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Version finale

33e législature, 2e session
(8 mars 1988 au 9 août 1989)

Le jeudi 16 juin 1988 - Vol. 30 N° 25

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Débat sur l'Accord de libre-échange entre le Canada et les Etats-Unis


Journal des débats

 

(Onze heures quarante-quatre minutes)

Le Président (M. Charbonneau, Verchères): À l'ordre, s'il vous plaît! Veuillez prendre place à la table. Nous allons commencer cette séance particulière qui est plutôt un débat, sinon une grosse discussion de famille sur le libre-échange entre le Canada et les États-Unis. Je voudrais d'abord souhaiter la bienvenue à nos invités au nom de tous les membres de la commission parlementaire permanente de l'économie et du travail. Avant de vous présenter nos invités, et selon les règles de la commission, je voudrais demander au secrétaire s'il y a des remplacements.

Le Secrétaire: Oui, M. le Président, il y a un remplacement. M. Leclerc (Taschereau) est remplacé par M. Lefebvre (Frontenac).

Le Président (M. Charbonneau, Verchères): Je voudrais d'abord procéder à la présentation de nos invités. Au nom de Regroupement pour le libre-échange, nous entendrons M. Pierre Ducros qui est président, par fa suite, M. Bernard Landry, professeur en administration à l'Université du Québec à Montréal; M. Yves Rabeau, professeur en économie à l'Université de Montréal et Mme Louise Fecteau, vice-présidente et directrice générale de l'Association des manufacturiers canadiens, qui n'est pas arrivée, je crois. Je ne sais pas si elle sera remplacée...

M. Ducros (Pierre): M. le Président, elle s'excuse, ce matin, elle assiste aux funérailles de Mme McKenzie et elle doit se joindre à nous dès la fin des funérailles. Elle est membre du Conseil du statut de la femme et...

Le Président (M. Charbonneau, Verchères): Dans ce cas, est-ce que vous pourriez vous présenter pour que je puisse savoir qui la remplace ce matin?

M. Ducros: Ce matin on avait pensé ne pas la remplacer.

Organisation des travaux

Le Président (M. Charbonneau, Verchères): Bon, d'accord. Merci. Pour la coalition contre le libre-échange, nous avons comme invités M. Yvon Charbonneau, président de la Centrale de l'enseignement du Québec; M. Gérald Larose, président de la Confédération des syndicats nationaux; M. Louis Laberge, président de la Fédération des travailleurs du Québec et M. Jacques Proulx, président de l'Union des producteurs agricoles du Québec. Exceptionnellement, sont membres en règle et d'office de la commission pour ce débat de deux jours: le premier ministre du Québec, le chef de l'Opposition, un certain nombre de ministres et en particulier le ministre du Commerce extérieur et du Développement technologique, qui est responsable du dossier du libre-échange, également des députés membres réguliers de la commission parlementaire de l'économie et du travail, et un certain nombre de critiques de dossiers particuliers en ce qui concerne l'Opposition.

Je pense que tout le monde connaît les règles du jeu. Alors, je ne les rappellerai pas pour éviter de perdre trop de temps. On a déjà quinze minutes de retard.

Je veux simplement vous demander votre collaboration parce que, comme vous le savez tous, c'est une innovation particulière que cette expérience que nous mènerons au cours de ces deux jours et surtout pour le débat qui va suivre, après la présentation initiale; chacun des quatres groupes, si on peut utiliser cette expression, aura quinze minutes de présentation initiale. Ce sera suivi par un débat ouvert de 50 minutes.

Je ferai le nécessaire pour donner la parole au maximum d'intervenants en vous rappelant dès maintenant que le temps est limité et que je serai obligé, à des moments donnés, si vous vous engagez dans des envolées oratoires, de vous restreindre en termes de temps. Il ne s'agit pas nécessairement de faire de longs discours, mais de faire des présentations qui vont permettre des discussions entre les différentes parties. C'est l'objet de cette commission, non pas des monologues, mais des discussions entre les quatre partenaires ou groupes qui sont représentés à la table de la commission. Donc, ces 50 minutes de débat, nous essaierons de les gérer au meilleur de notre connaissance pour ce qui est de la présidence de la commission.

En passant, je voudrais également souligner que le vice-président de la commission, le député de Vimont, M. Jean-Paul Théorêt, sera probablement appelé de temps en temps à assumer la présidence de la commission. Ces 50 minutes de débat ouvert seront suivies de cinq minutes pour chacun des deux groupes parlementaires. Pour le reste, on verra cela au fur et à mesure du déroulement des travaux.

Ce qu'on sait déjà, c'est qu'il y a un certain nombre de thèmes sur lesquels on s'est entendus et, à partir de cet après-midi, on abordera les thèmes l'un après l'autre, avec d'abord une période d'une trentaine de minutes pour des interventions préliminaires et, par la suite, des discussions. Ce sera peut-être encore plus vrai pour les thèmes. C'est évident que le temps sera restreint et qu'on sera obligé, pour ce qui est de la présidence, de gérer le temps d'une façon assez serrée pour que tout le monde puisse intervenir.

On m'a indiqué également qu'il y avait des

experts, en particulier des deux coalitions, qui pourraient être appelés à témoigner outre les porte-parole principaux. Je vous indique immédiatement que ces experts devront témoigner dans la période de temps qui est prévue pour les groupes en question et qu'il n'est pas question de dépasser outre mesure les périodes allouées au départ, selon les ententes qui ont été conclues.

Alors, s'il n'y a pas de questions préliminaires, je vais demander immédiatement au premier ministre de faire la déclaration d'ouverture, en vous rappelant que chacune de ces déclarations doit se limiter à quinze minutes. M. le premier ministre.

Déclarations d'ouverture M. Robert Bourassa

M. Bourassa: Merci beaucoup, M. le Président. J'aimerais peut-être reprendre une remarque, bien amicalement, que vous avez faite quand vous avez présenté tantôt les partenaires en disant: Certains sont contre, d'autres sont pour. C'est une approche qui me paraît un peu conflictuelle et qui pourrait donner l'impression de fermer la voie à l'évolution des esprits, parce qu'y y en a qui sont contre et qui peuvent devenir pour. Je veux dire que cela s'est fait chez nos amis d'en face. Bien, je veux dire que c'est à vous que je pensais, M. le chef de l'Opposition, quand

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Charbonneau, Verchères): Tant que vous ne pensez pas au président de la commission, M. le premier ministre, ça peut aller.

M. Bourassa: Non, non; pas du tout.

Je voudrais exprimer ma satisfaction de nous voir réunis sur une question très importante pour l'avenir économique du Québec. J'étais très heureux d'accepter la suggestion des dirigeants de la coalition dont M. Charbonneau est le porte-parole, avec MM. Laberge, Larose et Proulx, pour que vous ayons cette table ronde qui va nous permettre, je l'espère, d'alimenter notre réflexion sur une option économique qui nous paraît importante.

La place primordiale du commerce international dans l'économie québécoise est bien connue. Je ne suis pas pour répéter ou donner tous les chiffres. C'est rendu un lieu commun de dire jusqu'à quel point nous dépendons du commerce extérieur puisque, avec les économies des Pays-Bas, de la Suède ou de la Suisse, nous sommes, au Québec, l'une des économies les plus ouvertes dans le monde. Il est important de constater aussi jusqu'à quel point nous devons devenir une économie concurrentielle, compétitive.

Nous devons constater qu'au Québec, comme partout ailleurs, comme au niveau canadien ou dans la plupart des autres pays, nous avons dû assumer, depuis une génération, un endettement progressif. Alors qu'il y a une vingtaine d'années, nous pouvions faire face aux demandes d'amélioration des services publics avec l'augmentation des impôts et que, dans les années qui ont suivi, nous pouvions y faire face avec, d'une certaine façon, l'inflation, il nous a fallu par la suite, pour satisfaire les demandes de la population, assumer un endettement croissant pour maintenir ou améliorer la qualité des services à un point tel, que nous sommes à un niveau d'endettement qui devient très préoccupant pour les générations futures. Une bonne façon de diminuer cet endettement est évidemment que nous ayons une économie dynamique, une économie très active.

La question du libre-échange, de notre côté, M. le Président, est une question pragmatique. Il ne s'agit pas pour nous d'avoir une approche doctrinaire ou idéologique. Nous examinons l'ensemble de la situation économique du Québec, je viens de le dire, les exportations qui sont très importantes, nous examinons Je contexte géographique où nous nous trouvons, c'est-à-dire que nous sommes le voisin, comme Canada et comme province, de l'un des marchés les plus importants au monde.

Nous constatons également que dans l'ensemble des pays industrialisés, les pays de l'OCDE, soit 24, presque la totalité fait partie soit d'une zone de libre-échange, ou encore d'un marché commun. Que l'on prenne des pays aussi différents et aussi distants, je pourrais dire, géographiquement que l'Autriche ou la Suède, ils font partie d'une zone de libre-échange et ils ont pu conserver - on pourra peut-être y revenir dans la discussion - leurs programmes sociaux respectifs. Alors, si tous ces pays que nous concurrençons et qui sont très comparables au Québec acceptent de mettre en commun des relations commerciales dans des zones de libre-échange, pourquoi devrions-nous agir différemment alors que nous sommes à la porte de l'un des marchés économiques les plus importants? C'est donc tout simplement une question d'approche pratique.

C'est vrai que dans le cas des États-Unis, il s'agit d'un marché commun avec une puissance économique beaucoup plus forte que celle du Canada et que, dans un contexte comme celui-là, il peut y avoir un rapport de forces qui nous soit facilement défavorable. Mais, à cet aspect de la question, je réponds immédiatement que le traité de libre-échange a pour but précisément de normaliser ce rapport de forces, de faire en sorte que le déséquilibre n'ouvre pas la voie à un rapport de forces brutal, et qu'il y ait des mécanismes légaux ou juridiques qui permettent de civiliser les rapports économiques entre les États-Unis et le Canada ou les États-Unis et le Québec. Et c'est pourquoi nous avons fait accepter dans le traité de libre-échange ces tribunaux impartiaux qui permettront au Canada

d'avoir une forme de parité; alors, même si notre pays est dix foix moins nombreux sur le plan démographique et quinze fois moins puissant sur le pian économique, nous avons dans le traité de libre-échange des mécanismes qui nous permettent d'avoir un rapport de forces qui nous soit plus acceptable.

Souvent, on entend cet argument de ceux qui s'opposent pour l'instant au libre-échange: Comment va-t-on être capable de faire face à la puissance économique et politique des États-Unis? Précisément, on y a vu avec ce mécanisme qui a été accepté de la part des États-Unis; ça n'a pas été facile et ça ne l'est pas encore. Hier, j'avais l'occasion de discuter avec Peter Murphy, à Newport. Ce dernier était l'invité de la Conférence des gouverneurs et des premiers ministres. Il parlait des problèmes constitutionnels qui peuvent exister aux États-Unis, avec l'acceptation de ce tribunal. Ce fut un précédent, pour le Congrès américain, d'accepter une forme de tribunal impartial, qui avait pourtant été refusé à Israël malgré l'étroitesse de l'alliance, l'importance de son alliance avec les États-Unis.

Donc, il faut quand même constater qu'il y a des caractéristiques dans l'entente du libre-échange qui nous permettent de nous protéger, d'une certaine façon, vis-à-vis du déséquilibre qui peut exister sur le plan politique, démographique ou économique.

Il y a aussi, dans le même ordre d'idées, les tendances protectionnistes qui refont constamment surface aux États-Unis et qui ne sont pas prêtes de disparaître. Nous traversons actuellement une période d'accalmie à cause d'une situation économique relativement prospère, avec un taux de chômage de 5,6 % aux États-Unis, qui est le plus bas ou l'un des plus bas depuis une quinzaine d'années, mais sans traiter nécessairement de libre-échange, nous n'avons aucune espèce de protection ou très peu.

On sait jusqu'à quel point le Congrès, comme organisme politique, représente les intérêts régionaux. On sait également que le déficit du commerce extérieur américain, même s'il a tendance à baisser depuis quelques mois à cause de la dépréciation de la monnaie américaine, est destiné à rester élevé pour une raison qui me paraît assez simple: c'est que du côté du déficit intérieur du déficit budgétaire, le niveau demeure presque intolérable pour les Américains, soit au-delà de 150 000 000 000 $. C'est un déficit, une dette, qui s'accumule chaque année et l'une des très rares façons pour le gouvernement américain de contribuer à maintenir ou à réduire si possible ce déficit intérieur, qui atteint un niveau absolument spectaculaire, est de maintenir l'activité économique. Si vous avez une activité économique aux États-Unis qui doit rester dynamique pour empêcher que le déficit budgétaire atteigne un niveau incontrôlable, ceci veut dire un déficit du commerce international qui démeure élevé, lié à une activité économique dynamique pour empêcher l'augmentation du déficit intérieur.

Or, tant que vous avez ce déficit extérieur élevé, vous aurez toujours, au sein du Congrès américain, des tendances protectionnistes. Et à cause de ces tendances, nous devons, nous, dans nos relations commerciales, garder avec les Américains un cadre d'action qui nous donne un minimum de protection.

On a connu l'an dernier des problèmes avec les Américains dans le domaine du bois d'oeuvre, de certains produits agricoles. Ce sont des problèmes qui peuvent resurgir constamment dans différents secteurs. (12 heures)

Alors, il fallait donc améliorer notre présence sur le marché américain et sauvegarder ce que nous avons déjà de montée protectionniste. Nous avons posé un certain nombre de conditions - je n'ai pas à y revenir, sûrement que nous aurons l'occasion d'en discuter tantôt - qui visent à protéger fa compétence du Québec.

Nous avons eu durant quelques jours, à l'Assemblée nationale, un débat sur le projet de loi fédéral qui portait sur l'invasion qui pouvait être faite par le gouvernement fédérai sur les compétences du Québec. Le gouvernement provincial a décidé de protéger sa juridiction en s'engageant à déposer, ses propres lois au moment opportun, ce que nous ferons pour protéger la juridiction du Québec, notamment par rapport à l'application de l'article 9.

Il y avait également l'article 6, dont on a discuté. Clairement, nous avons eu des avis juridiques - et on pourrait même citer des causes - qui nous exprimaient que cet article établit la possibilité pour le gouvernement fédéral d'intervenir dans d'autres secteurs du traité de libre-échange. Nous avons conclu qu'il s'agissait d'un article à teneur politique et qui n'empêchait pas le gouvernement de protéger sa juridiction, s'il y avait intervention du gouvernement fédéral dans d'autres secteurs.

Sans qu'on puisse l'appliquer d'une façon absolue, mais on peut quand même le citer comme expression juridique importante et, d'une certaine façon, pertinente, on a vu dans les jugements sur la cause de Churchill Falls que des projets de loi qui présentent des articles à teneur politique plutôt que juridique ont très peu de chance d'être endossés dans leur interprétation par les tribunaux. Donc, le gouvernement n'étant pas opposé au traité de libre-échange, considérant que c'est un traité qui est important pour l'avenir économique du Québec, a décidé de prendre ce qu'on peut appeler une attitude positivement négative, c'est-à-dire que nous nous opposons à l'invasion de la juridiction du Québec par le gouvernement fédéral, en vertu de sa juridiction, en nous engageant à déposer nos propres lois, mais nous ne renonçons pas aux bénéfices qui peuvent être inclus dans le traité de libre-échange.

M. le Président, j'aurai l'occasion, soit

personnellement ou avec mes collègues, de discourir davantage sur l'importance des mesures d'adaptation. Il nous faut, d'ici quelques mois, agir concrètement pour protéger les emplois des travailleurs qui pourraient être affectés par les mesures du traité de libre-échange. C'est vrai qu'on a réussi depuis deux ans à faire face à une augmentation de quelque 16 % du prix de nos exportations. Depuis février 1986, c'est-à-dire 28 mois, nous avons eu une augmentation de la valeur du dollar canadien de 0,69 $ à 0,82 $. Cela veut dire que le prix de tout ce que nous vendons aux États-Unis a été augmenté de 16 %, alors qu'on parie de réduction de tarifs de 1 % à 2 % par année et que - il faut faire preuve de beaucoup de vigilance - notre économie, pour l'instant, n'a pas été affectée par cette augmentation du prix de nos exportations. Donc, il faut situer la question tarifaire dans un contexte très pratique.

Le Président (M. Charbonneau, Verchères): Je vous inviterais à conclure, parce qu'il reste moins d'une minute.

M. Bourassa: D'accord, merci. M. le Président, je voudrais simplement dire que mes collègues auront l'occasion de revenir sur l'importance de la période de transition, d'adaptation, pour rassurer les travailleurs du Québec. Je conclurai tout simplement en disant que si nous sommes un territoire de richesses naturelles - et nous le sommes, avec nos exportations de pâtes et papiers, d'aluminium, de produits miniers - nous avons besoin de consolider nos marchés, donc le traité de libre-échange est une conclusion logique pour notre géographie économique.

En terminant, M. le Président, pour respecter votre directive, je dis que si nous sommes également un territoire qui veut développer la haute technologie, la clé de l'avenir économique, nous avons également besoin de consolider nos marchés, de ne pas nous replier sur nous-mêmes. Alors, voilà des raisons très pratiques, très pragmatiques et très réelles qui justifient, de notre côté, à certaines conditions qui ont été largement respectées, notre adhésion au traité de libre-échange.

Le Président (M. Charbonneau, Verchères): Merci, M. le premier ministre. M. le chef de l'Opposition maintenant.

M. Guy Chevrette

M. Chevrette: Merci, M. le Président. Vous me permettrez tout d'abord de remercier la coalition de l'opposition au traité de libre-échange pour son initiative qui permet aujourd'hui aux parlementaires du gouvernement et de l'Opposition, ainsi qu'aux défenseurs et aux opposants du traité de libre-échange, d'être réunis autour de la même table pour discuter de cette question fondamentale pour l'avenir du Québec. Nous les remercions d'autant plus que cette commission se réunit au moment où le gouvernement fédéral vient de déposer sa loi de mise en oeuvre qui, comme on le sait, menace l'intégrité future des compétences constitutionnelles du Québec. Également, les rencontres d'aujourd'hui et de demain sont d'autant plus pertinentes, qu'après trois ans de débat et de discussion autour de cette question du libre-échange avec les États-Unis, on a de plus en plus l'impression que plusieurs demeurent hésitants parce qu'ils sont mal informés. Plus on parle de libre-échange, moins la population semble saisir les véritables enjeux et les intérêts de l'adhésion du Québec et du Canada à ce traité. Cela est vrai également pour les entreprises, c'est-à-dire celles qui seront sur la ligne de feu pour affronter le défi que représente l'accord de libre-échange avec les États-Unis. Il s'agit probablement là de la pire des situations, dans la mesure où le monde des affaires a horreur de l'incertitude. Ce flottement peut amener les dirigeants à reporter des décisions d'investissement, peut amener des banquiers également à resserrer le crédit d'entreprises plus concernées par le libre-échange. Je vous fais part ici qu'il s'agit réellement des conclusions que tire l'Opposition de ces diverses rencontres qu'elle a eues avec différents groupes au cours des derniers mois. En mars dernier, au Hilton, tout pires d'ici, se tenait justement une journée de discussion sur l'accord Canada-États-Unis. Plusieurs chefs d'entreprise étaient présents. Nous y étions également et nous avons constaté l'inquiétude manifeste qui prévalait sur la question du libre-échange parmi les chefs de la petite et moyenne entreprise qui, de leur aveu même, ne savent pas à quoi s'attendre. Les représentants de la Chambre de commerce du Québec, que nous avons rencontrés dernièrement, nous ont également confirmé que dans les régions et chez les petites entreprises qui n'ont pas toujours les moyens et la capacité de faire une analyse de leur situation dans ce nouvel environnement économique qui les attend, plusieurs disent qu'ils sont inquiets et qu'ils ne savent comment réagir face à ce nouveau défi. On a posé la question aux représentants de la Chambre de commerce et ils étaient d'accord avec nous. Encore dernièrement, le Conseil du patronat priait les deux niveaux de gouvernement pour qu'ils mettent sur pied des bureaux d'information et de renseignements sur le traité de libre-échange pour les entreprises. Pourtant, M. le Président, on est à six mois du début du traité et on en est rendu à l'étape de mettre sur pied des bureaux de renseignents. Les gens ont raison d'être inquiets et, sur ce point, on ne peut que dénoncer l'attitude et le comportement du gouvernement fédéral et du gouvernement du Québec de ne pas avoir pris, il faut le dire, cette question plus au sérieux, de ne pas avoir mis en place des mesures afin que les gens puissent discuter librement de la question et de

ne pas avoir fourni les outils nécessaires pour la tenue d'une discussion franche et ouverte et la diffusion d'une information pourtant si nécessaire.

Lors de la commission parlementaire de décembre dernier, l'Opposition à l'Assemblée nationale reprenait les sept conditions du gouvernement et les analysait en fonction du contenu de l'accord intervenu entre le Canada et les États-Unis. Ces conditions nous semblaient également acceptables. Pour le bénéfice de tous, je voudrais rappeler ces conditions, M. le Président. Tout d'abord le respect intégral des compétences législatives du Québec, le respect intégral des lois, programmes et politiques dans les domaines sociaux, des communications, de la langue et de la culture, le maintien de la marge de manoeuvre du Québec pour atteindre ses objectifs de modernisation et de développement de son économie dans toutes les régions, l'obtention de périodes de transition et la mise sur pied de programmes d'assistance pour les entreprises et les travailleurs dans les secteurs moins compétitifs, la mise en place d'un mécanisme de règlement des différends commerciaux auxquels seront associées les provinces, le maintien d'un statut spécial pour l'agriculture et les pêcheries, le maintien de son droit d'approuver ou non l'entente en fonction de l'évaluation ultime que le Québec fera à la lumière de ses intérêts fondamentaux. À la lumière de ce que nous savions en décembre dernier, l'Opposition avait alors fait une première évaluation et concluait que plusieurs de ces conditions n'étaient pas respectées. Nous avions exprimé, en commission parlementaire, des réserves sérieuses, notamment en ce qui a trait au respect des compétences du Québec, de la mise en place et de la participation du gouvernement fédéral à des programmes visant à soutenir les industries plus vulnérables et à assurer le recyclage de la main-d'oeuvre et, enfin, sur les mécanismes de règlement des différends et de la mise en oeuvre qui ne tiennent aucunement compte de l'existence des provinces.

Six mois après la commission de décembre dernier et à six mois de l'application de l'accord de libre-échange, je vous avouerai que nous ne sommes pas plus avancés et que, comme Opposition, nous partageons l'inquiétude exprimée par de plus en plus de groupes. D'abord, le projet de loi fédéral, qui a été déposé récemment afin de mettre en oeuvre l'accord, donne raison à l'Opposition en ce qui concerne les trois points sur lesquels nous avions insisté en commission parlementaire. Je vous renvoie d'ailleurs au Journal des débats de cette commission afin que vous puissiez constater par vous-mêmes que les doutes que nous avions exprimés concernant le respect des compétences du Québec étaient fondés. L'assurance manifestée, à ce moment-là, par le ministre québécois des Affaires fédérales-provinciales, n'était qu'une façade, un écran de fumée. Je crois qu'il vaut la peine de le citer, maintenant que le gouvernement fédéral a annoncé ses couleurs et qu'il nous a dit comment il procédera. Remarquez bien que, dans ce cas, ce n'est pas une surprise. L'histoire des relations fédérales-provinciales est toujours un bon indicateur de ce qui va se passer dans l'avenir. Je cite alors M. Rémillard qui nous disait ceci, à la page 5191 du Journal des débats, à une des questions de l'Opposition. M. Rémillard nous disait: "On ne cède pas de compétence provinciale. Ce que nous faisons, c'est utiliser nos compétences pour appliquer le traité dans la mesure où ce traité fait notre affaire. S'il ne faisait pas notre affaire, on dirait tout simplement: On ne l'applique pas parce que ce n'est pas selon les intérêts du Québec". C'est ainsi que répondait M. Rémillard.

Il faudrait demander à l'Ontario, aujourd'hui, ce qu'elle pense de cette déclaration de notre ministre des Affaires fédérales-provinciales. On sait que cette province se voit imposer l'accord de libre-échange dans un champ de compétence provinciale par le biais des articles 6 et 9 de la Loi C-130. Nous l'avons dit auparavant et nous le répétons aujourd'hui, le respect des compétences du Québec est une condition essentielle à l'adhésion du Québec au traité de libre-échange, et les articles 6 et 9 du projet de loi fédéral sont inacceptables pour le Québec parce qu'ils ouvrent la voie à l'ingérence du fédéral dans nos champs de juridiction. Le fédéral se doit de retirer ces articles immédiatement.

De plus, nous n'avons pas encore une certitude quant à la participation des provinces au mécanisme de règlement des différends et, à cet égard, le projet de loi C-130 n'est guère rassurant. Rien dans ce projet ne garantit le rôle et la participation des provinces à la Commission mixte canado-américaine. L'article 12 du projet de loi, et je le cite, dit ceci: "Le gouverneur en conseil peut nommer un membre du Conseil privé de la reine, pour le Canada, à titre de principal représentant, et les personnes de son choix à titre de commissaire de la section canadienne de la commission créée en vertu du chapitre 18 de l'accord".

À la commission parlementaire de décembre, le ministre des Affaires fédérales-provinciales se vantait du fait que le Québec avait été associé, comme gouvernement provincial, aux discussions sur le libre-échange. Il n'est pas le seul, d'ailleurs, à l'avoir fait puisque le premier ministre et le ministre du Commerce extérieur et du Développement technologique ont repris le même exemple pour témoigner des relations harmonieuses entre le fédéral et le Québec. J'ai l'impression aujourd'hui, M. le Président, en ce qui concerne les préparatifs qui ont eu lieu pour établir les mécanismes de la mise en oeuvre de l'accord du libre-échange, que cette harmonieuse association, qui s'est révélée lors des négociations sur l'entente de libre-échange, s'est détériorée en cours de route. Si le gouvernement actuel ose prétendre qu'il a défendu avec achar-

nement les juridictions et les intérêts du Québec, comme c'est son devoir d'ailleurs de le faire, on doit en conclure, d'après le résultat du projet de loi 130, qu'il a lamentablement échoué.

On peut en dire tout autant des programmes d'adaptation des entreprises et du recyclage de la main-d'oeuvre. À six mois du début du traité, le gouvernement fédéral n'a pris aucun engagement et le gouvernement du Québec se complaît à attendre, espérant sans doute que les fruits de l'amitié profonde entre le premier ministre du Canada et celui du Québec s'abattront sur le Québec au moment venu. D'ici là, des milliers de travailleurs seront touchés par la libéralisation des échanges. Pour eux, des programmes de recyclage doivent être mis sur pied le plus tôt possible, afin qu'ils puissent se préparer à occuper un emploi dans une autre entreprise. (12 h 15)

De plus, parmi eux il y en a qui ne sont pas recyclables. Les travailleurs de 55 ans qui oeuvrent dans l'industrie du textile, par exemple, depuis 30 ans, représentent peu d'attrait pour un nouvel employeur, et ce même travailleur n'a sans doute pas non plus le goût, l'intérêt ou la motivation de recommencer une nouvelle carrière. Pour ces gens, il faut leur donner accès à des programmes qui leur permettront de subir le choc du libre-échange sans trop de difficulté.

Tous reconnaissent, M. le Président, la nécessité de telles mesures de transition, y compris les plus fervents défenseurs de l'Accord de libre-échange. D'ailleurs, le ministre québécois du Commerce extérieur et du Développement technologique ne disait-il pas devant la commission parlementaire sur l'Accord de libre-échange, en décembre dernier, que les mesures de recyclage - et je le cite - c'est absolument essentiel, c'est sine qua non? Pourtant, M. le Président, à six mois du début du traité, rien n'est connu, on se contente d'un comité De Grandpré.

Sur cet aspect bien précis du dossier du libre-échange et comme pour les autres d'ailleurs, l'insouciance et l'inaction du gouvernement du Québec sont inadmissibles. Nous avons surtout de la difficulté à comprendre le gouvernement du Québec d'avoir donné son appui indéfectible à une entente de libre-échange avant même d'en connaître le contenu de l'accord et avant le dépôt du projet de loi, de sa mise en oeuvre. Par cette stratégie, M. le Président, le Québec rétrécissait lui-même sa marge de manoeuvre, diminuait son rapport de forces, et il ne faut pas se surprendre, à cet égard, du contenu du projet de loi 130. Le gouvernement fédéral savait que le Québec était prêt à accepter à peu près n'importe quoi pour obtenir l'application du traité de libre-échange. Il n'est donc pas étonnant que le projet de loi fédéral sur la mise en oeuvre de l'accord menace les juridictions des provinces qui doivent, en vertu de l'accord, prendre les moyens pour faire appliquer le traité. Nous avions d'ailleurs alerté le gouvernement en décembre dernier. Pourtant, lors du dépôt du projet fédéral, le gouvernement du Québec a réagi avec mollesse et sans la conviction qui a animé tous les gouvernements québécois dans le passé dans la défense des compétences du Québec.

Sur le plan du mécanisme de règlement des différends commerciaux, Québec n'a encore obtenu aucune garantie qu'il n'aura son mot à dire à quelque niveau que ce soit, et l'on sait déjà que les provinces ne seront pas représentées officiellement au sein du comité mixte canado-américain.

Sur le plan des programmes d'adaptation et de recyclage, le gouvernement du Québec n'a pas encore obtenu d'engagement du gouvernement fédéral quant à sa participation aux coûts des mesures de transition qu'il faut prendre. Encore une fois, le gouvernement fédéral se désengage vis-à-vis des provinces, lui qui les a exhortées pourtant à le suivre dans ce dossier.

L'insouciance donc du gouvernement actuel se manifeste également sur le plan de la préparation et de la présence d'outils gouvernementaux en vue de faciliter la pénétration de nos entreprises sur le marché américain. Il est bien évident que ce changement fondamental dans nos relations économiques avec l'étranger nécessitera chez nos entreprises une bonne disponibilité de capital. Comme les subventions directes disparaîtront progressivement, il faut prévoir immédiatement un environnement fiscal apte à répondre aux besoins de capitalisation des entrerpises et des instruments de soutien à l'appui de nos entrepreneurs. Or, ce gouvernement, M. le Président, est en train de démanteler depuis qu'il est au pouvoir les outils qui ont permis au Québec de s'affirmer sur le plan économique au cours des trois dernières décennies. Ces mêmes outils auraient été d'une grande utilité dans la perspective de l'abolition des barrières commerciales avec les États-Unis, et un gouvernement prévoyant se serait engagé immédiatement à renforcer nos instruments de développement économique. Qu'on pense par exemple à la SDI, à la SGF, au REAQ, etc., ou à d'autres secteurs de l'État qui ont été confrontés au cours des premières années de pouvoir de ce gouvernement à la philosophie de gestionnaire à la petite semaine, sans vision d'avenir et ignorant des réalités de développement économique du Québec.

M. le Président, MM. les membres de cette commission spéciale, nous ne nous en cachons pas, nous sommes inquiets de la façon dont: le Québec se prépare à affronter ce radical changement de la libéralisation des échanges avec les États-Unis. Le navire manque de commandement; le leadership est totalement absent. Nous souhaitons donc que cette commission puisse jeter un éclairage nouveau sur le dossier du libre-échange; qu'elle soit également l'occasion pour chacun de nous de faire valoir ses préoccupations et, surtout, qu'elle permette de faire ressortir avec clarté les rôles et les responsabilités de chacun. Je vous remercie.

Le Président (M. Charbonneau, Verchères): Merci, M. le chef de l'Opposition. Nous allons maintenant entendre les représentants de la coalition contre le libre-échange. Du moins, M. le premier ministre, c'est comme cela qu'ils se désignent. Comme le président de la commission n'a pas choisi le nom de baptême des groupes qui sont devant lui, il va utiliser celui que les gens utilisent. D'abord, nous entendrons M. Laberge qui sera suivi de M. Charbonneau. Je vous rappelle que, comme vous avez quinze minutes à deux, si après sept minutes je vois que vous êtes dans une envolée, je vais vous l'indiquer pour que vous puissiez passer la parole à votre collègue. M. Laberge.

Coalition québécoise d'opposition au libre-échange

M. Louis Laberge

M. Laberge (Louis): Merci, M. le Président. Vous n'avez pas à vous inquiéter puisqu'on a prévu cela en nous donnant un texte; on l'a séparé en deux, alors ça ne devrait pas être plus long.

M. le premier ministre, M.M. les ministres, les membres de la commission permanente, d'abord nous tenons à vous dire que nous ne sommes pas contre le libre-échange, nous sommes la Coalition québécoise d'opposition au libre-échange.

La Coalition québécoise d'opposition au libre-échange, qui regroupe la CEQ, la CSN, la FTQ et l'UPA tient, au nom des 900 000 Québécois et Québécoises qu'elle représente, à remercier le premier ministre du Québec d'avoir accepté la tenue d'une commission spéciale sur l'accord canado-américain. Cette commission, bien que tardive, répond à une demande que nos organisations avaient formulée en décembre dernier, à la suite à l'apparition du texte final de l'entente. Depuis plusieurs mois, notre groupement met tout en oeuvre pour informer la population sur les conséquences sociales, économiques et politiques qui découleraient de l'entente si celle-ci se concrétisait. La coalition, à laquelle se sont joints plusieurs groupes ou organismes dont la représentativité est incontestable, a également dénoncé la façon détournée employée par les gouvernements pour faire avaler ce projet, sans mandat aucun, à l'ensemble de la population du Québec comme du reste du Canada.

Cette opposition, nous ne l'orchestrons pas par dogme, visée corporatiste ou en vertu d'une vision à courte vue comme certains ont pu, à l'occasion, qualifier démagogiquement l'offensive que nous menons. Notre démarche se veut empreinte de réalisme et soucieuse d'un respect de tous les éléments qui composent notre société, de respect des principes élémentaires de la démocratie.

Jamais nous n'avons eu, dans l'histoire de nos quatre centrales, à faire face à un dossier où priment de façon aussi flagrante la désinformation, le manque de transparence et le maquillage de la vérité quant aux véritables conséquences de l'accord Mulroney-Reagan. Jamais non plus, nous n'avons vu le ballon de supposés bénéfices de l'accord se dégongler complètement par l'analyse objective, et se regonfler à bloc presque simultanément pour servir les intérêts politiques des instigateurs du projet et de leurs alliés provinciaux. La réalité de l'Accord de libre-échange, nous l'avons analysée en profondeur à partir du texte final. Nous ne savons pas s'il y a d'autres textes, nous commençons à croire que oui parce qu'on dirait qu'on ne parle pas du même accord, du projet de loi sur la mise en oeuvre actuellement à l'étude à la Chambre des communes.

Voici ce que cache cet accord: des pertes de milliers d'emplois québécois dans les secteurs manufacturiers et des services; des pans complets de l'activité agricole voués à décliner progressivement mais non moins certainement; des programmes sociaux et législation du travail qui, pour soutenir le jeu de la concurrence ou répondre aux objectifs d'harmonisation entre les deux pays, s'effriteront; des inégalités de revenus et de disparité régionale qui iront en s'accen-tuant; une appropriation massive du capital québécois par les Américains dans le secteur québécois des ressources naturelles; des restrictions majeures quant à la capacité d'agir des gouvernements dans le cadre des politiques économiques et sociales; une attaque contre la culture et l'affaiblissement du fait français et, à ce sujet, on se demande bien où en sera la société distincte dans dix ou quinze ans; une centralisation progressive des pouvoirs à Ottawa, les gouvernements provinciaux étant relégués et, semble-t-il, avec la bénédiction du Québec, au rang de simples succursales fédérales.

M. Yvon Charbonneau

M. Charbonneau (Yvon): En contrepartie, le supposé accès accru au marché américain est en réalité le statu quo puisque nos exportations transigent déjà à 80 % sans barrières. L'ouverture commerciale projetée est celle des produits manufacturés et des secteurs où nous sommes les plus vulnérables, assortis d'interdits sur les mesures de transition que le Canada n'aurait jamais acceptées dans des négociations moins inégales comme celles qui ont lieu au GATT. Ces secteurs sont protégés par des tarifs douaniers canadiens qui représentent plus du double en moyenne de ceux des États-Unis. Pourtant, les deux pays les aboliront sur une période maximale de dix ans, sans tenir compte de cet écart.

Nous n'avons pas non plus sécurisé cet accès au marché américain. L'objectif primordial des négociations, se prémunir contre la montée du protectionnisme américain, ce qu'a rappelé le premier ministre, ce protectionnisme qui, souli-

gnons-le au passage, n'a touché jusqu'à maintenant que 1,2 % des activités de production canadienne, cet objectif de sécuriser cet accès au marché américain ne nous semble pas avoir été atteint. Ceux et celles qui aujourd'hui prétendent encore le contraire seraient tenus de lire attentivement l'article 44 de la Loi sur la mise en oeuvre. Car lorsqu'on se fait le devoir de défendre un contrat de la sorte, il faut bien regarder tous les aspects du mécanisme de mise en oeuvre.

Qu'avons-nous donc obtenu de si valable avec l'entente Mulroney-Reagan, de si sûr en termes de mécanisme de mise en oeuvre au point où, pour ses instigateurs et ses sympathisants, c'est l'engouement total? Pour à la coalition québécoise, la réponse est claire. C'est qu'il y a beaucoup d'illusions dans ces mécanismes et dans ces dispositions. L'illusion principale, c'est qu'une ouverture intégrale des frontières aux Américains et l'élimination des irritants commerciaux qui constituent bien souvent les éléments fondamentaux de nos choix de société ne pourront se traduire que par une augmentation de l'efficacité, par l'établissement d'avantages comparatifs et par une impulsion au développement qui se soldera à son tour par un bien-être économique durable pour le Québec.

Cette conviction semble tellement ancrée dans l'esprit des principaux défenseurs du projet qu'ils en ignorent presque la réalité. Les bienfaits théoriques du libre-marché l'emportent sur les conséquences plus que néfastes qui découleront d'un contrat qui est, quant à lui, bien concret. Il est vrai que l'accord Mulroney-Reagan est une occasion idéale pour les économistes universitaires de mettre en éprouvette l'économie canadienne et de tester les grands préceptes de la théorie économique. Le fait qu'il y aura dans cette éprouvette, lorsqu'elle sera secouée, des milliers de travailleurs et travailleuses, des agriculteurs et des agricultrices, des hommes et des femmes qui comptent parmi les éléments les plus vunérables, souvent les plus démunis de la société québécoise, ce fait sort des préoccupations de ces approches théoriques.

On pourrait aussi retrouver, dans ce laboratoire social de libre-échange, tout ce qui a pu caractériser l'évolution du Québec au cours des dernières décennies, notamment le rôle actif de l'État et, en particulier, de l'État québécois dans le développement industriel, agricole et régional québécois et dans l'édification d'une société à notre mesure et à notre goût sur les plans culturel, économique et social, mesure qui n'a rien à voir, une société qui n'a rien à voir ou, en tout cas, qui a bien des traits distinctifs de la société américaine. Mais ces choses, ces éléments de réflexion, ces éléments d'analyse sortent trop souvent des champs d'analyse actuels. Si ces préoccupations ne sont pas du ressort des économistes universitaires ou des spécialistes qui trouvent leur compte dans ce qu'on a appelé récemment les défis du libre- échange, ils sont cependant du ressort du gouvernement et de l'ensemble des parlementaires, et nous estimons aussi qu'il est de notre ressort à nous de faire ressortir ces points.

Ceux-ci ont la responsabilité - le gouvernement et les parlementaires - première d'éviter ce que nous qualifions de saccage de l'économie et des choix de société que nous avons faits au Québec. Nous reconnaissons l'importance du commerce international et nous favorisons la recherche d'une amélioration des échanges avec notre principal partenaire commercial. D'ailleurs, le Canada compte déjà parmi les pays les plus ouverts aux échanges. Ce que nous ne pouvons admettre, toutefois, c'est qu'on adopte la voie qui nous est tracée par l'entente Mulroney-Reagan, alors qu'il existe des solutions de rechange non douloureuses, respectables, qui n'ont pas été nécessairement discutées de manière publique et ouverte pour assurer la croissance économique et l'avenir du Québec. (12 h 30)

Pour notre coalition, il est clair, jusqu'à ce qu'on nous en fasse la démonstration contraire, qu'avec l'entente Mulroney-Reagan, nous y perdrions au change de façon certaine. La coalition demande au gouvernement du Québec, en particulier à l'occasion de ce débat, de nous dire en quoi peut-il être si sûr que les termes de cet échange seront à n'en pas douter bénéfiques pour la création d'emplois au Québec, pour le développement des ressources humaines et pour l'accès à une économie diversifiée en même temps qu'ouverte. En quoi le gouvernement du Québec peut-il prétendre être si sûr des bénéfices d'une alliance qui nous lie encore plus étroitement non seulement à un partenaire très important, mais à un partenaire dont l'économie n'est pas si reluisante?

Le Président (M. Charbonneau, Verchères): Je constate que vous avez pris à peu près une dizaine de minutes. Je ne sais pas si cela vous suffit pour le moment, ou si les deux autres porte-parole veulent ajouter quelque chose au cours des cinq minutes qui restent.

M. Laberge (Louis): Nous ajoutons de l'argent à notre banque. C'est cela.

Une voix: C'est cela.

Le Président (M. Charbonneau, Verchères): Écoutez, ce qu'on va faire, on ajoutera du temps aux 50 minutes de débat général.

Alors, je vais maintenant céder la parole aux représentants du Regroupement pour le libre-échange. D'abord M. Landry, et M. Ducros par la suite.

M. Landry (Bernard): C'est plutôt l'inverse.

Le Président (M. Charbonneau, Verchères): L'inverse? Alors, M. Ducros d'abord et M. Landry

par la suite.

Regroupement pour le libre-échange M. Pierre Ducros

M. Ducros: Merci. M. le premier ministre, MM. les ministres, MM. les membres de l'Opposition, M. le Président, madame, messieurs. Depuis l'après-guerre, le progrès de la technologie en matière de transport et la circulation de l'information, conjugués au développement d'institutions internationales, ont conduit à l'internationalisation croissante du phénomène économique. Les pays les plus prospères sont ceux qui participent activement à ce processus de mondialisation des échanges économiques. Nous nous dirigeons tous vers une intégration économique internationale de plus en plus importante, et il est vital pour un petit pays comme le Canada d'entrer de plain-pied dans cette vague irréversible.

Nous avons assisté à une intensification des liens commerciaux et financiers entre les pays au moment de la signature, en octobre 1947, de l'accord général sur les tarifs douaniers et le commerce, connu le plus souvent par son sigle anglais, le GATT. Alors qu'il y avait 23 membres signataires de l'entente initiale, le GATT compte maintenant 95 membres, et 30 autres se soumettent à ces règles sans ête formellement membres de l'organisme. L'intérêt croissant des divers pays pour le commerce international se manifeste chez les pays de l'Est comme la Russie et la Chine qui ont décidé d'ouvrir leurs frontières et désirent faire partie des grands organismes qui traitent des échanges commerciaux.

En plus de ces courants mondiaux vers la libéralisation des échanges, il y a eu également dans l'après-guerre plusieurs accords commerciaux de nature bilatérale ou multilatérale qui ont permis à divers pays de bénéficier encore davantage du commerce entre nations. Ces accords respectent en général les règles du GATT et permettent aux divers pays d'élargir leurs marchés et d'être ainsi encore plus compétitifs et actifs sur le marché international.

L'exemple le plus frappant, le plus connu de ce type particulier d'accord est celui de la Communauté économique européenne signé en 1957. Cette entente a été, en fait, un élargissement remarquable d'une entente sectorielle qui était survenue en 1951 entre certains pays européens et qui portait sur le commerce du charbon et de l'acier. Il était devenu évident au cours des années cinquante que les avantages que l'on tirait d'un accord sectoriel pouvaient s'appliquer à tous les divers secteurs de l'économie, et plusieurs pays européens ont donc convenu d'établir un échéancier de libéralisation du commerce des biens et des services.

L'Europe a pu, après avoir été dévastée par la guerre, devenir une des zones les plus prospères de ce monde. Le succès du traité a amené d'autres pays à se joindre à la CEE au cours des années, et les pays membres se préparent maintenant à l'étape ultime de la libéralisation des échanges en 1992 et qui est celle de la libre circulation des services entre les pays membres.

Le Canada, pour sa part, est relativement un petit pays sur le plan économique qui compte de plus en plus sur le commerce extérieur pour soutenir les revenus et les emplois de la population. Au cours des années soixante, le Canada exportait environ 18 % de sa production sur le marché international. Aujourd'hui, plus de 27 % de notre production est exportée. Ces proportions sont semblables pour le Québec. Le Canada est membre du GATT et a participé aux diverses séances de négociation qui ont conduit à des baisses substantielles de tarif depuis les années soixante et à une réduction des autres entraves au commerce extérieur.

En plus de sa participation au GATT, le Canada a conclu, avec son principal partenaire commercial, les États-Unis, des ententes sectorielles de libération des échanges. Ces ententes ont porté sur le matériel et l'équipement de la défense au cours des années quarante et, ce qui ost plus connu, sur l'automobile au cours des années soixante. Grâce à ces accords sectoriels et grâce également aux négociations du GATT, près de 70 % de notre commerce avec les États-Unis se fait maintenant en franchise, c'est-à-dire libre de droits de douanes ou de tarifs.

Pour participer à la mondialisation grandissante des échanges commerciaux, le Canada doit inciter de plus en plus tous ses agents économiques à se tourner vers le marché international. Un accès sécuritaire et libre au marché du pays le plus riche du monde, et qui est aussi notre principal partenaire commercial, apparaît comme un élément essentiel pour réaliser cet objectif.

Tout comme les pays européens sont passés d'une entente sectorielle à un accord global de libre-échange, le Canada a tout intérêt maintenant à dépasser le stade des accords sectoriels pour accéder à une zone de libre-échange avec les États-Unis. En fait, comme disait le premier ministre, l'Accord de libre-échange est devenu essentiel pour le Canada pour deux raisons fondamentales. Premièrement, depuis quelques années, nos relations commerciales avec les États-Unis ont été marquées de plusieurs mouvements protectionnistes qui étaient en voie de menacer plusieurs de nos exportations majeures. Le Canada se devait absolument d'entreprendre des démarches pour se donner une entente-cadre dans le but de normaliser et civiliser ses rapports commerciaux avec les États-Unis. Un des éléments clés de l'entente est précisément de mettre un terme à la prise de mesures arbitraires contre les exportations de l'autre pays et de se donner des règles communes, acceptables pour assurer la libre circulation des produits entre les deux pays. Sans cet accord, le Canada aurait pu être engagé dans une guerre commerciale coûteuse et stérile.

La seconde raison après la résolution du problème classique de la petite taille du marché canadien et du manque de spécialisation des entreprises, la National Policy du siècle précédent voulait mettre les entreprises canadiennes à l'abri de la concurrence et favoriser les échanges est-ouest sur le territoire canadien. Les effets de cette politique ont déjà été atténués par les accords du GATT, les autres traités que le Canada a signés, mais il reste que cette politique a incité les entreprises à vendre sur le marché national, plutôt que se tourner vers l'exportation. Au moment où l'internationalisation des phénomènes économiques s'accélèrent, le traité de libre-échange est un levier exceptionnel pour amener les entreprises à se tourner vers le marché d'exportation, à prendre les mesures nécessaires pour accroître leur productivité, à accélérer l'adoption des nouvelles technologies. Un accès libre et sécuritaire au marché américain dans cette stratégie doit être perçu comme un tremplin qui permettra aux entreprises canadiennes de rayonner partout sur le marché international. Déjà, d'ailleurs, plusieurs entreprises du Québec se sont tournées vers l'exportation au cours des dernières années pour assurer l'expansion de leurs activités.

Le Président (M. Charbonneau, Verchères): M. Ducros, je voudrais juste vous demander si vous achevez votre présentation parce que vous grugez le temps de votre collègue.

M. Ducros: Le traité permettra d'accentuer cette tendance qui est source de création de revenus et d'emplois dans notre société. Enfin, il faut bien souligner que la prospérité que le libre-échange peut apporter aux entreprises et aux travailleurs concerne tous les secteurs de la vie économique, puisque le traité porte à la fois sur les biens et services et que les retombées du traité se feront sentir dans l'économie. En somme, le traité de libre-échange avec les États-Unis va permettre au Canada de civiliser ses rapports commerciaux avec les États-Unis et aussi d'accroître sa prospérité par une participation grandissante aux échanges commerciaux sur le marché international. J'aimerais passer la parole à M. Bernard Landry.

Le Président (M. Charbonneau, Verchères): M. Landry

M. Bernard Landry

M. Landry: M. le Président de la commission, M. le premier ministre, M. le chef de l'Opposition, membres de l'Assemblée nationale, mesdames et messieurs intervenants à cette table, je voudrais d'abord complimenter la coalition qui s'oppose au libre-échange de nous donner cette occasion assez extraordinaire de refaire un peu cette formule à laquelle je croyais profondément, celle des sommets économiques. La composition de cette table me les rappelle étrangement. Donc, merci à ceux et à celles qui ont provoqué cette occasion dont je vais maintenant me servir pour cibler davantage ce que le président du regroupement a situé dans le contexte mondial et dans le contexte international. Je vais cibler sur une question et sur un territoire. La question est la question de l'emploi et le territoire est celui qui vous préoccupe tous au plus haut point ici ce matin, c'est le Québec. En rappelant brièvement trois chiffres, qui sont des chiffres de taux de chômage: chômage aux États-Unis d'Amérique, autour de 5 %, chômage en Ontario, autour de 5 %, chômage au Québec, autour de 10 %, alors que nous sommes dans une des phases conjoncturelles les plus hautes de l'histoire des statistiques économiques, cela fait cinq ans de suite qu'on a une croissance économique continue en Amérique du Nord, alors que le Québec, lui, est probablement au sommet de sa forme d'entrepreneurship. Depuis une dizaine d'années, comme vous le savez, le Québec: se signale comme un des endroits dans ce continent où il se crée le plus d'entreprises et où les entreprises sont les mieux gérées et les plus dynamiques. Ce chiffre doit nous faire réfléchir. Si, en haute conjoncture à tous égards, il y a encore 10 % de notre main-d'oeuvre active qui voudrait travailler et qui ne peut pas le faire, c'est que nous avons un problème structurel majeur. La croissance économique, si elle n'est pas pour donner des emplois aux hommes et aux femmes, et des emplois bien rémunérés, est un mot vide de sens si c'est simplement pour concentrer la richesse entre les mains de groupes de plus en plus restreints. Cela ne veut pas dire que le libre-échange est une panacée et une solution miracle, mais je crois profondément que le libre-échange va donner au Québec l'occasion que l'Ontario a eue, il y a 25 ans, avec l'Auto Pact de restructurer son économie et de sortir de cette situation humiliante et inhumaine d'un niveau de chômage intolérable.

Je m'explique un peu à la manière d'une obsession et c'est en analyste que je le fais, ce n'est pas parce que je suis jaloux, mais l'Ontario a hérité d'un demi-million d'emplois directs à la faveur du premier contrat de libre-échange qui a été signé entre Washington et Ottawa. Il aurait pu l'être entre Toronto et Ottawa parce que, 25 ans après, 95 % des emplois de l'automobile sont encore et toujours dans la province de l'Ontario. Ce sont les emplois industriels les mieux payés et qui forment le coeur industriel du Canada. Est-ce que l'Auto Pact - et on peut en discuter - est un accord de libre-échange? La réponse est oui. Mais, c'est plus que cela et c'est moins que cela à la fois puisque l'Auto Pact permet essentiellement que la fabrication industrielle de l'automobile sur ce continent soit mise en commun, comme les Européens l'ont fait pour toutes les autres productions. Il est à noter d'ailleurs que quand l'Auto Pact a été proposé, cela ne s'est pas fait tout seul. Il y a même eu

de fortes oppositions syndicales à l'Auto Pact. C'est l'Auto Pact, qui a été approuvé par le GATT comme un accord de libre-échange, soit dit en passant, qui est aujourd'hui l'explication essentielle de cette différence de taux de chômage entre le Québec et l'Ontario. Il est à noter aussi que le libre-échange, qui est une doctrine économique, on l'a signalé, et qui était à l'origine une théorie économique, est devenu une pratique économique pour la majorité des Occidentaux, comme l'a dit le président du regroupement. Nous ne sommes pas des définisseurs de situation. Nous sommes dans les derniers, en Amérique du Nord, à accéder à une zone de libre-échange. Or, les pays qui ont le mieux réussi, non seulement sur le plan économique mais sur le pian social en Occident, ont fondé leur développement sur le libre-échange et en ont été d'ardents défenseurs. En plus, ces pays ont en commun avec le Québec d'avoir une population relativement modeste. Je pense à la Suède et à l'Autriche, deux pays exemplaires sur le plan des mesures sociales, deux pays exemplaires sur le plan du contrôle du chômage et deux pays qui ont été membres fondateurs de l'Association européenne de libre-échange dont on sait qu'elle a, par la suite, signé un accord de libre-échange avec la Communauté économique et le Marché commun, ce qui a donné aux producteurs de Volvo un accès pour leurs produits à 350 000 000 de consommateurs, sans douane ni tarif, ce qui a mis les ouvriers qui travaillent chez Volvo dans la même situation que les ouvriers qui travaillent à Oshawa chez GM, c'est-à-dire fabriquer pour un grand marché, avoir de bonnes conditions de travail, avoir un taux de chômage bas et créer la prospérité dans leur pays. (12 h 45)

Alors, c'est sur cet aspect que je veux insister. Le libre-échange n'est pas une panacée. Il va nous donner une chance formidable, qui nous est refusée depuis longtemps, de nous restructurer dans la voie de la création des emplois; il va nous donner une chance formidable de limiter les dégâts causés par le protectionnisme. Et je suis d'accord avec ceux qui préconisent qu'une situation de droit entre le Canada et les États-Unis est bien mieux qu'une situation d'anarchie.

Je vais terminer par une citation que j'ai peut-être déjà employée d'ailleurs devant cette commission: Entre le fort et le faible ou entre le grand et le petit, un contrat ou une loi protège et c'est la liberté qui opprime. Actuellement, les rapports entre le Canada et les États-Unis sont plus qu'en liberté, ils sont anarchiques, sauf pour l'automobile, et cela nous a causé des problèmes graves. Mon successeur au Commerce extérieur a vécu les mêmes affres que moi, de savoir qu'une commission à Washington, de façon unilatérale, efface des emplois à Val-d'Or, à Senneterre et à Saint-Pamphile. Avec ce traité, nous aurons moins de chance que de tels malheurs nous arrivent.

Discussion générale

Le Président (M. Charbonneau, Verchères): Merci, M. Landry. Ces dernières paroles mettent fin à l'étape des déclarations d'ouverture. Maintenant nous engageons la discussion, la vraie discussion. C'est à partir de cette étape-ci que je vous demande un maximum de collaboration parce qu'il va falloir qu'on se comprenne. Je vous rappelle que ce que je voudrais qu'on fasse ce ne sont pas de longs discours mais des interventions et que les règles sur lesquelles vous vous êtes tous entendus font en sorte que, quand un intervenant aborde un sujet, on souhaite rester sur ce sujet-là pendant au maximum une dizaine de minutes. Cela ne fait pas beaucoup de temps pour l'ensemble des sujets qu'on voudrait aborder dans ce débat général. Alors, si possible, on n'est pas nécessairement obligé de prendre dix minutes sur un su-jet.

Je vous demanderais aussi, quand vous intervenez, de m'indiquer immédiatement à qui vous vous adressez, c'est-à-dire à qui vous voulez poser la question, pour que je puisse permettre à l'intervenant... Je vais d'abord reconnaître le président de la CSN et par la suite le député de Bertrand. Ce sont les deux premiers intervenants que je mets en liste. Alors, M. Larose.

M. Larose (Gérald): Je m'adresse au premier ministre. D'abord, je veux souligner que cela a été un plaisir pour nous de demander cette commission. Nous aurions aimé multiplier ces occasions mais nos vis-à-vis, porte-parole et promoteurs du projet, ont systématiquement quitté les scènes qui nous étaient offertes pour faire le vrai débat sur la question du libre-échange. Mais aujourd'hui, l'occasion nous en est donnée.

De tous les promoteurs de ce projet... et je suis content de constater que le premier ministre, dans sa présentation, n'a pas évoqué le Pacte de l'auto comme étant le modèle du traité de libre-échange, et que parmi tous ceux qui mettent cet exemple en avant, il n'y a que M. Landry pour essayer de faire croire que le Pacte de l'auto est un pacte de libre-échange alors que c'est exactement le contraire. Le Pacte de l'auto, c'est une entente de deux pays pour s'entendre sur une répartition de la production donc, cela n'a rien à voir avec un accord de libre-échange. Alors, là-dessus, je suis plutôt content de voir qu'il n'y en a qu'un seul qui essaie de fausser le débat à partir de cet exemple qui a été profitable pour le Canada et non pour le Québec parce que, précisément, on n'a pas eu au Québec la reproduction de cette entente qui aurait fait qu'on aurait produit, au Québec, l'équivalent de ce que nous consommons comme voitures, comme automobiles.

Alors je voudrais poser la question au premier ministre à savoir, lorsqu'il regarde cet

accord si, pour lui, c'est un accord strictement économique ou si cela a des implications sur le plan social et des implications sur le plan politique. Je sais bien qu'il y en a qui peuvent avoir des intérêts dans l'application de cet accord mais est-ce que les intérêts sont "chromés" égaux pour l'ensemble de la population?

Le Président (M. Charbonneau, Verchères): M. le premier ministre.

M. Bourassa: Merci M. Larose. Je n'aurais jamais prévu que peut-être un jour j'aurais à arbitrer entre M. Landry et le président de la CSN. Mais l'évolution politique est pleine de rebondissements.

Ce que je voudrais dire à M. Larose, dont on ne peut certainement pas contester la sincérité dans la défense de la cause des travailleurs, c'est que essentiellement dans cette première étape j'ai déjà signalé il y a quelques années que, dans ces étapes d'intégration économique, on ne pouvait pas éliminer un certain danger que j'exprime comme étant la dynamique interne du développement du processus économique et que le libre-échange... M. Landry faisait référence tantôt à certains pays du libre-échange qui faisaient partie indirectement de la zone du libre-échange; on peut penser à l'Irlande ou au Danemark, je crois, qui ont par la suite adhéré au Marché commun qui deviendra un marché unique en 1992 et qui suppose une certaine coopération financière, forcément, une stabilitié dans les taux de change. Donc, il y a cette dynamique interne qui existe dans le processus d'intégration qui peut expliquer les inquiétudes de M. Larose et de ses collègues ou n'est-ce pas là la première étape qui peut nous conduire à une union politique éventuellement?

Je ne crois pas que dans l'accord actuel, tel qu'il est présenté, on puisse voir un danger pour l'intégration politique du Canada aux États-Unis. Vous avez des pays très différents dans la zone du libre-échange. Je pense à la Suisse et à la Suède: la Suisse qui a, par tradition politique, une approche assez conservatrice, alors que la Suède, au contraire, a une approche très sociale-démocrate. Pourtant, ces deux pays-là font du libre-échange entre eux sans que leur politique sociale en soit affectée.

Alors, pour répondre à votre question, je crois que dans les circonstances, il faut être vigilant sur le développement de l'entente avec les Américains, sur les implications politiques éventuelles que cela peut comporter, mais l'accord qui nous est soumis est un accord essentiellement pratique ou réaliste, tenant compte du contexte rétablissant l'équilibre. Je vous dis bien franchement, M. Larose, que je suis tout à fait d'accord avec M. Landry quand il parie des avantages qu'a pu avoir l'Ontario jusqu'à maintenant avec les politiques fédérales, que ce soit sur la ligne Borden, sur la canalisation du Saint-Laurent ou sur le Pacte de l'auto.

Vous avez là trois politiques fédérales - c'est ce que j'avais soulevé sans donner d'exemple concret lors de ma rencontre avec M. Mulroney et M. Peterson - qui expliquent peut-être l'écart dans le taux de chômage que connaissent le Québec et l'Ontario, écart qui est encore très inquiétant, et que le Pacte de l'auto, même si ce n'est pas ce que l'on peut appeler traditionnellement un accord strictement de libre-échange parce qu'il est conditionné, il a plusieurs conditions... Il reste qu'il y a une libre circulation des produits qui montre que le Canada est capable de faire face à la compétition américaine quand il y a un encadrement.

Le Président (M. Charbonneau, Verchères): M. le premier ministre, pour qu'il y ait libre circulation sur les idées, je vais vous arrêter à ce moment-ci.

M. Bourassa: Oui. Je pourrais simplement conclure par un point, pour essayer de convaincre M. Larose.

Le Président (M. Charbonneau, Verchères): Je veux juste avertir tout le monde que les règles sont les règles de l'Assemblée nationale. Alors, les défauts des uns, j'aimerais qu'on ne les répète pas ici, alors que l'on peut toujours les conserver au salon bleu. Si tout le monde veut se contenter de questions et de réponses plus courtes, tout le monde aura plus de temps.

M. Bourassa: D'accord, je m'excuse si j'ai été trop long, mais je pense que la question était très pertinente.

Le Président (M. Charbonneau, Verchères): Non,ça va.

M. Bourassa: Juste un point que je n'ai pas mentionné dans mes remarques préliminaires et qui est relié à l'écart de chômage que nous avons avec l'Ontario, parce que c'est une des parties les plus importantes, c'est la question des investissements. Ce soir, je rencontre des Japonais qui veulent investir 700 000 000 $ au Québec, on a vu les Arabes, les réservoirs de capitaux les plus importants au monde sont maintenant intéressés plus qu'avant à investir au Québec. Peut-être que l'Ontario peut prendre ses distances avec les investissements étrangers, mais avec 9,5 % de chômeurs, nous avons encore besoin d'investissements étrangers et l'accord de libre-échange...

Le Président (M. Charbonneau, Verchères): Merci, M. Bourassa.

M. Bourassa: Je termine ma phrase, ...crée un climat économique plus favorable pour combattre le chômage.

Le Président (M. Charbonneau, Verchères):

Très bien. Alors, je reconnais M. Larose, si vous voulez poser une question additionnelle, parce que ce sont les règles qu'on a fixées, mais si vous n'y tenez pas, il y a d'autres personnes de votre coalition qui avaient demandé à être entendues.

M. Larose: Trente secondes pour dire que si le Pacte de l'auto était un accord de libre-échange, j'explique mal l'acharnement avec lequel les Américains s'y sont pris pour essayer de le modifier et effectivement d'obtenir une clause nord-américaine. Dans ce sens-là, je dis que tout l'accord c'est pour, effectivement, que ce soit les seules règles du marché qui s'appliquent et qu'il n'y ait plus de frontières. Ce n'est pas tout à fait ce que le Pacte de l'automobile prévoit.

Le Président (M. Charbonneau, Verchères): Je vais donner la parole à M. Landry, je pense qu'il a une réplique à la question.

M. Landry: Cela fait plusieurs fois que M. Larose et moi avons des divergences sur cette question sans jamais avoir pu s'en parler en face, je pense. Alors l'occasion est belle ce matin. Je reprends chacun de mes mots. Le Pacte de l'automobile, c'est un accord de libre-échange, d'une part; c'est plus et c'est moins, d'autre part. Quel est le coeur d'un accord de libre-échange? C'est la libre circulation du produit, l'absence de douane et de tarif. C'est l'essence d'un accord de libre-échange et c'est cela qui existe entre le Canada et les États-Unis d'Amérique pour l'automobile. Vous reconnaissez cela, M. Larose, c'est de notoriété publique.

M. Larose: Oui.

M. Landry: Deuxièmement, vous me direz que c'est peut-être un argument d'autorité mais le GATT qui est l'accord général doit approuver les accords particuliers. Or, le GATT a approuvé, comme exception, l'accord de l'automobile entre le Canada et les États-Unis comme un accord de libre-échange. Alors là, c'est Genève qui arbitre entre nous, ce n'est plus le premier ministre du Québec malgré qu'il occupe une fonction auguste.

Enfin, vous me dites souvent, les interlocuteurs syndicaux m'ont dit souvent: Oui, mais dans le Pacte de l'automobile il y avait des garanties de production et vous avez raison de dire cela. Claude Ducharme connaît cela par coeur sauf qu'en 25 ans elles n'ont pas été invoquées une seule fois. Donc, c'est l'Accord de libre-échange qui a été la réalité automobile entre le Canada et les États-Unis et non pas les contingents de production et cela a prouvé que nos travailleurs, ceux d'Oshawa surtout mais ceux ce Sainte-Thérèse aussi, sont capables de concurrencer.

Le Président (M. Charbonneau, Verchères): M. Laberge.

M. Laberge (Louis): Quand l'Accord de libre-échange sera comme le Pacte de l'automobile, qu'on puisse produire au Québec autant de voitures que nous achetons, on se reparlera de l'Accord de libre-échange.

M. Landry: Elles n'ont jamais été invoquées en 25 ans, M. le président de la FTQ.

Le Président (M. Charbonneau, Verchères): M. Larose, si vous voulez faire des commentaires, faites-les dans le micro pour qu'on les entende. Est-ce sur le même sujet? M. MacDonald, est-ce sur le même sujet?

M. MacDonald: Oui. Pour souligner l'importance qu'a pu avoir le Pacte de l'automobile, dans des conditions de libre-échange, avec des conditions positives ou négatives comme l'a dit M. Landry, avant la signature du pacte, le Canada avait 6 % de la production automobile de l'Amérique du Nord et nous avions 11 % de la consommation. Avec le Pacte de l'automobile, aujourd'hui, nous avons encore 11 % de la consommation mais nous avons 14 % de la production. Ce n'était pas strictement et purement une question de partage...

M. Laberge (Louis): C'était quoi? M. MacDonald: Pardon?

M. Laberge (Louis): C'était quoi? Pourquoi on a augmenté non pas à 11 % mais à 14 %?

M. MacDonald: II s'est créé des conditions d'investissements, il s'est créé une productivité.

M. Laberge (Louis): C'est que l'accord, le Pacte de l'automobile les forçait à avoir un contenu canadien de 60 %, voilà pourquoi. Alors, 60 % c'est plus que 50 %, donc, on n'a pas augmenté à 11 %, on a augmenté à 14 % parce que c'était 60 %. Et ça, c'est disparu avec l'entente.

Le Président (M. Charbonneau, Verchères): Une dernière réplique sur ce sujet-là puis on va passer à une autre question principale.

M. MacDonald: Je pensais que M. Laberge apprécierait le fait de 9 $ l'heure davantage de productivité au Canada; c'est un autre facteur.

M. Laberge (Louis): Évidemment.

Le Président (M. Charbonneau, Verchères): Très bien. On va maintenant passer à une autre question, M. le député de Bertrand. Les prochains intervenants, pour d'autres questions principales, seront M. Laberge et M. Proulx. M. le député de Bertrand.

M. Parent (Bertrand): Merci, M. le Président. Ma question s'adresse au premier ministre. Vu qu'on n'est pas au salon bleu, j'ai le droit de déroger, je peux m'adresser au premier ministre.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Parent (Bertrand): Je suis sûr que le premier ministre va avoir un comportement différent au salon rouge qu'au salon bleu. Ma préoccupation se situe, particulièrement, sur les conditions qu'a posées le gouvernement du Québec. On se souviendra, M. le Président, qu'en cette même salle, le 16 décembre dernier, donc six mois jour pour jour, le ministre du Commerce extérieur et du Développement technologique nous a réitéré à plusieurs reprises dans une commission parlementaire sur le libre-échange, qu'il faisait des sept conditions l'application, c'est-à-dire la mise en oeuvre de ces conditions-là, une condition sine qua non pour donner son accord au libre-échange. On sait qu'on est à six mois de l'entrée en vigueur du libre-échange, soit le 1er janvier 1989.

Je voudrais savoir, d'abord, si le premier ministre, aujourd'hui, est prêt, devant les membres de cette commission, à prendre l'engagement formel puisqu'il a laissé entendre tantôt que les conditions étaient déjà satisfaites. Je pense que les conditions ne sont pas satisfaites et particulièrement l'article 1, le respect intégral des compétences, l'article 4, la mise sur pied des programmes d'assistance et l'article 5, le mécanisme de règlement. D'ailleurs, le premier ministre devra reconnaître que le document publié par le ministère du Commerce extérieur et du Développement technologique, il y a un mois et demi, en fait état et particulièrement sur les points 4 et 5. (13 heures)

Est-ce que le premier ministre, ce matin, est prêt à prendre l'engagement dans le sens que les conditions vont être complètement respectées pour être capable de donner l'Accord de libre-échange? Dans ce sens-là, est-ce qu'il est prêt aussi à nous confirmer, puisqu'il l'a fait de façon un peu floue les 25 et 26 mai derniers en Chambre, concernant l'ingérence du fédéral avec son projet de loi 130 sur les articles 6 et 9, est-ce qu'il est prêt ce matin à prendre l'engagement de demander au gouvernement fédéral, de réitérer sa demande que les articles 6 et 9, et particulièrement l'article 6, doivent être retirés du projet de loi fédéral si on veut être capable de respecter le point 1 de ses propres conditions?

Le Président (M. Charbonneau, Verchères): M. le premier ministre.

M. Bourassa: M. le Président, je crois que j'ai déjà répondu. Le ministre, M. Rémillard, avait déjà répondu en Chambre. Depuis les quelques jours où on a eu le débat, il n'y a eu aucune question par la suite sur les articles 6 et 9. J'en avais conclu que l'Opposition s'était ralliée à l'attitude du gouvernement.

Les articles 6 et 9 peuvent paraître un peu lointains pour certains d'entre nous. L'article 6 a pour but de rassurer les Américains. J'ai eu l'occasion, comme je vous le disais hier, d'en parler avec plusieurs responsables du côté américain. De leur côté, ce qui les intéresse est d'avoir la garantie que le traité sera appliqué. J'ai dit à l'Assemblée nationale que ce n'était pas la formule qu'on aurait choisie. On aurait préféré que le gouvernement canadien invoque les pénalités financières qu'on retrouve dans le traité puisqu'il s'agit d'un cas particulier, le cas des producteurs de vin d'une province, laquelle province a déjà accepté, avec le GATT, un délai d'une douzaine d'années alors que dans le traité de libre-échange, il s'agit de sept ans.

Nous avons vérifié, sur le plan juridique, l'article 9, nous protégeons la compétence législative du Québec avec nos propres lois, nos propres règlements; et l'article 6, je l'ai dit, j'ai cité une cause qui a été d'actualité, Churchill Falls, les articles qui sont adoptés par les Parlements et qui n'ont pour but que d'exprimer une intention politique ne peuvent pas, d'une façon concrète et réelle entraver la juridiction des provinces.

En quelques secondes, M. le Président. Le gouvernement fédéral, s'il veut intervenir dans d'autres secteurs, devra adopter ses propres lois. Le député de Bertrand dit: Demandez le retrait. Nous sommes d'accord pour le traité de libre-échange. Nous appliquons notre propre juridiction dans le cas de l'article 9. Quant à l'article 6, c'est un article purement politique. C'est pourquoi nous avons protesté, comme je vous le disais, nous avons été négatifs sur le plan de l'intervention fédérale mais sur le plan du traité comme tel, nous croyons qu'il est encore à l'avantage du Québec.

Le Président (M. Charbonneau, Verchères): M. le député de Bertrand, en additionnelle.

M. Parent (Bertrand): II a répondu à une partie de ma question, il y avait l'autre volet des conditions. Mais pour terminer sur les articles 6 et 9, c'est le genre de réponses qui porte à confusion.

Quand le premier ministre nous dit ce matin: On pensait que l'Opposition s'était ralliée. Je m'excuse mais en Chambre, le 26 mai, M. le premier ministre, voici ce que vous avez répondu, et je vous cite au texte: "Je veux dire au chef de l'Opposition que pour l'article 9 - contrairement à ce qu'il dit - nous avons agi, nous avons pris les mesures qui nous apparaissent les plus efficaces et nous avons déjà réclamé son retrait." C'est le 26 mai, ce n'est pas loin. Vous avez dit en Chambre, M. le premier ministre, que vous aviez demandé le retrait et, ce matin, vous nous

dites: Ce n'est pas nécessaire. On va s'y prendre autrement.

C'est là-dessus qu'on n'est pas d'accord. C'est important de réclamer le retrait, si vous croyez qu'il y a un danger d'ingérence et d'interprétation. Le danger sera l'interprétation devant les tribunaux. On sait par les expériences du passé, lorsqu'il y a eu interprétation, ce que cela a donné au Québec.

Le Président (M. Charbonneau, Verchères): M. le premier ministre.

M. Bourassa: Vous déformez un peu mes paroles. Si vous m'aviez posé des questions, j'aurais pu préciser à l'Assemblée nationale.

J'ai dit que quand j'avais rencontré M. Crosbie - et c'est ce que je viens de dire - je lui avais dit que je préférais une autre approche, d'appliquer les pénalités financières là où il y a non-respect du traité. Comme ils ont décidé de prendre cette approche, nous avons agi en protégeant notre propre juridiction. D'ailleurs, je pourrais citer des constitutionnalistes comme Gérald Beaudoin qui ont appuyé la position du gouvernement et, sans vouloir vous embarrasser, M. Landry aussi.

Le Président (M. Charbonneau, Verchères): Sur le même sujet, M. le député, parce qu'il y a la question des conditions du gouvernement. Est-ce qu'il y a d'autres interventions, soit sur les conditions ou sur les deux articles? S'il n'y en a pas je vais prendre... M. le chef de l'Opposition.

M. Chevrette: Je me demande comment le premier ministre peut décemment dire, s'il laisse passer l'article 9, comment il pourra s'opposer par la suite. Il dit qu'il n'est pas touché, que cela touche seulement l'Ontario, donc qu'il n'y a pas de problème. Mais la portée de l'article 6, c'est une porte ouverte précisément que s'est donné le fédéral pour pouvoir - en bon québécois - organiser le portrait de l'Ontario. Est-ce que la portée de cet article 6 ne permettra pas d'organiser le Québec quand viendra le temps? Par exemple, si on ne s'entend pas sur la définition de mot subvention... Le pouvoir que se donne le gouvernement central avec l'article 6, est-ce que ce ne sera pas la même chose? Il introduira un article 9b et, cette fois-ci, c'est le Québec qui passera au moulin à viande.

Le Président (M. Charbonneau, Verchères): M. Landry, vous vouliez ajouter un commentaire?

M. Landry: Je ne veux pas arbitrer, mais puisque j'ai été mis en cause... Je pense que l'Opposition a raison de s'inquiéter et d'ameuter le gouvernement. Je pense que, sur le fond des choses, le premier ministre partage votre vision, à savoir que le gouvernement n'a pas le droit, en signant un traité avec l'étranger, de changer la constitution interne. S'il peut faire cela, la constitution canadienne en entier s'écroule et n'a plus aucun sens. Toute l'action internationale du Québec est fondée sur ce principe qui a été admis par les cours entre les deux guerres, en particulier dans une cause célèbre du travail, que le Québec a la prolongation externe de ses juridictions internes. C'est la doctrine Paul Gérin-Lajoie qui a donné naissance à toute la politique étrangère du Québec. L'Opposition fait son travail et je pense qu'il faut être très soigneux avec cela. Il ne faut pas sombrer dans des hypothèses absurdes non plus. Le gouvernement est habile en prenant les devants. Vous faites comme pour la Commission de contrôle des salaires et des prix, comme vous aviez fait avant que nous ayons l'honneur de vous succéder. Cela ne vous avait pas porté chance cette fois-là. Faites-le encore, peut-être avec le même résultat pour l'Opposition quelques années plus tard.

M. Chevrette: Vous pourriez souligner, M. Landry, que dans le cas précisément du contrôle des prix, c'est une entente entre le fédéral et la province de Québec. On sait que cela a été ratifié par le fédéral. On a dit au fédéral: Faites donc tout pour nous, on ne contestera plus. Mais dans le cas précis, ce n'est pas une loi cherchant à ratifier le traité de libre-échange. Le fédéral se donne un pouvoir d'interpréter, éventuellement. À mon point de vue, c'est totalement inacceptable. C'est un pouvoir d'interprétation qu'il se donne. Sans même une contestation américaine, on pourrait arriver à des aberrations où le fédéral craignant quelque chose ne fait que concrétiser par une loi à partir du pouvoir de portée générale qu'il se donne dans C-130. Et voici, le jeu est fait, il faudra contester devant les tribunaux. Au lieu d'avoir une représentation devant les comités d'arbitrage où on pourrait plaider notre cause, on sera contraint, comme Québec, à aller se ramasser devant les tribunaux de la Cour suprême pour dire: Voici, tranchez donc, et on n'aura même pas droit au chapitre. Je trouve cela inacceptable.

Le Président (M. Charbonneau, Verchères): M. le premier ministre, un dernière réplique sur ce sujet.

M. Bourassa: M. le chef de l'Opposition, une dernière réplique. C'est ce que j'ai répondu, un peu, tantôt. On vient de voir dans la cause de Churchill Falls que les gouvernements qui adoptent des lois avec des articles de nature politique ne vont pas très loin parce que ce sont les tribunaux qui interprètent les lois. Ce n'est pas parce que le gouvernement adopte un article d'intention générale qu'il se trouve à envahir la juridiction des provinces. Les tribunaux ont dit: C'est un article d'interprétation politique, c'est un peu cela, mutatis mutandis. Ce que je vous dis, c'est que si le gouvernement fédéral, indépendamment de l'article 6 - ce n'est pas cela qui va ouvrir la voie - arrive avec une législation

qui va contre les intérêts du Québec, là nous pourrons utiliser notre pouvoir politique, là nous pourrons utiliser la contestation devant les tribunaux.

M. Chevrette: Quelle crédibilité le premier ministre pourra avoir s'il laisse passer l'article 9?

M. Bourassa: L'article 9 ou l'article 6? M. Chevrette: Je vais dire autre chose...

M. Bourassa: On ne laisse pas passer l'article 9.

M. Chevrette: ...le premier ministre, dans son argumentation, dit que c'est une clause pour sécuriser les Américains. Son premier rôle comme premier ministre du Québec, c'est de sécuriser les Québécois d'abord.

M. Bourassa: Là, ce sont des phrases, restons à un niveau un peu plus pertinent. Ce que je vous dis c'est que, sur cette question, ce n'est pas de l'article 9 dont on parle. Pour l'article 9 nous agissons comme nous l'avons fait en 1975 où c'est allé devant les tribunaux. Nous avons participé au débat.

L'article 6... le chef de l'Opposition, et je ne voudrais surtout pas le blâmer, confond l'article 6 et l'article 9. Non, l'article 9 est celui qui permet au gouvernement d'adopter des règlements; "peut", qu'il relise l'article, on parle de "peut". L'article 6 comme tel n'a pas de portée juridique et laisse intact tout le pouvoir d'intervention du gouvernement du Québec, et sur le plan juridique et sur le plan politique, pour protéger sa juridiction.

S'il veut me poser d'autres questions parce que le temps est écoulé, demain, à l'Assemblée nationale, je serai disponible pour répondre à ses questions.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Chevrette: Je vous invite à répondre de la façon dont vous le faites ici à l'Assemblée nationale et vous en aurez.

Le Président (M. Charbonneau, Verchères): M. Laberge, pour une autre question principale, la troisième. «

M. Laberge (Louis): Oui, c'était un peu sur la même chose, soit au ministre ou au premier ministre: Croyez-vous que vos conditions préalables à l'entente sont remplies? Je mentionne seulement quelques exemples, comme au numéro 7 où vous dites que vous croyez qu'il y a une façon de régler les choses définitivement. Nous regardons l'entente et nous ne voyons pas cela. Il y aura un comité spécial, une plainte sera traduite devant ce comité qui regardera cela pour voir s'il y a une plainte ou non; s'il n'y en a pas, il la renvoie aux autorités pour qu'elles continuent de la discuter. Je ne vois pas qu'on règle quelque chose définitivement comme c'est là. La liberté d'exporter de l'électricité, ce n'est pas notre plus grand souci, cela en est un, mais notre plus grand souci, c'est de pouvoir continuer d'attirer, au Québec, des entreprises, grandes consommatrices d'électricité en leur faisant des "bargains". Ce que nous avons lu dans l'entente, c'est qu'on ne pourrait plus faire cela parce qu'il va falloir vendre aux Américains au même taux qu'on charge à nos clients préférés. Est-ce que cela est disparu?

M. Bourassa: Je crois que...

Le Président (M. Charbonneau, Verchères): M. le premier ministre.

M. Bourassa: ...votre lecture est un peu imparfaite, M. Laberge, avec tout le respect que j'ai pour vous. En ce qui a trait à l'électricité, là, vous me permettrez d'en parler, c'est un sujet que je connais assez bien et dont je parle constamment.

M. Laberge (Louis): L'humilité vous avait empêché d'en parler tantôt, alors je me suis dit: je vais lui en donner l'occasion.

M. Bourassa: Oui, je sais. J'apprécie cette expression de solidarité pour la défense des intérêts du Québec. Dans le domaine de l'électricité, si nous pouvons, comme vous dites, offrir des "bargains", c'est qu'elle nous coûte beaucoup moins cher. Je veux dire, on le sait que nous pouvons encore produire, à LG-1, à quatre sous.

M. Laberge (Louis): Ne vous méprenez pas! Je suis d'accord avec cela, on est tous d'accord avec cela. Mais ce que nous disons, c'est qu'on a vu dans l'entente qu'on ne pourrait plus le faire à l'avenir.

M. Larose: La question du traitement national, par exemple.

M. Bourassa: En ce qui a trait à l'électricité, c'est simplement la source alternative. Il y avait deux tests, nous gardons... C'est la loi du marché qui va s'appliquer. Par exemple, ce qu'on a signé avec New York: on sait qu'en 1995, dans le cas de l'État de New York, on va pouvoir vendre à un prix beaucoup plus élevé que ce qu'on offrira aux entreprises québécoises et cela est tout à fait conforme au traité. Donc, dans ce sens-là, nous avons un argument de plus vis-à-vis des Américains. On le sait - en fin de semaine, j'étais accompagné de plusieurs médias - au mois de juin, ils ont déjà des problèmes d'approvisionnement, alors qu'est-ce que cela va être au mois de juillet? Ils ont une centrale nucléaire qui devait ouvrir il y a deux ans et qui

n'est pas encore ouverte à Seabrook, elle aura coûté 8 000 000 000 $ en dollars canadiens. Il faut qu'il paie 600 000 000 $ d'intérêt chaque année et cela ne rapporte pas un sou, ils ne peuvent pas l'ouvrir. Le gouverneur de l'État de New York et ses collaborateurs ont fermé une centrale nucléaire de Shoreham. Nous avons encore là un marché qui demeure très intéressant. Le traité sur le libre-échange consolide pour eux la fiabilité des approvisionnements du Québec, en ce sens qu'ils seront assurés que, à cause du traité, ils ne seront pas traités d'une façon inégale sur le plan de l'approvisionnement, c'est-à-dire qu'il n'y a pas un gouvernement du Québec qui pourra renoncer à sa parole donnée dans un contrat. Mais quant au prix, c'est la loi du marché qui s'applique avec tous les avantages que nous avons au Québec parce que nous produisons l'électricité à un bien meilleur prix que, eux, en produisent avec les centrales nucléaires ou les centrales au pétrole.

Le Président (M. Charbonneau, Verchères): M. Larose.

(13 h 15)

M. Larose: J'ai deux mesures ici, dans l'article 904, où on dit qu'un pays s'engage, même en cas de pénurie, à maintenir la proportion des exportations vers l'autre pays, relatives à la production totale du produit, au même niveau que celui observé pendant les trois années précédentes et, deuxièmement, ne peut appliquer "un prix à l'exportation plus élevé que le prix demandé lorsque le produit est consommé au pays".

Pour ce qui est de la question du traitement national, il me semble qu'on avait compris que les Américains avaient droit au même traitement que les Canadiens et les Québécois. Si vous nous dites que ce n'est pas cela qui est dans l'accord, on va être bien contents. Mais ce n'est pas tout à fait ce qu'on avait lu.

M. Laberge (Louis): C'est ce que je disais tantôt: Est-ce qu'il a deux accords, une copie qu'on a, qui n'est pas conforme?

Le Président (M. Charbonneau, Verchères): M. le premier ministre.

M. Bourassa: M. le Président, pour être le plus bref possible, sur le plan technique en ce qui concerne ces questions, je disais qu'il y avait trois tests. Il y a un test sur les sources alternatives concernant le coût. Pour tout le reste, nous sommes totalement protégés sur les lois du marché. Je demanderais à M. Grenier, qui a négocié cette question de l'électricité comme telle, de donner les détails techniques qui pourront rassurer le président de la CSN sur l'article 904.

Le Président (M. Charbonneau, Verchères): M. Grenier, j'aimerais seulement que vous identifiez pour quel organisme ou quel ministère vous travaillez pour les fins de la compréhension.

M. Grenier (Cari): Cari Grenier du ministère du Commerce extérieur et du Développement technologique. Je pense que tout ce qu'il faut ajouter, en fait, à ce que M. Bourassa a déjà dit, c'est que ce que signifie cet article, c'est que le gouvernement ne peut pas agir sur le prix à l'exportation pour les fins de ces marchés. C'est la loi du marché, en fait. Cela ne veut pas dire du tout qu'on ne peut pas vendre notre électricité aux États-Unis plus chère qu'on la vend ici. C'est le cas actuellement et c'est le cas du passé également. C'est ce qui va continuer.

M. Larose: Une question précise. Dans l'entente de Pechiney, il me semble qu'il y a une tarification particulière pour attirer ce secteur industriel. Ma question très précise est: Est-ce qu'on peut rendre disponible à des secteurs industriels une tarification aussi privilégiée, sans la rendre disponible aux Américains? C'est la question très précise.

Le Président (M. Charbonneau, Verchères): M. Grenier.

M. Bourassa: M. le Président, M. Grenier pourra compléter, mais on sait que, sur ce plan, au pire, l'entente ne change rien, parce que les Américains auraient pu, de toute manière, s'opposer aux privilèges qu'a obtenus Pechiney. Actuellement, ils pourraient le faire en disant que c'est un avantage indu. Mais on sait que dans le cas de Pechiney, ce qu'on a fait, c'est qu'on avait des surplus considérables à cause du ralentissement économique et que le gouvernement n'a pas perdu... La loi du marché a continué de s'appliquer. C'est à cause de cette richesse relative du Québec, dans les questions d'électricité, qu'on peut offrir à Pechiney, à Reynolds, à Norsk Hydro ou à d'autres des avantages particuliers. Mais l'entente ne change absolument rien sur les pouvoirs qu'on a de bénéficier des avantages économiques du Québec.

M. Larose: Vous nous confirmez que les Américains auront droit à ces privilèges-là?

M. Bourassa: Non, ce que je dis, M. le Président, c'est que nous pouvons continuer ce que nous faisions avant, mais que les Américains, aujourd'hui, avant l'adoption du traité sur le libre-échange, pourraient s'opposer. Peut-être que ce ne serait pas accepté, étant donné que nous pouvons démontrer que le gouvernement n'apporte pas de subsides, lui-même, à même les fonds publics; c'est de l'énergie qui ne lui coûte rien, étant donné qu'il s'agit de surplus.

Donc, ce sont les lois du marché qui s'appliquent. Alors, l'entente du libre-échange conserve toute notre autonomie en plus de nous accorder une plus grande sécurité pour vendre

aux Américains.

Le Président (M. Charbonneau, Verchères): Est-ce que vous avez une question, M. le député d'Ungava?

M. Claveau: M. le Président, je pense que c'est important qu'on précise cela. Les réponses qui nous sont données par le premier ministre, à mon avis, ne sont pas vraiment satisfaisantes, parce qu'on s'attarde au cas précis de Péchiney et d'autres. Mais dans l'hypothèse que dans cinq ans, par exemple, pour l'implantation d'une grande entreprise du même genre, de nouveau type, le gouvernement du Québec, déciderait conjointement avec Hydro-Québec, de diminuer les tarifs, de vendre de l'électricité en deçà du prix coûtant, afin de pouvoir permettre l'implantation d'une entreprise, en disant; De toute façon, avec les bénéfices d'Hydro-Québec, on va balancer, parce qu'on vend plus cher aux Américains. Donc, on peut se permettre de se la vendre moins cher à nous. Est-ce qu'il n'y aurait pas là une possibilité énorme pour que les Américains viennent contester une telle décision ou oblige le Québec à leur donner le même service s'ils en font la demande?

Le Président (M. Charbonneau, Verchères): M. le premier ministre.

M. Bourassa: II y a deux choses que je peux vous répondre là-dessus. C'est, d'abord, que le pouvoir des Américains de protester contre des mesures spécifiques ou trop avantageuses existe toujours. Mais ce que vous soulevez, si je comprends bien votre question, c'est la question du développement régional, en ce sens que, pour développer une région, le gouvernement peut poser certains gestes. Or, on sait que la question du développement régional n'a pas fait partie de l'entente qu'on est en train de discuter. On a sept ans pour discuter de cela, cinq ans renouvelables pour deux ans, pendant lesquels nous pourrons continuer, comme les États américains tiennent à continuer eux-mêmes, à favoriser le développement régional. Il y a plusieurs États américains qui ont donné des subventions énormes pour attirer des entreprises d'automobiles. Donc, sur le plan du développement régional, nous gardons notre autonomie pour favoriser le développement des régions.

On va discuter, durant les cinq prochaines années avec un délai additionnel de deux ans, pour voir si on ne peut pas s'entendre sur la définition à apporter aux régions. Mais on a une certaine police d'assurance en se disant qu'au Michigan, au Missouri, au Wisconsin ou en Virginie, les États vont vouloir garder leur pouvoir d'intervenir pour le développement dans leurs régions.

Le Président (M. Charbonneau, Verchères): M. Laberge, sur le même sujet?

M. Laberge (Louis): Oui, non, mais enfin, c'est sur les conditions préalables que le gouvernement avait établies. J'avais commencé à poser ma question là-dessus et, finalement, on a bifurque sur l'électricité. J'étais bien d'accord.

Le Président (M. Charbonneau, Verchères): Ce que je vous suggère, c'est que comme M. Proulx m'avait demandé la parole, je vais lui céder...

M. Laberge (Louis): Très bien.

Le Président (M. Charbonneau, Verchères): ...et on reviendra aux questions plus tard.

M. Laberge (Louis): Ah! Devant M. Piroulx, très certainement, voyons.

Le Président (M. Charbonneau, Verchères): Alors, M. Proulx.

M. Proulx (Jacques): Merci, M. le Président. Je voudrais faire quelques commentaires d'ordre général sur les présentations et, ensuite, j'aurais une question à poser au premier ministre.

Le Président (M. Charbonneau, Verchères): À la condition que vos commentaires ne soient pas trop longs parce que, finalement, si on veut faire la discussion, ce n'est pas la période des déclarations d'ouverture.

M. Proulx: Non.

Le Président (M. Charbonneau, Verchères): C'est vraiment un court préambule avec une question ou... Allez-y.

M. Proulx: Oui, quelques courts commentaires, sauf que, si j'ai bien compris, la première partie portait justement sur l'ensemble de ce qui était affirmé.

Le Président (M. Charbonneau, Verchères): Oui. C'est cela. Sauf que je voudrais que ce soit assez pointu pour qu'on pose une question.

M. Proulx: Si ce n'est pas assez pointu, M. le Président, vous me le direz, mais j'espère que vous me donnerez une chance. Comme on n'est pas des députés, que nous ne connaissons pas les règles de procédure et que nous n'avons pas l'habitude...

Le Président (M. Charbonneau, Verchères): D'accord.

M. Proulx: ...il peut arriver que...

Le Président (M. Charbonneau, Verchères): On vous donnera un coup de main. Allez-y.

M. Proulx: Je veux juste revenir, c'est peut-être terre à terre mais cela m'offusque depuis le début du débat, soit depuis au-delà de deux ans, parce qu'on nous sert continuellement les mêmes arguments et les mêmes comparaisons qui, à mon avis, sont complètement faux. On continue toujours de nous donner comme exemple que le traité de libre-échange, qui est devant nous à l'heure actuelle, est l'équivalent de l'entente de la CEE, du Pacte de l'auto, etc. On nous sert à peu près tout ce qui existe dans le monde. À mon avis, justement, quand on dit qu'on déforme, que c'est de la désinformation et quand on dit que c'est de l'improvisation, pour moi, ce sont des exemples flagrants. Parce que le traité qu'on a devant nous n'est pas le traité qu'il y a eu entre X pays et la CEE. Ce n'est pas le Pacte de l'auto. Cela peut se ressembler sous certains points, mais je dis qu'on trompe les gens, en général, quand on nous affirme cela.

Et, quand on continue à dire qu'il fallait absolument faire quelque chose parce que les Américains étaient devenus protectionnistes à outrance et quand l'on constate qu'à peine 1,2 % ou 1,3 % de notre production l'a subi, à partir de faibles et assez importantes agressions, je l'admets, je pense qu'il n'y a pas là de quoi paniquer ou avoir le syndrome américain. En tout cas, cela m'offusque que l'on continue à utiliser ces choses.

Je ne dis pas qu'il ne faille pas faire des choses pour arrêter cela, mais je pense qu'il faudrait quand même garder une certaine tempérance, comme on dit, dans ces affirmations.

Ma question va compléter un peu certaines autres et elle s'adresse à M. Bourassa, parce que je pense qu'on ne l'aura pas pendant toute la durée du débat. Je voudrais prendre un autre exemple en demandant: Comment peut-on continuer à appuyer intégralement l'accord qui est devant nous quand, avant même qu'on le mette en vigueur, on va à rencontre, dans certains secteurs en tout cas - il est bien évident que si on globalise, c'est une autre affaire - déjà, de la part des Américains, on ne le respecte pas ou on ne démontre pas qu'on veut le respecter?

Je vais prendre le secteur de l'agriculture, par exemple, parce qu'il dépend énormément d'une autre série de négociations qui sont celles du GATT. On s'entend et on nous promet de part et d'autre qu'on va garder, par exemple, nos offices de commercialisation, qu'on va garder les différents mécanismes de soutien du revenu et qu'on a tous les droits pour le faire, alors qu'en même temps, «es Américains - et vous le savez que ce qu'il y a dans l'entente à l'heure actuelle dépend du résultat des ententes du GATT - au GATT, dénoncent à tour de bras, déposent et se font des alliés pour combattre, justement, ces mécanismes et ces politiques de soutien.

Le Président (M. Charbonneau, Verchères): M. le premier ministre.

M. Bourassa: M. Proulx, vous dites qu'on fait souvent des comparaisons entre le marché commun et le libre-échange, et on l'a fait ce matin, mais ce sont tout de même des pays qui sont comparables aux nôtres. Comment se fait-il que l'Irlande, qui était dans une zone de libre-échange, a décidé d'aller au marché commun? Elle avait des problèmes agricoles considérables. Dieu merci, elle peut faire partie du marché commun. Comment se fait-il que la Turquie, aujourd'hui, demande à faire partie du marché commun? Donc, il y a un mouvement international. Le commerce international se développe et l'attitude de repli sur soi dans le domaine du commerce international, surtout pour le Québec qui a tellement besoin d'exercer, n'est pas une attitude qui paraît désirable. Je veux dire, ce n'est pas une question d'idéologie pour nous, je vous l'ai dit a plusieurs reprises. C'est une question de voir les faits et de conclure pratiquement.

Vous dites: Là, les Américains commencent déjà à résister à l'application de l'accord. Mais Dieu merci qu'on s'oriente vers un accord. Qu'est-ce que cela serait si on n'était pas en train de négocier? Comment le Congrès réagirait-il? Il faut connaître le fonctionnement du système politique américain qui est très vulnérable à toutes sortes de représentations d'intérêts régionaux. Il y a des milliers et des milliers de projets de loi sur tous les sujets. Là, nous avons l'occasion d'obtenir... Et, jusqu'à maintenant, les Américains ont toujours été réticents, ils l'ont fait pour Israël - on connaît les liens politiques entre les deux pays... Mais là, ils sont prêts à le faire pour nous. Alors, moi je dis qu'on peut débattre des cas particuliers; on pourra le faire en examinant chaque sujet: fa culture, l'agriculture. Mais je dis que ce traité de libre-échange est, d'une certaine façon, une manoeuvre défensive pour empêcher les intérêts protectionnistes de pouvoir agir sans tenir compte d'encadrements qui vont exister à l'occasion de ce traité. On a quand même obtenu des garanties, vous le savez, dans le cas du GATT. Les subventions à l'agriculture, ce n'est pas réaliste de penser qu'on va pouvoir, nous, avoir notre petit marché et faire absolument ce qu'on veut sans tenir compte des batailles colossales entre le marché commun et les États-Unis. Il faut que le Canada se protège un peu pour ne pas être une victime de ces affrontements qui vont se dessiner au cours des prochaines décennies dans le domaine de l'agriculture. On n'a qu'à voir les surplus de part et d'autre. Là, le Japon commence lui-même, dans le domaine de l'agriculture, à baisser ses subventions; pourtant on connaît son autonomie sur le plan économique et géographique. Je pense que pour nous, une façon de se protéger et de protéger notre agriculture c'est de faire partie d'ententes internationales qui puissent nous permettre de continuer d'atteindre nos objectifs. Je ne crois pas que la politique de repli sur soi soit une

politique qui nous garantisse l'avenir.

Le Président (M. Charbonneau, Verchères): M. Proulx.

M. Proulx: Ce n'est pas du tout ma question, M. Bourassa. Ce n'est pas cela que je vous ai posé comme question. Je suis d'accord avec une bonne partie de ce qui a été affirmé. Tout le monde est d'accord avec l'internationalisation du marché. Je pense qu'il faudrait être bête à outrance pour être contre cela. C'est dans la façon qu'on le fait. C'est là qu'on n'est pas d'accord. Vous semblez dire que l'internationalisation du marché c'est les Américains. Je comprends que c'est un bon marché, mais pour moi c'est plus que les Américains. Je continue à dire que c'est très dangereux ce qui se passe. Je reviens encore avec des chiffres - je ne suis pas économiste, mais d'habitude les économistes aiment à en employer - cela touche 1.3 % de notre production. Il faut trouver des correctifs; je suis d'accord avec cela, mais il ne faut pas paniquer à outrance vis-à-vis de cela.

M. Bourassa, ma question consistait uniquement à dire que, même après qu'on se soit entendu pendant une période X avant l'application, mais qu'on concrétise des choses, il ne faut pas prendre des mesures pour aller à l'encontre, au moins, de ce sur quoi on s'entend, mais donner le bon exemple. Toutefois, même pendant ce temps, par plusieurs exemples... Vous avez le projet de loi omnibus sur le commerce, à l'heure actuelle, qui est en discussion. Vous allez probablement me répondre que voilà un autre exemple qui démontre qu'il faut faire quelque chose. Mais il est là, même quand on s'était entendu qu'on ne ferait pas d'autres mouvements comme État.

Mais je reviens encore à la position des Américains au GATT, à l'heure actuelle, position qui a été déposée après, dans la finalisation de l'entente qu'il y a là, qui va justement à l'encontre de ce sur quoi on s'entend, c'est-à-dire sur un respect et sur le fait qu'on va pouvoir protéger nos offices de commercialisation. Je ne veux pas que vous me parliez de subventions; tout le monde, là aussi, est d'accord qu'il faut les réduire un peu.

Le Président (M. Charbonneau, Verchères): M. le premier ministre.

(13 h 30)

M. Bourassa: Oui, j'ai essayé de répondre directement à votre question. Je veux dire, vous parlez du Trade Bill", vous savez qu'il a été considérablement atténué et ce qui retarde son adoption n'a pas trait au commerce international, cela a trait à un avis de licenciement que ne veut pas accepter le président américain et que veut imposer le Congrès américain. Donc, de ce côté, il y a eu une nette amélioration. Pour ce qui a trait au GATT, vous savez que les Américains ont demandé dans la nouvelle négociation que l'agriculture puisse faire partie de cela. Vous vous inquiétez de certains gestes, dans le cas des homards, notamment, ou dans le cas d'autres secteurs agricoles. Il faut être constamment vigilant, mais au moins dans le traité de libre-échange, on aura un mécanisme de protection, qui n'est pas parfait, qu'il n'a pas été facile à obtenir. Il a fallu l'arracher parce qu'il y a une tradition au Congrès américain d'indépendance politique et il n'accepte pas de concéder d'une façon extra-territoriale des pouvoirs qu'il possède. Mais vis-à-vis des exemples que vous craignez et qui peuvent survenir constamment aux aléas de l'évolution électorale, par rapport au statu quo, on a au moins un mécanisme qui n'est pas parfait, mais qui est nettement supérieur au rapport de forces plus ou moins brutal avec lequel nous devons oeuvrer aujourd'hui.

Le Président (M. Charbonneau, Verchères): M. Charbonneau. Sur le même sujet ou sur un autre?

M. Charbonneau (Yvon): Sur cette question finalement globale puisqu'on a encore quelques minutes pour en parler. Ce serait regrettable qu'on retienne ou qu'on essaie d'exprimer que le point de vue de la coalition ici serait en faveur d'un repli du Québec, d'essayer de soustraire le Québec du commerce international. Je crois que nous avons quand même été clairs au début, dans notre déclaration d'ouverture. Nous reconnaissons l'importance du commerce international. Déjà à 80 %, ces échanges se font de manière très libre avec les États-Unis et notre inquiétude est plutôt le manque de diversifications et de véritables internationalisations des rapports commerciaux et économiques du Québec avec plusieurs autres entités.

On parie des États-Unis, on dit bien sûr que c'est très important, mais il y a d'autres foyers dynamiques au plan économique que les États-Unis. On nous cite l'exemple européen où il y a plusieurs partenaires, toujours plusieurs partenaires d'économies comparables. Si on regarde la série de petits pays qui en font partie, il y a la Suède, la Suisse, l'Autriche, etc., ou de grands pays, l'Angleterre, l'Allemagne, la France, ils ont des économies en un certain point comparables. Le contexte nord-américain met en relation deux économies profondément inégales. Donc, je crois que l'exemple européen ne peut être invoqué de manière indéfinie comme s'il devait nous servir ici de réponse à tout. Il faut regarder la situation concrète.

Notre inquiétude c'est plutôt quant au manque de véritables diversifications ou internationalisations des rapports commerciaux et économiques. Et c'est là-dessus qu'on aimerait vous entendre. Quelle est la stratégie industrielle propre au Québec face à ce véritable défi des quinze prochaines années à part le défi que représentent les rapports avec les Américains?

Le Président (M. Charbonneau, Verchères): M. Charbonneau, il y a trois intervenants qui m'ont demandé de donner une information: M. Landry, M. Ducros et le premier ministre.

M. Bourassa: Oui, je vais dire juste un mot pour laisser la parole à M. Landry et M. Ducros. Raison de plus, j'utilise votre argument M. Charbonneau pour renforcer le mien. Si vous dites qu'on ne doit pas comparer avec l'Europe parce qu'il y a un équilibre de puissances, des petites et des moyennes puissances, a fortiori quand on est seulement deux avec une grosse puissance économique et une beaucoup plus petite, si on peut obtenir dans le traité des mécanismes paritaires, c'est un gain considérable parce que nous avons obtenu des mécanismes paritaires. Nous sommes à égalité avec les États-Unis dans l'évaluation de certaines infractions ou d'un non-respect du traité, alors raison de plus pour avoir un encadrement institutionnel pour protéger notre situation de minoritaires. Je demanderais à M. Landry peut-être de compléter. On pourrait continuer sur toutes les politiques du gouvernement sur le commerce international. Il a été ministre du Commerce extérieur. Je pense que le Québec a fait beaucoup depuis plusieurs années pour être fructueux sur le plan international. M. Landry peut continuer.

M. Landry: Je pense que M. Charbonneau pose une question fondamentale et tous les ministres du Commerce extérieur et tous les gens soucieux d'économie se sont posé cette question. Un des premiers, c'est M. Jean-Luc Pépin. Et la troisième voie. Tout cela, c'était admirable, sauf que plus on essayait de faire de la troisième voie et de la diversification - mon successeur doit connaître les même problèmes - plus nos ventes se concentraient aux États-Unis d'Amérique.

Quand Jean-Luc Pépin parlait de diversifier, on était à environ 70 % de ventes américaines. Aujourd'hui, on est à 80 %. En d'autres termes, M. Charbonneau, tout en reconnaissait l'importance vitale de la diversification, ce que je veux vous dire, c'est qu'une des seules chances véritables que nous avons de diversifier, c'est d'être partie d'une grande zone de libre-échange. Je vais parler de façon concrète. Tout le monde a été consterné par la fermeture de Wabasso, à Trois-Rivières. Plusieurs gouvernements, des entreprises privées et des syndicats ont tout fait pour sauver Wabasso, sauf que quand on est dans de petites séries de production dans ces métiers, on n'est plus "sauvable".

En conclusion, si nous apprenons à travailler sur un marché de 250 000 000 de consommateurs solvables, on sera en mesure de battre les Japonais chez eux et de battre les Européens chez eux, ce qui actuellement est absolument impossible à cause de notre échelle de production.

Alors, la diversification, peut-être qu'on pourra la réussir avec des grands efforts et une des meilleures chances de l'avoir, c'est le libre-échange.

Le Président (M. Charbonneau, Verchères): M. Ducros.

M. Ducros: Je voulais ajouter un mot dans la même voie, M. Charbonneau, sous le même thème et vous parler un peu de mon expérience personnelle, parce que chez DMR, nous sommes dans trois marchés. Nous sommes aux États-Unis, nous sommes en Europe et nous sommes en Asie du sud-est, en Australie plus spécifiquement. Pour nous, c'est extrêmement important d'avoir cette entente bilatérale pour apprendre à fonctionner dans ces marchés-là.

Il faut augmenter la productivité de nos entreprises, d'abord. Il va falloir se spécialiser davantage, parce que ce ne sera pas possible d'attaquer tous ces marchés, sans avoir une beaucoup plus grande spécialisation. On ne peut pas être mieux placé, dans mon cas en tout cas, et de faire face à un marché vers le sud, un marché fantastique où je peux rejoindre 60 000 000 de population en l'espace d'une heure d'avion. Je peux aller tester toutes mes méthodes de travail à l'international en me concentrant sur ce marché de 60 000 000 très près de moi, à New York, à Boston, à Philadelphie, à Hartford, à Washington. "By the way", pour répondre à la question de toute à l'heure, à savoir s'il va encore y avoir des pressions pendant la période de transition pour changer les règles du jeu, je peux vous dire qu'il y a 8000 lobbyistes à Washington seulement. Alors, M. Larose, je peux vous dire qu'il va y avoir des pressions énormes et c'est pour cela qu'un traité, qui va nous permettre de trouver une certaine civilité dans notre organisation en ce qui concerne les marchés avec les États-Unis, va être fantastique.

Mais pour nous, il est absolument essentiel qu'on ait testé nos expertises à l'exportation au marché américain, qui est le plus gros et qui nous est très accessible, augmenter notre productivité, réellement tester nos spécialisations avant de se lancer à fond sur les marchés autres que le marché américain.

Le Président (M. Charbonneau, Verchères): On a presque écoulé le temps qui était prévu pour l'audition générale. Je veux permettre une question rapide aux gens qui s'opposent et une réponse des gens qui sont en faveur. Par la suite, nous allons passer à l'étape des remarques finales des parlementaires. M. Larose.

M. Larose: Premièrement, ce n'est pas un projet d'internationalisation, c'est un projet d'américanisation de notre économie. Il faudrait bien le dire et je pense que M. Landry le confirme. Il dit que pour aller sur le marché international, il faut d'abord se fondre dans le tout américain. C'est une thèse et disons que

c'est ce qui nous est proposé. Deuxièmement, je ne voudrais pas qu'on confonde des pays nordiques, la Suisse et l'Autriche dont on vante les performances économiques avec l'expérience de la CEE. Cela s'adonne que ces trois pays sont en dehors de la CEE et que la zone de libre-échange entre ces pays l'est sur des points très particuliers. Ce n'est pas une zone mur à mur, de libre-échange mur à mur.

Troisièmement, c'est que c'est oui, pour les entreprises, on ne le nie pas, d'ailleurs, c'est pour cela qu'elles sont d'accord avec le projet, il y a là non seulement pour faire des tests, il y a là pour vérifier toutes les performances, mais nous, on représente du monde. On représente du monde dont la seule propriété, c'est de travailler et ils voudraient savoir de quoi cela sera fait demain pour leur propre entreprise, pour leur propre secteur. Dans ce sens, cela ne nous est pas beaucoup dit dans l'accord. J'espère que cet après-midi on va pouvoir vérifier un certain nombre de choses pour les gens qu'on représente.

Le Président (M. Charbonneau, Verchères): M. Landry, en finale.

M. Landry: Voici quelques points techniques à l'endroit de M. Larose. On va finir par s'entendre à force de liquider nos divergences sur le plan technique, une après l'autre. La situation européenne est la suivante: L'Association européenne de libre-échange regroupe les pays que vous avez nommés, la Suède, l'Autriche, etc. Cela fait à peu près 15 000 000 de consommateurs solvables. Vous pourriez dire: II n'y a rien là, le Canada en a 25 000 000. Sauf que l'Association européenne de libre-échange a signé un accord de libre-échange avec la Communauté économique européenne, ce qui fait qu'une Volvo peut être vendue à 355 000 000 de consommateurs, sans douane, ni tarif, ni quota. C'est pourquoi la Suède est prospère.

M. Larose: Ce sont des ententes sectorielles. C'est ce que je dis. Ce n'est pas une entente mur à mur.

M. Landry: Non, non. Ce sont des ententes globales. C'est l'Association européenne de libre-échange, c'est une zone de libre-échange, c'est le premier modèle qui a été approuvé par le GATT, un des...

Une voix: Sauf l'agriculture... M. Landry: Sauf l'agriculture.

Remarques finales

Le Président (M. Charbonneau, Verchères): M. le premier ministre, je pense que dans le cas des parlementaires, ce sera maintenant à votre tour de conclure. Je vais d'abord céder la parole au chef de l'Opposition ou au critique, M. le député de Bertrand, dans ce cas-là. On terminera avec le premier ministre. Cela complétera, disons, le programme de ce matin qui était à la fois les déclarations d'ouverture et le débat: initial général. M. le député de Bertrand.

M. Jean-Guy Parent

M. Parent (Bertrand): Merci, M. le Président. Je pense que le débat est bien engagé. Voilà deux ans et demi qu'en tant que critique officiel de l'Opposition en matière de libre-échange, je suis pas mai tout ce qui se passe ici à l'Assemblée nationale et en dehors. Je peux vous dire que pour le parti que je représente et pour moi, je pense que le débat du pour et du contre le libre-échange est quelque peu révolu dans le sens qu'on a dépassé le principe comme tel. C'est un peu comme pour un projet de loi. Le principe est adopté à la première étape.

Il y a une entente sur la table. Le Canada l'a signée le 2 janvier dernier. On sait que dans six mois, soit le 1er janvier 1989, va se mettre en action tout le programme de libre-échange. Notre préoccupation est de savoir ce qu'on fait à partir de maintenant. Tous les intervenants se sont réunis autour d'une table. Qu'est-ce qu'on fait pour que le traité de libre-échange, tel qu'il est actuellement sur la table, soit le plus potable possible, le plus acceptable possible et le moins néfaste possible? Je pense que c'est très préoccupant.

On se souviendra que le 16 décembre dernier, ici, à l'Assemblée nationale, le ministre du Commerce extérieur et du Développement technologique, le premier ministre de même que les autres ministres qui sont venus, sont venus rassurer les membres de l'Opposition indiquant: Dormez tranquilles, nous allons respecter ces conditions. Ce que l'Opposition a dit et a toujours dit, c'est: Oui, nous sommes d'accord sur le libre-échange et nous n'avons jamais changé d'idée. Nous sommes d'accord sur le principe, mais à la condition, bien sûr, que les sept conditions de l'entente soient remplies.

Il y a beaucoup de matière dans ces conditions. On s'aperçoit que, malgré les belles promesses qui étaient faites, sûrement de tonne foi, plusieurs de ces promesses ne sont pas remplies. Je pense qu'on aura la chance aujourd'hui et demain de vraiment avoir des engagements de la part du gouvernement. Non seulement des promesses, mais des gestes concrets. Quand on parle de l'article 4 en particulier et de la mise sur pied des programmes d'assitance aux entreprises, je pense qu'on se doit d'avoir des ententes très précises et qu'on puisse les voir avant le 1er janvier 1989, comme s'y est engagé le ministre du Commerce extérieur et du Développement technologique le 16 décembre dernier, afin qu'on ait ces programmes mis sur pied. Où est l'entente avec le gouvernement fédéral disant qu'ils vont y participer financièrement?

On sait qu'au Canada, le Québec est la

province la plus perdante dans cet accord de libre-échange, en ce sens qu'à cause de sa structure, de ses petites et moyennes entreprises, de la diversification de ses régions, le Québec est certainement la province la plus vulnérable face à l'entente. Dans ce sens, nous avons mis le gouvernement en garde à plusieurs reprises. Cela s'est fait en Chambre, lors de la commission parlementaire de septembre, et à celle de décembre également. Le temps nous a donné raison. Quand on voit le premier ministre, le 26 mai dernier, qui dit oui au libre-échange et non à l'ingérence d'Ottawa. Pourtant, on avait dit qu'il y avait des dangers d'ingérence. On l'avait dit très clairement lors de la commission parlementaire qui a été tenue durant quinze jours, où on a entendu quelque 51 groupes ici à la salle du Conseil exécutif.

On avait alors dit au gouvernement: Écoutez, les articles 103, 502, 904 b, 1402 et 1602 sont des articles où il y a un danger d'ingérence. On nous a dit: Dormez tranquilles. Je pense qu'on est rendus à la onzième heure, M. le Président, et on ne peut plus dormir tranquilles. Pour autant que l'Opposition est concernée, on exige maintenant du gouvernement, et je pense qu'on est en droit de l'exiger, que ce soit les gens dans la position pour ou contre, à six mois de l'entrée en vigueur de cette entente, des choses très précises, des engagements qui devront être livrés et non seulement de belles promesses. Le ministre du Commerce extérieur et du Développement technologique, au nom de son gouvernement, a pris des ententes, a fait des engagements à savoir que ces promesses seraient respectées, je comprends mal pourquoi le ministre de l'Industrie et du Commerce, par exemple, le 3 juin dernier, en Chambre, a laissé sous-entendre qu'il n'y avait pas de négociations avec le gouvernement fédéral. C'est très clair, c'est au texte. Il est drôlement inquiétant que le ministre de l'Industrie et du Commerce tienne ce genre de propos.

Pourquoi depuis un an qu'il y a des études au ministère de l'Industrie et du Commerce, les études qu'il y a eu au ministère de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu qui étaient confirmées, que je sache, comme étant des études en marche, ne les a-t-on pas rendu publiques?

Je pense que les entreprises se doivent d'être au moins au fart de ce qui se passe et de ce qui va se passer. Je pense que le manque d'information, M. le Président, et je termine là-dessus, fait en sorte qu'il y a de l'inquiétude. On peut demeurer favorable au principe du libre-échange et espérer que... Mais puisque le temps avance et puisqu'on est rendus à la onzième heure, je pense que le gouvernement, le ministre du Commerce extérieur et du Développement technologique, responsable de ce dossier, et le premier ministre se doivent de prendre des engagements et nous dire formellement s'ils ont l'intention de respecter et de livrer la marchan- dise, selon les sept conditions qu'ils ont mises et ce, avant le 1er janvier 1989.

Le Président (M. Charbonneau, Verchères): Merci, M. la député de Bertrand. M. le premier ministre.

M. Robert Bourassa

M. Bourassa: Oui, brièvement, M. le Président. D'abord, je dois constater que la rencontre de ce matin m'a paru très utile. Je veux féliciter les dirigeants de la coalition pour avoir pris cette initiative parce qu'on s'aperçoit que cela peut faire avancer le débat. J'écoutais le représentant de l'Opposition et j'ai entendu une phrase qui m'a fortement surpris, à savoir que le Québec serait le plus grand perdant dans l'accord de libre-échange. Je dois dire d'abord qu'il contredit là carrément le premier ministre de l'Ontario, M. Peterson, qui ne partage pas du tout le fait que le Québec serait plus perdant que l'Ontario avec cet accord. Peut-être que je l'interprète mal ou qu'il a voulu exprimer un aspect de la situation en ce sens que nous devons être davantage prêts pour faire face au libre-échange. C'est probablement ce qu'il a voulu dire. Mais je me permets de corriger, puisque son affirmation prise comme telle va à I encontre des positions de son propre parti.

Je dois lui dire que nous avons d'abord procédé par étapes. Nous avons fait des demandes sur les périodes de transition. Je pense à la chaussure; on a obtenu dix ans pour permettre aux entreprises de ce secteur de s'adapter au libre-échange. Dans le cas des meubles, on était prêts à demander dix ans et l'industrie a préféré cinq ans. Après consultations, nous avons fait des demandes dans le cas de l'agriculture, on en a parlé à plusieurs reprises à l'Assemblée nationale, on a accepté nos demandes. Dans le cas du vin, qui est quand même une industrie qui n'est pas majeure au Québec et qui n'occupe pas des dizaines de milliers de personnes, nous avons fait une demande et nous l'avons obtenue sur l'embouteillage du vin au Québec. Donc, on ne peut pas dire que le gouvernement, dans cette étape de négociations du contenu du traité de libre-échange, n'a pas été efficace.

Maintenant, l'autre étape qui est au moins aussi importante, ce sont les programmes d'assistance. Et là, nous sommes en consultations avec le milieu industriel. Nous discutons avec les autorités fédérales. Je suis tout à fait d'accord que c'est eux qui doivent faire, et de loin, la principale contribution financière. Il s'agit de la mobilité de la main-d'oeuvre à l'intérieur du Canada et c'est de juridiction fédérale. Donc, nous travaillons avec les autorités compétentes et aussitôt que la consultation sera terminée, les négociations avec le gouvernement fédéral et le comité De Grandpré, sûrement qu'on donnera toutes les informations nécessaires pour rassurer ceux qui pourraient être affectés par cet accord.

Le Président (M. Charbonneau, Verchères): Sur ces dernières remarques se termine le programme de ce matin. Nous allons suspendre les travaux jusqu'à 15 heures alors que nous reprendrons avec une discussion sur les impacts à l'égard de la culture au Québec. Bon appétit!

(Suspension de la séance à 13 h 50)

(Reprise à 15 h 8)

Impact de l'accord sur la culture

Le Président (M. Charbonneau, Verchères): À l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons reprendre nos travaux cet après-midi d'abord en abordant le thème de la culture: les impacts de l'accord de libre-échange sur la culture. Nous allons commencer, selon le même ordre que ce matin. Donc, le gouvernement, l'Opposition, la coalition de l'opposition et le regroupement en faveur du libre-échange. Vous avez cette fois non pas quinze minutes, mais cinq minutes à chacune des parties pour présenter vos points de vue de départ. Ce sera suivi, un peu comme ce matin, d'une discussion ouverte, mais moins longue, d'environ 35 minutes. S'il n'y a pas de questions, on va commencer immédiatement. Je vais céder la parole à la ministre des Affaires culturelles. Mme la ministre.

Remarques préliminaires Mme Lise Bacon

Mme Bacon: Merci, M. le Président. En septembre dernier, alors que le contenu définitif de l'accord était encore, en grande partie, incertain, nous avons eu le privilège d'entendre à cette même commission le milieu culturel exprimer son point de vue sur la question et nous faire aussi part de ses craintes advenant que la culture et les industries culturelles soient incluses dans le traité.

Nous avons nous-mêmes exprimé la position québécoise à cet égard, position qui affirmait que le Québec devait conserver tous les pouvoirs nécessaires au maintien et au renforcement de son identité culturelle. Nous avons fait valoir que cette identité culturelle passait nécessairement par les industries culturelles et qu'il fallait les préserver et les soutenir.

Qu'en est-H, maintenant que les termes du traité sont fixés? Voici. Les industries culturelles ont été formellement exclues de l'accord, et nous nous en réjouissons. C'était d'ailleurs la position défendue tant par le gouvernement québécois que par le gouvernement canadien. Cela signifie que le Québec, tout comme le Canada, conserve tous ses pouvoirs d'intervention en matière de culture et que sont préservés tous les mécanismes actuels et à venir de soutien et de réglementation des industries culturelles.

De même la Société générale des industries culturelles pourra poursuivre ses programmes d'aide à l'industrie cinématographique, aux industries culturelles et aux industries de communication. C'est dire que ces industries qui obéissent à une problématique particulière de développement au Québec pourront compter sur des mécanismes d'akJe adaptés à leur condition pour s'épanouir.

Je tiens à rappeler que les raisons qui nous ont motivés à exiger le retrait des industries culturelles sont essentiellement d'ordre culturel. Nous avons tenu à assurer les conditions pour que s'exprime le caractère spécifique de la culture québécoise et cela présuppose, entre autres choses, l'existence d'une structure industrielle proprement québécoise.

Nous recherchons également à rendre les produits culturels québécois accessibles à tous les citoyens. Il est tout à fait normal que les Québécois puissent retrouver sur le marché les oeuvres de nos créateurs et de nos producteurs. Mais déjà, ce marché est fortement accaparé par les produits des grandes entreprises étrangères, lesquelles produisent et diffusent très peu d'oeuvres québécoises, il faut le reconnaître. Ce sont principalement les petites et moyennes entreprises québécoises qui assument cette tâche de produire et de diffuser les oeuvres de nos créateurs et qui en prennent aussi le risque. Aussi, nous ne pouvons compter que sur les industries québécoises pour garantir aux. créateurs l'accès à leur public et à la population l'accès de leurs oeuvres. Pour cela, les industries culturelles québécoises ont besoin de l'aide des pouvoirs publics. Voilà essentiellement pourquoi il était nécessaire, et nous en avons tous convenu, que les industries culturelles ne figurent pas dans cet accord de libre-échange.

Nous devons préciser par ailleurs que le protectionnisme accordé aux industries culturelles ne signifie aucunement que nous soyons contre la libre circulation des oeuvres. Au contraire, nous croyons que la richesse des oeuvres étrangères contribue à notre propre développement culturel. D'ailleurs, la population accorde une large place aux produits étrangers, que ce soit la musique, le cinéma, les émissions télévisuelles ou les périodiques. Il y a problème lorsque, justement, cette liberté de choix ne peut plus adéquatement s'exprimer en raison d'une présence trop massive de produits culturels d'une même origine. Le ministère des Affaires culturelles continuera à encourager les entreprises québécoises qui assurent la présence de la culture québécoise sur le marché, tout en étant attentif à une accessibilité diversifiée des oeuvres étrangères. Mais même si les industries culturelles sont nommément exclues de l'accord, certaines dispositions de cet accord de libre-échange pourront avoir un impact sur elles, ce qui semble encore faire craindre plusieurs représentants du milieu. Il s'agit particulièrement de l'abolition des tarifs

douaniers, des droits qui seront payés pour la retransmission des signaux télévisuels américains par câble et des mesures de représailles possibles de la part des États-Unis dans les cas où des interventions canadiennes à l'égard des industries culturelles porteraient préjudice aux intérêts commerciaux américains. Nous espérons que les travaux de la présente commission parviendront à dissiper les craintes encore existantes.

Parlons d'abord des tarifs douaniers. L'accord prévoit qu'ils seront graduellement éliminés sur les enregistrements sonores. Ce n'est pas une disposition tout à fait nouvelle, puisque l'élimination graduelle des tarifs douaniers sur les enregistrements sonores avaient déjà été décidés sous le gouvernement fédéral précédent et avait commencé en 1982. Dans les faits, il y a assez peu d'enregistrements sonores qui sont affectés d'un tarif puisque les compagnies importent les copies originales de l'étranger pour les reproduire au Canada. Bien sûr, il est possible que la suppression des tarifs modifie la nature des importations. Au lieu d'importer les bandes maîtresses, les compagnies pourraient être tentées de les remplacer par des produits finis. Mais n'oublions pas que la fabrication des enregistrements sonores au Canada peut demeurer avantageuse pour les compagnies, en raison du coût de production moins élevé, des frais de transport et des taux de change.

Le Président (M. Charbonneau, Verchères): Mme la ministre, je vous regarde aller. En avez-vous encore pour longtemps? Il vous reste une demi-minute.

Mme Bacon: Oh! j'en ai pour plus que cela, M. le Président. Voulez-vous que j'aille aux conclusions maintenant?

Le Président (M. Charbonneau, Verchères): Oui, parce que si on veut respecter un peu le...

Mme Bacon: Je pourrais peut-être revenir sur les droits de retransmission par câble un peu plus tard et sur les mesures de représailles...

Le Président (M. Charbonneau, Verchères): J'ai l'impression que, dans la discussion, on va aborder...

Mme Bacon: ...ou si vous voulez qu'on y revienne?

Le Président (M. Charbonneau, Verchères): Dans la discussion, de toute façon, vous aurez l'occasion de peut-être...

Mme Bacon: Alors, je conclus, M. le Président. J'espère que les informations que j'aurais pu donner, si vous m'en aviez laissé le temps, contribueront à éclairer le débat et aussi à dissiper les inquiétudes que certains pouvaient avoir à l'égard des effets de l'accord sur les industries culturelles. Cet accord, tout en contribuant à notre développement économique, en créant des emplois et en augmentant la capacité concurrentielle de nos entreprises, ne doit pas porter atteinte aux progrès accomplis par nos industries culturelles ni aux moyens dont dispose le Québec pour appuyer leur développement. Vous me permettrez, en terminant, M. le Président, de rappeler notre détermination à fournir à nos industries tout le soutien dont elles ont besoin pour s'épanouir et pour encourager leurs projets qui contribuent à l'expression de la culture québécoise.

Le Président (M. Charbonneau, Verchères): Merci, Mme la ministre, pour votre compréhension. M. le député de Mercier.

M. Gérald Godin

M. Godin: M. le Président, s'il y a domaine où une inquiétude était fondée, c'est bien celui de la culture. Mais dès le lancement du projet d'entente ou de l'accord, if a été dit que la culture était exclue de ladite entente. Or, plusieurs mois après, en le lisant, on se rend compte que, au contraire, la culture était bien comprise dans les discussions entre MM. Reisman et Murphy.

Donc, on peut dire que plus il y avait inquiétude, plus il y a eu de mensonges. C'est bien ce qui nous inquiète pour l'avenir, et c'est bien ce qui nous fait douter un peu de l'aspect démocratique de toutes ces discussions qui se sont faites à huis clos, dans le secret ou dans l'ombre, si on peut dire, dans les coulisses, alors que l'importance elle-même du libre-échange aurait dû amener les gens à vouloir discuter ouvertement et devant tout le monde de ce qui était en cause.

Malheureusement, ces méthodes non démocratiques ont un peu enlevé de la crédibilité à l'entente. Malheureusement, je dis bien, parce que si on regarde l'accord, tel que proposé, on se rend compte que la production québécoise de films sur vidéo-cassettes, nommément à la compagnie Astral-Bellevue-Pathé est atteinte, est touchée par l'accord et, tôt ou tard, elle va - comme on le dit en bon québécois - manger une claque avec l'entente dite non culturelle.

D'autre part, ce qui m'inquiète beaucoup pour l'avenir, M. le Président, malgré que nous sommes d'accord avec le principe de libre-échange, bien sûr, ce sont les mesures de rétorsion. Nous craignons que cet aspect de l'entente ne gèle la réalité dans laquelle elle est présentement, donc on garde l'éléphant américain culturel tel qu'il est, et le papillon québécois culturel, donc, très petit pour l'avenir aussi.

Ce qu'on considère depuis quelques années, c'est que le gros va continuer à grossir et le petit va continuer à dépérir. Comme on sait que chaque gouvernement du Québec dans le domaine culturel, entre autres du cinéma, a vécu des

menaces de représailles dans le passé, que ce soit la loi Hardy de 1974, 1975 ou 1976, la loi Richard plus récente et, récemment, l'entente Valenti-Bacon, on se rend compte qu'il y a des domaines que les Américains veulent protéger totalement et absolument contre toute ingérence. Les mesures de représailles dans l'entente nous font croire que le statu quo sera consacré à perpertuité, ce qui nous inquiète pour l'avenir. Donc, nous aimerions poser des questions là-dessus à Mme la ministre plus tard.

M. André Boulerice

M. Boulerice: Au sujet des télécommunications, M. le Président, de toute évidence, ce sont tout autant la complexité, l'enjeu, de même que la constante mouvance des télécommunications qui ont valu à ce secteur une annexe sectorielle, spécifique au chapitre 14 de l'accord où, d'ailleurs, une compréhensible et souhaitable prudence a fait en sorte d'exclure de son application ce qu'il est convenu d'appeler les télécommunications de base, constituées pour l'essentiel des services de téléphone.

Il a été effectivement téméraire de permettre immédiatement une situation de libre-échange dans un secteur où, des deux côtés de la frontière, les organismes réglementaires favorisent une perspective différente de concurrence qui fait en sorte de modeler au Canada une forme d'interfinancement entre les services offerts par un même prestataire.

La plus récente requête de Bell Canada auprès du CRTC afin de procéder à un rééquilibrage de ses tarifs, demande qui, incidemment, a été rejetée, démontre l'actuelle vulnérabilité des monopoles canadiens de téléphonie à une ouverture tous azimuts de la concurrence américaine. Ce débat devrait toutefois être repris, tel que le permet le paragraphe 2° de l'article 14.05 qui autorise les parties à se consulter dans un but d'inclure de nouveaux services aux dispositions de l'accord.

Nous tenons, nous, toutefois à rappeler ici, et ce avec regret, que le Québec ne pourra revendiquer qu'une portion congrue d'autorité dans l'application de l'annexe C du chapitre 14 sur les services de télécommunications améliorés tant que prévaudra l'actuel partage des compétences fédérales-provinciales en matière de communication.

À la dernière conférence que tenait le gouvernement fédéral et les provinces sur le sujet à Edmonton en avril 1987, si ma mémoire m'est fidèle, il avait pourtant été convenu que soit ratifié en septembre de la même année un protocole d'entente faisant en sorte, entre autres, de confier aux seules prérogatives provinciales le contrôle des communications intraprovinciales et, aussi, de permettre l'établissement des règles sur l'interconnexion. Or, rien ne fut fait, ni l'automne dernier ni au printemps. Cette incertitude juridictionnelle ne manquera pas de causer d'importants heurts dans l'application de l'accord. Dans le mesure où ce sont les organismes réglementaires des parties qui procéderont, en vertu de l'article 33 de l'annexe C, à la définition de même qu'à la classification servant à distinguer les services de télécommunications de base exclus de l'accord et les services améliorés, c'est-à-dire messagerie électronique, transmission des données, traitement de l'image et, je conclus, M. le Président, à votre demande...

Le Président (M. Charbonneau, Verchères): Très bien.

M. Boulerice: ...télé-informatique, etc.. inclus eux, par contre, au traité, ainsi le CRTC, c'est-à-dire le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes ou la nouvelle régie québécoise des télécommunications remplaçant la Régie des services publics en vertu du projet de loi 110 adopté le 7 janvier dernier procédera à cet important partage... M. le Président, je pense que l'interrogation mériterait, effectivement, que vous me laissiez au moins 30 secondes de plus.

Le Président (M. Charbonneau, Verchères): C'est ce que vous avez eu, comme la ministre d'ailleurs.

Alors, je ne sais pas qui, pour... alors M. Charbonneau.

Coalition québécoise d'opposition au libre-échange

M. Yvon Charbonneau

M. Charbonneau (Yvon): Oui, M. le Président, mesdames, messieurs. Je vais donner le point de vue de la coalition sur le dossier culture et industries culturelles. Se joint à nous, à ce moment-ci, une ressource représentant le MQF, le Mouvement Québec français, M. Henri Laberge, qui va traiter plus particulièrement de la question de la langue.

Pour ce qui est du sujet qui est maintenant à notre ordre du jour, j'ai bien entendu Mme la ministre qui avait préparé une intervention un peu plus longue qu'elle n'a eu le temps de livrer pour expliquer son point de vue. Donc probablement que mon intervention va lui donner l'occasion de compléter la sienne. En effet, la coalition soulève cette question de l'élimination de la protection douanière pour certains produits ou certains secteurs: enregistrement sonore et visuel, cinéma, édition. Il existe aussi, notamment dans le secteur de l'édition, un certain droit de douane américain, mais beaucoup moindre qu'au plan canadien. Les droits de douane dont nous parlons ici, en ce qui a trait au Canada, sont de l'ordre de 11 %, 13 %, 14 %, et ils seront abolis graduellement. Donc, nous ne pouvons pas faire autrement qu'avoir le sentiment d'ouvrir la porte

toute large dans des domaines particulièrement sensibles, la porte toute large à certains produits américains dans ces secteurs: cinéma, édition, enregistrement et tout le reste. Cette invasion ou cette pénétration accrue du marché canadien par des produits américains va diminuer la viabilité de certaines maisons de production canadiennes, viabilité déjà précaire en certains cas, ou difficile; donc, elle va mettre en cause un certain nombre d'emplois. Cette invasion ou cette pénétration du marché canadien par des produits américains pourrait changer graduellement certaines caractéristiques de la société canadienne et québécoise. C'est une question que nous soulevons et, même si on dit que tout ce domaine-là est exclu de l'accord, exclu du projet de loi, il reste qu'en réalité, par un moyen comme celui-là, c'est une inclusion assez substantielle.

Le deuxième point, c'est le traitement fiscal des publications canadiennes. La publicité est le nerf de la guerre dans bon nombre de publications, et le système actuel faisait en sorte de rendre plus avantageuse sur le plan fiscal la publication de la publicité dans des publications canadiennes. Si maintenant tout revient au même, que la publicité soit incluse dans des publications américaines qui reviennent au Canada ou dans des publications canadiennes, nous pensons qu'il y a là aussi un affaiblissement sur le plan économique pour ces entreprises que sont ces revues, ces médias, qui jouissent actuellement de l'avantage que l'on connaît.

Vous alliez évoquer le droit de représailles. Je ne sais pas quelle sera votre réponse là-dessus, mais nous soulevons la question à l'article 2005 du projet d'accord. L'article prévoit que chaque pays pourra prendre des mesures ayant un effet commercial équivalent en représailles à des mesures prises pour protéger les industries culturelles.

On sait, par ailleurs, que cela n'a jamais trop fatigué les Américains que cette question de protéger leurs industries culturelles, puisqu'ils sont tellement plus lourds économiquement et mondialement que le Canada et le Québec. Il n'y a pas de comparaison possible. Alors, ce n'est pas un problème pour eux. Représailles, ici, cela ne peut s'entendre que de la part de mesures prises par le Canada ou le Québec. Si un pays, si les États-Unis, donc, jugent qu'il y a là quelque chose qui ne va pas, ils peuvent édicter des représailles dans le domaine de leur choix, en des termes équivalents. Il me semble que c'est la porte ouverte à l'éléphant dans notre jardin de...

Le Président (M. Charbonneau, Verchères): De porcelaine. Et sur cette...

M. Charbonneau (Yvon): ...porcelaine.

Le Président (M. Charbonneau, Verchères): ...remarque, M. Charbonneau, je pense qu'on va conclure la partie de l'intervention préliminaire.

Vous aurez l'occasion de revenir et M. Laberge également. Parce qu'on a tous cinq minutes, là. Je vous rappelle les règles du jeu: ce n'est pas quinze minutes, cette fois-ci, c'est cinq minutes. M. Landry.

Regroupement pour le libre-échange M. Bernard Landry

M. Landry: Alors, le temps est court et, surtout, il y a déjà eu une commission parlementaire là-dessus, et il y a beaucoup de spécialistes de la culture autour de la table. Je ne voudrais pas essayer de faire une étude en profondeur et exhaustive, mais certaines remarques impressionnistes, la première étant que le premier libre-échange à s'être établi entre les pays occidentaux est celui de la culture. Les biens culturels, actuellement, circulent librement au moins dans les démocraties. On n'a pas essayé de bloquer le passage des idées, des images ou des musiques. Fort heureusement, n'importe quel citoyen de Montréal peut acheter son New York Times du dimanche si ça lui chante, sans droit de douane; ceux qui ont eu des adolescents ou des adolescentes dans leur maison au cours des dernières années savent bien de quel genre de produits culturels nous avons été des importateurs forcenés depuis quelque temps, à partir des États-Unis d'Amérique. Donc, c'est déjà un domaine déjà largement libéré, qu'une démocratie ne peut pas, fort heureusement, contraindre.

Alors, qu'est-ce que le traité change? Il change peu de choses en ce sens que le combat culturel québécois, et canadien plus encore, parce qu'ils sont beaucoup plus exposés aux radiations, ils n'ont pas la protection naturelle de la langue... Cela restera une opération qui va demander vigilance, qui va demander courage de la part du gouvernement du Québec et de la part du gouvernement du Canada, s'il en est capable. Parce que, souvent, les institutions fédérales canadiennes ne jouent pas exactement dans le sens de la protection de nos législations linguistiques en particulier. Malheureusement, nous nous en doutons que trop. Cela dit, le traité peut améliorer légèrement le statu quo, et je m'explique. Présentement, avant le traité, c'est l'accord général qui s'applique, le GATT. Il aurait toujours été possible pour un lobby américain ou des industriels américains de la culture d'invoquer le GATT contre une de nos protections culturelles. Ils ne l'ont jamais fait, je dois le dire; cela aurait été plutôt odieux s'ils l'avaient fait, mais ils auraient pu le faire. Là, ils ne le pourront plus parce que les industries culturelles sont nommément exclues. Donc, comme l'a dit la ministre, les subventions peuvent continuer à n'importe quelle organisation culturelle, etc. Tout cela doit être joué en douceur. C'est vrai que la radiation culturelle américaine est énorme, pas seulement sur le Canada et le Québec, mais sur le monde entier, mais c'est vrai qu'il y a aussi,

dans nos milieux de créateurs et de culture, une fascination prodigieuse pour les États-Unis d'Amérique. Quand le Cirque du soleil fait un malheur à Manhattan, le Québec entier tressaille de joie; il ne faut pas oublier cela non plus. Et quand Frédérik Bach reçoit son Oscar ou quand l'empire américain passe près de le recevoir, ça s'émeut dans les chaumières. Cela doit être joué comme la culture elle-même, pas d'une façon grossière mais d'une façon ouverte. De ce point de vue-là, je pense que, même si notre destin reste périlleux, le traité nous permet peut-être d'améliorer légèrement notre sort.

Discussion générale

Le Président (M. Charbonneau, Verchères): Je vous remercie. Maintenant, je vous rappelle qu'on a à peu près 35 minutes de discussion ouverte, là. J'ai trois intervenants: Le député de Saint-Jacques, le député de Mercier, M. Larose et M. Laberge. Donc, on va procéder rapidement. D'abord, M. le député de Saint-Jacques, après je donnerai la parole à quelqu'un de la coalition et je reviendrai à un parlementaire.

M. le député de Saint-Jacques.

(15 h 30)

M. Boulerice: C'était à mon collègue, le député de Mercier.

Le Président (M. Charbonneau, Verchères): Ou M. le député de Mercier.

M. Godin: Mon collègue me cède son tour. M. le Président, ma question s'adresse au ministre du Commerce extérieur. Les études d'impact sur les effets de l'accord, M. le ministre, dans le domaine entre autres de l'imprimerie au Québec et du marché publicitaire qui glisserait vers les revues américaines maintenant, est-ce que cela a été fait? Cela a été promis dans le temps, mais est-ce que c'est accessible maintenant?

M. MacDonald: Excusez-moi, pourriez-vous répéter la question?

M. Godin: Oui, M. le ministre. On nous a promis il y a quelques mois des études d'impact sur les effets de l'accord sur l'imprimerie au Québec, entre autres, celle qui imprime le Time Magazine à Montréal et également les études d'impact sur le glissement de la publicité vers des revues américaines maintenant et qu'il n'y a plus d'avantage à insérer cette publicité dans les revues canadiennes ou québécoises. Est-ce que l'étude d'impact promise a été réalisée et est-elle accessible au moment où on se parle?

M. MacDonald: Je vais demander à M. Grenier de vous donner une réponse technique précise.

M. Grenier: Je pense que je vais devoir donner une réponse non technique et non précise, parce que l'essentiel de toutes les études d'impact qu'on a réalisées dans le cadre des négociations de l'Accord de libre-échange ont été rendues publiques, en fait, au cours des 18 derniers mois. Vous savez que le document qu'on a publié au mois de mai l'an passé et t'annexe technique de 400 pages qui a suivi un mois plus tard contenaient en fait ces analyses. J'imagine que c'est à cela que vous faites référence.

M. Godin: Merci beaucoup, monsieur. Mme la ministre, une deuxième question, est-ce que vous ne trouvez pas que l'insertion dans l'accord même du droit de représailles américain menace de mener au statu quo total entre l'empire américain culturel énorme et grossissant et le petit îlot québécois de plus en plus menacé, de mener donc au statu quo de ces deux réalités, l'une immense et l'autre de plus en plus petite et menacée.

Mme Bacon: On doit dire que l'article 2005, où on parle de mesures de représailles, stipule que chacune des parties pourrait adopter des mesures de compensation ayant un effet commercial équivalent si l'autre partie agit de manière incompatible avec l'accord. On doit dire que la disposition n'a pas un caractère rétroactif. Donc, en ce sens-là, les États-Unis ne pourraient pas l'invoquer pour des mesures ou des pratiques déjà existantes; alors ça, c'est acquis. Les programmes de subventions, la réglementation actuelle à l'égard des industries culturelles ne peuvent pas être invoquées en vertu de ce passage du 2005; il semble plutôt affirmer une sorte de statu quo.

L'Accord de libre-échange ne met quand même pas fin aux ententes du GATT auxquelles le Canada ou les États-Unis demeurent encore liés. Je ne pense pas que ces mesures de représailles puissent exister.

Le Président (M. Charbonneau, Verchères): M. le député de Mercier.

M. Godin: Une deuxième question sur le deuxième sujet: Pour contrer ce que les Américains appellent le "block booking" dans le cinéma ou dans l'annonce des disques chez nos distributeurs qui fait que les disques américains ou les films américains occupent la majeure partie de la vitrine, sous peine de représailles déjà maintenant, est-ce que le gouvernement pourrait éventuellement mettre un terme à cela avec des mesures nouvelles à l'avenir, malgré la présence dans l'accord du droit de représailles?

Mme Bacon: II existe maintenant, vous voulez dire.

M. Godin: Est-ce que votre ministère pourrait éventuellement modifier le "block booking" cinéma ou disque ou magazine américain

au moment où on se parle, d'autant plus qu'il y a maintenant dans Vaccord le droit de rétorsion et de représailles qui est inscrit?

Mme Bacon: Cela appartiendrait au gouvernement fédéral, si je ne m'abuse. Il me semble que c'est au gouvernement fédéral et avec les accords du GATT, ça tient compte de cela.

M. Godin: Est-ce que nous pourrions intervenir, par exemple, dans les cinémas comme l'ancienne loi Hardy le proposait et insistait sur un nombre de films québécois minimums par salle ou par ciné-parc au Québec? Le ministère pourrait-il le faire actuellement, indépendamment des interventions fédérales?

Mme Bacon: Avec ce qu'il existe maintenant, oui. Et plus tard aussi, on peut le faire.

M. Godin: Et ne craignez-vous pas qu'avec l'accord qui inclut des représailles nommément et de façon claire que vous nous exposiez à ne plus jamais pouvoir intervenir dans ce domaine-là à l'avenir?

Mme Bacon: On peut réglementer au Québec, on a nos lois et nos règlements, cela ne nous empêche pas de les faire.

M. Godin: Vous êtes convaincue qu'il n'y a aucun empêchement à de nouveaux règlements Hardy ou Richard ou Bacon dans l'avenir, ou Godin éventuellement, dans ce domaine-là?

Mme Bacon: Ou autres, non?

M. Godin: D'accord.

Le Président (M. Charbonneau, Verchères): Je vais maintenant reconnaître le président de la CSN, M. Larose, ou quelqu'un de la coalition, M. Laberge? Alors, M. Laberge.

M. Laberge (Henri): Ce qui m'inquiète c'est qu'il n'y a aucune clause dans l'accord accordant une garantie pour les politiques linguistiques québécoises. C'est une demande qui avait été faite, notamment, par deux autorités importantes: le Conseil de la langue française et M. Bernard Landry qui, dans son ouvrage sur le libre-échange, avait mentionné l'importance qu'il y ait une clause de sauvegarde des politiques linguistiques. Il avait mentionné, d'ailleurs, l'exemple de la viande kasher qui était exclue nommément de l'Accord de libre-échange avec Israël et il disait que la langue était au moins aussi importante pour nous que la viande kasher pour les Israéliens.

Il n'existe aucune clause de ce genre-là nulle part dans l'Accord de libre-échange. Malgré les notes explicatives canadiennes, il n'y a aucune clause dans l'accord lui-même qui mentionne la question de la langue. Par contre, la réduction importante des pouvoirs provinciaux que va entraîner la mise en application de l'accord, notamment avec l'article 103 de l'accord et la loi fédérale de mise en oeuvre, fait que le Québec sera de moins en moins en mesure d'intervenir sur la question de la langue dans les domaines qui risquent d'être considérés comme des questions commerciales. Comme le Québec ne peut pas se retirer de l'accord, il devra subir indéfiniment tous les inconvénients qui seraient propres au Québec dans cet accord-là.

Le Président (M. Charbonneau, Verchères): Je vous arrête tout de suite. Je pense que l'intervention que vous venez de faire peut être aussi considéré comme une question même si c'était plus sous forme de commentaire. Alors, est-ce que quelqu'un, soit du regroupement en faveur ou de la partie gouvernementale, souhaiterait répondre? M. Landry.

M. Landry: M. Laberge a bien analysé l'accord. Je connais ses méthodes de travail, il passe ça au peigne fin et il l'a fait dans ce cas-là aussi. Cependant, ce que j'avais demandé effectivement dans mon ouvrage, comme il l'a mentionné - et je n'ai pas la prétention d'affirmer que c'est ça qui a fait que l'article 603 a été inclus dans le traité, M. Riseman était capable de trouver cela tout seul - me donne satisfaction - en tout cas, je présume que M. Riseman était capable de trouver cela tout seul - et l'article dit, et c'est une clause normale et classique en commerce extérieur, que lorsqu'on poursuit une fin intérieure légitime, cette mesure que l'on prend n'est pas présumée être une pratique déloyale de commerce. En clair, il est sûr que protéger la langue française au Québec et au Canada est un objectif intérieur légitime et que nul ne pourrait nous reprocher de faire cela.

En plus, objectif intérieur légitime et défini par l'accord, on pense à l'étiquetage en particulier, à la protection du consommateur, dont les rudiments sont au moins que le consommateur puisse lire les étiquettes, est inclus nommément, en plus, dans l'accord. J'ajouterais ultimement que si l'on regarde les expériences des nombreux pays vivant des accords de libre-échange, non pas à deux cultures, mais à quatre, à huit, à dix, on n'a pas vu la souveraineté culturelle de la Grèce être affectée parce qu'elle est entrée dans le Marché commun, ni celle du Portugal et on a même en Europe le multilinguisme de l'étiquetage dans tout le Marché commun. Je pense qu'il se pourrait fort bien qu'on arrive au multilinguisme dans l'étiquetage, dans la zone de libre-échange nord-américaine, ce qui ne serait pas un recul pour le français mais un progrès.

Le Président (M. Charbonneau, Verchères): M. Laberge.

M. Laberge (Henri): D'abord, objectif intérieur légitime est effectivement défini dans l'accord, à la page 76, article 609 et je ne vois nulle part la question de la langue là-dedans. C'est une définition qui ne comporte aucune mention générique. C'est une énumération de choses qui font partie de l'objectif intérieur légitime. Il y a là-dedans la santé, la sécurité, les intérêts essentiels en matière de sécurité, l'environnement et les intérêts des consommateurs. Or, les intérêts des consommateurs, ce n'est pas sûr qu'on puisse les invoquer inconsidérément et d'une façon aussi générale que M. Landry semble l'indiquer. Il y a eu des cas en Europe dans le Marché commun européen, qui sont d'ailleurs mentionnés dans l'étude de Michel Sparer, du Conseil de la langue française, où justement on a invoqué la question de l'intérêt de la protection des consommateurs pour exiger que certains produits soient étiquetés en français, alors qu'ils l'étaient en anglais par une entreprise italienne. C'était en France, oui. Un fonctionnaire français avait demandé qu'on retourne des explications en français et ta France a perdu. On a invoqué que cela ne touchait pas les intérêts de la protection des consommateurs, étant donné que ce n'était pas le consommateur qui avait accès directement à ces produits mais uniquement les techniciens qui, en principe, devaient savoir l'anglais. Alors, je ne vois pas comment une situation semblable ne pourrait pas se produire chez nous, d'autant plus qu'il y a la clause 2011 qui est très large et qui permet à l'autre partie d'intervenir à peu près sur n'importe quelle mesure prise par le gouvernement du Québec. On dit que si une partie estime que l'application d'une mesure semble réduire un avantage qui devrait raisonnablement découler indirectement du présent accord, elle peut, si elle le juge à propos, recourir au mécanisme de règlement des différends, etc. Bon, alors on peut intervenir sur à peu près n'importe quoi, même si cette mesure ne touche pas directement le commerce.

Le Président (M. Charbonneau, Verchères): Je crois que le ministre du Commerce extérieur et du Développement technologique voudrait ajouter une réponse. M. le ministre.

M. MacDonald: Bien, je dois me reporter à 18 mois en arrière ou plus, lorsque nous discutions de ce qu'était la position du Québec. La thèse de la langue, de l'insertion d'une clause touchant la langue, recevait un support de gens qui disaient: Nommément, nous aimerions que ce soit spécifié. D'autres appuyaient la thèse suivante et disaient: La langue n'est pas à négocier, sous quelque forme que ce soit, et l'inclusion d'un article quelconque concernant la langue démontrerait que faisant partie de l'entente c'est un sujet qui pourrait être discuté. Nous avons abordé la thèse sur la base suivante: Ce n'est pas négociable et ce n'est pas dis- cutable. Si je vais au-delà des mentions qui ont été faites ici, il faut se rappeler qu'une des choses qui chapeaute ou entoure ou habille globalement l'entente, c'est le traitement national. Le traitement national, au Canada, que cela s'applique à l'étiquetage bilingue ou à autre chose touchant la langue ou à la réalité culturelle canadienne ou spécifiquement québécoise, il n'est pas question pour nous, à ma connaissance, de changer, de mettre en danger, sous quelque forme que ce soit, les acquis que nous avons. Bien au contraire, on veut enrichir. Les décisions qui ont été prises ou qui pourraient être prises, au Canada même, sont celles qui vont s'appliquer aux Américains, alors que nous allons traiter à partir du Québec, les gens du Nouveau Brunswick ou de la Colombie britannique de la même façon que les gens du Kansas ou de la Californie.

Le Président (M. Charbonneau, Verchères): Encore sur la langue, est-ce qu'il y avait quelqu'un du groupe parlementaire?

M. Boulerice: Brièvement.

Le Président (M. Charbonneau, Verchères): M. le député de Saint-Jacques.

M. Boulerice: Je comprends les interrogations de M. Laberge et je me suis, moi aussi, longuement interrogé au sujet de l'étiquetage, etc., en fonction justement de l'expérience européenne. Mais le ministre ne répond malheureusement pas pour ce qui est des programmes de francisation des entreprises, compte tenu de l'accord, quand on parle des programmes de francisation des conseils d'administration, des hautes directions, etc. Est-ce que le ministre a des réponses à ce sujet? On pourrait peut-être potentiellement invoquer, en disant: Oui, mais il y a un coût à la francisation, nous ne sommes donc pas concurrentiels. Ils pourraient contester...

M. MacDonald: Mais c'est un coût qui s'applique. La francisation des entreprises est une chose qui se fait au Québec. Qu'une entreprise soit de propriété étrangère, de quelque nation que ce soit, ou québécoise, c'est une loi qui s'applique, c'est une réglementation, c'est un fait québécois. Je n'ai pas vu les Américains et je ne m'attends pas à voir les Américains contester la réalité de la francisation des entreprises.

Une voix: Nous ne sommes pas encore dans un contexte...

Le Président (M. Charbonneau, Verchères): M. Larose. Sur la langue, toujours sur la langue, s'il vous plaît. (15 h 45)

M. Larose: Oui, oui. Vous me voyez un peu

surpris parce que dans l'article 609, on nomme des choses très précises. On nomme la santé, la sécurité, les intérêts essentiels en matière de sécurité - là, on est dans la plomberie - l'environnement ou les intérêts des consommateurs. J'avoue que j'aime cela, moi, un peuple qui est réduit à l'état de consommateur et que le fait de vouloir parler français, c'est qu'il ait un intérêt comme consommateur. J'avoue qu'on fait flèche de tout bois pour dire que cette entente est extraordinaire. La langue, je m'excuse, cela n'a rien à voir avec les consommateurs. Nous serions des consommateurs particuliers, parce que francophones? C'est quoi Alliance Québec dans une cause qui nous impliquerait sur une question d'affichage ou une question d'étiquetage? Ils sont un peu consommateurs, eux autres "itou". Comme consommateurs, ils défendraient le même point de vue? Je m'excuse, mais je pense qu'il y avait difficulté à faire inclure la langue, en termes de négocations; je n'ai pas de misère à le croire. Mais qu'on n'essaie pas de nous faire accroire qu'on est protégé et qu'il y a une clause de réserve linguistique, ce n'est pas vrai. D'autant plus qu'on a sept ans, vous l'avez dit ce matin, mon cher ministre, pour qu'on ajuste, et c'est d'ailleurs un des objectifs de l'accord, pour qu'il y ait harmonisation des normes, pour ne pas qu'il y ait d'entrave à la libre circulation des biens et des services. Se peut-il que dans ce débat, cela revienne? Parce que c'est cela qu'on nous a dit au moment où on a soulevé cette question. On a dit: Écoutez, sur la question des normes, on va certainement se protéger, au moment où on va en débattre pour dire que la question de la langue, ce n'est pas une norme qui pourrait contrevenir à la libre circulation des biens. Alors qu'on ne parle pas des deux côtés de la bouche en même temps. Ou bien il y a une cause de réserve, ou bien il n'y en a pas. S'il n'y en a pas, on va en débattre pendant sept ans, et dans ce débat, on verra si on va gagner ou pas. Mais à l'heure actuelle, les francocphones comme consommateurs, ne sont pas plus protégés que les consommateurs d'Alliance Québec, cela n'est pas vrai.

Le Président (M. Charbonneau, Verchères): M. le ministre ou quelqu'un du regroupement...

M. Landry: Ma réponse à cela - M. Larose la donne un peu dans sa question - c'est un accord économique. Alors, nous sommes tous, en économie, des consommateurs, et nos intérêts veulent qu'on puisse lire les étiquettes, et c'est dans ce sens que j'ai invoqué cet article, plus le traitement national. Mais il faut voir cela aussi dans un contexte plus réaliste. Quel gouvernement du Canada ou du Québec - j'aimerais voir cela - va se lever pour dire: On sacrifie l'étiquetage en langue française à cause d'un traité commercial. Il faut raisonner dans les faits et dans les normes d'une démocratie évoluée comme l'est la nôtre et ne pas demander à un accord de libre-échange de faire ce qu'un document économique ne fait pas généralement, soit contenir des dispositions culturelles.

M. Larose: Je préfère la deuxième version de M. Landry. Il dit qu'il n'y a rien là pour les francophones. C'est bien dit, c'est respecter l'accord tel qu'il est, c'est un accord économique.

M. Landry: J'ai dit qu'il y avait là pour les consommateurs, et je pense qu'il n'y a pas grand monde autour de cette table qui n'est pas consommateur, et il n'y a pas grand monde autour de cette table qui n'est pas francophone, non plus.

M. Larose: Bien. Entre le consommateur d'Alliance Québec et le consommateur francophone, quelle différence y a-t-il pour défendre un intérêt spécifique comme francophone?

Le Président (M. Charbonneau, Verchères): Une dernière réplique sur le sujet de la langue, je pense que c'est important, c'est pour cela que j'ai laissé filé un peu plus longtemps. M. Landry.

M. Landry: Bien, j'imagine que les gens d'Alliance Québec achètent prix et qualité et ils suivent les lois pour l'étiquetage et les lois au Canada. Les lois fédérales, comme les nôtres d'ailleurs, sont à l'effet que le consommateur doit être capable de lire l'étiquette, et cela m'apparait fondamental en commerce extérieur. Les Japonais exigent la même chose quand on exporte chez eux; il faut étiqueter en japonais, autrement le produit ne rentre pas.

M. Larose: Et il n'y a pas un accord de libre-échange avec le Japon non plus.

M. Landry: Non, mais à plus forte raison. M. Laberge (Henri): Et pourtant...

Le Président (M. Charbonneau, Verchères): Alors nous allons, si vous le permettez, changer de sujet.

M. Laberge (Henri): Et pourtant, M. te Président, il entre déjà des produits au Québec qui ne sont pas en français et qui circulent très bien, par exemple, dans le domaine de l'automobile. Même les voitures françaises rentrent au Québec avec des tableaux de bord en anglais.

M. Landry: Oui, cela peut arriver.

M. Laberge (Henri): Maintenant, M. le ministre, tantôt...

Le Président (M. Charbonneau, Verchères): M. Laberge, je m'excuse, mais avant que vous alliez plus loin, je comprends que la langue c'est

important, mais mon problème est que j'ai une limite de temps. Je n'ai pas quatre jours pour faire la question culturelle, j'ai 35 minutes. Alors le député de Saint-Jacques, sur un autre sujet.

M. Boulerice: M. le Président, ce que j'ai introduit tantôt est un sujet d'intérêt. Alors, la question que je me pose, c'est: Eu égard aux responsabilités réglementaires majeures qui sont dévolues aux organismes nationaux, tant en matière d'application du traitement national qu'à celui de définition et de classification qui sert à distinguer les services de télécommunications de base - exclus de l'accord, ceux-là, si vous vous rappelez, M. le ministre - et les services améliorés inclus à l'accord, quelles sont les conséquences de ce flou juridictionnel sur l'application de l'accord?

M. MacDonald: Je ne m'aventurerai pas sur cette conséquence légale.

Mme Bacon: Est-ce que vous parlez de la retransmission par câble? Ce n'est pas cela? Vous en avez parlé tantôt.

M. Boulerice: Non, madame, pas du tout. Vous n'êtes pas branchée, c'est le cas de le dire.

Mme Bacon: Je ne suis pas tout à fait débranchée non plus. M. Grenier veut répondre.

M. Boulerice: Mais c'est un sujet d'importance. Écoutez, votre collègue a...

Mme Bacon: Vous en avez parlé tantôt.

Le Président (M. Charbonneau, Verchères): M. le député, je pense que la question est bien posée. Maintenant, on va plutôt prendre le temps d'y répondre. M. Grenier.

M. Grenier: En fait, il faut...

M. MacDonald: Si vous me le permettez, il y a certainement M. Ducros et M. Grenier qui peuvent y répondre.

Le Président (M. Charbonneau, Verchères): Écoutez, j'avais reconnu M. Grenier. M. Grenier, un peu, et après cela, M. Ducros, comme cela il n'y aura pas de chicane, tout le monde va parler.

M. Grenier: Je pense que dans la question des télécommunications, c'est clair que la portée de l'accord n'est pas très étendue. Tout le secteur des services est évidemment nouveau et on n'a pas eu la couverture qu'on aurait pu espérer de part et d'autre d'ailleurs de la frontière. Alors, comme vous l'avez mentionné, les services de base sont exclus et c'est seulement les services améliorés, que vous avez définis vous-même et qui sont définis dans l'accord, qui sont couverts. Cependant, je pense que votre question est celle-ci: Comment cela va-t-il influencer le partage juridictionnel entre le fédéral et les provinces? Comme on l'a mentionné ce matin sur une autre question, l'Accord de libre-échange ne change pas ce partage. Et justement, le gouvernement en avait fait une des conditions essentielles à son appui. Effectivement, ce partage constitutionnel ne doit pas changer.

Le Président (M. Charbonneau, Verchères): M. Ducros, rapidement, sur le même sujet.

M. Ducros: La réponse a été très bien dite par M. Grenier.

M. Boulerice: Cela ne change pas le partage...

M. Ducros: On a un problème de partage de responsabilités entre le fédéral et le provincial sur la classification des services de télécommunications type 1 et de classification des services de télécommunications type 2. Le traité de libre-échange ne change absolument en rien la question des partages entre le fédéral et le provincial sur ces deux domaines.

Le Président (M. Charbonneau, Verchères): En additionnelle sur le même sujet, M. le député de Saint-Jacques? Sur le même sujet?

M. Boulerice: Ce n'est pas tellement le partage comme l'application. La réponse que vous me donnez m'incite à demander si vous ne croyez pas que la nouvelle Régie des télécommunications, celle qu'on vient de se donner par la loi 110, va se résigner à jouer un rôle d'observateur tout à fait passif dans l'application de l'accord à ce moment-là?

Le Président (M. Charbonneau, Verchères): M. Ducros.

M. Ducros: Ce que je dis, c'est que l'Accord de libre-échange ne change en rien le problème que vous évoquez, les problèmes de juridiction entre le provincial et le fédéral. Il me semble que ces problèmes devraient être résolus dans un contexte en dehors de celui du traité de libre-échange.

Le Président (M. Charbonneau, Verchères): M. Proulx, sur le même sujet.

M. Proulx: Je vais employer votre vocabulaire. J'ai une question de privilège. On poses des questions au ministre et savez-vous qu'on a un nouveau "staff de ministres parce que ce ne sont pas les ministres qui répondent.

Le Président (M. Charbonneau, Verchères): Je pense que la dynamique de la discussion, c'est que... Tantôt, j'ai demandé qui voulait répondre,

soit de la partie gouvernementale ou des gens qui sont en faveur. L'important, c'est que l'exercice fasse en sorte que ceux qui sont pour et ceux qui sont contre finissent par avoir un éclairage additionnel.

M. Proulx: On nous a dit ce matin...

Le Président (M. Charbonneau, Verchères): Si le ministre considérait que la réponse ne peut pas être endossée par la partie gouvernementale, je pense qu'il me ferait signe parce qu'autrement, on ne s'en sortira pas.

M. Proulx: Mais, M. le Président, on nous a dit ce matin que ce n'était pas un débat de pour ou de contre. On voulait essayer de jeter une nouvelle lumière...

Le Président (M. Charbonneau, Verchères): Je comprends, mais...

M. Proulx: ...sur le débat.

Le Président (M. Charbonneau, Verchères): On doit se rappeler, M. Proulx...

M. Proulx: Les questions sont directement adressées. Tout à l'heure, c'est M. Landry. Je comprends qu'il a déjà été ministre. Une autre fois, c'est un autre. On ne veut pas se battre. On s'est rencontré à de multiples occasions. On sait ce qu'on va dire. C'est le gouvernement qui va prendre des décisions dans les prochaines semaines et dans les prochains mois. Je respecte beaucoup ces messieurs et ces mesdames, mais ils vont être comme nous autres, ils ne seront pas partie prenante aux décisions qui vont se prendre.

Le Président (M. Charbonneau, Verchères): Vous avez raison sauf que la dynamique que vous avez tous acceptée d'ailleurs, c'est qu'il y avait quatre parties à ce débat et pas une partie qui était interpellée par trois autres parties. Tout le monde peut s'interpeller et à la limite, le gouvernement pourrait vous poser des questions. Il ne l'a pas fait jusqu'à maintenant, mais dans les règles du jeu qu'on a adoptées, la partie gouvernementale pourrait poser des questions aux trois autres parties. Donc, je pense qu'on va continuer comme cela. C'est clair que si la question est d'abord adressée à un ministre, je demande d'abord au ministre s'il a une réponse. Si le ministre préfère ou s'entend avec un expert, qu'il soit du regroupement ou qui est à la table en arrière, alors, on permettra. L'important, c'est que l'exercice donne quelque chose.

Une dernière question sur les télécommunications.

M. Larose.

M. Larose: C'est concernant l'interfinance-ment. J'aimerais que le ministre nous dise quelles seront les conséquences sur les réseaux canadiens et, en bout de ligne, les conséquences pour les consommateurs, parce qu'il y a tout un système réglementé au Canada qui fait que la transmission des données, des communications, tout cela se fait sur les réseaux canadiens. C'est obligatoire qu'on le fasse sur les réseaux canadiens. Mais on pratique l'interfinancement qui fait que par cette réglementation, les tarifs domestiques sont moindres que ce que l'on connaît ailleurs. Si l'accord est appliqué, que l'interfinancement pète, qu'est-ce que cela voudra dire? Est-ce qu'on doit comprendre qu'on subira les mêmes conséquences au Canada et au Québec que ce que les Américains connaissent dans certains coins de leur pays depuis la déréglementation de ce secteur?

Le Président (M. Charbonneau, Verchères): M. le ministre.

M. MacDonald: Pour répondre précisément à votre question, l'interfinancement, c'est une question purement canadienne et cela n'a rien à voir avec le traité.

Pour revenir à la remarque de M. Proulx, moi, je n'ai pas la prétention de tout connaître. En revenant au règlement qu'on a tous accepté, comme il a été mentionné ici, règlement qui voulait informer le mieux possible à la fois les gens qui sont ici et ceux qui nous écoutent, c'est non seulement avec plaisir, mais c'est un devoir de ma part d'aller chercher chez les gens qui connaissent mieux que moi - et il y a plusieurs domaines - les informations pertinentes.

Le Président (M. Charbonneau, Verchères): Je vais prendre maintenant une autre intervention sur un autre sujet. Je pense qu'il y avait le député de Mercier qui m'avait demandé... M. Larose, vous m'aviez demandé la parole tout à l'heure. Est-ce que c'était sur un autre sujet?

M. Larose: C'était sur celui que j'ai ouvert, sur l'interfinancement. Mais la réponse du ministre est tout, à fait à côté de la "track". L'article 1404-C...

Le Président (M. Charbonneau, Verchères): Je vais vous permettre de continuer un peu sur ce sujet et on changera après.

M. Larose: II dit que cela n'a rien à voir avec l'accord. Ce qu'on me dit et j'ai tous les papiers que je peux suivre, apparemment qu'à l'article 1404 et à l'article 2010, il y a des clauses très spécifiques qui disent que les monopoles ne doivent pas développer des comportements anticoncurrentiels. C'est ainsi qu'on dit que l'interfinancement ne sera pas praticable. Je pense que le ministre a peut-être oublié que ce bout-là avait aussi été négocié dans l'accord. On vous le dit, l'accord touche n'importe quoi et surtout tout. Alors, il faudrait vérifier cela.

Le Président (M. Charbonneau, Verchères): M. le ministre.

M. MacDonakJ: Encore là, vous mettez tout dans le même pot, les services de base et les services améliorés. Si vous parlez des services de base, on l'a dit, c'est exclu. Oubliez cela. Ce que vous précisez ou ce sur quoi vous me posez une question, c'est sur les services de base. Dans le cas des services améliorés, il y a négociation, à l'intérieur du Canada, sur lequel, j'ose espérer, dans un délai convenable, on va venir à certaines ententes. Mais le travail premier se fait au Canada.

Le Président (M. Charbonneau, Verchères): Une dernière question, rapidement, M. Larose, sur le même sujet.

M. Larose: Est-il exact que les monopoles dans leur fonctionnement privilégient l'inter-financement des services qui fait que le service de base est moindre, précisément parce qu'ils peuvent le faire financer par d'autres services - c'est ce qu'on appelle l'interfinancement, même si je ne suis pas économiste - et que le fait d'ouvrir à ce niveau, les compagnies vont se restructurer? D'ailleurs, Bell Canada a entrepis immédiatement des procédures pour pouvoir procéder autrement. Je ne révèle rien, ce sont des affaires qu'on apprend publiquement.

M. MacDonald: Je maintiens la réponse que je vous ai faite à l'égard des services de base, en les différenciant des services améliorés. Deuxièmement, c'est une question qu'on ne peut régler par une réponse de 90 secondes ou de 60 secondes. Au même titre que ce matin, alors que je vous ai dit personnellement que vous n'aviez pas eu de réponse complète à votre question concernant l'article 904, je vous dis que je vous obtiendrai réponse précise à la question, avec les explications qui l'accompagneront.

Le Président (M. Charbonneau, Verchères): M. le député de Bertrand.

M. Parent (Bertrand): Une question rapidement à Mme la ministre des Affaires culturelles. On se souviendra qu'en décembre dernier, le ministre du Commerce extérieur et du Développement technologique nous a confirmé que d'abord, il y avait des études d'impact dans chacun des secteurs et que, de plus, il y avait eu des discussions au Conseil des ministres et chacun des ministres devait se préparer en fonction du libre-échange. Ma question, Mme la ministre, est de vous demander qu'est-ce que vous et votre ministère avez fait depuis six mois pour vous préparer en fonction du libre-échange et quelle sorte de programmes êtes-vous à mettre sur pied pour aider les industries culturelles à mieux faire face aux nouvelles règles du jeu?

(16 heures)

Mme Bacon: M. le Président, les industries culturelles sont exclues de l'accord. J'ai dit tantôt et je le redis, cela ne nous empêchera pas de continuer à réglementer ou à légiférer et même à soutenir financièrement nos industries culturelles. Nous avons continué à travailler dans nos programmes pour accorder de l'aide à nos industries culturelles. C'est ce que nous allons continuer de faire. L'Accord de libre-échange ne nous empêche pas de le faire. Nous allons continuer de le faire.

M. Parent (Bertrand): Les industries culturelles, M. le Président, sont exclues, sauf que la dynamique fait en sorte que dans l'ensemble de tous les secteurs du Québec, il va y avoir de nouvelles règles du jeu. On devra commencer à vivre quelque part au début de 1989, au cours des années 1989-1990, de nouvelles règles du jeu, de la nouvelle compétition qui, directement et indirectement, vont venir toucher aux industries culturelles. Là-dessus, je pense que vous serez d'accord. Alors, j'aimerais savoir s'il y a des choses précises d'enclenchées dans votre secteur particulier pour aider, dynamiser ces entreprises et aussi, indirectement, les travailleurs et les travailleuses qui pourront être touchés par la disparition peut-être de certains volets qui touchent l'aspect culturel, comme l'a mentionné tantôt mon collègue, le député de Mercier, par exemple, dans le domaine de l'imprimerie.

Mme Bacon: Nous avons fait une révision complète de tous les programmes existant au ministère. Nous les avons simplifiés et réduits parce qu'ils étaient trop complexes et, donc, presque inaccessibles à notre clientèle. Nous allons ensuite travailler sur ces programmes pour les rendre plus accessibles et actualiser les programmes pour que nous continuions à aider nos clientèles, à les soutenir financièrement et à apporter ce coup de pouce souvent nécessaire de la part du gouvernement pour dynamiser notre soutien aux clientèles. C'est ce que nous faisons. Nous avions 60 programmes au ministère à mon arrivée en 1985. Il faut les réduire. J'entends le "Ah!" du député de Saint-Jacques, je pense qu'il faut quand même regarder les choses telles qu'elles existent. Nous les avons réduits à 15. Ils s'adressent à des clientèles bien définies, qui savent vraiment avec les interlocuteurs du ministère ce qu'elles ont à faire.

Le Président (M. Charbonneau, Verchères): Sur le même sujet?

M. Parent (Bertrand): Oui. Peut-être une dernière question. Les études d'impact qui avaient été promises, qui étaient en marche supposément en décembre, concernant les droits de douane, spécifiquement concernant les disques et les cassettes, est-ce que ces études ont été terminées et est-ce qu'elles ont été rendues

publiques?

Mme Bacon: Sur les tarifs douaniers, l'accord prévoit qu'ils seront graduellement éliminés sur les enregistrements sonores. Ce n'est pas une disposition tout à fart nouvelle, puisque l'élimination graduelle des tarifs douaniers sur les enregistrements sonores a été décidée sous le gouvernement fédéral en 1982. Alors cela, ce n'était pas nouveau. Il y a peu d'enregistrements sonores qui sont affectés dans les tarifs, parce que les compagnies importent des copies originales et les reproduisent ensuite ici au Canada. Il est possible que la suppression de certains tarifs modifie la nature même des importations, mais je pense qu'au lieu d'importer des bandes maîtresses, les compagnies pourront tenter de les remplacer par des produits qui sont des produits finis. La fabrication des enregistrements sonores au Canada peut demeurer avantageuse pour les compagnies en raison, peut-être, du coût moins élevé des frais de transport ou des taux de change.

Le Président (M. Charbonneau, Verchères): M. le Président de la CEQ, M. Charbonneau.

M. Charbonneau (Yvon): M. le Président, tout à l'heure, le ministre a fourni un élément de réponse qui semble intéressant dans le débat sur la question de la langue quand il a dit: Nous invoquerons la question du traitement national. En supposant que les lois demeurent à peu près ce qu'elles sont actuellement au Canada et au Québec, en invoquant le traitement national, c'était votre réponse à notre inquiétude sur le droit du français, pourriez-vous compléter cette démonstration en faisant bien ressortir en quoi l'invocation de cette notion de traitement national peut balayer toute démarche américaine de certaines entreprises pour essayer de circonvenir à cela? En quoi cet argument a-t-il tellement de préséance dans le débat pour nous éviter des représailles dans d'autres domaines? Est-il placé en un tel endroit dans l'accord ou dans le projet de loi, qu'il serve de clause, de balise d'interprétation du reste? En quoi a-t-il tellement préséance? C'est un argument important que vous nous servez, mais cette notion a-t-elle un statut tel dans l'entente qu'elle balaie les arguments adverses et les représailles possibles et que ce soit un argument qui soit tellement valable devant les tribunaux ou les comités qui auront à regarder des plaintes, s'il y en a?

Le Président (M. Charbonneau, Verchères): M. le ministre.

M. MacDonald: II me semble me rappeler, M. Charbonneau - je pense que c'est lors de la première commission parlementaire que nous avons eue - que vous nous avez fait la recommandation de ce qu'était votre façon de voir les choses en matière de commerce international. Vous vouliez que nous fassions appel au GATT et à tout ce qui était le GATT, que c'était le moyen et que c'était le traité ou l'entente maîtresse avec lequel nous devrions diriger nos destinées en matière de commerce international plutôt que de chercher un traité de libre-échange particulier et bilatéral avec les États-Unis.

Eh bien, cette notion de traitement national au GATT en est une qui... L'ensemble, si vous voulez, de ce qui pourrait être une discrimination à l'intérieur de l'entente du GATT tourne autour de cette notion de traitement national, et jurisprudence avait été faite à maintes reprises autour de cette notion de traitement national. En matière de commerce international, dans des discussions soient-elles bilatérales ou multilatérales partielles, la notion de traitement national est quasi toujours présente. Et cette notion dans le contexte de l'entente bilatérale, basée si vous voulez sur ce qu'est le GATT et la façon dont il est administré ou sur la jurisprudence ou sur la façon avec laquelle a été négociée l'entente avec les États-Unis, mais je vais revenir plutôt en arrière sur la façon avec laquelle nous, comme province du Canada, avons exigé que le mandat de l'ambassadeur Reisman soit défini de telle façon, a toujours été présente, particulièrement à cause de la spécificité canadienne et encore plus particulièrement, à cause de la spécificité québécoise... Alors, ce qu'on dit au Québec, selon la façon dont on se gère, selon les lois et les règlements qu'on s'est donnés et qui s'appliquent aux Canadiens d'un océan à l'autre, comme cela s'applique pour tout ce qui se fait au Québec, eh bien, c'est qu'on n'a pas l'intention, dans l'application du traité bilatéral et sur des choses aussi fondamentales que la langue, d'imposer des conditions additionnelles aux Américains, et on n'a pas l'intention de leur en imposer moins non plus.

Remarques finales

Le Président (M. Charbonneau, Verchères): Écoutez, cette réponse termine malheureusement, parce que je vois un certain nombre de mains levées, la période qui était consacrée au débat proprement dit sur la culture. Maintenant, il reste la période de conclusion de la part des parlementaires. D'abord, le député de Mercier, je pense qu'il a une minute et demie, le député de Saint-Jacques, la même chose, et par la suite, Mme la ministre des Affaires culturelles.

M. Gérald Godin

M. Godin: Nous sommes évidemment d'accord avec le principe du libre-échange. Par ailleurs, pour l'instant, cela nous semble ce que La Fontaine a appelé un bloc enfariné. Vous pouvez nous dire: Rien qui vaille, dans la mesure où les questions ne sont pas satisfaisantes à bien des égards. Entre autres, dans le domaine de la

rétorsion, nous craignons que ce nouveau droit donné aux Américains gèle la position du Québec au plan culturel, au niveau où elle est maintenant qui est très faible, face au géant américain. Nous craignons aussi que les impacts que j'ai ici en main soient beaucoup plus forts que ce document fort incomplet ne nous le dit, dans le domaine de l'imprimerie, entre autres, dans le domaine des cassettes, des vidéocassettes, etc. On nous promettait en mai dernier des études d'impact et en décembre aussi. On ne les a pas encore eues, en fin de compte, à notre insatisfaction. Donc, nous sommes encore dans le vague quant aux impacts réels de l'Accord - avec un A majuscule - à ceux de l'industrie québécoise dans ces domaines et, donc, nous sommes insatisfaits des réponses obtenues aujourd'hui sur ces questions. M. le Président, merci beaucoup.

Le Président (M. Charbonneau, Verchères): Merci, M. le député. M. le député de Saint-Jacques.

M. André Boulerice

M. Boulerice: Oui. Pour ce qui est de la langue, M. le Président, moi, je serai toujours extrêmement inquiet. De toute façon, depuis le 2 décembre, chat échaudé craint l'eau froide. Donc, je peux partager avec mes collègues les inquiétudes en ce qui concerne la langue. Pour ce qui est de la culture, je pense que les remarques étaient effectivement très pertinentes. Quand on fait parler Mme la ministre, on s'aperçoit de choses. En abolissant les 14 % sur les disques et les cassettes qui sont pressés aux États-Unis, on se retrouve graduellement au Québec à une espèce de "mise à mort" - entre guillemets - de l'industrie du pressage. À ce moment-là, il ne serait plus utile d'avoir Potygram Canada sur côte de Liesse, quand on pourra le faire à Nashville, Tennessee, puisqu'il n'y aura plus ces frais. Alors, ce sera une industrie qui, chez nous, est quand même assez prospère et bien articulée; qui n'existera plus. Cela est une chose.

Je sais que dans le temps vous nous limitez, M. le Président, contre votre gré, je le sais fort bien. Pour ce qui est des télécommunications, je vous avoue, j'ai noté un flou juridique mais malheureusement, il est également assorti d'un vide ministériel. Écoutez, ce sont eux qui sont allés à la conférence fédérale provinciale d'Edmonton en 1987. On était supposé en venir à une entente. Il n'y en a toujours pas; donc, nous n'avons pas de garantie et de certitude que le gouvernement fédéral ne puisse davantage s'immiscer dans des compétences provinciales par l'application des droits et obligations de l'accord. Je fais référence au paragraphe 1° de l'article 3 de l'annexe C du chapitre 14, à moins que je ne me trompe, mais je pense bien que c'est cela. Donc, plus on creuse, M. le Président, plus on s'aperçoit que sur le principe, oui, mais c'est comme une peinture un peu fragile. Quand on gratte un peu, il y a des choses qui s'écaillent. On s'aperçoit qu'il n'y a pas de protection, il n'y a pas un "blindage" auquel on serait en droit de s'attendre sur des éléments aussi fondamentaux que la langue, la culture et la télécommunication. La télécommunication, c'est rendu un sophisme de dire que c'est l'avenir, tellement c'est évident pour tout le monde, pour les société postindustrielles.

Le Président (M. Charbonneau, Verchères): Sur cette remarque, M. le député de Saint-Jacques, je suis obligé de vous arrêter et de vous remercier.

M. Boulerice: Vous coupez sur communication.

Le Président (M. Charbonneau, Verchères): Nous allons maintenant, dans une optique de communication intertable, céder la parole à la ministre des Affaires culturelles.

Mme Lise Bacon

Mme Bacon: Vous me permettrez, M. le Président, de conclure en disant que le principe de base de l'accord en matière culturelle, c'est l'exclusion des industries culturelles de l'accord. Le Québec et c'est ce que nous comptons faire, continuera à soutenir, à aider les industries culturelles, soit par la réglementation ou par d'autres moyens financiers, si nécessaire. Cela ne nous empêche pas de le faire, M. le Président.

J'aimerais aussi souligner qu'il y a un effet positif dans l'accord sur la protection des droits d'auteur. Cela appuie les efforts que le gouvernement du Québec et le ministère des Affaires culturelles ont entrepris auprès de certains collègues pour que cela se fasse. Cet accord appuie les démarches du ministère des Affaires culturelles en ce sens.

Si j'avais quelques minutes de plus, M. le Président, à l'intérieur de mes trois minutes, j'aimerais peut-être que l'on revienne sur ce que sont les industries culturelles. On peut les qualifier de production, de distribution et de commercialisation. C'est important quand on regarde dans la distribution: la vente des livres, des revues, des périodiques, des journaux, des entreprises qui produisent, distribuent et qui vendent des films et enregistrements-vidéos, des entreprises qui produisent, distribuent et vendent et présentent des enregistrements de musique, audio et vidéo, des entreprises qui éditent, distribuent et vendent des compositions musicales, des entreprises de radiocommunication dont les transmissions sont destinées à être captées par le grand public, y compris les activités de radiodiffusion, de télédiffusion, de câblodistribu-tion et les services de programmation et de diffusion par satellite Si tout cela est exclu de l'accord, M. le Président, il va de soi que les activités qui ne donnent pas lieu à une produc-

tion industrielle, comme les spectacles vivants ou les activités commerciales, comme les services culturels, n'entrent pas dans l'Accord de libre-échange.

Impact de l'accord sur le développement économique

Le Président (M. Charbonneau, Verchères): Mme la ministre, je vous remercie. Nous allons maintenant passer à un autre thème, cette fois-ci, les implications de l'Accord de libre-échange à l'égard du développement économique - le développement macro-économique et microéconomique.

Je demanderais à ceux qui doivent changer de place ou céder leur fauteuil à d'autres de le faire rapidement pour que nous puissions engager la discussion immédiatement.

Je crois, M. le ministre du Commerce extérieur et du Développement technologique, que c'est vous qui allez faire la présentation au nom du gouvernement.

M. MacDonald: C'est bien cela.

Remarques préliminaires

Le Président (M. Charbonneau, Verchères): Alors, je vous cède immédiatement la parole. Le temps est cette fois-ci un peu plus long. Nous avons toujours 20 minutes de départ, mais la durée du débat qui suivra est d'un peu plus d'une heure, en fait 64 minutes. Alors, sans plus tarder, M. le ministre.

M. MacDonald: Merci, M. le Président.

M. Parent (Bertrand): M. le Président, peut-être une question d'information. On avait dans la liste des ministres invités, le ministre de l'industrie et du Commerce, sur le débat économique. Est-ce à dire que le ministre de l'Industrie et du Commerce ne sera pas là cet après-midi?

M. MacDonald: Je crois que vous savez déjà que le ministre de l'Industrie et du Commerce est à une conférence fédérale-provinciale à Ottawa et qu'il sera ici demain où il pourra adresser la parole particulièrement sur le dossier des mesures d'adaptation.

Le Président (M. Charbonneau, Verchères): Cela va?

(16 h 15)

M. Parent (Bertrand): Cela va.

Le Président (M. Charbonneau, Verchères): Cela va? Alors, M. le ministre.

M. Pierre MacDonald

M. MacDonald: M. le Président, le thème que nous abordons est celui de l'économie et l'économie dans sa macro et, si on veut, dans sa microperspective. Nous avons, au cours des deux dernières années, discuté d'une façon très ouverte de tout ce qui était, non seulement l'entente de libre-échange avec les États-Unis, mais, en fait de l'ensemble de la position du Québec et du Canada en matière de commerce international. On a été noyés, pour ceux qui y étaient mêlés, à titre professionnel, de statistiques. Nous avons, effectivement, recherché lesdites statistiques, nous avons voulu les analyser. Nous avons consulté. Nous avons eu, entre autres, trois commissions parlementaires, des dizaines, sinon quelques centaines de colloques à travers la province, auxquels plusieurs d'entre nous ont participé, et nous avons établi certains consensus, tout au moins, sur la réalité du Canada et particulièrement du Québec dans l'économie mondiale.

Je dis économie mondiale parce qu'aujourd'hui notre marché, c'est le monde dans son ensemble, c'est le "global economy". Nous ne pouvons pas parler d'un Québec et d'un Canada ayant une chance de connaître l'essor qu'on veut pour connaître la qualité de vie qui est la nôtre et l'améliorer, sans penser à une capacité d'être aptes à faire concurrence à l'échelle mondiale.

On a vu que notre commerce international était, au Québec, 20 % de notre PIB, mais que nos exportations étaient également d'un chiffre équivalent vers le reste du Canada. On a vu que 75 % de nos exportations québécoises internationales allaient vers les États-Unis et on a expliqué, sur le long et sur le large, et on a pu l'interpréter de différentes façons, qu'il y avait un protectionnisme existant aux États-Unis et nous avons fait une évaluation selon laquelle celui-ci ne pouvait aller qu'en s'accroissant ou, tout au moins, nous ne voyons pas de répit dans un "délai à moyen ou même à long terme. Nous avons décidé d'embrasser une entente de libre-échange avec les États-Unis, d'embrasser la négociation de celle-ci en y posant des conditions fondamentales. Je saute l'étape de négociation. Nous l'avons dit, nous l'avons répété et nous l'avons expliqué en commission parlementaire, tout comme publiquement, sous différentes formes: les conditions que le Québec posait ont été satisfaites à ce jour, à notre avis, tout au moins pour celles qui doivent être réalisées avant la mise en oeuvre, exception faite de cette participation au règlement des différends pour lequel nous continuons à négocier avec le gouvernement fédéral, c'est-à-dire les provinces et le gouvernement fédéral avec nous, pour chercher un mode de participation à la gestion de l'entente comme à ce domaine spécifique du règlement des différends.

Nous sommes convaincus que, sur le plan économique - en ramenant ceci à sa plus simple forme et à sa forme importante, c'est-à-dire les emplois, les emplois au Québec - l'entente fait partie d'un certain nombre de conditions existantes ou à être développées qui ne peuvent faire

autrement que d'améliorer la possibilité de création d'emplois et d'emplois durables au Québec. Nous avons eu l'occasion d'entendre des chiffres comme, par exemple, qu'il y avait 23 participants à la création du GATT en 1947, contre 96 maintenant. On a eu l'occasion de voir que notre compétition n'est pas seulement avec les États-Unis, que c'est avec l'ensemble du monde et que, par conséquent, la productivité québécoise ne doit pas être strictement orientée viv-à-vis des États-Unis. Il y a une semaine, j'étais à Hong Kong, centre industriel et manufacturier qui nous fait concurrence et nous donne énormément de difficulté, et les gens de Hong Kong, se plaignaient qu'à quelques milles de Hong Kong, à Shangchuan, les Chinois de la République populaire de Chine montaient des usines où les salaires étaient à un quart de ceux de Hong Kong. Ils se voyaient donc menacés dans plusieurs de leurs marchés et nous demandaient à nous, Québécois, si nous pouvions partager avec eux la technologie qui est la nôtre, notre savoir-faire pour améliorer leur productivité.

Je vais terminer mon intervention en disant que ce qui nous a animés dans notre participation à cette entente de libre-échange, dans cette participation à la négociation et ce qui en a résulté, cela a été de se donner les moyens non seulement d'ouvrir, mais de protéger en premier lieu et d'ouvrir davantage, ensuite, le marché américain qui compte, comme je l'ai dit, pour 75 % de nos exportations internationales et, également, de nous placer dans une situation où l'esprit d'initiative des Québécois qui a fait ses preuves plus que jamais dans un contexte économique qui n'a jamais été meilleur pour y faire face, avec des intervenants, patrons, syndicats, gouvernement qui ont appris particulièrement durant la récession du début des années quatre-vingt, qu'on ne pouvait plus agir seul, isolément, mais que c'est ensemble qu'on pouvait agir et réussir, que l'ensemble, dis-je bien, de tous ces intervenants et les conditions qui nous entourent nous permettent d'être beaucoup plus compétitifs et de continuer à créer des emplois, non seulement en fonction de notre commerce avec les États-Unis, mais avec l'ensemble du monde.

Le Président (M. Charbonneau, Verchères): Merci, M. le ministre. M. le député de Bertrand.

M. Jean-Guy Parent

M. Parent (Bertrand): Oui, M. le Président, merci. Je m'inscris tout à fait en accord avec les propos du ministre du Commerce extérieur sur cette importance du Québec et l'ouverture sur le monde, d'autant plus que le grand promoteur de cette base est à la table et il s'appelle Bernard Landry. Je pense que si le Québec est si ouvert actuellement sur le monde avec la formation du ministère du Commerce extérieur, il y a quelques années, je pense qu'on doit lui rendre hommage.

Cependant, ma préoccupation, M. le Président, c'est de dire aujourd'hui, sur le plan économique, que va-t-il arriver à l'économie du Québec à la suite à cette entente de libre-échange, puisque c'est ce qui nous relie autour de la table? Quand j'ai mentionné ce matin que le Québec était le plus vulnérable parmi les provinces canadiennes et qu'il se ramasserait dans une situation moins gâtée que les autres, je faisais référence, par exemple, à ce que Pierre-Paul Proulx déclarait dans Finance, il y a quelques mois, où il disait que les études les plus récentes démontrent que le Québec est la province qui profitera le moins du traité de libre-échange, et aussi aux récentes déclarations de Mme Maxwell, présidente du ConseH économique du Canada, qui, à la suite des derniers ajustements, nous donnait un peu l'heure juste et nous disait que le Québec et l'Ontario seront vraiment les provinces qui vont bénéficier le moins de cet accord de libre-échange en termes de création d'emplois particulièrement.

On se souviendra qu'en septembre 1987, dans cette même enceinte, ici, au salon rouge, on nous disait de la part du gouvernement: Écoutez, on a une étude du Conseil économique du Canada et c'est merveilleux. Il va y avoir 350 000 emplois. Toute révision faite, le Conseil économique du Canada, M. le Président, nous dit aujourd'hui: Attention, c'est plutôt 250 000 sur dix ans et 58 000 nouveaux emplois pour le Québec, si tout va bien, pour dix ans. Alors, il faut ramener cela dans sa juste proportion, ce qui nous amène à être beaucoup plus prudents avant de s'emballer trop rapidement. Mais, que ce soit le Conseil économique du Canada ou toutes les autres analyses qui sont faites, c'est à la condition expresse que le gouvernement du Québec puisse donner et fournir les outils nécessaires pour aider les entreprises. C'est de là, qu'au-delà des belles paroles et des beaux discours qu'on nous a servis depuis un an, je voudrais bien qu'on sorte de ces deux jours de travail et qu'on puisse nous garantir de quelle façon on va le faire et dans quel échéancier on va le faire, quelle sorte de coffre à outils on va offrir, premièrement, à nos chefs d'entreprise et, deuxièmement, aux travailleurs et travailleuses du Québec qui vont avoir besoin tantôt de se recycler.

En ce qui regarde les entreprises, j'écoutais ce matin le président de DMR, M. Ducros. Effectivement, le problème n'est pas exactement le même pour la grande entreprise, que ce soit DMR, que ce soit Lavalin, SNC ou peu importe. Ces entreprises sont aptes à se débrouiller et elles sont déjà dans un marché de libre-échange. Mais, on sait qu'au Québec, 80 % et plus de la structure industrielle sont des petites et moyennes entreprises. Dans ce cadre, elles n'ont pas les outils et elles ne sont pas préparées à faire face à ces nouvelles règles du jeu. Ces nouvelles

règles du jeu, M. le Président, c'est ce qu'on connaîtra à compter de 1989 et c'est là où je suis inquiet. Je suis inquiet parce que je ne vois pas l'ombre du début d'un commencement d'une politique de développement économique. Pourquoi le gouvernement n'a pas préparé, n'a pas entre les mains et ne nous a pas annoncé à ce jour un plan très précis et une stratégie de développement économique en fonction du libre-échange, c'est-à-dire en fonction des nouvelles règles du jeu qui vont prévaloir au Québec en 1989, c'est dans quelques mois? Pourquoi n'avons nous pas ces outils-là? Pourquoi n'avons nous pas, à ce jour... On ne les connait pas. Le ministre de l'Industrie et du Commerce, qu'on aura sûrement la chance d'interviewer demain, nous dit: Écoutez, il n'y a pas d'urgence, il n'y a pas de presse, on va voir ce qui va arriver. On ne mettra pas de nouveaux programmes sur pied. Je ne veux pas qu'on mette des programmes sur pied pour mettre des programmes sur pied. Il y a une chose qui est sûre, c'est que les nouvelles règles du jeu qui vont prévaloir dans quelques mois vont faire en sorte qu'il va falloir être beaucoup plus dynamiques sur le marché. Il va falloir aider les entreprises, non seulement à exporter avec les moyens qu'on a actuellement, mais avec de nouveaux moyens, il va falloir aider les travailleurs et les travailleuses qui vont se voir tranquillement tasser sur les marchés. La vulnérabilité de certains marchés, ici au Québec, M. le Président, c'est important. Tous les secteurs mous à travers le Canada, les principaux secteurs dits mous, les secteurs qui étaient plus vulnérables, on les retrouve d'abord et avant tout au Québec, que ce soit dans le domaine du textile ou ailleurs. Et c'est là qu'il va y avoir beaucoup de pertes d'emplois. Alors, dans ce sens-là, M. le Président, je pense et, on aura la chance au cours de la prochaine heure de s'expliquer là-dessus, qu'il va être important de connaître quelle sorte de coffre à outils le gouvernement du Québec est prêt à donner, non seulement aux entreprises du Québec mais aussi aux travailleurs et aux travailleuses. Je vous remercie.

Le Président (M. Théoret): Merci, M. le député de Bertrand.

Qui est le porte-parole dans le dossier? M. Louis Laberge.

Coalition québécoise d'opposition au libre-échange

M. Louis Laberge

M. Laberge (Louis): Merci, M. le Président. C'est la question de la politique économique; évidemment, c'est tout ce qu'on s'est donné au Québec depuis quelques années qui peut être remis en jeu par l'accord. Par exemple, le développement économique des régions. On sait fort bien que pour attirer des entreprises dans certaines régions, il a fallu leur donner un certain coup de main. Parfois cela a été des subventions, d'autres fois des avantages fiscaux, enfin un tas de choses semblables. Et tout le monde souscrivait là-dedans; on s'était doté d'une politique économique pour favoriser le développement des régions et permettre à ces gens-là, aussi, d'avoir des entreprises avec de bons emplois stables, permanents et payants.

Tout cela peut être remis en jeu avec l'Accord de libre-échange, parce qu'on ne voit encore rien là-dedans qui pourrait empêcher les États-Unis de décider qu'à un moment donné, une entreprise qui aurait été attirée à Baie-Comeau ou au Lac-Saint-Jean par des subventions, ce qui lui permet de produire à meilleur marché, et qui viendrait en concurrence avec un producteur américain, il n'y a rien qui dit qu'aux États-Unis, ils ne déposeraient pas une plainte et ils ne diraient pas: Aie, c'est de la concurrence, un peu comme ils t'ont fait avec le bois de coupe, alors qu'ils trouvaient qu'on ne chargeait pas assez cher pour le droit de coupe et qu'ils ont dit: C'est de la concurrence déloyale. Il n'y a absolument rien contre cela dans l'entente.

Ce que nous trouvons étrange un peu, à la coalition, un peu beaucoup, il faut vous dire, c'est qu'on nous dit qu'il faut se lancer dans la négociation d'un accord sur le libre-échange pour nous protéger des mesures protectionnistes des Américains. Bon, bien, les mesures protectionnistes des Américains, il y en a eu, il y en a toujours eu. Évidemment, il faut les prendre une à une, il y a toujours des débats, des négociations, des palabres, des engueulades, et tout le reste, mais il n'y a rien dans cet accord-là qui nous garantit que tout cela c'est fini et que c'est tombé, au contraire. Au contraire, c'est que nous, la politique économique qu'on s'est donnée pour le développement de nos régions afin de nous permettre, par exemple, de travailler en français... Je sais, M. le ministre, que vous allez me dire qu'il n'y a rien dans l'entente qui nous défend, au Québec, de défendre notre langue. Bien sûr que non. Sauf qu'un employeur, encore une fois, en concurrence avec un employeur américain, si, lui, il est obligé de faire traduire les manuels qui sont en anglais pour permettre aux travailleurs et aux travailleuses de travailler en français, comme c'est la politique qu'on s'est donnée à Québec, c'est un coût supplémentaire. À qui va-t-il le facturer? C'est cela. (16 h 30)

Partout on dit toujours qu'il y aura une période de transition. Tout dernièrement, on a même parlé d'aide aux entreprises pour les aider à se rendre, oui, à être plus prêtes dans un contexte de libre-échange, et on a dit qu'il y aurait des entreprises qui devraient être recyclées. Mais, nulle part, on n'a encore vu une seule fois que les gouvernements pourraient voter des sommes d'argent pour venir en aide aux travailleurs et aux travailleuses qui seront affectés par l'Accord de libre-échange. Dieu sait

qu'il y en aura! Il en a été un peu question ce matin. Vous avez apparemment des études dont vous gardez les résultats très confidentiels. Il fut un temps où on avait plus de chance pour que les choses coulent. Les jours se suivent et ne se ressemblent pas tout le temps. Bon. N'empêche que tout le monde réalise qu'au Québec, il y a des secteurs qui vont être terriblement affectés dans un contexte de libre-échange. Qu'est-ce qu'on fait pour ces gens-là? On a eu l'étoile filante du monde patronal. Il y en a eu deux: il y en a une qui n'a pas filé longtemps, l'autre a filé jusqu'au crash. Bernard Lemaire, le président de Cascades, toutes les chambres de commerce, le Conseil du patronat, tout le monde se le charriait. C'est vrai que vous n'avez pas eu d'étoile souvent, alors, celle-là, ils la charriaient partout. On l'a amené à un colloque de la FTQ et M. Lemaire nous a au moins admis et reconnu que, dans un contexte de libre-échange, en effet, il pourrait y avoir deux ou trois usines qui seraient en danger. Pas de problème, dit-il, on en ouvrira deux ou trois autres. Oui, mais où? En Géorgie, en Caroline du Sud? Où? Qu'est-ce qui va arriver avec les travailleurs et les travailleuses au Québec qui sont à votre emploi dans les usines qui seront en danger? Il ne peut pas répondre à cela parce qu'on ne voit rien dans cette entente qui pourrait permettre de leur venir en aide. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Théorêt): Merci, M. Laberge. M. Rabeau, de l'Université de Montréal.

Regroupement pour le libre-échange M. Yves Rabeau

M. Rabeau (Yves): M. le Président, MM. les ministres, mesdames et messieurs, la grande majorité des études, en fait, sur l'impact du libre-échange montre que le Québec va retirer d'importants bénéfices de la libéralisation des échanges avec les États-Unis. Certains de ces bénéfices, et on en a parié ici, tout à l'heure, à court terme, ont été quantifiés, alors que plusieurs autres bénéfices, qui ont été analysés par ailleurs, n'ont pas fait l'objet, jusqu'à ce jour, de quantification. C'est donc important de souligner, au départ, que les chiffres qui ont circulé, à ce jour, sur les bénéfices du libre-échange sont partiels. En fait, les gains économiques pour le Québec peuvent largement excéder les évaluations présentées à ce jours dans la mesure où tous les partenaires économiques prendront avantage des opportunités engendrées par une zone de libre-échange.

Je vais faire ici, maintenant, une brève énumération des principaux bénéfices que devrait nous apporter le traité de libre-échange. Un des principaux effets de l'accord sera de permettre à plusieurs de nos entreprises de résoudre les problèmes fondamentaux associés à la petite taille du marché canadien. Cela, on en a aussi parié ce matin. Les entreprises locales n'ont souvent pas la dimension nécessaire, ni non plus un degré suffisant de spécialisation, pour vendre sur le marché international. Le libre-échange amènera ces entreprises à se rationaliser, à accélérer leur utilisation de nouvelles; technologies et, surtout, à se choisir des créneau:*: de production où elles pourront exceller et faire des efforts de commercialisation de manière à exporter sur le marché américain, d'abord, et, par la suite, sur l'ensemble du marché international. En passant, c'est ici que les exemples de la Suède et de l'Autriche, dont on a parié ce matin, sont particulièrement pertinents.

Ces opérations de spécialisation, qui impliqueront des investissements, mais aussi des fusions et des regroupements d'entreprises, seront une source de gains de productivité et de revenus qui profiteront aux entrepreneurs, aux travailleurs et au gouvernement du Québec. Dans le cas des secteurs qui exportent déjà beaucoup aux États-Unis, un accès plus sécuritaire au marché américain réduira de façon significative les incertitudes sur l'avenir des marchés associés aux mesures protectionnistes américaines des dernières années. Ces entreprises profiteront d'un meilleur climat commercial pour accroître leur capacité de production et également pour augmenter le degré de transformation de leurs produits. Cela contribuera à hausser la production, l'emploi et la productivité dans des secteurs qui demeurent, bien sûr, des secteurs absolument majeurs de l'économie du Québec.

D'autre part, les grandes et moyennes entreprises québécoises, dans tous les secteurs d'activité, profiteront d'un accès facilité au vaste marché américain pour s'internationaliser davantage. M. Ducros y a fait allusion ce matin à propos de son entreprise.

L'acquisition de réseaux de distribution qui déjà a été faite par quelques-unes des entreprises québécoises et l'ouverture de filiales à l'étranger permettront à nos firmes de pénétrer davantage le marché international et d'accroître ainsi leurs opérations. En plus des hausses; de productivité qui auront pour effet, dans diverses industries, de faire baisser les prix, l'accès sans tarif au marché américain abaissera le prix des matières diverses, utilisées par nos entreprises dans leurs procédés de production. Ces baisses de prix permettront à nos firmes d'être plus concurrentielles sur le marché canadien et international.

Je passe rapidement sur la question de l'énergie où l'accord permet au Québec, en fait, de faciliter les exportations d'électricité aux États-Unis et de consolider sa position internationale comme producteur et distributeur d'électricité. Une ouverture plus grande à l'égard de l'exportation et une concurrence accrue sur les marchés, qui va évidemment découler du traité, aideront le Québec à combler sa lacune historique en matière de dépenses en recherche et développement. Les gains de revenu seront

notamment réinvestis dans la recherche de créneaux d'exportation et d'amélioration de la technologie.

Toute la restructuration des entreprises, l'accroissement de la capacité de production et la recherche des nouveaux réseaux de distribution se traduiront pas une activité accrue dans des secteurs tels que la construction, les services rendus aux entreprises et toute l'intermédiation financière. Le Québec sera aussi en mesure d'attirer des investisseurs qui veulent attaquer le marché américain dans des secteurs où nous avons des avantages importants, notamment ceux reliés à l'électricité. Enfin, les gains de revenus réels des consommateurs hausseront la demande de biens et services chez les commerçants. Par conséquent, un très grand nombre de secteurs d'activité bénéficieront ainsi d'une augmentation de leur production.

En conclusion donc, le Québec, en tant que petite économie tournée vers le commerce extérieur, a tout intérêt, comme l'ont fait plusieurs autres petits pays, à participer à une zone de libre-échange. Merci.

Discussion générale

Le Président (M. Charbonneau, Verchères): Merci, M. Rabeau.

On commence maintenant la discussion générale sur ce thème. Le ministre de l'Énergie et des Ressources m'a indiqué qu'il avait une contrainte qui l'amènerait à devoir nous quitter vers 17 heures. S'il y avait des questions spécifiquement dans le domaine de l'énergie et des ressources, on pourrait peut-être commencer par ces interventions pour enchaîner, par la suite, avec les autres interventions qui concernent le sujet. Est-ce qu'il y a quelqu'un qui veut avoir le bal. M. le député de Bertrand, vous m'aviez signalé...

M. Parent (Bertrand): Ce n'est pas sur l'énergie, M. le Président.

Le Président (M. Charbonneau, Verchères): Est-ce qu'il y a des gens qui veulent poser des questions spécifiquement sur l'énergie ou des questions sur les ressources naturelles? M. le député d'Ungava.

M. Claveau: Oui, M. le Président, si vous me permettez, je voudrais revenir brièvement, sans exagérer non plus, sur la notion du développement régional reliée aux politiques énergétiques que le Québec pourrait avoir pour subventionner des entreprises. Ce matin, j'ai posé la question au premier ministre quant à la possibilité pour le Québec de pouvoir maintenir des tarifs préférentiels nettement avantageux pour l'entreprise qui pourraient, dans l'avenir, avoir ou donner cela comme raison ou comme obligation pour venir s'établir au Québec. Comme cela s'est vu déjà, d'ailleurs, dans te cas de Pechiney qui revient régulièrement dans nos discussions. Le premier ministre répondait à la question en disant qu'il faudrait, pour ce faire, que ce soit assimilé à une politique de développement régional. Il disait qu'il serait nécessaire de baliser le développement régional, parce que, actuellement, le concept de région ne semblait pas être complètement balisé dans l'entente, dans l'accord qu'on a sur la table. J'aimerais entendre le ministre de l'Énergie et des Ressources s'exprimer là-dessus et nous éclaircir, nous garantir de façon formelle comment le gouvernement du Québec, par le biais d'Hydro-Québec, pourra en arriver à développer des politiques de tarification préférentielle pour l'industrie qui vient s'établir au Québec. On ne parle pas nécessairement de l'exportation.

Le Président (M. Charbonneau, Verchères): M. le ministre.

M. Ciaccia: M. le Président, en termes de développement régional et de tarifs préférentiels ou de programmes spéciaux d'Hydro-Québec, ou même d'autres subventions qui peuvent être accordées par le gouvernement, le libre-échange ne change pas la situation actuelle, mais peut peut-être l'améliorer par l'introduction du mécanisme des différends. Quand il y a une dispute, cela peut être référé au mécanisme prévu dans l'entente de libre-échange. Je m'explique. Sans le libre-échange, si des subventions sont accordées soit par des tarifs préférentiels d'Hydro-Québec, soit par d'autres programmes du gouvernement, les États-Unis peuvent toujours imposer des droits compensateurs. Le désavantage que nous avons présentement, c'est que, quand ces droits compensateurs sont imposés, nous n'avons pas vraiment de recours spécifique excepté que d'essayer de négocier. Nous l'avons vu dans la question du bois d'oeuvre: ils ont imposé des droits compensateurs de 15 %. Ils les ont ramenés, maintenant, à 8 % et on nous a avoué, les avocats de la coalition qui ont fait ces représentations au gouvernement américain, que s'il y avait eu un mécanisme tel que dans le libre-échange, des Américains n'auraient pas pu justifier les 15 % dès le début. Alors, en ce qui concerne le principe de droit compensateur, le principe de subventions qui peuvent avoir comme conséquence une concurrence déloyale, cela ne change pas avec le libre-échange, mais peut-être que c'est amélioré parce qu'il y a maintenant un mécanisme.

En ce qui concerne les programmes d'Hydro-Québec, le programme de partage de risques qui peut attirer des industries, non seulement peut attirer des industries, mais des industries existantes peuvent y participer et accroître leurs investissements. Je crois que ce programme ne va pas à rencontre... C'est une façon d'aider l'industrie, mais cela ne va pas à rencontre des principes du libre-échange parce que, ce que cela fait, c'est qu'au début, l'industrie est aidée,

elle reçoit une aide financière quand elle en a besoin au début de son opération. Mais au fur et à mesure que l'entreprise devient rentable, elle retourne et elle fait une remise à HydroQuébec de la baisse des taux préférentiels qu'elle a obtenue.

Alors, ceci, je crois que c'est dans l'esprit... cela ne va pas à rencontre des principes du libre-échange, le mécanisme est là. Mais je peux vous assurer que, maigre le libre-échange, cela ne nous empêchera pas, nous, et cela n'empêchera pas le ministre de l'Énergie et des Ressources du Québec de favoriser le développement régional par tous les moyens et les programmes qui seront disponibles et qui seront possibles pour le gouvernement. Que ce soit un développement à Matane où il y a 28 % de chômage ou que ce soit dans l'Abitibi où il y a une aide que le gouvernement peut apporter... Il s'agira, par exemple, de voir la façon dont cela est structuré, mais si la décision finale est de dire: Écoutez, on a du chômage dans cet endroit, il faut reprendre les programmes et il faut faire le nécessaire pour aider cette région, on va le faire et l'attitude que je prends, c'est que si ceci peut amener la possibilité de droits compensateurs après que l'industrie ait été établie, bien, c'est quelque chose qui existe maintenant, cela ne changera pas avec le libre-échange et peut-être qu'on va se battre devant le mécanisme des différends pour montrer que c'est quelque chose soit qu'il y ait...

Le Président (M. Charbonneau, Verchères): M. le ministre?

M. Ciaccia: ...des situations exceptionnelles pour le justifier.

Le Président (M. Charbonneau, Verchères): Merci. Est-ce qu'il y a une question additionnelle, M. le député d'Ungava, sur le même sujet? Parce que, sinon, je pense que M. Larose...

M. Claveau: Je vais laisser la parole à M. Larose.

Le Président (M. Charbonneau, Verchères): M. Larose, sur le même sujet.

M. Larose: Oui.

Le Président (M. Charbonneau, Verchères): Allez-y.

(16 h 45)

M. Larose: Sur l'énergie. C'est demain qu'on va discuter du mécanisme et dans les débats, cela revient souvent. Je trouve qu'on donne une force à ce mécanisme-là qu'on n'a pas encore découverte, quant à nous. Notamment quant au délai pour traiter des questions, peut-être qu'à côté de ce qui n'existe pas, cela est mieux, peut-être, mais je n'ai pas l'impression que cela va avoir la force de bras que vous lui donnez. Est- ce qu'il est réaliste ou est-ce que c'est conforme à la réalité de dire que cet accord donne aux Américains un accès illimité et inconditionnel aux ressources canadiennes, pas rien que dans l'électricité, mais dans le gaz? Est-ce qu'il n'y a pas un acquis majeur pour les Américains précisément en vertu du traitement national ou peut-être que c'est exclu, je sais que les ressources énergétiques sont exclues pour la propriété, mais dans l'accès à ces ressources-là, est-ce que l'accord donne aux Américains un accès illimité?

M. Ciaccia: Je vais donner l'exemple de l'électricité et je crois que le même principe peut s'appliquer à d'autres ressources. En termes d'accès à notre électricité, à nos ressources hydroélectriques, cela va dépendre de nos décisions à nous. Il n'y a rien dans l'Accord de libre-échange que j'ai lu qui va nous obliger de vendre de l'électricité aux Américains. Cela va être une question de négocier quelque chose qui est convenable pour nous. Si c'est convenable pour nous, nous allons signer les contrats. Si ce n'est pas convenable, si demain on vient à la conclusion qu'on ne devrait plus, c'est hypothétique, signer de contrat d'exportation, il n'y a rien dans l'entente qui nous oblige à le signer. On va le faire parce que cela va être profitable pour Hydro-Québec, parce que cela va nous permettre de développer nos ressources hydroélectriques pour le bénéfice de la population et à un prix que nous allons déterminer, pas que l'accord va nous imposer.

Le Président (M. Charbonneau, Verchères): M. Landry, vous vouliez ajouter quelque chose?

M. Landry: Je pense que le président de la Fédération des travailleurs du Québec de même que le président de la CSN, d'ailleurs, soulèvent un point majeur pour la question de la capacité de l'État du Québec, par exemple, d'intervenir sous forme de subventions. Le ministre a donné une excellente réponse descriptive et je voudrais y rajouter un peu en utilisant l'exemple de la première cause du bois d'oeuvre que j'ai vécue. C'était avant le libre-échange, on parie d'une chose qui est arrivée il y a sept ou huit ans. Donc, ce n'est pas en raison du libre-échange que les Américains peuvent attaquer une action du gouvernement du Québec ou du Canada puisqu'ils l'ont fait sept ans avant le libre-échange. C'est en raison de quoi alors? De deux choses: le GATT et le Code des subventions du GATT qui est l'accord général et, une deuxième chose, le Trade Act américain qui reprend dans une législation intérieure américaine les dispositions du GATT pour les préciser. Alors c'est cela qu'on a eu comme bloc dans l'affaire de la première cause du bois d'oeuvre. Les Américains ont décidé unilatéralement à partir de Washington de mettre des droits compensateurs. Le gouvernement du Québec et le gouvernement du Canada ont été réduits à l'état de lobby et de

groupes de pression au point d'être obligés d'engager une agence de publicité américaine pour essayer de défendre notre cause. En fin de compte, on l'a gagnée celle-là. Un certain nombre d'années après, on a perdu.

Quelle est la situation avec l'Accord de libre-échange? Premièrement, d'ici sept ans, un code régissant les subventions et les droits compensateurs entre les deux pays sera négocié et constituera le droit. Entre-temps, le droit actuel, le Trade Act américain dont j'ai parlé ou les lois canadiennes protégeant la concurrence et les droits antidumping canadiens seront appliqués et révisables par un tribunal d'appel. M. Larose dit: On va en reparler demain en détail, et je l'espère bien. Mais ce dont il faut se rendre compte, c'est qu'on aurait rêvé jour et nuit, nous, au premier "lumber case" d'avoir ce tribunal d'appel puis on ne l'avait pas. On avait des diktats.

M. Laberge (Louis): Ce n'est pas le tribunal.

M. Landry: Et ceux qui nous ont le plus aidés dans cette affaire-là, ce sont les syndicats américains et les consommateurs américains qui ont pris faits et causes pour nous. Cela nous a aidés à gagner le premier, mais on a perdu le deuxième.

Le libre-échange, on l'a dit cent fois, ce n'est pas la panacée, ce n'est pas le remède miracle, mais j'aurais été plus rassuré si j'avais eu un tribunal pour m'aider à protéger des emplois des travailleurs FTQ et de travailleurs CSN qui étaient dans notre industrie du bois à cette époque-là plutôt que subir le diktat d'une commission à Washington où il n'y avait aucun représentant ni du Québec, ni du Canada.

Le Président (M. Charbonneau, Verchères): M. Laberge.

M. Laberge (Louis): Mais M. Landry, pourquoi vous appelez cela un tribunal? Un tribunal, cela rend une décision, un jugement. Le comité ne rend pas de décision, de jugement. Le comité va décider si la plainte est bien fondée ou non et s'il décide, il peut la retourner aux autorités compétentes pour qu'elles continuent à négocier.

M. Landry: On ne parle pas du même comité, M. le Président. Soyons clairs...

M. Laberge (Louis): Trouvez-le-moi.

M. Landry: ...je parle du comité sur les droits compensateurs et les mesures antidumping...

M. Laberge (Louis): Qui n'est pas encore négocié.

M. Landry: Non, il est négocié. C'est un tribunal d'appel à pouvoir exécutif qui peut casser la décision de l'organisation américaine qui nous avait attaqués de façon unilatérale.

M. Laberge (Louis): Vous avez raison, on ne parlait pas du même.

M. Landry: On ne parlait pas du même comité.

M. Laberge (Louis): D'accord. Je reviens à l'article 904.

Le Président (M. Charbonneau, Verchères): Attendez une minute, M. Laberge. On est toujours sur la question d'énergie?

Une voix: Oui.

M. Laberge (Louis): Oui.

Le Président (M. Charbonneau, Verchères): D'accord.

M. Laberge (Louis): L'article 904, pour mon ami, le ministre Ciaccia dit: Un pays s'engage même en cas de pénurie à maintenir la proportion des exportations vers l'autre pays relatives à la production totale du produit au même niveau que celui observé pendant les trois années précédentes. Il nous arrive une sécheresse épouvantable, puis il n'y a plus d'eau dans nos réservoirs, là on va manquer de jus, d'électricité. On n'a pas le droit de diminuer. Les États-Unis ont le droit d'exiger que l'on maintienne notre niveau d'exportation.

Et en b, parce qu'on en a discuté ce matin... Oui, vous dites cela. Avez-vous une autre entente que celle que l'on a? Cela a l'air à cela. On dit: Un pays ne peut appliquer un prix à l'exportation plus élevé que le prix demandé lorsque le produit en question est consommé au pays. C'est clair ça aussi.

Soit dit en passant, on n'est pas ministre, puis on n'est pas professeur, bien pas tous. Il y en a quelques-uns ici. Mais on a un peu l'habitude de lire les clauses d'une entente et de les interpréter. Il me semble que c'est bien clair.

Le Président (M. Charbonneau, Verchères): Sur cette question très "politicienne", par ailleurs, M. Laberge, je vais demander la parole soit à M. le ministre du Commerce extérieur et du Développement technologique ou au ministre de l'Énergie et des Ressources.

M. Ciaccia: Je commence par le deuxième point que vous avez soulevé: qu'un pays ne peut pas imposer. Cela veut dire que le Canada ne peut pas imposer un prix minimum ou maximum ou fixer des taxes pour dire: On va exporter, mais avant d'exporter, vous ne pouvez pas exporter à moins de charger tel et tel prix. C'est ce que cela veut dire. Cela ne veut pas dire...

M. Laberge (Louis): Je dis...

M. Ciaccia: Un instant!

M. Laberge (Louis): ...que ce que cela veut dire, c'est qu'on n'a pas le droit de faire un "deal" spécial à Pechiney...

M. Ciaccia: Non, non.

M. Laberge (Louis): Ils vendent notre... Mais c'est ce que cela veut dire.

M. Ciaccia: Bien non, parce que ce n'est pas le pays. Hydro-Québec, ce n'est pas le pays, Hydro-Québec c'est la société d'État. Elle peut faire les "deals" qu'elle veut. Le pays qui est référé là, ce n'est même pas le Québec, c'est le Canada.

M. Laberge (Louis): C'est cela.

M. Ciaccia: Le Canada ne peut pas dire: Avant d'exporter, il faut que vous chargiez tel ou tel prix ou il faut imposer une taxe. Il ne peut plus dire cela. En contrepartie à cela, les Américains ne peuvent pas faire la même chose. Nous avions des craintes face à la coalition du lobby contre les exportations d'électricité qui voulait imposer une taxe sur l'électricité qui était exportée du Québec. Les États-Unis ne peuvent plus faire cela.

Alors cela nous protège, mais cela ne nous oblige pas de vendre aux États-Unis le même prix que l'on vend ici et cela n'a rien à faire avec Pechiney, Norsk Hydro, Donohue, Tembec ou tout le restant, Hydro-Québec peut faire les tarifs qu'elle veut.

M. Laberge (Louis): D'accord.

M. Larose: Donc, concernant la tarification, le traitement national ne s'applique pas. C'est ce que vous nous dites.

M. Ciaccia: Pardon?

M. Larose: C'est-à-dire que les États-Unis ne peuvent pas prétendre que nos tarifs leur soient accessibles.

M. Ciaccia: Absolument pas.

M. Larose: Eh bien, si vous nous interprétez cela de même.

Le Président (M. Charbonneau, Verchères): M. Rabeau...

M. Rabeau: Mais les textes...

M. Ciaccia: Les contrats sous négociations maintenant on ne les vend pas le même prix qu'on les vend au Québec, on les vend trois fois le prix.

M. Laberge (Louis): C'est cela, mais... M. Ciaccia: Cela va continuer.

M. Laberge (Louis): C'est ce qu'on avait peur qui change.

M. Ciaccia: Non.

Le Président (M. Charbonneau, Verchères): Alors, M. Rabeau.

M. Ciaccia: Vous connaissez notre premier ministre, il n'aurait pas accepté une affaire semblable.

M. Laberge (Louis): Mais après ces fleurs, 904a? Vous avez répondu à 904b.

M. Ciaccia: D'accord. Le droit de diminution s'applique proportionnellement. Maintenant, cela peut avoir un effet plus sur le gaz naturel et le pétrole, mais les conditions de l'agence internationale de l'énergie s'appliquent. En ce qui concerne l'électricité, en théorie, cela peut s'appliquer, mais en pratique, cela ne peut pas s'appliquer. Je vais vous expliquer pourquoi.

Le Président (M. Charbonneau, Verchères): Rapidement, M. le ministre.

M. Ciaccia: Pour exporter, on signe un contrat et on devance la construction de barrages pour répondre. Alors, il faudrait quasiment que le barrage disparaisse. Puis là, si le barrage disparaît et qu'on ne peut pas exporter par ce barrage-là, supposons LG 1 ou LG 2A, c'est une catastrophe, pas seulement pour les États-Unis, mais pour nous autres aussi. Alors cette situation, vous le savez comme moi, ne peut pas se produire, parce que la nature de l'exportation et de la production d'hydroélectricité, à long terme, cette clause-là, à mon avis, n'aura pas d'application pratique en termes de...

M. Laberge (Louis): Ce n'est pas vous qui disiez que, l'hiver prochain, on serait à mille mégawatts près?

M. Ciaccia: Bien, si vous pouvez convaincre vos syndicats de retourner...

M. Laberge (Louis): C'est ce dont je voulais vous parler tantôt.

M. Ciaccia: Si vous pouviez convaincre vos syndicats de retourner et de nous laisser travailler, il n'en manquera pas d'électricité, M. Laberge.

Le Président (M. Charbonneau, Verchères):

M. le ministre et M. Laberge, on n'embarquera pas sur une autre négociation. Vous êtes bien habiles pour cela de part et d'autre, mais... M. Rabeau.

M. Rabeau: Je voulais juste donner une précision sur la question du traitement national. M. Larose a fait allusion au fait qu'on ne donnait pas le traitement national aux Américains dans le cas de l'électricité, mais il y a une confusion ici. C'est intéressant de préciser que si une entreprise américaine veut s'installer au Québec et qu'elle veut faire une entente avec Hydro-Québec pour avoir des tarifs préférentiels d'électricité, Hydro-Québec est obligée de traiter avec elle et d'offrir les mêmes conditions qu'elle a pu faire à Donohue ou n'importe quelle autre entreprise ici. C'est cela le traitement national.

Une voix: Ici.

M. Rabeau: C'est une entreprise de l'étranger qui s'en vient ici et qui a le même traitement que nos entreprises d'ici, telles qu'elles sont traitées. Et l'exportation aux États-Unis, c'est une tout autre chose.

Le Président (M. Charbonneau, Verchères):

M. Larose, une dernière question sur le sujet...

M. Larose: Ah! Bien non, moi, c'était pour ouvrir...

Le Président (M. Charbonneau, Verchères):

C'était pour ouvrir sur un autre front.

M. Larose: Parce qu'il ouvre une question très intéressante, effectivement,...

Le Président (M. Charbonneau, Verchères):

Bon!

M. Larose: ...concernant les entreprises étrangères sur notre sol.

Le Président (M. Charbonneau, Verchères):

Bon! Bien, on va revenir à cette question-là plus tard et il y a le député de Bertrand qui m'a demandé d'avoir la parole tantôt. Alors, M. le député de Bertrand.

M. Parent (Bertrand): Oui, c'est sur un autre sujet concernant l'économie. Sur le plan macro-économique, M. le Président, c'est beau que le Conseil économique du Canada nous annonce 250 000 emplois sur dix ans à travers le Canada, mais la politique financière du gouvernement canadien, actuellement, ne nous garantit absolument rien dans les nouvelles règles du jeu, en ce sens qu'actuellement, il y a une barrière, il y a un 20%. Notre dollar, à 0,80 $, crée chez nous une barrière qui favorise nos entreprises à l'exportation et, au moment où l'on se parie, au moment où le traité n'est pas encore en vigueur, on est dans une situation où, quand on fait des sondages auprès de nos entreprises, tout le monde applaudit et dit oui au libre-échange. Sauf que, si notre dollar augmentait de 10%, selon les études que j'ai pu lire, on parle d'une perte d'emplois de 250 000 à travers le Canada. Alors on peut s'imaginer l'importance, M. le Président, seulement d'une augmentation de 10% de notre dollar. On se retrouvera avec des pertes qui vont venir anéantir, finalement, tout l'effet du libre-échange pour les dix prochaines années.

Alors ma question au ministre du Commerce extérieur est: Comment se fait-il que rien n'a été prévu? Je comprends qu'à l'intérieur de l'entente c'était peut-être difficile, mais comment se fait-il qu'on soit maintenant très vulnérables par rapport à cela et qu'on risque, entre le moment où s'est négociée l'entente et le moment où sera appliquée l'entente, quelque part après le 1er janvier 1989, de se ramasser dans une situation où à l'égard de toutes ces belles barrières tarifaires abolies au fil des cinq ou des dix prochaines années, on risque de voir d'autres barrières se monter contre nous, puisqu'on a aucun contrôle et aucune mesure? Et on a vu le premier ministre du Québec s'élever, depuis quelques semaines, pour réclamer, finalement, de la part du premier ministre canadien, un peu plus de... Mais quelles mesures le Québec a-t-il prises ou quel droit a-t-il revendiqué pour être capable d'avoir un lien entre ce nouveau traité du libre-échange et la politique financière canadienne? (17 heures)

M. MacDonald: D'abord, vous savez que la question de politique financière comme telle, la gestion de celle-ci, c'est un domaine de juridiction fédérale et de gestion fédérale. Allant à l'ensemble ou, disons, référons encore une fois au GATT, il n'y a rien de prévu à l'intérieur du GATT qui réglementerait les questions de taux de change. Dans la discussion bilatérale avec les États-Unis, a également été mise de côté la notion de trouver un mécanisme quelconque qui voudrait, à un certain moment donné, si l'une ou l'autre des économies pouvait recevoir certaines pressions qui seraient directement liées à la gestion de l'entente, pouvoir fixer, geler ou réglementer les taux de change. Cependant, sans entente, dans la condition actuelle d'économie canadienne et particulièrement la situation québécoise du chômage par rapport à la situation ontarienne, le premier ministre, M. Bourassa, est intervenu plus d'une fois et a reçu des appuis, indiquant qu'il fallait gérer l'économie canadienne et particulièrement sa politique financière, en prenant en considération l'ensemble du Canada et non pas une région en particulier. Je pense que la maturité qui est celle des gestionnaires canadiens à l'heure actuelle a fait aussi que M. Peterson lui-même, il y a quelques jours, a dit: Oui, je crois que le dollar canadien a assez monté et qu'il ne faudrait pas garder des politiques qui le verraient s'apprécier davantage. Alors il n'y a pas dans l'entente et, nous n'en voulions

pas, que ce soit clair, ce n'était pas de notre juridiction, ce genre d'interventions.

Le Président (M. Charbonneau, Verchères):

M. le député, juste un instant. J'avais M. Rabeau, Mme Fecteau et un représentant de la Chambre de commerce. Est-ce que vous vouliez aborder un autre sujet ou si c'est sur le même sujet?

Des voix: Un autre sujet.

Le Président (M. Charbonneau, Verchères):

Un autre sujet. Mme Fecteau, un autre sujet ou le même sujet?

Mme Fecteau (Louise): Sur les propos que tenait M. Laberge.

Le Président (M. Charbonneau, Verchères):

Ah, bon. Tantôt?

Mme Fecteau: Oui.

Le Président (M. Charbonneau, Verchères):

D'accord, sur un autre sujet. M. Rabeau?

Une voix:...

Le Président (M. Charbonneau, Verchères):

Sur la même chose. Alors, M. le député de Bertrand, si vous voulez, on va céder la parole au professeur Rabeau et vous reviendrez en additionnelle. Cela va vous permettre peut-être d'avoir...

M. Rabeau: Alors, je voudrais juste préciser que le traité de libre-échange crée un zone de libre-échange où il y aura une libre circulation des produits et, en partie, des capitaux. Dans les zones de libre-échange comme cela, généralement, on ne peut pas observer de très grosses variations de taux de change. Il y a des mécanismes de stabilisation automatique qui font que si une devise tend à s'apprécier trop ou se déprécier trop, les mouvements de capitaux jouent dans un sens ou dans l'autre pour stabiliser les choses.

Prenons un exemple. Disons que le dollar canadien se mette à s'apprécier de plus en plus. Dans une zone de libre-échange, les entreprises qui sont au Canada vont être de plus en plus défavorisées. On va avoir des pertes dans notre balance commerciale, mais les entreprises canadiennes vont vouloir aller s'installer aux États-Unis à ce moment-là parce que notre dollar sera trop élevé. Ce faisant, avec les mouvements de capitaux, cela va renverser l'évolution du taux de change qui va se déprécier avec les sorties de capitaux. La valeur du dollar canadien va s'abaisser. Si, d'autre part, le dollar canadien tend à se déprécier beaucoup, ce sont les entreprises américaines qui vont venir ici pour profiter de notre taux de change déprécié. Là, la valeur du dollar canadien va remonter, de sorte que, compte tenu de ces mouvements de capitaux entre les deux pays, on devrait avoir une situation dans une zone de libre-échange où il n'y aurait pas de fluctuations très considérables dans la valeur relative de notre monnaie par rapport à celle des États-Unis.

Le Président (M. Charbonneau, Verchères):

Avant de donner une question additionnelle, y avait-il une réponse additionnelle? Un complément de réponse, M. Landry.

M. Landry: Oui, parce que je pense que la question soulevée par le député de Bertrand est cruciale et, dans le grand public, on l'entend. Les gens disent: Oui, mais si l'argent remonte. Le professeur Rabeau a donné une partie de la réponse en pariant des mécanismes d'ajustement automatique. Mais il y a une autre partie pratique maintenant dont je voudrais me charger. D'abord, regardons le passé. Vous savez que le dollar canadien a déjà non seulement été au pair, mais légèrement en "surcote" par rapport au dollar américain. On se souvient de cela. Ce n'est pas nécessaire d'être vieux. On vendait déjà à l'époque 70 % de nos exportations internationales aux États-Unis d'Amérique. Cela veut dire que même en situation monétaire serrée, on est suffisamment concurrentiel pour faire de très grosses affaires aux États-Unis. Surviennent les accords de la Jamaïque en janvier 1976. Le dollar se met à flotter et part dans la direction que l'on sait avec un moment donné 20 % et au-delà de "décote". Qu'est-ce que cela a fait sur les douanes? Cela nous a fait sauter les douanes américaines comme un lièvre saute par-dessus une clôture parce que la douane était parfois de 10 et notre "décote" était de 20. On avait encore un avantage de 10. Si, par ailleurs, la monnaie allait se réapprécier et revenir au pair, un dollar pour un dollar, et qu'on n'avait pas le libre-échange, qu'arriverait-il? Là, on s'accrocherait les pieds directement dans la moindre douane. Avec notre "décote", on sautait par-dessus la clôture. Au pair, on se bute directement sur la clôture. Cela pourrait être catastrophique. Donc la question monétaire est une raison supplémentaire pour abolir les douanes et les tarifs.

Le Président (M. Charbonneau, Verchères):

M. le député de Bertrand.

M. Parent (Bertrand): Oui, je pense que les informations données peuvent me satisfaire, parce je pense que c'est une préoccupation clans la population, comme vous dites. Mais auprès des dirigeants d'entreprises, c'est aussi une préoccupation fort importante. Et quand le ministre tantôt me disait: On ne peut pas, cela relève du gouvernement fédéral, et que le premier ministre du Québec réclamait ces dernières semaines, voire depuis un mois, des mesures dans ce sens-là et qu'il obtenait d'autres de ses collègues, soit M. Peterson, des appuis, c'est que même en

ayant des appuis, que ce soit le gouvernement du Québec ou le gouvernement de l'Ontario, cela n'a pas changé grand-chose quant à l'attidude du gouvernement central, du gouvernement canadien. Et cela me préoccupe au plus haut point, parce qu'on est dans un rapport de forces où aujourd'hui, en 1988, le gouvernement d'Ottawa semble bien s'entendre avec le gouvernement du Québec, et même dans les meilleures conditions possibles, où on a une espèce, et vous me passerez l'expression de "bargaining power", où le gouvernement du Québec a donné son appui au gouvernement canadien pour cet accord de libre-échange, je ne veux pas qu'on le retire, mais ce que je dis c'est qu'on a donné quelque chose pour être capable de faire avancer, et de l'autre côté, à partir du moment où le gouvernement du Québec et le gouvernement de l'Ontario se lèvent debout et demandent au premier ministre canadien d'être capable d'intervenir dans ce sens-là, pour être capable de justement éviter que cela continue à augmenter en ce qui a trait au dollar, on a un refus total de la part du premier ministre canadien. Ce que je me dis, c'est qu'il y aurait peut-être eu lieu, ou il y aurait peut-être encore lieu d'établir certaines façons où on est capable d'avoir un rapport de forces dans ce sens-là au niveau des provinces vis-à-vis du gouvernement canadien.

La question est posée, et il y a un dernier commentaire par rapport à ce que M. Landry disait tantôt. Oui en 1972, si je me souviens bien, le dollar était au pair, ou légèrement au-dessus, mais à ce moment-là on se souviendra quand même que le pourcentage dans bien des cas de protection au plan douanier était là pleinement, était là drôlement plus élevé et on sait que, en moyenne, au Québec on a le double du tarif du côté américain, c'est-à-dire qu'on est doublement protégé. Alors l'abolition au cours des cinq ou des dix prochaines années va faire en sorte qu'on va perdre ce double avantage de protection, et dans ce cas-là, je pense que s'il n'y a absolument rien de prévu ou à prévoir, et je ne suis pas économiste pour dire: Voici la façon de le faire, mais la question se pose, et elle est d'une préoccupation telle qu'on pourrait se ramasser dans deux ans d'ici, tous ceux qui sont autour de la table et qui sont tout à fait favorables au libre échange, et dire: Oui, mais ce n'était pas prévu dans les règles du jeu, cela vient chambarder complètement et on n'a aucun contrôle... Je trouve cela préoccupant. Je ne sais pas de quelle façon le Québec pourrait se prémunir en accord justement de s'allier si les dix provinces allaient dans le même sens, pour être capable d'établir un rapport de forces avant le 1er janvier 1989, avant que tout soit mis en oeuvre.

Le Président (M. Charbonneau, Verchères):

M. le ministre ou M. Rabeau.

M. Rabeau: Je voudrais simplement dire, qu'ici, le régime de taux de change flexible que l'on a est présentement une garantie en somme pour nous. C'est un avantage parce qu'on ne peut pas prévoir effectivement comment les stratégies d'entreprises vont se dérouler et ainsi de suite. Dans toutes les études, on trouve évidemment qu'au début de l'accord, le Canada importe proportionnellement plus que les États-Unis vont accroître leurs importations. Et cela veut dire que dans un régime de taux de change flexible, si notre balance commerciale tend à se détériorer un peu au début de l'accord, le taux de change va suivre, il va y avoir une dépréciation de notre monnaie, alors que si on avait un code quelconque qui gèlerait le taux de change à un certain niveau, on s'enlèverait une marge de manoeuvre, qui est la flexibilité du taux de change. Alors je pense que dans le cadre d'une négociation d'une zone de libre-échange, on a tout intérêt à garder un taux de change flexible, et ce qui arrive présentement, le taux de change est à la hausse, en fait n'a rien à voir avec la question du libre-échange, c'est strictement pour empêcher que se reproduisent des conditions semblables à celle de 1981-1982 où on avait des taux d'inflation, des taux d'accroissement salarial très considérable, et c'est tout simplement pour empêcher une reprise de l'inflation. C'est juste un mouvement passager de la politique monétaire face à la question de l'inflation. Ce n'est pas vraiment relié à la question du libre-échange.

Le Président (M. Charbonneau, Verchères):

Un complément de réponse, M. Ducros, rapidement, parce qu'on va changer de sujet par la suite. M. Ducros.

M. Oucros: Je suis en train d'écouter ce qui se dit depuis ce matin. Ce que je ressens, dans la conversation qu'on a, c'est que les principes sont acceptés. On pose une série de questions sur les méthodes d'implantation. Voici ce que j'aimerais poser comme question à tous les intervenants ici, je ne sais pas si c'est dans la même veine d'idée, je le crois. Est-ce qu'on est en train de discuter sur les principes de base du traité de libre-échange ou si, au contraire, on est en train de parler des méthodes d'implantation, des mesures d'adaptation, des questions à savoir comment on va, tous ensemble, réagir une fois le traité accepté? Si on parle de cette deuxième partie, pour moi, il n'y a plus de regroupement pour le libre-échange et de coalition d'opposition. On devrait travailler tous ensemble dans une atmosphère de coopération et dire comment on va faire fonctionner cette histoire-là au 1er janvier 1989. À mon avis, on est ensemble, dès ce moment-ci, pour essayer de trouver des solutions à l'implantation de ce traité.

Le Président (M. Charbonneau, Verchères):

Le message étant passé, je suis sûr que ie premier ministre aurait bien aimé l'entendre,

mais je pense que l'objet...

M. Ducros: Mais, j'aimerais poser la question à la coalition. À mon avis, le propos change constamment et totalement si on est capable de s'entendre sur les principes de base et si on est capable d'essayer ensemble de trouver des méthodes de solution.

Le Président (M. Charbonneau, Verchères):

Je m'apprêtais à donner la parole à M. Larose pour un autre sujet, mais je présume, le connaissant un peu, qu'il peut répondre à cette question aussi, par le fait même. M. Larose.

M. Larose: D'abord, nous, on constate que l'économie canadienne et l'économie québécoise sont intimement imbriquées dans l'économie nord-américaine ou l'économie américaine. C'est une des économies les plus ouvertes. Et s'il y a un irritant que je tolère mal, c'est quand on dit que la coalition propose le repliement, le recro-quevillement, la refermeture de l'économie. C'est faux. On est dans une situation où l'économie est très largement ouverte et imbriquée. Par ailleurs, nous faisons le constat qu'au Canada et au Québec nous vivons comme Canadiens et comme Québécois, avec des règles, des acquis, un mode, un modus vivendi et on se paye ce mode de vie. Notamment, on s'est donné des protections sociales. On s'est donné des mécanismes de redistribution de la richesse dans ce pays, que les Américains ne se sont pas donnés. On s'est donné une fiscalité. On a donné un rôle à l'État, plus particulièrement au Québec, un rôle à l'État du Québec qui joue dans l'économie, qui exerce une pression pour tel et tel secteur dans le développement. Notre crainte, et c'est une certitude quand on vérifie les textes, c'est que loin d'agrandir notre marge de manoeuvre pour maintenir les acquis et promouvoir, je dirais, le développement de l'originalité canadienne et québécoise, l'accord ratatine, réduit la capacité collective précisément pour financer notre propre originalité. Dans ce sens-là, on va être pour une ouverture, pour le maintien d'une ouverture, mais on va être pour, je dirais, le développement - je prends un mot haïssable - d'un rapport de forces collectif qui va nous permettre, comme Québécois et comme Canadiens, de pouvoir être encore Québécois et encore Canadiens. Quand on regarde l'accord, tel qu'il nous est proposé, nous craignons beaucoup pour l'avenir, précisément si on crée les mêmes conditions économiques ou les mêmes conditions de production au Canada qu'aux États-Unis. Ce n'est pas la puce qui va écraser l'éléphant. C'est l'éléphant qui va "barouetter" la puce. S'il y a un pont qui s'écroule, ce n'est pas la puce qui va pouvoir prétendre que c'est elle qui l'a écrasé. Cela va être l'éléphant. Alors, dans le rapport de forces États-Unis-Canada, on pense qu'on va être perdant au change. C'est le fond de notre crainte. Alors on va travailler beaucoup pour maintenir et développer une ouverture, mais on va férocement batailler pour se faire ingérer ou intégrer aux États-Unis. C'est cela, si je reprends la synthèse de notre position. Mais je ne voudrais pas que vous m'oubliiez sur le nouveau débat qui est la propriété... (17 h 15)

Le Président (M. Charbonneau, Verchères): Je considérerais plutôt que c'est une réponse en fonction d'une question qui vous a été adressée. Je vais permettre une réplique du ministre sur la même question en fonction de votre réponse et, par la suite, on reviendra à vous pour un autre sujet. M. le ministre.

M. MacDonald: Eh bien, il est vrai que vous avez une structure de programmes sociaux différents aux États-Unis qu'au Québec. Il est également vrai que dans un contexte européen, et que vous parliez: de l'entente européenne ou du marché commun, si vous recherchez un pays en particulier, par exemple la Suède, vous allez retrouver là un régime d'avantages sociaux supérieur au nôtre où on a su, non seulement le conserver, mais à l'occasion, l'optimiser. On a su également développer une capacité industrielle et une productivité qui permet que ce pays-là, à l'heure actuelle, compétionne très bien avec ses partenaires et à l'échelle mondiale.

Au Canada et au Québec, ce que nous y voyons, nous, et j'en ai parlé dans mon énoncé préliminaire, c'est de créer l'ambiance pour créer des emplois, créer des emplois pour créer la richesse, non pas pour diminuer, ce qui est cette réalité sociale qu'on s'est donnée mais l'améliorer. Je dirais que si vous observez ce qui se passe aux États-Unis à l'heure actuelle, les coûts qui sont assumés par les entreprises pour leurs employés, parce qu'il y a absence de programmes sociaux sur une base nationale ou sur une base étatique, ces coûts-là sont rendus astronomiques. Il y a des pressions énormes vis-à-vis des États américains et vis-à-vis du gouvernement fédéral pour amener justement ce genre de protection et ce genre de qualité de vie élémentaire que les Américains observent ici au Canada.

Je ne vois pas dans les circonstances... Je m'aperçois, M. Larose, que lorsque j'entends votre perception de certaines clauses, etc. - je vous disais ce matin qu'on pourrait discuter ensemble - je pense que bien souvent on regarde le verre à moitié vide et le verre à moitié plein, mais c'est le même verre avec le même contenu. On lui donne une interprétation différente. Dans ce qui vous préoccupe, je vois beaucoup plus de pression et de difficulté du côté américain à faire face à la demande d'amélioration que, ici, de diminuer ce que sont nos acquis.

Le Président (M. Charbonneau, Verchères):

M. Charbonneau, vous m'avez demandé... Cela va. M. Landry, sur la même question.

M. Landry: Je trouve que le président de la

CSN a remarquablement bien exprimé l'inquiétude de sa centrale et l'inquiétude de base. Ce qui me frappait, et je pense que le ministre a eu un peu la même impression, c'est que nous avons exactement la même inquiétude. Nous trouvons consolation dans l'accord face à la même inquiétude de garder la souveraineté de nos gouvernements, nos programmes sociaux dont on discutera en détail ce soir. Tout cela, à mon avis, est beaucoup plus menacé par le statu quo, c'est-à-dire l'absence d'accord, que par un accord. Il me venait une image en écoutant le président de la CSN. Les images clochent, mais il me semble que les travailleurs sont mieux avec une convention collective que sans convention collective. Avant le syndicalisme, avant le droit du travail, les rapports étaient anarchiques entre les patrons et leurs employés. Avant l'entente avec les États-Unis d'Amérique, les rapports étaient anarchiques, entre un immense pays - et il va être encore immense après - tout ce que vous avez dit, le cheval, le lapin, tous les animaux y ont passé, c'est vrai. C'était vrai avant, cela va être vrai après, sauf que nous balisons et nous civilisons les rapports entre un grand et un petit. Cela me console de la même inquiétude que vous, et vous, cela vous désole davantage. Il doit y avoir moyen de s'entendre quelque part.

Le Président (M. Charbonneau, Verchères):

M. Larose, vous m'aviez indiqué tout à l'heure que vous aviez un sujet sur les investissements. Est-ce que vous voulez y revenir maintenant?

M. Larose: Je veux y revenir, mais je pense qu'il faut que je prolonge la réflexion de Bernard Landry.

Le Président (M. Charbonneau, Verchères):

Allons-y.

M. Larose: II est beaucoup mieux que les travailleurs aient une convention collective que pas de convention collective. Mais une convention collective, ce n'est pas avoir un petit texte de 100 pages; cela dépend de ce qu'il y a dedans. Il existe des conventions collectives où c'est nonobstant le droit de gérance. On peut convenir de ça. Ce que nous disons, c'est que dans l'accord, c'est un accord qui confirme par écrit le statu quo. Cela n'empêche pas les Américains de faire ce qu'ils veulent, de faire aujourd'hui ce qu'ils ont fait hier. Cela ne les empêche pas. Une deuxième caractéristique d'une convention collective, c'est le mécanisme de règlement des litiges. On en parlera demain mais, nous, on ne pense pas qu'il y a là un mécanisme de règlement des litiges. Il y quelque chose pour s'amuser pendant un an et deux sur les différents litiges, mais il n'y a pas là de tribunal qui règle. Mais de cela, on va en parler demain. Autrement dit, notre inquiétude par rapport au texte est que c'est un texte qui est contraignant pour une des parties. Les anarcho disent que les conventions collectives, ce sont des contrats d'esclavage. Je ne voudrais pas dire que l'accord, c'est ça. Disons qu'on pense que le poids et les contraintes, c'est pour nous autres bien plus que pour les Américains. On fera l'illustration de ça au fur et à mesure du débat.

Le Président (M. Charbonneau, Verchères):

Je vais permettre une dernière réplique à cette intervention, en fait, pour l'échange et qu'on revienne à un autre sujet parce que le temps file. Est-ce que quelqu'un veut répliquer ou si cela va aller? Vous le laissez marquer le point? Je comprends cela très bien. Alors, M. Larose, sur la question des investissements.

M. Larose: Oui.

Le Président (M. Charbonneau, Verchères):

Et après cela, M. Proulx. Ah, c'était sur ça, monsieur...

M. Proulx: C'est un peu ce... Une petite question...

Le Président (M. Charbonneau, Verchères):

Rapidement, M. Proulx.

M. Proulx: Une supplémentaire, M. Landry. Je voudrais qu'il m'explique comment on a fait pour en arriver aujourd'hui à ce qu'on est quand même, parce qu'on dit qu'on est rendu à 80 % du marché et cela semble être dans le fouillis le plus complet. Alors, on a dû être extraordinaire pour réussir à développer notre économie et à faire du commerce avec les États-Unis.

Le Président (M. Charbonneau, Verchères):

Réponse, est-ce que vous...

Une voix: La question s'adressait à M. Landry.

Le Président (M. Charbonneau, Verchères):

C'est à M. Landry.

M. Landry: Je suis tout à fait d'accord que cette entente de libre-échange, en termes de commerce et en termes de volume, ce n'est que compléter les 20 % d'une oeuvre qui est déjà accomplie à 80 %. Cela a créé, de facto, un statut particulier entre le Canada et les États-Unis en termes de volume de commerce, mais on n'a pas eu les institutions qui consacraient ce statut particulier. C'est pour cela que ça devient dangereux aujourd'hui. Un des grands périls de la situation présente, c'est une des clauses du GATT qui est la fameuse clause de la nation la plus favorisée. Les Américains, pour punir les Japonais de telle ou telle manoeuvre qu'ils n'aiment pas ou pour punir la Communauté économique européenne, vont instaurer, par exemple, un droit de douane comme ils ont

menacé de le faire sur trois produits, le vin blanc, le fromage et le cognac, de 200 % et, à cause de la clause de la nation la plus favorisée, ils ne peuvent pas exempter leur partenaire privilégié qui est le Canada. Alors, on se trouve dans la situation absurde de visa le noir, tua le blanc. Pour régler des querelles japonaises ou portugaises, ce seraient des gens d'ici qui seraient pénalisés dans nos usines. C'est pour ça que le statu quo est à ce point dangeureux et qu'il faut, puisque chaque fois que les Américains vont bouger, étant leur principal partenaire, nous serons les plus touchés, au moins d'avoir la possibilité d'empêcher les gestes intempestifs et les représailles unilatérales.

Le Président (M. Charbonneau, Verchères):

Une dernière remarque sur ça, M. le ministre.

M. MacDonald: II y a une loi qu'il ne faut jamais perdre de vue, justement ce qui a été la réussite canadienne dans la pénétration des marchés américains, et vous dites: On a 80 %. Vous utilisez les chiffres, effectivement, d'un succès et d'un succès canadien aux États-Unis. Mais ce succès-là, en grande partie, s'est réalisé au moment où les États-Unis ne connaissaient pas de déficit de la balance commerciale, où les États-Unis étaient les grands financiers du monde, prêtaient à qui ils voulaient bien prêter et donnaient à d'autres. Depuis le début des années quatre-vingt associés nécessairement avec cette montée de protectionnisme, les Américains ont accumulé à un rythme faramineux un déficit de la balance commerciale qui, même si nous voyons depuis quelques mois une réduction sensible qui laisse présager de meilleurs moments, globalement la maîtrise de ce déficit-là, on ne la voit pas, même dans un délai qu'on cataloguerait à moyen terme de deux à cinq à l'intérieur des politiques actuelles. Deuxièmement, les déficits accumulés commercialement et de façon budgétaire font que ce pays-là est redevenu pour la première fois dans plus de 50 années un pays débiteur. Chez certains, c'est la panique qui génère un protectionnisme dont on n'est pas les seuls responsables, c'est certain. D'ailleurs, ils visent d'autres pays, mais attaquer ou menacer ne fait pas tellement de distinction avec ceux qui ont des excédents de balance commerciale avec eux. Il faut se remettre dans ce contexte-là lorsque vous donnez les chiffres que vous citez, et ne pas l'oublier.

Le Président (M. Charbonneau, Verchères):

On change de sujet, si vous le voulez bien. M. Larose.

M. Larose: C'est concernant la propriété étrangère ou les investissements. Je crois découvrir que l'accord achève, je dirais, de - le terme anglais c'est de "scraper" - de démolir toutes les barrières ou les protections qu'on s'était données dans les dernières décennies pour que les sec- teurs industriels puissent se canadianiser ou demeurer propriétés canadiennes ou québécoises. Si j'ai bien lu l'accord, il y a des secteurs qui sont exemptés: il y a te gaz, il y a l'uranium, il y a les services financiers, H y a la culture, il y en a peut-être d'autres, enfin, il y a un certain nombre de secteurs exemptés. Pour tous les autres, pour les entreprises en bas de 150 000 000 $, puis on me dit qu'au Québec il y en a à peu près 75, c'est le "free for ail". N'importe qui peut acheter n'importe quoi pour en faire ce qu'il veut. Est-ce exact? Si c'est exact, il me semble qu'on s'ouvre les flancs d'une manière extraordinaire pour qu'effectivement du peu de contrôle que nous avons, nous en ayons moins encore. Là-dessus, je voudrais voir c'est quoi le rationnel qui voudrait renforcer le Canada ou le Québec en permettant ce type d'ouverture du côté des investissements étrangers.

Le Président (M. Charbonneau, Verchères): M. le ministre.

M. MacDonald: D'abord, vous avez cité qu'il y avait des exclusions quant aux possibilités d'investissements américains; vous avez cité le domaine culturel, c'est effectivement totalement exclu; la question énergitique aussi et vous avez précisé, mais enfin, il y a des exclusions quant à la valeur des entreprises et si j'extensionne, on commence à un chiffre de 5 000 000 $ d'actifs comme étant un plafond à l'heure actuelle qui demande appréciation, révision et objection s'il y a lieu et qui va s'extensionner jusqu'à 150 000 000 $. Même rendu à 150 000 000 $, si je regarde cela globalement dans le Canada et il y a plusieurs entreprises québécoises de visées là-dedans, les 300 plus grandes entreprises québécoises ne peuvent pas être touchées.

Deuxièmement, il faut qu'il y ait consentement de la part des propriétaires québécois qui, à l'heure actuelle, ont beaucoup plus tendance à aller - et vous en avez des exemples multiples, on a parlé de Bernard Lemaire, ce n'en est qu'un; que vous parliez de moyennes entreprises ou de grosses entreprises, Canam-Manac en serait une deuxième - acheter, à aller investir à l'étranger tout en n'oubliant pas d'investir ici, bien au contraire...

En dernier lieu, nous ne générons pas, et vous le savez très bien, suffisamment de capitaux pour développer au rythme où nous voulons développer. Nous avons donc un climat d'accueil, nous générons un climat d'accueil, nous stimulons un climat d'accueil à l'investissement, et à l'investissement intelligent, étranger, ici ou qui nous permet également une réciprocité. Je pense que, quand vous - et je ne dis pas, vous, M. Larose - généralement parlant... on pourrait appeler à la catastrophe et voir un drapeau étranger sur chacune de nos petites ou moyennes entreprises au Québec, je pense que ce n'est: pas faire, d'abord, état de la réalité du climat actuel

et de la gestion des entreprises québécoises, et certainement pas état de la tendance que celles-ci ont de vouloir s'étendre plutôt que de se faire acheter.

Le Président (M. Charbonneau, Verchères):

J'avais des questions ici, en avant, mais c'est sur les questions des investissements ou sur d'autres? Je comprends qu'il y a des anxiétés à savoir si vous aurez assez de temps, je pense qu'on va réserver du temps. Donc, je voudrais, peut-être donner une réponse additionnelle à M. Larose sur la question des investissements, M. Landry. Après cela, on va passer à Mme Fecteau et à M. Arsenault, de la Chambre de commerce. Donc, ici, il y a deux autres questions principales qui sont annoncées et vous allez avoir l'occasion de les poser.

M. Landry.

M. Landry: C'est pour répondre au président de la CSN. C'est peut-être mieux d'entendre son additionnelle parce que je pourrai essayer de répondre mieux.

Le Président (M. Charbonneau, Verchères):

Alors M. Larose.

M. Larose: Sur l'additionnelle, c'est pour dire que l'accord exclut toute condition qu'on pourrait imposer à d'éventuels investisseurs. Par exemple, qu'ils soient obligés de faire un minimum d'exportations, ou bien qu'ils soient obligés d'acheter la matière première ici au Canada ou tout cela. Je pense que là-dessus, l'accord spécifie qu'il n'y a plus rien en termes de contraintes. Autrement dit, quelqu'un pourrait acheter une entreprise pour fermer un concurrent. Cela demeure très possible.

Le Président (M. Charbonneau, Verchères):

M. Landry. (17 h 30)

M. Landry: Voici la réponse additionnelle que je voulais donner, parce que le président de la CSN avait demandé le rationnel de cette chose-là. Il est devenu très pratique le rationnel de cette chose-là. C'est que depuis cinq ans, il y a davantage d'investissements canadiens vers les États-Unis que l'inverse. La tendance historique s'est renversée. Alors le gouvernement canadien était dans une situation impossible face à Washington de dire: Vous ne viendrez pas chez nous, mais on va aller faire tout ce qu'on veut chez vous.

Le deuxième élément de réponse additionnelle, c'est que j'ai bien connu, comme tous ceux qui ont été au gouvernement au Québec, la période FIRA et cela nous a nui énormément, surtout au Québec. Les Québécois qui en ont profité, ce sont les grands bureaux d'avocats de Montréal qui pilotaient les dossiers FIRA qui, de toute façon, pour les grandes entreprises, étaient toujours acceptés, mais en quoi cela a nui au gouvernement du Québec? C'est que nous avions une stratégie de PME et en particulier des PME de l'Europe de l'Ouest. Aller dire à un industriel de Strasbourg qu'il faut d'abord convaincre de venir s'installer à Granby dans le parc industriel et lui faire miroiter tous les avantages et tout cela et dire en plus: Prenez-vous un avocat pour aller demander la permission au gouvernement du Canada pour venir. Ce n'était pas administrable, cela n'avait pas de bon sens et le gouvernement du Québec n'a jamais été très chaud vis-à-vis du FIRA. Ce qui est l'essentiel, c'est de protéger les très grands centres décisionnels, les très grandes entreprises et permettre un peu de souplesse et de flexibilité dans l'autre.

Quant aux possibilités d'acheter ou de ne pas acheter des matières premières, ce n'est pas couvert dans l'entente. Ce serait probablement très mal vu aux yeux du GATT d'agir ainsi, mais cela ne découle pas du libre-échange.

Le Président (M. Charbonneau, Verchères):

Mme Fecteau, sur une autre question.

Mme Fecteau: Oui, c'est cela.

Le Président (M. Charbonneau, Verchères):

Juste avant de vous céder la parole, M. Boudreau, vous vouliez intervenir sur quoi? Sur une autre question?

M. Boudreau (Denis): Une question reliée aux investissements, mais faisant intervenir la question de la fiscalité.

Le Président (M. Charbonneau, Verchères):

D'accord.

Mme Fecteau: C'est parfait, c'est la même chose.

Le Président (M. Charbonneau, Verchères):

C'est la même chose. Alors, on sera probablement sur la même longueur d'onde. Mme Fecteau.

Mme Fecteau: Juste un petit point avant de passer à cette notion-là. Je ne peux pas m'empêcher de dire à mes collègues, M. Landry et M. Larose, que je connais des employés qui sont tout aussi bien traités que ceux qui ont des conventions collectives de travail.

Deuxièmement, mes propos font la suite des commentaires que tenait M. Laberge quant au terme "subvention". Il craignait justement que les investissements soient moins nombreux avec l'avènement du libre-échange puisque le terme "subvention" était remis en question.

Je dirai là-dessus que nos entreprises, et vous vous souviendrez, M. MacDonald, en décembre dernier, nous étions accompagnés d'un dirigeant d'entreprise, une entreprise de Québec, qui disait qu'il était contre les subventions. Je ne parle pas de krach économique, de récession comme on l'a connue en 1980, je parle d'une

situation économique comme on la connaît aujourd'hui. Les entreprises que je représente dans le secteur manufacturier et spécifiquement dans les secteurs de la fabrication métal, machineries, papier, aliments, produits chimiques, textile et plastique sont contre les subventions.

Un sondage récent qui a été étalé il y a deux semaines, lors de notre congrès national, où une question étart celle-ci: Quel type d'assistance les entreprises attendent-elles des gouvernements pour traverser le processus de transition? 50 % d'entre elles n'en veulent pas. Cela ne veut pas dire pour autant que l'on ne puisse pas réclamer des choses. Là-dessus, je me souviendrai également que M. Ciaccia était le conférencier d'honneur à notre congrès national et il étalait le dernier budget du gouvernement du Québec et les mesures pour les entreprises québécoises. Je vous dirai que M. Ciaccia a fait des jaloux dans la salle, puisque la plupart des entreprises qui étaient là étaient représentées par des dirigeants d'entreprises ontariennes. À la fin du discours de M. Ciaccia, certains d'entre eux sont venus me voir en disant: Le Québec nous attire. C'est incroyable par rapport à l'Ontario maintenant.

Cela dit, le budget du Québec, il y a quelques semaines, quand il étalait des mesures encourageant les déductions pour amortissement, les mesures de crédits d'impôt, encourage l'entreprise. Ces mesures sont plus qu'encourageantes pour l'entreprise québécoise et pour l'investissement. Je dirai également que les politiques d'assouplissement de la réglementation et ce qu'a fait le gouvernement du Québec dernièrement quant à l'assouplissement dans le domaine du transport fait en sorte également qu'on aura un libre marché dans le domaine du transport et qui coûtera probablement moins cher pour les entreprises manufacturières.

M. Landry l'a dit, l'abolissement des mesures touchant le FIRA a permis également l'investissement au Canada. Donc, ce sont les propos que je voulais tenir face au terme "subvention". J'aimerais tout simplement rassurer les gens que ce mot-là et cette définition de "subvention" ne fait pas peur aux entreprises manufacturières; loin de là, elles sont contre.

Le Président (M. Charbonneau, Verchères):

Alors, M. Boudreau, hein, je pense?

M. Boudreau: Boudreau...

Le Président (M. Charbonneau, Verchères):

C'est cela. M. Boudreau.

M. Boudreau: ...de la FTQ, oui. Moi, j'ai deux remarques et une nouvelle question, la question de savoir dans quelle mesure la fiscalité et la fiscalité à la Québécoise serait touchée par l'Accord de libre-échange.

Ma première remarque, c'est dans le domaine des impacts, bénéfices macro-économiques. Là, cela ne va pas du tout quand on nous énumère les dix points majeurs de bénéfice découlant du libre-échange. Pour moi qui suis économiste, on nous décrit là l'homme des cavernes qui sort de son trou noir et qui s'aperçoit qu'il vit dans le monde avec lequel il y a d'autres animaux à deux pattes avec qui il pourrait échanger. On n'est pas à l'âge de pierre, en termes de commerce international; on est un des marchés les plus ouverts à l'échelle du monde au commerce international. Le milieu syndical ne refuse pas cela, le commerce international. Mais quand on nous dit: Les bénéfices, là, écoutez, on va avoir un grand marché, plus de problème de petite taille; nos industries plus sécuritaires, baisse des coûts de production... J'ai fait quelques calculs sur les baisses des coûts de production des entreprises, découlant de la baisse des tarifs, et il y a des surprises pour messieurs les hommes d'affaires qui croient que cela va se faire tout seul, le passage au libre-échange. Il y a de méchantes surprises, en tout cas.

Cela dit, les bénéfices macro-économiques. Quand on part de l'âge de pierre et qu'on compare où l'on sera dans dix ans, je comprends que ce soit étonnant comme bénéfice, ce n'est pas de ça qu'on parle. Aujourd'hui, le libre-échange ou le libre-marché avec les États-Unis, qui est bon pour le Québec, c'est celui qu'on a. Les matières premières, les produits transformés à partir des matières premières, pâtes et papiers, métaux, nos succès commerciaux, ils sont là. Les 20 % qu'il reste à libéraliser, là, la porte n'est pas là pour rien et les mesures de protection qui restent, Mme Fecteau, ce sont les entreprises qui les demandent, qui les réclament, et qui ont demandé qu'on les maintienne parce qu'elles sont affectées très fortement par la concurrence.

Deuxième point. Le contexte économique n'a jamais été aussi bon. D'accord. Pourtant, les problèmes de structure industrielle au Québec: ne sont toujours pas réglés après sept ou huit ans de supercontexte économique. Il y a des problèmes industriels au Québec qui sont tels que ce n'est pas la concurrence et le libre-marché qui vont les régler. Quant à cela, il n'y a pais si longtemps, des gouvernements ont sorti des plans de développement économique dans lesquels ils nous disaient ça, que pour restructurer l'industrie au Québec, il fallait un gouvernement qui agisse. Avec le libre-échange, là, le gouvernement abandonne cette responsabilité-là.

Le dernier point sur lequel je veux en venir, c'est que: Saviez-vous que la fiscalité est touchée directement par l'Accord de libre-échange? Quatre articles de l'accord touchent...: la Loi sur les revenus, la loi canadienne où le chapitre sur l'investissement facilite le transfert des fonds aux Américains, article 1606, et plus de droit de lever des taxes. Dans quelle mesure les pays, le Québec, pourra-t-il continuer à prendre des mesures fiscales qui font de la discrimination en faveur de nos entreprises? Et je mets en cause des programmes comme le Régime d'épar-

gne-actions qui vise clairement à favoriser des industries de chez nous dans des secteurs prioritaires.

M. MacDonald, s'il vous plaît.

Le Président (M. Charbonneau, Verchères):

Alors, M. MacDonald, M. le ministre, je vais vous donner la parole et, par la suite, sur la même réponse, M. Rabeau, et là - je vous signale qu'on a déjà dépassé le temps - je vais néanmoins permettre une question ou un commentaire à monsieur...

M. Arsenault (Louis): Arsenault.

Le Président (M. Charbonneau, Verchères): ...Arsenault, de la Chambre de commerce. Je m'excuse, M. Arsenault. Après cela, on passera aux conclusions finales des parlementaires pour qu'on change de thème. On passera à l'agriculture.

Alors, M. le ministre.

M. MacDonald: Eh! bien. Retenant quelques paroles que je crois avoir saisies dans votre premier argument, à savoir qu'il y a des difficultés, vous avez dit, je crois: Cela ne se fera pas tout seul, le libre-échange. Je suis d'accord avec vous et je pense que je n'ai rencontré aucune entreprise, particulièrement parmi celles qui pourraient être affectées par une réduction tarifaire, qui prétende que cela va se faire seul. Mais je n'en ai pas rencontré une non plus, dans ce domaine-là, qui ait une idée globale du marché, qui ne voie pas strictement et purement un petit marché régional. Je n'en ai pas rencontré une qui n'ait pas à faire face continuellement à un besoin d'accroissement de productivité. La différence qu'il y a avec l'entente de libéralisation des échanges, c'est que le chef d'entreprise sait, ce qu'il ne sait pas autrement quand on parle de taux de change, ce qu'il ne sait pas autrement quand on parle de venue sur le marché de nouveaux producteurs en pays en voie de développement, ou etc. il ne le sait pas, cela... Il sait, par contre, avec l'entente de libre-échange, qu'il y a une amélioration de tant de pourcent pendant cinq ans ou pendant dix ans qu'il doit apporter pour rester au même palier et un peu plus s'il veut s'améliorer. Et je crois que, malgré que je vous respecte certainement et je vous connais de réputation pour ce que vous pouvez dire, je pense que vous n'êtes pas en position pour nier ce qui est un sondage valable fait par l'Association des manufacturiers en ce qui a trait à l'utilisation des subventions.

Deuxième point: vous dites que nous abandonnons les outils, ou notre capacité d'intervention. Je pense qu'il a été dit ici, soit par le premier ministre, soit par moi-même, soit par d'autres, que nous n'abandonnons rien dans notre capacité d'intervenir, M. le député de Bertrand a parlé du coffre à outils. Je suis parfaitement d'accord avec lui qu'il faut avoir des outils et nous les avons. Nous avons la possibilité d'en modifier ou d'en créer d'autres. Il n'est absolument pas question, c'était d'ailleurs une condition fondamentale de la participation du Québec aux négociations, de se garder notre capacité d'intervenir en matière de développement régional, compte tenu de la spécificité à la fois canadienne et québécoise. Je ne vois pas où vous prétendez, et d'ailleurs ce n'est pas la première fois qu'on en a discuté, de notre incapacité de continuer à intervenir. Cependant, ce avec quoi on va s'entendre très bien, avant l'entente de libre-échange et après l'entente de libre-échange, on n'a pas de chèque en blanc pour créer des conditions de commerce déloyal. Ce ne l'était pas avant et ce ne le sera pas demain. Cependant, on se donne un cadre, et M. Landry l'a utilisé souvent, un cadre légiféré, un cadre réglementé où on sait saprement mieux que jamais... à l'intérieur duquel on peut avoir une intervention plutôt que d'être soumis à des actions unilatérales américaines.

Et en troisième lieu, je pense que vous faisiez référence également à ces outils et vous disiez: Je vois des possibilités de mettre en péril les avantages qu'on peut conférer en ce qui a trait au REA. Eh bien, si nous visions, à l'intérieur d'un REA, strictement et purement par exemple un secteur où la grande majorité des entreprises font de l'exportation, et que là on y voyait un avantage direct, créant une situation de commerce déloyal, je serais d'accord avec vous. Cela n'a jamais été le cas du REA et, à ma connaissance, ce ne sont pas les intentions du ministère des Finances à l'heure actuelle de cibler de cette façon-là. Le REA est accessible à n'importe quelle entreprise dans n'importe quel secteur, à toutes fins utiles. Alors je ne vois pas en quoi le REA est mis en péril.

Le Président (M. Charbonneau, Verchères):

Merci, M. le ministre. Un rapide commentaire, M. Rabeau.

M. Rabeau: Oui, juste quelques commentaires additionnels. D'abord, je voudrais simplement préciser que l'on garde entièrement notre capacité de taxer et que si, par exemple, les gouvernements décidaient d'harmoniser la fiscalité des entreprises avec celle des États-Unis, bien on peut prendre les taxes ailleurs, les taxes indirectes par exemple, et le Canada garde totalement sa souveraineté en matière de taxation. Quant à la question de REAQ, je pense qu'il y a l'avantage ici de ce comité d'experts qui va travailler pendant cinq ans. Toutes ces mesures-là vont être révisées et vont faire l'objet d'une entente et d'une harmonisation entre le Canada et les États-Unis, où il faudra en arriver à un certain accord pour que ces choses-là soient acceptées de part et d'autre de la frontière.

Et juste un dernier point. Effectivement, le libre-échange porte sur à peu près 20 % des

secteurs qui ne sont pas libéralisés présentement. Donc, il ne faut pas lui attribuer un impact très considérable. D'ailleurs toutes les études sont claires là-dessus. Ce n'est pas un impact formidable, ce n'est pas quelque chose d'exceptionnel, sauf que ce que l'on décrit ici quand on parle des impacts macro-économiques, ce sont les avantages généraux que l'on retrouve dans les zones de libre-échange et qui changent de façon générale les règles du jeu et qui donnent des avantages aux deux partenaires de chaque côté. Et effectivement, je pense que tout le monde est d'accord que la question des stratégies d'entreprises, ce que les gens vont faire évidemment dans le cadre du libre-échange, c'est une chose absolument essentielle quant à faire du libre-échange un succès économique... Et là, l'hypothèse que pose tout le monde, c'est simplement une hypothèse optimiste que nos hommes d'affaires vont être capables de relever le défi, et de poser, d'avoir les stratégies nécessaires pour pouvoir bénéficier des avantages d'une zone de libre-échange. Merci.

Le Président (M. Charbonneau, Verchères):

M. Arsenault, est-ce que c'est une question ou un commentaire? (17 h 45)

M. Arsenault: C'est un commentaire, M. le Président.

Le Président (M. Charbonneau, Verchères):

Alors, je vais vous permettre un commentaire. Pour être un peu juste parce qu'il y a plusieurs commentaires de gens qui sont plutôt en faveur, je permettrai une réplique et non pas une question à la coalition, une dernière réplique et après cela, on passera aux commentaires généraux des parlementaires. Alors, M. Arsenault.

M. Arsenault: La Chambre de commerce du Québec n'a pas voulu envoyer ici tous ses arsenaux. Je suis seul, mais je ne pouvais quand même pas me présenter comme Louis Arsenal.

Dans le bref mémoire qui a été distribué à tous les membres de cette commission ce matin et à tous les intervenants, la Chambre de commerce du Québec fait connaître sa position. Alors, très brièvement, je la résumerai comme ceci.

La Chambre de commerce du Québec, après une analyse vraiment détaillée, considère que l'entente, même si elle n'est pas parfaite, est un accord qui répartit de façon équitable les bénéfices et les risques pour les industries des deux pays. Nous sommes convaincus que les entreprises québécoises n'ont rien à craindre de la concurrence et qu'elles sauront s'adapter rapidement et efficacement au nouveau contexte. Nous n'avons peut-être pas les étoiles filantes dont M. Laberge faisait état tout à l'heure, mais le ciel du Québec a souvent été sillonné par des comètes. Je pense que je pourrais vous lire une liste assez impressionnante d'entreprises québé- coises, petites et grandes, même quelques-unes dans les secteurs dits mous qui ont su quand même se créer une niche, établir un créneau précis aux États-Unis en dehors de l'entente du libre-échange et s'établir, je pense, une place enviable. Donc, aucune crainte du côté de la capacité concurrentielle des entreprises du Québec. Nous sommes agréablement surpris d'apprendre qu'une entreprise sur trois au Québec exporte déjà et une autre sur trois est très intéressée à développer, dans le cadre du libre-échange, des rapports avec le marché américain. Nous sommes très confiants donc que nos entreprises soient en mesure de concurrencer adéquatement. Le libre-échange constitue pour les entreprises du Québec un véritable stimulant. Nous sommes convaincus que nous pouvons avec ce libre-échange pénétrer de nouveaux marchés. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Charbonneau, Verchères):

Une réplique finale, M. Larose.

M. Larose: D'abord, je voudrais dire à Mme Fecteau que s'il n'y avait pas d'avantages à se syndiquer, vraisemblablement, nous ne serions pas si combattus. Deuxièmement, les avantages sont économiques, mais ils sont peut-être d'abord et avant tout des avantages d'hommes et de femmes qui se sentent un peu plus respectés en étant syndiqués.

Cela dit, ce qu'il y a dans l'accord n'est qu'un début. L'accord nous enclenche vers un processus qui va prendre plus d'ampleur parce qu'il est spécifié à l'article 1601 que ça va continuer à négocier pour essayer d'éliminer les secteurs sur lesquels on a exclu, notamment sur les investissements. La volonté américaine est très claire, ça va être de "continentaliser" toute l'économie et que du nord au sud jusqu'à l'Arctique, ce soit les mêmes règles. Nous sommes déjà inquiets par rapport à ce qui existe dans l'accord, notamment au chapitre des investissements, mais plus, on a l'impression que la roue va tourner pour encore un bout de temps jusqu'à ce qu'on soit complètement ingéré par les États-Unis. Dans ce sens, l'accord est un choix dont on ne connaît pas à l'heure actuelle tous les effets.

Remarques finales

Le Président (M. Charbonneau, Verchères): Merci, M. Larose.

M. le député de Bertrand, pour vos trois minutes de remarques finales.

M. Jean-Guy Parent

M. Parent (Bertrand): Oui, conclure en trois minutes sur un bloc aussi important que l'économie, d'abord je déplore qu'il y ait eu seulement une heure et demie. Je proposerais au ministre du Commerce extérieur qu'il y ait des suites sur

différents blocs au cours de l'automne, pourquoi pas?

Ce que j'aimerais finalement sur le plan du volet économique, c'est peut-être de mettre un peu en garde les intervenants autour de la table tout en étant très optimiste quant à l'avenir économique du Québec et à l'avenir face au libre-échange malgré les préoccupations que j'ai. Il reste qu'il y a actuellement un emballement que l'on connaît depuis une couple d'années et qui est dû particulièrement à un ensemble de mesures qu'a connues le Québec concernant l'entrepreneurship, des mesures qui ont fait en sorte, depuis cinq ans, six ans, sept ans, de développer l'entrepreneurship au Québec. Aujourd'hui, tout le monde se sent très fort. Alors, j'ai beaucoup de préoccupations quant à cette forme d'emballement, parce que la journée où nous rencontrerons un début de récession économique, peut-être que cela peut venir, que cela va venir beaucoup plus rapidement, je ne le souhaite pas, je suis persuadé que les dirigeants d'entreprises au Québec, les grandes, les moyennes et particulièrement les petites, vont réagir tout autrement. La mise en garde, ce n'est pas pour être négatif, mais c'est pour dire à tous les intervenants, et je l'ai vécu en commission parlementaire au mois de septembre lorsque la plupart des associations patronales sont venues ici nous dire: Écoutez, le libre-échange ne nous fait pas peur, mais lorsqu'on fouille un peu plus loin et lorsqu'on gratte un peu plus loin, on s'aperçoit que, malheureusement, personne ne sait trop exactement comment ça va se vivre et comment va être la compétition et la réaction américaines.

Tout cela pour dire qu'il y a beaucoup de précautions à prendre et qu'il faut éviter de s'emballer sur quelque sondage que ce soit en ce sens que c'est tout beau et que personne n'a plus besoin d'aide ou de subvention. Mme Judith Maxwell, le 14 avril dernier, annonçait dans son rapport comme présidente du Conseil économique les 250 000 emplois au lieu de 300 000 qu'aurait comme effet le libre-échange et ce, sur une période de dix ans. Elle disait ceci: Ce scénario est toutefois basé sur l'hypothèse que la croissance de la productivité sera vigoureuse. Mais, si les industries négligent de moderniser leurs usines et d'assurer le perfectionnement de leur main-d'oeuvre, 17 entreprises sur les 36 étudiées accuseront une diminution d'emplois et de production. Ce que cela veut dire, c'est que tous les scénarios et tous les modèles qui sont faits, c'est à partir du fait que tout va bien. Mais, ça n'ira pas toujours bien et on sait qu'on va connaître des périodes plus difficiles. Dans ce sens-là, j'invite encore une fois et je reviens au sujet que j'avais à l'ouverture du bloc économique... Si une entreprise sur deux à travers le Canada, dans cette petite étude qui a été faite par le Conseil économique, 17 sur 36, donc 50 % des entreprises, si on ne leur donne pas les outils nécessaires pour être capables de moder- niser, de recycler leur main-d'oeuvre, on n'a qu'à se poser la question et elle a été posée ce matin. Pourquoi a-t-on actuellement au Québec - et je termine là-dessus, M. le Président - en période de croissance économique, 9,6 % de chômage? C'est parce que la croissance est bonne, mais on a un jeu d'offre et de demande qui fait qu'on n'est pas capable de répondre. Il y a des demandes d'emploi et il y a du chômage. On n'est pas capable d'y répondre. Il y a un problème fondamental. Même en dehors du libre-échange, le problème est là de façon très grave, mais il va s'accentuer avec l'Accord de libre-échange.

Le Président (M. Charbonneau, Verchères):

Merci, M. le député de Bertrand. M. le ministre, en conclusion.

M. Pierre MacDonald

M. MacDonald: En conclusion, M. le Président, à l'exemple du député, je reprends quelques-unes des paroles de mon exposé préliminaire. La position du gouvernement, prénégociations, durant les négociations, en attente à l'heure actuelle de la mise en oeuvre, c'est celle de s'associer à ce projet à la seule et unique condition que cela puisse signifier une amélioration de l'économie québécoise qui se traduit nécessairement par cet objectif premier, qui est celui de créer un plus grand nombre d'emplois, des emplois stables et de préparer, d'améliorer continuellement le climat de façon à faire face à des changements qui seront non seulement ceux amenés par l'entente de libre-échange, mais les changements que nous connaissons chaque jour dans un monde extrêmement compétitif où des éléments autres que purement réduction de tarifs douaniers, genre politique monétaire, transfert de technologie, grande découverte scientifique, guerre sectorielle, si vous voulez, peuvent venir influencer le climat et être des obstacles au but premier de créer des emplois. Nous croyons avoir posé des conditions qui ont été respectées. Nous croyons poursuivre par des politiques autres que celles purement orientées directement au libre-échange, à savoir les politiques du gouvernement en matière de fiscalité. Je n'ai pas besoin de revenir sur ce qu'était le budget de M. Levesque. Je pense que tous les participants autour de la table ici, si je reprends ce qu'on a lu comme commentaires, ont vu un effort, et plus qu'un effort, dans le sens d'optimiser l'économie québécoise. Je pense également que le fait que nous soyons ici, favorables d'un côté, en opposition de l'autre, mais avec l'esprit ouvert pour se parler et essayer de se comprendre: Où sont nos différends, de quelle façon pourrons-nous mieux concilier ou trouver un terrain d'entente? Je pense que nous retrouvons ici ce que nous avions escompté d'une certaine façon ou observé, c'est-à-dire une maturité dans cette société québécoise qui est la nôtre qui va nous permettre de faire face, à l'intérieur de balises, de conditions et de

protection essentielles pour sauvegarder les acquis, qui va nous permettre, dis-je, non seulement de faire face à ce défi - défi que je qualifie même d'emballant, exigeant mais emballant - de l'entente de libre-échange avec les États-Unis, mais d'être capables de rentrer, à part active, comme on le fait actuellement, dans un contexte de négociation globale au sein du GATT et faire face à ce défi qui se veut beaucoup plus global que strictement bilatéral. Je pense que sur le plan économique et sous tous ces ensembles que j'ai mentionnés, je suis fort heureux d'être capable d'échanger nos points de vue comme on le fait aujourd'hui.

Impact de l'accord sur l'agriculture

Le Président (M. Charbonneau, Verchères):

Merci, M. le ministre. Cela termine le bloc de la discussion sur les conséquences sur l'économie québécoise.

Nous allons maintenant aborder l'autre thème: Les impacts de l'accord sur le secteur agricole. Cette fois nous avons toujours les cinq minutes de départ aux quatre groupes et, par la suite, nous aurons une discussion d'environ 35 minutes. Sans plus tarder, je vais céder la parole au ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation. M. le ministre du Commerce extérieur et du Développement technologique, vous aviez une remarque avant qu'on aborde?

M. MacDonald: Oui, j'ai une contrainte impérative qui était alignée avec le programme initial, un rendez-vous à 18 h 30. Est-ce que vous avez l'intention de prolonger?

Le Président (M. Charbonneau, Verchères):

Je pense, M. le ministre que nous allons continuer jusqu'à 19 heures pour finir le bloc.

M. MacDonald: Parfait. Si ces messieurs, en général, me permettaient de quitter pour quelques minutes, mon collègue et les gens qui l'accompagnent pourraient continuer, si vous voulez bien m'excuser.

Remarques préliminaires M. Michel Pagé

Le Président (M. Charbonneau, Verchères):

Merci, M. le ministre. M. le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation.

M. Pagé: Merci, M. le Président. Je vais saluer mes collègues, membres de l'Assemblée nationale, saluer nos distingués invités qui participent à cet échange aujourd'hui, notamment la coalition d'opposition à l'Accord de libre-échange et plus particulièrement l'Union des producteurs agricoles, saluer le regroupement pour l'Accord de libre-échange et plus particulièrement les représentants de la Coopérative fédérée du Québec.

L'agriculture, sujet qui a fait l'objet non seulement de beaucoup d'intérêt, beaucoup de discussions et beaucoup de représentations, l'agriculture, dis-je, joue un rôle majeur et très significatif, notamment dans l'économie des régions du Québec. Dans notre économie, il est bon de profiter de cet échange qui, quoique bref, nous permettra, j'en suis persuadé, de progresser dans cet effort, cette démarche de réflexion et de représentation. L'agriculture du Québec c'est 2 % du produit intérieur brut, c'est 80 000 emplois directs, c'est 260 000 emplois qui sont aussi reliés à la transformation, la distribution et aux services connexes, c'est donc 11,1 % de la main-d'oeuvre totale du Québec, 3 500 000 000 $ de recettes à la ferme, ce qui représente 15 % de l'ensemble canadien. On sait que nos principales productions agricoles sont basées sur les productions animales, le lait qui représente 32 % des recettes monétaires, le porc dont on produit 160 % de notre consommation avec des exportations très importantes aux États-Unis, avec 20,2 % et la volaille à 8,7 %. Nous sommes passés d'une agriculture qu'on pourrait qualifier d'artisanale il y a une génération et demie, deux générations, à une véritable production moderne, dynamique, industrielle qui s'est développée et qui s'inscrit aujourd'hui dans le cadre de juridiction partagée entre les deux paliers de gouvernement et une agriculture qui, ici au Canada, comme ailleurs dans l'ensemble des pays industrialisés, fait l'objet de mesures de protection. Une agriculture qui est particulière au Canada et qui est aussi particulière au Québec, par ses structures. (18 heures)

Qu'il me suffise d'en référer à nos régimes d'assurance stabilisation qui nous sont propres, à nos agences nationales de commercialisation sur le plan canadien où on se discipline et où on ne contribue pas, évidemment, à accroître les marchés internationaux. Une agriculture, donc, qui est bien structurée. Une agriculture pour laquelle nous avons dans cette démarche, comme gouvernement, et j'ai, comme ministre responsable, et nous avions dès le départ un double objectif. Le premier, de protéger nos acquis, de protéger ses structures et le second, évidemment, de faire en sorte que cet accord puisse bonifier notre présence, notamment sur le marché américain compte tenu, évidemment, d'un bassin de consommatrices et de consommateurs qui est très important pour nous.

Au plan du commerce bilatéral avec les États-Unis, on doit retenir que nos exportations de produits alimentaires vers ce pays sont croissantes. De 712 000 000 $ en 1985, nos exportations, donc des produits de chez nous vers les États-Unis, s'élèvent à 812 000 000 $ en 1987. Le marché américain constitue donc le véritable pivot de nos exportations alimentaires puisque 65 % de nos ventes internationales sont consacrées, sont adressées, évidemment, aux

États-Unis. Nos importations de produits alimentaires en provenance des États-Unis s'élevaient à 536 000 000 $ en 1985 et celles-ci ont atteint 582 000 000 $ en 1987. Ajoutons que nos ventes agro-alimentaires aux États-Unis ne représentent que 5 % des exportations totales du Québec.

Les États-Unis, c'est donc un gros client. C'est un marché important qu'on se doit de reconnaître et on doit considérer ce marché, évidemment, dans l'évolution des positions en matière agricole que le Québec a défendues au cours des négociations bilatérales. Je ne crois pas qu'il soit nécessaire ici de décrire à nouveau les grandes composantes de notre politique agricole et de la structure agricole canadienne et québécoise. Cependant, on doit reconnaître et on doit prendre en compte l'exiguïté et la faible croissance de la population et, conséquemment, du marché québécois et l'opportunité d'améliorer les conditions d'accès aux marchés canadien et américain. Pour nous, l'ouverture, la pénétration de ces marchés par nos entreprises demeure un objectif très important. J'irais même jusqu'à dire une priorité. Cependant, on doit convenir que cette ouverture ne doit pas se faire à n'importe quel prix.

En ce qui a trait aux spécificités agroalimentaires du Québec, il est utile de se rappeler que les offices nationaux de commercialisation...

Le Président (M. Charbonneau, Verchères):

Je m'excuse de vous interrompre.

M. Pagé: Oui.

Le Président (M. Charbonneau, Verchères):

Je voudrais vous signaler que le temps alloué pour vos...

M. Pagé: Le temps fuit, M. le Président.

Le Président (M. Charbonneau, Verchères):

II fuit rapidement et même d'ailleurs, on a pris du retard. Alors, si vous n'avez pas d'objection, à moins que vous en ayez pour 30 secondes.

M. Pagé: Vous êtes comme le président de l'Assemblée nationale, vous occupez, finalement, la fonction de président. Vous demandez de conclure.

Le Président (M. Charbonneau, Verchères):

Je vous demande de conclure à moins que vous me disiez que vous en avez encore pour quinze ou 30 secondes, autrement, à travers les réponses que vous donnerez tantôt, je suis convaincu que vous pourrez donner des informations.

M. Pagé: Essentiellement, M. le Président, je vais conclure en vous indiquant que nous sommes farouchement déterminés à faire en sorte que cet accord puisse conduire dans tes faits au maintien, à la sécurité, à la sécurisation - si je peux utiliser le terme - des acquis et des spécificités du Québec tout en maintenant un autre volet d'objectif, de renforcer notre présence à l'égard de ce marché de consommateurs qui est de plusieurs dizaines de millions de population à moins de 500 milles de Montréal.

Le Président (M. Charbonneau, Verchères):

Merci, M. le ministre. M. le député de Laviolette pour un cinq minutes également.

M. Jean-Pierre Jolivet

M. Jolivet: Merci, M. le Président. Personne ne va mettre en doute l'importance de l'agriculture dans l'économie. Cette importance, d'ailleurs, a été reconnue par le premier ministre lorsqu'à Devos, en février 1987, il disait à Mme Pat Carney qui était responsable à l'époque du dossier au fédéral, qu'il voulait exclure l'agriculture du traité de libre-échange. Cependant, en septembre 1987, cette proposition d'exclusion s'est métamorphosée en statut spécial pour l'agriculture et les pêcheries. Lorsque le 3 octobre la version préliminaire est arrivée, on s'est aperçu, finalement, que ce n'était ni l'exclusion, ni le maintien d'un statut particulier spécial mais plutôt partie intégrante de l'accord. On avait, en particulier, abolition de tous les tarifs douaniers sur les produits agricoles sur une période de dix ans, incluant les tarifs de 15 % pour la crème glacée et le yogourt, élimination des licences d'importation pour le blé, l'orge et l'avoine, augmentation des quotas à l'importation de volailles, d'oeufs et de produits dérivés jusqu'au niveau annuel moyen des livraisons observées au cours des cinq dernières années, soit un accroissement de la part américaine de 6,1 % à 7,5 % de notre marché, harmonisation des normes ou barrières techniques régissant la circulation des produits agricoles, des aliments et des boissons.

Quant au concept de subvention à l'exportation, il permet une interprétation très large de ce que les Américains peuvent amener comme interprétation à une subvention à l'exportation. Le ministre québécois à l'époque s'était affiché avec un très fort optimisme, il l'a dit tout à l'heure, en disant que les acquis étaient maintenus. L'abolition cependant des tarifs douaniers de 15 % sur la crème glacée et le yogourt a eu pour effet d'affecter indirectement le système de gestion de l'offre dans le secteur laitier en ouvrant la porte à l'importation accrue de yogourt et de crème glacée en provenance des États-Unis à la suite de l'abolition des tarifs douaniers, ce qui a obligé le ministre à réviser sa position.

Face à l'ampleur donc de l'impact de l'accord préliminaire affectant l'agriculture, l'UPA a réagi et a exprimé ses inquiétudes et, à la suite de pressions très fortes, le ministre de l'Agriculture a dû alors intervenir auprès d'Ottawa, principalement dans le but d'obtenir

l'inclusion du recours du Canada aux dispositions de l'article 11 des accords du GATT. Cet article 11 permet à un pays de décréter des quotas à l'importation pour protéger certains produits. Pourtant, le 7 décembre dernier, son collègue qui est assis à côté de lui indiquait que c'était une référence inutile. Quoique nous aurions souhaité comme Opposition l'exclusion du secteur agricole dans le traité de libre-échange, on doit cependant reconnaître que l'insertion de l'article 11 dans le texte final de l'accord du 12 décembre 1987 constitue une amélioration par rapport au contenu de la version préliminaire. Cependant, le texte final de l'accord reconnaît au Canada et au Québec le droit de maintenir des offices de commercialisation dans le secteur du lait, des oeufs et de la volaille, mais aussi celui d'en créer de nouveaux comme dans le cas de la pomme de terre. Ces systèmes de gestion de l'offre ajustant le niveau de production à celui de notre consommation sont un élément fondamental de notre politique agricole.

Cependant, des inquiétudes persistent. Tout d'abord, il y a une contradiction de la part du Canada dans l'accord qui, tout en faisant inscrire à l'article 710 la possibilité de recourir aux dispositions de l'article 11 du GATT, s'engage du même coup à l'article 701 à adopter la même stratégie que les États-Unis qui réclament farouchement l'abolition de cet article 11 dans le cadre des prochaines négociations commerciales multilatérales du GATT. Les États-Unis ne se sont aucunement engagés dans l'accord à ne pas établir de nouveaux droits compensatoires sur des produits agricoles comme dans le cas du porc; pareille garantie aurait été Importante pour le Canada au chapitre de l'accès garanti au marché américain. Malgré l'inscription de la crème glacée et du yogourt sur la liste des produits protégés en vertu de l'article 11 du GATT, il faut aller plus loin en inscrivant sur cette liste les oeufs d'incubation et les produits de volailles transformés.

De son côté, l'abolition des tarifs douaniers sur les plats préparés à base de volaille est susceptible de freiner considérablement la croissance observée depuis quelques années de nos entreprises de surtransformation de volaille.

De plus, il faut s'interroger sur le mécanisme d'attribution des quotas supplémentaires d'importation de volailles américaines qui seront octroyés à des entreprises canadiennes de transformation et de surtransformation de volaille. Il ne faut pas que l'allocation de ces quotas soit réservée seulement à quelques entreprises canadiennes, car celles-ci bénéficieraient d'un avantage concurrentiel marqué, en ayant accès à un volume accru et moins coûteux de volailles américaines par rapport aux entreprises ne s'approvisionnant qu'en fonction des possibilités de la production domestique.

Donc, le gouvernement du Québec doit aussi s'interroger sur la portée inquiétante de l'accord relativement à l'abolition des tarifs douaniers prévus pour les fruits et légumes transformés. L'abolition de ces tarifs se traduira pas des difficultés sérieuses pour notre industrie québécoise de la conserve comptant plus de 2500 emplois, difficultés de concurrencer les entreprises américaines de ce secteur bénéficiant d'avantages climatiques, d'économie d'échelle et d'une capacité excédentaire de la production.

Voilà pour l'essentiel des commentaires que je désirais soumettre à cette commission à titre de porte-parole de l'Opposition en matière d'agriculture, en réitérant notre position en faveur de l'exclusion de l'agriculture à cet accord en raison de son impact significatif sur les activités d'un certain nombre de secteurs de notre agriculture que |e viens tout juste d'évoquer.

Le Président (M. Charbonneau, Verchères):

Merci, M. le député de Laviolette. Je présume que ce sera M. Proulx.

M. Proulx: Vous présumez cela, M. le Président.

Le Président (M. Charbonneau, Verchères): Ha, ha, ha!

Coalition québécoise d'opposition au libre-échange

M. Jacques Proulx

M. Proulx: Alors, MM. les ministres, MM. et Mmes les Invités, Je veux vous dire dès le départ, même si je le dis régulièrement c'est important parce qu'il y a beaucoup de gens qui l'oublient facilement, que mon organisme représente tous les producteurs et productrices agricoles du Québec, c'est-à-dire 48 000 personnes, se qui fait environ 40 000 petites et moyennes entreprises au Québec. Comme vous connaissez l'importance du secteur agro-alimentaire au Québec qui est, et c'est avec fierté que je le dis, le secteur économique le plus important, alors je pense que si c'est important c'est à cause de ces hommes et de ces femmes qui, à la base, permettent et ont permis d'augmenter considérablement nos exportations. Personne n'ignore non plus que depuis deux ans et demi on s'oppose pour des raisons bien spécifiques au projet qui nous est soumis à l'heure actuelle. Je tiens à préciser encore une fois qu'on ne s'oppose pas à une libéralisation du marché, on ne s'oppose pas à une ouverture sur le monde, mais on s'oppose au contrat qui nous est soumis à l'heure actuelle pour une multitude de raisons.

Une des premières raisons qu'on pourrait continuer à utiliser, même si elle est usée, c'est que pendant fort longtemps on nous a garanti, de part et d'autre, que l'agriculture n'était pas incluse à l'intérieur de cela. Pourtant, on s'est réveillé un matin avec non seulement l'agriculture qui était incluse» mais tant le primaire que

le secondaire étaient inclus, et en entier, à l'intérieur de ça. Je voudrais rappeler aussi qu'on nous cite en exemple souvent les bienfaits de ce qui s'est passé en Europe et à différents autres endroits, différents traités. Vous me permettrez de rappeler quand même que cela a pris 30 ans à la communauté économique avant d'inclure l'agriculture. On a fait un exercice d'une trentaine d'années avant d'accepter l'agriculture à l'intérieur de cela. Pourquoi fait-on cela? Ce n'est pas parce que l'agriculture et l'agro-alimentaire sont un secteur non productif, ce n'est pas parce que c'est un secteur qui n'est pas efficace, c'est tout le contraire. Quand on regarde les statistiques des dernières années, on s'aperçoit très rapidement que le secteur agricole et agro-alimentaire a été le seul secteur dans la crise actuelle qui a continué à augmenter son niveau d'efficacité, son niveau de productivité. Il y a une raison: c'est que l'agriculture, de tous les temps, est un secteur très vulnérable, même s'il est productif, un secteur essentiel à une population, à un peuple et c'est pour cela que la plupart ont, depuis toujours, mis tout ce qu'il est possible de mettre en oeuvre pour le protéger justement.

Alors, c'est tout cela qui est mis en cause à l'heure actuelle. Même si on a essayé d'établir un certain nombre de protections autour de cela, même si on a réussi à obtenir certaines sécurités, c'est beaucoup trop peu. Je pourrais énumé-rer une série de secteurs qui à l'intérieur, qu'on prenne les fruits et légumes, que ce soit à l'état frais ou à la transformation qui, en perdant tant les tarifs saisonniers que les tarifs normaux, vont disparaître très rapidement parce que la percée qu'on a réussi à faire avec ces produits-là aux États-Unis provient justement du droit d'établir des tarifs saisonniers, chose qui va disparaître graduellement au cours des années. On reconnaît aussi, et même des partisans du libre-échange le reconnaissent très bien, que tout le secteur de la plume, volaille et oeufs est en très grand danger à l'heure actuelle pour une raison assez simple et qu'on connaît. La production américaine, on sait dans quelles conditions ils la font. Le pire dans cela, c'est tout le secteur de ces produits-là, le secteur de surtransformation qui est un secteur en pleine progression, qui est un secteur d'avenir justement devant les changements de nos habitudes alimentaires et qui, on le sait tous, aux États-Unis a plusieurs longueurs d'avance sur nous et surtout a une capacité incroyable et qui va nous inonder très rapidement au fur et à mesure que les tarifs vont disparaître. Même les produits, même les secteurs agricoles qui ont été protégés jusqu'à un certain... en tout cas, qui ont réussi à avoir une certaine production, on est revenu souvent sur l'article 11 qui s'applique dans le cas de la production laitière, restent très vulnérables parce que, comme je l'ai souligné un peu ce matin, l'article 11, les protections qu'on a réussi à obtenir proviennent d'une autre négociation qui se produit ailleurs à l'heure actuelle et tant et aussi longtemps qu'on ne connaîtra pas les résultats, on ne peut pas considérer cela comme une sécurité.

Alors, M. le Président, en terminant, je vous dirai qu'il ne faut pas oublier non plus que les États-Unis ont une surproduction énorme. Ils n'ont pas besoin de nos produits à l'heure actuelle. Je ne pense pas et je continue à dire que l'accès garanti au marché américain continue d'être de la foutaise. (18 h 15)

Le Président (M. Charbonneau, Verchères): Merci M. Proulx. Je vais maintenant céder la parole à M. Roger Pelletier du regroupement pour le libre-échange qui est de la Coopérative fédérée. M. Pelletier.

Regroupement pour le libre-échange M. A. Roger Pelletier

M. Pelletier (A. Roger): M. le Président, Mmes, MM. les membres de la commission. Si je me présente c'est que pour plusieurs je suis peut-être un inconnu. Je demeure à Sainte-Anne-de-la-Pocatière, je suis un producteur de lait. Il faut être producteur agricole, comme à l'UPA, pour être à la haute direction.

Notre organisme aurait souhaité pouvoir présenter une position plus nuancée que nous devons le faire, compte tenu des règles du jeu établies pour cette commission parlementaire. Les particularités de l'industrie agro-alimentaire et le chaos qui règne actuellement sur le marché mondial de ces produits rendent difficile un jugement sans nuance sur l'accord canado-américain de libre-échange pour notre industrie. Nous sommes, par contre, pleinement conscients de l'importance du débouché que représente le marché américain pour nos produits. Près des deux tiers des exportations des produits agricoles et alimentaires chargés au Québec étaient destinés au marché américain, en 1986. Nos exportations vers les États-Unis, actuellement, s'élèvent à 809 000 000 $ et comprenaient principalement des viandes, des fruits de mer, des boissons, des produits de l'érable et des aliments du bétail. Demain, les frontières économiques seront plus ouvertes qu'elles ne le sont aujourd'hui. Nous devons nous préparer à faire face à cette réalité, dans l'industrie agro-alimentaire comme ailleurs. Par conséquent, nous ne pouvions que souscrire d'emblée à l'objectif que poursuivait le gouvernement canadien dans cette négociation, à savoir sécuriser notre accès au marché américain.

Cette entente ne règlera pas tous les problèmes d'accès pour nos produits au marché américain. Les Américains pourront continuer d'imposer contre nos produits des tarifs compensatoires et "anti-dumping". Elle comporte cependant des points positifs pour notre industrie. L'exemption mutuelle de la loi d'importation des

viandes et l'élimination à cinq ans des clauses pour recouvrer les frais d'opération des postes douaniers en font partie. Le mécanisme permettant d'en appeler des décisions des tribunaux commerciaux aux impôts et tarifs compensatoires et "anti-dumping" est une mesure positive. Cependant, son pouvoir se limite à examiner si le tribunal commercial, dont la décision est contestée, a respecté les règles de procédure et a agi dans les limites de son mandat. Les quotas d'importation et de production qui sont les fondements même du sytème de gestion de l'offre dans les secteurs laitiers et avicoles, sont maintenus puisque les pouvoirs dévolus en vertu de l'article 11 du GATT peuvent continuer de s'exercer.

Également, rien dans cette entente ne remet en cause les principales politiques canadiennes et québécoises, tels le crédit et les assurances agricoles, les contrôles des produits substituts par les provinces dans le secteur laitier. Mais, l'abolition généralisée des tarifs douaniers constitue une menace pour certains secteurs de l'industrie agro-alimentaire. L'accroissement du volume des quotas d'importation dans le secteur avicole sera dommageable dans ce secteur. Notre environnement naturel et socio-économique impose à notre industrie agro-alimentaire de sévères contraintes. Parmi celles-ci, le climat n'est pas le moindre des obstacles que nous ayons à vaincre. Cependant, nous possédons également d'importants atouts. Le savoir-faire de nos producteurs et de nos transformateurs, notre localisation sur la voie maritime du Saint-Laurent, notre proximité du marché américain en sont des exemples. Il ne faut pas interpréter les remarques que nous formulons face à l'entente commerciale canado-américaine comme une volonté de repli sur soi. L'industrie agro-alimentaire québécoise peut compétitionner sur les marchés mondiaux quand les règles du jeu sont équitables comme le démontrent, pour ne prendre que ces exemples, notre industrie porcine, nos bovins laitiers, notre industrie acéricole, plusieurs secteurs de notre industrie horticole et la production forestière issue de nos boisés privés.

Nos observations visent à identifier, pour les autorités fédérales, les gestes qu'elles peuvent poser sans remettre en cause l'entente commerciale pour que notre industrie agroalimentaire bénéficie pleinement de ce traité. En décembre, nous demandions au gouvernement fédéral d'ajouter le yogourt et la crème glacée à la liste des produits d'importation contrôlées, en vertu de l'article 11 du GATT. Ce fut fait en janvier. Nous lui demandons de faire de même pour les plats cuisinés à base de volaille. Nous avions exprimé certaines inquiétudes relativement au contenu de la politique qui remplacerait celle du double prix pour le blé de consommation humaine. Les mesures de remplacement annoncées par le gouvernement fédéral nous semblent acceptables.

Il reste à régler la question de l'allocation des quotas d'importation de la chair de volaille et la mise en place de mesures de transition pour les secteurs horticoles qui seraient négativement affectés pat l'entente. Beaucoup reste à faire pour assainir le marché mondial des produits agro-alimentaires. Mais cette entente représente un pas dans la bonne direction et nous le croyons. Merci.

Discussion générale

Le Président (M. Charbonneau, Verchères):

Merci, M. Pelletier. Nous allons maintenant aborder la discussion générale. M. le député de Laviolette.

M. Jolivet: Merci, M. le Président. Ma première question s'adresse à l'un ou l'autre des ministres qui voudra y répondre. Elle concerne la contradiction qui semble exister entre, d'une part, la volonté du Canada de recourir aux dispositions de l'article 11 du GATT en le faisant inscrire, comme on l'a vu, de façon implicite à l'article 710 de l'accord alors que d'un autre côté, le Canada s'engage, en vertu de l'article 701, à adopter la même stratégie que celle que les États-Unis adopteront dans le cadre des prochaines négociations commerciales multilatérales du GATT, où les Américains veulent tout mettre en oeuvre pour faire disparaître l'article 11. Quel ministre peut me donner une réponse à cette contradiction?

Le Président (M. Charbonneau, Verchères):

M. le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation.

M. Pagé: J'apprécie la question de M. le député. Ce qui demeure important, c'est que cette entente permette au Canada et par conséquent au Québec, de maintenir les interventions qu'on a bâties chez nous. Par exemple, les plans de contingentement par les agences nationales de commercialisation, les producteurs canadiens et québécois se sont disciplinés. On se rappelle le temps où on devait jeter du lait. Cela a impliqué des inquiétudes, des distorsions. On se demandait où on s'en allait avec cela. Sauf qu'aujourd'hui, il faut reconnaître que la mise en place de ces systèmes aura contribué de façon efficace à bâtir une agriculture plus dynamique et plus prospère. Cela a toujours été la position du gouvernement du Québec.

Le maintien de nos agences de commercialisation donc, cela implique évidemment des limites aux importations des autres produits, toujours sous quotas. D'ailleurs, on voit que dans certaines productions, par exemple dans le poulet, les quotas d'importations qui seront autorisés se réfèrent à la moyenne des cinq dernières années et sont généralement en-deçà de ce qu'ils étaient dans les deux dernières années.

Le maintien d'une protection pour notre

agriculture pour que, demain matin, elle ne soit pas complètement déstabilisée. Le maintien aussi de régimes qu'on s'est donné où les producteurs, entre autres les producteurs du Québec, contribuent avec le gouvernement du Québec par des régimes d'assurance-stabilisation des revenus. Nous croyons que ces régimes sont plus utiles et nous permettent d'atteindre davantage la cible d'une stabilité en agriculture que des subventions ad hoc qui sont versées par les gouvernements, et ça on pourrait y référer longuement. Quand on voit les déclarations faites par certains chefs de pays industrialisés de diminuer le subventionnement mais, en même temps, de verser 30 000 000 000 $ ou 35 000 000 000 $ pour aider les producteurs de céréales, on doit constater et retenir que nos régimes d'assurance-stabilisation vont contribuer à maintenir cette stabilité.

On pourrait référer aussi à notre financement qui est différent. Ce n'est pas du financement ad hoc. Ce n'est pas du financement en cas de crise. Ce sont des programmes normés, ouverts et accessibles à tous les producteurs. C'était clair dans l'Accord de libre-échange, à la suite des négociations du Québec et des échanges avec les représentants canadiens, que ces dispositions allaient être maintenues.

Cependant, il fallait s'assurer qu'on ne puisse pas faire indirectement ce qu'on ne voulait pas faire directement. C'est pourquoi le Québec a insisté pour maintenir, et que ce soit spécifié dans l'accord, le droit de recourir aux dispositions de l'article 11 des accords du GATT avec, évidemment, la reconnaissance. On doit convenir que c'est bien de l'avoir dans l'accord, mais encore faudra-t-il que le gouvernement fédéral ait la volonté politique de s'en prévaloir. Il l'a énoncé pour la crème glacée et le yogourt. Il reste toute la problématique des oeufs d'incubation, des produits transformés de la volaille, mais tout cela pourra venir éventuellement. Mais je vais vous dire ceci - je vais être très clair et je sais que c'est une préoccupation de nos bons amis de l'Union des producteurs agricoles et particulièrement de M. Proulx - je conclus là-dessus, c'est qu'en parallèle à cet accord, il y a les négociations multilatérales. Nous serons là. Le Québec, par notre responsabilité de juridiction partagée, aura une position aussi claire, avec le même objectif, en ce qui concerne la position canadienne, dans les accords du GATT.

Le Président (M. Charbonneau, Verchères):

Une additionnelle.

M. Jolivet: Oui.

Le Président (M. Charbonneau, Verchères):

Je pense que M. le ministre du Commerce extérieur pourrait répondre.

M. Jolivet: Oui, justement le ministre du Commerce extérieur avait dit que l'article 11 était inutile, en réponse à des questions qu'on posait en Chambre. Il a dit que c'était inutile. Dans un contexte où justement le but des États-Unis est de faire disparaître l'article 11, comment allez-vous pouvoir permettre les dires que vous avez aujourd'hui si dans x années c'est disparu? C'est le ministre du Commerce extérieur qui pourrait y répondre parce que, effectivement, c'est lui qui a dit à l'Assemblée nationale que l'article 11 était inutile.

Le Président (M. Charbonneau, Verchères):

M. le ministre du Commerce extérieur.

M. MacDonald: Eh bien, d'abord, pour ce que j'avais dit relativement à l'article 11, l'entente bilatérale devait se faire dans le contexte du respect de ce qu'était le GATT. L'article 11 continuait, il n'était pas question, par l'absence de l'article 11, de faire disparaître ses avantages ou son respect.

Un bon ami, M. Dozois, l'ancien ministre des Finances, me disait, quand je travaillais avec lui à Hydro-Québec: Trop fort casse pas. Dans les circonstances et vis-à-vis des représentations qui étaient faites, "trop fort casse pas", et j'étais parfaitement d'accord sur les efforts qu'a faits mon collègue pour le faire insérer et on l'a eu.

Si vous pouviez me permettre...

M. Pagé: Je présume que le député est satisfait qu'on l'ait eu.

Le Président (M. Charbonneau, Verchères):

N'ouvrez pas de discussions, là!

M. Jolivet: "Trop fort casse pas", c'est un principe que je connais.

M. MacDonald: Et vous êtes d'accord avec cela. Par contre, j'aimerais souligner, M. le Président - parce que je devrai quitter - que l'on a gardé le discours aujourd'hui et qu'on a été capable de discuter sur des sujets. Je me rappelle, tantôt, lorsque M. Laberge mettait en cause la capacité exécutoire du tribunal supranational, on ne s'entendait pas sur les termes, on ne savait pas ce que c'était; on s'est entendu. M. Larose a posé une question sur l'article 904 et je crois qu'il a reçu réponse et, en plus de cela, je lui ai dit qu'il recevrait réponse par écrit.

Dans ce même contexte-là de pouvoir vivre avec la vérité, M. le président de l'UPA a fait certaines affirmations que je ne peux accepter ou laisser passer sans explication. Il a dit, par exemple: L'agriculture, marché commun européen, exclu. Mais la raison d'être même - on reprendra le texte, on représentera le texte de ce que vous avez dit - d'avoir amené les pays européens à former un marché commun était, au départ, la volonté d'avoir une certaine politique agricole commune. Il a dit: On est menacé par des inondations de productions américaines qui ont une plus grande capacité. Quoi? Dans les domai-

es contingentés où on fait passer les pourcentages à 1 % de plus de ce qu'a été le quota précédent, mais qui est inférieur à ce qu'a été la réalité. Dans le milieu d'une réalité agricole extraordinaire au Québec, c'était un des succès; on se vante, on se pète de la broue en masse sur les succès de certaines de nos industries de haute technologie qui ont percé les marchés étrangers. Regardez les chiffres d'exportations agricoles du Québec au cours des derniers cinq ans et c'est une victoire extraordinaire de capacité d'exporter plus que ce qu'on importe et on a conservé les barrières et les contingentements.

On a parlé d'Américains qui n'ont pas besoin de nos produits et je répète les paroles. Je pense que je viens de donner une explication où non seulement ils semblent avoir besoin de nos produits, mais ils les aiment, tant qu'à la qualité et aux prix. Finalement, on dit et j'ai entendu: L'accès garanti, c'est une foutaise. L'accès garanti comme tel, sans aucune condition, sans aucune balise, je suis totalement d'accord avec M. Proulx, c'est de la foutaise. Par contre, les protections additionnelles qui ont été acquises, prenons strictement et purement les producteurs de porc et l'épée de Damoclès qui leur pendait sur la tête et la situation qui pourrait être celle de maintenant, dans un contexte de l'entente. Eh bien! C'est une maudite amélioration.

Je suis d'accord, pour employer un terme qui a été dit ici, que ce n'est pas la panacée. Ce n'est pas tout ce qu'on voulait, mais je voudrais, surtout dans le domaine de l'agriculture qui est si important dans tout ceci, qu'on regarde les faits comme ils sont. Peut-être qu'il aurait avantage, à l'occasion, d'adresser certaines questions à des experts qui donneraient des réalités et non pas des impressions.

Le Président (M. Charbonneau, Verchères):

M. Proulx.

M. Proulx: J'ai peut-être mal articulé, je m'excuse si le ministre des Affaires extérieures n'a pas compris. J'ai dit que cela avait pris 30 ans... (18 h 30)

Le Président (M. Charbonneau, Verchères): II n'est pas encore ministre des Affaires extérieures, H est ministre du Commerce extérieur.

M. Proulx: C'est un choix qu'il fait. Cela pourrait arriver, je pense que vous feriez un bon travail dans ce sens-là.

Je voudrais vous dire que j'ai dit que la Communauté économique européenne avait prison s'est donné 30 ans pour inclure l'agriculture et même un peu plus de 30 ans, parce qu'on va finir en 1992, M. le ministre. Alors on est loin de dire qu'on ne voulait pas inclure l'agriculture, seulement, nous autres, on veut que tout soit fini dans 10 ans, à quelques exceptions près.

C'est une différence très importante.

Quand vous dites que les quotas ont augmenté mais tellement peu qu'ils sont encore en bas de ce qu'ils ont déjà été, effectivement, dans certaines productions, ils pouvaient varier de 0 à x %, c'est bien sûr. Aujourd'hui on les a fixés, c'est cela qui est le grave danger, c'est d'autant plus dangereux qu'on établit très clairement qu'ils ne seront jamais en deçà de ce qu'ils sont actuellement besoin ou pas besoin et qui, continuellement, vont profiter des augmentations et des efforts qui sont faits par les producteurs pour augmenter la consommation et on va être obligés de la partager avec un pays qui n'aura pas nécessairement fait des efforts pour, justement. Et je vous dirai en plus, face à cela, que vous devriez prendre le document que votre collègue le ministre de l'Agriculture a préparé, une question d'équité, où justement il entre un peu en contradiction avec ce que vous venez de dire par rapport aux quotas. Je pense que c'est une question très importante, la question des quotas. Et même si à certains endroits il y a eu une légère augmentation, cela peut paraître minime au départ, je vous l'accorde, quelques millions de dollars pour les producteurs, je vous l'accorde, le problème c'est qu'on prend une habitude et qu'on ne sera pas capable de revenir là-dessus. C'est là qu'est le danger, M. le ministre, c'est là qu'est le danger.

Le Président (M. Charbonneau, Verchères): Alors, est-ce que vous avez une réplique à donner, M. MacDonald.

M. MacDonald: Non, non. Je suis content par contre de la façon avec laquelle on aborde cela, et j'ai l'impression que lorsque ce volet-là de l'agriculture va se terminer, on aura probablement encore avancé comme on l'a fait dans les autres.

Le Président (M. Charbonneau, Verchères): M. Loubier, de l'UPA.

M. Loubier (Yvon): Peut-être pour compléter l'intervention de M. Proulx sur la question, par exemple, de la gestion des approvisionnements dans le secteur de la volaille et des oeufs. Vous savez qu'actuellement on prévoit, sur une période de dix ans, abolir les tarifs douaniers qui sont chiffrés à 17.5 % à l'heure actuelle. Et ces tarifs douaniers on les abolit sur les produits surtransformés de la volaille. Et c'est la seule protection que ces produits-là ont, les produits surtransformés, je peux vous donner quelques exemples: poulet à la Kiev, Cordon bleu, mets préparés surgelés ou emballés sous vide, etc... C'est la seule protection que ces produits-là ont actuellement. Ils ne sont pas soumis à des contingents d'importation comme c'est le cas pour les autres produits de base et transformés, dans le cas de la volaille et des oeufs, et c'est par le truchement de cette abolition tarifaire dans les pro-

duits surtransformés que vous allez en arriver, à un moment donné, à jeter complètement à terre la gestion des approvisionnements dans le secteur de la volaille. Je vais juste vous donner un exemple des petites tendances récentes. Aux États-Unis, il y a une quinzaine d'années, environ 80 % du poulet était consommé sous forme brute, alors qu'actuellement, vous avez environ 20 % de ce poulet-là qui est consommé de façon brute, le reste est soit transformé ou surtransformé. La tendance est nette depuis les quatre ou cinq dernières années du côté canadien. Il y a même des spécialistes qui font des prévisions sur le marché de la surtransformation; dans dix ou quinze ans, ils disent, sans avoir peur de faire rire d'eux, que ce marché-là va s'accaparer environ 30 % à 50 % de la consommation totale de poulet. Qu'est-ce que cela veut dire 30 % à 50 % de la consommation totale de poulet dans le secteur où il y a une gestion des approvisionnements? Si on abolit les tarifs et si on ne met pas ces produits-là sur la liste des produits contingentés à l'importation, cela veut dire que l'on vient de faire sauter la gestion des approvisionnements, parce que cela ne peut tenir un système où vous avez de 30 % à 50 % de produits qui entrent librement et le reste qui est contingente, c'est un non-sens. On a parlé du climat, tout à l'heure, M. Pelletier l'a mentionné, M. Pagé l'a mentionné aussi, le climat n'est pas un moindre facteur quand vous regardez dans le secteur de la volaille. Il existait une industrie de la volaille dans le nord-est des États-Unis, il n'y a pas tellement longtemps, et il n'y en a plus actuellement, au profit du centre-sud et du sud des États-Unis. Nous on est un peu plus au nord. Ce raisonnement-là du climat peut s'appliquer aussi dans le secteur des fruits et légumes frais et transformés. Je veux juste vous donner un exemple de ce que peut faire le climat. Le rendement à l'hectare dans la pomme de terre est de 7 tonnes en moyenne au Canada contre un rendement de 25 tonnes à l'hectare dans l'État de Washington. Si vous êtes une entreprise de transformation de la pomme de terre, où allez-vous situer votre entreprise de transformation? Sûrement pas ici. Le rendement à l'hectare pour la tomate est de 18 tonnes en moyenne contre 25 tonnes au Michigan et 35 tonnes aussi en Californie et deux récoltes par année. On pourrait multiplier les exemples à l'infini. Donc, le climat n'est pas un moindre problème, c'est un sérieux problème.

Le Président (M. Charbonneau, Verchères):

M. le ministre.

M. Pagé: Globalement, je retiens de la position adoptée et du commentaire du représentant de l'UPA cet après-midi qu'il s'agit d'un autre témoignage très éloquent. L'Union des producteurs agricoles a dit par la voix de son président: Nous avons des inquiétudes à l'égard de cet accord. On ne voit aucun effet à court terme. Nous craignons pour le futur. Le représentant qui vient d'intervenir, M. Loubier, nous dit: On prévoit une consommation de poulets transformés pouvant aller de 30 % à 50 %. Elle est de 3 % actuellement, premièrement. Deuxièmement, il faut bien convenir que ces importations de produits transformés provenant des États-Unis pourront toujours faire l'objet de limitations par des recours à d'autres dispositions, notamment à l'article 11 de l'accord du GATT. Il faut quand même mettre cela en relief. Vous parlez aussi des tomates. C'est le cas que les tomates est un secteur qui va être particulier. Mais, vous ne vous référez pas au fait que nos tarifs saisonniers seront maintenus pour nos productions saisonnières avec une mécanique, bien oui, avec une mécanique, monsieur, qui permet... On a eu de nombreux échanges. Vous dites qu'il n'y en n'a pas, nous disons qu'il y en a un, un mécanisme qui nous permettra de régulariser et de protéger, par exemple, nos fraises, leur donner une protection adéquate entre le 15 juin et le 15 juillet.

Vous ne parlez pas évidemment de la production du porc. Je termine là-dessus, M. le Président. On produit 160 % de notre consommation. On produit un porc de qualité - la productivité, la qualité du produit - un porc qui est beaucoup moins gras qu'ailleurs. On a atteint un niveau de performance exceptionnelle. Évidemment, on en produit plus qu'on en consomme; donc, il faut l'exporter. Le principal marché pour le porc, c'est 235 000 000 $ par année-Une voix: C'est 275 000 000 $.

M. Pagé: ...c'est 275 000 000 $ par année qu'on vend aux États-Unis. Le ministre de l'Agriculture que je suis se faisait dire samedi dernier par une grande chaîne: On devra cette année importer 50 containers de porcs. Qu'est-ce que cela veut dire? Cela veut dire, 50 x 500, c'est 25 000 porcs qu'on devra importer du Danemark. Pourquoi? Parce que notre produit est bien reçu sur les marchés extérieurs et notamment sur le marché américain. Vous le savez pertinemment, on le sait et il faut se le dire, que ce qui nous a placé dans une position intéressante, c'est qu'il n'y a pas eu de droits compensatoires exigés à l'égard des porcs en carcasse. La mesure de Washington s'est appliquée aux porcs vivants, affectant davantage l'Ontario. Mais tout le monde sait pertinemment que n'eût été l'initiation de cet échange et de l'accord, le porc du Québec aurait été affecté par l'exigence de tels droits compensatoires.

Le Président (M. Charbonneau, Verchères):

M. Loubier.

M. Loubier: J'aimerais apporter une petite correction aux propos de M. Pagé sur la question des produits surtransformés de la volaille. Ils ne font pas partie des contingents d'importation.

Donc, ils ne sont pas soumis à l'article 11 à l'heure actuelle. Ils font partie de la gamme de produits qui sont protégés par des tarifs douaniers de 17 %. C'est la première correction que je voulais vous apporter. Vous le savez comme moi. Vous avez fait des représentations auprès du fédéral pour mettre, sur la liste des produits contingentés, ces produits de la volaille. Vous avez essuyé un refus.

Deuxième aspect, la question des tarifs...

M. Pagé: Vous permettrez...

Le Président (M. Charbonneau, Verchères):

Un instant, M. le ministre.

M. Loubier: C'était une additionnelle, s'il vous plaît.

Le Président (M. Charbonneau, Verchères):

M. le ministre, un instant.

M. Loubier: Sur la question des tarifs saisonniers dans les fruits et légumes frais, il faut être clair là-dessus. On nous remâche toujours la même chose. Il faut être clair là-dessus. Ces tarifs douaniers vont disparaître sur une période de dix ans. Ce n'est qu'après, lorsqu'on va s'apercevoir que les producteurs maraîchers dans le secteur frais, dans les segments frais, s'ils ont à subir une dépréciation des prix sur leur propre marché, qu'on se réserve le droit, sur une période de 20 ans, de rétablir les tarifs NPF, c'est-à-dire prévus par le GATT, de les remettre en place. Mais, connaissant la tendance des tarifs NPF à l'heure actuelle, ils vont être soit réduits très fortement ou équivalents à zéro dans dix ans. Ce qui fait que ce n'est pas une protection. Si on avait parlé de contingent, cela aurait été un peu différent. J'aimerais aussi demander à M. Pagé et à M. Pelletier en même temps: Quelle assurance avez-vous dans l'entente bilatérale que les politiques et les programmes appliqués au Québec vont être protégés, en vertu du processus d'harmonisation prévu au cours des cinq ou sept prochaines années et en vertu surtout du projet de loi C-130 qui a été déposé à la Chambre des communes il y a deux semaines? Les articles 6 et 9, l'article 6 surtout avec une portée plus générale, chapeauté d'une juridiction fédérale exclusive en matière de commerce, donnent pleins pouvoirs au gouvernement fédéral pour contrecarrer les programmes provinciaux et pour faire ce que le gouvernement fédéral essaie depuis quinze ans, c'est-à-dire faire reculer le Québec sur les programmes agricoles spécifiquement québécois comme l'assurance-stabilisation des revenus et le crédit agricole. Cela lui donne tous les éléments constitutionnels pour le faire. Je vous pose la question.

Le Président (M. Charbonneau, Verchères):

M. Pagé, rapidement. M. le ministre.

M. Pagé: Comment pouvez-vous conclure que la disposition de la loi fédérale actuelle vient changer la constitution? L'agriculture demeurera une juridiction partagée. Vis-à-vis de l'agriculture au Québec, le gouvernement du Québec aura toujours ses responsabilités. C'est à partir de ces responsabilités qu'il a prises dans le passé qu'on a bâti une agriculture aussi progressive, efficace et rentable dans certaines productions, dans la majorité des productions. Notre interprétation est tout à fait différente. Vous y voyez l'interprétation d'une modification à la constitution, vous y voyez une situation où la juridiction ne serait plus partagée. Je vous dis: Un instant, on est habitue à se défendre au Québec, nous autres. On va continuer à se défendre. Notre juridiction va être partagée. Vous faisiez mention tout à l'heure, vous disiez qu'on avait essuyé un refus concernant notre demande de protéger les entrées de produits transformés du poulet. Vous savez pertinemment que la question devrait être répondue positivement par le gouvernement fédéral peu de temps après les élections américaines. C'est ce qu'on s'est fait dire et c'est ce que vous vous êtes fait dire à part cela.

Vous allez permettre, M. le Président, à M. Lavoie d'ajouter à la question de l'assistance.

Le Président (M. Charbonneau, Verchères):

Bon. Rapidement. Je vous indique que j'ai encore trois intervenants. Le temps file rapidement. Alors, rapidement, M. Lavoie.

M. Lavoie (Jean-Yves): Seulement un petit complément d'information sur la possibilité d'ajouter à la liste des produits d'importation contrôlée les produits surtransformés. C'est vrai que dans l'accord, dans la situation actuelle, ces produits ne sont pas sur la liste. On a demandé que si, un jour, il y a entrée de produits américains, on utilise notre droit de les ajouter à la liste, tel que prévu à l'article 11. J'ai bien dit "s'il devait entrer des produits américains". Imposer un quota, en vertu de l'article 11, cela veut d'abord dire qu'il y a eu entrée de produits, que cette entrée est suffisamment massive pour causer un préjudice, pour entraîner une menace à l'industrie d'ici. Dans le cas des produits surtransformés, de mémoire, le chiffre des importations américaines était de 40 tonnes. C'est un chiffre dérisoire. Mais, on ne peut pas demander d'imposer un quota pour se protéger contre un danger qui n'existe pas, qui est inexistant. Mais, si jamais cela devait arriver, on a complètement le droit, en vertu de l'accord actuel, en vertu de l'article 11, de les ajouter à la liste.

Le Président (M. Charbonneau, Verchères):

Une brève réplique de l'UPA. M. Loubier.

M. Loubier: Je voulais tout simplement

revenir aux propos de M. Pagé. Constitutionnel-lement parlant, c'est vrai que l'agriculture est une juridiction partagée entre le gouvernement fédéral et les provinces. Mais, vous lirez aussi le dernier paragraphe de ce partage. C'est qu'en cas de désaccord entre la politique nationale et les mesures provinciales, c'est le gouvernement fédéral qui a le dernier mot, et vous venez le renforcer avec un accord commercial de juridiction exclusivement fédérale. Vous venez de renforcer ce problème. C'est tout ce que j'avais à dire là-dessus.

M. Pagé: J'ajouterai très brièvement qu'on a confiance en nos moyens; on a confiance au Québec et on a confiance en la force du Québec.

Le Président (M. Charbonneau, Verchères):

Alors, il me reste maintenant le député de

Laviolette, M. Daoust de la FTQ et M. Dumais.

Alors, rapidement, M. le député de Laviolette.

M. Jolivet: Ce n'est pas sur le même sujet. Moi, c'est sur un autre sujet.

Le Président (M. Charbonneau, Verchères):

Est-ce que c'est sur le même sujet, M. Dumais?

M. Dumais (Mario): Oui.

(18 h 45)

Le Président (M. Charbonneau, Verchères): Alors, allez-y donc tout de suite.

M. Dumais: C'est pour apporter une précision a propos du poulet transformé. M. Loubier nous a cité un chiffre en disant, que, aux États-Unis à telle époque, on consommait tant de poulet brut et tant de poulet transformé et ultérieurement, on est rendu à tel chiffre. Mais, il ne faut pas oublier une chose, c'est que lorsqu'on parle de poulet transformé et surtransformé, il y a beaucoup de choses là-dedans. La catégorie de produits qui est en augmentation, pour ce qui est de la consommation la plus importante, ce sont les croquettes de poulet qu'on retrouve dans les restaurants de consommation rapide et ils sont, à l'heure actuelle, sur la liste des importations contrôlées. Quant aux produits surtransformés, nous sommes d'accord pour les ajouter aussi.

Le Président (M. Charbonneau, Verchères):

Merci, monsieur. Une réplique.

M. Proulx: On est tous d'accord pour les ajouter à la liste, sauf que vous n'avez pas de pouvoir et moi non plus pour les ajouter. Il ne faudrait quand même pas charrier sur cela. C'est le gouvernement qui va avoir le pouvoir. Loin de se donner les pouvoirs de le rajouter, par la Loi 130, on vient amoindrir les points qu'on possède.

Ce n'est pas une question de volonté, c'est une question d'un gouvernement supérieur qui a le droit d'adopter des lois. On va avoir d'ailleurs l'occasion demain d'en parler plus spécifiquement dans un des secteurs, mais il reste que c'est une réalité. Ce n'est pas un manque de confiance envers qui que ce soit. C'est la question qu'un gouvernement supérieur, qui se donne des pouvoirs par cette loi, de pouvoir minimiser nos chances qu'on a de partager.

Je veux seulement revenir sur la question...

Le Président (M. Charbonneau, Verchères):

M. Proulx, on va déborder. Je vous ai laissé donner une réplique sur le sujet dont on vient de parler. Pour être honnête avec ceux qui...

M. Jolivet: Je permettrais qu'il y aille de sa question.

Le Président (M. Charbonneau, Verchères):

Vous acceptez de céder votre droit de parole. Très bien. M. Proulx.

M. Jolivet: Pas nécessairement lui céder, mais lui donner la chance de...

Le Président (M. Charbonneau, Verchères):

Oui, mais je ne peux plus. On peut filer jusqu'à minuit, seulement sur l'agriculture. Si vous lui cédez votre droit de parole, je vais le reconnaître, mais après cela, j'aurai M. Daoust de la FTQ et cela va être tout.

M. Proulx: Une chose. On permet de contingenter dans certains produits, mais on ne détermine pas le niveau. Je vais revenir sur l'article 11 du GATT. Encore là, on va nous dire: Vous êtes des peureux. Mais les négociations ont lieu à l'heure actuelle au GATT. On connaît très bien la position américaine et très bien la position canadienne, parce qu'elle était facile à connaître. Ils ont appuyé la position américaine, qui elle justement demande très clairement l'abolition, non seulement de l'article 11, mais de plusieurs autres mesures, mais en particulier de l'article 11. Quelle sera notre position advenant que cela disparaisse? Toute notre protection, le peu de protection qu'on a obtenu à l'intérieur de cela, repose là-dessus. Qu'est-ce qui va arriver si cela disparaît? Est-ce qu'on va continuer à appuyer? Cela va être fait. On va déjà être dans le rouleau compresseur.

Le Président (M. Charbonneau, Verchères): M. le ministre, rapidement.

M. Pagé: M. le Président, j'ai indiqué très clairement au nom du gouvernement, la position suivante. Notre approche à l'égard de l'entente sur le libre-échange a été de sécuriser nos acquis en exigeant, en maintenant, comme représentation, que le gouvernement canadien

devait s'assurer que nos structures soient maintenues. Nos régimes d'assurance-stabilisation sont maintenus, nos agences nationales de commercialisation sont maintenues, le droit de recours à l'article 11 a été ajouté, et nous sommes conscients que ce qui a été recherché et obtenu par cet accord ne doit pas faire l'objet d'un positionnement différent dans le cadre de la négociation des accords multilatéraux. C'est dans ce sens que va la position du Québec, c'est-à-dire qu'on ne vienne pas faire, par le biais de la position canadienne à cette négociation du GATT, le contraire de ce qu'on a recherché, de ce qu'on a obtenu, puisqu'il nous sécurise de façon positive dans l'Accord de libre-échange.

Le Président (M. Charbonneau, Verchères):

Rapidement, M. Daoust. Cela sera la dernière avant les remarques des parlementaires.

M. Daoust (Fernand): C'est un peu une question et un très bref commentaire. Il nous arrive de temps à autre de lire des témoignages de gens extrêmement autorisés dans tel ou tel secteur. J'en ai un et je vais vous le lire. C'est dans le secteur de la transformation des produits agro-alimentaires. Cela été publié dans Business Week, un article sur le libre-échange qui est tout récent. Je vais vous le traduire. Sans les tarifs, le Canada perdrait la presque totalité de son industrie de transformation des produits alimentaires au profit des États-Unis. Celui qui dit cela s'appelle David R. Beatty. Il n'est rien de moins que le président de Weston Foods Limited, une des compagnies canadiennes dans le secteur agro-alimentaire les plus importantes. Il poursuit en disant: Pour contrecarrer la puissance de géants comme Heinz - et là, on voit tous les produits de Heinz qui nous viennent à l'idée - et Nabisco inc, M. Beatty indique qu'il faudrait que le gouvernement canadien traite les compagnies qui sont dans ce secteur - il y a des centaines et des milliers d'emplois dans ce secteur - comme des trésors nationaux. Ma traduction n'est peut-être pas adéquate, "national treasures". Voilà, encore une fois, un témoignage autorisé et cela nous rend sceptique. C'est bien beau d'entendre tous les témoignages sur les retombées positives de toutes sortes mais, j'aimerais bien connaître vos commentaires là-dessus. Ce n'est pas le moindre des secteurs, soit dit en passant, à moins que ce type soit complètement incompétent. Il nous le dit carrément: Vous allez être balayé au Canada. On va être balayé dans le secteur agro-alimentaire.

Le Président (M. Charbonneau, Verchères):

Je pense, en fait, que la question est assez claire. M. Dumais, vous voulez y répondre?

M. Dumais: M. Beatty devrait nous dire comment on va disparaître dans le porc, étant donné qu'il n'y en a pas de tarif, qu'on est là et qu'on exporte. Alors, il dit...

Une voix:...

M. Dumais: Non, non. Il dit que l'ensemble de l'industrie agro-alimentaire va disparaître. C'est le genre d'affirmation à l'emporte-pièce qui ne repose sur aucun fondement et qu'on n'arrête pas d'entendre dans ce dossier. Comment l'ensemble de l'industrie agro-alimentaire pourrait disparaître? Parce que les tarifs disparaissent? Or, dans le porc, il n'y en a pas et on exporte au Japon et aux États-Unis, et on est très présent. Voilà un petit exemple qui dément cette affirmation.

Le Président {M. Charbonneau, Verchères):

Écoutez, faisons une entente, pour qu'on s'entende bien. Je donne une question ou un commentaire à la coalition contre et une réplique au regroupement pour et après cela, les parlementaires, le député de Laviolette et le ministre, exprimeront les remarques finales. Cela va être tout.

M. Proulx: Et nos cinq minutes d'économie de ce matin, M. le Président? On avait mis cinq minutes dans nos poches.

M. Larose: Mais, moi, je voulais tout simplement référer la question de M. Dumais. Il pourrait la poser au professeur Rabeau - il n'est plus là - qui dit dans son texte que, face à cette situation, il est possible que des entreprises canadiennes de fabrication de produits alimentaires décident de s'installer aux États-Unis de façon à contourner les problèmes. Alors, peut-être qu'il faudrait que vous vous intéressiez à votre partenaire. Il pourrait vous répondre.

Le Président (M. Charbonneau, Verchères):

M. Landry, vous aviez un commentaire qui pourrait être une réponse à cela?

M. Landry: Non, pas particulièrement. Déjà dans un marché libre, il y a des entreprises qui prennent leur expansion aux États-Unis, malheureusement. Je ne dis pas que le libre-échange va les faire revenir. Tout ce qu'il faut souhaiter, c'est qu'il leur enlève le goût de s'en aller. Les journaux, à toutes les semaines, nous font état de grandes entreprises dans l'agro-alimentaire qui chérissent le souhait de faire leur développement aux États-Unis pour les années qui viennent. Encore une fois, cela ne veut pas dire que le libre-échange va régler ce problème, mais cela va leur enlever une motivation de partir puisqu'ils vont pouvoir desservir, à partir de Montréal ou de Sainte-Anne-de-la-Pocatière, des points aussi populeux que New-York, Boston et Philadelphie, où il y a 100 000 000 d'habitants à portée de

camions de la ferme de M. Pelletier.

Le Président (M. Charbonneau, Verchères):

Bon, écoutez, sur consentement, on sait que l'agriculture, c'est important, que c'est sensible et je pense que mes électeurs m'en voudraient si je ne donnais pas une dernière occasion au président de l'UPA d'intervenir. Je donnerai une réplique par la suite, soit au ministre, soit au regroupement pour et, après cela, ce sera les remarques finales. Une dernière à M. Proulx.

M. Proulx: Très, très court. Oui, une dernière, mais deux petits volets dedans.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Proulx: Rappeler à M. Dumais que tout ce qu'il a dit, on est d'accord avec lui dans le porc, et il a fait cela dans un contexte où il n'y a pas de libre-échange. Alors, son affirmation vaut l'autre. Deuxièmement, je demanderais à la Coopérative fédérée comment se fait-il qu'au congrès général de l'UPA, elle a appuyé l'action de l'UPA par la voix de son président, et quel mandat a-t-elle aujourd'hui pour se prononcer pour le libre-échange?

Le Président (M. Charbonneau, Verchères): Rapidement, M. Pelletier.

M. Pelletier: Je dis que notre position n'a pas changé. On était favorable au libre-échange à condition que le gouvernement fédéral fasse ses devoirs, exécute les choses qui sont de son ressort. Il y a un bout de chemin de fait. On espère que d'ici les échéances, les choses qu'on a demandées, ils les accepteront. Je pense qu'on n'est pas si loin aussi de la position de l'UPA, quand on nous dit: S'ils avaient mis cela dedans, si on avait des garanties qu'ils acceptent cela, on serait d'accord. Mais ils craignent que ce ne soit pas là. On aimait mieux espérer que cela y sera, parce qu'on...

Le Président (M. Charbonneau, Verchères):

Bon, écoutez...

M. Pelletier: ...pense qu'on est un petit peuple qui a une grosse capacité de production et qu'on a besoin d'exporter.

Le Président (M. Charbonneau, Verchères):

M. le député de Laviolette.

M. Proulx: II n'a pas répondu à ma question: Le mandat des propriétaires, quand est-ce qu'ils l'ont eu?

Le Président (M. Charbonneau, Verchères):

Les problèmes de mandat ou de légitimité des gens qui sont ici, on n'embarquera pas dans cela, parce qu'on n'aura pas fini encore à minuit.

M. Jolivet: Comme le temps file et que peu de temps nous a été alloué cependant, même si on a eu l'heure prévue, j'aurais eu plusieurs questions qui auraient certainement fait l'objet d'autres discussions, comme l'harmonisation des normes techniques de contrôle et d'inspection des produits agro-alimentaires. On aurait pu parler de la définition même du mot "subvention" qui, dans un sens tellement large, permettrait aux États-Unis d'avoir des droits compensatoires. Le ministre nous a demandé d'être des gens de confiance. J'aimerais lui rappeler qu'au mois de décembre dernier, euphorique comme il l'était, il a demandé d'avoir confiance parce qu'il avait rencontré Campeau Corporation, M. Campeau sur le dossier de Blue Bonnets. Voyez ce que cela donne aujourd'hui. Il en parle comme des gens prenant en otages et d'un autre côté, comme étant des personnes faisant du chantage.

Donc, j'aime mieux - si trop fort ne casse pas - en arriver à avoir des textes légaux clairs et précis que d'avoir simplement la bonté pour le ministre de lui faire confiance ou d'avoir confiance en lui-même. Dans ce contexte, j'aime mieux, au nom des réticences qui ont été exprimées aujourd'hui, continuer dans la même voie que j'ai maintenue jusqu'à maintenant.

Remarques finales

Le Président (M. Charbonneau, Verchères):

Merci, M. le député de Laviolette. M. le ministre, en conclusion.

M. Pagé: Combien de temps?

Le Président (M. Charbonneau, Verchères):

Cinq minutes, maximum.

M. Pagé: D'accord, Rapidement, M. Daoust...

Le Président (M. Charbonneau, Verchères):

Je m'excuse, c'est trois minutes.

M. Pagé: Je commence?

Le Président (M. Charbonneau, Verchères):

Commencez, on a jusqu'à 19 heures.

M. Michel Pagé

M. Pagé: Rapidement, M. Daoust, fort probablement que l'artice auquel il se référait, celui du dirigeant de Weston, s'il avait été écrit plus récemment, c'est-à-dire après l'énoncé de la politique fédérale sur le double prix du blé panifiable, que la position aurait été tout à fait différente. Quand l'article a été ■ écrit, j'ai la conviction que le prix intérieur au Canada était ce qu'il était antérieurement, c'est-à-dire beaucoup plus élevé qu'il le sera, une fois cette politique de double prix abolie.

Cela dit, M. le Président, je voudrais en terminant tout d'abord remercier les gens du

secteur de l'agriculture et de l'agro-alimentaire qui sont venus témoigner pour et contre, avec des réserves et des appréhensions. Je n'ai pas l'intention de mentionner la représentativité. Pour moi, ces deux organismes que sont l'Union des producteurs agricoles et la Coopérative fédérée du Québec ont joué un rôle éminemment important et utile dans le développement de l'agriculture au Québec, et ils sont tous les deux représentatifs. C'est ce qui fait la beauté du secteur de l'agriculture. C'est ce qui fait son charme et c'est ce qui fait aussi son particularisme.

Essentiellement, M. le Président, en ce qui nous concerne, nous avons déployé des efforts pour sécuriser nos productions, nos systèmes, nos structures. Nous redoublerons d'efforts pour être certains que ces acquis ne seront pas enlevés par d'autres négociations ou d'autres types d'accords, et nous sommes farouchement déterminés à faire en sorte de nous associer au monde de la production, par la technologie et la recherche, pour produire à un meilleur coût, nous associer avec nos entreprises de transformation, parce que la confiance qu'on a dans le Québec nous permet de croire avec beaucoup de légitimité que nous sommes capables, avec nos produits transformés, d'accéder et de pénétrer les marchés américains, comme le disait M. Landry, qui sont près de 80 000 000 à moins de 500 milles de Montréal.

Nous produisons sous l'égide de l'excellence. Nous sommes aussi productifs que ces gens-là. On a des facteurs à certains égards qui sont négatifs. On a fait référence à la température tout à l'heure dans certaines productions bien spécifiques. Nous avons confiance en l'avenir, et les positions du gouvernement du Québec s'appuieront et iront dans le sens de renforcer l'économie agro-alimentaire au Québec.

Le Président (M. Charbonneau, Verchères):

M. le ministre, je vous remercie.

Nous allons maintenant passer à la pause alimentaire. Nous avons une heure de suspension. Nous reprendrons à 20 heures sur quelque chose qui est peut-être connexe à l'alimentation, c'est-à-dire la consommation.

(Suspension de la séance à 19 heures)

(Reprise à 20 h 9)

Impact de l'accord sur la consommation

Le Président (M. Charbonneau, Verchères):

Nous allons reprendre, ce soir, avec le thème de l'impact de l'Accord de libre-échange sur les questions de consommation, sinon sur les consommateurs eux-mêmes. Nous avons d'abord, encore une fois, vingt minutes de déclarations d'ouverture, à raison de cinq minutes par groupe d'intervenants, et puis nous avons une vingtaine de minutes de débat.

Pour ceux qui ont participé à l'exercice, jusqu'à maintenant, vous savez combien vous êtes volubiles et que le temps file vite. Alors, vingt minutes, c'est vraiment court. Aussi, je demanderais à tous et chacun des intervenants, à la fois à l'égard des commentaires et des questions, et des réponses, d'être brefs, sinon, tout le monde va sortir de l'exercice un peu frustré sur les deux thèmes de la soirée, parce que dans les deux cas, on n'a pas un temps énorme.

Alors, sans plus; tarder, je vais céder la parole, du côté gouvernemental, au ministre de la Justice et responsable de l'Office de la protection du consommateur. M. le ministre, pour cinq minutes.

Remarques préliminaires M. Herbert Marx

M. Marx: Merci, M. le Président. Permettez-moi de vous entretenir d'un sujet qui préoccupe plusieurs de nos participants, soit l'impact de l'Accord de libre-échange sur la consommation.

Les avantages économiques de l'accord commenceront à se faire sentir peu de temps après sa mise en application, le 1er janvier 1989, puisque les prix de toute une gamme de produits de consommation baisseront, accroissant ainsi le pouvoir d'achat des ménages québécois et canadiens. Les aspects de l'Accord de libre-échange qui auront les effets les plus marqués sur les consommateurs canadiens sont: l'abolition progressive des droits de douane qui entraînera, pour les consommateurs, des prix plus bas et un choix plus grand de produits; le maintien, en vertu de l'accord, des normes techniques canadiennes en matière d'information et de protection des consommateurs. Environ 70 % du commerce entre le Canada et les États-Unis est présentement exempté de droits. Les tarifs du Canada sont cependant deux fois plus élevés que ceux des États-Unis. Les Canadiens paient environ plus de 2 000 000 000 000 $ par an en droits de douanes sur les importations en provenance des États-Unis. Dans l'Accord de libre-échange, il a été convenu, bien sûr, d'éliminer tous les droits de douanes entre les deux pays, mais aussi de réduire un large éventail de barrières non tarifaires, de libéraliser le commerce et de garantir davantage l'accès aux marchés, ce qui va dans le sens des intérêts les plus spécifiques des consommateurs en tant qu'accueilleurs et utilisateurs de biens et services. Dans cette perspective, il convient de vous faire part en premier lieu des impacts possibles sur le cadre législatif et réglementaire de la protection du consommateur qui contraignent le commerce et impliquent des coûts d'accès au marché.

Un cadre juridique et réglementaire ainsi que des normes techniques axées sur l'information et la protection du public protègent actuel-

lement les consommateurs au Québec. Le cadre vise fes produits nationaux et importés. Prenons par exemple la Loi sur la protection du consommateur du Québec, dans laquelle on retrouve la plupart des mesures de protection du consommateur et qui fournit un cadre pour les transactions entre consommateurs et commerçants. Cette loi ne contient pas de normes détaillées mais impose plutôt un certain nombre de règles qui visent à rétablir un certain équilibre entre deux contractants qui sont, d'une part, le commerçant spécialiste dans son domaine d'activités et, d'autre part, un consommateur désavantagé au pian économique et au plan de l'information. Ce que contient la Loi sur la protection du consommateur vise la loyauté des transactions en protégeant le consommateur au niveau précontractuel: pratiques de commerce, représentations, publicité; au niveau contractuel: clauses abusives, garanties et, enfin, au chapitre de la protection financière: permis, cautionnements, participation à des fonds d'indemnisation.

Ces règles du jeu s'appliquent peu importe l'origine ou fa qualité des commerçants et placent donc sur un pied d'égalité l'ensemble de ceux qui offrent des services. Cette législation qui a pour effet, en définitive, de favoriser la concurrence et de mieux en faire profiter les consommateurs est donc loin de constituer une entrave au libre-échange.

En ce qui concerne les normes et les règlements sur la qualité des produits, le texte de l'accord énonce explicitement un principe directeur à la section portant sur les normes, soit que les mesures qui sont permises, lorsqu'elles ont pour objet de protéger la santé, la sécurité, l'environnement, la sécurité nationale et les intérêts des consommateurs, ne doivent pas avoir pour effet d'exclure les produits de l'autre pays qui safisfont à ces objectifs. Il est certain qu'il y aurait des ajustements à faire tant au niveau provincial que fédéral. Il est bien possible que nous ayons a harmoniser certaines réglementations, mais ces modifications ne seront nécessaires que sur des points très limités. On peut parler par exemple de certaines conditions d'obtention des permis ou de participation à des fonds d'indemnisation ainsi que de normes relatives à la qualité et à la sécurité des produits. Cependant, l'accord prévoit que la finalité de telles normes n'a pas à être mise en doute. Il faut rappeler en effet que bien que les normes actuelles soient différentes, dans une certaine mesure, d'un pays à l'autre, il s'agit de deux pays ayant une préoccupation sociale qui se traduit par des mesures importantes de protection des consommateurs.

Les dispositions de l'accord prévoient que l'information et la protection des consommateurs sont des raisons de maintenir les normes techniques, c'est donc dire que la protection dont jouissent présentement les consommateurs québécois demeurera, et que les normes dont ils bénéficient actuellement seront aussi sévères, sinon plus.

L'obstacle principal à la croissance économique est la limitation du marché canadien pour entretenir la concurrence dans le contexte international en évolution. L'Accord de libre-échange entre les deux pays vise justement l'élargissement de ce marché en éliminant les barrières tarifaires et non tarifaires. L'Accord de libre-échange permettra de lutter efficacement contre ces barrières et permettra aussi de s'attendre à un ralentissement plus ou moins important de la croisssance des prix.

Finalement...

Le Président (M. Charbonneau, Verchères):

Finalement, M. le ministre, merci.

M. Marx: Finalement, un des grands gagnants de cet accord sera le consommateur, car if aura un plus grand éventail de biens et de services. Quant à la capacité des gouvernements d'intervenir pour protéger les intérêts des consommateurs, elle n'est aucunement altérée par l'accord, et l'Office de la protection du consommateur continuera à jouer son rôle au Québec.

En résumé, les importations intensifieront la concurrence, ce qui aura pour effet d'améliorer la qualité et la diversité des produits de consommation et avec ces avantages, l'accord préserve les normes techniques canadiennes et québécoises conçues pour protéger les Intérêts des consommateurs.

Le Président (M. Charbonneau, Verchères):

Merci, M. le ministre.

M. Marx: Merci, M. le Président, pour votre générosité d'une minute et quinze secondes de plus.

Le Président (M. Charbonneau, Verchères):

Et je la donnerai également au député de Saint-Jacques et aux autres invités. M. le député de Saint-Jacques.

M. André Boulerice

M. Boulerice: Merci de votre équité, M. le Président. Je suis content qu'on aborde le volet consommation, puisque l'incidence de l'Accord de libre-échange pour les consommateurs constitué en tout cas, à nos yeux, un facteur important dans l'analyse qu'on doit faire du bien-fondé de ce processus de libéralisation commerciale. Au-delà de son impact sur la croissance économique, sur la productivité, sur le niveau de l'emploi, il faut en effet se demander si l'accord conclu entre le Canada et les États-Unis aura des conséquences bénéfiques pour les consommateurs en termes de réduction du prix des produits de consommation donc, d'augmentation du pouvoir d'achat. Force est de constater que les études réalisées à ce propos, les diverses tentatives

visant à estimer cet impact, sont loin d'arriver à des résultats similaires. Il y a donc matière de toute évidence à débat. En principe, un principe de libération des échanges devrait provoquer une tendance à la baisse du prix des produits. L'élimination des barrières commerciales et notamment l'abolition des droits de douane devraient d'une part réduire le prix des produits importés. Il faut cependant préciser que 75 % des exportations américaines sont aujourd'hui admises en franchise au Canada. Un grand nombre de produits de consommation, en fait la majorité de ceux-ci, demeurent néanmoins frappés de tarifs douaniers importants, de 10 %, 15 % et voire même 20 %. D'autre part, la suppression de ces tarifs peut aussi influencer à la baisse le prix des produits fabriqués au Canada et au Québec, compte tenu des effets d'une concurrence accrue et des économies d'échelle découlant de l'accès au marché américain. Le gouvernement canadien a mené des études qui visaient à chiffrer l'impact de l'élimination des tarifs douaniers sur les dépenses de consommation. Selon ces prévisions, lors de l'entrée en vigueur complète de l'accord, soit dans dix ans, les ménages bénéficieraient d'économies annuelles de 325 $ à 800 $, selon qu'il s'agit d'un ménage à faible revenu, ou à revenu moyen ou élevé. Une famille moyenne de quatre personnes économiseraient de 85 $ à 130 $ par année sur l'alimentation tandis qu'il en coûterait de 5000 $ à 8000 $ de moins à une telle famille pour faire construire sa maison et la meubler.

La Coalition québécoise d'opposition au libre-échange situe la baisse des prix à la consommation, résultant de l'abolition des tarifs dans une fourchette, de 0,57 % à 3,49 % selon que les importations sont constantes ou que les prix locaux subissent aussi un ajustement. La coalition a par ailleurs raison de souligner que cette diminution des prix à la consommation se réalisera si la baisse des tarifs est d'abord entièrement transmise au consommateur, si la perte des recettes gouvernementales sous forme de droits de douane qui s'élèvent à 2 100 000 000 $ par année n'est pas compensée par une hausse des taxes et si l'ajustement industriel n'entraîne pas d'effets négatifs sur le pouvoir d'achat par le biais de pertes d'emplois ou de baisses de salaires. Autant de conditions dont il demeure très difficile à ce moment-ci de savoir si elles seront respectées.

Une autre étude réalisée, celle-là, par la Fédération nationale des associations de consommateurs du Québec et rendue publique le mois dernier, en vient à la conclusion que les dépenses courantes des consommateurs ne vont pas diminuer, mais augmenter d'au moins 8 $ par année en tenant compte d'une augmentation anticipée au chapitre notamment des tarifs d'électricité, etc.

Le Regroupement québécois des associations de consommateurs et consommatrices formule une recommandation qui mérite, M. le Président, d'être prise en considération, soit la création d'un conseil consultatif de consommateurs, pouvant tenir des audiences publiques et faire appel au comité intergouvernemental chargé de la mise en application des délégations du traité. Ce conseil serait chargé de s'assurer que la baisse des tarifs se répercute par un pouvoir d'achat accru et de surveiller l'harmonisation des normes afin qu'elles ne se traduisent pas par une diminution de la qualité et de la sécurité des produits. Cette question de l'harmonisation des normes est particulièrement importante. Le gouvernement canadien se fait rassurant à cet égard. Dans le document intitulé, L'Accord de libre-échange entre le Canada et les États-Unis et les consommateurs canadiens, on s'empresse d'affirmer que l'accord préserve les normes techniques canadiennes conçues pour protéger les intérêts de consommateurs et que les produits américains continuent de devoir satisfaire aux règlements canadiens en matière de protection et d'information des consommateurs. Il n'en demeure pas moins que l'accord prévoit une uniformisation des normes techniques nationales, chaque pays devant les rendre compatibles avec celles de l'autre pays. En somme, les normes techniques ou les règlements ne doivent pas servir pour faire obstacle à la libre circulation des marchandises.

Il y a là un sujet de préoccupation pour les consommateurs puisque nos normes sont en général, et il faut s'en réjouir, plus sévères que les normes américaines. En somme, il est difficile de porter un jugement catégorique ou définitif sur les bénéfices ou les Inconvénients de l'accord du libre-échange pour les consommateurs. On peut vraisemblablement s'attendre à certaines baisses de prix dont l'ampleur demeurera cependant assez limitée à court terme, à mon avis. Par ailleurs, certaines dispositions de l'accord pourraient annuler ces bénéfices. Dans cette perspective, la mise en place d'un mécanisme de surveillance afin de veiller aux intérêts des consommateurs constitue pour nous une avenue souhaitable, M. le Président. Je vous remercie. Je pense...

Le Président (M. Charbonneau, Verchières):

Alors, vous êtes correct, M. le député...

M. Boulerice: Merci.

Le Président (M. Charbonneau, Verchères): ...avec le temps additionnel que vous a gagné le ministre.

M. Boulerice: ...lire mon texte, M. le Président.

Le Président (M. Charbonneau, Verchères):

Le président ne fait pas d'appréciation bien que, parfois, il pourrait être tenté d'en faire. M. Larose.

Coalition québécoise d'opposition au libre-échange

M. GéraW Larose

M. Larose: S'il est un dossier où il ressort clairement que les tenants du libre-échange n'ont aucune espèce de gêne à recourir à la propagande et à la désinformation pour manipuler l'opinion publique, c'est bien le dossier de la consommation. Au lendemain de la publication du texte préliminaire de l'accord Mulroney-Reagan, les Mulroney, Carney, Clark et autres clamaient bien haut que la libéralisation du commerce ferait économiser 8000 $, au moins 8000 $, à ceux qui achèteront une maison. On est ailé voir cela. C'est possible. D'abord, il faut se situer dans dix ans. Ensuite, il faut arriver de la planète Mars, tout nu. On n'a pas de maison, la maison n'est pas équipée. On est tout nu, on n'a même pas de vêtements. Quand on achète le tout US, parce qu'il faut tout acheter aux États-Unis, il y aurait une économie située entre 5068 $ à 7857 $. Pour faire de la propagande, c'est très beau, sauf que cela ne correspond à aucune espèce de réalité. Mais, quand même, cela peut faire son petit millage et cela l'a fait effectivement. Même si cette hypothèse farfelue ne résiste pas deux minutes à un examen le moindrement sérieux, il n'en demeure pas moins que les partisans du libre-échange continuent de faire miroiter des gains potentiels qui reposent plus sur une profession de foi que sur une analyse documentée de la réalité économique. Selon nos études basées sur des statistiques gouvernementales, à importation constante, la baisse des prix à la consommation résultant de l'abolition des tarifs actuels se situera, comme le dit le député de Saint-Jacques, à 0,57 % pour un budget moyen. Dans l'éventualité où les producteurs locaux s'adapteraient à la baisse des prix due à l'abolition des tarifs ou si des produits d'importation remplaçaient des produits locaux, la baisse totale serait de 3,49 %, étalée sur une période de dix ans. C'est un maximum. Mais, cette hypothèse ne serait toutefois réalisable que si... Là, on met trois conditions pour aller chercher ce fameux "jackpot". La première, c'est que la baisse des prix est entièrement transmise aux consommateurs et aux consommatrices. On peut entretenir un sain scepticisme. Je rappellerai que, quand Parizeau avait baissé la taxe ascenseur, les misérables pétrolières, deux ou trois jours après, avaient encaissé la différence. C'est vrai que c'était des pauvres. Alors, les riches ne feront certainement pas cela. La deuxième condition est l'ajustement industriel. Il ne faudrait pas que l'ajustement industriel entraîne des effets négatifs sur le pouvoir d'achat. On en a discuté un peu cet après-midi. On entretient quelques doutes sur le fait qu'il n'y ait pas de perturbation dans le domaine de l'emploi. On va en parler aussi demain. Alors, c'est la deuxième condition à réaliser. La troisiè- me, c'est précisément que le gouvernement fédéral ne cherche pas à aller chercher, par des taxes indirectes, les 2 100 000 000 $ qui vont lui manquer. Celui qui entretient un scepticisme là-dessus, c'est notre camarade Yves Rabeau qui, devant le groupe Desjardins-Ducharme, a dit, dans son texte, que "dans la mesure où le Canada voudra garder ses programmes sociaux en matière de dépenses publiques, il faudra compter de plus en plus sur la taxation indirecte. Cette augmentation des taxes à la consommation annulera au moins en partie un des bénéfices du libre-échange, qui sera la baisse des prix des biens de consommation sur le marché." Alors, disons que les trois conditions pour aller chercher le fameux "jackpot" de 3,49 % sont les trois conditions qu'on avance. Il y aura là une vérification à faire, à savoir si cela va se concrétiser.

Mais, dans le dossier de la consommation, il n'y a pas que dans le domaine du prix du panier à provisions où le rapport qualité-prix est à surveiller. Les consommateurs et les consommatrices veillent aussi à la défense de leurs droits et, souvent, ils se retrouvent sur le marché du travail, où se détermine en bonne partie le pouvoir d'achat leur permettant d'assumer leurs responsabilités individuelles, familiales, collectives et sociales. La preuve est loin d'être faite qu'il seront gagnants sur ces chapitres. L'harmonisation prévue des lois commerciales canadiennes et américaines nous fait de plus craindre une réduction des normes canadiennes de qualité et la dégradation d'un ensemble de valeurs qui constituent nos choix de société. Dans une étude récente, livrée en janvier dernier par le ministère canadien des Finances, M. Wilson, lui-même, arrivait à la conclusion qu'en ce qui concerne la baisse de l'indice du prix à la consommation, pour les cinq prochaines années, due au rabattement des tarifs, il faut espérer que cela totalise moins 1 %. Alors, qu'on nous dise que le libre-échange, c'est fort bien et qu'il y a là tout l'avenir d'un peuple, il ne faudrait pas nous raconter de sornettes en disant qu'on va pouvoir s'en mettre dans les poches, ce n'est pas vrai. Au contraire, on pense qu'on pourra s'en mettre moins parce qu'il y aura perturbations, notamment, dans le domaine de l'emploi, chapitre qu'on va débattre plus précisément demain, celui de l'emploi. (20 h 30)

Le Président (M. Charbonneau, Verchères): M. Larose, je vous remercie. Je crois que la parole sera maintenant à Mme Guiilot-Lemay, je m'excuse, Mme Guillot-Lemelin. Alors, vous avez la parole.

Regroupement pour le libre-échange Mme Solange Guillot-Lemelin

Mme Guillot-Lemelin (Solange): M. le Président, M. le ministre, mesdames et messieurs,

comme présidente de l'Association des consommateurs du Québec, c'est avec un grand intérêt que je participe à cette commission parlementaire extraordinaire sur l'Accord de libre-échange entre le Canada et les États-Unis. Je tiens à souligner que c'est remarquable que les associations de consommateurs soient représentées ici ce soir. Aussi extraordinaire que ce soit, il est important que soient représentés les gens ordinaires sur cette question. Lorsqu'on parle de gens ordinaires, ce sont nous, les consommateurs que je représente aujourd'hui.

L'Association des consommateurs du Québec appuie cet accord pour les raisons suivantes. Nous croyons que l'ensemble des consommateurs profitera de plusieurs avantages qui découlent de cet accord. Tout d'abord les prix. Contrairement à certains, nous n'avançons pas de prix, nous ne disons pas que cela va coûter, par exemple, 8 $ ou qu'on va gagner 8000 $, nous laissons tomber ces extrêmes et laissons ceux qui les ont avancés se débrouiller avec. Cependant, nous sommes convaincus que cet accord aura pour effet de ralentir l'augmentation des prix et c'est ce qui est important pour le consommateur.

Un autre avantage: le droit de choisir. Un droit proclamé par John F. Kennedy en 1962, il y a de cela près de 30 ans, mais ce droit est d'autant plus nécessaire dans le contexte actuel. Le consommateur aura donc plus de choix, plus de choix à meilleur prix. Comment une association de consommateurs pourrait s'opposer à cela?

En ce qui concerne la sécurité et la qualité des produits, j'aimerais répéter le texte de l'accord à l'article 603 - on l'a mentionné, mais je tiens à le répéter: "Ni l'une ni l'autre Partie ne maintiendra ou n'adoptera de mesures normatives ou de procédures d'approbation des produits qui créeraient des obstacles inutiles à leur commerce bilatéral. Il ne sera pas réputé y avoir de tels obstacles: a) s'il peut être prouvé que la mesure ou procédure a pour objet de réaliser un objectif intérieur légitime." Cet objectif intérieur légitime on en a parié à plusieurs reprises aujourd'hui; il vise à protéger la santé, la sécurité, les intérêts essentiels en matière de sécurité et d'environnement et les intérêts des consommateurs.

J'avoue que si cela n'avait pas été si clairement spécifié dans le texte, on aurait eu beaucoup plus de réticence sur ce point en particulier. Je tiens à mentionner également qu'on est aussi d'accord avec la création d'un conseil consultatif de consommateurs.

Ce consommateur en tant qu'acheteur de biens et de services sera donc avantagé par cet accord. On a tout à gagner et rien à perdre. C'est avec fierté et même avec joie que je représente une association de consommateurs qui a compris l'importance d'appuyer un accord qui favorisera l'intérêt de tous les consommateurs. Je vous remercie.

Discussion générale

Le Président (M. Charbonneau, Verchères): Merci, madame. Je ne peux pas dire que vous avez abusé de votre temps, alors ce sera dans la banque. M. le député de Saint-Jacques, pour la première question.

M. Boulerice: Oui, M. le Président, je vais m'adresser à celui que, en langage parlementaire, j'appelle affectueusement mon ami d'en face, M. le ministre responsable de la Protection du consommateur. M. le ministre, est-ce que le gouvernement du Québec a réalisé ses propres études afin de mesurer l'impact de l'Accord de libre-échange pour les consommateurs, une étude en termes d'effets sur les prix des produits et le pouvoir d'achat?

M. Marx: Vous savez, M. le Président, je ne suis pas responsable de la consommation, même à la maison. Je suis responsable...

M. Boulerice: Vous m'avez déjà dit le contraire.

M. Marx: Pardon?

M. Boulerice: Vous m'avez déjà dit le contraire.

Le Président (M. Charbonneau, Verchères):

Vous embarquez sur un terrain glissant.

M. Marx: Mais je suis responsable de la protection du consommateur, c'est une toute autre chose. Le ministre du Commerce extérieur et du Développement technologique me dit que, en effet, dans son ministère, on a fait beaucoup d'études sur tous les aspects de cette entente de libre-échange.

M. Boulerice: Si votre collègue, l'actuel ministre du Commerce extérieur et du Développement technologique dit qu'il y a des études, est-ce qu'on pourrait avoir le dépôt de ces études? Là, on a des études qui viennent d'ailleurs, mais une étude venant du gouvernement du Québec semble intéressante.

Le Président (M. Charbonneau, Verchères):

M. le ministre.

M. MacDonald: Si vous me demandez si nous avons fait une étude précise, du genre de celle qui a cherché à déterminer qu'il pouvait y avoir une augmentation de 12 $ à la suite d'une augmentation du tarif de l'électricité, etc., la réponse, c'est non. Nous n'avons pas fait cette étude au provincial. Nous avons fait un très grand nombre d'éludés sectorielles que nous avons publiées. Nous vous en avons remis 400 pages. Nous avons consulté également les études qui ont été faites par le gouvernement fédéral ou

par d'autres organismes pour en vérifier le contenu, pour voir si c'était réellement en accord avec ce qui était l'appréciation qu'on pouvait avoir des grandes tendances. Et dans ce contexte-là, nous en sommes venus à la conclusion, qui est la conclusion générale des études et où les montants varient, que, effectivement, conséquence logique de cette entente de libre-échange, et qu'il y aura des avantages positifs. Mais je le redis, des avantages qui peuvent varier considérablement selon les hypothèses que vous prenez.

M. Boulerice: Et vos avantages positifs, vous avez été capables de les cibler dans quel secteur?

M. MacDonald: Dans la réduction des prix, nécessairement, par l'abolition des tarifs douaniers, c'est un écart; par les plus grandes séries de production, soit locale ou venant de l'extérieur par l'agrandissement des marchés, tout particulièrement, par ce que sont les possibilités pour les manufacturiers canadiens d'accroître considérablement leur production dans certains secteurs.

M. Boulerice: Je vais revenir...

Le Président (M. Charbonneau, Verchères):

Sur le même sujet, est-ce que vous avez terminé?

M. Boulerice: Non, non.

Le Président (M. Charbonneau, Verchères):

Mais sur le même sujet, parce que le député de...

M. Boulerice: Non, mais c'est toujours sur la consommation.

Le Président (M. Charbonneau, Verchères):

Oui, je comprends. On va être une demi-heure sur la consommation, mais...

M. Boulerice: Pourquoi pas?

Le Président (M. Charbonneau, Verchères):

Sur la même question qui vient d'être abordée, M. le député de Bertrand.

M. Parent (Bertrand): Rapidement. C'est parce que le ministre répète à deux ou trois reprises, depuis ce matin: Les études ont été déposées. Je m'excuse. Les études qui ont été déposées le 31 juillet, de mémoire, l'année passée, un vendredi après-midi, par le ministre de l'Industrie et du Commerce n'étaient qu'une série de statistiques de Statistique Canada dont les dates les plus récentes étaient de 1982. Ce qui a été déposé dans les autres documents que le ministre a sur son bureau, ce ne sont pas les études d'impact auxquelles on est en droit de s'attendre et le ministre du Commerce extérieur et du Développement technologique sait fort bien de quelles études il s'agit, puisque lui-même a dit qu'il était d'accord pour qu'elles soient déposées, mais son collègue, le ministre de l'Industrie et du Commerce, a toujours refusé de le faire. Les études sectorielles qui ont été faites sur les impacts du libre-échange n'ont jamais été déposées et je me demande pourquoi le ministre nous dit qu'il a déposé ces études-là?

M. MacDonald: Je le dis parce que c'est la réalité. J'ai expliqué, en Chambre et ailleurs, à maintes reprises, ce qu'étaient les études sectorielles, qu'elles étaient composées d'un certain nombre de chapitres, qu'il y avait deux chapitres dans chacune des études sectorielles qui n'avaient pas été rendus publics. Premièrement, pour ce qui était des données confidentielles des entreprises, surtout celles de propriétés publiques, où des détails concernant la structure de prix, le coût de fabrication, etc., pouvaient être un détriment, à leur avantage, compétitif et, deuxièmement, deuxième groupe de renseignements non rendus publics par le gouvernement provincial, c'étaient des données fédérales pour lesquelles nous avions convenu, à leur demande, de les garder confidentielles. Je ne veux rien annoncer. On m'a mentionné, effectivement, je pense que vous en avez entendu parler vous aussi, que le gouvernement fédéral devait rendre publique incessamment la totalité de ses études qui n'étaient pas de nature confidentielle. Je présume que les parties, justement, qu'ils nous ont données, seront rendues publiques. Mais, il ne faudrait pas charrier non plus. Nous avons donné des statistiques. Nous n'avons pas seulement donné des statistiques, mais nous avons donné à deux reprises, c'est-à-dire dans un premier texte et, ensuite, dans un texte mis à jour, quels étaient les impacts, on les a appelées les enjeux, en utilisant des statistiques réelles qui, à ma connaissance, n'ont jamais été contestées par vous ni par la coalition d'opposition ou etc. Les chiffres sont là, le constat que nous en avons fait demeure le même. Nous avons fait certaines mises à jour lorsqu'on a eu des chiffres additionnels. Il n'y a aucune cachette quelconque dans cela. Alors, je ne vois pas pourquoi vous prétendez que vous n'avez pas les renseignements dont vous avez besoin.

Le Président (M. Charbonneau, Verchères):

Comme le temps est limité, on va... Maintenant que le point est marqué sur les études de part et d'autre, on va aller à M. Racicot spécifiquement sur la question de la consommation.

M. Racicot (Pierre): II me fait plaisir, au nom de la Fédération nationale des associations de consommateurs d'être présent ici, probablement sur la dernière commission parlementaire qui porte sur le libre-change.

J'aimerais donner quelques remarques, quelques points d'information pour l'ensemble de

la commission. Toutefois, si vous voulez, j'aimerais terminer par un commentaire ou une opinion et une question que j'aimerais poser à M. Marx.

D'abord, simplement comme remarque préliminaire, je dirais que toutes les dispositions relatives à l'article 600 concernant la réglementation, à laquelle faisait référence le ministre et Mme Lemelin, je réfère le ministre tout simplement à l'analyse légale sur l'étude d'impact de l'accord du libre-échange dans la loi qui a été déposée par le Solliciteur général de l'Ontario, en mai 1988, qui conclut que, même si c'est vrai ce que le ministre avançait, les provinces seront obligées de se mettre à table pour harmoniser les standards de qualité, etc., sauf qu'en plus, autour de la table, il y aura le gouvernement américain.

Le deuxième point concerne le fameux 8 $ qui a été cité dans les médias d'information. Je dois dire que nous sommes arrivés à ce chiffre-là avec exactement la même méthodologie qu'on avait utilisée l'an dernier, à peu près à la même époque, laquelle avait été vérifiée par le ministère des Finances du gouvernement du Canada et même M. le ministre André Harvey avait écrit dans le journal Le Devoir, en réponse à M. Vastel, que les chiffres correspondaient aux leurs. La seule différence avec les chiffres que l'on a cette année, parce qu'on a utilisé la même méthodologie, c'est qu'on est au courant de ce que contient exactement l'accord et que, par conséquent, on est capables de faire des études un peu plus pointues parce que, maintenant, on sait, par exemple, la part du marché des Américains. L'an passé, on avait dit: La part du marché... On fait l'hypothèse que tout le monde achète américain. Cette année on a été capables de spécifier cela par produit de consommation, étant donné que l'on possède maintenant tous les produits de consommation impliqués dans l'accord, puisque c'est inclus dans la brique que tout le monde connaît.

L'autre point que j'aimerais ajouter, c'est que ce n'est pas automatique que, parce que la barrière tarifaire va diminuer, le prix à la consommation va diminuer. D'ailleurs, il y en a plusieurs qui ont fait des remarques à ce propos. Je peux donner un exemple que tout le monde a en mémoire - je vais me dépêcher le plus possible, parce que j'en suis encore à l'étape des observations qui ont été faites.

Le Président (M. Charbonneau, Verchères):

Sauf qu'on a 20 minutes pour tout le monde. C'est cela le problème.

M. Racicot: D'accord. Je spécifierais simplement que, dans la chaussure, on nous avait garanti des baisses de prix, mais, l'an passé, il y a eu une augmentation de prix de 5 % et, cette année, il y a eu une augmentation de prix de 4 %, sauf qu'il y a eu entre-temps aussi une perte de 3000 emplois. L'autre élément, M. le Président, c'est un article paru dans Le Soleil le 2 juin où on dit que le prix du pain pourrait baisser grâce à l'accord du libre-échange, parce que le double prix est éliminé. Tout le monde l'a lu, sauf que cela veut dire quoi? Cela veut dire qu'aujourd'hui, il n'y a personne qui est capable de nous garantir, à nous consommateurs, qu'au mois de janvier l'an prochain, le prix des 450 grammes de pain ne sera pas rendu a 1,50 $ ou à 2 $. Pourquoi? Parce qu'on a fait sauter justement la fourchette de prix dans les minoteries. Par conséquent, c'est vrai que lorsque la mesure a été avancée dans le cadre du libre-échange, le prix du blé, la tonne était de 190 $, mais aujourd'hui, au moment où on se parle, s'est rendu à 235 $ et on prévoit à la Commission canadienne du blé que la tonne dépassera 257 $. Cela signifie que cela peut monter jusqu'à 300 $ le prix du blé avec ce qui se passe dans l'Ouest canadien. Selon nous, c'est loin d'être une garantie. On commence déjà à payer, les consommateurs, pour le libre-échange, alors que, normalement, on aurait dû avoir des diminutions de prix.

Le Président (M. Charbonneau, Verchères):

Est-ce que vous pouvez y aller immédiatement, si vous avez une question à formuler, parce qu'autrement, les commentaires que vous avez faits peuvent, d'ailleurs, amener une réplique. Si vous voulez une question spécifique, ce serait le temps de la poser. (20 h 45)

M. Racicot: Alors je vais poser la question spécifique au ministre M. Marx: Les objectifs poursuivis par l'accord, si on exclut l'accès au marché américain, parce que de toute façon, actuellement, l'accord ne garantit pas l'accès au marché américain, la sécurité que l'on prévoyait au point de départ, mais il y a d'autres objectifs qui sont inclus dans cet accord, et vous les avez mentionnés, concernant la concurrence, etc.

Alors, pensez-vous que présentement... parce qu'on cherche, nous autres, une alternative avec des députés conservateurs - excusez nos fréquentations, mais c'est comme cela qu'on travaille... On cherche, si vous voulez, l'alternative et on pense que, présentement, la nouvelle loi sur la concurrence est une hypothèse intéressante parce que, dans ses objectifs... elle a des objectifs visant à accorder aux consommateurs les meilleurs prix possible et à stimuler la concurrence au Canada. Elle permet d'intervenir...

Le Président (M. Charbonneau, Verchères):

Votre question.

M. Racicot: Elle permet d'intervenir, elle donne le pouvoir d'intervenir au niveau des tarifs douaniers, par le gouverneur en conseil. C'est dans la loi, présentement. Donc, on n'aurait même pas besoin du libre-échange pour commencer à avoir une politique d'Intervention au niveau des tarifs douaniers. Elle permet...

Le Président (M. Charbonneau, Verchères):

M. Racicot...

M. Racicot: ...l'accord de spécialisation.

Le Président (M. Charbonneau, Verchères):

Je m'excuse de vous interrompre mais là, vous allez prendre tout le temps, finalement, qui est imparti...

M. Racicot: D'accord.

Le Président (M. Charbonneau, Verchères): ...pour l'ensemble du débat.

M. Racicot: Alors.

Le Président (M. Charbonneau, Verchères):

Je comprends que c'est frustrant pour tout le monde; vingt minutes, ce n'est pas beaucoup, mais, à un moment donné...

M. Racicot: Oui.

Le Président (M. Charbonneau, Verchères): ...il faut que je coupe.

M. Racicot: Mais...

Le Président (M. Charbonneau, Verchères):

Alors, je vais laisser la parole au ministre, parce que je pense que, déjà, les commentaires que vous avez formulés...

M. Racicot: Je pense qu'il a compris la question.

Le Président (M. Charbonneau, Verchères):

J'ai l'impression qu'il a compris.

Alors, M. le ministre responsable de la Protection du consommateur.

M. Marx: Premièrement, M. le Président, si je m'adresse aux Québécois et aux Québécoises, je pense que tout le monde va bien comprendre que, si les tarifs douaniers disparaissent, cela va coûter moins cher pour un téléviseur, pour une caméra, etc. Au moins, les Québécois qui vont en Floride en hiver et au Maine durant l'été savent que, s'il n'y a pas de tarif douanier, ils vont payer moins.

M. Larose: Ils ne pourront pas les rentrer au Canada.

M. Marx: Pourquoi? S'il n'y a pas de tarif douanier?

Une voix: Pourquoi pas?

M. Larose: Ah! bon! Alors, on va pouvoir aller acheter toutes nos affaires aux États-Unis.

Une voix: Ah! oui?

M. Marx: C'est cela. Alors...

Le Président (M. Charbonneau, Verchères):

À l'ordre, s'il vous plaît! Cela va bien jusqu'à maintenant, alors je vous demanderais de faire cela dans l'ordre, en demandant à la présidence le droit d'intervenir. M. le ministre.

M. Marx: Je vois que j'ai déjà convaincu une personne qui était contre il y a quelques minutes.

Des voix: Ha, ha, ha! M. Marx: Bon! Cela commence... M. Larose: Je me suis inscrit, hein! Des voix: Ha, ha, ha!

M. Marx: Je pense que cela... Moi, je ne suis pas économiste, bien sûr, mais je pense que cela va de soi que les prix vont diminuer. Sur la question de la loi fédérale sur la concurrence, l'entente sur le libre-échange n'empêche pas le Canada de procéder avec un certain nombre de dispositions dans cette loi. Donc, l'un n'empêche pas l'autre.

Le Président (M. Charbonneau, Verchères):

M. le ministre. Rapidement, s'il vous plaît!

M. MacDonald: J'ai l'impression, effectivement, qu'il y a une confusion - c'est peut-être moi qui suis confus, cela m'arrive - et qu'on mélange les carottes avec les tomates, et qu'on met de côté certains éléments de base. Comme vous l'avez dit vous-même, j'exclus l'accès au marché américain comme étant une condition et, ensuite, vous posez vos points.

J'aimerais tout simplement vous ramener sur un exemple que vous avez donné, cette crainte que vous avez de voir le pain augmenter. Bien, je ne la comprends pas, parce que, dans le système canadien actuel, déjà, avec des deux prix du blé, on paie très cher à cause du double prix, qui est une mesure protectionniste qui a ses raisons d'être, qui peut être expliquée, mais qui est là. Je vais vous rajouter une autre hypothèse, pas une hypothèse, mais une réalité actuelle. Vous savez que, pour des compagnies québécoises, il est plus profitable, par exemple - et j'en prends une qui est venue me faire des représentations - de s'en aller établir une usine en Italie, d'acheter du blé canadien au prix international et de revenir vendre ses pâtes au Québec, à une meilleure rentabilité si elles les fabriquaient ici. J'essaie d'associer votre énoncé, là, cette crainte de voir le prix du pain augmenter, avec ce qu'est la réalité canadienne actuelle.

Le Président (M. Charbonneau, Verchères):

Brève réplique, M. Racicot.

M. Racicot: Je ne sais pas, là. Bien, c'est que, effectivement, comme vous le disiez, il y a un prix à payer pour une échelle de tarifs concernant les minoteries. Lorsque les... C'est vrai que, comme consommateurs, lorsque les prix sont bas au niveau international, on paie et, lorsque les prix sont élevés... C'est-à-dire que, quand les prix sont bas, on ne paie pas cette diminution-là, parce qu'il y a un prix minimal et, lorsque le prix est trop élevé, par exemple, on ne va pas chercher ce prix-là; on va au maximum de la fourchette, en ce qui concerne les minoteries. Par conséquent, si vous faites sauter cela, comme cela va arriver le 1er août prochain, cela veut dire que le prix international, actuellement, est en hausse. Il augmente au maximum, au moment où l'on se parle. Et cela signifie qu'il n'y a pas de limite. Alors pas de limite, cela veut dire que les minoteries, elles, ne prendront pas de chance, elles vont refiler le prix au consommateur, sur leur pain. Alors qu'avant, au moins, on était protégés. C'est vrai qu'on ne pouvait pas bénéficier de bas prix, comme je le disais, j'ai donné les chiffres tantôt, mais quand vous n'aurez plus de fourchette, vous allez péter la cagnotte puis, je pense, on s'en reparlera, qu'il va être trop tard, mais en espérant que le gouvernement du Québec va pouvoir réagir sur le contrôle du prix du pain.

Le Président (M. Charbonneau, Verchères):

Merci. M. Rabeau, rapidement.

M. Rabeau: Je veux juste apporter une précision sur une remarque que M. Larose a dite tout à l'heure, laquelle j'ai faite à une conférence ailleurs à propos du prix des produits. Si on fait l'hypothèse que le gouvernement canadien, par exemple, voulait harmoniser la fiscalité des entreprises et la fiscalité des particuliers avec celles des Américains, c'est une hypothèse qu'on peut soutenir dans le cadre du libre-échange. Il faudrait à ce moment-là aller chercher des revenus ailleurs et si on va les chercher au plan de la taxation indirecte, comme c'est prévu dans la réforme fiscale, effectivement, cela compenserait au moins pour une partie des effets de la baisse de tarifs. Mais tout cela est purement hypothétique. Ce sont les jeux de la fiscalité. Selon où on veut mettre le poids de la fiscalité, on aura des effets différents sur le prix des produits. Si on veut imposer plus les particuliers, le prix des produits pourra baisser davantage. Tout cela est une question de stratégie, de politique fiscale. Où faire porter le fardeau fiscal à l'avenir? C'est là une première remarque.

La deuxième remarque, c'est qu'en fait, par le libre-échange, je pense que c'est un exercice qui n'est pas possible d'arriver à préciser exactement où vont aller les prix avec le libre-échange parce qu'il y a de multiples facteurs qui entrent en ligne de compte, entre autres le taux de change qui est flexible, ensuite, il y a les politiques de prix des entreprises, et ainsi de suite.

Je pense que les trois choses qu'il faut retenir dans tout cela c'est que le libre-échange va apporter une augmentation du revenu des ménages, on en a parlé tout à l'heure au chapitre sur l'économie, avec l'augmentation de la productivité. La deuxième chose, c'est qu'il y aura une augmentation du nombre de produits disponibles au Canada et une augmentation de la concurrence sur les marchés qui, die, est favorable à la baisse des prix. Je pense que ce sont là les trois bénéfices les plus importants pour les consommateurs et on ne peut pas aller, à mon avis, au-delà de ces trois bénéfices, on ne peut pas quantifier davantage.

Le Président (M. Charbonneau, Verchères):

En principe, on a à peu près écoulé le temps qui est imparti. Voici ce que je propose, parce que 20 minutes, ce n'est vraiment pas beaucoup et j'ai quelques intervenants qui sont sur nia liste... J'en ai trois, qui sont: M. Larose, M. Proulx et le député de Saint-Jacques. En fonction des questions que vous allez poser ou des interventions que vous allez faire, je donnerai des droits de réplique soit au ministre, soit au groupement en faveur. M. Larose. Et chacun une intervention et la plus brève possible, s'il vous plaît.

M. Larose: C'est parce que tout le dossier de la consommation, à venir jusqu'à maintenant dans le débat public, a été davantage un débat, comme je le disais au début, pour la démagogie. Quand on dit que les associations de consommateurs, ce qui les fait "triper" dans cet accord-là c'est que cela va ralentir l'augmentation des prix, j'en veux rien que pour preuve M. Wilson lui-même qui dit qu'au lieu d'augmenter de 25 % d'ici 1994, cela va augmenter de 24 %. Alors comme ralentissement, je note qu'il y a un ralentissement de 1 %, mais disons que cela ne m'encourage pas à casser la baraque pour cela. D'autant plus que c'est dans le cadre optimal où le dollar ne flotte pas en dents de scie, où tout est stable au niveau de l'emploi, etc. Alors, ne nous racontons pas de sornettes en disant qu'il y a là un gros bâton qui peut vendre et acheter l'accord. Dans ce sens-là, je dis: Convenons qu'on va débattre d'autres aspects, mais ce n'est surtout pas par la consommation que l'accord va se faire sentir.

Le Président (M. Charbonneau, Verchères):

Est-ce qu'il y a quelqu'un qui veut donner la réplique? Non. Alors, je vais reconnaître le député de Saint-Jacques et après cela M. Proulx.

M. Boulerice: Ma question s'adresse au ministre responsable de la Protection du consommateur. Est-ce qu'il est favorable, mais est-ce qu'il est favorable dans le sens où il entend favoriser la création d'un conseil consultatif des consommateurs, comme le recommande justement

le regroupement et comme l'a endossé d'ailleurs madame qui est de la section québécoise de l'Association canadienne des consommateurs, c'est cela?

Mme Guillot-Lemelin: L'Association des consommateurs du Québec.

M. Boulerice: En tout cas, vous étiez d'accord avec le conseil consultatif, c'est cela qui est l'essentiel pour le moment. Alors la question que je pose est: Est-ce que vous êtes favorable et entendez-vous favoriser la création, justement, de ce conseil consultatif des consommateurs?

M. Marx: En tant que ministre de la Justice, j'ai déjà aboli deux conseils consultatifs, un à la Justice et un autre, et le gouvernement a déjà aboli un certain nombre de conseils consultatifs. Je ne suis pas contre un conseil consultatif en matière de protection du consommateur, mais c'est la première fois qu'on me pose cette question. Nous avons l'Office de la protection du consommateur, qui, je trouve, fait un excellent travail, et c'est l'office qui conseille le ministre responsable de la Protection du consommateur et vous savez qu'au conseil d'administration de l'office il y des représentants de toutes les couches de notre société. Donc je pense qu'à ce moment-ci, je trouve que l'office conseille assez bien le ministre responsable de l'office.

Le Président (M. Charbonneau, Verchères):

M. Proulx.

M. Proulx: Pour compléter, je pense que l'exemple du pain est un exemple pertinent de ce qu'on a dit déjà depuis un certain temps. On prend dans les poches de ceux qui ont le moins de chance de pouvoir se réchapper ailleurs, pour peut-être en donner ou stabiliser un prix. Parce que je rappellerai que le double prix du blé est aboli, il est aboli pour le 1er août, et où est-on aller chercher les économies qu'on fera peut-être? Dans mes poches à moi, le producteur de blé. On me donne naturellement une prime de séparation cette année, mais ensuite je devrai m'arranger avec le prix international. Je voudrais rappeler aussi à la représentante des consommateurs, qu'à l'heure actuelle, le consommateur ne paie pas le vrai prix pour les produits essentiels qui sont le lait, les oeufs, la volaille. Et dans un marché totalement libre vous allez payer le vrai prix, et je prends pour exemple les statistiques des quinzes dernières années. Dans les produits qui se sont justement donné des moyens, qui vont être abolis avec le temps, ces produits-là sont les produits qui ont le moins augmenté pour le consommateur, comparativement aux autres produits, le porc par exemple, la viande de boeuf et autres, qui ont été sur un marché totalement libre eux, qui ont fait des augmentations de 200, 300 ou 400 %. Pensez-y bien comme consommateur que cela va être "le fun". Malheureusement cela ne viendra pas dans mes poches. Vous allez payer le vrai prix, par exemple, à ce moment-là.

Le Président (M. Charbonneau, Verchères):

Est-ce qu'il y a quelqu'un qui veut... Mme Guillot-Lemelin.

Mme Guillot-Lemelin: J'aimerais revenir c'est parce qu'on parle beaucoup des prix et dans ma présentation j'ai bien dit qu'il y aurait un ralentissement, effectivement, peut-être de 1 %. Mais il sera là quand même le ralentissement de l'augmentation des prix, et on ne peut pas le nier, même si on voulait le faire.

Aussi, la question des prix n'est pas la seule question aussi face au consommateur. On n'a jamais dit que le consommateur allait devenir riche du jour au lendemain à cause de l'accord du libre-échange et qu'il y aurait des cadeaux qui lui seraient offerts. Sauf qu'on s'est dit que cela va permettre, ce ralentissement-là, de lui être profitable, et on a dit également qu'il ne perdrait pas sur la qualité des produits. Il va y avoir plus de produits, alors il n'y a pas de raisons qui fasse qu'on s'opposerait à cela, même si les prix ne sont pas la seule question.

Remarques finales

Le Président (M. Charbonneau, Verchères):

Alors nous allons conclure maintenant par les remarques finales des parlementaires. M. le député de Saint-Jacques. Vous avez trois minutes.

M. André Boulerice

M. Boulerice: De toute évidence, en trois minutes, je suis obligé de vous dire ce que j'ai dit au début de la commission. J'assiste à un deuxième vide ministériel. Le premier est celui du ministre responsable du Commerce extérieur qui, pour ce qui est des impacts de libre-échange ne semble pas avoir des chiffres qu'il soit capable d'aligner devant nous, et nous donner un portrait très clair là-dessus.

Le deuxième vide ministériel, celui-là j'en ai peut-être un petit peu plus l'accoutumance parce que je le côtoie régulièrement en Chambre, c'est le ministre responsable de la Protection du consommateur, qui, manifestement, n'a pas lu votre rapport et votre recommandation. Elle est très évidente ici. On dit: La création d'un conseil consultatif de consommateurs ayant des pouvoirs d'audiences publiques pouvant faire appel au comité intergouvernemental qui aura la mission de la mise en application des obligations du traité. Ce conseil travaillera en coordination, etc." Donc vous ne demandez pas un conseil consultatif comme il en existe au ministère de l'Immigration, d'ici l'an 3324, pour faire une caricature. C'est dans le cadre justement des

accords. Manifestement, le ministre ne l'a pas lu, et le ministre est ignorant de cette facette importante pour la protection du consommateur. Donc inévitablement, il est incapable de s'avancer puisqu'il y a ignorance du problème comme tel. (21 heures)

Le ministre n'a pas fait ses devoirs à ce sujet, M. le Président. Il me semble qu'un ministre qui a la responsabilité de la protection des consommateurs devrait être capable, aurait dû prévenir, parce que je pense qu'il vaut mieux faire de la prévention que de la guérison; aurait été capable, il me semble, d'apporter des choses quant à l'uniformisation des normes techniques de façon que cela ne se traduise pas par une diminution des garanties qui sont offertes aux consommateurs en termes d'information et en termes de protection parce qu'on a quand même ici des standards dont on est fier et qu'on aimerait bien conserver. Et on n'a absolument aucune garantie du maintien, actuellement dans ce que je lis, ce que je vois et ce que j'entends à l'égard du traité de libre-échange Canada-États-Unis. Alors, deuxième vide, M. le Président, en si peu de temps. Cela augure bien pour le restant de la soirée et de la journée de demain.

M. Herbert Marx

Le Président (M. Charbonneau, Verchères):

Merci, M. le député de Saint-Jacques.

M. le ministre responsable de la Protection du consommateur.

M. Marx: M. le Président, quand le député de Saint-Jacques a pris la parole, j'ai pensé qu'il était pour me féliciter pour avoir mis en vigueur la protection sur l'immobilier vis-à-vis le...

M. Boulerice:...

Le Président (M. Charbonneau, Verchères):

À l'ordre! À l'ordre, s'il vous plaît! Je demanderais à tout le monde...

À l'ordre! Jusqu'à maintenant, cela va bien. Si on veut rester sur la lancée de ce matin et de cet après-midi, je voudrais que tout le monde s'en tienne à l'objet de la commission. M. le ministre, sur les problèmes qui nous préoccupent.

M. Marx: Oui, M. le Président, en résumé, premièrement, les impacts sont positifs sur le consommateur. Les impacts de libre-échange sont positifs sur le consommateur. Deuxièmement, en ce qui concerne la protection des consommateurs, celle-ci n'est pas affectée par l'entente sur le libre-échange. Nous avons une des meilleures lois sur la protection des consommateurs en Amérique du Nord, avec une excellente administration de cette loi par l'Office de la protection du consommateur. Donc, je pense qu'en général, l'entente de libre-échange va bénéficier davantage aux consommateurs.

Impact de l'accord sur les programmes sociaux

Le Président (M. Charbonneau, Verchères):

Sur cette dernière réponse, nous allons maintenant passer à l'autre thème qui est l'impact de l'accord de libre-échange sur les programmes sociaux du Québec. J'inviterais ceux qui doivent prendre la parole à s'approcher de la table maintenant.

Comme dans le cas du dossier sur la consommation, nous avons malheureusement peu de temps après les remarques préliminaires. Il va n'y avoir qu'une vingtaine de minutes de débat général. On pourra toujours étendre un peu comme on vient de le faire, mais pas énormément.

Alors, je vais d'abord céder la pétrole au porte-parole gouvernemental, M. le ministre de l'Éducation. M. le ministre, en vous rappelant que vous avez cinq minutes. Je sais que lorsque vous partez, vous êtes difficile à arrêter, mais je vais le faire néanmoins, je vous le jure.

Remarques préliminaires M. Claude Ryan

M. Ryan: M. le Président, je vais essayer de parler plus vite que d'ordinaire en ayant l'espoir que je serai quand même compris. La cause est tellement claire que je n'ai pas d'inquiétude.

Le gouvernement du Québec s'était engagé au début de cette opération qui conduit à l'Accord de libre-échange avec les États-Unis à travailler de manière à assurer le maintien de l'intégralité des lois, des programmes et des politiques qui, dans le domaine social de même que dans celui des affaires culturelles, de la langue et des communications, contribue au caractère distinctif de la société québécoise. Cette préoccupation était d'autant plus importante qu'au chapitre des politiques sociales, le Canada et le Québec en particulier se distingue historiquement des Eïtats-Unis à bien des points de vue. Nos politiques sociales sont plus élaborées en général que celles des États-Unis. Elles sont inspirées souvent d'expériences puisées dans d'autres pays, plus souvent encore de notre propre philosophie de la vie, de notre propre histoire. Il était normal qu'à la veille de ces négociations sur le libre-échange, nous veillions de manière particulière à assurer la liberté du Canada et du Québec, en particulier en ces matières.

On peut parler de l'impact de l'Accord de libre-échange sur les politiques sociales sous deux aspects différents: l'impact direct et l'impact indirect. Au point de vue de l'impact direct, mes remarques seront les suivantes. Tout d'abord, je pense qu'on peut affirmer que l'accord ne s'applique qu'aux objectifs expressé-

ment mentionnés dans le texte de l'accord, c'est-à-dire les échanges de biens et de services entre les deux pays. Il n'est nullement mention, dans le texte de l'accord, des politiques sociales de chaque pays. Par conséquent, on peut en inférer tout à fait logiquement que les politiques sociales ne sont point affectées directement par l'accord sur le libre-échange. En plus, dans le texte de l'accord, on trouve des dispositions de caractère général qui confirment implicitement la liberté des gouvernements canadiens en matière de politique sociale. En particulier, dès le préambule, il est dit que les parties ont convenu de travailler ensemble à réduire les distorsions commerciales découlant des actions des gouvernements, tout en laissant aux parties la latitude voulue pour protéger l'intérêt public. Alors sous cette affirmation on peut inclure tout le champ des politiques sociales. Finalement, les gouvernements des deux pays restent libres de déterminer leurs politiques fiscales, étant exclue, évidemment, la liberté de discriminer contre des citoyens de l'un ou l'autre des pays. Mais cela dit, la liberté de chaque pays en matière fiscale reste complète. Si le Québec veut accorder à ses contribuables telle ou telle forme d'exemption, par exemple, au chapitre des charges familiales, absolument rien dans l'accord du libre-échange n'empêche de le faire. S'il veut donner des allocations spéciales aux enfants, au troisième, au quatrième ou au cinquième enfant, comme on l'a fait dans le dernier discours sur le budget, absolument rien n'interdit au Québec de le faire. Il n'est pas question de cela dans l'Accord de libre-échange. Sur ce plan-ci, par conséquent, je ne pense pas qu'on puisse parler d'un impact direct de l'Accord de libre-échange sur les politiques sociales. Il y a un domaine très important qui est embrassé par l'accord, c'est tout celui des services professionnels. C'est une des grandes innovations de cet accord que l'importance qu'il attache à la liberté des échanges en matière de services professionnels. On embrasse, évidemment un champ qui relève directement de la compétence du ministre chargé de l'application des lois professionnelles. C'est évident que pour des professions comme la profession d'architecte, la profession d'ingénieur, la profession de comptable et pour beaucoup d'autres professions, on s'en ira vers une plus grande libéralisation des normes de reconnaissance professionnelle, des normes d'exercice, d'admission à la pratique, d'échanges de services d'un pays à l'autre, d'accès aux contrats, privés pour commencer et éventuellement publics dans une certaine mesure, à d'autres stades, je pense bien. Ce sera difficile d'éviter que des développements n'aillent de ce côté-là. Cela fait partie de l'accord. Cela entraîne des conséquences, mais chaque pays sera libre d'y aller graduellement. Cela commence par les architectes. Cela prendra des accords, qui ne sont pas encore mis au point. Ensuite, on passera à d'autres professions. C'est un processus qui sera long et qui peut avoir des effets bienfaisants d'un côté comme de l'autre. On remarquera que de ce côté-ci, toutes les professions qui se rattachent plus directement aux politiques ou aux programmes sociaux sont exclues. Toutes les professions de la santé sont exclues. Toutes les professions reliées à l'enseignement et à l'éducation sont exclues. Toutes les professions reliées à la gestion des affaires publiques, provinciales, municipales ou fédérales, sont exclues également. Cela en fait pas mal. Et les avocats et les notaires ne sont pas compris dans les professions qui sont couvertes par l'accord. En plus de toutes ces exclusions,...

Le Président (M. Charbonneau, Verchères):

En conclusion, M. le ministre.

M. Ryan: ...il y a des dispositions dans cette partie de l'accord qui prévoient que même pour les professions qui sont comprises, on pourra avoir des mesures spéciales, au titre de la prudence de gestion, au titre de la fiducie, au titre de la santé, de la sécurité et même de la protection du consommateur. Par conséquent, il y a beaucoup de marge pour la liberté et la responsabilité des gouvernements.

En ce qui touche l'impact indirect de l'accord, M. le Président...

Le Président (M. Charbonneau, Verchères):

Et vous terminez avec cela.

M. Ryan: ...je crois qu'il est très difficile à prédire.

Le Président (M. Charbonneau, Verchères):

Vous ne répondez pas, par exemple. Vous terminez avec cela.

M. Ryan: Si l'on adopte l'hypothèse négative que l'accord produira des fruits économiques mauvais pour le Québec et le Canada, c'est évident qu'il y aura des conséquences sur les programmes sociaux qu'il faudra quand même financier. Mais si c'était une hypothèse négative, le gouvernement ne serait pas entré dans la perspective de libre-échange. Nous avons opté pour l'hypothèse positive. Dans la mesure où notre hypothèse se réalise, il en résultera plus de richesses et plus de biens pour les particuliers, pour les entreprises, pour les gouvernements et, par conséquent, des possibilités plus grandes de développer davantage nos politiques sociales si tel est le voeu de la population. De ce côté-ci, en conséquence, je pense que les développements sont aussi intéressants dans une perspective que dans l'autre. Nous autres, nous optons pour la perspective de la plus grande liberté de communication. Nous croyons qu'il en découlera des fruits économiques qui permettront, comme nous sommes en train d'en faire la preuve au gouvernement, avec plus de prospérité, avec une activité économique qui marche mieux, c'est

plus facile d'avoir des politiques sociales généreuses. C'est plus facile que quand l'économie est dans un état de contraction lamentable, comme on l'a vu pendant quelques années. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Charbonneau, Verchères):

Sur cette note optimiste, M. le ministre, je vous remercie de votre intervention. Je vais maintenant céder la parole à Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Louise Harel

Mme Harel: M. le Président, est-ce que vous entendez, par équité, me donner un temps équivalent?

Le Président (M. Charbonneau, Verchères):

Vous allez avoir le même droit que le ministre. J'espère n'avoir pas plus de difficulté à vous arrêter que je n'en ai eu à l'arrêter.

Mme Harel: Vous savez combien les femmes sont plus respectueuses des règles du jeu.

Le Président (M. Charbonneau, Verchères):

Je ne veux pas faire du sexisme à l'envers non plus ce soir.

Mme Harel: Pourquoi pas, M. le Président?

Les tenants du libre-échange sont formels. Les régimes canadiens et québécois de sécurité sociale, comme l'assurance-maladie, l'assurance-chômage, l'aide sociale, les pensions et rentes publiques, l'assurance-santé et sécurité au travail et bien d'autres ne sont pas inclus dans l'accord. Bien qu'ils ne soient pas inclus dans l'accord, en sont-ils pour autant à l'abri? Si la plupart des études démontrent que le libre-échange se soldera par une création nette d'emplois, les mêmes études ne cachent pourtant pas qu'il y aura aussi des pertes d'emplois. Selon le Conseil économique du Canada, 17 groupes industriels sur 36 subiront une baisse nette de la production et de l'emploi. Le coût déjà élevé de la sécurité du revenu pour les sans-travail, soit 4 500 000 000 $ consacrés au Québec chaque année à l'assurance-chômage et à l'assistance sociale pour les aptes au travail, devrait continuer à progresser au fur et à mesure de l'aggravation des difficultés à trouver ou à garder un nouvel emploi, particulièrement pour des travailleurs et travailleuses âgées, les personnes qui ont un faible niveau de scolarité ou celles qui habitent de petites municipalités éloignées. En l'absence, comme c'est le cas présentement, d'une stratégie globale de développement social et d'une stratégie de plein emploi, la tentation sera très forte de réduire les coûts des régimes de sécurité du revenu, de couper la durée, le niveau, l'accessibilité aux prestations ou aux services et de culpabiliser les victimes.

La bonne fée de l'entente canado-américaine peut se tranformer en une très vilaine sorcière pour un très grand nombre de nos concitoyens. Cette profonde inquiétude est d'autant aggravée par le désengagement de l'actuel gouvernement à l'égard des chômeurs et chômeuses involontaires qui ont recours à l'aide sociale. Le projet de loi 37 qui est, au moment même où nous faisons cet échange, discuté et débattu au salon bleu, privatise la pauvreté en écartant ses causes économiques et sociales. Ne l'oublions pas, les nouveaux pauvres sont des gens qui auraient très bien pu s'en sortir à une autre époque. Comment, en l'absence de tout engagement ferme en ce sens, peut-on espérer que l'Accord de libre-échange vienne plutôt favoriser une stratégie de développement social qu'amener le gouvernement à y renoncer?

M. le Président, à l'instar de l'Association des hôpitaux du Québec, qui multiplie les avis en ce sens, on ne saurait assez insister sur l'impact des inégalités sociales également en matière de santé. Le projet gouvernemental de privatisation sous prétexte d'établir une saine concurrence entre certains établissements du système de santé ne modifiera en rien la donnée fondamentale de base, le défi majeur que le gouvernement refuse de relever, soit la promotion de la santé par la réduction des inégalités. Les coûts de la maladie sont élevés et les inégalités provoquent ces coûts. Pourtant de nombreuses études et des rapports récents reconnaissent l'incidence élevée des problèmes et des coûts de santé dans les populations socio-économiquement défavorisées. (21 h 15)

En matière de scolarisation, qu'attend ce gouvernement pour mener une nouvelle campagne vigoureuse de scolarisation et d'alphabétisation préalable à toute formation de la main-d'oeuvre? Nous aurons l'occasion longuement demain de discuter des programmes d'adaptation.

Si on considère qu'au Québec, un adulte sur deux n'a pas terminé les études secondaires et qu'un sur quatre a huit années et moins de scolarité, à six mois du traité, si nous voulons obtenir des résultats, il va falloir, M. le Président, se presser. Comme le soulignait à juste titre ce matin un éminent membre du présent débat, il est tout aussi vrai dans notre propre société qu'entre le fort et le faible, en ('absence de droits qui affranchissent, la liberté pourra opprimer. Je vous remercie.

Le Président (M. Charbonneau, Verchères): Merci, Mme la députée. M. Charbonneau pour la CEQ.

Coalition québécoise d'opposition au libre-échange

M. Yvon Charbonneau

M. Charbonneau (Yvon): M. le Président, j'ai entendu M. le ministre de l'Éducation dire que le gouvernement ou les gouvernements

allaient garder leur pleine capacité de légiférer en matière fiscale. U faudrait discuter aussi avec le professeur Rabeau qui, en conclusion de la conférence qu'il prononçait en janvier, disait que pour assurer la compétitivité des entreprises canadiennes, il y aurait une tendance à l'harmonisation de la fiscalité des entreprises avec celle des États-Unis. Et dans la mesure où le Canada voulait garder ses propres programmes sociaux en matière de dépenses publiques, il faudrait compter de plus en plus sur la taxation indirecte et, encore plus loin, à l'intégration entre les deux pays. Une intégration des deux économies limiterait les écarts de taxation entre les deux pays. Cela pourrait remettre en cause certains des programmes sociaux que les personnes ou les entreprises doivent supporter au Canada. Donc nous sommes face à un enjeu, un enjeu qui est à la fois d'ordre direct et indirect. C'est sûr que ce n'est pas mentionné dans le projet d'accord, mais il y a un enjeu social important. La coalition a étudié quatre domaines de protection sociale: l'aide aux familles, les régimes de retraite, les prestations de chômage et l'assurance-santé. Dans ces quatre domaines, nous avons constaté des écarts, vous les avez admis tout à l'heure, d'ailleurs, entre le Canada et les États-Unis. Il faudrait bien être très naïf pour ne pas comprendre qu'il va y avoir une dynamique économique qui va tendre à l'harmonisation parce que pour soutenir la concurrence, les entreprises ayant siège au Canada devront essayer d'avoir des coûts comparables à celles qui sont aux États-Unis et, finalement, essayer de limiter, soit les salaires, soit les avantages sociaux, enfin, essayer d'arriver aux prix courants sur le continent. Donc, c'est un enjeu extrêmement important et la coalition a invité Mme Madeleine Parent pour ajouter son témoignage. Mme Madeleine Parent a été syndicaliste pendant des décennies et est maintenant représentante du Comité canadien d'action sur le statut de la femme et représentante aussi de la Coalition Solidarité populaire du Québec.

Le Président (M. Charbonneau, Verchères): Mme Parent, sur le temps des remarques préliminaires, il vous reste à peu près deux minutes, trois minutes.

Mme Madeleine Parent

Mme Parent (Madeleine): M. le Président, si on songe à l'insistance du patronat sur l'harmonisation des conditions, il faut se rappeler qu'aux États-Unis le droit à la syndicalisation est bien inférieur et beaucoup moins protégé que ce que nous avons ici. Au fait, le pourcentage de syndiqués aux États-Unis est de moitié du pourcentage de syndiqués au Canada. En plus, il faut se rappeler que les normes de travail et le salaire minimum dans beaucoup d'États des États-Unis sont bien inférieures. Certains États n'ont même pas de salaire minimum du tout.

Quand on songe à l'assurance-santé, c'est un plan universel gratuit que nous avons ici au Canada, qui est énormément supérieur à ce qui se passe aux États-Unis. Et il est sûr, quand on parle d'harmoniser les conditions et c'est ce qu'on essaie de faire, on est en train de le faire, que nos programmes sociaux, notre programme d'assurance-santé et les autres sont menacés dans le contexte du libre-échange. M. Wilson à Ottawa a déjà essayé de désindexer nos pensions de vieillesse. C'était de nous ramener un peu plus au niveau très inférieur qui existe aux États-Unis. M. Forget de la Commmission royale d'enquête a essayé de couper de façon drastique dans les prestations d'assurance-chômage; il n'a pas réussi, mais c'était encore une tentative de nous amener un peu plus en harmonie avec ce qui se passe aux États-Unis. Je dois dire malheureusement que le projet de loi de M. Paradis ne prévoit pas qu'il y aura plus d'emplois ici au Québec; il prévoit qu'il y en aura moins et, dans ce contexte, il essaie de couper dans les allocations qu'obtiennent les assistés sociaux. Alors, on essaie déjà dans nos gouvernements à Québec et à Ottawa de réduire les conditions sociales et les avantages sociaux que nous avons.

J'aimerais demander au ministre: Qu'est-ce qu'il propose de faire dans le cas où une compagnie américaine de gestion aurait la gestion d'hôpitaux ou de centres d'accueil au Québec et considérerait que ce sont des subventions déloyales quand vous donnez des subventions supérieures à d'autres hôpitaux qui ont des responsabilités et des besoins plus considérables? Il me semble, pour ma part, que ces compagnies privées de gestion qui auront le droit de venir au Québec injecteront dans nos concepts d'administration de nos hôpitaux et de nos maisons de santé le concept du profit qui amènera une augmentation du "contractage". Cela voudra dire qu'il n'y aura plus d'emplois précaires, plus d'emplois qui paieront moins et moins d'emplois à temps plein plus sécuritaires pour les travailleurs et les travailleuses dans les services de santé. Alors, qu'est-ce que le ministre propose de faire si on accuse le Québec de subventions déloyales et à la faveur du projet de loi C-130 à Ottawa où le gouvernement fédéral se donne le droit de rendre caduque l'application de tout droit provincial qui viendrait en conflit avec l'exécution du libre-échange?

Le Président (M. Charbonneau, Verchères): Mme Parent, je ne donnerai pas la parole immédiatement au ministre qui pourra cogiter sa réponse. Je vais plutôt donner la parole à M. Landry pour terminer les remarques préliminaires.

Regroupement pour le libre-échange M. Bernard Landry

M. Landry: M. le Président, ce que nous discutons dans ce bloc est à ce point important

que si on m'avait convaincu que nos programmes sociaux étaient menacés directement ou indirectement, j'aurais révisé radicalement ma position sur le libre-échange. La croissance économique, je le redis, n'est pas une fin en soi et le succès pour une société, c'est plus la justice que la richesse d'un petit nombre et la pauvreté d'un grand nombre. Par conséquent, j'ai réfléchi personnellement assez profondément à ça, et je vais essayer en six petits points rapides de vous donner mon opinion.

Premièrement, et je pense qu'il y a un quasi-consensus autour de la table, directement les programmes ne sont pratiquement pas menacés ou touchés par le traité; ils ne sont pratiquement pas inclus. Il y a peut-être une petite amélioration directe du statu quo que le ministre n'a pas mentionnée et qui est la suivante: c'est qu'un de nos programmes sociaux a été attaqué dans le statu quo avant le libre-échange et quatre ans avant le libre-échange, quand les Américains ont assimilé assurance-chômage et subvention indue à la pêche maritime, sauf qu'ils ont retiré leur droit compensateur, fort heureusement. Cela illustre que le libre-échange améliore légèrement notre position pour protéger nos programmes sociaux puisque maintenant on n'aura pas les diktats unilatéraux de la International Trade Commission de Washington.

Sur le plan direct, je pense que les effets ne sont pas très importants, sauf que les interlocuteurs les plus sérieux parlent de glissements indirects, c'est ce qui leur fait peur. Je vais essayer de parler un peu de ces glissements et vous dire pourquoi, à mon avis, ils n'arriveront pas. Ils n'arriveront pas parce qu'ils me semblent absurdes. Et pourquoi? Parce que le Canada et le Québec se sont donné depuis une trentaine d'années des institutions de santé qui sont incommensurablement supérieures aux institutions américaines, parce qu'universelles, parce que justes, parce que réparties sur le territoire et, en plus, moins coûteuses. Aux États-Unis, il y a un énorme système de santé qui est monstrueusement gros et ramifié avec du public, du privé, du municipal, du religieux. Cela ressemble un peu à ce que le Québec avait il y a 30 ans, et cela coûte deux, trois points de pourcentage de produit national brut de plus pour faire marcher cela. Le système américain est au bord du point de rupture, à tel point que le principal candidat présidentiel, investi de l'investiture démocrate, M. Dukakis, veut importer le système canadien aux États-Unis. Puis il est en avance dans les sondages sur tous ses rivaux, pour une raison bien simple: qui, dans cette salle, des patrons, des syndiqués, des gouvernants, voudrait se lever et dire à la population du Québec: Nous réclamons un système qui marche mal, qui coûte plus cher? Il ne peut pas y avoir de glissement. Ce serait une absurdité.

Le gouvernement conservateur a essayé d'enlever le supplément de revenus. Cela a duré trois jours comme tentative. Il y a eu six autobus de ville de Laval et un certain nombre d'ailleurs, puis cela a fini "dret" là. Les programmes sociaux, dans une société comme la nôtre, c'est inscrit profondément au coeur de nos populations.

Donc, à mon avis, s'il y a un glissement, il va être "the other way around", comme on dit, et il n'y aura pas une telle détérioration. Les exemples étrangers, qui des fois sont fatigants, on en a employé beaucoup aujourd'hui, mais permettez-moi d'en resservir encore quelques-uns sans en abuser. On l'a bien vu, la Suède, qui consacre 33% de son PNB à ses programmes sociaux (les programmes sociaux les plus avancés du monde), fonde sa stratégie, depuis 30 ans, sur le libre-échange et la social démocratie, et réussit à être riche et juste en même temps. Si les Suédois, petit peuple ingénieux, ont pu réussir cela, qu'est-ce qui nous empêche de le faire, nous? Je dirais plus que cela. Le glissement est tellement: invraisemblable qu'à l'intérieur des États-Unis d'Amérique, un pays qui a fêté deux siècles d'existence, ils n'ont pas réussi à avoir un système harmonisé. Et les États progressistes de la Nouvelle-Angleterre, nos voisins, incluant New York et le New Jersey aussi, mais sûrement le Massachusetts et sûrement le Rhode Island, ont des systèmes, tout pris en compte, qui ressemblent à peu près au nôtre. Ils ont à peu près le niveau de protection sociale que se donne le Québec, qui est la partie la plus avancée du Canada sur ce point. Puis, dans le même pays mais à l'autre bout, au Texas, ils sont avant le déluge en ces matières. Alors, il faudrait qu'on nous explique pourquoi un modeste accord de libre-échange provoquerait des glissements que la puissante fédération américaine, qui marche depuis deux siècles, n'a pas provoqués. Je pense que c'est presque absurde de prétendre cela.

Qu'est-ce qui va maintenir nos programmes sociaux ici? Deux choses: la volonté politique des gouvernements et celle des gens qui les élisent. Le traité de libre-échange ne nous mettrait pas à l'abri d'un retour réactionnaire de gouvernements d'extrême droite qui tenteraient d'abolir cela. Mais dans une démocratie, c'est le peuple qui les aura mis là. Cela serait catastrophique, mais cela ne dépendrait pas du libre-échange.

Quel est le deuxième facteur qui peut nous permettre de maintenir nos programmes sociaux et de les augmenter? La prospérité. On a les programmes sociaux qu'on a les moyens de se donner. Et, comme les zones de libre-échange partout ont engendré la prospérité, celle-ci devrait, non pas menacer nos programmes sociaux, mais nous aider à les consolider et à les étendre.

Discussion générale

Le Président (M. Charbonneau, Verchères):

Alors, cette réponse, en fait, ce dernier commentaire met fin à la période des déclarations

préliminaires. Maintenant, on va engager le débat. J'ai, sur la liste, Mme Fecteau, M. Larose, M. Charbonneau, Mme la députée de Maisonneuve et M. Bertrand. Alors, je vais commencer par Mme Fecteau qui a attendu longtemps cet après-midi pour avoir son droit de parole.

Mme Fecteau: Là, je suis la première.

Le Président (M. Charbonneau, Verchères):

Là, vous allez être la première.

Mme Fecteau: Ha, ha! Seulement pour répondre aux propos de madame, quant au patronat qui réclamait l'harmonisation. C'est vrai qu'on réclamait l'harmonisation, mais pas pour n'importe quoi. On réclamait l'harmonisation pour les politiques fiscales, en matière d'encouragements fiscaux relatifs à la recherche et au développement, en matière d'encouragements touchant l'amortissement, au niveau de l'abaissement des taux d'imposition pour les particuliers. Cela dit, nous croyons que le libre-échange va permettre l'amélioration de la productivité de nos entreprises et de continuer à se payer des programmes sociaux et des mesures sociales de qualité.

Cela ne veut pas dire qu'on ne puisse pas remettre en question une politique en matière de sécurité sociale, par exemple, si cette politique ne va plus. Remettre en cause une politique, cela ne veut pas dire pour autant qu'il nous faut réduire à la baisse les avantages que ceux-ci nous procuraient avant. Alors, tout simplement, je voulais corriger les prétentions qu'aurait pu avoir le patronat vis-à-vis de l'harmonisation. (21 h 30)

Le Président (M. Charbonneau, Verchères): Avant de vous céder la parole, Mme Blanchette, j'avais reconnu M. Larose mais, auparavant, je voulais demander au ministre de l'Éducation s'il avait, à ce moment-ci, la réponse à la question que Mme Blanchette lui a posée à la fin de son intervention.

Une voix: Mme Parent.

Le Président (M. Charbonneau, Verchères):

Mme Parent, je m'excuse madame. Je ne sais pas pourquoi.

M. Ryan: Je vois que le président est jeune, il n'a pas vécu une partie de l'histoire sociale du Québec.

Le Président (M. Charbonneau, Verchères):

Ah! qu'est-ce que vous voulez! Heureusement que j'ai appris mon métier avec vous, M. Ryan.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Ryan: Brièvement, M. le Président, il est vrai qu'en vertu de l'Accord de libre-échange, comme je le lis, il pourrait arriver qu'une firme américaine qui se spécialise dans la gestion d'un hôpital vienne s'installer au Québec et assume la gestion d'un hôpital que j'imaginerais privé, parce qu'on ne conçoit pas un hôpital public confiant sa gestion à une firme privée. Il deviendrait privé, s'il faisait une chose comme celle-là. On ne peut pas concevoir qu'une commission scolaire devienne privée, c'est contradictoire dans les termes. C'est pour cela que les commissions scolaires sont fortement opposées à l'enseignement privé en général. Mais supposez que ce sort par conséquent l'hypothèse que je fais, l'autre étant irréelle, cette firme devrait se soumettre à toutes les législations du Québec en matière de relations du travail, par exemple. Ce n'est pas le Code américain ou le Code de l'État de New York qui s'appliquerait à son activité au Québec, c'est le Code du travail du Québec, comme pour n'importe quel autre employeur québécois.

Deuxièmement, elle ne pourrait pas porter une accusation de concurrence déloyale, pour la raison que vous donnez, parce que le gouvernement donnerait plus, par exemple, aux hôpitaux publics, parce que cela ce sont des choses qui se passent à l'intérieur du Québec, sur lesquelles le gouvernement du Québec conserve entière juridiction, nonobstant des termes de l'accord. On ne fait pas d'exportation de ces services. Par conséquent, je ne vois pas que ce cas s'applique. Je ne pense pas que ce soit un exemple pertinent.

Le Président (M. Charbonneau, Verchères): M. Larose, est-ce que vous permettez à Mme Parent de poursuivre? Allez-y donc, Madame.

Mme Parent: II y a deux choses. Pour répondre à Mme Fecteau d'abord, je me rappelle très bien que des organisations patronales demandent que la loi "anti-scabs" soit abolie pour leur faciliter le travail et ces associations patronales demandent aussi que notre loi sur la compensation accidents et maladies du travail soit amendée de façon que les frais soient moins élevés pour les patrons et je dis que cela, c'est dans le sens de niveler avec ce qui se passe aux États-Unis.

Sur la gestion des hôpitaux, M. le ministre, selon l'article 14.08 de l'accord, on permet la gestion privée des hôpitaux. Je dois dire qu'il y a des compagnies de gestion, des compagnies privées américaines qui travaillent très fort en Alberta actuellement pour avoir la gestion d'hôpitaux publics dès que l'Accord de libre-échange sera ratifié. Alors, je ne crois pas que cela soit impossible. À la lumière du "bill", à Ottawa, de M. Crosbie, le C-130, l'article 9 dit que si le cabinet, avec la gouverneure générale, trouve qu'une province agit d'une façon qui vient en conflit avec l'Accord de libre-échange, le cabinet adoptera un règlement qui ne permettra pas l'application de la loi provinciale.

Le Président (M. Charbonneau, Verchères):

Merci Mme Parent. Est-ce que cela va? Il n'y a pas de réponse. Alors, M. Larose.

M. Larose: J'ai une capacité d'entendre très grande mais j'avoue que mon ami Landry exagère quelque peu. On est dans la politique-fiction mur à mur quand on nous dit que l'Accord de libre-échange va exercer une pression mécanique qui va faire que les États-Unis vont s'ajuster au Canada dans le domaine de la santé. Ou bien donc, il ne voyage plus...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Larose: ...ou bien il a sauté quelques frontières, mais je rappellerai que le régime de santé aux États-Unis est le régime qui gaspille le plus. Mais le problème, ce n'est pas de gaspiller ou de ne pas gaspiller, c'est de faire de l'argent. Alors, si on peut faire de l'argent en gaspillant, est-ce que je peux vous dire qu'il y en a quelques-uns qui sont intéressés? Vous pensez que le système américain va se modifier avec l'accord des médecins, sans grève des médecins, sans grève des spécialistes, sans grève des avocats, sans grève des compagnies d'assurances? Tout le monde se graisse dans le régime anarchique, chaotique, coûteux, américain. Ceux qui paient, c'est la population; 15 % de la population est sans protection, les autres le sont de façon inégale. Voyons donc! Essayez de faire accroire qu'automatiquement Dukakis, qui reprend une vieille idée... Kennedy est venu se traîner les savates ici plusieurs fois, y compris dans mon CLSC applaudissant le régime québécois. Bien oui, mais ce n'est pas le premier et ce n'est pas le dernier, et Dukakis va en parler aussi. Le problème c'est que cela va accoucher lorsqu'il va y avoir un mouvement social pour le faire accoucher, comme cela a accouché ici au Québec, avec la grève des omnipraticiens, avec tous les troubles d'octobre pris là-dedans. Vous vous rappelez un peu les événements. Tout cela est arrivé par un mouvement social. Ce n'est pas le petit accord, ou le gros accord de libre-échange qui va "timer" tout le monde sur la même "track". Et voilà que le peuple américain va être ajusté à l'ère québécoise! C'est de la politique-fiction. Je pourrais parler de la Suède. Si la Suède a grandi dans le libre-échange, moi je recommence à lire, il faudrait que je lise dans le texte en plus, parce que ce n'est pas vrai. La Suède s'est construite par un rapport interne impliquant tous les partenaires, d'abord les patrons, les syndicats et les politiciens, et en contrôlant très bien qui venait chez eux pour faire quoi, et à leurs conditions. Ce n'est pas tout à fait ce que l'accord nous propose. C'est la libre loi du marché que cet accord. Ce sont des rapports de forces du marché; ce n'est pas l'interventionnisme de l'État et ce n'est surtout pas de la concertation sociale.

Le Président (M. Charbonneau, Verchères):

Je suis convaincu qu'il y a quelqu'un qui va vous répliquer. M. Landry.

M. Landry: Oui, c'est dans l'emportement sans doute, mais le président de la CSN travestit mes paroles. Je ne prétends pas que cet Accord de libre-échange va provoquer un changement social aux États-Unis. Si un changement social arrive aux États-Unis, c'est parce que leur système n'est plus vivable et que c'est un système de gaspillage où simplement les poursuites dont sont victimes les médecins les amènent à payer une fraction monstrueuse de leur salaire en assurance-responsabilités. Cela n'a rien à voir avec le libre-échange et ne me prêtez pas des paroles que je n'ai pas employées. M. Dukakis, candidat à la présidence des États-Unis, fait campagne pour un programme qui ressemble au nôtre tout simplement parce que le leur n'est plus vivable.

Revenons à la question suédoise. J'ai dit, et je redis, que la Suède a fondé son spectaculaire développement, qui lui permet d'avoir les plus hautes dépenses sociales de la planète et de garder sa prospérité, sur la liberté du commerce avec ses voisins. Elle est membre, je vous l'ai dit, de l'Association européenne de libre-échange, qui n'est pas un petit accord sectoriel, comme vous l'avez laissé entendre ce matin. C'est un accord universel qui comporte deux exclusions: l'agriculture et la pêche. Ce qui me permet de dire, comme je l'ai dit ce matin, que les camarades travailleurs de Volvo ont de gros salaires et de grosses mesures sociales, parce qu'ils peuvent vendre les Volvos à 355 000 000 de consommateurs solvables. Et il y a un autre facteur effectivement qui a fait de la Suède ce qu'elle est: des gouvernements courageux, lucides, clairvoyants. Il paraît que même les conservateurs par là sont plus progressistes que nos progressistes d'ici. C'est vrai, c'est la tradition nationale suédoise, et cela rejoint ce que je vous ai dit de la volonté politique. Le Québec restera une société avancée et une société conviviale tant qu'il aura les moyens de se payer des programmes et qu'il élira des gouvernements qui ont cet impératif en tête.

Le Président (M. Charbonneau, Verchères):

Mme la députée de Maisonneuve et après M. Charbonneau.

Mme Harel: Merci, M. le Président. J'aimerais bien partager cet optimisme inconditionnel que certains affichent, mais la vision que j'ai du Québec actuel n'est pas tout à fait celle d'une société conviviale. Et je m'en réfère aux études récentes et importantes du Conseil des affaires sociales et de la famille qui démontraient que, malheureusement, il faut constater qu'en 1988, le Québec était coupé en deux. Qu'il y avait d'un côté un Québec de communautés rurales, périphériques, mais aussi de quartiers

défavorisés de grandes villes, un Québec qui fait presque 40 %, et qui est en voie de sous-développement. Un Québec qui est en voie de sous-développement et de désintégration à la fois démographique, économique et sociale. Et de l'autre côté, un Québec qui est en pleine croissance économique, pour qui les choses n'ont jamais aussi bien été. Et c'est comme dos à dos des réalités qui se neutralisent, parce que chacune d'entre elles, avec raison, se prétendant la meilleure. Ceux et celles des Québécois qui pensent que cela n'a jamais été aussi bien et ceux et celles des Québécois qui pensent que cela n'a jamais été aussi mal - et c'est vrai. Dans ce contexte, l'Accord de libre-échange n'est pas neutre. Il vient ou il ne vient pas aggraver cette réalité ou alors il la désamorce. Quels sont les engagements de la part du gouvernement qui va ratifier ou qui va entériner la ratification canadienne de l'accord? Quels sont à six mois du traité les engagements que les mesures, les correctifs, l'ensemble des interventions seront faits vigoureusement pour tenter de faire ce que vingt ans de programmes sociaux n'ont pas réalisé?

Alors, ma question, M. le Président, s'adresse au ministre de l'Éducation qui représente ce soir en l'occurrence le gouvernement sur cette question des programmes sociaux. Comment expliquer cela autrement que par la volonté de réduire les coûts des programmes de transferts, les coûts associés aux dépenses publiques à l'égard des personnes dites aptes au travail qui ont épuisé leurs prestations d'assurance-chômage et qui, de ce fait, sont maintenant à l'aide sociale comme sous une forme d'assistance chômage? Comment expliquer cette volonté comme quasi irrémédiable du gouvernement de réduire les prestations des 170 000 ménages qui sont des chômeurs involontaires plutôt que d'offrir de façon énergique et vigoureuse des programmes qui leur permettraient une véritable réintégration à l'emploi?

Le Président (M. Charbonneau, Verchères):

M. le ministre.

M. Ryan: Je ne sais pas quel est le rôle de la présidence, mais il me semble que la pertinence de la question prête au doute.

Le Président (M. Charbonneau, Verchères):

Je pense que le président n'a pas à choisir les questions. Je pense que vous n'êtes pas obligé de répondre à la question, mais la députée de Maisonneuve avait la latitude d'intervenir dans le sens où elle le souhaitait. Alors, M. le ministre.

M. Ryan: Je croyais qu'on... Excusez-moi.

Mme Harel: Puis-je préciser ma question au ministre?

M. Ryan: Oui.

Le Président (M. Charbonneau, Verchères):

Alors, vous...

M. Ryan: Le lien avec le libre-échange.

Mme Harel: II a lui-même fait un débat sur les professions et cela ne me semblait pas devoir être discuté dans le cadre de cette discussion sur les programmes sociaux. Je pense que la discussion qui est pertinente présentement est la suivante: nos programmes sont-ils à l'abri? Est-ce qu'il n'y aura pas une pression très forte, à cause de l'augmentation des coûts des programmes de transferts de revenu, une pression et une tentation très fortes de la part du gouvernement pour réduire les dépenses publiques? Est-ce qu'on n'a pas déjà malheureusement un précédent avec ce qui est devant nous présentement?

Le Président (M. Charbonneau, Verchères):

Dans ce sens, M. le ministre.

M. Ryan: Là, je vois plus la pertinence de la question. C'est plus clair. Je voudrais répondre à cela par un fait général. Depuis la fin de la dernière guerre mondiale, les échanges économiques entre le Canada et les États-Unis n'ont cessé de croître et en même temps la différence dans les politiques sociales qui caractérisent les deux pays s'est également accentuée. Si le raisonnement qui sous-tend votre inquiétude était fondé, le mouvement aurait dû être en sens inverse. Les politiques sociales se seraient rapprochées sans cesse sous la pression des investisseurs américains qui dirigeaient des entreprises ici et de ce flux d'échanges sans cesse accru qui s'est produit. Ce n'est pas cela qui est arrivé.

Le Canada est une réalité politique de type différent et le Québec également. On pourrait discuter longtemps sur l'origine de l'assurance-maladie. M. Larose l'attribuait à l'agitation sociale qui s'est produite au Québec. Cela a commence en Saskatchewan, l'assurance-maladie au Canada. C'est une idée qui est née dans l'après-guerre. C'est vraiment une idée canadienne, pas seulement québécoise. Nous l'avons adaptée à notre manière à nous, tant mieux, mais c'est vraiment un des fruits de l'expérience politique économico-sociale canadienne.

Je pense qu'ici, il s'agit que la volonté politique se maintienne. Encore une fois, nous pourrons avoir en matière de politique d'habitation, de politique d'aide financière aux étudiants, de politique d'aide aux familles, d'appui à la natalité, de protection de la vieillesse, de régimes de retraite, des choses qui nous caractériseront et qui seront, évidemment, qui devront être à la mesure de nos moyens sans quoi nous transmettrons des obligations à nos descendants qui seront excessives.

Le Président (M. Charbonneau, Verchères):

Sur la même question, M. Ducros, si vous voulez

ajouter un...

M. Ducros: Je vais faire peut-être une réponse à Mme Harel sur cette question du Québec divisé en deux: d'un côté, la pauvreté et, de l'autre côté, le groupe économiquement fort. Je ne peux pas parler au niveau politique ni au niveau des grandes politiques sociales, sauf que je voyage beaucoup. M. Larose, je m'excuse, je ne saute pas par-dessus les frontières. Je voyage beaucoup. (21 h 45)

J'ai été à San Francisco la semaine dernière. Vous vous promenez sur Market Street à San Francisco et là, vous voyez un clivage énorme entre deux sociétés: la société noire qui couche en plein milieu de la rue et la société blanche qui est réellement extrêmement riche. Quand vous allez à Washington, et j'y étais il y a trois semaines, vous ne pouvez pas aller à plus de deux ou trois rues des grands hôtels, parce que vous tombez dans ces problèmes-là, des problèmes sociaux absolument énormes. Je suis convaincu de ce que M. Landry disait tout à l'heure, que les programmes sociaux américains sont arrivés au bout et qu'ils vont devoir être changés. On va probablement les rapprocher beaucoup plus et, là, il y a la présence de M. Dukakis qui a, évidemment, beaucoup d'intentions dans cette direction.

J'aimerais ajouter un autre point sur l'éducation. Moi, cela me coûte plus cher d'engager des gens de même niveau aux États-Unis qu'au Canada, à cause des programmes sociaux. L'un de ces programmes, je viens d'engager, le 23 septembre de l'an dernier, mon président américain. Celui-ci a trois enfants à l'université et cela lui coûte 60 000 $ américains pour faire éduquer ses trois enfants. Je suis obligé d'augmenter mes salaires pour ces programmes sociaux-là.

Le Président (M. Charbonneau, Verchères):

Alors, il ne reste pas grand temps. J'ai M. Charbonneau du côté des gens qui s'opposent et de l'autre côté, des gens du regroupement, j'ai M. Bertrand, M. Rabeau et M. Landry. Je vais d'abord permettre à M. Charbonneau de poser sa question. Si jamais cela s'adresse au gouvernement, je donnerai un droit de réplique. En tout cas, je vais essayer d'équilibrer, mais je ne prendrai plus d'autres intervenants que ceux que je viens d'indiquer, outre peut-être les gens de la partie gouvernementale pour répondre à une question ou à une autre qui leur serait spécifiquement adressée. M. Charbonneau.

M. Charbonneau (Yvon): M. le Président, j'aurais quelques observations et ensuite une ou deux questions à l'endroit du ministre. Observations à l'égard des personnes qui nous servent abondamment l'exemple de la Suède. Il s'agit d'une société qui s'est construite selon un modèle de social-démocratie avancée dont on n'a pas de traces ici. On a quelques éléments qui pourraient le faire penser à des gens, mais en réalité le système suédois est bien différent et bien plus ancien. Il me semble que l'exemple ne peut pas être servi, lorsqu'on met en comparaison ou en parallèle la société canadienne et la société américaine, ou les sociétés québécoise, canadienne et américaine. Il y a tellement de disproportions dans tout cela que l'exemple ne peut pas nous éclairer beaucoup.

Pendant le débat de la journée, lorsqu'on s'aventurait pas mal sur le terrain économique, les tenants de l'Accord de libre-échange, à certains moments, nous ont dit: Pourquoi vous alarmez-vous? Au fond, cela ne changera pas grand-chose. Déjà, à 80 %, tout est ouvert, tout est libéralisé. Cela va à peine confirmer, créer des institutions pour "normer" le tout, normaliser le tout. D'un autre côté, on vient nous dire dans un élan de foi que la prospérité qui naîtra de cet accord de libre-échange va permettre le maintien des régimes sociaux, meilleurs au Canada qu'aux États-Unis, et va même entraîner une amélioration, un mouvement à l'amélioration des régimes sociaux aux États-Unis. Ce n'était pas grand-chose quand on parlait du plan économique et voilà que au plan social, cela va avoir des retombées décuplées, centuplées. Je ne comprends pas tellement pourquoi on nous sert ces arguments-là, d'autant plus que ces arguments s'ajoutent plutôt aux nôtres. Ce que la fédération américaine n'a pas réussi à faire en termes d'amélioration ou d'harmonisation entre, par exemple, certains États du Nord et le Texas, ce qu'elle n'a pas réussi à faire après un siècle, la fédération américaine, pardon deux siècles, pourquoi cela se produirait-il sous l'Impact de la prospérité retrouvée après un accord qui, somme toute, porte à la marge d'après les arguments entendus aujourd'hui? Il me semble qu'il y a moyen de discuter de manière plus systématique de la question.

Je voudrais poser une couple de questions au ministre de l'Éducation.

Le Président (M. Charbonneau, Verchères):

Pas trop, M. Charbonneau, pas une couple.

M. Charbonneau (Yvon): Je n'ai pas abusé aujourd'hui.

Le Président (M. Charbonneau, Verchères):

Non, mais je comprends.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Charbonneau (Yvon): Si vous n'êtes pas équipés pour veiller tard, nous, nous le sommes.

Le Président (M. Charbonneau, Verchères):

Non, mais je suis équipé pour essayer de faire respecter un peu l'entente qu'on a eue. Allez-y!

M. Charbonneau (Y von): D'accord. Je voudrais poser une ou deux questions au ministre de l'Éducation qui est en même temps ministre de l'Enseignement supérieur et de la Science et ministre responsable des professions partir de l'article 1403 de l'accord et du projet de loi C-130. Il est question de l'autorisation d'exercer et de la reconnaissance professionnelle. M. le ministre en a parlé dans son intervention préliminaire et il nous a renvoyés à une annexe sectorielle, si je comprends bien, qui semble limiter la question surtout à la profession d'architecte. Je voudrais demander au ministre de bien lire et de commenter devant nous l'article 1405 qui dit: "Les parties s'efforceront d'étendre les obligations du présent chapitre. Les parties passeront périodiquement en revue les dispositions du présent chapitre et se consulteront à leur sujet, dans le but d'inclure de nouveaux services ou pour identifier de nouvelles occasions d'élargir l'accès à leurs marchés de services respectifs." L'intention du législateur est extrêmement claire ici, elle veut associer le Canada et les provinces, du champ de leur compétence, à une démarche d'extension, d'approfondissement de ces échanges de professionnels et de services professionnels. Jusqu'où cela peut-il aller? Pou-vez-vous commenter cet article 1405?

Je vais aller à l'article 1408 où l'on définit "service visé".: "service visé s'entend d'un service figurant dans la liste jointe à l'annexe 1408 et décrit pour référence dans cette annexe." L'annexe 1408, M. le Président, on ne va pas la lire au complet, elle a plus de deux pages. Elle comporte des inscriptions comme suit: services commerciaux de cours par correspondance, services professionnels, notamment - et là, il y a sept ou huit professions, dont services de bibliothécaires, services de consultation, etc. -services de formation, services commerciaux de recherche en économie en sociologie; en statistique et en pédagogie.

Le Président (M. Charbonneau, Verchères):

M. Charbonneau, le ministre a devant lui l'article, alors ce n'est pas nécessaire de le lire.

M. Charbonneau (Y von): J'ai terminé ma citation et je fais remarquer que ces sujets portent en grande partie sur la formation et l'éducation.

Le Président (M. Charbonneau, Verchères):

Je pense que...

M. Charbonneau (Yvon): Permettez-moi de terminer en revenant à ceci. Il y a une liste jointe à cette annexe 1408 qui n'existe pas ici dans le document. Je voudrais demander au ministre s'il dispose de cette liste jointe à l'annexe, mais qui n'est pas entre nos mains ici...

M. Ryan: Nous l'avons.

M. Charbonneau (Yvon): ...et que comporte cette liste comme champ de couverture.

Le Président (M. Charbonneau, Verchères): M. le ministre.

M. Ryan: M. le Président, nous avons la liste. Je la passerai volontiers à M. Charbonneau à l'issue de la discussion que nous avons. J'ai bien mentionné tantôt que l'accord qui est entamé avec les architectes devrait être recherché ensuite dans d'autres professions. Je l'ai dit formellement. Cela fait partie de l'accord de libre-échange, en particulier, les professions suivantes: services de génie et d'arpentage, services de comptabilité et de vérification, services d'agrologie, services scientifiques et techniques, services de consultants en administration, services de bibliothécaires, services de consultation en agriculture... Il y en a quelques autres aussi. Vous avez parlé de services de formation. Vous avez peut-être oublié le titre de cette section, c'est services commerciaux de formation. Je vous passerai le texte que j'ai ici, cela fait partie du projet de loi fédéral. Parmi les choses qui sont exclues, il y a tout ce qui regarde les systèmes d'enseignement primaire et secondaire jusqu'au postsecondaire.

M. Charbonneau (Yvon): Où est exclu cela? M. Ryan: Pardon?

M. Charbonneau (Yvon): C'est exclu par quelles dispositions?

M. Ryan: Nous avons tout cela dans les textes qui sont ici. Je vous les passerai tantôt, c'est assez long.

M. Charbonneau (Yvon): Ah bon! Comme cela, il y a des parties cachées.

M. Ryan: Je vous assure que j'ai vérifié toutes ces choses-là avant de les affirmer.

M. Charbonneau (Yvon): Pourquoi n'est-ce pas à la disposition du public, M. le Président?

M. Ryan: Parce que...

Le Président (M. Charbonneau, Verchères):

D'après ce que je viens de comprendre, c'est que cela va l'être.

M. Ryan: C'est déjà du domaine public. Il s'agit de se le procurer.

Le Président (M. Charbonneau, Verchères):

Voici ce que je vous propose maintenant à cette étape. M. Rabeau et M. Landry sont intervenus à plusieurs reprises. Je céderai la parole à M. Bertrand qui n'est pas intervenu et par la suite on fera les remarques finales, parce que déjà on

a pris plus de temps qu'on avait prévu pour ce sujet. M. Bertrand.

M. Bertrand (Roger): Brièvement, M. le Président, si vous le permettez, peut-être, faut-il rappeler une chose. Quand on discute de libre-échange, on oublie peut-être que, de façon un peu plus globale, il y a des mouvements dans nos sociétés qui font en sorte qu'il y a des choses qu'on ne pourra pas contourner. Une de ces choses, je pense, est la mondialisation des échanges entre les peuples, entre les pays et entre les collectivités. Ces échanges-là concernent bien sûr les cultures, les valeurs, les connaissances, mais également les échanges économiques. C'est un mouvement immanent. On peut, effectivement, essayer d'y résister le plus possible, mais le train est en train de passer et, si on n'embarque pas dedans, on va être derrière tout le monde dans quelques années. On va être et on est déjà en situation de compétition importante, quoi qu'on veuille, qu'on le veuille ou non.

Dans une situation de compétition, ce qu'on doit faire normalement, je pense, c'est de s'appuyer sur les éléments ou les activités par rapport à quoi on a des avantages comparatifs. Or, il apparaît à l'évidence, d'après les études que nous avons faites, alors que j'étais commissaire à la commission Rochon, s'il y a un genre d'activité où on a définitivement et clairement un avantage comparatif par rapport aux Américains, ce sont bien notre système de santé et nos programmes sociaux. À un point tel que, au Québec, on consacre environ 9,1 % de notre richesse à la santé, les États-Unis quelque part aux alentours de 10,2 %. On a déjà un avantage comparatif de l'ordre de 1,5 % et ce ne sont pas des "peanuts" en termes d'avantages. Alors, il faut s'appuyer sur cela. Il faut s'appuyer, justement, sur ces programmes sociaux et de santé pour s'assurer, d'une part, qu'on a une société en santé sur le plan individuel et sur le plan collectif et une société qui, à cause de cela, sera d'autant plus solide et productive. On aura également une société qui, parce qu'elle investit dans le bien-être de chacun de ses citoyens, sera une société plus cohésive, plus cohérente, moins tiraillée, plus performante et également plus concurrentielle. Je termine sur cela, si vous me le permettez, M. le Président.

Le libre-échange sera viable si on s'appuie d'abord justement sur ces piliers qu'on a développés dans la foulée de la Révolution tranquille pour édifier, pour construire et pour devenir plus concurrentiels. Si on s'assoit sur nos lauriers, si on s'enferme dans un genre d'autisme collectif, si on se campe sur le statu quo, je pense qu'à ce moment-là le reste du monde va passer à côté de nous autres et pendant ce temps-là on va piétiner. Si on n'embarque pas, j'ai personnellement la conviction que cela risque de nous coûter beaucoup plus cher sur le plan économique et social à long terme.

Le Président (M. Charbonneau, Verchères):

Alors, sur cette dernière remarque, je vais céder maintenant la parole à Mme la députée de Maisonneuve pour les remarques finales.

Remarques finales Mme Louise Harel

Mme Harel: M. le Président, je constate que les partisans du libre-échange se réjouissent de l'occasion qui est donnée au Québec de restructurer son économie à la faveur de cet accord de libre-échange, mais je constate également qu'autant il faut se réjouir, autant il faut également s'inquiéter de ce que cette restructuration n'aggrave les inégalités. Je crois que cette inquiétude est fondée, parce que l'absence d'inquiétude et une sorte de béatitude mécanique sur les effets n'amèneront pas cette volonté politique qui est indispensable. La volonté politique doit clairement s'afficher et, évidemment, être à l'opposé d'une attitude passive qui interviendrait mollement dans des situations d'instabilité de l'emploi comme celles qui vont se produire dans certains secteurs, on le sait, et dans des situations de détérioration des compétences des travailleurs, étant donné les changements que l'on peut envisager. Cela commande, pour que les travailleurs démunis ne tombent pas dans cette trappe de pauvreté et que la trappe de pauvreté ne se referme pas sur eux, du fait que la pression des dépenses publiques risque d'amener les gouvernements à vouloir légitimement les réduire, non pas en adoptant des mesures énergiques mais en coupant dans les niveaux, la durée ou l'accessibilité aux prestations et aux services. Cela, M. le Président, avec la garantie que...

Je comprends M. Ducros de nous dire que c'est pire aux Étals-Unis. Je ne veux pas le chicaner sur cela, c'est possible. Je lui donne le bénéfice du doute, il s'y connaît certainement bien, mais je veux simplement attirer son attention, parce qu'on n'a pas conscience que la situation d'ici est une situation qui départage la population du Québec litéralement en deux groupes de citoyens. On a parfois l'impression qu'il y a des pauvres, mais que l'immense majorité bénéficie du développement.. Eh bien, sur 97 facteurs, imaginez, pas un seul n'a permis de différencier les populations. À 40 %, elles se retrouveraient toutes en-dessous de ces 97 facteurs qui, mon Dieu, couvraient de la qualité de l'éducation à l'état de santé, la mésadapta-tion, l'emploi, etc. Cela veut donc dire qu'il y a actuellement un phénomène de sous-développement dans la société québécoise réel, évalué et mesurable, qu'il y a par ailleurs un phénomène de croissance économique pour une certaine partie de la population et que l'accord de libre-échange peut venir aggraver profondément, peut-être de façon irrémédiable cette situation.

Le Président (M. Charbonneau, Verchères):

Je vous remercie, Mme la députée de Maison-neuve.

M. le ministre, en conclusion.

M. Ryan: C'est la dernière intervention?

Le Président (M. Charbonneau, Verchères): C'est votre dernière intervention de trois minutes.

M. Claude Ryan

M. Ryan: M. le Président, tout est question de confiance. J'écoute la députée de Maisonneuve et je ne réussis pas à savoir si elle est en faveur ou non de l'accord de libre-échange. Ce serait important qu'on le sache clairement. Je n'ai pas vu une attitude claire. Mais, je crois que fondamentalement ce qui est en cause, c'est la confiance en nous-mêmes comme collectivité. Nous devons faire face au défi de la concurrence que nous le voulions ou non. Avec la révolution des communications, la concurrence nous investit de partout. Il s'agit de savoir si nous allons participer à la définition des conditions dans lesquelles elle va se faire et nous croyons que cet accord de libre-échange est un de ces ensembles de conditions qui vont nous permettre de réaliser un degré plus élevé de prospérité économique qui permettra ensuite l'expression d'une volonté politique capable de rechercher une meilleure justice.

C'est vrai qu'il y a des inégalités dans notre société. Il y en a de très grandes aux États-Unis. Il y en a dans toutes les sociétés du monde à ma connaissance, mais je ne pense pas que l'on puisse invoquer uniquement cet argument pour s'opposer au traité de libre-échange, parce qu'on peut très bien prendre la contrepartie et dire qu'en entrant dans une perspective de libre-échange, on sera peut-être mieux placé pour combattre les inégalités si on réussit à créer plus de richesse. Alors, if faudrait que l'Opposition précise sa position davantage. J'ai beaucoup de respect pour les inquiétudes qui ont été manifestées. C'est très bon qu'elles aient pu être exprimées à l'occasion d'une commission parlementaire, mais ce que j'ai entendu ce soir me persuade qu'il faut aller dans la direction du libre-échange.

Ajournement

Le Président (M. Charbonneau, Verchères): Merci, M. le ministre. Je serais porté à dire, sur les questions de volonté, qu'il y a bien des débats qui se concluent par des questions de volonté. Je ne réanimerai pas les vieilles discussions de familles qu'on a eues il y a quelques années.

Sur ce, j'ajourne les travaux à demain 11 heures, mais je voudrais rappeler aux membres de la commission que nous avons un projet de loi privé à étudier article par article dès maintenant. Alors, je demanderais aux invités de la commission d'aujourd'hui et aux personnes qui ne sont pas intéressées par la discussion du projet de loi 213 de continuer cette discussion à l'extérieur de la salle pour permettre aux membres de la commission de terminer leur travail.

(Fin de la séance à 22 h 3)

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