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Version finale

32e législature, 4e session
(23 mars 1983 au 20 juin 1984)

Le mardi 24 mai 1983 - Vol. 27 N° 63

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Examen de la décision de la SEBJ et du rôle du premier ministre et de son bureau lors du règlement hors cour de la poursuite intentée à la suite du saccage de LG 2


Journal des débats

 

(Dix heures quinze minutes)

Le Président (M. Jolivet): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission élue permanente de l'énergie et des ressources est à nouveau réunie aux fins d'examiner les circonstances entourant la décision du conseil d'administration de la Société d'énergie de la Baie James de régler hors cour la poursuite civile intentée à la suite du saccage du chantier de LG 2 survenu en 1974 et, plus spécifiquement, le râle du premier ministre et de son bureau à cet égard.

Les membres de cette commission sont: MM. Vaillancourt (Jonquière), Ciaccia (Mont-Royal), Duhaime (Saint-Maurice), Bourbeau (Laporte), Laplante (Bourassa), Paradis (Brome-Missisquoi), Dussault (Châteauguay), La-londe (Marguerite-Bourgeoys), LeBlanc (Montmagny-L'Islet), Tremblay (Chambly), Rodrigue (Vimont).

Les intervenants sont: MM. Bisaillon (Sainte-Marie), Baril (Rouyn-Noranda-Témiscamingue), Desbiens (Dubuc), Lavigne (Beauharnois), Mme Harel (Maisonneuve), MM. Gratton (Gatineau), Pagé (Portneuf), Doyon (Louis-Hébert), Saintonge (Laprairie).

Le rapporteur est toujours M. le député de Montmagny-L'Islet, M. LeBlanc.

Nous allons travailler ce matin de 10 h 15 à 12 h 30. Nous devrions normalement reprendre après la période de questions -puisque l'Assemblée nationale se réunira à 14 heures - entre 15 heures et 15 h 30. Nous suspendrons nos travaux à 18 heures pour le souper pour reprendre de 20 heures à 22 heures. La personne qui est notre invité est toujours Me Jean-Roch Boivin. La personne qui avait le droit de parole au moment où nous nous sommes quittés jeudi soir dernier, à 22 heures, était M. le député de Mont-Royal. Je ne lui donnerai pas le droit de parole immédiatement parce que M. le député de Marguerite-Bourgeoys l'a demandé. M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

Horaire des travaux et invités

M. Lalonde: Sur une question qui touche l'organisation de nos travaux en ce début de semaine, j'aimerais demander au ministre -on ne retrouve que le nom de Me Boivin sur la liste des invités aujourd'hui - quel est son programme de travail pour la commission, cette semaine, en tenant compte du fait que

Me Jasmin n'a pas encore été entendu.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Duhaime: Le député de Marguerite-Bourgeoys m'aiderait beaucoup s'il me donnait le sien. Pour autant que je suis concerné, vendredi, nous ne pourrons pas siéger - je n'ai pas eu l'occasion d'en parler - nous siégerons donc aujourd'hui, mercredi et jeudi. Vous me demandez si ce serait normalement l'honorable juge Jasmin qui viendrait dans l'ordre des témoins. La réponse est oui, il serait le dernier témoin de la commission.

M. Lalonde: Le dernier des témoins. Me Boivin sera suivi par...

M. Duhaime: L'honorable juge Jasmin. M. Lalonde: ...le premier ministre.

M. Duhaime: Je n'ai jamais considéré que le premier ministre était un témoin de notre commission, alors il peut venir siéger à tout moment.

M. Lalonde: Ah boni Parce que j'avais entendu dire que le premier ministre avait hâte de venir répondre à nos questions.

M. Duhaime: Ah oui! II n'y aura pas de problème pour répondre à vos questions.

M. Lalonde: Ah bon! Enfin.

M. Duhaime: Mais je ne le considère pas comme un témoin parce qu'il est député.

M. Lalonde: S'il peut s'inviter lui-même; de toute façon, on sait que c'est lui gui décide des témoins et de leur ordre. Etant donné que...

M. Duhaime: J'ai l'honneur de prendre cette décision, mon cher collègue.

M. Lalonde: Oui. Je ne vous demanderai pas si vous consultez le cabinet du premier ministre.

À part le juge Jasmin et Me Boivin aujourd'hui, je présume que ce sera Me Jasmin demain ou jeudi ou, enfin, immédiatement après.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre, avez-vous une réponse à donner?

M. Duhaime: II m'apparatt très raisonnable, M. le Président, que nous envisagions de terminer les travaux de cette commission cette semaine. Nous sommes mardi. Je pense que tout le monde est de bonne humeur. Aussitôt que nous aurons terminé les questions à Me Boivin, vers 12 h 30, j'imagine, nous pourrons communiquer avec l'honorable juge Jasmin ou encore demander à M. Lévesque de venir se joindre à nous, à la commission.

M. Lalonde: Bon, étant donné...

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: ...qu'on commence un peu tard - le ministre était un quart d'heure en retard encore aujourd'hui - si on terminait les questions à Me Boivin ce midi ou au milieu de l'après-midi, j'aimerais savoir si c'est le premier ministre qui viendra aujourd'hui ou non, pour les fins de la discussion, par hypothèse.

M. Duhaime: Je n'oserais pas déplacer à nouveau l'honorable juge Jasmin. Je demanderai au leader du gouvernement de parler au secrétaire des commissions afin de le convoquer par téléphone, parce que cela fait déjà quatre fois qu'il est ici, il a déjà perdu cinq ou six journées. Je ferai convoquer le juge Jasmin lorsque j'aurai la certitude que nous pourrons l'entendre à tel jour et telle heure. Il en sera de même pour le premier ministre lorsque nous aurons arrêté... Si j'avais une indication de l'Opposition, cela m'aiderait beaucoup.

M. Lalonde: En fait, on pourrait voir, vers le milieu de l'après-midi, comment cela va. Je présume qu'on va avoir terminé les questions à Me Boivin aujourd'hui.

M. Duhaime: Oui, mais aujourd'hui, cela se termine à 20 heures.

M. Lalonde: Oui, mais... Une voix: 22 heures. M. Duhaime: 22 heures, pardon. M. Lalonde: Avant, je présume.

M. Duhaime: Écoutez, on va essayer de ne pas se compliquer la vie.

M. Lalonde: Au milieu de l'après-midi, on verra.

M. Duhaime: La semaine commence. Il est 10 h 20...

M. Lalonde: Oui. Si on a un trou, à un moment donné, M. Latouche a envoyé un télégramme au président de la commission disant qu'il voudrait se faire entendre.

M. le Président, ma question s'adresse à vous...

Le Président (M. Jolivet): Cependant, la seule chose, avant quoi que ce soit, c'est que je voudrais simplement vous faire remarquer, je l'ai mentionné la dernière fois, que des motions peuvent être entendues et débattues.

M. Lalonde: Oui, en tout temps, j'imagine, quelqu'un qui a le droit de parole peut présenter une motion. Nous avons sûrement l'intention, M. le Président, d'y recourir éventuellement si l'entêtement du ministre se perpétue.

M. Duhaime: M. le Président, je peux tout de suite rassurer le député de Marguerite-Bourgeoys. Je ne crois pas que M. Yvan Latouche soit le candidat idéal pour remplir le trou dont il a parlé. J'ai eu l'occasion de le dire à de nombreuses reprises. Sans être un grand amateur d'émissions de radio, je n'ai pas l'impression qu'on apprendrait beaucoup de choses. Je maintiens cette décision. Maintenant, si vous voulez qu'on accélère... Si vous voulez me dire que, à 20 heures, nous pourrions en avoir terminé avec le témoignage ou la comparution de Me Boivin, d'ici une demi-heure, je pourrais vous donner le scénario pour 20 heures. Cela pourrait m'aider. Maintenant...

M. Lalonde: Vous savez que je ne peux pas vous garantir...

M. Duhaime: ...si on flotte toute la journée, je ne suis pas capable d'avancer.

M. Lalonde: Vous savez que je ne peux pas vous le garantir. Cela dépend nécessairement de l'allure et de la cadence des questions et des réponses, et des interruptions de l'autre côté. Je ne peux pas vous le garantir, mais on en aura une bonne idée au milieu de la journée.

Le Président (M. Jolivet): Donc, on attendra à ce moment-là pour faire...

M. Duhaime: Le milieu de la journée étant 12 h 30?

M. Lalonde: Étant 16 h 30.

Le Président (M. Jolivet): Donc, on le saura à ce moment-là. Nous passons donc la parole au député de Mont-Royal, mais avant

Me Boivin m'a demandé, par un signe, d'intervenir. D'abord, je veux le lui permettre.

Témoignage M. Jean-Roch Boivin (suite)

M. Boivin: M. le Président, ce n'est pas tellement important, mais j'ai dit, en réponse à une question, que j'avais été nommé chef de cabinet au printemps ou à l'été 1978. Me Tremblay me signale - il l'a vérifié - que j'ai été nommé le 28 septembre 1977.

Le Président (M. Jolivet): Merci. M. le député de Mont-Royal, vous avez la parole.

M. Ciaccia: Merci, M. le Président. M. Boivin, j'ai relu la transcription de votre témoignage. Ce qui me frappe et qui frappe beaucoup de gens avec qui j'ai parlé, c'est le nombre d'occasions où vous ne vous souvenez pas de certains événements, à la suite des questions posées par les membres de cette commission. Si vous voulez, je voudrais essayer d'avoir quelques petits détails supplémentaires sur certains événements spécifiques.

Il y a eu - c'est seulement pour situer les questions que je vais poser - quatorze rencontres entre vous et les procureurs des deux parties. Cela ne comprend pas les appels téléphoniques avec quelques-uns de ces procureurs et non plus les rencontres avec les clients, comme M. Laliberté.

Je voudrais revenir à quelques-unes de ces rencontres, non pas les quatorze, mais je vais commencer avec celle du 12 janvier pour essayer d'obtenir certaines précisions. Allons à la rencontre du 12 janvier. Au ruban 1111, page 1, je vais citer M. Gadbois. Il affirme que, le 12 janvier, il a reçu un appel de Me Jasmin qui lui a dit qu'il a communiqué avec Me Cardinal pour lui faire part du fait que le conseil de son syndicat devait se réunir durant la fin de la semaine et qu'il y aurait peut-être une proposition de règlement. Me Jasmin lui a ensuite demandé s'il était possible qu'on ne s'oppose pas à une remise. Me Gadbois affirme en avoir discuté avec le P.-D.G. de la société, M. Laliberté.

Le 13 janvier, Me Gadbois appelle Me Cardinal pour lui dire que la Société d'énergie de la Baie James ne s'opposerait pas, qu'elle appuierait une demande de remise à la condition que cela ne soit pas une remise indue.

Alors, le 12 janvier, Me Jasmin est venu vous voir dans votre bureau. Je vais citer aussi votre témoignage au ruban 1416, page 1. Avant, je vais faire référence au ruban 1412, page 1, au bas de la page. Vous parlez d'être à votre bureau. Vous dites: "Pourquoi je suis - est-ce que vous l'avez? - au bureau le lendemain, c'est probablement, mais là, je fais de la reconstitution pure, parce que M. Jasmin avait pris un rendez-vous avec moi pour probablement me demander ce qui arrivait de la cause parce que c'est dans trois jours. J'ai déjà plaidé des causes et puis, quand ta cause est dans trois jours, tu te prépares, puis ce n'est pas la même chose si cela procède ou si cela ne procède pas."

Alors, pouvez-vous nous assurer qu'il n'a pas été question de l'ajournement avec Me Jasmin quand il est venu vous voir le 12 janvier?

M. Boivin: J'ai répondu au député de Marguerite-Bourgeoys jeudi que je ne me souvenais aucunement s'il avait été question d'ajournement à cette rencontre du 12 janvier.

M. Ciaccia: Oui, je le sais. J'ai lu cela dans la transcription. C'est pour cela que j'essaie de vous rafraîchir un peu la mémoire en citant que M. Jasmin, après qu'il est sorti de votre bureau, a appelé Me Cardinal et lui a demandé, au sujet de la remise, de ne pas s'opposer s'il pouvait y avoir une remise. Et vous-même, vous indiquez ici: "J'ai déjà plaidé des causes et puis, quand ta cause est dans trois jours, tu te prépares, puis ce n'est pas la même chose si cela procède...

M. Duhaime: M. le Président.

M. Ciaccia: ...ou si cela ne procède pas."

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Duhaime: M. le Président, je voudrais conseiller au député de Mont-Royal d'aborder la semaine sur un bon pied. Il vient juste de mentionner que Me Jasmin et Me Cardinal avaient communiqué ensemble au sujet d'un ajournement. Or, Me Jasmin n'a jamais été entendu devant cette commission et, si mon souvenir est bon, d'après le témoignage de Me Cardinal, la conversation téléphonique n'a pas été faite par Me Jasmin, mais par Me Gadbois. Si vous voulez que je vous lise l'éditorial de Gilles Lesage dans le Devoir du samedi 21 mai...

Le Président (M. Jolivet): Non, non, laissez faire, M. le ministre.

M. Duhaime: ...dont le titre est: D'inquiétants chasseurs de têtes, je peux vous le lire. Mais, je le dis tout de suite et je prends tout le monde à témoin devant cette commission que le député de Mont-Royal vient de faire une affirmation, à

savoir que Me Jasmin avait communiqué avec Me Cardinal au sujet d'un ajournement. Il n'a jamais été question de cela dans le témoignage de Me Cardinal.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: J'ai cité...

M. Duhaime: Ah! si on parle de Me Gadbois, on parle d'une autre personne.

M. Ciaccia: M. le Président, avant que le ministre fasse des affirmations, des accusations et des interventions farfelues, je voudrais qu'il écoute les questions que j'ai posées. J'ai cité, au ruban 1111, ce que Me Gadbois avait dit. Et je peux le répéter au cas où vous ne l'auriez pas entendu...

M. Duhaime: Ah oui! je vous ai entendu.

M. Ciaccia: ...et je vais le citer encore.

Le Président (M. Jolivet): M. le député, un instant, un instant! Moi, j'ai bien compris quand vous avez dit Me Gadbois. Donc, ce n'est pas nécessaire de recommencer.

M. Ciaccia: Ce n'est pas nécessaire, mais, pour ceux qui écoutent cette commission, et même pour le témoin, cela donne l'impression que je cite hors contexte, que je fais des affirmations inexactes. C'est absolument faux. L'affirmation que j'ai faite, c'est que j'ai cité ce que Me Gadbois a affirmé.

M. Duhaime: M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): Oui, M. le ministre. (10 h 30)

M. Ciaccia: Me Gadbois a dit qu'il a reçu un appel de Me Jasmin qui lui a dit qu'il a communiqué avec Me Cardinal.

M. Duhaime: On va faire gagner du temps au député de Mont-Royal. Ce qu'il a lu, il l'a très bien lu, même s'il a un résumé dans ses mains. Cela correspond à la transcription. Je suis d'accord. C'est la question qui a suivi où vous avez dit qu'il y avait eu une conversation téléphonique entre Me Jasmin et Me Cardinal.

M. Lalonde: C'est ce qu'il a dit.

M. Ciaccia: C'est ce que j'ai dit.

M. Lalonde: C'est ce que Gadbois a dit.

M. Duhaime: Non.

M. Ciaccia: C'est ce que Gadbois a dit.

Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît!

M. Duhaime: C'est justement.

M. Lalonde: Est-il possible de réveiller le ministre?

Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! M. le député, vous aviez recommencé, mais une chose est certaine. Me Boivin était prêt à répondre à votre question, mais... D'accord. C'est pour cela que je vous ai permis de reprendre votre début de question.

M. Ciaccia: Est-ce que je pourrais soulever un autre point avant de continuer mes questions à Me Boivin?

Le Président (M. Jolivet): Oui.

M. Ciaccia: Le ministre, ce matin, nous demandait si on terminerait avec Me Boivin aujourd'hui, à 18 heures. Si le ministre continue à faire des interventions, des interruptions qui ne sont pas bien fondées, juste dans le but de m'empêcher de poser des questions, je vais vous dire, M. le Président, que Me Boivin va être ici non seulement aujourd'hui et demain, mais qu'il peut être ici jeudi aussi.

M. Rodrigue: Cela ne nous dérange pas du tout.

M. Ciaccia: Je ne me laisserai pas intimider par le ministre. J'ai des questions à poser et...

M. Rodrigue: Non, mais on ne se laissera pas intimider par vous non plus.

M. Ciaccia: ...ce serait beaucoup plus facile s'il me laissait les poser.

M. Rodrigue: Pas de chantage.

Le Président (M. Jolivet): Maintenant que c'est bien établi de part et d'autre, allez donc, M. le député. On va voir.

M. Duhaime: Prenez la semaine, si vous voulez. Il n'y a pas de problème.

M. Ciaccia: Merci, M. le Président. Je sais que vous allez protéger mon droit de parole.

Le Président (M. Jolivet): Je le fais toujours, M. le député.

M. Laplante: Quinze jours de plus ou quinze jours de moins, pour nous autres, ce n'est rien.

M. Lalonde: Rendu à votre âge...

Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! Commençons comme il le faut, même s'il pleut. M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Je vais donner une autre référence à votre témoignage. Vous vous référez, au haut de la page 1416, encore à la réunion du 12 janvier. Vous dites: "Me Jasmin sait cela le 12 janvier", à la question que le premier ministre a un sentiment favorable à un règlement. "Il y a un procès qui va se dérouler et il n'y a pas de décision du conseil d'administration du premier ministre." Alors, pouvez-vous nier qu'il n'a pas été question d'ajournement avec Me Jasmin le 12 janvier?

M. Boivin: M. le député, je crois que... Je ne sais pas, enfin, si vous avez plaidé des causes ou non, mais vous savez très bien la différence entre "pouvez-vous affirmer, pouvez-vous nier et vous souvenez-vous?". Quand je dis que je ne me souviens pas, par définition, je ne peux pas affirmer, je ne peux pas nier.

M. Ciaccia: Mais, le 12 janvier, qu'est-ce que Me Jasmin est venu vous demander? Vous reveniez de la Louisiane où vous avez passé vos vacances. Selon votre témoignage, vous avez rencontré Me Jasmin le 12 et êtes revenu le soir auparavant. Qu'est-ce qu'il y avait d'important pour Me Jasmin pour qu'il vienne vous voir?

M. Boivin: J'ai répondu justement à l'endroit auquel vous m'avez référé tantôt dans les témoignages à je ne sais quelle page. J'ai répondu que j'arrivais de Louisiane; j'ai dit que je faisais de la reconstitution; c'est le passage que vous avez cité. J'ai dit que Me Jasmin voulait sans doute connaître ce qui arrivait de la décision du conseil d'administration. Est-ce que cette cause était réglée hors cour ou si elle n'était pas réglée hors cour? Il voulait savoir cela.

M. Ciaccia: Me Jasmin était nerveux, vous l'avez mentionné. Le fait que le procès devait commencer le 15 ne le tracassait-il pas? C'était le 12.

M. Boivin: C'est ce que je viens de dire. S'il avait été réglé, il n'aurait pas été tracassé. Mais comme cela n'était pas réglé, il devait être tracassé.

M. Ciaccia: Vous vous souvenez qu'il était tracassé, mais vous ne vous souvenez pas s'il a parlé de l'ajournement?

M. Boivin: J'ai dit: Je présume qu'il était tracassé. Moi, à l'époque, quand je plaidais une grosse cause qui allait durer six mois et que cela allait débuter dans trois jours, j'étais tracassé. Mais il y a peut-être des gens qui sont mieux que moi et qui ne sont pas tracassés. J'ai dit que je présumais qu'il était tracassé.

M. Ciaccia: Me Beaulé aussi avait témoigné qu'il aurait préféré que la cause ne commence pas. Il ne voulait pas, dans ses mots, "que la guerre commence". Je présume que Me Beaulé et Me Jasmin se parlaient.

M. Boivin: Je le présume aussi.

M. Ciaccia: Si Me Beaulé était tellement préoccupé par la remise afin que la cause ne commence pas, je présume que Me Jasmin l'était aussi.

Le Président (M. Jolivet): M. le député, je dois protéger votre droit de parole, mais je dois protéger aussi l'invité devant nous. Vous êtes en train de faire toutes sortes d'affirmations. Je vais répéter ce que j'ai dit et que je redis souvent. Si vous voulez faire des interventions, libre à vous; si vous n'avez pas d'autres questions, on va passer aux autres interventions. Ne faites pas toutes sortes d'affirmations sans poser aucune question. Cela n'a pas de sapré bon sens.

M. Ciaccia: M. le Président, sur cette question de règlement.

Le Président (M. Jolivet): Oui.

M. Ciaccia: Je n'ai pas fait d'affirmations sans poser de questions, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): Je n'en ai pas vu.

M. Ciaccia: Je me réfère au témoignage de Me Beaulé et au témoignage de Me Jasmin. Ce n'est pas une affirmation que je fais. Ce n'est pas une interprétation des faits. Je me réfère à ces témoignages pour essayer de lui rafraîchir la mémoire parce que, dans d'autres occasions, quand on s'est référé à certains événements on a vu que cela aidait le témoin et qu'il se rappelait alors certaines choses. Je n'ai pas fait d'affirmations.

Le Président (M. Jolivet): Non, je le sais bien. Ce que je veux dire, quand je dis affirmations, c'est que vous répétez des choses à partir des galées. Vous n'avez posé aucune question à la fin de ce que vous venez de dire. Je n'ai pas entendu de question, à moins d'avoir mal compris.

M. Ciaccia: C'est difficile d'en poser quand je suis interrompu. Avec tout le

respect que je vous dois, vous m'avez interrompu et je n'ai même pas eu la chance de terminer mes affirmations. Dès que je commence une affirmation, on m'interrompt et on dit: Non, pose une question. Je ne peux pas la poser si vous ne m'en donnez pas la chance.

Le Président (M. Jolivet): Je suis bien d'accord avec vous pour dire que vous pouvez quand même mettre, au niveau de vos questions, un peu de chair autour, comme on dit, mais pas trop, de telle sorte que souvent, à partir de toutes les affirmations, aucune question ne vient. C'est pour cela que je vous dis: Allez donc aux questions immédiatement. Ce sera bien plus simple comme cela...

M. Tremblay: ...du salissage.

Le Président (M. Jolivet): D'abord, pour m1 aider à éviter des questions de règlement de part et d'autre. Allez-y, M. le député.

M. Ciaccia: Merci, M. le Président. Je vais essayer de me conformer à vos directives.

M. Tremblay: Vous devriez prendre des cours du député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Ciaccia: Bon, alors on ne se souvient pas si Me Jasmin...

Le Président (M. Jolivet): Un instant, c'est le député de Mont-Royal qui a la parole. Arrêtez donc! M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Allons à la réunion du 16 janvier 1979. D'après les registres, Me Jasmin est venu vous voir le 16 janvier. L'entrée est à 15 h 23. Arrivée à 15 h 23; départ à 16 heures. Vers 17 heures, il est allé au bureau de Geoffrion et Prud'homme et il a remis une offre au montant de 50 000 $, représentant la portion des syndicats québécois seulement. Le 17 janvier, il a rencontré les représentants de la Société d'énergie de la Baie James, Me Gadbois, M. Laliberté, Me Cardinal et Me Aquin. L'offre qu'il a présentée, Me Laliberté a dit qu'ils l'ont refusée et M. Laliberté a donné un mandat à Me Cardinal, aux procureurs de Geoffrion et Prud'homme, de rédiger un projet de règlement. Alors, il vient vous voir le 16 janvier, à 15 h 23, il sort à 16 heures. À peine une heure plus tard, il est au bureau de Geoffrion et Prud'homme avec son offre de règlement. Est-il possible qu'il n'ait pas été question avec vous de l'offre de 50 000 $ une heure avant qu'il ait remis cette offre à Geoffrion et Prud'homme?

M. Rodrigue: M. le Président, vous devez sûrement vous attendre à des questions de règlement.

Le Président (M. Jolivet): M. le député, je vais être obligé de vous arrêter. Vous partez d'une hypothèse. C'est bien beau... On a eu la chance d'aller à la pêche en fin de semaine, mais ce n'est pas le temps de continuer. Je vous dis honnêtement: Je ne peux pas accepter la question.

M. Ciaccia: M. le Président, je vais formuler la question de nouveau. Pouvez-vous...

M. Vaillancourt (Jonquière): De quoi a-t-il été question?

M. Ciaccia: Non, parce que je ne veux pas me faire répondre: J'ai déjà répondu. Vous plantez les questions que vous voulez que je pose pour intervenir après et dire: J'ai déjà répondu.

Le Président (M. Jolivet): ...intervention. Alors, M. le député.

M. Ciaccia: Je n'accepterai pas la formulation de vos questions.

Le Président (M. Jolivet): M. le député, M. le député. Allez-y donc avec vos questions.

M. Ciaccia: Pouvez-vous nier qu'il ait été question de l'offre de règlement du projet de transaction quand Me Michel Jasmin est venu vous voir le 16 janvier?

M. Boivin: Oui, M. le Président.

M. Ciaccia: Vous le niez.

M. Boivin: Oui, M. le Président.

M. Ciaccia: De quoi est-il venu vous parler le 16 janvier quand, une heure plus tard, il faisait une offre par écrit à Geoffrion et Prud'homme?

M. Boivin: J'ai répondu longuement au député de Marguerite-Bourgeoys. J'ai dit et je cite les notes que j'ai prises pour préparer mon témoignage et que j'ai citées, l'autre jour, au député de Marguerite-Bourgeoys: "Je ne me souviens aucunement de cette rencontre. Il me faut dire ici que je n'ai peut-être pas de raison particulière de m'en souvenir parce que M. Jasmin, qui m'apparaissait très nerveux à cette époque est venu quelquefois me voir pour me dire ou me redire des choses que j'écoutais par politesse, par exemple... J'ai donné quatre ou cinq exemples, l'autre jour, je peux les répéter si vous le voulez."

M. Ciaccia: Si je comprends bien, le 16 janvier, juste avant que Me Jasmin soit allé remettre une offre de 50 000 $ à Geoffrion et Prud'homme, il est venu à votre bureau et il n'en a pas parlé du tout. C'est une constatation que je fais, M. le Président...

Le Président (M. Jolivet): Oui, j'ai bien vu qu'il n'y avait pas de question.

M. Ciaccia: C'est une constatation basée sur la réponse de...

Le Président (M. Jolivet): Parce que vous faites votre interprétation au fur et à mesure que vous avancez et cela m'inquiète.

M. Lalonde: Cela aide tout le monde.

M. Ciaccia: Cela aide à constater les réponses du témoin. Je veux les comprendre et je les comprends mieux quand je me les répète pour moi-même.

Le Président (M. Jolivet): Allez.

M. Ciaccia: La réunion du 19 janvier. Me Beaulé nous a affirmé qu'il avait reçu le projet de règlement le soir du 18 ou en début de journée le 19. Me Jasmin, le 19 janvier... Je cite le procès-verbal de la réunion spéciale des membres de l'exécutif du Conseil provincial du Québec des métiers de la construction, le 19 janvier 1979, dans les bureaux du conseil provincial. Je cite...

Une voix: Est-ce qu'on peut savoir de quoi vous parlez?

M. Ciaccia: Je parle du procès-verbal. Je lis un procès-verbal...

Le Président (M. Jolivet): Est-ce un document qui a été déposé?

M. Ciaccia: ...de l'exécutif du Conseil provincial du Québec des métiers de la construction.

Une voix: Est-ce que cela a été déposé.

Le Président (M. Jolivet): On le fait distribuer aux membres.

M. Laplante: II n'y a pas de dépôt en commission.

Le Président (M. Jolivet): II y a une distribution.

M. Paradis: Est-ce que le document a été distribué aux membres de la commission?

M. Ciaccia: J'ignore s'il a été distribué. Le Président (M. Jolivet): C'est que, pour Me Boivin, il serait peut-être bon d'en avoir une copie ainsi que pour les membres de cette commission, pour qu'on puisse suivre.

M. Boivin: M. le Président...

Le Président (M. Jolivet): Oui, M. le...

M. Boivin: Je n'en ai jamais entendu parler. Pour moi, cela n'a pas d'importance, je n'en ai jamais entendu parler.

M. Ciaccia: Si cela ne vous fait rien, M. le Président, je voudrais quand même citer des extraits du procès-verbal...

M. Rodrigue: ...un document qu'on n'a pas vu.

Le Président (M. Jolivet): Oui, mais, pour les membres de la commission, l'habitude veut qu'il y ait distribution du document pour qu'on puisse suivre.

M. Ciaccia: Je n'ai aucune objection à ce que ce document soit distribué. Je n'en ai qu'une copie...

Le Président (M. Jolivet): On va demander au Secrétariat des commissions parlementaires de faire des photocopies. Vous pourrez revenir à votre question, de manière qu'on puisse avoir le document en main.

M. Ciaccia: J'aurais préféré, avec la réponse... J'aurais préféré, si j'avais su...

Le Président (M. Jolivet): Oui, je le sais, mais chacun des membres...

M. Ciaccia: Me permettriez-vous de citer le document et, après cela, on pourra faire faire des photocopies et les distribuer?

M. Lalonde: Oui, on peut le faire.

M. Duhaime: Non, M. le Président. Je voudrais en prendre connaissance avant.

M. Ciaccia: Je pense que j'ai le droit de citer un document...

Le Président (M. Jolivet): Oui, sauf que la coutume à cette commission est, pour qu'on puisse suivre convenablement, que, lorsqu'on cite un document, on en fasse les copies nécessaires pour chacun des membres. Cela nous permettra, à ce moment-là, de les avoir devant nous.

M. Ciaccia: M. le Président, quand le ministre a cité le rapport Cliche, il ne l'a pas distribué à la commission parlementaire.

M. Duhaime: On ne vient pas de vous

donner le meilleur conseil de votre carrière.

M. Ciaccia: Vous ne l'avez pas distribué.

M. Duhaime: Nous avons tenu pour acquis que vous l'aviez et que vous l'aviez lu. S'il y a un document dont le député de Mont-Royal - je vais lui faciliter les choses veut nous transmettre une copie, on n'exigera même pas que cela soit authentifié comme document. Mais je voudrais en prendre connaissance parce que je ne donne pas de chèque en blanc au député de Mont-Royal.

Le Président (M. Jolivet): Je pense que c'est ce qu'on a fait depuis le début, en excluant peut-être le rapport Cliche. Donc, elle est...

M. Duhaime: Le rapport Cliche... (10 h 45)

Le Président (M. Jolivet): M. le député, vous allez passer à une autre question en attendant. On reviendra à celle-là.

M. Duhaime: M. le Président, est-ce que cela va être distribué?

Le Président (M. Jolivet): Oui, cela va être distribué. J'attends qu'on puisse faire les copies nécessaires.

M. Ciaccia: Très bien, je vais revenir à la question.

Le Président (M. Jolivet): D'accord.

M. Ciaccia: Le 2 février, vous avez eu deux réunions: le matin avec Me Jasmin et Me Beaulé et ensuite vous avez eu un lunch avec Me Cardinal et Me Aquin. Le 1er février, le jour précédent, le premier ministre avait indiqué qu'il voulait un règlement. Alors, le 2 février, Me Beaulé est entré dans vos bureaux, d'après le registre, à 10 h 07 et il en est sorti à Il h 12. Me Jasmin est entré à 10 h 22 et il en est sorti à Il h 47. Avez-vous dit à Me Jasmin et à Me Beaulé, ou à l'un ou à l'autre, que, la veille, il y avait eu une rencontre avec le premier ministre et que le premier ministre voulait un règlement?

M. Boivin: J'ai dit que je ne le croyais pas.

M. Ciaccia: J'essaie de comprendre. J'aurais pensé, vu les réponses et la position que Me Boivin a prise et affirmée dans sa déclaration d'ouverture, c'est-à-dire qu'il était en faveur de recommander un règlement, qu'il a rencontré le premier ministre, qu'il avait communiqué avec Me Laliberté le 3 février pour lui dire le choix du premier ministre, que Me Jasmin était très nerveux et que Me Jasmin discutait... Non, mais je voudrais compléter la...

Le Président (M. Jolivet): Seulement une chose, je vais vous le permettre si je vois que cela a une certaine utilité. Je suis en train de m'apercevoir que, encore une fois, vous tirez des conclusions, alors que j'ai bien dit...

M. Ciaccia: Ce sont les citations des faits. Quelles conclusions...

Le Président (M. Jolivet): Non, non, M. le député. Je ne serai pas naïf et je pense que les gens ne seront pas naïfs non plus. Actuellement, vous posez des questions et, tout de suite après avoir eu une réponse, vous faites des constatations. J'ai dit que je permettrais vos constatations à la fin, si vous n'avez plus d'autres questions. Si vous avez d'autres questions, vous allez d'abord passer aux questions, mais vous ne ferez pas les constatations que vous voulez à chaque question que vous posez. Vous avez le droit de le faire quand vous avez votre droit de parole pour faire votre résumé.

M. Lalonde: M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: Je comprends, comme le disait le député de Jonquière jeudi soir - je vais retrouver sa citation - que les règles de procédure de nos travaux se sont rétrécies énormément depuis le début...

M. Duhaime: II n'a jamais dit cela.

M. Lalonde: Ou à peu près, vous disiez même que c'était un peu tard. Je comprends cela ou, enfin, je ne l'admets pas, mais je n'ai pas le choix, parce que vous avez cru bon, en cours de route, de changer les règles ou de les rétrécir, de les appliquer ou de les rendre plus sévères, mais il y a quand même une limite. Nous avons un droit de parole que votre devoir est de protéger et de faire respecter, conformément au règlement qui est le maître de nos travaux et le vôtre.

M. le Président, lorsqu'il arrive qu'un député, soit pour situer sa question, fasse une description du contexte, soit, à la suite d'une réponse, pour tenter de la mieux comprendre, de la mieux saisir, répète la question sous une autre forme... On n'est pas à la petite école ici; il me semble que notre droit de parole doit être respecté.

Le Président (M. Jolivet): Dans la mesure aussi où on respecte le règlement. Je n'ai pas interrompu le député de Mont-Royal lorsqu'il a posé ses questions, sauf quand il

faisait une série d'affirmations et qu'il ne posait pas de question à la fin. Il m'a dit: C'est parce que vous m'avez interrompu en cours de route. Je peux accepter que, sur la première question, j'ai peut-être été un peu trop vite, s'il le juge. Mais il y a une chose qui est certaine, c'est qu'il a posé toutes ses questions depuis ce temps sans être interrompu.

La seule difficulté que j'aie, actuellement, c'est qu'au moment où il pose une question, et dès le moment où il a eu la réponse, il fait une série de constatations, mais il ne pose pas de question. J'ai dit et j'ai répété qu'il aura le droit, quand il aura terminé ses questions, de faire les constatations qu'il veut. Je ne l'en empêcherai jamais. Le député de Gatineau sait très bien que je lui ai permis, à lui aussi, de tirer ses conclusions, même si cela a pu paraître à des gens un peu trop prématuré. Cela, c'est une autre question; cela ne me regarde pas.

La seule chose que je voudrais dire concernant le député de Mont-Royal, c'est qu'après avoir posé ses questions, il fait une série d'affirmations et il passe ensuite à une autre question. Je pense que ce n'est pas normal pour notre invité qui aurait peut-être, à partir de la constatation qu'a faite le député, une opinion à émettre. Je ne permettrai pas qu'on fasse une sorte de discussion qui serait une série d'opinions ou de constatations de part et d'autre.

M. Lalonde: C'est là, M. le Président, que le bât blesse...

M. Tremblay: Question de règlement, s'il vous plaît.

M. Lalonde: Je suis en train de poser une question de règlement, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): Je ne sais pas. Pour le moment, j'en avais une venant du député de Marguerite-Bourgeoys et une autre du député de Chambly. Je peux peut-être écouter celle du député de Chambly.

M. Lalonde: Je suis rempli d'une admiration prématurée.

Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! M. le député.

M. Tremblay: C'est seulement pour vous demander de rappeler aux membres de l'Opposition l'article 43.2 de notre règlement. Je vous suggère fortement qu'ils sont en train de contrevenir à l'article 43.2 de notre règlement par leur attitude présente.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Marguerite...

M. Tremblay: Est-ce que vous voulez que je vous le lise, M. le Président?

Le Président (M. Jolivet): Non, je le connais. M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: Je proteste de mon innocence en ce qui concerne l'article 43.2. C'est justement sur la question des propos, des constatations, des commentaires que je voudrais insister, si vous me le permettez. En vertu de quel article, je l'ignore, vous avez, jusqu'à maintenant, interdit à un député qui est en train de poser des questions de faire des commentaires en cours de route. Sauf exception! Je sais qu'à un moment donné, lorsque j'ai posé des questions à un témoin qui n'est plus ici, j'avais dit que j'aurais des commentaires au début, peut-être au milieu et à la fin. J'ai pu les faire. C'est cette espèce de restriction que je comprends mal, à savoir qu'après vingt minutes ou une demi-heure de questions, un député ne puisse pas faire valoir ses commentaires. Le témoin est encore là et c'est encore mieux de les faire pendant qu'il est là. S'il a une correction à apporter aux commentaires ou à la perception que le député a de son témoignage, c'est aussi bien de le faire quand il est là.

Je vous invite simplement, M. le Président, à une application du règlement plus respectueuse du droit de parole, qui est prévue par le règlement pour chaque député. Il n'y a rien dans le règlement, sauf erreur -vous me corrigerez tout de suite, si je fais erreur - qui oblige un député, ni dans le règlement ni dans l'entente que nous avons conclue au début de cette commission, lorsqu'il a le droit de parole, à ne poser que des questions exclusivement.

M. Vaillancourt (Jonquière): M. le Président.

M. Lalonde: C'est cette règle que je vous invite à ne pas appliquer de façon trop rigide.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Jonquière.

M. Vaillancourt (Jonquière): M. le Président, si on veut se rappeler les deux dernières questions qu'a posées le député de Mont-Royal, ce sont les suivantes: Premièrement, il a demandé à M. Boivin, au témoin... D'abord, il lui a rappelé, il ne lui a pas posé la question, je pense - que, le 1er février, le premier ministre avait rencontré, en compagnie de M. Boivin, trois personnes représentant le conseil d'administration de la Société d'énergie de la Baie James. Faisant allusion à la rencontre du 2 février, c'est-à-

dire au lendemain, il demande à M. Boivin s'il a fait état à Me Jasmin et à Me Beaulé de cette rencontre que le premier ministre avait eue. Le témoin a répondu littéralement: Je ne crois pas. Là, M. le Président, c'est ce qui vient qui est illégal. Le député a dit: J'aurais pensé que... Il n'a pas fini sa phrase, M. le Président, parce que vous l'avez interrompu. À moins de me tromper royalement, le député de Mont-Royal commençait à interpréter, à émettre ses commentaires personnels, son opinion personnelle sur ce qu'il croyait que le témoin aurait pu faire. M. le Président, il n'y a peut-être pas d'article de notre règlement qui le défend, c'est tout simplement une question de justice et d'équité. C'est le gros bon sens. Le témoin dit: Je ne crois pas en avoir parlé, et le député de Mont-Royal dit: J'aurais pensé que. Une chance que vous l'avez interrompu parce qu'il s'apprêtait à dire: J'aurais pensé que vous en aviez parlé. C'est interpréter les réponses des témoins.

M. Ciaccia: Un instant, M. le Président. M. Lalonde: Quel mauvais jugement!

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Jonquière, je pense que vous dépassez simplement les bornes en mettant dans la bouche du député de Mont-Royal ce qu'il n'a vraiment pas dit. Le député de Vimont veut aussi intervenir.

M. Rodrigue: M. le Président, je voudrais rappeler au député de Mont-Royal qu'une commission parlementaire, ce n'est pas un colloque, en ce sens qu'il y a des règles qui régissent les travaux d'une commission parlementaire. On ne peut pas dire n'importe quoi. En particulier, l'article 170 de notre règlement dit qu'une certaine latitude est accordée au ministre lorsqu'il répond, mais qu'une réponse est tenue pour finale. À l'article 173, on poursuit en disant: "II est permis de poser de nouvelles questions pour obtenir des renseignements supplémentaires pourvu que ces questions ne prennent pas la forme d'un contre-interrogatoire."

Ce que le député de Mont-Royal a fait tout à l'heure, c'est qu'après avoir posé des questions, il a mis en doute la réponse donnée par l'invité qui est devant nous. D'ailleurs, il l'avait fait dès le début de sa période de questions, ce matin. Il a commencé par mettre en doute ce qu'il a appelé les blancs de mémoire de l'invité qui est devant nous, ce qui n'est même pas une façon subtile de tenter de le discréditer avant même de poser des questions et avant même d'obtenir ses réponses. Il a répété cette insinuation à deux ou trois reprises et, par la suite, une fois que les réponses ont été données par l'invité qui est devant nous, il a formulé des commentaires qui, effectivement, avaient pour effet de mettre en doute les réponses reçues.

M. le Président, d'après notre règlement, cette façon de procéder n'est pas acceptable.

M. Lalonde: Quels articles? Le Président (M. Jolivet): Bon.

M. Rodrigue: Articles 170 et 173, M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

Le Président (M. Jolivet): Bon, on est en train de vouloir demander à la présidence, de part et d'autre, de donner une sorte de directive qui peut risquer, si je la donne, de rétrécir un peu encore une fois, si on la situe comme cela, l'utilisation des droits de parole au niveau des questions qui doivent être posées. On m'a dit qu'on n'était pas à la petite école, mais je dois vous dire que, si j'étais à l'école des procureurs pour apprendre le droit, je serais vraiment à la mauvaise école, je pense, de la façon qu'on pose souvent les questions pour des gens qui, normalement, ont une connaissance juridique beaucoup plus forte que la mienne.

Le seul problème que j'ai, c'est que j'essaie d'abord d'agir selon la justice pour la personne qui est devant nous, pour qu'on n'interprète pas ce qu'il dit à notre façon, sans au moins qu'il ait la chance de répondre à une question. Comme je le dis, vous avez droit à tous les commentaires que vous voudrez, mais seulement lorsque vous aurez terminé vos questions. D'un autre côté, une chose est certaine, c'est que le gros bon sens veut... Là, je vais agir beaucoup plus, comme je l'ai dit en cours de route, avec le gros bon sens des gens qui, des fois, nous écoutent et qui savent plus ce que veut dire le gros bon sens que des termes juridiques.

Je dois, comme président, dans la tâche que j'ai à mener ici à cette commission, agir le plus justement possible aussi bien pour la personne qui questionne que pour la personne questionnée. Mais jamais je n'accepterai qu'on fasse des commentaires et qu'on ne pose aucune question, soit au début d'une question ou à la fin d'une question. Ce que je demande au député de Mont-Royal, et je ne veux aucune autre chose que des questions, c'est simplement qu'il passe le plus rapidement possible à ses questions. Il peut, avec ce qui a été dit à cette commission, poser sa question, mais, une fois la question terminée, qu'il garde ses commentaires pour la fin de toutes ses questions. Il fera les commentaires qu'il voudra, mais pas à la suite d'une question pour éviter qu'on donne l'impression que l'on met en doute la réponse donnée sous serment par la personne qui est devant nous. M. le député de Mont-Royal, vos questions s'il vous

plaît!

M. Ciaccia: M. le Président, c'était seulement sur la même question de règlement.

Le Président (M. Jolivet): Non, j'ai donné ma réponse.

M. Ciaccia: M. le Président, je voudrais porter à votre attention...

Le Président (M. Jolivet): Non, pas sur la même question de règlement, elle est réglée.

M. Ciaccia: Une autre question de règlement, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): Si le but...

M. Ciaccia: ...une directive, une directive.

Le Président (M. Jolivet): Allez, si c'est une directive.

M. Ciaccia: Sur une directive, M. le Président. Est-ce que vous avez constaté, dans le passé, qu'il y avait des témoins qui, au début, ne se souvenaient pas beaucoup de...

Le Président (M. Jolivet): M. le député, M. le député, si votre question...

M. Ciaccia: Vous ne me laissez pas finir.

Le Président (M. Jolivet): Non, non...

M. Lalonde: Ce n'est pas parce que le député de Jonquière se met à japper que...

Le Président (M. Jolivet): ...je vais vous laisser terminer. La seule chose, c'est que je veux avoir... Non, non, ce n'est pas vrai. M. le' député de Mont-Royal, c'est faux ce que vous venez de dire envers moi. De la même façon que j'ai demandé au député de Jonquière de ne pas vous imputer des interprétations, ce n'était pas mon but. C'est que, compte tenu justement du but, je voulais que votre demande de directive soit bien comprise, d'abord de moi, pour que je puisse y répondre. (Il heures)

M. Ciaccia: Combien de fois dans le passé - je ne sais pas si vous l'avez constaté, je pourrais vous en donner des exemples - on a reçu des réponses d'un témoin...

M. Vaillancourt (Jonquière): M. le Président, question de règlement.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Jonquière, question de règlement.

M. Vaillancourt (Jonquière): Je vous dis respectueusement qu'une demande de directive qui vient de la part d'un député doit porter essentiellement et exclusivement sur le règlement de l'Assemblée nationale et non pas demander à la présidence une interprétation ou une opinion sur la crédibilité à accorder à certains témoins plutôt qu'à d'autres.

M. Lalonde: Sur la question de règlement, réellement...

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: Je ne sais si c'est de la nostalgie ou quoi que ce soit, mais le député de Jonquière est dans l'erreur. Le député de Mont-Royal n'a pas l'intention de vous demander, M. le Président, de désigner les membres, les témoins qui auraient eu une meilleure crédibilité que d'autres. Il introduit sa question, sa demande de directive en disant: On a vu que certains témoins, au début, ne se souvenaient pas et on a posé certaines autres questions et, à un moment donné, on a obtenu des réponses. C'est ce que...

M. Ciaccia: C'est exactement le point que je voulais faire valoir, M. le Président...

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Mont-Royal, oui.

M. Ciaccia: ...c'est-à-dire que, finalement, c'est à force de demander des questions... Je suis d'accord avec vous, je vais accepter la directive qu'il faut que je pose des questions, mais je pourrai le faire si vous me donnez la chance de compléter mon intervention. Et je vous dis très respectueusement que les derniers faits que je commençais à...

Le Président (M. Jolivet): M. le député, vous êtes en train de faire indirectement ce que le règlement ne vous permet pas. Vous mettez en doute la décision que j'ai rendue. Je la rends, je la maintiens et je vous demande de passer aux questions. Si vous avez des constatations à faire, je ne le permettrai pas. Quand vous aurez terminé vos questions, vous ferez toutes les constatations que vous voudrez.

M. Ciaccia: Ce ne serait pas plus facile, M. le Président...

Le Président (M. Jolivet): Pardon?

M. Ciaccia: ...de dire que le député de

Mont-Royal n'a plus droit de parole à cette commission parlementaire?

Le Président (M. Jolivet): Non, M. le député. Vous avez le droit de parole. Si vous voulez arrêter vos questions, c'est votre droit le plus strict.

M. Duhaime: Article 45.

M. Ciaccia: Non, je ne veux pas arrêter mes questions. Je ne les arrêterai pas non plus.

Le Président (M. Jolivet): Allez-y donc. Posez vos questions.

M. Ciaccia: Mais je vais insister, M. le Président, pour qu'avant... Je ne peux pas seulement poser une question, il faut que je donne des constatations...

M. Laplante: M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): M. le député.

M. Ciaccia: II faut que je situe ma question.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Mont-Royal, c'est ce que je vous ai dit. Il n'y a pas de problème. Ce n'est pas cela...

M. Laplante: M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): Un instant. Je vais régler ce problème, premièrement. On passera ensuite à un deuxième, s'il y en a un deuxième. Ce que je dis, M. le député de Mont-Royal, c'est que vous pouvez poser vos questions. Ce que je ne veux pas, c'est que vous fassiez vos constatations à la fin de la réponse donnée. Vous les ferez plus tard.

M. Laplante: M. le Président, sur une question de directive.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Bourassa.

M. Laplante: Presque à chaque fois que les discussions s'allongent autour de la table, le député de Mont-Royal est impliqué, chaque fois qu'il interroge un témoin.

Le Président (M. Jolivet): Question de directive. Quelle est votre demande de directive?

Une voix: Aux galères! Aux galères!

M. Laplante: Je voudrais savoir, M. le Président, s'il y aurait possibilité, lorsque le député de Mont-Royal enclenche ses discussions, de vous servir de l'article 45 tout de suite...

M. Lalonde: Ah bon!

M. Laplante: ...pour que le témoin puisse, à un moment donné, recevoir des questions.

M. Lalonde: M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: M. le Président, est-ce qu'on peut suspendre un peu les travaux? Le député de Bourassa a besoin d'un peu de repos.

Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! S'il vous plaît! M. le député.

M. Laplante: Chaque fois, on coupe...

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Bourassa, ce problème-là est réglé. Il va passer aux questions. Oui, oui, on s'est entendu. M. le député de Mont-Royal, vos questions s'il vous plaît!

M. Ciaccia: M. le Président, M. Boivin...

Une voix: La comprendrez-vous?

Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! La parole est au député de Mont-Royal. Ne l'interrompez pas puisqu'il a commencé.

M. Ciaccia: ...le 3 janvier, vous avez communiqué avec M. Laliberté. Vous lui avez fait savoir que c'était le souhait du premier ministre de régler la cause. Me Jasmin et Me Beaulé sont venus souvent dans votre bureau. D'après les témoignages que vous-même avez apportés à cette commission et d'après le témoignage de Me Beaulé, ils voulaient un règlement hors cour. Troisièmement, le premier ministre a indiqué, le 1er février, qu'il voulait que cela se règle. Vous venez de me dire, à la suite d'une question que je vous ai posée, que vous ne croyez pas leur avoir parlé, c'est-à-dire à Me Jasmin et à Me Beaulé, de la réunion du 1er février. Constatant tous les événements qui se sont produits avant, est-ce que vous pourriez être plus spécifique?

M. Rodrigue: M. le Président...

Le Président (M. Jolivet): Juste un instant.

M. Rodrigue: M. le Président, question de règlement.

Le Président (M. Jolivet): Juste un instant. Il a posé... Je pense que je peux quand même accorder au député... Me Boivin est prêt à répondre. Il a posé une question. Maintenant, je permettrai à Me Boivin d'y répondre.

M. Boivin: M. le Président, il m'est difficile d'être plus... Au sujet de ma mémoire et de mes trous de mémoire, je voudrais raconter une anecdote. Un jour, j'étais fatigué, je demande à ma secrétaire, le soir, combien d'appels téléphoniques j'avais reçus. Elle me dit: 75. Quand on me questionne au sujet d'une rencontre du 2 février 1978, vous savez... Pour être plus spécifique, je ne peux pas être plus spécifique que la réponse qui apparaît à la page 1 du ruban 1418. Je vais la lire pour les téléspectateurs: Pour préparer mon témoignage, j'ai essayé de gratter ma mémoire, c'est bien tannant, mais, en tout cas, je l'ai fait. Et j'ai écrit, en grattant ma mémoire, ce qui suit dans mes notes pour témoigner devant vous: au sujet de la réunion du 2 février, je ne m'en souviens pas. Avant le témoignage de Me Beaulé, je ne me souvenais même pas qu'il m'avait remis un document. Encore aujourd'hui, je ne m'en souviens pas, mais, puisque Beaulé l'affirme, je veux bien le croire. Mais je me souviens, cependant, de la lettre du 5 février adressée à Geoffrion et Prud'homme dont il me fait tenir copie. Je poursuis, parce que vous l'avez interrogé là-dessus: Je ne crois pas les avoir mis au courant de la rencontre de la veille, soit celle du 1er février avec le premier ministre; et j'ajoute, comme je ne savais pas comment le conseil d'administration de la SEBJ allait traiter cette affaire, que je ne voulais pas trop m'engager vis-à-vis des avocats des défendeurs ou encore leur donner trop d'espoir.

M. Ciaccia: Le fait que le premier ministre ait dit: Réglez ou bien je vais régler, cela vous permet de dire et de continuer d'affirmer que vous ne vouliez pas donner espoir aux avocats des défendeurs, malgré le fait que le premier ministre ait dit à M. Boyd: Écoutez! Réglez - juron - ou on va régler. C'est donner un espoir cela?

M. Boivin: Un exemple de question, selon moi, défendue par le règlement. Je n'ai jamais admis et je ne me souviens pas que le premier ministre ait dit: Réglez ou je vais régler. Et je me suis...

M. Ciaccia: Vous niez cela? Vous niez que le premier ministre ait dit cela?

Le Président (M. Jolivet): Écoutez ce qu'il dit, M. le député.

M. Boivin: Je me suis exprimé en réponse à une question du député de Marguerite-Bourgeoys. J'ai dit que je ne me souvenais pas que le premier ministre ait employé cette expression et j'ai ajouté que, s'il l'avait dit, je me demande encore aujourd'hui le sens de cette réponse, car comment le premier ministre aurait-il pu régler sans l'accord du conseil d'administration? J'ai dit qu'encore aujourd'hui, si le premier ministre a dit cela, je me demande ce qu'il voulait dire. Mais, en tout cas, c'est un hors d'oeuvre.

Pour en revenir à votre question, je vous réponds de la façon que je viens de vous répondre.

M. Ciaccia: M. le Président, je ne veux pas enfreindre le règlement, mais la question que je me pose et que je vous pose à vous...

Le Président (M. Jolivet): Mais je n'ai pas de réponse à donner, par contre. J'ai mon problème. Je n'ai pas à entrer dans le fond, j'espère.

M. Ciaccia: Une directive.

Le Président (M. Jolivet): D'accord.

M. Ciaccia: Si un témoin peut interpréter la réponse d'un premier ministre, pourquoi est-ce que je ne peux pas interpréter la réponse du témoin?

Le Président (M. Jolivet): Je ne vois pas le lien, M. le député, franchement.

M. Ciaccia: Je n'ai pas le droit de faire des commentaires sur sa réponse. Il vient d'en faire...

Le Président (M. Jolivet): Non, au contraire. C'est justement ce que vous avez de la difficulté à comprendre. Vous ferez les commentaires que vous voudrez à la fin de vos questions. Vous avez le droit de faire des commentaires. Vous avez le droit de...

M. Ciaccia: Mais j'ai des réflexes immédiats sur ses commentaires...

Le Président (M. Jolivet): Ah oui!

M. Ciaccia: ...sur ses réponses. Je n'ai pas le droit de les faire.

Le Président (M. Jolivet): Vos questions. Une voix: Retenez-vous!

M. Ciaccia: Revenons à la réunion du 19 janvier. Nous allons revenir à la réunion du 19 janvier. Est-ce qu'on vous a distribué le procès-verbal de la réunion du 19 janvier tenue aux bureaux du conseil provincial?

M. Duhaime: Qui l'a barré?

Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! Ne venez pas me dire que le crayon jaune fait disparaître l'ensemble des questions, c'est-à-dire les textes à être lus. Je pense, M. le ministre, que c'est ce que vous vouliez me dire?

M. Duhaime: Oui.

Le Président (M. Jolivet): Le problème qu'on a avec les photocopieuses, aujourd'hui, c'est que le jaune cache, M. le ministre.

M. Ciaccia: Ce n'est pas possible.

M. Duhaime: Je sais ce que donne le jaune sur une photocopieuse, M. le Président, mais la copie que j'ai en main est parfaitement illisible.

Le Président (M. Jolivet): Justement, c'est le jaune qui amène cela. Alors, M. le député, vos questions, je vous le permets.

Une voix: Ce n'est pas illisible. M. Duhaime: C'est illisible.

M. Ciaccia: Merci. Juste pour la compréhension de ceux qui nous écoutent, M. le Président, j'ai souligné en jaune certains extraits. Alors, quand on fait une photocopie, cela apparaît comme n'étant pas lisible, mais c'est la faute des photocopieuses.

Le Président (M. Jolivet): M. le député, n'ajoutez rien. C'est ce que j'ai dit d'ailleurs.

M. Duhaime: On va changer, M. le Président. Si on peut me passer la feuille du député de Mont-Royal, je vais lui prêter la mienne.

Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaîtï M. le député.

M. Ciaccia: Après que j'aurai lu...

M. Duhaime: Non, vous ne lirez rien. Je ne donne pas mon accord là-dessus, M. le Président.

M. Lalonde: Vous n'avez pas du tout à donner votre accord.

M. Duhaime: Ah oui! M. Lalonde: Pas du tout!

M. Duhaime: On va en faire une question de règlement.

Le Président (M. Jolivet): J'ai un problème. Il est évident que M. le député a pris un procès-verbal et il a souligné en jaune ce qu'il voulait amener comme question. Quand nous passons cela à la photocopieuse, le jaune devient foncé, de telle sorte que... J'ai de très bons yeux, je vais écouter le député et je dois vous dire que je suis capable de le lire malgré tout.

M. Lalonde: Bon.

M. Duhaime: Moi, je ne suis pas capable.

M. Ciaccia: À la réunion du 19 janvier, dans les bureaux du Conseil provincial des métiers de la construction...

M. Duhaime: Question de règlement.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Duhaime: M. le Président, je pense qu'on devrait peut-être ne s'offenser de rien, mais je suis prêt à offrir ma copie au député de Mont-Royal. Il va me prêter la sienne. Je vais lui faire lire le noir, il va me passer le jaune, premièrement. Deuxièmement...

M. Lalonde: Ce n'est pas la première fois que le ministre est dans le noir.

M. Duhaime: ...avant de laisser distribuer un document en commission, ou bien il y a une personne qui le dépose ou encore on donne notre consentement. Ce document peut être déposé avec consentement de notre part et cela va me faire plaisir de le donner. Mais je ne donnerai pas un consentement sur des choses que je ne peux pas lire. Êtes-vous capable de lire le dernier paragraphe?

Le Président (M. Jolivet): Dans le paragraphe, il explique clairement... Et là, on a les raisons pour lesquelles il... - il y a un mot qui pose de la difficulté - au conseil..

Une voix: ...conseil provincial.

Le Président (M. Jolivet): C'est un peu plus difficile, on ne voit pas "provincial". Vous voyez que c'est très difficile, effectivement.

M. Lalonde: C'est très difficile. D'ailleurs, j'ai eu le même problème avec une opinion qui nous avait été remise dans le cahier de Geoffrion et Prud'homme où les passages...

M. Duhaime: Laquelle?

M. Lalonde: Dans le cahier de

Geoffrion et Prud'homme. Il y avait des documents.

M. Duhaime: II y avait des choses illisibles?

M. Lalonde: Comme cela, exactement comme cela.

M. Duhaime: Je n'en ai vu nulle part.

M. Lalonde: Vous avez peut-être passé par-dessus.

Le Président (M. Jolivet): Le seul problème que j'ai, c'est qu'effectivement on a demandé à déposer ce document. Il a été déposé en photocopie. Sur certaines parties, c'est très difficile de lire. Le député a une copie entre les mains. M. le ministre demande qu'on certifie...

M. Duhaime: Qu'on change de copie.

Le Président (M. Jolivet): ...qu'on change de copie. Le député va avoir de la difficulté à lire sa propre photocopie.

M. Lalonde: N'y a t-il pas moyen d'avoir des photocopies?

M. Duhaime: Non.

M. Ciaccia: Cela permettrait de lire ceci, et je vais lui passer cette copie.

M. Duhaime: Non, vous allez le lire sur la mienne et vous allez me passer la vôtre, et je vais vous suivre.

M. Ciaccia: Vous êtes donc intelligent: Franchement, il y a une limite.

Le Président (M. Jolivet): Je pense qu'il y a tout de même un compromis de fait. Le député vous dit: Je vais lire la phrase et je vais passer le document pour que vous puissiez le lire. Là, on va pouvoir le certifier.

Allez donc, M. le député.

M. Lalonde: Écoutez attentivement, M. le ministre.

M. Ciaccia: Écoutez! Pour vous assurer que je ne me trompe pas.

M. Duhaime: J'espère que vous ne travailliez pas comme cela quand vous étiez chez Steinberg, parce qu'ils vous auraient mis dehors depuis longtemps.

Le Président (M. Jolivet): M. le député. Qu'il procède ensuite à la lecture.

M. Ciaccia: Si vous pensez que cela va me déstabiliser, vous vous trompez.

Le Président (M. Jolivet): Allez, allez. M. Duhaime: Non. M. le Président...

Le Président (M. Jolivet): Pas de commentaires, M. le député.

M. Ciaccia: Dites-le au ministre aussi.

M. Duhaime: Je ne veux pas vous déstabiliser, j'ai simplement lu l'Almanach du peuple en fin de semaine.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Le 19 janvier, à une réunion de l'exécutif qui a eu lieu le matin, dans les bureaux du Conseil provincial des métiers de la construction, on lit la note suivante: "Poursuite de la SEBJ. Me Michel Jasmin prend la parole et donne un court résumé de la réunion de dimanche pour les membres qui étaient absents lors de cette assemblée. Il procède ensuite à la lecture du document qu'il a préparé afin d'obtenir un règlement hors cour concernant l'action intentée par la Société d'énergie de la Baie James. Il explique clairement les raisons pour lesquelles il recommande au conseil provincial d'accepter ce document et, par la suite, demande l'autorisation de procéder au règlement en signant pour et au nom du conseil provincial le document tel que rédigé."

À la page 2: "II est proposé par M. Tousignant, secondé par A. Chartrand, que Me Michel Jasmin, de l'étude Jasmin, Rivest, Castiglio et Lebel, soit autorisé à procéder au règlement, conformément au document déposé par Me Michel Jasmin, et soit autorisé à signer le règlement et régler l'action intentée par la Société d'énergie de la Baie James contre le conseil provincial -on donne le numéro de la cause - pour et au nom du Conseil provincial du Québec des métiers de la construction. Que Me Michel Jasmin soit autorisé à engager un montant maximum de 62 500 $ pour et au nom du conseil provincial pour les fins du règlement de ce dossier. (Il h 15)

Le matin, Me Jasmin se fait autoriser à signer le projet de règlement qu'il a soumis au Conseil provincial des métiers de la construction. Me Beaulé a affirmé devant cette commission que soit le soir du 18 ou le matin du 19 il a eu une copie du projet de règlement et en a discuté avec Me Woll et Me Fanning. Puis, ils se sont rendus à votre bureau. Me Beaulé, Me Jasmin, Me Woll et Me Fanning sont allés à votre bureau.

Si le ministre veut savoir l'heure de la

réunion...

M. Duhaime: Oui.

M. Ciaccia: Je pense que, si vous consultez les registres, vous allez voir l'heure de la réunion.

M. Duhaime: Non, M. le Président. C'est la réunion spéciale des membres de l'exécutif du 19 janvier 1979. J'aimerais savoir à quelle heure.

M. Ciaccia: Ah! Cette réunion. Vous la demanderez après.

M. Lalonde: II y a un des participants à cette réunion, M. le Président - sur la question de règlement - qui s'appelle M.

Maurice Pouliot et qui pourrait venir témoigner ici.

Le Président (M. Jolivet): Ne commencez pas un débat. Ne commencez pas un débat. Ne commencez pas un débat!

M. Ciaccia: 9 h 45 le matin. M. Duhaime: Quelle heure? M. Ciaccia: 9 h 45 le matin.

M. Duhaime: Seulement 9 h 45 le matin.

M. Ciaccia: Je crois.

Le Président (M. Jolivet): C'est inscrit 9 h 45: Le président Dumoulin ouvre l'assemblée à 9 h 45.

M. Duhaime: Ah bon! D'accord. Là, on le sait.

M. Ciaccia: Je vais recommencer pour...

M. Boivin: J'ai tout saisi ce que vous avez dit jusqu'à présent.

M. Ciaccia: Mais je voudrais le reprendre.

M. Boivin: Ah!

M. Rodrigue: M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Vimont.

M. Rodrigue: M. le Président, tout à l'heure, vous avez demandé au député de Mont-Royal de poser ses questions, de cesser de tirer ses propres conclusions ou d'enchevêtrer des événements pour tenter de leur donner un sens de conclusion. Or il m'apparaît que, dans la façon de poser cette question, il recommence exactement de la même façon et que c'est tout aussi irrégulier que tout à l'heure.

Le Président (M. Jolivet): Je lui ai permis de situer sa question. Je lui ai demandé de le faire le plus brièvement possible. La question est sur le point d'être posée. Donc, allez-y, M. le député.

M. Ciaccia: Brièvement. Me Beaulé a reçu le projet de règlement le soir du 18 ou le matin du 19. Me Jasmin s'est fait autoriser à signer le projet de règlement. Me Beaulé, Me Jasmin, Me Woll et Me Fanning se rendent au bureau de Me Boivin. C'est le 19 janvier.

Me Boivin, pouvez-vous nous affirmer qu'il n'a pas été question de cette offre de règlement à la réunion avec Me Beaulé, Me Jasmin, Me Woll et Me Fanning, le 19 janvier?

M. Boivin: Je le jure.

M. Ciaccia: Alors, si je comprends bien votre réponse... Je veux constater sa réponse...

Le Président (M. Jolivet): M. le député.

M. Ciaccia: Est-ce que je peux constater parce que....

Le Président (M. Jolivet): Tout le monde a constaté qu'il a répondu: Je le jure.

M. Ciaccia: II n'y a pas eu de...

Le Président (M. Jolivet): II n'y a pas de constatations.

M. Ciaccia: Alors, vous vous souvenez de ne pas en avoir discuté de cela?

M. Boivin: Exact. Je ne sais si cela vous aiderait, M. le député. Je n'ai jamais discuté de ce projet, de cette offre de règlement ni d'aucune autre.

M. Ciaccia: Ni d'aucune autre? M. Boivin: Voilà.

M. Ciaccia: II n'y avait aucun projet de règlement...

M. Boivin: Voilà.

M. Ciaccia: ...aucune discussion?

M. Boivin: Voilà.

M. Ciaccia: Même si Me Beaulé nous dit...

M. Boivin: Cela fait le tour de la question.

M. Ciaccia: Même si Me Beaulé nous dit qu'il en a...

Le Président (M. Jolivet): Juste un instant. Comme il dit qu'il n'a discuté ni de ce règlement ni d'un autre règlement, d'un autre projet ou peu importe, qu'il n'en a pas discuté, à quoi sert-il de vouloir reposer les questions?

M. Rodrigue: M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): Vous allez me dire: C'est parce que je veux lui rafraîchir la mémoire, mais...

M. Rodrigue: II n'a pas besoin de cela.

M. Ciaccia: Non, non, je ne vous dirai pas cela du tout parce qu'il a été pas mal catégorique.

Le Président (M. Jolivet): Bon, allez-y donc avec une autre question. Cela sera plus simple.

M. Ciaccia: Même si je m'étonne que, sur certains points, sa mémoire est...

Le Président (M. Jolivet): M. le député.

M. Ciaccia: ...fraîche et complète et, sur d'autres...

Le Président (M. Jolivet): II y a des choses bien étonnantes dans la vie. Allez-y donc. M. le député.

M. Ciaccia: Oui, oui, je vais continuer, M. le Président. Est-ce que vous étiez au courant, est-ce que vous saviez que Me Beaulé avait discuté du projet de règlement avec Me Woll et Me Fanning, que Me Woll et Me Fanning l'ont apporté avec eux à Washington et qu'il est revenu ici à Montréal le 22 janvier signé par M. Conlan?

M. Boivin: J'ai appris cela au cours des travaux de cette commission.

M. Ciaccia: Vous avez appris cela durant le témoignage de cette commission.

M. Boivin: Voilà.

M. Ciaccia: Je n'ai pas bien entendu.

M. Tremblay: Cela va vous prendre des lunettes!

M. Ciaccia: Retournons au 2 février, au lunch avec Me Aquin et Me Cardinal. On a parlé un peu de la réunion du matin. Au ruban 692, témoignage de Me Aquin, il est dit, et je cite: "Je me souviens aussi que je lui parle des nombreux textes de transaction qu'on a faits." Lui, c'est en référence à vous-même, Me Boivin. Il dit: "Mais je ne les ai pas en main." Pour être certain que je cite exactement dans le contexte, il en a discuté, mais il ne les avait pas en main. Qu'est-ce que Me Aquin vous disait à propos de ces projets de transaction?

M. Boivin: J'ai dit - et si je ne l'ai pas dit, je le dis - que je ne me souvenais aucunement que Me Aquin m'ait parlé des textes de transaction, lors de ce lunch.

M. Ciaccia: II n'a pas été question de savoir comment il les avait rédigés ou s'il en avait parlé à Me Beaulé...

M. Rodrigue: M. le Président, je soulève une question de règlement.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Vimont.

M. Rodrigue: Je pense qu'on contrevient carrément à l'article 173 de notre règlement qui dit qu'il est permis de poser de nouvelles questions pour obtenir des renseignements supplémentaires, pourvu que ces questions ne prennent pas la forme d'un contre-interrogatoire, c'est-à-dire qu'elles ne reviennent pas sur le même sujet tout le temps. Or, c'est ce que fait le député de Mont-Royal. L'invité qui est devant nous a répondu. Il a d'ailleurs répondu plusieurs fois à la même question. Il me semble qu'au point où nous en sommes, la réponse a été donnée et le député de Mont-Royal devrait passer à une autre question. Il est inutile de revenir tout le temps sur la même question et de tricoter autour de la même question. C'est un contre-interrogatoire qu'il fait subir actuellement à l'invité et cela contrevient à l'article 173 de notre règlement.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: M. le Président, si je comprends bien, le témoin a dit: Je ne m'en souviens pas. Il n'a pas affirmé catégoriquement qu'il n'en pas été question. J'essaie de faire ressortir certains autres faits - il est vrai que c'est sur le même sujet - dans le but que cela pourrait, comme il a été tellement catégorique sur d'autres sujets, peut-être lui rafraîchir la mémoire. Ce sont des faits additionnels. Je ne repose pas la même question.

M. Rodrigue: M. le Président, sur la même question de règlement...

Le Président (M. Jolivet): Non, non. Je

ne voudrais pas qu'on passe notre temps à nous interrompre de part et d'autre sur une série de questions de règlement. Je pense que la personne qui est devant nous peut répondre à la question qui était posée. Je ne vois pas pourquoi on soulèverait des questions de règlement de façon interminable, ce matin.

M. Rodrigue: Ce n'est pas de cela qu'il s'agit. Je voulais...

Le Président (M. Jolivet): Est-ce que c'est sur une autre question de règlement ou si c'est sur la même?

M. Rodrigue: C'était sur la même et je vous indique ce que je voulais faire valoir. Je voulais vous faire valoir que la façon de poser des questions, même si les termes sont légèrement différents, revient au même tout le temps, en ce sens qu'on pose la question: Avez-vous eu connaissance qu'il y ait eu des projets de règlement? La réponse est non. Deuxième question: Est-ce qu'on vous a parlé du contenu du projet de règlement? La réponse ne peut pas être autre chose que non, parce qu'on a dit qu'on n'a pas pris connaissance d'un projet de règlement. Troisième question: Est-ce que Me Jasmin vous a parlé du contenu de son projet de règlement?

Finalement, par des moyens détournés, on fait ce qu'on ne peut pas faire directement. Il me semble que cela contrevient carrément à l'article 173. En d'autres mots, lorsque le témoin dit qu'il n'a pas eu connaissance d'un projet de règlement, quand bien même on commencerait à l'interroger sur le contenu de tels projets de règlement, s'ils existent, comment voulez-vous qu'il soit en mesure de répondre plus que ce qu'il a déjà répondu initialement?

M. Lalonde: M. le Président...

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: ...sur la question de règlement. Je pense qu'on devrait procéder, mais je fais appel à votre indulgence à l'égard du député de Vimont. Quand le chef de cabinet du boss se trouve ici, on le voit inspiré d'une...

Le Président (M. Jolivet): M. le député, allez donc!

M. Lalonde: ...vigilance tout à fait renouvelée.

Le Président (M. Jolivet): M. le député, allez donc sur la question de règlement.

M. Lalonde: C'était simplement pour situer, bien situer la question de règlement du député de Vimont.

Le Président (M. Jolivet): C'était de l'interprétation de votre part, M. le député, et cela n'est pas correct. M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Quand Me Aquin nous dit, au ruban 692, que vous lui avez dit... Je cite ce que Me Aquin nous dit: "Si vous faites quelque chose, ne vous accrochez pas uniquement à des papiers ou à des textes de transaction." C'est ce dont Me Aquin se souvient que vous lui avez dit. Vous avez expliqué, dans votre témoignage, que vous auriez dit plutôt: Ne vous enfargez pas dans les tapis.

M. Duhaime: Dans les fleurs du tapis.

M. Ciaccia: Dans les fleurs du tapis. Quand vous avez lancé cela de vous-même, n'a-t-il pas été question du tout du texte du règlement?

M. Boivin: M. le Président, pour bien situer ma réponse sur toute cette question, j'ai peine à me souvenir de tout cela. S'il n'avait pas mentionné le restaurant, je pense que je ne m'en souviendrais pas. Même là, quand vous me faites dire que j'ai dit: Nnee t'enfarge pas dans les fleurs du tapis, je dis pas que j'ai dit cela, je dis que j'ai dû dire cela. J'en dis trop pour vous faire plaisir. Le lunch, quant à moi, c'était dans un restaurant italien et le dîner était bon. Quant au reste, vous savez...

M. Ciaccia: Vous ne vous souvenez pas du menu?

M. Boivin: Quoi?

M. Ciaccia: Vous ne vous souvenez pas du menu?

M. Boivin: Non, malheureusement. Le minestrone est excellent.

M. Ciaccia: Quelqu'un n'est pas venu chercher son imperméable dans votre bureau non plus?

Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît, M. le député, ce n'était pas correct.

M. Lalonde: Le "ministroune"?

Le Président (M. Jolivet): Non, non, ce n'est pas cela mon problème, mais vous faites justement un commentaire qui va à l'encontre du règlement.

M. Ciaccia: Mais lui, il peut en faire

des commentaires et moi je n'ai pas le droit. Le Président (M. Jolivet): Non, non.

M. Ciaccia: C'est cela que je vous dis. Il y a deux règles, deux mesures. Il me semble que, comme parlementaire, je devrais avoir autant le droit que le témoin de faire des commentaires.

Le Président (M. Jolivet): M. le député, n'oubliez pas que, lorsque notre invité vous a répondu, c'est parce que vous lui avez posé une question. Vous lui avez dit: Vous ne vous souvenez pas du menu? Et il vous a répondu. C'est vous qui avez provoqué la réponse.

Allez donc aux questions.

M. Duhaime: La cuisine italienne est meilleure que les questions.

M. Ciaccia: Meilleure que le ministre aussi.

M. Lalonde: On peut épicer les deux de la même façon.

Le Président (M. Jolivet): À l'ordre. M. le député de Mont-Royal, c'est vous qui avez la parole.

M. Tremblay: M. le Président, à la réponse du député...

M. Duhaime: J'aimerais l'entendre aussi.

Le Président (M. Jolivet): Moi, je ne veux pas.

M. le député de Mont-Royal.

M. le député de Marguerite-Bourgeoys, s'il vous plattl

M. Lalonde: Dans mon comté, quand il m'en parle, il trouve cela drôle.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Marguerite-Bourgeoys, s'il vous plaît! M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Avant la réunion du 1er février avec le premier ministre et les représentants de la SEBJ, avez-vous rencontré le premier ministre?

M. Boivin: Voulez-vous dire le jour même?

M. Ciaccia: Pas nécessairement le jour même, cela aurait pu être la veille ou le matin. Au sujet de cette réunion, avez-vous rencontré le premier ministre avant la réunion?

M. Boivin: Je pense qu'on est parti de Québec en avion pour se rendre à Montréal. Je fais de la reconstitution, voyez-vous. J'ai dû dire: On va rencontrer M. Untel, M. Untel, M. Untel, voici quel sera le sujet. On a dû s'en parler nécessairement. Que voulez-vous que je vous dise? Vous avez absolument raison de dire: Vous vous souvenez de certaines choses et vous ne vous souvenez pas d'autres choses. Pourquoi ma mémoire est-elle faite ainsi? Je n'en sais rien...

M. Ciaccia: C'est peut-être cela qui fait un bon chef de cabinet.

M. Boivin: Je me souviens que les trois messieurs sont arrivés en retard. Pourquoi je me souviens d'un détail comme celui-là? C'est niaiseux. Ils sont arrivés à 18 h 15 au lieu de 18 heures, c'est complètement stupide de me souvenir de cela, mais je m'en souviens.

M. Ciaccia: Lorsqu'un des membres de la commission - je ne sais pas si c'était le député de Marguerite-Bourgeoys ou peut-être moi-même - vous a demandé pourquoi vous vous souveniez de la réunion du 1er février, vous avez dit: C'était une réunion avec le premier ministre et les P.-D.G. de la SEBJ, alors je me suis souvenu de cela. De la même façon, ne vous souviendriez-vous pas d'avoir rencontré le premier ministre pour discuter de cette réunion parce que la réunion était importante? Vous êtes le chef de cabinet du premier ministre, avez-vous rencontré, même si c'était en avion ou autrement, le premier ministre pour discuter de cette réunion avant qu'elle ait lieu?

M. Boivin: Cette réunion n'était pas une des réunions importantes dans ma vie, alors je n'ai pas de raison particulière de m'en souvenir. Je rencontre le premier ministre tous les jours. Alors, vous me demandez si j'ai rencontré le premier ministre le 2 février ou avant au sujet de cette réunion qui devait avoir lieu le 2 février...

M. Ciaccia: Pas le 2 février, avant le 1er février, parce que la réunion a eu lieu le 1er février.

M. Boivin: Excusez-moi, je veux dire le 1er ou avant le 1er février. Je vous dis: Selon toute vraisemblance, oui.

M. Ciaccia: Vous souvenez-vous de ce que vous avez dit au premier ministre concernant cette réunion?

M. Boivin: Bien non, bien sûr que non.

M. Ciaccia: Pourquoi dites-vous: Bien sûr que non? (Il h 30)

M. Boivin: Parce que c'est banal. Je ne peux pas me souvenir de ce que j'ai dit au

premier ministre le 1er février 1979 au sujet d'une réunion...

M. Ciaccia: Mais si vous me dites que la réunion était tellement importante et que vous vous souvenez de ce qui est arrivé à cette réunion, pourquoi serait-il banal de dire: La préparation de cette réunion n'est pas importante? Je ne comprends pas cela. Je voudrais que vous m'expliquiez cela.

M. Boivin: Je vais essayer de vous l'expliquer, M. le député. J'ai déjà parlé au premier ministre avant des conférences constitutionnelles fédérales-provinciales qui étaient plus importantes que ces rencontres et je ne me souviendrais pas de ce que j'ai dit au premier ministre, si vous me le demandiez.

M. Ciaccia: Auriez-vous discuté avec le premier ministre, avant le 1er février, en préparation de cette réunion, de l'abandon de la poursuite?

M. Boivin: Certainement, puisque, avant le congé des fêtes, j'ai recommandé au premier ministre le règlement hors cour de cette cause.

M. Ciaccia: Dans quel contexte ou de quelle façon auriez-vous discuté de l'abandon de la poursuite avec le premier ministre juste avant le 1er février?

M. Boivin: Je ne m'en souviens absolument pas. Je saisis mal le sens de votre question, parce que j'ai peine à croire que vous me demandiez de vous relater avec quelque peu d'exactitude ce que j'aurais pu dire au premier ministre, disons, le 1er février ou les jours précédant le 1er février, au sujet de la rencontre - si je comprends bien votre question - qui devait avoir lieu le 1er février au soir. Est-ce que c'est cela votre question?

M. Ciaccia: Je voudrais - puisque vous me le demandez, M. le Président - me faire relater exactement les informations que je voudrais avoir du témoin quant à sa réunion avec le premier ministre. Il y avait une réunion...

Le Président (M. Jolivet): Un instant. Ce que l'invité demande - si j'ai bien compris; peut-être ai-je mal compris, il me le dira, parce que je suis la discussion depuis tout à l'heure - c'est d'expliquer exactement le sens de votre question...

M. Ciaccia: Très bien, je vais l'expliquer.

Le Président (M. Jolivet): ...mais non pas de relater des faits inhérents. D'accord.

M. Ciaccia: Le sens de ma question est celui-ci: il y avait une réunion très importante le 1er février. Je pense que vous l'avez avoué vous-même, il semble que cette réunion était importante. Pour une réunion importante avec le premier ministre et le P.-D.G. des sociétés d'État, comme chef de cabinet, vous deviez préparer le premier ministre, discuter avec lui, préparer la réunion.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Jonquière.

M. Vaillancourt (Jonquière): M. le Président, au lieu de faire cette affirmation, il pourrait poser la question au témoin.

M. Ciaccia: J'essaie d'expliquer le sens de ma question; pour en expliquer le sens, je ne peux pas expliquer une question par une autre question.

Le Président (M. Jolivet): Posez votre question.

M. Ciaccia: Je voudrais savoir ce que vous avez fait pour préparer le premier ministre pour la réunion du 1er février. Que lui avez-vous dit?

M. Boivin: Puisque vous aimez situer vos questions dans le contexte, j'aimerais situer mes réponses dans le contexte. Quand je dis que la réunion était importante, elle était importante pour les fins de cette cause, mais ce n'est pas une réunion historique pour moi, vous savez, comme réunion particulièrement importante ou historique. Elle était importante pour cette cause de la SEBJ, mais...

M. Ciaccia: Assez importante pour que vous vous rappeliez ce qui s'est produit à cette réunion?

M. Boivin: J'ai dit que je m'en souvenais en substance. Encore aujourd'hui, si vous me demandiez de citer ce que M. Saulnier a dit, ce que M. Untel a dit exactement, je ne m'en souviendrais pas.

M. Ciaccia: Vous ne vous souvenez pas des autres, mais vous vous souvenez de celle-là. Alors, elle est importante pour vous?

M. Boivin: Elle est plus importante que les autres. Cela va de soi, me semble-t-il. Quant à la préparation, je ne m'en souviens aucunement, mais je m'imagine que la préparation n'a pas été longue, parce que, suivant le style de M. Lévesque, comme il était convaincu avant Noël que cette cause devait se régler hors cour, il savait très bien pourquoi et il n'avait pas besoin d'une longue

préparation.

M. Ciaccia: Est-ce que vous auriez discuté avec lui de la question du quantum possible?

M. Boivin: Nous n'avons jamais discuté, le premier ministre et moi, de quantum possible.

M. Ciaccia: Avez-vous discuté de la reconnaissance des responsabilités?

M. Boivin: Nous n'avons jamais discuté, avec les membres du conseil d'administration, lors de la réunion du 1er février, de quantum.

M. Ciaccia: Très bien. Est-ce que vous avez discuté avec le premier ministre, avant la réunion du 1er février, de la question de la reconnaissance des responsabilités?

M. Boivin: Je ne crois pas.

M. Ciaccia: Au mois de juin 1978, pendant la discussion du projet de loi no 52, avez-vous rencontré l'exécutif de la FTQ?

M. Boivin: Est-ce que le député aurait la bonté de me donner le titre approximatif du projet de loi no 52?

M. Ciaccia: Un instant.

M. Boivin: Enfin, à quel sujet?

M. Ciaccia: C'était un projet de loi sur les relations de travail dans l'industrie de la construction, qui a été discuté à l'Assemblée nationale du 1er au 23 juin.

M. Boivin: Je ne sais pas si c'est en juin, mais je me souviens d'avoir eu une ou des rencontres, je ne sais trop, avec des gens de la FTQ. Quand vous me dites l'exécutif, je ne suis pas certain de la dénomination de l'instance. Je suis certain d'avoir rencontré des gens de la FTQ, dont M. Laberge, au sujet d'un projet de loi.

M. Ciaccia: Est-ce que MM. Louis Laberge, Fernand Daoust, Robert Dean, Guy Dumoulin, Richard Mercier, M. Brûlé et un certain M. Messier étaient présents?

M. Boivin: Vous affirmer carrément, sous serment, que tout ce monde était là, ce serait délicat pour moi. Disons que plusieurs d'entre ceux que vous nommez étaient là.

M. Ciaccia: Est-il exact...

M. Boivin: Je ne sais pas si c'est en juin non plus, mais je prends votre parole, je suppose.

M. Ciaccia: C'était durant les discussions du projet de loi sur les relations du travail dans l'industrie de la construction

Le Président (M. Jolivet): Juste un instant, M. le député, avant de continuer. Vous parlez de juin de quelle année?

M. Ciaccia: De juin 1978.

Le Président (M. Jolivet): D'accord.

M. Ciaccia: Pas juin 1979.

Le Président (M. Jolivet): Ce n'était pas à 1979 que je pensais, c'était à 1977, mais j'essayais de voir. D'accord, cela va.

M. Ciaccia: D'accord. Est-il exact qu'à cette réunion, il a été question de l'abandon... Je vais reformuler ma question. Est-il exact...

Le Président (M. Jolivet): C'est parce que j'avais des petits problèmes. De la façon que vous avez commencé votre question, je suppose qu'il en a été question.

M. Ciaccia: Je ne peux pas demander si c'est exact?

Le Président (M. Jolivet): Ce n'est pas tout à fait cela qui était mon problème.

M. Ciaccia: Ce n'est pas assez clair?

Le Président (M. Jolivet): Allez-y donc! Non, mais la façon dont vous avez commencé votre question, c'était difficile.

M. Ciaccia: Est-il exact...

Le Président (M. Jolivet): Allez-y!

M. Ciaccia: Est-il exact qu'un des buts de cette rencontre était de trouver une solution, un règlement au litige opposant la SEBJ et la FTQ?

M. Boivin: C'est faux, M. le Président.

M. Ciaccia: Est-il exact qu'il y a eu discussion de ce litige durant cette rencontre?

M. Boivin: C'est faux, M. le Président. Il en a peut-être été mention, je n'en sais rien, car je n'ai aucun souvenir. Cela n'a certainement pas été le but de la réunion ni le sujet de discussions prolongées. Est-ce que quelqu'un, en passant, aurait parlé de cette chose-là? Je n'en sais rien.

M. Ciaccia: Vous venez de dire, il y a un instant, qu'il aurait pu en être mention, que cela aurait pu être mentionné.

M. Boivin: J'ai dit: si quelqu'un en avait parlé, je n'en sais rien. Je ne l'affirme pas, je ne le nie pas, je n'ai aucun souvenir de cela.

M. Ciaccia: Vous ne niez pas que cela n'a pas été discuté, que cela n'a pas été mentionné.

M. Boivin: Quand on dit qu'on ne s'en souvient pas, on ne nie pas et on n'affirme pas. Je ne m'en souviens pas.

M. Ciaccia: C'est important, M. le Président, d'établir si c'est faux ou s'il ne s'en souvient pas, mais c'est possible que cela ait pu être mentionné, parce qu'il ne le nie pas et qu'il ne le confirme pas.

M. Tremblay: Non, ce n'était pas cela.

Le Président (M. Jolivet): Ne faites pas de commentaire. Non, non, M. le député, ne vous inquiétez pas, on a compris. M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Merci. Je n'ai pas fait de commentaire.

Le Président (M. Jolivet): Non, non, ce n'est pas vous d'ailleurs.

M. Ciaccia: Quelle lettre, quel mémoire, quel texte ou quel projet de texte ou de contestation avez-vous reçus de Me Jasmin?

M. Boivin: Aucun.

M. Ciaccia: Est-ce qu'il venait vous voir avec des lettres ou des mémoires, sans vous les laisser, mais pour vous les montrer?

M. Boivin: Je ne sais pas s'il en avait dans sa serviette. Mais, ce que vous voulez dire, c'est s'il m'en a exhibé?

M. Ciaccia: Oui, oui.

M. Boivin: Non, M. le Président.

M. Ciaccia: II ne vous a montré aucun document, aucune lettre, aucun mémoire, aucun texte?

M. Boivin: Exact, M. le Président. M. Ciaccia: Et Me Beaulé?

M. Boivin: J'en ai fait l'énumération, en réponse au député de Marguerite-Bourgeoys. Je vais la répéter brièvement. Il m'a remis copie de son plaidoyer. Il dit m'avoir remis un document le 2 février et j'ai dit que je ne m'en souvenais pas. Il m'a remis copie de la lettre du 5 février adressée à Geoffrion et Prud'homme. Il m'a remis des copies de factures - que j'ai retrouvées, incidemment - des photocopies, je veux dire, de factures. Est-ce qu'il y a autre chose que j'oublie? Non, c'est tout pour Me Beaulé.

M. Ciaccia: Et Me Cardinal et Me Aquin?

M. Boivin: Sous la réserve de la réponse que j'ai donnée au député de Marguerite-Bourgeoys, soit que j'aie pris connaissance à leur bureau de l'opinion du mois de décembre 1975, soit que j'en aie pris une photocopie, ce dont je suis incapable de me souvenir, même après m'être relu en fin de semaine et avoir essayé de réfléchir.

M. Ciaccia: À votre réunion du 3 janvier 1979 avec M. Laliberté, ce dernier a affirmé ici devant cette commission, au ruban 269, page 2, que l'intérêt de la SEBJ était de percevoir la totalité des dommages. Quand vous l'avez informé du souhait du premier ministre de régler hors cour, est-ce qu'il vous a fait part de sa perception de l'intérêt de la SEBJ?

M. Boivin: Pas à mon souvenir, mais cela m'apparaît évident quand même. Cette réponse de M. Laliberté que vous me rapportez me paraît assez évidente.

M. Ciaccia: Excusez-moi, je ne dis pas que...

M. Boivin: À mon souvenir, il ne m'en a pas fait part.

M. Ciaccia: Parfait. Et quand des représentations vous étaient faites, soit par Me Jasmin ou par Me Beaulé, pour un règlement hors cour, vu que vous êtes chef de cabinet du premier ministre, qui est le représentant des actionnaires de la SEBJ, est-ce que vous avez fait part, soit à Me Jasmin ou à Me Beaulé, ou même à Me Woll et Me Fanning, quand ils sont venus vous voir, des intérêts de la SEBJ?

M. Boivin: Bien non, M. le Président. Un auteur a déjà dit: L'évidence paralyse la démonstration. Vous savez, des choses évidentes comme cela, je ne les affirme pas à des confrères que je présume intelligents.

M. Ciaccia: Alors, selon vous, il était évident que les intérêts de la SEBJ étaient de percevoir les 32 000 000 $?

M. Boivin: Dans l'état idéal des choses, oui. Dans l'état idéal des choses, ai-je bien dit.

M. Ciaccia: Alors, l'intérêt de la SEBJ,

société d'État du gouvernement du Québec, était d'avoir les 32 000 000 $?

M. Tremblay: C'est évident. Cela saute aux yeux.

M. Ciaccia: Merci.

M. Lalonde: Merci beaucoup.

Le Président (M. Jolivet): II n'y a pas d'autres questions? M. le député de... Personne n'a d'autres questions? Ah! M. le député de Gatineau, je m'excuse, on ne m'avait pas...

M. Gratton: Y va-t-on par alternance, M. le Président?

Le Président (M. Jolivet): Pas pour le moment, c'est votre tour.

M. Tremblay: ...

M. Lalonde: Vous n'êtes pas intéressé?

M. Gratton: M. le Président, j'aimerais d'abord m'excuser auprès de Me Boivin de ne pas avoir été présent jeudi dernier, au moment où il a commencé son témoignage. J'étais à la pêche ailleurs, en fait, dans le comté de Gatineau.

M. Boivin: J'étais fort peiné, mais j'ai pensé que vous aviez une excuse valable.

Des voix: Ah! Ah! Ah!

M. Gratton: En effet, pour moi, c'était une excuse très valable. M. le Président, j'ai quand même pris connaissance non seulement du mémoire ou des notes préliminaires que Me Boivin a déposées ici à la commission, mais également des reportages des journaux. J'aurais quelques brèves questions à adresser à Me Boivin pour essayer de comprendre un peu mieux les arguments qu'il a fait valoir. (Il h 45)

Dans les raisons que vous donnez, M. Boivin, qui vous ont amené à conclure à la nécessité de régler hors cour, si on commençait par la moins importante, en fait, qui est la dernière, au paragraphe e de la page 7. Vous dites: "II m'apparaissait imprudent de risquer de compromettre de tels acquis pour tenter d'obtenir un jugement contre le syndicat américain." Les acquis, c'était le bon climat qui régnait sur le chantier, la productivité qui était excellente. Mais comment, selon vous, le fait de poursuivre en cour le syndicat américain pouvait-il compromettre quoi que ce soit sur le chantier?

M. Boivin: Ce qui est visé par cela, c'est s'il y avait eu une réaction négative de la part des syndiqués parce que la poursuite aurait été continuée, parce qu'il y aurait eu un jugement, parce qu'il y aurait eu exécution du jugement. Mais, comme je vous le dis, cela n'a pas pesé très fort dans mon esprit.

M. Gratton: Mais ce que je veux savoir, c'est pourquoi vous dites, pourquoi vous spécifiez contre le syndicat américain. Les travailleurs qui travaillaient au chantier de la Baie-James étaient membres, d'abord, des syndicats québécois, et le fait de poursuivre ou de continuer la poursuite en cour contre le syndicat américain n'aurait probablement pas amené le même genre de réaction de la part des employés que de poursuivre les syndicats québécois dont ils étaient membres.

M. Boivin: Excusez-moi! Dans ma phrase, j'ai voulu distinguer, c'est-à-dire continuer la poursuite. Il y avait deux sortes de défendeurs, en gros. J'oublie ceux qui ne sont pas importants, dont on n'a presque jamais parlé ici. Il y avait le local 791 qui est affilié à une centrale ou, enfin, je ne sais pas si c'est une centrale, à l'International Union. Ce que j'appelle américain dans mon... Il y avait deux sortes de défendeurs. Il y avait les syndicats québécois représentés par Me Jasmin - si on oublie les autres, Charpentiers Unis, on n'en a pas parlé, etc. - il y avait les syndicats représentés par Me Jasmin et il y avait le syndicat représenté par Me Beaulé, qui était le syndicat américain. Dans le fond, je crois que cela faisait un tout. Je crois, je n'ai jamais discuté de cela avec la 5EBJ, mais j'ai l'impression qu'ils continuaient leur poursuite contre ces deux sortes de défendeurs ou qu'ils l'abandonnaient contre les deux. Je pense que la SEBJ aurait été mal avisée, disons, de continuer sa poursuite contre les syndicats québécois et de l'abandonner contre le syndicat américain ou vice versa. Quant à aller en jugement, c'est aussi bien d'aller en jugement contre tous les défendeurs. Alors, je me dis qu'il était imprudent... C'est pour cela que je m'exprime de cette façon, parce que je présume que la décision vise tout le monde, tous les défendeurs en même temps.

M. Gratton: Donc, vous n'avez pas voulu dire, par ce passage, qu'en supposant qu'il aurait été possible pour la SEBJ de laisser tomber sa poursuite contre les syndicats québécois et de maintenir celle contre le syndicat américain - ce que je vous accorde - cela n'a pas été... Oui.

M. Boivin: Vous avez tout à fait raison de... Je me suis peut-être exprimé maladroitement. Je ne voulais pas dire que, s'ils n'avaient décidé de continuer que contre le syndicat américain, cela aurait mis les

ouvriers en colère. Ce n'est pas cela que je voulais dire.

M. Gratton: Une des raisons qui m'ont amené à me poser des questions, en lisant le paragraphe e, c'est que, dans le paragraphe qui précède, juste avant, on y lit: "En somme, on essayait de faire payer par un syndicat américain des dommages causés par quelques aventuriers sans scrupule québécois. Je trouvais hier, je trouve encore aujourd'hui cela tout à fait inéquitable." Donc, il était inéquitable de vouloir faire payer par un syndicat américain les actes causés ou les dommages causés par quelques individus.

M. Boivin: Oui, cela je le maintiens encore, cependant.

M. Gratton: Oui.

M. Boivin: Mais vous voulez quoi? Que je l'explique ou quoi?

M. Gratton: Non, en fait, je vous expliquais la raison de ma première question.

M. Boivin: Excusez-moi!

M. Gratton: C'est qu'il m'apparaissait un peu curieux qu'on... D'ailleurs, on va y revenir, parce que je vous ai bien suivi, finalement. C'est que vous dites que le syndicat américain est le seul qui aurait pu payer, qui avait les moyens de payer, en supposant qu'éventuellement, il y aurait eu condamnation. Si les syndicats québécois avaient été condamnés, ils n'avaient pas l'argent nécessaire pour payer. Je voulais m'assurer que ce que vous disiez au paragraphe e n'était pas que la poursuite contre le syndicat américain aurait entraîné une réaction chez les employés, mais plutôt que le maintien de la poursuite contre les syndicats québécois aurait eu cet effet.

M. Boivin: Votre compréhension est la même que la mienne.

M. Gratton: Bon! Pour en terminer sur ce chapitre, est-ce que vous aviez des indications quelconques selon lesquelles, effectivement, le fait de poursuivre ou de maintenir la poursuite en cour, que cela soit contre les syndicats québécois ou américains, pourrait compromettre le climat ou la productivité du chantier?

M. Boivin: Aucune, si ce ne sont les affirmations de Me Jasmin et possiblement, je ne sais pas, celles de M. Laberge; aucune, sauf des affirmations de ce genre. C'est pour cela que je n'y ai jamais attaché beaucoup d'importance. Une raison additionnelle pour laquelle je n'ai pas attaché d'importance à cela, c'est que cela ne se prouve pas, de telles choses. Je n'avais pas de manifestation concrète. Comme je l'ai dit antérieurement, surtout poussé jusqu'à sa logique ultime, cela devient du chantage. Je n'aime pas le chantage.

M. Gratton: On connaît tous le verbe de Louis Laberge, le président de la FTQ. Quand il vous a téléphoné, vous me dites qu'il n'a pas fait d'allusion directe à cela. Possiblement, est-ce qu'il n'aurait pas pu y faire allusion de façon indirecte? J'écoutais justement un de mes collègues qui l'a rencontré il y a deux semaines et qui me rapportait les propos qu'il tenait. Je le rassure, je n'ai pas l'intention d'en faire état ici. On sait qu'il a une façon bien à lui de s'exprimer.

M. Boivin: Une façon originale.

M. Gratton: Originale, disons. À votre souvenir, il n'a pas fait d'allusion semblable?

M. Boivin: Je ne crois pas. Cela a été trop bref pour cela.

M. Gratton: De façon subsidiaire, vous m'expliquez que c'est parce qu'en faisant l'extrapolation, cela deviendrait du chantage et vous ne vous prêtez pas à cela. J'ai bien l'impression que vous n'êtes pas le genre de gars pour vous prêter à cela, j'en conviens. Mais, est-ce que cela ne pourrait pas être aussi parce que, au moment où vous considérez cela, où vous tirez vos conclusions, à la fin de 1978 et au début de 1979, dans le fond, il n'y a plus grand-chose qui puisse être compromis, compte tenu que le chantier devait être inauguré ou qu'on devait inaugurer la mise en production de LG 2 moins d'un an plus tard?

M. Boivin: Justement, si mes souvenirs sont exacts, cela serait très grave à ce moment, parce que cela pourrait retarder d'une année additionnelle. C'est beaucoup d'argent quand on retarde la production d'une année additionnelle.

M. Gratton: Les travaux ont duré combien de temps à la Baie-James ou à LG 2? Quatre, cinq ou six ans?

M. Boivin: II faudrait le demander au ministre.

M. Gratton: II en restait sûrement moins à faire la dernière année qu'il en avait été fait jusque-là?

M. Boivin: D'accord.

M. Gratton: Le problème de compromettre le climat devenait moins grave à mesure que les travaux étaient parachevés.

M. Boivin: D'accord. Mais cela doit être assez grave quand on retarde. On peut retarder de six mois et cela veut dire beaucoup d'argent au bout du compte. Comme je vous le dis, j'aurais dû écrire: "de façon très subsidiaire". J'ai écrit "de façon subsidiaire".

M. Gratton: On s'entend, M. Boivin, pour dire que cela n'a pas été...

M. Boivin: Pour moi.

M. Gratton: ...cela n'a pas pesé lourd dans la conclusion ou dans les considérations qui vous ont amené à dire: Je conclus qu'on doit régler cela hors cour.

M. Boivin: Je trouve inacceptable que des gens disent: Nous vous avons fait des dommages, à un moment donné. Maintenant, nous sommes gentils, réglez. Je n'accepte pas ce principe, sauf dans la mesure, dans ce cas-ci, où ce ne sont pas les mêmes personnes.

M. Gratton: D'accord. Là, j'ai des félicitations à vous faire, M. Boivin. Est-ce que c'est permis, M. le Président?

Le Président (M. Jolivet): La seule chose que je veux savoir, c'est si vous avez encore d'autres questions.

M. Gratton: Oui. Mais avant, je veux faire précéder ma question de félicitations à l'endroit de Me Boivin.

M. Tremblay: On aimerait mieux pas.

M. Gratton: II est le premier à avoir cité le passage de la commission Cliche qu'on retrouve aux pages 68 et 69 en entier. Le ministre l'avait fait six ou sept fois de son propre aveu, mais seulement partiellement, pour faire dire à la commission Cliche ce que le ministre aurait voulu qu'elle dise exclusivement. Me Beaulé avait fait la même chose, il en avait même parlé comme d'une recommandation principale. Il devait ensuite s'amender pour dire qu'il s'agissait d'une constatation.

Le Président (M. Jolivet): N'allez pas trop loin, avec la petite permission que je vous ai donnée.

M. Gratton: Là, je dis que M. Boivin, à la page 3 de son mémoire, cite l'ensemble du passage qui nous permet de statuer sur ceux qui étaient possiblement responsables ou qui n'étaient pas responsables des crimes d'Yvon Duhamel.

Voici la question que je voudrais poser. Vous dites, Me Boivin, que la lecture du rapport de la commission Cliche - on retrouve cela au paragraphe b, à la page 2 -vous a amené à conclure à la non-responsabilité d'une très grande majorité des "syndicats" ordinaires. La question que je vous pose est si la même lecture du même passage vous a amené à conclure que les syndicats québécois défendeurs, notamment, par exemple, la FTQ-Construction, pouvaient, à partir des conclusions du rapport Cliche, être considérés comme responsables de quelque chose.

M. Boivin: Comme entité syndicale?

M. Gratton: Oui.

M. Boivin: Ma réponse est oui.

M. Gratton: Donc, vous partagez le point de vue de ceux qui disent que c'est clairement établi, particulièrement à la page 69 du rapport de la commission Cliche, que la FTQ-Construction...

M. Rodrigue: M. le Président...

M. Gratton: ...devait porter au moins la responsabilité morale des actes de M. Duhamel et compagnie.

M. Rodrigue: Juste une... Si le député de Gatineau me le permettait, juste une question de précision.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Vimont.

M. Rodrigue: Vous avez parlé des "syndicats" ordinaires et, à ma souvenance, ce seraient plutôt les "syndiqués" ordinaires. Est-ce que je me trompe?

M. Gratton: Non, non. Je parle des syndicats. À quel moment voulez-vous dire?

M. Rodrigue: Je me réfère à la citation que vous avez donnée du...

Le Président (M. Jolivet): Vous avez dit...

M. Rodrigue: ...témoignage des notes de Me Boivin de même que du rapport de la commission Cliche. Vous avez cité cela et vous avez dit: "les syndicats ordinaires". Mais, à ma souvenance, c'étaient plutôt "les syndiqués ordinaires".

M. Gratton: Je pensais avoir dit "syndiqués ordinaires". De toute façon, je ne sais quelle serait la définition d'un "syndicat ordinaire".

M. Rodrigue: Si je comprends bien, c'est...

Le Président (M. Jolivet): Allez donc à votre question qui était engagée.

M. Rodrigue: Vous parliez...

Le Président (M. Jolivet): Syndiqués, syndiqués ordinaires.

M. Gratton: Enfin. En tout cas, je citais M. Boivin et c'est bien écrit "syndiqués ordinaires". Là, vous m'avez fait perdre...

M. Lalonde: ...

M. Gratton: Vous m'avez perdre le fil de ma question. C'était ce que vous tentiez de faire?

Le Président (M. Jolivet): Me Boivin écoutait aussi.

M. Boivin: Vous parliez, M. le député, de la responsabilité de la FTQ-Construction...

M. Gratton: Et vous m'avez répondu que oui, le rapport Cliche concluait à une responsabilité quelconque, peut-être strictement morale.

M. Boivin: Oui, c'est cela. Je ne voudrais pas être injuste, surtout que je ne suis pas un juge, et je ne voudrais pas décerner des responsabilités juridiques. Je veux dire que, quant à moi, il était clair que, pour moi, la responsabilité juridique du local 791 était engagée. Maintenant, est-ce que la responsabilité juridique de la FTQ-Construction était engagée? C'est une autre chose. La responsabilité morale, comme vous le dites, de la FTQ-Construction, oui; celle du Conseil provincial de la construction, même réponse.

M. Gratton: Et donc, s'il n'y avait pas eu de règlement hors cour ou si on avait décidé plutôt de maintenir la poursuite, est-ce que, selon vous, surtout que vous êtes...

Le Président (M. Jolivet): Je suis obligé de vous arrêter, parce qu'on a arrêté les questions. Ce sont des hypothèses. Il y a eu un règlement hors cour, on ne se substituera pas à un jugement.

M. Gratton: M. le Président, je suis en train de... On me dit: J'avais une opinion. M. Boivin, dans son mémoire, me dit: J'avais l'opinion suivante à cause de telle, telle chose. Alors, est-ce que je peux lui demander: Pourquoi avez-vous... S'il en est arrivé à cette conclusion, je dois pouvoir lui demander: Pourquoi n'êtes-vous pas arrivé à l'autre conclusion?

M. Lalonde: M. le Président, si vous permettez.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: Je sais que vous avez... M. Gratton: Pas de problème.

M. Lalonde: Vous avez plusieurs fois interdit des questions d'opinion qu'on pourrait poser à un témoin. Maintenant, il s'agit bien d'une opinion exprimée par le témoin dans ses notes préliminaires. Il me semble qu'on...

Le Président (M. Jolivet): D'accord, si c'est dans ce sens. Je ne voulais pas qu'on fasse allusion à ce qui n'a pas eu lieu. M. le député de Gatineau.

M. Gratton: Donc, est-ce que vous n'auriez pas pu conclure qu'en maintenant la poursuite contre les syndicats, on aurait pu en arriver à prouver autre chose, c'est-à-dire à plus qu'une responsabilité morale de la part des syndicats québécois?

M. Boivin: Quant à moi, c'était plus que cela. J'ai déjà dit, je pense, en réponse au député de Marguerite-Bourgeoys, que je ne voulais pas discuter de la responsabilité des syndicats québécois représentés par Me Jasmin parce que, pour moi, à tort ou à raison, c'était une chose acquise.

M. Gratton: Ah boni Je m'excuse, je n'étais pas ici. Alors, cela rectifie les choses. Je comprends mieux pourquoi vous mettez cela en...

M. Boivin: Responsabilité juridique. M. Gratton: Pardon?

M. Boivin: La responsabilité juridique des syndicats représentés par Me Jasmin, pour moi, à tort ou à raison, je le dis, était une chose acquise.

M. Gratton: Ce qui vous inquiétait de la part des syndicats québécois, c'est que, même une fois condamnés, ils n'avaient pas de toute façon la capacité de payer pour les dommages.

M. Boivin: Oui. C'est cela, M. le Président.

M. Gratton: Justement, au paragraphe a, vous parlez de l'incapacité évidente des syndicats québécois défendeurs de payer une somme d'argent qui puisse avoir quelque rapport que ce soit avec le montant réel des dommages. Peut-être avez-vous déjà répondu à cette question auparavant et je m'en excuse, si c'est le cas. Quel était le montant

réel des dommages pour vous? (12 heures)

M. Boivin: Je suis fort heureux, M. le Président, que M. le député pose cette question, parce qu'on ne m'a pas permis d'expliciter ce bout de mon mémoire et j'aimerais le faire, si vous me le permettez. Cela donnera un portrait un peu plus global à l'affaire.

M. Beaulé est venu à mon bureau, lorsqu'il a voulu me faire valoir son argument de vente en faveur du règlement hors cour contre le syndicat américain. Vous allez voir tantôt que cela rejoint l'argumentation de M. Jasmin sur certaines parties. M. Beaulé plaidait d'abord sur les dommages. Sur les dommages, il disait: Cela ne vaut pas 32 000 000 $, cela ne vaut pas 20 000 000 $, cela vaut - je ne me souviens plus de ce qu'il disait - 1 000 000 $ ou 2 000 000 $. Deuxièmement, il disait: Même ce montant des dommages qui sera établi par la cour - c'était, dans son hypothèse, 1 000 000 $ ou 2 000 000 $ - sera divisé par la cour entre les défendeurs et la SEBJ, parce qu'il y a responsabilité partagée. Vous voyez qu'il parlait des dommages, de la responsabilité partagée.

Troisièmement, il disait: II est inéquitable de poursuivre les syndicats américains - j'en reviens immédiatement à votre question - et je disais à Me Beaulé, lorsqu'il me parlait de la responsabilité partagée: Ne me parle pas de cela. J'ai lu la cause de Gaspé Copper. Le juge Brossard a conclu - il était minoritaire à la Cour d'appel - à une responsabilité partagée. La Cour suprême a confirmé la Cour d'appel en disant qu'il n'y avait pas de responsabilité partagée. Dans un cas comme celui-ci, c'est très difficile de faire établir une responsabilité partagée. Quant à moi, la SEBJ n'est pas responsable des dommages qui ont été causés. Ne me parle pas de cela.

Deuxièmement, quant au montant des dommages, Beaulé, ne me parle pas de cela. La Cour supérieure a eu la bonté de vous accorder six mois pour faire un procès. Il lui faudra six mois pour déterminer les dommages. Ne me demande pas à moi, Jean-Roch Boivin, dans mon bureau, sans instrument, sans moyens d'enquête, sans quoi que ce soit - d'ailleurs, ce n'est pas mon rôle - de me prononcer ou même de te laisser savoir mon sentiment sur le montant des dommages. Cela ne m'intéresse point.

Cela fait donc deux sujets de classés. Troisièmement, Me Beaulé - ce qui m'intéresse cependant - lorsque vous dites qu'il est tout à fait inéquitable de poursuivre le syndicat américain parce qu'il n'a rien eu à faire là-dedans, cela m'intéresse. Si on transpose, pour Me Jasmin, lorsque Me Jasmin essayait de me parler de la responsabilité partagée, je lui disais exactement la même chose. Quant à la responsabilité tout court, il ne m'en a pas parlé souvent parce... Je pense qu'il m'en a parlé une fois et je l'ai retourné de bord bien raide en disant: Cela ne m'intéresse pas, tes clients sont responsables.

M. Gratton: Vous me permettrez de faire un court commentaire et le président aussi?

M. Boivin: Je vous en prie.

M. Gratton: II semble que, contrairement à Me Beaulé à votre endroit, vous, vous tutoyiez Me Beaulé.

M. Boivin: En effet.

M. Gratton: Ne m'en parle pas. Cela répond à des questions qu'on avait adressées à M. Beaulé et sur lesquelles il n'avait aucun souvenir. Il ne se rappelait pas. Selon le témoignage de Me Beaulé...

Le Président (M. Jolivet): M. le député, allez donc à vos questions.

M. Gratton: Est-ce que M. Boivin est au courant qu'au cours du témoignage de Me Beaulé, il nous a indiqué n'avoir aucun souvenir de ce que vous aviez dit lors des rencontres que vous avez eues avec lui, de ce que vous lui aviez répondu lorsqu'il faisait ses représentations? Je lui ai même demandé, malgré le président, si vous aviez eu une réaction et la seule réaction que vous aviez eue, selon lui, c'était d'écouter. Vous nous précisez ce que vous avez fait, ce que vous avez dit.

M. Boivin: Je n'ai pas... M. le député, sans que vous me donniez la transcription, comme vous avez fait l'honneur à Me Beaulé de le garder aussi longtemps, je ne l'ai pas écouté tout le temps. Je me souviens très bien d'une phrase qui est devenue presque célèbre; il disait que j'écoutais. J'écoutais, il est vrai que j'écoutais surtout, mais je parlais aussi. Me connaissant, il m'est difficile d'être muet.

M. Gratton: J'ai ici le ruban 297 du témoignage de Me Beaulé où celui-ci disait, au sujet des réunions qu'il a eues avec vous: "M. Boivin m'a écouté, m'a posé des questions, m'a demandé des précisions." Mais les questions qu'on lui posait, le contenu des questions, c'était quoi? Quelles étaient les précisions? Me Beaulé était incapable de nous le dire.

M. Vaillancourt (Jonquière): M. le Président, si le député de Gatineau - parce que cela va très bien son interrogatoire - me permet, je n'ai pas la transcription...

M. Gratton: C'est très gentil à vous.

M. Vaillancourt (Jonquière): ...et, en toute justice pour Me Beaulé, je pense qu'il faudrait - le député de Gatineau pourrait le dire aussi à ma place - se rappeler qu'il a fortement insisté sur le fait qu'il plaidait auprès de Me Boivin la non-responsabilité du syndicat américain et l'inéquité de cette poursuite contre le syndicat américain. En toute justice pour Me Beaulé, il faudrait rappeler qu'il a insisté énormément là-dessus dans son témoignage.

M. Gratton: En toute justice, c'est ce qu'il nous a dit, c'est-à-dire qu'il ne plaidait que sur la responsabilité, mais Me Boivin vient de nous dire qu'effectivement Me Beaulé a essayé de lui parler d'autre chose. Il a essayé de lui parler des deux autres points dont il est question et c'est lui qui a dit à Me Beaulé: Ne me parle pas de cela, je ne veux pas en entendre parler. Donc, déjà, cela apporte un éclairage différent sur ce que Me Beaulé nous a dit. Si Me Beaulé ne nous a pas dit exactement les mêmes choses à ce sujet, la question que je me pose - je ne la pose pas à Me Boivin - c'est: Est-ce qu'il y a d'autres réponses qu'il nous a données qui n'étaient pas plus claires non plus?

Le Président (M. Jolivet): M. le député.

M. Vaillancourt (Jonquière): ...n'est pas ici.

Le Président (M. Jolivet): M. le député... Oui, Me Boivin.

M. Boivin: M. le Président, pour compléter ma réponse au député de Gatineau, parce que sa question était ce que je voulais dire par le montant réel des dommages, il faut que je fasse attention de témoigner dans l'état d'esprit dans lequel j'étais à ce moment-là et non pas comme je suis aujourd'hui, après avoir écouté toute la commission et peut-être avoir pris connaissance de documents que j'ignorais, etc.

Alors, au sujet du montant réel des dommages, comme je ne voulais pas - je l'ai exprimé tantôt - être juge de ce montant-là, parce que c'est vraiment trop énorme comme question et que cela ne relève pas de moi, pour savoir de quoi on parlait, j'avais quand même fait un appel téléphonique à Me Aquin et j'avais dit: François, la cause, on parle de quoi? Je ne me souviens pas s'il m'a dit 17 000 000 $ ou 19 000 000 $, un des deux chiffres. J'ai dit: Je pense que ça y est, l'ordre de grandeur va arriver à un jugement de 17 000 000 $ ou 19 000 000 $. Point final, cela a été à peu près l'étendue de mon exploration quant au sujet des dommages.

M. Gratton: Donc, c'est à quelle date à peu près que vous avez...

M. Boivin: Dans le temps. Une minute, cela doit être sûrement au mois de décembre 1978.

M. Gratton: Bon. Alors, quand vous dites dans votre document que les syndicats québécois défendeurs étaient incapables de payer un montant qui aurait quelque rapport que ce soit avec le montant des domages réels, le chiffre que vous aviez en tête à ce moment-là et dont vous parlez ici, c'est 17 000 000 $ ou 19 000 000 $.

M. Boivin: Exact. M. Gratton: Bon.

M. Boivin: Aujourd'hui, j'aurais peut-être un autre chiffre, mais cela n'aurait aucun rapport avec...

M. Gratton: D'accord. Donc, si on se comprend bien... Est-ce que quelqu'un m'a parlé?

Le Président (M. Jolivet): Vous allez bien.

Une voix: Vous entendez des voix.

M. Gratton: C'est que le président intervient souvent et je pensais que...

Le Président (M. Jolivet): J'ai une très bonne voix, je vous aurais interrompu facilement.

M. Gratton: Oui, merci. D'ailleurs, je vous signale que c'est de mon oreille droite que j'entends le mieux, M. le Président.

M. Tremblay: II est surpris ce matin de ne pas se faire arrêter, c'est parce qu'il va bien.

Le Président (M. Jolivet): Allez donc, allez donc, s'il vous plaît!

M. Gratton: Ce qui me surprend, c'est que vous soyez encore là, vous.

M. Tremblay: Je serai encore ici quand vous n'y serez plus.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Gatineau, vous ne me facilitez pas la tâche. Comme vous devez procéder, allez-y donc!

M. Gratton: M. le Président, si on résume un peu, et, dès que je ferai une

digression selon votre logique, vous m'arrêterez, il y avait quatre raisons qui vous ont amené à conclure à cette époque-là qu'il fallait régler hors cour. Malgré le fait que vous considériez les syndicats québécois juridiquement responsables de quelque chose, le problème c'est qu'eux n'avaient pas les moyens de payer un montant qui avait quelque rapport avec les dommages réels. Il y avait bien le syndicat américain qui était également poursuivi qui, lui, avait les moyens, sauf que, dans les paragraphes c et d, votre évaluation, tant du point de vue juridique que du point de vue personnel, et votre expérience en matière de responsabilité civile vous amenaient à conclure qu'il n'y avait probablement pas lien de droit, que de toute façon cela serait un processus extrêmement long et que c'était inéquitable de faire payer le syndicat américain. S'entend-on là-dessus?

M. Boivin: Oui.

M. Gratton: Donc, la raison pour laquelle on n'allait pas contre le syndicat américain, c'est que c'était inéquitable et que, du côté des syndicats québécois, il y avait incapacité de payer. Il y a l'aspect de la commission Cliche qui est plus ou moins important dans tout cela. Ce qui me "chicote" dans tout cela, c'est que si, effectivement, comme vous le dites, les syndicats québécois avaient une part de responsabilité quelconque, comment pouviez-vous en arriver à la conclusion que les syndiqués ordinaires, eux, n'avaient aucune responsabilité? Qu'est-ce qu'un syndicat? Est-ce que ce n'est pas l'ensemble de ses membres? Ce n'est pas une entité qui vole dans l'air. Dans mon cas, si le Parti libéral du Québec se fait battre aux élections, je perds les élections comme le reste du parti. Ce n'est pas seulement le parti et moi, bravo, je suis au pouvoir.

M. Tremblay: Vous faites de la projection?

M. Gratton: Quelle est la différence? M. Tremblay: C'est de la projection.

Le Président (M. Jolivet): C'est Me Boivin...

M. Gratton: Non, cela a été factuel. On s'est fait battre en 1981 et vous êtes au pouvoir. Je ne le suis pas, pour le plus grand malheur...

Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! Ce qui m'intéresse le plus, pour le moment, c'est Me Boivin. Me Boivin.

M. Boivin: M. le Président, j'ai remarqué que cette question, lors de vos travaux, a été soulevée explicitement et, lorsqu'elle ne l'a pas été, elle était sous-jacente, je crois, dans plusieurs des questions posées par les membres de cette commission. En fait, M. le député, il faut faire bien attention... Juridiquement, vous avez raison. Si une condamnation intervient contre une entité syndicale, contre un syndicat, les pénalités ainsi encourues réfléchiront nécessairement sur les membres qui devront garnir la caisse du syndicat pour payer, etc. De la même façon, si vous obtenez un jugement contre une entité corporative, contre une corporation, les actionnaires, même s'ils n'avaient rien eu à faire avec la décision du conseil d'administration, tant qu'ils sont actionnaires, devront verser leur écot à la caisse sous forme de cotisation spéciale ou autrement. Sur le plan juridique, j'espère - ce n'était pas le sens de votre question - qu'il y a unanimité; sur le plan juridique, vous avez tout à fait raison.

Maintenant, c'est peut-être une question de - je ne voudrais pas employer des grands mots, on emploie souvent des grands mots pour rien - philosophie sociale ou une façon de voir les choses, etc. Vous avez un syndicat ici - faites attention - où il n'y a pas de démocratie syndicale, dont on ne peut pas dire, en fait, que les membres sont responsables. Vous avez un syndicat - il y a eu un coup de force - qui, par la peur ou autrement, s'est fait mener par une "gang" de gars. Cela, c'est dit à d'autres pages du rapport Cliche, en particulier, je pense, à la page 16. Le premier paragraphe de la page 3 le dit bien: "II ne s'agit aucunement d'une réaction de masse, mais d'une opération montée par un noyau de mécréants...". Je me dis que, même si c'est vrai, juridiquement, ce que vous dites, il est arrivé ce qui est arrivé, c'est-à-dire qu'une poignée de personnes a fait un coup de force, s'est saisie d'un syndicat. Donc, juridiquement, tout le monde devrait payer, mais, en fait, est-ce que c'est juste que, pendant des années - dans l'hypothèse où il y aurait un jugement ou un règlement pour un montant élevé - les membres innocents de ce syndicat aient moins de services ou paient des cotisations spéciales élevées, etc., parce que ces événements sont arrivés?

Comme vous le voyez, c'est tout simplement une façon de voir les choses. On peut dire: Ils sont dans ce syndicat et ils n'avaient qu'à surveiller la démocratie à l'intérieur de leur syndicat. Ils n'ont pas surveillé la démocratie à l'intérieur de leur syndicat, ils ont permis que des mécréants prennent le contrôle de leur syndicat, eh bien! qu'ils paient pour. C'est une façon de voir les choses.

Il y a une autre façon de voir les choses, qui est celle que je partage, c'est: Ne faisons pas payer pendant des années et

des années les pots cassés à la suite des faits qui sont relatés dans le rapport Cliche.

M. Gratton: Mais, M. Boivin, c'est vous, c'est moi, ce sont les téléspectateurs qui nous écoutent qui ont finalement payé et qui, probablement, continuent de payer par leurs taxes. On n'était responsable de rien nous non plus en tant que citoyens contribuables du Québec. Pourtant, on est solidairement responsables et on a payé la différence entre ces 31 000 000 $, 17 000 000 $ ou 19 000 00 $, et les 200 000 $; on l'a payée. Est-ce que ce n'est pas entré en considération dans votre décision?

M. Boivin: Certainement, M. le député, vous avez parfaitement raison. Comme il arrive souvent dans la vie, comme il est arrivé souvent dans le passé et comme il arrivera souvent dans l'avenir, supposons qu'il y a trois criminels ou trois imbéciles qui viennent mettre le feu ici - c'est un héritage qui vaut cher, le parlement - on va les mettre en prison. S'ils ont seulement une maison et une automobile, on va saisir cela et après on perdra, ce sont les Québécois qui vont perdre les millions que représente cet édifice. (12 h 15)

M. Gratton: Justement, s'ils ont une voiture et une maison, on va prendre cela et après il ne restera plus rien. Mais qui s'est occupé de s'assurer qu'on faisait payer les syndicats québécois au moins jusqu'à la limite de leur capacité de payer? Qui s'est occupé de cela?

M. Boivin: Je trouve, M. le député, que c'est une bonne question que vous posez. Je trouve que cela relevait directement du conseil d'administration de la SEBJ lorsqu'il a négocié le règlement. Vous savez, on pourrait être porté à dire - il me semble que cela a été dit ici ou cela a été sous-entendu - Voici une réclamation de 32 000 000 $. C'est terrible, les Québécois ont réglé pour 200 000 $. D'abord, c'est une réclamation de 200 000 $, mais c'est pour des dommages de 32 000 000 $

Deuxièmement, on a réglé pour 200 000 $ et 100 000 $ pour les assurances; en tout, 300 000 $, mais disons 200 000 $ qui sont allés à la SEBJ. Je présume que les négociateurs ont obtenu le maximum qu'ils pouvaient obtenir. M. le député, il n'y a rien que je déteste le plus que les "back seat drivers" ou les "coaches" du dimanche. Est-ce que je suis assez brillant pour venir vous dire: Si j'avais négocié, j'aurais obtenu plus? Je ne le peux pas, je n'ai pas négocié. Est-ce qu'on était au point de rupture lorsqu'on a obtenu 200 000 $? Est-ce qu'on aurait pu aller à 300 000 $? Est-ce qu'on aurait pu aller à 400 000 $, 500 000 $? Je ne le sais pas.

M. Gratton: Vous êtes intervenu pour vous assurer que les syndiqués ordinaires ne sont pas pénalisés. Êtes-vous en train de me dire que vous n'êtes pas intervenu pour vous assurer...

Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! Me Boivin fera la rectification qui s'impose.

M. Laplante: Non, vous êtes intervenu pour vous assurer...

Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît: M. le député. M. le député de Gatineau...

M. Gratton: II a toujours bien rencontré M. Laliberté en janvier, non?

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Gatineau, M. le député de Gatineau.

M. Gratton: Donc, dois-je comprendre que vous n'avez jamais senti le besoin d'intervenir auprès de quiconque pour vous assurer que les intérêts des contribuables québécois sont aussi protégés?

M. Boivin: M. le Président, j'ai fait une recommandation favorable au premier ministre en faveur d'un règlement hors cour. Cela, je l'ai dit. Aujourd'hui, je ferais la même recommandation.

Deuxièmement, le premier ministre m'avait dit au mois de décembre, et il l'a répété au conseil d'administration le 1er février: Les conditions du règlement, cela vous regarde. Alors, j'ai pris bien soin de respecter le désir du premier ministre. Et d'ailleurs, ce qui m'apparaît tout à fait normal, on peut intervenir, je crois... Je crois qu'il est d'une saine philosophie politique que l'actionnaire majoritaire, c'est-à-dire le gouvernement, représenté dans l'espèce par le premier ministre, puisse intervenir auprès d'une société d'État pour des questions de grandes orientations ou des questions politiques importantes. Mais, je crois qu'il ne serait pas sain que le premier ministre ou l'actionnaire majoritaire intervienne dans les questions de management ou dans les questions de détails, même si elles sont importantes. Le conseil d'administration de la SEBJ est composé d'hommes respectables et respectés. Ils étaient certainement à même, je présume et je crois, de voir à la défense des intérêts de la SEBJ et, par ricochet, des Québécois, d'exiger le maximum, quoi.

M. Gratton: M. Boivin, je ne sais pas comment vous poser la question parce que j'ai l'impression que vous allez toujours me

donner la même réponse. Vous dites, à la page 12 de votre mémoire, en réponse à des affirmations du journaliste Michel Girard: "Le journaliste m'impute des motifs partisans alors que c'est l'intérêt public qui m'a guidé lorsque j'ai fait cette recommandation au premier ministre, c'est-à-dire celle de régler hors cour." Le fait de régler hors cour, comment cela protégeait-il l'intérêt public, l'intérêt de celui qui a payé la note effectivement, c'est-à-dire le contribuable?

M. Boivin: Vous avez raison de vous dire que... Je ne vous répondrai pas dans les mêmes mots. Je vais essayer de changer mes mots. Je l'ai un peu dit tantôt. On peut avoir... Ma conception de l'intérêt public... Vous pouvez en avoir une autre et je n'en serais pas fâché. Je n'en aurais pas le droit, d'ailleurs. Chacun peut avoir la sienne. Ma conception de l'intérêt public, c'est qu'il me semblait que, premièrement, c'était bon de régler hors cour vis-à-vis du syndicat américain, parce que c'était tout à fait inéquitable. Cela vaut pour le syndicat américain. Deuxièmement, il était dans l'intérêt de régler hors cour avec les syndicats québécois parce que cela pénalisait indûment les syndiqués ordinaires qui n'avaient rien eu à voir avec ce saccage. C'est ma conception.

M. Gratton: M. Boivin, supposons que, pour les besoins de la discussion, on dise: Si on avait été à la place de M. Boivin, on aurait fait la même chose. Dans l'intérêt public, on aurait demandé à ceux qui étaient en mesure de prendre les décisions, donc les administrateurs de la SEBJ, de régler hors cour, s'il y a moyen. Mais, au minimum, en tant que responsable de l'intérêt public, des deniers publics, est-ce qu'on ne devait pas aussi exiger qu'on obtienne le maximum? Si l'une des raisons de ne pas poursuivre les syndicats québécois, c'était leur incapacité de payer le plein montant des dommages, est-ce qu'on ne devait pas, au moins, s'assurer qu'ils payaient dans la mesure où ils étaient capables de payer?

M. Boivin: J'ai toujours présumé - et je le pense encore aujourd'hui - que c'était sous-entendu. Je veux dire que cela m'apparaît aller de soi. On ne leur dit pas: Faites-leur un "bargain". On dit: Nous apprécierions que vous régliez hors cour.

M. Gratton: Mais, le fait que vous insistiez, parce que vous avez quand même insisté... En tout cas, vous avez au moins... Il y a eu deux rencontres et il y en a probablement eu d'autres où cela était peut-être moins évident. Mais, est-ce que cela ne plaçait pas les administrateurs de la SEBJ dans une situation pour le moins délicate de savoir que le premier ministre, le bureau du premier ministre, par votre intermédiaire, était décidé à avoir un règlement hors cour?

Le Président (M. Jolivet): M. le député...

M. Boivin: Ce n'est même pas par mon intermédiaire, parce que, le 1er février, c'est directement.

M. Gratton: Pardon?

M. Boivin: Le 1er février, c'est directement.

M. Gratton: Oui, le 1er février, c'est directement et, le 3 janvier, c'était par votre intermédiaire. Mais les rencontres avec Mes Beaulé, Jasmin, Cardinal, Aquin et compagnie, c'était avec vous, non pas avec le premier ministre.

M. Boivin: Je ne sais pas si M. le Président me le permettrait, mais, puisque nous sommes en pleine...

Le Président (M. Jolivet): Allez donc!

M. Boivin: ...politique - je veux dire politique avec un grand "P", la conception de la chose publique - je pourrais répondre à M. le député, si vous me le permettez.

Le Président (M. Jolivet): Allez!

M. Boivin: M. le député, il me semble que le premier ministre, le connaissant, n'aurait pas été scandalisé que le conseil d'administration revienne et lui dise: M. le premier ministre, vous nous avez exprimé le désir que cette cause se règle hors cour, mais les défendeurs sont déraisonnables et ils nous offrent des montants ridicules; donc, nous regrettons, M. le premier ministre, nous n'avons pu donner suite à votre désir. Cela aurait été tout à fait normal.

M. Gratton: Oui, cela aurait peut-être été plus normal si presque l'ensemble de ceux qui étaient là avant les nominations d'octobre 1978 ne s'étaient pas opposés au règlement hors cour, alors que presque tous ceux qui ont été nommés en octobre 1978 étaient favorables.

M. Boivin: Je vous avoue que je ne vois pas le lien, mais quand même.

M. Gratton: Écoutez! J'y reviendrai tantôt, parce que je pense bien que je vais pouvoir vous faire voir le lien.

M. Tremblay: M. le Président, c'est parce que le député vient d'affirmer une chose qui m'apparaît fausse. À ma connaissance, il y a trois personnes qui ont

voté contre le règlement hors cour et il y en a une qui s'est abstenue. Une des personnes qui a voté contre était une des personnes qui ont été nommées au mois d'octobre.

M. Gratton: Deux. Des voix: Deux.

M. Gratton: Vous voyez comme vous êtes mal renseigné. Il y en a deux: M. Hébert et Mme Forget. Ce n'est pas seulement une; c'est deux.

Une voix: II a dit: À ma connaissance. M. Tremblay: Mme Forget et qui? M. Gratton: M. Hébert.

Le Président (M. Jolivet): M. Hébert et Mme Forget.

M. Gratton: Hervé Hébert. Vous vous rappelez, le petit court.

M. Tremblay: On ne peut donc pas affirmer que tous ceux qui étaient là avant étaient contre. Je ne sais pas comment vous avez fait pour affirmer cela.

M. Gratton: M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Gatineau.

M. Gratton: Je voudrais demander une chose à M. Boivin. Si sa lecture du rapport de la commission Cliche, son étude de la défense du syndicat américain, bref, tout le travail d'information qu'il a fait à la fin de 1978 et au début de 1979 l'a amené à conclure qu'on ne devait pas faire payer les syndiqués ordinaires pour le saccage, parce que la partie du climat, on l'a dit, c'était extrêmement subsidiaire, qui, selon lui, s'est occupé de s'assurer qu'on ne faisait pas payer indûment les contribuables du Québec? Vous avez eu connaissance de tout ce qui s'est passé et vous prétendez qu'il n'y a jamais eu de négociations. Je comprends. S'il n'y avait pas eu la réponse du premier ministre, le 20 février 1979, selon laquelle il n'y avait pas eu de négociation à son bureau, j'aurais été bien plus à l'aise de pouvoir dire aujourd'hui: II y a quelqu'un qui s'est occupé des intérêts des citoyens, il y a quelqu'un qui négociait au nom des contribuables. Là, vous venez nous dire, vous, M. Gauthier et le premier ministre: II n'y a personne qui a négocié. Qui a négocié selon vous?

M. Boivin: Cela ressort clairement des travaux de cette commission que c'est le conseil d'administration.

M. Gratton: Mais à partir de quelle date a-t-il fait cela? Sûrement pas avant le 20 février.

Le Président (M. Jolivet): Le problème, c'est qu'on ne peut pas demander à Me Boivin de dire ce qu'il ne connaît pas au sujet du conseil d'administration.

M. Gratton: ...du premier ministre qui est le premier responsable de l'administration des fonds publics. Je vais poser la même question. C'est peut-être un avis que je donne au premier ministre. Mais, à ce moment-ci, c'est Me Boivin qui est devant nous. Je lui demande: Qui s'est occupé des intérêts des Québécois dans cette affaire?

M. Boivin: J'ai répondu qu'à mon avis, c'était le conseil d'administration de la SEBJ, quant au montant.

M. Gratton: Le conseil d'administration de la SEBJ ne s'en est pas occupé. D'ailleurs, il n'a jamais rencontré les avocats des défendeurs; vous voulez dire leurs avocats.

M. Duhaime: M. le Président, une question de règlement.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Duhaime: Je pense que cela a été très clairement établi. Je m'excuse, cela a sûrement échappé à la mémoire du député de Gatineau, mais il y a eu une rencontre à la demande de Me Jasmin. Me Jasmin a rencontré M. Laliberté et Me Gadbois en présence de Me Cardinal et de Me Aquin. Sous le prétexte de sauver l'intérêt public, le député de Gatineau est en train de nous placer dans une bien curieuse situation. Je l'écoute attentivement depuis quelques minutes et ses questions sous-tendent un reproche à Me Boivin qui est de ne pas avoir négocié, alors que le journal La Presse a porté une accusation à l'endroit de Me Boivin d'avoir négocié.

Ce que je voudrais que l'on fasse, M. le Président, au moins pour l'intérêt public, c'est qu'on nous démêle. Depuis les heures que Me Boivin est devant nous, il a dit de façon très claire et très explicite...

M. Gratton: Voulez-vous que je vous l'explique, M. le ministre?

M. Duhaime: ...qu'il n'avait pas négocié, ni avec les avocats des syndicats, ni avec les avocats de la SEBJ. Ce qui m'apparaît très clair, c'est que ce sont les avocats, suivant leur mandat des deux côtés; c'est ce qui a été établi et je voudrais qu'on soit correct.

M. Gratton: ...stratégie, c'est cela qui est votre problème, M. le ministre.

M. Lalonde: Une question de règlement.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre. S'il vous plaît, M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: Je pense que...

M. Gratton: L'intérêt du premier ministre est plus important que l'intérêt des citoyens du Québec.

Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! S'il vous plaît! M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: Les reproches que le ministre adresse au député de Gatineau sont non fondés, M. le Président, en ce qui concerne la recevabilité de ses questions. Me Boivin, dans sa présentation liminaire, a fait état de son opinion, l'opinion qu'il s'était faite sur la valeur de la cause, etc. Le député de Gatineau est tout à fait autorisé à poser des questions là-dessus et d'ailleurs vous l'avez laissé faire.

Maintenant, lorsque le ministre reproche au député de Gatineau de ne pas prendre fait et cause du journal La Presse... Le journal La Presse dit: II a trompé l'Assemblée nationale parce qu'il a négocié.

M. Duhaime: ...n'avait rien à voir avec cela. Alors, il n'y a pas de confusion dans mon esprit.

M. Lalonde: Le député fait son devoir en disant: Si je prends la parole du premier ministre le 20 février qui dit: II n'y a pas eu de négociation ni de près ni de loin, ni en partie ni en tout dans mon bureau, à ce moment, il demande au témoin qui, sur cette base, a pris les intérêts des Québécois si on n'a pas négocié. C'est une question tout à fait valable et recevable, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): D'une façon ou d'une autre, si j'ai laissé aller le député de Gatineau, c'était tout à fait normal compte tenu de l'opinion émise par Me Boivin. Je ne pense pas que personne conteste cela. D'ailleurs, personne n'a émis de question de règlement à ce moment.

Nous reviendrons après la période des questions, c'est-à-dire vers 15 heures, 15 h 30 cet après-midi.

(Suspension de la séance à 12 h 30)

(Reprise de la séance à 15 h 40)

Le Président (M. Jolivet): À l'ordre! La commission élue permanente de l'énergie et des ressources est à nouveau réunie aux fins d'examiner les circonstances entourant la décision du conseil d'administration de la Société d'énergie de la Baie James de régler hors cour la poursuite civile intentée à la suite du saccage du chantier de LG 2 survenu en 1974 et plus spécifiquement le rôle du premier ministre et de son bureau à cet égard.

Les membres de cette commission sont: MM. Vaillancourt (Jonquière), Ciaccia (Mont-Royal), Duhaime (Saint-Maurice), Bourbeau (Laporte), Laplante (Bourassa), Paradis (Brome-Missisquoi), Lavigne (Beauharnois), LeBlanc (Montmagny-L'Islet), Lalonde

(Marguerite-Bourgeoys), Tremblay (Chambly), Rodrigue (Vimont).

Les intervenants sont: MM. Bisaillon (Sainte-Marie), Baril (Rouyn-Noranda-

Témiscamingue), Desbiens (Dubuc), Dussault (Châteauguay), Mme Harel (Maisonneuve), MM. Gratton (Gatineau), Pagé (Portneuf), Doyon (Louis-Hébert), Saintonge (Laprairie). Le rapporteur est toujours M. LeBlanc de Montmagny-L'Islet.

Au moment où nous nous sommes quittés pour l'heure du dîner, la parole était au député de Gatineau. Nous avions devant nous Me Jean-Roch Boivin.

M. le ministre, avant que j'accorde la parole au député de Gatineau.

M. Duhaime: Cela ne sera pas long. Le député de Marguerite-Bourgeoys ce matin m'a posé un certain nombre de questions relativement à la marche de nos travaux. Sans préjuger de notre rythme ou de notre cadence, je voudrais informer la commission que j'ai pris un risque en demandant au bureau du leader du gouvernement de communiquer avec le secrétariat pour qu'on avise l'honorable juge Jasmin d'être à la disposition de la commission à compter de 20 heures ce soir. Si nous avions terminé, dans les deux heures vingt minutes qui restent, avec notre invité, M. Boivin, nous pourrions dès 20 heures entendre le début du témoignage de l'honorable juge Jasmin. Je crois répondre à une des questions qui m'étaient formulées ce matin par le député de Marguerite-Bourgeoys.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: M. le ministre, j'ai ici devant moi une copie d'une lettre adressée par le directeur de cabinet du leader du gouvernement à M. Bouliane. On parle de 15 heures au lieu de 20 heures pour Me Michel Jasmin. C'est peut-être une erreur, tout simplement.

M. Duhaime: Ce n'est pas une erreur, c'est une bonne présomption.

M. Lalonde: Moi aussi, je souhaite qu'on puisse avoir terminé le témoignage de M. Boivin. Je voudrais simplement vous aviser de ceci, même si ce n'est pas mon rôle; tout à l'heure, nous avons adopté une motion pour faire siéger la commission demain matin. J'avais oublié d'en parler au ministre mais j'ai soulevé un petit problème. J'ai demandé qu'on termine à 12 h 30 au lieu de 13 heures. Cela a été adopté.

Le Président (M. Jolivet): Cela a été adopté, c'est donc un ordre de l'Assemblée nationale.

M. Duhaime: Si cela peut vous aider dans vos travaux, nous en sommes très heureux.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Gatineau, c'est à vous la parole.

M. Gratton: Merci, M. le Président. Ce matin, M. Boivin et moi avons convenu que, si le bureau du premier ministre était intervenu dans le processus de ce règlement hors cour au profit des simples syndiqués, des syndiqués ordinaires, qui n'étaient aucunement responsables sur le plan personnel des dommages encourus par le saccage de la Baie James, semble-t-il, personne du cabinet du premier ministre n'était intervenu pour défendre les intérêts des contribuables qui finiraient par écoper des coûts, dans l'éventualité d'un règlement hors cour. M. Boivin m'a même dit, à un moment donné, en réponse à une question que je lui posais, à savoir qui s'était occupé d'assurer qu'on obtienne le maximum des syndicats, puisque M. Boivin prétendait que les syndicats québécois n'avaient pas la capacité de payer les montants qui pourraient se rapprocher des dommages réels encourus... Donc, la question que je posais était: Qui avait le mandat ou devait s'assurer que les syndicats paient selon leur capacité, ce qui n'est pas du tout encore sûr, même au lendemain du règlement qui est survenu le 6 mars 1979. M. Boivin m'a répondu que cela relevait directement du conseil d'administration de la Société d'énergie de la Baie James lorsqu'il a négocié le règlement.

Alors, j'aimerais poser un certain nombre de questions à M. Boivin, à savoir, par exemple, comment explique-t-il qu'avant le 6 février 1979, date où le conseil d'administration de la Société d'énergie de la Baie James a adopté une résolution pour mandater Mes Geoffrion et Prud'homme, ses procureurs, d'aller explorer la possibilité d'un règlement hors cour... Jusqu'au 6 février, c'est très clair dans tous les témoignages qu'on a eus ici, Mes Geoffrion et Prud'homme n'avaient pas le mandat de négocier. Ils avaient un mandat d'écouter, qui datait du 15 janvier 1979, mais ils n'avaient aucun mandat de négocier. Sur cela, M. Aquin, en réponse à des questions que je lui ai posées, a dit clairement: On n'a jamais eu de mandat de négocier sur le montant. On avait le mandat de négocier, bien sûr, sur la reconnaissance de cette responsabilité par les syndicats, mais sur le montant, aucun mandat avant le 6 février. Qui, selon vous, M. Boivin, négociait avec les procureurs des syndicats, tant américains que québécois, sur le montant du règlement hors cour avant le 6 février?

M. Boivin: D'après les témoignages que j'ai entendus ici, ce fut entre les avocats des parties respectives.

M. Gratton: Les avocats des parties... L'avocat de Geoffrion et Prud'homme qui représentait la Société d'énergie de la Baie James n'avait pas le mandat et on dit: On n'a pas négocié le montant.

M. Boivin: M. le Président, il me semble qu'on a attaché - selon mon expérience - une importance indue à ce qui est un mandat formel donné par un conseil d'administration et peut-être un mandat informel du P.-D.G. qui dit: Allez écouter. D'après ce que j'ai pu comprendre des travaux de cette commission, les avocats se sont échangé des documents ou des projets de transaction sur lesquels il y avait des montants. Je présume que les avocats en discutaient entre eux.

M. Gratton: Je vous cite un passage du témoignage de Me Jean-Paul Cardinal qui était, tous vont en convenir, responsable du dossier chez Geoffrion et Prud'homme pour les procureurs de la Société d'énergie de la Baie James. C'est au ruban 747, aux pages 1 et 2, du journal des Débats, et je cite: "J'ai entendu depuis de longues semaines, de longs jours, cet argument que nous avons: Ils ont eu 300 000 $ et qu'on aurait dû avoir plus, on aurait dû avoir moins. La question est simple pour autant que je suis concerné, pour autant que le bureau d'avocats est concerné." Ce sont les avocats de la société. "Cette négociation n'était pas une négociation financière... toute cette négociation-là, quand on a écouté et quand on a parlé, cela s'adressait toujours à des questions de principe, à savoir qui admettrait sa responsabilité et qui ne l'admettrait pas." Si le procureur de la société me dit: On n'a pas négocié sur le montant, est-ce que vous êtes en train d'affirmer, vous, M. Boivin, qu'effectivement il y a quelqu'un chez Geoffrion et Prud'homme qui a négocié sur le montant?

M. Boivin: Ils ont dû négocier, à un moment donné, sur le montant, puisqu'ils ont

convenu d'un projet de transaction qui contenait un montant. Moi...

M. Gratton: Mais, M. Boivin...

M. Boivin: Essayez d'être juste avec moi, je n'ai jamais négocié avec eux. À un moment donné, un règlement est intervenu, je me dis: Ils ont dû négocier quelque part. Ce doit être les avocats des parties qui ont négocié.

M. Gratton: Est-ce que, à ce moment-là, vous n'avez jamais été informé qu'il y avait des offres différentes qui se faisaient et qui étaient faites par Me Beaulé et Me Jasmin?

M. Boivin: Oui.

M. Gratton: Vous saviez, à ce moment-là, qu'il y avait eu des offres de montants différents...

M. Boivin: Oui.

M. Gratton: ...qui étaient faites par Me Beaulé et Me Jasmin?

M. Boivin: Oui.

M. Gratton: Est-ce que vous saviez, à ce moment-là, que...

M. Boivin: Je voudrais seulement préciser quelque chose, M. le député.

M. Gratton: Oui.

M. Boivin: Pas tous les montants, mais j'ai su à un moment donné qu'il y avait des offres avec des montants. Je veux dire par là que ce n'est qu'à la commission que j'ai appris 50, 125, je crois, 175.

M. Gratton: La montagne russe.

M. Boivin: La montagne russe. Le détail de cette montagne russe, ce n'est qu'à cette commission que je l'ai appris. J'ai su, bien sûr, qu'on discutait de montant à un moment donné.

M. Gratton: Vous l'avez su comment? Par l'entremise de qui?

M. Boivin: Soit de M. Laliberté, soit des avocats de n'importe quelle partie.

M. Gratton: Sûrement que Me Beaulé, au moins une fois, vous a parlé d'un montant quelconque.

M. Boivin: Me Beaulé ne m'a jamais tellement parlé de montant. Ce que j'ai entendu dire de Me Beaulé, je l'avais entendu dire avant cette commission-ci. Entre parenthèses, c'était son affaire et c'était l'affaire de la partie adverse d'accepter son argument ou non. Il disait: Je ne mettrai jamais plus que le syndicat québécois. Quant au montant précis, je ne me souviens pas que Me Beaulé ait attaché beaucoup d'importance à ce sujet avec moi.

M. Gratton: Prenons les offres une par une. Étiez-vous au courant, à la fin de 1978 ou au début de 1979, que Me Jasmin avait offert une somme de 400 000 $ en 1975 pour régler hors cour?

M. Boivin: Non, M. le Président.

M. Gratton: Vous l'avez appris quand?

M. Boivin: Ici, à la commission.

M. Gratton: Par contre, vous deviez être au courant que le 10 janvier - en tout cas, je vous pose la question - 1979 Me Beaulé avait offert ou s'était dit prêt à offrir au nom du syndicat américain le même montant que les syndicats québécois jusqu'à concurrence de 250 000 $, ce qui faisait, en fait, une offre de règlement de 500 000 $.

M. Boivin: Cet imbroglio, parce qu'apparemment ils ne s'entendaient point entre eux, je l'ai appris durant la commission.

M. Gratton: Vous l'avez appris ici seulement.

M. Boivin: Voilà.

M. Gratton: Me Beaulé, dans ses rencontres avec vous à votre bureau...

M. Boivin: II ne m'a jamais mentionné ce montant.

M. Gratton: II ne vous a jamais mentionné cela. Quand vous disiez ce matin que vous aviez dit à Me Beaulé: Ne me parle pas d'argent, je présume que c'est parce qu'il essayait de vous en parler. Non?

M. Boivin: II essayait de me parler de la valeur de la réclamation.

M. Gratton: Et non pas de l'offre de règlement.

M. Boivin: Non.

M. Gratton: Donc, pour ce qui est de l'offre dont on parle, qu'on peut estimer à 500 000 $ parce qu'il disait jusqu'à 250 000 $ - multiplié par deux, cela fait 500 000 $ - vous en avez entendu parler seulement ici.

M. Boivin: C'est cela.

M. Gratton: Par exemple, il ne vous en a jamais parlé, ou Me Jasmin ne vous en a jamais parlé à la réunion que vous avez eue avec lui le 12 janvier 1979.

M. Boivin: Non, M. le Président.

M. Gratton: À cette réunion, je pense que vous avez indiqué à la commission que Me Jasmin était nerveux et que vous l'aviez informé, presque rassuré, en lui disant que vous aviez avisé M. Laliberté, le président-directeur général de la société, qu'il fallait régler hors cour. Est-ce que j'ai bien compris cette partie-là qui m'a été rapportée, parce que je n'étais pas ici?

M. Boivin: Oui, avec la distinction suivante: Je n'ai pas dit que M. Jasmin était nerveux à cette réunion-là. C'est que, pendant toute cette période, Me Jasmin m'est apparu nerveux. Je ne pourrais pas dire qu'à telle date il était plus nerveux qu'à telle autre date, etc.

M. Gratton: C'était un état de nervosité constante.

M. Boivin: S'il comparaît devant cette commission, vous allez voir que, en tout cas, il apparaît toujours plus nerveux que moi. Il m'apparaît être un homme un peu nerveux. Je ne sais pas s'il était plus nerveux le 12 qu'à une autre date, mais il l'était en général. Quant au reste de votre question demandant si je l'avais rassuré, je l'ai informé dans des termes que vous venez de relater à peu près, à savoir: Oui, en effet, j'ai dit à M. Laliberté, le 3 janvier, telle chose et donc, c'est entre les mains de la SEBJ. Et je crois même - j'ai dit que je présumais, mais cela paraîtrait normal - que j'ai dû m'informer auprès de M. Laliberté de la prochaine réunion du conseil d'administration où le conseil serait saisi de cette question pour en décider. Et j'ai dû, j'imagine, transmettre cette information à M. Jasmin.

M. Gratton: À votre souvenir, est-ce que vous m'avez dit - je voudrais que cela soit clair - est-ce que vous me disiez qu'à cette réunion du 12 janvier, vous affirmez qu'il n'a pas été question de cette offre qui avait été faite par Me Beaulé de 500 000 $ ou si c'est votre souvenir qui vous indique que vous...

M. Boivin: Ah non! Cela, je vous l'affirme parce que j'ai été très étonné d'apprendre cela ici. Mais, il faut dire que mon étonnement diminue parce que Beaulé dit que ce n'est pas vrai. Alors, je ne sais pas ce qu'il en est, moi.

M. Gratton: Beaulé dit que ce n'est pas vrai qu'il a fait l'offre?

M. Boivin: II dit qu'il a été mal compris.

M. Gratton: Oui. Seulement, cinq ans après, on...

M. Boivin: Quoi qu'il en soit, moi, je n'ai jamais entendu parler de cela.

M. Gratton: Oui, d'accord. Donc, le 15 janvier, le procès commence en cour et, semble-t-il, selon le témoignage de Me Beaulé - d'ailleurs, c'est confirmé par le registre - à sa sortie de la cour, lui-même et Me Jasmin sont allés vous rendre visite. Ils ont passé moins d'une demi-heure dans votre bureau, ou en tout cas, dans le bureau du premier ministre. Est-ce que vous avez le souvenir qu'il ait été question d'autre chose que de la procédure qui venait de commencer en cour ce matin-là?

M. Boivin: Comme j'ai répondu, M. le député, en votre absence jeudi dernier, M. Beaulé dit qu'il s'est passé deux choses à cette réunion: premièrement, qu'ils m'ont informé du déroulement de la première journée du procès. J'ai dit que je ne me souvenais aucunement de cette partie de la conversation. Ensuite, Me Beaulé a témoigné, à savoir qu'il m'avait informé que Mes Geoffrion et Prud'homme leur avaient dit, le jour du procès, qu'ils n'avaient pas mandat de négocier, mais mandat d'écouter. Moi, je me souviens de cela parce que c'est une phrase ou une expression qui m'a frappé. Je n'utilise pas cela et je trouvais cela précis, original: Vous n'avez pas le mandat de négocier, mais le mandat d'écouter. Alors, c'est pour cela que je me suis souvenu de cette expression. Que voulez-vous? Je suis au bureau du premier ministre et ils viennent me voir à tout bout de champ. Qu'est-ce que je leur dis? Je leur dis la même chose, je leur dis: Votre procès est commencé, vous trouvez que c'est dommage. M. Jasmin, vous trouvez que les frais continuent à courir, M. Beaulé, vous déclarez que la guerre est commencée. Je veux bien que tous ces inconvénients subsistent mais moi je ne suis qu'au bureau du premier ministre. Le conseil d'administration va se réunir telle date. Il va décider de la question, il va régler hors cour ou il ne réglera pas hors cour. Vous allez vous entendre ou vous ne vous entendrez pas.

M. Gratton: Je ne veux pas argumenter avec vous.

M. Boivin: Non, mais, vous comprenez, ils viennent me voir et ils disent: C'est malheureux, le procès est commencé et on n'a pas eu de décision de la SEBJ. Je leur

dis: Oui, c'est bien malheureux.

M. Gratton: Vous ne vous êtes pas engagé à reparler à M. Laliberté, à ce moment-là?

M. Boivin: Comme je vous l'ai dit, j'en ai reparlé la veille ou le 12. Je suis informé qu'il y a une réunion du conseil d'administration à telle date. Alors, c'est à ce moment-là que le conseil d'administration en sera saisi.

M. Gratton: Vous leur dites d'attendre. Le 16 janvier, le lendemain, Me Jasmin vous rend visite à votre bureau. Avez-vous un souvenir, - je ne veux pas vous faire répéter, je ne veux pas vous poser la même question à laquelle vous avez répondu jeudi; je m'excuse, je n'étais pas ici et ce n'est pas nécessaire de répéter - est-ce qu'il a été question d'un montant ou d'une offre précise quant au montant?

M. Boivin: Je vais essayer de m'exprimer autrement, M. le député. Me Jasmin me connaît, il est plus jeune que moi, il a un peu peur de moi. M. Beaulé me connaît.

M. Gratton: Apparemment, il n'est pas seul, même parmi ceux qui sont plus vieux que vous.

Le Président (M. Jolivet): M. le député, pas de commentaires.

M. Gratton: Je dis cela sans malice.

Le Président (M. Jolivet): Non, c'est parce qu'il est en train de donner une réponse et vous l'avez interrompu.

M. Gratton: Je m'excuse, M. Boivin. Le Président (M. Jolivet): Me Boivin.

M. Boivin: J'essaie de situer mes réponses pour qu'elles soient plausibles, pour que vous les compreniez dans un contexte. Me Jasmin est plus jeune que moi, il a un peu peur de moi. Me Beaulé n'est pas plus jeune que moi, il n'a pas trop peur de moi, mais il me connaît. Depuis le début, je leur ai dit: Je ne veux pas entendre parler de foin. C'est clair, cela ne relève pas de moi, je ne veux pas entendre parler d'argent. Je leur en sais gré. Il faut dire que Me Beaulé est un gars comme cela, c'est un gars correct, Me Jasmin aussi. Ils ne m'ont pas parlé de cela. Je n'ai pas eu de misère, je n'ai pas eu à dire: Fermez-vous la boîte... Ils ont été assez corrects pour ne jamais discuter de règlement avec moi.

M. Gratton: Alors, comment expliquez-vous...

M. Boivin: Parce que, M. le député, mettez-vous à ma place. Supposons que j'aie convenu de 150 000 $ comme montant du règlement, qu'est-ce que j'aurais fait avec cette information? J'aurais appelé M. Laliberté et j'aurais dit: Accepte 150 000 $. Je trouve que c'est bien plus normal de laisser cela à l'endroit auquel cela appartient, aux avocats de la SEBJ et à la SEBJ.

M. Gratton: Je suis complètement d'accord avec vous, Me Boivin. Tout ce que je veux savoir, c'est qu'eux ne vous ont pas parlé non plus de montant.

M. Boivin: Parce que c'était convenu. Peut-être qu'ils auraient eu la tentation, je n'en sais rien. Je n'explore pas leur subconscient ou leur inconscient. Cela a été convenu dès le départ que je n'avais pas le mandat de parler de cela et que je n'en parlerais pas. Ils n'ont jamais insisté.

M. Gratton: Dans le fond, ils allaient vous voir pourquoi, Me Jasmin et...

M. Boivin: Pour le mois de décembre, ils sont venus me voir pour une chose très importante.

M. Gratton: Je parle du 16 janvier. M. Boivin: Le 16 janvier.

M. Gratton: Je vais vous poser la prochaine question. Le même jour.

Le Président (M. Jolivet): Un instant. Le problème est qu'au moment où il vient pour vous répondre, vous l'interrompez. Je vais demander l'article 100 pour l'invité, au moins pour qu'il puisse répondre.

M. Gratton: Je m'excuse, c'est Me Beaulé qui m'a...

M. Lalonde: Me Boivin.

Le Président (M. Jolivet): Me Boivin. Me Boivin, allez.

M. Gratton: Non, c'est Me Beaulé qui m'avait... Allez-y, je m'excuse, Me Boivin.

M. Boivin: Vous ne vouliez pas que je vous le dise tantôt parce que je l'ai dit la semaine dernière, mais je peux le répéter: Quant au 16 janvier précisément, je ne m'en souviens pas. Si on met cela dans toute cette toile de fond, cette histoire, c'est qu'à tout bout de champ Me Jasmin venait me voir et j'ai donné des exemples: Est-ce que

la SEBJ, même si son conseil d'administration est retardé, est-ce que ce n'est pas une ruse? Est-ce que dans le fond, les gens ne veulent pas régler? Il me semble que je suis convaincant, il me semble que j'ai des bons arguments, il me semble que je les ai transmis à Geoffrion et Prud'homme, il me semble que s'ils les transmettaient à la SEBJ, la SEBJ accéderait à mes arguments. Je leur donnais la réponse que j'ai donnée.

Le procès est commencé, mes clients n'ont pas d'argent, c'est terrible si le procès se continue. Bien vite, ils vont laisser procéder la cause ex parte. Et d'autres choses de la même nature.

M. Gratton: À quel moment avez-vous su que Me Jasmin avait formulé une offre de 50 000 $ le 16 janvier?

M. Boivin: Je ne sais pas si je l'ai su.

Si je l'ai su...

M. Gratton: Vous l'avez su à la commission, en tout cas. (16 heures)

M. Boivin: Pardon?

M. Gratton: Vous l'avez sûrement su ici, à la commission, mais je veux dire à ce moment?

M. Boivin: Oui, je sais que vous référez à ce moment. Il y a une fois, mais je ne sais pas comment cela marche l'évolution des offres... Les 50 000 $, c'était passé à quoi? Je ne le sais pas. On regardera dans nos papiers.

M. Gratton: Nous étions à 500 000 $, mais c'est l'imbroglio dont on parlait. La prochaine, c'est cela, c'est 50 000 $; c'est le 16 janvier.

M. Boivin: Bon. Il y a une fois, il me semble que M. Laliberté m'a dit au téléphone: J'ai reçu une offre ridicule. Est-ce qu'il référait à celle-ci? Je ne le sais pas.

M. Gratton: Ce qui me frappe, et je ne fais pas d'allusion perverse, mais je dis: Me Jasmin est dans votre bureau le 16 janvier. Est-ce que c'est avant? Est-ce que c'est après? Est-ce qu'on sait que c'était à 15 h 23 jusqu'à 16 heures? Et le même jour - je n'ai pas l'heure - il fait une offre en bonne et due forme au nom des syndicats québécois pour 50 000 $ et cela s'adonne être bien en deçà de ce que lui-même, Me Jasmin, avait offert en 1975 - il avait offert 400 000 $ -et bien en deçà des 500 000 $ théoriques dont on peut parler et dont Me Beaulé avait fait état le 10 janvier. Alors, je me dis: Est-ce que, par hasard, il n'aurait pas mentionné au cours de sa rencontre avec vous: Je fais aujourd'hui une offre aux procureurs de la SEBJ?

M. Boivin: Vous voyez, M. le député, vous dites ce qui vous étonne. Cela m'étonne aussi qu'il ait fait une offre de 50 000 $; il l'a faite, mais il ne me l'a pas dit.

M. Gratton: II ne vous en a pas parlé?

M. Boivin: Mais si vous me demandez ce que j'en pense, c'est une autre affaire. Je vais trouver que c'est ridicule. Il n'aurait pas dû offrir cela mais, en tout cas, c'est une autre question.

M. Gratton: Non, c'était plutôt pour savoir si, en rappelant que les deux sont arrivés la même journée, votre rencontre et l'offre qu'il a faite, si cela ne vous aiderait pas à dire: Bien oui, il me semble qu'il m'a mentionné cela. Mais vous dites que non et qu'il n'en a été question d'aucune façon.

M. Boivin: Voilà.

M. Gratton: Alors, le 19 janvier, c'est Me Jasmin et Me Beaulé qui sont tous les deux ensemble à votre bureau et selon le registre la rencontre dure à peu près une heure. Et le 22 janvier, c'est-à-dire trois jours plus tard, c'est Me Beaulé qui formule une offre au nom des syndicats québécois et américain - donc, l'ensemble des défendeurs - pour un total de 125 000 $. Là non plus il n'a jamais été question, si je comprends bien... Parce que, comme je vous l'ai dit, je ne veux pas vous poser des questions auxquelles vous avez déjà répondu.

M. Boivin: Non, non. Absolument pas, M. le Président.

M. Gratton: Donc, eux dans votre bureau n'ont jamais parlé de l'offre qu'ils se proposaient de faire.

M. Boivin: Non, M. le Président.

M. Gratton: Par contre, le 2 février...

M. Boivin: De la même manière que Mes Geoffrion et Prud'homme ne m'appelaient pas pour me dire: On a reçu une offre de Me Beaulé ou de Me Jasmin de tel montant. Mettez-vous dans le contexte: c'était tenu pour acquis que ce n'était pas ma hache.

M. Gratton: Ce n'était pas quoi?

M. Boivin: Ma hache, mon centre d'intérêt. Mon centre d'intérêt, vous savez lequel, je l'ai dit, j'ai fait une recommandation au premier ministre

favorable à un règlement hors cour.

M. Gratton: Je comprends que ce n'était pas votre hache, mais le fait demeure que les procureurs des défendeurs étaient souvent dans votre bureau et cela accaparait votre temps.

M. Boivin: Exact.

M. Gratton: En tout cas, je vous laisserai expliquer vos réactions, c'est à vous de le faire. Mais je me reporte au 2 février. Là, vous rencontrez le matin Me Beaulé et... En fait, le matin, je pense que c'est de 10 h 07 à Il h 12. Dois-je comprendre que vous avez déjà répondu à la question, à savoir que vous n'avez pas parlé de montant?

M. Boivin: En effet, j'ai déjà répondu... Je ne sais pas si on m'a posé la question, M. le député.

M. Gratton: Pardon?

M. Boivin: J'ai dit: Je ne sais pas si on m'a posé la question précise...

M. Gratton: Bien, je vous la pose, tiens.

M. Boivin: ...est-ce que vous avez parlé de montant le 2 février, mais la réponse est non.

M. Gratton: Vous êtes sûr de cela. Ce n'est pas strictement que vous ne vous en souvenez pas. C'est effectivement que vous n'en avez pas parlé.

M. Boivin: Non. Comme je l'ai dit pour bien d'autres questions et réponses, la réunion du 2 février, je ne m'en souviens pas. Logiquement, je devrais dire que je ne me souviens pas si on a parlé de montant. Je peux dire autre chose quant au montant. Je dis qu'ils ne m'ont pas parlé de montant le 2 février parce qu'on n'a jamais parlé de montant.

M. Gratton: C'est clair, c'est pour cela que je donne la chance à M. Boivin de le dire.

M. Duhaime: Cela fait au moins dix fois qu'il le dit.

M. Gratton: M. le Président, je me suis déjà excusé de ne pas avoir été ici jeudi pour entendre ce que vient de dire M. Boivin. Est-ce que je dois m'excuser dix fois pour que le ministre soit satisfait?

M. Dussault: Demandez à vos collègues. M. Laplante: Les rubans sont là.

Le Président (M. Jolivet): Vous n'avez pas à vous excuser continuellement, mais le problème qu'on a...

M. Duhaime: C'est qu'on souffre de votre absence.

Le Président (M. Jolivet): ...c'est qu'il y a quand même des questions qui ont été posées. Il est évident que Me Boivin répond à vos questions. Vous pouvez y aller mais, une chose est certaine, il faudrait éviter...

M. Gratton: J'ai dit, sur cette question précise...

Le Président (M. Jolivet): Oui, oui, mais il faudrait éviter qu'on revienne continuellement.

M. Gratton: ...du 2 février, j'ai dit que je ne la poserais pas. Vous y avez probablement répondu. M. Boivin m'a dit: Non, peut-être qu'on ne me l'a pas posée. Alors, j'ai dit: Je vous la pose.

Le Président (M. Jolivet): C'est pour cela que je ne vous ai pas arrêté non plus.

M. Gratton: Vous ne m'avez pas arrêté, mais le ministre s'impatiente. Je ne sais pas ce qu'il a mangé ce matin.

M. Duhaime: Non, je ne m'impatiente pas.

Le Président (M. Jolivet): Continuez, continuez.

M. Duhaime: Mais s'il faut qu'on commence...

Le Président (M. Jolivet): Continuez, M. le député.

M. Duhaime: Je veux dire au député de Gatineau que, pour moi, il n'a pas fait un bon voyage de pêche. Si vous permettez à chaque député qui part pour la pêche, en revenant, de poser des questions qui ont déjà été posées, il n'y aura personne qui va aller à la pêche cet été. On va passer l'été ici.

M. Lalonde: Au nombre de questions que les députés péquistes posent, ils peuvent tous aller à la pêche, M. le Président, d'ici à la fin.

Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! Ceci est un intermède non nécessaire. M. le député de Gatineau.

M. Gratton: Toujours le 2 février, vous avez lunché avec Mes François Aquin et Jean-Paul Cardinal. Il l'a dit? Il a dit qu'il avait lunché?

Le Président (M. Jolivet): Allez, M. le député de Gatineau, allez.

M. Gratton: Je ne peux pas lui poser ma question?

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Gatineau, allez, allez.

M. Gratton: Vous savez déjà la réponse?

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Gatineau.

M. Gratton: Le ministre devine mes questions.

Le Président (M. Jolivet): M. le député, je vais être obligé de recommencer avec vous à me regarder à se parler entre nous deux.

M. Gratton: M. le Président, j'entends trop bien de l'oreille droite pour laisser le ministre me déranger.

Le Président (M. Jolivet): Posez votre question, cela sera plus simple.

M. Gratton: Vous avez indiqué, au cours de ce lunch, à MM. Aquin et Cardinal qu'ils recevraient prochainement une offre.

M. Boivin: On m'a dit que Me Aquin avait témoigné en ce sens ici. J'ai dit que, moi, je ne m'en souvenais pas.

M. Gratton: Vous ne vous en souvenez pas. D'ailleurs, soit dit en passant, pour vous rafraîchir la mémoire, Me Jasmin avait effectivement transmis à Geoffrion et Prud'homme l'offre dont il avait été question en date du 5 février. C'est d'ailleurs l'offre qui devait éventuellement mener au règlement final. Deux jours après avoir reçu... Geoffrion, Prud'homme a reçu le mandat de négocier le 7 février. Deux jours plus tard, Me Jasmin et Me Cardinal sont allés à votre bureau. Est-ce que Me Cardinal vous a mentionné qu'il venait de recevoir le mandat de négocier sur le montant?

M. Boivin: Au sujet des rencontres du 9 février, j'ai dit la semaine dernière que je ne m'en souvenais aucunement. Comme j'ai vu le nom de Me Jean-Paul Cardinal, je suis allé voir Me Jean-Paul Cardinal à son bureau, en préparation de mon témoignage devant cette commission, et j'ai dit à Me Cardinal: Jean-Paul, selon le registre, tu es venu le 9 février 1979 de 16 h 30 à 17 h 05. Comme tu es avocat et que tu as un compte d'honoraires ou un agenda, des choses semblables, pourrais-tu me dire s'il apparaît à ton dossier ce que tu es venu faire à mon bureau le 9 février? Jean-Paul m'a dit: Je regrette, cela n'apparaît pas à nos honoraires. Je n'ai pas de notes. Je ne peux pas dire ce que je suis allé faire à ton bureau. Depuis ce temps, je cherche ce que Me Cardinal est venu faire à mon bureau le 9 février, mais sans succès.

M. Gratton: Donc, M. Boivin, vous constatez avez moi que jusqu'au 9 février -en fait, jusqu'au 7...

M. Boivin: Entre parenthèses, M. le député, vous m'avez dit tantôt que le conseil d'administration - dans votre préambule -avait donné un mandat de négocier - je ne sais pas comment vous vous êtes exprimé -vers le 7 février. Est-ce que c'est cela que vous m'avez dit?

M. Gratton: D'explorer.

M. Boivin: D'explorer? J'ai appris cela à mon grand étonnement lors de cette commission parce que je pensais qu'il négociait depuis le mois de janvier. Je suis très déçu d'avoir aussi peu d'influence auprès de M. Laliberté.

M. Gratton: Vous ne savez pas quels efforts je suis obligé de faire pour ne pas faire de commentaire, pour respecter la consigne du président. Mais, M. Boivin...

M. Boivin: Je le dis sérieusement, j'ai appris cela avec étonnement.

M. Gratton: Oui, oui, mais maintenant que vous le savez que ce n'était pas Mes Geoffrion et Prud'homme qui négociaient, comment expliquez-vous qu'il y ait eu quatre offres différentes à quatre montants différents et qu'il n'y avait personne qui négociait?

M. Boivin: À qui ont-ils fait ces offres-là?

M. Gratton: Ils les ont faites à la Société d'énergie de la Baie James. C'est dans la preuve, si on reprend...

M. Boivin: Si vous permettez, j'imagine qu'ils ont dû transmettre... Je ne sais pas, je n'ai pas entendu tous les témoignages, mais j'imagine que ces offres faites par Me Jasmin ou Me Beaulé - cela doit être le sens des témoignages, vous me contredirez si ce n'est pas cela - ont dû être transmises au bureau de Geoffrion et Prud'homme par écrit. Est-ce cela?

M. Gratton: Oui.

M. Boivin: Alors ils négociaient entre eux, je présume. Moi, ils ne m'ont jamais

transmis d'offre.

M. Gratton: Oui, mais les avocats du bureau Geoffrion et Prud'homme sont venus témoigner qu'ils n'avaient pas négocié et qu'ils n'avaient pas le mandat de négocier.

M. Boivin: Peut-être qu'ils ne négociaient pas, mais qu'ils recevaient des offres et qu'ils les transmettaient à leurs clients.

M. Gratton: C'est sûr que c'est ce qui arrivait.

M. Boivin: Ah bon!

M. Gratton: Mais je vous demande à vous, vous aviez le mandat de suivre l'évolution du dossier pour en tenir le premier ministre informé...

M. Duhaime: M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Duhaime: Je voudrais m'excuser, M. le Président, auprès de mon collègue de Gatineau, mais l'échange qui se produit avec Me Boivin est fort intéressant. Cela pourrait se dérouler le vendredi matin pendant une question avec débat, en l'hypothèse que le chef du cabinet du premier ministre pourrait intervenir, mais c'est de l'argumentation entre un membre de la commission parlementaire et un invité. J'apprécierais que l'on pose des questions et la partie qui fera l'objet de commentaires pourra venir ensuite, mais on demande à Me Boivin de porter des jugements sur des événements et des faits ou des gestes posés par des procureurs dans l'exercice de leurs fonctions. Je pense que ce n'est pas Me Boivin qui est la meilleure personne pour porter cette évaluation. Vous la ferez en temps utile.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Gatineau.

M. Gratton: M. le Président, sur la question de règlement; M. Boivin, à titre de chef du cabinet du premier ministre, a le mandat de suivre l'évolution du dossier. Il a de nombreuses rencontres avec les procureurs des syndicats québécois, de même qu'avec Me Beaulé, procureur du syndicat américain, au cours de cette période, pour s'acquitter de son mandat, c'est-à-dire de suivre l'évolution du dossier. Il nous dit aujourd'hui qu'en suivant l'évolution du dossier, il n'a appris que cinq ans plus tard qu'il y a eu quatre offres différentes de faites sans que personne n'ait le mandat de négocier au nom de la Société d'énergie de la Baie James. Je dois avoir le droit de demander à Me Boivin ce qu'il pense qui s'est passé pendant ce temps-là.

Le Président (M. Jolivet): Seulement un instant. C'est là où j'avais moi-même l'intention de vous arrêter parce que vous arrivez à lui demander ce qu'il pense des événements qui se sont produits et il vous dit qu'il n'en avait jusqu'à maintenant aucune connaissance. À partir de ce moment-là, vous ne pouvez même pas poser la question, elle n'est même pas recevable. Posez-la autrement ou posez une autre question, mais celle-là n'est pas recevable.

M. Laplante: ...ton oreille droite; il a fini, le président.

M. Gratton: M. Boivin, pendant que vous suiviez l'évolution du dossier, vous n'avez jamais posé de questions sur les offres qui étaient faites?

M. Boivin: Exact.

M. Gratton: On ne vous a jamais informé des offres qui étaient faites non plus?

M. Boivin: Je ne sais pas s'il référait à la première dans le sens que je viens de dire tantôt, mais il me semble que M. Laliberté m'a dit à un moment donné: J'ai reçu une offre ridicule. Il m'a peut-être dit de 50 000 $, mais je l'ajoute, je n'ai aucun souvenir de cela. M. le député, pour comprendre: Quand le premier ministre me dit de suivre l'évolution du dossier, c'est dans le contexte où il me donne le mandat; vous vous en souviendrez, le premier ministre dit: Je suis favorable à un règlement hors cour - laisse-le savoir au président de la SEBJ - dont les modalités seront convenues par les parties. Ce qui m'intéresse, après avoir rencontré M. Laliberté, c'est de savoir si les discussions ont toujours lieu ou si c'est bloqué à un moment donné. Si M. Laliberté ou un des avocats ou quelqu'un m'avait dit: Toutes les négociations sont rompues, j'aurais sûrement dit: Pourquoi? Quelqu'un aurait dit - je fais des hypothèses farfelues: C'est parce qu'ils demandent trop cher ou etc., etc. Je ne sais quoi, je serais allé voir le premier ministre et je lui aurais dit: Les négociations sont rompues et j'imagine qu'on aurait examiné la situation, mais jamais personne n'est venu me dire: Les négociations sont rompues. Le dialogue était maintenu. Alors, c'est ce que j'appelle un dossier qui évolue normalement. J'ai dû dire au premier ministre de temps en temps: Cela va, les discussions se poursuivent.

M. Gratton: Quand on vous faisait rapport, par exemple, lorsque M. Laliberté vous dit: On me fait une offre ridicule, que

lui avez-vous répondu à ce moment? (16 h 15)

M. Boivin: C'est de vos affaires.

M. Gratton: À M. Laliberté? M. Boivin: À M. Laliberté.

M. Gratton: Est-ce qu'ils ont fait état, pendant les conversations que vous aviez avec ces gens, d'autres difficultés qu'il y avait en cours de route?

M. Boivin: Qui? Les avocats?

M. Gratton: Non, M. Laliberté, dans un premier temps.

M. Boivin: Je ne me souviens pas qu'il ait fait état de difficultés particulières, si ce n'est la question d'admission de responsabilité dont M. Jasmin s'étonnait - et peut-être aussi M. Beaulé, je ne m'en souviens plus - qu'on l'exige.

M. Gratton: Mais vous-même, vous avez été conscient, vous avez été mis au courant, à un moment donné, avant le 20 février 1979, qu'il y avait effectivement un problème au point de vue de la reconnaissance de la responsabilité?

M. Boivin: Je savais qu'il y avait des discussions - je ne sais pas si on appelle cela un problème - sur cette exigence d'admission de responsabilité. Je savais cela, je veux dire des deux côtés, tant du côté du syndicat québécois que du côté du syndicat américain. Le syndicat américain ne voulait pas l'admettre du tout. Quant au syndicat québécois, il s'étonnait. Mais je ne sais pas si cette question s'est réglée plus rapidement qu'avec le syndicat américain.

M. Gratton: Vous, dans votre cas, n'êtes-vous jamais intervenu pour, par exemple, donner votre point de vue sur la reconnaissance de la responsabilité?

M. Boivin: On ne me l'a jamais demandé.

M. Gratton: II n'y a jamais eu personne qui vous a demandé de donner votre point de vue là-dessus?

M. Boivin: Non.

M. Gratton: Me Beaulé, lorsqu'il allait vous voir et qu'il vous exposait le fait qu'il croyait que le syndicat américain n'avait aucun lien de responsabilité, vous ne lui avez jamais indiqué que vous partagiez son point de vue?

M. Boivin: Me Beaulé ne m'a pas demandé mon avis. Me Beaulé m'a affirmé que jamais son client n'admettrait sa responsabilité. C'est bien différent.

M. Gratton: Est-ce que Me Jasmin, lui, parlait de la responsabilité de ses clients?

M. Boivin: Me Jasmin m'a dit une fois: Je m'étonne qu'on exige que mes clients admettent leur responsabilité dans un document de règlement. Là, j'ai fait ce que j'ai dit la semaine dernière, j'ai téléphoné à M. Laliberté. Il m'a dit: Oui, c'est une condition sine qua non, parce qu'il a été question, dans les journaux, dans le rapport Cliche ou enfin dans l'opinion publique, d'une responsabilité partagée possible; est une question d'honneur, il y va du nom de la SEBJ. J'ai dit: J'avais oublié momentanément cette question. C'est très juste. J'ai téléphoné à Me Jasmin et j'ai dit: Messieurs de la SEBJ en font une condition sine qua non.

M. Gratton: Est-ce que vous êtes d'accord avec moi, M. Boivin, pour dire qu'il y avait deux modalités ou deux éléments importants à ce règlement hors cour? Il y avait le montant, bien sûr, et la reconnaissance de la responsabilité.

M. Boivin: La reconnaissance de responsabilité me semblait, comme je viens de le dire, sine qua non, primordiale, très importante pour la SEBJ. Quant au montant, je ne sais pas quelle importance cela a pris de chaque côté, respectivement.

M. Gratton: Je parle des défendeurs.

M. Boivin: Pour les défendeurs, il semblait que cela avait de l'importance.

M. Gratton: Donc, il y avait deux éléments à considérer par les défendeurs pour le règlement hors cour: la reconnaissance de la responsabilité ou pas et le montant qu'ils auraient éventuellement à payer pour un règlement hors cour.

M. Boivin: On pourrait s'exprimer ainsi, certainement, oui.

M. Gratton: Ce que vous nous dites, c'est qu'il n'y en avait qu'un élément sur les deux qui a retenu votre attention, vous, et sur lequel vous êtes intervenu, c'est celle de la responsabilité des syndicats.

M. Boivin: Non, je n'ai pas dit que j'étais intervenu sur la question d'admission de responsabilité, j'ai dit qu'on m'en avait parlé. C'est bien différent.

M. Gratton: Vous avez téléphoné à M. Laliberté pour lui demander de quoi il

s'agissait.

M. Boivin: C'est cela.

M. Gratton: Vous avez téléphoné à M. Aquin.

M. Boivin: C'est cela.

M. Gratton: Vous avez fait rapport, ensuite, à Me Jasmin.

M. Boivin: Quant au montant, c'est très simple, les avocats ne m'en ont pas parlé, parce que je les avais prévenus. Je ne m'en serais pas mêlé, c'est bien évident, parce que je trouve que ce n'est pas normal.

M. Gratton: Donc - je termine là-dessus, M. le Président - si j'ai bien compris vos réponses, M. Boivin, c'est seulement maintenant que vous apprenez qu'il n'y a personne qui négociait au nom de la Société d'énergie de la Baie James, avant le 6 février dernier, sur le montant.

Le Président (M. Jolivet): Juste un instant...

M. Boivin: Je n'ai pas appris cela encore.

M. Gratton: Laissez-moi reformuler ma question. Vous ne saviez pas avant la commission qu'il y avait eu quatre offres différentes avant le 6 février dernier?

M. Boivin: Exact.

M. Gratton: Donc, en supposant qu'il n'y aurait pas eu d'offre, je sais que c'est hypothétique, on pourrait dire qu'il n'y a pas eu de négociation, d'accord, mais s'il y a eu quatre offres différentes, vous présumiez vous-même avant aujourd'hui qu'il y avait négociation?

M. Boivin: Je suis sûr que ce doit être cela qui est arrivé. Ils n'ont rien fait durant le mois de janvier, ces gens-là, puis pendant le mois de février. Ils ont échangé, les avocats de la SEBJ, Geoffrion et Prud'homme, M. Beaulé et M. Jasmin, ils ont échangé pendant le mois de janvier, ils ont dû échanger sur quelque chose.

M. Gratton: Je vous pose la question très directement...

M. Boivin: Je n'étais pas là.

M. Gratton: Est-ce que vous avez pris connaissance des témoignages de Me Cardinal, Me Aquin et Me Jetté?

Le Président (M. Jolivet): M. le député, sur ce sujet, on ne doit pas poser de questions au témoin sur des choses dont il n'a pas eu connaissance encore une fois.

M. Gratton: Si M. Boivin me dit qu'ils ont dû échanger et que les témoins qui sont venus ont dit: On n'a pas échangé...

M. Duhaime: Non, non.

M. Paradis: Est-ce que vous voulez qu'on le lise?

Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! D'autres questions?

M. Gratton: J'ai terminé mes questions. Vous me permettrez un bref commentaire, sûrement?

Le Président (M. Jolivet): Vous en avez le droit.

M. Gratton: Compte tenu du fait qu'il semble qu'on apprend seulement maintenant du côté de M. Boivin qu'il y a eu ces offres-là qui ont été faites par les procureurs du syndicat américain ou des syndicats québécois, il y en a eu quatre et on en a fait état ici le 22 avril dernier et, à ce moment-là aussi, cela avait eu l'heur de déplaire au ministre, effectivement, comment peut-on expliquer que les procureurs des syndicats québécois et du syndicat américain aient formulé quatre offres différentes, à des montants différents, avant le 6 février 1979 date à laquelle et seulement à laquelle Geoffrion et Prud'homme ont finalement reçu le mandat de négocier ou d'explorer un règlement hors cour? M. Boivin, qui était au centre des discussions, nous dit: Ce n'est pas moi qui ai négocié. Les administrateurs de la Société d'énergie de la Baie James, tous et chacun l'un après l'autre, sont venus nous dire: Ce n'est pas nous qui avons négocié et ce n'était d'ailleurs pas leur job de le faire.

Geoffrion et Prud'homme, j'en ai lu un extrait tantôt et je pourrais vous lire d'autres citations, nous disent eux aussi: Nous n'avions pas le mandat de négocier sur le montant, nous avons négocié seulement sur la reconnaissance de la responsabilité.

Sur la question que je me pose, M. Boivin a apporté un certain éclairage, mais qui ne m'a pas complètement satisfait. Je ne lui en fais pas grief, puisqu'il me raconte la situation telle qu'il l'a vue, puis telle qu'il la voit encore aujourd'hui, mais, aux questions que je lui posais ce matin pour savoir qui s'occupait de protéger les intérêts des contribuables qui ont payé la note de ce règlement hors cour, on nous a dit, du côté du bureau du premier ministre, que c'était injuste de faire payer par les syndiqués ordinaires les dommages qui avaient été causés par des actes de quelques-uns d'entre

eux. Par contre, on a tous convenu, Me Boivin le premier, que, pour le syndicat québécois, qu'il soit capable ou non de payer pour les dommages qui avaient été encourus, ce qui importait, c'était de reconnaître que les syndiqués membres de ce syndicat étaient tous solidairement responsables des dommages qui étaient survenus.

De la même façon, nous, les citoyens et contribuables québécois, on n'était pour rien au saccage de la Baie-James et on n'a rien fait là-dedans, mais on a assumé le coût entre le règlement de 200 000 $ qui a été finalement négocié et des dommages réels qui parlent de 17 000 000 $, 19 000 000 $ et qui étaient à 32 000 000 $ dans la demande.

M. le Président, quand Me Boivin vient nous dire que c'est à partir d'une conscience sociale qu'on a opté de ne pas imposer aux simples syndiqués ordinaires de payer pour les dommages occasionnés par des actes de folie de certains d'entre eux, je me dis: Qui s'est occupé de s'assurer que ce n'était pas nous, les contribuables qui payions. Il m'a dit non, il m'a dit que c'étaient les actionnaires, les administrateurs de la Société d'énergie de la Baie James et la preuve que j'ai devant moi, c'est qu'eux ne l'ont pas fait.

M. Laplante: C'était leur mandat.

M. Gratton: M. le Président, est-ce qu'il va me laisser terminer? Et il y a une question que je me pose, M. le Président, si, dans un premier temps, Me Boivin dit au P.-D.G. de la Société d'énergie de la Baie James le 3 janvier: C'est le souhait du premier ministre de régler; si, en plus, le 12 janvier, il dit à Me Jasmin, qui est quand même le procureur de l'une des défenderesses - je ne veux pas utiliser de termes qui pourraient m'être reprochés - s'il dit à Me Jasmin, qui s'inquiète de savoir si cela va se régler ou non: J'ai averti le P.-D.G. que c'est le souhait du premier ministre de régler et si, ensuite de cela, le premier ministre lui-même, le 1er février, vient dire aux trois P.-D.G. de la société d'énergie: Vous réglez, "crisse", ou bien on va régler pour vous autres, je me dis qu'on commence à mettre la pression pas mal forte sur un côté, sur une des deux parties qui est censée être en train de négocier l'entente. Et, pour quelqu'un qui veut travailler en vue de l'intérêt public, je comprends, je suis de ceux qui veulent protéger l'intérêt des travailleurs ordinaires qui ne sont pas responsables du saccage. Mais qui s'est occupé de protéger nos intérêts à nous, les contribuables?

Je me demande si, en faisant des actions, en faisant des interventions - en tout cas, il y a au moins ces deux-là du 3 janvier et du 1er février - qui, les deux, allaient dans le même sens, on a réellement servi l'intérêt public comme on le prétend? Je me permets, M. le Président, de poser cette question-là, parce qu'il n'y a rien ici, il n'y a rien, il n'y a personne qui est capable de me dire qui s'occupait de défendre ces intérêts-là au cours des négociations. Si M. Boivin était venu nous dire: Tout au cours de la démarche, je disais aux avocats de s'organiser pour faire des offres qui ont du bons sens; si, au lendemain de cet appel téléphonique où M. Laliberté lui a dit: Ils nous ont fait des offres ridicules, M. Boivin nous disait: J'ai appelé Jasmin et je lui ai dit: Écoute, tu es mieux d'aiguiser ton crayon parce que, finalement, ce sont des deniers publics, alors, je dirais qu'il y a quelqu'un qui s'est occupé d'obtenir un règlement. Et peut-être que ce n'est pas 200 000 $ qu'on aurait obtenus, cela aurait été plus que cela. Mais je comprends que M. Boivin ne peut pas nous dire cela aujourd'hui, compte tenu de la réponse du premier ministre le 20 février 1979...

M. Laplante: ...

M. Gratton: C'est bien sûr que si M. le premier ministre nous avait dit: Nous, on agit en fonction de l'intérêt public et on est en train d'essayer de trouver les moyens, en mettant les parties "ensemble, de faire en sorte que les intérêts de tous et chacun soient protégés - et tous et chacun, c'est l'actionnaire principal de la Société d'énergie de la Baie James, ce sont les contribuables, aujourd'hui, on ne serait pas en commission parlementaire. On aurait eu nos réponses, toutes nos réponses le 20 février 1979 ou, en tout cas, le 6 mars 1979. Mais, justement, le problème, c'est qu'à l'Assemblée nationale, le premier ministre nous a dit: II n'y a jamais personne qui a négocié au bureau du premier ministre sur le montant du règlement. Et ici, à la commission...

M. Tremblay: M. le Président, question de règlement.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Chambly.

M. Tremblay: Je m'excuse, mais la déclaration du premier ministre le 20 février 1979 n'était pas ce que le député vient de dire. Le premier ministre a dit que le règlement n'avait pas eu lieu dans son bureau...

M. Lalonde: Ni de près ni de loin.

M. Tremblay: ...et il n'a pas dit que personne n'avait négocié. Il n'a pas dit cela. Il y a des avocats, de toute évidence, qui ont négocié...

M. Lalonde: Dans le bureau du premier

ministre?

Le Président (M. Jolivet): M. le député. M. Tremblay: Non.

Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! M. le député de Gatineau.

M. Lalonde: On peut le laisser aller.

M. Gratton: Je termine, M. le Président, en disant que...

Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! M. le député de Gatineau.

M. Gratton: ...c'est la première fois que je vois cela, personne ne négocie et il y a quatre offres différentes. Je n'ai jamais vu cela une partie à une négociation qui se décide toute seule sans que personne lui demande de faire des offres différentes qui vont de haut en bas, en haut et en bas, je n'ai jamais vu cela, et qu'on en arrive finalement au règlement qu'on connaît. C'est peut-être là qu'on doit trouver l'explication de ce montant de 200 000 $ par rapport à une réclamation de 32 000 000 $, c'est que la négociation était ce qu'on appelle dans l'Outaouais "one-sided"; elle se faisait à une partie seulement. C'est ce qu'on essaie de nous dire. Mais ce que je retiens de ce qui a été mis en preuve ici devant la commission, c'est que si cela n'a pas été négocié dans le cabinet du premier ministre, ce règlement hors cour, cela n'a pas été négocié ailleurs non plus. Et c'est cela qui est formidable. On a eu six offres de règlement différentes qui sont parties de 400 000 $ à 500 000 $, de 50 000 $ à 100 000 $, à 125 000 $, à 175 000 $ pour finalement s'établir à 200 000 $, tout cela sur une période de trois mois, sauf la première, qui a été faite en 1975. Il n'y a personne qui a négocié et on a réussi à régler une poursuite de 32 000 000 $ pour 200 000 $. Il faut le faire, M. le Président. (16 h 30)

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Duhaime: Alors, M. le Président, ce n'est pas mon habitude de faire des commentaires à mi-parcours des travaux de la commission, mais je pense que l'intervention du député de Gatineau mérite une réplique. Sa compréhension des événements, c'est la sienne, ce n'est pas la mienne. Sur la notion d'intérêt public qu'on évoque depuis ce matin, cela m'apparaît être relié à ce que j'appellerais une opération de "repositionnement". Je ne sais pas si c'est les effervescences du conseil général du Parti libéral du Québec récemment ou encore la lecture des éditoriaux - j'en ai quelques- uns, je pense que je vais avoir l'occasion d'en parler, puisque je suis en commentaire...

Le Président (M. Jolivet): Vous en avez amplement le droit, M. le ministre.

M. Duhaime: ...mais ma conception de l'intérêt public ne rejoint pas du tout celle que vient d'étaler le député de Gatineau, au contraire, elle y est diamétralement opposée. Dans mon esprit l'intérêt public du Québec commandait la décision qui a été prise par le premier ministre de déclarer que cette cause devrait se régler hors cour. En effet, comme citoyen et contribuable, je me pose la question, est-ce qu'il était de l'intérêt public du Québec de payer à coup de millions des avocats pour tenter d'obtenir d'abord un lien de responsabilité contre un syndicat américain sur lequel tout le monde s'entend - à partir de la commission Cliche et selon tout le monde qui a touché à ce dossier, il y avait un lien apparent, c'était très discutable et cela a été effectivement discuté - les chances d'obtenir un jugement devant une Cour d'appel ou une Cour suprême ici au Canada étaient, le moins que l'on puisse dire, très aléatoires et avec la possibilité d'aller ensuite en exemplification, au dire même des procureurs de la SEBJ, on se retrouvait à l'horizon de 1989-1990 avec un coût de dépenses de l'ordre d'environ 5 000 000 $. Tout le monde s'entend là-dessus. Tout le monde s'entend pour dire aussi que c'était le seul syndicat solvable eu égard au montant de la réclamation.

Pour ce qui est des syndicats québécois, tout le monde s'entend pour dire que le 791 n'a jamais été très riche. Tout le monde s'entend aussi pour dire qu'il aurait été très facile pour n'importe quel conseiller juridique bien avisé de conseiller au 791 de laisser une coquille vide, sans argent, et de chercher une nouvelle accréditation. Ce qui veut dire que cette défenderesse, ce syndicat défendeur se serait trouvé dans une position sinon de déconfiture du moins d'insolvabilité totale, et on n'aurait pu obtenir, suivant l'expression de M. Boyd, mon souvenir est très clair là-dessus, un jugement qui aurait pu servir comme arme de "négociation." Cela aurait voulu dire que, au nom de l'intérêt public, le député de Gatineau aurait été prêt à engager 1 000 000 $, 2 000 000 $, 3 000 000 $, peut-être même davantage pour obtenir jugement devant la Cour supérieure, après un procès qui, au dire de tout le monde, aurait duré au moins six mois, possiblement un appel en Cour d'appel et aussi, très certainement, un appel en Cour suprême. Le tout aurait duré encore quatre ou cinq ans de sorte qu'à l'heure où on s'en parle, très probablement que le jugement final de la Cour suprême ne serait même pas encore rendu.

Je regrette, mais ce n'est pas ma

conception de l'intérêt public. C'est là-dessus qu'on ne s'entend pas. Je pense aussi pouvoir dire, M. le Président, si on part des témoignages entendus par les procureurs de la Société d'énergie de la Baie James, que dans leur rapport au conseil d'administration, ils ont établi très clairement que le maximum prouvable en l'occurrence était de l'ordre de 17 000 000 $, dont 2 000 000 $ incluant un montant de 400 000 $ en frais d'assurances additionnelles, qui étaient des dommages directs. Tout le reste était des dommages indirects, c'est-à-dire imputables au retard sur le chantier, ce qui avait effectivement amené la SEBJ à payer une indemnité de l'ordre de 17 000 000 $ à un entrepreneur.

J'ai écouté, moi aussi, très attentivement les témoignages qui ont été rendus devant cette commission. Ce que personne n'a démenti jusqu'à présent, c'est que le moins qu'on puisse dire, il y a un bon mois additionnel qui a été encouru avant le redémarrage des travaux à LG 2, à la suite du saccage, pour permettre l'installation de ce que j'appellerais un service de sécurité à toute épreuve.

Le deuxième élément, je crois que c'est Me Beaulé qui en a fait état et cela n'a pas été contredit non plus, c'est que, dans son scénario de parachèvement des travaux, il y avait un coussin de sécurité en termes de délai de l'ordre de deux mois.

Tout cela m'indique qu'il était très loin d'être clair que ces montants étaient prouvables, réclamables et qu'un jugement aurait pu reposer sur cela. De toute façon, on ne saura jamais le fond de l'histoire puisque le juge au dossier n'a jamais eu à se prononcer sur ce sujet. Mais, puisqu'on fait grand état du fait que des citoyens doivent payer la note, il faudrait rappeler au député de Gatineau que nous sommes dans notre huitième semaine et que des citoyens paient également la note de cette commission parlementaire.

M. Gratton: Là, vous n'êtes pas impressionnant.

M. Duhaime: Je trouve un peu délirant le fait qu'on vienne nous dire, je dirais un peu au terme des travaux de notre commission, que l'Opposition libérale est déçue parce qu'elle n'a pas reçu les réponses escomptées. Ce n'est pas ma faute si vous avez choisi un mauvais dossier. Mais je rappelle, M. le Président, que, le 20 février 1979, à la page 118 du document déposé par la SEBJ, il y avait unanimité au conseil d'administration de la SEBJ et cela comprend M. Boyd, Mme Forget, qui, ultimement comme on s'en souvient, ont voté contre le règlement, mais ils étaient d'accord et tous ceux qui étaient présents le 20 février 1979 au conseil étaient d'accord pour un règlement sur la base que chacune des parties reconnaisse sa responsabilité, y incluant le syndicat américain, et que les frais soient substantiellement couverts.

Dans les deux paragraphes du mandat donné au président du conseil, le mandat était même donné au président du conseil d'administration, M. Saulnier, de régler lui-même toute cette affaire. M. Saulnier, lorsqu'il est venu ici devant la commission, nous a dit: "Je me suis senti obligé de retourner au conseil d'administration, ce qui a fait l'objet d'une décision ultérieure pour deux raisons: premièrement, le montant de 200 000 $ ne couvrait pas tous les frais, ce qui ne répondait pas à l'expression "une somme représentant substantiellement les frais légaux encourus à ce jour", et, de plus, l'International Union of Operating Engineers ne voulait pas reconnaître sa responsabilité.

M. le Président, ce sont des choses qui m'apparaissent très claires. À moins de ne pas vouloir les comprendre, on ne les comprendra jamais. Mais, depuis ce matin, ce qui sous-tend les questions qui sont posées par le député de Gatineau m'apparaît une affaire un peu curieuse. Maintenant, après que le journal La Presse a accusé le premier ministre d'avoir trompé l'Assemblée nationale et d'avoir fait des affirmations avec des grands titres comme: "Jean-Roch Boivin a négocié avec les avocats", on semble lui faire reproche, à travers le dédale de questions des deux ou trois dernières heures de ne pas avoir effectivement négocié. J'avoue que je ne comprends pas.

M. Gratton: Une question de règlement.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Gatineau.

M. Gratton: On m'impute des propos que je n'ai pas tenus. Le ministre dit que je semble en train de reprocher au gouvernement de ne pas avoir négocié. Je maintiens que je pense que le gouvernement a négocié. Ce que je reproche toujours au gouvernement, c'est de ne pas avoir donné toutes les informations, le 20 février 1979.

M. Duhaime: Je soulève un point de règlement.

M. le Président, sans que cela soit exhaustif, parce que, les articles des journaux et les commentaires à la radio ou à la télévision sont abondants, un éditorial qui a paru le samedi 7 mai 1983 dans le journal Le Droit d'Ottawa, mentionne... Oui, Ottawa...

M. Gratton: Ontario, Canada.

M. Duhaime: Oh yes, it is the Capital. Je crois comprendre l'embarras confus, mais

je vais simplement me contenter des titres, je suis convaincu que vous faites la lecture de toutes ces choses tous les jours. Le premier éditorial était Le truc de Duplessis. En fait, je vais le citer. "Faisant que, trop soucieux d'étaler pour le plaisir des téléspectateurs leurs talents d'inquisiteurs sans scrupule les libéraux ont depuis belle lurette délaissé l'objet essentiel de la commission parlementaire - C'est exactement ce qui se produit encore aujourd'hui - (ses deux questions centrales) pour s'adonner à un "déculottage" systématique et sans merci de tous les témoins amenés. Bien sûr, ils en ont presque tout le loisir. Ils se battent théoriquement dans l'intérêt commun. Jouissant de l'immunité parlementaire, ils sont aussi membres d'une institution souveraine. Enfin, faute de pouvoir fournir une démonstration claire de ce qu'ils avancent, ils sont bien obligés de faire flèche de tout bois et de jouer d'associations."

Je pense que Mme Johannes Martin Godbout était bien éclairée lorsqu'elle a été inspirée en écrivant cet éditorial. Et c'était le 7 mai, M. le Président. Son dernier paragraphe disait...

M. Gratton: Est-ce que le ministre me promet de ne pas la fustiger, si elle a un point de vue contraire la semaine prochaine?

Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! S'il vous plaît! M. le député de Gatineau, vous avez demandé...

M. Gratton: Parce que je lui reconnais le droit d'écrire ce qu'elle pense, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): M. le député, M. le député, M. le député, M. le député. Effectivement... M. le député. C'est justement. En vertu de l'article 100 c'est le ministre... S'il vous plaît. En vertu de l'article 100 c'est le ministre qui a la parole, laissez-la lui. M. le ministre.

M. Duhaime: Alors, voici le dernier paragraphe du journal Le Droit du samedi 7 mai, et je vous fais remarquer que nous sommes aujourd'hui le 24. "Il est temps de mettre fin à cette foire. Et d'ici à ce qu'on s'y résigne, l'Opposition officielle devra retrouver sa dignité. Sinon, elle perdra sa peine." Ma conclusion, M. le Président, c'est que ce message du journal Le Droit n'a pas été entendu.

Dans le journal Le Quotidien, qui est publié dans la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean, le lundi le 16 mai à une semaine d'intervalle. Le titre est: Le "show" du saccage de LG 2 a assez duré. Je vais citer passage d'un éditorial de M. Charles-Julien

Gauvin: "Cette futile tentative de faire passer le premier ministre pour menteur est cousue de fil blanc puisqu'à la fin les gens se diront que M. Lévesque a été élu pour prendre des décisions et qu'il était normal qu'il dise, à un moment donné, quelque cinq ou six ans après la commission du saccage, qu'il était temps que cette affaire se règle. D'autant plus que personne ne pouvait réclamer que de pauvres travailleurs syndiqués qui n'avaient pas participé au saccage aient à payer une trentaine de millions de dollars pour réparer les dégâts et compenser pour les pertes subies par Hydro-Québec. Pouvait-on décemment, logiquement et lucidement croire qu'un syndicat puisse supporter une telle dette et l'honorer?"

Plus près de nous, M. le Président, dans le journal Le Devoir du samedi 21 mai 1983, je crois que c'est sous la rubrique, non pas un éditorial, mais sous la rubrique des idées et des événements, chronique des capitales, par M. Gilles Lesage, le titre, puisque vous ne l'avez pas lu, est: D'inquiétants chasseurs de têtes.

Il y a quelque chose d'inspirant pour les libéraux dans cet éditorial, M. le Président, puisque cela démontre, au jugement de M. Lesage, que les libéraux sont capables de travailler en équipe, de fouiller un dossier à fond et de le garder sur la place publique. Là-dessus, je dois dire: Chapeaul Mission accomplie, si c'était là votre tentative.

Une voix: Merci.

M. Duhaime: Quand je parle d'une opération de "repositionnement", M. le Président, je comprends l'Opposition libérale d'être déçue et d'alimenter la chronique avec des commentaires à tout bout de champ. Je me serais passé du mien, je l'avoue.

M. Lalonde: Nous aussi.

M. Duhaime: Mais... Je sais que le député de Marguerite-Bourgeoys se serait également passé de mes remarques. J'aurais préféré les faire à la fin mais, mon Dieu Seigneur! si vous n'avez plus rien à demander, est-ce que vous voulez proposer qu'on ajourne nos travaux plutôt que de nous faire perdre notre temps?

M. Lalonde: ...des menaces?

M. Duhaime: Non, ce ne sont pas des menaces. C'est simplement un appel à ce que j'appellerais un minimum d'intelligence et il m'apparaît, M. le Président, et on en a eu la démonstration depuis le matin, on tourne autour, on revient en arrière avec systématiquement les mêmes questions que, finalement, on n'a pas avancé d'un seul millimètre. Si les libéraux sont déçus, parce

que les réponses qui viennent ne sont pas celles qu'ils attendaient, c'est une autre question. Mais je voudrais tout simplement dire, M. le Président, et je vais terminer là-dessus, que l'intérêt public dont on fait grand état depuis ce matin a été sauvegardé et très bien protégé lorsque le premier ministre a fait valoir, à la demande du président du conseil d'administration, M. Saulnier, à la suggestion de M. Giroux, lors de la rencontre du 1er février, quel était le sentiment du premier ministre. (16 h 45)

Le premier ministre a dit que, quant à lui, il était favorable à un règlement hors cour. Si vous cherchez midi à quatorze heures sur un dossier qui, à mon sens, est d'une grande simplicité, vous allez le regretter longtemps. Vous ne ferez inventer des réponses à personne. Toute la thèse, l'échafaudage et l'hypothèse des libéraux, cela tient sur les données suivantes: cela voudrait dire, si cela est vrai, que six membres du conseil d'administration de la SEBJ, suivant l'article de la Presse du 17 mars, ont cédé à d'ultimes pressions du premier ministre ou de son bureau. Cela veut dire qu'il y en a au moins six qui, lorsqu'ils sont venus ici devant la commission parlementaire, ont dit le contraire de la vérité sous serment.

Me Beaulé, procureur du syndicat américain, Mes Jetté, Cardinal et Aquin, procureurs de la SEBJ ici, en face de nous, sous leur serment, comme invités de cette commission, et sous leur serment d'office comme procureurs de leurs clients respectifs, nous ont dit qu'en aucun moment ils n'ont négocié le règlement hors cour, ni avec Me Yves Gauthier, ni avec Me Jean-Roch Boivin. Pour que votre thèse se tienne debout, il faudra que vous affirmiez que tout le monde s'est parjuré en commission parlementaire et qu'une seule personne a la vérité, c'est M. Michel Girard, du journal La Presse. Ce jugement-là, je vous le laisse. Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Portneuf.

M. Pagé: M. le Président...

M. Lalonde: Cela n'est pas bien fort!

Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! S'il vous plaît! À l'ordre! M. le député, M. le député de Portneuf... S'il vous plaît, aidez-moi! S'il vous plaît! M. le député de Portneuf.

M. Pagé: Merci, M. le Président. J'aurai quelques questions à poser à M. Boivin, chef de cabinet du premier ministre Lévesque, le bras droit du chef du gouvernement. Je ne lirai pas des articles de journaux, je ne me limiterai pas, comme le ministre l'a fait, comme moyen dilatoire probablement, à lire des articles ou des éditoriaux qui ont été produits. M. Boivin, je dois vous dire que je n'étais malheureusement pas ici jeudi, lorsque vous avez comparu devant cette commission. Je n'étais pas à la pêche. Vous comprendrez que - je ne vous demande pas d'appréciation là-dessus - comme président du caucus, on doit coordonner la présence des députés dans les régions avec des problèmes aussi aigus que le chômage et les cessations d'emploi dans les différentes régions du Québec...

Le Président (M. Jolivet): Cela paraît que... M. le député, je vais être obligé de vous rappeler à l'ordre, parce que cela va paraître que vous n'êtes pas venu depuis longtemps.

M. Pagé: Je viens souvent, mais je n'étais pas ici jeudi lorsque M. Boivin a témoigné.

Le Président (M. Jolivet): Bon, allez-y!

M. Pagé: Ce matin, j'ai écouté avec beaucoup d'intérêt et beaucoup d'attention votre témoignage. J'ai retenu de votre témoignage - vous pourrez me corriger - que vous n'avez pas voulu traiter avec vos visiteurs, plus particulièrement les avocats qui se sont rendus à quelques reprises, à plusieurs reprises, dois-je dire, à vos bureaux, vous n'avez pas voulu discuter avec eux de la responsabilité, de la question de responsabilité des syndicats. C'est le premier aspect que je retiens de votre témoignage, sur lequel vous pouvez revenir. Vous vous êtes référé brièvement à l'aspect du dossier qui est la capacité ou non de payer des défendeurs dans cette cause, défendeurs qui avaient des locaux au Québec, une affiliation au Conseil provincial du Québec des métiers de la construction, lequel était affilié à la FTQ et une double affiliation avec les unions internationales situées à Washington. Cet aspect du dossier de la capacité de payer ou non a été, à quelques reprises, évoqué. Il a été évoqué par M. Laliberté, à l'époque, tout récemment nommé président par le premier ministre et par le gouvernement comme président de la SEBJ.

M. Laliberté nous a déclaré - vous l'avez probablement écouté, d'ailleurs, si je me rappelle bien, je crois que vous étiez présent de façon assez soutenue et régulière lorsque M. Laliberté a témoigné dans cette salle - à des questions posées par des représentants de notre groupe, que, dans son esprit, même si un jugement intervenait avec un montant substantiel à verser par les défendeurs à la Société d'énergie de la Baie James, ou encore si un règlement hors cour intervenait, prévoyant le versement d'un

montant substantiel, il aurait fallu plusieurs années pour être remboursé. M. Laliberté avait évoqué la question de 0,01 $ l'heure qui était versé à ce moment-là. Je présume - c'est là le sens de ma première question -que, dans les discussions que vous avez eues avec M. Laliberté, président du conseil d'administration de la SEBJ, cet aspect a été discuté.

M. Boivin: M. le Président, j'ai dit à M. Laliberté qu'il allait de soi que la SEBJ allait vérifier les prétentions de Me Jasmin, à savoir que ses clients étaient incapables de payer. Ce qui m'apparaissait très vraisemblable, mais cela appartenait à la SEBJ de vérifier. Je pense que cela a été fait, selon un témoignage rendu ici. Je n'ai pas discuté des choses dont vous avez parlé tantôt.

M. Pagé: En avez-vous discuté ou non avec M. Laliberté?

M. Boivin: Je n'en ai pas discuté.

M. Pagé: Avec Me Jasmin? Parce que je présume que, avec Me Jasmin, dans les rencontres qu'il a eues avec vous, cet aspect du dossier a été discuté. Si j'ai bien compris, ce matin - je vais tenter de vous citer au mieux - vous avez dit: Je ne veux pas discuter la question de responsabilité, il n'en est pas question. L'autre aspect important dans ce dossier, c'était la capacité de payer. Vous me permettrez d'ajouter à la question: Le premier ministre du Québec, et plus particulièrement son chef de cabinet, qui est le chef du cabinet du premier citoyen du Québec, est au fait de plusieurs dossiers. Je m'attendais et je m'attends toujours que vous nous disiez aujourd'hui devant cette commission que vous étiez au fait de la situation budgétaire et de la capacité ou non de payer des syndicats poursuivis.

M. Boivin: Au risque de vous décevoir, je vais vous répondre comme j'ai répondu au député de Mont-Royal, ou plutôt au député de Marguerite-Bourgeoys, la semaine dernière: Je n'ai pas exigé de preuves documentaires de la part de Me Jasmin sur la capacité de payer du local 791. De plus, j'ai entendu de la preuve verbale, c'est-à-dire l'affirmation de Me Jasmin, qui vaut ce qu'elle vaut, mais à entendre Me Jasmin, il était payé chaque semaine et cela forçait. Je me disais - et d'ailleurs je n'en étais pas étonné - si un syndicat en est rendu à ce point quant au paiement des honoraires de son avocat, il est évident qu'il est incapable de payer quoi que ce soit à l'égard d'une dette d'un montant de celui dont on parle ou qu'on envisageait dans le temps, c'est-à-dire 17 000 000 $ ou 19 000 000 $, celui que j'avais dans la tête et qui m'avait été transmis par Me Aquin.

De plus, on peut me faire passer pour imprévoyant, mais je me sens très à l'aise parce que j'ai dit à M. Laliberté, dès le 3 janvier - c'est longtemps avant le règlement et je ne savais pas qu'il allait intervenir à ce moment -: II va de soi, M. Laliberté, que vous allez vérifier. C'est tellement évident d'ailleurs qu'avant d'accepter un montant de 100 000 $ ou de 200 000 $ sur un jugement possible d'un montant plus élevé, j'imagine que le créancier, en l'occurrence la SEBJ, s'informe de la capacité de payer du défendeur, mais, quant à moi, d'ailleurs, il s'est révélé ou du moins c'est ce que j'ai cru entendre ici, que le défendeur dont on parle n'avait pas la capacité de payer.

M. Pagé: C'est ce que j'ai retenu de votre témoignage et des réponses que vous avez données à mes collègues par la lecture des transcriptions, par la réponse que vous avez donnée à mon honorable collègue de Gatineau, ce matin. Je dois, M. le Président, vous faire part de ma surprise, c'est d'ailleurs ce qui explique le pourquoi de ma présence ici, cet après-midi. Parce qu'il y allait quand même de l'intérêt public des Québécois. Nous avons...

Le Président (M. Jolivet): Juste un petit problème. C'est que j'essaie de voir, par rapport à la discussion qu'on a eue jusqu'à maintenant... Est-ce que vous faites un commentaire ou posez des questions?

M. Pagé: C'est le préambule à mes questions.

Le Président (M. Jolivet): Oui, mais justement...

M. Pagé: M. le Président, je m'excuse.

Je demande votre protection contre le député de Duplessis, il est très agressif cet après-midi.

Le Président (M. Jolivet): Je ne le vois pas pour le moment.

M. Pagé: II devrait être plus serein.

Le Président (M. Jolivet): Tout ce que j'essaie de faire, actuellement, c'est de permettre à Me Boivin de pouvoir répondre. Vous prenez plusieurs minutes pour un préambule un peu trop long, à mon avis.

M. Pagé: Seulement quelques secondes, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): Oui, mais c'est parce que vous les agrémentez de vos commentaires. Je veux simplement permettre à Me Boivin de pouvoir répondre à la question que vous avez à poser, ce serait

plus simple.

M. Pagé: Et aux commentaires aussi, si c'est possible.

Le Président (M. Jolivet): Sauf qu'on a bien dit ici qu'on pouvait faire les commentaires après.

M. Pagé: M. Boivin - très brièvement, parce qu'on est très limité et très restreint dans le libellé ou la formulation des questions - dois-je comprendre que votre préoccupation de l'intérêt public des Québécois ne vous a pas incité à vérifier la capacité de payer des syndicats?

M. Boivin: Ma compréhension de l'intérêt public des Québécois n'exigeait pas, selon moi, que je vérifie moi-même la capacité de payer des défendeurs.

M. Pagé: Vous avez fait part, tout à l'heure, de représentations verbales de Me Jasmin. Est-ce que Me Jasmin s'est montré disposé à produire, pour vous, des documents et des informations contenues dans des textes évoquant ou témoignant de l'incapacité de payer des syndicats?

M. Boivin: On me l'a offert et j'ai répondu que je ne voulais pas les voir, que cela regardait la SEBJ.

M. Pagé: Vers quelle date vous en a-t-il offert?

M. Boivin: Au meilleur de mon souvenir, je dirais que c'est en janvier.

M. Pagé: Dois-je comprendre de vos questions que, comme chef de cabinet...

Le Président (M. Jolivet): De vos réponses.

M. Pagé: Dois-je comprendre de vos réponses que, comme chef de cabinet du premier ministre du Québec, vous n'êtes pas du tout au fait ni au courant des entrées d'argent des locaux poursuivis de la FTQ ou du Conseil provincial du Québec des métiers de la construction? Vous n'êtes pas au courant de cela?

M. Boivin: Des entrées actuelles?

M. Pagé: Février 1979, année 1978, entrées actuelles.

M. Rodrigue: M. le Président, question de règlement.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Vimont.

M. Rodrigue: M. le Président, cette façon de poser les questions, à mon sens, contrevient carrément à l'article 168 de notre règlement. Le député fait une déduction qui est la sienne, impute des motifs ou un comportement à l'invité qui est devant nous et, finalement, après avoir étalé, à toutes fins utiles, ce qui est une forme d'accusation de sa part sur la façon qu'a notre invité de remplir ses fonctions; après, il lui glisse une petite question, tout simplement, pour enrober le tout. Mais, à ce moment-ci, il ne s'agit pas d'une question, il s'agit d'un commentaire de sa part sur la façon qu'a notre invité de remplir ses fonctions. Je vous soumets respectueusement que cela ne le regarde pas.

M. Lalonde: M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: C'est une question de règlement. Le député de Vimont voulait faire son petit tour de piste, c'est fait. Cela me rappelle un peu ce qu'on écrivait - je ne pourrais pas faire la lecture maintenant de tous les...

Le Président (M. Jolivet): Non, d'ailleurs, c'est impossible pour vous pour le moment.

M. Lalonde: C'est cela. Quand on dit que...

Le Président (M. Jolivet): M. le député, je ne l'ai pas permis au ministre et je ne vous le permettrai pas à vous non plus.

M. Lalonde: Non, M. le Président, d'ailleurs...

Le Président (M. Jolivet): C'est parce que c'était en regard des questions posées par le député de Portneuf. S'il y avait une question de règlement, je vous la permettrais.

M. Lalonde: Oui, c'est sur la question de règlement du député de Vimont...

Le Président (M. Jolivet): Allez-y.

M. Lalonde: ...qui dit qu'il n'y avait pas de question dans l'intervention du député de Portneuf. Il y avait une question. Dois-je comprendre...

M. Rodrigue: II a porté un jugement.

M. Lalonde: ...que vous n'étiez pas au courant? C'est exactement la même question qui a été permise cent fois, ici. Est-ce que vous étiez au courant? Dois-je comprendre

que vous n'étiez pas au courant? C'est ce qui, M. le Président, me fait penser qu'il faut dire que les péquistes font bien piètre figure à côté des libéraux à cette commission... (17 heures)

Le Président (M. Jolivet): M. le député, M. le député, je n'ai permis en aucune façon au ministre de faire quelque allusion que ce soit à des éditoriaux, à moins qu'il fasse un commentaire, et vous n'avez pas le droit de parole pour faire un commentaire.

M. Lalonde: Vous avez raison, cela va de soi.

Le Président (M. Jolivet): Merci. M. le député, en reprenant votre question, s'il vous plaît!

M. Pagé: Dois-je comprendre que, vous, comme chef de cabinet du premier ministre du Québec, premier citoyen du Québec, chef du gouvernement...

Le Président (M. Jolivet): M. le député, j'ai demandé que vous reposiez votre question pour éviter justement l'interruption qu'on a eue au niveau de la question de règlement, qui était à mon avis...

M. Pagé: J'ai cru comprendre que l'interruption n'était pas recevable.

Le Président (M. Jolivet): Non, ce n'est pas ce que j'ai dit. J'ai demandé de reposer votre question, ce qui sous-entendait qu'effectivement elle n'était pas recevable.

M. Pagé: Je vais vous en adresser une. Voulez-vous que je la pose de la même façon ou différemment?

Le Président (M. Jolivet): M. le député, je ne suis pas ici pour niaiser.

M. Pagé: M. le Président, je m'excuse; je ne suis pas ici pour niaiser mais j'ai des questions à poser.

Le Président (M. Jolivet): Mais de la façon que vous la posez, c'est un peu...

M. Pagé: Cela fait trois minutes... M. le Président, je m'excuse...

Le Président (M. Jolivet): Vous n'avez pas à vous excuser et je ne m'excuserai pas non plus, mais la façon dont vous avez posé la question n'était pas, envers la présidence, quelque chose de raisonnable. Si vous voulez poser la question, posez-la.

M. Pagé: M. le Président...

Le Président (M. Jolivet): ...non, non,

M. Gratton: Question de règlement, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Gatineau, question de règlement.

M. Gratton: M. le Président, je comprends que la façon qu'ont certains députés de ce côté-là comme de ce côté-ci de l'Assemblée de poser des questions ou de s'exprimer puisse vous déplaire personnellement, cela arrive à tout le monde. Il me semble, M. le Président, que ce genre de remarque, c'est-à-dire de parler de niaisage, va complètement à l'encontre du règlement de la part de quelque membre de cette commission...

Le Président (M. Jolivet): ...incluant le président.

M. Gratton: Oui.

Le Président (M. Jolivet): J'ai bien compris d'ailleurs et c'est pour cela que j'ai demandé au député de Portneuf de reposer sa question mais pas de le faire comme il l'a fait. M. le député de Portneuf, posez votre question, s'il vous plaît!

M. Pagé: M. le Président, cela fait cinq minutes que j'ai commencé, je n'ai pas abusé du temps encore et j'ai plusieurs questions.

Le Président (M. Jolivet): Allez.

M. Pagé: Dans votre déclaration initiale, vous dites à la page 2, et je vous cite, M. le chef de cabinet, c'est vous qui parlez: "4.4 Afin de me former une opinion, j'ai écouté les représentations de MM. Laberge, Beaulé et Jasmin. J'ai pris des informations au sujet de la poursuite auprès du bureau d'avocats Geoffrion et Prud'homme et, finalement, j'ai lu le rapport Cliche. J'en suis venu à la conclusion qu'il devrait y avoir règlement hors cour pour les raisons suivantes: a) premier point invoqué par vous au soutien de votre position à l'effet qu'il devait y avoir un règlement hors cour, l'incapacité évidente des syndicats québécois défendeurs de payer une somme d'argent qui puisse avoir quelque rapport que ce soit avec le montant réel des dommages."

Je vous demande où vous avez puisé vos informations, sur quoi vous vous êtes appuyé pour en arriver à un tel jugement. Je vous demandais en addenda, comme chef de cabinet du premier ministre, si vous étiez au fait de la situation budgétaire, des entrées d'argent des syndicats poursuivis, du Conseil provincial du Québec des métiers de la construction et, de la FTQ à laquelle le conseil était affilié. Ce n'est pas plus compliqué que cela.

M. Boivin: Je ne référerais pas à la FTQ dans ce paragraphe, à la FTQ comme centrale. À tort ou à raison, j'ai acquis la conviction intime à ce moment-là que les défendeurs étaient incapables de payer quelque montant d'argent ayant quelque rapport que ce soit avec le montant réel des dommages parce que ma connaissance en général des syndicats - il s'agissait ici d'un syndicat local - les affirmations de Me Jasmin et surtout ce qui me donnait toute police d'assurance, j'ai dit à M. Laliberté: II va de soi que vous allez vérifier cet aspect...

Je présume - je dis bien je présume -que ma conviction n'était pas si fausse puisque la capacité de payer, j'imagine, doit avoir une relation quelconque avec le montant du jugement intervenu. J'imagine que la capacité de payer n'était pas si extraordinaire que cela puisqu'on a réglé pour 200 000 $. Ce n'est pas moi qui ai vérifié, c'est la SEBJ.

M. Pagé: Comment, M. Boivin, pouvez-vous vous être appuyé sur l'énoncé de M. Laliberté ou de la SEBJ que vous avez rencontrée le 3 janvier, alors que le rapport verbal et votre opinion ont été faits au premier ministre avant le congé de Noël, tel que vous le mentionnez au point 5?

M. Boivin: J'ai dit que c'était une police d'assurance parce que je vais rencontrer M. Laliberté. C'est évident qu'après avoir parlé au premier ministre, il faut que je parle à la SEBJ puisqu'il m'en donne le mandat. C'est évident que je vais lui dire des choses semblables. C'est évident que je vais lui dire: S'ils sont millionnaires, ne réglez pas pour 200 000 $. Ce n'est pas cela que j'ai dit. J'ai dit: Ils prétendent qu'ils sont absolument incapables de payer un montant de cette nature; il va de soi que vous alliez vérifier.

M. Pagé: Selon les informations que vous possédiez à ce moment-là de la capacité de payer des syndicats, est-ce que, dans votre esprit à vous, la capacité se limitait, comme l'a énoncé M. Laliberté, à un cent l'heure travaillée par employé affilié au 791 et...?

Le Président (M. Jolivet): Question irrecevable, M. le député. C'est une question d'opinion.

M. Lalonde: Pas du tout, M. le Président, c'est une question de règlement.

Le Président (M. Jolivet): Répétez-la pour être sûr. J'ai bien compris que vous demandiez cela par rapport à ce que M. Laliberté a dit. Si vous répétez votre question, peut-être qu'on verra. Mais...

M. Pagé: Je vais répéter, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): Oui, merci.

M. Pagé: Le tout humblement et respectueusement...

M. Laliberté nous a indiqué que la capacité de payer des syndicats reposait sur une contribution de un cent l'heure travaillée par travailleur affilié aux deux locaux et que cela allait prendre 30 ans.

M. Boivin: Je n'ai jamais...

M. Pagé: Aviez-vous la même opinion?

M. Boivin: Je n'ai jamais fait de calcul de cet ordre-là pour la simple raison, de toute façon, que cela pénaliserait indûment les membres futurs du syndicat. Et, moi, j'étais contre, c'est l'une des raisons, la non-responsabilité de la très grande majorité des syndiqués ordinaires de ces mêmes syndicats, présents et futurs. Mais, je n'ai jamais fait de calcul de cet ordre-là, ni de cette nature.

M. Pagé: Dans une réponse précédente, vous indiquez que vous vous êtes appuyé sur le jugement de la SEBJ, M. Laliberté, leurs commentaires, leur attitude, leur prise de position, etc. Est-ce que M. Laliberté, lorsqu'il a fait référence à la capacité de payer des syndicats, dans les échanges qu'il a eus avec vous en janvier 1979, a fait référence seulement, comme il l'a fait ici, au cent l'heure travaillée? C'est ce que je veux savoir.

M. Boivin: II n'y a jamais fait référence avec moi. M. Laliberté, à moi, ne m'a jamais parlé de la capacité de payer des syndicats.

M. Pagé: D'accord. M. Boivin, saviez-vous qu'au début de l'année 1979, alors que le règlement hors cour est intervenu: poursuite de 32 000 000 $, règlement hors cour, 200 000 $ malgré les frais de 900 000 $ payés par la SEBJ le local 791, défendeur dans la cause, percevait 19 $ par mois, par travailleur, plus un cent l'heure versé au Conseil provincial du Québec des métiers de la construction?

M. Boivin: Non, M. le Président.

M. Pagé: M. Boivin, saviez-vous que, pour la même période, les travailleurs affiliés au local 134, défendeur dans cette cause, contribuaient sous forme de cotisations syndicales pour deux fois le taux horaire du salaire payé aux compagnons, ce qui représente environ 22 $ par mois?

M. Boivin: M. le Président, quand je

parle - je l'ai expliqué, peut-être pas assez clairement verbalement - des syndicats québécois défendeurs, je n'englobe pas tous les syndicats québécois défendeurs. En particulier, je n'englobe pas le 134, parce qu'on m'a dit - je pense que c'est Me Aquin ou Me Cardinal, ou en tout cas, quelqu'un du bureau de Geoffrion et Prud'homme - que la responsabilité du 134 - ce sont les charpentiers, si mon souvenir est bon -

M. Pagé: C'est cela.

M. Boivin: ...était très douteuse. Alors, moi, je parle toujours des syndicats québécois représentés, j'aurais dû le dire, par Me Jasmin.

M. Pagé: Le deuxième volet de ma question à l'égard du local 134...

M. Boivin: Alors, je l'ignore.

M. Pagé: ...deux fois le taux horaire? Vous l'ignorez. Bon, ce ne sont pas des chiffres en l'air, M. le Président, je fais référence à un document qui n'est peut-être pas public, mais que j'ai en ma possession ici. M. Boivin, saviez-vous que dans la répartition des cotisations syndicales, pour le mois de février 1979, le mois où les avocats allaient vous rencontrer à votre bureau pour prendre un café, au local 791, seulement pour le mois de février 1979, le montant prélevé était, pour le local 791, de 59 510,01 $?

M. Boivin: Non, M. le Président.

M. Pagé: M. Boivin, saviez-vous que le local 134 voyait ses revenus mensuels de février 1979 établis, pour un seul mois, où il n'y a pas le plus haut taux de construction, évidemment, et d'occupation sur le chantier, à 61 221,37 $, pour le mois?

M. Boivin: Non, M. le Président.

M. Pagé: Saviez-vous que le Conseil provincial du Québec des métiers...

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre. M. le ministre.

Une voix: Bon, cela ne fait pas son affaire.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre, question de règlement.

M. Duhaime: Je vais faire une question de règlement, M. le Président. Sauf erreur, Me Boivin n'est pas comptable vérificateur. Deuxièmement, les états financiers des syndicats ont été déposés ici lorsque les procureurs de la SEBJ ont comparu. Je pense que, quand on regarde des états financiers, il y a toujours deux colonnes. Il y a un actif et il y a un passif et, dans le compte d'opération, il y a des revenus et des dépenses. Alors, c'est bien évident, M. le Président, que, si on veut avoir le portrait, complet peut-être que le député de Portneuf pourrait se référer aux documents qui ont été déposés devant cette commission et poser ses questions à partir des documents qui sont à la disposition des membres de la commission et qui reflètent l'état de solvabilité ou d'insolvabilité, du moins les états financiers réels des syndicats québécois impliqués en date de janvier ou février 1979.

M. Gratton: Ce n'est pas une question de règlement.

M. Lalonde: Question de règlement, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Marguerite-Bourgeoys, sur une question de règlement.

M. Lalonde: Je n'ai pas voulu interrompre le ministre, mais c'est, de toute évidence, une question de règlement non fondée. Ce n'est pas des affaires du ministre - je le dis avec tout le respect que je suis capable de trouver - que le député de Portneuf pose des questions sur les revenus d'abord. C'est tout à fait conforme au règlement que le député de Portneuf s'informe auprès du témoin, à savoir s'il connaissait les sources de revenu des syndicats... Laissez-le poser des questions. S'il ne les connaissait pas, on portera notre jugement après. Il a parfaitement le droit de poser des questions sur la capacité de payer.

Donc, un des éléments importants, c'est les sources de revenu des syndicats à propros desquels Me Boivin, dans son mémoire - il l'a répété dans son témoignage - affirme à plusieurs reprises que l'incapacité de payer était évidente. Il a qualifié cela en disant un montant qui a un certain rapport avec la réclamation. C'est tout à fait conforme au règlement et je ne vois pas ce qui chatouille le ministre actuellement. Laissez donc les choses se passer, cela va très bien sans vous.

M. Laplante: M. le Président, sur la même question de règlement.

Le Président (M. Jolivet): Sur la même question de règlement, M. le député de Bourassa.

M. Laplante: Merci. L'invité a répondu à plusieurs reprises qu'il n'était pas au courant des revenus et de l'état de solvabilité complète des syndicats. Oui, il l'a dit, il a dit depuis le début qu'il ne connaissait pas cela...

M. Lalonde: Non, M. le Président, question de règlement:

M. Laplante: Laissez-moi finir, ce n'est pas un dialogue qu'on peut faire tous les deux.

M. Lalonde: ...protéger l'invité, protéger l'invité...

Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît!

M. Laplante: Même si le député de Portneuf dit qu'il n'était pas ici jeudi, ces questions ont été posées jeudi. Il prend la même attitude que le député de Gatineau qui était à la pêche jeudi.

M. Lalonde: Question de règlement, question de règlement.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Bourassa, vous me compliquez la tâche. Voulez-vous permettre au député de...

M. Laplante: Pourquoi eux ont-ils la chance de finir leur question de règlement et, quand cela vient à nous, M. le Président...

M. Lalonde: Question de règlement.

Une voix: Parce que vous ne vous conformez pas au règlement.

Le Président (M. Jolivet): Non, non, M. le député de Bourassa, cela m'arrive à plusieurs... M. le député de Bourassa, je m'excuse; encore une fois, vous faites envers la présidence un jugement qui n'est pas correct.

M. Laplante: Je m'excuse, je ne voulais pas m'adresser à vous surtout.

Le Président (M. Jolivet): Non, mais j'ai senti la pointe.

M. Laplante: Ah! Si vous l'avez sentie, je m'en excuse, M. le Président. Ce n'était pas méchant, vous le savez.

Le Président (M. Jolivet): Je vous remercie beaucoup. Ce que j'essaie de faire...

Une voix: Retirez votre pointe.

Le Président (M. Jolivet): Ce que j'essaie de faire actuellement, c'est qu'on ne mette pas dans la bouche de notre invité des choses qu'il n'a pas dites. Je pense que le danger, c'est de faire en sorte qu'au bout de la course il n'ait même pas la chance de s'expliquer. C'est plutôt à lui de s'expliquer sur les questions qui sont posées. Cependant, je conçois aussi actuellement - notre invité pourra le dire - qu'il a répondu à la première question et que les sous-questions additionnelles que vous posez ont le même but, soit de lui faire dire toujours non à la question puisqu'il a dit que dans l'ensemble c'était non. Je veux juste savoir.

M. Pagé: M. le Président, très brièvement.

Le Président (M. Jolivet): Brièvement, M. le député de Portneuf.

M. Pagé: Je vais continuer en tentant d'être bref. Pour répondre au ministre qui référait au bilan déposé par les syndicats, les états financiers, je dois lui dire que je me réfère ici à des documents qui ne proviennent pas des syndicats mais plutôt de l'Office de la construction du Québec, qui est de la juridiction du gouvernement du Québec à ma connnaissance.

M. Lalonde: Vous ne l'avez pas?

M. Pagé: M. Boivin, pouvez-vous nous indiquer si vous saviez qu'il s'est effectivement travaillé, pour le mois février 1979, 5 225 682 heures, ce qui faisait, à 0,01$ l'heure, un revenu pour le conseil provincial de 52 226,82 $ pour ce mois-là? (17 h 15)

M. Boivin: Non, M. le Président.

M. Pagé: On a vu le mois de février. Prenons l'année maintenant. Prenons l'année 1978.

M. Boivin: Cela va être non pour toute l'année.

M. Pagé: M. le Président, il faut attendre les questions avant de répondre.

M. Tremblay: II vous en donne plus que vous en demandez.

M. Pagé: Local 791, revenus pour l'année 1978: 1 347 870,92 $. Le saviez-vous?

M. Boivin: Non, M. le Président.

M. Pagé: Local 134, revenus pour l'année 1978: 957 117,60 $.

M. Boivin: Non, M. le Président.

M. Pagé: Conseil provincial du Québec des métiers de la construction pour l'année 1978: 865 296,26 $.

M. Boivin: Non, M. le Président.

M. Pagé: Saviez-vous pour ce volet, toujours pour l'année 1978, que les syndicats, les locaux affiliés à la FTQ ont versé pour l'année 1978, 10 022 767,66 $?

M. Boivin: Ils ont versé cela à quel titre?

M. Pagé: Les employés, comme cotisations syndicales.

M. Boivin: Non, M. le Président.

M. Pagé: Ce qui fait 835 230,58 $ d'entrée d'argent par mois. Vous a-t-on déjà sensibilisé au fait qu'un règlement hors cour qui serait intervenu pour 6 000 000 $, tout de même un peu plus que 200 000 $, c'est donc dire environ 1 $ par Québécois et par Québécoise, avec le reste à payer et à souffrir par ces mêmes Québécois, c'est-à-dire entre 6 000 000 $ et 32 000 000 $... Vous a-t-on déjà sensibilisé au fait que de doubler les cotisations syndicales pour l'indemnité de 6 000 000 $ à la suite d'un saccage évalué à 30 000 000 $ à la Baie-James cela aurait pris sept mois et une semaine pour les payer, ces 6 000 000 $?

M. Boivin: Cela aurait peut-être pris moins que cela, parce que Me Aquin dit que c'était évalué à 17 000 000 $. C'est l'avocat de la SEBJ.

M. Pagé: Oui, mais à 6 000 000 $ de règlement hors cour, cela aurait pris sept mois et une semaine.

M. Boivin: On ne m'a jamais sensibilisé à cela, M. le Président.

M. Pagé: Est-ce que votre jugement aurait été le même si on vous avait sensibilisé?

M. Duhaime: Je vais réitérer une question de règlement.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Portneuf.

M. Boivin: II n'aurait pas été différent, j'aurais trouvé cela injuste.

M. Pagé: Vous auriez tout de même réglé à 200 000 $.

M. Boivin: Je ne me suis jamais prononcé, vous devriez être juste envers moi.

Le Président (M. Jolivet): Juste un instant.

M. Pagé: Vous auriez recommandé... Le Président (M. Jolivet): Juste un instant.

M. Boivin: Je n'ai pas recommandé de régler à 200 000 $.

Le Président (M. Jolivet): Juste un instant. M. le député. Me Boivin! Me Boivin! Me Boivin!

M. Boivin: ...à un conseil d'administration d'une société d'État d'apprécier la capacité de payer des défendeurs.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Laprairie.

Juste un instant, M. le député de Portneuf.

M. le ministre, sur une question de règlement.

M. Duhaime: J'ai fait une question de règlement tout à l'heure. J'avais pensé qu'elle serait retenue. Je vais en formuler une seconde tout simplement pour illustrer que. le député de Portneuf à partir de chiffres et de documents qui viennent Dieu sait d'où, je n'ai aucune espèce de copie... Ceci consiste essentiellement à dire à un témoin qui est loin à mon sens d'être le témoin idéal pour statuer sur l'état des revenus bruts d'un syndicat, mais je pense que cela fait partie de la manoeuvre: On ne fait état que des revenus bruts, on ne parle même pas des montants d'argent qui devaient être versés à l'union internationale aux États-Unis.

M. Tremblay: Tous des spécialistes dans cela.

M. Duhaime: On n'a aucune espèce d'idée des dépenses.

M. Tremblay: Tous des bons dans cela.

Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît!

M. Duhaime: Ensuite, on fait un petit échafaudage en disant: Cela va faire tant de cents l'heure par travailleur. Franchement si vous n'avez pas d'autres choses à dire, pourquoi ne retournez-vous pas à la pêche, au lieu de nous faire perdre notre temps ici en commission parlementaire?

M. Pagé: M. le Président, sur la question de règlement.

Le Président (M. Jolivet): Juste un instant, je vais les prendre un par un.

M. Pagé: À l'égard de la pertinence des documents.

Le Président (M. Jolivet): Oui, d'accord.

Le député de Portneuf, sur la question de la pertinence. J'ai cru comprendre qu'il a dit que cela venait de l'Office de la construction du Québec.

M. Pagé: M. le Président, je ne voudrais pas...

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Portneuf.

M. Pagé: ...et loin de moi l'intention de faire en sorte que la pression de l'honorable député de Saint-Maurice augmente et qu'elle monte au point où il doive se fâcher comme il le fait de façon assez disgracieuse.

M. Duhaime: Vous n'avez pas de ride, vous.

Le Président (M. Jolivet): M. le député. M. le député de Portneuf.

M. Pagé: Je voudrais lui dire seulement ceci. Le ministre de l'Énergie et des Ressources devrait référer au document de l'Office de la construction du Québec. Appelez donc votre collègue, M. Fréchette, ministre du Travail et il va vous les produire, les documents.

M. Gratton: M. le Président, une question de règlement.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Gatineau, sur une question de règlement.

M. Gratton: Je viens de constater que vous dites au député de Portneuf: Cela va, c'est assez, alors que lorsque le ministre lui-même a prétendu intervenir sur une question de règlement, qui, à mon avis, n'en était pas une, comme c'est la plupart du temps le cas dans ses questions de règlement. Si le ministre a une opinion différente de celle du député de Portneuf, ou de quelque membre de la commission, qu'il demande le droit de parole, qu'il pose les questions qui vont l'amener ou qu'il fasse les commentaires qu'il voudra pour rectifier les faits. Mais pendant qu'un député, que ce soit le député de Portneuf ou un autre, tente de mettre des choses en preuve en posant des questions si ces questions sont recevables, M. le Président...

M. Duhaime: II n'y a rien en preuve. Cela fait cinq minutes qu'il dit non.

Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! S'il vous plaît!

M. Gratton: Si ses questions sont recevables, M. le Président, le ministre n'a pas d'affaire à venir argumenter en soulevant des questions de règlement qui n'en sont pas.

Le Président (M. Jolivet): Mais, M. le député...

M. Gratton: Le ministre aurait eu avantage à aller à la pêche en fin de semaine. Il serait pas mal moins de mauvaise humeur aujourd'hui et il ferait un bien meilleur travail.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Gatineau, c'est justement cette partie que j'ai demandé... Un instant, on va y aller tranquillement: Un instant! C'est justement, le député de Portneuf m'avait demandé de rectifier un fait qui était la pertinence des documents, mais ce qu'il a ajouté après n'était pas dans sa question de règlement et c'est pour cela que je l'ai arrêté, de la même façon que je l'avais fait pour le député de Bourassa.

M. Duhaime: Sur la question de règlement.

Le Président (M. Jolivet): Maintenant, si c'est sur la question de règlement pour la fin de l'intervention du député de Gatineau, M. le ministre, on pourrait se l'éviter.

Une voix: Oui.

M. Duhaime: Oui, mais je voudrais en revenir à la façon de procéder du député de Portneuf, M. le Président.

M. Lalonde: Ce n'est pas une question de règlement, M. le Président.

M. Duhaime: Ce n'est pas vous qui allez décider cela.

M. Lalonde: Cela ne peut être une question de règlement, M. le Président, parce que vous n'avez pas déclaré ses questions irrecevables. Elles ont été posées et on a reçu des réponses. Le ministre est en retard au moins.

M. Duhaime: Non, non. Il n'est pas en retard le ministre.

Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! II y a juste...

M. Duhaime: Sur la question de règlement, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): D'accord, mais avant... C'est parce que, pour la deuxième occasion, on fait patienter Me Boivin, alors... S'il vous plaît! ...alors qu'on pourrait facilement, je pense, terminer d'ici à 18 heures.

M. Lalonde: On aurait pu, avec cette flopée de "back-benchers"...

Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! S'il vous plaît! M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Duhaime: M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Duhaime: Sur la question de règlement. Je me suis opposé, il y a cinq ou six minutes, à cette façon parce que je craignais la conclusion. Le député de Portneuf, en voulant poser une autre question, dit: II est maintenant mis en preuve que. Il a posé dix questions, Me Boivin a répondu dix fois non et, d'après lui, c'est maintenant en preuve.

Je pense, M. le Président, que ce qu'il faudrait qu'on fasse...

M. Lalonde: C'est en preuve qu'il s'est...

Le Président (M. Jolivet): À l'ordre! À l'ordre! À l'ordre! M. le ministre.

M. Duhaime: ...aux documents qui ont été déposés devant la commission...

M. Lalonde: Ce n'est pas une question de règlement. C'est une question d'argumentation.

Le Président (M. Jolivet): À l'ordre! À l'ordre!

M. Lalonde: C'est de l'argumentation qu'il est en train de faire.

Le Président (M. Jolivet): À l'ordre! À l'ordre! À l'ordre! Arrêtez! Arrêtez! Arrêtez! S'il vous plaît!

M. Duhaime: Est-ce que je peux faire ma question de règlement, M. le Président?

Le Président (M. Jolivet): Je vais l'entendre, mais d'abord je vais calmer... M. le député de Marguerite-Bourgeoys! S'il vous plaît! M. le ministre.

M. Lalonde: M. le Président, j'ai une question de règlement à soulever maintenant.

M. Duhaime: Je suis déjà sur une question de règlement.

Le Président (M. Jolivet): Oui. J'ai un problème. J'ai un problème quand vous me demandez deux fois à deux occasions différentes une question de règlement.

Une voix: Qui n'en est pas une.

Le Président (M. Jolivet): Laissez-moi la chance... S'il vous plaît! Merci. M. le ministre, comme j'ai une autre question de règlement à ma gauche, je vais l'entendre. M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: M. le Président, le ministre vient de dire que le député de Portneuf a mis en preuve des documents, des informations. Ce qui a été mis en preuve par le député de Portneuf, et je ne pense pas qu'il prétendait le faire autrement, c'est que le témoin ne connaissait pas les informations qui étaient contenues dans les questions du député.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Marguerite-Bourgeoys, le problème que je vais avoir, c'est que vous allez donner au ministre une porte très grande ouverte mais je ne voudrais en aucune façon que vous argumentiez...

M. Lalonde: Ce que le ministre s'apprête à faire, c'est argumenter...

Le Président (M. Jolivet): Je vais voir, je ne l'ai pas entendu. C'est pour cela que je vous dis que je vais commencer... Je vous ai laissé aller parce que vous aviez une vraie question de règlement vous aussi, mais vous me dites que le ministre n'en a pas et d'autres vont me dire que vous n'en avez pas. Je pense qu'on réglerait le problème rapidement... J'ai cru comprendre que le député de Portneuf avait terminé et passait à une autre série...

M. Pagé: Je n'ai pas terminé.

Le Président (M. Jolivet): Laissez-moi terminer. Oui, je sais que vous n'avez pas terminé votre droit de parole. Ce que j'ai compris, c'est que vous en aviez terminé avec les questions concernant cette partie.

M. Pagé: C'est cela.

Le Président (M. Jolivet): J'ai bien compris. Si on nous... S'il vous plaît! Si on nous permet de passer et de continuer, on va pouvoir terminer. Sinon, si on pose une série de questions de règlement, on ne terminera jamais. Est-ce que, M. le ministre, vous maintenez toujours votre question de règlement?

M. Duhaime: Oui, M. le Président. Je voudrais la terminer. Si ce n'est pas inscrit dans notre règlement, il faudrait l'amender parce que la règle du gros bon sens devrait être l'article premier du règlement.

Le Président (M. Jolivet): Ce que

j'essaie de faire depuis longtemps d'ailleurs.

M. Duhaime: Le Il décembre 1978, Me Jean-Paul Cardinal, du bureau de Geoffrion et Prud'homme, a adressé une lettre à Me Gadbois. C'est devant la commission et c'est déposé.

M. Lalonde: C'est de l'argumentation, M. le Président. C'est de l'argumentation. C'est en preuve, c'est déjà en preuve.

M. Duhaime: Est-ce que je peux terminer ma question de règlement?

Le Président (M. Jolivet): M. le député, s'il vous plaît!

M. Lalonde: C'est de l'argumentation et je ne vous permettrai pas de faire de l'argumentation, à moins que vous ayez le droit de parole.

Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît!

Une voix: Vous n'avez rien à interdire à qui que ce soit.

M. Lalonde: Certainement, parce que le règlement l'interdit!

M. Duhaime: Ce n'est pas vous qui interdisez ici.

Le Président (M. Jolivet): À l'ordre! À l'ordre! À l'ordre! M. le ministre, si vous aviez une vraie question de règlement, je pourrais vous la permettre mais, pour le moment, j'ai l'impression qu'on va ouvrir un débat que je ne veux pas. Je permettrais plutôt au député de Portneuf de continuer avec ses questions.

M. Duhaime: M. le Président, je vais terminer ma question de règlement, si vous le permettez.

M. Pagé: Merci, M. le Président....

Le Président (M. Jolivet): Non, M. le ministre.

M. Lalonde: Non, non, la décision a été rendue.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Portneuf.

M. Duhaime: ...des entreprises...

M. Pagé: Merci, M. le Président. J'ai une très brève question. M. Boivin, étiez-vous présent à la rencontre du mois de juin 1978 où les membres de l'exécutif de la FTQ, c'est-à-dire M. Laberge, M. Daoust, M.

Lajoie, M. Dumoulin, M. Dean, M. Laramée ont rencontré le premier ministre?

M. Boivin: J'ai dit que je croyais me souvenir d'une telle rencontre. On n'avait pas dit avec le premier ministre mais il me semble qu'il y en a eu une avec le premier ministre au sujet de la loi concernant l'industrie de la construction; j'ai dit que je ne pouvais pas jurer que toutes les personnes énumérées étaient là. Il me semble qu'une très forte majorité d'entre elles était là.

M. Pagé: C'est au moment de l'étude de la loi 52.

M. Boivin: C'est ce qu'on m'a... Je ne savais pas que c'était au mois de juin mais puisqu'on me dit que c'est en juin ou à l'été 1978... Je sais qu'il y a eu une rencontre.

M. Pagé: La loi 52 a été adoptée en juin.

M. Boivin: Je sais qu'il y a eu une rencontre avec le premier ministre, à laquelle j'assistais, relativement à cette loi.

M. Pagé: Est-ce qu'il a été question du règlement hors cour?

M. Boivin: J'ai dit que, s'il en a été question, je ne m'en souvenais pas. S'il en avait été question, c'était simplement en passant parce que ce n'était certainement pas l'objet de la réunion. La réunion a été assez longue et a porté sur la loi 52.

M. Pagé: M. le Président, un très bref commentaire à l'égard des réponses que M. Boivin a données à mes questions. Je dois vous exprimer ma surprise, non seulement comme député, mais comme citoyen et contribuable du Québec et aussi comme député qui a à représenter 60 000 personnes dans mon comté, que le chef de cabinet du premier ministre du Québec, le bras droit du premier citoyen ne soit pas au fait ou ne prenne pas les moyens pour s'enquérir auprès des autorités, même des autorités gouvernementales, informations auxquelles il a accès...

M. Laplante: M. le Président, écoutez un peu. Est-ce qu'on peut faire la morale...

Le Président (M. Jolivet): Juste un instant. Juste un instant.

M. Laplante: C'est une directive, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): Oui, oui, M. le député de Bourassa.

M. Lalonde: Allez.

M. Laplante: Est-ce qu'on peut se permettre à ce moment-ci des travaux de faire la morale à chaque invité qui vient ici quand on a fini les interventions? Cela me paraît indécent. Chacun finit ses questions, on commence tout de suite après cela des petites leçons de morale vis-à-vis de l'invité. Il me semble que cela ne peut pas fonctionner à une commission parlementaire. C'est une directive que je vous demande pour arrêter cela. C'est un abus épouvantable.

M. Lalonde: Vous serez bien noté au bureau du premier ministre, M. le député de Bourassa.

Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! M. le député de Marguerite-Bourgeoys...

M. Laplante: Démissionnez, si vous avez des choses. Mettez vos sièges en jeu. C'est tout ce que vous avez à faire.

Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît!

M. Lalonde: Félicitations!

Le Président (M. Jolivet): J'ai juste un commentaire à faire, c'est que je n'utiliserai aucun mot qui pourrait être l'objet d'une manchette. Je ferai simplement en sorte que les gens qui nous écoutent soient les juges de ce qui se passe dans cette commission. M. le député de Portneuf.

M. Pagé: M. le Président, j'en étais à vous exprimer ma surprise comme député et même comme citoyen, de constater qu'à la lumière des réponses qu'il a bien voulu me donner, le chef de cabinet du premier ministre, alors qu'il y avait des échanges sur l'opportunité ou non de régler hors cour, sur la capacité de payer ou non des syndicats défendeurs dans cette cause, le chef de cabinet du premier ministre, le bras droit du premier citoyen du Québec et chef du gouvernement et chef de l'Exécutif n'ait pas pris les moyens dont il disposait pour s'enquérir et obtenir l'information pertinente, non pas à l'intérieur des centrales syndicales, mais l'information qui était colligée à l'Office de la construction du Québec. Le ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre du temps aurait pu en l'espace d'une demi-journée informer adéquatement le cabinet du premier ministre, informer adéquatement le chef de cabinet de celui-ci des entrées d'argent, de la capacité de payer, c'est-à-dire des revenus des syndicats.

J'ai référé tout à l'heure à l'hypothèse ou aux éléments qui avaient peut-être été portés à son attention, en mentionnant un montant de règlement hors cour de 6 000 000 $. Avec une augmentation de 100% des cotisations syndicales, cela n'aurait pas duré pendant 30 ans, cela aurait duré sept mois et une semaine. Compte tenu que cela n'a pas été fait, le prix à payer des dommages qui ont été faits à la Baie-James en 1974, compte tenu de l'ignorance de ces renseignements, compte tenu de l'incapacité ou du manque de décision ou de jugement de la part des autorités en place d'aller chercher cette information qui aurait pu permettre à la SEBJ, au gouvernement, au premier ministre d'avoir une recommandation différente de celle qu'il a formulée et même au chef de cabinet de formuler une recommandation différente de celle qu'il a formulée. Vous aviez toutes ces informations. Vous auriez pu les étudier, les analyser et voir, au mérite, la possibilité d'en arriver à un montant respectable pour un règlement hors cour et non pas 200 000 $ quand cela a coûté 900 000 $. (17 h 30)

Je termine en vous exprimant ma surprise et ma déception, M. le chef de cabinet. Je suis très déçu de savoir que les intérêts du Québec sont entre les mains de gens qui ne s'informent pas plus que vous dans de telles circonstances. Merci.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Duhaime: M. le Président, à la réflexion, je dois dire que, si tout à l'heure ce n'était pas le moment de faire le point parce que vous n'avez pas accueilli ma question de règlement, je vais profiter de l'occasion pour le faire. Le 27 novembre 1978, on lit, à la page 13 du cahier déposé par la Société d'énergie de la Baie James: "Affaires découlant de la 358e réunion du Conseil d'administration. M. Pierre Laferrière réfère à la résolution 358-02 adoptée à la dernière réunion concernant l'action de la Compagnie contre Yvon Duhamel et Al. et il mentionne qu'il aimerait obtenir une documentation sur la capacité de payer de chaque personne physique ou morale qui est impliquée à titre de défenderesse dans cette cause ainsi qu'une opinion légale sur les liens de responsabilité financière de ces diverses parties. Le secrétaire est chargé de fournir ces renseignements aux membres du Conseil lors d'une réunion ultérieure."

M. le Président, à la suite de cette demande du 27 novembre 1978, telle qu'elle apparaît au procès-verbal de la Société d'énergie de la Baie James, les extraits du procès-verbal du Il décembre 1978 ont été déposés par M. Laliberté dans un second bloc devant cette commission. Il y a une lettre, qui est datée du Il décembre 1978, qui est adressée par Me Jean-Paul Cardinal, du bureau Geoffrion et Prud'homme, procureurs de la Société d'énergie de la Baie James. Le

troisième paragraphe est pertinent à notre discussion, en référant aux savantes questions du député de Portneuf. Je vais citer la lettre de Me Cardinal à Me Gadbois: "Nos enquêteurs nous assurent que d'ici à quelques jours nous pourrions être en mesure de vous donner des informations assez précises sur la solvabilité du local 791, de l'International Union of Operating Engineers, de l'Union des opérateurs de machinerie lourde du Québec, du local 134 de la Fraternité unie des charpentiers et menuisiers d'Amérique et du Conseil provincial du Québec des métiers de la construction. Il est à présumer cependant que cette solvabilité est extrêmement relative eu égard à la réclamation...", et la lettre continue en traitant de la capacité de payer de l'International Union of Operating Engineers.

M. le Président, je crois que les procureurs de la SEBJ, en exécution du mandat du 27 novembre 1978, de la demande qui avait été formulée par Me Gadbois comme secrétaire de la compagnie, ont par la suite fourni des documents qui ont été transmis suivant ce qui a été établi devant cette commission par Me Jasmin. La commission n'a pas pris connaissance de ces documents, mais il est très clair que, lorsqu'on examine un état financier... Je serais très heureux si, dans le cas d'Hydro-Québec, par exemple, je n'avais qu'à m'occuper des revenus et que je n'avais pas besoin de m'occuper des dépenses. Je pense qu'on deviendrait riche et vite. C'est exactement le cas pour n'importe quelle corporation comme c'est aussi le cas d'un syndicat.

Ce que le député de Portneuf a tenté de faire, et j'espère que c'est sans trop de succès, c'est essentiellement, d'abord, de prendre la totalité des cotisations en termes de revenus généraux ou de revenus bruts de l'ensemble des syndicats sans spécifier si tel ou tel syndicat est partie à l'instance, sans évaluer quel est le lien de responsabilité -parce que la question du local 134 de la Fraternité unie des charpentiers et des menuisiers d'Amérique, je n'ai pas encore entendu quelqu'un venir dire ici qu'il avait une responsabilité quelconque - sans nous dire non plus quelles sont les dépenses générales de chacun des syndicats impliqués, en ne mentionnant même pas quelle était la cotisation qui était prélevée et retournée aux États-Unis.

Je pense que cette façon de procéder est inadmissible. Elle consiste à vouloir induire les membres de la commission en erreur et induire également le public qui écoute les travaux de cette commission en erreur, laissant entendre que ces syndicats étaient multimillionnaires, alors qu'ils étaient proprement "cassés", de l'aveu même des procureurs de la Société d'énergie de la Baie James. C'est dans ce sens, M. le Président, que je me suis opposé tantôt, parce que le député de Portneuf est parti de relevés, sans aucun doute, qui sont déposés annuellement à l'Assemblée nationale par l'OCQ, suivant la loi. Ensuite, dans un savant calcul mathématique, il est arrivé à établir qu'il y avait peut-être là quelques millions de dollars, mais il faut au moins tenir compte du fait qu'il y a des dépenses à la colonne de droite, à côté de la colonne des revenus.

J'ai retenu, du rapport qui a été déposé par les tuteurs, suivant le témoignage de Me Yves Gauthier - je l'avais en main tout à l'heure, le rapport de tutelle qui a été transmis en juin 1978, je crois; il a été déposé à l'Assemblée nationale le 22 juin 1978 et parlait de la situation financière de ces syndicats en toutes lettres - que c'était, pour tout le monde, très clair que c'était tout près de l'insolvabilité. Cela a été, suivant le témoignage de Me Yves Gauthier, une des premières missions ou des premiers objectifs poursuivis par les tuteurs lorsqu'ils ont administré les affaires du local 791, du local 99 et du local 101, de faire en sorte que ces syndicats non seulement retrouvent la démocratie syndicale, mais aussi une espèce de santé financière. Mais je n'ai jamais entendu dire qu'on pouvait faire une évaluation sur la solvabilité d'une entreprise, d'un syndicat ou d'une personne physique en ne tenant compte que de ses revenus généraux. Je pense que le député de Portneuf aurait dû suivre ou continuer la performance qu'il a faite ici jeudi dernier, c'est-à-dire être absent des travaux de la commission. Cela nous aurait aidé, M. le Président.

M. Lavigne: ...prendre le pouvoir.

Le Président (M. Jolivet): Monsieur, seulement un instant, j'ai une demande de directive de la part du député de Châteauguay.

Une voix: Cela va être bon!

M. Dussault: M. le Président, pendant l'intervention du député de Portneuf, je vous ai demandé la parole; selon le droit à l'alternance, cela devrait être mon tour. Les remarques de fin d'intervention du député de Portneuf ont eu pour effet de me faire perdre mon droit de parole, parce que, portant sur des prérogatives gouvernementales, vous avez dû donner la parole au ministre et j'ai perdu mon droit de parole. J'ai une question de directive à vous poser, M. le Président, à la suite de ce commentaire. Est-ce que le droit à l'alternance, puisque nous sommes ici en commission pour clarifier des choses, donc pour poser des questions à nos invités, ne devrait pas porter sur les questions aux invités et non sur des interventions du genre

opinion qu'a faites le député de Portneuf? Ceci nous permettrait, à nous, aux députés ministériels, de poser des questions et cela empêcherait nos gens d'en face de nous rappeler que nous n'avons pas de questions à poser. C'est bien sûr, chaque fois que notre tour vient, on se le fait voler, par le subterfuge utilisé par les gens d'en face. Je revendique ce droit à la parole, M. le Président, du moins, avant 18 heures, avant que nous quittions et que notre invité nous quitte aussi de façon que, moi aussi, M. le Président, je puisse poser des questions à cette commission.

Le Président (M. Jolivet): Le seul problème que j'ai, M. le député, quand je parle de problème, c'est que de la même façon, il arrive quelquefois que, soit de ma gauche ou de ma droite, on me donne une liste de noms qui m'aide à donner le droit de parole, que l'on fasse des échanges et qu'on me dise: J'ai donné mon nom, mais je voudrais que l'autre procède avant moi. Il est arrivé, tout à l'heure, la même chose du côté du Parti libéral, de faire un échange au niveau des gens. Donc, ce n'est pas avec perte du droit de parole, puisque le droit de parole existe toujours, mais c'est simplement qu'on fait passer une personne avant une autre. Quand le ministre me demande d'intervenir à la suite de commentaires qui sont faits, je n'ai pas le choix, je dois lui donner la parole. C'est une forme d'alternance. En conséquence, je dois passer au député de Laprairie, au moment où je vous parle.

M. Dussault: C'est une question de règlement, M. le Président, je ne voudrais pas remettre en question votre décision...

Le Président (M. Jolivet): J'espère!

M. Dussault: ...mais est-ce qu'il n'est pas juste que, dans notre règlement, le ministre peut prendre la parole en tout temps? Et, à ce moment-là, le fait qu'il intervienne de temps en temps pour rectifier des choses - c'était d'ailleurs une jolie rectification qu'il a faite aux propos du député de Portneuf - est-ce que cela ne doit pas être considéré comme étant quelque chose qui allait au-delà des droits de parole? Mon tour continuerait d'exister, M. le Président. Ce serait le mien.

Le Président (M. Jolivet): Malheureusement pas, l'alternance dit que c'est une personne à ma gauche, une personne à ma droite et la parole est au député de...

M. Dussault: C'est bien dommage. Je ne voudrais pas en entendre un de l'autre côté dire qu'on n'a pas de questions à poser...

Le Président (M. Jolivet): M. le député, s'il vous plaît! M. le député de Laprairie, à moins que je n'aie d'autres questions de règlement; j'ai cru comprendre que...

M. Lalonde: Non, M. le Président, je voulais simplement dire que le député sera bien noté.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Laprairie.

M. Gratton: Vous aviez des questions, mais comme vous ne les posez pas, vous pouvez partir.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Laprairie.

M. Dussault: M. le Président, est-ce que vous avez compris que je retiens mon tour de parole pour avant 18 heures...

Le Président (M. Jolivet): Oui, si possible avant 18 heures. M. le député de Laprairie.

M. Gratton: Si le ministre...

M. Saintonge: Merci, M. le Président.

M. Gratton: II est habile le ministre.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Laprairie.

M. Saintonge: Merci, M. le Président. M. Boivin, j'aurais quelques questions à vous poser à partir du mémoire que vous avez produit jeudi dernier. À la page 2, vous mentionnez ce qui suit: "Afin de me former une opinion, j'ai écouté les représentations de MM. Laberge, Beaulé et Jasmin. J'ai pris des informations au sujet de la poursuite auprès du bureau d'avocats Geoffrion et Prud'homme et finalement j'ai lu le rapport Cliche. J'en suis venu à la conclusion qu'il devait y avoir règlement hors cour pour les raisons suivantes..."

Ce qui m'intéresse à ce moment-ci, c'est les informations que vous avez prises auprès du bureau Geoffrion et Prud'homme. Vous mentionniez, à des questions du député de Marguerite-Bourgeoys, effectivement que vous êtes allé rencontrer Me Cardinal à son bureau. Vous aviez pris connaissance, vous aviez lu une opinion, à tout le moins, l'opinion de décembre 1975, datée du 16 décembre 1975 et écrite par Geoffrion et Prud'homme. Vous ne vous souvenez pas si vous avez eu copie ou non de l'opinion?

M. Boivin: C'est juste.

M. Saintonge: Ma première question est sur le fait que, quand vous vous référez... Dans tout cela, le problème qui m'intéresse, c'est le lien de causalité entre la SEBJ et les syndicats américains, le lien de droit entre les deux parties. Quand vous dites dans votre mémoire, à la page 4, dans un document déposé devant cette commission parlementaire, que les avocats et procureurs de la SEBJ écrivent, et je cite toujours: "Cet organisme international pouvait être engagé à deux points de vue", un et deux, est-ce que vous pourriez nous indiquer quelles sont les sources de ces citations?

M. Boivin: C'est le document intitulé "Tableau des défendeurs dans l'instance". Ce n'est pas le document le plus complet, mais je trouvais que c'était le résumé le plus court. Tableau des défendeurs dans l'instance Société d'énergie de la Baie James contre Yvon Duhamel et autres, préparé par le cabinet Geoffrion et Prud'homme.

M. Saintonge: Maintenant, M. Boivin, ce tableau-là, est-ce que vous en avez eu connaissance à l'époque ou simplement...

M. Boivin: Ici, en commission.

M. Saintonge: ...à la suite du dépôt en commission? La seule opinion dont finalement vous avez pu prendre connaissance, que vous avez pu examiner avant de faire votre recommandation au premier ministre, est-ce que je me trompe en disant que c'est l'opinion du 16 décembre 1975?

M. Boivin: Du côté de Geoffrion et Prud'homme, oui.

M. Saintonge: Les autres sujets, c'était la défense de Me Beaulé à ce moment-là...

M. Boivin: C'est cela.

M. Saintonge: ...et certains documents auxquels vous vous êtes référé ce matin. Dans cette opinion du 16 décembre 1975, vous mentionnez que ces avocats, ceux de Geoffrion et Prud'homme, s'expriment en termes prudents et vous faites quelques citations, à la page 10, de la fameuse opinion de Geoffrion et Prud'homme datée du 16 décembre 1975.

Ma question est la suivante: Est-ce qu'à la lecture de l'opinion de Geoffrion et Prud'homme du 16 décembre 1975, les conclusions - vous vous rappelez les conclusions - de l'opinion comme telle, vous en avez vraiment pris connaissance, à savoir: "Les règles de droit pertinentes et l'ensemble des faits que nous connaissons justifient que la SEBJ prenne action, avec succès, contre Yvon Duhamel, Michel Mantha, Maurice Dupuis, le local 791 et l'Union des opérateurs de machinerie lourde du Québec. "D'autre part, si la cour retient le principe que nous avons mis de l'avant à l'effet qu'un délégué de chantier est véritablement un représentant ou un mandataire du syndicat, la SEBJ aurait également de bonnes chances de succès d'impliquer la Fraternité unie des charpentiers et menuisiers d'Amérique. "Enfin, il y a deux éléments de preuve qui permettent de joindre aux défendeurs précédents l'International Union of Operating Engineers, René Mantha, André Desjardins et le Conseil provincial du Québec des métiers de la construction. "Évidemment, la preuve qu'il sera nécessaire de faire pour obtenir des condamnations sera principalement de nature testimoniale et l'on ne peut pas, bien sûr, prévoir et contrôler ce qui éventuellement sera dit devant la cour, ni surtout prévoir l'impact des témoignages dans l'esprit du juge qui sera saisi du dossier." Vous avez pris connaissance des conclusions pertinentes de cette opinion-là?

M. Boivin: J'ai lu entièrement l'opinion.

M. Saintonge: Vous avez lu toute l'opinion?

M. Boivin: Donc, j'ai pris connaissance de la conclusion. (17 h 45)

M. Saintonge: Vous n'avez pas retenu... Enfin, ma question principale, c'est que vous n'avez pas retenu les conclusions globales de l'opinion, mais vous vous êtes plutôt attaché à certains passages où les avocats s'exprimaient en termes prudents, tel que vous le notez?

M. Boivin: Écoutez, pour être juste, M. le député, à l'égard du bureau de Geoffrion et Prud'homme, c'est bien sûr que, pour les fins de ma démonstration, c'est-à-dire pour les fins de la déclaration ici, je sors de cette opinion, qui mérite d'être lue en entier, les passages qui démontrent le côté aléatoire de la responsabilité du syndicat américain. Je ne voudrais pas lancer une discussion juridique avec le bureau de Geoffrion et Prud'homme. Tout ce que je dis, c'est que je suis sceptique. Je dis que c'était une responsabilité aléatoire. Et je me permettrai... M. le Président, je trouve que je suis assez bien appuyé maintenant, puisque le 21 avril, au ruban 1103, page 2, M. Jetté, lorsqu'on lui parlait de cette question a dit, et je cite: "On était conscient que ce n'était pas une cause gagnée d'avance. Il y avait des éléments de preuve qu'on ne connaissait pas. Il se peut fort bien qu'on aurait perdu joyeusement. Je ne le sais pas ce qui s'en venait. On avait des éléments qui me permettaient, comme avocat, de penser qu'il

était justifié de continuer. Demandez-moi pas de spéculer sur l'issue d'un litige où je ne connais même pas la preuve. Cela est un élément. Je parle ici de la cause au Québec." Alors, pour être de bon compte avec Me Geoffrion et Prud'homme, qui est un bureau respecté et respectable de Montréal, je trouve que le passage que je viens de citer, c'est la définition même d'une issue incertaine d'une cause. Et incertain est synonyme d'aléatoire. Alors, tout ce que je dis dans mon mémoire, dans ma déclaration, c'est que je jugeais fort aléatoire qu'un tribunal canadien retienne la responsabilité de l'union internationale. Mais, vous aurez remarqué, M. le député, que je fais exprès de le dire, de le mentionner et de l'expliciter que, à l'égard du syndicat américain, ma recommandation est un peu une recommandation à deux paliers. Je dis qu'il y a une responsabilité aléatoire, mais ce qui ressort de mon texte, c'est que ce n'est pas surtout cela qui me frappe - même si je ne le dis pas comme cela - je dis que c'est le côté inéquitable de poursuivre un syndicat qui n'a rien eu à faire là-dedans.

M. Saintonge: Vous voulez dire que c'était plutôt le deuxième point qui était important pour vous?

M. Boivin: En d'autres termes, je ne suis pas pour dire à un premier ministre, après une lecture d'une opinion juridique: Je pense que le jugement est incertain et voilà la raison pour laquelle vous devez recommander un règlement hors cour. Qu'arriverait-il si un juriste qui regarderait cela disait: Boivin, vous avez tort? L'argument principal, c'est le suivant.

M. Saintonge: Vous avez discuté de l'opinion - vous mentionniez également jeudi dernier que vous aviez discuté de l'opinion juridique du 16 décembre 1975 avec Me Cardinal...

M. Boivin: Discuté est un grand mot, mais disons que j'ai rappelé Me Cardinal pour lui dire: Ton opinion, je n'en suis pas encore convaincu. Il m'a dit: Je vais en parler à Me Jetté. J'avais à peu près la citation exacte. Me Cardinal me rappelle et me dit: J'en ai parlé à Me Jetté qui me dit - je vais citer à peu près la substance de ce qui suit, si je peux le trouver, je ne sais pas où j'avais noté cela... Enfin, de mémoire... Je l'ai ici. Je dis ici: lui ai parlé au téléphone une autre fois en décembre pour lui exprimer mes forts doutes quant à la responsabilité civile du syndicat américain. Me Cardinal me dit qu'il consulterait Me Jetté et me téléphonerait, ce qu'il fit me disant en substance: Nous avons, au vu des procédures, un lien de droit apparent, le reste dépend de la preuve qui sera faite - ce n'est pas pire, cela correspond à ce que je viens de dire de Me Jetté. Il se peut qu'on gagne, il se peut qu'on perde. Quant à poursuivre, il vaut mieux poursuivre tout le monde. Voilà ce que M. Cardinal m'a dit en décembre. J'ajoute immédiatement que ce que m'a dit Me Cardinal en décembre, - ce que je viens de citer - quant à moi, ce n'est pas une grande nouvelle parce que cela correspond à ce qui est dit dans l'opinion.

M. Saintonge: Maintenant, Me Boivin, lors de votre rencontre avec Me Cardinal en décembre - vous n'aviez pas la date exacte, si je me souviens bien...

M. Boivin: Quand je suis allé à son bureau?

M. Saintonge: Oui, c'est cela. Il n'y avait pas de date précise mais vous mentionniez quand même que vous aviez lu l'opinion, que vous en aviez discuté brièvement avec lui sur place, suivant les questions posées par le député de Marguerite-Bourgeoys. L'appel téléphonique subséquent de Me Cardinal, référant toujours à cette opinion et toujours sur la question du lien de causalité entre la SEBJ et les syndicats américains ou le lien de droit entre les deux parties... Est-ce qu'à quelque moment, lors de ces conversations avec Me Cardinal, on vous a mentionné l'opinion juridique obtenue à cette fin concernant le lien de causalité entre les syndicats à l'opinion demandée par Geoffrion et Prud'homme aux avocats américains, et principalement Mes Mallard, de Elarbee, Clark and Paul?

M. Boivin: Non, M. le Président, je ne le savais pas à moins que j'aie mal suivi les travaux de cette commission; je ne les ai pas tous suivis. Je ne sais pas encore à ce jour si on a demandé une opinion juridique sur la responsabilité. Je pensais qu'on en avait demandé une sur l'exemplification. Si je me trompe, je veux bien accepter la correction.

M. Saintonge: C'étaient les deux en même temps.

M. Boivin: On ne me l'a pas dit. Alors, pour répondre à votre question...

M. Saintonge: Me Cardinal en aucun temps n'a fait référence à cette opinion qui était une opinion quand même de 24 pages et qui a été déposée à la commission, qui était postérieure à celle de décembre 1975. Vous étiez en 1978.

M. Boivin: Je me souviens qu'à un moment donné Me Cardinal - je ne sais pas si c'est en décembre ou en janvier - m'a

parlé d'une opinion d'un bureau américain sur l'exemplification, mais sur la responsabilité Me Cardinal ne m'a jamais parlé d'une opinion du bureau américain.

M. Saintonge: Maintenant, est-ce que, outre l'opinion du 16 décembre 1975, vous avez eu des informations d'autres opinions qui auraient pu exister ultérieurement à décembre 1975, à cette époque et non pas aujourd'hui?

M. Boivin: J'ai répondu non au député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Saintonge: Principalement, vous n'aviez aucune connaissance de l'opinion du 5 janvier 1979 de Geoffrion et Prud'homme adressée à Me Gadbois? Dans cette opinion, ce qu'il est important de noter ici, c'est que nous retrouvons un paragraphe - possiblement que lors de vos discussions avec Me Cardinal, vous aviez pu être informé de cela - où on disait, dans l'opinion en question, du 5 janvier 1979: "Nous avons reçu une opinion de nos correspondants américains, MM. Elarbee, Clark and Paul, sur la reconnaissance, en vertu de la loi américaine, des jugements prononcés à l'étranger. Ils nous confirment qu'un jugement rendu dans la province de Québec n'est pas automatiquement exécutoire aux États-Unis mais qu'il peut cependant fonder avec succès une action intentée là-bas. Le droit américain fait montre de générosité à l'égard des jugements étrangers de telle sorte que, si certains prérequis existent, le défendeur à l'action intentée aux États-Unis sur la foi du jugement étranger ne peut plus rouvrir le débat à son mérite." Et on référait à certaines jurisprudences américaines dans ces cas.

M. Boivin: Vous voyez, M. le député, vous venez de parler de la reconnaissance des jugements québécois ou canadiens. C'est exactement cela, c'est l'exemplification. On m'en a parlé verbalement, mais je n'ai jamais vu ces opinions.

M. Saintonge: Est-ce que, à quelque moment, Me Cardinal ne vous aurait pas noté aussi concernant la question de la bonne cause, en fin de compte, que Geoffrion et Prud'homme semblait avoir l'opinion de posséder dans cette affaire, quelques lettres de Me Pouliot qui confirmaient l'opinion de Geoffrion et Prud'homme?

M. Boivin: Je n'ai pas pris connaissance de cela à ce moment. J'en ai pris connaissance depuis.

M. Saintonge: Est-ce que vous étiez au courant qu'antérieurement Geoffrion et Prud'homme, le bureau de...

M. Boivin: Non, je n'étais pas au courant.

M. Saintonge: Vous n'étiez pas au courant qu'il y avait un autre bureau qu'ils occupaient et qu'il y avait eu un transfert de dossiers.

M. Boivin: Non, je n'étais pas au courant. J'ai appris cela en voyant le cahier, lorsqu'ils l'ont déposé.

M. Saintonge: À quelque moment, soit par les avocats de Geoffrion et Prud'homme, soit par M. Laliberté ou quelque autre membre du conseil d'administration de la SEBJ, est-ce que vous avez appris l'existence d'un rapport confidentiel qui avait été soumis au conseil d'administration de la SEBJ, qui faisait suite à l'opinion du 5 janvier 1979 donnée par Geoffrion et Prud'homme, un rapport confidentiel au conseil d'administration de la Société d'énergie de la Baie James concernant l'action en Cour supérieure du district de Montréal contre les responsables des dommages survenus au chantier de LG 2?

M. Boivin: M. le député, il me semble que tantôt vous m'avez parlé d'une opinion du 5 janvier 1979. Là, vous parlez d'autre chose, d'un rapport...

M. Saintonge: D'autre chose. Disons que dans l'élaboration des faits, outre l'opinion du 16 décembre 1975 dont vous avez pris connaissance, je vous demandais si vous aviez été informé, d'une part, par Me Cardinal d'autres opinions que lui avait reçues et vous m'avez dit non concernant la jurisprudence américaine de M. Mallard, le texte de M. Mallard, le mémoire de Me Mallard. Outre cela, Geoffrion et Prud'homme avaient également mis à jour d'une certaine façon l'opinion juridique de décembre 1975 et celle du 5 janvier 1979. En aucun temps Me Cardinal ne vous a informé de cela?

M. Boivin: Je pense qu'ils m'ont dit qu'ils avaient mis à jour leur opinion pour leur client, mais je ne l'ai ni lue ni vue.

M. Saintonge: Ils vous avaient dit cela à quel moment?

M. Boivin: En janvier, je pense.

M. Saintonge: En janvier. Est-ce qu'ils vous confirmaient...

M. Boivin: Non, mais j'ai dit: Grosso modo, cela dit quoi? Il a dit: Cela dit la même chose qu'en décembre 1975, grosso modo.

M. Saintonge: Vous confirmez donc,

grosso modo, que leur opinion concernant la cause qu'ils pouvaient détenir, et qui était une bonne cause selon les conclusions que j'ai lues tantôt, était confirmée à nouveau par eux en janvier. C'est bien cela?

M. Boivin: Qu'il y avait possiblement une bonne cause.

M. Saintonge: Qu'il y avait possiblement une bonne cause. Si je fais référence maintenant à un rapport subséquent au 5 janvier 1979, qui est intervenu quand même entre le 5 et le 9 janvier - il n'y a pas de date précise au dossier que vous avez entre les mains, c'est à la page 16 jusqu'à la page 23 - rapport confidentiel qui a été signé par Me Jean Bernier, M. Laurent Hamel, M. Marc Darby et Me André Gadbois, est-ce que, à quelque moment, vous avez eu connaissance de l'existence d'un tel rapport?

M. Boivin: J'ai pris connaissance de ce rapport lorsque ce cahier a été déposé ici.

M. Saintonge: Uniquement à ce moment?

M. Boivin: Voilà.

M. Saintonge: Dans vos discussions avec M. Laliberté, quand vous lui faisiez part de vos doutes quant à la question de...

M. Boivin: Non, il ne m'a pas parlé de cela.

M. Saintonge: D'aucune façon? M. Boivin: Non.

M. Saintonge: Est-ce que vous avez également été mis au courant d'un rapport subséquent en date du 26 janvier 1979, par Geoffrion et Prud'homme toujours - je me réfère ici à la page 55 du document... Je m'excuse, pas ce document. C'est le cahier des opinions juridiques. Donc, une opinion du 26 janvier 1979 par le bureau de Geoffrion et Prud'homme adressée à Me Gadbois, qui concernait la question des dommages que le bureau de Geoffrion et Prud'homme croyait être en mesure de prouver, compte tenu des récentes informations et du déroulement de la preuve dans le dossier. C'était une opinion qui avait été demandée en date du 24 janvier 1979.

M. Boivin: Non, M. le Président.

M. Saintonge: Vous avez répondu ce matin, M. Boivin, à une question du député de Gatineau - et je vous cite au ruban 1492 - vous mentionniez, au sujet du montant réel des dommages, je passe deux lignes: "J'avais quand même placé un appel téléphonique à

Me Aquin et j'avais dit: François, la cause, on parle de quoi? Je ne me souviens pas s'il m'a dit 17 000 000 $ ou 19 000 000 $, un des deux chiffres. J'ai dit, je pense que cela y est, l'ordre de grandeur va arriver à un jugement de 17 000 000 $ ou 19 000 000 $, point final. Cela a été à peu près l'étendue de mon exploration quant au sujet des dommages." Vous reportiez cette conversation-là au mois de décembre. Est-ce qu'il serait possible que cette...

M. Boivin: Cela serait fort possible.

M. Saintonge: ...chose-là soit arrivée plutôt au mois de janvier, à la suite de l'opinion du 26 janvier 1979?

M. Boivin: Cela serait fort possible-Jeudi, j'ai dit que j'ai été nommé chef de cabinet à l'été 1978 alors qu'on me dit que je l'ai été à l'automne 1977. C'est fort possible, pour répondre à votre question.

M. Saintonge: À ce moment-là, il s'agissait seulement d'une conversation avec Me Aquin, par téléphone. Vous n'aviez pas pris connaissance de l'opinion juridique en date du 26 janvier 1979?

M. Boivin: Je ne trouvais pas cela nécessaire.

Le Président (M. Jolivet): Compte tenu de l'heure, je vais suspendre jusqu'à 20 heures.

(Suspension de la séance à 18 heures)

(Reprise de la séance à 20 h 10)

Le Président (M. Jolivet): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission élue permanente de l'énergie et des ressources reprend ses travaux jusqu'à 22 heures ce soir. La parole est toujours au député de Laprairie. M. le député de Laprairie.

M. Saintonge: M. Boivin, juste avant le souper, je vous demandais, en résumant, si la seule opinion que vous aviez pu lire, pour vous informer, venait des procureurs de la SEBJ sur toute la cause comme telle, sur la question de la responsabilité et était simplement celle du 16 décembre 1975 et vous me confirmiez également que vous n'aviez eu connaissance d'aucune opinion rendue en décembre 1978, l'opinion qui avait été envoyée le 9 novembre 1978 à Me Gadbois par le bureau de Geoffrion et Prud'homme et signée par Me Jetté, une lettre du 9 novembre 1978 concernant le sujet suivant: Legal Research Requested on American Tort Law Involving International

Unions, Local Unions, and their Agents. Me Cardinal ne vous a jamais mentionné une telle opinion juridique dans toute discussion que vous avez eue soit en décembre 1978 ou en janvier 1979?

M. Boivin: On a parlé des problèmes d'exemplification au téléphone, mais je n'ai jamais lu cette opinion et puis...

M. Saintonge: II y avait deux opinions juridiques, en fait, qui sont parvenues de Me Mallard, une concernant l'exemplification des jugements et il y en avait une deuxième concernant la question de la responsabilité du syndicat américain.

M. Boivin: L'une et l'autre, je ne les ai pas lues à l'époque.

M. Saintonge: Est-ce qu'en tout temps lorsque vous avez discuté de la cause avec le premier ministre pour donner votre opinion au mois de décembre 1978, ou lors de toute conversation ultérieure que vous avez pu avoir sur le sujet, le premier ministre ne s'est jamais informé à vous sur le fait que l'opinion des avocats sur laquelle vous vous basiez, s'il y avait des opinions qui étaient à jour en date de 1978 ou 1979?

M. Boivin: Je ne crois pas, non.

M. Saintonge: Est-ce que vous avez discuté, à la suite de l'opinion du 16 décembre 1975 et de la propre opinion que vous vous étiez formée, relativement à cette cause, de la question de la responsabilité et aussi de la fixation des dommages, avec le ministre de la Justice du Québec, de ce dossier?

M. Boivin: Non, M. le Président.

M. Saintonge: II ne vous est pas venu à l'esprit de consulter le ministre de la Justice en tant que jurisconsulte, tel que la Loi sur le ministère de la Justice le prévoit? On dit, à l'article 3, que le ministre de la Justice est le jurisconsulte du lieutenant-gouverneur et le membre jurisconsulte du Conseil exécutif du Québec. À l'article 3d, on dit que le ministre de la Justice donne son avis aux chefs des divers ministères du gouvernement du Québec sur toutes les questions de droit qui concernent ces ministères. À la lumière de ces dispositions et des devoirs du ministre de la Justice, il ne vous est pas apparu utile, étant donné que l'intérêt des Québécois, des contribuables était en cause, il ne vous est pas apparu utile, à aucun moment, à vous ou au premier ministre, de référer le cas au ministre de la Justice, à cette fin précise.

M. Boivin: Exact, M. le Président.

M. Saintonge: II n'y a jamais personne qui a fait allusion à ces pouvoirs du ministre de la Justice concernant l'avis qu'il pourrait vous donner ou même donner aux avocats de la SEBJ ou aux membres du conseil d'administration de la SEBJ.

M. Boivin: C'est juste, M. le Président.

M. Saintonge: Après votre rencontre avec M. Laliberté, le 3 janvier 1979, où vous lui avez exprimé le désir du premier ministre que la cause soit réglée, vous avez eu d'autres communications avec M. Laliberté dans le courant du mois de janvier 1979.

M. Boivin: Janvier et février, je présume.

M. Saintonge: Vous avez mentionné à M. Laliberté, le 3 janvier, qu'il devait référer le cas au conseil d'administration de la SEBJ. Lors des rencontres ou appels téléphoniques subséquents avec M. Laliberté, est-ce que vous vous êtes informé auprès de M. Laliberté à savoir s'il avait formellement fait part aux membres du conseil d'administration du souhait du premier ministre que vous avez exprimé à M. Laliberté?

M. Boivin: Je ne me souviens pas des faits précis, mais il se peut fort bien que je ne m'en sois pas informé auprès de M. Laliberté, parce que je l'aurais présumé.

M. Saintonge: Parce que?

M. Boivin: Je l'aurais présumé. J'aurais présumé que M. Laliberté aurait fait part aux membres du conseil d'administration d'un tel souhait.

M. Saintonge: M. Laliberté ne vous a jamais mentionné qu'à la réunion du 9 janvier 1979, six jours après votre conversation du 3 janvier avec lui, que lors de cette assemblée, en fin de compte, les procureurs de la SEBJ, Me Aquin et Me Jetté, ont été invités à leur présenter des commentaires et à répondre à leurs questions relativement à l'opinion datée du 5 janvier 1979. Cela est l'opinion révisée de Geoffrion et Prud'homme qu'on a mentionnée avant le souper et à propos de laquelle vous avez dit, je pense, que Me Cardinal vous avait informé d'une opinion révisée. Est-ce que M. Laliberté vous a fait part effectivement que cette opinion-là, donc également tout le contexte juridique, avait été rediscutée à l'assemblée du 9 janvier 1979 et que toutes les questions avaient été posées aux avocats relativement à l'opinion?

M. Boivin: J'ai dit, M. le Président, que j'ai été fort étonné d'apprendre la teneur et

la forme ainsi que le contenu de la décision du conseil d'administration du 9 janvier lors de cette commission parlementaire. Pour répondre à votre question, on ne m'en a pas informé.

M. Saintonge: M. Laliberté ne vous a jamais parlé non plus du fait qu'après discussion au conseil d'administration, les membres du conseil avaient indiqué, et je cite, "qu'ils sont d'avis que les décisions prises antérieurement par le conseil de poursuivre au civil les responsables des dommages au chantier de LG 2 n'ont pas été modifiées". Vous n'avez jamais été informé de cela à ce moment-là, en janvier?

M. Boivin: C'est juste, M. le Président.

M. Saintonge: Est-ce que, concernant M. Saulnier, vous avez des souvenirs concernant la rencontre... Vous avez mentionné que vous vous souveniez d'un appel que M. Saulnier vous avait adressé vers la mi-janvier, je pense, 1979. Est-ce que vous vous souvenez qu'au cours de cet appel téléphonique, vous avez mentionné peut-être en passant qu'il a pu être question de la cause, si je me souviens bien? Est-ce que votre mémoire vous fournit aujourd'hui certains faits précis relativement à des discussions avec M. Saulnier, relativement à la position du conseil d'administration à ce moment-là?

M. Boivin: C'est trop vague. Il me semble qu'avec M. Saulnier on a parlé de la cause en passant. Mais ce qu'on a dit au sujet de la cause, c'est trop vague. Si vous me le permettez, M. le député, à une question antérieure - et j'espère que je ne m'avance pas trop, mais il me semble que cela sonne une cloche - c'est pour cela que je vous ai dit la semaine dernière que la décision du conseil d'administration du 9 janvier, je l'avais apprise ici et que cela m'avait étonné. Je pense que j'ai dit cela la semaine dernière. À mon souvenir, le 12 janvier ou aux environs du 12 janvier, quand Me Jasmin est venu à mon bureau et s'est informé de la décision du conseil, j'ai appelé M. Laliberté et, à mon souvenir, il a dit que c'était remis à une prochaine séance. C'est pour cela que j'ai été étonné d'apprendre le contenu, la teneur et la forme de la réunion du 9 janvier.

M. Saintonge: Mais vous, vous ne vous étiez pas interrogé ou cela n'est pas arrivé à votre esprit de demander à M. Laliberté, à ce moment-là, ce qu'il advenait de la recommandation dont vous lui aviez fait part au mois de janvier?

M. Boivin: C'est ce que je viens de vous dire. À mon souvenir, il m'a dit que cela avait été reporté, remis.

M. Saintonge: Les réunions qui avaient été reportées, il y avait celle du 23 qui avait été reportée au 30; à ce moment-là, c'était la réunion où M. Saulnier avait demandé, effectivement, à rencontrer le premier ministre.

M. Boivin: Voici les dangers de la reconstitution. Vous me donnez un exemple. Est-ce que je me réfère à cette réunion ou à celle du 9?

M. Saintonge: En d'autres mots...

M. Boivin: En d'autres mots, celle du 9, je l'ai apprise ici en lisant les cahiers qui sont déposés.

M. Saintonge: Si on se situe globalement, sans date précise, il y a deux réunions, une, le 3 janvier...

M. Boivin: Oui.

M. Saintonge: ...et une, le 1er février.

M. Boivin: Oui.

M. Saintonge: Le 3 janvier, après avoir discuté avec le premier ministre en décembre, parce que la cause devait se régler, vous exprimez le souhait du premier ministre à M. Laliberté.

M. Boivin: C'est exact.

M. Saintonge: Pour vous, entre ce moment et la réunion subséquente que vous avez eue avec les deux directeurs généraux, les deux P.-D.G. et le président du conseil d'administration de la SEBJ, entre ces deux dates, en aucun temps vous ne vous êtes informé à M. Laliberté pour savoir si votre recommandation a été transmise au conseil d'administration, ce qu'il était advenu de ce souhait exprimé?

M. Boivin: Si vous me demandez un souvenir global, quant à moi, entre le 3 janvier et le 1er février, ça négociait et j'ai cru comprendre - je ne sais pas si la question a été posée ou si quelqu'un l'a exprimé de façon explicite - qu'à la réunion du 1er février, tout le monde savait que les gens négociaient, que les avocats négociaient. Je veux dire qu'on ne sortait pas des limbes. On ne venait pas discuter cela avec le premier ministre parce que c'était un sujet "académique". C'est parce qu'il y avait des négociations au sujet d'un règlement hors cour qui se déroulaient entre les parties. Alors, cela a toujours été ma compréhension. Tant qu'il n'y a pas de blocage dans les négociations, tout va très bien, Madame la

Marquise.

M. Saintonge: Quand vous faites allusion aux négociations entre les parties, est-ce que vous faites allusion aux négociations et aux périples de Me Jasmin ou de Me Beaulé à votre bureau?

M. Boivin: Bien non, bien non. M. le député, c'est trop évident, votre question. Entre les parties, c'est entre les avocats représentant les parties.

M. Saintonge: Mais vous étiez au courant, à ce moment-là, que le bureau de Geoffrion et Prud'homme n'avait aucun mandat de négocier jusqu'à la fin de janvier?

M. Boivin: Cela m'a toujours fait rire, cette question et cette affirmation que vous et votre côté répétez depuis toujours.

M. Saintonge: C'est l'affirmation, M. Boivin, de Geoffrion et Prud'homme.

Le Président (M. Jolivet): M. le député, M. le député...

M. Boivin: Cela me fait rire quand même. Je peux dire avec respect, si vous me permettez de terminer ma phrase: En affaires comme dans l'exercice du droit - en affaires, c'est la même chose - nous savons très bien qu'il y a toute la différence au monde entre le moment où on prend la peine de réunir un conseil d'administration et de lui donner un mandat formel de négociations, qui est l'acte juridique formel qui donne la permission de négocier vraiment, et les actes préparatoires à une conclusion de négociations. Voilà. Je sais que tout le monde a témoigné sur cela et je sais qu'il y a une décision du conseil d'administration, mais cela me fait rire quand même cette distinction fondamentale entre une réunion du conseil d'administration qui dit: Voilà; maintenant, c'est le temps, le temps est mûr, nous vous donnons le mandat de négocier, et toutes sortes de pourparlers préliminaires. Quand M. Laliberté donne un mandat d'écouter aux avocats Geoffrion et Prud'homme... La preuve a été faite ici, il semble s'être échangé des papiers pendant tout le mois de janvier entre ces avocats, entre Geoffrion et Prud'homme et Me Beaulé et Me Jasmin. Ce ne sont peut-être pas des négociations, ce sont des échanges au moins de projets de papiers de règlement ou de projets de transactions, mais cela semble les approcher d'un règlement.

M. Saintonge: Est-ce que Me Aquin a communiqué avec vous au cours du mois de janvier 1979?

M. Boivin: Au meilleur de mon souvenir, Me Aquin n'a pas communiqué avec moi parce que les communications que j'ai pu avoir avec ce bureau étaient avec Me Cardinal.

M. Saintonge: Maintenant, si je peux vous rappeler un fait précis: Me Aquin avait téléphoné à Me Gauthier. Est-ce que Me Gauthier vous a mis au courant de l'appel téléphonique de Me Aquin relativement aux discussions qui avaient lieu au bureau du premier ministre quant au règlement de la cause?

M. Boivin: Non, M. le Président.

M. Saintonge: Je n'ai pas d'autres questions. Merci.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Châteauguay.

M. Dussault: Merci, M. le Président. On dit que la patience est toujours récompensée. Je me sens très récompensé, M. le Président. Évidemment, par la méthode de travail que nous avons, nous sommes condamnés, nous, les députés ministériels, à faire bien souvent du coq-à-l'âne. On m'excusera, mais je voudrais toucher à une question tout à fait différente de ce qui a été touché jusqu'à maintenant par les députés de l'Opposition.

Comme je l'ai déjà fait d'ailleurs dans une autre intervention auprès d'un autre de nos invités, je voudrais revenir au texte de la déclaration du premier ministre à l'Assemblée nationale en réponse à une question du député de Marguerite-Bourgeoys où le premier ministre disait: "M. le Président, il y avait trois questions du député. Premièrement, il est exact qu'il est question d'un règlement. C'est même, paraît-il, pour ce que j'en sais, assez avancé. Deuxièmement - c'est sur cela particulièrement que je voudrais faire porter mes questions - ce n'est pas du tout, ni de près ni de loin, dans le bureau du premier ministre que le règlement ou partie du règlement a eu lieu, mais il y a eu une consultation au bureau du premier ministre, oui, avec des gens du conseil d'administration, d'Hydro-Québec, etc.

M. le Président, ces petits mots: "ni de près ni de loin, dans le bureau du premier ministre", c'est là-dessus que je vais faire le focus. Évidemment, pour bien comprendre une expression, il faut la placer dans son contexte et, encore là, même dans son contexte, des fois cela permet des interprétations. Alors, au sens propre, si on prend l'expression "ni de près ni de loin", je pense qu'à ce moment on peut faire allusion à une réalité physique ou géographique. Je pense qu'on va tous s'entendre là-dessus. Au sens figuré, on ferait peut-être davantage allusion à un stade d'avancement de choses

dans une démarche. Je le comprendrais mieux comme cela, quoiqu'on puisse peut-être faire des interprétations plus extensibles au sens figuré.

Je voudrais revenir au sens propre. Tout a démontré jusqu'à maintenant, y compris les réponses de notre invité, qu'il n'y a pas eu de négociation ni de règlement dans son bureau, le bureau de M. Boivin, dans des lieux proches du bureau de M. Boivin ou dans des lieux éloignés. Je pense que, là-dessus, au sens propre, c'est une chose qui est devenue très claire.

Au sens figuré, je voudrais poser la question à notre invité. Cela sera la seule question, M. le Président. Je vous ai dit que mes questions ne sont pas longues et que j'essaie de toucher à des questions de fond. Je voudrais savoir, selon la compréhension de Me Boivin, si les paroles - prises au sens figuré - du premier ministre qui disait: "Deuxièmement, ce n'est pas du tout, ni de près ni de loin, dans le bureau du premier ministre", je voudrais savoir si, aux yeux de Me Boivin, les paroles du premier ministre prises au sens figuré - je veux être bien clair - apparaissent encore tout à fait exactes.

Le Président (M. Jolivet): Avant que quelqu'un intervienne, mon problème est que, si vous demandez une opinion à Me Boivin, je ne lui permettrai même pas d'y répondre, puisque la question est irrecevable par son sens même.

M. Dussault: M. le Président, qu'il y ait réponse ou non, je pense que cette question est de fond. Il faudra que tôt ou tard elle soit clarifiée. Jusqu'à maintenant, il est clair qu'au sens propre, on a eu les réponses qu'il fallait. Il reste des réponses de ce côté. Si Me Boivin ne peut la clarifier parce que vous en faites une question d'opinion, on y reviendra plus tard avec un autre invité, M. le Président.

M. Lalonde: Merci. Good show.

Le Président (M. Jolivet): D'accord. M. le député de Brome-Missisquoi.

M. Paradis: Merci, M. le Président.

M. Lalonde: Cela fait quatre heures qu'il attendait pour cela.

Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît. M. le député de Brome-Missisquoi.

M. Lalonde: Cela fait quatre heures qu'il attendait pour cela.

M. Paradis: Ce n'est pas possible. M. le Président, j'aurai quelques questions très brèves pour le chef de cabinet du premier ministre du Québec.

M. le chef de cabinet, vous avez sans doute pris connaissance aujourd'hui ou avant d'un arrêté en conseil du 26 octobre 1977 qui s'intitule: Concernant la nomination et les émoluments et les dépenses des membres du conseil d'administration de certains syndicats ouvriers en vertu de lois - on cite plusieurs lois - et spécifiquement celle de la mise en tutelle de certains syndicats ouvriers. On a nommé, à ce moment-là - cet arrêté en conseil porte la date...

M. Tremblay: Objection, M. le Président.

M. Paradis: ...du 26 octobre 1977 - Me Yves...

M. Tremblay: De toute évidence, le député ne se réfère pas au mandat de la commission. Il ne pose pas une question relative au mandat de la commission.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Chambly.

M. Tremblay: On n'a pas à étudier l'arrêté en conseil que le député vient de soumettre.

Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! M. le député de Marguerite-Bourgeoys, laissez-moi décider.

M. Paradis: M. le Président, sur la question de règlement...

Le Président (M. Jolivet): Allez, M. le député de Brome-Missisquoi.

M. Paradis: Pour rassurer le député de Chambly qui a de la difficulté à suivre nos travaux, l'arrêté en conseil est du 26 octobre 1977 et son objet vise la nomination de Me Yves "Ti-Lou" Gauthier, notaire...

M. Tremblay: M. le Président...

M. Paradis: ...comme tuteur....

M. Tremblay: ...question de règlement.

Le Président (M. Jolivet): M. le député, juste un instant. Il va quand même expliquer et je verrai ensuite.

M. Paradis: ...comme tuteur...

M. Tremblay: Non, M. le Président, je ne peux pas le laisser continuer parce que, premièrement, il vient de...

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Chambly.

M. Tremblay: ...tirer une conclusion. Je me fous éperdument des conclusions du député de Brome-Missisquoi qui dit que j'ai de la difficulté à suivre les travaux. Je veux lui dire que les travaux sont "suivables" quand le député de Brome-Missisquoi fait en sorte que c'est clair. Avec les zigzags qu'il fait, personne ne peut suivre cela. En ce qui concerne l'arrêté en conseil dont il fait mention, effectivement, cela ne fait pas partie du mandat de la commission. Je vous prie de l'arrêter.

Le Président (M. Jolivet): La seule chose dont je ne suis pas sûr, c'est quelle utilisation le député de Brome-Missisquoi veut faire, par une question, d'un document qui a quand même été déposé devant cette commission. Je veux quand même le savoir pour le moment. M. le député de Brome-Missisquoi.

M. Paradis: Merci, M. le Président. Je reviens donc au document du 26 octobre 1977, n'en déplaise au député de Chambly... (20 h 30)

Le Président (M. Jolivet): M. le député.

M. Paradis: ...qui est un arrêté en conseil déposé, comme vous l'avez mentionné, devant cette commission et qui concerne la nomination, les émoluments et les dépenses des membres du conseil d'administration de certains syndicats nommés en vertu de lois dont la Loi sur la mise en tutelle de certains syndicats ouvriers. Ledit arrêté en conseil nomme Me Yves "Ti-Lou" Gauthier, notaire, comme tuteur...

M. Perron: Est-ce que c'est écrit comme cela dans l'arrêté en conseil?

Le Président (M. Jolivet): M. le député, je pense qu'on a clarifié cette partie-là. Il s'appelle Me Yves Gauthier et je pense que vous êtes capable de l'appeler comme tel, même si des gens devant la commission l'ont appelé ou si lui-même s'est appelé de ce surnom connu. Allez-y donc de façon normale.

M. Paradis: Cela va, M. le Président. Je ne voudrais pas énerver les péquistes de l'autre côté.

Le Président (M. Jolivet): Allez-y donc.

M. Paradis: C'est vrai qu'il s'est appelé comme cela. Je retire donc Me Yves "Ti-Lou" Gauthier et je retiens Me Yves Gauthier, nommé tuteur par l'arrêté en conseil no 3631-77. Il fut nommé tuteur d'un des syndicats poursuivis. Comme chef de cabinet du premier ministre du Québec à l'époque, soit le 26 octobre 1977, étiez-vous au courant de la poursuite?

M. Boivin: De la poursuite?

M. Paradis: De la Société d'énergie de la Baie James, de 32 000 000 $, contre des syndicats québécois dont ceux qui ont été mis en tutelle et dont on a confié la présidence de la tutelle à Me Yves - oubliez le "Ti-Lou" - Gauthier?

M. Boivin: Voyez-vous le danger de votre question? Ce n'est pas important, mais, premièrement, je n'ai jamais pris connaissance de cet arrêté en conseil; deuxièmement, je savais que Me Gauthier était tuteur du syndicat ou des syndicats. Vous me demandez si, le 26 octobre, je savais qu'il y avait une poursuite. Je présume que, comme citoyen moyennement informé, j'étais au courant, parce que je m'intéresse à la politique, qu'il y avait une poursuite de la SEBJ contre les syndicats.

M. Paradis: D'accord. Comme chef de cabinet du premier ministre de la province de Québec, avez-vous été consulté ou avez-vous discuté avec qui que ce soit, c'est très large, de la nomination de Me Yves Gauthier, sans prendre connaissance, comme vous l'avez dit, de l'arrêté en conseil?

M. Boivin: Je n'ai aucun souvenir de cela. C'est fort possible, c'est fort possible que non; je n'en sais rien.

M. Paradis: Je vais essayer de vous aider. Est-ce que, généralement, lorsque des syndicats sont mis en tutelle, vous êtes consulté?

M. Boivin: Sans blague, pour m'aider à répondre à votre question: Est-ce que, par cet arrêté en conseil, on les mettait en tutelle ou si on nommait les tuteurs?

M. Paradis: On nommait le tuteur; mais, est-ce que vous êtes généralement consulté pour la nomination du tuteur, comme chef de cabinet du premier ministre?

M. Boivin: J'espère que vous ne faites pas allusion à une époque récente.

M. Paradis: Non, non. Je ne fais allusion à aucune époque. Je n'aurais pas le droit, le président me l'interdirait. Je fais allusion à l'époque concernée.

M. Boivin: Sans blague, j'imagine que ces syndicats ont été mis en tutelle avant novembre 1976, je ne sais pas. Donc, je n'ai jamais été consulté là-dessus. Quant à votre autre question, j'ai l'impression que cela dépasserait le cadre de la lettre du premier ministre qui me relève de mon serment. Il

me permet de tout dire en ce qui concerne la cause de la SEBJ, mais pas au-delà.

M. Paradis: Non, mais c'était strictement dans le but de vous aider à vous souvenir. Dans ce cas, avec les souvenirs qui ont été véhiculés dans votre esprit, en faisant peut-être allusion à des événements plus récents, est-ce que cela vous revient que, dans le cas de Me Yves Gauthier, vous aviez été...

M. Vaillancourt (Jonquière): ...pour la raison invoquée par le témoin.

Le Président (M. Jolivet): Je m'excuse...

M. Boivin: La question du député est-elle: Est-ce que j'avais été consulté quant à la nomination de Me Yves Gauthier comme tuteur?

M. Paradis: Ce n'est pas plus compliqué que cela.

M. Boivin: Je n'en fais pas un mystère, je vous dis que je n'en sais strictement rien. Pensez-vous que je me souviens si on m'a consulté pour savoir si on va nommer le notaire Gauthier tuteur...

M. Paradis: Cela fait combien de temps...

M. Boivin: Cela serait fort possible.

M. Paradis: ...que vous connaissez le notaire Gauthier?

M. Boivin: Je le lui ai demandé l'autre jour et il m'a dit qu'il était à l'université en même temps que nous.

M. Paradis: Bon, c'est une de vos connaissances personnelles. Avez-vous fait de la politique avec le notaire Gauthier?

Une voix: Qui cela, nous?

M. Boivin: Des personnes qui sont ici.

M. Paradis: Ce n'est pas moi, je tiens à vous rassurer.

M. Boivin: J'ai un souvenir politique exact de M. Gauthier à la campagne électorale de 1962.

M. Paradis: Écoutez, Me Yves Gauthier nous a dit qu'il a été...

M. Boivin: ...pour répondre à votre question. On se connaissait comme cela à l'université, comme j'ai connu de vue beaucoup d'autres gens. J'ai un souvenir bien précis de Me Gauthier travaillant pour la même formation politique, dans le même comté, pendant la même campagne électorale en 1962.

M. Paradis: Cela va. Je vous crois. Mais Me Yves Gauthier nous a déclaré, lorsqu'il a comparu devant cette commission, qu'il avait été l'organisateur en chef au niveau politique du Parti québécois. Vous êtes le chef de cabinet du premier ministre qui est issu de ce parti. À ce moment-là, lorsque cette personne est pressentie pour être nommée tuteur d'un syndicat, est-ce que vous vous souvenez d'avoir discuté de cette nomination avec le premier ministre ou quelqu'un d'autre de son bureau, ou avec le ministre du Travail de l'époque?

M. Boivin: Je ne vous fais aucun reproche d'essayer de me rafraîchir la mémoire, je trouve même que c'est légitime. Mais je ne m'en souviens pas. Je vais vous dire pourquoi je ne m'en souviens pas. C'est que le premier ministre connaît aussi M. Gauthier, M. Carpentier connaît M. Gauthier. Le premier ministre n'a peut-être consulté personne parce qu'il le connaît. Il a peut-être consulté M. Carpentier. Il a peut-être consulté d'autres personnes. Il est connu par plusieurs personnes dans le parti. Il m'a peut-être consulté. Je vous l'ai dit, je ne m'en cacherais pas si c'était le cas.

M. Paradis: Donc, votre réponse est: Je ne m'en souviens pas.

M. Boivin: C'est exact.

M. Paradis: Cela va. À l'hiver - je parle de l'hiver, parce qu'on a eu des complications de date lorsque Me Yves Gauthier a comparu, il a été question du mois de décembre et du mois de mars, décembre 1977 ou mars 1978 - lors d'une visite aux États-Unis où Me Gauthier a recommandé, entre autres, au syndicat américain d'embaucher ou de retenir les services professionnels de votre ex-associé professionnel, Me Rosaire Beaulé...

M. Vaillancourt (Jonquière): Entre autres noms.

M. Paradis: C'est ce que j'ai dit.

M. Vaillancourt (Jonquière): Vous n'avez pas dit: Entre autres noms.

M. Paradis: Entre autres. Une voix: Entre autres.

M. Paradis: M. le Président, est-ce que vous voulez avoir la bonté de protéger mon droit de parole contre ceux...

M. Vaillancourt (Jonquière): Ce n'est pas déplacé, ce que j'ai dit, c'est la vérité.

M. Paradis: ...qui interprètent les propos...

M. Lalonde: Enfin, monsieur, si vous voulez corriger à chaque virgule...

Le Président (M. Jolivet): À l'ordre, s'il vous plaît! M. le député, continuez.

M. Paradis: Lorsqu'il a recommandé, entre autres - la raison spécifique, c'est parce qu'il était "tough"; vous serez à même d'en témoigner, c'est votre ex-associé professionnel - Me Rosaire Beaulé pour être l'avocat, le représentant légal du syndicat américain qui était poursuivi dans cette cause, quand avez-vous appris pour la première fois que cette recommandation avait été faite?

M. Boivin: J'ai appris pour la première fois en décembre 1978 ou en janvier 1979, de la part de Me Jasmin, que le nom de Me Beaulé avait été un des procureurs soumis par Me Gauthier au syndicat américain.

M. Paradis: À quelle occasion?

M. Boivin: Lors d'une rencontre avec Me Jasmin.

M. Paradis: Lors d'une rencontre, il vous a mentionné cela?

M. Boivin: Oui.

M. Paradis: Quelle a été votre réaction?

M. Boivin: Je trouvais... Je pense beaucoup de bien de Me Beaulé, alors je n'ai pas eu de réaction particulière. Je trouve qu'ils ont fait un bon choix. Ils auraient aussi pu en choisir un autre. Il n'est pas le seul avocat au monde qui peut plaider ce genre de cause. Mais c'est aussi un bon choix.

M. Paradis: Je vais peut-être aller un peu plus loin, vous êtes libre de répondre, je vous le dis. C'est votre ex-associé professionnel et vous êtes le chef de cabinet du premier ministre. Vous représentez l'actionnaire unique de la Société d'énergie de la Baie James qui poursuit devant les tribunaux, devant le système de droit commun, devant le système judiciaire, des syndicats et vous savez, vous, que votre exassocié professionnel - je présume, vous me corrigerez si c'est faux - qui est également un ami, est nommé procureur d'une partie adverse au gouvernement, à la Société d'énergie de la Baie James. Quelle était votre humble sentiment sur cette question?

M. Boivin: Est-ce que vous voulez dire par là que, comme il représentait une partie adverse à la SEBJ et que je suis le chef de cabinet du premier ministre qui représente le gouvernement et la SEBJ, cela peut me mettre mal à l'aise ou quelque chose comme cela? Il y a un de vos collègues qui a posé cette question qu'un ami...

M. Paradis: Je ne veux pas vous suggérer de réponse, je veux que vous répondiez spontanément.

M. Boivin: Moi, j'essaie de saisir. Je n'étais pas mal à l'aise, j'étais normal, quoi.

M. Paradis: Autrement dit, pour vous, c'était comme si cela avait été un autre avocat de Montréal ou d'ailleurs?

M. Boivin: Si Me Paradis était venu me voir à la place de Me Beaulé, j'aurais eu la même réaction.

M. Paradis: Je ne suis pas convaincu que j'aurais eu un accès aussi facile à votre bureau.

M. Boivin: Je pourrais vous citer des noms, mais ce n'est pas le lieu.

M. Lalonde: Je ne pense pas que Beaulé t'aurait recommandé.

M. Paradis: Mon collègue de Notre-Dame-de-Grâce me souffle à l'oreille et je vous le dis comme cela...

M. Lalonde: De Marguerite-Bourgeoys.

M. Paradis: ...de Marguerite-Bourgeoys, excusez-moi.

Le Président (M. Jolivet): De

Marguerite-Bourgeoys, ne les mêlez pas.

M. Paradis: J'ai été déstabilisé par le chef de cabinet. On ne pense pas que Me Gauthier m'aurait recommandé.

Le 26 juin...

M. Tremblay: On le comprend très bien.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Brome-Missisquoi.

M. Tremblay: II avait un bon avocat. Il aurait eu une bonne idée.

M. Paradis: Vous avez raison, je suis libéral.

M. Lalonde: II ne fait pas partie de la famille.

Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! M. le député de Brome-Missisquoi.

M. Paradis: Le 26 juin 1978...

Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! M. le député de Brome-Missisquoi, vous avez la parole.

M. Paradis: Merci, M. le Président. Le 26 juin 1978, suivant votre témoignage ou le témoignage de Me Beaulé, vous avez lunché avec Me Beaulé. Quels sont les propos... M. le Président, est-ce que cela va, oui?

Le Président (M. Jolivet): Oui, cela va quant à moi.

M. Paradis: Le député de Bourassa ne bourrasse plus?

Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! S'il vous plaît!

M. Laplante: Je parle au député de Marguerite-Bourgeoys.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Bourassa, s'il vous plaît, aidez-moi. M. le député de Brome-Missisquoi.

M. Paradis: Je recommence, M. le Président. Le 26 juin 1978, vous avez pris un lunch avec Me Beaulé qui, à ce moment-là, avait le mandat du syndicat américain de le représenter. Quels sont les propos que vous vous êtes échangés concernant la cause qui s'en venait, qui était devant les tribunaux?

M. Boivin: Comme je l'ai dit à deux de vos collègues, je ne me souviens aucunement de cette rencontre; alors, encore moins du contenu de la rencontre, du lunch.

M. Paradis: Votre réponse, c'est: Je ne m'en souviens pas.

M. Boivin: C'est exact, M. le Président.

M. Paradis: Le 3 octobre 1978, pour être plus précis, pour qu'on se comprenne bien, je vais faire référence à l'arrêté en conseil... J'espère que le député de Chambly n'aura pas d'objection.

Le Président (M. Jolivet): Vous avez la parole de votre côté, donc, allez-y.

M. Paradis: Merci, M. le Président. L'arrêté en conseil du 18 octobre 1978 porte le numéro 3179-78 et se lit comme suit: "Concernant la nomination d'un employé du cabinet du premier ministre au ministère du Conseil exécutif, il est ordonné, sur la recommandation du premier ministre, que Me Yves Gauthier, notaire, domicilié à... soit nommé au ministère du Conseil exécutif à Montréal, à titre permanent, conseiller spécial auprès du premier ministre, administrateur classe I, au traitement annuel de 53 000 $ à compter du 3 octobre 1978 et ce, conformément à la liste d'éligibilité numéro ... de la Commission de la fonction publique. Le greffier, Louis Bernard." Est-ce que vous avez été, vous, comme chef de cabinet du premier ministre, consulté? Est-ce que vous avez eu des échanges concernant cette nomination?

M. Boivin: Certainement. Oui.

M. Paradis: Est-ce que vous saviez, au moment où ces échanges-là... Je vais poser la première question: Quand ces échanges sont-ils intervenus pour la première fois?

M. Boivin: Je n'en sais rien, mais je présume que c'est dans les quelques mois qui ont suivi le 18 octobre 1978.

M. Paradis: Qui ont précédé?

M. Boivin: Qui ont précédé le 18 octobre 1978. Je présume que le premier ministre a dû dire: Qu'en pensez-vous si on engageait Me Gauthier membre du cabinet, conseiller spécial? J'imagine... - j'en ai certainement parlé avec le premier ministre.

M. Paradis: Et vous avez répondu?

M. Boivin: Que ce serait une bonne idée.

M. Paradis: Que ce serait une bonne idée. Est-ce que, à ce moment-là, M. le chef de cabinet, vous étiez au courant de ses occupations actuelles, qu'il était président de la tutelle du 791, un des syndicats poursuivis par la Société d'énergie de la Baie James?

M. Boivin: Je devais être au courant. Je devais être au courant. Cela ne m'a jamais frappé, cet aspect-là, avant que je me... Vous savez, il faut se situer... Chaque fois que vous me posez une question, vous la situez à tel moment...

M. Paradis: Excusez-moi, je suis la chronologie.

M. Boivin: Je trouve que vous avez raison...

Le Président (M. Jolivet): M. le député.

M. Boivin: Je trouve que vous avez raison. Ce qui m'a frappé dans le fait que Me Gauthier était et avait été tuteur, c'est lorsque je me suis occupé du dossier de la SEBJ, de la poursuite. Mais, au moment où vous me posez la question, soit en octobre

1978 ou dans les mois précédant octobre 1978, je ne m'occupe pas du dossier de la SEBJ, du règlement de la cause hors cour, du dossier de la SEBJ; donc, je ne suis pas frappé par le fait de savoir s'il est tuteur. Mais je devais le savoir. (20 h 45)

M. Paradis: Quand même, vous aviez pris un lunch le 26 juin, dont vous ne vous souvenez pas, à ce moment-ci - c'était quand même assez récent à l'époque, vous devriez vous souvenir de ce lunch - où vous retrouviez votre ancien associé d'affaires, Me Beaulé, comme avocat et c'était assez récent. Il y avait eu - sauf si ma mémoire me fait défaut - au mois d'août, une rencontre avec le ministre du Travail, M. Pierre-Marc Johnson, et toutes les parties impliquées. Et là, à partir de votre ancien associé d'affaires, vous retrouvez l'organisateur politique qui s'en vient au bureau du premier ministre et vous savez que cette cause s'en vient. Cela ne vous déstabilise pas?

M. Boivin: Vous faites toutes sortes de rapprochements...

M. Paradis: Non, non...

M. Boivin: ...que je n'ai pas faits dans le temps, vous me demandez une réponse. Eh bien, je vous la donne.

M. Paradis: Je vous demande si vous avez fait des rapprochements, finalement.

M. Boivin: Alors, je vous dis non.

M. Paradis: Vous n'avez fait aucun rapprochement.

M. Boivin: Non.

M. Paradis: C'est ce qui explique donc...

M. Boivin: Cela ne veut pas dire que, si je les avais faits, on n'aurait pas pris la même décision.

M. Paradis: Non, non, je n'ai pas... Ce qui laisse... Faites attention, vous me laissez sous-entendre que vous les auriez possiblement faits. Je voudrais qu'on soit clair.

M. Boivin: Non, non. Cela ne veut pas dire que, si je les avais faits...

M. Paradis: Oui.

M. Boivin: ...la décision eût été autre.

M. Paradis: D'accord, cela va. C'est ce qui explique que vous commencez, dans le mémoire que vous avez déposé à la commission, à votre déclaration d'ouverture, à nous parler de ce qui est finalement arrivé à l'automne 1978, en oubliant tout ce qu'il y avait avant, en oubliant le fait que votre ancien associé était l'avocat des syndicats américains, en oubliant le fait que Me Yves Gauthier qui avait été tuteur d'un des défendeurs est maintenant rendu au bureau du premier ministre. C'est le silence complet. Là, vous commencez avec l'automne 1978. Je vous réfère, pour que vous puissiez me suivre facilement, à la page un de votre mémoire, paragraphe deux, sous-paragraphe deux, où vous nous dites, et c'est là que l'histoire commence d'après votre témoignage: "À l'automne 1978, j'ai reçu un téléphone de M. Louis Laberge, président de la FTQ. Je ne saurais préciser la date de cette conversation téléphonique, mais il me semble que ce fut peu de temps avant ma première rencontre avec Me Michel Jasmin le 4 décembre 1978. Elle aurait donc vraisemblablement eu lieu au cours du mois de novembre." C'est ce qui explique que vous commencez à cette époque. Pour vous, en tant que chef de cabinet, le dossier commence là en ne tenant pas compte de tout ce qui était arrivé avant. Est-ce exact?

M. Boivin: Voulez-vous une réponse carrée? Je veux dire...

M. Paradis: Carrée, ronde, je veux la vérité.

M. Boivin: Si je recommençais mon texte, peut-être que c'est de l'orgueil de ma part, je le recommencerais de la même façon parce que les faits que vous avez soulevés, à savoir que Me Beaulé est mon ancien associé professionnel et ami et que M. Gauthier avait été dans le passé, avant d'être au cabinet, tuteur du syndicat, je ne trouve pas cela important.

M. Paradis: Cela va. Maintenant, vous avez parlé, au mois de novembre 1978, à M. Louis Laberge. Vous nous dites que la conversation fut brève. Malgré cet énoncé, est-ce que vous pouvez vous souvenir de l'essentiel de la conversation, si brève fût-elle?

M. Boivin: Je suis incapable de... Cela m'a été posé souvent.

M. Paradis: Juste l'essentiel, je ne veux pas le mot à mot, je ne veux pas "verbatim"...

M. Boivin: À moins d'inventer, je suis incapable.

M. Paradis: Cela va. Vous ne vous en souvenez pas.

M. Boivin: Je sais qu'il m'a dit que Me Jasmin m'appellerait, mais le reste...

M. Paradis: C'est l'essentiel de ce que vous souvenez, finalement. Cela va. Maintenant, vous nous dites, à la page trois du mémoire que vous nous avez soumis, au haut de la page: "Le 1er décembre excusez, à la page deux - j'ai rencontré, à sa demande, Me Rosaire Beaulé à mon bureau de Québec. Il me remit, à cette occasion, une copie de sa défense à l'action de la Société d'énergie de la Baie James." Vous vous en souvenez clairement de cela?

M. Boivin: J'ai dit, M. le député, que, lorsque j'ai préparé ma comparution ici, je suis allé voir Me Beaulé et j'ai dit: Voici la liste, préparée par le bureau du premier ministre, des rencontres. Il m'a dit: Jean-Roch, tu oublies que je t'ai vu à Québec le 1er décembre. J'ai dit: C'est vrai. Il a dit: Tu ne t'en souviens pas, je t'ai remis ma défense. J'ai dit: Je ne l'ai plus, peux-tu m'en donner une copie? Il m'en donne une copie. Je l'ai ici. Alors, je me souviens vaguement que M. Beaulé est venu à mon bureau, au J, pour me parler de cela; il m'a remis sa défense. Je ne sais pas quel jour c'était. Il faudrait regarder sur le calendrier. J'ai dit: On se reverra.

M. Paradis: Est-ce qu'il s'agissait là strictement du deuxième contact que vous aviez avec l'affaire? En ce sens que le premier contact était le coup de téléphone de M. Louis Laberge en novembre 1978, le deuxième contact étant celui de Me Beaulé le 1er décembre. Est-ce qu'il s'agit du deuxième contact que vous avez eu?

M. Boivin: Au meilleur de mon souvenir, oui. C'est pour cela que je l'ai écrit de cette façon.

M. Paradis: D'accord.

Vous souvenez-vous de la durée approximative de la rencontre avec Me Beaulé, vu que ce n'est pas inscrit sur les feuilles de registre de visites du bureau du premier ministre qu'on nous a remises?

M. Boivin: Je vais inventer là.

M. Paradis: N'inventez pas. Si vous ne vous souvenez pas, dites: Je ne m'en souviens pas. Mais si vous avez une idée approximative, une demi-heure, une heure, quatre heures...

M. Boivin: Si vous me demandez l'ordre de grandeur.

M. Paradis: L'ordre de grandeur, cela va.

M. Boivin: Environ une demi-heure.

M. Paradis: Environ une demi-heure, cela va.

M. Boivin: Le genre: Que fais-tu à Québec, etc.? Il y a un de nos amis qui avait été nommé juge et il a démissionné, on a parlé de cela, etc. On a parlé un peu de son affaire. Il a voulu m'en parler un peu et j'ai dit: On se reverra à Montréal parce que j'ignore tout pour l'instant de cette affaire.

M. Paradis: Maintenant, le 4 décembre 1978, Me Jasmin vous rend visite, suivant le registre qu'on nous a remis. Vous avez une rencontre de 40 minutes. Vous avez expliqué, en réponse à des questions d'autres collègues, ce qui s'était produit et vous aviez un souvenir assez précis des arguments que vous avait avancés Me Jasmin. S'agissait-il de la première sensibilisation au dossier qu'a effectuée à votre égard Me Jasmin?

M. Boivin: Oui.

M. Paradis: Est-ce que vous avez perçu cette visite comme étant celle que vous avait annoncée Louis Laberge, le président de la FTQ, à l'occasion de son appel téléphonique de novembre?

M. Boivin: C'est juste, M. le Président.

M. Paradis: Le Il décembre 1978, vous rencontrez à nouveau à vos bureaux Me Rosaire Beaulé; il est présent sur place pendant une cinquantaine de minutes. Vous avez résumé, en réponse à des questions qui ont été posées par d'autres collègues, l'essentiel du contenu de la conversation ou des arguments que vous avait récités Me Beaulé pour défendre la position de sa cliente, l'union américaine. Cela a duré au maximum 50 minutes. Est-ce que c'était la première fois que vous reparliez à Me Rosaire Beaulé depuis sa première visite du 1er décembre 1978?

M. Boivin: Au meilleur de mon souvenir, oui, M. le Président.

M. Paradis: Vous n'avez pas eu de conversations téléphoniques? Je vous le demande, au meilleur de votre souvenir. Ne vous choquez pas. Vous n'avez pas eu de conversations téléphoniques entre les deux pour faire rapport de la visite de Me Jasmin? J'essaie de vous aider. Quand Me Jasmin est venu vous voir, est-ce que vous lui avez parlé de la première visite de Me Beaulé?

M. Boivin: J'ai peut-être dit: Me Beaulé est venu me voir le 1er décembre. Je le lui ai peut-être dit, mais je ne m'en souviens

pas.

M. Paradis: D'accord. Le Il décembre, est-ce que vous avez dit à Me Beaulé: Me Jasmin est venu me voir le 4 décembre?

M. Boivin: II est fort possible que je le lui aie dit. Je ne m'en souviens pas.

M. Paradis: Vous ne vous en souvenez pas.

M. Boivin: Mais non.

M. Paradis: D'accord. Mais vous vous souvenez, par exemple, pour l'avoir expliqué en réponse à des questions de collègues, de l'essentiel de l'argumentation de ces deux procureurs: un qui représentait le syndicat québécois et l'autre qui représentait le syndicat américain.

M. Boivin: C'est-à-dire, comme je vous l'ai dit, que je ne me souviens pas à quelle date ils m'ont présenté les arguments, mais je présume - parce que cela [n'apparaîtrait d'une logique presque irréfutable - que cela fut au cours des premières conversations au mois de décembre...

M. Paradis: D'accord.

M. Boivin: ...qu'ils me firent valoir ces arguments, puisqu'ils vinrent pour me sensibiliser à un dossier.

M. Paradis: Est-ce que Me Jasmin, à l'occasion de sa visite du 4 décembre -suivant la liste qui nous a été remise par le bureau du premier ministre - vous a parlé ou a souligné le fait qu'il avait rencontré, le 17 octobre ainsi que le 12 novembre, Me Yves Gauthier, l'ancien tuteur, maintenant devenu conseiller spécial du premier ministre?

M. Boivin: Non, M. le Président. M. Paradis: Absolument pas.

M. Boivin: Absolument pas. S'il me l'avait dit, je lui aurais dit...

M. Duhaime: M. le Président...

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Duhaime: ...je ne sais pas si je dois maintenant appeler cela une question de règlement ou une question de gros bon sens, mais, en tout cas, je vais la formuler comme étant une question de règlement.

J'écoute avec beaucoup d'attention le député de Brome - Missisquoi depuis qu'il a commencé son interrogatoire. Je me rends compte qu'il est le septième frappeur au bâton du côté libéral à reprendre systématiquement les mêmes questions, le même calendrier. S'il y a des questions additionnelles sur des précisions que vous voulez obtenir sur des points qui n'auraient pas été éclairés, faites-le. Mais, M. le Président, je vous rappellerai l'article 173. Il est normal, il est même "permis de poser de nouvelles questions pour obtenir des renseignements supplémentaires". Mais là, franchement, vous jouez avec les nerfs de pas mal de monde - si vous me passez l'expression - en recommençant systématiquement ce que j'appellerais un interrogatoire en chef ou un interrogatoire principal pour la septième fois. Cela commence à ressembler à de la répétition. Je n'appellerai pas cela du harcèlement parce que je connais bien M. Boivin; je sais qu'il a un bon caractère également. Mais le calendrier, on l'a tous sous les yeux, il est très clair et très net. S'il y a des éléments qui ont échappé, M. le Président, au député de Brome-Missisquoi, je n'ai aucune espèce d'objection à ce qu'il formule des questions pour avoir des informations additionnelles, mais, s'il recommence systématiquement pour la septième fois ce que d'autres de ses collègues ont mal fait ou bien fait - en tout cas, chacun en tirera sa propre conclusion -on n'en finira pas. Il y a neuf intervenants de l'autre côté; c'est le septième. Il y en a peut-être un huitième ou un neuvième qui va se pointer. Il va à la pêche de temps en temps et il revient. Ce que je trouve, M. le Président, c'est qu'on n'a rien appris depuis dix, quinze minutes; on vire autour, on taponne. Les dates ne changeront pas. M. Untel a rencontré M. Untel tel jour, il nous l'a dit. Cela fait cinq, six, sept fois qu'il dit la même chose. Alors...

M. Lalonde: M. le Président, sur la question de règlement.

M. Duhaime: En vertu de la règle du gros bon sens...

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Brome-Missisquoi sur la question de règlement.

M. Paradis: Non. M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: Si vous permettez, sur la question de règlement.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: Naturellement, je pense que c'est un bel effort de la part du ministre, M. le Président.

M. Duhaime: ...

M. Lalonde: II y a un remaniement dans l'air.

Le Président (M. Jolivet): M. le député!

M. Lalonde: C'est bon d'avoir à aller au bâton pour le chef de cabinet du premier ministre, cela ne nuit pas.

Le Président (M. Jolivet): M. le député, sur la question de règlement, sur la question de règlement.

M. Duhaime: Je ne comprends pas, M. le Président.

M. Lalonde: Est-ce que vous voulez que je répète?

M. Duhaime: Oui.

M. Lalonde: J'ai dit que c'était un bel effort.

M. Duhaime: Dans quel sens?

M. Lalonde: C'est qu'il y a peut-être un remaniement dans l'air. Il y en a toujours, n'est-ce pas, et réellement c'est... Félicitations.

M. Duhaime: J'en prends bonne note.

M. Lalonde: Mais il reste que la mémoire du ministre est peut-être un petit peu fragile. On sait combien les mémoires sont fragiles. C'est la faculté de la mémoire d'oublier. Il ne se souvient pas que les questions qui ont été posées sur les événements rappelés par les questions du député de Brome-Missisquoi ne sont pas les mêmes. On peut poser douze questions sur une réunion. D'ailleurs, M. le Président, vous êtes probablement le plus vigilant de tous ceux... Je ne demanderais pas à... Comment il appelait cela?

Le Président (M. Jolivet): Non. Attention à ce que vous allez dire! Attention à ce que vous allez direl

M. Lalonde: Les députés péquistes. Comment les journalistes appelaient cela?

Le Président (M. Jolivet): M. le député! M. le député!

M. Lalonde: Je ne demanderai pas à la flopée des "back-benchers" de surveiller les questions ici, mais vous le faites et je vous fais confiance que, lorsqu'on se répétera, vous allez nous le dire.

M. Perron: M. le Président, une question de règlement.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Duplessis.

M. Perron: Lorsque le député de Marguerite-Bourgeoys parle de la flopée de "back-benchers", je voudrais... Non, non, non. Je m'excuse.

M. Lalonde: C'est un journaliste qui a dit cela.

M. Perron: Je voudrais vous demander combien il y en avait dans le temps que vous étiez 102, en 1973?

Le Président (M. Jolivet): Ce n'est pas une question à laquelle le député de ...

M. Lalonde: Si j'étais méchant, je vous souhaiterais le même sort que...

Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! S'il vous plaît! S'il vous plaît! S'il vous plaît! S'il vous plaît!

M. Perron: ...le député de Marguerite-Bourgeoys ou que d'autres députés à cette table.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Brome-Missisquoi, en revenant à vos questions de façon à terminer le plus rapidement possible.

M. Lalonde: Oui, oui... Malgré leurs décisions, malgré leurs erreurs.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Brome-Missisquoi.

M. Paradis: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): À l'ordre! M. le député de Brome-Missisquoi.

M. Paradis: Je suis certain que vous veillez au maintien de l'ordre et, chaque fois que j'ai eu à répéter une question - je l'ai d'ailleurs souligné après avoir relu les transcriptions - j'ai attiré l'attention du chef de cabinet pour qu'il n'ait pas à répéter deux fois et j'ai résumé le plus brièvement possible. Mais les tentatives d'obstruction et de camouflage du ministre ne m'aident pas...

Le Président (M. Jolivet): M. le député. M. le député. M. le député, si vous vouliez aller tout de suite aux questions, cela va aller plus vite.

M. Paradis: Oui. Cela va, M. le Président.

M. Duhaime: M. le Président, je vais soulever une nouvelle question de règlement.

Le Président (M. Jolivet): Oui, M. le ministre.

M. Duhaime: Quand je soulève une question de règlement ici, ce n'est ni pour faire de l'obstruction ni pour camoufler quoi que ce soit. Mettez cela dans votre pipe.

M. Lalonde: Vous vous êtes bien trompé.

M. Duhaime: Non, je m'excuse. Cela, a toujours été dans le sens de ne pas nous faire perdre notre temps. Voulez-vous que je sorte les éditoriaux encore une fois? J'en ai plein ma valise, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): Mais pas dans votre question de règlement.

M. Duhaime: Tout le monde va le constater.

Le Président (M. Jolivet): Mais pas dans votre question de règlement.

M. Duhaime: On perd notre temps et on perd encore notre temps depuis une demi-heure.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Brome-Missisquoi, en allant rapidement et en faisant en sorte de ne pas faire de répétition.

M. Paradis: M. le Président, je prends la parole du ministre en me rappelant que les apparences sont souvent trompeuses. (21 heures)

Le Président (M. Jolivet): M. le député...

M. Paradis: Je reviens donc. On avait procédé... Pour replacer ceux qui nous écoutent dans le débat, on avait résumé ce qui était arrivé avant novembre 1978. Nous sommes maintenant en novembre 1978, l'appel de Louis Laberge. Le 1er décembre 1978, Me...

M. Lalonde: Voulez-vous un café?

Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît:

M. Paradis: Je recommence. On avait résumé les événements d'avant novembre 1978. En novembre 1978, on avait rappelé l'appel de M. Louis Laberge. On s'était rappelé que, le 1er décembre 1978, Me Beaulé, à l'occasion d'une visite à vos bureaux, vous avait remis sa défense. On avait fait état de la rencontre du 4 décembre avec Me Jasmin ainsi que de celle du Il décembre avec Me Beaulé.

J'en étais - toujours en suivant la chronologie des événements dans le texte que vous avez eu la gentillesse de nous préparer - aux renseignements que vous aviez pris avant de vous former une opinion, à l'opinion de Geoffrion et Prud'homme dont vous aviez pris connaissance. Vous avez répondu à des questions de mes collègues que c'était le seul document de chez Geoffrion et Prud'homme que vous aviez consulté. On sait qu'il y avait également une autre étude juridique qui représentait la Société d'énergie de la Baie James. On sait qu'il y avait également un procureur, Me Gadbois, à l'interne, qu'on appelle. Est-ce que vous avez consulté quelqu'un d'autre que Me Cardinal et un autre document que celui auquel on se réfère comme étant l'opinion juridique de 1975?

M. Boivin: Non.

M. Paradis: Je vous réfère au paragraphe 4 de votre déclaration. Vous nous dites: "Afin de me former une opinion, j'ai écouté les représentations de MM. Laberge, Beaulé et Jasmin. J'ai pris des informations au sujet de la poursuite auprès du bureau d'avocats Geoffrion et Prud'homme et, finalement, j'ai lu le rapport Cliche." Quant à M. Laberge, vous nous dites, à la page 1 de votre mémoire que votre conversation téléphonique de novembre fut très brève. Est-ce que vous avez eu d'autres renseignements de M. Laberge à l'occasion d'une autre conversation téléphonique? Est-ce que le premier ministre - je vais vous poser plusieurs questions, cela accélérera peut-être - a eu des conversations avec M. Louis Laberge dont il vous aurait fait part? Est-ce que vous avez eu d'autres renseignements que cette brève conversation qui vous dit: Jasmin va aller te voir?

M. Boivin: M. le député, pour répondre à votre question, à la page 2, au paragraphe 4, je dis: "J'ai écouté la présentation de M. Laberge..." J'ai écrit le nom de M. Laberge simplement pour être complet puisqu'il m'a téléphoné, mais c'est vraiment pour être complet parce que les représentations - s'il en a faites - étaient si brèves que... Je visais surtout Mes Beaulé et Jasmin. Quant à votre deuxième question, si le premier ministre a vu M. Laberge pour parler de cette affaire, je ne le sais pas. Enfin, il ne me l'a pas dit. Il ne m'a pas dit: M. Laberge m'en a parlé, etc. Je ne le sais pas à ce jour. Pour ce côté-là, c'est tout; pour ce côté-là, le côté syndical.

M. Paradis: Quant à Me Beaulé, vous vous référez strictement à votre rencontre du 1er décembre, à la défense qu'il vous a soumise à ce moment-là ainsi qu'à la rencontre du Il décembre.

M. Boivin: C'est juste.

M. Paradis: Quant à Me Jasmin, vous vous référez strictement à la rencontre que vous avez eue avec lui le 4 décembre?

M. Boivin: C'est juste.

M. Paradis: Quant au rapport Cliche... Vous dites: "Finalement, j'ai lu le rapport Cliche." Est-ce que c'était la première lecture que vous en faisiez? Est-ce que vous l'avez faite de façon complète?

M. Boivin: Sûrement pas de façon complète. J'ai dit cela de mémoire. La vraie réponse, je devrais dire que je ne m'en souviens pas, mais je peux affirmer vraisemblablement que je l'ai lu en diagonale pour essayer de trouver des bouts qui se rapportaient à cela, à ce moment-là.

M. Paradis: Est-ce que c'était la première lecture que vous en faisiez? Parce que vous dites: "Finalement... Je le replace dans le temps, après les autres événements.

M. Boivin: Ce que je voulais dire en disant "finalement", c'est qu'après avoir parlé à MM. Beaulé, Jasmin... Ce que je veux dire, c'est qu'en décembre, j'ai lu le rapport Cliche.

M. Paradis: En diagonale. M. Boivin: En diagonale.

M. Paradis: Cela va. C'est là que vous avez tiré vos conclusions personnelles, si je me fie au texte que vous nous avez remis et où vous dites: "J'en suis venu à la conclusion qu'il devait y avoir règlement hors cour pour les causes suivantes: a) l'incapacité évidente des syndicats québécois... - on a déjà passé à travers tout cela - b) la non-responsabilité de la très grande majorité des syndiqués ordinaires, etc. - et là, vous faites référence au rapport de la commission Cliche que vous avez lu en diagonale - c) mon très grand septicisme quant à la capacité de la SEBJ de faire établir par les tribunaux canadiens la responsabilité civile du syndicat américain." J'imagine qu'à ce moment-là, vous faites référence à certains passages de l'opinion de Geoffrion et Prud'homme, de 1975 quand même.

Vous ajoutez à la fin: "Cette commission parlementaire a entendu de longs exposés juridiques sur la responsabilité civile possible du syndicat amércain. À ce sujet, la conclusion personnelle à laquelle je suis arrivé me suffisait." Vous ajoutez que, "de façon subsidiaire, le climat de paix sociale qui existait sur le chantier..." Mais vous avez dit, en réponse à d'autres questions, que c'était de façon très très subsidiaire. Quant à vous, l'affaire est dans le sac; avant le congé de Noël, c'est réglé. Je vous réfère à la page 7, paragraphe 5, et je vous cite: "Avant le congé de Noël, j'ai fait un court rapport verbal à M. Lévesque des faits que je connaissais de ce dossier et des représentations qui m'étaient faites par la FTQ ainsi que par Me Beaulé, le procureur du syndicat américain." J'ai quelques questions très spécifiques.

Lorsque vous parlez des représentations qui vous ont été faites par la FTQ, à part M. Laberge, avec qui vous avez eu une très brève conversation téléphonique, et Me Jasmin, que vous aviez rencontré pour une durée maximale de 40 minutes le 4 décembre 1978 et qui était l'avocat de la FTQ, avez-vous eu d'autres représentations de la part de la FTQ?

M. Boivin: Non, pas de la FTQ; je veux être bref et je vise ici à la fois M. Laberge et M. Jasmin.

M. Paradis: D'accord. Lorsque vous parlez de Me Beaulé, ce sont les rencontres du 1er et du Il décembre?

M. Boivin: Exact.

M. Paradis: II n'y a pas d'autre chose que cela?

M. Boivin: Si vous me permettez, M. le député, je suis sûr que vous ne l'avez pas fait exprès. Quant aux syndicats représentés par Me Jasmin, vous avez résumé très brièvement mon mémoire. Il est très bien résumé, mais je trouve que, quant au syndicat américain, pour moi personnellement en tout cas, ce qui ressort de mon texte, que je vous présente en toute déférence, c'est que, ce qui était le plus important dans mon idée et qui le demeure encore aujourd'hui, si vous me posez la question en 1983, ce sont les deux premiers alinéas de la page 7, c'est-à-dire ce que j'appelle le côté non équitable de poursuivre les Américains pour les pots cassés par des bandits québécois.

M. Paradis: Je vous réfère à la page 38 du document Correspondance et lettres du cabinet Geoffrion et Prud'homme. Vous n'aviez pas encore l'opinion du Il décembre 1978 concernant la solvabilité des défendeurs recherchés en justice, etc.

M. Boivin: C'est juste.

M. Paradis: C'est pour cela que je l'avais sauté rapidement, parce que j'avais tenu pour acquis que vous ne l'aviez pas, mais vu que vous... Pas sur celle-là, je m'excuse, on continue. Vous aviez fait rapport au premier ministre et, en haut de

la page 8, vous dites: "M. Lévesque - vous vous référez sans doute à celui pour qui vous travaillez - m'a dit "qu'il était évident" que cette cause devrait se régler hors cour aux conditions dont les parties auraient elles-mêmes convenu et il m'a demandé de faire connaître son opinion au président de la SEBJ et de me tenir au courant de l'évolution du dossier afin de pouvoir l'en informer." Vous vous souvenez comment cela s'est produit? Votre mémoire est fidèle jusqu'à ce moment-là; est-ce exact?

M. Boivin: Je résume au meilleur de mon souvenir le mandat que m'a donné M. Lévesque.

M. Paradis: Donc, si j'essaie de résumer cette période... Le ministre m'avertit de ne pas trop résumer et il trouve qu'on prend trop de temps. Il va falloir s'entendre. Je tente de condenser pour gagner du temps. D'ailleurs, s'il y a quelque chose qui échappe à mon résumé, M. le chef de cabinet du premier ministre, je vous prie de l'ajouter. Après un appel téléphonique de M. Louis Laberge, président de la FTQ, en novembre, une rencontre de 30 minutes avec Me Beaulé, le 1er décembre, une rencontre de 40 minutes, au maximum, avec Me Jasmin, le 4 décembre, une rencontre - la deuxième - avec Me Beaulé d'un maximum de 50 minutes, le Il décembre - donc, vous vous souvenez de l'essentiel - la connaissance de l'opinion juridique de Geoffrion et Prud'homme du 16 décembre 1975 et la lecture en diagonale du rapport de la commission Cliche, vous aviez arrêté votre opinion, votre idée et elle a été endossée par le premier ministre du Québec.

M. Boivin: C'est juste, M. le Président.

M. Paradis: Très bien. Jusque-là, sauf les événements qui ont précédé novembre, pour cette période, à partir de novembre jusqu'à cette période, je n'ai absolument aucune difficulté à vous suivre. Là, on entrera peut-être dans la partie la plus complexe et je vous demanderai de m'aider, parce que, même si je suis le sixième ou le septième frappeur au bâton, il reste des trous énormes, selon moi, à combler. C'est là que cela commence...

M. Tremblay: ...

M. Paradis: ...des trous énormes à combler. Vous revenez des fêtes et, le 3 janvier 1979, suivant la liste qui nous est remise par le bureau du premier ministre, vous avez une rencontre avec M. Claude Laliberté, qui est le président-directeur général de la Société d'énergie de la Baie James. Il est entré en fonction au mois d'octobre précédent. C'est le nouveau P.-D.G.

Je vous cite au texte. Vous avez cette rencontre pour lui dire que le premier ministre était favorable à un règlement hors cour. Vous ajoutez: "Si la mémoire m'est fidèle, M. Laliberté m'a alors dit qu'il verrait à soumettre cette question au conseil d'administration. Il disait douter cependant que le conseil puisse en arriver à une décision avant le début du procès fixé pour le 15 janvier." Vous y avez fait allusion, à ce paragraphe. J'ai simplement une question à vous poser quant à cette allusion. C'est la suivante: Lorsque M. Laliberté vous a dit qu'il verrait à soumettre cette question au conseil d'administration, est-ce que c'est vous qui lui aviez demandé de la soumettre au conseil d'administration?

M. Boivin: II ne me serait pas venu à l'idée de le lui demander, parce que cela m'apparaissait et cela m'apparaît encore aujourd'hui une démarche normale. M. Laliberté ne peut pas décider d'une telle question seul. Il faut nécessairement qu'il la soumette à son conseil d'administration. Je pense que le sens de ma phrase n'est pas tellement pour souligner qu'il devrait la soumettre à son conseil d'administration, parce que c'est un peu parler pour ne rien dire, mais il disait douter, cependant, que le conseil puisse en arriver à une décision avant le 15 janvier.

Le Président (M. Jolivet): Je vais vous arrêter seulement pour quelques instants, parce que le ministre aurait une question à poser concernant Me Jasmin. M. le ministre.

M. Duhaime: M. le Président, ce matin, on m'a donné des indications, sous réserves, bien sûr, disant que notre invité pourrait être libéré sinon avant 18 heures, du moins très tôt après 20 heures. En conséquence, nous avons, par le Secrétariat des commissions, fait convoquer l'honorable juge Jasmin qui est ici présent, assisté de son procureur, et qui est prêt à venir au bout de la table nous dire ce qu'il a à nous dire. Je voudrais avoir une indication - pas plus qu'une indication - du côté de l'Opposition, à savoir si l'interrogatoire du député de Brome-Missisquoi, en tenant pour acquis qu'il n'y aurait pas trop de questions de règlement à travers ses questions, pourrait être terminé d'ici un quart d'heure. Je demanderais, à ce moment-là, que l'honorable juge Jasmin reste à la disposition de la commission. Mais si cela doit passer 21 h 30, je voudrais vous aviser que je vous proposerais qu'on le libère pour lui demander d'être présent demain matin à 10 heures, en lui offrant nos excuses, les miennes en particulier, parce que c'est la huitième ou la neuvième fois que je me fais attraper par les indications du député de Marguerite-Bourgeoys quant à la durée des travaux.

M. Paradis: ...l'obstruction et les lectures d'éditoriaux.

M. Duhaime: J'avoue honnêtement que je suis fort peiné que l'on ne soit pas en mesure de programmer davantage les travaux de la commission. Je ne dis pas à la demi-heure près, il n'y a pas de problème. Mais j'avais pensé que, après sept interrogatoires et dans la huitième semaine de nos travaux, nous pourrions espérer une accélération quelconque. C'est l'indication que je demande à l'Opposition. (21 h 15)

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: J'ai encore chuté, M. le Président. Je me suis fié aux députés ministériels. C'est une erreur que je répète et je prends le ferme propos de ne plus jamais le faire. Je pensais qu'on pourrait terminer l'interrogatoire de Me Boivin vers 18 heures. Mais, les interruptions, la lecture d'éditoriaux, enfin, l'interférence carabinée des ministériels nous ont empêchés de terminer. Je m'en excuse auprès de Me Boivin et aussi...

M. Tremblay: On vous dérange?

M. Lalonde: ...auprès de M. le juge Jasmin.

M. Tremblay: On pourrait s'en aller.

M. Lalonde: Je n'ai pas participé à la décision de le convoquer ce soir. Cela a été pris... Mais, j'avais indiqué que j'espérais qu'on ait terminé vers 18 heures avec Me Boivin. Malheureusement, on ne terminera pas avant 21 heures 30.

Le Président (M. Jolivet): Donc, compte tenu des demandes qui sont faites, nous allons permettre à Me Jasmin de quitter, s'il le désire, et lui demander d'être disponible pour demain matin, 10 heures. Mais, je constate, comme président, que, de part et d'autre, on a des opinions partagées. M. le député de Brome-Missisquoi.

M. Paradis: Merci, M. le Président. Je vous remercie d'avoir partagé les opinions. Donc, pour reprendre un peu le fil de nos idées, avant les fêtes, avant le congé de Noël, M. Lévesque vous dit qu'il est évident que cette cause - M. Lévesque, le premier ministre - devrait se régler hors cour, aux conditions dont les parties auraient elles-mêmes convenu, etc. Le 3 janvier, au retour du congé des fêtes, vous rencontrez M. Claude Laliberté, le nouveau président-directeur général de la Société d'énergie de la Baie James, pour lui dire que le premier ministre était favorable à un règlement hors cour. M. Laliberté - et je mets la réserve -si votre mémoire vous est fidèle, vous a alors dit qu'il verrait à soumettre cette question au conseil d'administration. Vous avez répondu à une de mes questions que ce n'était pas à la suite de l'une de vos demandes qu'il aurait dit cette chose-là, que cela apparaissait tout à fait normal. Qu'est-ce que vous lui avez répliqué lorsqu'il vous a dit qu'il soumettrait cette question au conseil d'administration? Et je vais élargir un peu ma question: Est-ce que vous avez discuté des positions que M. Laliberté concevait des administrateurs au conseil d'administration quant à cette possibilité de régler hors cour?

M. Boivin: Non, M. le Président. À mon souvenir, non. Comme je l'ai dit à quelques reprises, j'ai fait valoir les arguments qui m'apparaissaient militer en faveur d'un tel règlement et j'ai dit, je crois, que M. Laliberté ne s'est pas commis.

M. Paradis: II ne s'est pas commis lui-même, mais est-ce que vous avez senti qu'il était favorable?

M. Boivin: J'ai dit et je le maintiens que, lorsque M. Laliberté est sorti de mon bureau, si on m'avait demandé s'il était favorable ou non, j'aurais dit que je ne le savais pas.

M. Paradis: Au paragraphe suivant de votre exposé, vous dites: "Du 3 janvier -donc, de cette rencontre-là avec M. Laliberté - jusqu'à la rencontre du premier ministre avec les trois membres du conseil d'administration de la SEBJ, tenue le 1er février 1979, j'ai, à quelques reprises, parlé brièvement de cette affaire à M. Lévesque pour l'informer de l'évolution générale du dossier. Il en fut de même après le 1er février." Autrement dit, vous aviez des échanges constants avec le premier ministre pour lui faire rapport de l'évolution du dossier?

M. Boivin: Pas constants, périodiques, pour lui dire des choses du genre: Cela négocie.

M. Paradis: Cela va bien?

M. Boivin: Cela va bien, cela négocie.

M. Paradis: Cela va dans le sens du sentiment que vous avez émis?

M. Boivin: Oui. Je veux dire que je n'ai pas d'indication de blocage.

M. Paradis: Et, vous concluez finalement, avant d'analyser les propos du journal La Presse, au paragraphe 8: "En bref,

j'ai été approché par MM. Laberge, Jasmin et Beaulé qui m'ont fait des représentations. J'ai étudié le dossier et j'ai fait... M. le Président, on me souffle...

Le Président (M. Jolivet): Non, non, ce n'est pas à vous qu'il a parlé, à ma connaissance. Mon oreille droite est sensible, moi aussi.

M. Paradis: Ah, cela val Cela va, M. le Président, je vais donc...

Le Président (M. Jolivet): Mon oreille gauche aussi.

M. Paradis: Je vais donc reprendre. Si c'est la troisième fois que je le dis, c'est que c'est la troisième fois que c'est écrit dans le texte que nous a donné le chef du cabinet. Si vous avez à vous plaindre du texte du chef du cabinet, c'est au bunker de l'autre côté.

Le Président (M. Jolivet): Allez-y donc pour vos questions.

M. Vaillancourt (Jonquière): On aime mieux ramasser des faits, nous.

M. Paradis: En bref, au paragraphe 8: "J'ai été approché par MM. Laberge, Jasmin et Beaulé qui m'ont fait des représentations. J'ai étudié le dossier et j'ai fait au premier ministre les recommandations que je croyais appropriées. J'ai ensuite rencontré M. Claude Laliberté, comme il est dit plus haut enfin, je me suis tenu au courant de l'évolution générale du dossier."

On va retomber dans la période où j'ai beaucoup de difficulté à vous suivre. Le 12 janvier, le registre qu'on nous a remis indique une visite à Jean-Roch Boivin, chef de cabinet, de Michel Jasmin, de 15 h 56 à 17 h 26. On est le 12. C'est à votre retour de la Louisiane le 12 janvier et la fin de semaine, le vendredi qui précédait l'ouverture du procès, le 15 janvier. Le 15 janvier, on indique une visite à Jean-Roch Boivin de Rosaire Beaulé, de 17 h 34 à 18 heures. C'est la journée de l'ouverture du procès. Même journée, une visite à Jean-Roch Boivin de Michel Jasmin, de 17 h 34 à 18 heures. Le 16 janvier, le deuxième jour du procès, une visite à Jean-Roch Boivin de Michel Jasmin, de 15 h 23 à 16 h 06. Le 17 janvier, ce n'est pas vous qui avez la visite, suivant l'horaire qu'on nous a remis, c'est Me Yves Gauthier, le conseiller spécial, qui a la visite de Me Michel Jasmin, de Il h 45 à 14 h 45. On oublie celle-là. Le 19 janvier, vous avez deux visites. Celle de Michel Jasmin, de 15 h 20 à 16 h 30, et celle de Rosaire Beaulé, de 15 h 36 à 16 h 31. Le 1er février, c'est la rencontre historique des trois P.-D.G. Le 2 février, vous rencontrez dans l'avant-midi Rosaire Beaulé, de 10 h 07 à Il h 12, ainsi que Michel Jasmin, de 10 h 22 à Il h 47; vous allez luncher avec Me Cardinal et Me Aquin. Le 6 février, ce n'est pas à vous que la visite est faite, c'est à Me Yves Gauthier de la part de Me Michel Jasmin, de 8 h 55 à 10 h 25. Le 9 février, vous avez deux visites, Michel Jasmin, de 14 h 20 à 17 h 15, et Jean-Paul Cardinal, de 16 h 30 à 17 h 05. Le 16 février, vous n'avez pas de visite. C'est Yves Gauthier, conseiller spécial au premier ministre, qui en a deux: Yvan Latouche, de 10 h 09 à

Il h 43, et Michel Jasmin, de 10 h 23 à Il h 43. Le 27 février, une visite à Jean-Roch Boivin de Jean-Paul Cardinal, de 10 h 45 à 10 h 55.

Quant à la dernière visite du 27 février, j'ai une explication, elle m'a été fournie par Me Cardinal lorsqu'il est venu devant cette commission et je vous réfère au ruban 704, page 1. Il est allé vous voir quelques minutes et il vous a dit - c'était la fin - "Jean-Roch, cette affaire est maintenant devant le bureau d'administration de la Société d'énergie de la Baie James, je m'en vais en vacances."

J'ai compilé, par ce qu'on nous a remis, quatre ou cinq séries de visites...

M. Duhaime: M. le Président, est-ce que votre oreille droite...

Le Président (M. Jolivet): Oui, je peux vous écouter, M. le ministre.

M. Duhaime: Je vais être obligé d'invoquer une nouvelle question de règlement, je le regrette, mais, si tout le monde nous suit, je n'ai rien appris de très neuf jusqu'à présent. Si le député de Brome-Missisquoi prépare un commentaire, qu'il nous le dise. Les questions sont très rares. J'aimerais qu'on pose des questions à Me Boivin. S'il n'a plus de questions à poser, M. le Président, on va passer à un autre frappeur au bâton. Ce qu'on est en train de faire, c'est qu'on revit systématiquement la déclaration, pourtant claire, que Me Boivin a faite. On réénumère ad nauseam en ajoutant les heures d'entrée et de sortie au bureau du premier ministre sans que pour autant ce soient des heures d'entretien avec Me Boivin. Cela fait sept ou huit fois... J'avoue honnêtement que je les sais par coeur. Je ne vois pas pourquoi ce scénario continue, à moins que le député de Brome-Missisquoi n'ait reçu un mandat, ce soir, de tenir le temps jusqu'à 22 heures. Si c'est cela l'objectif, on va s'asseoir tranquille et on va vous écouter parler...

M. Lavigne: ...15 000 $ par jour.

M. Duhaime: ...parce qu'un long monologue, comme cela, coûte beaucoup

d'argent et j'aimerais qu'on avance dans des choses concrètes et bien précises. On perd notre temps, M. le Président.

M. Paradis: Sur la question de règlement, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): Allez, M. le député de Brome-Missisquoi.

M. Paradis: J'essaie de suivre le ministre sur deux de ses arguments. Lorsque je pose des questions, visite par visite, il me dit que c'est trop long. Lorsque je tente de globaliser les visites pour gagner du temps et pour que cela aille plus vite, il me dit que je les globalise, il me dit que cela coûte cher. Ce n'est pas moi qui fais rénover son bureau pour 150 000 $... C'est 120 000 $? On vient d'épargner 30 000 $...

Le Président (M. Jolivet): M. le député. M. le député, cela n'a rien à voir avec la commission.

M. Lalonde: C'est la suite du ministre.

M. Duhaime: Je m'excuse, M. le Président, je vais soulever une question de règlement.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre, je pense que je vais vous l'accorder.

M. Duhaime: Je m'attendais à une question à l'Assemblée nationale sur ce sujet aujourd'hui. Si vous voulez vous reprendre demain, on peut demander au leader du gouvernement d'accorder son consentement, ou à votre caucus, si vous voulez, de vous accorder la première question et on aura l'occasion de s'expliquer dans le salon bleu là-dessus. Vous allez ravaler votre gomme, soyez sans inquiétude.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Brome-Missisquoi, de façon à permettre l'accélération des travaux, pour peut-être terminer avant 22 heures, si possible - je pense que cela ferait plaisir à tout le monde, étant donné les circonstances - allez-y donc d'une question.

J'essayais de vous suivre moi aussi; votre résumé cela fait plusieurs fois que je l'écoute et que je l'entends. Je suis encore patient, je vais l'écouter, mais je veux savoir si vous avez une question.

M. Paradis: M. le Président, vous constaterez comme moi que c'est plus facile de globaliser et de poser la question sur l'ensemble des rencontres, parce que les réponses sur toutes les rencontres...

M. Laplante: II a donné ses réponses.

Le Président (M. Jolivet): Je vous écoute.

M. Paradis: Cela va, M. le Président. J'aimerais que l'on puisse procéder dans le calme.

M. Laplante: Oui, mon père.

M. Paradis: Sur toutes les rencontres qui ont suivi l'ajournement des fêtes, sauf la rencontre du 3 janvier avec M. Claude Laliberté, président de la SEBJ, et celle du 1er février avec votre patron, le premier ministre, j'ai noté: À relire la transcription de votre témoignage jusqu'à hier. Également, en réponse aux questions de mes collègues, qui vous ont posé des questions, ce qui revenait comme réponse, c'est que vous n'aviez pas souvenir de l'essentiel des événements qui s'étaient déroulés à l'occasion de ces rencontres. Je vous ferais remarquer, strictement dans le but de vous aider à en avoir un souvenir, si possible, que vous vous êtes souvenu de tout ce qui est arrivé avant les fêtes de façon assez impeccable, et je vous en félicite, jusqu'à votre recommandation au premier ministre d'abandonner les poursuites et de régler hors cour. Vous aviez eu une réunion de deux heures.

Le Président (M. Jolivet): M. le député, je ne veux pas vous être désagréable, mais je vais être obligé de l'être si cela continue. Allez-y donc à la question, cela va être bien plus simple.

Une voix: Cela s'en vient, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): Je ne voudrais pas que vous profitiez de vos questions pour faire des commentaires que vous aurez le droit de faire après.

M. Paradis: C'est cela.

Le Président (M. Jolivet): M. le député, j'essaie d'être le plus juste possible envers tout le monde.

M. Paradis: J'indique à notre invité, le chef de cabinet du premier ministre, que les rencontres d'avant les fêtes, au total, pour se faire une idée et pour recommander au premier ministre d'abandonner la cause et de régler hors cour, ont duré, suivant l'information qu'il nous a donnée, deux heures, soit 120 minutes. Il y en a eu quatre. Après les fêtes, on ne peut se souvenir de rien, mais il y a eu dix rencontres et cela a duré - là, je les jumelle - 707 minutes, Il 3/4 heures. Pendant ces Il 3/4 heures, pouvez-vous nous dire - c'est la question, je sais que, de l'autre côté, on

ne voudra pas l'entendre...

Le Président (M. Jolivet): M. le député, un instant!

M. Laplante: II y a une limite!

Le Président (M. Jolivet): Que ce soit avant ou que ce soit après, pour être honnête envers tout le monde, incluant la personne qui est devant nous, il est indiqué sur les feuilles - là, je pense que je joue le rôle d'un président qui doit être...

M. Vaillancourt (Jonquière): Oui, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): ...honnête envers tout le monde - que ce n'est pas nécessairement des heures où il y a eu des discussions ou des rencontres, mais c'est l'heure d'entrée et de sortie d'une bâtisse dans un lieu. Je pense qu'il y a une différence. Vouloir poser une question comme celle-ci est vraiment injuste.

M. Paradis: M. le Président, je l'avais équilibrée. Je vous dis cela en toute justice. J'avais calculé de la même façon le temps d'avant les fêtes...

Le Président (M. Jolivet): Je le sais, mais ce n'est pas plus normal avant qu'après.

M. Paradis: Bon, je vais la reformuler pour vous faire plaisir, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): Mais sans la résumer.

M. Paradis: Mais, si je ne la résume pas, elle sera plus longue.

Le Président (M. Jolivet): M. le député, je ne voudrais pas que...

M. Paradis: Non, mais...

Le Président (M. Jolivet): ...l'on s'amuse, ce n'est pas le but de la commission. Allez-y de votre question à Me Boivin. Arrêtez de mettre toute une phraséologie autour qui fait en sorte que, finalement, vous ne rendez justice à personne. Allez-y de votre question.

M. Laplante: ...courte, cela aussi.

M. Paradis: Je suis d'opinion que le chef de cabinet du premier ministre de la province de Québec est capable de distinguer les choses qui ont à être distinguées dans la question; il a cette compétence et il peut le faire. Je ne m'adresse pas à un témoin démuni. Il est accompagne d'un avocat. Je pose la question le plus honnêtement et le plus objectivement possible. Je vais la reformuler comme vous voulez, en enlevant, avant comme après - parce que je l'avais mis avant comme après, c'est la même justice et la même balance - les minutes dont vous parlez. Je la reformule de la façon suivante: Avant les fêtes, M. le chef de cabinet du premier ministre...

Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît!

Allez, M. le député. (21 h 30)

M. Paradis: M. le chef de cabinet du premier ministre, M. Boivin, avant les fêtes, dans un temps maximal - parce que c'est le maximum - de deux heures de rencontre, vous vous êtes fait une idée, à savoir de recommander au premier ministre d'abandonner la poursuite et de régler hors cour et vous vous souvenez de l'essentiel de toutes les discussions que vous avez eues.

Après les fêtes, vous avez eu dix rencontres - là je les ai condensées parce qu'il y en a plus que cela si on les prend individuellement - qui ont duré un maximum - parce qu'ils n'étaient pas toujours dans votre bureau, il y a le temps d'ascenceur, dans le bureau du premier ministre, il y a peut-être du temps d'attente - de 707 minutes. Traduit en heures, c'est onze heures et trois quarts. Ce qui m'inquiète, comme député à l'Assemblée nationale du Québec, c'est que vous avez répondu à mes collègues qui vous ont posé des questions que vous ne vous souveniez de l'essentiel d'aucune de ces réunions. Je vous demande ce soir, M. le chef de cabinet du premier ministre, de tenter de me donner l'essentiel du contenu, parce que la décision était prise de régler hors cour et d'abandonner la poursuite. Que s'est-il passé pendant ce maximum de onze heures et trois quarts?

Le Président (M. Jolivet): Me Boivin.

M. Boivin: Très calmement. Cela ne m'a pas pris deux heures pour me faire une idée. J'ai eu des rencontres pendant deux heures à la suite desquelles j'ai peut-être réfléchi. D'ailleurs, je ne sais pas si vous comptez la visite au bureau de Geoffrion et Prud'homme dans les deux heures. Enfin, j'espère qu'on n'est pas à des minutes près.

M. Paradis: Oui, c'est pour cela que je l'avais demandé tantôt.

M. Boivin: Deuxièmement, je crois que votre question, telle que formulée, est une charge - je ne dis pas que vous faites exprès - qui peut apparaître un peu injuste à mon égard parce qu'il est évident que je n'ai pas passé, avec Me Jasmin en particulier... Lorsque le nom de Me Beaulé apparaît, je n'ai pas trop de chicanes sur le temps.

Lorsque le nom de Me Jasmin apparaît, il est évident que je n'ai pas passé le temps inscrit là - entrées et sorties - avec Me Jasmin. Mais enfin, je ne me chicane pas sur les minutes.

M. Paradis: Moi non plus.

M. Boivin: Troisièmement, autant avant qu'après les fêtes - il est injuste de dire que j'ai une mémoire avant les fêtes et que je n'en ai pas après les fêtes - dans les deux périodes ou les deux époques, j'ai des souvenirs globaux. Avant les fêtes, je vous ai dit: Le 4 décembre, je ne m'en souviens pas. Le Il décembre, je ne m'en souviens pas. J'ai dit cela jeudi, mais j'ai dit: Cependant, je fais une reconstitution qui m'apparaît d'une logique irréfutable. Ils m'ont présenté les arguments. Je m'en souviens, ils me les ont présentés pendant deux mois. Je ne peux les oublier, je suis tanné de les entendre. Alors, avant les fêtes, je m'en souviens de façon globale.

Après les fêtes, je m'en souviens de façon globale également, c'est-à-dire que, si on oublie la visite des Américains qui est une visite que j'appelle de politesse, ce sont essentiellement des visites surtout de Me Jasmin qui est très inquiet de savoir si le conseil d'administration va enfin accepter de régler sa cause hors cour. Si vous voulez une admission de ma part, M. le député, je vais vous le dire: Je pense que j'ai été très bon de recevoir aussi souvent M. Jasmin alors qu'il m'a répété souvent les mêmes arguments. Voilà.

M. Paradis: Ce que vous me dites essentiellement, Me Boivin, c'est que, pendant les dix rencontres - au maximum, je vais même le raccourcir, dix heures; je ne veux pas m'obstiner sur les minutes non plus, mais dix heures au maximum d'entrevues - il vous répétait continuellement les mêmes arguments que ceux qu'il vous avait répétés avant les fêtes?

M. Boivin: J'ai dit: Surtout Me Jasmin. Me Beaulé, le 15 janvier, j'en ai fait état. Ce n'est pas tellement les arguments de Me Beaulé le 15 janvier. Le 19 janvier, ce sont les Américains. Le 2 février, c'est quoi? Je ne le sais pas, je vais regarder dans mes notes.

M. Paradis: Le 2 février, c'est la journée du lunch et des rencontres avec tous les avocats de toutes les parties.

M. Boivin: C'est cela. Alors, j'ai dit que je ne me souvenais pas de ce qui s'était passé à la rencontre du 2 février avec Me Jasmin et Me Beaulé. Alors, Me Beaulé, on vient de régler son cas. Me Jasmin, c'est essentiellement ce que je viens de vous dire, mais je vous prie de croire... Je vais vous donner un exemple, même si je ne m'en souviens aucunement. Vous allez trouver cela drôle, je vous dis que je ne me souviens pas et je veux affirmer d'autres choses. Le 9 février 1979, de 14 h 20 à 17 h 15, cela ferait près de trois heures, mais jamais au grand jamais, depuis que je suis au monde, Me Jasmin n'a passé trois heures dans mon bureau. D'ailleurs, je n'ai jamais vu quelqu'un passer trois heures dans mon bureau. Est-il sorti, est-il allé parler à Me Gauthier, est-il allé parler à Me Carpentier, est-il allé prendre un bureau libre et faire des appels téléphoniques? Je n'en sais rien. Je ne vais quand même pas extrapoler. Je regarde ces trois heures-là et je ne le nie pas - c'est inscrit au registre - mais je me dis: II y a quelque chose, cela marche, c'est exact, entrée et sortie, mais il n'a pas passé trois heures dans mon bureau.

M. Paradis: Je vous ai posé la question strictement parce qu'à la lecture des notes sténographiques - je vous dis pourquoi, pour qu'on se comprenne bien - et des réponses que vous avez données aux questions, j'ai noté aujourd'hui, à côté du 16 janvier: Sais pas. Le 2 février, les quatre rencontres avec toutes les parties: Sais pas. Le 9 février, j'ai noté: Sais pas. C'est ce que j'ai été obligé de noter à la suite des réponses que vous avez données. C'est pour cela que j'ai ramené la question et je ne le sais pas plus. Je vous avoue que...

M. Boivin: M. le député, il serait très impoli de ma part - donc, je ne le ferai pas - de répondre à une de vos questions par une question, et je ne le ferai pas. Je vous ferai remarquer que cela m'étonne que vous soyez étonné que je ne me souvienne pas. Quant à moi, les 27 février, 9 février, 2 février, 19 janvier, 16 janvier, c'est banal, cela. Je me souviens grosso modo de ce qui est arrivé. Si vous me disiez: Est-ce que votre femme n'était pas présente le 16 janvier pendant que Michel Jasmin était là? Je vous dirais: Je ne le sais pas. Je ne fais pas de blague. Si vous disiez: Est-ce que Me Jasmin était seul? Je dirais: Je ne le sais pas.

M. Paradis: Écoutez là, Me Boivin, il faut s'entendre quand même. Vous êtes le chef de cabinet du premier ministre...

M. Boivin: Cela ne me donne pas une meilleure mémoire pour tout cela.

M. Paradis: Non, non, cela ne vous donne peut-être pas... Cela ne vous en donne certainement pas une meilleure...

M. Boivin: Mais elle n'est pas mauvaise, je trouve.

M. Paradis: Vous m'apportez comme exemple... Je vous le mets en parallèle simplement pour fins de discussion, ce n'est même pas une question. Vous dites: Je suis certain que je n'ai pas négocié. De cela je me souviens et de cela je peux jurer. Si vous me demandiez si ma femme était là, cela je ne le sais pas. Écoutez... Vous me demandez, comme député, de croire cela?

M. Boivin: Ce n'est pas du tout pareil. Ce n'est pas du même ordre.

M. Paradis: Me Yves Gauthier - parce que c'est vous qui m'avez amené sur le terrain...

M. Tremblay: M. le Président...

Le Président (M. Jolivet): Juste un instant, j'ai une question du député de Chambly. Oui, M. le député de Chambly.

M. Tremblay: ...une question de règlement. Je crois que le député vient de mettre en doute la parole du témoin sous serment. Je lui demanderais de retirer cela, ou qu'on prenne action, comme le règlement le permet.

M. Lalonde: M. le Président, sur la question de règlement.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: Je ne veux pas être long parce que je voudrais qu'on termine à 22 heures. Il est permis de croire ou de ne pas croire un témoignage. Je pense que je n'apprends rien au député en lui disant que, devant les tribunaux, tous les jours, il y a des avocats qui plaident qu'un témoin ne doit pas être cru ou qu'une partie de son témoignage n'est pas crédible. Il y a des juges qui prennent une décision là-dessus.

M. Tremblay: II y a des actions...

Le Président (M. Jolivet): Juste un instant.

M. Tremblay: ...qui sont prises à ce moment-là.

M. Lalonde: Pas nécessairement. Il y a des conclusions qui sont tirées, mais des actions ne sont pas nécessairement prises.

Le Président (M. Jolivet): II est vrai que nous ne sommes pas à la petite école, mais ne donnez pas de cours de droit, vous autres.

M. Lalonde: Non, non, mais il faut quand même lui expliquer...

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Brome-Missisquoi.

M. Paradis: Pour continuer mes questions, et c'est une de vos réponses, M. le chef de cabinet, qui me l'a suggéré, vous dites qu'il est impossible que vous ayez passé trois heures avec Jasmin, tel jour, etc. Les registres indiquent cela et on voit également que Me Michel Jasmin - aujourd'hui M. le juge Michel Jasmin - s'est promené dans les bureaux d'un autre conseiller spécial, selon le registre qui nous a été remis par votre bureau, le bureau du premier ministre. Je sais que cela a déjà été posé, je le dis tout de suite. Je reviens sur une affirmation que nous a faite sous serment - je ne demande rien de mieux que croire le monde qui vient ici sous serment - votre collègue de bureau, celui qui travaille pour vous, Me Yves Gauthier, sur le ruban 1186, en réponse à une question de M. Duhaime qui dit ce qui suit: "Maintenant, avec Me Boivin, vous-même, est-ce que vous avez discuté de ce dossier quant au fond? Ensuite, est-ce que vous en avez discuté quant à un moyen de règlement ou encore discuté du règlement comme tel? "M. Gauthier (Yves): Non, je n'en ai pas parlé à Me Boivin. Lui, par exemple, à un moment donné, j'ai compris qu'il m'en parlait. "M. Duhaime: Qu'est-ce que vous voulez dire? "M. Gauthier (Yves): II m'a demandé si j'étais encore tuteur. Il passait dans le bureau - j'ai l'impression qu'il avait vu M. Jasmin à mon bureau - et il m'a dit: Es-tu encore tuteur, Ti-Lou? Connaissant Jean-Roch, je savais ce que cela voulait dire. Je n'avais plus d'affaire à me mêler de cela, même si j'avais voulu."

On a eu un peu de temps, la fin de semaine, la pêche, la tranquillité. Est-ce que vous êtes en mesure de confirmer cette partie du témoignage de Me Yves Gauthier?

M. Boivin: J'ai déjà dit que je ne m'en souvenais pas, mais, si je comprends bien sa réponse que vous venez de citer, cela me semble être une remarque incidente ou en passant que je lui aurais faite. Il a dit: en passant près de mon bureau. Donc, c'est fort possible et, si M. Gauthier l'affirme, je ne veux pas le nier. Tout ce que je dis, c'est que je ne m'en souviens pas.

M. Paradis: Le lundi 12 février 1979, le député de Marguerite-Bourgeoys à l'Assemblée nationale du Québec adresse à l'honorable ministre de la Justice la question suivante: "M. le Président, la Société d'énergie de la Baie James a pris une action en justice, réclamant 32 000 000 $ d'un syndicat et des membres du syndicat à la

suite du saccage qu'on a appelé le saccage de la Baie-James, il y a plusieurs années. Or, la rumeur veut que, conformément au préjugé favorable de ce gouvernement pour les syndicats, il soit question de régler cette réclamation de 32 000 000 $ pour la modique somme de 125 000 $." Il y a une voix qui dit: "Ah oui." M. Lalonde en reprend un autre bout. Pour aller plus rapidement, je veux le citer, mais votre procureur peut se référer au texte pour être certain que je ne vous induis pas en erreur: "Est-il question de régler rapidement, en sous-main, cette réclamation de 32 000 000 $ pour 125 000 $?" M. Bédard, l'honorable ministre de la Justice, de répondre: "M. le Président, je n'ai reçu aucune opinion juridique dans quelque sens que ce soit concernant la cause que mentionne le député de Marguerite-Bourgeoys. À ce que je sache, il s'agit d'une réclamation civile où les parties sont très bien identifiées. Le procès se déroulera suivant les règles usuelles." On est le 12 février 1979, c'est en cour. Le procès est supposé se dérouler suivant les règles usuelles.

À la page 5574, pour que vous suiviez aisément, M. Bédard ajoute, dans une réponse à une question, ce qui suit: "Mais, à la suite de la question du député de Marguerite-Bourgeoys, je prendrai la peine d'en discuter avec le ministre délégué à l'Énergie." J'ai quelques questions à ce sujet. Cela avait été véhiculé dans les médias. Avez-vous pris connaissance du montant de 125 000 $ à ce moment?

M. Boivin: Je présume. D'habitude, je suis la période des questions à l'Assemblée nationale. Alors, je présume qu'à ce moment, j'ai connu la question de M. Lalonde et la réponse de M. Bédard.

M. Paradis: Vous avez entendu le député de Marguerite-Bourgeoys parler de 125 000 $. Est-ce que c'était la première fois à cette époque que vous entendiez le montant?

M. Boivin: Cela serait fabuler que de vous répondre. Je ne m'en souviens pas.

M. Paradis: Vous ne vous en souvenez pas? Vous avez entendu l'honorable ministre de la Justice répondre au député de Marguerite-Bourgeoys qu'il était pour prendre la peine d'en discuter avec le ministre délégué à l'Énergie. Qu'avez-vous fait?

M. Boivin: Je ne me souviens pas si j'en ai parlé à M. Bédard, mais je me suis dit qu'un jour, il y aurait une question de posée au premier ministre et j'ai préparé des notes pour une réponse éventuelle dont il s'est inspiré le 20 février.

M. Paradis: Est-ce que...

M. Boivin: Cela ne veut pas dire que j'en suis le père intégral, n'est-ce pas?

M. Paradis: Pardon?

M. Boivin: Cela ne veut pas dire que je suis le père de tout ce que le premier ministre a dit en Chambre le 20 février. J'ai dit: Des notes dont il s'est inspiré.

M. Paradis: Je comprends votre prudence.

M. Boivin: Non, ce n'est pas une question de prudence. Je veux simplement être exact.

M. Paradis: Est-ce que vous avez préparé ces notes après la question de l'honorable député de Marguerite-Bourgeoys qui est du 12 février...

M. Boivin: Je ne saurais dire quand, mais sûrement entre le 12 et le 20 février. Je ne saurais pas dire si c'est le 19, le 18 ou le 17 février, mais c'est entre le 12 et 20 février.

M. Paradis: Mais c'est après la première question?

M. Boivin: Oui.

M. Duhaime: S'il l'avait préparée après, cela n'aurait pas été correct. (21 h 45)

M. Paradis: Donc, le 20 février 1979, le député de Marguerite-Bourgeoys a demandé -j'attire votre attention sur la page 5739 du journal des Débats sous la rubrique "Dommages causés au chantier de LG 2", au dernier paragraphe - "Premièrement, est-il exact - c'est la question du député de Marguerite-Bourgeoys - qu'un tel règlement est envisagé? Deuxièmement, est-il exact que c'est dans le bureau du premier ministre, en présence du premier ministre ou d'un de ses représentants qu'une partie de cette négociation de règlement a eu lieu?"

Le premier ministre répond plus bas: "M. le Président, il y avait trois questions du député. Premièrement, il est exact qu'il est question d'un règlement. C'est même, paraît-il, pour ce que j'en sais, assez avancé. Deuxièmement, ce n'est pas du tout, ni de près ni de loin, dans le bureau du premier ministre que le règlement ou partie de règlement a eu lieu. Mais il y a eu une consultation au bureau du premier ministre, oui, avec des gens du conseil d'administration de l'Hydro et de la Société d'énergie de la Baie James." Là, on trace tout l'arrière-plan.

Est-ce vous qui avez, suivant ce que vous venez de nous dire, préparé cette partie

de la réponse du premier ministre qui disait: "Premièrement, il est exact qu'il est question d'un règlement. C'est même, paraît-il, pour ce que j'en sais, assez avancé."?

M. Boivin: La réponse la plus claire que je puisse vous donner - parce que, par curiosité, j'ai regardé pour voir si j'avais gardé ces notes et je ne les ai pas trouvées; donc, j'ai dû les jeter dans le temps - est que cela ne m'arrive pas souvent, mais cela m'arrive quelquefois, selon les questions, de préparer des notes à l'intention du premier ministre. Tout ce que je peux vous dire, c'est que j'ai préparé des notes à l'intention du premier ministre. Le premier ministre s'en est inspiré. Maintenant, je ne pourrais pas vous dire: Dans mes notes, telle ligne était contenue, telle autre ligne n'était pas contenue. C'est la réponse la plus fidèle que je peux vous donner.

M. Paradis: Je peux peut-être essayer d'obtenir une précision, si vous me le permettez. Le premier ministre dit: "Je crois qu'en toute bonne foi, parce qu'il s'agit de quelque chose de très important qui concerne une propriété publique, le député permettra que je donne l'arrière-plan." Là, on a tout l'arrière-plan. Est-ce que, en vous disant cela, ce serait la partie de l'arrière-plan que vous auriez préparée et, l'autre partie, vous ne l'auriez pas préparée?

M. Boivin: Où est l'arrière-plan? À la suite du saccage, etc.?

M. Paradis: Au haut de la page 5740, lorsqu'il a fini de dire: "Ce n'est pas du tout, ni de près ni de loin, dans le bureau du premier ministre que le règlement ou partie de règlement a eu lieu. Mais il y a eu une consultation au bureau du premier ministre, oui, avec des gens du conseil d'administration de l'Hydro et de la Société d'énergie de la Baie James. Je crois qu'en toute bonne foi, parce qu'il s'agit de quelque chose de très important qui concerne une propriété publique, le député permettra que je donne l'arrière-plan".

Il semble qu'il lit un texte, à ce moment.

M. Boivin: Encore une fois, il y avait certainement une partie de mes notes qui portaient sur l'arrière-plan, mais est-ce qu'elles étaient formulées de cette façon, dans cet ordre, est-ce que c'était le mot à mot, etc.? Mais il y avait une partie de mes notes qui portaient sur l'arrière-plan, c'est juste - grosso modo, très grosso modo - qui portaient à peu près là-dessus, ce que je lis à la page...

M. Paradis: Aux pages 5740 et suivantes.

M. Boivin: À la page 5740, première colonne.

M. Paradis: Vous reconnaissez là des éléments qui étaient contenus dans vos notes?

M. Boivin: Voilà.

M. Paradis: Très bien. À cette même page, au deuxième paragraphe, il est dit - et c'est le premier ministre qui parle; c'est peut-être vous qui l'avez écrit, mais c'est lui qui parle - "En janvier de cette année, c'est-à-dire il y a quelques semaines, si je suis bien informé, la Société d'énergie de la Baie James a reçu des offres de règlement de la part de certains des défendeurs et, ce qui est assez normal, de nouveau elle a voulu savoir le sentiment de celui qui vous parle là-dessus."

M. Boivin: C'est juste.

M. Paradis: Vous étiez donc au courant, ayant préparé ces notes-là, qu'il y avait des offres qui étaient échangées; le train russe...

M. Boivin: C'est juste.

M. Duhaime: C'est intéressant, le suivant. C'est bon cela.

M. Paradis: M. le Président, si le ministre a des questions à poser, il les posera en son temps. Il a un droit de parole comme tout le monde...

M. Duhaime: Le sentiment a été très clair. La décision appartient forcément à Hydro-Québec et à son conseil d'administration.

M. Paradis: ...même plus que tout le monde. À la page 5741, M. le chef de cabinet: "La décision appartient - et là, c'est la première colonne à gauche, dans le bas du troisième paragraphe de la fin - à ceux qui administrent l'entreprise, y compris les modalités d'un règlement, les questions de reponsabilité, etc. Cela ne nous regarde pas, c'est leur droit." C'est vous qui aviez écrit cela dans vos notes?

M. Boivin: Non, M. le Président.

M. Paradis: Cela n'est pas dans vos notes? C'est le premier ministre qui a dit cela?

M. Boivin: De mémoire...

M. Paradis: Non, non, cela va.

M. Boivin: D'ailleurs, je n'écris pas comme cela. Alors, ce n'est pas moi qui ai

écrit cela.

Le Président (M. Jolivet): Avez-vous d'autres questions, M. le député?

M. Paradis: Oui, M. le Président.

M. Duhaime: Oui, il y a eu un minidébat le soir.

M. Paradis: Oui, il y a eu un minidébat le soir là-dessus et j'imagine... Est-ce que vous avez préparé des notes? Cela va peut-être épargner une question à quelqu'un d'autre pour accélérer.

M. Boivin: Non, M. le Président.

M. Paradis: Est-ce que vous avez préparé des notes pour le mini-débat le soir?

M. Boivin: Non, M. le Président.

M. Paradis: C'était spontané de la part du premier ministre au moment du minidébat? M. le chef de cabinet, ce que j'ai comme information - et il y a une question qui va en découler, à la suite de ce qu'on a vu - c'est que, avant les fêtes, avant 1978, pour prendre la décision de régler, cela va, c'est clair. Après les fêtes, la parade, ou le promenage, ou le va-et-vient des avocats, c'est encore absolument nébuleux à cause d'un manque de mémoire - je ne dis pas qu'il est volontaire - des gens qui se sont présentés devant cette commission. On sait, pour les avoir entendus - et cela a été clair - que les administrateurs de la SEBJ, ce ne sont pas eux qui ont négocié. Les avocats de la SEBJ nous ont dit et je vous cite Me Cardinal, au ruban 747, page 1, et 747, page 2, qui nous dit la chose suivante: "J'ai entendu depuis de longues semaines, de longs jours, cet argument que nous avons eu 300 000 $, qu'on aurait dû avoir plus, qu'on aurait dû avoir moins. La question est simple: pour autant que je sois concerné -c'est Me Cardinal qui parle - pour autant que le bureau d'avocats soit concerné - c'est Geoffrion et Prud'homme - cette négociation n'était pas une négociation financière. Alors, toute cette négociation, quand on a écouté et quand on a parlé, cela touchait toujours des questions de principe, à savoir qui admettrait sa reponsabilité, qui ne l'admettrait pas."

Donc, suivant Me Cardinal et s'il nous a dit la vérité sous serment, ce ne sont pas les avocats de Geoffrion et Prud'homme qui ont négocié. Il me reste le trou...

M. Boivin: Je vous dis respectueusement...

Le Président (M. Jolivet): Juste un instant.

M. Boivin: ...que je connais très bien Me Cardinal. Si j'en avais le temps, je lirais tout son témoignage. Je le lirai peut-être cette nuit. Ce que vous venez de dire est cité hors contexte. Ce que M. Cardinal voulait dire c'est que, pour autant qu'il était concerné, que le bureau était concerné, ce n'était pas une négociation financière. Il veut dire - moi je l'ai compris de même...

M. Paradis: Pardon, est-ce que vous voulez le reprendre?

M. Boivin: Me Cardinal, lorsqu'il a dit ce qu'il a dit, veut dire: ce n'est pas l'argent qui est important dans cette négociation puisque - il le dit, je pense, dans une phrase subséquente ou avant - il est bien évident que les syndicats n'ont pas d'argent pour payer quoi que ce soit qui approche le montant réel des dommages. Il a dit cela, Me Cardinal, dans son témoignage.

M. Paradis: Écoutez...

Le Président (M. Jolivet): Juste un instant avant que le député continue.

M. Boivin: Cette phrase ne veut pas dire du tout - là, je regrette, parce qu'il faudrait relever tous les témoignages - qu'il n'y a pas eu échange de documents et de chiffres entre Me Beaulé et Me Jasmin et Me Geoffrion et Me Prud'homme.

Le Président (M. Jolivet): Juste avant de vous donner la parole, M. le député, je veux simplement vous rappeler qu'il y avait votre collègue, le député de Marguerite-Bourgeoys, qui voulait poser une couple de questions avant 22 heures. Mais, d'après ce que je peux voir, on va faire en sorte que Me Boivin soit ici demain, si je comprends bien.

M. Paradis: Je dois m'en excuser, j'ai mes remarques auprès de mon collègue de Marguerite-Bourgeoys.

Le Président (M. Jolivet): Non, vous avez le droit de poser les questions que vous voulez. La seule chose, c'est que la répétition amène le temps, qui est avancé.

M. Lalonde: Et les interruptions aussi.

M. Paradis: Les interruptions aussi et les lectures d'éditoriaux de l'après-midi, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): M. le député, allez donc! Allez donc!

M. Dussault: Question de règlement, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Châteauguay.

M. Dussault: C'est la deuxième fois que le député de Marguerite-Bourgeoys répète qu'il y a eu interruption de la part des députés ministériels. C'est parfaitement faux. Les seules fois où il y a eu interruption, pour des raisons sérieuses, c'était quand on devait rappeler des députés de l'Opposition au règlement.

M. Lalonde: Donc, il y a eu des interruptions.

M. Dussault: Parce qu'il y a des questions qui n'étaient pas pertinentes, des questions qui n'étaient pas posées correctement. On a même fait remarquer que la question était posée correctement. Je l'ai accepté. Mais qu'on arrête de dire qu'on a fait perdre le temps de cette commission. Ces gens-là se répètent depuis le début. Ils répètent les mêmes questions et ils essaient maintenant de trouver d'autres têtes. Les chasseurs de têtes, ils essaient d'en trouver d'autres, mais ils n'auront pas la nôtre.

Le Président (M. Jolivet): Merci, M. le député. Donc la parole est au député...

M. Lalonde: On n'en trouvera pas de votre bord, certain.

Le Président (M. Jolivet): ...de Brome-Missisquoi.

M. Paradis: M. le Président, ce n'est certainement pas le député de Châteauguay...

Le Président (M. Jolivet): Allez, allez, M. le député...

M. Paradis: ...qui a fait des questions de règlement pour poser une question irrecevable...

Le Président (M. Jolivet): M. le député, M. le député, M. le député...

M. Paradis: ...qui a fait avancer les travaux de la commission, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Brome-Missisquoi, ne jetez la pierre à personne. Regardons dans notre oeil, chacun. Allez, M. le député.

M. Lalonde: Dans un gant de velours. M. Paradis: Cela va, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): C'est juste le député de Gatineau et moi qui nous regardons les yeux dans les yeux.

M. Paradis: Je ne pouvais pas me regarder dans les yeux. Donc, je vous regardais dans les yeux, M. le Président, comme vous avez invité plusieurs députés à le faire au cours de la commission.

Le Président (M. Jolivet): Allez, allez, allez donc à vos questions!

M. Paradis: J'en reviens donc au fait que ce n'étaient pas les administrateurs de la SEBJ. J'ai lu la déclaration de Me Cardinal. On diffère d'interprétation: c'est votre droit strict et c'est mon droit strict. Il y a toutes les réunions, les dix réunions qui ont duré un maximum de dix heures, sur lesquelles je n'ai pu avoir de réponse à cause d'un manque de souvenir. Comme député, j'ai également des questions à vous poser là-dessus. Un article, paru dans le journal Le Soleil...

Le Président (M. Jolivet): Là, je vais certainement vous être désagréable. Vous venez d'affirmer une chose, en disant que vous n'avez pas eu de réponse aux questions que vous avez posées. À ma connaissance, il y a eu des réponses. Elles ne sont peut-être pas satisfaisantes pour vous, mais c'est une question d'opinion. Ne dites pas ce que vous avez dit dans votre texte.

M. Paradis: Bon. Je reprends, M. le Président. J'ai eu comme réponses: Je ne m'en souviens pas; je ne le sais pas; je ne me le rappelle pas. Ce sont les réponses que j'ai eues. Vous avez raison de me rappeler à l'ordre.

Là, je retrouve dans le Soleil du 18 mai 1983: "Règlement hors cour sur LG 2, le rôle du bureau de Lévesque est évident, Maurice Pouliot". Ce dernier est un des signataires du règlement hors cour, qui représentait une partie syndicale, que le Parti québécois, pour des raisons qu'on ignore, refuse d'inviter à la commission. Il déclare au journaliste Jean-Jacques Samson ce qui suit: "II m'apparaît - cela était le 18 mai - qu'il n'y a plus grand-chose à sortir de cette commission-là - en parlant de notre commission; il savait peut-être que vous étiez pour y venir - a indiqué M. Pouliot hier au Soleil. Qu'est-ce qu'ils (les avocats) allaient faire dans le bureau du premier ministre? On n'entre pas là comme dans un restaurant. On joue sur les mots: discussions, négociations, ingérence, ajoute le syndicaliste. Quand nous discutons avec des entrepreneurs des prochains salaires..."

Le Président (M. Jolivet): M. le député, j'ai juste une petite question. Je vais être encore désagréable, je m'excuse. Vous refusez au député de Saint-Maurice et ministre de l'Énergie et des Ressources de lire les éditoriaux et les journaux...

M. Lalonde: Sur des questions de règlement.

Le Président (M. Jolivet): C'est sur des questions de règlement, d'accord. Ce que je voudrais savoir, c'est si c'est un commentaire que vous faites ou si c'est une question que vous posez.

M. Lalonde: C'est une mise en contexte.

M. Paradis: C'est une question.

Le Président (M. Jolivet): Ah bon! D'accord, allez-y.

M. Paradis: Ce n'est pas, comme l'a fait le député de Saint-Maurice et ministre de l'Énergie et des Ressources...

Le Président (M. Jolivet): C'est une question de règlement.

M. Paradis: ...dans le cadre d'une question de règlement. Ce n'est pas un éditorial, ce sont des faits qui sont rapportés par un journaliste quant à un témoin que le ministre refuse d'inviter ici, en commission, pour on ne sait quels motifs. On peut les soupçonner.

Le Président (M. Jolivet): M. le député, sauf que vous savez très bien que vous pouvez faire une motion et on la débattra. Pour le moment, ce n'est pas le but de la question. Allez-y donc de votre question.

M. Paradis: On va partir avant d'avoir la possibilité de l'entendre ou de faire une motion sur ce qu'il a dit ou ce qu'il a déclaré publiquement et on va poser des questions au chef de cabinet du premier ministre qui, je n'en doute pas, va pouvoir nous éclairer.

Donc, je reprends: "II m'apparaît qu'il n'y a plus grand-chose à sortir de cette commission-là, a indiqué M. Pouliot hier au Soleil. Qu'est-ce qu'ils (les avocats) allaient faire dans le bureau du premier ministre? On n'entre pas là comme dans un restaurant. On joue sur les mots: discussions, négociations, ingérence, ajoute le syndicaliste. Quand nous discutons avec des entrepreneurs des prochains salaires des gars de la construction, est-ce qu'on discute ou si on négocie? Me Jasmin n'allait peut-être pas négocier, mais discuter. Je présume que c'est ce qu'il va dire. Les témoins ont tous dit cela." Et il poursuit un peu plus loin: Le syndicaliste explique qu'au fil de ses rencontres, la compensation à payer par les syndicats est passée de 50 000 $ à 62 000 $ à 125 000 $ pour finalement en venir à une entente hors cour de 300 000 $. C'était à la suite de rencontres. Il y avait des membres du conseil d'administration de la SEBJ qui étaient contre le règlement hors cour, soi-disant parce qu'ils avaient une bonne cause."

Selon les propos de M. Pouliot, le Conseil provincial des métiers de la construction ne cherche en aucune façon à dissimuler qu'il y a bel et bien eu des négociations au bureau du premier ministre en février 1979 impliquant leur procureur, Me Michel Jasmin.

C'est une affirmation d'un témoin que le Parti québécois refuse d'entendre à cette commission. Lorsqu'il déclare qu'il y a bel et bien eu des négociations au bureau du premier ministre impliquant leur procureur, Me Michel Jasmin, ces gens ont délié Me Jasmin de leur secret professionnel. Vous, votre premier ministre vous a également délié. Comme chef de cabinet, vous nous avez fait part, au cours d'une de vos réponses, que vous étiez la cour d'appel suprême pour le Québec. Est-ce que je peux vous demander, comme député, parce que j'ai tout ce blanc à couvrir, les dix heures où j'ai des "Je ne sais pas" et des "Je ne me souviens pas"... Est-ce que, comme cour d'appel, je peux m'adresser à vous pour vous demander de demander au ministre - faites-lui peser le poids du prochain remaniement ministériel - de demander que M. Maurice Pouliot soit entendu à cette commission?

Le Président (M. Jolivet): Tout cela pour en arriver à cette question qui est irrecevable parce...

M. Paradis: M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): Non, je m'excuse.

M. Paradis: C'est un témoin important.

Le Président (M. Jolivet): Je m'excuse, je m'excuse. Je vous ai posé une question bien importante. Est-ce que vous faites un commentaire ou si vous êtes là pour poser une question? Effectivement, vous n'avez posé aucune question, mais permettez-moi d'en faire la constatation.

M. Paradis: M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): Non.

M. Paradis: J'ai posé une question.

Le Président (M. Jolivet): L'invité n'a pas à demander des choses à qui que ce soit. Il n'a qu'à répondre à vos questions.

En conséquence, j'ajourne la séance à demain matin, 10 heures.

(Fin de la séance à 22 heures)

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