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(Dix heures cinq minutes)
Le Président (M. Charbonneau): A l'ordre, s'il vous
plaît!
La commission parlementaire de l'économie et du travail reprend
ses consultations particulières sur le projet de loi 31, Loi modifiant
la Loi sur les relations du travail, la formation professionnelle et la gestion
de la main-d'oeuvre dans l'industrie de la construction et la Loi sur la
formation et la qualification professionnelles de la main-d'oeuvre.
M. le secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?
Le Secrétaire: Oui, M. le Président, il y a
quelques remplacements. M. Brassard (Lac-Saint-Jean) est remplacé par M.
Dufour (Jonquière), M. Hétu (Labelle) est remplacé par M.
Houde (Berthier) et M. Parent (Bertrand) est remplacé par M. Chevrette
(Joliette).
Le Président (M. Charbonneau): Par ailleurs, à
l'égard de l'ordre du jour, ce matin, nous allons entendre la
Corporation des maîtres mécaniciens en tuyauterie du
Québec, la Fédération des travailleurs du Québec,
section construction et, finalement, l'Association provinciale des
constructeurs d'habitations du Québec. Cet après-midi,
après la reprise, nous entendrons l'Association des entrepreneurs en
construction du Québec, suivie de l'Union des municipalités du
Québec. Ce soir, nous finirons avec la Centrale des syndicats
démocratiques et la Fédération des commissions scolaires
catholiques du Québec. Est-ce que cela va? Il n'y a pas de...
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Et on poursuit demain.
Le Président (M. Charbonneau): Nous allons pourvuivre,
semble-t-il, demain, à moins que le ministre ne change d'idée et
ne décide de retirer son projet de loi.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Trop populaire!
Le Président (M. Charbonneau): Est-ce que l'ordre du jour
est adopté?
Des voix: Adopté.
Le Président (M. Charbonneau): Adopté. Très
bien. Nous accueillons maintenant la Corporation des maîtres
mécaniciens en tuyauterie du Québec. Je crois que le
président, c'est M. Normand Bureau?
Une voix: Correction.
Le Président (M. Charbonneau): Correction? Alors, quel est
le président?
M. Favre (Michel): Pardon, M. le Président.
Mon nom est Michel Favre. Je suis directeur général de la
corporation des maîtres mécaniciens.
Le Président (M. Charbonneau): Bon, d'accord.
M. Favre: M'accompagnent le nouveau président de la
corporation, M. François Lemay, assis à ma droite, M. Normand
Bureau, qui est membre du comité exécutif de la corporation, et
John White, qui est conseiller juridique.
Le Président (M. Charbonneau): D'accord. Qui va
présenter le mémoire?
M. Favre: Ce sont MM. Lemay et Bureau.
Le Président (M. Charbonneau): Alors, que le premier
commence. Vous avez une vingtaine de minutes pour faire la présentation
de votre mémoire avec votre collègue. Par la suite, les membres
de la commission ont le reste de l'heure qui vous est consacrée pour
entamer des discussions avec vous.
Corporation des maîtres mécaniciens en
tuyauterie du Québec
M. Lemay (François): Merci beaucoup. La Corporation des
maîtres mécaniciens en tuyauterie du Québec regroupe
près de 2300 entrepreneurs en mécanique du bâtiment. Cette
corporation a été créée par la Loi sur les
maîtres mécaniciens en tuyauterie. Cette loi vise à assurer
une plus grande compétence des membres de la corporation. Dans cet
esprit, elle vise également à assurer une plus grande
sécurité du public et le mieux-être de l'ensemble du public
consommateur.
Dans le but de répondre aux objectifs fixés par sa loi
constitutive, la corporation a établi différents services qui
permettent d'aider les membres dans l'exercice de leur profession. Elle a
également instauré un comité de discipline et de
pratique professionnelle qui voit à faire respecter les règles
d'éthique et les règlements de la corporation. Elle a
également établi un service d'enquête qui lui permet, entre
autres, de prendre connaissance des plaintes des consommateurs.
Les dispositions de la Loi sur les maîtres mécaniciens
prévoient que seul l'entrepreneur dûment qualifié et membre
de la Corporation des maîtres mécaniciens en tuyauterie est
habilité à entreprendre des travaux d'installation, de
réparation, de modification ou de réfection des
installations de tuyauterie.
La corporation a toujours offert aux autorités sa collaboration
pour tenter de résoudre les problèmes qui assaillent l'industrie
de la construction. Nous sommes donc déçus de la façon
avec laquelle ce projet de loi fut déposé. De plus, on semble
encore une fois vouloir faire adopter une mesure législative importante
à la vapeur, après avoir mis les intervenants devant un fait
accompli ou presque.
À première vue, le projet de loi vise à exclure du
champ l'application de la Loi sur les relations du travail, la formation
professionnelle et la gestion de la main-d'oeuvre dans l'industrie de la
construction tous les travaux d'entretien, de rénovation, de
réparation et de modification que veut faire exécuter une
personne physique à des fins personnelles. Autrement dit, les
entrepreneurs pourront payer Ses salaires qu'ils voudront à leurs
salariés, s'ils en trouvent, et n'auront plus l'obligation de faire des
rapports, des retenues, etc.
Le projet de loi donne plus de pouvoirs à la Commission de la
construction du Québec pour assumer le mandat qui lui est
conféré par la loi.
La consultation rapide que nous avons pu mener auprès de nos
membres nous permet de constater qu'ils s'interrogent et sont inquiets.
Plusieurs entrepreneurs considèrent ainsi que le projet de loi ne
règle en rien le problème du travail au noir. Ces interrogations,
ces inquiétudes, ces problèmes trouvent leur source dans la
réalité quotidienne du milieu.
Le milieu peut se décrire ainsi: premièrement, il y a
l'artisan qui travaille seul ou parfois avec un employé et qui fait de
la réparation ou de la construction. Il y a l'entreprise moyenne qui
fait beaucoup de réparation et de la construction. Enfin, il y a
l'entreprise plus grosse qui fait surtout de la construction et qui assure
aussi un service de réparation.
Savez-vous que le plombier qui exécute du travail
résidentiel est le même qui répare aussi chez le fleuriste,
le garagiste et l'épicier du coin? C'est aussi lui qui entretient les
appareils à gaz des restaurants et le chauffage de l'immeuble à
logements. Donc, ce sont trois catégories d'entreprises qui ont chacune
leurs particularités et qui fonctionnent de façon
différente. Cependant, face à ce projet de loi, leurs
interrogations se rejoignent car les trois catégories d'entreprises
exécutent des travaux assujettis et non assujettis par rapport au projet
de loi 31.
La première interrogation porte sur le champ d'application de
l'exclusion créée par le projet de loi. Plusieurs questions
peuvent se poser. Que signifie vraiment l'expression "aux fins personnelles
autres qu'industrielles ou commerciales d'une personne physique"? Ainsi, par
exemple, la réparation d'un équipement sanitaire devant
être effectuée dans un logement situé dans un "bloc" de
huit logements où le propriétaire en occupe un est-elle exclue du
champ d'application de la loi? Le projet de loi ne nous permet pas
d'établir facilement les distinctions nécessaires. On devra donc,
pour les faire déterminer, recourir aux tribunaux. Durant ce temps, les
employeurs et les salariés vivront dans l'incertitude. Si le ministre et
le gouvernement entendent exclure certains travaux, qu'au moins cette exclusion
soit claire et qu'elle ne laisse pas de place à
l'interprétation.
Cette question fort importante sur le champ d'application de l'exclusion
créée par le projet de loi 31 n'est pas la seule qui fut
soulevée par les membres de la corporation.
M. Bureau (Normand): En effet, M. le Président, d'autres
questions se posent, aussi, surtout à la suite des déclarations
faites par le ministre. Le communiqué de presse émis par le
bureau du ministre signale aussi que ce projet de loi permettra à des
milliers de propriétaires et d'ouvriers d'effectuer au grand jour ce
qu'ils étaient contraints de faire dans l'illégalité. On
ne voit pas comment les gens étaient contraints d'agir dans
l'illégalité. Le ministre veut-il dire qu'il ne sera plus
nécessaire de détenir une licence émise par la
Régie des entreprises de construction pour pouvoir entreprendre des
travaux exclus de l'application de la loi sur les relations du travail? Le
projet de loi ne modifie pourtant en rien la Loi sur la qualification
professionnelle des entrepreneurs de construction, ni celle des maîtres
mécaniciens en tuyauterie.
Les propos ainsi tenus ont pu créer dans le public une fausse
croyance, à savoir que, du moment qu'une carte de compétence est
détenue, on peut effectuer des travaux en matière de plomberie ou
de chauffage. Il est donc essentiel que le ministre indique de façon
claire que le projet de loi n'a pas pour effet de permettre à n'importe
qui de s'improviser entrepreneur dans l'industrie de la construction.
Le communiqué de presse indiquait également que le projet
de loi aurait pour effet de donner aux consommateurs la possibilité
d'exercer plus facilement des recours en cas de malfaçon ou de
non-respect d'un contrat. Nous ne voyons pas comment le fait de donner à
quiconque le désire la possibilité d'exécuter des travaux
de rénovation, de modification, d'entretien et de réparation
rendra plus facile aux consommateurs l'exercice de ces recours. En effet, le
bonhomme aura sa carte de qualification hors décret, ses pantalons, sa
brosse à dents sans aucune autre garantie ou obligation. On verra qui
courra après lui.
En premier lieu, il faut s'assurer de l'excellence non seulement de la
main-d'oeuvre, mais également et surtout des entrepreneurs de
construction. Pour véritablement assurer aux consommateurs qu'ils
pourront exercer des recours plus facilement et plus rapidement, il faudrait au
minimum exiger la création de plans de garantie, comme le prévoit
la Loi sur le bâtiment. C'est par de telles initiatives que les
consommateurs pourront être mieux protégés. (10 h
15)
Nous ne voulons pas que l'effet de ce projet de loi soit de permettre un
accès plus facile à l'industrie pour des entrepreneurs ou des
supposés entrepreneurs qui feront de !a rénovation
résidentielle pendant six mois, un an ou deux ans et disparaîtront
par la suite en laissant toute l'industrie de la construction dans une
situation pire que celle que ce projet de loi visait à
régler.
Pour que vraiment ce projet de loi puisse rendre les recours plus
faciles, il devrait s'intégrer à un ensemble. Malheureusement,
cela n'est pas le cas. Le ministre ne semble pas être prêt à
prendre les mesures nécessaires pour faire en sorte que la Loi sur le
bâtiment vienne aussi apporter de vraies solutions aux problèmes.
C'est un ensemble qu'il faut régler et non pas seulement tenter de les
régler à la pièce. Il faut les envisager dans une
perspective beaucoup plus générale, de façon
concertée avec le milieu, et faire attention à ne pas se limiter
à appliquer des cataplasmes sur une jambe de bois.
Le ministe indiquait aussi dans son communiqué de presse: Le
projet de loi prévoit que le certificat de compétence sera
toujours exigé pour les travailleurs qui exécuteront des travaux
qui mettent en cause la sécurité du public. Or, le projet de loi
ne prévoit rien. Nous sommes, cependant, conscients que, pour les
travaux de tuyauterie, il existe présentement un règlement
adopté en vertu de la Loi sur la formation et la qualification
professionnelles de la main-d'oeuvre pour le métier de tuyauteur hors
construction. Donc, nous comprenons que le ministre fait
référence à ce règlement lorsqu'il indique que le
projet de loi prévoit qu'un certificat de compétence sera
toujours exigé. Toutefois, nous ne croyons pas que le consommateur
vérifiera lui-même davantage si le travailleur détient son
certificat de compétence.
Cela pose aussi un problème supplémentaire. En effet,
comme nous l'avons déjà indiqué, les entreprises membres
de la corporation peuvent se diviser en trois catégories. Pour le plus
grand nombre d'entre elles, le temps est partagé entre des travaux qui
seront maintenant exclus et d'autres qui seront inclus dans le champ
d'application de la loi. S'il y a deux régimes de qualification,
l'apprenti devra donc détenir deux carnets d'apprentissage. Qui va
assurer ce contrôle: le ministère du Travail ou la Commission de
la construction du Québec? Cela risque de créer des fouillis
indescriptibles au sein même de l'entreprise. De plus, il pourrait
s'avérer que la mobilité de la main-d'oeuvre à
l'intérieur même de l'entreprise soit limitée.
Maintenir un régime hybride de qualification à la suite de
l'adoption de cette loi ferait en sorte, au fil des ans, de limiter à
certains entrepreneurs la possibilité de faire de la construction neuve.
Nous sommes sûrs que cela n'est pas un des objectifs du ministre. Nous
croyons donc essentiel pour le public en général, afin qu'il
existe une véritable concurrence, qu'un régime unique de
qualification existe pour tous les travaux, tant ceux qui sont inclus que ceux
qui sont exclus. il faut également être conscients que, même
si sont exclus du champ d'application de la loi de tels travaux, on ne pourra
pas du jour au lendemain expliquer à un salarié qui gagne
présentement environ 19 $ l'heure que, maintenant, il n'en vaut plus que
10 $ car son travail n'est plus assujetti à la loi. Ce problème
se vivra partout et il est fort compréhensible que le travailleur de
l'industrie se sente méprisé. Quel respect a-t-on du travailleur
professionnel qui gagne sa vie de façon honnête en lui indiquant
qu'il devra dorénavant gagner moins cher pour certains travaux et plus
cher pour d'autres parce que l'on veut légaliser la situation de gens
qui n'ont pas respecté la loi?
Cela risque également de provoquer une pénurie de
main-d'oeuvre spécialisée. Tous les salariés voudront
probablement aller travailler à un salaire plus élevé dans
les sphères régies ou, pour le même salaire, les
employés vont choisir de travaiiler à leur propre compte.
Les salariés seront encore plus choqués de savoir que
leurs régimes complémentaires d'avantages sociaux pourront
prendre fin par règlement de la Commission de la construction du
Québec. Quant à ces régimes, tenant compte de la structure
de l'industrie et considérant, entre autres, qu'au fil des ans la part
des travaux de rénovation sera sans cesse croissante, il faut trouver
des mécanismes adéquats pour que de tels régimes existent
pour les travaux non régis. Ainsi, on pourrait envisager soit que les
personnes puissent continuer à contribuer aux régimes existant
présentement ou encore que tous les entrepreneurs de construction
puissent justifier d'une exemption s'ils démontrent qu'ils ont
établi, soit eux-mêmes personnellement, soit par l'entremise de
leur association, un régime respectant certaines normes. Il faut trouver
immédiatement une solution à ce problème et faire en sorte
que des gens ne se trouvent pas à pius ou moins long terme dans une
mauvaise situation.
En conclusion, M. le Président, l'ensemble des remarques que nous
venons de faire nous amène donc à la conclusion que, même
si le projet de loi part d'intentions louables il risque de ne pas atteindre
ses buts car il ne constitue qu'un morceau d'un casse-tête. De toute
façon, il risque de créer pour l'ensemble de l'industrie pius de
problèmes qu'il n'en réglera et nous ne croyons pas qu'il
réduira de façon significative l'ampleur du travail au noir, ni
le coût de la rénovation, de la modification, etc. Il aura pour
effet de faire en sorte que les véritables entrepreneurs et travailleurs
de la construction verront leurs travaux diminués. Cela est encore plus
vrai si d'autres travaux sont exclus comme l'ont demandé, entre autres,
les villes de Mont-
réal et de Québec lors de la présentation de
projets de loi visant à modifier leur charte respective.
Je le répète, M. le Président, c'est beaucoup plus
dans une perspective globale qu'il faut tenter de résoudre les
problèmes, car c'est à ce niveau que l'on pourra voir toutes les
situations pouvant créer d'éventuels conflits.
En conséquence, la Corporation des maîtres
mécaniciens en tuyauterie du Québec ne peut accepter le projet de
loi dans sa teneur actuelle et nous demandons donc que l'étude de ce
projet soit reportée afin de permettre une consultation élargie
non seulement sur le projet de loi, mais également sur l'ensemble des
problèmes de l'industrie.
Nous remercions les membres de la commission, M. le Président et
M. le ministre de leur attention. Nous les assurons aussi de notre
collaboration pour participer à toute initiative qui pourrait vraiment
contribuer au mieux-être de notre industrie.
Le Président (M. Charbonneau): Merci, messieurs. M. le
ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je tiendrais à remercier la
Corporation des maîtres mécaniciens en tuyauterie, ainsi que les
porte-parole qui la représentent aujourd'hui devant la commission
parlementaire. Peu de temps nous est imparti. Attaquons, si vous le voulez
bien, immédiatement le sujet qui nous préoccupe du point de vue
gouvernemental, le travail au noir dans l'industrie de la construction. Et de
façon que nous parlions tous le même langage lorsque nous parlons
de travail au noir dans l'industrie de la construction, ma première
question vise à vous demander si vous partagez toujours la
définition de travail au noir qui est contenue dans le rapport Mireault
et qui faisait l'objet d'un consensus patronal-syndical, à savoir que le
travail au noir est tout travail qui échappe aux normes et aux
règles qui gouvernent l'industrie de la construction.
M. Lemay: C'est exact.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): C'est exact, c'est votre
définition du travail au noir. Vous mentionnez - et il s'agit là
d'une critique très sévère à l'égard du
projet de loi - à la page 3 de votre mémoire, une conclusion qui
nous inquiète comme gouvernement qui vise à réduire
considérablement, sinon à éliminer, ie travail au noir
dans l'industrie de la construction. Vous nous indiquez: "Plusieurs
entrepreneurs considèrent aussi que le projet de loi ne règle en
rien le problème du travail au noir." Et en conclusion, à la page
10, vous indiquez: "Nous ne croyons pas qu'il réduira de façon
significative l'ampleur du travail au noir." Donc, le message à la
commission parlementaire est celui-ci: bien que le gouvernement vise la
réduction ou l'élimina- tion du travail au noir dans l'industrie
de la construction, les dispositions contenues dans le projet de loi 31
n'auront pas les effets que vous pensez qu'ils auront. Est-ce qu'on peut
s'entendre sur le fait qu'il existe du travail au noir dans l'industrie de la
construction - si vous avez des proportions ou des éclairages, on vous
saurait gré de les apporter à la commission - que ce travail au
noir existe dans les grands chantiers de construction industriels et
commerciaux, qu'il existe d'une façon plus marquée dans la
construction domiciliaire et qu'il existe encore de façon plus
marquée dans la rénovation domiciliaire? Est-ce que ce sont les
observations que votre pratique quotidienne vous permet de vérifier sur
le terrain?
M. Lemay: Exactement, M. le ministre. Par mon expérience
en tant qu'entrepreneur, je crois que le travail au noir se situe
principalement dans le secteur que vous mentionnez.
C'est difficile de donner un pourcentage parce que ces gens ne
s'enregistrent pas quand ils font du travail au noir. Mais je sais, par
exemple, que plusieurs consommateurs viennent se plaindre chez moi. J'ai
souvent à refaire des travaux qui ont été farts au noir et
qui n'ont respecté aucune espèce de code d'éthique, de
code provincial de la tuyauterie en ce qui nous regarde. Souvent, ces travaux
sont faits à la "botch" et laissent le consommateur avec ses
problèmes. Le consommateur n'a aucun recours contre le gars qu'il a
payé en argent, un an ou deux ans après. Il a traîné
son problème souvent et il se décide à venir voir un
entrepreneur compétent, qui a des responsabilités, qui a des
comptes à rendre à une corporation, et il décide de faire
refaire les travaux. Je crois que ce consommateur a été
lésé. Souvent, cela lui coûte plus cher de faire refaire
les travaux. Quand c'est au noir, c'est fait vite et pas nécessairement
très bien fait.
Dans le commercial et l'industriel, il s'en fait beaucoup moins parce
qu'il y a une incitation fiscale qui fait qu'en payant l'entrepreneur il y a
une facture, c'est déductible d'impôt, etc. Je ne dis pas qu'il ne
s'en fait pas, mais il s'en fait beaucoup moins, d'après mon
expérience.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): À partir du moment...
M. Lemay: Vous me posiez la question par rapport à la
proportion. Je crois que réellement, dans le domaine résidentiel,
rénovation et tout, il peut se faire jusqu'à 50 %, d'après
moi, de travail au noir.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Quand vous me mentionnez votre
évaluation - et on le prend avec des réserves; quand on parle de
travail au noir, par définition, je suis conscient que c'est très
difficilement quantifiable - ...
M. Lemay: Exactement.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): ...votre estimation personnelle de
50 %, vous parlez des travaux qui touchent votre domaine de
spécialisation?
M. Lemay: Exactement.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Vous ne parlez pas de l'ensemble.
Parce qu'on a eu d'autres estimations et d'autres approximations sur le travail
au noir dans l'ensemble des métiers.
M. Lemay: Je parle de mon secteur et de ma région, de ce
que je vis.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je vous dirai que votre
approximation - je ne suis pas en mesure de la contester - me paraît
importante, compte tenu de la nature des travaux que vous effectuez. Je
soupçonnais personnellement le travail au noir d'être très
répandu dans les métiers de peintre, de charpentier, de
menuisier, etc, mais autant que cela dans la plomberie...
M. Lemay: J'ai vécu des faits, par exemple, le
consommateur nous fart venir chez lui pour faire des rénovations et,
souvent, il veut baisser ses coûts et faire cela à sa
façon. Notre code nous défend d'installer de la tuyauterie sans
ventilation. On lui dit: II faut ouvrir des murs, pour la protection du public,
les odeurs, etc. On essaie de lui faire comprendre qu'il faut le faire
conformément à un code. Il s'entête et, finalement, le fart
faire au noir. J'ai souvent vu perdre des contrats parce que cela avait
été fart au noir. Je pense que ce n'est pas rendre service au
public de permettre que le travail soit fait au noir.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Vous parlez d'une approximation de
50 % qui seraient faits au noir. Est-ce que, dans cette proportion, cette
évaluation de 50 %, il y a ce qu'on appelle le travail au noir
effectué par des gens qui détiennent des cartes de
compétence, mais qui ne facturent pas le tarif prévu au
décret? Est-ce que c'est généralement une combinaison des
deux, c'est-à-dire ni carte de compétence, ni facturation suivant
le décret?
M. Lemay: Je crois qu'il y a un peu des deux.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Moitié-moitié,
à peu près.
M. Lemay: Oui. Quelque chose qui peut ressembler à
cela.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Cela va. On n'a pas traité
des dispositions du projet de loi - vous n'en avez pas traité
spécifiquement dans le mémoire, mais disons que la commission
nous permet de le faire - qui resserrent les mesures de contrôle et les
amendes en ce qui concerne la construction domiciliaire et les chantiers
commerciaux et industriels. Est-ce que vous avez considéré ces
modifications législatives? Si vous les avez considérées,
quelle est votre opinion sur les modifications que nous apportons? (10 h
30)
M. Lemay: Je pense qu'on devrait resserrer la
vérification, surtout à l'égard du marché noir. On
voit souvent des inspecteurs faire la vérification auprès des
entrepreneurs qui ont la compétence et des normes à suivre et on
ne se soucie guère du charlatan qui travaille au noir. Il n'y a pas
beaucoup d'énergie déployée pour faire vérifier
cela.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Tantôt, vous m'avez
donné une approximation en ce qui concerne la rénovation dans les
résidences des individus. Avez-vous une évaluation - encore une
fois avec la même prudence sur les chiffres utilisés, avec la
même crédibilité, parce qu'on parie encore de travail au
noir - en ce qui concerne la construction domiciliaire et, si possible, les
grands chantiers?
M. Lemay: Je crois que, dans la construction
résidentielle, il y a beaucoup moins de travail au noir, parce que cela
prend des permis, puis normalement cela dort être inspecté et
occasionnellement on vérifie si les permis ont été sortis
pour les maisons neuves.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Dans les grands chantiers,
j'imagine que c'est encore plus difficile, le travail au noir. Est-ce que cela
existe autant?
M. Lemay: D'après moi, il y en a encore beaucoup moins
dans les grands chantiers.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Cela va pour le moment.
Le Président (M. Charbonneau): Cela va. M. le
député d'Abrtibi-Ouest.
M. Gendron: Rapidement, je voudrais remercier la Corporation des
maîtres mécaniciens en tuyauterie du Québec d'avoir, elle
aussi, en peu de temps, exprimé son point de vue. On sent par votre
mémoire que vous avez, quand même, pris le temps de vous exprimer
sur les principales préoccupations du projet de loi 31 ou sur les
absences de clarification, et elles sont nombreuses, concernant les doutes que
soulève le projet de loi, mais encore davantage les communiqués
de presse du ministre. J'étais heureux que vous repreniez à peu
près la même théorie que tout le monde qui s'est
exprimé jusqu'à
maintenant: faire voter une mesure législative à la vapeur
à la dernière minute et surtout en émettant des
communiqués de presse qui ont comme conséquence de
présenter autrement le projet de loi que ce que vous en comprenez
lorsque vous en faites l'étude article par article.
Je suis content également que vous portiez un jugement...
C'était ma première question et le ministre l'a posée. La
quintessence de ce projet de loi, s'il y en a une, c'est le travail au noir;
c'est pour contrer le travail au noir. Quand un gouvernement se donne un
objectif, normalement, il faut que les articles du projet de loi qu'il
rédige contribuent à l'atteinte de cet objectif. Ma
première question est la même sur le travail au noir, mais
posée un peu différemment. Je ne veux pas interpréter,
parce qu'on est ici pour interroger ceux qui présentent des
mémoires et non pas pour émettre notre point de vue, mais,
à la page 3, vous portez un jugement on ne peut plus clair. Et, en ce
qui me concerne, vous avez raison, c'est le jugement que je porte: le projet de
loi ne règle en rien le problème du travail au noir, même
si le ministre vous a fait vous compromettre sur la définition du
travail au noir en disant que c'est tout travail qui échappe aux normes
et aux règles de l'industrie de la construction. Mais, dans ses
communiqués, quand c'est le temps d'aller chercher faussement l'appui du
public, ce n'est pas ce que cela veut dire, le travail au noir. Cela veut dire
tout ce qui se fait illégalement, mais également tout ce qui
n'est pas rapporté à l'État sur le pian de l'apport
fiscal. C'est de cela que ses communiqués parlent. Dans le projet de
loi, il n'y a absolument rien qui touche cet aspect-là et il me semble
qu'à la page 3 vous aviez un jugement précis et clair.
La question que je vous pose: Pourquoi semblez-vous l'avoir
atténué en conclusion à la page 10 lorsque vous dites:
"Nous ne croyons pas qu'il réduira de façon significative
l'ampleur du travail au noir"? Pour moi, il y a là une
atténuation d'un jugement qui était clair à la page 3 et,
comme je ne veux pas interpréter, est-ce que je dois conclure que c'est
surtout le jugement de la page 3 sur le travail au noir que, comme membre de
l'Opposition, je devrais retenir ou si c'est votre conclusion qui dit: Ce n'est
pas diable pour contrer le travail au noir; on pense que cela va
réduire, mais pas de façon significative, l'ampleur du travail au
noir? La question précise: Ça n'y touche pas "pantoute" ou cela
le réduit un peu? Qu'est-ce que vous dites?
M. Lemay: C'est difficile de répondre pour les autres
corps de métiers. On a bâti le mémoire en pensant à
notre métier, mais on ne pense pas régler quelque chose par ce
projet de loi et, s'il y a de quoi, on pense que ça va augmenter le
travail au noir.
M. Gendron: Donc, je retiens moins votre conclusion que ce qui
est écrit à la page 3, soit que cela ne touche pas du tout au
travail au noir. C'est que je ne veux pas interpréter. Je veux...
M. Bureau: C'est exact. M. Gendron: C'est exact?
M. Bureau: C'est qu'on n'a pas voulu être trop dur, non
plus, en conclusion. On avait déjà dit ce qu'on pensait en page
3. Maintenant, M. le député, le travail au noir, c'est celui qui
échappe aux normes, aux règles et aux rapports à l'Etat.
Or, je comprends bien que les normes et les règles existantes sont pour
le mieux-être du consommateur, pour la protection du consommateur. Alors,
si on laisse tomber ces règles et qu'on ne conçoit pas quelque
chose de valable pour protéger les consommateurs, que le ministre
l'appelle comme il le voudra, je l'appelle encore du travail au noir. S'il ne
se conforme pas à un minimum de normes pour la protection du
consommateur, s'il n'y a pas de mécanismes adéquats pour
s'assurer qu'il y aura des rapports à faire, quel que soit le nom qu'on
puisse lui donner, nous l'interprétons comme étant du travail au
noir.
Une voix: Avez-vous un problème?
M. Gendron: Non, non, je n'ai aucun problème. J'ai
demandé une seconde au président. Excusez-moi, M. le
Président.
Deuxième question. Vous avez, à raison en ce qui me
concerne, touché le champ d'application de l'exclusion. Vous dites,
comme tous les autres... Et c'est cela qui est un peu étonnant dans le
bon sens du terme parce qu'on dirait que, même si c'est sûr que
vous n'avez pas eu le temps de vous consulter, tous les mémoires disent
la même chose, traitent des mêmes questions et soulèvent les
mêmes interrogations, avec raison. Le ministre nous dit: Écoutez,
je vais vous expliquer cela à un moment donné, mais on serait
tous dans l'erreur de comprendre que l'expression "aux fins personnelles autres
que commerciales ou industrielles d'une personne physique" n'a pas cette
étanchéité que vous souhaitez. À partir du moment
où cette question n'est pas étanche, vous concluez: "La
réparation d'un équipement sanitaire devant être
effectuée dans un logement situé dans un "bloc" de huit logements
où le propriétaire en occupe un est-elle exclue du champ
d'application de la loi? D'après vous, si vous vous posez la question,
c'est que vous croyez que le projet de loi, pas les communiqués de
presse, permet que cela se fasse. Est-ce que c'est le jugement que vous
portez?
M. Lemay: Non, si vous le permettez. C'est que ce n'est pas clair
dans notre tête. Ce n'est vraiment pas clair et on aimerait avoir des
explications. La modification, la réparation, la
rénovation et l'entretien, j'aimerais savoir qui est
autorisé à entreprendre ce genre de travaux dans votre nouveau
projet de loi.
M. Gendron: Le ministre aura quelques minutes et il pourra
répondre, s'il le désire. Je vais continuer mon
interrogation.
M. Lemay: C'est parce qu'il y a beaucoup d'interrogations et on
ne le sait pas. Cela fait qu'on sous-entend. Pour le huit logements, c'est
quoi? Est-ce que je pourrais avoir une réponse, à savoir qui?
M. Gendron: Vous avez également soulevé une autre
question, que je trouve importante dans le débat que nous avons, sur la
qualité des entrepreneurs, en affirmant que ce n'était pas clair
et que le ministre devrait indiquer de façon claire que le projet de loi
n'a pas pour effet de permettre à n'importe qui de s'improviser
entrepreneur de construction. La question que je vous pose, c'est: À
partir de quel article du projet de loi êtes-vous en mesure je vous
interroger sur cette imprécision?
M. Lemay: C'est que ce n'est pas clairement défini et cela
porte à confusion. Nous nous sommes réunis, plusieurs
entrepreneurs, et nous ne nous entendons pas entre nous sur la
définition. Cela fait que cela porte à confusion. Pour le grand
public, je crois que cela va être encore plus confus.
M. White (John): M. le député, si vous me le
permettez, sur ce point très précis à savoir quel article
du projet de loi pourrait laisser entendre que ce n'est pas sûr que cela
prend un entrepreneur, ce n'est pas vraiment dans le sens que le projet de loi
prévoit quoi que ce soit, c'est beaucoup plus à la suite des
déclarations que le ministre a pu faire et auxquelles on fait
référence. Lorsque que le ministre, dans son communiqué de
presse, parle des consommateurs et des travailleurs, à ce que je sache
et d'après ce que nous avons conclu, nous - et c'est un peu ce qu'on
explique dans le mémoire - la Loi sur la qualification professionnelle
des entrepreneurs de construction, elle, elle n'est pas modifiée et les
travaux de construction sont définis dans la loi sur la qualification
comme étant, entre autres: entretien, réparation,
rénovation et modification de bâtiments. Puis, entrepreneur est
défini comme quiconque exécute ou fait exécuter pour
autrui des travaux de construction.
Alors, est-ce que ce que le ministre a dit va amener des modifications
à la Loi sur la qualification professionnelle des entrepreneurs de
construction également qu'on n'a pas présentement? Quelle est la
position qu'il faut prendre là-dessus? Parce que, selon la Corporation
des maîtres mécaniciens en tuyauterie, pour pouvoir
exécuter des travaux d'installation de tuyauterie, il faut être
membre. C'est: quiconque exécute pour autrui, également. Alors,
c'est une question importante pour nous et c'est dans ce sens-là, M. le
député.
M. Gendron: Oui, je vous remercie. Effectivement, ce sont des
précisions, en tout cas, que vous donnez, qui sont importantes pour bien
comprendre le questionnement de votre mémoire sur ces aspects-là,
en disant qu'il y a moins de précision qu'on n'aurait souhaité en
avoir pour être en mesure de se faire une idée plus précise
de la portée réelle qu'aura le projet de loi sur ces
aspects-là.
Une autre question concernant les consommateurs. Je suis heureux que
vous ayez touché cette question-là et, selon votre jugement,
encore là, même si le ministre, autant dans ses communiqués
qu'ailleurs, a prétendu qu'il s'agis-sait-là d'un... Là,
je ne voudrais pas reprendre tout son texte, mais, c'était
élogieux, ce qu'il disait, qu'il arriverait aux consommateurs avec le
projet de loi 31. "Correspondre davantage à ses capacités de
payer"; sur cela, il a peut-être raison; "Avoir la possibilité de
confier les travaux de rénovation à la personne ou à
l'entreprise de son choix"; je ne comprends pas cela, cela existait; "Sortir de
la clandestinité et de l'illégalité; obtenir une meilleure
garantie de travaux de qualité, parce que faits au grand jour et
faciliter une meilleure protection en cas de mauvaise exécution parce
que les recours seront désormais possible"; comme si cela n'était
pas possible avant. Ce sont là les notes explicatives du ministre, lors
de l'introduction du projet de loi.
La question que je pose concerne la protection du consommateur. Vous
dites: Écoutez, on ne voit rien dans le projet de loi 31 qui permet une
meilleure protection du consommateur et, pour qu'il y en ait une, nous, on
pense qu'on devrait exiger "la création de plans de garantie, comme le
prévoit la Loi sur le bâtiment". Pourriez-vous être plus
explicites, préciser davantage?
M. Bureau: Je l'ai mentionné, tout à l'heure, entre
parenthèses, M. le député, lorsque j'ai fait la
comparaison avec le bonhomme qui part avec sa carte de compétence hors
décret, ses pantalons et sa brosse à dents. Il ne faut pas se
cacher devant quelque chose qui, à mon avis, est irréaliste.
Légaliser quelqu'un qui n'est redevable envers personne, qui n'a aucune
obligation, c'est courir après des problèmes.
Le bonhomme qui se promène avec sa carte de qualification hors
décret, qui fait une réparation d'une journée dans une
ville, puis qui n'a que sa brosse à dents et voyage dans d'autres villes
ou change de place, que M. le ministre ou que moi, M. le député,
on tente de le trouver, est-ce que cela va alléger le fardeau du
consommateur pour avoir recours à quelqu'un? C'est notre
inquiétude face aux consommateurs. Puis, il
ne s'agit pas de dire qu'ils ont le droit...
M. Gendron: Non. Mais, un instant. Votre inquiétude, je la
partage. En tout cas, en ce qui me concerne, je suis aussi inquiet que vous. Je
ne vois rien d'avantageux pour le consommateur, si ce n'est que cela va
coûter moins cher. Tout le reste, ce sont des palabres, des phrases
inutiles pour aller chercher une opinion publique favorable sur quelque chose
qui n'aura pas d'incidence.
La question, ce n'était pas cela. Vous disiez: II faudrait exiger
la création de plans de garantie. Alors, dans cette loi-là, un
plan de garantie pour le consommateur, cela serait quoi? Dans la perspective
où le ministre continue, lui, et où il veut l'appliquer, comment
peut-on greffer un plan de garantie dans le projet de loi 31? (10 h 45)
M. Lemay: Je pense que ce qui serait important - c'est ce qu'on
veut dire - c'est d'avoir un minimum de contrôle. Si ce n'est plus
régi par la construction, il va absolument falloir que soit les
associations, soit un organisme quelconque établissent une protection
quelconque pour le consommateur afin qu'il y ait un contrôle dans la
qualité des travaux qui vont être exécutés. C'est
dans ce sens-là.
M. Gendron: D'accord. Cela va. Lorsque vous dites que,
dorénavant, dans le projet de loi 31, il y a les inclus et les exclus,
vous avez raison. Je pense que vous donnez exactement une conséquence du
projet de loi. Vous avez ajouté, à la page 8: "S'il y a deux
régimes de qualification, l'apprenti devra donc détenir deux
carnets d'apprentissage. Qui va assurer ce contrôle? Le ministre du
Travail, de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu ou la
Commission de la construction du Québec?" Alors, je pense que vous posez
des bonnes questions. La question que je vous pose, c'est: À partir de
quoi précisément, dans le projet de Soi 31, déduisez-vous
qu'on serait peut-être dans un régime où il y aurait
l'obligation de détenir deux carnets d'apprentissage?
M. White: M. le député, sur cette question, il n'y
a rien dans le projet de loi. Au sujet de la qualification, on n'a rien vu dans
le projet de loi, sauf qu'il existe présentement un règlement
hors construction pour le métier de tuyauteur, c'est-à-dire pour
des apprentis qui pourraient faire de la réparation. Il y a un
régime pour eux, vu qu'ils sont hors construction. S'ils font de la
rénovation demain matin, ils vont être hors construction, ils vont
avoir un carnet d'apprentissage hors construction. Mais dans l'entreprise,
quand on va faire un appel de services chez un consommateur, mais
également chez le fleuriste qui n'est pas un consommateur, d'accord,
cela peut être le même gars, le même employé qui peut
aller là. Or, à un moment donné, il va travailler 20
heures hors construction, puis il va travailler 20 heures construction. Il n'y
a pas, en tout cas, on n'a pas pu retrouver au moment où l'on se parle
de véritable disposition législative qui ferait en sorte qu'on ne
devrait pas avoir deux carnets d'apprentissage. Je n'en ai pas trouvé.
Si le ministre me dit que c'est le cas, que cela n'en prend pas, d'accord.
Mais, selon nous, cela va prendre deux carnets d'apprentissage et, alors que le
temps d'apprentissage est présentement de 8000 heures, tant hors
construction que construction, bien, cela va prendre combien de temps avant que
quelqu'un réussisse à avoir un certificat de compagnon? On va
doubler ce temps pour obtenir les certificats de compétence. Alors,
c'est pour cela qu'on dit un système, un seul système.
M. Gendron: Merci. Dernière question, à la page 11,
votre conclusion sur l'ensemble du projet de loi, c'est que "l'étude de
ce projet de loi soit reportée afin de permettre une consultation
élargie non seulement sur le projet de loi, mais également sur
l'ensemble des problèmes de l'Industrie". La question que je vous pose:
Puisque vous souhaitez le report - je prétends que c'est la moindre des
choses qu'il faut demander; moi, j'aimerais mieux balancer cela parce que c'est
trop mal foutu, mais, au pire, si on le reporte - et que vous indiquez que cela
serait pour vous permettre de faire une consultation élargie, est-ce que
vous croyez que votre consultation élargie vous permettrait davantage
d'arriver au retrait du projet de loi ou d'arriver à une meilleure
compréhension du projet de loi et à dire: Bon, bien, il nous
apparaît que nos membres souhaitent ce projet de loi là? Vers
quelle orientation, selon vous une consultation élargie vous
mènerait-elle?
M. Lemay: Si on se fie à ce qu'on a vécu dans le
passé avec le projet de loi 119, normalement, on était
consultés et on pouvait consulter nos membres pour arriver avec quelque
chose de concret. Ce qu'on dit aujourd'hui ce n'est pas qu'on veut
détruire tout ce qui a été fait, mais on voudrait se
pencher là-dessus, aller chercher l'opinion de nos gens et arriver avec
quelque chose de potable qui, peut-être, sera beaucoup mieux et qui
donnera une meilleure orientation, une meilleure définition afin qu'on
sache vers quoi aligner nos entrepreneurs.
ML
Gendron: Donc, dans votre esprit, c'est un report
sincère?
M. Lemay: Oui.
M. Gendron: C'est un report sincère. Merci.
M. Bureau: Si vous me le permettez, M. le député,
comme on ie mentionne dans notre conclusion, cela nous permettrait aussi, de
regarder le tout dans une perspective globale,
non morcelée, de ne pas parler seulement d'un morceau du
casse-tête, mais je regarder le casse-tête globalement. C'est la
raison pour laquelle on voudrait le retarder et être reconsultés,
pour tenter de faire comprendre au ministre que ce n'est pas un "plaster" qu'il
faut poser, il faut regarder l'opération en général pour
régler le problème de l'industrie.
M. Gendron: Merci beaucoup.
Le Président (M. Charbonneau): M. le ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, je pense que, pour reprendre
les dernières paroles de M. Bureau, il faut regarder le travail au noir,
dans l'industrie, dans son ensemble et vous nous avez apporté
là-dessus un éclairage important. Vous nous avez mentionné
qu'il existe, bien qu'il soit beaucoup moins important, du travail au noir dans
les chantiers commerciaux et industriels, les grands chantiers de construction,
qu'il en existe un petit peu plus dans la construction domiciliaire et qu'il en
existe dans un pourcentage, dans le métier qui vous concerne, un peu
plus élevé que je ne le pensais même, dans la
rénovation domiciliaire. Le projet de loi qu'on a devant cette
commission aujourd'hui contient, en tout et pour tout, 19 articles. Il n'est
pas d'une complexité incroyable. L'ensemble des articles touche le
resserrement des contrôles sur les grands chantiers, ainsi que dans la
construction domiciliaire. Là-dessus, je regrette que le critique de
l'Opposition - c'est son droit, là - ne vous ait pas interrogés,
pour reprendre cette question à laquelle je n'ai pas eu de
réponse, à savoir, si les actions que nous prenons quant aux
grands chantiers, quant à la construction domiciliaire, vont contribuer
à réduire le travail au noir, sinon à l'éliminer.
Je n'ai pas eu de réaction de votre organisme là-dessus. S'il n'y
en a pas, cela va, mais j'aimerais peut-être le savoir s'il y en a
une.
M. Bureau: Vous semblez insister, M. le ministre, pour appliquer
plus de restrictions là où il n'y a pas de travail au noir ou
à peu près pas. Dans la grande industrie, vous amplifiez les
mécanismes de contrôle, les amendes et ainsi de suite, puis,
là où le consommateur est le moins protégé,
à mon avis, bien, vous légalisez, vous ouvrez les
règlements.
M. Paradis (Brome-Missisquoi)-' Je respecte votre opinion, M. Bureau,
mais je vous dirai que des gens qui ont témoigné devant cette
commission - et il y en aura d'autres qui témoigneront - nous disent
qu'il existe présentement du travail au noir dans les grands chantiers
de construction, dans la construction qu'on appelle commerciale, et
prétendent également, parce qu'ils ont une expérience sur
le terrain, que c'est p/us important dans le secteur de la rénovation.
Mais on n'en a pas eu encore, et vous êtes les premiers à nous le
dire, qui nous ont dit qu'il n'existe pas de travail au noir dans les grands
chantiers industriels au Québec, dans les chantiers commerciaux et dans
la construction domiciliaire. C'est une révélation pour moi
à ce stade-ci de la commission, je l'avoue.
M. Bureau: Je ne voudrais pas qu'on enregistre qu'on a dit qu'il
n'en existait pas.
M. Gendron: Je n'ai pas entendu cela. M. Bureau: J'ai dit
beaucoup moins.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Beaucoup moins, d'accord. Ce qu'on
dit, au moment où l'on se parle - et je pense qu'on l'avait
établi au début avec M. le président - c'est qu'il existe
de façon graduée un peu de travail au noir dans les grands
chantiers, un peu plus dans la construction domiciliaire, et beaucoup plus dans
ce qu'on appelle la rénovation. Je pensais qu'il s'agissait là
d'un consensus et je ne voulais pas qu'on brise ce consensus-là,
à moins qu'il ne soit opportun et plus conforme à la
vérité de le briser.
M. Lemay: M. le ministre, afin d'éclairer nos gens sur la
question, je reviens à ma question de tout à l'heure:
Modification, réparation, rénovation, entretien, qui va
être autorisé, d'après votre loi, à entreprendre ce
genre de travaux?
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Tout ce qui touche la question que
vous posez se retrouve à l'article 4 du projet de loi 31 qui modifie
l'article 19 de la loi actuelle et qui se lit comme suit: "par l'addition -
c'est très technique - ...aux travaux suivants exécutés
aux fins personnelles autres que commerciales ou industrielles d'une personne
physique." Les travaux, c'est "d'entretien, de rénovation, de
réparation et de modification". Ces termes-là ont
été assez largement utilisés, depuis 20 ans, dans
l'industrie de la construction pour qu'une jurisprudence ait pu les
définir.
Maintenant, vous le soulevez par la voie d'une question. À la
page 4 de votre mémoire, vous donnez l'exemple de "la réparation
d'un équipement sanitaire dans un "bloc" de huit logements". Non, ce
n'est pas à des fins personnelles dans le cas d'un "bloc" de huit
logements. C'est rare que quelqu'un occupe un "bloc" de huit logements a des
fins personnelles. C'est du jamais vu. Donc, l'exemple que vous soumettez - et
vous l'avez posé d'une façon interroga-tive - serait soumis au
décret.
Maintenant, vous demandez au paragraphe suivant de votre mémoire
que les exclusions soient claires et qu'elles ne laissent pas de place à
l'interprétation. Je pense que, sur le plan de la
clarté, vous avez raison d'insister pour que tous et chacun
sachent le plus clairement possible quels sont les types de travaux qui sont
exclus et qu'il n'y ait pas dans la tête ni du consommateur, ni du
salarié, ni du travailleur autonome, ni de l'artisan, ni de
l'entrepreneur quelque doute que ce soit. Maintenant, que cela ne laisse pas
place à l'interprétation, cela relève un peu de la mission
impossible et l'actuel gouvernement n'a pas l'Intention d'abolir les processus
quasi judiciaires ou judiciaires, ni de priver d'emploi votre procureur, etc.
Il y aura toujours des gens qui tenteront d'obtenir une interprétation
de la part des tribunaux et il appartiendra toujours, dans notre
société, aux tribunaux de donner cette interprétation.
Mais le devoir du législateur - et là je rejoins votre demande -
est d'être d'une limpidité et d'une clarté qui fassent en
sorte que le champ d'action de vos procureurs soit le plus restreint
possible.
M. Lemay: Donc, je comprends bien que cela va toujours relever de
l'entrepreneur de faire ce genre de travaux et que le consommateur ne
transigera pas directement avec...
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Non, non. Ce que l'on a dit, c'est
que lorsque, comme dans l'exemple que vous apportez à la page 4 de votre
mémoire, dans un "bloc" de huit logements le propriétaire, qui en
occupe un seul, demande de faire réparer un équipement sanitaire,
à ce moment-là, ce n'est pas à des fins personnelles et
cela demeure soumis au décret de la construction.
Prenez le cas d'un locataire, dans un appartement, qui décide de
faire repeindre son loyer pour des fins personnelles; il peut le faire faire
soit par un artisan, soit par un travailleur autonome, soit par un
salarié qui est à l'emploi d'un entrepreneur
général ou d'un entrepreneur spécialisé, soit par
un entrepreneur qui travaille seul.
M. Lemay: Mais si on prend, dans notre juridiction, la plomberie
où on a une loi qui dit: II faut un entrepreneur pour faire des travaux
de rénovation et tout cela, je comprends bien que cela existe toujours
et que le propriétaire d'une maison unifamiliale, s'il veut faire faire
des travaux, doit passer par un entrepreneur. La loi dit, d'après ce que
je peux comprendre, que l'entrepreneur pourra payer le salarié au
salaire qu'il veut finalement, mais cela reste toujours sous la juridiction
d'un entrepreneur. Est-ce que c'est bien cela?
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Cela demeure toujours, comme dans
le cas de l'électricité, un travail qui a une composante
sécurité et qui doit être effectué, même s'il
est prévu que ce soit hors décret, par quelqu'un qui a la
compétence reconnue pour l'effectuer.
M. Lemay: Mais la compétence et l'entrepreneur aussi. Le
salarié qui a une carte de compétence n'aurait pas le droit
d'entreprendre des travaux, d'après la loi présentement.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Pour être entrepreneur au
Québec, il faut se qualifier auprès de la Régie des
entreprises de construction du Québec...
M. Lemay: C'est exact, parfait!
M. Paradis (Brome-Missisquoi): ...et aucune modification
apportée dans le projet de loi 31 n'altère...
M. Lemay: Cette loi.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): ...ces dispositions prévues
quant à la Régie des entreprises de construction du
Québec.
M. Lemay: D'accord. Merci.
Le Président (M. Charbonneau): M. le député
d'Abitibi-Ouest.
M. Gendron: Oui, une dernière question. J'ai
été étonné d'entendre quelque chose et je veux
seulement vérifier. Il me semble qu'à une question du ministre,
toujours concernant le travail au noir qui est censé être l'os de
ce projet de loi, vous avez mentionné qu'il y avait environ la
moitié, selon vous, du travail au noir qui était ce qu'on appelle
une facturation inférieure au taux prescrit par le décret de la
construction - oui, pour les tuyauteurs parce qu'on est en présence des
tuyauteurs - et qu'environ la moitié du travail au noir se faisait par
des personnes qui n'avaient pas de carte de compétence. J'ai
été étonné parce que, selon ce que je connais, ce
que j'entends et ce que je vis, c'est beaucoup plus un très fort
pourcentage de gens qui ne détiennent pas la carte de compétence
et qui, pour toutes sortes de raisons, prétendent qu'ils sont capables
de faire l'installation de systèmes de tuyauterie et de plomberie faite
par les plombiers. C'est entendu qu'à partir du moment où le gars
n'a pas sa carte il ne facture pas le taux du décret, mais le cas le
plus fréquent que je rencontre et dont j'ai entendu parler, c'est que
c'est beaucoup plus des gens qui n'ont pas de carte et qui font le travail
quand même. Là, il y a une entente bona fide sur combien ils
demandent, que ce soit 15 $, 18 $ ou 20 $ l'heure. Je voudrais savoir sur la
base de quoi vous avez lancé 50-50.
M. Lemay: C'est du travail au noir, n'est-ce pas? Ce n'est pas
palpable. C'est une idée, un sentiment. À lire des journaux et
à voir toutes sortes de statistiques, à un moment donné,
on se fait une opinion. Mais je n'ai rien pour l'appuyer, si c'est cela que
vous voulez savoir.
M. Gendron: D'accord, mais, en tout cas, vous êtes
honnête, vous répondez exactement ce que je croyais: On n'a rien
pour l'appuyer. Cependant, sur la même base de choses que j'ai lues et de
certaines statistiques, toujours entre guillemets, j'ai l'impression qu'il y a
plus de gens qui n'ont pas la carte - et, bien sûr, ils demandent une
tarification - que la moitié de ceux qui sont qualifiés, et qui
facturaient moins. Quand j'appelle des gens qui sont qualifiés et qui
ont une carte de compétence, ils m'arrivent toujours avec le carnet dans
leur poche arrière et ils me disent: Voici le taux. Ce sont bien plus
les gens qui exigent le taux que les gens qui n'ont pas de carte qui font ce
qu'on appelle du travail au noir, d'après moi. (11 heures)
M. Lemay: Je crois que ce qu'on voulait dire, c'est que c'est le
travailleur compétent qui, le samedi, le dimanche ou le soir,
exécute des travaux à son compte, sans détenir un permis
de la régie. C'était plutôt dans ce sens qu'on disait qu'il
y avait une bonne majorité de ces gens qui faisaient cela. Pour inciter
le consommateur à faire affaire avec des entrepreneurs, s'il y avait un
incitatif fiscal comme cela a déjà été
proposé, il y aurait un avantage et là le travailleur paierait
ses impôts, cela ne coûterait rien au gouvernement et le
consommateur serait incité à faire travailler de vrais
entrepreneurs et de vrais salariés.
Le Président (M. Charbonneau): Sur cette réponse,
nous allons mettre fin à votre présentation devant la commission
parlementaire. Je vous remercie d'avoir participé à nos travaux.
Nous allons maintenant inviter les représentants de la
Fédération des travailleurs du Québec à prendre
place.
À l'ordre! Nous recevons maintenant la Fédération
des travailleurs du Québec. Alors, messieurs, bonjour à nouveau
et bienvenue à la commission parlementaire de l'économie et du
travail. Je crois que vous connaissez un peu nos règles du jeu. Nous
avons un temps limité pour la présentation du mémoire et
la discussion. D'abord, je pense que c'est M. Lavallée qui va
présenter les personnes qui l'accompagnent, dont certaines sont
illustres, puis qui fera sa présentation, et ce sera suivi d'une
discussion avec les membres de la commission parlementaire. Sans plus tarder,
allez-y!
FTQ-Construction
M. Lavallée (Jean): Je suis Jean Lavallée,
président à la FTQ-Construction. Je suis accompagné,
à ma gauche, de Yves Paré, directeur général de la
FTQ-Construction et, comme vous le connaissez tous, à ma droite, de mon
président, Louis Laberge de la FTQ.
M. le ministre, M. le Président, mesdames et messieurs, membres
de cette commission, l'annonce, M. le ministre, de votre intention de
déréglementer certains travaux de construction dans le secteur
domiciliaire nous a causé une forte surprise. Mais que vous le fassiez
sans avoir donné d'indications préalables à l'industrie,
à la toute fin de la session parlementaire, et que vous nous donniez
à peine trois semaines pour réagir à cette commission
parlementaire laisse pratiquement penser que vos objectifs étaient de
nous prendre par surprise et de passer ce projet de loi à la sauvette.
Cela commence décidément à être une habitude lorsque
l'industrie de la construction est concernée.
Depuis dix ans, toutes les modifications qu'a connues l'organisation de
l'industrie ont été faites à la pièce, sans tenir
compte de la cohérence de l'ensemble du régime ainsi obtenu. Les
problèmes qu'on connaît aujourd'hui viennent principalement de
cette façon de faire, de ces réformes parcellaires qui ont
contribué, une à une, à bâtir un régime
poreux, inadapté et inapplicable. De fait, il est de moins en moins
appliqué.
Les objectifs de fond qui ont vu naître le régime actuel
ont totalement disparu du décor. Aujourd'hui, ni les travailleurs, ni
les entrepreneurs, ni les consommateurs, ni l'État n'y trouvent plus
leur compte. Vous arrivez maintenant avec ce projet de loi qui ne vise encore
une fois qu'un objectif limité, qui ne prend aucunement en compte les
principaux problèmes de l'industrie.
M. le ministre, ajouter ainsi votre pierre au sommet d'un édifice
branlant n'améliorera rien. Heureusement que, dans la construction, on
ne bâtit pas ainsi. Autrement, l'escalier central du parlement aurait
bien pu déboucher dans un placard!
Une voix: À la FTQ, c'est ça qui est
arrivé.
M. Lavallée: C'est ça qui est arrivé. La
FTQ-Construction considère que le projet de loi 31 est inadapté
et même dangereux pour l'industrie, comme pour les consommateurs. Nous
allons profiter de cette commission parlementaire pour expliquer à
nouveau, le plus clairement possible, les vrais problèmes des
travailleurs et de l'industrie.
À votre approche à la pièce, nous réagissons
par une vue d'ensemble dans laquelle nous tenterons de vous faire comprendre
l'effet réel de votre projet de loi. C'est pourtant un exercice que nous
avons déjà fait à maintes occasions, mais qui n'a jamais
trouvé écho auprès des gouvernements. Puisque c'est la
première fois qu'il est fait devant vous, nous voulons bien le
reprendre, en cherchant toutefois à bien mettre les points sur les
"i".
Le contexte de l'industrie. Il faut d'abord rappeler pourquoi
l'industrie de la construction est aujourd'hui si réglementée. Ce
n'est pas pour le plaisir de la chose ou parce qu'à une autre
époque cela aurait été davantage la mode. Depuis la
commission Cliche, l'ensemble des parties de
l'industrie, comme le gouvernement, reconnaissent qu'un des
problèmes centraux de l'Industrie est celui de
l'insécurité et de l'instabilité d'emploi des vrais
travailleurs de la construction. Ce problème a donc été,
théoriquement du moins, celui qui a motivé toute la
réforme des années soixante-dix. Les parties de l'industrie ne
sont, par contre, jamais arrivées à de véritables
consensus sur les moyens concrets de mettre en oeuvre l'objectif de
sécuriser et de stabiliser l'emploi des travailleurs. Il y a certaines
parties du mémoire que je ne iirai pas parce qu'on est limité
à 20 minutes et qu'on veut respecter le délai fixé.
L'absence de cohérence dans les réformes successives
depuis 1978 n'a cessé de créer des problèmes de plus en
plus graves. L'artisan, vous le savez, est devenu une plaie pour toute
l'industrie. Pas seulement pour les travailleurs, mais aussi pour les
entrepreneurs. Au-delà de l'artisan lui-même, le problème
c'est cette approche à la pièce, souvent contradictoire, que le
législateur a adoptée depuis dix ans, craintif qu'en abordant les
problèmes dans une démarche d'ensemble il n'ouvre ainsi une
boîte de Pandore. C'est un beau mot, ça. Mon confrère
Paré va vous expliquer ce qu'est une boîte de Pandore.
M. Paré (Yves): Continuez.
M. Lavallée: Non? D'accord. Aussi, avant que la situation
ne devienne intenable, les parties dans l'industrie ont décidé de
discuter de front ces problèmes. Aux dernières
négociations, elles ont convenu de se parler très
sérieusement et largement de la situation de l'industrie. Un
comité formé d'un président et de deux assesseurs, des
parties patronale et syndicale, a été mis sur pied pour entendre
les mémoires des principales associations représentatives du
secteur.
Et, fait très encourageant, les discussions devaient porter
au-delà du simple contrôle de l'offre de la main-d'oeuvre, pour
s'attaquer aux problèmes de l'instabilité de la demande des
travaux de construction, de la répartition des heures de travail et
même aux possibilités de développer une approche globale
concernant la sécurité du revenu et d'emploi des travailleurs.
C'est ce qu'on a appelé la commission Sexton. Nous pouvions compter pour
ces discussions sur une situation plus calme, éloignée des
négociations, du maraudage et des grandes réformes de
l'industrie. Nous avions le temps, M. le ministre, de réfléchir
et de discuter à fond en vue des prochaines négociations.
Voilà que vous nous arrivez, sans consultation, avec un projet de
loi qu! modifie les règles du jeu, tout en attaquant un peu plus les
bases du régime sur lequel nous nous appuyions pour mener nos
discussions.
M. le ministre, votre projet de loi est mal venu dans sa
démarche, dans sa formulation et dans le temps. Je peux vous dire que la
commis- sion Sexton, on sait que ce n'est pas l'endroit pour le
débattre, on a une commission expressément pour cela, mais c'est
là qu'on va soulever les points qu'on veut amener pour clarifier ce
qu'est une vraie sécurité d'emploi. Cela encadre le travail au
noir et aussi les artisans. C'est accompagné d'une réduction des
heures de travail, du contrôle du temps suplémentaire, d'une
planification des investissements aussi, pour en arriver tout simplement
à une sécurité du revenu. Dans notre mémoire, vous
verrez qu'il y a des annexes qui font état de différents
documents qu'on a présentés à la commission Sexton, en ce
qui a trait à la répartition des heures régulières
et à ia réduction de la durée hebdomadaire et normale de
travail.
Un projet de loi qui ne règle rien. Compte tenu du contexte que
nous vous exposions et vu ses effets, nous nous opposons à ce projet de
loi et nous recommandons son retrait dans sa forme actuelle. Nous allons
chercher à bien vous expliquer cette position, afin qu'il y ait le moins
d'ambiguïté possible sur notre analyse.
Nous vous rappellerons pour débuter qu'en 1984 nous avions
reconnu la difficulté d'application du décret dans le secteur
résidentiel pour les travaux d'entretien et de réparation
effectués aux fins personnelles et non lucratives d'une personne
physique. C'était lors d'une commission parlementaire. À ce
moment-là, les parties syndicales avaient été unanimes sur
cette position. Nous avions alors cherché à expliquer le plus
clairement possible au ministre du Travail de l'époque la situation dans
l'industrie, afin que notre proposition prenne pour lui tout son sens. Nous lui
proposions en effet de retirer l'artisan de l'industrie, moyennant quoi nous
accepterions que ces travaux, et ces seuls travaux soient exclus du
décret. Ils auraient à l'avenir très bien pu être
réalisés par les artisans qui choisiraient de ne pas devenir
salariés et de conserver leur statut actuel. Ils auraient eu une
période de temps pour décider de demeurer artisans ou de devenir
entrepreneurs. D'après des commentaires entendus, certains parlaient de
trois mois, mais on avait alors parlé de six mois. Nous maintenons
toujours cette position à laquelle votre projet de ioi n'a pas
semblé bon de donner écho.
Le travail au noir. Vous présentez ce projet de ioi en insistant
sur le travail au noir pour le justifier. Quelle est au juste la situation du
travail au noir dans l'industrie? Nous avons déjà
évalué son ampleur à 35 % des heures de travail
effectivement réalisées dans l'industrie; cette évaluation
a été faite dans le cadre des travaux du comité dont nous
parlions un peu plus tôt. Nous vous recommandons de lire les textes que
nous avons produits sur le sujet et que nous avons joints en annexe au
présent mémoire.
Il nous faut faire ressortir ici deux réalités. D'abord,
le travail au noir ne s'effectue plus uniquement dans les travaux
domiciliaires, mais partout dans l'industrie. Et le plus dommageable
pour les travailleurs, ce n'est pas le travail au noir pour "la marche
d'escalier", mais plutôt celui sur les chantiers commerciaux et
industriels. Ensuite, le principal facteur qui a encouragé le travail au
noir, c'est l'existence des concurrents directs des travailleurs, et
aujourd'hui des entrepreneurs, que sont devenus les entrepreneurs artisans et
les entrepreneurs associés.
Par leur possibilité d'effectuer les mêmes travaux que les
travailleurs salariés, tout en n'étant pas assujettis aux
mêmes obligations que ces derniers, les artisans ont complètement
saboté les mécanismes des relations entre les salariés et
les employeurs. Loin de déclarer leurs heures pour les travaux autres
que pour des fins personnelles, les artisans travaillent de plus en plus en
sous-traitance, à forfait, sur les grands chantiers. Les pratiques de
travail à la pièce ou de travail à forfait, non
déclaré, se sont développées à un rythme
phénoménal, à tel point qu'elles ont même
réussi à bousiller entre entrepreneurs le principe de l'accord du
contrat au plus bas soumissionnaire. Nous reproduisons ici ce que nous
affirmions à ce sujet dans un de nos mémoires au comité
Sexton: "Chez les entrepreneurs, les problèmes commencent à
devenir plus que sérieux. À tel point que le président de
la Fédération de la construction du Québec, M. Linteau,
signait dernièrement un texte où il lançait
véritablement un cri d'alarme. Le processus du plus bas soumissionnaire,
qui a permis aux "brokers" et aux petits entrepreneurs, comme aux entrepreneurs
associés de se glisser dans le système et de couper les jambes
aux travailleurs comme aux entrepreneurs mieux établis, est à son
avis à remettre en question: "...je crois fermement que nous devons
remettre en question notre système du plus bas soumissionnaire ou
modifier la qualification au niveau des licences d'entrepreneurs en
construction." La prolifération de petits entrepreneurs dont la
régie ne contrôle pratiquement pas la qualification réelle
déstabilise, selon lui, l'industrie et avantage le développement
du travail au noir, encourage une tendance générale à la
baisse dans l'évaluation de la valeur des projets et incite à
réduire la qualité des constructions. (11 h 15) "De fait, selon
le rapport annuel 1985-1986 de la Régie des entreprises en construction,
24 874 licences auraient été délivrées ou
renouvelées durant l'exercice. Pendant ce temps, la CCQ indiquait que 14
309 entrepreneurs apparaissaient sur ses listes, soit un écart de 10 565
entrepreneurs. C'est dire que 42,5% des entrepreneurs détenant une
licence n'apparaissaient pas à la CCQ. C'est phénoménal!
Et la plus grande partie des écarts vient, bien sûr, des
entrepreneurs artisans (2238 licences) et des entrepreneurs
spécialisés (13 760 licences) qui soumissionnent à bas
prix, qui n'engagent aucun travailleur ou qui les engagent au noir, et qui
coupent souvent dans la qualité pour entrer dans leurs frais."
Vous n'êtes pas sans savoir, M. le ministre, ce que sont ies
"brokers". Ce sont des promoteurs qui ont envahi l'industrie, qui n'engagent
aucun travailleur, mais font simplement leur argent à fragmenter un
contrat et à en faire faire toutes Ses parties par sous-contrat. Parce
qu'ils ont accès à des artisans et à des entrepreneurs
associés en quantité considérable, ils peuvent se
permettre d'éviter des travailleurs couverts par le décret et de
limiter à outrance les enveloppes de chacun des sous-contrats. Les
sous-traitants doivent nécessairement faire appel au travail au noir et
couper dans la qualité des matériaux, s'ils veulent entrer dans
leurs frais.
M. le ministre, le problème du travail au noir dans l'industrie
est aujourd'hui institutionnalisé et très bien
organisé.
M. Paré (Yves): Que fait votre projet de loi par rapport
au travail au noir?
Votre projet de loi passe donc à côté du
problème le plus sérieux de l'industrie, tout en ne
réglant pas, par contre, la situation dans le secteur domiciliaire. Que
fait-il? Vous prenez trois types de mesures. Vous excluez du décret les
travaux d'entretien, de rénovation, de réparation et de
modification, exécutés aux fins personnelles autres que
commerciales ou industrielles d'une personne physique, en ajoutant les garages
et les remises, et vous instituez un programme volontaire de formation pour les
"déréglementés".
Vous réinscrivez plus nettement dans la loi le voeu pieux que
l'artisan déclare ses heures en l'obligeant à fournir un rapport
mensuel dans lequel ses heures normales et supplémentaires seraient
distinguées, en plus de réaffirmer qu'il doit afficher son
contrat sur les lieux du travail.
Vous augmentez légèrement les moyens d'enquête et
les pouvoirs de la CCQ, tout en doublant, en moyenne, le niveau des amendes
prévues pour ies infractions.
Nous ferons nos commentaires en y allant selon chacun de ces types de
mesures.
De votre point de vue, cela devrait créer un incitatif à
sortir du noir. De notre point de vue, cela n'aura pratiquement pas d'effet sur
le travail au noir dans ces types de travaux, en plus de ne pas toucher au vrai
travail au noir dans l'industrie. Votre analyse des causes du travail au noir
dans la rénovation nous apparaît simpliste en regard de ce que
nous connaissons. Sur ces causes, nous citons vos propres propos dans le
mémoire que vous soumettiez au Conseil des ministres: "Les principales
causes de ce phénomène sont leurs coûts excessifs pour le
consommateur et le peu de polyvalence dans les métiers... la notion
d'artisan n'a pas réussi à diminuer de beaucoup l'ampleur des
travaux exécutés de façon illégale." Les salaires
trop éievés et une réglementation trop lourde, voila,
selon vous, les causes du phénomène. Et, à l'appui
de cette analyse, vous citez cet exemple, sans queue ni tête, de la hotte
de poêle, qui demanderait sept métiers pour la poser. Nous
observons, dans la pratique, une tout autre réalité.
Rappelons qu'il existait déjà, en 1979, une bonne
proportion de travail au noir dans la rénovation et la
réparation, mais qu'il y en avait encore peu dans le reste de
l'industrie. S'appuyant sur le même genre d'analyse que vous, M. le
ministre du Travail de l'époque a décidé de créer
le statut d'artisan; il était présenté, à
l'époque, comme un travailleur compétent, capable de
répondre adéquatement à des besoins variés des
consommateurs et était auréolé d'une histoire presque
mythique, celle d'un travailleur faisant sa route seul, résistant encore
à l'industrialisation de la construction et à la
spécialisation des métiers. Cela devait être la
réponse adaptée au travail au noir!
Est-ce que cela a réglé le problème? Ironie, vous
donnez vous-même la réponse: "La notion d'artisan a probablement
permis à des consommateurs de faire effectuer des travaux à des
coûts plus abordables, mais il n'est pas sûr que ceux-ci aient
été effectués en toute légalité dans le
secteur résidentiel."
Jolie périphrase qui signifie que le travail au noir a
augmenté, malgré la baisse des prix et l'absence de contraintes.
Mais vous persistez à croire que ce ne fut tout simplement pas assez, et
que de déréglementer totalement, cette fois, solutionnera le
problème. C'est le genre de logique que nous avons de la
difficulté à suivre.
Il est pourtant facilement compréhensible que le niveau des
salaires n'est pas le problème principal, car, quel que soit le niveau
de ceux-ci, il sera toujours plus profitable, encore, d'éviter le fisc.
Le projet de loi rendra simplement plus de monde à l'aise pour effectuer
des travaux de rénovation, tout en évitant de déclarer ces
revenus au fisc. L'établissement d'un double standard salarial à
l'intérieur du secteur domiciliaire, par contre, aura des effets
d'entraînement importants dans la construction neuve, où nous
sommes persuadés que le travail au noir va augmenter encore.
L'effet réel de la création du statut de l'artisan s'est
plutôt fait sentir dans les autres secteurs de la construction, où
ie travail au noir s'est propagé. Cette fois, les coûts salariaux
ne peuvent certainement plus être invoqués puisque, selon une
étude menée en 1984 par la firme d'actuaires Blondeau et
compagnie, les salaires et avantages sociaux des travailleurs
québécois de la construction étaient parmi les plus bas au
Canada. Ce n'est pas non plus l'importance de la réglementation, mais
l'affaiblissement de son intégrité, qui explique son
apparition.
Le travail au noir, en effet, ne vient pas principalement de la demande,
mais de la possibilité qu'il y ait une offre. Les consommateurs, pour un
travail le moindrement important, ne font pas affaire séparément
avec chacun des travailleurs, mais d'abord avec un entrepreneur qui, lui,
engage au noir. Ce dernier effectuera d'autant plus de travail au noir que les
opportunités seront grandes. C'est rendu, M. le Président, dans
l'industrie de la construction, que les travailleurs qui côtoient les
artisans sur les chantiers de construction se demandent pour quelle raison ils
continuent à payer des impôts. Pourquoi? Je pense qu'il est
beaucoup plus intéressant pour quiconque de travailler sans avoir
à payer d'impôt. Qu'est-ce qui crée cela? Pourquoi est-il
facile de le faire? C'est l'artisan. S'il n'y avait pas d'artisans, ce ne
serait pas facile de le faire.
Nous voilà à la page 13, au point 2. Vous
réaffirmez dans votre projet de loi l'obligation pour l'artisan de
déclarer ses heures. Vous précisez simplement qu'il doit
effectuer un rapport mensuel et qu'il doit déclarer ses heures normales
et supplémentaires. La belle affaire!
Pourquoi, M. le ministre, pensez-vous que les artisans ne
déclarent pas leurs heures? Parce qu'ils font partie de la chaîne
de sous-traitance des "brokers" et que, s'ils déclarent leurs heures,
ils n'auront pas de contrat de ces derniers, p>arce que c'est beaucoup plus
payant pour eux de ne déclarer que le minimum d'heures pour être
admissibles aux régimes complémentaires des avantages sociaux et
d'en retirer le maximum. Parce que le travail à forfait se
développe et que ce sont les artisans qui en profitent: déclarer
leurs heures, ce serait être aux mêmes conditions salariales que
les travailleurs, donc, perdre tout avantage pour obtenir des contrats des
"brokers" et des entrepreneurs moins scrupuleux sur les conditions du
décret.
M. le ministre, c'est tout un régime d'illégalité
qui s'est mis en place dans l'industrie, qui tient essentiellement au fait que
la réglementation est devenue poreuse et incohérente et parce que
les contrôles ont été graduellement
relâchés.
Le régime général dans l'industrie est
truffé d'exceptions et d'exemptions. Le résultat est que
l'industrie marche selon un double ou un triple standard sur un même
chantier, ou selon les chantiers pour un même travailleur. Comment
voulez-vous que certains ne profitent pas de ces disparités pour
contourner le décret?
Que vous réaffirmiez ce qui existe déjà au sujet
des artisans ne changera rien. Vous ne faites pas face à des individus
qui omettent des heures, mais à tout un système qui s'est
bâti autour d'eux, dans lequel les artisans travaillent à forfait
ou ne travaillent pas.
La seule chose qui appuie l'obligation que vous leur faites de produire
un rapport mensuel est un léger renforcement des pouvoirs de la CCQ
vis-à-vis de ceux-ci. Mais pouvoirs et contrôles ne sont pas
synonymes: la Commission de la construction ne pourra jamais contrôler
chacun des 10 000 entrepreneurs qui sont actuellement enregistrés
à la Régie des entre-
prises en construction, mais qui n'apparaissent pas sur les listes de la
CCQ. Pour les artisans seuls, comment la CCQ pourra-t-elle contrôler ia
véracité de leur rapport mensuel? Allez-vous mettre un inspecteur
sur les talons de chacun des artisans au Québec?
Actuellement, M. le ministre, M. le Président, dans l'industrie
de la construction, aux seules fins des entrepreneurs existants, les
inspections de livres accusent un retard d'au-delà de 18 mois. Si on y
rajoute encore un paquet d'artisans, je pense que cela va prendre beaucoup plus
de temps à les vérifier.
Le Président (M. Charbonneau): Est-ce qu'il vous reste
encore des explications?
M. Paré (Yves): II m'en reste encore pour quatre ou cinq
minutes. Je pourrais aller aux conclusions, M. le ministre, si vous le
voulez.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): D'accord. Quatre ou cinq minutes,
cela va.
Le Président (M. Charbonneau): Quatre ou cinq minutes,
cela va aller.
M. Paré (Yves): D'accord, nous passons à la page
16. Enfin, un point nous inquiète. Sur la liste des salariés, sur
les heures effectuées, sur les cotisations syndicales, sur la
disponibilité de la main-d'oeuvre, bref, sur toutes les questions
relatives au fonctionnement de l'industrie et au respect du décret, les
données que possèdent les associations syndicales nous viennent
de la CCQ.
Pourquoi, alors, avoir ajouté à l'article 81.0.1 du
décret les associations? Quel type de documents sont aux mains des
associations dont la CCQ pourrait avoir besoin dans l'exercice de ses
fonctions? Jusqu'où un document syndical peut-il être jugé
nécessaire à cet exercice? N'est-ce pas là, M. le
ministre, un premier pas pour couper court avec le placement syndical? Cette
disposition nous apparaît plus que suspecte, et nous vous
soupçonnons d'avoir voulu subtilement modifier le statu quo actuel sur
toute la question du placement syndical.
Page 17, point 1. M. le ministre, il faut être bien loin de
l'industrie de la construction pour penser que votre projet de loi sera
applicable. Vous permettez à n'importe qui d'envahir le secteur
domiciliaire, mais vous pensez que les travaux que vous ne voulez pas
déréglementer dans le secteur seront protégés par
miracle.
Comment empêcherez-vous des promoteurs d'acheter une vieille
école, de la transformer en cinq condos, par exemple, chacun sous le nom
propre d'un de ses promoteurs, et de les revendre un peu plus tard? Vous allez
coller un inspecteur sur chacun des chantiers de restauration, de
rénovation, de modification ou de transformation dans la province?
Pensez-vous qu'un entrepreneur avec ses quelques employés fera
une différence lorsque son chapenîier-menuisier travaillera sur le
coffrage du solage ou lorsqu'il travaillera sur la structure? Comment
pensez-vous pouvoir différencier sur !es chantiers l'artisan - qui devra
avoir sa carte de compétence quels que soient les travaux - des autres
travailleurs qui pourront ne plus avoir de carte? Quei type de main-d'oeuvre
sera désormais disponible, pensez-vous, pour les constructeurs de
résidentiel neuf? Combien de temps pensez-vous qu'ils se priveront
d'engager eux aussi des travailleurs formés volontairement? Allez-vous
faire des inspections à chaque maison qui se construit?
M. le ministre, vous sous-estimez largement les capacités de
l'industrie à contourner les règles lorsqu'elles sont mal
adaptées et ne correspondent pas à la réalité.
L'expérience nous montre plutôt que, lorsque vous créez des
standards différents dans un même secteur, le régime
générai et les limites imposées aux entrepreneurs prennent
peu de temps à être contournés. Dans votre projet de loi,
M. le ministre, vous parlez d'entretien, de réparation, de
rénovation, de modification aux fins personnelles. Dans une
déclaration publiée dans un journal, vous pariiez de 2 000 000
000 $. Si votre projet de loi n'a pour but que de protéger le
propriétaire occupant pour ce genre de travaux, le montant de 2 000 000
000 $ n'est pas bon. Si le montant est exact, cela veut dire que la
réparation, l'entretien, la rénovation et les modifications
incluent plus de travaux que pour une personne physique ou un
propriétaire occupant. C'est une question qu'on se pose et qui nous
inquiète.
Passons à la page 21, le plus rapidement possible, pour qu'on
puisse répondre à vos questions. En résumé, le
projet de loi 31 aurait pour effet, à notre avis, d'augmenter
l'incohérence et les disparités dans le régime
général, sans pour autant avantager de façon significative
le consommateur et sans s'attaquer sérieusement au problème du
travail au noir. Nous signalons tout de même ia direction souhaitable que
vous avez prise concernant les pouvoirs attribués à la Commission
de la construction. Là-dessus, on voudrait faire un petit aparté,
M. le Président, parce que, lors du dépôt du mémoire
de la commission, il a été question un peu de l'augmentation des
pouvoirs. Je pense qu'on devrait aller beaucoup plus loin que cela.
Aujourd'hui, en 1988, il y a encore des inspecteurs qui se font battre
sur les chantiers. Je pense qu'il faut qu'on le dise. S'ils se font battre sur
des chantiers lorsqu'ils vont faire de l'inspection, ce n'est sûrement
pas par des personnes qui ont un droit légitimes d'y être. C'est
parce que ce sont des gens qui ont quelque chose à cacher. Si on est
obligé d'entrer avec la police sur les chantiers de construction, c'est
parce qu'il y a un problème quelque part. Augmenter les pouvoirs, M. le
ministre, en ce sens qu'on va augmenter un peu les amendes, je pense que ce
n'est pas suffisant. C'est un bon
pas, on l'admet. Mais il va falloir aller beaucoup plus loin que
cela.
Parce qu'il y a des chantiers complets qui travaillent au noir, on exige
aussi d'avoir des pouvoirs, pour qu'on puisse les fermer. Cela fait longtemps
qu'on le demande de même que de donner des pouvoirs aux agents, aux
représentants syndicaux sur les chantiers de construction. Ce qui nous
reste à faire aujourd'hui, c'est d'aller dire bonjour aux travailleurs
et de s'en aller. Je pense que le rôle d'un représentant syndical
est plus que cela.
M. le ministre, les parties de l'industrie devront à l'avenir
être consultées au préalable, si vous voulez formuler des
projets de loi qui soient réalistes et applicables. Mais, pour le
moment, celui-ci est inacceptable.
En conséquence, nous réclamons que vous retiriez le projet
de loi 31 tel que formulé; que la Loi sur les qualifications des
entrepreneurs de la construction soit modifiée de façon à
éliminer l'artisan de l'industrie et à le restreindre aux seuls
travaux d'entretien et de réparation aux fins personnelles et non
lucratives de personnes physiques. Nous demandons également que les
artisans soient exclus des bénéfices et avantages sociaux des
vrais travailleurs de !a construction. Si cela est fait, M. le ministre, nous
serons tous disposés à venir vous exposer comment vous pourriez,
de façon réaliste, régler le problème réel
des travaux d'entretien et de réparation effectués pour les
propriétaires occupants dans le secteur résidentiel. Merci.
Le Président (M. Charbonneau): Merci, messieurs. M. le
ministre. (11 h 30)
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, M. le Président. Dans
un premier temps, vous me permettrez de remercier la FTQ-Construction, MM.
Lavallée et Paré, et de souligner - je pense qu'elle a
été remarquée - la présence parmi nous de M.
Laberge. Je pense qu'il consacre l'importance, autant pour les travailleurs que
pour l'ensemble des intervenants de l'industrie de la construction, du
présent projet de loi qui est devant cette commission parlementaire. Si,
chaque fois qu'on touche à l'industrie de la construction, M. Laberge
revient un peu dans les parages, c'est peut-être à cause de son
attachement pour cette industrie.
Pour résumer votre mémoire, je n'ai pas l'intention, parce
que le temps ne me le permet pas, de répliquer a chacun des
éléments que vous avez soulevés, mais j'ai peut-être
l'intention de m'attaquer aux principaux éléments.
Dans l'industrie de la construction, on connaît le fléau du
travail au noir. Tout le monde s'entend pour dire qu'il y a du travail au noir.
Personne ne s'entend sur les proportions. Par définition, c'est
difficile à évaluer, mais tout le monde s'entend pour dire que
c'est important. Vous nous apportez un nouvel éclairage parce que,
jusqu'à votre mémoire, la perception que j'avais comme
ministre... Et je pense que le message qui a été livré aux
membres de cette commission était que le travail au noir est
présent dans la construction industrielle et commerciale, plus
présent dans la construction domiciliaire et encore beaucoup plus
présent dans la rénovation domiciliaire.
Vous nous indiquez à la page 7 de votre mémoire: "D'abord,
le travail au noir ne s'effectue plus uniquement dans les travaux domiciliaires
mais partout dans l'industrie." Vous confirmez donc ce que l'on
soupçonnait. Vous dites: "Et le plus dommageable pour les travailleurs,
ce n'est pas le travail au noir pour "la marche d'escalier", mais plutôt
celui sur les chantiers commerciaux et industriels." Vous êtes donc
d'avis que le travail au noir sur ces chantiers est important et ce,
contrairement à d'autres intervenants qui sont venus devant cette
commission.
Vous avez donc le problème pour vos travailleurs du travail au
noir qui s'effectue sur ces grands chantiers de construction. Je vous dirai que
le consommateur, lui, a un autre problème à l'autre bout, pour
ses travaux de rénovation, de réparation, de modification et
d'entretien. Il est de commune renommée que les tarifs imposés
par le décret de la construction, la non-polyvalence de l'artisan, la
disponibilité des artisans pour effectuer ces travaux-là, ainsi
que d'autres critères font en sorte que le consommateur a tendance, de
plus en plus, à recourir massivement au travail au noir pour faire
exécuter ce type de travaux.
On assiste donc à ce qu'un éditorialiste de
Montréal a qualifié dernièrement de vaste hypocrisie
sociale. Je pense qu'on s'entend pour dire qu'elle existe dans la
rénovation.
Vous nous mentionnez qu'il existe également une vaste hypocrisie
sociale dans les grands chantiers de construction. Vous dites, en conclusion de
votre mémoire: Réglez-nous l'aspect de l'hypocrisie sociale sur
nos gros chantiers et on vous dira, M. le ministre, comment régler
l'hypocrisie sociale dans la rénovation domiciliaire. Peut-être
que ce n'est pas impossible, je vous le soumets bien respectueusement, de
régler ces deux hypocrisies sociales en même temps, si on
réussit à s'entendre. Je pense qu'on vise les mêmes
objectifs: c'est de réduire au maximum, sinon d'éliminer, le
travail au noir dans les grands chantiers et dans la construction par plus de
contrôle et d'éliminer le travail au noir dans la
rénovation en permettant d'effectuer ces travaux hors décret.
Vous posez la véritable question: Est-ce que le gouvernement peut
envoyer un inspecteur par logement? Est-ce que c'est praticable? Est-ce que
c'est applicable? Je pense qu'après des années
d'expérience la réponse est non.
Au centre de tout cela, et je sens que là vous n'y allez pas de
main morte, vous attaquez ce qu'on appelle l'artisan. J'aimerais que vous nous
expliquiez votre position concernant l'ar-
tisan. J'ai relu, et j'ai fraîche à la mémoire,
votre déclaration de 1984 concernant l'artisan, dans laquelle vous
souhaitiez à l'époque qu'il soit confiné aux travaux de
rénovation et de réparation domiciliaire, etc. Au moment
où nous parlons, vous souhaite2 sa disparition pure et simple. Comment
conciliez-vous ces deux prises de position?
M. Lavallée: Écoutez, on a la même prise de
position qu'en 1984. En 1984, on avait dit au gouvernement en commission
parlementaire: on a des problèmes avec les artisans. Cela portait son
nom, c'était pour faire du travail d'artiste, envoyez-les à la
bonne place! Envoyez-les jouer - dans nos termes - dans le domiciliaire pour
une personne physique sans but lucratif, sortez-les complètement de la
construction neuve. On tient encore le même langage. On s'est
aperçu qu'au fil des années ils ont pris de l'ampleur. Au
début, on les voyait un peu moins sur les chantiers industriels.
Aujourd'hui, on les voit partout, à travers les "brokers". Les "brokers"
prennent un contrat, je l'ai vécu ici, on avait des témoins. Mon
ami Pouliot, je ne sais pas s'il est dans la salle, mais il était avec
moi. On se rappellera toujours l'histoire qu'on avait vue du Hilton. Le Hilton,
ici, a fait la réparation à l'intérieur à
l'entrée. On a changé le bar, le restaurant, etc. On est
arrivés là un soir, en compagnie de Yves, qui est ici, et de
Maurice. On s'est mis à faire notre enquête. On s'est
aperçu que les gens qui travaillaient à refaire le plafond
étaient des gars qui n'avaient pas de carte. Ils travaillaient de nuit.
Ils se cachaient aussi, ils ne pouvaient peut-être pas, dans certains
cas, le faire aussi facilement le jour, mais ils se cachaient pour le faire le
soir. On a posé des questions à ces personnes. On a dit: Est-ce
que vous avez des cartes, etc? Non, c'était un sous-contrat du
sous-contrat du sous-contrat. Donc, il y avait un "broker" qui avait pris cela
et il l'avait donné à sous-contrat et le sous-contrat avait
été donné à cette personne qui, elle, faisait le
travail, je suis à peu près sûr, à 99 % au noir.
On a vu cela de façon générale sur les chantiers.
Lorsqu'on dit - c'est vrai, vous pouvez vérifier cela avec la commission
- que, sur des chantiers de construction les inspecteurs de la commission sont
obligés d'y aller avec la police provinciale, les inspecteurs ne sont
plus respectés parce que, justement, ii y a des choses que les artisans,
les promoteurs et les "brokers" veulent cacher, c'est rendu à ce point.
Nous n'avons pas changé de position. On a dit: Les artisans, enlevez-les
de la construction neuve et envoyez-les travailler pour une personne physique
sans but lucratif dans l'entretien et dans la réparation dans le secteur
domiciliaire. C'est la même position que celle de 1984. Peut-être
qu'on se comprend mal sur les termes, mais c'est encore la même chose
qu'on dit dans notre mémoire.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Mais là, vous ne nous
parlez plus uniquement dans votre mémoire de ce qu'on appelle ou de ce
qu'on qualifie d'entrepreneurs artisans. Vous nous parlez également
d'entrepreneurs associés et vous semblez les placer dans la même
catégorie. Je voudrais qu'on soit clair là-dessus.
M. Lavallée: C'est la même chose. Je ne sais pas
comment il se fait qu'on les a... C'est le terme, je pense que cela a
été discuté aussi. Un entrepreneur associé, c'est
un entrepreneur qui travaille seul et, en cours de route, il peut s'adjoindre
deux ou trois entrepreneurs associés pour faire un travail. C'est
très difficile pour un poseur de gyproc de prendre une feuille de douze
ou de seize pieds et de la poser seul. Vous essaierez de prendre une feuille de
seize pieds et de la tenir pour aller la poser. En tout cas, c'est une belle
gymnastique à faire. Il va falloir que vous soyez une couple ensemble et
peut-être plus.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Mais, de façon pratique, il
y a des gens aujourd'hui qui travaillent légalement dans l'Industrie de
la construction qui s'appellent "entrepreneurs artisans" et qui s'appellent
"entrepreneurs associés". Les chiffres qu'on m'a fournis, concernant ce
nombre d'individus, varient autour de 9000. Pratiquement pariant, vous
souhaitez quoi pour ces 9000 individus? Ils ne peuvent pas être
rayés de la carte de...
M. Lavallée: Ils auront à choisir entre s'en aller
comme artisans et travailler dans l'entretien et la réparation pour une
personne physique sans but lucratif ou devenir entrepreneurs et travailler sur
les chantiers de construction neuve.
M. Laberge (Louis): M. le ministre, si vous permettez, je vais
essayer de vous expliquer cela très clairement. Ce n'est pas
compliqué, pas une maudite miette. La réparation et l'entretien
dans le secteur domiciliaire et résidentiel pour une personne physique
sans but lucratif, on est prêt à accepter que cela sorte
complètement des décrets. C'est un irritant pour le consommateur
et cela le met en maudit. Pour vous, membres de l'Assemblée nationale,
que ce soit de l'Opposition ou du gouvernement, c'est un irritant, vous avez un
tas de monde dans vos comtés qui vous achalent là-dessus. Je vous
dis: Parfait, sortons-le du décret. Mais, en retour, on va faire une
affaire, et pour le gouvernement, et pour le consommateur, et pour les
travailleurs de la construction. On va nettoyer les chantiers de construction
pour qu'il y ait juste deux sortes de monde sur les chantiers. Tu es un
employeur ou tu es un employé. Cela, ce serait clair, c'est facile
à vérifier, beaucoup plus facile à vérifier. Tu es
employeur ou tu es employé.
Que les artisans fassent la réparation, qu'ils
fassent l'entretien dans le résidentiel sans but lucratif, on est
d'accord avec cela, mais nettoyons les chantiers de construction:
employeurs-employés. D'abord, le gouvernement, c'est à son
avantage. Plus de la moitié des heures sont cachées et ils ne
paient pas d'impôts. Vous le savez fort bien, mon cher ministre, que,
lorsqu'il y a tant de gens que cela qui ne paient pas d'impôts, nous
autres on est obligés d'en payer plus. Ce n'est pas populaire, cela!
C'est à notre avantage à tout le monde. Pour le consommateur, y
a-t-il quelque chose de plus important que, lorsqu'il achète une maison,
de s'assurer que, s'il y a quelque chose qui arrive, il va pouvoir la faire
réparer, revenir sur l'entrepreneur en construction qui l'a faite? Un
artisan ne peut pas faire cela. L'artisan est disparu dans la brume, il n'est
pas solvable. Pour le consommateur, c'est d'une importance capitale. C'est
l'achat le plus important de sa vie.
J'ai vu couler un solage et le solage ouvrir. C'est quelque chose
à défaire et à recommencer à neuf. L'artisan qui
avait fait cela, on ne peut pas le rejoindre, il est parti, lui. Un
entrepreneur spécialisé dans la construction est obligé de
payer, il a une licence, un bon. On peut revenir contre lui. Pour le
consommateur, le gouvernement ou les travailleurs de la construction, vous avez
une occasion en or de nettoyer cela. Les artisans: la réparation,
l'entretien dans le domiciliaire sans but lucratif, parfait. Sortez-les des
chantiers, que ce soit clair: employeurs-employés.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Pour être clair, vous nous
dites: pour les chantiers: employeurs-employés, en ce qui concerne les
chantiers industriels, commerciaux et la construction domiciliaire...
M. Laberge: Toute la construction, que ce soit domiciliaire ou
autre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Vous nous dites: L'artisan,
retournez-le dans la rénovation, la réparation, la modification,
etc., dans le domiciliaire, ce qui n'est pas de ia construction domiciliaire,
de la construction dans les grands chantiers ou de la rénovation dans
les grands chantiers.
M. Laberge: Dès que c'est de la construction:
employeurs-employés.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): En le confinant là,
souhaitez-vous l'exclusivité des travaux pour l'artisan dans le domaine
de la réparation et de la rénovation ou si, à ce niveau,
comme le prévoit le projet de loi, il sera en compétition avec
toute autre personne qui peut faire des travaux?
M. Laberge: Ce ne serait pas régi par le décret,
à ce moment-là, il est "number one".
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Cela va.
Le Président (M. Charbonneau): M. le député
d'Abitibi-Ouest.
M. Gendron: Je voudrais rapidement remercier la FTQ-Construction
d'être venue présenter son point de vue qui est toujours
intéressant parce que vous êtes dans le domaine, comme centrale
syndicale, depuis plusieurs années. Je ne pense pas qu'il y ait beaucoup
de projets de loi concernant !e domaine de la construction où vous
n'avez pas tenu à exprimer votre point de vue. Vous l'avez encore
rappelé, vous n'êtes souvent pas assez écoutés
à votre goût et vous avez peut-être raison.
Pour ce qui est du projet de loi 31, c'est on ne peut plus clair. On ne
peut pas chercher de midi à quatorze heures votre point de vue. C'est un
projet de loi inadapté, dangereux pour l'industrie, tout autant pour les
consommateurs, qui arrive à un mauvais moment, mais toujours de la
même façon, à la dernière minute. Vous dites que
c'est une habitude dans l'industrie de la construction. C'est plus une habitude
du ministre d'arriver constamment à la dernière minute avec des
projets de loi dont on n'a pas tellement entendu parler et qu'on veut faire
adopter rapidement, toujours dans le même système parlementaire
que nous sommes, dans ce qu'on appelle la fin de session.
Ce qui m'a intéressé dans votre mémoire, c'est
qu'on sent que, même si le délai a été court,
même si vous n'avez pas eu l'occasion de vous consulter, tous ceux qui
sont venus nous parler du projet de loi 31 jusqu'à maintenant disent la
même chose: Cela n'a pas de bon sens, ou: Reportez cela pour qu'on aille
consulter nos gens afin qu'ils nous disent que cela n'a pas de bon sens
davantage, parce qu'on n'a pas eu le temps de le faire. Donc, là-dessus,
il y a unanimité des mémoires qu'on a entendus à ce jour.
Il n'y a personne qui est venu nous dire que ce projet de loi réglerait
le problème pour lequel on l'a rédigé. On a
rédigé ce projet de loi, sup-posément, pour contrer le
travail au noir. Il me semble que vous avez fait la preuve, on ne peut plus
clairement, que tout ce que cela pourra avoir comme mérite, c'est
d'amplifier le travail au noir plutôt que de régler quoi que ce
soit. C'est un point de vue que je partage. Votre projet de loi est malvenu
dans sa démarche, dans sa formulation et dans le temps.
J'ai quand même quelques questions à vous poser, moins sur
le projet de loi que sur l'expertise que vous avez dans le domaine de la
construction, pour regarder ensemble des solutions. Vous l'avez dit tout
à l'heure, M. Laberge. C'est très clair que, pour ce qui est du
secteur qu'on appelle communément l'entretien et la réparation
pour de menus travaux, les contribuables du Québec... Et j'ai
l'impression que pas beaucoup
de monde ne souhaite pas que ceia ne fasse plus partie du décret.
C'est la logique consommée. Nous, on dit: Les petits travaux... Surtout
quand le ministre avait la prétention de dire: la réparation
d'une marche d'escalier, le remplacement de la hotte de poêle - pas avec
sept corps de métier, j'aimerais cela qu'il revienne, il n'a jamais
véritablement expliqué où il avait pris cela - je pense
que vous comprenez que cela a du bon sens que ce soit exclu du décret.
(11 h 45)
Cependant, quand on ajoute la rénovation et que des gens sont
venus nous dire depuis le début des audiences que la rénovation
moyenne des dernières années, par contrat - pas par unité
de logement parce que c'est difficile, mais par contrat - est de l'ordre de 18
000 $, de 20 000 $ à 22 000 $, on n'est plus dans les menus travaux. Il
me semble que vous avez raison de dire que, pour ce genre de travail, il n'y a
personne, que je sache, qui souhaite que ce soit sorti du décret avec
les conséquences que cela peut avoir sur la qualité des travaux,
sur la garantie par rapport à des vices de formes que cela peut avoir et
ainsi de suite.
Voici la première question que j'aimerais vous poser, parce que
c'est surtout cela qu'on doit faire, compte tenu de l'expertise que vous avez
dans le domaine, pour essayer d'éclairer davantage la lanterne du
ministre et du gouvernement. Si jamais il veut poursuivre dans son projet de
loi, au moins que ie projet de loi vise à régler un peu plus les
vrais problèmes. À la page 6 de votre mémoire vous avez
indiqué dans une petite phrase subtile: "dans sa formulation actuelle,
il serait inefficace en regard de ses objectifs mêmes - parce que le
ministre a défini les objectifs dans ses notes explicatives du projet de
loi - (du moins dans ses objectifs officiels)". La question que je vous pose:
Est-ce que vous croyez qu'effectivement le projet de loi 31 n'a pas comme
objectifs officieux de sortir graduellement l'ensemble du domiciliaire du
secteur de la construction et que ce sera un premier pas? Est-ce comme cela que
vous comprenez le projet de loi 31?
M. Laberge: J'espère que ce n'est pas ça parce que,
si c'était cela, ce serait malhonnête. On est prêt à
venir rencontrer le gouvernement, à discuter carrément et
franchement des problèmes. Il y a un problème sur la
réparation et l'entretien dans le résidentiel? Réglons le
problème. Mais retarder indéfiniment ne réglera pas la
situation non plus. On souhaite que cela se fasse. Vous avez une situation
claire devant vous. Vous pourriez faire quelque chose et l'Opposition pourrait
aider le gouvernement là-dedans: faire quelque chose dans
l'intérêt de tout le monde: des consommateurs, du gouvernement et
des travailleurs. Vraiment une situation claire, pas la rénovation. Vous
le savez, vous avez vu cela à Montréal, M. Gendron. Ils prennent
des bâtisses, des anciens collèges ou des choses semblables. Ils
n'en gardent que les murs puis les planchers. Ils refont tout
l'intérieur et l'extérieur. Ce n'est pas de la réparation
et de l'entretien. On dit: La réparation et l'entretien dans le
résidentiel, sans but lucratif: artisans. Chantiers de construction:
employeurs-employés. C'est clair. Faites cela et vous allez voir que
ça va encore bien aller pour une secousse. Le reste, il y a la
commission Sexton; elle fera son rapport en temps et lieu. Pour le moment,
faites donc ce coup-là.
M. Gendron: Deuxième question...
M. Laberge: Cela vous aiderait de faire un bon coup une fois de
temps en temps.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Paré (Yves): On dit: "officiels", parce que c'est la
question que l'on posait tout à l'heure: Est-ce que l'intention du
ministre est strictement pour une personne physique à but non lucratif,
propriétaire occupant ou si cela laisse vaguement l'impression que... Je
peux vous dire que les entrepreneurs, les "brokers", les artisans - on le dit
dans notre mémoire - sont assez rapides pour contourner les lois, puis
on n'a pas un inspecteur sur le talon de chacun. Donc, qu'est-ce que la loi 31
veut dire par rénovation, entretien, réparation et modification?
C'est le danger.
M. Gendron: Deuxième question: Vous avez longuement
décrit comment se pratique le travail au noir dans la construction. Le
ministre a indiqué à quelques groupes pas nécessairement
les statistiques parce que c'est une mauvaise expression de parler des
statistiques concernant le noir, si c'est vraiment le travail au noir, mais les
informations qu'on a ou ce dont nous disposons pour porter un jugement
analytique. Dans la gradation du travail au noir, le ministre dit: Là
où se fait le plus de travail au noir, c'est dans les travaux de
rénovation; deuxièmement, dans le domiciliaire;
troisièmement, dans le commercial. Il a vérifié cette
interprétation avec quelques groupes qui l'ont confirmé. La
question que je vous pose, puisque si on lit bien votre mémoire, vous ne
semblez pas dire ça: Dans votre mémoire, il vous apparaît
que le gros du travail au noir, le vrai noir pesant et lourd, est d'abord dans
les chantiers commerciaux.
M. Paré (Yves): II est partout. On ne peut plus se le
cacher, en 1979, quand la loi a été adoptée pour
créer l'artisan, on disait: De toute façon, la réparation
et l'entretien, c'est tout fait au noir. Donc, on va légaliser cela.
Huit ou neuf ans après, on dit: C'est un peu plus grand; on va
légaliser cela encore. Le travail au noir n'est pas strictement dans la
réparation et l'entretien, il est partout.
M. Gendron: M. Paré, on s'entend là-dessus. Je
pense qu'il y en a partout, mais pour moi ce n'était pas cela: quand on
parle de gradation, c'est qu'on porte un jugement qualitatif en termes
d'importance.
M. Laberge: II y en a plus dans la réparation, l'entretien
et la rénovation que sur les chantiers industriels et commerciaux, c'est
sûr.
M. Lavallée: Sauf que, dans l'industriel et le commercial,
quand on parle de travail au noir, cela ne s'attache pas uniquement à
dire que c'est du travail fait sous la couverte. Il y a toutes les banques
d'heures qui s'attachent à cela. Il y a une série de
circonstances qui font en sorte que, même sur les gros chantiers
industriels, il y a une forme de travail au noir qui est différente de
celle pratiquée en entretien, en réparation et en
rénovation.
M. Gendron: Je pense que votre mémoire a bien
exprimé ce que vous entendiez par toute la pratique du travail au
noir.
M. Laberge: La pollution s'étend.
M. Paré (Yves): Cela va même plus loin que cela.
Dans les gros chantiers industriels aujourd'hui, les surveillants de travaux
mettent dans les contrats que les entrepreneurs n'auront pas le droit d'avoir
des banques d'heures. Ce n'est pas rendu au gars qui répare une marche
d'escalier, là, mais dans des chantiers industriels de plusieurs
centaines de millions.
M. Gendron: La troisième question, c'est concernant
l'illégalité qui est devenue presque une vertu dans le secteur de
la construction. Vous dites à la page 9 de votre mémoire: "Et
votre gouvernement - vous parlez du gouvernement, vous pariez au ministre -
comme la CCQ ont laissé aller le développement de
l'illégalité comme principe d'organisation de l'industrie." Je
voudrais que vous étayiez davantage ce jugement qui est quand même
d'une sévérité probablement réelle, mais...
Une voix: ...avec l'ancien gouvernement.
M. Gendron: Également, mais étayez donc cela un peu
plus.
M. Lavallée: Ce n'est pas la première fois qu'on en
discute. On a discuté avec ce gouvernement-ci et on a discuté
avec l'ancien gouvernement pour leur dire que cela n'a pas de bon sens. C'est
rendu que tout le monde sait qu'il y a du travail au noir qui se fait, qu'il y
a un paquet d'argent qui est camouflé et que les impôts ne sont
pas payés.
On a dit au gouvernement et on a déjà dit au ministre des
Finances: Pourquoi ne serrez-vous pas la vis? On a dit au gouvernement actuel:
Pourquoi ne prenez-vous pas les gens que vous avez appelés les boubous
macoutes, pourquoi ne les engagez-vous pas pour suivre les employeurs de la
construction? Je vous dis que, si on prenait ces inspecteurs-là pour les
envoyer vérifier les livres de l'artisan qui déclare 800 heures
par année, 1000 heures par année, qui a une maison de 250 000 $,
qui passe l'hiver en Floride parce que l'hiver, cela coûte plus cher de
construire les bungalows, comme on les appelle, et qu'on se mettait à le
suivre un peu, vous verriez que ce serait pas mal différent.
Les pressions sur les gouvernements, que ce soit celui-ci ou les
gouvernements antérieurs, ont été faites, mais il n'y a
rien qui suinte, il n'y a rien qui bouge. On dirait qu'on ne veut pas aller
serrer la vis dans le champ pour faire en sorte que cesse ce travail au noir
légalisé sur lequel tout le monde s'entend pour dire que oui,
c'est vrai, il y a des centaines de millions d'impôt que le gouvernement
ne récupère pas et on laisse aller cela.
M. Laberge: Pour le ministre, il a bien plus d'argent à
récupérer là-dedans que cehz: les
bénéficiaires de l'aide sociale! Il y en a là-dedans.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Gendron: J'ai une autre question pour M. Paré, M.
Laberge ou M. Lavallée. Il est sûr que, si le ministre
décidait d'appliquer le projet de loi 31, cela aurait une
conséquence quand même assez importante sur les différents
niveaux de la main-d'oeuvre, de même que sur les avantages sociaux.
J'aimerais que vous me donniez l'analyse que vous avez faite des
conséquences dans la perspective où, effectivement, on soustrait
de l'application du décret toute la rénovation et tout cela.
C'est quoi, concrètement, en chiffres, l'impact que cela peut avoir sur
votre main-d'oeuvre, comme centrale syndicale, et également sur la perte
d'avantages sociaux que perdrait indubitablement un certain nombre de
travailleurs? Est-ce que vous avez fait une évaluation? Sans aller dans
les détails à n'en plus finir, grosso modo, c'est quoi,
l'évaluation en chiffres par rapport à vos effectifs et à
la perte d'avantages sociaux?
M. Laberge: Me permettriez-vous, toutefois, de faire une
précision? Nous, on parle d'entretien et de réparation. Si on
s'en va dans tous les mots que le ministre emploie dans le projet de loi 31,
c'est énorme, l'impact est énorme. Si on parle d'entretien et de
réparation, c'est encore beaucoup, mais c'est beaucoup moins. Nous, on
essaie... C'est d'une importance capitale. On a parlé tantôt de la
rénovation, de la façon dont cela se fait maintenant. La
rénovation, c'est de la construction, dans le fond. Ils ne prennent que
les murs et ils refont tout à neuf. Mais, en ce qui concerne l'entretien
et la réparation,
l'impact est beaucoup moindre, c'est bien sûr, mais c'est quand
même beaucoup.
Quant aux chiffres précis, le ministre ne nous a pas donné
le temps de fouiller cela très longtemps. Il déposait le projet
de loi alors qu'on était au congrès du CTC à Vancouver. On
est revenu et on a fait cela vite un peu. Peut-être qu'il y a même
des erreurs là-dedans, mais c'est la faute du ministre.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Paré (Yves): Peut-être un complément.
C'est pour cela qu'on met en doute soit le projet de loi du ministre ou sa
déclaration en ce qui a trait aux 2 000 000 000 $.
On dit: Si vous parlez de 2 000 000 000 $ strictement pour des personnes
physiques, ce n'est pas 2 000 000 000 $, c'est beaucoup moins, peut-être
500 000 000 $. Mais, si le chiffre de 2 000 000 000 $ est exact, ce n'est plus
pour une personne physique, c'est pour toute la rénovation de condos qui
va se faire dans le centre-ville de Montréal, un peu partout, dans le
cas d'écoles achetées et converties en condominiums. Dans ce
cas-là, on pourrait dire que le montant de la rénovation pourrait
être de 2 000 000 000 $, mais ce n'est plus pour une personne physique.
Alors, la vraie estimation, on ne l'a pas.
M. Gendron: D'accord. Autre question. Qu'est-ce que vous
penseriez d'envisager, pour régler le problème - parce que tout
le monde constate qu'il y en a un, cela ne fait aucun doute - d'oublier toutes
les écritures du projet de loi 31 et les communiqués de presse
qui disaient à peu près le contraire du projet de loi 31 du
ministre, d'oublier tout cela et d'envisager une seule mesure qui, à ma
connaissance, n'a jamais été assez fouillée et qui serait
à peu près celle-ci: Exclusivement pour le domaine
résidentiel, on dirait: Tous travaux - sans les qualifier - dans le
domaine résidentiel, de 2500 $ et moins - c'est un exemple, je ne veux
pas fixer le montant cet après-midi - sont exclus du décret? Tout
le reste... Parce que je prétends, moi - je veux finir ma phrase - je
prétends que des montants comme cela, de 2000 $ à 2500 $,
couramment, selon ce que je connais, c'est vraiment de la réparation et
de l'entretien. Tu ne refais pas une structure, tu ne refais pas un solage, tu
ne refais pas un garage, tu ne refais pas une annexe comme il est
proposé, puisqu'à un moment donné l'annexe devienne plus
importante que la bâtisse principale. C'est cela qui est proposé
dans le projet de loi 31. Tout cela serait exclu et il me semble que c'est
facile à gérer, cela. On dirait: Tous travaux de tel montant sont
exclus; toujours dans le domaine résidentiel, le reste, je ne m'occupe
pas de cela. Je voudrais savoir quel est votre point de vue sur une affaire
comme cela.
Une voix: D'accord.
M. Laberge: C'est le contrôle qui est difficile.
M. Lavallée: D'accord. Bien...
M. Laberge: Le contrôle est très difficile.
M. Lavaflée: Le contrôle est très difficile.
Je peux vous dire qu'on a déjà vécu cela dans le secteur
industriel. Cela a été le bordel.
M. Laberge: C'était 5000 $.
M. Lavaliée: Cela a été le bordel.
C'était 5 000 000 $ et moins, dans le secteur industriel. On
s'arrangeait pour toujours donner des contrats de moins de 5 000 000 $.
Vous parlez de 2500 $ dans l'entretien et la réparation.
M. Gendron: À titre d'exemple.
M. Lavallée: Tu fais faire un petit ajout d'un balcon, en
arrière, c'est cela, 2000 $, 2500 $. Cela veut dire: Comment feriez-vous
pour faire ce suivi-là? En tout cas, cela nous prendrait des inspecteurs
pour faire ces vérifications-là et il y aurait ce jeu-là,
encore une fois, qui pourrait arriver, de "spliter" les contrats. En tout cas,
à première vue, moi, je trouve cela...
M. Gendron: Bien, regardez. C'est parce que j'avais en tête
- ce ne sera pas long, on va mettre cela ensemble - une deuxième
question qui est liée à cela. Moi, je prétends que, oui,
cela a du bon sens de l'envisager si effectivement celui ou ceux qui
proposeraient cela ont la capacité d'avoir un mécanisme de
contrôle. Mon autre question sur le mécanisme de contrôle,
c'est: Puisque, à moins que je ne me trompe, la plupart des
municipalités du Québec exigent que, même pour une petite
réparation ou une rénovation, nous détenions un permis -
celui qui le fait faire - de la municipalité, construction ou
rénovation...
M. Laberge: Construction, oui; pas rénovation.
M. Gendron: Ah oui! M. Laberge: Pas réparation.
M. Gendron: Non. M. Laberge: Entretien.
M. Gendron: Pas réparation, vous avez raison. Mais
rénovation, oui, rénovation, des travaux mineurs, si on
définissait ce que c'est. Mais, puisque la plupart des
municipalités exigent un permis, est-ce que ce ne serait pas une formule
envisageable que de dire dans un projet
de loi quelconque: Toutes les municipalités du Québec
doivent faire obligatoirement rapport à la Commission de la construction
du Québec de rémission des permis de rénovation et de
construction?
Une voix: II y a une façon de vérifier cela.
M. Gendron: Par le biais de l'ensemble des municipalités
du Québec, il me semble que là, on aurait l'heure juste et qu'on
serait en mesure de contrer beaucoup mieux le travail au noir.
M. Lavallée: Sauf que, si cela fonctionnait, on n'a pas
réglé notre problème des artisans dans la construction
neuve.
M. Gendron: Non, les artisans, je vais y revenir. En tout cas,
j'ai une dernière question là-dessus. Mais pensez-vous que c'est
quelque chose qui...
M. Paré (Yves): Bien, toute formule de contrôle est
acceptable, mais...
M. Laberge: Cela pourrait aider.
M. Paré (Yves): ...je veux dire, ce n'est pas la seule qui
serait acceptable.
M. Laberge: Cela pourrait aider.
M. Gendron: Non, non, mais je pense que... Je pense que cela
pourrait aider. Je veux avoir votre opinion là-dessus.
M. Laberge: Aucun doute.
M. Gendron: Votre opinion, c'est que cela pourrait aider.
M. Laberge: Cela pourrait aider. (12 heures)
M. Gendron: Dernière question, en ce qui me concerne, dans
le temps qui m'est imparti. Sur les artisans, je pense que - moi, je ne change
pas d'avis - l'objectif qui avait été prévu est un
objectif valable, dans la perspective où les artisans étaient
confinés davantage au résidentiel qu'au commercial. La pratique a
voulu qu'il se développe toutes sortes de situations. Et, aujourd'hui,
si j'avais un tableau devant moi, je serais obligé de constater que ce
n'est pas cela, le portrait. Je serais obiigé de constater que ce n'est
pas cela, le portrait factuel. En conséquence, je pense que, dans votre
mémoire, vous l'indiquez très clairement: Même si le projet
de loi 31 a le mérite, selon le ministre, d'avoir ajouté de
belles phrases concernant l'enregistrement des heures et tout le contrôle
plus sévère - dans le jugement que vous portez, vous le dites -
cela ne changera rien parce qu'il y a trop de pratiques déloyales qui se
sont développées, que ce n'est pas en disant: Dorénavant,
une fois par mois, vous allez faire votre petit rapport, qu'on va pouvoir mieux
contrôler le travail des artisans. Votre suggestion, c'est de les sortir
carrément du décret de la construction et de les confiner
exclusivement au domaine résidentiel. C'est bien ça?
M. Laberge: Ils auront le droit d'aller travailler sur les
chantiers, mais, à ce moment-là, ils choisiront leur statut. Ils
seront employés ou employeurs. Ils ne seront pas entre deux chaises;
voilà. Un employé n'a pas le choix, il est obligé de
déclarer ses heures. C'est l'employeur qui les déclare pour lui.
Puis un employeur, c'est pareil parce que, en tout cas, c'est plus facile
à vérifier. Allons-y carrément.
M. Gendron: Donc, ce n'est pas sortir les individus, c'est sortir
le statut.
M. Paré (Yves): Voilà. Parce qu'il n'y a pas de
travailleur résidentiel, commercial ou industriel comme il n'y a pas
d'artisan résidentiel, commercial ou industriel. Il y a des travailleurs
de la construction et des artisans de la construction. Si on continue à
reconnaître l'artisan, il y a une compétition déloyale dans
l'industrie de la construction.
Un charpentier menuisier lors de la grève de 1986
déclarait à la radio: Je ne suis pais un charpentier menuisier
résidentiel, je suis un charpentier menuisier de la construction. Quand
je n'ai plus d'ouvrage dans la maison, je m'en vais dans l'édifice. Je
suis un travailleur de la construction. L'artisan, c'est la même mosus
d'affaire. Il n'est pas confiné à dire: Bon, moi, je fais rien
que de la maison. Ne m'appelle pas et ne me sollicite pas à 50 $ l'heure
pour aller travailler dans le commercial, je n'y vais pas. Non, le statut,
c'est artisan dans la construction puis travailleur dans la construction. Et
c'est là que c'est déloyal.
M. Gendron: D'accord. Je veux remercier les gens de la FTQ parce
que, dans le temps qui m'est imparti, j'ai terminé. Alors, merci.
Le Président (M. Charbonneau): M. le ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, j'ai quelques questions
additionnelles concernant les inspections comme telles et le resserrement des
mesures. Je note qu'à la page 21 du mémoire, dans l'ensemble des
bons mots que vous avez eus à l'égard du projet de loi, vous
dites: "Nous signalons tout de même la direction souhaitable que vous
avez prise concernant les pouvoirs attribués à la CCQ, sans
toutefois aller suffisamment loins", pour finir la phrase.
Je pense qu'il y a resserrement en ce qui concerne les grands chantiers
et, sur le plan de l'applicabilité, je pense que, si on clarifie les
choses et que l'on donne les moyens, il y a une
applicabilité qui peut être raisonnable et nous assurer une
diminution considérable, sinon l'élimination, du travail au noir
dans les grands chantiers industriels et commerciaux. Sur le plan pratique,
également, de l'applicabilité dans la construction domiciliaire
qui demeure soumise, avec le projet de loi 31, au décret de la
construction, il y a une phrase qui m'inquiète dans votre mémoire
et j'aimerais que vous l'expliquiez un peu. Au bas de la page 17, vous
demandez, et vous le faites sous forme interrogath/e: "Allez-vous faire des
inspections à chaque maison qui se construit?" Et là, on dit bien
"construit". Si on conserve la construction domiciliaire dans le décret
de la construction, j'imagine que c'est parce qu'on a l'intention d'appliquer
la réglementation dans la construction domiciliaire.
M. Laberge: C'est une des erreurs dont vous êtes
responsables.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): D'accord. Des voix: Ha, ha,
ha!
M. Laberge: Mais ça va plus loin que cela, monsieur.
Ça va beaucoup plus loin que cela et cette phrase-là n'est pas
nécessairement... Ce qu'on veut dire là-dedans, c'est
qu'aujourd'hui, au moment où l'on se parle, les entrepreneurs doivent
rapporter les heures des artisans, faire des déclarations, tout le kit
au complet. Et, M. le ministre, on ne les prend pas sur les chantiers de
construction. Il y a du travail au noir qui continue même si l'artisan
travaille pour un entrepreneur. Là, on nous dit: Bon, maintenant, il va
être obligé de rapporter les heures qu'il va faire pour une
personne physique, il me semble que je vois le type, le 31 de chaque mois,
dire: Bon, là, cette semaine-là, il a mouillé deux jours,
je vais déclarer rien que huit heures. C'est lui qui fait son propre
rapport pour une personne physique. Il ne faudrait quand même pas dire
que la Commission de la construction... Et un autre élément sur
lequel on a dit que vous n'allez peut-être pas assez loin, et un
confrère vous l'a mentionné hier, on manque d'inspecteurs
à la CCQ, cela fait six mois qu'on a des demandes. Bon, je ne reviendrai
pas là-dessus. La Commission de la construction, quand on dit qu'on est
dix-huit mois en retard dans la vérification des livres, qu'on ne vienne
pas me faire accroire qu'on vérifie chantier par chantier puis qu'on est
capable de dire: II y a tant d'artisans sur tel chantier puis il y a tant de
travailleurs au noir. La plus belle preuve, c'est que personne ne peut donner
les chiffres parce qu'ils ne le savent pas et nous autres non plus, M. le
ministre. Puis on est obligés de se fier à des fausses
données pour essayer de trouver la vérité
là-dedans. Alors, c'est cela le problème.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Disons qu'on réussit une
clarification de statut, sur laquelle on peut s'entendre, admettons qu'on peut
s'entendre également sur le fait, sur les chantiers commerciaux et
industriels, on peut contrôler l'application d'un décret, les
choses étant plus claires, admettons également qu'on peut, avec
efforts, réussir à appliquer le décret et à le
contrôler dans la construction domiciliaire, on va avoir
dépensé pas mal d'énergie et on va avoir consacré
pas mal d'efforts pour enrayer le travail au noir dans ces deux secteurs
où le décret s'applique.
Revenons à ce nous nous appelons "entretien, réparation",
ce à qui le projet de loi ajoute "rénovation, modification". Vous
me donnez l'exemple de l'école transformée; ce n'est pas ce que
le projet de loi vise. Il vise l'habitation de l'individu, de la personne
physique à des buts non lucratifs et il vise, comme le projet de loi
l'indique "l'entretien, la réparation, la rénovation et la
modification". Prenons le cas des travaux qui sont effectués dans la
cuisine d'un consommateur. Travaux d'entretien, l'exemple: travail de peinture;
travaux de réparation: réparer une armoire qui est brisée;
travaux de rénovation: les armoires de cuisine qui sont en bois sont
transformées en mélamine. Prenons l'exemple de modification: le
consommateur agrandit sa cuisine par l'addition d'armoires, il modifie cela.
Est-ce qu'on peut sérieusement penser que, sur le plan de
l'applicabilité de la vérification, on peut aller vérifier
les questions de rénovation et de modification si on ne retient
qu'entretien et réparation?
M. Laberge: La rénovation, des affaires comme cela, je
vous dis que ce n'est pas cela qui inquiète les gens, pour être
bien franc. C'est parce que c'est de la rénovation, la nouvelle mode
depuis plusieurs années, enfin, six ou sept ans au Québec, de la
rénovation, il s'en fait partout. On prend de vieilles maisons, on les
transforme, on en fait des logements fort agréables et, en tout cas moi,
je trouve qu'il se fait une "maudite belle job" là-dessus. C'est
sensationnel.
Mais cela, ce n'est plus ce qu'on veut couvrir. Vous savez que, quand
ils prennent, par exemple, une ancienne école et qu'ils font des condos,
ils sont six là-dedans et ils se font chacun un condo pour eux, sauf
qu'ils ne restent pas dedans. Il y a un gars qui leur tord le bras et ils les
vendent avant de pouvoir emménager. C'est cela qui se passe.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je tente de préciser les
définitions parce que, tantôt, il va falloir arrêter,
baliser des définitions qui auront une application pratique et les
conséquences dans le vécu quotidien de tous les intervenants de
ce dossier-là; quand vous me parlez de l'école
transformée, je pense, peut-être à tort, qu'on a les
moyens, les outils et la volonté de contrôler ce type de
rénovation, de modification. Là on revient à la question
fondamentale: Est-ce qu'on
a les outils, la volonté, est-ce que c'est possible d'aller
contrôler des travaux de modification et de rénovation à
l'intérieur de la résidence de tous les individus? Est-ce qu'on a
les moyens ou est-ce qu'on ne rêve pas en couleur lorsqu'on tient ce
langage-là?
M. Laberge: Mais on ne rêve même pas en couleur. Ce
n'est pas cela qui nous inquiète. Ce qui nous inquiète, c'est que
la pollution de l'artisan est rendue sur les chantiers industriels et
commerciaux. C'est cela qui nous inquiète. Il faut arrêter la
pollution, elle est rendue partout.
Commençons par nettoyer les chantiers industriels et commerciaux.
La construction dans le résidentiel, c'est plus facilement
vérifiable que la réparation, l'entretien ou la
rénovation. C'est bien sûr. La construction, cela prend un permis
de la municipalité, il n'y a aucun doute là-dessus. Cela, c'est
plus facilement contrôlable. Commençons par cela et on sera bien
heureux de cela, et vous aussi, je pense.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Sur ces bons mots, c'est...
Le Président (M. Charbonneau): Alors, je voudrais vous
remercier, messieurs, d'avoir participé aux travaux de la commission et
je n'ai aucun doute qu'un jour ou l'autre nous vous retrouverons à cette
même commission pour un autre sujet. Alors...
M. Laberge: Si vous êtes là assez longtemps, on va
se revoir.
Le Président (M. Charbonneau): Cela, vous savez...
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Dans le cas du
député de Verchères, la question se pose.
Le Président (M. Charbonneau): À l'ordre, s'il vous
plaît!
À l'ordre, s'il vous plaît! Ceux qui veulent faire des
caucus ou des réunions, je vous prierais de les faire à
l'extérieur de la salle de la commission.
Nous recevons maintenant l'Association provinciale des constructeurs
d'habitations du Québec. Je crois que le président est M. Conrad
Gosselin. M. Gosselin, bienvenue! Vous avez une vingtaine de minutes pour
présenter le mémoire à la commission. Par la suite, le
reste du temps sera réparti entre les membres de la commission pour la
discussion.
APCHQ
M. Rousseau (Orner): M. le Président, M. le ministre, de
même que les membres de cette commission, mon nom est Orner Rousseau. Je
suis vice-président à la direction de l'Association provinciale
des constructeurs d'habitations du
Québec. Je ne ferai pas partie de la présentation, mais
peut-être des réponses. Je vais laisser le président, M.
Conrad Gosselin, de Hénault & Gosselin inc, de
Rivière-du-Loup, faire la présentation. Il sera suivi par M.
Serge Croche-tière, notre avocat, pour la partie un peu plus technique
et juridique, assisté de M. Gilles Doyon, avocat, et de
l'économiste Hugues Moisan.
Ceci dit, M. Gosselin pourrait faire la présentation de
l'organisation de même que l'introduction quant à notre
position.
Le Président (M. Charbonneau): Auparavant, je vous
demanderais, M. Gosselin, de présenter les personnes qui vous
accompagnent, pour les fins du Journal des Débats.
M. Gosselin (Conrad): M. le Président, à mon
extrême droite, il s'agit de M. Gilles Doyon, directeur du contentieux de
l'APCHQ; à ma droite, M. Serge Crochetière, avocat-conseil de
l'APCHQ; à mon extrême gauche, M. Hugues Moisan, économiste
de l'association, et, bien sûr, à ma gauche, M. Orner
Beaudoin-Rousseau, vice-président, et moi-même, président
pour 19813 de l'association.
Avant de vous soumettre nos commentaires et recommandations concernant
l'adoption de mesures de déréglementation des relations du
travail dans le marché de l'habitation, il conviendrait, croyons-nous,
de vous entretenir brièvement de notre association et de sa
représentativité du secteur résidentiel de l'industrie de
la construction au Québec.
Organisme sans but lucratif et d'appartenance volontaire, l'Association
provinciale des constructeurs d'habitations du Québec (APCHQ) transige
avec au delà de 8000 entreprises actives dans l'industrie de la
construction et de la rénovation résidentielle. De ce nombre,
quelque 5000 se regroupent dans treize associations régionales, les
autres se retrouvent au sein d'associations affiliées à l'APCHQ,
soit la Fédération provinciale du bâtiment et de
l'habitation du Québec, la Société
québécoise des manufacturiers d'habitations et l'Association des
puisatiers du Québec. Représentatifs de leur milieu, les membres
de l'APCHQ réalisent plus de 90 % des travaux d'habitation au
Québec.
Peu importe le type de structure ou le mode de tenure, ces membres
oeuvrent dans tous les secteurs de l'industrie de la construction
résidentielle, qu'ils soient entrepreneurs, constructeurs, promoteurs,
manufacturiers, prêteurs, assureurs ou professionnels
spécialisés en ce domaine. (12 h 15)
Par ailleurs, depuis sa création en 1962, l'APCHQ a su
reconnaître et jouer pleinement son rôle en s'avérant
à la fois une association professionnelle, une association de services
ainsi qu'un organisme voué à la protection du consommateur
grâce à ses programmes de garantie.
Instaurée depuis 1976, la Garantie des maisons neuves (GMN),
offre une protection complète tant au chapitre du remboursement des
acomptes versés, du parachèvement des unités
résidentielles que des vices de construction. Plus de 1400 entreprises
sont volontairement accréditées auprès de la Garantie des
maisons neuves de l'APCHQ. Depuis douze ans, la Garantie des maisons neuves
protège près de 150 000 unités d'habitation. D'ailleurs,
l'APCHQ est fière de souligner que 95 % des unités construites
dans le cadre de Corvée-habitation sont protégées par la
garantie de l'APCHQ. Créée en 1985, la Garantie rénovation
de l'APCHQ offre une protection analogue dans le domaine de la
rénovation et de la restauration d'immeubles. Après trois ans
d'opération, quelque 400 entreprises sont maintenant
accréditées auprès de ce programme. De fait, la Garantie
des maisons neuves et la Garantie rénovation sont le symbole du
professionnalisme de l'industrie de la construction résidentielle et
constituent la meilleure des protections pour le consommateur.
Quant à la formation des entrepreneurs, l'APCHQ dispose, depuis
1984, d'un service de formation dont le principal mandat est d'appuyer les
membres entrepreneurs dans leur démarche de formation et/ou de
perfectionnement. Depuis la création du service, l'APCHQ a permis
à au-delà de 3500 entreprises de participer à un ou
plusieurs cours de ses 30 séminaires de formation en construction et en
rénovation résidentielles. C'est donc comme porte-parole de
l'habitation et à titre d'intervenant le plus concerné par le
projet de loi 31 que l'APCHQ s'adresse à la commission parlementaire
aujourd'hui.
Il y a quelques semaines seulement, l'APCHQ présentait,
concurremment au ministre du Travail et ministre de la Main-d'Oeuvre et de \a
Sécurité du revenu, et au ministre des Affaires municipales et
responsable de l'Habitation un mémoire intitulé "L'APCHQ et les
relations de travail dans l'industrie de la construction et de la
rénovation résidentielles", que vous retrouvez en annexe I du
présent document. Ce document était présenté en
réaction aux projets de loi 230 et 250 concernant respectivement les
villes de Montréal et de Québec. Il faut se rappeler, en effet,
que chacune de ces villes, par le biais du projet de loi mentionné
ci-dessus, demandait que sa charte soit modifiée afin d'exclure les
travaux d'entretien, de rénovation, de réparation et de
modification exécutés par ses employés salariés
permanents du champ d'application de la Loi sur les relations du travail dans
l'industrie de la construction.
Dans son mémoire et au regard de la demande de ces villes,
l'APCHQ situait dans sa juste perspective le sujet des relations du travail
dans l'industrie de la construction et de la rénovation
résidentielles et s'exprimait ainsi: "...l'APCHQ réitère
au gouvernement sa recommandation à l'effet que le secteur de la
construction et de la rénovation résidentielle devrait avoir un
statut particulier. Toutefois, l'APCHQ s'oppose à ce que les
municipalités soient soustraites de l'application du décret pour
les travaux résidentiels et encore moins qu'elles agissent à
titre de promoteur ou maître d'oeuvre. "Nonobstant ce qui
précède, notre association est d'accord à ce que les
travaux de rénovation soient soustraits de l'application de la Loi sur
les relations du travail dans l'industrie de la construction, en autant que
cette mesure s'inscrive dans un processus de déréglementation de
l'ensemble du secteur de la construction résidentielle. "L'adoption de
mesures de déréglementation des relations du travail dans le
marché de l'habitation aurait l'avantage de répondre au besoin
exprimé par les villes de Montréal, de Québec et le monde
municipal en général, d'obtenir des services d'entretien et de
réparation à meilleurs coûts. "Enfin, dans l'optique qu'une
telle déréglementation ne doit pas se faire au détriment
de la protection du consommateur et des entrepreneurs dûment
quafifiés, cette recommandation est conditionnelle à l'exigence
que les entrepreneurs exécutant les travaux puissent fournir, à
la demande des clients, une garantie adéquate" annexe II.
D'une part, la recommandation contenue au mémoire de l'APCHQ
s'inscrivait dans le cadre d'une position de principe conséquente
défendue par notre association depuis plusieurs années, à
savoir l'adoption de conditions de travail particulières au secteur de
la construction et de la rénovation résidentielles ou, à
défaut, l'exclusion pure et simple de ce secteur du champ d'application
de la Loi sur les relations du travail dans l'industrie de la construction et,
par le fait même, du décret.
D'autre part, ces recommandations avaient le mérite de
prévoir et de tenir compte du vacuum qui pourrait être
créé au niveau de la protection du consommateur en
préconisant un régime d'autodiscipline de l'industrie au moyen de
programmes de garantie privée.
Pour la suite, M. le Président, je vais passer la parole à
M. Serge Crochetière, avocat-conseil.
M. Crochetière (Serge): Mme la Présidente et M. le
ministre, je vais tâcher de résumer et non pas de faire lecture de
notre opposition. Cependant, pour certains passages, je vais me
référer directement au texte.
Dans un premier temps, lorsqu'on a reçu copie du projet de loi,
c'était accompagné d'un communiqué. Le communiqué
disait que, désormais, les consommateurs au Québec n'auraient
plus à subir les contraintes de l'application de la loi et du
décret telles qu'on les connaît. À ce titre-là,
l'association était heureuse de cette démarche, principalement
parce que cela s'inscrit dans toutes les représentations traditionnelles
de
notre association où, constamment - on vous a peut-être
même fatigués - on vient vous dire régulièrement,
une ou deux fois par année, qu'on n'est pas comme les autres, qu'il faut
qu'on ait un traitement spécial. Alors, cela s'inscrivait au moins dans
la reconnaissance de ce fait-là, une reconnaissance très
parcellaire, mais qui existait. Cependant, malgré cela, quand on a pris
connaissance du projet lui-même, on a été malheureux -
là, je vais me référer au texte directement.
Malheureusement, ce qui paraît être l'amorce d'une démarche
logique et rationnelle sert aussi de paravent à d'autres modifications
à la loi qui auront comme conséquence de satisfaire les demandes
maintes fois répétées de la part de la partie syndicale de
ne laisser effectuer les travaux de construction que par des employeurs et des
salariés. On enlève la notion d'entrepreneur. Cet objectif
syndical n'a, d'autre part, jamais été contesté par l'AECQ
qui ne se reconnaît ni le mandat ni le devoir de défendre les
intérêts des entrepreneurs ne se qualifiant pas comme des
entrepreneurs professionnels dans l'industrie de la construction. Elle a
d'ailleurs quand même maintes fois répété que les
gens de l'APCHQ, elle les qualifiait, à l'occasion, de "brokers",
c'est-à-dire de gens qui n'ont pas de salariés et qui ne sont pas
des employeurs professionnels, mais des entrepreneurs. Nous parlons aussi pour
ces gens, ces entrepreneurs, parce qu'il y aura une conséquence pour eux
dans la loi sur les relations du travail. Or, comme nous le verrons plus loin,
ces modifications à la loi nient une fois de plus la
réalité de la construction et de la rénovation
résidentielles au Québec en s'attaquant à toute la
structure de notre industrie.
Le texte que je viens de citer quant à notre réaction
première face au projet de loi est en page 5 du mémoire.
Maintenant, quant à la technique législative utilisée,
pour nous, le principal élément se retrouve à l'article 4
du projet de loi qui modifie l'article 19 de la loi sur les relations du
travail. Il y a deux aspects touchés. Premièrement, la question
de l'exclusion de la rénovation, de l'entretien et des modification
à des fins personnelles autres que commerciales d'une personne physique
et, ensuite, il y a les modifications au statut de l'artisan. Quant à
l'exclusion des travaux que je viens de vous énumérer pour nous,
la principale erreur - qui est maintenant dans le texte à la page 6 -
qui a été créée, c'est qu'on a repris textuellement
l'ancienne exclusion qui ne s'appliquait qu'aux artisans sans penser que cela
créerait des problèmes parce que les artisans, par
définition, sont des personnes seules qui travaillaient avec leurs
outils, alors que là on les appliquerait à n'importe quel type
d'entreprise. Je vais vous le dire tantôt et je vais revenir
particulièrement sur cet aspect. En reprenant textuellement la
nomenclature ou la description du paragraphe, on s'est dit que, si cela a
marché pour les artisans, cela va marcher pour tout le monde parce que
cela s'appliquerait aujourd'hui non plus au statut de l'artisan, non plus au
statut de celui qui va être le maître d'oeuvre des travaux, mais a
une entreprise, quelle qu'elle soit, si cela entre dans le contexte de travaux
faits par une personne physique autres qu'à des fins commerciales et
industrielles. D'accord? Il n'est donc plus question d'artisan. Cela veut donc
dire qu'on peut ajouter 300 000 $ à une résidence près
d'un cours d'eau où il y a souvent des résidences somptueuses. Ce
sera une entreprise qui le fera. À partir de là, ce ne sera plus
un entrepreneur artisan. Tout entrepreneur peut le faire à partir du
moment où il a une licence d'entrepreneur.
La question qui se pose à nous... Quant à cela, on serait
contents, on serait d'accord, mais on n'a pas défini la notion de
commercialité. Est-ce que la notion de commercialité s'applique
au donneur d'ouvrage, à la structure, à l'utilisateur ou à
l'utilisation? Je m'explique. Est-ce que le fait d'avoir un triplex que
j'habite et, parce que je loue deux logements, cela en fait une fin commerciale
pour les deux tiers de la maison, puisque c'est dans le but d'obtenir un
revenu, ou si ce n'est commercial que si je demande des modifications pour me
permettre d'exploiter un dépanneur? Si on lit la loi, on n'a pas de
réponse. Nous n'en avons pas, en tout cas. Les fins commerciales peuvent
être interprétées autant dans un sens que dans l'autre.
Si on parle d'utilisateur, on va faire une distinction quant à la
personne qui habite ou occupe le logement par rapport à son possesseur.
Est-ce à dire alors que le propriétaire d'un triplex qui ne
l'habiterait pas ne pourrait pas donner un contrat de travail qui
bénéficierait de l'exclusion de la loi, mais que chacun de ses
trois locataires pourraient le faire? Parce que ce serait à leurs fins
personnelles, comme personnes physiques, pour un usage autre que commercial et
industriel. Est-ce qu'on parle de copropriété divise? Est-ce que
le copropriétaire d'une unité divise va pouvoir faire des
travaux? Si oui, si cela affectait les espaces communs de l'ensemble
immobilier, est-ce qu'il ne pourrait plus le faire, eu égard notamment
aux modifications du Code civil qui font que, très bientôt, les
copropriétés vont avoir un statut de personne morale,
c'est-à-dire qu'elles vont être des syndicats? Comment peut-on
démêler tout cela, M. le ministre? Qui est un utilisateur à
des fins personnelles? Si on dit que c'est à des fins personnelles en
excluant le revenu ou le rendement, est-ce qu'on a mesuré l'impact que
cela aurait sur toutes les corporations propriétaires de grandes
conciergeries? Est-ce qu'on a aussi mesuré l'impact, à cause de
la Régie du logement et la méthode de fixation des tarifs, sur
les locataires qui habiteraient des immeubles détenus par des
corporations par rapport aux locataires qui habiteraient des immeubles
détenus par des personnes physiques? Jusqu'ici, personne ne nous a
donné de réponse à cela. Les coopératives et les
OSBL sont exclus. Ce sont des personnes morales.
Ce sont les interrogations qu'on se pose face au projet de loi. Il y en
a une série ici. Je vous donne un autre exemple. Si on dit qu'il faut
que ce soient des propriétaires occupants, s'il y a trois personnes qui
achètent un triplex, pourront-elles le faire? Elles pourraient aller y
habiter ou alors en habiter chacune des portions? Elles pourraient le faire?
S'ils "roulent" subsé-quemment, entre le moment où ils signent le
contrat et le moment où les travaux commencent, la
propriété dans ' une corporation pour une raison x, le contrat
est déjà signé, l'entrepreneur sera responsable de quoi,
lui? Du contrat qu'il a déjà signé, de le respecter ou de
la loi sur les relations du travail quand il va envoyer ses hommes sur le
chantier? À quel moment va-t-on apprécier l'application de la
loi?
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Au moment où les travaux
s'effectuent.
M. Crochetière: Pardon? Je m'excuse, je n'ai pas
entendu.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Au moment où les travaux
s'effectuent.
M. Crochetière: Alors, si c'était, comme vous le
dites, au moment où les travaux s'effectuent, comment l'entrepreneur
peut-il prévoir que les propriétaires vont "rouler" la maison
dans une compagnie? C'est lui qui va subir les amendes. C'est lui qui va
être responsable de cela et qui sera poursuivi en justice parce qu'il ne
pourra pas respecter son contrat s'il veut respecter la loi. Que fait-il? (12 h
30)
On me dit que le temps file. Sur cet aspect, pour nous, c'est
inapplicable, notamment parce que ce n'est pas assez clair et que c'est
l'entrepreneur qui va payer les frais de tout cela. C'est lui qui va payer les
amendes quand il va s'être trompé. Il n'y a pas de contrôle,
il ne peut pas savoir qui est le propriétaire, qui est l'utilisateur,
quel est le statut de son donneur d'ouvrage. Il ne peut même pas savoir
quelle est l'intention de son donneur d'ouvrage.
L'autre aspect, celui qui, pour nous, est encore plus important
là-dedans, ce sont les modifications qu'on fait au statut de l'artisan.
On réduit l'artisan à un statut de salarié, sauf quant au
précompte et à l'appartenance syndicale. Jusque-là, cela
peut aller. Le problème - et ce n'est pas une cachette, on l'a dit
souvent - c'est qu'à cause de la conjoncture particulière nos
entrepreneurs transigent souvent avec des entrepreneurs
spécialisés. Quand ces entrepreneurs spécialisés
n'ont pas assez de travail, ils travaillent seuls sur leur chantier. Est-ce que
vous allez réduire ces gens-là au statut d'artisan? Allez-vous
appliquer textuellement la notion d'artisan comme étant une personne
seule qui travaille sur ses chantiers, sans l'aide d'un salarié? Si oui,
vous venez de toucher à toute notre structure de l'industrie, à
la seule façon légale qu'ont les entrepreneurs de construction
résidentielle de pouvoir continuer à produire, avec les
contraintes d'une loi et d'un décret qui ne sont absolument pas
taillés pour eux. On ne s'est jamais cachés que notre seule
façon légale d'agir, c'était celle-là. Si le
législateur croit qu'il peut infléchir toute une industrie en
ramenant ces gens-là au statut d'artisan, nous croyons qu'il va y avoir
des problèmes. C'est un peu paradoxal qu'en voulant régler le
problème du travail au noir, on risque d'en créer un qui soit,
à tout le moins, aussi important et qui affecte la structure et le coeur
même de nos entreprises, de nos industries, et la façon dont on
fonctionne économiquement.
La Présidente (Mme Bélanger): M.
Crochetière, je pense que votre temps est écoulé,
si...
M. Crochetière: Puis-je prendre deux minutes très
rapidement, Mme la Présidente? Je n'abuserai pas.
La Présidente (Mme Bélanger): Allez-y, M.
Crochetière.
M. Crochetière: D'accord. Quant aux droits acquis de
l'entrepreneur - je reviens sur le projet de loi 119, M. le ministre - on nous
avait promis que les entrepreneurs auraient le droit, sur simple demande,
d'avoir leur carte de compétence. On a dit qu'on craignait dans l'avenir
l'application et l'interprétation de cela, et, vous, vous étiez
fait fort de nous garantir que non, que cela ne se pouvait pas, qu'on avait des
droits acquis. Les gens de la Commission de la construction du Québec
vous font mentir, ils ne renouvellent pas parce qu'ils disent aux
entrepreneurs: Vous n'avez pas déclaré d'heures. C'est sûr,
les entrepreneurs n'en déclarent pas; ils appliquent textuellement la
réglementation. Le problème commence à surgir. On vous
demande de clarifier cela dans la loi pour s'assurer que ces gens-là
auront le droit de travailler.
La question de la formation maintenant. Nous sommes heureux que dans le
projet de loi vous vous soyez gardé la possibilité de
définir de nouvelles tâches, de nouvelles fonctions, de nouveaux
devis d'apprentissage qui soient propres à la construction
résidentielle; cela aussi c'est une reconnaissance. Cependant, lorsque
vous parlez de la protection du consommateur, nous ne croyons pas que cela
doive se faire par des certificats, mais par des garanties que les entreprises
doivent donner. On demanderait que les garanties soient fournies par les
entreprises de construction. Ce sont les principaux points de notre
mémoire. Les conclusions sont illustrées à la page 14.
M. Gosselin: J'aimerais, si Mme la Présidente le permet,
donner les quatre points principaux de notre conclusion.
La Présidente (Mme Bélanger): Allez-y, M.
Gosselin.
M. Gosselin: Bien que les mesures de
déréglementation des travaux de rénovation
proposées par le gouvernement s'inscrivent dans le cadre des
recommandations maintes fois répétées par l'APCHQ, cette
dernière ne peut souscrire au projet de loi 31 dans sa forme actuelle.
Nous tenons compte, d'une part, du caractère limitatif et ambigu de
l'article 4 et, d'autre part, des modifications substantielles qui seront
apportées au statut de l'entrepreneur spécialisé et de
l'artisan.
Conséquemment, l'APCHQ recommande: d'élargir le champ
d'application du projet de loi 31 à tout le secteur de la
rénovation résidentielle; deuxièmement, de modifier le
projet de loi 31 pour qu'on y distingue clairement le statut d'entrepreneur
spécialisé de celui de l'artisan; troisièmement, d'amender
le projet de loi afin de prévoir précisément le droit
acquis pour les entrepreneurs de construction à l'obtention d'un
certificat de compétence compagnon et, quatrièmement, d'obliger
l'entrepreneur désirant obtenir une licence à la RECQ à
fournir une preuve de sa capacité d'offrir une garantie pour l'ensemble
de ces travaux de rénovation. L'APCHQ réitère enfin son
accord pour que tous les travaux de rénovation soient soustraits de
l'application de la Loi sur les relations du travail dans l'industrie de la
construction pour autant que cela s'inscrive dans un processus de
déréglementation de l'ensemble du secteur de la construction
résidentielle. Merci, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. Gosselin.
M. le ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, Mme la Présidente, je
tiens à remercier l'APCHQ pour la qualité de sa
présentation, ainsi que la qualité du mémoire. Je remercie
les porte-parole de s'être déplacés pour nous faire part de
leur expertise. Je considère leur témoignage, devant cette
commission comme extrêmement important. Nous avons eu et nous aurons
encore l'occasion d'entendre des gens qui oeuvrent plus
généralement dans des chantiers industriels et commerciaux. Nous
entendrons beaucoup parler de toute la question de la rénovation
domiciliaire, etc. La question de la construction domiciliaire est un sujet
dont on a, au moment où l'on se parle, peu parlé et je crains que
l'on n'en parle pas beaucoup d'ici à la fin de nos travaux. Je ne
voudrais pas que tout ce secteur d'activité économique
extrêmement important au Québec se sente laissé-pour-compte
de la rénovation qui est déréglementée et des gros
chantiers où la réglementation est resserrée. C'est un peu
là où se situent les discussions que j'aimerais avoir avec
vous.
Je suis conscient qu'en déréglementant tout l'aspect de
l'entretien et de la réparation, nous répondons en partie, comme
vous l'indiquez, à des demandes que vous avez adressées au
gouvernement à maintes reprises. Je ne citerai pas des extraits de tous
les mémoires que vous avez fait parvenir au gouvernement où vous
parlez de la capacité de payer du consommateur. J'ai surtout l'intention
de vous posez plus spécifiquement des questions quant à la
construction domiciliaire. Il a été établi, par voie de
déduction, d'estimation et d'appréciation, que le travail au
noir, en ce qui concerne la rénovation, était très
important dans l'industrie de la construction et qu'il était
relativement important dans les grands chantiers. En ce qui concerne la
construction domiciliaire - sans penser que vous êtes à la
confesse; de toute façon, on ne peut pas donner l'absolution - quelle
est l'estimation que vous faites du travail au noir dans ce qu'on appelle la
construction domiciliaire, présentement, au Québec?
M. Rousseau: En ce qui a trait à la rénovation
domiciliaire?
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Strictement la construction.
M. Rousseau: Dans un mémoire qu'on avait remis, je crois,
en mai 1985 ou 1986, on disait que le marché noir variait selon qu'on
était en région ou en ville, y compris tout le
phénomène de l'autoconstruction, parce qu'à toutes fins
utiles c'est du pareil au même, et pouvait représenter de 30 %
à 70 %, selon que c'était en ville ou dans le domaine rural.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je veux bien qu'on se comprenne:
Pour la construction ou est-ce que vous incluez également la
rénovation?
M. Rousseau: Tout compris.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Tout ce qui est domiciliaire,
autrement dit. Le travail au noir dans le domiciliaire.
M. Rousseau: Dans le domiciliaire, sauf que dans le domaine de la
rénovation, évidemment, la proportion est beaucoup plus
importante. D'ailleurs, on a toujours prétendu que la rénovation
se faisait au noir en grande partie, c'était clair. On ne parle pas des
travaux de rénovation que l'on appelle, nous, de transformation,
c'est-à-dire pour des écoles, par exemple. À ce
moment-là, c'est fait par des entrepreneurs, comme si c'était des
entrepreneurs dans le domaine commercial.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Tantôt, vous avez
sûrement entendu les représentants de la FTQ-Construction
témoigner que, sur les chantiers commerciaux, industriels, ainsi que
dans la construction domiciliaire, on ne devrait retrouver que deux types
d'individu avec des statuts très
clairs, soit un statut de salarié ou un statut d'entrepreneur, si
on oeuvre dans ces secteurs d'activité. De quelle façon
réagissez-vous à cette prise de position?
M. Crochetière: Si je peux me permettre, ce qu'ils ont dit
plutôt, c'est qu'il ne devrait y avoir que des statuts de salarié
et d'employeur.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): D'employeur, excusez.
M. Crochetière: Et non d'entrepreneur. C'est que justement
on nie la notion d'entrepreneur. On veut introduire dans un régime de
relations du travail une notion juridique distincte qui est celle de la
liberté de l'individu quant aux moyens qu'il met en oeuvre, ce qui fait
de lui un loueur de services ou un loueur d'ouvrage plutôt qu'un
salarié. C'est cela qui est l'artisan ou l'entrepreneur
spécialisé. Dans notre mémoire tantôt, on a dit que,
justement, on craignait que d'une façon ou d'une autre on veuille
réduire l'entrepreneur spécialisé au statut de
salarié. On réagit, c'est clairement indiqué là, on
le dit depuis toujours, les entrepreneurs, avec ou sans salariés, ne
sont pas toujours des employeurs. Il se peut... Des finisseurs de ciment, des
gars qui posent du crépi ne sont pas obligés d'avoir douze
employés avec eux quand ils finissent le travail. Je donne un exemple
facile, j'en conviens, mais il reste que ce sont des entrepreneurs. Ce ne sont
pas nécessairement des salariés. Pour nous, il est primordial que
jamais on n'oblige les entrepreneurs à être à la fois des
employeurs lorsqu'ils veulent exécuter des travaux sur des
chantiers.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Cela va pour le moment. Merci.
La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. le
ministre. M. le député d'Abitibi-Ouest.
M. Gendron: Très rapidement, je voudrais moi aussi vous
remercier, comme association provinciale dans le secteur de la construction,
d'avoir produit un mémoire qui, sans l'ombre d'un doute, quand on aura
l'occasion d'en prendre davantage connaissance... Ce n'est pas votre faute si
vous n'avez pas pu le produire avant, compte tenu des courts délais dans
lesquels on vous a placés pour donner votre avis. C'est sûrement
une réflexion qui nous aidera. Mais, à moins que je ne comprenne
mal, c'est une réflexion qui nous aiderait davantage dans l'objectif de
revoir tout un mécanisme, non pas de relations du travail, mais de
système dans le domaine résidentiel que, clairement, vous voulez
voir exclus des dispositions qui nous régissent actuellement. Vous avez
toujours prétendu être des apôtres de la
déréglementation, mais une déréglementation totale,
avec un régime spécifique, puisque vous avez dit à
plusieurs reprises:
Nous sommes différents, la construction résidentielle ce
n'est pas la même chose que le reste de la construction, voulant sans
doute distinguer par rapport à la construction commerciale.
Dans le rapport Scowen, il y avait également une recommandation
qui allait dans le sens des annexes que vous avez produites - je n'ai pas eu le
temps de les voir complètement - où Ion proposait une
déréglementation totale de la construction par étapes, en
commençant par le secteur résidentiel au complet, pas uniquement
amélioration, réparation, rénovation et modification.
La première question que je voudrais vous poser... Sur le projet
de loi 31, je ne peux pas vous poser beaucoup de questions, vous dites la
même chose que les autres pour sa forme, en particulier par rapport
à l'article 4 qui, à moins que je ne me trompe, est la
quintessence du projet de loi. Il y a tellement de questions que vous avez
posées aux pages 6, 7 et 8 de votre mémoire... Pour plusieurs,
j'avouerai bien humblement que, même si je n'en comprends pas totalement
l'application concrète - ce n'est pas important à ce moment-ci -
cela me permet à tout le moins de conclure que vous avez de très
sérieuses réserves quant à un éventuel projet de
loi 31 qui serait adopté dans la forme que vous connaissez. Vous dites,
vous autres aussi, que cela créerait plus de problèmes que cela
en éliminerait.
M. Rousseau: Ce n'est pas la même chose, par exemple.
M. Gendron: Non, non, je sais. Mais à partir du moment
où vous préconisez le retrait complet du domaine
résidentiel du champ de juridiction du décret, il faudrait
parler, d'après moi, d'un autre projet de loi, il faudrait voir toutes
les conséquences. C'est à ce sujet que j'avais une
première question qui est la suivante: À partir du moment
où il y aurait un régime particulier pour le résidentiel,
il me semble qu'il faudrait élaborer une série de
modalités qui concerneraient les travailleurs qui oeuvreraient
spécifiquement dans le résidentiel.
M. Rousseau: Je suis entièrement d'accord avec vous, on
l'a toujours dit. Pour régler le problème du marché au
noir, il faut savoir quelles en sont les causes. C'est clair, on l'a toujours
dit, c'est une question de coût. C'est aussi la question que l'exercice
des métiers de la construction n'était pas approprié au
secteur de la construction résidentielle. Je pense que cela fait des
années qu'on le dit et il n'y a personne qui nous a dit le contraire
là-dessus.
C'est tout le système des relations du travail qui n'est pas
approprié au secteur résidentiel. Si on n'avait pas cela, c'est
très évident que le marché au noir, on n'en parlerait pas,
le travail se ferait dans un autre cadre - juridique peut-être. C'est la
raison pour laquelle on avait
déjà répondu au rapport Scowen en disant: On est
d'accord, faute de ne pas avoir d'intervenants capables de négocier des
conditions particulières pour le secteur résidentiel. Même
si on se tue à le leur dire, ils ne comprennent pas. (12 h 45)
Donc, on est d'accord. C'est ce qu'on a dit et, d'ailleurs, on redit la
même chose ici: La rénovation... Pas simplement soustraire les
menus travaux, c'est-à-dire les histoires de peinture, d'escaliers et de
menus travaux, on dit tout simplement: Tout le secteur de la rénovation,
sortez-le. C'est une première étape, puis, dans une
deuxième étape, on ira vers le neuf, parce qu'évidemment
II faut être capable de vendre un produit qui réponde à la
capacité de payer du consommateur. C'est clair.
M. Gendron: Je pense avoir saisi très clairement que c'est
ça. Vous dites: On l'a dit, cela fait plusieurs années qu'on le
dit. Vous venez d'ajouter: Ceux à qui on offre cette solution ne nous
comprennent pas. Cependant, je vous demande comme deuxième question:
Est-ce que vous pensez que cela les aiderait à vous comprendre si, au
lieu de ne parler que de la nécessité d'avoir un régime
particulier, vous commenciez à définir, à préciser
quel serait ce régime-là et plus particulièrement
concernant toute la question des normes de travail à ces travailleurs
qui oeuvrent dans le résidentiel: les heures de travail, les vacances
annuelles, les congés fériés, toutes les questions
relatives à la mise sur pied, au licenciement et tout l'aspect
également de la syndicalisation? Dans le rapport Scowen, c'est sûr
que, si on prend uniquement la volonté de déréglementer le
résidentiel et qu'on n'indique pas quel sera le vécu concret de
ce nouveau régime, il n'y a pas preneur, parce qu'il y a des
inquiétudes et qu'on ne sait pas exactement comment on fonctionnera. Il
me semble que ce que vous dites clairement aujourd'hui au ministre du Travail,
c'est: Fais-nous un autre régime, un régime à part qui
exclura complètement le résidentiel, avec des conditions
spécifiques au domaine résidentiel. C'est bien cela?
M. Gosselin: Mme la Présidente, j'aimerais répondre
pour ce qui est de la définition, mais d'abord j'ai un court
préambule à faire dans le sens suivant: Non seulement on est
d'accord, mais on applaudit à l'initiative du ministre d'arriver avec un
projet de loi qui a pour but de déréglementer la
rénovation. C'est un premier pas. Pour ça, j'ai besoin de
m'expliquer: Je suis entrepreneur en rénovation. Mon entreprise emploie
environ 50 travailleurs. On opère un peu partout au Québec dans
différents bureaux depuis 20 ans. Je crois être en mesure de
savoir de quoi je parle. Ce qui différencie spécialement
l'habitation des autres secteurs, c'est que le produit de l'habitation est
similaire et ressemble beaucoup à l'alimentation ou à la
restauration. C'est un produit destiné et vendu directement au
consommateur et qui n'est pas tellement complexe à fabriquer. Le
consommateur peut le faire lui-même ce produit-là. C'est donc dire
que le consommateur n'a jamais accepté de se laisser prendre en otage
par des revendications inapplicables à ce que lui voulait payer. C'est
le fond du problème. Le fait que l'habitation soit sous la tutelle de la
même loi que les autres secteurs de la construction: génie civil
et autre, à mon avis, c'est aussi invraisemblable que si on voulait
prendre l'industrie de la restauration au Québec et la fusionner avec
l'industrie des pâtes et papiers, puis exiger qu'il y ait une seule
convention collective. On aurait de grosses chances de se retrouver avec des
salaires de restauration similaires aux pâtes et papiers, ce que le
consommateur refuserait. Là, on verrait toute une structure au noir se
créer parce que des hamburgers à 15 $ l'heure ce n'est pas
possible que cela se fasse, cela n'a pas de sens, ce n'est pas logique, parce
que le Québec ne peut pas être différent des autres
provinces et de la balance de l'Amérique du Nord. C'est ce qui est
vraiment fondamental comme position.
Alors, quand vous nous demandez de le définir, on a
travaillé pour le définir dans le passé. J'ai
moi-même été administrateur à l'AECQ. J'ai voulu
définir un statut particulier pour l'habitation. Le problème,
c'est que le différend existait à l'intérieur de la
boîte comme telle: l'habitation était prise et gardée en
otage à l'intérieur de cette association pour des
intérêts qui sont autres que les intérêts de
l'habitation. Alors, la définition qu'on a pu en faire n'a servi
à rien puisqu'on n'a même pais eu droit au chapitre lors des
négociations.
M. Gendron: Deux autres choses. Quand même, je pense que
vous avez très bien précisé ce à quoi vous
applaudissez, mais vos applaudissements se changent, à la page 7, en de
sérieuses inquiétudes, quand vous parlez du projet de loi 31.
Vous dites: Ce projet de loi "revêt un caractère d'injustice et
d'iniquité tant pour les donneurs d'ouvrage et les utilisateurs que pour
les entrepreneurs de construction." Je pense que, pour ce qu'on a à
discuter aujourd'hui, soit le projet de loi 31, sauf pour le principe de
commencer à déréglementer en partie - ce n'est pas ce que
vous souhaitez parce que c'est l'ensemble du secteur domiciliaire, et je n'ai
pas vu que, dans le projet de loi 31 il y avait une volonté
gouvernementale de déréglementer la totalité du secteur
résidentiel - je suis obligé de dire que, pour ce que je lis du
projet de loi 31 dans votre mémoire, il ne me semble pas que vous lui
donnez un appui, tel qu'il est libellé.
M. Crochetière: Écoutez, moi, ce que je peux vous
en dire, c'est qu'on est d'accord avec la démarche. On est content que
quelqu'un se rende enfin compte qu'il y a des contraintes et des contingences
spéciales. On pourrait même
vivre avec un étapisme plus lent. Mais la façon dont il
est rédigé, cela pose tellement de difficultés
d'interprétation et d'application, principalement pour les entrepreneurs
dans le champ qui, en plus, vont être obligés de payer l'amende,
que face à cela on est obligé de dire non. Mais, bien clairement,
on est d'accord avec le principe. Tout ce qui constitue un statut particulier
pour le résidentiel, tout ce qui constitue une progression pour un champ
d'application spécial, on applaudit à cela. Là où
on émet des réserves, c'est sur la façon dont il a
été rédigé et là on rejoint, si vous voulez,
la critique du projet de loi qui nous est soumis, pas quant au principe, mais
quant au libellé lui-même. On dit: Le libellé n'est pas
vivable.
M. Gendron: Oui, d'accord, sauf que, moi, je suis membre de
l'Opposition, vous le savez, et j'aurai, à un moment donné,
à parler sur le principe en deuxième lecture, et je ne veux pas
mal vous interpréter. Quand je lis, à la page 8:
"Conséquemment, le projet de loi 31, dans sa forme actuelle, ne peut
être endossé par l'APCHQ", bien moi, je ne veux pas faire
d'erreurs et je veux être capable de dire, dans ma liste, que
jusqu'à ce jour je n'ai vu personne qui soit en faveur du projet de loi
31 du ministre, et je veux vous inclure. Alors, je ne veux...
M. Crochetière: Au lieu de prendre...
M. Gendron: ...pas le faire sans votre consentement. Alors,
est-ce que c'est exact que vous êtes en désaccord avec le projet
de loi 31?
M. Crochetière: Non.
M. Gendron: Sur le principe? Parce que, moi, même si on me
fait discourir en Chambre, en deuxième lecture, sur le principe... Sur
un principe en soi, presque tout le monde peut être d'accord. C'est quand
on vérifie les modalités d'application de ce principe et qu'on se
rend compte qu'on n'arrive même pas à atteindre l'objectif ou le
principe du projet de loi... Dans le projet de loi 31, dans la forme qui nous
est présentée, n'oubliez pas que l'objectif principal
était de contrer le travail au noir - cela est censé être
la quintessence, l'os du projet de loi - et c'est ma dernière question,
en ce qui me concerne: Est-ce que vous trouvez que le projet de loi 31, au
delà des questions pertinentes que vous avez soulevées aux pages
5, 6, 7 et 8, aura comme conséquence d'éliminer le travail au
noir?
M. Rousseau: En fait, l'objectif du projet de loi, c'est de
déréglementer, de commencer; c'est un début de
déréglementation pour le secteur résidentiel. Ce que nous
on dit: On est d'accord avec la démarche entreprise par le gouvernement,
sauf qu'elle ne va pas assez loin à l'heure actueUe.
M. Gendron: Oui, oui.
M. Rousseau: Le premier pas qui devrait être fait, ce
serait normalement d'enlever toute la rénovation et pas simplement une
partie. Donc, on dit: Voulez-vous refaire vos devoirs? Refaites votre
définition de façon à introduire toute la question de la
rénovation, de façon à ne pas avoir tantôt de
problème particulier dans le secteur de la rénovation par rapport
au secteur du neuf. Si vous le faites, on n'aura pas de problème. Cela,
c'est une première étape pour, après, passer au secteur du
neuf. C'est pour cela que je dis simplement: Ne lisez pas simplement:
"Conséquemment, le projet de loi 31..."
M. Gendron: Non, non...
M. Rousseau: II faudrait revoir ce sur quoi on faisait des
remarques. Là, je pense que cela s'avérerait juste.
M. Gendron: Alors, je vais tout relire, en particulier votre
conclusion, à la page 14. Je l'avais lue votre conclusion à la
page 14: "L'APCHQ réitère enfin son accord à ce que tous
les travaux de rénovation..." Une question pratique: Est-ce que vous
pensez qu'à ce moment-ci - on arrive au 1er juin - c'est possible, c'est
réaliste de refaire un nouveau 31 qui retirerait tout le champ de la
construction résidentielle et de la rénovation, surtout avec
cette volonté d'arriver à définir un nouveau régime
pour les travailleurs concernés, d'ici à la fin de juin?
M. Rousseau: II n'y a pas de problème là-dessus, on
l'a déjà fait dans d'autres provinces.
M. Gendron: Ah!
M. Rousseau: D'ailleurs, le secteur résidentiel, partout
en Amérique du Nord de même que dans les autres provinces, il
n'est pas réglementé. Alors, qu'est-ce qu'il y a d'impossible
ici? D'ailleurs, si on a été capable d'écrire un projet de
loi qui donne cela aujourd'hui, on est capable d'en écrire un autre qui
va donner autre chose demain matin.
M. Gendron: Oui, puis si le projet de loi reste tel quel, parce
que...
M. Rousseau: On n'est pas d'accord.
M. Gendron: ...le ministre n'a pas donné
d'indication...
M. Crochetière: On est en désaccord avec le
libellé du projet de loi tel quel.
M. Gendron: Vous êtes en désaccord avec le projet de
loi 31. Merci.
M. Rousseau: En fait, c'est comme pour tout projet de loi...
M. Gendron: Oui, oui.
M. Rousseau: ...qui est soumis en commission parlementaire. Il y
a des remarques qui sont faites et, après cela, on bonifie le projet de
loi. On est ici pour donner un coup de main.
La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. le
député d'Abitibi-Ouest. M. le ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je vais reprendre les
dernières paroles prononcées, je pense, par M. Rousseau. Je ne
regardais pas, mais je les ai entendues. J'ai entendu: On est ici pour donner
un coup de main. Sur le plan du libellé de l'article, vous vous posez de
nombreuses questions, comme d'autres intervenants, mais peut-être pas
dans le même sens que d'autres intervenants quî ont comparu devant
cette commission parlementaire. Plusieurs se sont posé des questions
afin de savoir s'il était suffisant d'inclure les travaux d'entretien et
de réparation et de ne pas inclure des travaux de rénovation et
de modification. C'est une question qui a été posée par
d'autres intervenants, parce que les intervenants craignaient que la
déréglementation n'en embrasse trop. Si je saisis bien le sens de
vos revendications, vous craignez que la terminologie utilisée, que le
libellé que vous retrouvez présentement à l'article 4 du
projet de loi 31 en embrasse trop peu. Je tiens à en embrasser de
façon équilibrée. La terminologie qu'on m'indique que je
peux utiliser est une terminologie dont on me dit qu'elle a connu une dizaine
d'années d'interprétation par les gens qui ont à prendre
ces décisions dans le milieu et même par les tribunaux. À
ce moment-là, je n'ai pas d'objection à ce qu'elle soit
clarifiée. On a tous intérêt, que ce soit pour
réduire ou pour augmenter, que ce soit le plus clair possible. Vous avez
peut-être raison de souligner que, si ce n'est pas clair, on sait qui
paiera. Maintenant, sur le plan de cette jurisprudence, sur le plan de cette
terminologie, est-ce que vous avez, étant donné que vous
êtes là pour aider, des propositions concrètes sur le plan
de la terminologie?
M. Crochetière: Écoutez, seulement pour bien situer
le débat sur ce plan aussi, on dit que c'est une application qui est
faite depuis une dizaine d'années. Tantôt, on a bien
précisé que c'était dans un autre contexte. C'est
justement cela qu'on critiquait. On a pris une définition qui ne posait
pas de problème. Quand on parlait des artisans, c'étaient des
travaux de finition de beaucoup moins grande importance. Ici, en nombre, un
artisan doit travailler seul, alors que là c'est une entreprise.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Mais, en pratique...
M. Crochetière: Vous pouvez avoir un ajout de 200 000 $
avec 20 corps de métiers qui vont passer sur la maison. Là, la
question va. se poser et ces interprétations n'ont jamais
été soumises à aucun tribunal, ni au conseil d'arbitrage,
ni aux commissaires. Alors, nous, ce que l'on...
M. Paradis (Brome-Missisquoi): À titre d'exemple...
M. Crochetière: Ce que nous... Oui?
M. Paradis (Brome-Missisquoi): À titre d'exemple, on a eu
une suggestion hier. Je pense que c'était le Conseil provincial du
Québec des métiers de la construction qui nous suggérait
d'ajouter une distinction entre but lucratif et sans but lucratif.
M. Crochetière: Le but lucratif ou commercial. Mais
comment, encore une fois, allez-vous définir la notion de
commercialité? Est-ce que vous pouvez me dire si, dans votre esprit,
c'est l'utilisateur ou le propriétaire qui doit être l'objet de la
définition, comme je vous le disais tantôt? Si c'est un
propriétaire, cela lui appartient en propre. Si j'ai un bungalow et que
je le fais transformer pour le louer à un dépanneur, que M. X
loue, moi je suis une personne physique et c'est à mes fins
personnelles, autres que commerciales, si on ne définit pas la location
comme étant à caractère commercial. Le seul aspect qui
pourrait déroger à cela serait l'utilisation que mon locataire en
ferait. En contrepartie, est-ce que vous pouvez nous dire aujourd'hui que,
chaque fois qu'il y a un locataire, cela ne s'applique pas?
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Ce que je peux vous dire, c'est
que si je...
La Présidente (Mme Bélanger): Je m'excuse, M. le
ministre. Est-ce que je pourrais demander la permission aux membres de la
commission pour poursuivre, étant donné l'heure? Il reste
à peu près quinze minutes.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): J'en ai pour cinq minutes
peut-être. Je ne pense pas qu'on réussisse en quinze
minutes...
M. Crochetière: Non, non, mais...
M. Paradis (Brome-Missisquoi): ...à régler chacun
étymologiquement, juridiquement, et à faire jurisprudence sur les
échanges de propos qu'on peut avoir.
M. Crochetière: Ce n'est pas une question...
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Mais je
pense qu'il est clair dans l'esprit du...
M. Crochetière: Ce n'est pas une question de
jurisprudence.
La Présidente (Mme Bélanger): M. le ministre, a-t-on le
consentement?
M. Crochetière: C'est une question de déterminer
son application et, pour nous, ce n'est pas clair. Comme je vous le disais
tantôt...
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Mais, si quelqu'un fait
transformer une partie de sa résidence pour y installer, louer, etc., un
dépanneur, si c'est à des fins personnelles, il va faire
faillite. Par définition, ce n'est pas à des fins
personnelles.
M. Crochetière: Si c'est un propriétaire de duplex
avec un locataire au-dessus, est-ce que cela s'applique?
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Non, pas pour le
propriétaire, mais cela s'applique pour l'usager, l'exclusion du
décret.
M. Crochetière: Ça, c'est une autre question:
Est-ce qu'il va avoir besoin de deux contrats? S'il y a des
éléments de mécanique qui s'appliquent aux deux logements,
comment va-t-il faire pour le ventiler, M. le ministre? Un chauffage
central.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): La question a été
posée ce matin, dans le cas d'un immeuble de huit unités de
logement, par les tuyauteurs, je pense, le premier groupe qui a comparu. Nous
avons apporté la même réponse que nous vous apportons.
Étant donné que cela sert à plusieurs unités de
logement, on imagine que ce n'est pas à des fins personnelles; à
ce moment-là, le décret s'applique.
M. Rousseau: II y a aussi une question, je pense, M. le ministre,
de logique dans tout cela, puis de bonne application. Si quelqu'un est
propriétaire d'un duplex et fait faire des travaux pour 8000 $ ou 10 000
$, il va être assujetti au décret de la construction et l'autre
qui a à faire une belle allonge à sa propriété qui
coûte 40 000 $ ou 50 000 $, plus une verrière de 25 000 $ à
30 000 $, va pouvoir les faire faire en vertu du projet de loi 31. C'est une
question d'équité. Je pense qu'il faut regarder aussi cet
aspect-là.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): La grande question que vous avez
posée et qui a été soulevée, entre autres, par le
groupe qui vous a précédés et que vous soulevez de nouveau
est une question d'applicabilité. Quelles sont les possibilités
d'application? Je pense que tous les intervenants s'entendent pour dire qu'avec
le régime actuel le gouvernement et la Commission de la construction du
Québec ne sont pas capables de s'assurer d'une application saine du
décret de la construction dans le domaine de la rénovation
domiciliaire. Je pense que c'est un constat devant cette commission
parlementaire et je pense qu'on a établi avec d'autres intervenants
qu'il y a moyen, en resserrant les dispositifs, de s'assurer d'une saine
application du décret de la construction dans les grands travaux de
construction. J'ai expressément posé la question tantôt
à la FTQ-Construction: Est-ce que vous pensez, lorsque vous inscrivez
dans votre mémoire - et on m'a dit que c'est par erreur que cela avait
été inscrit - que cela va prendre un surveillant par construction
neuve au Québec, qu'on a une possibilité de l'appliquer? C'est
là-dessus qu'on cherche des réponses parce qu'on est
intéressé à appliquer ce qui est applicable et, si nous
adoptons une réglementation, comme gouvernement, nous avons la
responsabilité de l'appliquer.
M. Rousseau: Mais l'intervention de la FTQ ne devait pas vous
fatiguer trop ià-dessus, parce qu'elle ne savait pas, dans le fond, si
elle se contredisait oui ou non. Alors, ce n'était pas trop un
problème.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Cela demeure un problème
d'application. Je pense qu'en soustrayant les travaux de rénovation, de
réparation, de modification et d'entretien, quitte à apporter des
précisions, sur le plan du travail au noir, par définition, cela
sera aboli puisque légalisé. En ce qui concerne la construction
domiciliaire, il faudra déployer, si nous voulons que le décret
s'y applique, beaucoup d'efforts, beaucoup d'énergie pour s'assurer que
c'est appliqué. En ce qui concerne les grands chantiers de construction,
avec un déploiement d'efforts et d'énergie raisonnables, c'est
très applicable.
M. Rousseau: En fait, M. le ministre, ce qu'on pourrait faire,
c'est s'asseoir avec les gens de votre ministère pour regarder, se dire
tous les problèmes que cela cause actuellement de façon à
arriver à une définition qui soit claire.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Puis ces gens-là sont
à la disposition de votre association, comme à la disposition de
l'ensemble des intervenants, pour que, une fois les objectifs partagés,
on s'assure que sur le plan de la rédaction du texte de loi on les
atteigne au maximum.
M. Rousseau: Par contre, on aurait aussi aimé que le
ministre se prononce sur un des éléments qu'on a soulevés
tout à l'heure, à savoir le droit acquis pour les entrepreneurs.
En fait, Serge pourrait reprendre la remarque, mais j'aimerais cela, dans le
fond, entendre le ministre sur ce point-là.
M. Crochetière: Si vous voulez que je résume, c'est
qu'à l'occasion de l'étude du projet de loi 119, l'article 32
précisait que sur demande les entrepreneurs pouvaient demander une carte
de compétence compagnon. Ils l'ont fait, mais on avait dit qu'on
craignait la réglementation quant au renouvellement, mais on nous avait
assurés que c'était un droit acquis. Actuellement, quand ils se
présentent pour la demander, on dit: Non, parce que tu n'as pas rempli
d'heures l'année passée. Et cela devient impossible parce que les
entrepreneurs n'en rentrent pas...
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je vous dirai que la loi 119
reçoit une application qui, si on la compare à la situation
antérieure, est très améliorée. Maintenant, je n'ai
pas la prétention de dire qu'au moment où nous nous parlons, en
ce qui concerne, entre autres, l'émission de cartes, il n'y a pas de
problèmes à la Commission de la construction du Québec.
Comme les autres députés, je fais du bureau de comté une
fois par semaine et j'ai à détecter quelques cas. Je vous dirai
cependant que c'est beaucoup moins important que ce l'était
précédemment, et, quant à la question que vous me
soumettez, je vais la vérifier.
M. Rousseau: Oui, parce que même, à un moment
donné, les entrepreneurs avaient reçu la directive que, s'ils
voulaient avoir un renouvellement de carte ou une émission de carte, il
fallait qu'ils se présentent à l'OCQ avec un papier... C'est
comme si demain matin on disait: Tu t'en viens en prison, tu as besoin de ton
papier pour t'identifier, etc. Cela n'a pas de maudite allure.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Mais vous comprendrez qu'avant de
vous apporter une réponse...
M. Rousseau: D'accord.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): ...j'effectue les
vérifications appropriées de façon à vous
répondre le plus précisément possible.
La Présidente (Mme Bélanger): Cela va? Alors, les
membres de la commission remercient l'Association provinciale des constructeurs
d'habitations du Québec de leur participation, leur souhaitent un bon
retour et la commission suspend ses travaux jusqu'à 16 h 30.
(Suspension de la séance à 13 h 5)
(Reprise à 16 h 36)
Le Président (M. Charbonneau): La commission de
l'économie et du travail reprend sa consultation particulière sur
le projet de loi 31, Loi modifiant la Loi sur les relations du travail, la
formation professionnelle et la gestion de la main-d'oeuvre dans l'industrie de
la construction et la Loi sur la formation et la qualification professionnelles
de la main-d'oeuvre.
Nous accueillons maintenant l'Association des entrepreneurs en
construction du Québec. Le président est M. Roméo Julien.
M. Julien, si vous voulez bien présenter les personnes qui vous
accompagnent et engager immédiatement la lecture de votre
mémoire. Vous avez une vingtaine de minutes et, par la suite, les
membres de la commission utiliseront le reste du temps pour discuter avec vous
et vos collègues.
Association des entrepreneurs en construction du
Québec
M. Julien (Roméo): Merci. M. le Président, M. le
ministre, membres de la commission, on vous remercie beaucoup de nous avoir
donné l'occasion de venir discuter du projet de loi 31, une chose qu'on
aime bien. On est souvent venu en commission parlementaire, on pense que c'est
de bon augure de venir rencontrer les gens de temps à autre. Je ne sais
pas si vous avez vu notre mémoire, qui est un peu long. On va
peut-être changer notre façon de procéder et permettre
à Me Dion, notre directeur général, de le lire en
diagonale pour pouvoir passer à travers et qu'il reste du temps pour les
questions, sinon cela prendrait tout le temps juste pour le lire. Je passe la
parole à Me Dion.
Le Président (M. Charbonneau): D'accord.
M. Dion (Michel): M. le Président, M. le ministre, d'abord
on voudrait vous sensibiliser sur ce qu'est notre industrie vue du
côté de l'AECQ. Je vais quand même suivre un peu le
mémoire, mais je vais nécessairement sauter des pages.
Il est intéressant de faire savoir à la commission que
l'AECQ regroupe actuellement ce qu'on appelle des employeurs et des inscrits,
c'est-à-dire que l'on a 18 000 inscrits sur nos listes et, de ces 18 000
inscrits, on a 15 000 employeurs. Quelle est la différence entre les
deux? C'est qu'on reçoit de l'Office de la construction du Québec
une information, à savoir que telle ou telle entreprise s'est
enregistrée à l'Office de la construction, mais on
s'aperçoit à la fin de l'année que l'entreprise n'a jamais
déclaré d'heures, n'a jamais payé de cotisation et n'a
jamais engagé de salariés dans l'industrie de la construction.
Tout cela pour vous dire que l'association regroupe en réalité 15
000 employeurs de l'industrie de la construction qui sont des quatre secteurs
de l'industrie de la construction, répartis autant dans le
résidentiel, l'industriel, le commercial que le
général.
Je ne sais pas si c'est un hasard, mais il faut quand même vous
souligner que le président de l'association à l'heure actuelle
est un entrepreneur du secteur résidentiel, peut-être pas le
moindre. Il semble, selon certaines statistiques préparées
dans le passé par une organisation, qu'il y aurait environ 3 % des gens
du résidentiel qui font plus de 100 maisons par année. Or, le
président de l'AECQ est un entrepreneur du résidentiel qui fait
environ 500 maisons par année. C'est peut-être important de
souligner que M. Julien est un entrepreneur qui connaît le secteur. Il
est également important de souligner qu'à notre conseil
d'administration il y a plusieurs personnes du secteur résidentiel, donc
elles sont au courant des problèmes du résidentiel.
La présentation à notre conseil d'administration du projet
de loi 31 a donné les résultats suivants. On n'a pas de
réaction négative devant les objectifs théoriques du
projet de loi 31, c'est-à-dire que l'exclusion de certains travaux
pourrait être envisagée, en principe, à certaines
conditions. Le combat du travail au noir c'est une chose dont on parle depuis
plusieurs années, donc on est sûrement favorable. Ce sont deux
objectifs qui apparaissent dans le projet de loi 31 pour lequel on peut
facilement être d'accord. Ce sur quoi on a de la difficulté, avec
le projet de loi 31, ce sont les moyens utilisés pour régler ces
problèmes-là.
Dans le premier cas, on nous propose une déréglementation
d'une partie du secteur résidentiel, la réparation, l'entretien,
la rénovation et la modification. Pour notre part, nous sommes en total
désaccord avec la question de la rénovation, dans un sens
extensif, et la modification, parce que pour nous ces choses-là peuvent
facilement être assimilées et assimilables à de la
construction. La réparation et l'entretien, pour nous, cela
apparaît être un champ bien différent, dans le sens: que
l'industrie de la construction se divise en deux éléments. C'est
qu'on peut vendre, dans l'industrie de la construction, un produit. Je peux,
avec un donneur d'ouvrage, prendre l'engagement de lui fournir un
édifice, ou de lui fournir un ouvrage. Je lui vends à ce
moment-là un produit, un produit fini. Mais quand je parle de
réparation et d'entretien j'ai l'impression qu'on vend du service, et
non pas un produit.
C'est peut-être une comparaison que vous allez dire boiteuse, mais
cela m'apparaît être quelque chose comme, par exemple, la compagnie
GM, qui fabrique des automobiles, qui vend un produit, l'automobile, et lorsque
je vais au garage faire réparer l'auto, a ce moment-là,
j'achète un service de réparation ou d'entretien de mon
véhicule. Dans ce sens-là, réparation et entretien, pour
nous, c'est une question de service, c'est une question qui est proche du
consommateur, à laquelle nous sommes très sensibles et pour
laquelle on est prêts à jeter un coup d'oeil favorable à
l'intérieur du projet de loi 31.
Ce qui ne nous convient pas clairement dans le projet de loi 31, c'est
que d'un même souffle, on veuille sortir réparation et entretien
un peu plus, mais en même temps on conserve l'artisan dans la couverture
du décret de la construction, il nous semble important de
peut-être faire une parenthèse sur l'artisan dans l'industrie de
la construction. D'abord pour vous dire que le statut d'artisan, à notre
connaissance, a été introduit à peu près vers
l'année 1979, surtout pour couvrir ces genres de travaux qu'on veut
sortir actuellement. Surtout aussi pour régler des problèmes face
à un consommateur. Et ce qui est encore plus important c'est de regarder
ce qu'est un artisan dans la construction, dans la loi.
L'artisan, dans la loi, et je ne veux pas en faire ma propre
définition, mais je pense qu'il faut comprendre que c'est une personne
qui, seule, sans l'aide de salariés, est censée faire des travaux
de construction. Or cette définition-là n'est pas du tout celle
qu'on retrouve sur les chantiers de construction. Si on est capable de nous
démontrer à l'heure actuelle qu'un artisan peut poser du gyproc
de 4X8 ou de 4 X 12 dans une maison, seul, je pense qu'il y aurait
peut-être un point. Mais, jusqu'à aujourd'hui, ce qu'on retrouve,
ce ne sont pas des artisans seuls, cela n'existe presque pas. Je n'ai pas dit:
Cela n'existe pas, mais cela n'existe pratiquement pas. On va retrouver un
artisan, c'est-à-dire celui qui a une pépine, excusez le mot,
mais une petite machinerie; ii conduit sa machine et il fait son travail.
Alors, il va contracter et faire son travail. C'est une sorte d'artisan. Je
pense que celui-là, ce n'est peut-être pas celui qu'on vise
exactement.
Mais les autres artisans, ce sont des gens qui, individuellement, vont
s'engager pour faire ensemble un travail sur un chantier de construction, et
cela c'est une compétition totalement déloyale avec l'entreprise
de construction normale. Ce n'est pas la forme d'artisanat, je pense, à
laquelle on serait en droit de s'attendre dans le statut que la loi a voulu lui
accorder. On a éliminé, en vertu de l'amendement qui a
été fait, les sociétés d'artisans, mais par contre,
par la pratique, on permet presque que ces sociétés d'artisans
existent par des contrats individuels. Cinq ou six gars se présentent,
prennent chacun une pièce et ils font la maison. Finalement, c'est quoi?
C'est un groupe de gars qui remplacent une entreprise de construction qui font
les travaux de construction. (16 h 45)
Ceci étant dit, pour nous autres, des artisans sur les chantiers
de construction, c'est à peu près impensable. C'est
sûrement impensable en ce qui concerne les hommes qui n'ont pas de
métier. Je vois assez mal un artisan manoeuvre. J'essaie d'imaginer ce
que cela peut faire sur un chantier parce que, en pratique - je ne dis pas en
principe - mais en pratique un manoeuvre c'est quelqu'un qui travaille avec des
hommes de métier autour de lui ou à peu près, en
général. Il faut donc qu'il soit avec quelqu'un. Il ne peut pas
être tout seul. Il ne peut pas, non plus,
être un artisan apprenti. Un apprenti, c'est un gars qui travaille
sous la surveillance d'un compagnon. Donc, il ne travaille pas tout seul. Il
travaille avec un autre. Or, en théorie, un artisan c'est un gars qui
devrait être tout seul. Et sur les chantiers de construction ce n'est
absolument pas cela qui se passe. On se sert de cette notion-là pour
s'inscrire dans l'industrie de la construction et pour passer à
côté des règles de l'industrie de la construction. Parce
qu'il va sans dire que c'est un secteur qui n'est absolument pas
surveillé et je dirais presque si peu surveillable.
Or, c'est clair que, quant à nous, si l'idée du
gouvernement est de sortir des travaux de réparation et d'entretien du
résidentiel à des fins personnelles et avec certaines
précisions, on pense, à ce moment-là, qu'il devra au moins
sortir les artisans des chantiers de construction.
Par contre, on n'est pas nécessairement alignés vers cette
solution-là. Nous, depuis plusieurs années, on croit qu'à
l'intérieur du régime des relations du travail il y a moyen de
régler les problèmes du résidentiel. C'est peut-être
parce que les efforts n'ont pas été faits pour régler les
problèmes ou c'est peut-être parce que les efforts qui ont
été faits n'ont pas été appuyés. C'est
sûr que cela pourrait peut-être nous amuser - on le fait, de toute
façon, dans notre mémoire - de soulever à la commission
qu'on s'est fait imposer des décrets à des conditions absolument
inabordables, et qu'il n'y a pas beaucoup de monde, du côté du
gouvernement, qui s'est soucié des conditions du consommateur. On s'est
fait imposer aussi toutes sortes de réglementations. Le statut de
l'artisan en est une, entre autres, une réglementation, une loi.
Aujourd'hui, qu'on veuille soulager le consommateur, on est d'accord, mais on
pense que cela pourrait, avec le concours peut-être d'une toi, être
fait à l'intérieur du décret. On est venu très
proche, avec certaines parties syndicales, de négocier une entente
où l'on tentait, où l'on réglait des problèmes du
résidentiel. On avait, à ce moment-là, établi toute
une série de soulagements, entre parenthèses, qu'on pouvait
apporter au résidentiel. C'est évident que, dans le
résidentiel, il faut que je tienne compte du client. Donc, il faudrait
peut-être penser à des conditions favorables au client, des
conditions salariales favorables au client.
Il faudrait aussi penser que ce n'est peut-être pas une place
où l'on peut appliquer des règles aussi rigides que sur les gros
chantiers de construction, avec des horaires de travail, du temps
supplémentaire puis des bornes quant au métier, etc. Alors, on
avait établi toute une série de moyens pour faire en sorte que le
résidentiel puisse vivre à l'intérieur du décret de
la construction. Cela m'a fait rire, ce matin, quand j'ai entendu certains
individus dire qu'il n'y avait jamais eu personne qui avait essayé de
faire quoi que ce soit pour le résidentiel. On regrette infiniment. On a
fait des batailles et je pense qu'il y a des gens qui ont tenté de faire
des choses pour le résidentiel. Je me rappelle qu'on s'est
retrouvé aussi en grève, dans l'industrie de la construction,
pour défendre cette position et régler les problèmes du
résidentiel. Les premiers qui ne suivaient pas la grève,
c'étaient ceux qu'on essayait de défendre. Ils continuaient
à travailler, eux autres, puis, nous autres, on se battait pour essayer
de leur trouver des conditions. Effectivement, on pense que, dans le
décret de la construction, il y aurait possibilité
d'établir des choses, pour le résidentiel, au moins pour la
construction résidentielle, et on devrait, je pense que c'est la seule
façon de pouvoir régler les problèmes, avoir des jalons
dans la loi pour pouvoir établir des choses pour le résidentiel.
Peut-être qu'à partir de là, si on établit: un
statut pour envoyer l'artisan dans la réparation et l'entretien - et
là, je fais une parenthèse - qu'on le garde à
l'intérieur du décret ou qu'on le sorte, nous, on pourra envoyer
l'artisan à l'intérieur de ces travaux-là.
Ce que l'on craint de la loi 31, à l'heure actuelle, c'est ceci.
C'est qu'il se fait des travaux clairs en dessous de la table à l'heure
actuelle. Le consommateur n'a pas les moyens de payer. Il paie un taux -
établissons-le pour les fins de la discussion - de 10 $ l'heure,
à l'heure actuelle. Si ce que le gouvernement désire à
l'heure actuelle se réalise, que ces gens-là se légalisent
par la déréglementation, cela veut peut-être dire des
rapports d'impôt, cela veut peut-être dire la CSST, la
régie, etc. On est obligé de vous dire qu'il est possible qu'ils
ne puissent plus exiger 10 $ l'heure. Il est possible qu'ils en exigent 12 $.
Le consommateur n'aura pas eu une diminution. Je ne peux pas évaluer
votre projet de loi en disant qu'en déréglementant il va payer
moins que le décret. Non, il va payer la même chose ou moins que
ce qu'il payait avant, parce qu'il payait en dessous de la table. Donc, ce
n'est pas un écart avec le décret qu'il faut que je calcule,
c'est un écart avec la situation actuelle. C'est un premier point. Le
deuxième point, c'est que cela nous surprend que, dans une partie de
votre projet, vous prévoyez une certaine formation. Autrement dit, vous
êtes obligés de remettre en place une certaine
réglementation parce que vous avez des inquiétudes
vis-à-vis du consommateur qui va se retrouver avec de la main-d'oeuvre
non qualifiée et non compétente. Vous attachez, par exemple,
beaucoup d'attention - je pense au communiqué de presse - à
l'électricité, la plomberie et la structure ou la charpente.
C'est signe que vous reconnaissez qu'il y a un maudit danger - excusez-moi -
qu'il y a un danger que le consommateur se retrouve avec des
incompétents pour faire ces travaux. Nous croyons que le danger est
énorme. Il est énorme parce que tout le monde va pouvoir aller
faire ces travaux-là n'importe comment.
Alors, il y a peut-être différentes façons d'arriver
à régler cela. Il y a celle dont je vous
parlais tantôt: de garder cela mais d'établir des taux de
services ou des taux de charges dans notre décret. L'autre façon,
c'est celle dont on a parlé. C'est peut-être de jouer le jeu qu'on
a déjà proposé il y a quelques années au
gouvernement, l'allégement fiscal. Cela donnerait quoi dans le fond? Le
problème de... La commission du travail n'est peut-être pas la
place pour en parler, mais on pense qu'il y a une relation intime avec le
projet de loi. C'est que si, demain matin, vous accordez au consommateur qui
fait faire des travaux par une entreprise reconnue et licenciée, avec
des gens qui ont la compétence pour faire les travaux ou qui ont les
cartes de compétence, si vous accordez que cette personne qui a fait
faire les travaux puisse produire des factures sur son rapport d'impôt et
qu'elle obtienne une déduction d'impôt, il y a là un
incitatif pour le consommateur à utiliser des gens qui sont dans le
cadre d'une compétence. D'autre part, celui qui va donner la facture va
être incité à se rapporter parce que forcément il a
donné des factures et l'impôt va les avoir. Donc, il va avoir le
choix de se mettre à la lumière. De cette façon, le
consommateur va avoir une réduction, une certaine possibilité,
à son choix, d'aller chercher des travaux compétents et avoir une
déduction d'impôt. Celui qui travaille en dessous de la table va
peut-être au moins avoir un incitatif pour se légaliser, se faire
voir au grand jour et déclarer ses revenus. C'est une façon,
quant à nous, d'avoir un cheminement pour permettre au consommateur de
sauvegarder au moins une certaine compétence dans ces travaux.
Je peux vous dire qu'il y a des inquiétudes énormes du
côté des gens qui ont été en contact avec le projet
de loi 31, de la façon suivante: Je suis un entrepreneur d'habitation.
Je finis une maison; je livre la maison à mon client; j'ai une garantie
et, chanceux ou pas chanceux, j'ai la garantie des maisons neuves. Je fais
faire des travaux dans mon sous-sol par un "botcheur", un Jos. Bleau, dans la
rue, qui décide que ce serait plus beau de mettre le mur là et de
tasser la colonne qui est en bas. Là, il s'en va comme cela, il me fait
mon sous-sol et il me "botche" cela. C'est beau. Il y a plus ou moins une
garantie. Sa garantie, c'est son coffre d'outils. Six mois après, les
planchers commencent à grouiller et la maison commence à tordre.
Qui va avoir les problèmes? Est-ce que c'est le Jos. Bleau qui est venu
faire le sous-sol ou si c'est le gars qui a construit ma maison, qui peut,
théoriquement, se retrouver avec les problèmes après?
À cela, vous allez dire: C'est peut-être des choses à
l'extrême. Il est excessivement dangereux de penser que vous allez
laisser le consommateur dans les mains d'une série de personnes
incompétentes qui peuvent aller faire des travaux. Il suffit qu'elles
enlèvent une cloison portante quelque part et c'est là qu'il va
apprendre qu'elle est portante. Il sera peut-être trop tard quand il va
l'apprendre. Quant à nous, à ce moment-là, il nous
apparaît essentiel que si on fait ce "move" ou si le gouvernement
décide quand même de le faire, même si on pense que ce n'est
pas la solution, il faudra au moins assurer au consommateur un
allégement sur ses coûts et une certaine compétence dans
les travaux qu'il va aller chercher.
Nous avons aussi étudié le projet de loi 31 en fonction
des conséquences qu'il peut y avoir face à la santé et
à la sécurité. Je peux vous dire qu'on est excessivement
inquiets parce qu'on ne sait pas exactement le résultat que cela peut
donner au bout. Actuellement, que je parle d'artisans, que je parle
d'"illégaux" ou que je parle de ces gens-là, il est comique, et
là c'est un peu la parenthèse que je voulais faire au
début, de voir chez nous des pseudo-entrepreneurs qui rapportent 80 ou
70 heures travaillées dans l'année. Je ne sais pas qui vit avec
seulement 80 heures travaillées par année? En tous cas...
Il y en a une grande partie - environ 4000 chez nous - qui ont moins de
1000 heures déclarées. C'est la moitié d'un homme par
année. Il va arriver ceci: c'est qu'actuellement les gens ne font
apparaître leurs heures que lorsqu'ils ont un problème et qu'il
faut qu'ils aient de l'argent de quelque part. C'est la nature humaine; on ne
peut pas se battre contre cela, semble-t-il. C'est ce qui arrive. Le gars tente
de se faire couvrir. Il se fait mettre sur un "payroll" pour aller chercher sa
CSST ou essayer de se couvrir. Qui va couvrir le travailleur qui va aller faire
des sous-sols? Qui va déclarer la masse salariale de ce gars-là?
Qu'est-ce qu'il va payer à la CSST? Qu'est-ce qu'il va recevoir de la
CSST? Sur quelle base va-t-il recevoir des choses de la CSST? En vertu d'une
déclaration qu'il va se pondre lui-même, ou d'un salaire fictif ou
d'un T4 qu'il va déclarer? On ne sait pas trop ce qui va arriver, mais
il y a une chose qu'on sait. C'est qu'actuellement, dans l'industrie de la
construction, entre autres, la CSST nous coûte des prix de fous, des prix
énormes, des prix qu'on a de la misère à absorber.
Or, si on prend, dans l'industrie de la construction, une "bunch" de
bonshommes sur lesquels on n'a aucun contrôle et qu'on les fait assumer
par l'industrie de la construction, il est clair qu'on va crier très
fort, M. le ministre. Si on les met en dehors, est-ce que cela sera un groupe
crédible? Est-ce que ce groupe pourra se suffire à
lui-même? Qui va les absorber? Le fonds général ou s'ils
vont s'absorber entre eux autres au niveau de la CSST? Dieu sait que cela peut
être un groupe assez important. On présume, à l'heure
actuelle - certains nous disent qu'il y en a 2000, 3000, 4000 de ces
gars-là - qu'il peut y en avoir largement plus que cela. C'est une
inquiétude, je pense, la CSST, dont on devrait tenir compte dans un
projet de loi semblable.
Cette déréglementation nous a amenés à poser
la question: Est-ce un pas de déréglemen-
tation ou un pas de valse? C'est-à-dire qu'on fait semblant de
déréglementer et, après, on va se retrouver une place pour
recommencer à réglementer. Il y a quand même une petite
indication. Il y aura de la formation professionnelle. Il va aussi y avoir la
tentation de certaines gens - qui n'est pas tellement cachée à
l'heure actuelle - d'essayer de ramasser ce monde-là, de les regrouper
et de leur bâtir un beau petit décret ou une belle petite
convention collective. Et là ils vont probablement avoir atteint ce
qu'ils veulent atteindre, c'est-à-dire aller chercher la "gang" qui est
dans l'AECQ et les amener chez eux. Si ce n'est que cela, le projet de loi,
qu'on nous le dise. Ce n'est pas plus difficile que cela.
Non, je ne charrie pas, M. le ministre. Ce sont des
éventualités qui sont possibles. Si c'est un décret dans
ie décret qu'on veut faire, on est capables de s'asseoir et d'essayer de
trouver des solutions. Si c'est déréglementer totalement pour
libérer les gens, cela peut peut-être être pensé de
cette façon. On a de maudites craintes que cela puisse tout simplement
être un déplacement des responsabilités et des
contraintes.
Le projet de loi, entre autres, on ne fera pas beaucoup de commentaires
sur les questions d'amendes. Il nous paraît que les questions d'amende
sont une étape prématurée, quant à nous. Il
faudrait commencer par régler les problèmes, régler notre
champ d'application. On vient en commission parlementaire
régulièrement pour demander de régler nos problèmes
de champ d'application. Aujourd'hui, on se retrouve en commission parlementaire
pour essayer de le sauver. Cela nous apparaît énorme. On est venus
dire à Hydro-Québec de ne pas nous enlever, de ne pas venir
tailler avec de la sous-traitance. On est venus le dire en 1984
d'arrêter, avec des salariés permanents ou pseudo-permanents de
l'entreprise, de faire les travaux de construction. Arrêtez avec les
commissions scolaires, avec les municipalités. Arrêtez tout le
monde de gruger l'industrie de la construction. Ou bien posons-nous la
question. Enlevons toute la législation de la construction et laissons
le monde aller.
Le Président (M. Charbonneau): M. Julien, sur ces
arrêts que vous nous invitez à faire, je vais vous arrêter
parce que le temps...
M. Dion: Ce n'est pas Julien mon nom, c'est Dion.
Le Président (M. Charbonneau): C'est une erreur
d'organisation devant moi. Si vous le permettez, on va plutôt laisser la
parole aux membres de la commission qui vont réagir à vos
positions et à vos recommandations. M. le ministre.
M. Dion: D'accord, M. le Président. Je pense que j'avais
à peu près tout couvert. Le restant, je vais le passer ailleurs,
ne soyez pas inquiet.
Le Président (M. Charbonneau): Je n'en doute point,
à vous regarder aller... Il n'y a pas de problème. Je n'ai pas
d'inquiétude pour vous. (17 heures)
M. Paradis (Brome-Missisquoi): M. le Président, vous me
permettrez de souhaiter la bienvenue à l'Association des entrepreneurs
en construction et à ses porte-parole. Sauf erreur, il s'agit de la
première présence de M. Julien à la commission de
l'économie et du travail. Ce n'est pas ie cas de M. Dion, qui est un
habitué des commissions parlementaires. J'en profite, M. le
président, pour vous souhaiter une bienvenue toute spéciale, en
souhaitant que la bonne marche de nos travaux vous impressionne positivement
plutôt que négativement.
Le projet de loi 31 vise à diminuer considérablement sinon
à éliminer le travail au noir dans l'industrie de la
construction. Si nous voulons en discuter de façon ordonnée, il
faut s'entendre sur la définition du travail au noir. Il y a plusieurs
définitions de travail au noir dans la société
québécoise qui peuvent toucher d'autres activités
économiques face au ministère du Revenu, mais il y a une
définition du travail au noir dans la construction qui a fait l'objet
d'un consensus patronal-syndical à la table Mireault, dans le rapport
Mireault. C'est toute action dans la construction qui contrevient au
décret ou aux lois qui régissent le domaine de la construction.
Si on s'entend sur cet élément-là, on peut continuer en
disant: Est-ce qu'il y a du travail au noir partout dans l'industrie de la
construction?
L'ensemble des intervenants que nous avons entendus avant vous sont
plutôt d'avis qu'il en existe un peu dans l'industriel et le commercial,
un peu plus dans la construction domiciliaire et beaucoup plus dans tout
l'aspect rénovation, réparation, entretien, modification
domiciliaire. D'autres associations nous ont affirmé que c'était
quasiment inexistant dans les grands chantiers de construction. Quelle est la
position de l'AECQ? Est-ce qu'il y en a? Est-ce qu'il y en a partout et est-ce
qu'on le grade bien? Est-ce que la perception de la commission est bonne en
disant que c'est plus important dans l'ordre que je viens de donner?
La question est soit à M. Julien, soit à M. Dion.
M. Julien: Je dois vous dire, M. le ministre, qu'il y en a
partout. C'est peut-être plus évident dans le domaine du
résidentiel, de la rénovation ou de l'entretien, mais il y en a
dans tout ce qui s'appelle construction. Il y a toutes sortes de façons
de le faire. C'est plus évident quand on regarde le résidentiel
parce qu'on le voit tous les jours tandis que, sur les grands travaux, dans des
places spécifiques où il y a des contrats de 8 000 000 $, 10 000
000 $, 15 000 000 $, 20 000 000 $, 30 000 000 $, 50 000 000 $, on ne
le voit pas tout à fait autant, mais il y en a dans tout; par
contre, il y en a plus dans le résidentiel.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Aujourd'hui, i'AECQ se prononce
sur le projet de loi 31 dans le mémoire qu'elle nous soumet et dans les
représentations verbales que vous énoncez, mais I'AECQ a eu
l'occasion de se prononcer à plusieurs reprises sur cet aspect du
travail au noir, sur le rôle de l'artisan, etc. Je peux faire
référence, brièvement, à vos mémoires du
mois d'août 1984, peut-être que M. Dion va se le rappeler plus
spécifiquement, votre mémoire sur la
déréglementation de mars 1987, vous êtes intervenus
à plusieurs reprises.
En 1984, vous disiez ce qui suit. Pendant longtemps les chefs syndicaux,
les gouvernements et, il faut bien l'admettre, certains de nos membres ont cru
que les coûts de main-d'uvre dans la construction importaient peu
puisque, par le jeu du décret, les entreprises concurrentes faisaient
face aux mêmes coûts. Il s'agissait, bien sûr, d'une erreur.
Les entrepreneurs en construction du secteur résidentiel ont
été les premiers à s'en rendre compte. Faisant plus
directement affaire avec le consommateur, ils ont dû vite s'ajuster
à la capacité de payer de leurs clients. Plus loin, vous ajoutez:
Comment peut-on demander aux consommateurs d'accepter de payer 21,47 $ - on est
en 1984 - l'heure en coût de main-d'oeuvre pour la construction de leur
maison lorsqu'ils ne gagnent pas la moitié de cette somme par heure de
travail? Et vous continuez. Puis, un peu plus loin: Toutes les lois, tous les
règlements et tous les inspecteurs du monde n'empêcheront pas le
jeu de l'offre et de la demande, lequel demeure le fondement de notre
système économique.
Aujourd'hui, le gouvernement se rend compte que vous aviez
peut-être en partie raison...
M. Dion: On a toujours raison. Des voix: Ha, ha, ha!
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Peut-être en partie raison,
que tous les inspecteurs du monde ne suffisent pas, sur le plan de la
rénovation résidentielle, à assurer l'application du
décret de la construction. Je pense qu'on se rend à
l'évidence en faisant une telle affirmation. On se rend également
compte que les lois et les règlements ne sont pas appliqués d'une
façon raisonnable ou satisfaisante pour les parties qui les suivent dans
la grande construction ainsi que dans la construction domiciliaire. Il nous
semble que, si on resserrait la réglementation dans le domaine des
grands chantiers et dans le domaine de la construction domiciliaire, on
pourrait éliminer en grande partie ce qu'on appelle le travail au noir
en le contrôlant davantage au niveau des grands chantiers - c'est encore
un peu pius facile - et au niveau de la construction domiciliaire, avec
beaucoup d'efforts, on pourrait arriver à le diminuer
considérablement. Et, en légalisant la situation des travaux de
rénovation et d'entretien par définition, il ne s'agirait plus de
travail au noir. C'est l'approche que nous avons privilégiée.
Mais, dans tout ce domaine de la construction, il existe
différents intervenants. Vous étiez présents ce matin lors
du témoignage d'une des centrales syndicales, la FTQ-Construction. Vous
avez entendu M. Laberge parler de l'élimination de l'artisan, ce qui
incluait, dans le mémoire soumis par la FTQ-Construction et même
par le conseil provincial, l'élimination également de
l'entrepreneur spécialisé, celui qui oeuvre tout seul, de
façon que, sur les grands chantiers, on trouve deux catégories
d'individus: l'employeur et le salarié. J'aimerais vous entendre sur
cette élimination de l'artisan et de l'entrepreneur
spécialisé des grands chantiers de construction et de la
construction domiciliaire.
M. Dion: M. le ministre, d'abord je veux qu'on s'entende sur ies
termes. On parle de relations du travail, de décret de la construction
et de la Loi sur les relations du travail dans l'industrie de la construction.
À moins d'erreur de notre part, on pense qu'on doit parler d'employeur,
de salarié et, entre guillemets, d'une notion qui a été
introduite dans la loi et qui est celle de l'artisan. Pour nous, il est
impensable d'amener une notion d'entrepreneur spécialisé. Une
notion d'entrepreneur n'a pas d'affaire là-dedans. Une notion
d'entrepreneur, c'est une notion de contrat, une notion de relation avec un
donneur d'ouvrage; c'est une notion d'exécution, ce n'est pas une notion
de relations du travail. Alors, immédiatement, on va vous dire qu'on
refuse totalement de reconnaître la question des entrepreneurs
spécialisés. C'est de la foutaise qui a été
créée de toutes pièces pour régler des
problèmes. On avait une grosse corvée de problèmes
à régler et on les a réglés de cette façon.
Cela n'existe pas des entrepreneurs spécialisés en relations du
travail. Le terme "entrepreneur spécialisé" dans mon temps,
c'était des sous-traitants. Ils étaient spécialisés
dans la plomberie et ils étaient spécialisés dans
l'électricité. Cela a été galvaudé et c'est
devenu une notion, mais pas dans les relations du travail. Cela ne sera jamais,
à mon goût, une relation du travail.
Concernant l'artisan, notre position est très claire. On demande
nous aussi dans notre document que... Si, par exemple, on décidait de
sortir les travaux d'électricité du décret, on trouverait
logique de vous dire: Sortez les électriciens, et, si on sortait la
plomberie du décret, on vous dirait: Sortez les plombiers. Mais
là, comme vous sortez la réparation et l'entretien domiciliaire
on vous répond, comme les autres centrales vous ont dit ce matin: Sortez
l'artisan. Laissez la construction aux professionnels de la
construction, aux employeurs et aux employés de la construction.
Ce sont eux les professionnels de la construction. En 1979, quand on nous a
vendu en poussant un peu fort le statut d'artisan - je pense que c'est
écrit dans notre mémoire - on nous a fait croire que cela
était bon pour les consommateurs, et a peu près ça pour
les travaux de réparation et d'entretien. Mais, si vous sortez le
principal, sortez l'accessoire. C'est notre position.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Mais il faut s'entendre. Lorsqu'on
parlait de sortir, on ne sortait pas des gens, on sortait des notions.
M. Dion: Oui...
M. Paradis (Brome-Missisquoi): La proposition...
M. Dion: On est d'accord là-dessus. Excusez-moi, M. le
ministre. On est prêt à donner un choix à ces gens pour
qu'ils se placent. Je pense qu'il reste quand même que outre la
définition ou le statut comme tel, il y a des individus, des êtres
humains là-dedans, des êtres humains qui peuvent être
d'excellentes personnes au point de vue de la compétence pour faire des
travaux. Qu'on leur donne un délai X pour faire un choix: Ils peuvent
devenir des vrais travailleurs de la construction qui vont travailler pour des
employeurs, ou devenir des employeurs s'ils le veulent et ils engageront des
salariés pour travailler pour eux, ou choisir de sortir du décret
et d'aller faire les travaux que vous auriez choisi à ce
moment-là de sortir.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): D'accord. Je vous suis. C'est
très clair. La prochaine question s'adresse à M. Julien.
M. Dion: Est-ce que mes réponses sont trop longues?
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Non, cela va. M. Dion: Ha,
ha, ha!
M. Paradis (Brome-Missisquoi): C'est à cause possiblement
de la région d'où il provient, soit la même région
que le député d'Abitibi-Ouest, qui, dans certaines circonstances,
peut également s'apparenter avec la région que je
représente sur le plan des petites municipalités, sur le pian des
services dont la population a besoin dans ces petites municipalités.
Si on suit le raisonnement que vous venez de donner, l'artisan ainsi que
l'entrepreneur spécialisé auraient un délai X pour faire
un choix: ils pourraient devenir soit des salariés, soit des employeurs.
Sur les gros chantiers, cela ne pose pas tellement de problèmes
d'application pratique. Vous devez avoir dans votre région comme j'ai
dans ma région des gens qui sont surtout dans le domaine de
l'électricité et de la plomberie, des entrepreneurs
spécialisés qui oeuvrent seuls et qui donnent le service à
la population. Qu'est-ce que vous faites de ces gens-là?
M. Julien: Je dois vous dire, M. le ministre, que dans ma
région ceux avec qui je travaille, en tout cas, ont des licences de la
régie, ce sont des électriciens avec des employés. Je n'ai
jamais travaillé avec un électricien qui travaillait tout
seul.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Nos régions se ressemblent
un peu moins que je pensais. Dans la région, chez nous, j'ai plusieurs
électriciens qui travaillent tout seuls. Ils ont une petite camionnette,
etc.
M. Dion: Oui, M. le ministre, mais vous avez une personne dans le
service. C'est vrai, il part avec son camion, il s'appelle Le fil magique ou La
plomberie en or et if s'en va réparer votre tuyauterie, il s'en va
changer votre fil électrique, il est tout seul. Mais quand il travaille
dans des maisons d'habitation - je ne dirais pas à 100 % - Ils sont
souvent deux: il y en a un qui tire sur le fil et un autre qui pose des
boîtes.
M. Julien: Dans mon domaine, chez nous, les électriciens
qui travaillent pour moi sont des entrepreneurs avec des licences et des
employés.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): D'accord. Cela va.
Le Président (M. Charbonneau): M. le député
d'Abitibi-Ouest.
M. Gendron: Oui, rapidement. Je voudrais d'abord remercier
l'Association des entrepreneurs en construction du Québec d'avoir eu le
temps, même si c'était court comme période - et ce sont des
conditions imposées par le ministre - de réagir au projet de loi
31. Je voudrais saluer - et je ne pense pas que les membres de la commission
m'en voudront - d'une façon spéciale le président de cette
association, M. Julien, qui est de cette belle et grande région de
l'Abitibi-Témiscamingue et qu'on a temporairement prêté
à une association nationale, selon notre jargon. Je suis content que
cette association soit ici présente pour s'exprimer sur le projet de loi
31. À tout le moins, c'est une association qui a développé
au fil des ans - la présence de M. Dion à plusieurs commissions
parlementaires le prouve - une très longue expertise dans le domaine de
la construction domiciliaire. Il est certain que votre expertise est
intéressante ici et on doit en profiter pour vérifier ce que
j'appelle les deux ou trois principes qu'il y a dans le projet de loi 31.
Un des premiers objectifs du ministre - et
il faut questionner sur cela tous les intervenants compte tenu de leur
expérience - c'est de tenter de réduire le travail au noir. Ce
n'est pas pour rien qu'il a presque toujours commencé par cette
première question: Est-ce que vous comprenez le sens de la
définition du travail au noir? Le ministre a toujours voulu s'en tenir
à une définition qui retient strictement ceci: ce qui se fait
autrement que par les lois prescrites dans la construction. Je prétends
que c'est un bras du noir. Il y a aussi l'autre bras du noir: c'est tout ce qui
ne figure pas comme entrée de fonds au gouvernement du Québec.
C'est un bras tout aussi important; même si le travail peut être
conforme au taux prescrit, si cela se fait en dessous de la table et qu'il n'y
a pas de retour de revenus au gouvernement du Québec, il me semble qu'on
devrait tous avoir, comme citoyens, la préoccupation de contrer
cela.
Ceci étant dit sur le travail au noir, à moins que je ne
sache pas lire - ce dont je doute après douze ans de pratique dans ce
domaine - votre prétention est on ne peut plus claire; vous
prétendez même que le projet de loi 31 va l'amplifier. J'ai lu
à la page 21 de votre mémoire: "...il reviendra sous peu avec un
autre projet - c'est dans la perspective où il procéderait avec
le projet de loi 31 tel quel - pour de nouveau déréglementer, car
le travail au noir aura pris de l'ampleur et les assoiffés de la
déréglementation" voudront réglementer à nouveau
sur une autre partie. Vous prétendez que tout cela se fait à la
pièce et que ce n'est pas en procédant à la pièce
qu'on va en arriver à quelque chose qui va correspondre au
véritable problème.
La question que je vous pose, puisque vous semblez être on ne peut
plus clair, c'est: Pour ce qui est de votre association, dans le domaine
résidentiel, est-ce que vous êtes en mesure de confirmer ou
d'infirmer la gradation que le ministre et d'autres groupes ont voulu donner,
à savoir que c'est probablement le secteur dans lequel il se fait le
plus de travail au noir? Est-ce que vous partagez cette appréhension?
(17 h 15)
M. Dion: Absolument.
M. Gendron: Dans le secteur de la construction domiciliaire,
incluant la rénovation, bien sûr?
M. Dion: Bien, disons que par gradation, c'est clair que c'est
plus grave pour réparation et entretien. Un peu plus haut, si vous
voulez, la construction résidentielle et, en réduisant
tranquillement dans les autres secteurs, il y en a aussi.
Est-ce que vous voulez que je vous explique pourquoi on dit que le
travail au noir va continuer?
M. Gendron: Oui, si ce n'est pas trop long.
M. Dion: Rapidement, ceci. Si le projet de loi garde l'artisan,
l'artisan il faut qu'il gagne sa vie, à ce moment-là, il ne
pourra plus aller où il était habitué, en
général, d'aller, soit réparation et entretien, parce que
là il va être en compétition avec un marché
totalement libre, du salaire minimum en montant. Il va s'en aller où, ce
gars-là? Il y a une bonne chance qu'il s'en aille faire
réparation et entretien, mais dans les autres secteurs. Et là il
va faire la même chose qu'il fait à l'heure actuelle, parce que,
sans malice, il est quand même celui qui est en partie responsable de ce
travail. Nous, le travail au noir, on appelle cela du travail fait en dehors de
la législation, du travail peut-être fait en partie dans la
législation, mais pas tout déclaré dans la
législation et peut-être fait aussi, n'importe comment. Donc, il
va se retrouver dans un autre secteur, c'est-à-dire pour
réparation et entretien, où il va venir en compétition. En
créant cette compétition-là, dans l'autre secteur, il va
provoquer, encore une fois, la naissance d'un nouveau travail au noir. Dans le
fond, c'est le jeu. C'est ce qu'on a peut-être essayé de dire dans
une page, je ne suis pas capable de l'identifier. C'est comme les deux gars qui
se chicanent sur un terrain où il y a une clôture: l'un veut
tasser la clôture de six pouces et l'autre, de six pouces. Et là,
tout d'un coup, ils prennent la clôture et ils la tassent de trois pieds,
puis ils se chicanent encore sur la clôture, six pouces d'un bord, six
pouces de l'autre. Il ont seulement déplacé l'endroit où
ils se chicanent, où la limite est obscure. C'est cela qu'on est en
train de faire par le projet de loi 31. On déréglemente ce qui a
l'air d'être obscur, on déplace la borne. Cela va devenir obscur
ailleurs. C'est cela qu'on craint. On ne vous dit pas que le projet de loi en
lui-même n'est pas un principe intéressant. On ne vous dit pas que
d'éliminer le travail au noir ce n'est pas souhaitable, mais les moyens
sont discutables.
M. Gendron: Oui, cela je l'ai bien compris. Votre mémoire
est très clair là-dessus, surtout dans les premières pages
qu'on n'a pas eu l'occasion d'entendre, mais dont certains auraient avantage
à reprendre connaissance. Il y avait une forme caricaturale
intéressante dans les deux ou trois premières pages. J'inviterais
du monde à relire cela, et il faut lire entre les lignes pour comprendre
ce que cela signifie.
L'autre question que je veux vous poser, c'est sur ce que vous
identifiez comme étant un des problèmes majeurs, ou une des
causes majeures du noir, qui est la question des artisans. Vous l'avez
traitée assez longuement, et là je ne veux pas contredire mon bon
ami, le président de l'association, M. Julien, parce qu'il a raison, M.
le ministre du Travail, en Abitibi-Témiscamingue, règle
générale et en grande majorité, on n'a pas
d'électriciens qui ne sont pas membres de la Corporation des
maîtres électriciens, et ils travaillent en équipe. Il y
a
quelques cas isolés. Dans tout l'Abitibi-Témiscamingue, il
y en a peut-être cinq ou six qui sont seuls. Entre autres, j'en connais
un de La Sarre qui s'appelle Adrien Chrétien; il a toujours
travaillé tout seul, tout le temps. Jos. Lapointe, de Palmarolle, a
toujours travaillé tout seul. Alors, cela existe, mais c'est très
limité. C'est très limité, et probablement que chez vous,
si cela arrive plus qu'ailleurs, c'est parce que cela ne fait pas longtemps que
vous avez l'électricité, je pense, dans votre région...
C'est peut-être pour cela qu'il y en a plus.
Ceci étant dit, sur le statut d'artisan, je pense que vous aviez
raison, M. Dion, de dire... Ce n'est pas parce qu'on a essayé de le
vendre, mais dans sa présentation, au moment où cela a
été introduit dans la législation, l'artisan devait,
autant que possible, travailler seul, travailler davantage dans le secteur de
la réparation et l'entretien, et toucher un peu la rénovation.
Vous avez raison, c'était à tout le moins non seulement l'esprit
mais la volonté du législateur d'alors. Sauf que dans les faits,
aujourd'hui, on est en 1988 et on doit reconnaître que ce n'est pas comme
cela que cela se passe. Par conséquent, il y a des décisions
à prendre pour revérifier toute la gestion de la notion de
l'artisan dans la construction et, moi, je ne vous ai pas trouvé assez
clair, même si vous en avez parlé dans votre mémoire.
Est-ce que vous souhaiteriez - et c'est là ma deuxième question -
qu'effectivement l'artisan ait l'obligation, dans un délai X, de se
donner un statut différent, pour revenir un peu à la
problématique de la FTQ? Elle disait: Dans le fond, dans la
construction, ça irait bien mieux s'il y avait deux types de monde: il y
aurait des salariés et - non pas ce que le ministre a dit, des
entrepreneurs - des employeurs, parce que je suis sûr que le
président de la FTQ a parlé d'employeurs et non pas
d'entrepreneurs. Si on avait dans la construction des employeurs et des
salariés ou des employés, est-ce que vous pensez que, si on
s'orientait comme cela, il faudrait absolument régler le problème
des artisans en les obligeant par législation à faire un
choix?
M. Dion: Vous avez raison. Notre position est très claire.
On pense que le statut d'artisan écrit dans la loi doit
disparaître et l'individu devrait avoir un délai pour pouvoir
choisir d'aller soit comme employeur soit comme employé. Je voudrais
peut-être aussi ouvrir une parenthèse dont il serait important que
vous preniez connaissance: contrairement à ce que les gens pensent, un
artisan n'est pas nécessairement un artisan 365 jours par année.
C'est important de retenir cela parce que, selon ce qu'il ramasse comme
contrat, il s'engage des gars. Si c'est un peu plus gros ce qu'il a à
faire, il va engager deux ou trois gars et il devient employeur parce qu'il a
des salariés à son emploi. Cela fonctionne pendant un ou deux
mois, puis cela "jam"; il y a un peu moins d'ouvrage, houp! il redevient
artisan. Il passe d'artisan à employeur, selon le besoin.
On a ce problème-là et c'est ce que j'ai voulu vous
souligner en parlant de 18 000 et 15 000 membres chez nous. C'est impensable
qu'un gars ne fasse que 200 heures par année, c'est impossible. Donc,
c'est un bonhomme qui, un bout, se déclare artisan et il fourre le
système comme il peut; il est imaginatif. Je ne veux pas que vous
preniez mes paroles comme étant malicieuses. C'est ma façon de
m'exprimer. Effectivement, il est imaginatif et il s'en va dans le
système. Tout d'un coup, il a un peu plus d'ouvrage; il engage deux gars
et il se met à faire de l'ouvrage. Tout d'un coup cela ne marche pas; il
fait le sous-sol à Jeannette et à Françoise. Le lendemain
matin, il frappe une belle "job", il a toute une cour à finir; il s'en
va le faire avec deux ou trois gars. Essayez de me faire croire qu'un artisan
est capable de poser de la brique tout seul. Il n'ira pas brasser son ciment,
charrier sa brique, la mettre sur le mur et retourner brasser son ciment. Ce
n'est pas vrai, ça n'existe pas un artisan briqueteur-maçon. Cela
n'existe pas un poseur de gyproc artisan, ce n'est pas vrai, ce sont deux ou
trois gars ensemble. C'est cela le problème. On dit: C'est un gars
compétent, il est important. Peut-être qu'on peut l'avoir dans
l'industrie de la construction comme employeur ou comme employé, mais,
comme il a joué sur son statut à tout bout de champ, qu'on lui
donne le choix: qu'il choisisse d'aller chez Albert ou chez Joseph, mais qu'il
arrête de jouer entre les deux.
M. Gendron: C'est très clair. Je suis sérieux,
c'est très clair.
À la page 15, M. Dion ou M. Julien, vous avez indiqué que
dans votre esprit ce n'est que déplacer la ligne que de dire:
Dorénavant, on exclura la rénovation et la modification. On
revient au même problème d'exclure cela du champ de juridiction.
Est-ce que cela signifie également que même si on s'attablait avec
une série de spécialistes pour rédiger quelque chose de
serré... Ce qui ne semble pas être le cas, parce que tout le monde
qui est venu ici a fait toutes sortes d'interprétations, probablement
correctes. Il y a juste le ministre qui dit qu'on est dans les patates. Il dit
toujours: Cela ne veut pas dire cela. Mais c'est drôle, tous les
intervenants pensaient que cela pourrait effectivement conduire à tel
abus, tel abus, mais, non, on lit mal! Ce n'est pas grave. La question que je
vous pose c'est: Si on réussissait à être certain que soit
écrit dans le projet de loi que rénovation et modification ne
veulent rien dire d'autre que des menus travaux, est-ce que vous maintiendriez
quand même votre proposition, à savoir que pour vous c'est une
erreur de soustraire à l'application du décret de la construction
la rénovation et les modifications?
M. Dion: Je vais être honnête au maximum
en vous disant que le mot "rénovation" nous fait carrément
moins peur que le mot "modification", parce que la rénovation, pour
nous, touche quelque chose qui existe qu'on modifie, qu'on répare, qu'on
entretient, dans le fond. On pense que rénovation, entretien et
réparation, c'est presque tout à la même sauce, dans le
fond. Pour nous, cela ressemble un peu à cela - je ne fais pas du
légalisme avec cela - tandis que modification c'est nettement
différent. On a été vulgaire en disant qu'on peut partir
d'un élément... Et j'ai entendu les gens parler de postes de
pompiers et d'écoles qui sont transformés, il ne faut pas se
conter de peurs. Cela peut être n'importe quoi. On a vu des postes de
pompiers... Ils ont décidé de faire des grosses casernes et
d'abandonner les petites. Cela peut être n'importe quoi de cela. Par une
modification, on peut changer une destination. Cela nous apparaît, la
modification, très dangereux parce qu'on va embarquer dans des
structures. On va embarquer beaucoup trop loin. On embarque dans de la
construction. Effectivement, nous, on va s'opposer.
Je voudrais, M. Gendron, ajouter que j'ai aimé le début de
ce que vous avez présenté parce qu'on l'offre dans notre
document. Nous ne sommes pas des experts. Nous sommes des gens qui vivent
là-dedans. Ce qu'on demande à la fin, c'est de retarder le projet
à l'automne pour nous donner le temps de vous dire ce qu'on pense et
comment cela pourrait être fait. Après cela, vous ferez comme en
1979, en 1982, en 1983 et en 1984.
M. Gendron: Ce ne sera pas "vous" ferez, mais "ils" feront. Donc,
M. Dion, vous nous dites à peu près ce que tous les autres sont
venus nous dire, à savoir qu'il n'y a qu'une seule façon de
régler ce problème - le problème initiai étant de
contrer le noir - c'est de soustraire à l'application du décret
de la construction l'entretien et la réparation. Vous seriez plus dans
cette lignée.
J'arrive à l'autre volet qui est à votre page 17. À
la page 17, il y a une première confusion que je voudrais régler.
Une première confusion dans mon esprit, peut-être. Vous mentionnez
que le sondage, chez vos gens du résidentiel, rejetait les conclusions
de la solution facile du rapport Scowen, qui étaient une
déréglementation par morceaux, ailant graduellement vers une
déréglementation totale.
Vous avez dit que les gens du résidentiel rejetaient cette
conclusion. Or, à ce que je sache, l'APCHQ, qui était la seule
à ma connaissance à retenir cette solution, est membre de
votre...
M. Dion: MM. les membres de la commission, l'AECQ regroupe des
employeurs. Elle ne regroupe pas des associations, au grand déplaisir de
certains. On ne regroupe que des employeurs. Les membres de l'APCHQ qui sont
des employeurs sont membres chez nous.
M. Gendron: lis sont membres. C'est cela.
M. Dion: Les employeurs de l'APCHQ sont membres chez nous,
seulement les employeurs, pas les autres.
M. Gendron: Oui, seulement les employeurs. Reconnaissez-vous
qu'il peut y avoir...
M. Dion: II y a une grande nuance. Je ne veux pas être
agaçant, mais, chez nous, ce ne sont que des employeurs, pas des gens
qui ont des terrains et qui vendent des projets. Ce ne sont pas des "brokers".
Ce ne sont pas des entrepreneurs qui n'ont pas de salariés à leur
emploi. Nous, on n'a que des employeurs de la construction chez nous.
M. Gendron: Oui, mais est-ce que vous acceptez qu'il y ait des
employeurs chez vous qui soient membres également de l'APCHQ?
M. Dion: Oui, certainement. Tout ce qui est employeur, membre de
n'importe quelle des autres associations, est membre chez nous. Mais tout ce
qui est membre ailleurs n'est pas nécessairement membre chez nous. Sans
aucune malice, l'Association de la construction de Montréal et du
Québec, qui est une grosse association, a des membres qui ne sont pas
membres chez nous. Parce que cela se peut que ce soit un entrepreneur n'ayant
aucun salarié ou un fournisseur ou un manufacturier. On n'a que des
employeurs de l'industrie de la construction.
Par contre, c'est important de retenir ceci, notre conseil
d'administration regroupe des gens des quatre secteurs. À notre conseil,
on avait au moins quatre entreprises de construction du secteur de
l'habitation, des gens qui sont actifs dans ce secteur, qui ont
participé aux discussions. Ils ont des réactions qui sont parfois
légèrement différentes de celles qu'on entend ailleurs.
Mais il faut aussi voir la nuance. Je pense que c'est le voeu de certains de
vouloir sortir toute la construction résidentielle pour la mettre
ailleurs. Notre position à l'AECQ et celle qu'on a eue à la suite
de notre sondage, les gens ont dit: Cela sera peut-être une solution,
mais cela ne réglera pas les problèmes. Ils disent: Faisons les
choses à l'intérieur du décret. On pense qu'on peut le
faire à l'intérieur du décret.
M. Gendron: À la même page 17, vous dites: "Les
employeurs du résidentiel ne veulent pas que leur secteur soit soumis
à un régime de relations du travail différent de celui des
autres secteurs."
M. Dion: C'est cela.
M. Gendron: Est-ce que vous partagez cela ou si vous êtes
contre cela?
M. Dion: C'est ce qu'on dit. C'est notre mémoire.
M. Gendron: Voilà. C'est ce que je lisais. On arrive
à la page 18 et regardez ce que vous dites: On voudrait, dans le fond,
qu'il y ait un régime... À moins qu'encore là je comprenne
mal...
M. Dion: Mais c'est à l'intérieur du décret,
M. Gendron, ce dont on parle. (17 h 30)
M. Gendron: Non, je le sais, mais un régime...
M. Dion: On dit: Garder le...
M. Gendron: ...particulier pour le résidentiel...
M. Dion: Oui, mais...
M. Gendron: ...où il y aurait des horaires
appropriés, des vacances libres.
M. Dion: Mais, M. Gendron, à l'intérieur du
décret de la construction, de l'unité totale de la construction,
on a des conditions particulières pour l'industriel. On a une clause
23.15 qui a manqué de faire sauter toute la province.
M. Gendron: Oui.
M. Dion: On a des conditions particulières pour le
génie et les travaux de voirie. On a des conditions particulières
pour les travaux du gouvernement quand on fait des travaux à la Baie
James. On en a comme cela. Pourquoi ne pas avoir des conditions
particulières pour le résidentiel? On se bat pour cela. On pense
que c'est essentiel. C'est ceia qui va arrêter ces recherches de
déréglementation et ces recherches de "splitage" de l'industrie
de la construction et on va faire tort à l'industrie de la construction
en faisant cela.
M. Gendron: M. Dion, ce que vous me dites...
M. Dion: J'étais bien parti pourtant. M. Gendron: Oui, je
vois cela. M. Dion: Ha, ha, ha!
M. Gendron: Ce que vous me dites, c'est que vous voulez, à
l'intérieur de la grande famille...
M. Dion: Oui.
M. Gendron: ...avoir un régime prescrit de relations du
travail ou de dispositions spécifiques au résidentiel, mais
à l'intérieur de l'ensemble du secteur de la construction couvert
par le décret de la construction.
M. Dion: À l'intérieur du décret, on
voudrait que soient établies des conditions propres au secteur
résidentiel.
M. Gendron: Résidentiel.
M. Dion: On vous demande peut-être, à ce
moment-là, de l'aide. C'est peut-être cela qu'on demande dans ces
pages. On demande au gouvernement de nous tracer, dans la loi, des jalons qui
vont nous permettre de passer au travers des obstacles qu'on a à l'heure
actuelle.
M. Gendron: En conclusion, sur le 31 vous demandez son
report.
M. Dion: On demande des ratios un pour un.
M. Gendron: Non, mais...
M. Dion: Ce serait essentiel dans le résidentiel.
M. Gendron: Globalement, sur le 31, votre conclusion, c'est que
vous demandez le report de ce projet de loi.
M. Dion: C'est-à-dire qu'on demande de régler les
problèmes du travail au noir et on demande de régler les
problèmes du résidentiel, mais on pense qu'on devrait nous donner
du temps...
M. Gendron: Oui, mais comment cela finit-il?
M. Dion: ...pour y réfléchir...
M. Gendron: C'est cela.
M. Dion:... et reporter à l'automne.
M. Gendron: Cela finit par un report.
M. Dion: On comprend qu'une commission parlementaire comme la
vôtre, en réfléchissant au problème, va
sûrement nous accorder cela, aux parties, parce que vous voulez
régler les problèmes.
M. Gendron: C'est réglé pour le report. Merci.
Des voix: Ha, ha, ha!
La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. Julien. M.
le ministre.
M. Dion: On n'a pas pu remercier la
commission. Si notre temps...
La Présidente (Mme Bélanger): II reste encore du
temps.
M. Dion: Ah! Attaboy!
La Présidente (Mme Bélanger): Alors, M. le ministre
va vous questionner.
M. Paradis (Brome-Missisquoi)-' Disons que c'est un peu comme
dans les associations. Il y a plus d'une association d'employeurs
également d'un côté comme de l'autre de la table. On n'est
pas en maraudage.
Deux points que j'aimerais toucher avec vous. Je vous suis reconnaissant
d'avoir inclus aux travaux de réparation et d'entretien les travaux de
rénovation parce que vous rejoignez là ce que vous nous aviez mis
par écrit en mars 1987. Je pense que cela fait preuve d'une certaine
continuité dans ce sens.
Je vais revenir où on s'est quitté. Je veux revenir avec
Le fil magique, si vous voulez, cet individu qui n'existe pas, sauf que vous
avez reconnu son existence et possiblement son utilité. Si ce n'est pas
le cas, indiquez-le. L'expression que vous avez utilisée: celui qui a sa
pépine... Il existe. Demain matin, qu'arrive-t-il avec cet individu?
Est-ce qu'on l'abolit? Il y a celui qui a sa pépine, et la Régie
des entreprises en construction au Québec m'indique qu'à travers
la province de Québec j'aurais 605 individus qui travailleraient un peu
comme les gens que le député d'Abitibi-Ouest vous a nommés
et ceux auxquels j'ai fait référence dans mon comté.
Est-ce qu'ils ont une place dans le petit résidentiel et dans le petit
commercial, ces 605, ou si eux aussi font un choix?
M. Dion: Les pépines?
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Les pépines et mes 605 en
électricité pour donner un exemple.
M. Dion: Je pense qu'il faut les traiter
séparément. Il a déjà existé dans
l'industrie de la construction ce qu'on appelait l'entrepreneur artisan en
industrie lourde ou en machinerie lourde, quelque chose comme cela. Je ne sais
pas si vous vous rappelez. Effectivement, on reconnaissait justement ces
propriétaires de pépines qui pouvaient fonctionner. Je pense que
si vous nous accordez ce qu'on vous demande, de reporter le projet de loi
à l'automne, on pourra régler ces problèmes. Je pense
qu'il faut que celui-là soit réglé. C'est quelque chose
qui existe. Aux 600 personnes qui, sensément, pourraient à
l'occasion travailler seules, je pense qu'il y a moyen de trouver une solution
dans l'industrie de la construction. Peut-être en écrivant, je ne
veux pas lancer quelque chose, autrement le mot "employeur". Car, est-ce que
c'est essentiel qu'à chaque jour d'une année l'employeur ait un
salarié à son emploi? Vos 600, à l'occasion, ils ont des
salariés à leur emploi.
La Présidente (Mme Bélanger): M. le ministre.
M. Dion: À moins que je me trompe.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Possiblement...
M. Dion: Est-ce que vous avez saisi ce que je veux dire?
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, vos employeurs, certains
jours de l'année...
M. Dion: Oui, c'est parce que...
M. Paradis (Brome-Missisquoi): ...ils n'ont aucun
employé...
M. Dion: Bon! c'est cela.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): ...sur le "payroll".
M. Dion: Est-ce que, par principe, on ne pourrait tout simplement
pas définir les deux catégories, employeurs et salariés,
puis retrouver ces 600 personnes-là dans la catégorie des
employeurs, des employeurs que je dirais, entre guillements, en puissance?
Parce que, éventuellement, ils pourraient avoir des salariés
à leur emploi. Il y a peut-être une solution, qu'on pourrait
regarder.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Mais là est-ce qu'on ne
retombe pas dans le vice qui a été dénoncé comme
étant un vice...
M. Dion: Donnons-nous le temps de trouver la solution. Je pense
qu'il y a une solution possible.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): D'accord.
Lorsque vous parlez d'avoir des règles particulières
d'application du décret dans le résidentiel...
M. Dion: Oui.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): ...c'est que vous visez à
maintenir pour le secteur de l'entretien et de la réparation sous
décret. Donc, un secteur qui continuera à être
réglementé.
M. Dion: II y a deux options dans notre document...
M. Paradis (Brome-Missisquoi): De quelle façon peut-on
s'assurer - parce qu'une fois que le gouvernement a pris la décision de
réglemen-
ter, le gouvernement et les intervenants sont intéressés
à s'assurer que la réglementation est appliquée, donc
qu'elle est, par définition, applicable -- de quelle façon,
dis-je, peut-on s'assurer qu'une réglementation qui vise les travaux, je
vais toucher îe plus simple, d'entretien, dans le domaine de la
construction, soit appliquée dans l'ensemble des unités de
logement de la province de Québec? De combien d'inspecteurs,
pensez-vous, on aurait besoin?
M. Dion: II est peut-être malheureux, M. le ministre, qu'on
soit arrivé à la toute dernière minute avec le texte de
notre mémoire. C'est possible que vous n'ayez pas eu tous le temps de le
regarder ou, en tout cas, de l'analyser à fond. Je pense qu'on
présente deux options. Si on lit attentivement le document, on n'a pas
déjà accepté que la réparation et l'entretien
puissent théoriquement en sortir, mais on donne une option qui
prévoirait la réparation et l'entretien sortis, avec le reste du
résidentiel bien encadré avec ses propres conditions. C'est
l'option qu'on privilégie dans notre document.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Ce qu'on nous a signalé,
devant cette commission, à ce jour, c'est que l'amélioration des
contrôles, des pénalités, etc., pour les chantiers dits
commerciaux et industriels, peuvent recevoir une application dite raisonnable.
On nous indique qu'en ce qui concerne la construction résidentielle
neuve, si on tient à appliquer le décret, cela va prendre des
efforts particuliers, des efforts déployés énergiquement,
si on veut faire en sorte d'avoir ces chantiers de construction de
résidences neuves sous contrôle. Vous voulez ajouter encore le
contrôle en ce qui concerne la modification dans le
résidentiel?
M. Dion: Non.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Est-ce que vous pensez que c'est
applicable et réaliste?
M. Dion: Non. D'abord, cela ne peut pas être pire que c'est
actuellement. Au moins, on peut se dire cela. Les solutions qu'on propose pour
régler les problèmes du résidentiel, M. le ministre, ce
sont des solutions qui font que les choses vont se faire dans la
légalité, à l'intérieur du décret, à
un prix que le consommateur peut absorber, mais surtout par des gens
compétents. Mais on va, en même temps, garder ce bassin-là
à l'intérieur de l'industrie de la construction pour que
l'industrie de la construction puisse continuer à faire les
échanges de mains-d'oeuvre entre bassins, selon les mouvements de
mains-d'oeuvre. Autrement dit, la surveillance de cela peut se faire et va
continuer de se faire comme elle se fait actuellement. Mais, écoutez, M.
le ministre, vous ne nous proposez pas, dans le projet de loi 31, de
régler le problème de la construction neuve! Vous ne proposez que
de régler la réparation et l'entretien. Donc, ce que je vous
propose...
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Non, non. On s'excuse...
M. Dion: ...est aussi bon que ce que vous me proposez.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je m'excuse, là, je ne sais
pas si... C'est peut-être parce que vous étiez serrés dans
les délais. Mais dans les propositions qui sont contenues dans le projet
de loi 31, qui comprend 19 articles, il n'y a qu'un seul des 19 articles qui
s'applique à ce qu'on appelle la réparation, la
rénovation, la modification et l'entretien.
M. Dion: C'est cela.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Les autres articles, en
général, sauf les articles de concordance et de mise en
application, s'appliquent à la construction domiciliaire et s'appliquent
également à la construction...
M. Dion: Oui.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): ...dans le domaine commercial et
industriel où l'on s'attaque aussi au travail au noir par une
réglementation plus poussée, par des amendes où les
plafonds actuels deviennent des minimums, etc.
M. Dion: Oui, mais, M. le ministre, dans notre document, on ne
vous dit pas qu'on est contre les amendes. On vous dit qu'à ce
moment-ci...
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Non, non. Mais vous ne pouvez
pas...
M. Dion: ...ce n'est pas le temps. Ce n'est pas de même
qu'on règle le problème. On ne dit pas qu'on est contre les
contrôles administratifs,...
La Présidente (Mme Bélanger): En conclusion, M.
Julien.
M. Dion: ...on dit que ce n'est pas tout à fait cela.
Pardon?
La Présidente (Mme Bélanger): En conclusion, s'il
vous plaît! M. Julien.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Non, M. Dion.
La Présidente (Mme Bélanger): M. Dion.
M. Dion: On ne vous dit pas qu'on est contre ces
choses-là. On vous dit qu'il y a des choses, là-dedans, qui sont
bonnes, mais elles
sont prématurées. Commençons par trouver la vraie
solution.
La journée où je donnerai des conditions valables au
résidentiel, il n'y aura peut-être plus personne qui va essayer de
passer à côté puis de jouer à côté.
Cela sera peut-être plus facile de surveiller.
La Présidente (Mme Bélanger): En conclusion, M. le
ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Cela va. Je tiens à
remercier l'Association des entrepreneurs en construction pour sa
présence devant cette commission parlementaire et, dans les
circonstances, laisser le député d'Abitibi-Ouest souhaiter un bon
retour peut-être à M. Julien dans sa...
M. Gendron: Vous êtes bien gentil. Je veux remercier les
gens qui sont venus, et en particulier M. Julien, mais, je suis convaincu que
M. Julien a une petite note pour vous, M. le ministre, en conclusion.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, j'ai vu que vous étiez
allé lui porter une petite note tantôt.
M. Julien: J'ai l'impression, M. le ministre, que je vais vous la
faire parvenir personnellement.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Vous êtes bien gentil, M.
Julien. J'apprécie.
La Présidente (Mme Bélanger): Alors, les membres de
la commission remercient l'Association des entrepreneurs en construction du
Québec pour leur participation et leur souhaitent un bon retour.
M. Dion: Merci, madame. Merci, messieurs de la commission.
La Présidente (Mme Bélanger): J'inviterais
maintenant l'Union des municipalités du Québec à prendre
place à la table.
À l'ordre, s'il vous plaît! Je demanderais à ces
messieurs qui ont des caucus à tenir de bien vouloir les tenir dans le
corridor afin que ia commission puisse poursuivre ses travaux. À
l'ordre, s'il vous plaît!
Alors, les membres de la commission vous souhaitent la bienvenue,
monsieur, et je vous demanderais de vous présenter, s'il vous
plaît!
Union des municipalités du
Québec
M. Desrosiers (Jean-Louis): Mme la Présidente, nous vous
remercions de nous recevoir, l'Union des municipalités du Québec.
Je vous présente les gens qui m'accompagnent à la table. En
commençant ici, à ma gauche, par Mme Lynne Charest,
chargée de mission aux affaires inter- gouvernementales et qui
représente la ville de Montréal - d'ailleurs, je pense que vous
avez dû recevoir un télégramme de la ville de
Montréal, de M. le maire Jean Doré et de M. Michael Fainstat
disant qu'ils s'excusaient de ne pas être présents; Mme
Charesî va remplacer les gens de Montréal. Vous avez Ici M.
Raymond L'Italien, qui est directeur général de l'Union des
municipalités du Québec; votre humble serviteur, Jean-Louis
Desrosiers, maire de la ville de Mont-Joli et vice-président de l'Union
des municipalités du Québec. Mon voisin de droite, je pense que
tout le monde le connaît bien. Là encore, le maire de
Québec s'excuse de ne pouvoir être présent. Il a
envoyé son vice-président, M. Jean-Paul Morency. Nous avons aussi
M. Hervé Brosseau, directeur général adjoint de la ville
de Québec. D'autres nous accompagnent: M. Marc Laperrière,
derrière moi, de l'Union des municipalités du Québec, qui
est conseiller juridique et directeur du service de la recherche, et M.
François Jutras, directeur des ressources humaines à la ville de
Québec.
Nous avons un mémoire à vous présenter. Je sais
qu'on n'a pas grand temps.
La Présidente (Mme Bélanger): J'aimerais vous faire
remarquer que vous avez 20 minutes pour la présentation de votre
mémoire, une discussion de 20 minutes avec M. le ministre et les
députés ministériels, et 20 minutes avec les
députés de l'Opposition.
M. Desrosiers: Je vous remercie bien, Mme la Présidente.
Les 20 minutes ne me créent aucun problème. C'est pour votre
audition que vous aurez certains problèmes à me suivre, parce
qu'on va se dépêcher pour garder le maximum de temps pour les
questions.
Alors, voici le mémoire qu'on vous présente. La ville de
Québec en avait un aussi. La ville de Montréal a incorporé
le sien à celui de l'Union des municipalités du Québec.
(17 h 45)
Dans l'ensemble, je fais un premier constat. Le mémoire que nous
vous présentons représente vraiment l'opinion de l'Union des
municipalités du Québec. Cela regroupe 250 municipalités
et 80 % de la population du Québec. Cela regroupe des
municipalités de 100 à 1 000 000 de personnes et l'Union des
municipalités n'en est pas à ses premières armes quant
à la présentation de mémoires devant cette commission ou
d'autres commissions du même genre.
L'avant-projet de loi qui gouverne notre attention présentement
vise essentiellement à soustraire du champ d'application de la loi sur
les relations de travail les travaux de rénovation résidentielle
exécutés par des consommateurs. Nous tenons, et je pense qu'il
est important de le faire, à bien situer la nature de nos
représentations. Nous sommes bien conscients que l'objet du projet de
loi est de réduire l'ampleur du travail au noir, etc. Nous
réalisons fort bien que les municipalités ne sont pas au premier
chef
visées par ce projet de loi. Cependant, si l'objet de la loi
n'est pas de nature municipale, il apporte toutefois une modification
importante au champ d'application de la loi. Par cette modification, le
gouvernement reconnaît que ce champ peut, pour des raisons
d'intérêt public, être réduit. Nous désirons
saisir cette occasion pour réitérer notre position visant
justement à exclure les municipalités du champ d'application de
la loi. Notre démarche a pour but d'apporter l'éclairage voulu
auprès des membres de cette commission pour les amener, nous
l'espérons, à reconnaître le bien-fondé de nos
représentations. Nous entendons, dans les pages qui suivent, rappeler
l'historique des représentations de l'UMQ, situer le cadre juridique qui
assujettit les municipalités au décret de la construction ainsi
que souligner aux membres de cette commission les motifs qui militent en faveur
de cette demande d'exclusion.
Quant à l'historique, rapidement, l'union demande depuis de
nombreuses années - en fait, depuis 1968, depuis que la loi a
été promulguée une première fois - de soustraire
les municipalités et les organismes en découlant du champ
d'application de la loi pour les travaux exécutés par leurs
propres salariés. Nous nous sommes manifestés à plusieurs
reprises depuis l'adoption de la loi initiale. Le but de cette loi est de
protéger les travailleurs de l'industrie de la construction soumis
à des cycles économiques et saisonniers. Je pense que ça,
c'est peut-être l'élément clé de la loi qui nous
gouverne et du problème sur lequel on veut attirer votre attention, Mme
la Présidente. Le but de cette loi est de protéger les
travailleurs de l'industrie de la construction soumis à des cycles
économiques et saisonniers. À moins que nous ne nous leurrions,
qu'on ne se trompe royalement, c'était vraiment ça et je ne pense
pas qu'on ait changé d'opinion depuis le début. Vu l'application
de la loi en milieu municipal, lorsque les fonctionnaires municipaux
exécutent des travaux de construction, de rénovation ou de
modification, la municipalité encourt des coûts
supplémentaires.
Maintenant qu'on sait ce que la loi devait faire, voyons comment elle
s'applique et pourquoi nous sommes ici devant vous. Parce qu'elle occasionne
des coûts supplémentaires, on doit accorder des conditions et des
avantages prévus au décret de la construction tout en
étant déjà conventionnés par une première
règle de travail. Les municipalités peuvent également
décider de confier le travail à l'entreprise privée, ce
qui est une possibilité, invariablement, les coûts additionnels
ainsi occasionnés sont assumés par les contribuables municipaux
comme s'il n'y avait pas eu de pacte en 1979 quant à la fiscalité
municipale. Le gouvernement du Québec et l'Union des
municipalités du Québec, s'étaient entendues à cet
effet qu'il n'y ait pas de redistribution de richesses par les taxes
municipales. Ce n'est pas dans notre texte, malheureusement - j'ai la mauvaise
habitude de déborder du texte. Dans ce temps-là, on avait
vraiment conclu un pacte qui avait pour but d'avoir une taxation
adéquate pour le bénéfice reçu. Il n'était
pas question de profiter d'une surcharge pour transférer des frais
à d'autres catégories, ce qu'on fait en appliquant la loi qui
nous gouverne.
Reconnaissant la spécifité du monde municipal et la
validité de nos recommandations dans le sens de l'intérêt
des citoyens, en 1970, il y eut une première exclusion partielle des
travaux de construction, de canalisation, d'eau, d'égout, de pavage, de
trottoirs, etc. Alors, je passe rapidement. C'est une première exclusion
qu'on a faite à la loi de 1968 pour permettre au monde municipal de
faire des travaux sans être assujetti aux normes du décret. En
1979, le gouvernement du Québec a fait de même pour les
réseaux des affaires sociales et de l'éducation. Notons au
passage que nous sommes aussi des élus, qu'on représente 80 % de
la population, qu'on représente 250 municipalités au
Québec. Je pense que ce sont des éléments qui militent en
faveur du fait qu'on puisse dire que, même si nous sommes un niveau de
gouvernement qui émane du vôtre, Mme la Présidente, nous
sommes aussi un gouvernement qui ressemble étrangement à celui du
Québec. Il n'y a aucune raison qui justifie que les contribuables
municipaux aient à consacrer une partie de leurs taxes en salaires et
autres avantages prévus par les conventions collectives en vigueur
majorées par le décret de la construction. C'est toujours la
fameuse addition qu'il faut faire. Nous réitérons notre demande
afin qu'à l'occasion de la présente réouverture de la loi
il soit donné suite à nos représentations et qu'une
exclusion soit prévue pour les municipalités. À la suite
du jugement de la Cour suprême ayant mis fin à toute
interprétation possible, il est urgent... Et c'est pourquoi nous sommes
devant vous, parce qu'il y avait une loi en I968, parce qu'il y a eu des
exclusions en cours de route, parce que l'application de cette loi-là
crée des situations aberrantes et que le jugement de la Cour
suprême vient de confirmer de façon irrémédiable
qu'il faut que la loi soit respectée et traitée comme telle.
Donc, il n'y a pas de porte de sortie.
Quel est le cadre juridique? Le chapitre de la loi traitant de son champ
d'application prévoit une série d'exclusions auxquelles viendra
se greffer une nouvelle. La nature des exclusions prévues soustrait
partiellement ou totalement du champ d'application les exploitations agricoles,
les entreprises minières, les entreprises forestières,
Hydro-Québec, l'industrie du verre plat, les réseaux de
l'éducation et des affaires sociales, les artisans, et les travaux
d'entretien et de réparation exécutés par certaines
personnes maintenant.
Tel que nous le mentionnons, on a également reconnu la
spécificité du monde municipal en excluant certains travaux
exécutés par les salariés de ce secteur: l'aqueduc, les
égouts, le pavage, les trottoirs et autres travaux du même genre.
Donc, les différents secteurs ne sont pas
tous traités de la même façon, certains faisant
l'objet d'une exclusion partielle, d'autres d'une plus large. Dans le
passé, plusieurs débats longs et coûteux ont opposé
l'actuelle Commission de la construction du Québec et les
municipalités, la commission réclamant de celles-ci qu'elles
versent les avantages prévus au décret à leurs
salariés. Un arrêt décisif fut rendu par le plus haut
tribunal du pays, ce dont on a parlé tantôt. En effet, la Cour
suprême, dans une cause opposant la Commission de la construction du
Québec, alors connue vous savez sous quel nom et la Commission de
transport de la Communauté urbaine de Montréal, a tranché
en octobre 1986 au désavantage et au désarroi du monde municipal,
sauf que c'était dans la ligne de pensée d'une application
très légaliste d'une loi. Dans les faits, la commission de
transport de la CUM avait, par l'entremise des salariés à son
emploi couverts par une convention collective, fait exécuter des travaux
de transformation à son siège social et à deux de ses
garages: réfection de cloisons, divisions, plafonds, pose de
fenêtres, peinture, installation de système électrique. Il
s'agissait donc tout simplement d'adapter ses bâtisses à ses
nouveaux besoins. La ville de Montréal aura l'occasion de s'exprimer sur
cet aspect-là tout à l'heure et je pense que c'est aussi un des
points qu'on devra essayer de clarifier, à savoir qu'est-ce que les mots
veulent dire quand on parle de rénovation, quand on parle de
réparation, quand on parle d'entretien et quand on parle de construction
au sens large.
Bien que la STCUM ait agi à l'égard de ses propres
immeubles en employant ses salariés et que la rémunération
globale par ces derniers fut supérieure à l'ensemble des
avantages prévus au décret, la cour fut d'opinion que l'employeur
n'avait pas d'autre choix et devait accorder aux salariés les montants
prévus au décret, pour chaque condition y
déterminée au titre des salaires, vacances et avantages sociaux.
Cette décision est donc lourde de conséquences pour le monde
municipal, procurant aux salariés de ce secteur des avantages
additionnels à ce qu'ils ont volontairement et librement
négocié à leur convention collective. Cela nous achale, et
on tient à attirer votre attention sur ce point-là, que des
travailleurs, qui travaillent pour nous dans le monde municipal, qui ont
négocié une convention en bonne et due forme, qui ont des
salaires négociés, des conditions de travail
négociées et qui ont une sécurité dans leur
travail, puissent avoir accès à une autre loi, qui s'appelle le
décret sur la construction, qui, lui, a été fait
initialement pour parer au fait que ce n'est pas du continu, mais du
discontinu, de l'occasionnel. On applique deux choses qui ont des
finalités différentes à la même catégorie de
personnes, et on pense que le moment est venu de trancher ce débat.
Les fondements d'une demande d'exclusion. Il ne nous semble pas logique
que la collectivité... Voudrais-tu en lire un bout, s'il vous
plaît?
M. L'Italien (Raymond): II ne nous semble pas logique que la
collectivité, soit tous les contribuables municipaux, doivent supporter
un fardeau financier plus élevé lorsque les municipalités
confient à leurs salariés des travaux de construction, de
rénovation ou de modification de leurs immeubles plutôt que
lorsque celles-ci leur assignent un autre travail qui, celui-là, n'est
pas assujetti à la loi. De la même manière, on doit se
questionner sur la situation engendrée pouvant conduire les
municipalités à accorder des contrats à l'entreprise
privée plutôt qu'à les faire exécuter par ses
propres salariés, vu la majoration des avantages et salaires qui doivent
leur être accordés. On se prive ainsi d'une main-d'oeuvre
compétente, ayant l'expertise voulue, et dont les coûts seraient
moindres en l'absence de ce régime imposé par le décret de
la construction, régime qui ne nous paraît pas justifié
chez l'employeur municipal.
La municipalité, M, Desrosiers vous l'a dit il y a un moment, est
un palier de gouvernement. Le gouvernement du Québec s'est
lui-même soustrait à l'application de la loi pour les
réseaux de l'éducation et des affaires sociales. Les
gouvernements locaux ne bénéficient pas du même traitement,
sauf pour certains travaux bien spécifiques. Chacun de ces paliers de
gouvernement rend des services de nature publique et non privée. Ni l'un
ni l'autre ne sont des employeurs professionnels et ni l'un ni l'autre n'ont
pour vocation première d'exercer une activité reliée au
monde de la construction. Ces activités ne sont qu'accessoires et
marginales. Elles sont exercées à des fins non lucratives. Il n'y
a aucun motif pour lequel les municipalités qui offrent des services
publics aient à assumer un fardeau plus onéreux que les
institutions des réseaux de l'éducation et des affaires sociales.
Il ne nous apparaît pas justifié qu'un contribuable paie plus cher
des travaux effectués à des immeubles appartenant à une
corporation municipale plutôt qu'à une commission scolaire.
Les relations du travail en milieu municipal. De tous les secteurs du
Québec, celui de l'administration municipale en est un où la
présence syndicale est la plus forte. Sur une population totale de 66
500 emplois, 41 800 sont régis par une accréditation syndicale,
soit un taux de syndicalisation de 62 %. À titre de comparaison,
rappelons que ce même taux pour l'ensemble du Québec est de 44 %.
L'ensemble des travailleurs du monde municipal représente 3 % de celui
des travailleurs du Québec et 5 % de celui des travailleurs
syndiqués. Le monde municipal compte 672 conventions collectives dont la
majorité concerne des employés cols bleus. Parmi les cols bleus,
plusieurs sont des électriciens, peintres, menuisiers, etc. Leurs
conventions collectives leur assurent des conditions de travail avantageuses,
une gamme d'avantages sociaux et une sécurité d'emploi. Les
travailleurs
de la construction, quant à eux, ne jouissent pas d'une telle
stabilité d'emploi malgré leurs salaires élevés.
Plusieurs de ces conventions collectives contiennent des clauses prohibant ou
restreignant la sous-traitance ou encore créant des planchers d'emploi,
vu les craintes des salariés de voir leurs emplois menacés par le
recours à des entrepreneurs indépendants. L'application de la loi
aux municipalités a donc des incidences financières avantageuses
pour ces salariés, leur permettant de retirer les avantages
prévus au décret, alors qu'ils effectuent des travaux de
construction ou de rénovation, en plus de continuer à jouir des
avantages de leur propre convention collective dont la stabilité
d'emploi lorsqu'ils sont assignés à d'autres tâches.
Alors que les parties ont librement et volontairement convenu de
s'entendre sur les clauses du contrat de travail, le législateur vient
accorder un boni pour certaines tâches exécutées. Un tel
traitement privilégié crée des tensions entre les
salariés d'un même groupe qui désirent tous être
affectés à des tâches leur procurant de tels avantages
additionnels. On risque donc de créer des conflits additionnels,
d'amener des revendications afin d'accorder les mêmes avantages à
tous les cols bleus qui veulent conserver les acquis en s'assurant, en plus,
des avantages du décret.
Les municipalités sont en face d'un imbroglio administratif
considérable en devant administrer deux régimes de façon
parallèle. À titre d'exemple, le décret de la construction
prévoit un pourcentage du salaire au chapitre des vacances, alors que la
convention collective prévoit habituellement une période
liée à l'ancienneté. On assiste inévitablement au
cumul de vacances. Il en est de même pour le pourcentage prévu au
chapitre des avantages sociaux, alors que les fonctionnaires
bénéficient déjà de tels avantages de par leur
convention. Par ailleurs, pour les employeurs municipaux qui en ont la
possibilité, on risque d'assister à des mises à pied afin
de confier des travaux à des tiers.
Je passe rapidement, Mme la Présidente. Voyons les impacts sur la
gestion. En plus des problèmes liés aux relations du travail, les
municipalités font face à de nombreux obstacles dont ceux de la
difficulté de faire appliquer les garanties données par les
entrepreneurs, ceux-ci rejetant la faute sur les fonctionnaires, et vice versa.
Il est également difficile de tracer la ligne entre travaux de
construction, d'une part, et d'entretien d'autre part, amenant les
gestionnaires à devoir évaluer la nature de chaque travail avec
circonspection afin de ne pas se placer en situation d'illégalité
et décider dans chacun des cas du type de main-d'oeuvre à
utiliser.
À la ville de Montréal, les résultats concrets du
régime bicéphale créent de nombreux problèmes.
À Montréal, il a été évalué, selon
une étude réalisée en 1987, que les
déboursés supplémentaires requis par l'application du
décret coûtent aux Montréalais et aux Montréalaises
3 700 000 $ par année. D'autre part, si Montréal choisit de
confier les mêmes travaux à des entrepreneurs privés, c'est
plutôt 19 400 000 $ supplémentaires qu'il lui en coûtera,
sans compter l'impact qui découle d'une mauvaise utilisation de ses
ressources humaines. (18 heures)
C'est là une situation injustifiable aux yeux des contribuables.
Une administration publique, quelle que soit sa taille, ne peut au nom de la
complaisance, accepter que le législateur laisse perdurer une telle
situation. La preuve en est que le gouvernement du Québec a
lui-même choisi d'exempter de ce régime les commissions scolaires,
les collèges, les institutions de santé et de services sociaux.
Pour une ville dont les employés sont syndiqués, est-il logique
que l'on offre à une catégorie d'entre eux des privilèges
qui, à l'origine, étaient destinés à
protéger des travailleurs d'une industrie saisonnière? La loi,
par ses effets pervers, décourage l'embauche permanente d'ouvriers
spécialisés et c'est là une situation que nous estimons
extrêmement regrettable. À long terme, la situation actuelle nuira
à tous les contribuables, aux administrations municipales et aux
ouvriers spécialisés eux-mêmes qui se verront dans
l'impossibilité d'obtenir des emplois spécialisés.
À la situation vécue par Montréal, il faut ajouter celle
vécue par les 1510 autres municipalités du Québec, mettant
ainsi en lumière la véritable ampleur de la situation.
Mais qu'est-ce que les municipalités recherchaient en fait? L'UMQ
a pris connaissance du mémoire de l'APCHQ: L'APCHQ et les relations du
travail dans l'industrie de la construction et de la rénovation
résidentielle. C'était le titre de son mémoire. Cet
organisme a été entendu devant vous aujourd'hui. Le
mémoire de l'APCHQ peut, à prime abord, faire en sorte que l'on
situe mal les représentations du monde municipal. Nous désirons
souligner que nos représentations visent en premier lieu à
permettre aux municipalités d'entretenir les immeubles dont elles sont
propriétaires, de les transformer et de les rénover selon
l'évolution de leurs besoins, qu'il s'agisse d'une bibliothèque,
d'une aréna, d'un garage, d'un hôtel de ville ou d'un centre
administratif. Cette demande nous paraît des plus raisonnables, surtout
lorsque l'on sait que plusieurs bâtiments municipaux sont des immeubles
historiques nécessitant eux-mêmes de nombreux travaux.
Nous ne pouvons que plaider en faveur des contribuables municipaux qui
sont les réelles victimes de la situation inéquitable
créée par la loi. Si le législateur désire vraiment
atteindre les buts fixés, il est souhaitable qu'il agisse dès
maintenant pour corriger l'injustice à l'égard des contribuables
municipaux créée par l'augmentation inutile des coûts des
travaux municipaux qui se répercute inévitablement sur leurs
comptes de taxes. Alors que le présent projet de loi vise à
diminuer le fardeau des consommateurs qui font
rénover leur résidence, on maintient une situation
déplorée depuis plus de 20 ans par le monde municipal et qui
augmente la facture de ces mêmes consommateurs visés par le projet
de loi, soit, bien sûr, les contribuables municipaux.
Mme la Présidente, la recommandation de l'Union des
municipalités du Québec est que les corporations municipales,
communautés urbaines et régionales, organismes municipaux et
paramu-nicipaux soient exclus du champ d'application de la Loi sur les
relations du travail dans l'industrie de la construction.
La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. L'Italien.
M. le ministre.
M. Desrosiers: Est-ce qu'il serait possible, Mme la
Présidente, avant que le ministre prenne la parole, que je demande aux
représentants de la ville de Québec de faire une petite
présentation très courte?
La Présidente (Mme Bélanger): Vous avez dit que
vous vouliez avoir du temps pour la discussion avec les parlementaires. Votre
temps est écoulé, mais si vous voulez le prendre pour...
M. Desrosiers: Oui. La première partie est
écoulée?
La Présidente (Mme Bélanger): Oui. Les 20 minutes
sont écoulées. Mais c'est votre choix, si vous voulez faire un
petit exposé.
M. Morency (Jean-Paul): Mme la Présidente, ce seïa
très court. Je veux simplement dire que la ville de Québec
appuie, est d'accord avec le document que l'Union des municipalités du
Québec vient de présenter. Nous avons préparé un
court mémoire; j'en ai des copies que l'on pourra distribuer à
tous les membres de la commission. Je voulais simplement ajouter que la ville
de Québec compte environ 90 employés spécialisés
qui sont couverts par la loi sur la formation professionnelle et que
l'application de la loi, strictement, telle qu'elle est
présentée, nous obligerait certainement à abolir environ
50 de ces postes, si nous sommes tenus, bien sûr, de nous conformer
à cette nouvelle loi. Les équipements municipaux, vous le savez,
ont constamment besoin de restauration ou de rénovation, surtout
à Québec où nous en avons passablement, un peu comme
à Montréal. Nous ne sommes pas intéressés, et je
tiens à le spécifier, à faire de la construction. Ce n'est
pas notre domaine et nous ne voulons pas faire de construction. Ce que nous
voulons, c'est entretenir tous les équipements municipaux, parce que
c'est notre responsabilité vis-à-vis de nos contribuables comme
élus municipaux de bien les entretenir afin d'économiser aux
contribuables une perte qui pourrait être assez substantielle si nous ne
les entretenions pas, ce que nous permettent la rénovation et la
restauration.
Enfin, je retiens ce qui a déjà été
spécifié par M. Desrosiers. Comme le gouvernement lui-même
dans le domaine des affaires sociales et de l'éducation s'est permis de
se soustraire à l'application de cette loi, je pense qu'il ne serait que
juste et raisonnable que les municipalités puissent jouir, pour toutes
les raisons qui ont été énumérées tout
à l'heure, de ce même privilège. Ce serait, je pense, une
application équitable pour les municipalités. C'est tout, Mme la
Présidente.
La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. Morency. M.
le ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui. Mme la Présidente,
dans un premier temps, je tiens à remercier les représentants de
l'Union des municipalités du Québec ainsi que les
représentants de la ville de Québec et de la ville de
Montréal pour des mémoires qui sont clairs, quasiment aussi
clairs que la position dans laquelle elles sont placées depuis octobre
1986, depuis le jugement de la Cour suprême.
Votre mémoire soulève quand même certaines
questions. Vous mentionnez les économies qui ont pu être faites
dans le cadre de certains travaux. Est-ce que vous avez une évaluation
pour l'ensemble des travaux dans l'ensemble des municipalités du
Québec? En termes de travaux, combien représente l'exclusion que
vous souhaiteriez?
M. Desrosiers: La réponse est très courte, M. le
Président et M. le ministre. Cette demande nous a été
transmise la semaine dernière, à savoir si nous pouvions, en
prévision de notre comparution, répondre à cette question.
Nous ne sommes pas en mesure d'y répondre présentement.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je vous dirai là-dessus
que, lorsque vous obtiendrez ces données, la commission parlementaire de
l'économie et du travail sera intéressée à les
connaître et naturellement celui qui vous parle aussi.
Vous touchez à la question du coût pour les contribuables,
pour la municipalité, de travaux qui sont effectués lorsqu'ils
sont soumis au décret de la construction. Mais, sauf erreur, je ne vous
ai pas entendu ni lu sur la question de la compétence, de la
qualification des travailleurs dé la construction. Lorsque vous demandez
une exclusion, vous visez des économies pour vos contribuables, mais
qu'en est-il sur le plan de la compétence des travailleurs?
M. Morency: Pour autant que la ville de
Québec est concernée, je vous spécifiais, M. le
ministre, tout à l'heure que nous avons 90 employés
spécialisés qui sont couverts par la loi sur la formation
professionnelle. Alors, la compétence de ces gens est tout à fait
évidente, je pense.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je vais tenter de discerner cela
comme il faut. On a ce qu'on appelle dans la qualification nos R-4 et nos R-3,
soit nos travailleurs hors construction mais qualifiés par le
ministère de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu,
et on a nos gens qui sont qualifiés pour travailler dans le domaine de
la construction. Certaines municipalités ont des conventions collectives
dans lesquelles elles exigent la qualification du secteur de la
construction.
M. Desrosiers: C'est notre cas.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): D'autres ont une exigence qui est
celle de la qualification du ministère de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu. En ce qui concerne la ville de
Québec...
M. Desrosiers: Oui.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): ...à titre d'information,
laquelle avez-vous?
M. Morency: On exige ces cartes de compétence pour nos
employés.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Donc, le travailleur qui travaille
chez vous détient une carte de compétence. S'il quittait son
emploi à la ville de Québec, il pourrait travailler sur un
chantier de construction.
M. Morency: Exactement.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Cela va pour le moment.
Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le
ministre. M. le critique, s'il vous plaît!
M. Gendron: Moi aussi je vais en profiter pour remercier M.
Desrosiers et son équipe, les gens de la ville de Québec et les
représentants de la ville de Montréal de nous avoir
rappelé à nous parlementaires la position traditionnelle de
l'Union des municipalités du Québec en disant qu'on souhaiterait
être exclus du champ d'application du décret pour des raisons de
double régime, à plusieurs égards, et également
pour des raisons faisant suite au jugement que la Cour suprême a rendu et
qui a comme conséquence de faire hausser les coûts pour les
contribuables du Québec. En ce sens, c'est une position qui s'explique
très bien.
Ma première question était celle qu'a posés le
ministre, à savoir si vous aviez fait une évaluation globale dans
la perspective où on vous exclurait. Qu'est-ce que cela
représenterait comme valeur? Vous avez dit que vous n'aviez pas cette
information. Donc, je ne la pose pas.
La deuxième question que j'aurais aimé poser, c'est:
Est-ce que vous avez l'information concernant la masse salariale pour la ville
de Montréal? Vous parlez du bicéphalisme du régime qui,
à Montréal, en 1987, a fait en sorte que des
déboursés supplémentaires ont été requis
à cause de l'application du décret. Cela aurait
coûté aux Montréalais 3 700 000 $ de plus par
année.
M. Desrosiers: II faut le demander à Mme Charest, s'il
vous plaît.
M. Gendron: Oui, la question que je pose, c'est: ces 3 7000 000
$. Sur quelle masse salariale sont-ils applicables, pour qu'on se fasse un
meilleur jugement de l'impact?
Mme Charest (Lynne): Écoutez, je n'ai pas la masse
salariale comprise, puisque cette évaluation-là ne comprend que
le coût encouru pour le service des travaux publics de la ville de
Montréal. C'est donc dire que, s'il y a des employés de
même statut ou visés par ces dispositions qui sont dans d'autres
services que le service des travaux publics de la ville de Montréal, ils
n'ont pas été comptabilisés dans cette
appréciation. On a fait une appréciation spécifique
à la suite du jugement de la Cour suprême du service où il
y avait la plus grande, pas la presque totalité, mais la majorité
des frais qu'on était capable de calculer rapidement.
Maintenant, je n'ai pas le montant de la masse salariale totale de la
ville de Montréal. Je pourrais faire un appel, cela me prendrait deux
minutes, mais je ne peux pas vous répondre comme cela.
M. Gendron: Oui. Si c'était possible, j'aimerais l'avoir,
mais je ne veux pas...
Mme Charest: Oui, cela ne pose pas de problème, à
moins que vous n'ayez d'autres questions à me poser
immédiatement.
M. Gendron: Bien, la deuxième...
Mme Charest: Posez-les toutes, je vais aller faire l'appel.
M. Gendron: Non, la question additionnelle, je l'aurais
posée au représentant de la ville de Québec.
Vous avez mentionné que vous aviez 90 employés à la
ville de Québec. Est-ce que vous seriez en mesure de nous indiquer le
salaire moyen que ces gens-là touchent actuellement à la ville de
Québec?
M. Morency: Je vais demander à M. Bros-seau, si vous me
permettez, M. le député.
M. Brosseau (Hervé): À l'heure actuelle, si on
inclut les avantages sociaux, M. le Président, c'est environ 40 000 $,
entre 39 000 $ et 40 000 $. Nos hommes de métiers touchent environ 30
000 $, plus les avantages sociaux,
caisse de retraite, assurance collective.
M. Gendron: Est-ce à dire toujours pour les
employés de la ville de Québec, qu'à partir du moment
où ils sont qualifiés selon le régime du secteur de la
construction, vous l'avez mentionné tantôt, ces gens-là ont
un double fonds de retraite? Un fonds de retraite à la ville de
Québec et un fond de retraite à la Commission de ia construction
du Québec?
M. Brosseau: Avant le jugement de 1986, on avait conclu une
entente bona fide avec la Commission de la construction dans laquelle on ne
suivait pas nécessairement la loi. On versait l'excédent entre le
salaire versé à la ville et le salaire du décret de
l'industrie de la construction. On payait aussi certains avantages sociaux
supérieurs, comme les vacances, et les employés de la ville
recevaient, deux fois par année, un chèque de la commission pour
les travaux qualifiés de construction qu'ils avaient faits.
M. Gendron: En plus de leurs vacances prévues à
votre convention collective?
M. Brosseau: En plus des vacances. Les employés
recevaient, disons, deux paies. Ils recevaient une paie de vacances de la
commission et une paie de vacances de la ville de Québec.
M. Gendron: Alors, c'est la même chose pour le fonds de
retraite, c'est la même chose pour la paie de vacances. Quelle est
l'ampleur?
M. Brosseau: Oui. Les employés étaient
obligés... Nous, nous calculions selon le régime
spécifique qui n'était pas nécessairement légal,
c'était une entente que nous avions eue, parce qu'on était assis
entre deux chaises. Nous calculions que cela nous coûtait à peu
près 25 % de plus que la rémunération horaire de nos
employés spécialisés.
M. Gendron: J'ai également une question qui s'adresse
à M. Desrosiers ou à quelqu'un d'autre. Moi, je prétends,
depuis le début de cette commission sur le projet de loi 31, qu'en
règle générale la plupart des municipalités exigent
des intéressés, lorsqu'ils font des travaux de construction ou de
rénovation, un permis. Est-ce que cette pratique est
généralement étendue à toutes les
municipalités du Québec en ce qui a trait aux travaux de
rénovation? Est-ce que, d'après vous, la plupart des
municipalités du Québec exigent que les intéressés
viennent quérir auprès la municipalité un permis de
rénovation avant de rénover?
M. Desrosiers: La réponse, c'est oui. De façon
automatique et systématique.
M. Gendron: Oui. Quelles sont les statis- tiques que vous avez
sur ceux que j'appellerais les délinquants? D'après vos
statistiques. Vous avez sûrement des statistiques? C'est quoi? 15 %, 30
%, 50 % de délinquants qui ne vont pas se chercher un permis et qui font
de la rénovation?
M. Desrosiers: Deux réponses. Dans une petite ville comme
ia mienne, c'est difficile d'être délinquant. Tout le monde se
connaît et tout le monde connaît ses voisins. Alors, tout le monde
se rapporte. Il y a une espèce de... Tout le monde travaille ensemble.
Dans une grande ville, je ne sais pas. On va demander à la ville de
Québec de répondre.
M. Morency: Dans une ville comme Québec, c'est sûr
qu'il y a des délinquants, M. le député. Si on connaissait
tous les délinquants, on pourrait vous donner un pourcentage, mais c'est
justement pourquoi ils sont délinquants, on ne les connaît pas.
Alors, c'est assez difficile de répondre à cette
question-là. (18 h 15)
M. Gendron: Oui, je suis d'accord. Mais c'est toujours la
même chose. Ce n'est pas parce qu'on n'a pas de statistiques
précises sur quelque chose, quand des gens sont habitués
d'oeuvrer dans un domaine, qu'il n'y a pas ce qu'on appelle des
éléments d'analyse qui nous permettent d'estimer
présomptueusement des chiffres qui, règle générale,
sont quand même... À l'aide sociale, mais là je ne veux pas
porter de jugement, toutes les statistiques ont confirmé qu'il y a
toujours à peu près une fourchette de 6 %, 7 % ou 10 % de
fraudeurs. C'est prouvé.
M. Morency: Personnellement, je n'ai pas
d'éléments; M. le ministre, pour risquer un chiffre.
M. Desrosiers: Moi, mon directeur général qui
était derrière moi est venu m'en donner un et je vous le donne
officiellement. Alors, on peut affirmer qu'il y en a 25 %, et la preuve, on
peut vous la fournir au moment de la revision du rôte
d'évaluation, elle apparaît là.
M. Gendron: C'est cela. Donc, question additionnelle: Est-ce que
vous pensez que cela serait intéressant de mettre dans une loi
quelconque que toute personne qui veut faire des travaux de rénovation
ou de construction ait l'obligation, c'est-à-dire qu'on oblige les
municipalités à transmettre cette information à la
Commission de la construction du Québec? Est-ce que cela serait un bon
moyen pour vous de faire contrôler, d'une certaine façon, ce
travail-là pour éviter que le travail au noir ne se propage et
aille grandissant?
M. Desrosiers: J'ai envie de vous répondre comme je le
sens dans mon coeur: C'est une nouvelle mission que les municipalités
auraient?
M. Gendron: Oui.
M. Desrosiers: C'est la première fois que j'en entends
parler. J'aimerais consulter l'ensemble des municipalités pour vous dire
si elles seraient d'accord ou non. Je ne vous répondrai pas sur cela
aujourd'hui.
M. Morency: On ajouterait que c'est une chose qui est
déjà publique, M. le député. C'est
déjà public parce que les permis de construction, c'est public,
particulièrement à la ville de Québec. Tous les permis
passent à la Commission d'urbanisme. Seule la ville de Québec a
une commission d'urbanisme, mais, chez nous, c'est cela.
M. Gendron: Que je sache, il n'y a pas de disposition qui vous
oblige comme ville de Québec à faire connaître les
informations dont vous disposez sur les permis de rénovation.
M. Morency: Non, mais c'est déjà public par le fait
même.
M. Gendron: Oui.
Une voix: Un mois après.
M. Desrosiers: Cela veut dire qu'au lieu de nous demander de les
produire, ceux qui voudraient connaître la nature de ces informations
pourraient venir à l'hôtel de ville et s'en enquérir. Ils
auraient la liste, parce que la liste est produite à chaque
séance du conseil, des nouvelles constructions, des nouvelles
réparations, des nouvelles additions, parce que, pour nous, notre source
de financement, c'est le rôle d'évaluation.
M. Morency: À Québec, c'est même toutes les
semaines, M. le député, parce que la Commission d'urbanisme
siège tous les mardis après-midi. C'est automatique, il y a des
procès-verbaux et tout cela. Ce sont des chiffres qui sont disponibles,
c'est public. Tout le monde peut avoir cela.
M. Gendron: Une dernière question de fond. Quand on lit
votre mémoire, vous dites que dans le fond c'est le contribuable qui
serait gagnant dans la perspective où vous seriez soustraits de
l'application du décret, parce qu'il y aurait des coûts moindres.
Cela permettrait aux municipalités de ne pas être à cheval
sur deux régimes dans bien des cas, en particulier à la ville de
Montréal. Voici la question que je me pose. J'essaie d'analyser pourquoi
les centrales syndicales - je vais m'exprimer comme cela - ou les
intéressés, dans le secteur de la construction, que ce soit la
CSN, la CSD, la FTQ, que ce soient l'association des entrepreneurs et l'autre
groupe syndiqué de M. Pouliot dont j'oublie le nom, le Conseil
provincial des métiers de la construction, et tous les autres...
J'essaie de voir. Est-ce que les municipalités, officiellement, comme
union, auraient fait des représentations assez systématiques
auprès de ces organismes-là pour qu'elles-mêmes en viennent
à convenir de la logique et du bien-fondé de votre demande, si,
effectivement, le contribuable est gagnant et qu'il n'y a pas
véritablement d'impact pour leur clientèle, puisque vous m'avez
dit que c'est dans le monde municipal, et je pense que vous avez raison
statistiquement parlant, que le niveau de syndicalisation est le plus
élevé pour les employés qui font ce type de travail par
rapport à l'industrie de la construction? Je veux savoir quelles sortes
de représentations vous avez faites auprès de ce
monde-là.
M. Desrosiers: II y en a eu plusieurs, il y en aura toujours et
je ne pense pas qu'on doive en dresser la liste. Ce qui me parait important
dans la réponse qu'on doit vous donner, c'est que, même si nos
propres travailleurs, à l'unité... Un travailleur qui a
bénéficié du double régime n'a pas porté
plainte nulle part, ni ici, ni devant nous. Vous comprenez bien que tout ce
beau monde a certaine satisfaction à se voir agir puis à se voir
faire. C'est quand le bât blesse que, là, on prétend qu'on
devrait faire des correctifs. Ce qu'on veut bien affirmer, et je voudrais que
ce soit très clair, c'est qu'en 1968 on a adopté une loi comme
gouvernement pour des raisons très précises et on ne dénie
pas cela, on trouve que c'est bien, mais en cours de route on s'est rendu
compte qu'il fallait faire des exclusions: une première en 1970 pour
nous, une deuxième en 1979 pour vous, le gouvernement, et vous vous
apprêtez à en faire une troisième et on en demande une
quatrième. On poursuit deux finalités différentes. Je ne
sais pas qui pourra nous expliquer et expliquer à la population du
Québec qu'on peut, en même temps, marier la carpe et le lapin,
être l'opposition et le pouvoir. Je ne pense pas qu'on puisse faire ces
deux choses en même temps. On assujettit des travailleurs à une
double méthode d'opération. Cela nous crée un
régime difficile à contrôler. Cela crée des
insatisfactions chez tout ce beau monde. Seul celui qui ne se plaint pas en
retire les avantages. Tous les autres voudraient qu'au moins la situation soit
claire. C'est cela qu'on demande, de clarifier les termes et de clarifier
l'application, uniquement cela.
M. Gendron: D'accord. Sur le projet de loi 31, parce que cela ne
fait pas partie de votre mémoire, vous n'avez pas émis d'opinion.
Quelle est votre opinion sur le projet de loi 31 ?
M. Desrosiers: C'est sûr que, quand on vient en commission
parlementaire, il faut s'attendre à se faire poser des questions comme
cela. Cela donne le goût un jour, au lieu d'être assis ici,
d'être assis là-bas pour poser les mêmes questions et voir
quelles réponses on
donnerait. Vous comprenez bien, vu le temps que j'ai - j'espère
que mon temps est pas mal écoulé... Le président va
m'ôter la parole et vous n'aurez jamais la réponse.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Gendron: Quand même, M. Desrosiers, vous me permettrez
de vous dire ceci en conclusion: Ce n'est pas parce que j'avais le goût
de vous poser cette question, c'est parce que c'est le sujet pour lequel on est
convoqué comme parlementaires. Que je sache, la commission de
l'économie et du travail est censée étudier le projet de
loi 31. Je respecte beaucoup votre point de vue de profiter du projet de loi 31
pour nous dire: Nous autres, dans le fond le projet de loi 31, c'est de vos
affaires, on ne veut pas s'occuper de cela. Mais, profitez-en donc, parce que
le projet de loi 31 touche à un domaine où on pourrait
régler notre problème, pour exclure complément les
municipalités du Québec de ce champ.
Vous ne m'en voudrez sûrement pas de dire comme parlementaire que
je n'aurais pas détesté avoir l'avis de l'Union des
municipalités du Québec sur le projet lui-même, au
delà de la problématique que vous avez soulevée, avec
raison d'ailleurs. Vous avez bien fait de vous situer par rapport au projet de
loi 31, en égard à votre demande traditionnelle. Mais, cela ne me
dit pas ce que l'Union des municipalités du Québec pense du
projet de loi 31.
M. Morency: Pour la ville de Québec, je vais vous
référer pour notre avant-propos pour obtenir réponse
à cette question.
M. Gendron: Dans votre mémoire à vous, de la ville
de Québec.
M. Morency: Oui.
M. Gendron: Je vais le lire. Ce n'est pas parce que cela ne vous
affecte pas directement que vous ne pouvez pas avoir un avis sur quelque
chose.
M. Cannon: J'aurais une petite question.
Le Président (M. Théorêt): M. le
député de La Peltrie.
M. Cannon: Oui, merci, M. le Président. Pour suivre un peu
la même veine que le critique de l'Opposition, ma question s'adresse
à M. Morency. Vous nous avez référés à votre
position dans l'avant-propos; malheureusement, le temps ne nous a pas permis de
lire votre mémoire. Ma première question est de savoir si, pour
l'essentiel, votre mémoire regroupe des recommandations qui sont
contenues dans le mémoire que M. Desrosiers nous a lu. Est-ce à
peu près la même chose pour l'essentiel ou est-ce qu'il y a des
nuances ou des différences?
M. Morency: C'est à peu près la même chose,
comme je l'ai indiqué tout à l'heure à Mme la
présidente, puisqu'on appuie le mémoire de l'Union des
municipalités. On fait état de notre demande de 1986 et de notre
seconde demande. On nous avait dit à ce moment-là que
c'était à l'étude au ministère. Pour la
deuxième demande, le ministre des Affaires municipales nous a
informé que cela faisait l'objet d'une étude. Dans le
mémoire, on fait état de la régie et que par la loi... Ce
sont les mêmes employés qui travaillent à des travaux
d'entretien et de réparation et à des travaux de construction. Ce
sont les mêmes employés qui travaillent. Lorsqu'ils travaillent
dans un champ d'action, ils ne seraient pas assujettis et, lorsqu'ils
travaillent dans un autre champ d'action, ils le seraient, ce qui dénote
une certaine ambiguïté, vous en conviendrez. Ensuite, on note aussi
qu'il est fait abstraction des réseaux de l'éducation et des
affaires sociales. Une chose importante aussi, une municipalité ne peut
pas et ne doit pas être considérée comme un employeur
professionnel au sens de la loi. C'est aussi expliqué.
Le mémoire est très court. Nous l'avons fait très
court parce que nous avions pris connaissance du mémoire de l'Union des
municipalités auparavant et que nous ne voulions tout simplement pas
répéter inutilement des choses qui avaient déjà
été dites. L'essentiel est dans le mémoire.
M. Cannon: Au moment de l'échange que vous avez eu avec le
ministre plus tôt, vous avez indiqué qu'à la ville de
Québec il y avait 90 employés...
M. Morency: Spécialisés.
M. Cannon: ...spécialisés et qu'il y avait risque
d'abolition de 50 postes.
M. Morency: 50 %.
M. Cannon: Voulez-vous me précisez cette proposition?
M. Morency: Bien, si nous devons donner tous ces travaux de
restauration et de rénovation par contrats, nécessairement, le
nombre de postes, que nous avons actuellement va diminuer. Comme on ne peut pas
licencier, on devra probablement recycler ces employés, mais on ne
renouvellera pas les postes au fur et à mesure que ces postes, soit par
décès ou par prise de retraite, seront libres. Les postes seront
abolis, tout simplement. Cela prendra je ne sais combien de temps, mais on en
viendra là.
M. Cannon: Bon. De là la question que je vous pose sur
votre état d'âme, à vous qui venez de la ville de
Québec et qui êtes membre de
l'exécutif: Qu'est-ce que vous pensez du projet de loi 31?
M. Morency: Je n'ai pas d'opinion à vous donner sur le
projet de loi 31 lui-même. D'abord, parce que je n'en ai pas pris
connaissance au complet, première raison. Je serais pas mal
irresponsable de donner une opinion sur un projet de loi que je n'ai pas lu. Le
seul jet du projet de loi lui-même qui nous intéresse, c'est qu'on
en profite aujourd'hui pour dire: Vous avez un projet de loi - c'est pour cela
que je vous référais à l'avant-propos - et on trouve que
l'occasion est excellente pour revenir à la charge une troisième
fois avec des choses qu'on a déjà demandées et très
bien expliquées, et qui ont été encore plus approfondies
dans le mémoire qui a été présenté
aujourd'hui par l'Union des municipalités du Québec.
M. Cannon: J'écoute le critique de l'Opposition qui dit
que le projet de loi ne vaut pas cinq cennes. Mais je crois, avec les
économies d'échelle qui pourront être
réalisées, qu'entre les mains des consommateurs cela va valoir
probablement plus que cinq cennes. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Théorêt): M. le
député de Jonquière.
M. Dufour: Je voyais le député de La Peltrie qui
s'inquiétait. De savoir si j'avais salué les gens de l'Union des
municipalités du Québec. Je l'ai informé que je l'avais
fait avant le début de la commission parlementaire. Je pourrais leur
réitérer des mots de bienvenue et leur dire que j'ai plaisir
à les rencontrer. Souvent, en les entendant répondre aux
questions, je me suis senti l'obligation de répondre à leur
place. Il n'y a pas tellement longtemps, on faisait partie du même
monde.
Il y a un point que je voudrais souligner, sans vous demander votre
appréciation du projet de loi 31 comme tel. Il y a un endroit, à
la page 11, où vous dites: "Nous désirons souligner que nos
représentations visent, en premier lieu, à permettre aux
municipalités d'entretenir les immeubles dont elles sont
propriétaires, de les transformer et les rénover selon
l'évolution de leurs besoins, qu'il s'agisse d'une bibliothèque,
d'un aréna, garage, hôtel de ville ou d'un centre administratif."
Il y a des bâtisses qui sont assez grosses là-dedans pour
justifier des travaux assez importants. Je me souviens, et je ne le vois pas
dans votre mémoire, que les municipalités, les petites surtout,
disaient: Pourquoi n'aurait-on pas le droit de faire de la petite construction,
par exemple, bâtir un centre de loisirs en bas de 100 000 $, quand il y a
des subventions gouvernementales? Vous n'y faites pas allusion du tout. Je me
souviens que les municipalités disaient dans le temps: Pourquoi ne nous
permet-on pas de le faire nous-mêmes? Nous n'avons pas les moyens. Si
c'est 100 000 $ pour le bâtir, nous ne le ferons pas, mais si nous
pouvions le faire nous-mêmes, nous paierions un prix normal, plus que le
prix ordinaire, et nous pourrions le faire. Mais nous ne sommes pas capables de
rencontrer les critères de la construction. Vous autres, vous n'y faites
pas allusion dans le mémoire, mais je suis conscient qu'il y a des
travaux que vous pouvez faire qui sont beaucoup plus élevés que
100 000 $.
M. Desrosiers: Si M. le président le permet, je ne
répondrai pas à la question. Vous nous demandez si la
possibilité de réaliser des travaux de construction de petite
ampleur nous intéresserait. Je pense que ce serait une erreur que de
répondre a la question. Je vais vous répondre autrement. Ce qu'on
veut faire corriger, c'est quelque chose qui n'est pas intelligent. Je
m'excuse, mais ce n'est pas intelligent. Ce n'est pas possible qu'on ait
adopté une loi en 1968 et qu'on se rende compte 20 ans plus tard que le
bât blesse à plusieurs endroits, à tel point qu'on a fait
des exclusions pour respecter, selon le jugement de la Cour suprême, nos
lois de telle façon qu'on puisse en avoir au meilleur coût
possible, à la plus grande rentabilité, que cela coûte le
moins cher possible aux contribuables, qu'on respecte nos conventions
collectives, à condition qu'une fois pour toutes on dise c'est quoi de
la rénovation, c'est quoi de la réparation, c'est quoi de
l'entretien et c'est quoi de la construction. On sait que tout cela entre dans
le grand chapitre de la construction. Alors, vous me demandez si l'union serait
intéressée à faire de la construction, si petite
soit-elle. Le péché véniel est péché pareil.
Ce n'est pas cela qu'on demande. On demande d'avoir la conscience en paix, de
pouvoir, dans nos bâtisses, dans nos immeubles, et seulement là,
faire l'entretien, ce pourquoi les gens nous ont élus et ce pourquoi on
a accepté le pacte de la fiscalité, a savoir qu'on ira chercher
dans leurs poches seulement l'argent qu'il faudra pour payer les services
qu'ils nous demandent. C'est dans cet esprit que le mémoire a
été présenté. C'est aussi dans cet esprit qu'on
demande à notre ministre de bien tenir compte de la
représentation qu'on fait et non pas d'obtenir un laissez-passer pour de
petites constructions, si bien fondées soient-elles quant à la
possibilité d'économie, etc. Antérieurement à des
demandes de ce genre que nous ne faisons pas, nous disons: Corrigeons une
situation qui mérite d'être corrigée pour plaire à
tout le monde. C'est dans ce sens que notre intervention est faite.
M. Dufour: Vous aurez remarqué que l'intervenant
précédent disait: Ce qui nous fait peur, c'est le mot
rénovation. On peut admettre un peu de réparation et d'entretien.
L'intervenant précédent, le groupe qui est venu nous rencontrer
avant, disait que dans la rénovation on peut inclure un paquet
d'affaires. Je ne sais
pas si on est capable de l'écrire très bien dans la loi.
C'est peut-être compliqué. C'est fini, notre temps?
Le Président (M. Théorêt): Finissez votre
question.
M. Dufour: Je me demandais si, par rapport à cela, dans le
mot rénovation, on ne pourrait pas dire qu'on agrandit une
bâtisse. Si la bâtisse appartient à la municipalité,
elle pourrait l'agrandir sans considérer que c'est une construction.
M. Desrosiers: M. le Président, je ne veux pas faire une
boutade. Ce n'est pas parce qu'on n'est pas fort en français qu'on n'a
pas besoin d'un bon dictionnaire pour définir la rénovation et
qu'on doit laisser une loi qui ne donne pas satisfaction aux gens. Je pense
qu'on devrait profiter de l'occasion pour la corriger. S'il faut faire de la
sémantique, vous la ferez. On vous fait confiance.
Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le
député de Jonquière. J'aurais seulement une courte
question à poser aux représentants de la ville de Québec.
Je n'ai pas bien saisi comment vous pouvez arriver à dire qu'il y aura
une possibilité de 50 pertes d'emploi chez vous. Vous avez actuellement
90 employés...
M. Brosseau: Spécialisés.
Le Président (M. Théorêt):
...spécialisés dans l'entretien, la rénovation et la
réparation. Je ne vois rien, à moins que je ne me trompe, dans le
projet de loi 31 qui change le statut de ces 90 employés. Vous dites,
par ailleurs, si le projet de loi 31 était adopté, qu'il y aurait
une possibilité de perdre 50 emplois. Comment pouvez-vous expliquer
cela?
M. Morency: Ce n'est pas le projet de loi lui-même, M. le
Président, c'est l'application de la loi par la suite. Comme je
l'expliquais tantôt au député, M. Cannon, l'application va
nous obliger par la suite à donner plus de contrats à
l'extérieur. Les postes ne seront pas renouvelés. On ne peut
congédier personne à la ville de Québec. Je pense que M.
Brosseau, qui est un ancien directeur du service du personnel, peut vous donner
l'explication dans des termes plus techniques.
M. Brosseau: M. le Président, depuis 1986, depuis la
décision de la Cour suprême, si on appliquait la loi strictement,
nous prétendons que 50 % de nos employés
spécialisés devraient cesser de faire ce travail.
La semaine dernière, nous avons reçu un avis de
contravention du ministère de la Justice, parce que deux de nos
employés sont allés mettre du goudron sur une toiture. Un
inspecteur est passé et leur a dit: Vous n'avez pas le droit de faire
cela, vous êtes assujettis au décret de la construction. Il y
avait un genre de moratoire jusqu'à l'an dernier, étant
donné que le débat était devant les tribunaux et est
monté jusqu'à la Cour suprême. À l'heure actuelle,
si on change une serrure de porte où il y avait un baril d'un pouce et
demi, si un de nos employés le change par un baril de deux pouces, c'est
de la construction, à ce moment-là parce qu'on modifie une porte.
Si nos employés ne peuvent plus faire cela, il faudra soit les payer
selon le décret de l'industrie de la construction ou faire appel
à un entrepreneur de l'extérieur.
Le Président (M. Théorêt): Donc, si je saisis
bien, le projet de loi 31 n'a rien à voir avec le fait que,
déjà, vous avez des problèmes à cause du jugement
de la Cour suprême.
M. Brosseau: Nous avons des problèmes à l'heure
actuelle.
Le Président (M. Théorêt): Ce n'est pas le
projet de loi 31.
M. Brosseau: Cela ne modifie rien à la situation
actuelle.
M. Morency: C'est ce qu'on demande de corriger.
Le Président (M. Théorêt): M. le
ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Pour moi, cela va. Les
explications, sous réserve des chiffres que vous allez nous fournir et
peut-être sous réserve de la réponse que vous avez...
M. Gendron: Est-ce que vous l'avez?
Mme Charest: Oui, je peux vous la donner immédiatement. La
masse salariale de 1987 pour 12 218 employés était de 569 800 000
$. Pour les cols bleus, elle était de 126 000 000 $ à
Montréal.
M. Gendron: Merci.
Le Président (M. Théorêt): Mesdames,
messieurs, nous vous remercions de votre présence devant les membres de
la commission. La commission suspend ses travaux jusqu'à 20 heures.
(Suspension de la séance à 18 h 36)
(Reprise à 20 h 10)
Le Président (M. Théorêt): S'il vous
plaît, à l'ordre!
La commission de l'économie et du travail
reprend ses travaux pour procéder aux consultations
particulières sur le projet de loi 31, Loi modifiant la Loi sur les
relations du travail, la formation professionnelle et la gestion de la
main-d'oeuvre dans l'industrie de la construction et la Loi sur la formation et
la qualification professionnelles de la main-d'oeuvre.
Nous recevons maintenant les représentants de la Centrale des
syndicats démocratiques avec à sa tête, bien sûr, M.
Jean-Paul Hétu. M. Hétu, nous vous souhaitons la plus cordiale
des bienvenues et vous demandons dans un premier temps de nous présenter
les gens qui vous accompagnent.
CSD-Construction
M. Hétu (Jean-Paul): Avec plaisir, M. ie Président.
Tout d'abord, à commencer par ma gauche, il y a M. Ernest
Lévesque, qui est le secrétaire du syndicat provincial
CSD-Construction, M. Raymond Lortie, qui est le président de ce
syndicat, M. Pierre Yvon Ouellet qui est conseiller technique, M. Aimas
Tremblay, qui est premier vice-président et qui réside à
Jonquière et ensuite, à l'arrière, il y a d'autres membres
du comité exécutif, dont M. Pierre Beauregard, qui est
deuxième vice-président, M. Gérard Néron,
troisième vice-président, M. Réal Deschênes,
quatrième vice-président, et M. Alain Pépin, qui est le
trésorier. Il faut toujours emmener la finance avec soi. Il y a aussi
une vingtaine d'autres représentants du syndicat et si
nécessaire, en temps et lieu, M. le ministre, on pourra grossir la
délégation, si jamais vous ne donnez pas suite à nos
revendications.
Le Président (M. Théorêt): Alors, M. le
président, nous vous remercions. Étant donné que vous
êtes un habitué de ces commissions parlementaires, je tiens pour
acquis que vous savez le temps qui vous est imparti pour la présentation
et pour les formations politiques. Je vous cède donc
immédiatement la parole.
M. Hétu (Jean-Paul): Alors, M. le Président, M. le
ministre, MM. les députés, vous avez tous copie de notre
mémoire que nous avons fait circuler à compter de ce matin.
Tout d'abord, en premier lieu, j'aimerais exposer de façon claire
et non équivoque la position de la CSD et du syndicat de la construction
affilié à la CSD. Tel que formulé, tel que
présenté, votre projet de loi, M. ie ministre, est inacceptable.
Nous ne pouvons pas l'accepter tel que libellé. Pour qu'on vous accorde
un appui, il faudrait qu'il y ait des changements substantiels, dans son
essence même. Les changements importants que nous aimerions voir, on
pourra les expliquer plus en détail, mais, si on se réfère
de façon spécifique à ce que l'objet de la loi recherche,
c'est d'exclure un certain nombre d'activités de la loi sur les
relations du travail dans la construction. Notre position est la suivante dans
son essence, clairement expliquée, tout au moins on l'espère: que
la rénovation, l'entretien, la réparation et la modification
soient exécutés dans l'unité de logement du
propriétaire occupant. Bien sûr, avec les autres
éléments de l'article 4, à ce moment-là, nous
serions d'accord sur ce point de base.
Mais, deuxièmement, on ajoute, quant aux personnes, à la
main-d'oeuvre qui serait chargée d'assumer des responsabilités -
là-dessus je vais être très clair aussi - :que les
artisans, tels que reconnus et définis dans une des lois des relations
du travail, soient exclus du champ de juridiction de l'industrie de la
construction, de telle sorte que ces artisans assument les
responsabilités inhérentes aux travaux à faire,
commandés par le propriétaire occupant.
Maintenant, après avoir exposé l'essence même de
notre proposition, j'aimerais aborder point par point les différents
éléments que contient notre position. Je tiens à vous
dire, M. le ministre, M. le Président, MM. les députés,
que ce document que vous avez a été préparé par les
représentants attitrés, officiels du syndicat, qui sont de la
construction. Par conséquent, ils connaissent très bien de quoi
il s'agit dans la proposition gouvernementale.
Dans un premier temps, M. le ministre, on a un reproche à vous
faire et vous allez très bien le comprendre. Ce reproche tient au fait
que, depuis six mois, c'est la cinquième fois que des changements sont
apportés à la loi ou au décret. Je n'ai pas besoin de vous
rappeler les différents éléments de modification.
Cependant, ce que nous en dégageons, c'est que nous nous apercevons, M.
le ministre, que ou bien vous allez à la pièce, ce qui est
évident, ou bien vous improvisez. Mais, dans le fond, on veut vous
mettre en garde, parce que vous êtes en train - et vos motifs sont sans
aucun doute louables - de vous embarquer dans un rouage, une sorte de cercle
vicieux en vertu duquel vous allez travailler à répondre à
un certain nombre de problèmes soulevés à la fois par
votre parti ou le gouvernement ou par les parties. Mais ce qu'on trouve plus
grave encore, c'est que, par définition, vous prenez partie pour les
représentants des unions d'origine américaine. Le gouvernement du
Québec est en train - dans le débat de la langue, peut-être
que cela nous surprend moins - de reconnaître la culture, les pratiques
qui ont été inventées aux États-Unis et
répétées ici. Nous nous référons en
particulier, même si on s'en défend, à la FTQ et à
TINTER. Parfois, à TINTER, on prétend qu'ils sont peut-être
trop près du Parti libéral. C'est pourquoi, peut-être, ils
vous appuient trop. Enfin, ce sera à vous de l'expliciter.
Responsabilité de la CCQ dans la préparation des
règlements. Sur ce point, sur le fond, on reconnaît votre
objectif. Quant à la forme de réalisation, on prétend que,
ce faisant, vous maintenez et accentuez une discrimination à notre
égard. On est absent du conseil d'admi-
nistration de la CCQ. On ne peut pas intervenir à ce conseil par
le biais des deux membres recommandés par le ministre, à cause de
l'implication partisane de personnes qui occupent actuellement ces
sièges. Il y a même un de ces représentants, pour ne pas le
nommer, le représentant de la CSN, qui aurait dit en cette Chambre que
vous ne lui donnez pas tellement de mandats. Par conséquent, il occupe
tout le siège de la CSN et son objet, bien sûr, est de nous
écarter, de nous empêcher d'apporter une contribution qu'on estime
très importante au sein de ce conseil. Bien sûr, vous allez dire
que ce n'est pas partisan de notre part. Cela ne l'est pas. On prétend
que vous nous avez enlevé un droit qu'on nous a de tout temps, en
particulier, reconnu parce que nous sommes suffisamment représentatifs
même si vous continuez toujours à maintenir la
proportionnalité, comme si la minorité n'avait pas le droit de
parole et n'avait pas le droit de prendre des décisions et des
responsabilités. C'est pour cela que nous ne pouvons pas accepter cette
vision. Cela nous surprend de votre part.
Autre point, les pouvoirs que vous consentez à la CCQ. On appuie
ces modifications. Par ailleurs, j'y reviendrai pour parler au nom du syndicat
et de la CSD des questions relatives à la tâche de l'inspecteur,
à la jurisprudence et aux amendes.
On arrive au coeur, sans aucun doute, du projet de loi. En premier lieu,
nous voulons vous mettre en garde, nous assurer de certains termes
utilisés. Ainsi, on parie de travaux exécutés aux fins
personnelles autres que commerciales ou industrielles d'une personne physique.
Dans le cas d'un individu propriétaire de plusieurs unités de
logements, nous demandons que l'exclusion s'applique uniquement à
l'unité de logement occupée par ledit propriétaire.
Ensuite, dans le cas de la construction résidentielle, nos
représentants ont soulevé un problème à partir de
leur expérience et de la pratique. Il faut prévoir qu'il y a un
risque que la loi soit contournée de la façon suivante: lors
d'une première phase de travaux, on construira les structures minimales
et on laissera s'écouler un certain temps ou encore le promoteur vendra
au propriétaire une maison "semi-finie". Ensuite, on terminera les
travaux - par exemple, divisions intérieures et finition - en dehors du
champ d'application en prétextant qu'il s'agit de modification,
d'entretien ou de rénovation. Il faudrait que l'on approfondisse cette
question et que l'on trouve un correctif. Peut-être ce correctif se
trouve-t-il relativement à l'âge de la maison? On pourra y
revenir.
Comme seconde question, nous demandons au législateur de profiter
du projet de loi pour clarifier l'interprétation donnée aux
exclusions actuelles, en particulier au terme de salarié permanent, tel
qu'on le définit aux paragraphes 2° et 8° de l'article 19 de la
loi. Nous estimons que cela donne lieu à des interprétations qui
violent véritablement l'esprit de la loi. Dans plusieurs cas, notamment
dans ces deux articles, on qualifie le salarié de permanent par le fait
qu'il est un individu à embaucher. Les deux articles se
réfèrent à ce concept-là. Il y a là un
problème majeur. Comment cela? Parce que les travailleurs de la
construction prétendent qu'ils se font voler leur job par des
travailleurs embauchés par des compagnies qui font, par exemple, des
extensions à leurs établissements. Elles embauchent des
travailleurs qui sont nouveaux et, là, on dit que, parce qu'on les
embauche sur le champ, les travaux sont faits de façon habituelle. Cela
peut susciter des rixes, des bagarres et des grèves sauvages. On en a
connu il n'y a pas longtemps et, si on ne fait pas attention, si on ne corrige
pas cette définition-là, on peut en avoir dans l'avenir et vous
serez appelé encore, M. le ministre, à intervenir pour
résoudre ces problèmes pour avoir la paix sociale.
Alors, ce que nous proposons, c'est qu'il y ait une définition
plus précise de salarié permanent. À la CSD-Construction,
on prétend qu'un salarié permanent est un individu qui a acquis
un droit d'ancienneté, par exemple, en vertu d'une convention
collective. S'il est vraiment à l'emploi de la compagnie qui l'embauche,
on n'a qu'à vérifier s'il a un droit d'acquis ou s'il a un droit
d'acquis en vertu du préavis selon l'article 82 de la loi sur les
normes.
Comme troisième point, la CSD-Construction considère que
l'exclusion proposée soulève le problème de base des
travailleurs de la construction. Il s'agit de l'insécurité des
travailleurs de la construction: insécurité à
l'égard de l'emploi, insécurité vis-à-vis du
revenu. Évidemment, il y a la proposition que nous vous avons faite pour
corriger celle de l'exclusion. On vous a dit que ce serait acceptable si vous
le faisiez dans le sens dont on a parlé dans l'introduction et que l'on
explique clairement dans notre document. Mais tout le monde sait, ou il faut le
rappeler, ou il faut le comprendre, que les travailleurs de l'industrie vivent
un problème majeur d'insécurité d'ouvrage et de salaire.
Les conséquences de cette insécurité sont nombreuses: la
main-d'oeuvre, il va de soi, est instable et le travail clandestin se
développe à cause de cette insécurité. Il peut y
avoir une des sources dans l'exclusion que vous voulez faire, mais le fondement
du travail clandestin c'est l'insécurité: je travaille un peu, je
n'ai pas d'ouvrage, je travaille un peu plus, etc. Ce n'est pas tellement,
à l'origine, l'appât du gain comme la nécessité de
maintenir, c'est bien légitime, un niveau de vie normal.
Dans le fond, on pense, M. le ministre, que vous vous attaquez aux
conséquences: on légalise certaines formes de travail au noir;
par ailleurs, on se donne de nouveaux moyens pour mieux combattre d'autres
formes de travail au noir. On pourrait vous donner des exemples de cela: manque
d'heures, bons d'achat. Il faut qu'on
trouve des solutions concrètes à ces formes, aussi, qui
sont néfastes et nuisibles pour les travailleurs.
La CSD-Construction croit que cette approche est incomplète et
est en ce sens que nous souhaitons une réforme plus en profondeur. Voici
les principaux éléments de cette réforme.
Pour combattre l'instabilité cyclique de l'industrie et des
travailleurs, l'État doit cesser d'utiliser la construction comme moteur
économique. L'État doit plutôt s'impliquer dans la
stabilisation économique de l'industrie elle-même, en mettant de
l'avant la planification des travaux. L'État possède un tel
pouvoir, attendu que son rôle de donneur d'ouvrage est d'environ 40 % des
investissements. L'insécurité vient aussi des risques
élevés en matière d'accidents de travail. On n'a pas
besoin d'insister là-dessus, c'est tellement évident et grave.
L'insécurité vient aussi de certaines pratiques du milieu.
L'État doit, notamment, favoriser la mise en application du droit
d'ancienneté. On a fait une proposition relative, par exemple, à
la loi sur les normes. L'insécurité provient, en outre, de la
mobilité professionnelle insuffisante, à cause d'un manque de
formation et de perfectionnement des travailleurs. Sur ce point, le ministre du
Travail a agi, en décembre 1986, par l'adoption du projet de loi 119.
Actuellement, on sait que le dossier est fortement compromis. Il faut le
relancer en s'occupant notamment de l'accès au nouveau régime
pour les travailleurs en place.
Statut et obligations de l'artisan. Je pense qu'encore là on a
été très clairs. Alors, je n'y reviendrai pas. Nous
demandons que le statut de l'artisan soit banni de l'industrie et que les
artisans soient ceux qui agissent dans le cadre des objectifs que nous
proposons en amendement à votre projet de loi.
Le projet de loi suggère un accroissement significatif des
amendes en cas de violation de la loi ou du décret. La CSD-Construction
appuie ces modifications, mais croit qu'il faut les encadrer par les trois
mesures suivantes.
En premier lieu, il faut s'arrêter au travail des inspecteurs.
Avec le projet de loi, ceux-ci - pour nous, c'est évident - deviendront
des policiers de la construction; la situation actuelle l'exige. Mais, en
matière de gestion des ressources humaines, il serait essentiel que la
CCQ - on est heureux de savoir qu'il y a des représentants de la CCQ ici
- prépare, à l'intention des inspecteurs, un pian d'action visant
à améliorer et à adapter les méthodes de travail
ainsi qu'à développer l'éthique professionnelle. Nous
insistons, entre autres, sur ce dernier point, parce qu'on sait qu'il existe,
hélas! - et il faut corriger cela - des pots-de-vin qui sont consentis.
Bref, le projet de loi repose sur la qualité du travail des inspecteurs
et la commission a la responsabilité de donner aux inspecteurs la
formation, le perfectionnement et les outils nécessaires pour accomplir
leur travail.
Deuxièmement, il y a un problème de jurisprudence.
Actuellement, les juges ont tendance à donner raison à
l'accusé, non pas parce que l'infraction n'est pas fondée, mais
parce qu'ils estiment que l'accusé a été victime
d'excès de zèle ou de harcèlement de la part des
inspecteurs. On trouve qu'il devrait y avoir là une modification quant
aux attitudes de ces honorables juges.
Enfin, en plus du système d'amendes, la CSD-Construction demande
que les inspecteurs aient le pouvoir de suspendre des travaux et d'apposer des
scellés dans le même esprit que ce pouvoir est accordé
actuellement aux inspecteurs de la CSST.
Transférabilité des régimes complémentaires
d'avantages sociaux. L'article 12 du projet fait un ajout à l'article 92
de la loi afin de permettre la transférabilité des régimes
complémentaires d'avantages sociaux. En apparence, il s'agit d'une
modification technique, mais il y a anguille sous roche. Cette modification
démontre qu'on est en train de développer, dans l'industrie, une
série de régimes complémentaires qui s'ajoutent aux
régimes supplémentaires. La CSD-Construction ne s'oppose pas - et
cela, c'est bien important - au principe de la possibilité technique de
transférer les régimes complémentaires, mais tient
à vous alerter, M. le ministre, au sujet de la multiplication de ces
régimes. (20 h 30)
Les régimes supplémentaires s'appliquent de manière
universelle, cela, on le sait, sans distinction pour le métier ou
l'occupation. Mais, par contre, les régimes complémentaires sont
négociés métier par métier. Ils créent,
quant à nous, de la discrimination systématique entre les
travailleurs et freinent leur mobilité professionnelle. Cette situation
est attribuable à plusieurs facteurs. En particulier, on sait que les
associations syndicales majoritaires sont actuellement structurées par
métiers. L'essentiel du pouvoir financier et politique appartient au
local d'une union, chacun des locaux étant identifié à un
métier. On n'a pas besoin de les énumérer, ils sont
nombreux. Ces structures syndicales sont propres aux organisations d'origine
américaine, telles que la FTQ et TINTER. Ces structures sont bien
sûr décentralisées, ce qui cause de fortes luttes internes
de pouvoir. D'ailleurs, l'analyse des causes qui défilent devant le
conseil arbitral en témoigne en ce qui concerne les conflits de
juridiction. On retrouve aussi des tensions sur les chantiers par les
représentants des locaux, dans le dossier de la formation
professionnelle où on veut tout confier aux sous-comités de
métier, dans les instances telles que le comité mixte, etc.
Dieu sait s'il y a une évolution technologique réelle dans
l'industrie de la construction! La position de fond de la CSD, c'est: qu'on
restructure la formation professionnelle sur la base des familles de
métiers. Aussi, qu'on raisonne dans l'ensemble du décret en
tenant compte de cette réalité impérative. Dieu sait
si
l'évolution technologique doit continuer à s'accentuer
dans la construction! Mais, si on prend toujours des positions pour favoriser
ces unions de métiers ou, par ricochet, des réalités qui
ne correspondent plus à la réalité moderne de l'industrie
de la construction, on va avoir des problèmes très
sérieux.
Le Président (M. Théorêt): M. Hétu.
M. Hétu (Jean-Paul): Oui.
Le Président (M. Théorêt): Je dois vous
rappeler que votre temps pour la présentation de votre mémoire
est déjà écoulé, malheureusement. Je vous demande
si vous préférez continuer, quitte à prendre ce temps
à même les formations politiques.
M. Hétu (Jean-Paul): J'étais pratiquement rendu
à la conclusion.
Le Président (M. Théorêt): Allez-y!
M. Hétu (Jean-Paul): Mais, avant de la tirer, il y a un
petit point qui concerne la formation. Aujourd'hui, par le projet de loi, on va
transférer de la main-d'oeuvre qui va s'occuper des travaux dont on veut
qu'elle s'occupe. Il y a des gens qualifiés, mais, dans cinq ans ou dans
dix ans, que va-t-il se passer? On va avoir un problème de
qualité. Les consommateurs vont être mal servis. Alors, il est
vraiment important qu'on puisse agir non pas tellement sur une base volontaire,
mais pour assurer la formation des gens.
En conclusion, notre position est globale. On ne peut pas prendre un
élément et dire: Voici ce que la CSD et le syndicat de la
construction dit. Elle est globale, elle fait partie d'un tout.
Maintenant, je suis prêt à vous écouter et je vous
remercie beaucoup.
Le Président (M. Théorêt): M. le
Président, on vous remercie et je cède immédiatement la
parole au ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui. M. le Président, je
tiens à remercier la Centrale des syndicats démocratiques, la
CSD-Construction particulièrement, à saluer son président,
M. Lortie, et à souligner que la présence de M. Hétu
indique bien également l'importance du projet de loi et l'importance
qu'il accorde, comme président de la centrale, au dossier de la
construction. La qualité du mémoire présenté nous
indique également que vous avez réussi à résumer en
quelques pages votre vécu quotidien et à faire part au
gouvernement des appréhensions qui sont les appréhensions, comme
vous l'avez indiqué, de vos membres. Vous n'avez pas été
tendres à l'endroit du ministre du Travail, l'accusant d'être trop
proche, dans un premier temps, du Conseil provincial des métiers de la
construction (International), dans un deuxième temps, de la
FTQ-Construction et, dans un troisième temps, de la CSN-Construction.
J'ose espérer que les prochains qui comparaîtront ne m'accuseront
pas d'être trop proche de la CSD-Construction.
M. Hétu (Jean-Paul): On peut témoigner que ce n'est
pas le cas.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Hétu (Jean-Paul): Excusez-moi, M. le
Président.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Essentiellement, les gens qui vous
ont précédés sont tombés d'accord avec l'ensemble
des parlementaires membres de la commission pour dire que le travail au noir
constitue un fléau, que ce travail au noir dans la construction est
présent dans la construction industrielle et commerciale, que ce travail
au noir est présent dans une proportion encore plus importante dans la
construction domiciliaire et que ce travail au noir est présent d'une
façon encore beaucoup plus importante dans tout le secteur de
l'entretien, de la réparation, de la rénovation, de la
modification.
Ma première question: Est-ce que la CSD-Construction partage
cette opinion généralement exprimée par les autres
intervenants qui vous ont précédés?
M. Hétu (Jean-Paul): Ne les ayant pas entendus, je ne veux
pas prendre en bloc la responsabilité de ce qu'ils ont dit, mais je ne
mets pas en doute votre parole. Sans doute avaient-ils des contextes dans
lesquels ils ont agi.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Mais...
M. Hétu (Jean-Paul): Je vais répondre de
manière claire, je vais être explicite. Disons qu'on croit que
votre projet de loi va accroître le travail au noir. C'est ce qu'on
croit. Il va accroître le travail au noir, pas par la mesure que vous
prenez de le légaliser en l'excluant de la loi. Ce qui était
illicite, disons du bras gauche, va devenir licite, mais, devant le ministre du
Revenu, on prétend que vous ne réglez rien par cela. Les
travailleurs de la construction, chez nous, sont unanimes là-dessus.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je ne prétends pas, comme
ministre du Travail, présenter un projet de loi qui s'attaque à
l'aspect fiscal. Certains experts nous disent que, le travail étant
légalisé, les individus faisant une activité qui n'est
plus clandestine sont raisonnablement plus enclins à produire un rapport
d'impôt, mais nous n'avons, comme vous le soulignez, aucune garantie
à cet effet-là. Lors-
qu'on parle de travail au noir dans l'industrie de la construction -
j'aurais dû vous prévenir - nous nous référons
à la définition qu'en a donnée le consensus
patronal-syndical dans le rapport Mireault, c'est-à-dire le travail qui
est effectué en violation des lois et des règlements qui
régissent l'industrie de la construction. On ne fait pas
référence au travail au noir au sens de la fiscalité, qui
peut inclure le domaine de la construction, mais qui peut également
inclure beaucoup d'autres domaines de l'activité économique dans
la société québécoise, vous en conviendrez.
Si on limite cela au travail au noir de l'industrie de la construction,
j'aimerais avoir l'appréciation que vous avez de votre
expérience. Quelle est cette importance du travail au noir dans les
chantiers industriels commerciaux? Quelle est cette importance du travail au
noir dans la construction domiciliaire? Quelle est cette importance du travail
au noir dans le secteur de la rénovation et de la réparation
résidentielles?
M. Hétu (Jean-Paul): Disons que vous ne voulez pas
modifier l'ensemble de la loi, mais que vous voulez vous limiter à ce
dont on parle. Vous voulez limiter et exclure des débats sur le travail
au noir: autre que la partie commerciale et industrielle, alors, on va se
limiter à la portion que vous voulez couvrir. Son importance
actuellement est réelle. C'est quelque chose qui existe. C'est quelque
chose qu'à peu près tout le monde, sauf quelques gens vertueux
qui ne l'ont pas pratiqué - j'exclus tous les députés et
les ministres, c'est certain, - a pratiqué dans la construction d'une
remise, par exemple... Je ne sais pas pourquoi vous souriez, je n'en ai aucune
idée. Cela s'est pratiqué sur une grande échelle. Mais le
syndicat de la construction a évolué depuis la position qu'il
avait été donnée et à laquelle vous vous
référez. Il a évolué, justement, parce qu'il doit
prendre l'homme, le travailleur dans sa totalité. Celui-ci n'est pas
seulement quelqu'un qui travaille, c'est aussi quelqu'un qui fait partie d'une
société et le syndicat a des obligations à son
égard. C'est pourquoi on ne peut absolument pas exclure ce volet qui est
propre à l'impôt.
On trouve que la modification, dans le cadre des propositions que nous
faisons, si elle était soutenue par cet autre élément,
serait, elle, importante. Mais aussi, ce qu'on trouve déplorable, c'est
que, par le projet de loi que vous soumettez, vous excluez des
catégories de travaux qui vont être exécutés par des
personnes. Cependant, vous laissez, et les consommateurs et les travailleurs
aux lois du marché, tout simplement. Il reste deux cadres possibles de
référence, par exemple, au consommateur ou au travailleur: d'une
part, la Loi sur la protection du consommateur, d'autre part, la Loi sur les
normes du travail. Encore là, au sujet de la loi sur les normes, on
pourrait soulever différents problèmes dans son application car,
lorsqu'elle a été conçue, on ne pensait pas à cette
catégorie de travailleurs. Il est certain qu'on a défini en
termes larges la notion d'employeur. On a défini aussi en termes larges
la notion du salarié, parce qu'il y a deux types de catégories.
Mais on aurait aimé avoir plus de temps pour y réfléchir,
pour tenter de voir comment cela va se vivre de façon concrète.
Combien de travailleurs pourront-ils l'utiliser? Ceux qui vont travailler
à contrat pour fins de rénovation, de modification, ou je ne sais
pas trop encore, d'entretien, etc., est-ce que ce leur sera possible d'y
recourir? Pour ce qui est des consommateurs, il y a là toute une
problématique qu'il faudrait fouiller. C'est pourquoi on se dit qu'il
faudrait peut-être qu'il y ait un cadre, même minimum, un cadre
juridique qui régirait cet ensemble. L'un des défauts du projet
de loi - je ne parle pas de son intention, de sa formulation - est qu'il ne
parle qu'en termes d'exclusion et oublie le cadre, pas un cadre pour
réglementer au maximum, parce qu'on a bien lu dans un de vos objectifs
que vous voulez déréglementer. La déréglementation
ne doit cependant pas brimer des droits, ne doit pas développer par un
problème qu'on veut résoudre un autre type de problème
d'exploitation qui serait plus grand que celui qu'on veut résoudre, par
exemple. C'est notre conception de manière générale par
rapport à votre question.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): M. Hétu, je ne rejette pas
l'approche sur le plan fiscal. Vous n'êtes pas le premier, non plus, qui
la mentionnez devant la commission, mais je pense que d'aucuns ont convenu
qu'il est difficile pour le ministre des Finances d'aborder, avec une approche
fiscale, une activité qui est illégale. L'activité
étant légalisée, cela permet de compléter par
d'autres mesures. Il faut commencer par le commencement.
Allons directement au coeur du projet de loi. Une partie du projet de
loi avec laquelle vous semblez manifester un certain accord se retrouve dans ce
qu'on appelle l'augmentation des pouvoirs et des amendes de la Commission de la
construction du Québec, relativement aux contrôles qu'elle
effectuera dans les grands chantiers de construction industrielle, commerciale
ainsi que dans la construction domiciliaire. Vous semblez avoir des
réserves, que d'autres ont émises également, mais que vous
reprenez avec une précision qui est nouvelle quant à l'exclusion,
quant à cette partie que nous voulons exclure. Vous mentionnez à
la page 6 de votre mémoire: "Nous voulons nous assurer des termes
utilisés. Ainsi, on parle de travaux exécutés aux fins
personnelles autres que commerciales ou industrielles d'une personne physique.
Dans le cas d'un individu propriétaire de plusieurs unités de
logement, nous demandons que l'exclusion s'applique uniquement à
l'unité de logement occupé par ledit propriétaire.
Ensuite, dans le
cas de la construction résidentielle, il faut prévoir
qu'il y a un risque que la loi soit contournée de la façon
suivante: lors d'une première phase de travaux, on construira les
structures minimales..."
On sait ce qu'on veut dire: deux problèmes. Pour ne pas que cela
arrive, vous suggérez la notion du propriétaire occupant et vous
nous mettez en garde contre la construction par étapes.
Je vais vous lancer une invitation. Avez-vous ou vous serait-il possible
de nous soumettre un libellé - je sais que vous avez quand même
certaines ressources à la CSD - qui pourrait vous garantir que
l'intention du gouvernement - qui n'est pas d'en arriver là finalement -
se retrouve dans le libellé du texte de loi et qu'il n'y a pas de
dérapage possible dans l'application quotidienne, quitte à passer
pour un ami de la CSD?
M. Hétu (Jean-Paul): Certainement. On pourra le faire, et
avec plaisir à part de cela.
Une voix: II veut vous faire faire son ouvrage.
M. Hétu (Jean-Paul): Pardon?
Une voix: II veut vous faire faire son ouvrage.
M. Hétu (Jean-Paul): Non. Je pense qu'on est capable de le
formuler. On l'a déjà fait dans d'autres projets de loi et on
s'aperçoit aujourd'hui que les résultats abondent.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je pense qu'on a eu une
collaboration du bout des lèvres dans le cadre de la loi 119, laquelle
s'est transformée par la suite, parce qu'on partageait les mêmes
objectifs. Si nous partageons les mêmes objectifs et que le gouvernement
ne vise pas que ces travaux se fassent par étapes, non plus que
l'immeuble à logements soit exclu, je pense qu'il y a moyen de trouver
une formulation qui sécurise les travailleurs de la construction, tout
en permettant au propriétaire occupant d'effectuer ses travaux de
rénovation, de réparation, etc., sans être soumis au
décret de la construction.
Je vais toucher à un autre point très sensible - le temps
me presse - toute la question de l'artisan. C'est un point que vous soulevez et
sur lequel vous êtes très fermes. Je n'ai pas la page exacte. Oui,
je l'ai. "Nous demandons que le statut d'artisan soit banni de l'industrie de
la construction." (20 h 45)
Je pense que c'est assez clair comme demande. Cette demande nous est
également adressée par d'autres intervenants. Il y aussi toute la
question qui est liée à celle du statut de l'artisan, sort celle
de l'entrepreneur spécialisé.
Est-ce que votre revendication vise également la notion
d'entrepreneur spécialisé?
Une voix: Le président du syndicat de la construction, M.
Lortie, va répondre à cette question.
M. Lortie (Raymond): Pour nous dans la construction, c'est bien
clair: il devrait y avoir des employeurs, et des salariés. Que les
autres se branchent: employeurs ou salariés. Je sais qu'une des
associations qui a parlé a 3000 membres dont 1300 travaillent seuls.
Quant à moi, ce sont 1300 artisans. Ils sont membres de cette
association. Pour nous, il est bien clair que les travaux devraient être
faits par des vrais travailleurs, et par des vrais employeurs. Je pense
qu'à ce moment-là on enlèverait beaucoup de travail au
noir.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Sur ce qu'on appelle les gros
chantiers de construction industrielle, commerciale, on peut voir une
application assez raisonnable de ce que vous demandez. Pour ce qui est de la
construction domiciliaire, on sent une certaine résistance de la part de
certaines parties. En ce qui concerne l'entrepreneur spécialisé
dans le domaine de l'électricité, pour prendre un exemple, qui
oeuvre en régions et qui fait des réparations, non seulement dans
le secteur résidentiel, parce que là le problème ne se
posera pas, mais pour les petits commerces, etc., qu'est-ce qu'on fait de cet
individu, une fois la loi adoptée? Il n'a pas d'employé. Il est
entrepreneur spécialisé, avec tous ses permis, tout va bien, il
fait de la réparation dans les petits commerces.
M. Lortie: C'est la distinction que je fais, M. le ministre,
entre entrepreneur et employeur. Dans la construction, il doit y avoir des
employeurs et des salariés. S'il décide d'être
entrepreneur-employeur, il embauchera des salariés. Il pourra être
spécialisé quand même en électricité, mais il
sera un employeur.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Prenons l'exemple - on en a
donné cet après-midi - de l'opérateur de pépine,
pour utiliser une expression bien connue. Lui, il n'aura pas d'employé,
il possède sa pièce de machinerie, il effectue des travaux. On
fait quoi?
M. Lortie: En avez beaucoup d'opérateurs de pépine
dans le résidentiel, dans la rénovation?
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Au niveau de l'excavation,
j'imagine qu'il y en a quelques-uns.
M. Lortie: Oui, mais là on est rendu dans la construction
neuve. D'accord? Selon moi, s'il y a des travaux d'aqueduc dans une
construction neuve, le gars sera entrepreneur, et il pourra être
employeur.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je saisis très bien la
distinction entre l'entrepreneur et l'employeur. C'est pourquoi je vous ai
demandé si vous assimiliez au bannissement de l'artisan, le bannissement
également de l'entrepreneur spécialisé.
M. Lortie: Lorsqu'on est rendu dans les travaux d'excavation,
là, on n'est pas, quand même, dans les travaux de construction de
résidences et tout cela. Moi, je parle de construction de maisons, soit
construction commerciale, industrielle ou résidentielle.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Cela va, M. Lortie. Je reviendrai
peut-être. L'Opposition?
Le Président (M. Théoret): Merci, M. le
député de... Lequel commence en premier, M. le
député de Duplessis? M. le député de
Du-plessis.
M. Perron: M. le Président, si vous me le permettez,
j'aimerais remercier M. Hétu et son groupe pour la présentation
du mémoire. Il y a une chose que je tiens à souligner. Au sujet
des représentations faites par la CSD, je trouve remarquable
l'évolution énorme qu'il y a eu par rapport aux débuts de
votre syndicat, car aujourd'hui, sur l'ensemble des dossiers que vous pilotez
et quand vous venez en commission parlementaire, ce n'est pas seulement pour
faire la critique, mais aussi pour apporter des solutions possibles dans
différents domaines d'activité.
Ce que je crois par rapport au projet de loi 31, c'est qu'encore une
fois, vous l'avez d'ailleurs souligné tout à l'heure, en l'espace
de six mois, le gouvernement a légrféré ou est intervenu
à cinq reprises pour corriger certaines situations. Et nous, dans le
jargon parlementaire, on appelle cela de la législation à la
pièce. Lorsque arrive un certain problème ou une certaine
demande, par exemple de la part du patronat pour modifier les lois du travail,
le gouvernement réagit alors de façon positive, mais à la
pièce seulement, au lieu de faire cela d'une façon globale. Quant
à moi, j'ai pu remarquer que, dans le cas que nous avons devant nous,
face à cette loi 31, on se trouve à enlever certains acquis
qu'ont actuellement les syndicats de la construction, et donc, par ricochet,
les travailleurs de la construction. En ce qui concerne les droits acquis, il y
a un risque énorme que, de plus en plus, dans tous les domaines de la
construction, les syndicats et les travailleurs de la construction aient
à faire face à un système où éventuellement
il n'y aura pratiquement plus de protection directe pour tous les travailleurs
de la construction. Je pense que ce qui est en train de se passer dans le
domaine de la construction, c'est que le gouvernement est en train d'essayer
par la bande - je vais le dire comme je le pense - de déboussoler
complètement les actions syndicales et intersyndicales dans
différents domaines. C'est surtout pour favoriser les employeurs. C'est
dans ce sens que cela va directement. D'ailleurs, on l'a réalisé
au cours des deux dernières années.
Quant au projet de loi lui-même, sur le fond, je pense que tout le
monde convient que c'est surtout l'article 4 du projet de loi 31 qui apporte
des modifications substantielles à ce qui existe actuellement dans le
décret. Je suis bien d'accord qu'aujourd'hui nous sommes devant une
commission parlementaire et que vous présentez un mémoire.
À ce que je sache, sur les modifications qui sont actuellement
apportées par la loi dans l'industrie de la construction, il n'y a pas
eu beaucoup de discussions entre le gouvernement et les syndicats avant
d'arriver au projet de loi que nous avons en face de nous. Par le fait
même, le ministre a préparé, au nom du gouvernement, ces
modifications à la pièce et probablement aussi, à la pige,
à la suite des demandes présentées par certains
intervenants. On remarque que l'article 4 exclut effectivement - à moins
que je ne me trompe et vous me corrigerez là-dessus - la
rénovation, l'amélioration, l'entretien et la réparation
du champ d'application du décret actuel. Quant à moi et à
l'Opposition, il est faux, contrairement à ce que dit le ministre du
Travail au nom du gouvernement, de dire que cette loi va permettre sur le fond
d'éliminer le travail au noir. Il est faux de prétendre cela.
Vous l'avez soulevé tout à l'heure, M. Hétu, et
vous avez même affirmée - cela va dans le sens de ce que je crois
et de ce que d'autres croient aussi - que cela va plutôt accentuer le
problème qui est actuellement vécu. Cela va l'accentuer,
l'accroître, parce que les entrepreneurs vont jouer le jeu de la
situation. Il y a des gens de la construction qui vont jouer le jeu aussi.
Je voudrais maintenant toucher à la question des
responsabilités. Si vous le permettez, M. le Président, je vais
donner mon exemple. Si tout le monde faisait son travail, si toutes les
personnes qui font faire des travaux de construction faisaient leur travail,
pour justement empêcher toutes sortes d'intervenants qui veulent
travailler au noir et qui passent par les entrepreneurs... Je vais vous donner
un exemple concret. Il y a deux ans, j'ai fait ajouter une salle à
manger pour agrandir ma résidence de Sept-îles. À chaque
fois qu'un travailleur de la construction se présentait - quand je
n'étais pas là, c'était mon épouse qui s'en
occupait - il devait montrer sa carte, son permis, avant d'entrer dans ma
résidence ou sur mon terrain. À un moment donné, un
certain vendredi soir, je revenais de Québec et j'arrive à la
maison. Un gars arrive, frappe à la porte et il demande quelle sorte de
travail il y avait à faire. Il s'en venait effectuer des travaux de
plâtrage et de peinture. J'ai demandé: Est-ce que tu as ta carte?
Est-ce que tu as un permis d'enregistrement dans la construction? Il
répond: Non, j'ai fait ma demande.
J'ai dit: Si tu n'as pas ton permis encore, j'aime autant te dire tout
de suite que je vais appeler l'entrepreneur qui fait les travaux à ma
résidence et je vais lui dire que tu ne viens pas ici, c'est clair et
qu'il m'envoie un gars qui a son permis.
Quand je parle de responsabilités, c'est à cela que je
pense. Chaque individu, chaque personne, le ministre, le gouvernement, tous les
députés, les travailleurs de la construction, les employeurs
doivent faire leur job là-dessus et aussi, bien sûr, la CCQ.
Vous avez parlé de formation professionnelle et,
là-dessus, je pense que votre mémoire est extrêmement
intéressant. J'ai eu l'occasion de le lire dans son ensemble, incluant
l'annexe que vous y avez placée. Dans l'annexe, il y a des choses
extrêmement intéressantes qu'on pourrait inclure dans la loi.
C'est pour cela que je dis que je suis parfaitement d'accord avec vous, lorsque
vous mentionnez qu'on devrait apporter des modifications en profondeur à
l'ensemble du dossier de la construction, au lieu d'arriver et de
légiférer à la pièce, comme cela se fait
actuellement. Je peux bien comprendre qu'il y a des comités qui existent
ici et là; le ministre va en bénéficier sûrement,
éventuellement, pour précisément régler, apporter
quelque chose de concret dans ce domaine.
Quant à moi, on aurait dû attendre pour modifier des lois
que certains comités fassent état des situations, fassent des
représentations et que ce soit fait tout d'un bloc plutôt que par
petits bouts, ce qui cause des problèmes à tout le monde. Je
comprends que cela peut faire plaisir au ministre et à certains de ses
amis de la construction, incluant Maurice Pouliot, mais cela ne veut pas dire
qu'il a le devoir d'agir en ce sens; il a plutôt le devoir de faire les
choses correctement.
Quant à la formation professionnelle, il y a toute une
éducation à faire, je crois, pour amener certains secteurs
d'activité, comme le ministère de l'Éducation, le
ministère du Travail du Québec, les syndicats et le patronat, en
particulier, à faire en sorte qu'il y ait une liaison entre tous les
intervenants, pour empêcher, dans le domaine de la formation
professionnelle ou un autre, qu'on continue à former des travailleurs de
la construction, par exemple, en plomberie ou en menuiserie, si on n'en a pas
besoin dans les marchés régionaux, afin de s'aligner plutôt
dans l'éducation, dans la formation professionnelle, vers d'autres
éléments où les travailleurs de la construction auront des
possibilités d'aller de l'avant. Vous parlez du bassin. Vous avez
d'ailleurs parlé, dans votre mémoire, des questions de revenu, de
sécurité d'emploi, etc. Je trouve cela intéressant de voir
de quelle façon vous avez procédé.
Donc, une éducation à faire pour en venir là et il
faudrait que les gens se parlent; II faudrait qu'il y ait quelque chose de
concret de fait dans ce secteur pour empêcher, je le
répète, qu'on forme des gens dont on n'a pas besoin sur le
marché du travail. On continue à le faire. Que ce soit à
Sept-îles, à Rouyn-Noranda ou à Gaspé, on continue
à former des gens qui n'auront pas d'emploi, demain matin, quand ils
vont sortir avec leur certificat d'études, peu importe le diplôme
qu'ils auront en main.
J'ai certaines questions à vous poser, M. Hétu, ou encore
à un membre de votre groupe, se rapportant à votre
mémoire. À la page 4, vous mentionnez ceci: "Dans les
circonstances actuelles, la CSD-Construction s'oppose à toute forme de
renforcement du pouvoir de la commission au détriment du ministre."
Une voix: Page 4?
M. Perron: Oui, à la page 4, troisième paragraphe.
Est-ce que vous pourriez, pour le bénéfice des membres de cette
commission, élaborer davantage en donnant des exemples, des cas
précis, où ce que vous mentionnez dans votre mémoire
arriverait?
M. Hétu (Jean-Paul): Actuellement, le ministre a
nommé, en vertu des pouvoirs conférés par la loi, deux
représentants: un premier, qui représente la partie syndicale...
Pour nous - c'était là son intention, bien sûr - le
ministre avait un point de vue juridique. Il est quasiment allé par la
règle de la proportion. Il y en avait deux: l'un représentait la
FTQ, l'autre TINTER et, par la suite, il a dit: Je vais faire un cadeau, je
vais nommer un représentant de la CSN. Dans ce cadre, c'est partisan
jusqu'à un certain point de vue, parce que la personne qui est là
n'est plus ce canal ouvert en vertu duquel, par exemple, les minorités
syndicales, par le biais des représentants ministériels, peuvent
se faire entendre. L'intention de la loi, avoir deux personnes qui
représentaient, entre autres, le ministre, était bonne mais, dans
ce cas, il nous a bloqué la porte de ce côté, à
cause des luttes intersyndicales, tout comme il y a des luttes politiques. Que
voulez-vous? Là-dessus, on subit un préjudice. C'est dans ce
cadre qu'on profite de l'occasion, du chapitre sur l'accroissement des
responsabilités de la CCQ, pour faire part de ce problème. (21
heures)
M. Perron: Toujours dans la même veine, M. Hétu: Si
la CSD était présente au conseil d'administration de la CCQ,
seriez-vous alors d'accord avec les modifications touchant le renforcement du
pouvoir de la commission au détriment du ministre?
M. Hétu (Jean-Paul): Sans aucun doute, oui. C'est clair
cela?
M. Perron: Dépendamment du libellé?
M. Hétu (Jean-Paul): Oui. On pourrait en discuter dans les
détails, mais sur le fond, c'est certain. C'est clair. On ne se cache
pas.
M. Perron: Combien avez-vous de membres actuellement dans
l'ensemble de la CSD, et combien font partie du secteur de la construction?
M. Hétu (Jean-Paul): Dans la construction.
M. Lortie: 11 786, selon le dernier rapport de la CCQ.
M. Perron: Dans la construction? M. Lortie: Dans la
construction.
M. Perron: Et dans l'ensemble du syndicat de la CSD, combien?
M. Hétu (Jean-Paul): 56.
M. Perron: 56 000?
M. Hétu (Jean-Paul): Mais 11 000 membres dans la
construction, cela donne quand même une possibilité d'expression,
de participation à la définition de la prise de
responsabilités. C'est ce que l'on revendique, dans le fond. Quand on
parle de responsabilités, on veut y être associé. C'est
cela, le fond de la proposition. On n'a pas d'objection à ce qu'il
accroisse la responsabilité de la CCQ dans les domaines que l'on
mentionne, mais on se dit: Ma foi, encore là, on est discriminé.
On nous a donné une part au chapitre de la formation. C'est
intéressant, mais il nous reste le coeur même, le dynamisme de
l'ensemble de l'application, de l'ensemble des prises de
responsabilités. Dans le milieu de la construction, on est exclu. On a
une sorte d'intermédiaire, alors qu'on représente du monde. Ma
foi, on dit: Là c'est assez. C'est ça, le fondement de notre
vision.
M. Perron: D'accord. Compte tenu des affirmations que vous faites
dans votre mémoire, est-il exact, à moins que je n'aie une
interprétation différente, que vous auriez aimé que ce
projet de loi ne soit pas là, donc, que vous croyez qu'il est
prématuré par rapport à votre voeu de réforme
globale?
M. Hétu (Jean-Paul): II est évident que c'est le
fondement de notre intervention. Ce sont les motifs pour lesquels, dans un
premier temps, on a réagi et fait connaître au ministre notre
position. Cependant, on est aussi pratique et concret. On s'est dit: On va
étudier ce projet de loi. Il y a une commission parlementaire qui en
discute. On s'est dit: On n'est pas pour s'exclure dans une position vide. On
va faire valoir la réalité, le vécu que nous
représentons. On a alors bâti ce dossier avec nos
représentants, dans ce contexte, mais notre volonté est
clairement Indiquée. C'est pourquoi vous avez un mémoire qu'on a
soumis à un comité d'étude qui indique notre vision plus
générale; on aimerait qu'on agisse sur cet ensemble.
Évidemment, un ministre est obligé d'agir à un
moment donné et de résoudre parfois les problèmes selon
certaines circonstances qui se présentent, comme c'est arrivé. On
aimerait bien qu'il y ait du recul; on aimerait bien que le législateur
qui est responsable de la société, et chargé de
résoudre les problèmes, ne le fasse pas uniquement de
manière ponctuelle, mais qu'à un moment donné on ouvre la
vapeur, qu'on tente de résoudre de façon plus
générale l'ensemble des questions propres aux travailleurs de
l'industrie. C'est pourquoi le mémoire se réfère toujours
à cet ensemble que l'on aimerait voir modifié.
Bien sûr, le mémoire qu'on vous soumet... Il y a
déjà un débat en cours dans le cadre d'un comité
d'étude. C'est certain. Mais on se dit: Le législateur ne verra
pas ces choses, ne verra pas cela, à cause des limites fixées au
comité d'étude.
M. Perron: Dans le cadre de l'exclusion au champ d'application,
à moins que je ne me trompe, vous semblez d'accord avec certaines
exclusions. À la page 6 de votre mémoire, vous mentionnez: "Nous
demandons que l'exclusion s'applique uniquement à l'unité de
logement occupée par ledit propriétaire." Plus loin, vous
mentionnez un exemple assez concret de ce qui pourrait arriver, si jamais
l'article de loi n'est pas clarifié, si certaines définitions
plus importantes sont données à certains mots, à certains
aspects de la loi, à certains articles. Est-ce que cela provient d'un
avis juridique que vous avez obtenu, ou du travail que vous avez
effectué entre vous, comme syndiqués de la construction?
M. Hétu (Jean-Paul): Cela provient d'une réflexion
faite par des personnes qui vivent tous les jours dans l'industrie.
Au niveau juridique, on n'a pas eu tellement le temps de le faire. C'est
pourquoi, au fond, on a accepté de travailler sur le libellé.
Ensuite, vous réagissez ainsi. On est d'accord pour faire cette
réflexion, dans cette veine. Notre réflexion s'est faite à
partir des propos concrets des hommes qui vivent l'industrie, qui connaissent
la loi aussi. Ils ont dit: D'accord, on veut exclure cela. Qu'est-ce que cela
veut dire de façon concrète, pratique, etc? Comment peut-on le
formuler, dans une proposition générale, mais qui ne soit pas
forcément de nature juridique? On est prêt à amorcer la
réflexion là-dessus, mais on ne voudrait pas non plus que la
proposition du ministre soit un piège. Ce que je veux dire par
là, c'est qu'il y a une question de délai. Quant à savoir
quand vous voulez cela, on n'en a pas parlé. C'est dans ce sens que je
parle de piège. Ce n'est pas un piège au sens où vous
allez me donner une poussée, vous êtes plus gentil que cela. On
n'a pas parié de délai, mais je sais qu'on en parlera dans
quelques instants.
M. Perron: Non, je pense que...
Le Président (M. Théorêt): M. le
député de Duplessis, vous avez droit à une dernière
question; votre temps est écoulé. Une dernière question,
s'il vous plaît.
M. Perron: Bien, disons, juste un commentaire puis, après
cela, une autre question.
Le Président (M. Théorêt): Non, non, une
dernière...
M. Perron: Je pense que, dans ce cas, vous pouvez être
assurés...
Le Président (M. Théorêt): ...question.
M. Perron: ...que Maurice Pouliot va prendre note de ce que vous
allez proposer puis, là, le ministre va sûrement prendre notre de
ce que M. Pouliot va lui dire.
Le Président (M. Théorêt): Alors, merci, M.
le député de Duplessis.
M. Perron: Cela a fonctionné comme cela depuis plusieurs
années. Je sais que le président n'aime pas trop trop cette
allusion, M. Hétu, mais en tout cas, je l'ai faite.
Une voix: Ha, ha, ha!
M. Perron: Est-ce que, dans le cadre du projet de loi 31, il y a
eu des discussions entre les spécialistes du ministère du
Travail, le bureau du ministre et votre syndicat pour en arriver à ce
projet de loi 31 et à son contenu?
M. Hétu (Jean-Paul): Non, on a entendu le ministre
à la télévision qui a annoncé qu'il
déposerait un projet de loi pour légaliser, pour valoriser le
travail au noir, non, légaliser seulement. Excusez-moi.
Le Président (M. Théorêt): Alors, merci de
cette réponse et de cette dernière question. Je passe maintenant
la parole au député de La Peltrie.
M. Cannon: Merci, M. le Président. Une voix: Ah
bon!
Le Président (M. Théorêt): C'est que le temps
alloué...
Une voix: D'accord. C'est maintenant au tour des
députés.
Le Président (M. Théorêt): Vous ne voulez pas
partir?
Une voix: Non, non, non. Et surtout...
M. Cannon: Je veux vous donner un petit répit parce que ma
question va...
Une voix: Quatre minutes. Une voix: Avec plaisir.
M. Cannon: J'adresse ma question à M. Ouellet.
Une voix: Très bien.
M. Cannon: M. Ouellet, à la page 8, dans ce qui est
écrit en petits caractères, il y a un premier paragraphe qui se
lit comme suit: "Pour combattre l'instabilité cyclique de l'industrie,
l'État doit cesser d'utiliser la construction comme moteur
économique."
J'aimerais que vous m'expliquiez d'une part, ce que vous entendez par
cette notion, et, d'autre part, ce qui s'enchaîne. C'est-à-dire
que, s'il s'agit d'une activité économique, comment incorporer ou
comment y intégrer la planification des travaux? Quand vous avez fait
cette recommandation, quelle était votre vision derrière cette
recommandation?
M. Ouellet (Pierre-Yvon): D'abord, pour avoir le détail de
la recommandation, je vous référerais à la première
partie de l'annexe qui comprend toute la partie touchant la planification des
travaux et qui a été présentée au comité
d'étude.
C'est une vieille recommandation qui n'a jamais abouti politiquement,
qui n'a jamais abouti au niveau décisionnel. On a toujours dit: Quand le
bâtiment va, tou va, incluant les élections. Cela a fait en sorte
qu'au niveau économique on a utilisé la construction comme un
moteur économique de relance. Quand on voulait relancer l'ensemble de
l'activité économique, on disait: Utilisons la construction. Dans
les années soixante-dix, ce que cela a démontré, c'est que
le fait d'utiliser la construction en dehors de l'équilibre même
du secteur a eu un peu l'effet contraire. Les donneurs d'ouvrage, en
particulier les gouvernements, que ce soit pour les travaux
hydroélectriques, les infrastructures, etc., ont poussé le cycle
économique, c'est-à-dire qu'on a accru les poignes, puis on a
creusé les déficits économiques, élargi le creux
économique. L'effet que cela a, c'est qu'à force de vouloir
utiliser l'industrie de la construction comme stabilisateur économique
on déstabilise continuellement l'industrie elle-même. L'avantage
qu'on essaie de retrouver, premièrement, on ne réussit pas
toujours à l'atteindre, et, deuxièmement, cela crée des
inconvénients à l'intérieur de l'industrie même qui
deviennent pratiquement aussi importants que les avantages qu'on avait voulu
créer. Ce n'est plus vrai comme avant que, quand le bâtiment va,
tout va. Ce n'est plus vrai comme avant à cause de l'évolution
économique, l'évolution des secteurs économiques. On n'est
plus
dans une économie d'industries manufacturières, on n'est
plus dans une économique d'industries secondaires, donc, ce n'est plus
vrai. L'implication que cela a c'est que cela accroît
l'instabilité cyclique de l'industrie. Notre recommandation vise
à mettre en oeuvre la planification des travaux pour stabiliser le cycle
dans la construction. L'État, là-dessus, comme donneur d'ouvrage,
a un rôle majeur à jouer comme leader. Prenez les travaux de la
Baie James. Posons-nous la question: Est-ce qu'on peut étaler les
travaux de la Baie James de manière à stabiliser l'industrie de
la construction, pas l'économie du Québec, l'industrie de la
construction?
Le Président (M. Théorêt): Merci. A l'ordre,
s'il vous plaît! M. le ministre.
M. Cannon: Je m'excuse, ma question s'adressait à M.
Ouellet qui est économiste de formation, donc, il doit savoir de quoi il
parle, pas nécessairement à des gens de l'Opposition. Merci.
Le Président (M. Théorêt): M. le
ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): M. le Président, il nous
reste à peine 30 secondes. Pour le bénéfice, davantage
sans doute des membres de l'Opposition que de la CSD-Cons-truction qui est
beaucoup plus proche du terrain, j'aimerais terminer en remerciant la CSD et en
citant un extrait d'un édttorial de Jean Fran-coeur paru dans Le
Devoir du 11 mai dernier. M. Francoeur s'exprimait comme suit: "En adoptant
ce projet de loi, l'Assemblée nationale mettra fin à une immense
hypocrisie sociale. Il est de commune renommée que le secteur des
travaux à domicile est le terrain de prédilection du travail au
noir. Dans son état actuel, la loi est absolument inapplicable. Il
faudrait lâcher sur tout le territoire des divisions entières
d'inspecteurs qui iraient frapper à toutes les portes. En outre,
pourquoi appréhender de braves travailleurs pour les traduire devant des
Juges qui, la veille, ont fait repeindre leur appartement à un
coût bien inférieur à celui du décret (31,27
$)!"
Je comprends que vous vouliez que ce soit balisé pour
sécuriser vos membres. Je comprends, également, que vous vouliez
que, sur le plan des travaux de construction domiciliaire et de construction
dans le domaine industriel et commercial, la loi soit appliquée avec
beaucoup plus de sévérité. C'est ce que le projet de loi
que nous présentons vise. Pour votre collaboration, pour le
mémoire que vous nous avez présenté, je tiens au nom de la
commission à vous remercier.
Le Président (M. Théorêt): Merci.
M. Perron: M. le Président, j'aimerais aussi, tout comme
le ministre, remercier les représen- tants de la CSD pour leur
mémoire et vous pouvez être assurés que je vais en prendre
connaissance dans son entier parce que je pense qu'il est extrêmement
important que, pour les lois à venir, on puisse regarder très
attentivement les propositions que vous faites à l'intérieur de
votre mémoire et surtout, en particulier, en annexe. Je voudrais
terminer en vous disant ceci: en ce qui a trait au domaine de la construction,
au domaine de la législation sur la construction, je
préfère de loin et de très loin parler avec des gens comme
vous que de parler avec un éditorialiste de quelque journal que ce
soit.
Le Président (M. Théorêt): Merci. Alors,
messieurs, nous vous remercions. Nous vous souhaitons un bon voyage de
retour.
Des voix: Ha, ha, ha!
(21 h 15)
Le Président (M. Théorêt): J'invite
maintenant les représentants de la Fédération des
commissions scolaires catholiques du Québec à prendre place, s'il
vous plaît.
À l'ordre, s'il vous plaît! Mesdames et messieurs à
l'arrière, à l'ordre s'il vous plaît! Merci de votre
collaboration.
Nous avons maintenant les représentants de la
Fédération des commissions scolaires catholiques du Québec
- s'il vous plaît! - et M. Gabriel Légaré, son
président. Nous vous demandons, dans un premier temps, M.
Légaré, de nous présenter les personnes qui vous
accompagnent, en vous rappelant que vous avez vingt minutes, bien sûr,
pour la présentation de votre mémoire et que le reste du temps
sera partagé entre les deux formations.
Fédération des commissions scolaires
catholiques du Québec
M. Légaré (Gabriel): Merci. M. le Président,
messieurs, je remercie les membres de la commission de l'économie et du
travail d'avoir invité la Fédération des commissions
scolaires catholiques du Québec à vous faire part de ses
représentations sur le projet de loi 31. Permettez-moi, en premier lieu,
de vous présenter les personnes qui m'accompagnent: à ma gauche,
M. Fernand Paradis, directeur général de la
fédération; à ma droite immédiate, M.
François Houde, conseiller juridique à la
fédération; immédiatement à la droite de M. Houde,
M. Clermont Provencher, conseiller en relations du travail à la
fédération.
Depuis un certain temps déjà, plusieurs commissions
scolaires nous ont fait part de certaines difficultés auxquelles elles
avaient à faire face en lien avec l'application de la Loi sur les
relations du travail, la formation professionnelle et la gestion de la
main-d'oeuvre dans l'industrie de la construction. En particulier, le mot
"permanents", du paragraphe 8° du premier
alinéa de l'article 19 de cette loi occasionne, en effet, les
difficultés dont je vais vous faire part. Mais, d'abord, j'aimerais vous
fournir quelques indications qui, je l'espère, éclaireront la
commission.
La Fédération des commissions scolaires catholiques du
Québec est un organisme créé par une loi privée et
qui regroupe, sur une base volontaire, les commissions scolaires catholiques:
181 commissions scolaires sur une possibilité de 184 sont donc membres
de la fédération. Les orientations et les positions de la
fédération sont déterminées par ses membres.
Les commissions scolaires sont des corporations publiques soumises
à l'autorité d'un conseil des commissaires. Les commissaires sont
élus au suffrage universel pour chacun de leurs territoires.
Les commissions scolaires ont près de 90 000 personnes à
leur emploi. Ces employés sont presque tous syndiqués et
affiliés, pour la plupart, à l'une ou l'autre des grandes
centrales syndicales. Ces employés sont tous soumis à une
convention collective négociée et agréée à
l'échelle nationale ou à l'échelle locale ou
régionale. Parmi ces 90 000 employés, nous retrouvons plusieurs
corps d'emploi, dont le personnel de soutien manuel. C'est ce corps d'emploi
qui est particulièrement concerné par les dispositions de la Loi
sur les relations du travail, la formation professionnelle et la gestion de la
main-d'oeuvre dans l'industrie de la construction. Selon notre
évaluation, environ 1200 employés sont directement
concernés par cette loi.
Cela étant dit, examinons, si vous me le permettez, le genre de
difficultés auxquelles ont à faire face les commissions scolaires
dans l'application de la loi actuellement en vigueur. Un des menuisiers
à l'emploi de la commission scolaire est absent pour une durée
indéterminée. Naturellement, la commission scolaire doit
embaucher une personne qui aura un statut d'employé temporaire, au sens
des conventions collectives. Cet employé temporaire n'est pas un
salarié permanent de la commission scolaire au sens du paragraphe s de
l'article 1 de la loi, car ses fonctions ne comportent pas exclusivement des
travaux d'entretien. De ce fait, la commission scolaire devrait lui accorder
les conditions de travail prévues au décret de la construction,
incluant la période de vacances obligatoire de juillet et la
rémunération qui est rattachée à la tâche. De
plus, elle devra appliquer la convention collective la liant à ses
employés réguliers. Elle devrait, entre autres, effectuer les
retenues syndicales. Enfin, les échelles de traitement ne correspondant
pas, l'employé temporaire pourrait bénéficier d'un salaire
supérieur à celui de la personne qu'il remplace.
Examinons maintenant un autre problème. C'est durant la
période estivale, en particulier durant les vacances des
élèves, que les commissions scolaires peuvent effectuer la
plupart des travaux de réparation, de rénovation et d'entretien
des écoles. Le personnel régulier ne suffit pas à la
tâche. Bien souvent, les commissions scolaires désirent engager du
personnel temporaire durant cette période afin d'effectuer des travaux
de réparation, de rénovation et d'entretien. Ces employés
temporaires ne sont pas des salariés permanents, tel que je l'ai
mentionné précédemment, puisqu'ils n'effectuent pas
uniquement des travaux d'entretien. La commission scolaire devrait donc
appliquer le décret de la construction avec ce que cela implique.
De plus, certains travaux ne peuvent être effectués que
durant cette période estivale, soit du 1er juillet au 25 août
environ. Si, en plus, les travaux doivent cesser durant deux semaines pour les
vacances prévues au décret de la construction, il ne reste donc
qu'environ un mois de travail effectif.
Je me permets de signaler que le personnel ouvrier à l'emploi des
commissions scolaires doit détenir les certificats de qualification
valides et appropriés à la fonction qu'il occupe. Il n'y a donc
pas de risque que les commissions scolaires embauchent du personnel non
qualifié. Cette dernière exigence est prévue au plan de
classification établi par la partie patronale.
Afin d'éviter ces problèmes, la fédération
et les commissions scolaires qu'elle représente proposent de retrancher
du paragraphe 8° du premier alinéa de l'article 19 de la loi le mot
"permanents". Cette solution permettrait aux commissions scolaires de respecter
les conventions collectives et les obligations légales qui leur sont
faites relativement aux qualifications requises pour accomplir leur
tâche.
Vous trouverez, en annexe du mémoire que nous vous
déposons, la liste des 63 commissions scolaires ayant adopté une
résolution demandant d'être exemptées de l'application de
la Loi sur les relations du travail, la formation professionnelle et la gestion
de la main-d'oeuvre dans l'industrie de la construction.
Merci, M. le Président.
Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le
Président. M. le ministre?
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, M. le Président, je
remercie la fédération des commissions scolaires et ses
représentants. Votre demande est très claire, elle est
très explicite; elle se résume à un mot très
précis que l'on retrouve, comme vous l'avez indiqué, au
huitième paragraphe de l'article 19. Si le législateur donnait
suite à votre revendication, l'article se lirait comme suit: "aux
travaux d'entretien, de rénovation, de réparation et de
modification exécutés par des salariés embauchés
directement par les commissions scolaires et collèges
visés..."
Quelle est la garantie que ces salariés permanents soient des
gens qui possèdent les qualifications requises pour effectuer des
travaux de construction?
M. Légaré: J'inviterais M. Provencher à vous
fournir une réponse, M. le Président, si vous le permettez.
M. Provencher (Clermont): M. Paradis, les employés de
soutien manuels dans les commissions scolaires sont régis par des
conventions collectives qui sont négociées avec la CEQ, la CSN,
la FTQ et les autres. Nous avons un plan de classification qui s'applique avec
cette convention collective dans lequel nous retrouvons, entre autres, des
peintres, des électriciens qui doivent détenir, pour nos
employés réguliers permanents, les certificats de validation qui
sont requis par la loi. Pour travailler dans une commission scolaire comme
peintre, on doit détenir les certificats de compétence.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): S'agit-il des certificats qu'on
appelle les R-3 ou les R-4? Pour être plus spécifique, s'agit-il
des certificats construction ou hors construction? Pour être un peu plus
pratique, un travailleur qui quitte chez vous peut-il, avec le certificat qu'il
possède, oeuvrer sur un chantier de construction le lendemain?
M. Provencher: Oui, c'est possible.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Est-ce que vous avez une
obligation légale d'inclure ce que vous mentionnez dans vos conventions
collectives ou est-ce que c'est là à la suite d'une libre
négociation entre les parties?
M. Provencher: Non, c'est une obligation légale.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Cela va pour le moment.
Le Président (M. Théorêt): Merci. M. le
député de Duplessis. M. le député de
Jonquière.
M. Dufour: Je remplacerais mon collègue de Duplessis.
J'aimerais savoir de vous - tout en vous félicitant, parce que le
mémoire est rapide, il est clair; on peut en prendre connaissance dans
son entier aussi - comment vous avez fonctionné jusqu'à
maintenant, au cours des travaux que vous avez effectués durant
l'été. Avez-vous eu des problèmes avec la construction?
Quels sont les problèmes que vous avez vécus?
M. Légaré: De fait, il y a eu des gens
employés par les commissions scolaires et, dans certaines situations,
cela a créé des problèmes. Il y a eu des décisions
rendues par les commissaires de la construction qui ont fait que les
commissions scolaires ont dû dédommager les employés
qu'elles avaient engagés au cours d'un été pour la
différence entre ce que fixe le décret et ce que fixent nos
propres conventions collectives. Comme je vous l'indiquais tantôt, cela
fait deux poids, deux mesures pour nous. C'est une situation qui n'est pas
souhaitable. Nous avons dû respecter les règlements et compenser
pour la différence qui existait alors dans ces cas-là.
M. Dufour: Cela va pour la façon dont vous l'avez
vécu, mais est-ce que, durant les vacances de la construction, les
commissions scolaires n'accomplissaient plus de travaux d'entretien, de
rénovation, de restauration, etc?
M. Légaré: Je demanderais à Me
François Houde de répondre, si vous le permettez, M. le
Président.
M. Houde (François): Pour les employés permanents
de commissions scolaires, c'est-à-dire ceux qui sont déjà
à leur emploi depuis qu'ils ont acquis leur permanence, les travaux qui
correspondent à des travaux de rénovation et d'entretien sont
effectués, quand même. Les travaux qui sont effectués par
du personnel non permanent; généralement, sont
arrêtés.
M. Dufour: Vous arrêtez les travaux durant les vacances de
la construction?
M. Houde (François): En effet. C'est cette partie qui nous
occasionne des problèmes parce qu'il n'y a que durant à peu
près un mois que le travail peut s'effectuer. Si c'est du personnel
soumis au décret, les commissions scolaires, sauf les cas du 14 juillet
1987, c'est assez exceptionnel, où il y avait des situations
d'urgence... Ce ne sont jamais des situations d'urgence qui nécessitent
l'entrée au travail de personnel conformément au décret de
la construction.
M. Dufour: Est-ce que, par vos recherches ou par vos
constatations, vous vous êtes rendu compte qu'il y avait des travaux que
vous n'avez pas pu faire durant l'été? Je comprends que, pour les
écoles, il faut que les travaux se fassent quelque part dans le temps,
et l'été est la meilleure période; puisqu'il n'y a pas
d'élèves, il n'y a pas de professeurs en général
à l'intérieur des bâtiments, c'est plus facile. Est-ce que
les contraintes que vous avez vécues jusqu'à maintenant ont
empêché les commissions scolaires ou les commissaires
d'écoles de bien remplir leurs obligations?
M. Houde (François): II n'y a pas eu de situation
où les commissions scolaires n'ont pas été en mesure de
faire les travaux. Ce qui arrive plutôt, c'est qu'elles planifient leurs
travaux en fonction des dispositions légales qu'elles ont à
respecter. Dans certains cas, cela peut amener des retards dans l'ouverture
prévue d'une école. J'ai le cas d'une commission scolaire, que
j'ai vérifié aujourd'hui, dans la banlieue sud de
Montréal; elle considère que cela lui prendrait
une école de réserve sur son territoire pour pouvoir
rénover son parc immobilier régulièrement. Ce sont des
écoles, des bâtisses qui ont un minimum de trente ans; elles ont
donc très souvent besoin de rafraîchissement. Ce ne sont pas des
travaux de construction, mais simplement de rafraîchissement. Donc, pour
pouvoir déplacer les élèves et effectuer les travaux
uniquement durant l'été, cela lui prendrait une école sur
son territoire, qui ne serait pas utilisée régulièrement,
pour loger ses élèves. Mais elles planifient leurs travaux en
conséquence. (21 h 30)
M. Dufour: Est-ce que vous pourriez me donner une estimation des
montants qui sont payés à des gens que vous employez par rapport
à ceux qui sont dans le domaine de la construction, en incluant les
avantages sociaux?
Une voix: M. Provencher.
M. Provencher: Vous voulez dire la différence horaire?
M. Dufour: Dans l'ensemble. On sait qu'un employé de la
construction peut aller chercher plusieurs dizaines de dollars à cause
des conventions et à cause aussi des avantages sociaux, les vacances,
etc.
M. Provencher: Je vais vous donner le salaire horaire d'un
peintre dans une commission scolaire. En 1987, un peintre gagnait 12,33 $ et je
crois que, dans le décret, le salaire est de 16,66 $. Entre autres, je
vous donne cet exemple. Je peux vous le donner pour un électricien: il
gagnait 13,92 $ par rapport à 18,88 $.
M. Dufour: D'accord. Dans cela, vous n'incluez pas, bien
sûr, les avantages sociaux.
M. Provencher: Non.
M. Dufour: Comme c'est temporaire, ils ne sont pas touchés
par tous les avantages sociaux.
M. Provencher: Non, c'est inclus pour eux. C'est cela.
M. Dufour: D'accord. Il y a peut-être une question que je
voudrais poser et je suis certain que mon collègue, M. Gendron, le
député d'Abi-tibi-Ouest, qui est responsable du dossier, m'en
voudrait de ne pas la poser. D'ailleurs, il l'a posée à l'Union
des municipalités du Québec cet après-midi. Est-ce que
vous avez une idée précise de la loi 37? Qu'en pensez-vous?
Une voix: La loi 31.
M. Dufour: La loi 31. La loi 37, c'est un autre morceau pour
notre ministre. Il prend des gâteaux très épais. Alors, on
verra. Est-ce que vous avez une idée précise concernant la loi
31?
M. Légaré: Je dois vous dire qu'à proprement
parler la loi 31 n'est pas de première importance pour la gouverne des
commissions scolaires. Il nous est apparu, par ailleurs, concernant l'article 4
du projet de loi 31, en particulier, qui vient modifier !a loi actuelle,
à la demande des commissions scolaires, qu'ii devenait important de vous
faire savoir leur point de vue. Nous en avons eu 63. Peut-être y en
a-t-il plus qui auraient souhaité aussi nous indiquer leur
insatisfaction vis-à-vis de cet article 4. Notre démarche
aujourd'hui n'est pas de faire le tour de la loi 31. Ce n'est pas que nous ne
voulons pas nous en soucier, mais ce n'est pas notre principale
préoccupation, sauf pour cet article 4 qui touche nos membres au plus
haut point dans des travaux, dans des activités qu'ils ont à
effectuer à un moment où c'est relativement urgent et à
peu près exclusif.
M. Dufour: II y a peut-être une dernière question:
en supposant que le ministre reste insensible à votre
présentation, de quelle façon cela pourrait-il affecter le
vécu scolaire monétairement? Est-ce que la facture est
transférée directement aux contribuables locaux ou si elle est
transférée, par le biais des subventions au gouvernement du
Québec?
M. Légaré: Vous m'ouvrez une excellente
porte...
M. Dufour: Bien oui.
M. Légaré: ...pour vous indiquer que, dans des
situations telles que celles-là, si jamais cela se produit, c'est
malheureusement la taxe locale qui doit supporter l'écart qui sera
généré par une telle mesure. Ce qui avait
été prévu par le législateur au moment où il
a établi la taxe locale - il l'a fixée à 0,25 $ les 100 $
ou à 6 % du taux d'évaluation - c'était de lui donner une
couleur locale. Mais, dans ce cas, lorsqu'on se substitue à une
organisation que je pourrais qualifier de déficiente entre deux
dimensions, c'est-à-dire notre convention collective et la loi qui
régit le travail dans le domaine de la construction, il n'appartiendrait
pas normalement à la taxe scolaire, qui n'a pas cet objectif, de
défrayer cela. Mais nous sommes tenus, de par les circonstances, de
l'assumer à l'aide de cette taxe.
M. Dufour: En partant de ce que vous me dites, pourriez-vous
m'indiquer de quelle façon le gouvernement, par son projet de loi et par
d'autres projets de loi, vous a soustrait à l'application
déjà de l'Office de la construction ou de la loi de la
construction du Québec? Vous n'y êtes pas soumis au même
titre que les municipalités. J'espère que vous êtes
conscients de cela. Il y a un certain nombre... Est-ce que c'est en fonction de
ce que vous me dites ou s'il y avait directement la partie de subventions
qui
était concernée? Est-ce que vous aviez une idée par
rapport à cela?
M. Légaré: Personnellement, je ne pourrais vous
dire quelles étaient les intentions du législateur au moment
où il a fait de nous des exceptions. C'était possiblement
à la demande de mes prédécesseurs ou à la suite des
volontés exprimées par les commissions scolaires, à
l'époque. Actuellement, i! nous apparaît qu'il serait souhaitable
que le mot "permanents" soit retiré, de façon à nous
permettre de travailler dans une juste mesure sur cette question et de ne pas
être pris à assumer des coûts différents dans le cas
des employés que nous engageons par rapport à ceux que nous
devons engager en surnuméraire.
M. Dufour: Ah, bon!
M. Légaré: M. le Président, si vous le
permettez, M. le directeur général voudrait ajouter quelque
chose.
Le Président (M. Théorêt): Oui, avec
plaisir.
M. Paradis (Fernand): Si vous le permettez, j'ajouterai une
réflexion. Si on regarde l'évolution du réseau scolaire,
particulièrement depuis une dizaine d'années, on constate, en
particulier depuis 1979, qu'il y a eu un plafonnement dans la taxe scolaire
locale, limitée à 6 % des dépenses nettes ou à 0,25
$ les 100 $ d'évaluation. Au début, bon nombre de commissions
scolaires n'avaient pas atteint ce seuil limitatif; bon nombre de commissions
scolaires ne l'avaient pas atteint. Avec le temps, les exigences étant
de plus en plus lourdes, les commissions scolaires se sont rapprochées
de ce seuil; si elles voulaient le dépasser, elles devaient
procéder par voie de référendum. Aller en
référendum produisait des dépenses qui, parfois,
équivalaient à 0,01 $, 0,02 $ ou 0,03 $ de taxation, d'une
part.
D'autre part, je pense que les difficultés économiques
qu'on a connues ont eu comme effet de limiter les dépenses dans le
secteur des affaires sociales et du côté de l'éducation.
L'une des clés pour fermer ce robinet, c'était la restriction des
dépenses dans ce qu'on a appelé longtemps l'enveloppe 3,
c'est-à-dire des montants destinés aux commissions scolaires pour
des coûts autres que les salaires des enseignants et des autres
personnels. C'étaient des frais variés où on retrouvait,
par exemple, l'huile à chauffage, l'électricité et aussi
l'entretien et les réparations.
La conséquence de cela, c'est que les réparations dans les
commissions scolaires se sont accumulées; bon nombre de
réparations n'ont pas été faites et, actuellement, un
très grand nombre de commissions scolaires se plaignent que le parc
immobilier se détériore et qu'on aurait besoin de crédits
pour tenter de redresser cette situation.
Alors, il y a toutes sortes de contraintes qui jouent, actuellement,
qu'à notre avis il faut considérer dans ce contexte que l'on a
vécu depuis une dizaine d'années.
M. Dufour: Je veux vous remercier. Cela confirme un peu que,
directement ou indirectement, le gouvernement est touché; il y a des
chances que le ministre ouvre toutes grandes ses oreilles pour vous
écouter comme il faut. Et je le souhaite qu'il vous écoute dans
ce sens-là.
Vous me dites que le parc immobilier et les écoles se
détériorent. Je suis d'accord avec vous. Il y a sûrement
des économies qui se sont faites, je ne pourrais pas dire aux bons
endroits, mais là où elles faisaient le moins mal aux
élèves. C'est ce que les commissions scolaires ont choisi, je
pense qu'elles agissaient correctement quand elles l'ont fait. Mais, aux
législateurs, vous donnez un bon message: En année d'abondance,
il faut que te gouvernement investisse où ii doit investir. Je vous
remercie.
Le Président (M. Théorêt): Merci. M. le
ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Non, cela va aller.
Le Président (M. Théorêt): M. le
député de Saguenay.
M. Maltais: Merci, M. le Président. Permettez-moi,
d'abord, de saluer d'une façon spéciale mes ex-collègues
de la fédération, M. Légaré, ou les cadres de la
fédération, M. Paradis et les autres.
À la page 4, vous avez souligné un problème
particulier qui se situe durant la période des vacances. On convient
qu'à l'école le ministre de l'Éducation ne
tolérerait pas de grosses réparations, à part les
réparations urgentes, dans le cours de l'année.
Antérieurement, on sait que les commissions scolaires avaient l'habitude
de profiter de la saison estivale pour effectuer les travaux d'entretien, de
rénovation et de réparation de fenêtres, de toits, etc.
Dans bien des commissions scolaires, on y allait de deux façons; d'abord
par ses propres employés pendant la période estivale. Mais, comme
elles devaient aussi donner des vacances à leurs employés, cela
créait un vide de personnel un peu compétent, si on peut utiliser
ce terme. Certaines commissions scolaires y allaient par de petits
entrepreneurs. Dans bien des commissions scolaires, admettons que vous devez
changer 50 ou 100 fenêtres, on y allait par le biais d'entrepreneurs
plutôt que par des hommes d'entretien.
Il faudrait préciser, dans le cas d'une bâtisse d'une
commission scolaire, qu'il y a deux sortes de réparations: la
réparation d'entretien usuel et la réparation majeure, comme les
toits qui coulent et la plomberie qu'il faut changer à un moment
donné après vingt ans. Dans le
décret actuel, on sait, par exemple, que pendant la
période estivale, à cause du temps que vous avez qui est de deux
mois, vous ne pouvez pas vous permettre de perdre quinze jours parce que vous
allez arriver au mois de septembre les écoles pas prêtes. Dans le
décret actuel, on a déjà des exclusions, par exemple,
concernant les grands travaux routiers pour lesquels il n'y a pas de vacances.
Cette exclusion-là pourrait-elle être une chose abordable pour
vous?
M. Légaré: Si vous me permettez de répondre,
M. le Président, ce serait tout à fait souhaitable. Si la chose
est possible, nous ne demanderions pas mieux que cette possibilité nous
soit offerte de faire des travaux à l'occasion d'une période qui
normalement est décrétée de vacances pour l'ensemble des
activités de la construction. Pour les écoles, compte tenu de
cette période très restreinte, si vous accordiez une règle
d'exclusion pour ces situations, ce serait bienvenu. Nous souhaitons ardemment
que ce soit fait, si jamais c'est votre intention d'y procéder.
M. Maltais: D'accord. Dans les problèmes que les
commissions scolaires ont rencontrés versus l'Office de la construction
au cours des huit ou neuf dernières années, est-ce qu'il y a une
jurisprudence qui a été donnée par des juges?
Peut-être que Me Houde pourrait me donner une réponse
là-dessus. Je n'ai pas de souvenance.
Une voix: Me Houde.
M. Houde (François): À ma connaissance, il n'y a
pas de jurisprudence de tribunaux supérieurs, j'entends Cour
supérieure par bref d'évocation ou des choses comme
celle-là. Les décisions que l'on a viennent du commissaire de la
construction, dans bien des cas. Il y a aussi des décisions à la
suite d'une inspection de l'Office de la construction à l'époque;
la commission scolaire a décidé de respecter les conclusions de
l'inspecteur pour éviter des honoraires d'avocat. Je pense, entre
autres, à une commission scolaire sur la rive sud de Montréal qui
a convenu d'un règlement avec l'office, justement, pour éviter
d'avoir à assumer certains frais d'avocat et de faire une jurisprudence
qui plus tard aurait servi aux commissions scolaires, mais la situation ne
s'est pas présentée. Mais les principales décisions sont
des décisions du commissaire de la construction dans certains cas.
M. Maltais: Me Houde, j'aimerais que, dans un temps
ultérieur, vous nous fassiez parvenir cette jurisprudence pour les
besoins de la commission, parce que c'est, quand même, important pour
nous.
Dans un deuxième temps, êtes-vous au courant,
peut-être M. Légaré ou M. Paradis, s'il y a des commissions
scolaires qui font affaire avec des entrepreneurs artisans?
M. Légaré: Je ne le sais pas et M. Paradis, non
plus. Nous ne sommes pas au courant, M. le député.
M. Maltais: D'accord.
M. Légaré: Si vous le permettez, M. Paradis voulait
ajouter à mes propos de tout à l'heure et je l'inviterais
à le faire.
M. Paradis (Fernand): Sur la question que vous avez posée,
M. Maltais, on observe dans le réseau scolaire que l'année
scolaire avait l'habitude de se terminer aux alentours du 24 juin et les
classes reprenaient à la fête du Travail, ce qui donnait, grosso
modo, deux mois et demi pour faire les réparations. Les conventions
collectives ont fait en sorte que les écoles soient utilisées
pour des fins de perfectionnement jusqu'au 30 juin. Socialement, on a
assisté à une demande de plus en plus forte pour que la
rentrée se fasse autour du 25 août, ce qui fait qu'on a
rétréci la période où on peut faire les travaux par
les deux bouts. On a introduit, durant la période estivale, deux
semaines de vacances pour la construction. On observe un autre
phénomène qui s'ajoute à celui-là: une semaine
avant les vacances, là où nous avons des entrepreneurs, on ne
livre pas beaucoup de matériaux de peur qu'en les laissant sur les
chantiers au cours de la période des vacances ils ne disparaissent. Cela
fait que les deux mois et demi ont rétréci de plus en plus pour
faire une période d'environ cinq semaines et que l'on assiste à
une course contre la montre pour faire les travaux dans une période
devenue de plus en plus courte.
M. Maltais: Vous n'êtes pas obligé de me
répondre, mais je sais que plusieurs commissions scolaires, entre
autres, au Québec - et je trouve cela très bien - pendant la
période estivale, engagent de temps en temps des étudiants pour
effectuer des petits travaux; je ne parle pas de charpentiers, de plombiers, de
menuisiers, mais de menus travaux de nettoyage, de rafistolage, etc. Est-ce que
du fait que vous ayez fait cela - je trouve cela très bien, parce que
cela occupe bien des jeunes et cela leur donne un revenu d'appoint - vous avez
eu des problèmes avec l'OCQ là-dessus? (21 h 45)
M. Légaré: M. Houde serait au courant de certaines
difficultés et je l'inviterais à vous en faire part.
M. Maltais: Allez-y parce que le président de la CCQ est
derrière vous. C'est le temps.
Des voix: Ha! ha! ha!
M. Houde (François): Oui, effectivement,
pour certains...
M. Maltais: Ce n'est pas catholique, cela, faire prendre des
enfants.
M. Houde (François): Ce n'était pas les
décisions auxquelles je faisais référence
tantôt...
M. Maltais: Non, non, non.
M. Houde (François): Ce n'étaient pas les
mêmes. Mais, effectivement, pour avoir engagé des étudiants
pour effectuer certains travaux - ces étudiants-là étaient
payés au taux de la convention collective régissant la même
catégorie d'emploi dans la commission scolaire - des commissions
scolaires ont dû défrayer des sommes supplémentaires. Dans
un cas: 18 000 $.
M. Mariais: Merci. Je pense que le message est passé
à la CCQ.
Il y a peut-être un petit commentaire, avant de laisser la parole
au ministre. Tout à l'heure, mon collègue de Jonquière a
souligné que le parc immobilier était drôlement
amoché et qu'il fallait économiser. Je comprends, mais vous avez,
quand même, eu une cure d'amaigrissement de 10 ans. Mais, pour vous
consoler, il n'y a pas juste vous autres, il y a le service routier, II y a le
service hospitalier, il y a le service de l'éducation, parce que mon ami
Francis avait oublié de les énumérer. C'est bien sûr
que le Québec a un retard immense à rattraper dans ces services
essentiels, on va y aller au compte-gouttes et, bien sûr, selon nos
disponibilités budgétaires. Même si ia masse est forte, la
demande est forte aussi dans tous les secteurs et c'est pour cela que le
ministre de l'Éducation y va à la même vitesse de
croisière que le ministre des Transports et le ministre de la
Santé. Merci.
Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le
député du Saguenay, de permettre au ministre d'intervenir
maintenant.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui. Mes propos seront des propos
de conclusion. Vous avez un mémoire qui est bref, qui est précis.
Les échanges ont porté sur un terme qui est "permanents" et
également sur une période de plus en plus restreinte. Je pense
que vous avez sensibilisé les membres de la commission aux
problèmes qui vous sont causés par la rédaction de
l'article 19.8°, tel qu'on le connaît actuellement.
Le projet de loi que nous avons devant la commission ne propose pas, au
moment où nous nous parlons, de modification pour donner suite à
vos revendications. Je vous indiquerai, cependant, que nous en sommes à
un stade pré-deuxième lecture, que, sur le plan des principes, le
projet de loi n'a pas encore traversé cette étape et qu'il sera
suivi d'une analyse article par article, en commission parlementaire. Vous
m'avez personnellement sensibilisé à des problèmes dont je
discuterai avec les principaux partenaires de l'industrie de la construction et
je souhaite également que vous ayez rejoint plusieurs des parlementaires
membres de cette commission pour que nous tentions, en ne brimant les droits de
personne, d'ajuster la loi à la réalité, au vécu
quotidien des commissions scolaires. Si nous pouvons convaincre l'ensemble des
partenaires de la justesse de vos propos, nous aurons la possibilité de
proposer, lors de l'étude, article par article, des amendements que je
sais que vous suivrez attentivement.
D'ici là, nous comptons sur votre collaboration pour recevoir la
jurisprudence à laquelle on a fait référence au cours des
échanges. Si vous aviez des informations additionnelles et plus
précises à nous donner quant au montant des travaux que vos
commissions scolaires effectuent chaque année dans le domaine de la
rénovation, de la réparation, de la modification et de
l'entretien et si vous pouviez également nous indiquer quel est le
pourcentage, présentement, des travaux que vous effectuez en
régie interne, si vous me permettez l'expression, comparativement aux
travaux que vous donnez à contrat, ce sont des éléments
qui me permettront d'aller un peu plus loin dans la discussion avec les
partenaires majeurs de l'industrie de la construction.
Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le
ministre. M. le député de Jonquière.
M. Dufour: Au nom de ma formation, je veux vous remercier de la
clarté et, de la limpidité de votre mémoire. Mon
collègue de Saguenay dit: II y en a plusieurs qui ont suivi la cure
d'amaigrissement. C'est vrai, mais je pense qu'il faut se poser la question.
Jusqu'à quel point peut-on continuer à faire subir cette cure
d'amaigrissement à l'ensemble de nos organismes ou de nos citoyens?
Parce qu'encore là cela peut devenir facilement de la dilapidation des
biens publics; aussi, si, pendant trop longtemps on serre la vis.
Le Président (M. Théorêt): C'était
bien le mot de remerciement.
Une voix: Ha! ha! ha!
M. Dufour: C'est important de maintenir ces gens-là en
santé et l'une des bonnes façons de le faire, c'est de les
écouter, de prendre en considération ce qu'ils nous disent. Ce
sont des gens d'expérience. Je vous remercie.
Le Président (M. Théorêt): Alors, merci. Cela
dit, les travaux de la commission sont ajournés à demain, 10
heures. Merci.
(Fin de la séance à 21 h 51)