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Version finale

32e législature, 4e session
(23 mars 1983 au 20 juin 1984)

Le mercredi 21 septembre 1983 - Vol. 27 N° 140

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Étude des effets de la politique énergétique sur le développement économique du Québec


Journal des débats

 

(Dix heures quinze minutes)

Le Président (M. Desbiens): La commission élue permanente de l'énergie et des ressources reprend ses travaux. Son mandat est d'étudier les effets de la politique énergétique sur le développement économique et, en conséquence, d'entendre les mémoires soumis par les divers organismes.

Les membres de la commission sont: M. Bordeleau (Abitibi-Est), M. Ciaccia (Mont-Royal), M. Duhaime (Saint-Maurice), M. Fortier (Outremont), M. Beaumier (Nicolet), M. Kehoe (Chapleau), M. Tremblay (Chambly), M. LeBlanc (Montmagny-L'Islet), M. Middlemiss (Pontiac), M. Perron (Duplessis), M. Rodrigue (Vimont).

Les intervenants sont: M. Bisaillon (Sainte-Marie), M. Desbiens (Dubuc), M. Dussault (Châteauguay), Mme Harel (Maisonneuve), M. Leduc (Saint-Laurent), M. Mathieu (Beauce-Sud), M. Scowen (Notre-Dame-de-Grâce), M. Vallières (Richmond).

Nous entendrons les mémoires dans l'ordre suivant: Le premier - j'inviterais le porte-parole à s'approcher de la table - le Conseil de l'industrie de l'hydrogène; le deuxième, l'École polytechnique; le troisième, les Mines Noranda Limitée; le quatrième, l'Institut national de la recherche scientifique; le cinquième, l'Énergie atomique du Canada Limitée et le sixième, l'Institut de recherches Brace.

D'abord, le Conseil de l'industrie de l'hydrogène, M. Richard-D. Champagne.

M. Champagne, si vous voulez présenter les personnes qui vous accompagnent, s'il vous plaît.

Auditions

M. Champagne (Richard-D.): M. le Président...

Le Président (M. Desbiens): Un instant. Excusez-moi. Pour le bénéfice des organismes qui doivent être présents aujourd'hui, on espère pouvoir entendre ce matin le Conseil de l'industrie de l'hydrogène, l'École polytechnique et Mines Noranda. Quant aux autres, Institut de la recherche scientifique, Énergie atomique du Canada et Institut de recherche Brace, ils ne seront entendus qu'en après-midi.

Une voix: Et ce soir.

Le Président (M. Desbiens): Et ce soir. M. Champagne.

Conseil de l'industrie de l'hydrogène

M. Champagne (Richard-D.): M. le Président, il me fait plaisir de vous présenter les collègues qui m'accompagnent: à ma gauche le Dr Rodney LeRoy, des Mines Noranda et de la compagnie Electrolyser Inc., et, à ma droite, M. Charles Montaux, conseiller économique du Conseil de l'industrie de l'hydrogène.

Le Président (M. Desbiens): Vous pouvez poursuivre, si vous voulez.

M. Champagne (Richard-D.): M. le Président, M. le ministre, Mmes et MM. les députés, le Conseil de l'industrie de l'hydrogène est honoré d'avoir l'occasion de vous faire part de ses réflexions au sujet d'une politique de l'énergie ainsi que des perspectives offertes par l'hydrogène.

Permettez-moi de vous présenter brièvement le conseil. Il regroupe plusieurs entreprises d'envergure et comporte actuellement 26 membres. Il est une initiative unique dans notre domaine à l'échelle internationale. Les objectifs majeurs du conseil sont les suivants: Promouvoir la recherche et le développement pour la production, le stockage, le transport et l'utilisation de l'hydrogène; représenter l'industrie de l'hydrogène auprès des gouvernements, des organismes internationaux, des groupes de recherche et du public en général; finalement, d'encourager les projets d'utilisation de l'hydrogène.

Notre conseil reflète la prise de conscience de la place privilégiée que nous pouvons occuper dans le développement technologique et commercial d'une industrie émergente. Créé en 1982, le conseil est encore en phase d'organisation. Nous avons cependant préparé un programme d'activité et un portefeuille de projets de recherche et développement et conduit plusieurs missions à l'étranger. Au début des travaux de cette commission, nous avons été particulièrement heureux d'apprendre que nos efforts étaient appuyés par le gouvernement du Québec.

Nous remercions le gouvernement et le ministre de l'Énergie et des Ressources de l'aide financière obtenue. Elle était d'ailleurs une des recommandations de notre mémoire. Soyez assurés que nous redoublerons nos efforts pour accentuer la concertation de l'industrie en faveur de programmes de recherche et développement et de mise en oeuvre de projets utilisant l'hydrogène.

Si vous le permettez, nous ferons une présentation abrégée du mémoire qui vous est soumis.

Dans notre mémoire, nous avons choisi de présenter une prise de position. Nous avons voulu également mettre de l'avant certaines réflexions concernant l'énergie et le développement économique. Nous sommes parfaitement conscients qu'il s'agit d'une position délicate. Nous espérons simplement contribuer à l'ouverture d'un débat. Nous voulons surtout vous faire partager notre conviction que l'hydrogène peut être et sera un élément essentiel de l'avenir énergétique. Naturellement, chacun prêche pour sa paroisse. Néanmoins, l'hydrogène suscite un intérêt grandissant. Le Québec et l'Ontario ont déjà favorisé des études préliminaires sur le rôle de l'hydrogène. Le comité Lefebvre de la Chambre des communes a déposé un plaidoyer vibrant et documenté en faveur de l'hydrogène. L'Agence internationale pour l'énergie et la plupart des pays occidentaux s'intéressent activement à l'hydrogène. Bien qu'encore discret et prudent, il existe un puissant courant d'intérêt pour l'hydrogène dans le monde.

Enfin, nous soumettons qu'il y aurait lieu de faire porter les réflexions sur la distinction entre source et devise énergétiques. La source énergétique est la ressource primaire qui sert à produire une ou plusieurs formes d'énergie et qui peut même servir à d'autres fins; ce sont les hydrocarbures, le charbon, les ressources hydrauliques. La devise est la forme finale sous laquelle l'énergie est rendue disponible comme force calorifique et motrice: c'est l'essence, l'électricité. Cette distinction est importante. Elle recoupe la question de la finalité d'une politique énergétique. Couramment, cette politique exprime une volonté d'orienter l'évolution de la consommation globale d'énergie et la contribution des diverses sources. Elle se préoccupe donc d'énergie comme moyen de chauffage, d'alimentation de machines et comme carburant. La source énergétique risque donc d'être prise en considération seulement par les devises qu'elle fournit, alors que son potentiel économique peut dépasser largement ce seul aspect.

Nous avons vécu, depuis le début des années soixante-dix, une crise de l'énergie. Durant cette période, la priorité était de se dégager de la dépendance du pétrole et d'acquérir une autonomie énergétique. Il s'est ainsi créé un contexte favorable pour toute tentative débouchant sur des énergies de remplacement. Les perspectives semblaient tellement négatives que tout était possible pour les technologies nouvelles. Tout le monde était d'accord avec l'objectif. Tous les moyens étaient bons pour l'atteindre. Actuellement, la situation de crise énergétique semble passée. Nous sommes donc à un point tournant où les efforts en faveur des énergies nouvelles risquent d'être diminués. En effet, les perspectives de rentabilisation de nouvelles technologies énergétiques deviennent plus floues, ce qui en diminue l'attrait pour les industries.

Nous pensons que ce nouveau contexte nécessite une réflexion renouvelée sur la politique énergétique. Les gouvernements devront rétablir la confiance des investisseurs dans la rentabilisation de nouvelles filières énergétiques.

Un des aspects de la réflexion à entreprendre sur la politique énergétique est certainement la relation entre énergie et développement économique. En général, la politique énergétique ne semble pas être très intégrée à une politique de développement économique. Autonomie énergétique et prix compétitif de l'énergie sont généralement considérés comme les facteurs propices au développement économique. Cela va de soi, mais ce n'est certainement pas suffisant. Disponibilité et coût de l'énergie constituent sans doute des facteurs essentiels pour un nombre réduit d'industries dont plusieurs sont d'ailleurs bien représentées au Québec. L'interrelation entre énergie et développement est une question complexe. Nous n'abordons cet aspect que pour souligner l'importance d'approfondir la réflexion à ce sujet.

En effet, on peut résumer les politiques énergétiques courantes par les caractéristiques suivantes: leur objet porte sur l'énergie comme pouvoir calorifique et force motrice; leur moyen est de répartir le marché énergétique entre les diverses devises; leur impact économique est envisagé à partir des notions de disponibilité et prix compétitif. Pour notre part, la politique énergétique devrait essentiellement être un moyen d'atteindre les objectifs d'une politique de développement. Dans ce cadre, elle devrait considérer des systèmes ou filières mettant à contribution le potentiel économique de chaque source et devise énergétique envisageable.

Il est assez évident que plus la ressource ou source énergétique a des usages variés, plus son potentiel économique est important. De même, plus une devise a des usages variés, plus son potentiel économique est important. Une approche globale revient à rechercher les filières, sources, devises qui sont les plus longues et les plus diversifiées pour obtenir un impact maximal au niveau du

développement économique. Nous tenterons d'illustrer plus tard ce point de réflexion que nous soulevons ici.

Le Québec est doté d'une politique énergétique dont les objectifs généraux semblent en bonne voie d'être atteints. Cette politique retient trois sources énergétiques majeures: le pétrole, l'hydroélectricité et le gaz naturel. Une place est également faite aux énergies nouvelles. La consommation énergétique se répartit essentiellement entre le chauffage et l'utilisation du pouvoir calorifique, l'alimentation de machines ou création d'une énergie mécanique et les carburants pour les transports. Les deux premiers usages représentent environ 70% de la consommation énergétique du Québec et le transport 30%. Les besoins énergétiques relatifs au transport ne peuvent être satisfaits efficacement que par les dérivés du pétrole bien que le gaz naturel puisse y trouver des applications. Les autres besoins peuvent être satisfaits par presque toutes les sources et devises énergétiques. Nous sommes portés à penser que la répartition des besoins énergétiques entre les trois sources principales ne devrait pas constituer l'enjeu primordial de la politique énergétique du Québec, à long terme du moins.

Le gaz naturel dispose d'un potentiel économique plus vaste que son utilisation comme énergie. Il n'est pas évident que le Québec puisse en tirer profit. Seul un port méthanier pour le gaz de l'Arctique donnerait au Québec une chance pour poursuivre le développement de son industrie pétrochimique. Le pétrole c'est, bien sûr, des carburants. C'est aussi une ressource pour beaucoup d'autres industries qui en tirant de très nombreux produits. La réduction des capacités de raffinage jointe au prix élevé peut hypothéquer l'avenir de l'industrie pétrochimique au Québec. À long terme, le pétrole et le gaz naturel sont aussi des ressources susceptibles de redevenir rares et chères. (10 h 30)

L'hydroélectricité demeure la seule ressource autochtone d'envergure dans la politique énergétique. Elle est très bien intégrée au développement du Québec. Elle est sujette à certaines limites toutefois. Le potentiel de sites aménageables est limité. Elle fournit une devise difficilement stockable. Il existe des difficultés d'harmonisation entre la production d'électricité et la consommation. Il est difficile de l'utiliser pour remplacer les carburants dans le transport. On pourrait donc entrevoir une extension possible de la politique énergétique. 1. Elle devrait prendre en considération de nouvelles technologies. Cette ouverture est nécessaire pour assurer l'avenir énergétique du Québec à long terme. En s'orientant vers une ou quelques technologies ou filières, elle contribuerait à réduire la situation d'incertitude qui nuit aux efforts de recherche et de développement des industries dans le contexte énergétique mondial actuel. 2. Elle devrait envisager des technologies et filières capables de satisfaire non seulement des besoins de type personnalisé, mais aussi des besoins collectifs d'envergure. 3. Elle devrait enfin viser des technologies et filières qui présentent des caractéristiques minimales de faisaibilité.

Rappelons que notre but se résume à soulever certains éléments de réflexion. Vu que les gouvernements se doivent de définir des orientations à long terme aidant les industries à maintenir leurs efforts dans des domaines essentiels, cette commission offre une occasion pour entreprendre une réflexion collective sur l'envergure que doit avoir la politique énergétique du Québec.

Les principes. Notre orientation est de donner la priorité au développement économique et de considérer la politique énergétique comme l'outil d'une politique de développement. Il reste beaucoup de réflexion et de recherche à faire à ce sujet, mais, a priori, les principes suivants nous semblent contribuer à cette orientation. La politique énergétique devrait favoriser: 1. l'exploitation de ressources renouvelables localisées au Québec; 2. l'exploitation de ressources énergétiques ayant des utilisations industrielles, en plus que de produire une devise; 3. les filières sources-devises les plus longues et les plus diversifiées. La devise dominante devrait pouvoir servir comme pouvoir calorifique direct, matière première dans les ressources industrielles, moyen de créer d'autres devises. La devise dominante devrait aussi pouvoir être stockée et transportée facilement et servir pour des besoins collectifs d'envergure, notamment comme carburant pour les transports; 4. la politique énergétique devrait favoriser des technologies nouvelles, exportables et susceptibles de générer des complexes industriels nouveaux et qui soient techniquement et économiquement réalistes.

Le choix. Comme élément d'un système énergétique global, la biomasse et une filière électricité-hydrogène présentent les possibilités les plus prometteuses. Pour ces deux éléments le Québec dispose d'avantages appréciables. En particulier l'hydrogène, quant à lui, semble devoir être la devise énergétique de l'avenir à l'échelle mondiale.

La biomasse est une ressource renouvelable et abondante au Québec. Elle est concentrée dans des régions accessibles et la technologie d'exploitation est largement maîtrisée. L'exploitation de la biomasse comme source énergétique présenterait plusieurs avantages. Elle peut être une

source d'énergie calorifique directe ou de force motrice. Dans les régions éloignées, elle pourrait servir de base pour les sous-systèmes énergétiques qui limiteraient les besoins d'infrastructures coûteuses pour y acheminer d'autres formes d'énergie. Elle peut être stockée et transportée sous formes diverses, elle peut générer une gamme de carburants d'appoint et de produits chimiques utilisables dans d'autres processus. Elle est compatible avec une filière électricité-hydrogène. Son exploitation peut se faire en partie avec celle des forêts pour les industries des pâtes et papiers, du bois et de ses dérivés. Une gestion globale de la biomasse forestière pourrait profiter à ces industries traditionnelles.

L'évolution technologique combinée avec une gestion globale pourrait aider ces industries à demeurer compétitives par rapport à une concurrence étrangère qui bénéficiera de plus en plus des essences forestières à croissance rapide. Ces quelques indications fournissent une idée générale du potentiel économique de la biomasse. Des intervenants plus spécialisés sauront présenter à la commission tous les avantages de cette source énergétique.

L'hydrogène, une filière électricité-hydrogène. L'hydrogène est un élément chimique fondamental. Il est actuellement produit et utilisé dans de nombreux processus industriels. Même s'il n'est pas une source énergétique directe, car il doit être produit, il présente un potentiel énergétique et économique considérable. En particulier, il est un moyen de redonner à l'électricité une diversité d'usage que celle-ci n'a pas par elle-même. Il peut servir à stocker la capacité excédentaire de centrales hydroélectriques. Sous forme d'hydrogène, l'électricité pourrait donc être incorporée à toute une gamme de processus industriels. Au besoin, l'hydrogène pourrait être consommé pour son pouvoir calorifique comme combustible industriel ou domestique. Grâce à des piles à combustible, l'hydrogène peut être retransformé en électricité. L'usage de l'hydrogène comme énergie calorifique et regénération de l'électricité n'est pas recommandable pour des raisons économiques dans l'état actuel de la technologie. II offre cependant l'avantage considérable de permettre un stockage de l'électricité et de rendre celle-ci utilisable comme carburant, ou à des fins industrielles.

Le second domaine d'innovation offert par l'hydrogène est au niveau des carburants. C'est un secteur d'avenir. Actuellement, l'hydrogène est utilisé comme carburant seulement dans le domaine spatial. Des expérimentations sont en cours avec des automobiles et des autobus. L'hydrogène est cependant une des rares devises énergétiques en mesure de pouvoir remplacer les dérivés du pétrole comme carburant. Ce potentiel de l'hydrogène pose encore de nombreux défis techniques, mais les recherches sont nombreuses dans divers pays. L'hydrogène est aussi utilisé dans de nombreuses industries. Son potentiel est considérable dans le domaine du raffinage du pétrole, des industries chimiques et pétrochimiques, de la métallurgie. On doit se limiter à quelques exemples, tels que la production d'ammoniac et de fertilisants, la production de méthanol, d'hydrocarbures légers, de pétrole synthétique, revalorisation des huiles lourdes dans les raffineries, transformation des huiles animales et végétales, réduction du minerai de fer, etc.

Enfin, l'hydrogène peut jouer un rôle fondamental au niveau de l'interchangeabilité des formes primaires d'énergie. À part les hydrocarbures, les autres sources d'énergie ne permettent pas un stockage de l'énergie qu'elles produisent. Pensons à l'énergie hydraulique, éolienne, nucléaire, géothermique. La devise courante pour transformer et distribuer ces énergies est l'électricité, qui n'est pas stockable. L'avantage de l'hydrogène est d'être stockable, transportable et utilisable, quelle que soit la source énergétique utilisée pour produire cet hydrogène: hydroélectricité, électricité de source nucléaire, éolienne, géothermique ou même biomasse.

C'est pourquoi une filière électricité-hydrogène a de grandes chances d'être la filière future à l'échelle mondiale. Le Québec dispose de plusieurs atouts pour participer au développement d'une nouvelle industrie basée sur l'hydrogène: réserve importante de biomasse et hydroélectricité, avance dans les systèmes d'électrolyse de l'eau, expertises d'Hydro-Québec et de son institut de recherche, expertise des sociétés d'ingénieurs-conseils en grands travaux et technologie de pointe. Ces atouts sont aussi importants car les perspectives offertes par l'hydrogène reposent sur la capacité de le produire, le stocker et le transporter à l'échelle commerciale à des coûts compétitifs. Il est important pour le Québec de se préoccuper de cette option. L'hydrogène bénéficie d'un intérêt à l'échelle internationale et il offre des perspectives économiques considérables. Il est utilisé et utilisable dans de nombreuses industries. Il générera toute une technologie nouvelle pour la production, le stockage et le transport à l'échelle d'unités commerciales. Il s'associe à des technologies de pointe comme les piles à combustible et l'industrie spatiale. En faisant de l'hydrogène et d'une filière énergétique (électricité-hydrogène) le point central de sa politique énergétique, le Québec pourrait favoriser la création d'un secteur énergétique et d'une industrie qui serait aussi bien intégrée à son économie que l'est actuellement l'hydroélectricité et pourrait bénéficier de retombées considérables.

Ce potentiel économique de l'hydrogène pour le Québec réside dans l'intérêt que présentera l'hydrogène sous forme de technologie exportable et de développement de système de production, notamment, par électrolyse de stockage et de transport. Le passage à un stade commercial de techniques maîtrisées au stade expérimental ou de démonstration constituera un impact économique d'envergure. Ces technologies et expertises sont déjà largement disponibles et développables localement. Il est à noter que la mise en oeuvre de ces technologies est indépendante de la source primaire de production d'hydrogène, d'une part; d'autre part, la variété des utilisations de l'hydrogène et la possibilité de disposer de l'hydrogène à un prix compétitif permettrait soit le raffermissement d'industries existantes (raffinerie, pétrochimie, sidérurgie), ou la création de nouvelles lignes de production ou industries: ammoniaque, pétrochimie, chimie.

Il faut considérer que l'engagement dans une économie de l'hydrogène se traduira par la création de systèmes industriels nouveaux de grande taille: pipeline, système de compression et de liquéfaction, cuve et technologie de stockage, flotte de transport. Les investissements impliqués sont considérables.

L'exposé que nous venons de vous présenter nous conduit aux conclusions suivantes: le renversement des tendances dans le marché pétrolier peut remettre en cause de nombreux efforts de développement de nouvelles filières et technologies énergétiques en repoussant l'horizon de rentabilisation de ces investissements. Une politique énergétique isolée ne s'accompagne pas forcément d'un renforcement et d'une diversification de la base économique du Québec. Une politique énergétique devrait s'inscrire comme élément d'une politique de développement économique et devrait privilégier l'apparition de filières énergétiques conduisant à accentuer le développement de technologies de pointe exportables, engendrer des complexes industriels nouveaux. Ces filières énergétiques devraient privilégier comme sources primaires, des sources d'approvisionnement renouvelables et disponibles au Québec.

Sur cette base, une politique énergétique pourrait non seulement esquisser le futur énergétique qui prendra la relève des sources actuelles que sont le pétrole, l'hydroélectricité et le gaz naturel, mais aussi assurer que l'industrie du futur soit aussi bien intégrée à l'économie du Québec que peut l'être actuellement l'hydroélectricité. Il semble approprié que l'investissement du gouvernement du Québec en matière de nouvelles technologies reliées à l'énergie se concentre dans deux secteurs: la biomasse, l'hydrogène et une filière électricité-hydrogène.

Nous soumettons donc les recommandations suivantes: le gouvernement devrait favoriser l'élaboration de programmes de recherche, développement et démonstration, pour l'utilisation de la biomasse et fournir son support financier et technique à ces programmes. Le gouvernement devrait mettre à la disposition d'industries travaillant à la réalisation de programmes de démonstration et d'exploitation commerciale de l'hydrogène des blocs d'énergie électrique à des tarifs préférentiels. Le gouvernement devrait encourager l'effort de concertation de l'industrie au sein du conseil de l'industrie de l'hydrogène à créer et à exécuter des programmes de recherche, développement et démonstration. Le gouvernement devrait encourager la formation de consortiums développant des systèmes technologiques reliés à l'hydrogène et présentant des disponibilités, des possibilités d'exportation. Le gouvernement devrait appuyer la création d'un centre de recherche en électrochimie. Le gouvernement devrait non seulement fournir un support technique et financier direct, mais aussi et surtout favoriser les activités de recherche, développement et démonstration reliées à l'hydrogène par une accentuation des incitatifs fiscaux actuels reliés à la recherche et au développement et faire les représentations nécessaires auprès du gouvernement du Canada en ce sens. (10 h 45)

Cette accentuation des incitatifs fiscaux à la recherche et au développement pourraient prendre la forme de ceux déjà mis en vigueur en faveur de l'exploration pétrolière, d'une part. D'autre part, il y aurait lieu de permettre aux particuliers de bénéficier des incitatifs fiscaux à la recherche et au développement ouverts aux corporations. Soyez assurés que le Conseil de l'industrie de l'hydrogène et ses membres sont tout disposés à collaborer pour tracer le futur énergétique du Québec et contribuer à son essor économique. Je vous remercie de votre attention.

Le Président (M. Desbiens): Merci. M. le ministre.

M. Duhaime: Je vous remercie, M. Champagne, pour votre exposé. J'ai eu l'occasion, bien sûr, de lire votre mémoire et ses annexes. Je ne voudrais pas revenir sur chacun des points qui viennent d'être évoqués, mais peut-être m'attarder à un volet qui a été peu touché, je pense, dans votre exposé. Le Conseil de l'industrie de l'hydrogène, qui existe depuis quelques années, a peut-être comme grand défaut, comme tout ce qui est nouveau, d'être sûrement une bonne vingtaine d'années en avant de son temps. La difficulté est de convaincre les milieux économiques,

industriels, et gouvernementaux, qu'une énergie nouvelle qui s'appelle l'hydrogène, soit comme facteur industrialisant important ou comme simple carburant, va très certainement être une des données fondamentales du dossier énergétique durant le prochain siècle.

Nous avons, au ministère de l'Énergie et des Ressources, démontré jusqu'à présent beaucoup d'intérêt non seulement pour le dossier de l'hydrogène, mais pour tout le volet des énergies nouvelles, en particulier dans le secteur de la biomasse et de la filière électricité-hydrogène. Ce que je voudrais savoir, cependant, c'est: est-ce qu'au Conseil de l'industrie de l'hydrogène vous avez réussi à accumuler une information sur ce qui se passe à l'étranger, dans d'autres pays industrialisés? Si on s'en tenait essentiellement aux pays membres de l'OCDE, par exemple, sur le plan de l'utilisation de l'hydrogène comme composante des bilans énergétiques ailleurs... Et le deuxième élément de ma question ce serait que je comprends que les coûts font que l'hydrogène actuellement est hors marché si on s'en tient à la base carburant. Ce que j'aimerais savoir, et je pense que cela intéresserait très certainement le grand public au Québec et les membres de notre commission, c'est ce qui se fait ailleurs dans les pays industrialisés. Quel est l'effort et l'appui en ce qui est de la recherche et du développement qu'accordent les gouvernements des pays industrialisés de l'Ouest à cette dimension énergétique nouvelle?

Je vous pose la question parce que -j'y reviendrai tantôt - j'ai rencontré des gens bien placés d'autres pays qui sont dans la même mouvance que nous sur le plan économique et qui ont à peu près abandonné la filière hydrogène-électricité. Mais enfin, je pose la question.

Le Président (M. Desbiens): M.

Champagne.

M. Champagne (Richard-D.): M. le Président, M. le ministre, effectivement, le Conseil de l'industrie de l'hydrogène a conduit deux missions importantes depuis sa création. Une mission en Europe où nous avons visité l'Allemagne, la France et les pays de la communauté économique européenne. Les conclusions sont les suivantes: Depuis une dizaine d'années, ces pays ont investi des sommes très importantes dans le développement des filières de l'hydrogène, dans la recherche et le développement fondamental de nouvelles méthodes d'électrolyse, de nouveaux procédés pour améliorer la production et le stockage de l'hydrogène. L'Allemagne en particulier conduit des projets d'application également. Elle a favorisé son industrie dans un secteur en particulier de l'automobile ou Mercedes, des Mercedes-Benz. Elle a été appuyée par le gouvernement pour mettre au point une automobile à l'hydrogène gazeux par les hydrures métalliques.

Donc en France c'est une politique beaucoup plus structurée. On prévoit des surplus importants d'énergie nucléaire autour des années quatre-vingt-dix et on veut préparer l'industrie française à développer des technologies d'électrolyse qui permettront de développer des électrolyseurs et également de pouvoir avoir des industries autochtones qui prendront en main les développements technologiques justement pour stocker cette énergie excédentaire nucléaire.

Quant aux autres pays de la communauté européenne, je dois dire que j'assistais à Lyon, au mois de mai dernier, à une conférence où on faisait le point des dix dernières années dans les recherches et développements sur l'hydrogène et que la conjoncture économique mondiale et également la crise du pétrole étant résorbée, les appuis à ce programme sont considérablement diminués.

Si on parle maintenant des États-Unis. Les États-Unis ont été assez actifs pendant les sept ou huit années qui ont suivi cette période de dix ans mais la venue de M. Reagan comme président des États-Unis a fait en sorte que l'accent, en termes de filière énergétique, est venu au charbon et les programmes reliés à la recherche et au développement en matière d'hydrogène ont été considérablement diminués.

Maintenant tout est relatif quand on parle des États-Unis. Ils investissent encore quelque 50 000 000 $ par année dans la filière hydrogène en termes de recherche et développement alors qu'au Canada on est vu comme un pays extrêmement dynamique et un leader mais l'industrie et le gouvernement ensemble dépensent entre 10 000 000 $ et 16 000 000 $ par année. Donc les perspectives sont différentes, dépendant de la taille des pays.

On arrive à l'instant d'une mission au Japon qui fêtait le dixième anniversaire de l'Association de l'énergie pour l'hydrogène. Lors de ce dixième anniversaire, on faisait part que le gouvernement japonais diminuait considérablement ses efforts dans le domaine de la recherche et du développement relié à l'hydrogène. Donc il y a eu durant les dix dernières années des efforts considérables. C'est la conjoncture qui a suscité cela. Comme je disais dans mon mémoire, tous les moyens étaient bons; il fallait trouver des substituts au pétrole et dans ce sens les pays que j'ai mentionnés, qui ont été probablement les plus actifs, ont investi des sommes considérables.

Toutefois, à l'heure actuelle, compte tenu que la crise du pétrole s'est résorbée, compte tenu aussi que le climat économique

est assez difficile, cette filière hydrogène est diminuée considérablement par rapport à ce qu'elle était dans les dix dernières années. C'est précisément un point très important que le Québec peut, dans la conjoncture actuelle, continuer à jouer son rôle de leader parce qu'il est actuellement vu à travers le monde, compte tenu de cette technologie qu'a développé Mines Noranda et Electrolysers, comme un leader en matière d'électrolyse et on sait que c'est la filière de l'avenir. C'est précisément dans ce secteur, étant donné qu'on a un élan actuellement à travers le monde comme des leaders en matière de développement technologique relié à l'hydrogène, c'est justement une période qui nous privilégie si on veut y faire des efforts. Ces efforts doivent être orientés vers des utilisations et un mouvement de recherche et de développement, mais, pour ce faire, il faut redonner à notre industrie la confiance. À cet égard, il faut absolument que des programmes incitatifs, tels que ceux qu'on a vus dans l'exploration pétrolière, soient décidés par les gouvernements pour encourager cette recherche et ce développement en matière d'hydrogène.

M. Duhaime: En fait, je retiens, M. Champagne, qu'avec les contacts internationaux que vous entretenez et que vous maintenez, le Québec est reconnu actuellement comme un leader. Je partage aussi votre sentiment qu'au niveau canadien, c'est très certainement le Québec qui joue le rôle de leader encore aujourd'hui et, espérons, pour les années à venir. Je voudrais réagir tout de suite pour ne pas prendre trop du temps de la commission. Je voudrais vous dire que dans l'une de vos recommandations à la page 27, où vous nous dites, au conditionnel, que "le gouvernement devrait appuyer la création d'un centre de recherche en électrochimie", j'aurais souhaité lire: "Le gouvernement continue d'appuyer fermement..." J'ai eu l'occasion de me prononcer là-dessus, il y a au-delà d'un an et demi, et de faire des démarches auprès du ministre fédéral de l'Énergie à l'époque, M. Lalonde, et, plus récemment encore, M. Chrétien. Il n'existe aucun centre de recherche comme tel en électrochimie au Canada. L'implantation d'un pareil centre de recherche est devenu impératif tant pour le Canada que pour le Québec. Je pense que ce serait dans l'ordre naturel des choses que ce centre de recherche en électrochimie soit d'abord décidé et, ensuite, qu'il s'implante au Québec. J'ai offert une contribution financière qui pourrait aller jusqu'à 50% du coût d'installation. Je ne vois pas comment le Québec pourrait faire davantage pour démontrer son intérêt si ce n'est de décider d'y aller seul, ce qui n'est pas encore exclu. Je vous dis cela simplement pour souligner notre détermination d'appuyer cette filière d'énergie nouvelle qu'est l'hydrogène, avec toutes les applications industrielles imaginables ou encore non imaginées pour l'avenir.

Je voudrais réagir tout de suite en vous disant que je fais miennes les recommandations que contient votre mémoire à la page 27 quant aux incitatifs fiscaux. Je parlerai à mes collègues qui s'occupent du développement économique. Il y a très certainement des rapprochements intéressants à faire entre des investissements dans des dépenses d'exploration et de recherche pour des hydrocarbures et un effort de recherche et de développement qui mérite d'être soutenu dans une énergie nouvelle et dans toutes ses applications.

Je pense aussi qu'il faudrait souligner que si c'est Noranda et Electrolyser qui sont souvent mentionnées dans tout ce qui concerne l'hydrogène liquide, il ne faudrait pas non plus oublier l'Institut de recherche qui est la filiale d'Hydro-Québec parce que c'est à Vàrennes qu'il est produit actuellement, je ne dirais pas sur une base artisanale, mais sur une base importante. Il y a également un projet qui devrait être sur le point d'atterrir où on pourrait créer sur des bases beaucoup plus considérables, je ne dirais pas sur des bases industrielles parce que tout le monde sait que la rentabilité n'est pas encore là. C'est un grand projet qu'on devrait classer comme un projet dans la recherche et le développement et qui consisterait à produire et de l'oxygène, bien sûr, et de l'hydrogène.

Tout le monde sait qu'il y a des études à faire sur le marché de l'ammoniaque, en particulier, et toutes les filières des fertilisants agricoles. Il est bien certain que le Québec est un importateur net à l'heure actuelle - et je dirais un importateur très net - de l'ensemble de ses besoins en fertilisants. C'est là très certainement une filière intéressante. (11 heures)

Je vais arrêter là mes commentaires et mes remarques bien préliminaires, mais je voudrais savoir, M. Champagne, sur le plan de la composition du Conseil de l'industrie de l'hydrogène... Je comprends que le gouvernement peut subventionner. On l'a fait jusqu'à maintenant, je crois que c'est pour 600 000 $; c'est un bon coup de pouce à votre organisme. Est-ce que l'industrie, est-ce que le secteur privé répondent de façon tangible, soit en vous déléguant du personnel, soit en versant des contributions financières, soit en vous épaulant avec des services de recherche? Comment • faites-vous le pont entre le Conseil de l'industrie de l'hydrogène et le secteur privé?

Le Président (M. Desbiens): M.

Champagne.

M. Champagne (Richard-D.): M. le ministre, le conseil est effectivement une association d'industries. Il est contrôlé et financé par l'industrie. La première année de fonctionnement a été strictement financée par les compagnies participantes. Pour cette première année nous avons eu un budget d'environ 200 000 $. Si je peux expliquer cette première année, on avait, à ce moment-là, discuté avec le gouvernement du Québec et d'autres gouvernements de participation mais on voulait démontrer aux gouvernements le sérieux de l'industrie. Le conseil a été strictement financé, pour la première année, par les efforts des industries participantes.

Pour la deuxième année, on avait un programme défini de recherche, un système d'information très important mis au point durant la première année. On avait une orientation à démontrer aux gouvernements pour bien comprendre les objectifs que poursuit le Conseil de l'industrie de l'hydrogène. C'est à partir de ces documents que le gouvernement du Québec a appuyé d'une façon très importante le conseil par un financement sur trois ans de 600 000 $ qui équivaut à 50% du budget total, 50%-50% entre l'industrie et le gouvernement du Québec; c'est une contribution très substantielle. Mais l'industrie donne les orientations au conseil, définit ses priorités. C'est là un point important.

Le Président (M. Desbiens): M. le député d'Outremont.

M. Fortier: J'aimerais continuer sur la même lancée. Pourriez-vous nous dire combien il y a de membres dans votre association? Si je comprends bien, dans un premier temps, le conseil est une association d'industries...

M. Champagne (Richard-D.): C'est une association d'industries mais...

M. Fortier: ...qui regroupe... Oui, ma première question est celle-là. Ma deuxième, vous parlez de membres participants. C'est donc dire que, lorsque le gouvernement du Québec donne une subvention, cette subvention est utilisée seulement par les membres participants...

M. Champagne (Richard-D.): Que par les...

M. Fortier: J'aimerais savoir qui sont ces membres participants et qui sont les autres membres qui sont intéressés d'une façon générale mais qui ne sont pas actifs au moment où on se parle.

M. Champagne (Richard-D.): Premièrement, quand on définit association d'industries, on a souvent l'impression que c'est un lobby. Si on se réfère à l'association pétrolière, à des associations professionnelles connues d'industries, ce sont normalement des lobbies, des groupes de support. Notre conseil est une association d'industries mais c'est un conseil qui fournit des services à ses membres parce qu'on est dans une industrie en émergence, une industrie en devenir, si vous voulez. Il y a donc une distinction et il ne faudrait pas confondre la notion d'association conventionnelle d'industries avec ce qu'est le Conseil de l'industrie de l'hydrogène.

Au niveau des membres, nous avons trois types de membres: les membres de l'industrie qui ont la majorité au conseil d'administration et au comité exécutif, qui sont des entreprises qui sont intéressées directement dans des projets reliés à l'hydrogène; nous avons des membres associés qui sont plutôt des entreprises qui s'intéressent au secteur de l'hydrogène et qui pourraient devenir des membres de l'industrie, éventuellement; nous avons les membres gouvernementaux. Dans les membres de l'industrie, les principaux sont HydroQuébec, représentée par l'institut de recherche, Noranda et Electrolyser, qui ont mis au point la nouvelle technologie de l'électrolyse, Énergie atomique du Canada, Air liquide, qui est un producteur et un commerçant de gaz, Prodair, Air Product, gui est le plus grand producteur de gaz aux Etats-Unis; CIL, qui est une industrie chimique connue. Ce sont des membres de ces différents types d'industries qui sont membres qualifiés industries. Parmi les membres associés, nous avons les universités, certains groupes de recherche, Polytechnique et Laval. Les grandes firmes d'ingénieurs-conseils sont membres de l'industrie, non pas par les applications spécifiques, mais plutôt par leurs travaux et leur compétence en matière d'ingénierie. J'ai peut-être oublié Canotom, qui représente Lavalin, SNC et Montreal Engeneering Tires sont membres de l'industrie; donc l'industrie chimique des gaz et de l'ingénierie. Parmi les membres associés il y a aussi Bell Canada. Cela vous donne un peu l'éventail des participants.

M. Fortier: Vous avez dit que votre association n'était pas nécessairement un lobby, mais pour promouvoir une nouvelle industrie comme celle-là, je pense bien qu'il y a un certain besoin de lobby et il ne faudrait pas le négliger pour autant. Vous avez semblé mésestimer cet aspect. À mon avis, ce n'est pas un substitut pour la recherche, mais c'est certainement un élément très important pour convaincre l'industrie d'une façon générale ainsi que la population et les gouvernements. Quoique, dans le cas du gouvernement du Québec, il semblerait que vous ayez un appui et je

m'en félicite.

Mais je voudrais savoir ceci. Quand vous arrivez à la recherche, il y a beaucoup de monde qui est intéressé - tout le monde veut aller au ciel, mais personne ne veut mourir - mais il y a quelques compagnies qui sont plus intéressées que d'autres et qui font de la recherche.

M. Champagne (Richard-D.): C'est juste.

M. Fortier: De tout ce beau monde dont vous venez de donner les noms, j'imagine qu'on n'en retrouve que trois ou quatre qui mettent de leur argent et de leur temps à réaliser un programme de recherche. Est-ce que cela veut dire qu'on se limite à Mines-Noranda, Electrolyser et HydroQuébec? Est-ce que ces gens travaillent en commun ou si chacun recherche pour lui-même? Je me demandais dans quelle mesure c'était un travail concerté et dans quelle mesure c'était un regroupement de gens qui voulaient faire une action commune, mais où chacun gardait le privilège de sa recherche et de ses découvertes.

M. Champagne (Richard-D.): Je pense que c'est une question fort pertinente. Effectivement, on parle d'entreprises privées qui recherchent des bénéfices et qui sont dans ce secteur. Que ce soit Air liquide, CIL, ce sont des gens qui touchent à l'hydrogène et qui font actuellement de la recherche et du développement pour mettre au point des technologies. Donc, ces gens continuent leurs programmes et font part à une table commune de l'état d'avancement de leur technologie, quand cela ne touche pas des secteurs de confidentialité ou de secret, mais en général les avances technologiques des industries sont amenées à la table.

D'autre part, certaines recherches ou les entreprises, les industries membres ne sont pas prêtes à s'embarquer dans certains éléments de recherche - c'est trop coûteux -ou elles ont une expertise qui est très sectorielle par rapport à un système global, c'est là que ces projets sont amenés à la table du conseil et on trouve, de par la diversité des membres du conseil, une concertation, c'est un des rôles du conseil de concerter certaines entreprises pour faire des programmes de recherche et de développement et voir quelle partie l'industrie est prête à mettre dans ces programmes et, d'un autre côté, voir comment on peut influencer les gouvernements à contribuer à cette recherche.

M. Fortier: Vous parlez de concertation, est-ce que la concertation va jusqu'à influencer les programmes de recherche qui se font dans certaines industries pour qu'ils soient complémentaires les uns des autres?

M. Champagne (Richard-D.): Oui, effectivement.

M. Fortier: Vous avez dit que la situation et la conjoncture internationale actuelle repoussaient les horizons de rentabilité des énergies nouvelles. Nous avons eu ici -je crois que c'était la semaine dernière ou la semaine d'avant - les représentants de Bio-Shell qui nous ont dit que, dans l'utilisation de la biomasse au Québec et en Ontario, ils avaient repoussé certains de leurs projets de réalisation d'investissement parce que présentement, compte tenu du prix du pétrole, compte tenu des surplus d'énergie électrique d'Hydro-Québec et compte tenu des subventions données par les deux niveaux de gouvernement pour la transformation au gaz ou à l'électricité, la concurrence était intenable et qu'ils devaient couper leur prix de vente pour réussir à vendre leurs produits. C'est une conjoncture qui est créée par la situation internationale au Québec et, par ailleurs, par les politiques des deux niveaux de gouvernement qui veulent une pénétration du gaz et de l'électricité. Certains, surtout de l'industrie du pétrole, ont même dit qu'on devrait repenser cette politique-là, parce que cela créait des difficultés majeures pour l'industrie du pétrole et même pour la pétrochimie éventuellement. Mais, ce qui m'intéressait dans votre cas, c'est que vous dites que c'est une donnée du problème.

Vous dites que le gouvernement devrait peut-être faire quelque chose. Comment peut-on changer cette donnée du problème? Hydro-Québec a des surplus pour encore quatre ou cinq ans, dépendant de la reprise économique. Les prix mondiaux du pétrole, d'après M. Ayoub qui est venu nous voir hier, devraient se maintenir jusqu'en 1985 et même après cela, ils ne devraient pas augmenter trop rapidement à moins qu'il y ait une guerre qui se développe dans le golfe Persique. Et même là, il nous disait que ce n'était pas sûr qu'à long terme ou à moyen terme, le prix du pétrole augmente très rapidement. C'est certainement une donnée du problème qui a un impact sur votre industrie et vous semblez dire, malgré l'effort de l'industrie et du gouvernement du Québec de 200 000 $ - enfin, vous dites que c'est 50%, donc 400 000 $ par année de recherche - que c'est un effort important, mais ce n'est pas déterminant pour développer une nouvelle industrie. Pour développer cela, quand on parle de ce qui a été investi dans À.V. Roe, ce qui a été investi dans le domaine nucléaire, on parle de milliards et de milliards de dollars. Alors, à 200 000 $ ou 300 000 $ par année, on va y arriver en l'an 2080, c'est certain.

Je n'essaie pas d'être critique, j'essaie de dire: C'est cela, la conjoncture

présentement. Mais vous dites qu'il faudrait que les gouvernements créent un climat où l'industrie va y voir son bénéfice. Bien sûr, vous avez demandé des formes incitatrices, comme des incitatifs fiscaux; cela, je le comprends. Mais, même là, je me demande dans quelle mesure cela va créer un impact sur l'industrie elle-même et dans quelle mesure, compte tenu de cette conjoncture internationale et québécoise, il va être possible de convaincre les gens qu'il faudrait qu'ils y aillent par millions de dollars pour créer une nouvelle industrie comme celle-là.

M. Champagne (Richard-D.): Je pense qu'il y a plusieurs dimensions à votre question. La première réponse que j'aimerais donner: Quand on parle de 400 000 $ du Conseil de l'industrie de l'hydrogène, ce n'est pas pour la recherche et le développement. Les membres et les programmes dont nous bénéficions par rapport au Conseil national de la recherche au gouvernement fédéral, où des sommes importantes sont données à la recherche, on parle de budgets de l'ordre de 6 000 000 $ que les industries-membres dépensent par année à la recherche. Donc, 400 000 $, c'est pour des fins de coordination, la préparation d'un système d'information techno-économique. À cet égard, on doit en préparer un au niveau international. On a été sollicité par l'Agence internationale de l'énergie pour préparer un système techno-économique pour tous les systèmes hydrogènes à travers les huit pays membres de l'Agence internationale. Donc, les 400 000 $...

M. Fortier: Alors, ce n'est pas pour la recherche? C'est au niveau de l'association.

M. Champagne (Richard-D.): Au niveau de l'association, c'est pour les efforts du conseil comme tel. Mais, en termes de recherche et développement, on parle de 6 000 000 $ dépensés par les industries membres, chaque année, en recherche et développement. Donc, c'est assez important.

Votre question à savoir que, effectivement, on semble dire qu'il n'y a pas de problème avec le pétrole, je pense que souvent on a été leurré ou mal informé sur la crise du pétrole. C'est plutôt une crise de marché qu'on a eue; ce n'est pas une crise du pétrole. Il y a toujours eu du pétrole disponible. Maintenant, il faut bien comprendre que ces crises-là, comme celle qu'on a vécue, peuvent revenir. Il faut bien penser que les hydrocarbures, c'est épuisable. Dans ce sens, il faut voir le positionnement qu'on veut donner à l'hydrogène. L'horizon, tel qu'on l'avait défini dans notre mémoire à la page 12, c'est que le pétrole sera devenu une source énergétique chère et relativement rare; deuxièmement, le potentiel hydroélectrique du Québec sera en voie d'être totalement utilisé; troisièmement, le gaz naturel commencera à susciter les mêmes inquiétudes de coût et de disponibilité que le pétrole au cours des années 1970. Donc, c'est cela, l'horizon. (11 h 15)

Maintenant, à savoir si ça va arriver dans dix ou quinze ans, qui sait? Il y a cinq ans, on était rendu. Aujourd'hui, on dit que cela n'arrivera pas avant vingt ou vingt-cinq ans. Je pense qu'on doit profiter du fait qu'on est petit, ici, au Québec. Le Canada est très petit par rapport aux autres grandes puissances qui ont des moyens importants. On peut, par des investissements à notre mesure, conserver dans la conjoncture actuelle un leadership concernant la recherche et le développement à cause de technologies qu'on a clairement développées. C'est là l'effort qu'on demande au gouvernement.

L'industrie qui fait partie de ce conseil dépense des sommes pour cela. Pour devenir membre du conseil, membre de l'industrie, on parle de 10 000 $ à 25 000 $ pour une association. Il n'y a pas beaucoup d'associations industrielles présentement au Canada où on a des sommes aussi importantes. C'est la preuve du sérieux que met l'industrie dans cette filière de l'hydrogène. Il faut donc encourager par des incitatifs et certaines recommandations que nous avons mises de l'avant l'industrie à reprendre confiance et à développer ce secteur de l'hydrogène.

M. Fortier: Vous avez dit, je crois, que les industries qui font de la recherche en font au rythme de 6 000 000 $.

M. Champagne (Richard-D.): Oui.

M. Fortier: On parle d'industries québécoises?

M. Champagne (Richard-D.): Pas nécessairement.

M. Fortier: Pas nécessairement. Dans tout le Canada.

M. Champagne (Richard-D.): Oui.

M. Fortier: Vous avez dit également que le Canada, que le Québec est certainement un petit pays en termes de ressources financières par rapport au Japon, à l'Allemagne, à la France.

M. Champagne (Richard-D.): Et les

États-Unis, oui.

M. Fortier: Si je comprends bien ce que vous voulez dire, c'est qu'il faudrait garder un secteur témoin à l'avant-garde.

M. Champagne (Richard-D.): C'est juste.

M. Fortier: On parle de quoi, exactement? Vous avez fait une recommandation et j'ai noté que le ministre s'est engagé à continuer à vous appuyer et à faire des recommandations au ministre Parizeau pour voir s'il serait d'accord pour fournir des incitatifs fiscaux et aussi pour faire des recommandations à son collègue fédéral; on va l'encourager, on va même le suivre pour s'assurer qu'il livre la marchandise.

En ce qui concerne le centre de recherche en électrochimie, on parle de combien de millions de dollars? De quel genre d'investissement parlons-nous? Autrement dit, je comprends lorsque vous dites qu'il faudrait garder un secteur à l'avant-garde. Je suis d'accord aussi avec le ministre pour dire que, dans la conjoncture actuelle, il est assez difficile de convaincre les électeurs du Québec d'investir des milliards de dollars dans cette industrie présentement. J'essaie de voir quantitativement de quel effort financier vous parlez pour les prochaines années. Entre autres choses, vous parlez d'un centre de recherche en électrochimie; on parle de quoi, de 50 000 000 $, de 25 000 000 $?

M. Champagne (Richard-D.): On parle de 10 000 000 $ par année.

M. Fortier: 10 000 000 $ par année?

M. Champagne (Richard-D.): Exact. Une grande partie ira aux immobilisations, au départ.

M. Fortier: 10 000 000 $ par année, ce sont des dépenses de fonctionnement.

M. Champagne (Richard-D.): Ce sont des dépenses de fonctionnement.

M. Fortier: Plus?

M. Champagne (Richard-D.): Plus un investissement. On parle de 10 000 000 $ d'investissement et de 4 000 000 $ de fonctionnement.

M. Fortier: 10 000 000 $ d'investissement et 4 000 000 $ de fonctionnement par année. Et ceci se compare à quoi? Cela se compare à d'autres centres de recherche.

M. Champagne (Richard-D.): Au centre des matériaux.

M. Fortier: Au centre des matériaux, oui. Cela a coûté combien?

M. Champagne (Richard-D.): Cela a coûté plus de 10 000 000 $.

M. Fortier: En termes de budget de fonctionnement, c'est combien?

M. Champagne (Richard-D.): De l'ordre de 5 000 000 $ ou 6 000 000 $.

M. Fortier: Les dépenses de fonctionnement seraient à peu près du même ordre.

M. Champagne (Richard-D.): Oui, elles sont comparables.

M. Fortier: Ce que vous demandez, dans le fond, c'est que ce soit aussi prioritaire qu'un centre de recherche de matériaux.

M. Champagne (Richard-D.): Absolument. Quant aux compétences en électrochimie au Québec et au Canada, il y a une carence. À cet égard, une des craintes de l'IREQ, si jamais le Conseil national de la recherche veut mettre de l'avant ce centre d'électrochimie au Québec, est de se voir pirater ses électrochimistes. Pendant de nombreuses années, on a mis au point des développements en matière d'électrochimie à l'IREQ. C'est une des craintes de l'IREQ. Je pense que la formule de combiner les efforts de l'IREQ à ceux du Conseil national de la recherche serait assurément très intéressante.

M. Fortier: Quant à votre demande de blocs d'électricité à bon prix, j'imagine qu'avec les surplus d'électricité qu'on a, cela ne devrait pas être trop difficile dans l'immédiat. J'imagine que la réponse a été un oui immédiat. Vous l'avez eue votre réponse? Vous demandez cela pour l'avenir ou...

M. Champagne (Richard-D.): Je dois avouer qu'étant des gens de l'industrie, dans un mémoire, on peut se permettre de poser la question, mais avant de s'asseoir avec le gouvernement et de lui poser la question bien précise, on aura un projet concret.

M. Fortier: C'est la question que j'allais poser. Même s'ils vous disaient oui, la prochaine question serait: Avez-vous un projet?

M. Champagne (Richard-D.): Avez-vous un projet? Effectivement, le conseil vient de terminer deux études importantes. D'une part, sur la construction d'une usine d'hydrogène liquide au Québec. L'objectif que l'on poursuivait c'est de voir la sensibilité des coûts d'électricité dans cette production d'hydrogène liquide. Une autre étude porte sur l'inventaire de la production et de l'utilisation de l'hydrogène dans la région de Montréal. Dans les deux cas les études ne sont pas encore disponibles. Les rapports doivent être remis au conseil d'administration

au début d'octobre. Mais il appert que les premières conclusions semblent certainement être qu'une usine d'hydrogène liquide au Québec pourrait être fortement compétitive par rapport au prix de l'hydrogène liquide aux États-Unis. On arrive du Japon et là-bas, l'Institut aérospatial paie 32 $ la livre d'hydrogène alors qu'ici, nos études se situent, plus ou moins, sans donner de détail, autour de 2 $ la livre.

Donc, certainement...

M. Fortier: 2 $ sur papier.

M. Champagne (Richard-D.): Oui, mais 2 $ en pratique aussi. Actuellement, aux États-Unis, on paie 2,72 $ la livre.

M. Fortier: Maintenant, la France a un programme. Quand le ministre est allé en France, le premier ministre est allé au Jura pour signer une grosse entente de 30 000 $ sur trois ans pour développer la culture, mais en ce qui concerne l'entente qu'il a signée avec la France cela m'encourage toujours parce que moi-même - je ne devrais pas le dire - quand j'étais président de Canatom j'avais signé une entente avec Alsthom-Atlantique. D'ailleurs je sais qu'on peut faire des affaires avec les Français, mais je m'inquiète toujours. Je me demandais dans quelle mesure la France était à l'avant-garde dans ce secteur et si les ententes que l'IREQ ou Hydro-Québec a signées avec l'électricité de France vont créer des vases communicants où notre technologie va se retrouver en France et où eux-mêmes pourraient utiliser notre technologie dans l'avenir.

M. Champagne (Richard-D.): C'est très pertinent. Effectivement, lors de la mission que nous avons conduite en octobre 1982 en France, on a été mis au courant de la politique française de recherche-développement pour mettre au point des électrolyseurs. Ils vont justement, avec l'entreprise que vous avez mentionnée et l'autre entreprise...

Une voix: Creusot-Loire.

M. Champagne (Richard-D.): ... Creusot-Loire, qui sont à 50% d'investissements privés et 50% d'investissements gouvernementaux, développer de nouvelles technologies d'électrolyse. Nous avons, à ce moment, lors de cette mission où étaient présents les gens d'Hydro-Québec et d'Electrolyser Noranda, fait valoir l'avantage de notre technologie. À cet égard, les Français étaient un peu peut-être sceptiques, mais aussi je ne dirais pas chauvins, mais ils favoriseraient presque leurs entreprises. On a eu une certaine difficulté, mais on l'a surmontée, pour faire valoir notre technologie, si bien que cela a été à l'origine des discussions précises qu'il y a eu entre Hydro-Québec et le gouvernement français qui ont signé quelques mois plus tard une entente technologique.

M. Fortier: Tout cela toujours avec l'idée de garder au Québec le leadership dans ce domaine. Est-ce que cela crée le danger qu'on le perde au profit de la France? Est-ce que notre technologie va se retrouver en France et qu'avec des moyens plus considérables ils vont être à l'avant-garde de la production d'hydrogène?

M. Champagne (Richard-D.): Ces technologies sont quand même protégées, d'une part. D'autre part, il est tout à l'avantage du Québec d'exporter ces équipements qu'on pourra produire ici au Québec. C'est dans ce sens qu'on voulait justement mettre à profit la technologie développée ici au Québec, à Noranda et à l'IREQ. Donc, dans ce sens, c'est tout à notre avantage de pouvoir exporter notre technologie et d'ouvrir la porte justement à des collaborations. Il faut dire aussi que dans toutes les missions qu'on a faites - je parle de la France mais on pourrait parler de l'Allemagne - ils voient le Québec, avec ses coûts d'hydroélectricité bas, comme un genre de territoire pilote pour faire l'essai de nouvelles technologies.

Étant donné qu'on ne peut développer toutes les technologies ici - on n'a pas les moyens de s'étendre a tous azimuts - il y a définitivement avantage à collaborer avec les pays pour amener des projets pilotes ici. Avec l'Allemagne nous sommes justement à discuter d'une technologie d'électrolyse de l'eau, de la vapeur d'eau, qui pourrait être intéressante.

M. Fortier: Ce que vous dites c'est que cela pourrait devenir un centre de recherche quasiment international au lieu d'être uniquement un centre de recherche québécois, et profiter de notre position.

M. Champagne (Richard-D.): Cela pourrait sûrement avoir un profil international.

M. Fortier: Je vous remercie beaucoup.

Le Président (M. Dussault): II n'y a pas d'autre intervenant. M. le ministre.

M. Duhaime: Merci, M. Champagne et ceux qui vous accompagnent.

Le Président (M. Dussault): M. Champagne, je vous remercie de votre présence à la commission ainsi que vos collègues. Bon retour.

J'invite maintenant l'École polytech-

nique à se présenter devant la commission.

M. Champagne (Richard-D.): M. le Président.

Le Président (M. Dussault): M. Champagne.

M. Champagne (Richard-D.): Dans les documents qu'on vous a remis ce matin nous avions certains tableaux. J'aimerais attirer votre attention sur celui intitulé - je ne sais pas quelle page exactement, ce n'est pas paginé - Données et perspectives. Conseil de l'industrie de l'hydrogène, Données et perspectives, sur le tableau du bas où on donnait l'incidence d'une pénétration de l'hydrogène pour 5% de la consommation énergétique du Québec. On a donc l'équivalent en production d'hydrogène qui correspondait à 1000 tonnes par jour; la puissance requise pour l'électrolyse devrait se lire 2000 mégawatts et non 6000 mégawatts.

Une voix: II s'agit de la quatrième page.

M. Champagne (Richard-D.): La quatrième page. Merci.

M. Duhaime: ...pour 5% des besoins?

M. Champagne (Richard-D.): Oui. 5% de la consommation énergétique du Québec si on allait vers une pénétration de l'hydrogène de l'ordre de 5%. On parle de production d'hydrogène de 1000 tonnes par jour, ce qui donne une puissance requise pour l'électrolyse de 2000 mégawatts qui est l'équivalent de LG3, par exemple.

M. Fortier: Mon Dieu, votre recherche fait des progrès rapides. C'est passé de 6000 à 2000. Félicitations.

Le Président (M. Dussault): Merci encore, M. Champagne.

École polytechnique

Nous avons devant nous M. Wladimir Paskievici, directeur de la recherche. Je vous invite immédiatement, M. le directeur de la recherche, à faire votre représentation auprès de la commission.

M. Paskievici (Wladimir): M. le Président, M. le ministre, MM. les membres de la commission, l'École polytechnique se réjouit de l'invitation qui lui a été faite de présenter un mémoire à la commission parlementaire. Le présent mémoire s'inscrit dans une ligne de continuité qui témoigne à la fois de la présence active de l'École polytechnique dans le domaine de l'énergie et aussi de sa responsabilité sociale qui l'amène à s'exprimer publiquement dans les domaines de sa compétence qui intéressent la collectivité qu'elle dessert.

Le mémoire comprend quatre parties. La première consiste en commentaires généraux sur le document de travail, soit l'énergie, "levier de développement économique", préparé par le ministère de l'Énergie et des Ressources. La deuxième décrit les activités de l'École polytechnique en recherche-développement énergétique. La troisième effleure les problèmes associés au volet "développement économique" et la dernière présente quelques commentaires et recommandations centrés sur le volet "recherche-développement".

Étant donné que c'est un long mémoire et qu'il est difficile de condenser chacune de ses sections j'ai pensé qu'il était peut-être mieux de ne présenter oralement que la dernière partie et répondre aux questions que les membres de la commissions voudraient poser.

Le Président (M. Dussault): Nous apprécierons.

M. Paskievici: Alors, si vous avez le document devant vous je passerai directement à la page 23. (11 h 30)

Dans le document de travail, le ministère de l'Énergie et des Ressources invite les intervenants du milieu à communiquer leurs préoccupations et l'état de leur réflexion sur les orientations leur paraissant les plus souhaitables pour la mise en place d'une politique de soutien coordonnée et cohérente en matière de recherche- développement énergétique.

Dans la section no 3, l'école a voulu montrer qu'elle était activement engagée dans le secteur de l'énergie, qu'elle possède une riche expérience en recherche-développement énergétique et qu'elle est bien intégrée dans le milieu industriel. C'est sur cet acquis qu'elle présente les commentaires et recommandations suivantes:

D'abord, sur les domaines de recherche identifiés dans le document de base. On commence avec la production et l'utilisation de l'hydrogène, ce qui fait le lien avec la présentation précédente.

L'École polytechnique appuie fortement les efforts dans ce domaine et y participe activement. Elle désire pouvoir développer des programmes d'enseignement et de recherche en électrochimie avec accent sur la formation de chercheurs.

L'École polytechnique recommande que l'on poursuive activement au Québec les activités de recherche et de développement dans le domaine de l'hydrogène, appuie les démarches du gouvernement du Québec en vue de l'établissement d'un centre de

recherche en électrochimie au Québec, mais estime qu'en parallèle des moyens soient offerts aux universités pour pouvoir former des chercheurs dans ce domaine.

Pour les énergies nouvelles, l'École polytechnique est bien engagée dans les travaux de recherche et de développement. De plus, elle a amorcé une action pour seconder Nouveler dans ses efforts pour valoriser ce nouveau secteur. L'utilisation des énergies citées dans le document de travail, les résidus du bois et les déchets urbains ne constituent qu'une partie du potentiel pouvant être exploité.

L'innovation liée aux économies d'énergie, on y reviendra.

Le domaine nuclaire. Le document de travail ne mentionne que les travaux de recherche-développement reliés à la fusion nucléaire. Tout en applaudissant les efforts consentis dans ce domaine de même que la collaboration entre l'IREQ et Énergie atomique du Canada sur le projet Tokamak, il convient de ne pas perdre de vue qu'il ne s'agit que d'une étape avant beaucoup d'autres vers l'exploitation commerciale de cette forme d'énergie. On y reviendra sur l'énergie de fission plus loin.

En ce qui concerne les applications d'électricité, l'École polytechnique endosse entièrement la politique du gouvernement du Québec et celle d'Hydro-Québec à ce sujet. La disponibilité et le faible coût d'électricité au Québec sont des atouts majeurs qu'il faut exploiter au maximum. L'École polytechnique désire assurer le gouvernement du Québec qu'elle participera au maximum de ses capacités dans un effort de recherche soutenue concentrée sur la mise au point de nouveaux procédés industriels utilisant l'électricité. Notre collaboration avec l'IREQ qui poursuit le même objectif ne pourra que se développer.

Quelques commentaires des domaines qui ont été identifiés dans notre mémoire. D'abord, l'exploitation de petits gisements de gaz. Nous croyons qu'il serait particulièrement intéressant pour le Québec de développer un ensemble d'outils spécifiquement adaptés à la situation géologique locale. Ces techniques devraient permettre la découverte et l'exploitation à des prix compétitifs de nos ressources gazières. Ces techniques pourraient également alimenter le marché d'exportation.

L'École polytechnique, par l'intermédiaire de ses équipes en génie minéral, mécanique et chimique serait particulièrement intéressée à entreprendre des travaux de recherche nécessaire dans ce domaine si un appui lui était accordé.

Sur une technologie nouvelle, technologie laser en énergie nucléaire, le procédé d'enrichissement de l'uranium par la technologie laser ouvre la possibilité de transformer l'électricité en une source énergétique condensée et de donner à l'uranium naturel une importante plus-value avant son exportation. Dans le passé, plusieurs projets d'implantation au Québec d'une usine d'enrichissement de l'uranium, utilisant notre hydroélectricité ont vu le jour, mais ont dû être abandonnées pour diverses raisons.

La nouvelle technologie au laser encore en développement permet d'envisager à plus long terme la mise au point de méthodes compétitives. Il serait approprié qu'au Québec un secteur témoin se développe basé sur l'acquis des chercheurs de l'École polytechnique et avec l'appui de l'énergie atomique du Canada.

Filière énergétique CANDU. Le document de travail rappelle les raisons qui ont motivé le gouvernement du Québec à imposer un moratoire nucléaire et en précise la portée: surseoir à tout aménagement de nouvelles centrales nucléaires au Québec, tout en poursuivant dans ce domaine l'effort de recherche et de développement déjà consenti.

L'École polytechnique, par son Institut de génie nucléaire, est fortement impliquée dans cet effort de recherche en travaillant en étroite collaboration avec Hydro-Québec et Énergie atomique du Canada. Elle recommande que ces activités se poursuivent, qu'elles aient pour but d'assurer le fonctionnement économique et sécuritaire de la centrale GentilIy-2 et qu'elle prépare les chercheurs devant contribuer à la conception des prochaines centrales.

Nous passons à l'énergie photovoltaïque. L'intérêt de la mise sur pied d'un programme majeur de recherche et de développement en énergie photovoltaïque a été indiqué dans le corps du rapport. Plusieurs raisons favorisent le Québec comme lieu d'implantation d'un tel programme. D'abord, c'est le fait que la fabrication des piles solaires consomme d'importantes quantités d'électricité; deuxièmement, que la production d'énergie photovoltaïque fluctue avec le temps, l'hydroélectricité constituant le système d'appoint idéal; le fait que le Québec possède de vastes territoires, pratiquement inutilisables à d'autres fins, qui conviendraient bien à l'implantation de centrales électriques de grande surface; finalement, une équipe, composée de chercheurs expérimentés de l'École polytechnique et de l'Université de Montréal se situe aujourd'hui à la fine pointe du progrès dans la technique basée sur le silicium amorphe hydrogéné dans la production des piles photovoltaïques.

Des industries nouvelles pour la fabrication de cellules solaires utilisant cette technologie avancée pourraient être rapidement créées et la production d'électricité industrielle d'origine photovoltaïque pourrait faire son apparition

dès les années mil neuf cent quatre-vingt-dix. L'École polytechnique recommande donc que le ministère de l'Énergie et des Ressources étudie l'opportunité et les moyens à consentir pour la mise en place d'un programme majeur de recherche et développement en énergie photovoltaïque au Québec.

Pour ce qui est de l'énergie éolienne, l'École polytechnique recommande de diminuer considérablement les travaux de recherche-développement sur les éoliennes de faible puissance, c'est-à-dire inférieure à 100 kilowatts, tout en poursuivant les autres, bien sûr.

L'énergie solaire. l'École polytechnique recommande la poursuite prudente des efforts de recherche-développement en énergie solaire, en mettant l'accent sur les recherches de base et sur les applications industrielles les plus prometteuses.

Conversion hyperfréquence-chaleur industrielle, c'est une technologie spéciale. L'École polytechnique recommande le ralentissement des travaux dans ce domaine, pour quelque temps.

Conversion biomasse-alcool. L'École polytechnique recommande la poursuite des travaux dans ce domaine, avec comme objectifs l'augmentation du rendement énergétique de ce type de conversion et l'évaluation technico-économique des procédés.

Des recherches dans le domaine de la stabilité et de la fiabilité du réseau de transport et de distribution de l'électricité devraient se poursuivre.

Pour ce qui est de la préservation d'énergie, voici nos commentaires. La poussée des prix de l'énergie a été l'occasion du lancement de nombreux projets visant l'utilisation plus rationnelle de nos ressources énergétiques. Cet effort de rationalisation doit être poursuivi sur tous les fronts même si le coût de l'énergie semble s'être stabilisé. L'École polytechnique recommande donc que les efforts de recherche-développement en matière de préservation d'énergie se poursuivent, qu'ils visent la diminution de l'utilisation ou le remplacement des sources énergétiques coûteuses ou dont l'approvisionnement n'est pas sûr, mais qu'elles tiennent compte des réalités économiques. En particulier, l'École polytechnique recommande une approche intégrée dans les solutions proposées. Un exemple de ce que signifie une approche intégrée est indiqué dans le corps du mémoire.

Études économiques. L'utilisation accrue de l'électricité, la pénétration du gaz naturel et l'apport des énergies nouvelles donneront naissance à des nouvelles technologies et à des nouveaux procédés industriels. L'École polytechnique recommande que les approches utilisées en prévision technologique soient utilisées de façon systématique afin d'identifier les secteurs de recherche-développement les plus prometteurs.

Finalement, les transferts technologiques. Les divers types d'activités que l'on peut regrouper sous cette rubrique ont été déjà analysés plus haut; j'aimerais les rappeler ici. Il s'agit de trois sortes d'activités: transfert au Québec des technologies développées ailleurs; transfert technologique du Québec vers des pays en voie de développement et transfert vers d'autres industries des méthodes et des technologies développées dans les industries énergétiques de pointe.

Ces activités devraient se poursuivre parce qu'elles assurent au Québec le développement des technologies de pointe, la modernisation des autres technologies et l'ouverture des marchés extérieurs.

À cause de l'importance des enjeux, une collaboration très serrée entre les partenaires concernés est indispensable et l'École polytechnique recommande que le gouvernement du Québec favorise telles activités.

Quelques commentaires généraux. L'École polytechnique souscrit entièrement aux objectifs à terme de la politique québécoise de l'énergie et au plan d'action du gouvernement tels qu'énoncés dans l'ouvrage Le virage technologique, c'est-à-dire: amélioration du degré d'autonomie énergétique du Québec; mise en valeur et utilisation accrue des sources d'énergie québécoise; renforcement de la sécurité des approvisionnements en énergie; incitation aux économies d'énergie et utilisation de l'électricité comme levier de l'industrialisation.

L'École polytechnique est particulièrement sensible à l'affirmation suivante que l'on trouve dans le document de travail: "À côté d'une technologie susceptible d'être exploitée, l'expansion des activités de recherche-développement dans le secteur énergétique suppose en effet que l'on dispose à la fois de spécialistes ayant un haut degré de compétence et d'un ensemble des structures d'accueil aptes à faciliter la bonne marche des projets."

Nous pensons que l'École polytechnique a contribué fortement, dans le passé, au développement industriel du Québec en formant, en nombre et en qualité, la plupart des spécialistes demandés par le milieu. Notre institution désire développer les travaux de recherche-développement dans les secteurs énergétiques décrits dans ce mémoire et est prête à se lancer, avec des partenaires éventuels, dans de nouveaux domaines. Si le potentiel et la volonté existent, les coupures budgétaires qui frappent toutes les universités, en ce moment et probablement pour les années à venir, risquent fort d'anéantir les efforts de

former des spécialistes dans ces nouveaux domaines.

L'École polytehcnique recommande donc très fortement que des crédits pour la formation de spécialistes dans des domaines jugés prioritaires soient libérés à la fois au plan de la formation universitaire de base et à celui de la formation de chercheurs. J'aimerais ajouter ici que ce mémoire a été écrit avant que des crédits additionnels soient accordés pour l'augmentation des populations étudiantes dans les secteurs visés par le gouvernement, Le virage technologique. L'École polytechnique recommande que le choix des domaines prioritaires ne se limite pas à quelques actions isolées mais qu'il couvre tous les créneaux les plus intéressants pour le Québec.

Pour compléter, j'ajouterai que nous avons voulu, tout au long de ce mémoire, montrer qu'il existe un éventail très large de possibilités de recherche et de développement et que l'importance de ces possibilités dépend de l'horizon temporel auquel on se situe. D'autres intervenants montreront, avec raison, que d'autres opportunités existent également.

Comme dernière remarque, l'École polytechnique recommande que le ministère de l'Énergie et des Ressources entreprenne l'inventaire de l'ensemble des efforts de recherche-développement en énergie. Elle recommande également qu'un comité conjoint peut-être un conseil de l'énergie comprenant des représentants du ministère de l'Énergie et des Ressources, du ministère de la Science et de la Technologie, du ministère de l'Éducation, des universités et des industries soit formé avec le mandat d'examiner ces projets, déterminer ceux qui semblent les plus prometteurs, évaluer les structures d'accueil proposées et faire des recommandations concernant le financement, que ce soit par l'intermédiaire des structures existantes ou par des moyens nouveaux.

Voici, M. le Président, ma présentation. Je voudrais remercier mes collègues qui m'ont aidé à compléter ce document. Ce n'est pas l'oeuvre d'une seule personne bien sûr. Je suis prêt à répondre aux questions.

Le Président (M. Dussault): Je vous remercie M. Paskievici. Je cède la parole à M. le ministre.

M. Duhaime: Je voudrais d'abord vous remercier M. Paskievici, je ne sais pas si je prononce bien votre nom.

M. Paskievici: Assez bien. M. Duhaime: Oui.

M. Paskievici: Vous me faites penser à ma compatriote d'origine roumaine Nadia...

M. Duhaime: On reste dans le domaine de la haute voltige. De toute façon quand on regarde l'ensemble de la problématique et l'éventail très large qu'ouvre, bien sûr, et entretien l'École polytechnique, il est bien certain que dans le secteur nucléaire par exemple, la polytechnique continue de faire ses preuves. Il y a eu des bons élèves comme des mauvais élèves. Chacun pourra s'évaluer. Je voudrais peut-être vous demander... Je veux revenir sur votre idée de faire un inventaire et de voir si on ne pourrait pas intégrer davantage l'effort de recherche. Auparavant, je voudrais peut-être demander le point de vue d'un universitaire. Hier le député d'Outremont - je ne sais pas si c'est lui qui a mentionné cela ou un intervenant - que les universitaires étaient peut-être plus dégagés du contentieux politique, donc ils pourraient peut-être prendre de l'altitude. C'est vous je crois qui avez dit cela. C'est bien d'ailleurs. C'est une de vos bonnes phrases.

M. Fortier: Je pensais aux docteurs parce...

M. Duhaime: On comprend que les budgets étant ce qu'ils sont, que ce soient les sociétés d'État, que ce soient les ministères à vocation économique, nous avons créé trop tardivement à mon sens - mais enfin il est là - le ministère de la Science et de la Technologie.

Est-ce que votre groupe de travail s'est arrêté sur un ordre de priorités? Qu'est-ce qu'il faudrait que nous fassions de façon prioritaire dans le domaine de la recherche et du développement dans le secteur énergétique? Est-ce qu'on s'en va vers la fusion nucléaire? Est-ce qu'on fait la conversion des équipes? Est-ce que, comme vous l'avancez vous-même, vous semblez très intéressé par tout le secteur de la photovoltaïque? Est-ce qu'on continue les recherches et les applications industrielles dans l'hydrogène liquide par exemple? Quels seraient les secteurs que l'École polytechnique aurait à mettre en tête de ses priorités? (11 h 45)

M. Paskievici: M. le ministre, c'est une question à laquelle il est extrêmement difficile de répondre de façon claire et catégorique. Nous avons discuté; il est évident que les chercheurs, dans leurs différents domaines, voudraient voir leur domaine se développer. Nous avons essayé, dans ce document, d'après les mots que nous avons choisis, d'indiquer ce que nous pensons être les priorités. Parfois nous recommandons très fortement, parfois nous recommandons et parfois nous souhaitons. Il y a quelques messages dans chacune de ces recommandations.

Il est évident aussi qu'il est très

important de savoir à quel niveau on se situe. La fusion nucléaire c'est le siècle prochain; cela ne veut pas dire qu'il ne faut rien faire maintenant. Si on ne fait rien maintenant, on ne sera pas prêt à faire quoi que ce soit pour le prochain siècle. L'approche que l'École polytechnique a prise en général... Il faut bien comprendre que nous n'avons pas un groupe de recherche; ce sont autant de départements et de chercheurs qui travaillent dans ces domaines. Dans mon mémoire, il est écrit qu'environ 15% des subventions vont à la recherche et à peu près 30% des contrats vont à la recherche. Cela démontre l'importance de la recherche à l'École polytechnique.

Nous sommes actuellement, institu-tionnellement, lancés dans une opération de définition des priorités. Il est probable que je pourrai vous donner des réponses plus précises sur cette question, c'est-à-dire des dates, des sommes et des échéances, dans quelque temps, de façon précise. Néanmoins, je vais quand même essayer de répondre à vos questions. Dans cette conception des priorités, il faut pouvoir comprendre à la fois l'évolution de chacune des sources d'énergie, avoir une bonne compréhension du temps nécessaire entre le moment où on a une idée et le moment où cette idée est exploitable commercialement -cela peut durer des dizaines d'années - avoir aussi une bonne perception de l'appui de l'industrie au moment où cet appui devient primordial. Il faut bien se rendre compte de la disponibilité du personnel pour développer une telle technologie. Il faut voir, si vous voulez, le système. Ceci constitue la partie la plus difficile et demande des équipes de travail pour pouvoir vérifier quel domaine il faudrait lancer.

Comme règle générale, nous essayons à l'École polytechnique de proposer ou de recommander des mesures qui peuvent se développer sur des acquis, sur des réalités qui existent déjà et qui ont un débouché qui est de loin supérieur aux intérêts d'un, deux ou trois chercheurs. Un domaine immédiat, on est tous d'accord pour dire que c'est l'électrochimie. C'est un domaine à développer; tout le monde est d'accord pour dire qu'il faut faire quelque chose: le gouvernement fédéral, le gouvernement provincial, les chercheurs, tout le monde. C'est un dossier - je ne sais pas comment aboutissent les dossiers - que tout le monde désire voir se développer autant pour l'industrie de l'hydrogène, autant pour l'importance de l'électrochimie dans l'industrie dans d'autres domaines. Nous favorisons le développement de techniques qui peuvent servir à la fois comme sources d'énergie et à la fois pour développer des industries et des nouvelles technologies. L'électrochimie est certainement un domaine important.

Le photovoltaïque est, parmi les différentes sources d'énergie de l'avenir, celle qui se développe de la façon la plus sûre. On avance assez rapidement dans ce domaine, dans toutes les études, qu'elles soient au niveau mondial ou par des organismes indépendants, des chercheurs impliqués eux-mêmes. Je mentionne un document qui a été préparé dans ce sens et qui indique qu'il y a un potentiel important dans ce domaine. On travaille beaucoup aux États-Unis et le Japon est maintenant lancé dans ce domaine. Il y a un potentiel au Québec; il est évident, à nos yeux, qu'un certain effort devrait être fait pour que les équipes actuelles puissent rester dans la course et voir, d'ici à un an ou deux ans, dans quelle mesure cela peut aller plus loin.

Là où nous avons identifié une opportunité, c'est le fait qu'actuellement le marché des cellules qui grandit a besoin d'électricité et que, l'électricité au Québec coûtant moins cher qu'ailleurs, ce serait une possibilité de développer des industries de construction de piles solaires.

Parmi les autres domaines - l'énergie photovoltaïque, je l'ai mentionnée - nous favorisons une approche peut-être moins spectaculaire de développement étape par étape et surtout utiliser des développements scientifiques dans un domaine qui peuvent apporter des avantages dans un autre domaine tel que la micro-électronique, tels les développements de contrôle des systèmes qui ont été utilisés dans un domaine pour aller les utiliser dans un autre domaine.

Là, nous favorisons quelques actions ponctuelles qui, en principe, ne devraient pas être trop coûteuses, mais qui permettent rapidement, de concert, aux universités ou aux endroits où se fait la recherche-développement et dans les industries qui sont déjà sur le marché de combiner leurs efforts, de développer leur propre technologie et d'essayer d'aller plus loin.

Tout ce que je vous dis ici est un peu relié à un autre sujet qui est discuté en ce moment par une autre commission parlementaire, celle qui se penche sur la loi 37, la Loi sur l'Agence québécoise de valorisation industrielle de la recherche. Nous avons présenté un mémoire là aussi et nous essayons de montrer qu'au moment où dans un centre de recherche se développe une idée, il se produit une petite démonstration et le moment où ceci devient un produit industriel, un procédé ou une activité industrielle importante il y a une série d'étapes qu'il faut tranquillement et systématiquement développer.

C'est plutôt à ce niveau d'une approche-système, si vous voulez, pour s'assurer que les quelques bonnes idées que nos universitaires ont peuvent éventuellement se transformer dans des produits rentables, que ce soit dans le domaine énergétique ou

un autre.

C'est une attaque sur tous les fronts, mais rien de très spectaculaire, sauf peut-être les domaines que j'ai mentionnés. L'électrochimie, c'est important; nous croyons que dans les cellules photovoltaïques il y a quelque chose à faire; peut-être du côté des explorations minières par des nouvelles méthodes et peu à peu avec l'utilisation industrielle de l'énergie solaire, par exemple, sous forme de serres pour l'agriculture. Il y a une série de petites actions à développer en fonction d'un potentiel tel qu'observé à la fois par les chercheurs et pressenti par les industriels, surtout lorsque les gens se parlent entre eux et travaillent ensemble à des projets conjoints. C'est notre expérience dans ce domaine, c'est là que cela va bien.

M. Duhaime: Je vous remercie. Maintenant, si mes notes sont exactes, à Polytechnique, en 1981 et 1982, environ 1 500 000 $ ont été consacrés aux activités de recherche-développement dans le secteur de l'énergie. C'est à peu près 20% des montants globaux reçus et consacrés essentiellement au secteur énergétique. Je dois vous dire que je suis très heureux de faire cette constatation, si elle est exacte.

Mais je voudrais profiter de votre présence ici pour vous demander de porter un jugement de valeur, sur le plan international. J'imagine qu'à partir de Polytechnique vous avez des colloques, des symposiums, des déplacements, des rencontres. Je comprends que dans le secteur de la recherche-développement dans n'importe quel pays industrialisé, peu importe le secteur d'activité, on évalue toujours qu'on n'investit pas suffisamment dans la recherche-développement. C'est vrai pour le Québec, c'est vrai sans aucun doute pour l'ensemble canadien, comme c'est sans doute vrai pour l'ensemble des pays industrialisés. Sur le niveau d'intéressement à la recherche-développement au Québec, l'effort du gouvernement et l'effort des entreprises, sommes-nous en retard, sommes-nous à l'avant-garde? Comment nous placeriez-vous par rapport à d'autres pays industrialisés, en tenant compte des populations et l'effort per capita?

M. Paskievici: Ma réponse va comprendre trois ou quatre volets. D'abord, du point de vue des investissements à la recherche-développement, j'ai constaté un très rapide progrès au Québec. Lorsque je suis venu au Canada, les montants étaient presque ridicules. Durant les dernières années, les gouvernements ont consenti d'énormes efforts pour rattraper le temps perdu. À mon avis, on l'a pas mal rattrapé. Je comparais récemment la performance de l'École polytechnique avec d'autres universités du Canada et on se situe assez bien. La période de rattrapage est pratiquement terminée. Donc, au niveau des universités, dans les travaux de recherche-développement, tout en devant pouvoir se poursuivre, nous avons fait au Québec des progrès considérables.

Là, j'apporte les inquiétudes que j'ai manifestées dans ce rapport: les coupures budgétaires nous font terriblement mal et nous espérons qu'elles ne vont plus continuer longuement. Mais je ne voudrais pas continuer là-dessus. Donc, il y a eu un progrès certain. Et, actuellement, je pense qu'à ce niveau, on se compare assez bien et on espère que cela puisse continuer.

Une deuxième sorte de remarque, c'est qu'il n'y a pas suffisamment de couplage, je dirais, entre les réalisations qui se font dans les universités à travers ces efforts de recherche-développement et ce qui vient ensuite. Nous avons essayé à l'École polytechnique, à travers le Centre de développement technologique d'abord, et ensuite avec le Centre d'innovation, de nous assurer que les idées, les brevets, les techniques, etc., pouvaient se diffuser non seulement dans des congrès ou dans des bibliothèques, mais également de faire participer le milieu à ces connaissances. C'est là que nous avons encore beaucoup de chemin à faire. C'est peut-être là que, dans d'autres pays, le transfert se fait plus rapidement et c'est là un chaînon à surveiller, sinon, l'argent qu'on met dans la recherche et le développement risque de ne pas être utilisé à son potentiel.

Une troisième remarque, c'est l'attitude des industries vis-à-vis de la recherche-développement. Là, franchement, je trouve qu'au Canada en général, l'attitude est très en arrière par rapport à d'autres industries. Je ne prendrai pas l'industrie américaine comme exemple, mais dans beaucoup d'autres pays - en France, par exemple - les industries sont plus qu'encouragées par le gouvernement de mettre des fonds dans le développement et la recherche. Il y a des incitations des différents pays dans différents gouvernements pour que les industries mettent de l'argent dans la recherche. Alors, la quantité d'industries qui font de la recherche-développement au Québec est extrêmement limitée. Nous en connaissons un peu les causes, mais il faut travailler pour que cette situation change le plus rapidement possible. L'Association des directeurs de recherche industrielle du Québec est très consciente de cette question et je pense qu'elle a présenté dans différents forums et au gouvernement certains commentaires à savoir comment on pourrait remédier à la situation. Mais là, il me semble qu'il y a des manques. Et, c'est aussi une question d'attitude. Les universités et les industries n'ont pas, en général, durant ces dernières

années, travaillé suffisamment ensemble. Chaque fois qu'elles ont travaillé, elles ont profité les unes des autres. Mais, actuellement, il y a encore quelque méfiance de la part des industriels de s'approcher du monde universitaire, de même que de la part des professeurs d'université de s'approcher de l'industrie. Peut-être que nous, à l'École polytechnique, par notre tradition, parce que beaucoup d'industriels sont de nos anciens diplômés, etc., nos contacts sont meilleurs. Et nous avons des appuis très importants de l'industrie pour développer justement des programmes énergétiques. Mais, en général -vous m'avez posé la question, j'essaie d'y répondre - je pense que les industries comme les universités devraient avoir quelques incitations minimes en argent, mais importantes comme geste d'indication politique d'un changement pour que de tels rapprochements se fassent: stages des professeurs dans l'industrie, des industriels qui vont à l'université, des projets conjoints. Une fois qu'un projet conjoint est bien pensé, on trouve toujours des fonds du gouvernement fédéral ou d'autres industries, etc., pour les développer. C'est de ce côté, M. le ministre, qu'il me semble qu'il y a encore beaucoup de chemin à faire. On pourra le faire s'il y a concertation. (12 heures)

M. Duhaime: Je vais enchaîner avec votre dernière remarque. D'ailleurs, vous l'évoquez plus explicitement dans votre mémoire en nous suggérant d'abord un travail de bénédictin, soit de faire l'inventaire le plus exhaustif possible de l'ensemble des efforts de recherche et de développement. Vous nous proposez quelque chose qui m'intéresse. Sans qu'on ait encore défini un titre, vous nous proposez un comité conjoint qui pourrait regrouper, bien sûr, différents ministères, donc le gouvernement, les universités et l'industrie. Là-dessus, je vous donne parfaitement raison. C'est peut-être l'une de nos mauvaises traditions, mais la jonction a toujours été difficile entre l'effort de recherche et le développement â l'université et son lien avec l'industrie; avec le gouvernement aussi, jusqu'à ces dernières années.

Je ne sais pas comment on va pouvoir concrétiser cette idée, mais on pourrait très certainement faire une économie de temps et d'énergie. Il y a très certainement des dédoublements qui se font dans l'effort de recherche; donc, du gaspillage de fonds et de ressources humaines également. Je vous avoue que cela m'intéresserait énormément de faire cette jonction entre le palier du gouvernement et ses sociétés d'Etat, les universités, d'une façon générale, et l'industrie. Je pense qu'on pourrait peut-être avancer plus rapidement. Je vais demander à mes gens, au ministère, de faire le premier pont. Puisque l'idée appartient à l'École polytechnique, on va très certainement retourner vous voir pour évaluer ensemble comment procéder d'une façon concrète.

J'ai un peu horreur de ces grands conseils qui se forment à gauche et à droite. Je le dis en toute déférence. Même si on a eu, juste avant vous, le Conseil de l'industrie de l'hydrogène, c'est beaucoup plus au vocabulaire que j'en ai. La seule crainte que j'ai, c'est qu'on forme une espèce de cadre, que cela porte un grand titre mais que cela en reste là. Ce que j'ai en tête, c'est quelque chose de souple, de très opérationnel et qui pourrait justement faire cette jonction.

Aujourd'hui, on voit des professeurs passer de l'université à des conseils d'administration d'entreprises. On voit également l'inverse se faire. Les mouvements sont peut-être moins fréquents du côté du gouvernement vers l'industrie ou l'inverse mais, enfin, il y a très certainement une jonction, une avenue qui n'a pas été explorée jusqu'à maintenant. Je le retiens comme étant une contribution positive.

Il faudrait vous dire aussi en terminant, M. Paskievici, que je ne suis pas à la recherche de caution pendant les travaux de cette commission. Je voudrais vous dire que c'est avec beaucoup de plaisir que je vous ai entendu dire tout à l'heure que vous partagez les grands objectifs que nous avons établis dans la politique énergétique du Québec. Je vous remercie.

Le Président (M. Desbiens): M. le député d'Outremont.

M. Paskievici: M. le Président, me permettez-vous de faire un petit commentaire sur les dernières remarques du ministre?

Le Président (M. Desbiens): Allez-y.

M. Paskievici: Après avoir terminé ce document, bien sûr, je l'ai fait circuler auprès de plusieurs personnes qui m'ont dit à peu près ceci: Votre mémoire est très bon -c'est gentil - vous proposez un comité, c'est bon, mais c'est la seule partie naïve de votre mémoire. Vous ne verrez jamais un conseil de l'énergie tel que proposé. J'en suis parfaitement conscient, M. le ministre. J'aimerais souligner que, si j'ai apporté cette idée, c'est peut-être l'idée d'un universitaire qui se fait des illusions. J'ai proposé cette idée d'un conseil de l'énergie il y a quelques bonnes années; c'était peut-être au début de la crise de l'énergie, ou même avant, et on ne regardait pas ces choses d'une façon attentive. Je crois savoir qu'un autre organisme a présenté un mémoire dans lequel on parle d'un comité ou d'un conseil de l'énergie, je pense que c'est l'Ordre des ingénieurs.

Bien sûr, si c'est trop grand, ce n'est jamais efficace. Le message à retenir, à mon avis, est le suivant: Si on ne travaille pas ensemble, on n'a pas les ressources nécessaires pour faire des réalisations. On peut faire des discours, on peut faire des plans même quinquennaux, on peut avoir l'impression qu'on fait des réalisations, mais avec les ressources que nous avons nous ne pouvons pas nous permettre de travailler dans toutes les directions à la fois et il faut essayer d'avoir un système mettant, à un moment donné, ensemble les personnes impliquées. Par quel mécanisme exact? C'est au gouvernement de voir quel est le système qui fonctionne le mieux, mais, à mon humble avis, il faudrait essayer d'aller dans cette direction. Merci.

Le Président (M. Desbiens): M. le député d'Outremont.

M. Fortier: II me fait plaisir de remercier M. Paskievici pour sa présentation. Comme le ministre l'a dit, étant diplômé de Polytechnique, c'est toujours avec beaucoup de plaisir que je vois les progrès faits par mon aima mater. J'étais très bon élève, j'ai fini dixième sur une classe de 130. Je peux la recommander.

M. Duhaime: On va vous demander de déposer votre bulletin.

M. Fortier: Ce n'est pas là que j'ai étudié le nucléaire; c'est en Angleterre. La question que j'aimerais poser à M. Paskievici concerne la recommandation demandant une certaine intervention gouvernementale. Cela me surprend de la part d'une université parce que les universités ont fait des représentations justement à l'autre commission parlementaire qui a tenu des auditions au mois de juin, alors que nous discutions de la formation du ministère de la Science et de la Technologie. Elles craignaient justement, que la recherche ne soit dirigée par le gouvernement, autrement dit, qu'il n'y ait une autorité supérieure qui décide qui va faire quoi, à quel moment et avec quel budget. Je me demande si c'est l'idée qui est sous-entendue par cette recommandation puisque cela me semble aller à l'encontre des recommandations du Conseil des universités et d'autres universités, à savoir que le gouvernement ne devait pas intervenir d'une façon directe pour décider de ce genre de chose. J'aimerais avoir votre commentaire. Par rapport aux craintes exprimées par le Conseil des universités et par d'autres universités, dans quelle mesure cette recommandation s'inscrit-elle dans une logique qui voudrait mettre entre les mains de quatre ou cinq ministères toute la coordination de la recherche?

M. Paskievici: Je pense qu'essentiellement la réponse est simple. Dans le projet de loi créant le ministère de la Science et de la Technologie, il y avait, à nos yeux, certaines ambiguïtés entre le rôle de ce ministère et celui de l'Éducation. On ne désirait pas, à l'occasion de la création d'un nouveau ministère, que certains pouvoirs qu'on estime que le gouvernement a le droit d'exercer s'exercent au niveau de l'enseignement et de la recherche dans le sens de limiter la liberté des chercheurs de faire ce qu'ils ont envie de faire. Par contre, nous reconnaissons entièrement au gouvernement non seulement le droit, mais aussi la responsabilité d'indiquer clairement quelles sont les priorités nationales, quels sont les domaines dans lesquels la société, donc, y compris les universités doivent mettre des efforts. Par exemple, dans tel domaine ou tel domaine.

À ce moment, surtout s'il s'agit d'une priorité qui est obtenue par un certain minimum de consensus, il est absolument évident que les institutions, les universités et les autres vont participer à réaliser leur responsabilité qui est de former les hommes dans ce domaine. Nous avons peut-être dit -et nous le répétons dans le cas de l'AQVIR -que ce n'est pas sûr qu'un domaine jugé à un moment donné prioritaire par un membre, par exemple, un gouvernement, va être également prioritaire un an, deux ans ou quatre ans plus tard. Alors, là, on demande une certaine liberté pour que les professeurs d'université, pour que le milieu industriel, pour que les gens qui sont à la base qui font le travail et qui connaissent un peu le milieu puissent quand même manoeuvrer et ne pas être submergés par des directives trop contraignantes.

M. Fortier: Je prends note que votre position, à mon avis, est différente de celle du Conseil des universités. J'en prends note. C'est une position de l'École polytechnique parce que vous recommandez une méthode très directrice de la part du gouvernement et je crois que le Conseil des universités s'inscrit en faux contre cela. C'est votre position et je la respecte.

M. Paskievici: Je m'excuse, je n'ai pas dit directrice. Je n'accepte pas ce mot.

M. Fortier: Écoutez, on va lire les mots ensemble: "soit formé avec le mandat d'examiner ces projets, de déterminer ceux qui semblent les plus prometteurs, d'évaluer les structures d'accueil et de faire des recommandations." Mais quand ce sont trois ou quatre ministères qui vont recommander, cela devient très fortement déterminant dans le succès ou l'insuccès d'un projet en particulier.

M. Paskievici: C'est fort, mais ce n'est pas encore déterminant, ce n'est pas dirigiste. C'est une planification sans aucun doute avec des moyens qui doivent être réalistes et, encore une fois, s'il y a un certain consensus par ce mécanisme, cela devient une chose tout a fait naturelle. Si les gens ne sont pas d'accord, le consensus ne va pas se former à l'intérieur de ce conseil. Vous voyez la différence.

M. Fortier: Là, je vous rejoins. C'est qu'en lisant vos recommandations je me demandais lesquelles étaient prioritaires. Vous avez corrigé par la suite; vous avez répondu au ministre quelles étaient celles qui, d'après vous, étaient prioritaires. Dans votre texte, il y en a seulement une où on dit, à la page 28, L'École polytechnique recommande le ralentissement des travaux de recherche dans le domaine de la conversion hyperfréquences - en chaleur industrielle. Mais toutes les autres étaient sur le même point. La question que j'allais poser c'est: Compte tenu des contraintes budgétaires dont nous souffrons tous, lesquelles sont prioritaires parmi d'autres? Je pense bien que ce que vous venez de dire s'inscrit à l'intérieur de cela. S'il y a des contraintes budgétaires, on est obligé de mettre le paquet à certains endroits et de laisser d'autres secteurs un peu en veilleuse. Mais vous avez dit que dans ces autres secteurs il faudrait quand même maintenir une certaine présence. Je crois que c'était le sens de votre réponse.

M. Paskievici: Exact.

M. Fortier: À ce moment-là, une question qui me vient à l'esprit touche la fusion et la fission - on va discuter de fission ce soir avec l'Énergie atomique du Canada - compte tenu des autres secteurs comme l'hydrogène qu'on doit développer et d'autres secteurs prioritaires. Si on se replace dans l'optique qui prévalait il y a cinq ans ou six ans, où les gens disaient: Nous aurons besoin de la fission nucléaire au Québec en 1995; donc, il faudrait commencer des travaux de centrales nucléaires sur une grande échelle en 1985, dix ans avant, pour commencer un programme très important de centrales nucléaires, en 1995. On voyait dix ou quinze ans d'un programme de fission nucléaire et, ensuite, on voyait, au début de l'an 2000, la fusion venir. Mais tout cela maintenant est décalé dans le temps, enfin, si on veut être réaliste.

Bien sûr, s'il y avait un développement économique accru, que peut-être cet échéancier pourrait être décalé de seulement cinq ans, mais certains pensent que le décalage dans le temps sera beaucoup plus prononcé que cela. Compte tenu du fait qu'il peut y avoir des modifications industrielles et technologiques d'importance, la question que j'aimerais vous poser, c'est: En ce qui concerne la recherche en particulier, quelle ampleur, quelle importance, quel poids doit-on donner à la recherche dans le domaine de la fission et quelle importance doit-on donner à la recherche sur la fusion, compte tenu des autres secteurs prioritaires comme l'électrochimie, l'hydrogène et les autres?

M. Paskievici: Encore une fois, c'est la question d'horizon temporel dont vous parlez, mais aussi l'étape dont il est question.

M. Fortier: Je parle des dix prochaines années.

M. Paskievici: C'est cela. Lorsqu'on parle, par exemple, des recherches dans le domaine de la fission, les recherches les plus importantes dans le domaine de la fission ont eu lieu dans les années cinquante, au moment où on a mis au point la technologie. À partir des années soixante, l'effort a été mis sur les développements, les centrales de démonstration et les grandes centrales coûteuses, les choses coûtant des milliards, à partir de 1970.

Avec une technologie de ce genre, qui a duré de 1940, pratiquement, jusqu'en 1980, il y a 40 ans de développement. Avec la fusion, c'est la même chose. On est dans une période de recherche et de développement qu'il faut faire à un rythme raisonnable avec des fonds relativement modestes associés à l'étape recherche pour connaître mieux les possibilités de développer une telle technologie. Il ne s'agit pas de mettre le paquet dans la fusion comme on a mis le paquet dans le nucléaire il y a 20 ans parce que, quand on a mis le paquet, la technologie était assez bien connue du point de vue de la démonstration. Dans le domaine de la fusion, il n'y a pas encore de démonstration. Cela va peut-être venir, mais il n'y en a pas encore. (12 h 15)

Donc, au niveau du développement des nouvelles technologies qui sont à l'horizon, qui se lèvent ou qui vont venir, on met d'habitude de plus en plus d'argent au fur et à mesure qu'une technologie apparaît la plus prometteuse et la plus proche de l'implantation commerciale. Il s'agit donc, pour des nouvelles choses, à horizon lointain, d'investir un peu pour garder les équipes, pour faire la recherche pour s'intégrer dans le circuit mondial et se tenir présent dans les autres qui ont un avenir plus rapproché. Celles pour lesquelles on peut assurément avoir un développement plus rapide ou pour lesquelles il y a un besoin de toute façon, il faut y mettre le paquet et il faut aller plus loin.

M. Fortier: Ma question n'était pas seulement pour Polytechnique, mais pour

l'ensemble du Québec de quelque origine que puissent venir les subventions, que ce soit du gouvernement fédéral, du gouvernement provincial ou des sociétés d'État fédérales ou provinciales. Le Conseil de l'industrie de l'hydrogène vient nous faire une présentention en disant que c'est prioritaire, que, de toute évidence, les fonds disponibles au Québec, qu'ils viennent du fédéral ou du provincial, sont limités et que, comme pays et comme province, on n'a la dimension ni de l'Allemagne ni de la France ni du Japon ni des États-Unis. La question que je pose, c'est: Est-ce qu'on doit continuer à poursuivre certaines de ces avenues? De toute évidence, certaines de ces avenues semblent être moins prometteuses qu'elles ne l'étaient il y a quelque temps. Autrement dit, est-ce qu'on doit faire des choix cruciaux ou si on doit continuer à saupoudrer cela? Si on était les États-Unis d'Amérique, peut-être qu'on pourrait se le permettre, mais comme nous sommes au Québec, personnellement, je me pose sérieusement la question: Est-ce qu'on ne devrait pas faire des choix dramatiques pour laisser tomber certaines filières et pour en favoriser d'autres?

M. Paskievici: Je suis en faveur de ne laisser tomber aucune filière. On ne sait jamais les rebondissements. Je suis en faveur, cependant, d'adopter un régime de croissance très lent, pour assurer la possibilité de donner un nouveau développement, si nécessaire, dans certains domaines.

M. Fortier: Une question qui m'intéressait, c'était toute la question de la recherche - développement dans le domaine de l'industrie et l'effort que Polytechnique a fait depuis plusieurs années. Comme je l'ai indiqué tout à l'heure, je me suis intéressé beaucoup au dossier de la formation du nouveau ministère de la Science et de la Technologie; malheureusement, cette semaine, nos deux commissions parlementaires sont en parallèle et je ne peux pas y assister. Mais c'est certainement un dossier très important pour le développement économique du Québec, les outils que le gouvernement veut se donner, la forme du transfert des technologies et de la recherche-développement dans les universités vers l'industrie. Vous avez indiqué tout à l'heure que, d'après votre expérience, c'était décevant de voir l'importance de la recherche-développement dans l'industrie en particulier. Vous avez fait une comparaison internationale: France, Allemagne et d'autres pays, les États-Unis. Pour faire une évaluation honnête, il m'a semblé que, dans certains pays, l'industrie avait été amenée à faire de la recherche et du développement, qu'on aime cela ou non, surtout à cause de la recherche militaire qui s'était faite. Il faut bien avouer qu'au Canada il ne se fait à peu près pas de recherche militaire. Aux États-Unis, en particulier, je connais même des grands bureaux de génie-conseil pour qui l'effort de la recherche-développement est financé à 80% ou à 90% par la recherche et le financement dans le domaine militaire en particulier. Lorsqu'on y a pris goût et qu'on s'est donné des structures, bien sûr, on fait déborder cette recherche-développement dans le domaine civil. Je crois que c'est une dimension du problème que peu de gens ont soulevée pour le Canada. On se plaint toujours du fait que l'industrie n'en fait pas, mais il faut constater également que les autres pays du monde, que ce soit la Russie, les États-Unis, la France, l'Allemagne, le Japon - peut-être moins le Japon - font beaucoup de recherche et de développement dans le domaine militaire, financée justement par ces budgets. On sait que la proportion du budget canadien qui est vouée à la protection du Canada par l'armée est moins importante. On ne sera pas surpris de voir que l'importance des budgets dans le domaine de la recherche et du développement à des fins militaires est également moins grande.

Est-ce que vous avez déjà étudié cet aspect du problème? Qu'est-ce qu'on peut y faire? On ne peut pas y faire grand-chose si ce n'est que c'est un état de choses, mais c'est certainement une dimension du problème qui n'a jamais été soulevée d'une façon bien précise, à mon avis.

M. Paskievici: Je ferai deux commentaires très brièvement. Très récemment, il y a quelques semaines, une étude a été publiée par le Conseil des universités du Québec - très intéressante -indiquant la disparité dans la recherche-développement entre le Québec, le Canada et les autres pays. On mentionne, entre autres, les points que vous mentionnez. On sépare les pays qui ont des programmes militaires de ceux qui n'en ont pas. On soustrait la partie militaire pour faire, par la suite, les comparaisons. Donc, il y a une étude de faite, très intéressante, et il serait important qu'elle ait le plus de diffusion possible. Je crois qu'elle sera étudiée par différents forums dans les mois qui viennent. Tenant compte des points que vous avez mentionnés, même là on constate qu'il y a des faiblesses.

Voici le deuxième point que je voudrais souligner. Prenez le domaine de la robotique et celui de la biotechnologie. Je pourrais en citer d'autres. Tous ces domaines pourraient se développer. Ils ne sont pas reliés au développement militaire.

M. Fortier: Vous seriez d'accord avec moi qu'il y a un effet d'entraînement. Si quelqu'un travaille sur la robotique pour un projet militaire, de toute évidence il peut en

faire l'application dans le domaine civil très facilement.

M. Paskievici: Certainement qu'il peut y avoir des retombées, je n'en doute pas. Cela dit, ce n'est pas dans l'esprit des industries de faire appel à la recherche et au développement. Nous avons de petites et moyennes entreprises au Québec qui n'ont pas les hommes et la connaissance, le "know-how" pour faire la recherche et le développement. Ont-ils l'intérêt? C'est tout un monde qui a été très bien examiné par la l'ADRIQ en particulier et par d'autres organismes qui se sont penchés sur ce problème. Il n'y a pas de tradition dans le milieu. Les grandes compagnies, comme vous le savez, font de la recherche très souvent en dehors du Québec; je parle des multinationales. Alors, il y a quelques efforts qui se font au Québec, mais de ce côté-là il faudrait mener une action incitative très forte.

M. Fortier: En fait, le seul corollaire à notre échange serait de dire: Si le gouvernement fédéral veut épargner de l'argent, l'importance des dépenses militaires étant moins forte ici, on devrait penser à mettre plus d'argent dans la recherche et le développement pour des fins civiles, puisque, de toute évidence, on est défavorisé ici au Canada à cause de ce facteur-là.

M. Paskievici: Personnellement, j'ai l'impression qu'à tous les niveaux, dans tous les pays, on réalise l'importance de mettre des sommes assez importantes dans ce processus qui va du développement, à la démonstration, à l'innovation, à la commercialisation. Le problème, il s'agit de savoir où mettre cet argent pour que les résultats soient les meilleurs. À ce moment-là, c'est tout le complexe industriel, recherche, financement, marketing, légal, brevet qui entre en jeu. Nous n'avons pas encore une prise sur ce lien.

M. Fortier: Je vais terminer par une question sur votre recommandation 5.2, à la page 25, sur l'exploitation de petits gisements de gaz. Vous savez que SOQUIP a dépensé depuis plusieurs années - je crois 10 ou 15 ans - des sommes énormes pour tenter de trouver du gaz au Québec. Je pense qu'elle continue à faire de l'exploration dans le golfe Saint-Laurent. Les petits gisements qu'on peut trouver - il y en a quelques-uns -sont loin d'être rentables. J'aurais deux questions à ce sujet-là. La première, est-ce que vous collaborez avec SOQUIP? La deuxième, pourquoi recommander l'exploitation de petits gisements de gaz alors que, de toute évidence, cela pourrait ne pas être rentable?

M. Paskievici: Mes collègues experts dans ce domaine prétendent avoir développé des méthodes qui soient spécifiquement adaptables aux petits gisements de gaz. Ils disent que les grandes compagnies de gaz ont mis au point des méthodes pour développer et valoriser de grands gisements. Ils n'ont pas les outils mathématiques, techniques, la méthodologie pour penser beaucoup aux petits gisements. Toute leur organisation, toute leur recherche, tout leur équipement est fait en fonction de la découverte et de l'exploitation de grands gisements.

Il y a là un domaine qui n'a pas été exploité avec les outils nécessaires. Basé sur l'expertise de mes collègues qui travaillent dans ce domaine, certainement qu'ils connaissent tout ce qui se fait au Québec dans ce domaine, il y a là un moyen peut-être intéressant.

M. Fortier: Est-ce qu'ils ont parlé à Pierre Martin, le président de SOQUIP, pour lui faire part de leurs trouvailles?

M. Paskievici: Je ne peux pas répondre à cela.

M. Fortier: Non. Ce serait la première chose à faire.

M. Paskievici: Je l'ignore. Je sais qu'ils connaissent le milieu et qu'ils sont en contact très étroit. Ils ont des subventions importantes du ministère de l'Énergie et des Ressources, de sorte que je vais leur faire rapidement part de votre suggestion.

M. Fortier: Je vous remercie.

Le Président (M. Desbiens): M. le député de Vimont.

M. Rodrigue: J'aurais une couple de questions à poser à M. Paskievici. La première se rapporte au premier paragraphe de votre mémoire à la page 29, qui a trait aux études économiques où vous indiquez -c'est au haut de la page - que "l'École recommande que les approches utilisées en prévision technologique soient utilisées de façon systématique afin d'identifier les secteurs de recherche-développement les plus prometteurs." Est-ce que vous pourriez préciser un peu quelles sont ces approches?

M. Paskievici: Cela me fait plaisir, d'autant plus que c'est un domaine dont je n'ai pas parlé et dont vous aurez probablement d'autres échos la semaine prochaine ou dans deux semaines. L'École polytechnique a fait une étude de ce genre et c'est mentionné dans le corps du mémoire en ce qui concerne la pénétration éventuelle du gaz naturel au Québec. Il y a une étude qui avait été faite pour étudier quel est le

potentiel, le degré d'utilisation possible du gaz naturel au Québec. Il y a une étude très systématique faite sur toutes les industries qui pourraient utiliser le gaz, sur tous les équipements qui existent ou qui pourraient être améliorés et dans quelle direction. Il y a eu des activités identifiées comme les plus prometteuses selon une série de conjectures économico-industrielles possibles avec des facteurs d'évolution. Enfin, c'est toute une technologie que celle de la prévision technologique; elle est probabiliste, bien sûr, mais elle permet de cerner le degré de probabilité des différentes actions à entreprendre.

Faisant suite à ces recommandations faites à l'occasion de ce document - j'en parle un peu à la page 17 lorsqu'on parle de la compagnie Gaz Métropolitain - on a tiré quelques conclusions. Gaz Métropolitain a pris note d'un bon nombre de ces recommandations et a l'intention de poursuivre des actions très précises à cet effet. Il y a une étude des possibilités technologiques d'intervenir, de développer, d'apporter du nouveau; cela a pu être fait en se basant sur ces sortes d'études. On a pu, dans un cas précis, le gaz naturel, faire de la prévision technologique qui a servi à la compagnie dans la définition de sa politique ultérieure dont vous allez entendre la présentation bientôt. Ceci pourrait être utilisé dans d'autres domaines.

M. Rodrigue: Je reviens un peu en arrière; à la page 27, vous indiquez que "le Québec possède de vastes territoires, pratiquement inutilisables à d'autres fins, qui conviendraient à l'implantation de centrales électriques photovoltaïques." Vous dites: "Une centrale de 1000 mW requiert un territoire de 500 kilomètres carrés", c'est-à-dire quelque chose comme 25 kilomètres par 20 kilomètres. Est-ce qu'il y a eu des estimations de coût faites d'une telle centrale? Est-ce que la technologie est au point où on pourrait, si la décision était prise, installer une telle centrale? Est-ce qu'il y a eu des estimations préliminaires de coût?

M. Paskievici: Actuellement, cela se situe, bien sûr, à un horizon plus éloigné; pas plus éloigné que la fusion. Les développements les plus rapides parmi les diverses sources d'énergie sont dans le domaine photovoltaïque; c'est là qu'on fait les progrès les plus rapides. Il y a des études faites aux États-Unis, par des compagnies extrêmement importantes, qui indiquent un marché potentiel énorme dans ce domaine d'ici à la fin du siècle. Aujourd'hui, il serait sans aucun doute prématuré de dire un prix parce que les prix chutent très rapidement. Il y a une dizaine d'années, l'électricité photovoltaïque coûtait dix fois plus cher.

Elle est aujourd'hui rendue deux fois plus cher. Je ne connais pas exactement les chiffres; je les ai à quelque part dans mes documents. Le prix diminue et c'est là qu'on voit que cela descend assez rapidement pour qu'on puisse commencer à faire des usines expérimentales.

M. Rodrigue: En fait, on arrive encore au stade de recherche-développement. On n'a pas atteint le stade où on peut avoir des prototypes.

M. Paskievici: Exact.

M. Rodrigue: Au niveau de l'énergie éolienne, vous faites une recommandation selon laquelle il faudrait diminuer considérablement ou abandonner les travaux de recherche-développement sur les éoliennes de puissance inférieure à 100 mW. Pour quelles raisons?

M. Paskievici: Les chercheurs de l'École polytechnique qui ont travaillé dans ce domaine, ont trouvé que...

M. Rodrigue: Je m'excuse, c'est 100 kW. (12 h 30)

M. Paskievici: C'est cela. Les chercheurs de l'École polytechnique qui ont fait des études technico-économiques sur ce sujet ont trouvé que les coûts sont trop élevés, que les matériaux actuels ne sont pas encore assez fiables et que ce n'est pas le meilleur domaine où il faudrait continuer à faire des développements. Cela ne veut pas dire qu'il n'y a pas lieu d'en avoir une ou deux ou peut-être une dizaine dans des endroits extrêmement éloignés ou très spéciaux, mais en tant qu'effort de recherche et développement, ils s'orientent plutôt vers les éoliennes de grande puissance.

M. Rodrigue: Est-ce que cette conclusion est fondée sur...

M. Paskievici: Études technico-économiques que plusieurs de nos ingénieurs ont faites en collaboration avec des gens de l'IREQ.

M. Rodrigue: Est-ce que c'est fondé sur l'expérience des Îles-de-la-Madeleine qu'Hydro-Québec a menée pendant plusieurs années?

M. Paskievici: II y a eu des expériences d'éoliennes de ce type et celles des Îles-de-la-Madeleine sont un peu plus puissantes, je pense. Mais les plus puissantes sont les plus prometteuses, si vous voulez.

M. Rodrigue: Merci.

M. Fortier: La semaine dernière, je suis allé à la réunion du colloque sur les transferts de technologie à Montréal. J'ai vu qu'un Beauceron a développé une éolienne de quelques kilowatts, extra-watts; il semblerait que lui réussit à vendre ses éoliennes de petite dimension sans avoir d'appui ou je ne sais pas dans quelle mesure il a reçu l'appui de l'État. Cela laisse quand même de la place aux industriels pour faire valoir leur talent dans ce domaine.

M. Duhaime: Ah, ces Beaucerons!

M. Fortier: Oui, les Beaucerons font toujours cela pas comme les autres!

Le Président (M. Desbiens): S'il n'y a pas d'autres commentaires, je remercie M. Paskievici. J'inviterais maintenant le groupe des Mines Noranda Ltée à s'avancer, s'il vous plaît.

Je vous ferai remarquer qu'il est 12 h 30; nous allons commencer et on poursuivra au retour. M. Marcoux.

Mines Noranda Ltée

M. Lacroix (Guy): Non. Justement, je voulais apporter certaines précisions quant aux représentants de la compagnie Noranda. Mon nom est Guy Lacroix; je suis directeur régional des relations de la compagnie pour les activités de Noranda au Québec. À ma gauche, il y a le Dr Rod LeRoy qui est directeur de projets au Centre de recherche Noranda à Pointe-Claire et qui est également directeur technique de la compagnie Electrolyser. À ma droite, j'ai M. Jacques Rouleau, qui est surintendant des services électriques à la compagnie Zinc électrolytique du Canada, à Valleyfield.

Le Président (M. Desbiens): Merci. Si vous voulez procéder à la présentation de votre mémoire.

M. Lacroix: Merci. M. le Président, au nom de Mines Noranda Ltée, nous remercions M. le ministre Duhaime de son invitation à déposer un mémoire à la commission parlementaire de l'énergie et des ressources. Les compagnies du groupe Noranda au Québec vous assurent de leur concours dans la réalisation des objectifs de la politique québécoise de l'énergie, étant convaincues que cette politique peut contribuer à l'essor des entreprises au Québec.

M. Marcoux, le vice-président aux mines pour les activités du groupe Noranda au Québec, qui devait présenter notre mémoire est retenu par d'autres engagements; il s'en excuse et il transmet ses salutations à M. le ministre.

M. le Président, dans ce mémoire au sujet de l'évolution du secteur énergétique au

Québec, nous vous ferons part de notre point de vue dans cinq titres que je vais tenter de résumer: d'abord, notre point de vue comme entreprise en matière de politique énergétique; notre opinion sur les orientations de la recherche énergétique; nos commentaires à titre de consommateur de produits pétroliers; nos projets d'investissements et nos suggestions pour amorcer ces projets dont une large part des réalisations se traduirait en consommation d'énergie électrique et, finalement, notre opinion quant à l'utilisation directe de l'énergie, principalement de l'énergie électrique, comme levier de développement économique au Québec.

Auparavant, quelques précisions sur le groupe Noranda au Québec. Je vous fais grâce de la liste de nos nombreuses installations au Québec, mais j'aimerais souligner qu'à Pointe-Claire se trouve le Centre de recherche Noranda où nous employons 151 scientifiques qui travaillent en étroite collaboration avec le personnel d'exploitation dans tout le groupe. Un budget de plus de 9 000 000 $ est consacré aux travaux du centre. Je voudrais ajouter que le groupe Noranda emploie un peu moins de 8000 employés qui sont actifs et que plus de 200 000 000 $ en salaires leur sont versés annuellement.

Nous fournissons également un tableau qui indique l'utilisation relative des trois principales sources d'énergie. En termes d'hydroélectricité, nous en utilisons pour une valeur d'environ 31 500 000 $, ce qui correspond à 39% de l'utilisation de l'énergie que nous faisons. En termes de produits pétroliers, nous en consommons pour près de 37 000 000 $, ce qui correspond à 46%. En termes de gaz naturel, nous en dépensons pour près de 11 500 000 $, ce qui correspond à 15% de notre consommation d'énergie, pour un total de 80 000 000 $.

J'enchaîne donc directement avec notre politique énergétique pour vous dire les facteurs qui déterminent notre politique énergétique. Dans une situation où il y a plusieurs sources d'énergie, où le coût de l'énergie est un élément important dans le coût de production, où nos entreprises sont en concurrence sur les marchés étrangers, c'est très clair que le prix prend une importance capitale dans notre choix de sources d'énergie. Nous préconisons donc une politique où la souplesse prédomine autant dans nos politiques d'approvisionnement que dans la mise en place d'installations. Néanmoins, l'énergie électrique demeure une source énergétique offrant des avantages multiples, notamment au plan de l'efficacité et de la protection de l'environnement, ainsi que pour les procédés nécessitant de très hautes températures.

Voilà pourquoi il nous fait plaisir maintenant de faire connaître notre opinion

quant aux orientations possibles de la recherche et du développement énergétique, particulièrement en matière d'énergie électrique.

Le deuxième point que nous voulons soulever est celui-ci: orientations de la recherche énergétique et mécanisme de concertation. Les domaines qui suivent pourraient faire l'objet d'un effort plus intensif de recherche en matière de développement énergétique: l'oxygène, le plasma, l'électrochimie et l'hydrogène. Le Centre de recherche Noranda poursuit déjà des recherches dans ces domaines et nous avons décrit, aux pages 7, 8 et 9, nos idées sur les sujets que je vous ai mentionnés, c'est-à-dire l'oxygène, le plasma, l'électrochimie et l'hydrogène.

Nous croyons que le gouvernement pourrait jouer un rôle très important afin d'appuyer certaines recherches des plus valables en ce domaine et qui sont mises de côté à cause de leur manque de rentabilité à court terme.

Il serait bénéfique de multiplier les activités des mécanismes de consultation déjà existants. Nous préconisons fortement un mécanisme de concertation qui réunirait le gouvernement, les centres de recherche, les universités et le secteur industriel. Cette concertation viserait principalement à orienter la recherche par segment industriel vers des applications pratiques et susceptibles de présenter un potentiel commercial. Le gouvernement pourrait prendre l'initiative de mettre sur pied cette concertation par l'intermédiaire du ministère de la Science et de la Technologie, par exemple. Au moment d'écrire le mémoire, nous souhaitions que ce ministère soit davantage présent auprès de nous et nous aimerions souligner que le ministre Paquette, à sa demande, est venu au centre de recherche à Pointe-Claire et que nous avons grandement apprécié ce geste de sa part. Nous souhaitons que cette relation puisse se développer davantage.

On n'a pas beaucoup parlé des ressources humaines dans le domaine de la recherche jusqu'à maintenant. Nous aimerions faire un bref commentaire à ce sujet pour dire que le Québec ne constitue peut-être pas un bassin important de ressources humaines pour la recherche en ce moment. Par conséquent, toute action visant à attirer les spécialistes en recherche ne pourrait que stimuler cette activité.

Troisième point: la consommation de produits pétroliers. La politique précitée illustre bien nos intentions de consommation. Comme je l'ai mentionné, nous avons déjà atteint un certain équilibre de dépendance des différentes sources d'énergie et nous ferons preuve de prudence avant d'engager de fortes sommes d'argent pour des installations électriques ou au gaz. L'évolution récente des prix nous incite à cette prudence. Nous prendrions certes en considération une plus grande réduction de la dépendance des produits pétroliers s'il s'y trouvait quelque avantage ou incitations attrayantes tels que le partage des coûts d'installation ou des tarifs à long terme ou encore une plus grande souplesse dans certains de nos contrats. On pense ici, en particulier, aux dépenses qui doivent être faites dans le cas de certains sites miniers ou, dans d'autres cas, à la transformation d'installations électriques.

Pour ce qui est des projets d'investissement entraînant une forte consommation d'énergie électrique, on s'est permis de faire des commentaires en précisant que nous ne sommes pas "décideurs" d'investissements énergétiques. Nous sommes plutôt "décideurs" d'investissements dont une large part a des effets d'entraînement qui se traduisent par une consommation d'énergie. Dans ce contexte, une politique énergétique comportant des tarifs avantageux des coûts de l'électricité prévisibles à long terme stimulerait l'amorce de certains projets d'investissement et la poursuite plus intensive de certaines actions. Une telle initiative résulterait en une activité accrue de l'économie, une plus grande consommation de l'énergie électrique et, par conséquent, encouragerait de nouveaux investissements énergétiques.

Nous faisons état ci-dessous de projets d'investissement qui entraîneraient une grande consommation d'énergie. Pour tous ces projets, la technologie est déjà au point. Néanmoins, ceux-ci présenteraient des perspectives plus intéressantes si le coût global de l'énergie électrique était moins onéreux. La possibilité de bénéficier d'une plus grande quantité d'énergie au même coût global rendrait déjà la perspective plus avantageuse. Nous disons au même coût, bien entendu, compte tenu des surplus existants à l'heure actuelle.

Même si, à première vue, une telle politique pourrait paraître un manque à gagner pour le gouvernement, il serait utile de regarder les aspects positifs d'une plus grande confiance envers le secteur privé et les effets multiplicateurs des nouveaux investissements. Nous sommes conscients que certaines initiatives ont déjà été prises en ce sens avec les programmes de rabais tarifaires. Les projets dont j'ai parlé sont à l'annexe 2 et je vous laisse le soin de poser des questions s'il y a lieu.

Je passe donc au cinquième point: l'énergie, levier de développement économique. Nous affirmons notre accord avec le principe "d'utiliser directement l'énergie comme levier du développement économique de la société québécoise", tel que l'exprime le document de travail préparé à l'intention des intervenants à la

commission permanente de l'énergie et des ressources. Nous savons tous que la survie des entreprises minières, métallurgiques et des produits forestiers relève de leur capacité de pénétrer les marchés internationaux en offrant leurs produits à des prix concurrentiels. Il est donc de première importance pour nous de préserver la position concurrentielle de nos entreprises au Québec et, à plus forte raison, de celles dont le pourcentage des ventes à l'étranger est élevé.

Nous croyons aussi que l'énergie électrique pourrait constituer un levier afin de contrebalancer l'effet des avantages concurrentiels prévalant dans d'autres pays et d'autres provinces. Antérieurement, il est vrai que les coûts d'électricité étaient à l'avantage du Québec et, jusqu'à un certain point, ils le sont toujours. Cependant, cet avantage s'est rétréci au cours des années. Nous avons ajouté un tableau à l'annexe 3 qui indique le rétrécissement, de même que le fort pourcentage d'augmentation dans les taux d'énergie électrique au Québec en comparaison avec d'autres provinces.

Pour ce qui est des entreprises du groupe Noranda, on peut signaler qu'au cours des cinq dernières années, pour les grands consommateurs d'électricité tels que Mines Gaspé et Zinc électrolytique du Canada, les augmentations de nos coûts d'électricité ont été de l'ordre de 175%. Nous sommes donc d'avis que toute initiative visant a élargir la marge des coûts d'électricité à l'avantage du Québec se révélerait profitable à l'activité économique du Québec.

En conclusion, nous réitérons notre volonté de collaborer avec le gouvernement dans la conduite de projets d'intérêt mutuel et dont les résultats bénéficieront à l'ensemble de la société québécoise. Nous connaissons déjà une expérience fructueuse du genre par notre association avec l'IREQ -je suis content de le souligner, cela n'a pas été fait bien souvent durant la commission parlementaire - pour la mise au point d'applications utilisant l'hydrogène et le plasma.

Le gouvernement n'a pas été insensible dans le passé à certaines de nos recommandations en matière de contrats énergétiques. Nous le reconnaissons et nous l'apprécions. Aussi, croyons-nous que la mise sur pied d'un comité ad hoc ou de toute autre forme de forum pour la poursuite de notre dialogue saura nous faire trouver les avenues rendant possible l'assouplissement de certaines rigidités des conditions tarifaires afin de permettre la prévision des coûts énergétiques pour le fonctionnement de nos exploitations et pour nos projets d'investissement. (12 h 45)

Comme je l'ai mentionné, le Dr LeRoy et M. Rouleau sont deux spécialistes qui sont là pour m'aider à répondre aux questions, s'il y en a.

Le Président (M. Desbiens): Merci. M. le ministre.

M. Duhaime: Sans doute, M. Lacroix, que c'est avec plaisir que M. Paskievici vous a entendu appuyer sa proposition de mettre sur pied un conseil quelconque qui viendrait faire la jonction. Je suis content aussi de voir que Noranda, qui est dans l'industrie, aujourd'hui - vous pourrez le prendre comme un compliment - synonyme de recherche dans les grands groupes installés au Québec, est un de ceux qui consentent les plus grands efforts dans la recherche. C'est à la fois à votre honneur et sans aucun doute dans vos intérêts également. J'ai eu l'occasion de visiter quelques-unes de vos installations et j'ai été très impressionné. L'idée de confier ce mandat à mon collègue de la Science et de la Technologie ne me déplaît en aucune manière. J'aurai sûrement l'occasion de parler avec mon collègue sur ce sujet. On va voir comment on est capable de rattacher tout cela ensemble. Je pense que vous êtes le premier groupe industriel à soutenir cette idée. Polytechnique l'a fait. L'Ordre des ingénieurs-conseils et l'Ordre des ingénieurs aussi, je crois, dans leur mémoire, ont appuyé cette démarche.

Je voudrais peut-être en venir à vos projets d'investissement où vous auriez besoin de 38,5 mégawatts pour des investissements globaux de 72 000 000 $. Il n'y a pas beaucoup de création d'emplois en bout de ligne et cela a toujours été une préoccupation non seulement de notre gouvernement, mais des autres gouvernements qui nous ont précédés. Cela a toujours été aussi une préoccupation d'Hydro-Québec. À encourager l'industrie énergivore peu créatrice d'emplois, on se rend compte facilement, à sa face même, qu'on fait un transfert énorme à cette industrie qui paie quand même, bien sûr, son tarif grande puissance à partir du moment où on est au-dessus de 5 mégawatts de consommation. Mais avec les bouleversements qui se produisent dans le dossier énergétique, pour les quelques années qui sont devant nous, je ne crois pas que l'on puisse envisager des scénarios où nous vivrons dans des situations de surplus prévisibles aussi élevés que ceux que nous envisageons à l'heure actuelle.

J'ajoute qu'au rythme de construction que nous maintenons pour la rivière La Grande, à chaque mois qui passe d'ici 1985, nous allons ajouter au réseau d'Hydro-Québec 150 mégawatts. Cela permet peut-être une plus grande visibilité de l'effort si on le ramène sur ces bases. Tout comme il y a différentes façons d'étudier l'histoire, il y a plusieurs façons aussi de regarder ce dossier. Traditionnellement, la tarification a toujours

été fixée en fonction des niveaux de consommation. Si vous êtes à 5 mégawatts et plus, vous êtes grande puissance. Ensuite, vous avez les tarifs qui s'appliquent aux consommateurs appelés petite puissance et moyenne puissance, le commercial, le résidentiel, etc.

On a fait, depuis un an ou deux, je dirais depuis deux ans maintenant, ce que j'appellerais un virage important où, pour la première fois, on a délaissé en quelque sorte cette tradition et décidé d'appliquer une structure tarifaire à un secteur industriel donné pour contrer d'abord et avant tout la concurrence de l'étranger. Vous avez deviné que je vais vous parler un peu de l'aluminium.

Mutatis mutandis, je pense qu'il faudrait qu'on fasse la même opération dans d'autres secteurs manufacturiers. Je sais qu'à Hydro-Québec et à mon ministère actuellement on travaille sur différents scénarios d'intervention ou sur des propositions qui pourraient venir dans une structure tarifaire future. Je ne crois pas qu'on puisse réussir l'opération pour 1984, mais on pourrait y aller sur des cas ad hoc en cours d'année 1984. Je pense qu'il y a très certainement à pousser la réflexion là-dessus. Est-ce que ce serait possible d'envisager une structure tarifaire qui tienne compte des niveaux de création d'emplois, qui tienne compte des niveaux de consommation, mais qui tienne compte également de la composante énergie dans les coûts de production par secteur? Soit qu'on y mette un coefficient quelconque qui viendrait corriger ou encore qu'on y aille carrément avec une structure tarifaire qui pourrait envisager une pareille problématique.

Je dois dire très rapidement qu'à Hydro-Québec et au ministère de l'Énergie et des Ressources - je crois que c'est il y a à peine quelques mois - on annonçait sur l'horizon 1990, ce qui donne quand même un délai de sept ans, des rabais en décroissance, bien sûr, qui s'appliquent non pas à un ou deux secteurs industriels précis, mais à tous les consommateurs industriels du Québec. En plus des programmes de soutien à la conversion, ces rabais, dans une politique d'écoulement rapide des surplus, atteignent jusqu'à 50% la première année et, ensuite, sont en décroissance jusqu'à 10% à l'horizon de 1989 pour rejoindre ensuite le tarif au 1er janvier 1990. C'est déjà un premier signal qu'il y a eu du mouvement dans ce dossier et Noranda étant un des bons clients d'Hydro-Québec - vous avez raison de l'évoquer; vous mentionnez 80 000 000 $ par année au total; en hydroélectricité, cela compte pour à peu près 40% du montant -cela mérite quand même d'être soulevé.

Je ne sais pas quelle serait votre réaction à une approche comme celle-là plutôt que de faire du cas par cas. En plus du tarif grande puissance, tout le monde sait que nous avons des politiques de rattrapage sur des contrats qui ont été signés il y a fort longtemps et qui, graduellement, s'en viennent au tarif grande puissance. Il y en a au-dessus d'une centaine: je crois que c'est 121 ou 122 grands contrats qui existent encore aujourd'hui. Je me demande même s'il n'y en a pas avec Noranda là-dessus. Est-ce que cette idée d'avancer une structure tarifaire par secteur industriel est quelque chose que vous avez examiné dans son ensemble ou si vous vous en êtes tenuessentiellement à vos propres projets d'investissement comme groupe?

M. Lacroix: Je pense bien que c'est peut-être un peu la raison de la suggestion de la formation d'un comité par secteur industriel, pour commencer d'une façon générale à regarder les idées ou les projets de recherche. Pour ce qui est de l'utilisation spécifique de l'énergie à l'intérieur du groupe Noranda, on a eu souvent tendance à regarder, à cause de notre politique de décentralisation, les propriétés une par une. Je pense qu'il y a là des projets spécifiques qui peuvent être regardés individuellement. Sûrement qu'au niveau de la direction de la compagnie il y aurait lieu de se pencher sur une étude qui viserait à regarder l'ensemble de notre consommation, à voir dans quelle mesure ce qui pourrait apparaître comme des manques à gagner à première vue serait peut-être dans l'intérêt autant de la compagnie que des revenus d'Hydro-Québec et du gouvernement. Même si à première vue certains projets n'ont peut-être pas un impact important au niveau de la main-d'oeuvre pour ce qui est de l'embauche chez Noranda par la suite, il reste qu'au moment de la mise sur pied d'un projet quelconque cela a un effet sur la construction. Donc, il y a une certaine activité au niveau de l'embauche à ce moment, qui bien souvent a des effets multiplicateurs qui génèrent d'autres activités continuellement.

Assurément, on serait intéressés à regarder sur une base globale, pour nos activités au Québec, ce qui pourrait être fait pour augmenter notre consommation d'énergie.

M. Duhaime: Juste un dernier point. Votre intérêt pour le dossier de l'hydrogène est bien connu. Je pense qu'on a même des intérêts en commun. On a touché ce matin à la partie recherche et développement de cette filière nouvelle, mais puisque vous êtes dans le secteur industriel, que vous vendez des produits sur le marché, pour le bénéfice de notre commission, êtes-vous en mesure de nous dire quelles seraient les perspectives de marché dans le temps? Je pense bien qu'on ne travaille pas pour mettre en production une usine d'hydrogène liquide en vuede bousculer toutes les énergies concurrentielles

sur le marché, mais, en termes de calendrier et en termes de scénario de marché, comment cette filière se présente-t-elle pour le groupe Noranda?

M. Lacroix: Si vous le permettez, M. le ministre, je vais céder la parole à mon collègue qui est beaucoup mieux renseigné que moi là-dessus.

M. LeRoy (Rodney): Merci beaucoup. Nous avons commencé en 1975 avec ce dossier. Notre point de départ était d'étudier les marchés internationaux et les applications pour l'hydrogène. La première tâche était de convaincre les dirigeants de Noranda que ce dossier pouvait être quelque chose de très significatif du point de vue de Noranda, à court terme.

Les marchés que nous avons identifiés n'étaient pas l'utilisation de l'hydrogène comme carburant sur une grande échelle, dans les applications industrielles, comme pour l'ammoniac, pour le mettre en valeur pour la production de méthanol. Nous avons établi que c'était basé sur la projection d'une augmentation des coûts des hydrocarbures par rapport à ceux de l'électricité, une projection très significative du point de vue de Noranda pendant les années 1985 à 1990, comme échelle de temps. Maintenant, sept ans plus tard, nous avons une technologie de base comme vous l'avez vu à Varennes, nous avons démontré notre technologie de génération I. Toutes nos informations indiquent que c'est en avance sur le développement des technologies dans le monde. L'activité française nous suit de près, mais je crois que nous sommes pour le moment en avance. Où sont les marchés? Au point de départ, cela n'existe pas si nous ne démontrons pas cette technologie sur une échelle significative. Mais nous croyons que, dans le tiers monde, il y a de nombreuses situations où l'hydrogène électrolytique est maintenant économique pour la production des engrais basés sur l'ammoniac, basés sur l'hydroélectricité et l'azote pris dans l'air.

Au Québec, avec des prix abordables pour l'électricité, nous croyons que nous pouvons produire de l'ammoniac avec une rentabilité marginale pour le moment, mais justifiable pour la démonstration de la technologie sur une base de production des équipements qui sont exigés pour cette production. Pour les autres marchés, nous regardons en détail des projets pour mettre en valeur de l'huile lourde. L'hydrogène électrolytique peut être utilisé pour augmenter la production d'une certaine ressource des hydrocarbures; les sables bitumineux, par exemple, exigent une augmentation du rapport de l'hydrogène au carbone pour les mettre en valeur. On peut ajouter l'hydrogène en utilisant l'électrolyse ou on peut rejeter du carbone, ce qui est la technologie qu'on utilise pour le moment.

Pour vous donner une perspective, ces marchés sont très significatifs, même si on ne l'utilise pas dans votre voiture. Par exemple, une usine de Syncrude, cette sorte d'usine pour la mise en valeur des sables bitumineux, qui a une capacité de 100 000 barils par jour de production; l'équivalence en termes d'énergie électrique est d'environ 9500 mégawatts; alors, une très petite portion de cette production d'hydrogène est très significative pour la production des équipements. De notre point de vue, comme société, ce dossier peut être très significatif comme chiffre d'affaires si nous avons une pénétration de l'électricité par l'hydrogène dans le marché de production de l'ammoniac. Il n'y a aucune production d'ammoniac au Québec dans le moment, comme vous le savez. La production de méthanol peut être liée au dossier de biomasse et mettre en valeur l'huile lourde. À court terme, c'est notre justification dans ces domaines de l'utilisation industrielle de l'hydrogène.

Le Président (M. Desbiens): II est 13 heures. On s'entend donc pour compléter.

M. Duhaime: On reprendra à 15 h 15 ou à 15 h 30.

M. Fortier: J'en ai pour peut-être dix ou quinze minutes. Si on termine à 13 h 15, on reprendra à 15 h 15, si les membres de la commission sont d'accord.

Le Président (M. Desbiens): Est-ce que cela va? M. le député d'Outremont. (13 heures)

M. Fortier: M. le Président, on aura l'occasion d'entendre l'association des utilisateurs industriels d'électricité, dont vous faites sûrement partie, parce que vous reflétez dans votre mémoire certaines des appréhensions des grands utilisateurs d'électricité sur le plan industriel. Dans votre tableau 3, vous évoquez l'augmentation rapide des tarifs d'électricité pour l'industrie. J'ai eu l'occasion de faire allusion à ce genre d'augmentation-là qui est inquiétante pour quelqu'un qui fait une planification à long terme. Si on regarde le coût mills/kWh en 1983, bien sûr on est dans le moyenne. Au Manitoba, on sait pour quelle raison c'est plus bas. On est plus bas que la Colombie britannique et l'Ontario. Ce que vous indiquez, c'est que la marge qui était très favorable au Québec semble s'amenuiser. J'imagine que, pour quelqu'un qui essaye de planifier à long terme, la question qu'il se pose c'est: Est-ce que ce "trend", cette direction va se continuer?

Un autre facteur, je pense, est important; au bas de la page 5 vous y faites allusion et je cite: "Dans un marché concurrentiel où existent différentes sources

d'énergie, les coûts deviennent le facteur le plus important. Une source d'énergie offerte selon une structure tarifaire permettant la prévision des coûts pour une période relativement longue constituerait un avantage appréciable."

Le ministre a fait allusion à une structure tarifaire qui pourrait être par secteur industriel plutôt que par niveau de consommation. Il y a une proposition qui est en place dans le moment pour une tarification spéciale pour le secteur de l'aluminium. On pourrait en avoir encore d'autres. Si on s'en va dans cette direction, compte tenu du fait que vous êtes en concurrence avec d'autres sociétés, j'imagine que vous ne voulez pas une négociation à la pièce, c'est-à-dire une tarification qui serait bonne pour Canadian Electrolytic Zinc, mais qui serait différente pour une autre usine concurrente dans le même secteur, celui du zinc par exemple. Ce que vous proposez, ce serait d'avoir une structure tarifaire, que ce soit sur une base industrielle ou autrement, qui soit la même pour tous. Est-ce qu'on se comprend bien là-dessus?

M. Lacroix: Ce qu'on cherche surtout, c'est de pouvoir utiliser l'énergie électrique comme facteur de production de manière à garder notre position concurrentielle vis-à-vis de l'étranger. Ce qu'on réalise présentement, c'est que nos dépôts miniers ne nous placent pas dans une position vraiment avantageuse par rapport à l'étranger. Notre main-d'oeuvre est déjà une des plus dispendieuses dans le monde. Si on avait à se placer dans une situation de dépendance vis-à-vis d'une source particulière d'énergie, ce qu'on voudrait faire, ce qu'on souhaiterait faire, ce serait pouvoir dépendre d'une source qui sera là pour longtemps et à coût réduit par rapport à l'étranger.

M. Fortier: Surtout pour une société comme la vôtre, très puissante, qui investit, ce que vous indiquez, c'est que non seulement vous voulez connaître les règles du jeu, mais que vous voulez les connaître à long terme, si c'est possible.

M. Lacroix: Exactement.

M. Fortier: La question que je vous posais, c'est que, si ces règles du jeu sont différentes pour vos compétiteurs - disons que vous faites un agrandissement de votre usine à Valleyfield et que, la semaine suivante, le gouvernement décide d'octroyer un tarif tout à fait différent et plus bas à un compétiteur qui viendrait s'installer au Québec - j'imagine qu'à ce moment-là vous ne seriez pas tellement heureux. J'imagine que c'est dans ce sens-là que vous dites: On aimerait avoir une tarification qui est la même pour tous, qui nous inciterait à faire des investissements, si possible, sur une plus longue période de temps. Vous ne demandez pas un tarif spécial pour votre propre société, mais un tarif qui soit le même par secteur industriel.

M. Lacroix: Exactement.

M. Fortier: J'avais posé la question lors de la commission parlementaire où on avait entendu Hydro-Québec pour la modification de la loi d'Hydro-Québec. Eux m'avaient confirmé que c'était là leur politique et qu'ils voulaient s'éloigner de ce que j'avais suggéré. Il y a un certain temps au Québec où tous les édiles donnaient des exemptions de taxes qui variaient d'une société à l'autre, ce qui a créé une cacophonie. Dans la mesure où on voudrait utiliser l'électricité comme facteur d'incitation à l'investissement, je pense bien que dans la même mesure on veut éviter une cacophonie où la compagnie À aurait un tarif et la compagnie B aurait un autre tarif. À ce moment-là, cela pourrait être perçu comme une concurrence déloyale. Je crois que l'industrie aurait un message, soit que les règles du jeu ne sont pas les mêmes pour tous. On va avoir l'occasion d'entendre Hydro-Québec, je pense bien, à la fin d'octobre. C'est pour cela que cela m'intéressait de connaître votre point de vue. Lorsque vous parlez d'incitation, vous parlez d'une structure tarifaire qui est la même pour tous. Cela peut être dans un secteur industriel ou cela peut être par niveau de consommation, niveau de puissance.

M. Lacroix: Je ne suis pas sûr qu'on veut passer le message que les règles ne sont pas les mêmes pour tous. Je pense qu'on s'entend pour dire qu'on souhaiterait que les règles soient les mêmes pour tous à l'intérieur de notre secteur industriel. Le message qu'on veut surtout passer, c'est qu'on souhaiterait que, si on augmentait notre dépendance de lénergie électrique, les augmentations de coûts de l'énergie électrique ne soient pas fonction de ce qui se passe de façon générale pour les autres sources d'énergie. En d'autres mots, on pense qu'au Québec on a une source qui est renouvelable et, s'il est possible de s'entendre sur des taux à long terme, il serait possible à l'entreprise de planifier ses activités et ses investissements à long terme. Il serait possible pour le gouvernement, sachant qu'il s'est déjà entendu sur une certaine base de revenus, de planifier la dépense de ces sommes selon les ententes conclues, compte tenu que c'est une source d'énergie renouvelable.

M. Fortier: Je pose la question parce que ce qui m'a surpris c'est qu'à la suite de cette commission parlementaire de la mi-

octobre une semaine plus tard Hydro-Québec est allée à Paris et, alors qu'on avait dit que la politique tarifaire dans le domaine de l'aluminium était de donner un escompte de 50% pour les quelques années à venir, on s'est aperçu que ce n'était plus 50%, mais 65% et 66% pour une compagnie en particulier. Je me demandais quel impact cela aurait dans domaine industriel, à savoir que pour une industrie qui vient ici, c'est tel tarif et, si une autre compagnie vient ici et utilise des moyens de pression différents, il peut y avoir un autre tarif. Je me demandais si c'est le genre de climat qu'on veut créer où la négociation se fait à la pièce. Je me demandais si tout cela incitait les investisseurs à venir au Québec. C'est dans ce sens-là que je posais ma question.

M. Lacroix: Vous pourriez peut-être poser la question à l'Alcan plutôt qu'à moi, étant donné qu'on est dans un autre secteur d'activités. Comme je vous le dis, ce sur quoi on s'entend, c'est que, dans la mesure où on aurait des tarifs de façon à connaître les règles du jeu à l'intérieur de notre secteur d'activités, je pense qu'on serait très heureux.

M. Fortier: Maintenant, une chose que je remarque: vous êtes en désaccord avec la politique du gouvernement; encore là, cela a trait à la politique tarifaire du gouvernement quant au prix de l'électricité par rapport au gaz et au pétrole. Vous savez que la politique gouvernementale présentement est d'inciter Hydro-Québec à avoir un prix de l'énergie électrique qui soit à mi-chemin entre le gaz et le pétrole, d'une part, pour permettre la pénétration du gaz, semble-t-il, et, d'autre part, pour décourager l'utilisation du pétrole. Je vois à la page 6 que vous dites très clairement: "à condition - je ne lirai pas tout le paragraphe - qu'il existe une sécurité d'approvisionnement, et que l'augmentation des coûts ne soit pas fonction des augmentations de prix des autres sources d'énergie." Autrement dit, vous dites que, dans la mesure où l'électricité est indexée aux autres sources d'énergie, cela devient un facteur démotivant pour ceux qui veulent utiliser l'électricité comme facteur d'entraînement du développement économique au Québec. Je pense que vous êtes très clair là-dessus.

M. Lacroix: Dans ce sens-là, oui. M. Fortier: Je vous remercie.

Le Président (M. Desbiens): M. le député de Beauharnois.

M. Lavigne: M. le Président, cela me fait plaisir d'être ici en fin d'avant-midi. Si je n'ai pas pu y être plutôt, c'est justement parce que je suis le député du comté de Beauharnois. Il s'avère que la ville de Valleyfield est dans le comté de Beauharnois et, hier, j'ai eu l'honneur d'aller couper le ruban traditionnel de l'agrandissement de la compagnie Zinc électrolytique du Canada qui, bien sûr...

M. Fortier: J'espère que ce sera suffisant pour te faire élire la prochaine fois.

Le Président (M. Desbiens): M. le député, un peu de sérieux.

M. Lavigne: Je suis très fier de la décision qu'a prise Zinc électrolytique du Canada d'investir dans le comté de Beauharnois pour un agrandissement. C'est un investissement d'environ 47 000 000 $. La seule chose que je déplore, par ailleurs, c'est qu'on investisse autant d'argent pour créer si peu d'emplois. J'ai été étonné d'apprendre qu'après avoir investi un montant aussi important cela créait environ 25 ou 30 emplois. Ceci dit, j'étais quand même très heureux de voir qu'en période qu'on dit de récession, une période difficile, une compagnie comme Zinc électrolytique du Canada ait pris cette décision. C'est tout à l'honneur du comté de Beauharnois, de la ville de Valleyfield et de la compagnie.

J'ai eu l'occasion, bien sûr, de discuter avec les gens de la compagnie et, effectivement, leur inquiétude est la même que celle que vous soulevez ce matin; elle a trait aux coûts de l'électricité éventuels. On sait que, depuis les dernières années, les coûts d'électricité ont augmenté au Québec. Dans votre mémoire, au tableau 3, je crois, il y a une comparaison des augmentations du coût de l'électricité entre les différentes provinces, mais vous ne donnez pas le coût réel entre, par exemple, le Québec et l'Ontario. Si je comprends bien votre tableau, vous ne présentez que les augmentations entre 1978 et 1983, en pourcentage. Pour l'électricité payée en Ontario présentement par rapport à l'électricité payée au Québec aujourd'hui, est-ce que la marge est encore importante?

M. Rouleau (Jacques): Je peux répondre à cette question. Les 21,5 sont les mills par kilowattheure pour les mines. C'est le coût.

M. Lavigne: D'accord. Donc, c'est 21,5 par rapport à 25,6, si on compare avec l'Ontario.

M. Rouleau: C'est cela.

M. Lavigne: Donc, il y a encore un certain avantage à acheter l'électricité au Québec, mais la marge se rétrécit considérablement par rapport à 1978.

C'étaient les quelques mots que je voulais dire ici. Je suis content que vous ayez présenté ce mémoire et j'espère que cela débouchera éventuellement sur une politique. Je m'adresse ici au ministre. Il y a la compagnie Zinc dans le comté de Beauharnois, bien sûr, mais il y a une infinité de compagnies qui sont venues s'installer dans le comté de Beauharnois depuis plusieurs années à cause du "pouvoir" hydroélectrique de Beauharnois. Elles voulaient s'installer à proximité d'une ressource énergétique qui était l'électricité. Que ce soit Union Carbide, que ce soit Stanchem, que ce soit Chromasco, que ce soit la Zinc, une foule de compagnies sont installées dans le comté de Beauharnois. Elles regardent la politique d'Hydro-Québec en ce qui a trait au prix présent et au prix éventuel, et tout le monde est un peu inquiet. Plus vite on arrivera à déterminer, sur une période un peu plus longue, l'augmentation ou les politiques que le gouvernement du Québec devra mettre de l'avant, cela fera autant de compagnies et de travailleurs qui seront plus en sécurité. C'est le voeu que je formule aujourd'hui, qu'on arrive à établir le plus rapidement possible une politique de vente d'électricité pour les grandes compagnies. Merci pour la présentation de votre mémoire.

Le Président (M. Desbiens): M. le ministre.

M. Duhaime: Je voudrais revenir sur la question tarifaire parce que les questions qui vous ont été adressées, M. Lacroix, je me sens peut-être un peu mieux placé pour y répondre.

M. Lacroix: Je vous remercie.

M. Duhaime: Sur le plan de la tarification, je dis bien. Prenons le tarif grande puissance, c'est celui-là qui vous intéresse et qui s'adresse à des consommateurs industriels d'au-delà de cinq mégawatts. J'exclus de la discussion les contrats qui sont sujets à rattrapage, c'est-à-dire des contrats qui ont été signés il y a 20 ans, 25 ans, 30 ans, 40 ans et même davantage avec l'industrie et qui, à l'époque, ont été signés en tenant compte beaucoup plus de la distance du site de production que de n'importe quelle autre considération. Je les exclus parce que je ne voudrais pas que qui que ce soit comprenne de ce que disait le député d'Outremont tantôt qu'il y a de la distorsion ou de la discrimination dans la structure tarifaire.

M. Fortier: II y en a au moins une.

M. Duhaime: Au Québec, il n'y en a pas, la tarification est uniforme et elle se situe essentiellement au niveau de la consommation. La seule exception que nous avons faite depuis deux ans a été de vouloir contrer l'effort des Brésiliens et des Australiens pour attirer dans leur pays et nulle part ailleurs dans le monde les grandes alumineries. On ne peut pas parler de l'Alcan, qui est autoproducteur à 100% de ses besoins en énergie hydroélectrique. On ne peut pas, non plus, parler tout à fait de Reynolds qui est autoproducteur pour une partie de ses besoins, mais on va parler de Pechiney.

Je comprends que plusieurs auraient souhaité que l'on revienne de Paris les mains vides et qu'on dise: Nous n'avons pu nous entendre avec Pechiney; donc, l'investissement de 1 500 000 000 $ à Bécancour ne se fera pas.

Nous avons décidé de porter de 50% à 65% le rabais pour l'année 1986 et à 60% pour les années 1987, 1988 et 1989, mais cela ne prend pas un grand cours en comptabilité pour faire la distinction entre les niveaux théoriques de consommation en énergie hydroélectrique pour une aluminerie qui consommera, en pleine production, 400 mégawatts et les niveaux réels de consommation pour l'année 1986, par exemple. Tout le monde sait que les travaux sur les chantiers sont commencés. La première ligne de production devrait produire un premier lingot, toutes choses étant égales, autour du mois de septembre 1986 et la deuxième ligne entrer en production au début de 1987. (13 h 15)

Si on fait le calcul mathématique des niveaux de consommation réelle en y appliquant la formule du plus quinze et du plus dix que nous avons consentie sur quatre ans pour aller chercher un client à HydroQuébec pour les cinquante prochaines années qui va créer des emplois et qui va nous permettre d'avoir une des grandes alumineries des plus modernes, je dis tout de suite au député d'Outremont que je suis capable de dormir bien tranquille avec ce genre de discrimination, d'autant plus que la même offre est faite aux Allemands et à toute aluminerie américaine ou autre qui en profiterait. La même offre a été faite également à...

M. Fortier: À 50%?

M. Duhaime: Cela a été fait.

M. Fortier: À 50%, non pas à 65%.

M. Duhaime: Cette commission parlementaire peut donner lieu à bien des débats, c'est certain, mais ce que je trouve un peu curieux, c'est que l'Opposition libérale demande à des gens de Noranda ce qu'ils pensent que le gouvernement devrait

faire, aurait dû ou n'aurait pas dû faire. Je pense qu'on devrait plutôt le demander à ceux qui sont responsables des dossiers et l'explication ne tardera pas.

J'ajoute un dernier point: les comparaisons avec l'Ontario. Avec la réserve de tout danger sur les extrapolations en pareille matière, il est évident que le Québec maintient une avance comparative sur l'Ontario. J'avancerais que cet avantage en faveur du Québec va aller en s'accentuant. Nous connaissons la demande d'augmentation d'Hydro-Ontario de l'année dernière qui a été ramenée d'autorité par le gouvernement de M. Davis à 8,3%. Nous savons quelles sont les demandes d'Hydro-Ontario pour 1984 qui vont être de beaucoup supérieures à ce qu'on envisage ici au Québec pour 1984, toutes catégories de consommateurs étant concernées. L'élément qui m'apparaît le plus intéressant à considérer, c'est qu'à long terme, à cause de l'importance du pacte nucléaire dans la production hydroélectrique en Ontario et des coûts de fonctionnement très élevés des centrales nucléaires - sans souhaiter de malheur à personne, bien sûr, mais tout le monde sait qu'il en coûte plus cher de produire un kilowattheure à partir d'une centrale nucléaire qu'un kilowattheure à partir d'une turbine - l'avantage comparatif du Québec va aller en s'accentuant. Alors, je ne suis pas du tout effrayé de ce que j'entends à ma gauche.

Cela me rassure, cependant, de voir que, du côté de l'industrie, on accepterait, à ce qu'il me semble, que la structure tarifaire d'Hydro-Québec puisse varier par secteur manufacturier. Produire du cuivre, produire du zinc ou produire de l'or, ce ne sont pas du tout les mêmes données énergétiques, tout le monde va le comprendre. Les niveaux de consommation ne sont pas les mêmes. J'ai en tête de considérer que la composante hydroélectrique dans les coûts de production par secteur manufacturier pourrait être un coefficient important dans la grille tarifaire qui pourrait s'appliquer à l'ensemble de l'industrie. D'autres pays dans le monde le font et ils viennent ensuite nous livrer leurs produits sur nos marchés. Je pense qu'on devrait leur rendre au moins cette politesse, leur montrer qu'on est capable de tourner la table, si vous me passez l'expression, et d'appliquer un scénario comme celui-là. Je ne l'ai pas dit pour faire une blague; je le dis de façon très sérieuse. Je ne pense pas, cependant, que nous puissions programmer cette politique pour le 1er janvier 1984. Mais, à Hydro-Québec et au ministère de l'Énergie et des Ressources, on travaille sur des scénarios de cette nature pour pouvoir bénéficier davantage du facteur comparatif que constituent les richesses hydroélectriques du Québec et s'en servir comme un levier de développement économique. Là-dessus, on se rejoint.

Je vais dire à mon voisin de gauche, le député d'Outremont, que nous aurons peut-être l'occasion de reprendre la conversation sur le dossier de Pechiney. Je lui suggérerais de tenter de savoir ce que le Brésil ou l'Australie offrent, tant sur le combiné facture énergétique qu'approvisionnement en bauxite pour attirer des alumineries chez eux. Moi, je trouve dommage et déplorable que, plutôt que l'Opposition libérale dise chapeau à Hydro-Québec, au ministère de l'Énergie et des Ressources et au gouvernement du Québec d'être allés chercher un investissement de cette taille, on s'amuse à picocher, si vous me permettez l'expression, d'autant plus qu'en cents et piastres, c'est exactement la même proposition à 50% sur les niveaux réels de consommation.

M. Fortier: Je ne veux pas commencer un débat avec le ministre là-dessus. L'un des premiers débats que j'aurais voulu avoir à l'Assemblée nationale à la mi-octobre j'avais prévu cela avec le caucus - c'était justement un débat télévisé du vendredi sur la question de Pechiney. Comme vous le savez, le gouvernement n'est pas prêt et tout est reporté à la fin de novembre. Durant le mois de décembre, le règlement ne permet pas de débat du vendredi. Comme on n'aura droit qu'à un vendredi, j'espère qu'on passera ce dossier en priorité. Ce n'est pas notre faute si on ne peut pas discuter de dossiers publics à la télévision pour que tout le monde puisse en prendre connaissance.

En ce qui concerne la comparaison des augmentations du prix de l'électricité, ce n'est pas moi qui y ai fait allusion; c'est à l'annexe 3 du mémoire du groupe Noranda. En ce qui concerne le fait que Noranda ne soit pas d'accord avec la politique gouvernementale sur la position du prix de l'électricité par rapport au pétrole et au gaz, ce n'est pas moi qui l'ai dit, c'est encore dans le mémoire. Là-dessus, je laisse à la population le soin de juger de la situation.

Pour ma part, je retiens ceci: HydroQuébec a dit une chose lors de la commission parlementaire du 15 juin et elle a fait autre chose lorsqu'elle est allée à Paris. Je dis que la distorsion, même si elle est unique, est une distorsion et l'entreprise privée n'aime pas ce genre de distorsion à la politique tarifaire officielle. Je crois que ceux qui nous ont parlé nous ont dit ce qu'ils en pensaient. On aura l'occasion d'y revenir, comme vous l'avez dit, lors de la commission parlementaire qui étudiera les augmentations de tarifs. J'espère que cette commission parlementaire sera télévisée. Je vous remercie.

M. Duhaime: Oui et je serai là.

L'Opposition aime beaucoup cette commission de l'énergie et des ressources, surtout avec la télévision. Je suis à votre service. Je tiens à vous dire que l'Opposition libérale s'est intéressée au dossier de Pechiney quand toutes les ententes ont été signées. Cela fait exactement trois ans, à ma connaissance; pour ma part, cela fait au moins cinq ans que nous travaillons sur ce dossier. Ce n'est pas ma faute si vos réveille-matin ne sonnent pas.

M. Fortier: On va conclure là-dessus.

Le Président (M. Desbiens): M. le député de Pontiac.

M. Middlemiss: Oui, seulement une courte question. À la page 8, vous mentionnez qu'avec l'utilisation de l'oxygène il y a une réduction de 30% du mazout. Cela représente combien, en coût, de réduction? Il y a certainement une comparaison à faire sur le coût de production de l'oxygène. Au point de vue coûts-bénéfices, est-ce 30% de réduction du coût?

M. Lacroix: Je ne pourrais pas vous répondre précisément. Si vous le voulez, je peux me renseigner à la source et vous donner la réponse. Ce n'est pas 30% du coût d'exploitation, c'est 30% de réduction du procédé antérieur pour ce qui est de l'utilisation de l'oxygène. Peut-être que le Dr LeRoy serait en mesure d'ajouter quelque chose là-dessus.

M. LeRoy: Je cherche les chiffres. M. Middlemiss: Ils sont à la page 8. M. LeRoy: Je m'excuse.

M. Lacroix: Si vous le voulez, je pourrai vous la faire transmettre.

Le Président (M. Desbiens): Nous vous remercions de votre participation aux travaux de la commission. La commission élue permanente de l'énergie et des ressources suspend ses travaux jusqu'à 15 h 30.

(Suspension de la séance à 13 h 23)

(Reprise de la séance à 15 h 42)

Le Président (M. Desbiens): À l'ordre, s'il vous plaît! La commission élue permanente de l'énergie et des ressources reprend ses travaux. Le prochain groupe à être entendu est l'Institut national de la recherche scientifique. Je l'invite à se présenter à l'avant, s'il vous plaît. Suivront Énergie atomique du Canada Ltée et l'Institut de recherches Brace. M. André

Lemay.

M. Lemay (André): Oui, merci, M. le Président.

Le Président (M. Desbiens): Voulez-vous présenter en même temps les personnes qui vous accompagnent, s'il vous plaît?

INRS

M. Lemay (André): Certainement. J'ai plusieurs personnes qui m'accompagnent. Avec votre permission, elles pourront se joindre à nous. Je désirerais tout d'abord vous remercier de nous avoir invités à présenter des mémoires à la commission permanente de l'énergie et des ressources. Les collaborateurs qui m'accompagnent sont d'abord M. Jacques Desnoyers, directeur scientifique de l'Institut national de la recherche scientifique; M. Jacques Martel, directeur de l'INRS-Énergie; M. Pierre Lavigne, un des chercheurs de l'INRS-Énergie, de même que M. Lafrance, ainsi que M. Benoît Jean, également de ce centre et plus particulièrement intéressé par l'énergie solaire.

En mars dernier, nous avions soumis à la commission deux documents, un venant de la direction générale de l'INRS et portant sur les besoins de recherche en électrochimie et un deuxième document préparé par le centre INRS-Énergie qui discutait de trois cas particuliers, c'est-à-dire une analyse techno-économique de nos besoins énergétiques, la recherche et le développement en énergie solaire de même que la recherche sur le développement en fusion thermonucléaire. Lorsque nous avons été convoqués de nouveau pour comparaître aujourd'hui, nous avons soumis deux documents additionnels qui sont essentiellement des mises à jour des textes précédents que nous vous avions transmis.

L'INRS est évidemment une constituante de l'Université du Québec. C'est une université à vocation de deuxième et de troisième cycle, c'est-à-dire une vocation limitée. C'est plutôt une université de recherche. Notre recherche se fait selon des thèmes par des équipes multidisciplinaires. Nous nous localisons là où le besoin se fait sentir dans la province. La structure que nous avons, je crois, nous rend un outil très utile pour le virage technologique qui s'amorce au Québec présentement. Je vais commencer par vous présenter les vues de l'INRS concernant la création d'un centre en électrochimie et, par la suite, le directeur de l'INRS-Énergie, M. Martel, fera le point sur les trois autres sujets que nous aborderons aujourd'hui.

Ce qui nous intéresse dans la recherche en électrochimie est réellement l'abondance de la ressource au Québec qui disposera,

pour les prochaines années et peut-être même à plus long terme, d'une capacité de production d'hydroélectricité excédentaire par rapport à nos besoins actuels et qu'il pourrait être très rentable d'utiliser à des fins de stockage ou autres. Ceci pose le problème d'une gestion rationnelle de cette ressource qui, en fait, dépend de phénomènes naturels saisonniers qui se traduisent souvent par un déphasage entre l'offre et la demande.

Dans un tel contexte, tout en n'ignorant pas que plusieurs méthodes existent pour rapprocher ces deux facteurs dans le cadre des mesures d'économie d'énergie par de l'exportation, il apparaît important d'examiner la transformation et le stockage de cette énergie excédentaire sur une haute échelle. Une telle technologie pourrait d'abord nous permettre une meilleure rentabilité pour notre production saisonnière et même quotidienne et nous aider à satisfaire nos besoins en période de pointe tout en nous permettant d'initier des processus profitables d'exportation à long terme.

Dans l'état actuel de la technologie cela ne nous permet pas, sans faire un effort important de recherche et de développement, d'amorcer un tel dossier. J'ai à l'esprit un cas très concret. C'est que jusqu'au milieu des années soixante-dix, en fait jusqu'en 1975, un organisme du gouvernement fédéral, le Conseil de recherche pour la défense, soutenait un programme de subventions aux universités dans lequel un des volets était justement l'électrochimie ou les accumulateurs et autres choses. À cette époque dans les universités oeuvraient des professeurs qui formaient des étudiants. Il y avait sur le marché une production d'électrochimistes raisonnable, du moins satisfaisante pour les besoins de l'époque.

En 1975, sans consultation et par une décision unilatérale, on a cessé ce programme de subventions et huit ans après, en 1983, on est à la recherche d'électrochimistes dans les universités. Ils sont d'une rareté extrême, que ce soit au Québec ou au Canada. Alors on peut voir l'importance de la formation dans tout cela; dans l'espace de moins d'une décennie on a à peu près évacué un domaine. Or, je crois que ce domaine est extrêmement important pour le Québec à cause de nos ressources hydroélectriques.

Je crois que le centre de recherche en électrochimie au Québec serait de nature à contribuer de manière significative au développement d'une industrie de pointe sur la technologie de l'hydrogène. On peut prévoir que d'ici les deux prochaines décennies, le marché des équipements et services relié à cette nouvelle technologie s'approchera des sommes très importantes. Parmi les procédés de production d'hydrogène le procédé électrolytique apparaît comme le plus rentable et déjà, à l'IREQ, on voit des appareils qui sont à une certaine échelle pour apprendre à réaliser ces procédés et les rendre économiques.

Si un effort de recherche se concrétisait, on peut entrevoir que le Québec puisse développer les aspects déterminants de la technologie de l'hydrogène requis dans le domaine du transport, du stockage, de la liquéfaction, de la manutention, de la sécurité, de l'utilisation générale de l'hydrogène. Il y a plusieurs des priorités identifiées par le Conseil de la politique scientifique du Québec, par exemple, qui se rallient à des technologies comme celle-là.

L'établissement d'un centre de recherche au Québec suscitera une demande accrue de chercheurs. Je crois qu'une action du gouvernement du Québec, de concert avec plusieurs ministères, de concert avec les milieux universitaires et industriels et en particulier avec l'Institut national de la recherche scientifique, pourrait nous permettre de mettre sur pied, conjointement avec le gouvernement fédéral peut-être, ce centre - et même sans le gouvernement fédéral également - de recherche. Alors l'INRS fort de plusieurs collaborations réussies avec des partenaires, tant du milieu industriel qu'universitaire ou parapublic, et doté de cette mission d'enseignement et de formation de chercheurs, nous proposons ici que nous devenions l'interlocuteur privilégié du Québec face à cette possibilité d'établir un centre de recherche. Depuis le mois de mars, il y a eu assez d'événements qui se sont produits dans le cadre de l'évolution de ce dossier. Bien que des décisions finales n'aient pas encore été prises, il y a une forte probabilité qu'un laboratoire du CNRC en électrochimie soit implanté dans la région de la Mauricie dans un avenir rapproché. Des échanges de lettres et des réunions ont eu lieu entre l'INRS et le CNRC, parmi bien d'autres évidemment. Des rencontres ont aussi eu lieu entre les fonctionnaires du ministère québécois de l'Énergie et des Ressources et celui de la Science et de la Technologie. Je crois que nous pouvons dire à ce moment que le CNRC et le ministère de l'Énergie et des Ressources trouvent intéressante à tout le moins l'idée que l'INRS s'établisse dans les mêmes locaux que le centre fédéral pour former la contrepartie provinciale.

Des appuis formels à l'implication de l'INRS ont aussi été fournis par plusieurs universités; entre autres, l'Université du Québec à Trois-Rivières, l'École polytechnique, l'Université de Sherbrooke et, également, l'institut de recherche d'Hydro-Québec, l'IREQ. Le projet envisagé est qu'un centre INRS soit formé avec la mission d'effectuer des recherches en électrochimie qui soient complémentaires à celles du

centre fédéral et des autres institutions québécoises et de contribuer à la formation de chercheurs dans le domaine par des programmes de maîtrise et de doctorat.

Une des principales préoccupations du CNRC et du ministère de l'Énergie et des Ressources est de savoir si le réseau universitaire québécois peut actuellement former le personnel requis en électrochimie et, si oui, à quelles conditions.

À cet effet, plusieurs rencontres ont eu lieu entre l'INRS et des professeurs d'électrochimie des régions de Sherbrooke et de Montréal. À l'initiative de notre institution, une entente est sur le point d'être conclue pour la formation d'un consortium de professeurs en électrochimie, lequel aurait comme objectif d'assurer une concertation et une coopération dans les programmes d'enseignement et de recherche en électrochimie dans toute la province, par le biais de réunions et de séminaires de groupes, et d'assurer une partie du financement des étudiants en électrochimie. Le ministère de l'Énergie et des Ressources, en collaboration ave le Fonds FCAC, semble disposé à offrir un certain nombre de bourses à des étudiants en électrochimie. Ce consortium pourrait être responsable de l'attribution de ces bourses. Il pourrait également faire des demandes d'équipements majeurs qu'une équipe seule aurait de la difficulté à justifier, et ceci à tous les niveaux, où que ce soit, même à des fondations, pour offrir une banque de cours spéciaux en électrochimie, cours qui seraient donnés d'une façon accélérée à des périodes où les étudiants et autres chercheurs seraient disponibles, c'est-à-dire durant l'été. On a déjà prévu des séries de cours qui se donneraient et qui pourraient même démarrer dès l'été 1984.

Afin de concrétiser cette collaboration, une demande de financement sera faite au Fonds FCAC dès cet automne. Donc, il y a une volonté ferme à l'INRS et dans les principales universités québécoises, à l'IREQ également, d'unir nos forces pour favoriser l'implantation au Québec du Centre fédéral de recherche en électrochimie, d'assurer une participation québécoise à ce centre par le biais de l'INRS et d'assurer également la concertation avec les programmes de recherche et d'enseignement existants. Toutefois, le dossier piétine au ministère fédéral de l'Énergie, des Mines et des Ressources. Il serait donc urgent que le gouvernement provincial fasse connaître son accord de principe vis-à-vis de notre projet, afin qu'un tel centre soit localisé au Québec dans les meilleurs délais. L'INRS, quant à lui, est prêt à continuer son action. Une demande d'action structurante pour le financement de cette participation sera soumise au ministère de l'Education sous peu tout en souhaitant également un certain appui financier du ministère de l'Énergie et des Ressources et du ministère de la Science et de la Technologie. Je vous remercie, M. le Président.

Ceci terminera la présentation que nous faisons concernant l'électrochimie. L'autre présentation de M. Martel concernera les trois autres volets.

Le Président (M. Desbiens): D'accord. M. Martel.

M. Martel (Jacques): Je vous remercie. Nous croyons que la recherche et le développement dans le domaine de l'énergie sont des outils fondamentaux de relance économique pour le gouvernement. Nous aimerions dans cette présentation, d'abord, à l'aide d'un exemple, souligner l'apport économique de la recherche et du développement. Par la suite, nous indiquerons trois domaines de recherche qui sont établis et qui mettent entre les mains du gouvernement les outils nécessaires aux choix énergétiques de demain, et contribuent au développement de l'industrie québécoise.

Quel que soit le domaine, en filigrane, je pense qu'il est important de réaliser que, pour être efficaces, la recherche et le développement doivent se préparer de longue date. On doit y consentir les efforts humains et financiers requis. Le gouvernement du Québec a déjà mis sur pied des instituts dont la mission est précisément d'utiliser la recherche comme outil de développement. Les structures mises en place durant les années soixante-dix, ainsi que les sommes consenties à la recherche commencent déjà à avoir un impact au Québec. De nouvelles entreprises se sont créées, des firmes existantes ont amélioré leurs produits et ont pu se maintenir à la fine pointe de la technologie. Le gouvernement doit, à l'aide d'une politique planifiée, utiliser au maximum les outils de développement qu'il a lui-même créés.

C'est repris dans le mémoire, mais j'aimerais extraire quelques exemples qui nous sont fournis par une étude des contrats octroyés par le laboratoire du CERN, c'est-à-dire du Centre européen de recherche nucléaire. C'est une étude qui a été publiée en 1977 par un M. Schmied dans les Transactions of Engineering Management de l'IEEE. L'intéressant dans cette étude, c'est qu'on prenait un centre nucléaire, c'est-à-dire un centre qui n'a pas comme tel de mission de développement économique. On a analysé quel était l'impact des sommes investies par le CERN dans les différentes industries auxquelles il a donné des contrats de recherche, soit pour développer de l'équipement, soit pour faire des produits dont le CERN avait besoin. L'objectif du CERN, c'est de la physique des hautes énergies; c'est donc un exemple le plus loin

dans le domaine de la recherche.

Les résultats de cette étude indiquent que les projets du CERN ont eu un impact élevé sur les industries contractantes. Ce sont les industries elles-mêmes qui rapportent une augmentation des ventes et une diminution des coûts. 80% des industries ont rapporté une augmentation des ventes dans des marchés à l'extérieur du domaine de la physique nucléaire et des hautes énergies, par exemple, une augmentation des ventes dans les chemins de fer, la construction navale, la réfrigération, la génération électrique, le matériel de stockage, les automobiles et bien d'autres.

L'argent investi pour forcer ces industries à développer de hautes technologies a permis de vendre de nouveaux produits développés, une meilleure mise en production, une augmentation de produits développés conjointement avec d'autres firmes, aussi une diminution des coûts de production due à l'intervention du personnel du CERN ou à l'augmentation des marchés.

Ce qui est plus intéressant, particulièrement pour le Québec, c'est que l'étude a démontré que ce sont les petites et moyennes entreprises qui ont montré un intérêt plus élevé et ont travaillé plus spécifiquement avec le CERN qui ont eu un gain plus substantiel. Ce sont elles qui bénéficiaient davantage des recherches en haute technologie du CERN.

En quantifiant les résultats, l'étude montre que chaque dollar investi dans les contrats industriels par le CERN a eu une retombée financière positive équivalente à 4,2 $. Il est particulièrement important de noter que ces retombées ne sont pas limitées au domaine pour lequel le contrat a été donné. Les sommes investies ont une répercussion positive globale sur toute l'entreprise. L'étude détermine un rapport de l'augmentation des ventes industrielles à la valeur de l'investissement fait dans différents domaines. Ce rapport est de 17 dans le domaine de l'informatique, de 31 dans celui de la machinerie de précision, de 7,3 dans celui des matériaux de soudage. C'est donc dans les domaines de haute technologie que l'industrie y trouve son profit et devient plus compétitive. Les retombées de cet investissement s'effectuent dans une période relativement courte. En moyenne, le temps de retombée est de 2,2 ans après l'octroi du contrat. Ce sont donc des fonds qui sont investis qui retombent dans des domaines tout à fait différents. C'est plus si on investit ces fonds avec une orientation spécifique pour le développement économique, ce qui n'est pas le cas dans l'étude. (16 heures)

II est évidemment difficile d'appliquer intégralement les résultats d'une étude à la situation du Québec. Mais, au delà des chiffres, la recherche apparaît être un outil intéressant de développement économique même lorsqu'elle n'est pas originellement prévue à cette fin. Il va de soi qu'une recherche planifiée dont l'objectif coïncide avec une priorité nationale est d'autant plus économiquement rentable. Je pense qu'un des points qui importent pour nous c'est que fondamentalement le virage technologique n'est pas nécessairement une injection de fonds mais c'est aussi un changement de mentalité des "décideurs" qui peuvent croire que la recherche amène des retombées économiques. On n'investit pas à fonds perdus dans la recherche; cela doit rapporter et cela rapporte mais il faut que les gens qui décident d'octroyer des fonds y croient vraiment. C'est peut-être cela le défi fondamental du virage technologique.

Pour nous, l'énergie doit demeurer une priorité nationale. Je pense qu'on doit profiter de la période d'accalmie dans la flambée des prix pour investir davantage. Un des premiers pas à effectuer pour investir c'est de savoir où on va s'en aller, c'est-à-dire d'établir une politique cohérente d'investissement. Le Québec, comme tous les pays industrialisés, doit établir sa politique. Ce travail se bute à une marge énorme d'incertitude que ce soit au niveau des données, des prix, des disponibilités technologiques ou des méthodes de traitement. Ces difficultés sont d'autant plus sérieuses que des délais considérables interviennent entre les décisions et leur mise en oeuvre. Cependant, il est important, malgré les incertitudes, d'améliorer la connaissance des besoins énergétiques futurs. D'ailleurs, les auteurs du livre blanc affirmaient: "À long terme, le secteur énergétique se trouve engagé dans un vaste processus de remplacement des sources d'énergie de base. C'est pourquoi il faut, dès maintenant, s'intéresser aux horizons de 1990 et de 2000 et même au-delà."

Partout dans le monde on multiplie les études sur la situation énergétique future. Le Québec ne fait pas exception à la règle et cherche à intégrer la dimension énergétique dans les décisions socio-économiques. Le gouvernement du Québec a mis beaucoup d'effort, depuis la publication du livre blanc, dans l'étude de la situation énergétique à long terme. Dans ce domaine, le Québec sera la première province canadienne et l'une des premières régions du monde à intégrer dans sa planification énergétique un outil de prévision à long terme. L'INRS-Énergie a été un des initiateurs de ce type de recherche et appuie fortement l'orientation du gouvernement.

Il est donc essentiel de développer un outil qui permette de quantifier l'évolution à long terme de la situation énergétique. Le Québec est actuellement à l'avant-garde dans l'étude de cette situation; plusieurs nouvelles méthodologies retent cependant à développer.

Elles concernent surtout la relation offre-demande et la relation énergie-économie. Ces nouveaux modèles sont particulièrement utiles pour établir des politiques de restructuration du secteur pétrolier, l'établissement de nouvelles politiques industrielles et d'exportation d'électricité.

Évidemment ces nouveaux besoins de planification et de réévaluation en matière énergétique ont créé des exigences nouvelles touchant la disponibilité, la quantité et la qualité des informations statistiques requises. En ce sens-là, le Québec a pris du retard par rapport à d'autres provinces. Le rattrapage ne pourra se faire sans une action concertée des différents organismes impliqués dans le domaine. Nous recommandons donc au gouvernement de poursuivre les études de planification en augmentant la concertation entre les ministères et les différents organismes qui effectuent de la planification et en améliorant la qualité et la quantité des informations statistiques requises.

Nous oeuvrons à l'INRS-Énergie d'un commun accord avec l'industrie, la petite industrie dans le domaine de l'énergie solaire. Il peut sembler étonnant au départ qu'on puisse investir dans le domaine de l'énergie solaire. C'est peut-être la source d'énergie, peu développée à l'heure actuelle, qui a le plus de chance de s'implanter pour remplacer, dans une certaine proportion, le pétrole importé comme source d'énergie au Québec.

L'énergie solaire va permettre de déplacer une partie des énergies conventionnelles d'origine fossile. Il s'ensuivra donc une augmentation de la rentabilité des installations hydroélectriques et de l'autonomie énergétique du Québec. Bien que le contexte actuel indique des surplus de combustible, cette situation est temporaire. Toutes les études prédisent, pour l'horizon 2000, une pénurie mondiale de ces combustibles, à la suite de l'épuisement de ces ressources. Or, quand la mise au point d'une technologie nouvelle exige plusieurs années, il est important de poursuivre en énergie solaire l'effort déjà consenti et qui commence déjà à avoir des résultats.

La question d'énergie solaire, c'est évidemment une question de coût. Si on regarde les tableaux d'énergie de remplacement, on se rend compte qu'actuellement, pour le chauffage des piscines, le coût d'énergie solaire revient -on utilise l'unité du gigajoule par année, de dollar par gigajoule-année comme coût de remplacement - à 35 $ par gigajoule-année, alors que si on voulait le remplacer par de l'électricité, le coût de chauffage serait de 53 $ du gigajoule-année. Donc le chauffage des piscines est déjà rentable au solaire.

L'étape suivante est le type de chauffe-eau domestique. Pour l'instant les coûts sont de 350 $ du gigajoule-année, alors que l'équivalent électrique est d'environ 100 $ à 105 $ du gigajoule-année. L'huile est un peu plus élevée, le gaz un peu plus bas, mais cela se situe à ce niveau. Donc, il y a encore des pas à franchir avant de rentabiliser des chauffe-eau solaires.

Du côté commercial, c'est déjà beaucoup mieux, le coût des chauffe-eau se situe autour de 220 $ du gigajoule-année. Les périodes d'amortissement sont un facteur majeur dans le coût et, deuxièmement, les dimensions des installations font chuter les coûts de l'unité, donc le coût en dollars du gigajoule-année.

Il y a deux façons de diminuer les coûts. C'est d'effectuer davantage de recherche pour améliorer les produits et de prévoir des types de subventions éventuellement du type bi-énergie où on a pu déplacer, en faisant des subventions indirectes au consommateur, une partie du coût du pétrole. Je pense que c'est un gain global pour la province, même si au niveau du consommateur comme tel, c'est un échange à peu près équivalent dans le contexte actuel.

Le Québec possède la plus grosse compagnie de capteurs solaires qui avait un chiffre d'affaires d'environ 4 000 000 $ en 1981 et dont 30% est allé au marché de l'exportation. Le chiffre d'affaires canadien, en 1981, a excédé 20 000 000 $ à partir de 5 000 000 $ qu'il était en 1979. Les exportations représentaient 17% des ventes totales. Par ailleurs, certains produits solaires récemment mis au point font l'objet de négociations avec les pays étrangers en vue d'exporter la technologie québécoise. Ce sont là des embryons qu'il faudra exploiter au maximum. À cet effet, à la suite d'une subvention du ministère de l'Énergie et des Ressources qui date de 1981, l'INRS-Énergie a mis au point et a développé un nouveau type de capteur solaire qui utilise le fréon comme caloporteur et l'aluminium comme élément de structure, ce qui a permis de diminuer les coûts de production du système de 350 $ à moins de 300 $ du gigajoule-année. Le produit final doit sortir bientôt de sorte que, selon la production, on pourra fixer exactement le coût. À la suite du succès de ce type de capteur, certains disent qu'on est six mois, d'autres qu'on est deux ans en avance dans la compétition. C'est toujours difficile à juger; c'est lorsque le produit sera sorti qu'on verra. On est en avance dans la compétition. Une entente de principe est intervenue hier, en fait, avec la compagnie Nouveler pour la commercialisation et la production du capteur solaire développé à la suite de la subvention du ministère de l'Énergie et des Ressources. Je pense que c'était une subvention de l'ordre de 240 000 $. C'était peut-être osé à l'époque d'investir 240 000 $.

On a un exemple frappant que des résultats sont possibles et je pense qu'il faut les souligner. Le marché québécois est limité actuellement. Cependant, le marché étranger est aussi intéressant et je pense que l'INRS a déjà eu des offres et des demandes de la part du Japon pour pouvoir aussi commercialiser ce capteur. Le tout se fera maintenant par la compagnie Nouveler qui est mieux équipée que l'INRS peut l'être pour développer ce capteur au Québec et la production devrait se faire au Québec. C'est un exemple qui a marché. Il me fait plaisir de le souligner, parce que souvent on nous reproche de ne pas avoir de résultats très probants. Je pense que celui-là l'est et je crois que Nouveler, dans sa présentation, pourra vous donner plus de détails sur son marché potentiel et ses études de marché pour le capteur solaire.

En conclusion sur l'aspect de l'énergie solaire, le R et D commence à produire des résultats par l'apparition sur le marché national et sur le marché d'exportation de systèmes caractérisés par une technologie originale et concurrentielle. Le Québec dispose d'une position privilégiée à cet égard. La technologie solaire active est intensive en matériaux primaires tels l'aluminium. La technologie solaire fait appel à une main-d'oeuvre qui existe déjà et qu'on retrouve au sein de firmes de génie-conseil et dans les métiers traditionnels tels que la plomberie, la réfrigération, la ferblanterie, etc., ce qui encouragera la poursuite de ces activités.

Le Québec dispose de la structure et de l'expertise nécessaire à la recherche. D'une part, plusieurs départements universitaires oeuvrent déjà dans ce domaine. D'autre part, le centre d'essai d'équipement solaire de INRS-Énergie a pour mission d'aider les manufacturiers de l'Est du Canada à développer leurs produits. Enfin, les industries elles-mêmes ont développé de petits noyaux de chercheurs. L'industrie solaire au Québec est la plus agressive de toute l'industrie canadienne, tant au niveau de l'innovation technologique que par la qualité et l'extension de son réseau de ventes à l'exportation.

Pour les raisons énumérées plus haut, nous croyons qu'il est impérieux de poursuivre et d'augmenter l'effort consenti jusqu'à présent afin de rentabiliser la position privilégiée que la recherche québécoise s'est acquise dans ce domaine. Ce potentiel de retombées économiques ne se réalisera qu'à certaines conditions. Nous recommandons que les actions suivantes soient entreprises: que le gouvernement du Québec donne son appui et encourage les efforts des industries québécoises pour obtenir une part grandissante du programme de démonstration fédérale et, à l'occasion, subventionne certains projets de démonstration plus pertinents au Québec; que le Québec complémente les mesures incitatrices fédérales à l'utilisation de l'énergie solaire, comme il le fait dans certains cas pour les économies d'énergie; que le gouvernement du Québec, par l'intermédiaire du ministère de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme, favorise la participation des industries aux missions commerciales à l'étranger afin de stimuler les exportations; qu'une meilleure concertation des intervenants, ministères, instituts, universités, organismes subventionnaires en R et D soit réalisée afin d'assurer l'adéquation entre les besoins de l'industrie et les travaux de recherche; finalement, que le ministère de l'Éducation, en concertation avec le ministère de l'Énergie et des ressources, favorise la recherche dans le domaine du stockage par l'entreprise de son programme d'action concertée FCAC.

Il est clair que l'aspect stockage de l'énergie solaire, sous quelque forme que ce soit, chimique, thermique, etc., représente un défi. En fait, ici, il y a un certain parallèle avec l'électrochimie, puisque l'une des façons de faire ce stockage passe par l'électrochimie; donc, je rejoins mes patrons là-dessus. Mais, je pense que cet aspect de stockage devrait faire l'objet d'une action concertée. (16 h 15)

Finalement, le dernier point sur lequel je voudrais insister, et qui a fait l'objet d'un second mémoire parce que la situation a évolué dans le domaine, c'est au sujet de la fusion thermonucléaire et, en particulier, du volet de développement par confinement inertiel. Je ne reviens pas sur la fusion. Je suppose que vous savez ce que c'est. De toute façon, si vous voulez l'apprendre, vous avez les outils pour le faire.

Le Canada possède un programme national de fusion. Ce programme a pour but, à long terme, d'établir et de maintenir les compétences nécessaires à la mise au point éventuelle d'un réacteur. Je pense que personne ne prétend qu'on peut, seul, développer un réacteur. Ce qu'on vise, c'est de pouvoir développer des industries qui, elles, pourront s'insérer dans le marché international. C'est déjà fait dans le cas du programme de confinement magnétique qui est installé à Hydro-Québec, à l'IREQ, dans lequel oeuvre l'INRS. On a déjà, à l'INRS-Énergie, développé un détecteur qui a été transféré à l'industrie et qui est maintenant disponible sur le marché et ce, au tout début du programme. Je pense qu'il y a une volonté ferme d'orienter tout le projet dans ce sens.

Nous devons donc atteindre un niveau adéquat de préparation industrielle. Il faut rattraper, aussi efficacement et rapidement que possible, le niveau international de la recherche et du développement en fusion

contrôlée et ainsi rayonner, dans les cercles internationaux, par des travaux scientifiques et techniques originaux. Le Québec s'est acquis une place enviée en fusion thermonucléaire. Il a su rassembler et former, au cours des dix dernières années, les compétences scientifiques nécessaires et se doter d'infrastructures capables d'effectuer la recherche et les transferts technologiques dans les principales avenues de la fusion: le confinement magnétique et inertiel.

Il est important de noter que l'investissement, dans un laboratoire de haute technologie du type Tokamak de Varennes, place l'industrie québécoise dans une excellente position pour pénétrer le marché d'exportation évalué présentement à 2 000 000 000 $, marché qui devrait doubler au cours des dix prochaines années. Ce marché est particulièrement prometteur pour l'industrie et l'électrotechnique de la robotique et de l'informatique de contrôle.

Le Québec a donc obtenu le premier jalon du programme canadien de fusion par la construction sur son territoire du Tokamak de Varennes. Maintenir l'avance acquise ne sera pas facile. Il est évident que l'Ontario a vu d'un très mauvais oeil s'installer au Québec une partie importante du programme canadien de fusion. Cette province, qui a toujours su attirer le maximum d'industries de haute technologie, reconnaît l'importance de l'impact des centres de recherche et de développement. La réaction de l'Ontario ne s'est d'ailleurs pas fait attendre. Peu de temps après la signature du contrat de Tokamak de Varennes, le gouvernement de l'Ontario, l'Ontario-Hydro et le CNRC mettaient sur pied le second volet du programme canadien en fusion: les études sur les combustibles de fusion et sur les matériaux. Cette action représente pour l'Ontario la façon d'entrer dans le domaine de la fusion thermonucléaire et de créer ou de maintenir les industries sur son territoire.

Le gouvernement du Québec a déjà indiqué son intention d'accueillir tous les éléments de la recherche en fusion. On sait déjà que le volet sur les matériaux lui a échappé. Il reste celui sur le confinement inertiel. Ce volet, qui est complémentaire à celui sur le confinement magnétique, doit être récupéré par le Québec. Le Conseil national de recherches a commandité une étude sur la pertinence du programme canadien en confinement inertiel. Cette étude a pour but de fixer l'ampleur et les orientations de la recherche en fusion par confinement inertiel. Le Québec possède déjà un noyau de scientifiques avantageusement reconnus au plan international, capables d'assurer la qualité scientifique d'une activité en confinement inertiel. Il existe de plus au Québec plusieurs industries qui fabriquent des lasers et qui pourraient collaborer à ce proramme. Le Québec doit agir maintenant pour revendiquer l'implantation de ce laboratoire national afin d'assurer le développement et la survie de son industrie de pointe.

Il nous paraît donc important que des mesures soient prises pour assurer cette réalisation, en particulier, que le gouvernement ait un dossier actif dans le domaine de la recherche en fusion contrôlée par laser dans le but de faire pression sur le gouvernement canadien et d'assurer la mise en place d'un laboratoire national de recherche en fusion par laser et de son installation au Québec. Que le gouvernement du Québec considère la possibilité de défrayer une partie des coûts des investissements nécessaires à l'installation d'un tel laboratoire - édifices, terrains ou 50% de l'investissement initial requis - de façon à encourager son implantation et son installation sur le territoire.

Il y a peut-être une question qui vient dans la tête des gens en disant: Bon, on met, via Hydro-Québec, via les universités, une certaine somme en recherche. Quel est le montant qu'un gouvernement peut se permettre d'investir en fusion? On est d'accord que c'est une technologie pour le tournant du siècle. Quelle est la part? J'aimerais prendre l'exemple de la Communauté économique européenne qui n'est pas nécessairement le groupe de pays le plus dynamique en fusion. Je pense que les Américains et les Japonais en particulier investissent des sommes de loin supérieures, mais la CEE a un problème d'importation de pétrole globalement semblable à celui du Québec, 60%, 65% d'énergie importée.

La Communauté économique européenne vient d'adopter son budget sur la fusion et elle a pris un chiffre qui est égal à 0,3% d'importation de produits fossiles. Le budget de la fusion est 0,3% du coût de l'importation, de la quantité d'importation. C'est un ordre de grandeur. Si on fait ce même rapprochement au Québec, si on dit, l'investissement dans l'avenir vaut 0,3% de notre consommation de pétrole importé, quel chiffre obtient-on? Si on estime à environ 5 000 000 000 $ les coûts d'importation de pétrole, on aboutit à une somme d'environ 15 000 000 $ par année en fusion. Le Québec en investit actuellement, via Hydro-Québec, environ 6 000 000 $ par année, il reste 9 000 000 $ pour un centre en confinement inertiel. C'est une dérogation un peu rapide, mais quand même qui voudrait souligner l'importance d'investir dans l'avenir, d'y accrocher quelques chiffres. Celui-là tombait bien, j'en conviens; j'en ai profité pour le souligner, mais cela montre quand même qu'on doit conserver un intérêt dans le domaine.

Je pense que l'investissement d'un certain montant attirerait des fonds fédéraux

supplémentaires et cela est un acquis majeur. Je pense que je vais terminer là-dessus, sur cette note optimiste en tout cas en ce qui me concerne. Je vous remercie.

Le Président (M. Desbiens): M. le ministre.

M. Duhaime: Merci infiniment. Je pense que vous avez mis sur la table un ratio qui pourrait peut-être faire son chemin. Vous avez raison de rappeler la vérité des chiffres parce que quand on parle avec nos gens au Québec et que moi bien sûr j'ai peut-être l'occasion de le faire en étant plus près du dossier de l'énergie, c'est avec très peu de crédulité que nos gens entendent le fameux chiffre de 5 000 000 000 $. Nous, on travaille sur la base de 4 800 000 000 $; à ces hauteurs, on ne se chicanera pas longtemps. Je pense que c'est un bon ordre de grandeur. On dirait que les gens ne réalisent pas l'ampleur de la sortie de fonds pour payer des énergies fossiles importées. C'est pourquoi le premier des axes de la politique énergétique du Québec a été de se sortir de ce dossier qui draine autant de dollars à l'étranger et essayer de mettre l'accent sur nos propres ressources hydroélectriques, en particulier: une plus grande efficacité; par exemple, des programmes d'économie et de conversion, de conservation aussi. Vous ouvrez un volet intéressant. Évidemment, tous ceux qui travaillent dans l'une ou l'autre des filières des énergies nouvelles prétendent qu'ils ont la solution.

Avant de venir aux salaires, parce que c'est un dossier qui m'intéresse, bien sûr, je voudrais peut-être que vous nous parliez un peu plus de la mécanique d'analyse sur laquelle vous travaillez, que vous appelez vos grilles d'analyse technico-économique. En fait, tout le monde s'essaie un peu à la futurologie dans un pareil dossier, avec l'avantage que travaillant au futur présent ou au futur composé, on a toujours raison autour de la table. Je sais que INRS-Énergie, mon propre ministère et un groupe de Grenoble travaillent sur un nouveau modèle. J'aimerais savoir où vous en êtes rendus là-dessus et si vous avez testé nos propres scénarios de prévisions quant aux composantes du bilan énergétique.

On est en 1983, on essaie d'aller chercher les meilleurs chiffres possibles pour arrêter des objectifs, pour voir si on a ensuite les moyens de les atteindre. Est-ce qu'on travaille sur la lune ou si on travaille sur du concret quand on ambitionne, par exemple, dans les grandes composantes qui ont été arrêtées par notre propre politique énergétique, d'abord de se dégager le plus rapidement possible des énergies importées, que ce soit le pétrole ou le gaz et qu'à l'horizon de 1990 on voudrait que la composante hydroélectrique soit de 41%, pour l'an 2000 de 50%, que le gaz naturel, qui était de l'ordre de 6% ou 7% en 1975, monte à 14%, .16% à l'horizon de 1990, et à 18% et même plus à l'horizon de l'an 2000, ce déplacement se faisant bien sûr au détriment du pétrole importé?

Devant cette commission, il y a beaucoup d'intervenants qui présentent leur point de vue. Il y a des groupes qui viennent défendre des intérêts et c'est parfaitement légitime aussi. Je pense, entre autres, à ceux qui, traditionnellement, avaient l'habitude de livrer de l'huile à chauffage et qui voient tantôt leurs clients se brancher sur un capteur solaire ou encore s'en aller au gaz naturel ou à l'électricité dans un programme biénergie ou polyénergie. C'est le grand désastre. Ces gens sont tentés de nous dire: Allez peut-être dans cette direction mais n'y allez pas si rapidement.

Si mon souvenir est bon, on gardait dans notre bilan, je crois, 1% pour le charbon, et pour les énergies nouvelles on est autour de 2%. Personnellement cela m'a toujours paru faible. Puisque vous êtes des vendus au soleil est-ce que l'ensemble de ce scénario dans les grandes composantes d'abord, ce que l'on fait comme projection sur l'horizon de 1990 et l'an 2000, cela vous apparaît réaliste?

Le deuxième volet de ma question serait de vous demander: Est-ce que la part faite aux énergies nouvelles est suffisante ou s'il faudrait qu'on mette davantage d'argent dans la recherche et dans le développement? Je ne sais pas qui peut répondre.

Une voix: M. Lemay.

M. Lemay (André): Si vous pouvez me permettre, M. le ministre, il y a trois volets. Pour le premier volet, quant au point où on en est rendu dans nos études, je crois que M. Lafrance pourrait tenter une réponse de ce côté.

M. Lafrance (Gaétan): Oui. En ce qui concerne les plus récentes prévisions qu'on a, elles vont être soumises dans un mois à l'école des HEC en collaboration avec votre ministère. En fait il y a un séminaire organisé par l'INRS, les HEC et le ministère de l'Énergie et des Ressources pour présenter les résultats de nos prévisions sur notre modèle à long terme. Je n'aimerais pas... Je n'ai pas les chiffres ici pour vous les présenter mais cela sera officiel très bientôt. On peut donc dire que du côté de la prévision de la demande actuellement on a un modèle qui sera utilisable par le ministère ces jours-ci ou très bientôt; par conséquent, on a rempli une partie de notre mission en ce sens, c'est-à-dire que ce qui reste à faire maintenant c'est d'améliorer les informations statistiques.

Donc au point de vue de la modélisation, d'après nous c'est à point au niveau de la demande. Évidemment, pour ce qui est d'un modèle global, ce n'est pas à point parce que partout dans le monde c'est un des grands axes de recherche actuellement. C'est qu'on essaie de faire un modèle global des prévisions énergétiques, et à long terme si possible, où on tient compte à la fois de la demande, de l'offre de l'énergie et aussi des relations énergie-économie. Je pense que maintenant on va justement mettre l'effort sur ces deux nouveaux axes, c'est-à-dire essayer de bien comprendre les relations entre l'offre et la demande et les relations entre l'énergie et l'économie. (16 h 30)

En ce qui concerne la demande, ce que je peux vous dire dès maintenant c'est qu'avec Hydro-Québec on s'entend pas mal sur les prévisions. Cela ne veut pas dire que ce sont les bonnes prévisions, mais au moins on s'entend sur les hypothèses. C'est assez récent; je pense que cela remonte à environ deux ou trois ans ou même à trois ou quatre ans. C'est-à-dire que maintenant on a la même base de données ou presque; donc, les hypothèses ne peuvent pas être très divergentes. Dans ce sens, les prévisions se ressemblent beaucoup. Historiquement, il y avait un seul organisme de prévisions à long terme, c'était Hydro-Québec. Maintenant, il y a, en fait, un deuxième organisme de prévision qui est le gouvernement. Donc, cela a permis d'avoir une meilleure concertation entre les organismes publics et aussi de ramasser les informations pertinentes. Ce qu'il ne faut pas oublier, c'est que, dans une prévision à long terme, on est obligé de tenir compte de l'ensemble des facteurs qui jouent sur la demande énergétique. Alors, il faut aussi aller voir les prévisions économiques, les prévisions de politiques ou les prévisions de technologie, ce qu'on ne fait pas nécessairement dans un modèle de prévisions à moyen terme ou à court terme où on prend des modèles économétriques ou mathématiques, où on ne tient pas compte de tous les paramètres. En ce sens, cela a permis de ramasser beaucoup d'informations qu'il y a partout, dans tous les ministères. Cela permet aussi une meilleure concertation entre les ministères; donc, des politiques plus cohérentes au niveau du gouvernement, finalement.

Je ne sais pas si cela répond à votre premier volet.

M. Lemay (André): Quant au deuxième volet, M. le ministre, je crois que les énergies nouvelles, pour être réaliste, ne réussiront jamais à combler un pourcentage très élevé de nos besoins énergétiques, même en l'an 2000 ou au tournant du siècle. Mais, même si ce n'est que quelques points de pourcentage, 3% ou 4%, quand on regarde les sommes impliquées, je crois qu'on a tout avantage à accélérer la recherche et à pousser les développements de ce côté, en particulier. En effet, comme l'a dit M. Martel tout à l'heure, si on tombe dans le solaire, par exemple, on peut faire appel à des disciplines de travail qu'on a déjà et qui sont en voie d'être menacées par toutes sortes de progrès de l'informatique et de la robotique. Alors, je crois qu'il peut être intéressant de pousser de ce côté.

M. Martel (Jacques): Je peux peut-être compléter. L'objectif fixé par le ministère semble réaliste. Je pense que, pour l'atteindre, il faut continuer à travailler, c'est-à-dire qu'il ne s'atteindra pas de lui-même. Il faut noter que, de par leur définition ou presque, toutes les énergies nouvelles - et cela s'applique certainement au solaire - sont plus difficilement implantables à cause de leur exigence de capital au départ, c'est-à-dire que leur coût d'achat est élevé. Comme on sait très bien qu'un consommateur normal ne regarde pas vraiment les périodes d'amortissement ou le prix de revient échelonné sur une certaine période - mettre un système solaire, le système SACPAF celui dont je vous parlais tout à l'heure, peut coûter environ 2000 $ d'installation - même si on peut lui prouver que, au bout de X années, il y a une rentabilité pour lui, il sera plutôt prêt à conserver son vieux système; il n'y a pas de comptabilité économique au niveau de l'individu. Je pense que c'est dans l'État de New York qu'on avait fait un effort pour démontrer aux gens que le système, avec les subventions et tout cela, était économiquement rentable et le programme a été partiellement un échec. Le gens ne font pas ce calcul. On achète pour sa maison et on regarde uniquement le coût d'investissement. Cela nuit. C'est une des composantes. L'autre, c'est que les systèmes actuels sont encore trop chers. Je pense que, tant que ces systèmes ne seront pas moins chers... Donc, pour survivre pour l'instant, l'industrie a besoin de programmes de subventions.

Pour ce qui est du niveau, il faut peut-être noter que le dernier programme de recherche du CNRC dans le domaine de l'énergie solaire est d'un montant global de 78 000 000 $. Donc, même si ce ne sont pas les montants initiaux, ce sont quand même des sommes importantes qui sont investies pour la recherche dans ce domaine et le développement. C'est beaucoup de programmes de développement et non de recherche pure au sens universitaire du terme.

M. Duhaime: Écoutez, je comprends que nos avantages énormes en hydroélectricité

sont au désavantage des énergies nouvelles en quelque sorte. La Belgique, qui a un parc hydroélectrique de 2000 mégawatts et pas d'autre potentiel, est condamnée à aller dans la filière nucléaire et à imaginer des programmes de recherche et de développement dans les énergies nouvelles. Les chiffres nous ramènent toujours à un coût marginal de production. Je sais qu'en Californie, récemment, ils ont inauguré une des plus grandes centrales solaires, je crois que c'est 10 mégawatts de puissance installée. Cela fait déjà quelques mois que j'ai passé là-dessus. J'ai fait faire le calcul quant au coût marginal de production au kilowattheure par cette centrale par rapport au coût marginal de production du dernier kilowattheure sorti de la dernière centrale, du dernier groupe de turbines sur la rivière La Grande. Comme on dirait chez nous, il n'y a rien là pour nous autres. Même en tenant compte de cela, votre intérêt pour l'énergie solaire m'a intéressé. Je vous dirai bien honnêtement, quand j'ai décidé d'aller de l'avant avec - aussi bien faire le commercial maintenant - Fibratech; on a mis 250 000 $ là-dedans. Je peux vous dire tout de suite que, si vous avez d'autres projets comme celui-là, je serais prêt à risquer encore 250 000 $ parce que cela revient vite.

Je sais aussi qu'on a un autre projet avec votre groupe qui est une firme qui s'appelle je dirais Pétrosoleil, car cela s'appelle Petrosun, où là aussi on a avancé un montant d'argent de soutien. Je pense que ce ne sont pas essentiellement des gestes ad hoc dans des dossiers. Ce matin cela a été évoqué par un professeur de Polytechnique, quant à lui on ferait une erreur de fermer des filières de recherche. On devrait plutôt maintenir l'effort dans tout le tableau quitte à établir certaines priorités en fonction de nos avantages comparatifs, l'électrochimie par exemple et tout ce qui touche à l'exploitation d'hydroélectricité puis du potentiel énorme qui existe encore au Québec, toujours en fonction du coût marginal de production. On aura beau inventer tout ce qu'on voudra dans nos laboratoires, s'il n'y a pas de marché un jour pour ces produits cela restera quand même une excellente idée.

Je voudrais peut-être - je ne suis pas un spécialiste des questions de fusion nucléaire, je sais que mon collègue d'Outremont lui porte beaucoup d'intérêt -dans un premier temps, avant d'aborder cette question-là, dire que j'apprécie énormément l'appui que vous avez manifesté jusqu'à présent et que vous continuez dans le dossier du Centre de recherche en électrochimie. Je peux vous dire que ma crainte, c'est qu'au niveau du gouvernement fédéral on décide de jouer solo dans ce dossier et de mettre de côté complètement l'offre de collaboration que j'ai formulée à plusieurs reprises à au moins deux ministres de l'Énergie au niveau fédéral. Je vous dirai que nous avons une avance au dossier, je pense que tout le monde le reconnaît. Je ne suis pas prêt à dire que cela revient au Québec de droit. Quand on regarde l'ensemble du dossier et les dépenses du fédéral dans la recherche scientifique, ce serait peut-être un des dossiers qui nous permettraient de faire certains rattrapages.

Si je peux y ajouter mon couplet régional aussi, il n'est pas écrit dans le ciel que cela devrait se retrouver nécessairement à Montréal ou à Québec. Quant à un centre de recherche en électrochimie, l'INRS étant une constituante de l'Université du Québec et l'Université du Québec étant déjà implantée aux Trois-Rivières, il y aurait peut-être des jonctions à la fois scientifiques et utiles.

Je vais terminer tout simplement. Je voudrais peut-être que vous nous parliez un peu plus de l'état du dossier. Je sais qu'à Varennes on travaille au projet Tokamak, qui a été implanté maintenant. Vous formulez ce que je comprends être des inquiétudes pour ne pas dire des craintes face à l'offensive, sans aucun doute bien légitime mais traditionnelle en même temps, de l'Ontario. Quelles sont nos chances réelles d'aller chercher ce centre de recherche que vous appelez fusion par confinement inertiel qui va déboucher sur le laser? J'avoue être un peu profane dans ce dossier-là. J'aimerais savoir exactement où on en est avec cela.

M. Martel (Jacques): L'étude commanditée par le CNRC doit être déposée dans deux semaines. Les échos que j'ai pu avoir de cette étude montrent clairement que l'axe industriel actuel d'industries touchées par le volet confinement inertiel se situe entre Québec et Toronto. Le noyau des industries de pointe de laser se situe de ce côté-là. Le volet confinement inertiel a été pendant un certain temps le premier qui voulait être implanté. Il y a eu des revers de fortune dans les politiques. Il est toujours de la volonté du CNRC de voir à son implantation. Les provinces intéressées: certainement l'Alberta ou la Colombie britannique qui voudraient récupérer une partie du dossier. Je pense que les chances du Québec... La raison pour laquelle le confinement magnétique est venu, c'est qu'il y a eu une initiative de dire: On est prêt à défrayer une certaine somme pour en faire un genre de projet conjoint, sans le mot; c'est cela qui a fait pencher la balance du côté du Québec. C'est pour la période initiale; par la suite, les questions sont à renégocier. On entrevoit que les chances du Québec au point de vue industriel sont là; au point de vue universitaire, avec l'Université Laval, l'Université de Montréal et l'École

polytechnique qui ont des travaux en laser ainsi que l'INRS, on forme probablement le plus gros noyau de scientifiques dans le domaine du confinement inertiel au Canada. On est peut-être un peu dispersés, mais on a une volonté commune; l'Université Laval nous appuie dans ce volet. On a le noyau de scientifiques, on a le noyau d'industriels; la compétition est entre Ontario, le CNRC qui a ses propres programmes en fusion inertielle et l'Alberta. Je pense qu'on a de meilleures chances au point de vue technique et scientifique; le reste relève du domaine de la politique et là, j'y perds certainement mon latin.

M. Duhaime: Des fois. Je vous remercie.

Le Président (M. Desbiens): M. le député d'Outremont.

M. Fortier: Surtout avec le premier ministre qui est toujours en train de dire mutatis mutandis.

On va continuer avec le solaire pendant un certain temps. On parlait tout à l'heure d'une application qui est courante soit celle du chauffage des piscines. Est-ce que j'ai tort ou raison de dire que cette application qu'on calcule dans le progrès de l'énergie solaire est faite par des gens qui normalement n'auraient pas chauffé leur piscine, mais qui la chauffent parce qu'ils reçoivent des subventions? Est-ce qu'il y a un attrait spécial ou si on peut dire que c'est une substitution ou plutôt une façon pour certaines personnes d'être à la page? Autrement dit, dans ces énergies nouvelles, je me demande toujours s'il s'agit d'une substitution ou d'un attrait pour une nouvelle forme d'énergie et qu'on ne peut pas réellement parler de substitution. Je sais bien que cela n'est pas facile à évaluer, mais quelle est votre propre évaluation?

M. Martel (Jacques): II y a beaucoup de gens qui chauffent leur piscine, plus que ne je l'aurais cru. C'est une consommation énorme; les gens dépensent plus d'argent dans le chauffage de leur piscine... j'ai un collègue qui la chauffe à l'huile et c'est pire. Beaucoup de personnes le font non par l'attrait, mais parce qu'ils aiment une piscine plus chaude. C'est quand même un investissement un peu curieux, mais le marché véhiculé par les vendeurs de piscines fonctionne très bien, étonnamment bien, de sorte que je suppose que c'est plus que seulement un attrait du "gadget" mais bien un système qui fonctionne. Le système coûte peu cher, il est très simple, de sorte que tous ceux qu'on a rencontrés sont très satisfaits du chauffage de piscine par un capteur solaire. Je pense qu'il y a certainement une partie qui découle d'un élément "fashionable", mais la majorité comprend des gens qui, normalement, auraient chauffé leur piscine à l'électricité durant l'été. (16 h 45)

M. Fortier: J'aimerais avoir quelques explications sur le nouveau modèle de chauffe-eau que vous avez développé. Vous avez signé une entente avec Nouveler. Est-ce que vous l'avez offert à des gens du secteur privé ce...

M. Martel (Jacques): En fait, le système avait été développé avec une firme privée qui...

M. Fortier: Si vous voulez me laisser terminer ma question.

M. Martel (Jacques): Oui.

M. Fortier: Vous dites dans votre texte - je pense que c'est vrai - qu'on a au Québec la chance d'avoir une compagnie qui réussit très bien. D'ailleurs, c'est un de mes anciens employés et j'en suis très fier. Il était dans le nucléaire et il est passé au solaire; comme transfert, c'est extraordinaire...

M. Duhaime: II a vraiment réussi!

M. Fortier: Alors, on a une compagnie qui réussit très bien et je sais qu'elle est très agressive dans le marketing national et international. Je vois que vous avez signé une entente avec Nouveler. Je n'ai rien contre Nouveler, mais j'aurais pensé que, compte tenu du fait que Nouveler, à mon avis, n'a jamais fait de marketing dans le domaine solaire en particulier, pour eux ce sera une nouvelle chose à développer, cela aurait été beaucoup plus profitable d'aider plutôt une compagnie privée qui existe déjà, qui oeuvre déjà dans ce domaine et qui a été implantée au Québec au départ. Pourquoi être aller à Nouveler si Petro-Sun, pour la nommer, aurait pu le faire beaucoup mieux?

M. Martel (Jacques): En fait, c'est partiellement historique, en ce sens que nous oeuvrions avec - il y avait deux compagnies qui faisaient des capteurs solaires au Québec; actuellement, il y en a trois au total - cette compagnie. La compagnie qui effectuait cette recherche devait y mettre de ses propres fonds. Donc nous étions liés à elle pour lui offrir le développement du produit. Par la suite, la compagnie a manqué de capital de risque...

Une voix: De liquidité.

M. Martel (Jacques): ...de liquidité pour développer le produit et a fait une demande

à Nouveler pour obtenir le capital de risque requis pour la mise en service. C'est donc la compagnie - ce n'est pas nous - qui a trouvé Nouveler. Par la suite, les histoires se sont compliquées, comme souvent c'est le cas avec les petites ou les TTE, les "tites tites" entreprises, qui sont sur le bord de la faillite un peu tout le temps. C'est le lien qui a été établi par la compagnie. Donc, nous, indirectement, on a suivi le développement et finalement c'est Nouveler qui met le capital. Alors, il y a une entente qui dépasse nos prérogatives.

M. Fortier: Dans le fond, ce que vous dites, c'est que la société - je ne sais pas de laquelle vous parlez...

M. Martel (Jacques): Fibratech.

M. Fortier: ...va être impliquée dans la mise en marché et Nouveler va être... Non?

M. Martel (Jacques): C'est-à-dire que je ne connais pas les détails de...

M. Fortier: L'entente exacte?

M. Martel (Jacques): ...la transaction. Vous pourrez peut-être poser la question à qui de droit. Mais c'est que, pour nous, c'était la suite. Par ailleurs, on travaillait parallèlement avec Petro-Sun dans une autre compagnie et pour nous il est très important, quand on développe un produit avec une industrie, d'assurer cette industrie qu'il n'y a pas de coulage d'information entre l'une et l'autre. Alors, on tient les dossiers strictement séparés. On avait avisé Petro-Sun: On travaille là, on est capable de travailler. Le type de capteur développé par Petro-Sun, grâce à une subvention, est en développement; au départ c'est un capteur un peu plus pour le marché international. Ce que je veux dire...

M. Fortier: Vous comprenez ma préoccupation. Ma préoccupation c'est que Nouveler, je sais qu'elle a été créée avec Hydro-Québec, la SGF, etc., pour le capital de risque. Mais si on essaie de développer des PME au Québec, il va falloir que... Je me posais la question si Nouveler s'était approprié cela, alors que vous aviez...

M. Martel (Jacques): Je ne pense pas que ce soit une question d'appropriation, c'est une suite de transactions, de demandes d'aide. Je pense qu'elle avait demandé directement à la SDI ou à d'autres. C'est simplement une suite de petits pas qui a amené Nouveler à s'impliquer davantage que peut-être ils l'auraient fait si cela avait été négocié différemment au début.

M. Fortier: À la page 14, vous faites des recommandations: "Que le gouvernement du Québec donne son appui et encourage les efforts des industries québécoises pour obtenir une part grandissante du programme de démonstration fédéral et, deuxièmement, que le Québec complémente les mesures incitatives fédérales." Dans les énergies nouvelles je pense que nous sommes la seule province qui n'a pas signé avec le fédéral. Comme de raison, cela coupe un peu les fonds. Au Québec, le fédéral a institué son propre programme dans ce secteur. Est-ce que c'est un peu à cela que vous faites allusion quand vous dites qu'il faudrait que le Québec participe davantage? Parce que là on parle d'un programme qui existe pour toutes les autres provinces excepté la nôtre, où les autres provinces ont accepté de mettre 50% des montants qui étaient impliqués dans les énergies nouvelles.

M. Martel (Jacques): Ce n'était certainement pas du côté politique que notre demande était faite. Pour nous c'était de permettre, quelle que soit la mécanique voulue - est-ce que c'est celle-là, est-ce que c'est une autre? je ne le sais pas -d'aller chercher des fonds d'Ottawa afin qu'ils reviennent au Québec pour favoriser l'industrie. Je pense que ce n'est pas plus complexe que cela, mais on sait qu'ils dépensent de l'argent, on sait qu'ils en mettent dedans, et je pense qu'il est important que les industries puissent aller récupérer ces fonds-là de la façon qui sera certainement la plus appropriée ou conforme aux vues de tout le monde; je pense que ce sont les résultats qui comptent. On laisse à d'autres le soin de la technique, du moment que les résultats sont là.

M. Fortier: Pour revenir à la question qu'on a posée ce matin à d'autres... On a entendu des gens qui nous ont dit: Écoutez, l'hydrogène, c'est l'énergie de l'avenir; l'électrochimie, c'est bien important; il faut continuer dans la fusion. Est-ce que le Québec peut se permettre toutes ces priorités en même temps ou est-ce qu'on devrait choisir? Le message qu'on entend, c'est de dire, comme vous dites, que la fusion, c'est extrêmement important et qu'il faudrait continuer. Il faudrait bien obtenir le laboratoire d'électrochimie; il faudrait investir beaucoup d'argent dans l'hydrogène. Si on additionne toutes ces demandes prioritaires, est-ce qu'on s'illusionne tous autour de la table ici en supposant que l'on puisse répondre à toutes ces demandes qui vont dans différentes directions pour des énergies nouvelles qui vont venir après l'an 2000 probablement?

M. Martel (Jacques): Je pense que c'est difficile de dire si on peut tout soutenir. Ce qui est important, c'est de réaliser qu'un

effort majeur doit être fait en recherche et développement et que là, on a du rattrapage sérieux à faire. Quand je parle du virage technologique - et je mentionnais que c'était vraiment dans la mentalité - je pense qu'on peut certainement se permettre des efforts majeurs et de loin supérieurs à ceux qui sont faits actuellement en recherche et développement et démonstration du côté énergétique, d'une part parce que je pense que, comme le montre l'étude, c'est aussi rentables sinon plus rentable que de faire des routes. Donc, c'est certainement plus rentable que de payer de l'assurance-chômage.

M. Fortier: C'est au Québec... Mais j'aimerais...

M. Martel (Jacques): Non. On ne fait pas plus de recherche pour le nombre de routes.

M. Fortier: Non, mais cela m'intéressait ce que vous avez dit tout à l'heure. Je voudrais que vous me le redisiez. Vous avez dit tout à l'heure que les investissements dans le domaine de la recherche peuvent provoquer un développement économique et que c'est une question de volonté. J'aimerais que vous alliez plus loin là-dessus. Qu'est-ce que vous avez dit exactement? Vous avez dit que ce n'est pas suffisant de dépenser de l'argent et qu'il faut aller plus loin. Vous semblez dire que ce n'est pas suffisant pour les gouvernements de financer, qu'il faut qu'ils en fassent plus, et que la volonté de réussir est aussi importante, ou la volonté d'encourager un secteur en particulier est aussi importante que la subvention qu'ils accordent. J'aimerais que vous précisiez.

M. Martel (Jacques): Mon point de départ... Je peux vous faire part d'une anecdote pour vous expliquer ma philosophie et je vais prendre mon exemple à propos du gouvernement fédéral; comme cela je n'attaquerai personne du gouvernement provincial...

M. Fortier: Le ministre de l'Énergie et des Ressources est dans Shawinigan, n'oubliez pas cela.

M. Martel (Jacques): Quand un député se voit octroyer un ministère de la Science et de la Technologie, il est pas mal déprimé. Ce qu'on lui donne - on en a eu un commentaire - cela a l'air d'un prix de consolation pour un député que d'avoir la Science et la Technologie alors que ce devrait être quelque chose qui a de la valeur. Cela a l'air d'un prix de consolation et je prends l'exemple... Cela n'est pas difficile, si on regarde au gouvernement fédéral, le ministère de la Science et de la

Technologie, pour toutes sortes de conjonctures, a toujours été coincé et cela a toujours abouti à un ministère junior, ou bien on le donnait comme deuxième ministère à quelqu'un qui en avait déjà un. Au ministère des Travaux publics et à celui de la Science et Technologie, le gars devait passer vingt minutes en Science et Technologie et le reste du temps aux Travaux publics. Alors, c'est cet esprit qui ne valorise pas l'investissement en recherche, au départ. Cela veut dire qu'on n'y croit pas plus que cela. On fait des efforts, enfin... Je suis prêt à changer d'idée n'importe quand. Mais, je vais vous donner un autre exemple: on veut faire des choses en biotechnologie, on veut faire des choses dans certains domaines, on a les bonnes volontés et j'ai entendu dire, à un endroit: On a investi 150 000 $ en biotechnologie pour cinq institutions québécoises. Le lendemain, je lis dans le journal que l'Ontario vient de mettre 10 000 000 $ en hydrogène. Il y a quelque chose qui ne colle pas entre les deux. Ou on y croit, on y met le paquet et on donne la chance aux gars de courir, ou on n'en parle pas. Mais, ce que je veux dire, c'est qu'on y croit assez pour en parler, mais peut-être pas avec une conviction suffisamment fondamentale pour aller le défendre devant les autres ministres. Je suppose qu'il y a une certaine chicane à propos des fonds. C'est pour dire que oui, le développement économique peut passer par la recherche et le développement, ce n'est pas plus que cela que je voulais mentionner.

M. Fortier: Je suis entièrement d'accord avec vous qu'il y a beaucoup de ministres juniors qui auraient pu faire de grandes choses peut-être, s'ils l'avaient voulu. À Ottawa, je ne le sais pas. Mais c'est une question de volonté de réussir et de donner cela comme un secteur prioritaire. C'est ce que vous avez voulu dire en termes de volonté de réussite des gouvernements.

M. Lemay (André): Est-ce que je pourrais intervenir sur la même question, M. le Président?

Le Président (M. Desbiens): Oui.

M. Lemay (André): Quand on parle de la recherche, du Québec et des budgets qui pourraient être disponibles à ces fins, j'ai l'impression que quand on touche le secteur énergétique et différents volets comme ceux-là, on n'a pas nécessairement à tout mettre en ordre de priorités et à couper dès la première ou la deuxième priorité parce qu'on peut même se les permettre en recherche. Je pense que les coûts énormes et les grands risques vont nous arriver lorsqu'on va vouloir faire du développement, de l'application, de l'usine-pilote. Là, on aura réellement des

coûts énormes qui se multiplient d'un facteur de 10 ou 20 souvent.

Quand on parle de la recherche, les coûts sont quand même assez minimes. Si on peut réussir à coordonner le moindrement les équipes qui existent déjà, on pourra continuer ces programmes et même les améliorer sans avoir à ajouter des 50 000 000 $ ou des 100 000 000 $ dans chaque entreprise. Je pense que quelques millions ici et là, continus et garantis sur une période assez longue, permettent d'attirer les chercheurs. J'ai l'impression que l'électrochimie, par exemple, devrait être au Québec une priorité avec l'hydroélectricité qu'on a et avec la nature des industries de notre province, les industries de métaux et tout le reste. La thermofusion nucléaire, elle, dans le volet du confinement inertiel, aura peut-être des retombées industrielles à beaucoup plus court terme que l'an 2000. De ce côté, avec les lasers et tout le reste, dès qu'on aura injecté quelque chose dans la recherche, il y aura des possibilités de retombées industrielles importantes dans les cinq ou dix prochaines années.

Il faut essayer d'évaluer tout cela. Mais de là à dire qu'on a quelques priorités, il faudrait en choisir une. Par exemple, je serais très malheureux qu'on s'arrête à faire un choix comme celui-là.

M. Fortier: Ces quelques mots sont très intéressants. Vous dites que lorsqu'on arrive au niveau des prototypes, là, il faut y aller plus mollo. Mais quand on fait de la recherche fondamentale ou appliquée, à ce moment-là, on pourrait y aller en parallèle jusqu'au moment où on doit faire des investissements massifs. À ce moment-là, on peut se poser des questions, surtout avant d'aller vers la phase commerciale, pour savoir quelles options nous allons choisir.

Ce qui m'a intéressé surtout lorsque vous avez parlé d'électrochimie, c'est que les universités québécoises collaborent ensemble. On entend souvent dire que les universités ne collaborent pas entre elles. Du moins, il semblerait que dans le domaine du génie - je ne sais pas si c'est parce que les ingénieurs sont des gens pratico-pratiques - ils s'entendent mieux entre eux. Ce sont des félicitations. Je crois que c'est beaucoup plus facile pour les gouvernements, lorsqu'il y a une certaine concertation entre les universités, d'appuyer cette concertation et de faire des choses qui en valent la peine. Autrement, quand chaque université tire de son côté, c'est beaucoup plus difficile. Je pense bien qu'on doit féliciter toutes les universités qui ont décidé de travailler ensemble.

Le Président (M. Desbiens): M. le ministre.

M. Duhaime: Vous avez raison de souligner ce point. Vous avez parlé de chicanes, etc. quand arrivent les arbitrages. Moi, j'appelle cela des arbitrages de fin d'année; les dernières discussions avant le dépôt des budgets. Je pense que c'est un secret de polichinelle. Parce que les effets et les retombées ne se font pas sentir à court terme ou encore à très moyen terme, on est porté à reporter le dossier, à dire: On va attendre un an, on va attendre deux ans, on va attendre trois ans.

Il reste cependant que quelques-unes des sociétés d'État, entre autres, la Société générale de financement, dans son dernier plan quinquennal, a un budget de recherche d'environ 40 000 000 $ sur cinq ans. Sauf erreur, ce plan quinquennal avait été discuté en commission parlementaire de l'industrie et du commerce en 1979, je crois. C'était la première fois, croyez-le ou non, dans l'histoire de la Société générale de financement, qu'il y avait un volet sur la recherche et le développement de cette importance.

Deuxième élément: à Hydro-Québec - il y a bien sûr l'IREQ, etc. - il se dépense de plus en plus d'argent à ce niveau; il y a de plus en plus de budgets consacrés à la recherche et au développement. L'implication d'Hydro-Québec dans le dossier de l'hydrogène liquide et de l'électrochimie, si on veut prendre un secteur un peu plus large, est réelle. Elle est sur le point de faire des investissements - et souhaitons que cela se fasse le plus rapidement possible -que je qualifierais de colossaux dans le dossier de l'hydrogène liquide. (17 heures)

Je suis très heureux de constater que l'INRS, en plus de ses préoccupations dans les communications, dans l'urbanisme, etc., a une filière énergie qui veut se maintenir à la fine pointe... Souhaitons que vous réussirez avec nos amis de Grenoble et d'ailleurs autour de la planète à nous fabriquer de meilleurs modèles économétriques de façon que la prévision perde son sens et qu'on puisse travailler sur des certitudes.

Je ne voudrais pas vous laisser partir sans vous demander de réagir. Je ne sais pas si vous étiez présents lorsque le professeur Ayoub est venu devant notre commission. Il a évoqué un point qui m'apparaît fondamental dans le dossier de l'énergie, pour le Québec, en tout cas, et c'est vrai à l'échelle du monde aussi: l'évolution des prix. Je ne pas si à INRS-Énergie vous avez regardé cette question.

Avez-vous des scénarios quelconque sur l'évolution du prix du baril de pétrole à l'horizon de 1985, 1990, et sur l'état des réserves? L'un d'entre vous a dit tantôt que d'ici l'an 2000, les réserves de pétrole conventionnelles étaient en train de disparaître, mais il se produit un phénomène

un peu curieux depuis quelques années, c'est qu'il y a un grand déséquilibre entre l'offre et la demande sur les marchés mondiaux. On serait enclin à croire, à partir de cette constatation, qu'il y aura peut-être du pétrole conventionnel sur le marché mondial pour beaucoup plus longtemps qu'on pense et à un prix plus faible que ce qui avait été appréhendé. Je sais qu'en Allemagne fédérale, on a fait des scénarios d'impact sur l'économie ouest-allemande sur la base du prix du baril de pétrole à 50 $ US. Cela fait un bon bouleversement. Je pense qu'aujourd'hui tous ces scénarios ont été ramenés à la baisse. Je ne sais pas si l'INRS s'est penchée sur cette question en fonction de l'évolution des prix.

M. Lafrance: En fait, dans les prévisions de prix, actuellement, on a fait des prévisions avec le ministère de l'Énergie et des Ressources et cela correspond à peu près aux prévisions de prix du GREEN. À ce niveau, je ne crois pas qu'on ait des hypothèses très différentes. Lorsqu'on fait de la prévision comme cela à long terme, c'est très difficile de prévoir des crises. Évidemment, si demain matin l'Irak et l'Iran ferment le détroit d'Ormuz, j'imagine qu'à court terme il va y avoir des modifications importantes au niveau des prix, mais cela ne veut pas dire qu'à long terme on va avoir des prix qui vont rester hauts parce qu'il y a des pays producteurs actuellement qui ont soif de devises étrangères et cela va faire baisser les prix. Évidemment, la demande partout dans le monde a baissé aussi, de sorte qu'on va retrouver des prix assez bas.

Dans les scénarios actuels, on a donc pris deux scénarios qu'on peut appeler tendanciels, mais où il n'y a pas de crise. On ne simule pas les cycles. Si, par exemple, il y a une crise l'an prochain, on ne simule pas à ce niveau. Parmi les deux scénarios qu'on a, de mémoire il y en a un où, en termes réels, cela équivaut à 1% par année sur la période pour le prix du pétrole et dans le deuxième c'est 2%. Je m'avance peut-être, mais on pourrait vous donner des chiffres plus précis là-dessus.

Le Président (M. Desbiens): M. le député de Vimont.

M. Rodrigue: Merci, M. le Président. Dans le mémoire que vous avez présenté et dans les recommandations en particulier concernant l'énergie solaire, vous demandez au gouvernement de favoriser la participation des industries aux missions commerciales à l'étranger afin de stimuler les exportations. Le ministre du Commerce extérieur, dont le ministère a été formé récemment, a annoncé, il y a environ une semaine, toute une série de programmes d'aide à l'exportation, en particulier, le programme

APEX. Est-ce que vous avez examiné ce programme? Est-ce que vous avez eu le temps d'en prendre connaissance? Est-ce que c'est un peu dans la ligne de ce que vous souhaitiez dans vos recommandations? Est-ce que ce programme, finalement, répond à l'objectif que vous poursuiviez en nous présentant cette recommandation dans votre mémoire?

Une voix: ...

M. Rodrigue: En fait, le programme APEX ne vient pas d'être mis sur pied. Il a été prolongé, on lui a donné, disons, une extension plus grande et on a regroupé des programmes là-dedans. Il y avait une série de programmes à l'exportation qu'on regroupe dans APEX.

M. Martel (Jacques): Ces programmes ne nous touchent pas comme tels. Ils touchent les industries avec lesquelles on travaille. Avec un minimum de paperasserie, parce que ces petites industries, à notre expérience, craignent comme la peste une grosse structure gouvernementale, si cela leur permet d'acquérir de nouveaux marchés. Je pense que c'est l'objectif visé.

Je parlais tout à l'heure de l'intérêt des Japonais pour le capteur au fréon que nous avons développé. L'intérêt japonais est né à l'occasion d'une mission du Québec au Japon où il y avait par hasard le représentant de Fibratech qui a présenté son type de capteur, et cela a fait sensation parmi les Japonais, qui sont revenus le revoir trois fois de suite. Je souligne qu'à la même délégation Nouveler était aussi présente; donc, la lignée de tout à l'heure se retrouve et ce sont les Japonais qui, ensuite, sont venus nous voir. En fait ils sont venus voir Fibratech, pour avoir la technologie. Ils étaient prêts à l'importer immédiatement parce que les ventes de capteur solaire au Japon sont faramineuses.

Je m'excuse d'ignorer les détails de ce projet mais il s'adresse à l'industrie, et il faut que cela s'adresse à l'industrie. Si cela l'aide à vendre ses produits à l'étranger, je pense que dans le marché du capteur solaire c'est ce dont on a besoin.

M. Rodrigue: Enfin, c'est un programme à plusieurs volets mais il va dans ce sens, autant l'aide aux prises de contact avec les marchés extérieurs que l'aide à la transaction, l'aide aux ventes aux marchés extérieurs.

Ce que vous venez de mentionner m'amène à une autre question. J'avais noté que vous prôniez jusqu'à un certain point l'exportation de la technologie québécoise dans ce domaine. La question qui m'est venue à l'esprit est: Est-ce que c'est véritablement dans notre intérêt d'exporter

une technologie qu'on a développée et qu'on possède d'une façon exclusive? Est-ce que finalement il ne serait pas plus intéressant pour nous de faire en sorte que ces produits soient fabriqués ici et exportés après fabrication plutôt que d'exporter la technologie et faire fabriquer cela au Japon ou ailleurs? Connaissant leurs capacités industrielles, on risque qu'ils viennent nous concurrencer sur nos propres marchés à ce moment. N'y a-t-il pas là un risque en procédant de cette façon? Ne serait-il pas plutôt préférable de tenter de faire fabriquer ces capteurs ici?

M. Martel (Jacques): Je suis entièrement d'accord que la première préoccupation qu'on doit avoir est de les faire fabriquer. Une des préoccupations sous-jacentes à l'entente entre INRS et Nouveler vise justement la production des capteurs au Québec.

Évidemment, cette production pour un marché local est une première étape. Il faut cependant aussi considérer la dimension internationale. Quant à fabriquer des capteurs au Québec, les exporter et les vendre au Japon alors que leur industrie de capteurs solaires est 100 ou 1000 fois plus grosse que la nôtre - ils vendent des sommes énormes - il y a peut-être plus d'intérêt de faire un échange de technologies à ce niveau, de leur fournir des pièces de certaines composantes qui seraient fabriquées ici et de les vendre au Japon en échange de devises ou en échange de technologies.

Je suis d'accord avec vous. La question serait peut-être mieux posée sur la stratégie que veut utiliser Nouveler pour développer son capteur. Mais la préoccupation d'en faire au Québec est majeure.

M. Rodrigue: Disons que je n'en fais pas un absolu parce qu'il nous arrive aussi d'importer des technologies d'ailleurs et finalement ce genre d'échange peut être profitable aux deux parties. Si je comprends bien, dans ce domaine on n'a pas une exclusivité; il y a d'autres types de capteurs solaires qui sont fabriqués ailleurs. Chacun voulant protéger sa propre industrie, si je comprends bien, les Japonais pourraient être tentés d'utiliser leurs propres capteurs solaires, même s'ils sont moins intéressants que les nôtres, si on n'accepte pas certaines transactions comme cela.

M. Martel (Jacques): C'est cela.

M. Rodrigue: Dans votre mémoire vous parlez de stockage intersaisonnier, et c'est dans le chapitre qui traite de l'énergie solaire. J'aimerais que vous nous expliquiez quelle forme peut prendre le stockage thermique intersaisonnier qui permettrait de rentabiliser le chauffage solaire des locaux.

C'est à la page 11 de votre mémoire. Un stockage sur 24 heures, j'ai vu des articles là-dessus mais, un stockage intersaisonnier d'énergie solaire, j'aimerais bien savoir de quelle façon cela peut se réaliser et s'il y a déjà des méthodes éprouvées pour le faire.

M. Martel (Jacques): Je demanderais au professeur Jean de répondre à votre question.

M. Jean (Benoît): Nous avons déjà fait une expérience de stockage intersaisonnier. Ce projet était appuyé par le ministère de l'Énergie et des Ressources. Il consistait précisément à chauffer une maison en stockant une énorme quantité d'eau chaude dans un réservoir. C'est une méthode qui peut être utilisée. On fait un réservoir, on chauffe l'eau et, durant l'hiver, on repasse l'eau chaude dans la maison et on obtient le chauffage de la maison. C'est évident qu'actuellement ce genre de stockage coûte très cher parce qu'il y a une structure à construire. On a regardé d'autres modes de stockage. On a fait des investigations, comme par exemple, utiliser la nappe aquifère, en puiser de l'eau, chauffer cette eau en grande quantité, en grand volume, la stocker de nouveau dans la nappe aquifère et la réutiliser durant l'hiver pour chauffer les maisons. C'est une deuxième forme de stockage qu'on a étudiée étant donné que le sous-sol du Québec pouvait contenir, dans certains endroits, d'énormes quantités d'eau dans la nappe aquifère.

Dans ce cas, les coûts sont assez minimes puisqu'il s'agit de construire deux puits qui peuvent être utilisés par plusieurs unités d'habitation. Malheureusement, cela ne marche pas partout très facilement. La troisième possibilité, c'est de se servir de l'énergie solaire pour réaliser des réactions chimiques qui se font en absorbant de la chaleur durant l'été et de faire la réaction chimique inverse durant l'hiver. Cette réaction chimique va remettre la chaleur. À ce stade, il existe encore beaucoup de besoins de recherche pour en arriver à trouver des matériaux peu dispendieux, non toxiques et fiables qui vont pouvoir durer pendant plusieurs années. Je vous rappellerais un exemple que vous avez probablement connu, comme moi, quand j'étais jeune. Lorsque les gens se servaient de la chaux pour faire de la brique, vous vous souvenez que si vous y mettiez de l'eau, cela se mettait à bouillir, donc, c'est une des réactions envisageable, sauf qu'il y a des problèmes de corrosion, etc.

C'est ce genre .de stockage qui est possible de façon intersaisonnière.

M. Rodrigue: Pour ce qui est de l'utilisation des nappes aquifères, Nouveler, je crois, a développé les pompes à chaleur. J'ai vu, dans mon comté, un type qui fait de

la culture en serre, qui chauffe 18 serres avec ses pompes à chaleur et qui a épargné à peu près 100 000 $ en frais de chauffage cette année. Comment se comparent les coûts de l'utilisation de l'énergie solaire pour chauffer la nappe aquifère et ensuite extraire cette énergie pour réchauffer durant l'hiver? Il semble qu'actuellement, du moins dans certaines régions, il est possible d'extraire une chaleur directement de la nappe aquifère et de la transmettre par un système qui ressemble un peu au réfrigérateur domestiques... de transmettre cela dans l'air des serres, entre autres. Ce sont des unités qui coûtent à peu près 5000 $ chacune. Ce n'est pas archicoûteux quand il s'agit d'une industrie. Est-ce qu'il y a un intérêt vraiment à chauffer la nappe aquifère? Est-ce qu'elle n'est pas suffisamment chaude déjà?

M. Jean: Si vous utilisez la nappe aquifère directement en puisant son énergie, vous allez la refroidir. Dans des cas où cette utilisation a été assez parcimonieuse ici et là, il n'y a pas de problème parce que la nappe se renouvelle. Mais si vous faites cela sur une grande échelle, vous risquez de puiser de l'eau et de la remettre dans la nappe à un degré plus froid; cinq maisons plus loin, votre cinquième voisin qui a repris cinq degrés plus bas se retrouve avec de l'eau de plus en plus froide. Sur une grande échelle, l'utilisation de ce processus peut être non appréciée par toute la population. Par contre, dans des zones - vous parliez de la serriculture tout à l'heure - où vous n'avez pas de problème de voisinage, vous pouvez puiser à la nappe à condition qu'à la longue cette nappe se renouvelle à un taux plus grand que l'énergie que vous épuisez.

Le Président (M. Desbiens): II n'y a pas d'autres questions, ni commentaires? Je remercie les membres de l'Institut national de recherche scientifique pour leur présentation et leur participation aux travaux de la commission.

J'inviterais maintenant le groupe Énergie atomique du Canada Ltée, à s'approcher, s'il vous plaît. Le groupe Énergie atomique du Canada Ltée, représenté par M. Després. M. Després, si vous voulez présenter les personnes qui vous accompagnent, s'il vous plaît.

Énergie atomique du Canada Ltée

M. Després (Robert): Oui. M. le Président, M. le ministre, MM. les membres de la commission, les cadres supérieurs qui m'accompagnent cet après-midi pour la présentation de ce mémoire sont, à ma gauche, M. Yves Doyle, physicien senior spécialisé en radiation; M. Michel Therrien, vice-président, responsable de notre bureau d'ingénierie à Montréal; M. Frank McDonnell, directeur des initiatives à notre société de recherche, et M. Laurent Amyot, vice-président corporatif pour le Québec, responsable de la coordination de toutes les activités de notre entreprise dans cette province.

M. le Président, je tiens d'abord à remercier la commission permanente de l'énergie et des ressources de nous fournir l'occasion de participer à un débat d'une grande actualité. De fait, les thèmes de réflexion proposés pour les travaux de cette commission ne pouvaient laisser notre entreprise indifférente. Société primor-dialement axée sur la recherche, le développement et la commercialisation de la technologie de la filière CANDU et de ses sous-produits, Énergie atomique se devait de livrer aux membres de la commission son point de vue sur la contribution bien concrète que la technologie nucléaire peut apporter au développement industriel et économique du Québec.

Mon exposé, tout comme le mémoire que notre société a soumis aux membres de cette commission, comportera trois volets. Je ferai, tout d'abord, un bref rappel historique de l'évolution de l'industrie nucléaire au Canada et au Québec. En second lieu, je décrirai les atouts dont le Québec dispose en matière nucléaire pour stimuler le développement industriel. Finalement, je m'appliquerai de façon plus élaborée à souligner certaines des contributions que la technologie nucléaire apporte et peut apporter à la stimulation du développement économique du Québec.

Les premiers travaux dans le domaine nucléaire ont débuté à Montréal en 1942, avec la formation d'une équipe de scientifiques provenant du Canada et de pays étrangers dont, notamment, la France et l'Angleterre. Leur mission était d'étudier la filière uranium naturel-eau lourde pour la production d'énergie nucléaire. Dès 1944, le groupe de Montréal, comme on l'appelait alors, s'établit à Chalk River où, quelque temps plus tard, eut lieu la mise en service du premier réacteur construit en dehors des États-Unis.

En 1952, une nouvelle société de la couronne, appelée l'Énergie atomique du Canada Ltée, fut créée avec pour mandat d'assurer le développement de la technologie nucléaire. C'est à compter de cette date que l'EACL s'est appliquée à la mise au point de ce qui devait devenir la filière CANDU. Furent construites en succession les centrales de NPD, Douglas Point, de Gentilly 1, de Pickering, de Bruce et, à l'étranger, celles de Kanupp au Pakistan et de Rapp en Inde. À ce jour, il y a déjà un total de 31 réacteurs CANDU en exploitation ou en construction dans le monde. De ce nombre, douze sont en exploitation depuis quelques

années, dix devraient l'être à brève échéance et les neuf autres avant la fin de la décennie. Les réacteurs dont la mise en service est récente ou prochaine sont les suivants: Gentilly 2 au Québec, pointe Lepreau au Nouveau-Brunswick, Cordoba en Argentine, Wolsung en Corée du Sud et six réacteurs en Ontario.

Disons que l'industrie nucléaire dans son ensemble représente plus de 30 000 emplois directs dont environ 3000 au Québec. Quant à l'EACL, elle compte plus de 7000 employés et ses activités sont regroupées sous trois sociétés constituantes: la société de recherche, la société opérations CANDU et la société radiochimique dont les champs d'action, assez bien indiqués par leurs noms respectifs, sont largement décrits dans la première partie de notre mémoire.

Ce bref rappel historique serait fort incomplet, M. le Président, si je ne faisais maintenant état des atouts dont le Québec dispose en matière nucléaire et qui sont susceptibles de favoriser un plus grand épanouissement de divers secteurs de recherche au Québec, tout en stimulant l'activité industrielle en collaboration avec tous les partenaires de cette industrie. Le premier de ces atouts a trait à la présence au Québec de nombreuses entreprises manufacturières qui fournissent une variété de produits pour l'industrie nucléaire. Fait éloquent à signaler, les entreprises québécoises représentent plus de 30% de tout le secteur manufacturier engagé dans la fabrication de composantes pour les centrales nucléaires CANDU. Déjà, des entreprises telles que Dominion Bridge Sulzer Inc., Versatile Vickers Inc., Velan Inc., CAE Electronics Ltée, Noranda Metal, Générale électrique du Canada, Westinghouse Canada Ltée, Fabricon et d'autres ont acquis une solide expérience dans leurs champs respectifs d'activités. Ces fabricants couvrent une gamme de produits de haute spécialisation qui vont des cuves de réacteurs aux accessoires de tubes de force, aux pressuriseurs, aux sas, à la robinetterie, à l'instrumentation, aux systèmes de contrôle, etc.

Le Bureau du Québec de l'EACL mis sur pied en janvier 1982 constitue un participant actif à la croissance industrielle du Québec puisque, en plus de vendre les services et de commercialiser les produits de l'EACL, il a également pour mission d'identifier des programmes, des activités ou de nouvelles initiatives commerciales qui pourraient être mis en oeuvre au Québec à partir de la technologie nucléaire. Il en va de même du bureau d'ingénierie mis en place bien avant par la société opérations CANDU.

Un troisième atout, c'est le groupe d'analyse nucléaire GAN qui a été mis sur pied avec l'accord du ministère de l'Énergie et des Ressources du Québec en juin 1981 et qui est rattaché à l'Institut de génie nucléaire de l'École polytechnique. Sa mission, favorisée par des apports concrets d'Hydro-Québec et de l'EACL, consiste à étudier ou à développer des codes logiciels nucléaires et à former des spécialistes dans ce domaine. Cette mission sera facilitée encore davantage par une entente particulière récemment conclue qui donne accès à Hydro-Québec aux codes logiciels de l'EACL aux fins, en particulier, de la formation de spécialistes.

Les ententes que l'EACL est en voie de conclure avec plusieurs organismes de recherche québécois dans le but d'identifier des programmes de collaboration, de lancer des initiatives commerciales et pour appuyer de nouveaux projets de recherche représentent un atout additionnel susceptible d'influer positivement sur la recherche et le développement, aussi bien que sur l'activité économique. Une entente cadre impliquant l'Institut de recherche d'Hydro-Québec et l'EACL est sur le point d'être conclue. Cette entente couvre une quinzaine de champs d'activités qui présentent un intérêt certain pour les deux organismes, que ce soit dans les domaines plus spécifiquement reliés au nucléaire ou au paranucléaire ou que ce soit sur divers aspects technico-économiques de la recherche et du développement industriel.

Récemment encore, l'EACL et une firme québécoise de génie conseil, (Techsult) International Ltée., ont signé un protocole d'entente laissant à l'IREQ le soin de manifester à l'Algérie l'intérêt de cette équipe canadienne à participer à l'établissement d'un centre de recherche sur les énergies nouvelles dans ce pays. D'autres ententes sur lesquelles nous reviendrons plus loin rejoindront divers centres de recherche des milieux universitaires ou des organismes tels l'Institut Armand-Frappier et son Centre de recherche en sciences appliquées à l'alimentation (CRESALA), le Centre de recherche industrielle du Québec, etc.

Le cinquième atout est le groupe de gérance de projets nucléaires NPM du Canada, une société nouvellement constituée dont l'objet est de gérer les projets de centrales nucléaires et leur construction. L'EACL, entre autres, lui déléguera cette responsabilité pour tous les contrats de centrales nucléaires dont elle se verra confier la gérance. Les actionnaires de cette nouvelle entreprise sont Lavalin, SNC, la Société d'ingénierie Montréal Ltée, la Foundation Company et l'EACL. Le siège social du groupe de gérance est situé à Montréal. La mise sur pied du groupe de gérance de projets nucléaires donne au Québec, je pense, un instrument additionnel de développement.

On ne saurait, finalement, passer sous silence, bien sûr, un autre atout majeur que représente l'expertise accumulée notamment

à Hydro-Québec, Hydro-Québec International et l'IREQ dans le domaine nucléaire et ce qui lui est périphérique en raison des projets réalisés, des ressources dont disposent ces organismes dans ce domaine sans oublier la renommée qu'ils ont acquise dans leurs champs de compétence respectifs tant au plan québécois, canadien qu'international.

Tels sont, M. le Président, certains des atouts dont le Québec dispose en matière nucléaire, atouts qui constituent, selon le thème même des travaux de la commission parlementaire, autant de leviers susceptibles de favoriser le développement économique.

J'estime, M. le Président, qu'on peut maintenant peut-être mieux évaluer la contribution que la technologie nucléaire est en mesure d'apporter au développement industriel et économique du Québec. Je pense que cette contribution peut emprunter trois grandes avenues que nous examinerons tour à tour. La première de ces avenues est, il va sans dire, la recherche et le développement, suivie par la diversification des applications de la technologie nucléaire pour, finalement, passer par celle de la filière CANDU.

Nous savons tous d'ores et déjà que la recherche dans les domaines de haute technologie constitue non seulement une clé de voûte au développement industriel, mais qu'elle ouvre aussi la voie à des exportations à l'étranger. C'est en ayant à l'esprit cette mission, doublée d'une volonté d'accentuer le transfert de technologie vers le Québec, que notre premier volet d'intervention a été défini.

Comme je l'ai indiqué, le 21 janvier 1982, à l'IREQ, à l'occasion du lancement du chapitre du Québec de la Société nucléaire canadienne, l'EACL a toujours l'intention d'établir un nouveau centre de recherche au Québec. Le choix du premier programme confié au nouveau centre reste à préciser en tenant compte de l'évolution générale de la mission de recherche assumée par notre entreprise. L'un des programmes considérés vise le développement d'un accélérateur convertisseur dont un avantage sera de prolonger la disponibilité des ressources fissiles employés comme combustible dans les centrales nucléaires. À terme, il permettra aussi à la filière CANDU d'avoir recours au thorium, concrétisant ainsi son aptitude à exploiter des cycles avancés de combustible et à faire face à la concurrence éventuelle des surgénérateurs. La direction de l'EACL devrait annoncer son choix définitif d'ici quelques mois.

Mentionnons, en outre, que l'une des avenues que l'EACL et Hydro-Québec explorent conjointement est la transformation du bâtiment du réacteur de Gentilly 1 en un banc d'essai industriel en matière de recherche appliquée pour l'industrie nucléaire et l'hydraulique à l'échelle internationale.

Il n'est pas interdit, non plus, de penser que d'autres parties de cette centrale puissent être utilisées à des fins de formation dans le domaine nucléaire en s'appuyant, par exemple, sur un simulateur, et à d'autres usages pour les autres équipements que représentent ce site et cette centrale qui ne sont pas utilisés actuellement.

La technologie nucléaire, comme en fait foi le mémoire que l'EACL a transmis à cette commission, ne se limite pas à la production d'électricité. Bien au contraire, plusieurs avenues de diversification s'offrent d'ores et déjà à l'industrie. De fait, des apports encore plus directs au rajeunissement industriel peuvent être reliés à des applications encore peu connues de la technologie nucléaire. C'est là le second volet de l'action de l'EACL que je décrirai à l'aide d'exemples que l'on associe de plus près à la solution de problèmes propres à toute société, tels que la préservation des aliments, la santé et la protection de l'environnement.

La Société radiochimique de l'EACL occupe, depuis sa création, le rang de chef de file dans la mise au point de la technologie de l'irradiation. Elle est le plus grand exportateur de cobalt 60 et d'irradiateurs industriels dans le monde non communiste et détient respectivement 95% et 60% de ces marchés. Il lui est donc possible d'envisager l'utilisation rentable des rayons gamma pour la conservation des denrées alimentaires.

Techniquement éprouvé depuis plusieurs années, ce procédé a désormais reçu l'aval de l'Organisation mondiale de la santé qui, après une étude approfondie des effets microbiologiques, nutritifs et toxicologiques, a conclu que l'irradiation jusqu'à un mégarad de quelque aliment que ce soit ne présente aucun danger. De plus, l'Association des consommateurs du Canada reconnaissait, il y a quelque temps déjà les mérites de l'irradiation des aliments. Tout récemment, le gouvernement canadien a décidé de réviser en conséquence les réglementations et les normes émanant des ministères concernés. (17 h 30)

L'EACL collabore actuellement avec le Centre de recherche en sciences appliquées à l'alimentation (CRESALA), de l'Institut Armand-Frappier, ainsi qu'avec une firme québécoise d'ingénieurs-conseils (Lavalin) en vue de mettre sur pied un centre d'expérimentation et de commercialisation de techniques de préservation des aliments. Lorsque l'on songe que 40% des récoltes dans les pays en voie de développement sont perdues chaque année, ces travaux présenteront un intérêt vital pour plusieurs pays déficients en ressources alimentaires.

Dans le domaine de l'élimination des déchets, les applications les plus prometteuses de l'irradiation touchent les

problèmes quotidiens causés par les restes d'aliments dans les ports d'entrée et dans les industries de l'alimentation, les bouches d'égouts municipaux, les déchets animaux et les effluents industriels. Au Québec, toutefois, la solution du problème écologique causé par le purin de porc canalise actuellement des efforts de recherche. C'est ainsi que, de concert avec le CRIQ, l'EACL étudiera la nécessité et le bien-fondé de stériliser les parties liquide et solide de l'effluent après leur avoir fait subir un traitement biochimique.

C'est au cobalt 60, un sous-produit de la technologie CANDU, que la Société radiochimique de l'EACL est redevable de ses succès. Ainsi, les instruments de laboratoires médicaux et les fournitures médicales uniservices sont-ils depuis les années soixante stérilisés par l'irradiation. De plus, près de 1 000 000 de patients reçoivent des traitement radiothérapeutiques grâce à des instruments et à de la médication produits par l'EACL. Onze hôpitaux du Québec sont présentement munis de tels équipements. La médecine nucléaire, il va sans dire, fait aussi un grand usage de traceurs radioactifs au stade du diagnostic des maladies. Outre le commerce en vrac des radio-isotopes, la Société radiochimique a récemment introduit sur le marché des produits radiopharmaceutiques destinés à la médecine nucléaire.

Le traçage radioactif trouve également de multiples applications dans l'industrie. L'EACL fournit tous les ans à sa clientèle canadienne plusieurs sources radio-isotopiques utilisées pour l'inspection des matériaux, comme les pièces employées dans l'industrie aéronautique et les soudures des oléoducs ou des gazoducs et les jauges électroniques utiles pour la vérification de procédés industriels. On utilise aussi les traceurs pour repérer des fuites dans les tuyauteries ou les réservoirs de stockage. Ainsi, la Société radiochimique oeuvre de concert avec le CRIQ afin de mettre au point une méthode sûre de détection des fuites qui se produisent, par exemple, dans les fosses à purin de porc.

Le balayage par rayons gamma fournit un autre exemple d'une technique mise au point par l'EACL. Destinée à l'origine à évaluer les performances hydrauliques des tours à plateaux qui font partie intégrante des usines d'eau lourde, la méthode s'applique aussi aux secteurs du raffinage pétrolier ou gazier, de la pétrochimie, des produits chimiques et des pâtes et papiers.

Le cobalt 60 est le radio-isotope le plus utilisé dans le monde actuellement. L'accroissement futur des besoins incite l'EACL à augmenter la production de cet isotope. À cet égard, à la demande de notre Société radiochimique, Hydro-Québec examine présentement la possibilité de produire du cobalt 60 à la centrale Gentilly 2. Mise à part la production de radio-isotopes à cette même centrale, on pourrait, à l'instar de projets analogues réalisés ailleurs, utiliser les eaux de rejet thermique à des fins de serriculture et d'aquaculture. On pourrait, de plus, utiliser ces mêmes eaux chaudes au chauffage des locaux par l'adjonction de pompes à chaleur.

L'EACL, comme vous le savez, est également intéressée à l'industrie de l'hydrogène. En premier lieu, l'hydrogène peut être employé dans de nouvelles méthodes de production d'eau lourde qui, durant la dernière décennie du siècle, pourront livrer concurrence aux techniques présentement en usage, tout en réduisant de façon significative les besoins en consommation d'énergie. Les recherches de l'EACL dans le domaine de l'hydrogène lui ont permis d'acquérir une expérience précieuse dans la manutention de l'hydrogène et de réaliser de nombreux progrès dans l'étude' de la résistance, de la fragilisation et de la rupture de matériaux en présence d'hydrogène. Son intérêt en cette matière s'est, d'ailleurs, manifesté par son adhésion au Conseil de l'industrie de l'hydrogène dès sa création au Québec en 1982.

Au-delà de ces nouvelles applications de la technologie nucléaire et de nombreuses autres mentionnées dans le mémoire, il n'en demeure pas moins que l'industrie nucléaire au Québec a appuyé son développement jusqu'à ce jour sur la production d'électricité par la filière CANDU. Existe-t-il des moyens de maintenir et d'accroître cette expérience? C'est la question à laquelle j'aimerais maintenant essayer de répondre.

Actuellement, près de 300 réacteurs sont en exploitation dans le monde et leur puissance combinée atteint presque 175 000 mégawatts. En outre, quelque 220 réacteurs sont présentement en construction avec une puissance combinée supérieure à 200 000 mégawatts. Aux États-Unis, la part de l'électronucléaire dans la production d'électricité est de 12%, mais certaines régions sont majoritairement tributaires de l'énergie nucléaire pour leur approvisionnement en énergie électrique. Au Royaume-Uni, en Allemagne, en Suisse et en France, la part relative de l'électronucléaire s'élève respectivement à 16%, 17%, 28% et 39%.

L'implication de la France - il convient de la souligner dans le contexte présent, nonobstant qu'elle ne possède pas de richesses comme le Québec au niveau hydraulique - se rattache explicitement à un double objectif. Premièrement, l'atteinte d'un plus fort degré d'autosuffisance énergétique et, en second lieu, la volonté d'utiliser le secteur électronucléaire comme levier d'industrialisation et de développement économique. Pour mieux illustrer le

dynamisme du programme français, il suffira de noter que ce pays a mis en service quatorze réacteurs en quinze mois durant les années 1980 et 1981, ce qui équivaut à une fois et quart le projet La Grande, phase I, de la Baie-James.

Au Canada, dix réacteurs sont déjà en exploitation, trois autres viennent tout juste de démarrer et onze sont à divers stades de réalisation. En Ontario, plus du tiers de l'électricité produite est d'origine nucléaire et, dans l'ensemble du pays, cette proportion s'établit à 10%.

Certes, ce tableau n'est pas sans ombre. Le recours au nucléaire continue de faire l'objet de controverses dans bon nombre de pays et la conjoncture des dernières années n'a guère été favorable à son expansion. Mais je pense que, quelle que soit l'incertitude qui subsiste sur la durée de la crise et ses lendemains, la demande annuelle de nouvelle capacité nucléaire, selon toute vraisemblance, sera dans une vingtaine d'années de l'ordre de plusieurs dizaines de milliers de mégawatts. Le marché mondial du nucléaire offrira donc un important potentiel d'exportation.

L'industrie nucléaire est caractérisée, d'une part, par l'évolution continue des connaissances technologiques et donc des équipements et, d'autre part, par l'utilisation de techniques sophistiquées qui doivent satisfaire à des normes des plus exigeantes. Ces caractéristiques accroissent les possibilités d'exportation d'équipement, de services et de technologie lors de la réalisation d'une centrale. De plus, durant la vie du réacteur, le pays fournisseur de la technologie pourra vraisemblablement s'assurer d'une exportation continue de services et de matériel. En bref, l'électronucléaire présente des caractéristiques qui en font un outil de développement à privilégier. Il s'agit essentiellement d'une industrie de fabrication dotée d'une haute technologie et tournée principalement vers les marchés extérieurs.

L'EACL est convaincue avec raison que le CANDU continuera de s'imposer comme l'une des deux technologies nucléaires privilégiées au point de vue de la production de l'électricité. Ses performances supérieures se traduisent, d'ailleurs, par des coûts unitaires nettement avantageux en regard de son principal concurrent, le réacteur à eau pressurisée. La technologie du CANDU tire un autre avantage du fait qu'elle offre un modèle de 600 mégawatts mieux adapté aux besoins des pays dont les réseaux ne peuvent accepter l'addition de centrales de trop grande taille. De plus, le CANDU se prête mieux au transfert technologique et favorise davantage la participation de l'industrie locale que la filière rivale.

Pour réaliser le programme nucléaire canadien, une partie de l'infrastructure industrielle requise s'est développée au Québec. C'est grâce à cette partie de l'infrastructure déjà bien établie et axée sur une forte participation de l'entreprise privée qu'on a pu observer dans le projet Gentilly 2 un contenu québécois d'au moins 50% en valeur ajoutée. Fait plus éloquent encore, dans le cas d'un projet CANDU réalisé en dehors du Québec, on évalue à 20% la contribution des entreprises québécoises. Lorsqu'on considère qu'il y a, mis à part Gentilly 2, 18 groupes nucléaires CANDU dont la construction a commencé en 1974, c'est comme si le Québec avait construit une centrale de quatre groupes à 100% de contenu québécois, soit l'équivalent de la centrale LG 3 qui représente à peu près le quart du projet phase 1 de la Baie-James.

Comment maintenir, voire même hausser la participation des entreprises québécoises si, au Québec, le recours à l'électronucléaire pour des besoins énergétiques n'est pas envisagé avant le tournant du siècle? Est-il possible de développer l'infrastructure industrielle nucléaire au Québec s'il n'y pas véritablement de programme nucléaire en voie de réalisation?

Nous estimons que la chose est réalisable. Je peux vous assurer, M. le Président, que l'EACL y collaborera dans toute la mesure du possible. Toutefois, nous pensons que le Québec pourra y parvenir plus sûrement et en retirer davantage en développant concurremment son riche potentiel hydroélectrique et son potentiel nucléaire à un rythme qui, tout en se conciliant avec les atouts qu'il possède dans ces deux modes de production d'électricité, lui permettra de maximiser les retombées de ces deux leviers de développement industriel et économique. Du même coup, le Québec réussirait à maintenir et même à parfaire son infrastructure nucléaire, à être mieux préparé pour réaliser le programme nucléaire dont il pourrait avoir besoin au 21e siècle tout en acquérant une expérience pratique des nouveaux développements de la filière CANDU. De plus, il assurerait la pleine exploitation de son potentiel hydroélectrique en utilisant et en développant, sur une plus longue période, l'expertise acquise et la main-d'oeuvre disponible. Enfin, il serait en mesure de mieux saisir les possibilités qui pourraient s'offrir dans le domaine nucléaire et ce qui lui est périphérique, tout en profitant de retombées économiques encore plus importantes.

En effet, le Québec, avec son potentiel hydroélectrique, sa proximité des grands marchés américains, son grand réseau électrique et son infrastructure nucléaire, est dans une situation favorable pour envisager des projets d'exportation d'électricité ferme aux États-Unis dans lesquels des centrales nucléaires spécifiquement réservées à cette

fin pourraient jouer un rôle.

De plus, au seul point de vue de l'exploitation, il est difficile de concevoir un secteur témoin qui, 20 ans durant, se restreindrait à la seule centrale de Gentilly 2 et au soutien technique que requiert son fonctionnement. Comment motiver, sur une période aussi longue, la relève du personnel d'exploitation? Comment assurer chez l'exploitant la remise à jour de l'expertise dans un domaine où' la technologie continue d'évoluer à une cadence aussi rapide?

L'analyse conduit donc à reconnaître trois niveaux possibles de la participation québécoise au programme électronucléaire canadien. En premier lieu, l'infrastructure existante de son industrie nucléaire permet déjà au Québec d'envisager une contribution importante à son propre développement économique. En second lieu, les retombées économiques du programme d'Hydro-Québec pourront se conjuguer à l'apport industriel du secteur nucléaire québécois. La chose serait encore plus facile à un palier d'activité plus élevé, avec des exportations d'électricité ferme aux États-Unis par des centrales hydroélectriques et nucléaires spécifiquement réservées à cette fin. Enfin, une exploitation du concept de secteur témoin accélérerait la mise en place d'un parc nucléaire au Québec, tout en prolongeant la période de croissance du potentiel et de l'expertise hydroélectrique.

Face aux thèmes que la Commission de l'énergie et des ressources du Québec nous invitait à commenter, nous avons jugé utile, M. le Président, d'essayer de décrire bien concrètement la contribution que la technologie nucléaire est en mesure d'apporter au développement du secteur industriel québécois. C'est pourquoi, après un bref rappel historique des activités de l'EACL, nous avons mis l'accent sur les atouts dont le Québec dispose pour favoriser le transfert technologique et inciter l'industrie à un regain de productivité. J'en rappelle rapidement la teneur: la présence d'un secteur manufacturier dans le domaine nucléaire; le bureau du Québec de l'EACL ainsi que les services d'ingénierie que la société Opérations CANDU maintient au Québec; le groupe d'analyse nucléaire; les ententes que l'EACL est en voie de conclure avec des organismes du Québec; le groupe de gérance des projets nucléaires et, il va de soi, l'expérience dont disposent Hydro-Québec et les organismes qui lui sont périphériques.

Cadre précurseur des thèmes de cette commission parlementaire, ces atouts déjà bien en place permettent de songer dès maintenant à accentuer l'effort de recherche-développement au Québec, à élargir les champs d'application de la technologie nucléaire, à explorer toutes les avenues possibles pour maintenir et développer l'expertise et l'expérience acquises par l'industrie nucléaire au Québec.

(17 h 45)

En terminant, M. le Président, permettez-moi de vous réitérer, ainsi qu'aux membres de cette commission nos remerciements pour avoir donné à l'EACL, ainsi qu'à de nombreux organismes, l'occasion de participer à un débat dont la pertinence et le bien-fondé ne sont pas à démontrer.

Le Président (M. Desbiens): Merci. M. le ministre.

M. Duhaime: Je vous remercie, M. Després, pour le résumé que vous venez de faire. Et je m'en voudrais de ne pas souligner la qualité du mémoire qui a été déposé. Vous avez eu l'heureuse idée d'en faire la synthèse cet après-midi. Nous en avons, bien sûr, pris connaissance et fait l'analyse. Je voudrais, même s'il approche 18 heures, commencer tout de suite un échange parce que nous allons sans aucun doute prolonger la séance - de toute façon, c'était prévu - en début de soirée.

Je voudrais, d'abord, vous dire que je suis très heureux que le groupe de Montréal, après s'être déplacé vers l'Ouest en 1944, ait décidé d'un retour vers Montréal en 1982. Le moins qu'on pourrait dire, c'est que ce n'est pas trop tôt et que nous l'apprécions énormément, d'autant plus qu'Énergie atomique du Canada semble vouloir le faire avec un degré d'engagement impressionnant à la fois au plan des transferts de technologie et au plan de la démonstration très éloquente que fait votre mémoire du potentiel nucléaire au Québec.

Ce qui m'a frappé en lisant votre mémoire - si vous voulez me suivre dans les remarques que je ferai et les questions que je vais vous poser - c'est à la page 8 en particulier tout le bloc sur les six points qui, à partir de la filière CANDU, ont réussi à amener des technologies nouvelles. Je pense, entre autres, à tout ce volet d'irradiation des aliments, par exemple - je voudrais y revenir - à des applications en médecine; je ne voudrais pas, non plus, minimiser les questions d'application du balayage par rayons gamma, le traçage radioactif et toutes les possibilités qu'offrent, à partir de Gentilly 2, le rejet des eaux dans la serriculture et l'aquaculture - je sais que mon collègue à ma droite ici, qui est député de Nicolet, qui est mon adjoint parlementaire, est très certainement intéressé par ce dossier - et votre intérêt très clairement manifesté pour l'hydrogène.

Je voudrais revenir plus tard en soirée sur la part du nucléaire dans notre bilan énergétique et sur toute cette problématique que vous mettez de l'avant de développer notre potentiel hydroélectrique en même temps que le potentiel nucléaire à des fins d'exportation d'énergie ferme aux États-Unis. Je pense que c'est un dossier très

intéressant, c'est un dossier d'actualité, pour ne pas dire un dossier chaud.

Je voudrais peut-être faire porter mon premier commentaire sur ce que j'appellerais très certainement une des grandes révolutions technologiques du prochain siècle, l'irradiation des aliments entre autres. C'est avec justesse que vous évoquez que les pays en voie de développement et même les nôtres, les pays industrialisés, pourraient grandement en bénéficier. Cela va être ma première question. On parle souvent dans les colloques internationaux, un peu partout, du problème de la faim dans le monde, de la conservation des aliments, etc., mais qu'est-ce que cela signifie concrètement quand vous parlez d'introduire - cela existe à l'heure actuelle - la conservation des aliments par irradiation? Est-ce que cela voudrait dire que toute l'industrie frigorifique ou du surgelé serait appelée à être déplacée ou si c'est complémentaire? Comment cela se présente-t-il concrètement?

M. Després: C'est complémentaire. Deuxièmement, je pense que l'objet poursuivi par les deux techniques peut se révéler différent. Dans un premier temps, il s'agit, dans certains cas, lorsque les récoltes se font et que l'on entrepose ces marchandises avant de les mettre sur le marché, soit en vrac ou empaquetées, de leur faire subir un traitement aux rayons gamma pour en prolonger la vie. Évidemment, l'intensité des rayons va déterminer, dans une certaine mesure, la durée de conservation de ces aliments. Il y a également, bien sûr, certaines techniques frigorifiques qui sont utilisées dans certains pays pour prolonger la vie de certaines denrées alimentaires. Sur ce plan, pour être peut-être davantage précis, je demanderais à M. Doyle d'ajouter des commentaires, s'il en a.

M. Doyle (Yves): J'aimerais peut-être mentionner que vous avez les bons points. Si on prend une récolte, celle-ci se perd pendant l'entreposage. Alors, dans les pays du tiers monde où les méthodes d'entreposage ne sont pas aussi bonnes que les nôtres, on peut, à l'aide d'un irradiateur, "désinfester" les récoltes de maïs ou autres avant de les entreposer. Cela permet un temps de conservation supérieur. Plus près de nous, actuellement, on pense à l'irradiation des épices, encore une fois, pour "désinfestation". C'est une méthode nouvelle, complémentaire qui, nous en sommes convaincus, donne de meilleurs résultats que la méthode utilisée actuellement. On a mentionné dans les mémoires la volaille, les poissons; ce sont toutes des choses possibles dans un avenir relativement proche.

M. Després: Je pense que le poisson également est quelque chose qui est peut- être assez près de nous. Nous sommes en voie d'examiner cela très attentivement avec les provinces concernées parce qu'il se pose des problèmes de conservation. Les méthodes actuelles de conservation ne permettent pas que le poisson attende longtemps entre le moment où il est pêché, et son acheminement vers les grands marchés. En définitive, on estime, par certains essais préliminaires, bien sûr, qui ont été faits, qu'on pourrait en protéger toutes les propriétés et, partant, que les pêcheurs pourraient obtenir de meilleurs prix pour leurs prises.

M. Duhaime: Dans votre mémoire, il y a ici un chiffre qui me frappe. Je crois que vous l'avez indiqué. Vous avez fait une correction tout à l'heure. Pas une correction, mais vous avez donné une précision. "La Société radiochimique de l'EACL occupe le rang de chef de file dans la mise au point de la technologie de l'irradiation. Elle est le plus grand exportateur de cobalt 60 et d'irradiateurs industriels et détient respectivement 95% et 60% de ces marchés." Vous avez ajouté que c'était pour les pays de l'Ouest. C'est cela?

M. Després: Les pays de l'Ouest, c'est cela.

M. Duhaime: Les 95% s'appliquent à la production de cobalt, c'est cela?

M. Després: Oui, les 95% s'appliquent à la production de cobalt et les 60% correspondent à la production d'équipement. La raison en est qu'il y a peu de gens au monde qui produisent du cobalt parce que nous avons une facilité particulière, avec la technologie du CANDU, pour la produire à un prix compétitif. Alors que, dans le domaine de l'irradiation, nous avons certains concurrents qui achètent du cobalt de nous et qui fabriquent leurs propres irradiateurs. C'est ce qui explique la différence entre les deux.

M. Duhaime: Mais, avec 95% du marché, de la production de cobalt 60 et ce que vous envisagez comme expansion possible dans ce secteur, on peut dire que vous êtes les rois et maîtres dans le bloc de l'Ouest là-dessus. Concrètement, cela s'est traduit par des projets, des investissements. Comment cela s'est-il traduit sur le plan des exportations?

M. Després: Ce que je pourrais dire, c'est par l'occupation d'un marché plus vaste dans ceux que nous desservons à l'heure actuelle, parce que nous sommes limités quant au cobalt que nous pouvons produire. Comme vous le savez, ceci a commencé dans les premiers réacteurs qui ont été mis en service au Canada, en Ontario. On ajoute

d'autres installations dans d'autres réacteurs, on étudie d'autres possibilités également, par exemple, avec Hydro-Québec et pointe Lepreau, et nous sommes obligés, lorsque nous faisons nos prévisions, d'ajuster ces prévisions à la baisse pour être en mesure de desservir notre clientèle existante. Or, nous sommes limités chaque année par la production de cobalt quant à la percée plus importante que nous pouvons faire sur le marché dans ce domaine-là.

M. Duhaime: Je peux vous dire que c'est avec beaucoup...

M. Després: Maintenant, M. le Président, on me le rappelle, c'est que, parallèlement au cobalt, nous sommes en voie également de travailler sur ce qu'on peut appeler des accélérateurs qui pourront nous permettre de desservir une partie du terrain couvert actuellement par le cobalt. Déjà demain, nous avons une rencontre entre des gens du ministère de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme et M. Amyot et son groupe, afin d'explorer ce nouveau procédé qui est très prometteur pour certains problèmes particuliers qui touchent la vie quotidienne des gens et qui nécessitent des déboursés importants de la part des gouvernements, que ce soit en matière d'épuration des eaux ou de digestion des déchets pour qu'on en retire toute l'utilité. Or, déjà, on explore ce côté-là, ce qui pourrait, dans une certaine mesure, nous laisser plus de cobalt pour des usages pour lesquels nous avons actuellement une demande et que nous ne sommes pas en mesure de desservir adéquatement.

M. Duhaime: C'est, bien sûr, avec beaucoup d'attention que personnellement je vais voir avec Hydro-Québec s'il est possible à Gentilly 2 d'introduire ce procédé et de le rendre à terme. Je voudrais aussi vous demander ceci. À partir de Gentilly 2 - ce n'est pas votre représentation à vous, mais je pense que c'est le cinquième volet, à la page 10, au deuxième paragraphe de votre mémoire - vous évoquez un projet qui pourrait nous permettre "d'utiliser les eaux de rejet thermique à des fins de serriculture et d'aquaculture." Je sais qu'Hydro-Québec, à ma demande d'ailleurs, s'intéresse à ce projet-là. Mais, selon les premiers rapports que j'ai eus, cela me semblait assez effrayant comme coût. Je ne sais pas si vous pourriez nous éclairer davantage là-dessus. Est-ce qu'il s'agit simplement de récupérer de l'eau à haute température et de l'utiliser dans des serres qui seraient de dimensions énormes? J'aimerais avoir un peu plus de détails.

M. Després: On peut se servir de l'eau ou de la vapeur, justement, pour chauffer ces serres-là. Comme vous le savez, il y a diverses expériences qui ont été faites et il n'y a pas de doute que ce qu'il en coûte pour cultiver actuellement à l'intérieur de ces serres est à un prix assez élevé. Il y a une expérience qui se fait au Nouveau-Brunswick, par exemple, à partir de la vapeur qui est rejetée pour la fabrication d'eau lourde. Nous avons essayé de suréquiper ces serres-là pour ne pas manquer notre coup, pour minimiser par la suite l'équipement requis et pouvoir établir un coût qui serait plus abordable. D'un autre côté également, il est évident que nous devons tenir compte au Québec du climat, qui est un peu différent de celui qui prévaut, par exemple, dans la région de Sydney, de façon à confectionner des serres qui ne seront pas nécessairement uniquement de plastique, mais qui vont pouvoir, en même temps, résister au climat plus rigoureux que nous avons. Or, ce que nous nous proposons de faire, c'est colliger les diverses expériences qui ont été faites, s'asseoir à table avec Hydro-Québec pour les partager et voir comment on pourrait faire un essai qui pourrait nous permettre peut-être de répondre à certains besoins du Québec et de faire en sorte que le volume d'importation de certains produits ou de certaines denrées diminue.

Dans ces serres-là, vous avez une pousse qui est très importante. Pour ma part, j'ai vu ce qu'il en était. Vous avez des pieds de tomates des deux côtés jusqu'à huit pieds. Alors, je n'ai pas besoin de vous dire que cela fait une bonne quantité de tomates; elles coûtent cher, cependant. La même chose pour la production de concombres et d'autres légumes. Je peux dire qu'ils sont bons au goût; j'y ai goûté pour voir si c'était toxique, mais cela ne semble pas être le cas, c'est délicieux.

Alors, ce que l'on veut faire, c'est tout simplement s'asseoir avec les gens d'Hydro-Québec et voir comment on pourrait faire un essai ici au Québec qui pourrait avoir des retombées intéressantes. Ce n'est pas une chose qu'on peut garantir, mais c'est sûrement une chose qui doit être explorée et je ne pense pas que ce serait très onéreux de le faire.

M. Duhaime: Alors, est-ce que je peux conclure qu'il y a ouverture du côté d'Énergie atomique du Canada pour qu'un projet pilote, par exemple, qui pourrait être greffé autour de Gentilly 2 puisse être mis en route? (18 heures)

M. Després: Oui. Sûrement, et c'est ce que signifie la formulation qui est dans le mémoire. Évidemment, on établit un ordre de priorité. On envisage le cobalt parce que cela a des incidences plus importantes pour Hydro-Québec et pour nous au point de vue

des coûts et je pense que cela va être étudié incessamment. D'ailleurs je pense, M. Amyot, que vous en avez déjà parlé aux gens d'Hydro-Québec.

M. Amyot (Laurent): Non. Pas encore. M. Després: Pas encore.

M. Amyot: Je pense que des discussions ont eu lieu au sujet des opérations CANDU mais je n'en suis pas sûr.

M. Després: D'accord.

M. Duhaime: Maintenant, M. Després, vous mentionnez qu'il y a eu une annonce de faite - je crois que c'est 50 000 000 $ ou 60 000 000 $ - pour un centre de recherche qui serait à Varennes. Vous nous parlez aujourd'hui des premiers volets de recherche. J'imagine que c'est en gestation...

M. Després: Évidemment, c'est moi qui ai...

M. Duhaime: ...et que cela devrait être sur le point d'aboutir. Vous mentionnez quelques mois. Cela veut dire que vous attendez de voir ce que votre ministère de tutelle vous donnera comme fonds pour aller de l'avant. Mais, en termes de calendrier, qu'est-ce que cela pourrait donner comme échéancier? Est-ce que vous pouvez nous préciser maintenant, ou si la décision est à venir, ce que vous allez accorder comme priorité dans les premiers volets de recherche?

M. Després: Évidemment, M. le ministre, c'est moi qui en ai fait l'annonce, en février 1982, et comme titulaire d'une entreprise j'ai essayé de me garder une marge de manoeuvre en disant: Bien, écoutez, on estime que la construction devrait débuter avant la fin de l'exercice 1983-1984. C'est encore à l'intérieur de mon délai dans la déclaration que j'ai faite.

M. Duhaime: On est habitué à cela aussi.

M. Després: Bien oui. Alors vous savez qu'il faut se garder une certaine soupape de sûreté lorsque notre actionnaire est le gouvernement, fût-il fédéral ou provincial. Quoi qu'il en soit, comme vous le savez, c'est que la conjoncture a énormément changé et l'EACL a été vite obligée de faire une évaluation de l'ensemble de tous ses programmes de recherche afin de voir si, au plan prioritaire, les programmes dans lesquels nous étions engagés avaient encore la même priorité. Par exemple - on peut se poser la question - nous étudions le cycle du combustible avancé qui est un avantage du

CANDU de ne pas devoir recourir aux surrégénérateurs ou aux "fast breeders" comme on les appelle communément. Est-ce encore le temps, alors qu'il y a beaucoup d'excédent d'énergie dans le monde, d'intensifier ce programme ou si on ne devrait pas le décaler sur une plus grande période de temps? Nous avons un programme, par exemple, dans la gestion des déchets nucléaires où on doit se poser les mêmes problèmes parce que les exigences du moment peuvent être plus ou moins importantes.

Cependant il y a une chose que je peux vous assurer, pour autant que notre société est concernée. À la fois le président de notre entreprise, qui est à l'extérieur du pays aujourd'hui, notre conseil d'administration et moi-même pouvons vous assurer que la décision est prise quant à l'EACL. Elle est prise dans un sens où nous ne voulons pas arriver au Québec avec un programme qui soit désuet ou en perte de vitesse. Nous voulons également que le programme soit complémentaire aux travaux qui se font dans le domaine nucléaire et je pense qu'on peut penser à la fusion thermonucléaire qui est étudiée à la fois à l'IREQ et à l'INRS-Énergie en complémentarité avec cet organisme.

A ce moment-là nous avions choisi l'accélérateur-convertisseur parce que d'après les discussions que nous avions eues avec l'IREQ cela comporte une étude sur la résistance des matériaux - si ma mémoire est fidèle; vous me corrigerez parce que je ne suis pas un scientifique - et c'était réellement complémentaire. À partir de ce moment c'est ce que nous sommes en voie d'examiner et j'ai bon espoir qu'on pourra annoncer d'ici à quelques mois, j'espère d'ici à la fin de mars 1984, ce que sera le choix du programme. Après cela je pense qu'on ne devrait pas avoir de difficulté à ramasser des fonds parce qu'il y a une volonté à l'intérieur de l'EACL de commencer un laboratoire de recherche au Québec.

Le Président (M. Desbiens): II est 18 heures. La commission élue permanente de l'énergie et des ressources suspend ses travaux jusqu'à 20 heures.

M. Duhaime: Je pense qu'on en a encore au moins pour une bonne heure avec eux en plus de Brace. Alors on est mieux de revenir à 20 heures en forme.

Le Président (M. Desbiens): À 20 heures.

(Suspension de la séance à 18 h 05)

(Reprise de la séance à 20 h 10)

Le Président (M. Desbiens): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission élue permanente de l'énergie et des ressources reprend ses travaux pour poursuivre l'étude du mémoire de Énergie atomique du Canada. M. le ministre, à vous la parole.

M. Duhaime: Je n'en aurai pas pour longtemps. Je pense qu'on a abordé quelques-uns des volets de recherche que se propose de conduire au Québec Énergie atomique du Canada. On a eu des réponses concernant le centre de recherche à Varennes, espérant que vous respecterez vos échéanciers. On va suivre le dossier de près. Je voudrais maintenant aller à la page 13 de votre présentation d'aujourd'hui où vous posez, pour le Québec en tout cas, la grande question: Est-il possible de développer l'infrastructure industrielle nucléaire au Québec s'il n'y a pas véritablement de programme nucléaire en voie de réalisation? Je pense que c'est très bien poser le problème. Vous suggérez plus loin: Nous pensons que le Québec pourra y parvenir plus sûrement et en retirer davantage en développant concurremment son riche potentiel hydroélectrique et son potentiel nucléaire à un rythme, etc.

J'aimerais que vous soyez plus explicite sur cette position. Je ne crois pas que j'aie besoin de vous rappeler la position de notre gouvernement pour ce qui est du moratoire qui avait, je crois, en 1978, une seule exception, c'est-à-dire que nous étions prêts à l'époque à aller de l'avant avec la mise en chantier de la centrale nucléaire Gentilly 3 à la condition que le parachèvement de l'usine d'eau lourde La Prade se fasse et nous étions même disposés, si mon souvenir est bon, à acheter ou à donner la garantie d'écoulement de trois années de production de l'usine.

Lorsque vous parlez du potentiel nucléaire, est-ce que vous faites référence à notre potentiel de recherche, de développement et d'exportation de la technologie selon ce que vous avez évoqué dans ce qui m'a paru être le premier volet de votre exposé d'aujourd'hui? Ou avez-vous à l'esprit que le Québec devrait mettre en route un secteur témoin plus large dans le secteur nucléaire en vue de ce qui voudrait dire la mise en chantier d'autres centrales nucléaires? Ce serait là-dessus que je voudrais qu'on se comprenne bien sur les faits pour ensuite voir comment on peut échanger.

M. Després: Très bien, M. le ministre. Évidemment, vous comprendrez qu'à l'Énergie atomique du Canada un de nos objectifs est de faire la promotion de nos produits. Pour réaliser cet objectif, nous essayons, dans notre argumentation, de voir aussi l'intérêt de clients potentiels. Ici, nous nous inspirons également, selon notre interprétation à nous qui est toujours discutable, des exposés de politique que le gouvernement a faits lorsqu'il a réévalué et décidé de l'orientation de son programme énergétique. Si ma mémoire est fidèle, il n'est pas moins indiqué dans le livre blanc qu'il souhaitait retenir l'expertise qu'il possédait dans les divers milieux de façon que, s'il éprouvait le besoin plus tard d'insérer un programme nucléaire, cette expertise soit disponible.

L'évaluation que nous avons essayé de faire, nous, de la situation, en tenant compte des richesses hydrauliques que possède le Québec, cela a été de dire: Bien sûr, il y a un ensemble d'éléments que nous pouvons réunir qui vont contribuer à l'atteinte de cet objectif. Cependant, on s'est dit: Est-ce suffisant? La réponse qu'on y a donnée, à tort ou à raison, a été qu'on estime que ce n'est peut-être pas suffisant. Et on se dit qu'il y a une industrie nucléaire au Québec si on ne prend que le côté manufacturier. Il y a peut-être avantage à s'assurer que durant une période creuse on va la retenir au Québec. Si les ventes se limitaient pour quelques années au domaine national pourrait-on maintenir cette industrie en place?

Deuxièmement, il y a des sociétés très importantes au Québec qui ont un rôle et qui ont toujours joué un rôle au sein de l'industrie nucléaire. Par exemple, Canatom, qui est le produit de trois grandes sociétés d'ingénierie: Société d'ingénierie de Montréal, Lavalin et SNC qui ont un rôle à jouer. Plus récemment encore, on a NPM à qui l'EACL a dit: Messieurs, vous avez la majorité. Lorsque nous obtiendrons un contrat pour la construction d'une centrale nucléaire, où que ce soit dans le monde, nous vous confierons la gérance de la construction et du projet. Or, il retrouve que cette société est au Québec. Il n'appartient pas qu'au Québec de la développer, mais je pense qu'il faut que le Québec, à tout le moins, regarde la façon dont il peut contribuer à son évolution et à son développement.

On dit aussi: II y a un potentiel hydroélectrique, il y a un potentiel nucléaire. N'y a-t-il pas avantage et possibilité à essayer, compte tenu des pondérations qu'on peut exercer à l'égard de l'une ou de l'autre, de continuer ce développement du nucléaire parallèlement à l'hydroélectricité? Je n'ai pas besoin de vous dire que ce serait notre souhait le plus sincère. Maintenant ce n'est pas nous qui allons prendre la décision, c'est le gouvernement du Québec. Ce que nous avons essayé de faire valoir, en poussant plus loin encore l'analyse que nous avons faite de la situation, un intérêt à privilégier et à maintenir ce que j'appellerais ce secteur témoin en développant en parallèle, selon un niveau qui sera compatible avec les besoins, les secteurs nucléaire et hydroélectrique. Je

me limite au programme national. Il y a peut-être d'autres idées qui pourront être explorées.

On fait allusion dans notre mémoire à l'exportation de l'électricité parce que vous y avez touché. J'ai lu un peu les journaux pour savoir qu'il y a des divergences de vues, entre certaines déclarations qui ont été faites. Cependant, au-delà de tout cela, on a regardé la situation de l'exportation de l'électricité. Je pense bien que la façon dont on conçoit ces exportations d'électricité vers nos voisins du Sud ne vise pas exactement le marché qu'Hydro-Québec ou Hydro-Ontario ont exploité jusqu'ici. Il faut bien se rappeler que jusqu'ici, ils l'ont fait avec beaucoup de succès; elles ont surtout vendu de l'énergie pour des périodes de temps données. Ce n'est que récemment que cela s'est échelonné sur des périodes plus longues. Si ma mémoire est fidèle, la Loi sur l'Hydro-Québec a été amendée à la dernière session justement pour lui donner plus de souplesse et de flexibilité quant au type d'énergie qu'elle souhaiterait disposer pour des périodes plus ou moins longues vers les États-Unis.

On s'est dit que ce marché a permis de disposer d'excédents pour des périodes qui s'échelonnaient, qui se sont échelonnées récemment sur une période assez longue, mais ce n'était rien qui était dédié spécifiquement sur la vie de la centrale. Je pense que c'est M. le premier ministre, lorsque vous avez signé un contrat important à New York si ma mémoire est fidèle, qui avait fait allusion à la location d'une rivière qui pourrait conduire à la construction d'une centrale réservée à l'exportation d'électricité.

Nous on se dit ceci: Est-ce qu'il n'y a pas moyen, en construisant par exemple une centrale nucléaire, de la réserver à un groupe de clients, chez nos voisins, qu'ils soient regroupés ou pris individuellement? Nous pensons que la chose est possible dans une certaine mesure qui est discutable, parce que cela peut contribuer à la fermeture, comme on sait, de centrales désuètes et très onéreuses chez nos voisins et cela peut contribuer également à différer chez nos voisins la construction de centrales où ils n'ont peut-être pas toutes les garanties voulues à l'heure actuelle, que ce soit en matière d'obtention de permis... On sait que l'obtention de permis en matière nucléaire aux États-Unis est un processus extrêmement long. On sait que l'état de la réglementation au plan tarifaire comporte un certain nombre de difficultés dans la fixation des tarifs qu'ils exigent de leur clientèle quant à la reconnaissance de certains investissements et de certains coûts qu'ils voudraient exiger de leurs clients. Et, on se dit que si on procède de cette façon, bien sûr qu'il y a des retombées importantes pour le Québec, mais en parallèle avec le développement hydroélectrique, on pourrait déjà, pendant la période où on construit une centrale nucléaire réservée, vendre l'énergie à un prix correspondant à l'énergie produite par une centrale réservée. Il y a là un marché qu'on n'a peut-être pas exploité à fond. Il est évident que c'était peut-être l'idée du gouvernement et celle d'Hydro-Québec d'examiner et de s'orienter dans cette direction-là par l'amendement qui a été apporté à la Loi sur l'Hydro-Québec. Mais, évidemment, comme je ne suis pas impliqué dans le processus décisionnel du gouvernement ni d'Hydro-Québec, je ne peux qu'essayer de présumer de la flexibilité qu'on a voulu apporter à Hydro-Québec. Il faut se rappeler ensuite que l'industrie en bénéficie, que cela contribue à maintenir l'expertise qui est au Québec et à peut-être mieux équilibrer le secteur témoin du nucléaire pour que, lorsque le moment sera venu, si on en vient à cette décision-là, on ait les atouts requis pour pouvoir être complètement autonome dans ce secteur, si je peux m'exprimer ainsi, comme Hydro-Québec l'est dans le domaine de l'hydroélectricité où elle a une crédibilité et un prestige internationaux.

M. Duhaime: Vous avez raison de le souligner. La Loi sur l'Hydro-Québec a été modifiée récemment pour permettre de façon explicite à Hydro-Québec d'exporter de l'énergie ferme. Il est bien entendu que les scénarios que nous envisageons et qui sont en discussion autant avec le marché de New-York qu'avec celui de la Nouvelle-Angleterre ne sont pas basés sur la location d'une rivière pour un délai de 25 ans, alors que le matin de la 26e année on redeviendrait propriétaire. Je pense que quand cela a été évoqué, cela a été sous forme de question à M. Lévesque...

M. Després: Oui, oui.

M. Duhaime: II a répondu: Si on a une proposition, on va l'étudier. Les discussions qui sont en cours actuellement avec NEEPOOL et PASNY portent sur des contrats d'énergie ferme pour des durées importantes, à partir de tout le réseau d'Hydro-Québec qui doit, bien sûr, apporter sa fiabilité sur les livraisons.

Je vais vous donner ma réaction. Vous avez raison de souligner qu'aux États-Unis, cela commence à être vraiment très compliqué d'installer une centrale nucléaire. Mais si c'est devenu compliqué à cause de la réglementation, c'est qu'il y a une opinion publique aux États-Unis qui a exigé cette réglementation sur le plan de l'environnement en particulier, avec le problème des déchets industriels qui se pose. Et je pense qu'il y a eu aussi tout le traumatisme à l'occasion des incidents de Three Mile Island. C'est peut-

être ce que vous aviez à l'esprit vous-même quand vous avez fait votre exposé, cet-après-midi, en disant qu'on a quelque difficulté avec le marché. Je me pose la question. Je pense qu'en commission parlementaire, c'est le meilleur endroit pour se la poser tout haut. Si les citoyens américains et leurs familles ont de plus en plus de réticence face aux installations nucléaires, je me demande comment notre population accepterait qu'on installe un parc ou disons quelques centrales nucléaires à la frontière à des fins exclusives d'exportation d'énergie ferme vers les États-Unis. En termes de cinéma, on pourrait peut-être dire qu'on est devenu une sorte de "domestic market", en fait. Du coté américain, on ne veut pas avoir les inconvénients, on ne veut que les avantages, c'est la première question.

La deuxième, en termes de prix au kilowattheure livré à la frontière avec la filière nucléaire, je pense qu'on va s'entendre rapidement pour dire que les investissements en capitaux sont beaucoup plus élevés au kilowatt, les coûts d'exploitation sont plus élevés également. Je ne sais pas comment réagirait le marché américain si on lui offrait une forme d'énergie plus cher que ce que nous pourrions lui livrer maintenant en termes d'énergie ferme. Les états financiers d'Hydro-Québec sont bien connus partout aux États-Unis. Tous les scénarios de prévision, tant sur la demande interne ici au Québec qu'en Nouvelle-Angleterre et un peu partout, du moins en ce qui est relié à ces projets-là, c'est connu. On a bien sûr l'intention de pousser jusqu'au bout ces négociations avec les Américains et si possible d'en arriver à conclure des ententes. Nos évaluations sur le marché pour l'instant ne nous amènent pas à conclure que le marché américain en Nouvelle-Angleterre, à New York, en tout cas, pour le marché qu'on peut rejoindre, est aussi faramineux qu'on peut le laisser entendre lorsqu'on parle de 10 000, 15 000 mégawatts ou si on parle d'un marché plus restreint de l'ordre de 2500 à 3000 mégawatts, si j'inclus là-dedans tout New York, voire le New Jersey et la Nouvelle-Angleterre.

Du côté américain, je sais que vous rencontrez ces gens-là et nous le faisons également. C'est un secret de polichinelle que, dans l'opinion publique aux États-Unis, il y a énormément de réticence. Il y en a même face à la construction d'interconnexions pour transporter de l'énergie aussi dangereuse que l'électricité. J'essaie juste d'imaginer quelle pourrait être la réaction de ce côté-là.

Je ne suis pas en mesure de me prononcer de façon définitive sur le scénario que vous évoquez, c'est-à-dire construire des centrales nucléaires du côté canadien à des fins d'exportation. Ma réaction spontanée est de vous faire valoir au départ les réserves.

Je ne crois pas non plus qu'on soit les seuls; sauf erreur, il y a l'Ontario et le Nouveau-Brunswick qui ont fait des installations de centrales nucléaires. Il y en a une seule au Québec. Il y en a dans d'autres provinces au Canada - j'exclus les petits marchés, bien sûr - mais il y peut-être aussi de la place pour une centrale nucléaire de 600 mégawatts puisque ce modèle-là peut être construit par Énergie atomique du Canada. Si elles préfèrent d'autres formes d'énergie, il y a sûrement des raisons aussi. Je pense qu'il y a de plus en plus de réticence là-dessus. On n'est peut-être pas au même niveau de réticence que celui qu'on peut sentir dans ce qui se passe en Allemagne, par exemple, entre autres, ou encore dans les pays Scandinaves.

Je voudrais avoir vos réactions là-dessus. Est-ce que vous faites des évaluations, comment les gens pourraient-ils percevoir ce scénario, c'est-à-dire qu'on installe des centrales pour vendre aux Américains?

M. Després: II n'y a pas de doute, M. le ministre, que la proposition qui est contenue dans notre mémoire n'en est pas une qu'on peut envisager à long terme. Je ne pense pas qu'on puisse envisager, si vous voulez - comme vous l'avez si bien dit -régler le problème énergétique de nos voisins du Sud. Ils ont la capacité de le faire et ils vont finir par le régler. C'est la question d'une fenêtre qui s'ouvre pour une période donnée et on se demande si on ne doit pas y pénétrer pour profiter de certains avantages qu'on a dans une période creuse et avec certains excédents d'énergie au Québec et dans d'autres provinces. (20 h 30)

Maintenant, on peut se demander aussi et vous dites c'est peut-être le bon moment d'échanger en commission parlementaire - si on doit envisager le tout en fonction des méthodes traditionnelles de vendre de l'énergie aux États-Unis. Quand l'entreprise a des périodes creuses elle se pose plusieurs questions et souvent elle essaie d'être davantage créatrice ou imaginative. Nous nous sommes dit qu'il y a peut-être des moyens différents qu'on peut prendre. Je pense tout haut à la centrale de Gentilly 2 au moment où elle a été mise en service; elle n'aurait pas été mise en service que cela n'aurait pas dérangé Hydro-Québec. Au contraire, on peut dire que cela l'aurait avantagée parce qu'elle a des excédents d'énergie. On dit à tout le moins il y a là une centrale qui est en état de fonctionner. D'après ce qu'on peut voir il y aura probablement de l'énergie excédentaire pour une très longue période.

On peut se poser la question: Est-ce qu'on ne pourrait pas disposer de cette énergie et en faire une centrale réservée? Si

on veut en faire une centrale réservée il y a deux moyens de le faire: c'est de vendre de l'énergie selon un contrat traditionnel et d'avoir une formule pour établir le prix et obtenir les garanties d'usage. Ou on peut dire à ceux qui pourraient vouloir cette énergie: on va vous la vendre la centrale; vous la financerez, nous la ferons fonctionner et à la fin de X années, 25 ans, lorsqu'on aura été remboursés, que vous en aurez profité pleinement, elle nous reviendra.

Vous allez peut-être dire: le coût d'énergie est trop élevé dans les premières années. C'est peut-être vrai, je n'ai pas fait de comparaison. Mais on peut se dire que si on a une période de 25 ou 30 ans, on peut ajuster notre tarification sur une période aussi longue pour la rendre avantageuse dans les premières années et puis la rendre profitable si vous voulez; avantage pour le client dans les premières années au niveau comparatif des prix et augmenter ce rythme un peu plus les autres années. C'est un scénario qu'on peut également envisager. On se dit: Si on est capable de la faire financer par les autres et qu'on ramène au Québec les quelques 1 400 000 000 $ investis, cela pourrait servir à Hydro-Québec à procéder à la construction d'une autre centrale ou à contribuer au développement d'un projet hydroélectrique. Ce n'est pas impensable.

Tout ce scénario, que je pense tout haut, comporte un certain nombre de difficultés, il ne faut pas se le cacher, tant au plan purement québécois qu'au plan national des tractactions entre pays. Si on a une fenêtre ouverte et qu'on a des excédents, que ce soit ici ou ailleurs, je le dis bien, parce qu'on travaille sur différents scénarios, on doit peut-être les explorer pour voir s'il n'y a pas quelque chose dans cela. C'est peut-être un des moyens de permettre à tout un secteur au Québec, 30% par exemple de la fabrication, son insertion au plan des services que ce soit techniques ou autres, plus des ressources dont on aurait besoin et peut-être un moyen de passer à travers. Je ne le sais pas.

Vous nous demandez directement si on est intéressé. Notre réponse, c'est oui. C'est pour cela qu'on se fatigue un peu les méninges comme tout le monde le fait pour essayer, dans des périodes qui sont davantage creuses, de pouvoir assurer notre survie.

Évidemment, il faut, comme tous les autres, prendre les moyens pour le faire. Cela n'a pas été avec plaisir, l'an dernier, qu'on a licencié 600 ingénieurs et techniciens. Je dis que c'est un scénario. Il y en a d'autres. Il y a des regroupements qui pourraient se faire entre les différents services publics; cela est passablement plus difficile - on en a déjà causé avec HydroQuébec - pour toute une série de raisons. Le résultat pourrait être meilleur, mais je crois qu'un regroupement pour disposer des excédents établis à quasi-monopole comporte des difficultés parce que tout le monde n'est pas au même palier, tout le monde ne poursuit pas les mêmes objectifs. En développant ce même type de scénario, on peut revenir à un niveau auquel la juridiction appartient dans le domaine énergétique, particulièrement celui de l'électricité, au niveau des services provinciaux.

C'est un peu le sens. Remarquez bien, ce que je dis résulte d'études fort préliminaires. Cela mériterait encore d'être étudié mais je me dis est-ce qu'on ne doit pas le regarder de ce côté et assurer le maintien, si vous voulez, d'un secteur témoin qui pourrait apporter, durant une période creuse, des retombées. Évidemment, nous, ce qu'on peut faire, c'est de proposer, parce que les décisions c'est vous qui les prenez et non pas nous. On essaie de faire valoir notre point de vue. Il y a peut-être du mérite, si vous le voulez, à approfondir cette question-là. Je dois vous dire que nous en causons régulièrement avec Hydro-Québec. Je pense qu'il est important qu'on se tienne informés et qu'on établisse la confiance. Remarquez bien - je pense qu'Hydro-Québec pourrait vous le dire - nonobstant les études qu'on a faites, ils nous ont fait des commentaires, des réserves. Je pense qu'on a toujours joué les règles du fair-play avec eux pour ne pas se nuire. Le but ce n'est pas de se nuire, de savoir celui qui va être en tête ou pas, mais d'essayer d'en retirer, pour toutes les parties intéressées, le maximum de retombées possible. Ce n'est pas notre intérêt de détruire une chose qui va bien, de proposer quelque chose qui n'est pas acceptable, qui n'est pas accepté. Je pense qu'on a fait nos classes. On se tient mutuellement au courant et on en explore. Je ne vous dis pas que c'est faisable. Je vous dis que cela nous paraît avoir du mérite qu'on pousse peut-être cela un peu plus loin.

M. Duhaime: Vous avez évoqué brièvement Gentilly 1 cet après-midi. Je crois que vous avez évoqué la possibilité... Je sais qu'il y a des négociations qui sont conduites avec Hydro-Québec là-dessus. Personnellement ce serait vous mentir que de vous dire ce soir que je suis très enthousiaste. J'ai beaucoup de réserves. Je n'ai pas encore compris comment il se faisait qu'avec Gentilly 1, après tant d'années, on n'ait pas encore autre chose qu'un grand chantier inachevé qui a coûté quelques centaine de millions de dollars. Il est bien certain que si on trouvait quelque chose d'intéressant avec Hydro-Québec, qu'on le maintienne comme simulateur ou autre... Si mon souvenir est exact - vousme corrigerez si je n'ai pas les bons chiffres en tête - il me semble qu'on parlait d'investissements de l'ordre de 125 000 000 $ ou 130 000 000 $ pour la

remise en route. Est-ce que ce chiffre est dans l'ordre de grandeur? Est-ce que l'Énergie atomique du Canada a des projets -en dehors des discussions avec Hydro-Québec, indépendamment de cela - précis pour Gentilly 1 ou bien si cette centrale va rester dans l'état où on la trouve à Bécancour actuellement?

M. Després: Je vais vous faire grâce de l'historique parce que c'est toujours un peu fastidieux. On va essayer de se projeter vers l'avenir. Toujours est-il que lorsque le président du conseil d'Hydro-Québec m'a écrit, en novembre 1981, pour me faire part de la décision d'Hydro-Québec qu'on n'entendait pas, si vous voulez, se prévaloir de l'option d'acheter la centrale, à ce moment-là, il y a eu beaucoup de tergiversations, on a étudié toutes sortes de choses. J'ai dit: Bon, c'est votre décision et nous l'acceptons. Je suis allé voir le président d'Hydro-Québec avec M. Bourbeau, le président du conseil et je lui ai dit: On ne formera pas un groupe de travail bien considérable. Vous allez envoyer deux cadres supérieurs et on va en envoyer deux. On va réexaminer logiquement la situation pour essayer d'en tirer le meilleur parti et s'assurer qu'on ne sacrifie pas des investissements qui pourraient être utilisés à d'autres fins. Le mandat qu'on a donné à nos cadres respectifs a été le suivant: Dans un premier temps, pouvez-vous considérer la réhabilitation totale de la centrale? Ils ont fait cela. Ils en sont venus à la conclusion -les chiffres que vous avez donnés sont exacts - que c'était 135 000 000 $, si ma mémoire est fidèle, en 1982. Si on envisageait que cela prenait cinq ou six ans pour réhabiliter la centrale, avec l'inflation, l'intérêt durant la construction, cela faisait quelque chose comme 300 000 000 $.

On a considéré le coût total de l'énergie produite à partir de la centrale réhabilitée, les coûts qu'Hydro-Québec envisageait pour ses nouveaux projets, on s'est dit: Cette affaire-là n'est pas économiquement rentable, donc on la met de côté.

À l'étape suivante, on a dit: On va regarder le démantèlement partiel et en l'examinant on va voir quelle utilisation on pourrait donner à chacun des composants de la centrale. C'est ainsi que pour la partie bâtiment du réacteur, nos gens sont allés en Suède pour voir ce qui se faisait et on s'est dit: Ce serait intéressant d'avoir un banc industriel, un banc d'essai, si vous voulez, pour le nucléaire. L'IREQ nous a dit: Regardez donc l'hydraulique, cela nous intéresserait. On a dit: Oui, c'est possible. On a examiné ce qui se faisait en Suède et après cela on est allé voir des clients éventuels pour voir s'il y aurait un intérêt. Il faut que cette chose-là s'autofinance.

Maintenant, je peux vous dire que les contacts sont en voie de se faire et que cela augure bien. Je ne suis pas capable de vous donner une garantie. Les deux parties ont une assurance, nous principalement, qu'en collaboration avec Hydro-Québec cela a de très bonnes chances de se manifester avec des investissements minimaux. Je pense que cela pourrait être un autre centre international qui serait complémentaire à celui de la Suède, qui a eu le même problème avec le même type de centrale.

La deuxième partie, c'est qu'on a regardé le turbo-alternateur. On s'est posé bien des questions: Est-ce que cela ne peut pas être utilisé comme une centrale de pointe? Est-ce que cela ne peut pas être utilisé à d'autres fins? Il y a eu des discussions et des calculs. Cela a été abandonné et c'est repris. Je crois qu'on ne doit pas le laisser de côté.

Avec l'avènement d'un projet d'envergure comme Pechiney par exemple, est-ce qu'il ne serait pas utile d'essayer de voir si on ne pourrait pas utiliser cette turbine en cas de panne ou utiliser, à un prix fort acceptable, ce turbo-alternateur comme une centrale de pointe? C'est encore trop tôt pour répondre mais je pense qu'il faut l'examiner.

Considérez ensuite toute la salle de commande. On s'est dit qu'Hydro-Québec, même si elle n'a qu'une centrale, se doit d'avoir quelque chose pour entraîner ses opérateurs. Est-ce qu'elle ne pourrait pas faire un centre de formation en se procurant un simulateur avec toutes les commandes? On a déjà un fabricant au Québec qui fournit la plupart des composants des simulateurs, c'est CAE Électronique. Nous fournissons une autre partie en ce qui concerne l'expertise. Est-ce que cela n'est pas une chose qu'on peut considérer? On a dit à Hydro-Québec: On va essayer de vous appuyer pour avoir de l'aide financière. Cela est en voie d'être examiné.

L'autre partie, les ateliers et le bâtiment des services, je pense qu'Hydro-Québec peut sûrement l'utiliser comme complément à ce qui existe déjà pour Gentilly 2. Ce sont les principaux composants.

Ce que je veux vous dire c'est qu'au moins, il s'est fait une étude objective de cette centrale qui n'est pas en exploitation pour essayer de la rentabiliser. Quant à moi, comme contribuable, j'aimerais bien qu'on fasse quelque chose avant de songer à la raser au sol.

M. Duhaime: Je suis très heureux, M. Després, si ce dossier s'active et qu'un scénario puisse se dessiner pour ne pas que ces investissements soient une pure perte. Pendant que nous sommes sur ce chantier, je ne raterai sûrement pas l'occasion de vous

parler de l'usine d'eau lourde de La Prade. Mais, rassurez-vous, je ne vous entraînerai pas dans mes échanges avec mon collègue au fédéral sur le volet de l'indemnité. Cela appartient à une autre tribune.

J'ai lu, il y a quelques mois, qu'Énergie atomique du Canada Ltée avait adopté une résolution. Ce doit être, j'imagine, au niveau de votre conseil d'administration. Vous pourrez me le préciser. C'était une recommandation faite au ministère fédéral de l'Énergie et des Mines en ce sens d'envisager la remise en route de l'usine d'eau lourde de La Prade et de cesser les activités aux deux usines d'eau lourde dans les Maritimes. Je dois vous avouer qu'en toute logique, j'aurais été prêt à soutenir cette démarche puisque je n'ai jamais compris comment il se faisait qu'on avait installé des usines d'eau lourde dans les Maritimes - et maintenant on parle de Pointe Lepreau 2 - alors qu'au Québec on envisageait Gentilly 1. Gentilly 2 avec l'engagement d'Hydro-Québec en 1978-1979 de faire Gentilly 3 avec une usine d'eau lourde. Est-ce que le sort de La Prade est réglé?

M. Després: Évidemment, comme vous le dites, c'est un point très délicat pour moi comme président du conseil d'une société de la couronne. Je vais laisser de côté les tractactions que vous avez avec votre homologue fédéral, parce que cela n'est pas de ma compétence, pour parler plus spécifiquement de notre attitude vis-à-vis des usines d'eau lourde.

Pour être très précis, notre conseil d'administration avait informé l'actionnaire, c'est-à-dire le gouvernement fédéral, à l'automne de 1980, que nous étions en train de réévaluer l'avenir de toutes nos usines d'eau lourde mais que nous avions besoin d'une année pour le faire, vu qu'à ce moment nous avions beaucoup de soumissions déposées auprès de clients éventuels dont le Mexique, si vous vous rappelez bien, qui a tout annulé avant que les soumissions soient évaluées. Nous nous disions que si nous n'avons pas d'autres commandes nous aurons des surplus suffisants d'entreposés. (20 h 45)

La recommandation qui a été faite en novembre 1982, soit une année après, à notre actionnaire principal a été de dire: Selon nous, lorsque nous aurons atteint l'équivalent en inventaire de trois chargements d'eau lourde, c'est-à-dire l'équivalent de chargement de trois réacteurs, nous vous recommandons de fermer les deux usines, une à tout jamais et l'autre - selon l'expression -la placer dans les boules à mites pour la rouvrir. LaPrade demeurerait ce qu'elle était, parce que, ayant des surplus, il n'était pas question de faire redémarrer cette usine. C'est le sens de notre résolution. Le gouvernement fédéral, notre actionnaire, l'étudié. Le ministre a annoncé qu'à tout le moins il souhaitait que les usines continuent jusqu'à la fin de juillet 1984. Nous avons certaines évaluations à faire. C'est la décision de l'actionnaire. C'est son droit le plus strict. Pour autant que notre conseil était concerné, nous ne mettions plus de notre argent dans les usines d'eau lourde.

Quant à l'avenir de LaPrade - si ma mémoire est fidèle, je n'étais pas là lorsque la construction a été arrêtée - il y avait beaucoup de surplus. Il y avait également des usines en construction en Ontario, qui ont été terminées puis qui ont été fermées. L'usine de LaPrade est demeurée ce qu'elle est actuellement. On la conserve parce que, selon les techniciens et les scientifiques qui ont examiné la question, la technologie qui est en voie d'être développée à LaPrade sera encore utile, me dit-on, pour une dizaine ou une douzaine d'années.

C'est donc dire que les gens on pris beaucoup de soin à entreposer les pièces pour que le tout soit réutilisable. Je pense que dans la conjoncture actuelle, il est difficile d'entrevoir que LaPrade - selon les meilleures estimations - puisse être rouverte dans la période dont on parle. Ce n'est pas une impossibilité, mais compte tenu de la demande, compte tenu de la capacité de production existante au Canada, cela peut difficilement se concevoir. Je pense que ce serait également - remarquez bien, tout dépend de l'actionnaire - une mauvaise décision que de vouloir tout raser et ne pas conserver cela comme une police d'assurance. C'est ce qu'on essaie de faire.

Parallèlement à cela - ce n'est pas facile - on essaie de voir ce qu'on pourrait faire avec les bâtiments. Je ne parle pas des tours. On a étudié plusieurs possibilités, aucune n'a donné de résultat, mais on songe à d'autres. Quant à moi, notre président également et nos cadres, on se casse la tête. Il y a des possibilités, mais je pense qu'il serait trop tôt pour vous en faire part. J'en discutais justement avec M. Therrien, en marchant ce soir. Ce sont des idées assez futuristes et renversantes. Mais j'aime mieux ne pas y penser parce qu'on s'enthousiasme trop facilement et, des fois, cela devient tout simplement une impossibilité. Je peux vous assurer que nos gens en sont conscients; on voudrait en faire le meilleur usage possible.

M. Duhaime: Maintenant, vous avez mentionné les possibilités sur les marchés internationaux. Vous donnez des chiffres à la page 11, entre autres, sur les parcs nucléaires au Royaume-Uni, en Allemagne, en Suisse, en France, etc. Je remarque une chose, je comprends qu'en dehors du Canada, les installations du CANDU, vous les avez énumérées cet après-midi, l'Inde, le Pakistan, la Corée du Sud...

M. Després: ...la Corée, l'Argentine... M. Duhaime: La Roumanie, je crois... M. Després: La Roumanie, l'Argentine.

M. Duhaime: ...l'Argentine. Je comprends que cela peut déborder la stricte discussion sur le plan d'une politique extérieure ou d'une politique d'un gouvernement qui décide de soutenir une industrie en offrant des conditions de financement. Je pense, entre autres, aux offres que le Canada a faites au Mexique et qui ont été refusées.

J'ai eu l'occasion de discuter du programme nucléaire avec les Brésiliens. Si mon souvenir est bon, ce sont les Allemands qui s'y sont implantés. Comment se situe la concurrence? Le CANDU doit affronter les concurrents sur les marchés internationaux. Sont-ils Américains d'abord, Allemands, Français? Comment est-ce que cela se situe indépendamment des scénarios de pénétration sur le marché, dans l'avenir? Vous vous battez contre quels pays?

M. Després: On se bat d'abord contre ce que j'appellerais les détenteurs originaux de la filière du réacteur à eau légère c'est-à-dire Westinghouse des Etats-Unis. Westinghouse également qui a donné plusieurs permis ou licences dans divers pays pour la fabrication, la construction de centrales nucléaires. Ainsi, la France aujourd'hui est autonome mais la filière est la même que celle de Westinghouse. Donc, la filière à eau légère: États-Unis, France. L'Allemagne a deux filères: elle a une filière à eau légère et une à eau lourde. Ce sont des concurrents. Aussi nous avons la Suède. Même s'il y a eu un moratoire sur la construction de centrales - je ne pense pas qu'ils aient obtenu plusieurs contrats récemment - on peut dire que ce sont encore les trois, si je puis dire. Aujourd'hui c'est Westinghouse, la France, l'Allemagne. Bien sûr il y en a d'autres, mais beaucoup moins importants.

Il va de soi que cette filière du réacteur qu'on appelle à eau légère pressurisée s'est développée d'abord bien avant que le réacteur CANDU soit disponible, que la technique eau lourde soit disponible. Cela s'est fait d'abord aux États-Unis par la Société Westinghouse, mais appuyée par un solide programme national: ils ont pu en construire beaucoup, prendre une certaine expertise, sans standardiser. Je ne peux pas dire que cela a été un succès à tous les points de vue, mais à tout le moins ils ont accaparé le marché américain. Les États-Unis étaient un pays crédible, possédaient un infrastructure capable de supporter la technologie qu'ils avançaient et avaient un historique plus long que le nôtre et des facilités de commercialisation beaucoup plus au point que celles de l'EACL au départ, il faut bien se le dire, puisqu'ils étaient déjà présents dans ces pays pour offrir des produits qui touchaient au domaine de l'électricité ou de l'énergie. Alors que l'EACL, à son départ, a été surtout constituée par des scientifiques qui avaient développé la technologie. Graduellement, il y a eu une province qui s'y est intéressée, l'Ontario; le Québec y est venu, le Nouveau-Brunswick. La crédibilité à l'égard de la filière prend un certain temps avant de se développer. On commence à avoir une courte histoire qui est excellente, en ce sens que si l'on regarde par exemple la performance à vie de la filière CANDU parmi les réacteurs commerciaux - je crois que c'est au-dessus de 350 mégawatts - on occupe huit des dix premières places. Alors, ce n'est pas sans influencer les gens qui ont des décisions à prendre. Il n'en reste pas moins vrai que cela comporte des difficultés parce que lorsque plusieurs personnes ont déjà opté au préalable pour une filière, elles sont hésitantes à opter pour une autre. C'est la difficulté que nous avons. Pour ce faire, il va falloir qu'il soit clairement démontré sur une période donnée, que cette filière présente des avantages que l'autre filière ne donne pas.

Bien sûr, on peut regarder ce qui s'est passé à Pickering: c'est un incident qui peut arriver avec n'importe quelle autre technologie. Personne ne souhaite des incidents comme ceux-ci. Ils sont importants dans la vie d'une filière parce qu'ils démontrent d'une part que des prévisions ont été faites pour traiter de ces cas lorsqu'on obtient le permis de la commission de contrôle, parce que si cela n'avait pas été prévu dans le logiciel ou dans les codes, les opérateurs n'auraient pas été capables de faire face à la situation; deuxièmement, que vous avez les ressources qui ont une capacité de répondre pour essayer de remédier à la situation. Si cela a ses mauvais côtés, en ce sens qu'on en parle beaucoup, cela peut avoir ses bons côtés en ce qui a trait aux acheteurs éventuels.

J'ai peut-être fait un long détour, mais ce que je veux vous dire c'est que ce sont là nos principaux concurrents et certaines des difficultés qui nous confrontent. On ne reste pas insensibles à cela. Nous aussi, il nous faut regarder les scénarios ou la méthodologie qui a été la nôtre pour commercialiser nos produits; se demander si, dans l'évolution des choses, c'est encore la bonne façon de le faire et voir s'il n'y aurait pas d'autres façons de procéder. Je peux vous dire que c'est une des préoccupations du président, et de temps en temps je n'ai pas besoin de le pousser mais je surveille pour voir s'il avance assez

rapidement. On espère faire mieux et davantage. Il n'y a pas d'erreur aussi... il y a tellement de choses à dire. Le financement de toutes ces choses n'est pas facile. On a une banque pour l'expansion des exportations. Mais on a des concurrents qui ont une assise financière et des priorités différentes des nôtres. C'est là que nous voyons que c'est une autre concurrence, au-delà de la technologie, qui est difficile à affronter.

M. Duhaime: Je vous remercie, M. Després.

Le Président (M. Desbiens): M. le député d'Outremont.

M. Fortier: M. le Président, j'ai écouté avec beaucoup d'intérêt les questions pertinentes du ministre et la sagesse des réponses de M. Després. On reconnaît là une personne qui a oeuvré très longtemps dans des milieux gouvernementaux comme sous-ministre même, je crois, au Québec et même, présentement, auprès de plusieurs sociétés d'État autant fédérales que provinciales. C'est qu'on reconnaît la sagesse de ses propos. D'ailleurs, j'oserais dire que, depuis que vous êtes là, M. Després, on s'aperçoit qu'Énergie atomique est beaucoup plus présente au Québec non seulement sur le plan du marketing, mais que le transfert des technologies se fait de plus dans des domaines comme les radio-isotopes et dans d'autres domaines.

Je crois qu'on doit vous savoir gré non seulement d'agir en tant que président du conseil qui est normalement un poste j'étais pour dire honorifique - qui n'est pas opérationnel, mais vous l'avez assumé pleinement. Je crois que les Québécois dans leur ensemble, quel que soit le parti politique auxquels ils appartiennent, doivent vous en savoir gré. Bien sûr, il y a des investissements qui ont été faits, il y a des technologies qui ont été développées. Je crois que le Québec en a profité dans le passé, mais que, par un effort soutenu, il en profite davantage maintenant. Je crois qu'on doit féliciter ceux - que ce soit au niveau ministériel ou au niveau d'Énergie atomique -qui sont responsables de votre nomination puisque maintenant vous êtes entouré d'une équipe qui fait honneur à Énergie atomique du Canada au Québec même.

Je crois que le ministre a touché à plusieurs des points importants. J'aimerais peut-être revenir sur certains d'entre eux. Pour aller au vif du sujet, la stratégie que vous proposez de développer en parallèle, le nucléaire et l'hydraulique, bien sûr, ce n'est pas une stratégie qui est nouvelle pour certaines personnes. Je connais même des personnes qui ont utilisé la même argumentation auprès de ministres qui ont précédé le gouvernement qui est là. Cela ne remonte pas à hier, mais à 1974. C'est sûr que c'était une stratégie. À ce moment-là, c'était peut-être une stratégie plus plausible, en ce sens que les prévisions étaient d'utiliser le nucléaire au Québec, d'après ce que nous en disait Hydro-Québec, de façon plus imminente. Maintenant, cela est reporté plus loin dans le temps.

J'aurais deux questions. La première est que vous parlez de sauver l'industrie, de perpétuer ou de continuer de perpétuer l'industrie nucléaire. Je crois qu'alors que le Québec cherche à développer son économie, c'est un exercice qu'on ne doit pas rejeter du revers de la main, au contraire. Je pense bien qu'il n'y a aucune société dans le monde qui pourrait se permettre de ne même pas considérer une option comme celle-là puisque tout le monde maintenant se retourne vers les hautes technologies et cherche à maîtriser les technologies qui vont lui permettre d'être à l'avant-garde dans le monde. Quand même, il reste que, depuis cinq ans, il y a eu un affaiblissement de l'industrie nucléaire. Vous avez mentionné des compagnies. Je crois que ces compagnies-là ont de moins en moins de contrats. J'imagine que, dans ces technologies, lorsqu'on dit qu'elles appartiennent à telle et telle compagnie, le "know-how" se retrouve au sein d'individus. Lorsque ces individus quittent ces sociétés, c'est assez difficile... Enfin, on peut dire que la quantité de "know-how" qui était disponible il y a cinq ans était peut-être plus considérable que la quantité de "know-how" qui existe maintenant. Certains individus sont disparus ou des équipes ont été démantelées.

La question que je posais, c'était qu'on se trouve maintenant à une certaine position. Si rien ne se fait, que ce soit dans le domaine de l'exportation, que ce soit au Québec ou ailleurs, cet effet négatif d'entraînement va jouer négativement et, très rapidement, il y a une érosion qui va se faire. Est-ce qu'on est toujours réaliste? Est-ce qu'on peut se permettre d'être encore optismiste ou si on devrait être pessimiste? Est-ce qu'on est au moment où le gouvernement canadien doit regarder le programme CANDU un peu comme le programme EVIRO ou si on est en train d'évaluer les derniers efforts qu'on doit faire pour perpétuer cette technologie dans laquelle le Canada a investi des milliards de dollars et dans laquelle les individus en particulier avaient laissé leur carrière, leur temps et leurs énergies? Quelle est la lecture véritable de la situation dans laquelle on se trouve maintenant? (21 heures)

Le ministre faisait allusion aux exportations. On sait que les exportations dans les années qui viennent sont plutôt limitées. On a déjà dit, il y a quelques années, que cela prenait une exportation ou

un réacteur par année pour maintenir les équipes; on est loin de cela présentement. Je pose la question brutalement. Est-ce qu'on se leurre présentement ou est-ce que nous, politiciens, devons nous poser des questions parce que le ministre a fait allusion à certaines difficultés politiques? Encore là, quel que soit le gouvernement qui sera au pouvoir, la conjoncture politique sera la même. Je me demande si l'on ne se leurre pas un peu sur l'évaluation véritable de la situation telle qu'elle existe présentement.

M. Després: À l'heure actuelle, comme vous le savez, si on regarde la situation mondiale et qu'on ne s'attache pas à Énergie atomique du Canada Ltée uniquement, il n'y a pas eu de nouvelles commandes pour des réacteurs à tout le moins depuis trois ans, quel que soit l'endroit dans le monde. Il y a bien eu des commandes qui ont été publiées mais si vous regardez elles ont été annulées par la suite. Il y a peut-être la plus récente - et il faudrait voir encore - la commande que la France a obtenue de la Chine. Vous savez que la Chine en a signé plusieurs commandes et qu'elle a pour politique d'en annuler autant. Alors, avec ce résultat cela revient à zéro.

Si vous demandez si nous sommes optimistes, je crois que dans une boîte comme la nôtre, il nous faut être optimiste mais réaliste en même temps. Regardons ce que nous avons à l'heure actuelle. Nous sommes en voie de terminer des travaux d'à peu près toutes les centrales. Il ne reste à peu près rien. Si on regarde le secteur manufacturier, ce qui peut être espéré, c'est les deux réacteurs en Roumanie où les achats se font par l'autorité nucléaire roumaine. Il y aura certaines commandes, je crois. Il y en a eu et il y en aura d'autres qui seront octroyées au Québec. Cela a été suspendu durant un certain temps. Nous ne croyons pas que ce le sera. Cela amène un peu d'eau au moulin. Pour plusieurs manufacturiers qui avaient déjà présenté des soumissions, cela constituait à peu près un fait acquis et on s'y est préparé. Ce n'est pas un ajout de commandes correspondant à deux réacteurs au moment où l'on se parle. On avait peut-être déjà pris de l'avance pour un tiers ou un quart, je l'ignore.

Quelles sont les autres perspectives qu'on peut ensuite regarder dans l'immédiat en faisant preuve d'imagination? Il y a peut-être la Corée. Encore est-il que quand on regarde sa courbe ascendante d'énergie, elle a été reprise par contre. Elle a certaines difficultés en ce qui concerne les exportations. Quel impact cela aura-t-il? Il n'y a pas de doute qu'il va nous falloir être imaginatifs si on veut transiger pour une deuxième tranche en Corée. De toute façon, on y travaille fort. Cela en est une.

On peut regarder d'une part la Turquie.

Mais en Turquie, il nous faut être excessivement prudents parce qu'il faut évaluer la situation financière de chacun des pays, soit qu'on y aille seul ou qu'on y aille en collaboration avec d'autres. Peut-être dans un avenir un peu plus loin peut-on penser à la Yougoslavie et à d'autres pays. Il y a d'autres pays qui, jusqu'ici, étaient desservis par la filière à eau légère et qui commencent à se demander s'ils ne devraient pas se diversifier dans le domaine nucléaire. C'est une situation difficile en raison a) des excès d'énergie qui existent à travers le monde et b) des difficultés financières qu'éprouvent certains pays qui voudraient se procurer un réacteur de quelque filière que ce soit et qui en sont incapables parce que leur limite de crédit est épuisée.

D'un autre côté, il faut analyser toute la situation. On a nos voisins de l'autre côté de la frontière où il y a 225 000 000 de population. On n'a jamais pénétré ce marché et il n'est pas facile à pénétrer non plus. On peut se poser la question pourquoi. S'il y a des bonnes raisons pour que cela n'ait pas été fait historiquement. Est-ce qu'on doit demeurer tel quel ou est-ce qu'on doit le regarder? On examine ces choses. Est-ce que cela donnera des résultats? Je me dis c'est un peu comme les courses, à force de gager les longues "shots" on finit par en ramasser une à un moment donné, dans le temps, lorsque la chance nous favorise.

Il y a le Nouveau-Brunswick où on fait une étude de faisabilité pour une deuxième tranche. Maintenant, quelle sera l'attitude de l'actionnaire dans cela? Il est bien sûr que l'actionnaire devra réévaluer les investissements qu'il consacre à cette entreprise. Alors que d'une part nous ne sommes pas financés pour les opérations CANDU ni pour la radiochimie, parce que ce sont des activités qui doivent s'autofinancer, ils financent la recherche. Est-ce qu'ils la financeront au même niveau, à un niveau accru pour être prêts à récolter les bénéfices de ce que l'on aura semé ou à un niveau plus restreint pour rendre davantage la recherche et le développement compatibles avec nos moyens puis compatibles avec ce que l'on peut entrevoir pour l'énergie nucléaire plus tard? Est-ce que l'on décidera de se retirer de ce domaine? Pour ma part, c'est une opinion purement personnelle, je pense que ce sera une grave erreur de la part du Canada à ce stade-ci, avec ce que je connais de cette technologie et de ses possibilités, de l'éliminer. Encore ce ne sont pas des décisions que je prends et je dois me soumettre aux décisions que les gens autorisés prendront.

M. Fortier: Dans votre évaluation de la situation, dans l'argumentation que vous avez développée vous dites: Plus tard, on va avoir besoin de cette forme d'énergie. Je pense

bien qu'on est d'accord quand on dit "plus tard". Il s'agit d'évaluer quand, plus tard. Est-ce qu'il s'agit d'un laps de temps de trois, cinq, dix ans? Bien sûr, je pense bien qu'on serait d'accord autour de la table pour dire que, plus tard au Québec, il va falloir songer sérieusement à utiliser l'énergie nucléaire sur une base importante. Mais quand on dit plus tard on ne s'engage pas politiquement à beaucoup parce qu'il n'y a pas d'année qui est définie.

Je voudrais poser une question: Est-ce que vous avez fait une évaluation quantitative de ces pronostics pour évaluer réellement la situation? On sait qu'il y a des surplus d'énergie en Ontario. On sait que Darlington est en train de se compléter et qu'eux-mêmes vont se créer en se faisant des surplus aussi importants qu'au Québec. Donc, le programme nucléaire ontarien devra plafonner à un moment donné. Au Québec, vous connaissez les surplus d'Hydro-Québec présentement. S'il y a une relance de l'économie - et là M. Ayoub nous a dit qu'il ne faut pas désespérer - la consommation énergétique va s'accroître beaucoup plus rapidement qu'on ne le croit. Il pourrait y avoir un programme d'exportation extrêmement prononcé selon la volonté politique qu'on y mettrait. Le ministre nous dit 2000 à 3000 mégawatts. D'autres personnes qui sont intéressées à la politique disent qu'il y a possibilité d'exporter plus que cela. Hydro-Québec nous a dit en commission parlementaire que le marché aux États-Unis était de l'ordre de 8000 à 9000 mégawatts.

On peut faire des prévisions. Il nous reste encore la deuxième phase de la Baie-James qui est très compétitive par rapport à l'énergie nucléaire, étant donné que les investissements ont été faits, que les lignes de transport d'énergie sont faites, que les routes ont été faites. Donc, si je me mets à la place du citoyen moyen qui se dit qu'on a encore beaucoup d'énergie électrique, que l'eau nous sort par les oreilles, on peut retarder le nucléaire passablement plus longtemps. On peut même se permettre de vendre de l'énergie aux États-Unis et de la vendre sous une forme hydraulique. On peut - si on en vend beaucoup - relancer la phase II de la Baie-James. Le citoyen moyen ne pourrait pas comprendre l'argumentation d'ingénieurs à savoir qu'on aurait avantage à favoriser une autre forme d'énergie présentement. Ceci nous amènerait à accepter une philosophie disant: On va développer notre parc hydroélectrique pendant un certain nombre d'années avant de faire du nucléaire, ce qui est le plus facile politiquement parlant. Là, on s'en va autour du tournant du siècle.

Je me demandais si vous aviez évalué cela et si votre évaluation était de demander à la commission parlementaire de considérer, disons, une centrale. Si même on faisait cela, est-ce que c'est réellement ce qui ferait la différence ou s'il y a d'autres données du problème qui font que de toute façon, même avec Hydro-Québec construisant une centrale, cela même serait suffisant pour faire la différence?

M. Després: Bon, il n'y a pas de doute, comme vous le savez, qu'on fait ces prévisions selon différents scénarios. Ce sont toujours les pondérations qu'on leur accorde quant au niveau de leurs chances de succès respectifs. Cela se modifie non pas régulièrement mais périodiquement. Il n'y a pas de doute qu'il va nous falloir, dans les mois et les années à venir, être imaginatif, voir également les types de scénarios aptes à assurer une continuité dans l'entrée des commandes. Il n'y a pas de doute que, n'étant impliqué ni dans la génération ni dans la distribution de l'électricité, on ne peut pas se doter de programmes comme tels; cela dépend des gouvernements provinciaux qui ont cette juridiction et des entreprises à qui ils ont délégué cette responsabilité. Cependant, on se dit qu'il nous appartient sûrement d'essayer du mieux que l'on peut de faire voir certains avantages et inconvénients qui en résulteraient pour des régions données si on n'a pas le support approprié. Ce qu'on essaie de voir également c'est: Comment peut-on obtenir ce support en obtenant des retombées économiques pour ces régions qui n'affectent pas non plus dans une certaine mesure leurs prévisions fiscales quant aux priorités déjà exprimées? C'est pour cela que je pensais tout haut, tout à l'heure, à divers types de scénarios qui, tout en soutenant ce secteur, permettent d'en retirer des retombées économiques parallèlement à certains autres investissements qu'on peut faire dans l'électricité et sans forcer le gouvernement en question à déplacer des ressources financières ou à engager son crédit pour un montant supérieur à celui qu'il juge opportun dans les circonstances. C'est peut-être un support qui, en quelque sorte, assure des retombées bénéfiques à la région tout en permettant la poursuite d'un programme nucléaire national minimal.

M. Fortier: Dans une optique positive, le Québec pourrait s'engager dans cette voie et cela lui permettrait d'aider Énergie atomique et cela aiderait les Québécois d'une façon générale à perpétuer cette technologie. Je crois qu'on peut voir les avantages sur le plan technologique pour l'avenir.

Dans un scénario négatif, c'est assez difficile de faire des prévisions. Si l'on tient pour acquis qu'à un moment donné on aura besoin d'une autre forme, d'une technologie comme celle-ci alors tout sera à réinventer.

M. Després: Oui, cela doit être inventé. Évidemment vous avez toujours ce noyau, ou ce "core" qui est absolument essentiel que nous allons essayer de préserver. Aussi, on n'est pas insensibles à cela. On étudie, pendant cette période creuse, d'autres moyens de conserver nos ressources humaines expertes. On disait: Nous sommes là pour faire la promotion de nos produits et des services qu'on peut rendre; on est là aussi pour essayer de nouvelles activités commerciales qui s'insèrent dans les priorités d'une région et dans les ressources dont elle dispose.

Notre conception de la recherche et du développement est sous l'égide du présent. Elle est bien différente de ce qu'elle était il y a quelques années. Lorsque je vais dans un laboratoire de recherche - je ne suis pas un scientifique - je demande à l'employé qui connaît le programme: À quoi travaillez-vous? Il appelle cela de la recherche appliquée et j'appelle cela de la robotique. Je ne l'ennuierai pas longtemps mais je sais qu'il y a probablement une possibilité d'avoir en dehors du nucléaire des retombées pour l'industrie. Alors, je dis aux gens: Étudiez donc cela, identifiez ce que peuvent être les besoins de l'industrie québécoise ou de l'industrie d'ailleurs pour voir si cela peut s'insérer. C'est une des fonctions que notre bureau de Québec a: avoir la réciprocité la plus complète entre les deux. Cela nous amènera à ne pas toucher seulement à notre propre technologie. Par exemple, on sait qu'actuellement il y a un certain nombre de difficultés qui sont expérimentées par ceux qui ont opté pour une autre filière quant à certains arrêts que leur causent certaines pièces ou certains composants. Nous savons que pour le CANDU, nous avons à faire, à partir de notre recherche, certaines découvertes qui pourraient très bien s'appliquer. Il faut évaluer ce marché, parce qu'il peut contribuer à utiliser un grand nombre de nos spécialistes. Prenez le Japon, vous n'en avez jamais entendu parler. Il a refait tous ses réacteurs de la filière à eau légère. Il les a réaménagés pour les rendre plus efficaces, peu importe le prix. Ce marché existe. Comment peut-on le pénétrer? Cela ne règle pas tout le problème, mais cela peut l'amenuiser d'une certaine façon.

M. Fortier: Je vous remercie de vos explications, M. Després.

Le Président (M. Desbiens): S'il n'y a pas d'autres commentaires ni questions, il me reste à remercier les membres de Énergie atomique du Canada de leur participation aux travaux de la commission.

M. Duhaime: Je vous remercie, M. Després, de même que ceux qui vous accompagnent. On va avoir l'occasion de se reparler, j'imagine.

M. Després: J'imagine.

Le Président (M. Desbiens): J'inviterais entre-temps l'Institut de recherches Brace à se présenter. Comme il y a nécessité d'installation technique pour de l'audiovisuel, on va suspendre nos travaux quelques minutes.

(Suspension de la séance à 21 h 16)

(Reprise de la séance à 21 h 22)

Le Président (M. Desbiens): À l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend ses travaux pour entendre le représentant de l'Institut de recherches Brace, M. Jacques Lenormand. Évidemment, avec le système d'audiovisuel, il faudra faire attention parce que l'image ne sera pas captée en bas. Il faudra que les références soient expliquées pour qu'elles soient enregistrées au journal des Débats. Est-ce que le son est bon? C'est parfait comme cela.

Institut de recherches Brace

M. Lenormand (Jacques): Je vais commencer. M. le ministre, messieurs, je vais parler durant environ 20 minutes pour faire le résumé du mémoire que vous avez devant vous. Comme viennent d'en parler ces messieurs de l'Énergie atomique du Canada et vous, la grosse partie de nos ressources au Québec vient de l'hydraulique. Nous avons des lacunes dans le gaz naturel et dans le pétrole. Forcément, l'électricité elle-même, il faut la valoriser, c'est-à-dire qu'il faut qu'on s'en serve à des fins productives. Evidemment, l'idéal, ce serait de s'en servir pour valoriser l'industrie, c'est-à-dire pour que l'industrie devienne compétitive.

Il y a certains points qu'on peut souligner pour commencer. Avant de se lancer dans les énergies nouvelles - comme le fait mon institut - il faudrait que le Québec, l'ensemble industriel et le peuple du Québec se décident à se lancer dans la conservation de l'énergie. C'est la première étape avant d'entrer dans les énergies nouvelles. Si nous devons entrer dans les énergies nouvelles, nous sommes obligés de faire des choix. Malheureusement et heureusement, il se fait dans le monde - on le lit dans les journaux, dans les revues -toutes sortes de recherches et de développements, d'applications industrielles et domestiques dans les énergies nouvelles. Malheureusement, beaucoup d'applications de cette recherche et développement ne sont pas faites pour le Québec. Aussi, malheureusement, nous avons dans le passé

voulu copier beaucoup de ces technologies qui n'étaient pas faites pour nous. Cela a amené des résultats assez pénibles. Donc, le gros point que je résume en ce moment, c'est qu'il faut que nous développions des énergies nouvelles de la recherche, du développement et de l'application. Mais il faut que cette application soit appropriée.

On pourra toujours compter, je crois, sur nos ressources hydrauliques, sur l'électricité. Le gros problème avec l'électricité, c'est que, évidemment, une énergie statique, dans le sens que l'ère des voitures électriques, de l'automobile électrique, évidemment, ce n'est pas encore arrivé. Peut-être que cela viendra un jour, bientôt, on ne le sait pas. Avec l'électricité, on est malheureusement lié à une fiche, à une prise dans le mur et, comme le disait un fameux monsieur: Je viens d'acheter une voiture électrique qui m'a coûté 10 000 $. La voiture elle-même a coûté 2000 $ et l'extension ou la corde électrique m'en a coûté 8000 $.

Dans les énergies nouvelles, évidemment, c'est un petit peu la même chose, sauf que cela peut être un remplacement pour l'énergie hydraulique. Cela peut aider à une relance économique, mais cela n'arrivera pas à résoudre tous les problèmes. On va commencer typiquement avec les différentes énergies dont on pourrait se servir au Québec. Nous avons, par exemple, l'énergie directe du soleil, telles les maisons solaires. Là, on a fait des erreurs dans le passé. On a voulu chauffer les maisons avec des capteurs solaires. Ce sont de très belles maisons. Il y a des maisons comme cela qui existent toujours. Ce sont des maisons qui ne sont pas à des prix modiques et tout le monde ne peut pas se les offrir. Il y a différents styles. Ce sont des styles plutôt rustiques. Je ne crois pas que cela plairait à beaucoup de monde, sauf à ceux qui aiment vivre dans un milieu rural. Il y a les maisons typiques de la banlieue, une maison classique dans laquelle on a mis des capteurs solaires. Il y a même des appartements et des duplex. Malheureusement, ce sont des technologies qui ne sont pas applicables du point de vue de la rentabilité. Il faut qu'une technique nouvelle, une technique en énergie renouvelable se rentabilise. Il faut seulement qu'elle se rentabilise du point de vue de l'argent, mais aussi qu'elle soit pratique. Dans ce sens, il y a eu tellement de faillites dans le passé avec des capteurs solaires qui fuyaient, de vrais fiascos, peut-être parce qu'on s'est lancé trop vite dans cela.

On peut aussi aller à des formes de maisons solaires un peu plus applicables, ce que nous appelons des solariums. Avec le solarium, la beauté du principe, c'est que c'est quelque chose qui s'applique tout de suite dans notre industrie. Nous avons l'industrie de la vitre ici, nous avons l'industrie de la charpente, nous avons l'industrie de l'aluminium, nous avons les installateurs. Donc, l'utilité d'un solarium c'est-à-dire d'une chambre solaire attachée à une maison, c'est que c'est quelque chose qui peut être appliqué tout de suite dans le Québec et qui peut être rentable parce que nous avons déjà une grande partie de l'infrastructure, comme je vous l'ai dit, les installateurs et les manufacturiers.

Malheureusement, l'infrastructure n'est pas complète et cela m'amène à mon premier point qui est: pour qu'une technologie marche très bien, s'il y a une lacune dans une infrastructure, par exemple, pour une industrie, cela forcerait les gens à importer cette technologie. Mais il peut aussi y avoir des lacunes dans la législation. Par exemple, vous pouvez installer un système solaire tel qu'un solarium sur votre maison et vous aurez peut-être un gain d'énergie, donc vous aurez une certaine rentabilité. Mais, si on surévalue votre maison parce que vous avez ajouté une chambre solaire, vous allez perdre ce gain, cette rentabilité dans des taxes plus élevées. Donc, il faudrait que la législation entre aussi dans l'infrastructure générale de l'énergie solaire pour que des systèmes solaires soient adoptés, mais qu'il n'y ait pas une lacune quelque part qui les empêche d'être rentables. Ce n'est pas nécessairement une lacune technologique, mais cela peut être une lacune législative.

Voici un autre exemple typiquement de solarium. C'est pour vous montrer que cela fait chauffer une piscine et cela fait même fleurir un bananier. La technique solaire, c'est très vieux comme technologie. C'est très simple à construire. Ce n'est pas un capteur solaire. Il y a beaucoup de gens qui pensent à l'énergie solaire comme étant des capteurs solaires. Comme je vous l'ai dit auparavant, le capteur solaire, c'est quelque chose qui est tout de même très difficile à appliquer et à être rentable, parce que les sytèmes solaires en tant que capteurs sont très coûteux.

Voici un exemple d'une autre forme d'application de capteurs solaires soit pour l'industrie. Il y a beaucoup d'industries qui ont un besoin d'eau chaude. Je parle des industries qui font de l'embouteillage, de l'industrie alimentaire et de l'industrie laitière. L'application de l'énergie solaire pour l'industrie peut être faite, peut être rentable, mais cela reste à être décidé par des calculs. Évidemment, il faut, dans ces calculs, que l'on tienne compte qu'il faut que l'on ait la technologie des capteurs solaires. (21 h 30)

C'est typiquement une installation faite dans les environs de Montréal. Ce sont des capteurs solaires fabriqués ici au Québec. La grande question là-dedans encore, c'est toujours la rentabilité. Dans ce cas-ci, on

peut voir que, si on a des implications directes avec des capteurs solaires pour l'industriel, cela peut être beaucoup plus rentable que pour ie domestique. Certaines industries ont besoin tout le temps d'eau chaude. Le gros problème avec l'énergie solaire, c'est qu'il fait soleil le jour; malheureusement, il fait noir la nuit. C'est cela, le gros problème. Quand on vient pour stocker la chaleur par les moyens conventionnels que nous avons maintenant, cela brise complètement la rentabilité.

Finalement, il faut faire attention pour ne pas importer la technologie. On peut aller à l'absurde. C'est un aménagement au Nouveau-Mexique, plutôt hippie. Malheureusement, c'est ce que les gens voient dans les revues. Cela fait une très mauvaise publicité pour l'énergie solaire.

Là, on entre dans d'autres applications du solaire qui seraient plus rentables encore. Nous avons ce que nous appelons le mur solaire; c'est un autre aménagement qui se fait aux États-Unis, qui s'est fait au Canada. C'est un mur solaire à l'institut Brace. C'est un capteur solaire gigantesque dont une partie est le mur d'une bâtisse existante. L'idée avec ce genre de technologie solaire, c'est que vous vous servez d'un pan de mur qui existe déjà; vous ajoutez des colombages, un système de vitrage et vous avez un système solaire qui est beaucoup moins dispendieux que les systèmes solaires classiques, comme je vous l'ai montré dans les premières diapositives. Enfin, vous avez les capteurs solaires classiques. Encore là, il reste surtout à regarder leur rentabilité.

Ensuite, nous venons à d'autres applications de l'énergie solaire qui sont très importantes pour le Québec, les serres. Le gros problème au Québec, c'est qu'en été et en automne nous avons autant de légumes que l'on veut. En hiver, le prix des légumes, comme vous le savez très bien, augmente parce que nous sommes forcés d'importer nos légumes, nos fruits du Mexique, du Sud des États-Unis, de la Californie et de la Floride. Le problème avec l'industrie de la serre actuellement, c'est que les coûts énergétiques sont très élevés parce que les serres elles-mêmes sont mal conçues. Ce sont des serres conçues selon le système gothique, c'est-à-dire conçues pour des pays comme la Hollande où ils ont un climat beaucoup plus tempéré que le nôtre, mais moins de soleil. Croyez-le ou non, ici au Québec, on a beaucoup plus de soleil que dans beaucoup de parties de l'Europe. C'est durant les journées les plus froides que nous avons le plus de soleil. Ce qui arrive, c'est que nous avons construit nos serres avec des technologies importées. Ces serres sont, malheureusement, de très grosses consommatrices d'air conditionné pendant le jour et de très grosses consommatrices d'air chaud la nuit. Tout cela parce que nous avons importé une technologie. Donc, il reste un travail à faire dans la recherche et le développement dans les serres. Comment adapter des serres solaires aux besoins du Québec? Cela aiderait dans une relance économique parce que cela amène du travail pour les gens, les constructeurs, les fabricants de serres et cela amène, évidemment, la production de fruits et légumes chez nous.

Quand nous arrivons au soleil, il faut aussi parler d'exportation. Dans le Québec, nous sommes quand même assez limités avec un marché de 5 000 000 ou 6 000 000. Nous avons le marché américain de 225 000 000. Nous avons aussi le marché mondial: la Chine, qui va bientôt arriver à 1 000 000 000, les Indes et une grosse partie de l'Afrique. Eux ont besoin de technologie solaire parce que, pour eux, l'électricité, le fuel, le mazout, le pétrole, c'est secondaire. Ils ont besoin d'énergie pour fins agricoles, alimentaires et hygiéniques. Vous voyez un système de distillation solaire pour produire de l'eau fraîche. Je pense qu'au Québec on en aurait peut-être besoin avec certaines conditions d'eau. Enfin, dans les pays africains ou asiatiques, il y a un besoin d'eau immense. Je parle d'un besoin d'eau pour fins hygiéniques, c'est-à-dire la consommation personnelle et la cuisine. Il reste un marché fou où l'on pourrait exporter de la technologie de la distillation solaire. C'est un exemple. On pourrait exporter ou bien des distillateurs solaires, par exemple, ou bien la technologie pour fabriquer des grosses unités comme vous en voyez. Ce sont des unités australiennes. On pourrait aussi exporter une technologie, montrer aux gens comment les fabriquer sur place et peut-être exporter les matériaux pour les fabriquer. Après tout, nous avons la vitre, nous avons l'aluminium; le béton s'achète sur place, mais, quand même, cela reste un article qui est exportable.

Il y a d'autres articles qui sont exportables. Je n'ai pas amené les diapositives, mais cela s'applique encore à l'hygiène; il s'agit de stérilisateurs solaires et de chauffe-eau solaires. Il reste qu'il y a un marché immense qui nous attend. Évidemment, il faudrait bien savoir desservir ce marché. Là encore, il y a des efforts qui ont été faits. Il y a, par exemple, des compagnies québécoises qui ont eu un succès peut-être restreint, mais c'est un début, dans les pays en voie de développement.

Il y a aussi eu des faillites, il y a aussi eu des lacunes. Les gens au début ont pensé - et les industriels le pensent toujours -qu'on vend des capteurs solaires comme on vend des cravates. Malheureusement, quand on veut vendre de la technologie solaire ou de la technologie renouvelable, il faut aussi vendre le service. Quand vous vendez dans les pays en voie de développement, ces gens

ont un point de vue différent du nôtre, des besoins différents des nôtres. Si on veut jouer le jeu comme le jouent les Japonais, il faut aller leur demander ce qu'ils veulent et, ensuite, leur vendre ce qu'ils veulent et pas essayer de leur vendre ce que nous avons en surplus ici. C'est un point à retenir pour l'exportation des technologies nouvelles. Cela m'a été dit et cela a été dit à mon patron par plusieurs personnes. Après tout, on a travaillé dans 100 pays à travers le monde. On a eu des contacts avec des gens, des présidents de république, jusqu'à des techniciens dans le champ. Ils nous ont toujours dit qu'ils aimeraient avoir notre technologie, mais souvent cela ne faisait pas tout à fait l'affaire. Ou bien on a essayé de les forcer à quelque chose. Ou bien il y a eu un manque de formation quand on a voulu leur vendre de la technologie. Mais, comme je vous le dis, le marché est là, il reste à nous en servir. Il reste à le desservir avec les meilleurs moyens et il ne s'agit pas seulement de vendre le produit, mais de vendre le service, la formation et d'avoir du suivi.

Enfin, si on revient au Québec, il y a aussi d'autres technologies. Maintenant, nous entrons dans la biomasse. Évidemment, nous avons plusieurs technologies, dont celle des digéreurs de purin. Ce sont des systèmes qui produisent, par des processus anaérobiques, du gaz méthane, qui est un combustible, et du fertilisant à partir de purin, c'est-à-dire de déchets animaux, vaches, cochons. Ceci a peut-être une grande application, surtout quand on parle de la région de Montréal et d'autres parties de la province où il se fait un élevage de porc. Malheureusement, dans l'élevage du porc, il y a beaucoup de problèmes avec les déchets animaux. Il y a eu les histoires sensationnelles de camions qui venaient décharger leurs déchets à minuit dans la rivière Yamaska. Il y a eu beaucoup de problèmes de ce point de vue. Les éleveurs de porc sont souvent contraints à la malhonnêteté parce qu'ils ne peuvent pas se permettre de construire des fosses à purin classiques qui leur coûtent trop cher. Déjà, ils sont dans un marché très compétitif et ils n'ont pas un très gros revenu pour le porc. Donc, avoir des dépenses additionnelles pour les besoins hygiéniques comme le traitement du purin, des déchet animaux, cela leur coûterait très cher.

Mais il y a des technologies, telles que le biogaz dont vous voyez la diapositive, qui peuvent produire un gaz méthane et un fertilisant, un engrais chimique à partir des déchets de porc et cet engrais chimique, qui est un purin traité, peut être aussi donné comme moulée à un animal. C'est-à-dire qu'on lui redonne son purin à manger après l'avoir traité, ce qui peut amener des avantages économiques pour les éleveurs d'animaux. Cette technologie est très connue.

Il y a peut-être 1 000 000 d'installations de ce genre en Chine, peut-être 500 000 aux Indes. Cette installation est au Danemark. Évidemment, il faudrait que nous fassions de la recherche et du développement dans ce domaine pour que ces systèmes soient adaptés pour le Québec. Un digéreur qui est, par exemple, construit en Chine ou aux Indes n'est peut-être pas applicable pour le Québec, mais c'est une technologie très intéressante.

Évidemment, d'autres technologies restent à pousser; on revient à celles de nos ancêtres. C'est ni plus ni moins qu'un four classique à bois pour chauffer une maison, rien de spectaculaire. La technologie existe déjà. Il s'agit de la développer. Cette technologie, il faut qu'elle soit développée dans l'infrastructure. Quand vous allez ajouter une fournaise à bois dans votre maison, la compagnie d'assurances va y penser deux fois. Elle voudra que vous preniez des précautions spéciales. Si vous êtes en plein milieu de la ville, il vous faut vous faire livrer le bois. Cela amène, quand même, des changements dans l'infrastructure. C'est une technologie qui a déjà existé et que l'on peut vite relancer si on s'y prend bien.

Une autre technologie qui pourrait s'appliquer dans certains coins du Québec qui sont loin et où on ne peut pas amener d'hydroélectricité, ce sont les gazogènes. Ce sont des technologies qui sont très anciennes. Les gazogènes étaient très connus pendant la guerre en France où ils faisaient marcher les voitures. C'est ni plus ni moins qu'un moteur classique - cela peut être un moteur Diesel -un moteur à combustion interne avec un brûleur dans lequel on brûle le bois avec un manque d'oxygène, ce qui produit un gaz. Ce gaz est envoyé au moteur et sert de combustible pour faire marcher le moteur. Ce sont des systèmes déjà connus. La technologie a été redéveloppée. C'est un modèle qui a été présenté à la grande conférence de Nairobi au Kenya, un modèle suédois comme vous le voyez.

Malheureusement, il n'y en a pas au Québec. Je crois qu'il commence à y en avoir au Québec mais il y en a très peu. Dans le reste du Canada, je n'ai pas entendu dire qu'il y avait des fabricants. Aux États-Unis, il y en a très peu. C'est une technologie qui pourrait être exportée aussi. Il y aurait une grande demande. Même dans les pays africains où il y a un manque de bois, il y en a beaucoup, surtout les pays côtiers, où il y a des déchets, des résidus de cocotiers, etc., et ils ne savent pas quoi en faire. Cela pourrait être des combustibles pour faire marcher des groupes électrogènes comme cela. Vous faites marcher un moteur à combustion interne et vous y attachez une génératrice électrique. Ce sont quand même des technologies qui sont exportables et que

nous pourrions fabriquer nous-mêmes.

Enfin, nous arrivons à l'éolienne. Pour vous montrer que l'éolienne ce n'est rien de nouveau, c'est la fameuse éolienne d'avant-guerre à Grandpa's Knob au Vermont. Chaque pale pesait 75 tonnes, pour vous donner une idée de sa taille. Je ne crois pas qu'on puisse revenir à ces grosses éoliennes. Les Américains ont fait des expériences qui n'ont pas été concluantes sur les éoliennes gigantesques. Il reste, par exemple, un marché au Québec et encore un marché d'exportation pour les éoliennes à faible puissance; on parle de cinq kilowatts, au gros maximum. Évidemment, l'éolienne, on ne peut pas l'installer sur une maison ici sur la Grande-Allée à Québec, ni à Hampstead ou Montréal. Ce sont des technologies qui sont plutôt pour le milieu rural, semi-urbain. Je crois qu'il y a un marché pour cela au Québec, certainement un marché d'exportation, si on peut faire de petites éoliennes. Voilà un autre monstre. Il resterait un marché d'exportation. Évidemment, il faudrait savoir exactement le type d'éolienne. Tout cela pourrait aider à une relance économique.

Évidemment, nous n'avons pas seulement à concurrencer les Japonais ou les Américains, qui sont très habiles, ni les Français ou les Allemands si on veut exporter nos technologies nouvelles, mais aussi les locaux. Des éoliennes comme cela, par exemple, sont construites en Thaïlande par des Thaïlandais. Essayer de percer certains marchés où les locaux sont déjà lancés, c'est très difficile, mais cela peut se faire.

Finalement, pour éviter que nous n'importions certaines technologies, il faudrait que nous ayons un puissant réseau de recherche et de développement. Comme je l'ai dit auparavant, une des premières erreurs que nous avons faites au Canada, au Québec et aux États-Unis est que nous avons importé des technologies qui avaient été développées en Europe, d'autres qui avaient été développées en Asie, pour la technologie solaire. Ces technologies n'étaient pas faites pour nous, par exemple, le four solaire à Odeillo en France, qui, du reste, n'a pas été conçu pour des recherches dans le solaire du tout, mais comme une fournaise à haute température pour l'étude des métaux à haute température. Ce sont des systèmes très compliqués. Cela marche à Odeillo parce qu'ils ont 180 jours de soleil et de ciel clair par année. Cela ne marcherait jamais au Québec. Il y a quand même des gens au Québec qui ont dépensé de l'argent à faire des études pour des systèmes comme ceci.

Une autre vue du système. Évidemment, les tours solaires c'est plutôt fantastique. Cela ressemble à ce qu'on verrait dans l'an 3000, des miroirs héliostats qui suivent le soleil et qui envoyent les faisceaux lumineux à une tour centrale. Il y a une étude qui a été faite ici au Québec pour voir si cela pouvait être fait. Beaucoup d'argent a été dépensé, mais cela a apporté des résultats très négatifs. Ce sont des technologies où il faut faire très attention. Il ne faut pas tomber dans une attrape d'importer une technologie qui ne ferait pas l'affaire. (21 h 45)

Je termine avec vraiment des rêves fantastiques, des conceptions de gens qui voient des parcs éoliens situés dans le milieu de la mer. De l'argent a été dépensé pour faire de telles études. Tout ce qu'il reste à faire, c'est de dire: II faut que nos technologies soient simples, si elles doivent être appliquées ici au Québec ou ailleurs. Il reste un grand marché pour l'exportation des technologies si nous nous y prenons de la bonne façon et que nous faisons une exploitation avec un peu de bon sens. Merci.

Le Président (M. Desbiens): M. le ministre.

M. Duhaime: Merci, M. Lenormand, pour votre présentation. Je voudrais savoir comment se situe votre institut. Je crois que c'est une constituante ou une composante de Concordia. C'est cela?

M. Lenormand: Non, nous sommes une composante et nous faisons partie de la faculté de génie de l'Université McGill. Nous sommes une composante indépendante gérée et administrée par le doyen lui-même comme l'institut des pâtes et papiers et comme d'autres instituts à l'université.

M. Duhaime: Si je comprends bien votre implication avec les différents secteurs de recherche, que ce soit dans le solaire, dans la biomasse ou encore dans l'éolienne, c'est quoi exactement? Est-ce que vous avez des relations étroites avec l'industrie comme telle? Vous avez beaucoup insisté sur les marchés d'exportation.

M. Lenormand: Oui, nous avons des relations avec l'industrie. Par exemple, nous avons travaillé, pour vous donner une idée, avec des compagnies comme Atlas Turner; nous avons travaillé avec des compagnies françaises comme Elf; nous travaillons avec de petits manufacturiers à Montréal comme North Star Engineering; nous avons travaillé avec la compagnie Petro-Sun, dont Jacques Sicotte est le président, il est très connu; nous avons travaillé avec des compagnies américaines.

J'ai mentionné l'exportation surtout parce que notre institut a travaillé dans 100 pays à travers le monde. Nous avons vu qu'il y a un marché formidable. Aussi, nous avons été présents quand des manufacturiers

canadiens et québécois ont été dans ces pays et y ont apporté leur technologie. Nous avons vu les lacunes, nous avons vu les gaffes qui ont été faites. Peut-être pas moi parce que je ne suis là que depuis cinq ans, mais mon patron aurait pu leur dire que les mêmes gaffes ont été faites il y a 20 ans. Si vous voulez, la distillation solaire pour la production d'eau peut remonter à 500 ans. Les Chinois le faisaient pour distiller les parfums. Les Arabes le faisaient aussi. Le plus grand centre de distillation d'eau solaire a été construit en 1840 dans les Andes, en Amérique du Sud. C'était pour donner de l'eau à une ville dont les travailleurs travaillaient dans une mine. Ce distillateur solaire a duré 50 ans, jusqu'à ce que la mine ferme. Des recherches ont été faites par Mouchot, en France, au début du siècle. Les recherches ont continué dans les années vingt, trente, quarante, cinquante.

Subitement, en soixante-douze, c'est la crise du pétrole. Il y a une relance dans la recherche qui se fait. Malheureusement, les pionniers ont de bonnes intentions, mais ils ne lisent pas les documents déjà publiés et refont les mêmes erreurs qui ont été faites il y a 20, 30 et 40 ans. Aujourd'hui, il y a encore des gens qui se lancent dans le solaire, dans les technologies nouvelles et qui font les mêmes erreurs qui ont été faites il y a 10 ans, il y a 20 ans. Nous le voyons en travaillant avec l'industrie. Nous Rvons des gens qui viennent faire évaluer leurs produits chez nous. Nous avons un laboratoire qui est assez grand pour l'évaluation de systèmes industriels. Nous voyons les mêmes erreurs. On leur dit. Des fois, ils les corrigent; des fois, ils ne veulent rien entendre. Nous avons vu l'exemple de technologies mal appliquées dans les pays en voie de développement. Donc, on parle d'exportation, on parle d'industrie parce que nous avons travaillé avec l'industrie et que nous avons travaillé dans ces pays en voie de développement.

M. Duhaime: Si vous me permettez une seconde question sur l'institut Brace, je voudrais savoir, en termes d'effectif qui travaille à la recherche et en laboratoire, combien cela regroupe de gens, l'institut Brace, à l'heure actuelle.

M. Lenormand: Directement, cela regroupe 12 personnes; avec un doyen, cela fait 13. Nous avons nos associés dans l'université et nos associés dans d'autres universités. Nous avons des associés directs, c'est-à-dire des gens qui travaillent avec nous directement sur des contrats, que ce soit dans d'autres départements, dans d'autres universités ou dans d'autres industries. Ensuite, nous avons nos associés à travers le monde, qui sont des associés indirects, avec lesquels on peut être appelé à travailler quand on va dans leur sphère d'influence. Nous avons des associés dans presque tous les pays au monde.

M. Duhaime: Si je comprends bien, est-ce que je puis dire qu'à l'institut Brace vous offrez des services à l'industrie qui oeuvre sur les marchés d'exportation, que vous offrez une expertise technologique dans les différents secteurs que vous avez évoqués? L'institut comme tel ne prend pas de participation. C'est un service professionnel, si je comprends, de haute qualité à l'université, ce sont des services que vous offrez à l'industrie qui vend dans les pays en voie de développement. Est-ce exact?

M. Lenormand: Peut-être que je me suis mal exprimé. Nous offrons ces services, mais nous entreprenons aussi des projets de recherche et de développement. Souvent, je dirais dans 75% des cas, c'est nous qui allons trouver les industries. Nous avons une idée, nous avons fait les preuves de concept, nous avons fait les tests préliminaires, nous avons prouvé que cela marche. Ensuite, nous choisissons une industrie; peut-être qu'on a des contacts dans cette industrie. On va les voir et on leur demande s'ils sont intéressés à fabriquer telle et telle chose. Souvent, on est mal reçus. Évidemment, les gens sont très prudents. C'est quelque chose de nouveau. Nous entreprenons beaucoup de recherche et du développement.

Nous avons développé, par exemple, les capteurs solaires au Québec. Malheureusement, il y a des problèmes de corrosion, de gel et des problèmes de coût manufacturier; c'est très cher. Nous avons développé des systèmes caloporteurs dans notre institut qui n'ont pas de problème de corrosion, qui sont antigel et qui sont à un coût très modique. Nous sommes en train de travailler avec une industrie qui va commercialiser ce prototype de capteur solaire. Nous entreprenons nous-mêmes beaucoup de travaux.

M. Duhaime: Merci.

Le Président (M. Desbiens): M. le député d'Outremont.

M. Fortier: Toujours dans la même veine, quelle est la spécialisation de l'Institut de recherches Brace? Est-ce que c'est l'énergie comme telle ou si vous avez d'autres secteurs de recherche?

M. Lenormand: C'est la technologie appropriée. Il n'y a pas seulement l'énergie. Beaucoup de problèmes que nous avons aujourd'hui sont liés à l'énergie. Surtout, nous travaillons beaucoup dans les pays en voie de développement où nous faisons de l'exportation de technologie, c'est-à-dire que nous exportons la méthodologie d'approche

pour résoudre les problèmes. Le Brace n'est pas une industrie manufacturière. On n'exporte pas des extrusions en aluminium ni de la vitre. Nous exportons de la technologie. Par exemple, nous gérons des projets. Nous avons déjà géré des projets de construction, des plans de distillation solaire. Nous avons géré des projets d'administration pour des centres de recherche et de développement dans d'autres pays. Nous faisons aussi ce travail-là.

M. Fortier: Vous travaillez en collaboration avec d'autres universités ou si votre méthodologie vous amène à travailler directement avec l'industrie? Cet après-midi, on a eu une présentation de l'INRS-Énergie qui disait avoir développé un nouveau capteur solaire. Comment vous situez-vous par rapport aux autres universités qui oeuvrent dans des secteurs parallèles?

M. Lenormand: Cela nous arrive de travailler avec d'autres universités. Je dirais que Brace est moins connu au Canada qu'il ne l'est dans le reste du monde. Je crois qu'on a travaillé avec plus d'universités en Angleterre, en France, en Allemagne. Nous travaillons même avec le centre atomique à Ispra en Italie.

M. Fortier: D'où vous vient cette mission? Il y a quelqu'un qui a voulu cela à l'origine.

M. Lenormand: Pardon?

M. Fortier: D'où vous vient cette mission? Vous vous êtes donné une mission mondiale. D'où vient cette mission que vous vous êtes donnée? Il y a quelqu'un qu'il l'a voulu ainsi ou si c'était dans les objectifs originaux de l'institut ou quoi?

M. Lenormand: C'est le major Brace, qui avait la compagnie de construction Fraser Brace, qui a légué sa fortune à l'Université McGill pour aider les pays en voie de développement à augmenter leur niveau de vie par n'importe quel moyen. Lorsqu'on a travaillé sur l'eau, c'était notre premier problème et de là est venue la technologie appropriée. Il y a aussi l'agriculture, mais nous regardons cela surtout du point de vue énergétique.

M. Fortier: Alors, M. Brace a laissé un legs, vous demandant d'aider les pays en voie de développement.

M. Lenormand: C'est cela.

M. Fortier: Ceci oriente votre action. J'imagine que ce legs ou cette succession vous donne chaque année au moins une partie de vos revenus et que vous allez chercher des commandites auprès des clients en plus de cela.

M. Lenormand: Oui, mais nous espérons, évidemment, ne pas piger dans le legs. On essaie d'être autosuffisants. Comme cela, on a moins d'ennuis des grands patrons.

M. Fortier: Vous êtes des bons administrateurs. Merci.

Le Président (M. Desbiens): II n'y a pas d'autres questions? Oui, M. le député de Beauharnois.

M. Lavigne: M. le Président, brièvement, je voudrais poser la question suivante: Vous êtes venu ici nous rencontrer pour nous présenter un mémoire et nous faire part des intérêts que vous avez à faire la promotion des énergies nouvelles. Maintenant, est-ce que vous attendez quelque chose de spécifique, de particulier de la part du gouvernement ou si, tout simplement, vous vouliez contribuer à notre sensibilisation face aux énergies nouvelles?

M. Lenormand: J'espère qu'en contribuant à votre sensibilisation vous allez sortir des politiques énergétiques qui nous seront favorables, évidemment. Je crois qu'il faut regarder les énergies nouvelles plus que dans le contexte que l'on voit dans les revues, c'est-à-dire des maisons solaires d'architecture passive, des maisons solaires de 250 000 $. Je crois qu'il faut regarder la politique des énergies nouvelles dans un contexte global, c'est-à-dire que cela peut créer des emplois, cela peut créer une industrie, cela peut nous aider dans nos exportations et cela peut aussi augmenter notre niveau de vie dans certains cas. Alors, peut-être, qu'on doit penser dans une politique énergétique globale à mettre un petit coin pour les énergies nouvelles, et que ce soit fait avec du "common sense", comme l'on dit en anglais.

M. Lavigne: Merci.

Le Président (M. Desbiens): Je vous remercie, M. Lenormand, de votre participation aux travaux de la commission.

La commission élue permanente de l'énergie et des ressources ajourne ses travaux à demain, 10 heures.

(Fin de la séance à 21 h 58)

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