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Version finale

32e législature, 4e session
(23 mars 1983 au 20 juin 1984)

Le vendredi 9 septembre 1983 - Vol. 27 N° 136

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Étude des effets de la politique énergétique sur le développement économique du Québec


Journal des débats

 

(Neuf heures trente-huit minutes)

Le Président (M. Gagnon): À l'ordre, s'il vous plaît:

La commission permanente de l'énergie et des ressources se réunit aux fins de continuer l'audition des mémoires sur l'étude des effets de la politique énergétique sur le développement économique.

Sont membres de cette commission: MM. Bordeleau (Abitibi-Est), Ciaccia (Mont-Royal), Duhaime (Saint-Maurice), Fortier (Outremont), Beaumier (Nicolet), Kehoe (Chapleau), Lavigne (Beauharnois), LeBlanc (Montmagny-L'Islet), Middlemiss (Pontiac), Perron (Duplessis) et Dussault (Châteauguay).

Les intervenants sont: MM. Bisaillon (Sainte-Marie), Baril (Rouyn-Noranda-Témiscamingue), Desbiens (Dubuc), Mme Harel (Maisonneuve), MM. Leduc (Saint-Laurent), Mathieu (Beauce-Sud), Scowen (Notre-Dame-de-Grâce), Tremblay (Chambly) et Vallières (Richmond).

Lorsque nous avons suspendu nos travaux, hier, nous étions à entendre l'Association des distributeurs indépendants de produits pétroliers. MM. Hotte, Pagé, Malouin et Dostie - je crois que ce sont les quatre qu'on retrouve actuellement - on vous souhaite la bienvenue. Je demanderais à M. Hotte de nous présenter, par ordre, son groupe.

Auditions

Association des distributeurs indépendants de produits pétroliers

M. Hotte (Guimond): Merci beaucoup, M. le Président. D'abord, j'aimerais présenter les membres qui m'accompagnent. À ma droite, M. Michel Dostie, secrétaire exécutif; à mon extrême gauche, M. Jean Malouin, secrétaire-trésorier, et à ma gauche immédiate, M. Roger Pagé, vice-président. Je demanderais une faveur à la commission, celle de pouvoir lire mon mémoire, parce qu'en faire un résumé aurait été aussi long et j'aurais risqué d'omettre certains détails qui auraient peut-être été pertinents à la commission.

M. le Président, MM. les membres de la commission, les administrateurs et les membres de l'Association des distributeurs indépendants de produits pétroliers du Québec remercient le ministre de l'Énergie et des Ressources de les avoir invités à présenter ce mémoire à la commission parlementaire de l'énergie et des ressources. Nous sommes heureux de faire connaître notre évaluation de la situation actuelle et d'exprimer nos avis sur l'évolution anticipée du secteur de l'énergie au Québec.

Le document, intitulé L'énergie, un levier de développement économique, préparé à l'intention des intervenants à la commission permanente de l'énergie et des ressources contient des données intéressantes sur la consommation des différentes formes d'énergie au Québec et sur l'évolution du bilan énergétique jusqu'en 1995. Les données statistiques de la dernière décennie apportent un éclairage utile pour l'évaluation des tendances actuelles et notre réflexion sur l'évolution de la production et de la demande.

Les nouveaux défis que le Québec devra relever d'ici la fin du siècle exigent que les voies choisies pour renforcer l'autonomie énergétique québécoise soient tracées avec prudence en tenant compte des conditions d'approvisionnement et des coûts aux consommateurs. À ce sujet, le document ci-haut mentionné - paragraphe 3, page 3 -contient une affirmation pour le moins inquiétante. On se demande, en effet, pourquoi le gouvernement ferait seulement un "examen rapide de l'évolution récente de la demande et de l'offre d'énergie avant qu'il soit procédé à une évaluation des tendances prévisibles d'ici 1990-1995". Il nous apparaît, au contraire, qu'un examen approfondi et sérieux des évolutions du marché dans ce secteur est absolument essentiel au succès de la stratégie énergétique québécoise.

Le gaz naturel. Désireux d'atteindre le plus tôt possible son objectif d'autosuffisance, le gouvernement du Québec encourage la diminution de la consommation pétrolière en faveur du gaz naturel dont les sources d'approvisionnement se situent encore à l'extérieur de ses frontières. Bénéficiant de subventions généreuses du gouvernement fédéral, celui du Québec s'est empressé de mettre en place un réseau gazier et d'en prendre le contrôle financier par l'intermédiaire de SOQUIP et de la Caisse de dépôt et placement. Ainsi, comme le note le document préparé pour la commission parlementaire, "les principales conditions techniques à la pénétration du gaz naturel au Québec sont maintenant réunies".

Cependant, personne ne peut garantir au consommateur que cette source d'énergie

sera plus avantageuse, plus sécuritaire et moins coûteuse que le mazout. Bien au contraire, Gaz Métropolitain montre pour 1982 une hausse de 30% de ses profits. Ses actions qui atteignaient au début de 1983 une valeur de 1,08 $ valaient 0,69 $ l'année précédente et on prévoit que ses actions augmenteront de 8% annuellement au cours des prochaines années. Comme ces résultats encourageants surviennent au moment même où l'on assiste à une chute des prix du pétrole sur le marché mondial, peut-on logiquement prétendre que le gaz naturel demeurera encore longtemps une source d'énergie plus avantageuse pour les consommateurs? Si les prix du pétrole demeurent stables ou manifestent une tendance à la baisse au cours de la décennie qui débute, les prévisions de la demande pour le gaz naturel devront-elles être révisées à la baisse? Dans cette hypothèse, très plausible actuellement, la rentabilité de deux réseaux québécois de distribution suffira-t-elle à garantir leurs opérations normales sans l'intervention de l'État? Ces questions doivent être posées et la commission parlementaire de l'énergie et des ressources devrait être en mesure d'informer les consommateurs afin qu'ils puissent faire les comparaisons entre les coûts prévus des divers combustibles.

Il faudrait aussi se demander comment le Québec pourra s'opposer aux exigences éventuelles de l'Alberta concernant les prix du gaz naturel. Par contre, pour ses approvisionnements pétroliers, le Québec aura toujours le choix entre plusieurs fournisseurs et les prix du pétrole pourraient se maintenir relativement bas aussi longtemps que la surproduction existera. On sait, en effet, que la concurrence entre les pays membres de l'OPEP et ceux qui n'en font pas partie ne favorise guère une entente à court terme pour la fixation de prix plus élevés.

Ici même au Canada, les perspectives du marché sont très encourageantes quand on considère les investissements énormes du gouvernement et de l'industrie pour l'exploitation du pétrole dans les Territoires du Nord-Ouest et la mer de Beaufort. Comme il existera toujours un équilibre concurrentiel entre les différentes formes d'énergie, on peut déjà prévoir que les prix du gaz naturel seront bientôt rajustés à la hausse pour favoriser à la fois la rentabilité du gazoduc et celle des investissements pétroliers. L'expérience démontre, en effet, qu'il existe un lien étroit dans la gestion des entreprises qui exploitent et vendent le gaz et le pétrole canadien.

Au lieu de continuer sur la voie dangereuse qui conduit à la réduction constante du chauffage au mazout, le gouvernement du Québec ne devrait-il pas s'arrêter pour évaluer les conséquences de sa politique, comme l'y invite l'éditorialiste du

Devoir: Le marché de l'Est du pays s'effondre-t-il autant que les compagnies le prétendent ou bien, dans les ententes dont elles ont convenu entre elles, le Québec est-il en train de cesser d'être une province productrice de produits raffinés pour devenir un simple marché de consommation et de chômeurs? On est en droit d'attendre des réponses non seulement de Québec et des pétrolières, mais aussi d'Ottawa.

L'offre d'énergie et l'intervention de l'État. Ces brèves considérations nous incitent à réfléchir sur la valeur réelle d'une des trois voies d'intervention choisies par le gouvernement du Québec pour le renforcement de la sécurité de nos approvisionnements en énergie importée. Car, à l'heure actuelle, rien n'indique que les approvisionnements et les coûts du gaz naturel pourront fournir aux consommateurs la solution recherchée. Le président de la Caisse de dépôt et placement du Québec affirmait, le 28 février 1983, qu'elle était devenue une société de gestion "contrairement au rôle que lui avait confié le gouvernement lors de sa création" et mentionnait, parmi les raisons de sa piètre performance financière, des prêts à des taux de faveur à Hydro-Québec, soit 1 050 000 000 $ en 1980 et 225 000 000 $ en 1981, et "la prise de contrôle de certaines entreprises - dont Gaz Métropolitain - jugées stratégiques pour le développement du Québec par on ne sait trop qui". (9 h 45)

Le consommateur peut donc se poser certaines questions sur la pertinence et la rentabilité des investissements consentis à même des fonds publics pour le renforcement de l'autonomie énergétique du Québec. Il pourrait, par exemple, se demander si les profits actuels des sociétés de distribution de gaz naturel sont, en partie, le résultat de l'intervention de l'État, ce qui constituerait alors une taxe indirecte pour les milliers de cotisants à la Caisse de dépôt et placement du Québec. De plus, avant de relier leurs maisons au réseau gazier, les consommateurs aimeraient sans doute savoir si les prix de ce combustible - comme ceux de l'électricité - augmenteront périodiquement au cours de la période 1983-1995.

Qui peut fournir les réponses à ces questions? Quand on considère la courte durée des récents accords Ottawa-Edmonton sur les prix du pétrole et du gaz naturel, on a le droit d'être sceptique à l'égard des projections optimistes des experts en ce domaine. Alors, pourquoi le gouvernement du Québec veut-il hâter, à un coût très élevé, le remplacement du mazout par le gaz naturel? Se serait-il engagé trop vite sur cette voie, derrière le gouvernement fédéral, sans avoir évalué toutes les conséquences et les coûts réels d'un tel changement?

En plus des coûts immédiats que chaque

consommateur doit assumer, les subventions qu'on lui accorde se reflètent inévitablement sur la facture de consommation qu'il paie mensuellement. De plus, une grande partie de l'épargne des particuliers continuera d'être immobilisée pour le financement de déficits d'entreprises publiques qui éprouveront des difficultés à trouver les capitaux nécessaires à leur expansion. En résumé, la conversion au gaz naturel ou à l'électricité du chauffage au mazout n'est pas, comme on voudrait le laisser croire, une opération peu coûteuse.

L'ouverture du marché québécois. Considérant sa situation géographique privilégiée, les équipements déjà en place et les réseaux de distribution permettant d'approvisionner adéquatement tous les consommateurs de produits pétroliers, il n'est pas certain que la pénétration du gaz naturel, au détriment du pétrole, soit la meilleure solution aux approvisionnements futurs des consommateurs québécois. En effet, les réserves gazières dont SOQUIP dispose en Alberta ne sont pas à l'abri des taxes futures dans cette province ou de celles que le gouvernement fédéral pourrait imposer. Il s'agit d'une forme d'énergie importée dont les prix d'achat et de transport seront toujours fixés hors du Québec. De plus, l'Office national de l'énergie estime que l'Ouest canadien pourra satisfaire nos besoins durant environ un quart de siècle, ce qui est bien court en comparaison de la durée des sources de pétrole disponibles sur le marché mondial.

Les récentes décisions des pays producteurs de pétrole indiquent qu'il peut être imprudent d'élaborer notre programme énergétique à partir des données statistiques de la dernière décennie. D'une part, les prévisions des économistes et des gouvernements sont toujours très éloignées de la réalité, d'autre part, l'estimation anticipée de la consommation des différentes formes d'énergie préparée par Hydro-Québec et le gouvernement est purement hypothétique. En effet, certains facteurs, comme les prix du pétrole et du gaz naturel, sont inconnus, mais ils auront nécessairement une influence sur l'utilisation de l'une ou de l'autre de ces deux formes d'énergie. Qui aurait pu prévoir, au début de la crise de l'énergie, que le chauffage au bois et l'utilisation industrielle du charbon allaient de nouveau connaître une utilisation croissante à la fin du 20e siècle?

Si le prolongement du réseau gazier peut contribuer au développement de l'industrie québécoise, il n'est pas certain que ce combustible offre les même avantages pour le chauffage des habitations. Ni le gouvernement fédéral, ni celui de l'Alberta ne se sont engagés à fournir le gaz naturel au Québec à un prix garanti pour les cinq ou dix prochaines années. Dans l'euphorie qui caractérise habituellement le lancement de ces grands projets, on a promis que le gouvernement québécois n'aurait rien à débourser pour avoir accès à cette source d'énergie d'appoint au même prix que celui payé par les Ontariens. Les transporteurs et les distributeurs comptent sur leurs propres sources de financement pour réaliser cet ambitieux projet. Cependant, pourrions-nous oublier que le géant de l'industrie gazière de l'Ouest canadien, la puissante TransCanada PipeLines, est une filiale de Dome Petroleum et transporte la moitié du gaz naturel consommé au Canada? Or, Dome Petroleum devait, récemment, solliciter l'aide gouvernementale ou cesser ses activités. De tels exemples peuvent-ils rassurer les consommateurs québécois quant à la sécurité d'approvisionnement et à la stabilité des prix du gaz naturel?

On affirme aussi que la conversion au gaz des appareils de chauffage au mazout et leur entretien créeront de nouveaux emplois et donneront aux entrepreneurs des régions desservies par le gazoduc l'occasion de participer pleinement au développement industriel. Cette vision optimiste devrait s'appuyer sur une évaluation plus objective de la réalité. Pour être plus précis dans l'appréciation de l'impact économique réel du gazoduc au Québec, il faudrait tenir compte des 5000 emplois qui seront perdus par la diminution graduelle du chauffage au mazout. On estime que chaque million de gallons en moins entraîne la perte de cinq emplois. Et il faut ajouter les autres emplois perdus dans les services connexes par suite de la fermeture des raffineries et de la réduction du chauffage au mazout.

L'électricité. Considérant les avantages indéniables dont le Québec dispose dans le secteur hydroélectrique, il doit encourager la recherche afin de mettre au point de nouveaux procédés industriels utilisant l'électricité. Comme l'ensemble des Québécois, nous sommes fiers des réalisations de l'Institut de recherche d'Hydro-Québec et du prestige dont cette institution jouit à travers le monde. Outre la production et l'utilisation de l'électricité, ses travaux sont surtout orientés vers la recherche de nouvelles formes d'énergie (utilisation des déchets urbains, de résidus du bois, de la biomasse) qui ne pourront pas satisfaire les besoins du chauffage domestique au cours des prochaines années. Quant à l'énergie solaire, il faudra plusieurs années pour amortir le coût d'installation et d'entretien de l'équipement, ce qui ne constitue pas, à l'heure actuelle, une solution pour le chauffage économique.

Par ailleurs, il n'est pas essentiel et même pas opportun d'encourager la conversion à l'électricité des appareils de chauffage au mazout. D'abord, l'électricité constitue, en priorité, un atout pour le développement industriel. De plus, la période

du chauffage domestique coïncide avec celle d'une consommation générale accrue d'électricité. Enfin, il est plus normal de vendre nos surplus d'électricité aux États-Unis que d'imposer des prix élevés aux usagers québécois.

Qui pourrait douter que les "cadeaux" d'Hydro-Québec pour la conversion des systèmes de chauffage seront éventuellement ajoutés à la facture du consommateur? En plus de coûter cher à la société d'État, le programme Bi-énergie ou D-15 n'a pas réduit effectivement le coût du chauffage domestique et comporte certains dangers. Par exemple, on nous a signalé plusieurs cas de cheminées où le givre (qui se forme quand on ne chauffe pas) a repoussé la fumée vers l'intérieur de la maison lorsque le système automatique D-15 déclenche l'alimentation au mazout. Ce phénomène cause, en certains cas, des dégâts assez coûteux en plus d'incommoder les occupants, surtout pendant la nuit. Un autre inconvénient de ce système se trouve dans l'usage occasionnel de la fournaise au mazout. Même si l'éventail est utilisé pour souffler l'air chaud dans la maison, la fournaise ne fonctionne pas durant la majeure partie de l'année et n'est pas toujours en bon état pour donner son plein rendement, ce qui cause souvent des problèmes et des coûts additionnels. Avant de lancer un tel programme, il eut été préférable de poursuivre la recherche et d'évaluer non seulement les avantages, mais aussi les risques et les coûts que le système Bi-énergie impose aux usagers.

Restructuration du secteur pétrolier. Avec la fermeture de trois raffineries dans l'Est de Montréal, le Québec a perdu son leadership en matière de raffinage. Au total, c'est une réduction de 225 000 barils/jour, tandis que l'Ontario perd seulement 44 000 barils/jour et devance maintenant le Québec de 30%. "Cette baisse touchera deux produits très importants pour les raffineries: l'essence pour le transport, dont la consommation stagnera, et le mazout à chauffage qui disparaîtra pratiquement de la carte en raison des conversions au gaz et à l'électricité. Mais fallait-il que le Québec soit presque seul pour payer la note?" La Presse, Alain Dubuc, 4 mars 1983.

Il faudrait s'assurer que les raffineurs veulent bien dévoiler leur stratégie, car, comme le déclarait le président de la Commission d'enquête sur les sociétés pétrolières en France, en 1977: "L'industrie pétrolière n'offre pas l'exemple d'une activité s'ouvrant spontanément aux investigations. C'est toujours avec une grande amabilité que les compagnies communiquent les renseignements demandés; mais on s'aperçoit très vite que le contexte permettant de juger ces informations ou bien est tronqué, ou bien est faussé, ou bien fait défaut." Dans cette optique, les éléments de réflexion que recherche le gouvernement pour restructurer le secteur pétrolier devraient tenir compte non seulement des avis exprimés par les raffineurs désireux d'accroître leur productivité au Québec, mais aussi de ceux exprimés par les distributeurs indépendants qui constituent un réseau dont l'efficacité fut toujours reconnue même dans les périodes les plus difficiles de la crise de l'énergie. De plus, nous considérons que l'implantation à Montréal d'une unité centrale de revalorisation des huiles lourdes devrait être une partie intégrante de la restructuration.

Cependant, comme le note un document du ministère de l'Énergie et des Ressources de janvier 1983: "C'est le gouvernement fédéral qui dispose de l'essentiel des pouvoirs d'intervention pour tout ce qui concerne les modifications à apporter aux conditions régissant le commerce interprovincial et national du pétrole brut et des produits pétroliers. Bien que certaines actions aient déjà été amorcées en ce sens, il apparaît évident que la situation actuelle appelle des mesures complémentaires."

Dans le même document, on peut lire à la page 26: "D'ici la fin de la présente décennie, le Québec sera placé, au niveau des disponibilités d'énergie, dans une situation qu'il n'a jamais connue: les principales formes d'énergie utilisées dans le monde, soit le pétrole, le gaz naturel et l'électricité, seront présentes dans la plupart des régions du Québec dans des conditions de coût très favorables et cela, grâce aux nouvelles infrastructures actuellement mises en place. Sur le plan de la fiabilité des approvisionnements comme du prix de l'énergie, les consommateurs québécois bénéficieront ainsi de conditions très favorables par rapport à celles prévalant dans la plupart des régions industrialisées."

Cette affirmation ne tient pas compte de la réduction constante des approvisionnements pétroliers, selon la stratégie amorcée par le gouvernement. Comment peut-on favoriser en même temps la disparition, à peu près complète dans certaines régions, du chauffage au mazout et affirmer que les consommateurs pourront encore en 1990 choisir entre trois formes d'énergie: pétrole, gaz naturel et électricité? De deux choses l'une: ou bien le gouvernement prend les moyens d'assurer la permanence dans toutes les régions d'un réseau de distribution du mazout ou bien il avertit les consommateurs qu'ils doivent dès maintenant choisir entre le gaz et l'électricité.

Puisqu'il s'agit d'un besoin essentiel et que l'État a le devoir de faire connaître la vérité aux citoyens en cette matière, nous recommandons que le gouvernement du Québec: cesse dans les plus brefs délais toute forme de subvention au remplacement

du chauffage au mazout par l'électricité ou le gaz naturel; intervienne auprès du gouvernement fédéral pour qu'il cesse d'encourager la conversion des systèmes au mazout vers d'autres formes d'énergie; réglemente la distribution du mazout de façon à interdire cette activité aux raffineurs; favorise les activités de raffinage de façon à assurer un équilibre entre la consommation et la production de produits pétroliers sur le territoire québécois.

Même si sa marge de manoeuvre demeure limitée face au gouvernement fédéral et aux raffineurs, le gouvernement québécois doit agir de façon à ne pas imposer à ses citoyens des investissements trop lourds dans le développement des énergies de remplacement du pétrole au moment où ce produit devient plus abondant et moins coûteux sur le marché mondial et au Canada.

La restructuration du secteur pétrolier devrait aussi tenir compte de la demande de carburant pour les véhicules automobiles, car il serait prématuré d'affirmer que le gaz naturel va bientôt remplacer l'essence dans la majorité des véhicules circulant sur nos routes. Plusieurs années s'écouleront avant que ne soit mis en place un réseau adéquat de stations-service équipées pour répondre aux besoins de ces nouveaux véhicules. Il est difficile, en effet, de prévoir le rythme d'un changement aussi radical dans les habitudes de vie et de transport des citoyens. Il faut donc éviter de laisser croire que le gaz naturel sera bientôt le carburant le plus économique pour les automobilistes. Il est vrai que le Québec a la réputation d'être la province où le litre d'essence coûte le plus cher au Canada, mais il arrive aussi que la "guerre des prix de l'essence" survienne, comme ce fut le cas récemment à la suite d'une surcapacité de raffinage, alors que la consommation a baissé de 12,5% en 1982 et qu'on prévoit une autre diminution de 9% cette année. "Les taxes jouent ici un rôle encore plus considérable. Par exemple, il y a déjà assez longtemps que les États-Unis ont haussé les prix de leur pétrole au niveau de ceux du marché mondial et, pourtant, le coût de l'essence dans les États voisins est substantiellement inférieur à ce que nous connaissons chez nous. Chez nous, on a accablé cette industrie de taxes extrêmement lourdes." (10 heures)

Malgré les progrès de la science et de ses applications technologiques, personne ne peut prévoir le jour où le pétrole sera remplacé par le gaz naturel dans la majorité des automobiles, des camions et par l'hydrogène dans les avions. Cette innovation dans le transport aérien devait pourtant se réaliser dès 1985. "Si le gaz et l'électricité doivent s'imposer, il n'est pas besoin d'être bien malin pour voir qu'en période de récession surtout des pertes d'emplois vont être causées dans le secteur du raffinage et de la distribution des produits pétroliers. Si la population se convertit largement et subitement au transport en commun - autre exemple de stratégie gouvernementale - on doit s'attendre non seulement à une réduction de la consommation pétrolière, mais à une baisse de l'ensemble des services de l'automobile. On ne pourra subventionner tout le monde en même temps, y compris les garages abandonnés par les consommateurs." Le Devoir. Jean-Claude Leclerc, 5 mars 1983.

L'enquête fédérale sur la concurrence dans l'industrie pétrolière au Canada a mis en évidence les pratiques abusives et restrictives utilisées par les sociétés pétrolières intégrées. Tant que les raffineurs continueront de vendre au détail, soit directement, soit par l'entremise de leurs agents, et tant que l'on maintiendra la concurrence au niveau du détail entre les grandes sociétés pétrolières et les distributeurs indépendants, on ne pourra corriger les abus qui ont coûté, depuis 20 ans, plusieurs milliards aux consommateurs canadiens.

Le mythe entretenu par, les multinationales pour laisser croire qu'elles étaient les seules entreprises capables d'assurer efficacement la distribution du combustible et de l'essence pourrait difficilement se perpétuer quand on voit certaines raffineries cesser leurs activités parce que le commerce devient difficile. Si le gouvernement décidait, pour assurer la sécurité d'approvisionnement, d'acheter une raffinerie, nous croyons que son choix devrait se porter sur des installations déjà en activité au lieu de chercher à rentabiliser une entreprise qui a fermé ses portes. De plus, nous proposons la mise en place d'un programme permettant de transférer graduellement les stations d'essence de cette raffinerie aux détaillants indépendants. Qui pourrait douter, en effet, que les deux réseaux indépendants de distribution de l'essence et du mazout peuvent constituer un élément majeur du succès et de la rentabilité de la raffinerie d'État? C'est une autre raison pour ne pas accélérer indûment l'abandon du chauffage au mazout et l'utilisation des nouvelles voitures au gaz naturel. Si les prix de l'essence sont plus élevés au Québec, ce n'est pas la faute des distributeurs indépendants. Bien au contraire, ceux-ci ont toujours fait preuve d'un sens profond de responsabilité et de bons services envers les consommateurs.

En conclusion, il serait facile de citer ici de nombreuses statistiques pour appuyer nos affirmations. Cependant, nous ne pensons pas que cet exercice soit nécessaire. D'une part, toutes les prévisions des gouvernements

et des économistes concernant les approvisionnements et les prix du pétrole au début de la présente décennie se sont révélées fausses et inutiles. Elles suscitent même, à l'heure actuelle, de pénibles négociations entre Ottawa et certaines provinces et mettent à l'épreuve la solidarité des pays producteurs.

D'autre part, les coûts é/iormes de l'implantation et du financement d'un réseau gazier et du développement hydroélectrique imposent aux consommateurs québécois une très lourde charge financière sans offrir de garantie quant au rythme de croissance des prix de ces deux formes d'énergie. Bref, on presse le consommateur d'acheter un produit durant tout le reste de sa vie sans lui indiquer quel en sera le prix comparativement au mazout dont le coût est déjà connu et tend à se stabiliser, sinon à diminuer.

Dans ce contexte, nous recommandons que le gouvernement du Québec modifie sa politique actuelle d'incitation au remplacement du mazout par l'électricité ou le gaz naturel pour le chauffage des résidences et cesse dans les plus brefs délais toute forme d'aide financière à cette fin. De plus, nous recommandons que le gouvernement du Québec presse le gouvernement fédéral d'adopter des mesures semblables, tout au moins sur le territoire québécois, et accorde directement à l'État les mêmes subsides qu'il verserait aux consommateurs afin de contribuer à la restructuration du secteur pétrolier dans cette province. Pour assurer aux usagers du mazout un service fiable et des prix concurrentiels, nous recommandons que le gouvernement réglemente la distribution de ce produit de façon à en interdire la vente au détail par les raffineurs. C'est le seul moyen de mettre de l'ordre dans ce secteur et de prévenir la répétition de scénarios bien connus qui favorisent des fluctuations de prix souvent injustifiées.

Enfin, nous recommandons de réduire la taxe sur l'essence afin d'équilibrer le prix de ce produit au Québec avec celui des régions voisines et de minimiser les effets néfastes de ce mode de taxation sur l'ensemble de l'économie québécoise. L'Association des distributeurs indépendants de produits pétroliers. Merci.

Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le ministre.

M. Duhaime: Si vous me le permettez, M. le Président, je vais faire une très brève intervention pour ensuite aborder non pas tous les points du mémoire, mais quelques-uns. J'ai demandé de faire une vérification au ministère des Finances parce qu'à la page 8 de votre mémoire il y a un extrait d'un éditorial de M. Leclerc qui mérite d'être clarifié. J'y reviendrai plus tard.

M. Hotte, votre organisme est parmi les 72 qui ont déposé des mémoires pour être entendus par notre commission. Si on se situe sur un échiquier par rapport à la politique énergétique, je dois vous concéder le fait que vous attaquez de front la politique énergétique du Québec sur un des axes que nous avons retenus pour favoriser la pénétration du gaz naturel au détriment du mazout importé. Je voudrais vous dire au départ que, si j'étais à votre place, probablement que je tiendrais le même discours. En définitive, les gens que vous représentez dans toute la filière du pétrole, à partir des mers d'Arabie jusque dans les 200 gallons ou les 45 gallons du consommateur québécois - on va s'entendre sur une chose, en tout cas - sont en bout de piste. Vous êtes les derniers avant le consommateur dans le cycle à partir de l'importation du brut jusqu'au raffinage, etc. On conviendra également d'une chose: étant en bout de piste, la seule marge que vous avez, c'est de vous maintenir auprès d'une clientèle en vous prenant une marge bénéficiaire pour rencontrer vos coûts de fonctionnement et dégager des profits dans vos entreprises.

Je pense qu'on conviendra très rapidement qu'aussi bien les détaillants d'essence que les raffineurs comme tels n'ont pas grand-chose à voir dans le fait qu'en dix ans le prix du baril de pétrole a été multiplié par - qu'on le calcule en dollars américains ou en dollars canadiens, peu importe - dix et, depuis un bout de temps, même par quinze. Quelle est la certitude que vous avez que le prix du baril de pétrole en 1993 ne sera pas à 50 $, 60 $, 80 $, 100 $, 200 $? Ce qui m'a toujours étonné dans ce dossier, c'est que, malgré tous les instituts de futurologie qui existent dans le monde et tous les brillants cerveaux de l'Occident et de tous les pays industrialisés, il n'y en a aucun qui avait prévu le premier choc pétrolier. Quand le premier est arrivé, on a dit: La première hausse est là pour longtemps. Quand le deuxième est arrivé, tout le monde est tombé presque en bas de sa chaise, mais c'est réellement arrivé.

On peut faire tous les scénarios qu'on voudra. On peut dire: La dette extérieure des pays producteurs de pétrole est telle aujourd'hui qu'ils sont condamnés à s'assurer des revenus pour équilibrer leur budget; donc, le prix de leur brut exporté ne bougera pas tellement. Il faut faire attention. Si je vous disais qu'en 1993 le prix du baril sera à 300 $, vous allez dire: Le ministre de l'Énergie et des Ressources est malade. Mais c'est exactement ce qui s'est produit de 1973 à 1983, exactement ce scénario. Cela a été l'un des points qui ont fait en sorte que nous avons axé notre politique énergétique

sur une formule que nous appelons de sécurité d'approvisionnement et d'une plus grande autonomie énergétique. On a donc décidé d'"hydroélectrifier" le Québec à 50% d'ici l'an 2000 et de favoriser le gaz naturel pour avoir un meilleur éventail à l'intérieur du bilan.

Mais je dois vous dire que je comprends parfaitement votre point de vue. Vous devrez vous battre, c'est certain - et cela, je vous le concède - sur le terrain, auprès des consommateurs, pour résister aux offensives, par exemple, d'Hydro-Québec aussi bien dans le secteur résidentiel qu'ailleurs et aux offensives aussi des deux sociétés de distribution du gaz au Québec parce que l'objectif premier de la politique énergétique du Québec est de prendre tous les moyens pour déplacer le mazout importé.

Sur un plan bien logique, qu'est-ce qui se passera en Irak, en Iran? À l'heure actuelle, au Liban et au Proche-Orient, le gazoduc irakien est bloqué à toutes fins utiles. Qu'est-ce qui va se passer en Arabie Saoudite d'ici dix ans? Est-ce que les descendants de Ibn Sa'ud et toute sa famille vont être encore au pouvoir? Est-ce que la famille royale est là pour le prochain siècle ou pour les vingt prochaines années? Qu'est-ce qui va se produire en Iran? Qui va contrôler le golfe Persique, etc? Il y a énormément de questions qui se posent sur le plan de la simple sécurité.

L'autre question qui se pose, c'est celle des prix. On pense parfois qu'un pays comme l'Arabie Saoudite, qui est un des grands pays producteurs de pétrole encore aujourd'hui dans le monde, est extrêmement riche. C'est son pétrole qui la rend riche, c'est certain. C'est le transfert financier des pays industrialisés vers un pays comme celui-là qui fait sa richesse. Mais il faut faire attention - je crois que c'est une première -car l'Arabie Saoudite, cette année, au premier trimestre de 1983, connaît, pour la première fois de son histoire, un déficit commercial. Quand un pays exportateur de pétrole comme l'Arabie Saoudite connaît un déficit commercial, cela veut dire qu'il y a du monde à l'intérieur de ce pays-là qui dépense de l'argent et qui en dépense aussi à l'étranger. Est-ce que cela peut avoir une influence sur les prix à long terme? Il y a un immense point d'interrogation là-dessus.

Il peut très bien se produire le scénario inverse. Cela s'est déjà produit. Le pétrole a été à 34 $ le baril, il est à 29 $. Le "spot price" à Amsterdam, cet après-midi - je n'en ai pas d'idée, mais peut-être que ceux qui sont dans le raffinage et sur le marché libre pourraient nous le dire - est certainement en bas de 29 $.

Il se pose donc la question de la sécurité des approvisionnements d'abord et, deuxièmement, la question des prix. Je tenais à rappeler cela avant d'aller à votre mémoire, parce que c'est exactement ce qui sous-tend la politique énergétique du Québec.

Vous nous suggérez une réflexion sur le rôle de l'État ou des sociétés d'État dans le secteur énergétique au Québec. Quelque part dans votre mémoire, vous trouvez que les entreprises publiques font des déficits et que, finalement, ce n'est pas le consommateur d'huile à chauffage qui va encaisser le déficit, mais le contribuable. Je voudrais vous faire remarquer que, dans le cas du gaz naturel, les deux compagnies ne sont pas comme telles des entreprises publiques. Gaz Métro a deux grands partenaires, la Caisse de dépôt et placement du Québec et SOQUIP. Le reste, ce sont des actionnaires du privé qui achètent les actions telles que cotées en Bourse. Gaz Métro est une compagnie publique inscrite en Bourse. Dans le cas de Gaz Inter-Cité, c'est une association à trois; Winnipeg Inter Cité Gaz a 49% des intérêts, SOQUIP en a 49% et la Caisse de dépôt et placement du Québec en a 2%. Ce n'est pas tout à fait une entreprise publique. Elle est sous contrôle de sociétés d'État publiques, mais nous avons des partenaires du privé dans l'une et l'autre de ces deux compagnies.

Vous avez raison de souligner que les marges bénéficiaires de ces deux entreprises sont fixées par la Régie de l'électricité et du gaz, qui est un tribunal ayant des fonctions administratives, quasi judiciaires en quelque sorte. Ce n'est pas l'État - je devrais nuancer - ce n'est pas le gouvernement comme tel qui établit les marges bénéficiaires, mais c'est l'État en quelque sorte au sens très large. Non pas l'État comme gouvernement, mais l'État au sens que c'est un pouvoir public qui décide de la marge bénéficiaire de ces sociétés distributrices. Sauf erreur, jusqu'à présent, elles tournent toutes deux à profit. Vous allez me dire que, quand la régie leur donne l'autorisation pour une pareille hausse de leurs prix du gaz naturel, c'est assez facile de faire un retour sur l'investissement et d'avoir un compte positif aux opérations. Mais il reste que cela mérite d'être nuancé; peut-être aurez-vous des choses à ajouter. (10 h 15)

Je vois également une contradiction. Vous ne voyez pas ce que font le gouvernement et les entreprises publiques dans la distribution du gaz. Vous avez répété vous-même une de vos recommandations où vous faites l'appel du pied, où vous invitez le gouvernement ou une société d'État à s'impliquer dans le raffinage. Alors, il y a des gens qui nous ont dit, depuis la reprise de nos travaux, que le gouvernement devrait s'impliquer dans le raffinage et ils suggèrent en même temps aux compagnies privées, aux sociétés pétrolières majeures, de se retirer du marché de la distribution. Il faudrait qu'on sache exactement où il y a de l'argent

à faire. Fait-on de l'argent dans le raffinage? Fait-on de l'argent dans les réseaux de distribution? Fait-on de l'argent sur l'importation? Fait-on de l'argent dans toute la gamme des produits raffinés? Il faudrait le savoir exactement. Je ne sais pas si votre organisme a eu l'occasion de faire une réflexion là-dessus. Je n'ai pas l'impression que nous sommes sur un marché compartimenté. La plupart des compagnies qui oeuvrent dans le secteur, parmi les majeures - c'est justement la raison pour laquelle elles sont devenues majeures -étaient installées en amont aussi bien qu'en aval, c'est-à-dire à partir d'un contrat d'approvisionnement d'un pays producteur avec un réseau de distribution à l'autre bout, un peu comme on peut faire n'importe quel scénario d'intégration à la verticale dans un secteur économique quelconque.

J'aimerais avoir votre réaction là-dessus, parce que je concilie mal comment l'État peut être à un endroit bienvenu, alors qu'on voudrait le foutre dehors dans un autre coin, à moins qu'on ne défende carrément ses intérêts. Je pense que vous ne vous gênez pas pour le dire dans votre mémoire: Vous défendez les intérêts de vos membres et vous défendez un marché. Si c'est cela, je vais retenir votre mémoire comme étant un mémoire qui est à la défense exclusive de ses membres. Quant au reste, vous nous laissez le fardeau de nous débrouiller.

Un dernier point. J'ai demandé de faire une vérification tantôt. J'y reviendrai après que mes collègues seront intervenus. Au sujet des faveurs, semble-t-il, que vous avez semblé déceler à la Caisse de dépôt à l'endroit d'Hydro-Québec, je pense qu'on n'a pas les mêmes informations, mais je veux les faire vérifier.

Sur la question des mouvements des produits raffinés dans l'Est canadien, on en a parlé hier, SOQUIP en a parlé, Shell en a parlé. Je ne sais pas si, de votre côté, vous auriez des choses à nous dire là-dessus. Une chose est claire, en tout cas, dans ce dossier: nous étions exportateurs nets de produits raffinés jusqu'en 1982 dans l'Est canadien. Une chose qu'on sait, c'est que nous avons cessé de l'être. La question qui se pose maintenant: Est-ce qu'au Québec, maintenant, nous sommes devenus des importateurs nets de produits raffinés - soit de l'Ontario, soit des Maritimes - qui s'en viennent ici, dans le marché du Québec? Il y a une variable; on a vu hier les chiffres de SOQUIP, la fourchette est entre 5000 et 40 000 barils. On a fait une vérification auprès d'Ultramar et la capacité d'Ultramar - je réfère au tableau 7 de SOQUIP - n'est pas de 103 000 barils, mais de 130 000 barils, avec une capacité d'aller à 140 000 barils, même, avec la modernisation qui est terminée. Je pense que l'inauguration se fait lundi prochain. Je ne sais pas si votre groupe a des chiffres à nous fournir sur vos prévisions quant aux mouvements dans l'Est du Canada pour ce qui est des produits raffinés.

Voilà, c'étaient mes commentaires et mes questions. Si vous avez des choses à ajouter, ne vous gênez pas.

Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le ministre. M. Hotte.

M. Hotte: M. le ministre, vous avez touché à plusieurs volets de notre mémoire. Il n'est pas facile de répondre à tout cela. Mais il y a deux choses que j'ai retenues, c'est la sécurité des approvisionnements et les prix.

Sur la sécurité des approvisionnements, je ne veux pas agir comme les jésuites en vous retournant une question, mais je suis un peu obligé de le faire. Croyez-vous que c'est plus sécuritaire de s'en tenir au gaz naturel, qui n'est produit que par un point d'approvisionnement, soit l'Alberta, alors que le marché du pétrole a quand même plusieurs points d'approvisionnement dans le monde? Dans notre mémoire, on spécifie que, pour le gaz, on a seulement un point d'approvisionnement. Au point de vue de la sécurité, je pense que le fait qu'on ait plusieurs points internationaux d'approvisionnement est quand même justifiable.

Puisque tout change très rapidement -si on prend l'entente Ottawa-Alberta qui a été conclue pour une certaine période, au bout de deux ans, elle n'était déjà plus bonne - c'est assez difficile de prévoir qu'en 1993 les prix du pétrole vont être très hauts ou très bas. Je pense que même le pétrole devrait suivre à peu près les autres sources d'énergie s'ils veulent être concurrentiels sur le marché. Je crois que, si le pétrole monte, les autres sources d'énergie vont certainement suivre, autant le gaz que l'électricité. Si le pétrole baisse, certainement que les autres sources d'énergie vont être obligées de s'ajuster.

M. Duhaime: Je ne veux pas me prendre pour un jésuite, mais je vais vous dire tout simplement ceci: Je suis prêt à prendre autant de risques que les Français, les Italiens et les Européens en prennent sur le gazoduc transsibérien en achetant du gaz naturel des Russes pour nous, au Québec, en s'approvisionnant de l'Ouest canadien. C'est un peu à la blague. Mais étant donné l'état des réserves, les découvertes faites à l'heure actuelle dans l'Ouest canadien, sans compter même tout ce qu'il y a au nord, dans les Territoires du Nord-Ouest, etc., on sait très bien qu'il y a du gaz naturel pour plusieurs décennies. Et, à partir du moment où les clients qui sont au bout du gazoduc se feraient embarquer dans l'escalade des prix

du gaz naturel, ce n'est pas un problème d'avoir une autre source d'approvisionnement; il s'agit d'avoir une alternative et d'avoir d'autres sources d'énergie.

Vous nous dites: Lorsque le pétrole va monter ou descendre, les autres énergies vont bouger sur à peu près les mêmes scénarios de croissance ou de décroissance quant au prix. C'est vrai pour l'instant et je pense qu'au Québec, au gouvernement aussi bien qu'à Hydro-Québec, on a décidé de faire évoluer le prix de l'hydroélectricité en tenant compte de l'évolution des prix des énergies concurrentielles dans une perspective d'économie d'énergie. Mais cela n'a pas toujours été vrai, ce que vous nous dites, parce que, avant le premier choc pétrolier, il faut bien comprendre - les Québécois déjà l'ont oublié - quand on fait une analyse, une réflexion, une discussion sur le dossier énergétique, qu'Hydro-Québec a monté son réseau de distribution en ayant contre elle un concurrent dans le résidentiel, dans le commercial, aussi bien que dans l'industriel, qui était le mazout lourd, qui était meilleur marché. Hydro-Québec a fait son chemin quand même. Et quand les prix du pétrole ont commencé à jouer, cela ne s'est pas répercuté tout de suite sur les autres prix.

Si le prix du gaz naturel est raccroché aujourd'hui à 65% du prix du pétrole au Canada, c'est une décision politique du gouvernement fédéral. Ce n'est pas le jeu des forces de marché, pour d'autres raisons. Ce que vous nous dites aujourd'hui est absolument vrai. Pour les années qui sont devant nous, lorsque le prix du pétrole va bouger, les autres formes d'énergie vont avoir tendance à bouger et à s'ajuster, c'est vrai. Mais ce n'est pas nécessairement vrai pour beaucoup d'années. Ils peuvent changer aussi, ces scénarios.

Alors, tant sur le plan des sources d'approvisionnement que sur le plan des prix, on a fait au Québec exactement le même raisonnement que celui que les Américains de la Nouvelle-Angleterre et de New York font aujourd'hui. Par exemple, à New York qui s'approvisionne en pétrole qui vient du marché mondial pour alimenter des usines thermiques, il y a la question du prix, il y a la question de la sécurité des approvisionnements. Quand les Américains discutent avec nous pour signer des contrats d'exportation d'énergie excédentaire et même des contrats d'énergie ferme, ils se posent aussi la même question: Est-ce qu'on ne prend pas un risque de brancher notre réseau hydroélectrique sur une seule ligne qui porterait 2000 mégawatts, par exemple? Alors, on aurait une source d'approvisionnement, le prix étant établi au départ, mais indexé, bien sûr. Ils ont exactement le même choix à faire.

C'est le nôtre, en quelque sorte. Est-ce qu'on est plus en sécurité en achetant pour une partie de nos besoins énergétiques du gaz naturel sur ce continent? Peu importe la géographie politique, ce n'est pas parce qu'on est à l'intérieur du Canada que les gars de l'Ouest nous vendent du gaz; c'est parce qu'on les paie qu'on peut en acheter. Même scénario en Europe. On a du gaz naturel sur ce continent et on peut en avoir pour très longtemps. Pour l'instant, c'est le meilleur marché. Pourquoi n'en profiterait-on pas?

M. Hotte: Vous avez bien raison, M. le ministre. Je veux être bien clair sur la question du mémoire. On s'est aperçu dans le passé que les changements radicaux, les changements opérés d'une façon très rapide ont causé des soubresauts dans l'économie. Je voudrais être bien clair pour tous les intervenants, les commissaires: On voudrait que ces changements se fassent graduellement, sur une période plus lente, afin de créer moins de déséquilibre dans l'économie. Si on se reporte à il y a une dizaine d'années, on était 1200 marchands de mazout; aujourd'hui, on se retrouve environ 600. On voit que cela déboule assez rapidement.

Maintenant, qui paie la note lorsqu'il y a des changements trop rapides? C'est, en fin de compte, le consommateur. On a l'exemple avec la MIUF, à Ottawa. Les gens se sont lancés sur ce programme d'une façon très rapide. Les gens vont être obligés de débourser, le gouvernement va être obligé de débourser. Ce qu'on voudrait, nous autres, d'après notre mémoire, c'est que ces changements dans l'attitude des gouvernements soient plus lents afin de donner la chance au consommateur de savoir où il s'en va avec cette situation énergétique, car qu'on le veuille ou non, la question d'actualité qui demeurera toujours dans les années à venir, ce sera l'énergie. Ce sera toujours une grande question d'actualité. On voudrait que ces changements technologiques de chauffage ou de combustible pour le transport se fassent un peu plus lentement.

Quand on y va à coups de subventions de la part du fédéral et du provincial, en fin de compte, les subventions, c'est quelqu'un qui les paie, c'est le consommateur. Je me dis: Est-ce que c'est toujours bon de les inciter à faire ces changements d'une façon très rapide? Si, éventuellement, le consommateur s'aperçoit qu'il est dans un ghetto, dans un labyrinthe...

M. Duhaime: Dois-je comprendre, M. Hotte, que, sur le fond, vous seriez prêt à faire des concessions pour autant qu'on y mette le temps?

M. Hotte: Justement.

M. Duhaime: Je voudrais juste vous

donner un chiffre. Vous savez aussi bien que moi que les Québécois vont payer cette année, à l'étranger, je veux dire hors frontières, suivant nos évaluations au ministère de l'Énergie et des Ressources, 4 800 000 000 $ pour le pétrole importé et le gaz. Cela commence à être du fric pas mal, cela aussi. C'est énorme. Je pense qu'il y a peut-être les Japonais, il y a peut-être les Belges, dans les pays industrialisés, qui ont un pareil compte à l'importation d'énergie à payer per capita. Cela aussi, c'est de l'argent que les consommateurs paient. Regardons les transferts financiers qui ont été faits des pays industrialisés vers des pays producteurs de pétrole. On va s'inclure là-dedans; nous sommes les rois de la bagnole, vous le savez, et on en a payé un coup. Chaque baril de pétrole que les Québécois consomment, il faut bien comprendre que c'est de l'argent qui sort du Québec. Peu importe qu'il s'en aille au Canada dans l'Ouest ou qu'il s'en aille dans le monde, tout le temps de la ligne Borden on était sur le marché mondial.

Les meilleurs scénarios qu'on a en main, c'est qu'on va s'y approvisionner à nouveau pour la très grande partie de nos besoins en pétrole dans les années qui viennent. Cela aussi, c'est un coût réel au consommateur. Cela affecte aussi sa monnaie. Cela affecte aussi un déficit commercial. Cela affecte aussi la balance des paiements. Il y a aussi un prix à payer pour le consommateur. On en tient compte dans l'ensemble.

Quand vous dites qu'il faudrait y mettre davantage de temps, je voudrais vous répondre en disant qu'en 1978 mon collègue de l'époque, M. Guy Joron, a fait connaître quelles étaient les intentions du gouvernement dans un livre blanc; nous n'avons pas changé depuis 1978 les objectifs, les composantes du bilan énergétique tant sur l'horizon de 1990 que sur l'horizon de l'an 2000. C'est toujours 41% hydroélectrique en 1990, 16% gaz naturel, etc. On a même avancé des chiffres pour l'an 2000. Cela fait quand même, de 1978 à 1990, quant aux objectifs, plusieurs années. Est-ce que vous suggérez qu'on doive décaler cela encore de dix ans? Qu'avez-vous en tête quand vous dites qu'il faudra y mettre davantage de temps? (10 h 30)

M. Hotte: Selon nous, à la suite d'enquêtes faites à l'intérieur de notre association, on s'est aperçu qu'au lieu de donner des subventions pour la conversion des systèmes de chauffage, les gouvernements auraient pu donner des subventions pour l'amélioration des systèmes de chauffage. Cela aurait quand même créé des emplois. Il y a de bons systèmes de chauffage présentement qu'on fout à la porte et qui pourraient servir encore quelques années.

Dans les périodes de très grands froids - on vit ces périodes-là - quand le chauffage fait défaut, ce sont des périodes très tendues et c'est à ce moment-là qu'il faut répondre. Un chauffage qui n'a pas fonctionné pendant dix mois et qui sera appelé à fonctionner durant les mois de janvier et février, il sera assez difficile qu'il soit à point. Ce sont des tensions terribles parce qu'on ne peut pas demander à quelqu'un lorsqu'il fait -30 à l'extérieur, d'attendre une journée ou deux. J'ai déjà manqué d'essence dans mon auto et cela n'a pas été un drame, mais j'ai vu des drames dans des maisons où on manquait de chauffage. Je pense que ce sont des périodes très importantes. On aimerait que ces changements soient faits d'une façon plus lente et surtout que les subventions qu'on donne pour les conversions soient aussi données pour l'amélioration des systèmes à l'huile, ce qui baisserait la facture des produits qu'on achète à l'extérieur.

M. Duhaime: Je vous remercie.

Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le député d'Outremont.

M. Fortier: M. le Président, je crois qu'il faut féliciter l'Association des distributeurs indépendants de produits pétroliers de défendre sa position puisqu'elle semble aller à l'encontre de ce que beaucoup de gens disent en affirmant qu'il faut continuer la présente politique énergétique. Cela me fait toujours penser à cette phrase de de Gaulle qui disait: "La vérité d'un énoncé n'a rien à voir avec le nombre de personnes qui l'appuient." Je pense que c'est ce qui vous a inspirés en présentant votre mémoire.

Votre mémoire est un rappel d'une vérité très grave, c'est-à-dire les pertes d'emplois dues à cette restructuration de l'industrie énergétique. Bien sûr, le gouvernement, lorsqu'il lance de nouveaux projets gaziers, parle toujours de création d'emplois. Il oublie de soustraire les emplois perdus pour en faire un bilan complet. Votre mémoire aura été un rappel de cette dure vérité: dans le secteur pétrolier en particulier il y a des gens qui souffrent de cette politique énergétique.

Votre mémoire vient juste à point parce que la commission parlementaire sert à se demander si notre politique énergétique au Québec est la bonne. Est-ce qu'on doit continuer dans cette direction-là? Est-ce qu'on doit continuer avec l'objectif d'autonomie énergétique? Est-ce qu'on ne doit pas plutôt aller vers une politique de diversification énergétique? Je dois vous dire que vous n'êtes pas les seuls à vous poser cette question-là. On entendra prochainement un expert dans le secteur énergétique, le professeur Ayoub, qui, lui aussi, parle en

termes de diversification énergétique plutôt qu'en termes d'autonomie énergétique. Je crois que vous avez eu beaucoup de courage de présenter un point de vue qui n'est pas partagé par la majorité des Québécois qui acceptent maintenant ce qui a été dit par tout le monde, soit qu'il faut aller dans la direction de déplacer le pétrole importé.

De ce point de vue là, je dois admettre que je partage les préoccupations de mon collègue. C'est vrai, si on se reporte dans un avenir de dix ou quinze ans, qu'il serait préférable pour le Canada et le Québec d'être dans une position énergétique moins dépendante du pétrole importé que nous le sommes présentement et que nous l'étions dans le passé.

Il reste qu'il y a des préoccupations à plus court terme et je pensais que c'était un peu le sens de votre mémoire de dire: que fait-on pour les quelques années qui viennent? On a subi une récession depuis un an et demi. Il y en a même qui disent que les pertes d'emplois au Québec ont commencé bien avant la récession. Vous soulevez la question: Dans l'immédiat, que peut-on faire pour accélérer le démarrage économique? Que peut-on faire pour limiter les dégâts dans l'immédiat? C'est comme cela que je perçois la présentation de votre mémoire. Un peu à l'encontre de ce que vous disiez dans votre mémoire où vous défendiez une position selon laquelle, à long terme il fallait tout remettre en question, vous venez de dire au ministre que vous êtes peut-être d'accord avec une politique de substitution du pétrole importé, du moins à long terme, mais que vous cherchez une solution qui, à court terme, vous permettrait ou permettrait à vos membres de passer plus facilement à travers cette conjoncture.

La première question que j'aurais - et je l'ai posée à d'autres qui viennent présenter des mémoires - c'est que j'aimerais bien que vous nous disiez qui vous représentez. L'Association des distributeurs indépendants, qui sont-ils? J'imagine que ce sont des hommes d'affaires à travers la province, mais dans quelle partie de la province? Quelles sont les régions affectées? Est-ce dans la région de Montréal ou dans les régions du Québec? Pourriez-vous répondre à cette première question?

M. Hotte: D'abord, l'Association des distributeurs indépendants regroupe environ 175 membres sur une possibilité d'environ 550 et le volume qu'on peut représenter est d'environ 700 000 000 de gallons sous toutes formes de produits: huile à chauffage et combustible. Maintenant, toutes les régions sont représentées. Notre association est divisée en cinq sections: Québec, Montréal, Mauricie, Estrie et Laurentides; et on représente toutes les parties du Québec.

M. Fortier: Alors, le distributeur indépendant possède son entreprise. J'imagine qu'il a quelques camions pour la distribution, des capacités d'emmagasinement et qu'il achète son pétrole sur un marché "spot" local.

M. Hotte: C'est cela, des raffineurs. Présentement, on peut dire qu'un marchand moyen a autour de trois camions, pour un volume d'environ 1 500 000 de gallons.

M. Fortier: Mais comment pouvez-vous survivre face au nouveau système Bi-énergie? Cela veut dire que vous devez avoir des équipements que vous soutenez à longueur d'année, mais qui sont utilisés, si à peu près tout le monde se dirigeait vers le système Bi-énergie, seulement deux mois par année. J'ai du mal à comprendre comment vous pouvez rentabiliser votre industrie à ce moment.

M. Hotte: C'est justement la difficulté. Vous soulevez une question très importante. C'est que, présentement, aucun distributeur indépendant ne peut fonder un commerce, baser un commerce sur quelques livraisons annuelles. Normalement, pour une maison, on peut dire que c'est à peu près 1200 gallons de consommation et on se retrouverait avec environ 250 à 300 gallons par année. Donc, il n'y a aucun marchand qui peut baser un commerce sur ces critères. C'est impossible. Ce qui va survenir, c'est la disparition assez rapide d'indépendants. C'est la raison pour laquelle j'ai demandé au ministre que cette transformation, ces conversions se fassent d'une façon lente et graduelle, afin que tous les gens puissent se placer à un moment donné.

M. Fortier: Là, on arrive à vos recommandations. Je dois vous dire qu'il y a une recommandation que nous, en tout cas, de notre formation politique, avons appuyée depuis fort longtemps. C'est celle contenue à la page 27 où vous dites: "Nous recommandons de réduire la taxe sur l'essence." Nous étions d'accord avec cela depuis fort longtemps et je pense que vous avez notre assurance que, si on prend le pouvoir, on va aller dans cette direction. Peut-être que nos amis vont réduire cette taxe sur l'essence une journée ou deux avant les prochaines élections, mais je pense bien que le public aura compris que c'est une décision de dernière minute.

Une voix: Temporaire.

M. Fortier: Ce serait temporaire parce qu'après les élections ils vont trouver des raisons pour la rétablir s'ils gagnaient, mais c'est moins sûr.

M. Duhaime: Restez optimistes.

M. Fortier: On arrive aux recommandations contenues à la page 20. Je pense qu'on devrait les prendre une par une. Première recommandation: "cesse, dans les plus brefs délais, toute forme de subvention au remplacement du chauffage au mazout par l'électricité ou le gaz naturel." Est-ce réellement votre recommandation? Vous venez de dire au ministre: Au moins, vous devriez recommander des subventions pour améliorer les systèmes de chauffage existants.

M. Hotte: C'est cela. Nous, c'est sûr que, si on n'a pas de subventions pour l'amélioration des systèmes de chauffage existants, on est pour qu'ils les enlèvent aux autres. Je pense que c'est un peu discriminatoire de donner des subventions pour les conversions, tandis qu'on n'en donne pas au consommateur qui pourrait améliorer son chauffage, qui pourrait peut-être diminuer sa consommation de 15% à 20% en ayant une subvention. Je crois que c'est discriminatoire pour certains consommateurs qu'on accorde une subvention seulement à celui qui convertit. Si on n'accorde pas de subvention à celui qui veut améliorer son système, on demande d'enlever la subvention pour ceux qui convertissent.

M. Fortier: Vous parliez tout à l'heure de création d'emplois. En toute honnêteté, bien sûr, les conversions créent d'emplois.

M. Hotte: Temporaires.

M. Fortier: Mais là, le problème que vous soulevez, c'est que ce ne sont pas les mêmes personnes. Il y en a qui perdent leur emploi et il y en a d'autres qui ont de l'emploi à cause de cela.

M. Hotte: Cela crée des emplois temporaires. Le type qui installe un D-15, cela prend peut-être une semaine et c'est fini; mais celui qui livre de l'huile, il peut livrer de l'huile pendant 10 ou 20 ans. Il y a une chose que je ne comprends pas. On examine les médias d'information et tous les politiciens parlent de l'entreprise privée. On devrait encourager la petite et moyenne entreprise. C'est à grand renfort de publicité. Cela fait trois ans - je prends mon troisième mandat - que nous faisons des représentations auprès des différents paliers de gouvernement. Je ne sais pas, mais ce sont toujours des voeux pieux. Cela en est présentement de la petite et moyenne entreprise. Il y a peut-être 600 petites et moyennes entreprises qui ont disparu depuis environ dix ans. On me dit toujours que la base de l'économie, c'est la petite et moyenne entreprise. C'est ce qui fait vivre les gens. J'entends cela depuis que j'ai fini mon collège. Mais on arrive pour faire nos représentations et ce n'est plus la même chose. Même les politiciens le disent dans leurs discours politiques: La petite et moyenne entreprise doit être encouragée à n'importe quel prix, ni plus ni moins. J'exagère peut-être, mais c'est un peu cela. Aujourd'hui, on vous apporte des preuves comme quoi c'est de la petite et de la moyenne entreprise qui disparaît.

M. Fortier: Si je comprends bien, ce que vous dites, c'est que, même si à long terme on continuait avec une politique de substitution du pétrole importé, vous auriez voulu avoir un certain ménagement de la part du gouvernement pour vous aider à passer cette période difficile. Et vous rappelez une vérité qui est bien évidente. Enfin, c'est ce que j'ai cru comprendre dans votre mémoire. Vous dites: Les subventions, finalement, ce sont les contribuables eux-mêmes qui les paient. Évidemment, dans le public, quand on pense aux subventions, on s'imagine que cela vient d'ailleurs, mais cela vient toujours de notre poche, en définitive. Comme vous le dites, dans le cas d'Hydro-Québec, s'il y a une aide qui est apportée, ce sont, finalement, les consommateurs d'électricité qui paient pour cela. D'ailleurs, on le voit lorsqu'il y a des augmentations de tarifs. Tout cela est inclus à l'intérieur des coûts de fonctionnement, sans parler des 250 000 000 $ qu'Hydro-Québec doit payer au ministre des Finances, en plus de ce qu'elle devait payer dans le passé. Ces coûts de transformation sont payés par les contribuables et par les consommateurs énergétiques eux-mêmes. À ce moment-là, ce serait une forme d'aide. Est-ce que vous verriez - vous oeuvrez dans différentes régions - une politique où la possibilité d'aller vers le gaz naturel serait retardée pour vous permettre de vous ajuster plus lentement? Mais cela bénéficierait à certaines régions en particulier et d'autres seraient pénalisées. Avez-vous envisagé cette possibilité?

M. Hotte: Ce serait certainement un point à défendre: que le gaz retarde peut-être sa pénétration dans certaines régions. Cela aiderait.

M. Fortier: Mais parmi vos membres, ce serait difficile de nous dire laquelle des régions devrait être pénalisée et laquelle devrait être avantagée.

M. Hotte: Oui, ce serait très difficile. Ce sont surtout les régions éloignées qu'il faudrait surveiller, parce que la pénétration du gaz dans les régions éloignées, c'est certainement plus dispendieux et moins rentable.

M. Fortier: La deuxième recommandation, c'est de faire la même demande au gouvernement fédéral. La troisième, c'est: "réglemente la distribution du mazout de façon à interdire cette activité aux raffineurs." On en a parlé tout à l'heure, mais cela me surprend venant d'hommes d'affaires. Dans le fond, de plus en plus, la population et les hommes d'affaires, de façon générale, demandent au gouvernement de se retirer d'interventions dans le domaine économique. Lorsqu'il y a des difficultés comme celles-là et que des hommes d'affaires comme vous, viennent avec une recommandation demandant au gouvernement d'intervenir, je dois admettre, quant à moi, que cela me laisse un peu dans une position ambiguë. En effet, quand on rencontre des chambres de commerce, elles nous disent: Le gouvernement intervient trop et, lorsqu'on rencontre un groupe d'hommes d'affaires sectoriel comme le vôtre qui disent: On voudrait que le gouvernement intervienne davantage, je dois admettre que, pour moi, c'est difficile à expliquer.

M. Hotte: Je pense, M. le député, qu'il y a peut-être une nuance à faire. Nous, c'est parce qu'on entend dire depuis deux ou trois ans que le gouvernement provincial est supposé pénétrer dans le domaine du pétrole. Si le gouvernement provincial a à faire un geste dans ce sens, on lui suggérerait de la part de notre association et de nos membres, qu'il intervienne au niveau du raffinage et non au niveau de la distribution. S'il intervient au niveau de la distribution, c'est encore la petite et la moyenne entreprise qui est affectée, c'est certain. (10 h 45)

Présentement, nous dépendons des compagnies majeures. Quand il y a des soumissions publiques, soit aux institutions ou à l'industriel, nous sommes sur le même pied que les compagnies majeures pour faire la soumission. En fin de compte, elles ont le droit de vie ou de mort sur nous. Dernièrement, j'ai vu des soumissions sortir moins cher que le prix que je paie pour mon huile à chauffage. C'étaient des soumissions publiques. En plus - je vais vous dire une situation - on nous demande des garanties personnelles, des lettres de banque, tandis qu'une soumission publique va demander un genre de garantie de contrat d'exécution. Quand je soumissionne pour une institution quelconque, la compagnie qui me fournit me demande un bon de garantie, une garantie personnelle ou une lettre de banque. Je prépare ma soumission pour l'institution publique. On me redemande un bon de garantie d'exécution. Pensez-vous qu'un indépendant peut vivre longtemps de cette façon? Ce n'est pas facile.

M. Fortier: Qu'est-ce qui a fait que...?

Oui.

M. Hotte: Excusez. Tandis que je l'ai à l'idée, c'est qu'un raffineur qui soumissionne va donner le bon d'exécution et, en plus, il livrera à meilleur marché que je paie. J'ai vu des bons d'exécution qu'on doit fournir de 300 000 $ à 400 000 $.

M. Fortier: Mais cette situation que vous décrivez n'est pas nouvelle.

M. Hotte: Elle n'est pas nouvelle, cela a toujours existé.

M. Fortier: J'imagine qu'il y a 20 ans... M. Hotte: Toujours existé.

M. Fortier: ...les grandes compagnies pouvaient soumissionner.

M. Hotte: C'est cela.

M. Fortier: Comme vous le dites, pour elles, c'était également plus facile de fournir des cautions de soumission ou des cautions d'exécution. Pour vous, c'était également plus difficile il y a 20 ans que maintenant. Pouvez-vous m'expliquer comment il se fait que les distributeurs indépendants ont pu se développer au Québec à l'origine? Parce qu'il y avait de la place. Vous avez vu une occasion d'affaires et vous vous êtes lancés en affaires.

M. Hotte: C'est peut-être à cause des frais d'administration qui sont minimes chez nous. Il y a beaucoup de gens qui sont des artisans quand même, qui vont faire l'ouvrage de bureau, qui font faire l'entretien du camion. C'est là qu'on pouvait épargner par rapport aux compagnies majeures.

M. Fortier: Autrement dit, il y avait des marchés plus petits qui n'intéressaient pas les grandes compagnies et vous avez bénéficié de cette situation. Vous avez dit: Si je m'achète deux ou trois camions, je peux assurer une distribution...

M. Hotte: C'est cela.

M. Fortier: ...dans une mini-région donnée.

M. Hotte: II y a une autre chose qui est très importante, c'est le public, les consommateurs. Dans mon cas, j'ai une clientèle personnelle ou de parenté; c'est sûr que le distributeur indépendant a vécu surtout de cela. Souvent, le consommateur choisit quelqu'un qu'il connaît, question d'aide sociale, question de faire partie de l'économie locale. Il aime mieux encourager celui-là. C'est surtout cela qui nous a

maintenus en affaires. Je calcule que c'est le consommateur qui nous a maintenus là. Par contre, il y a une compétition très difficile pour les institutions, l'industriel et le commercial. Ce sont les chiffres qui parlent, c'est une question d'argent.

M. Fortier: J'imagine que, depuis 20 ou 25 ans, les commissions scolaires ont centralisé leurs achats de plus en plus, ce qui fait qu'au lieu de faire des achats locaux, elles sont allées dans des centres plus importants. Comme les commandes étaient plus importantes, les grandes compagnies ont cru bon de soumissionner elles-mêmes parce que c'était plus important pour elles, et c'est là que c'est devenu plus difficile pour vous, indépendamment de ce qui arrive maintenant en ce qui concerne le remplacement du pétrole par le gaz et l'électricité.

M. Hotte: C'est sûr qu'on va dire ces choses à des compagnies majeures et elles vous répondront: Écoutez, c'est pour assurer certains débouchés de volume. Mais nous, à quelle place pensez-vous qu'on prend notre produit? On le prend des compagnies majeures, on le prend des raffineurs. Elles nous disent: C'est pour assurer nos volumes. Je l'admets, mais nous ne prenons pas le pétrole de l'Arabie Saoudite, pas directement, je le prends des raffineurs. Donc, dire que c'est pour assurer certains débouchés, c'est un peu fausser le jeu de la situation. En fin de compte, même si je vends dans une commission scolaire, je vais prendre mon produit pareillement des compagnies majeures. Le débouché est là, quand même. C'est peut-être entre elles qu'elles veulent équilibrer les débouchés. C'est possible.

M. Fortier: Vous avez dit que vous aviez quelque 600 membres.

M. Hotte: 700 000 000 $ de gain.

M. Fortier: Non, non. Combien de membres avez-vous?

M. Hotte: On est 175.

M. Fortier: 175, mais vous en aviez beaucoup plus il y a quelques années, il y a trois ou quatre ans.

M. Hotte: On a déjà eu jusqu'à 400 à 450 membres.

M. Fortier: Qu'est-ce qui arrive lorsque quelqu'un décide d'abandonner? Est-ce qu'il fait faillite? Est-ce qu'il liquide son entreprise ou s'il disparaît tout simplement?

M. Hotte: Dans la majorité des cas, ils ont vendu à d'autres; dans d'autres cas, il y a eu des "joint ventures" qu'on appelle, ils se sont joints à d'autres. Il y en a d'autres qui laissent aller leur clientèle.

M. Fortier: Ce n'est pas des faillites comme telles. C'est plutôt des liquidations ou des ventes.

M. Hotte: Non, ce sont plutôt des gens qui, avant de faire faillite, vont vendre la clientèle qui leur reste à d'autres marchands.

M. Fortier: Je vais laisser la place à mes collègues.

Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le ministre.

M. Duhaime: Je voudrais revenir à la page 7 de votre mémoire, lorsque vous faites parler le président de la Caisse de dépôt et placement du Québec. Je pense bien qu'il est assez grand pour se défendre seul M. Campeau. Vous lui faites dire des choses qu'il aurait dites le 28 février 1983. Nous sommes en communication avec son bureau. On va essayer de savoir à quel endroit vous avez pris cela. Vous le citez entre guillemets à la fin de la page 7 et au début de la page 8. Vous lui faites dire: Le président de la Caisse de dépôt et placement affirmait, le 28 février 1983, qu'elle était devenue une société de gestion "contrairement au rôle que lui avait confié le gouvernement lors de sa création" et mentionnait, parmi les raisons de sa piètre performance financière: des prêts à des taux de faveur à Hydro-Québec, etc. J'ai plutôt l'impression que ce serait le discours de M. Bélanger, l'ancien président de la commission politique du Parti libéral. Cela me surprendrait bien gros que ce soit M. Campeau.

M. Hotte: Je crois que c'était un article de Jean-Claude Leclerc, du 5 mars 1983.

M. Duhaime: Non, je voudrais vous dire, M. Hotte, que l'article de Leclerc, de la page 7, je l'ai en main...

M. Hotte: Excusez, vous avez raison ce n'est pas là.

M. Duhaime: ...celui du 5 mars 1983. C'est un commentaire de Leclerc sur la fermeture d'Esso.

M. Hotte: Vous avez raison, c'est le paragraphe précédent.

M. Duhaime: Ce que je voudrais savoir, c'est d'où vient cette citation et si vous l'avez en main. On est entré en communication avec le bureau de M.

Campeau. La Caisse de dépôt et placement du Québec n'avait pas l'intention de venir devant notre commission, mais j'ai comme l'impression que cela doit la tenter. Est-ce que vous l'avez, la référence?

M. Hotte: La source d'information, je ne l'ai pas. Nous, lors de la rédaction d'un mémoire semblable, on amène certaines informations. Le mémoire, on le confie à quelqu'un de professionnel qui va chercher de la documentation. Ce serait peut-être une chose à vérifier.

M. Duhaime: Est-ce que vous pourriez le faire vérifier? Est-ce que ce serait trop vous demander de le faire vérifier tout de suite après qu'on en aura terminé avec votre groupe ce matin? Prenez ma parole, je ne voudrais pas laisser flotter une pareille citation. De deux choses l'une: Ou bien M. Campeau l'a dite et les gens qui ont préparé votre mémoire peuvent nous dire à quel moment il l'a prononcée. Est-ce qu'il a été bien cité, parce que c'est entre guillemets? Tout le monde sait que, pour les parlementaires, les guillemets sont très importants. Je vois sourire à ma gauche, mais c'est vrai. Si ce sont des paroles qui sont attribuées à un autre, si vous me disiez que c'est M. Bélanger, comptable du Parti libéral, je dirais que c'est probablement vrai. Il a dit pire que cela, en plus. C'est une autre question.

Vous attribuez des paroles à M. Campeau, qui est président de la Caisse de dépôt et placement du Québec. Je peux vous dire, en passant, qu'il n'est pas trop de bonne humeur. Est-ce qu'il va venir devant la commission pour relever cela? Peut-être qu'on peut éclaircir cela rapidement. Est-ce que vous pourriez le faire et faire vérifier cette citation-là? Peut-être qu'on peut régler cela dans une demi-heure tantôt.

M. Hotte: M. le ministre, pour le régler d'une façon rapide, je ne peux rien vous garantir. On va certainement essayer de chercher la source d'information. La personne qu'il faudrait rejoindre, je ne sais pas si elle est à son bureau présentement. Je ne sais pas si l'information presse au point que vous le laissez entendre, mais on pourrait certainement vous le faire savoir lors des prochaines journées d'audiences.

M. Duhaime: Je suis parfaitement d'accord. De toute manière, soyez assuré que cela va être éclairci.

M. Hotte: Oui.

M. Duhaime: Je tiens à faire le point tout de suite parce que nos amis de la presse parlée, écrite, lue et écoutée suivent les travaux de la commission de façon quotidienne. Ils font leur boulot. Ces mémoires font partie des travaux de la commission. Ils vont rester ici pour la postérité. Vous allez comprendre facilement. Ou bien vous me donnez la citation ou bien vous me dites: On s'excuse, mais M. Campeau n'a pas dit cela. Le problème va être réglé.

M. Fortier: J'aimerais appuyer...

M. Duhaime: Peut-être que le député d'Outremont pourrait le dire; c'est une autre question.

M. Fortier: J'aimerais appuyer la démarche du ministre. Je crois que ce serait important que vous le corrigiez. Je pense que le gouvernement a assez de problèmes comme cela. Si vous pouviez corriger l'énoncé, ce serait parfait.

M. Hotte: Écoutez, M. le ministre, on va certainement faire tout notre possible pour voir si la citation est bien réelle. On va essayer de le faire au cours de la matinée, mais je ne peux rien vous promettre à ce sujet.

M. Duhaime: Je vous remercie. Le Président (M. Gagnon): Alors...

M. Duhaime: Une seconde, M. le Président. Ce n'est pas pour clore l'incident, mais je pense que ce serait normal que je vous dise que nous venons de communiquer à nouveau avec le bureau du président de la Caisse de dépôt, qui dit que les paroles qui lui sont attribuées dans votre mémoire n'ont jamais été prononcées par lui. De son point de vue, c'est très clair. Maintenant si vous avez l'occasion, bien sûr, de vérifier votre référence, je l'apprécierais énormément.

Quant au problème du gouvernement, je vais m'adresser à mon collègue d'Outremont. Réglez votre problème de leadership et, après, on se parlera.

M. Fortier: C'est tout réglé!

Le Président (M. Gagnon): Je remercie l'Association des distributeurs indépendants de produits pétroliers de sa présence et de son mémoire. Maintenant, j'inviterais les Travailleurs unis du pétrole du Canada à prendre place à la table.

M. Serge Dion, si vous vouliez bien présenter les gens qui vous accompagnent.

Travailleurs unis du pétrole du Canada

M. Dion (Serge): Pour commencer, à ma droite, je vais vous présenter M. Lukin Robinson, économiste; il a travaillé en permanence aux Nations Unies, puis avec un

syndicat canadien; actuellement, il enseigne à l'Université York, à Toronto, et siège au comité de rédaction du Canadian Forum. À ma gauche immédiate, Mme Madeleine Parent, vice-présidente de la section Est de la Confédération des syndicats canadiens et, à mon extrême gauche, M. Gilles Rhéaume, président de la Société Saint-Jean-Baptiste. Pour débuter...

Le Président (M. Gagnon): Juste un instant. Je vois quatre mémoires; on a 38M, 38MA, 38MB et 38MC qu'on vient de recevoir. Est-ce que cela se complète?

M. Dion: Pardon?

Le Président (M. Gagnon): Je vois quatre mémoires.

M. Dion: Effectivement, il y a eu trois mémoires.

Le Président (M. Gagnon): Trois?

M. Dion: II y en a eu un au mois de novembre 1982, qui a été présenté à votre attention, M. le Président. Ensuite, le deuxième a été présenté en mars 1983 et, pour rectifier celui de mars 1983, on a ajouté un supplément au mémoire vu les événements qui ont pris place depuis la rédaction de ce mémoire de mars 1983.

Par ailleurs, je voudrais vous dire que nous allons simplement vous citer certains passages des mémoires de novembre 1982 et de mars 1983 et, par la suite, nous vous lirons le supplément au mémoire de mars 1983.

Le Président (M. Gagnon): Très bien.

M. Dion: Nous commençons à la section 1 qui se lit comme suit: La nouvelle que la société pétrolière Impériale va fermer sa raffinerie de Montréal à la fin de l'année qui vient s'ajoute à une longue série de coups durs portés à l'industrie pétrolière au Québec depuis quelque temps déjà. Cette décision suit de près celle de BP Canada...

Vous cherchez. Est-ce qu'il y a un problème?

M. Duhaime: Non, j'essaie de me retrouver. Où en êtes-vous?

M. Dion: Là, on parle du mémoire de 1983. D'accord?

M. Duhaime: Celui-ci, mars 1983?

M. Dion: Exactement.

M. Duhaime: Vous êtes à quelle page?

M. Dion: À la section 1. Vous verrez qu'il y a, sur le côté gauche, les numéros de sections en référence.

M. Duhaime: D'accord, cela va. (11 heures)

M. Dion: D'accord? Bon. Je vais répéter: La nouvelle que la société pétrolière Impériale va fermer sa raffinerie de Montréal à la fin de l'année vient s'ajouter à une longue série de coups durs portés à l'industrie pétrolière du Québec depuis déjà quelque temps. Cette décision suit de près celle de BP Canada et la fermeture de la raffinerie Texaco. Nous faisons face à la perte de plus de 1000 emplois résultant directement de cette décision. Il faut ajouter, à ces pertes d'emplois, un grand nombre d'autres emplois supprimés dans les services et entreprises connexes à l'industrie pétrolière.

À la section 2, on dit: La fermeture de trois des sept raffineries du Québec et la possibilité d'une quatrième fermeture réduit dangereusement le rapport de force de l'industrie pétrolière dans l'économie de la province et dans l'ensemble des raffineries canadiennes. Il ne s'agit pas là de restructuration. C'est un coup qui peut être fatal dans le cadre de politiques néfastes, tant fédérales que provinciales, qui demandent à être révisées d'urgence.

Nous passons donc à la section 4 du mémoire. Le document de travail du gouvernement québécois de janvier 1983 déclare qu'un des objectifs de la commission parlementaire sera de définir les stratégies susceptibles d'accélérer l'application de la politique énergétique du gouvernement, particulièrement l'implantation de l'électricité et du gaz naturel en remplacement du pétrole. Le document implique donc que la politique élaborée dans le livre blanc de 1978 tient toujours et doit être appliquée. Nous suggérons, au contraire, que la commission doit envisager de revoir cette politique à la lumière des changements survenus dans les prix du pétrole. En fait, ce devrait être son premier objectif. Ce changement, en effet, constitue un de ces bouleversements imprévisibles dont parle le document. Il s'ensuit qu'il faut réviser la politique du gouvernement comme l'une des "questions fondamentales reliées à l'évolution à moyen terme du secteur énergétique du Québec" (page 2).

Nous passons donc à la section 13 du document. Le document de travail de janvier 1983 dit que "les défis que le Québec doit maintenant relever consistent à tirer, sur le plan économique, le maximum de bénéfices de la nouvelle situation énergétique dans laquelle nous sommes maintenant placés." Comme nous l'avons souligné tout au long de notre mémoire, cette "nouvelle situation" est très nouvelle, en effet. Le défi à relever est nouveau, lui aussi, comme le sont aussi les

bénéfices que l'on peut espérer en retirer.

Le bénéfice que nous voulons surtout souligner est le suivant. Dans notre mémoire remis au gouvernement en novembre dernier, nous avions préconisé, comme remède à la fermeture de la raffinerie Texaco, que le gouvernement en fasse l'acquisition sous forme d'une corporation d'État: Pétro-Québec. Certains auraient pu penser, à tort, que c'était là une opération de sauvetage. Mais c'était beaucoup plus que cela. La proposition pouvait sembler délicate dans "un marché dont l'importance baisse rapidement" (page 14). Pourtant, aujourd'hui, on peut s'attendre à ce que ce taux de déclin soit plus lent et, avec la reprise économique, qu'il soit éliminé. Il semble donc que le temps soit propice à une telle entreprise pour l'État du Québec et qu'elle puisse se révéler rentable, tout en contribuant à la restructuration du secteur pétrolier.

Si les multinationales du pétrole fonctionnant au Québec peuvent choisir, pour leurs fins d'intérêts particuliers en quête de profits maximaux, d'ignorer les changements qui s'opèrent dans le marché du Québec et de porter ailleurs leur production de raffinerie, l'État du Québec, lui, n'a peut-être pas les moyens de les empêcher d'agir de la sorte. Mais la conduite des multinationales n'est pas celle des États qui veulent protéger leurs intérêts nationaux. En fonction de ces intérêts, la reprise en main et la remise en activité de la raffinerie Texaco seraient justifiables financièrement et économiquement. Ce serait un geste utile et bénéfique. Ce serait une contribution positive à la restructuration du secteur pétrolier. Elle entraînerait des retombées économiques importantes et des avantages sociaux également importants. Ce serait une affirmation du principe cher aux Québécois de devenir maîtres chez nous. En ce qui nous concerne, nous ne doutons pas que le temps d'agir soit venu.

Dans le supplément: Notre mémoire à la commission parlementaire a été préparé il y a six mois, en mars 1983. Nombre d'événements significatifs sont survenus depuis ce temps, dont quatre nécessitent une mention particulière. Toutefois, avant de discuter de ces événements, nous tenons à préciser qu'ils ne contredisent en rien les points majeurs de notre mémoire, au contraire, et c'est avec toute l'emphase possible que nous disons que ces quatre événements soulignent et renforcent ces points, de même qu'ils prouvent que les vues que nous exprimions alors sur les changements au Québec des perspectives pétrolières et énergétiques étaient exactes et clairvoyantes.

Ces quatre événements des six derniers mois qui méritent d'être mentionnés sont les suivants. Premièrement, alors qu'en mars 1983 les prévisions immédiates pour le prix du pétrole étaient incertaines, le prix mondial est maintenant à 29 $ US le baril. De 34 $ US, il est descendu à 29 $ US. Ce dernier prix se traduit à 36 $ CAN le baril. Il n'y a aucune indication de changement pour l'année qui vient. On peut être assuré d'un prix stable de 29 $ américains le baril pour 1984.

Deuxièmement, le gouvernement fédéral et celui de l'Alberta ont signé une entente en juin 1983 au sujet du prix du pétrole et du gaz naturel. Cette entente a annulé l'augmentation du prix du pétrole de 4 $ le baril prévue pour le 1er juillet et assuré la stabilité du prix canadien pour les 18 prochains mois. Le prix du gaz naturel sera aussi stabilisé. L'entente contribuera à la baisse de l'inflation et sera favorable à la reprise économique. Ce sera profitable pour le Québec.

Troisièmement, les derniers chiffres de la production industrielle et du produit national brut démontrent sans erreur possible une reprise économique au cours de la première moitié de 1983. Toutefois, même si la reprise jusqu'à maintenant n'a, pour ainsi dire, eu aucun effet dans la réduction du taux de chômage, du moins le nombre de travailleurs a cessé de décliner et a, en fait, augmenté de près de 300 000 depuis la fin de l'année dernière, dont 60 000 au Québec. Nous ne pouvons qu'espérer que la reprise continue et que ni la tension extrême dans les affaires internationales, non plus qu'une nouvelle hausse des taux d'intérêt due à des restrictions monétaires excessives n'y mettent fin prématurément. Aujourd'hui, il est possible d'être un peu plus optimiste quant à l'avenir énergétique du Québec qu'on ne l'était au moment où la commission parlementaire fut mise sur pied et où le document de travail du gouvernement fut préparé en janvier 1983.

Quatrièmement, la reprise économique n'est pas reflétée dans les chiffres sur la production et les ventes de produits de pétrole raffiné. Nous croyons qu'il y a là de sérieuses raisons pour que le comité parlementaire fasse enquête. Cette production et ces ventes continuent de décliner à un taux alarmant, un taux beaucoup plus élevé qu'en Ontario ou même dans le reste du Canada. En comparant la première moitié de cette année avec la première moitié de 1982, la production des produits pétroliers raffinés est tombée de 17,6% et ses ventes de 17,9% à l'intérieur de la province, en contraste avec la production de l'Ontario qui a baissé de seulement 1,3% et les ventes de 6,1%, alors que, dans le reste du Canada, la production a baissé de 12% et les ventes de 10%.

Si nous comparons le deuxième trimestre de 1983 avec le premier trimestre, nous constatons que la production au Québec a baissé de 12,6% et les ventes de 13,1%. Il

y a là de quoi surprendre également puisqu'en Ontario la production a baissé de seulement 4,1% et les ventes ont, en fait, augmenté de 2,1%. Si, d'une part, l'hiver de 1982-1983 fut beaucoup plus tempéré qu'à l'ordinaire et fut la cause d'une réduction temporaire de la consommation, il est un fait que la production et la consommation québécoises sont tombées beaucoup plus qu'en Ontario et dans le reste du Canada. Par ailleurs, cette différence est si considérable qu'elle ne semble pas s'expliquer uniquement par la conversion du mazout à l'électricité ou au gaz naturel.

Le document de travail traite de restructuration de l'industrie pétrolière et d'un équilibre approprié entre les différents moyens énergétiques. En principe, nous sommes d'accord. Soulignons, toutefois, qu'il y a une grande différence entre un juste équilibre et la destruction ou l'éclipsé de notre industrie de raffinage. Pourtant, ce sera le résultat inévitable et fatal si les tendances révélées dans les chiffres ci-haut continuaient de s'affirmer. Les fermetures, déjà effectuées ou projetées, de trois raffineries représentant 40% de la production québécoise nous rapprochent de cette douloureuse échéance à moins qu'il n'y ait une action décisive en sens inverse.

Privée de l'avantage antérieur d'un prix inférieur des matières premières, notre industrie pétrochimique est menacée également. La concurrence des nouvelles installations pétrochimiques de l'Ontario et de l'Alberta présente un autre danger pour nous. Si, par ailleurs, l'idée d'un marché commun américano-canadien en pétrochimie, lancée récemment par un ministre du gouvernement fédéral, devenait une réalité, ce serait à plus ou moins brève échéance la fin de l'industrie pétrochimique au Québec et, donc, d'un secteur important de notre structure industrielle.

À moins que le gouvernement ne se penche sur ces questions et n'intervienne d'urgence pour arrêter la saignée dans notre industrie pétrolière, notre région ne profitera pas de la reprise économique dont bénéficie le reste du Canada. Dans cette optique, notre demande aux autorités du Québec d'acquérir la raffinerie Texaco et de la transformer en unité de base d'une nouvelle corporation gouvernementale, telle que Pétro-Québec, s'impose d'autant plus comme une des conditions d'un renouveau positif et vigoureux de l'industrie pétrolière québécoise.

Avec la permission de cette commission, nous nous proposons de produire une version révisée de notre mémoire de mars 1983 en tenant compte des quatre événements mentionnés ci-haut. Merci.

Le Président (M. Dussault): Je vous remercie. M. le ministre.

M. Duhaime: Vous me permettrez, M. Dion, de ne pas réagir tout de suite à votre mémoire. Je voudrais régler l'incident de tantôt et dire à M. Hotte de cesser ses recherches parce que nous avons trouvé la source de la citation mentionnée au mémoire à la page 7. Je me demande si on ne pourrait pas remettre à M. Hotte et à son groupe la citation. C'est un article qui est rapporté dans la Presse du 1er mars 1983, sous la signature de Bernard Racine. C'est une conférence de presse tenue la veille, donc le 28 février 1983, par l'économiste, Marcel Bélanger. Je vais lire l'article: "Au cours d'une conférence de presse tenue hier, l'économiste Marcel Bélanger a affirmé que la CPDQ, la Caisse de dépôt et placement du Québec, qui s'était maintenue longtemps dans la bonne moyenne des caisses de retraite au pays, occupe maintenant la queue du peloton." Le texte qu'on retrouve à la page 7 est le mot à mot de ce que M. Bélanger dit: "M. Bélanger a énuméré comme suit les raisons les plus évidentes de la piètre performance de la Caisse de dépôt et placement du Québec au cours des dernières années. Elle est devenue une société de gestion contrairement au rôle que lui avait confié le gouvernement." C'est le mot à mot. La citation doit donc être attribuée à M. Marcel Bélanger.

Je crois que mon collègue, le ministre des Finances, lui avait répliqué dans les journées qui avaient suivi en lui recommandant d'être un peu moins politique et un peu plus comptable et d'aller faire ses devoirs. J'avais comme l'intuition ou l'instinct que cela venait de M. Bélanger parce que j'avais eu à travailler un peu sur ce dossier-là. Je dois remercier également le député de Duplessis qui avait une filière directe avec je ne sais trop qui. On ne lui demandera pas de dévoiler ses sources, mais c'est lui qui nous a fourni l'information. J'en ai fait distribuer des copies au groupe de M. Hotte...

Le Président (M. Dussault):

L'Association des distributeurs indépendants de produits pétroliers.

M. Duhaime: ...l'Association des distributeurs indépendants de produits pétroliers.

M. Dostie (Michel): Au nom du président qui est justement parti chercher la source, je tiens à nous excuser de cette erreur de citation. (11 h 15)

Le Président (M. Dussault): Un instant. Pourriez-vous prendre le micro, s'il vous plaît? Je ne suis pas sûr que tout cela est enregistré. Cela devrait l'être.

M. Dostie: M. le ministre, en l'absence

du président, qui est parti vérifier l'origine de cette citation, je tiens à m'excuser pour l'Association des distributeurs indépendants de produits pétroliers. Merci.

M. Duhaime: Alors, on tiendra pour acquis que le mémoire est modifié en conséquence. Je ne sais pas comment cela va se faire au niveau du secrétariat ici, mais, en tout cas, on retient, tout le monde, qu'il y a une correction qui est faite. Je vous en remercie. Cela me paraissait important de faire clarifier les choses.

Le Président (M. Dussault): Nous revenons maintenant aux Travailleurs unis du pétrole du Canada. M. le ministre.

M. Duhaime: Si vous voulez nous excuser, messieurs et madame, de cet intermède. En fait, si je comprends bien le fond même de votre mémoire, vous dites: La restructuration de l'industrie pétrolière dans l'Est du Canada ne doit pas se faire au détriment du Québec. Je pense qu'on est d'accord là-dessus. Dans un deuxième temps, vous dites: L'évolution des prix du pétrole peut amener des bouleversements nouveaux ou des changements sur ce marché et il est loin d'être sûr qu'il n'y aurait pas de place pour qu'on puisse faire l'hypothèse de maintenir en activité une raffinerie parmi les trois, à Montréal, dont deux sont fermées et une dans les boules à mites. Et votre troisième proposition, c'est de demander au gouvernement du Québec d'intervenir là-dedans et de s'impliquer directement, j'imagine en investissant quelques millions, peut-être quelques dizaines de millions, peut-être quelques centaines de millions de dollars dans un nouveau secteur pour le gouvernement, en tout cas pour une société d'État. Finalement, vous dites: Nous souhaiterions que ce soit la raffinerie Texaco. Pas besoin de vous dire que d'autres souhaitent que ce soit Gulf, d'autres BP; d'autres nous proposent des "partnerships" avec d'autres.

Je voudrais vous demander sur quel scénario ou sur quelles données vos projections sont faites quant à l'évolution de la consommation énergétique, d'une part, et ensuite quant aux composantes. Écoutez, on va s'entendre assez clairement. De notre point de vue, au ministère de l'Énergie et des Ressources, on s'est donné des objectifs, d'abord, quant aux composantes du bilan et, ensuite, quant aux moyens. Quand on dit qu'on veut aller à 50% hydroélectrique pour l'an 2000, il est bien entendu qu'Hydro-Québec doit faire des investissements dans le secteur hydroélectrique. Quand on dit qu'on veut favoriser la pénétration du gaz naturel sur le marché, on prend les moyens en conséquence en prenant le contrôle des compagnies de distribution et en ayant des programmes de subventions pour déplacer le mazout.

Ce que je voudrais, d'abord, savoir de vous, c'est sur quoi vos propres projections sont basées quant à l'évolution du marché. Vous dites que, s'il y a reprise économique, il va y avoir reprise de la consommation dans le secteur énergétique. C'est une thèse qui peut se défendre, mais il y a quand même une constante qu'on retrouve aujourd'hui, c'est que de 1973 à 1983, en termes de consommation globale d'énergie, le Québec est exactement au même niveau. Vous retrouvez le même phénomène en Nouvelle-Angleterre, vous le retrouvez d'une façon générale à peu près à la grandeur des États-Unis. Je voudrais avoir un peu plus de précisions sur les données sur lesquelles vous basez vos projections.

M. Robinson (Lukin): M. le ministre, nous avons pris en général les prévisions faites - je ne me souviens pas exactement -ou dans le document de travail ou dans les remarques que vous avez faites vous-même pour l'ouverture des travaux de cette commission. Dans ce cadre général, nous avons aussi pris les changements dans le domaine du pétrole que vous avez préconisés et, avec ces chiffres, nous avons trouvé que cela se traduirait par une réduction d'environ 2,4% par année du volume des ventes des produits raffinés du pétrole. Évidemment, dans ce cadre général qui se prolonge pendant une dizaine d'années environ jusqu'à 1995, je crois, il y a eu des changements imprévus dans les dernières années, premièrement, à cause du fléchissement économique très marqué, ce qui a réduit la consommation générale de l'énergie dans la province, je crois, et, en particulier, a entraîné une réduction très considérable dans la production et dans la consommation des produits du pétrole.

Ce qui m'a surpris en regardant les derniers chiffres, c'est le fait que la reprise économique dans la première moitié de cette année ne s'est pas encore traduite, même par un ralentissement de la baisse de la consommation et de la production. C'est un des points que nous avons soulignés dans le supplément présenté ce matin. Je ne crois pas que, si la reprise économique devait se prolonger d'une manière satisfaisante, la consommation devrait continuer à baisser au même taux que les chiffres le démontrent pour la première partie de l'année. Mais sur le ralentissement de cette baisse ou même sur une hausse se présentera éventuellement, je pense que vous avez des prévisions bien meilleures que celles que je pourrais faire moi-même.

De toute façon, jusqu'ici, la baisse tant de la production que de la consommation des produits raffinés du pétrole se fait à un taux beaucoup plus rapide que le cadre général que j'ai mentionné au début le préconise,

c'est-à-dire une baisse d'environ 2,4% par année, de sorte que, même si vous continuez d'accepter ce cadre général pour le long terme, le taux de la réduction dans le secteur pétrolier se fait beaucoup plus rapidement et, évidemment, à un coût beaucoup plus élevé pour les travailleurs et tous les gens intéressés dans le secteur pétrolier. Un des points que vous avez mentionnés et que nous avons repris dans le mémoire, c'est que ces phénomènes adverses qui se sont produits récemment doivent être étudiés et considérés par la commission parlementaire pour savoir quelles mesures doivent être prises pour arrêter ce que nous avons appelé la saignée du secteur pétrolier.

M. Duhaime: Je retiens votre hypothèse de travail pour les fins de la discussion et j'avance un scénario. Supposons que le gouvernement, par une société d'État ou en association avec le secteur privé, décide de faire l'acquisition d'une raffinerie - sans en nommer - et que, ce faisant, certains nous disent: Allez-y dans la raffinerie, mais sans réseau de distribution... Mais tenons pour acquis que c'est une raffinerie avec un réseau de distribution. Faisons l'hypothèse que le marché reste à peu près ce qu'il a été durant les dernières années. N'avez-vous pas l'impression qu'en en redémarrant une, on risque d'en fermer une autre qui est déjà en marche? Autrement dit, si le marché est fermé, comment le tassement se fera-t-il je ne dirais pas seulement à l'intérieur du Québec, mais à l'intérieur du marché de l'Est du Canada?

Le Président (M. Gagnon): Mme Parent.

Mme Parent (Madeleine): Voici, M. le ministre. Il faut avoir, au Québec, il nous semble, une industrie pétrochimique aussi intégrée que possible, admettant que nous devons importer le mazout et le gaz naturel. Il est important d'avoir une autosuffisance, de garder ou de reprendre l'autosuffisance que nous avions en matière de raffinerie et d'encourager la distribution. Ce qui arrive maintenant, c'est que nous perdons notre autosuffisance en matière de raffinerie, ce qui était déjà un acquis pour nous et à grand prix, d'ailleurs. Il y a un surplus très considérable de capacité de raffinage et en Ontario et en Nouvelle-Écosse, ce qui veut dire que le désir de maximiser leur profit aidant, les grands raffineurs de l'Ontario et de la Nouvelle-Écosse écoulent sur le Québec - et ils vont le faire davantage - leurs produits raffinés. Et nous n'aurons pas les moyens de raffiner. Il me semble que ce qui importe, c'est que la section raffinage, qui, à mon sens, est la plus importante parce qu'on ne pourra pas distribuer si on n'a pas ici au Québec le produit raffiné, doit être prise en main ou, au moins, que le gouvernement du Québec doit y faire une entrée pour assurer que la distribution, de quelque manière qu'elle se fasse, puisse avoir assez de produit raffiné.

Ce qui arrive, c'est que le gouvernement fédéral, aujourd'hui, encourage le maintien d'un surplus de capacité de raffinage en Ontario, en Nouvelle-Écosse et encourage l'augmentation du raffinage en Alberta. Le gouvernement canadien a autorisé l'exportation d'une fois et demie de plus de mazout au Canada, aux États-Unis, au Japon, au Chili et en Corée du Sud et, en même temps, il encourage, ne serait-ce que par son silence, la fermeture de nos raffineries, ce qui fait de nous une province de consommateurs. Je pense qu'il faut sauver cette partie de l'industrie.

Prenons la déclaration que vous avez faite tantôt aux distributeurs, selon laquelle l'objectif du gouvernement du Québec est de prendre tous les moyens pour déplacer le mazout importé. Même dans cette optique, il semble que, dans les années 1990, environ 40% de nos ressources énergétiques proviendront de pétrole raffiné, ce qui veut dire que, même là, ce sera un secteur primordial de notre approvisionnement énergétique. Donc, il faut y voir. Je pense qu'il y a seulement le gouvernement du Québec en qui nous pouvons espérer pour récupérer et assurer notre capacité de raffinage. Pour cela, il me semble qu'il faudrait que vous entriez dans la partie.

Les distributeurs, quant à eux, ont d'autres propositions pour la distribution. Je ne voudrais pas, ici, entrer dans un débat avec eux. Je pense qu'il y a certains éléments positifs dans ce qu'ils proposent. Mais ce qui nous inquiète, c'est qu'on puisse approvisionner la province en gardant ou en récupérant notre capacité de raffinage. (11 h 30)

M. Duhaime: II est certain, Mme Parent, qu'il y a un lien très étroit entre une capacité installée de raffinage et tout l'avenir de la pétrochimie. Nous sommes intervenus et nous avons fait des démarches auprès du gouvernement fédéral pour faire une rallonge de crédit - si vous me passez l'expression - à Pétromont en particulier. Dans mon esprit, je dois vous dire qu'on est d'accord là-dessus: le raffinage et la pétrochimie sont des choses si étroitement et intimement liées qu'un effondrement dans notre capacité de raffinage risque d'avoir un effet d'entraînement très rapide aussi sur tout le secteur de la pétrochimie. Je pense que là-dessus on est parfaitement d'accord.

Je voudrais être bien clair: nous avons voulu tenir cette commission parlementaire pour entendre tous les intervenants dans l'ensemble du dossier énergétique, mais d'une façon un peu plus particulière dans le secteur du pétrole, car, à cause, justement, de ce que certains appellent de la

rationalisation, alors que d'autres trouvent que cela n'a pas de bon sens et que d'autres appellent cela de la restructuration - de tout le secteur pétrolier vu qu'il va se faire un tassement sur ce marché-là, il y a beaucoup de points d'interrogation qui se posent. Hier, nous avons entendu le président de SOQUIP, M. Martin, qui nous confirmait qu'il y avait un dossier actif. Je peux confirmer que le dossier est très actif, quant à l'examen très attentif de toutes les données, de tous les paramètres de ce dossier-là, et à l'évaluation que l'on fait de la proposition que vous reprenez ce matin, qui a déjà été formulée par d'autres intervenants devant cette commission et qui a aussi été faite dans le passé.

Je comprends que l'objectif que vous poursuivez - nous le rejoignons - va dans le sens de maintenir la capacité de raffinage au Québec non seulement pour répondre aux besoins de produits raffinés de tout le Québec, mais pour tenter aussi de maintenir l'avantage comparatif que nous avions pendant plusieurs décennies avec un excédent de capacité de raffinage. Le Québec était un exportateur net de produits raffinés. C'est cet avantage que nous perdons de façon certaine.

Est-ce que nous devenons, pour autant, importateurs de produits raffinés? Je pense qu'on pourrait en discuter pendant très longtemps. Cela dépend des scénarios. Il y a des ententes de façonnage qui existent entre raffineries, tout le monde le sait. Est-ce qu'à la fin de 1983 nous serons devenus exportateurs ou importateurs? Je ne saurais vous le dire moi-même à l'heure actuelle. J'ai de grandes craintes que nous ne soyons en train de devenir importateurs, au moins à moyen terme. À long terme, cela me paraît à peu près certain. Je voudrais vous dire que nous allons travailler sur ce dossier. Lorsque les travaux de cette commission auront été terminés, soyez assurés que notre gouvernement prendra une décision. Laquelle, je ne saurais vous le dire pour l'instant.

Je tiendrais à vous remercier pour la présentation que vous avez faite et surtout pour le souci que vous vous êtes donné, de mars à septembre 1983, de tenir à jour votre mémoire. Entre le dépôt de votre premier mémoire et septembre 1983, il y a quand même eu une raffinerie de plus de fermée, une nouvelle entente signée entre l'Alberta et le gouvernement fédéral. Cela prouve très justement que, s'il y a un dossier qui est en mouvement et en bouleversement, si je puis dire, c'est bien celui-là. Je tiens à vous remercier et je n'ai pas d'autres questions pour l'instant.

Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le ministre. M. le député d'Outremont.

M. Fortier: M. le Président, je veux remercier les Travailleurs unis du pétrole de se présenter pour soulever une question qui est d'un grand intérêt pour le Québec pour tout le secteur pétrolier et pour celui de la pétrochimie en particulier. J'ai moi-même présenté une motion à l'Assemblée nationale demandant au gouvernement fédéral de soutenir les demandes de la pétrochimie québécoise et cette motion a été adoptée à l'unanimité. L'initiative que j'avais prise ayant été endossée, cela démontre l'intérêt que nous avons pour ce secteur important de l'activité économique du Québec.

J'aurais quand même quelques questions. Puisque vous êtes très familiers avec le dossier, j'aimerais que vous me rappeliez, dans un premier temps, quelles sont les trois raffineries qui alimentent Pétromont.

M. Dion: Dans le secteur?

M. Fortier: Oui, si je comprends bien, présentement, Pétromont achète des produits qui viennent de trois raffineries. Quelles sont-elles? Pouvez-vous me le rappeler?

M. Dion: Actuellement, il y a des ententes. Je ne pourrai peut-être pas vous donner les informations exactes pour les trois raffineries au complet, parce qu'il y a eu beaucoup de bouleversements. Entre autres, je sais qu'il y a Shell Canada, la raffinerie Gulf qui fournit des produits à Gulf Varennes et à Union Carbide. La troisième, c'est...

M. Fortier: La question qui me vient à l'esprit c'est dans une optique où une raffinerie fonctionne simplement dans une proportion de sa capacité ultime. Autrement dit, si une raffinerie travaille à 50%, 60% ou 70% de sa capacité, soit à un pourcentage moindre que l'idéal - j'imagine que l'idéal devrait être autour de 85%, 90% ou 95% -étant donné les frais généraux qui incombent à une raffinerie en particulier, j'oserais penser que ceci augmente ses coûts de production et qu'en ce faisant cela augmente les coûts des produits qui sont éventuellement vendus à Pétromont. Je voulais vous demander si vous aviez examiné cet aspect de la question et si, le marché étant ce qu'il est présentement - on va revenir dans une minute sur la question de l'activité économique - et les raffineries travaillant seulement dans une proportion de leur capacité réelle, ce facteur n'ajoute pas aux problèmes de Pétromont.

Je ne connais pas les détails de l'entente entre Pétromont et les raffineries, mais j'imagine que les coûts de production de chacune des raffineries doivent être passés à Pétromont puisqu'elle achète leurs produits. Si elles travaillent uniquement dans un proportion moindre que l'idéal de leur capacité de production, ceci ajoute aux problèmes de Pétromont. Si on pense à

Pétromont en tant qu'usine pétrochimique, on devrait favoriser une situation où les raffineries de pétrole travailleraient à une plus grande capacité de production. Avez-vous examiné cette partie du problème et est-ce que vous avez des commentaires à formuler?

Mme Parent: Oui, nous l'avons examiné, M. Fortier, mais le problème qui intervient, c'est que les grands raffineurs, par exemple Texaco, ont bâti leur Cadillac de raffinage à Nanticoke, en Ontario. Alors, c'est plus profitable pour eux de fonctionner non seulement à 100%, mais même à plus de 100% à Nanticoke et de nous envoyer le diesel ici pour le transport en commun pour la Communauté urbaine de Montréal. À la Texaco, à Dartmouth, en Nouvelle-Écosse, c'est encore plus profitable pour cette compagnie de produire à pleine capacité et de nous envoyer son pétrole raffiné ici au Québec.

Cela veut dire que, si nous tenons compte des intérêts de la région québécoise - je parle de la province - si nous songeons seulement aux profits maximaux de certaines grandes compagnies, cela ne pourra pas marcher et il en résultera une désindustrialisation au Québec. Nous disons qu'il faut tenir compte de l'intérêt de la région québécoise au complet et refuser de nous laisser désindustrialiser. En effet, plus il y a de nos raffineries qui sont fermées, plus il sera difficile, ici au Québec, de maintenir notre industrie pétrochimique et de nous ravitailler en matières premières pour l'industrie pétrochimique et de garder un niveau de production assez élevé pour suffire à l'industrie de la province. C'est dans ce contexte plus large.

Je suis d'accord avec Texaco; elle fait un profit plus grand en faisant fonctionner son usine de Nanticoke à plein rendement et même plus. Mais c'est contraire à nos intérêts ici, il me semble.

M. Fortier: Oui, mais il y a eu une décision. Je ne sais pas si vous étiez ici hier. Nous avons entendu la compagnie Shell et elle nous a dit que, lorsqu'ils ont fait la comparaison, sur la base que vous venez de dire, entre fermer l'usine de Montréal ou celle d'Oakville, ils ont pris la décision de fermer celle d'Oakville puisque celle de Montréal était plus moderne. Mais, sur l'objectif de maintenir une capacité de production qui satisfasse à nos besoins, je pense qu'on fait l'unanimité. Là où je crois que je partage les inquiétudes du ministre face à l'information qui nous a été donnée hier, c'est que les prévisions sont pour le moins disparates. Comme la politique énergétique est de favoriser la substitution du pétrole, dans le chauffage en particulier, par d'autres formes d'énergie - tout à l'heure, l'Association des distributeurs indépendants de produits pétroliers nous l'a dit - cette politique énergétique les défavorise grandement puisque, dans la mesure où on favorise le chauffage à l'électricité ou au gaz, dans la même mesure les distributeurs de mazout sont affectés et dans la même mesure, j'imagine, les raffineurs, qui n'ont pas cette source de revenus, voient leurs revenus baisser et cela les affecte également.

Dans votre mémoire, vous semblez dire qu'il ne s'agit pas d'une restructuration, mais, face à ces chiffres sur la chute de consommation, que ce soit dans le secteur de l'huile à chauffage ou dans celui des économies d'énergie, je crois qu'on doit admettre l'évidence qu'il y a, en fait, une contraction du marché. Est-ce que vous niez ce facteur-là?

Mme Parent: II y a une certaine contraction du marché. Pour le Canada tout entier, c'est dans les 10% ou 12%. Mais, au Québec, on a baissé de plus de 40% notre capacité de raffinage.

M. Fortier: Je parle de la consommation.

Mme Parent: Bon. Notre consommation ne s'est pas réduite de 40%.

M. Fcrtier: Non, non.

Mme Parent: C'est l'évidence même. Alors, c'est pour faire de nous des importateurs de mazout qui sera raffiné ailleurs.

M. Fortier: Votre économiste tout à l'heure nous disait qu'il y avait une chute de la consommation qui était très appréciable et qui ne s'expliquait pas totalement par le fait qu'il espérait qu'il y ait une reprise économique.

Mme Parent: Oui.

M. Fortier: Je crois que vous avez dit cela tout à l'heure.

M. Robinson: Enfin, il reste à examiner les chiffres détaillés pour voir dans quelle mesure la baisse de la consommation récente est attribuable à la conversion au gaz naturel et à l'électricité. Je pense qu'une partie, sans doute, de cette baisse résulte, en fait, de cette conversion, mais, je ne crois pas que la totalité de cette baisse soit attribuable à cette cause-là. C'est une hypothèse que j'avance, étant donné, comme je l'ai dit, que les chiffres détaillés ne sont pas encore disponibles.

M. Fortier: C'est un sujet très

important. Avant-hier, j'ai assisté à un colloque que je vous recommande, mais qui est malheureusement en voie de se terminer: c'est le colloque international organisé par le professeur Ayoub de l'Université Laval et auquel des personnalités de plusieurs parties du monde participent. Entre autres, j'ai entendu le Dr Lantzke, je crois, qui est directeur général de l'agence internationale dont le siège social est à Paris et qui a fait ce genre d'étude pour déterminer dans quelle mesure la baisse mondiale de l'utilisation du pétrole dépend de la récession économique que l'on connaît et dans quelle mesure il s'agit d'économie permanente. On vient de parler de chauffage et on comprend que, dans la mesure où les gens abandonnent le chauffage à l'huile ou au mazout léger pour aller vers d'autres formes d'énergie, dans la même mesure cela affecte les raffineurs. (11 h 45)

L'analyse qu'il en faisait, c'était dans le domaine des transports. Je pense que cela a été confirmé, hier, par certains qui sont venus ici. Il est évident qu'au Québec la majorité des Québécois avait de très grosses voitures. On se rend de plus en plus compte, sur les routes, que la majorité des Québécois utilise de beaucoup plus petites voitures qui font jusqu'à 45 ou 50 milles au gallon, alors que, dans le passé, avec les très grosses voitures, c'était 13 ou 14 milles au gallon. Si on ajoute à cela la taxe-ascenseur de M. Parizeau, tous ces facteurs font qu'il y a une consommation qui est en chute libre au Québec.

Je crois qu'on peut se poser la question que vous posez; je crois que c'est une bonne question. Est-ce que, s'il y a une reprise économique, on reprendra le terrain perdu? Personnellement, je serais porté à croire que, dans la mesure où les Québécois ont perdu leur complexe des grosses voitures pour aller vers de plus petites voitures - de toute façon, les augmentations de salaires étant ce qu'elles sont maintenant, je pense bien que les gens n'auraient pas les moyens de se payer de très grosses voitures - même s'il y avait une reprise économique, la consommation ne reviendrait pas à celle qu'elle était auparavant. J'aimerais avoir vos commentaires là-dessus.

M. Robinson: Je crois que, sur ce point, vous avez raison, mais il y a une différence entre revenir au volume de la consommation antérieure, d'une part, et modérer ou même arrêter la baisse précipitée, en chute libre, comme vous l'avez dit, de la consommation que les chiffres récents démontrent. Il est évident que les facteurs structurels de la consommation ont changé en défaveur de la consommation, si vous voulez, exagérée des années passées. Étant donné ces changements, je crois que, si la province de Québec voit sa capacité productrice coupée de 40%, tandis que, jusqu'à présent, la consommation même a baissé d'environ 20%, pour le moyen terme en tout cas, le résultat sera que les produits raffinés devront être importés d'autres parties du Canada. C'est sur ce point que nous insistons pour que des mesures d'urgence soient prises pour sauvegarder l'industrie de raffinage dans la province.

M. Rhéaume (Gilles): C'est dans ce sens que nous, de la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal, depuis le début des recherches et des travaux des Travailleurs unis du pétrole du Canada, nous les avons appuyés parce qu'il nous semblait évident qu'ici au Québec nous sommes passés, comme on l'a rappelé tout à l'heure, de "producteurs" entre guillemets - à consommateurs, je mets des guillemets parce que je pense qu'il faut faire attention pour les citations - dans un secteur de l'économie. Il faut toujours nous situer dans une économie nationale. Nos priorités ne sont pas celles des multinationales, c'est entendu. Je veux dire qu'en tout cas vous n'entendrez pas cela de ma bouche; je n'ai pas les mêmes points de vue, je n'ai pas les mêmes priorités et je n'ai pas la même attention. C'est différent et c'est normal, c'est pour cela qu'il y a une commission parlementaire.

Nous, nous réalisons que nous sommes passés, comme je le disais, de producteurs à consommateurs, qu'il y a des travailleurs qui ont, au cours des années, à force de travail, acquis une certaine expérience - on parle de dix ans de travail pour qu'une main-d'oeuvre spécialisée dans ce domaine puisse se perfectionner, puisse avoir une formation adéquate - donc, un investissement en capital humain et en capital financier. Nous croyons que, face aux décisions qui se prennent de fermetures de raffineries comme celles que nous connaissons actuellement, toutes les questions que nous nous posons ce matin, devraient être reprises par une enquête ou par une étude qui démontrerait non seulement la rentabilité, mais le pourquoi de la nécessité de l'intervention de l'État. Il y a des gens qui s'opposeront toujours à l'intervention de l'État par idéologie politique et je pense que c'est normal. Il n'y a pas que cela en ligne de compte. On peut s'y opposer par idéologie politique; cela, on peut en discuter, c'est une autre question.

On peut, quant à nous, et on doit voir pourquoi l'État du Québec, dans une économie nationale intégrée à tout ce qui se passe autour de nous, devrait se pencher pour trouver une solution à ce problème, parce que, même si la baisse de consommation continue, on consommera toujours du pétrole. Il suffit de voir, en consultant les études les plus sérieuses, de quel ordre sera cette baisse. Je pense que le Québec, pour protéger son économie

nationale, doit s'intéresser à ce dossier et j'espère que la commission parlementaire, qui a été unanime - comme le député d'Outremont l'a rappelé - pour demander au gouvernement fédéral de faire en sorte de respecter non seulement les droits, mais aussi les besoins de l'économie québécoise dans ce domaine-là, sera aussi unanime pour trouver une solution à ce problème et faire en sorte que les Québécois d'aujourd'hui et de demain soient présents au rendez-vous de l'évolution de l'industrie pétrolière.

M. Fortier: M. Rhéaume, votre intervention nationaliste ne me surprend pas. Nous cherchons à défendre les intérêts des Québécois. Je vous rappellerais que la motion qui a été adoptée ne l'a pas été par la commission, mais par l'Assemblée nationale. Il m'avait fait plaisir de le faire. Je crois cependant que la raison pour laquelle nous avons eu 72 ou 80 mémoires, c'est que, de toute évidence, les politiques poursuivies de substitution du pétrole créent des problèmes et qu'on se pose à bon droit des questions à savoir si on doit continuer dans cette direction? Quels sont les problèmes créés? L'Association des distributeurs indépendants de produits pétroliers nous l'a dit; cela crée des problèmes à certains agents économiques. Je crois que l'État et notre commission parlementaire doivent se pencher sur ce problème.

Pour ma part, puisque vous avez abordé la question de l'idéologie politique, je dois vous dire que la formation politique dont je fais partie a créé, dans le passé, de nombreuses sociétés d'État. Nous avons d'ailleurs été les instigateurs, durant les années soixante et soixante-dix, de plusieurs sociétés d'État. Présentement, c'est bien évident que nous croyons, et nous croyons avec beaucoup de Québécois, que l'État est allé beaucoup trop loin dans trop de secteurs. Je dois vous dire, puisque vous soulevez la question ici et que le ministre dit qu'il va recevoir des rapports de mois en mois, quoiqu'un journal disait qu'il aurait un rapport au mois de novembre... Je dois d'ailleurs féliciter le député de Lafontaine de défendre votre dossier. Je le dis aux travailleurs du pétrole. Je crois que le député de Lafontaine est très honnête avec ses électeurs et qu'il prend leur défense. Cela lui revenait et il le fait très bien.

Il est évident, pour ma part, que le gouvernement tergiverse sur cette question, que le Parti québécois a pris position et que le gouvernement ne veut pas prendre position avant les prochaines élections. Je vais vous dire tout de go la position de notre formation politique: nous ne croyons pas que l'État doive intervenir dans ce dossier; nous ne croyons pas que ce soit la solution; nous croyons que nous devons défendre les intérêts du Québec dans ce dossier en particulier.

Nous devons nous assurer que les compagnies qui sont ici vont générer les produits utilisés ici et peut-être même davantage. Là-dessus, nous nous rejoignons, mais, s'il faut s'embarquer dans une autre aventure nationaliste simplement pour avoir des fleurdelisés sur des stations d'essence, nous disons non. Ce n'est pas notre position et vous pouvez être assuré que nous allons combattre toute solution qui serait uniquement une solution nationaliste et non pas une solution économique à ce problème important.

M. Rhéaume: Je m'excuse, je ne sais pas si j'ai le droit. Je ne connais pas les règles. Vous avez dit, tout à l'heure, que, contrairement à moi, vos préoccupations ne sont pas nationalistes, mais qu'elles sont orientées pour le bien-être du Québec. Je ne pense pas qu'il y ait contradiction entre les deux; on peut être nationaliste et souhaiter le bien du Québec dans tous les secteurs, y compris celui-là. Le nationalisme n'est pas que sentimental, linguistique et culturel, il est strictement économique. Je vous enverrai avec plaisir l'oeuvre de Esdras Minville qui, en cinq volumes, fait l'analyse de l'ensemble de la situation du Canada français et du Québec. Le nationalisme n'est pas que linguistique et culturel; il peut être économique. Je tiens à dire - on l'entend souvent - c'est peut-être un préjugé...

M. Fortier: Je vous rejoins là-dessus. Je vous rejoins...

M. Rhéaume: ...le nationalisme n'est pas contraire aux intérêts du Québec, même dans le domaine économique.

M. Fortier: Je vous rejoins là-dessus, car, étant ingénieur et ayant oeuvré dans des grands bureaux de génie-conseil, je dois vous dire que s'il en est qui ont travaillé pour le développement économique du Québec et qui l'ont fait en assurant une préséance des grands bureaux de génie-conseil québécois sur la scène canadienne et mondiale, j'en suis un. Là-dessus, on se rejoint et j'accepte ce que vous dites. Cependant, ce que j'essaie de dire, c'est que, pour ma part, je ne crois pas qu'on puisse régler un problème aussi important uniquement à partir des prémisses que vous avez évoquées tout à l'heure. Je dis qu'il s'agit d'un problème important. Vous avez évoqué les pertes d'emplois. Je l'ai dit tout à l'heure, c'est un sujet qui me trouble grandement. Dans le livre blanc de 1978 on parlait de tout mais on ne parlait pas des pertes d'emplois dans le domaine du pétrole. J'ai même dit à l'Assemblée nationale que je trouvais pénible que le ministre parle toujours de création d'emplois alors que le secteur du pétrole était gravement affecté. J'en suis, j'en conviens, et je crois que, de

ce côté, il y a des choses qui doivent être faites. Mais, lorsqu'on parle de la politique énergétique du Québec et que le thème de notre commission parlementaire est de revoir la politique énergétique du Québec pour développer l'économie du Québec et la création d'emplois au Québec, je crois qu'il faut être très honnête avec la population, qu'il faut tenter de voir l'avenir avec le plus de réalisme possible et qu'il faut éviter de s'engager dans des avenues qui seraient basées sur des hypothèses qui ignoreraient la réalité économique non seulement du Québec mais du Canada dans son ensemble.

Le Président (M. Gagnon): M. le ministre.

M. Duhaime: Vous savez, le député d'Outremont nous ouvre un grand champ pour une discussion. Je voudrais d'abord dire une chose, M. Rhéaume, c'est que je partage entièrement le point de vue que vous venez de dire. La décision de notre gouvernement dans ce dossier n'est pas prise. Je constate que le Parti libéral a déjà fait son lit. La seule question que je me pose est que je me demande au nom de qui le député d'Outremont parle parce que, sauf erreur, ce Parti libéral n'a pas de chef, a un ancien programme...

M. Fortier: Vous en avez un qui est en train de mourir.

M. Beaumier: ...d'altitude. Il n'y en aura pas non plus.

M. Duhaime: Et au rythme où déboulent les conventions très bien organisées dans cette formation politique, je serais prêt à gager 5 $ que M. Robert Bourassa va gagner la convention. Si on veut être un peu plus sérieux et ne pas mettre des X sur des dossiers par pure idéologie, j'aimerais cela que le député d'Outremont nous donne son point de vue sur l'intervention du gouvernement fédéral dans l'achat de Petrofina qui, en soi, est un scandale international quant au prix.

Une voix: Feuille d'érable.

M. Duhaime: Le gouvernement fédéral, oui.

Une voix: Des feuilles d'érable à part cela.

M. Duhaime: Je ne parlerai pas des "maple leaf, on les voit beaucoup. C'est un gouvernement libéral. J'aimerais aussi savoir son point de vue sur l'intervention du gouvernement conservateur, depuis 40 ans au pouvoir en Ontario, qui a décidé de prendre 25% des intérêts de Suncor et qui investit aussi plusieurs dizaines de millions par année dans des programmes d'exploration. Je pense que, par idéologie aussi et en porte à faux également, si M. Fortier parle au nom de sa formation politique, il aurait dû faire la campagne à la chefferie. Je sais que cela l'a tenté mais pour l'instant en tout cas je vais prendre les propos du député d'Outremont comme n'engageant pas le Parti libéral du Québec. On verra bien ensuite.

Ce que je voudrais dire également c'est que nous n'avons pas l'intention de laisser traîner ce dossier. Je voudrais donner l'assurance au député d'Outremont que nous prendrons position bien avant les prochaines élections dans ce dossier. Ce qui est important, c'est de faire une évaluation exhaustive du dossier, non pas simplement regarder le coût d'acquisition, soit d'une raffinerie ou d'un réseau de distribution, mais se demander aussi ce qui va se produire ensuite et combien de dollars il faudra pour soutenir cette intervention en ayant un objectif très net, très clair, maintenir au Québec une capacité de raffinage et maintenir au Québec une pétrochimie.

Je pense que mon collègue des Finances a été très clair là-dessus, mon collègue de l'Industrie et du Commerce également et ce n'est pas pour rien que nous avons fait des pieds et des mains pour que notre intervention auprès du gouvernement fédéral porte ses fruits. Heureusement dans ce dossier cela a porté ses fruits, Pétromont a été soutenu. Le problème de Pétromont est un problème quant au coût d'approvisionnement au complexe de vapocraquage. La Société générale de financement a des intérêts dans ce dossier avec la compagnie Gulf et Union Carbide. Ce complexe s'approvisionne à partir des raffineries de Gulf, de Shell et de Petrocan actuellement. On sait que c'est difficile. Les scénarios de rentabilité qui avaient été envisagés chez Pétromont, au début du projet, sont loin de correspondre à ce que la direction de Pétromont avait espéré, de même que chacun des partenaires, mais on a décidé de continuer. (12 heures)

Je dois dire au député d'Outremont, puisqu'il m'en donne l'occasion, que nous ne prendrons pas une décision essentiellement sur une prémisse qui consisterait à dire: II faut nécessairement être là. Nous allons faire l'étude du dossier. Je me rends compte que les libéraux ont déjà terminé la leur. À moins que ce soit démenti, je tiendrai pour acquis que le critique officiel du Parti libéral en matière d'énergie engage sa formation politique ce matin. Ce sera au moins un dossier de réglé quant à eux; mais quant à nous, nous allons continuer nos travaux. Ce dossier qui est actif va sans aucun doute, le plus rapidement possible... parce que tout le monde sait que dans le

secteur pétrolier et dans tout ce phénomène de tassement, de restructuration ou de rationalisation, il y a des choses qui se produisent tous les jours. Dans les derniers six mois, on a eu une annonce malheureuse pour l'économie du Québec. Tout à l'heure, nous entendrons les dirigeants de Esso qui ont annoncé une fermeture, mais le seul espoir que nous ayons, c'est qu'ils aient une bonne provision de boules à mites. On va voir ensuite ce qui pourrait se produire sur ce marché. En tout cas, on aura l'occasion d'en parler avec eux, mais je voudrais que l'on continue, à mon ministère, en étroite collaboration avec SOQUIP, en étroite collaboration - je dois le dire aussi - avec les compagnies qui oeuvrent dans le secteur pétrolier au Québec, avec qui nous sommes en conversation et avec les autres partenaires impliqués, tant au niveau de la distribution, que ce soient les détaillants d'essence, que ce soient les distributeurs d'huile à chauffage ou autres... Nous allons maintenir les ponts et maintenir le contact. Ce ne sera pas une décision facile. Il y a des montants d'argent considérables qui sont en cause, mais je voudrais dire à mes amis d'en face que nous prendrons une décision probablement à la fois québécoise et économique.

Le Président (M. Gagnon): M. le député d'Outremont.

M. Fortier: M. le Président, comme le ministre m'a mis en cause, je vais faire certains commentaires. Je crois qu'il y aurait avantage pour le ministre d'avoir une politique beaucoup plus transparente dans le domaine de l'énergie. Car, on l'a vu hier, en posant des questions, on s'aperçoit que la politique de pénétration du gaz, en particulier, est grandement affectée par les décisions du ministre et du Conseil des ministres en ce qui concerne la pénétration de l'électricité au Québec. C'est une chose de vouloir la pénétration du gaz et c'est une autre chose de ne pas réunir les conditions qui favoriseraient cette même pénétration. Il y a un grave danger que cette pénétration ne se fasse pas, comme nous l'a dit M. Martin hier, si certaines conditions ne sont pas réunies. Et c'est là une des ambiguïtés de cette politique, parce qu'on dit des phrases solennelles et ensuite, il y a des décisions qui sont prises et qui ne vont pas dans ce sens. Je voudrais bien que le ministre assume pleinement ses responsabilités pour dire justement aux gens du pétrole s'il a l'intention de continuer sa politique énergétique, si la taxe ascenseur va continuer de nous affecter, d'affecter les contribuables et les consommateurs d'essence. À-t-il des décisions à annoncer en ce qui concerne l'utilisation des surplus d'électricité? Les consommateurs québécois vont-ils pouvoir en bénéficier?

En ce qui concerne ma prise de position, les conclusions auxquelles nous sommes arrivés dernièrement sur le dossier de l'achat d'une raffinerie par le gouvernement du Québec, nous croyons qu'elle est la plus sage, compte tenu de la guerre des prix qui prévaut et qui va continuer de prévaloir durant les prochaines années. Nous aurons l'occasion d'entendre d'autres multinationales qui vont nous dire que, très probablement, cette guerre des prix va durer encore pendant des années tant que la contraction du marché ne sera pas terminée.

En ce qui concerne l'achat de Petrofina par le gouvernement fédéral, cela a été une décision du gouvernement fédéral. Pour ma part, ma formation politique a pris la décision, il y a fort longtemps, de n'oeuvrer que sur le plan provincial. Je vais laisser au Parti québécois le soin de faire son action politique sur le plan fédéral. S'ils veulent oeuvrer sur deux fronts en même temps, c'est leur affaire. Nous croyons que nous avons assez de problèmes au Québec et nous allons tenter de les régler ici même en étant élus pour défendre les intérêts du Québec à l'Assemblée nationale du Québec. Si ces gens veulent aller en même temps au Québec et à Ottawa, c'est leur affaire. J'ai bien hâte de voir quel succès cela donnera. Mais je n'ai pas de jugement à porter sur l'achat de Petrofina par le gouvernement du Canada. Je dirai tout simplement que cela a été une décision du gouvernement canadien dans laquelle, pour ma part, je n'avais aucune influence. Mais la raison à la question qui se pose, c'est que nous sommes à l'Assemblée nationale du Québec et qu'une décision sera prise par le gouvernement du Québec. En tant que parlementaire, je continuerai à m'exprimer sur des dossiers québécois. J'oserais exprimer que le ministre ne fasse pas de diversion en portant le débat sur des décisions qui sont prises par d'autres gouvernements où, de toute évidence, nous parlementaires, n'avons aucune influence.

Là-dessus, j'oserais espérer que l'on puisse conclure l'intervention ou du moins conclure quelque peu sur les propositions que nous font les Travailleurs unis du pétrole. Je voudrais leur rappeler que le dossier qu'ils apportent, en terme d'économie et en terme de pertes d'emploi, nous touche profondément. J'aimerais leur rappeler que nous n'avons pas terminé l'étude de l'impact, que cela peut créer des possibilités. J'ai simplement indiqué, pour ma part, que la solution d'une nationalisation ne m'apparaissait pas la meilleure solution, qu'il y a probablement d'autres interventions que le gouvernement du Québec peut faire. Notre recherche s'orientera, pour notre part, vers les autres types d'intervention qu'un gouvernement québécois peut faire pour

remédier aux problèmes qu'ils ont soulevés. J'aimerais les remercier chaleureusement pour cela.

M. Duhaime: Quant à moi...

Le Président (M. Gagnon): M. le ministre.

M. Duhaime: ...je voudrais vous remercier de votre mémoire et de votre présentation. Sauf erreur, à moins qu'on ne veuille pas entendre ce que je dis, je l'ai dit au mois de mars, je l'ai répété hier: les objectifs de la politique énergétique du Québec sont très clairs. Je ne vois pas ce qu'il y a de plus transparent que cette politique. Nos prévisions pour 1990 sont sur la table; bien sûr, nous en discuterons. Quand le député d'Outremont se fait des craintes sur l'évolution du gaz naturel et sa pénétration au Québec, à moins qu'il ne vive pas sur notre planète, le gaz naturel est rendu à Québec, à Trois-Rivières, à Shawinigan, à Grand-Mère. Des embranchements se font, on s'en va vers le Saguenay-Lac-Saint-Jean l'été prochain. Si vous voulez que je sois encore plus clair; en d'autres mots, il est évident, et je l'ai dit à plusieurs reprises, que la pénétration du gaz naturel au Québec de même que la poussée d'Hydro-Québec sur le même marché fera en sorte que la part du mazout importé ira en diminuant. On ne s'est jamais caché là-dessus. On était à 70% de pétrole pour les années 1973 et 1974 et notre objectif est de ramener la part du pétrole dans le bilan énergétique du Québec autour de 33% ou 34% en l'an 2000. À moins de ne vouloir rien voir et rien comprendre, il est évident qu'il se fera un déplacement et d'investissements et d'emplois dans le secteur énergétique en faveur de l'électricité et du gaz naturel et au détriment du mazout. Ce n'est pas moi qui dirai à M. Hotte et à son groupe qu'il y a un avenir mirifique dans la distribution de l'huile à chauffage au Québec. Je pense qu'eux-mêmes sont les premiers à le constater. Ils étaient 1200 autrefois, ils sont 600 aujourd'hui et d'autres vont disparaître de ce marché, c'est l'évidence même.

Quand le député d'Outremont nous dit qu'on manque de transparence, je me souviens qu'un certain temps, à l'Assemblée nationale, il trouvait que le gaz naturel mettrait en danger Hydro-Québec et aujourd'hui, c'est l'inverse. Mais vous lirez votre programme, ce que j'appelle le livre rouge du Parti libéral que constituent vos dix lignes sur le dossier de l'énergie. Vous verrez là-dedans qu'il n'y a pas grand-chose. Je comprends que vous soyez aujourd'hui embarrassé de prendre la défense de vos alliés référendaires, le gouvernement fédéral canadien qui finance 40% de son budget avec un déficit de 28 000 000 000 $. Cela est achalant. Mais si cela ne vous intéresse pas ce qui se passe dans le parlement fédéral, nous, comme Québécois, cela nous intéresse. Comme contribuable canadien, je paie des impôts. Et nous, Québécois, en payons quelques milliards chaque année. Si vous avez décidé de dire: Nous, cela ne nous intéresse pas, la moitié des revenus des impôts qui vont à Ottawa, que vous décidiez de tirer le volet et que vous laissiez à d'autres le soin de s'en occuper, je peux vous dire que nous avons l'intention de continuer de nous en occuper et de nous en occuper de plus en plus activement.

Le Président (M. Gagnon): Merci.

M. Duhaime: Sur cela, quant à moi, je vous remercie et je vous inviterais, M. le Président, à appeler le prochain intervenant.

Le Président (M. Gagnon): Merci aux Travailleurs unis du pétrole du Canada, M. Dion, Mme Parent, M. Rhéaume, de la Société Saint-Jean-Baptiste et M. Robinson.

Maintenant, j'invite la compagnie pétrolière Impériale Ltée à prendre place s'il vous plaît. M. Hamel, je vous souhaite la bienvenue et vous demande de présenter les gens qui vous accompagnent.

Compagnie pétrolière Impériale

M. Hamel (Roger): Bonjour, M. le Président. Je suis Roger Hamel, directeur général de l'Impériale pour le Québec et je suis accompagné de deux membres de la haute direction de notre société, soit M. Jacques Bédard, à ma gauche, et M. Paul Donato à ma droite. M. Bédard est directeur du marketing pour les Pétroles Esso Canada au Québec, et M. Donato est directeur de notre raffinerie à Montréal-Est.

Le mémoire que nous avons soumis porte la signature de Pétroles Esso Canada. Vous avez reçu, au cours des dernières minutes, un résumé de notre mémoire. Je vais peut-être y référer tout à l'heure, mais je n'ai pas l'intention de lire ni notre mémoire, ni le résumé. Donc, n'essayez pas de suivre ce que je lis à partir du texte qu'on vous a donné.

Le mémoire que vous avez reçu au mois de mars, je crois, porte la signature de Pétroles Esso au Canada. Cette entreprise est une nouvelle division de l'Impériale qui a été créée en 1980 et qui regroupe toutes les activités de l'Impériale en aval au Canada, soit du raffinage jusqu'au réservoir du client. Cette entreprise forme, avec Esso Ressources, Esso Chimie et Minéraux Esso les quatre constituantes de l'Impériale au Canada.

L'Impériale raffine, distribue et vend des produits pétroliers au Québec depuis

1916. Sa filiale Minéraux Esso y effectue des travaux d'exploration minière sur le territoire québécois depuis plusieurs années déjà et Esso Ressources, en collaboration avec SOQUIP, entreprend des projets de recherche ici. Quant à Pétroles Esso Canada, c'est certainement la division la plus visible au Québec. Elle y vend une gamme complète de produits pétroliers et de produits accessoires par l'entremise de ses 750 détaillants et agents, de ses 20 terminaux et 3 centres de confort au foyer. Ses ventes se sont chiffrées par près de 1 000 000 000 $ au Québec, en 1982. Le nombre des employés de l'Impériale au Québec, en incluant Matériaux de construction Canada Ltée, qui est une filiale de Esso Chimie, et en incluant aussi les gens qui sont reliés à la distribution et à la vente de ces produits, se chiffre à environ 4000 employés. L'Impériale, au Québec, est donc un agent important dans l'économie québécoise et entend le demeurer.

Quant à notre mémoire, il a été rédigé et soumis à votre commission - comme je l'ai dit tout à l'heure - il y a maintenant plus de six mois. Quoique la situation de l'économie et de l'énergie ait pu changer quelque peu depuis, nous ne croyons pas qu'il soit nécessaire d'amender les hypothèses données ou conclusions qu'il contient, car ces changements sont très mineurs.

M. le ministre, vous avez choisi comme thème des travaux de cette commission "L'énergie, levier de développement économique". Nous espérons que notre mémoire vous sera utile en ce sens qu'il précise les perspectives d'avenir en matière énergétique et établit le cadre dans lequel l'industrie pétrolière et Esso, bien sûr, évolueront. Cette industrie a joué et continuera à jouer un rôle très important dans le développement économique du Québec. Cependant, notre mémoire ne prétend pas lui donner un rôle de leadership dans le développement économique et il en est ainsi pour les raisons suivantes: (12 h 15)

Premièrement, après avoir exercé ce leadership dans les années soixante et soixante-dix dans l'Est du Canada et au Québec, notre industrie a atteint son niveau de maturité.

Deuxièmement, d'autres intervenants sur la scène énergétique occupent maintenant une partie importante du champ d'activité économique auparavant dévolu à notre industrie. Je pense évidemment à l'électricité et au gaz. Cela est dû en grande partie à la volonté bien arrêtée de différents paliers de gouvernement et à un changement profond dans les habitudes de consommation de notre clientèle.

Enfin, il faut reconnaître que c'est au niveau de l'exploration pétrolière et de l'exploitation des puits pétroliers que notre industrie est vraiment un levier de développement économique.

Or, jusqu'à preuve du contraire, c'est là une des seules ressources que le Québec n'a pas. Il ne faut donc pas se surprendre si c'est surtout dans les provinces productrices que notre industrie est synonyme de création d'emplois, d'investissements et de développement technologique. Le rôle de l'industrie pétrolière au Québec sera d'appuyer le développement économique et, si vous me le permettez, sous forme imagée, l'électricité et le gaz seraient la locomotive et l'industrie pétrolière serait - je ne devrais pas dire "seulement" - les rails. Les deux sont évidemment essentiels et complémentaires, mais c'est quand même la locomotive qui fait avancer le train.

Notre mémoire analyse l'importance relative, aujourd'hui et demain, du pétrole sur la scène énergétique en général. Cette analyse démontre qu'au Québec le pétrole est et demeurera un élément essentiel de son développement économique; s'il n'en peut être le levier, il en sera le point d'appui.

J'aimerais maintenant entrer dans le vif du sujet que j'entends aborder comme suit. Si vous me le permettez, dans un premier temps j'aimerais faire le survol de notre mémoire et, dans un deuxième temps, m'arrêter sur un sujet d'actualité, soit le marché de l'essence. En terminant, je dégagerai les principales conclusions de notre mémoire et de mon exposé de ce matin.

Quant à notre mémoire, comme je vous l'ai dit, je n'ai pas l'intention d'en faire la lecture et on voit très clairement, depuis quelques jours, que les membres de cette commission ont lu très attentivement les mémoires qui ont été soumis. Je pense que ce ne serait pas très utile pour moi de répéter ce que vous avez déjà lu. Mais je voudrais dégager les points saillants quant à l'évolution prévisible de la scène énergétique d'une part, et ce que cela signifie pour nous et pour notre industrie.

Tout d'abord, M. le Président, M. le ministre, MM. les députés, je voudrais vous inviter à la plus grande prudence dans l'élaboration d'une politique énergétique à même les données actuellement disponibles. En effet, les perspectives énergétiques sont très Difficiles à définir avec précision et surtout dans le contexte politique et économique mondial où on se trouve actuellement.

Toutes les incertitudes pèsent sur les prix mondiaux du brut, sur le taux de croissance de l'économie, sur les marchés des produits pétroliers et, étant donné le nombre élevé de variables que nous ne contrôlons pas, il est difficile de faire des prévisions fiables sur la demande énergétique. Ainsi, à titre d'exemple, nos prévisions de la demande d'énergie primaire au Québec sont inférieures d'un tiers à celles que nous faisions en 1977. Il n'y a pas vingt ans de cela: il y a six ans,

et devant cette même commission.

Proportionellement la demande de pétrole subira une baisse plus marquée et cela est dû à un ensemble de facteurs qui n'avaient pas été prévus en 1977, comme une hausse marquée des prix, comme le ralentissement considérable de la croissance économique et les mesures d'économie d'énergie et comme le remplacement du pétrole par d'autres combustibles.

Cela étant dit, nous prévoyons qu'au Québec, compte tenu d'un taux de croissance économique de 2,5% par année - hypothèse de notre part - la demande d'énergie primaire devrait s'accroître à 1% par année. La consommation du pétrole continuera de diminuer et ne comptera plus que pour environ 17% de la demande d'ici 1990, encore une fois, sur une base d'énergie primaire. Cette diminution pourrait être plus considérable si la tendance à la conversion au gaz naturel est encore plus marquée. Au Québec, comme au Canada, la tendance selon laquelle on a réduit leur dépendance à l'égard des importations d'énergie est appelée à se poursuivre, surtout au fur et à mesure que l'électricité produite au Québec et le gaz naturel en provenance de l'Ouest canadien se substitueront au pétrole importé comme source d'énergie. Tout indique que le Québec continuera de disposer de sources d'énergie d'un coût modique et concurrentiel sur les marchés mondiaux.

Par ailleurs, l'équilibre entre l'offre et la demande est appelé à se resserrer de nouveau sous l'effet des forces du marché ou de la situation politique. Pour cette raison, le Québec devrait continuer d'appuyer la mise en valeur de nouvelles réserves canadiennes de pétrole et de gaz qui se révéleront économiques, compte tenu des prix mondiaux, afin de s'assurer à long terme d'une source sûre d'approvisionnement en hydrocarbure.

J'aimerais maintenant, M. le Président, vous faire part de ce que ces perspectives énergétiques impliquent pour notre industrie. Depuis 1980, la demande de produits pétroliers au Québec a fléchi considérablement. Selon nos prévisions, ce fléchissement de la demande se poursuivra jusqu'à la fin de cette décennie. Ainsi, durant cette période de dix ans, la demande en produits pétroliers du Québec diminuera de 50% tandis que la demande d'essence diminuera de 40% sur une période de dix ans. Cependant, en raison du fléchissement marqué et permanent de la demande de produits pétroliers, l'industrie et le commerce des produits pétroliers doivent se restructurer et ce processus, dans notre cas, est commencé depuis déjà quelque temps.

Vous me permettrez de m'attarder quelques minutes sur cette question qui m'apparaît capitale. J'aimerais dégager, dans un premier temps, les principes économiques qui président à cette transformation et, dans un second temps, je préciserai notre stratégie dans ce contexte. Le raffinage, la distribution et la vente des produits pétroliers ont en commun trois caractéristiques fondamentales sur le plan économique. C'est une industrie qui implique des investissements élevés dont les coûts fixes d'exploitation sont considérables par rapport aux coûts totaux et qui bénéficie beaucoup des économies d'échelle. Ces caractéristiques obligent l'entreprise pétrolière à rechercher l'utilisation maximum de ses raffineries et de son réseau de vente conformément à l'évolution de la demande et aux désirs du consommateur.

Je vous ai indiqué tout à l'heure l'évolution de la demande en produits pétroliers au Québec. Dans le cas des essences et du mazout domestique, la demande a connu une période de pointe en 1979 pour décliner progressivement jusqu'en 1983 et ce phénomène se poursuivra jusqu'à la fin de la décennie. Il est dû en grande partie à un changement profond des habitudes du consommateur, un changement structurel, changement qui a été orienté et accéléré par les politiques énergétiques des gouvernements. Dans ces circonstances, notre réseau de stations-service a dû être modifié pour rester efficace et rentable. Nous avons dû fermer des stations qui étaient sous-utilisées et construire des libres-services pour répondre au consommateur dont la décision d'achat est principalement - pas uniquement, mais principalement - basée sur le prix. Cette restructuration continuera à se faire selon le rythme que nous imposera l'évolution du marché. Enfin, la restructuration ne signifie pas uniquement la fermeture de stations-service, elle implique également des investissements importants de notre part afin de s'assurer que nos points de vente soient concurrentiels quant à leur image, quant au service et aux produits qu'on y trouve et, bien sûr, quant au prix.

Tout le système d'approvisionnement a également été analysé, ce qui inclut notre réseau de raffineries que nous avons, et vous l'avez constaté, aussi décidé de corriger. Cette restructuration qui affecte les raffineries, les terminaux, les stations-service et les agences est une démarche profondément positive. Encore une fois, pour trouver une analogie, c'est un peu comme un jardinier qui se décide d'émonder un arbre pour assurer sa croissance. Il y a des fois qu'il y a des branches mortes même sur un arbre qui est bien en santé et il faut les émonder quand on voit que ces branches sont mortes ou qu'elles sont en train de mourir. Ce qui nous permet, comme société industrielle, comme compagnie pétrolière, de nous transformer pour le bénéfice du consommateur qui continuera d'être bien servi par une industrie rentable et viable.

C'est là notre stratégie. Parce que nous l'avons adaptée au moment opportun, nous avons pu effectuer les changements requis sans bouleversement majeur.

Évidemment, certaines actions sont plus importantes que d'autres. Je ne peux pas passer sous silence la décision que nous avons annoncée au printemps de suspendre les activités dans notre raffinerie de Montréal-Est. Je vous prie de croire que pour une industrie, une entreprise, une société pétrolière comme la nôtre, établie au Québec depuis déjà plus de 68 ans, ce fut une décision extrêmement difficile à prendre, mais une décision essentielle, une décision absolument nécessaire. J'ai été, ainsi que mes collègues de la direction au Québec, intimement mêlé au processus décisionnel qui l'a précédée et j'ai été à même de me convaincre du bien-fondé de cette décision difficile. Je pense que nos communications à ce sujet ont été franches, ouvertes et complètes. Les médias ont fait largement état de cette décision et des motifs qui l'appuient. Je ne crois pas qu'il soit nécessaire aujourd'hui de les répéter. Je n'ai pas l'intention de le faire, mais notre mémoire revoit la question aux pages 32 et suivantes et nous sommes évidemment disposés à répondre à vos questions à ce sujet, dans quelques minutes.

J'aimerais quand même rappeler les points suivants. Premièrement, tenant compte de l'évolution de la demande à la baisse, nous allons continuer d'assurer à notre clientèle au Québec son approvisionnement en produits pétroliers. Cela est garanti. Deuxièmement, les produits pétroliers Esso, pour les besoins du Québec, auparavant raffinés par notre raffinerie de Montréal-Est, seront raffinés ici au Québec selon des ententes actuellement en vigueur, par d'autres raffineurs et selon nos normes, nos critères de qualité consolidant ainsi la rentabilité de l'industrie du raffinage au Québec.

Troisièmement, nous avons offert un emploi à tous nos employés. Enfin, si nous avons pris cette décision, c'est avant tout pour demeurer concurrentiels et viables financièrement au Québec.

Je devrais maintenant conclure ma présentation si les événements récents n'avaient placé le marché de l'essence sous les feux de la rampe. Je voudrais donc profiter de l'occasion pour traiter brièvement de trois aspects reliés de près aux soubresauts que connaît ce marché depuis quelque temps, soit la restructuration du réseau de la vente au détail de l'essence, les fluctuations dans les prix et nos relations avec les détaillants Esso. Dans mes remarques sur la restructuration de l'industrie pétrolière, j'ai indiqué les mesures que nous avons prises pour assainir et fortifier notre réseau. Les motifs économiques qui animent notre stratégie s'appliquent à tous les détaillants et le vendeur de produits pétroliers. Ils doivent considérer l'avenir de la même façon puisqu'ils desservent le même marché. Si leur entreprise n'est pas rentable, ils n'auront d'autre choix que d'augmenter son efficacité en réduisant les coûts d'exploitation ou si elle est efficace, d'augmenter leurs ventes, d'augmenter leurs marchés, d'augmenter leurs volumes. Si l'entreprise ne devient pas rentable, le détaillant devra la fermer avant d'y engloutir ses économies et son énergie.

Nous avons discuté à plusieurs reprises de cette question avec nos détaillants et nos détaillants Esso partagent notre point de vue. (12 h 30)

J'aimerais passer maintenant à la fluctuation des prix de l'essence. Les caractéristiques économiques de notre industrie que je vous donnais tout à l'heure invitent d'une façon latente des guerres de prix. L'entreprise pétrolière et le détaillant cherchent toujours à utiliser au maximum leurs installations afin de maintenir leur niveau de rentabilité. Cela cause parfois des perturbations dans le marché. Ainsi, lorsqu'un raffineur constate que des surplus d'essence existent, il devrait alors diminuer sa consommation de brut dans sa raffinerie, mais il diminuerait aussi par voie de conséquence le raffinage d'autres produits. Si par ailleurs, il maintient sa capacité de raffinage, le surplus de produits, en l'occurrence l'essence, doit être vendu au prix qu'il pourra obtenir dès que les stocks maximaux de produits en surplus sont atteints. La façon la plus classique et la plus facile d'écouler ce surplus est de le vendre à un revendeur ou à un distributeur indépendant. Quand plus d'un raffineur essaie en même temps d'écouler son stock en surplus, le prix du marché baisse inévitablement. Lorsque les compagnies pétrolières, les revendeurs et les détaillants indépendants font bénéficier leurs clients de cette baisse de prix par le biais de leurs propres points de vente, les autres détaillants, qu'ils soient indépendants ou qu'ils arborent l'enseigne d'une compagnie pétrolière, n'ont d'autre alternative que de baisser leur prix au même niveau s'ils veulent conserver leur clientèle. Ils n'ont absolument pas le choix. Nous sommes alors en pleine guerre des prix.

Une guerre des prix peut également survenir, même à une époque où il n'existe pas de surplus d'essence, mais plutôt un nombre trop élevé ou un surplus de points de vente. Dans certains cas, les prix sont coupés par des détaillants existants qui veulent augmenter le volume de leur station-service. Dans d'autres cas, le propriétaire d'une nouvelle station-service ou d'une nouvelle compagnie pétrolière ou d'une ancienne compagnie pétrolière arborant une

nouvelle enseigne peut utiliser la même technique pour se créer un marché. Dans l'un ou l'autre cas, les autres détaillants présents dans le même marché doivent également ajuster leur prix en conséquence. Je pense que c'est le simple bon sens.

Au Québec, on connaît actuellement des guerres des prix qui s'expliquent à la fois par un surplus d'essence et par une sous-utilisation d'un grand nombre de stations-service dont les propriétaires veulent monter le volume en baissant leur prix. Le jeu combiné de ces deux facteurs a lancé des guerres des prix particulièrement agressives. Je dis au Québec parce qu'on parle du Québec mais je pense que cela se passe à peu près partout au Canada. Dans ces circonstances, Esso partage avec ses détaillants le fardeau de ces guerres des prix.

M. le Président, M. le ministre, MM. les députés, je voudrais - j'arrive à la fin de mon exposé - terminer en parlant de nos relations avec nos détaillants Esso. Ils sont plus de 670 au Québec et ils se divisent en trois groupes: ceux qui sont propriétaires de leur station-service, ceux qui louent une station qui nous appartient et enfin, les détaillants agents qui exploitent des libres-services, en d'autres mots les propriétaires de l'essence dans les réservoirs. Nous avons également au Québec huit stations-service qui sont la propriété de la compagnie et qui sont exploitées par des employés d'une filiale de l'Impériale; 8 sur 670.

Mes commentaires vont maintenant s'adresser aux détaillants propriétaires et locataires. Nos détaillants Esso sont tous des hommes et des femmes d'affaires indépendants qui ont tous et toutes signé un contrat avec Esso Canada dont les termes varient d'un cas à l'autre selon les circonstances. Leur contrat est négocié individuellement avec le représentant Esso qui administre le territoire. Celui-ci agit également comme conseiller en marketing. Le détaillant est toujours libre de suivre ses conseils. Certains de nos détaillants sont membres d'associations de détaillants. C'est leur droit le plus strict. Cependant, comme ils sont des hommes et des femmes d'affaires indépendants et non pas nos employés, et comme la loi sur les coalitions nous interdit de discuter de certains sujets collectivement avec des détaillants indépendants ou associés à d'autres compagnies pétrolières, vous comprendrez que nous ne pouvons considérer ces associations comme porte-parole, représentant ou agent négociateur de nos détaillants. Nos communications avec chacun de nos détaillants sont régulières et productives. Elles se font par l'entremise du représentant Esso responsable d'un territoire donné ou au niveau de notre comité local, régional ou provincial des communications où siègent des représentants de notre compagnie et des détaillants qui ont été élus par leurs confrères pour les représenter à ces comités. Enfin, je disais que nos détaillants sont des hommes et des femmes d'affaires.

Laissez-moi vous donner quelques exemples. Le détaillant Esso est propriétaire de l'essence contenue dans ses réservoirs et fixe lui-même le prix à la pompe, même lorsqu'il demande le soutien financier de la compagnie en période de guerre de prix. Quant au produit qu'il vend, la seule obligation est de vendre les carburants Esso. Les pneus, batteries et autres accessoires sont laissés à son choix, même si Esso les vend sous la marque Atlas. Il doit cependant accepter la carte de crédit Esso, mais il n'y a pas de coût additionnel pour lui. Cependant, il peut choisir une ou plusieurs cartes de crédit bancaire dont le coût additionnel lui incombe. C'est une entente entre le détaillant et la banque mise en cause. Enfin, il va de soi que la compagnie n'a pas de juridiction sur son atelier de service et son atelier mécanique.

Ces quelques éléments d'information vous convaincront, je l'espère, de la nature et de la qualité de nos relations avec nos détaillants qui sont tous et chacun autant de maillons importants de notre réseau. Nous les respectons tous et en sommes fiers.

Maintenant, j'aimerais tirer quelques grandes conclusions qui se dégagent de notre mémoire et de mon exposé de ce matin. Premièrement, le Québec a la chance de pouvoir compter sur le pétrole, le gaz et l'électricité dans son bilan énergétique. La politique du Québec en ce domaine devrait permettre à chacun de ces types d'énergie de jouer son rôle sur un pied d'égalité, sans encouragement artificiel qui viendra fausser les lois du marché tel qu'il existe aujourd'hui. Ces encouragements ont pu être nécessaires pour favoriser l'arrivée du gaz et de l'électricité dans certains marchés géographiques ou pour servir certaines clientèles, mais, aujourd'hui et dans l'avenir, la gestion gouvernementale de l'énergie ne devrait pas défavoriser le pétrole, car cela pourrait diminuer encore plus la rentabilité de l'industrie pétrolière au Québec et rendre très précaire l'équilibre de son bilan énergétique.

M. le Président, j'ai 30 ans de service au sein de la compagnie, Paul en a 37 et Jacques en a une trentaine; presque 100 ans de service ici. Je peux vous dire que ce n'est que depuis l'annonce de la suspension des activités à la raffinerie de Montréal-Est qu'on semble nous aimer. Avant cela, j'étais toujours le représentant d'une grande et méchante multinationale, mais, il me semble que, depuis quelques mois, les gens disent: Ne partez pas, ce n'est pas possible! Vous n'allez pas nous faire celai Je trouve que c'est peut-être le seul élément positif que je

peux voir dans tout cela, sauf les questions économiques qui sont très positives. J'apprécie vraiment de vivre un peu dans cette condition. On semble nous aimer beaucoup, et ce, depuis quelques jours. En tout cas, c'est un élément très social et un peu à part.

Deuxièmement, pour revenir au sérieux et tenant compte de l'évolution de l'offre et de la demande en énergie, les approvisionnements en produits pétroliers au Québec sont et demeureront adéquats grâce à la restructuration de l'industrie qui, contrairement au dinosaure - on sait ce qui est arrivé au dinosaure quand il est devenu tellement gros qu'il y a eu une distance trop grande entre le cerveau et la queue: il a disparu. Un approvisionnement adéquat sera possible grâce à la restructuration de l'industrie qui a su s'adapter aux changements du marché.

Trosièmement - et je pense que c'est là une très bonne nouvelle pour le consommateur - la concurrence est très vive sur la scène énergétique et continuera de l'être. Que ce soit entre les trois types d'énergie - il y en a plus que trois, mais principalement les trois: le gaz, l'électricité et le pétrole - ou entre les différents fournisseurs à chaque niveau de ce bilan énergétique. Enfin, c'est là un rappel, le pétrole de demain restera pour longtemps l'énergie motrice, soit les essences, les carburants d'aviation, le carburant diesel, les lubrifiants et les graisses. Le pétrole conservera une part importante de l'énergie chauffante. L'industrie pétrolière doit donc demeurer forte, car l'énergie motrice, sans faire un jeu de mots, est essentielle au développement économique. En terminant, M. le Président, je vous remercie de nous avoir accordé cette occasion de vous présenter le point de vue de notre société sur ces questions très importantes et nous sommes disponibles maintenant pour répondre aux questions de tous et chacun.

Le Président (M. Gagnon): Merci beaucoup, M. Hamel. M. le ministre.

M. Duhaime: Je vous remercie, M. Hamel. Je ne sais pas dans quelle mesure tous ceux et celles qui vous font part de leurs regrets aujourd'hui de vous voir, non pas fermer, parce que si j'ai bien compris, vous avez décidé de suspendre vos activités à Montréal... Tous ces messages que vous entendrez seront portés sur l'une ou l'autre des deux colonnes dans les scénarios d'activités que vous envisagez au Québec et dans l'Est canadien.

J'ai, bien sûr, lu votre mémoire et je vous ai écouté attentivement. Je voudrais être bien sûr que j'ai accroché les bons chiffres ce matin en prenant des notes. Dans votre exposé ce matin, vous avez mentionné, bien sûr, que vos scénarios étaient basés... Vous nous donnez un sage conseil de prudence, au départ. Je pense que c'est bien légitime et je dirais bien accueilli, parce que c'est vrai que de faire des scénarios... il s'agit de passer une soirée avec deux futurologues, par exemple, si brillants ou si brillantes soient-ils, de l'Institut Khan ou d'ailleurs, et c'est à vous faire tourner la tête tout ce qu'on peut vous raconter. Vous n'avez pas touché, dans votre exposé de ce matin... Je sais que votre mémoire en parle - vous parlez des énergies nouvelles et de l'intérêt de votre corporation entre autres, pour l'hydrogène liquide, le méthanol et la biomasse. Mais je pense qu'une compagnie qui a fait sa marque dans le pétrole, qui se tourne et manifeste un intérêt vers des énergies nouvelles, cela mérite, je crois, d'être souligné. Ce n'est pas interdit de se convertir non plus, même si on s'appelle Esso. Vous avez basé vos évaluations sur des scénarios de croissance économique qui rejoignent à peu près nos chiffres, mais ma question... Je voudrais peut-être avoir l'assurance que j'ai pris une bonne note. Vous avez dit: Nos prévisions quant aux produits pétroliers, d'ici à 1990: un fléchissement de l'ordre de 50% pour ce qui est des produits pétroliers et de 40% pour ce qui est de l'essence. C'est ce que j'ai noté. Est-ce...

M. Hamel: Oui, c'est ce que j'ai dit.

M. Duhaime: Bon! Maintenant, je comprends qu'une... J'ai bien l'intention de vous parler de la raffinerie de Montréal; vous allez le comprendre facilement. Quand un groupe comme le vôtre, qui est sur un marché dans l'Est du Canada, prend une décision comme celle-là, dans la mesure où il s'agit d'une corporation privée, aussi multinationale ou transnationale soit-elle, vous faites des analyses financières, vous faites vos comptes d'activités et comme les Anglais disent, vous allez rejoindre la "bottom line" et vous prenez des décisions. Du point de vue d'un gouvernement et de l'ensemble de l'économie, il est bien certain que des décisions comme celle-là ont un impact sur les mouvements des produits raffinés dans l'Est canadien. De tous les mémoires que j'ai pu lire, et des constatations qu'on peut en tirer, il y a une chose qui est certaine, en tout cas, c'est que la position du Québec depuis des décennies, qui était une position d'exportateur net de produits raffinés dans l'Est du Canada, est drôlement entamée aujourd'hui. Le risque est maintenant que l'on devienne des importateurs nets de produits pétroliers raffinés. Je voudrais avoir votre évaluation de soit un équilibre ou, encore mieux, une position d'exportateur que le Québec pourrait maintenir pour ce qui est des produits raffinés en fonction de vos propres prévisions

de marché. C'est quoi, votre évaluation des mouvements de produits de l'Est canadien, puisque votre raffinerie d'Esso à Sarnia va continuer, de même que celle de Dartmouth? Je pense que, d'un point de vue corporatif, il est à peu près certain que le réseau de distribution du Québec est absolument essentiel aux activités des deux raffineries dans les Maritimes et dans l'Ontario en tenant même pour acquis que vous ayez des contrats de façonnage avec d'autres raffineurs. Mais ce serait sur ce sujet précis que je voudrais avoir vos commentaires.

M. Hamel: Je commenterais comme suit: j'ai dit dans mon exposé que la décision de fermer la raffinerie de Montréal-Est était très difficile à prendre. Cela a pris du temps et énormément d'analyses en plus d'un certain courage. Mais, avant de prendre cette décision de suspendre les activités à Montréal, nous sommes arrivés très rapidement à la décision de suspendre les activités d'une raffinerie sur trois. (12 h 45)

Cette décision était facile à prendre parce qu'on avait trois raffineries dans un marché où deux suffisent. Là où nous avons eu de la difficulté, ce fut pour déterminer laquelle on devrait fermer. Ce n'est pas le but de votre question, mais, si vous la posez plus tard, je dirai pourquoi nous sommes arrivés au choix de Montréal. Nos prévisions du marché nous indiquent qu'à partir de l'année prochaine et jusqu'à la fin de la décennie - parce que c'est l'horizon que nous avons choisi, 1990 - il y aura encore, en 1984 et 1985, un équilibre entre l'approvisionnement et le marché au Québec. Il y a suffisamment de capacité de raffinage, qui, d'après nous, sera de 53 cubes par jour en 1985, pour satisfaire à la demande au Québec, en 1985, qui sera de 53 cubes, 1000 mètres cubes par jour.

M. Duhaime: Ah bon! D'accord.

M. Hamel: Si vous voulez cela en barils, vous multipliez par 63, disons 6 grosso modo. On parle de 300 000 barils par jour pour satisfaire à la demande ou un peu plus. Ce sera la capacité de raffinage au Québec. Cela ne veut pas dire qu'il n'y aura pas des échanges, s'il y a des possibilités économiques, par exemple, pour un raffineur, d'importer des Maritimes et d'exporter en Ontario. Cela arrivera toujours, une difficulté dans une raffinerie à Montréal ou ici, à Québec, à court terme. Mais la capacité est là et il y a une concordance entre les deux.

À partir ou après 1985, il y aura un surplus de capacité de raffinage au Québec par rapport à la demande. Là encore, dans l'Est du Canada évidemment, les problèmes s'accentuent. À partir d'aujourd'hui, il reste quand même un surplus assez substantiel de capacité de raffinage par rapport à la demande dans l'Est du Canada. Mais, pour un an ou environ, il y aura un équilibre au Québec entre l'offre et la demande. Je ne sais pas si cela répond ou non à votre question, M. le ministre.

C'est de cette façon qu'on voit les choses, mais en passant je dirais que sur 1990 vous nous avez envoyé un document: Énergie, levier économique. Nos chiffres et les données que vous avez pour l'année 1990 sur la demande de pétrole concordent à 2%. Alors il n'y a pas, en somme, de discussion entre nous, vos fonctionnaires ou vous-même à ce point de vue.

M. Duhaime: En fait d'où ma question. Si je comprends bien vos propos, cela veut dire que sur l'horizon 1984-1985, ce que vous-même et votre groupe évaluez, c'est qu'on serait en situation d'équilibre au Québec. Retenons cela pour les fins de la discussion.

Si votre scénario se réalisait quant aux chiffres du fléchissement de 50%, d'ici à 1990, des produits pétroliers raffinés et fléchissement de 40% sur l'essence, de 1983 à 1990, cela veut dire que dans l'Est canadien - on ne peut pas savoir si ce sera dans les Maritimes, au Québec ou en Ontario - à partir du moment où vous nous dites qu'il va y avoir des capacités de raffinage en surplus, je conclus que d'autres raffineries vont devoir fermer.

À partir du moment où vous avez pris votre décision de suspendre à Montréal, cela va être facile pour vous autres parce qu'il n'y en a pas d'autres à fermer au Québec. Je ne vous demande pas non plus de vous prononcer sur ce que vos concurrents pourraient imaginer. Selon votre expérience de 30 ans de métier, avec votre bras droit et votre bras gauche qui vous accompagnent, cela fait 100 ans, selon vos probabilités, à quel endroit de l'Est canadien risque-t-il d'y avoir une ou deux raffineries qui vont cesser leurs activités après 1985, si vos chiffres de prévision de fléchissement sont bons?

M. Hamel: Si nous étions aujourd'hui en 1990 - nos prévisions se sont montrées réelles - on est rendu avec un fléchissement de 50% du marché, je pense que la conclusion est claire et peut-être implicite dans mes remarques de tout à l'heure. J'ai dit que les raffineurs doivent fonctionner à presque pleine capacité dans des conditions de prix comme on a aujourd'hui pour avoir une possibilité de rentabilité dans les conditions de prix actuels.

Voici la réponse que je donnerais à votre question. Je pense qu'il est clair que dans les mêmes conditions il y aura d'autres raffineries dans l'Est du Canada qui devront fermer, parce qu'il va y en avoir trop. Des raffineurs ne peuvent pas fonctionner à 50%

ou 60% de capacité dans des situations normales de prix compétitifs et continuer à fonctionner. Cela est clair.

La deuxième partie de votre question: lesquelles pourraient fermer et où se trouveraient-elles? Je ne peux pas répondre à cela. Je sais combien d'études on a dû faire avant de déterminer laquelle on devrait fermer. Je pense que ce serait plutôt à nos compétiteurs de vous donner' des considérations sur cela. Je sais pertinemment que dans les années à venir, on va continuellement évaluer, notre réseau de raffinage, notre réseau de distribution et notre réseau de points de vente pour continuellement se conformer au marché.

Vous savez comme moi que l'essence, ce n'est pas comme des hamburgers. Si McDonald's ouvre de nouveaux restaurants, je présume qu'on va vendre plus de hamburgers. S'il n'y en a pas dans un endroit et que les gens n'en achètent pas, on va aller en acheter. Nous, on pourrait développer des nouveaux points de vente et cela n'ajouterait pas du tout au marché. Le marché ne grossira pas. Il y a un marché d'essence qui est pratiquement figé dans des conditions fixes et là, il faut se conformer à ce marché. Je pense que cela s'applique encore une fois aux raffineries, au système de distribution et aux points de vente. Certains fermeront; mais lesquels? Je ne peux pas vous le dire.

M. Duhaime: Je ne m'attendais pas à une réponse qui irait au-delà de ce que vous venez de dire, M. Hamel.

M. Hamel: Je pense que je vous en ai donné une très bonne, M. le ministre.

M. Fortier: II pose des questions, mais il ne s'attend pas à des réponses!

M. Duhaime: Cela m'aurait étonné si vous m'aviez identifié une raffinerie. Vous avez été même très prudent, vous ne voulez même pas vous avancer sur un lieu géographique. Mais, si on regarde l'Ontario, par exemple, la raffinerie de Shell à Oakville est fermée, du moins elle le sera à la fin de 1983. Il reste donc en Ontario BP, Gulf, Esso, Sunoco, Texaco, Petrosar; il y en a six qui, à la fin de 1983, auraient une capacité de raffinage installée d'environ 560 000 barils; ce qui veut dire que trois raffineries sur six appartiennent... deux, Petrosar et BP appartiennent à des organismes du gouvernement fédéral; Sunoco, je crois que c'est le gouvernement ontarien qui y a des intérêts; il reste donc trois compagnies privées et trois publiques ou semi-publiques. Comme homme d'affaires, comment voyez-vous la présence d'une société d'État ou de l'État dans le raffinage ou dans la distribution d'essence, en 1983 et à l'horizon de l'an 2000, au Québec à partir d'expériences qui se font ailleurs au Canada?

M. Hamel: Je ne suis pas certain que je comprenne votre question, M. le ministre. Pourriez-vous me la résumer?

M. Duhaime: Je voudrais connaître votre point de vue, comme homme d'affaires, sur la participation des gouvernements dans le champ d'activité du raffinage, donc de l'importation, de l'exploration, du raffinage et de la distribution, comme Petro-Canada le fait en achetant Petrofina et en achetant BP, comme le gouvernement ontarien a pris une participation dans Sunoco... Vous êtes un contribuable canadien comme moi, vous payez vos taxes, vos impôts, etc., vous avez 30 ans de métier. Je voudrais savoir comment vous voyez cela, parce que c'est un sujet dont on discute beaucoup à cette commission depuis deux jours. J'aimerais connaître votre point de vue là-dessus.

M. Hamel: Je pense que ce sont des décisions et des discussions qui se font à deux niveaux: il y a un niveau politique dans tout cela et il y a un niveau économique.

Au niveau économique, qui est celui qui nous préoccupe, je vois très mal la participation de l'État dans des entreprises et surtout dans des industries où le consommateur est déjà très bien servi. On n'a pas manqué d'essence, d'huile de chauffage et d'autres produits pétroliers au Canada depuis 100 ans; on a connu deux grandes guerres, on a traversé des crises économiques au Moyen-Orient, où se trouve à peu près 80% du pétrole classique connu dans le monde. Il y a toujours eu et il existe maintenant, il me semble, un surplus de points de vente, un surplus de raffineries, un surplus de produits, une compétition très forte, des moments où le consommateur a pu acheter du pétrole en bas du prix coûtant, en bas du coût du pétrole brut; il ne payait même pas toutes les taxes qui étaient impliquées dans ce produit. On a vu tout récemment un marché, très local - si vous voulez c'est presque une parenthèse - où on payait le consommateur pour acheter le produit. Cela montre qu'il y a une concurrence extrêmement vive. Il y en a toujours eu et probablement qu'il y en aura toujours. Alors, pourquoi l'État interviendrait-il dans une situation comme celle-là? Je le conçois difficilement sur une base économique. S'il y a d'autres interventions de l'État, par exemple, au Québec pour des raisons politiques... remarquez bien que je ne dis pas qu'elles ne sont pas valables ces raisons politiques, elles sont aussi valables; mais je suis moins bien placé que vous pour prendre des décisions et je n'essaierais jamais de dire aux gouvernants comment gouverner. Mais, si, pour des raisons

politiques justifiables, pour des questions sociales ou pour d'autres raisons, une décision était prise de valoriser une ou des raffineries au Québec qui devraient être, pour des raisons économiques, fermées, je pense que cela serait très néfaste pour l'industrie pétrolière qui demeure parce qu'il y en a trop de raffineries. La même chose s'applique en Ontario, dans l'Ouest canadien et dans l'Est. Il n'y pas de raison économique qui justifie l'intervention de l'État dans l'industrie pétrolière au Québec. Je suis prêt à gager ma chemise que, si le gouvernement du Québec ou les gouvernements d'autres provinces dans l'Est du Canada s'impliquent dans l'industrie pétrolière, ils vont perdre énormément d'argent. Ils vont ajouter à l'approvisionnement qui va faire déprécier les prix davantage qu'ils le sont maintenant. Cela va être très mauvais pour l'environnement économique dans l'Est du Canada; cela va créer des remous considérables. Alors, moi, je suis - et je ne pense pas que cela vous surprenne que ma réponse soit dans ce sens-là - totalement en désaccord. S'il y avait d'autres conditions, s'il y avait un manque de produits ou s'il y avait de la collusion sur les prix et qu'ils grimpaient à un niveau très supérieur à ce qu'ils sont normalement, etc., ce serait autre chose. Mais ces conditions n'existent pas et n'ont jamais existé. D'après moi, il n'est pas possible de prédire l'avenir, mais elles n'existeront jamais. Il y a, comme je vous l'ai dit, une concordance entre l'offre et la demande, maintenant, au Québec. Il y a un surplus d'énergie disponible au Québec, que ce soit l'hydroélectricité, le gaz naturel ou le pétrole, le consommateur n'est pas en risque de chauffer sa maison ou d'approvisionner sa voiture. Il n'y a absolument pas d'intérêt. Je recommanderais, aussi fortement que je peux le faire, que le gouvernement n'intervienne pas à ce niveau-là.

M. Duhaime: Les paramètres d'une décision vus d'un point de vue d'une corporation ou d'une société comme la vôtre et les paramètres d'une décision dont un gouvernement doit tenir compte, on va convenir que ce ne sont pas les mêmes. Je pense qu'on s'entend là-dessus. Mais, les intervenants que nous avons entendus juste avant vous ont parlé d'un grand danger de disparition du secteur de la pétrochimie à Montréal. Je pense que si on fait un simple examen de l'effet d'entraînement et de l'effet en aval de l'existence d'une pétrochimie sur une centaine d'entreprises impliquant des milliers d'emplois, je crois que c'est Mme Parent qui a même utilisé, tout à l'heure, l'expression "désins-dustrialisation". Ma question serait la suivante: Est-ce que vous avez un point de vue sur l'effet que nous vivons actuellement, au Québec, d'un rétrécissement ou d'une diminution de notre capacité de raffinage installé et existant sur l'avenir de la pétrochimie au Québec? Peut-être que je poserais une question plus large. Tout le monde se bat pour la pétrochimie. Est-ce qu'il y a un avenir pour la pétrochimie au Québec, à Montréal en particulier, à partir des décisions de fermeture de raffineries?

M. Hamel: Je pense que l'avenir de la pétrochimie au Québec est beaucoup plus positif avec une industrie pétrolière, surtout au niveau du raffinage, qui est viable qu'il ne le serait dans des conditions où nous avons une industrie qui n'est pas viable. Avec un nombre de raffineries et de raffineurs au Québec qui correspondent de près à la demande au Québec, je pense qu'il y a là une plus grande possibilité que ces raffineurs soient efficaces. En étant efficace, évidemment, ils peuvent contrôler leurs coûts de production et ils devraient avoir un impact à long terme positif sur l'évolution des prix. Au Canada, il y a trois grands centres pétrochimiques: l'Alberta, l'Ontario et le Québec; j'espère qu'à long terme les trois vont continuer de fonctionner parce que je pense que c'est très bon et c'est très bien pour le Canada en entier et c'est surtout très bon pour le Québec parce qu'il y a toutes les industries dérivées en aval de l'industrie pétrochimique à Montréal qui en dépendent. (13 heures)

L'industrie pétrochimique peut utiliser, comme elle le fait à Montréal, le nachte qui est un produit du raffinage. Mais, aussi, elle peut utiliser d'autres sources d'approvisionnement brut qu'elle devrait utiliser comme les liquides du gaz naturel ou le gaz naturel même ou d'autres gaz de raffinage comme le propane, par exemple. Je pense qu'une industrie avertie doit se doter de plus d'une source d'approvisionnement parce que quand on n'a qu'un fournisseur ou une source de matière brute - comme vous l'avez souligné, Pétromont a trois fournisseurs - quand on a plus d'une source d'approvisionnement je pense que c'est utile, pour se mettre en position, d'avoir un approvisionnement beaucoup plus sécuritaire et toujours à des coûts compétitifs, parce qu'on peut changer d'une source à une autre: du naphte au liquide du gaz naturel, au propane, etc. Je vous souligne que le propane au Canada se vend aujourd'hui à un prix inférieur au prix payé sur le golfe du Mexique par les utilisateurs de matière brute pour la pétrochimie. Il y a là un marché, mais on n'a pas les réseaux d'approvisionnement. On ne pourrait pas transporter par exemple le liquide du gaz naturel de Sarnia, là où se termine le système de transport, à Montréal. On a

quand même en place une politique énergétique nationale qui dit qu'on devrait utiliser des moyens économiques pour déplacer le pétrole. Je n'ai pas les chiffres en main, mais si on déplaçait l'utilisation du pétrole en partie importé par d'autres sources d'énergie, cela veut dire environ 60... je ne devrais pas citer de chiffres, mais un bon montant de pétrole importé qui viendrait de source indigène, canadienne.

La même chose se produit pour le propane. Il faudrait mettre en place des systèmes de transport, mais déjà on a des politiques à l'échelle nationale qui sont prêtes à subventionner le transport. Ce sont des considérations sur lesquelles je ne veux pas ouvrir de parenthèses trop grandes parce que je m'embarque dans des eaux un peu plus profondes. Sur une base macroéconomique, je pense que cela se défend. Je suis persuadé que sur une base commerciale, cela se défend que si un utilisateur de produits veut s'assurer des prix concurrentiels à long terme, il se dote de différentes sources d'approvisionnement.

M. Duhaime: Je voudrais peut-être avoir des explications sur deux points brefs. Si j'ai bien compris la première partie de la réponse à ma question, votre approche consiste à dire que si on veut assurer l'avenir de la pétrochimie à Montréal, mieux vaut le faire à partir de compagnies qui font du raffinage et qui exploiteraient au maximum de leur capacité de production sur une base de rentabilité. Je retiens cela, mais j'ajouterai une question. À partir du moment où vous suspendez vos activités de raffinage, que vous avez un réseau de distribution de 670 points de vente, j'imagine bien que les produits raffinés vont venir de quelque part. Je pense bien que notre commission n'est pas ici pour aller mettre le nez dans les contrats de façonnage que Esso a pu signer mais quelle va être la proportion des produits raffinés au Québec, à partir du moment où vous avez décidé de la suspension de vos activités de raffinage à Montréal?

M. Hamel: Au moment où on avait décidé de la suspension de nos activités à Montréal, nous n'avions pas à ce moment des ententes sauf celles qui existaient déjà. Cela a été une décision économique prise à l'intérieur de notre réseau actuel. Nous avons suffisamment, nous Esso, de capacité de raffinage dans l'Est du Canada pour fournir notre demande, celle d'Esso dans l'Est du Canada. Je pense que vous comprenez que, dans tout cela, il y a des échanges si on ne veut pas que les camions se rencontrent sur la grand-route avec un produit semblable, les mêmes produits, etc. Mais la capacité de raffinage d'Esso, à la suite de la suspension des activités d'une raffinerie - en l'occurrence celle de Montréal, c'est ce qui a été décidé - demeure suffisamment grande pour répondre à tous nos besoins. Nous au Québec, on a décidé de suspendre les activités de cette raffinerie cet automne. À la suite de cela nous avons conclu d'autres ententes avec d'autres raffineries au Québec pour fournir les besoins de notre clientèle au Québec.

M. Duhaime: Cela veut dire que les volumes vendus par Esso au Québec seront raffinés au Québec. C'est cela?

M. Hamel: Oui. Vous l'avez dit beaucoup plus clairement que je n'aurais pu le dire, M. le ministre.

M. Duhaime: Je vous remercie... Maintenant, dans un autre volet de votre exposé de ce matin, vous avez dit que le Québec devrait appuyer la mise en valeur de nouvelles réserves de pétrole et de gaz au Canada. Je comprends que, par la société d'État SOQUIP et la taxe incitatrice sur les raffineurs, il y a des travaux d'exploration qui sont conduits. Comment voyez-vous, concrètement, ce que vous appelez et ce que vous souhaitez comme appui à la mise en valeur de nouvelles réserves, donc des découvertes d'abord? De façon concrète comment voyez-vous cela? Comment le Québec peut-il aller dans le sens de votre recommandation?

Le Président (M. Gagnon): Juste avant, M. Hamel, je m'excuse. Je voudrais demander aux membres de la commission, puisque nous avons dépassé treize heures, si on est d'accord pour continuer.

C'est cela. Allez-y.

M. Hamel: Est-ce qu'on a la permission de continuer.

Le Président (M. Gagnon): Oui, oui.

M. Hamel: M. le ministre, voici. Vous avez déjà mentionné une façon de le faire: c'est que nous pouvons participer à la recherche de gisements pétroliers et, comme vous avez remarqué dans les commentaires que j'ai faits tout à l'heure, nous ne croyons pas qu'il y ait un grand potentiel au Québec pour des découvertes de pétrole, puisque notre société a cherché pendant près de 30 ans au Québec pour faire des découvertes de pétrole. Nous connaissons très bien la géologie de cette province. Cependant, nous participons actuellement au forage d'un puits en Gaspésie, Gait no 2. C'est Petro-Canada qui est responsable des travaux dans ce cas-là. Nous participons au forage d'un puits qui a débuté à la fin d'août, le 29 août. C'est une façon, mais je pense qu'une façon beaucoup plus, je ne dirais pas positive, mais qui pourrait avoir des retombées beaucoup

plus grandes, serait d'adopter une attitude au Québec qui inciterait les autres provinces productrices dans l'Ouest canadien sur le littoral de l'Atlantique, et surtout le gouvernement fédéral à établir des règles qui favorisent l'investissement par les sociétés pétrolières, que ce soit des sociétés d'État ou des sociétés privées, à des recherches pour de nouvelles réserves de pétrole exploitables.

Vous avez fait des remarques tout à l'heure qui tournaient autour du problème possible à l'avenir. Je pense qu'on vit une espèce de lune de miel actuellement, à l'échelle mondiale, sur la disponibilité du pétrole. Cela a toujours été ainsi dans le passé. Cela fluctue. Il y a des fluctuations énormes. Dans le moment, tout est très positif. Il y a une grande disponibilité de pétrole classique, etc., mais cela peut changer très rapidement et je pense que le Québec en particulier et le Canada en général ont beaucoup à gagner à s'assurer des réserves de pétrole au Canada, la découverte et la possibilité de la mise en valeur, parce que ce sont des conditions qui peuvent changer très rapidement. En insistant avec les autres gouvernements du Canada vis-à-vis le gouvernement canadien pour des politiques saines qui encouragent les investissements dans le domaine pétrolier au Canada, ce serait un élément très positif, dans ce cas-là.

On a passé des périodes très dures, avant et durant l'introduction du programme national de l'énergie. On n'avait pas beaucoup d'amis dans ce temps-là. Les prix montaient en flèche. Les compagnies de pétrole avaient eu une ou deux bonnes années de rentabilité; 1979 a été une très bonne année pour nous. Cela a beaucoup fléchi depuis ce temps. Tout le monde pensait que, vraiment, on était trop riche. On a introduit des politiques pour prendre une plus grande part des gains des compagnies de pétrole. J'aurais aimé qu'on reconnaisse le rôle qu'on jouait, encore une fois, comme société d'État ou société privée, dans la découverte et les grands risques que nous prenions. Depuis ce temps, on a vu que les programmes d'exploration ont diminué de beaucoup.

La consommation de pétrole au Canada dépasse de beaucoup les découvertes; en d'autres mots, nos réserves de pétrole classique diminuent énormément. Les mégaprojets pour mettre en valeur les sables bitumineux ont été mis sur la tablette. Il y en a quelques-uns qui ont été annoncés récemment. Mais je pense que ce serait quand même un appui moral important, en plus de ce que SOQÙIP fait. Je vous souligne que, évidemment, lorsque ces projets sont mis en valeur, par exemple, notre projet de Cold Lake... Il y a eu d'autres projets d'autres sociétés dont ils pourront vous parler. Le projet de Cold Lake en est un de 13 000 000 000 $, dont les retombées ont été évaluées à 2 500 000 000 $ pour le Québec. Il y a des retombées spécifiques et concrètes pour la province de Québec dans le développement de sources énergétiques à long terme dans le domaine du pétrole au Canada, en ne parlant pas de sécurité, etc.

M. Duhaime: Vous voulez dire, en d'autres mots, que vous souhaiteriez que notre gouvernement intervienne auprès du gouvernement fédéral pour que des modifications soient apportées à la politique énergétique nationale et pour qu'on retrouve, aujourd'hui, de meilleures conditions d'investissement ou de mise en valeur dans les mégaprojets. Vous mentionniez celui de Cold Lake de 13 000 000 000 $, mais j'ai eu l'occasion de dire ici, en commission, et de faire la liste exhaustive des grands projets qui avaient été arrêtés dans le secteur énergétique et, au Canada, il y en avait pour 32 000 000 000 $ depuis la publication de la politique énergétique nationale.

On va regarder dans quelle direction on peut s'appuyer mutuellement. Je tiens à vous remercier de votre mémoire et d'avoir bien voulu répondre à mes questions.

Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le ministre. M. le député d'Outremont.

M. Fortier: M. le Président, je voudrais remercier M. Hamel. Je crois que la présentation qu'il nous a faite, ce matin, nous éclaire beaucoup sur l'ensemble des problèmes auxquels on fait face.

J'aimerais revenir sur la question de la fermeture. Enfin, vous parlez - quel est le mot que vous utilisez? - de suspension des activités. Techniquement parlant, qu'est-ce que cela veut dire? Est-ce que vous mettez l'usine dans la boule à mites partiellement ou...? Enfin, le sens de ma question est que - vous l'avez dit vous-même - les prévisions de la demande sont très subjectives et sujettes à un changement rapide. Si vous aviez été ici, si vous aviez assisté à nos délibérations depuis deux jours, vous vous seriez rendu compte, hier, qu'entre SOQUIP, Shell et d'autres, il y avait des variations assez appréciables dans les prévisions de la demande. Cela confirme d'ailleurs la raison pour laquelle vous nous avez rappelés à la prudence. Cela m'amène à la question de savoir ceci: si tout le monde se trompait dans les prévisions, si la demande était beaucoup plus forte, est-ce que Esso serait alors en position de dire: Nous rouvrons notre raffinerie dans des délais très brefs? Autrement dit, dans quelle mesure l'usine serait-elle prête à redémarrer ou est-ce qu'elle sera fermée de telle façon que cela deviendra impossible?

M. Hamel: Pour répondre à votre question - c'est une question qu'on nous a déjà posée - on a annoncé la suspension des activités mais on a l'intention de maintenir la raffinerie en état pendant un période d'environ trois ans. On pourrait redémarrer et cela prendrait six mois ou au maximum un an pour redémarrer. Mais nous avons l'intention de la maintenir en état pour une période d'environ trois ans et on pourrait redémarrer les activités de la raffinerie et encore une fois raffiner du brut.

Je pense que les possibilités sont très, très minces. Je voudrais souligner cela, mais on s'est déjà trompé. Je vous ai dit que de 1977 à aujourd'hui nous avons changé par 30% nos estimations de la consommation de pétrole au Québec, dans une période de six ans; alors il pourrait arriver certaines choses mais nous pensons que dans une période de trois ans, si des changements ne se sont pas déclarés dans l'économie, dans la structure de l'utilisation de l'énergie, dans les grandes politiques gouvernementales ou des changements politiques à l'échelle mondiale, la raffinerie serait vraiment fermée pour de bon.

Vous pouvez appeler cela un "boule-à-mitage" partiel, je ne veux pas laisser penser à qui que ce soit que, dans 25 ans, on pourrait redémarrer la raffinerie, ce n'est pas le cas.

M. Fortier: Non, mais je pense que ce que vous nous dites c'est que, du moins pour une période de trois ans, les craintes qui ont été exprimées - du moins en ce qui concerne votre société - ne sont pas tout à fait valables. S'il était démontré que les gens ou que vous-mêmes vous vous êtes trompés dans vos prévisions, vous voudriez prendre avantage d'une situation, et je pense que c'est le sens de votre réponse.

M. Hamel: C'est une soupape de sécurité. (13 h 15)

M. Fortier: Oui, c'est cela. Maintenant, lors de votre présentation, je n'ai pas compris exactement ce que vous avez dit au sujet de la sécurité des approvisionnements, mais j'ai cru comprendre que vous recommandiez une remise en question de la politique énergétique qui défavorise le pétrole. Autrement dit, vous avez dit: II ne faudrait pas aller trop loin, parce qu'on pourrait mettre en péril la possibilité d'avoir un approvisionnement de pétrole. Cela rejoignait d'ailleurs des inquiétudes qui ont été exprimées par l'Association des distributeurs indépendants de produits pétroliers. Elle disait: Dans la mesure où on défait une industrie... Elle parlait de la distribution, mais c'est peut-être valable aussi pour le raffinage. Dans l'avenir ceci pourrait créer quelques traumatismes.

Autrement dit, on tient pour acquis qu'il y a trois formes d'énergie - les plus importantes et j'aimerais que vous m'expliquiez davantage ce que vous avez voulu dire lorsque vous avez dit: Je crois qu'il faudrait y aller prudemment dans l'implantation de cette politique énergétique et j'ai cru comprendre que vous nous recommandiez de remettre en question l'orientation qui était poursuivie dans le moment. Peut-être que vous devriez préciser votre pensée là-dessus.

M. Hamel: Comme minimum, on ne voudrait pas qu'il y ait d'autres recommandations, d'autres réglementations, d'autres lois, d'autres appuis du gouvernement pour inciter un changement beaucoup plus rapide dans la structure de la consommation de pétrole. Il y a quelque chose que M. Hotte a dit qui m'a beaucoup plu: quand on essaie de transformer une partie très importante de notre économie trop rapidement, cela cause des dislocations qui sont très difficiles à avaler à court terme par la population et par les fournisseurs. C'est un peu dans ce sens que j'aimerais voir le marché de l'énergie évoluer sur une base économique. Là on a en place un réseau ou presque un réseau de distribution de gaz naturel, le réseau d'hydroélectricité est établi depuis longtemps et celui du pétrole, on a dit qu'il est mûr. Pourquoi ne pas laisser maintenant une concurrence libre qui permettrait au consommateur de faire la décision à savoir comment il veut se chauffer et où il veut s'approvisionner pour sa voiture?

Je préfère un marché où il y a des millions de décisions qui se prennent à tous les jours plutôt qu'un marché où on prend une grande décision qui risque d'être très mauvaise et où les retombées néfastes durent très longtemps; on a bien de la difficulté à revenir sur cela. Le gaz naturel - j'ouvre une parenthèse au risque de me tromper, mais comme exemple - a pénétré le marché de l'Ontario depuis déjà bien des années, mais c'est sur une base qui était beaucoup plus concurrentielle que ce qu'on prévoit au Québec actuellement. Quand on parle de plafonner le prix du gaz naturel à 65% du prix du brut, cela fait un écart extrêmement difficile à surmonter. Une fois qu'un consommateur est branché sur le gaz naturel, il y a énormément de difficulté à revenir à une autre source de chauffage, plus tard, s'il y a une majoration très importante dans le prix du gaz naturel et une diminution dans le prix du pétrole.

On dit aujourd'hui que c'est impossible, que c'est inconcevable mais tout est possible. Je préférerais de beaucoup que les Québécois aient des offres comparables ou compétitives au niveau du service, de la livraison; qu'ils prennent en considération qu'avec un réservoir d'huile ils ont quand même

emmagasiné un produit qui coûte cher dans leur sous-sol et qu'avec le gaz ils n'ont pas cela. Par contre, avec le pétrole ils ont le choix du fournisseur; il y a de petites guerres des prix; ils peuvent avoir d'autres services qu'ils n'ont pas nécessairement avec l'autre. Qu'ils prennent en considération tous ces facteurs-là. Ils prennent leur décision. Ce n'est pas le gouvernement qui a pris la décision, ce n'est pas le gouvernement qui a dit: si tu habites à Trois-Rivières, tu n'as pratiquement pas le choix; tu vas prendre le gaz naturel parce que économiquement, le prix est tellement inférieur à court terme que logiquement, à moins d'être un idiot, tu vas te convertir au gaz. Pendant ce temps-là toutes les... Cela arrive trop rapidement. Les 600 distributeurs Esso d'huile à chauffage ont à se transformer radicalement.

C'est la même chose pour le système biénergie. Si on établit des politiques qui favorisent d'une façon non économique l'introduction... Par exemple, si on fait les installations gratuitement, si on donne les fournaises, si on fait toutes sortes de choses, je pense que le consommateur n'a pratiquement pas le choix à moins de vouloir faire rire de lui par ses voisins. Qu'arrive-t-il plus tard? Si les cheminées sont bloquées par la glace, par exemple - c'est ce qui arrive dans certains cas; si le point d'ajustement n'est pas fixé au bon niveau, il y a certains problèmes, c'est un nouveau système - il peut y en avoir des problèmes. Je préférerais de beaucoup, si j'étais un législateur au Québec, que ce soit le consommateur qui prenne cette décision et que vous établissiez quand même les règles du jeu qui permettent une compétition féroce dans le marché, que le consommateur ait tous les choix possibles et que ce soit lui qui fasse le choix.

M. Fortier: Ce que vous nous dites dans le fond c'est que vous remettez en question les incitatifs mis de l'avant par les deux paliers de gouvernement. Dans la mesure où on met un tuyau en terre pour le gaz... On décide d'aller dans une région et on installe un tuyau pour la distribution du gaz, une fois que cette décision-là est prise et quand elle est prise à l'intérieur d'une politique énergétique, quand un gouvernement a cru bon d'ajouter des incitatifs pour s'assurer qu'il y aurait une clientèle qui rentabiliserait ce tuyau-là qui est en terre... Par ailleurs, d'autres disent: Si on ne le fait pas maintenant, les politiques peuvent changer; on a maintenant l'avantage de mettre les tuyaux partout au Québec et dans dix ans, on aura le choix. Vous semblez dire qu'on devrait remettre cela en question parce...

M. Hamel: Non, ce n'est pas cela que j'ai dit. Laissez-moi essayer de m'exprimer d'une autre façon, je vais revenir par un autre chemin. Moi et ma société, celle que je représente, Esso, ne nous opposons pas à ce que les gens se chauffent au gaz. Rappelez-vous que nous sommes un producteur de gaz, mais nous ne sommes pas dans la distribution. Ce que nous disons, c'est qu'au Québec, on a l'avantage d'avoir l'hydroélectricité, le gaz et le pétrole, et en quantité. Pourquoi n'établit-on pas des règles du jeu qui permettent au consommateur de s'approvisionner d'une source ou l'autre à son choix et sur une base très compétitive? C'est le marché à long terme qui décidera qui veut chauffer à l'huile, au gaz ou à l'électricité mais pour ce faire il faut évidemment installer le réseau de distribution du gaz. Je pense que ce serait un avantage pour les distributeurs de gaz - mais ils seront ici durant ces assises pour vous expliquer cela. Je vous dis seulement mon impression que si les prix sont concurrentiels pour le distributeur, il peut quand même faire une marge de profit. Il peut concurrencer dans la publicité, les offres de marketing de différents services, etc, et quant à l'approvisionnement. C'est tout ce que je suggère.

Ce que j'essaie de dire, c'est que le consommateur québécois devrait avoir accès à toutes les formes et je me préoccupe beaucoup que si on prend des mesures exagérées de subventions dans un domaine ou dans un autre en ce moment c'est qu'il y a peut-être une de ces formes qui sera appelée à disparaître et à le faire assez rapidement. Alors on sera rendu à deux choix seulement. Si c'est ce que vous voulez, d'accord, mais ce n'est pas ce que je préconise.

M. Fortier: Je ne veux pas vous faire dire ce que vous ne voulez pas dire mais... Vous dites que vous êtes d'accord pour que la pénétration des tuyaux dans tout le Québec se fasse et ce que vous semblez dire c'est que le choix devrait être laissé plus aux lois du marché.

M. Hamel: Autant que possible.

M. Fortier: Ce qui laisserait tomber les subventions en faveur de l'une au détriment de l'autre. C'est ce que vous dites?

M. Hamel: Oui. Quant au marché...

M. Fortier: Individuel. J'aimerais aller maintenant aux questions des stations-service. Vous dites que vous n'avez que huit stations sur 670 qui sont votre propriété; les autres sont...

M. Hamel: Non.

M. Fortier: Non.

M. Hamel: Ce que j'ai dit c'est qu'il y

en avait huit. Nous avons, sur les 683... Je peux vous ventiler cela. Il y a 683 postes d'essence Esso qui arborent l'enseigne Esso au Québec. Sur cela il y en a 160 qui sont la propriété de la compagnie.

M. Fortier: Oui.

M. Hamel: Excusez-moi, 168; il y en a 478 qui sont la propriété des détaillants et 37 qui sont ce qu'on appelle la deuxième marque et qui ont l'enseigne Champlain qui est une filiale à part entière de l'Impériale. Sur les 168, il y en a huit qui sont exploitées par une petite compagnie qui s'appelle Servacar qui est une filiale à part entière de Esso, en d'autres mots, administrées à salaires. Il y en a huit sur...

M. Fortier: Avez-vous fait des prévisions à moyen terme sur le nombre de points de vente, de stations qui devraient disparaître? Avez-vous un pourcentage que vous pouvez indiquer?

M. Hamel: Parce qu'on a déjà commencé notre rationalisation ou notre restructuration, nous estimons que, d'ici à la fin du siècle, 25% des points de vente Esso devront disparaître du marché.

M. Fortier: J'aimerais revenir maintenant sur la question de la guerre des prix. J'ai vu dans les journaux - et j'aimerais que vous me le confirmiez - que lorsque Petro-Canada a acheté Petrofina, il y a eu un effet de marketing selon lequel certaines personnes ont préféré utiliser ce produit. Quel pourcentage du marché sont-ils allés chercher et dans quelle mesure cet engouement va-t-il se continuer dans l'avenir?

M. Hamel: Je ne voudrais pas préciser leur part de marché. Je pense qu'ils vont comparaître devant vous et pourront vous le dire précisément, mais il est sûr et certain que l'arrivée de Petro-Canada sur le marché a eu un impact et je pense que cela ne vous surprendra pas si je dis cela. C'est sûr et certain que, lorsqu'on arrive sur le marché avec une nouvelle marque de commerce, on arrive avec un système d'identification qui est très bien et qui est tout nouveau. Quand on transforme un bon nombre de nos postes d'essence, qu'on fait le maquillage, qu'on fait un bon ménage et qu'on refait la beauté de beaucoup de postes qui étaient peut-être un peu plus vieux que les autres, c'est sûr et certain qu'on va attirer un grand nombre de personnes. En plus, je pense que Petro-Canada a eu une campagne de publicité très importante, pour signaler son arrivée sur le marché. Elle a attiré une clientèle. Il y a une proportion de cette clientèle, évidemment, qui croit aussi - et je pense que les sondages le démontrent - à ce besoin d'avoir une société d'État du pétrole. Ils disent, comme le dit la publicité: C'est à moi, on va aller acheter là. On n'est pas en mesure de préciser actuellement les éléments sur lesquels il y a eu un impact, mais je pense que je ne me tromperai pas si je dis que Petro-Canada a la grande part, la plus grande part du marché québécois de l'essence en ce moment.

M. Fortier: Peut-on affirmer, sur la base de l'expérience de Petro-Canada que, s'il y avait un Pétrobec au Québec, le même phénomène se renouvellerait?

M. Hamel: C'est fort possible. Je ne sais pas si on peut tirer les mêmes conclusions. C'est sûr qu'un fleurdelisé sur les coins de rue va attirer une clientèle. C'est sûr et certain que, si on prend un poste d'essence, qu'on en fait la décoration et le ménage, etc., et qu'on redéveloppe certains coins de rues, cela aura un impact. Maintenant, vous ne m'avez pas posé la question que j'aurais voulu, c'est l'économique de tout cela.

M. Fortier: Je vous la pose. J'étais rendu là.

M. Hamel: Qu'est-ce que cela coûte? C'est là qu'il faut regarder la chose. C'est pour cela que dans mes commentaires, je vous disais tout à l'heure que c'est vraiment là une question politique. Si jamais le gouvernement du Québec décidait d'avoir Pétro-Québec, par exemple, et si cette société agissait, comme toutes les autres dans le marché, à la façon d'une société de pétrole privée, par exemple, dans les mêmes conditions de location, les heures d'ouverture, les prix, etc., en d'autres mots, la même offre à la clientèle, on la traiterait comme n'importe quelle autre compagnie. Mais je peux vous assurer que - je reviens sur mon point - la clientèle est bien servie aujourd'hui. Le marché est saturé. S'il arrive une autre compagnie qui prend sa pointe de tarte, il y a quelqu'un d'autre qui va débarquer, c'est inévitable. Ce n'est pas une décision économique qu'il faut prendre dans ce cas, ce sera vraiment une décision politique que je ne suis pas en mesure de commenter. Ce n'est pas notre rôle.

M. Fortier: En ce qui concerne la guerre des prix, j'imagine que le fait que Petro-Canada est venue sur le marché, cela a pu accentuer la guerre des prix, eu égard à ce que vous venez de dire, non?

M. Hamel: Je pense que cela n'a pas eu un impact. Les problèmes sont plus fondamentaux que cela. Il y a trop de produits pour le nombre de clients et il y a

trop de points de vente pour le nombre de voitures. C'est aussi simple que cela. Qu'il y ait un Petro-Canada, un Pétrobec ou qu'une compagnie allemande vienne s'établir ici, je pense que cela ne changera pas grand-chose là-dedans.

M. Fortier: Alors, dans le cas - juste pour continuer le raisonnement - d'un Pétrobec, la société qui serait nationalisée ou qui bénéficierait de la fleur de lis, ceux qui travailleraient pour cette compagnie en bénéficieraient. Selon ce que vous dites, il y a quelqu'un d'autre qui devrait en prendre pour son rhume. (13 h 30)

M. Hamel: Oui. Je dois dire oui parce que vous voulez enregistrer ma réponse, mais je suis d'accord avec ce que vous dites.

M. Fortier: Lorsque vous avez pris votre décision de suspendre les activités de l'usine, vous avez dit qu'il était facile de prendre une décision d'en fermer une sur trois, mais que c'était beaucoup plus difficile de décider laquelle.

M. Hamel: Oui.

M. Fortier: Quels sont les facteurs économiques qui jouent le plus? L'un des facteurs - j'imagine - c'est le transport des produits comme tel, mais quels sont les facteurs qui influent sur une décision comme celle-là? La vétusté, j'imagine, des usines...

M. Hamel: Oui. Le grand facteur, le facteur le plus important, c'est l'économique de la chose, le coût. Où épargne-t-on le plus d'argent? Qu'est-ce qui est le plus rentable pour l'Impériale? Et nous sommes passés par Sarnia... En passant, je dirais qu'on avait évalué la possibilité de réduire la production aux trois raffineries, parce que c'était une possibilité aussi, les maintenir toutes les trois en marche et diminuer la capacité de raffinage. Mais vous vous rappelez peut-être que nous avions déjà fait cela à Montréal, en 1976 nous avions déjà pris cette décision. Alors c'était une possibilité, mais elle a été mise de côté parce qu'il faut avoir deux trains d'opération pour pouvoir en fermer une et toutes nos raffineries ne se prêtaient pas à cette possibilité. Nous avons regardé la raffinerie de Sarnia c'est devenu clair assez rapidement, après analyse, qu'on ne pouvait pas prendre la décision de la fermer parce que c'est notre plus grande raffinerie, elle est à la base de notre usine de pétrochimie à Sarnia et c'est là aussi qu'on fabrique nos lubrifiants, nos graisses et d'autres produits spécialisés. Nous ne pouvions pas justifier la rentabilité à la compagnie en fermant la raffinerie de Sarnia. Alors la décision est tombée sur les deux raffineries, celle de Montréal et celle de Dartmouth, tout près de

Halifax, qui sont comparables dans le genre de fonctionnement. Là, l'analyse nous a démontré que pour différents facteurs, premièrement, l'actif des capitaux à l'oeuvre dans chaque raffinerie, les coûts de transport, les coûts de fonctionnement, la possibilité d'approvisionner le marché du Québec à même ces deux raffineries était plus grande et moins coûteuse que de continuer d'administrer la raffinerie de Montréal et d'envoyer les produits dans les deux sens, ce qui serait le sens contraire du transport du brut. Grosso modo, ce sont les facteurs qui nous ont menés à la conclusion de suspendre les activités à Montréal.

M. Fortier: Je vous remercie.

M. Ouhaime: J'aurais juste une dernière question, qui m'apparaîtrait importante, même si l'heure avance et que nos estomacs sont en train de se creuser.

Le Président (M. Gagnon): M. le ministre.

M. Duhaime: Je voudrais revenir sur la question du gaz naturel. Ce que vous plaidez finalement, c'est l'égalité des chances sur un libre marché et laissons les millions de consommateurs prendre une décision.

On sait que le prix du pétrole et le prix du gaz naturel sont réglementés au Canada à l'heure actuelle. À l'entrée de notre franchise, le prix est établi pour ce qui est du gaz naturel. Si je vous suis jusqu'au bout dans votre raisonnement - ce n'est pas une chose que vous avez mentionnée, mais je voudrais vous poser la question - est-ce que vous seriez en faveur d'une déréglementation, par exemple, du prix du gaz naturel? Là, on dit: C'est 65% du prix du pétrole et c'est le phénomène de la marée, quand l'un monte l'autre suit avec 65% de différence. S'il y a une déréglementation du prix du gaz naturel, il va arriver deux choses: ou bien il va monter ou bien il va descendre, ou bien il va rester à 65%. Il y a trois hypothèses possibles. Compte tenu des surplus énormes de gaz naturel dans l'Ouest, si on tient compte du prix du gaz naturel à l'exportation, qui est aussi un prix réglementé, quel est votre point de vue s'il y avait une déréglementation du gaz naturel? Est-ce que le prix baisserait sur le marché, ferait pénétrer le gaz plus vite au Québec, par exemple, ou bien si une déréglementation entraînerait une hausse du prix du gaz naturel et par voie de conséquence, une consolidation de votre position?

M. Hamel: Quand je nous ai présentés, M. le ministre, j'ai oublié de vous dire que vous avez devant vous trois ingénieurs. Ce ne sont pas des économistes. La question que

vous me posez là est vraiment très profonde. Je pense que jusqu'à un certain point, elle est hypothétique. Je ne vois pas de changement dans la politique nationale de déréglementer les prix. Je pense que pour le moment, vu qu'il y a un surplus de réserve de gaz naturel, un excédent très important par rapport au marché, et canadien et d'exportation, et qu'il y a aussi une possibilité de surplus production, parce que les puits ne produisent pas à leur pleine capacité, je pense que le prix établi en ce moment est satisfaisant pour le producteur en tenant compte des marchés qui se trouvent principalement dans l'Est du Canada et la possibilité de ces marchés d'absorber une augmentation du prix du gaz naturel. Je dis cela parce que je regarde les progrès que je vois - je ne suis pas à l'intérieur de leur boîte - chez Gaz Métro. C'est que la pénétration a été relativement lente jusqu'à maintenant: une résistance de la part du consommateur québécois, due en partie au fait qu'on essaie de concurrencer, il y a une résistance quand même pour différentes raisons que je ne comprends pas à la transformation au gaz naturel.

Je pense que pour répondre à votre question, peut-être qu'on devrait y penser et si on a quelque chose de plus à vous dire, on pourrait vous écrire à ce sujet - et aux membres de la commission - pour vous donner une réponse un peu plus élaborée et une pensée un peu plus profonde. Pour répondre aujourd'hui, je pense que ce n'est pas cela qu'on recommande, la déréglementation du prix du gaz. C'est plutôt au niveau du marché qu'il faut avoir une concurrence vive où il n'y a pas de subvention, que ce soit d'équipement, de coût d'installation d'équipement, qui dépasse les normes traditionnelles du marché, ce n'est pas seulement sur le prix de l'essence. Si je me rappelle bien, le gaz naturel a pénétré pendant des années en Ontario à un prix effectif pour le consommateur qui était supérieur au mazout domestique. Ils ont pénétré par des programmes de marketing très efficaces et non pas à cause du prix. C'est ce que je dis. Les consommateurs en Ontario, ceux qui se sont convertis au gaz naturel, l'ont fait sur une base individuelle mais pas à cause du fait que les règles du jeu ont été faussées dans une certaine mesure.

M. Duhaime: Je vous remercie, M. Hamel.

Le Président (M. Dussault): Merci MM. Hamel, Donato et Bédard de la compagnie pétrolière Impériale Ltée. J'ajourne maintenant nos travaux à mardi le 20 septembre 1983 à 10 heures.

(Fin de la séance à 13 h 39)

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