L'utilisation du calendrier requiert que Javascript soit activé dans votre navigateur.
Pour plus de renseignements

Accueil > Travaux parlementaires > Travaux des commissions > Journal des débats de la Commission permanente de l'énergie et des ressources

Recherche avancée dans la section Travaux parlementaires

La date de début doit précéder la date de fin.

Liens Ignorer la navigationJournal des débats de la Commission permanente de l'énergie et des ressources

Version finale

32e législature, 4e session
(23 mars 1983 au 20 juin 1984)

Le mardi 4 octobre 1983 - Vol. 27 N° 147

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Étude des effets de la politique énergétique sur le développement économique du Québec


Journal des débats

 

(Dix heures quarante-six minutes)

Le Président (M. Rancourt): À l'ordre! La commission élue permanente de l'énergie et des ressources reprend ses travaux sur le mandat qui lui a été donné et qui se lit comme suit: Étude des effets de la politique énergétique sur le développement économique.

Aujourd'hui, nous entendrons les représentants d'Hydro-Québec, de l'Association québécoise des consommateurs industriels d'électricité, de l'Association des constructeurs de routes et grands travaux du Québec, de l'Association des manufacturiers d'équipement électrique et électronique du Canada, de la Ligue d'électricité du Québec et, finalement, ceux de l'Association des distributeurs de gaz propane de la province de Québec Inc.

Les membres de la commission sont: MM. Tremblay (Chambly), Duhaime (Saint-Maurice), Fortier (Outremont), Beaumier (Nicolet), Kehoe (Chapleau), Lavigne (Beauharnois), LeBlanc (Montmagny-L'Islet), Middlemiss (Pontiac), Perron (Duplessis), Rodrigue (Vimont).

Puisque que nous poursuivons des audiences, nous allons passer immédiatement à Hydro-Québec. Je donne la parole aux représentants d'Hydro-Québec et leur demande de bien vouloir s'identifier.

Auditions Hydro-Québec

M. Bourbeau (Joseph): Joseph Bourbeau, président du conseil d'administration d'Hydro-Québec. J'ai, à ma droite, M. Guy Coulombe, président-directeur général d'Hydro-Québec.

M. le Président, M. le ministre, MM. les membres de la commission, avant de répondre à vos questions sur le mémoire que nous avons déposé il y a quelques mois, permettez-moi de résumer les propos que nous y tenions et de souligner certains éléments de contexte qui se sont confirmés depuis le mois de mars dernier.

La société Hydro-Québec participe au développement économique du Québec de quatre façons principales et fort distinctes. En premier lieu, elle est un agent économique fournisseur d'un service au Québec, l'électricité, dont les tarifs et les conditions de fourniture ont des effets importants sur les secteurs commercial et industriel. En deuxième lieu, elle est un agent économique qui, pour s'acquitter de sa mission première, devient un entrepreneur dont les opérations et les investissements affectent directement des milliers d'employés, de fournisseurs de biens et de services au Québec. En troisième lieu, elle est un agent économique comme promoteur important de travaux de recherche et de développement technologique. Enfin, en dernier lieu, c'est un agent économique qui, au cours des dernières années, a exporté son produit à l'extérieur du Québec en quantités de plus en plus grandes. La vente d'électricité aux États-Unis nous procure des devises américaines très utiles dans nos opérations financières.

Notre action économique comme fournisseur d'énergie est dominée par deux éléments de contexte particulièrement contraignants. Le premier est que les ressources humaines et matérielles dont dispose l'entreprise actuellement sont plus larges que les besoins. Cette situation vous a été exposée l'automne dernier et notre mémoire en fait état.

Dans quelques semaines, nous reviendrons devant vous pour discuter le plan de développement de 1984-1986, horizon 1993; nous y prévoyons que la demande à long terme sera plus faible encore que celle que nous anticipions l'an dernier. C'est donc dire que les surplus prévus seront encore plus importants. Si nos prévisions sont justes et que le volume de nos ventes des prochaines années est revu à la baisse, il nous faut donc abaisser nos frais d'exploitation et d'investissement, à moins de voir le prix de l'électricité grimper très rapidement, ce qui viendrait freiner les ventes.

Cette considération nous mène au deuxième élément de contexte que nous devons considérer, soit la concurrence sérieuse que nous livrent les fournisseurs de gaz naturel et d'huile. En effet, il est prévu que les prix du gaz livré aux distributeurs et ceux du pétrole brut restent relativement stables au cours des prochaines années. Toutes les catégories de consommateurs sont attentives aux prix et Hydro-Québec doit pouvoir offrir des tarifs compétitifs pour accroître sa part du marché, c'est-à-dire, répétons-le, contrôler ses coûts et augmenter sa productivité. Notre mémoire expose les programmes spéciaux que nous développons

pour nos clients québécois dans le but qu'ils profitent des équipements déjà installés. Ces programmes sont ouverts à ceux qui investissent dans la modernisation de leurs appareils ou qui augmentent leur capacité de production. Les retombées économiques des dépenses privées reliées à nos programmes de ventes sont en elles-mêmes considérables.

À côté de cela, nous avons entrepris une campagne de commercialisation intensive auprès des marchés américains et canadiens de façon à tirer des revenus de nos surplus et à soulager de la sorte nos abonnés québécois d'une partie de nos coûts fixes.

Comme entrepreneur, Hydro-Québec est aussi un levier économique important. Par sa taille propre d'abord que l'on peut mesurer en évoquant les 19 000 employés de la société disséminés sur le territoire ou les dépenses d'exploitation qui atteignent cette année 1 700 000 000 $. L'entreprise se distingue aussi par l'ampleur de ses immobilisations. C'est le seul agent économique du Québec qui dépense de l'argent pour explorer la ressource hydroélectrique, la produire, la transporter et la distribuer. Toutes les autres formes d'énergie engendrent des dépenses d'exploration et de production en dehors du Québec. À ce propos, l'évolution de la demande globale d'énergie et la concurrence du gaz font que nos investissements dans les équipements de production chutent à partir de l'an prochain, ainsi que nous l'avons annoncé à cette commission l'automne dernier. Les efforts d'investissements se déplacent maintenant vers le transport, la distribution et la technologie, ce qui, de fait, stabilise les investissements totaux. De plus, les programmes d'économie d'énergie d'Hydro-Québec ont d'importants effets sur les investissements que sont appelés à faire nos clients domestiques. L'entreprise continue, de plus, son effort massif dans la recherche, le développement et la démonstration. Le document de travail préparé à l'intention des intervenants à cette commission mentionne plusieurs de nos axes de recherche. L'institution au sein de la direction supérieure de l'entreprise d'un groupe de technologie et affaires internationales est un signe évident de nos priorités. Les activités de notre institut de recherche, l'IREQ, qui jusqu'ici étaient centrées sur les besoins technologiques propres de l'entreprise en transport et production de l'électricité, font maintenant bonne place aux technologies d'utilisation de l'électricité, c'est-à-dire aux besoins technologiques de nos clients.

Enfin, il y a de nombreuses années, l'entreprise a développé un système d'interconnexion avec les provinces voisines et, plus récemment, avec les États américains limitrophes. Nous voulons intensifier, si besoin il y a, ces avenues de ventes quitte à revoir notre programme de construction en temps et lieu.

L'entreprise est donc bien préparée pour assurer que, dans les années qui viennent, l'énergie d'ici joue le rôle important qu'elle a eu dans l'économie du Québec depuis le début du siècle. Nous croyons toujours que la ressource électrique est le meilleur levier dont dispose le Québec pour assurer l'avenir sur le plan énergétique et économique. Merci, M. le Président. Nous sommes prêts à répondre à vos question.

Le Président (M. Rancourt): Merci. M. le ministre.

M. Duhaime: Merci, M. Bourbeau. Je voudrais, au départ, vous remercier pour le mémoire que vous avez soumis à la commission. Ce matin, je pense que vous l'avez résumé, sinon effleuré. Je voudrais vous dire, cependant, qu'au ministère de l'Énergie on l'a lu, relu et analysé avec une grande attention.

Vous avez parlé d'un scénario de la croissance de la demande qui serait en diminution par rapport - j'entends la croissance de la demande hydroélectrique, bien sûr - à ce qu'Hydro-Québec avait évalué dans l'un de ses scénarios l'automne dernier, lors de l'étude de la proposition tarifaire pour l'année 1983. Est-ce que vous pourriez nous en dire davantage pour ce qui est essentiellement de la croissance de la demande? Je sais que vous n'avez pu suivre tous les travaux depuis le début de cette commission, mais nous avons entendu différents experts qui nous ont d'abord établi à 0,7 la différence entre la croissance du PIB et la croissance de la demande d'énergie. Et, bien sûr, les scénarios varient suivant les fluctuations des prix, principalement du prix international du pétrole. Mais, pour autant qu'Hydro-Québec est concernée, à court terme, c'est-à-dire sur l'horizon de 1984-1985, quelle est la perspective de croissance que vous avez en tête? Et, sur un horizon un peu plus lointain, comment faites-vous l'extrapolation?

Le Président (M. Rancourt): M.

Bourbeau.

M. Bourbeau (Joseph): L'automne dernier, lorsque nous sommes venus ici en commission parlementaire pour la proposition tarifaire, le plan de développement prévoyait une progression de la demande en énergie de 0,7%. A l'intérieur de cette demande se situait l'électricité et on croyait que la progression de la demande d'électricité au Québec serait de 3,7% par année. C'était de la demande à long terme; quand on disait 3,7%, c'était sur un horizon, sur une plage de 15 ans.

Une voix: Jusqu'en 1998.

M. Bourbeau (Joseph): Oui. Nous avons, évidemment, préparé un nouveau plan de développement et, à cet effet, nous avons regardé la prévision de la demande. De fait, la prévision de la demande a chuté et je crois qu'un des indices qui nous ont incités à faire des révisions a été les ventes faites par Hydro-Québec l'an dernier. Nous n'avons pas eu, l'an dernier, une progression positive des ventes, mais plutôt une progression négative. C'est la première fois qu'on avait une progression négative. Nous avons terminé l'année avec 2,6%, je crois. Cela fait que nos prévisions à long terme sont baissées maintenant et, si on prend la prévision à partir de 1983 jusqu'à l'an 2001, on aura quelque chose qui tournera autour de 3,3% peut-être.

C'est une partie de la réponse, je pense, à la question du ministre, parce qu'il se demandait aussi ce qui était pour arriver à court terme. On a un phénomène un peu différent à court terme. Vu que la demande, les deux dernières années, a été très basse, on croit qu'en 1984 la progression sera d'au-delà de 12%. Et, en 1985, M. Coulombe?

M. Coulombe (Guy): Une demande totale de 8% à 9%.

M. Bourbeau (Joseph): Elle sera de 8% à 9%. La progression de la demande en 1984, sur 1983, serait d'au-delà de 12%; je pense que c'est 12,6%. Et, en 1985, sur 1984, on est entre 8% et 9%. À très court terme, vu qu'on a passé des années où cela a été très bas, on a un rattrapage qui se fait. Mais, à long terme, on voit que la progression de la demande est encore un peu plus basse que ce qu'on voyait l'an dernier. (11 heures)

M. Duhaime: Je voudrais simplement être certain d'avoir bien saisi. Il y a peut-être une nuance. Vous dites que, pour 1984, vous avez un scénario de croissance de la demande de l'ordre de 12%. Ce sont les ventes d'Hydro-Québec, si je comprends bien.

M. Coulombe: M. Bourbeau a parfaitement raison de dire 12,5% en 1984. Notre hypothèse, c'est pour les ventes totales d'Hydro-Québec. À l'intérieur de ces 12,5%, pour les ventes régulières, c'est-à-dire celles basées sur le mémoire tarifaire ou, enfin, les clients réguliers d'Hydro-Québec, on prévoit aussi une forte croissance et, à l'intérieur de ces 12,5%, on la situe à au-delà de 4% pour l'an prochain. C'est pour les ventes régulières.

Maintenant, comme on a beaucoup de programmes spéciaux de ventes, notre hypothèse, c'est que les ventes totales vont grimper à 12,5%.

M. Duhaime: Cela inclut l'exportation.

M. Coulombe: Alors, il faut faire une distinction. Les ventes régulières, l'an passé, comme M. Bourbeau l'a dit, étaient à quelque -2%. En 1984, on prévoit qu'elles vont atteindre au-delà de 4% et vont s'ajouter les effets des programmes spéciaux qu'on met sur pied pour faire une croissance des ventes totales de kilowatts de l'ordre de 12%.

M. Duhaime: Est-ce que cela inclut l'ensemble des ventes à l'exportation?

M. Coulombe: Cela inclut toutes les ventes de kilowatts d'Hydro-Québec.

M. Duhaime: Dans les programmes spéciaux, M. Bourbeau - vous l'avez évoqué ce matin et c'est un peu plus détaillé dans le mémoire - il y a actuellement trois programmes qui ont été lancés par HydroQuébec. Il y a le programme des chaudières industrielles, le programme biénergie et, depuis juin ou juillet dernier, une nouvelle offre faite à tous les secteurs de l'industrie qui augmentent leur consommation de 10%, axée sur l'investissement, le développement, la création d'emplois. Ce programme, c'est 50% en rabais pour 1983; ensuite, cela va en décroissant jusqu'à 10% et, à l'horizon du 1er janvier 1990, l'entreprise qui a bénéficié de ce programme spécial revient au tarif grande puissance ou, le cas échéant, à son tarif qui serait en vigueur au 1er janvier 1990. Vous avez ajouté un effort de commercialisation accru sur le marché domestique de même qu'à l'étranger. Est-ce que vous pourriez nous dire, sommairement, si les objectifs de l'ensemble de cette problématique sont atteints? C'est un secret de polichinelle depuis quelques années qu'à Hydro-Québec nous avons de l'énergie en disponibilité, comme on dit dans d'autres coins du monde. Ici, on appelle cela des surplus. Mais quel est l'impact de ces programmes sur l'écoulement des surplus d'Hydro-Québec?

M. Bourbeau (Joseph): M. Coulombe va vous répondre.

M. Coulombe: Le premier programme, celui des chaudières industrielles, on peut dire qu'il a été un immense succès et on prévoit, dans les quatre prochaines années, augmenter les ventes à environ sept térawattheures, 7 000 000 000 de kilowattheures, qui sont carrément une diminution de l'énergie en disponibilité ou des surplus. Donc, on peut qualifier ce programme d'un grand succès. Actuellement, on doit être autour de 1300 mégawatts, l'équivalent des ventes de 1300 mégawatts, alors que l'objectif initial qui a été modifié

par la suite était de l'ordre de 800 mégawatts. Donc, de ce côté-là, incontestablement, c'est un grand succès.

Concernant le deuxième programme, le programme biénergie domestique, notre objectif était de 28 000 ou 30 000 logements en 1983. On l'a modifié pour un objectif de 50 000 logements. L'objectif global était de 76 000 ou 78 000 logements et on l'a modifié pour 100 000 logements. Donc, c'est un succès pour ce programme.

Le troisième programme, les rabais tarifaires, évidemment, il a été lancé aux mois de juin et juillet. L'été n'est pas la saison la plus propice pour faire des rencontres et conclure des ententes avec l'industrie. Cela commence à prendre forme. On a beaucoup de demandes. Mais il est encore trop tôt pour dire si cela va avoir le succès comparable aux deux autres programmes. On prévoit qu'en janvier, février ou mars, on va savoir si le programme prend de l'ampleur. On a beaucoup de demandes à l'heure actuelle; c'est tout ce que je peux dire.

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.

M. Duhaime: Pour ce qui est du programme biénergie qui, pour l'instant, s'applique au domestique, est-ce qu'il y a des scénarios pour l'étendre à d'autres segments des clientèles d'Hydro-Québec?

Le Président (M. Rancourt): M.

Coulombe.

M. Coulombe: On travaille, actuellement, sérieusement sur le programme biénergie au niveau multifamilial et au niveau institutionnel, ainsi qu'aux niveaux industriel et commercial. Il y a des esquisses de programmes à l'heure actuelle. On espère, d'ici à la fin de l'année, être capables de mettre sur pied un ou deux de ces programmes qui seraient basés sur la même philosophie que le programme biénergie. Mais on rencontre certaines difficultés opérationnelles au moment où on se parle. On essaie de passer à travers. Notre objectif, c'est de mettre sur pied au moins deux autres programmes d'ici à quelques mois.

M. Duhaime: Maintenant, je vais peut-être aller au-devant d'un des dossiers que chérit en particulier mon collègue d'Outremont: je voudrais vous parler du gaz naturel. Comment percevez-vous la concurrence du gaz naturel actuellement au Québec du point de vue d'Hydro-Québec?

M. Coulombe: Je pense que la venue d'un concurrent, si on se place au strict plan d'Hydro-Québec, peut avoir un effet bénéfique sur Hydro-Québec en ce sens de sortir Hydro-Québec d'une situation où elle était, je ne dirais pas en monopole, mais presque. Je pense que la venue d'un concurrent réveille et fouette les énergies à l'intérieur. La preuve, c'est que les programmes dont je viens de parler ont été bâtis, exécutés et ont eu un grand succès dans les deux dernières années. C'est là l'aspect, évidemment, positif interne. Si on se place au niveau du consommateur, je pense que c'est une excellente chose si la concurrence peut jouer carrément. Je pense que cela va être une excellente chose pour le consommateur. Il va avoir, premièrement, des choix. Deuxièmement, il pourra profiter inévitablement des efforts d'imagination que chacun des distributeurs d'énergie pourrait avoir.

Globalement parlant, lorsque les trois formes d'énergie sont en surplus, c'est évident que cela pose des problèmes très sérieux d'harmonisation ou de concurrence. En pleine période où la croissance était de 6%, 7% ou 8%, c'est évident qu'il manquait de place parce que l'énergie croissait à un rythme très rapide. À l'époque où il y a une diminution de la demande totale et non pas seulement de l'électricité, c'est évident que les jeux deviennent plus serrés. Il y a des aspects positifs, il y a des effets négatifs. Si on se place du câté du consommateur, c'est un aspect; du côté des distributeurs, c'est un autre aspect. Somme toute, je pense que c'est inévitable qu'il y ait des avantages pour le consommateur, qui, finalement, est le dernier juge, à avoir des sources d'énergie différentes.

En ce qui nous concerne, on a l'intention de multiplier les programmes. On a l'intention de mettre en valeur le produit électricité parce qu'on pense qu'il a des avantage intrinsèques. Indépendamment du fait, comme M. Bourbeau le disait dans son introduction, que l'ensemble de la chaîne de production est faite au Québec, on pense qu'en soi il y a des avantages. On va essayer de vendre le produit sur la base de ses avantages, de la même façon, je suppose, que le gaz et le pétrole vendent leur produit sur la base de ses avantages intrinsèques.

M. Duhaime: II faudrait peut-être que vous nous disiez exactement ce que vous avez en tête lorsque vous dites: Pour autant que la concurrence joue pleinement. Depuis le début de cette commission, plusieurs associations et intervenants ont fait valoir -cela semblait assez clair, c'est la perception que j'en ai - que la déréglementation du prix du gaz naturel, par exemple, serait souhaitable. Bien sûr, c'est une décision qui appartient au palier fédéral. Mais, si le gaz naturel était déréglementé, à peu près tout le monde s'entend pour dire que les prix seraient à la baisse. Est-ce qu'Hydro-Québec a examiné ce scénario? Cela va être le

premier volet. Deuxième volet, je voudrais que vous nous parliez de la présence encore très importante au Québec des importations de mazout lourd qui, j'imagine, doit entrer en concurrence avec le programme d'Hydro-Québec quant aux chaudières industrielles. Troisième élément: récemment, les compagnies pétrolières ont réagi à l'action je ne dirais pas combinée ni conjointe, mais simultanée, aux offensives de marketing d'Hydro-Québec et des deux compagnies de distribution de gaz. Quelle est votre évaluation par rapport à la réaction des compagnies pétrolières sur vos marchés? Comment la concurrence se déroule-t-elle?

M. Coulombe: En ce qui concerne le mazout lourd, si on regarde le programme des chaudières industrielles, il est évident qu'on s'est placé sur une base très concurrentielle parce qu'on est en période de surplus. Les résultats du programme prouvent qu'il y a eu un déplacement important de mazout lourd. De ce côté, je pense que les efforts qu'on a faits ont respecté l'objectif de tout le monde, c'est-à-dire de diminuer l'importation de mazout lourd.

Quant à la réaction des compagnies pétrolières concernant le mazout no 2, l'huile à chauffage, c'est un exemple clair des résultats d'une concurrence très vive et, leurs mécanismes de réaction au marché étant plus rapides à cause de leur structure interne, leur structure corporative étant plus rapide, elles ont réagi très rapidement dans le marché de l'huile à chauffage et baissé leur prix dans plusieurs cas. La vitesse de réaction du gaz, je ne la connais pas très bien, mais la vitesse de réaction d'Hydro-Québec prend toujours un peu plus de temps à cause des mécanismes dans lesquels Hydro-Québec est impliquée. C'est pour cela que je vous ai dit tantôt qu'on avait l'intention de réagir avec des programmes spécifiques qui s'en viennent et qui sont à l'état d'élaboration. Or, il est évident que la réaction des compagnies pétrolières de baisser le prix de l'huile à chauffage dans certains secteurs change un peu les données du problème. Cela va être à Hydro-Québec de réagir, en tenant compte de ces données du problème.

Quant au problème plus général de la concurrence, il est évident que c'est un mot qui reste ambigu un peu dans la mesure où les trois formes d'énergie sont presque contrôlées, d'une certaine façon, par les différents niveaux de gouvernement, fédéral ou provincial. Elles sont presque contrôlées, sous différentes formes, par des ententes entre le gouvernement fédéral et certaines provinces, par des prix d'introduction, par exemple, pour le gaz au Québec, dans l'Est du Canada. Ce sont des prix d'introduction. Combien de temps vont-ils demeurer à ces niveaux? Je crois que personne ne le sait.

Ce qui nous fait regarder l'avenir avec optimisme, c'est qu'on est convaincu qu'à moyen terme, une fois les périodes d'introduction terminées, Hydro-Québec va se retrouver dans une situation encore plus concurrentielle aujourd'hui, grâce à la structure de ses équipements qui vont continuer à produire de façon continue avec une matière première relativement intéressante.

Alors, à moyen terme, on n'est pas très inquiet de ce phénomène de disparité des prix, qu'il soit contrôlé ou non. On pense que l'électricité, à moyen et à long termes, va être capable de soutenir la concurrence des autres formes d'énergie, qu'elle soit plus ou moins contrôlée qu'elle ne l'est aujourd'hui.

Le Président (M. Rancourt): M.

Bourbeau.

M. Bourbeau (Joseph): J'aimerais rajouter quelques mots sur cela. Non seulement il y a des surplus d'électricité, mais on s'aperçoit que les autres formes d'énergie ont des surplus aussi, en mazout lourd et en gaz. On se retrouve dans une période de concurrence assez vive. Lorsqu'on vend de l'énergie excédentaire, c'est de l'eau qui passe par-dessus nos barrages et elle a un prix assez bas. C'est de cette façon qu'on est capables d'arriver à imposer une concurrence aux autres formes d'énergie. Lorsqu'on parie d'énergie ferme, que ce soit le gaz, le pétrole ou l'électricité, on a d'autres prix de repère et la concurrence se fait sous d'autres formes. (11 h 15)

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.

M. Duhaime: Je voudrais maintenant toucher à un autre aspect, à un des sous-thèmes de cette commission, vous l'abordez également dans votre propre mémoire, c'est la question de la recherche et du développement et les nouvelles applications industrielles de l'électricité. Votre mémoire identifie, entre autres, l'hydrogène, la robotique et le plasma. Est-ce qu'il y a, à Hydro-Québec, dans l'un ou l'autre de ces secteurs, des projets qui sont à l'étude ou sur le point de se concrétiser? Est-ce que ce n'est pas vers cette orientation qu'Hydro-Québec devrait diriger son effort à partir de ce qu'on vient de dire sur l'état des disponibilités hydroélectriques à HydroQuébec?

Le Président (M. Rancourt): M.

Coulombe.

M. Coulombe: Dans les trois secteurs que vous avez mentionnés, je demanderais à M. Gilsig, qui est vice-président à la recherche à Hydro-Québec, de répondre. Mais

je voudrais dire un mot. Dans le cas de l'hydrogène, nous sommes à la veille de prendre une décision finale sur l'établissement d'une usine au Québec. Les derniers travaux sont en train de se terminer et on est à la veille d'une décision. Je ne sais pas de quelle nature sera la décision, mais c'est certainement dans peu de temps que le dossier va évoluer vers une concrétisation ou non, mais il va évoluer vers une position finale de l'entreprise.

Quant aux autres efforts de recherche, je pense que M. Gilsig pourra poursuivre.

Le Président (M. Rancourt): M. Gilsig.

M. Gilsig (Toby): Merci. Effectivement, nous avons réévalué nos orientations durant les dernières années et les derniers mois face aux nouvelles priorités de l'entreprise. Nous mettons de plus en plus d'efforts dans les domaines qui vont, d'une part, appuyer l'entreprise dans ses ventes d'électricité surtout à moyen et à long termes parce qu'on peut difficilement avoir un impact à très court terme par la recherche et, d'autre part, par les nouvelles technologies qui, auxquelles nous le pensons, serviront de fer de lance à l'entreprise pour évaluer la prochaine décennie et même après.

Pour prendre deux domaines que vous avez mentionnés: dans la robotique, nous avons un programme en cours qui est maintenant avancé après 18 mois de travail et par lequel nous avons développé, je pense, une niche un peu inusitée sur le plan mondial. Nous avons appliqué la robotique pour la réparation des turbines hydroélectriques, ce qui est un travail très néfaste pour les ouvriers et très coûteux parce qu'il faut prendre des groupes hors service etc. Cela nous a amenés à développer les outils, les technologies, le logiciel qui peuvent très bien être appliqués dans d'autres circonstances où il faut qu'on applique la robotique pas à une chaîne de montage, mais à des formes qui ne sont pas connues. Donc, c'est une forme que le robot doit apprendre avant de travailler là-dessus.

Nos premières expériences avec l'exploitant, c'est-à-dire dans le champ, vont débuter cet automne. Nous avons des fabricants de l'extérieur qui sont très intéressés à poursuivre la commercialisation et le développement de la robotique avec nous pour cette application. Nous avons déjà, en marche, la définition d'un programme pour l'application de la robotique à l'entretien des lignes de distribution, encore une niche qui n'est pas occupée pour l'instant. Nous sommes en discussion avec des fabricants qui sont à la fine pointe de la technologie au Québec pour le développement de robots par l'industrie privée, une autre spécification; nous prendrons en charge l'informatique et les outils spécialisés pour l'entretien, quoique pour ces outils, on va peut-être s'adjoindre un spécialiste en entretien des lignes de distribution pour travailler avec nous. Donc, tout le domaine de la robotique est vraiment un domaine de l'avenir sur lequel on met de plus en plus d'efforts.

Le domaine des plasmas nous intéresse sur plusieurs plans. D'une part, comme nous l'avons mentionné, je pense, dans le document qui est devant vous, nous avons conclu une entente avec l'entreprise Noranda pour acquérir la technologie des plasmas qui a été développée par cette société. La technologie des plasmas promet plusieurs applications dans le domaine des procédés liés aux ressources primaires des industries québécoises, la sidérurgie, l'amiante, les cimenteries etc.

Nous travaillons sur plusieurs fronts. Nous poursuivons la recherche sur la technologie qui maintenant est la nôtre. Nous avons aussi des études très avancées qui visent - comme nous l'avons promis dans le document - à l'installation des essais pilotes, des démonstrations chez les utilisateurs, probablement en 1984. Ces études sont très avancées. On poursuit pour ces installations une stratégie de viser au plus tôt les installations pilotes et de poursuivre la recherche en parallèle pour assurer l'impact le plus hâtif pour l'industrie québécoise, et, évidemment, pour l'entreprise. Merci.

M. Duhaime: Au sujet des dossiers de recherche et de développement, je voudrais aborder la question du nucléaire. Les journaux des jours récents nous confirmaient que la centrale Gentilly 2 fonctionnait maintenant sur une base régulière. Je crois qu'elle était intégrée au réseau d'Hydro-Québec et en pleine production. Tout le monde est au fait que nous avons opté pour un moratoire, qu'il y a eu des indications de données qu'il y aurait une reconversion des équipes d'Hydro-Québec qui oeuvraient dans le secteur de la fission pour aller davantage vers la fusion et, bien sûr, maintenir toute l'expertise technique et d'ingénierie aux fins d'exploitation de Gentilly 2.

Il y a plusieurs idées qui ont été mises sur la table depuis le début des travaux de notre commission. Entre autres, nous avons reçu un mémoire impressionnant, d'au-delà de 200 pages, d'Énergie atomique du Canada. On n'a pas pu avoir d'informations très précises de M. Després et de ses collaborateurs pour ce qui est de l'avenir de Gentilly 1, sauf qu'ils étaient à la recherche d'un scénario quelconque et qu'il y avait là-dessus des discussions avec Hydro-Québec.

Au sujet de l'usine de fabrication d'eau lourde à La Prade, Énergie atomique nous a confirmé ici qu'il n'y avait pas de démarrage à l'horizon et que les chances étaient que cette construction reste en état. Pour ce qui

est du centre de recherche qui a été annoncé l'an dernier par Énergie atomique du Canada, le volet, le créneau ou le programme de recherche comme tel n'est pas encore identifié. Je vous avoue que c'est un peu décevant de ce côté-là.

Je voudrais savoir si, du côté d'Hydro-Québec, il y a des choses nouvelles du côté de la fusion. Je ne me souviens pas, mais je crois que c'est un groupe de l'Université Concordia...

M. Fortier: C'est l'Alliance Tournesol et Canadian for...

M. Duhaime: L'agence Tournesol ou l'association Tournesol nous proposait de reconvertir des équipes dans le secteur nucléaire pour se spécialiser dans le démantèlement de centrales nucléaires. Paraît-il qu'à l'horizon de l'an 2000 il y aurait un marché de 25, 30 ou 40 centrales nucléaires un peu partout dans le monde qui devraient être démentelées parce que vétustes. J'avoue que sur le coup cela m'a amusé. Mais j'ai eu l'occasion de rencontrer un collègue français récemment. Les Français sont en train de mettre au point des techniques de démantèlement.

M. Fortier: Vous ne m'avez pas cru, mais vous croyez les Français.

Le Président (M. Rancourt): À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Duhaime: Je ne vous ai pas dit que je ne vous croyais pas. J'ai dit que j'étais sceptique et je le suis encore ce matin. Je voudrais savoir si à Hydro-Québec, pour ce qui est de ces techniques de démantèlement de centrales, il y a quelque chose qui est envisagé ou si bien modestement on va se contenter de mettre Gentilly 2 en opération et laisser à d'autres cette responsabilité. Qu'en est-il de l'état des équipes affectées au nucléaire? Est-ce qu'elles sont reconverties vers la fusion? J'aimerais avoir un peu d'explications là-dessus.

Le Président (M. Rancourt): M.

Bourbeau.

M. Bourbeau (Joseph): La centrale ou le réacteur G 1 appartient à EACL. C'est à elle de prendre la décision finale de ce qu'elle va faire avec G 1. On sait que c'est un réacteur expérimental qui a fonctionné peu de temps et qui produit ou produirait de l'électricité à un coût assez élevé. Évidemment, nous sommes en pourparlers avec EACL, mais la décision finale lui revient. Bien que la décision ne soit pas prise actuellement, on a l'impression que le réacteur G 1 ne fonctionnera pas sur une base commerciale. À la suite de nos discussions avez EACL, il y a eu des propositions de conserver ce réacteur pour des fins expérimentales, pour faire des démantèlements ou d'autres essais. Ce serait une espèce de réacteur de laboratoire.

Quant à G 2, c'est un réacteur qui appartient à Hydro-Québec. Actuellement, il fonctionne à 100%; il a été remis en marche et il doit fonctionner ainsi pendant quelques mois et, ensuite, on procédera à des vérifications. L'intention d'Hydro-Québec est que l'expertise en nucléaire se retrouve avec l'exploitation du réacteur de G 2. On a des employés en ingénierie nucléaire et notre intention est que ces employés rejoignent les gens de l'exploitation. G 2 sera le coeur de l'expertise nucléaire d'Hydro-Québec.

Quant à la fusion, je pourrais laisser M. Coulombe en dire quelques mots ou encore M. Gilsig. Est-ce qu'on peut faire un transfert entre certains de nos agents qui travaillent actuellement dans la fission et les retrouver dans la fusion, puisqu'on a un Tokamak qui est en train de se monter à l'institut de recherche?

Le Président (M. Rancourt): M. Gilsig.

M. Gilsig: Relativement au projet Tokamak, nous sommes en train de discuter avec nos confrères du Conseil national de recherches du Canada - qui le subventionne à 30% - de l'exploitation du centre en fusion thermonucléaire. À cette étape, nous identifions la main-d'oeuvre requise pour exploiter le centre. Ce seront certainement des stratégies que nous explorerons: le recyclage du personnel d'Hydro-Québec disponible et compétent avec la formation qui s'impose pour travailler dans ce centre.

En ce qui concerne les autres questions qui touchent nos interrelations avec EACL, nous discutons - nous sommes déjà très avancés - d'une entente de partage des résultats de la recherche, d'échange d'équipes, d'échange de personnel. EACL a un peu le même problème de réorientation qu'Hydro-Québec. EACL a des ressources en recherche qui peuvent nous être très précieuses. Nous discutons donc avec ces experts des possibilités de travailler ensemble dans le but de favoriser les retombées économiques au Québec. Cela est une partie contractuelle de nos discussions.

En ce qui concerne le centre de EACL au Québec, nous avons eu beaucoup de discussions avec ses représentants, qui portaient sur l'installation d'un centre autour d'un accélérateur qui s'appelle ZEBRA Zero Energy. Je pensais et je pense encore que c'est toujours leur intention d'instaurer ce centre au Québec. On a eu des discussions assez poussées entre nos spécialistes.

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.

M. Duhaime: Quelle serait votre appréciation - à moins que ce ne soit trop tôt pour porter un jugement - quant au développement de cette technologie de démantèlement et à la problématique sur l'exportation, quand on tient compte du miniparc nucléaire que nous avons au Québec en comparaison de l'objectif que les Français ont en tête et qu'ils poursuivent avec célérité, à savoir d'être à 70% électronucléaire en 1990? Est-ce qu'il n'y aurait pas lieu de penser que l'expertise dans ce secteur devrait se développer là où il y a une concentration des installations électronucléaires où on se retrouverait en concurrence avec les Américains, les Français, les Allemands, possiblement les Belges aussi? Est-ce qu'il y a eu des scénarios évalués là-dessus ou si c'est trop tôt? (11 h 30)

Le Président (M. Rancourt): M. Gilsig.

M. Gilsig: Si on regarde l'historique d'Hydro-Québec dans le nucléaire, le nucléaire n'a jamais été une partie importante de nos programmes d'équipement en termes réels. On a fait des projections des programmes importants il y a quelques années et on s'est toujours basé sur l'expérience accumulée par d'autres qui nous ont précédés de plusieurs années dans ce domaine, EACL, les Américains, effectivement les Français, etc.

Nos efforts dans la recherche ont porté durant quelques années surtout sur les problèmes de soudure, les problèmes de construction comme telle, parce qu'il y a beaucoup de métaux exotiques qui sont utilisés. On a toujours une équipe modeste dans le nucléaire. On construit actuellement des installations très modestes et notre préoccupation première sera les problèmes d'exploitation, les problèmes de contamination des circuits, les problèmes d'entretien des systèmes coloporteurs, etc.

Comme on le fait dans d'autres domaines, je pense qu'on devrait collaborer avec EACL dans les programmes d'une envergure aussi vaste que cela. Nous ne serons évidemment pas les premiers à faire face au problème du démantèlement des centrales nucléaires et nous ne serons pas les premiers à faire face à ce problème de façon importante. L'Ontario, à cause de son parc d'équipement et à cause de l'avance qu'il a sur nous au Canada, sera certainement le premier à être préoccupé, et c'est exactement le type de préoccupation qu'on étudie habituellement avec EACL en contribuant à un programme qui regroupe les utilisateurs du CANDU. Je pense que ce serait la stratégie à adopter.

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.

M. Duhaime: Sur le plan des marchés internationaux et du potentiel d'exportation de cette technologie, est-ce qu'il y a eu des évaluations qui ont été faites ou si cela semblerait plus logique à première vue de laisser la place à d'autres contrées du monde qui ont des installations beaucoup plus nombreuses, donc beaucoup plus variées, et qui ont une expertise très certainement beaucoup plus avancée que la nôtre dans ce domaine?

M. Gilsig: Je pense qu'effectivement les Français et les Américains ont une base technologique et ont des installations plus importantes. EACL a certainement regardé ce problème. Nous avons fait des études sommaires là-dessus il y a quelques années, mais je pense que c'est un problème qui sera affronté par les premiers à avoir à le régler.

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.

M. Duhaime: II me resterait deux derniers points à aborder, M. le Président. Concernant d'abord les petites centrales, les inventaires faits tant par Hydro-Québec qu'au ministère de l'Énergie et des Ressources nous indiquent que nous avons un potentiel qui n'est pas nécessairement maintenant économiquement aménageable, mais qui pourrait le devenir au fil des années. Je crois que le chiffre de 10 000 mégawatts a été identifé comme étant un potentiel qui pourrait être mis en valeur à partir de rivières de moins de 100 mégawatts.

Depuis plusieurs années, dans de grands travaux et, en particulier, ceux de la rivière La Grande, avec la masse des investissements et les quantités hydroélectriques qui viennent s'ajouter mensuellement au réseau, Hydro-Québec a développé une technologie enviable sur le plan international. Mais qu'en est-il au sujet des petites centrales? Nous avons un potentiel qui pourrait très certainement être mis en valeur à cet égard. Je vais vous le dire comme je le crois: Je pense qu'on a beaucoup plus de chances d'exporter une technologie de petites centrales à des pays en voie de développement, à cause de leurs finances, d'abord, et à cause de leurs besoins en énergie hydroélectrique. Est-ce qu'il y a des scénarios qui sont en cours d'évaluation ou qui sont prêts à Hydro-Québec dans le dossier des petites centrales?

M. Bourbeau (Joseph): Au sujet des petites centrales, comme vous le disiez, M. le ministre, dernièrement Hydro-Québec a fait des mégaprojets, mais pour le futur on regarde beaucoup plus des projets non pas de centrales de 2000, 3000 ou 5000 mégawatts, mais des centrales qui auraient une puissance plus petite. Cela ne veut pas dire que ce

seront nécessairement des centrales de 100 mégawatts ou moins. Je pense qu'entre les 100 mégawatts et peut-être les 1000 mégawatts, il y a une série de centrales qui pourraient être construites et dont le coût serait assez bas. Lorsqu'on arrive dans la petite centrale, ce que j'appellerais la minicentrale - celle dont vous parlez, je crois -entre 1 mégawatt et 100 mégawatts, de fait il y a un potentiel de 10 000 mégawatts et on a pu mettre le point sur environ 5000 mégawatts de centrales dont la rentabilité nous paraîtrait assez intéressante.

Je vous ferai remarquer que c'est encore une rentabilité, vis-à-vis de centrales de 500 mégawatts, qui nous montre des coûts qui sont assez élevés. Actuellement, nous avons des projets pilotes qu'on va essayer de réaliser, mais nous nous retrouvons dans des 3000 $ à 4000 $ le kilowatt au point de vue de l'installation, comparé à ce que nous avions à 1000 $ le kilowatt.

Il y a beaucoup de petites centrales et nous sommes capables de les inventorier. Cela peut être très intéressant parce qu'elles sont disséminées sur le territoire. C'est beau, c'est petit, mais c'est encore assez cher.

Je laisse de côté la microcentrale qui serait plus petite qu'un mégawatt et qui pourrait être localisée sur un petit ruisseau; je n'en parlerai pas pour l'instant. Je ne sais pas si M. Coulombe pourrait ajouter quelque chose.

Le Président (M. Rancourt): M.

Coulombe.

M. Coulombe: Dans le plan de développement de l'an passé, on avait dit que c'était une priorité d'Hydro-Québec d'accélérer les études et c'est ce qui s'est fait. Il y a deux axes principaux. Nous sommes presque à la veille de prendre une décision sur un projet précis de petite centrale. Un deuxième axe, c'est que nous sommes en discussion très sérieuse avec des fabricants pour expérimenter probablement un nouveau type de turbine pour des petits projets. Ce sont les deux axes actuels.

Quant au projet, j'espère que, dans le cadre du plan de développement qui s'en vient, on pourra donner plus de précisions sur ce projet.

M. Duhaime: M. le Président, il me reste un dernier point. Au début de la matinée, vous nous avez indiqué qu'il y avait révision à la baisse de la croissance de la demande et vous retenez 3,3% par rapport à un scénario de 6% qui avait été la base des calculs dans les années 1969, 1970, 1971 environ.

Est-ce que le marché des exportations ne nous permettrait pas de retrouver une partie d'une croissance? Il va de soi qu'une diminution d'évaluation de notre croissance au niveau domestique se traduit, bien sûr, par un ralentissement des investissements. Je rappelle que nous avons procédé, en 1982 et en 1983, à la signature de contrats de vente d'énergie électrique excédentaire avec l'État de New York, d'abord, pour 111 000 000 000 de kilowattheures sur un contrat de treize ans, de 1984 à 1997, et un second avec le NEEPOOL, de 33 000 000 000 de kilowattheures pour un contrat de onze ans, de 1986 à 1997. C'est entendu qu'aux états financiers d'Hydro-Québec, lorsque cette énergie va commencer à couler vers les États-Unis, on va s'en ressentir de façon très positive aux comptes d'exploitation. Si on fait un calcul en dollars courants, ces deux grands contrats d'énergie devraient rapporter 12 000 000 000 $; en dollars constants, c'est 5 000 000 000 $. Cela reste des montants impressionnants, considérables, et je crois que c'est la première fois dans l'histoire d'Hydro-Québec que de pareilles quantités d'énergie excédentaire sont vendues aux États-Unis.

Je sais également que nous travaillons sur des ventes d'énergie ferme à nos clients américains. Il n'est pas exclu qu'on puisse envisager d'en vendre ailleurs également. Je ne vous ferai pas passer une mauvaise journée en vous parlant de Terre-Neuve, messieurs d'Hydro-Québec, soyez rassurés. Je voudrais savoir si vos évaluations de marché, à New York, en Nouvelle-Angleterre, vous permettent de croire en la possibilité réelle de vendre de l'énergie ferme. Dans l'affirmative, quel est le scénario le plus plausible quant aux quantités? Je reviendrai tantôt sur la question des prix.

Le Président (M. Rancourt): M.

Bourbeau.

M. Bourbeau (Joseph): Avant de passer la parole à M. Coulombe, parce que la négociation actuelle se fait avec M. Coulombe et ses gens, il est vrai que les exportations d'énergie aux États-Unis, comme en Ontario et au Nouveau-Brunswick, ont toujours été, à venir jusqu'à maintenant, sur une base d'énergie excédentaire. On avait des surplus qui étaient passagers, mais on se retrouve actuellement dans une position de surplus qui sont plus que passagers: ils sont devant nous pour quelques années.

Vu la baisse de la demande et la baisse du programme d'équipement, on a commencé dernièrement à regarder de plus près la vente d'énergie ferme, soit d'énergie ferme ou d'énergie et de puisance ferme aux États-Unis. Cette négociation a été amorcée il y a quelque temps. Je laisserai maintenant la parole à M. Coulombe qui dirige l'équipe de négociations.

Le Président (M. Rancourt): M.

Coulombe.

M. Coulombe: Je pense que le concept d'exportation d'énergie ferme est bien arrêté à l'heure actuelle. D'ailleurs, les dernières transformations à la Loi sur l'Hydro-Québec ont clarifié passablement ce point. Tout ce que je peux dire là-dessus, c'est qu'actuellement nous sommes en négociations intensives dans ce cadre-là. La cible ou la période de temps que l'on vise, c'est qu'on a bon espoir qu'en 1984 on puisse se rendre à quelque chose de positif dans ce cadre. Maintenant, cela ne réglera certainement pas l'ensemble du potentiel. On s'est fixé des objectifs réalistes et on croit que, si on peut commencer à faire tourner la roue dans ce secteur avec un contrat précis, cela pourrait accélérer les autres discussions potentielles.

Actuellement, on est en pleine négociation. C'est tout ce qu'on peut affirmer ce matin. On est optimiste, mais il y a de sérieux problèmes qui surgissent à tous les jours parce que nous quittons l'excédentaire pour aller dans des contrats plutôt long terme avec des engagements de nature très différente de la part du vendeur comme de la part de l'acheteur. Les risques sont beaucoup plus grands. Même si évidemment les bénéfices sont plus grands, les risques sont beaucoup plus grands. On avance avec le maximum de célérité, mais aussi avec le maximum de prudence pour ne pas se ramasser avec un contrat qui pourrait, pour ceux qui nous suivront, suivre un cours qui ressemblerait à d'autres contrats, comme les problèmes qu'on a avec Terre-Neuve, et ainsi de suite. On essaie d'allier prudence et célérité. C'est fatigant peut-être pour ceux qui observent le phénomène, mais ce n'est pas facile non plus pour ceux qui le vivent. (11 h 45)

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.

M. Duhaime: J'imagine que ce que vous avez en tête serait un contrat qui comporterait des clauses d'indexation. Il y a plusieurs intervenants qui sont venus devant la commission qui nous ont fait part de leurs réserves. Je me souviens, entre autres, du mémoire - un des très bons mémoires de la CSN, je dois dire - qui, sans écarter cette option, posait beaucoup de questions, en particulier sur le fait que l'hydroélectricité pour le Québec est un facteur de localisation industrielle très avantageux. On a encore une bonne avance sur l'Ontario et sur d'autres compagnies d'utilité publique qui ne se condamnent pas à tourner en faisant des pertes à leur compte d'exploitation. Je pense, entre autres, à Manitoba Hydro. Leurs réserves ou leurs craintes, devrais-je dire, vont dans ce sens: en vendant de l'énergie ferme aux Américains, est-ce qu'on ne déplace pas vers le Sud un facteur de localisation qui est à notre avantage?

Le Président (M. Rancourt): M.

Coulombe.

M. Coulombe: Dans un sens, cela peut être vrai, c'est-à-dire que, si on n'est pas capable de démontrer à Hydro que tous les efforts ont été faits pour que le facteur de localisation, qui est l'énergie hydroélectrique, soit utilisé à fond pour le développement industriel du Québec et d'autres types de développement, je pense que le problème peut être réel. C'est pour cela qu'il faut travailler sur les deux fronts à la fois. Il faut essayer le plus possible de développer des programmes qui se rendent à la limite du possible au niveau du Québec, mais, quand on parle de quantité assez grande d'énergie hydroélectrique, on s'aperçoit que les secteurs industriels qui peuvent changer de façon significative leur orientation à cause de l'énergie électrique, cela reste quand même limité, ce n'est pas illimité. En d'autres mots, on pense qu'il faut agir à fond sur les deux fronts et ce sera le fardeau de la preuve de démontrer que tous les efforts ont été faits pour que ce facteur de localisation soit utilisé au maximum au Québec.

Là-dessus, les réflexions sont en cours et on espère avoir assez d'imagination pour modifier certaines pratiques ancestrales dans ce domaine pour rendre plus dynamiques les programmes internes. Notre hypothèse, c'est qu'on pense qu'il y a de la place pour les deux de façon rentable et les retombées d'exportation ne sont pas négligeables non plus pour le Québec même. Si c'est de l'exportation sans effort interne, je pense que cette position serait difficilement défendable. Ce sera à Hydro de démontrer que tous les efforts sont faits pour que cette énergie serve en premier lieu au développement interne du Québec.

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.

M. Duhaime: Est-ce qu'il n'y a pas une partie de la réponse à ces craintes ou à ces appréhensions qui devrait normalement s'éteindre en fonction du prix vendu à l'exportation, peu importe la durée du contrat? Les quantités sont importantes, bien sûr, mais sur les contrats d'énergie excédentaire, par exemple, le calcul qu'on avait l'autre jour, c'est sur la base de l'interruptible; on vend aux Américains deux fois le prix d'ici. Mutatis mutandis, si on fait le même raisonnement et si l'énergie ferme est vendue à la Nouvelle-Angleterre à deux fois le prix d'ici, au Québec, pour les grands consommateurs industriels, est-ce que ce n'est pas un élément pour nous rassurer?

Le Président (M. Rancourt): M.

Coulombe.

M. Coulombe: Au niveau de l'excédentaire, on dit que la preuve est faite. Là-dessus, il n'y a pas de problème, surtout dans la mesure où c'est de l'excédentaire. Quant à l'énergie ferme, c'est lorsqu'on aura le premier contrat en main qu'on va voir si l'objectif que vous soulignez peut être atteint. C'est l'objectif qu'on poursuit, mais c'est seulement quand on va avoir les éléments de base du premier contrat ferme à long terme qu'on pourra voir si l'objectif est accessible. On espère avoir les données nécessaires en 1984 pour répondre à cette question.

M. Duhaime: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Rancourt): M. le député d'Outremont.

M. Fortier: Je crois qu'on aborde, ce matin, une discussion très importante et, déjà, on déborde sur la discussion qu'on aura un peu plus tard dans le mois, j'imagine, alors qu'on discutera de la tarification et en même temps du programme à long terme d'Hydro-Québec. L'information qu'Hydro-Québec nous a donnée dans son mémoire du mois de mars, de toute évidence, n'est plus à jour par rapport aux conditions d'aujourd'hui. Je vais continuer, moi aussi, à poser certaines questions en réalisant que, très bientôt, on aura l'occasion de recevoir des informations plus précises et plus pertinentes qui nous permettront de cerner le problème de plus près. À ce sujet, j'ai fait parvenir une demande au ministre pour avoir plusieurs types d'informations bien précises. Même si je n'ai pas reçu de réponse officielle de la part du ministre, on me dit que, très probablement, les informations que nous avons demandées, nous les obtiendrons et cela permettra ainsi aux membres de la commission d'étudier la performance d'Hydro-Québec en 1983 par rapport aux objectifs qu'on s'était fixés l'an dernier.

Je crois que c'était le sens de la présentation qu'avait faite M. Coulombe l'an dernier en se donnant des objectifs d'entreprise. J'imagine que l'idée était qu'à la fin de l'année ou à un moment donné, il devait y avoir une évaluation afin de savoir si les objectifs étaient atteints dans différents secteurs, soit dans le secteur de la vente d'énergie ou soit dans le secteur des objectifs plus particuliers de la recherche, du développement et de la réorganisation dans les coûts d'exploitation. C'est la raison pour laquelle je crois que cela ne serait peut-être pas le meilleur moment maintenant, n'ayant pas eu à ce jour cette information, d'aller trop avant dans cette analyse que nous ferons en bonne et due forme au moment voulu. D'après les renseignements qu'on m'a donnés tout à l'heure, il semblerait qu'on se retrouverait le 31 octobre et le 1er novembre pour discuter de la tarification. Si ces dates sont confirmées, j'oserais espérer avoir l'information demandée quelque temps avant cette date pour pouvoir l'analyser en profondeur.

Cependant, d'après l'information générale qui se dégage, je dois admettre qu'elle décrit une situation assez désastreuse. L'an dernier, on nous disait qu'on avait des surplus jusqu'en 1986. Là, d'après les nouveaux chiffres, je n'ai pas vu les tableaux, mais j'imagine qu'on va avoir des surplus jusqu'en 1990 ou 1992. L'an dernier, on parlait d'entreprendre bientôt certains projets comme la station pompée de Delaney à Portneuf. D'ailleurs, il y a eu des représentations ici même, à la commission parlementaire, en ce sens que les gens de Portneuf voulaient savoir le plus tôt possible ce qui en était. Vu l'investissement qu'Hydro-Québec avait fait pour informer les gens de Portneuf des bénéfices et de l'impact économique d'un tel investissement, ces gens souhaiteraient qu'Hydro-Québec investisse autant pour leur faire connaître les raisons qui motivent le report de ce projet. Dans le Devoir de samedi, on indiquait que les projets tels que la Romaine, la phase II de la Baie-James et NBR ne seraient mis en service qu'en 2015. Il s'agit d'un développement économique pour le Québec qui est un peu négatif.

C'est une situation désastreuse qui, à mon avis, demande un plan d'action d'une urgence qui mériterait que, d'ici à la commission parlementaire de la fin du mois, le ministre et Hydro-Québec reviennent devant le public avec un plan d'action beaucoup plus précis sur ce qu'on doit faire pour écouler ces surplus et faire face à la musique. Je ne peux pas accepter, pour ma part, que tous ces projets qui permettraient une certaine relance économique soient reportés aux calendes grecques, et cela me semble une situation désastreuse qu'on ne peut certainement pas accepter.

Dans votre mémoire du mois de mars, à la page 4, vous écrivez une phrase qui, à mon avis, est très importante: D'autre part, la position d'Hydro-Québec à moyen terme pourrait être substantiellement modifiée -j'imagine qu'elle serait encore empirée selon l'issue du différend relatif à l'achat d'énergie de Churchill Falls. Comme toutes les négociations avec Terre-Neuve auront un impact déterminant soit pour augmenter les surplus, si l'on engageait à développer des ressources hydroélectriques à Terre-Neuve avec ces gens ou, dans l'autre choix, si Terre-Neuve décidait de couper le courant, nos surplus pourraient s'évaporer du jour au lendemain, est-ce qu'à ce moment, vous pourriez nous dire - sans entrer dans tout le secret des négociations - si Hydro-Québec est impliquée dans ces négociations? Qu'est-ce que vous pouvez nous dire en ce moment

qui pourrait infirmer les mauvaises nouvelles que vous nous apportez ce matin?

M. Bourbeau (Joseph): Voici au sujet des négociations relatives au problème de Churchill. De fait, il y a des négociations et des discussions qui ont débuté il y a quelques semaines, un mois, et qui se poursuivent à l'heure actuelle. C'est tout ce que je peux en dire pour le moment. Nous avons eu deux rencontres. Les deux parties essaient actuellement de circonscrire beaucoup mieux les demandes et le problème de Terre-Neuve. On en est rendu là. On a projeté d'autres rencontres ultérieures.

M. Fortier: Pourriez-vous nous dire -peut-être que vous en avez déjà fait état dans le passé - les objectifs qu'Hydro-Québec poursuit dans ses négociations? M. Bourbeau, vous avez donné des conférences de presse à Montréal pour établir certaines ouvertures d'Hydro-Québec, pourriez-vous réitérer les objectifs que vous poursuivez en parlant à Terre-Neuve ou en essayant d'en arriver à un certain niveau d'entente?

Le Président (M. Rancourt): M.

Bourbeau.

M. Bourbeau (Joseph): Le problème de Churchill Falls est évidemment un problème immense pour Hydro-Québec puisqu'il comporte un contrat de 4300 mégawatts...

M. Fortier: Quel est le total de la capacité d'Hydro-Québec?

M. Bourbeau (Joseph): On a fait une pointe de 18 000 à 19 000 mégawatts. Alors, on a environ 25% de la puissance qui est fournie par cette centrale. Au point de vue de l'énergie, on va chercher, bon an mal an, peut-être 33 000 000 à 34 000 000 de kilowattheures, ce qui veut dire que le tiers de nos ventes totales de l'an dernier provenaient de Churchill Falls. Il est entendu qu'il y a un intérêt pour Hydro-Québec - je l'ai répété à plusieurs reprises l'an dernier et même cette année, et je pense que le ministre aussi l'a dit - comme pour Terre-Neuve, de voir ce problème se régler. Pourquoi est-ce qu'il y a un intérêt pour Hydro-Québec? Justement - je ne dis pas qu'on peut se trouver devant une coupure de courant - on peut perdre le contrat et il faudrait qu'il soit renégocié, ou on peut s'arranger par négociation pour avoir une entente qui serait avantageuse pour les deux parties.

M. Fortier: Vous-même aviez évoqué que, dans une optique où il n'y aurait pas d'entente, les coûts d'électricité pourraient augmenter considérablement. Quelles étaient les raisons qui vous motivaient à faire un tel énoncé?

Le Président (M. Rancourt): M.

Bourbeau.

M. Bourbeau (Joseph): Quelles étaient...

M. Fortier: Quelles étaient les raisons qui sous-tendaient un tel énoncé?

M. Bourbeau (Joseph): Je pense que je répondais à la question d'un journaliste qui demandait, si réellement on fermait le courant à Churchill Falls, quel serait l'impact sur les tarifs d'Hydro-Québec. J'ai fait un calcul qui prenait en considération que Churchill Falls serait remplacée par de la génération future, après la phase I et la phase II de la Baie-James. C'était la base de la considération.

Le Président (M. Rancourt): M. le député d'Outremont.

M. Fortier: Alors, votre considération démontrait qu'Hydro-Québec serait obligée de se lancer dans de nouveaux projets. Ces nouveaux projets coûteraient davantage que le coût de génération provenant de Churchill Falls. Compte tenu des surplus considérables dont vous faites état ou dont vous ferez état à la fin du mois, est-ce que, somme toute, on pourrait arrêter d'acheter de l'électricité de Churchill Falls et ne pas être perdant pour autant, puisque vous avez tellement de surplus présentement?

Le Président (M. Rancourt): M.

Bourbeau.

M. Bourbeau (Joseph): La situation actuelle a évidemment été modifiée considérablement depuis deux ans. On pourrait prévoir - je ne dis pas une coupure - avec un contrat qui serait entaché de la part de Churchill Falls, ne pas recevoir les 4000 mégawatts. On pourrait s'approvisionner à partir des surplus qu'on a dans le réseau. Mais, vu que les surplus ont un coût moindre que des centrales qu'on construirait en 1990, je pense que ce ne serait pas le coût que j'avais énoncé il y a un an.

Le Président (M. Rancourt): M. le député d'Outremont.

M. Fortier: J'essaie de suivre votre raisonnement. Vous dites que, compte tenu des surplus... S'il y avait coupure - ce serait, disons, instantané - est-ce que, présentement ou d'ici quelques mois, on pourrait faire face à la demande du Québec sans trop de difficulté, vu qu'à chaque semaine ou à chaque mois, vous mettez en marche de nouvelles centrales hydroélectriques à la Baie-James?

Le Président (M. Rancourt): M.

Bourbeau.

M. Bourbeau (Joseph): Je l'ai déjà déclaré: je ne crois pas qu'on puisse avoir des "black out" ici à cause d'un manque d'approvisionnement de Churchill Falls; je ne pense pas.

Le Président (M. Rancourt): M. le député d'Outremont. (12 heures)

M. Fortier: Compte tenu de cette situation énergétique, sur le plan de l'électricité au Québec, compte tenu des décisions favorables qui ont été rendues dernièrement par les autorités judiciaires, si je comprends bien, Québec se trouve dans une très bonne position dans ses négociations.

Le Président (M. Rancourt): M.

Bourbeau.

M. Bourbeau (Joseph): C'est à voir. C'est une question qu'on peut regarder de plusieurs côtés. Est-ce qu'on est dans une très bonne position? À regarder personnellement, je pense qu'on a une bonne position de négociation. Il ne faut pas perdre de vue, que si la négociation échoue quelque part, on pourra se retrouver avec toutes sortes d'embêtements de la part de Terre-Neuve, embêtements qui peuvent, à l'avenir, dépendre de toutes sortes de lois. Les Terre-Neuviens ont voté une loi, le Reversion Act, sur laquelle on attend encore le jugement. On peut penser qu'il pourrait y avoir toutes sortes de lois qui pourraient être adoptées à Terre-Neuve sur le projet de Churchill Falls. C'est un gros 'point d'interrogation.

Le Président (M. Rancourt): M. le député d'Outremont.

M. Fortier: Sur le plan strictement économique, le commun des mortels, le vulgaire payeur de taxes, comme on l'appelle dit ceci: Pour autant que, dans le passé, vous pouviez nous donner l'assurance que vous pourriez exporter de l'électricité sur une grande échelle aux États-Unis, au moins on va avoir des revenus. Le président nous dit: On va être très prudent, c'est très difficile. Je ne porte pas de jugement sur ce que le président, Guy Coulombe, a dit. Il semblerait que la prudence nous amènerait à dire que c'est très difficile. C'est du moins ce que j'ai compris.

Dans le passé ou jusqu'à ce jour, quand on avait certains surplus, on pouvait penser qu'en les exportant aux États-Unis, on pouvait justement faire une piastre. Même s'il fallait faire des ajustements mineurs au contrat de Churchill Falls, on pourrait quand même satisfaire Terre-Neuve et faire des bénéfices sur un marché d'exportation.

M. Coulombe nous dit: Vous savez, c'est très difficile ce genre de contrat de vente ferme d'énergie. D'autre part, HydroQuébec, dans le Devoir de samedi, nous dit: On va avoir des surplus considérables pendant plusieurs années qui vont reporter des projets encore davantage. C'est la raison pour laquelle le contribuable va dire: On devrait prendre avantage de la situation; si Terre-Neuve veut absolument couper le courant, on va lui donner une chance; on va se retrouver dans une meilleure position au Québec. C'est pourquoi j'essaie de savoir quelles seraient les bonnes raisons pour lesquelles on devrait faire un gros effort pour maintenir notre entente avec Terre-Neuve.

Le Président (M. Rancourt): M.

Bourbeau.

M. Bourbeau (Joseph): À un moment donné, si le contrat avec Churchill Falls venait à être coupé, on se trouverait à utiliser de l'énergie qui nous coûterait beaucoup plus cher que celle que l'on prend à Terre-Neuve. Il faut bien penser que le contrat de Churchill Falls est un contrat pour de l'énergie ferme. Lorsqu'on parle de ventes aux États-Unis, on parle de ventes d'excédentaire à venir jusqu'à ce jour. M. Coulombe vient de parler de ventes futures d'énergie ferme aux États-Unis. Il y a toutes sortes de genre d'électricité dans l'air. Il y a de l'excédentaire, du ferme de Churchill Falls qui est déjà absorbé dans le réseau. N'oublions pas qu'on absorbe dans le réseau 31 500 000 000 de kilowattheures fermes de Churchill Falls depuis 1976.

Le Président (M. Rancourt): M.

Coulombe.

M. Coulombe: Je ne saisis pas très bien la contradiction. Il n'y a pas de contradiction là-dedans. Le contrat avec Churchill Falls est un excellent contrat pour Hydro-Québec. Terre-Neuve y voit des problèmes importants de nature économique, de nature politique. Les discussions se sont engagées. On reste optimiste en pensant qu'il peut y avoir un terrain d'entente à l'avantage des deux parties. Ces déductions, malgré l'entourage public... On pense que ce sont des discussions contractuelles normales. Voici un contrat qui est à l'avantage du Québec. Terre-Neuve se sent lésée; on va essayer de trouver un terrain d'entente pour atteindre nos objectifs communs. Pendant ce temps-là, comme vous dites, on fait de l'argent en vendant de l'énergie excédentaire aux États-Unis. M. Duhaime signalait tantôt qu'avec 111 000 000 000 de kilowattheures et un autre contrat de 35 000 000 000, Hydro-Québec va faire de l'argent avec son énergie excédentaire.

Troisièmement, on travaille à des

ventes d'énergie ferme à moyen terme. Cela n'est pas contradictoire; c'est une stratégie dont les éléments s'imbriquent les uns dans les autres. Probablement que, dans les deux ou trois prochaines années, la situation va s'éclaircir de façon définitive. Il n'y a pas de...

M. Fortier: Enfin, je voyais une contradiction...

Le Président (M. Rancourt): M. le député d'Outremont.

M. Fortier: ...pour autant que vous semblez dire que la vente d'énergie aux États-Unis est très difficile. On se retrouve avec des génératrices qui sont mises en service à chaque semaine et qui ne produisent pas. M. Bourbeau disait que le coût marginal est minime puisque l'eau coule dans la rivière. Il y en a d'autres qui pourraient dire que le coût marginal est infini parce qu'on n'a pas de clients et qu'on est obligé de payer les investissements. C'est dans cette optique-là que je posais la dialectique.

M. Coulombe: On aura l'occasion, lors de la commission parlementaire à laquelle vous faisiez allusion, de situer clairement le problème des surplus. Tout ce qu'on peut dire à l'heure actuelle, c'est qu'une compagnie qui fonctionne entre 95% et 98% de sa capacité - je ne dis pas à chaque mois, mais de façon normale - reste une compagnie qui a un système de production relativement bien rodé. Quand une compagnie comme cela vend entre 95% et 98% de sa production, n'importe quelle compagnie industrielle serait fière d'avoir cette performance. On sait que l'industrie des pâtes et papiers fonctionne à 84% ou 87%; pour les aciéries, je n'ose pas donner de chiffres, je ne sais pas non plus à quel niveau fonctionnent les mines d'amiante, mais ce n'est sûrement pas à 99%.

Évidemment, regardez Hydro-Québec comme producteur d'électricité. Regardez cela à moyen terme; dire que cela fonctionne à 97%, 98%, ce n'est pas une mauvaise performance. C'est évident que, si on met l'accent sur les 1% ou 2% en disponibilité ou en surplus et qu'on multiplie par le nombre de dollars que cela implique, c'est impressionnant. Les 98% sont impressionnants aussi; ceux-ci sont vendus. Il faut quand même situer cela dans une perspective un peu plus globale. On aura sûrement l'occasion de démontrer les chiffres. Rien n'empêche que, dans les deux, trois ou quatre prochaines années, il y aura des surplus, mais nous avons des programmes de vente. J'ai dit tantôt qu'avec le programme des chaudières, on avait vendu dans l'espace de huit mois au-delà de 1300 mégawatts; c'est une disposition de surplus qui non seulement représente des profits nets pour Hydro-Québec, mais aussi profite à l'économie du Québec en baissant les importations de pétrole. C'est dans ce contexte-là.

Churchill, dans notre esprit, au-delà des problèmes politiques, en termes strictement contractuels et économiques, c'est un contrat que l'autre partie veut négocier. Il s'agit pour Hydro-Québec de négocier le plus serré possible pour garder tous les avantages qu'elle a, mais en satisfaisant l'autre partie contractuelle pour qu'on ne soit pas en procès perpétuellement. C'est une relation contractuelle et économique normale. Je mets l'aspect politique de côté.

Le Président (M. Rancourt): M. le député d'Outremont.

M. Fortier: Le thème de notre commission parlementaire est l'énergie, facteur de développement économique. Tout à l'heure, on va entendre les manufacturiers d'équipement électrique et les constructeurs de grands travaux. Avec le chômage qui prévaut présentement et les difficultés économiques qu'on vit, les difficultés de relance économique - sans entrer dans un débat politique - je pense bien qu'il y a des gens qui se demandent comment on va s'en sortir. Quand on entend que les investissements d'Hydro-Québec seront reportés en l'an 2000, 2015, ce n'est pas pour amener beaucoup d'optismime chez les gens qui se préoccupent de développement économique. C'est pour cela qu'on se pose des questions. Que pourrait-on faire?

Il y a peu d'investissements. Vous allez nous dire combien vous en ferez l'an prochain; ils devaient être de 2 700 000 000 $ au cours de cette année, je ne sais combien vous en avez fait. Cela ira en diminuant très rapidement, à un point tel qu'avec l'augmentation des ventes d'électricité l'an prochain - vous dites 10% -c'est à se demander si vous avez besoin d'une augmentation de tarif. La seule augmentation des ventes d'électricité va vous rapporter des revenus considérables. Comme vos investissements diminuent et comme une très grosse proportion de vos revenus est nécessaire pour payer de nouveaux investissements et que ces nouveaux investissements disparaissent, je pense bien qu'on s'en va très rapidement, pendant plusieurs années, vers des augmentations de tarif de 0%. En tout cas, on verra les chiffres que vous nous donnerez, mais c'est sûr que l'impact immédiat pour essayer de créer des emplois, c'est: Est-ce qu'Hydro-Québec investit oui ou non? À la fin du mois, vous allez nous dire que c'est reporté pendant plusieurs années.

Le Président (M. Rancourt): M.

Bourbeau.

M. Bourbeau (Joseph): Vous avez parlé des investissements d'Hydro-Québec qui descendaient d'une façon assez vertigineuse. Remarquez bien que, dans les prochaines années, les investissements d'Hydro-Québec, qui ont été jusqu'à 2 700 000 000 $, vont se retrouver à environ 2 000 000 000 $ pendant les prochaines années. La grosse baisse ne se fait pas tellement en 1983, 1984 et 1985; dans le document qu'on vous a présenté, en 1983, les investissements d'Hydro-Québec étaient de 2 800 000 000 $; en 1984, de 2 400 000 000 $ et, en 1985, de 2 200 000 000 $. Alors, il n'y a pas un effondrement des investissements d'Hydro-Québec sur une courte période.

Le Président (M. Rancourt): M.

Coulombe.

M. Coulombe: Je voudrais aussi mentionner qu'une des choses qu'on va vous présenter à la commission parlementaire - je vais juste l'affirmer aujourd'hui et on va en donner les preuves à ce moment-là - c'est que, en termes d'activité économique, pour les trois prochaines années, malgré ce que vous dites et ce qui est vrai, c'est-à-dire que certains grands projets sont reportés, les investissements d'Hydro-Québec vont être légèrement supérieurs à ceux prévus l'an passé, même si les projets prévus pour 1992 sont reculés jusqu'en 1995. On va vous le démontrer chiffres à l'appui.

Le Président (M. Rancourt): M. le député d'Outremont.

M. Fortier: Mais là, vous ne parlez pas uniquement de vos projets, vous parlez de toutes sortes d'investissements, je ne sais pas si on appelle cela des investissements, mais des dépenses d'immobilisation...

M. Bourbeau (Joseph): Exact.

M. Fortier: II y en a qui peuvent être dans les dépenses de fonctionnement ou dans...

M. Bourbeau (Joseph): Voilà.

M. Fortier: Mais là, on parlait d'investissements dans les grands projets.

M. Coulombe: Des investissements dans des grands projets... Nous, nous attachons beaucoup d'importance aux investissements qui sont faits dans d'autres secteurs que le secteur de la production d'électricité et, en termes d'activité économique - cela a commencé l'an passé; d'ailleurs, les chiffres sont dans le document que vous avez - cela va être encore accentué, c'est-à-dire que le pourcentage de dépenses au niveau de la distribution et du transport va augmenter par rapport aux dépenses de production. Cela part du raisonnement très simple: Est-ce qu'Hydro-Québec serait vraiment responsable de bâtir des équipements de production dans une perspective où on n'en a pas besoin à court terme, parce que, à moyen terme, c'est le consommateur - peut-être pas le contribuable, mais le consommateur, ce sont pas mal les mêmes - qui va payer pour cela? Juste un exemple. Dans les trois prochaines années, Hydro-Québec va virer au compte d'exploitation des équipements d'environ 7 000 000 000 $ du compte d'immobilisation, c'est-à-dire en construction. C'est 7 000 000 000 $ d'équipements et les dépenses d'intérêts sur ces 7 000 000 000 $ vont aller sur la ligne des dépenses d'exploitation. La ligne des dépenses d'exploitation, c'est le "bottom line" et, si les critères financiers d'Hydro-Québec doivent être respectés, c'est là que le jeu des tarifs se joue. Alors, dans les trois prochaines années, on a 7 000 000 000 $ d'équipements qui viennent en exploitation. Calculez l'intérêt là-dessus et ce sont carrément des dépenses d'exploitation. Bâtir pour avoir ces choses sans avoir des marchés sûrs, je pense que, finalement, c'est le consommateur qui va payer pour ces choses.

Le Président (M. Rancourt): M. le député d'Outremont.

M. Fortier: Est-ce qu'à la fin du mois, vous allez nous faire part d'investissements ou de dépenses qui avaient été immobilisés dans le compte des investissements et qui maintenant ne seront plus utiles avant très longtemps? On parlait d'investissements dans le nucléaire ou autrement. Je pense qu'on avait parlé d'un chiffre de plusieurs millions de dollars. Est-ce que certains de ces postes vont être effacés de votre compte des investissements?

Le Président (M. Rancourt): M.

Coulombe. (12 h 15)

M. Coulombe: C'est un autre problème. Le problème auquel je me référais est le problème qui est vécu par Hydro-Québec depuis son existence. La semaine passée, la centrale nucléaire entrait en exploitation commerciale. Cela veut dire qu'il y a 1 500 000 000 $ qui sont versés au compte d'exploitation comme un actif qui produit des revenus. LG 3, LG 4, les turbines viennent en exploitation à tous les deux ou trois mois. Alors, chaque fois, c'est versé au compte d'exploitation. C'est ce phénomène que je décris et qui n'est pas nouveau. Cela a été la même chose avec LG 2, avec Bersimis, et ainsi de suite. Mais c'est l'importance du

montant, c'est-à-dire que les grands projets se terminent. On en a pour 7 000 000 000 $ qui vont être versés au compte d'exploitation et, dans les trois prochaines années, ces intérêts vont s'ajouter carrément aux dépenses d'exploitation sans aucune possibilité pour Hydro-Québec de changer cela, de modifier les taux d'intérêt ou de faire quoi que ce soit. Il faut mécaniquement prendre cela et payer les intérêts à même le compte d'exploitation, et on en a pour 7 000 000 000 $

Le Président (M. Rancourt): M. le député d'Outremont.

M. Fortier: J'aimerais revenir à ce que vous discutiez tout à l'heure avec le ministre sur les efforts de vente, de marketing. J'ai nettement l'impression que vos efforts de vente au Québec même semblent très bons. D'ailleurs, les représentants des compagnies de gaz sont venus nous voir pour nous dire que vos efforts étaient trop bons, vu que les programmes que vous aviez mis au point étaient justement des programmes pour s'attaquer aux quelques industries qui auraient pu aller au gaz et qui vont aller à l'électricité, à cause de ces programmes.

J'aimerais discuter maintenant des ventes d'électricité à l'étranger. À la page 26, vous y faites allusion et vous donnez certains chiffres. Si on additionne tous les chiffres, cela nous donne 9500 mégawatts de marché potentiel. En commission parlementaire, lorsqu'on a étudié la loi 4, on y a fait allusion et vous avez dit que le potentiel était autour de 8000 mégawatts. Enfin, on va s'entendre pour dire qu'il y a un marché potentiel de 8000 à 9000 mégawatts.

Vous avez dit - et ce n'est pas moi qui vais vous le reprocher - qu'il faudrait négocier de bons contrats et vous vous êtes comparés à Churchill Falls dans une certaine mesure. Je ne sais pas si la comparaison vaut parce que vous avez des ressources humaines beaucoup plus considérables que Terre-Neuve n'en avait au moment de la négociation du contrat auquel vous avez fait référence, il y a quelques années. Quand même, il faut être prudent et il n'y a personne qui va vous le reprocher.

Ce dont j'aimerais vous entendre parler, c'est des contraintes qui font que vous dites que, dans l'immédiat, on ne peut parler de vente sur une base ferme que de 2000 à 3000 mégawatts. Je ne sais pas lequel des deux, si c'est le président d'Hydro-Québec ou le président du conseil qui faisait référence à différentes contraintes, comme les difficultés de construction de lignes de transport d'énergie aux États-Unis, les problèmes d'environnement et autres problèmes qui, je crois, proviennent du fait que les syndicats américains aussi veulent avoir des investissements chez eux. Ils disent qu'on ne devrait pas prendre avantage de la situation sur le plan énergétique pour justement favoriser des investissements aux États-Unis. J'aimerais que vous me décriviez la situation. Quelles sont ces contraintes? Je ne parle pas nécessairement... Cela devient des contraintes politiques, oui, mais ce sont a priori des contraintes économiques. Est-ce que vous avez fait une liste où vous pourriez résumer certaines des contraintes qui font que, d'après vous, il n'est pas possible de viser un marché potentiel de 8000 mégawatts?

Le Président (M. Rancourt): M.

Coulombe.

M. Coulombe: II faut préciser qu'on vise ce marché. Je pense que ce n'est pas être trop prudent que de dire que, si on a un marché de 8000 mégawatts, on veut en accrocher 2000 mégawatts au début. Je pense que 25%, c'est relativement audacieux comme objectif à court terme. Donc, je ne pense pas qu'on puisse appeler cela nécessairement une très grande prudence. On a un marché X et on vise à court terme d'aller en chercher 25% d'un coup. Donc, là-dessus, ce n'est ni imprudent ni très prudent; je pense que c'est un gros morceau.

On avait parlé des contraintes dans les autres commissions parlementaires. Il y en a de plusieurs ordres. Je ne parlerai pas de la question du prix. Lorsque c'est basé sur un problème de substitution, l'évolution des prix, les énergies concurrentes, tout le monde sait dans quel pétrin le monde entier se trouve pour prévoir l'évolution des prix dans ce secteur. Donc, la question du prix des énergies concurrentielles est un problème majeur.

Un deuxième ordre de problème sont les problèmes techniques. Encore là, il y en a de plusieurs sortes. Le problème technique de réseau, de stabilité interréseau, inquiète. C'est un problème qui est réel et qui préoccupe les Américains, qui nous préoccupe. Il y a donc là des problèmes de haute technologie qu'il faut aborder lorsqu'on sort de l'excédentaire et qu'on s'en va au ferme avec des prix garantis et des quantités garanties. Les problèmes de stabilité de réseau sont des problèmes qu'on peut résoudre, mais ils sont compliqués. Le problème de la construction des interconnexions dans deux immenses territoires est aussi un problème non pas technique, mais d'environnement, d'interrelation avec une multiplicité d'interlocuteurs municipaux, régionaux, de tous ordres, tant du côté américain que du côté du Québec. C'est un problème, encore une fois, qui est soluble, mais qui demande une série d'étapes également du côté américain. On sait que PASNY, actuellement,

est en discussion quant à sa ligne. Il y a des zones dans l'État de New York et en Nouvelle-Angleterre qui sont peut-être plus compliquées que les zones du Québec. Donc, c'est un autre type de problème. Le quatrième ordre de problèmes, c'est évidemment, au-delà du prix, la structure de l'escalade des prix. Cela aussi est complexe parce que, comme je l'ai dit, comme personne ne sait exactement comment les prix du pétrole, du gaz ou du charbon vont évoluer, il faut donc avoir un corridor d'escalade des prix qui tienne compte d'une série de valeurs.

Aucun de ces problèmes n'est insoluble en soi. Quand vous les mettez les uns à côté des autres, cela demande beaucoup de négociations et plusieurs types de négociations. S'ajoute à cela un cinquième problème qui est surtout du côté américain. Au Québec, il y a un interlocuteur corporatif, c'est Hydro-Québec. Aux États-Unis, vous avez des groupements d'interlocuteurs. Quand on discute avec NEEPOOL, par exemple, je pense qu'il y a 83 compagnies regroupées sous un exécutif qui a un mandat de négociations, mais, quand 83 compagnies forment un ensemble, c'est évident que cela donne une certaine lourdeur parce qu'il y en a des minuscules là-dedans, des municipales, il y en a des grosses, les intérêts sont divergents, les capacités de payer ne sont pas les mêmes. Il faut harmoniser les interlocuteurs internes, faire une espèce de front commun pour dialoguer avec nous et, de leur côté, il y a des difficultés normales de communications, d'interrelations qu'on n'a pas au Québec, fort heureusement.

C'est un problème réel. Ce sont ces cinq ordres de problèmes qui continuellement s'interrelient. Des fois, c'est l'un qui est plus important; des fois, c'est l'autre. C'est dans ce cadre qu'il faut faire les négociations.

M. Bourbeau (Joseph): J'allais en ajouter un sixième, mais c'est le lobby du charbon qui commence à être beaucoup plus effectif aux États-Unis depuis quelque temps, en regard des importations venant du Québec ou du Canada. On se dit: Pourquoi ne pas utiliser le charbon du Mid-West? On sent les pressions du lobby du charbon. Cela est un autre élément qui s'ajoute à ceux qu'a décrits M. Coulombe.

Le Président (M. Rancourt): M. le député d'Outremont.

M. Fortier: Si on examine ces contraintes - et j'en suis fort conscient - il y en a certaines qui sont techniques, donc, ce sont des problèmes d'ingénieurs et, comme Hydro et, de leur côté, les

Américains ont des ingénieurs très compétents, j'oserais espérer que les problèmes techniques de stabilité pourront se résoudre. Il y a la question des interlocuteurs et, j'imagine, une fois que les gens se sont parlé, on peut arriver à des réponses et a des solutions.

Il y a la question du lobby du charbon. C'est parce que le ministre nous a dit - je ne sais si c'est Hydro-Québec qui l'a déjà dit - que, compte tenu de ces difficultés, on devrait se fixer comme objectif uniquement 2000 ou 3000 mégawatts. Quand je regarde les contraintes que vous nous imposez, une fois que ces contraintes sont levées, s'il y a plusieurs interlocuteurs et que vous réussissez à les mettre ensemble, la négociation sur les prix, la stabilité technique, ce n'est pas plus difficile à ce moment de résoudre le problème pour 2000 que pour 10 000 mégawatts. Là, vous arrivez au lobby du charbon. Je me demande si les moyens mis en oeuvre par Hydro et par le gouvernement sont assez déterminants pour faire face à la musique.

J'aurais pensé, je ne sais pas, je suis certain que les hommes d'affaires du Québec seraient heureux de former un groupe et d'aller faire du lobby aux États-Unis, d'avoir un "task force" d'hommes d'affaires qui iraient convaincre les Américains que, somme toute, malgré les contraintes, c'est la meilleure solution possible. Je me demande si on a tout mis en oeuvre justement pour aller vendre de 6000 à 8000 mégawatts au lieu de seulement 2000 à 3000. Est-ce qu'il y a une volonté politique? Est-ce qu'il y a une volonté d'Hydro-Québec? Est-ce qu'on a mis en oeuvre tous les moyens qu'on pourrait mettre en oeuvre parce que, s'il y a un lobby du charbon, c'est certain qu'il faudrait que certains d'entre nous aillent donner des conférences aux États-Unis pour contrer ce lobby ou, du moins, faire face à la musique en ayant notre propre lobby à Washington pour démontrer qu'acheter d'Hydro-Québec, c'est une source très sûre et à des coûts qui, j'en suis sûr, pourraient être concurrentiels. Somme toute, il s'agit de trouver des arguments économiques qui démontreraient qu'une entente avec le Québec serait dans le meilleur intérêt du Québec et des États-Unis. C'est là où je me demande: Est-ce qu'il y a une volonté politique et est-ce qu'Hydro-Québec met tout en oeuvre? Pourquoi ne pas former un "task force" d'hommes d'affaires québécois qui vont appuyer Hydro-Québec et le gouvernement dans ce genre de démarche?

Le Président (M. Rancourt): M.

Bourbeau.

M. Bourbeau (Joseph): En réponse à la question de M. Fortier, vendredi prochain, je prononce une conférence devant un groupe du Canada et des États-Unis. Le sujet sera Canada-US Energy. À ce moment, on aura à

la même table un représentant d'Hydro-Québec, j'y serai, et on aura le "chairman" de PASNY, on aura le représentant de NEEPOOL. On aura des échanges sur la façon de voir les interconnexions énergétiques entre le Canada et l'Est des États-Unis. Le 30 septembre, on a rencontré, ici même à Montréal, 35 personnes du US State Department. Ce sont de futurs ambassadeurs qui font une tournée non seulement aux Etats-Unis, mais à l'extérieur des États-Unis pour se rendre compte des problèmes et on a eu une présentation devant eux. À la fin d'août et au cours du mois de septembre, je crois qu'il y a eu trois ou quatre visites de gens de New York et de NEEPOOL qui sont allés voir la Baie-James et qui sont venus parler au gouvernement et à Hydro-Québec. On a fait ce genre de lobby de pression. C'étaient des gens qui siègent à la Législature de l'État de New York, de l'État du Massachussetts, etc. Nous sommes très actifs dans les moyens -je ne dis pas les moyens de pression - de communiquer avec les Américains et de démontrer que nous sommes prêts à nous engager dans des contrats d'interconnexion.

Le Président (M. Rancourt): M. le député d'Outremont.

M. Fortier: Je ne voulais pas laisser entendre que vous ne faites rien parce que j'ai eu l'occasion de dire, lorsque le président, l'an dernier, faisait état de ces réorganisations, que le fait qu'il y avait un vice-président du marketing était sûrement un bon pas dans la bonne direction. Je suis heureux d'apprendre qu'il y a des initiatives pour convaincre. Encore là, je reviens à la dimension du problème. On a des surplus, on retarde les projets d'investissement et il y a des choses qui se font. Je me demande si on ne pourra pas aller encore plus loin en associant des groupes d'hommes d'affaires qui sont ici et qui seraient intéressés à cela. On parle de lobby. Tout le monde connaît Washington. Il y a des agents qui se spécialisent dans cela. Est-ce qu'Hydro-Québec ou le gouvernement a retenu un lobby à Washington? Il se peut que le gouvernement du Québec ait son propre bureau là-bas. Je pose la question à la dimension du problème. Il y a un potentiel de 8000 à 9000 mégawatts et on a un objectif de 2000. Je me demande... Peut-être que le ministre veut intervenir. Cela me ferait plaisir de lui laisser la parole maintenant. Si l'on fait tout... Je ne veux pas dire qu'Hydro-Québec ne fait rien. Au contraire, je sais qu'il y a des choses qui se font. Je me demande si l'on fait tout pour que l'objectif, au lieu d'être de 3000, soit de 6000, 7000 ou 8000. C'est le sens de ma question. (12 h 30)

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.

M. Duhaime: M. le Président, on a voulu sonder la volonté politique. Il m'appartient de répondre à cette question, je crois. D'abord, une chose est très claire. Il ne saurait être question de faire du lobby à Washington pour la bonne et simple raison que la juridiction gouvernementale qui s'occupe des questions hydroélectriques relève de l'autorité des États. Donc, nous parlons avec le Power Authority of the State of New York, donc le gouverneur de l'État de New York, et lorsque nous parlons avec NEEPOOL, c'est un regroupement d'associations d'utilité qui produisent, qui transmettent et qui agissent également comme courtiers dans le secteur hydroélectrique. Les gouverneurs de chaque État sont au dossier. Cette question est à peu près le premier point de l'ordre du jour de chacune des rencontres qu'ont les premiers ministres des provinces de l'Est et de Québec avec les gouverneurs de la Nouvelle-Angleterre. Ce n'est donc une juridiction fédérale américaine en aucune manière. Un parlementaire américain a dit récemment, alors que j'étais son hôte, il y a à peine quelques semaines, que c'était tant mieux ainsi. J'imagine qu'ils ont des problèmes de leur côté. Cependant, ce qu'on fait, c'est qu'il y a bien sûr une volonté politique de tenter de réussir un contrat, mais c'est une volonté politique réaliste qui ne s'inscrit pas dans la frénésie d'une course au leadership. Quand on parle de 2000 ou de 2500 mégawatts, cela peut avoir l'air d'un pourboire pour le député d'Outremont, mais je vous rappelle que, sur la base des prix actuels qu'on projette sur l'horizon de 1990, qui seraient les prix à l'exportation, on parle de revenus pour Hydro-Québec de 1 500 000 000 $ à 2 000 000 000 $ par année à partir de 1990. Si cela n'est pas grand-chose, je veux bien, mais cela m'apparaît énorme. Si on tient compte, bien sûr, que ces contrats seront très certainement des contrats de longue durée, il n'y a pas un Américain qui a une tête sur les épaules qui va accepter de financer des interconnexions sur de pareilles distances -parce que notre problème est de rendre notre kilowatt ferme à la frontière et, ensuite, le relais est pris par les Américains - à moins que ce ne soit un contrat de longue durée. Je suis un peu effrayé par les propos du député d'Outremont, parce que, s'il faut se rendre 500 à New York et en Nouvelle-Angleterre pour expliquer aux Américains qu'ils sont plus en sécurité en faisant affaires avec la vallée du Saint-Laurent qu'avec le golfe Persique, c'est qu'on prend les Américains pour des imbéciles. Quant à la question de la sécurité des approvisionnements, je pense que nous

marquons de façon magistrale un avantage considérable sur tout ce qui peut venir de n'importe quel point du monde, en termes d'importation de pétrole en particulier.

J'ajoute essentiellement qu'il serait dangereux d'aller faire sonner trop de cloches en même temps aux États-Unis. La dernière chose que je souhaiterais, c'est que nous nous placions nous-mêmes dans un marché de vendeur. Engager Hydro-Québec et les Québécois, finalement, qui, chaque mois, se rappellent que ce sont eux qui en paient la note dans des scénarios et dans des investissements de milliards de dollars sans d'abord et avant tout nous assurer que nous avons un marché ou bien ici au Québec ou chez nos voisins du Sud, je vais répéter ce que j'ai dit ailleurs: C'est fou raide. J'aime mieux qu'on travaille avec les Américains, soit en Nouvelle-Angleterre, soit à New York sur la base de contrats de vente réalistes; 1500, 2000, 2500 mégawatts sur un contrat de 20 ans, on parle de 40 000 000 000 $ à 50 000 000 000 $. Si ce n'est pas beaucoup pour le député d'Outremont, moi, je considère que c'est beaucoup. Des revenus d'exportation semblables pour Hydro-Québec représenteraient un pourcentage énorme à son compte d'exploitation.

Je pense qu'on ferait une erreur de nous équiper d'abord pour ensuite vendre. Je pense qu'il nous faut vendre d'abord sur un marché ferme, solide et à long terme. Le financement se fera tout seul ensuite, j'imagine. M. Coulombe l'a bien indiqué tantôt. Je ne crois pas, quant à moi, que les gens de Terre-Neuve étaient mal équipés en termes de ressources humaines lorsqu'ils ont signé le contrat concernant Chruchill Falls. Il faut bien rappeler de temps en temps à l'opinion publique au Québec et à nos amis de la presse, en particulier - la presse d'une façon générale - que c'est Hydro-Québec, que c'est le Québec et les Québécois... Je me rappelle très bien ce que M. Daniel Johnson avait dit à l'époque: II signait ce contrat le couteau sous la gorge. Il avait ses raisons: c'est Hydro-Québec et le gouvernement qui, à l'époque, ont pris tous les risques. C'est Hydro-Québec qui a amené la technologie, qui a garanti les capitaux et qui a garanti aussi l'achat de la totalité des 4300 mégawatts pour la durée du contrat. Quand on ne regarde qu'un côté de la médaille, il faut faire attention.

Nous avons, bien sûr, eu un bon coup de main l'année dernière avec une législation fédérale qui, théoriquement, permettrait de placarder le Québec avec un corridor hydroélectrique à partir d'un point quelconque du tracé de 1927 vers la frontière américaine. Si vous voulez mon avis là-dessus, je ne considère pas que ce soit une concurrence très sérieuse, même en mettant entre parenthèses le problème politique énorme que cela pose. Simplement sur le plan de la pure rationalité économique, si on fait un calcul à travers un corridor électrique ou encore si on utilise le Anglo-Saxon Road, comme on l'appelle, prendre une production hydroélectrique dans le bassin du fleuve Churchill et acheminer cela à travers le détroit de Belle-Isle jusqu'à Terre-Neuve puis revenir sur les provinces maritimes et vous présenter sur le marché de New York ou de la Nouvelle-Angleterre avec un prix concurrentiel, je ne sais pas qui conseille nos collègues de Terre-Neuve, mais j'ai comme l'impression que c'est une aventure un peu risquée.

Aux États-Unis, notre problématique est très claire. Nous sommes intéressés. Nous avons signé des contrats d'énergie excédentaire jusqu'à présent. C'est dans cette foulée que, en compagnie du premier ministre, au printemps, à Boston, j'ai indiqué que nous devrions - je m'adressais à six gouverneurs de la Nouvelle-Angleterre profiter du momentum - je parle bien sûr de la ligne interconnexion au poste des Cantons pour augmenter la capacité de cette interconnexion, dans un premier temps, de transformer le contrat ou de le modifier pour qu'un contrat d'énergie excédentaire puisse devenir porteur d'énergie ferme. C'est dans ce sens-là que la problématique et la dynamique se situent.

Je pense qu'Hydro-Québec et le Québec feraient une erreur historique de se placer sur un marché de vendeurs, parce que ce ne serait pas nous qui établirions les règles du jeu fondamentales sur la question des prix et des clauses d'escalade ou d'indexation et de référence à d'autres formes d'énergie sur l'avenir. Quand on parle d'un contrat de 20 ans, cela dure longtemps. Il y a très probablement aussi des scénarios, ou à l'intérieur d'un contrat de longue durée, où il faut prévoir des périodes de reconduction après 10 ou 15 ans. Il est bien certain que je maintiens exactement ce que j'ai toujours dit dans ce dossier, faire miroiter qu'on peut enclencher des travaux pour 8000 ou 10 000 mégawatts à des fins d'exportation vers les États-Unis m'apparaît un manque de réalisme tout simplement. Des créneaux de marché qu'on identifie, à ce jour, se situent beaucoup plus dans la problématique de 2000, 2500 possiblement 3000 mégawatts. Voilà, pour la volonté politique, M. le député d'Outremont.

Le Président (M. Rancourt): M. le député d'Outremont.

M. Fortier: Je vois deux remarques, M. le Président, avant de revenir à HydroQuébec. La première, le ministre nous dit que la nécessité d'un lobby à Washington n'existe pas. D'après l'information que j'ai obtenue moi-même - peut-être qu'Hydro-Québec peut le confirmer - dans une

conjoncture d'exportation, il faut que ces sept compagnies de service public forment un compact qui nécessite une loi de Washington. C'est la raison pour laquelle Washington a toujours un mot à dire dans ce genre de chose.

Par ailleurs, quand on parle des syndicats et des secteurs privés du charbon qui font du lobby à Washington ou ailleurs, ce sont les lobbies très puissants qu'il faut prendre très au sérieux. Voilà la mise au point.

Je m'aperçois que le ministre aborde ce genre de dossiers avec sa mentalité d'avocat. Ce que j'essayais de dire, c'est que cela nous prendrait une mentalité de vendeur. Tant que l'on conservera une mentalité d'avocat, on verra beaucoup plus de difficultés que nécessaire. C'est sa position et on doit la respecter.

Je crois que l'an dernier - je ne sais pas si c'est au printemps - vous nous aviez dit que vous aviez fait faire une étude de marketing qui vous permettait de dire qu'il y a un créneau de 2000 ou 3000 mégawatts. Est-ce que ce serait trop vous demander que de vous inviter à rendre publique cette étude que vous avez fait faire aux États-Unis? Quelle société l'avait faite exactement?

M. Coulombe: En fait, on a dit que les chiffres que vous avez là-dedans découlaient de deux sources, notre propre connaissance du marché et une étude spécifique qui n'en a pas déterminé 2000 ou 3000 mais . qui a déterminé le total auquel vous faisiez allusion tantôt. Quant à l'étude même, M. Lafond peut la décrire et voir comment elle s'est bâtie.

M. Lafond (Georges): M. le Président, comme remarque préliminaire, j'aimerais souligner que c'était très agréable d'entendre le député d'Outremont dire qu'à la suite du témoignage des gaziers du Québec, l'opération marketing d'Hydro-Québec avait été perçue comme très vigoureuse sur le plan domestique. J'aurais souhaité que les autres électriciens canadiens puissent venir devant cette commission. Je pense qu'après les avoir entendus, vous auriez conclu que la politique de marketing d'Hydro-Québec, non seulement sur le plan domestique mais sur le plan étranger, est aussi extrêmement vigoureuse, si on compare avec ce que nos collègues des autres provinces essayent de faire.

J'aimerais aussi souligner qu'il n'y a aucune autre compagnie d'électricité de la couronne au Canada qui, dans un temps aussi rapide, ait signé un contrat aussi important, c'est-à-dire 111 térawattheures, avec l'État de New York, d'une part, et, d'autre part, 33 térawattheures avec le groupe NEEPOOL. Il n'y a sûrement pas d'autres électriciens canadiens qui travaillent avec autant d'énergie actuellement pour s'installer sur les marchés au sud de la frontière.

M. Coulombe a très bien traité des contraintes. Il y a des contraintes et des contraintes contraignantes. La dernière chose que nous voudrions oublier actuellement c'est la loi de l'offre et de la demande et de brasser trop fort l'équilibre délicat qui doit s'installer entre une demande, d'une part, et une capacité de production, d'autre part. Il est exact que nos amis au sud de la frontière ont des besoins échelonnés dans le temps, qui peuvent être perçus comme énormes. Cependant, ce qu'ils considèrent comme une quantité qu'ils pourraient prendre du Canada, présentement, c'est une quantité de substitution plutôt qu'une quantité de remplacement de capacité de production à construire, pour plusieurs raisons et en partie principalement à cause de l'incertitude qu'ils ont chez eux - comme c'est le cas au Canada - de l'évolution de la demande. Dans cette perspective-là, ils affirment carrément qu'ils n'auront pas besoin de puissance avant 1995 et, dans certains cas, dans l'an 2000. Aller mettre sur la table présentement un bloc énorme pourrait mettre Hydro-Québec ou le Québec, comme vendeur d'électricité, dans une position où on déprécierait la valeur de son produit.

Je ne crois pas actuellement que cela serait dans le meilleur intérêt de la province que de pousser trop de kilowattheures dans le marché qui s'offre à nous en 1983, compte tenu que la prévision de la demande est devenue l'exercice le plus difficile à faire pour les électriciens.

M. Fortier: Pourriez-vous nous rappeler le nom des auteurs de l'étude que vous avez fait faire aux États-Unis l'an dernier?

M. Lafond: On avait à ce moment-là deux expertises différentes. L'une était surtout financière, c'est-à-dire First Boston Corporation. Dans l'autre cas, il s'agissait d'ingénieurs-consultants spécialisés dans le marketing et le développement des services publics. De mémoire, je dirais que c'était Bechtel.

M. Fortier: Ces études-là...

Le Président (M. Rancourt): M. le député d'Outremont.

M. Fortier: ...ne sont pas publiques?

M. Coulombe: Elles ne sont pas publiques parce que l'essentiel de l'étude était dans le plan de développement de l'an passé, les grands chiffres, les grands paramètres. Le reste' consiste en une foule de données très particulières sur certaines compagnies, leurs projets. On se sentirait extrêmement mal à l'aise de rendre publics

des projets internes de compagnies avec lesquelles on n'a pas de rapports directs, parce qu'on ne fait pas affaires avec chacune des compagnies; on fait affaires avec des groupements de compagnies. Cela me semblerait - peut-être pas tragique -indélicat de notre part de rendre publics leurs plans internes de développement. L'essentiel du rapport est dans le plan de développement, c'est-à-dire le nombre de mégawatts. On l'a fait par marchés et cela résume l'essentiel. Le reste c'est: Une telle compagnie veut faire telle chose en telle année, etc. Cela nous semblerait vraiment manquer d'éthique que de mettre sur la place publique ce genre de données. (12 h 45)

M. Fortier: Avec la loi sur l'accès à l'information, en vigueur depuis le 1er juillet, est-ce qu'on aura droit à ce genre d'information?

M. Coulombe: Là-dessus, je n'ai aucune idée de ce que cela pourrait donner...

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.

M. Duhaime: M. le député d'Outremont, je peux vous donner l'assurance que ce genre de document ne tombe pas sous le couvert de la loi sur l'accès à l'information.

Le Président (M. Rancourt): M. le député d'Outremont.

M. Fortier: J'aimerais aborder un autre sujet, les mini-centrales. J'y avais fait allusion moi-même auprès d'Électricité de France qui, comme vous le savez, permet à l'entreprise privée d'exploiter des minicentrales. J'ai bien compris que vous faites présentement ce qu'on peut appeler du développement pour éventuellement tester les nouvelles unités. Mais la loi, dans le moment, dit ceci: C'est que tout développement hydroélectrique au Québec doit être fait par Hydro-Québec.

Surtout dans une conjoncture de surplus d'énergie où votre motivation à développer des mini-centrales pour créer plus de surplus deviendrait un peu farfelue, j'avais évoqué la possibilité de permettre au secteur privé, qui voudrait développer une mini-centrale surtout dans des endroits éloignés - je pourrais même penser à des investissements miniers, je pourrais penser à des gens sur la Côte-Nord, je pourrais penser à des gens où probablement les lignes de transport d'énergie ne se rendent pas et peut-être même là où il y a des lignes de transport d'énergie - Côte-Nord, Abitibi, des gens seraient intéressés à développer une mini-centrale. J'ai justement ici le rapport d'Électricité de France où il y a toute une réglementation à cet égard. Autrement dit, sur le plan technique, je crois que c'est possible de circonscrire le problème et il est possible d'écrire des normes qui font que ceux qui réaliseraient ces projets le feraient selon des normes qu'Hydro-Québec aurait définies, justement pour pouvoir développer certaines de ces mini-centrales et dans des situations qui n'entreraient pas nécessairement à l'intérieur de la planification d'Hydro-Québec, mais qui pourraient faire l'affaire d'entrepreneurs privés dans des coins bien précis. Est-ce que, à ce moment-là, compte tenu du fait que les 5000 ou 10 000 mégawatts de mini-centrales vont être reportés en l'an 2020, vous ne croyez pas qu'il y aurait pas lieu de modifier la Loi sur l'Hydro-Québec pour permettre justement, dans des réalisations ponctuelles, à des entrepeneurs privés de réaliser certains de ces projets pour des fins particulières?

Le Président (M. Rancourt): M.

Coulombe

M. Coulombe: Dans le domaine que vous abordez, cela dépend un peu - comme M. Bourbeau disait tantôt - de votre définition de mini-centrale. Si vous prenez certains coins éloignés du Québec où HydroQuébec est obligée, par la loi, de fournir l'électricité, peu importe le coût, l'étude économique est assez rapide à faire. Il n'y a pas une compagnie privée qui, quelles que soient les conditions, pourrait se permettre de régler certains problèmes de lieux très éloignés au Québec. À moins qu'il y ait liberté totale de multiplier les tarifs par 100. Je ne crois pas que ce soit très populaire de le faire.

Par contre, dans certains coins - il y a des expériences qui se font en Ontario -nous avons commencé à étudier la possibilité que vous évoquez. Alors, j'élimine les mini-centrales de 20, 30, 40 ou 50 mégawatts dans des coins reculés où, pour l'entreprise privée, c'est exorbitant. Si cela l'est pour Hydro-Québec, n'importe quelle entreprise privée ne pourrait y arriver. Par contre, dans certains sites, il y a des expériences qui se font au Canada. Nous commençons à regarder cela. Il n'y aucune conclusion encore, je ne pense pas que l'étude soit terminée avant plusieurs mois. Je vous avoue honnêtement qu'actuellement ce dossier n'est pas la grande priorité d'Hydro-Québec tout simplement à cause de la situation de surplus, mais l'étude sur la possibilité de développer certains petits sites, soit en collaboration avec l'entreprise privée, etc., est en marche. Nous ne sommes pas dans une situation où, si la croissance allait à 8% ou 10% par année, Hydro-Québec serait complètement étouffée dans un programme d'équipement et que chaque kilowatt nouveau aurait un intérêt nouveau en soi. Nous ne sommes pas dans cette situation et même

pour l'entreprise privée à l'heure actuelle, avec les différents programmes qui sont en marche, je ne pense pas que ce soit une priorité pour elle. Mais c'est un problème qui est réel, nous avons commencé à l'étudier et on regarde à l'étranger ce qui se passe là-dedans. Il n'est pas nécessaire d'aller très loin, en Ontario il y a quelques expériences concrètes qui se font, nous suivons cela.

M. Fortier: Je comprends bien que ce n'est pas une priorité pour Hydro-Québec, c'est dans ce sens que je l'évoque, pour permettre justement que, dans des régions éloignées...

M. Coulombe: Mais on l'a étudiée.

M. Fortier: Certains industriels sont venus ici pour nous dire que la plus grande difficulté à laquelle ils devaient faire face, c'était le fait que durant les six, sept, huit dernières années le tarif d'Hydro-Québec avait augmenté rapidement, qu'ils n'avaient aucun contrôle sur les augmentations à venir et que, comme cela a été fait dans le cas de Reynolds et autres, ce qu'ils aimeraient avoir c'est des contrats à long terme.

J'évoquais la possibilité de permettre à une mine en particulier de faire son propre investissement. C'est que si ces gens n'avaient pas de problème de "cash flow", bien sûr que cela leur permettrait d'être assurés d'un prix ferme pendant vingt, vingt-cinq ans en tant que générateurs autonomes de leur propre électricité. C'est la raison pour laquelle j'évoquais la situation. Remarquez bien que cela regarde peut-être plutôt le législateur qui devrait modifier la Loi sur l'Hydro-Québec, mais je pense que cela devrait être fait en collaboration avec Hydro-Québec si on allait dans cette direction. Je ne prétends pas que ceci, à l'ensemble du Québec, créerait des milliers et des milliers d'emplois, mais je crois que des installations ponctuelles dans des régions éloignées, que des députés ici autour de la table représentent, pourraient dans certains cas, être des initiatives intéressantes.

M. Coulombe: Mais le secrétaire général d'Hydro-Québec m'informe qu'il n'y a rien dans la Loi sur l'Hydro-Québec qui restreigne l'utilisation des forces hydrauliques qu'a Hydro-Québec.

M. Fortier: Je croyais que vous aviez un monopole de fait sur toutes les ressources hydroélectriques. En tout cas on ne va pas partir un débat d'avocats, mais je tenais pour acquis que vous aviez le monopole total sur toutes les ressources hydroélectriques.

M. Coulombe: II ne semble pas que ce soit le cas.

Le Président (M. Rancourt): S'il vous plaît. M. le député d'Outremont.

M. Fortier: En tout cas... Je voulais seulement évoquer ce problème.

Le Président (M. Rancourt): M.

Bourbeau.

M. Bourbeau (Joseph): M. le député d'Outremont disait ce qui s'était passé pour des mines. Je sais fort bien que dans le passé des développements miniers sont venus voir Hydro-Québec justement pour que l'électricité soit fournie par Hydro-Québec. Ils ont assez d'argent à mettre dans leur développement minier qu'ils ne veulent pas mettre un paquet d'argent dans le développement...

M. Fortier: Dans la génération elle-même.

M. Bourbeau (Joseph): Oui.

Le Président (M. Rancourt): M. le député d'Outremont.

M. Fortier: Un autre sujet: Politique des prix et tarification. Tout à l'heure vous parliez, au sujet des rabais tarifaires, du nouveau programme que vous avez mis en oeuvre au début de juillet. Des gens sont venus ici nous dire: Écoutez, on ne croit pas que ce sera très bénéfique parce que ces rabais sont valables seulement pour quelques années, et ce n'est pas suffisant. Pour nous le temps de justifier à nos conseils d'administration des investissements va faire que ces investissements ne se réaliseront que d'ici deux ou trois ans. Cela ne nous donne pas la marge de manoeuvre nécessaire et surtout pas le nombre d'années requis pour amortir ces investissements. Cela soulève toute la question de la tarification sectorielle. Je crois que vous avez évoqué la possibilité d'avoir une tarification différente dans l'avenir sur le plan industriel, justement pour favoriser le développement industriel. Pourriez-vous nous dire où vous en êtes à ce moment-ci dans la revue de cette nouvelle tarification? Est-ce qu'à la fin du mois vous allez l'évoquer d'une façon plus précise ou si pour le moment vous restez avec la tarification traditionnelle d'Hydro-Québec?

Le Président (M. Rancourt): M.

Coulombe.

M. Coulombe: On aura l'occasion d'en reparler à la fin du mois. On n'a pas de proposition à très court terme sur de la tarification sectorielle autre que - si on peut appeler cela de la tarification, mais il faut se méfier des mots - ce qui s'est fait dans le secteur de l'aluminium. On y réfléchit, on

pourra en discuter à fond à la fin du mois. On a d'ailleurs rencontré l'Association des grands utilisateurs et discuté avec eux. On a commencé à aborder ce genre de question qui pose énormément de problèmes. Quant au programme qu'on a mis sur pied vous avez raison de dire que dans certains cas c'est un programme qui va rendre service à certains, mais d'autres ne seront pas prêts, dans le laps de temps où on aura mis en oeuvre le programme, à faire les investissements. Par contre certains en profitent. On va avoir des dossiers prochainement où ils vont en profiter carrément. Mais évidemment c'est relié à la période de surplus. C'est un programme qui est bâti en fonction des surplus et c'est évident que pour certains types d'investissements ce n'est pas très alléchant pour eux. Par contre d'autres pourront en profiter.

Une des remarques qu'on nous a faites - on pourra en discuter a la fin du mois -c'est à savoir s'il serait possible pour des compagnies ou des secteurs qui fonctionnent à 80% ou à 70% de profiter de ces rabais s'ils augmentent à 80% ou 90%. Apparemment cela peut sembler alléchant mais cela pose un sérieux problème de discrimination pour Hydro-Québec. En d'autres mots entre une compagnie, dans le même secteur industriel, qui fonctionne à 98% parce qu'elle est très efficace et une autre qui fonctionne à 80%, pour d'autres raisons, cela devient extrêmement compliqué de discriminer sur cette base.

Il y a donc une foule de problèmes qu'on a commencé à explorer avec l'association. On n'en a pas réglé beaucoup encore, mais on en a abordé plusieurs. On a l'intention de continuer ce dialogue, de l'intensifier même non seulement avec cette association, mais avec d'autres groupes. Je pense que M. Lafond a un programme assez précis pour 1984 de dialogues et de rencontres. Probablement qu'il aurait pu y en avoir plus dans le passé. Je pense qu'on est les premiers à l'admettre. On a l'intention de les intensifier et d'aborder carrément ce genre de problèmes avec eux, avec tout ce que cela pose comme problèmes non seulement pour eux, mais pour Hydro-Québec, en termes d'équité, en termes de discrimination. On a l'intention d'aborder de front ces problèmes avec tous nos clients industriels ou autres.

Le Président (M. Rancourt): M. le député d'Outremont.

M. Fortier: Une façon d'augmenter la consommation d'énergie électrique, comme vous le dites dans votre mémoire, c'est de faire de la recherche et du développement et de trouver de nouveaux types d'application. Ici, je lis à la page 24: On estime que le marché potentiel technique des applications d'électricité dans le secteur industriel se situe à environ 30 000 000 000 de kilowattheures par année, soit l'équivalent actuel des ventes d'Hydro-Québec au secteur industriel. Là, de toute évidence, il y a un potentiel énorme. J'aurais deux questions.

La première, c'est que vous diminuez vos prévisions. Est-ce à dire que vous sous-estimez les possibilités de développement à court terme de ce côté? Par ailleurs, j'aurais d'autres questions sur ce qui a été dit tout à l'heure.

Le Président (M. Rancourt): M.

Coulombe.

M. Coulombe: Sur le marché de 30 000 000 000 de kilowatts, je vous ferai remarquer qu'une des dimensions de ce marché était la chauffe industrielle. On vient de régler une dizaine de térawatts. Donc, quand on disait qu'il y avait un marché de 30 000 000 000, on vient d'accaparer ou enfin de plonger dans le tiers du marché. Les autres deux tiers, M. Gilsig y a fait allusion tantôt et on pourrait peut-être reprendre certains des exemples, des cas pilotes avec des industries, soit au niveau du placement. Or, là, on entre dans des problèmes de technologie où, contrairement à la chauffe industrielle où c'est immédiat, on fonctionne, pour les deux autres tiers, beaucoup plus à moyen terme. Pour le premier tiers, on a dit: Voilà un an, il y avait un marché de 30 000 000 000 de kilowatts. On en a 10 000 000 000 de réglés pour un certain nombre d'années. Il en reste 20 000 000 000 et les autres 20 000 000 000, on n'a pas diminué nos expectatives. Même, j'espère qu'on va les augmenter. Mais là on entre dans la technologie à moyen terme. Peut-être que M. Gilsig pourrait nous donner des exemples concrets dans ce domaine.

M. Gilsig: Oui, je peux donner quelques exemples concrets aussi. Dans les documents que vous aurez à la fin du mois, vous constaterez qu'on a raffiné notre connaissance de ce potentiel. Dans ce document, on parle de potentiel technique qui est d'à peu près 23 térawattheures selon nos derniers chiffres. On identifie un potentiel économique qui est rentable, selon les études que nous avons faites jusqu'à maintenant, d'à peu près six térawattheures. Donc, on atteint six térawattheures d'abord et on raffine de plus en plus notre connaissance pour le reste. Ces potentiels se trouvent beaucoup dans les technologies de chauffage qui sont peu utilisées au Québec, comme les plasmas que j'ai mentionnés, le chauffage par induction, par infrarouge. Il y a un gros potentiel que nous n'avons pas chiffré encore, mais qui fait partie des 23, mais pas du 6, des pompes à chaleur à haute

température. Nous travaillons sur les applications pilotes de cette technologie, par exemple.

M. Fortier: Tout à l'heure, vous avez dit que dans le domaine des plasmas, la technologie vous était propre. Vous avez acheté, je crois, des technologies de Noranda. En tout cas, en ce qui concerne toute la recherche et le développement pour de nouvelles utilisations d'électricité, je l'ai dit l'an dernier, je crois que vous allez dans la bonne direction et l'on doit vous féliciter pour l'orientation que vous avez donnée sur cela. (13 heures)

L'aspect qui m'inquiète c'est qu'il semblerait que c'est l'IREQ ou Hydro-Québec qui ont pris cela en main. Ils ont acheté des technologies de l'entreprise privée. J'ai obtenu des informations sur ce qui se fait en Ontario dans le domaine des plasmas. Ils travaillent d'une façon tout à fait différente. Ici, c'est Hydro-Québec et l'IREQ qui ont acheté des technologies, qui développent la technologie et vous avez trois programmes ici, tandis qu'en Ontario - j'ai une liste - ils ont au moins une dizaine de programmes dans le secteur privé et ceci leur permet d'aller chercher des subventions du gouvernement fédéral. Il semblerait que ces subventions ne soient pas disponibles parce que vous êtes une société d'État, c'est un premier handicap. Le deuxième handicap, vu que cette recherche éventuellement devrait permettre à des industriels de développer de nouvelles technologies, de nouvelles machines, de nouveaux produits, je me demande si on ne tombera pas encore dans la même difficulté qui a toujours existé: c'est qu'on fait de la recherche et du développement qui sont dissociés de l'industrie et par la suite on a de la difficulté à en faire le marketing et à associer les industries. Je me demande si l'approche d'Hydro-Québec en ce qui concerne la façon dont vous faites votre recherche qui est tout à fait contraire à l'approche de l'Hydro-Ontario, comme je l'indiquais ici... Je vois qu'à Hydro-Ontario ils ont un programme avec Stelco et un programme avec Dominion Bridge Steel Deer Ontario Hydro. Il y a un programme avec Plasma Broiler Ignition, Consumer Gas, Canadian Portland Cement Association, et Rocksal. De toute évidence, ils ont plusieurs programmes avec plusieurs industries tandis que dans votre cas vous avez monopolisé cette recherche et vous la faites dissocié du secteur privé. J'aimerais que vous me justifiiez votre approche, si vous essayez de me convaincre qu'elle est meilleure que celle d'Hydro-Ontario.

Le Président (M. Rancourt): M. Gilsig. M. Gilsig: Je n'essaierai pas de justifier notre approche, j'essaierai de la clarifier, parce que je vois que ce n'est pas clair. J'ai fait allusion à notre approche tantôt quand j'ai répondu à une question du ministre concernant les technologies nouvelles. J'ai dit que notre approche dans les implications industrielles c'était d'aller le plus rapidement possible aux applications pilotes dans l'industrie. J'ai mentionné que dans le domaine des plasmas, on poursuivait deux approches parallèles. Une vers les applications pilotes et l'autre vers la recherche et le développement chez nous. En effet, je peux vous soumettre une liste, aussi impressionnante que la liste d'Ontario, d'industriels avec lesquels nous travaillons actuellement sur les applications. Certains de ces industriels sont dans la salle aujourd'hui. J'ai eu l'occasion de les saluer. Les premières applications des plasmas au Québec - nous avons une recommandation qui est en cours de montée à Hydro-Québec actuellement - seront faites chez les industriels en utilisant une technologie qui sera sûrement importée, qui ne sera pas développée chez nous. Nos développements visent plutôt le long terme et l'assistance à l'industrie québécoise. Mais, nous voulons capter tous les bénéfices possibles de l'importation de nouvelles technologies au Québec dans un domaine autre que les plasmas évidemment. Nous travaillons avec Volcano dans le développement des chaudières électriques. Mais dans le domaine des plasmas nous travaillons avec SIDBEC dans le domaine de la sidérurgie, nous travaillons avec Ciment Lafarge dans le domaine des cimenteries. Nous avons toute une liste d'utilisateurs avec lesquels nous sommes en contact. Nous travaillons avec les ingénieurs-conseils. Nous sommes très conscients de ce problème d'obtenir des subventions et de promouvoir le transfert des technologies. Nous avons une présence soutenue à Ottawa avec nos confrères pour obtenir des subventions pour nos réalisations. Nous sommes très conscients que nous sommes en concurrence avec l'Ontario et nous avons obtenu un contrat de l'Association canadienne de l'électricité pour faire l'étude du potentiel de l'application des plasmas dans tout le Canada. Nous pensons que nous avons des ressources industrielles au Québec du côté de la fabrication, du côté des utilisateurs et des ressources techniques pour faire concurrence avec l'Ontario même dans la recherche des subventions à Ottawa. C'est une de nos préoccupations.

Le Président (M. Rancourt:) M.

Coulombe.

M. Coulombe: Je veux souligner qu'en même temps et en collaboration étroite avec l'IREQ dans les nouveaux services de mise en marché qui ont été mis sur pied à Hydro-

Québec, il y a ce qu'on appelle - M. Lafond pourra en parler plus longuement - des attachés commerciaux qui vont se spécialiser par secteurs industriels et entre ces attachés commerciaux - actuellement nous en avons cinq ou six qui sont aidés par une équipe pluridisciplinaire - et l'IREQ, la collaboration, l'angle technologique et scientifique du côté de l'IREQ et l'angle marketing-relations avec les différents clients industriels est en train de se bâtir de façon systématique.

Le Président (M. Rancourt): S'il vous plaît, notre règlement dit qu'à 13 heures, nous sommes obligés de suspendre. Mais s'il y avait consentement, cela nous permettrait de terminer l'audition d'Hydro-Québec. Est-ce qu'il y a consentement, M. le député d'Outremont?

M. Fortier: Consentement.

Le Président (M. Rancourt): Donc nous allons poursuivre jusqu'à ce que vous désigniez une heure spécifique...

M. Fortier: Pour 30 minutes.

Le Président (M. Rancourt): Trente minutes. Donc, nous espérons...

M. Fortier: Est-ce que cela crée un problème pour Hydro-Québec? Est-ce que vous êtes disponibles?

M. Coulombe: Oui, oui.

Le Président (M. Rancourt): Vous êtes disponibles; donc, à 13 h 30, je demanderai à nouveau en espérant...

M. le député d'Outremont.

M. Fortier: Je suis heureux d'entendre l'information que nous donne M. Toby Gilsig. Quant à moi, j'aimerais avoir plus de détails. Peut-être que les autres membres de la commission aimeraient en avoir également si c'était possible. J'ai ici une information à l'effet que: "The Federal Government can provide grants up to 50% of the investment cost." Alors il ne faudrait pas suivre une politique qui nous priverait d'obtenir 50% des investissements dans le domaine de la recherche dans ce secteur en particulier; si c'est la politique que l'on suit, tant mieux!

Un dossier qu'on abordera peut-être à la fin du mois, mais je me demandais, compte tenu du fait qu'il y a des placards publicitaires dans les journaux nous disant qu'il y a 400 000 $ de nos factures qui iront directement dans les profits nets d'Hydro-Québec et qu'on subit 50 000 pannes par année dont la moitié sont planifiées par Hydro-Québec, si vous pouviez faire rapidement le bilan de vos négociations. Si cela prend trop de temps, on l'abordera à la fin du mois en ce qui concerne les négociations. L'objectif que vous poursuiviez l'an dernier était de diminuer les coûts d'exploitation d'Hydro-Québec, d'une part, en modifiant le nombre de postes et, d'autre part, en fixant des objectifs d'augmentation de salaires qui seraient plus en ligne avec le secteur privé. Je pense bien qu'à la fin du mois, il faudra prendre le temps nécessaire pour l'étudier, mais je me demandais si vous pourriez résumer l'état de la question maintenant.

Le Président (M. Rancourt): M.

Coulombe.

M. Coulombe: Je ferai un bref rappel. À la fin du mois, vous aurez en détail, dans le plan, l'état de la situation des dépenses d'exploitation et ainsi de suite.

Quant aux conventions collectives, elles sont échues depuis le 31 décembre. Au moment d'entreprendre les négociations, on avait trois objectifs très précis qu'on avait mentionnés à la commission parlementaire. Le premier était de signer avant le 31 décembre 1982. En toute objectivité et en toute honnêteté, on n'a pas atteint le premier objectif; ce n'est pas encore signé. Le deuxième objectif, c'était de signer une convention collective raisonnable et équitable c'est-à-dire de tenir compte de l'avance des syndicats d'Hydro-Québec sur le marché et de récupérer une partie de cette avance. Troisièmement, chose inusitée, c'était d'avoir des conventions collectives signées plutôt que les éternels problèmes. On pense que les deux autres objectifs sont encore atteignables en dépit de la littérature d'un des syndicats dans les journaux. Nous pensons encore qu'il est possible pour Hydro-Québec d'avoir des conventions signées sans l'éternel chiard qui existe dans ce domaine.

Le Président (M. Rancourt): M. le député d'Outremont.

M. Fortier: À quel niveau se trouve-ton dans le moment? Il y a un conciliateur qui est impliqué actuellement. Est-ce que cette étape est terminée ou...?

M. Coulombe: Un conciliateur... Non, cette étape n'est pas formellement terminée. Dans le cas du Syndicat canadien de la fonction publique qui groupe la majorité des employés d'Hydro-Québec, en termes de nombre, je crois pouvoir dire que les démarches, les entretiens ou les négociations sont très avancés. Dans le cas du Syndicat des ingénieurs, c'est très avancé aussi, mais mettons que les dernières discussions n'ont pas eu lieu récemment. Je maintiens qu'il est encore possible de signer des conventions collectives qui tiennent compte des intérêts

respectifs des deux parties sans tomber dans l'éternel problème qu'on a eu. Nous sommes plus optimistes.

Le Président (M. Rancourt): M. le député d'Outremont.

M. Fortier: Est-ce que, dans les documents que vous nous donnerez, on aura un état de la question, une comparaison des demandes faites par les deux parties? Est-ce qu'on aura assez d'information pour se faire une idée de la situation?

Le Président (M. Rancourt): M.

Coulombe.

M. Coulombe: J'ose espérer que d'ici à ce temps, ce sera fini.

Le Président (M. Rancourt): M. le député d'Outremont.

M. Fortier: On attendra. Rapidement, je voudrais juste terminer avec le nucléaire. Le ministre l'a évoqué. J'entendais M. Gilsig dire: on va recycler le personnel. Il faut bien se rendre compte - si on ne veut pas se conter d'histoires - qu'il y a trois ou quatre catégories d'employés qui oeuvrent dans le nucléaire. Il y a ceux qui font de la recherche et du développement, ceux qui ont été impliqués dans l'ingénierie des centrales, ceux qui ont été impliqués dans la construction et ceux qui travaillent plus particulièrement à Hydro-Québec pour l'exploitation des centrales.

Il faut aussi se rendre compte que non seulement il y a du personnel à HydroQuébec, mais qu'il y en avait également dans le secteur privé. Quand on parle de recycler le personnel, je me demande à quoi on fait allusion exactement. Ceux qui ont fait l'ingénierie sont mutés à d'autres postes. Ces équipes - que ce soit dans le secteur privé ou à Hydro-Québec - n'existent plus en tant qu'équipes d'ingénierie. Dans le domaine de la construction également.

Dans le domaine de l'exploitation, vous allez continuer à exploiter Gentilly 2 avec les difficultés, de motiver des gens qui savent que leurs chances de promotion sont à peu près nulles parce qu'il y a seulement une centrale. De fait, je sais qu'il y a des têtes dirigeantes qui étaient responsables de la formation du personnel qui ont demandé à être déplacées à d'autres postes. C'est pour cela que je me demande, somme toute, lorsqu'on parle de maintenir une équipe qui nous permettrait en l'an 2000 de se relancer dans le nucléaire, si on ne se raconte pas des histoires.

Est-ce que réellement on peut décemment dire que l'on va maintenir des équipes minimales qui nous permettraient de se relancer dans ce secteur-là, si ce n'est qu'on va maintenir des équipes périphériques qui vont observer ce qui se fait ailleurs? Je me pose sérieusement la question à savoir quel est l'objectif qu'Hydro-Québec se fixe à cet égard? Les équipes d'ingénierie n'existeront plus, les équipes de construction n'existeront plus, les équipes d'exploitation des centrales vont être réduites au minimum avec le peu de chances d'avancement. Cela va être difficile même de garder celles que vous avez. Si jamais en l'an 2000 Hydro-Québec pensait comme alternative d'aller dans le nucléaire, on n'aurait pas d'équipe d'ingénierie, pas d'équipe de construction, on n'aurait à peu près rien; on serait obligé d'aller à l'étranger si on se lançait dans un programme nucléaire. C'est la raison pour laquelle je crois que les réponses données tout à l'heure ou celles données de façon générale sont un peu fautives dans le sens qu'on laisse l'impression qu'on maintient un secteur nucléaire. Dans le fond, au moment où on se parle, au Québec, il existe de moins en moins et, dans dix ans d'ici, il n'existera pas.

Le Président (M. Rancourt): M.

Bourbeau.

M. Bourbeau (Joseph): Je pense que je peux rejoindre le député d'Outremont en disant que dans le secteur de l'ingénierie et peut-être de la construction, on n'a pas de construction en marche et on n'a pas de centrale sur la table à dessin actuellement. Les gens qui étaient voués à faire ce travail - on en a parlé tout à l'heure - on les transfère au département de l'opération de la centrale. L'expertise nucléaire va demeurer une expertise d'exploitation d'un réacteur nucléaire.

On a aussi parlé de recherche. Je crois qu'il y a des mutations qui peuvent se faire du groupe ingénierie de centrale avec la recherche et tout ce qui se fait à l'IREQ au point de vue du nucléaire.

Quant à cette question: qu'est-ce qui va arriver à l'avenir, on a perdu notre expertise? Réellement, je ne le sais pas. Une chose qui apparaît assez claire, c'est qu'on n'aura pas besoin de centrale nucléaire avec 2020 ou 2030. Il y a quelques années, on pensait que vers 2000 ou 2005 on entrerait dans le nucléaire. C'est donc dire qu'on a un pont qui s'allonge avec le temps. C'est un pont qui est assez long. Avec tout ceci, reprendre et dire qu'on a perdu notre expertise et que s'il fallait recommencer, on va être obligé d'aller chercher l'expertise ailleurs, je ne suis pas d'accord avec cela. Je pense qu'on est capable de bâtir une équipe comme on en a bâti une en 1965. On est allé chercher des gens de l'extérieur, des bureaux d'étude. On a eu à former notre propre équipe. On s'est lancé dans le nucléaire. Je pense qu'en l'an 2020 ou 2030

on pourra faire le même exercice.

Je fais un parallèle entre ceci et ce qui est arrivé dans les années soixante-douze lorsqu'on a fait un contrat avec Churchill Falls. Évidemment, on était en train de construire Manic-Outardes et le contrat de Churchill Falls nous a enlevé tout notre personnel de construction et même d'ingénierie. On est reparti dans la Baie-James et on a reformé toute notre équipe sans aucune difficulté. (13 h 15)

M. Fortier: La comparaison est un peu boiteuse parce que les bureaux privés de génie-conseil avaient tenté d'aller chercher des contrats à l'étranger, ils avaient maintenu des équipes en place. Si on parle du nucléaire, présentement cela n'existe pas. Je n'en ferai pas un drame mais simplement je pose la question: Est-ce qu'on ne se leurre pas lorsqu'on dit qu'on maintient une certaine équipe minimale? En dépit de ce que vous avez dit, on sait fort bien l'un et l'autre que les équipes de gestion de projets... Si jamais on se lance dans le nucléaire vers 2015 - j'imagine qu'on va se lancer sur une échelle importante - on n'aura donc pas beaucoup le temps de roder des équipes. Je ne veux pas savoir ce qu'on va faire. Je me demande simplement ce qu'on essaie de faire dans l'immédiat, quel est l'objectif d'Hydro-Québec dans l'immédiat. Vous voulez maintenir Gentilly 2, recycler les gens dans la fusion. Ce sont des objectifs bien minimaux. Je pense bien qu'il ne faut pas s'Illusionner sur l'impact à long terme de ce genre d'exercice.

Le Président (M. Rancourt): M.

Bourbeau.

M. Bourbeau (Joseph): La perte qu'on peut faire, c'est à l'ingénierie. Étant donné qu'on n'a pas de nouveaux réacteurs à implanter, il n'y a pas d'ingénierie de centrales qui se fait. De fait, on passait par des bureaux externes pour faire l'ingénierie de centrales. Au point de vue de la construction, il n'y a plus de construction de centrales nucléaires. Remarquez bien que, dans la construction de centrales nucléaires, on fait d'autres sortes de construction. Faire du béton dans une centrale nucléaire ou faire du béton dans un barrage, c'est toujours du béton. Il y a certaines précautions à prendre lorsqu'on fait le bâtiment du réacteur mais au point de vue de l'installation de la machinerie, une centrale nucléaire, à part le réacteur, c'est exactement une centrale thermique.

Je pense qu'on n'a pas perdu notre expertise. Si jamais dans les années 2020, 2030 on veut recommencer un programme nucléaire, on va être capable de mettre sur pied des équipes.

M. Fortier: Pour revenir à ce qu'évoquait le ministre en ce qui a trait à la démolition de Gentilly 1, je pense que les réponses qui ont été données l'ont été au nom d'Hydro-Québec et en ce qui concerne Hydro-Québec; je crois qu'il y aurait un certain mérite... Lorsque l'Alliance Tournesol est venue ici, je leur ai dit que j'étais d'accord avec leur proposition. Il faudrait peut-être le regarder... Le secteur privé qui agit dans le domaine nucléaire - je parle du secteur privé québécois - serait peut-être intéressé à prendre cette expérience-là. De fait, je sais qu'il y a un bureau de Hamilton, London and Partners, qui s'est spécialisé dans la décontamination des centrales nucléaires lorsqu'il y avait des accidents. Ils ont eu un contrat à Three Mile Island; ils ont participé à cet exercice-là. C'est sûr qu'il y aura un marché. Est-ce qu'on est en meilleure posture que des gens de l'Ontario? Si on veut maintenir une quelconque présence, je crois que la décision - comme vous l'avez dit - revient à Énergie atomique. Le gouvernement du Québec et Hydro-Québec auraient peut-être avantage à inciter l'EACL à aller dans cette direction-là et à favoriser le secteur privé québécois, qui pourrait acquérir une expérience intéressante qu'il pourrait utiliser sur les marchés extérieurs. Je crois que je rejoins les préoccupations du ministre. Dans ce sens-là, je pense bien que ce n'est pas une préoccupation des employés d'Hydro-Québec mais cela pourrait être une considération plus large impliquant le secteur privé.

Le Président (M. Rancourt): M.

Bourbeau.

M. Bourbeau (Joseph): Remarquez bien qu'on discute avec EACL. Tout ce qu'on a fait remarquer c'est que la centrale G 1 appartient à EACL. Nous sommes continuellement en rapport avec EACL sur la façon d'utiliser G 1 dans l'avenir. Il y a plusieurs possibilités qui s'offrent à nous.

M. Fortier: Merci.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Vimont, je crois que vous avez demandé la parole.

M. Rodrigue: M. le Président, en réponse à une question du député d'Outremont, M. Lafond a fait référence au marché potentiel américain. À la page 26 du mémoire d'Hydro-Québec - je voudrais obtenir une précision - on mentionne qu'au cours des 20 prochaines années on estime que la production d'électricité de base par les centrales au mazout lourd devrait demeurer supérieure à 2500 mégawatts dans le New York Pool et à plus de 4500 mégawatts dans le New England Power Pool.

Est-ce que ce sont des centrales projetées ou des centrales intallées qui fonctionnent?

Le Président (M. Rancourt): M.

Bourbeau.

M. Bourbeau (Joseph): Installées.

M. Rodrigue: Ce sont des centrales qui sont installées.

M. Bourbeau (Joseph): C'est à quelle page?

Une voix: À la page 26 du mémoire.

M. Rodrigue: C'est à cela que faisait référence M. Lafond lorsqu'il nous a dit que les Américains étaient davantage à la recherche d'énergie de substitution de centrales actuelles et non pas à la recherche de remplacement de centrales projetées. On mentionne ici 2500 mégawatts de centrales au charbon, ce sont des centrales projetées. Est-ce que ces centrales sont en construction actuellement ou si ce sont des centrales qu'on projette de construire dans un horizon qui est quand même assez rapproché, 1987 et 1995? Toujours à la page 26, en haut de la page.

Je vous pose ces questions parce que, récemment, dans des prises de position publiques, il y a des personnes qui ont mentionné qu'il y avait un potentiel de 8000 mégawatts de centrales au charbon projetées aux États-Unis. Il m'apparaît utile d'apporter cette précision si tel est le cas.

Le Président (M. Rancourt): M. Lafond.

M. Lafond: La réponse précise concernant les 2500 mégawatts centrales au charbon, je dirais que la construction de ces centrales n'est pas encore commencée.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Vimont.

M. Rodrigue: Celles au mazout sont déjà en place?

Le Président (M. Rancourt): M. Lafond. M. Lafond: Oui.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Vimont.

M. Rodrigue: Maintenant, dans les conversations que vous avez pu avoir avec les gens de New York et de la Nouvelle-Angleterre récemment, est-ce qu'il est ressorti que ces centrales seraient mises en chantier ou est-ce qu'ils vivent le même problème qu'on vit au Québec et qui se vit un peu partout ailleurs aussi, qui veut qu'on soit obligé de réviser très sérieusement à la baisse nos programmes d'équipements, étant donné la baisse de la demande? Est-ce qu'ils maintiennent qu'ils doivent mettre ces centrales en chantier prochainement?

Le Président (M. Rancourt): M. Lafond.

M. Lafond: Ces gens ont commencé à avoir les mêmes problèmes que nous et deux ou trois ans plus tôt que nous. Ils partagent encore les mêmes inquiétudes.

M. Rodrigue: Mais ils n'ont pas pris de décision définitive?

M. Lafond: Non. Par ailleurs, dans certains coins, ils ont des centrales nucléaires en construction et ils se posent la question à savoir s'ils ne vont pas tout simplement arrêter la construction, comme cela s'est fait dans d'autres provinces canadiennes, non pas pour des centrales nucléaires, mais pour des développements hydroélectriques.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Vimont.

M. Rodrigue: Donc, si je résume, dans les chiffres de 9500 mégawatts qui ont été mentionnés tout à l'heure comme étant un potentiel théorique d'exportation aux États-Unis, en fait il y en a 7000 qui constituent des centrales déjà existantes, déjà en place, opérationnelles et 2500 qui constituent des centrales sur la mise en chantier desquelles les Américains ont de sérieuses interrogations au moment où on se parle. On peut résumer cela ainsi.

Un autre sujet - étant donné que le temps fuit actuellement, M. le Président, j'avais des questions sur le programme d'équipements, mais comme on doit se revoir à la fin du mois, je vais passer là-dessus -pour ce qui est des discussions sur Churchill Falls. Est-ce que ces discussions, en plus d'impliquer la centrale de Churchill Falls, touchent également à l'aménagement du Bas-Churchill et également à l'aménagement, par le Québec, des rivières de la Basse-Côte-Nord?

M. Bourbeau (Joseph): Comme je le disais, nous avons eu deux rencontres et, lors de ces deux rencontres, on a mentionné Churchill, on a mentionné Gull Island, on a mentionné les rivières de la Basse-Côte-Nord, mais les discussions ne sont pas encore assez avancées pour voir clair dans tout ce portrait.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Vimont.

M. Rodrigue: On est au stade d'étaler

chacun, de part et d'autre, ses positions? M. Bourbeau (Joseph): Exactement.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Vimont.

M. Rodrigue: C'est à peu près cela? Pour ce qui est du programme d'équipements des trois prochaines années, on constate, dans ce que vous nous avez dit, qu'il y a un transfert graduel et assez rapide qui va se faire de l'aménagement hydroélectrique vers les investissements dans la réfection du réseau de distribution et de transport. Cependant, on constate aussi que les niveaux d'investissements atteints au cours de ces trois prochaines années vont être de l'ordre de ceux qu'on a connus dans les meilleures années de la construction de La Grande, soit 2 000 000 000 $ ou 2 500 000 000 $ par année pour les trois prochaines...

M. Bourbeau (Joseph): 2 000 000 000 $ au lieu de 2 700 000 000 $.

M. Rodrigue: Très bien. Étant donné que là vraiment on tombe dans un autre type d'aménagement et que le contenu des équipements électriques va être extrêmement important dans les immobilisations qu'on va faire au cours des trois prochaines années, est-ce qu'il y a eu des mesures de prises pour intégrer et amener les manufacturiers d'équipements électriques du Québec à se préparer pour pouvoir fournir les équipements en vue de ces aménagements, étant donné qu'on est sur un horizon à assez court terme? Y a-t-il eu des approches auprès des manufacturiers québécois d'équipements électriques pour faire en sorte qu'ils soient en mesure de fournir les équipements au moment où Hydro-Québec en aura besoin?

Le Président (M. Rancourt): M.

Coulombe.

M. Coulombe: Vous avez parfaitement raison, les discussions vont s'accélérer très bientôt, c'est une de nos préoccupations justement de faire profiter les manufacturiers québécois, parce qu'il y en a beaucoup dans ce domaine; c'est de l'appareillage qui est plus petit et il y a beaucoup de fabricants. On a l'intention, à très court terme, de multiplier nos contacts avec eux. Je tiens aussi à faire remarquer que les programmes, dans la distribution et ainsi de suite, sont différents des grands aménagements de la Baie-James. Il ne faut pas que vous oubliiez que dans les meilleures années de la Baie-James une grande partie de l'investissement total était de l'intérêt qu'on payait. En termes d'activité économique concrète cela n'a pas la même signification qu'un effort supplémentaire dans la distribution. Ce que je veux dire c'est que beaucoup des montants d'investissements totaux étaient de l'intérêt annuel qui était remboursé. C'était de l'ordre d'à peu près 30%. Il faut toujours se rappeler que lorsqu'on parle d'investissements, en termes d'activité économique au Québec, de retombées, il faut carrément enlever les intérêts.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Vimont.

M. Rodrigue: Est-ce que vous avez évalué l'impact sur le niveau de l'emploi, sur la création d'emplois de ces investissements massifs qui vont être faits pour améliorer le réseau de distribution? De quel ordre est-il?

Le Président (M. Rancourt): M.

Coulombe.

M. Coulombe: On va vous le donner lors de la discussion du plan.

M. Rodrigue: D'accord. Très rapidement, quelques questions sur les programmes actuels au niveau de la consommation interne, en particulier le programme biénergie. Vous mentionnez qu'on avait un objectif, je crois, de 70 000 résidences. On a atteint plutôt un objectif de 100 000 résidences.

M. Coulombe: On s'était fixé 76 000 résidences. Devant le succès obtenu la première année on se fixe un nouvel objectif de 100 000 résidences.

M. Rodrigue: Pour 1985? M. Coulombe: 1984. M. Rodrigue: 1984-1985? M. Coulombe: 1984.

M. Rodrigue: Bon. Le potentiel de résidences alimentées au mazout au Québec, qui pourraient être transformées théoriquement par le système biénergie, est évalué à combien?

Une voix: II est évalué à environ 175 000 résidences.

M. Rodrigue: Alors globalement 175 000. Donc si on atteint 100 000 on a dépassé 50% des résidences potentielles qui pourraient être sujettes à ces modifications.

M. Godbout (Raymond): C'est exact.

Le Président (M. Rancourt): Si vous voulez vous identifier, s'il vous plaît!

M. Godbout: Raymond Godbout, directeur.

Le Président (M. Rancourt): M. Godbout, vous avez la parole.

M. Rodrigue: Quant au programme Énergain, vous mentionnez qu'il y a 45% des résidences qui ont été évaluées où les propriétaires ont décidé de donner suite aux évaluations et aux recommandations des évaluateurs et ont décidé de faire des aménagements pour diminuer leur consommation d'énergie. C'est un chiffre qui m'apparaît un petit peu bas. Évidemment, on peut toujours dire qu'un verre d'eau est à moitié plein, c'est la façon positive de voir les choses, ou dire qu'il est à moitié vide et c'est la façon négative de les voir. Mais que 55% de ceux chez qui des évaluations ont été faites aient décidé, après coup, d'en rester au statu quo, de ne pas suivre les recommandations qui leur ont été faites pour améliorer leur isolation, etc., et, finalement, de ne pas profiter des programmes qu'on a mis sur pied, cela s'explique comment?

Le Président (M. Rancourt): M.

Godbout.

M. Godbout: En fait, cette donnée de 45% faisait suite aux données recueillies lors d'un premier sondage qui avait été fait dans le courant de l'année 1982. Il y a eu un deuxième sondage qui vient indiquer qu'aux alentours de 70% des consommateurs qui ont bénéficié de l'analyse énergétique réalisent la majorité des travaux d'amélioration énergétique recommandés.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Vimont.

M. Rodrigue: Donc les chiffres qu'on a dans le mémoire - qui date quand même du printemps, il faut le souligner - sont des chiffres qui sont révisés maintenant et...

Le Président (M. Rancourt): M.

Godbout.

M. Godbout: Parce que les résultats du dernier sondage qui a été fait là-dessus datent du mois de mai 1983. Alors cela a augmenté. Les gens sont de plus en plus sensibilisés aux avantages de réaliser les travaux d'amélioration énergétique recommandés par les représentants d'Énergain-Québec.

M. Rodrigue: Cela va, M. le Président. Nous aurons l'occasion de poser les autres questions à la fin du mois.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Chapleau.

M. Kehoe: À la page 23 de votre mémoire, vous avez dit que l'électricité dans l'industrie apparaît comme un des meilleurs moyens d'accroître la vente interne d'Hydro-Québec. Je me pose des questions à savoir si le réseau de distribution s'est implanté à travers la province - je ne dis pas dans les régions éloignées, mais globalement ou généralement à travers la province - si votre système de distribution est implanté de sorte que vous pourrez fournir l'électricité à la plupart des industries.

Le Président (M. Rancourt): M.

Coulombe. (13 h 30)

M. Coulombe: Une des raisons pour lesquelles on met l'accent sur le réseau de distribution et la fiabilité du réseau, c'est justement pour répondre à cette inquiétude qui peut être réelle. Vous avez vu, au mois de juin, Hydro-Québec a fait une entente d'au-delà de 600 000 000 $ avec la ville de Montréal pour améliorer le réseau du centre-ville où il y avait certains problèmes de vieillissement et on a doublé le rythme d'investissement dans le réseau de Montréal.

Les investissements dont on aura l'occasion de parler à la fin du mois vont vous démontrer que l'argent qu'on met là-dedans a pour but d'augmenter la fiabilité du réseau. Dans le programme de chaudières qui est en cours, on a rencontré certains problèmes de distribution; il y a certains coins du Québec où il faut être extrêmement prudent en ajoutant une charge importante à cause de problèmes de distribution. Ce sont les raisons pour lesquelles, pendant les trois prochaines années, on va mettre l'accent énormément sur l'amélioration du réseau en vue de sa fiabilité et de l'augmentation de la charge. Mais nous vous donnerons les chiffres précis dans le cadre du plan à la fin du mois.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Chapleau.

M. Kehoe: D'accord.

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.

M. Duhaime: Oui, trois brèves remarques, M. le Président; deux sont d'ordre juridique, et je suis convaincu que cela va intéresser le député d'Outremont.

Une voix: Parfois, il essaie de jouer à l'avocat.

Le Président (M. Rancourt): S'il vous plaît!

M. Duhaime: La première chose, concernant les installations des petites

centrales sur des rivières, ce n'est pas la Loi sur l'Hydro-Québec qui régit ces situations, c'est la Loi sur le régime des eaux. Au-delà de 300 hp, automatiquement c'est HydroQuébec et, en dessous de ce seuil, c'est préférence à Hydro-Québec bien sûr, mais le gouvernement peut prendre une décision par arrêté en conseil, ce qui veut donc dire que nous n'avons pas à modifier ni la Loi sur le régime des eaux ni la Loi sur l'Hydro-Québec.

Deuxième information, concernant les contrats d'exportation, que ce soit en énergie exédentaire ou en énergie ferme, il existe du côté canadien l'Office national de l'énergie qui doit approuver les contrats d'exportation comme celui qui est en discussion devant l'Office national de l'énergie actuellement avec l'État de New York. Si les contrats d'énergie ferme se concluent, ils devront bien sûr être approuvés par l'Office national de l'énergie.

Du côté américain il y a deux mécanismes qui existent, le premier qui est connu sous le nom de ERA, qui est la Economy Regulatory Agency. C'est cette première agence américaine qui étudie d'abord la problématique économique d'un dossier et qui donne son accord ou non, c'est strictement administratif. Tout récemment, par exemple, ERA a approuvé le contrat de vente d'énergie excédentaire à New York.

La deuxième étape à franchir c'est devant un organisme connu comme étant la FERC, qui est la Federal Energy Regulatory Commission, où c'est la problématique énergétique comme telle qui est sous examen.

Conclusion, il n'y a pas de loi américaine comme telle qui doive être adoptée, ni devant la Chambre des représentants ni devant le Congrès, pour autoriser ce genre de dossier. J'ajouterais que par analogie, tout récemment, nous avons, avec succès, fait des démarches devant la Tarif and Trade Commission sur une plainte d'industriels américains au sujet des droits de coupe que nous exigeons pour nos industriels impliqués dans la production de pulpe ou encore dans l'industrie du sciage, et ce sont des agences ou commissions administratives dont nous connaissons la réglementation. Il n'y a donc pas lieu de monter de toutes pièces un "lobby" à Washington pour influencer la législation. Il est bien sûr que, en temps et lieu, Hydro-Québec devra faire ces demandes conjointement avec les clients éventuels américains pour qu'on puisse obtenir un accord.

Mon dernier point, c'est peut-être pour apporter une note un peu plus optimiste sur le premier commentaire du député d'Outremont dans ses remarques initiales, alors qu'il disait qu'Hydro-Québec nous amenait ce matin de mauvaises nouvelles et que cela allait donc mal, la température n'est pas bonne. J'ai ici un document qui vous est sans doute familier et qui est "Profil financier Hydro-Québec 1982". À la page 6, on fait quelques comparaisons, c'est-à-dire l'année en cours et le très court terme devant nous, 1983, 1984, 1985, par rapport aux années passées. Je prends par exemple, tout à fait au hasard, 1974, 1975 et 1976; les investissements en immobilisations d'Hydro-Québec étaient de 616 000 000 $, 1 142 000 000 $ et 1 267 000 000 $, ce qui veut dire que, sur ces trois années, Hydro-Québec a immobilisé 3 025 000 000 $. Je prends maintenant l'année en cours, 1983, 2 800 000 000 $. Je me réfère au plan d'équipement d'Hydro-Québec qui a été présenté à la commission, à l'automne 1982: pour 1984, le niveau des investissements est de 2 400 000 000 $. pour 1985, 2 200 000 000 $; total, 7 400 000 000 $ pour les années 1983, 1984 et 1985 comparativement à 3 025 000 000 $ pour les années 1974, 1975 et 1976. C'est en dollars courants, bien sûr. Je pense qu'il n'est pas nécessaire d'être ingénieur pour se rendre compte que cela fait quand même une différence impressionnante.

Cependant, si j'ajoute à ces immobilisations d'Hydro-Québec les investissements prévus dans le secteur gazier, suivant les chiffres qui nous ont été fournis par SOQUIP, en 1983, c'est 370 000 000 $; 1984, 613 000 000 $ et 1985, 475 000 000 $. J'ajoute 1 450 000 000 $ à 7 400 000 000 $, pour un total de 8 850 000 000 $ seulement sur trois ans, 1983, 1984 et 1985, dans l'hydroélectricité et dans le gaz. J'exclus l'investissement de 240 000 000 $ d'Ultramar dans sa nouvelle raffinerie.

Enfin, si on faisait la compilation de l'ensemble des investissements dans le secteur énergétique, nous travaillons sur un ratio trois ans pour trois ans à un contre trois. Si c'est ce que le député d'Outremont appelle des mauvaises nouvelles, ce genre de situation, j'avoue que je suis prêt à vivre encore quelques années avec de pareilles mauvaises nouvelles.

M. Portier: On ne veut pas vivre avec le même gouvernement, nous.

Le Président (M. Rancourt): S'il vous plaît! Donc, ceci termine l'audition d'Hydro-Québec. Je veux remercier M. Bourbeau ainsi que M. Coulombe. Nous suspendons nos travaux jusqu'à 15 heures.

(Suspension de la séance à 13 h 38)

(Reprise de la séance à 15 h 14)

Le Président (M. Desbiens): À l'ordre,

s'il vous plaît!

La commission permanente de l'énergie et des ressources reprend l'étude des effets de la politique énergétique sur le développement économique. Nous allons entendre le mémoire de l'Association québécoise des consommateurs industriels d'électricité. Si vous voulez bien vous identifier, s'il vous plaît!

AQCIE

M. Rouleau (Jacques): Je suis Jacques Rouleau, président de l'association, chef du service électrique de la Zinc électrolytique du Canada Ltée. À ma droite, M. André Pa-quette, vice-président de l'association et directeur des services techniques pour les Aciers Atlas; deuxième à ma droite, M. Yvan Toupin, directeur de l'AQCIE et directeur de l'usine CIL Inc., de Beloeil. À ma gauche, M. Richard Trottier, directeur de l'AQCIE, ingénieur de procédés pour les industries Erco Ltée.

Le Président (M. Desbiens): M. Rouleau, c'est vous qui lisez le document?

M. Rouleau: Oui.

Le Président (M. Desbiens): Vous avez la parole.

M. Rouleau: Merci. Au nom de l'Association québécoise des consommateurs industriels d'électricité, ci-après nommée AQCIE, nous vous remercions, M. le Président, M. le ministre et MM. les membres de cette commission, de nous donner l'opportunité de présenter notre mémoire devant cette commission parlementaire.

En premier lieu, l'AQCIE souscrit aux grands objectifs visés par la politique québécoise de l'énergie et entend supporter toute tentative visant à contribuer à l'essor de l'entreprise au Québec.

Nous allons faire un petit léger historique de notre association. L'Association québécoise des consommateurs industriels d'électricité a été fondée en 1981 et incorporée en mars 1982. Elle regroupe 26 compagnies-membres et représente 63 abonnements de grande puissance, pour un total de 1700 mégawatts. Les secteurs d'activités que représentent nos membres sont les suivants: pétrole, mines, métallurgie, ciment, chimie, produits manufacturés, pâtes et papiers. Elle procure 48 000 emplois directs qui sont rémunérés à des salaires généralement supérieurs à la moyenne, en plus d'être générateurs de milliers d'autres emplois.

De façon générale, l'AQCIE vise les objectifs suivants: pourvoir un médium de discussion pour traiter de sujets pouvant affecter le bien-être de ses membres vis-à-vis de l'alimentation et des coûts d'électricité; pouvoir représenter leurs intérêts communs auprès des gouvernements fédéral, provincial et municipaux, des commissions parlementaires et de toute autre autorité possédant un pouvoir de juridiction; troisièmement, établir et encourager un esprit de coopération entre les membres de l'association, Hydro-Québec et le public; participer et promouvoir les échanges d'information concernant l'électricité entre l'association et les membres de l'association, entre l'association et les autres organisations existantes en Ontario, en Colombie britannique et aux États-Unis et dont les objectifs sont semblables.

Basées sur nos objectifs, nous allons vous présenter les grandes lignes de notre mémoire: l'influence de l'électricité dans les coûts de production; la concurrence en matière énergétique; la comparaison des tarifs; les raisons d'un tarif incitatif; l'emprise de l'état sur les tarifs; l'énergie excédentaire et, enfin, nos recommandations.

En premier lieu l'influence de l'électricité dans les coûts de production. Au Québec, dans la grande entreprise, le coût de l'électricité représente ordinairement de 5% à 50% du coût de production et même plus dans certaines industries comme celle de l'électrolyse, par exemple. Depuis 1979, les tarifs d'électricité ont augmenté en moyenne pour ces industries de 18% par année comparativement à une moyenne annuelle de 9% pour l'Ontario. Au Manitoba, il n'y a pas eu d'augmentation de tarif depuis 1979 et ceci devrait se continuer jusqu'en 1984.

Concurrence en matière d'énergie. L'Hydro-Québec est en situation de monopole au Québec, tout comme les distributeurs de gaz naturel. Des territoires exclusifs de distribution sont alloués à ces industries. Cela est, évidemment, demandé par la nature même de leurs activités. Il ne faudrait pas que les gouvernements, tant provincial que fédéral, favorisent la concertation de ces deux monopoles, ce qui ne pourrait qu'être au désavantage des consommateurs. Nous en avons vu un exemple récemment alors que des pressions ont été exercées par le gouvernement fédéral afin que le programme d'énergie excédentaire d'Hydro-Québec ne vienne pas nuire à la pénétration du gaz naturel. Nous ne favorisons pas de telles situations et croyons que la concurrence devrait exister entre les diverses sources d'énergie.

La comparaison des tarifs. Si vous regardez le tableau, à l'appendice B du mémoire, nous pouvons y voir qu'en 1979 les tarifs ontariens étaient de 58% supérieurs à ceux d'Hydro-Québec. Cet écart à baissé progressivement jusqu'à 20,5% pour l'année en cours. Il faudrait remarquer dans ce tableau que, pour l'année 1983, au lieu d'être 31,2%, cela devrait être 20,5%. L'Ontario étant notre plus grand compétiteur, nous

croyons qu'il faudrait retrouver un écart de prix variant de 50% à 60%. Il y a trop de facteurs économiques, fiscaux, politiques, sociaux qui jouent contre l'industrie québécoise. Nous croyons que l'électricité devrait continuer à être un facteur d'incitation au développement industriel.

Les raisons d'un tarif incitatif: conserver l'effet d'entraînement que la création d'une usine a sur la création d'autres usines car c'est là que se retrouve le véritable levier d'industrialisation; maintenir la concurrence avec certaines provinces favorisées par d'autres sources d'énergie telles que le gaz naturel, le pétrole ou autres; permettre de conserver la rentabilité des nombreuses entreprises qui se sont établies en raison de ces tarifs avantageux; compenser l'éloignement du marché desservi par nos industries.

Emprise de l'État sur les tarifs. Au cours des dernières années, le gouvernement du Québec s'est servi d'Hydro-Québec comme source de financement par le biais de taxes indirectes et de dividendes qui ont nécessairement influencé les tarifs à la hausse. Bien que le gouvernement ait eu à faire des choix difficiles, nous croyons qu'il serait plus avantageux pour l'État de retirer des revenus sous forme de profits d'entreprises et d'impôts de particuliers en favorisant l'implantation d'industries par des tarifs avantageux. De plus, les industriels sont sensibles à l'insécurité créée par des tarifs fixés par l'État et qui ne reflètent pas toujours les coûts réels de production.

L'énergie excédentaire devrait être rendue disponible à des tarifs avantageux même au détriment du gaz naturel. Une saine concurrence assure des prix justes et une plus grande efficacité de la part des fournisseurs.

Nos recommandations sont: 1° qu'une tierce partie soit désignée apte à entendre les représentations d'Hydro-Québec et des consommateurs, comme cela se fait couramment en Ontario et aux États-Unis, sur des questions telles que l'élaboration des tarifs, l'élaboration des contrats, l'interprétation des contrats, l'allocation des coûts de production de l'électricité entre les diverses catégories de consommateurs; 2° qu'il y ait un comité conjoint Hydro-Québec-consommateurs chargé d'étudier diverses formes de tarification visant à rendre plus rationnelle la consommation de l'électricité; 3° que les intentions d'Hydro-Québec soient connues au plus tard dans le deuxième trimestre de l'année précédant l'application des tarifs; 4° que toute augmentation ou changement dans la structure de la tarification d'Hydro-Québec donne la possibilité à chaque consommateur de réviser son contrat; 5° que les tarifs soient établis de façon à susciter l'implantation de nouvelles industries et à protéger celles déjà existantes; 6° que les subventions accordées à des nouvelles industries, telles que Pechiney, ne soient pas à la charge de l'industrie existante lors de l'allocation des coûts de production de l'électricité entre les secteurs domestiques et industriels; 7° que les constructions d'équipement de production d'électricité relié à l'exportation s'autofinancent; 8° que l'énergie excédentaire soit rendue disponible à des tarifs avantageux même si cela se fait au détriment du gaz naturel: 9° que les coûts additionnels de transport des entreprises québécoises soient considérés lors de l'établissement des tarifs. Que l'on considère, de plus, que d'autres provinces bénéficient de tarifs avantageux pour d'autres formes d'énergie; 10° que les tarifs soient établis en fonction des augmentations des coûts de production de l'électricité et cessent d'être assujettis à des taxes qui représentent maintenant un lourd fardeau; 11° que l'augmentation des tarifs de tansition n'excède pas deux fois le taux d'inflation.

M. le Président, l'Association québécoise des consommateurs industriels vous remercie de votre bienveillante attention. Nous sommes prêts à répondre à vos questions, s'il y a lieu.

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.

M. Duhaime: Je vous remercie pour votre mémoire. Il y a, cependant, des choses qui font sursauter quand on en prend connaissance. Je tiens compte que, sauf erreur, votre mémoire a été rédigé au printemps, je crois, en mars 1983. Même avant cela?

M. Rouleau: Même avant cela. On voulait le présenter en 1982 à une commission parlementaire ici. On n'a pas pu le présenter.

M. Duhaime: Je pense qu'on va tenir compte de l'évolution de la problématique parce qu'il y a certaines choses, il y a certains des points qui sont couverts dans le bloc "recommandations" de votre association et qui, durant l'été, ont fait l'objet de décisions d'Hydro-Québec et d'annonces publiques. Je pense, entre autres, au programme offert aux entreprises, des rabais pouvant atteindre 50%, dans une politique d'écoulement des surplus. Je pense que c'est un des objectifs que vous visiez dans le cadre de votre mémoire. Je voudrais vous

donner une assurance. Sous la rubrique Intervention de l'État, vous nous incitez à ne pas nous laisser influencer par les pressions, si pressions il y a, du gouvernement fédéral pour ce qui est de la pénétration du gaz. Je peux vous dire qu'à ce jour et à ma connaissance il n'y a eu aucune espèce de pression du gouvernement fédéral dans ce dossier.

Les ententes qui ont été faites entre une compagnie qui s'appelle Gaz Inter-Cité dans laquelle SOQUIP, la Caisse de dépôt et placement et Winnipeg Inter-City Gas ont des intérêts font en sorte que le gouvernement fédéral va payer, sur trois ans, les coûts d'investissements des latérales pour les années 1983, 1984, 1985, de même que Gaz Métro et Gaz Inter-Cité vont pouvoir bénéficier d'un programme fédéral sur les années correspondant aux phases d'expansion en termes de manque à gagner pendant les périodes de pénétration. Ces interventions, que nous avons souhaitées, d'ailleurs, ne sont reliées à aucun volume de gaz en termes de vente. Ce que nous visons dans notre démarche, de notre côté, en fonction des objectifs gaziers à l'intérieur de la politique énergétique, ce sont les ratios que vous connaissez, à savoir se retrouver avec 16%, par exemple, de gaz naturel dans notre bilan à l'horizon de 1990 et probablement à quelque chose autour de 18% ou 20% à l'horizon de l'an 2000.

Notre objectif est d'atteindre ce scénario en même temps qu'on maintient la rentabilité des deux entreprises et de leur permettre de faire leur financement. Dans un cas, Gaz Métro a des actions inscrites en Bourse, Gaz Inter-Cité n'en a pas, mais elle est sur les marchés financiers pour ses emprunts. De ce côté, il n'y a aucune pression. Il y a un arbitrage, cependant, que le gouvernement fait directement en approuvant ou non les différents programmes spéciaux qu'Hydro-Québec pourrait envisager. De même, nous pourrions théoriquement le faire par la voie de la fiscalité sur l'hydroélectricité ou encore sur le gaz naturel.

Vous mentionnez que le tarif devrait peut-être tenir compte des coûts réels de production. C'est bien ce que vous avez mentionné? Si vous avez en tête le coût marginal de production, je voudrais qu'on se comprenne bien. Je ne suis pas convaincu que les grands consommateurs seraient prêts à payer cette note. Le coût marginal de production se traduirait sur une facture de grand consommateur par des tarifs beaucoup plus élevés que ce qui existe déjà. Je ne sais pas si vous voulez vous expliquer davantage là-dessus. Dans le résumé que j'ai ici, vous y faites référence explicitement: "que les tarifs soient établis en fonction des augmentations des coûts de production de l'électricité et cessent d'être assujettis à des taxes qui représentent maintenant un lourd fardeau." Pour livrer complètement votre pensée, qu'est-ce que vous avez en tête exactement quand vous voulez relier la tarification aux coûts de production? (15 h 30)

Le Président (M. Rancourt): M. Rouleau.

M. Rouleau: Je voudrais éclaircir un point. On a rencontré les représentants d'Hydro-Québec il y a environ deux semaines. On a justement soulevé la question du coût réel et du coût marginal. Il ne faut pas s'imaginer que nous sommes des spécialistes dans le domaine, mais on a soulevé la question avec les représentants d'Hydro-Québec et, lors des discussions qu'on a eues avec eux - c'était une première rencontre dont on doit se féliciter - on a défini certains critères concernant ce dont on parlait, le coût marginal et le coût réel. Il semblerait - c'est ce que les représentants d'Hydro-Québec nous disent et ce que M. le ministre va certainement nous dire - que les industriels paient, à l'heure actuelle, un peu moins cher que le coût réel de production. Par contre, la base de calcul serait peut-être à discuter un peu plus à fond dans ce domaine. Mais nous ne sommes pas des spécialistes pour discuter de cela. C'était une idée qu'on véhiculait, qui a été véhiculée, mais nous ne sommes pas assez spécialistes dans le domaine pour y répondre.

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.

M. Duhaime: En fait, on a essayé depuis quelques années de faire en sorte que chaque catégorie de consommateurs assume les coûts réels appartenant à sa catégorie. Il est bien évident qu'il y a encore actuellement des disparités. Dans le commercial, c'est bien connu, par exemple, que toute cette clientèle paie beaucoup plus que les coûts réels, à Hydro-Québec. Alors, au fil des années, parmi les correctifs qu'on peut apporter sur la grille tarifaire, je pense que, comme objectif en soi, ce peut être sain et une espèce d'idéal, mais, d'un autre côté, il ne faut pas être cartésien au point de dire que, si ce n'est pas atteint à la virgule près, cela va rendre les gens malades. L'objectif est là de ne pas créer de distorsion en termes de coûts réels assumés par catégories de consommateurs.

Maintenant, je veux souligner une chose. On entend beaucoup parler du Manitoba qui a gelé ses tarifs; je crois que cela fait maintenant trois ans ou qu'on est dans la quatrième année du gel. Contrairement à tous les scénarios de provocation d'investissements que le gouvernement manitobain et Hydro-Manitoba avaient mis au point pour attirer des

investissements industriels, en particulier dans l'aluminium, cela n'a pas donné les résultats attendus. Conséquemment, je pense que ce scénario est en révision pour la raison que je viens d'évoquer, à savoir que l'objectif n'est pas atteint. Deuxièmement, Manitoba Hydro est en déficit dans son compte d'exploitation. Je crois savoir que, récemment, le gouvernement manitobain a passé une commande à sa société d'État pour voir à refaire l'équilibre et, selon mes informations, c'est 25% à 26% qui s'en vient de hausse moyenne au Manitoba. On verra bien ce qu'ils font de leur côté. Je pense que, là-dessus, on va s'entendre rapidement, le coût de l'énergie hydroélectrique est un facteur très important, bien sûr, dans une décision d'investissement, mais il y a aussi d'autres facteurs qui doivent être pris en considération et dont les investisseurs tiennent compte, bien sûr.

Je ne sais pas exactement ce que vous souhaitez. Concernant l'arbitrage, on comprend très bien votre point de vue. Vous nous suggérez probablement une nouvelle méthode d'approbation des tarifs, si j'ai bien saisi le sens d'une de vos recommandations, en plus de les faire connaître plus tôt, mais veuillez nous l'expliquer davantage. Vous avez référé à l'Ontario, par exemple, qui a un mécanisme un peu différent; l'Ontario Energy Board a un pouvoir de recommandation; ce n'est pas un pouvoir décisionnel. Que je sache, au Canada, sauf erreur, il y a une seule province, la Colombie britannique, qui fait approuver ses tarifs par une agence non gouvernementale, mais on peut supposer que le téléphone existe là aussi. C'est le seul cas que je connaisse. J'ai toujours maintenu le point de vue que c'était peut-être en commission parlementaire le meilleur endroit pour en discuter. Voulez-vous développer ce point? Qu'avez-vous en tête exactement?

Le Président (M. Rancourt): M.

Rouleau.

M. Rouleau: On ne veut pas une autre régie. On a une commission parlementaire. On voudrait se faire entendre. Actuellement, on ne se fait pas entendre à la commission parlementaire sur l'élaboration des tarifs, sur les contrats, sur le changement dans la tarification, s'il y a lieu. Hydro-Québec vient ici en commission parlementaire et elle seule a le droit de parole. Nous disons que le mécanisme est là. C'est la même chose pour l'interprétation ou l'élaboration de contrats. La Régie de l'électricité et du gaz existe et elle pourrait peut-être interpréter certaines clauses ou donner l'interprétation des contrats qui provoquent certains litiges. On n'a aucun organisme actuellement. C'est dans ce sens-là qu'on parle. Le rôle de la Régie de l'électricité et du gaz ce n'est pas uniquement le système de mesurage, pour nous autres.

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.

M. Duhaime: Je pense qu'on parle de deux choses différentes. Je voudrais qu'on se comprenne. Il peut y avoir différentes hypothèses de situation, mais si un grand consommateur industriel a un litige avec Hydro-Québec quant à l'interprétation d'un contrat, rien n'empêche qui que ce soit d'aller devant le tribunal de droit commun pour aller chercher un jugement déclaratoire ou encore inscrire une instance qui suivrait son cours.

Pour ce qui est des contrats types, vous souhaitez un arbitrage et vous suggérez la Régie de l'électricité et du gaz. Mais, dans les faits, qu'est-ce que cela voudrait dire? Vous voulez que la régie devienne l'arbitre sur le contrat type et, ensuite, sur l'interprétation des clauses? Comment voyez-vous le déroulement de cela sur le plan pratique?

Le Président (M. Rancourt): M. Rouleau.

M. Rouleau: Ce serait un des moyens. J'ai mentionné la régie, mais on ne l'a pas mentionnée là-dedans. On n'a pas de moyen, au point de vue du consommateur individuel, à part, comme vous le dites, d'aller devant la cour pour défendre un point de vue. Les contrats types ne sont élaborés que par Hydro-Québec. On n'a pas de droit de regard là-dedans.

Un des points majeurs concerne l'élaboration des tarifs. On voudrait avoir notre mot à dire. Que l'on sache les tarifs un peu d'avance. On recevra au mois de novembre les tarifs pour l'année prochaine. C'est très difficile pour la planification des industriels. Je comprends que c'est très difficile de planifier pour Hydro-Québec, mais c'est également très difficile pour les industriels.

M. Duhaime: Ce qui serait souhaitable pour vous serait une tarification à plus long terme?

Le Président (M. Rancourt): M. Rouleau.

M. Rouleau: Oui.

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.

M. Duhaime: On pourrait peut-être vous donner un prix de consolation quand vous parlez de l'intervention de l'État. Je ne sais pas si notre modèle est exportable pour la

fixation des grilles tarifaires, mais jusqu'à tout récemment, au niveau fédéral, l'Office national de l'énergie établissait d'autorité les prix du pétrole et du gaz. La loi de l'office a été amendée et ce pouvoir est aujourd'hui entre les mains du gouvernement fédéral. Je ne sais pas, mais j'ai comme l'impression que cela peut devenir très théorique comme débat à savoir qui, finalement, prend la décision. Les gouvernements, quels qu'ils soient, ont toujours, par le biais de la fiscalité, un mot à dire, finalement, et cela a un impact réel sur la tarification. Par exemple, quand on décide d'augmenter la taxe sur le pétrole ou qu'on décide d'enlever la taxe sur le gaz naturel et de maintenir la taxe sur l'électricité, c'est évident que cela se reflète sur la facture du client. Je ne parle pas des grands consommateurs industriels qui ne sont pas nécessairement visés par toutes ces problématiques, en ce qui est de l'électricité en tout cas, mais, en fin de compte je me demande si on n'est pas en train de faire un débat tout à fait théorique. J'avoue honnêtement que, comme citoyen, j'aime pas mal mieux que ce soit le gouvernement qui fixe les tarifs. Il en paiera le prix aux élections suivantes si les citoyens ne sont pas heureux de la situation. Je pense que, dans notre genre de démocratie, c'est la façon de faire.

Je sais, cependant, que, dans l'État de New York, ce sont des agences qui établissent les prix. Les élus de la population ne veulent pas y toucher, le meilleur réflexe étant de dire à leurs électeurs: C'est vrai que cela coûte cher, mais ce n'est pas notre responsabilité, c'est celle de l'agence. Moi, j'aime mieux prendre toute la responsabilité d'une situation parce que, si l'on donne le pouvoir à une agence, cela va être un pouvoir délégué, de toute façon. Je pense que personne ne va se faire prendre au jeu là-dedans. Je ne sais pas comment vous réagissez. Moi, je vous donne mon point de vue avec l'heure juste, à une minute près.

Le Président (M. Rancourt): M.

Rouleau.

M. Rouleau: Je voudrais préciser un point. On est d'accord avec ce que vous dites, à savoir que ce soit le gouvernement qui fixe les tarifs d'électricité, qui prenne la décision. Le principe qu'on défend, c'est qu'on voudrait être représenté. À l'heure actuelle, nous ne le sommes pas. Les consommateurs ne sont pas représentés; d'autres parties également ne sont pas représentées pour la fixation des tarifs. Le gouvernement entend, comme on dit très souvent, un son de cloche: celui d'Hydro-Québec. Le seul point, c'est qu'on ne veut pas avoir une autre régie. Cela va donner quoi, en réalité? C'est tripler les choses.

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.

M. Duhaime: Si je vous saisis bien, vous voudriez être convié chaque année autour du fer à cheval et venir donner publiquement votre réaction à la proposition tarifaire d'Hydro-Québec dans l'hypothèse où la tarification se fasse d'année en année ou de deux ans en deux ans, ou peu importe. C'est bien cela, le sens de votre proposition?

Le Président (M. Rancourt): M.

Rouleau.

M. Rouleau: C'est bien cela.

M. Duhaime: Très bien. Je pense qu'on se comprend bien. Cela ne veut pas dire qu'on est d'accord, mais on se comprend.

Le Président (M. Rancourt): Oui, M. Trottier.

M. Trottier (Richard): Au Québec, il y a plusieurs industries dont une grosse fraction du coût de revient est représentée par de l'électricité. Si d'une année à l'autre les augmentations fluctuent - elles sont parfois basses et parfois élevées - si une année on a une augmentation de tarif de 20%, cela peut porter un très dur coup à des industries dont peut-être 30% ou 50% du coût de revient est de l'électricité. C'est dans ce sens-là qu'on estime qu'on devrait avoir notre mot à dire dans les augmentations qui sont décrétées.

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.

M. Duhaime: Quand vous dites 50%, on va s'entendre pour dire que c'est fort un peu. Je serais curieux d'apprendre le nom d'une entreprise pour qui l'hydroélectricité compte pour 50% dans ses coûts de production. Je pense qu'on a parlé cette semaine - pour ce qui est de l'hydroélectricité, j'entends; je ne parle pas de l'énergie sous toutes ses formes - des pâtes et papiers et, si mon souvenir est bon, l'industrie nous a parlé de 15%; dans l'aluminium et en gros dans la métallurgie, on doit être autour de 25% à 30%. Il y a peut-être des secteurs de l'électrochimie où c'est plus élevé. Moi, je l'ai dit assez clairement. On a donné des indications. Hydro-Québec l'a répété, je crois, ce matin. Nous avons une grille tarifaire qui s'applique aux grands consommateurs, qui est une grille unique. Je fais exception des contrats particuliers qui sont en rattrapage. Mais un nouveau contrat va être basé sur le tarif grande puissance, peu importe le secteur d'activité industrielle ou manufacturière, et l'évolution du prix va varier, bien sûr,

suivant les volumes vendus, suivant la puissance. Alors, Hydro-Québec, très souvent, va exiger 1/95 comme facteur de puissance; elle va exiger parfois des garanties de paiement, que l'énergie soit consommée ou non.

Mais il faut bien comprendre aussi que la vérité n'est pas que d'un côté. Si on ne donne pas à Hydro-Québec un certain nombre de garanties quant aux quantités d'énergie livrées, on va prendre le problème d'un côté et on va le déplacer de l'autre. On va se retrouver possiblement avec des distorsions drôlement importantes. Je peux vous confirmer que des travaux sont en cours au ministère de l'Énergie et des Ressources, de même qu'à Hydro-Québec; nous travaillons à différents scénarios de tarifs en fonction des activités industrielles, pour justement prendre en compte l'évolution technologique, par exemple. Dans le secteur des pâtes et papiers, il se consomme moins d'énergie aujourd'hui qu'autrefois. C'est vrai aussi dans le cas de l'aluminium. La technologie avance également dans le secteur de l'électrochimie. Alors, il faut en tenir compte. (15 h 45)

II faut surtout tenir compte d'une donnée qui m'apparaît fondamentale dans le dossier. Il y a beaucoup de grands consommateurs dont les marchés sont internationaux. Il faut tenir compte non seulement de notre prix d'énergie hydroélectrique offert au Québec, mais aussi du prix des autres matières premières qui entrent dans le coût de production de certaines entreprises. Si on maintient un coût égal au Brésil ou à l'Australie dans certains secteurs manufacturiers, mais que ces pays ont des matières premières dont nous ne disposons pas et que nos industriels sont obligés de s'alimenter en matières premières à des coûts plus élevés et probablement aussi en tenant compte d'une masse salariale plus élevée si on tient compte des économies en voie de développement, on va se retrouver non concurrentiel sur le marché international, c'est évident.

Cette donnée n'est pas nouvelle à Hydro-Québec, mais on devrait en tenir compte de plus en plus à l'avenir. On a certaines industries dont la majorité des activités ont des débouchés internationaux et dont l'avenir est passablement noir à l'heure actuelle; je pense, entre autres, au minerai de fer, au secteur du cuivre. On pourrait multiplier les exemples où on est resté traditionnellement dans des structures non seulement de consommation d'énergie, mais de fabrication ou de technologie et où on se retrouve un bon matin avec des fermetures d'usines et des mises à pied.

Dans ce sens-là, je peux vous donner l'assurance qu'on va accélérer ces travaux. J'ai eu l'occasion de dire il y a une semaine qu'on ne pourra très certainement pas demander à Hydro-Québec d'inclure cela dans sa proposition tarifaire qui sera discutée dans deux ou trois semaines en commission parlementaire et qui devrait entrer en vigueur le 1er janvier 1984. Ce qu'on a fait dans le secteur de l'aluminium, je pense que c'est un modèle drôlement intéressant qui nous a permis de marquer des points; ce genre de grille qui s'ajuste à la réalité des marchés internationaux, on pourrait la transporter dans d'autres secteurs d'activité, soit dans les mines, soit dans le secteur manufacturier ou autres. Là-dessus, on est en mesure de régler cette question au cours de l'année 1984. Je ne demanderais pas mieux et je souhaiterais qu'Hydro-Québec puisse pour 1985, pour certaines parties des activités industrielles, arriver avec une grille tarifaire qui serait beaucoup plus souple.

Je ne sais pas si cela rejoint une des propositions que vous faites, mais c'est dans ce sens qu'on se dirige. On va convenir ensemble qu'il ne sera pas facile de fixer les ratios et les différents coefficients de façon à ne créer ni bousculade, ni distorsion, ni injustice dans la grille tarifaire.

Le Président (M. Rancourt): M. le député d'Outremont.

M. Fortier: M. le Président, je crois qu'il faut remercier l'Association québécoise des consommateurs industriels d'électricité de nous faire part de ses problèmes. L'association avait déjà tenté de nous faire part de ses problèmes lors de l'audition d'Hydro-Québec à l'automne 1982. C'est donc dire que, dès l'automne 1982, il y avait un malaise manifeste chez des gens qui sont créateurs d'emplois. Ils tentaient de percer le mur et de dire qu'ils avaient des problèmes. De fait, lorsqu'on regarde les statistiques dans le dernier rapport annuel d'Hydro-Québec, on s'aperçoit que les raisons que vous avancez pour dire qu'il y a un sérieux malaise existent. Si on regarde les ventes d'électricité régulières au Québec par catégorie d'usagers, on s'aperçoit que le secteur industriel en particulier dont vous faites partie en 1978 consommait 29 400 000 000 de kilowattheures; en 1979, 29 800 000 000 de kilowattheures; en 1980, 31 500 000 000 de kilowattheures; en 1981, 31 400 000 000 de kilowattheures et, en 1982, 29 000 000 000 de kilowattheures. De 1982 à 1978, la consommation d'électricité régulière est à peu près la même. Si on regarde le prix que vous avez payé pour cette électricité, celui-ci est passé de 376 000 000 $ à 690 000 000 $, une augmentation d'environ 82%. Votre malaise vient aussi du fait que, dans la tarification d'Hydro-Québec, il faut maintenant inclure les taxes qui étaient, en 1978, de 40 000 000 $ et, en 1982, de 185 000 000 $, une augmentation de 300% à

400%.

Le malaise vient du fait que vous voulez vous faire entendre, lorsqu'il y a des modifications à la tarification, que vous avez tenté de faire des représentations à l'automne 1982 - j'y ai fait écho - et que le ministre nous dit maintenant qu'il commence à comprendre. Il faudrait bien que le gouvernement commence à comprendre les créateurs d'emplois et leurs problèmes. Ce sont eux qui créent des emplois. J'espère que les gens des deux comités qui ont été mis sur pied vont commencer à comprendre la dynamique de l'emploi au Québec, parce que cela commence à être réellement important pour assurer la création d'emplois et diminuer le chômage, d'autant plus que, la semaine dernière ou la semaine précédente, dans son mémoire, la CSN nous disait que, globalement, la stratégie de l'industrialisation à partir de l'électricité avait été un échec. La politique de l'industrialisation basée sur l'électricité à bon marché n'a pas rapporté, malgré le fait qu'en 1976 l'électricité ait été meilleur marché.

Votre cri d'alarme est, en fait, de dire: Écoutez, on a des problèmes. Vous êtes de grandes industries importantes qui créez de l'emploi au Québec, il faudrait en tenir compte. Il devrait y avoir un dialogue avec l'industrie pour chercher à savoir quels sont les problèmes et vous permettre de vous exprimer. C'est la raison pour laquelle, quant à nous, votre recommandation d'être entendus nous semble primordiale, que ce soit à la Régie de l'électricité et du gaz, où ce serait un processus plus élaboré ou que ce soit en commission parlementaire où ce serait un processus moins élaboré mais qui vous permettrait de dire ce que vous avez à dire lorsque Hydro-Québec nous présente une documentation sur l'augmentation désirée ou sur des modifications à la tarification.

Le ministre nous dit que, très bientôt, il y aura une modification à la tarification pour différents types d'industries. Il serait bien important à ce moment d'entendre les gens qui ont un mot à dire dans ce sens. À mon avis, cette recommandation va de soi et devrait être adoptée en temps utile. Même s'il fallait demander à Hydro-Québec d'adopter une tarification pour six mois et, dans six mois, avoir une tarification par secteur industriel qui permette justement une relance de l'économie, à mon avis, on devrait le faire. Il y a eu des retards dans ce sens. Le président d'Hydro-Québec y faisait allusion ce matin. Il va falloir reprendre le temps perdu.

Vous avez dit: Écoutez, il faut absolument que le gouvernement favorise l'électricité quant aux tarifs, même si cela fait mal au gaz naturel. Différents agents économiques nous ont dit: Écoutez, c'est important, le gaz naturel. Si on a du gaz naturel dans plusieurs régions du Québec, cela permettra à certains types d'industries de se développer. On n'aime pas beaucoup faire face à un monopole. Vous venez de le dire vous-mêmes. Si, dans certaines régions du Québec, non seulement on a l'électricité, mais on a également du gaz naturel, cela permettra une concurrence. Là, vous dites: Ce que nous voulons, ce sont les prix les plus bas pour l'électricité.

Par ailleurs, comme vous le savez, la dynamique de la rentabilité du gaz naturel exige qu'un certain nombre d'industries se dirigent vers le gaz naturel. Alors, si Hydro-Québec réussit trop sa pénétration, il est entendu que Gaz Inter-Cité ou même Gaz Métropolitain auront des problèmes à rentabiliser leurs investissements dont a fait état le ministre ce matin. C'est bien beau de faire des investissements, mais, à un moment donné, il va falloir payer pour ces investissements. Tout à l'heure, vous avez fait état de votre énoncé de principe, en disant: Écoutez, ce que nous voulons, ce sont des tarifs d'électricité au plus bas coût possible, indépendamment de ce qui peut arriver au gaz naturel. J'aimerais que vous me disiez les raisons pour lesquelles vous êtes en faveur d'une telle politique. Si cela faisait mal au gaz naturel et s'il y avait certaines régions du Québec qui en étaient pénalisées, en tant qu'industriels, comment réagissez-vous devant une telle possibilité?

Le Président (M. Rancourt): M.

Rouleau.

M. Rouleau: Je réponds à cette question et, ensuite, je passerai la parole à M. Toupin. Je veux simplement souligner ceci. Vous avez parlé tout à l'heure d'Hydro-Québec et des tarifications à venir. C'est bien beau de venir en commission parlementaire, mais ce que nous recherchons également avec Hydro-Québec, c'est la concertation avant de venir en commission parlementaire. Nous les avons rencontrés la semaine dernière. Je crois que nous avons franchi un pas immense avec cela. Bien souvent, on a mis des programmes disponibles sur le marché pour les industries, mais sans trop les consulter. Peut-être qu'il n'y avait pas de moyens de communication auparavant, de notre côté, au point de vue des grands utilisateurs industriels. Maintenant qu'il y a un moyen de communication, on veut être consultés avant de mettre des programmes en marche, que ce soit la bouilloire électrique, etc., tous les programmes qui ont été mis en marche. Il pourrait y avoir un phénomène de concertation avant et travailler en collaboration.

Maintenant, je vais demander à M. Toupin de répondre à votre question directe.

M. Fortier: Juste pour terminer là-dessus, il faudrait donc une certaine

collaboration avant de venir en commission parlementaire quitte, par la suite, à faire état de vos divergences, s'il en reste.

Le Président (M. Rancourt): M. Toupin.

M. Toupin (Yvan): Pour répondre à votre question ou pour tenter d'y répondre, M. le député, je crois qu'il n'y a pas un industriel qui ne rêve pas de la journée où il pourrait se présenter à son usine et choisir devant autant de formes d'énergie qu'il en existe. Présentement, on a le gaz, l'électricité et le mazout, pour nommer les trois principales. Pouvoir choisir selon les prix qui sont les meilleurs, je crois que c'est tout à fait louable si on parle en tant qu'industriels.

Maintenant, ce qui se produit, c'est que nous, on prône la libre concurrence. On aime bien le gaz, l'électricité et on aime, en particulier, les surplus, car c'est avantageux pour nous. Ce qu'on ne voudrait pas, c'est que les jeux soient faussés, que par les politiques gouvernementales on veuille préserver un secteur. Entre autres, présentement, la pénétration du gaz naturel au Québec, on comprend très bien et on conçoit à long terme que cela puisse être louable. Cela pouvait l'être il y a un an ou deux. On se pose la question sérieusement, devant tous ces surplus qui existent présentement - on a des surplus dans toutes les formes d'énergie présentement: Est-ce qu'on doit continuer ou est-ce qu'on ne doit pas retarder la pénétration du gaz pour profiter des surplus d'électricité qui existent présentement et pour lesquels les investissements ont été faits? Dans le cas du gaz naturel, certains investissements ont été faits, mais on doit encore dépenser de l'argent pour ajouter aux surplus qu'on connaît présentement.

On souscrit sûrement à la politique à long terme de remplacer le mazout par du gaz naturel. Maintenant, à quel rythme doit-on le faire? On pense qu'on doit réévaluer la position présente dans une période de surplus et se demander si on doit ajouter à nos investissements pour créer des surplus additionnels, ou si on doit tenter, premièrement, d'écouler des surplus pour lesquels les investissements ont déjà été dépensés.

Le Président (M. Rancourt): M. le député d'Outremont.

M. Fortier: Vous êtes sûrement au courant des ententes entre le gouvernement fédéral et l'Alberta et entre les différentes provinces, ce qui fait que présentement il y a des politiques favorisant la pénétration du gaz. Si je prends la défense de ceux qui disent qu'il faudrait continuer la pénétration du gaz présentement, ils se disent que, dans trois ou quatre ans, ces programmes n'existeront plus, à moins qu'on ne les renégocie. Là, il faudrait se mettre à table avec le gouvernement fédéral et l'Alberta pour faire comprendre qu'on a des problèmes particuliers au Québec. Je ne connais pas le problème des autres provinces. Cela se peut qu'il y en ait également dans les autres provinces.

Si on veut s'occuper du Québec - on a assez de nos problèmes ici - il faudrait faire comprendre qu'on a des problèmes particuliers. Cela demanderait une renégociation pour s'assurer que, dans deux, trois ou quatre ans, on ait quand même certains avantages financiers ou l'aide du gouvernement fédéral en particulier pour la construction des conduites latérales de gaz. Ceux qui utilisent cet argument se disent: Si on ne le fait pas maintenant, on ne l'aura pas plus tard.

En tant qu'industriels vous êtes ceux qui utiliserez le gaz, ceux qui justifient la rentabilité de ces investissements. D'après tous les experts qu'on a entendus, même si c'était un succès dans le domaine domestique, la rentabilité de Gaz Métropolitain et de Gaz Inter-Cité dépend dans une très grande mesure de l'utilisation du gaz par l'industrie en particulier. Je crois que votre association regroupe à peu près les mêmes membres que l'association des industriels utilisateurs de gaz. Je pense qu'on parle aux mêmes gens. Il est bien important de vous demander - vous qui êtes les créateurs d'emplois - sachant que cette négociation pourrait ne pas déboucher dans le sens que l'on désire, dans quelle mesure vous êtes prêts à prendre le risque d'utiliser les surplus d'électricité présentement, à reporter à plus tard certains investissements dans le domaine du gaz et à prendre avantage de la situation présente pour créer de l'emploi.

Le Président (M. Rancourt): M. Toupin. (16 heures)

M. Toupin: M. le député, on croit effectivement qu'on doit s'intéresser sérieusement à ces questions. Maintenant, pour résumer, on se demande tout simplement: Est-ce qu'on est parti avec un plan d'attaque et peut-être que, maintenant, on se laisse influencer par un plan d'attaque qu'on ne veut pas changer ou modifier? Est-ce qu'il ne serait pas plus sage, à la lumière des événements présents, de réajuster notre tir, peut-être pas du côté des grands objectifs, mais sûrement du côté des échéanciers? On s'est posé la question et on ne prétend pas avoir les réponses ou toutes les solutions, mais il nous apparaît que ce n'est pas logique, en période de surplus, de dépenser des sommes pour créer plus de surplus. On se dit qu'il vaudrait la peine de réexaminer la situation et de fixer possiblement les nouveaux échéanciers.

Le Président (M. Rancourt): M. le député.

M. Fortier: Alors, si je comprends bien votre point de vue, vous dites qu'à très long terme il faut garder à peu près les mêmes objectifs, si on ne veut pas trop dépendre de Khomeyni en 1995. Mais présentement, compte tenu des surplus et surtout de ce qu'on a appris par le Devoir de samedi dernier, soit qu'Hydro-Québec aura encore plus de surplus pendant plus longtemps, il faudrait réévaluer la situation et modifier l'échéancier, si je vous comprends bien - je voudrais que vous le disiez vous-même - de pénétration du gaz dans les prochaines années.

Le Président (M. Rancourt): M. Toupin.

M. Fortier: Est-ce que c'est votre point de vue?

M. Toupin: Exactement.

M. Fortier: Je vous remercie beaucoup.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Vimont.

M. Rodrigue: M. le Président, un concept intéressant a été développé dans le mémoire qui nous a été présenté, c'est celui du principe de la tarification différenciée dans le temps. J'aimerais savoir des représentants de l'Association québécoise des consommateurs industriels d'électricité, d'abord, s'ils ont fait une étude assez exhaustive de cette question et, deuxièmement, quelles seraient les mesures qui devraient être prises par les industries pour s'adapter à ce mode de tarification.

M. Rouleau: Je vais donner la parole à M. Trottier, à ma gauche, qui a travaillé strictement sur ce secteur du mémoire.

M. Trottier: Pour la tarification différenciée dans le temps, il y a eu une enquête faite par Hydro-Québec auprès des grands consommateurs.

M. Rodrigue: Pourriez-vous d'abord résumer en quoi consiste le concept? J'ai jeté un coup d'oeil dans le mémoire et j'en ai une petite idée.

M. Trottier: La tarification différenciée dans le temps, c'est un outil qui permet à Hydro-Québec d'écouler l'électricité quand elle en a et d'éliminer des pointes de consommation qui dépassent la capacité de ses installations quand elles surviendraient normalement.

M. Rodrigue: Est-ce que cela ressemble un peu au système actuel? Enfin, Hydro-Québec utilise un système actuellement, ce qu'on appelle les charges interruptibles. Est-ce que c'est dans ce sens?

M. Trottier: Les charges interruptibles aident aussi à éliminer la pointe d'hiver pour l'électricité. La tarification différenciée dans le temps serait plus régulière pendant toute l'année, pour utiliser l'excès de charge électrique pendant les fins de semaines ou pendant la nuit, alors que, dans le jour, on peut quelquefois manquer d'électricité.

M. Rodrigue: Est-ce que cela veut dire que les tarifs seraient plus élevés aux heures de pointe, par exemple, que ceux de la fin de semaine où la demande est moins forte? Est-ce que c'est cela que vous voulez dire?

M. Trottier: C'est le modèle qui était suggéré dans l'enquête qui a été faite.

M. Rodrigue: La question que je posais, c'est: Pour les entreprises industrielles, cela demande quand même une certaine adaptation, cela veut dire soit qu'elles maintiennent la production et qu'elles paient les tarifs ou encore peut-être qu'elles voudraient jouer un peu avec la production pour pouvoir épargner de l'argent sur l'énergie. Est-ce que vous avez examiné ce que cela signifie comme conséquences concrètes et pratiques pour les industries de s'adapter à un mode de tarification comme celui-là?

M. Trottier: Oui, ceci a été regardé. Certaines industries peuvent en profiter grandement tandis que d'autres, dont le procédé a plus d'inertie, ne peuvent pas modifier leur charge électrique; aussi, il y a les questions d'horaires des travailleurs, il y a plusieurs facteurs qui interviennent. Mais, pour résumer, toutes les industries ne sont pas également favorables ou défavorables à la tarification différenciée dans le temps.

Une voix: Cela va, merci.

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.

M. Duhaime: Je voudrais seulement revenir sur votre dernière affirmation. Vous êtes d'accord avec les objectifs de pénétration du gaz naturel tels qu'ils ont été identifiés dans le scénario du livre blanc. Mais ce que vous souhaitez, c'est qu'à l'intérieur de la période de 1990 ou de l'horizon 2000, peu importe à quel niveau on se situe, on ait un étalement dans le temps. Je vous retourne la balle parce que l'argument me paraît tout à fait réversible. Si j'avais à défendre votre dossier du point de vue d'un consommateur d'électricité, je

souhaiterais que le gaz naturel pénètre le plus vite possible. Car ce qui m'apparaît assez évident, c'est qu'à partir du moment où on vit actuellement une abondance à la fois du pétrole et des produits raffinés, si le gaz naturel est disponible et si l'hydroélectricité est en situation de disponibilité pour quelques années, est-ce que le résultat net, du point de vue d'un consommateur, n'est pas d'amener les prix à la baisse?

Alors, si je fais un raisonnement par l'absurde et que je ramène la part du gaz naturel, qui est autour de 9,5% environ dans le bilan, là où elle se trouvait il y a quelques années - autour de 6% - du point de vue d'un consommateur, on se comprend bien, je ne vois pas pourquoi Hydro-Québec aurait entrepris un programme d'écoulement d'un certain surplus. Je ne veux pas me placer en contradiction avec Hydro-Québec et le ministère de l'Énergie et des Ressources. J'essaie de faire le raisonnement du point de vue d'un consommateur.

Si on maintient une concurrence avec les pétrolières que nous avons entendues jusqu'à présent - ceux qui travaillent dans le secteur du gaz naturel et Hydro-Québec - il m'apparaît assez clair que - le moins que l'on puisse dire, c'est qu'il y a de la concurrence - cela a forcé Hydro-Québec à ramener le rythme de croissance de ses dépenses d'exploitation - qui étaient historiquement à 22% - à 11% pour 1982; son objectif pour l'année 1983 était de les réduire à moins de 6%. Il y a un gain réel pour le consommateur dans cette hypothèse. L'argument n'est-il pas réversible?

M. Toupin: M. le ministre...

Le Président (M. Rancourt): M. Toupin.

M. Toupin: ...j'avais commencé en disant que tous les industriels aiment avoir autant de sources d'énergie que possible disponibles à leur porte. Je crois que c'est vrai et que cela rejoint aussi votre argument. De plus, ceci est bien pour autant qu'entre les formes d'énergie la libre concurrence existe.

Ce que je voulais indiquer, c'est que, si par des moyens artificiels ou par des politiques gouvernementales on veut trop favoriser, entre autres, une source d'énergie, à ce moment-là on dit à Hydro-Québec, par exemple: Restez en dehors de tel domaine parce que c'est un domaine propice au gaz naturel, pour le consommateur, on vient de le priver d'une source d'énergie alternative. Alors, c'est ce genre d'intervention, pour une forme en particulier d'énergie, qui ne paraît pas défendable.

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.

M. Duhaime: Je peux vous donner l'assurance que ce genre d'intervention n'a jamais été faite. Dépendant des jours, quand c'est Hydro-Québec ou SOQUIP, ou Gaz Inter-Cité ou Gaz Métro qui téléphone, il s'agit d'être près du dossier - à ce bout-ci de la lunette, en tout cas - pour se rendre compte qu'il existe de la concurrence et que tantôt une institution va choisir le gaz naturel, tantôt elle va se convertir du mazout à Hydro-Québec; tantôt, c'est une industrie dans le secteur des pâtes et papiers qui opte pour l'hydroélectricité; deux semaines plus tard, une entreprise qui oeuvre exactement dans le même champ d'activité industrielle décide d'opter pour le gaz naturel. Dans les régions gazières, la concurrence joue son plein rôle.

Le problème a été non pas réglé, mais identifié. Entre autres, je me souviens que le président de SOQUIP a dit qu'il y avait des zones de danger. Mais, c'était le point de vue d'une compagnie qui a des intérêts dans le gaz naturel. Il faut bien comprendre aussi que les prix du pétrole et du gaz étant réglementés au niveau du gouvernement fédéral, du moins à l'entrée de la franchise et avant de regarder du côté de la fiscalité, de la même manière le prix de l'hydroélectricité est aussi réglementé par un gouvernement et là aussi la fiscalité joue. Elle ne s'applique pas aux grands consommateurs industriels.

Il n'y a jamais eu de dogme stipulant que, automatiquement, le prix de l'électricité devrait se situer à mi-chemin entre le prix du pétrole - pour les fins de chauffage -celui de l'huile à chauffage et celui du gaz naturel. Mais ce qu'on a posé comme principe et qu'on observe depuis quelques années, c'est que l'hydroélectricité, qui était en 1970, en 1971, en 1972 - et toujours auparavant aussi, la forme d'énergie la plus chère au Québec est devenue aujourd'hui la deuxième.

Je ne sais pas, mais si j'étais un grand consommateur industriel, bien égoïstement, je souhaiterais qu'il y ait surabondance des trois formes d'énergie. Selon la disponibilité des trois formes d'énergie, la logique me conduirait à conclure que j'ai beaucoup plus de chances d'avoir les prix à la baisse s'il y a abondance que s'il y a rareté. Je ne sais pas si vous avez le même sentiment que moi.

Le Président (M. Rancourt): M. Toupin.

M. Toupin: Non. Je crois qu'on se rejoint, encore une fois, pour autant que la libre concurrence demeure, quant à la forme. On est tout à fait d'accord.

Le Président (M. Rancourt): M. le député d'Outremont.

M. Fortier: Dans la même lancée, on dit que les prix sont régis. Dans le cas du gaz, c'est vrai. D'après ce que je peux voir, il y a des représentations à la Régie de l'électricité et du gaz et de fait, le prix du gaz est régi. Dans le cas d'Hydro-Québec, le prix de l'électricité pour les ventes régulières est régi, mais les surplus ne le sont pas. Ils sont vendus à des prix de dumping.

Pour revenir au gaz, vu du consommateur, il est évident que ce qui vous préoccupe, d'après ce que vous avez dit tout à l'heure, c'est que des investissements ne soient pas rentabilisés sur une certaine période d'années. Il y a eu une présentation ici, à la commission parlementaire, au mois de mars, disant que ceux qui sont dans une région où il y a déjà du gaz s'inquiètent du fait qu'il y a des investissements qui sont faits dans d'autres régions où il n'y a pas de gaz, parce qu'ils se disent qu'éventuellement ce prix est réparti entre tous les utilisateurs de gaz et, s'il y avait au Québec beaucoup d'investissements dans le domaine du gaz et s'il y avait peu d'industries qui allaient vers le gaz, il se pourrait que le prix moyen de tous les consommateurs augmente en conséquence, justement pour payer ces investissements. D'autant plus que la régie prend ces investissements en ligne de compte lorsqu'elle accorde des augmentations de tarif aux deux distributeurs de gaz, que ce soit Gaz Métropolitain ou Gaz Inter-Cité. Voici la question que je voulais vous poser. Est-ce que votre inquiétude face à ces investissements vient de là? Si les deux distributeurs prenaient sur eux de dire: On va faire des investissements, mais cela n'entrera pas en ligne de compte lorsqu'on fera des demandes d'augmentation de tarifs à Hydro-Québec parce que le gouvernement provincial nous a donné des garanties qu'on pouvait aller de l'avant avec notre pénétration du gaz et que les augmentations du gaz ne refléteront pas ces investissements même si on manque de clients pendant trois ou quatre ans, serait-ce là une autre façon de procéder?

Je me demandais si votre inquiétude était reliée à ces investissements non rentables qui se refléteraient éventuellement dans le prix du gaz pour ceux qui l'utilisent présentement.

Le Président (M. Rancourt): M. Rouleau.

M. Rouleau: Pour moi, c'est très difficile de répondre à cette question parce que je ne suis pas du tout un spécialiste du gaz. Cela fait seulement environ un mois que je suis président de l'association. Je vais laisser M. Toupin répondre à cette question, parce qu'il en a chez lui, du gaz.

Le Président (M. Rancourt): M. Toupin.

M. Toupin: Disons que les consommateurs doivent sûrement s'inquiéter si des investissements importants sont faits et qu'à court ou moyen terme il n'y a pas d'utilisateurs en nombre suffisant pour absorber les coûts de construction de ces nouvelles artères. Je crois que nécessairement les consommateurs sont inquiets du fait qu'il pourrait y avoir des embranchements qui sont construits pour lesquels des investissements importants sont faits, alors qu'il n'y a pas d'assurance qu'au moins à moyen terme ils aient suffisamment de clients pour absorber ces coûts. Nécessairement, à ce moment, les coûts devront être répartis sur les autres clients existants. C'est sûrement une préoccupation.

M. Fortier: Cette préoccupation rejoint votre préoccupation d'augmenter les surplus dans le domaine énergétique.

M. Toupin: Sûrement.

M. Fortier: Je vous remercie. (16 h 15)

Le Président (M. Rancourt): Aucun autre intervenant? Cela va. Donc, nous remercions l'Association québécoise des consommateurs industriels d'électricité. Nous allons demander à l'Association des constructeurs de routes et de grands travaux de bien vouloir prendre place.

Messieurs, si vous voulez bien vous présenter.

ACRGTQ

M. Fortier: Comment appelez-vous votre association?

M. Roy (Denis): L'ACRGTQ, l'Association des constructeurs de routes et grands travaux du Québec.

À ma gauche, M. Fernand Houle, qui est vice-président en planification pour l'ACRGTQ et président des Entreprises Bon Conseil; à ma droite, M. Carol Wagner, qui est président-directeur général de l'ACRGTQ, M. Vital Soucy, qui est membre de l'exécutif de l'ACRGTQ et président de Saint-Romuald Construction, M. Pierre Roux, qui est vice-président à l'administration de l'ACRGTQ et président de Thiro Ltée, M. Jacques Guay, qui est chef de l'administration de l'ACRGTQ; moi-même, je suis président du conseil d'administration de l'ACRGTQ et président de Lemay Construction Ltée.

Le Président (M. Rancourt): Votre nom, s'il vous plaît?

M. Roy: Denis Roy.

Le Président (M. Rancourt): M. Roy, c'est vous qui présentez le mémoire?

M. Roy: M. le Président de la commission, M. le ministre, MM. les membres de la commission, il nous fait plaisir d'avoir la chance de vous présenter le mémoire que nous vous avions soumis en mars 1983. Évidemment, il y a peut-être eu certaines modifications depuis cette période, mais ce que nous nous proposons de faire, c'est tout simplement de vous présenter un résumé du mémoire que nous vous avons soumis. D'ailleurs, vous avez entre les mains une copie de ce résumé.

Notre association, qui fut incorporée en 1944, regroupe la majorité des entrepreneurs en génie civil du Québec. C'est la seconde fois que nous avons le plaisir de nous présenter devant cette commission depuis deux ans afin d'émettre nos idées sur des sujets qui nous préoccupent tous.

En 1981, nous dénoncions la trop forte activité prévue vers 1987 dans le développement de l'hydroélectricité. En effet, le plan des installations d'Hydro-Québec était alors, pour les années de pointe, hors de la capacité de notre industrie de le construire. Aujourd'hui, paradoxalement, après avoir constaté que le dernier plan des installations d'Hydro-Québec ne comportera pratiquement aucune nouvelle mise en chantier de grands projets de toute la décennie, nous désirons vous faire part de notre inquiétude à cet égard et, dans ce contexte, vous proposer des moyens d'action pour stimuler l'économie du Québec.

Nous présentons notre mémoire en deux parties, une partie qui est une stratégie de redémarrage industriel au Québec, avec des bénéfices à moyen terme et à long terme et, une seconde partie, des moyens d'action pour stimuler l'économie du Québec à court terme.

Tout d'abord, pour atteindre à moyen terme un niveau de croissance économique acceptable, l'ACRGTQ croit qu'il est nécessaire de réaliser un programme agressif de recherche et développement relatif à l'utilisation de l'électricité. Un tel programme devrait viser à développer le plein potentiel des secteurs les plus dynamiques de l'économie de la province. Voici comment un programme de recherche et développement portant sur l'utilisation de l'électricité pourrait être orienté dès à présent.

Au point de vue du développement, nous avons voulu exposer dans notre mémoire le développement de l'industrie hydrogène au Québec, un développement en rapport avec la recherche pour un véhicule électrique, investir dans la recherche industrielle appliquée pour l'électricité et développer des débouchés pour l'aluminium.

L'industrie de l'hydrogène. Le Québec a tout intérêt à développer l'industrie de l'hydrogène sur son territoire. L'hydrogène, lorsque produite par l'électrolyse de l'eau, est une source d'énergie domestique destinée à remplacer le pétrole importé. La production d'hydrogène est aussi un complément logique de la production d'hydroélectricité et est aussi une source propre comme l'hydroélectricité.

Alors que d'autres régions cherchent à développer une industrie de l'hydrogène, par exemple, l'Ontario, à partir de l'énergie nucléaire et l'Alberta, à partir du charbon, le Québec est en mesure de fonder une industrie de production d'hydrogène sur l'hydroélectricité hors pointe. Celle-ci est relativement peu coûteuse et permettra à notre province de demeurer dans la course si nous favorisons la recherche de façon appropriée.

En conséquence, l'ACRGTQ estime que les efforts de l'IREQ, en collaboration avec des partenaires privés, doivent être encouragés et accrus tant dans le secteur de la production que dans celui de l'utilisation de l'hydrogène.

Le véhicule électrique. Devant la nécessité de trouver un substitut au pétrole conventionnel dans le transport, les gouvernements des États-Unis et du Canada ont une alternative. Ils ont le choix soit de développer l'industrie du pétrole synthétique ou de favoriser le développement du véhicule électrique. Ce dernier a plus de chance de remporter la faveur commerciale à long terme puisque toutes les régions du monde produisent ou peuvent produire de l'électricité. C'est, en perspective, une révolution technologique pour l'industrie automobile et, en conséquence, l'ACRGTQ suggère que le gouvernement du Québec favorise la création d'un consortium qui aura pour but de mettre au point un véhicule électrique qui reflète l'industrie québécoise. L'effet cumulatif à long terme de la pénétration du véhicule électrique est le passage d'une économie basée sur le raffinage du pétrole importé à une économie industrielle fondée sur la production de l'électricité et de l'aluminium.

L'aluminium. En raison de son exceptionnel potentiel hydroélectrique à coût abordable, le Québec est en train de devenir la principale région productrice d'aluminium en Amérique du Nord. Il y va donc de notre intérêt social de collaborer avec les producteurs d'aluminium primaire à chercher de nouvelles utilisations pour ce métal. L'ACRGTQ croit qu'une association du gouvernement, des universités et des producteurs d'aluminium dans la recherche sur des applications nouvelles est souhaitable. Il est entendu que la participation d'Hydro-Québec à ces efforts de recherche apparaît primordiale. La baisse des immobilisations d'Hydro-Québec permet à cette entreprise de diversifier ses investissements et d'allouer une part croissante de son budget à la recherche portant sur les applications

nouvelles de l'électricité. Au-delà d'une participation financière, Hydro-Québec est en mesure d'offrir ses surplus actuels qui sont d'environ 29 tétrawhattheures aux groupes de recherche oeuvrant déjà ou désirant s'implanter au Québec. Au lieu d'être déversés, les surplus d'hydroélectricité peuvent servir au développement de l'industrie québécoise de l'hydrogène et à la mise au point d'utilisations nouvelles pour l'électricité à des conditions préférentielles.

L'utilisation industrielle de l'électricité. Dans le secteur industriel, l'électricité est en train de remplacer certaines technologies fondées sur la combustion d'hydrocarbures. Il en résulte des économies en termes de coût énergétique, de matières premières, de coût de main-d'oeuvre et de temps d'exécution.

Jusqu'à présent, Hydro-Québec, par le biais de l'IREQ, a concentré ses efforts de recherche sur la production et le transport d'énergie. La qualité et l'importance de l'IREQ suscitent l'admiration de tous les experts. Il est souhaitable que l'institut connaisse une expansion de ses activités traditionnelles vers l'utilisation industrielle de l'électricité.

Permettez-moi de passer à la seconde partie, les moyens pour stimuler l'économie du Québec à court terme, moyens qui sont aussi la conséquence de l'arrêt des grands projets. L'arrêt des grands travaux d'Hydro-Québec porte un dur coup à l'économie de la province. En 1982, Hydro-Québec a abandonné la prévision d'un taux de croissance interne de la demande d'électricité de 6,2% en faveur d'un taux de croissance de 3,6% pour la période de 1982 à 1998. Or, plusieurs indices nous portent à croire que le taux de croissance de la demande interne d'électricité sera bien en deçà de la prévision de 3,6% que nous jugeons optimiste. Au Canada et au Québec, en particulier, les efforts de conservation de l'énergie ont dépassé les prévisions officielles d'il y a quelques années. On doit s'attendre que plus de consommateurs modifient leurs habitudes, la crise aidant, pour accroître leurs épargnes d'énergie. Il est prévisible que le taux de croissance de la demande d'électricité au Québec soit plus proche des prévisions retenues dans les régions du Nord-Est des États-Unis et de l'Ontario, lesquelles se situent à environ 2% pour la période de 1982 à 1998. Il s'agit là d'une décennie d'inactivité, en termes de grands projets, et de la disparition de quelque 8000 emplois directs et 6000 emplois indirects par année, pour un grand total de 14 000 emplois perdus.

Cette situation nous amène à vous proposer des moyens d'action à court terme pour stimuler notre économie. Le devancement de certaines infrastructures de grands projets en est un. Par infrastructures, nous entendons les routes, les ponts et les aéroports qui font partie d'un projet donné et dont la réalisation est intégrée normalement en considérant l'ensemble du projet.

Dans le contexte actuel, si nous devançons la conception et la réalisation de ces infrastructures, nous profitons d'un échéancier élargi et, donc, de prix beaucoup plus concurrentiels car c'est en période tranquille, comme celle que nous traversons présentement, que l'industrie de la construction, à l'échelle internationale, offre les meilleurs prix. À titre d'exemple, la mise en valeur dès maintenant des infrastructures du complexe Grande-Baleine accorderait plus de deux ans aux négociateurs d'Hydro-Québec et des réseaux voisins pour signer les contrats d'exportation avant que ne commencent les travaux permanents en 1985.

Les retombées de ce projet, en termes de création d'emplois, sont très importantes pour le Québec. Comme l'indique la courbe B du tableau 3 de notre mémoire, une moyenne de 4000 emplois directs seraient créés à la pointe de chaque année, entre 1983 et 1989. De plus, le nombre des emplois indirects dans les autres secteurs d'activité serait de 3000 emplois par année. Ce projet créerait donc un total de 7000 emplois par année. Le gouvernement du Québec a donc un choix politique à faire afin d'atténuer le fort taux de chômage actuel dans l'industrie de la construction et prévenir des faillites dans nos entreprises québécoises. Une telle décision entraînerait sans doute à court terme une légère hausse des investissements, lesquels seraient cependant largement justifiés compte tenu des retombées immédiates sur notre économie. Il faut ajouter à cela que, depuis au-delà de dix ans, plusieurs entreprises se sont développées au Québec. Si, vraiment, il y a une continuation du ralentissement que nous connaissons présentement, il y aura certainement une réorientation de ces entreprises et tous les investissements qui ont été faits par le biais d'Hydro-Québec seront peut-être tout simplement perdus et à recommencer dans les années qui viennent.

Quant à la vente d'électricité à taux réduits, nous approuvons les récentes décisions du gouvernement de consentir des blocs importants d'électricité à taux réduits à Pechiney Ugine Kuhlmann qui va bientôt s'implanter au Québec. Nous approuvons également la fourniture d'un autre bloc important à l'aluminerie Reynolds pour l'inciter à réaliser dès maintenant ses projets d'expansion. Nous croyons que, même en période où il n'y aurait pas de surplus disponible, la vente d'électricité à taux réduits devrait être envisagée dans la mesure où le Québec retrouve son compte, soit dans les retombées d'une expansion industrielle importante ou encore dans celles d'une implantation majeure. L'accélération de tout investissement au Québec a un effet

d'entraînement certain que l'on ne peut négliger.

(16 h 30)

Quant à la construction de minicentrales pour répondre à des besoins supplémentaires en énergie de certaines parties du territoire, le gouvernement devrait considérer la construction de mini-centrales. L'étude des coûts comparatifs à ceux d'autres solutions devrait tenir compte des retombées en termes de création d'emplois et de revalorisation de l'ensemble de l'économie de la région visée. Nous recommandons qu'Hydro-Québec considère dès maintenant cette option en concertation avec les ministères impliqués, à cause du grand impact que ces projets auront sur les économies régionales.

Le gaz naturel. La politique du gouvernement au sujet de l'avènement et de la distribution du gaz naturel dans plusieurs grandes régions du Québec est connue et nous l'appuyons. Cependant, la venue du gaz naturel ne devra pas se faire au détriment de la vente de l'électricité qui est notre richesse et que nous devons exploiter de la meilleure façon possible. Nous croyons, à ce moment-ci, que ces deux formes d'énergie pourront trouver un marché qui permettra l'expansion des deux. Cependant, nous nous devons de rappeler que le but visé est la réduction de notre dépendance vis-à-vis du pétrole importé et que, si nous voulons l'atteindre, nous devrons mettre au point une stratégie commune de vente d'électricité et de gaz.

Réduction du temps requis pour l'obtention des permis de construction. Au cours de son évolution récente, le Québec s'est doté de mécanismes, lois et règlements visant à protéger son territoire, ses zones agricoles, son environnement et aussi à entendre les citoyens sur un projet donné. Que ce soit pour les projets des ministères, d'Hydro-Québec ou de l'entreprise privée, les délais encourus au stade des avant-projets sont devenus beaucoup trop longs et nous croyons qu'ils constituent même une entrave à une rapide expansion. Nous n'avons qu'à mentionner les délais pour la construction de lignes hydroélectriques.

En conclusion, le gouvernement du Québec possède plusieurs outils qui, utilisés sciemment, pourraient contribuer à la relance de notre économie. Dans les domaines de l'hydrogène liquide, du véhicule électrique et de l'aluminium, les investissements dans la recherche à ce stade-ci sont nécessaires afin de garantir au Québec une place de choix dans le développement de ces nouvelles technologies. Cependant, la présence de l'entreprise privée dans ces recherches est importante car elle contribuera sans doute, entre autres, à réduire les échéanciers. À plus court terme le devancement d'infrastructures de grands projets, les ventes internes à taux réduits et les ventes externes d'électricité de même que la venue du gaz naturel contribueront, hors de tout doute, à la reprise de l'activité économique au Québec.

Dans la crise actuelle qui afflige une grande partie de notre population, il est impensable que le gouvernement permette à Hydro-Québec, qui contribuait jusqu'ici à environ 20% du total des investissements au Québec, de demeurer inactive pendant une période aussi longue que dix ans au niveau des grands projets. Il est vrai cependant qu'à moyen terme, le gouvernement devra se trouver d'autres moteurs d'activité, d'autres moteurs pour activer notre économie, et nous vous avons fait part de quelques idées qui pourraient bien en devenir.

À propos des discussions qui ont lieu au sujet de l'achat éventuel d'une raffinerie de pétrole par le gouvernement, nous sommes opposés à une telle action car nous croyons que les efforts du Québec en matière d'énergie devraient se concentrer sur celle que nous possédons. Cependant, nous encourageons SOQUIP et toute autre entreprise pétrolière à réaliser des programmes d'exploration sur le territoire du Québec. De plus, nous considérons importante l'industrie de la transformation des produits dérivés du pétrole dans laquelle le Québec possède des intérêts et qui pourrait devenir plus concurrentielle que celle de l'Ouest canadien.

Pour terminer, nous recommandons qu'un groupe de travail spécial soit formé avec le mandat de voir à ce que les moyens que nous vous avons énumérés pour relancer notre économie soient mis en application et qu'un suivi soit fait, peut-être dans le cadre de la présente commission parlementaire, avec les intervenants les plus impliqués tels que les partenaires de l'entreprise privée et les constructeurs. Merci.

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.

M. Duhaime: Je vous remercie, M. Roy. Je pense que, sur plusieurs des points qui sont touchés par votre mémoire, on ne pourrait être plus d'accord, en particulier sur l'industrie de l'hydrogène, par exemple, sur la tarification dans le secteur de l'aluminium, sur l'utilisation industrielle de l'électricité. Je pense que nous avons fait des pas dans cette direction et, bien sûr, aussi sur la mise au point, avec un modèle exportable, de ce que tout le monde rêve au Québec, un véhicule électrique concurrentiel. Je pense que nous sommes d'accord. On a donné aussi ce matin comme indication que non seulement dans le secteur de l'hydrogène, mais aussi dans le secteur de la robotique et du plasma... Je crois que c'est M. Gilrea de l'IREQ qui était ici et qui

donnait les états des dossiers tant à Hydro-Québec qu'à l'IREQ.

Je voudrais vous dire que là où nous divergeons, semble-t-il, d'opinion, c'est sur la question du devancement des grands projets. Si on retient votre scénario où la croissance de la demande hydroélectrique aux États-Unis et en Ontario... Ces gens retiennent 2%, vous en avez fait à peu près votre chiffre, d'autres intervenants ont ajouté une précision en disant que la croissance de la demande globale d'énergie serait de 1% ou moins sur à peu près le même horizon. Est-ce que, comme société, nous ferions un bon coup de faire le choix que vous nous proposez, qui est carrément un choix politique - je pense qu'on sera d'accord là-dessus - de devancer certains travaux d'infrastructure, par exemple, ou encore d'études et d'avant-projets?

Vous êtes peut-être au courant, mais peut-être ne l'êtes-vous pas: aux livres d'Hydro-Québec actuellement, il y a 600 000 000 $ comptabilisés d'études, d'avant-projets de toutes sortes, à différents degrés d'avancement. Parfois un de mes collègues de la Côte-Nord me demande si on ne pourrait pas parler à Hydro-Québec pour accélérer la Romaine, par exemple. Un autre de mes collègues, qui est ordinairement assis de l'autre côté de cette table, nous demande de reconsidérer la décision de surseoir, pour un certain temps, au projet de la centrale pompée de Delaney. Un autre voit dans son patelin une possibilité d'investissement pour ajouter de la puissance additionnelle à des infrastructures déjà existantes.

Je pense que, si ce scénario de 2%... Je dois dire que nous sommes un peu plus optimistes là-dessus. Au ministère, nos analyses rejoignent davantage un scénario qui va au-delà de 3,3%, 3,4% et 3,5%, mais, entre vous et moi, sur l'horizon de 1998, c'est ceux qui vivront jusque-là qui, finalement, pourront dire qui avait raison. Il y a tellement d'incertitude dans le dossier.

La clé, cependant, qui m'apparaît être... Je dois vous concéder que, si on faisait maintenant des travaux d'infrastructure, on éviterait l'inflation prévisible sur les années à venir, c'est certain. On éviterait probablement la démobilisation de certains grands consortiums, de certaines équipes de génie-conseil, d'entrepreneurs, etc. Je mets cela dans la colonne "positif". Par ailleurs, si on doit assumer pendant trop longtemps des infrastructures qui seraient payées en 1983, 1984, 1985, 1986, mais dont on aurait finalement besoin en termes d'utilité réelle sur des horizons beaucoup plus lointains, je suis loin d'être certain que le calcul mathémathique vaut jusque-là.

Je crois que vous étiez présent ce matin lorsque Hydro-Québec a présenté son propre mémoire. La problématique que nous maintenons, je voudrais simplement réitérer qu'à cet égard, du côté américain, il y a beaucoup plus d'effervescence depuis un an ou deux qu'il n'y en avait auparavant. M. Lévesque et moi avons eu l'occasion d'indiquer, lors de conférences avec nos collègues des provinces maritimes et des États de la Nouvelle-Angleterre, en juin dernier, qu'il était certain que des contrats d'énergie ferme, de longue durée, qui pourraient intervenir entre le Québec et New York ou le Québec et les États de la Nouvelle-Angleterre auraient comme effet quasi automatique de nous permettre de devancer. Je pense à LG 1, par exemple. On dit à la blague à Hydro-Québec que ce projet est mûr, qu'il est prêt. On dit même à la blague qu'il y a à peu près seulement la couleur des poubelles qui n'a pas été établie pour la durée du chantier. Tout est prêt à décoller. Mais, c'est un investissement de quelque 2 300 000 000 $ pour 1100 mégawatts. Alors, il est bien certain qu'avant de se lancer dans ces projets, il faut s'assurer que nous avons un marché.

Vous évoquez vous-même dans votre mémoire le scénario de 6,2%, un chiffre retenu en 1971-1972, avant même les premiers chocs pétroliers, avant les bouleversements dans les structures énergétiques, non seulement en Amérique du Nord, mais ailleurs dans les pays industrialisés. Ce pourcentage de 6,2% se traduisait, en termes de plans d'équipement, par 55 000 000 000 $ d'investissements sur dix ans, en moyenne 5 500 000 000 $ par année. Quand vous regardez la réalité des chiffres qui sont derrière nous à HydroQuébec - j'ai eu l'occasion de l'indiquer ce matin - l'année de pointe en termes d'investissements a été l'année 1979, alors que le plus haut niveau en immobilisation -je le dis de mémoire - a été, je crois, de 2 800 000 000 $. Il reste que ce sont quand même des chiffres considérables. Alors, imaginez que, sur une période continue de dix ans, cette prévision de 6,2% ait pu être atteinte. On s'est rendu compte rapidement qu'il était très hasardeux de faire des scénarios de croissance aussi élevés sur d'aussi longues périodes de temps. D'où maintenant une plus grande prudence dans les choix d'investissements et dans le momentum de l'investissement.

Il faut bien comprendre qu'à chaque dollar d'investissement que fait HydroQuébec, il y a 0,25 $ qui est autofinancé et 0,75 $ qui est emprunté. À nous, on n'a pas fait la preuve contraire, en tout cas, que le scénario de devancement, sans avoir la certitude d'un marché en croissance dans le sens qu'on ait de nouveaux clients sur le marché domestique ou encore à l'exportation, du côté sud des États-Unis, du côté de l'Ontario, ou même d'ailleurs...

Je comprends parfaitement votre

proposition. Quand on est constructeur, c'est un peu comme quand on est général: un général, c'est fait pour la guerre et un constructeur, c'est fait pour construire. Je comprends que vous souhaiteriez une accélération, mais je tenais à vous donner notre point de vue et à vous dire aussi, de façon très claire, que les négociations, dans mon évaluation, vont bon train. Il y a des contraintes qui existent aussi aux États-Unis. Vous l'évoquez vous-même à la fin de votre mémoire en parlant de la réduction du temps requis pour l'obtention des permis de construction.

J'avais l'occasion de discuter récemment avec le président de PASNY, M. Dayson. Nous, nous comptons encore en mois le temps requis pour aller devant - je parle essentiellement des grands projets ou encore de la construction d'une interconnexion -nous comptons toujours en mois, au Québec, les audiences publiques commandées par le Bureau des audiences publiques de l'environnement, ou encore les audiences exigées par la Commission de protection du territoire agricole. Mais, M. Dayson m'a dit de me consoler, parce qu'à New York, les gens comptent en années. C'est la même chose aussi en Colombie britannique actuellement.

Je pense que, de notre côté, on va accélérer. Les Américains ont, bien sûr, quant à eux, des contraintes. Il ne faut pas penser que les gens qui sont au nord de l'État de New York, par exemple, qui n'ont aucun intérêt immédiat quant à eux dans la construction d'une interconnexion, vont faire des assemblées populaires pour souhaiter la construction d'une interconnexion. Ils vont plutôt avoir la même réaction que certains groupes de chez nous qui s'opposent au principe même de construire une industrie à connexion pour des fins d'exportation. En tenant compte des contraintes de l'environnement, de la protection du territoire agricole et des impératifs de développement économique, on devrait être en mesure de trouver un modus vivendi acceptable pour tout le monde. (16 h 45)

Je voudrais ajouter un dernier point. M. Coulombe a parlé ce matin de la question des mini-centrales. C'est un élément très positif que vous ajoutez à votre dossier. Il y aura peut-être un jour une association des petits projets. Il est bien certain qu'il y a un potentiel énorme de ce côté et une expertise technologique beaucoup plus facilement exportable qui reste à développer.

Sur le plan de l'entraînement économique dans les régions, c'est d'abord beaucoup plus visible, bien sûr, et très certainement des projets qui sont plus près des centres urbains de population.

Sur la question du gaz naturel, simplement une remarque. Je rêve à une stratégie commune. Vous le soulignez par cette phrase: Nous devrions mettre au point une stratégie commune de vente d'électricité et de gaz. Il y a des empêchements que vous connaissez sans doute. Il y a les structures corporatives qui sont là. Hydro-Québec appartient à 100% aux Québécois, donc c'est une société publique. C'est plus compliqué un peu quand on regarde du côté du gaz naturel où Gaz Métropolitain a des actionnaires publics, mais aussi des actionnaires privés qui détiennent des actions inscrites à la Bourse. Du côté de Gaz Inter-Cité, c'est un consortium à trois, Winnipeg Inter-City Gas pour 49%, la Caisse de dépôt et placement pour 2% et SOQUIP pour 49%. Ce qui veut dire qu'on ne peut pas travailler de la même manière une tarification hydroélectrique avec une société d'État qui est la propriété de l'État à 100% et avec des compagnies qui vendent une autre forme d'énergie concurrentielle et qui ont une structure d'actionnaires bien différente. Ce qu'on tente de faire c'est de maintenir ce que j'appellerais un équilibre peut-être fragile mais vivable jusqu'à maintenant sur la concurrence que se livrent le gaz naturel, l'électricité, le mazout lourd et l'huile à chauffage dans les régions où le gaz naturel est entré ou entrera prochainement.

Voilà, c'est ce que je veux vous dire. Votre mémoire m'apparaît assez clair. Sur les autres aspects, il y a plusieurs lignes d'accord entre votre mémoire et nos propres propositions. Je dois vous dire que ce n'est pas intentionnellement que nous avons reporté de mars à ce jour la commission parlementaire. Les ajustements survenus au cours de l'été à Hydro-Québec visent cependant plusieurs des objectifs que vous évoquiez en mars dernier et que vous reprenez aujourd'hui. Je tiens a vous remercier.

Le Président (M. Rancourt): M. le député d'Outremont.

M. Fortier: M. le Président, le message principal de l'Association des constructeurs de routes et grands travaux du Québec se retrouve à la fin lorsque vous dites: Nous voulons relancer l'économie ou nous devons relancer l'économie ensemble. C'est votre message principal. À ce sujet, voici la question que j'aimerais poser pour commencer. Je connais votre association mais ce serait peut-être utile que vous nous disiez quels sont les membres que vous regroupez ou quel est l'état de l'activité de vos membres présentement. J'imagine que, si vous avez pris la peine de présenter un mémoire, c'est que l'activité, je ne parle pas seulement en termes de construction de barrage qui est évidente, mais dans d'autres domaines... Autrement dit, en termes d'emploi, quel est l'état de la question de

vos membres présentement? J'imagine qu'il y en a quelques-uns qui en région peuvent se tirer d'affaire... Vous parlez de maintenir des compagnies en activité. Vous parlez peut-être de faillites. Pourriez-vous nous brosser un tableau brièvement et le plus réaliste possible de la situation de vos membres présentement?

Le Président (M. Rancourt): M. Roy.

M. Roy: À titre d'information, notre association représente tous les entrepreneurs de génie civil qui ont oeuvré entre autres à la Baie-James, à d'autres grands travaux et qui oeuvrent encore aujourd'hui. Mais vous vous imaginez que, pour les investissements, entre autres, quand on parle de ralentissement des travaux, cela a un impact majeur sur les entreprises ici au Québec.

Notre association représente entre 20% et 25% de la main-d'oeuvre dans le domaine de la construction au Québec. Mais, quand nous parlons de 20% à 25% de la main-d'oeuvre au Québec, je considère que ce n'est pas nécessairement représentatif parce que les investissements sont en grande majorité avec nos entreprises. Les entreprises ont investi à coups de dizaines de millions de dollars pour se lancer dans de grands travaux pour amener la participation des Québécois aux grands projets. Parmi ces entreprises qui ont investi, les entreprises qui sont ici sont, entre autres, celles qui ont participé aux travaux de la Baie-James. Évidemment, il y a d'autres entreprises qui viennent de l'extérieur et qui sont aussi membres de notre association - on ne peut pas tout faire nous-mêmes - mais vous pouvez imaginer que nos membres n'ont peut-être pas la possibilité de réorientation des grandes entreprises; quand je dis grandes entreprises, je veux parler de multinationales qui sont habituées de travailler sur plusieurs tableaux, qui ont investi, peut-être pour certaines, 50 000 000 $, 60 000 000 $ ou 75 000 000 $ en équipements et qui sont reparties ailleurs pour d'autres travaux, soit dans d'autres provinces canadiennes, soit aux États-Unis ou à l'étranger. Évidemment, nos entreprises ne sont pas nécessairement préparées pour aller à l'étranger. Notre association représente tout cela.

Il s'agirait de faire un tour général au Québec des entreprises que nous représentons. Cela ne veut pas dire que toutes les entreprises vont faillir. Il y a sûrement une réorientation qui est vraiment difficile parce qu'on connaît une baisse dans tous les domaines. À présent, il y a des entreprises qui ont décidé tout simplement de se retirer. Des travailleurs de nos entreprises, il y en a qui sont partis travailler pour d'autres compagnies, à l'étranger, etc.

Quand nous insistons sur une continuation des travaux, on ne parle pas d'investir 1 000 000 000 $, ce n'est pas nécessairement cela; c'est préparer les infrastructures. Quand les infrastructures ont été faites - je sors peut-être un peu de la question - pour aller à LG 2, au début du projet, cela a occasionné des coûts fantastiques. Je ne sais pas si j'ai répondu à votre question.

Le Président (M. Rancourt): M. le député d'Outremont.

M. Fortier: Vous y avez répondu en partie. Je vous posais la question à savoir si la situation présente ou celle qui peut se perpétuer va affecter la taille ou la capacité industrielle de vos industries. J'imagine que la taille va baisser, le genre d'équipements, en termes d'équipements mécaniques que vous possédez, va rapetisser. Donc, j'imagine que vous serez de moins en moins équipés pour faire de grands projets. C'est un peu ce que vous semblez me dire présentement.

M. Roy: Je vais laisser M. Wagner répondre.

Le Président (M. Rancourt): M. Wagner.

M. Wagner (Carol): Le souci de nos entrepreneurs, c'est la réduction des volumes de travaux et ceci continue à baisser. On prévoit cette année environ 65 000 000 d'heures. Alors, il a fallu que nos entreprises essaient de s'ajuster en fonction des activités économiques puisque la crise mondiale ou nord-américaine affecte tout le monde. Quand on a vu, comme on dit, que le programme d'investissements à la SEBJ commençait à diminuer, nous avons accéléré nos démarches vers le ministère de l'Environnement pour l'assainissement des eaux, pour essayer peut-être de replacer les investissements dans le contexte qui nous concerne. En ce qui nous regarde, c'est vrai qu'il a fallu que certaines entreprises s'orientent. Il a fallu qu'elles réduisent, d'autres ont vendu de l'équipement, d'autres sont restées avec. Celles qui avaient des financements à faire n'avaient pas le choix. On s'aperçoit que, de nos jours, elles continuent à soumissionner jusqu'à 10%, 15% ou 20% plus bas pour arriver à payer leurs équipements, seulement faire les paiements. Je pense que c'est une situation de fait, les gouvernements et les corps publics bénéficient de cette crise en ce sens qu'ils ont des prix très compétitifs actuellement.

Lorsque l'on dit, M. le ministre, que l'on ne devrait pas se permettre d'investir 400 000 000 $ ou 500 000 000 $ dans les infrastructures, on vous dit que c'est un choix politique. Le gouvernement a le choix d'accorder des subventions, soit PRIME, RELAIS, etc., des créations d'emplois, on se

dit que, si vous placez 400 000 000 $, vous avez au moins une valeur de 500 000 000 $ qui créera 4000 emplois dans cette période actuelle de chômage, tout en ayant pour objectif final la survie de plusieurs entreprises québécoises. C'est pour cela que l'on vous dit que c'est un choix final. Vous pouvez attribuer des millions dans un des programmes subventionnés, mais on vous soumet un programme de création d'emplois; si on regarde à la page 25, on lira qu'une valeur de 500 000 000 $ pourra vous coûter environ 400 000 000 $ et que, s'il y a une retombée automatique de 70%, 78% revient dans l'économie québécoise. Alors, on s'aperçoit que le montant direct du gouvernement n'est pas si élevé que cela. C'est pour cela que l'on vous dit que c'est un choix politique.

M. Fortier: Si je comprends bien, la dynamique est celle-ci: il y a une baisse de l'activité économique. Donc, Hydro-Québec ajuste sa demande à la baisse; en ajustant sa demande à la baisse, elle diminue ses investissements; en diminuant ses investissements, cela baisse l'activité économique. Dans ces sens, cela crée la situation que vous décrivez pour vos membres.

M. Wagner: C'est cela.

M. Fortier: Je croyais qu'une des recommandations importantes était: "Nous recommandons qu'un groupe de travail spécial soit formé avec comme mandat de voir à ce que les moyens..." J'imagine que la raison serait pour évoquer certains des moyens dont vous avez fait état dans votre mémoire pour relancer l'économie.

Dans ma correspondance d'aujourd'hui, j'ai reçu un communiqué du Conseil du patronat qui, lui aussi, met de l'avant des moyens pour relancer l'économie. Il parle, bien sûr, de créer un climat général favorable à l'investissement, de réduire le fardeau fiscal, de réduire les dépenses gouvernementales, du rôle de l'État et d'arrêter de parler de l'indépendance. Sans entrer dans le débat politique, il semblerait que, si tout le monde cherche des moyens pour relancer l'économie, vous vous offrez ici pour participer à cet effort de relance de l'économie québécoise en dépit des difficultés et des contraintes qui peuvent exister.

Le Président (M. Rancourt): M. Wagner.

M. Wagner: Je pense que nous avons vécu le fait. Hydro-Québec a été prudente jusqu'à il y a à peine deux ans alors qu'on s'est aperçu qu'il y avait des surplus d'énergie. Par contre, c'est vrai qu'on réalise actuellement qu'il y a des surplus d'énergie, mais il faut aussi admettre que si, du jour au lendemain, il arrive un problème en Extrême-Orient, la crise du pétrole peut peut-être surgir subito presto. Et là, comme on le dit, il va encore y avoir un genre d'urgence et les données vont être toutes changées. Alors, on se dit: Pourquoi ne pas investir dans la création d'emplois un montant X qui, à mon point de vue, sera aussi profitable que d'autres subventions? C'est pour cela que l'on vous dit que c'est un choix politique. C'est à vous, les politiciens, de déterminer le meilleur placement possible. En ce qui nous regarde, on est assuré que cela sera une partie de la survie de nos entreprises.

Il y a des employés québécois et, dans la construction aussi, des types qui ont pris de l'expérience à la Baie-James, qui ont les qualifications maintenant pour continuer et qui sont d'excellents opérateurs, etc. C'est dans ce sens-là.

M. Fortier: Je vous remercie, M. Wagner et M. Roy.

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.

M. Duhaime: J'ai seulement une remarque à faire pour atténuer ce que j'appellerais le syndrome du détroit d'Ormuz. Il y a les pays de l'OPEP et les pays non de l'OPEP. Quand on regarde la diversification des approvisionnements en pétrole, pour ce qui est du Québec essentiellement - je ne parlerai pas des autres parties de l'Est du Canada qui s'approvisionnent pour une partie sur le marché international - il est évident que ce n'est pas automatique. Je crois que c'est Esso ou Shell qui a donné ici un de ses arguments qui rejoint un des vôtres d'ailleurs et qui était un message très clair au gouvernement: Ne vous impliquez pas dans le raffinage et la distribution des produits pétroliers à l'exemple de Petrocan. Allez dans d'autres directions. Même avec la diversité maintenant des approvisionnements, avec les découvertes dans la mer du Nord et les ramifications des pétrolières qui sont établies à Montréal, c'est entendu que, s'il y avait une fermeture dans le détroit d'Ormuz, cela pourrait possiblement créer des problèmes. Mais tous ceux que nous avons entendus en commission jusqu'à présent, et en particulier M. Ayoub, du GREEN, ont indiqué que ce serait sur de très courtes périodes de temps. Il faut bien comprendre que, parmi les pays producteurs, il y en a des riches et des moins riches. Il y en a qui ont absolument besoin des revenus pétroliers, même pour faire la guerre. C'est le cas de l'Irak et de l'Iran actuellement. Soyez assurés que c'est une des considérations dont nous tenons compte. C'est même un des objectifs de la politique énergétique que d'assurer une plus grande sécurité des

approvisionnements en maintenant le cap sur un des objectifs majeurs de la politique énergétique. (17 heures)

Je pense que, là-dessus, votre association nous rejoint. Nous voulons déplacer rapidement le pétrole importé et cesser, en quelque sorte, l'hémorragie de dollars. La facture énergétique pour les produits importés, que ce soit le gaz ou principalement le pétrole, représente pour l'année courante 4 800 000 000 $. Je pense qu'on sera d'accord pour dire que c'est un per capita très élevé. Il y a peut-être des pays, comme le Japon, où c'est aussi élevé que chez nous, probablement dans un pays comme la France, comme l'Allemagne fédérale, enfin les pays non producteurs.

On a l'occasion de monter et de démonter le genre de scénario que vous évoquez. Par exemple, est-ce qu'on fait un gain net sur une période à moyen, et à long terme en faisant de l'accélération de projet? Il faut tenir compte du fait que le taux d'inflation que nous épargnons dans les coûts des travaux que nous faisons maintenant plutôt que de les faire dans dix ans est très largement compensé par l'intérêt que nous payons sur 75% de l'investissement à des taux qui sont, entre vous et moi, imprévisibles. En juillet 1982, il y a eu une cassure et, ensuite - je crois qu'on est une des rares régions du monde à avoir l'honneur de connaître le taux d'escompte à tous les soirs, après ou avant la météo - cela a monté à 22%, à 23%. Je ne veux pas dire qu'Hydro-Québec paie des taux d'intérêt de cet ordre de grandeur sur les marchés internationaux mais, ici, oui. Il faut aussi tenir compte du taux d'intérêt qui est nécessairement impliqué dans du devancement de projet. Je pense que vous avez parfaitement raison d'identifier le problème en disant: C'est un choix politique. Mais c'est un choix politique qui sous-tend aussi un langage que les hommes d'affaires aiment bien, une rationalité économique dans l'investissement.

Soyez assurés que c'est sur ces données que nous allons travailler, mais je ne peux malheureusement pas vous dire, quant à moi, aujourd'hui, qu'effectivement nous allons retenir votre proposition et aller de l'avant. Je sais que M. Roy a fait la distinction. Je voudrais vous rassurer en vous disant que j'ai bien saisi votre proposition. Vous ne nous suggérez pas d'aller de l'avant avec des infrastructures de production hydroélectrique. Vous nous dites: Pour épargner des coûts, pour empêcher une démobilisation encore plus grande, allez de l'avant avec 200 000 000 $ ou 300 000 000 $ ou 400 000 000 $ sur des dépenses d'infrastructures qui, de toute manière, que ce soit à l'horizon de 1986, 1987, 1988, 1990 ou 1992, devront être faites.

Ce que je vous réponds, c'est que nous faisons ces calculs et nous arrivons maintenant à la conclusion qu'on est peut-être mieux d'attendre que le marché se raffermisse. Quand je parle du marché, je parle aussi bien du marché au Québec que du marché d'exportation. Je retiendrais de façon très positive votre suggestion à un groupe de travail. Peut-être même qu'on pourrait l'élargir à d'autres intervenants devant cette commission. Je sais que, dans le secteur de la recherche et du développement, il y a deux ou trois universités et un syndicat, entre autres, qui ont fait une proposition pour, d'abord, avoir une meilleure concertation et éviter le dédoublement des efforts de recherche et de développement.

J'accueille votre proposition de façon favorable, de même que celles des intervenants qui vous ont précédés. Je sais qu'il y a ce que j'appellerais peut-être un nouveau dialogue qui est en train de s'établir entre Hydro-Québec et ses clients. De la même manière, je répondrais qu'un groupe de travail comme celui que vous suggérez, c'est très positif et, si je puis y apporter ma propre contribution avec celles des gens de mon ministère, on va le faire avec grand plaisir. Je suis convaincu aussi qu'Hydro-Québec serait sûrement intéressée à y participer. Je donne un seul exemple: les grandes firmes de génie-conseil, par exemple, ont demandé, il y a un an ou deux ans - on voyait venir des ralentissements dans les investissements - s'il n'y avait pas lieu de se parler davantage entre les firmes de génie-conseil et Hydro-Québec pour faire en sorte qu'il y ait des structures minimales qui soient maintenues lorsque la reprise viendrait. Je sais qu'il y a eu beaucoup de rencontres et de réunions. Le scénario que vous proposez pourrait très bien rejoindre la même problématique. J'avoue que je suis parfaitement d'accord avec cela. Si on peut concrétiser cela de façon systématique, je pense qu'on devrait le faire de part et d'autre.

Le Président (M. Rancourt): Est-ce qu'il y a d'autres intervenants? Non. Nous remercions les membres de l'Association des constructeurs de routes et grands travaux du Québec.

AMEEC

Nous allons maintenant passer à l'Association des manufacturiers d'équipements électriques et électroniques du Canada. Nous l'accueillons maintenant. Si cette association veut bien présenter ses membres.

M. Beaulieu (Guy J.): M. le Président, M. le ministre, messieurs les membres de la commission, avant de vous présenter les

membres de notre délégation, je voudrais d'abord vous présenter brièvement l'Association des manufacturiers d'équipements électriques et électroniques du Canada qui regroupe les différents membres de notre délégation dans la présentation de ce mémoire.

L'AMEEC est une association panca-nadienne qui regroupe les manufacturiers en équipements électriques et électroniques, lesquels desservent un marché domestique de plus de 15 000 000 000 $ et dont les exportations sont de l'ordre de 3 600 000 000 $ annuellement. Près de 140 000 personnes sont employées dans cette industrie à haute technologie qui en grande partie dessert les compagnies d'utilité publique telles qu'Hydro-Québec et les industries telles que les mines, les pâtes et papiers, etc.

Notre association représente un forum de 250 membres qui défendent les intérêts de l'ensemble de l'industrie électrique et électronique du Canada. Au Québec, notre industrie est particulièrement importante autant par le nombre que par la qualité des emplois suscités. Environ 45 000 emplois sont distribués dans 300 établissements manufacturiers, établissements tels que définis par Statistique Canada. Les expéditions de ces établissements se sont élevées à environ 3 000 000 000 $ au cours de l'année 1981; ceci place notre industrie au 9e rang en importance de l'industrie québécoise.

La délégation qui m'accompagne pour présenter notre mémoire est très représentative des différents secteurs de notre industrie. Si vous me le permettez, j'aimerais vous présenter chacun de mes collègues afin que vous puissiez éventuellement leur adresser les questions qui sont particulièrement reliées à leur secteur d'activité. À mon extrême gauche, M. Dave Bridger, vice-président de la compagnie CAE Électronique de Montréal; M. Jean-Pierre Charbonneau, vice-président, division hydroélectrique, de Marine Industrie Ltée; M. Raymond Plouffe, vice-président, Westing-house Canada Ltée; à ma droite, M. Sundar Raj, directeur des statistiques et des informations économiques de notre association; M. David Armour, président de notre association; M. Richard Arseneault, directeur régional de la compagnie Les Câbles Philips Ltée; M. Raymond Beaulieu, de la compagnie Ouellet Canada Inc; M. Jack Williams, directeur corporatif des ventes de la compagnie Northern Telecom Ltée.

Le Président (M. Rancourt): Et vous-même?

M. Beaulieu: Guy Beaulieu, je suis de la compagnie ASEA Inc.

M. Duhaime: Votre collègue à l'extrême gauche est M. Bridger?

M. Beaulieu: Oui.

M. Duhaime: On a refait l'organigramme parce qu'on l'avait ici dans un ordre différent.

M. Beaulieu: J'ai distribué une nouvelle liste qui n'est pas dans le même ordre.

Les entreprises que nous représentons ont des activités de production importantes au Québec et contribuent depuis plusieurs années à l'économie du Québec. Je suis persuadé que vous avez tous eu le temps de lire notre mémoire qui a été déposé au secrétariat des commissions depuis le 3 mars dernier. Je propose donc de m'abstenir d'en faire la lecture complète. Je voudrais plutôt essayer d'en résumer les idées maîtresses, après quoi, mes collègues et moi, essaierons de répondre avec le plus de précision possible à toutes les questions que vous voudrez bien nous poser.

Je voudrais d'abord vous rappeler - ce que vous savez tous déjà - que le Québec possède une situation privilégiée au niveau des ressources énergétiques, étant donné l'abondance des ressources hydroélectriques dont la province dispose, d'une part et, d'autre part, l'infrastructure industrielle qu'elle a développée pour l'ingénierie, la fabrication et l'exploitation des équipements de production, de transport et de distribution d'électricité. Dans ce domaine de l'énergie électrique, le Québec jouit d'une autosuffisance assez exceptionnelle.

La politique énergétique du Québec qui consiste à remplacer progressivement le pétrole par d'autres formes d'énergie comme l'électricité, le gaz naturel, nous apparaît tout à fait souhaitable et nécessaire. Que la part du pétrole passe de 60% à 30% d'ici l'an 2000 nous apparaît tout à fait réalisable. Toutefois, l'harmonisation de l'énergie de remplement, l'électricité, le gaz naturel, devra être faite en tenant compte d'abord et avant tout des intérêts du Québec, non seulement à court terme, mais surtout à long terme. L'harmonisation de ces deux formes d'énergie devra tenir compte de leurs avantages relatifs du point de vue de la sécurité d'approvisionnement, des perspectives de coût et des impacts économiques sur l'industrie québécoise.

Je voudrais maintenant signaler aux membres de cette commission les conséquences pour notre industrie qui ont résulté du revirement total de la situation énergétique du point de vue de l'équilibre de l'offre et de la demande. Étant donné l'importance considérable de notre industrie dans la structure industrielle du Québec, cette nouvelle conjoncture risque d'avoir un impact considérable sur l'économie du

Québec et sur sa prospérité. À la suite de la crise du pétrole et de l'augmentation considérable des coûts d'énergie qui a suivi, la demande générale d'énergie a subi une baisse considérable. La chute du taux de croissance de la demande d'électricité a suivi rapidement la diminution de la demande des autres types d'énergie.

Entre 1975 et 1981 - comme on l'a rappelé ce matin - Hydro-Québec a vu sa demande d'électricité augmenter à un taux annuel de 6% ou 7%. Aussi récemment qu'en 1981, elle prévoyait des taux de croissance annuels de 6,2% entre 1980 et 1996. Les prévisions actuelles d'Hydro-Québec pour la même période donnent un taux de croissance annuel aux environs de 3%; on a mentionné 3,3% ce matin, en moyenne, pour la même période. Ceci signifie donc que, de 1981 à 1982, Hydro-Québec a réduit ses prévisions de croissance de 50% et de ce fait diminué de moitié ses besoins d'équipement de production. Les investissements d'Hydro-Québec prévus pour une hypothèse de croissance de 6,2% étaient de 50 000 000 000 $ pour les années 1983 à 1992. Avec une prévision de 3,7% comme taux de croissance annuel, les investissements seront réduits à 35 000 000 000 $ pour la même période. Si l'hypothèse du taux de croissance devait être réduite encore de 1%, les investissements requis seront inférieurs à 20 000 000 000 $ pour la même période. Il faut noter que ces ressources financières ainsi libérées ne seront pas nécessairement disponibles pour d'autres investissements n'offrant pas les mêmes garanties.

(17 h 15)

II est évident que la réduction du taux de croissance d'Hydro-Québec et de ses investissements aura pour effet de contracter de façon considérable le marché des équipements électriques de notre industrie. Toutefois, cette contraction, même si elle est très draconienne, ne constitue pas la préoccupation immédiate de notre industrie. Le problème qui nous afflige vient du fait qu'étant donné les grands délais qui sont nécessairement associés à la mise en place des capacités de production hydroélectrique, Hydro-Québec se trouve soudainement dans une situation de surplus d'énergie qui l'oblige à retarder ou à suspendre toute addition d'équipement de production et de transport d'énergie pendant une période de cinq à six ans. Si la demande continue à diminuer, cette période pourrait même être prolongée. Notre industrie fait donc face à une période où son marché domestique est pratiquement réduit à zéro de façon tout à fait soudaine. Non seulement notre industrie devra-t-elle s'adapter à une capacité réduite de l'ordre de 50%, mais elle devra de plus passer à travers une période où la demande sera à peu près nulle sur le marché québécois. Il est évident que, si rien n'est fait, les investissements considérables qui ont été faits dans nos industries en capitaux et ressources humaines risquent d'être mis sérieusement en péril.

Cette situation de crise n'a pas encore été ressentie de façon tangible, étant donné, encore une fois, les longs délais de fabrication des produits qui caractérisent notre industrie. Il y a, bien sûr, l'exportation et notre industrie a fait des efforts considérables en ce sens depuis quelques années. Sous le chapeau de notre association, une étude est présentement en cours sur les exportations d'équipements électriques vers les pays en voie de développement. Cette étude, préparée par Lavalin et Walter et Associés, avec l'appui et la collaboration des manufacturiers, des entrepreneurs, des gouvernements de l'Ontario et du Québec par l'entremise des ministères de l'Industrie et du Commerce et du Commerce extérieur ainsi que de l'ACDI, a pour but d'élaborer une stratégie globale et un plan d'action pour améliorer la performance canadienne dans l'exportation des produits électriques vers les pays en voie de développement.

Le rapport de cette étude sera disponible à la fin de l'année et devrait favoriser une meilleure concertation des différents agents économiques dans leur effort pour augmenter nos exportations. Même si certains succès ont déjà été obtenus par les manufacturiers canadiens dans ces efforts à l'exportation, il serait irréaliste de croire que l'exportation pourra, à très court terme et dans la conjoncture économique actuelle, remplacer un marché intérieur complètement anéanti. Dans tous les pays du monde, les succès à l'exportation sont toujours soutenus par un marché domestique d'une taille raisonnable et relativement stable. Certains pays l'ont très bien compris et favorisent de façon systématique la stabilité de ce marché intérieur dans leur stratégie industrielle. Je pense surtout à la France, mais c'est vrai également pour plusieurs autres pays européens. L'AMEEC est d'avis que le gouvernement du Québec peut jouer un rôle déterminant pour assurer un minimum de développement électrique au cours de cette période afin de procurer à notre industrie un niveau d'activité lui permettant de traverser cette période difficile.

Nous voudrions maintenant vous soumettre un certain nombre de considérations. Nous souhaitons que le gouvernement du Québec les prenne en considération dans sa politique énergétique et dans l'harmonisation des deux autres formes d'énergie qui seront appelées à remplacer une grande part du bilan énergétique présentement détenu par le pétrole. L'importance de l'énergie électrique au Québec est bien connue de tous. L'abondance de cette source d'énergie a profité

grandement au développement du Québec. Cette énergie renouvelable et non polluante est totalement sous notre contrôle. Environ 20 000 mégawatts de nos ressources hydroélectriques sont considérés comme étant économiquement exploitables, ce qui assure le Québec d'une grande autonomie énergétique bien au-delà de l'an 2000. La mise en valeur de ces ressources hydroélectriques a développé au Québec une expertise considérable au niveau des ingénieurs-conseils, des manufacturiers d'équipement et d'Hydro-Québec.

Les ressources humaines et matérielles de notre industrie qui se sont développées en grande partie grâce aux investissements d'Hydro-Québec sont maintenant très considérables. En effet, notre industrie emploie, comme je le disais plus tôt, environ 45 000 personnes dont une grande proportion de chercheurs, d'ingénieurs et de techniciens oeuvrant dans des domaines de technologie de pointe. Notre industrie assure depuis plusieurs années des débouchés à plusieurs centaines de spécialistes qui graduent de nos institutions d'enseignement. Des transferts de technologie importants se sont effectués par l'entremise de plusieurs grandes entreprises oeuvrant à l'échelle internationale et établies au Québec depuis plusieurs années. Le total des actifs de nos entreprises dépasse les 2 000 000 000 $ et les expéditions en 1981 étaient de l'ordre de 3 000 000 000 $.

Notre industrie contribue non seulement quantitativement, mais surtout qualitativement à l'activité industrielle du Québec, étant donné le haut degré de technologie qui caractérise la plupart de nos entreprises.

Je voudrais ici vous référer au document du Secrétariat à la science et à la technologie du gouvernement du Québec, intitulé Inventaire des entreprises manufacturières qui font de la recherche et du développement au Québec. J'ai une copie de ce document qui montre, d'une façon très claire, que l'industrie électrique se situe au premier rang des industries en ce qui a trait au contenu de recherche et de développement et en ce qui concerne l'emploi des professionnels, premier, deuxième et troisième cycles.

L'énergie électrique offre au Québec un potentiel de développement économique particulièrement intéressant. Étant donné que le Québec a une structure industrielle spécialisée dans le secteur électrique, l'impact de ce type d'énergie sur notre activité économique québécoise est bien supérieur à ce que peut offrir toute autre forme d'énergie. Selon des études effectuées à partir du modèle interprovincial de Statistique Canada, les retombées pour le Québec, à la suite de l'utilisation de l'énergie électrique plutôt que du gaz naturel, sont particulièrement éloquentes: 17 fois plus d'emplois créés; au niveau du PIB, 30 fois supérieur. Par contre, en Alberta, l'impact de ces deux types d'énergie est complètement renversé par rapport au Québec. Il est évident que le Québec a une industrie qui s'est spécialisée dans le matériel électrique alors que l'Alberta l'a fait dans l'équipement pour l'exploitation du pétrole et du gaz naturel.

Une deuxième étude sur les effets d'un achat par le Québec de 10 000 000 $ de matériel électrique industriel démontre que les répercussions d'une telle dépense sont considérables: la création de 208 années-hommes d'emplois directs au Québec et 327 années-hommes pour le reste du Canada, ainsi que des expéditions additionnelles de 13 000 000 $ au Québec et de 23 000 000 000 $ pour le reste du Canada. Ces chiffres sont, d'ailleurs, confirmés par ceux qui ont été soumis par SOQUIP dans un tableau à la rubrique 4.3 par lequel on peut déduire que, pour chaque tranche de 10 000 000 $ investie au Québec dans les réseaux de distribution du gaz, il y a une création d'emplois de 71 hommes-années comparativement à 208 pour le secteur électrique.

Soulignons que les ressources du Québec en matière d'énergie électrique confèrent à la province un potentiel d'exportation d'un caractère unique qui n'est pas encore entièrement exploité. Peu de secteurs de l'économie québécoise jouissent du même degré d'intégration. Grâce à ses centres de recherche, à ses bureaux d'ingénierie, à son industrie bien développée, le Québec est en mesure d'effectuer la recherche et le développement, la conception, la fabrication, le montage et l'entretien d'une très grande partie des ouvrages et équipements reliés à la production, au transport et à la distribution de l'électricité.

Nous croyons que notre industrie s'inscrit très bien dans les objectifs du virage technologique et dans les objectifs du nouveau ministère du Commerce extérieur. Nous croyons que tout doit être fait pour conserver ce savoir-faire, cette expertise qui nous permettra d'améliorer les performances du Québec à l'exportation.

Nous voudrions maintenant préciser que notre association comprend bien la volonté du gouvernement d'accélérer le remplacement du pétrole importé en favorisant également la pénétration du gaz naturel. Nous voulons toutefois souligner que ce type d'énergie est loin d'apporter au Québec les mêmes retombées économiques que l'électricité. L'industrie québécoise est, en effet, très mal préparée pour répondre aux demandes d'équipement et de matériel utilisés dans la construction des réseaux de gaz naturel. La machinerie aussi bien que les matériaux et les spécialistes sont, en grande partie, importés de l'extérieur du Québec.

Encore une fois, nous remettons en question les affirmations de SOQUIP selon lesquelles la construction des réseaux de transport et de distribution de gaz naturel entraînerait des retombées économiques substantielles pour le Québec. Le gaz naturel, d'autre part, est loin d'offrir la même sécurité d'approvisionnement.

L'évolution à long terme de son coût est, en grande partie, hors du contrôle du gouvernement du Québec et beaucoup moins prévisible que celui du coût de l'électricité.

Dans le mémoire de Trans Québec et Maritimes, on nous explique les mesures qui se sont avérées nécessaires pour rendre le prix du gaz naturel concurrentiel: fixation du prix, subsides, exemption de taxes, etc. À la page 6 du même mémoire, on admet même que le prix actuel du gaz au Québec est un prix de développement qui sera accessible jusqu'en 1987 grâce à un programme fédéral d'aide à la commercialisation. Après 1987, il est impossible de prévoir quel sera le prix de ce type d'énergie.

Le gaz naturel, selon nous, amorce sa pénétration à un moment qui est très mal choisi étant donné, d'une part, les surplus considérables disponibles en énergie électrique dont le coût marginal est presque nul et d'autre part, étant donné l'effondrement soudain du marché des équipements électriques pour les cinq ou six prochaines années. Même si des investissements considérables ont déjà été engagés dans les réseaux de transport et de distribution du gaz naturel, cette nouvelle source d'énergie doit se soumettre au jeu de la libre concurrence dans cette conjoncture difficile pour tous. Comment pourrait-on se justifier de protéger cette industrie au détriment de l'industrie électrique dont les investissements sont beaucoup plus considérables et vitaux pour le Québec? Le gaz naturel devrait donc concentrer ses efforts de mise en marché où il a des avantages concurrentiels.

Sans être des spécialistes dans le gaz naturel nous nous permettons de suggérer un certain nombre d'applications qui nous paraissent particulièrement indiquées pour le gaz naturel. 1. L'exportation du gaz naturel, sous forme liquéfiée devrait être considérée en tenant compte des avantages géographiques du Québec par rapport aux marchés de l'Atlantique. 2. Les possibilités de transformation au Québec en engrais chimiques - ammoniac, urée - et en méthanol devraient être également privilégiées. On sait que le transport de la matière première, le gaz naturel, est plus économique que celui du produit fini et, par conséquent, l'implantation d'une usine de transformation au Québec pourrait être justifiée, d'autant plus que la valeur ajoutée dans ce cas serait de beaucoup supérieure pour le Québec. Notre recommandation coïncide avec celle de SOQUIP - à la page 34 de son mémoire -qui souligne les grandes possibilités de l'utilisation du gaz pour la fabrication de l'ammoniac. 3. Nous croyons que le gaz naturel pourrait avantageusement remplacer l'essence dans les équipements de transport, soit sous forme de gaz comprimé ou liquéfié. Cette utilisation du gaz est beaucoup plus prometteuse - il ne nous fait pas plaisir de l'admettre - que le véhicule électrique dont le développement semble encore loin d'une utilisation commerciale. L'impact possible de cette utilisation du gaz sur le bilan énergétique de la province serait de taille puisque la consommation d'essence représente près de 25% de nos besoins énergétiques. 4. L'utilisation du gaz comme source d'énergie dans la fabrication du verre semble également comporter certains avantages.

En conclusion, il nous apparaît essentiel que, dans la définition de sa politique énergétique, le gouvernement assure une utilisation optimale des ressources déjà en place. Selon nous, le gouvernement doit réaliser que l'industrie reliée à l'exploitation de l'énergie électrique en est une de très haute technologie et indispensable pour l'avenir du Québec. Il ne s'agit pas d'une industrie en déclin ou mal outillée pour faire face à la concurrence étrangère. Nous ne faisons pas partie des secteurs mous de notre industrie. Nous sommes plutôt un de ses fers de lance qui doit être développé.

Dans la définition de sa politique énergétique, le gouvernement ne pourra se permettre de ne pas tenir compte des grandes difficultés que devront traverser les industries électriques non seulement pour s'adapter à un marché réduit de façon considérable, mais pour faire face à une période de quatre ou cinq ans où ce marché sera presque inexistant. Notre industrie, par la spécialisation très grande de ses ressources humaines et en équipement, a une capacité de recyclage très limitée à court terme qui ne lui permettra pas de survivre à ce changement draconien de son marché domestique. Il est absolument nécessaire que les surplus d'énergie électrique soient vendus au plus vite, même si cela doit modifier l'échéancier de la pénétration du gaz naturel. On ne peut se permettre de créer un emploi nouveau pour en perdre dix-sept déjà existants et de qualité supérieure. (17 h 30)

L'AMEEC propose donc au gouvernement du Québec la stratégie suivante: privilégier la pénétration au Québec de l'électricité puisque cette forme d'énergie offre les plus grandes retombées économiques à long terme tant au niveau des producteurs d'équipement énergétique que des utilisateurs d'énergie; appuyer les efforts à l'exportation

déployés par nos entreprises en favorisant un marché domestique suffisant et stable pour les produits électriques; encourager la pénétration du gaz naturel partout où cette forme d'énergie jouit d'avantages inhérents et de retombées économiques élevées. Cette pénétration devra toutefois se faire selon un échéancier qui minimisera ses effets négatifs sur le secteur de l'électricité qui doit demeurer la clé de voûte de la politique énergétique du Québec.

Cette stratégie suppose le plan d'action suivant: l'écoulement accéléré des surplus d'électricité par divers programmes agressifs de mise en marché (bouilloires industrielles, etc.) - nous étions heureux d'entendre, ce matin, qu'Hydro-Québec continue dans la même veine - une augmentation plus rapide de la part de l'électricité dépassant l'objectif de 45% du bilan énergétique en 1995. La pénétration du gaz pourrait alors être reportée quelque peu pour atteindre 12% en 1995, plutôt que 16%, tel que proposé dans le livre de référence de cette commission. Troisièmement, le devancement de certains travaux hydroélectriques afin de sauvegarder l'industrie spécialisée et les emplois de haute technologie, ceci en accord avec une recommandation contenue dans le mémoire de Lavalin à cette commission et dans ceux de l'association des grands projets qui nous ont précédés à cette table.

Notre association est également à la disposition du gouvernement dans le cas où celui-ci jugerait utile de solliciter notre collaboration dans l'élaboration des mesures qui pourraient faciliter la réalisation de la stratégie énergétique du Québec. Une équipe de travail a été formée en Ontario sous le titre de Joint Industry Task Force et collabore avec le gouvernement ontarien dans le même sens; un rapport a été présenté au premier ministre ontarien il y a quelques mois. Nous serions heureux de développer une collaboration semblable avec le gouvernement du Québec. Nous verrions, par exemple, l'utilité d'une collaboration plus structurée sous la forme d'une équipe de travail permanente qui comprendrait le ministère de l'Énergie et des Ressources, le ministère de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme, le ministère du Commerce extérieur et les représentants québécois de l'industrie électrique.

M. le ministre, mesdames, messieurs les membres de la commission, j'ai terminé la présentation de notre mémoire. Nous vous remercions de votre attention. Mes collègues et moi-même sommes à votre disposition pour répondre aux questions que vous voudrez bien nous poser.

Le Président (M. Rancourt): On a eu une demande. Est-il possible d'avoir une copie de votre texte, M. Guy Beaulieu?

M. Beaulieu: Oui.

Le Président (M. Rancourt): C'est possible. Merci.

M. Beaulieu: II y a eu certaines révisions en cours de lecture.

Une voix: Ce n'est pas le même texte.

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Duhaime: D'abord, M. Beaulieu, je voudrais vous remercier, de même que les membres de l'Association des manufacturiers d'équipements électriques et électroniques du Canada, d'avoir préparé un mémoire et d'être venus en nombre et en qualité représentative, je pense, de votre industrie. Soyez assurés que nous considérons l'activité des membres de votre association comme étant un des secteurs stratégiques de notre économie, avec 3 000 000 000 $ d'expéditions. Vous avez les chiffres de 1981, je crois?

M. Beaulieu: De 1981.

M. Duhaime: Et vous parlez de 45 000 emplois. Quand on parle de haute technologie, de technologie nouvelle, on parle, bien sûr, d'équipement électrique, d'équipement électronique également. C'est un secteur - vous avez raison de le souligner, ce n'est pas un secteur mou, c'est un secteur de pointe - qui, à la faveur des ralentissements ici, se tourne désormais davantage vers les marchés d'exportation. C'est peut-être une bonne chose que cela arrive de cette façon. Je voudrais vous poser la question... Je sais que les expéditions sont de l'ordre de 3 000 000 000 $ mais, sur les marchés étrangers, cela représente quoi exactement? Où vont vos expéditions? J'imagine que ce doit être en Amérique du Nord, dans le cas de Northern, CAE, General Electric, Westinghouse. En gros, est-ce que vous avez un bilan sur le plan de votre association? Est-ce que vous êtes exportateurs? Si on pouvait avoir seulement un ordre de grandeur du marché nord-américain, ou du côté du Japon ou de l'Europe, des pays en voie de développement?

Le Président (M. Rancourt): M. Guy

Beaulieu.

M. Beaulieu: On n'a pas d'étude exacte pour le Québec, mais, pour le Canada, les exportations sont d'environ 4 000 000 000 $ sur 15 000 000 000 $ au total.

M. Duhaime: 4 000 000 000 $ sur 5 000 000 000 $ dans le marché canadien.

M. Beaulieu: 4 000 000 000 $ sur 15 000 000 000 $.

M. Duhaime: 4 000 000 000 $ sur 15 000 000 000 $ dans le marché canadien.

M. Beaulieu: Oui.

M. Duhaime: Donc, le reste...

M. Beaulieu: ...se répartit en grande partie aux États-Unis et...

Le Président (M. Rancourt): Oui, M. Sandar Raj.

M. Raj (Sandar): Oui, aux États-Unis et en Europe... dans tout le monde...

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.

M. Duhaime: Je suis très heureux de voir que vous avez une étude en cours. Si vous en avez une copie de trop, je serais très heureux d'en prendre connaissance lorsqu'elle sera terminée. Pour revenir à ce que vous disiez tantôt, Lavalin est dans le dossier sur une évaluation des marchés d'exportation des équipements électriques. Est-ce que c'est un créneau nouveau qui s'ouvre ou si c'est votre intention d'aller plus loin sur le marché que vous occupez déjà? Avec 11 000 000 000 $ sur 15 000 000 000 $ à l'extérieur du Canada -c'est quand même énorme - qu'est-ce que vous allez chercher de plus sur les marchés internationaux?

Le Président (M. Rancourt): M. Guy

Beaulieu.

M. Beaulieu: Le but de l'étude n'est pas tellement d'inventorier le marché existant. C'est déjà assez connu. Mais la part du Canada dans ce marché des pays en voie de développement est très faible, environ 1%. C'est cette part qu'on voudrait augmenter. Je crois qu'on peut l'augmenter en faisant un effort de concertation des différents agents économiques. À notre avis, on a au Canada une structure qui se prête mal au support à l'exportation, par rapport à d'autres pays.

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.

M. Duhaime: C'est essentiellement sur une pénétration accrue dans les pays en voie de développement.

M. Beaulieu: C'est cela.

M. Duhaime: Maintenant, sur ce marché que vous voulez développer, jusqu'à ces années récentes, Hydro-Québec a fait le gros de ses investissements dans des équipements de barrages, de turbines, de lignes de transport, etc. C'est autour de cette activité d'Hydro-Québec que s'est greffée une bonne partie des activités des membres de votre association. Est-ce que cette percée que vous recherchez dans les pays en voie de développement est directement reliée à cette expertise ou s'il y a d'autres créneaux que vous regardez?

Le Président (M. Rancourt): M. Guy

Beaulieu.

M. Beaulieu: C'est surtout dans la même gamme de produits ou de services. Naturellement, il y a des nouveaux créneaux qui sont peut-être prometteurs. On parle des petites centrales. C'est évident que les membres de notre association sont intéressés à collaborer là-dedans, mais je pense que cela ne constitue pas la partie la plus importante du marché qu'on peut atteindre. Il s'agit de rendre nos industries plus concurrentielles en ayant des agents économiques qui travaillent peut-être plus ensemble au niveau du financement et au niveau de l'intégration, si on veut, des manufacturiers canadiens aussi. Il y a beaucoup de compétition à l'intérieur du Canada, alors qu'on rencontre souvent à l'exportation des concurrents qui sont beaucoup plus intégrés. Ils se présentent avec un manufacturier, un consortium, avec le support financier de leur banque et de leur gouvernement, ainsi de suite, alors qu'ici on a souvent deux gouvernements, cinq manufacturiers, trois ingénieurs-conseils, et ainsi de suite. C'est tout à fait une autre approche.

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.

M. Duhaime: Maintenant, dans les scénarios d'investissements d'Hydro-Québec -je crois que cela a été relevé ce matin, soit par M. Coulombe, soit par M. Joseph Bourbeau - il est en train de s'effectuer une espèce de transfert où il y aurait davantage d'investissements dans les réseaux de distribution. Je pense, par exemple, aux programmes qu'on a lancés récemment à Montréal, de 538 000 000 $, je crois, qui doublaient les objectifs des premiers programmes d'enfouissement des câbles. Je voudrais savoir si votre industrie ou vos industriels, membres de votre association, réagissent dans la même direction. Je dois vous avouer honnêtement que j'ai été un peu scandalisé il n'y a pas tellement longtemps à Montréal, justement à l'occasion de cette conférence de presse avec Hydro-Québec et les autorités de la ville de Montréal, de voir qu'il y avait énormément de gadgets qui

étaient fabriqués aux États-Unis et qui ne me paraissaient pas plus compliqués que ce que nos industriels font dans d'autres secteurs d'activité. Autrement dit, pourriez-vous porter un jugement sur la capacité d'industries comme les vôtres à fournir de l'équipement dans le secteur de la distribution, dans la même proportion que vous l'aviez fait et que vous le faites encore dans les immobilisations un peu plus traditionnelles d'Hydro-Québec dans les constructions de barrages, de lignes de transmission, disjoncteurs, etc.?

Le Président (M. Rancourt): M.

Beaulieu.

M. Beaulieu: Je suggérerais à M. Plouffe de répondre à cela. Je pense que dans sa compagnie il y a une gamme de produits plus large.

Le Président (M. Rancourt): M. Plouffe.

M. Plouffe (Raymond): Merci. Oui, je pense que les industries localisées au Québec ont réagi aux besoins d'Hydro-Québec, qui sont très importants dans le domaine de la distribution, de la transmission et de la génération, et qu'elles s'orientent pour augmenter la distribution en fonction des besoins. Mais nous sommes aussi convaincus que la rationalisation de nos produits à l'intérieur d'une multinationale ne nous permettra jamais d'implanter des activités viables pour tous les produits sur des marchés restreints. Alors nous tentons d'identifier certains créneaux où on établira des mandats mondiaux et où on assurera la viabilité des entreprises que nous mettrons sur pied sur la base du marché local, mais surtout par nos exportations qui nous permettront d'être compétitifs à l'échelle mondiale.

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.

M. Duhaime: Cela m'apparaît très important.

M. Plouffe: Mais ce dont il faut tenir compte dans le problème qui est établi dans notre mémoire c'est que dans les domaines de la génération et de la transmission, les marchés locaux deviennent presque nuls pour une période de six ans. Ces entreprises ont des problèmes majeurs à maintenir leurs ressources en place. Ce que l'on veut souligner, c'est qu'il y a une expertise qui est en danger de disparaître.

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.

M. Duhaime: En fait, est-ce que je fais erreur, M. Plouffe, en disant que vous ne rejoignez peut-être pas toute la problématique mais du moins l'approche? Ce qui me paraît logique dans vos propos, c'est que vous souhaiteriez que l'on fasse du devancement de projet?

M. Plouffe: Excusez-moi.

M. Duhaime: Vous souhaiteriez qu'Hydro-Québec fasse du devancement de projet? Je comprends que vous le souligniez dans votre mémoire et aussi dans une des recommandations, mais je crois que l'association qui vous a précédé insistait bien pour dire que, quant à elle, elle souhaitait que le devancement se limite à certaines infrastructures, routes, aéroports, etc. Si je comprends bien ce que vous venez de nous dire - je ne veux pas dire que peu importe les scénarios de croissance de la demande -en retenant un scénario de croissance plus élevé, c'est évident que les investissements seront plus lourds et que les retombées sur vos propres entreprises vont être beaucoup plus élevées que ce que l'on peut anticiper pour l'instant. Si je comprends bien, vous nous dites que pour maintenir une base d'activité manufacturière significative au Québec dans les années qui viennent, il faut passer à travers ce que j'appellerais le "loop", ou la basse conjoncture dans la programmation des équipements, et continuer quand même à investir.

Le Président (M. Rancourt): M. Plouffe.

M. Plouffe: Ce que l'on dit c'est que le changement est tellement draconnien que pour certaines industries qui sont importantes pour l'économie du Québec au point de vue de la technologie, de la recherche et de la capacité d'exportation, si on ne tient pas compte qu'elles ont besoin d'une activité continue au Québec, on peut subir des conséquences majeures. (17 h 45)

M. Duhaime: Mais...

M. Plouffe: Je pense que c'est ce qu'on essaie de...

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.

M. Duhaime: Maintenir le cap sur... Il y a la parenthèse où vous souhaitez arriver à 55% en 1995 pour ce qui est de la part d'hydroélectricité. En fait, sur les objectifs, vous seriez d'accord avec un mollo sur le gaz naturel, autrement dit étaler davantage dans le temps la conversion que nous sommes en train de faire à l'intérieur du bilan énergétique. Si je vous comprends bien, c'est ce que vous souhaitez.

Seulement un dernier point.

Le Président (M. Rancourt): M. Guy

Beaulieu.

M. Beaulieu: Je voudrais ajouter que le problème de certaines de nos industries est que le recyclage n'est pas facile. Si vous prenez un "turbinier" il peut difficilement se convertir en fabricant d'appareillages électroniques et utiliser les mêmes ressources. Je dirais que c'est au niveau de ces grosses industries, les fabricants de gros appareillages, que le problème est le plus sérieux.

Naturellement, avec les programmes de marketing agressif qu'Hydro-Québec a déjà mis en place et qu'elle a l'intention de mettre en place, cela a comme effet d'amoindrir l'impact de remplir la moitié du trou si on veut. Par exemple, la poussée qu'il y a eu l'an dernier pour les bouilloires électriques a eu pour effet de générer des besoins au niveau des transports d'énergie, peut-être pas aussi grands qu'au niveau de la distribution mais il y a eu quand même des réseaux de transport qui ont dû être renforcés.

Si la période pendant laquelle HydroQuébec va être en situation de surplus est raccourcie, cela veut dire que les nouveaux développements vont venir plus rapidement. Alors, les deux façons de nous aider à passer à travers cette période difficile c'est de la raccourcir et de rendre le trou un peu moins profond.

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.

M. Duhaime: Écoutez, si vous voulez mon avis c'est peut-être la meilleure nouvelle qu'on ait eue depuis les deux dernières années, qu'Hydro-Québec se mette à vendre de l'énergie hydroélectrique. La bougie d'allumage a peut-être été l'arrivée sur un marché qui était en quelque sorte "protégé" et dont le concurrent s'appelle le gaz naturel. Les forces jouent actuellement sur les marchés. Cela m'apparaît assez évident en tout cas de la réaction qu'on a de l'industrie qu'ils reçoivent les vendeurs d'Hydro-Québec à 10 heures le matin et ceux du gaz naturel à 14 heures l'après-midi. Après cela tout le monde essaie de s'ajuster sur des scénarios.

Je suis parfaitement de votre avis sur un point que... Je pense en tout cas que cela sous-tend une des recommandations de votre mémoire. Vous le chiffrez à 55% en 1995 pour ce qui serait de la part de l'hydroélectricité. Nous nous sommes fixé comme objectif d'être à 45% en 1995 mais si on l'est plus tôt, tant mieux! Cela veut dire qu'on aura déplacé très probablement du pétrole importé beaucoup plus rapidement. L'espèce de trou qui est devant nous, pour employer votre expression, va s'écourter d'autant.

Je ne vous surprendrai pas en vous disant que les pétrolières et tous les réseaux de distribution d'huile à chauffage et d'associations de marchands d'essence, que ce soit la Fédération du Québec ou encore l'Association des automobiles, celle de M. Delia Noce, nous ont demandé de ralentir également le bouleversement dans le sens de laisser la part du pétrole le plus élevée possible, le plus longtemps possible à l'intérieur du bilan. Vous allez comprendre facilement qu'il y a des divergences d'intérêts.

Il y a peut-être un point que je voudrais relever avant de laisser la parole à mes collègues. Je voudrais qu'on se comprenne bien. Ce n'est pas le gouvernement qui fait le choix du gaz naturel, cela m'apparaît être plutôt le consommateur, s'il y a des conditions de marché qui existent. Vous allez très probablement me répondre là-dessus: Oui mais le prix du gaz est d'abord réglementé quant à son prix et ensuite, avec l'avalanche de subventions à la conversion vers le gaz naturel, cela crée de la distorsion sur le marché. Notre discussion peut paraître bien académique quand on parle de concurrence avec trois prix d'énergie réglementés de quelque façon que ce soit, qui sont assujettis à de la fiscalité et qui sont bonifiés par des programmes de conversion. Il faut bien comprendre aussi que les compagnies pétrolières sont en train de mettre en route des programmes de conversion pour résister sur le marché.

Tenant compte de cela, il est bien certain... Il semblait, selon plusieurs mémoires, que plusieurs intervenants souhaitaient que le prix du gaz naturel soit déréglementé sur un plan canadien. Je suis un peu de l'avis... Cela paraît un peu curieux comme situation: le prix du pétrole au Canada est tenu artificiellement bas par rapport au prix mondial et le prix du gaz naturel est trop élevé à l'heure actuelle. On le voit très bien sur les marchés d'exportation. Si on pouvait retrouver les forces du marché, offre et demande, un peu plus librement, je serais curieux de voir quelle serait la réaction, la vôtre en premier lieu, si je me mets dans vos souliers. Si le prix du gaz naturel était déréglementé, il est évident qu'il ferait une chute vers le bas. Il viendrait vous concurrencer encore plus rapidement sur le marché. Comment voyez-vous évoluer ces scénarios? Je vais vous poser une question simple: Comment réagiriez-vous si, demain matin, le prix du gaz naturel était déréglementé et chutait vers le bas?

Le Président (M. Rancourt): M. Guy

Beaulieu.

M. Beaulieu: Je ne suis pas tout à fait

d'accord avec M. le ministre quand il affirme que le prix du gaz déréglementé chuterait vers le bas. N'est-il pas subventionné de toutes sortes de façons présentement? Si les forces du marché jouaient, est-ce que le coût du gaz rendu au Québec serait vraiment concurrentiel avec le coût de l'énergie électrique, surtout quand on parle d'énergie de surplus qui ne coûte rien? Je ne pense pas qu'il pourrait être en concurrence en aucune façon.

M. Duhaime: ... de la fiscalité qui s'applique, bien sûr, au gaz naturel. Je ne parle pas des coûts de transport, ni du coût de production à la tête du puits, mais il y a des taxes fédérales qui se paient en chemin. On n'a qu'à voir les prix à l'exportation; je ne vous donne pas seulement mon opinion, il y a eu plusieurs intervenants, entre autres quelques experts, qui, sans être en mesure de mettre la main sur l'Évangile sur une pareille affirmation, semblaient tous dire que la déréglementation du prix du gaz au Canada amènerait une diminution du prix sur le marché. J'avoue que tout le monde peut se tromper mais je ne crois pas faire erreur en rappelant ce que plusieurs intervenants nous ont dit.

Le Président (M. Rancourt): M. Guy

Beaulieu.

M. Beaulieu: Si le prix du gaz a des chances de baisser, étant donné la situation de surplus qui existe, est-ce qu'à long terme, ce sont les mêmes perspectives? D'autre part, Hydro-Québec a aussi un surplus d'énergie électrique dont le coût marginal est probablement inférieur à celui du gaz. Si la concurrence était libre de toute intervention externe, je ne pense pas que l'électricité serait défavorisée à long terme.

M. Duhaime: Juste une dernière remarque pour vous dire que nous partageons entièrement votre proposition d'aller plus loin, plus vite, avec beaucoup plus de moyens concernant la possibilité de fabriquer, au Québec, de l'ammoniaque et de l'urée à partir du gaz naturel. Les dossiers qui sont à l'étude actuellement ne peuvent pas être annoncés. Nous avons deux problèmes: le coût des matières premières, c'est-à-dire le coût du gaz naturel, et aussi, bien sûr, l'accord de nos amis albertains, qui ne sont pas trop intéressés à voir partir une matière première sans valeur ajoutée. Donc, question de prix, question de durée des approvisionnements.

Nous devons aussi poursuivre une étude un peu plus serrée, malgré qu'il y ait déjà une bonne étape franchie, sur les marchés internationaux. Cela ne semble pas poser de problème pour l'instant pour ce qui est de l'ammoniaque, mais il semble qu'on a un goulot d'étranglement pour ce qui est de l'urée. Je profite de l'occasion pour vous confirmer que nous avons des dossiers à l'étude présentement avec d'autres grandes sociétés intéressées dans ce secteur. L'effet d'entraînement chez nous, dans le secteur des fertilisants en particulier, pourrait être drôlement important. Même si on s'en va à la fois vers des productions d'hydrogène liquide et d'oxygène pour aller possiblement se juxtaposer sur certains marchés, il reste que c'est un dossier fort présent au ministère de l'Énergie et des Ressources. Quant à l'usine, quant au développement du méthanol, les journaux ont rapporté à la suite du mémoire qui a été déposé, je crois, par Nouveler qu'il y avait plusieurs milliards dans l'air. Théoriquement, c'est toujours vrai, mais dans les faits, le projet de Saint-Juste-de-Bretenières est dans sa première phase. C'est un investissement assez élevé 23 000 000 $ - qui va nous permettre de franchir une première étape avec le gazogène. Ce qui va rester ensuite à décider, c'est si oui ou non on va continuer en aval avec un autre investissement de l'ordre de 40 000 000 $ ou 45 000 000 $, peut-être même de 50 000 000 $ dans trois ou quatre ans d'ici, mais rien avant 1985 tant et aussi longtemps qu'on n'aura pas franchi la première étape. Je pense que dans cette voie, on doit continuer de qualifier ce genre d'investissements comme étant des projets -recherche appliquée, ce serait peut-être un peu fort - de recherche et de développement. Si on calculait un projet comme Saint-Juste-de-Bretenières, autant dans sa phase 1 comme dans sa phase 2, en fonction du retour sur l'investissement, j'ai bien l'impression qu'on ne serait jamais allé de l'avant, mais si on veut prévoir et développer une expertise en fonction des inconnues sur ce marché dans dix, quinze ou vingt ans, possiblement que le méthanol pourrait être une forme d'énergie concurrentielle. Je voudrais vous dire que là-dessus, nous rejoignons amplement l'approche de votre mémoire. Voilà les commentaires que je voulais vous faire. Je vous remercie.

Le Président (M. Rancourt): M. le député d'Outremont, avant de vous donner la parole, pourrais-je m'informer si on poursuit après 18 heures?

Une voix: Oui.

Le Président (M. Rancourt):

Consentement? Donc, nous terminerons cette audition, messieurs. Je donne la parole à M. le député d'Outremont.

M. Fortier: M. Beaulieu, je dois dire que je suis impressionné par la liste de gens qui vous accompagnent. D'ailleurs, on s'aperçoit qu'il y a des gens qui ont des

postes importants, qui ont décidé de vous accompagner. Je remarque que vous avez M. Armour de Toronto. Good afternoon. Si vous êtes venus en si grand nombre, c'est pour lancer un cri d'alarme. Je pense que le point clé de votre message est une sonnette d'alarme: Nous avons un très gros problème. Nous avons un gros problème. D'ailleurs, il semblerait que ce cri d'alarme aurait été lancé cet après-midi par d'autres notamment l'Association des constructeurs de routes et grands travaux du Québec. Même les consommateurs industriels ont également dit, pour d'autres raisons: Faites attention, peut-être que la politique énergétique qui est poursuivie dans le moment, compte tenu des surplus d'Hydro-Québec qui augmentent démesurément - depuis samedi on le sait -s'en va-t-on peut-être dans la mauvaise direction. Votre mémoire a été écrit avant ce qui a paru dans le Devoir. C'est donc dire que la situation a empiré depuis samedi dernier lorsqu'on a vu dans le Devoir que les surplus d'Hydro-Québec sont encore plus considérables. Il y a une dizaine de jours, nous avons entendu le CRD de l'Abitibi et le CRD de Québec qui disaient, d'une façon différente, mais en abordant le même thème: Les grands projets, c'est important pour nos régions. Ce qui nous amène à parler des moyens d'intensifier les ventes d'électricité au Québec, de la place du gaz au Québec et des moyens d'intensifier la vente de l'électricité aux États-Unis. (18 heures)

Le ministre ou le gouvernement nous dit: Nous croyons que nous faisons assez pour forcer ou encourager la vente de l'électricité aux États-Unis, mais il semblerait, à la suite du cri d'alarme que vous nous lancez, qu'on a un très gros problème. On ne parle plus seulement de privilégier une forme d'énergie plutôt qu'une autre, mais on s'aperçoit que c'est l'infrastructure industrielle du Québec qui, dans le domaine de l'énergie électrique, est en difficulté. C'est de cette façon que j'entends votre message, clair et net, le cri d'alarme. On reviendra, dans quelques instants, si vous voulez, sur les choses que vous pouvez vous-mêmes faire.

Je vois que vous avez entamé des discussions, à savoir comment nous pouvons exporter. Dans ce sens-là, le ministre a déjà dit que c'était fou raide de penser exporter davantage, mais je m'aperçois qu'il y a beaucoup de fous au Québec. Enfin, il y a beaucoup de gens qui disent qu'ils ont des problèmes, en tout cas, et il va falloir regarder cela d'une façon plus intensive. Plusieurs personnes nous ont dit aujourd'hui: Écoutez! On a des problèmes. S'il y a des fous, on est plusieurs ensemble à être fous. S'il y a juste les gens au gouvernement qui sont fins et que tout le monde est fou, il va falloir se poser des questions. Pendant combien de temps peut-on continuer ainsi?

Cela me frappe. Vous avez un grave problème et vous dites - j'arrive aux conclusions - qu'il faut encourager l'écoulement accéléré des surplus d'électricité. Je pense qu'Hydro-Québec semble déterminée à aller dans cette direction. Il y a toute la question des exportations, mais je pense que ce que vous mettez de l'avant, d'une façon très cruciale - cela a été soulevé par l'autre association qui vous a précédés - c'est de dire: Est-ce qu'on va dans la bonne direction, du moins en termes de "timing", en favorisant à la fois la pénétration du gaz et de l'électricité? Je pense que ce que vous dites, sans le dire, c'est que, si on diminuait l'intensité de la pénétration du gaz pendant quelques années, cela permettrait à l'électricité de s'écouler et cela rapprocherait la date fatidique à laquelle on peut reprendre les investissements. Par ailleurs, si on fait la même chose du côté des exportations, c'est avec un "task force" plus agressif qu'on vendrait aux États-Unis. Encore là, la date serait plus rapprochée.

Pour arriver au noeud du problème, ce que vous dites, c'est que votre industrie est malade ou, du moins, comme vous le dites à la page 4, vous parlez d'une situation de crise. Vous dites: À long terme, notre capacité de production devrait être réduite de 50% et, à court terme, c'est 0%. Ce que vous ne dites pas, c'est que vous avez fait des investissements considérables dans le passé et vous devez amortir ces investissements. Non seulement vous devez amortir ces investissements, mais vos ressources humaines sont en difficulté, par ailleurs.

Je remarque que votre association n'est pas une association québécoise et je ne vous en fais pas grief. Les commentaires que vous avez faits valent en tant qu'Association des manufacturiers d'équipement électrique et électronique du Canada. Est-ce que c'est une dynamique canadienne ou strictement québécoise? Je crois que vous avez dit qu'il y avait une bonne partie de vos membres qui étaient au Québec. J'imagine qu'il y en a également d'autres en Ontario. Mais c'est certainement une industrie qui est située en Ontario et au Québec. Est-ce que votre problème... C'est bien beau pour le gouvernement de faire sa part, mais vous relancez la balle. Est-ce que, pendant trop longtemps, vous avez vécu du fait qu'Hydro-Ontario et Hydro-Québec vous donnaient des contrats plantureux et, maintenant, vous dites qu'on fait face à une situation à peu près impossible et qu'on n'a pas cherché à trop exporter? Vous dites: 1% des pays en voie de développement. Quelle est la vraie situation, compte tenu du facteur de compétitivité par rapport à l'étranger, par rapport à votre capacité d'exporter? Est-ce que c'est un facteur que vous avez négligé

dans le passé? Si vous avez fait votre part de ce côté-là, on pourra voir ensuite s'il y a d'autres choses qui peuvent être faites de ce côté-ci. J'aimerais avoir l'heure juste par rapport au degré de compétitivité de votre industrie en tant qu'industrie canadienne. Pouvez-vous faire la part des choses entre l'Ontario et le Québec face au marché d'exportation, que ce soit dans les pays industrialisés ou dans les pays en voie de développement?

Le Président (M. Rancourt): M. Guy

Beaulieu.

M. Beaulieu: D'abord, au sujet de notre association, c'est bien évident que c'est une association pancanadienne, mais nous représentons les intérêts des manufacturiers en équipement électrique et électronique. Ces manufacturiers sont concentrés en Ontario et au Québec. Disons que, dans ce dossier, on n'a aucune espèce de difficulté à soutenir la position qu'on soutient par rapport à une position qu'on aurait pu soutenir à l'Ontario ou au gouvernement fédéral. Cela ne nous gêne pas du tout. C'est complètement cohérent avec nos objectifs.

Pour ce qui est de la compétitivité de l'industrie canadienne des produits électriques, c'est difficile de se prononcer de façon très générale là-dessus. Cela dépend des secteurs. Cela a varié au cours des années. Disons que, présentement, la conjoncture rend certainement l'industrie canadienne moins compétitive vis-à-vis les marchés européens qu'elle ne l'a déjà été, étant donné la force du dollar qui a sensiblement réduit les coûts comparatifs de nos compétiteurs européens. Cela est évident. Le franc français et toutes les monnaies européennes ont perdu beaucoup de valeur par rapport au dollar américain ou au dollar canadien, ce qui rend plus difficile notre position compétitive. Je dirais que la raison principale de nos difficultés à l'exportation ne vient peut-être pas seulement du fait que notre productivité est moins élevée que la compétition mais il faut souligner que nos grands compétiteurs sur les marchés internationaux sont les Japonais et les Européens qui ont des marchés hermétiquement fermés à l'importation dans la plupart des produits que nous vendons, ce qui leur permet d'avoir ce qu'on appelle un système de prix à deux tiroirs, c'est-à-dire un système de prix interne qui est relativement plus élevé que le prix à l'exportation qui, souvent, est un prix de "dumping" basé sur les coûts marginaux, alors qu'au Canada, nous avons un marché ouvert à la compétition étrangère, ce qui a pour effet de réduire considérablement le niveau de prix canadien et d'enlever nécessairement beaucoup de possibilités aux manufacturiers canadiens et d'être aussi agressifs à l'exportation. C'est une observation générale qui n'est pas nécessairement vraie dans tous les secteurs de notre industrie. Dans l'électronique, par exemple, Northern Telecom a développé une expertise et une compétitivité qui lui ont donné beaucoup de succès à l'exportation malgré les effets des changes, etc.

J'ai ici des représentants...

M. Fortier: Je vois sur la liste que vous avez CAE Electronique Limitée.

M. Beaulieu: Oui.

M. Fortier: Nous les connaissons, ils exportent. Je pensais en termes des turbiniers. Je vois les noms de Westinghouse et de Marine Industrie Ltée. Dans le cas de Westinghouse, c'est une filiale américaine, donc, la recherche et le développement se font aux États-Unis. Dans le cas de Marine Industrie Ltée, ils sont associés avec Alsthom Atlantique mais la recherche se fait plutôt en France qu'au Québec.

Face à la situation que vous venez de décrire - je parle des turbiniers en particulier - et considérant le fait que vous êtes dépendants de technologies étrangères quoique mon ami Charbonneau me disait tout à l'heure que Marine Industrie Ltée peut se passer d'Alsthom Atlantique pour exporter au point de vue technologique, est-ce qu'il y a quand même des ajustements de structures? Est-ce le sens de l'étude que vous faites ou si chaque compagnie, indépendamment de ce qui peut être fait au niveau du gouvernement québécois, devra penser à des ajustements structurels face à cette nouvelle dimension qui existera à long terme de toute façon?

M. Beaulieu: Peut-être que M. Charbonneau pourrait ajouter quelques commentaires.

Le Président (M. Rancourt): M.

Charbonneau.

M. Charbonneau: J'aimerais commenter un peu. Dire qu'il ne se fait pas de recherche et de développement, il s'en fait à Marine Industrie Ltée. Il faut apporter une nuance importante. Chez Marine Industrie Ltée, nous n'avons pas de laboratoire d'hydraulique. Nous achetons nos tracés hydrauliques en France chez Nyerpic. Cela nous a bien servi au cours des quinze dernières années. Nous avions fait des études et nous devions avoir notre propre laboratoire hydraulique. Lorsque l'hécatombe nous est tombée dessus, le marché est disparu quasiment du jour au lendemain. En l'espace d'un an et demi environ, d'un marché de vaches grasses on est passé à un marché même plus de vaches maigres, car il

n'y a plus de vache. On ne peut pas investir dans un laboratoire, donc de ce point de vue là on continuera à acheter nos tracés hydrauliques, pour le moment en tout cas jusqu'à une reprise.

Toute notre conception mécanique des turbines et la recherche qui y est rattachée se font à Marine Industrie Ltée, à Tracy. De même, en alternateurs, nous sommes complètement indépendants du point de vue conception de nos machines.

J'aimerais profiter de l'occasion pour souligner que c'est quelque chose que nous avons mis quinze ans à mettre sur pied, à former le personnel voulu. C'est ce qui est en danger aujourd'hui. On a mis quinze ans à acquérir une technologie conceptuelle et une technologie de fabrication et, aujourd'hui, on se retrouve devant un marché qui est - on a utilisé le terme "anéanti" - très bas. Il est difficile pour une industrie lourde comme la nôtre de se recycler, de se retourner de façon instantanée. On ne peut pas convertir un "turbinier" en un fabricant de sectionneurs parce qu'Hydro-Québec reporte ses investissements dans le domaine de la distribution. C'est impensable, surtout à court terme. Ce ne sont pas du tout les mêmes technologies. Alors, nous avons des problèmes.

Le Président (M. Rancourt): M. le député d'Outremont.

M. Fortier: Dans le domaine de l'exportation, il y a d'autres problèmes reliés au "package", au financement. Des efforts ont été faits de ce côté-là par Hydro-Québec International - je crois que Marine Industrie s'est associée à la SGF - pour créer une société d'exportation. Vous ne voyez pas ce genre d'entreprise réussir à court terme?

Le Président (M. Rancourt): M.

Charbonneau.

M. Charbonneau: II y a peut-être un point qu'il faut mentionner aussi. Tantôt, vous avez demandé si on s'était ou non intéressé, dans le passé, au marché de l'exportation. Il faut penser que, dans le cas spécifique' de Marine Industrie, nous étions une compagnie relativement jeune dans le domaine de la génération. Faire face, avec les autres fournisseurs canadiens dans le domaine de la génération, à l'important marché de la Baie-James, c'était difficile; c'était déjà tout un défi de faire face au volume qui était celui de la Baie-James au cours des cinq dernières années. Nous en avions déjà suffisamment. On s'est intéressé à l'exportation, mais de façon beaucoup moins forte. Maintenant, tout à coup, du jour au lendemain, il faut être concurrentiels et organisés sur le plan de l'exportation. C'est impossible. On a réussi quelques ventes à l'extérieur. On y travaille très fortement, mais on a besoin d'un certain temps pour mieux se structurer, mieux se faire connaître, apprendre comment on fonctionne sur les marchés d'exportation qui sont assez coupe-gorge parce qu'il y a une très grande concurrence. Il y a beaucoup de fournisseurs tout aussi affamés que nous, les Québécois et les Canadiens.

M. Fortier: Sur le plan des ressources humaines, au point de vue génie, développement de technologies, mais aussi en termes de mécaniciens ou de personnel responsable du contrôle de la qualité, est-ce que Marine Industrie peut utiliser ces gens-là à d'autres genres de travaux? Autrement dit, est-ce que vous pouvez les perdre ou si vous pouvez les conserver, indépendamment du fait qu'ils sont occupés ou non à des projets hydroélectriques?

Le Président (M. Rancourt): M.

Charbonneau.

M. Charbonneau: II y a de grands risques de perdre des connaissances.

M. Fortier: Les connaissances qui se trouvent dans la tête de l'individu?

M. Charbonneau: Oui, mais par contre, si vous ne pouvez pas les garder, les individus, il va falloir qu'ils se trouvent autre chose pour survivre. Vous mentionnez le domaine de l'assurance-qualité. Les gens en assurance-qualité qui ont des connaissances à savoir comment se bâtissent et fonctionnent des systèmes d'assurance-qualité peuvent toujours, pour certains d'entre eux, se recycler à appliquer ces connaissances générales, organisationnelles, à autre chose. Mais les gens de l'assurance-qualité qui connaissent les turbines, les alternateurs, du jour au lendemain, ils ne pourraient pas aller faire de l'assurance-qualité dans un domaine qu'ils ne connaissent pas. Ce sont des connaissances qu'ils ont acquises au cours des années; ils sont spécialisés.

Le Président (M. Rancourt): M. le député d'Outremont.

M. Fortier: Comme disait le ministre, votre message est semblable à celui de M. Delia Noce qui disait: Si on va trop vite dans cette politique, on va être obligé de fermer des postes de détaillants d'essence. Je pense qu'on parle d'une dimension beaucoup plus considérable. On parle de technologie; on parle de ressources humaines. C'est important dans le sens que, lorsqu'il s'agit de refaire la relance plus tard, les infrastructures, en termes d'équipement ou en termes de main-d'oeuvre de génie ou de

technique, ne seront pas en place. Je sais bien que, pour celui qui vend de l'essence au coin d'une rue, c'est peut-être une question d'avoir un emploi ou de ne pas en avoir un. Pour lui, c'est aussi important dans ce sens-là. Je ne veux pas minimiser l'impact humain que cela peut avoir pour les gens qui vendent de l'essence, mais sur le plan... J'essayais de lire votre mémoire. Ce que vous dites, dans le fond, c'est que cela a un impact déterminant pour une industrie technologique importante au Québec. Dans ce sens, vous dites: II faudrait réviser cette portion de la politique énergétique ou cette partie de la politique énergétique qui va créer un impact beaucoup plus considérable que celui qui avait été envisagé peut-être à l'origine. Est-ce que c'est bien là le sens de votre message? (18 h 15)

Le Président (M. Rancourt): M. Charbonneau.

M. Charbonneau: C'est essentiellement cela notre message. On est bien conscient que, traversant une période difficile, puisqu'on a connu et on connaît une période de récession, un peu tout le monde se tourne vers le gouvernement pour dire: Venez nous aider. On en est bien conscient. Par contre, il y a des secteurs qui ont demandé moins de temps à former des gens. Ce sont des secteurs qui ne sont pas de la haute technologie; là le recyclage est plus facilement envisageable et peut se faire à plus court terme. Notre domaine de la génération d'énergie hydroélectrique, c'est un domaine de haute technologie. Plusieurs années d'efforts ont été nécessaires pour acquérir les connaissances. Il y a un danger actuellement que ces connaissances se perdent. Il faut qu'on trouve un moyen... C'est pour cela qu'on a proposé la consultation, qu'on a proposé de mettre l'accent sur l'énergie électrique versus le gaz naturel. M. le ministre soulevait la question tantôt. Je l'ai perçue un peu comme ceci: Est-ce que vous demandez, comme le groupe qui vous a précédé à la table, de devancer des projets? J'ai une tendance à dire peut-être. Il faudrait étudier quelles sont les conséquences.

M. Fortier: Je vous remercie.

M. Charbonneau: Ce qu'on voudrait, c'est participer à l'élaboration.

M. Fortier: Je vous remercie beaucoup.

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.

M. Fortier: II y a une question...

Le Président (M. Rancourt): M.

Beaulieu.

M. Beaulieu: Je voudrais simplement ajouter que notre industrie a bénéficié de transferts technologiques importants par ses associations avec des multinationales américaines ou européennes, mais cela n'a pas nui au développement technologique du Québec, au contraire. La taille de notre marché ne justifiait jamais les investissements qui avaient été requis pour faire ce développement technologique. De plus en plus les multinationales ont des politiques de décentralisation des mandats de recherche et de développement, des mandats de fabrication, sur la base des avantages de marché, des avantages au point de vue des ressources qui sont disponibles. Je pense qu'on a toutes les possibilités de profiter de ces associations pour développer notre base technologique. Mais il faut quand même qu'il y ait ici un marché qui soit de taille suffisamment grande pour soutenir notre activité. Un exemple de l'impact que peut avoir indirectement l'activité d'Hydro-Québec a été le développement qu'a fait la compagnie CAE Électronique d'un système de répartition des charges ou de contrôle du réseau qu'on a ensuite vendu au Venezuela. Peut-être que vous pouvez dire quelques mots...

Le Président (M. Rancourt): M. Bridger, je crois.

M. Bridger (Dave): Cela a commencé avec deux contrats d'Hydro-Québec à la Baie-James. Après avoir terminé ces deux contrats, quelques années plus tard on a obtenu ce contrat, au mois de juin 1982. C'était pour un système de contrôle pour les réseaux de tous les secteurs du Québec. En plus des deux contrats à la Baie-James, on a eu la technologie qu'on a pu vendre pour le système de barrage à Guri au Venezuela. Je ne suis pas sûr si le barrage de la Baie-James est plus grand que celui de Guri ou si c'est le contraire, mais ils sont à peu près de la même grandeur. C'est un contrat qu'on a eu d'Hydro-Québec, avec la possibilité d'exporter au Venezuela.

Le Président (M. Rancourt): Merci. M. le ministre.

M. Duhaime: Permettez-moi de faire une remarque ou deux, M. le Président, pour atténuer la vision apocalyptique, parce que je ne voudrais pas que nos amis de cette association repartent de Québec avec un son de cloche que je considère comme très négatif qui se dégage des propos du député d'Outremont.

Si nous regardons la situation au Québec en 1975 et l'objectif que nous visons à l'horizon de l'an 2000, donc sur une

période de 25 ans, le pétrole importé ou le pétrole, qui comptait pour 68% ou 69% de notre bilan en 1975, va être coupé à peu près en deux, sinon davantage à l'horizon de l'an 2000 si les scénarios... et si j'ajoute vos 55% avec 20% ou 18% pour le gaz, il va rester 25% pour le pétrole. Ce qui veut dire que les 35% de pétrole importé sont remplacés pour à peu près 10% par le gaz naturel dans le bilan et par 25% par l'hydroélectricité. Je pense que vous êtes au coeur de cette industrie.

Si j'étais dans l'industrie du pétrole il y aurait peut-être lieu de se chagriner davantage, mais ce n'est pas l'hydroélectricité et ses équipements qui sont déplacés par la politique énergétique du Québec, c'est exactement le contraire. En 25 ans la part du marché hydroélectrique a redoublé dans le bilan. Vous y ajoutez même 5% avant l'an 2000. Alors je ne vois pas où est l'apocalypse de ce côté.

Le deuxième élément, j'avais l'occasion de le rappeler ce matin, si on regarde un peu en arrière les chiffres des investissements dans les immobilisations d'Hydro-Québec, pour les années 1983, 1984 et 1985, le total des immobilisations d'Hydro-Québec c'est 7 400 000 000 $. Vous avez beau faire le calcul en regroupant les trois années de votre choix dans tout ce qui s'est passé en le ramenant en dollars constants, vous n'obtiendrez jamais un pareil niveau d'investissement. Cela n'est pas l'apocalypse non plus.

Ce que je retiens cependant de vos propos, c'est que vous nous dites qu'il y a un ralentissement à l'horizon de 1986. Là on a des craintes, mais je comprends qu'il y a beaucoup d'investissements et qu'il y a des conversions qui seront faites. Vous avez pris vous-même l'initiative d'aller voir plus loin sur les marchés d'exportation, en particulier dans les pays en voie de développement où vous avez à peine 1% du marché. Mais si vous avez 1% du marché, les autres 99% sont entre les mains de quelqu'un, et ce ne sont certainement pas les économies de pays en voie de développement qui ont ce marché. Cela veut dire que ce sont probablement les Américains, les pays d'Europe de l'Ouest et probablement le Japon également. Par ailleurs, on ajoute un créneau où on dit que dans la distribution il y a peut-être autre chose qui peut être fait un peu plus loin.

Si j'étais vous, à l'intérieur des grands bouleversements du bilan énergétique quant à ses composantes, je serais plutôt porté à évaluer que c'est votre groupe et les industries connexes qui s'en tirent le mieux, si on tient compte de certaines fatalités. Le ralentissement de la croissance de la demande de l'énergie sous toutes ses formes ce n'est pas un phénomène ni québécois, ni ontarien, ni du Nouveau-Brunswick, ni de la Nouvelle-Angleterre, ni de New York. C'est vrai à l'échelle du continent nord-américain et c'est encore plus vrai dans les pays européens, enfin, à peu près dans tous les pays membres de l'OCDE.

Je termine en vous disant que votre offre de bons échanges est accueillie, bien sûr. Je vais voir de façon concrète comment on serait en mesure de constituer un groupe de travail qui ferait un suivi de la même façon qui nous a été proposé par le groupe qui vous a précédé à partir de scénarios d'interventions très concrets. Je pense que sur le plan international en particulier nous avons marqué notre volonté et notre détermination d'épauler l'industrie en créant de toutes pièces le ministère du Commerce extérieur. Souhaitons qu'Hydro-Québec

International ne vous dérangera pas trop. Cette société n'est pas de toute manière, pour l'instant, dans vos champs d'activité, elle est plutôt au niveau des aides techniques et des soutiens sur le plan du génie, mais je retiens votre proposition comme étant une contribution positive. Je ne prétends pas que nous ayons de ce côté-ci de la table le monopole de la vérité. Bien au contraire, on est ouvert à des scénarios, qui méritent d'être chiffrés cependant. Si on parle de devancement, je veux bien mais il faudrait que ce soit confortablement assis sur des chiffriers et sur des chiffres. Je pourrais vous faire un discours qui pourrait passer à l'histoire sur le développement ou encore sur le devancement ou l'accélération de projets, mais je pense que cela ne résisterait pas non plus à l'analyse sérieuse.

Comme consommateur et comme contribuable du Québec, je ne suis pas du tout prêt à maintenir à la hausse la facture de l'hydroélectricité, parce qu'il y a quelqu'un qui paie à l'autre bout, parce qu'on se dirait: Faisons les investissements maintenant, le marché viendra plus tard. Je ne veux pas me répéter; je pense que vous étiez ici ce matin quand j'ai eu l'occasion de dire ce qui soustendait notre approche tant au ministère de l'Énergie et des Ressources qu'à Hydro-Québec sur les marchés d'exportation.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Vimont. Oh! M. Beaulieu.

M. Beaulieu: Comme le disait le député d'Outremont, malgré qu'on ait voulu souligner qu'il y avait une période de crise, on n'est pas nécessairement des éternels pessismistes. Ce qu'on a entendu d'Hydro-Québec ce matin est quand même assez encourageant vis-à-vis des investissements qu'ils ont décidé de faire dans la distribution. Cela a certainement un impact sur notre industrie. On n'a pas encore eu la chance d'analyser exactement ce que cela donnerait en termes d'impact économique. Chose certaine, quand on regarde les chiffres d'investissements à

Hydro-Québec pour une année donnée, disons pour 1984, une grande partie de ces investissements sont déjà commis, sont déjà engagés et ils sont escomptés dans le sens que ces équipements sont peut-être déjà à la sortie de nos usines. Il y a donc un délai entre les chiffres d'investissements qu'HydroQuébec présente et les impacts sur nos charges de production.

D'autre part, quand on va dans le domaine de la distribution, malgré que je n'aie pas de chiffres exacts à produire, on a l'impression que la partie équipement de haute technologie est moins grande, qu'il y a plus de génie civil et peut-être d'équipement un peu moins sensible à ce revirement de la situation.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Vimont.

M. Rodrigue: Justement dans la même foulée. Lorsqu'il est apparu évident, à l'occasion d'une commission parlementaire -je crois que c'est à la fin de 1981 ou même plutôt en 1982 - que les programmes de développement de centrales hydroélectriques d'Hydro-Québec devraient subir des délais, des reports importants, il avait été mentionné, à l'occasion de cette commission parlementaire entre autres, que cela avait été demandé à Hydro-Québec à savoir si elle avait des stratégies en vue d'atténuer l'impact de ce ralentissement des aménagements hydroélectriques autant sur les travailleurs de la construction que sur l'industrie. A ce moment on avait demandé à Hydro-Québec de préparer un programme alternatif qui permettrait d'atténuer les impacts de cette diminution dans les investissements pour les aménagements hydroélectriques, qui était conséquente à la diminution très forte de la demande et aussi au fait que des blocs d'énergie extrêmement imposants sont arrivés sur le marché au moment même où on était en récession et en diminution de demande.

Or Hydro-Québec a fait un bon bout de chemin dans ce sens. Ce que ses représentants nous ont dit ce matin et qu'ils nous avaient dit un peu plus tôt durant l'année c'est qu'ils vont maintenir un niveau d'investissements comparable aux meilleures années qu'ils ont connues dans leurs investissements au moment où les travaux de La Grande étaient dans leur phase la plus intensive. Cependant, graduellement, au fur et à mesure que LG 3 et LG 4 entreront en service, il y a une grande partie de ces investissements qui vont se faire plutôt dans les réseaux de transport et de distribution, ce qui à mon sens devrait apporter plus de retombées pour votre industrie, en comparaison avec ce que c'était à l'époque des aménagement hydroélectriques très intensifs, parce que dans les 2 000 000 000 $ ou 2 500 000 000 $ qui étaient comptabilisés comme investissements à l'occasion des aménagements de LG 2, par exemple, il y avait peut-être 300 000 000 $, 400 000 000 $, 500 000 000 $ qui étaient des intérêts; il y avait beaucoup de béton et de travaux de génie civil, de sorte que la part des équipements électriques pouvait être assez minime. La taille de ces investissements était imposante, mais toute proportion gardée, je pense que la proportion des investissements d'Hydro-Québec pour des équipements électriques était moins forte à ce moment-là qu'elle ne l'est dans le programme qu'on nous a présenté au début de l'année et qu'on a répété ici dans le mémoire qui a été présenté ce matin. (18 h 30)

À la page 14, entre autres, il y a des prévisions pour des investissements à partir de l'installation et 55% des investissements d'Hydro-Québec pour 1983, 1984 et 1985 vont dans les équipements de transport et les équipements de distribution. J'ai l'impression - je n'ai pas posé la question à HydroQuébec, j'aurais peut-être dû le faire - que finalement l'impact pour votre industrie sera plus important que c'était le cas au moment de l'aménagement des grands projets de La Grande.

Autre facteur - j'ai posé la question à M. Coulombe, ce matin - étant donné que vous prenez un virage important dans vos programmes d'immobilisations et que vous mettez l'accent sur la distribution et le transport d'énergie, est-ce que vous avez contacté l'industrie? Est-ce que vous avez pris les dispositions pour mettre l'industrie dans le coup de façon que les principaux intéressés puissent, de leur côté, se préparer à ce virage-là et finalement développer les gammes de produits dont vous aurez besoin pour être en mesure de réaliser vos travaux? M. Coulombe m'a dit que, effectivement, c'était amorcé ou c'était sur le point de l'être. J'imagine que de ce côté-là, votre industrie devrait être un interlocuteur privilégié pour Hydro-Québec; cela me semble tomber sous le sens.

Juste un petit point en ce qui concerne Marine Industrie, les "turbiniers". Je voulais simplement attirer votre attention sur un bout de phrase à la page 18 du mémoire d'Hydro-Québec qui dit ceci - cela fait suite aussi à la demande que nous avions faite à Hydro-Québec d'essayer d'atténuer la portée de ses décisions - je le lis: "L'entreprise -Hydro-Québec - amorcera en outre un important programme de réfection de turbines dans les centrales de 30 ans et plus - cela veut pratiquement dire toutes les centrales du Saint-Maurice et celles de Beauharnois probablement - en vue de minimiser à court terme l'impact du ralentissement de ses travaux de constructions sur les "turbiniers"." De ce

côté-là aussi, il semble qu'il y ait une volonté de la part d'Hydro-Québec de prendre les mesures nécessaires pour vous aider d'une certaine façon. Cela l'aide à maintenir cette expertise que vous avez développée au cours des années. Je ne sais pas si vous aviez pu prendre connaissance de cela lorsque Hydro-Québec en a parlé ce matin, sinon je veux vous en faire part parce que cela m'apparaît aller dans le sens des représentations que vous avez faites tout à l'heure.

Le Président (M. Rancourt): M. Guy

Beaulieu.

M. Beaulieu: C'est exact que les investissements qu'Hydro-Québec va faire au cours des prochaines années seront surtout concentrés dans la distribution; un peu dans le transport, mais je crois que c'est surtout dans la distribution. Dans ce domaine, certains de nos membres vont certainement profiter de l'activité économique que ces investissements vont engendrer.

M. Guay (André): Je voudrais vous préciser les chiffres pour les trois années: 32% des 7 400 000 000 $ aux équipements de transport et 23% aux équipements de distribution.

Le Président (M. Rancourt): M.

Beaulieu, si vous voulez poursuivre.

M. Beaulieu: Je n'ai pas encore fait l'analyse de ces chiffres; on va la faire. On a aussi accès au plan d'équipements d'Hydro-Québec et on sait qu'en termes d'équipements pour certains secteurs de notre industrie, il y a non seulement un ralentissement mais un arrêt total des achats. Il ne faut pas oublier ceci. Étant donné qu'Hydro-Québec s'est spécialisée, depuis quelques années, dans la production d'énergie à très haute tension, il y a eu une certaine spécialisation dans l'industrie électrique du Québec pour l'équipement de très haute tension. Cela a fait que certaines industries se retrouvent avec du matériel qu'elles ne peuvent pas vendre au niveau de la distribution. C'est bien évident que, si vous avez de l'équipement qui a été développé pour des tensions de 700 kV, vous ne pouvez pas l'utiliser. Par contre, c'est vrai qu'il y a certaines industries qui vont profiter de ce qui va être investi par HydroQuébec dans le domaine de la distribution. Peut-être que M. Plouffe voudrait ajouter quelque chose.

M. Plouffe: Je pense que les chiffres que vous venez de mentionner et qui sont dans le mémoire d'Hydro-Québec sont exactement les mêmes que dans le programme d'équipements qui était à notre disposition, à quelques points de pourcentage près. Ce sont les chiffres qu'on voyait, mais ce qui n'est pas mentionné dans ces chiffres, c'est que dans le programme de génération d'Hydro-Québec, qui était de 3,7% dans les dix prochaines années, on prévoyait, l'an dernier, dépenser 19 170 000 000 $.

Maintenant, dans la génération, c'est un chiffre de l'ordre de 6 000 000 $ à 8 000 000 $ qui est impliqué. Pour les "turbiniers" dont on parlait et pour les gens qui sont dans la transmission à très haut voltage, cela veut dire une baisse d'environ 67% du volume qu'on voyait déjà il y a un an et qui a été réduit par rapport au programme d'il y a deux ans. L'impact que cela a, c'est que nos manufacturiers ont planifié leurs ressources humaines ou leurs ressources de fabrication pour des niveaux qui ont changé d'une façon draconienne. On dit, parce que cette industrie a un impact tellement important sur l'économie au Québec, que cela va faire mal. On voudrait que vous réalisiez que cela va faire mal.

M. Rodrigue: En fait, cela est indéniable. C'est tout à fait juste de dire que la baisse de la demande énergétique dans le domaine de l'électricité entraîne des conséquences importantes de ce côté-là. Ce que je voulais vous souligner, c'est que d'une part, à la suite des représentations qui ont été faites à Hydro-Québec par le gouvernement, il y a eu des mesures de prises qui vont avoir des effets positifs pour des membres de votre industrie, sauf que je comprends très bien ce que vous me dites. Certains membres de votre industrie vont profiter de ces changements de vocation dans les investissements d'Hydro-Québec; par ailleurs, il y en a d'autres qui s'étaient spécialisés dans des domaines reliés aux grands aménagements qui, eux, parce qu'ils se sont spécialisés dans ces domaines, risquent d'être dans une situation extrêmement précaire. C'est le message, finalement, que vous nous passez. C'est tout le problème des changements de vocation qui surviennent à un moment donné et qui nous forcent à nous réaligner. Je pense bien qu'il est évident qu'une industrie chez vous qui aurait une gamme de produits assez étendue pourrait probablement atténuer l'impact pour ce qui n'est pas requis d'elle pour les grands aménagements hydroélectriques. Elle pourrait peut-être avoir des lignes de produits qui seraient par ailleurs utilisés pour la distribution ou le transport. C'est probablement le cas de Westinghouse, qui est une grande multinationale. Peut-être que vous allez pouvoir vous réorienter sur les autres équipements qui sont requis afin d'être quand même en mesure de réaliser des ventes à Hydro-Québec dans ce cadre-là.

Le Président (M. Rancourt): M.

Charbonneau.

M. Charbonneau: Vous avez parfaitement raison. Par exemple, dans le cas de Marine Industrie, cela ne veut pas dire, même si Marine Industrie ne fabrique pas de wagons de chemin de fer ou de navires dans sa division industrielle, qu'on ne participera pas à toutes sortes d'autres projets, mais la nuance est importante, et c'est vrai chez CGE Dominion aussi qui sont des concepteurs d'alternateurs et de turbines. Si on passe une période relativement importante où il n'y a quasiment rien à manger, il va falloir réduire les effectifs et, si on nous disait, aujourd'hui: Les turbines des alternateurs hydrauliques au Québec, au Canada, on n'en a plus besoin avant l'an 2050, 2020 ou 2030, je dirais: Oublions cela; on va se recycler; on va aller travailler ailleurs. Mais le problème d'importance, c'est que le Québec aura à nouveau besoin, dans cinq ans ou dans sept ans, d'énergie hydroélectrique. C'est une mine d'or pour le Québec que l'énergie hydroélectrique. Si on n'a pas trouvé le moyen de faire survivre cette industrie, il va falloir recommencer à neuf avec les coûts que cela implique. C'est juste cela qui serait... Il faut qu'on trouve des moyens. Je vois que j'ai l'air un peu dramatique, mais il faut comprendre qu'en 1982, il n'y a eu aucun appel d'offres, ni au Québec ni au Canada, en turbines et alternateurs. En 1984, nous n'en prévoyons pas non plus. Je parle d'un projet d'importance. On a soumissionné sur différentes autres choses, mais on soumissionne à l'extérieur. L'extérieur, c'est très difficile. On va faire notre part et on pense qu'il y a différents agents gouvernementaux, tant au fédéral qu'au provincial, qui nous aident et on va se tailler une tranche du marché. Mais il faut arriver à bâtir suffisamment grand pour survivre et on n'est pas défaitistes. On dit simplement que c'est sérieux et qu'il faut qu'on trouve le moyen, à commencer par nous-mêmes, mais avec l'aide des différents agents, d'occuper un minimum de personnel pour préserver l'expertise.

Vous avez mentionné - je termine - la réparation. Nous étions au courant; nous sommes heureux de voir que cela se confirme. Maintenant, la réparation demande de l'expertise, mais demande moins de personnel et c'est beaucoup moins créateur d'emplois. Mais c'est intéressant et nous allons faire de notre mieux pour en profiter au maximum.

Le Président (M. Rancourt): M. Guy

Beaulieu.

M. Beaulieu: Je voudrais simplement ajouter à un commentaire qui a été fait, à savoir que si l'industrie québécoise s'est spécialisée dans certains domaines, cela a été souvent, disons, à la suite d'initiatives qui ont été prises par le gouvernement du Québec ou par Hydro-Québec. C'était tout à fait naturel que les fabricants québécois se spécialisent dans l'équipement relié au réseau de transport à haute tension. La nature de notre réseau électrique nous amène à faire des lignes de transport très longues, donc à très haute tension. C'est dans ce sens-là que plusieurs entreprises ont choisi... Je n'ai pas parlé de la mienne, mais c'est certainement le cas; on a choisi que notre mission était dans la haute tension. Les équipements que nous fabriquons sont des équipements qui se spécialisent dans la haute tension, autant les transformateurs de puissance que les disjoncteurs et les transformateurs de mesures. Nous demander de changer de vocation à court terme, c'est évident qu'on essaie de réagir, mais ce n'est pas facile de réorienter nos ressources et d'aller dans des marchés qui sont déjà occupés d'ailleurs par d'autres concurrents québécois.

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.

M. Duhaime: Une brève remarque. Je sais que les estomacs nous creusent la montre en quelque sorte, ou l'inverse. Mais je voudrais revenir sur un chiffre qu'avançait tantôt M. Plouffe, je crois. Vous avez parfaitement raison. Je me réfère au plan d'équipements d'Hydro-Québec - je pense qu'on travaille avec le même document, celui qui a été déposé en commission parlementaire, l'automne dernier - au tableau 23 de la page 66. Dans l'hypothèse où le scénario de la croissance de la demande serait à 2,6%, vous avez raison de dire que les équipements de production seraient à la hauteur de 6 924 000 000 $. Je crois que c'est le chiffre que vous avez mentionné tout à l'heure. Par ailleurs, si on va à 3,7%, les équipements de production montent à 19 170 000 000 $. Alors, entre vous et moi, on est en 1983, on va essayer, avec toutes nos ressources cérébrales, d'avoir la meilleure prévision possible. Mais, entre 2,6% et 3,7%, cela fait 1,1%, et cela va faire une différence - si on le compte vite - de l'ordre d'à peu près 12 000 000 000 $ dans les équipements de production sur la période. (18 h 45)

Si je retiens le même scénario de croissance de 3,7% et que j'ajoute la possibilité de vendre dix térawattheures aux États-Unis ou à l'exportation, les équipements de production, dans les prévisions, passent de 19 170 000 000 $ à 22 154 000 000 $. Vous retrouverez ces chiffres au même tableau 23. Je prends cela avec un petit grain de sel dans un certain sens quand vous nous dites - je ne sais pas lequel d'entre vous a dit cela: Nous avons

orienté notre développement en fonction des prévisions de la croissance d'Hydro-Québec, qui était de 6%. J'ai peine à croire que des compagnies qui oeuvrent à l'échelle internationale comme les vôtres se soient contentées de retenir comme étant une vérité absolue qu'au Québec, parce qu'Hydro-Québec l'a dit, c'est 6% de croissance de la demande et que toute la programmation des investissements a été basée là-dessus. J'avoue ma réserve.

La deuxième chose que je voudrais ajouter est celle-ci. Nous vivons une situation d'après mégaprojet et je pense que ce que nous vivons actuellement devrait nous dicter la prudence. C'est dans ce sens que j'inscris mon approche vis-à-vis du dossier des exportations; je ne suis pas le seul à le dire, d'ailleurs. Je comprends que l'heure avance, je pourrais même citer des noms que mon collègue d'Outremont connaît très bien, mais je pense qu'on a fait passablement, est après-midi...

J'entendais récemment l'ancien chef du Parti libéral, M. Ryan, émettre un certain nombre de mises en garde. Il y a également notre collègue, M. Daniel Johnson, qui a émis des réserves.

M. Fortier: ...

M. Duhaime: Je pense qu'on a un devoir de prudence face à cela, d'autant plus que sur une période de...

Une voix: ...

Le Président (M. Rancourt): S'il vous plaît!

M. Duhaime: ...dix ans 1% de différence dans les prévisions seulement sur le plan des immobilisations, en termes d'équipement de production, cela nous amène à des écarts de 12 000 000 000 $. Je pense qu'on regardera cela tranquillement, mais on rejoint votre problématique. Je suis très heureux de voir qu'à l'intérieur de votre association il y a des compagnies qui obtiennent de leur maison mère américaine des mandats mondiaux. Plus on en aura sur le territoire du Québec, mieux ce sera parce que tout le monde connaît l'effet d'entraînement des mandats mondiaux. Il serait peut-être intéressant que nous connaissions vos propres prévisions quant à la croissance de la demande tant sur le marché domestique que sur les probabilités d'exportation, parce que vous êtes des gens de métier.

Je ne sais pas si vous êtes sérieux quand vous me dites: Hydro-Québec avait prévu 6% de croissance, nous nous sommes plus ou moins enlignés là-dessus et, maintenant que nous sommes partis sur cette lancée, n'allez pas nous laisser tomber en chemin. Je pense que cela mériterait d'être nuancé. C'est, en tout cas, la réserve que je fais là-dessus.

Je tiens à vous remercier. Lorsqu'on aura des rencontres ultérieures sur un comité de suivi, si vous voulez, on aura l'occasion d'échanger à nouveau. Si vous voulez faire un commentaire, M. Plouffe, soyez bien à l'aise.

Le Président (M. Rancourt): M. Plouffe.

M. Plouffe: Je voudrais juste mentionner que la crédibilité d'Hydro-Québec pendant les années soixante-dix a été très grande quant à ses prévisions, même chez les compagnies américaines qui considéraient Hydro-Québec comme une bible au point de vue des prévisions. Sa crédibilité était très grande. On a tous été surpris, non seulement Hydro-Québec, mais toutes les entreprises ont été surprises des changements qui se sont matérialisés dans les demandes d'énergie au plan mondial. Il suffit de réaliser, que la France, qui est un pays reconnu comme étant un très grand planificateur, prévoyait cinq centrales nucléaires par année à mettre en service d'ici à 1986 et elle a de la misère à en mettre une sur pied présentement. Son problème est exactement le même que le nôtre et c'est le même aux États-Unis.

M. Duhaime: Je ne pense pas, M. Plouffe, que j'aie dit...

M. Plouffe: Je pense qu'on a tous été surpris de ce qui est arrivé par rapport à la demande d'énergie.

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.

M. Duhaime: Mon propos ne va pas dans le sens de porter atteinte à la crédibilité de qui que ce soit. On continuera de lire le Coran de droite à gauche et je pense que personne ou à peu près personne n'a vu venir le choc pétrolier. Pourtant, il est arrivé et on paie le pétrole importé aujourd'hui quinze fois ce qu'on le payait il y a onze ans, en 1972. Pour autant que nous serons unanimement dans l'erreur, nous aurons tous raison. Je pense que c'est à peu près le meilleur scénario de prévision quant au dossier de l'énergie.

Le Président (M. Rancourt): M. Plouffe.

M. Plouffe: Cela fait plus mal à l'économie du Québec quand cela touche le domaine hydroélectrique. On est probablement à l'avant-garde au Québec dans ce domaine. L'arrêt total auquel font face nos fournisseurs va faire très mal. C'est un peu ce qu'on voulait faire ressortir dans

notre mémoire.

Le Président (M. Rancourt): Nous remercions l'Association des manufacturiers d'équipements électriques et électroniques du Canada. Il y a eu un consensus pour suspendre nos travaux jusqu'à 20 h 30. M. le ministre, jusqu'à 20 h 30?

M. Duhaime: Oui. Il en reste deux, en fait.

M. Fortier: Jusqu'à 20 h 30?

M. Duhaime: Oui, oui, on pourrait aller...

Le Président (M. Rancourt): Donc, nos travaux sont suspendus jusqu'à 20 h 30.

(Suspension de la séance à 18 h 51) (Reprise de la séance à 20 h 42)

Le Président (M. Rancourt): À l'ordre, messieurs! La commission reprend ses travaux. Nous allons entendre la Ligue de l'électricité du Québec. Je vous prierais de vous présenter.

Ligue de l'électricité du Québec

M. Coiteux (Paul-A.): Permettez-moi de vous présenter les personnes déléguées par notre association comme porte-parole à cette commission. À mon extrême gauche, il s'agit de M. Christian Major, directeur général de la compagnie Lumen Inc., distributeur de matériel électrique, et secrétaire-trésorier du consortium qui est propriétaire de Lumen. Il est également le président national de l'Association canadienne des distributeurs d'équipements électriques et le vice-président de notre association.

À ma droite, M. Hervé Vézina, directeur de Wesco Limitée, district du Québec, une filiale de la compagnie Westinghouse Canada. À mon extrême droite, M. Paul-E. Dunn, vice-président et directeur de Thomas and Betts, région de l'Est, fabricant de matériel électrique, et trésorier de notre association; M. René Gravel, directeur du personnel et opérations de Roy, Marchand Inc. M. Gravel est également président ex officio de notre association. Il est regrettable que M. Gravel ne soit pas parmi nous ce soir à cause de maladie.

M. Fortier: On pensait qu'il était invisible.

Le Président (M. Rancourt): Et vous êtes M. Coiteux.

M. Coiteux: II a quand même oeuvré à la préparation du mémoire.

Le Président (M. Rancourt): Et votre nom est M. Coiteux.

M. Coiteux: Je suis Paul-A. Coiteux, directeur adjoint et directeur général des ventes et opérations du Québec chez Chromalox Canada, fabricant de matériel électrique, et président de la Ligue de l'électricité du Québec.

En premier lieu, nous tenons à vous remercier de nous avoir donné l'occasion de venir vous présenter notre mémoire sur le thème de la commission: L'énergie, levier du développement économique.

Pour votre bénéfice, j'aimerais vous donner un bref aperçu de notre association. La Ligue de l'électricité du Québec, qui fêtera son 30e anniversaire en 1984, est formée de différents membres qui oeuvrent dans l'industrie électrique, tels que manufacturiers et distributeurs d'appareillage électrique. Elle représente plus de 120 membres corporatifs, ainsi que plus de 1000 membres individuels composés, en plus des distributeurs et manufacturiers, d'entrepreneurs électriciens et même de certains employés d'Hydro-Québec.

Forte de son expérience, tant sur le plan provincial que sur le plan régional grâce à ses onze sections, la LEQ est également reconnue pour ses différents programmes d'action depuis des années. Pour n'en mentionner que quelques-uns, il y a eu Sceau rouge, Médaillon, Novelec, un programme de promotion résidentielle du tout à l'électricité qui a sensibilisé la population québécoise et dont vous vous souvenez sans doute, ainsi que les débuts du programme EE qui se poursuit maintenant sous les auspices d'Hydro-Québec.

Il va sans dire que, basé sur les faits exposés, il était essentiel que nous nous fassions un devoir de représenter nos membres sur un sujet aussi important et qui nous est très près du coeur, si vous me permettez de le dire.

Contrairement aux autres représentations qui ont été entendues aujourd'hui, nous aimerions lire notre mémoire en entier vu sa concision. Nous sommes, quand même, conscients du fait que, depuis le dépôt de celui-ci, certains changements dans la politique énergétique, ainsi qu'à l'intérieur des programmes d'Hydro-Québec ont eu lieu.

Compte tenu de la gravité que présente actuellement partout dans le monde le problème énergétique et de la complexité de ses solutions possibles et surtout valables à long terme, les efforts du gouvernement dans le domaine de l'économie d'énergie ne peuvent qu'être louables. En effet, de cette manière on retarde l'échéance fatidique de l'épuisement des combustibles conventionnels et on peut consacrer le temps ainsi gagné aux développements technologiques des autres

sources d'énergie qui pourraient s'avérer techniquement opérables et économiquement satisfaisants.

Cependant, faut-il encore que les programmes avancés par le gouvernement soient justifiables, tant du point de vue de la continuité de la politique énergétique que de celui du respect de tous les consommateurs et de tous les participants, à quelque titre et à quelque moment que ce soit, engagés dans l'application de la politique énergétique gouvernementale.

Si, pour des raisons évidentes de perspective, la politique énergétique du gouvernement fédéral peut se situer dans un certain cadre, celle du gouvernement du Québec, même en cas d'une entente avec le gouvernement fédéral, doit considérer en premier lieu les intérêts québécois, ce qui ne veut pas nécessairement dire que ces derniers diffèrent de ceux de certaines autres provinces. En ne nous référant qu'au gouvernement de l'Ontario, lequel a ajusté sa politique énergétique initiale devant l'évidence de certains facteurs économiques, nous nous attendons que le gouvernement du Québec, qui a toujours dit avoir à coeur les intérêts des Québécois autant que ceux de la justice, prendra sérieusement en considération les faits exposés dans le présent mémoire.

Virage de la politique énergétique du Québec. Traditionnellement, la politique énergétique du Québec a été basée essentiellement sur l'hydroélectricité. Est-il encore besoin d'en mentionner les causes? Tout le monde sait maintenant que c'est une source d'énergie renouvelable et que les centrales ont été construites grâce à l'argent des Québécois et qu'en fin de compte elles leur appartiennent. Toute l'étendue des retombées de l'essor d'Hydro-Québec, dont chaque Québécois est fier à juste titre, est certainement moins connue du grand public. Une multitude d'entreprises québécoises, jusqu'à des plus grandes firmes au monde d'ingénieurs-conseils, ont pu se créer, se développer et progresser au profit des Québécois dans le sillon creusé par HydroQuébec. Lorsqu'il s'est agi d'étendre l'utilisation de l'électricité au chauffage domiciliaire et, ensuite, avec la crise énergétique mondiale, quand on est arrivé au stade de l'économie de l'énergie, ce sont encore de petites et moyennes entreprises québécoises qui y ont trouvé leur raison d'être, de se perfectionner et de se multiplier.

Le prolongement de la distribution domiciliaire du gaz naturel et l'augmentation de cette source d'énergie, étrangère pour le Québec et sur laquelle le Québec n'a aucune prise en dernier lieu, ne sont pas venus du jour au lendemain. Sur ce point, il n'y a pas de surprise car la politique énergétique du gouvernement du Québec le prévoyait. Par contre, c'est la manière de procéder dans ce domaine qui prête flanc à la critique, dans la mesure où l'accès domiciliaire à cette source d'énergie pour le chauffage est favorisé d'une façon incorrecte pour des raisons plus ou moins discutables.

En regardant les agissements successifs du gouvernement du Québec en ce qui concerne les applications de sa politique énergétique, celles relatives à l'électricité d'abord et celles touchant le gaz naturel maintenant, compte tenu de l'incertitude qui est reliée aux disponibilités énergétiques à plus long terme et à leurs coûts respectifs, tous ceux qui se trouvent engagés aujourd'hui, à quelque titre que ce soit, dans le chauffage au gaz naturel ne devraient pas se sentir très rassurés du traitement qu'ils pourraient subir un jour et des conséquences qu'ils auraient à supporter alors.

Traitement inégal. Du moment où quelqu'un ayant décidé d'abandonner son chauffage au mazout pour des raisons économiques ou autres se trouve en face d'un programme conjoint des gouvernements fédéral et provincial au moyen duquel il se voit poussé dans une direction plutôt que dans l'autre, on peut dire que son choix n'est plus libre mais dirigé, de même que l'on peut parler de l'inégalité du traitement d'un mode de chauffage aux dépens d'un autre. L'inégalité de traitement est déjà injuste en soi, mais elle l'est encore davantage lorsqu'elle fait porter le fardeau à ceux qui ne sont pas ou plus en mesure de choisir. L'abolition de la taxe provinciale en faveur du gaz naturel que nous avons contestée dans une lettre au ministre de l'Énergie et des Ressources du Québec, M. Yves Duhaime, en date du 17 décembre 1982 (annexe 1), accentue encore plus cette discrimination pour ceux ayant opté auparavant pour l'électricité.

Tandis que, d'un côté, on fait bénéficier d'un octroi supplémentaire de 800 $ ceux qui se convertissent au chauffage au gaz naturel, on offre une aide additionnelle de 650 $ à ceux qui choisiront le mode biénergie et aucune subvention additionnelle à ceux qui se convertissent entièrement à l'électricité.

Le gaz naturel n'étant accessible actuellement et dans le proche avenir qu'à un nombre restreint d'utilisateurs au Québec et, d'autre part, un bon nombre de ceux-ci à travers le Québec ayant déjà converti leur système de chauffage à l'électricité, il en résulte qu'ils paieront, toutes les fois où le prix du chauffage au gaz naturel serait inférieur à celui à l'électricité, le coût des largesses que le gouvernement du Québec accorde ou accordera aux utilisateurs potentiels ou effectifs du chauffage au gaz naturel. Dans ce jeu, le gouvernement du Québec détient l'atout des prix de l'électricité, ce qui est ressorti clairement en 1982-1983 des récentes augmentations

réaménagées pour Hydro-Québec qui imposent la plus lourde charge à ceux qui consomment le plus d'énergie électrique.

Faut-il encore souligner que ceux qui se chauffent aujourd'hui à l'électricité ont opté pour cette forme d'énergie à un moment où les politiques énergétiques du gouvernement permettaient la promotion de l'électricité. À présent, ces mêmes consommateurs se retrouvent victimes captives d'un revirement de politique énergétique.

Approvisionnement et retombées économiques. Contrairement à l'électricité, le Québec ne possède ni les sources de gaz naturel ni les moyens d'assurer un approvisionnement stable durant des années de cette source d'énergie, pas davantage que ceux relatifs à son prix. À ce dernier sujet, il est à retenir que, selon les données d'Hydro-Québec, le prix du gaz naturel a augmenté en deux années, de septembre 1980 à septembre 1982, de 29,8% à l'usage domestique. Cette augmentation est de loin supérieure à celle de l'électricité. Dans cette situation, le gouvernement du Québec, ne pouvant influencer directement que l'une des énergies disponibles, peut être tenté chaque fois que cela l'arrangera de jouer sur le prix de l'électricité afin de protéger la consommation du gaz naturel.

Bien que les réserves canadiennes connues en gaz naturel soient supérieures à celles du pétrole, il n'en reste pas moins vrai que le gaz naturel est une source d'énergie épuisable. Avec toute la publicité faite autour du prix favorable du gaz naturel, ce qui, comme il vient d'être indiqué, n'est d'aucune certitude, la consommation accrue au Canada et les exportations vers les États-Unis peuvent rendre l'épuisement du gaz naturel plus proche qu'on ne le croit actuellement. À quelque période que cet épuisement apparaisse à l'horizon, ce n'est pas le gouvernement du Québec qui pourra déterminer l'instant de la fermeture du robinet comme il ne pourra jamais influencer un tant soit peu la manière dont on disposera de l'exploitation du gaz naturel à l'échelle du Canada.

En fin de compte, que reste-t-il au gouvernement du Québec comme pouvoir sur le gaz naturel au moment où il pousse les Québécois à en augmenter la consommation par la conversion au chauffage au gaz naturel si les variations de prix, la manière d'en user et les contrôles de la disponibilité de cette source d'énergie lui échappent complètement?

La meilleure façon d'évaluer le contenu québécois des retombées économiques du prolongement du réseau du gaz naturel est de faire une comparaison avec celles d'un projet hydroélectrique à des. quantités équivalentes d'énergie et pour une durée de 40 ans, en supposant que le gaz naturel sera encore disponible à cette époque.

Dans ces conditions, on constate que, les coûts d'investissement et d'exploitation étant sensiblement égaux, l'impact économique des achats en biens et services est d'environ sept fois plus élevé dans le cas d'un projet hydroélectrique que dans celui du gaz naturel. Il en va de même en ce qui concerne les emplois directs et indirects créés au Québec puisque le rapport est de 6,3% en faveur d'un projet hydroélectrique par million de dollars (de 1980) dépensés.

En effet, depuis octobre 1981, le revirement tangible des politiques gouvernementales en matière d'énergie, les restrictions apportées au plan de capitalisation d'Hydro-Québec, ainsi que la naissance du programme Energain, compte tenu de la récession économique actuelle, ont entraîné une perte moyenne d'emplois de 20% dans notre secteur. Il est à prévoir que, si les orientations ne changent pas ou encore dramatisent la pénétration du gaz naturel, nous assisterons malheureusement à d'autres licenciements collectifs. Si on ajoute à tout cela le coût de l'importation du gaz naturel, dont la part s'élève à plus de 80% du coût total du projet gazier, la conclusion n'est pas difficile à tirer. En effet, les Québécois profitent, en gardant leur argent chez eux, bien davantage et bien plus sûrement avec l'hydroélectricité qu'avec le gaz naturel.

En conclusion, nous comprenons bien les difficultés qu'éprouve le gouvernement du Québec dans le contexte économique mondial très difficile ces années-ci. Aussi, notre propos n'est-il pas de l'accabler davantage. Cependant, nous ne pouvons pas rester insensibles lorsque le gouvernement du Québec lèse d'une manière évidente non seulement les intérêts de nos membres, intérêts que nous devons défendre, mais risque en même temps d'amener les Québécois vers une impasse dans un avenir prévisible. Le but de ce bref mémoire est d'attirer l'attention du gouvernement du Québec sur des sérieuses injustices que sa politique énergétique, actuellement, est en train de créer et nous lui demandons de bien vouloir tenir compte qu'il est le gouvernement de tous les Québécois et qu'à ce titre il se doit de corriger les traitements inégaux que sa politique énergétique a fait naître. En somme, nous lui demandons de laisser une chance égale à tous dans le jeu de la libre concurrence, sans qu'il mette son poids sur un côté de la balance, comme il est en train de le faire actuellement, en détruisant ainsi les bienfaits engendrés par ses politiques énergétiques antérieures. Nous osons espérer que le gouvernement du Québec tiendra compte de nos remarques pour le bénéfice de tous.

En conclusion, nous recommandons au gouvernement du Québec de reconsidérer dans sa globalité sa politique énergétique. La

nouvelle stratégie devrait uniquement s'axer sur une plus grande production et promotion de l'électricité, sans quoi nous serons les spectateurs impuissants de pertes d'emplois massives, de fermetures d'usines, d'abandon de la recherche et, enfin, de la disparition de notre réputation de "know-how" technologique mondial. Merci beaucoup.

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.

M. le député d'Outremont.

M. Fortier: Si le ministre est gêné, il me fait plaisir d'y aller. Vous touchez les points dont on a discuté aujourd'hui et vous le sentez bien. Il y a des énoncés que vous faites qui mériteraient d'être développés. Quand vous dites que, dans un avenir prévisible, on va manquer de gaz au Canada, j'aimerais que vous nous disiez l'envergure de la période que vous considérez. Selon les informations obtenues à cette commission parlementaire et qui sont disponibles, il semble que les réserves de gaz au Canada sont très considérables et que, même s'il y avait de l'exportation, nous ne sommes pas sur le point d'en manquer. On va revenir sur votre dialectique, mais cet aspect-là me semble exagéré, à moins que vous ne corrigiez l'impression que j'ai eue en vous écoutant.

Le Président (M. Rancourt): M. Coiteux. (21 heures)

M. Coiteux: Peut-être que la clarification qu'on pourrait apporter serait de faire mention qu'étant donné la pénétration accrue que le gouvernement du Québec tente de donner au gaz naturel et l'exportation que le gouvernement fédéral tente de faire aussi de gaz naturel vers nos amis du Sud, selon la croissance de ces deux phénomènes, c'est à ce moment-là qu'on ne peut pas déterminer exactement jusqu'à quelle période le gaz sera disponible en quantité, tel qu'il l'est présentement.

Le Président (M. Rancourt): M. le député d'Outremont.

M. Fortier: Mais si je comprends bien l'argumentation principale, on est peut-être un peu en désaccord quand vous dites: "Mais risque en même temps d'amener les Québécois vers une impasse dans un avenir prévisible." En tout cas, s'il y avait des experts dans le gaz ici autour de la table, je pense qu'ils pourraient dire: Même si le programme québécois continuait, il n'est pas certain que cela ferait une grosse différence aux réserves gazières. Mais votre argumentation principale est de dire: II y a des problèmes importants de création d'emplois au Québec. Il y a du chômage. Dans le passé, il y a eu des industries qui ont été bâties autour de l'électricité. J'aimerais que vous me disiez quel genre d'industries. J'ai noté les industries que vous représentez en tant qu'individu, comme Chromalox. Parlez-moi donc du genre d'industries auxquelles vous faites allusion et que vous représentez. En fait, je sais que la Ligue de l'électricité du Québec représente tout le monde dans le domaine de l'électricité, autant les fabricants de turbines que les fabricants d'isolation dans les murs. Vous représentez tout le monde. J'imagine que la pénétration du gaz affecte différemment certains de vos membres que d'autres, mais compte tenu de l'énoncé très sévère ou de la conclusion dramatique que vous faites à la fin, j'aimerais que vous m'expliquiez dans quelle mesure cette conclusion reflète la situation de vos membres et quels sont ces membres.

Le Président (M. Rancourt): M. Coiteux.

M. Coiteux: Si vous me le permettez, je pourrais passer la parole à un de mes confrères, M. Major, qui tentera de répondre à votre question.

Le Président (M. Rancourt): M. Major.

M. Major (Christian): En fait, lorsque nos confrères de l'AMEEC étaient ici cet après-midi, ils ont mentionné qu'ils avaient 45 000 employés dans leur secteur qui était le secteur manufacturier. Effectivement, par le biais de la Ligue de l'électricité qu'on représente, on a aussi, dans le domaine de la distribution du matériel électrique de produits manufacturiers, environ 1200 employés. Si on regarde les électriciens que nous représentons - il y en a plusieurs qui sont membres, autant des entrepreneurs que des gens qui travaillent dans la construction on en dénombre encore 45 000. Si j'additionne tout cela, on parle d'environ 110 000 employés dans le secteur qu'on peut représenter. Je pense que c'est énorme. Quand on disait qu'il y avait eu une perte d'emplois l'an dernier, il ne faut pas oublier que la conjoncture économique y a été pour beaucoup, d'accord, mais je pense aussi que le changement de politique du gouvernement a quand même eu un effet énorme.

Le Président (M. Rancourt): M. le député d'Outremont.

M. Fortier: Mais on a fait état cet après-midi du fait qu'Hydro-Québec investirait plusieurs millions de dollars dans la distribution. Pour autant que les investissements sont dans le domaine de la distribution, vos membres dans le domaine de la distribution vont en bénéficier peut-être plus que par le passé.

M. Major: Oui.

M. Fortier: On a parlé cet après-midi du manque à gagner dans le domaine de la génération, mais quand on parle de la distribution dans les villes ou dans les villages, j'imagine que les investissements d'Hydro-Québec vont vous favoriser ou favoriser vos membres qui sont actifs dans ce secteur. Est-ce que les faits que vous énoncez ici sont un jugement global? Avez-vous fait une analyse et obtenu des renseignements à partir de vos membres? Avez-vous envoyé un questionnaire à vos membres ou partez-vous simplement de l'énoncé - je ne le retrouve pas ici - où vous dites qu'il y a tant de fois plus d'emplois créés dans le domaine électrique que par le gaz et, à cause cela, lorsqu'on coupe des emplois - et j'imagine que vous parliez de la génération d'électricité - dans le domaine de la génération, la coupure est d'autant plus dramatique que la création d'emplois qui est faite dans le gaz est moins importante, donc, le manque à gagner est important. Je comprends votre raisonnement relativement au domaine de la génération; je le suis moins dans les autres domaines.

Le Président (M. Rancourt): M. Major.

M. Major: II y a une chose que je prends en considération, c'est qu'Hydro-Québec est quand même beaucoup plus progressive dans sa mise en marché. On devait passer devant la commission en mars 1983. Il y a quand même eu certains changements concernant le nombre de kilowattheures disponibles. Donc, à partir de là, je pense que le gouvernement favorise un peu plus le domaine de l'électricité qu'il ne le faisait au départ, si je me reporte en mars 1983.

Le Président (M. Rancourt): M. le député d'Outremont.

M. Fortier: Votre mémoire, c'est un plaidoyer pro domo, pour vos membres, en disant: II y a du chômage; nos membres créaient beaucoup d'emplois dans le passé, et si le gouvernement repensait sa politique énergétique globale pour mettre moins l'accent sur...

Une voix: Le gaz naturel.

M. Fortier: ...la pénétration du gaz, du moins pour laisser la chance au coureur à peu près égale sans plus d'incitatifs d'un côté que de l'autre, il y aurait plus de gens qui iraient vers le domaine de l'électricité et qu'à ce moment-là il y aurait plus d'emplois créés, du moins dans le genre d'emplois qui existaient avant l'arrivée du gaz. C'est votre raisonnement.

Une voix: C'est cela.

M. Fortier: Enfin, on en a discuté toute la journée. Je ne sais pas si vous voulez préciser davantage là-dessus pour convaincre le ministre, ou le gouvernement, de repenser sa politique énergétique. Comme vous le savez - on en a parlé aujourd'hui - il y a d'autres raisons pour lesquelles vous faites ce plaidoyer pro domo. On devrait peut-être faire ce que vous dites, mais peut-être pas pour les raisons que vous mentionnez dans votre mémoire. Or, les raisons que vous avancez sont réelles. Vous dites qu'il y a des emplois perdus dans des secteurs déjà structurés. Cet après-midi, le député de Vimont disait, en parlant de Marine: Si vous arrêtez de faire des turbines, vous allez faire autre chose. Mais c'est une restructuration industrielle qui se fait toujours un peu péniblement, avec des ajustements qui ne sont pas toujours faciles. Je ne sais pas. Je vous laisse la parole, si vous avez quelque chose à ajouter là-dessus.

Le Président (M. Rancourt): M. Coiteux.

M. Coiteux: J'aimerais souligner que le rôle principal de la Ligue de l'électricité du Québec au fil des ans a été un rôle de promotion de l'utilisation rationnelle de l'électricité à l'intérieur du secteur domiciliaire en particulier. Vous avez sans doute remarqué que, dans notre mémoire, on se réfère plutôt à la pénétration du gaz naturel dans le secteur domiciliaire. On ne tranche pas tellement sur l'aspect grande entreprise industrielle. La pénétration qui nous inquiète, c'est au niveau domiciliaire. Je sais que, pour le gaz naturel, la clientèle qui les intéresse le plus, ce sont les grands utilisateurs du gaz naturel. Par contre, lorsque le réseau du gaz naturel passe dans une région, s'il peut attraper le secteur domiciliaire, il est intéressé à le faire. C'est cette pénétration, avec des traitements inégaux, de la façon dont on l'a montré dans notre mémoire, qui nous inquiète. On aimerait que le gouvernement y réfléchisse sérieusement pour au moins tenter d'arriver à un traitement égal avec l'électricité.

Le Président (M. Rancourt): M. le député d'Outremont.

M. Fortier: Mais vous êtes d'accord avec le déplacement du pétrole. Je pense que vous le dites au début. Ce que vous dites, dans le fond, c'est qu'on devrait favoriser uniquement l'électricité pour le moment ou à peu près. Mais il faut bien se rendre compte qu'au moment où cette politique a été définie on craignait les pointes en hiver, en particulier, de l'utilisation de l'électricité pour le chauffage. On craignait de manquer, d'un moyen de

chauffage, compte tenu que le gaz est une substance canadienne dont on pourrait prendre avantage. Alors, vous passez ces aspects-là sous silence pour mettre l'accent uniquement sur la création d'emplois. On est au mois d'octobre 1983 et, quand on parle de création d'emplois, les politiciens deviennent très sensibles à cela et en connaissance de cause. Vous l'axez là-dessus, mais en essayant d'utiliser des arguments énergétiques qui, si on les replaçait dans leur contexte global, pourraient être perçus différemment.

Le Président (M. Rancourt): M. Coiteux.

M. Coiteux: Je crois que, s'il y avait un traitement égal entre les deux sources d'énergie - je parle du gaz naturel et de l'électricité - notre inquiétude serait beaucoup moins prononcée. Par contre, tout le monde semble dire que l'accent que le gouvernement met sur le gaz naturel, ce n'est pas pour déplacer l'électricité, mais pour déplacer le pétrole. Chaque fois que vous déplacez le pétrole, c'est une perte de ventes possibles pour l'électricité. En somme, on demande un traitement égal.

Le Président (M. Rancourt): M. le député d'Outremont.

M. Fortier: Vous demandez un traitement égal mais, dans le fond, ce que vous voulez, c'est que la majorité des Québécois utilisent l'électricité. C'est votre objectif.

M. Coiteux: Oui. D'ailleurs, on est tous ici dans le domaine électrique.

M. Fortier: Je pense que votre message a été entendu.

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.

M. Duhaime: J'aurais, bien sûr, quelques questions. Je comprends que votre mémoire se situe dans une approche globale du problème. Si je vous demandais quel est, dans votre esprit, l'avenir du gaz naturel au Québec, j'ai comme l'impression, après avoir lu votre mémoire, que vous me diriez: C'est un gros zéro.

Est-ce que, comme collectivité, on ferait un bon coup en incitant tout le résidentiel à aller à l'électricité, qui est une forme d'énergie actuellement plus coûteuse que le gaz naturel, dans l'immédiat? Avec ce que mon collègue d'Outremont a identifié, on s'entend au moins là-dessus, nous deux: il y a du gaz naturel en surplus dans l'Ouest canadien pour plusieurs générations devant nous. Est-ce qu'on ferait un bon coup en faisant cela, augmentant encore de façon plus considérable les problèmes de gestion de la demande et en particulier de gestion de la pointe à Hydro-Québec? Tout le monde sait que dans le secteur résidentiel les investissements d'Hydro-Québec sont utilisés à leur capacité pendant les périodes de haute pointe alors que, pendant les mois de juillet et août, parfois en septembre et même en octobre - quand on regarde la température d'aujourd'hui - ce sont des investissements que nous avons consentis et que nous consentons toujours mais qui ne sont pas utilisés. Je voudrais savoir quel est, pour vous, le meilleur scénario. Au-delà des intérêts immédiats que vous pouvez représenter comme Ligue de l'électricité - je comprends - comme citoyens du Québec, est-ce que vous êtes prêts à immobiliser de l'argent dans des investissements pour des barrages, des turbines, des lignes de transmission qui seront utilisés à leur pleine capacité quatre mois sur douze? Est-ce que vous avez eu l'occasion de vous interroger là-dessus?

M. Coiteux: Je vais donner la parole à M. Dunn.

Le Président (M. Rancourt): M. Dunn.

M. Dunn (Paul-E.): Quand, dans ma région, on voit les tranchées qu'on creuse pour le gaz, si on traduisait cela en lignes de transmission... Pour des lignes de transmission, on doit bâtir des sous-stations; pour les sous-stations, on voit des entrepreneurs qui font l'ouvrage, des manufacturiers qui fabriquent différentes pièces, soit des connexions ou n'importe quoi pour faire fonctionner cette station. On pourrait récupérer là assez facilement les 20% d'emplois qu'on a perdus depuis une couple d'années dans ce domaine.

Actuellement, au Québec on a les barrages LG 2 et LG 4, mais ils ne fonctionnent pas encore à pleine capacité et on a un surplus. Pourquoi ne pas donner des concessions s'il le faut, comme vous le faites actuellement, à certaines grosses entreprises pour utiliser cette électricité qu'on produit et développer aussi d'autres ressources, d'autres barrages?

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.

M. Duhaime: Vous ne répondez pas tout à fait à ma question. J'en ajouterais une autre. Le manque à gagner pour le consommateur qui, dans les régions gazières actuellement peut bénéficier, pour des fins de chauffage résidentiel, d'une forme d'énergie moins coûteuse que l'électricité, comment réconciliez-vous cela?

Le Président (M. Rancourt): M. Dunn.

M. Dunn: Comme vous le dites, la différence est peut-être moins coûteuse, mais on dit aussi ici que l'abolition de la taxe provinciale en faveur du gaz naturel agrandit l'écart entre l'électricité et le gaz. Si la taxe provinciale de 9% n'était pas imposée sur l'électricité, le rapprochement serait encore de 9% plus près. C'est encore un avantage. (21 h 15)

M. Duhaime: Est-ce que vous nous suggérez que je voie mon collègue des Finances et qu'on abolisse la taxe de 9% sur l'électricité?

M. Dunn: Oui. On le dit ici, qu'il y a un traitement inégal.

M. Coiteux: Ils l'ont abolie pour le gaz naturel.

M. Dunn: Oui, ils l'ont abolie pour le gaz naturel.

M. Coiteux: II était là, d'ailleurs.

M. Dunn: Oui. Pourquoi pas un traitement égal? Qu'ils l'abolissent sur l'électricité aussi!

M. Fortier: Le ministre Parizeau va plutôt ajouter la taxe que l'enlever.

Le Président (M. Rancourt): S'il vous plaît! S'il vous plaît! M. Coiteux, vous avez demandé la parole.

M. Coiteux: Vous me permettez de revenir à votre question antérieure?

M. Duhaime: Oui.

M. Coiteux: Je crois que - on est tous au courant et Hydro-Québec en a fait mention cet avant-midi - Hydro-Québec, avec les différents programmes biénergétiques qui vont être lancés sous peu, tente maintenant de maximiser la disponibilité de kilowatts. Pour le moment, on fait des contrôles basés sur des températures extérieures fixes. Plus tard, Hydro-Québec veut, par la télécommande, délester des charges pour éviter, justement, les pointes que vous avez mentionnées tantôt. Je crois que c'est un programme qui n'était pas en évidence lorsqu'on a préparé notre mémoire en mars 1983. C'est ce genre de programme qui maintenant favorise davantage l'utilisation de l'énergie électrique. Je n'ai que des félicitations à faire au ministère de l'Énergie, ainsi qu'à Hydro-Québec d'avoir pensé à des programmes de ce genre pour éviter - c'est le point que vous avez mentionné - de construire des centrales hydroélectriques qui seraient conçues et construites strictement pour prendre soin de la pointe lorsqu'elle se présentera. Si elle ne se présente pas, cela dort là. Je crois que ce genre de programme est une façon d'éviter le problème que vous avez mentionné tantôt.

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.

M. Duhaime: Oui, je pense qu'on s'entend au moins sur une chose. D'abord, je ne voudrais pas donner à mon collègue des Finances des crédits ou des mérites qu'il n'a pas. Les programmes de biénergie ne viennent pas du ministère des Finances, mais d'Hydro-Québec et du ministère de l'Énergie et des Ressources. Une chose est sûre, cependant, je pense que les programmes de biénergie et même de polyénergie qui sont en train d'être mis en route sont très certainement la clé de beaucoup des problèmes que nous avons. L'idéal est de faire en sorte que les consommateurs d'énergie pour des fins de chauffage en arrivent à opter pour des systèmes de biénergie et de polyénergie de façon à dégager la pointe, parce que c'est dans cette prévision de vente contraignante, je dirais, d'énergie régulière que doit se situer la problématique d'Hydro-Québec, c'est-à-dire rencontrer la haute pointe. A partir du moment où on comprend ce scénario, je pense qu'il y a des évidences ensuite qui se dégagent.

Je voudrais vous poser une question. Vous avez dit tantôt que la Ligue de l'électricité existait depuis 100 ans, je crois.

M. Coiteux: Depuis 30 ans.

M. Duhaime: Depuis 30 ans? J'avoue que cela m'a étonné, étant originaire d'une région qui est électrifiée à 95%, quand j'ai abordé le dossier de l'énergie; j'avoue ma surprise de constater qu'à l'heure actuelle, au Québec, il y a encore 40% des résidences qui sont chauffées à l'huile. Avant le premier choc pétrolier et avant le deuxième choc pétrolier, il faut bien comprendre que l'hydroélectricité a dû se battre pour se faire un marché. C'était la forme d'énergie la plus coûteuse pour les fins de chauffage. Mais, qu'est-ce qui, à votre point de vue, fait en sorte qu'il y a eu autant de réticences dans le passé alors que l'électricité entrait à peu près dans toutes les résidences du Québec pour des fins d'éclairage, la laveuse, la sécheuse, le réservoir d'eau chaude, la télévision, etc., mais qu'on restait branché sur l'huile à chauffage, donc des importations de pétrole pour des fins de chauffage, alors que, depuis un bon nombre d'années, l'électricité était beaucoup meilleur marché? Ce n'est que depuis les années récentes, je dirais en 1983 et en 1982 - probablement qu'à la Ligue de

l'électricité vous avez cette information -que, pour les nouvelles résidences au Québec, nos concitoyens optent pour l'hydroélectricité dans une proportion qui va jusqu'à 85%. Vous faites signe que oui. C'est donc que vos chiffres se concilient avec les nôtres. Quant aux programmes de conversion, 75% des conversions se font de l'huile à chauffage vers l'électricité. Alors, il y a très certainement une nouvelle prise de conscience. Sans aucun doute, la question des prix y est pour quelque chose dans ce virage ou dans ce changement d'option qu'ont fait les consommateurs. Je pense que la clé de la décision est toujours le prix à payer pour un équivalent énergétique. Est-ce que vous n'êtes pas de cet avis?

Le Président (M. Rancourt): M. Coiteux.

M. Coiteux: Oui, oui. Si je comprends bien votre question, vous vous demandez pourquoi, sur le marché de la conversion, les gens n'ont pas opté plus rapidement pour une conversion totale au chauffage à l'électricité. Je crois, premièrement, que c'est une question de coût. L'amortissement de l'installation totale représentait peut-être de 2000 $ à 2500 $ pour une résidence unifamiliale. Lorsque le type regardait son investissement et son augmentation d'huile chaque année, il se disait: C'est 10% de plus; disons que j'échelonne cela sur X années, si ma facture d'huile coûte 100 $ de plus par année, cela va me prendre 20 ans pour amortir mon investissement de 2000 $ ou 2500 $, sans compter les intérêts. Je crois que ce qui a accéléré la conversion à l'électricité, c'est lorsqu'il y a eu les programmes de subventions fédérales, avec le PCRP, et maintenant les programmes qu'Hydro-Québec lance sur la biénergie en sus. Je crois que c'est l'explication, assez simple. Ce n'est pas strictement au moment où il y a eu les subventions du fédéral; cela a commencé un peu avant. C'est lorsque le coût du pétrole a commencé à augmenter à un taux effroyable, si vous me permettez l'expression: le gallon d'huile est rendu aujourd'hui à quelque 2 $, si je ne me trompe pas, comparativement à ce qu'il était il y a peut-être douze ou treize ans, à 0,18 $, 0,19 $ ou 0,20 $. Les premières années, les gens n'ont pas trop réagi, mais, lorsqu'ils ont commencé à voir doubler cela peut-être en l'espace d'un an ou un an et demi, c'est là qu'ils ont commencé à prendre en considération la conversion à l'électricité.

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.

M. Duhaime: Je ne crois pas que je vais vous faire une grande surprise en vous disant que je ne suis pas tellement d'accord avec les grandes conclusions de votre mémoire, sauf qu'on pourrait se réconcilier sur certains des attendus. Il y a, bien sûr, l'objectif de pénétration du gaz qu'on situe au niveau de 150 BCF pour les deux compagnies, 110 dans un cas et 40 dans l'autre, ce qui représente un déplacement important du pétrole importé. Mais je ne voudrais pas reprendre ce que j'ai eu l'occasion de dire à plusieurs reprises depuis ce matin: ce qui est en train de se produire au Québec dans les composantes du bilan énergétique, alors que nous allons sur l'horizon de 1975-1976 jusqu'à l'an 2000, c'est de réduire de moitié notre dépendance du pétrole importé, en ramenant de 68%-69% le pétrole importé à un niveau autour de 35% à l'horizon de l'an 2000. C'est donc dire que, d'après nos scénarios - ce sont des scénarios bien sûr, on est dans le domaine de la futurologie et de la prévision; alors, les marges d'erreur sont celles que vous connaissez - au départ, on voudrait que la plus grande proportion du pétrole importé soit déplacée par l'électricité. Il reste 10% en termes de composante du bilan pour le gaz naturel. C'est drôle, mais cela m'apparaît raisonnable. Cela m'apparaît ouvrir un éventail de diversification dans nos approvisionnements et une plus grande sécurité d'approvisionnement, d'autant plus que les prix du gaz naturel sont artificiellement élevés aujourd'hui parce qu'indexés à un prix artificiellement trop bas qui est le prix du pétrole au Canada, mais le ratio de 65% à l'entrée de la franchise est là. Si on fait une rétrospective de 1983 à 1975 et qu'on fait une projection 17 ans devant nous, il y a énormément de place pour l'hydroélectricité. L'objectif est de faire que le Québec soit électrifié à 50% à l'horizon de l'an 2000. Je vous mets au défi de me nommer un seul pays du monde qui a cela. Les Français sont à 70% électrifiés en 1990, mais, chez eux, c'est la filière de l'électronucléaire, c'est un autre débat. Mais à 50% hydroélectrique en l'an 2000 au Québec en comptant sur une richesse naturelle renouvelable dont les coûts d'exploitation sont moindres que tout ce qui existe à l'heure actuelle, autant que l'on peut voir en avant, je pense qu'il n'y a pas d'énergie pour déplacer l'électricité à long terme. Je me demande si vous n'en mettez pas un peu, comme on dit en bon québécois, dans votre mémoire dans l'intérêt de vos membres, en oubliant la perspective à long terme et en oubliant aussi que, si on fermait complètement la chantepleure du gaz naturel, on se priverait très certainement sur le plan industriel de scénarios de développement et de technologie à être poussés un peu davantage. Je suis bien prêt à faire la part des choses, mais je vous demanderais d'en faire autant.

Le Président (M. Rancourt): M. Coiteux.

M. Coiteux: J'aimerais peut-être spécifier que la première ébauche du mémoire que vous avez en main a été préparée en 1981. Il était censé être déposé en 1981 et, à cause de raisons à l'intérieur du conseil d'administration de la ligue, il ne fut pas déposé. Lorsqu'on a eu l'occasion de présenter le mémoire en mars 1983, on a travaillé à partir de cette ébauche originale. Je peux vous dire qu'on avait le crayon pas mal pesant pour la première ébauche. En mars, il était peut-être moins pesant. Avec les différents programmes qui sont en marche présentement avec Hydro-Québec et ceux qui s'en viennent - j'en ai fait mention, d'ailleurs, au début de mon introduction -des changements seraient apportés à la préparation du mémoire.

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.

M. Duhaime: M. Coiteux, vous êtes en train...

M. Coiteux: Mais cela ne veut pas dire qu'on n'est pas conscients du problème, quand même.

M. Duhaime: ...de me dire que votre mémoire serait de beaucoup atténué si vous reveniez la semaine prochaine.

M. Coiteux: Non. Il y a quand même le traitement inégal qui demeure là. Cela, je ne l'enlève pas.

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.

M. Duhaime: Je peux vous dire que nous allons siéger la semaine prochaine et que vous seriez le bienvenu pour venir défendre et présenter un addendum à votre mémoire. Mais au train où vont les choses, je pense qu'on est en train de...

M. Coiteux: Non, il y a quand même des points à l'intérieur du mémoire - je pense que je les ai bien mentionnés - qui resteraient même dans un mémoire nouvellement rédigé.

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.

M. Duhaime: Au point où nous en sommes, puisqu'on est en train de se réconcilier, il me reste à vous remercier.

Le Président (M. Rancourt): Aucun autre intervenant? Donc, ceci termine la présentation du mémoire de la Ligue de l'électricité du Québec.

Nous allons demander à l'Association des distributeurs de gaz propane de la province de Québec Inc., de prendre place. Donc, l'Association des distributeurs de gaz propane de la province de Québec Inc., si vous voulez vous présenter, s'il vous plaît. (21 h 30)

Association des distributeurs de gaz propane de la province de Québec

M. Ratté (Gérard): M. le Président, M. le ministre, MM. les membres de la commission élue permanente de l'énergie et des ressources, avant de répondre à vos questions, s'il y a lieu, sur le mémoire que nous avons déposé, permettez-moi de vous présenter les directeurs de l'Association des distributeurs de gaz propane (APQ) qui sont avec moi ce soir.

À ma gauche, M. Richard Pronovost, ingénieur consultant de Lavalin, qui n'est pas un directeur, mais qui nous a aidés à préparer le mémoire; M. Guy Marchand, secrétaire-trésorier de l'association et secrétaire-trésorier de Gaz Bleu, à Valleyfield. Je vais passer ces deux-là pour vous les présenter parce que ce sont des invités importants pour nous. À mon extrême droite, M. Guy Boutin, directeur de l'association et vice-président de ICG Gaz liquide; M. Guimond Beaulieu, premier vice-président de l'Association des distributeurs de gaz propane du Québec et directeur des ventes de ICG Gaz liquide.

Dans le mémoire que nous avons présenté, nous avons mentionné que l'APQ était affiliée à l'Association de gaz propane du Canada, comme dans toutes les autres provinces. Devant l'importance du mémoire, l'association canadienne nous a délégué deux invités en la personne de M. le président de l'Association de gaz propane du Canada, M. Bob Andrews, qui est vice-président au marketing de Dome Petroleum, et de M. Greg Doiron, directeur général exécutif de l'Association de gaz propane du Canada.

Le Président (M. Rancourt): Et vous êtes M. Ratté, j'imagine?

M. Ratté: Gérard Ratté, de la Coopérative fédérée Sanicour.

Le Président (M. Rancourt): Merci.

M. Ratté: L'Association des distributeurs de gaz propane du Québec Inc., aussi connue sous le nom de l'Association Propane Québec, (l'APQ) compte 29 membres en règle, dont les plus importants distributeurs de propane du Québec, et est représentative de l'industrie du propane au Québec. Les buts de l'APQ sont de promouvoir le développement de l'industrie, d'améliorer les procédés en usage et de représenter l'industrie.

L'APQ est désireuse de contribuer aux travaux de cette commission en lui soumettant respectueusement ce mémoire qui traite essentiellement de trois points: premièrement, faire connaître l'APQ, les activités de ses membres et les services qu'ils rendent à la population; deuxièmement, définir la gaz propane, combustible et carburant, ses propriétés physiques et chimiques, ses avantages et la part qu'il occupe dans le bilan énergétique du Québec; troisièmement, identifier les problèmes auxquels l'industrie québécoise du propane doit faire face et suggérer des initiatives gouvernementales et autres pour les régler.

Le gaz propane, qui peut servir de combustible et de carburant, combine les qualités de propreté du gaz naturel à la commodité de transport et de réserve à l'état liquide, comme le mazout. Il est commode, sûr et disponible en grande quantité pour au moins quinze ans à venir. Depuis plusieurs années, le Canada en exporte plus aux États-Unis et au Japon qu'il n'en consomme.

Le Québec s'approvisionne en propane de deux sources: les raffineries québécoises fournissent environ la moitié de nos besoins; le reste provient par chemin de fer de l'usine de fractionnement des liquides des gaz naturel de Dome Petroleum à Sarnia, en Ontario, qui, elle, s'alimente à partir des puits de gaz naturel de l'Ouest canadien par pipeline. L'infrastructure nécessaire à l'expansion des marchés de propane au Québec est déjà en place dans toutes les régions du Québec, même les plus reculées. Le Québec compte plus de 550 points de vente de propane, combustible et carburant, employant directement plus de 600 personnes permanentes et 1000 personnes indirectement. La consommation de propane au Québec ne représente que 1% du bilan énergétique du Québec, mais les Québécois ont dépensé environ 150 000 000 $ en 1982 pour se le procurer. J'aimerais vous faire remarquer qu'un minimum de 125 000 000 $ sont investis présentement dans l'industrie pour un volume de 500 000 000 de litres principalement à cause des dernières capitalisations sur la carburation.

L'APQ est d'avis que le gaz propane, dont le potentiel est mal connu du public et ignoré dans les statistiques énergétiques gouvernementales, pourrait remplacer avantageusement le mazout léger, ainsi que l'essence sur le marché québécois et ainsi contribuer à réduire la dépendance du pétrole brut importé. En effet, 75% du propane vendu au Québec provient du brut et du gaz naturel canadien. Il est également a prévoir que les raffineries québécoises devront s'approvisionner à court et à moyen terme d'une quantité de plus en plus importante de pétrole importé à cause de l'insuffisance croissante de la production canadienne de pétrole brut.

L'APQ est entièrement d'accord avec les objectifs énergétiques du gouvernement du Québec qui sont de diversifier ses sources d'énergie dans la mesure du possible et est convaincue que le gaz propane est une de ces sources d'énergie que le gouvernement québécois devrait sérieusement considérer.

À l'heure actuelle, le gaz propane ne peut être vendu à un prix compétitif avec le mazout léger qu'on désire déplacer.

L'APQ est préoccupée par les coûts élevés de transport du propane depuis les sources d'approvisionnement jusqu'aux consommateurs. À cet effet, elle souhaite qu'une étude soit entreprise pour trouver les moyens de réduire les coûts de transport.

L'APQ désire que le propane ne soit pas assujetti à la taxe provinciale de 9%, tout comme le mazout et le gaz naturel. L'APQ désire aussi que le propane carburant ne soit pas assujetti à la taxe de carburant de 40%, tout comme le gaz naturel comprimé.

L'industrie québécoise du gaz propane ne demande pas de traitement de faveur, mais elle demande de jouir des mêmes privilèges que la concurrence. Permettez-moi de vous spécifier que les gouvernements de l'Ontario, de l'Alberta et de la Saskatchewan n'exigent aucune taxe tant sur le carburant que sur le chauffage - en Colombie britannique, il y aura sur certains carburants, par exemple, pour les "lift tracks", mais le carburant routier n'est pas taxé et ceci est reconnu depuis un peu plus de trois ans, selon les places. Ces gouvernements ont reconnu l'importance à accorder au propane en abolissant ou en réduisant les taxes de vente et de carburant pour ce produit.

L'APQ est déterminée à doubler sa part du marché québécois dans une période de six ans en déplaçant une partie du marché du mazout léger et de l'essence. À cette fin, l'APQ souhaite qu'une étude soit faite pour identifier les marchés disponibles pour le gaz propane en fonction du prix à l'usager avec d'autres sources d'énergie disponibles.

M. le Président, M. le ministre, MM. les membres de la commission, l'APQ est heureuse de pouvoir participer aux travaux de la commission et vous remercie de lui avoir fourni l'opportunité de s'exprimer. Soyez assurés de notre entière collaboration.

Le Président (M. Rancourt): Merci beaucoup. M. le ministre.

M. Duhaime: Votre mémoire indique qu'en 1973 la consommation de propane était d'environ 547 000 mètres cubes et qu'en 1981 vous en étiez à 500 000 mètres cubes, donc un marché à la baisse. Vous nous dites maintenant que vous voulez aller vers une croissance. Quels sont vos chiffres en termes de scénario de pénétration pour déplacer le

mazout ou déplacer l'huile à chauffage et son utilisation comme carburant, aussi bien en pourcentage qu'en milliers de mètres cubes?

M. Beaulieu (Guimond): Les chiffres de pénétration, vous voulez dire?

M. Duhaime: Vos scénarios.

M. Beaulieu (Guimond): Quel est le but? Il est entendu que, pour pénétrer un marché, il faut être concurrentiel. Vous avez deux secteurs totalement différents; on parle du secteur chauffage. Pour déplacer le secteur chauffage ou le mazout, il y a certainement beaucoup d'endroits dans la province de Québec où, en dehors des lignes de gaz naturel, le propane serait idéal, soit pour le prédéveloppement ou encore dans d'autres endroits où le nombre de lignes électriques n'est pas suffisant ou vous avez d'autres problèmes; le propane pourrait déplacer le mazout. La pénétration, sera toujours selon les possibilités de vente. Cela veut dire que la différence qu'il y a à l'heure actuelle est la suivante: dans la province de Québec, il n'y a pas de taxe de vente sur le mazout; si vous le remplacez par du propane, il y a une taxe de vente de 9%. Cela fait 9% de différence pour le client et, comme base, le prix du propane est équivalent au prix du gaz naturel à la source, au puits. C'est le transport qui augmente notre coût tellement que, rendu ici, il y a 0,04 $, 0,05 $ ou 0,06 $ le litre de transport par chemin de fer à cause de la distance à parcourir, c'est ce qui fait qu'on n'est pas directement concurrentiels. Avec 9% de taxe, plus le transport, nous ne sommes pas concurrentiels.

Or, si vous parlez de la carburation, vous avez le même phénomène qui se produit. Au point de vue de la carburation, vous avez 40% de taxe sur le propane et le propane est toujours une énergie qu'il faut calculer au point de vue de la qualité, de BTU ou de la valeur calorifique. Le propane se compare à 110 000 BTU et l'huile à chauffage ou autres à 165 000 BTU. Il faut quand même faire la part des choses. Si vous vendez l'huile 0,30 $ le litre, pour être concurrentiel, le propane doit être vendu environ 0,22 $ ou 0,23 $ le litre, en considérant le nombre de BTU qu'il contient. Si vous vendez 0,22 $ ou 0,23 $ le litre plus 9%, vous augmentez d'un peu plus de 0,02 $ le litre et c'est là que notre différence disparaît. Il serait possible pour l'industrie de vendre son produit sans la taxe et d'être concurrentielle, mais avec la taxe cela est presque impossible.

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.

M. Duhaime: Vous allez comprendre que je ne peux pas prendre la parole au nom de mon collègue des Finances, mais les revenus de 9% sur le propane, au Québec, représentent des entrées de fonds au Trésor d'environ 2 400 000 $ par année. Êtes-vous absolument certains que si, par hypothèse, nous décidions d'enlever cette taxe, cela vous mettrait en affaires? C'est drôle, j'ai le sentiment que c'est davantage votre coût de transport qui fait la différence. Les membres de votre association s'approvisionnent à partir d'où, grosso modo?

M. Beaulieu (Guimond): Pour la plupart, c'est à partir de Sarnia ou des raffineries de Montréal.

M. Duhaime: Quelle est la proportion?

M. Beaulieu (Guimond): Les prix sont les mêmes; que le produit vienne de Sarnia ou de Montréal, les prix sont équivalents. Ni plus ni moins, le coût du produit à la raffinerie de Montréal est, comme base, disons 0,20 $ le litre; le prix de Sarnia sera 0,18 $ plus 0,02 $. Il revient à 0,20 $ lui aussi, c'est équivalent.

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.

M. Duhaime: On parle d'un marché de 500 000 litres par année; êtes-vous en mesure de nous dire quelle est la proportion du volume de propane achetée à Sarnia par rapport à Montréal?

M. Beaulieu (Guimond): Oui, avant cette année, c'était 50-50, la moitié. Parce que les raffineries à Montréal ont commencé à diminuer leur production ou à fermer, la proportion de Sarnia va probablement augmenter à 75-25.

Quand vous parliez tout à l'heure de votre collègue des Finances, vous disiez: Cela rapporte X milliers de dollars au gouvernement. C'est faux dans un sens, parce que, quand vous remplacez du mazout par du propane, s'il est taxé, cela va engendrer une taxe nouvelle, mais s'il n'est pas taxé, cela ne changera pas le revenu du ministère des Finances, parce qu'on déplace du mazout qui n'est pas déjà taxé. Si on le remplace par du propane qui n'est pas taxé, cela ne changera pas les revenus du ministère des Finances. On parle au point de vue du chauffage.

M. Duhaime: Au point de vue du chauffage, mais pas comme carburant.

M. Beaulieu (Guimond): Non, pour le carburant, c'est différent, mais au point de vue du chauffage cela ne change absolument rien pour le ministère des Finances.

Le Président (M. Rancourt): M. le

ministre.

M. Duhaime: Autrement dit, vous proposez de détaxer un produit qui, suivant vos dires, va avoir le plus gros de sa valeur ajoutée à Sarnia, par rapport à Montréal, dans une proportion de 75-25. (21 h 45)

M. Beaulieu (Guimond): Oui. Vous avez un produit qui vient de Sarnia, c'est sûr. En plus, c'est un dérivé directement du gaz naturel. Il ne faut pas oublier cela: le propane est dérivé du gaz naturel. Donc, si vous avez plus de pénétration de gaz naturel, soit dans la province de Québec ou ailleurs au Canada, vous allez avoir une plus grande production de propane, automatiquement. Vous avez plus de 50% de la production du Canada qui est vendue à l'extérieur. Je prétends qu'on ferait peut-être mieux, comme l'Ontario l'a fait, d'enlever la taxe de route sur le produit pour tâcher de promouvoir la carburation au propane, pour garder le produit canadien ici et, automatiquement, remplacer le pétrole étranger.

M. Duhaime: Je comprends qu'on vit dans l'Est canadien. Dieu sait que c'est le Québec qui paie le gros prix de ce qu'on appelle techniquement la rationalisation dans le secteur pétrolier. Je pense qu'une des conséquences, indépendamment de toute la question de la pétrochimie - vous venez de l'identifier - c'est qu'il y a un déplacement des approvisionnements de Montréal vers Sarnia pour ce qui est de votre produit. Avez-vous des chiffres, soit pour le Québec soit à l'échelle canadienne, sur les potentiels en approvisionnement pour ce qui est de l'avenir en propane pour le Canada? Je pense que vous avez identifié quelqu'un de Dome avec vous tantôt.

M. Beaulieu (Guimond): Oui, c'est cela. Je vais demander à M. Andrews de vous répondre.

Le Président (M. Rancourt): M.

Andrews.

M. Andrews (Bob): Gentlemen, I am going to speak to you in English. I presume that is acceptable.

Une voix: Sure.

M. Andrews: I would like the question to be repeated, please.

Le Président (M. Rancourt): Voulez-vous répéter la question, M. le ministre?

M. Duhaime: My question is this: As far as your association is concerned, do you have any guess, any figures or indications as to what is the perspective as far as the propane is concerned on the Canadian level or the Québec level, as far as the future is concerned?

Le Président (M. Rancourt): M.

Andrews.

M. Andrews: The association has prepared a supply forecast which is available to your committee. In addition to this supply forecast, there have been a number of consultants who have done supply and demand forecasts on propane in Canada as well as individual companies forecasts. All of these forecasts suggest a rather large surplus of propane. When I say "surplus", I mean surplus to the projected demands that we foresee for the next five to ten years in Canada. In summary, we export today about half of the propane that is produced in Canada. Therefore, on a long term basis, we foresee readily available supplies of propane for Canadian demands.

M. Duhaime: And how about Pétromont? Would you guess anything if... What could be your forecast about the possibility for Pétromont to get a feed-stock at a competitive price so that our petrochemical industry could go from West to Sarnia and then to Montreal? This is about the point of view, not from your association, from... I would rather grab on your Dome association or Dome expertise on this question.

M. Andrews: I want to assure you, Sir, that I have my association hat on today, not my Dome hat. From a point of view of supply, supply is available at Sarnia - as I believe was mentioned earlier - for all Canadian demands, including petrochemical demands. Whether or not that propane can reach Pétromont economically is a matter that I guess the market place will have to decide. I cannot answer that question. I can say though that small volumes of propane have moved into Pétromont's facilities from time to time in the past and they may well move again in the future. Over the long term, I cannot speak to the economics.

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.

M. Duhaime: Thank you, Mr. Andrews. Je vous remercie beaucoup.

M. Andrews: Merci beaucoup.

M. Duhaime: Je vais laisser la parole à mes collègues qui ont sans doute d'autres questions à vous poser.

Le Président (M. Rancourt): M. le

député d'Outremont.

M. Fortier: M. Ratté, j'ai remarqué que ceux qui vous accompagnent ont des fonctions de direction dans des compagnies de distribution de propane, surtout en région. Quand on parle de pénétration du propane, avez-vous en tête certaines clientèles? Est-ce qu'on parle plutôt de milieu agricole? Est-ce qu'on parle plutôt de régions un peu éloignées de Montréal et de Québec? Sans avoir fait une étude, parce que je vois qu'ici vous recommandez qu'on en fasse une, mais d'après l'expérience que vous avez au jour le jour, quel genre de clientèle est attirée par votre produit? Est-ce que je me trompe - je ne connais pas beaucoup la clientèle agricole - en disant que la clientèle agricole pourrait être intéressée par votre produit par rapport à d'autres clientèles?

Le Président (M. Rancourt): M. Ratté.

M. Ratté: Nous avons déjà une clientèle agricole très importante. Maintenant, ce que l'association déplore, c'est peut-être le manque de reconnaissance lorsqu'on fait des prévisions sur les remplacements de produits provenant de pétrole brut en n'incluant pas à ce moment-là le propane. Le propane, on y pense beaucoup comme un instrument de camping, alors que ce peut être un instrument de chauffage sur le haut d'une montagne, ce peut être le chauffage par excellence en Gaspésie, ce peut être le chauffage en cas de manque d'électricité, là où le gaz naturel ne peut pas se rendre.

M. Fortier: Aux Îles-de-la-Madeleine en particulier.

M. Ratté: N'importe où. C'est parce que cela...

M. Duhaime: Le meilleur exemple.

M. Ratté: ...se transporte exactement comme du mazout. On croit quand même qu'on a un rôle à jouer dans la politique énergétique et on voudrait être reconnu comme tel.

M. Fortier: La raison pour laquelle je posais la question, c'est que je m'aperçois bien que votre argumentation, c'est de dire: On aimerait avoir une place au soleil; on croit que, si la politique, c'est de développer le mazout qui, dans l'avenir, va être surtout du mazout importé, cela devrait être considéré comme étant un substitut aussi bon que n'importe quelle autre forme d'énergie. Je vous suis quand vous dites cela. Vous nous dites que cela pourrait l'être en plus dans certaines régions, où il n'y aura pas de gaz, où l'électricité peut être très chère comme aux Îles-de-la-Madeleine. Vous savez, le gouvernement a incité les gens des Îles-de-la-Madeleine à aller vers l'électricité, à un moment donné; je ne sais pas lequel, d'ailleurs.

Une voix: Ah!

M. Duhaime: Les deux.

M. Fortier: Les deux. Et, maintenant, cela coûte une fortune, parce que l'électricité est générée à partir du pétrole. Si on avait pensé à votre produit, je pense que cela aurait été la meilleure chose sur la terre pour tout le monde. Votre recommandation, c'est qu'il faudrait que le ministère de l'Énergie et des Ressources étudie le dossier un peu plus à fond. Sans penser à faire pénétrer votre produit à Montréal et à Québec, et partout au Québec, je pense qu'il y aurait certainement des régions du Québec, surtout les régions où le gaz ne se rendra pas - on sait qu'il y a des régions du Québec où le gaz ne se rendra pas - où cela pourrait déplacer le mazout d'une façon avantageuse. Je crois que c'est dans ce sens-là qu'on devrait le considérer.

Je vous remercie d'avoir soulevé le problème. Je dois vous dire que je m'aperçois maintenant, d'après la connaissance que j'avais de votre produit avant de lire votre dossier, que c'est un gaz et un liquide; c'est un liquide à 150 livres par pouce carré. Quand j'étudiais pour être ingénieur, j'avais appris cela, mais j'ai oublié. En politique, vous savez, on ne retourne pas voir nos livres souvent. Mais je m'aperçois que, comme vous le dites, il y a plusieurs endroits au Québec où on devrait penser à ce produit-là et lui faire la place qui lui revient. Autrement dit, je crois qu'il y a des créneaux au Québec qu'on devrait privilégier et, si on identifiait la clientèle qui serait desservie par ces créneaux, je crois que ce serait beaucoup plus facile d'aller voir le ministre des Finances pour lui dire: Écoutez! Pour ces créneaux, pour ces clientèles, on devrait faire une place pour votre produit.

Je souhaite qu'on accepte les recommandations que vous faites: une étude sur le transport et une étude sur la taxe en relation avec le genre de clientèles, la part du marché québécois. Vous semblez écrire ces recommandations en disant qu'il faudrait que le gouvernement le fasse, mais la question que j'aimerais vous poser est la suivante. Votre association est prête à investir dans ces études-là, j'imagine.

Le Président (M. Rancourt): M. Ratté.

M. Ratté: Oui, définitivement. On veut avoir notre place, on est prêt à collaborer et je pense que c'est déjà commencé. On a travaillé en collaboration avec la Régie de

l'assurance automobile sur le rapport Lavalin concernant les autobus scolaires. Je pense qu'on a prouvé notre bonne foi dans cela. Je suis d'accord avec vous pour ce qui a trait au chauffage, mais il y a aussi la partie carburant où on pense quand même qu'on est peut-être mis un peu de côté comparativement au gaz naturel.

Quand M. Beaulieu disait tout à l'heure qu'à l'avenir 75% du propane viendra de Sarnia, donc de l'Ouest, donc d'un dérivé du gaz naturel... Dans les expertises qu'on fait on peut trouver du gaz naturel aussi dans la province. À ce moment-là, on se pose la question suivante à l'APQ: Comment se fait-il que dans la ville de Montréal on ouvre des stations-service de gaz naturel sans taxe sur la carburation alors que le propane, qui est un dérivé direct du gaz naturel, est taxé à 40%? C'est une autre partie, évidemment.

Le Président (M. Rancourt): M. le député d'Outremont.

M. Fortier: Vous soulevez une bonne question. J'imagine qu'il faudrait se poser la question à savoir si on encourage les gens à aller vers le gaz naturel comprimé ou si on doit les encourager à aller vers votre produit? Je ne sais pas s'il y a de la place pour les deux produits sur le marché, compte tenu des modifications aux moteurs. Est-ce que vous pouvez répondre à cette interrogation?

M. Beaulieu (Guimond): Vous avez de la place pour les deux...

Le Président (M. Rancourt): Si vous permettez, je dois faire tout de suite une rectification. Tantôt je vous ai identifié comme étant M. Boutin et, pour les fins du journal des Débats, je voudrais rectifier et dire que vous êtes M. Beaulieu.

M. Fortier: On accepte votre baptême.

Le Président (M. Rancourt): M.

Beaulieu.

M. Beaulieu (Guimond): La différence c'est que le gaz naturel pour la carburation a peut-être sa place au soleil comme les autres mais dans un rayon peut-être un peu moins grand. Il faut quand même avouer aussi qu'à l'heure actuelle, partout dans la province de Québec, incluant la ville de Montréal et les autres, il y a au-delà de 125 postes de ravitaillement déjà installés, de l'ordre de 30 000 $ ou 35 000 $ pour chacun d'eux. Ils sont déjà en place, prêts à fonctionner. Les gens de l'association ont investi de l'argent, ils sont prêts à en investir encore pour tâcher de donner le service disponible à l'heure actuelle.

M. Fortier: Et au même moment...

M. Beaulieu (Guimond): Peu importe que le type soit au Lac Saint-Jean ou en Gaspésie, il peut se procurer du propane actuellement. On déplore que dans la province de Québec on n'ait pas tout à fait assez de rendement concernant les investissements. Donc, actuellement ce sont les camions de l'Ontario et d'ailleurs qui s'approvisionnent en gaz, mais cela ne veut pas dire que cela bâtira le volume pour tâcher de maintenir ces stations en opération. C'est un début mais on veut les augmenter et c'est normal.

M. Fortier: Ce que vous dites c'est qu'il y a plusieurs postes...

Le Président (M. Rancourt): M. le député d'Outremont.

M. Fortier: ...de distribution qui existent déjà, que vous avez construits sans subvention...

M. Beaulieu (Guimond): Sans subvention.

M. Fortier: ...et au même moment le gouvernement fédéral, en collaboration avec le provincial, investiront 100 000 $ ou 125 000 $ en subventions...

M. Beaulieu (Guimond): II n'y a pas de subvention là-dedans.

M. Fortier: ...pour créer des postes...

M. Beaulieu (Guimond): Ils l'ont fait pour le gaz naturel. Il y a une subvention fédérale pour le gaz naturel mais pas pour le propane.

M. Fortier: Pour le gaz naturel comprimé. Je crois que vous soulevez une bonne question. Cela illustre peut-être le fait qu'il y avait une certaine ignorance quant à votre produit. On doit vous féliciter d'être venu devant la commission pour nous instruire des bénéfices de votre produit. On espère qu'à l'avenir ce sera pris en considération.

M. Beaulieu (Guimond): Je voudrais vous mentionner...

Le Président (M. Rancourt): M.

Beaulieu.

M. Beaulieu (Guimond): ...quelque chose. À la page 25 de notre mémoire, quand vous parliez tout à l'heure de l'étude du marché... Dans la province de Québec on a présentement 500 000 000 de litres vendus. L'industrie du propane ce n'est pas quelque chose qui vient de naître hier matin. Cela a

quand même plus de 40 ans de labeur, peu importe... La carburation aussi existe depuis un certain temps.

Dans ce marché-là vous avez quelque 22% de marché domestique. Le marché domestique comprend autant le camping que les barbecue qu'on vend pour installer dans les patios, cela peut comprendre toutes sortes de marchés, les chalets d'été, etc. Tout cela fait partie de notre marché domestique.

Il y a aussi le marché commercial qui comprend 19%. Il y a beaucoup de restaurants et la cuisson dans un restaurant ne se fait pas à l'électricité. Si vous engagez un chef et que vous avez un poêle électrique, il prendra son chapeau, il le mettra là et fichera le camp. C'est ainsi que cela se passe. C'est du gaz pour la cuisson. Si vous voulez avoir une bonne cuisson, c'est du gaz. Automatiquement, en dehors de la ligne du gaz naturel, vous allez être obligés d'avoir du gaz encore. Il est là. (22 heures)

On ne parle pas, non plus, de l'histoire de la taxe de vente. La taxe de vente fait partie de cette partie-là. On accepte cette partie-là comme taxe de vente. Vous avez le marché industriel: en dehors de la ligne du gaz naturel, vous allez avoir besoin du gaz aussi. Il y a certaines applications, pour les fours et toutes sortes de choses comme cela où vous êtes obligés d'avoir du gaz pour faire de la fabrication. C'est une partie du marché industriel. Vous avez le marché agricole. Dans le marché agricole, on ne peut pas parler de la taxe, parce que la taxe n'existe pas quand on fait l'élevage du poulet, ou de la dinde, ou quoi que ce soit. Par contre, vous allez avoir un cultivateur qui a deux ou trois poulaillers. Il emploie du gaz dans ses poulaillers et, à sa maison privée, à côté, il emploie de l'huile à chauffage. Il voudrait changer sa fournaise pour la mettre au gaz; c'est du remplacement d'énergie. On va être obligé de mettre un autre réservoir et de lui facturer 9%. Cela ne marche pas. C'est la partie qui ne marche pas.

Ensuite, vous avez la partie de la pétrochimie. Il y a un certain pourcentage qui est vendu en pétrochimie et on sait que cela va augmenter aussi. Tout ce qu'on veut - on a 1% du bilan énergétique de la province - on veut savoir si on a une place au soleil dans la province et si on a des possibilités, de tâcher de les développer. C'est cela qu'on veut. Et on a besoin de votre aide.

M. Fortier: J'ai appris beaucoup. Je vous remercie de m'avoir instruit sur le sujet.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Beauharnois.

M. Lavigne: M. le Président, très brièvement, justement pour continuer à instruire tout le monde autour du gaz propane. Il y a une chose que j'ai un peu de difficulté à comprendre, c'est que vous avez ici autour de la table qui présente le mémoire un nommé Guy Marchand qui s'occupe du commerce du gaz propane sous le nom de Gaz Bleu, à Valleyfield.

Une voix: À Valleyfield? M. Lavigne: À Valleyfield. Une voix:Pas de farce.

M. Lavigne: II est installé là depuis déjà un bon nombre d'années et, chose difficile à comprendre, c'est que Valleyfield est une région, comme vous le savez, où il y a un barrage hydroélectrique, où l'électricité nous sort par les oreilles. On a aussi le gaz naturel; on a, en fait, à peu près toutes les formes d'énergie. Et, malgré les 9% - je ne veux pas dire que je ne veux pas défendre votre dossier, mais je veux m'instruire - vous arrivez... Je ne connais pas votre bilan financier, M. Marchand, ni vos rapports d'impôt, mais à vous regarder aller, cela a l'air prospère, votre "business". Il y a toujours de beaux camions neufs, des employés qui n'ont pas l'air de se plaindre de leur paie, et l'entreprise a l'air, vue de l'extérieur, prospère. Je suis content de voir des entrepreneurs prospères dans Valleyfield et je vous encourage à continuer. Et, s'il y a lieu de couper la taxe de 9%, on va en discuter ensemble. Mais, vous ne me faites pas pitié, présentement, comme entrepreneur dans le coin, en dépit des sources énergétiques de pétrole, d'électricité et de gaz naturel. Je ne sais pas si vous avez une argumentation à développer autour de ce que je viens de vous dire, mais cela a l'air de bien aller. J'ai compris, en grande partie, pourquoi cela va bien. J'ai l'impression que vous êtes aux abords d'une zone qui est quand même agricole et je viens d'apprendre que quand vous vendez aux agriculteurs, vous n'avez pas la taxe de 9%. C'est probablement... Comme question, sérieusement, j'aimerais savoir si vous êtes en mesure de me dire, sur l'ensemble de vos ventes annuellement, quel est le pourcentage de vos ventes qui est touché par la taxe de 9% et le pourcentage qui ne l'est pas. En fait, quel est le pourcentage vendu aux cultivateurs et l'autre pourcentage vendu aux autres qui se trouvent à être taxés? Est-ce que c'est 50-50, ou 75-25?

Le Président (M. Rancourt): M.

Marchand.

M. Fortier: Si vous voulez répondre.

Le Président (M. Rancourt): Si vous voulez répondre.

M. Fortier: Vous n'êtes pas obligé.

M. Ratté: La foi soulève les montagnes, n'est-ce pas? C'est peut-être pour cela... Quand on est positif, la foi soulève les montagnes. Je vais laisser Guy, quand même... Je m'excuse, M. le Président.

Le Président (M. Rancourt): M.

Marchand, si vous voulez.

M. Marchand (Guy): D'abord, je tiens à vous remercier pour les compliments que vous avez faits à l'endroit de l'entreprise. Je tiens cependant à souligner que c'est une suite de générations dans la famille. Cela existe depuis 1957. Alors, le départ vient de mon grand-père et de mes parents. C'est exactement ce que M. Ratté a dit: c'est beaucoup de foi. Le marché du propane, je le trouve illimité. Il s'agit tout simplement de chercher. Et en cherchant, les applications viennent au fur et à mesure. Le pourcentage de taxes actuellement au Canada est à peu près à 15,1, vous le remarquez dans le mémoire. Chez nous c'est sensiblement la même chose pour la partie de l'agriculture. Les applications qu'on peut trouver au gaz propane, j'en vois à tous les jours, il s'agit tout simplement de se mettre dedans. Le plus grand inconvénient qu'on y trouve c'est surtout la partie de la taxe de vente quand vous arrivez en concurrence avec le gaz naturel. Plus souvent qu'autrement, l'approvisionnement du gaz propane est plus fort; c'est prouvé, le président de l'association canadienne nous l'a dit, le gaz propane il y en aura pour les 30 prochaines années, nos réserves sont illimitées. Le problème du gaz naturel c'est justement de se rendre à la maison ou à l'industrie. Pour nous c'est beaucoup plus facile, c'est liquide, c'est transportable dans un camion. C'est là qu'est le marché pour nous. Ce n'est pas autre chose que cela. Mais, comme je vous dis, la taxe de vente influe beaucoup dans le prix.

M. Lavigne: M. Marchand, je vous invite à continuer à être agressif comme vendeur de gaz propane et, si l'on peut vous donner un coup de main dans le secteur gouvernemental, on le fera. Merci.

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.

M. Duhaime: M. le Président, je veux donner une précision sur la réponse que vous avez donnée à mon collègue de Beauharnois, M. Marchand. La portion de vos ventes qui est assujettie à la taxe.

M. Marchand: J'ai répondu à l'inverse de sa question. J'ai donné la partie qui n'est pas soumise à la taxe dans le domaine...

M. Duhaime: Donc, il y a 85% de vos ventes qui sont assujetties à la taxe. Est-ce cela?

M. Marchand: Oui, à peu près.

M. Duhaime: En gros.

M. Marchand: En gros, plus ou moins.

Le Président (M. Rancourt): M.

Beaulieu, vous avez demandé la parole.

M. Beaulieu (Guimond): Oui. Tout à l'heure on disait que cela pourrait être pratique pour les Îles-de-la-Madeleine ou ailleurs. Il y a un fait que j'aimerais relater. Le gaz propane existait à Montréal dans le temps du gaz manufacturier ou même avant que le gaz naturel ne fasse sa pénétration à cet endroit. Si l'on pouvait donner des chiffres, ce ne sont pas nécessairement des chiffres précis... Nous sommes dans la région de Montréal, à Longueil, et le volume, depuis que le gaz naturel a fait sa pénétration à Montréal, a plus qu'été multiplié par deux dans certains secteurs. Le gaz naturel amène des industries, des choses et des gens qui veulent s'installer au gaz propane. Par contre, dans d'autres régions où le gaz naturel arrive, comme à Trois-Rivières, là cela nous enlève des volumes industriels qu'on avait; le gaz propane et le gaz naturel sont très près l'un de l'autre, et ces gens étaient desservis au gaz propane. Cela va remplacer le gaz propane à certains endroits. Dans l'industrie ou même dans la proximité d'une ville, quand le gaz naturel entre avec la publicité qui se fait, le gaz propane augmente aux environs.

La possibilité d'augmenter serait plus grande si on n'avait pas la taxe... Vous parlez toujours de la taxe que le gouvernement perdrait. Ce n'est pas la taxe que le gouvernement perdrait. Je prétends que le gouvernement ne perdra pas de taxe. On vous demande de l'enlever sur le chauffage. Si la taxe était enlevée sur le chauffage, on prendrait de l'expansion sur le chauffage. Par contre, sur le camping, cette taxe peut demeurer. Tant mieux si vous l'enlevez au complet. Automatiquement, sur le chauffage vous n'avez rien à perdre à enlever. Cela ne vous coûte rien. La partie taxée aujourd'hui, camping, etc., c'est taxé. Dans l'industrie, tous ceux qui s'en servent pour faire de la transformation ne paient pas de taxe ou du moins ils ont un permis provincial. Dans le domaine de l'agriculture, les gens ne paient pas de taxe. Cela ne change absolument rien. Ce que cela va changer c'est surtout pour la personne qui

transformera sa fournaise à l'huile pour le gaz propane. On ne paie pas de taxe sur l'huile. Vous ne perdez rien. La partie, si elle est identifiée comme chauffage, vous ne perdez rien.

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.

M. Duhaime: C'est un très bon raisonnement. J'espère qu'il n'y a personne de la Ligue de l'électricité qui vous entend.

M. Beaulieu (Guimond): On les a entendus.

Le Président (M. Rancourt): M. le député d'Outremont.

M. Fortier: J'ai une question technique. On a dit tout à l'heure que dans une certaine mesure vous étiez en concurrence avec le gaz naturel comprimé comme carburation à un véhicule. Étant donné que c'est maintenu à des pressions plus basses, le volume du réservoir est beaucoup plus grand, j'imagine, n'est-ce pas?

M. Beaulieu (Guimond): Pour le propane, on peut avoir un réservoir d'environ 20 gallons qui, comparé à environ 20 gallons d'essence, va donner la même distance tandis le volume du gaz naturel, vu la haute pression, est plus petit. Cela prend aussi plus de temps pour remplir le réservoir. Il y a différents facteurs. Le parcours est moins long, c'est sûr.

M. Fortier: Autrement dit, si je transforme ma voiture au propane, cela va prendre tout mon réservoir arrière.

M. Beaulieu (Guimond): Cela dépend. Si la voiture est transformée seulement au propane, cela ne prend pas le coffre arrière. Si vous le transformez aux deux... D'ailleurs, pour obtenir la subvention fédérale pour la conversion, il faut avoir seulement le propane et non les deux. Si vous avez les deux, vous n'êtes pas admissible à la subvention.

M. Fortier: Oui, mais ceux qui ont le gaz naturel comprimé ont les deux dans bien des cas.

M. Beaulieu (Guimond): Oui, parce que...

M. Fortier: À ce moment-là, ils prennent une partie du coffre arrière, mais c'est beaucoup plus petit.

M. Beaulieu (Guimond): Oui.

M. Fortier: C'est ce que je voulais savoir.

M. Beaulieu (Guimond): Par contre, ils continuent à employer l'essence. Cela a deux côtés.

M. Fortier: D'accord.

M. Pronovost (Richard): M. le Président, est-ce que je peux apporter une réponse plus complète à la question que M. Fortier a posée tout à l'heure?

Le Président (M. Rancourt): Oui, M. Pronovost. Allez-y.

M. Pronovost: Si vous changiez votre réservoir d'essence dans votre automobile pour un réservoir de propane, le réservoir de propane devra avoir un volume 20% plus grand que celui de l'essence pour avoir la même autonomie.

M. Fortier: Hum, hum.

M. Pronovost: Est-ce que cela répond à votre question?

M. Fortier: Oui.

Le Président (M. Rancourt): Merci, M. Pronovost.

M. Fortier: Merci. On vous remercie. Cela m'a été très utile. On vous félicite d'être venus et de nous avoir informés.

Le Président (M. Rancourt): Y a-t-il d'autres intervenants?

M. Duhaime: Merci infiniment.

Le Président (M. Rancourt): Donc, nous remercions l'Association des distributeurs de gaz propane de la province de Québec Inc.

J'ai un renseignement à vous transmettre. La journée d'information qui était prévue pour demain, le 5 octobre, en raison des circonstances particulières du décès du député de Mégantic-Compton, a été reportée, d'après les renseignements que j'ai, au 12 octobre.

Une voix: La commission siégera quand même vendredi.

Le Président (M. Rancourt): Oui, mais l'ajournement se fait pour vendredi. Les auditions du 5 octobre sont reportées au 12 octobre. De plus, puisque nous en sommes là, l'ajournement est pour le vendredi 7 octobre, 10 heures.

Donc, merci et bonsoir.

(Fin de la séance à 22 h 15)

Document(s) associé(s) à la séance