pourrait, par exemple,
dépenser certaines sommes dans certains secteurs - on se limite au
secteur résidentiel - pour obtenir des économies
d'énergie. On parle de $1,000,000,000 et, d'après l'étude,
ce serait une économie d'environ 21,8% comme consommation
d'énergie, tous les ans. C'est le programme que le gouvernement a
annoncé: $1,000,000,000, $100,000,000 par année,
échelonné sur dix années. L'étude va plus loin.
Elle parle de réduire la demande de mazout de près de 25% en
investissant $220,000,000 dans la réfection des chaudières et
calorifères à mazout. Cette mesure se rembourserait en moins de
trois années. Si on s'attaquait à l'amélioration des
appareils de chauffage, après l'isolation des structures; on pourrait
réaliser 8% d'économie par rapport à la quantité
totale d'énergie que demande le chauffage résidentiel en
1980.
Pour un déboursé additionnel de $220,000,000, on pourrait
effectuer 8% de plus d'économie, et il y a d'autres mesures. On nous dit
que des $220,000,000 que coûterait la rénovation de fournaises
à l'huile au Québec, 25% iraient à la main-d'oeuvre et 75%
à la rénovation d'équipement. (16 heures)
On ajoute d'autres chiffres pour venir à la conclusion que si on
dépensait non pas $1,000,000,000, mais $1,990,000,000, pendant les
mêmes dix années, les économies d'énergie qui en
résulteraient ne seraient pas de 21.8%, mais de 38%. On va encore plus
loin; si on voulait aller plus loin que dix ans dans les
déboursés, on pourrait arriver à une enveloppe globale de
$2,500,000,000, pour 41%.
Premièrement, on a un chiffre plus élevé dans les
déboursés, mais aussi dans les économies d'énergie.
Non seulement y a-t-il des économies d'énergie, mais je
présume qu'il y a des retombées dans les différents
secteurs économiques impliqués; je présume qu'il y en
aurait dans votre domaine. Quelle serait votre réaction ou vos
commentaires face à un tel programme?
M. Guilbault: Évidemment, vous apportez des questions de
coûts. Pour commenter les questions de coûts, cela
présuppose de savoir exactement à quoi ces montants vont servir
et, comme on n'a pas eu en main l'étude, cela m'est assez difficile de
vous répondre. Il y a une chose qu'on sait, par exemple, c'est que, dans
tous les programmes d'économie d'énergie, que ce soit par des
moyens mécaniques ou autres, on ne peut pas forcer les gens de
façon globale à faire des choses qu'ils ne veulent pas faire,
s'ils ne sont pas conscients qu'ils doivent les faire, peu importe le montant
qui sera investi. C'est à ce niveau qu'on veut agir, parce qu'on est
très conscient que, tôt ou tard, il va falloir entreprendre des
programmes de sensibilisation d'économie d'énergie et
peut-être introduire en catastrophe des moyens mécaniques pour
économiser l'énergie. Nous disons : II y a moyen de commencer
lentement pour agir psychologiquement et massivement sur les gens; or un groupe
comme le nôtre peut le faire.
Je disais à quelques-uns de mes proches dernièrement:
Souvenez-vous qu'il y a quinze ans, quelqu'un qui courait tout seul dans la rue
passait pour un illuminé. Ils étaient 10,000 illuminés sur
le pont Jacques-Cartier l'an passé et cette année, tout
simplement, parce qu'il y a eu une campagne de sensibilisation de masse faite
sur le conditionnement physique. Les gens y ont cru, y croient et c'est ainsi
qu'on voit de plus en plus d'illuminés et, aujourd'hui, c'est presque le
contraire, c'est celui qui ne court pas qui reçoit, sans être des
reproches, les boutades des ses copains. De façon massive, c'est un peu
comme cela qu'on le voit. C'est pourquoi il m'est difficile de commenter les
chiffres. Mais en termes de masse, on se dit: On est en contact direct avec le
public et on a un rôle à jouer.
Je profite de votre question pour souligner un autre aspect aussi du
programme d'économie d'énergie. Il semble, d'après les
media d'information, qu'il doit y avoir avant longtemps, à
Hydro-Québec, des conseillers en économie d'énergie qui
vont évaluer l'isolation thermique, les installations, que ce soit
à l'huile, au gaz ou à l'électricité de la maison
et on trouve curieux qu'on prenne la peine de former encore une fois des gens
qui seront de l'extérieur - il faut prendre ces gens-là quelque
part - quand, dans le fond, les personnes idéales - ce sont des choses
qui pourraient être discutables dans un programme - pourraient être
des entrepreneurs électriciens qui, de toute façon, rencontrent
le consommateur. Pourquoi c'est ce qu'on mentionne dans notre mémoire -
n'y aurait-il pas lieu d'accorder une formation à l'entrepreneur
électricien, selon un programme bien défini, parce que c'est
quand même quelque chose de nouveau, même si on en parle de plus en
plus, plutôt qu'encore une fois s'en remettre à un organisme
gouvernemental? Là, on en revient aux fameuses discussions à
savoir l'État par rapport à l'entreprise privée. Mais plus
cela va, plus l'État grossit et plus les entreprises privées
doivent se débattre à travers tout cela. Pourquoi l'entrepreneur
électricien n'aurait-il pas un rôle très précis
à jouer dans un programme d'économie d'énergie? Ce sont
des questions qu'on se pose aujourd'hui et on trouve cela un peu curieux que ce
soit toujours du côté de l'État et que, du
côté de l'entreprise privée, qui est d'ailleurs
extrêmement contrôlée... Ceux qui connaissent le domaine
savent que les entrepreneurs électriciens ont des comptes à
rendre et qu'il y a des contrôles extrêmement serrés envers
eux. Que ce soit le Bureau des examinateurs électriciens, la
Régie des entreprises en construction du Québec,
Hydro-Québec, l'Office de la construction du Québec, il y en a
des organismes qui contrôlent leur travail. Pourtant, on veut les
contrôler et, quand vient le temps de leur donner une
responsabilité qui fait partie de leur travail, de leur juridiction, on
ne pense pas à eux. Ce sont des choses qui nous apparaissent
cocasses.
M. Ciaccia: Je suis entièrement d'accord avec vous,
spécialement sur le rôle de l'État face à
l'entreprise privée. Je crois que nous arrivons maintenant à un
moment où vraiment l'étatisation de certaines entreprises
commence à aller un peu trop loin. On oublie les initiatives
individuelles et le rôle de l'entreprise privée. Parce que notre
économie est basée sur les taxes et sur les contributions, la
base est l'entreprise privée et les gouvernements devraient intervenir
seulement dans certains endroits où l'entreprise privée,
vraiment, ne peut pas accomplir certaines tâches. Cela devrait être
pour inciter l'entreprise privée à apporter une plus grande
contribution à notre économie.
Vous parlez de votre rôle dans le domaine de l'économie
d'énergie et de la sensibilisation de la population qui est
nécessaire parce qu'elle ne semble pas être encore tout à
fait sensibilisée à l'importance de l'économie
d'énergie et aux moyens à prendre. Vous soulignez l'importance,
que nous appuyons ici de ce côté de la table, d'avoir un
débat public sur ces questions. Je pourrais vous demander: Seriez-vous
prêt, si on fait parvenir à votre corporation une copie de
l'étude sur l'économie d'énergie, à faire des
commentaires sur cette étude et à les rendre publics? Je pense
même que le ministre est d'accord qu'il faut avoir un débat public
sur tous les aspects. Votre corporation serait-elle prête à
prendre connaissance de cette étude et à rendre publics vos
commentaires sur l'étude?
M. Guilbault: Poser la question, c'est presque y répondre,
évidemment. C'est ce qu'on cherche. On cherche à alimenter le
débat et, comme partenaires, à intervenir dans cette industrie
qui prend de plus en plus d'importance. Il est évident que, si la chose
nous est demandée, on va intervenir de plus en plus souvent parce qu'on
est, nous, comme tout le monde, de plus en plus conscients de l'importance de
ces choses. Il est évident qu'on va le faire.
M. Ciaccia: Merci.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Bellechasse.
M. Goulet: Merci, M. le Président. Bien sûr,
l'entrepreneur électricien est l'intervenant par excellence
auprès du consommateur, comme vous le dites si bien. Vous dites dans
votre mémoire qu'il est à déplorer que l'entrepreneur
électricien soit complètement ignoré dans les moyens
envisagés pour stimuler les économies d'énergie. Vous
ajoutez: "La formation, l'information et la sensibilisation des entrepreneurs
électriciens aux problèmes énergétiques sont
essentielles à leur fonction de conseillers en économie
d'énergie." J'imagine que la formation, vous l'avez déjà,
l'information également et la sensibilisation, bien sûr. Vous
possédez déjà ces qualités.
Vous dites, en guise de conclusion: "II est important que tous les
outils nécessaires à l'accomplissement de cette tâche
soient mis à la disposition de l'entrepreneur électricien."
J'aimerais que vous nous disiez, concrètement, quels sont les outils qui
vous manquent actuellement. Mis à la disposition, mais par qui? Par le
gouvernement, par Hydro-Québec ou par d'autres organismes? Comment
pourrait-on mettre ces outils à votre disposition? Tout à
l'heure, vous avez dit: On peut jouer concrètement un plus
grand rôle. Vous avez donné comme exemple qu'au niveau
d'une campagne de sensibilisation où le gouvernement ou
HydroQuébec débourse X mille dollars ou X millions pour
sensibiliser la population à la récupération de
l'énergie, vous devriez être consultés, vous devriez faire
partie de ce comité. Je suis d'accord, mais en dehors de cela, au niveau
de la masse monétaire, quels sont les outils qu'on pourrait mettre
à votre disposition? Qui pourrait les mettre à votre disposition
et comment? Autrement dit, qu'est-ce qui vous empêche actuellement avec
vos compétences d'affirmer le leadership que vous affirmez
déjà, d'ailleurs, mais que vous semblez critiquer en disant: On
n'a pas ce qu'il nous faut pour l'affirmer. Qu'est-ce qui manque pour affirmer
ce leadership?
M. Guilbault: Dans la première partie de votre
intervention, vous mentionnez la formation, la sensibilisation de
l'entrepreneur électricien. C'est en partie vrai. En termes d'approche,
l'entrepreneur électricien, évidemment, possède la
connaissance technique, cela va de soi. Par contre, face à la nouvelle
approche de mesures, en termes de bonne utilisation de
l'électricité et d'économies d'énergie, c'est une
approche différente où, de notre côté, comme
Corporation des maîtres électriciens, on a un leadership à
exercer vis-à-vis de nos membres. C'est une approche différente
qui se fait dans le temps, à travers nos structures, par un paquet de
conférences, des conférenciers et de l'information, où il
peut nous manquer des moyens. Mis à part les moyens financiers qui
peuvent se régler assez rapidement, c'est en termes de formation
vis-à-vis de cette nouvelle approche.
Évidemment, on n'a pas l'expertise et les ressources humaines
nécessaires pour présenter à l'entrepreneur
électricien des cours de formation, par exemple, sur la conversion de
systèmes de chauffage au pétrole, à
l'électricité, vu sous l'angle de l'économie
d'énergie. Et cela est important, vu sous l'angle de l'économie
d'énergie. Les structures, on les a; les ressources humaines, dans le
temps, cela pourrait se faire, mais on veut hâter les choses.
Cela, c'est toute une façon de penser et nous, à la
Corporation des maîtres électriciens, avec tout ce que cela
comporte d'exécutif, nous devons d'abord nous dire: Cela est important
et ensuite transmettre cela du côté des membres.
La question de la formation, de l'information et de la sensibilisation
des membres, pour que cela se projette ensuite sur le consommateur, cette
partie, ce plan d'ensemble, on ne peut pas le faire tout seuls. Il faut, en
termes de stratégie, si je pourrais dire, d'approche, le faire avec ce
qui existe de structures ailleurs, comme le
Bureau des économies d'énergie. Si tout le monde fait sa
petite part sans que ce soit parti d'un programme intégré, il va
y avoir des problèmes quelque part. Il y a du monde qui va se chicaner
quelque part et c'est humain.
Nous autres, on dit: Intégrez-nous dans des discussions
où, à un moment donné, l'entrepreneur électricien
pourra jouer son vrai rôle et on pourra voir jusqu'où on va aller.
C'est une partie.
Il y a énormément de moyens aussi. On parlait tout
à l'heure de conseillers en énergie. Il peut être possible,
par une formation à travers un programme, que des entrepreneurs
électriciens soient reconnus publiquement comme conseillers en
énergie, de telle sorte que le public sera capable d'identifier parmi
d'autres un entrepreneur qui est conseiller en énergie, par suite de sa
formation; par la suite, cela peut donner un genre d'émulation pour les
autres entrepreneurs qui ne le sont pas, et ainsi de suite. Ce sont des choses
qui se font couramment. Ce sont des choses qui se discutent, mais à
l'heure actuelle, c'est difficile pour nous de le faire parce qu'il n'y a
personne qui nous consulte et on est 2500 qui embauchons 15 000 compagnons
électriciens et apprentis. Ce n'est pas juste 2500 entrepreneurs. On
engage du monde. L'entrepreneur forme sa main-d'oeuvre et ainsi de suite.
C'est dans ce sens-là que notre intervention prévaut.
M. Goulet: M. le Président, au chapitre des
économies d'énergie et de la réduction globale de la
consommation, Hydro propose certaines mesures, certaines actions. Vous le
mentionnez d'ailleurs dans votre mémoire, comme au niveau des campagnes
d'information et de sensibilisation auprès du public. J'imagine que
parmi ce qu'Hydro fait actuellement et ce qu'elle fera, elle pourrait consentir
un budget aux maîtres électriciens en disant: Vous allez nous
aider à le faire et voici ce qu'on attend de vous. J'imagine que si
Hydro-Québec proposait des mesures que vous n'acceptez pas en tant
qu'experts -exemple pompe de chaleur, télécommande des
chauffe-eau, chauffage mixte - si vous n'étiez pas d'accord, vous
n'hésiteriez pas à dénoncer cela. (16 h 15)
Je voudrais simplement vous amener à participer, en consentant un
budget aux maîtres électriciens, en disant: Ecoutez, on fait une
campagne d'information et de sensibilisation auprès du public. On pense
que telle ou telle mesure va donner des effets bénéfiques. Or, on
vous demande... et même à vous récompenser, mais c'est dans
ce sens qu'on veut s'orienter. Si vous n'étiez pas d'accord en tant
qu'experts, j'imagine que vous n'hésiteriez pas à dire au public:
Ce
qu'Hydro ou d'autres experts vous demandent, nous, on n'est pas d'accord
avec ça.
Si vous étiez, par exemple, contre les mesures
préconisées par Hydro, vous n'hésiteriez pas à le
dire. Mais vous dites: On ne nous a pas consultés. Est-ce qu'on doit
conclure qu'il y a des mesures là-dedans qui ne sont pas bonnes ou tout
simplement dire: Ils devraient se servir de nous, parce que le premier
intervenant auprès du consommateur, c'est nous. C'est nous qui aurons
à appliquer ces mesures, on devrait nous consulter ou nous dire comment
les appliquer et nous aider à les appliquer.
Quand je parle d'aider, par exemple, ça peut être de donner
des cours gratuits à vos membres pour dire: Voici, on s'oriente dans tel
domaine et, étant donné que vous êtes les premiers
interlocuteurs auprès du public, on va vous donner gratuitement des
cours, parce qu'on veut entrer la télécommande, par exemple, des
chauffe-eau ou tel nouveau système de chauffage sur le marché,
quand on est conscient qu'on va économiser de l'énergie. Alors,
étant donné que ça va être vous qui allez installer
ça, on va vous donner des cours gratuits; on va vous aider de ce
côté-là. Mais je ne vois pas comment vous pourriez
intervenir autrement. Je ne sais pas si les mesures pour économiser sont
bonnes, c'est vous qui les appliquez, vous payez pour les appliquer. Je suis
d'accord pour aider à les appliquer, mais à part ça!
M. Guilbault: II peut y avoir un paquet de mesures qui sont
prônées par Hydro à travers sa publicité et ainsi de
suite qui incitent le public à vouloir des choses; c'est un fait. Mais
quand...
M. Goulet: Vous voulez dire à dépenser de
l'énergie, non? J'entends par là...
M. Guilbault: Je veux dire que si une personne est...
M. Goulet: Je m'excuse, M. le Président, je retire le mot
"dépenser", mais à convertir, par exemple, un système
à l'huile en un système électrique, parce qu'Hydro ne vend
que l'électricité. Non, il n'y a pas de mesure, il n'y a pas de
campagne comme telle faite par Hydro. Hydro ne propose pas aux gens des choses
qui ne sont pas bonnes pour eux, ce n'est pas ça que vous dites.
M. Guilbault: Non, c'est évident que, par notre
intervention, on ne critique aucunement Hydro dans le travail qu'elle fait.
Elle a un rôle à jouer, c'est clair, et un rôle majeur. Je
pense que tous les intervenants qui sont venus ici le reconnaissent. Il y a un
rôle pour le producteur d'électricité, mais les
installateurs, ce sont les entrepreneurs électriciens. Pour bien faire
la distinction, ce n'est pas un employé d'Hydro qui va aller dire au
consommateur: Installe - à partir du poteau qui entre dans votre maison
- ton équipement de telle ou telle façon; c'est l'entrepreneur
électricien. De par la loi, c'est sa juridiction.
En faisant cette intervention, on ne critique pas le rôle d'Hydro.
On n'est pas en désaccord avec son plan d'aménagement,
excepté que les réserves qui ont été faites sur
l'avancement des travaux, on pourrait les faire; cela nous apparaît
évident. Je pense que ça paraît aussi de plus en plus
évident à tout le monde. Mais, on dit: Chacun son rôle et,
à un moment donné, il se produit une espèce
d'évolution qui fait que tout bifurque tranquillement, lentement vers
l'État et on dit: Respectons chacun notre rôle. Hydro, qu'elle
produise de l'électricité et, l'entrepreneur électricien,
qu'il installe l'équipement, parce que c'est trop facile de dire: Hydro
va le faire.
Il y a un aspect aussi où on veut jouer avec la question de
l'État et de l'entreprise privée. C'est une distinction nette
qu'on veut faire ressortir, s'il y a des choses, comme vous dites, avec
lesquelles on ne serait pas d'accord. Il est arrivé, voici quelques
semaines, des choses avec lesquelles on n'était pas d'accord. On a fait
des interventions au public là-dessus. On va faire ces interventions de
telle sorte qu'on puisse, d'une façon, rectifier des faits ou, encore,
alimenter le débat, parce qu'il y a des choses qui peuvent être en
partie vraies et qu'on peut compléter par la suite.
Mais le rôle qu'on veut définir, c'est le rôle
pratique de l'entrepreneur électricien, de l'entrepreneur qui va chez
vous faire de l'installation électrique. Ce qu'on ne comprend pas, c'est
que son rôle est sous-estimé dans les documents qui ont
été fournis par Hydro-Québec en termes d'économie
d'énergie. C'est la distinction qu'on veut faire avec les deux. On ne
dit pas que les moyens mécaniques envisagés par Hydro pour
économiser l'énergie sont mauvais. Au contraire, la plupart de
ces moyens, vous admettrez qu'ils en sont au stade expérimental. Ce ne
sont pas des choses communes ici, pour la plupart des consommateurs. On
expérimente, mais il faut expérimenter aujourd'hui, pour
prévoir pour demain. C'est le rôle d'Hydro de le faire. Quand
ça sera sur le marché, ça revient à l'entrepreneur
électricien.
C'est la distinction qu'on veut faire entre les deux organismes:
Hydro-Québec et l'entrepreneur-électricien. Sinon, un jour, ce
sont tous des employés de l'État qui vont faire les installations
et on n'en sortira jamais. On veut faire la nette distinction entre les
deux.
Le Président (M. Jolivet): M. Audet
voulait ajouter quelque chose, je pense?
M. Audet (Henri): M. le Président, j'aimerais ajouter
quelque chose. Tout à l'heure, on parlait de spécialistes de
formation. Vous vous souvenez, il y a une quinzaine d'années environ,
quand HydroQuébec a décidé de lancer son programme de
promotion du chauffage électrique; moi, je m'en souviens, j'étais
là. À ce moment, on nous avait consultés pour former des
spécialistes. Je pense qu'on a bien réussi dans l'ensemble.
Hydro-Québec avait un programme quand même assez important et cela
a très bien réussi. Je me demande aujourd'hui pourquoi on ne nous
consulterait pas pour - M. Guilbault l'a mentionné tout à l'heure
- faire justement de nous des spécialistes en économie
d'énergie. Je pense que cela pourrait être la même chose.
C'est cela que je voulais apporter.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Gouin.
M. Tremblay: Merci, M. le Président.
M. Guilbault, je pense que tous ici accordent beaucoup de poids à
votre témoignage, qui me paraît plein de bon sens. Le fait que
vous soulignez votre rôle d'interlocuteurs directs auprès des
consommateurs devrait être une évidence pour tous. Le fait aussi
que vous ne soyez pas consultés, lorsqu'il y a des programmes ou des
politiques de conservation de l'énergie et qu'on ne fasse pas appel
à vous pour appliquer de tels programmes me paraît, pour ma part,
invraisemblable.
Mais ce n'est pas le point principal sur lequel je voudrais vous poser
des questions. Comme vous le savez, la question de la substitution des modes de
chauffage et de la substitution entre les formes d'énergie est une des
grandes coordonnées de toute la discussion à cette table. Comme
vous le savez aussi, le chauffage des maisons a été très
coûteux cet hiver pour le portefeuille des individus et des familles
à cause de l'hiver très froid que nous avons eu, au mois de
décembre et au mois de janvier. Ces coûts continuent, parce
qu'aujourd'hui - c'est peut-être un mardi gras, mais c'est aussi un mardi
noir jusqu'à un certain point l'Alberta a fait une coupe d'environ
110,000 barils par jour en pétrole et qu'il y a une augmentation de
$0.0225 dans le prix de l'huile à chauffage; pour l'essence, la
gazoline, c'est un peu pire, parce que nous avons une taxe de 20% au niveau du
gouvernement du Québec, ce qui va pousser presque à $0.03
l'augmentation du gallon d'essence. Donc, on voit que le Québec est dans
une position très vulnérable au plan du pétrole, pour la
bonne raison que nous n'en produisons pas.
Sur la conversion des systèmes de chauffage, vous êtes des
experts, puisque c'est vous, souvent, qui faites ce genre de conversion. Comme
vous le savez, dans le budget d'octobre du gouvernement fédéral,
il y avait cette mesure proposant d'encourager, pour des raisons de balance des
paiements, la conversion des systèmes de chauffage des résidences
canadiennes du pétrole au gaz ou à l'électricité,
le gaz et l'électricité étant deux des sources
d'énergie que nous produisons le plus au Canada. C'était avec
l'intention de verser aux citoyens qui acceptaient de faire cette conversion
une subvention d'environ $800. Pour les résidents du Québec, il y
a un problème, puisque le gouvernement, même si
l'électricité est la seule énergie que nous produisons au
Québec, même si c'est une énergie qui est propre et
renouvelable par rapport aux autres sources, a donné comme indication
qu'il n'était pas tellement intéressé à ce que ces
$800 s'appliquent au chauffage électrique. Finalement, par après,
on a dit que si c'était pour un chauffage central, ce serait
peut-être acceptable.
En tant qu'expert dans ce domaine, j'aimerais vous poser quelques
questions. Est-il exact que la préférence des
Québécois va du côté des plinthes électriques
plutôt que vers le chauffage central, parce que, si les plinthes ne sont
pas subventionnées, ce serait donc aller contre une
préférence des individus et des citoyens? Maintenant, lorsque les
gens installent des plinthes électriques dans leur résidence,
est-ce qu'il n'est pas possible de garder le système actuel au
pétrole et d'avoir quand même ce double système qui
pourrait, dans les années à venir, être
réactivé dépendant de la conjoncture? Il faut bien se
rendre compte que tout le monde est un peu dans l'incertitude face au prix de
l'énergie, aux sources d'approvisionnement et aux décisions
politiques qui vont accompagner cela.
Concernant les plinthes, je crois avoir lu dans les journaux que votre
association a fait une déclaration disant que c'était un mode de
contrôle et d'économie d'énergie qui était
très versatile étant donné que dans chaque pièce il
y avait un thermostat et que, dépendant des circonstances dans
lesquelles se trouvent les citoyens, il y avait possibilité de fermer
des chambres l'hiver et d'économiser un pourcentage élevé.
Je ne me souviens pas du pourcentage que vous aviez indiqué, mais
c'était un pourcentage élevé. Vous souleviez aussi le fait
que l'électricité, à cause de la chaleur qui
s'échappe dans les cheminées par le pétrole et le gaz,
était une forme d'énergie qui était très efficace,
de l'ordre de 35% à 37% plus efficace que les autres formes
d'énergie.
J'aimerais que vous nous donniez votre point de vue concernant les
plinthes, concernant le choix des individus d'économiser de l'argent
avec les plinthes et
les thermostats. Et je vous poserai une autre question plus
générale. Étant donné que nous aurons des
excédents d'électricité entre l'année 1981 et
l'année 1988 - c'est ce qui ressort du plan d'investissements
d'Hydro-Québec - étant donné que le prix du gaz naturel
est concurrentiel par rapport à l'électricité
présentement, mais que, dans les années à venir, nous n'en
sommes nullement certains vu que le prix du gaz naturel est accroché au
prix du pétrole; étant donné aussi que les frais de
conversion des systèmes de chauffage actuels, qui sont au
pétrole, sont deux fois plus élevés lorsqu'on va à
l'électricité qu'au gaz naturel et étant donné
aussi que les gens, au Québec, aiment les plinthes, je vous demanderais
s'il y a quelque chose de mauvais dans les désirs des citoyens au
Québec que les bureaucrates et les politiciens devraient corriger, dans
leur sagesse suprême, afin que les taxes des citoyens soient
utilisées contre les désirs des citoyens pour favoriser une forme
d'énergie que nous ne produisons pas au Québec,
c'est-à-dire le gaz naturel.
Le Président (M. Jolivet): M. Guilbault.
M. Guilbault: Je vais laisser le soin à M. Hurtubise de
répondre quant à la partie technique.
M. Hurtubise (Paul): M. le député, vous posez
plusieurs hypothèses et plusieurs problèmes; la réponse
pourrait être fort complexe. Je vais essayer d'énumérer
quelques-uns des sujets que vous avez mentionnés. L'article de la CMEQ,
qui était, en somme, un plaidoyer en faveur des plinthes chauffantes,
visait à faire la part des choses et à "dénoircir", si on
veut, certains propos tenus par des représentants du gouvernement sur ce
sujet. On visait à faire la part des choses et, à la fin de
l'article, il était bien mentionné que cela visait à
permettre aux consommateurs de prendre des décisions
éclairées. Dépendant de la situation à laquelle un
consommateur particulier fait face, il y a des solutions qui peuvent être
autres que celles préconisées soit dans le cas d'une subvention
ou non.
Vous avez mentionné la préférence des consommateurs
pour les plinthes. Des chiffres ont été avancés
démontrant que les conversions, actuellement, et possiblement le parc
d'habitations nouvelles allaient à 90% vers les plinthes chauffantes. Ce
sont des chiffres qui ont été avancés et on n'a pas pu les
vérifier, mais on dit que, même à 80%, il est sûr que
les consommateurs ont une préférence pour les plinthes
chauffantes pour des raisons qu'on a mentionnées et que vous avez
mentionnées également, de propreté, d'efficacité,
de simplicité. On peut facilement comprendre que, lorsqu'on
enlève un système central, on récupère de
l'espace.
On peut se poser des questions à savoir pourquoi les
consommateurs, à ce moment-là, vont dépenser un montant
substantiel pour aller vers les plinthes chauffantes alors que, si le gaz
pénètre, ce sera presque une subvention totale de la conversion,
etc. Donc, il y a vraiment chez les consommateurs certaines peurs
ancrées envers d'autres systèmes d'énergie et une
préférence qui a été mise de l'avant il y a
déjà plusieurs années. M. Audet mentionnait
qu'Hydro-Québec, dans la campagne Novelec, a fait la promotion du
chauffage électrique, et cela a eu un succès fort
escompté. Donc, il y a assurément une préférence
des consommateurs et lorsqu'on discute avec nos entrepreneurs, habituellement,
il va y avoir aussi cette recommandation.
C'est là où on en vient à notre mémoire qui
dit que les entrepreneurs ont une formation. La situation économique et
énergétique a changé. Face à des solutions
traditionnelles - par le passé, on enlevait le système central et
on le remplaçait par des plinthes - il faut sensibiliser les
consommateurs au fait que possiblement le nouveau parc d'habitation et le parc
d'habitation qui existe aujourd'hui pourraient bénéficier de la
conservation d'un système central, dans certains cas, et, dans d'autres
cas, non. Dans d'autres cas, ce n'est pas possible. Comme vous l'avez
mentionné, le gouvernement, dans son programme de subvention n'entend
pas subventionner les plinthes électriques. Nous, on a fait nos
représentations puisqu'on n'était pas d'accord avec ça. On
veut faire la part des choses et on a donné des cas d'exception.
M. Tremblay: Pourquoi n'êtes-vous pas d'accord avec
ça? C'est ce qui serait intéressant pour nous de savoir.
M. Hurtubise: À cause des cas d'exception. Je crois que le
consommateur doit être à même de pouvoir
bénéficier d'une subvention. Dans le cas - si on veut prendre un
cas hypothétique, qu'on retrouve facilement - par exemple des fournaises
de plancher, il est évident que n'ayant pas un système de
distribution forcée, la conversion aux plinthes est une solution
économique et possiblement, à notre avis, la meilleure. On est
d'accord là-dessus. C'est une exception et s'il y en a une, on peut
facilement supposer qu'il y en a d'autres.
Donc, on n'est pas d'accord dans ce sens et c'est pour en arriver
à ça qu'on dit qu'on veut des décisions
éclairées, permettre au consommateur de prendre des
décisions éclairées. Les entrepreneurs, en tant que
conseillers, vont parfois aider le consommateur à prendre cette
décision éclairée, vont s'affirmer comme conseillers, et
ce qu'ils avancent, habituellement, c'est ce qui va arriver.
M. Tremblay: Quels sont les chiffres d'économies, selon
les systèmes, selon vous, que vous aviez, je pense publiés?
M. Hurtubise: On avait avancé un chiffre
d'économies de 10%.
M. Tremblay: Qui venait d'où?
M. Hurtubise: C'est un chiffre qui est très subjectif et
qui dépend beaucoup de l'habitude de vie des gens, comme dans toute
économie d'énergie. Nos entrepreneurs, intervenant directement,
ont cette fonction de conseiller. S'ils ne sont pas éclairés aux
nouvelles technologies qui peuvent survenir, il sera peut-être trop tard
dans quatre ou cinq ans, puisque le système central ne sera plus
là et qu'il ne sera plus possible de retourner en arrière. Donc,
nous, on prône une formation, une information, une sensibilisation de
l'entrepreneur électricien pour que lui, à son tour, puisse
donner de l'information éclairée et objective au
consommateur.
Le Président (M. Jolivet): M. le député
d'Outremont.
M. Fortier: M. Guilbault, ce que j'ai retenu d'une partie de
votre intervention, puisque je suis arrivé légèrement en
retard, c'est que vous dites que les économies d'énergie se
feront ou ne se feront pas, selon les convictions de chacun des citoyens de
cette province, ce à quoi je souscris beaucoup. Dans une certaine
mesure, nos attitudes personnelles sont extrêmement importantes pour
qu'on assure les économies d'énergie. Vous dites également
qu'il faudrait travailler le plus possible par l'intermédiaire d'agents
qui existent dans la société. Pour les plus gros édifices,
ça peut être les ingénieurs-conseils, les architectes. Pour
des plus petits travaux, ça peut être des gens comme les
maîtres électriciens.
Je crois que le rôle que vous revendiquez, c'est un double
rôle. C'est un rôle d'exécutant et un rôle de
conseiller. Je pense qu'il n'y a personne qui conteste votre rôle
d'exécutant dans le sens que sur certains projets, vous soumissionnez,
j'imagine, et vous exécutez des travaux qui sont définis.
En ce qui concerne le rôle de conseiller des clients, j'ai
l'impression que certains de nos amis de l'autre côté divisent le
monde en deux: il y a les purs et les impurs. On vous a classés un peu
dans les impurs. On dit ceci parce que, bien sûr - et j'aimerais avoir
vos commentaires là-dessus - ce sont des gens comme vous. Lorsque vous
allez conseiller vos clients dans le sens qu'ils favorisent vos propres
intérêts financiers, dans quelle mesure seriez-vous objectifs,
dans le sens de faire les meilleures recommandations qui favoriseraient les
objectifs que l'État se serait fixés? C'est dans cette mesure...
Bien sûr, je suis d'accord sur ce que vous avez dit, en ce qui a trait
à Hydro-Québec, quoique je sais pertinemment que, dans le
passé, HydroQuébec a travaillé par l'entremise de gens
comme vous, vous l'avez dit tout à l'heure. Dans quelle mesure, en ce
qui concerne le rôle de conseiller de la clientèle, pourrait-on
vous considérer comme "purs", si vous acceptez la définition de
ce rôle?
Le Président (M. Jolivet): M. Guilbault.
M. Guilbault: Vous considérez notre côté
impur.
M. Fortier: J'ai dit qu'il y a des gens qui vous
considèrent comme impurs.
M. Guilbault: En termes de perception, c'est souvent l'argument
qu'on a au niveau gouvernemental. Évidemment, dans une entreprise
privée, il y a une notion de profit, il y a de bonnes chances que vous
ne soyez pas honnête envers le client. Il y a des choses, pour
protéger le bien public ou le bien commun, pour lesquelles on est
tenté de dire: L'État va s'en occuper. En termes
d'intérêt, il est clairement défini, comme vous l'avez
mentionné, que l'exécutant, c'est l'entrepreneur
électricien par un paquet de lois et par un paquet de contrôles
qui surveillent ces lois et les exécutants. Si on s'en tient à la
question du chauffage simplement, dans le domaine électrique, il y a
deux choses: il y la plinthe et la fournaise électrique. On a
posé énormément de questions à nos gens. En termes
de coût pour le consommateur, est-ce qu'il y a une grosse
différence entre poser des plinthes et une fournaise électrique?
Nous semble-t-il que la différence entre les deux systèmes est
excessivement minime, quelque chose comme $200 ou $300 pour quelqu'un qui
choisit les plinthes librement. Évidemment, les plinthes, pour les gens,
ont quand même beaucoup d'intérêt, parce qu'une fois que
c'est là, tu n'as plus besoin de vérifier la fournaise, la petite
courroie qui ne fonctionne plus. S'il y a un thermostat qui brise, cela
fonctionne quand même dans les autres pièces. Pour les gens, c'est
quelque chose d'acquis, de vendu. Pour l'entrepreneur, en termes de vente - si
on le prend du côté impur - cela représente à peu
près une différence de $200 ou $300 de plus dans la vente, pour
la plinthe. Pour le profit, à toutes fins égales, cela revient
pratiquement au même, excepté que pour poser une fournaise, cela
va être moins long que pour poser des plinthes, parce que dans les deux
cas, vous devez changer le branchement. Si vous avez un 100 ampères,
vous allez devoir avoir un 200, même si c'est à plinthes ou
fournaise. La différence,
entre les plinthes ou la fournaise, c'est à peu près
pareil. La différence est assez minime pour que cela ne fasse pas un
point majeur dans la décision.
M. Fortier: Vous n'irez pas jusqu'à recommander le gaz
à un client.
M. Guilbault: C'est très évident. Ce qui veut dire
qu'au bout du compte, si on en vient à la question des plinthes, ce qui
complète un peu la question de M. Tremblay, l'entrepreneur
électricien pourrait avoir autant d'intérêt à
recommander à son client la fournaise électrique pour conserver
tout le système à canalisation, mais il est évident aussi
que le consommateur veut la plinthe. Or, dans bien des cas, l'entrepreneur
électricien va poser la plinthe, même si à son avis, il
vaudrait mieux y avoir une fournaise électrique. C'est là qu'on
entre dans les fameuses questions de sensibilisation: Garde ton système
à canalisation parce que, peut-être, tu vas pouvoir ajouter un
autre système complémentaire après, pompe de chaleur et
ainsi de suite. C'est là que l'entrepreneur électricien joue un
très grand rôle. Pour répondre directement à votre
question, en termes de profit - si on revient au côté impur, il
faut bien imager la réponse - pour l'entrepreneur électricien, de
façon pratique, il n'a pas plus d'intérêt, mais comme vous
dites, il va vendre de l'électricité, c'est clair.
M. Fortier: Soyez bien assurés que je comprends votre
position parce qu'assez souvent, on me dit que je suis impur.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Kamouraska-Témiscouata.
M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata):
Merci, M. le Président. Je voudrais revenir un peu sur la
question du début, celle que M. le ministre posait. Nous sommes pas mal
tous d'accord, purs et impurs, pour dire que ce sont les maîtres
électriciens qui sont le plus près des consommateurs pour mieux
informer vos gens, vos clients et les consommateurs. Avez-vous suffisamment
réfléchi au programme ou à cette question pour être
en mesure de formuler dès maintenant des suggestions concrètes
dans tout futur programme que pourraient mettre sur pied le gouvernement et
Hydro-Québec? Êtes-vous en mesure de dire que vous pourriez avoir
un programme, soumettre un programme à Hydro-Québec et de vous
faire dire: Allez-y dans tel et tel domaine, si vous voulez participer? Vous
avez fait des suggestions tout à l'heure, mais êtes-vous rendus
assez loin dans vos études pour nous formuler des suggestions
concrètes aujourd'hui même?
M. Guilbault: Je veux être bien honnête avec vous,
les suggestions qu'on a faites tout à l'heure sont celles auxquelles on
pense à l'heure actuelle. Mais nous sommes aussi très conscients
qu'à mesure qu'on apprend des bribes des divers programmes qui sont en
train d'être élaborés, ce sont des choses dont on ne peut
pas faire abstraction, parce que tu ne penses pas tout seul de ton
côté, un groupe pense de son côté et, à un
moment donné, on marie tout cela. Il faut que tout cela fermente
ensemble. À l'heure actuelle, ce sont des idées qu'on a de notre
côté qu'on a exprimées tout à l'heure. Mais,
à mesure qu'on apprend des détails des différents
programmes qui sont en train d'être élaborés,
évidemment, cela nous donne d'autres idées.
C'est pour cela qu'au moment où on vous parle, on ne peut presque
pas aller plus loin dans nos recommandations ou nos suggestions. Il faut
prendre connaissance de ce qui est en train de se développer à
l'heure actuelle. C'est cela qu'on déplore, parce qu'il existe un
organisme qui est le nôtre et qui a des structures très bien
identifiées à travers tout le Québec. C'est divisé
en 17 régions où les entrepreneurs sont très bien
identifiés et personne ne pense à se servir, à utiliser
ces structures pour faire passer des messages d'économie
d'énergie qui, pour nous, sont très importants. On se dit qu'une
fois que cette volonté politique, si je puis dire, se sera
manifestée, les moyens seront très faciles à trouver. On
n'a qu'à aller rencontrer des fonctionnaires; il y en a tout plein des
moyens, il y en a, ce n'est pas possible, c'est de les intégrer, de les
transformer en termes d'action. Nous, on est là pour cela.
M. Hurtubise mentionnait tout à l'heure une réponse
à la question de M. Tremblay concernant les plinthes. Il y a eu des
articles et des fuites, si je puis dire, habiles pour dire que les plinthes ne
seraient pas subventionnées. On est là pour dire au public: Ce
n'est pas correct de dire que les plinthes ne seraient pas
subventionnées quand il y a tellement d'exceptions qui existent que la
personne qui aurait peut-être besoin de la subvention ne l'aurait pas
parce que, de façon générale, il est
décrété que les plinthes ne seraient pas
subventionnées. Il peut aussi se produire des cas où la
canalisation qu'on veut tant garder pour en arriver à un autre
système de chauffage par une autre source d'énergie ne soit plus
bonne. C'est possible. À Outremont, par exemple, il y a des maisons qui
datent de 60 et 75 ans et où il y a des systèmes de canalisation
qui sont désuets. Parce qu'il y a un système de canalisation, il
n'y aurait pas de plinthes, si la personne en veut? Il y a des choses qui ne
sont pas logiques là-dedans et qui devraient être pensées
avant que ce soit rendu public et je pense que c'est notre
rôle de le dire publiquement. Autrement dit, on fait une
intervention publique, on met les choses où elles doivent être,
mais on veut bien progresser dans le sens des économies d'énergie
et c'est notre rôle de le faire. C'est dans ce sens-là qu'on ne
peut pas aller plus loin en termes de suggestions.
M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata):
Dans votre mémoire, vous dites surtout que vous êtes
prêts, vous êtes ouverts à...
M. Guilbault: Sérieusement.
M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata): ...toutes
sortes de suggestions et à aider le gouvernement ou Hydro-Québec
dans de futurs programmes auxquels vous pourriez participer
financièrement...
M. Guilbault: Certainement.
M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata): ...pour faire
valoir ni plus ni moins les connaissances que vous pourriez transmettre aux
consommateurs. C'est dans ce sens-là que je l'ai vu. Est-ce cela?
M. Guilbault: Oui, exactement. Le Président (M.
Jolivet): Merci.
M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata):
D'accord, merci.
Le Président (M. Jolivet): En terminant, M. le ministre.
M. le ministre m'a demandé de prendre le temps qui lui est permis. M. le
ministre. (16 h 45)
M. Bérubé: Merci, M. le Président.
Concernant votre intervention face à la participation des maîtres
électriciens, je pense que vous avez raison de souligner qu'en
élaborant le programme, Hydro-Québec devrait vous rencontrer.
D'ailleurs - vous n'avez peut-être pas eu l'occasion de le souligner,
mais je pense que vous en êtes conscients - déjà, le
ministère vous a consultés. Par exemple, lorsqu'on a
préparé la loi no 9, avec toute la réglementation
concernant les économies d'énergie, mon ministère a
consulté votre organisation justement pour profiter de votre expertise
dans ce secteur. J'avais l'impression, d'ailleurs, que tout récemment
vous confirmiez votre intention de vous engager dans un programme de
sensibilisation de vos maîtres électriciens, de concert avec mon
ministère, aux économies d'énergie. Je pense qu'il y a
déjà un début de collaboration intéressant entre
mon ministère et votre association, qui devrait se traduire
également par ce même type de collaboration avec les
électriciens, cette fois impliquant Hydro-Québec.
Je pense qu'effectivement le programme d'isolation des maisons pourrait
très bien faire appel aux services des électriciens, à
l'expertise des électriciens. Il reste que, dans l'élaboration
d'un programme, c'est sûr que, pour une action-conseil, on aura toujours
tendance à vouloir faire appel à quelqu'un qui n'est pas
lui-même impliqué ou en conflit d'intérêts. C'est
bien sûr que, si on vend, par exemple, du matériel d'isolation et
qu'en même temps on conseille les citoyens quant aux travaux d'isolation
à faire, le consommateur ne sait jamais si celui qui lui conseille une
mesure d'isolation donnée le fait parce qu'il a un intérêt
monétaire ou bien le fait en fonction simplement du bien de la personne
à qui il le conseille. Donc, on va devoir chercher un mécanisme
pour conseiller les citoyens qui soit le plus objectif possible afin que
ceux-ci puissent y avoir entièrement confiance.
Vous avez également mentionné tantôt dans votre
intervention des problèmes d'équipements de chauffage qui
seraient admissibles aux subventions et d'autres qui ne le seraient pas. En
fait, le seul élément que je retiendrais pour l'instant face
à un équipement comme les plinthes électriques, c'est que
lorsqu'il existe déjà un système central de chauffage, je
pense qu'il faudrait maintenir ce système central de chauffage. Je pense
que vous avez été en mesure de voir, par exemple, au cours des
travaux de cette commission, qu'il est bien évident que nous ne
disposons pas de ressources hydroélectriques pour répondre aux
besoins du Québec pendant encore 1000 ou 2000 années. On en a
pour jusqu'à la fin du siècle, suivant certaines
hypothèses. Selon d'autres hypothèses, on peut étendre
cela de plus ou moins cinq ou dix ans, mais enfin on est au bout du fuseau.
Cela a comme conséquence que, si les Québécois
choisissent de se chauffer à l'électricité plutôt
que de se chauffer au gaz naturel comme le font, par exemple, les New-Yorkais
ou les Torontois ou à peu près tous les Nord-Américains,
forcément, on va manquer d'électricité. Là, on
risque d'être obligés de produire cette électricité
à un coût qui est passablement élevé. Ce sont tous
les consommateurs québécois qui vont payer la facture
d'électricité parce qu'un programme d'équipement comme
celui qu'on propose présentement implique des moyens investissements et
cela va se traduire à un moment donné par quelqu'un qui va devoir
le payer. Il ne faut pas s'imaginer qu'on s'engage dans un programme comme
celui-là sans le payer. Ce que les producteurs ou les distributeurs de
gaz ont souligné, c'est que, toutes proportions gardées, le gaz a
toujours des chances, au moins pour les années qui viennent,
d'être meilleur marché que l'électricité, d'une
part, et qu'en termes d'investissements il leur apparaît beaucoup
moins coûteux d'investir, par exemple, dans le chauffage au gaz
que d'investir dans les infrastructures pour le chauffage à
l'électricité.
Lorsque vous dites que les plinthes ne sont pas acceptées par le
gouvernement, ce n'est pas exact. Lorsqu'il y a un système central de
chauffage à l'huile, nous croyons qu'il faut conserver ce chauffage
central, de manière que, si les besoins en énergie sont tels au
Québec vers 1990 ou 1995 qu'il faille faire un appel beaucoup plus
massif au gaz naturel compte tenu des choix que les Québécois
auront faits sur le plan énergétique, à ce moment,
effectivement les gens pourront convertir. Si vous avez installé des
plinthes électriques et que, dans cinq ou sept ou huit ans, les tarifs
d'électricité doivent monter en flèche par suite des
programmes d'investissements d'Hydro-Québec pour répondre
à la demande de chauffage, là cela risque de coûter cher
à celui qui se serait installé des plinthes parce que, dans cinq,
six, sept ans, il sera poigné avec ses plinthes et il va être
poigné avec les tarifs d'électricité et là il
risque de le regretter. D'où l'importance de conseiller, je pense, aux
clients une certaine flexibilité au cas où.
Compte tenu qu'on sait qu'on n'a pas de disponibilités - on l'a
vu dans les documents déposés par Hydro-Québec - et que le
coût d'aménagement des rivières monte très
rapidement - passé NBR, on voit que cela monte en flèche - cela
veut donc dire que chaque nouvelle demande d'électricité va nous
coûter de plus en plus cher. Dans ces conditions, je pense qu'il va
falloir faire les choix les plus rationnels et le gaz naturel est, à mon
avis, pour les chauffages à basse température, un choix
absolument rationnel. Il faut donc encourager les Québécois
à garder leur système central de chauffage, mais de là
à dire qu'on doit abolir les plinthes, non. Quand il n'y a pas de
système central de chauffage, je ne vois pas pourquoi... Je pense
à un "cold flat", par exemple, un appartement où le chauffage
n'est pas fourni, où il y a une petite fournaise à l'huile dans
l'appartement, qu'on installe cela ou des plinthes électriques, cela ne
changera pas grand-chose au coût d'installation. Par conséquent,
je n'ai pas d'objection, en principe, pour l'instant; on est d'ailleurs en
train d'examiner cette question. Donc, il n'y a pas vraiment de problème
à ce niveau.
Le Président (M. Jolivet): M. Guilbault.
M. Guilbault: M. le ministre, c'est la première fois que
je vous entends faire cette distinction sur la question des plinthes. C'est
quand même une question qui est venue sur le tapis en relation avec le
programme des subventions. S'il n'y avait pas eu le programme des subventions,
on n'aurait même pas parlé de cette question. Cela est quand
même un élément qui s'est ajouté au débat.
C'est la première fois que je vous entends faire cette distinction sur
la question des plinthes. Je le mentionne, nous ne sommes pas des vendeurs de
plinthes, c'est important en termes de profit, côté impur. C'est
la première fois qu'on entend cette distinction où on fait des
nuances précises.
Si on s'en reporte à tous les articles de journaux - et on les a
- la distinction n'a jamais été faite de façon
précise. Les gens pensent que, s'ils font poser des plinthes de
façon méthodique, ils ne seront pas admissibles à la
subvention. Remarquez que ce n'est pas la subvention qui peut empêcher
certaines gens de se poser des plinthes; c'est évident aussi, les gens
conservent leur liberté. Notre propos était tout autre,
évidemment, en intervenant ici aujourd'hui.
Le Président (M. Jolivet): Merci, messieurs, au nom des
membres de cette commission, d'être venus devant nous.
Conseil Attikamèques-Montagnais
J'inviterais maintenant le Conseil Attikamek-Montagnais,
représenté par M. René Simon, à bien vouloir se
présenter et à nous donner les nom et titre des personnes qui
l'accompagnent. M. Simon, la parole est à vous.
M. Simon (René): Merci, M. le Président. D'abord,
à ma gauche, j'aimerais vous présenter le conseiller juridique de
notre organisme, Mme Renée Dupuis; à ma droite, l'adjoint au
bureau du secrétariat des négociations, un Montagnais de
Bersimis, M. Camil Vollant.
Premièrement, M. le Président, j'aimerais...
Le Président (M. Dussault): Si vous permettez,
pourriez-vous rapprocher votre micro un peu? Nous avons beaucoup de
difficulté à vous entendre.
M. Simon: Premièrement, j'aimerais m'excuser de notre
retard. Nous étions en réunion avec certains membres de divers
ministères au SAGMAI.
Avant d'entrer dans les détails de notre mémoire,
j'aimerais, en guise d'introduction, faire un court exposé.
Peut-être que messieurs les membres de la commission ne sont pas tous au
courant de l'organisme qu'on représente. L'organisme qu'on
représente est le Conseil Attikamègues-Montagnais. Comme son nom
le dit, il y a deux nations regroupées à l'intérieur de
l'association indienne comme telle, les Attikamègues et les Montagnais.
Lorsqu'on parle de conseil de bande, c'est l'administration légale,
d'après la loi
indienne, qui gère les affaires de la bande. Il y a neuf bandes
montagnaises regroupées sur la Côte-Nord et la
Basse-Côte-Nord; il y a une réserve aussi au niveau du
Lac-Saint-Jean qui est Pointe-Bleue.
Au niveau des Attikamègues, il y a trois réserves
indiennes situées dans le Saint-Maurice, dans la Haute-Mauricie, qui
sont: Obedjiwan, Weymontachingue et Manouan. Pour ce qui est des
réserves montagnaises, il y a Pointe-Bleue, dont je parlais tout
à l'heure, au niveau du Lac-Saint-Jean; en descendant la côte, il
y a les Escoumins, Bersimis, Sept-Îles, Schefferville. Pour la
Basse-Côte-Nord, il y a Mingan, Natashquan, Romaine et
Saint-Augustin.
Comme vous le savez, le Conseil Attikamègues-Montagnais a
été formé en novembre 1975, et sa formation a
été orientée afin de regrouper les Indiens ayant un
intérêt commun.
L'intérêt commun pour les autochtones, en ce qui touche les
Montagnais et les Attikamègues, c'est la question des droits
territoriaux.
L'organisation s'est formée pour la poursuite de ce qui avait
déjà été entrepris par l'Association des Indiens du
Québec, c'est-à-dire la défense des droits autochtones
dans le milieu qui nous concerne.
Comme vous le savez aussi, il y a environ trois ans, on a essayé
par tous les moyens de sensibiliser le gouvernement en place,
c'est-à-dire le Parti québécois, à toute la
question des revendications autochtones, spécifiquement lorsqu'on
parlait des Attikamègues et des Montagnais.
Il y a eu diverses rencontres pour parler justement de ce qui se passait
à l'intérieur de ce qu'on considère comme nôtre, le
territoire indien, tel que défini par les textes de loi, notamment la
Proclamation royale de 1763.
Il y a eu plusieurs rencontres, plusieurs discussions avec divers
ministères québécois pour justement parler, comme je le
disais tout à l'heure, des divers développements qui ont lieu
dans notre territoire, le territoire attikamèque-montagnais.
On a essayé, par la même occasion, de sensibiliser le
gouvernement du Québec pour essayer de faire comprendre qu'il y a un
problème du côté indien qui est peut-être
causé par les développements dans le territoire
québécois. Ces problèmes, on veut les régler
à l'amiable, c'est-à-dire d'égal à égal -
comme le Parti québécois le dit assez souvent - et essayer
justement de les résoudre, par des discussions et des ententes, pour en
arriver à une entente globale qui serait un genre de contrat social
entre le groupe autochtone et le gouvernement concerné.
À l'heure actuelle, il y a des discussions sur des principes, il
n'y a pas de négociation, il n'y a pas de processus d'amorcé
d'une façon complète, à temps plein. Il y a plusieurs
dossiers qui ont été soumis au gouvernement du Québec pour
étude et, ultérieurement, on prévoit commencer le
processus de négociation.
Il y a du travail qui se fait tant par le gouvernement que par notre
association indienne.
La raison pour laquelle on a soumis un mémoire à cette
commission, c'est qu'on pense que, dans tout ce qu'on a entrepris dans le
passé, on est lésé dans nos droits, c'est-à-dire ce
qu'on appelle les droits autochtones liés à divers documents
légaux, droits autochtones qui n'ont jamais été
cédés, qui n'ont jamais été négociés
avec quelque gouvernement que ce soit.
Ce sont des points qui, à mon humble avis, devraient faire
l'objet d'une négociation et, tel que mentionné tout à
l'heure, on veut essayer d'amorcer le processus de négociation.
Je vais maintenant lire le mémoire qui a été
présenté à cette commission.
M. le Président, MM. les membres de la commission, dans le
contexte des pourparlers déjà entamés entre notre
association et le gouvernement du Québec et qui doivent se poursuivre
d'ici peu par des négociations d'égal à égal au
sujet de nos droits aborigènes et de l'avenir de nos deux nations et de
nos treize communautés, le présent mémoire s'adresse,
à travers la commission parlementaire sur l'énergie, aux
instances législatives et exécutives de la province devant
lesquelles la société Hydro-Québec est ultimement
redevable de ses faits et gestes. Nous voulons faire savoir d'emblée
qu'en aucun temps, nous voulons discuter ou négocier avec
Hydro-Québec en ce qui concerne ses projets qui affecteraient nos
territoires et nos communautés, pas plus que nous ne désirons le
faire avec quelque autre compagnie nationale ou multinationale exploitant
déjà ou désirant exploiter, dans l'avenir, les ressources
naturelles que renferment nos territoires. En tant que nations, n'ayant pas
été conquises par les armes et n'ayant jamais abdiqué leur
souveraineté, ni cédé leur territoire par quelque
traité ou autre entente que ce soit, nous ne voulons faire affaires
qu'avec les plus hautes instances politiques et administratives du
Québec. (17 heures)
Nous nous croyons aussi bien placés que quiconque pour intervenir
dans l'actuel débat sur les futures politiques
énergétiques de l'Hydro-Québec pour deux raisons
fondamentales.
Primo, c'est sur notre territoire et en aménageant trois de nos
plus belles rivières, Bersimis, Outardes et Manicouagan, que cette
société s'est fait la main pendant 25 ans dans le domaine de
l'hydroélectricité en détruisant nos lignes de
piégeage, nos
territoires de chasse, notre gibier, nos voies de
pénétration vers l'intérieur, en un mot, en
détruisant nos racines culturelles et en nous détruisant
nous-même comme peuple.
Secundo, après avoir temporairement détourné son
attention vers les territoires de nos frères cris et inuits, depuis le
début des années 1970, Hydro-Québec songe maintenant
à poursuivre son oeuvre de destruction dans plusieurs autres de nos
bassins hydrographiques d'ici la fin du siècle. Dans ses documents
officiels, la société d'État est plutôt avare de
détails sur les projets hydroélectriques nous concernant, mais
les sommes considérables qu'elle dépense actuellement au
Lac-Saint-Jean et sur la Côte-Nord ainsi que quelques études
d'avant-projet qui nous sont parvenues nous indiquent qu'elle n'aura de cesse
que lorsque toutes nos rivières auront été
domptées, comme elle le dit si bien.
On pourrait, semble-t-il, tirer encore plus de 10,000 mégawatts
de nos rivières. Nous apprenons aussi que le potentiel de 14 d'entre
elles a déjà été évalué et
classé en termes de rentabilité économique...
économique uniquement, car le social préoccupe très peu
Hydro-Québec. Nous n'avons que très peu d'information sur les
petites rivières susceptibles d'être aménagées
à plus ou moins brève échéance, à part le
fait qu'après avoir étudié les potentiels et les
coûts d'aménagement des rivières Brador, Coxipi et Napetipi
sur la Basse-Côte-Nord, la société aurait tout à
coup jeté son dévolu sur la décharge du lac Robertson,
derrière La Tabatière, où une petite centrale pourrait
être complétée pour 1984.
Pour une surprise, c'est une surprise et ce n'est là qu'un
exemple de la façon secrète de procéder
d'Hydro-Québec. Pourquoi laisser l'eau couler pour rien, nous dit un
grand amant des hydrodollars. Nos ancêtres, pour leur part, ont toujours
apprécié la beauté de l'eau qui coule et des chutes qui
bouillonnent et en ont toujours tiré une grande satisfaction et un grand
bonheur, indépendamment de leur valeur économique calculée
en dollars, en peaux de castor ou en quoi que ce soit.
En ce qui concerne les impacts négatifs des barrages et
réservoirs sur nos rivières, nos territoires, nos
activités traditionnelles et nos communautés, les
résultats de recherches que nous avons effectuées ont
déjà été résumés dans un article
publié récemment dans la revue Recherches amérindiennes au
Québec, dont nous vous suggérons la lecture et dont un exemplaire
se trouve annexé. Ceci nous permettra donc de porter notre attention,
dans les pages qui suivent, sur la critique du document d'Hydro-Québec
intitulé "Une stratégie pour la décennie 80", qui sera
suivie d'un exemple concret de la façon de procéder de cette
société dans ses études d'avant-projet, celui de la
Chamouchouane.
Une stratégie pour tromper la population? D'autres avant nous,
dont certains éditorialistes, ont souligné la faiblesse du
document d'Hydro-Québec qui escamote bien des questions fondamentales
dont, entre autres, celle du mode de financement des futurs investissements qui
pourraient s'élever à plus de $55,000,000,000 d'ici 1990. C'est
beaucoup demander à toute la population du Québec pour si peu
d'information et de données précises et nous sommes tous en droit
d'en obtenir beaucoup plus. Nous, en particulier, les Indiens
attikamèques et montagnais, dont les territoires doivent être
affectés, dans les décennies quatre-vingt et quatre-vingt-dix par
ces projets grandioses, sommes en droit d'en savoir plus, car, comme par le
passé, c'est sur notre dos que continuera à s'édifier la
prospérité des Hydro-Québécois. Non seulement nous
exigeons une meilleure information de la part d'Hydro-Québec, mais nous
voulons aussi qu'elle change ses orientations et ses politiques dans certains
domaines.
La seule partie quelque peu étoffée du document est celle
concernant l'augmentation des besoins et des ventes d'électricité
pour les quinze prochaines années. Si HydroQuébec prévoit
- presque à regret - une certaine diminution de l'accroissement annuel
de la consommation d'électricité à partir de
données dites "historiques", ainsi que des données
démographiques et économiques concernant le Québec, elle
établit très peu de comparaisons avec ce qui se passe ailleurs
dans d'autres pays industrialisés. Or, ce qui s'est passé
récemment en Ontario où Hydro-Ontario a dû
réévaluer à la baisse ses programmes de construction et la
stagnation économique qui pourrait durer encore assez longtemps, de
même que les très faibles taux d'accroissement de la consommation
de certaines des dernières années pourraient laisser croire que
l'augmentation de la dépense énergétique ne durera pas
indéfiniment.
Nous remarquons, par ailleurs, une absence totale de données
statistiques précises sur certains surplus d'électricité
qui seraient disponibles entre les années 1981 et 1988 et qui devraient
disparaître par la suite malgré plusieurs mises en chantier. Cette
question s'avère très importante, car il y a des pressions
politiques externes et internes pour que le Québec exporte davantage
d'électricité. Qu'en est-il des hydrodollars? Nous avons tous
droit à plus d'information sur cette question.
Tout le domaine des sources alternatives d'énergie est
touché de façon superficielle dans le document, bien qu'il se
trouve davantage développé dans un autre document remis au
gouvernement en novembre dernier. Cependant, on ne trouve
dans aucun autre document récent des explications sur ce qu'il
advient du nucléaire dont on faisait tant de cas il n'y a pas si
longtemps. Est-ce là un sujet tabou actuellement? Quelles sont les
raisons de cette volte-face? Technologiques? Politiques? Elles ne semblent pas
être d'ordre économique en tout cas, car nous apprenons à
la page 76 que, dans les années quatre-vingt-dix, l'hydraulique
coûtera plus cher que le nucléaire.
Hydro-Québec ne semble pas se préparer de façon
adéquate à cette modification de la situation. Cette question
nous préoccupe au plus haut point car, en mettant de côté
le nucléaire et en optant essentiellement, voire quasi uniquement, pour
l'hydraulique pour les quinze prochaines années au moins,
Hydro-Québec opte pour l'inondation des territoires indiens du nord du
Québec. Il nous semble donc que, dans l'esprit des planificateurs
d'Hydro-Québec et probablement dans celui des gouvernants, le poids de
l'opinion des habitants de la vallée du Saint-Laurent qui s'opposent au
nucléaire pèse beaucoup plus lourd que celui des
Amérindiens dont les territoires apparaissent peu peuplés et
facilement expropriables. La construction de centrales nucléaires
sécuritaires en dehors des zones de peuplement dense ne serait-elle pas
une solution de rechange envisageable pour éviter la modification
radicale de la grande majorité des beaux cours d'eau du
Québec?
La démarche "dynamique" ou "souple" que préconisera
Hydro-Québec dans les prochaines décennies n'est pas non plus
sans nous inquiéter. Comment, par exemple, des groupes comme le
nôtre pourront-ils réagir et se préparer à faire
face à certains projets d'aménagement qui pourront être
avancés de plusieurs années si les échéanciers sont
changés pour une raison ou pour une autre que seule Hydro-Québec
connaîtra vraiment? De même que la nouvelle centrale
d'énergie de pointe de Manic 5 et la petite centrale non reliée
au réseau du lac Robertson sont apparues soudainement dans les
programmes de construction d'Hydro-Québec, pourrait-on tout à
coup apprendre que les aménagements de la Chamouchouane ou de la Romaine
prévus pour les années quatre-vingt-dix sont avancés de
plusieurs années? Le gouvernement aura-t-il un contrôle sur ces
changements subits dans la stratégie d'Hydro? Les populations
concernées auront-elles le droit de s'y opposer et d'exiger le respect
des échéanciers?
Finalement, nous avons beaucoup à dire sur les études
techniques et d'impact pour lesquelles Hydro-Québec prévoit
dépenser $500,000,000 pour la décennie quatre-vingt. Tout
d'abord, nous considérons que les impacts sur les populations humaines
doivent faire partie des critères de décision et avoir un poids
tout au moins égal à celui des impacts sur le milieu naturel.
Ensuite, nous pensons que les études d'impact sur les milieux humains et
naturels doivent être réalisées par un organisme
indépendant autre qu'Hydro-Québec. Dans les conditions actuelles
où la société d'État finance et contrôle
directement ou indirectement ces recherches, il n'est pas surprenant
d'apprendre que, dans chaque cas, des mesures correctives appropriées
réussiront toujours à minimiser les impacts négatifs des
aménagements hydroélectriques. Si, par hasard, les rapports ne
vont pas dans ce sens, ils sont jugés inadéquats et rendus non
disponibles ou encore tronqués de quelques pages. Si une telle
commission indépendante n'est pas créée, que le
gouvernement oblige alors Hydro-Québec à financer à
même ses budgets de recherche des études de qualité par les
groupes directement affectés par les projets énergétiques.
À ce moment-là, les règles du jeu deviendront un peu plus
égales et ne seront pas totalement biaisées par
Hydro-Québec qui actuellement contrôle tout à sa guise.
Finalement, le gouvernement doit exiger d'Hydro-Québec un accès
total par le public à l'information concernant les impacts des grands
aménagements énergétiques sur les milieux humains et
naturels.
Le cas de la Chamouchouane. En guise de conclusion, voici un exemple de
la façon qu'Hydro-Québec tient compte des droits des populations
amérindiennes, même après la leçon de la Baie James
dont elle minimise les impacts négatifs sur le milieu naturel pour
survaloriser les impacts positifs sur l'économie: celui des
études préliminaires sur la rivière Chamouchouane. Dans un
rapport d'études de 46 pages, les Montagnais dont les terres ancestrales
seraient les plus directement affectées par les futures centrales et
réservoirs ne font l'objet que de 23 lignes de texte au total. Dans un
document synthèse de douze pages tiré du rapport principal qui a
servi de base à la publicité d'Hydro-Québec au niveau
régional, seulement six petites lignes leur sont consacrées
à la fin du texte. Par contre, il est question, page après page,
des impacts sur la ouananiche, sur le camping de la Grande Chute à
l'Ours, sur les emplois qui seront créés et sur les
problèmes d'hébergement. Nous en concluons que, pour
Hydro-Québec, les poissons sont plus importants que les hommes, surtout
lorsqu'il s'agit de Montagnais. Il n'est évidemment aucunement question
dans ces textes de droits territoriaux des Montagnais, de l'importance de leurs
activités traditionnelles de chasse et de piégeage, des effets
sur la communauté de Pointe-Bleue, etc. Près de dix ans
après l'expérience de la Baie James, on en est encore à
redécouvrir qu'il y a des Indiens dans le Nord du Québec et
qu'ils n'ont pas aliéné leurs droits ancestraux.
Par ailleurs, la phraséologie du rapport
tente constamment de minimiser les impacts écologiques des
barrages, réservoirs et centrales projetés. Du gros et petit
gibier, on affirme toujours gratuitement qu'il trouvera des habitats favorables
ailleurs. Avec un raisonnement aussi simpliste, on pourrait aussi bien soutenir
que l'inondation de l'ensemble du Québec nuira peu à la faune et
qu'il continuera à en avoir autant qu'avant.
Finalement, dans les sept projets d'études proposés
à la fin du rapport, un seul - extrêmement limité dans sa
définition même - concerne les Montagnais. Par contre, le projet
sur la ouananiche se divise en quatre sous-projets d'importance, bien que ce
poisson soit déjà étudié depuis trois ans.
Quant à nous, ce rapport révèle le grand
mépris que la société Hydro-Québec a envers nos
droits, nos activités traditionnelles, nos choix de vie et de
développement au niveau communautaire. Nous espérons que cela
n'est pas le reflet de la position du gouvernement actuel, du Parlement ainsi
que du reste de la population du Québec. Notre terre, nous y tenons et
nous la défendrons jusqu'au bout, même face à la
toute-puissante Hydro-Québec.
Le Président (M. Jolivet): Merci. M. le ministre, la
parole est à vous.
M. Bérubé: Merci, M. le Président.
Permettez-moi de vous remercier de ce mémoire qui vient souligner, d'une
part, l'impact de grands travaux comme ceux qu'Hydro-Québec a conduits
dans le passé sur les populations autochtones qui vivent dans
l'environnement, qui voient, en fait, leur milieu de vie et leurs conditions de
vie modifiés en profondeur pendant un certain nombre d'années et
qui souvent se retrouvent à la fin avec un territoire qui, pour l'usage
qu'ils en faisaient dans le passé - que ce soit un usage de chasse et de
pêche - a perdu une partie de sa valeur. Je pense que vous venez
là de sensibiliser l'Assemblée nationale aux problèmes que
représente le développement hydroélectrique au
Québec, sensibilisation qui, je pense, n'avait pas été
faite avant; par exemple, les décisions concernant les travaux de la
Baie James qui ont conduit à des conflits inacceptables entre les
autochtones, Hydro-Québec et les citoyens du Québec en
général.
Ce qui me frappe dans votre mémoire, c'est, d'une part, votre
désir de vous voir impliqués dans les projets. Vous avez
évidemment certaines demandes comme lorsque, relativement aux
études d'impact, vous aimeriez voir ces études faites par des
organismes indépendants d'Hydro-Québec. Malheureusement, la loi
de l'environnement est assez claire. Il faut que ce soit le promoteur qui
demeure responsable des études d'impact puisque c'est le promoteur qui
doit répondre devant la loi des dégâts qu'il cause. Par
conséquent, il lui appartient de faire les études d'impact. Cela
ne veut pas dire pour autant que vous ne pouvez pas être impliqués
dans ce processus et que vous n'avez pas votre mot à dire. J'aimerais
savoir sous quelle forme vous aimeriez participer au développement des
ressources hydroélectriques sur le territoire et quelles sont les
réticences que vous avez, les conditions que vous aimeriez voir
respecter par Hydro-Québec permettant un développement harmonieux
des richesses naturelles. (17 h 15)
Le Président (M. Jolivet): M. Simon.
M. Simon: Je pense qu'à notre niveau, il y a eu plusieurs
représentations de faites auprès du gouvernement du
Québec, auprès du gouvernement fédéral. Depuis que
nous connaissons le phénomène du développement, que ce
soit industriel, minier ou autre, je pense que la partie indienne n'a jamais
été consultée sur quelque projet que ce soit. On n'a
jamais tenu compte de la présence autochtone dans un territoire
donné bien précis, lorsqu'il s'agissait de développement,
ce que nous voulons déterminer avec les gouvernements concernés.
Nous savons qu'historiquement, la nation indienne a été la
première arrivée, avant celle des non-Indiens. À ce sujet,
ont paru, tant dans les journaux nationaux qu'internationaux, plusieurs
articles qui allèguent ce droit que nous voulons revendiquer à
divers paliers de gouvernement. C'est le droit à
l'autodétermination, c'est-à-dire le droit de décider,
dans le milieu dans lequel on vit, du genre de développement qui
pourrait se faire, sans pour autant détruire ce qui existe
présentement. Je pense que cela a été le cas des
Montagnais.
Personnellement, j'ai vécu l'expérience du
développement hydroélectrique de la Manic, Outardes et Bersimis.
Je pense que les Indiens n'ont jamais été consultés
à ce sujet. À l'heure actuelle, on nous accuse, dans certains
journaux, d'être des destructeurs, on nous accuse d'être une nation
qui est contre le développement. Je pense qu'historiquement ce n'est pas
le cas. On n'a jamais bloqué le développement comme tel. On n'a
jamais essayé d'aller à l'encontre des divers projets
gouvernementaux.
Pour répondre à la question que vous me posiez, c'est
justement de participer, en tant que nation souveraine à
l'intérieur du Québec, à toutes les décisions,
à toutes les discussions qui vont se faire au niveau du
développement, lorsqu'on touche à la question de territoire
indien, lorsqu'on touche au mode de vie traditionnel. Et je pense que c'est pas
mal important pour les Indiens de participer, en tant que nation, au même
titre que les Québécois, à tout développement.
Et, comme je le disais tout à l'heure, notre but, c'est justement
de ne pas contrer divers développements qui vont se faire, mais de
participer d'égal à égal, au même titre que les
divers ministères qui sont impliqués et le gouvernement du
Québec.
M. Bérubé: Nous avons, en présence du
premier ministre et de plusieurs de mes collègues, rencontré des
représentants des Attikamèques et des Montagnais pour discuter de
tout ce problème de développement. À la suite de cette
rencontre, le Conseil des ministres a pris une position concernant une
participation des Attikamègues et des Montagnais à leur
développement, à leurs positions de principe, concernant par
exemple leur droit à contrôler leurs instruments de
développement socio-culturels en particulier, à faire en sorte
également que le développement des ressources se fasse de concert
avec les Attikamègues et que les Attikamèques soient
impliqués dans leur élaboration.
Jusqu'à maintenant, vous avez travaillé avec les gens du
SAGMAI. Comment voyez-vous le dossier évoluer présentement?
M. Simon: À l'heure actuelle, les divers
développements qu'on a connus par le SAGMAI ont été des
discussions sur des points bien idéologiques, sur des principes,
à savoir le droit des Indiens, le contrôle indien, lorsqu'on parle
de développement quelconque. On est toujours arrivé à des
questions purement philosophiques, purement idéologiques et on n'a
jamais touché le point, à savoir: Est-ce qu'on entame le
processus de négociation par les plus hautes instances gouvernementales
- c'est le cas qui nous est arrivé cet après-midi - ou si on fuit
le problème tel qu'il est posé en se ramenant toujours à
un palier administratif, à savoir: La construction d'une route, est-ce
que vous êtes pour ou contre? Je pense qu'il y a des points de base qui y
sont rattachés, lorsqu'on parle d'une construction de route, dans un
territoire donné, lorsqu'on parle de territoire indien. Il y a une
question fondamentale qui n'est pas réglée au départ,
à savoir le droit indien. Est-ce que le gouvernement du Québec
accepte la notion, la définition du droit autochtone, tel que
défini dans certains textes de loi?
C'est le problème qu'on connaît à l'heure actuelle.
On est toujours amené à éclaircir des points techniques,
alors qu'en réalité on n'est pas des techniciensl S'il y a une
construction de route, nous ne sommes pas des arpenteurs. Nous ne sommes pas,
par exemple, des écologistes pour évaluer les impacts aux niveaux
de la faune, de l'écologie, etc.
C'est toujours le point fondamental qui est ramené. Je pense que,
lorsqu'on parle de développement énergétique, c'est la
même question qui est soulevée. Le gouvernement du Québec
reconnaît-il des droits aux autochtones, comme le fait peut-être le
gouvernement fédéral, le droit d'utiliser un territoire
quelconque pour fins de développement au niveau autochtone, c'est
à dire qu'on puisse donner à une nation de premiers occupants des
instruments pour se développer, des outils au même titre, disons,
que les autres résidents du Québec?
Je ne sais pas si ça répond à votre question, M.
Bérubé.
M. Bérubé: J'aimerais aussi vous parler des droits
des Attikamègues. Mais, chaque fois qu'on parle des droits de l'un, on
est toujours pris avec les droits de l'autre. Vous voyez comment les droits des
Québécois, de l'ensemble de la collectivité
québécoise sur le territoire?
M. Vollant (Camil): Je peux y répondre très
rapidement, M. le ministre. Tout dépendra de la façon que les
Québécois...et de quelle façon ils sont prêts
à partager. Jusqu'ici, lorsqu'il est question de négociations ou
d'approches négociatoires sur des projets hydroélectriques, en
particulier, ou même de voies d'accès dans les territoires
montagnais, on nous demande toujours de partager avec les
Québécois. Jusqu'ici, on l'a toujours fait, mais on n'a jamais
rien retiré de très positif sur des partages qu'on a faits. J'ai
l'impression qu'on peut parler de droits, mais sommes-nous en mesure
actuellement, nous, autochtones, de parler des droits des
Québécois lorsque les Québécois ne veulent
même pas nous entendre parler de droits autochtones? Toute la
problématique est là.
M. Bérubé: Je vois qu'on en est encore au stade des
principes, comme vous dites. Un des prérequis que les
Attikamègues et les Montagnais ont posé à toute
discussion, c'est qu'il n'y ait pas le principe de l'extinction des droits
comme préalable à toute négociation. Le gouvernement a
accepté en disant: Plutôt que de se bloquer sur ce
point-là, essayons donc d'avancer pour voir ce que nous sommes capables
de négocier et on verra en temps et lieu. On n'a donc pas posé
ça comme prérequis. Mais je vais vous poser une question plus
directe maintenant. Supposons que les droits des Attikamègues et des
Montagnais sont définis de manière qu'ils puissent être
opposés aux droits, par exemple, d'Hydro-Québec ou aux droits du
gouvernement de faire du développement et qu'à ce
moment-là il s'ensuive une négociation, en disant: Voici, sur
notre territoire, vous ne pouvez pas y aller sans une compensation
appropriée. À un moment donné il y a une entente. On s'est
assis à la table, on a longuement discuté et, finalement, le
conseil de bande des
Attikamèques-Montagnais signe un protocole d'entente avec le
gouvernement et Hydro-Québec sur la procédure d'utilisation ou de
développement, par exemple, de la rivière Romaine.
La question à laquelle je n'ai jamais pu obtenir de
réponse, et j'aimerais savoir ce que vous, vous en pensez, c'est:
Qu'est-ce qui empêche un jeune Attikamègue qui vient au monde dans
dix ou quinze ans de dire: Moi, je ne souscris pas à cette entente.
Personne n'a le droit d'aliéner mes droits, pas plus le chef de bande
qu'un autre. Ce sont mes droits qui sont prévus dans la loi. Par
conséquent: demande d'injonction, poursuites judiciaires, reniement de
l'entente, enfin, tout est à recommencer. Comment réglez-vous ce
problème-là?
M. Simon: Je pense que je peux répondre à une
partie de la question et je vais laisser à Me Dupuis le soin de
compléter. La réponse que moi, je peux donner, c'est un peu la
réponse à la question qu'on pouvait poser à un
Québécois, face a la constitution canadienne. C'est un peu
l'approche qu'on a à l'heure actuelle. On parle de contrat où la
population est impliquée. C'est pour le bien des
Québécois. C'est la même approche qu'on a à l'heure
actuelle, lorsqu'on est face aux négociations, face au gouvernement du
Québec. On dit: C'est pour le bien des autochtones Montagnais et
Attikamègues. Donc, on travaille pour l'ensemble d'une population
donnée. Alors, c'est dans cette approche-là.
Je pense que, lorsque vous soulevez le problème légal, on
est plus ou moins, on subit une situation donnée. La loi indienne a
été créée par le gouvernement fédéral
sans consultation avec les Indiens. Dans le processus de négociation
qu'on essaie d'amorcer avec le gouvernement du Québec, on essaie
justement d'établir les divers points en litige qui sont soulevés
par la loi indienne, comme le statut de la femme et autres droits
rattachés aux droits indiens. Qui est Indien, qui ne l'est pas?
Ce sont tous des points qu'on essaie de ramener par la
négociation, d'éclaircir entre Indiens; on essai de s'entendre
entre Indiens et de les soumettre au gouvernement pour approbation.
Je laisse la parole à Me Dupuis.
Mme Dupuis (Renée): M. Bérubé, j'ai presque
envie de vous retourner votre question en vous disant que la question que vous
posez, enfin, l'attitude du gouvernement du Québec va être une
indication pour nous, à savoir que, lorsque le gouvernement affirme
qu'il est prêt à négocier, par exemple avec les
Attikamèques et les Montagnais, sans éteindre au préalable
leurs droits, cela suppose que les ententes que le gouvernement va conclure
avec le Conseil
Attikamègues-Montagnais ne seront pas figées dans le
béton, face à une population, par exemple, qui serait en voie
d'extinction. Cela suppose qu'on se laisse le bénéfice du doute
que les Québécois vont évoluer, que les Indiens vont
continuer à évoluer et que, éventuellement, dans dix,
quinze, vingt ou trente ans, nos enfants et nos petits-enfants vont
peut-être se rasseoir à des tables pour réévaluer
les stratégies que vous aurez développées, que nous aurons
appuyées ou pas, en vous réélisant ou pas, mais cela
suppose donc que les gens vont continuer d'évoluer et
qu'éventuellement, on va peut-être réévaluer les
stratégies qu'on a adoptées aujourd'hui.
Cela veut dire cela, quand je dis que c'est une espèce de
façon pour les Attikamègues et les Montagnais de vérifier
si le gouvernement est sérieux quand il dit qu'il est prêt
à négocier avec eux en n'exigeant pas au préalable
l'extinction de leurs droits, c'est justement dans le sens que: Est-ce que le
gouvernement va permettre aux Attikamègues et aux Montagnais de
participer à ce développement, de collaborer avec le gouvernement
du Québec au développement de leur territoire, ce qui veut dire
aussi de poursuivre les discussions peut-être pas à l'infini, mais
de rouvrir des dossiers? C'est posé.
M. Bérubé: Je vous pose une question légale
et vous me répondez par une réponse politique. On va
peut-être changer de place.
Mme Dupuis: Je ne suis pas certaine que cela me tenterait.
M. Bérubé: La question que je vous pose est une
question purement juridique. Est-ce qu'une fois une entente conclue, il est
possible à un Attikamèque d'invoquer ses droits en vertu de la
loi, droits qui n'auraient pas été abolis, et de contester
l'entente?
Votre façon de répondre, je l'ai mal saisie, et je pense
qu'il faudrait peut-être la gratter un peu plus, mais j'ai l'impression
que vous disiez que cette entente pourrait être rouverte dans dix ans,
dans quinze ans, on laisserait les sociétés évoluer et
possiblement que, dans dix ans, quinze ans, vingt ans, on décidera
qu'elle n'est plus adaptée et il faudrait la modifier, à ce
moment-là. Parfait.
Mais est-ce que cela veut dire que, dans dix ou quinze ans, le
gouvernement du Québec pourra renier sa signature ni plus ni moins et
décider qu'elle ne tient plus purement et simplement et, à ce
moment-là, la jeter au panier; ou bien, au contraire, est-ce que le
gouvernement qui aura signé cette entente sera lié par l'entente
qu'il aura signée? C'est cela, fondamentalement, la question, on signe
un contrat. Alors, est-ce
que le gouvernement du Québec est lié à jamais par
le contrat qu'il signe, à moins qu'il n'en soit délié par
l'autre partie - et là je vous pose la question - est-ce que l'autre
partie est aussi liée au contrat qu'elle signe, ou bien, au contraire,
est-ce que n'importe quel élément de cette partie-là peut,
n'importe quel temps, contester cette entente, en invoquant que ses droits
n'étant pas éteints, elle les invoque pour contester le droit de
quiconque d'aliéner ses droits à lui?
Ma question est fondamentalement une question légale et je vous
avouerai que beaucoup de conseillers juridiques à qui j'en ai
parlé du côté gouvernemental m'ont toujours dit que c'est
une des pierres d'achoppement majeures à la signature de tout contrat,
parce qu'elle ne lie qu'une partie, le gouvernement, qui, lui, est une
entité légale qui peut se figer dans un contrat alors que la
partie cosignataire de l'entente, elle, ne se lie en rien. (17 h 30)
Mme Dupuis; Le Conseil Attikamègues-Montagnais, pour
prendre cet exemple, ou le Grand conseil des Cris, est tout de même une
corporation qui est une entité légale et qui peut agir dans les
limites des pouvoirs qui lui sont permis par les lois fédérales
qui l'ont constitué. Les conseils de bandes sont également des
entités légales qui ont le pouvoir d'agir dans les limites qui
leur sont reconnues par la loi sur les Indiens. Dans ce sens, je ne vois pas...
Quant à la question strictement technique, un individu membre d'une
bande qui a accepté par référendum une entente avec le
gouvernement, ne pourrait pas remettre en question une entente intervenue entre
le gouvernement et son conseil de bande, par exemple, laquelle entente aurait
été ratifiée par un référendum de cette
population. Cela me semble assez évident.
M. Bérubé: Le contrat...
Mme Dupuis: Je reviens à ma réponse de
tantôt, quand j'ai dit que les gens ne veulent pas des ententes qui vont
être figées dans le béton. Il est clair que si vous dites
que vous êtes prêts non pas à reconnaître, mais
à ne pas éteindre les droits des Attikamègues et des
Montagnais et que, dans les ententes que vous voulez conclure, vous offrez des
choses, en les fixant ainsi: On vous le donne et c'est terminé, on ne
veut plus en reparler on vous dit que, actuellement, le Conseil
Attikamèques-Montagnais ne serait pas prêt à conclure ce
genre d'entente avec le gouvernement, parce que les gens n'ont pas la
prétention de lier les générations futures autant des
Attikamèques que des Montagnais. Je pense quand même qu'on peut en
arriver à des ententes où aussi bien le gouvernement que les
groupes indiens concernés - dans le cas présent, les
Attikamègues et les Montagnais - devront, à la lumière des
événements, à la lumière des développements
à venir, se rasseoir, s'asseoir ou créer un mécanisme
continu au lieu d'attendre des drames, où les deux parties vont avoir
à discuter sur la base de certains principes reconnus au
départ.
M. Bérubé: II n'y a aucun problème, je
pense, quand les deux parties sont consentantes à rouvrir cette entente.
Le problème, c'est lorsqu'une partie veut rouvrir l'entente et que
l'autre ne veut pas. Quand on fait des contrats, ce n'est jamais pour les
circonstances où tout va bien; dans un contrat, on prévoit les
moments où ça va mal aller. Un contrat prévoit toujours le
pire, sinon on n'aurait jamais de contrat. Vous ne chercheriez certainement pas
à négocier des contrats avec le gouvernement si vous
n'étiez pas méfiants à l'avance face à
l'avenir.
Donc, un contrat est là pour essayer de prévoir ce qui
pourrait mal aller. Je suis obligé de poser l'hypothèse que,
à un moment donné, ça ira mal. Ma question principale, je
pense que vous y avez répondu. Vous faites allusion à un contrat
qui doit être perpétuellement renégocié puisque, les
droits n'étant pas éteints et la société
évoluant, il faut continuellement remettre à jour ce contrat.
Là-dessus, il n'y a aucun problème sur le plan conceptuel, sauf
lorsqu'il y a eu des engagements contractuels qui impliquent des
responsabilités qui peuvent difficilement être contestées
unilatéralement par une des parties sans que l'autre soit d'accord.
On pourrait poser exactement la même hypothèse. Vous avez
l'entente de la Baie James. À un moment donné, le gouvernement
décide qu'il y a un élément de l'entente avec lequel il
n'est pas d'accord et décide purement et simplement qu'il abolit cette
partie de l'entente; ce n'est plus une entente, alors une entente lie les
parties. La question qu'on se pose tout le temps, c'est: Jusqu'à quel
point une entente signée lierait-elle de façon indéfinie
et irrémédiable les Attikamègues et comment voyez-vous ce
genre d'entente? Est-ce que c'est une entente en vertu de laquelle le
gouvernement accorde des compensations pour quelque chose, mais lesdites
compensations ne sont nullement définies à jamais, ce sont
simplement des compensations immédiates et, dans cinq ans, on pourra
réexaminer la question et en ajouter et, dans quinze ans, de nouvelles,
et ainsi de suite, de telle sorte que ce soit une entente ouverte toujours dans
le sens d'aller en demande? Est-ce que ce n'est pas dans ce sens que vous
percevez l'entente?
Mme Dupuis: Je pense qu'il y a un sens dans lequel on ne
perçoit pas l'entente conclue éventuellement entre le Conseil
Attikamègues-Montagnais et le gouvernement. C'est une entente qui aurait
comme principe de base des compensations. Je pense que ce n'est pas de cela
qu'on parle. Si, éventuellement, il y a, dans des discussions qui
viendraient par la suite, des compensations pour des dommages qui auraient
été causés, par exemple, dans le cas du territoire de la
Baie James - il y a un engagement, on sait ce que ça vaut - il est
textuel dans la convention de la Baie James que le gouvernement du
Québec s'est engagé à indemniser les autres groupes qui ne
sont pas signataires de la convention pour les dommages qu'ils auraient pu
subir dans ce territoire. On sait, d'autre part, que le gouvernement exigeait,
en même temps, l'extinction des droits, ce qui met les Indiens dans une
drôle de position pour aller négocier ces indemnisations. De
façon plus globale, je pense que le genre d'entente que les Indiens
attikamèques et montagnais veulent conclure avec le gouvernement, ce
serait une entente qui serait basée sur, comme vous le disiez tout
à l'heure, la reconnaissance d'assurer eux-mêmes leur
développement social et culturel. À ce moment, la discussion
devient tout à fait différente que de savoir si on vous donne
$225,000,000 aujourd'hui, est-ce que vous allez en demander $250,000,000
l'année prochaine? Et est-ce que n'importe qui va pouvoir venir nous
dire: C'est passé, moi, j'aurais voulu plus?
Je pense que ce n'est pas du tout l'esprit dans lequel les
Attikamèques et les Montagnais veulent aborder la discussion avec le
gouvernement. Mais c'est dans ce sens que je dis que, pour nous, il ne s'agit
pas de vous dire: C'est $225,000,000 aujourd'hui et peut-être
$250,000,000; et, si ce sont les libéraux, ça va être
$275,000,000, parce qu'ils nous ont fait un coup lors de la Baie James. Ce
n'est pas dans cette optique qu'on veut discuter avec le gouvernement du
Québec. Ce qu'on vous dit, c'est qu'on veut discuter sur la base que le
Conseil des ministres a acceptée au mois de septembre d'une
reconnaissance que les Indiens attikamègues et montagnais auront le
droit de décider pour eux-mêmes quel va être leur
développement social, culturel et économique, ce qui veut dire
que ça va des écoles au développement économique,
au développement de leur territoire.
M. Bérubé: D'accord. Cela pose la question, car
vous avez soulevé la question de la route tantôt, je pense que
c'est M. Simon qui a soulevé cette question, la question de la route. On
est aux prises avec une route. Il faut que le gouvernement du Québec
décide de construire une route. On est aux prises avec la conciliation
d'un objectif québécois gouvernemental et d'un objectif qui est
de permettre aux Attikamèques et aux Montagnais de contrôler leur
développement. Comment est-ce qu'on concilie ces deux juridictions ou
ces deux souverainetés?
Mme Dupuis: Si on ne peut pas les réconcilier, c'est
à cause de la façon dont vous avez ouvert et mis en marche ce
dossier, c'est d'aller dire aux Attikamèques et, surtout aux Montagnais,
parce que ce sont eux qui sont impliqués: Écoutez, on regrette,
il y a une route qui va passer là. On ne peut pas la changer, les
travaux sont commencés, vous êtes d'accord, on vous donne une
semaine pour y penser, correct? Je pense que c'est la seule façon dont
ça ne peut pas marcher. À partir de là, il y a toutes
sortes de possibilités, y compris le fait de dire: Écoutez, on a
des projets de route, ça passe en plein dans vos territoires, c'est
nécessaire parce qu'il y a une population X, Y ou Z qui est
enclavée là-bas, qui n'a pas accès aux services auxquels
les Québécois, en général, ont accès. Ces
gens ont droit à ces services, on va s'asseoir, la route, on veut la
passer ici. Ça passe dans vos territoires, on va étudier de
quelle façon ça vous affecte. Est-ce qu'il y a moyen que
ça vous affecte moins? Quels sont les avantages que vous allez en tirer
aussi parce qu'il y a probablement des avantages, et on va discuter à
partir de là.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Mont-Royal.
M. Ciaccia: Merci, M. le Président. Je voudrais tout
d'abord remercier le Conseil attikamègue-montagnais pour son
mémoire sur les droits des autochtones dans les territoires auxquels se
réfère ce mémoire. Je voudrais procéder en faisant
quelques commentaires sur votre mémoire, quelques commentaires sur les
propos du ministre et je voudrais aussi vous poser quelques questions qui ont
été soulevées par des affirmations qu'on retrouve dans
votre mémoire.
Premièrement, les discussions que vient de tenir le ministre avec
vous, je pense que c'est la façon - et je ne le dis pas de façon
à rendre le débat politique - d'après mon
expérience, de ne pas commencer une discussion avec les autochtones. On
ne commence pas par... Je pense que ce conseil s'applique autant aux
autochtones qu'au ministre. Il y a l'aspect légal, et c'est vrai, mais
il y a aussi l'aspect humain et l'aspect des problèmes des autochtones.
Au sens légal, si vous commencez par essayer de définir les
droits des autochtones, vous allez éterniser le débat non
seulement durant votre vie, mais la vie de la prochaine et des
futures générations. Mon expérience est qu'essayer
de définir d'une façon acceptable de toutes les parties les
droits des autochtones, c'est presque essayer de dire: on va... Au temps
médiéval, au Moyen-Âge, on posait la question: Combien
d'anges y a-t-il sur la tête d'une aiguille? Si vous examinez les
décisions des tribunaux, même jusqu'à la Cour
suprême, les problèmes qui existent dans les communautés
autochtones, les problèmes sociaux, les problèmes culturels, les
problèmes de discussion, ce n'est pas un tribunal qui peut les trancher.
Il peut vous dire: Oui, vous avez des droits d'usufruit ou vous avez des droits
dans un certain cas, mais c'est très limité. Le conseil que je
pourrais donner aux deux parties, c'est d'essayer de mettre la question des
droits légaux en suspens pour le moment, de discuter des
problèmes qui existent, d'accepter des deux côtés que les
autochtones ont certains droits. Essayez plutôt de résoudre les
problèmes et vous allez trouver, des deux côtés, que les
discussions sont beaucoup plus fructueuses.
Il y a la question des communications. Vous avez dit dans votre
mémoire à la fin -c'est assez sévère envers l'Hydro
- "Notre terre, nous y tenons et nous la défendrons jusqu'au bout.
Même face à la toute-puissante Hydro-Québec." Vous savez,
la confrontation, c'est le résultat du manque de dialogue. La suggestion
que je pourrais faire aux deux parties, c'est de vous parler. Je ne veux pas
prêcher, je ne veux pas vous dire quoi faire, mais ce serait beaucoup
plus fructueux, des deux côtés, si Hydro-Québec s'assoyait
avec vous et vous consultait. Je suis entièrement d'accord quand Me
Dupuis a dit qu'il ne faut pas dire aux autochtones: La route va ici et vous
avez une semaine pour nous donner vos commentaires. Je crois que cela aurait
été beaucoup plus fructueux s'il y avait eu des discussions entre
les deux parties pour décider la localisation de la route. Je ne pense
pas que ce soit un problème insurmontable. Il devient insurmontable
quand il y a un manque de dialogue, quand les parties ne se parlent pas. Ce
n'est pas un problème qu'un tribunal peut régler. Le tribunal ne
peut pas vous dire où la route va aller. Cela ne sert à rien de
commencer à discuter les droits pour savoir si ce sont des droits
éteints ou non. Réglez les problèmes et vous allez voir
que l'aspect légal, vous allez le régler après parce que
vous aurez attaqué les vrais problèmes des autochtones et les
vrais problèmes qui existent dans ces communautés.
Vous parlez de négociations. Je voudrais savoir si le
gouvernement est d'accord pour négocier avec vous. J'ai semblé
déceler dans votre discussion qu'il y avait, en effet, des
négociations avec le gouvernement. Peut-être que vous pourrez
m'éclairer sur ce sujet. Est-ce qu'il y a un échéancier
pour les discussions? Malgré ce qu'on peut penser de l'entente de la
Baie James, il y avait une clause dans l'entente qui obligeait le gouvernement,
malgré l'extinction des droits. Il ne faut pas trop s'attacher au terme
"extinction des droits"; je sais que cela devient comme un symbole pour les
deux côtés. Malgré cette stipulation dans l'entente de la
Baie James, il y a eu une obligation de la part du gouvernement de
négocier avec tous les groupes qui ne faisaient pas partie de l'entente
et, subséquemment, les Naskapis ont négocié des termes qui
leur étaient acceptables, même si les droits étaient
éteints. Je pense que la porte est ouverte pour les Montagnais. Vous
dites que vous avez commencé votre association en 1975. Vous
n'étiez pas prêts, je crois, à ce moment-là,
à négocier avec le gouvernement. Alors, je voudrais savoir si, en
effet, le processus de négociation a été entamé
sérieusement et si vous avez établi un
échéancier.
Le Président (M. Jolivet): M. Simon.
M. Simon: À l'heure actuelle, lorsgu'on parle de
processus, je sais qu'il y a des discussions à notre niveau et au niveau
du gouvernement, mais il n'y a pas de processus officiel comme tel
d'établi entre le gouvernement du Québec pour parler justement de
tout l'aspect indien au Québec. Mais on veut ramener ces points. Je
reviens à ce que vous mentionniez, surtout les conseils que vous nous
prodiguiez à l'endroit du CAM. Je reviens justement à la
réponse que j'avais donnée à M. Bérubé,
c'est-à-dire qu'on est toujours ramené, lorsqu'il n'y a pas de
reconnaissance de droits, à des discussions purement administratives
alors que dans le processus qui a été établi entre le
gouvernement du Québec et la partie indienne, elles se situaient sur le
plan politique. On ne veut pas être ramené, en tant que groupe
autochtone, au même niveau que d'autres groupes ethniques du
Québec. Je pense qu'on a une spécificité, une
antériorité en tant que groupe au sein de la
société québécoise. On veut discuter justement de
ces approches-là.
Lorsqu'on parle d'échéancier, on n'a jamais établi
d'échéancier dans le processus de négociation. Mais ce
qu'on a demandé au gouvernement du Québec, c'est de fonctionner
à la même vitesse que les autochtones. On n'a pas l'appareil
gouvernemental, on n'a pas l'appareil administratif pour entrer en
compétition avec le gouvernement du Québec. Nos moyens sont
très faibles. C'est pour cela qu'on dit qu'on veut négocier; on
est prêt à négocier, mais pour autant que cela soit dans
l'approche indienne. On ne veut pas embarquer dans le processus administratif
et suivre l'exemple des Cris, c'est-à-dire qu'on négocie
pendant
deux mois dans des chambres d'hôtel pour arriver à une
entente finale. On veut essayer de consulter les gens dans la mesure du
possible, c'est-à-dire les Indiens concernés, et revenir à
la table de négociation une fois qu'on aura établi nos
positions.
M. Ciaccia: Pour votre information, les négociations avec
les Cris n'ont pas duré deux mois dans une chambre d'hôtel. Il y a
eu des visites dans les communautés cries. Je me suis rendu dans ces
territoires. J'ai parlé et discuté avec les populations
autochtones, tant cries qu'inuites, jusque même dans les endroits
où il y a des dissidents, à Sugluk, à Fort George. Les
négociations n'ont pas eu lieu seulement à Place Dupuis, au
quatrième étage, au Holiday Inn, à côté des
bureaux de la SEBJ.
Dans les négociations, il faut avoir un certain objectif, il faut
avoir certains principes directeurs pour que les négociations puissent
avancer. Si les objectifs du gouvernement sont complètement contraires
à vos objectifs, ce sera difficile de progresser dans les
négociations. De la même façon si vos objectifs
étaient d'empêcher complètement, quelque
développement que ce soit d'Hydro-Québec, si vous vouliez
arrêter complètement tout développement dans ces
territoires, le gouvernement n'accepterait pas ce genre d'objectif. Seriez-vous
prêts à accepter comme principes de négociation, les deux
suivants: Premièrement, que le Québec a le droit de
développer les ressources dans ses territoires d'une façon
rationnelle, mais pour le bénéfice de toute la population?
Premier principe, développement rationnel pour le bénéfice
de toute la population? Deuxième principe directeur, mais d'égale
importance, que, dans le développement de ces territoires, on doit
répondre aux besoins des autochtones qui ont une culture et un mode de
vie tout à fait différents des autres Québécois et
qu'on doit aider les autochtones à se développer de la
façon qu'ils le désirent pour leur avenir? Est-ce que vous
accepteriez ces deux principes comme la base de négociation entre le
gouvernement et vos communautés, votre peuple?
M. Simon: Je pense, M. Ciaccia, que toute l'approche, disons,
qu'on a prise devant le gouvernement du Québec s'est
résumée en dix principes directeurs. C'est un peu dans cette
optique qu'on a émis des principes directeurs de négociation,
c'est-à-dire en tant que groupes culturellement différents. En
tant que premier groupe du Québec, je pense qu'on avait droit, lorsqu'on
parlait de développement des diverses ressources à
l'intérieur du Québec, au même titre que les autres
Québécois, à ce développement. Mon confrère
l'a mentionné ici, et je le disais dans l'introduction que j'ai faite,
on n'a jamais été des "antidéveloppeurs." Je pense que
l'histoire le prouve. On n'a jamais bloqué quoi que ce soit. Je pense
que le développement s'est fait. Maintenant, je pense que la population
indienne prend de plus en plus conscience que son territoire est menacé,
un peu dans le sens que vous le dites, c'est-à-dire un
développement rationnel, mais répondant justement aux aspirations
tant québécoises qu'autochtones.
Je pense que c'est l'esprit avec lequel on veut s'engager dans le
processus de négociation avec le gouvernement du Québec. Je pense
que ça répond un peu à mon aspiration aussi.
M. Ciaccia: Je suis heureux de voir que vous acceptez ces
principes parce que je crois qu'avec la bonne foi de toutes les parties, il
serait possible de faire du progrès dans les discussions. Vous, vous
êtes prêt, je présume, corrigez-moi si je me trompe,
à négocier, discuter avec le gouvernement pour faire valoir au
gouvernement les revendications, la position de vos peuples.
M. Simon: Je pense qu'on est orienté justement dans le
sens que vous formulez. En tant que groupe, on veut justement arriver à
dire: D'ici les dix ou quinze prochaines années, on veut former un genre
de gouvernement indien où les Indiens seraient maîtres de leur
développement en ce qui les touche, et on veut partager en même
temps tout ce qui touche le développement des ressources, le
développement du territoire dans tout le Québec. On prend bien
conscience que 10,000 Indiens attikamègues-montagnais ne font pas le
poids contre 6,000,000. On se fait taper là-dessus toutes les fois qu'on
a des rencontres officielles. Je pense qu'on est prêt à marcher
dans ce sens. Il y a un point que j'aimerais souligner à la suite du
point que vous avez souligné tout à l'heure quand vous parliez
d'un manque de dialogue entre les diverses instances, notamment,
Hydro-Québec. Je pense que ce n'est pas un manque de dialogue, mais il y
a des points à éclaircir au départ lorsqu'on parle de
négociations entre le gouvernement du Québec et la partie
autochtone, c'est-à-dire qu'on veut discuter, premièrement, sur
un palier politique. On sait que le gouvernement du Québec est le
maître-d'oeuvre de tout ce qui se fait au Québec.
Hydro-Québec doit emboîter le pas au gouvernement du Québec
qui va recommander telle chose à partir des discussions que le
gouvernement du Québec aura eues avec la partie autochtone. On a eu des
expériences peut-être pas désastreuses, mais
négatives avec Hydro-Québec. Au tout début, quand vous
parliez des dialogues et de l'aménagement des rivières de la
Basse-Côte-Nord, une bande a été approchée et on a
complètement éliminé l'association comme telle qui
représentait 12 bandes. Je pense
qu'on a complètement ignoré les structures qui ont
été établies au départ entre le gouvernement du
Québec et la partie autochtone, c'est-à-dire une structure de
fonctionnement. Qui faisait quoi? À quel palier allait-on s'adresser
lorsqu'il y avait des problèmes? À notre niveau, c'est au Conseil
Attikamèque; au niveau gouvernemental, c'est à SAGMAI. C'est
Hydro-Québec qui a éliminé ces points au départ.
Cela a été le même cas pour la rivière
Chamouchouane. On a consulté la bande, peut-être avec une
invitation en dernier lieu au niveau du CAM. Ce sont tous des points.
S'il y a un manque de dialogue à l'heure actuelle, ce n'est pas
dû à la partie autochtone; on doit respecter ce qu'on a
établi au préalable, les diverses instances, mais c'est aussi au
gouvernement du Québec de prendre ses responsabilités. Ce qu'on a
établi au départ, les discussions qu'on a eues avec le Parti
québécois qui est au pouvoir, la façon de fonctionner, les
instances à respecter, je pense que c'est au gouvernement du
Québec a prendre connaissance des diverses discussions qui ont
été établies dans ce sens et se diriger dans ce sens et
non pas dire à Hydro-Québec: Allez consulter telle population. Ou
prendre les indices sur le même palier, sur le même niveau que les
autres groupes québécois. C'est ce qu'on essaie d'éliminer
au départ.
M. Ciaccia: Si les discussions étaient structurées
de façon reconnue, seriez-vous prêts à discuter avec
Hydro-Québec ou si vous voulez vous limiter strictement au palier
politique, comme vous le dites?
M. Simon: II y a certaines choses à établir sur le
palier politique, avec le gouvernement du Québec. Il y a certaines
choses à discuter lorsqu'on parle de développement. À
l'heure actuelle, il n'y a pas eu de discussion sur le développement en
général lorsqu'on parle du Québec, c'est-à-dire
entre la partie autochtone et le gouvernement du Québec. Aucune
discussion n'a eu lieu, c'est pour cela que je veux ramener la décision
au palier gouvernemental. Je ne veux pas être pris dans le même
processus dans lequel je suis embarqué à l'heure actuelle,
c'est-à-dire que je fais affaires avec une dizaine de ministères,
avec des administrateurs et le palier politique on le délaisse
complètement, sous ce prétexte: essayez donc de régler ce
problème avec tel ou tel individu. Donc, je pense que ce sont des
paliers à respecter et ça revient au gouvernement du
Québec de respecter ce qui a été établi au
départ.
M. Ciaccia: Seriez-vous prêts à entamer des
discussions avec le gouvernement du Québec et à mettre de
côté, pour le moment, la question légale? Est-ce que les
droits seront éteints oui ou non? Seriez-vous prêts à
entamer des discussions avec le gouvernement sur les problèmes pratiques
que vous avez quant au développement, quant à vos droits
culturels, quant aux mesures qui devraient être prises par le
gouvernement pour assurer que vos communautés aient tout le
nécessaire pour leur développement culturel, y compris le
développement économique, à vous impliquer dans les
discussions, dans les consultations, dans la participation? Seriez-vous
prêts à faire ça et à mettre de côté la
question à savoir quelle est la nature des droits, doit-on les
éteindre ou non, et discuter de ça à la fin?
M. Simon: Je pense que c'est un point qui a été
discuté avec SAGMAI durant les deux premières années de
formation du CREM. Nous avons demandé, au préalable, la
reconnaissance des droits autochtones. On a toujours essayé de mettre de
côté cette reconnaissance, pour en arriver, en dernier lieu, avec
le gouvernement en place, à reconnaître des droits historiques. Je
suis entièrement d'accord avec l'opinion que vous avez émise tout
à l'heure concernant toute la question de jurisprudence, c'est le point
sur lequel on discute depuis plusieurs années: Est-ce que la justice des
Blancs pourra reconnaître des droits autochtones à
l'intérieur d'un gouvernement non indien?
On s'est toujours posé la question et je pense que, dans tout le
Canada, il y a des exemples assez concrets où le cas de la jurisprudence
a toujours penché du côté de la majorité. C'est un
peu dans ce sens que...
M. Ciaccia: Je ne voudrais pas que vous interprétiez mal
mes propos. Quand je dis que ce ne sont pas les tribunaux qui peuvent trancher
la question, que ce soient des problèmes des autochtones ou des
problèmes de même nature, ce sont des problèmes sociaux et
politiques. Un tribunal peut seulement vous donner une opinion légale,
il ne peut pas vous forcer à faire partie d'un comité de
coordination, il ne peut pas vous obliger de participer aux décisions
politiques. Ce n'est donc pas parce que c'est la justice des Blancs, c'est la
nature même d'une décision légale et même, devant les
tribunaux, on est allé à la cour du Manitoba et on a dit: Le
fédéral ne peut pas rapatrier unilatéralement la
constitution; un tribunal a dit: C'est une question politique.
Ce sont des questions sociales, politiques et économiques, ce ne
sont pas strictement des questions légales. C'est pour ça que je
vous dis que le tribunal ne peut pas trancher, un tribunal ne pourrait jamais
écrire toutes les conditions qui existent dans l'entente de la baie
James, parce que ça va plus loin que la compétence d'un
tribunal.
Les questions d'environnement, le comité sur l'environnement,
est-ce qu'un tribunal peut dire comment le comité d'environnement va
faire ses études d'impact, ce qui sera inclus dans les études
d'impact? Non, ça, ce sont des négociations.
Vous avez parlé de l'aspect humain. Dans les études
d'impact, dans ce document-ci, il y a tout l'aspect du milieu social, tout
ça est inclus, mais cela a été inclus par
négociation. Au début, il y avait des groupes qui voulaient qu'on
commence par définir les droits. La seule suggestion que je pourrais
vous faire - je vous assure que je vous parle selon l'expérience que
j'ai eue dans ces discussions - c'est que si on s'attarde au début et on
s'arrête à définir la position légale, les eaux vont
continuer à couler, les barrages vont continuer à se construire
et, la prochaine génération va encore discuter de la position
légale.
Ce n'est pas parce qu'il n'y a pas de justice des blancs, mais si vous
changez d'approche et que le gouvernement change d'approche, je le sais, de
part et d'autre -parce qu'il y a aussi des officiers du gouvernement et la
première chose qu'ils veulent établir, c'est: vous n'avez pas le
droit ici, vous n'avez pas le droit là. Si on arrête de parler des
droits légaux pour le moment, pour s'attaquer aux vrais problèmes
dans vos communautés, une fois que vous aurez franchi cette
étape, que vous aurez établi le dialogue, que vous aurez
établi certaines structures, certaines méthodes pour
procéder, je suis persuadé que l'aspect légal va se
résoudre de lui-même.
Alors, M. le Président, je vois que le temps d'ajourner nos
travaux approche. Je veux vous remercier de votre mémoire. Je pense que
c'est important que la population sache qu'il y a des autochtones dans ces
endroits, qui sont affectés par les développements
hydroélectriques, les développements économiques et c'est
absolument nécessaire que les gouvernements prennent leurs
responsabilités, qu'ils négocient, qu'ils discutent avec vous
pour créer une atmosphère de paix sociale. Quand
l'atmosphère est perturbée, ce n'est pas bon pour vous et ce
n'est pas bon pour les autres.
Si je pouvais donner un autre conseil, ce serait que les gouvernements
soient un peu plus idéalistes dans ce domaine et que certains des
conseillers qui parlent des droits soient un peu plus réalistes. Avec
cette approche, je pense que vous pourriez faire beaucoup de progrès et
je souhaite que vos négociations et discussions soient très
fructueuses dans les revendications que vous faites.
Le Président (M. Jolivet): En terminant, M. Simon, je
souhaite que vos négociations, vos discussions soient très
fructueuses et que les revendications que vous formulez soient entendues.
Le Président (M. Jolivet): En terminant, M. Simon et Mme
Dupuis, je pense.
M. Simon: J'aurais seulement un petit commentaire à
ajouter à ce que M. Ciaccia vient de dire. Je suis entièrement
d'accord avec les propositions de M. Ciaccia, mais ce que je demande, c'est un
peu ce que j'ai essayé de décrire, c'est que, lorsqu'on parle
d'autochtones au Québec, je pense qu'il y a une base à
établir au préalable, c'est la question de droits. Je ne veux pas
les définir comme tels; je ne veux pas non plus m'embarquer dans
l'aspect légal. Je pense que, comme vous le dites, c'est une question
d'entente entre le gouvernement et la partie autochtone. Je me dis une chose:
Je ne veux pas être ramené au même palier que les autres
Québécois, lorsqu'on parle de développement, et me faire
dire: Vous avez tel problème. On va parler avec tel ministère
concerné ou on va parler avec Hydro-Québec en leur disant:
Essayez donc de résoudre ce problème. Les développements
vont se faire quand même. Je veux dire qu'il n'y a aucun
élément changeant à tout ce que vous venez de nous
conseiller je l'admets, je suis complètement d'accord avec cela, mais
pour autant que les gouvernements, que le palier politique fassent de bonne foi
l'effort de négocier à l'amiable, d'égal à
égal, comme ils le disent, avec la partie autochtone. C'est tout ce que
j'ai à ajouter.
Le Président (M. Jolivet): Mme Dupuis.
Mme Dupuis: Juste pour ajouter un peu à ce que René
disait sur votre commentaire, M. Ciaccia, je pense que l'attitude du Conseil
Attikamèque-Montagnais, jusqu'ici dans ses discussions
préliminaires dans l'amorce de ses négociations avec le
gouvernement, n'a pas été une attitude légaliste stricte
dans le sens que si on ne définit pas de façon précise ce
qu'on entend par "droits aboriginaux", on ne s'assoit pas ensemble. Je pense
qu'il faut, comme vous le disiez tout à l'heure, que le gouvernement,
s'il accepte de s'asseoir avec les Attikamèques et les Montagnais,
reconnaisse jusqu'à un certain point que, s'il est là, ce n'est
peut-être pas pour définir de façon précise des
droits, mais c'est au moins parce qu'il considère que les
Attikamèques et les Montagnais ont certains droits, ce qui nous
permettra de se sortir de l'espèce de couloir de "privilèges"
dans lequel on est enfermé actuellement. C'est pour cela qu'on demande
au gouvernement du Québec d'affirmer qu'il est prêt à
reconnaître que les Attikamèques et les Montagnais ont certains
droits sur les territoires qu'ils occupent. On les définira plus tard,
s'il faut absolument les définir,
mais que la base de la discussion soit sur cette reconnaissance de
droits, parce que, actuellement, le point sur lequel on achoppe constamment,
c'est que les différents ministères considèrent toujours
que ce qu'ils offrent aux Indiens, ce sont des privilèges. C'est une
position qui est intenable - dans ce sens-là, je parle en tant que
blanche -pour un gouvernement vis-à-vis de la population blanche, de la
population des Québécois. Les Québécois ne seront
jamais d'accord qu'on "privilégie", si le gouvernement ne justifie pas
que les gens avec lequels il négocie ont des droits, un groupe de la
population. C'est dans ce sens-là qu'on demande au gouvernement de
sortir de ce couloir dans lequel on est enfermé actuellement et
où on nous dit constamment: On ne peut pas vous concéder ceci
parce que ce seraient des privilèges et telle catégorie de gens,
que ce soient des chasseurs sportifs ou les enseignants ou les assistés
sociaux québécois, ne seront pas d'accord pour qu'on vous
concède des privilèges. C'est dans ce sens qu'on dit qu'il faut
quand même que cela se fasse sur une base nominale de reconnaissance de
certains droits.
Le Président (M. Jolivet): En terminant, M. le
député de Dubuc.
M. Desbiens: M. le Président, le ministre ayant dû
s'abstenter, je voudrais quand même m'attarder sur un petit point
très bref. C'est le cas de la Chamouchouane où j'ai cru pouvoir
saisir finalement qu'il y avait eu des difficultés dans l'approche
qu'avait utilisée Hydro-Québec. Je pense pouvoir dire que le
ministre est bien conscient qu'il y a peut-être une approche
différente à utiliser et je peux vous assurer, je crois, qu'on va
essayer d'introduire un déroulement des études un peu
différent. Au nom du ministre et au nom de mes collègues, je vous
remercie beaucoup de votre participation.
Le Président (M. Jolivet): Merci au nom des membres de la
commission. Quant à moi, je vous remercie et je vais suspendre les
travaux jusqu'à 20 heures, en disant qu'il reste le Conseil
régional de développement de l'Abitibi-Témiscamingue, en
premier lieu, la Chambre de commerce de Sept-Îles et la dernière
tournée de table, avant de se quitter et d'ajourner sine die vers les 23
heures ou minuit.
(Suspension de la séance à 18 h 6)
(Reprise de la séance à 20 h 11)
Le Président (M. Jolivet): A l'ordre, messieurs!
La commission de l'énergie et des ressources est à nouveau
réunie aux fins d'entendre les groupes et organismes qui veulent
comparaître en vue de parler du plan d'équipement et de
développement 1981-1990 de la Société
Hydro-Québec.
Au moment où nous nous sommes quittés à l'heure du
souper, nous en étions rendus au Conseil régional de
développement de l'Abitibi-Témiscamingue qui sera
représenté par M. Roland Lord. J'aimerais que M. Lord nous
présente la personne qui l'accompagne avant de commencer la lecture de
son mémoire. M. Lord.
Conseil régional de développement de
l'Abitibi-Témiscamingue
M. Lord (Roland): M. Roméo Julien, qui est membre de
l'exécutif du Conseil régional de développement de
l'Abitibi-Témiscamingue, fera la lecture du mémoire qu'on a
présenté.
Le Président (M. Jolivet): Allez, M. Julien.
M. Julien (Roméo): Merci, M. le Président. Le
Conseil régional de développement de
l'Abitibi-Témiscamingue est heureux d'avoir l'occasion de se prononcer
sur la stratégie de développement d'Hydro-Québec pour la
décennie 1980. En effet, comme il est précisé dans la
brochure de présentation de la société d'État, les
décisions de l'entreprise auront une influence marquante non seulement
sur l'avenir énergétique, mais également sur
l'évolution économique et sociale du Québec.
Comme le plan des installations 1981-1990 d'Hydro-Québec
démontre clairement que la majorité de l'ensemble des
installations qu'Hydro-Québec devra ajouter à celles
déjà en place sera aménagée sur le territoire de la
Baie James, nous croyons que l'évolution économique et sociale de
l'Abitibi-Témiscamingue dépend énormément des
décisions qui seront prises sur l'aménagement et le
développement de ce territoire. Étant donné que les
territoires de la Baie James et de l'Abitibi-Témiscamingue sont
géographiquement liés et que leurs ressources naturelles sont
identiques, le développement de l'une et l'autre de ces régions
est donc connexe.
C'est pourquoi nous insistons, dans le présent document, sur
cette partie du plan de développement d'Hydro-Québec. D'autant
plus que l'organisme qui initialement devait développer et
aménager le territoire de la Baie James et qui, à notre avis,
défend des idées qui ont tendance à s'orienter dans le
même sens que les nôtres, la SDBJ, n'a plus le contrôle sur
les décisions depuis que la SEBJ est devenue une filiale
d'Hydro-Québec.
Exploitation des richesses naturelles à partir de la
réqion.
Bien que l'accent soit mis présentement
sur les ressources hydroélectriques du territoire de la Baie
James, celui-ci regorge de richesses minières et forestières,
celles-là mêmes qui caractérisent l'économie de
l'Abitibi-Témiscamingue. Par conséquent, il est donc très
important, pour notre région, que le développement de ce
territoire soit pensé non seulement en fonction des besoins
énergétiques de la province, mais également en fonction du
développement économique de l'Abitibi-Témiscamingue.
Pour ce faire, les infrastructures des services nécessaires au
bon fonctionnement des chantiers et à l'opération des centrales
devraient être pensées en fonction de l'exploitation des richesses
naturelles du territoire à partir de l'Abitibi-Témiscamingue et
de façon à utiliser au maximum les infrastructures existantes de
la région. En bref, elles devraient être aménagées
en fonction des besoins économiques à moyen et à long
terme de la région et non en fonction des besoins à court terme
des chantiers. À cette condition, les gens de notre région
pourront penser qu'il existe une planification rationnelle de la part
d'Hydro-Québec et que ses administrateurs sont conscients de l'impact de
leurs décisions sur le développement de certaines régions
du Québec. (20 h 15)
La situation actuelle. Des efforts ont été faits dans la
région, en vue de maximiser le plus possible les retombées
économiques des importants travaux en cours dans le territoire de la
Baie James. Cependant, malgré certaines données positives, il
faut reconnaître que les résultats obtenus n'ont pas
été à la hauteur des espérances des gens de la
région.
Un extrait de l'éditorial de M. Armand Beaudoin, dans
l'Écho abitibien du 20 août 1975, résume bien, en quelques
mots, la situation telle que vue par les Abitibiens:"L'accès aux
chantiers fut toujours maintenu très difficile par la route ou
autrement. L'embauche ne nous a guère été favorable
pendant longtemps. Et du côté du commerce, un hercule
compétiteur a découragé maints espoirs. Même
l'information est devenue faible et peu invitante."
L'éditorialiste, dans ces quelques lignes, touche les points sur
lesquels la région se sent le plus négligée, soit la
politique d'embauche aux chantiers et la politique d'achat à la SEBJ.
Sur ces deux points, la région aurait dû être
favorisée, alors que tous admettent qu'elle n'a pas profité de la
priorité qu'elle aurait dû obtenir.
Politique d'achat. Plus de 75% du volume d'achat de la SEBJ s'effectuent
directement auprès des manufacturiers: produits pétroliers,
ciment, acier, équipement de bureau, équipement
spécialisé etc., et auprès des fournisseurs
localisés surtout dans la région métropolitaine: location
et achat d'équipement lourd, pièces de rechange etc.
Pour le reste de ses besoins, la SEBJ invite les fournisseurs de
l'Abitibi-Témiscamingue à soumissionner. Ce qui veut dire
que, curieusement, les produits les plus achetés par la SEBJ ne
proviennent pas de la région et, bien plus, que nos fournisseurs ne sont
même pas invités à y soumissionner. Les produits
achetés chez nous consistent surtout en des matériaux et services
généraux qui ne représentent que 4,9% de la valeur totale
des achats en 1979. Nous, ici, en Abitibi-Témiscamingue, croyons que
nous pouvons offrir beaucoup plus et que nous devrions avoir accès
à la fourniture des produits de base nécessaires aux
chantiers.
De plus, depuis quelques années, il semble que la valeur des bons
de commande émis pour la région par la SEBJ est en baisse
constante. Les raisons de cet état de choses sont nombreuses. Ainsi, une
enquête très sommaire menée auprès des
commerçants et industriels de la région démontre tout
simplement que le système d'achat actuel et le réseau de
distribution des produits ne font que décourager les initiatives
régionales. On se plaint notamment des exigences trop
sévères de la part du service des achats et des délais de
paiement trop longs. De même, les infrastructures du territoire ne sont
pas faites de façon à favoriser la région et
principalement en ce qui concerne le transport des produits. Par exemple, les
fournisseurs de Montréal livrent leurs marchandises directement à
Dorval, soit à quelques milles seulement de leur place d'affaires. De
là, elle est prise en charge par la SEBJ. Ceux de la région, par
contre, doivent livrer leur marchandise à Matagami, ce qui occasionne,
pour certains, jusqu'à 200 milles supplémentaires en frais de
livraison. Cette façon de procéder ne fait qu'avantager encore
une fois les commerçants de Montréal au détriment de ceux
de notre région, car il est évident qu'au départ, ces
derniers doivent assumer des coûts supplémentaires. Il semble que
la stratégie actuelle soit de décourager les fournisseurs
régionaux, de dire certains commerçants.
Pour la main-d'oeuvre. Au chapitre de la main-d'oeuvre, il faut bien le
dire, des efforts ont été faits pour améliorer le
recrutement dans la région.
En effet, on a eu connaissance, il y a quelques années de
ça, que des travailleurs abitibiens avaient tenté de se trouver
un emploi à la Baie James et que ces derniers s'étaient vu fermer
les portes des chantiers. Cependant, cette situation semble s'être
améliorée au cours des dernières années puisque le
pourcentage de main-d'oeuvre active au complexe La Grande en provenance de la
région était de 18,6%, en 1976, ce qui plaçait la
région au deuxième rang. En 1980, ce pourcentage était
descendu à 9,5%, soit
le quatrième rang. Cette diminution pourrait cependant
s'expliquer par notre disponibilité qui, elle aussi, a diminué
à la suite de la consolidation de notre économie
régionale: relance du secteur minier, ouverture de nouveaux
marchés pour les industries forestières, et le reste.
En somme, à ce chapitre, il demeure très important pour
nous que le recrutement de main-d'oeuvre pour les chantiers se maintienne et
que l'on améliore les façons dont ce recrutement se fait. De
plus, il y a lieu de mettre un accent régional particulier sur le
recrutement des gens qui occuperont les emplois permanents qui seront
créés lors de la livraison des centrales à
Hydro-Québec par la SEBJ. Pour ce faire, ces emplois devraient
être offerts prioritairement aux gens de la région, car notre
population active devrait augmenter au cours des années. Ceci
permettrait d'optimiser l'utilisation de la main-d'oeuvre en fonction de la
disponibilité régionale.
L'avenir de l'Abitibi-Témiscamingue face au développement
des ressources de la Baie James. À cette étape-ci, il est
important de faire la distinction entre les impacts économiques
régionaux relatifs à l'étape construction et à
l'étape opération des installations hydroélectriques, car
chacune d'elles aura des incidences différentes pour notre
région. C'est pourquoi nous considérons comme très
importante cette consultation afin que les décisions qui seront prises
le soient en fonction d'un développement économique rationnel
pour l'Abitibi-Témiscamingue plutôt que sans considération
pour notre région, comme cela s'est déjà fait dans le
passé. H ne faut pas se le cacher, ce que nous avons obtenu du "projet
du siècle", nous avons dû nous battre pour l'avoir.
Utilisation des infrastructures existantes en
Abitibi-Témiscamingue. Outre un impact économique temporaire, la
phase de construction aura un impact à long terme important puisqu'elle
pose les bases des modalités d'opération des centrales qui,
elles, auront une incidence économique permanente sur la région.
À partir de là, il est donc très important que les
infrastructures qui seront aménagées sur le territoire de la Baie
James soient planifiées en fonction du développement de
l'Abitibi-Témiscamingue en collaboration avec les gens de la
région puisque le contraire produirait un impact économique nul.
Nous ne le soulignerons jamais trop.
À titre d'exemple, le futur complexe NBR, qui sera situé
à environ une centaine de milles seulement au nord de Matagami, devrait
être organisé à partir de cette ville. En effet,
l'aménagement d'infrastructures permanentes sur ce chantier et,
notamment, des villages familiaux ne ferait que nuire à la région
en dispersant dangereusement l'impact socio-économique régional
attendu de la réalisation de ce complexe. Pourquoi dépenser des
millions supplémentaires quand une ville située presque au centre
du complexe possède déjà toutes les installations
nécessaires?
Ainsi, actuellement, on songe à aménager un
aéroport régional au nord de Matagami, alors que l'on a
déjà dépensé des millions pour aménager un
aéroport régional dans cette municipalité. Il faut
souligner que cet aéroport est aujourd'hui presque inutilisé. Il
va sans dire qu'une telle infrastructure aéroportuaire aurait pour
conséquence de contourner la région en accentuant le sud du
Québec et le complexe et, encore une fois, permettrait aux gens des
chantiers d'être complètement indépendants de la
région et ne permettrait pas à Matagami de jouer son rôle
de porte d'entrée au complexe NBR.
Cette situation est, à notre avis, le plus bel exemple du manque
d'intérêt dans le développement de notre économie
régionale de la part des administrateurs des grands projets. En fait,
lorsqu'il y a planification d'un chantier, on voudrait que cette planification
soit faite en ayant constamment en tête l'impact que telle ou telle
décision aura sur notre région. Nous avons trop souvent subi des
décisions qui ne répondaient pas à nos besoins. Il est
vrai qu'à force de parler de milliards de dollars, on perd la
perspective régionale. C'est peut-être la raison qui fait que
notre région a été négligée dans
l'attribution des sous-contrats lors de la réalisation du projet La
Grande, phase I.
Dans l'avenir, il est donc très important pour nous que les
politiques d'achats, de transport et d'octrois de sous-contrats soient d'abord
adaptées à la région.
Une politique d'achats appropriée, le seul moyen d'obtenir des
retombées économiques valables. Pour faire l'adaptation dont on a
parlé plus haut, l'une des priorités, et qui en plus est
pratiquement le seul moyen d'obtenir des retombées économiques
valables, serait d'opter pour une politique d'achats FOB/Matagami,
c'est-à-dire avec livraison à Matagami. De cette manière,
les chances d'être fournisseurs à la Baie James seraient
pratiquement égales pour tout le monde.
La même méthode devrait être employée pour le
transport des travailleurs c'est-à-dire que la SEBJ se charge de leur
transport aux chantiers à partir de Matagami. Il est évident que
de telles habitudes ne seraient que positives pour la région. De plus,
elles établiraient les principes de fonctionnement des activités
postérieures à la période de construction.
Exploitation et entretien des centrales. Nous considérons
l'exploitation des centrales comme très importante pour
l'Abitibi-Témiscamingue car l'impact économique
qu'elle créera sera permanent. Les emplois créés le
seront pour longtemps d'où l'importance d'une régionalisation des
activités.
Déjà, pour l'exploitation des centrales mises en service,
on a commencé à employer le même scénario que lors
de leur construction. Les centrales hydroélectriques de la Baie James
dépendent de la région Baie James à Hydro-Québec,
région dont le siège social se trouve toujours à
Montréal. Pourquoi ce bureau ne se trouverait-il pas plus près
des centrales? Les réponses que l'on nous a données
jusqu'à maintenant restent très vagues et peu satisfaisantes.
Commutation aérienne des travailleurs. L'exemple de
l'aéroport du projet NBR dont on a parlé plus haut est encore
plus significatif car l'aménagement d'un tel aéroport ne fait
qu'établir un lien direct entre le sud de la province et le complexe.
Ceci soulève donc un problème important pour notre région,
problème qui fait la manchette depuis un certain temps: la commutation
aérienne des travailleurs.
Ce système consiste à transporter par avion les
travailleurs sur le lieu de leur travail pour une période
déterminée et de les ramener chez eux une fois cette
période terminée. Il est donc clair que la présence
d'infrastructures aéroportuaires permanentes sur le complexe ne serait
que négative pour la région, étant donné que l'on
pourra faire l'entretien et l'opération des centrales à partir du
sud de la province "en nous passant au-dessus de la tête". D'ailleurs, il
semble qu'au siège social de la région Baie James
d'Hydro-Québec, l'on s'oriente déjà de cette façon.
Évidemment, cela explique pourquoi la région s'oppose
immédiatement à la commutation à partir du sud,
puisqu'elle est défavorisée au départ par un tel
processus.
Par exemple, les gens de Matagami doivent se taper 165 milles
d'automobile pour aller prendre l'avion à Val-d'Or et l'on utilise un
"Twin Otter" pour transporter les gens de la région qui sont
affectés à l'opération et à l'entretien des
centrales, tandis que les travailleurs qui viennent du sud voyagent en Boeing
737. Nos travailleurs n'ont-ils pas droit à la même qualité
de transport?
Le gouvernement du Québec a investi dernièrement quelques
millions de dollars dans PROPAIR, un transporteur aérien
régional. Il serait facile d'optimiser cet investissement par une
politique de commutation aérienne à partir de la région et
adaptée à nos besoins. Est-il vraiment plus rentable de
développer un réseau aérien parallèle que l'on
pourrait qualifier de "Québec Air Force" que d'encourager les
transporteurs aériens régionaux par des politiques
appropriées?
Nous voulons donc que le siège social de la région Baie
James à Hydro-Québec soit situé plus près des
centrales et que la majorité des travailleurs affectés à
l'opération des centrales soient recrutés dans la région.
Nous possédons toutes les installations nécessaires pour que
cette commutation se fasse à partir de la région et, à
long terme, à des coûts beaucoup moindres que si elle se faisait
à partir de Montréal, et ce, d'autant plus qu'Hydro-Québec
a l'habitude de former elle-même le personnel qui travaille aux
centrales. Il devrait en coûter le même prix pour former des
travailleurs de l'Abitibi-Témiscamingue que pour former des travailleurs
de Montréal. Aussi, le taux de mobilité serait
amélioré car des études démontrent que les
travailleurs sont plus satisfaits quand ils travaillent plus près de
leur résidence et de leur famille.
En conclusion, compte tenu de tout ce qui précède, vous
comprendrez sans doute que le Conseil régional de développement
de l'Abitibi-Témiscamingue se doit de sensibiliser les membres de la
commission parlementaire de l'énergie aux aspects
socio-économiques du plan des installations d'Hydro-Québec pour
la décennie 1980. Des milliards de dollars sont en jeu et plusieurs
personnes disent que l'avenir du Québec se trouve dans le Moyen-Nord;
nous ne voulons pas manquer le bateau encore une fois.
Trop longtemps notre région a été
considérée comme une région isolée des pôles
économiques et le fait qu'elle ne soit pas prise en considération
ni consultée lorsque l'on parle d'aménager cette partie du
territoire qui lui est intimement liée ne fait que concrétiser
son isolement aux yeux du reste du Québec. Pourtant,
l'Abitibi-Témiscamingue nous offre un milieu de vie agréable que
l'on n'a pas ailleurs. Vous comprendrez donc le sentiment de frustration que
peut ressentir notre population face au "projet du siècle".
Le but de ce document est de faire réfléchir nos
dirigeants sur la nécessité d'agir en fonction d'une orientation
régionale trop souvent négligée.
D'une façon plus précise, il ressort de nos propos un
certain nombre de recommandations pour lesquelles nous voudrions que des
actions concrètes soient prises prochainement. (20 h 30)
Nous recommandons donc:
Que les politiques d'achat de la SEBJ soient adaptées à la
région en exigeant que les fournisseurs livrent leurs marchandises
à Matagami et ce, afin que tous les commerçants et industriels
soient sur le même pied;
Que le réseau de recrutement des travailleurs de la région
pour la phase de construction des centrales soit amélioré et
qu'un programme de publicité soit établi si
nécessaire;
Dans le même sens, que l'on donne priorité à
l'embauche de personnes de l'Abitibi-Témiscamingue pour
l'opération et l'entretien des centrales;
Que la ville de Matagami soit utilisée comme centre
névralgique du complexe NBR, afin de permettre une meilleure utilisation
des infrastructures régionales déjà en place;
Que les transporteurs aériens régionaux soient
utilisés au maximum par Hydro-Québec et ses filiales afin d'abord
d'optimiser les importants investissements faits par le gouvernement du
Québec dans ce secteur et ensuite d'accentuer davantage les
retombées économiques régionales des projets;
Que les décisions relatives au développement du territoire
de la Baie James soient prises en fonction de leur impact sur le
développement socio-économique de
l'Abitibi-Témiscamingue;
Que le siège social de la région Baie James
d'Hydro-Québec soit situé plus près des centrales;
Qu'un comité de travail composé de représentants de
la SDBJ, de l'OPDQ, du CPDQ et du CRDAT soit formé pour produire un
document proposant les politiques d'embauche, d'achat et d'aménagement
du territoire qui devraient être établies lors de la
réalisation des chantiers du complexe NBR et pour l'opération des
centrales, afin de déterminer les façons de maximiser les impacts
socio-économiques des projets sur les pôles urbains existants et
les régions limitrophes.
Le Président (M. Jolivet): Merci, M. Julien. M. le
député d'Abitibi-Est.
M. Bordeleau: M. le Président, je voudrais tout d'abord
féliciter les gens du CRDAT d'avoir décidé de
présenter un mémoire comme celui-là et également
les remercier de s'être présentés devant la commission pour
faire valoir leur point de vue. Je sais que, pour une région comme la
nôtre, ce sont des démarches impressionnantes. Vous avez
passé la journée ici et je vous en félicite. Cela prouve
simplement que le CRD chez nous, en Abitibi-Témiscamingue, est au
courant de ce qui se passe dans le développement du nord, est
très impliqué et travaille également pour la population du
Nord-Ouest ou de l'Abitibi-Témiscamingue.
Depuis la semaine dernière, un certain nombre de questions qui
sont posées dans votre mémoire ont reçu une réponse
par les gens d'Hydro-Québec ou de la SEBJ. Par contre, je voudrais
revenir sur un certain nombre de points. Par exemple, à la page 2 de
votre mémoire, vous dites que la SDBJ, depuis son changement,
défend des idées qui ont tendance à s'orienter dans le
sens de celles du CRD. Je voyais cela un peu comme un blâme envers le
gouvernement d'avoir modifié la dépendance ou
l'interdépendance de la SDBJ par rapport à Hydro-Québec et
à la SEBJ. Pouvez-vous me dire si, au CRD, on pense que la SDBJ a
vraiment joué son rôle depuis 1971 alors qu'elle était
vraiment chargée du développement de la région du
Nord?
Le Président (M. Jolivet): M. Lord.
M. Lord: Disons que, depuis quelques années, la SEBJ
commence à s'impliquer d'une façon concrète dans des
projets à caractère économique. Dernièrement, elle
s'est impliquée dans le secteur minier dans la région de
Chibougamau. De plus en plus, la SEBJ semble vouloir développer certains
secteurs économiques dans la région et je pense qu'elle commence
à jouer son rôle.
M. Bordeleau: Comme vous dites, elle commence simplement.
M. Lord: Oui.
M. Bordeleau: Cela ne fait pas plusieurs années, je pense.
Êtes-vous d'accord avec moi?
M. Lord: Elle s'implique dans des projets concrets, ce qu'elle ne
faisait pas auparavant.
M. Bordeleau: D'accord. Maintenant, un peu plus loin, à la
page 8 plus précisément de votre mémoire, vous parlez de
la main-d'oeuvre. Bien sûr, c'est important, pour une région comme
la nôtre, d'avoir le maximum de main-d'oeuvre qui puisse aller travailler
sur des chantiers de cette ampleur. Par contre, vous expliquez la diminution de
la main-d'oeuvre par "la consolidation de notre économie
régionale" (relance du secteur minier et nouveaux marchés pour
nos industries forestières.
Plus loin, vous parlez des emplois permanents qui sont peut-être
encore plus intéressants parce qu'ils sont permanents. Là-dessus,
la SEBJ, par M. Godin, je pense, la semaine dernière, a répondu
qu'il y avait une priorité d'emploi accordée aux gens de
l'Abitibi-Témiscamingue, du moins dans certains domaines, dans certains
métiers précis. Je ne sais pas si vous avez entendu la
réponse de la SEBJ là-dessus. C'est un commentaire que je
voudrais faire. Si la réponse n'est pas exacte, j'aimerais bien que le
CRD vérifie et qu'on revienne à la charge auprès de la
société Hydro-Québec dans ce sens-là, s'il y a
lieu.
À la page 10 de votre mémoire, vous parlez d'un complexe
futur, celui de NBR qui est également très intéressant
parce que celui-là, au moins, n'est pas commencé. S'il y a eu des
erreurs dans le passé, c'est encore le temps, je pense, de les corriger
et
d'améliorer la situation pour notre région. Vous parlez de
l'aéroport de Matagami et d'un autre aéroport dans le nord.
Là-dessus, je n'ai pas trop bien compris. Selon les réponses
d'Hydro-Québec ou de la SEBJ, dans le développement de NBR il y
aurait la construction de deux nouveaux aéroports près de
certains chantiers, mais il y aurait aussi l'utilisation maximale de deux
aéroports existants, soit celui de Matagami et celui d'Eastmain, si je
me souviens bien, EOL probablement. Je n'ai pas trop compris ce que vous
vouliez signifier; il me semble que vos informations ne sont pas tout à
fait précises.
Le Président (M. Jolivet): M. Lord.
M. Lord: Peut-être y a-t-il eu dernièrement,
certains changements desquels on n'a pas été informé. Mais
à partir des informations qu'on avait il était question de
construire un aéroport permanent, un aéroport dit régional
permanent, à quelques centaines de milles au nord de Matagami.
Nous, on se posait la question à savoir pourquoi ne pas utiliser
celui de Matagami qui est vraiment sous-utilisé, qui possède
toutes les installations nécessaires et qui pourrait fournir le
même service.
Le danger qu'on voyait surtout c'est de dépenser des millions de
dollars à l'aménagement d'un aéroport permanent qui va
servir plus tard à transporter des travailleurs du sud de la province
aux centrales pour l'entretien et l'exploitation de ces centrales. Si on
aménage des infrastructures aéroportuaires permanentes et
très bien équipées, ça va être un autre
argument pour contourner encore une fois la région. C'est pour ça
qu'on soulève ce point dans notre mémoire.
M. Bordeleau: Oui, il semble que, selon ce que j'ai compris de la
réponse de la SEBJ à ce moment, il fallait, à cause des
distances, quand même construire au moins un autre aéroport plus
loin dans le nord pour être proche des chantiers, mais je serais d'accord
avec vous pour dire qu'il faudrait d'abord qu'on maximise au maximum - si on
peut maximiser au maximuml - les infrastructures existantes et, en particulier,
l'aéroport de Matagami qui est déjà bien placé,
déjà construit et pour lequel on a déjà investi des
sommes d'argent.
M. Lord: J'aimerais également apporter une
précision: c'est qu'on n'est pas en désaccord sur le principe des
aéroports, sauf que là où on est en désaccord,
c'est sur le principe des aéroports permanents. C'est-à-dire que
l'aménagement d'aéroports temporaires, ce n'est pas
nécessairement néfaste, en tout cas à court terme, pour la
région, sauf que nous, lorsque nous parlons d'environ 1500 emplois
permanents qui seront créés lorsque les projets NBR, Grande
Baleine et La Grande seront terminés, ça nous intéresse
grandement d'avoir un impact économique régional, puisque ces
emplois seront permanents et le seront pour longtemps.
L'aménagement de l'infrastructure aéroportuaire permanente
risque donc d'être dangereux pour la région.
M. Bordeleau: Merci. Un peu plus loin dans le mémoire vous
dites: Nous voulons que le siège social de la région Baie James
s'installe dans la région. Vous semblez avoir une position assez ferme
là-dessus et je serais également des plus heureux si ça se
réalisait, soyez-en sûrs.
Y a-t-il quand même eu certaines études... Je comprends que
le CERDAT n'est pas nécessairement équipé pour faire des
études comme Hydro-Québec peut en faire, mais avez-vous quand
même vérifié certaines données pour voir si
c'était plus économique de procéder ainsi, d'installer un
siège social régional en Abitibi-Témiscamingue ou
l'inverse? Parce que j'imagine qu'Hydro-Québec ou la SEBJ vont
tantôt nous dire: Cela n'a pas de bon sens, ça va être
très dispendieux. Avez-vous pu vérifier certaines données
prouvant qu'il y aurait certains avantages?
M. Lord: On n'a tellement vérifié, en termes
économiques, parce qu'on n'a pas nécessairement l'expertise et
toutes les informations non plus pour pouvoir vérifier cela, sauf qu'on
a eu des contacts avec ces gens-là et, comme le dit notre
mémoire, les réponses qu'on nous a données ont
été vraiment peu satisfaisantes. On est arrivé avec des
arguments comme par exemple: Si on allait s'installer chez vous, on aurait un
problème de recrutement de cadres. Je pense que ce n'est pas une
réponse valable pour nous.
M. Bordeleau: D'accord. J'espère en tout cas que quelqu'un
d'Hydro-Québec pourra peut-être tantôt donner des
réponses plus complètes ou des justifications ou, sinon, nous
annoncer qu'effectivement le siège social d'Hydro-Québec pour la
région de la Baie James s'installera bientôt en
Abitibi-Témiscamingue.
M. Lord: Cela nous ferait vraiment plaisir.
M. Bordeleau: Dans votre conclusion, vous parlez de la formation
d'un comté de travail qui serait composé de différents
éléments, soit la SDBJ, l'OPDQ, le CPDQ, le Conseil de
planification et de développement du Québec, et le CRDAT, pour
produire un document proposant des politiques
d'embauche. Quant au comité, je serais assez d'accord. Quand vous
parlez d'un comité pour se réunir et produire un document afin
d'établir une politique, je trouve cela un peu compliqué comme
formule. Souvent, on nous reproche de faire trop de comités et de
paperasse. Auriez-vous une suggestion précise là-dessus? De
quelle façon ce comité devrait-il fonctionner pour être
vraiment efficace également? Si c'était simplement un
comité pour faire un beau rapport, selon moi, cela ne ferait pas
tellement avancer la situation. Pratiquement, que pourrait faire ce
comité et qu'est-ce qu'il pourrait donner comme résultat?
M. Julien: Nous avons déjà eu quelqu'un, M. le
député, de présent au conseil d'administration de la SEBJ
qui pouvait travailler pour nous. Nous croyons que notre présence aux
décisions pour développer notre milieu est juste et normale, car
ce sera la différence entre la prospérité des
années à venir ou la désintégration de notre
territoire. Nous sommes persuadés que notre connaissance du Nord-Ouest
nous donne l'occasion d'être plus éveillés à nos
besoins à venir que les gens qui vivent dans les grands centres, sans
connaître réellement ce qu'est l'Abitibi-Témiscamingue.
Qu'il y ait quelqu'un de l'Abitibi au conseil d'administration, je pense qu'il
y a des gens assez de valeur pour pouvoir prendre ces positions-là.
Le gouvernement semble être favorable à la
négociation sur le développement - c'est ce que j'ai entendu
tantôt - avec les premiers arrivés sur le territoire, soit les
autochtones. Nous sommes les deuxièmes arrivés dans le Nord-Ouest
et les premiers défricheurs. Nous aimerions aussi être reconnus
comme partie qui a des droits acquis sur ce territoire.
M. Bordeleau: Je vous remercie. Quant aux questions, j'aurais
simplement un petit commentaire à ajouter à la fin. Je suis
très content de voir le CRDAT présenter un mémoire comme
celui-là. Hydro a déjà répondu à un certain
nombre de vos questions, de vos recommandations. J'espère que ces
réponses pourront être vérifiées dans une
période assez rapprochée et que, si des choses qu'on nous a dites
la semaine dernière n'étaient pas exactes, le CRDAT s'occupera de
suivre ce dossier à la trace. Quant à moi, je m'engage à
l'appuyer aussi de toutes mes forces, de toutes les façons possibles
pour que finalement on en arrive à modifier la forme de
développement, à corriger certaines choses qui sont
arrivées dans le passé et à obtenir le plus de
retombées possible en Abitibi-Témiscamingue. Je vous
remercie.
Le Président (M. Jolivet): Merci. M. le
député de Rouyn-Noranda.
M. Samson: Merci, M. le Président. Je voudrais
également remercier les représentants du CRDAT de s'être
déplacés pour venir nous présenter leur mémoire.
Nous retrouvons sûrement dans ce mémoire la préoccupation
généralisée des gens de l'Abitibi-Témiscamingue.
(20 h 45)
M. le Président, j'ai écouté avec beaucoup
d'attention. J'avais d'ailleurs reçu le mémoire auparavant. Je
peux vous dire que les revendications faites aujourd'hui par MM. Lord et
Julien, au nom du CRDAT, sont de justes revendications que je considère
sans exagération. Ce sont des revendications qui nous viennent du
milieu, que l'on a souvent entendues. Vous avez reflété dans'
votre mémoire la pensée des gens de
l'Abitibi-Témiscamingue, notamment en vous basant sur le fait que les
développements d'Hydro-Québec, de la SEBJ ou de l'ancienne SDBJ,
quand elle avait le mandat, tout cela, ce sont des choses qui ont
été annoncées dans la région de
l'Abitibi-Témiscamingue. C'est sûr qu'au début - je me
rappelle 1971, quand nous avons discuté de la loi 50, qui a lancé
tout ce programme - il était question - et cela a été
réaffirmé maintes et maintes fois, en matière d'embauche,
par exemple, que priorité serait donnée aux régions
limitrophes. Or, il y a une région limitrophe, c'est bien celle de
l'Abitibi-Témiscamingue, parce que si on regarde le territoire de la
Baie James, qui se situe dans l'actuel comté d'Ungava pour
l'élection qui s'en vient, le territoire de la Baie James se trouve donc
situé en plein coeur de la région administrative 08, donc la
région de l'Abitibi-Témiscamingue. Ce n'est pas une région
limitrophe; c'est dans la région même que cela se construit.
Vous avez souligné avec beaucoup d'à-propos le fait que
nous sommes en droit, dans cette région, de nous attendre que plus
d'ouvriers soient appelés à participer à la construction
et au développement tant hydroélectrique que celui minier et
forestier de la SDBJ. Elle a également un mandat de développement
touristique.
Vous nous avez souligné aussi qu'en 1976 - et cela faisait suite
à un éditorial que vous avez rapporté de M. Beaudoin en
1975 - les ouvriers en provenance de la région constituaient 18,6% de la
main-d'oeuvre de la Baie James et qu'en 1980, ce pourcentage est descendu
à 9,5%. Vous soulignez que cela peut s'expliquer par le fait qu'il y a
une activité du côté des mines, du côté de
certaines industries forestières, mais il n'y a rien de plus difficile
à évaluer que des statistiques.
C'est évident. Il n'y a rien de plus menteur, parfois, que des
statistiques, mais, de toute façon, il y a une chose qui saute aux yeux,
c'est que même s'il y avait dans ces statistiques des variantes
possibles, de
1976 à 1980, il y a quand même la moitié moins en
pourcentage de travailleurs, alors qu'en 1976 par rapport à 1980, selon
Statistique Canada, il y avait dans le Nord-Ouest 7000 chômeurs en 1976
et qu'en 1980, il y en a 8000. Or, malgré la reprise de
l'activité minière, malgré une certaine relance de
l'activité forestière, il y a quand même 1000
chômeurs de plus au moment où on se parle, et au moment où
on se parle, la Société d'énergie de la Baie James emploie
50% moins d'ouvriers en provenance de la région.
Pourquoi en arrive-t-on à ce jeu de chiffres? Cela s'explique
peut-être par le fait que l'activité minière a
ramené en région des mineurs qui étaient à
l'extérieur depuis un certain nombre d'années, parce qu'il y
avait eu une baisse de l'activité minière et que ces mineurs
étaient allés à l'extérieur. Donc, s'ils sont
revenus, ils ont rempli ces postes, j'imagine, et, avec la compensation, cela
fait qu'on se retrouve avec 1000 chômeurs de plus et 50% de moins
d'employés qui sont appelés à aller travailler aux
chantiers de la Baie James. Donc, vous avez raison de réclamer qu'on ait
un peu plus de considération de ce côté-là, mais,
comme le député d'Abitibi-Est l'a dit tantôt, nous avons eu
mardi dernier des réponses de M. Laliberté, de la
Société d'énergie de la Baie James, qui disait que ce qui
était employé cette année, c'est le maximum possible.
Où se trouve le problème? Évidemment, il ne revient pas au
président de la Société d'énergie de la Baie James
de régler ce problème, parce que c'est un problème
politique. Le problème se trouve dans le fait que M. Laliberté
nous a dit: On a embauché tous les ouvriers qu'on a pu embaucher qui
possédaient une carte de classification et, après cela, on est
allé à l'extérieur. Donc, c'est pour cela qu'on n'en a pas
pris plus que 9,5% cette année. Le problème provient du
règlement de la construction qui exige les fameuses cartes de
classification. Dans notre région, un nombre très important
d'ouvriers qui possèdent des cartes de compétence, soit dit en
passant, ne peuvent pas travailler sur les chantiers parce qu'ils n'ont pas la
fameuse carte de classification à cause de l'actuel règlement de
placement dans la construction. Là, vous avez une réponse assez
complète au problème qui se pose. C'est un problème
politique qui devrait être réglé par une solution
politique.
D'autre part, vous parlez de la politique d'achat et je pense que vous
avez grandement raison. Vous soulignez le fait que des entreprises de
l'extérieur de la région, ayant à soumissionner, le font
FOB Dorval, alors que les entreprises de la région le font FOB Matagami.
On peut dire, au premier regard, que cela semble équitable, mais il faut
savoir que les entreprises qui ont à soumissionner FOB Dorval sont
situées à trois ou quatre milles de Dorval, tandis que celles qui
ont à soumissionner FOB Matagami, celles de la région
d'Abitibi-Témiscamingue, peuvent être à 200 milles et
à 250 milles de Matagami. Cela fait une différence
appréciable dans les coûts de transport, de sorte que la
soumission, à ce moment-là, ne favorise pas l'industrie, ne
favorise pas le commerce régional.
Là-dessus, on nous a répondu, à la
Société d'énergie de la Baie James, que même si, de
Montréal, c'était FOB Dorval et que, de la région,
c'était FOB Matagami, de Montréal, la société
calculait, dans les coûts, le coût du transport qu'elle effectuait
elle-même entre Dorval et les chantiers, la même chose entre
Matagami et les chantiers. Mais, encore là, il y a un rapport de forces
qui ne peut nous favoriser à moins qu'il n'y ait un incitatif et une
volonté de la Société d'énergie de la Baie James et
d'Hydro-Québec, et du gouvernement, de favoriser la région. Parce
que FOB Dorval, même si on calcule les coûts de transport, quand on
sait qu'on emplit un avion Hercule au complet, c'est bien sûr que le
coût de transport revient moins cher que lorsqu'on embarque cela de
Matagami dans des petits avions où, finalement, cela coûte plus
cher.
Vous avez raison de le dire. Là-dessus, on ne se chicanera pas.
Comme mon collègue d'Abitibi-Est, je suis d'accord avec vous. On se
l'est déjà dit, d'ailleurs. Ce n'est pas une question de
cachette. On est favorable à ce que la région puisse en
bénéficier, non pas de façon exagérée, non
pas de façon disproportionnée non plus. Ce qu'on demande ici et
ce que vous demandez, ce ne sont pas des faveurs spéciales. Ce sont des
choses normales. Autrement dit, on réclame ce qui, normalement, doit
revenir à une région qui, comme celle-là, fournit la
richesse naturelle. Ce n'est pas dans les "buildings" de la rue Dorchester que
les richesses naturelles existent, c'est à la Baie James, dans notre
région. C'est là que cela existe.
Cela m'amène à vous dire que, quand vous mentionnez votre
désir de voir la possibilité de décentraliser un peu
ceux-là qui prennent les décisions, de les amener un peu vers la
région, c'est une chose qui me plaît, qui me plaît beaucoup
même. La SEBJ, en soi, c'est une société qui est
mandatée par Hydro-Québec, donc qui a un mandat précis
pour un temps limité, pour le temps du développement de la Baie
James. Il me semble qu'il serait normal que le siège social, le centre
de ses activités, soit situé en région, comme ce serait
normal pour la SDBJ, notamment. Mais, je vous avoue que je n'ai pas
l'impression, en les regardant, qu'ils ont envie de faire cela demain matin,
eux autres. J'ai plutôt l'impression que ce serait plus facile de faire
descendre les barrages de la Baie James à pied à
Montréal
que de faire monter les fonctionnaires en avion à la Baie James.
Mais qu'est-ce que vous voulez? C'est une bataille qui ne sera pas facile
à faire. Sans aller jusqu'à demander qu'on déménage
l'ensemble du carrousel, il serait peut-être valable qu'on pense emmener
dans la région un peu plus de cadres, un peu plus de monde qui n'aurait
pas besoin de circuler entre la Baie James et Montréal
régulièrement, parce que c'est là que sont les richesses
naturelles. Si c'est vrai que les richesses naturelles constituent des
richesses qui doivent servir à des régions, ça devrait
être dans ce cas-là comme ça devrait être vrai pour
d'autres régions, parce que je ne plaide pas seulement pour la
nôtre. Il y a des développements dans d'autres régions et
il me semble que ce serait naturel aussi que d'autres régions aient la
même chose dans leur cas.
La consultation que vous revendiquez, je pense que c'est une bonne
suggestion. Je ne sais pas si elle sera retenue, mais elle a donné de
bons résultats. On l'a dit à cette commission parlementaire. Elle
a donné de bons résultats dans le cas du projet Delaney et elle
pourrait sûrement apporter de bons résultats aussi dans le cas du
projet NBR, par exemple. Là-dessus, vous touchez le point sensible,
parce qu'il me semble que la consultation est la base des possibilités
d'un développement mieux planifié en fonction des besoins d'une
région, en fonction aussi des retombées économiques sur
cette région et en fonction des questions sociales, parce qu'on a dit
que ces projets, évidemment, visent d'abord à procurer de
l'énergie électrique, c'est bien sûr, mais également
contribuent grandement au développement économique et social de
la province et de certaines régions. Je suis d'accord avec vous sur ce
sujet également. Que les infrastructures de Matagami servent davantage.
Là-dessus, on a eu à cette commission un représentant de
la ville de Matagami qui est venu réclamer aussi des choses semblables
à vos réclamations. Je pense qu'il avait également raison.
D'ailleurs, c'est tellement vrai que le complexe NBR est proche de Matagami que
lorsqu'il devra être réalisé, il fera monter le niveau des
eaux de la rivière Bell de quelque chose comme une dizaine de pieds, ce
qui devra obliger la ville de Matagami à faire des
déménagements de quartiers. C'est donc assez près pour
qu'on soit obligé de faire des déménagements de
quartiers.
Je voudrais, bien sûr, en plus de toutes ces choses que j'endosse,
vous demander si vous avez fait une consultation, si vous avez eu la chance de
pouvoir faire une consultation. Je sais qu'auprès de tous les
travailleurs, ce n'est pas trop facile, mais auprès des hommes
d'affaires de la région, sur ce que vous dénoncez dans votre
mémoire. La sévérité que l'on exerce quand il
s'agit de soumissions envers les hommes d'affaires de la région et,
également, un autre point que j'ai retenu, le fait que, dans certains
cas, il y avait eu des retards dans les paiements, ce qui avait pour but de
décourager certains hommes d'affaires de traiter avec la
Société d'énergie de la Baie James, est-ce que vous avez
pu faire une consultation récente à ce sujet auprès des
hommes d'affaires de ia région aux fins de savoir si ce problème
existe toujours ou s'il y a eu amélioration?
Le Président (M. Jolivet): M. Lord ou
M. Julien. (21 heures)
M. Lord: Pour ce qui est de la consultation, on n'a pas eu le
temps de faire une consultation très élaborée,
étant donné que, premièrement, on a eu le plan des
installations d'Hydro-Québec très tard, ce qui nous laissait peu
de temps pour pouvoir faire des recherches poussées afin
d'étudier davantage ce dossier. Mais les gens qu'on a consultés
et qui faisaient déjà affaires à la SEBJ sous toutes les
formes, eux entre autres nous ont dit que, par exemple, dans un cas, ils
n'étaient plus intéressés à faire affaires avec le
service des achats de la SEBJ, parce qu'ils trouvaient qu'il était
vraiment trop exigeant et que, pendant le temps qu'ils perdaient à
transiger avec lui, ils négligeaient certains clients et leur chiffre
d'affaires s'en ressentait. Alors, dans bien des cas où ils nous
répondaient, cela rejoignait cette idée.
Probablement que M. Julien, en tant qu'industriel qui fait affaires
assez régulièrement avec ces gens, pourrait donner plus de
détails.
M. Julien: Nous n'avons pas, M. le député, fait de
grandes concertations à ce moment précis, parce que, faisant
affaires de temps à autre moi-même avec la SEBJ, je sais
pertinemment bien que, présentement, les travaux sont très
modérés dans tous les chantiers. Ce n'est pas un bon moment pour
faire une vérification parce que je ne pense pas qu'il y ait de gros
contrats à exécuter présentement. De toute façon,
les gens de l'Abitibi ne sont pas beaucoup impliqués présentement
dans le domaine.
Je voulais revenir surtout sur la question du transport, que vous
sembliez appuyer tantôt. Ce que je voudrais bien que la commission
comprenne, c'est que dans le Nord-Ouest présentement il faudrait
absolument que la population augmente au moment où on a un projet
d'envergure qui est en marche. Or, la façon d'augmenter la population de
l'Abitibi n'est certainement pas d'avoir un avion qui transporte les gens
directement de Montréal. Si les gens allaient de l'Abitibi vers la Baie
James, on aurait certainement une population qui viendrait
s'établir chez nous. La société d'énergie
épargnerait probablement de l'argent sur le transport étant
donné que les gens seraient établis dans l'Abitibi. Quand les
gens sortiraient au moment des vacances, ils n'auraient qu'à sortir vers
l'Abitibi, ils pourraient s'établir chez nous et vivre aussi bien chez
nous que l'on peut vivre ailleurs. Cela nous donnerait l'avantage d'aller se
chercher une population entre 25,000 et 50,000 qui nous rendrait un peu plus,
vis-à-vis du reste de la province, aptes à être reconnus
comme faisant partie nous autres aussi de la province de Québec.
M. Samson: Est-ce que vous avez eu l'occasion de demander des
rencontres avec les autorités de la SEBJ aux fins de pouvoir discuter
l'ensemble de tous ces dossiers avec eux? Est-ce que vous avez fait ce genre de
demande auprès de la SEBJ?
M. Lord: Disons qu'on a une recontre qui est prévue pour
le 3 avril avec les autorités de la SEBJ pour pouvoir vraiment
établir les bases, les modalités qui serviront dans l'avenir de
contact entre la région et la SEBJ.
M. Samson: Est-ce qu'à cette occasion - j'imagine que
c'est une première rencontre, le 3 avril - vous avez l'intention de
tenter de mettre sur pied un groupe de travail représentatif de certains
groupes socio-économiques de la région, en plus du vôtre,
bien entendu? Est-ce que c'est là votre intention?
M. Lord: Actuellement, il y a certains projets dans la
région qui sont en mûrissement et, lorsqu'ils seront plus
avancés, probablement qu'il va avoir, par exemple, une association des
entrepreneurs, des fournisseurs du Nord-Ouest. Il y a possibilité
également de regroupement de certains fournisseurs pour avoir un
meilleur volume et, à ce moment, ce serait plus facile aux gens de la
région éventuellement de soumissionner sur les gros contrats.
De toute façon, cela restera à déterminer avec le
service des achats et les gens de la SEBJ.
M. Samson: Dans toutes vos revendications, notamment dans la
question des achats, dans la question de la main-d'oeuvre permanente à
venir, question du transport, nous souhaitons que vous puissiez en arriver
à des ententes valables et satisfaisantes avec la Société
d'énergie de la Baie James. Je vous invite à nous faire part du
résultat de ces rencontres à l'occasion, et soyez assurés
que nous recevrons vos suggestions de façon très sympathique.
Le Président (M. Jolivet): Merci. M.
Lord et M. Julien, au nom des membres de la commission, je vous remercie
de votre déposition.
J'invite maintenant la Chambre de commerce de Sept-Îles,
représentée par M. Jacques Hamel. Pendant que M. Hamel s'installe
avec son collègue, je tiens à déposer, au nom du
Comité d'environnement d'Alma Inc., le mémoire 36M, qui sera
toujours disponible à la bibliothèque de la Législature
ainsi qu'au secrétariat des commissions.
À M. Hamel, de la Chambre de commerce de Sept-îles, je
demanderais de nous faire connaître le nom de son collègue.
Chambre de Commerce de Sept-Îles
M. Hamel (Jacques): J'aimerais, en premier lieu, vous
présenter le directeur général de la Chambre de commerce
de Sept-îles, M. Michel Gingras, qui m'accompagne ce soir.
M. le Président, messieurs les députés qui
siègent à cette commission parlementaire, nous voudrions tout
d'abord vous remercier pour l'occasion qui est offerte à la Chambre de
commerce de Sept-îles de s'exprimer devant vous sur un sujet qui est
devenu, par les événements survenus dernièrement sur la
Côte-Nord et en particulier à Sept-îles, un sujet
d'extrême importance pour la survie même de ce coin du
Québec.
La Chambre de commerce de Sept-îles existe depuis le 14
février 1954. Elle a été fondée pour regrouper les
gens d'affaires des secteurs commercial, industriel, financier ainsi que toute
personne intéressée à la promotion du développement
économique et social de son milieu. Depuis plus de 25 ans, la Chambre de
commerce de Sept-Îles s'applique à suivre de près
l'économie de Sept-îles afin d'en maximiser les retombées
économiques possibles. La Chambre de commerce de Sept-îles est
supportée par près de 300 membres et, de ce fait, elle est
l'organisme le plus représentatif de la communauté des affaires
de Sept-Îles. Plusieurs de nos membres nous ont fait part de leurs
préoccupations face au développement hydroélectrique sur
les rivières de la Côte-Nord. C'est pourquoi nous vous
présentons ce mémoire.
Depuis près de deux ans maintenant, la région
Sept-Îles-Port-Cartier encaisse coup dur sur coup dur. En effet,
après la fermeture de l'usine Rayonier-Québec, à
Port-Cartier, c'est maintenant aux compagnies minières de toute la
région de connaître des difficultés. Ainsi, la compagnie
minière IOC, principal employeur de Sept-Îles, annonçait
récemment la mise à pied de 650 employés. Elle
était suivie, quelques semaines plus tard, par la compagnie
Québec-Cartier qui, elle, annonçait la mise à
pied de 85 travailleurs. De plus, la semaine dernière,
SIDBEC-Normines annonçait à la population l'interruption de ses
activités pour une durée de six à neuf semaines au cours
de l'été prochain. Toutes ces mises à pied font craindre
le pire aux habitants de Sept-îles et de Port-Cartier.
Dans une étude de l'OPDQ rédigée en 1979, on
pouvait voir que la croissance démographique de la Côte-Nord
était la plus élevée du Québec, entre 1966 et 1976,
soit 18%. Or, dans une recherche effectuée par la chambre de commerce en
1980, on dénote que la ville de Sept-Îles a eu une croissance
démographique nulle, entre 1976 et 1980. En 1976, il y avait 30,617
habitants et, en 1980, la population est de 30,620. De plus, ce taux de
croissance était calculé avant l'annonce par les compagnies
minières des mises à pied.
Dans son étude citée plus haut, l'OPDQ notait: "II faudra
probablement attendre le prochain cycle d'investissements, vraisemblablement au
cours de la décennie 1980-1990, lors de la construction de barrages et
de l'exploitation de nouvelles ressources pour qu'un tel nombre d'emplois
puisse être créé."
Le nombre d'emplois à créer dont parle l'OPDQ, c'est
13,000 emplois. Ce nombre devait garder le taux de chômage au niveau de
1976, soit approximativement 10%. Or, en janvier 1981, le taux de chômage
atteignait 13% avant l'annonce des mises à pied par les compagnies
minières.
La Chambre de commerce de Sept-îles croit sincèrement que
l'évaluation de l'OPDQ est réaliste et endosse la citation
mentionnée plus haut.
Nous croyons sincèrement que la main-d'oeuvre représente
la plus belle richesse de la Côte-Nord. En ce sens, il devient important
d'empêcher l'exode qui ne manquera pas de survenir si les mises à
pied continuent et durent pour des périodes qui deviendraient
innacceptables pour nos travailleurs.
Bien entendu, il est indispensable de diversifier notre économie
et que celle-ci soit prise en main par des investisseurs locaux. Pour ce faire,
la chambre de commerce, en concertation avec la Corporation de promotion
industrielle de Sept-Îles, désire établir les bases de
cette prise en main lors d'un sommet économique au mois de mars 1981,
c'est-à-dire, plus précisément, les 20 et 21 mars
prochain. Cependant, tout comme l'OPDQ, nous croyons que "la prise en charge
par les gens eux-mêmes de leur propre développement avec le
soutien de programmes spéciaux de l'État constitue la base d'un
cadre souhaité d'intervention."
La Chambre de commerce de Sept-Îles considère que le
développement hydroélectrique de la rivière Romaine
constitue un programme spécial qui pourra très bien jouer ce
rôle.
Les projets de développement d'Hydro-Québec sur la
Côte-Nord seront sûrement un des plus précieux moyens de
raffermir l'économie de la Côte-Nord. Ainsi, les infrastructures
mises en place pour les constructions sur la rivière Romaine
accéléreront la jonction routière entre le reste de la
Moyenne-Côte-Nord et Havre -Saint-Pierre. De plus, l'accès aux
ressources telles que la forêt, les gisements miniers et la faune sera
facilité.
Dans le texte "Une stratégie pour la décennie 80", il est
dit: "Le plan des installations d'Hydro-Québec a été
conçu de façon dynamique. Il est révisé
régulièrement tous les ans pour rajuster son déroulement
et son contenu en fonction de nouvelles connaissances et des changements dans
la conjoncture énergétique et économique. Ces
considérations englobent non seulement les aspects techniques et
économiques des projets mais aussi d'autres éléments
fondamentaux tels que l'environnement naturel, les contraintes politiques, les
préoccupations du public, les possibilités de financement et la
disponibilité des ressources matérielles et humaines."
La Chambre de commerce de Sept-Îles croit que les dirigeants
d'Hydro-Québec sont sincères lorsqu'ils déclarent ce qui
précède. En ce sens, nous les encourageons à devancer la
date du début des travaux sur la rivière Romaine, début
qui était prévu pour 1985.
Plusieurs raisons nous amènent à faire une telle demande.
Tout d'abord, la disponibilité des ressources matérielles et
humaines. Même si Sept-Îles a été durement
touchée dernièrement, il n'en reste pas moins que les ressources
humaines et matérielles sont présentement encore disponibles sur
place. De plus, les effectifs affectés aux projets
hydroélectriques de base sont en baisse à partir de 1981
jusqu'à 1985 et nous croyons que ce sujet a été hautement
discuté durant la dernière semaine. Devancés à
1982, le début des travaux sur la Romaine ne représente pas une
surcharge du côté de la main-d'oeuvre pour
Hydro-Québec.
Deuxièmement, les préoccupations du public. Contrairement
à la croyance publique, l'étude socio-économique
auparavant citée semble indiquer qu'il existe effectivement un sentiment
d'appartenance à la Côte-Nord qui se développe de plus en
plus fortement. Or, les gens sont de plus en plus inquiets face à la
situation économique de Sept-Îles et ils regardent avec angoisse
vers l'avenir. Il ne faudrait pas que la région de
Sept-Îles-Port-Cartier devienne une autre région à
chômage chronique. Une action prompte encouragerait sûrement les
gens à demeurer dans leur région d'adoption. (21 h 15)
Avant de conclure, nous aimerions
réviser avec vous quelques-unes des interventions de la semaine
dernière et apporter nos commentaires. L'économie de la
Côte-Nord est malade et nous croyons que le projet de
développement hydroélectrique de la rivière Romaine, sans
être le remède miracle pour guérir cette maladie, pourrait
certainement être un remontant qui nous permettrait de vaincre le cancer
qui nous ronge avant que ce dernier ne se généralise et n'emporte
la région de Sept-Îles-Port-Cartier.
Dans le rapport sur les audiences de la semaine dernière, M.
Damien Morissette, président de l'Association des constructeurs de
routes et grands travaux du Québec, estimait qu'il serait difficile de
combler les besoins d'expertise et de main-d'oeuvre que demande l'avalanche de
projets à partir de 1985. Or, voici qu'il existe présentement sur
la Côte-Nord une main-d'oeuvre disponible et qualifiée. Cependant,
il n'est pas sûr que cette main-d'oeuvre sera encore présente en
1985. Avec les difficultés que l'on connaît, il est logique de
penser qu'un exode est possible, voire probable, mais sûrement pas
souhaitable.
Toujours en prenant connaissance des déclarations de la semaine
dernière devant cette commission, deux autres points ont attiré
notre attention: tout d'abord, la Chambre de commerce de Sept-Îles
voudrait dire qu'elle partage les vues de M. le ministre Bérubé
lorsque celui-ci s'étonnait des craintes d'Hydro-Québec qui
prévoyait avoir de la difficulté à trouver les
$2,800,000,000 par année jusqu'en 1985, alors qu'elle prévoit
être capable de s'en procurer $8 milliards par année entre les
années 1985 et 1990. Nous croyons cependant que d'avancer les travaux de
la Romaine permettrait de mieux équilibrer ses problèmes
d'emprunts.
L'autre point qui a attiré notre attention, c'est la
déclaration du Comité de promotion économique de
Montréal qui demandait à Hydro-Québec de confier aux
entreprises privées plusieurs tâches, plutôt que de tout
faire intra-muros. À ceci, nous aimerions ajouter que nous souhaitons
qu'Hydro-Québec favorise le plus possible les entreprises
régionales dans les régions où elle effectue des
travaux.
Pour terminer, nous retournons aux trois dernières pages du
mémoire que nous vous avons présenté. Nous croyons que
notre point de vue y était très bien
représenté.
La Chambre de commerce de Sept-Îles croit que le contexte
socio-économique de la région de Sept-Îles et Port-Cartier
a changé depuis la publication de "Une stratégie pour la
décennie 80." En conséquence, nous croyons que: attendu que le
projet de développement hydroélectrique sur la rivière
Romaine est un projet rentable et déjà étudié par
Hydro-
Québec; attendu que la région de Sept-Îles et
Port-Cartier vit présentement des heures difficiles
économiquement dues aux mises à pied faites par les compagnies
minières; attendu qu'une telle situation pourrait mener à un
exode de la main-d'oeuvre et qu'un tel exode n'est pas souhaitable; attendu
qu'il existe, même avant les mises à pied des compagnies
minières, un taux de chômage inacceptable de 13% sur la
Côte-Nord; attendu que les divers organismes locaux, dont la Chambre de
commerce de Sept-Îles, tentent présentement d'assurer une
diversification de l'économie de la région et qu'un vent
d'optimisme les aiderait dans cette initiative; attendu qu'il existe
présentement une main-d'oeuvre qualifiée et disponible sur la
Côte-Nord; attendu que le développement de la Romaine facilitera
les communications entre la Basse-Côte-Nord et le reste du Québec;
attendu qu'Hydro-Québec déclare pouvoir réviser ses plans
régulièrement pour pouvoir s'ajuster à la situation;
attendu que la population actuelle désire demeurer sur la
Côte-Nord et qu'il est acquis comme un droit de pouvoir travailler; en
conséquence, la Chambre de commerce de Sept-Îles se prononce en
accord avec le document "Une stratégie pour la décennie 80", mais
demande que les travaux du projet de développement
hydroélectrique de la rivière Romaine débutent dans le
cours de l'année 1982. Ceci afin d'aider la région
Côte-Nord à diversifier son économie.
M. le Président, MM. les députés, nous vous
remercions de l'attention que vous nous avez apportée et nous
espérons que nos représentations ne resteront pas lettre morte
puisqu'à 13,4% de chômage avant la mise à pied par des
compagnies minières, la Côte-Nord est en danger. Merci.
Le Président (M. Jolivet): Merci, M. Hamel. La parole est
au député de Châteauguay.
M. Dussault: Merci, M. Hamel. M. le député de
Duplessis, mon collègue, a dû quitter très tôt cet
après-midi. Il m'a prié de l'excuser auprès de vous. Il
m'a remis d'ailleurs une lettre à ce sujet. Je vous l'ai transmise tout
à l'heure. Il me demande de vous transmettre ses félicitations
pour vous être donné la peine de venir à Québec
présenter les difficultés économiques de la région,
dont fait partie Sept-Îles, et venir insister sur la
nécessité de commencer les travaux d'aménagement de la
rivière Romaine au plus tôt afin de résoudre une partie
tout au moins de ces difficultés.
Il m'a laissé des notes de façon à
pouvoir toucher des questions qui lui tiennent très à
coeur. La première question porterait sur le contexte économique
de la région. Il me dit que la Chambre de commerce de Sept-Îles
souligne, à la page 2 du mémoire, qu'elle suit de très
près l'économie de Sept-îles et de la région
environnante. D'ailleurs, on le voit par un mémoire. Je pense que c'est
une étude qui a été faite par la Chambre de commerce de
Sept-Îles. Elle souligne aussi, à la page 7, que les projets
d'Hydro-Québec sur la Côte-Nord seront un des plus précieux
moyens de raffermir l'économie de la Côte-Nord.
En premier lieu, avant d'aborder le projet spécifique de la
Romaine et afin de se replacer dans le contexte économique de la
région, est-ce que le représentant de la Chambre de commerce de
Sept-Îles pourrait nous dire quels sont les autres principaux projets ou
moyens qui sont à envisager au cours des prochaines années pour
raffermir l'économie de sa région?
Autrement dit, si les travaux d'aménagement de la rivière
Romaine ne commencent qu'en 1985, comme cela est prévu au document de la
société HydroQuébec, une stratégie pour la
décennie 1980, est-ce que les difficultés économiques que
vous avez signalées dans votre mémoire pourraient être
résolues par la réalisation d'autres projets prévus dans
la région?
M. Hamel: M. le Président, la Chambre de commerce, comme
on l'a dit dans le mémoire avec la Corporation de promotion
industrielle, tente actuellement de trouver les moyens pour diversifier
l'économie. Vous savez, sur la Côte-Nord, sûrement que les
gens ne pensaient pas que les compagnies minières pourraient annoncer un
jour ce qu'elles ont annoncé au début de janvier. Nous, à
la Chambre de commerce, croyons que d'abord pour diversifier l'économie,
Sept-îles doit commencer par développer ses installations
portuaires. Nous croyons que toute l'économie de Sept-Îles est
axée à son port, et avec les travaux qui ont été
faits dernièrement, tout semble prêt pour effectivement commencer
ce développement. Donc, nous attendons des décisions à ce
sujet. Nous croyons que la venue de nouveaux développements portuaires
à Sept-îles amènerait facilement une diversification. Pour
cette raison, Hydro-Québec, en avançant ses projets sur la
rivière Romaine, ferait en sorte durant le temps que le
développement portuaire s'effectuerait de trouver à nos
travailleurs la main-d'oeuvre nécessaire pour les occuper.
M. Dussault: Maintenant, sur les difficultés
d'aménagement rapide de la rivière Romaine comme telle, il se
trouve un problème de négociations avec Terre-Neuve. Cela a
été évoqué par Hydro-Québec, ce qui nous a
été signalé la semaine dernière lors de la
présentation du plan à la commission parlementaire. On disait que
l'un des facteurs qui empêchait l'amorce rapide des travaux
d'aménagement sur la rivière Romaine provenait de
problèmes de négociation avec Terre-Neuve. Est-ce que ces deux
variantes sont présentement étudiées à
Hydro-Québec? Une première variante à quatre centrales et
d'une puissance de 1416 mégawatts nécessite d'abord une entente
avec Terre-Neuve. Une seconde variante a trois centrales seulement et d'une
puissance inférieure à 1300 mégawatts permettrait
d'éviter tout débat donnant sur le territoire du Labrador et donc
pourrait être construite sans accord avec Terre-Neuve, mais à un
coût légèrement supérieur. Compte tenu que les
négociations avec la province de Terre-Neuve semblent être l'une
des principales questions qui retardent le début des travaux sur la
rivière Romaine, est-ce que la Chambre de commerce de Sept-Îles a
pris connaissance de ces deux variantes et, si oui, est-ce qu'il en
privilégie une en particulier?
M. Hamel: Oui, effectivement, la Chambre de commerce a pris
connaissance de ces variantes lorsqu'elle a lu le document
qu'Hydro-Québec est d'ailleurs venu nous présenter à
Sept-Îles il y a quelques semaines. C'est sûr qu'il serait
souhaitable d'avoir le complexe à quatre barrages. Il serait souhaitable
que les négociations avec Terre-Neuve s'engagent dans les plus brefs
délais, mais si jamais il n'y a pas de possibilité d'entente
entre Terre-Neuve et le Québec, il reste que je pense qu'on a
déjà trouvé la solution à Hydro-Québec avec
un complexe à trois barrages qui, selon le document, coûterait un
peu plus cher à construire. On pense que la solution est
déjà là; on a déjà trouvé la solution
si jamais aucune entente ne semble souhaitable.
M. Dussault: On a évoqué aussi le problème
de la rivière à saumon comme étant un facteur de plus qui
retarderait le début des travaux de l'aménagement de la
rivière Romaine. Cela a donc trait à l'environnement. Il semble
en effet que la rivière Romaine soit une importante rivière
à saumon, selon ce que nous a dit Hydro-Québec lors de son
passage en commission. Est-ce que la Chambre de commerce de Sept-Îles a
une opinion sur cette question?
M. Hamel: Effectivement, on sait que, sur la Côte-Nord, il
existe des rivières à saumon. Que je sache, sur la
Côte-Nord, il existe actuellement des associations pour la protection de
l'environnement et que je sache, aucune de ces associations ne s'est
présentée ici, devant la commission, pour défendre son
point de vue. Il faut se demander jusqu'à quel point l'environnement
serait attaqué quant au saumon dans le cas de la rivière
Romaine.
M. Dussault: Ce serait donc une préoccupation fort louable
d'Hydro-Québec mais qui ne serait pas partagée par la population
dans votre région.
M. Hamel: On n'a pas de données, tout ce qu'on peut vous
dire: C'est qu'il existe actuellement certaines associations qui sont
déjà très actives sur la Côte-Nord pour la
protection de l'environnement. On se demande pourquoi ces associations ne se
sont pas présentées à cette commission si, effectivement,
il y avait de graves problèmes quant à la protection du saumon de
la rivière Romaine.
M. Dussault: En terminant, vous dites, dans votre mémoire
que les effectifs affectés aux projets hydroélectriques de base
sont en baisse de 1981 à 1985. Cela a été effectivement
discuté, vous en avez parlé un peu tout à l'heure aussi.
Devancer à 1982 le début des travaux sur la rivière
Romaine ne représente pas une surcharge du côté de la
main-d'oeuvre pour Hydro-Québec. Est-ce que la Chambre de commerce de -
j'ai failli dire de Châteauguay - Sept-Îles pourrait apporter des
précisions sur cette question, sur cet argument qui paraît
intéresser plusieurs personnes?
M. Hamel: À savoir?
M. Dussault: Relativement au creux d'emploi prévu de 1981
à 1985, et en commençant les travaux sur la rivière
Romaine en 1982 - le député de Duplessis pense comme vous, mais
il voudrait que vous donniez davantage d'explications là-dessus -cela ne
représenterait pas une surcharge de main-d'oeuvre du côté
d'Hydro-Québec. Est-ce votre point de vue?
M. Hamel: M. Gingras va vous répondre.
M. Gingras (Michel): Depuis la semaine dernière, vous avez
dû entendre plusieurs organismes qui sont venus dire exactement la
même chose que nous à ce niveau, entre autres M. Laberge ce matin.
Présentement -là, je prends les chiffres d'Hydro-Québec -
il y a 11,100 personnes employées sur les chantiers; à partir de
1982 et ce jusqu'en 1985, on reste en deçà de 8700 en 1982, et
cela atteint un creux à 7700 en 1983.
Pour pouvoir équilibrer la demande de main-d'oeuvre, nous croyons
qu'il serait très à propos de commencer plus tôt les
travaux sur la Romaine; de cette manière, on enlèverait une
surcharge sur la demande de la main-d'oeuvre à partir de 1985.
M. Dussault: Je vous remercie au nom du député de
Duplessis.
Le Président (M. Jolivet): Merci. M. le
député d'Outremont.
M. Fortier: M. Hamel, je vous remercie de vous être
déplacé pour venir nous voir. J'étais moi-même
à Sept-Îles dimanche dernier et j'ai été à
même de discuter du sujet que vous avez abordé aujourd'hui avec
plusieurs des Sept-Îlois, des gens de la région, pour constater
jusqu'à quel point il y a un besoin de développement
économique et d'action, non pas d'études à ce stade-ci de
la situation. (21 h 30)
Pour en avoir discuté avec des gens de votre ville et de votre
région, je sais que la proposition qu'ils mettent de l'avant va dans le
sens de développer une rivière qui, d'après l'information
qu'Hydro-Québec nous donne, est compétitive par rapport à
d'autres rivières, et que la solution que vous proposez est pour vous de
probablement substituer cette rivière à une autre, mais de faire
en sorte que le résultat soit quand même une proposition
économique. Les gens ont fait état de la possibilité
d'attirer certaines industries qui requièrent de grandes
quantités d'énergie. Bien sûr, pour ce faire, il faut que
notre énergie soit compétitive et que, quelle que soit la
solution trouvée, la tarification d'Hydro-Québec ne soit pas
artificiellement haute, en prenant en considération la construction des
projets qui seraient mis en oeuvre.
J'ai pris note du fait qu'en 1979 le gouvernement a fait faire par
l'OPDQ une étude sur le développement ou ce qui pourrait
être fait pour développer la région.
J'imagine que vous avez dû avoir des rencontres avec le ministre
Bérubé ou d'autres ministres. Avez-vous eu des rencontres et
cette proposition que vous faites dans votre mémoire, est-ce la
première fois que vous la mettez sur la table ou s'il y a eu des
discussions qui auraient pu vous éclairer davantage sur la
possibilité de sa réalisation?
M. Hamel: Non, effectivement, c'est la première fois que
cette proposition est mise sur la table, mais nous comptons bien, lors de notre
sommet économique à Sept-Îles, les 20 et 21 mars prochains
- d'ailleurs, M. Bérubé nous a confirmé sa venue à
Sept-Îles, lors de ce sommet - pouvoir en discuter de façon plus
particulière avec lui; mais c'est la première fois que
nous...
M. Fortier: C'est la première fois que vous la mettez de
l'avant? C'est malheureux que votre sommet économique arrive en
période électorale; de toute évidence ce n'est
peut-être pas le moment le plus
fructueux. Mais quand même, nous prenons note de vos propositions
et j'ose espérer que le ministre pourra résoudre votre
problème avant les prochaines élections.
M. Bérubé: Vous en prenez bonne note et vous prenez
l'engagement que si vous êtes élus, évidemment, vous allez
leur donner tout ce qui est demandé.
M. Fortier: M. le ministre, ne faites pas de promesses pour moi,
moi, je n'en fais pas!
M. Bérubé: Parfait!
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Rouyn-Noranda.
M. Samson: M. le Président, je voudrais également
féliciter la Chambre de commerce de Sept-Îles qui nous
présente un mémoire ce soir. C'est le dernier mémoire
à nous être présenté. Vous nous venez de loin et
j'ai entendu dire que vous devez repartir par avion vers 23 heures; on va
tenter de ne pas vous garder trop longtemps.
Je pense que les problèmes que vous connaissez dans votre
région méritent une attention spéciale. Quant à
nous, nous sommes tout à fait sympathiques aux problèmes que vous
connaissez; particulièrement moi qui vous parle, qui viens d'une
région minière où nous avons eu aussi à
connaître des problèmes de fermeture semblables à ceux que
vous connaissez présentement, avec des hauts et des bas.
Évidemment, le creux de la vague est toujours difficile à
prendre, mais je dois vous féliciter pour la façon dont vous
approchez les choses. Je vous félicite spécialement car je vois,
dans votre présentation, que vous voulez diversifier votre
économie et, pour autant que cela puisse être possible, que ce
soit fait à partir d'investisseurs locaux, donc de personnes
intéressées à la région, qui sûrement auront
beaucoup plus d'intérêt à maintenir leurs investissements
et à les faire fructifier, donc à multiplier les emplois.
Dans votre présentation, vous incluez, comme possibilité
de... je ne sais pas si on peut appeler cela une relance économique,
c'est plutôt - dans votre cas et compte tenu du problème
particulier que vous connaissez dans votre région - un tampon pour tenir
le coup en attendant que les activités minières reprennent, parce
qu'elles reprendront un jour, c'est sûr. Votre sous-sol est riche en
minerai, votre région est une région qui promet
énormément, c'est une question de temps, mais il faut tenir le
coup entretemps. C'est bien sûr qu'il faut que les gens puissent se
loger, s'habiller, se nourrir convenablement en attendant que les
activités minières reprennent et que le marché permette
aux activités minières de reprendre.
Vous avez, je pense, fait preuve de beaucoup de courage et d'initiative,
dans ce contexte de vos préoccupations. Vous demandez qu'Hydro, qui est
un organisme gouvernemental qui nous a démontré sa
préoccupation économique et sociale au tout début de sa
présentation, la semaine dernière, vous donne un coup de pouce en
faisant avancer son projet de la Romaine et, évidemment, j'ai cru
comprendre que vous vous adressiez en même temps au gouvernement qui a un
gros mot à dire sur cette question. Compte tenu des circonstances, si
cela est physiquement et techniquement possible, il me semble que votre
proposition d'avancer les travaux de la Romaine à 1982 serait une
proposition qui permettrait à votre population de tenir le coup, en
attendant que les autres activités reprennent.
Finalement, sur le plan de la logique et du bon sens, que la
construction d'un barrage soit faite en 1982 ou en 1985, une fois que la
construction est faite, on ne peut pas construire deux fois la même
chose, ce n'est que déplacer l'activité dans le temps, mais en la
déplaçant dans le temps, cela vous permettrait de tenir le coup,
si j'ai bien compris votre présentation. Dites-moi, si j'ai mal compris.
Premièrement, avez-vous bien voulu dire cela? Deuxièmement,
avez-vous eu des discussions avez les autorités d'Hydro pour savoir si
elles seraient techniquement et physiquement prêtes - mettons la question
des finances de côté pour le moment - à commencer en
1982?
M. Hamel: À votre deuxième question, je pourrais
vous répondre immédiatement que, compte tenu
qu'Hydro-Québec est quand même venue nous présenter son
document dans la semaine précédant cette commission, nous n'avons
pas encore rencontré Hydro-Québec à ce sujet. Nous avons
fait part à la personne d'Hydro-Québec qui est venue à
Sept-Îles de nos préoccupations et elle n'a pas pu répondre
spécifiquement à cette question. Mais nous espérons bien
qu'à la suite de cette commission parlementaire nous pourrons rencontrer
les dirigeants d'Hydro et approfondir le mémoire qu'on leur soumet.
À votre première question, j'aimerais simplement aller
comme vous et dire que ce que nous demandons, c'est un peu ce que vous avez
décrit précédemment, que l'apport qu'Hydro-Québec
pourrait donner à Sept-Îles et sur la Côte-Nord serait un
apport semblable à ce que la Société d'énergie de
la Baie James a pu apporter dans votre coin, comme vous l'avez si bien
décrit tantôt juste avant nous. Tout ce qu'on demande, c'est un
peu ce que la Société d'énergie de la Baie James a pu
apporter dans votre région. On est sûr que si la
Société d'énergie de la Baie
James et Hydro-Québec nous apportaient ce qu'elles ont pu donner
à votre région, les jours seraient sûrement meilleurs et
qu'on pourrait assurer la survie de notre main-d'oeuvre à
Sept-Îles.
M. Gingras: J'aimerais relever deux points de votre intervention.
Vous avez d'abord parlé du creux de la vague. C'est vrai que le creux de
la vague est dur à passer, mais dans la région
Sept-Îles-Port-Cartier, il est doublement dur à passer pour une
raison, c'est que les gens ne viennent pas de cette région. Cela a pris
trente ans pour développer un minimum de sentiment d'appartenance
à la région de la Côte-Nord. Ce sentiment va-t-il
disparaître en cinq ans, parce qu'il n'y aura plus de travail pendant
cette période? Faudra-t-il recommencer complètement à
partir de 1985? C'est la question que je pose.
On demandait tout à l'heure s'il était possible
techniquement de commencer les travaux sur la rivière Romaine. Il y a
sûrement un côté technique qu'il est facile de commencer et
ce sont les travaux d'accès. Si ces travaux d'accès routiers
devaient ne pas servir à Hydro-Québec, pour des raisons que
j'ignore, parce que la Romaine ne pourrait être développée,
ils pourraient au moins nous aider à réunir la
Basse-Côte-Nord avec le reste du Québec et je pense que c'est un
point assez important. Présentement, je ne crois pas qu'on ait besoin de
beaucoup d'études pour commencer ces travaux d'accès et cela
serait sûrement une bonne place pour commencer.
M. Samson: M. le Président, je voudrais seulement
souligner un point que M. Gingras, je pense, vient de mentionner. Ce fameux
creux de vague arrive après 30 ans d'existence, ce qui vous rend la vie
difficile. Dans la région que je représente, qui est une
région minière aussi, on a eu le même problème que
vous connaissez à peu près à 30 ans d'existence
également. Je vous comprends probablement plus que n'importe qui autour
de la table parce que j'ai connu le problème et je vous assure qu'il
n'est pas facile à passer, mais il passe quand on a la volonté
que vous avez et c'est à partir des gens du milieu que l'on peut le
mieux surmonter ce genre de choses. C'est votre détermination que vous
manifestez ce soir. Je trouve que vous prenez les choses par le bon bout et je
vous encourage énormément à continuer.
Vous avez dit que vous n'avez pas eu la chance d'avoir des discussions
avec les dirigeants d'Hydro-Québec. C'est sûr que vous aurez
avantage à en avoir. Vous avez le président qui est
derrière vous et qui est aux écoutes. Il a été aux
écoutes durant tout le temps de cette commission parlementaire et je
pense que, comme dernier intervenant, il pourrait probablement s'occuper de
vous spécialement et voir à peut-être discuter avec vous de
possibilités de venir donner son petit coup de pouce, lui et d'autres,
parce qu'il y a d'autres intervenants qui seront sûrement appelés
à la rescousse. Vous en appellerez sûrement et il y en a
probablement d'autres qui nous écoutent qui saisiront le message et qui
auront des suggestions à faire pour venir en aide à votre
région. Il faut que votre région continue à se
développer. Votre région est très prometteuse. Il faut
tenir le coup pendant les quelques moments que cela va durer; vous avez un
sous-sol immensément riche et il ne faudrait pas que les gens repartent
de là pour finalement y retourner plus tard. Cela ne donnerait pas
grand-chose. Je le dis de façon assez à l'aise parce que j'ai
beaucoup de concitoyens qui sont chez vous, parce que c'est une région
minière. Ils sont partis de ma région minière au moment
où on avait le creux de la vague pour aller chez vous. C'est sûr
que ces gens comprennent ce que je veux dire ce soir.
Je vous souhaite bonne chance. Vous avez toute notre
considération, la sympathie et la collaboration de notre groupement
parlementaire.
Le Président (M. Jolivet): M. Hamel, M. Gingras, merci au
nom des membres de la commission et nous vous souhaitons un bon retour.
Nous voilà maintenant rendus, après près de six
jours de discussions, à ce qu'on a appelé la conclusion et elle
se produira de la façon suivante: Nous nous sommes entendus au niveau de
cette table pour que, d'abord, Hydro-Québec ait un moment de 20 minutes
au maximum. M. le ministre aura 20 minutes. M. le député
d'Outremont, comme représentant de l'Opposition officielle, aura 20
minutes. Les gens de l'Union Nationale, nous ayant dit qu'ils ne pouvaient pas
être ici ce soir, auraient eu droit aussi à 20 minutes. M. le
ministre conclura cette série de six jours de rencontres.
J'invite donc les membres d'Hydro-Québec à venir
s'installer ici à l'avant et à débuter.
M. Bourbeau, la parole est à vous.
Conclusion M. Joseph Bourbeau
M. Bourbeau (Joseph): M. Le Président, M. le ministre, MM.
les membres de la Commission permanente de l'énergie et des ressources,
mon propos se limitera ce soir à vous livrer tout d'abord mes
premières impressions sur les présentations auxquelles nous avons
assisté ces jours derniers. Je vous ferai part ensuite des gestes que
j'entends poser pour assurer que les travaux de cette commission parlementaire
aient un prolongement concret.
Je voudrais, M. le Président, au terme de ces audiences, vous
exprimer mon appréciation et celle des représentants
d'Hydro-Québec. D'une part, nous sommes sensibles à
l'intérêt manifesté à l'endroit de notre entreprise
par les nombreux intervenants qui se sont présentés devant la
commission. D'autre part, j'ai le sentiment du devoir accompli, car j'ai
vraiment l'impression que les efforts d'information mis en oeuvre au cours des
derniers mois ont donné de bons résultats. (21 h 45)
Je tiens aussi à souligner la qualité des mémoires
qui ont été soumis ici. Ils témoignent d'une
capacité d'analyse remarquable, compte tenu de la complexité des
sujets abordés et des délais impartis aux intervenants pour les
préparer.
La lecture de ces mémoires laisse voir une nette évolution
de la pensée des Québécois et de leur engagement en
matière d'énergie, depuis les audiences de la commission
parlementaire de février 1977.
Bien que l'autosuffisance et les économies d'énergie
demeurent encore aujourd'hui les deux grandes préoccupations en
matière énergétique au Québec, la teneur des
exposés ne laisse aucun doute sur le chemin parcouru au cours des
dernières années. La réflexion a gagné en
profondeur et en originalité. J'ai même le sentiment, M. le
Président, que les mémoires recèlent - et c'est pourquoi
il faudra en faire une analyse plus poussée - des voies nouvelles pour
assurer un meilleur avenir énergétique au Québec.
Un des faits qui m'a particulièrement frappé, c'est que
des citoyens aient pris la peine et le temps de venir nous exposer leurs vues
sur certains aspects de la question énergétique. Je pense
à Michel Jurdant, qui propose un nouveau modèle de
société; je pense à Denis Bouliane, qui explore des moyens
inédits de financer le développement hydroélectrique du
Québec; à Jean Gagnon, qui préconise l'aménagement
accéléré de toutes nos rivières; et enfin, à
Pierre Marissal, qui fait part de ses craintes à l'égard du
nucléaire.
Me frappent également les mémoires des centrales
syndicales qui insistent sur l'importance des conditions de vie sur les grands
chantiers. Je leur sais gré d'avoir tenu à s'engager dans ce
qu'on peut qualifier de réflexion sérieuse sur les questions
d'énergie et de nous rappeler les dimensions humaines de
l'activité de notre entreprise.
D'autres organismes nous ont aussi fait part de leurs
préoccupations. Par exemple, le Conseil Attikamèques-Montagnais
nous rappelle que l'aménagement de nouvelles rivières devra se
faire dans le respect des activités et du mode de vie des autochtones.
Quant à l'Office de la protection du consommateur, il nous invite
à réexaminer divers aspects de nos pratiques commerciales. Enfin,
je ne saurais passer sous silence le mémoire du Comité de
promotion économique de Montréal, le COPEM, qui, par
l'originalité de son approche et la richesse des sujets abordés,
nous apporte ample matière à réflexion. Cet organisme
incite Hydro-Québec à contribuer davantage à
l'émergence et à l'essor, au Québec, d'industries plus
concurrentielles à l'échelle mondiale, notamment en donnant une
nouvelle dimension à sa politique d'achat. C'est là une
idée dont nous analyserons les possibilités d'application.
Bien que les interventions aient été très
diversifiées et parfois même contradictoires, quelques grands
thèmes, à mon avis, se dégagent des discussions des
derniers jours. Certains ont trait à la prévision de la demande
d'électricité, d'autres à l'échéancier de
réalisation du plan des installations et aux ressources
nécessaires à sa mise en oeuvre. Nombre d'entre eux, enfin, font
état de l'urgence de tenir un vaste débat public sur
l'énergie.
Plusieurs intervenants ont soutenu que la prévision de la demande
établie par Hydro-Québec est trop élevée. Parmi
ceux-ci, les transporteurs et les distributeurs de gaz s'étonnent que
nous n'accordions pas une part plus grande au gaz naturel dans le bilan
énergétique du Québec. D'autres jugent trop modestes nos
prévisions en matière d'économie d'énergie.
À ce sujet, je rappelle que nos prévisions n'expriment pas un
souhait et encore moins des objectifs qu'Hydro-Québec proposerait
à la population. Elles sont plutôt la perception des besoins
futurs en énergie des Québécois, à partir desquels
l'entreprise élabore son plan des installations.
Il n'appartient donc pas à Hydro-Québec de décider
quelle part le gaz naturel devrait occuper dans le bilan
énergétique futur du Québec. Néanmoins, je le
souligne une fois de plus, Hydro-Québec partage le point de vue de ceux
qui souhaitent que les conditions favorables à une
pénétration accrue du gaz naturel soient réunies
très rapidement. En cette matière, les gaziers l'ont
confirmé, tout retard risque de compromettre un recours significatif
à cette source d'énergie, particulièrement pour le
chauffage des locaux.
Les intervenants, de façon quasi unanime, souhaitent ou
prévoient un ralentissement de la demande d'électricité
dans les années à venir. Il serait logique, dans de telles
circonstances, de ralentir la mise en place de nouveaux équipements de
production. Par ailleurs, plusieurs mémoires réclament le
devancement d'un ou de plusieurs projets prévus au plan des
installations et ce, pour diverses raisons. Toutes, cependant, se rapportent au
rôle moteur joué par Hydro-Québec dans l'économie
québécoise.
Un premier motif invoqué pour favoriser le devancement est
d'augmenter la contribution d'Hydro-Québec à la croissance
économique, soit par la création d'emplois directs ou indirects,
soit par l'entrée de nouvelles devises résultant des exportations
d'électricité.
Un deuxième argument à l'appui du devancement concerne la
répartition de nos investissements dans le temps. Certains
déplorent le ralentissement des travaux jusqu'en 1985, craignant qu'il
n'entraîne des effets négatifs sur l'activité
économique du Québec. Ils doutent que les ressources humaines,
matérielles et financières soient disponibles en quantité
suffisante en fin de période.
Le troisième facteur mis en lumière pour nous amener
à accélérer nos investissements a trait à la
volonté de certaines régions, notamment celles de la
Côte-Nord, du Saguenay-Lac-Saint-Jean et de
l'Abitibi-Témiscamingue, de stimuler leur développement
économique par le biais des projets d'Hydro-Québec.
Cet ensemble de préoccupations est certes légitime. De
fait, Hydro-Québec, dans sa planification, tient compte de l'effet de
ses actions sur l'économie du Québec. Je dois cependant rappeler
aux membres de cette commission que la variante du devancement n'est pas aussi
attrayante qu'on pourrait le croire, pour diverses raisons.
D'abord, cette variante implique la présence simultanée de
plusieurs conditions favorables à l'écoulement des surplus:
ententes avec les réseaux voisins, capacité suffisante des
interconnexions et obtention, en temps voulu, des permis de l'Office national
de l'énergie et des organismes similaires régissant les clients
éventuels. La satisfaction de ces exigences est d'autant plus
aléatoire qu'elle échappe en grande partie à notre
contrôle.
En second lieu, les gains potentiels ne doivent pas nous faire oublier
les risques de pertes. Ces risques sont d'autant plus réels que toute
diminution du rythme d'accroissement de la demande occasionnerait de nouveaux
surplus, difficiles, voire impossibles à écouler.
À ces deux raisons s'ajoute la difficulté de trouver les
capitaux supplémentaires requis par le devancement. Même si ces
capitaux devaient être disponibles, le niveau élevé des
investissement entraînerait des augmentations de tarifs plus importantes
que celles exigées par le plan de base.
Finalement, je ne crois pas que la variante du devancement soit aussi
indispensable à la santé de l'économie
québécoise qu'il n'apparaît de prime abord puisque, dans la
période 1981-1985, l'expansion du réseau gazier compensera
largement, en termes de main-d'oeuvre, le ralentissement des activités
d'Hydro-Québec.
Le premier geste que j'entends poser pour donner une suite
concrète à cette commission parlementaire sera de faire partager
a mes collègues du conseil d'administration l'enrichissante
expérience que je viens de vivre. Je leur transmettrai les divers points
de vue des intervenants et je suis assuré qu'ils éclaireront nos
discussions sur les orientations de l'entreprise.
Puisque nos employés auront à contribuer à la
réalisation du plan des installations, nous les informerons des
résultats de la commission et des effet qu'ils pourraient avoir sur le
plan de développement d'Hydro-Québec.
Nous continuerons également à communiquer avec les media
afin qu'ils puissent le mieux possible informer le grand public des
conséquences des diverses options qui s'offrent au Québec en
matière énergétique. L'ampleur et la complexité du
sujet rendent leur tâche difficile et nous sommes persuadés qu'ils
sauront l'accomplir dans le respect de la diversité d'opinions qui
s'expriment dans une société comme la nôtre.
Présentement, la révision annuelle des principales
composantes de notre plan des installations est en cours. Nous sommes
maintenant en mesure de la poursuivre à la lumière des points de
vue mis de l'avant au cours de cette dernière semaine. Nous aurons
certes l'occasion dans les mois à venir de vous faire part des
résultats de notre démarche. Soyez assurés que nous le
ferons avec la même ouverture d'esprit que celle qui nous a animés
au cours de la préparation de cette commission parlementaire.
M. le Président, au nom de mes collègues du conseil
d'administration des employés d'Hydro-Québec ainsi qu'en mon nom
personnel, je tiens à réitérer mes remerciements à
l'endroit des intervenants et plus particulièrement à chacun
d'entre vous, membres de cette commission permanente de l'énergie et des
ressources. Tous ensemble, nous sommes concernés par l'avenir de
l'électricité dans le contexte énergétique
québécois et c'est aussi tous ensemble que nous devons travailler
à le définir. Merci.
Le Président (M. Jolivet): Merci, M. Bourbeau.
M. le ministre, votre droit de parole.
M. Yves Bérubé
M. Bérubé: Merci, M. le Président, merci
également au président du conseil d'administration
d'Hydro-Québec, M.
Bourbeau. (22 heures)
Nous venons de passer quelque six journées très intenses
à écouter de nombreux témoignages portant sur le plan
d'équipement
d'Hydro-Québec. Au fait, il y a eu des critiques, il y a eu des
appuis, mais je pense qu'il ne faudrait peut-être pas oublier la
première journée des témoignages. Nous avons eu droit, de
la part d'Hydro-Québec, à une présentation que je pourrais
qualifier d'impeccable, de remarquable par sa solidité et faite d'une
façon très professionnelle. Les Québécois sont
fiers d'Hydro-Québec et je pense que cette commission parlementaire ne
pouvait que nous rendre encore plus fiers parce qu'elle nous rassure dans la
mesure où on retrouve au sein d'Hydro-Québec un niveau de
connaissance, de compétence, de capacité de dévouement aux
objectifs de la société québécoise qui sont
absolument remarquables. Si certains parfois veulent poser des questions
à Hydro-Québec, je me dis: Pourrait-on poser autant de questions
si cette société n'était pas notre société,
à nous les Québécois, si les gens qui l'animent
n'étaient pas imbus de cette conviction qu'Hydro-Québec fait
partie du Québec et est en même temps un des instruments les plus
puissants de son développement?
C'est certainement avec beaucoup de fierté que j'ai
assisté à la présentation d'Hydro-Québec; avec un
certain sourire aussi, parce que la force, la compétence
d'Hydro-Québec étaient tellement écrasantes qu'on se sent
un peu petit devant la puissance d'Hydro-Québec. Mais, en même
temps, je pense que c'est avec beaucoup de fierté qu'on voit à
quel point des gens d'une rare compétence ont pu se retrouver au sein de
la même entreprise. Peut-être est-ce leur même vision du
Québec qui les a amenés finalement à travailler ensemble
pour un idéal qui est celui de la défense de nos
intérêts à tous. Nous avons eu droit, d'une part, à
une analyse très serrée de la prévision de la demande,
à un plan des installations et, ce qui est intéressant aussi,
à des choix, à des alternatives, à des scénarios de
devancement, de retard qui nous permettaient, évidemment, de
réfléchir sur les options qui s'offraient à nous, mais
qui, en même temps, permettaient à tous et chacun de jauger si
leurs idées avaient une certaine valeur. Je pense qu'il faut rendre
témoignage à Hydro-Québec d'avoir justement offert ce
choix à la société québécoise, ce qui rend
d'autant plus facile, à ce moment, la critique parce que nous avons
devant nous les choix et que nous pouvons en mesurer les avantages et les
inconvénients.
Je tiens aussi à souligner le risque conscient
qu'Hydro-Québec a pris, celui de présenter quelques
scénarios de financement. Je dis bien "risque" parce qu'il est
extraordinairement difficile de préjuger de l'avenir; préjuger
des mécanismes de financement est certainement risqué et
Hydro-Québec prenait un risque en venant exposer publiquement quelques
scénarios de financement. Elle l'a fait, ce qui nous a permis de
replacer le plan d'équipement d'Hydro-Québec dans le cadre plus
global, en fait, des investissements et du financement de ces investissements
qu'Hydro-Québec doit réaliser au cours des années qui
viennent. En fait, la présentation d'Hydro-Québec était
d'une telle densité qu'il nous aurait fallu beaucoup plus qu'une
journée - il faut le reconnaître, nous avons trouvé cela
beaucoup trop court et il nous aurait fallu plusieurs jours - pour pouvoir
aller beaucoup plus au fond avec les gens d'Hydro-Québec pour nous faire
une idée plus claire dès le départ.
Je pense qu'à cet égard la commission parlementaire a
été révélatrice pour le gouvernement, d'une part,
parce que nous avions devant nous un éventail d'hypothèses sur
des scénarios de devancement, des hypothèses de financement, des
hypothèses de demandes qui nous permettaient de mieux comprendre les
variables en cause et également, je pense, peut-être pour
Hydro-Québec. Là, je voudrais témoigner, d'ailleurs, de la
présence tout au long de cette commission du président du conseil
d'administration et également du président de cette
société qui a passé de nombreuses journées ici.
J'ai vu également plusieurs membres du conseil d'administration, sinon
tous en fait, se succéder continuellement aux travaux de cette
commission. En d'autres termes, la haute direction d'Hydro-Québec n'a
pas pris cette commission à la légère. Au contraire, elle
a tenu à la suivre et à quelques reprises j'ai eu l'occasion de
converser avec les membres du conseil d'administration qui trouvaient
extraordinairement intéressants les témoignages qu'ils
entendaient à cette commission parce que effectivement c'était
une occasion de voir un peu le point de vue de nos concitoyens sur le travail
d'Hydro-Québec.
L'atmosphère, également, doit être soulignée.
Certains ont parlé de climat préélectoral. Je n'ai pas pu
m'empêcher de souligner aux journalistes qu'au contraire le climat a
été extraordinairement serein. Évidemment, dans cette
période, il était inévitable que mon bon collègue,
le le député de Mont-Royal, y aille de quelques pointes.
J'avouerai, en toute franchise, que j'ai parfois succombé à la
tentation du moment et que je lui ai retourné la pareille; j'ai
peut-être même pu déclencher tout le processus. Mais
lorsqu'on fait le décompte, qu'on regarde ces échanges, qui sont
absolument inévitables, et qu'on les compare avec le sérieux qui
a prévalu pour l'ensemble de nos travaux, je pense que la
préoccupation électorale était vraiment très
faible. Au contraire, je dois souligner la contribution de tous nos
collègues, tant de l'Opposition que du gouvernement, pour relever le
niveau de ces débats et tenter, par nos questions un peu de laïcs,
de
comprendre davantage et d'éclaircir une situation qui, somme
toute, est fort confuse, aussi bien pour nous, j'imagine, que pour tous nos
concitoyens qui nous écoutaient à la télévision. Je
ne peux pas m'empêcher de souligner cette contribution extrêmement
importante des membres de cette commission.
Il y a un certain nombre de points qui ont été
soulevés lors de cette commission. En particulier, il a fallu
s'arrêter sur l'impact que représente un plan d'équipement
aussi vaste, aussi important: $55,000,000,000 en investissements majeurs, c'est
le quart des investissements au Québec dans la décennie qui
s'ouvre devant nous. Il va donc modeler notre vie quotidienne. Qu'on s'en rende
compte ou qu'on ne s'en rende pas compte, si le quart des investissements au
Québec est entre les mains d'Hydro-Québec, on imagine l'influence
quotidienne sur notre activité. C'est peut-être ça qui a
frappé. C'est pour ça que nous ayons eu des témoignages de
nos firmes d'ingénieurs-conseils, de l'Ordre des ingénieurs, de
l'Association des constructeurs, des "développeurs", des syndicats qui
nous ont souligné à quel point Hydro-Québec ne devait pas
simplement considérer son plan d'équipement en termes de
production d'électricité, mais devait également tenir
compte des retombées économiques pour le Québec et devait
tenir compte, en particulier, des problèmes de stabilité
d'emploi, faire en sorte qu'on puisse maintenir au Québec un niveau
d'emploi, dans le secteur de la construction, qui soit suffisamment stable pour
ne pas désorganiser notre économie au Québec.
Je pense qu'il y avait là une opinion assez unanime de la part de
tous les intervenants. Est-ce fondé, est-ce non fondé? Je pense
qu'il est trop tôt et il serait présomptueux de ma part de vouloir
tirer une conclusion. Il nous faudra, dans les semaines, dans les mois qui
viennent, aller peut-être plus en profondeur et essayer de se faire une
idée plus personnelle. Mais je pense qu'on a soulevé des points
valables qu'il faudra soupeser en tenant compte de l'ensemble des interventions
qui ont été présentées ici.
Un autre point qui a fait l'unanimité, c'est certainement la
demande d'un débat public, face aux grandes options
énergétiques au Québec. On a retrouvé des
compagnies pétrolières, des compagnies gazières, on a
retrouvé des organismes publics voués à la lutte contre
l'énergie nucléaire, on a retrouvé, au sein de l'ensemble
des citoyens, une volonté d'avoir un débat public en
profondeur.
Là-dessus, on ne peut passer sous silence cette demande et il
faut y donner suite.
Le Front commun pour un débat public sur l'énergie
nucléaire, en refusant de participer à cette commission, a bien
souligné un des obstacles à tout débat public, celui de
l'information. Il ne faut pas que seul le gouvernement, seul
Hydro-Québec ou seuls quelques experts participent à ce
débat public, de telle sorte que l'ensemble des citoyens aient
l'impression qu'ils sont laissés pour compte et qu'ils n'ont pas
d'opinion. Au contraire, il faut permettre à tous les
éléments de notre société de s'impliquer. Cela veut
dire impliquer l'ensemble des régions du Québec, faire un
débat ouvert à toute la population et que la population n'ait pas
nécessairement à se déplacer à une commission
parlementaire pour pouvoir s'exprimer, ce qui n'est pas toujours facile. Cela
veut dire en même temps non seulement que l'ensemble des régions
du Québec puissent s'exprimer, mais également que les organismes
susceptibles d'avoir un son de cloche différent de celui de ceux
auxquels nous sommes habitués aient peut-être des moyens
financiers pour poursuivre un certain nombre d'études qui leur
permettent de s'exprimer.
Je pense qu'un débat public devrait respecter ces conditions et
nous devrons nous y engager fermement, de manière à respecter cet
engagement de transparence vis-à-vis de nos concitoyens. Là, il
ne faut pas passer sous silence - le président du conseil
d'administration l'a bien noté - le mémoire de la Chambre de
commerce de Montréal, non pas que je tente de minimiser les autres
mémoires, mais j'ai été particulièrement
impressionné par la solidité du mémoire de la Chambre de
commerce de Montréal et du Montréal Board of Trade. Ils nous ont
introduit une sorte de vision du développement économique qui
fait place à un rôle un peu particulier d'Hydro-Québec. On
peut peut-être contester ce rôle, mais il est néanmoins vrai
que, grâce à Hydro-Québec fondée dans les
années soixante, on a pu aujourd'hui bâtir une expertise
québécoise dans le domaine du génie-conseil qui est
absolument phénoménale.
Si on vous dit: Trois des dix plus grandes firmes
d'ingénieurs-conseils au monde sont des firmes
québécoises, c'est essentiellement et uniquement dû
à la présence d'Hydro-Québec qui a tenté de
structurer un certain niveau d'expertise au sein des firmes
d'ingénieurs-conseils qui a fait qu'en fait, alors qu'on disait au
Québec, il y a dix, quinze ou vingt ans, que nous n'avions pas de
carrière devant nous dans le domaine du génie et dans le domaine
de la technologie, au contraire, aujourd'hui, les pays étrangers
viennent visiter ce que nous faisons dans le domaine non seulement de
l'électricité, mais également de la-construction civile,
dans le domaine industriel et cela simplement parce que Hydro-Québec a
servi de bougie d'allumage à ce
développement. La Chambre de commerce de Montréal a
souligné que, si Hydro-Québec avait pu jouer ce rôle face
à nos firmes d'ingénieurs-conseils, elle pourrait jouer ce
rôle face au développement industriel du Québec, en
concentrant certaines de ses activités, de manière à
susciter la création au Québec de certains secteurs forts,
capables d'exporter des technologies québécoises.
Ce mémoire doit être souligné, parce qu'il
représente un défi pour les dix ou quinze prochaines
années de la vie d'Hydro-Québec et ce défi doit
certainement être relevé.
Beaucoup de nos concitoyens sont également intervenus pour
souligner à quel point les travaux d'Hydro-Québec
représentaient pour eux une chance unique de développement
économique, que ce soient nos concitoyens de Portneuf, ceux du
Lac-Saint-Jean avec leurs demandes de devancement de la Chamouchouane ou encore
tantôt nos citoyens de la Côte-Nord qui demandaient le devancement
des travaux d'aménagement de nos rivières. On se rend compte
à quel point les travaux d'Hydro-Québec ont des retombées
directes sur le développement industriel et économique de notre
société et sur un mieux-être de nos concitoyens, non pas
seulement à cause de la disponibilité d'électricité
et d'énergie, mais également de par les retombées
économiques associées ou face aux travaux d'investissement au
Québec.
Mais il y a un projet sur lequel je ne peux passer outre, c'est le
projet Archipel. Je pense que nous avons là un projet unique, puisqu'il
va toucher une région qui est quand même la plus populeuse du
Québec, qui permettrait d'implanter des unités de production
d'électricité à proximité des marchés, qui
permettrait en même temps de voir à un aménagement un peu
global de l'hydraulique, de l'écoulement des eaux dans la région
montréalaise, qui nous permettrait de nous attaquer à un ensemble
de problèmes beaucoup plus vastes que la simple production
d'électricité. C'est un problème complexe. On a
souligné les problèmes environnementaux, les problèmes
sociaux avec nos compatriotes autochtones de la réserve de Kahnawake.
C'est indéniablement un projet complexe.
Néanmoins, plus nous fouillons ce problème, plus nous
constatons que ces coûts peuvent être abaissés et que,
possiblement, ils seront fort intéressants d'ici peu, d'une part.
D'autre part, on doit constater que les retombées
socio-économiques sur l'ensemble de la région
métropolitaine sont tellement importantes qu'une société
pourrait accepter de payer légèrement plus cher un devancement de
projet, compte tenu de toutes les retombées. Ce que cela veut dire,
c'est qu'il nous faut certainement pousser les études rapidement et, en
même temps, qu'on ne peut pas demander à Hydro-Québec de
prendre une décision avant d'avoir en main toutes les études, et
un gouvernement ne peut pas prendre une décision sans avoir en main
toutes les études.
Ils faut donc étudier les retombées d'un projet comme
celui-là sur la faune, sur l'environnement, sur le contexte sociologique
de la métropole montréalaise. Il nous faut en même temps
compléter toutes les études de préfaisabilité du
projet, les études d'avant-projet qui nous permettraient de prendre une
décision, mais je pense qu'il faut absolument, dans un cas comme
celui-là, consacrer toutes nos énergies à faire en sorte
que ce projet puisse se réaliser. S'il ne peut pas se réaliser
parce que les études le démontrent, à ce moment-là,
on conclura, mais il faut tout mettre en oeuvre de manière à
pouvoir avoir la réponse rapidement aux questions qui sont
posées. Je pense que c'est un projet qui est un exemple - exemple qui a
été rappelé à plusieurs reprises par nos
compatriotes intéressés à différents projets - de
projet où on intègre un ensemble de préoccupations qui
montrent à quel point Hydro-Québec peut avoir un rôle
social dans ces projets d'aménagement de nos rivières. (22 h
15)
Également, on a souligné dans le domaine du
nucléaire certaines réserves. Certains disent qu'il faut nous
engager rapidement dans le secteur du nucléaire. D'autres disent, au
contraire: Ne nous pressons pas. Évidemment, dans la mesure où
sera efficace le programme d'économie d'énergie, dans la mesure
où nous aurons une meilleure évaluation des coûts du
nucléaire, dans la mesure où nous saurons mieux évaluer le
coût d'aménagement de nos rivières, il n'est pas impossible
que nous puissions reporter dans le temps l'obligation d'avoir à
recourir de façon massive au nucléaire. Entre-temps, sans doute,
devrons-nous maintenir au Québec un minimum d'expertise,
c'est-à-dire qu'après Gentilly II il faudra sans doute envisager
Gentilly III. Le gouvernement a d'ailleurs déjà pris position
face à Gentilly III puisque nous estimions déjà depuis
quelques années qu'il était nécessaire de maintenir au
Québec un minimum d'expertise qui nous permette de faire face à
toute situation, parce que toute prévision de la demande repose sur un
certain nombre d'hypothèses et nul ne peut absolument garantir la
solidité de ces hypothèses. Par conséquent, il n'y a
peut-être pas de risque à prendre et il faut sans doute maintenir
cette expertise du nucléaire au sein d'Hydro-Québec, mais nous
sommes certainement en droit de reporter cette échéance d'un
programme massif dans le domaine du nucléaire de manière que nous
puissions avoir ce débat en profondeur de l'option nucléaire et,
à cet effet, obtenir un plus grand nombre d'informations qui
permettront à nos concitoyens soit de se rassurer ou soit, au
contraire, de se convaincre qu'ils doivent tenter d'éviter cette
filière énergétique particulière.
Il est trop tôt à la fin d'une commission comme celle-ci
pour prendre des décisions. Je pense, cependant, que les travaux que
nous avons effectués au cours des derniers jours nous ont permis, d'une
part, de voir le point de vue d'Hydro-Québec, d'autre part, de voir le
point de vue de nos concitoyens et, en même temps, d'identifier un
certain nombre d'inconnues auxquelles nous devrons trouver réponse. Le
sens de cette commission était donc de sensibiliser non seulement les
parlementaires et le gouvernement aux problèmes d'Hydro-Québec,
mais également de sensibiliser l'ensemble de nos concitoyens. Nous
n'aurions jamais réussi sans cette collaboration exceptionnelle
d'Hydro-Québec qui a fourni à nos concitoyens une abondante
moisson d'informations, sans doute trop abondante, mais néanmoins
nécessaire pour que le processus démocratique de prise de
décision puisse fonctionner normalement.
Je ne peux, en terminant, que remercier tout le personnel
d'Hydro-Québec qui est responsable de la qualité des documents
qui nous ont été soumis, qui est en même temps responsable
de la qualité de l'entreprise qu'il a contribué à
bâtir et je ne peux pas passer sous silence l'extraordinaire contribution
de l'actuel président-directeur général, M. Boyd, et
également celle de M. Bourbeau qui a contribué pendant des
années à la planification des programmes d'investissements
d'Hydro-Québec. Je pense qu'avec tous leurs coéquipiers ils ont
fait de cette société un remarquable succès. On ne peut,
en fait, comme Québécois, qu'en être fiers. Merci, M. le
Président.
Le Président (M. Jolivet): Merci, M. le ministre.
M. le député d'Outremont.
M. Pierre-C. Fortier
M. Fortier: M. le Président, M. Bourbeau, M. Boyd, c'est
avec plaisir qu'au nom de l'Opposition officielle je ferai une
évaluation de nos travaux des derniers jours, eu égard aux
objectifs que nous nous étions fixés à son
départ.
Quels sont les progrès accomplis par rapport aux attentes du
public ainsi qu'à nos propres attentes? Nous avons indiqué dans
notre allocution au début de cette commission dans quel esprit nous, de
l'Opposition officielle, avions l'intention d'oeuvrer. Nous avons fait
état des limites inhérentes à une telle commission pour
traiter d'investissements aussi majeurs, des investissements de quelque $55
milliards, accompagnés de dépenses de fonctionnement de quelque
$30 milliards, je crois, et qui auront nécessairement un impact
très important sur la vie du Québec.
Nous avons déploré les maigres moyens dont dispose
l'Opposition officielle pour pouvoir faire une analyse exhaustive d'un tel
programme. Néanmoins, il est bien évident -et cela l'était
dès le début de nos travaux -qu'un tel investissement aura un
impact considérable sur le niveau d'emploi et sur la vitalité de
notre économie en général.
M. le Président, nous avions dit que l'Opposition officielle,
malgré les imperfections d'une telle commission, jouerait le jeu
à fond, en examinant le programme d'investissements
d'Hydro-Québec, et ce, sous toute réserve, compte tenu du manque
flagrant d'information fournie par le gouvernement. Comment est-il possible
d'ailleurs qu'un ministre de l'Énergie, représentant un
gouvernement responsable, se présente en commission parlementaire, une
commission qui n'a pas siégé depuis 1978 et qui revient avec
aucune analyse sur le programme présenté par Hydro-Québec,
comment est-il possible que le ministre se présente devant le public
sans fournir une analyse gouvernementale d'un programme qu'il connaissait dans
ses grandes lignes, et même avec beaucoup de détails, depuis plus
d'un an?
Pourquoi n'a-t-il pas fait, en particulier, une analyse de la variation
de la main-d'oeuvre et de l'impact du programme d'Hydro-Québec sur la
stabilité de l'emploi, ainsi que sur des options pour corriger les
variations que plusieurs ont déplorées? Pourquoi n'a-t-il pas
fait faire une analyse du programme d'Hydro-Québec en fonction du
développement régional et de l'impact économique de ce
programme sur les régions? Pourquoi n'a-t-il pas fait faire une analyse
du développement économique et des retombées
économiques d'un tel programme pour l'ensemble de la province de
Québec?
Il est incompréhensible que le gouvernement fasse de telles
études lorsqu'il s'agit d'un investissement de quelques millions de
dollars, mais semble ne pas se préoccuper de ces mêmes questions
lorsqu'il s'agit d'un investissement et des dépenses d'opération
de quelque $90 milliards. C'est à en perdre son latin. C'est d'un
illogisme flagrant.
Où sont les recommandations du gouvernement qui, notons-le, est
au pouvoir depuis 1976? La population en tirera elle-même ses propres
conclusions quant à l'intérêt du gouvernement sortant pour
le développement économique du Québec. Dans ce domaine, il
ne faut pas seulement des paroles, mais il faut passer à l'action.
Malgré tout, grâce à la qualité de plusieurs
mémoires et à force de poser des questions, nous avons appris
certains faits et nous pouvons tirer certaines conclusions.
Qu'avons-nous appris que nous pressentions mais que nous ne savions pas?
Sûrement la présentation qu'Hydro-Québec nous a faite sur
l'ensemble de son programme a été d'un très grand
intérêt et je désire l'en remercier ici-même. Mais
quelles sont les autres conclusions que nous pouvons en tirer? La
première qu'on a apprise, pour sûr, mais dont on se doutait
dès le début de la commission, c'est que le gouvernement qui nous
dirige n'a pas de politique énergétique à long terme.
Hydro-Québec, bien sûr, nous a soumis ses orientations et ses
idées sur l'avenir énergétique du Québec, mais
presque tous les intervenants, tous ceux de l'industrie, des
universités, ainsi que des groupes populaires, sont venus nous dire
qu'il était important de se doter d'une telle politique à long
terme. Tous ont dit qu'il était quasiment impossible de commenter
sérieusement le programme d'Hydro-Québec sans pouvoir se
référer à une telle politique. Comme par magie, le livre
blanc qui a été présenté en 1978 s'arrêtait
en 1990. Où est réellement la politique à long terme?
D'ailleurs, ce manque de politique est évident dans certains des
débats et certaines des discussions que nous avons eus. Prenons le
débat public sur l'énergie. Il y a quelque dix jours, le ministre
se disait tout à fait opposé à un tel débat parce
qu'il n'y avait pas d'information disponible qui permettrait au public d'en
juger d'une façon honnête et d'une façon judicieuse.
Maintenant, après cinq ou six jours, il est convaincu que ceci est
valable.
La semaine dernière, le ministre nous disait qu'à la suite
des coupures annoncées par le premier ministre Lougheed, il y aurait
pénurie de pétrole à Montréal très
bientôt. À la suite d'une conférence de presse, hier
même, le ministre maintenant tente de nous convaincre qu'il n'y a pas
pénurie et qu'on n'a pas à s'inquiéter.
Parlons de la politique du gaz. La très grande majorité
des intervenants ont admis que les prochains mois et les prochaines
années seront critiques pour la pénétration du gaz dans le
domaine du chauffage résidentiel. En effet, à cause des
augmentations de prix, les consommateurs feront leur choix, si le gaz n'est pas
disponible, en faveur de l'électricité.
Au début de la semaine dernière, j'avais posé
quelques questions et je constate qu'aucune réponse n'a
été donnée à ces questions. Entre autres, j'ai
posé les questions suivantes: Quelle politique le ministre entend-il
mettre en oeuvre pour faire en sorte que ces objectifs soient
réalisés? Et, quels sont-ils ces objectifs? Quand le ministre
rendra-t-il public le rapport de la Régie de l'électricité
et du gaz traitant du choix des distributeurs québécois? Quand le
gouvernement nous dira-t-il s'il favorise un ou plusieurs distributeurs?
Qu'adviendra-t-il de Gaz Métropolitain? Quelle sera
l'étendue de sa franchise? Est-ce que le gouvernement a l'intention de
favoriser le gaz en éliminant la taxe de vente?
Entre-temps, nous devons nous en remettre aux journaux. Ainsi, on lit
dans la revue Finance du 2 mars que les actions de Gaz Inter-Cité
montaient en flèche. Il semblerait, selon la revue, que Gaz
Inter-Cité obtiendra la franchise de distribution du gaz naturel
à Québec.
M. le ministre, je vous pose la question: Est-ce qu'on peut permettre
que le public manque ainsi d'information au point que les actions de Gaz
Inter-Cité puissent ne profiter qu'à quelques personnes? Quand
saurons-nous, M. le ministre, quelle sera votre politique relative au gaz?
Est-ce que les membres de l'Assemblée nationale vont apprendre toutes
vos politiques par le truchement des journaux?
En ce qui concerne la tarification, quoique le gouvernement a
été avare d'information, le ministre a suffisamment parlé
pour qu'on sache qu'il songeait sérieusement à
accélérer la hausse des tarifs d'électricité, de
telle façon que les prix de cette forme d'énergie ne
s'écartent pas trop de ses concurrents le gaz et le pétrole.
D'ailleurs, la Presse en faisait état, le mercredi 25
février dernier, lorsque Alain Dubuc écrivait: "Le ministre de
l'Énergie et des Ressources, M. Bérubé, songe à
accélérer la hausse des tarifs de l'électricité
pour que le prix de cette forme d'énergie ne s'écarte pas trop de
ses deux concurrents, le gaz et le pétrole. "C'est en effet une
hypothèse que le ministre a évoquée hier au cours de la
commission parlementaire sur le plan d'investissements d'Hydro-Québec
qui se poursuivra jusqu'à la semaine prochaine." Malgré les
allégations du ministre faites le lendemain, il semble bien que ce
dernier ait envisagé sérieusement cette option et qu'il ait
dû faire marche arrière sous la pression des autres membres du
cabinet.
Troisièmement, il y a une troisième conclusion. Nous nous
sommes rendu compte que cette commission parlementaire a été
voulue par le gouvernement sortant comme un outil de propagande. Nous ne sommes
pas les seuls, M. le Président, à conclure de la même
manière.
Je voudrais vous référer à un texte d'Alain Dubuc,
dans la Presse du samedi 28 février, qui se lit ainsi: "De forum
où devait se discuter l'avenir énergétique du
Québec, la commission parlementaire sur le plan d'investissement
d'Hydro-Québec s'est transformée pour devenir le premier jalon de
la stratégie électorale du gouvernement péquiste, dans le
domaine économique. Les quatre premiers jours de
délibérations de la commission permanente de l'énergie et
des
ressources ont en effet ressemblé avant tout à un show
télévisé, visant à montrer que le gouvernement
s'occupe d'énergie, un peu comme le seront dans quelques jours le sommet
tant attendu sur Montréal ou le budget préélectoral de M.
Parizeau".
Il est évident, M. le Président, que la commission a
été voulue comme un outil de propagande. Je veux m'en
référer à l'attitude du ministre lui-même. Ce
dernier, en effet, a posé beaucoup de questions, comme s'il
n'était pas ministre de l'Énergie, comme s'il n'était pas
au courant des dossiers. Pourtant, cela fait un an que le ministre a en main le
programme d'Hydro-Québec qui est revenu dernièrement avec des
modifications, somme toute, peu importantes, eu égard à l'impact
général du programme qui avait été soumis l'an
dernier.
Cependant, dans d'autres dossiers, nous avons appris que le gouvernement
et que le ministre en particulier est intervenu dans le projet Archipel, et que
le gouvernement était sérieusement impliqué. La question
qu'on se pose, M. le Président, est celle-ci: Est-ce que le ministre est
ignorant des vraies questions? S'il ne l'est pas, pourquoi a-t-il posé
tant de questions? Est-ce que c'était dans le but de faire dire les
choses que lui-même savait, qu'il n'avait pas le couraqe de les dire ou
est-ce qu'il était réellement ignorant de tous ces dossiers?
Depuis quand est-il ministre de l'Énergie? Comment se fait-il qu'il n'en
savait pas davantage? Comment se fait-il qu'il n'avait pas pris la peine de
communiquer avec la direction d'Hydro-Québec pour pouvoir nous
présenter des points de vue plus éclairés? (22 h 30)
Quatrièmement, M. le Président, une autre conclusion, il
est évident que plusieurs intervenants ont demandé que le
gouvernement prenne plus au sérieux la possibilité de
développement économique ainsi que de développement
régional. La Chambre de commerce de Montréal, en particulier, The
Board of Trade, a même fait état de la nécessité de
se doter d'une stratégie industrielle lorsqu'on s'attaque à de
nouvelles technologies. On a constaté l'ignorance du ministre sur ces
questions.
Pour notre part, nous, du Parti libéral du Québec, avons
pris bonne note de tout, parce que tout ce qui touche au développement
économique et à la création d'emplois est d'un grand
intérêt pour nous.
Voilà, M. le Président, les conclusions auxquelles nous
sommes arrivés. En général, nous avons trouvé une
Hydro-Québec attentive à toutes les présentations, puisque
son président du conseil ainsi que plusieurs membres de la direction ont
été présents durant toute la semaine, jusqu'à ce
jour. Nous avons constaté que le ministre était soit ignorant des
vrais problèmes, soit mal conseillé, soit feignant l'ignorance de
façon à faire croire à sa grande ouverture d'esprit et
à cacher son manque de préparation et son manque de politique.
Nous avons eu beaucoup de plaisir et d'intérêt à prendre
connaissance des nombreuses recommandations faites par la très grande
majorité des intervenants.
M. le Président, somme toute, ce fut une commission parlementaire
utile et nous avons pris bonne note des recommandations que le public nous a
faites. Je vous remercie.
Le Président (M. Jolivet): Merci, M. le
député.
M. le ministre, en terminant.
M. Yves Bérubé
M. Bérubé: M. le Président, j'ai
écouté avec beaucoup de plaisir le député
d'Outremont. S'il s'imagine avoir fait du millage ce soir, j'ai l'impression
qu'il y a un certain nombre de libéraux déçus après
l'avoir écouté; c'est dommage pour lui. J'avais d'ailleurs dit,
après une intervention fort pertinente à l'Assemblée
nationale, que je trouvais effectivement que le député
d'Outremont pouvait apporter une contribution fort valable à nos
travaux. Mais je lui avais dit de se méfier de la partisanerie politique
qui l'amènerait très rapidement sur la pente glissante, enduite
de vaseline, qui l'amènerait dans les bas-fonds de la politique, et je
dois dire qu'il les a vite retrouvés.
M. Fortier: Vous avez peur de la vérité.
M. Bérubé: En fait, il n'a plus rien à
envier à son chef, vraiment, il a atteint le même niveau,
c'est-à-dire le niveau zéro.
M. le Président, je ne peux, en fait, que terminer sur une note
plus optimiste, plus souriante parce que cette commission a fait du bon
travail, à l'exception de la note fausse de notre collègue
d'Outremont qui, malheureusement, n'a pas pu oublier la campagne
électorale sans doute évidente et il a eu l'impression qu'il
fallait qu'il y aille, finalement, d'un texte qu'il estimait le plus vigoureux,
le plus fort possible.
Néanmoins, je pense que ce qu'il faut souligner c'est, d'une
part, l'analyse du président du conseil en cette fin de commission; il
nous a présenté sur un ton pondéré,
élevé, les réflexions qu'il a retirées des travaux
de cette commission. L'impression très nette que j'en retire, c'est que
non seulement le gouvernement a appris beaucoup de cette commission
parlementaire, mais également que le conseil d'administration, la
direction d'Hydro-Québec a également appris. Elle a
peut-être senti davantage les préoccupations de nos concitoyens et
l'impression que j'ai eue, c'est
que ces préoccupations avaient porté. Non pas
nécessairement que tout ce que nos concitoyens ont demandé peut
être satisfait, peut se réaliser, mais je pense qu'on peut en
tenir compte lorsqu'on planifie un programme d'investissements aussi massif que
celui qu'Hydro-Québec planifie présentement.
Je ne peux, M. le Président, en terminant, que remercier
même le député d'Outremont qui y est allé d'une
fâcheuse allocution de clôture, en lui souhaitant bonne chance aux
prochaines élections, je pense que ses électeurs ne l'oublieront
pas.
Merci, M. le Président.
Le Président (M. Jolivet): Merci. Quant à moi, je
remercie tous les intervenants à cette commission, les membres de cette
commission qui, malgré les éclats d'aujourd'hui et d'hier, ont
quand même été tolérants envers ma voix. Je vous
remercie pour tous les travaux.
En terminant, je vais faire mon "commercial". Je vous invite à
venir prendre une voix semblable à la mienne lors du tournoi pee-wee de
Grand-Mère.
Entre-temps, la commission ajourne ses travaux sine die.
(Fin de la séance à 22 h 35)