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Version finale

32e législature, 4e session
(23 mars 1983 au 20 juin 1984)

Le jeudi 26 mai 1983 - Vol. 27 N° 68

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Examen de la décision de la SEBJ et du rôle du premier ministre et de son bureau lors du règlement hors cour de la poursuite intentée à la suite du saccage de LG 2


Journal des débats

 

(Dix heures vingt-trois minutes)

Le Président (M. Jolivet): À l'ordre! La commission élue permanente de l'énergie et des ressources est à nouveau réunie aux fins d'examiner les circonstances entourant la décision du conseil d'administration de la Société d'énergie de la Baie James de régler hors cour la poursuite civile intentée à la suite du saccage du chantier LG 2 survenu en 1974 et plus spécifiquement le râle du premier ministre et de son bureau à cet égard.

Les membres de cette commission sont: MM. Vaillancourt (Jonquière), Ciaccia (Mont-Royal), Duhaime (Saint-Maurice), Bourbeau (Laporte), Laplante (Bourassa), Gratton (Gatineau), Lavigne (Beauharnois), LeBlanc (Montmagny-L'Islet), Lalonde (Marguerite-Bourgeoys), Perron (Duplessis), Rodrigue (Vimont).

Les intervenants sont: MM. Bisaillon (Sainte-Marie), Baril (Rouyn-Noranda- Témiscamingue), Desbiens (Dubuc), Dussault (Châteauguay), Mme Harel (Maisonneuve), MM. Paradis (Brome-Missisquoi), Pagé (Portneuf), Doyon (Louis-Hébert), Tremblay (Chambly), Saintonge (Laprairie). Le rapporteur de cette commission est toujours M. LeBlanc (Montmagny-L'Islet).

Décision du président

sur les représentations

au nom de M. Michel Jasmin

Nous avons toujours devant nous ce matin, l'honorable juge Michel Jasmin. Comme vous le savez, à la suite de la demande d'hier, j'ai à rendre une décision ce matin. Dès le départ, je dis que cette décision qui est importante pour tous et chacun d'entre nous, vous sera retransmise par écrit. Pour le moment, j'ai ma copie sur laquelle on a apporté des corrections à la main, à la mitaine comme on dit. Donc, vous aurez les copies nécessaires. De façon que vous puissiez en prendre connaissance, je prendrai sur moi, après qu'on aura d'abord arrêté la disposition et ensuite, probablement, disposé de l'horaire avec le ministre et le député de Marguerite-Bourgeoys, de donner un moment de répit pour prendre connaissance de la décision, avant qu'on ne poursuive nos travaux.

Je tiens d'abord à remercier tous et chacun qui ont participé à la discussion hier.

Je pense que cela a fourni un éclairage important pour la décision qui devait être rendue. Même si on disait que c'était une décision qui, à un moment donné et avec les précisions techniques qu'on y apportait, pouvait paraître un peu mêlante pour les gens, il reste une chose, c'est que l'essentiel des représentations a été fait hier et, en conséquence, je suis prêt à rendre la décision comme président de cette commission.

Donc, cette présente décision fait suite aux diverses représentations qui ont été formulées hier, relativement à certaines difficultés que soulèverait l'éventuel témoignage de M. Michel Jasmin. On m'épargnera de rappeler toutes les circonstances qui devaient conduire à la décision que je rendais le 3 mai dernier sur la même affaire. Tous les membres et intervenants de cette commission connaissent tous les faits qui ont mené à cette décision. Inutile donc de les relater ici de façon complète, puisqu'ils le sont dans le préambule de cette décision. De nouveaux éléments ont été portés à mon attention et je me dois d'en disposer conformément aux règles du droit parlementaire. Cependant, je dois préciser dès le départ, que la présente décision ne vise pas à corriger ou à ajouter à la décision rendue le 3 mai dernier. Non seulement celle-ci est-elle maintenue mais elle demeure la référence principale relativement aux nouveaux éléments que l'on a soumis ou qu'on soumet à mon examen.

On m'a soumis que si l'on procédait immédiatement au témoignage de M. Michel Jasmin, cela aurait pour effet de rendre sans objet les conclusions recherchées dans une requête pour jugement déclaratoire, pendante actuellement devant un tribunal. Je dois constater que la plupart des conclusions recherchées dans cette requête trouvent réponse dans la décision que je rendais le 3 mai dernier. Qu'il s'agisse de la "contraignabilité" de M. Michel Jasmin, de l'indivisibilité des renseignements confidentiels ou de l'acceptation par la commission d'une déclaration générale visant à obtenir une dispense globale de témoigner, toutes ces questions ont été réglées dans cette décision. De plus, je rappellerai à tous deux passages d'un grand intérêt d'une lettre que le président de l'Assemblée nationale adressait, le 10 mai 1983, au juge en chef de la Cour supérieure. Il disait ceci: "L'Assemblée nationale est souveraine et,

comme les commissions parlementaires, est maîtresse de ses travaux et procédures à l'exclusion de qui que ce soit. Le droit parlementaire reconnaît ce fait depuis ses origines". Plus loin, le président ajoutait: "Au surplus, selon le droit parlementaire, toute personne qui chercherait, par des procédures devant une cour de justice, à dicter à l'Assemblée ou à ses membres la façon dont ils doivent exercer leur mandat, pourrait porter atteinte aux droits et privilèges de l'Assemblée".

La seule conclusion de la procédure au jugement déclaratoire qui ne trouve pas de réponse précise et explicite, a trait à la portée et l'étendue du secret professionnel. J'ai volontairement omis de préciser quelque critère que ce soit parce que je crois qu'il ne m'appartient pas de les préciser ici. Non pas que j'écarte la compétence de l'Assemblée à cet égard, au contraire mais, comme c'est le cas en droit judiciaire, il s'agit d'une notion relativement nouvelle en droit parlementaire qui n'a pas encore donné lieu à une interprétation. Il revient à l'Assemblée nationale de préciser ces critères. À l'occasion de la réforme parlementaire en cours, elle pourrait avantageusement se pencher sur cette question. Est-il besoin d'ajouter, par conséquent, qu'une interprétation judiciaire de l'article 9 de la Charte des droits et libertés de la personne par des tribunaux ne lie pas l'Assemblée nationale? Celle-ci peut tout au plus s'en inspirer. Je crois avoir disposé par le fait même des représentations fondées sur l'article 23 de la charte.

Constatant l'absence de critères quant à la portée et à l'étendue du secret professionnel, j'ai déjà précisé que cette notion devait recevoir, pour le moment, une interprétation très large. Je maintiens et j'affirme à nouveau que, dans la mesure où la réponse à une question posée à M. Michel Jasmin porterait atteinte au droit d'une autre personne ou au respect du secret professionnel, le conflit doit être résolu en faveur de la protection de la confidentialité. La commission doit, sur cette question, s'en remettre à l'invité ou au témoin.

Il appartiendra donc à M. Michel Jasmin de faire valoir son obligation au secret professionnel. Il devra évaluer lors de chaque question si son obligation est en cause. Dans le doute, il devra trancher en faveur de la protection de la confidentialité.

Toutefois, il n'aura pas à justifier l'invocation de son obligation au secret professionnel et je réitère que la commission ou ses membres ne pourront porter de jugement sur cette invocation faite par le témoin et encore moins la contester. De même, nul ne pourra intervenir pour suggérer à M. Michel Jasmin l'évaluation qu'il doit faire d'une question en regard de l'obligation qu'il a au secret professionnel. M. Michel

Jasmin sera sous serment et les membres ou intervenants devront prendre sa parole. En l'absence de critères précis, cette large interprétation du secret professionnel doit prévaloir.

Me Jean-Pierre Lussier a soulevé qu'à son avis, la règle du "sub judice" contraignait Me Jasmin à une obligation de discrétion ou même de silence, relativement au témoignage qu'il doit rendre devant cette commission. L'article 99 paragraphe 4 de notre règlement ne peut recevoir l'application dans le présent cas. En effet, cette disposition veut que l'Assemblée nationale, par courtoisie, ne traite pas d'une affaire dont un tribunal est déjà saisi. En contrepartie, il est normal que les tribunaux n'interviennent pas dans les affaires dont l'Assemblée ou ses commissions sont déjà saisies. Autrement, on pourrait perpétuellement paralyser les travaux de l'Assemblée ou de ses commissions en logeant un recours devant un tribunal. L'indépendance de l'Assemblée nationale et sa compétence exclusive sur ses travaux et procédures ne peuvent souffrir pareille ingérence.

De plus, l'article 99 paragraphe 4 peut s'appliquer à des procédures où l'Assemblée, une de ses commissions ou un membre de l'une d'entre elles n'est ni partie ni mis en cause. Il en est tout autrement lorsque l'Assemblée ou un de ses membres est partie ou mis en cause devant un tribunal. J'ajouterai dans le but de rassurer Me Michel Jasmin quant aux conséquences de son témoignage - je dirais de le rassurer davantage quant aux conséquences de son témoignage - que la Loi sur l'Assemblée nationale lui confère une protection absolue. En effet, l'article 53 de cette loi stipule ce qui suit: "Le témoignage d'une personne devant l'Assemblée, une commission ou une sous-commission ne peut être retenu contre elle devant un tribunal, sauf si elle est poursuivie pour un parjure." M. Michel Jasmin n'a pas à redouter de représailles devant une autre instance relativement au témoignage qu'il doit rendre devant cette commission.

Un autre élément soulevé est relatif à la validité de la libération de l'obligation du respect du secret professionnel de l'un des mandants de Me Jasmin. Plus précisément, on m'a fait valoir des doutes quant à la personne qui serait titulaire du droit au respect du secret professionnel. Il n'appartient pas à la commission de trancher cette question. C'est à la personne qui invoque un droit de faire valoir qu'elle en est titulaire, tout comme les démarches auprès d'un client visant à savoir s'il relève son mandataire de son obligation au respect du secret professionnel ne relèvent que de celui-ci. M. Michel Jasmin doit donc répondre aux questions des membres et intervenants de cette commission à la

lumière des précisions que j'ai apportées sur les divers problèmes portés à mon attention.

En terminant, on m'a représenté qu'un éventuel témoignage dans ces conditions se révèle un exercice difficile, principalement parce que M. Michel Jasmin serait dans une position de juge et partie. C'est son obligation au respect du secret professionnel qui impose ce fardeau à M. Michel Jasmin et non pas les règles de cette commission. Les diverses règles établies dans mes deux décisions confèrent une large latitude à M. Michel Jasmin qui lui permettront de s'acquitter de son obligation de témoigner, tout en respectant l'obligation à laquelle il est tenu. J'ajouterai qu'il appartient à la commission de déterminer si, dans ces circonstances, le témoignage de M. Michel Jasmin peut malgré tout lui être de quelque utilité.

J'invite donc les membres de la commission à respecter scrupuleusement les paramètres dont je viens de faire état. Je serai à cet égard d'une rigueur absolue car il s'agit d'un droit fondamental et d'une obligation en découlant. C'est donc la décision que je vais rendre et qui est rendue. Dans les minutes qui viennent, vous aurez les copies nécessaires pour vous y référer ou pour, comme je le disais tout à l'heure, vous laisser le temps de la regarder. Comme le ministre m'a demandé que l'on procède à une partie concernant l'horaire à venir, je lui cède la parole.

M. le ministre.

M. Duhaime: M. le Président, je présume que vos services vont nous transmettre copie de votre jugement.

Le Président (M. Jolivet): Dans quelques minutes.

Ordre des travaux

M. Duhaime: Cela mériterait d'être relu sans remettre en cause ce que vous avez décidé. Je voudrais, avant de commencer et à la lumière de la décision que vous venez de rendre, donner des indications quant à nos horaires de travail, d'ici la fin de la semaine et la semaine prochaine. Je le dis sous réserve, bien sûr, des motions ou des avis qui pourront être donnés à l'Assemblée nationale par mon collègue, le leader du gouvernement. Je crois savoir que l'honorable juge Jasmin a fait une démarche, tant auprès de mon collègue, le député de Marguerite-Bourgeoys, que de moi-même, à savoir que la semaine prochaine, il est déjà retenu et engagé et qu'il ne sera pas à la disposition de la commission. Je pourrais lui répondre tout de suite qu'en tout état de cause, ses bons services ne seraient pas requis la semaine prochaine. Dans l'hypothèse où son témoignage ne serait pas terminé cette semaine, nous pourrions reprendre dans dix jours.

Pour ce qui est de demain, j'avais donné l'indication que nous pourrions siéger demain avant-midi, demain après-midi et peut-être même demain soir. J'ai refait un calcul et à moins d'avoir l'accord de l'Opposition je pense que ce ne serait pas tellement d'avance, on passerait la journée d'aujourd'hui à l'Assemblée nationale à en débattre, vu que le consentement n'est pas venu à mon invitation. Je vais proposer au leader du gouvernement que nous siégions demain avant-midi seulement, de 10 heures à 13 heures, mais que, si nous avions terminé dans une heure ou cet après-midi ou ce soir avec la comparution de l'honorable juge Jasmin, nous pourrions ajourner nos travaux à la semaine prochaine.

Quant à la semaine prochaine, j'ai un problème pour mardi, parce que, il y a déjà trois mois, j'ai pris un engagement pour une rencontre avec les intervenants - patrons, syndicats, maires - dans le secteur du fer. La table de fer se réunira mardi, toute la journée. En vertu d'un vieux principe bien connu disant que je ne peux pas être à deux endroits au même moment, nous pourrions reprendre mercredi ou jeudi. Il me reste une vérification à faire. J'espérais que nous aurions terminé nos travaux cette semaine. Si on terminait ce soir avec Me Jasmin, nous aurions pu entendre le premier ministre demain, mais M. Lévesque, de son côté, a des engagements au Palais des congrès qu'il a pris depuis au-delà de trois mois, je crois. C'est le scénario qui est devant nous en termes d'emploi du temps. Il restera à voir si on reprend mercredi ou jeudi de la semaine prochaine, parce que mercredi, normalement, M. Lévesque doit présider le Conseil des ministres. Je verrai avec lui et j'informerai le député de Marguerite-Bourgeoys et vous-même, M. le Président, le plus rapidement possible.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: M. le Président, cette description de notre programme de travail est beaucoup plus potable que celle d'hier matin, vous vous souvenez, où on nous menaçait de nous faire siéger vendredi après-midi et vendredi soir. C'était une drôle de façon d'obtenir notre consentement. Je viens de comprendre que c'était une demande de consentement. On a déjà consenti à siéger le vendredi après-midi, parce que tous les députés étaient retenus à Québec.

Plus sérieusement, j'espérerais, moi aussi, pouvoir terminer cette partie de nos travaux, c'est-à-dire le témoignage de M. Jasmin, et peut-être d'autres travaux que je n'annoncerai pas avant...

M. Duhaime: ...votre motion.

M. Lalonde: ...l'ajournement de 22 heures, ce soir. Sinon, on reviendra demain matin pour terminer cette partie. Je comprends que le premier ministre ne serait pas disponible aujourd'hui, de toute façon, même si on terminait, ce midi, avec M. Jasmin. Est-ce que j'ai bien compris?

M. Duhaime: Si vous m'aviez dit, hier: Je m'engage et je vous dis qu'à 13 heures, jeudi, nous aurons terminé avec le témoignage de l'honorable juge Jasmin, quelle que que soit la décision de la présidence, j'aurais pu vous confirmer que le premier ministre aurait été disponible cet après-midi. Vous-même ne pouvez préjuger de la décision du président et moi non plus. Je dois vous dire que votre moyenne au bâton, lorsque vous me dites d'avance que vous pensez qu'à telle heure, tel jour, on va avoir terminé, est égale à six exposant moins deux.

M. Lalonde: C'est pas mal, surtout avec les réserves que j'y mets d'habitude et avec la prudence...

M. Gratton: II s'agit de frapper en lieu sûr et au bon moment vous savez.

M. Ouhaime: Cela est passablement proche de zéro.

M. Lalonde: Non, je n'ai jamais pu garantir quand on termine nos témoignages.

M. Duhaime: C'est pour cela que je ne le vous demande plus.

M. Lalonde: Cela souligne le respect que je nourris à l'égard du droit de parole de tous les membres de cette commission.

M. Duhaime: Que vous nourrissez et que vous retenez.

M. Lalonde: D'ailleurs, j'ai péché - et je m'en accuse - par excès d'optimisme. J'ai toujours pensé que les députés péquistes pourraient poser des questions. Cela fait deux mois que j'attends. À part le député de Châteauguay, qui fait toujours sa brillante démonstration étymologique, je n'en ai pas vu beaucoup qui se sont intéressés à faire la lumière.

Je pense, M. le Président, que vous avez dit que nous allons suspendre quelques minutes pour permettre de prendre connaissance de la...

Le Président (M. Jolivet): Je voudrais juste vérifier si la décision arrive redactylographiée, donc vous auriez des copies. Je pourrais suspendre pour un petit moment...

M. Duhaime: II y aurait certains points qu'on pourrait régler avant la suspension.

Le Président (M. Jolivet): Si vous préférez, M. le ministre, en attendant les notes allez.

L'obligation à la confidentialité

M. Duhaime: En attendant les notes, M. le Président, puisque tout le monde, ce matin, semble bien disposé à ce que la journée se déroule rapidement. J'aurais, au départ, à poser à Me Jasmin une question non éclaircie dans votre décision de ce matin et qui ne l'était pas davantage dans votre décision du 3 mai. D'autant plus que, ce matin, vous dites que, de toute manière, cette question ne relève pas de la présidence et de la commission. Je voudrais être bien certain de savoir de qui cela va relever. J'ai prétendu, hier, la même chose. Je parle essentiellement de la validité juridique du Conseil provincial des métiers de la construction quant à la libération de Me Jasmin de son obligation à la confidentialité.

J'ai prétendu, hier, que cette décision devait être prise par Me Jasmin lui-même. Si j'ai bien compris votre décision ce matin, vous opinez dans le même sens. Cependant, hier, Me Lussier, dans son intervention, nous a dit clairement, en quelque sorte, qu'il remettait, sur ce point, le sort de son client entre les mains de la commission.

Ce que je voudrais lui demander ce matin, au départ, c'est s'il a eu le temps de revoir cette question et s'il en est venu à la conclusion que le Conseil provincial des métiers de la construction (International), tel qu'on le connaît aujourd'hui en 1983, a la capacité juridique de libérer Me Jasmin du secret professionnel ou de son obligation à la confidentialité qui le liait, à l'époque de 1978-1979, de toute manière au moment du règlement de cette cause, au Conseil provincial des métiers de la construction (FTQ-Construction). Selon la réponse que vous allez me faire, j'aurai ensuite, M. le Président, une autre question d'éclaircissement à poser.

Le Président (M. Jolivet): Bon. Un instant. Je vais demander à ce que ce soit Me Lussier qui réponde pour le moment, tant et aussi longtemps que je n'ai pas demandé à Me Jasmin...

M. Duhaime: Oui, la question s'adresse à Me Lussier.

Le Président (M. Jolivet): D'accord. Me Lussier.

M. Lussier (Jean-Pierre): D'abord, évidemment, je vais lire avec beaucoup d'attention la copie de la décision que la

présidence vient de rendre. À ce sujet, étant donné ce que j'ai compris de la décision, elle semble assez clairement imposer en l'occurrence à Me Jasmin le fardeau de décider s'il y a eu libération ou non du secret professionnel. Je crois qu'en tout état de cause, s'il faut s'en remettre à une décision du témoin, je crois qu'on a une obligation de prudence. Quant à moi, je vous le dis, je n'ai aucune certitude mais j'ai - si vous me passez l'expression - la certitude de l'existence d'un doute quant au fait que Me Jasmin ait été ou non libéré par son client d'alors. J'ai compris aussi d'un passage de la décision de la présidence, que celle-ci croyait préférable, en matière de droit fondamental, de donner une acception large à la notion de secret professionnel et, dans le doute, de tenter de résoudre toute ambiguïté en faveur de la protection du droit fondamental. Dans l'espèce, je crois que la seule solution prudente, étant donné que nous ne sommes pas en mesure de rendre une décision formelle quant à la libération ou non par le Conseil provincial des métiers de la construction (FTQ-Construction) qui était le client de Me Jasmin alors, je crois que, dans le doute, il faut s'en remettre ou il faut favoriser la protection du droit fondamental. Quant à nous, personnellement, je vais donner avis à Me jasmin que ce qui est préférable dans les circonstances, c'est de se considérer comme non délié de son obligation à la confidentialité par tous et chacun de ses clients d'alors.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Duhaime: M. le Président, je vais attendre copie de la décision. J'aurais eu une autre question si la réponse avait été différente. Mais, j'aimerais prendre connaissance de votre jugement. Je me demande si on ne devrait pas ajourner.

Le Président (M. Jolivet): Dans ce cas, on va suspendre la séance jusqu'à Il h 15, le temps que les copies soient disponibles. Je vais les donner au greffier, M. Bédard; il aura à vous les distribuer.

(Suspension de la séance à 10 h 48)

(Reprise de la séance à Il h 24)

Le Président (M. Jolivet): À l'ordre, s'il vous plaît; La commission reprend ses travaux. Je dois procéder d'abord à l'assermentation de M. le juge Michel Jasmin. Le greffier, M. Bédard, va se rendre auprès de lui.

Le greffier (M. Jean Bédard): S'il vous plaît, pourriez-vous mettre la main sur l'Évangile et répéter après moi: Je, (vos nom et prénom), jure ou déclare solennellement que je dirai toute la vérité et rien que la vérité.

M. Jasmin: Je, Michel Jasmin, jure que je dirai toute la vérité et rien que la vérité.

Le greffier (M. Jean Bédard): Merci.

Le Président (M. Jolivet): Merci. Me Lussier m'a mentionné qu'il avait l'intention de donner la position dans laquelle nous devrons maintenant manoeuvrer, si je puis dire ainsi. À la suite de cela, le député de Marguerite-Bourgeoys aura quelques questions à vous poser, avant qu'on ne commence avec les questions. Me Lussier.

M. Lussier: Je voudrais simplement exposer que j'ai compris de cette décision de la présidence qu'à l'occasion de chacune des questions, le témoin, de lui-même ou par son avocat, pourra se référer à l'obligation de confidentialité que la loi lui impose. J'ai compris aussi que la décision de la présidence, en l'absence de critères précis établis pour le moment devant cette commission, s'en remet à une interprétation que je cite, à la page 3: Cette notion devait recevoir pour le moment une interprétation très large.

Comme la procédure qui va être suivie m'est encore inconnue, mais, évidemment, j'ai l'impression qu'on va la vivre tous ensemble pour la première fois à cette commission, je veux quand même exposer rapidement, dès le départ, puisque la détermination de l'étendue et de la portée de l'obligation à la confidentialité est remise sur les épaules du témoin, la position générale en rapport avec cette étendue et cette portée que le témoin suivra.

Cette position est celle que le Barreau du Québec a exposée devant vous, les 27 et 28 avril dernier. Pour qu'il n'y ait pas d'ambiguïté, je vais me référer de façon très précise au texte même de l'exposé qui avait été fait, à ce moment-là, par Me Jean-Marie Larivière, au nom du Barreau du Québec. Je commence par citer un passage du 27 avril 1983, du ruban 841, où on peut lire: "La position du Barreau du Québec, M. le Président, est qu'il faut donner au droit du client au secret professionnel l'extension la plus large possible." Je constate que cela correspond aussi à la décision de la présidence. Quand on se réfère au texte même de l'article 9 de la Charte des droits et des libertés de la personne, vous verrez que nulle part, on n'utilise les mots "confidences d'un client"." Ce qu'on dit dans la charte, c'est que "toute personne tenue par la loi au secret professionnel, ne peut, même en justice, divulguer les renseignements confidentiels qui lui ont été

révélés en raison de son état ou de sa profession". Donc, ce n'est pas "qui lui ont été révélés par son client", mais "qui lui ont été révélés en raison de son état ou de sa profession". De notre point de vue - c'est toujours le point de vue du Barreau du Québec - c'est beaucoup plus large que la simple confidence de bouche à oreille d'un client à son avocat. Ce sont aussi les instructions d'un client à son avocat et c'est aussi la mise en place et l'application de ces instructions avec toutes les conséquences que cela peut avoir. Au ruban 843, pour la même journée, le 27 avril 1983, on peut lire les interventions suivantes. D'abord, Me Larivière qui parle, la fin de son intervention est en haut de la page: "II est évident que, si l'avocat va à une rencontre... Vous connaissez déjà les dates des rencontres, elles sont là. Dès qu'il ouvre la bouche pour parler à cette rencontre, il est en train de faire état d'une partie de son mandat ou d'une partie de choses qu'il sait parce que son client les lui a révélées. "Il est évident que Me Jasmin dans ceci n'a jamais agi à titre personnel. Il a toujours agi au sens de la charte en raison de sa profession d'avocat et comme mandataire, et non pas personnellement comme une des parties au litige. C'est pour cela que je vois bien mal comment on pourrait se mettre à tracer un sillon autour des choses qui peuvent être dites et des choses qui ne peuvent pas être dites." M. Lalonde répliquant: "Si je comprends bien, l'opinion que vous émettez, selon laquelle la presque totalité de son témoignage serait couverte par l'obligation de confidentialité, viendrait plus de l'interprétation large que vous donnez à cette obligation de confidentialité que vous nous avez décrite tout à l'heure." (Il h 30)

Une réponse de Me Larivière: "D'une part, oui, et d'autre part, bien sûr, aux travaux de la commission que j'ai suivis assez fidèlement depuis le début."

Pour la même date encore, mais au ruban 845 - je m'excuse, ce ne sera pas très long, ce que je veux faire, vous comprendrez qu'à chaque fois que nous serons dans l'obligation d'invoquer l'obligation à la confidentialité pour chacune des questions, j'ai compris que nous ne serons pas dans la position où nous aurions à justifier la position que nous allons prendre à ce moment. Je crois qu'il est préférable de le faire en détail, dès le début, pour éviter que, par la suite, on recommence à chaque occasion de présenter les motifs d'ordre général - là je cite toujours Me Larivière à compter du deuxième paragraphe de cette page: "Alors, c'était la rectification que je voulais faire. Ensuite, sur le plan de la compréhension que nous avons de la notion de droit au secret professionnel et d'obligation au secret professionnel, et pour revenir à votre question - on parlait, à ce moment, je crois, des entrevues en particulier des dates d'entrevues que la commission avait au bureau du premier ministre - : Les entrevues, est-ce que ce serait confidentiel? Notre opinion, c'est que dès que vous entrez dans une conversation, que ce soit avec un confrère ou que ce soit avec une tierce personne dans laquelle vous exécutez ou vous êtes en pleine exécution de votre mandat et où vous livrez des informations en votre qualité de professionnel, ces informations étant celles que vous avez reçues de votre client, les choses que vous dites sont confidentielles et sont couvertes par le secret professionnel et non pas seulement ce que votre client vous a dit dans votre cabinet. "De la même façon, vous avez souvent le problème du médecin et de ce qu'il constate sur le corps d'un patient inconscient qui ne lui a donc rien révélé, mais ce qu'il voit, ce qu'il constate professionnellement, c'est aussi couvert par le secret professionnel et non pas seulement les choses que son client peut lui dire à l'occasion d'une première ou d'une deuxième entrevue. Le diagnostic qu'il pose sur un corps inconscient fait partie de son secret professionnel."

Je passe enfin au 28 avril, au ruban 857, pages 1 et 2. Page 1, toujours Me Larivière au nom du Barreau du Québec: "Je pense qu'il est de tradition, dans la profession d'avocat que vous connaissez bien, qu'un avocat jouisse effectivement d'une certaine immunité dans les actes qu'il pose vis-à-vis des tiers et, notamment, vis-à-vis d'autres avocats. Mais vis-à-vis de tiers aussi un avocat peut agir sans préjudice au nom d'un de ses clients. Un avocat peut, parce qu'il est précisément mandataire, s'asseoir avec les procureurs de la partie adverse, par exemple, ou s'asseoir avec un tiers et tenir des propos qu'il n'a pas à révéler à quiconque ensuite. Ce qu'il pose comme geste dans l'exécution de son mandat, ce qu'il dit dans l'exécution de son mandat, qui est de nature à révéler ou à laisser transparaître les instructions et les mandats de son client, je ne pense pas qu'il soit apte à en rendre témoignage."

Et à la page 2, au nom de Me Larivière qui répondait à une question. Je vais lire la fin de la question qui était posée par M. Lalonde. Cela disait: "Si je vous comprends bien, l'avocat des syndicats Me Jasmin, avait le droit de tenir des propos concernant son mandat, c'est-à-dire de peut-être même révéler des conversations qu'il avait avec son client, à M. Boivin ou à M. Gauthier, mais il n'a pas le droit de nous les dire!" "M. Larivière: C'est exact. La distinction étant la suivante: Je pense qu'un avocat jouit d'une certaine latitude dans

l'exercice de son mandat et dans l'exécution de son mandat. Cependant, je pense qu'il est très mal venu de se servir d'un avocat pour faire la preuve de choses dont il a acquis la connaissance dans l'exercice de son mandat. C'est là qu'intervient le secret professionnel. Il est vrai que c'est à certains égards embêtant pour l'administration de la justice, le secret professionnel. Mais c'est un choix qu'on fait."

Et au ruban 858, je termine là-dessus. Une question de M. Lalonde: "J'essaie d'analyser avec vous jusqu'à quel point l'extension de l'interprétation que le barreau fait peut créer des situations dont on doit quand même mesurer les tenants et aboutissants: M. Boivin pourrait venir ici, n'étant pas dans l'exercice de ses fonctions d'avocat, et nous dire tout ce que Me Jasmin lui a dit pendant des heures mais Me Jasmin ne pourrait pas venir nous le dire." "M. Larivière" toujours au nom du Barreau du Québec, c'est exact." "M. Lalonde: C'est ce que vous voulez dire? "M. Larivière: C'est exact. J'ajouterais qu'en matière de secret professionnel c'est toujours comme cela." Et au bas de la page: "Un avocat n'est pas là pour faire de la preuve. Il est là comme auxiliaire de la justice; il est là pour représenter un client. Il n'est pas là pour faire de la preuve à partir de connaissances qu'il a pu acquérir dans l'exercice de ses fonctions. C'est pour cela que le secret professionnel est là."

J'ai terminé avec ces citations, pour vous dire que c'est en ce sens que nous entendons gouverner notre comportement au cours des questions qui suivront. Tout ce que je peux espérer - je comprends que la présidence ait déclaré que c'est en raison de son obligation comme professionnel qu'un témoin porte la responsabilité d'invoquer ou non une obligation à la confidentialité - au nom de M. le juge Jasmin, c'est que les invocations à l'obligation à la confidentialité qu'il devra faire, si c'est le cas - même si nous ne sommes pas assez naïfs pour croire que c'est une attitude populaire - seront comprises dans le sens que je viens d'indiquer.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Marguerite-Bourgeoys. Ah! c'est M. le député de Gatineau.

M. Gratton: M. le Président, comme Me Lussier l'a fait et de façon qu'on ne soit pas obligé de recommencer, à chaque question qui pourrait être posée, à se demander: est-ce que c'est cela que cela veut dire ou si c'est autre chose... Dans mon cas, pour que les gens qui nous voient à la télévision comprennent - vous les savants avocats, avez plus de facilité que nous les laïcs à vous comprendre entre vous - il me semble qu'il serait important, si M. Jasmin doit passer un certain temps avec nous, quelques heures avec nous aujourd'hui ou même moins, je ne présume de rien, que les gens qui nous regardent à la télévision, sachent de quoi il s'agit.

Ma façon de comprendre le secret professionnel d'un avocat, c'est comme un droit qu'a le client de l'avocat à la confidentialité de tout ce qui entoure les représentations que fait l'avocat au nom de son client. En d'autres mots, le meilleur exemple, c'est celui de l'accusé d'un meurtre ou d'un crime qui retient les services d'un avocat. Le secret professionnel de son avocat l'empêcherait de divulguer quoi que ce soit qui pourrait être utilisé contre son client. Le secret professionnel vise surtout à protéger le droit du client et ne vise donc pas à protéger un privilège quelconque de l'avocat ou à accorder à l'avocat de ce client une immunité quelconque. Jusqu'à maintenant, tout le monde est d'accord.

Le Président (M. Jolivet): II n'y a pas d'hérésie.

M. Gratton: On se comprend. Quand on en arrive au cas précis de Me Jasmin qui était l'avocat des syndicats québécois - il n'est peut-être pas inutile de rappeler qu'il avait quatre clients et un de ces quatre clients a relevé Me Jasmin de son secret professionnel...

Une voix: Ce n'est pas sûr.

M. Gratton: Ce n'est pas sûr mais pour les trois autres, c'est clair: ils ne l'ont pas relevé et ils ne voudraient pas que la confidentialité de leurs rapports avec leur avocat du temps soit brimée de quelque façon. Quand on en arrive à des cas ou à des faits dont la commission est saisie pour avoir entendu d'autres témoins qui sont venus avant aujourd'hui nous en saisir - je prends, par exemple, Me Gauthier qui nous a fait part de la réunion qu'il avait organisée le 6 février avec le ministre du Travail du temps et à laquelle Me Jasmin était présent, il nous a dit ce dont il se rappelait de ce qui s'était passé...

Je m'excuse, mais j'en ai une autre ici. D'ailleurs, ce n'était même pas le 6 février. Non, non, pardon, à celle du 6 février, Me Gauthier a témoigné ici devant la commission que Me Jasmin était venu lui montrer des procédures qu'il devait présenter dans la journée au conseil d'administration de la Société d'énergie de la Baie James. Me Gauthier disait: II avait des documents avec lui. Cela, ce n'est plus un secret, ce n'est plus confidentiel, le public le sait. Il y a eu une rencontre le 6 février, où Me Jasmin a rencontré Me Gauthier et lui a remis des documents. La question que je vous pose, Me

Lussier, la voici: Est-ce que votre interprétation de la décision du président et l'interprétation la plus large qui soit de la notion de la confidentialité du respect du secret professionnel nous empêcheraient de poser - en fait, il n'y a rien qui nous empêche de poser des questions, je pense bien - et empêcheraient Me Jasmin de répondre à nos questions sur cette réunion en particulier?

M. Lussier: M. le député de Gatineau, je comprends qu'à travers cette question que vous me posez, vous étayez à titre de "laïc" votre compréhension de ce que couvre la notion de secret professionnel. Comme la décision de la présidence l'exprimait et comme je l'ai exprimé hier, à mon avis, cette interprétation doit être la plus large possible, pour bien des raisons sur lesquelles je ne reviendrai pas, mais j'ai tenu aujourd'hui à relire au texte les représentations qui avaient été faites par le Barreau du Québec. Vous comprendrez comme moi que ces représentations faites par le Barreau du Québec sur l'étendue et la portée de la notion du secret professionnel ont pour effet de mettre en cause toutes les démarches qu'un avocat fait dans l'exécution de son mandat, que ce soit avec ses clients, que ce soit avec d'autres avocats ou que ce soit avec des tiers.

Si lors d'une rencontre dans le bureau du premier ministre ou ailleurs, un avocat agit dans la poursuite d'un ou de tous les mandats qu'il détient dans une cause comme celle qui vous intéresse, de l'avis du Barreau du Québec, et c'est l'interprétation que nous venons de relire, il s'agit de démarches couvertes par l'obligation à la confidentialité.

De plus, M. le député de Gatineau, je comprends que des gens ne soient pas d'accord avec une telle interprétation. C'est cela qui était le problème, mais je ne veux pas revenir là-dessus, on en a parlé hier, mais je vous dis: C'est cela notre position, nous croyons que c'est la position la plus prudente dans les circonstances et c'est celle que nous allons adopter.

M. Gratton: D'accord. Mais de façon qu'on se comprenne tous dès le départ, est-ce que cette interprétation-là, parce que vous le dites vous-même, c'est l'interprétation du barreau, qui n'a d'ailleurs pas été retenue par le président dans sa décision tout à fait, mais vous allez vous en servir et c'est votre plein droit...

M. Lussier: C'est-à-dire que j'ai compris la décision de la présidence que la présidence s'en remettait au témoin...

M. Gratton: D'accord.

M. Lussier: Le témoin adopte la position du barreau comme étant la sienne. Il l'épouse à la lettre.

M. Gratton: Mais n'est-ce pas là bien plus, et je vous pose la question... Nous, de notre côté, vous connaissez nos objectifs et ce n'est peut-être pas inutile de rappeler que ce que nous voulons savoir, c'est ce qui s'est passé. En essayant de savoir ce qui s'est passé, on ne veut pas brimer les clients de Me Jasmin, qui sont protégés par le secret professionnel qu'il avait au titre de leur procureur, mais on ne veut pas non plus que l'interprétation que vous donnez à la directive du président puisse constituer une immunité... (Il h 45)

Le Président (M. Jolivet): M. le député, je vais vous arrêter parce que j'ai dit dans ma décision que j'aurai à être d'une très grande rigueur. Je vous ai écouté et je vais relire simplement la page 3, dernier paragraphe. On dit qu'il appartiendra à M. Michel Jasmin de faire valoir son obligation au secret professionnel. Il devra évaluer, lors de chaque question, si son obligation est en cause. Dans le doute, il devra trancher en faveur de la protection de la confidentialité. Toutefois, il n'aura pas à justifier l'invocation de son obligation au secret professionnel. Je réitère que la commission ou ses membres ne pourront porter de jugement sur cette invocation par le témoin et encore moins la contester.

Ce que je veux dire, c'est qu'il faut permettre toute la latitude nécessaire à la personne qui est devant nous, par les questions que vous êtes en train de poser, sans le faire directement et sans dire que vous faites cela pour la contester. Je pense que vous vouliez vous informer pour voir dans quel sillon - on pourra prendre le texte qui a été dit - on doit manoeuvrer.

Je comprends, de la façon dont Me Lussier a fait les préliminaires pour nous permettre de savoir dans quelle voie on se dirigeait, qu'il a décidé, à la suite de la décision que j'avais rendue, de prendre telle position et il nous l'a expliquée.

Je vous rappelle que, vis-à-vis de cela, je vous ai dit, à un autre moment dans la décision que j'ai rendue, il appartient donc à ce moment-là à la commission de déterminer si, dans ces circonstances, le témoignage de M. Michel Jasmin peut, malgré tout, être de quelque utilité à la commission. Je ne voudrais pas que vous reveniez sur ma décision. Elle est claire et elle est rendue. Je voudrais simplement faire en sorte qu'on évite de porter déjà un jugement sur une décision qui est prise par la personne qui est devant nous.

M. Lussier: Puis-je me... M. Gratton: Je m'excuse.

M. Lussier: Pardon, je m'excuse.

M. Gratton: Je m'excuse.

Le Président (M. Jolivet): Oui.

M. Gratton: Mon seul but est de m'assurer qu'on ne se place pas dans une situation où l'interprétation qu'on fait du secret professionnel et de la façon de le respecter se transforme en immunité ou en privilège d'immunité pour Me Jasmin plutôt qu'un droit de ses clients à ce que la confidentialité de leur rapport soit respectée.

Le Président (M. Jolivet): J'avais compris ce rapport, mais le seul problème qui me restait, c'est que, par la bande, sans dire que c'était de façon directe, vous étiez en train de passer outre à la directive que j'avais donnée en page 3. C'était simplement pour vous rappeler cette partie, pour éviter que vous contestiez le jugement porté par Me Lussier au nom de son client.

M. Lalonde: Si vous me permettez, M. le Président...

Le Président (M. Jolivet): Oui, M. le député...

M. Gratton: Ce n'était pas là mon but. Le Président (M. Jolivet): D'accord.

M. Lalonde: Si vous me permettez, M. le Président...

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: Vous vous souvenez, lorsque Me Larivière est venu, il y a quelques semaines, on lui a posé des questions sur l'application de l'interprétation du barreau. Me Lussier, tout à l'heure, a rappelé un certain nombre d'opinions émises par Me Larivière. En fait, je pense que, strictement, ce que le député de Gatineau voulait bien comprendre et nous faire comprendre, c'est si les faits qui ont été révélés par d'autres témoins sont encore à l'intérieur du droit du client à la confidentialité, étant donné qu'ils sont rendus publics. S'ils ne sont plus couverts par ce droit à la confidentialité, étant rendus publics, peuvent-ils être couverts par l'obligation du témoin de ne pas répondre? La question est strictement cela?

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre voudrait ajouter quelque chose, ensuite, je permettrai à Me Lussier d'ajouter davantage.

M. Duhaime: Sur cette question, M. le Président, je répondrai par l'affirmative. Je crois que c'est Me Larivière, quand il a fait une représentation ici au nom du barreau... On va faire une hypothèse de travail. Il y a trois personnes qui se parlent. Il y en a une sur les trois qui a l'obligation de la confidentialité. Les deux autres, ne l'ayant pas, rendent compte des événements. Vous avez raison de dire que le secret est disparu, en quelque sorte, mais l'obligation à la confidentialité demeure.

Le seul problème que nous avons, c'est que nous allons devoir nous priver, à mon sens, d'un témoignage fort important qui viendrait ou bien corroborer ce qui a été révélé par les deux autres personnes dans mon exemple ou encore viendrait infirmer tout ou partie des conversations. C'est ma compréhension. Je ne vois pas comment un avocat qui n'est pas délié de son secret professionnel par ses clients et, de façon très claire, pourrait manoeuvrer autrement. Cela restera des versions de faits qui ne seront pas corroborées ou commentées et on n'aura pas l'éclairage que Me Jasmin aurait pu normalement nous apporter si ses clients avaient daigné le libérer de son obligation à la confidentialité. Là-dessus, je dois dire que je rejoins l'opinion qu'a fait valoir, ici, Me Larivière, au nom du barreau. Autrement, tout disparaît.

Le Président (M. Jolivet): Me Lussier.

M. Lussier: Tout simplement une chose là-dessus, pour répondre plus directement aux députés de Gatineau et de Marguerite-Bourgeoys. Je relis trois lignes de ce que j'ai lu tout à l'heure. Question de M. Lalonde, et je cite "M. Boivin pourrait venir ici, n'étant pas dans l'exercice de ses fonctions d'avocat et nous dire tout ce que Me Jasmin lui a dit pendant des heures, mais Me Jasmin ne pourrait pas venir nous le dire." Réponse de Me Larivière: "C'est exact." Je l'ai lu, tout à l'heure, et j'ai continué plus loin et je ne le relirai pas. C'est l'optique que nous entendons suivre.

Une dernière remarque que j'ai omis de dire tout à l'heure. On parlait de rencontres, etc. Vous comprendrez également qu'à l'occasion de questions qui pourraient sembler, pour quelqu'un n'étant pas au fait de tous les éléments de ce dossier, d'apparence purement anodine, il peut arriver, il pourrait très bien arriver, et pour en avoir fait l'expérience avec Me Jasmin lorsque nous nous sommes préparés à venir devant vous, que des questions d'apparence anodine entraînent pour le témoin une réponse qui le forcerait à entrer dans certains détails des mandats qui lui ont été confiés.

C'est dans ce sens-là que, tout à l'heure, je disais qu'il pourrait arriver, il arrivera, si l'occasion se présente, qu'il pourrait y avoir une invocation de cette obligation à la confidentialité, même pour

des questions d'apparence anodine. C'est dans ce sens-là que je disais: C'est sûrement une attitude peu populaire et fort mal comprise en général. Je répète que c'est une attitude que la loi nous oblige à prendre et c'est ce que nous ferons.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

Témoignage M. Michel Jasmin

M. Duhaime: M. le Président, je vais risquer quelques premières questions en présumant, bien sûr, que les couvertures du secret professionnel ne s'appliqueront pas à ces questions, qui seront préliminaires bien sûr.

Me Jasmin, est-ce que vous pouvez - je pense bien que oui - nous répéter les noms des clients ou clientes que vous avez représentés dans l'instance que nous étudions?

M. Jasmin: Le Conseil provincial, le local 791, M. Maurice Dupuis et M. René Mantha. Enfin, dans l'action, je représentais le conseil de tutelle décrit dans l'action, dans le bref. Le conseil de tutelle, c'était la tutelle du local 791 et de l'Union des opérateurs de machinerie lourde du Québec. Je représentais les deux syndicats par le conseil de tutelle, parce qu'à ce moment-là il était en tutelle.

M. Duhaime: En regard avec l'instance dont il s'agit, c'est-à-dire la poursuite intentée par la Société d'énergie de la Baie James, dans ce dossier, au meilleur de votre souvenir, pourriez-vous nous préciser à quel moment votre mandat comme procureur a débuté?

M. Jasmin: Le mandat que j'ai eu a été, dans l'affaire du saccage de la Baie-James, le 22 mars 1974. Les incidents sont arrivés le 21 mars 1974, de mémoire. Certains de mes clients m'ont donné un mandat dès le 22 mars 1974. Dans l'action comme telle, en fait, j'ai fait la commission Delage, le commissaire aux incendies. J'ai travaillé aussi à la commission Cliche et j'ai comparu pour les clients dans cette action-là. Quand on parle du saccage de la Baie-James, je suis intervenu dès le début.

M. Duhaime: Si je comprends bien, vous aviez un mandat de vos clients dès le lendemain du saccage de la Baie-James et, d'une façon plus particulière, pour voir à la sauvegarde ou à la protection de leurs intérêts lorsque la poursuite a été signifiée.

M. Jasmin: Pas de tous les clients mentionnés personnellement, pas de tous les clients mentionnés dans l'action comme telle.

M. Duhaime: Non, mais vous en avez mentionné quatre.

M. Jasmin: Oui, mais j'ai eu le mandat de l'Union des opérateurs de machinerie lourde du Québec, immédiatement après les incidents. Lorsque les incidents sont arrivés, là-bas, il n'y avait personne qui ne savait ce qui s'était passé en haut; quand on parle d'en haut, on parle de la Baie-James. Alors, je suis intervenu à ce moment-là.

M. Duhaime: Et votre mandat comme procureur pour le Conseil provincial des métiers de la construction, le local 791, Maurice Dupuis et René Mantha, eu égard à l'instance comme telle qui a été intentée par la Société d'énergie de la Baie James, ce mandat-là s'est terminé à quel moment? Pour les fins de l'instance?

M. Jasmin: Au moment du règlement du dossier.

M. Duhaime: Pardon?

M. Jasmin: Au moment du règlement du dossier.

M. Duhaime: Alors, c'est en mars 1979.

M. Jasmin: Je pense que c'était le 13 mars 1979.

M. Duhaime: Le 13 mars, si mon souvenir est bon, c'est la journée du dépôt à la cour...

M. Jasmin: Le dépôt à la cour de... M. Duhaime: ...de la transaction.

M. Jasmin: ...de la transaction de règlement.

M. Duhaime: J'imagine qu'avant de terminer votre mandat, vous avez pris soin de transmettre votre note pour services professionnels aussi, après que la cause eût été réglée devant la Cour supérieure. Cela fait partie du mandat, j'imagine?

M. Lalonde: C'est un ancien avocat qui s'inquiète d'un autre avocat.

M. Jasmin: Pardon?

M. Lalonde: Je dis que c'est un ancien avocat qui parle.

M. Duhaime: Moi, ma note de frais a toujours fait partie de mon mandat.

M. Lalonde: Oui.

M. Duhaime: Maintenant, Me Jasmin, vous comprendrez que pour ma part, la température et les menus de restaurants ne m'intéressent pas. Je voudrais vous poser des questions d'ordre général, en vous adressant la question suivante. Entre le 22 mars 1974 et le 13 mars 1979, c'est-à-dire presque cinq ans - mais d'une façon plus particulière, je me référerai toujours à la poursuite - est-ce que vous considérez que vos rencontres, discussions, échanges de documents, conversations, lettres, appels téléphoniques, télégrammes, que vous-même ou vos associés professionnels dans l'exercice de ce mandat ont eus avec le bureau de Geoffrion et Prud'homme et, en particulier, avec Me Cardinal, Me Aquin et Me Jetté, sont sous le couvert de votre obligation à la confidentialité?

M. Lussier: La réponse est oui, M. le Président.

M. Duhaime: Pour m'éviter de reformuler la même question...

M. Lussier: Je m'excuse, la réponse est oui.

Le Président (M. Jolivet): Vu que c'est Me Jasmin qui doit...

M. Lussier: C'est que nous nous sommes entendus de cette façon. Je connais le dossier pour l'avoir préparé longuement avec Me Jasmin.

Le Président (M. Jolivet): Oui, mais c'est qu'en vertu...

M. Jasmin: La réponse est oui.

Le Président (M. Jolivet): Vous pouvez le conseiller.

M. Lussier: Est-ce que je comprends que, dans ces cas-là...

Le Président (M. Jolivet): Oui, ce que vous allez faire pour les besoins de la cause, c'est que lorsque vous interprétez que votre droit au secret professionnel doit être invoqué, c'est de le dire à Me Jasmin qui répondra à ce moment-là.

M. Lussier: Parfait.

M. Duhaime: Me Jasmin, est-ce que vous considérez que les rencontres, discussions, échanges, lettres à correspondance, télégrammes, etc., entre vous-même, votre bureau et vos clients, le Conseil provincial des métiers de la construction, le local 791 et MM. Maurice

Dupuis et René Mantha, sont également couverts par votre obligation à la confidentialité?

M. Jasmin: Oui.

M. Duhaime: Est-ce que vous considérez que votre rencontre ou vos rencontres ou vos discussions, échanges avec

Me Yves Gauthier, conseiller spécial au bureau du premier ministre, tombent sous le couvert de votre obligation à la confidentialité?

M. Jasmin: Je dirais que la rencontre du 17 octobre 1978 et celle du 12 novembre 1978 ne touchent pas le secret de confidentialité. Lors de ces deux rencontres, j'ai vu M. Gauthier et il n'a jamais été question du mandat du dossier dont je m'occupais. Alors, ces deux rencontres-là, du 17 octobre 1978 et du 12 novembre 1978, n'ont jamais eu trait au dossier du saccage de la Baie-James. (12 heures)

M. Duhaime: J'ai cru comprendre le 17 octobre 1977.

M. Jasmin: La rencontre du 17 octobre 1978, pardon, et celle du 12 novembre 1978.

M. Duhaime: Me Jasmin, est-ce que vous jugez que vos rencontres, discussions ou échanges avec M. Jean-Roch Boivin, le chef de cabinet du premier ministre, au cours de la période allant de la fin de 1978 au début de 1979, tombent également sous le couvert de votre obligation à la confidentialité?

M. Jasmin: Oui.

M. Lalonde: M. le Président, est-ce que vous me permettez de demander une précision au ministre?

Le Président (M. Jolivet): Au ministre.

M. Lalonde: Lorsqu'il parle des rencontres, est-ce qu'il se réfère aux rencontres dont les dates sont inscrites dans la liste qui nous a été donnée?

M. Duhaime: C'est implicite dans ma question.

M. Lalonde: C'est implicite... M. Duhaime: Oui.

M. Lalonde: ...pour aider quand même le témoin à répondre de façon précise.

M. Duhaime: C'est implicite et je réfère essentiellement, à moins qu'il y en ait d'autres...

M. Jasmin: Toutes les rencontres que j'ai eues avec M. Boivin, si on parle de la période du 4 décembre 1978 au 9 février 1979...

M. Duhaime: C'est cela. Ce sont les rencontres auxquelles je me référais. Est-ce que vous considérez également que les représentations, conversations, échanges ou discussions que vous avez pu avoir avec quiconque en rapport avec la poursuite intentée contre vos quatre clients, depuis le début de votre mandat dans l'instance et jusqu'au 13 mars 1979, tombent également sous le couvert du secret professionnel?

M. Lalonde: Avec qui?

M. Duhaime: Avec quiconque.

M. Lussier: Si vous me permettez, ce n'est pas pour répondre à la question, c'est parce que...

M. Lalonde: Ah non! M. le Président, je m'opposerais à cette question parce que là, il faudrait permettre au témoin d'avoir plus de précision.

M. Lussier: C'est ce que je voulais soulever parce que...

M. Lalonde: Oui.

M. Lussier: ...évidemment, vous comprendrez qu'on peut dire à quelqu'un qu'on a une cause en cours et, je veux dire...

Le Président (M. Jolivet): D'accord. On va demander au ministre de spécifier de nouveau ce qu'il veut dire dans sa question.

M. Duhaime: Non, je ne la précise pas, M. le Président. Je n'ai pas d'autre question à poser.

Le Président (M. Jolivet): Ah! D'accord. M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: M. le Président, j'aurais quelques questions à poser à M. Jasmin. Est-ce que vous avez eu d'autres rencontres que celles qui sont inscrites dans la liste qui a été déposée à cette commission? Je vais vous aider en vous donnant des dates. On comprend qu'on élimine celles des 17 octobre 1978 et 12 novembre 1978 avec Me Gauthier. Vous avez dit que vous n'étiez pas, à ce moment-là, dans l'exécution de votre mandat.

Donc, est-ce qu'il y a eu d'autres rencontres ou communications téléphoniques, soit avec M. Boivin ou avec M. Gauthier, que celles du 4 décembre 1978, avec M. Boivin; du 12 janvier 1979, avec M. Boivin; du 15 janvier 1979, avec M. Boivin; du 16 janvier 1979, avec M. Boivin - je me réfère toujours à M. Boivin, le chef de cabinet du premier ministre - du 17 janvier 1979, avec Me Gauthier, conseiller spécial du premier ministre; du 19 janvier 1979, avec M. Boivin, du cabinet du premier ministre; du 29 janvier... non, enlevez celle-là; du 2 février 1979, avec M. Boivin; du 6 février 1979, avec Me Gauthier, toujours du cabinet du premier ministre, et du 9 février 1979, avec M. Boivin?

Tout à l'heure, vous avez vous-même arrêté la liste au 9 février 1979. Moi, j'en ai une autre du 16 février 1979 avec Me Gauthier. Est-ce que vous avez eu d'autres rencontres que celles-là soit avec M. Boivin, soit avec M. Gauthier, soit avec le premier ministre, avant cette période et jusqu'au 13 mars 1979, dans l'exécution de votre mandat?

M. Jasmin: Juste...

Le Président (M. Jolivet): D'accord.

M. Jasmin: À ma connaissance, il n'y a pas eu d'autres rencontres, mais il y a eu des communications téléphoniques.

M. Lalonde: Est-ce que je dois comprendre que toutes les communications -je me trouve à présumer un peu parce que je présume, M. le Président, que vous me corrigerez si je suis en dehors de la légalité - parce que je présume que, quand il y a eu des rencontres, il y a eu des échanges, des discussions, enfin, des conversations... Est-ce que tout ce qui était contenu dans ces rencontres, échanges, conversations, concernait l'exécution de votre mandat?

M. Jasmin: Oui, sauf la réunion du 16 février avec M. Latouche. Il y a une partie de cette rencontre qui a eu lieu, mais qui a peut-être une incidence dans ce dossier.

M. Lalonde: Puisque vous êtes rendu au 16 février, je vais vous poser une question. Est-ce que vous pouvez nous dire ce qui s'est passé à cette réunion du 16 février et qui ne concerne pas l'exécution de votre mandat? Je commence par une question préliminaire: Est-ce que vous étiez, à ce moment, l'avocat de M. Latouche?

Le Président (M. Jolivet): Juste un instant, c'est justement, si cela ne touche pas votre mandat, cela touche encore bien moins le mandat de la commission. En conséquence...

M. Lalonde: M. le Président, j'aimerais...

Le Président (M. Jolivet): Oui.

M. Lalonde: ...me référer à l'article de la Presse du 17 mars qui a été, à plusieurs reprises, invoqué ici pour poser des questions - ce qui est d'ailleurs à la base même de notre mandat - à la réponse du premier ministre du 18 mars affirmant que Me Jasmin, à ce moment, était l'avocat de M. Yvan Latouche.

Le Président (M. Jolivet): Oui, je peux bien concevoir qu'il y a des articles de journaux qui sont écrits, qu'il y a des questions qui sont posées, mais ce n'est pas ce que j'ai à décider. Si cela ne touche pas le mandat de la commission et que cela ne touche pas le mandat de la personne qui est devant nous, en conséquence, la question est irrecevable.

M. Lalonde: Est-ce que vous pouvez nous relater ce qui s'est passé à la réunion du 16 février qui n'est pas couvert par votre serment de confidentialité...

Le Président (M. Jolivet): ...et qui touche le mandat de la commission. Mon problème est le suivant, et je pense que c'est la même chose pour Me Jasmin; je présume moi aussi. Dans les questions qui ont été posées par M. le ministre, il a été question de toute conversation, de toute incidence au niveau du mandat qu'il avait. Il invoque le secret professionnel. Donc, s'il l'invoque sur le mandat et que cela touche notre commission au niveau du mandat que nous avons, toute autre chose n'est pas dans le mandat de cette commission. On ne peut pas permettre la question. Me Lussier va ajouter quelque chose.

M. Lussier: Je voudrais juste faire une remarque. Je ne veux pas répondre à la place du témoin. Je comprends que c'est toujours le témoin qui doit répondre. Ce que le témoin vous a dit dans une réponse précédente, c'est que, lors de cette rencontre du 16 février, il y a des choses qui ne touchent pas son obligation à la confidentialité. Il y a aussi des choses qui, à son avis, touchent son obligation à la confidentialité. Est-ce que je comprends bien la question, pour pouvoir conseiller, que ce que vous demandez, c'est si les choses qui touchent son obligation à la confidentialité touchent l'obligation à la confidentialité qui existe en rapport avec les clients mentionnés dans l'affaire du saccage de la Baie-James. Si c'est la question, cela va aider le témoin à y répondre. Si vous lui demandez si cela touche son obligation à la confidentialité pour d'autres clients, cela aussi aidera le témoin à répondre. Moi-même, j'ai de la difficulté à pouvoir conseiller...

Le Président (M. Jolivet): Je vais vous expliquer en vous relisant le mandat de la commission. Peut-être que cela vous aidera.

Le mandat de la commission, c'est d'examiner les circonstances entourant la décision du conseil d'administration de la Société d'énergie de la Baie James de régler hors cour la poursuite civile intentée à la suite du saccage du chantier de LG 2 survenu en 1974 et, plus spécifiquement, le rôle du premier ministre et de son bureau à cet égard.

Si, dans les réponses que Me Jasmin pourrait nous donner, cela touche ce mandat, je vais la permettre. Mais si cela ne touche pas ce mandat de la commission, je ne peux la permettre. Consultez-vous.

M. Duhaime: M. le Président. Le Président (M. Jolivet): Oui. M. Duhaime: Je voudrais...

Le Président (M. Jolivet): Juste un instant. C'est un petit problème technique qu'on nous propose de régler. C'est M. le ministre qui va faire mention de ce petit problème technique.

M. Duhaime: II m'est arrivé, il y a plusieurs années, de voir un film où des spécialistes arrivaient à lire facilement sur les lèvres sans entendre de son. Je demanderais, M. le Président, pour éviter aussi que cela fasse un focus inutile sur Me Jasmin et Me Lussier au moment où ils se consultent, que vous demandiez bien gentiment au caméraman ou au technicien de la caméra de...

Une voix: De montrer le président.

Le Président (M. Jolivet): De me montrer. Parfaitement. En conséquence, c'est déjà acquis.

M. Duhaime: Pendant que la consultation...

Le Président (M. Jolivet): Les messages sont faits. Si c'est sur cette question...

M. Duhaime: Vous pouvez montrer le député de Brome-Missisquoi aussi.

M. Gratton: M. le député de Bourassa voudrait avoir la caméra de temps en temps.

Le Président (M. Jolivet): Juste un instant avant que vous ne parliez, parce que j'ai des petits problèmes techniques de droit.

M. Laplante: ...

Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! M. le député de Bourassa voudrait intervenir?

M. Laplante: Seulement pour la bonne compréhension, pour pouvoir suivre les travaux. On sait que c'est compliqué. Si la question était du député de Marguerite-Bourgeoys c'est que Me...

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Bourassa.

M. Laplante: Non, non. Écoutez...

Le Président (M. Jolivet): M. le député. Non.

M. Laplante: C'est pour aider. C'est pour aider.

Le Président (M. Jolivet): Non, je m'excuse. Me Lussier... Juste un instant. Me Lussier va répondre et je pense que cela va régler mon problème. Me Lussier.

M. Lussier: M. le Président, lors de cette rencontre, pour être plus clair et pour savoir exactement où on va, il a été question de choses qui ne concernent pas le mandat de la commission. Mais à l'occasion de cette rencontre, il est survenu quelque chose qui pourrait concerner le mandat de la commission mais qui, à notre avis, est couvert par l'obligation à la confidentialité et c'est en ce sens que nous avons formulé l'objection tout à l'heure, c'est-à-dire le...

M. Lalonde: ...poser la question à Me Lussier. Est-ce que le fait que M. Latouche soit ou non ou ait été à ce moment ou non un client de Me Jasmin est couvert par cette obligation à la confidentialité?

M. Lussier: Non, cela ne concerne pas du tout la relation qui puisse exister entre M. Latouche et...

Le Président (M. Jolivet): Si j'ai bien compris, cela ne concerne pas le mandat de la commission.

M. Lalonde: Bien, c'est-à-dire, M. le Président...

M. Lussier: Bien là, ce n'est pas à moi à déterminer cela, M. le Président. Vous le comprendrez.

M. Lalonde: C'est là-dessus, M. le Président, que je voudrais faire appel à votre bon jugement. On a posé des questions, le ministre en a posé sur l'article de la Presse du 17 mars à plusieurs témoins. Me Boivin a disséqué l'article du 17 mars dans sa déclaration préliminaire. Vous ne l'avez pas arrêté. Vous n'avez interdit aucune référence à l'article du 17 mars 1983, c'est-à-dire l'article du journal La Presse, qui contient cette prétention d'une participation de M.

Yvan Latouche à une réunion avec Me Jasmin et Me Gauthier le 16 février 1979. À la suite de cet article du 17 mars, dans la réponse du premier ministre, il y a une affirmation selon laquelle Me Jasmin était l'avocat de M. Latouche à ce moment-là. Il me semble que cela est dans le mandat et que ce n'est pas couvert par la confidentialité qui vient du mandat d'autres clients de Me Jasmin. Il me semble qu'on devrait permettre la question.

M. Laplante: M. le Président...

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Bourassa.

M. Laplante: J'aimerais que vous m'écoutiez jusqu'au bout parce que je veux...

Le Président (M. Jolivet): Je suis prêt.

M. Laplante: ...comprendre ce qui se passe autour de la table.

Le Président (M. Jolivet): M. le député, ce n'est pas ce que je voulais...

M. Laplante: Écoutez...

Le Président (M. Jolivet): Non, non, vous me mettez en cause, je vais quand même répondre. Je n'aime pas qu'on me mette en cause quand j'ai des décisions à rendre. Ce que j'étais en train de vous dire tout à l'heure, c'est que j'avais demandé une réponse à Me Jasmin par l'intermédiaire de son procureur, Me Lussier, et c'est celle-là que je voulais entendre en premier. Je ne voulais pas vous empêcher de parler.

M. Laplante: Oui, mais cela aurait peut-être...

Le Président (M. Jolivet): M. le député, si vous insistez, je vais utiliser d'autres articles que vous connaissez très bien.

M. Laplante: J'espère que vous les utiliserez pour tout le monde.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Bourassa.

M. Laplante: Me Jasmin n'était pas l'avocat du syndicat américain. Ce que je veux savoir, c'est si, lors de la rencontre avec Me Gauthier - M. Latouche était là aussi - il aurait pu être question aussi du syndicat américain qui n'était pas dans le mandat de Me Jasmin. C'est cela que je voudrais savoir, si les questions qu'on aura à poser à un moment donné touchant le syndicat américain, on pourra les poser.

Le Président (M. Jolivet): M. le député,

vous aurez toute latitude de poser des questions si vous me demandez le droit de parole; je vous l'accorderai quand nous en serons à votre côté, selon l'alternance.

M. Laplante: C'est justement...

Le Président (M. Jolivet): Vous les poserez après. Je ne peux pas le savoir pour le moment. Vous n'avez pas droit de parole. Cela n'avait pas trait justement à la discusssion en cours. Voulez-vous répéter la question M. le député?

M. Lalonde: J'avais terminé ma demande...

Le Président (M. Jolivet): ...mais votre question...

M. Lalonde: ...à vous-même, à savoir pourquoi vous déclariez irrecevable une question que j'ai posée, à savoir si Me Jasmin était, le 19 février 1979...

Le Président (M. Jolivet): Le 16 février 1979.

M. Lalonde: ...le 16 février 1979, l'avocat de M. Yvan Latouche.

Le Président (M. Jolivet): Là, c'est une question que vous posez. Ce que j'avais compris, c'était plus large que cela. C'est pour cela que je l'avais déclarée irrecevable parce qu'elle parlait de beaucoup d'autres choses et c'était sous cette partie-là. Je vous permets de répondre.

M. Jasmin: Quand M. Latouche a dit que je ne l'avais jamais vu avant, j'ai essayé pendant quatre jours de savoir où j'avais déjà vu cette personne-là. J'ai la nette impression que j'avais rencontré M. Latouche à mon bureau, en 1978, pour une consultation juridique et une demande d'emploi. Il y a trois éléments qui me font souvenir de cette réunion-là. Le premier c'est que M. Latouche rédigeait ses propres procédures et comme avocat cela ne s'oublie pas. Quand quelqu'un arrive avec des procédures judiciaires et qu'il rédige lui-même ses propres procédures, cela ne s'oublie pas. Alors j'ai le souvenir de cela. Deuxièmement, lors de cette rencontre, je vous dis que c'est une impression que j'ai et je me suis souvent posé cette question, je l'ai rencontré avant. Troisièmement, c'est que la visite était très contemporaine à une victoire, enfin, à un gain qu'il avait eu en Cour supérieure contre des avocats. Alors il était très fier de cela.

Le deuxième élément, c'est que j'ai donné une suite à cette rencontre quand il est venu me voir. C'est là que je suis bloqué, j'ai donné une suite à cette rencontre puis... Une seconde, si vous permettez.

Le Président (M. Jolivet): Oui, Me Jasmin.

M. Jasmin: Le fait que je suis couvert par le secret professionnel, que voulez-vous que je vous dise?

Le troisième élément qui me fait souvenir de cela, c'est que lorsque je suis arrivé au bureau de M. Gauthier et que j'ai vu M. Latouche, c'est une personne que j'avais déjà vue parce que la première réaction que j'ai eue, c'était de blaguer sur les procédures d'avocat. De plus, j'ai fait cet exercice pendant quatre jours, parce que, évidemment, des fois, vous êtes député, il y a des gens qui vont vous voir dans votre comté et qui vous disent: Écoutez, je vous ai rencontré, M. le député. Des fois, vous le saluez, vous souriez et vous dites: Oui, certainement.

M. Lalonde: Rappelez-moi votre nom.

M. Jasmin: Cela, c'est l'impression que j'ai. Ce n'est pas le souvenir que j'ai d'une seule rencontre. Quand j'ai fait cet exercice, évidemment, c'est fatigant se faire dire: Écoutez, on ne vous a jamais vu avant. J'ai fait les cent pas pour essayer de me souvenir. Je vais vous dire la démarche que j'ai faite. Je me suis rendu à la Cour supérieure de Montéal et j'ai regardé le dossier de l'action prise par M. Latouche contre la SEBJ. Je vous dis que je me considère libéré du secret professionnel que j'avais lors de cette rencontre parce que M. Latouche m'a libéré implicitement parce qu'il m'a dit qu'il ne m'avait jamais rencontré avant. Alors, implicitement, je me sens libéré du secret professionnel.

J'ai fait sortir le dossier et j'ai passé peut-être deux heures à étudier son dossier à la Cour supérieure.

M. Lalonde: Récemment?

M. Jasmin: Oui, oui, j'ai fait cela récemment.

M. Lalonde: Oui, oui, au moment...

M. Jasmin: J'ai regardé les procédures et, évidemment, cela te revient à la mémoire lorsque tu regardes les procédures. Il y avait un avocat, M. Yanuck Chuit, qui était l'avocat d'Hydro-Québec. De mémoire, je pense qu'il avait fait une requête de production de documents. On a forcé la SEBJ à produire des documents et c'est M. Latouche qui faisait la demande. J'ai une partie des procédures que M. Latouche a faites. Si jamais il y a des avocats qui veulent voir des procédures bien faites par un profane, moi, je n'ai jamais vu cela de

ma vie. Cela, on s'en souvient tout le temps, mais on peut oublier une rencontre.

De plus, je veux vous dire aussi que j'ai essayé de retracer...

Le Président (M. Jolivet): Pardon. Excusez-moi. Par vos interventions de part et d'autre vous empêchez...

M. Jasmin: Je n'ai pas mon agenda de 1978. Je garde mes agendas deux ans par deux ans. Il y a des avocats qui vont le jeter le 31 janvier et il y en a qui vont le garder quinze ans. Je n'ai pas ouvert de dossier de cette visite, parce que la politique à notre bureau est que lorsque c'est une consultation de quelqu'un qui vient vous consulter pendant une demi-heure ou trois-quarts d'heure pour quelque chose, quand on n'a pas une suite à cela, on n'ouvre pas de dossier. Je pense que c'est la pratique commune dans les bureaux d'avocats et dans les études. La raison est très simple: Cela coûte plus cher d'ouvrir un dossier que de facturer des honoraires au client. On n'en fait pas. Il y a beaucoup de clients qui viennent nous voir. On fait une première consultation. On dit: Écoutez, il y a cela. Le client s'en va. On ferme nos livres. Je n'ai pas ouvert de dossier.

M. Lalonde: Est-ce que je vous comprends bien, M. Jasmin, quand je dis qu'en grattant votre souvenir il est possible que M. Latouche vous ait consulté auparavant, mais que le 16 février 1979, vous n'aviez pas le mandat de le représenter d'aucune façon?

M. Jasmin: Je n'étais pas l'avocat... Je veux dire que, le 16 février, il m'a consulté comme avocat. Mais le 16 février...

M. Lalonde: Vous n'aviez pas de mandat.

M. Jasmin: ...je n'avais pas de mandat.

M. Lalonde: Le ministre vous a fait donner quelques précisions sur vos mandats, les mandats de vos différents clients, les dates où cela a commencé, quand cela s'est terminé. Est-ce que ces mandats incluaient, à partir du 14 janvier, un mandat du Conseil provincial du Québec des métiers de la construction de négocier un règlement? Je m'arrangerai pour vous faire parvenir le procès-verbal d'une réunion qui a été tenue à votre bureau ce dimanche 14 janvier 1979, si vous en avez besoin pour votre souvenir. Est-ce que vous incluez ce mandat dans ceux dont vous parliez au ministre?

M. Jasmin: Oui. Conformément à la position qu'on a prise. Il y a encore cet... Il y a un doute sur la libération. Je dois...

M. Lalonde: Non, je comprends. Mais strictement sur le mandat, comme le ministre vous a demandé de dire quel mandat vous aviez, est-ce que vous aviez aussi ce mandat?

M. Jasmin: Oui, il y avait un mandat, mais je ne peux pas vous parler du contenu.

M. Lalonde: Je ne vous pose pas de question sur le contenu. Bien oui...

M. Lussier: C'est-à-dire que vous avez dit, M. le député: Un mandat de négocier un règlement. C'est dans ce sens que M. le juge Jasmin donne sa réponse.

M. Lalonde: Ma question est posée à Me Lussier.

M. Lussier: II y avait un mandat.

M. Lalonde: Lorsque le ministre a posé des questions sur les mandats, Me Jasmin a répondu sur la nature du mandat qu'à compter de telle date, c'était un mandat pour défendre les clients contre la poursuite; et même, il a parlé des mandats auparavant parce que la poursuite a commencé seulement en février 1976 ou enfin en 1976. Me Jasmin a parlé de mandats qui remontent au 22 mars 1974 et qui n'étaient donc pas reliés à la poursuite mais reliés au saccage. Lui-même a donné des détails sur la nature du mandat. C'est pour cela que je pense que si on peut poser la question à Me Lussier s'il a reçu un mandat particulier le 14 janvier 1979, on peut lui poser la question sur la nature du mandat.

M. Lussier: Si vous me le permettez, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): Oui.

M. Lussier: Lors de la question de M. le ministre, nous avons compris - c'est en ce sens d'ailleurs que j'ai avisé M. Jasmin -qu'on demandait au témoin s'il avait un mandat dans l'affaire finalement qui concernait l'étude de votre commission, c'est-à-dire dans les poursuites prises en rapport avec le saccage de la Baie-James. Bien sûr, à ce moment-là, le fait d'avoir un mandat dans une affaire n'est pas du tout une divulgation du contenu du mandat. On peut avoir des mandats très différents dans une affaire. On peut avoir un mandat de régler comme vous l'avez dit. On peut avoir un mandat de négocier. On peut avoir un mandat de contester jusqu'au bout. Quant à la nature du mandat, je ne crois pas que le témoin ait jamais répondu quelque chose dans ce sens.

Si vous désirez savoir par votre question s'il avait un mandat du conseil

provincial, je crois même que la première réponse du témoin couvrait cet aspect. Si vous voulez savoir s'il avait un mandat spécifique de négocier un règlement, c'est sur cet aspect que nous invoquons l'obligation à la confidentialité. C'est en ce sens.

M. Lalonde: Alors, je vais reformuler ma question. Est-ce que vous avez reçu un mandat le 14 janvier 1979, du Conseil provincial du Québec des métiers de la construction relativement à la poursuite de la SEBJ contre ce syndicat?

Le Président (M. Jolivet): Non, c'est parce qu'on est en train de me dire que je vais à Clova vendredi. Oui, Me Lussier.

M. Lussier: Le problème, je vous le soumets bien honnêtement, c'est qu'il y a deux aspects dans cette question. L'un des aspects porte sur une date et je comprends que M. le député veut savoir si on avait un mandat spécifique à telle date. Je veux seulement vous soumettre un problème pour considération. Dans la mesure, par exemple, où tel mandat ou une partie de tel mandat aurait pu survenir à une autre date, antérieure ou postérieure, pour que le témoin réponde sous serment la stricte vérité quand on lui demande si à telle date il a eu un mandat spécifique, je crois qu'il doit donner des détails qui, à ce moment-là, l'obligeraient à entrer dans le détail des mandats qu'il a reçus avant ou après, relativement à la partie ou à la totalité de ce même mandat.

Le Président (M. Jolivet): Je pense...

M. Lussier: C'est la difficulté à laquelle nous sommes confrontés et vous comprendrez qu'à l'occasion de certaines questions qui peuvent sembler, comme je le disais, anodines, il y a des difficultés pour nous de donner des réponses qui soient cohérentes, à la fois avec le serment qui a été prêté et avec l'obligation à la confidentialité. Je m'excuse si cela peut être long, mais je vous ai exprimé très franchement le problème qui se pose pour telle question.

Le Président (M. Jolivet): Je pense que cela va vous aider: On va suspendre la séance jusqu'après la période de questions cet après-midi, vers 15 heures ou 15 h 30.

(Suspension de la séance à 12 h 30)

(Reprise de la séance à 15 h 50)

Le Président (M. Jolivet): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission élue permanente de l'énergie et des ressources reprend donc ses travaux aux fins d'examiner les circonstances entourant la décision du conseil d'administration de la Société d'énergie de la Baie James de régler hors cour la poursuite civile intentée à la suite du saccage du chantier de LG 2 survenu en 1974 et, plus spécifiquement, le rôle du premier ministre et de son bureau à cet égard.

Les membres de cette commission sont: M. Vaillancourt (Jonquière), M. Ciaccia (Mont-Royal), M. Duhaime (Saint-Maurice), M. Bourbeau (Laporte), M. Tremblay (Chambly), M. Gratton (Gatineau), M. Lavigne (Beauharnois), M. LeBlanc (Montmagny-L'Islet), M. Lalonde (Marguerite-Bourgeoys), M. Perron (Duplessis), M. Rodrigue (Vimont).

Les intervenants sont: M. Bisaillon (Sainte-Marie), M. Baril (Rouyn-Noranda-Témiscamingue), M. Desbiens (Dubuc), M. Dussault (Châteauguay), Mme Harel (Maisonneuve), M. Paradis (Brome-Missisquoi), M. Pagé (Portneuf), M. Doyon (Louis-Hébert), M. Laplante (Bourassa), M. Saintonge (Laprairie), le rapporteur étant toujours M. LeBlanc (Montmagny-L'Islet).

La personne invitée aujourd'hui est le juge Michel Jasmin. Je dois vous dire que nous devrions normalement siéger à partir de maintenant jusqu'à 18 heures et reprendre après l'heure du souper, de 20 heures à 22 heures. C'est l'horaire de la journée pour le moment.

M. le député de Marguerite-Bourgeoys, vous aviez la parole et une question avait été posée à Me Jasmin, mais, pour rafraîchir la mémoire de tout le monde, peut-être que M. le député de Marguerite-Bourgeoys pourrait reprendre sa question.

M. Lalonde: M. le Président, il me semble qu'on parlait d'un mandat qui aurait été accordé à M. Jasmin le 14 janvier 1979. Je lisais le texte d'un procès-verbal d'une réunion tenue par le bureau de l'exécutif du Conseil provincial du Québec des métiers de la construction de dimanche 14 janvier 1979 au bureau de la firme d'avocats Jasmin, Rivest, Castiglio, Castiglio et Lebel. On sait que ce mandat a aussi été rapporté dans les journaux de ce matin, dans le Soleil de ce matin. Pour bien vous situer, pour être bien sûr que vous répondez à la bonne question ou que vous ne pouvez répondre à la question, je vais vous lire le texte: "II est proposé par M. Raymond Boucher, appuyé par M. André Chartrand, que Me Jasmin a mandat pour négocier un règlement dans le cadre des discussions intervenues au cours de la présente réunion, c'est-à-dire, premièrement, que le Conseil provincial du Québec des métiers de la construction, sans admettre une responsabilité, pourra participer aux indemnités à être versées sous forme de règlement hors cour; deuxièmement, que Me

Jasmin donne un compte rendu des discussions qui auront lieu en vue d'aboutir à ces règlements."

Est-ce que vous êtes en mesure de confirmer ou d'infirmer ce mandat?

Le Président (M. Jolivet): Me Jasmin.

M. Jasmin: On n'infirme rien, on ne veut pas rentrer dans le contenu des mandats.

M. Lalonde: Vous n'êtes en mesure ni de confirmer, ni d'infirmer.

En parlant, justement, de cet article paru dans le Soleil aujourd'hui, le journaliste, M. Samson, rapporte que M. Maurice Pouliot, président-directeur général du Conseil provincial du Québec des métiers de la construction, qui était un officier d'une de vos clientes à ce moment-là, aurait écrit -et je cite l'article du Soleil - "Selon notre procureur...

M. Duhaime: M. le Président, question de règlement.

Le Président (M. Jolivet): Oui, M. le ministre.

M. Duhaime: Sauf erreur, je pense qu'on va s'enferrer dans un débat de ouï-dire. Moi aussi, j'ai lu le Soleil de ce matin. J'ai pu en prendre connaissance à l'heure du lunch. M. le Président, j'en ferai une question de règlement. Les propos rapportés dans le journal Le Soleil constituent du ouï-dire et ne peuvent pas être mis en preuve et encore moins lorsque ce ouï-dire est rapporté par un journaliste. Je m'oppose à ce qu'on introduise dans nos débats des éléments de preuve qui n'ont pas été soumis à la commission conformément à nos règlements.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: Je suivrais volontiers le ministre dans sa théorie du ouï-dire si je posais la question à M. Pouliot. Il me semble que je n'aurai pas la possibilité de le faire, à moins de réussir à convaincre le ministre du bien-fondé de notre demande de convoquer M. Pouliot à la commission parlementaire. Ce que j'avais l'intention de faire était de demander à Me Jasmin si c'est exact, ce que M. Pouliot rapporte qui lui a été dit. Cela n'est pas du ouï-dire puisque cela vient justement du témoin lui-même, de la source même de ces paroles ou de ces propos. Je ne sais pas de quelle façon le ministre construit son argument pour conclure qu'il s'agit de ouï-dire.

Si je demandais à M. Pouliot s'il sait ce qui s'est passé dans le bureau du premier ministre et qu'il me répondait: M. Jasmin nous a dit telle chose, cela pourrait être du ouï-dire. Ceci n'est pas illégal nécessairement lorsque la meilleure preuve n'est pas possible, mais ce n'est pas la meilleure preuve. Je rapporte à M. Jasmin les propos publiés de M. Pouliot, qui semblent d'ailleurs, d'après la publication, faire partie d'un mémoire que M. Pouliot avait l'intention de présenter à cette commission, "Selon notre procureur, écrit M. Pouliot dans sa déclaration, le montant de 300 000 $ fut le résultat de plusieurs discussions...

Le Président (M. Jolivet): M. le député, je vais vous interrompre avant même que vous continuiez pour m'assurer qu'on respecte la rigueur que j'ai demandée ce matin et pour éviter que des demandes faites à Me Jasmin par l'intermédiaire d'articles de journaux ou d'autres façons ne soient une pression additionnelle sur l'invité qui nous a déjà mentionné, par l'intermédiaire de son procureur, dans quel corridor, il doit manoeuvrer à la suite des décisions que j'ai rendues. Il serait, à mon avis, incorrect envers l'invité de poser des questions un peu, j'oserais peut-être dire, comme si on allait à la pêche, au niveau de certaines choses qui sont dites par des preuves qui ne sont pas ici devant cette commission parlementaire. Peut-être que la façon de poser votre question nous amène à être circonspects quant au fait de la question posée. J'aimerais peut-être mieux, pour nous assurer qu'il n'y ait pas de problème, comme je vous l'ai, d'ailleurs, demandé lors de la décision que j'ai rendue ce matin, vous inviter à reposer votre question autrement sans utiliser des choses qui ne sont pas mises en preuve ici devant cette commission.

M. Lalonde: M. le Président, je veux être bien sûr de mesurer le corridor, qui est très étroit, d'ailleurs, dans lequel nous devons travailler. Vous avez dit dans votre décision qu'il appartient au témoin de déterminer la portée, l'étendue et l'application de son obligation à la confidentialité. Le témoin est assisté d'un avocat qui nous a fait une démonstration de ses connaissances à ce sujet hier et aujourd'hui. Vous avez dit aussi que, dans le cas de doute - enfin, c'étaient vos conclusions - il devait faire l'application la plus générale. Mais cela, c'est dans le cas de doute. Cela veut dire qu'il est possible qu'à une question Me Jasmin se sente et se croie parfaitement en mesure de répondre sans violer son obligation de répondre, mais, à ce moment-là, il faut que je pose la question.

Si je me réfère à l'article qui est dans le Soleil aujourd'hui, c'est que je veux démontrer que je ne vais pas à la pêche, justement, parce que j'aurais pu poser la question: Avez-vous dit à M. Pouliot et à

d'autres que...? Je peux inventer ou imaginer toutes sortes de "que" qui se suivent, mais je veux démontrer que c'est une question sérieuse et pertinente. J'en prends la source dans un journal sérieux et pertinent. Je n'ai pas vu de démenti de la part de M. Pouliot à cette publication ce matin. Ce n'est pas de la preuve. Ce sera de la preuve lorsque Me Jasmin, s'il peut répondre, nous dira: Oui, je l'ai dit ou non, je ne l'ai pas dit. Ou bien, il sera toujours loisible à Me Jasmin de dire: Bon, écoutez, je ne peux pas répondre, à cause de son obligation. Mais c'est mon obligation, devant cette publication d'une partie du mémoire de M. Pouliot, un ancien client de Me Jasmin, de lui demander s'il peut répondre et, si oui, quelle est sa réponse. Il me semble que c'est tout à faire dans l'ordre.

M. Perron: Ce n'est pas M. Pouliot qui est un ancien client.

Le Président (M. Jolivet): À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Lalonde: M. Pouliot était le secrétaire général d'un ancien client. C'est un officier supérieur. Il a signé la convention qui a terminé la transaction.

M. Perron: Provincial (FTQ).

Le Président (M. Jolivet): M. le député.

M. Lalonde: C'est pour cela que je vous demande de me laisser poser la question, que je reprends: Est-ce que...

Le Président (M. Jolivet): Seulement un instant! M. le ministre veut intervenir avant; alors, je vais donner la parole à M. le ministre. (16 heures)

M. Duhaime: Oui, M. le Président, au sujet de la question de règlement. Je ne sais pas si le député de Marguerite-Bourgeoys a des informations fraîches sur les amendements à la loi de la preuve, mais je n'ai pas l'impression que, lorsqu'il n'y a pas de meilleure preuve, on pourrait permettre le ouï-dire. Une preuve de ouï-dire est une preuve inadmissible. Une preuve par ouï-dire est inadmissible.

M. Lalonde: Si elle est corroborée, elle est admissible.

M. Duhaime: Non, vous retournerez à vos papiers.

M. Lalonde: Je me passerais des leçons du ministre.

M. Duhaime: Dans le journal Le Soleil du 26 mai 1983, en citant des extraits du mémoire - non, je me réfère exactement au point qui est soulevé; je ne veux pas lire tout l'article - d'après Me Jasmin, et c'est M. Pouliot qui parle les dirigeants de la SEBJ, d'Hydro-Québec, etc. C'est très clair que ce dont parle M. Pouliot, la connaissance qu'il a de faits et de gestes de membres du conseil d'administration, il l'a à travers Me Jasmin, ce qui est du ouï-dire et qui n'est pas admissible.

M. Lalonde: Pas du tout.

M. Duhaime: II y a un deuxième élément, si vous me le permettez.

Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît, M. le député, personne n'a interrompu le député de Marguerite-Bourgeoys; la même chose pour le ministre.

M. Duhaime: Me Jasmin, étant lié par son secret professionnel, comme vous l'avez dit vous-même, M. le Président, c'est à lui d'évaluer si son obligation à la confidentialité couvre cet aspect. On se trouve dans une situation un peu curieuse. Je fais l'hypothèse que Me Jasmin dit: Ce n'est pas couvert. Donc, il répondra à la question. Mais s'il dit: C'est couvert, il ne peut pas y répondre. Mais je ne permettrai certainement pas que, par ailleurs, à travers le journal Le Soleil, M. Pouliot et M. Jasmin, on ait deux étapes dans le ouï-dire et qu'on veuille tenter de mettre des éléments en preuve à partir de l'article d'un quotidien. Je pense, M. le Président, que ce n'est pas une façon de fonctionner en commission parlementaire.

Le Président (M. Jolivet): Avant de rendre une décision, simplement - oui, je vous le permettrai après - pour m'assurer que le corridor dans lequel nous sommes respecte aussi l'individu qui est notre invité. J'avais dit, à la fin de la décision que j'ai rendue, que j'invitais les membres de la commission à respecter scrupuleusement les paramètres dont je venais de faire état à l'époque et que je serais à cet égard d'une rigueur absolue, car il s'agit d'un droit fondamental et d'une obligation en découlant. C'est dans ce sens que je mets certaines réticences à la question telle que posée puisqu'on risque d'obliger le témoin à une réponse, qu'elle soit positive ou négative ou de doute, qui semblerait être une réponse en vertu de ces paramètres dont Me Lussier nous a fait mention ce matin et desquels il s'inspire. C'est dans ce sens que je suis très réticent, mais, pour m'assurer que ma décision sera la meilleure possible, je vais demander à d'autres de m'éclairer. Le député de Jonquière veut parler, mais, avant, le député de Marguerite-Bourgeoys voulait ajouter une autre question. Ensuite, M. le député de Jonquière.

M. Lalonde: II y a une double objection, d'après ce que je comprends, de la part des ministériels, à ce que je lise la question, à ce que je pose la question. Une des objections, c'est que ce serait du ouï-dire. Je pense que le ministre a oublié certains préceptes de ses livres de droit. Ce n'est pas du ouï-dire quand on demande à un témoin s'il a dit cela. C'est de son propre dire. Ce n'est pas du ouï-dire, il n'a pas entendu dire. S'il ne répond pas, ce n'est pas en preuve. C'est une autre chose que le ministre devrait savoir.

M. Duhaime: On sait tout cela. Ce n'était pas cela, votre question.

M. Lalonde: La deuxième objection, semble-t-il, c'est qu'à moins d'être sûr que le témoin pourrait répondre on ne peut pas poser la question.

M. Duhaime: Non, non.

M. Lalonde: À ce moment-là, M. le Président, le corridor devient tellement étroit que je ne peux même pas passer une feuille de papier, si tout ce que je peux poser à Me Jasmin, ce sont des questions sur la généralité, sur des mandats, à quelle heure cela a commencé, à quelle heure cela a fini, s'il est allé réellement à ces rencontres-là. J'ai le droit de lui demander ce qui a été dit à ces rencontres. C'est là que, se pliant à votre décision, le témoin décide, conformément à sa conscience, de soulever son obligation, d'y faire appel, d'invoquer son obligation à la confidentialité. Si je ne peux pas poser une question spécifique, en présumant que cela va être rejeté ou, enfin, écarté à cause de l'obligation, M. le Président, je pense que cela va au-delà de votre décision de ce matin.

Votre décision de ce matin laissait une place au doute. Votre décision de ce matin n'était pas fondée sur l'incapacité totale du témoin de témoigner, parce que, si c'était cela, M. le Président, vous iriez contre votre décision du 3 mai qui était que M. Jasmin était contraignable et qu'il n'avait pas droit à un congé total de témoigner, à une dispense complète et absolue de témoigner et que ce serait simplement aux questions, l'une après l'autre, qu'il pourrait invoquer son obligation à la confidentialité. Mais encore faut-il qu'on puisse lui poser des questions, des questions telles que: Est-ce que vous avez parlé... Je vais poser la question, M. le Président, tout à l'heure: À telle réunion, l'une après l'autre, est-ce que vous avez parlé de telle chose? Et, s'il juge que c'est recevable et qu'il peut dire: Oui, je peux vous le dire, il donnera la réponse. Mais si je ne pose pas la question, on n'aura pas de réponse.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Jonquière.

M. Vaillancourt (Jonquière): M. le Président, loin de moi l'intention de suggérer au député de Marguerite-Bourgeoys comment poser cette question, mais je pense - en tout cas, j'estime - que, s'il posait cette question à Me Jasmin: Est-ce que vous avez déjà parlé à M. Pouliot et qu'est-ce que vous lui avez dit, ce serait une question très recevable.

M. Lalonde: Ce serait aller à la pêche.

M. Duhaime: Non, mais c'est cela, la question.

M. Lalonde: Je peux lui demander: Est-ce que vous avez dit cela?

Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! M. le député de Jonquière.

M. Vaillancourt (Jonquière): M. le Président, il est manifeste que le député de Marguerite-Bourgeoys veut introduire les déclarations de M. Pouliot dans son préambule et dans sa question, alors qu'on ne sait même pas si Me Jasmin sera en mesure ou non de répondre à cette question. C'est un moyen détourné - alors qu'on ne sait pas si le témoin, en toute justice, pourra répondre ou non - de faire dire à M. Pouliot des choses qui ne sont même pas des faits, qui sont des déclarations d'une personne qui n'est même pas invitée à cette commission parlementaire.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: Ce serait très injuste, parce que je vous le dis d'avance d'ailleurs, on l'a dit - nous allons faire une motion si nous sommes obligés de la faire. Mais nous attendons à la dernière minute, croyant et espérant que le premier ministre va changer d'idée. On a tenté à l'Assemblée nationale de convaincre le premier ministre d'appeler M. Pouliot, justement sur la foi de ce que nous avons appris ce matin et nous allons introduire dans les débats tout ce qui est dans l'article et peut-être davantage. Cela va être dit ici, alors que M. Jasmin n'y sera même pas pour avoir le loisir, la liberté s'il le peut, si son obligation à la confidentialité le lui permet - de dire: Non, ce n'est pas ce que j'ai dit. Oui, c'est cela que j'ai dit, mais pas de cette façon.

Autrement dit, ce qu'on m'invite à faire, c'est attendre que Me Jasmin soit parti et ensuite introduire cela dans les débats. Je ne trouve pas cela très honnête. Cela a été introduit dans le débat politique, public, enfin, appelez-le comme vous

voudrez, en publication dans les journaux, on en a parlé au salon bleu cet après-midi, à la période des questions, je l'ai lu. Là, on ne donnera pas à Me Jasmin le loisir de témoigner s'il le peut, mais il pourra décider s'il ne peut pas. S'il ne peut pas, cela, c'est l'épée de Damoclès qui nous pend au-dessus de la tête, M. le Président, à cette commission en ce qui concerne le témoignage de Me Jasmin. Ce n'est pas sa faute. C'est son obligation légale. Je le reconnais.

M. Ciaccia: M. le Président...

Le Président (M. Jolivet): Oui, M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: ...je voudrais vous référer à votre décision de ce matin et je vous cite à la page 3. Vous dites: "II appartiendra à Me Jasmin de faire valoir son obligation au secret professionnel. Il devra évaluer, lors de chaque question, si son obligation est en cause. Dans le doute, il devra trancher en faveur de la protection de la confidentialité. Toutefois, il n'aura pas à justifier l'invocation de son obligation au secret professionnel et je réitère que la commission ou ses membres ne pourront porter de jugement sur cette invocation par le témoin et encore moins la contester." Alors, c'est le témoin lui-même qui doit invoquer ou non ce droit au secret professionnel et je ne crois pas qu'on puisse présumer soit de la part du ministre, soit de la part de la présidence, que le témoin va l'invoquer. Je crois que nous devrons être en mesure de poser ces questions et, si le témoin invoque son droit au secret professionnel, alors nous n'avons aucune autre chose à dire et nous devons procéder à la prochaine question.

Le Président (M. Jolivet): Je pense qu'il faut faire une distinction, justement, dans ce que vous venez de lire à la page 3: "II appartiendra à Me Jasmin de faire valoir son obligation au secret professionnel." Je pense que ce n'est pas l'objet de la question que j'ai à trancher. L'objet de la question que j'ai à trancher, c'est si la question posée est recevable ou non recevable. Je pense qu'à plusieurs occasions j'ai fait mention aux membres de la commission qu'on doit aussi permettre en toute justice à l'invité d'être capable de répondre à la question qui est posée. Alors, nous n'avons aucunement à nous poser des questions eu égard aux articles des journaux, parce qu'on s'en poserait tous les jours, des questions. Mais l'invité, comme tel, a droit aussi une certaine forme de justice puisqu'on pourrait utiliser des questions comme celles-là pour en arriver à faire en sorte que l'individu devant nous soit mal placé pour y répondre, parce que, qu'il réponde oui ou qu'il réponde non, il peut déjà d'une certaine façon enfreindre l'autre partie de ce que j'ai dit au niveau de son secret professionnel.

M. Lalonde: C'est lui qui juge.

Le Président (M. Jolivet): Oui, je sais que c'est lui qui juge. On me fait mention que c'est lui qui juge. Mais on ne doit pas, non plus, utiliser des droits que nous avons pour forcer une personne à prendre des décisions qui soient vraiment difficiles à prendre et qui doivent être tranchées, d'abord, par la présidence, pour savoir si la question est recevable ou non et, ensuite, si elle est recevable, une question pourrait être adressée à notre invité.

Je dois vous dire aussi que, pour répondre au député de Marguerite-Bourgeoys, dans la décision que j'ai rendue ce matin, on a pris la précaution de bien vous faire mention qu'il appartenait à la commission de déterminer si, dans ces circonstances, sachant dès le départ que le corridor était très rétréci, le témoignage de M. Jasmin pourrait être, malgré tout, de quelque utilité pour la commission parlementaire. Mais je pense que la question qui est posée à partir d'un article de journal ne permet pas, au niveau de la question à être posée, de rendre justice à notre invité et j'ai de la difficulté de l'accepter comme question recevable. En conséquence, je vous demanderais de la formuler, s'il le faut, d'une autre façon et on verra à ce moment.

M. Lalonde: M. le Président, je ne veux pas prendre plus de temps de la commission là-dessus. Maintenant, je vous ferai remarquer que votre décision, votre façon de juger de cette question va me forcer, malheureusement, à faire référence à cet élément en commentaire, à la fin, alors que Me Jasmin n'aura pas le loisir de répondre, ce qui est beaucoup plus injuste et ce que je ne voulais pas faire. Je vous demande de me permettre de la poser telle quelle et ce sera, comme votre décision le dit, à Me Jasmin de décider s'il peut répondre ou non. S'il peut le faire, qu'il réponde; s'il ne peut le faire, on passe à autre chose, que voulez-vous!

Une voix: M. le Président...

Le Président (M. Jolivet): Non. Je pense que je ne pourrai même pas permettre d'autres interventions. J'ai dit qu'elle était irrecevable telle que présentée et qu'il faudrait la poser à nouveau autrement, si c'est possible.

M. Lalonde: M. Jasmin, en ce qui concerne la réunion du 4 décembre 1978 avec M. Boivin, chef de cabinet du premier ministre, pouvez-vous dire qui avait convoqué cette réunion?

Le Président (M. Jolivet): Me Jasmin. M. Jasmin: C'était à ma demande.

M. Lalonde: Pouvez-vous nous dire combien de temps à peu près elle a duré, un ordre de grandeur?

M. Jasmin: Une vingtaine de minutes, 20, 25 minutes.

M. Lalonde: Pouvez-vous dire... Avez-vous remarqué, M. le Président, que je commence toutes mes questions par "pouvez-vous", "êtes-vous en mesure de"?

Le Président (M. Jolivet): J'ai bien remarqué. Vous savez que j'apprends beaucoup à cette commission.

M. Lalonde: Je le fais parce que je sais que c'est une question préalable qu'il faut poser avant la question. Etes-vous en mesure de dire s'il a été question, au cours de cette réunion, de l'abandon par la SEBJ de la poursuite contre vos clients?

M. Jasmin: Je dois invoquer l'obligation à la confidentialité. (16 h 15)

M. Lalonde: M. Jasmin, lors de votre réunion le 12 janvier 1979 avec M. Boivin, pouvez-vous... Je vais vous aider parce que j'imagine qu'on a la même liste. L'heure d'entrée était 15 h 56 et l'heure de sortie était 17 h 20. En tenant compte de la réserve qui est contenue à la fin de la page, à savoir que cela ne veut pas dire que vous avez passé toute cette période dans le bureau, pouvez-vous nous dire, tout d'abord, qui a convoqué cette réunion?

M. Jasmin: Je pense que c'est Rosaire Beaulé, si mon souvenir est exact. Excusez-moi, je me mêle avec celle du 15.

M. Lalonde: Non, celle du 12 parce que celle du 15...

M. Jasmin: C'est moi qui... C'est à ma demande, pardon.

M. Lalonde: Compte tenu des heures d'entrée et de sortie, est-ce qu'on peut conclure à une durée de cette réunion?

M. Jasmin: Je dirais de 30 à 45 minutes. Je vous dis cela au meilleur de mon souvenir.

M. Lalonde: Nous avons appris à cette commission que le 12 janvier était trois jours avant le début du procès, le 15 janvier, de la poursuite de la SEBJ contre vos clients en particulier. Est-ce que vous êtes en mesure de dire s'il a été question de l'ajournement de la cause lors de cette réunion du 12 janvier?

M. Lussier: Est-ce que je peux me permettre une remarque?

Le Président (M. Jolivet): Me Lussier.

M. Lussier: C'est, justement, le genre de questions qui... En apparence, évidemment, il n'y a pas là de problème quant à un renseignement confidentiel, mais, dans la mesure où on entre dans le contenu de ce qui s'est discuté, il y a des questions qui peuvent être posées par rapport à l'ajournement: Pourquoi l'ajournement? C'est à ce moment-là que le témoin devra invoquer son obligation à la confidentialité. Quand on rentre dans le contenu des démarches qui sont faites, dans le contenu d'une rencontre - avec ce que je vous ai lu ce matin comme représentations qui vous avaient été faites par le Barreau du Québec - j'ai l'impression que, dans la mesure où on entrerait dans le contenu, on risquerait peut-être d'aller à l'encontre de l'obligation à la confidentialité. Je note et je suis d'accord qu'il semble que ce soit quelque chose de tout à fait anodin par rapport à cette question, mais je le soumets comme problème qui se pose en l'espèce.

M. Lalonde: Si je ne vous pose pas de questions quant...

M. Lussier: Autrement dit, M. le député, c'est très clair, entre votre invité ici, M. le juge Jasmin, et moi, que, pour tout ce qui va concerner le contenu de ces rencontres ou de ces entrevues, pour les motifs que je vous ai exposés ce matin, nous allons invoquer l'obligation à la confidentialité, non seulement parce qu'une réponse en particulier peut affecter directement les renseignements confidentiels, mais parce que, pour expliquer à l'occasion certaines de ces réponses et certaines des démarches lors de ces rencontres, il faudrait, en toute justice, faire référence à des éléments de mandat, à des renseignements confidentiels entre l'avocat et son client.

Je comprends que c'est étroit et j'ai toujours dit à la commission que, quant à moi, je n'en voyais pas beaucoup l'utilité. Je respecte et je suis d'accord aussi avec le fait qu'il appartient à votre commission de juger de l'utilité des témoignages des témoins. Je ne veux pas m'ingérer là-dedans, mais j'ai quand même une opinion là-dessus et c'est celle-là que je vous soumets.

M. Lalonde: Naturellement, Me Lussier, en toute déférence à l'égard de votre mandat que vous exécutez avec beaucoup de brio, je dois le dire, vous venez de me dire que tout le contenu... Enfin, je le prends

comme une opinion, comme un jugement que vous portez sur la situation, mais mon obligation est peut-être d'aller un peu plus loin, quitte...

M. Lussier: Je comprends vos obligations, mais je vais simplement expliquer qu'entrer dans une parcelle de contenu, à un moment donné cela ne fait plus de sens et cela cause vraiment une injustice, au moins, au témoin.

M. Lalonde: Je le prends comme étant votre avis, votre opinion là-dessus à votre client, Me Jasmin. En ce qui me concerne, si je suivais cela à la lettre... Je constate que le conseil ne m'est pas adressé, mais je dois quand même tenter, sans que vous vous sentiez harcelé, de trouver s'il n'y aurait pas un endroit où Me Jasmin pourrait nous aider à nous éclairer. Alors, c'est pour cela que j'ai demandé s'il a été question... en vous assurant que je ne vous demanderai pas ce que Me Jasmin a dit à Me Boivin sur cette question. Là, c'est à Me Jasmin de décider s'il peut répondre.

Le Président (M. Jolivet): Me Jasmin.

M. Jasmin: Je suis lié par mon obligation à la confidentialité.

M. Lalonde: Nous sommes à la prochaine réunion, le 15 janvier 1979, qui est le premier jour du procès. Au registre, qui est en preuve, des entrées et des sorties des visiteurs au bureau du premier ministre à Montréal, à l'immeuble d'Hydro-Québec, on retrouve Me Rosaire Beaulé et Me Michel Jasmin à 17 h 34, heure d'entrée, et 18 heures, heure de sortie. Pouvez-vous nous dire qui a convoqué cette réunion?

M. Jasmin: À mon souvenir, Me Rosaire Beaulé.

M. Lalonde: Pouvez-vous nous dire ce qui a été discuté lors de cette réunion?

M. Jasmin: Cela fait partie de mon obligation à la confidentialité.

M. Lalonde: À la réunion suivante, le 16 janvier, je vois une entrée à 15 h 23 et une sortie à 16 heures de Me Michel Jasmin au bureau du premier ministre avec, comme destinataire, Me Jean-Roch Boivin. Pouvez-vous me dire qui a convoqué cette réunion?

M. Jasmin: C'est moi qui ai demandé cette réunion.

M. Lalonde: Pouvez-vous nous dire quels échanges ont été faits au cours de cette réunion?

M. Jasmin: Je suis lié par mon obligation à la confidentialité.

M. Lalonde: Le 19 janvier 1979, on retrouve l'heure d'entrée pour Me Michel Jasmin, 15 h 20, sortie 16 h 30, au bureau du premier ministre; destinataire, Me Jean-Roch Boivin, chef de cabinet du premier ministre. On retrouve aussi au registre Me Rosaire Beaulé avec une heure d'entrée et une heure de sortie un peu différentes. Pouvez-vous me dire qui a convoqué cette réunion?

M. Jasmin: Me Rosaire Beaulé.

M. Lalonde: Pouvez-vous nous donner un éclairage quelconque sur le contenu de cette réunion?

M. Jasmin: Je suis lié par mon obligation à la confidentialité.

M. Lalonde: Me Jasmin, dans la liste des rencontres encore en preuve qui nous ont été confirmées par le bureau du premier ministre lui-même, le 2 février, on retrouve votre nom avec celui de Me Rosaire Beaulé, avec les heures d'entrée suivantes: 10 h 07 pour Me Rosaire Beaulé, 10 h 22 pour vous; heures de sortie: Il h 12 pour R.B. j'imagine que c'est Me Rosaire Beaulé - et Il h 47 pour vous-même. Pouvez-vous nous dire qui a convoqué cette réunion?

M. Jasmin: Je ne peux pas vous dire si c'est Me Rosaire Beaulé ou moi; c'est un des deux.

M. Lalonde: Pouvez-vous nous donner un peu d'éclairage sur les échanges qui ont eu lieu lors de cette réunion?

M. Jasmin: Je suis lié par mon obligation à la confidentialité.

M. Lalonde: On sait, d'autre part, Me Jasmin, parce que c'est en preuve, que Me Boivin a lunché ce même jour, le 2 février 1979, avec Me Aquin et Me Cardinal, du bureau Geoffrion et Prud'homme, procureurs de la SEBJ. Pouvez-vous nous dire si cet événement - appelons-le événement - était à votre connaissance?

M. Jasmin: Ce n'était pas à ma connaissance, non.

M. Lalonde: Donc, vous pouvez nous dire que ce n'était pas à votre connaissance.

M. Jasmin, le 9 février 1979, votre nom était inscrit au registre des rencontres au bureau du premier ministre du Québec à Montréal. Destinataire: M. Jean-Roch Boivin, chef de cabinet du premier ministre. Heure d'entrée: 14 h 20. Heure de sortie: 17 h 15.

Donc, près de trois heures. Pouvez-vous nous dire qui a convoqué cette réunion?

M. Jasmin: C'est moi.

M. Lalonde: Pouvez-vous nous dire si tout le contenu des échanges, des démarches ou, enfin, de la rencontre avec M. Boivin est assujetti à votre obligation à la confidentialité?

M. Jasmin: Je suis lié par l'obligation à la confidentialité.

M. Lalonde: Est-ce que vous pouvez, compte tenu de votre obligation à la confidentialité, nous dire si des documents ont été remis par vous, sans dire quel est le contenu, soit à M. Yves Gauthier, du cabinet du premier ministre, ou à M. Jean-Roch Boivin, chef de cabinet du premier ministre, lors de vos différentes rencontres?

M. Jasmin: Cela fait partie de mes démarches; je suis lié par l'obligation à la confidentialité.

M. Lalonde: Est-ce que, conformément à l'opinion de Me Jean-Marie Larivière qu'on retrouve au ruban 865, aux pages 1 et 2, vous pouvez nous dire si les rencontres que vous avez eues, dont on retrouve les coordonnées à la liste remise par le premier ministre, étaient dans l'exécution de vos mandats quand vous alliez au bureau du premier ministre?

M. Jasmin: C'était dans l'exécution de mon mandat, sauf les réunions du 17 octobre, du 12 novembre 1978 et, pour une partie, celle du 16 février 1979, comme je l'ai expliqué ce matin.

M. Lalonde: Je m'excuse de revenir sur une réunion que j'avais cru couvrir, la réunion du 9 février. Le registre que vous avez devant vous indique que Me Jean-Paul Cardinal, du bureau de Geoffrion et Prud'homme, se serait trouvé au bureau du premier ministre à Montréal avec, comme destinataire, Me Jean-Roch Boivin, chef de cabinet du premier ministre. Pour plus de précision, je vais vous dire vos heures d'entrée et de sortie respectives. Pour vous-même, entrée: 14 h 20; sortie: 17 h 15; Me Cardinal, entrée: 16 h 30, 2 heures et 10 minutes après vous; sortie: 17 h 05, 10 minutes avant vous. Est-ce que votre obligation à la confidentialité vous empêche de nous dire si Me Cardinal s'est trouvé physiquement en même temps que vous dans le bureau de M. Boivin?

M. Jasmin: M. Cardinal ne s'est jamais trouvé physiquement en ma présence. Je n'ai pas vu M. Cardinal cette journée-là.

M. Lalonde: Merci. Vous avez dit ce matin qu'il y avait eu, à part des rencontres qui sont inscrites dans la liste, des conversations téléphoniques avec M. Boivin ou M. Gauthier, du bureau du premier ministre. Je pense que j'avais inclus dans ma question - mais si je ne l'ai pas fait, je le fais - M. René Lévesque, le premier ministre du Québec. Est-ce que vous avez eu des conversations téléphoniques avec l'une ou l'autre de ces trois personnes à propos de votre mandat, dans l'exécution de votre mandat et qui ne sont pas inscrites? Vous avez dit quelques-unes, je pense, mais vous n'avez pas parlé de M. Lévesque et maintenant je l'inclus. (16 h 30)

M. Jasmin: Ce dont je me souviens, premièrement, c'est que je n'ai jamais communiqué ou parlé à M. Lévesque. J'ai communiqué avec M. Boivin ou sa secrétaire. C'est surtout ce dont je me souviens pour la convocation, enfin pour la demande de rencontre, et avec M. Gauthier par téléphone.

M. Lalonde: M. Boivin nous a parlé d'un de ces téléphones que, d'après lui, vous lui auriez faits à propos de l'exigence de la reconnaissance de responsabilité de vos clients. Est-ce que votre obligation à la confidentialité vous permet de confirmer cette conversation téléphonique?

M. Jasmin: Elle ne me le permet pas, M. le député.

M. Lalonde: Je vais poser une question, parce que je veux être bien sûr que c'est couvert. Une certaine extension de l'obligation à la confidentialité irait jusqu'à couvrir les conversations, c'est-à-dire les informations du client à l'avocat et aussi les informations de l'avocat à un tiers. Est-ce que l'extension ou l'application que vous faites de votre obligation à la confidentialité vous interdit de nous rapporter, au-delà de ces deux catégories d'échanges, ce que M. Boivin ou M. Gauthier vous a dit lors de ces réunions?

Le Président (M. Jolivet): Me Lussier.

M. Lussier: Voici, c'est encore le même type de problème qu'on soulevait tout à l'heure, c'est-à-dire que, dès qu'on aborde le contenu de quelque chose, pour donner un exemple très précis de ce que je veux dire, si un témoin pouvait rapporter ce qu'une autre personne lui a dit, évidemment, lors d'une rencontre avec cette personne, c'est évident que ce qui lui est dit est dit en réponse à une question ou à une intervention de sa part, de telle sorte qu'on ne peut pas comprendre la réponse ou les paroles de l'un sans savoir celles de l'autre. Comme nous

considérons qu'il s'agit d'un tout, c'est dans cette mesure que nous devons répondre comme cela a été fait jusqu'à ce jour que l'obligation à la confidentialité liait le témoin.

M. Lalonde: Pour être bien sûr que tout le monde comprend, M. Boivin a rapporté ici qu'il avait ou qu'il aurait dit à Me Jasmin, je crois que c'est le 12 janvier, sous toute réserve, selon le verbatim, le mot à mot de la transcription, à peu près ceci: Énerve-toi pas. J'ai rencontré M. Claude Laliberté - je présume que c'est en référence à la réunion du 3 janvier - et je lui ai dit que le souhait du premier ministre était que cela se règle. Est-ce que vous êtes en mesure, par exemple, de confirmer que M. Boivin vous a dit cela?

M. Jasmin: Je ne peux pas répondre à cette question.

M. Lalonde: Vous ne pouvez pas répondre à cette question.

M. Jasmin: L'obligation à la confidentialité, évidemment.

M. Lalonde: Bon! On s'est référé ce matin à la réunion du 16 février à laquelle assistait M. Yvan Latouche. Je pense qu'on a établi qu'au moment de cette réunion du 16 février 1979 vous n'aviez pas de mandat d'agir pour M. Latouche, que vous n'étiez pas l'avocat de M. Latouche.

M. Jasmin: Exact.

M. Lalonde: Je vous réfère au texte intégral de la déclaration de M. René Lévesque, sous le titre qui apparaît dans la Presse du 18 mars 1983. Vers la fin, on lit ceci: "C'est à la demande de M. Daniel Latouche et Me Michel Jasmin que Me Yves Gauthier a rencontré M. Yvan Latouche en présence de Me Jasmin, qui était son avocat pour une tout autre affaire. Je pense que, pour la dernière partie, cela a été établi que ce n'est pas le cas. Pour la première partie, est-ce que c'est à votre demande que Me Yves Gauthier a rencontré M. Yvan Latouche?

M. Jasmin: Si mon souvenir est exact, c'est le notaire Gauthier qui m'a appelé pour cette réunion-là. C'est le souvenir que j'en ai.

M. Lalonde: Est-ce que je comprends que ce n'est pas vous qui avez demandé à Me Gauthier de recevoir M. Latouche, d'après votre souvenir?

M. Jasmin: D'après mon souvenir, non. Cela ne me dit rien.

M. Lalonde: Bon. M. le Président, je pense, dans le respect le plus docile non pas de vos diktats, mais de votre décision... Un président, c'est très puissant, vous savez.

Le Président (M. Jolivet): C'est puissant.

M. Lalonde: C'est presque un ukase... M. Duhaime: Cela a glissé. M. Lalonde: ...c'est sans appel.

Le Président (M. Jolivet): C'est le règlement qui le veut ainsi.

M. Lalonde: Oui, oui, vous obéissez au règlement. J'ai tenté de faire la lumière sur une certaine participation...

Le Président (M. Jolivet): Je crois comprendre que vous faites vos commentaires?

M. Lalonde: Oui, oui.

Le Président (M. Jolivet): D'accord.

M. Lalonde: ...de M. Jasmin à cette affaire. On savait - enfin, moi, je le croyais - extrêmement importante la participation de M. Jasmin à nos travaux, parce qu'il s'agit de l'un de ceux qui ont eu un nombre de rencontres assez élevé au bureau du premier ministre et qu'il aurait pu tenter d'éclairer un peu les trous de mémoire que de nombreux témoins ont laissés à propos de ces réunions au bureau du premier ministre. Je regrette donc que le témoignage de M. Jasmin - comme vous l'aviez, je pense, un peu prédit ce matin - ne nous ait pas permis de conclure que le premier ministre ou son bureau n'est pas impliqué dans le règlement du saccage.

Je voudrais quand même, M. le Président, compte tenu de la situation difficile dans laquelle le témoin est placé et aussi - je pense que ce n'est pas exagéré de le dire - compte tenu de la fonction de juge qu'il exerce au Tribunal de la jeunesse, dire que j'espère que ce difficile exercice n'aura pas de reflet dérogatoire ou de retombées, d'inconvénients sur la fonction difficile qu'il a à exercer à l'extérieur de notre enceinte et que tout le monde comprendra que c'est son obligation à la fois de comparaître ici et d'invoquer la loi qui l'oblige à ne pas répondre. Je ne voudrais pas que les questions que j'ai posées, de réunion en réunion, aient un reflet dérogatoire à cet égard.

Le Président (M. Jolivet): Merci. M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Merci, M. le Président. Nous avons entendu plusieurs affirmations à votre égard, Me Jasmin. Quand nous avons posé des questions, soit à Me Gauthier, soit à Me Boivin, on nous a dit que, vous étiez nerveux. Me Gauthier nous a dit que quand vous alliez dans son bureau, il avait l'impression que vous pratiquiez devant lui. On vous offrait des cafés pour vous calmer.

Des voix: Ah! Ah! Ah!

M. Ciaccia: On vous amenait luncher. On se souvient même qu'une fois vous aviez oublié votre imperméable dans le bureau, je crois, de Me Gauthier, et que vous étiez allé chercher votre imperméable. Cela semble être le portrait qu'on a fait de vous et de vos visites chez Me Gauthier ou Me Boivin. Quand on a tenté d'obtenir des informations sur la participation de Me Boivin ou de Me Gauthier, c'était très difficile. On se faisait dire qu'ils ne se souvenaient pas des discussions qu'ils avaient avec vous. Ils ne niaient pas et ils ne confirmaient pas en avoir eu. Ils disaient: On écoutait. Je voudrais savoir s'ils ont fait - si vous pouvez nous le dire - plus que seulement écouter. Pouvez-vous nous dire s'ils ont eu, effectivement, des discussions avec vous?

M. Jasmin: Cela entre dans le contenu des discussions que j'ai eues et je suis lié par l'obligation à la confidentialité, M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Très bien. Est-il exact ou pouvez-vous nous dire si vous avez présenté une offre de 400 000 $ de la part de vos clients, le local 791 - je crois que c'est en 1975 - pour régler le litige avec la Société d'énergie de la Baie James?

M. Jasmin: Cela fait encore partie de mon obligation à la confidentialité, M. le député.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Chambly, sur une question de règlement.

M. Tremblay: Vous savez que je fais aussi partie de ce qu'on qualifie maintenant, ici, à cette commission, de profane.

Le Président (M. Jolivet): De "laïc".

M. Tremblay: Pardon?

Le Président (M. Jolivet): De "laïc".

M. Tremblay: De "laïc" aussi, et ma compréhension des discussions de ce matin, par exemple, et de votre décision était que vous avez dit, que vous avez écrit que le témoin, Me Jasmin, devait décider de ce qui était dans son mandat, donc, de ce qui était couvert par le secret professionnel. D'autre part, j'avais cru comprendre que le témoin lui-même, par la voie de son procureur, avait très bien balisé les questions qui pouvaient lui être posées. Au tout début, après votre décision, il les a balisées très clairement, à mon avis. Mais, là encore, je ne suis pas avocat. Je sais que ces gens sont avocats et ils ont peut-être compris des choses différentes de ce que j'ai compris. Mais il a très bien balisé les questions. Il a dit: Tout ce qui est dans mon mandat, je ne pourrai pas répondre à cela.

Je suis surpris cet après-midi de réaliser que les procureurs de l'Opposition, les honorables procureurs de l'Opposition posent des questions auxquelles de toute évidence...

M. Rodrigue: Les très très honorables.

M. Tremblay: ...pour moi qui ne suis pas avocat, le témoin va répondre que c'est couvert par sa confidentialité. Compte tenu du fait que le procureur de Me Jasmin, Me Lussier, a très bien balisé les questions ce matin, il me semble que ces questions sont, par le fait même, irrecevables.

Le Président (M. Jolivet): Je pense que je vais être capable, en ne permettant pas à un troisième "laïc", puisque j'en suis un aussi, d'intervenir...

M. Gratton: C'est parce que je ne voudrais pas qu'on soit tous mis dans le même bateau.

Le Président (M. Jolivet): D'une façon ou d'une autre, vous...

M. Tremblay: Cela ne serait pas beau.

Le Président (M. Jolivet): Je veux tout simplement vous dire, M. le député, que ce que j'ai rendu comme décision n'avait pas pour effet d'empêcher toute question. Elle avait pour effet, cependant, d'indiquer dans quel sillon - pour reprendre toujours le mot que le barreau a utilisé par l'intermédiaire de Me Larivière - et que ce sillon était ténu, mais que, d'un autre côté, c'est Me Jasmin qui devait dire qu'il était couvert par l'obligation de son secret professionnel. En conséquence, je ne peux pas empêcher les questions. Je devrais dire, cependant, aux députés de faire bien attention puisque je leur ai demandé d'agir de façon scrupuleuse au niveau des droits qu'ils ont. (16 h 45)

En conséquence, je suis assuré que le député de Mont-Royal, connaissant le droit beaucoup mieux que moi, va utiliser ce chemin scrupuleusement. Je dis, cependant, que c'est à Me Jasmin de répondre s'il est couvert ou non par son secret professionnel.

D'un autre côté, je dois dire que l'intervention faite par le député de Marguerite-Bourgeoys indiquait que ce n'était pas un exercice facile, comme Me Lussier l'avait dit, mais qu'on ne devait pas tenir rigueur à Me Jasmin d'utiliser le droit qu'il avait. En conséquence, je continue à permettre les questions du député de Mont-Royal. Je pense qu'elles sont conformes à une décision rendue dans ce sens; donc, vous pouvez continuer.

M. Ciaccia: Merci, M. le Président. J'essaie de mon mieux, M. le Président. Je crois que je suis les règles de votre décision. L'offre de 400 000 $, je crois qu'il y a plusieurs autres témoins qui ont témoigné que cette offre avait déjà été présentée à la SEBJ. Alors, je ne croyais pas que c'était quelque chose qui était en dehors des termes de votre décision, mais j'accepte la réponse de Me Jasmin.

M. Lussier: Vous permettez, juste une seconde?

Le Président (M. Jolivet): Oui, Me Lussier.

M. Lussier: Sur ce que le député de Mont-Royal vient de dire, je voudrais simplement situer les choses dans le contexte où nous l'avons fait ce matin. C'est dans le contexte où il était très clair dans notre esprit que ce à quoi un avocat était lié, c'était non seulement à son mandat, mais aux démarches dans la mise en exécution de ce mandat. Il est évident qu'il peut y avoir des choses qui sont à la connaissance de la commission, qui peuvent être à la connaissance de votre invité, mais dans la mesure où il n'est pas délié de son obligation, il a le devoir de le faire. Et sur la dernière phrase du député de Mont-Royal, j'ai simplement laissé entendre qu'en l'espèce ce n'est pas de gaieté de coeur que nous procédons à l'exercice - vous le savez, nous l'avons dit dès hier - et nous le faisons parce que nous nous soumettons à votre décision. Alors, que ces faits soient connus ou non, dans notre esprit, nous croyons que nous sommes tenus à l'obligation à la confidentialité pour les motifs que nous avons exprimés tout de suite après l'assermentation de M. le juge Jasmin.

Le Président (M. Jolivet): C'est pour cela que j'avais demandé, d'ailleurs, à un moment donné, au député de Marguerite-Bourgeoys, qui s'était de lui-même soumis à cette décision, de faire bien attention aux questions qui doivent être posées, de façon à ne pas mettre Me Jasmin dans des obligations plus difficiles que celles qu'il a actuellement. Je suis conscient que la décision que j'ai rendue ne rend pas la tâche facile.

M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Très bien. Alors, cela a rapport à l'offre de 1975. Je voudrais poser la même question: Est-ce que vous pouvez confirmer que vous aviez présenté une offre en janvier 1979, je crois, au montant de 50 000 $?

Le Président (M. Jolivet): Me Jasmin.

M. Jasmin: Je suis lié par mon obligation à la confidentialité.

Une voix: S'il dit qu'il ne l'a pas présentée...

M. Ciaccia: Merci. Est-ce que... Non, mais écoutezl

Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! Non, non. M. le député, vous pouvez continuer.

M. Ciaccia: Est-ce que vous avez recommandé ou avez-vous été consulté dans la nomination de Me Yves Gauthier comme tuteur du local 791?

M. Rodrigue: M. le Président, question de règlement.

Le Président (M. Jolivet): Question de règlement, de la part du député de Vimont.

M. Rodrigue: M. le Président, il m'apparaît que cette question n'a aucun rapport avec le mandat de cette commission et que, pour cette raison, elle devrait être jugée irrecevable.

Le Président (M. Jolivet): M. le député, je suis obligé d'accorder la question.

M. Rodrigue: Merci, M. le Président.

M. Jasmin: M. le député de Mont-Royal, je n'ai jamais été consulté au sujet de la nomination de M. Gauthier comme tuteur et j'ai été même surpris de sa nomination.

M. Ciaccia: Très bien. Pourquoi avez-vous été surpris?

Le Président (M. Jolivet): Je pense qu'il a ouvert une porte, comme on dit. Mais il y a une chose qui est certaine, c'est une question d'opinion. Mais, comme il l'a dit, je vous permets de...

M. Jasmin: Je ne pensais pas que le notaire Gauthier était un gars pour faire la "job" dans la construction. Je vais vous dire sur ce point que, si les syndicats sont

aujourd'hui ce qu'ils sont, c'est en grande partie dû au travail que le notaire Gauthier a fait. Mais j'étais très sceptique.

M. Ciaccia: Avez-vous été surpris quand il a été nommé conseiller spécial au bureau du premier ministre?

Le Président (M. Jolivet): Là, par exemple, je ne peux pas vous demander de répondre.

M. Lalonde: Ce n'est pas...

Le Président (M. Jolivet): Je sais, je sais.

M. Duhaime: M. le Président...

Le Président (M. Jolivet): Oui, mais pas sur la deuxième. Sur la première, cela va, mais pas sur la deuxième.

M. le ministre.

M. Duhaime: Si cela peut faire plaisir au député de Mont-Royal - il ne dira pas qu'on n'est pas de bon compte - sans m'engager sur le reste, je donnerais mon consentement pour que la question, même si elle est irrecevable...

Le Président (M. Jolivet): Ah si...

M. Duhaime: ...puisse recevoir une réponse.

Le Président (M. Jolivet): ... vous m'ouvrez une porte comme celle-là, vous risquez beaucoup. J'en ai eu beaucoup au cours de cette commission, mais, si vous permettez la question, puisqu'il y a consentement, je vais...

M. Lalonde: M. le Président...

Le Président (M. Jolivet): Oui, M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: Je veux bien qu'on consente, mais je ferais simplement remarquer que, quand le ministre est d'accord, même si vous avez déclaré une question irrecevable, tout à coup, elle devient recevable.

Le Président (M. Jolivet): Non, non, c'est, justement, pourquoi je mettais une réserve. Je suis prêt à la considérer encore comme irrecevable, mais je veux poser la question au député de Mont-Royal pour m'assurer qu'il y a consentement de part et d'autre. Étant donné qu'il a posé la question et que le ministre a donné son consentement, je veux quand même le savoir.

M. Duhaime: On peut régler le problème bien facilement. Si cela crée des problèmes, je vais retirer mon consentement.

Le Président (M. Jolivet): Elle est donc irrecevable d'une façon ou d'une autre.

M. Lalonde: Ce serait dangereux.

Le Président (M. Jolivet): C'est ce que je craignais, d'ailleurs. M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Moi, je m'inquiète un peu quand le ministre donne son consentement à une de mes questions.

Le Président (M. Jolivet): Dans ce cas-là, la question ne sera pas posée; allez à une autre.

M. Ciaccia: Je la retire donc.

Le Président (M. Jolivet): Je vous remercie beaucoup, de part et d'autre.

M. Duhaime: J'en ai d'autres de même, des fois.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Me Jasmin, M. le juge Jasmin, le 16 février 1979, vous étiez au bureau de Me Yves Gauthier. Lorsque mon collègue, le député de Laporte, lui a demandé le but de cette réunion, sur le ruban 1281, à la page 2, Me Gauthier a dit: "D'après moi, Me Jasmin est venu rien faire." Est-ce que vous pouvez nous dire si c'est exact?

M. Jasmin: Si mon souvenir est exact, mon bureau était à peu près à cinq ou dix minutes du bureau du premier ministre à cette époque-là. Il m'a demandé de l'aider à démêler le dossier de M. Latouche. Si mon souvenir du coup de téléphone que j'ai reçu est exact, il a dit: II y a un gars qui m'appelle. Il a un dossier et il me parle de toutes sortes d'affaires, ce sont des procédures judiciaires, peux-tu passer à mon bureau? C'est mon souvenir des événements.

M. Ciaccia: Vous n'êtes donc pas allé là pour ne rien faire?

M. Jasmin: Non.

M. Ciaccia: Vous êtes allé là à la demande de Me Gauthier pour l'aider dans un dossier particulier. Pouvez-vous nous dire si vous avez eu d'autres discussions avec Me Gauthier?

M. Lussier: M. le Président, est-ce qu'on pourrait demander...

Une voix: Est-ce qu'on pourrait préciser à quel sujet, les autres conversations?

Le Président (M. Jolivet): Je pense que c'est ce que Me Lussier voulait demander, d'ailleurs. À quel sujet? M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: S'agit-il de sujets autres que le dossier auquel vous venez de vous référer et qu'il vous avait demandé de démêler?

Le Président (M. Jolivet): M. le député, j'ai un problème qui est équivalent à celui de ce matin. Si cela n'a pas trait au mandat de cette commission, la question est irrecevable et, si elle a trait au mandat de cette commission, il va utiliser son droit à la confidentialité. M. le député va reformuler sa question.

M. Ciaccia: Est-ce que vous avez eu d'autres discussions avec Me Gauthier au sujet du mandat de cette commission?

Le Président (M. Jolivet): Me Jasmin.

M. Jasmin: Je suis lié par mon obligation à la confidentialité.

M. Ciaccia: Pouvez-vous nous dire comment, dans une poursuite de 32 000 000 $ par la SEBJ, quelqu'un ou vous pouvez vous permettre de faire une offre de 50 000 $?

Le Président (M. Jolivet): Juste un instant, M. le député. Je sais que vous êtes avocat, mais, à certains moments, j'ai de la difficulté à vous suivre. Puisque vous demandez une opinion à Me Jasmin, je ne ferai même pas mention, d'abord, de son droit à l'obligation au secret professionnel; je vais simplement lui dire que je ne reçois même pas la question. Si vous la reformulez, peut-être que je la regarderai, mais celle-là est complètement irrecevable en vertu même de nos règlements.

M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Je peux essayer de la reformuler, M. le Président. Pouvez-vous nous dire comment, dans une poursuite d'un chiffre de 32 000 000 $...

Le Président (M. Jolivet): M. le député, je dois vous arrêter dès maintenant. C'est vraiment une hypothèse et, en conséquence, c'est irrecevable.

M. Ciaccia: Bien non, ce n'est pas une hypothèse; l'action a été prise pour 32 000 000 $.

Le Président (M. Jolivet): Non, non, mais c'est parce que vous avez demandé: À partir de l'hypothèse que vous placez... À ce niveau-là, il faut quand même regarder ce qui est en preuve et ce qui est en discussion. Même si vous disiez: À partir d'une cause de 32 000 000 $, etc., le problème que j'ai, c'est qu'au bout de la course vous avez demandé une opinion professionnelle et c'est totalement irrecevable. Reformulez.

M. Ciaccia: M. le Président, je vais essayer de la reformuler. Je vais l'écrire pour être certain.

Le Président (M. Jolivet): Je peux vous permettre le temps de l'écrire pour être sûr de ne pas vous tromper.

M. Duhaime: C'est l'effet de la martingale.

Une voix: La caméra est où pendant ce temps-là?

Le Président (M. Jolivet): Elle est directement sur le député de Mont-Royal, mais sans graphologue.

Une voix: Attention!

Le Président (M. Jolivet): Allons-y.

M. Ciaccia: Sur quels faits vous êtes-vous basé pour faire une offre de 50 000 $ dans une poursuite de 32 000 000 $ contre vos clients?

M. Jasmin: Je suis lié par mon obligation à la confidentialité.

Le Président (M. Jolivet): Avez-vous d'autres questions?

M. Ciaccia: Je n'ai plus d'autres questions.

Le Président (M. Jolivet): Merci.

M. Ciaccia: En fait, j'ai des commentaires, mais je n'aurai pas d'autres questions.

Le Président (M. Jolivet): Donc, je vous permets de faire vos commentaires.

M. Ciaccia: Je veux seulement faire un commentaire sur ma dernière question qui a pris un peu de temps à être recevable. Vous savez, la raison pour laquelle je vous l'ai posée, c'est parce que, lorsqu'on a une poursuite à un chiffre qui est tellement élevé, 32 000 000 $, et qu'on arrive avec une offre qu'on pourrait vraiment dire totalement ridicule... C'est mon opinion, et même M. Roland Giroux a dit que cela

aurait pu être 1 $, tant qu'à donner 200 000 $, et tout le monde a trouvé que c'était totalement ridicule. Il doit y avoir des faits, il doit y avoir quelque chose qui s'est produit avant que cette offre de 50 000 $ soit faite.

Je vais faire une analogie, M. le Président. Si vous savez qu'une propriété est à vendre et qu'on veut 100 000 $, eh bien, il n'y a personne qui va offrir 1,50 $ parce que le monde ne se parlera même pas. Le vendeur va dire: Ne viens pas avec cette offre-là. Quand M. Laliberté a dit: Bien, l'offre était trop basse, on a dit que ce n'était pas assez élevé, il aurait dû... Dans le cours normal des choses, quand on a une poursuite de 32 000 000 $, si quelqu'un vient nous offrir 5 000 000 $, 10 000 000 $, on commence à arriver à un point où c'est discutable, mais, si quelqu'un arrive et dit: Je t'offre 1 $, on ne discutera même pas. Alors, j'essayais de savoir qui a parlé à qui pour lui dire quoi, pour lui dire: Écoute, soumets-la, ton offre de 50 000 $ et, partant de cela, on va régler l'affaire hors cour. C'était le but, M. le Président, de ma dernière question.

Je suis encore perplexe parce que personne ne nous a dit qui a négocié les sommes d'argent. À un moment donné, les chiffres étaient sur la table et on n'a jamais pu savoir qui était chargé des négociations des piastres. Me Boivin a dit que ce n'était pas sa préoccupation. On nous a entourés de toutes sortes d'excuses. Mais, sur le fait même, on n'a jamais pu savoir qui négociait l'argent. À un moment donné, 50 000 $ arrivent sur la table et cela monte éventuellement à 200 000 $. (17 heures)

Dans mon esprit, M. le Président, la seule conclusion à laquelle je peux venir est de dire: Quelqu'un a dû parler à quelqu'un quelque part. Ce devait être quelqu'un qui était bien placé pour connaître le bureau du premier ministre et pour avoir l'oreille du premier ministre. De là, à 50 000 $, on a réglé hors cour, parce que c'est presque un abandon de la poursuite. Quand on dit: Louis Laberge a appelé pour régler hors cour, ce qu'on veut dire, c'est que Louis Laberge a appelé pour abandonner la cause. Mais on ne pouvait pas totalement abandonner, cela aurait été trop indécent; alors, on a mis un petit chiffre. On a commencé à 50 000 $. Cela a été 125 000 $ et, ensuite, 175 000 $. Quand le député de Marguerite-Bourgeoys a posé la question, on a dit: Ils nous ont obligés à monter parce que la question a été posée à l'Assemblée nationale.

Des réponses que j'ai reçues et que j'ai lues autour de cette table, M. le Président, c'est la conclusion à laquelle, moi, je viens. C'est que quelqu'un quelque part a dit: Ce sera abandonné et on mettra un petit chiffre pour la forme.

Le Président (M. Jolivet): Merci. M. le ministre.

M. Duhaime: Oui, M. le Président. Je n'aurai pas de question à poser pour l'instant à Me Jasmin. Je voudrais réagir aux commentaires qui viennent d'être formulés pour dire que si, après huit semaines, on parle encore d'une poursuite de 32 000 000 $, c'est de deux choses l'une: ou bien qu'on est manifestement de mauvaise foi ou bien qu'on n'a rien compris. Je me réfère, M. le Président, aux 32 000 000 $ qui sont le montant qui a été inscrit à l'action intentée; elle a été signifiée aux défendeurs et aux parties défenderesses pour ce montant. Sauf que, si mes notes sont bonnes, lorsque les procureurs de la SEBJ, Me Aquin, Me Cardinal et Me Jetté, ont témoigné ici... Je réfère au document déposé par le bureau de Geoffrion et Prud'homme, à la page 61 du dossier Correspondance et lettres, à la page 7 de l'opinion qui a été transmise, je crois, à Me André Gadbois -c'est exact - le 26 janvier 1979...

M. Lalonde: 50 000 $, c'était avant. C'était 32 000 000 $ à ce moment-là.

M. Duhaime: Un instant. Le 26 janvier 1979...

Le Président (M. Jolivet): Je m'excuse, M. le ministre. Nous n'avons, de part et d'autre, dérangé en aucune façon le député de Mont-Royal. Je demanderais la même chose pour le ministre. Vous aurez l'occasion d'intervenir après. M. le ministre.

M. Duhaime: Une lettre du 26 janvier 1979. Cela ne me dérange pas beaucoup que le montant de 50 000 $ dont on parle ait été évoqué avant ou après la prise de l'action; ce qui m'importe, c'est d'essayer de voir quel a été le montant réel des dommages. À la page 61, les procureurs nous parlent d'un montant de 17 196 419,12 $. C'est sous la rubrique A et c'est l'opinion transmise par Geoffrion et Prud'homme à Me André Gadbois. Nous avons très longuement discuté, lors du témoignage des trois procureurs de la SEBJ, du détail ou de la ventilation de ce montant: donc, au point six, un montant de 12 000 000 $, révision du programme des travaux de Impreglio et Spino Ltée; au point sept, un ajustement des quantités pour 1 683 500 $ et un boni de 2 500 000 $. En additionnant grossièrement, cela nous donne quelque chose comme 13 000 000 $, 14 000 000 $ - deux, trois, cinq - 16 000 000 $, en chiffres ronds, qui sont directement reliés à des dommages indirects dus au retard dans la reprise des travaux.

M. le Président, si je me souviens bien du témoignage de Me Beaulé, qui a déposé

devant la commission la transcription du témoignage de MM. Laurent Hamel et Marcel Audette, à l'audience en Cour supérieure en date du 23 janvier 1979 devant l'honorable juge Claude Bisson, pour que la cour puisse établir à quel moment le chantier était remis en état comme avant le saccage et combien de jours cela a pris... Pour être plus précis, M. le Président, je vais le lire. C'est l'audience du matin du 23 janvier 1979 à partir des lignes 16 et suivantes. C'est Me Benoît Côté qui interroge M. Marcel Audette, qui est un cadre de la SEBJ. "Est-ce qu'il n'est pas exact, M. Audette, qu'en ce qui concerne le campement LG 2 en lui-même, faisant abstraction du centre de vérification, tout le travail de réparation et de remise en service était complété, sauf peut-être en ce qui concerne un des derniers dortoirs, qui a été terminé le 23?

Réponse de M. Audette: "M. le juge, se référant à la pièce mentionnée, il est exact de dire que, vers le 8 avril 1974, le camp était en opération avec 46 dortoirs. On doit exclure 104 hommes, cités ou codifiés ou qualifiés pour les besoins de la cause, du dortoir 501.

C'est l'honorable juge Bisson lui-même qui intervient dans le débat et pose la question suivante: "La cour: Vous pouviez fournir tous les mêmes services qui existaient auparavant, quand on parle d'eau potable, d'eaux usées, carburant et autres." La réponse de M. Audette: "C'est exact, M. le juge."

Cela veut dire trois semaines, M. le Président.

Ce qui a été établi ici par les procureurs de la SEBJ, c'est que le montant des réclamations que j'indiquais tantôt en dommages indirects qui, en l'additionnant, totalise à peu près 15 000 000 $ était directement relié non pas à un retard de trois semaines, mais à un retard de trois mois.

Je me souviens aussi que Me Beaulé a dit ici en commission, en citant le témoignage de M. Laurent Hamel, qu'à la demande de la SEBJ un système de sécurité avait été mis en place à la SEBJ, d'où l'argument, bon ou mauvais, de Me Beaulé au nom de ses clients, le syndicat américain, qui a dit que les mois de retard sur lesquels ces 15 000 000 $ étaient basés comme réclamation en dommages indirects ne pouvaient pas être attribuables dans leur totalité au saccage lui-même, mais bien à la mise en place d'un service de sécurité.

Il y avait aussi un deuxième élément -à tort ou à raison, aucune cour de justice n'a eu à se prononcer là-dessus - à savoir que, dans la programmation des travaux, il existait un coussin de sécurité de deux mois.

Lorsque le député de Mont-Royal vient nous péter les oreilles avec 32 000 000 $ après huit semaines et demie d'audiences devant cette commission parlementaire, je pense que cela ne traduit pas la réalité des faits. Je dis, M. le Président: De deux choses l'une, ou bien il n'a pas compris ou bien il ne veut pas comprendre.

Dernier élément, c'est très sérieux, ce que nous a affirmé le député de Mont-Royal dans sa conclusion, si je comprends bien son commentaire. À mon souvenir, c'est que les trois avocats sous serment devant cette commission nous ont dit tous les trois - j'ai posé la question à l'un et à l'autre - qu'à aucun moment ils n'avaient négocié le règlement hors cour ou même discuté de la transaction multilatérale ou bien avec Me Boivin, ou bien avec Me Gauthier, ou bien avec le premier ministre. Et Me Beaulé a dit exactement la même chose.

Ce que dit le député de Mont-Royal aujourd'hui - c'est son droit de le faire -c'est qu'il ne croit ni le témoignage de Me Aquin, ni celui de Me Cardinal, ni celui de Me Jetté, ni celui de Me Beaulé, ni celui de Me Gauthier, ni celui de Me Jean-Roch Boivin. Moi, M. le Président, je vais m'arrêter là. Je vais laisser sa propre vérité au député de Mont-Royal et la population du Québec pourra évaluer, comme dans l'ancienne émission de télévision, qui dit vrai.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: J'ai omis deux courtes questions. Lorsque je vous ai demandé, M. Jasmin, si vous aviez rencontré M. Boivin, M. Gauthier, vous avez répondu. Est-ce que vous avez rencontré ou communiqué autrement avec M. Claude Laliberté, président de la SEB, au cours de cette période, disons, du 1er octobre 1978 au 13 mars 1979?

Le Président (M. Jolivet): Me Jasmin.

M. Jasmin: J'ai rencontré M. Laliberté une fois, le 17 janvier.

M. Lalonde: Bon. Et vous ne l'avez pas appelé autrement? Est-ce que je peux vous poser la même question à propos de Me Gadbois?

Le Président (M. Jolivet): Me Jasmin.

M. Jasmin: Oui, j'ai rencontré Me Gadbois.

M. Lalonde: À combien de reprises, y compris les appels téléphoniques? Je vous avais dit rencontré seulement. Est-ce que vous l'avez appelé aussi?

M. Jasmin: Un appel téléphonique ou

deux. Un appel, je pense, et je ne peux pas me souvenir des fois où je l'ai rencontré, peut-être deux ou trois fois, en présence des procureurs de la SEBJ.

M. Lalonde: Bon. J'ai oublié de vous dire que c'était en excluant, naturellement, les rencontres à la cour.

M. Jasmin: Oui. Alors, si on l'a vu à la cour, à ce moment-là, c'est plus souvent. Mais je veux dire...

M. Lalonde: Non, j'exclus les rencontres à la cour parce que...

M. Jasmin: D'accord.

M. Lalonde: ...il nous a dit qu'il y assistait, à l'occasion, je pense. Je ne sais pas s'il a dit qu'il a assisté à toutes les journées d'audiences. Alors, ce serait en excluant les rencontres à la cour.

M. Jasmin: Oui, oui, c'est cela.

M. Lalonde: M. le Président, je n'ai pas d'autres questions, mais je voudrais réagir aux propos du ministre. C'est étrange de voir un ancien membre du barreau conclure, presque rendre jugement sur une cause considérable à l'aide d'un témoignage - en fait, presque un paragraphe d'un témoignage - avant même que toute la preuve soit rendue. Ce témoignage, d'ailleurs, a été rendu avant l'opinion de Geoffrion et Prud'homme qui, le 26 janvier 1979, établissaient les dommages prouvés ou qu'ils étaient en mesure de prouver à 17 000 000 $. Naturellement, peut-être que le ministre, qui reprochait au député de Mont-Royal d'évoquer le chiffre de 32 000 000 $, trouve tout à fait normal qu'on fasse une offre de 50 000 $ pour une réclamation de 17 000 000 $.

Il me dit: Cela ne valait pas cinq cennes. Peut-être que 0,3% comme offre, il trouve cela sérieux. Mais, c'est vrai, il dit que cela ne valait pas cinq cennes, parce que, voyez-vous, M. le Président, c'est le drame, pas du PQ, mais des citoyens que le PQ ait pris la défense des défendeurs et non pas la défense des citoyens du Québec, actionnaires de la SEBJ. Le PQ - et cela, c'est constant - a tenu pour acquis que les défendeurs avaient raison. Oui, oui, j'ai terminé avec les questions. (17 h 15)

Le PQ, le gouvernement péquiste, cela lui a pris un coup de téléphone de M. Louis Laberge pour activer toute la machine et pas n'importe quel pékin dans la machine, le chef de cabinet du premier ministre. À partir de là, cela a été quoi? Il est allé chercher les "bebites" dans l'opinion de Geoffrion et Prud'homme en 1975, il a mis toutes les "bebites" ensemble, les réserves prudentes qu'un avocat, dans une opinion, exprime, et il a pris, le plaidoyer de Me Beaulé du 28 novembre 1978. Il s'est dit fort surpris, Me Boivin, que Me Beaulé, dans son plaidoyer, affirme avec autant d'assurance que son client n'avait absolument rien à faire là-dedans comme si ce n'était pas normal, naturel, quasiment traditionnel, lorsqu'on défend un client poursuivi en vertu des dispositions de la loi sur la responsabilité civile, de dire... Il y a des formules consacrées. Le ministre s'en souvient; j'espère qu'il se souvient de quelque chose de son droit, malgré sa performance en commission parlementaire, malgré la manipulation de la preuve dont il s'est rendu responsable. Ils ont dit: Au nom de notre cliente, nous nions toutes sortes de responsabilités, catégoriquement, ni de près ni de loin, enfin, toutes les formules, et il était surpris de cela. Mais il a pris cela pour du "cash". Il a pris le plaidoyer de Me Beaulé, il est allé chercher tout ce qu'il y avait de pas tout à fait sûr dans l'opinion juridique de Me Geoffrion et Prud'homme et il a tenu pour acquis l'incapacité de payer des syndicats québécois sans faire une seule vérification, pas un seul document. Il en affirme l'évidence, qui n'est pas si évidente que cela, et, de là, il a déclenché tout le processus d'intervention politique dans cette instance judiciaire.

On aura l'occasion de faire le résumé et d'apporter les conclusions de cette commission parlementaire. Je regrette encore une fois que le témoignage que nous venons d'entendre n'ait pas ajouté un seul rayon de lumière, d'éclairage sur ce qui s'est passé au bureau du premier ministre, ce qui aurait pu nous convaincre, possiblement, que le premier ministre et son bureau sont moins impliqués que ce qui paraît actuellement dans le règlement de cette cause.

L'autre erreur du Parti québécois a été de présumer - je les ai vus aller depuis deux mois - que le règlement, c'étaient des piastres. Là, que les mémoires étaient faibles quand on parlait de piastres! On ne se souvient de rien dans une réunion ou dans cinq ou dix réunions, sauf qu'on se souvient qu'on n'a jamais parlé de dollars, qu'on n'a jamais parlé de "foin", comme le disait Me Boivin. Pendant deux mois, depuis le début des séances de cette commission, le Parti québécois, les péquistes, le gouvernement ont fait bien attention: on n'a jamais négocié les piastres. Mais, vous auriez dû consulter Me Boivin avant. Il nous a dit ici, pas plus tard qu'hier ou avant-hier, que le règlement avait trois éléments et il a dit - exactement, oui, c'est dans la preuve - c'est évident, oui, il y a trois éléments. L'élément majeur, l'élément sine qua non, c'était quoi? L'abandon de la poursuite.

Là-dessus, le chef de cabinet et le

premier ministre, je le répète, sont embarqués jusque-là, parce que ce sont eux qui ont commencé tout le bal. Avant le 3 janvier, il n'y a pas un iota de preuve que la SEBJ songeait même à négocier un règlement hors cour. Pas un iota de preuve. Au contraire. À la réunion du 9 janvier, ils ont passé en long, en large et en profondeur -pour parodier le premier ministre - une opinion rafraîchie de Geoffrion et Prud'homme, rajeunie, qui porte une date tout à fait récente à ce moment, le 5 janvier 1979, et ils décident que les décisions antérieures ne soient pas modifiées, à savoir qu'on continue la poursuite et, effectivement, ils sont allés en cour le 15 janvier pendant plusieurs semaines.

Pas un seul iota de preuve que la SEBJ songeait même à régler, jusqu'au 3 janvier où - qui? - le premier ministre, par son chef de cabinet, dit, pas à n'importe quel pékin, mais au P.-D.G., au président-directeur général de cette immense société qui a fait l'orgueil de tous les Québécois, la Société d'énergie de la Baie James: Le premier ministre souhaite que cela se règle. Et, à partir de ce moment - c'est assez étrange -d'après le témoignage de M. Laliberté, il est arrivé un cheminement de sa pensée, une évolution qui se situe, d'ailleurs, après le 3 janvier par coïncidence, où il trouve: Savez-vous, on n'y a pas pensé, mais ce serait peut-être une bonne idée si on réglait.

Comment amener le règlement? Bien, on autorise nos avocats à préparer une espèce de contenant, tout le cadre. On a fait travailler les avocats Geoffrion et Prud'homme là-dessus. Ce n'était pas important, le montant. Ce n'était tellement pas important qu'on a eu comme première offre 50 000 $ pour une action qui était de 32 000 000 $, n'en déplaise au ministre. À ce moment, l'action était de 32 000 000 $ et la première offre était de 50 000 $, par le même avocat qui représentait les mêmes clients qui avaient fait une offre de 400 000 $ dans un autre contexte, je l'avoue, quelques années auparavant. Mais cet élément majeur qui était, d'après le témoignage de Me Beaulé, l'objectif ultime de ses démarches auprès de Me Boivin, l'abandon de la poursuite, c'est cela, le règlement, c'est le coeur du règlement.

Il y avait un autre élément primordial, si on en croit Me Boivin, qui était aussi au coeur du problème et qui était très important, si on en croit Me Cardinal, c'est la reconnaissance de la responsabilité de la part des défendeurs. Ils n'ont pas eu celle-ci de façon générale, le syndicat américain ne l'a pas reconnue. Ils n'ont eu la reconnaissance que d'un nombre limité de défendeurs, mais c'était primordial. Là aussi, le bureau du premier ministre s'est impliqué. M. Jean-Roch Boivin dit: Me Jasmin m'a appelé et m'a dit que c'était inhabituel dans un règlement qu'on demande la reconnaissance de responsabilité. Me Boivin, chef de cabinet du premier ministre, prend le téléphone et appelle le président-directeur général, M. Laliberté, et lui dit: D'après ce qu'il nous dit, est-ce exact que vous demandez la reconnaissance de responsabilité? - Oui. Et on rappelle Me Jasmin, qui fait de même à Me Aquin, à Me Beaulé. Il est la plaque tournante de cette négociation, de ces échanges, de ces démarches, sur le deuxième élément. Il est le moteur, il est la gâchette du premier élément, l'élément essentiel: l'abandon de la poursuite; il est la plaque tournante du deuxième élément, élément primordial: la reconnaissance de responsabilité.

Pendant tout ce temps, le Parti québécois, le gouvernement, par cet aréopage qui est devant nous depuis deux mois, s'affaire à dire: On n'a pas parlé de dollars. Mais vous vous êtes fait prendre. Le règlement, ce n'est pas cela. Ce n'est pas sûr que vous n'en ayez pas parlé, parce qu'il reste encore des grands trous et, lorsqu'il y a des grands trous, il y a ce qu'on appelle la preuve circonstancielle, parce que si les avocats de Geoffrion et Prud'homme n'avaient pas le droit de négocier, pas le droit d'explorer une négociation avant le 6 février 1979, cela veut dire que cela ne s'est pas négocié chez Geoffrion et Prud'homme. Cela s'est négocié soit au bureau du premier ministre, soit chez Geoffrion et Prud'homme. Or, on sait que cela ne s'est pas négocié ailleurs qu'au bureau du premier ministre au moins jusqu'au 6 février 1979.

Là, on compte sur la mémoire des gens pour nous dire où cela s'est négocié et là on ne se souvient plus de rien. C'est là qu'on en est, M. le Président. Je termine ces quelques mots de commentaires en tentant de démontrer à ceux qui nous écoutent -parce qu'il semble que, devant nous, on ait les oreilles bouchées - l'importance de faire témoigner M. Maurice Pouliot. Nous en ferons, cela durera trois minutes...

M. Vaillancourt (Jonquière): Les oreilles bouchées, c'était le témoin?

M. Lalonde: Pardon?

Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît:

M. Lalonde: J'entends du bruit.

Le Président (M. Jolivet): Non, non, M. le député.

M. Lalonde: Ce sont les députés péquistes; ce n'est pas le témoin, naturellement, M. le Président. Il est très important maintenant de faire entendre M. Pouliot devant le peu d'éclairage que,

malheureusement, et, malgré lui, Me Jasmin a pu faire sur le mandat qui nous occupe, lorsqu'on sait que M. Pouliot, qui est maintenant président-directeur général du Conseil provincial des métiers de la construction - et c'est publié aujourd'hui dans le Soleil - aurait écrit dans son mémoire...

Le Président (M. Jolivet): M. le député, vous avez commencé la dernière partie de votre intervention - et c'est pour cela que je vous arrête - en parlant de l'utilité de faire comparaître ou enfin de faire...

M. Lalonde: Si vous voulez libérer le témoin.

Le Président (M. Jolivet): Non, non, ce n'est pas cela. Ce n'est pas dans ce sens-là. Le député de Brome-Missisquoi m'a dit qu'il avait des questions à poser à Me Jasmin. Ma question n'est pas là, mais elle est sur le fait de commencer un débat qui n'est même pas amorcé devant cette commission, puisque j'ai dit, concernant Yvan Latouche et Maurice Pouliot, que ces deux cas-là devront faire l'objet d'une motion.

M. Lalonde: Oui, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): Je ne voudrais pas que vous commenciez le débat maintenant...

M. Lalonde: Non, non, non.

Le Président (M. Jolivet): ...parce qu'on aura probablement la chance de le faire plus tard.

M. Lalonde: C'est cela. Mais je le fais comme introduction éventuelle à un débat qui sera sans doute fait, à cause du caractère immédiat - cela a été publié aujourd'hui dans le Soleil - de ce que M. Maurice Pouliot, dans un mémoire préparé pour nous, pour la commission, aurait écrit. "Selon notre procureur - écrit M. Pouliot dans sa déclaration - le montant de 300 000 $ fut le résultat de plusieurs discussions qu'il a eues avec MM. Yves Gauthier, Jean-Roch Boivin et le premier ministre lui-même; du moins, c'est de cette façon qu'il nous a présenté le projet de dédommagement."

M. le Président, un client de Me Jasmin - on comprend que son obligation empêche Me Jasmin de nous faire cette révélation - dit que Me Jasmin lui a fait rapport - il était à ce moment-là secrétaire général d'un des clients de Me Jasmin - que "le montant de 300 000 $ fut le résultat de plusieurs discussions qu'il a eues avec MM. Yves Gauthier, Jean-Roch Boivin et le premier ministre lui-même; du moins, c'est de cette façon qu'il nous a présenté le projet de dédommagement."

Si on ne peut pas faire la preuve par Me Jasmin, pour des raisons légitimes, au moins donnez - je m'adresse au ministre - à la commission parlementaire les moyens de faire la preuve avec celui qui écrit cela. Cela va au coeur même de notre mandat, parce que notre mandat, c'est quoi? C'est de savoir si le premier ministre a trompé l'Assemblée nationale quand il a dit que, ni de près, ni de loin, règlement ou partie de règlement n'a eu lieu dans son bureau. C'est cela, la question; ce n'est pas les 32 000 000 $, ou les 17 000 000 $, ou les 200 000 $. C'est: Est-ce qu'il a trompé l'Assemblée nationale, et cela est très important, parce que cela touche à l'intégrité même de l'institution qu'on appelle l'Assemblée nationale, qui est au coeur de notre démocratie. C'est cela, c'est sérieux. Pourquoi refuser? (17 h 30)

M. le Président, nous aurons l'occasion de discuter plus amplement de cette question, à savoir si M. Pouliot devrait être convoqué devant nous. Entre-temps, je voulais alerter les membres de cette commission et la population qui n'auraient pas lu cet article sur l'importance et la gravité des propos de M. Pouliot dans son mémoire qu'il aurait communiqué ou qui aurait été communiqué à ce journaliste.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Duhaime: Je remercie beaucoup, M. le Président, le député de Marguerite-Bourgeoys de nous faire la leçon. Chacun en prendra son parti. J'ai fait une intervention tout à l'heure et je suis content dans un sens que le député de Marguerite-Bourgeoys soit maintenant d'avis qu'on ne parle plus de 32 000 000 $, mais d'un montant maximum de 17 000 000 $.

M. Lalonde: Question de règlement, M. le Président. Que le ministre exprime ses opinions, mais qu'il ne mette pas des mots dans ma bouche.

Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît!

Une voix: II n'y a pas de question de privilège ici.

M. Lalonde: J'ai dit qu'il y avait 17 000 000 $ de prouvés ou de prouvables au 26 janvier...

Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît!

M. Lalonde: ...mais cela aurait pu aller

jusqu'à 32 OOQ OOO $, je ne le sais pas, moi.

Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! S'il vous plaît! M. le député, vous avez droit à vos opinions, M. le ministre a le droit aux siennes. La parole est au ministre.

M. Duhaime: Moi, M. le Président, je n'ai pas porté de jugement et je n'ai pas l'intention d'en porter un non plus sur un quantum qu'une cour de justice aurait pu prononcer dans cette affaire. Je me réfère explicitement aux témoignages des trois procureurs de la Société d'énergie de la Baie James sur des documents qui sont ici devant la commission dans une opinion juridique transmise à Me Gadbois, chef du contentieux de la SEBJ. Les procureurs de la SEBJ, d'eux-mêmes, disent à leur cliente, la Société d'énergie de la Baie James: En tout état de cause, nous ne pourrons prouver au-delà de 17 000 000 $.

M. le Président, c'est à partir de ce fait que j'ai invoqué tout à l'heure deux éléments très importants que, à même les 17 000 000 $, il y avait un montant, de l'aveu même des procureurs, de dommages indirects pour 15 000 000 $ qui étaient reliés au retard à remettre le chantier en marche parce qu'il y a eu des montants de versés à un entrepreneur en particulier. Je voudrais rassurer le député de Marguerite-Bourgeoys, je n'ai pas l'intention de me prendre pour un juge, soyez en toute tranquillité, je ne fais que souligner le problème. Si on ne veut pas le comprendre, on ne le comprendra pas.

Ce que j'ai entendu de la part d'un ancien Solliciteur général est absolument renversant. Sur les chantiers de construction au Québec, à partir des années 1971, 1972 et suivantes, a régné un terrorisme infernal à Mont-Wright et à la Baie-James. C'est la commission d'enquête Cliche, après 364 jours de travaux, qui en est venue à la conclusion que vous connaissez. Si vous voulez que je vous le lise, je vais vous le lire encore...

M. Lalonde: S'il vous plaît! S'il vous plaît! Comme dirait le président.

M. Duhaime: M. le Président, il y a certains éléments qui sont évoqués, soit au chapitre des recommandations à la fin du rapport Cliche ou encore au coeur des constatations des commissaires, l'honorable juge Cliche, à l'époque, M. Brian Mulroney et M. Guy Chevrette. Je voudrais, sans être exhaustif dans mes propos, simplement dire que si le Parti libéral du Québec et si le gouvernement libéral du Québec à l'époque qui, allègrement, avaient des travailleurs d'élection sur la Côte-Nord, dans le comté de Saguenay en particulier, et qui faisaient le coup de main également dans les comtés de la rive sud de Montréal, comme c'est indiqué en toutes lettres dans le rapport Cliche, j'ai comme l'impression que s'il y a eu du banditisme dans votre organisation, vous allez en porter le poids longtemps.

M. le Président, je dis qu'aux pages 34 et 35 du rapport Cliche - je ne ferai pas les citations - la commission a établi une collusion avec l'employeur - l'employeur, c'était qui? La Société d'énergie de la Baie James et Hydro-Québec - collusion avec des représentants de l'Association des employeurs, paiement de pots-de-vin, par exemple, aux pages 108 et 109 du rapport de la commission Cliche. Collusion démontrant que la majorité des travailleurs étaient des assignés, pour ne pas dire des consignés et des terrorisés, page 132 du rapport de la commission Cliche. Collusion avec l'État, c'est-à-dire le gouvernement du Québec qu'avait l'honneur de présider, à l'époque, M. Robert Bourassa, à partir du bureau du premier ministre, collusion avec l'État, pages 274, 275 et 277 du rapport de la commission Cliche. La faiblesse du gouvernement libéral a aussi été constatée par les commissaires de la commission Cliche - un manque de colonne vertébrale, pour employer une expression que tout le monde comprend - qui a cédé au chantage, page 282 du rapport de la commission Cliche.

Je vous rappellerai, M. le Président, un incident dont je n'ai pas été témoin, mais auquel on réfère dans le rapport de la commission Cliche. Lorsqu'une commission parlementaire, en 1971, était en pleins travaux et en pleine session, qui a envahi la salle? Qui a poursuivi le président de la CSN-Contruction, M. André Desjardins, avec une bande de fiers-à-bras? La commission parlementaire s'est ajournée. Il n'a pas été question de se demander si les privilèges ou les droits de la commission et de l'Assemblée nationale avaient été violés. Il n'y a jamais eu aucune suite.

M. le Président, à Mont-Wright, des travaux qui devaient coûter 350 000 000 $ ont coûté 110 000 000 $ de plus, parce qu'il y avait là aussi un monopole syndical. M. le Président, la compagnie a écrit et cela a été déposé. C'est à la page 289 du rapport de la commission Cliche. C'était presque un appel SOS au ministre du Travail pour que des forces policières puissent se rendre à Mont-Wright ramener l'ordre. Si un monopole syndical s'est établi ou si des monopoles syndicaux se sont établis sur deux des grands chantiers de construction, celui de Mont-Wright et celui de la Baie-James, c'est avec l'accord, le consentement entier du gouvernement libéral de l'époque.

M. le Président, ceux qui ont fait ce que j'appellerais un "take over" ou qui ont pris le contrôle des syndicats à l'intérieur du monopole syndical - j'ai entendu une expression fort amusante - on appelait cela

une convention de chantier. C'est, bien sûr, un langage pour une pièce comme celle-ci, c'est-à-dire dans un salon, mais une convention de chantier qui se négocie contre la garantie de ne pas avoir de grève pendant une durée de chantier, la contrepartie étant le monopole syndical. Non seulement c'était irrégulier, c'était même illégal, M. le Président. Il a fallu une loi qui est venue, rétroactivement et votée par le député de Marguerite-Bourgeoys...

M. Lalonde: À quelle date?

M. Duhaime: ...il faisait partie de ce gouvernement... Je suis tout simplement effrayé, M. le Président, d'entendre le député de Marguerite-Bourgeoys qui, dans le passé, a exercé les fonctions élevées et lourdes de responsabilités de Solliciteur générateur venir nous raconter, ici, en commission parlementaire - j'allais dire des balivernes - une espèce de ego te absobvo. Je n'en reviens pas. Qu'un gouvernement -c'est le gouvernement libéral - se soit acoquiné, associé, en campagne électorale, au surplus, non seulement il y avait un monopole syndical, mais il y avait le contrôle de l'embauche des travailleurs sur la Baie-James. Des hauts fonctionnaires dont je tairai les noms - mais leurs noms apparaissent en toutes lettres dans le rapport de la commission Cliche - ont été démis de leur fonction à la suite du rapport et des recommandations du rapport Cliche.

Ce que je dis, M. le Président, c'est que c'est tout simplement ahurissant de vouloir venir se passer l'éponge en disant: Ce n'est pas notre faute; si j'ai bien compris. Quand on n'a pas eu le courage de prendre des décisions politiques et d'aller casser les monopoles syndicaux, de faire régner la simple justice et d'empêcher que d'honnêtes travailleurs du Québec, de toutes les régions, puissent gagner leur pain honnêtement au Mont-Wright ou sur les chantiers de la Baie-James sans que leur sort soit lié à ce que la commission Cliche a appelé des mécréants sans scrupule, un gouvernement qui laisse faire cela en toute connaissance de cause en porte la responsabilité longtemps.

M. Lalonde: Quelle diversion!

M. Duhaime: M. le Président, le député de Marguerite-Bourgeoys, comme on le dit parfois, vient d'en essayer une vite. De deux choses l'une, ou bien son raisonnement est correct ou il ne l'est pas.

M. Lalonde: C'est bien cela.

M. Duhaime: II nous dit, hier, qu'il y a trois éléments dans le règlement. Je ne suis pas d'accord sur cette interprétation.

M. Lalonde: Me Boivin était d'accord.

M. Duhaime: M. le Président, le premier ministre du Québec, le 20 février 1979, tant en répondant aux questions à l'Assemblée nationale que durant le mini-débat, a dit d'une façon très claire et très nette: On m'a consulté, on m'a demandé mon opinion et je l'ai donnée. J'ai dit que je favorisais un règlement. Il a aussi dit, à la page 5793 du journal des Débats, et je le cite: "Partant de là, sachant aussi que les syndicats québécois qui sont intimés sont incapables de toute façon de payer des sommes le moindrement substantielles, j'ai donné mon sentiment. C'était que puisqu'un règlement a été demandé par quelques-uns des syndicats ou leurs procureurs au début de 1979, quant à moi il me semblait meilleur, dans l'intérêt du Québec et d'une certaine paix sociale nécessaire - il ne s'agit pas de favoritisme politique, il s'agit de chantiers lointains où il est important que la paix règne - si un règlement était possible, de le soutenir - il est allé plus loin que simplement dire qu'on l'avait consulté - de l'appuyer, mais que c'est aux parties, à commencer par la Société d'énergie de la Baie James qui est demanderesse là-dedans, de décider ce qu'elles veulent faire. "Maintenant pour terminer, je rappellerai - et je cite toujours le premier ministre à la page 5793 - et j'apprendrai peut-être au député et à d'autres que, dans ce règlement qui n'est pas intervenu encore et qui, je l'espère, interviendra d'une façon satisfaisante, la Société d'énergie de la Baie James a exigé - ce qui est parfaitement normal - que certains des syndicats québécois au moins, qui peuvent être juridiquement, tehniquement impliqués, admettent leur responsabilité. Donc, si un règlement intervient, cette responsabilité, cette admission de responsabilité en fera partie. Si on va jusqu'à un jugement, il est évalué qu'il faudra au moins cinq mois d'audiences, que cela coûterait au moins 2 000 000 $ de plus pour arriver exactement aux mêmes résultats."

Ce que le député de Marguerite-Bourgeoys vient nous dire aujourd'hui dans son argumentation, la décision politique qui s'est traduite par le souhait du premier ministre aux trois dirigeants de la société d'énergie et d'Hydro-Québec, lors d'une rencontre le 1er février 1979, si c'est vrai, dans son raisonnement, que cela constitue le premier élément, il n'y a jamais eu de problème là...

M. Lalonde: Le 3 janvier, le premier règlement.

M. Duhaime: ...parce que le premier ministre l'a toujours dit clairement et ouvertement, tel que cela est rapporté ici

dans le journal des Débats. Et le premier ministre a également... Je viens tout juste de l'y ajouter; pour moi, ce premier élément ne devrait pas faire partie du scénario que nous présente le député de Marguerite-Bourgeoys. C'était bien sûr la première étape à franchir. Ne nous y trompons pas. Si le premier ministre du Québec, comme on le prétend à ma gauche, en ricanant, avait été aussi autoritaire ou aussi interventionniste qu'on le prétend, qu'est-ce qu'il aurait fait? Il aurait pu intervenir dès avant le 15 janvier, avant même que la cause ne commence. Tout le monde sait qu'il y a eu 22 ou 23 jours d'audiences. (17 h 45)

Je pense que dans l'évaluation de l'intérêt public, M. le Président, j'aime mieux faire confiance à René Lévesque qu'à Robert Bourassa. Si l'intérêt public pour Robert Bourassa voulait dire: Nous allons non seulement concéder mais nous allons nous acoquiner pour qu'un monopole syndical s'installe au Mont-Wright et pour que des travailleurs soient ensuite non pas sous la tutelle mais sous la férule d'un petit groupe bien connu. Et si l'intérêt public, pour M. Robert Bourassa et son gouvernement, était non seulement de permettre mais de favoriser... Le rapport de la commission Cliche est clair: il y a eu des discussions avec M. Paul Desrochers, avec M. André Desjardins pour l'établissement d'une convention de chantier qui excluait tout autre syndicat à part celui qui était là. Si c'est cela, la conception qu'on doit avoir de l'intérêt public, je préfère celle de René Lévesque à celle de l'ancien premier ministre. Et je comprends le député de Marguerite-Bourgeoys de se débattre comme un diable dans l'eau bénite: il a fait partie de ce gouvernement. Vous allez en porter l'héritage, peut-être sous bénéfice d'inventaire, mais vous allez porter votre croix longtemps.

Le Président (M. Jolivet): Merci, M. le ministre. Je voudrais avoir une information de la part des membres de cette commission parce que je pense que vous vous êtes lancés dans les commentaires. Moi, je suis prêt à les écouter; je suis là pour les diriger, c'est-à-dire un commentaire à ma gauche, un commentaire à ma droite. Mais je voudrais -je pense que les membres de la commission seront d'accord - être poli envers Me Jasmin qui a certainement d'autres occupations. Je crois comprendre que le député de Brome-Missisquoi et le député de Laporte auraient des questions à poser spécifiquement à Me Jasmin. Si vous me le permettiez, je leur demanderais de le faire d'ici à 18 heures, de façon à libérer Me Jasmin et son procureur, Me Lussier, à 18 heures. Nous reviendrons, quant à nous, à 20 heures pour continuer avec les personnes qui auront demandé le « droit de parole. Est-ce que vous êtes d'accord avec cela?

M. Lalonde: D'accord.

Le Président (M. Jolivet): Cela va?

M. Lalonde: Disons qu'à 18 heures, on fera...

Le Président (M. Jolivet): On avisera?

M. Lalonde: ...des planifications pour 20 heures.

Le Président (M. Jolivet): On avisera donc, M. le ministre.

M. le député de Brome-Missisquoi, vos questions à Me Jasmin.

M. Paradis: Oui, dans le but d'être plus poli que le ministre envers notre invité. On a reconnu d'ailleurs dans sa rengaine, la rengaine habituelle du PQ: c'est toujours la faute des autres, le fédéral...

Le Président (M. Jolivet): M. le député, la seule chose que je peux vous dire, c'est que vous aurez, à 20 heures, le droit de le faire. Vous m'avez demandé la permission de poser des questions.

M. Paradis: Je m'y conforme, M. le Président.

M. Jasmin, vous nous avez dit ce matin que vous aviez, dans l'affaire qui intéresse la présente commission, quatre clients: le Conseil provincial des métiers de la construction, le local 791 et plus spécifiquement, le conseil de tutelle à cause des éléments que l'on connaît, ainsi que Maurice Dupuis et René Mantha. Est-ce que vous avez eu d'autres clients dans ce dossier-là?

M. Jasmin: Non.

M. Paradis: Aucun autre client?

Le Président (M. Jolivet): Juste un instant, voulez-vous répéter pour les besoins de l'enregistrement?

M. Jasmin: Non.

Le Président (M. Jolivet): Merci.

M. Paradis: Est-ce que dans ce dossier vous avez eu des communications, des rencontres, des discussions, des échanges avec M. Louis Laberge?

Le Président (M. Jolivet): Me Jasmin.

M. Jasmin: Oui, j'ai parlé à M. Laberge.

M. Paradis: À combien de reprises?

M. Jasmin: Écoutez, je ne peux pas vous le dire à combien de reprises parce que je suis souvent en communication avec M. Laberge. Je sais qu'à cette époque, si mon souvenir est exact, il y avait la commission Malouf qui fonctionnait, je parle d'octobre et de novembre 1978, j'essaie de me situer dans le temps, alors il y avait des communications qui se faisaient...

M. Duhaime: Vous représentiez, je pense, la FTQ devant la commission Malouf.

M. Jasmin: Devant la commission Malouf, c'est cela. Je ne sais pas combien de communications j'ai eues avec M. Laberge. Je ne dirai pas de nombreuses communications mais cela se peut que ce soit avec M. Laberge; j'en ai eu, oui mais avec Fernand Daoust aussi.

M. Paradis: Quand vous nous parlez de ces communications avec M. Laberge et M. Daoust, est-ce que vous pouvez nous dire si cela concernait la cause qui nous occupe?

Le Président (M. Jolivet): Me Jasmin.

M. Jasmin: II y en a qui concernaient la cause, oui.

M. Paradis: D'accord. Au sujet de celles qui concernaient la cause, pouvez-vous nous dire l'essentiel de ces discussions, pouvez-vous nous les résumer?

M. Jasmin: Je suis lié par mon obligation à la confidentialité.

M. Paradis: Dans le mémoire qu'il a déposé, lorsqu'il est venu témoigner ou comparaître devant notre commission, le chef de cabinet du premier ministre, M. Jean-Roch Boivin nous dit ce qui suit. Pour éclairer votre procureur et vous-même, je le cite à partir de la page 1 de son mémoire, paragraphe 2: "À l'automne 1978, j'ai reçu un téléphone de M. Louis Laberge, président de la FTQ, je ne saurais préciser la date de cette conversation téléphonique mais il me semble que ce fut peu de temps avant ma première rencontre avec Me Michel Jasmin, le 4 décembre 1978. Elle aurait donc, vraisemblablement, eu lieu au cours du mois de novembre. M. Laberge argua que la SEBJ devait régler la cause hors cour. Il m'a énuméré certains arguments au soutien de sa prétention mais il semble que la conversation téléphonique fut brève car il m'a alors dit que Me Michel Jasmin demanderait à me voir pour me faire une argumentation plus complète en faveur d'un tel règlement." Il s'ensuivit, si ma mémoire est fidèle, une visite au bureau de M. Jean-Roch Boivin, chef de cabinet du premier ministre, que vous avez effectuée le 4 décembre. Est-ce que cette rencontre avait été convoquée ou organisée par les bons offices de M. Laberge?

Le Président (M. Jolivet): Me Jasmin.

M. Jasmin: Je ne me souviens pas. C'est moi qui ai convoqué la réunion du 4 décembre 1978 à ce moment-là.

M. Paradis: Est-ce que vous pouvez nous dire si M. Laberge vous avait mis au courant de cette conversation téléphonique et s'il vous avait ensuite prié d'organiser la première rencontre du 4 décembre?

Le Président (M. Jolivet): Me Jasmin.

M. Jasmin: ...partie des démarches, je suis lié par mon obligation de confidentialité.

M. Paradis: Cela va. Vous avez déclaré, au cours de votre comparution, qu'en ce qui concerne deux rencontres que vous avez effectuées au bureau du premier ministre, plus spécifiquement au bureau de Me Yves Gauthier, conseiller spécial au bureau du premier ministre, en date du 17 octobre 1978 ainsi que du 12 novembre 1978, vous n'étiez pas lié par votre secret professionnel. Pouvez-vous nous éclairer un peu plus et nous dire quels sont les éléments qui vous amènent à cette conclusion?

Le Président (M. Jolivet): Me Lussier.

M. Lussier: Je ne crois pas que le témoin ait jamais déclaré qu'il était lié ou non lié pour ces rencontres. Il a dit que ce sont des rencontres pour lesquelles le problème ne se posait pas parce qu'elles ne portaient pas sur le dossier qui est à l'étude. Alors dans ce sens...

M. Paradis: En le "rephrasant", suivant les bons conseils de votre procureur, quels sont les souvenirs qui vous ont amené précisément à nous faire cette affirmation, telle que stipulée par votre procureur?

M. Jasmin: Je pense que ce que j'ai dit ce matin c'est qu'il n'a pas été question du mandat qui est devant la commission aux réunions du 17 octobre et du 12 novembre.

M. Paradis: Mais vous nous avez également dit que pour une réunion, en partie - je pense que c'était celle du 16 février - vous nous avez expliqué pourquoi, et cela a apporté un éclairage. Est-ce que vous pouvez nous dire en fonction de ces deux réunions...

Le Président (M. Jolivet): Non. Je pense qu'on doit prendre la parole de Me Jasmin qui est sous serment, et compte tenu que cela ne porte pas sur le mandat de la commission, je ne peux permettre que la question soit posée.

M. Paradis: M. le Président, vous me permettrez une question de règlement. J'essaie de voir l'équilibre entre la réunion du 16 février et les deux autres. Vous avez permis la réponse au moment de la réunion du 16 février et - je ne sais pas si c'est parce qu'il est 17 h 55 - vous me la refusez.

Le Président (M. Jolivet): D'accord. M. le député. Non, non. Ce n'est pas cela. C'est parce que ce matin, si vous vous souvenez de la discussion qu'on a eue sur ce point, j'avais mis certaines réserves. Me Lussier m'a avoué que, même malgré la réserve que je mettais, il croyait que cela pouvait être possible. Si on me dit qu'il n'y a pas de difficulté, il n'y a pas de problème.

M. Lussier: Non, M. le Président...

Le Président (M. Jolivet): C'est dans ce sens que je mettais ma réserve. Allez, Me Jasmin.

M. Jasmin: C'était à son entrée en fonction au bureau du premier ministre et je suis allé jaser tout simplement avec lui. La réunion du 12 novembre 1978... Chaque année je fais une partie d'huîtres et je pense que c'était pour lui tordre le bras pour qu'il vienne parce qu'il ne voulait pas venir. C'est tout. C'est pour cela que j'y étais allé, tout simplement.

M. Paradis: C'était une réunion de tordage de bras, celle-là.

Le Président (M. Jolivet): Cependant, M. le député, je ne voudrais pas que votre réflexion ait comme but de faire peser des soupçons sur les autres réunions.

M. Paradis: Non, M. le Président. Cela n'avait aucun but. Ce n'était qu'une réflexion spontanée.

Le Président (M. Jolivet): D'accord, je la prends comme telle.

M. Paradis: M. le...

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Brome-Missisquoi.

M. Paradis: M. le Président, j'aurais quelques autres questions. Est-ce que vous pouvez nous dire, Me Jasmin, depuis combien de temps vous connaissez personnellement M.

René Lévesque?

M. Jasmin: J'ai connu M. René Lévesque lors de la campagne électorale de 1970. Je l'avais vu dans des réunions publiques avant, je l'avais connu comme homme public avant mais je l'ai vraiment connu en 1970.

M. Paradis: Est-ce que vous avez été appelé à travailler avec lui par la suite?

M. Jasmin: J'ai été conseiller juridique bénévole du Parti québécois lors des élections de 1970, 1973 et 1976. Je n'ai pas travaillé pour lui comme tel, sauf, pour préciser votre question, que la journée du vote je travaillais dans son comté.

M. Paradis: Très bien. Pour aller plus rapidement, quant à M. Jean-Roch Boivin, chef de cabinet du premier ministre, je vais vous dire...

Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! S'il vous plaît!

M. Paradis: Je vais recommencer... Le Président (M. Jolivet): Oui!

M. Paradis: Je tentais d'aller plus rapidement: les mêmes questions quant à Me Jean-Roch Boivin, chef de cabinet du premier ministre.

M. Jasmin: J'ai entendu parler de Jean-Roch Boivin quand il s'est présenté comme candidat dans le comté de Fabre en 1970. Je ne l'ai pas rencontré à ce moment-là. Je savais qu'il était candidat dans Fabre, comme d'autres députés ici présents ont déjà été candidats. J'ai rencontré M. Jean-Roch Boivin plus fréquemment à l'occasion d'arbitrages, parce qu'il faisait du droit ouvrier comme arbitre. J'ai rencontré M. Boivin professionnellement et je l'ai rencontré aussi lors des campagnes de 1973 et de 1976. Mes contacts avec M. Boivin étaient assez distants. Comme en politique, on peut être près de certains hommes politiques, on peut aussi...

M. Paradis: Pour accélérer encore une fois: quant à Me Yves - je ne dirai pas "Ti-Lou", M. le Président - Gauthier, mêmes questions.

M. Jasmin: Non seulement Yves est une connaissance - je connais M. Yves Gauthier -mais depuis 1970, c'est un ami personnel que je vois et que je fréquente...

M. Paradis: Et qui va aux parties d'huîtres.

M. Jasmin: Qui vient à mes parties d'huîtres.

M. Paradis: Quant à Me Rosaire Beaulé?

M. Jasmin: J'ai connu M. Rosaire Beaulé brièvement lors de la campagne électorale de 1976. Il a été dans le dossier de la Baie-James et je ne l'ai pas revu depuis le dossier de la Baie-James, ni avant ni après.

M. Bourbeau: Ni de près, ni de loin.

M. Paradis: Je vous remercie beaucoup, M. le juge.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Laporte.

M. Bourbeau: Merci beaucoup, M. le Président. Me Jasmin, lorsque, le 16 novembre 1979, vous avez fait au nom de vos clients une offre de 50 000 $ à la SEBJ... Oui, le 16 janvier 1979, sauf erreur.

Une voix: Le 16 janvier.

M. Bourbeau: Le 16 janvier 1979: à ce moment-là, étiez-vous au courant que le premier ministre avait fait connaître à la Société d'énergie de la Baie James son souhait que la cause se règle hors cour?

Le Président (M. Jolivet): Me Lussier.

M. Lussier: Le témoin n'a pas de problème pour répondre à cette question mais, dans la première partie de votre question, vous demandez au témoin d'être en accord ou en désaccord avec l'affirmation à savoir que telle date il a fait telle chose, telle démarche dans le dossier...

Le Président (M. Jolivet): D'accord.

M. Bourbeau: Peut-être que je peux reprendre ma question...

Le Président (M. Jolivet): C'est cela, allez-y donc.

M. Bourbeau: ...en disant que le 16 janvier 1979...

M. Lussier: II n'était pas au courant à ce moment-là.

M. Bourbeau: ...étiez-vous au courant que le premier ministre avait fait connaître à la SEBJ son souhait que la cause se règle hors cour?

Le Président (M. Jolivet): Me Jasmin.

M. Jasmin: Par son bureau, peut-être pas par le premier ministre personnellement, mais par son bureau, oui.

M. Bourbeau: Son bureau vous avait mis au courant de ce souhait-là?

M. Jasmin: Oui.

M. Bourbeau: De quelle façon? Qui vous avait mis au courant?

Le Président (M. Jolivet): Me Lussier.

M. Lussier: La question qui a été posée demandait au témoin s'il avait connaissance d'un fait. Maintenant, si vous demandez au témoin des détails sur l'acquisition de cette connaissance, comme cela fait partie, est survenu à l'occasion d'une des démarches pour lesquelles il a dû invoquer son obligation à la confidentialité, il doit faire de même dans le cas présent. Il vous a simplement dit qu'il connaissait un fait, à une date précise et que vous lui demandiez.

M. Bourbeau: Bon! Alors, très bien!

Le Président (M. Jolivet): M. le député... (18 heures)

M. Jasmin: La réponse, c'est mon obligation à la confidentialité.

M. Bourbeau: À quel moment avez-vous su que le premier ministre souhaitait que la cause soit réglée hors cour?

M. Jasmin: C'est la même réponse que je vais vous donner.

M. Bourbeau: Vous ne pouvez pas répondre à cette question?

M. Jasmin: Non.

M. Bourbeau: Mais, tout à l'heure, vous m'avez dit que le 16 janvier vous étiez au courant. Je vous demande seulement une date.

Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaîtl Me Lussier pourrait expliciter.

M. Lussier: Voici, M. le député de Laporte, vous avez demandé au témoin s'il connaissait un fait à un moment précis. Il pouvait vous répondre de sa connaissance à un moment précis. Vous demandez au témoin, finalement, quand il a appris ce fait. Pour donner sa réponse, il pourrait faire référence à un événement qui est survenu à l'occasion de ses démarches et c'est dans ce cadre, qu'il doit le référer à son obligation à la confidentialité. On s'excuse, M. le député.

M. Bourbeau: Non, je comprends.

Le Président (M. Jolivet): Vous n'avez pas à vous excuser, c'est ce que je vous ai demandé de faire.

M. Bourbeau: Est-ce que c'est entre le 3 et le 16 janvier 1979?

M. Jasmin: Je vais vous donner la même réponse. Mon obligation à la confidentialité m'empêche de vous répondre.

M. Bourbeau: Est-ce que cette connaissance que vous avez eue, à un moment donné, des voeux du premier ministre que la cause soit réglée hors cour, a eu une influence sur le montant des offres que vous avez faites à la SEBJ?

Le Président (M. Jolivet): M. le député, je ne peux pas permettre cette question.

M. Bourbeau: Vous ne pouvez pas la permettre.

M. Perron: Question de règlement.

Le Président (M. Jolivet): Oui, je comprends, vous allez me dire qu'il est 18 heures?

M. Perron: Non, mais je pourrais peut-être demander au député de Laporte de lire votre décision de ce matin.

Le Président (M. Jolivet): Je m'excuse, M. le député. La seule chose qui m'importe pour le moment, c'est qu'on m'avait dit qu'on avait de brèves questions à poser: Jusqu'à maintenant cela va bien. Je voudrais et je pense que vous serez d'accord, libérer Me Jasmin pour qu'on puisse revenir à 20 heures. Si vous avez d'autres questions, je serai obligé de suspendre jusqu'à 20 heures et, là, Me Jasmin devra de revenir.

M. Bourbeau: Pour vous...

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Laporte.

M. Bourbeau: Pour vous montrer, M. le Président, que l'Opposition tient parole, je n'aurai pas d'autres questions.

Le Président (M. Jolivet): Merci. Donc, je dois, au nom des membres de la commission, remercier Me Jasmin. Mais avant, je crois comprendre que Me Lussier a un petit mot à nous dire à la fin.

M. Lussier: Oui, dans le même sens, M. le Président, je voudrais d'abord remercier la présidence pour la décision qu'elle a rendue, malgré l'expérience que j'ai qualifiée, hier et encore aujourd'hui, de pénible et de frustrante pour nous d'avoir eu à passer à travers cet exercice. Je comprends également que cela peut être frustrant aussi pour la commission d"être face à cette obligation à la confidentialité.

Maintenant, je tiens à le souligner, nous apprécions grandement la réaction des députés intervenants face à cet exercice qui, même s'il était pénible pour nous, a pu l'être aussi pour eux. Leurs réactions démontrent leur compréhension des difficultés d'ordre juridique et personnel pour le témoin dans un tel débat et elles les honorent. C'est en mon nom et au nom de votre invité d'aujourd'hui, M. le juge Jasmin, que je vous adresse ces remerciements.

Le Président (M. Jolivet): Maître, je vous remercie. M. le ministre voudrait ajouter un petit mot.

M. Duhaime: Oui, M. le Président, je serai très bref. En quelques secondes, je voudrais dire que l'exercice laborieux que vient d'évoquer Me Lussier aurait pu, bien sûr, être évité. Mais, je n'ai pas à porter de jugement sur la décision qui a été prise par les clients ou les anciens clients de Me Jasmin qui ont choisi d'exercer leur droit de ne pas délier Me Jasmin de son obligation à la confidentialité. Il aurait été bien sûr grandement préférable que nous puissions entendre sans aucune réserve Me Jasmin nous donner sa version des faits, tout au long du cheminement de ce dossier.

Je voudrais le remercier, remercier également son procureur et souligner, je dirais, on a employé le mot brio tout à l'heure, je pense que le mot est un peu timide à mon point de vue. Je pense que vous avez magistralement représenté les intérêts de l'honorable juge Jasmin, vous l'avez fait également avec courtoisie et gentilhommerie. Je vous en remercie.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Gatineau voudrait ajouter quelque chose.

M. Gratton: M. le Président, j'aurais voulu, mais compte tenu de l'heure je ne le ferai pas, répliquer aux commentaires du ministre tantôt en lui citant un passage de l'éditorial de Marcel Adam qui s'intitule: La mauvaise humeur du ministre se comprend. Si vous me dites qu'on en aurait terminé maintenant et qu'on ne siégerait pas ce soir, dans le souci que j'ai toujours d'épargner des sous au trésor public, je me passerai de faire des commentaires, en me réservant toutefois la possibilité d'intervenir au début quand on reprendra les travaux la semaine prochaine.

Le Président (M. Jolivet): Est-ce que je peux vous dire au début? Je ne sais pas si

ce sera au début mais vous aurez certainement l'occasion d'intervenir. Il y a aussi le député de Mont-Royal qui m'avait demandé la parole et je pense qu'il veut ajouter quelques mots avant qu'on ne termine.

M. Ciaccia: M. le Président, si on doit terminer maintenant, je ne veux pas obliger la commission à revenir à 20 heures. J'ai aussi le souci de sauver des dépenses, parce que je remarquais dans le journal que le ministre avait dépensé 120 000 $ pour rénover sa suite ministérielle. Alors, on voudrait essayer de sauver...

M. Rodrigue: Vous poserez la question à l'Assemblée nationale.

M. Ciaccia: ...de l'argent pour que...

M. Duhaime: Ils veulent en parler mais ils ne veulent pas jaser en Chambre, par contre.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Marguerite-Bourgeoys, en terminant.

M. Lalonde: Je voudrais simplement, je pense qu'il est important de le faire, je l'ai fait tout à l'heure mais encore à la fin, remercier M. Jasmin et Me Lussier. Si nous avons réussi à passer à travers cet exercice pénible avec les qualificatifs ou selon le jugement favorable, disons, que Me Lussier exprimait tout à l'heure, j'aimerais aussi faire appel à ceux qui nous regardent et qui comprennent aussi que lorsque Me Jasmin faisait appel à son obligation à la confidentialité, ce n'était pas un refus de répondre. C'était simplement une obligation qui lui était imposée par la loi. Ce qu'un journaliste a cru bon d'écrire, ce matin, dans un journal, à savoir que le seul choix de Me Jasmin aurait été de choisir entre violer la Loi de l'Assemblée nationale ou violer la Charte des droits et libertés de la personne, je ne crois pas que cela se soit produit, grâce à la sagesse de la présidence...

M. Duhaime: Merci beaucoup.

M. Lalonde: ...et grâce à la docilité des députés - je ne parle pas du ministre, non, M. le Président. Mais il est important que les gens qui nous regardent, comprennent cela pour que le jugement à l'égard du témoin, comme nos débats sont télévisés, ne soit pas affecté par l'exercice de style auquel il a dû se soumettre. C'est ce que je voulais dire à la fin.

Le Président (M. Jolivet): Donc, au nom des membres de la commission, puisque cela a déjà été fait, j'ajoute que je remercie Me Jasmin et Me Lussier. Je sais que l'exercice qu'on leur a demandé a été difficile. Il a été aussi difficile pour les députés. Mais, je pense que pour l'Assemblée nationale qui est souveraine, il était important que des gestes comme ceux-là soient posés. Compte tenu de l'heure et du fait que j'aurai à poser un geste d'ajournement, j'en profiterai donc pour dire que si le beau temps est avec nous demain, je pourrai être dans mon comté, c'est-à-dire à Clova et à Parent. Mais, entre-temps...

M. Lalonde: On n'est pas invité?

Le Président (M. Jolivet): J'ajourne...

M. Duhaime: Bonsoir mesdames, bonsoir messieurs.

Le Président (M. Jolivet): J'ajourne sine die.

M. Lalonde: Disons que c'est pour la semaine prochaine...

Le Président (M. Jolivet): D'accord.

M. Lalonde: ...parce qu'on ne revient pas ce soir ni demain matin.

Le Président (M. Jolivet): Oui, M. le député.

M. Lalonde: Le prochain invité, est le premier ministre, d'après ce que je comprends?

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Duhaime: M. Lévesque ne sera pas invité de la commission. Il va siéger comme membre de la commission.

M. Lalonde: Est-ce qu'il a dit qu'il répondrait à des questions?

M. Duhaime: II m'a donné son consentement à répondre aux questions de chacun des membres de la commission parlementaire.

M. Lalonde: II répondra à des questions?

M. Duhaime: Bien sûr.

M. Lalonde: Bon, nous aviserons.

M. Duhaime: Ce sera mercredi ou jeudi. Je vous le dirai aussi vite que possible. Je pourrai peut-être vous le confirmer demain.

M. Lalonde: D'accord.

Le Président (M. Jolivet): Donc, c'est un ajournement sine die, en attendant la motion de l'Assemblée nationale.

(Fin de la séance à 18 h 10)

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