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(Onze heures quarante-quatre minutes)
Le Président (M. Charbonneau, Verchères): À
l'ordre, s'il vous plaît! Veuillez prendre place à la table. Nous
allons commencer cette séance particulière qui est plutôt
un débat, sinon une grosse discussion de famille sur le
libre-échange entre le Canada et les États-Unis. Je voudrais
d'abord souhaiter la bienvenue à nos invités au nom de tous les
membres de la commission parlementaire permanente de l'économie et du
travail. Avant de vous présenter nos invités, et selon les
règles de la commission, je voudrais demander au secrétaire s'il
y a des remplacements.
Le Secrétaire: Oui, M. le Président, il y a un
remplacement. M. Leclerc (Taschereau) est remplacé par M. Lefebvre
(Frontenac).
Le Président (M. Charbonneau, Verchères): Je
voudrais d'abord procéder à la présentation de nos
invités. Au nom de Regroupement pour le libre-échange, nous
entendrons M. Pierre Ducros qui est président, par fa suite, M. Bernard
Landry, professeur en administration à l'Université du
Québec à Montréal; M. Yves Rabeau, professeur en
économie à l'Université de Montréal et Mme Louise
Fecteau, vice-présidente et directrice générale de
l'Association des manufacturiers canadiens, qui n'est pas arrivée, je
crois. Je ne sais pas si elle sera remplacée...
M. Ducros (Pierre): M. le Président, elle s'excuse, ce
matin, elle assiste aux funérailles de Mme McKenzie et elle doit se
joindre à nous dès la fin des funérailles. Elle est membre
du Conseil du statut de la femme et...
Le Président (M. Charbonneau, Verchères): Dans ce
cas, est-ce que vous pourriez vous présenter pour que je puisse savoir
qui la remplace ce matin?
M. Ducros: Ce matin on avait pensé ne pas la
remplacer.
Organisation des travaux
Le Président (M. Charbonneau, Verchères): Bon,
d'accord. Merci. Pour la coalition contre le libre-échange, nous avons
comme invités M. Yvon Charbonneau, président de la Centrale de
l'enseignement du Québec; M. Gérald Larose, président de
la Confédération des syndicats nationaux; M. Louis Laberge,
président de la Fédération des travailleurs du
Québec et M. Jacques Proulx, président de l'Union des producteurs
agricoles du Québec. Exceptionnellement, sont membres en règle et
d'office de la commission pour ce débat de deux jours: le premier
ministre du Québec, le chef de l'Opposition, un certain nombre de
ministres et en particulier le ministre du Commerce extérieur et du
Développement technologique, qui est responsable du dossier du
libre-échange, également des députés membres
réguliers de la commission parlementaire de l'économie et du
travail, et un certain nombre de critiques de dossiers particuliers en ce qui
concerne l'Opposition.
Je pense que tout le monde connaît les règles du jeu.
Alors, je ne les rappellerai pas pour éviter de perdre trop de temps. On
a déjà quinze minutes de retard.
Je veux simplement vous demander votre collaboration parce que, comme
vous le savez tous, c'est une innovation particulière que cette
expérience que nous mènerons au cours de ces deux jours et
surtout pour le débat qui va suivre, après la présentation
initiale; chacun des quatres groupes, si on peut utiliser cette expression,
aura quinze minutes de présentation initiale. Ce sera suivi par un
débat ouvert de 50 minutes.
Je ferai le nécessaire pour donner la parole au maximum
d'intervenants en vous rappelant dès maintenant que le temps est
limité et que je serai obligé, à des moments
donnés, si vous vous engagez dans des envolées oratoires, de vous
restreindre en termes de temps. Il ne s'agit pas nécessairement de faire
de longs discours, mais de faire des présentations qui vont permettre
des discussions entre les différentes parties. C'est l'objet de cette
commission, non pas des monologues, mais des discussions entre les quatre
partenaires ou groupes qui sont représentés à la table de
la commission. Donc, ces 50 minutes de débat, nous essaierons de les
gérer au meilleur de notre connaissance pour ce qui est de la
présidence de la commission.
En passant, je voudrais également souligner que le
vice-président de la commission, le député de Vimont, M.
Jean-Paul Théorêt, sera probablement appelé de temps en
temps à assumer la présidence de la commission. Ces 50 minutes de
débat ouvert seront suivies de cinq minutes pour chacun des deux groupes
parlementaires. Pour le reste, on verra cela au fur et à mesure du
déroulement des travaux.
Ce qu'on sait déjà, c'est qu'il y a un certain nombre de
thèmes sur lesquels on s'est entendus et, à partir de cet
après-midi, on abordera les thèmes l'un après l'autre,
avec d'abord une période d'une trentaine de minutes pour des
interventions préliminaires et, par la suite, des discussions. Ce sera
peut-être encore plus vrai pour les thèmes. C'est évident
que le temps sera restreint et qu'on sera obligé, pour ce qui est de la
présidence, de gérer le temps d'une façon assez
serrée pour que tout le monde puisse intervenir.
On m'a indiqué également qu'il y avait des
experts, en particulier des deux coalitions, qui pourraient être
appelés à témoigner outre les porte-parole principaux. Je
vous indique immédiatement que ces experts devront témoigner dans
la période de temps qui est prévue pour les groupes en question
et qu'il n'est pas question de dépasser outre mesure les périodes
allouées au départ, selon les ententes qui ont été
conclues.
Alors, s'il n'y a pas de questions préliminaires, je vais
demander immédiatement au premier ministre de faire la
déclaration d'ouverture, en vous rappelant que chacune de ces
déclarations doit se limiter à quinze minutes. M. le premier
ministre.
Déclarations d'ouverture M. Robert
Bourassa
M. Bourassa: Merci beaucoup, M. le Président. J'aimerais
peut-être reprendre une remarque, bien amicalement, que vous avez faite
quand vous avez présenté tantôt les partenaires en disant:
Certains sont contre, d'autres sont pour. C'est une approche qui me
paraît un peu conflictuelle et qui pourrait donner l'impression de fermer
la voie à l'évolution des esprits, parce qu'y y en a qui sont
contre et qui peuvent devenir pour. Je veux dire que cela s'est fait chez nos
amis d'en face. Bien, je veux dire que c'est à vous que je pensais, M.
le chef de l'Opposition, quand
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Charbonneau, Verchères): Tant que
vous ne pensez pas au président de la commission, M. le premier
ministre, ça peut aller.
M. Bourassa: Non, non; pas du tout.
Je voudrais exprimer ma satisfaction de nous voir réunis sur une
question très importante pour l'avenir économique du
Québec. J'étais très heureux d'accepter la suggestion des
dirigeants de la coalition dont M. Charbonneau est le porte-parole, avec MM.
Laberge, Larose et Proulx, pour que vous ayons cette table ronde qui va nous
permettre, je l'espère, d'alimenter notre réflexion sur une
option économique qui nous paraît importante.
La place primordiale du commerce international dans l'économie
québécoise est bien connue. Je ne suis pas pour
répéter ou donner tous les chiffres. C'est rendu un lieu commun
de dire jusqu'à quel point nous dépendons du commerce
extérieur puisque, avec les économies des Pays-Bas, de la
Suède ou de la Suisse, nous sommes, au Québec, l'une des
économies les plus ouvertes dans le monde. Il est important de constater
aussi jusqu'à quel point nous devons devenir une économie
concurrentielle, compétitive.
Nous devons constater qu'au Québec, comme partout ailleurs, comme
au niveau canadien ou dans la plupart des autres pays, nous avons dû
assumer, depuis une génération, un endettement progressif. Alors
qu'il y a une vingtaine d'années, nous pouvions faire face aux demandes
d'amélioration des services publics avec l'augmentation des impôts
et que, dans les années qui ont suivi, nous pouvions y faire face avec,
d'une certaine façon, l'inflation, il nous a fallu par la suite, pour
satisfaire les demandes de la population, assumer un endettement croissant pour
maintenir ou améliorer la qualité des services à un point
tel, que nous sommes à un niveau d'endettement qui devient très
préoccupant pour les générations futures. Une bonne
façon de diminuer cet endettement est évidemment que nous ayons
une économie dynamique, une économie très active.
La question du libre-échange, de notre côté, M. le
Président, est une question pragmatique. Il ne s'agit pas pour nous
d'avoir une approche doctrinaire ou idéologique. Nous examinons
l'ensemble de la situation économique du Québec, je viens de le
dire, les exportations qui sont très importantes, nous examinons Je
contexte géographique où nous nous trouvons, c'est-à-dire
que nous sommes le voisin, comme Canada et comme province, de l'un des
marchés les plus importants au monde.
Nous constatons également que dans l'ensemble des pays
industrialisés, les pays de l'OCDE, soit 24, presque la totalité
fait partie soit d'une zone de libre-échange, ou encore d'un
marché commun. Que l'on prenne des pays aussi différents et aussi
distants, je pourrais dire, géographiquement que l'Autriche ou la
Suède, ils font partie d'une zone de libre-échange et ils ont pu
conserver - on pourra peut-être y revenir dans la discussion - leurs
programmes sociaux respectifs. Alors, si tous ces pays que nous
concurrençons et qui sont très comparables au Québec
acceptent de mettre en commun des relations commerciales dans des zones de
libre-échange, pourquoi devrions-nous agir différemment alors que
nous sommes à la porte de l'un des marchés économiques les
plus importants? C'est donc tout simplement une question d'approche
pratique.
C'est vrai que dans le cas des États-Unis, il s'agit d'un
marché commun avec une puissance économique beaucoup plus forte
que celle du Canada et que, dans un contexte comme celui-là, il peut y
avoir un rapport de forces qui nous soit facilement défavorable. Mais,
à cet aspect de la question, je réponds immédiatement que
le traité de libre-échange a pour but précisément
de normaliser ce rapport de forces, de faire en sorte que le
déséquilibre n'ouvre pas la voie à un rapport de forces
brutal, et qu'il y ait des mécanismes légaux ou juridiques qui
permettent de civiliser les rapports économiques entre les
États-Unis et le Canada ou les États-Unis et le Québec. Et
c'est pourquoi nous avons fait accepter dans le traité de
libre-échange ces tribunaux impartiaux qui permettront au Canada
d'avoir une forme de parité; alors, même si notre pays est
dix foix moins nombreux sur le plan démographique et quinze fois moins
puissant sur le pian économique, nous avons dans le traité de
libre-échange des mécanismes qui nous permettent d'avoir un
rapport de forces qui nous soit plus acceptable.
Souvent, on entend cet argument de ceux qui s'opposent pour l'instant au
libre-échange: Comment va-t-on être capable de faire face à
la puissance économique et politique des États-Unis?
Précisément, on y a vu avec ce mécanisme qui a
été accepté de la part des États-Unis; ça
n'a pas été facile et ça ne l'est pas encore. Hier,
j'avais l'occasion de discuter avec Peter Murphy, à Newport. Ce dernier
était l'invité de la Conférence des gouverneurs et des
premiers ministres. Il parlait des problèmes constitutionnels qui
peuvent exister aux États-Unis, avec l'acceptation de ce tribunal. Ce
fut un précédent, pour le Congrès américain,
d'accepter une forme de tribunal impartial, qui avait pourtant
été refusé à Israël malgré
l'étroitesse de l'alliance, l'importance de son alliance avec les
États-Unis.
Donc, il faut quand même constater qu'il y a des
caractéristiques dans l'entente du libre-échange qui nous
permettent de nous protéger, d'une certaine façon,
vis-à-vis du déséquilibre qui peut exister sur le plan
politique, démographique ou économique.
Il y a aussi, dans le même ordre d'idées, les tendances
protectionnistes qui refont constamment surface aux États-Unis et qui ne
sont pas prêtes de disparaître. Nous traversons actuellement une
période d'accalmie à cause d'une situation économique
relativement prospère, avec un taux de chômage de 5,6 % aux
États-Unis, qui est le plus bas ou l'un des plus bas depuis une
quinzaine d'années, mais sans traiter nécessairement de
libre-échange, nous n'avons aucune espèce de protection ou
très peu.
On sait jusqu'à quel point le Congrès, comme organisme
politique, représente les intérêts régionaux. On
sait également que le déficit du commerce extérieur
américain, même s'il a tendance à baisser depuis quelques
mois à cause de la dépréciation de la monnaie
américaine, est destiné à rester élevé pour
une raison qui me paraît assez simple: c'est que du côté du
déficit intérieur du déficit budgétaire, le niveau
demeure presque intolérable pour les Américains, soit
au-delà de 150 000 000 000 $. C'est un déficit, une dette, qui
s'accumule chaque année et l'une des très rares façons
pour le gouvernement américain de contribuer à maintenir ou
à réduire si possible ce déficit intérieur, qui
atteint un niveau absolument spectaculaire, est de maintenir l'activité
économique. Si vous avez une activité économique aux
États-Unis qui doit rester dynamique pour empêcher que le
déficit budgétaire atteigne un niveau incontrôlable, ceci
veut dire un déficit du commerce international qui démeure
élevé, lié à une activité économique
dynamique pour empêcher l'augmentation du déficit
intérieur.
Or, tant que vous avez ce déficit extérieur
élevé, vous aurez toujours, au sein du Congrès
américain, des tendances protectionnistes. Et à cause de ces
tendances, nous devons, nous, dans nos relations commerciales, garder avec les
Américains un cadre d'action qui nous donne un minimum de
protection.
On a connu l'an dernier des problèmes avec les Américains
dans le domaine du bois d'oeuvre, de certains produits agricoles. Ce sont des
problèmes qui peuvent resurgir constamment dans différents
secteurs. (12 heures)
Alors, il fallait donc améliorer notre présence sur le
marché américain et sauvegarder ce que nous avons
déjà de montée protectionniste. Nous avons posé un
certain nombre de conditions - je n'ai pas à y revenir, sûrement
que nous aurons l'occasion d'en discuter tantôt - qui visent à
protéger fa compétence du Québec.
Nous avons eu durant quelques jours, à l'Assemblée
nationale, un débat sur le projet de loi fédéral qui
portait sur l'invasion qui pouvait être faite par le gouvernement
fédérai sur les compétences du Québec. Le
gouvernement provincial a décidé de protéger sa
juridiction en s'engageant à déposer, ses propres lois au moment
opportun, ce que nous ferons pour protéger la juridiction du
Québec, notamment par rapport à l'application de l'article 9.
Il y avait également l'article 6, dont on a discuté.
Clairement, nous avons eu des avis juridiques - et on pourrait même citer
des causes - qui nous exprimaient que cet article établit la
possibilité pour le gouvernement fédéral d'intervenir dans
d'autres secteurs du traité de libre-échange. Nous avons conclu
qu'il s'agissait d'un article à teneur politique et qui
n'empêchait pas le gouvernement de protéger sa juridiction, s'il y
avait intervention du gouvernement fédéral dans d'autres
secteurs.
Sans qu'on puisse l'appliquer d'une façon absolue, mais on peut
quand même le citer comme expression juridique importante et, d'une
certaine façon, pertinente, on a vu dans les jugements sur la cause de
Churchill Falls que des projets de loi qui présentent des articles
à teneur politique plutôt que juridique ont très peu de
chance d'être endossés dans leur interprétation par les
tribunaux. Donc, le gouvernement n'étant pas opposé au
traité de libre-échange, considérant que c'est un
traité qui est important pour l'avenir économique du
Québec, a décidé de prendre ce qu'on peut appeler une
attitude positivement négative, c'est-à-dire que nous nous
opposons à l'invasion de la juridiction du Québec par le
gouvernement fédéral, en vertu de sa juridiction, en nous
engageant à déposer nos propres lois, mais nous ne
renonçons pas aux bénéfices qui peuvent être inclus
dans le traité de libre-échange.
M. le Président, j'aurai l'occasion, soit
personnellement ou avec mes collègues, de discourir davantage sur
l'importance des mesures d'adaptation. Il nous faut, d'ici quelques mois, agir
concrètement pour protéger les emplois des travailleurs qui
pourraient être affectés par les mesures du traité de
libre-échange. C'est vrai qu'on a réussi depuis deux ans à
faire face à une augmentation de quelque 16 % du prix de nos
exportations. Depuis février 1986, c'est-à-dire 28 mois, nous
avons eu une augmentation de la valeur du dollar canadien de 0,69 $ à
0,82 $. Cela veut dire que le prix de tout ce que nous vendons aux
États-Unis a été augmenté de 16 %, alors qu'on
parie de réduction de tarifs de 1 % à 2 % par année et que
- il faut faire preuve de beaucoup de vigilance - notre économie, pour
l'instant, n'a pas été affectée par cette augmentation du
prix de nos exportations. Donc, il faut situer la question tarifaire dans un
contexte très pratique.
Le Président (M. Charbonneau, Verchères): Je vous
inviterais à conclure, parce qu'il reste moins d'une minute.
M. Bourassa: D'accord, merci. M. le Président, je voudrais
simplement dire que mes collègues auront l'occasion de revenir sur
l'importance de la période de transition, d'adaptation, pour rassurer
les travailleurs du Québec. Je conclurai tout simplement en disant que
si nous sommes un territoire de richesses naturelles - et nous le sommes, avec
nos exportations de pâtes et papiers, d'aluminium, de produits miniers -
nous avons besoin de consolider nos marchés, donc le traité de
libre-échange est une conclusion logique pour notre géographie
économique.
En terminant, M. le Président, pour respecter votre directive, je
dis que si nous sommes également un territoire qui veut
développer la haute technologie, la clé de l'avenir
économique, nous avons également besoin de consolider nos
marchés, de ne pas nous replier sur nous-mêmes. Alors,
voilà des raisons très pratiques, très pragmatiques et
très réelles qui justifient, de notre côté, à
certaines conditions qui ont été largement respectées,
notre adhésion au traité de libre-échange.
Le Président (M. Charbonneau, Verchères): Merci, M.
le premier ministre. M. le chef de l'Opposition maintenant.
M. Guy Chevrette
M. Chevrette: Merci, M. le Président. Vous me permettrez
tout d'abord de remercier la coalition de l'opposition au traité de
libre-échange pour son initiative qui permet aujourd'hui aux
parlementaires du gouvernement et de l'Opposition, ainsi qu'aux
défenseurs et aux opposants du traité de libre-échange,
d'être réunis autour de la même table pour discuter de cette
question fondamentale pour l'avenir du Québec. Nous les remercions
d'autant plus que cette commission se réunit au moment où le
gouvernement fédéral vient de déposer sa loi de mise en
oeuvre qui, comme on le sait, menace l'intégrité future des
compétences constitutionnelles du Québec. Également, les
rencontres d'aujourd'hui et de demain sont d'autant plus pertinentes,
qu'après trois ans de débat et de discussion autour de cette
question du libre-échange avec les États-Unis, on a de plus en
plus l'impression que plusieurs demeurent hésitants parce qu'ils sont
mal informés. Plus on parle de libre-échange, moins la population
semble saisir les véritables enjeux et les intérêts de
l'adhésion du Québec et du Canada à ce traité. Cela
est vrai également pour les entreprises, c'est-à-dire celles qui
seront sur la ligne de feu pour affronter le défi que représente
l'accord de libre-échange avec les États-Unis. Il s'agit
probablement là de la pire des situations, dans la mesure où le
monde des affaires a horreur de l'incertitude. Ce flottement peut amener les
dirigeants à reporter des décisions d'investissement, peut amener
des banquiers également à resserrer le crédit
d'entreprises plus concernées par le libre-échange. Je vous fais
part ici qu'il s'agit réellement des conclusions que tire l'Opposition
de ces diverses rencontres qu'elle a eues avec différents groupes au
cours des derniers mois. En mars dernier, au Hilton, tout pires d'ici, se
tenait justement une journée de discussion sur l'accord
Canada-États-Unis. Plusieurs chefs d'entreprise étaient
présents. Nous y étions également et nous avons
constaté l'inquiétude manifeste qui prévalait sur la
question du libre-échange parmi les chefs de la petite et moyenne
entreprise qui, de leur aveu même, ne savent pas à quoi
s'attendre. Les représentants de la Chambre de commerce du
Québec, que nous avons rencontrés dernièrement, nous ont
également confirmé que dans les régions et chez les
petites entreprises qui n'ont pas toujours les moyens et la capacité de
faire une analyse de leur situation dans ce nouvel environnement
économique qui les attend, plusieurs disent qu'ils sont inquiets et
qu'ils ne savent comment réagir face à ce nouveau défi. On
a posé la question aux représentants de la Chambre de commerce et
ils étaient d'accord avec nous. Encore dernièrement, le Conseil
du patronat priait les deux niveaux de gouvernement pour qu'ils mettent sur
pied des bureaux d'information et de renseignements sur le traité de
libre-échange pour les entreprises. Pourtant, M. le Président, on
est à six mois du début du traité et on en est rendu
à l'étape de mettre sur pied des bureaux de renseignents. Les
gens ont raison d'être inquiets et, sur ce point, on ne peut que
dénoncer l'attitude et le comportement du gouvernement
fédéral et du gouvernement du Québec de ne pas avoir pris,
il faut le dire, cette question plus au sérieux, de ne pas avoir mis en
place des mesures afin que les gens puissent discuter librement de la question
et de
ne pas avoir fourni les outils nécessaires pour la tenue d'une
discussion franche et ouverte et la diffusion d'une information pourtant si
nécessaire.
Lors de la commission parlementaire de décembre dernier,
l'Opposition à l'Assemblée nationale reprenait les sept
conditions du gouvernement et les analysait en fonction du contenu de l'accord
intervenu entre le Canada et les États-Unis. Ces conditions nous
semblaient également acceptables. Pour le bénéfice de
tous, je voudrais rappeler ces conditions, M. le Président. Tout d'abord
le respect intégral des compétences législatives du
Québec, le respect intégral des lois, programmes et politiques
dans les domaines sociaux, des communications, de la langue et de la culture,
le maintien de la marge de manoeuvre du Québec pour atteindre ses
objectifs de modernisation et de développement de son économie
dans toutes les régions, l'obtention de périodes de transition et
la mise sur pied de programmes d'assistance pour les entreprises et les
travailleurs dans les secteurs moins compétitifs, la mise en place d'un
mécanisme de règlement des différends commerciaux auxquels
seront associées les provinces, le maintien d'un statut spécial
pour l'agriculture et les pêcheries, le maintien de son droit d'approuver
ou non l'entente en fonction de l'évaluation ultime que le Québec
fera à la lumière de ses intérêts fondamentaux.
À la lumière de ce que nous savions en décembre dernier,
l'Opposition avait alors fait une première évaluation et
concluait que plusieurs de ces conditions n'étaient pas
respectées. Nous avions exprimé, en commission parlementaire, des
réserves sérieuses, notamment en ce qui a trait au respect des
compétences du Québec, de la mise en place et de la participation
du gouvernement fédéral à des programmes visant à
soutenir les industries plus vulnérables et à assurer le
recyclage de la main-d'oeuvre et, enfin, sur les mécanismes de
règlement des différends et de la mise en oeuvre qui ne tiennent
aucunement compte de l'existence des provinces.
Six mois après la commission de décembre dernier et
à six mois de l'application de l'accord de libre-échange, je vous
avouerai que nous ne sommes pas plus avancés et que, comme Opposition,
nous partageons l'inquiétude exprimée par de plus en plus de
groupes. D'abord, le projet de loi fédéral, qui a
été déposé récemment afin de mettre en
oeuvre l'accord, donne raison à l'Opposition en ce qui concerne les
trois points sur lesquels nous avions insisté en commission
parlementaire. Je vous renvoie d'ailleurs au Journal des débats
de cette commission afin que vous puissiez constater par vous-mêmes
que les doutes que nous avions exprimés concernant le respect des
compétences du Québec étaient fondés. L'assurance
manifestée, à ce moment-là, par le ministre
québécois des Affaires fédérales-provinciales,
n'était qu'une façade, un écran de fumée. Je crois
qu'il vaut la peine de le citer, maintenant que le gouvernement
fédéral a annoncé ses couleurs et qu'il nous a dit comment
il procédera. Remarquez bien que, dans ce cas, ce n'est pas une
surprise. L'histoire des relations fédérales-provinciales est
toujours un bon indicateur de ce qui va se passer dans l'avenir. Je cite alors
M. Rémillard qui nous disait ceci, à la page 5191 du Journal
des débats, à une des questions de l'Opposition. M.
Rémillard nous disait: "On ne cède pas de compétence
provinciale. Ce que nous faisons, c'est utiliser nos compétences pour
appliquer le traité dans la mesure où ce traité fait notre
affaire. S'il ne faisait pas notre affaire, on dirait tout simplement: On ne
l'applique pas parce que ce n'est pas selon les intérêts du
Québec". C'est ainsi que répondait M. Rémillard.
Il faudrait demander à l'Ontario, aujourd'hui, ce qu'elle pense
de cette déclaration de notre ministre des Affaires
fédérales-provinciales. On sait que cette province se voit
imposer l'accord de libre-échange dans un champ de compétence
provinciale par le biais des articles 6 et 9 de la Loi C-130. Nous l'avons dit
auparavant et nous le répétons aujourd'hui, le respect des
compétences du Québec est une condition essentielle à
l'adhésion du Québec au traité de libre-échange, et
les articles 6 et 9 du projet de loi fédéral sont inacceptables
pour le Québec parce qu'ils ouvrent la voie à l'ingérence
du fédéral dans nos champs de juridiction. Le
fédéral se doit de retirer ces articles immédiatement.
De plus, nous n'avons pas encore une certitude quant à la
participation des provinces au mécanisme de règlement des
différends et, à cet égard, le projet de loi C-130 n'est
guère rassurant. Rien dans ce projet ne garantit le rôle et la
participation des provinces à la Commission mixte
canado-américaine. L'article 12 du projet de loi, et je le cite, dit
ceci: "Le gouverneur en conseil peut nommer un membre du Conseil privé
de la reine, pour le Canada, à titre de principal représentant,
et les personnes de son choix à titre de commissaire de la section
canadienne de la commission créée en vertu du chapitre 18 de
l'accord".
À la commission parlementaire de décembre, le ministre des
Affaires fédérales-provinciales se vantait du fait que le
Québec avait été associé, comme gouvernement
provincial, aux discussions sur le libre-échange. Il n'est pas le seul,
d'ailleurs, à l'avoir fait puisque le premier ministre et le ministre du
Commerce extérieur et du Développement technologique ont repris
le même exemple pour témoigner des relations harmonieuses entre le
fédéral et le Québec. J'ai l'impression aujourd'hui, M. le
Président, en ce qui concerne les préparatifs qui ont eu lieu
pour établir les mécanismes de la mise en oeuvre de l'accord du
libre-échange, que cette harmonieuse association, qui s'est
révélée lors des négociations sur l'entente de
libre-échange, s'est détériorée en cours de route.
Si le gouvernement actuel ose prétendre qu'il a défendu avec
achar-
nement les juridictions et les intérêts du Québec,
comme c'est son devoir d'ailleurs de le faire, on doit en conclure,
d'après le résultat du projet de loi 130, qu'il a lamentablement
échoué.
On peut en dire tout autant des programmes d'adaptation des entreprises
et du recyclage de la main-d'oeuvre. À six mois du début du
traité, le gouvernement fédéral n'a pris aucun engagement
et le gouvernement du Québec se complaît à attendre,
espérant sans doute que les fruits de l'amitié profonde entre le
premier ministre du Canada et celui du Québec s'abattront sur le
Québec au moment venu. D'ici là, des milliers de travailleurs
seront touchés par la libéralisation des échanges. Pour
eux, des programmes de recyclage doivent être mis sur pied le plus
tôt possible, afin qu'ils puissent se préparer à occuper un
emploi dans une autre entreprise. (12 h 15)
De plus, parmi eux il y en a qui ne sont pas recyclables. Les
travailleurs de 55 ans qui oeuvrent dans l'industrie du textile, par exemple,
depuis 30 ans, représentent peu d'attrait pour un nouvel employeur, et
ce même travailleur n'a sans doute pas non plus le goût,
l'intérêt ou la motivation de recommencer une nouvelle
carrière. Pour ces gens, il faut leur donner accès à des
programmes qui leur permettront de subir le choc du libre-échange sans
trop de difficulté.
Tous reconnaissent, M. le Président, la nécessité
de telles mesures de transition, y compris les plus fervents défenseurs
de l'Accord de libre-échange. D'ailleurs, le ministre
québécois du Commerce extérieur et du Développement
technologique ne disait-il pas devant la commission parlementaire sur l'Accord
de libre-échange, en décembre dernier, que les mesures de
recyclage - et je le cite - c'est absolument essentiel, c'est sine qua non?
Pourtant, M. le Président, à six mois du début du
traité, rien n'est connu, on se contente d'un comité De
Grandpré.
Sur cet aspect bien précis du dossier du libre-échange et
comme pour les autres d'ailleurs, l'insouciance et l'inaction du gouvernement
du Québec sont inadmissibles. Nous avons surtout de la difficulté
à comprendre le gouvernement du Québec d'avoir donné son
appui indéfectible à une entente de libre-échange avant
même d'en connaître le contenu de l'accord et avant le
dépôt du projet de loi, de sa mise en oeuvre. Par cette
stratégie, M. le Président, le Québec
rétrécissait lui-même sa marge de manoeuvre, diminuait son
rapport de forces, et il ne faut pas se surprendre, à cet égard,
du contenu du projet de loi 130. Le gouvernement fédéral savait
que le Québec était prêt à accepter à peu
près n'importe quoi pour obtenir l'application du traité de
libre-échange. Il n'est donc pas étonnant que le projet de loi
fédéral sur la mise en oeuvre de l'accord menace les juridictions
des provinces qui doivent, en vertu de l'accord, prendre les moyens pour faire
appliquer le traité. Nous avions d'ailleurs alerté le
gouvernement en décembre dernier. Pourtant, lors du dépôt
du projet fédéral, le gouvernement du Québec a
réagi avec mollesse et sans la conviction qui a animé tous les
gouvernements québécois dans le passé dans la
défense des compétences du Québec.
Sur le plan du mécanisme de règlement des
différends commerciaux, Québec n'a encore obtenu aucune garantie
qu'il n'aura son mot à dire à quelque niveau que ce soit, et l'on
sait déjà que les provinces ne seront pas
représentées officiellement au sein du comité mixte
canado-américain.
Sur le plan des programmes d'adaptation et de recyclage, le gouvernement
du Québec n'a pas encore obtenu d'engagement du gouvernement
fédéral quant à sa participation aux coûts des
mesures de transition qu'il faut prendre. Encore une fois, le gouvernement
fédéral se désengage vis-à-vis des provinces, lui
qui les a exhortées pourtant à le suivre dans ce dossier.
L'insouciance donc du gouvernement actuel se manifeste également
sur le plan de la préparation et de la présence d'outils
gouvernementaux en vue de faciliter la pénétration de nos
entreprises sur le marché américain. Il est bien évident
que ce changement fondamental dans nos relations économiques avec
l'étranger nécessitera chez nos entreprises une bonne
disponibilité de capital. Comme les subventions directes
disparaîtront progressivement, il faut prévoir
immédiatement un environnement fiscal apte à répondre aux
besoins de capitalisation des entrerpises et des instruments de soutien
à l'appui de nos entrepreneurs. Or, ce gouvernement, M. le
Président, est en train de démanteler depuis qu'il est au pouvoir
les outils qui ont permis au Québec de s'affirmer sur le plan
économique au cours des trois dernières décennies. Ces
mêmes outils auraient été d'une grande utilité dans
la perspective de l'abolition des barrières commerciales avec les
États-Unis, et un gouvernement prévoyant se serait engagé
immédiatement à renforcer nos instruments de développement
économique. Qu'on pense par exemple à la SDI, à la SGF, au
REAQ, etc., ou à d'autres secteurs de l'État qui ont
été confrontés au cours des premières années
de pouvoir de ce gouvernement à la philosophie de gestionnaire à
la petite semaine, sans vision d'avenir et ignorant des réalités
de développement économique du Québec.
M. le Président, MM. les membres de cette commission
spéciale, nous ne nous en cachons pas, nous sommes inquiets de la
façon dont: le Québec se prépare à affronter ce
radical changement de la libéralisation des échanges avec les
États-Unis. Le navire manque de commandement; le leadership est
totalement absent. Nous souhaitons donc que cette commission puisse jeter un
éclairage nouveau sur le dossier du libre-échange; qu'elle soit
également l'occasion pour chacun de nous de faire valoir ses
préoccupations et, surtout, qu'elle permette de faire ressortir avec
clarté les rôles et les responsabilités de chacun. Je vous
remercie.
Le Président (M. Charbonneau, Verchères): Merci, M.
le chef de l'Opposition. Nous allons maintenant entendre les
représentants de la coalition contre le libre-échange. Du moins,
M. le premier ministre, c'est comme cela qu'ils se désignent. Comme le
président de la commission n'a pas choisi le nom de baptême des
groupes qui sont devant lui, il va utiliser celui que les gens utilisent.
D'abord, nous entendrons M. Laberge qui sera suivi de M. Charbonneau. Je vous
rappelle que, comme vous avez quinze minutes à deux, si après
sept minutes je vois que vous êtes dans une envolée, je vais vous
l'indiquer pour que vous puissiez passer la parole à votre
collègue. M. Laberge.
Coalition québécoise d'opposition au
libre-échange
M. Louis Laberge
M. Laberge (Louis): Merci, M. le Président. Vous n'avez
pas à vous inquiéter puisqu'on a prévu cela en nous
donnant un texte; on l'a séparé en deux, alors ça ne
devrait pas être plus long.
M. le premier ministre, M.M. les ministres, les membres de la commission
permanente, d'abord nous tenons à vous dire que nous ne sommes pas
contre le libre-échange, nous sommes la Coalition
québécoise d'opposition au libre-échange.
La Coalition québécoise d'opposition au
libre-échange, qui regroupe la CEQ, la CSN, la FTQ et l'UPA tient, au
nom des 900 000 Québécois et Québécoises qu'elle
représente, à remercier le premier ministre du Québec
d'avoir accepté la tenue d'une commission spéciale sur l'accord
canado-américain. Cette commission, bien que tardive, répond
à une demande que nos organisations avaient formulée en
décembre dernier, à la suite à l'apparition du texte final
de l'entente. Depuis plusieurs mois, notre groupement met tout en oeuvre pour
informer la population sur les conséquences sociales, économiques
et politiques qui découleraient de l'entente si celle-ci se
concrétisait. La coalition, à laquelle se sont joints plusieurs
groupes ou organismes dont la représentativité est incontestable,
a également dénoncé la façon
détournée employée par les gouvernements pour faire avaler
ce projet, sans mandat aucun, à l'ensemble de la population du
Québec comme du reste du Canada.
Cette opposition, nous ne l'orchestrons pas par dogme, visée
corporatiste ou en vertu d'une vision à courte vue comme certains ont
pu, à l'occasion, qualifier démagogiquement l'offensive que nous
menons. Notre démarche se veut empreinte de réalisme et soucieuse
d'un respect de tous les éléments qui composent notre
société, de respect des principes élémentaires de
la démocratie.
Jamais nous n'avons eu, dans l'histoire de nos quatre centrales,
à faire face à un dossier où priment de façon aussi
flagrante la désinformation, le manque de transparence et le maquillage
de la vérité quant aux véritables conséquences de
l'accord Mulroney-Reagan. Jamais non plus, nous n'avons vu le ballon de
supposés bénéfices de l'accord se dégongler
complètement par l'analyse objective, et se regonfler à bloc
presque simultanément pour servir les intérêts politiques
des instigateurs du projet et de leurs alliés provinciaux. La
réalité de l'Accord de libre-échange, nous l'avons
analysée en profondeur à partir du texte final. Nous ne savons
pas s'il y a d'autres textes, nous commençons à croire que oui
parce qu'on dirait qu'on ne parle pas du même accord, du projet de loi
sur la mise en oeuvre actuellement à l'étude à la Chambre
des communes.
Voici ce que cache cet accord: des pertes de milliers d'emplois
québécois dans les secteurs manufacturiers et des services; des
pans complets de l'activité agricole voués à
décliner progressivement mais non moins certainement; des programmes
sociaux et législation du travail qui, pour soutenir le jeu de la
concurrence ou répondre aux objectifs d'harmonisation entre les deux
pays, s'effriteront; des inégalités de revenus et de
disparité régionale qui iront en s'accen-tuant; une appropriation
massive du capital québécois par les Américains dans le
secteur québécois des ressources naturelles; des restrictions
majeures quant à la capacité d'agir des gouvernements dans le
cadre des politiques économiques et sociales; une attaque contre la
culture et l'affaiblissement du fait français et, à ce sujet, on
se demande bien où en sera la société distincte dans dix
ou quinze ans; une centralisation progressive des pouvoirs à Ottawa, les
gouvernements provinciaux étant relégués et, semble-t-il,
avec la bénédiction du Québec, au rang de simples
succursales fédérales.
M. Yvon Charbonneau
M. Charbonneau (Yvon): En contrepartie, le supposé
accès accru au marché américain est en
réalité le statu quo puisque nos exportations transigent
déjà à 80 % sans barrières. L'ouverture commerciale
projetée est celle des produits manufacturés et des secteurs
où nous sommes les plus vulnérables, assortis d'interdits sur les
mesures de transition que le Canada n'aurait jamais acceptées dans des
négociations moins inégales comme celles qui ont lieu au GATT.
Ces secteurs sont protégés par des tarifs douaniers canadiens qui
représentent plus du double en moyenne de ceux des États-Unis.
Pourtant, les deux pays les aboliront sur une période maximale de dix
ans, sans tenir compte de cet écart.
Nous n'avons pas non plus sécurisé cet accès au
marché américain. L'objectif primordial des négociations,
se prémunir contre la montée du protectionnisme américain,
ce qu'a rappelé le premier ministre, ce protectionnisme qui, souli-
gnons-le au passage, n'a touché jusqu'à maintenant que 1,2
% des activités de production canadienne, cet objectif de
sécuriser cet accès au marché américain ne nous
semble pas avoir été atteint. Ceux et celles qui aujourd'hui
prétendent encore le contraire seraient tenus de lire attentivement
l'article 44 de la Loi sur la mise en oeuvre. Car lorsqu'on se fait le devoir
de défendre un contrat de la sorte, il faut bien regarder tous les
aspects du mécanisme de mise en oeuvre.
Qu'avons-nous donc obtenu de si valable avec l'entente Mulroney-Reagan,
de si sûr en termes de mécanisme de mise en oeuvre au point
où, pour ses instigateurs et ses sympathisants, c'est l'engouement
total? Pour à la coalition québécoise, la réponse
est claire. C'est qu'il y a beaucoup d'illusions dans ces mécanismes et
dans ces dispositions. L'illusion principale, c'est qu'une ouverture
intégrale des frontières aux Américains et
l'élimination des irritants commerciaux qui constituent bien souvent les
éléments fondamentaux de nos choix de société ne
pourront se traduire que par une augmentation de l'efficacité,
par l'établissement d'avantages comparatifs et par une impulsion au
développement qui se soldera à son tour par un bien-être
économique durable pour le Québec.
Cette conviction semble tellement ancrée dans l'esprit des
principaux défenseurs du projet qu'ils en ignorent presque la
réalité. Les bienfaits théoriques du libre-marché
l'emportent sur les conséquences plus que néfastes qui
découleront d'un contrat qui est, quant à lui, bien concret. Il
est vrai que l'accord Mulroney-Reagan est une occasion idéale pour les
économistes universitaires de mettre en éprouvette
l'économie canadienne et de tester les grands préceptes de la
théorie économique. Le fait qu'il y aura dans cette
éprouvette, lorsqu'elle sera secouée, des milliers de
travailleurs et travailleuses, des agriculteurs et des agricultrices, des
hommes et des femmes qui comptent parmi les éléments les plus
vunérables, souvent les plus démunis de la société
québécoise, ce fait sort des préoccupations de ces
approches théoriques.
On pourrait aussi retrouver, dans ce laboratoire social de
libre-échange, tout ce qui a pu caractériser l'évolution
du Québec au cours des dernières décennies, notamment le
rôle actif de l'État et, en particulier, de l'État
québécois dans le développement industriel, agricole et
régional québécois et dans l'édification d'une
société à notre mesure et à notre goût sur
les plans culturel, économique et social, mesure qui n'a rien à
voir, une société qui n'a rien à voir ou, en tout cas, qui
a bien des traits distinctifs de la société américaine.
Mais ces choses, ces éléments de réflexion, ces
éléments d'analyse sortent trop souvent des champs d'analyse
actuels. Si ces préoccupations ne sont pas du ressort des
économistes universitaires ou des spécialistes qui trouvent leur
compte dans ce qu'on a appelé récemment les défis du
libre- échange, ils sont cependant du ressort du gouvernement et de
l'ensemble des parlementaires, et nous estimons aussi qu'il est de notre
ressort à nous de faire ressortir ces points.
Ceux-ci ont la responsabilité - le gouvernement et les
parlementaires - première d'éviter ce que nous qualifions de
saccage de l'économie et des choix de société que nous
avons faits au Québec. Nous reconnaissons l'importance du commerce
international et nous favorisons la recherche d'une amélioration des
échanges avec notre principal partenaire commercial. D'ailleurs, le
Canada compte déjà parmi les pays les plus ouverts aux
échanges. Ce que nous ne pouvons admettre, toutefois, c'est qu'on adopte
la voie qui nous est tracée par l'entente Mulroney-Reagan, alors qu'il
existe des solutions de rechange non douloureuses, respectables, qui n'ont pas
été nécessairement discutées de manière
publique et ouverte pour assurer la croissance économique et l'avenir du
Québec. (12 h 30)
Pour notre coalition, il est clair, jusqu'à ce qu'on nous en
fasse la démonstration contraire, qu'avec l'entente Mulroney-Reagan,
nous y perdrions au change de façon certaine. La coalition demande au
gouvernement du Québec, en particulier à l'occasion de ce
débat, de nous dire en quoi peut-il être si sûr que les
termes de cet échange seront à n'en pas douter
bénéfiques pour la création d'emplois au Québec,
pour le développement des ressources humaines et pour l'accès
à une économie diversifiée en même temps qu'ouverte.
En quoi le gouvernement du Québec peut-il prétendre être si
sûr des bénéfices d'une alliance qui nous lie encore plus
étroitement non seulement à un partenaire très important,
mais à un partenaire dont l'économie n'est pas si reluisante?
Le Président (M. Charbonneau, Verchères): Je
constate que vous avez pris à peu près une dizaine de minutes. Je
ne sais pas si cela vous suffit pour le moment, ou si les deux autres
porte-parole veulent ajouter quelque chose au cours des cinq minutes qui
restent.
M. Laberge (Louis): Nous ajoutons de l'argent à notre
banque. C'est cela.
Une voix: C'est cela.
Le Président (M. Charbonneau, Verchères):
Écoutez, ce qu'on va faire, on ajoutera du temps aux 50 minutes de
débat général.
Alors, je vais maintenant céder la parole aux
représentants du Regroupement pour le libre-échange. D'abord M.
Landry, et M. Ducros par la suite.
M. Landry (Bernard): C'est plutôt l'inverse.
Le Président (M. Charbonneau, Verchères):
L'inverse? Alors, M. Ducros d'abord et M. Landry
par la suite.
Regroupement pour le libre-échange M. Pierre
Ducros
M. Ducros: Merci. M. le premier ministre, MM. les ministres, MM.
les membres de l'Opposition, M. le Président, madame, messieurs. Depuis
l'après-guerre, le progrès de la technologie en matière de
transport et la circulation de l'information, conjugués au
développement d'institutions internationales, ont conduit à
l'internationalisation croissante du phénomène économique.
Les pays les plus prospères sont ceux qui participent activement
à ce processus de mondialisation des échanges économiques.
Nous nous dirigeons tous vers une intégration économique
internationale de plus en plus importante, et il est vital pour un petit pays
comme le Canada d'entrer de plain-pied dans cette vague
irréversible.
Nous avons assisté à une intensification des liens
commerciaux et financiers entre les pays au moment de la signature, en octobre
1947, de l'accord général sur les tarifs douaniers et le
commerce, connu le plus souvent par son sigle anglais, le GATT. Alors qu'il y
avait 23 membres signataires de l'entente initiale, le GATT compte maintenant
95 membres, et 30 autres se soumettent à ces règles sans
ête formellement membres de l'organisme. L'intérêt croissant
des divers pays pour le commerce international se manifeste chez les pays de
l'Est comme la Russie et la Chine qui ont décidé d'ouvrir leurs
frontières et désirent faire partie des grands organismes qui
traitent des échanges commerciaux.
En plus de ces courants mondiaux vers la libéralisation des
échanges, il y a eu également dans l'après-guerre
plusieurs accords commerciaux de nature bilatérale ou
multilatérale qui ont permis à divers pays de
bénéficier encore davantage du commerce entre nations. Ces
accords respectent en général les règles du GATT et
permettent aux divers pays d'élargir leurs marchés et
d'être ainsi encore plus compétitifs et actifs sur le
marché international.
L'exemple le plus frappant, le plus connu de ce type particulier
d'accord est celui de la Communauté économique européenne
signé en 1957. Cette entente a été, en fait, un
élargissement remarquable d'une entente sectorielle qui était
survenue en 1951 entre certains pays européens et qui portait sur le
commerce du charbon et de l'acier. Il était devenu évident au
cours des années cinquante que les avantages que l'on tirait d'un accord
sectoriel pouvaient s'appliquer à tous les divers secteurs de
l'économie, et plusieurs pays européens ont donc convenu
d'établir un échéancier de libéralisation du
commerce des biens et des services.
L'Europe a pu, après avoir été
dévastée par la guerre, devenir une des zones les plus
prospères de ce monde. Le succès du traité a amené
d'autres pays à se joindre à la CEE au cours des années,
et les pays membres se préparent maintenant à l'étape
ultime de la libéralisation des échanges en 1992 et qui est celle
de la libre circulation des services entre les pays membres.
Le Canada, pour sa part, est relativement un petit pays sur le plan
économique qui compte de plus en plus sur le commerce extérieur
pour soutenir les revenus et les emplois de la population. Au cours des
années soixante, le Canada exportait environ 18 % de sa production sur
le marché international. Aujourd'hui, plus de 27 % de notre production
est exportée. Ces proportions sont semblables pour le Québec. Le
Canada est membre du GATT et a participé aux diverses séances de
négociation qui ont conduit à des baisses substantielles de tarif
depuis les années soixante et à une réduction des autres
entraves au commerce extérieur.
En plus de sa participation au GATT, le Canada a conclu, avec son
principal partenaire commercial, les États-Unis, des ententes
sectorielles de libération des échanges. Ces ententes ont
porté sur le matériel et l'équipement de la défense
au cours des années quarante et, ce qui ost plus connu, sur l'automobile
au cours des années soixante. Grâce à ces accords
sectoriels et grâce également aux négociations du GATT,
près de 70 % de notre commerce avec les États-Unis se fait
maintenant en franchise, c'est-à-dire libre de droits de douanes ou de
tarifs.
Pour participer à la mondialisation grandissante des
échanges commerciaux, le Canada doit inciter de plus en plus tous ses
agents économiques à se tourner vers le marché
international. Un accès sécuritaire et libre au marché du
pays le plus riche du monde, et qui est aussi notre principal partenaire
commercial, apparaît comme un élément essentiel pour
réaliser cet objectif.
Tout comme les pays européens sont passés d'une entente
sectorielle à un accord global de libre-échange, le Canada a tout
intérêt maintenant à dépasser le stade des accords
sectoriels pour accéder à une zone de libre-échange avec
les États-Unis. En fait, comme disait le premier ministre, l'Accord de
libre-échange est devenu essentiel pour le Canada pour deux raisons
fondamentales. Premièrement, depuis quelques années, nos
relations commerciales avec les États-Unis ont été
marquées de plusieurs mouvements protectionnistes qui étaient en
voie de menacer plusieurs de nos exportations majeures. Le Canada se devait
absolument d'entreprendre des démarches pour se donner une entente-cadre
dans le but de normaliser et civiliser ses rapports commerciaux avec les
États-Unis. Un des éléments clés de l'entente est
précisément de mettre un terme à la prise de mesures
arbitraires contre les exportations de l'autre pays et de se donner des
règles communes, acceptables pour assurer la libre circulation des
produits entre les deux pays. Sans cet accord, le Canada aurait pu être
engagé dans une guerre commerciale coûteuse et stérile.
La seconde raison après la résolution du problème
classique de la petite taille du marché canadien et du manque de
spécialisation des entreprises, la National Policy du siècle
précédent voulait mettre les entreprises canadiennes à
l'abri de la concurrence et favoriser les échanges est-ouest sur le
territoire canadien. Les effets de cette politique ont déjà
été atténués par les accords du GATT, les autres
traités que le Canada a signés, mais il reste que cette politique
a incité les entreprises à vendre sur le marché national,
plutôt que se tourner vers l'exportation. Au moment où
l'internationalisation des phénomènes économiques
s'accélèrent, le traité de libre-échange est un
levier exceptionnel pour amener les entreprises à se tourner vers le
marché d'exportation, à prendre les mesures nécessaires
pour accroître leur productivité, à accélérer
l'adoption des nouvelles technologies. Un accès libre et
sécuritaire au marché américain dans cette
stratégie doit être perçu comme un tremplin qui permettra
aux entreprises canadiennes de rayonner partout sur le marché
international. Déjà, d'ailleurs, plusieurs entreprises du
Québec se sont tournées vers l'exportation au cours des
dernières années pour assurer l'expansion de leurs
activités.
Le Président (M. Charbonneau, Verchères): M.
Ducros, je voudrais juste vous demander si vous achevez votre
présentation parce que vous grugez le temps de votre
collègue.
M. Ducros: Le traité permettra d'accentuer cette tendance
qui est source de création de revenus et d'emplois dans notre
société. Enfin, il faut bien souligner que la
prospérité que le libre-échange peut apporter aux
entreprises et aux travailleurs concerne tous les secteurs de la vie
économique, puisque le traité porte à la fois sur les
biens et services et que les retombées du traité se feront sentir
dans l'économie. En somme, le traité de libre-échange avec
les États-Unis va permettre au Canada de civiliser ses rapports
commerciaux avec les États-Unis et aussi d'accroître sa
prospérité par une participation grandissante aux échanges
commerciaux sur le marché international. J'aimerais passer la parole
à M. Bernard Landry.
Le Président (M. Charbonneau, Verchères): M.
Landry
M. Bernard Landry
M. Landry: M. le Président de la commission, M. le premier
ministre, M. le chef de l'Opposition, membres de l'Assemblée nationale,
mesdames et messieurs intervenants à cette table, je voudrais d'abord
complimenter la coalition qui s'oppose au libre-échange de nous donner
cette occasion assez extraordinaire de refaire un peu cette formule à
laquelle je croyais profondément, celle des sommets économiques.
La composition de cette table me les rappelle étrangement. Donc, merci
à ceux et à celles qui ont provoqué cette occasion dont je
vais maintenant me servir pour cibler davantage ce que le président du
regroupement a situé dans le contexte mondial et dans le contexte
international. Je vais cibler sur une question et sur un territoire. La
question est la question de l'emploi et le territoire est celui qui vous
préoccupe tous au plus haut point ici ce matin, c'est le Québec.
En rappelant brièvement trois chiffres, qui sont des chiffres de taux de
chômage: chômage aux États-Unis d'Amérique, autour de
5 %, chômage en Ontario, autour de 5 %, chômage au Québec,
autour de 10 %, alors que nous sommes dans une des phases conjoncturelles les
plus hautes de l'histoire des statistiques économiques, cela fait cinq
ans de suite qu'on a une croissance économique continue en
Amérique du Nord, alors que le Québec, lui, est probablement au
sommet de sa forme d'entrepreneurship. Depuis une dizaine d'années,
comme vous le savez, le Québec: se signale comme un des endroits dans ce
continent où il se crée le plus d'entreprises et où les
entreprises sont les mieux gérées et les plus dynamiques. Ce
chiffre doit nous faire réfléchir. Si, en haute conjoncture
à tous égards, il y a encore 10 % de notre main-d'oeuvre active
qui voudrait travailler et qui ne peut pas le faire, c'est que nous avons un
problème structurel majeur. La croissance économique, si elle
n'est pas pour donner des emplois aux hommes et aux femmes, et des emplois bien
rémunérés, est un mot vide de sens si c'est simplement
pour concentrer la richesse entre les mains de groupes de plus en plus
restreints. Cela ne veut pas dire que le libre-échange est une
panacée et une solution miracle, mais je crois profondément que
le libre-échange va donner au Québec l'occasion que l'Ontario a
eue, il y a 25 ans, avec l'Auto Pact de restructurer son économie et de
sortir de cette situation humiliante et inhumaine d'un niveau de chômage
intolérable.
Je m'explique un peu à la manière d'une obsession et c'est
en analyste que je le fais, ce n'est pas parce que je suis jaloux, mais
l'Ontario a hérité d'un demi-million d'emplois directs à
la faveur du premier contrat de libre-échange qui a été
signé entre Washington et Ottawa. Il aurait pu l'être entre
Toronto et Ottawa parce que, 25 ans après, 95 % des emplois de
l'automobile sont encore et toujours dans la province de l'Ontario. Ce sont les
emplois industriels les mieux payés et qui forment le coeur industriel
du Canada. Est-ce que l'Auto Pact - et on peut en discuter - est un accord de
libre-échange? La réponse est oui. Mais, c'est plus que cela et
c'est moins que cela à la fois puisque l'Auto Pact permet
essentiellement que la fabrication industrielle de l'automobile sur ce
continent soit mise en commun, comme les Européens l'ont fait pour
toutes les autres productions. Il est à noter d'ailleurs que quand
l'Auto Pact a été proposé, cela ne s'est pas fait tout
seul. Il y a même eu
de fortes oppositions syndicales à l'Auto Pact. C'est l'Auto
Pact, qui a été approuvé par le GATT comme un accord de
libre-échange, soit dit en passant, qui est aujourd'hui l'explication
essentielle de cette différence de taux de chômage entre le
Québec et l'Ontario. Il est à noter aussi que le
libre-échange, qui est une doctrine économique, on l'a
signalé, et qui était à l'origine une théorie
économique, est devenu une pratique économique pour la
majorité des Occidentaux, comme l'a dit le président du
regroupement. Nous ne sommes pas des définisseurs de situation. Nous
sommes dans les derniers, en Amérique du Nord, à accéder
à une zone de libre-échange. Or, les pays qui ont le mieux
réussi, non seulement sur le plan économique mais sur le pian
social en Occident, ont fondé leur développement sur le
libre-échange et en ont été d'ardents défenseurs.
En plus, ces pays ont en commun avec le Québec d'avoir une population
relativement modeste. Je pense à la Suède et à l'Autriche,
deux pays exemplaires sur le plan des mesures sociales, deux pays exemplaires
sur le plan du contrôle du chômage et deux pays qui ont
été membres fondateurs de l'Association européenne de
libre-échange dont on sait qu'elle a, par la suite, signé un
accord de libre-échange avec la Communauté économique et
le Marché commun, ce qui a donné aux producteurs de Volvo un
accès pour leurs produits à 350 000 000 de consommateurs, sans
douane ni tarif, ce qui a mis les ouvriers qui travaillent chez Volvo dans la
même situation que les ouvriers qui travaillent à Oshawa chez GM,
c'est-à-dire fabriquer pour un grand marché, avoir de bonnes
conditions de travail, avoir un taux de chômage bas et créer la
prospérité dans leur pays. (12 h 45)
Alors, c'est sur cet aspect que je veux insister. Le
libre-échange n'est pas une panacée. Il va nous donner une chance
formidable, qui nous est refusée depuis longtemps, de nous restructurer
dans la voie de la création des emplois; il va nous donner une chance
formidable de limiter les dégâts causés par le
protectionnisme. Et je suis d'accord avec ceux qui préconisent qu'une
situation de droit entre le Canada et les États-Unis est bien mieux
qu'une situation d'anarchie.
Je vais terminer par une citation que j'ai peut-être
déjà employée d'ailleurs devant cette commission: Entre le
fort et le faible ou entre le grand et le petit, un contrat ou une loi
protège et c'est la liberté qui opprime. Actuellement, les
rapports entre le Canada et les États-Unis sont plus qu'en
liberté, ils sont anarchiques, sauf pour l'automobile, et cela nous a
causé des problèmes graves. Mon successeur au Commerce
extérieur a vécu les mêmes affres que moi, de savoir qu'une
commission à Washington, de façon unilatérale, efface des
emplois à Val-d'Or, à Senneterre et à Saint-Pamphile. Avec
ce traité, nous aurons moins de chance que de tels malheurs nous
arrivent.
Discussion générale
Le Président (M. Charbonneau, Verchères): Merci, M.
Landry. Ces dernières paroles mettent fin à l'étape des
déclarations d'ouverture. Maintenant nous engageons la discussion, la
vraie discussion. C'est à partir de cette étape-ci que je vous
demande un maximum de collaboration parce qu'il va falloir qu'on se comprenne.
Je vous rappelle que ce que je voudrais qu'on fasse ce ne sont pas de longs
discours mais des interventions et que les règles sur lesquelles vous
vous êtes tous entendus font en sorte que, quand un intervenant aborde un
sujet, on souhaite rester sur ce sujet-là pendant au maximum une dizaine
de minutes. Cela ne fait pas beaucoup de temps pour l'ensemble des sujets qu'on
voudrait aborder dans ce débat général. Alors, si
possible, on n'est pas nécessairement obligé de prendre dix
minutes sur un su-jet.
Je vous demanderais aussi, quand vous intervenez, de m'indiquer
immédiatement à qui vous vous adressez, c'est-à-dire
à qui vous voulez poser la question, pour que je puisse permettre
à l'intervenant... Je vais d'abord reconnaître le président
de la CSN et par la suite le député de Bertrand. Ce sont les deux
premiers intervenants que je mets en liste. Alors, M. Larose.
M. Larose (Gérald): Je m'adresse au premier ministre.
D'abord, je veux souligner que cela a été un plaisir pour nous de
demander cette commission. Nous aurions aimé multiplier ces occasions
mais nos vis-à-vis, porte-parole et promoteurs du projet, ont
systématiquement quitté les scènes qui nous étaient
offertes pour faire le vrai débat sur la question du
libre-échange. Mais aujourd'hui, l'occasion nous en est
donnée.
De tous les promoteurs de ce projet... et je suis content de constater
que le premier ministre, dans sa présentation, n'a pas
évoqué le Pacte de l'auto comme étant le modèle du
traité de libre-échange, et que parmi tous ceux qui mettent cet
exemple en avant, il n'y a que M. Landry pour essayer de faire croire que le
Pacte de l'auto est un pacte de libre-échange alors que c'est exactement
le contraire. Le Pacte de l'auto, c'est une entente de deux pays pour
s'entendre sur une répartition de la production donc, cela n'a rien
à voir avec un accord de libre-échange. Alors, là-dessus,
je suis plutôt content de voir qu'il n'y en a qu'un seul qui essaie de
fausser le débat à partir de cet exemple qui a été
profitable pour le Canada et non pour le Québec parce que,
précisément, on n'a pas eu au Québec la reproduction de
cette entente qui aurait fait qu'on aurait produit, au Québec,
l'équivalent de ce que nous consommons comme voitures, comme
automobiles.
Alors je voudrais poser la question au premier ministre à savoir,
lorsqu'il regarde cet
accord si, pour lui, c'est un accord strictement économique ou si
cela a des implications sur le plan social et des implications sur le plan
politique. Je sais bien qu'il y en a qui peuvent avoir des
intérêts dans l'application de cet accord mais est-ce que les
intérêts sont "chromés" égaux pour l'ensemble de la
population?
Le Président (M. Charbonneau, Verchères): M. le
premier ministre.
M. Bourassa: Merci M. Larose. Je n'aurais jamais prévu que
peut-être un jour j'aurais à arbitrer entre M. Landry et le
président de la CSN. Mais l'évolution politique est pleine de
rebondissements.
Ce que je voudrais dire à M. Larose, dont on ne peut certainement
pas contester la sincérité dans la défense de la cause des
travailleurs, c'est que essentiellement dans cette première étape
j'ai déjà signalé il y a quelques années que, dans
ces étapes d'intégration économique, on ne pouvait pas
éliminer un certain danger que j'exprime comme étant la dynamique
interne du développement du processus économique et que le
libre-échange... M. Landry faisait référence tantôt
à certains pays du libre-échange qui faisaient partie
indirectement de la zone du libre-échange; on peut penser à
l'Irlande ou au Danemark, je crois, qui ont par la suite adhéré
au Marché commun qui deviendra un marché unique en 1992 et qui
suppose une certaine coopération financière, forcément,
une stabilitié dans les taux de change. Donc, il y a cette dynamique
interne qui existe dans le processus d'intégration qui peut expliquer
les inquiétudes de M. Larose et de ses collègues ou n'est-ce pas
là la première étape qui peut nous conduire à une
union politique éventuellement?
Je ne crois pas que dans l'accord actuel, tel qu'il est
présenté, on puisse voir un danger pour l'intégration
politique du Canada aux États-Unis. Vous avez des pays très
différents dans la zone du libre-échange. Je pense à la
Suisse et à la Suède: la Suisse qui a, par tradition politique,
une approche assez conservatrice, alors que la Suède, au contraire, a
une approche très sociale-démocrate. Pourtant, ces deux
pays-là font du libre-échange entre eux sans que leur politique
sociale en soit affectée.
Alors, pour répondre à votre question, je crois que dans
les circonstances, il faut être vigilant sur le développement de
l'entente avec les Américains, sur les implications politiques
éventuelles que cela peut comporter, mais l'accord qui nous est soumis
est un accord essentiellement pratique ou réaliste, tenant compte du
contexte rétablissant l'équilibre. Je vous dis bien franchement,
M. Larose, que je suis tout à fait d'accord avec M. Landry quand il
parie des avantages qu'a pu avoir l'Ontario jusqu'à maintenant avec les
politiques fédérales, que ce soit sur la ligne Borden, sur la
canalisation du Saint-Laurent ou sur le Pacte de l'auto.
Vous avez là trois politiques fédérales - c'est ce
que j'avais soulevé sans donner d'exemple concret lors de ma rencontre
avec M. Mulroney et M. Peterson - qui expliquent peut-être l'écart
dans le taux de chômage que connaissent le Québec et l'Ontario,
écart qui est encore très inquiétant, et que le Pacte de
l'auto, même si ce n'est pas ce que l'on peut appeler traditionnellement
un accord strictement de libre-échange parce qu'il est
conditionné, il a plusieurs conditions... Il reste qu'il y a une libre
circulation des produits qui montre que le Canada est capable de faire face
à la compétition américaine quand il y a un
encadrement.
Le Président (M. Charbonneau, Verchères): M. le
premier ministre, pour qu'il y ait libre circulation sur les idées, je
vais vous arrêter à ce moment-ci.
M. Bourassa: Oui. Je pourrais simplement conclure par un point,
pour essayer de convaincre M. Larose.
Le Président (M. Charbonneau, Verchères): Je veux
juste avertir tout le monde que les règles sont les règles de
l'Assemblée nationale. Alors, les défauts des uns, j'aimerais
qu'on ne les répète pas ici, alors que l'on peut toujours les
conserver au salon bleu. Si tout le monde veut se contenter de questions et de
réponses plus courtes, tout le monde aura plus de temps.
M. Bourassa: D'accord, je m'excuse si j'ai été trop
long, mais je pense que la question était très pertinente.
Le Président (M. Charbonneau, Verchères):
Non,ça va.
M. Bourassa: Juste un point que je n'ai pas mentionné dans
mes remarques préliminaires et qui est relié à
l'écart de chômage que nous avons avec l'Ontario, parce que c'est
une des parties les plus importantes, c'est la question des investissements. Ce
soir, je rencontre des Japonais qui veulent investir 700 000 000 $ au
Québec, on a vu les Arabes, les réservoirs de capitaux les plus
importants au monde sont maintenant intéressés plus qu'avant
à investir au Québec. Peut-être que l'Ontario peut prendre
ses distances avec les investissements étrangers, mais avec 9,5 % de
chômeurs, nous avons encore besoin d'investissements étrangers et
l'accord de libre-échange...
Le Président (M. Charbonneau, Verchères): Merci, M.
Bourassa.
M. Bourassa: Je termine ma phrase, ...crée un climat
économique plus favorable pour combattre le chômage.
Le Président (M. Charbonneau, Verchères):
Très bien. Alors, je reconnais M. Larose, si vous voulez poser
une question additionnelle, parce que ce sont les règles qu'on a
fixées, mais si vous n'y tenez pas, il y a d'autres personnes de votre
coalition qui avaient demandé à être entendues.
M. Larose: Trente secondes pour dire que si le Pacte de l'auto
était un accord de libre-échange, j'explique mal l'acharnement
avec lequel les Américains s'y sont pris pour essayer de le modifier et
effectivement d'obtenir une clause nord-américaine. Dans ce
sens-là, je dis que tout l'accord c'est pour, effectivement, que ce soit
les seules règles du marché qui s'appliquent et qu'il n'y ait
plus de frontières. Ce n'est pas tout à fait ce que le Pacte de
l'automobile prévoit.
Le Président (M. Charbonneau, Verchères): Je vais
donner la parole à M. Landry, je pense qu'il a une réplique
à la question.
M. Landry: Cela fait plusieurs fois que M. Larose et moi avons
des divergences sur cette question sans jamais avoir pu s'en parler en face, je
pense. Alors l'occasion est belle ce matin. Je reprends chacun de mes mots. Le
Pacte de l'automobile, c'est un accord de libre-échange, d'une part;
c'est plus et c'est moins, d'autre part. Quel est le coeur d'un accord de
libre-échange? C'est la libre circulation du produit, l'absence de
douane et de tarif. C'est l'essence d'un accord de libre-échange et
c'est cela qui existe entre le Canada et les États-Unis
d'Amérique pour l'automobile. Vous reconnaissez cela, M. Larose, c'est
de notoriété publique.
M. Larose: Oui.
M. Landry: Deuxièmement, vous me direz que c'est
peut-être un argument d'autorité mais le GATT qui est l'accord
général doit approuver les accords particuliers. Or, le GATT a
approuvé, comme exception, l'accord de l'automobile entre le Canada et
les États-Unis comme un accord de libre-échange. Alors là,
c'est Genève qui arbitre entre nous, ce n'est plus le premier ministre
du Québec malgré qu'il occupe une fonction auguste.
Enfin, vous me dites souvent, les interlocuteurs syndicaux m'ont dit
souvent: Oui, mais dans le Pacte de l'automobile il y avait des garanties de
production et vous avez raison de dire cela. Claude Ducharme connaît cela
par coeur sauf qu'en 25 ans elles n'ont pas été invoquées
une seule fois. Donc, c'est l'Accord de libre-échange qui a
été la réalité automobile entre le Canada et les
États-Unis et non pas les contingents de production et cela a
prouvé que nos travailleurs, ceux d'Oshawa surtout mais ceux ce
Sainte-Thérèse aussi, sont capables de concurrencer.
Le Président (M. Charbonneau, Verchères): M.
Laberge.
M. Laberge (Louis): Quand l'Accord de libre-échange sera
comme le Pacte de l'automobile, qu'on puisse produire au Québec autant
de voitures que nous achetons, on se reparlera de l'Accord de
libre-échange.
M. Landry: Elles n'ont jamais été invoquées
en 25 ans, M. le président de la FTQ.
Le Président (M. Charbonneau, Verchères): M.
Larose, si vous voulez faire des commentaires, faites-les dans le micro pour
qu'on les entende. Est-ce sur le même sujet? M. MacDonald, est-ce sur le
même sujet?
M. MacDonald: Oui. Pour souligner l'importance qu'a pu avoir le
Pacte de l'automobile, dans des conditions de libre-échange, avec des
conditions positives ou négatives comme l'a dit M. Landry, avant la
signature du pacte, le Canada avait 6 % de la production automobile de
l'Amérique du Nord et nous avions 11 % de la consommation. Avec le Pacte
de l'automobile, aujourd'hui, nous avons encore 11 % de la consommation mais
nous avons 14 % de la production. Ce n'était pas strictement et purement
une question de partage...
M. Laberge (Louis): C'était quoi? M. MacDonald:
Pardon?
M. Laberge (Louis): C'était quoi? Pourquoi on a
augmenté non pas à 11 % mais à 14 %?
M. MacDonald: II s'est créé des conditions
d'investissements, il s'est créé une productivité.
M. Laberge (Louis): C'est que l'accord, le Pacte de l'automobile
les forçait à avoir un contenu canadien de 60 %, voilà
pourquoi. Alors, 60 % c'est plus que 50 %, donc, on n'a pas augmenté
à 11 %, on a augmenté à 14 % parce que c'était 60
%. Et ça, c'est disparu avec l'entente.
Le Président (M. Charbonneau, Verchères): Une
dernière réplique sur ce sujet-là puis on va passer
à une autre question principale.
M. MacDonald: Je pensais que M. Laberge apprécierait le
fait de 9 $ l'heure davantage de productivité au Canada; c'est un autre
facteur.
M. Laberge (Louis): Évidemment.
Le Président (M. Charbonneau, Verchères):
Très bien. On va maintenant passer à une autre question, M. le
député de Bertrand. Les prochains intervenants, pour d'autres
questions principales, seront M. Laberge et M. Proulx. M. le
député de Bertrand.
M. Parent (Bertrand): Merci, M. le Président. Ma question
s'adresse au premier ministre. Vu qu'on n'est pas au salon bleu, j'ai le droit
de déroger, je peux m'adresser au premier ministre.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Parent (Bertrand): Je suis sûr que le premier ministre
va avoir un comportement différent au salon rouge qu'au salon bleu. Ma
préoccupation se situe, particulièrement, sur les conditions qu'a
posées le gouvernement du Québec. On se souviendra, M. le
Président, qu'en cette même salle, le 16 décembre dernier,
donc six mois jour pour jour, le ministre du Commerce extérieur et du
Développement technologique nous a réitéré à
plusieurs reprises dans une commission parlementaire sur le
libre-échange, qu'il faisait des sept conditions l'application,
c'est-à-dire la mise en oeuvre de ces conditions-là, une
condition sine qua non pour donner son accord au libre-échange. On sait
qu'on est à six mois de l'entrée en vigueur du
libre-échange, soit le 1er janvier 1989.
Je voudrais savoir, d'abord, si le premier ministre, aujourd'hui, est
prêt, devant les membres de cette commission, à prendre
l'engagement formel puisqu'il a laissé entendre tantôt que les
conditions étaient déjà satisfaites. Je pense que les
conditions ne sont pas satisfaites et particulièrement l'article 1, le
respect intégral des compétences, l'article 4, la mise sur pied
des programmes d'assistance et l'article 5, le mécanisme de
règlement. D'ailleurs, le premier ministre devra reconnaître que
le document publié par le ministère du Commerce extérieur
et du Développement technologique, il y a un mois et demi, en fait
état et particulièrement sur les points 4 et 5. (13 heures)
Est-ce que le premier ministre, ce matin, est prêt à
prendre l'engagement dans le sens que les conditions vont être
complètement respectées pour être capable de donner
l'Accord de libre-échange? Dans ce sens-là, est-ce qu'il est
prêt aussi à nous confirmer, puisqu'il l'a fait de façon un
peu floue les 25 et 26 mai derniers en Chambre, concernant l'ingérence
du fédéral avec son projet de loi 130 sur les articles 6 et 9,
est-ce qu'il est prêt ce matin à prendre l'engagement de demander
au gouvernement fédéral, de réitérer sa demande que
les articles 6 et 9, et particulièrement l'article 6, doivent être
retirés du projet de loi fédéral si on veut être
capable de respecter le point 1 de ses propres conditions?
Le Président (M. Charbonneau, Verchères): M. le
premier ministre.
M. Bourassa: M. le Président, je crois que j'ai
déjà répondu. Le ministre, M. Rémillard, avait
déjà répondu en Chambre. Depuis les quelques jours
où on a eu le débat, il n'y a eu aucune question par la suite sur
les articles 6 et 9. J'en avais conclu que l'Opposition s'était
ralliée à l'attitude du gouvernement.
Les articles 6 et 9 peuvent paraître un peu lointains pour
certains d'entre nous. L'article 6 a pour but de rassurer les
Américains. J'ai eu l'occasion, comme je vous le disais hier, d'en
parler avec plusieurs responsables du côté américain. De
leur côté, ce qui les intéresse est d'avoir la garantie que
le traité sera appliqué. J'ai dit à l'Assemblée
nationale que ce n'était pas la formule qu'on aurait choisie. On aurait
préféré que le gouvernement canadien invoque les
pénalités financières qu'on retrouve dans le traité
puisqu'il s'agit d'un cas particulier, le cas des producteurs de vin d'une
province, laquelle province a déjà accepté, avec le GATT,
un délai d'une douzaine d'années alors que dans le traité
de libre-échange, il s'agit de sept ans.
Nous avons vérifié, sur le plan juridique, l'article 9,
nous protégeons la compétence législative du Québec
avec nos propres lois, nos propres règlements; et l'article 6, je l'ai
dit, j'ai cité une cause qui a été d'actualité,
Churchill Falls, les articles qui sont adoptés par les Parlements et qui
n'ont pour but que d'exprimer une intention politique ne peuvent pas, d'une
façon concrète et réelle entraver la juridiction des
provinces.
En quelques secondes, M. le Président. Le gouvernement
fédéral, s'il veut intervenir dans d'autres secteurs, devra
adopter ses propres lois. Le député de Bertrand dit: Demandez le
retrait. Nous sommes d'accord pour le traité de libre-échange.
Nous appliquons notre propre juridiction dans le cas de l'article 9. Quant
à l'article 6, c'est un article purement politique. C'est pourquoi nous
avons protesté, comme je vous le disais, nous avons été
négatifs sur le plan de l'intervention fédérale mais sur
le plan du traité comme tel, nous croyons qu'il est encore à
l'avantage du Québec.
Le Président (M. Charbonneau, Verchères): M. le
député de Bertrand, en additionnelle.
M. Parent (Bertrand): II a répondu à une partie de
ma question, il y avait l'autre volet des conditions. Mais pour terminer sur
les articles 6 et 9, c'est le genre de réponses qui porte à
confusion.
Quand le premier ministre nous dit ce matin: On pensait que l'Opposition
s'était ralliée. Je m'excuse mais en Chambre, le 26 mai, M. le
premier ministre, voici ce que vous avez répondu, et je vous cite au
texte: "Je veux dire au chef de l'Opposition que pour l'article 9 -
contrairement à ce qu'il dit - nous avons agi, nous avons pris les
mesures qui nous apparaissent les plus efficaces et nous avons
déjà réclamé son retrait." C'est le 26 mai, ce
n'est pas loin. Vous avez dit en Chambre, M. le premier ministre, que vous
aviez demandé le retrait et, ce matin, vous nous
dites: Ce n'est pas nécessaire. On va s'y prendre autrement.
C'est là-dessus qu'on n'est pas d'accord. C'est important de
réclamer le retrait, si vous croyez qu'il y a un danger
d'ingérence et d'interprétation. Le danger sera
l'interprétation devant les tribunaux. On sait par les
expériences du passé, lorsqu'il y a eu interprétation, ce
que cela a donné au Québec.
Le Président (M. Charbonneau, Verchères): M. le
premier ministre.
M. Bourassa: Vous déformez un peu mes paroles. Si vous
m'aviez posé des questions, j'aurais pu préciser à
l'Assemblée nationale.
J'ai dit que quand j'avais rencontré M. Crosbie - et c'est ce que
je viens de dire - je lui avais dit que je préférais une autre
approche, d'appliquer les pénalités financières là
où il y a non-respect du traité. Comme ils ont
décidé de prendre cette approche, nous avons agi en
protégeant notre propre juridiction. D'ailleurs, je pourrais citer des
constitutionnalistes comme Gérald Beaudoin qui ont appuyé la
position du gouvernement et, sans vouloir vous embarrasser, M. Landry
aussi.
Le Président (M. Charbonneau, Verchères): Sur le
même sujet, M. le député, parce qu'il y a la question des
conditions du gouvernement. Est-ce qu'il y a d'autres interventions, soit sur
les conditions ou sur les deux articles? S'il n'y en a pas je vais prendre...
M. le chef de l'Opposition.
M. Chevrette: Je me demande comment le premier ministre peut
décemment dire, s'il laisse passer l'article 9, comment il pourra
s'opposer par la suite. Il dit qu'il n'est pas touché, que cela touche
seulement l'Ontario, donc qu'il n'y a pas de problème. Mais la
portée de l'article 6, c'est une porte ouverte précisément
que s'est donné le fédéral pour pouvoir - en bon
québécois - organiser le portrait de l'Ontario. Est-ce que la
portée de cet article 6 ne permettra pas d'organiser le Québec
quand viendra le temps? Par exemple, si on ne s'entend pas sur la
définition de mot subvention... Le pouvoir que se donne le gouvernement
central avec l'article 6, est-ce que ce ne sera pas la même chose? Il
introduira un article 9b et, cette fois-ci, c'est le Québec qui passera
au moulin à viande.
Le Président (M. Charbonneau, Verchères): M.
Landry, vous vouliez ajouter un commentaire?
M. Landry: Je ne veux pas arbitrer, mais puisque j'ai
été mis en cause... Je pense que l'Opposition a raison de
s'inquiéter et d'ameuter le gouvernement. Je pense que, sur le fond des
choses, le premier ministre partage votre vision, à savoir que le
gouvernement n'a pas le droit, en signant un traité avec
l'étranger, de changer la constitution interne. S'il peut faire cela, la
constitution canadienne en entier s'écroule et n'a plus aucun sens.
Toute l'action internationale du Québec est fondée sur ce
principe qui a été admis par les cours entre les deux guerres, en
particulier dans une cause célèbre du travail, que le
Québec a la prolongation externe de ses juridictions internes. C'est la
doctrine Paul Gérin-Lajoie qui a donné naissance à toute
la politique étrangère du Québec. L'Opposition fait son
travail et je pense qu'il faut être très soigneux avec cela. Il ne
faut pas sombrer dans des hypothèses absurdes non plus. Le gouvernement
est habile en prenant les devants. Vous faites comme pour la Commission de
contrôle des salaires et des prix, comme vous aviez fait avant que nous
ayons l'honneur de vous succéder. Cela ne vous avait pas porté
chance cette fois-là. Faites-le encore, peut-être avec le
même résultat pour l'Opposition quelques années plus
tard.
M. Chevrette: Vous pourriez souligner, M. Landry, que dans le cas
précisément du contrôle des prix, c'est une entente entre
le fédéral et la province de Québec. On sait que cela a
été ratifié par le fédéral. On a dit au
fédéral: Faites donc tout pour nous, on ne contestera plus. Mais
dans le cas précis, ce n'est pas une loi cherchant à ratifier le
traité de libre-échange. Le fédéral se donne un
pouvoir d'interpréter, éventuellement. À mon point de vue,
c'est totalement inacceptable. C'est un pouvoir d'interprétation qu'il
se donne. Sans même une contestation américaine, on pourrait
arriver à des aberrations où le fédéral craignant
quelque chose ne fait que concrétiser par une loi à partir du
pouvoir de portée générale qu'il se donne dans C-130. Et
voici, le jeu est fait, il faudra contester devant les tribunaux. Au lieu
d'avoir une représentation devant les comités d'arbitrage
où on pourrait plaider notre cause, on sera contraint, comme
Québec, à aller se ramasser devant les tribunaux de la Cour
suprême pour dire: Voici, tranchez donc, et on n'aura même pas
droit au chapitre. Je trouve cela inacceptable.
Le Président (M. Charbonneau, Verchères): M. le
premier ministre, un dernière réplique sur ce sujet.
M. Bourassa: M. le chef de l'Opposition, une dernière
réplique. C'est ce que j'ai répondu, un peu, tantôt. On
vient de voir dans la cause de Churchill Falls que les gouvernements qui
adoptent des lois avec des articles de nature politique ne vont pas très
loin parce que ce sont les tribunaux qui interprètent les lois. Ce n'est
pas parce que le gouvernement adopte un article d'intention
générale qu'il se trouve à envahir la juridiction des
provinces. Les tribunaux ont dit: C'est un article d'interprétation
politique, c'est un peu cela, mutatis mutandis. Ce que je vous dis, c'est que
si le gouvernement fédéral, indépendamment de l'article 6
- ce n'est pas cela qui va ouvrir la voie - arrive avec une
législation
qui va contre les intérêts du Québec, là nous
pourrons utiliser notre pouvoir politique, là nous pourrons utiliser la
contestation devant les tribunaux.
M. Chevrette: Quelle crédibilité le premier
ministre pourra avoir s'il laisse passer l'article 9?
M. Bourassa: L'article 9 ou l'article 6? M. Chevrette: Je
vais dire autre chose...
M. Bourassa: On ne laisse pas passer l'article 9.
M. Chevrette: ...le premier ministre, dans son argumentation, dit
que c'est une clause pour sécuriser les Américains. Son premier
rôle comme premier ministre du Québec, c'est de sécuriser
les Québécois d'abord.
M. Bourassa: Là, ce sont des phrases, restons à un
niveau un peu plus pertinent. Ce que je vous dis c'est que, sur cette question,
ce n'est pas de l'article 9 dont on parle. Pour l'article 9 nous agissons comme
nous l'avons fait en 1975 où c'est allé devant les tribunaux.
Nous avons participé au débat.
L'article 6... le chef de l'Opposition, et je ne voudrais surtout pas le
blâmer, confond l'article 6 et l'article 9. Non, l'article 9 est celui
qui permet au gouvernement d'adopter des règlements; "peut", qu'il
relise l'article, on parle de "peut". L'article 6 comme tel n'a pas de
portée juridique et laisse intact tout le pouvoir d'intervention du
gouvernement du Québec, et sur le plan juridique et sur le plan
politique, pour protéger sa juridiction.
S'il veut me poser d'autres questions parce que le temps est
écoulé, demain, à l'Assemblée nationale, je serai
disponible pour répondre à ses questions.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Chevrette: Je vous invite à répondre de la
façon dont vous le faites ici à l'Assemblée nationale et
vous en aurez.
Le Président (M. Charbonneau, Verchères): M.
Laberge, pour une autre question principale, la troisième. «
M. Laberge (Louis): Oui, c'était un peu sur la même
chose, soit au ministre ou au premier ministre: Croyez-vous que vos conditions
préalables à l'entente sont remplies? Je mentionne seulement
quelques exemples, comme au numéro 7 où vous dites que vous
croyez qu'il y a une façon de régler les choses
définitivement. Nous regardons l'entente et nous ne voyons pas cela. Il
y aura un comité spécial, une plainte sera traduite devant ce
comité qui regardera cela pour voir s'il y a une plainte ou non; s'il
n'y en a pas, il la renvoie aux autorités pour qu'elles continuent de la
discuter. Je ne vois pas qu'on règle quelque chose définitivement
comme c'est là. La liberté d'exporter de
l'électricité, ce n'est pas notre plus grand souci, cela en est
un, mais notre plus grand souci, c'est de pouvoir continuer d'attirer, au
Québec, des entreprises, grandes consommatrices
d'électricité en leur faisant des "bargains". Ce que nous avons
lu dans l'entente, c'est qu'on ne pourrait plus faire cela parce qu'il va
falloir vendre aux Américains au même taux qu'on charge à
nos clients préférés. Est-ce que cela est disparu?
M. Bourassa: Je crois que...
Le Président (M. Charbonneau, Verchères): M. le
premier ministre.
M. Bourassa: ...votre lecture est un peu imparfaite, M. Laberge,
avec tout le respect que j'ai pour vous. En ce qui a trait à
l'électricité, là, vous me permettrez d'en parler, c'est
un sujet que je connais assez bien et dont je parle constamment.
M. Laberge (Louis): L'humilité vous avait
empêché d'en parler tantôt, alors je me suis dit: je vais
lui en donner l'occasion.
M. Bourassa: Oui, je sais. J'apprécie cette expression de
solidarité pour la défense des intérêts du
Québec. Dans le domaine de l'électricité, si nous pouvons,
comme vous dites, offrir des "bargains", c'est qu'elle nous coûte
beaucoup moins cher. Je veux dire, on le sait que nous pouvons encore produire,
à LG-1, à quatre sous.
M. Laberge (Louis): Ne vous méprenez pas! Je suis d'accord
avec cela, on est tous d'accord avec cela. Mais ce que nous disons, c'est qu'on
a vu dans l'entente qu'on ne pourrait plus le faire à l'avenir.
M. Larose: La question du traitement national, par exemple.
M. Bourassa: En ce qui a trait à
l'électricité, c'est simplement la source alternative. Il y avait
deux tests, nous gardons... C'est la loi du marché qui va s'appliquer.
Par exemple, ce qu'on a signé avec New York: on sait qu'en 1995, dans le
cas de l'État de New York, on va pouvoir vendre à un prix
beaucoup plus élevé que ce qu'on offrira aux entreprises
québécoises et cela est tout à fait conforme au
traité. Donc, dans ce sens-là, nous avons un argument de plus
vis-à-vis des Américains. On le sait - en fin de semaine,
j'étais accompagné de plusieurs médias - au mois de juin,
ils ont déjà des problèmes d'approvisionnement, alors
qu'est-ce que cela va être au mois de juillet? Ils ont une centrale
nucléaire qui devait ouvrir il y a deux ans et qui
n'est pas encore ouverte à Seabrook, elle aura coûté
8 000 000 000 $ en dollars canadiens. Il faut qu'il paie 600 000 000 $
d'intérêt chaque année et cela ne rapporte pas un sou, ils
ne peuvent pas l'ouvrir. Le gouverneur de l'État de New York et ses
collaborateurs ont fermé une centrale nucléaire de Shoreham. Nous
avons encore là un marché qui demeure très
intéressant. Le traité sur le libre-échange consolide pour
eux la fiabilité des approvisionnements du Québec, en ce sens
qu'ils seront assurés que, à cause du traité, ils ne
seront pas traités d'une façon inégale sur le plan de
l'approvisionnement, c'est-à-dire qu'il n'y a pas un gouvernement du
Québec qui pourra renoncer à sa parole donnée dans un
contrat. Mais quant au prix, c'est la loi du marché qui s'applique avec
tous les avantages que nous avons au Québec parce que nous produisons
l'électricité à un bien meilleur prix que, eux, en
produisent avec les centrales nucléaires ou les centrales au
pétrole.
Le Président (M. Charbonneau, Verchères): M.
Larose.
(13 h 15)
M. Larose: J'ai deux mesures ici, dans l'article 904, où
on dit qu'un pays s'engage, même en cas de pénurie, à
maintenir la proportion des exportations vers l'autre pays, relatives à
la production totale du produit, au même niveau que celui observé
pendant les trois années précédentes et,
deuxièmement, ne peut appliquer "un prix à l'exportation plus
élevé que le prix demandé lorsque le produit est
consommé au pays".
Pour ce qui est de la question du traitement national, il me semble
qu'on avait compris que les Américains avaient droit au même
traitement que les Canadiens et les Québécois. Si vous nous dites
que ce n'est pas cela qui est dans l'accord, on va être bien contents.
Mais ce n'est pas tout à fait ce qu'on avait lu.
M. Laberge (Louis): C'est ce que je disais tantôt: Est-ce
qu'il a deux accords, une copie qu'on a, qui n'est pas conforme?
Le Président (M. Charbonneau, Verchères): M. le
premier ministre.
M. Bourassa: M. le Président, pour être le plus bref
possible, sur le plan technique en ce qui concerne ces questions, je disais
qu'il y avait trois tests. Il y a un test sur les sources alternatives
concernant le coût. Pour tout le reste, nous sommes totalement
protégés sur les lois du marché. Je demanderais à
M. Grenier, qui a négocié cette question de
l'électricité comme telle, de donner les détails
techniques qui pourront rassurer le président de la CSN sur l'article
904.
Le Président (M. Charbonneau, Verchères): M.
Grenier, j'aimerais seulement que vous identifiez pour quel organisme ou quel
ministère vous travaillez pour les fins de la compréhension.
M. Grenier (Cari): Cari Grenier du ministère du Commerce
extérieur et du Développement technologique. Je pense que tout ce
qu'il faut ajouter, en fait, à ce que M. Bourassa a déjà
dit, c'est que ce que signifie cet article, c'est que le gouvernement ne peut
pas agir sur le prix à l'exportation pour les fins de ces
marchés. C'est la loi du marché, en fait. Cela ne veut pas dire
du tout qu'on ne peut pas vendre notre électricité aux
États-Unis plus chère qu'on la vend ici. C'est le cas
actuellement et c'est le cas du passé également. C'est ce qui va
continuer.
M. Larose: Une question précise. Dans l'entente de
Pechiney, il me semble qu'il y a une tarification particulière pour
attirer ce secteur industriel. Ma question très précise est:
Est-ce qu'on peut rendre disponible à des secteurs industriels une
tarification aussi privilégiée, sans la rendre disponible aux
Américains? C'est la question très précise.
Le Président (M. Charbonneau, Verchères): M.
Grenier.
M. Bourassa: M. le Président, M. Grenier pourra
compléter, mais on sait que, sur ce plan, au pire, l'entente ne change
rien, parce que les Américains auraient pu, de toute manière,
s'opposer aux privilèges qu'a obtenus Pechiney. Actuellement, ils
pourraient le faire en disant que c'est un avantage indu. Mais on sait que dans
le cas de Pechiney, ce qu'on a fait, c'est qu'on avait des surplus
considérables à cause du ralentissement économique et que
le gouvernement n'a pas perdu... La loi du marché a continué de
s'appliquer. C'est à cause de cette richesse relative du Québec,
dans les questions d'électricité, qu'on peut offrir à
Pechiney, à Reynolds, à Norsk Hydro ou à d'autres des
avantages particuliers. Mais l'entente ne change absolument rien sur les
pouvoirs qu'on a de bénéficier des avantages économiques
du Québec.
M. Larose: Vous nous confirmez que les Américains auront
droit à ces privilèges-là?
M. Bourassa: Non, ce que je dis, M. le Président, c'est
que nous pouvons continuer ce que nous faisions avant, mais que les
Américains, aujourd'hui, avant l'adoption du traité sur le
libre-échange, pourraient s'opposer. Peut-être que ce ne serait
pas accepté, étant donné que nous pouvons démontrer
que le gouvernement n'apporte pas de subsides, lui-même, à
même les fonds publics; c'est de l'énergie qui ne lui coûte
rien, étant donné qu'il s'agit de surplus.
Donc, ce sont les lois du marché qui s'appliquent. Alors,
l'entente du libre-échange conserve toute notre autonomie en plus de
nous accorder une plus grande sécurité pour vendre
aux Américains.
Le Président (M. Charbonneau, Verchères): Est-ce
que vous avez une question, M. le député d'Ungava?
M. Claveau: M. le Président, je pense que c'est important
qu'on précise cela. Les réponses qui nous sont données par
le premier ministre, à mon avis, ne sont pas vraiment satisfaisantes,
parce qu'on s'attarde au cas précis de Péchiney et d'autres. Mais
dans l'hypothèse que dans cinq ans, par exemple, pour l'implantation
d'une grande entreprise du même genre, de nouveau type, le gouvernement
du Québec, déciderait conjointement avec Hydro-Québec, de
diminuer les tarifs, de vendre de l'électricité en
deçà du prix coûtant, afin de pouvoir permettre
l'implantation d'une entreprise, en disant; De toute façon, avec les
bénéfices d'Hydro-Québec, on va balancer, parce qu'on vend
plus cher aux Américains. Donc, on peut se permettre de se la vendre
moins cher à nous. Est-ce qu'il n'y aurait pas là une
possibilité énorme pour que les Américains viennent
contester une telle décision ou oblige le Québec à leur
donner le même service s'ils en font la demande?
Le Président (M. Charbonneau, Verchères): M. le
premier ministre.
M. Bourassa: II y a deux choses que je peux vous répondre
là-dessus. C'est, d'abord, que le pouvoir des Américains de
protester contre des mesures spécifiques ou trop avantageuses existe
toujours. Mais ce que vous soulevez, si je comprends bien votre question, c'est
la question du développement régional, en ce sens que, pour
développer une région, le gouvernement peut poser certains
gestes. Or, on sait que la question du développement régional n'a
pas fait partie de l'entente qu'on est en train de discuter. On a sept ans pour
discuter de cela, cinq ans renouvelables pour deux ans, pendant lesquels nous
pourrons continuer, comme les États américains tiennent à
continuer eux-mêmes, à favoriser le développement
régional. Il y a plusieurs États américains qui ont
donné des subventions énormes pour attirer des entreprises
d'automobiles. Donc, sur le plan du développement régional, nous
gardons notre autonomie pour favoriser le développement des
régions.
On va discuter, durant les cinq prochaines années avec un
délai additionnel de deux ans, pour voir si on ne peut pas s'entendre
sur la définition à apporter aux régions. Mais on a une
certaine police d'assurance en se disant qu'au Michigan, au Missouri, au
Wisconsin ou en Virginie, les États vont vouloir garder leur pouvoir
d'intervenir pour le développement dans leurs régions.
Le Président (M. Charbonneau, Verchères): M.
Laberge, sur le même sujet?
M. Laberge (Louis): Oui, non, mais enfin, c'est sur les
conditions préalables que le gouvernement avait établies. J'avais
commencé à poser ma question là-dessus et, finalement, on
a bifurque sur l'électricité. J'étais bien d'accord.
Le Président (M. Charbonneau, Verchères): Ce que je
vous suggère, c'est que comme M. Proulx m'avait demandé la
parole, je vais lui céder...
M. Laberge (Louis): Très bien.
Le Président (M. Charbonneau, Verchères): ...et on
reviendra aux questions plus tard.
M. Laberge (Louis): Ah! Devant M. Piroulx, très
certainement, voyons.
Le Président (M. Charbonneau, Verchères): Alors, M.
Proulx.
M. Proulx (Jacques): Merci, M. le Président. Je voudrais
faire quelques commentaires d'ordre général sur les
présentations et, ensuite, j'aurais une question à poser au
premier ministre.
Le Président (M. Charbonneau, Verchères): À
la condition que vos commentaires ne soient pas trop longs parce que,
finalement, si on veut faire la discussion, ce n'est pas la période des
déclarations d'ouverture.
M. Proulx: Non.
Le Président (M. Charbonneau, Verchères): C'est
vraiment un court préambule avec une question ou... Allez-y.
M. Proulx: Oui, quelques courts commentaires, sauf que, si j'ai
bien compris, la première partie portait justement sur l'ensemble de ce
qui était affirmé.
Le Président (M. Charbonneau, Verchères): Oui.
C'est cela. Sauf que je voudrais que ce soit assez pointu pour qu'on pose une
question.
M. Proulx: Si ce n'est pas assez pointu, M. le Président,
vous me le direz, mais j'espère que vous me donnerez une chance. Comme
on n'est pas des députés, que nous ne connaissons pas les
règles de procédure et que nous n'avons pas l'habitude...
Le Président (M. Charbonneau, Verchères):
D'accord.
M. Proulx: ...il peut arriver que...
Le Président (M. Charbonneau, Verchères): On vous
donnera un coup de main. Allez-y.
M. Proulx: Je veux juste revenir, c'est peut-être terre
à terre mais cela m'offusque depuis le début du débat,
soit depuis au-delà de deux ans, parce qu'on nous sert continuellement
les mêmes arguments et les mêmes comparaisons qui, à mon
avis, sont complètement faux. On continue toujours de nous donner comme
exemple que le traité de libre-échange, qui est devant nous
à l'heure actuelle, est l'équivalent de l'entente de la CEE, du
Pacte de l'auto, etc. On nous sert à peu près tout ce qui existe
dans le monde. À mon avis, justement, quand on dit qu'on déforme,
que c'est de la désinformation et quand on dit que c'est de
l'improvisation, pour moi, ce sont des exemples flagrants. Parce que le
traité qu'on a devant nous n'est pas le traité qu'il y a eu entre
X pays et la CEE. Ce n'est pas le Pacte de l'auto. Cela peut se ressembler sous
certains points, mais je dis qu'on trompe les gens, en général,
quand on nous affirme cela.
Et, quand on continue à dire qu'il fallait absolument faire
quelque chose parce que les Américains étaient devenus
protectionnistes à outrance et quand l'on constate qu'à peine 1,2
% ou 1,3 % de notre production l'a subi, à partir de faibles et assez
importantes agressions, je l'admets, je pense qu'il n'y a pas là de quoi
paniquer ou avoir le syndrome américain. En tout cas, cela m'offusque
que l'on continue à utiliser ces choses.
Je ne dis pas qu'il ne faille pas faire des choses pour arrêter
cela, mais je pense qu'il faudrait quand même garder une certaine
tempérance, comme on dit, dans ces affirmations.
Ma question va compléter un peu certaines autres et elle
s'adresse à M. Bourassa, parce que je pense qu'on ne l'aura pas pendant
toute la durée du débat. Je voudrais prendre un autre exemple en
demandant: Comment peut-on continuer à appuyer intégralement
l'accord qui est devant nous quand, avant même qu'on le mette en vigueur,
on va à rencontre, dans certains secteurs en tout cas - il est bien
évident que si on globalise, c'est une autre affaire -
déjà, de la part des Américains, on ne le respecte pas ou
on ne démontre pas qu'on veut le respecter?
Je vais prendre le secteur de l'agriculture, par exemple, parce qu'il
dépend énormément d'une autre série de
négociations qui sont celles du GATT. On s'entend et on nous promet de
part et d'autre qu'on va garder, par exemple, nos offices de commercialisation,
qu'on va garder les différents mécanismes de soutien du revenu et
qu'on a tous les droits pour le faire, alors qu'en même temps, «es
Américains - et vous le savez que ce qu'il y a dans l'entente à
l'heure actuelle dépend du résultat des ententes du GATT - au
GATT, dénoncent à tour de bras, déposent et se font des
alliés pour combattre, justement, ces mécanismes et ces
politiques de soutien.
Le Président (M. Charbonneau, Verchères): M. le
premier ministre.
M. Bourassa: M. Proulx, vous dites qu'on fait souvent des
comparaisons entre le marché commun et le libre-échange, et on
l'a fait ce matin, mais ce sont tout de même des pays qui sont
comparables aux nôtres. Comment se fait-il que l'Irlande, qui
était dans une zone de libre-échange, a décidé
d'aller au marché commun? Elle avait des problèmes agricoles
considérables. Dieu merci, elle peut faire partie du marché
commun. Comment se fait-il que la Turquie, aujourd'hui, demande à faire
partie du marché commun? Donc, il y a un mouvement international. Le
commerce international se développe et l'attitude de repli sur soi dans
le domaine du commerce international, surtout pour le Québec qui a
tellement besoin d'exercer, n'est pas une attitude qui paraît
désirable. Je veux dire, ce n'est pas une question d'idéologie
pour nous, je vous l'ai dit a plusieurs reprises. C'est une question de voir
les faits et de conclure pratiquement.
Vous dites: Là, les Américains commencent
déjà à résister à l'application de l'accord.
Mais Dieu merci qu'on s'oriente vers un accord. Qu'est-ce que cela serait si on
n'était pas en train de négocier? Comment le Congrès
réagirait-il? Il faut connaître le fonctionnement du
système politique américain qui est très vulnérable
à toutes sortes de représentations d'intérêts
régionaux. Il y a des milliers et des milliers de projets de loi sur
tous les sujets. Là, nous avons l'occasion d'obtenir... Et,
jusqu'à maintenant, les Américains ont toujours été
réticents, ils l'ont fait pour Israël - on connaît les liens
politiques entre les deux pays... Mais là, ils sont prêts à
le faire pour nous. Alors, moi je dis qu'on peut débattre des cas
particuliers; on pourra le faire en examinant chaque sujet: fa culture,
l'agriculture. Mais je dis que ce traité de libre-échange est,
d'une certaine façon, une manoeuvre défensive pour empêcher
les intérêts protectionnistes de pouvoir agir sans tenir compte
d'encadrements qui vont exister à l'occasion de ce traité. On a
quand même obtenu des garanties, vous le savez, dans le cas du GATT. Les
subventions à l'agriculture, ce n'est pas réaliste de penser
qu'on va pouvoir, nous, avoir notre petit marché et faire absolument ce
qu'on veut sans tenir compte des batailles colossales entre le marché
commun et les États-Unis. Il faut que le Canada se protège un peu
pour ne pas être une victime de ces affrontements qui vont se dessiner au
cours des prochaines décennies dans le domaine de l'agriculture. On n'a
qu'à voir les surplus de part et d'autre. Là, le Japon commence
lui-même, dans le domaine de l'agriculture, à baisser ses
subventions; pourtant on connaît son autonomie sur le plan
économique et géographique. Je pense que pour nous, une
façon de se protéger et de protéger notre agriculture
c'est de faire partie d'ententes internationales qui puissent nous permettre de
continuer d'atteindre nos objectifs. Je ne crois pas que la politique de repli
sur soi soit une
politique qui nous garantisse l'avenir.
Le Président (M. Charbonneau, Verchères): M.
Proulx.
M. Proulx: Ce n'est pas du tout ma question, M. Bourassa. Ce
n'est pas cela que je vous ai posé comme question. Je suis d'accord avec
une bonne partie de ce qui a été affirmé. Tout le monde
est d'accord avec l'internationalisation du marché. Je pense qu'il
faudrait être bête à outrance pour être contre cela.
C'est dans la façon qu'on le fait. C'est là qu'on n'est pas
d'accord. Vous semblez dire que l'internationalisation du marché c'est
les Américains. Je comprends que c'est un bon marché, mais pour
moi c'est plus que les Américains. Je continue à dire que c'est
très dangereux ce qui se passe. Je reviens encore avec des chiffres - je
ne suis pas économiste, mais d'habitude les économistes aiment
à en employer - cela touche 1.3 % de notre production. Il faut trouver
des correctifs; je suis d'accord avec cela, mais il ne faut pas paniquer
à outrance vis-à-vis de cela.
M. Bourassa, ma question consistait uniquement à dire que,
même après qu'on se soit entendu pendant une période X
avant l'application, mais qu'on concrétise des choses, il ne faut pas
prendre des mesures pour aller à l'encontre, au moins, de ce sur quoi on
s'entend, mais donner le bon exemple. Toutefois, même pendant ce temps,
par plusieurs exemples... Vous avez le projet de loi omnibus sur le commerce,
à l'heure actuelle, qui est en discussion. Vous allez probablement me
répondre que voilà un autre exemple qui démontre qu'il
faut faire quelque chose. Mais il est là, même quand on
s'était entendu qu'on ne ferait pas d'autres mouvements comme
État.
Mais je reviens encore à la position des Américains au
GATT, à l'heure actuelle, position qui a été
déposée après, dans la finalisation de l'entente qu'il y a
là, qui va justement à l'encontre de ce sur quoi on s'entend,
c'est-à-dire sur un respect et sur le fait qu'on va pouvoir
protéger nos offices de commercialisation. Je ne veux pas que vous me
parliez de subventions; tout le monde, là aussi, est d'accord qu'il faut
les réduire un peu.
Le Président (M. Charbonneau, Verchères): M. le
premier ministre.
(13 h 30)
M. Bourassa: Oui, j'ai essayé de répondre
directement à votre question. Je veux dire, vous parlez du Trade Bill",
vous savez qu'il a été considérablement
atténué et ce qui retarde son adoption n'a pas trait au commerce
international, cela a trait à un avis de licenciement que ne veut pas
accepter le président américain et que veut imposer le
Congrès américain. Donc, de ce côté, il y a eu une
nette amélioration. Pour ce qui a trait au GATT, vous savez que les
Américains ont demandé dans la nouvelle négociation que
l'agriculture puisse faire partie de cela. Vous vous inquiétez de
certains gestes, dans le cas des homards, notamment, ou dans le cas d'autres
secteurs agricoles. Il faut être constamment vigilant, mais au moins dans
le traité de libre-échange, on aura un mécanisme de
protection, qui n'est pas parfait, qu'il n'a pas été facile
à obtenir. Il a fallu l'arracher parce qu'il y a une tradition au
Congrès américain d'indépendance politique et il n'accepte
pas de concéder d'une façon extra-territoriale des pouvoirs qu'il
possède. Mais vis-à-vis des exemples que vous craignez et qui
peuvent survenir constamment aux aléas de l'évolution
électorale, par rapport au statu quo, on a au moins un mécanisme
qui n'est pas parfait, mais qui est nettement supérieur au rapport de
forces plus ou moins brutal avec lequel nous devons oeuvrer aujourd'hui.
Le Président (M. Charbonneau, Verchères): M.
Charbonneau. Sur le même sujet ou sur un autre?
M. Charbonneau (Yvon): Sur cette question finalement globale
puisqu'on a encore quelques minutes pour en parler. Ce serait regrettable qu'on
retienne ou qu'on essaie d'exprimer que le point de vue de la coalition ici
serait en faveur d'un repli du Québec, d'essayer de soustraire le
Québec du commerce international. Je crois que nous avons quand
même été clairs au début, dans notre
déclaration d'ouverture. Nous reconnaissons l'importance du commerce
international. Déjà à 80 %, ces échanges se font de
manière très libre avec les États-Unis et notre
inquiétude est plutôt le manque de diversifications et de
véritables internationalisations des rapports commerciaux et
économiques du Québec avec plusieurs autres entités.
On parie des États-Unis, on dit bien sûr que c'est
très important, mais il y a d'autres foyers dynamiques au plan
économique que les États-Unis. On nous cite l'exemple
européen où il y a plusieurs partenaires, toujours plusieurs
partenaires d'économies comparables. Si on regarde la série de
petits pays qui en font partie, il y a la Suède, la Suisse, l'Autriche,
etc., ou de grands pays, l'Angleterre, l'Allemagne, la France, ils ont des
économies en un certain point comparables. Le contexte
nord-américain met en relation deux économies profondément
inégales. Donc, je crois que l'exemple européen ne peut
être invoqué de manière indéfinie comme s'il devait
nous servir ici de réponse à tout. Il faut regarder la situation
concrète.
Notre inquiétude c'est plutôt quant au manque de
véritables diversifications ou internationalisations des rapports
commerciaux et économiques. Et c'est là-dessus qu'on aimerait
vous entendre. Quelle est la stratégie industrielle propre au
Québec face à ce véritable défi des quinze
prochaines années à part le défi que représentent
les rapports avec les Américains?
Le Président (M. Charbonneau, Verchères): M.
Charbonneau, il y a trois intervenants qui m'ont demandé de donner une
information: M. Landry, M. Ducros et le premier ministre.
M. Bourassa: Oui, je vais dire juste un mot pour laisser la
parole à M. Landry et M. Ducros. Raison de plus, j'utilise votre
argument M. Charbonneau pour renforcer le mien. Si vous dites qu'on ne doit pas
comparer avec l'Europe parce qu'il y a un équilibre de puissances, des
petites et des moyennes puissances, a fortiori quand on est seulement deux avec
une grosse puissance économique et une beaucoup plus petite, si on peut
obtenir dans le traité des mécanismes paritaires, c'est un gain
considérable parce que nous avons obtenu des mécanismes
paritaires. Nous sommes à égalité avec les
États-Unis dans l'évaluation de certaines infractions ou d'un
non-respect du traité, alors raison de plus pour avoir un encadrement
institutionnel pour protéger notre situation de minoritaires. Je
demanderais à M. Landry peut-être de compléter. On pourrait
continuer sur toutes les politiques du gouvernement sur le commerce
international. Il a été ministre du Commerce extérieur. Je
pense que le Québec a fait beaucoup depuis plusieurs années pour
être fructueux sur le plan international. M. Landry peut continuer.
M. Landry: Je pense que M. Charbonneau pose une question
fondamentale et tous les ministres du Commerce extérieur et tous les
gens soucieux d'économie se sont posé cette question. Un des
premiers, c'est M. Jean-Luc Pépin. Et la troisième voie. Tout
cela, c'était admirable, sauf que plus on essayait de faire de la
troisième voie et de la diversification - mon successeur doit
connaître les même problèmes - plus nos ventes se
concentraient aux États-Unis d'Amérique.
Quand Jean-Luc Pépin parlait de diversifier, on était
à environ 70 % de ventes américaines. Aujourd'hui, on est
à 80 %. En d'autres termes, M. Charbonneau, tout en reconnaissait
l'importance vitale de la diversification, ce que je veux vous dire, c'est
qu'une des seules chances véritables que nous avons de diversifier,
c'est d'être partie d'une grande zone de libre-échange. Je vais
parler de façon concrète. Tout le monde a été
consterné par la fermeture de Wabasso, à Trois-Rivières.
Plusieurs gouvernements, des entreprises privées et des syndicats ont
tout fait pour sauver Wabasso, sauf que quand on est dans de petites
séries de production dans ces métiers, on n'est plus
"sauvable".
En conclusion, si nous apprenons à travailler sur un
marché de 250 000 000 de consommateurs solvables, on sera en mesure de
battre les Japonais chez eux et de battre les Européens chez eux, ce qui
actuellement est absolument impossible à cause de notre échelle
de production.
Alors, la diversification, peut-être qu'on pourra la
réussir avec des grands efforts et une des meilleures chances de
l'avoir, c'est le libre-échange.
Le Président (M. Charbonneau, Verchères): M.
Ducros.
M. Ducros: Je voulais ajouter un mot dans la même voie, M.
Charbonneau, sous le même thème et vous parler un peu de mon
expérience personnelle, parce que chez DMR, nous sommes dans trois
marchés. Nous sommes aux États-Unis, nous sommes en Europe et
nous sommes en Asie du sud-est, en Australie plus spécifiquement. Pour
nous, c'est extrêmement important d'avoir cette entente bilatérale
pour apprendre à fonctionner dans ces marchés-là.
Il faut augmenter la productivité de nos entreprises, d'abord. Il
va falloir se spécialiser davantage, parce que ce ne sera pas possible
d'attaquer tous ces marchés, sans avoir une beaucoup plus grande
spécialisation. On ne peut pas être mieux placé, dans mon
cas en tout cas, et de faire face à un marché vers le sud, un
marché fantastique où je peux rejoindre 60 000 000 de population
en l'espace d'une heure d'avion. Je peux aller tester toutes mes
méthodes de travail à l'international en me concentrant sur ce
marché de 60 000 000 très près de moi, à New York,
à Boston, à Philadelphie, à Hartford, à Washington.
"By the way", pour répondre à la question de toute à
l'heure, à savoir s'il va encore y avoir des pressions pendant la
période de transition pour changer les règles du jeu, je peux
vous dire qu'il y a 8000 lobbyistes à Washington seulement. Alors, M.
Larose, je peux vous dire qu'il va y avoir des pressions énormes et
c'est pour cela qu'un traité, qui va nous permettre de trouver une
certaine civilité dans notre organisation en ce qui concerne les
marchés avec les États-Unis, va être fantastique.
Mais pour nous, il est absolument essentiel qu'on ait testé nos
expertises à l'exportation au marché américain, qui est le
plus gros et qui nous est très accessible, augmenter notre
productivité, réellement tester nos spécialisations avant
de se lancer à fond sur les marchés autres que le marché
américain.
Le Président (M. Charbonneau, Verchères): On a
presque écoulé le temps qui était prévu pour
l'audition générale. Je veux permettre une question rapide aux
gens qui s'opposent et une réponse des gens qui sont en faveur. Par la
suite, nous allons passer à l'étape des remarques finales des
parlementaires. M. Larose.
M. Larose: Premièrement, ce n'est pas un projet
d'internationalisation, c'est un projet d'américanisation de notre
économie. Il faudrait bien le dire et je pense que M. Landry le
confirme. Il dit que pour aller sur le marché international, il faut
d'abord se fondre dans le tout américain. C'est une thèse et
disons que
c'est ce qui nous est proposé. Deuxièmement, je ne
voudrais pas qu'on confonde des pays nordiques, la Suisse et l'Autriche dont on
vante les performances économiques avec l'expérience de la CEE.
Cela s'adonne que ces trois pays sont en dehors de la CEE et que la zone de
libre-échange entre ces pays l'est sur des points très
particuliers. Ce n'est pas une zone mur à mur, de libre-échange
mur à mur.
Troisièmement, c'est que c'est oui, pour les entreprises, on ne
le nie pas, d'ailleurs, c'est pour cela qu'elles sont d'accord avec le projet,
il y a là non seulement pour faire des tests, il y a là pour
vérifier toutes les performances, mais nous, on représente du
monde. On représente du monde dont la seule propriété,
c'est de travailler et ils voudraient savoir de quoi cela sera fait demain pour
leur propre entreprise, pour leur propre secteur. Dans ce sens, cela ne nous
est pas beaucoup dit dans l'accord. J'espère que cet après-midi
on va pouvoir vérifier un certain nombre de choses pour les gens qu'on
représente.
Le Président (M. Charbonneau, Verchères): M.
Landry, en finale.
M. Landry: Voici quelques points techniques à l'endroit de
M. Larose. On va finir par s'entendre à force de liquider nos
divergences sur le plan technique, une après l'autre. La situation
européenne est la suivante: L'Association européenne de
libre-échange regroupe les pays que vous avez nommés, la
Suède, l'Autriche, etc. Cela fait à peu près 15 000 000 de
consommateurs solvables. Vous pourriez dire: II n'y a rien là, le Canada
en a 25 000 000. Sauf que l'Association européenne de
libre-échange a signé un accord de libre-échange avec la
Communauté économique européenne, ce qui fait qu'une Volvo
peut être vendue à 355 000 000 de consommateurs, sans douane, ni
tarif, ni quota. C'est pourquoi la Suède est prospère.
M. Larose: Ce sont des ententes sectorielles. C'est ce que je
dis. Ce n'est pas une entente mur à mur.
M. Landry: Non, non. Ce sont des ententes globales. C'est
l'Association européenne de libre-échange, c'est une zone de
libre-échange, c'est le premier modèle qui a été
approuvé par le GATT, un des...
Une voix: Sauf l'agriculture... M. Landry: Sauf
l'agriculture.
Remarques finales
Le Président (M. Charbonneau, Verchères): M. le
premier ministre, je pense que dans le cas des parlementaires, ce sera
maintenant à votre tour de conclure. Je vais d'abord céder la
parole au chef de l'Opposition ou au critique, M. le député de
Bertrand, dans ce cas-là. On terminera avec le premier ministre. Cela
complétera, disons, le programme de ce matin qui était à
la fois les déclarations d'ouverture et le débat: initial
général. M. le député de Bertrand.
M. Jean-Guy Parent
M. Parent (Bertrand): Merci, M. le Président. Je pense que
le débat est bien engagé. Voilà deux ans et demi qu'en
tant que critique officiel de l'Opposition en matière de
libre-échange, je suis pas mai tout ce qui se passe ici à
l'Assemblée nationale et en dehors. Je peux vous dire que pour le parti
que je représente et pour moi, je pense que le débat du pour et
du contre le libre-échange est quelque peu révolu dans le sens
qu'on a dépassé le principe comme tel. C'est un peu comme pour un
projet de loi. Le principe est adopté à la première
étape.
Il y a une entente sur la table. Le Canada l'a signée le 2
janvier dernier. On sait que dans six mois, soit le 1er janvier 1989, va se
mettre en action tout le programme de libre-échange. Notre
préoccupation est de savoir ce qu'on fait à partir de maintenant.
Tous les intervenants se sont réunis autour d'une table. Qu'est-ce qu'on
fait pour que le traité de libre-échange, tel qu'il est
actuellement sur la table, soit le plus potable possible, le plus acceptable
possible et le moins néfaste possible? Je pense que c'est très
préoccupant.
On se souviendra que le 16 décembre dernier, ici, à
l'Assemblée nationale, le ministre du Commerce extérieur et du
Développement technologique, le premier ministre de même que les
autres ministres qui sont venus, sont venus rassurer les membres de
l'Opposition indiquant: Dormez tranquilles, nous allons respecter ces
conditions. Ce que l'Opposition a dit et a toujours dit, c'est: Oui, nous
sommes d'accord sur le libre-échange et nous n'avons jamais
changé d'idée. Nous sommes d'accord sur le principe, mais
à la condition, bien sûr, que les sept conditions de l'entente
soient remplies.
Il y a beaucoup de matière dans ces conditions. On
s'aperçoit que, malgré les belles promesses qui étaient
faites, sûrement de tonne foi, plusieurs de ces promesses ne sont pas
remplies. Je pense qu'on aura la chance aujourd'hui et demain de vraiment avoir
des engagements de la part du gouvernement. Non seulement des promesses, mais
des gestes concrets. Quand on parle de l'article 4 en particulier et de la mise
sur pied des programmes d'assitance aux entreprises, je pense qu'on se doit
d'avoir des ententes très précises et qu'on puisse les voir avant
le 1er janvier 1989, comme s'y est engagé le ministre du Commerce
extérieur et du Développement technologique le 16 décembre
dernier, afin qu'on ait ces programmes mis sur pied. Où est l'entente
avec le gouvernement fédéral disant qu'ils vont y participer
financièrement?
On sait qu'au Canada, le Québec est la
province la plus perdante dans cet accord de libre-échange, en ce
sens qu'à cause de sa structure, de ses petites et moyennes entreprises,
de la diversification de ses régions, le Québec est certainement
la province la plus vulnérable face à l'entente. Dans ce sens,
nous avons mis le gouvernement en garde à plusieurs reprises. Cela s'est
fait en Chambre, lors de la commission parlementaire de septembre, et à
celle de décembre également. Le temps nous a donné raison.
Quand on voit le premier ministre, le 26 mai dernier, qui dit oui au
libre-échange et non à l'ingérence d'Ottawa. Pourtant, on
avait dit qu'il y avait des dangers d'ingérence. On l'avait dit
très clairement lors de la commission parlementaire qui a
été tenue durant quinze jours, où on a entendu quelque 51
groupes ici à la salle du Conseil exécutif.
On avait alors dit au gouvernement: Écoutez, les articles 103,
502, 904 b, 1402 et 1602 sont des articles où il y a un danger
d'ingérence. On nous a dit: Dormez tranquilles. Je pense qu'on est
rendus à la onzième heure, M. le Président, et on ne peut
plus dormir tranquilles. Pour autant que l'Opposition est concernée, on
exige maintenant du gouvernement, et je pense qu'on est en droit de l'exiger,
que ce soit les gens dans la position pour ou contre, à six mois de
l'entrée en vigueur de cette entente, des choses très
précises, des engagements qui devront être livrés et non
seulement de belles promesses. Le ministre du Commerce extérieur et du
Développement technologique, au nom de son gouvernement, a pris des
ententes, a fait des engagements à savoir que ces promesses seraient
respectées, je comprends mal pourquoi le ministre de l'Industrie et du
Commerce, par exemple, le 3 juin dernier, en Chambre, a laissé
sous-entendre qu'il n'y avait pas de négociations avec le gouvernement
fédéral. C'est très clair, c'est au texte. Il est
drôlement inquiétant que le ministre de l'Industrie et du Commerce
tienne ce genre de propos.
Pourquoi depuis un an qu'il y a des études au ministère de
l'Industrie et du Commerce, les études qu'il y a eu au ministère
de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu qui
étaient confirmées, que je sache, comme étant des
études en marche, ne les a-t-on pas rendu publiques?
Je pense que les entreprises se doivent d'être au moins au fart de
ce qui se passe et de ce qui va se passer. Je pense que le manque
d'information, M. le Président, et je termine là-dessus, fait en
sorte qu'il y a de l'inquiétude. On peut demeurer favorable au principe
du libre-échange et espérer que... Mais puisque le temps avance
et puisqu'on est rendus à la onzième heure, je pense que le
gouvernement, le ministre du Commerce extérieur et du
Développement technologique, responsable de ce dossier, et le premier
ministre se doivent de prendre des engagements et nous dire formellement s'ils
ont l'intention de respecter et de livrer la marchan- dise, selon les sept
conditions qu'ils ont mises et ce, avant le 1er janvier 1989.
Le Président (M. Charbonneau, Verchères): Merci, M.
la député de Bertrand. M. le premier ministre.
M. Robert Bourassa
M. Bourassa: Oui, brièvement, M. le Président.
D'abord, je dois constater que la rencontre de ce matin m'a paru très
utile. Je veux féliciter les dirigeants de la coalition pour avoir pris
cette initiative parce qu'on s'aperçoit que cela peut faire avancer le
débat. J'écoutais le représentant de l'Opposition et j'ai
entendu une phrase qui m'a fortement surpris, à savoir que le
Québec serait le plus grand perdant dans l'accord de
libre-échange. Je dois dire d'abord qu'il contredit là
carrément le premier ministre de l'Ontario, M. Peterson, qui ne partage
pas du tout le fait que le Québec serait plus perdant que l'Ontario avec
cet accord. Peut-être que je l'interprète mal ou qu'il a voulu
exprimer un aspect de la situation en ce sens que nous devons être
davantage prêts pour faire face au libre-échange. C'est
probablement ce qu'il a voulu dire. Mais je me permets de corriger, puisque son
affirmation prise comme telle va à I encontre des positions de son
propre parti.
Je dois lui dire que nous avons d'abord procédé par
étapes. Nous avons fait des demandes sur les périodes de
transition. Je pense à la chaussure; on a obtenu dix ans pour permettre
aux entreprises de ce secteur de s'adapter au libre-échange. Dans le cas
des meubles, on était prêts à demander dix ans et
l'industrie a préféré cinq ans. Après
consultations, nous avons fait des demandes dans le cas de l'agriculture, on en
a parlé à plusieurs reprises à l'Assemblée
nationale, on a accepté nos demandes. Dans le cas du vin, qui est quand
même une industrie qui n'est pas majeure au Québec et qui n'occupe
pas des dizaines de milliers de personnes, nous avons fait une demande et nous
l'avons obtenue sur l'embouteillage du vin au Québec. Donc, on ne peut
pas dire que le gouvernement, dans cette étape de négociations du
contenu du traité de libre-échange, n'a pas été
efficace.
Maintenant, l'autre étape qui est au moins aussi importante, ce
sont les programmes d'assistance. Et là, nous sommes en consultations
avec le milieu industriel. Nous discutons avec les autorités
fédérales. Je suis tout à fait d'accord que c'est eux qui
doivent faire, et de loin, la principale contribution financière. Il
s'agit de la mobilité de la main-d'oeuvre à l'intérieur du
Canada et c'est de juridiction fédérale. Donc, nous travaillons
avec les autorités compétentes et aussitôt que la
consultation sera terminée, les négociations avec le gouvernement
fédéral et le comité De Grandpré, sûrement
qu'on donnera toutes les informations nécessaires pour rassurer ceux qui
pourraient être affectés par cet accord.
Le Président (M. Charbonneau, Verchères): Sur ces
dernières remarques se termine le programme de ce matin. Nous allons
suspendre les travaux jusqu'à 15 heures alors que nous reprendrons avec
une discussion sur les impacts à l'égard de la culture au
Québec. Bon appétit!
(Suspension de la séance à 13 h 50)
(Reprise à 15 h 8)
Impact de l'accord sur la culture
Le Président (M. Charbonneau, Verchères): À
l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons reprendre nos travaux cet
après-midi d'abord en abordant le thème de la culture: les
impacts de l'accord de libre-échange sur la culture. Nous allons
commencer, selon le même ordre que ce matin. Donc, le gouvernement,
l'Opposition, la coalition de l'opposition et le regroupement en faveur du
libre-échange. Vous avez cette fois non pas quinze minutes, mais cinq
minutes à chacune des parties pour présenter vos points de vue de
départ. Ce sera suivi, un peu comme ce matin, d'une discussion ouverte,
mais moins longue, d'environ 35 minutes. S'il n'y a pas de questions, on va
commencer immédiatement. Je vais céder la parole à la
ministre des Affaires culturelles. Mme la ministre.
Remarques préliminaires Mme Lise Bacon
Mme Bacon: Merci, M. le Président. En septembre dernier,
alors que le contenu définitif de l'accord était encore, en
grande partie, incertain, nous avons eu le privilège d'entendre à
cette même commission le milieu culturel exprimer son point de vue sur la
question et nous faire aussi part de ses craintes advenant que la culture et
les industries culturelles soient incluses dans le traité.
Nous avons nous-mêmes exprimé la position
québécoise à cet égard, position qui affirmait que
le Québec devait conserver tous les pouvoirs nécessaires au
maintien et au renforcement de son identité culturelle. Nous avons fait
valoir que cette identité culturelle passait nécessairement par
les industries culturelles et qu'il fallait les préserver et les
soutenir.
Qu'en est-H, maintenant que les termes du traité sont
fixés? Voici. Les industries culturelles ont été
formellement exclues de l'accord, et nous nous en réjouissons.
C'était d'ailleurs la position défendue tant par le gouvernement
québécois que par le gouvernement canadien. Cela signifie que le
Québec, tout comme le Canada, conserve tous ses pouvoirs d'intervention
en matière de culture et que sont préservés tous les
mécanismes actuels et à venir de soutien et de
réglementation des industries culturelles.
De même la Société générale des
industries culturelles pourra poursuivre ses programmes d'aide à
l'industrie cinématographique, aux industries culturelles et aux
industries de communication. C'est dire que ces industries qui obéissent
à une problématique particulière de développement
au Québec pourront compter sur des mécanismes d'akJe
adaptés à leur condition pour s'épanouir.
Je tiens à rappeler que les raisons qui nous ont motivés
à exiger le retrait des industries culturelles sont essentiellement
d'ordre culturel. Nous avons tenu à assurer les conditions pour que
s'exprime le caractère spécifique de la culture
québécoise et cela présuppose, entre autres choses,
l'existence d'une structure industrielle proprement
québécoise.
Nous recherchons également à rendre les produits culturels
québécois accessibles à tous les citoyens. Il est tout
à fait normal que les Québécois puissent retrouver sur le
marché les oeuvres de nos créateurs et de nos producteurs. Mais
déjà, ce marché est fortement accaparé par les
produits des grandes entreprises étrangères, lesquelles
produisent et diffusent très peu d'oeuvres québécoises, il
faut le reconnaître. Ce sont principalement les petites et moyennes
entreprises québécoises qui assument cette tâche de
produire et de diffuser les oeuvres de nos créateurs et qui en prennent
aussi le risque. Aussi, nous ne pouvons compter que sur les industries
québécoises pour garantir aux. créateurs l'accès
à leur public et à la population l'accès de leurs oeuvres.
Pour cela, les industries culturelles québécoises ont besoin de
l'aide des pouvoirs publics. Voilà essentiellement pourquoi il
était nécessaire, et nous en avons tous convenu, que les
industries culturelles ne figurent pas dans cet accord de
libre-échange.
Nous devons préciser par ailleurs que le protectionnisme
accordé aux industries culturelles ne signifie aucunement que nous
soyons contre la libre circulation des oeuvres. Au contraire, nous croyons que
la richesse des oeuvres étrangères contribue à notre
propre développement culturel. D'ailleurs, la population accorde une
large place aux produits étrangers, que ce soit la musique, le
cinéma, les émissions télévisuelles ou les
périodiques. Il y a problème lorsque, justement, cette
liberté de choix ne peut plus adéquatement s'exprimer en raison
d'une présence trop massive de produits culturels d'une même
origine. Le ministère des Affaires culturelles continuera à
encourager les entreprises québécoises qui assurent la
présence de la culture québécoise sur le marché,
tout en étant attentif à une accessibilité
diversifiée des oeuvres étrangères. Mais même si les
industries culturelles sont nommément exclues de l'accord, certaines
dispositions de cet accord de libre-échange pourront avoir un impact sur
elles, ce qui semble encore faire craindre plusieurs représentants du
milieu. Il s'agit particulièrement de l'abolition des tarifs
douaniers, des droits qui seront payés pour la retransmission des
signaux télévisuels américains par câble et des
mesures de représailles possibles de la part des États-Unis dans
les cas où des interventions canadiennes à l'égard des
industries culturelles porteraient préjudice aux intérêts
commerciaux américains. Nous espérons que les travaux de la
présente commission parviendront à dissiper les craintes encore
existantes.
Parlons d'abord des tarifs douaniers. L'accord prévoit qu'ils
seront graduellement éliminés sur les enregistrements sonores. Ce
n'est pas une disposition tout à fait nouvelle, puisque
l'élimination graduelle des tarifs douaniers sur les enregistrements
sonores avaient déjà été décidés sous
le gouvernement fédéral précédent et avait
commencé en 1982. Dans les faits, il y a assez peu d'enregistrements
sonores qui sont affectés d'un tarif puisque les compagnies importent
les copies originales de l'étranger pour les reproduire au Canada. Bien
sûr, il est possible que la suppression des tarifs modifie la nature des
importations. Au lieu d'importer les bandes maîtresses, les compagnies
pourraient être tentées de les remplacer par des produits finis.
Mais n'oublions pas que la fabrication des enregistrements sonores au Canada
peut demeurer avantageuse pour les compagnies, en raison du coût de
production moins élevé, des frais de transport et des taux de
change.
Le Président (M. Charbonneau, Verchères): Mme la
ministre, je vous regarde aller. En avez-vous encore pour longtemps? Il vous
reste une demi-minute.
Mme Bacon: Oh! j'en ai pour plus que cela, M. le
Président. Voulez-vous que j'aille aux conclusions maintenant?
Le Président (M. Charbonneau, Verchères): Oui,
parce que si on veut respecter un peu le...
Mme Bacon: Je pourrais peut-être revenir sur les droits de
retransmission par câble un peu plus tard et sur les mesures de
représailles...
Le Président (M. Charbonneau, Verchères): J'ai
l'impression que, dans la discussion, on va aborder...
Mme Bacon: ...ou si vous voulez qu'on y revienne?
Le Président (M. Charbonneau, Verchères): Dans la
discussion, de toute façon, vous aurez l'occasion de
peut-être...
Mme Bacon: Alors, je conclus, M. le Président.
J'espère que les informations que j'aurais pu donner, si vous m'en aviez
laissé le temps, contribueront à éclairer le débat
et aussi à dissiper les inquiétudes que certains pouvaient avoir
à l'égard des effets de l'accord sur les industries culturelles.
Cet accord, tout en contribuant à notre développement
économique, en créant des emplois et en augmentant la
capacité concurrentielle de nos entreprises, ne doit pas porter atteinte
aux progrès accomplis par nos industries culturelles ni aux moyens dont
dispose le Québec pour appuyer leur développement. Vous me
permettrez, en terminant, M. le Président, de rappeler notre
détermination à fournir à nos industries tout le soutien
dont elles ont besoin pour s'épanouir et pour encourager leurs projets
qui contribuent à l'expression de la culture
québécoise.
Le Président (M. Charbonneau, Verchères): Merci,
Mme la ministre, pour votre compréhension. M. le député de
Mercier.
M. Gérald Godin
M. Godin: M. le Président, s'il y a domaine où une
inquiétude était fondée, c'est bien celui de la culture.
Mais dès le lancement du projet d'entente ou de l'accord, if a
été dit que la culture était exclue de ladite entente. Or,
plusieurs mois après, en le lisant, on se rend compte que, au contraire,
la culture était bien comprise dans les discussions entre MM. Reisman et
Murphy.
Donc, on peut dire que plus il y avait inquiétude, plus il y a eu
de mensonges. C'est bien ce qui nous inquiète pour l'avenir, et c'est
bien ce qui nous fait douter un peu de l'aspect démocratique de toutes
ces discussions qui se sont faites à huis clos, dans le secret ou dans
l'ombre, si on peut dire, dans les coulisses, alors que l'importance
elle-même du libre-échange aurait dû amener les gens
à vouloir discuter ouvertement et devant tout le monde de ce qui
était en cause.
Malheureusement, ces méthodes non démocratiques ont un peu
enlevé de la crédibilité à l'entente.
Malheureusement, je dis bien, parce que si on regarde l'accord, tel que
proposé, on se rend compte que la production québécoise de
films sur vidéo-cassettes, nommément à la compagnie
Astral-Bellevue-Pathé est atteinte, est touchée par l'accord et,
tôt ou tard, elle va - comme on le dit en bon québécois -
manger une claque avec l'entente dite non culturelle.
D'autre part, ce qui m'inquiète beaucoup pour l'avenir, M. le
Président, malgré que nous sommes d'accord avec le principe de
libre-échange, bien sûr, ce sont les mesures de rétorsion.
Nous craignons que cet aspect de l'entente ne gèle la
réalité dans laquelle elle est présentement, donc on garde
l'éléphant américain culturel tel qu'il est, et le
papillon québécois culturel, donc, très petit pour
l'avenir aussi.
Ce qu'on considère depuis quelques années, c'est que le
gros va continuer à grossir et le petit va continuer à
dépérir. Comme on sait que chaque gouvernement du Québec
dans le domaine culturel, entre autres du cinéma, a vécu des
menaces de représailles dans le passé, que ce soit la loi
Hardy de 1974, 1975 ou 1976, la loi Richard plus récente et,
récemment, l'entente Valenti-Bacon, on se rend compte qu'il y a des
domaines que les Américains veulent protéger totalement et
absolument contre toute ingérence. Les mesures de représailles
dans l'entente nous font croire que le statu quo sera consacré à
perpertuité, ce qui nous inquiète pour l'avenir. Donc, nous
aimerions poser des questions là-dessus à Mme la ministre plus
tard.
M. André Boulerice
M. Boulerice: Au sujet des télécommunications, M.
le Président, de toute évidence, ce sont tout autant la
complexité, l'enjeu, de même que la constante mouvance des
télécommunications qui ont valu à ce secteur une annexe
sectorielle, spécifique au chapitre 14 de l'accord où,
d'ailleurs, une compréhensible et souhaitable prudence a fait en sorte
d'exclure de son application ce qu'il est convenu d'appeler les
télécommunications de base, constituées pour l'essentiel
des services de téléphone.
Il a été effectivement téméraire de
permettre immédiatement une situation de libre-échange dans un
secteur où, des deux côtés de la frontière, les
organismes réglementaires favorisent une perspective différente
de concurrence qui fait en sorte de modeler au Canada une forme
d'interfinancement entre les services offerts par un même
prestataire.
La plus récente requête de Bell Canada auprès du
CRTC afin de procéder à un rééquilibrage de ses
tarifs, demande qui, incidemment, a été rejetée,
démontre l'actuelle vulnérabilité des monopoles canadiens
de téléphonie à une ouverture tous azimuts de la
concurrence américaine. Ce débat devrait toutefois être
repris, tel que le permet le paragraphe 2° de l'article 14.05 qui autorise
les parties à se consulter dans un but d'inclure de nouveaux services
aux dispositions de l'accord.
Nous tenons, nous, toutefois à rappeler ici, et ce avec regret,
que le Québec ne pourra revendiquer qu'une portion congrue
d'autorité dans l'application de l'annexe C du chapitre 14 sur les
services de télécommunications améliorés tant que
prévaudra l'actuel partage des compétences
fédérales-provinciales en matière de communication.
À la dernière conférence que tenait le gouvernement
fédéral et les provinces sur le sujet à Edmonton en avril
1987, si ma mémoire m'est fidèle, il avait pourtant
été convenu que soit ratifié en septembre de la même
année un protocole d'entente faisant en sorte, entre autres, de confier
aux seules prérogatives provinciales le contrôle des
communications intraprovinciales et, aussi, de permettre l'établissement
des règles sur l'interconnexion. Or, rien ne fut fait, ni l'automne
dernier ni au printemps. Cette incertitude juridictionnelle ne manquera pas de
causer d'importants heurts dans l'application de l'accord. Dans le mesure
où ce sont les organismes réglementaires des parties qui
procéderont, en vertu de l'article 33 de l'annexe C, à la
définition de même qu'à la classification servant à
distinguer les services de télécommunications de base exclus de
l'accord et les services améliorés, c'est-à-dire
messagerie électronique, transmission des données, traitement de
l'image et, je conclus, M. le Président, à votre demande...
Le Président (M. Charbonneau, Verchères):
Très bien.
M. Boulerice: ...télé-informatique, etc.. inclus
eux, par contre, au traité, ainsi le CRTC, c'est-à-dire le
Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications
canadiennes ou la nouvelle régie québécoise des
télécommunications remplaçant la Régie des services
publics en vertu du projet de loi 110 adopté le 7 janvier dernier
procédera à cet important partage... M. le Président, je
pense que l'interrogation mériterait, effectivement, que vous me
laissiez au moins 30 secondes de plus.
Le Président (M. Charbonneau, Verchères): C'est ce
que vous avez eu, comme la ministre d'ailleurs.
Alors, je ne sais pas qui, pour... alors M. Charbonneau.
Coalition québécoise d'opposition au
libre-échange
M. Yvon Charbonneau
M. Charbonneau (Yvon): Oui, M. le Président, mesdames,
messieurs. Je vais donner le point de vue de la coalition sur le dossier
culture et industries culturelles. Se joint à nous, à ce
moment-ci, une ressource représentant le MQF, le Mouvement Québec
français, M. Henri Laberge, qui va traiter plus particulièrement
de la question de la langue.
Pour ce qui est du sujet qui est maintenant à notre ordre du
jour, j'ai bien entendu Mme la ministre qui avait préparé une
intervention un peu plus longue qu'elle n'a eu le temps de livrer pour
expliquer son point de vue. Donc probablement que mon intervention va lui
donner l'occasion de compléter la sienne. En effet, la coalition
soulève cette question de l'élimination de la protection
douanière pour certains produits ou certains secteurs: enregistrement
sonore et visuel, cinéma, édition. Il existe aussi, notamment
dans le secteur de l'édition, un certain droit de douane
américain, mais beaucoup moindre qu'au plan canadien. Les droits de
douane dont nous parlons ici, en ce qui a trait au Canada, sont de l'ordre de
11 %, 13 %, 14 %, et ils seront abolis graduellement. Donc, nous ne pouvons pas
faire autrement qu'avoir le sentiment d'ouvrir la porte
toute large dans des domaines particulièrement sensibles, la
porte toute large à certains produits américains dans ces
secteurs: cinéma, édition, enregistrement et tout le reste. Cette
invasion ou cette pénétration accrue du marché canadien
par des produits américains va diminuer la viabilité de certaines
maisons de production canadiennes, viabilité déjà
précaire en certains cas, ou difficile; donc, elle va mettre en cause un
certain nombre d'emplois. Cette invasion ou cette pénétration du
marché canadien par des produits américains pourrait changer
graduellement certaines caractéristiques de la société
canadienne et québécoise. C'est une question que nous soulevons
et, même si on dit que tout ce domaine-là est exclu de l'accord,
exclu du projet de loi, il reste qu'en réalité, par un moyen
comme celui-là, c'est une inclusion assez substantielle.
Le deuxième point, c'est le traitement fiscal des publications
canadiennes. La publicité est le nerf de la guerre dans bon nombre de
publications, et le système actuel faisait en sorte de rendre plus
avantageuse sur le plan fiscal la publication de la publicité dans des
publications canadiennes. Si maintenant tout revient au même, que la
publicité soit incluse dans des publications américaines qui
reviennent au Canada ou dans des publications canadiennes, nous pensons qu'il y
a là aussi un affaiblissement sur le plan économique pour ces
entreprises que sont ces revues, ces médias, qui jouissent actuellement
de l'avantage que l'on connaît.
Vous alliez évoquer le droit de représailles. Je ne sais
pas quelle sera votre réponse là-dessus, mais nous soulevons la
question à l'article 2005 du projet d'accord. L'article prévoit
que chaque pays pourra prendre des mesures ayant un effet commercial
équivalent en représailles à des mesures prises pour
protéger les industries culturelles.
On sait, par ailleurs, que cela n'a jamais trop fatigué les
Américains que cette question de protéger leurs industries
culturelles, puisqu'ils sont tellement plus lourds économiquement et
mondialement que le Canada et le Québec. Il n'y a pas de comparaison
possible. Alors, ce n'est pas un problème pour eux. Représailles,
ici, cela ne peut s'entendre que de la part de mesures prises par le Canada ou
le Québec. Si un pays, si les États-Unis, donc, jugent qu'il y a
là quelque chose qui ne va pas, ils peuvent édicter des
représailles dans le domaine de leur choix, en des termes
équivalents. Il me semble que c'est la porte ouverte à
l'éléphant dans notre jardin de...
Le Président (M. Charbonneau, Verchères): De
porcelaine. Et sur cette...
M. Charbonneau (Yvon): ...porcelaine.
Le Président (M. Charbonneau, Verchères):
...remarque, M. Charbonneau, je pense qu'on va conclure la partie de
l'intervention préliminaire.
Vous aurez l'occasion de revenir et M. Laberge également. Parce
qu'on a tous cinq minutes, là. Je vous rappelle les règles du
jeu: ce n'est pas quinze minutes, cette fois-ci, c'est cinq minutes. M.
Landry.
Regroupement pour le libre-échange M. Bernard
Landry
M. Landry: Alors, le temps est court et, surtout, il y a
déjà eu une commission parlementaire là-dessus, et il y a
beaucoup de spécialistes de la culture autour de la table. Je ne
voudrais pas essayer de faire une étude en profondeur et exhaustive,
mais certaines remarques impressionnistes, la première étant que
le premier libre-échange à s'être établi entre les
pays occidentaux est celui de la culture. Les biens culturels, actuellement,
circulent librement au moins dans les démocraties. On n'a pas
essayé de bloquer le passage des idées, des images ou des
musiques. Fort heureusement, n'importe quel citoyen de Montréal peut
acheter son New York Times du dimanche si ça lui chante, sans
droit de douane; ceux qui ont eu des adolescents ou des adolescentes dans leur
maison au cours des dernières années savent bien de quel genre de
produits culturels nous avons été des importateurs
forcenés depuis quelque temps, à partir des États-Unis
d'Amérique. Donc, c'est déjà un domaine déjà
largement libéré, qu'une démocratie ne peut pas, fort
heureusement, contraindre.
Alors, qu'est-ce que le traité change? Il change peu de choses en
ce sens que le combat culturel québécois, et canadien plus
encore, parce qu'ils sont beaucoup plus exposés aux radiations, ils
n'ont pas la protection naturelle de la langue... Cela restera une
opération qui va demander vigilance, qui va demander courage de la part
du gouvernement du Québec et de la part du gouvernement du Canada, s'il
en est capable. Parce que, souvent, les institutions fédérales
canadiennes ne jouent pas exactement dans le sens de la protection de nos
législations linguistiques en particulier. Malheureusement, nous nous en
doutons que trop. Cela dit, le traité peut améliorer
légèrement le statu quo, et je m'explique. Présentement,
avant le traité, c'est l'accord général qui s'applique, le
GATT. Il aurait toujours été possible pour un lobby
américain ou des industriels américains de la culture d'invoquer
le GATT contre une de nos protections culturelles. Ils ne l'ont jamais fait, je
dois le dire; cela aurait été plutôt odieux s'ils l'avaient
fait, mais ils auraient pu le faire. Là, ils ne le pourront plus parce
que les industries culturelles sont nommément exclues. Donc, comme l'a
dit la ministre, les subventions peuvent continuer à n'importe quelle
organisation culturelle, etc. Tout cela doit être joué en douceur.
C'est vrai que la radiation culturelle américaine est énorme, pas
seulement sur le Canada et le Québec, mais sur le monde entier, mais
c'est vrai qu'il y a aussi,
dans nos milieux de créateurs et de culture, une fascination
prodigieuse pour les États-Unis d'Amérique. Quand le Cirque du
soleil fait un malheur à Manhattan, le Québec entier tressaille
de joie; il ne faut pas oublier cela non plus. Et quand Frédérik
Bach reçoit son Oscar ou quand l'empire américain passe
près de le recevoir, ça s'émeut dans les
chaumières. Cela doit être joué comme la culture
elle-même, pas d'une façon grossière mais d'une
façon ouverte. De ce point de vue-là, je pense que, même si
notre destin reste périlleux, le traité nous permet
peut-être d'améliorer légèrement notre sort.
Discussion générale
Le Président (M. Charbonneau, Verchères): Je vous
remercie. Maintenant, je vous rappelle qu'on a à peu près 35
minutes de discussion ouverte, là. J'ai trois intervenants: Le
député de Saint-Jacques, le député de Mercier, M.
Larose et M. Laberge. Donc, on va procéder rapidement. D'abord, M. le
député de Saint-Jacques, après je donnerai la parole
à quelqu'un de la coalition et je reviendrai à un
parlementaire.
M. le député de Saint-Jacques.
(15 h 30)
M. Boulerice: C'était à mon collègue, le
député de Mercier.
Le Président (M. Charbonneau, Verchères): Ou M. le
député de Mercier.
M. Godin: Mon collègue me cède son tour. M. le
Président, ma question s'adresse au ministre du Commerce
extérieur. Les études d'impact sur les effets de l'accord, M. le
ministre, dans le domaine entre autres de l'imprimerie au Québec et du
marché publicitaire qui glisserait vers les revues américaines
maintenant, est-ce que cela a été fait? Cela a été
promis dans le temps, mais est-ce que c'est accessible maintenant?
M. MacDonald: Excusez-moi, pourriez-vous répéter la
question?
M. Godin: Oui, M. le ministre. On nous a promis il y a quelques
mois des études d'impact sur les effets de l'accord sur l'imprimerie au
Québec, entre autres, celle qui imprime le Time Magazine à
Montréal et également les études d'impact sur le
glissement de la publicité vers des revues américaines maintenant
et qu'il n'y a plus d'avantage à insérer cette publicité
dans les revues canadiennes ou québécoises. Est-ce que
l'étude d'impact promise a été réalisée et
est-elle accessible au moment où on se parle?
M. MacDonald: Je vais demander à M. Grenier de vous donner
une réponse technique précise.
M. Grenier: Je pense que je vais devoir donner une réponse
non technique et non précise, parce que l'essentiel de toutes les
études d'impact qu'on a réalisées dans le cadre des
négociations de l'Accord de libre-échange ont été
rendues publiques, en fait, au cours des 18 derniers mois. Vous savez que le
document qu'on a publié au mois de mai l'an passé et t'annexe
technique de 400 pages qui a suivi un mois plus tard contenaient en fait ces
analyses. J'imagine que c'est à cela que vous faites
référence.
M. Godin: Merci beaucoup, monsieur. Mme la ministre, une
deuxième question, est-ce que vous ne trouvez pas que l'insertion dans
l'accord même du droit de représailles américain menace de
mener au statu quo total entre l'empire américain culturel énorme
et grossissant et le petit îlot québécois de plus en plus
menacé, de mener donc au statu quo de ces deux réalités,
l'une immense et l'autre de plus en plus petite et menacée.
Mme Bacon: On doit dire que l'article 2005, où on parle de
mesures de représailles, stipule que chacune des parties pourrait
adopter des mesures de compensation ayant un effet commercial équivalent
si l'autre partie agit de manière incompatible avec l'accord. On doit
dire que la disposition n'a pas un caractère rétroactif. Donc, en
ce sens-là, les États-Unis ne pourraient pas l'invoquer pour des
mesures ou des pratiques déjà existantes; alors ça, c'est
acquis. Les programmes de subventions, la réglementation actuelle
à l'égard des industries culturelles ne peuvent pas être
invoquées en vertu de ce passage du 2005; il semble plutôt
affirmer une sorte de statu quo.
L'Accord de libre-échange ne met quand même pas fin aux
ententes du GATT auxquelles le Canada ou les États-Unis demeurent encore
liés. Je ne pense pas que ces mesures de représailles puissent
exister.
Le Président (M. Charbonneau, Verchères): M. le
député de Mercier.
M. Godin: Une deuxième question sur le deuxième
sujet: Pour contrer ce que les Américains appellent le "block booking"
dans le cinéma ou dans l'annonce des disques chez nos distributeurs qui
fait que les disques américains ou les films américains occupent
la majeure partie de la vitrine, sous peine de représailles
déjà maintenant, est-ce que le gouvernement pourrait
éventuellement mettre un terme à cela avec des mesures nouvelles
à l'avenir, malgré la présence dans l'accord du droit de
représailles?
Mme Bacon: II existe maintenant, vous voulez dire.
M. Godin: Est-ce que votre ministère pourrait
éventuellement modifier le "block booking" cinéma ou disque ou
magazine américain
au moment où on se parle, d'autant plus qu'il y a maintenant dans
Vaccord le droit de rétorsion et de représailles qui est
inscrit?
Mme Bacon: Cela appartiendrait au gouvernement
fédéral, si je ne m'abuse. Il me semble que c'est au gouvernement
fédéral et avec les accords du GATT, ça tient compte de
cela.
M. Godin: Est-ce que nous pourrions intervenir, par exemple, dans
les cinémas comme l'ancienne loi Hardy le proposait et insistait sur un
nombre de films québécois minimums par salle ou par
ciné-parc au Québec? Le ministère pourrait-il le faire
actuellement, indépendamment des interventions
fédérales?
Mme Bacon: Avec ce qu'il existe maintenant, oui. Et plus tard
aussi, on peut le faire.
M. Godin: Et ne craignez-vous pas qu'avec l'accord qui inclut des
représailles nommément et de façon claire que vous nous
exposiez à ne plus jamais pouvoir intervenir dans ce domaine-là
à l'avenir?
Mme Bacon: On peut réglementer au Québec, on a nos
lois et nos règlements, cela ne nous empêche pas de les faire.
M. Godin: Vous êtes convaincue qu'il n'y a aucun
empêchement à de nouveaux règlements Hardy ou Richard ou
Bacon dans l'avenir, ou Godin éventuellement, dans ce
domaine-là?
Mme Bacon: Ou autres, non?
M. Godin: D'accord.
Le Président (M. Charbonneau, Verchères): Je vais
maintenant reconnaître le président de la CSN, M. Larose, ou
quelqu'un de la coalition, M. Laberge? Alors, M. Laberge.
M. Laberge (Henri): Ce qui m'inquiète c'est qu'il n'y a
aucune clause dans l'accord accordant une garantie pour les politiques
linguistiques québécoises. C'est une demande qui avait
été faite, notamment, par deux autorités importantes: le
Conseil de la langue française et M. Bernard Landry qui, dans son
ouvrage sur le libre-échange, avait mentionné l'importance qu'il
y ait une clause de sauvegarde des politiques linguistiques. Il avait
mentionné, d'ailleurs, l'exemple de la viande kasher qui était
exclue nommément de l'Accord de libre-échange avec Israël et
il disait que la langue était au moins aussi importante pour nous que la
viande kasher pour les Israéliens.
Il n'existe aucune clause de ce genre-là nulle part dans l'Accord
de libre-échange. Malgré les notes explicatives canadiennes, il
n'y a aucune clause dans l'accord lui-même qui mentionne la question de
la langue. Par contre, la réduction importante des pouvoirs provinciaux
que va entraîner la mise en application de l'accord, notamment avec
l'article 103 de l'accord et la loi fédérale de mise en oeuvre,
fait que le Québec sera de moins en moins en mesure d'intervenir sur la
question de la langue dans les domaines qui risquent d'être
considérés comme des questions commerciales. Comme le
Québec ne peut pas se retirer de l'accord, il devra subir
indéfiniment tous les inconvénients qui seraient propres au
Québec dans cet accord-là.
Le Président (M. Charbonneau, Verchères): Je vous
arrête tout de suite. Je pense que l'intervention que vous venez de faire
peut être aussi considéré comme une question même si
c'était plus sous forme de commentaire. Alors, est-ce que quelqu'un,
soit du regroupement en faveur ou de la partie gouvernementale, souhaiterait
répondre? M. Landry.
M. Landry: M. Laberge a bien analysé l'accord. Je connais
ses méthodes de travail, il passe ça au peigne fin et il l'a fait
dans ce cas-là aussi. Cependant, ce que j'avais demandé
effectivement dans mon ouvrage, comme il l'a mentionné - et je n'ai pas
la prétention d'affirmer que c'est ça qui a fait que l'article
603 a été inclus dans le traité, M. Riseman était
capable de trouver cela tout seul - me donne satisfaction - en tout cas, je
présume que M. Riseman était capable de trouver cela tout seul -
et l'article dit, et c'est une clause normale et classique en commerce
extérieur, que lorsqu'on poursuit une fin intérieure
légitime, cette mesure que l'on prend n'est pas présumée
être une pratique déloyale de commerce. En clair, il est sûr
que protéger la langue française au Québec et au Canada
est un objectif intérieur légitime et que nul ne pourrait nous
reprocher de faire cela.
En plus, objectif intérieur légitime et défini par
l'accord, on pense à l'étiquetage en particulier, à la
protection du consommateur, dont les rudiments sont au moins que le
consommateur puisse lire les étiquettes, est inclus nommément, en
plus, dans l'accord. J'ajouterais ultimement que si l'on regarde les
expériences des nombreux pays vivant des accords de
libre-échange, non pas à deux cultures, mais à quatre,
à huit, à dix, on n'a pas vu la souveraineté culturelle de
la Grèce être affectée parce qu'elle est entrée dans
le Marché commun, ni celle du Portugal et on a même en Europe le
multilinguisme de l'étiquetage dans tout le Marché commun. Je
pense qu'il se pourrait fort bien qu'on arrive au multilinguisme dans
l'étiquetage, dans la zone de libre-échange
nord-américaine, ce qui ne serait pas un recul pour le français
mais un progrès.
Le Président (M. Charbonneau, Verchères): M.
Laberge.
M. Laberge (Henri): D'abord, objectif intérieur
légitime est effectivement défini dans l'accord, à la page
76, article 609 et je ne vois nulle part la question de la langue
là-dedans. C'est une définition qui ne comporte aucune mention
générique. C'est une énumération de choses qui font
partie de l'objectif intérieur légitime. Il y a là-dedans
la santé, la sécurité, les intérêts
essentiels en matière de sécurité, l'environnement et les
intérêts des consommateurs. Or, les intérêts des
consommateurs, ce n'est pas sûr qu'on puisse les invoquer
inconsidérément et d'une façon aussi
générale que M. Landry semble l'indiquer. Il y a eu des cas en
Europe dans le Marché commun européen, qui sont d'ailleurs
mentionnés dans l'étude de Michel Sparer, du Conseil de la langue
française, où justement on a invoqué la question de
l'intérêt de la protection des consommateurs pour exiger que
certains produits soient étiquetés en français, alors
qu'ils l'étaient en anglais par une entreprise italienne. C'était
en France, oui. Un fonctionnaire français avait demandé qu'on
retourne des explications en français et ta France a perdu. On a
invoqué que cela ne touchait pas les intérêts de la
protection des consommateurs, étant donné que ce n'était
pas le consommateur qui avait accès directement à ces produits
mais uniquement les techniciens qui, en principe, devaient savoir l'anglais.
Alors, je ne vois pas comment une situation semblable ne pourrait pas se
produire chez nous, d'autant plus qu'il y a la clause 2011 qui est très
large et qui permet à l'autre partie d'intervenir à peu
près sur n'importe quelle mesure prise par le gouvernement du
Québec. On dit que si une partie estime que l'application d'une mesure
semble réduire un avantage qui devrait raisonnablement découler
indirectement du présent accord, elle peut, si elle le juge à
propos, recourir au mécanisme de règlement des différends,
etc. Bon, alors on peut intervenir sur à peu près n'importe quoi,
même si cette mesure ne touche pas directement le commerce.
Le Président (M. Charbonneau, Verchères): Je crois
que le ministre du Commerce extérieur et du Développement
technologique voudrait ajouter une réponse. M. le ministre.
M. MacDonald: Bien, je dois me reporter à 18 mois en
arrière ou plus, lorsque nous discutions de ce qu'était la
position du Québec. La thèse de la langue, de l'insertion d'une
clause touchant la langue, recevait un support de gens qui disaient:
Nommément, nous aimerions que ce soit spécifié. D'autres
appuyaient la thèse suivante et disaient: La langue n'est pas à
négocier, sous quelque forme que ce soit, et l'inclusion d'un article
quelconque concernant la langue démontrerait que faisant partie de
l'entente c'est un sujet qui pourrait être discuté. Nous avons
abordé la thèse sur la base suivante: Ce n'est pas
négociable et ce n'est pas dis- cutable. Si je vais au-delà des
mentions qui ont été faites ici, il faut se rappeler qu'une des
choses qui chapeaute ou entoure ou habille globalement l'entente, c'est le
traitement national. Le traitement national, au Canada, que cela s'applique
à l'étiquetage bilingue ou à autre chose touchant la
langue ou à la réalité culturelle canadienne ou
spécifiquement québécoise, il n'est pas question pour
nous, à ma connaissance, de changer, de mettre en danger, sous quelque
forme que ce soit, les acquis que nous avons. Bien au contraire, on veut
enrichir. Les décisions qui ont été prises ou qui
pourraient être prises, au Canada même, sont celles qui vont
s'appliquer aux Américains, alors que nous allons traiter à
partir du Québec, les gens du Nouveau Brunswick ou de la Colombie
britannique de la même façon que les gens du Kansas ou de la
Californie.
Le Président (M. Charbonneau, Verchères): Encore
sur la langue, est-ce qu'il y avait quelqu'un du groupe parlementaire?
M. Boulerice: Brièvement.
Le Président (M. Charbonneau, Verchères): M. le
député de Saint-Jacques.
M. Boulerice: Je comprends les interrogations de M. Laberge et je
me suis, moi aussi, longuement interrogé au sujet de
l'étiquetage, etc., en fonction justement de l'expérience
européenne. Mais le ministre ne répond malheureusement pas pour
ce qui est des programmes de francisation des entreprises, compte tenu de
l'accord, quand on parle des programmes de francisation des conseils
d'administration, des hautes directions, etc. Est-ce que le ministre a des
réponses à ce sujet? On pourrait peut-être potentiellement
invoquer, en disant: Oui, mais il y a un coût à la francisation,
nous ne sommes donc pas concurrentiels. Ils pourraient contester...
M. MacDonald: Mais c'est un coût qui s'applique. La
francisation des entreprises est une chose qui se fait au Québec. Qu'une
entreprise soit de propriété étrangère, de quelque
nation que ce soit, ou québécoise, c'est une loi qui s'applique,
c'est une réglementation, c'est un fait québécois. Je n'ai
pas vu les Américains et je ne m'attends pas à voir les
Américains contester la réalité de la francisation des
entreprises.
Une voix: Nous ne sommes pas encore dans un contexte...
Le Président (M. Charbonneau, Verchères): M.
Larose. Sur la langue, toujours sur la langue, s'il vous plaît. (15 h
45)
M. Larose: Oui, oui. Vous me voyez un peu
surpris parce que dans l'article 609, on nomme des choses très
précises. On nomme la santé, la sécurité, les
intérêts essentiels en matière de sécurité -
là, on est dans la plomberie - l'environnement ou les
intérêts des consommateurs. J'avoue que j'aime cela, moi, un
peuple qui est réduit à l'état de consommateur et que le
fait de vouloir parler français, c'est qu'il ait un intérêt
comme consommateur. J'avoue qu'on fait flèche de tout bois pour dire que
cette entente est extraordinaire. La langue, je m'excuse, cela n'a rien
à voir avec les consommateurs. Nous serions des consommateurs
particuliers, parce que francophones? C'est quoi Alliance Québec dans
une cause qui nous impliquerait sur une question d'affichage ou une question
d'étiquetage? Ils sont un peu consommateurs, eux autres "itou". Comme
consommateurs, ils défendraient le même point de vue? Je m'excuse,
mais je pense qu'il y avait difficulté à faire inclure la langue,
en termes de négocations; je n'ai pas de misère à le
croire. Mais qu'on n'essaie pas de nous faire accroire qu'on est
protégé et qu'il y a une clause de réserve linguistique,
ce n'est pas vrai. D'autant plus qu'on a sept ans, vous l'avez dit ce matin,
mon cher ministre, pour qu'on ajuste, et c'est d'ailleurs un des objectifs de
l'accord, pour qu'il y ait harmonisation des normes, pour ne pas qu'il y ait
d'entrave à la libre circulation des biens et des services. Se peut-il
que dans ce débat, cela revienne? Parce que c'est cela qu'on nous a dit
au moment où on a soulevé cette question. On a dit:
Écoutez, sur la question des normes, on va certainement se
protéger, au moment où on va en débattre pour dire que la
question de la langue, ce n'est pas une norme qui pourrait contrevenir à
la libre circulation des biens. Alors qu'on ne parle pas des deux
côtés de la bouche en même temps. Ou bien il y a une cause
de réserve, ou bien il n'y en a pas. S'il n'y en a pas, on va en
débattre pendant sept ans, et dans ce débat, on verra si on va
gagner ou pas. Mais à l'heure actuelle, les francocphones comme
consommateurs, ne sont pas plus protégés que les consommateurs
d'Alliance Québec, cela n'est pas vrai.
Le Président (M. Charbonneau, Verchères): M. le
ministre ou quelqu'un du regroupement...
M. Landry: Ma réponse à cela - M. Larose la donne
un peu dans sa question - c'est un accord économique. Alors, nous sommes
tous, en économie, des consommateurs, et nos intérêts
veulent qu'on puisse lire les étiquettes, et c'est dans ce sens que j'ai
invoqué cet article, plus le traitement national. Mais il faut voir cela
aussi dans un contexte plus réaliste. Quel gouvernement du Canada ou du
Québec - j'aimerais voir cela - va se lever pour dire: On sacrifie
l'étiquetage en langue française à cause d'un
traité commercial. Il faut raisonner dans les faits et dans les normes
d'une démocratie évoluée comme l'est la nôtre et ne
pas demander à un accord de libre-échange de faire ce qu'un
document économique ne fait pas généralement, soit
contenir des dispositions culturelles.
M. Larose: Je préfère la deuxième version de
M. Landry. Il dit qu'il n'y a rien là pour les francophones. C'est bien
dit, c'est respecter l'accord tel qu'il est, c'est un accord
économique.
M. Landry: J'ai dit qu'il y avait là pour les
consommateurs, et je pense qu'il n'y a pas grand monde autour de cette table
qui n'est pas consommateur, et il n'y a pas grand monde autour de cette table
qui n'est pas francophone, non plus.
M. Larose: Bien. Entre le consommateur d'Alliance Québec
et le consommateur francophone, quelle différence y a-t-il pour
défendre un intérêt spécifique comme
francophone?
Le Président (M. Charbonneau, Verchères): Une
dernière réplique sur le sujet de la langue, je pense que c'est
important, c'est pour cela que j'ai laissé filé un peu plus
longtemps. M. Landry.
M. Landry: Bien, j'imagine que les gens d'Alliance Québec
achètent prix et qualité et ils suivent les lois pour
l'étiquetage et les lois au Canada. Les lois fédérales,
comme les nôtres d'ailleurs, sont à l'effet que le consommateur
doit être capable de lire l'étiquette, et cela m'apparait
fondamental en commerce extérieur. Les Japonais exigent la même
chose quand on exporte chez eux; il faut étiqueter en japonais,
autrement le produit ne rentre pas.
M. Larose: Et il n'y a pas un accord de libre-échange avec
le Japon non plus.
M. Landry: Non, mais à plus forte raison. M. Laberge
(Henri): Et pourtant...
Le Président (M. Charbonneau, Verchères): Alors
nous allons, si vous le permettez, changer de sujet.
M. Laberge (Henri): Et pourtant, M. te Président, il entre
déjà des produits au Québec qui ne sont pas en
français et qui circulent très bien, par exemple, dans le domaine
de l'automobile. Même les voitures françaises rentrent au
Québec avec des tableaux de bord en anglais.
M. Landry: Oui, cela peut arriver.
M. Laberge (Henri): Maintenant, M. le ministre,
tantôt...
Le Président (M. Charbonneau, Verchères): M.
Laberge, je m'excuse, mais avant que vous alliez plus loin, je comprends que la
langue c'est
important, mais mon problème est que j'ai une limite de temps. Je
n'ai pas quatre jours pour faire la question culturelle, j'ai 35 minutes. Alors
le député de Saint-Jacques, sur un autre sujet.
M. Boulerice: M. le Président, ce que j'ai introduit
tantôt est un sujet d'intérêt. Alors, la question que je me
pose, c'est: Eu égard aux responsabilités réglementaires
majeures qui sont dévolues aux organismes nationaux, tant en
matière d'application du traitement national qu'à celui de
définition et de classification qui sert à distinguer les
services de télécommunications de base - exclus de l'accord,
ceux-là, si vous vous rappelez, M. le ministre - et les services
améliorés inclus à l'accord, quelles sont les
conséquences de ce flou juridictionnel sur l'application de
l'accord?
M. MacDonald: Je ne m'aventurerai pas sur cette
conséquence légale.
Mme Bacon: Est-ce que vous parlez de la retransmission par
câble? Ce n'est pas cela? Vous en avez parlé tantôt.
M. Boulerice: Non, madame, pas du tout. Vous n'êtes pas
branchée, c'est le cas de le dire.
Mme Bacon: Je ne suis pas tout à fait
débranchée non plus. M. Grenier veut répondre.
M. Boulerice: Mais c'est un sujet d'importance. Écoutez,
votre collègue a...
Mme Bacon: Vous en avez parlé tantôt.
Le Président (M. Charbonneau, Verchères): M. le
député, je pense que la question est bien posée.
Maintenant, on va plutôt prendre le temps d'y répondre. M.
Grenier.
M. Grenier: En fait, il faut...
M. MacDonald: Si vous me le permettez, il y a certainement M.
Ducros et M. Grenier qui peuvent y répondre.
Le Président (M. Charbonneau, Verchères):
Écoutez, j'avais reconnu M. Grenier. M. Grenier, un peu, et après
cela, M. Ducros, comme cela il n'y aura pas de chicane, tout le monde va
parler.
M. Grenier: Je pense que dans la question des
télécommunications, c'est clair que la portée de l'accord
n'est pas très étendue. Tout le secteur des services est
évidemment nouveau et on n'a pas eu la couverture qu'on aurait pu
espérer de part et d'autre d'ailleurs de la frontière. Alors,
comme vous l'avez mentionné, les services de base sont exclus et c'est
seulement les services améliorés, que vous avez définis
vous-même et qui sont définis dans l'accord, qui sont couverts.
Cependant, je pense que votre question est celle-ci: Comment cela va-t-il
influencer le partage juridictionnel entre le fédéral et les
provinces? Comme on l'a mentionné ce matin sur une autre question,
l'Accord de libre-échange ne change pas ce partage. Et justement, le
gouvernement en avait fait une des conditions essentielles à son appui.
Effectivement, ce partage constitutionnel ne doit pas changer.
Le Président (M. Charbonneau, Verchères): M.
Ducros, rapidement, sur le même sujet.
M. Ducros: La réponse a été très bien
dite par M. Grenier.
M. Boulerice: Cela ne change pas le partage...
M. Ducros: On a un problème de partage de
responsabilités entre le fédéral et le provincial sur la
classification des services de télécommunications type 1 et de
classification des services de télécommunications type 2. Le
traité de libre-échange ne change absolument en rien la question
des partages entre le fédéral et le provincial sur ces deux
domaines.
Le Président (M. Charbonneau, Verchères): En
additionnelle sur le même sujet, M. le député de
Saint-Jacques? Sur le même sujet?
M. Boulerice: Ce n'est pas tellement le partage comme
l'application. La réponse que vous me donnez m'incite à demander
si vous ne croyez pas que la nouvelle Régie des
télécommunications, celle qu'on vient de se donner par la loi
110, va se résigner à jouer un rôle d'observateur tout
à fait passif dans l'application de l'accord à ce
moment-là?
Le Président (M. Charbonneau, Verchères): M.
Ducros.
M. Ducros: Ce que je dis, c'est que l'Accord de
libre-échange ne change en rien le problème que vous
évoquez, les problèmes de juridiction entre le provincial et le
fédéral. Il me semble que ces problèmes devraient
être résolus dans un contexte en dehors de celui du traité
de libre-échange.
Le Président (M. Charbonneau, Verchères): M.
Proulx, sur le même sujet.
M. Proulx: Je vais employer votre vocabulaire. J'ai une question
de privilège. On poses des questions au ministre et savez-vous qu'on a
un nouveau "staff de ministres parce que ce ne sont pas les ministres qui
répondent.
Le Président (M. Charbonneau, Verchères): Je pense
que la dynamique de la discussion, c'est que... Tantôt, j'ai
demandé qui voulait répondre,
soit de la partie gouvernementale ou des gens qui sont en faveur.
L'important, c'est que l'exercice fasse en sorte que ceux qui sont pour et ceux
qui sont contre finissent par avoir un éclairage additionnel.
M. Proulx: On nous a dit ce matin...
Le Président (M. Charbonneau, Verchères): Si le
ministre considérait que la réponse ne peut pas être
endossée par la partie gouvernementale, je pense qu'il me ferait signe
parce qu'autrement, on ne s'en sortira pas.
M. Proulx: Mais, M. le Président, on nous a dit ce matin
que ce n'était pas un débat de pour ou de contre. On voulait
essayer de jeter une nouvelle lumière...
Le Président (M. Charbonneau, Verchères): Je
comprends, mais...
M. Proulx: ...sur le débat.
Le Président (M. Charbonneau, Verchères): On doit
se rappeler, M. Proulx...
M. Proulx: Les questions sont directement adressées. Tout
à l'heure, c'est M. Landry. Je comprends qu'il a déjà
été ministre. Une autre fois, c'est un autre. On ne veut pas se
battre. On s'est rencontré à de multiples occasions. On sait ce
qu'on va dire. C'est le gouvernement qui va prendre des décisions dans
les prochaines semaines et dans les prochains mois. Je respecte beaucoup ces
messieurs et ces mesdames, mais ils vont être comme nous autres, ils ne
seront pas partie prenante aux décisions qui vont se prendre.
Le Président (M. Charbonneau, Verchères): Vous avez
raison sauf que la dynamique que vous avez tous acceptée d'ailleurs,
c'est qu'il y avait quatre parties à ce débat et pas une partie
qui était interpellée par trois autres parties. Tout le monde
peut s'interpeller et à la limite, le gouvernement pourrait vous poser
des questions. Il ne l'a pas fait jusqu'à maintenant, mais dans les
règles du jeu qu'on a adoptées, la partie gouvernementale
pourrait poser des questions aux trois autres parties. Donc, je pense qu'on va
continuer comme cela. C'est clair que si la question est d'abord
adressée à un ministre, je demande d'abord au ministre s'il a une
réponse. Si le ministre préfère ou s'entend avec un
expert, qu'il soit du regroupement ou qui est à la table en
arrière, alors, on permettra. L'important, c'est que l'exercice donne
quelque chose.
Une dernière question sur les
télécommunications.
M. Larose.
M. Larose: C'est concernant l'interfinance-ment. J'aimerais que
le ministre nous dise quelles seront les conséquences sur les
réseaux canadiens et, en bout de ligne, les conséquences pour les
consommateurs, parce qu'il y a tout un système réglementé
au Canada qui fait que la transmission des données, des communications,
tout cela se fait sur les réseaux canadiens. C'est obligatoire qu'on le
fasse sur les réseaux canadiens. Mais on pratique l'interfinancement qui
fait que par cette réglementation, les tarifs domestiques sont moindres
que ce que l'on connaît ailleurs. Si l'accord est appliqué, que
l'interfinancement pète, qu'est-ce que cela voudra dire? Est-ce qu'on
doit comprendre qu'on subira les mêmes conséquences au Canada et
au Québec que ce que les Américains connaissent dans certains
coins de leur pays depuis la déréglementation de ce secteur?
Le Président (M. Charbonneau, Verchères): M. le
ministre.
M. MacDonald: Pour répondre précisément
à votre question, l'interfinancement, c'est une question purement
canadienne et cela n'a rien à voir avec le traité.
Pour revenir à la remarque de M. Proulx, moi, je n'ai pas la
prétention de tout connaître. En revenant au règlement
qu'on a tous accepté, comme il a été mentionné ici,
règlement qui voulait informer le mieux possible à la fois les
gens qui sont ici et ceux qui nous écoutent, c'est non seulement avec
plaisir, mais c'est un devoir de ma part d'aller chercher chez les gens qui
connaissent mieux que moi - et il y a plusieurs domaines - les informations
pertinentes.
Le Président (M. Charbonneau, Verchères): Je vais
prendre maintenant une autre intervention sur un autre sujet. Je pense qu'il y
avait le député de Mercier qui m'avait demandé... M.
Larose, vous m'aviez demandé la parole tout à l'heure. Est-ce que
c'était sur un autre sujet?
M. Larose: C'était sur celui que j'ai ouvert, sur
l'interfinancement. Mais la réponse du ministre est tout, à fait
à côté de la "track". L'article 1404-C...
Le Président (M. Charbonneau, Verchères): Je vais
vous permettre de continuer un peu sur ce sujet et on changera
après.
M. Larose: II dit que cela n'a rien à voir avec l'accord.
Ce qu'on me dit et j'ai tous les papiers que je peux suivre, apparemment
qu'à l'article 1404 et à l'article 2010, il y a des clauses
très spécifiques qui disent que les monopoles ne doivent pas
développer des comportements anticoncurrentiels. C'est ainsi qu'on dit
que l'interfinancement ne sera pas praticable. Je pense que le ministre a
peut-être oublié que ce bout-là avait aussi
été négocié dans l'accord. On vous le dit, l'accord
touche n'importe quoi et surtout tout. Alors, il faudrait vérifier
cela.
Le Président (M. Charbonneau, Verchères): M. le
ministre.
M. MacDonakJ: Encore là, vous mettez tout dans le
même pot, les services de base et les services améliorés.
Si vous parlez des services de base, on l'a dit, c'est exclu. Oubliez cela. Ce
que vous précisez ou ce sur quoi vous me posez une question, c'est sur
les services de base. Dans le cas des services améliorés, il y a
négociation, à l'intérieur du Canada, sur lequel, j'ose
espérer, dans un délai convenable, on va venir à certaines
ententes. Mais le travail premier se fait au Canada.
Le Président (M. Charbonneau, Verchères): Une
dernière question, rapidement, M. Larose, sur le même sujet.
M. Larose: Est-il exact que les monopoles dans leur
fonctionnement privilégient l'inter-financement des services qui fait
que le service de base est moindre, précisément parce qu'ils
peuvent le faire financer par d'autres services - c'est ce qu'on appelle
l'interfinancement, même si je ne suis pas économiste - et que le
fait d'ouvrir à ce niveau, les compagnies vont se restructurer?
D'ailleurs, Bell Canada a entrepis immédiatement des procédures
pour pouvoir procéder autrement. Je ne révèle rien, ce
sont des affaires qu'on apprend publiquement.
M. MacDonald: Je maintiens la réponse que je vous ai faite
à l'égard des services de base, en les différenciant des
services améliorés. Deuxièmement, c'est une question qu'on
ne peut régler par une réponse de 90 secondes ou de 60 secondes.
Au même titre que ce matin, alors que je vous ai dit personnellement que
vous n'aviez pas eu de réponse complète à votre question
concernant l'article 904, je vous dis que je vous obtiendrai réponse
précise à la question, avec les explications qui
l'accompagneront.
Le Président (M. Charbonneau, Verchères): M. le
député de Bertrand.
M. Parent (Bertrand): Une question rapidement à Mme la
ministre des Affaires culturelles. On se souviendra qu'en décembre
dernier, le ministre du Commerce extérieur et du Développement
technologique nous a confirmé que d'abord, il y avait des études
d'impact dans chacun des secteurs et que, de plus, il y avait eu des
discussions au Conseil des ministres et chacun des ministres devait se
préparer en fonction du libre-échange. Ma question, Mme la
ministre, est de vous demander qu'est-ce que vous et votre ministère
avez fait depuis six mois pour vous préparer en fonction du
libre-échange et quelle sorte de programmes êtes-vous à
mettre sur pied pour aider les industries culturelles à mieux faire face
aux nouvelles règles du jeu?
(16 heures)
Mme Bacon: M. le Président, les industries culturelles
sont exclues de l'accord. J'ai dit tantôt et je le redis, cela ne nous
empêchera pas de continuer à réglementer ou à
légiférer et même à soutenir financièrement
nos industries culturelles. Nous avons continué à travailler dans
nos programmes pour accorder de l'aide à nos industries culturelles.
C'est ce que nous allons continuer de faire. L'Accord de libre-échange
ne nous empêche pas de le faire. Nous allons continuer de le faire.
M. Parent (Bertrand): Les industries culturelles, M. le
Président, sont exclues, sauf que la dynamique fait en sorte que dans
l'ensemble de tous les secteurs du Québec, il va y avoir de nouvelles
règles du jeu. On devra commencer à vivre quelque part au
début de 1989, au cours des années 1989-1990, de nouvelles
règles du jeu, de la nouvelle compétition qui, directement et
indirectement, vont venir toucher aux industries culturelles. Là-dessus,
je pense que vous serez d'accord. Alors, j'aimerais savoir s'il y a des choses
précises d'enclenchées dans votre secteur particulier pour aider,
dynamiser ces entreprises et aussi, indirectement, les travailleurs et les
travailleuses qui pourront être touchés par la disparition
peut-être de certains volets qui touchent l'aspect culturel, comme l'a
mentionné tantôt mon collègue, le député de
Mercier, par exemple, dans le domaine de l'imprimerie.
Mme Bacon: Nous avons fait une révision complète de
tous les programmes existant au ministère. Nous les avons
simplifiés et réduits parce qu'ils étaient trop complexes
et, donc, presque inaccessibles à notre clientèle. Nous allons
ensuite travailler sur ces programmes pour les rendre plus accessibles et
actualiser les programmes pour que nous continuions à aider nos
clientèles, à les soutenir financièrement et à
apporter ce coup de pouce souvent nécessaire de la part du gouvernement
pour dynamiser notre soutien aux clientèles. C'est ce que nous faisons.
Nous avions 60 programmes au ministère à mon arrivée en
1985. Il faut les réduire. J'entends le "Ah!" du député de
Saint-Jacques, je pense qu'il faut quand même regarder les choses telles
qu'elles existent. Nous les avons réduits à 15. Ils s'adressent
à des clientèles bien définies, qui savent vraiment avec
les interlocuteurs du ministère ce qu'elles ont à faire.
Le Président (M. Charbonneau, Verchères): Sur le
même sujet?
M. Parent (Bertrand): Oui. Peut-être une dernière
question. Les études d'impact qui avaient été promises,
qui étaient en marche supposément en décembre, concernant
les droits de douane, spécifiquement concernant les disques et les
cassettes, est-ce que ces études ont été terminées
et est-ce qu'elles ont été rendues
publiques?
Mme Bacon: Sur les tarifs douaniers, l'accord prévoit
qu'ils seront graduellement éliminés sur les enregistrements
sonores. Ce n'est pas une disposition tout à fart nouvelle, puisque
l'élimination graduelle des tarifs douaniers sur les enregistrements
sonores a été décidée sous le gouvernement
fédéral en 1982. Alors cela, ce n'était pas nouveau. Il y
a peu d'enregistrements sonores qui sont affectés dans les tarifs, parce
que les compagnies importent des copies originales et les reproduisent ensuite
ici au Canada. Il est possible que la suppression de certains tarifs modifie la
nature même des importations, mais je pense qu'au lieu d'importer des
bandes maîtresses, les compagnies pourront tenter de les remplacer par
des produits qui sont des produits finis. La fabrication des enregistrements
sonores au Canada peut demeurer avantageuse pour les compagnies en raison,
peut-être, du coût moins élevé des frais de transport
ou des taux de change.
Le Président (M. Charbonneau, Verchères): M. le
Président de la CEQ, M. Charbonneau.
M. Charbonneau (Yvon): M. le Président, tout à
l'heure, le ministre a fourni un élément de réponse qui
semble intéressant dans le débat sur la question de la langue
quand il a dit: Nous invoquerons la question du traitement national. En
supposant que les lois demeurent à peu près ce qu'elles sont
actuellement au Canada et au Québec, en invoquant le traitement
national, c'était votre réponse à notre inquiétude
sur le droit du français, pourriez-vous compléter cette
démonstration en faisant bien ressortir en quoi l'invocation de cette
notion de traitement national peut balayer toute démarche
américaine de certaines entreprises pour essayer de circonvenir à
cela? En quoi cet argument a-t-il tellement de préséance dans le
débat pour nous éviter des représailles dans d'autres
domaines? Est-il placé en un tel endroit dans l'accord ou dans le projet
de loi, qu'il serve de clause, de balise d'interprétation du reste? En
quoi a-t-il tellement préséance? C'est un argument important que
vous nous servez, mais cette notion a-t-elle un statut tel dans l'entente
qu'elle balaie les arguments adverses et les représailles possibles et
que ce soit un argument qui soit tellement valable devant les tribunaux ou les
comités qui auront à regarder des plaintes, s'il y en a?
Le Président (M. Charbonneau, Verchères): M. le
ministre.
M. MacDonald: II me semble me rappeler, M. Charbonneau - je pense
que c'est lors de la première commission parlementaire que nous avons
eue - que vous nous avez fait la recommandation de ce qu'était votre
façon de voir les choses en matière de commerce international.
Vous vouliez que nous fassions appel au GATT et à tout ce qui
était le GATT, que c'était le moyen et que c'était le
traité ou l'entente maîtresse avec lequel nous devrions diriger
nos destinées en matière de commerce international plutôt
que de chercher un traité de libre-échange particulier et
bilatéral avec les États-Unis.
Eh bien, cette notion de traitement national au GATT en est une qui...
L'ensemble, si vous voulez, de ce qui pourrait être une discrimination
à l'intérieur de l'entente du GATT tourne autour de cette notion
de traitement national, et jurisprudence avait été faite à
maintes reprises autour de cette notion de traitement national. En
matière de commerce international, dans des discussions soient-elles
bilatérales ou multilatérales partielles, la notion de traitement
national est quasi toujours présente. Et cette notion dans le contexte
de l'entente bilatérale, basée si vous voulez sur ce qu'est le
GATT et la façon dont il est administré ou sur la jurisprudence
ou sur la façon avec laquelle a été négociée
l'entente avec les États-Unis, mais je vais revenir plutôt en
arrière sur la façon avec laquelle nous, comme province du
Canada, avons exigé que le mandat de l'ambassadeur Reisman soit
défini de telle façon, a toujours été
présente, particulièrement à cause de la
spécificité canadienne et encore plus particulièrement,
à cause de la spécificité québécoise...
Alors, ce qu'on dit au Québec, selon la façon dont on se
gère, selon les lois et les règlements qu'on s'est donnés
et qui s'appliquent aux Canadiens d'un océan à l'autre, comme
cela s'applique pour tout ce qui se fait au Québec, eh bien, c'est qu'on
n'a pas l'intention, dans l'application du traité bilatéral et
sur des choses aussi fondamentales que la langue, d'imposer des conditions
additionnelles aux Américains, et on n'a pas l'intention de leur en
imposer moins non plus.
Remarques finales
Le Président (M. Charbonneau, Verchères):
Écoutez, cette réponse termine malheureusement, parce que je vois
un certain nombre de mains levées, la période qui était
consacrée au débat proprement dit sur la culture. Maintenant, il
reste la période de conclusion de la part des parlementaires. D'abord,
le député de Mercier, je pense qu'il a une minute et demie, le
député de Saint-Jacques, la même chose, et par la suite,
Mme la ministre des Affaires culturelles.
M. Gérald Godin
M. Godin: Nous sommes évidemment d'accord avec le principe
du libre-échange. Par ailleurs, pour l'instant, cela nous semble ce que
La Fontaine a appelé un bloc enfariné. Vous pouvez nous dire:
Rien qui vaille, dans la mesure où les questions ne sont pas
satisfaisantes à bien des égards. Entre autres, dans le domaine
de la
rétorsion, nous craignons que ce nouveau droit donné aux
Américains gèle la position du Québec au plan culturel, au
niveau où elle est maintenant qui est très faible, face au
géant américain. Nous craignons aussi que les impacts que j'ai
ici en main soient beaucoup plus forts que ce document fort incomplet ne nous
le dit, dans le domaine de l'imprimerie, entre autres, dans le domaine des
cassettes, des vidéocassettes, etc. On nous promettait en mai dernier
des études d'impact et en décembre aussi. On ne les a pas encore
eues, en fin de compte, à notre insatisfaction. Donc, nous sommes encore
dans le vague quant aux impacts réels de l'Accord - avec un A majuscule
- à ceux de l'industrie québécoise dans ces domaines et,
donc, nous sommes insatisfaits des réponses obtenues aujourd'hui sur ces
questions. M. le Président, merci beaucoup.
Le Président (M. Charbonneau, Verchères): Merci, M.
le député. M. le député de Saint-Jacques.
M. André Boulerice
M. Boulerice: Oui. Pour ce qui est de la langue, M. le
Président, moi, je serai toujours extrêmement inquiet. De toute
façon, depuis le 2 décembre, chat échaudé craint
l'eau froide. Donc, je peux partager avec mes collègues les
inquiétudes en ce qui concerne la langue. Pour ce qui est de la culture,
je pense que les remarques étaient effectivement très
pertinentes. Quand on fait parler Mme la ministre, on s'aperçoit de
choses. En abolissant les 14 % sur les disques et les cassettes qui sont
pressés aux États-Unis, on se retrouve graduellement au
Québec à une espèce de "mise à mort" - entre
guillemets - de l'industrie du pressage. À ce moment-là, il ne
serait plus utile d'avoir Potygram Canada sur côte de Liesse, quand on
pourra le faire à Nashville, Tennessee, puisqu'il n'y aura plus ces
frais. Alors, ce sera une industrie qui, chez nous, est quand même assez
prospère et bien articulée; qui n'existera plus. Cela est une
chose.
Je sais que dans le temps vous nous limitez, M. le Président,
contre votre gré, je le sais fort bien. Pour ce qui est des
télécommunications, je vous avoue, j'ai noté un flou
juridique mais malheureusement, il est également assorti d'un vide
ministériel. Écoutez, ce sont eux qui sont allés à
la conférence fédérale provinciale d'Edmonton en 1987. On
était supposé en venir à une entente. Il n'y en a toujours
pas; donc, nous n'avons pas de garantie et de certitude que le gouvernement
fédéral ne puisse davantage s'immiscer dans des
compétences provinciales par l'application des droits et obligations de
l'accord. Je fais référence au paragraphe 1° de l'article 3
de l'annexe C du chapitre 14, à moins que je ne me trompe, mais je pense
bien que c'est cela. Donc, plus on creuse, M. le Président, plus on
s'aperçoit que sur le principe, oui, mais c'est comme une peinture un
peu fragile. Quand on gratte un peu, il y a des choses qui s'écaillent.
On s'aperçoit qu'il n'y a pas de protection, il n'y a pas un "blindage"
auquel on serait en droit de s'attendre sur des éléments aussi
fondamentaux que la langue, la culture et la télécommunication.
La télécommunication, c'est rendu un sophisme de dire que c'est
l'avenir, tellement c'est évident pour tout le monde, pour les
société postindustrielles.
Le Président (M. Charbonneau, Verchères): Sur cette
remarque, M. le député de Saint-Jacques, je suis obligé de
vous arrêter et de vous remercier.
M. Boulerice: Vous coupez sur communication.
Le Président (M. Charbonneau, Verchères): Nous
allons maintenant, dans une optique de communication intertable, céder
la parole à la ministre des Affaires culturelles.
Mme Lise Bacon
Mme Bacon: Vous me permettrez, M. le Président, de
conclure en disant que le principe de base de l'accord en matière
culturelle, c'est l'exclusion des industries culturelles de l'accord. Le
Québec et c'est ce que nous comptons faire, continuera à
soutenir, à aider les industries culturelles, soit par la
réglementation ou par d'autres moyens financiers, si nécessaire.
Cela ne nous empêche pas de le faire, M. le Président.
J'aimerais aussi souligner qu'il y a un effet positif dans l'accord sur
la protection des droits d'auteur. Cela appuie les efforts que le gouvernement
du Québec et le ministère des Affaires culturelles ont entrepris
auprès de certains collègues pour que cela se fasse. Cet accord
appuie les démarches du ministère des Affaires culturelles en ce
sens.
Si j'avais quelques minutes de plus, M. le Président, à
l'intérieur de mes trois minutes, j'aimerais peut-être que l'on
revienne sur ce que sont les industries culturelles. On peut les qualifier de
production, de distribution et de commercialisation. C'est important quand on
regarde dans la distribution: la vente des livres, des revues, des
périodiques, des journaux, des entreprises qui produisent, distribuent
et qui vendent des films et enregistrements-vidéos, des entreprises qui
produisent, distribuent et vendent et présentent des enregistrements de
musique, audio et vidéo, des entreprises qui éditent, distribuent
et vendent des compositions musicales, des entreprises de radiocommunication
dont les transmissions sont destinées à être captées
par le grand public, y compris les activités de radiodiffusion, de
télédiffusion, de câblodistribu-tion et les services de
programmation et de diffusion par satellite Si tout cela est exclu de l'accord,
M. le Président, il va de soi que les activités qui ne donnent
pas lieu à une produc-
tion industrielle, comme les spectacles vivants ou les activités
commerciales, comme les services culturels, n'entrent pas dans l'Accord de
libre-échange.
Impact de l'accord sur le développement
économique
Le Président (M. Charbonneau, Verchères): Mme la
ministre, je vous remercie. Nous allons maintenant passer à un autre
thème, cette fois-ci, les implications de l'Accord de
libre-échange à l'égard du développement
économique - le développement macro-économique et
microéconomique.
Je demanderais à ceux qui doivent changer de place ou
céder leur fauteuil à d'autres de le faire rapidement pour que
nous puissions engager la discussion immédiatement.
Je crois, M. le ministre du Commerce extérieur et du
Développement technologique, que c'est vous qui allez faire la
présentation au nom du gouvernement.
M. MacDonald: C'est bien cela.
Remarques préliminaires
Le Président (M. Charbonneau, Verchères): Alors, je
vous cède immédiatement la parole. Le temps est cette fois-ci un
peu plus long. Nous avons toujours 20 minutes de départ, mais la
durée du débat qui suivra est d'un peu plus d'une heure, en fait
64 minutes. Alors, sans plus tarder, M. le ministre.
M. MacDonald: Merci, M. le Président.
M. Parent (Bertrand): M. le Président, peut-être une
question d'information. On avait dans la liste des ministres invités, le
ministre de l'industrie et du Commerce, sur le débat économique.
Est-ce à dire que le ministre de l'Industrie et du Commerce ne sera pas
là cet après-midi?
M. MacDonald: Je crois que vous savez déjà que le
ministre de l'Industrie et du Commerce est à une conférence
fédérale-provinciale à Ottawa et qu'il sera ici demain
où il pourra adresser la parole particulièrement sur le dossier
des mesures d'adaptation.
Le Président (M. Charbonneau, Verchères): Cela va?
(16 h 15)
M. Parent (Bertrand): Cela va.
Le Président (M. Charbonneau, Verchères): Cela va?
Alors, M. le ministre.
M. Pierre MacDonald
M. MacDonald: M. le Président, le thème que nous
abordons est celui de l'économie et l'économie dans sa macro et,
si on veut, dans sa microperspective. Nous avons, au cours des deux
dernières années, discuté d'une façon très
ouverte de tout ce qui était, non seulement l'entente de
libre-échange avec les États-Unis, mais, en fait de l'ensemble de
la position du Québec et du Canada en matière de commerce
international. On a été noyés, pour ceux qui y
étaient mêlés, à titre professionnel, de
statistiques. Nous avons, effectivement, recherché lesdites
statistiques, nous avons voulu les analyser. Nous avons consulté. Nous
avons eu, entre autres, trois commissions parlementaires, des dizaines, sinon
quelques centaines de colloques à travers la province, auxquels
plusieurs d'entre nous ont participé, et nous avons établi
certains consensus, tout au moins, sur la réalité du Canada et
particulièrement du Québec dans l'économie mondiale.
Je dis économie mondiale parce qu'aujourd'hui notre
marché, c'est le monde dans son ensemble, c'est le "global economy".
Nous ne pouvons pas parler d'un Québec et d'un Canada ayant une chance
de connaître l'essor qu'on veut pour connaître la qualité de
vie qui est la nôtre et l'améliorer, sans penser à une
capacité d'être aptes à faire concurrence à
l'échelle mondiale.
On a vu que notre commerce international était, au Québec,
20 % de notre PIB, mais que nos exportations étaient également
d'un chiffre équivalent vers le reste du Canada. On a vu que 75 % de nos
exportations québécoises internationales allaient vers les
États-Unis et on a expliqué, sur le long et sur le large, et on a
pu l'interpréter de différentes façons, qu'il y avait un
protectionnisme existant aux États-Unis et nous avons fait une
évaluation selon laquelle celui-ci ne pouvait aller qu'en s'accroissant
ou, tout au moins, nous ne voyons pas de répit dans un "délai
à moyen ou même à long terme. Nous avons
décidé d'embrasser une entente de libre-échange avec les
États-Unis, d'embrasser la négociation de celle-ci en y posant
des conditions fondamentales. Je saute l'étape de négociation.
Nous l'avons dit, nous l'avons répété et nous l'avons
expliqué en commission parlementaire, tout comme publiquement, sous
différentes formes: les conditions que le Québec posait ont
été satisfaites à ce jour, à notre avis, tout au
moins pour celles qui doivent être réalisées avant la mise
en oeuvre, exception faite de cette participation au règlement des
différends pour lequel nous continuons à négocier avec le
gouvernement fédéral, c'est-à-dire les provinces et le
gouvernement fédéral avec nous, pour chercher un mode de
participation à la gestion de l'entente comme à ce domaine
spécifique du règlement des différends.
Nous sommes convaincus que, sur le plan économique - en ramenant
ceci à sa plus simple forme et à sa forme importante,
c'est-à-dire les emplois, les emplois au Québec - l'entente fait
partie d'un certain nombre de conditions existantes ou à être
développées qui ne peuvent faire
autrement que d'améliorer la possibilité de
création d'emplois et d'emplois durables au Québec. Nous avons eu
l'occasion d'entendre des chiffres comme, par exemple, qu'il y avait 23
participants à la création du GATT en 1947, contre 96 maintenant.
On a eu l'occasion de voir que notre compétition n'est pas seulement
avec les États-Unis, que c'est avec l'ensemble du monde et que, par
conséquent, la productivité québécoise ne doit pas
être strictement orientée viv-à-vis des États-Unis.
Il y a une semaine, j'étais à Hong Kong, centre industriel et
manufacturier qui nous fait concurrence et nous donne énormément
de difficulté, et les gens de Hong Kong, se plaignaient qu'à
quelques milles de Hong Kong, à Shangchuan, les Chinois de la
République populaire de Chine montaient des usines où les
salaires étaient à un quart de ceux de Hong Kong. Ils se voyaient
donc menacés dans plusieurs de leurs marchés et nous demandaient
à nous, Québécois, si nous pouvions partager avec eux la
technologie qui est la nôtre, notre savoir-faire pour améliorer
leur productivité.
Je vais terminer mon intervention en disant que ce qui nous a
animés dans notre participation à cette entente de
libre-échange, dans cette participation à la négociation
et ce qui en a résulté, cela a été de se donner les
moyens non seulement d'ouvrir, mais de protéger en premier lieu et
d'ouvrir davantage, ensuite, le marché américain qui compte,
comme je l'ai dit, pour 75 % de nos exportations internationales et,
également, de nous placer dans une situation où l'esprit
d'initiative des Québécois qui a fait ses preuves plus que jamais
dans un contexte économique qui n'a jamais été meilleur
pour y faire face, avec des intervenants, patrons, syndicats, gouvernement qui
ont appris particulièrement durant la récession du début
des années quatre-vingt, qu'on ne pouvait plus agir seul,
isolément, mais que c'est ensemble qu'on pouvait agir et réussir,
que l'ensemble, dis-je bien, de tous ces intervenants et les conditions qui
nous entourent nous permettent d'être beaucoup plus compétitifs et
de continuer à créer des emplois, non seulement en fonction de
notre commerce avec les États-Unis, mais avec l'ensemble du monde.
Le Président (M. Charbonneau, Verchères): Merci, M.
le ministre. M. le député de Bertrand.
M. Jean-Guy Parent
M. Parent (Bertrand): Oui, M. le Président, merci. Je
m'inscris tout à fait en accord avec les propos du ministre du Commerce
extérieur sur cette importance du Québec et l'ouverture sur le
monde, d'autant plus que le grand promoteur de cette base est à la table
et il s'appelle Bernard Landry. Je pense que si le Québec est si ouvert
actuellement sur le monde avec la formation du ministère du Commerce
extérieur, il y a quelques années, je pense qu'on doit lui rendre
hommage.
Cependant, ma préoccupation, M. le Président, c'est de
dire aujourd'hui, sur le plan économique, que va-t-il arriver à
l'économie du Québec à la suite à cette entente de
libre-échange, puisque c'est ce qui nous relie autour de la table? Quand
j'ai mentionné ce matin que le Québec était le plus
vulnérable parmi les provinces canadiennes et qu'il se ramasserait dans
une situation moins gâtée que les autres, je faisais
référence, par exemple, à ce que Pierre-Paul Proulx
déclarait dans Finance, il y a quelques mois, où il disait
que les études les plus récentes démontrent que le
Québec est la province qui profitera le moins du traité de
libre-échange, et aussi aux récentes déclarations de Mme
Maxwell, présidente du ConseH économique du Canada, qui, à
la suite des derniers ajustements, nous donnait un peu l'heure juste et nous
disait que le Québec et l'Ontario seront vraiment les provinces qui vont
bénéficier le moins de cet accord de libre-échange en
termes de création d'emplois particulièrement.
On se souviendra qu'en septembre 1987, dans cette même enceinte,
ici, au salon rouge, on nous disait de la part du gouvernement: Écoutez,
on a une étude du Conseil économique du Canada et c'est
merveilleux. Il va y avoir 350 000 emplois. Toute révision faite, le
Conseil économique du Canada, M. le Président, nous dit
aujourd'hui: Attention, c'est plutôt 250 000 sur dix ans et 58 000
nouveaux emplois pour le Québec, si tout va bien, pour dix ans. Alors,
il faut ramener cela dans sa juste proportion, ce qui nous amène
à être beaucoup plus prudents avant de s'emballer trop rapidement.
Mais, que ce soit le Conseil économique du Canada ou toutes les autres
analyses qui sont faites, c'est à la condition expresse que le
gouvernement du Québec puisse donner et fournir les outils
nécessaires pour aider les entreprises. C'est de là,
qu'au-delà des belles paroles et des beaux discours qu'on nous a servis
depuis un an, je voudrais bien qu'on sorte de ces deux jours de travail et
qu'on puisse nous garantir de quelle façon on va le faire et dans quel
échéancier on va le faire, quelle sorte de coffre à outils
on va offrir, premièrement, à nos chefs d'entreprise et,
deuxièmement, aux travailleurs et travailleuses du Québec qui
vont avoir besoin tantôt de se recycler.
En ce qui regarde les entreprises, j'écoutais ce matin le
président de DMR, M. Ducros. Effectivement, le problème n'est pas
exactement le même pour la grande entreprise, que ce soit DMR, que ce
soit Lavalin, SNC ou peu importe. Ces entreprises sont aptes à se
débrouiller et elles sont déjà dans un marché de
libre-échange. Mais, on sait qu'au Québec, 80 % et plus de la
structure industrielle sont des petites et moyennes entreprises. Dans ce cadre,
elles n'ont pas les outils et elles ne sont pas préparées
à faire face à ces nouvelles règles du jeu. Ces
nouvelles
règles du jeu, M. le Président, c'est ce qu'on
connaîtra à compter de 1989 et c'est là où je suis
inquiet. Je suis inquiet parce que je ne vois pas l'ombre du début d'un
commencement d'une politique de développement économique.
Pourquoi le gouvernement n'a pas préparé, n'a pas entre les mains
et ne nous a pas annoncé à ce jour un plan très
précis et une stratégie de développement économique
en fonction du libre-échange, c'est-à-dire en fonction des
nouvelles règles du jeu qui vont prévaloir au Québec en
1989, c'est dans quelques mois? Pourquoi n'avons nous pas ces outils-là?
Pourquoi n'avons nous pas, à ce jour... On ne les connait pas. Le
ministre de l'Industrie et du Commerce, qu'on aura sûrement la chance
d'interviewer demain, nous dit: Écoutez, il n'y a pas d'urgence, il n'y
a pas de presse, on va voir ce qui va arriver. On ne mettra pas de nouveaux
programmes sur pied. Je ne veux pas qu'on mette des programmes sur pied pour
mettre des programmes sur pied. Il y a une chose qui est sûre, c'est que
les nouvelles règles du jeu qui vont prévaloir dans quelques mois
vont faire en sorte qu'il va falloir être beaucoup plus dynamiques sur le
marché. Il va falloir aider les entreprises, non seulement à
exporter avec les moyens qu'on a actuellement, mais avec de nouveaux moyens, il
va falloir aider les travailleurs et les travailleuses qui vont se voir
tranquillement tasser sur les marchés. La vulnérabilité de
certains marchés, ici au Québec, M. le Président, c'est
important. Tous les secteurs mous à travers le Canada, les principaux
secteurs dits mous, les secteurs qui étaient plus vulnérables, on
les retrouve d'abord et avant tout au Québec, que ce soit dans le
domaine du textile ou ailleurs. Et c'est là qu'il va y avoir beaucoup de
pertes d'emplois. Alors, dans ce sens-là, M. le Président, je
pense et, on aura la chance au cours de la prochaine heure de s'expliquer
là-dessus, qu'il va être important de connaître quelle sorte
de coffre à outils le gouvernement du Québec est prêt
à donner, non seulement aux entreprises du Québec mais aussi aux
travailleurs et aux travailleuses. Je vous remercie.
Le Président (M. Théoret): Merci, M. le
député de Bertrand.
Qui est le porte-parole dans le dossier? M. Louis Laberge.
Coalition québécoise d'opposition au
libre-échange
M. Louis Laberge
M. Laberge (Louis): Merci, M. le Président. C'est la
question de la politique économique; évidemment, c'est tout ce
qu'on s'est donné au Québec depuis quelques années qui
peut être remis en jeu par l'accord. Par exemple, le développement
économique des régions. On sait fort bien que pour attirer des
entreprises dans certaines régions, il a fallu leur donner un certain
coup de main. Parfois cela a été des subventions, d'autres fois
des avantages fiscaux, enfin un tas de choses semblables. Et tout le monde
souscrivait là-dedans; on s'était doté d'une politique
économique pour favoriser le développement des régions et
permettre à ces gens-là, aussi, d'avoir des entreprises avec de
bons emplois stables, permanents et payants.
Tout cela peut être remis en jeu avec l'Accord de
libre-échange, parce qu'on ne voit encore rien là-dedans qui
pourrait empêcher les États-Unis de décider qu'à un
moment donné, une entreprise qui aurait été attirée
à Baie-Comeau ou au Lac-Saint-Jean par des subventions, ce qui lui
permet de produire à meilleur marché, et qui viendrait en
concurrence avec un producteur américain, il n'y a rien qui dit qu'aux
États-Unis, ils ne déposeraient pas une plainte et ils ne
diraient pas: Aie, c'est de la concurrence, un peu comme ils t'ont fait avec le
bois de coupe, alors qu'ils trouvaient qu'on ne chargeait pas assez cher pour
le droit de coupe et qu'ils ont dit: C'est de la concurrence déloyale.
Il n'y a absolument rien contre cela dans l'entente.
Ce que nous trouvons étrange un peu, à la coalition, un
peu beaucoup, il faut vous dire, c'est qu'on nous dit qu'il faut se lancer dans
la négociation d'un accord sur le libre-échange pour nous
protéger des mesures protectionnistes des Américains. Bon, bien,
les mesures protectionnistes des Américains, il y en a eu, il y en a
toujours eu. Évidemment, il faut les prendre une à une, il y a
toujours des débats, des négociations, des palabres, des
engueulades, et tout le reste, mais il n'y a rien dans cet accord-là qui
nous garantit que tout cela c'est fini et que c'est tombé, au contraire.
Au contraire, c'est que nous, la politique économique qu'on s'est
donnée pour le développement de nos régions afin de nous
permettre, par exemple, de travailler en français... Je sais, M. le
ministre, que vous allez me dire qu'il n'y a rien dans l'entente qui nous
défend, au Québec, de défendre notre langue. Bien
sûr que non. Sauf qu'un employeur, encore une fois, en concurrence avec
un employeur américain, si, lui, il est obligé de faire traduire
les manuels qui sont en anglais pour permettre aux travailleurs et aux
travailleuses de travailler en français, comme c'est la politique qu'on
s'est donnée à Québec, c'est un coût
supplémentaire. À qui va-t-il le facturer? C'est cela. (16 h
30)
Partout on dit toujours qu'il y aura une période de transition.
Tout dernièrement, on a même parlé d'aide aux entreprises
pour les aider à se rendre, oui, à être plus prêtes
dans un contexte de libre-échange, et on a dit qu'il y aurait des
entreprises qui devraient être recyclées. Mais, nulle part, on n'a
encore vu une seule fois que les gouvernements pourraient voter des sommes
d'argent pour venir en aide aux travailleurs et aux travailleuses qui seront
affectés par l'Accord de libre-échange. Dieu sait
qu'il y en aura! Il en a été un peu question ce matin.
Vous avez apparemment des études dont vous gardez les résultats
très confidentiels. Il fut un temps où on avait plus de chance
pour que les choses coulent. Les jours se suivent et ne se ressemblent pas tout
le temps. Bon. N'empêche que tout le monde réalise qu'au
Québec, il y a des secteurs qui vont être terriblement
affectés dans un contexte de libre-échange. Qu'est-ce qu'on fait
pour ces gens-là? On a eu l'étoile filante du monde patronal. Il
y en a eu deux: il y en a une qui n'a pas filé longtemps, l'autre a
filé jusqu'au crash. Bernard Lemaire, le président de Cascades,
toutes les chambres de commerce, le Conseil du patronat, tout le monde se le
charriait. C'est vrai que vous n'avez pas eu d'étoile souvent, alors,
celle-là, ils la charriaient partout. On l'a amené à un
colloque de la FTQ et M. Lemaire nous a au moins admis et reconnu que, dans un
contexte de libre-échange, en effet, il pourrait y avoir deux ou trois
usines qui seraient en danger. Pas de problème, dit-il, on en ouvrira
deux ou trois autres. Oui, mais où? En Géorgie, en Caroline du
Sud? Où? Qu'est-ce qui va arriver avec les travailleurs et les
travailleuses au Québec qui sont à votre emploi dans les usines
qui seront en danger? Il ne peut pas répondre à cela parce qu'on
ne voit rien dans cette entente qui pourrait permettre de leur venir en aide.
Merci, M. le Président.
Le Président (M. Théorêt): Merci, M. Laberge.
M. Rabeau, de l'Université de Montréal.
Regroupement pour le libre-échange M. Yves
Rabeau
M. Rabeau (Yves): M. le Président, MM. les ministres,
mesdames et messieurs, la grande majorité des études, en fait,
sur l'impact du libre-échange montre que le Québec va retirer
d'importants bénéfices de la libéralisation des
échanges avec les États-Unis. Certains de ces
bénéfices, et on en a parié ici, tout à l'heure,
à court terme, ont été quantifiés, alors que
plusieurs autres bénéfices, qui ont été
analysés par ailleurs, n'ont pas fait l'objet, jusqu'à ce jour,
de quantification. C'est donc important de souligner, au départ, que les
chiffres qui ont circulé, à ce jour, sur les
bénéfices du libre-échange sont partiels. En fait, les
gains économiques pour le Québec peuvent largement excéder
les évaluations présentées à ce jours dans la
mesure où tous les partenaires économiques prendront avantage des
opportunités engendrées par une zone de libre-échange.
Je vais faire ici, maintenant, une brève
énumération des principaux bénéfices que devrait
nous apporter le traité de libre-échange. Un des principaux
effets de l'accord sera de permettre à plusieurs de nos entreprises de
résoudre les problèmes fondamentaux associés à la
petite taille du marché canadien. Cela, on en a aussi parié ce
matin. Les entreprises locales n'ont souvent pas la dimension
nécessaire, ni non plus un degré suffisant de
spécialisation, pour vendre sur le marché international. Le
libre-échange amènera ces entreprises à se rationaliser,
à accélérer leur utilisation de nouvelles; technologies
et, surtout, à se choisir des créneau:*: de production où
elles pourront exceller et faire des efforts de commercialisation de
manière à exporter sur le marché américain,
d'abord, et, par la suite, sur l'ensemble du marché international. En
passant, c'est ici que les exemples de la Suède et de l'Autriche, dont
on a parié ce matin, sont particulièrement pertinents.
Ces opérations de spécialisation, qui impliqueront des
investissements, mais aussi des fusions et des regroupements d'entreprises,
seront une source de gains de productivité et de revenus qui profiteront
aux entrepreneurs, aux travailleurs et au gouvernement du Québec. Dans
le cas des secteurs qui exportent déjà beaucoup aux
États-Unis, un accès plus sécuritaire au marché
américain réduira de façon significative les incertitudes
sur l'avenir des marchés associés aux mesures protectionnistes
américaines des dernières années. Ces entreprises
profiteront d'un meilleur climat commercial pour accroître leur
capacité de production et également pour augmenter le
degré de transformation de leurs produits. Cela contribuera à
hausser la production, l'emploi et la productivité dans des secteurs qui
demeurent, bien sûr, des secteurs absolument majeurs de l'économie
du Québec.
D'autre part, les grandes et moyennes entreprises
québécoises, dans tous les secteurs d'activité,
profiteront d'un accès facilité au vaste marché
américain pour s'internationaliser davantage. M. Ducros y a fait
allusion ce matin à propos de son entreprise.
L'acquisition de réseaux de distribution qui déjà a
été faite par quelques-unes des entreprises
québécoises et l'ouverture de filiales à l'étranger
permettront à nos firmes de pénétrer davantage le
marché international et d'accroître ainsi leurs opérations.
En plus des hausses; de productivité qui auront pour effet, dans
diverses industries, de faire baisser les prix, l'accès sans tarif au
marché américain abaissera le prix des matières diverses,
utilisées par nos entreprises dans leurs procédés de
production. Ces baisses de prix permettront à nos firmes d'être
plus concurrentielles sur le marché canadien et international.
Je passe rapidement sur la question de l'énergie où
l'accord permet au Québec, en fait, de faciliter les exportations
d'électricité aux États-Unis et de consolider sa position
internationale comme producteur et distributeur d'électricité.
Une ouverture plus grande à l'égard de l'exportation et une
concurrence accrue sur les marchés, qui va évidemment
découler du traité, aideront le Québec à combler sa
lacune historique en matière de dépenses en recherche et
développement. Les gains de revenu seront
notamment réinvestis dans la recherche de créneaux
d'exportation et d'amélioration de la technologie.
Toute la restructuration des entreprises, l'accroissement de la
capacité de production et la recherche des nouveaux réseaux de
distribution se traduiront pas une activité accrue dans des secteurs
tels que la construction, les services rendus aux entreprises et toute
l'intermédiation financière. Le Québec sera aussi en
mesure d'attirer des investisseurs qui veulent attaquer le marché
américain dans des secteurs où nous avons des avantages
importants, notamment ceux reliés à l'électricité.
Enfin, les gains de revenus réels des consommateurs hausseront la
demande de biens et services chez les commerçants. Par
conséquent, un très grand nombre de secteurs d'activité
bénéficieront ainsi d'une augmentation de leur production.
En conclusion donc, le Québec, en tant que petite économie
tournée vers le commerce extérieur, a tout intérêt,
comme l'ont fait plusieurs autres petits pays, à participer à une
zone de libre-échange. Merci.
Discussion générale
Le Président (M. Charbonneau, Verchères): Merci, M.
Rabeau.
On commence maintenant la discussion générale sur ce
thème. Le ministre de l'Énergie et des Ressources m'a
indiqué qu'il avait une contrainte qui l'amènerait à
devoir nous quitter vers 17 heures. S'il y avait des questions
spécifiquement dans le domaine de l'énergie et des ressources, on
pourrait peut-être commencer par ces interventions pour enchaîner,
par la suite, avec les autres interventions qui concernent le sujet. Est-ce
qu'il y a quelqu'un qui veut avoir le bal. M. le député de
Bertrand, vous m'aviez signalé...
M. Parent (Bertrand): Ce n'est pas sur l'énergie, M. le
Président.
Le Président (M. Charbonneau, Verchères): Est-ce
qu'il y a des gens qui veulent poser des questions spécifiquement sur
l'énergie ou des questions sur les ressources naturelles? M. le
député d'Ungava.
M. Claveau: Oui, M. le Président, si vous me permettez, je
voudrais revenir brièvement, sans exagérer non plus, sur la
notion du développement régional reliée aux politiques
énergétiques que le Québec pourrait avoir pour
subventionner des entreprises. Ce matin, j'ai posé la question au
premier ministre quant à la possibilité pour le Québec de
pouvoir maintenir des tarifs préférentiels nettement avantageux
pour l'entreprise qui pourraient, dans l'avenir, avoir ou donner cela comme
raison ou comme obligation pour venir s'établir au Québec. Comme
cela s'est vu déjà, d'ailleurs, dans te cas de Pechiney qui
revient régulièrement dans nos discussions. Le premier ministre
répondait à la question en disant qu'il faudrait, pour ce faire,
que ce soit assimilé à une politique de développement
régional. Il disait qu'il serait nécessaire de baliser le
développement régional, parce que, actuellement, le concept de
région ne semblait pas être complètement balisé dans
l'entente, dans l'accord qu'on a sur la table. J'aimerais entendre le ministre
de l'Énergie et des Ressources s'exprimer là-dessus et nous
éclaircir, nous garantir de façon formelle comment le
gouvernement du Québec, par le biais d'Hydro-Québec, pourra en
arriver à développer des politiques de tarification
préférentielle pour l'industrie qui vient s'établir au
Québec. On ne parle pas nécessairement de l'exportation.
Le Président (M. Charbonneau, Verchères): M. le
ministre.
M. Ciaccia: M. le Président, en termes de
développement régional et de tarifs préférentiels
ou de programmes spéciaux d'Hydro-Québec, ou même d'autres
subventions qui peuvent être accordées par le gouvernement, le
libre-échange ne change pas la situation actuelle, mais peut
peut-être l'améliorer par l'introduction du mécanisme des
différends. Quand il y a une dispute, cela peut être
référé au mécanisme prévu dans l'entente de
libre-échange. Je m'explique. Sans le libre-échange, si des
subventions sont accordées soit par des tarifs
préférentiels d'Hydro-Québec, soit par d'autres programmes
du gouvernement, les États-Unis peuvent toujours imposer des droits
compensateurs. Le désavantage que nous avons présentement, c'est
que, quand ces droits compensateurs sont imposés, nous n'avons pas
vraiment de recours spécifique excepté que d'essayer de
négocier. Nous l'avons vu dans la question du bois d'oeuvre: ils ont
imposé des droits compensateurs de 15 %. Ils les ont ramenés,
maintenant, à 8 % et on nous a avoué, les avocats de la coalition
qui ont fait ces représentations au gouvernement américain, que
s'il y avait eu un mécanisme tel que dans le libre-échange, des
Américains n'auraient pas pu justifier les 15 % dès le
début. Alors, en ce qui concerne le principe de droit compensateur, le
principe de subventions qui peuvent avoir comme conséquence une
concurrence déloyale, cela ne change pas avec le libre-échange,
mais peut-être que c'est amélioré parce qu'il y a
maintenant un mécanisme.
En ce qui concerne les programmes d'Hydro-Québec, le programme de
partage de risques qui peut attirer des industries, non seulement peut attirer
des industries, mais des industries existantes peuvent y participer et
accroître leurs investissements. Je crois que ce programme ne va pas
à rencontre... C'est une façon d'aider l'industrie, mais cela ne
va pas à rencontre des principes du libre-échange parce que, ce
que cela fait, c'est qu'au début, l'industrie est aidée,
elle reçoit une aide financière quand elle en a besoin au
début de son opération. Mais au fur et à mesure que
l'entreprise devient rentable, elle retourne et elle fait une remise à
HydroQuébec de la baisse des taux préférentiels qu'elle a
obtenue.
Alors, ceci, je crois que c'est dans l'esprit... cela ne va pas à
rencontre des principes du libre-échange, le mécanisme est
là. Mais je peux vous assurer que, maigre le libre-échange, cela
ne nous empêchera pas, nous, et cela n'empêchera pas le ministre de
l'Énergie et des Ressources du Québec de favoriser le
développement régional par tous les moyens et les programmes qui
seront disponibles et qui seront possibles pour le gouvernement. Que ce soit un
développement à Matane où il y a 28 % de chômage ou
que ce soit dans l'Abitibi où il y a une aide que le gouvernement peut
apporter... Il s'agira, par exemple, de voir la façon dont cela est
structuré, mais si la décision finale est de dire:
Écoutez, on a du chômage dans cet endroit, il faut reprendre les
programmes et il faut faire le nécessaire pour aider cette
région, on va le faire et l'attitude que je prends, c'est que si ceci
peut amener la possibilité de droits compensateurs après que
l'industrie ait été établie, bien, c'est quelque chose qui
existe maintenant, cela ne changera pas avec le libre-échange et
peut-être qu'on va se battre devant le mécanisme des
différends pour montrer que c'est quelque chose soit qu'il y ait...
Le Président (M. Charbonneau, Verchères): M. le
ministre?
M. Ciaccia: ...des situations exceptionnelles pour le
justifier.
Le Président (M. Charbonneau, Verchères): Merci.
Est-ce qu'il y a une question additionnelle, M. le député
d'Ungava, sur le même sujet? Parce que, sinon, je pense que M.
Larose...
M. Claveau: Je vais laisser la parole à M. Larose.
Le Président (M. Charbonneau, Verchères): M.
Larose, sur le même sujet.
M. Larose: Oui.
Le Président (M. Charbonneau, Verchères): Allez-y.
(16 h 45)
M. Larose: Sur l'énergie. C'est demain qu'on va discuter
du mécanisme et dans les débats, cela revient souvent. Je trouve
qu'on donne une force à ce mécanisme-là qu'on n'a pas
encore découverte, quant à nous. Notamment quant au délai
pour traiter des questions, peut-être qu'à côté de ce
qui n'existe pas, cela est mieux, peut-être, mais je n'ai pas
l'impression que cela va avoir la force de bras que vous lui donnez. Est- ce
qu'il est réaliste ou est-ce que c'est conforme à la
réalité de dire que cet accord donne aux Américains un
accès illimité et inconditionnel aux ressources canadiennes, pas
rien que dans l'électricité, mais dans le gaz? Est-ce qu'il n'y a
pas un acquis majeur pour les Américains précisément en
vertu du traitement national ou peut-être que c'est exclu, je sais que
les ressources énergétiques sont exclues pour la
propriété, mais dans l'accès à ces
ressources-là, est-ce que l'accord donne aux Américains un
accès illimité?
M. Ciaccia: Je vais donner l'exemple de
l'électricité et je crois que le même principe peut
s'appliquer à d'autres ressources. En termes d'accès à
notre électricité, à nos ressources
hydroélectriques, cela va dépendre de nos décisions
à nous. Il n'y a rien dans l'Accord de libre-échange que j'ai lu
qui va nous obliger de vendre de l'électricité aux
Américains. Cela va être une question de négocier quelque
chose qui est convenable pour nous. Si c'est convenable pour nous, nous allons
signer les contrats. Si ce n'est pas convenable, si demain on vient à la
conclusion qu'on ne devrait plus, c'est hypothétique, signer de contrat
d'exportation, il n'y a rien dans l'entente qui nous oblige à le signer.
On va le faire parce que cela va être profitable pour
Hydro-Québec, parce que cela va nous permettre de développer nos
ressources hydroélectriques pour le bénéfice de la
population et à un prix que nous allons déterminer, pas que
l'accord va nous imposer.
Le Président (M. Charbonneau, Verchères): M.
Landry, vous vouliez ajouter quelque chose?
M. Landry: Je pense que le président de la
Fédération des travailleurs du Québec de même que le
président de la CSN, d'ailleurs, soulèvent un point majeur pour
la question de la capacité de l'État du Québec, par
exemple, d'intervenir sous forme de subventions. Le ministre a donné une
excellente réponse descriptive et je voudrais y rajouter un peu en
utilisant l'exemple de la première cause du bois d'oeuvre que j'ai
vécue. C'était avant le libre-échange, on parie d'une
chose qui est arrivée il y a sept ou huit ans. Donc, ce n'est pas en
raison du libre-échange que les Américains peuvent attaquer une
action du gouvernement du Québec ou du Canada puisqu'ils l'ont fait sept
ans avant le libre-échange. C'est en raison de quoi alors? De deux
choses: le GATT et le Code des subventions du GATT qui est l'accord
général et, une deuxième chose, le Trade Act
américain qui reprend dans une législation intérieure
américaine les dispositions du GATT pour les préciser. Alors
c'est cela qu'on a eu comme bloc dans l'affaire de la première cause du
bois d'oeuvre. Les Américains ont décidé
unilatéralement à partir de Washington de mettre des droits
compensateurs. Le gouvernement du Québec et le gouvernement du Canada
ont été réduits à l'état de lobby et de
groupes de pression au point d'être obligés d'engager une
agence de publicité américaine pour essayer de défendre
notre cause. En fin de compte, on l'a gagnée celle-là. Un certain
nombre d'années après, on a perdu.
Quelle est la situation avec l'Accord de libre-échange?
Premièrement, d'ici sept ans, un code régissant les subventions
et les droits compensateurs entre les deux pays sera négocié et
constituera le droit. Entre-temps, le droit actuel, le Trade Act
américain dont j'ai parlé ou les lois canadiennes
protégeant la concurrence et les droits antidumping canadiens seront
appliqués et révisables par un tribunal d'appel. M. Larose dit:
On va en reparler demain en détail, et je l'espère bien. Mais ce
dont il faut se rendre compte, c'est qu'on aurait rêvé jour et
nuit, nous, au premier "lumber case" d'avoir ce tribunal d'appel puis on ne
l'avait pas. On avait des diktats.
M. Laberge (Louis): Ce n'est pas le tribunal.
M. Landry: Et ceux qui nous ont le plus aidés dans cette
affaire-là, ce sont les syndicats américains et les consommateurs
américains qui ont pris faits et causes pour nous. Cela nous a
aidés à gagner le premier, mais on a perdu le
deuxième.
Le libre-échange, on l'a dit cent fois, ce n'est pas la
panacée, ce n'est pas le remède miracle, mais j'aurais
été plus rassuré si j'avais eu un tribunal pour m'aider
à protéger des emplois des travailleurs FTQ et de travailleurs
CSN qui étaient dans notre industrie du bois à cette
époque-là plutôt que subir le diktat d'une commission
à Washington où il n'y avait aucun représentant ni du
Québec, ni du Canada.
Le Président (M. Charbonneau, Verchères): M.
Laberge.
M. Laberge (Louis): Mais M. Landry, pourquoi vous appelez cela un
tribunal? Un tribunal, cela rend une décision, un jugement. Le
comité ne rend pas de décision, de jugement. Le comité va
décider si la plainte est bien fondée ou non et s'il
décide, il peut la retourner aux autorités compétentes
pour qu'elles continuent à négocier.
M. Landry: On ne parle pas du même comité, M. le
Président. Soyons clairs...
M. Laberge (Louis): Trouvez-le-moi.
M. Landry: ...je parle du comité sur les droits
compensateurs et les mesures antidumping...
M. Laberge (Louis): Qui n'est pas encore
négocié.
M. Landry: Non, il est négocié. C'est un tribunal
d'appel à pouvoir exécutif qui peut casser la décision de
l'organisation américaine qui nous avait attaqués de façon
unilatérale.
M. Laberge (Louis): Vous avez raison, on ne parlait pas du
même.
M. Landry: On ne parlait pas du même comité.
M. Laberge (Louis): D'accord. Je reviens à l'article
904.
Le Président (M. Charbonneau, Verchères): Attendez
une minute, M. Laberge. On est toujours sur la question d'énergie?
Une voix: Oui.
M. Laberge (Louis): Oui.
Le Président (M. Charbonneau, Verchères):
D'accord.
M. Laberge (Louis): L'article 904, pour mon ami, le ministre
Ciaccia dit: Un pays s'engage même en cas de pénurie à
maintenir la proportion des exportations vers l'autre pays relatives à
la production totale du produit au même niveau que celui observé
pendant les trois années précédentes. Il nous arrive une
sécheresse épouvantable, puis il n'y a plus d'eau dans nos
réservoirs, là on va manquer de jus, d'électricité.
On n'a pas le droit de diminuer. Les États-Unis ont le droit d'exiger
que l'on maintienne notre niveau d'exportation.
Et en b, parce qu'on en a discuté ce matin... Oui, vous dites
cela. Avez-vous une autre entente que celle que l'on a? Cela a l'air à
cela. On dit: Un pays ne peut appliquer un prix à l'exportation plus
élevé que le prix demandé lorsque le produit en question
est consommé au pays. C'est clair ça aussi.
Soit dit en passant, on n'est pas ministre, puis on n'est pas
professeur, bien pas tous. Il y en a quelques-uns ici. Mais on a un peu
l'habitude de lire les clauses d'une entente et de les interpréter. Il
me semble que c'est bien clair.
Le Président (M. Charbonneau, Verchères): Sur cette
question très "politicienne", par ailleurs, M. Laberge, je vais demander
la parole soit à M. le ministre du Commerce extérieur et du
Développement technologique ou au ministre de l'Énergie et des
Ressources.
M. Ciaccia: Je commence par le deuxième point que vous
avez soulevé: qu'un pays ne peut pas imposer. Cela veut dire que le
Canada ne peut pas imposer un prix minimum ou maximum ou fixer des taxes pour
dire: On va exporter, mais avant d'exporter, vous ne pouvez pas exporter
à moins de charger tel et tel prix. C'est ce que cela veut dire. Cela ne
veut pas dire...
M. Laberge (Louis): Je dis...
M. Ciaccia: Un instant!
M. Laberge (Louis): ...que ce que cela veut dire, c'est qu'on n'a
pas le droit de faire un "deal" spécial à Pechiney...
M. Ciaccia: Non, non.
M. Laberge (Louis): Ils vendent notre... Mais c'est ce que cela
veut dire.
M. Ciaccia: Bien non, parce que ce n'est pas le pays.
Hydro-Québec, ce n'est pas le pays, Hydro-Québec c'est la
société d'État. Elle peut faire les "deals" qu'elle veut.
Le pays qui est référé là, ce n'est même pas
le Québec, c'est le Canada.
M. Laberge (Louis): C'est cela.
M. Ciaccia: Le Canada ne peut pas dire: Avant d'exporter, il faut
que vous chargiez tel ou tel prix ou il faut imposer une taxe. Il ne peut plus
dire cela. En contrepartie à cela, les Américains ne peuvent pas
faire la même chose. Nous avions des craintes face à la coalition
du lobby contre les exportations d'électricité qui voulait
imposer une taxe sur l'électricité qui était
exportée du Québec. Les États-Unis ne peuvent plus faire
cela.
Alors cela nous protège, mais cela ne nous oblige pas de vendre
aux États-Unis le même prix que l'on vend ici et cela n'a rien
à faire avec Pechiney, Norsk Hydro, Donohue, Tembec ou tout le restant,
Hydro-Québec peut faire les tarifs qu'elle veut.
M. Laberge (Louis): D'accord.
M. Larose: Donc, concernant la tarification, le traitement
national ne s'applique pas. C'est ce que vous nous dites.
M. Ciaccia: Pardon?
M. Larose: C'est-à-dire que les États-Unis ne
peuvent pas prétendre que nos tarifs leur soient accessibles.
M. Ciaccia: Absolument pas.
M. Larose: Eh bien, si vous nous interprétez cela de
même.
Le Président (M. Charbonneau, Verchères): M.
Rabeau...
M. Rabeau: Mais les textes...
M. Ciaccia: Les contrats sous négociations maintenant on
ne les vend pas le même prix qu'on les vend au Québec, on les vend
trois fois le prix.
M. Laberge (Louis): C'est cela, mais... M. Ciaccia: Cela
va continuer.
M. Laberge (Louis): C'est ce qu'on avait peur qui change.
M. Ciaccia: Non.
Le Président (M. Charbonneau, Verchères): Alors, M.
Rabeau.
M. Ciaccia: Vous connaissez notre premier ministre, il n'aurait
pas accepté une affaire semblable.
M. Laberge (Louis): Mais après ces fleurs, 904a? Vous avez
répondu à 904b.
M. Ciaccia: D'accord. Le droit de diminution s'applique
proportionnellement. Maintenant, cela peut avoir un effet plus sur le gaz
naturel et le pétrole, mais les conditions de l'agence internationale de
l'énergie s'appliquent. En ce qui concerne l'électricité,
en théorie, cela peut s'appliquer, mais en pratique, cela ne peut pas
s'appliquer. Je vais vous expliquer pourquoi.
Le Président (M. Charbonneau, Verchères):
Rapidement, M. le ministre.
M. Ciaccia: Pour exporter, on signe un contrat et on devance la
construction de barrages pour répondre. Alors, il faudrait quasiment que
le barrage disparaisse. Puis là, si le barrage disparaît et qu'on
ne peut pas exporter par ce barrage-là, supposons LG 1 ou LG 2A, c'est
une catastrophe, pas seulement pour les États-Unis, mais pour nous
autres aussi. Alors cette situation, vous le savez comme moi, ne peut pas se
produire, parce que la nature de l'exportation et de la production
d'hydroélectricité, à long terme, cette clause-là,
à mon avis, n'aura pas d'application pratique en termes de...
M. Laberge (Louis): Ce n'est pas vous qui disiez que, l'hiver
prochain, on serait à mille mégawatts près?
M. Ciaccia: Bien, si vous pouvez convaincre vos syndicats de
retourner...
M. Laberge (Louis): C'est ce dont je voulais vous parler
tantôt.
M. Ciaccia: Si vous pouviez convaincre vos syndicats de retourner
et de nous laisser travailler, il n'en manquera pas
d'électricité, M. Laberge.
Le Président (M. Charbonneau, Verchères):
M. le ministre et M. Laberge, on n'embarquera pas sur une autre
négociation. Vous êtes bien habiles pour cela de part et d'autre,
mais... M. Rabeau.
M. Rabeau: Je voulais juste donner une précision sur la
question du traitement national. M. Larose a fait allusion au fait qu'on ne
donnait pas le traitement national aux Américains dans le cas de
l'électricité, mais il y a une confusion ici. C'est
intéressant de préciser que si une entreprise américaine
veut s'installer au Québec et qu'elle veut faire une entente avec
Hydro-Québec pour avoir des tarifs préférentiels
d'électricité, Hydro-Québec est obligée de traiter
avec elle et d'offrir les mêmes conditions qu'elle a pu faire à
Donohue ou n'importe quelle autre entreprise ici. C'est cela le traitement
national.
Une voix: Ici.
M. Rabeau: C'est une entreprise de l'étranger qui s'en
vient ici et qui a le même traitement que nos entreprises d'ici, telles
qu'elles sont traitées. Et l'exportation aux États-Unis, c'est
une tout autre chose.
Le Président (M. Charbonneau, Verchères):
M. Larose, une dernière question sur le sujet...
M. Larose: Ah! Bien non, moi, c'était pour ouvrir...
Le Président (M. Charbonneau, Verchères):
C'était pour ouvrir sur un autre front.
M. Larose: Parce qu'il ouvre une question très
intéressante, effectivement,...
Le Président (M. Charbonneau, Verchères):
Bon!
M. Larose: ...concernant les entreprises étrangères
sur notre sol.
Le Président (M. Charbonneau, Verchères):
Bon! Bien, on va revenir à cette question-là plus tard et
il y a le député de Bertrand qui m'a demandé d'avoir la
parole tantôt. Alors, M. le député de Bertrand.
M. Parent (Bertrand): Oui, c'est sur un autre sujet concernant
l'économie. Sur le plan macro-économique, M. le Président,
c'est beau que le Conseil économique du Canada nous annonce 250 000
emplois sur dix ans à travers le Canada, mais la politique
financière du gouvernement canadien, actuellement, ne nous garantit
absolument rien dans les nouvelles règles du jeu, en ce sens
qu'actuellement, il y a une barrière, il y a un 20%. Notre dollar,
à 0,80 $, crée chez nous une barrière qui favorise nos
entreprises à l'exportation et, au moment où l'on se parie, au
moment où le traité n'est pas encore en vigueur, on est dans une
situation où, quand on fait des sondages auprès de nos
entreprises, tout le monde applaudit et dit oui au libre-échange. Sauf
que, si notre dollar augmentait de 10%, selon les études que j'ai pu
lire, on parle d'une perte d'emplois de 250 000 à travers le Canada.
Alors on peut s'imaginer l'importance, M. le Président, seulement d'une
augmentation de 10% de notre dollar. On se retrouvera avec des pertes qui vont
venir anéantir, finalement, tout l'effet du libre-échange pour
les dix prochaines années.
Alors ma question au ministre du Commerce extérieur est: Comment
se fait-il que rien n'a été prévu? Je comprends
qu'à l'intérieur de l'entente c'était peut-être
difficile, mais comment se fait-il qu'on soit maintenant très
vulnérables par rapport à cela et qu'on risque, entre le moment
où s'est négociée l'entente et le moment où sera
appliquée l'entente, quelque part après le 1er janvier 1989, de
se ramasser dans une situation où à l'égard de toutes ces
belles barrières tarifaires abolies au fil des cinq ou des dix
prochaines années, on risque de voir d'autres barrières se monter
contre nous, puisqu'on a aucun contrôle et aucune mesure? Et on a vu le
premier ministre du Québec s'élever, depuis quelques semaines,
pour réclamer, finalement, de la part du premier ministre canadien, un
peu plus de... Mais quelles mesures le Québec a-t-il prises ou quel
droit a-t-il revendiqué pour être capable d'avoir un lien entre ce
nouveau traité du libre-échange et la politique financière
canadienne? (17 heures)
M. MacDonald: D'abord, vous savez que la question de politique
financière comme telle, la gestion de celle-ci, c'est un domaine de
juridiction fédérale et de gestion fédérale. Allant
à l'ensemble ou, disons, référons encore une fois au GATT,
il n'y a rien de prévu à l'intérieur du GATT qui
réglementerait les questions de taux de change. Dans la discussion
bilatérale avec les États-Unis, a également
été mise de côté la notion de trouver un
mécanisme quelconque qui voudrait, à un certain moment
donné, si l'une ou l'autre des économies pouvait recevoir
certaines pressions qui seraient directement liées à la gestion
de l'entente, pouvoir fixer, geler ou réglementer les taux de change.
Cependant, sans entente, dans la condition actuelle d'économie
canadienne et particulièrement la situation québécoise du
chômage par rapport à la situation ontarienne, le premier
ministre, M. Bourassa, est intervenu plus d'une fois et a reçu des
appuis, indiquant qu'il fallait gérer l'économie canadienne et
particulièrement sa politique financière, en prenant en
considération l'ensemble du Canada et non pas une région en
particulier. Je pense que la maturité qui est celle des gestionnaires
canadiens à l'heure actuelle a fait aussi que M. Peterson
lui-même, il y a quelques jours, a dit: Oui, je crois que le dollar
canadien a assez monté et qu'il ne faudrait pas garder des politiques
qui le verraient s'apprécier davantage. Alors il n'y a pas dans
l'entente et, nous n'en voulions
pas, que ce soit clair, ce n'était pas de notre juridiction, ce
genre d'interventions.
Le Président (M. Charbonneau, Verchères):
M. le député, juste un instant. J'avais M. Rabeau, Mme
Fecteau et un représentant de la Chambre de commerce. Est-ce que vous
vouliez aborder un autre sujet ou si c'est sur le même sujet?
Des voix: Un autre sujet.
Le Président (M. Charbonneau, Verchères):
Un autre sujet. Mme Fecteau, un autre sujet ou le même sujet?
Mme Fecteau (Louise): Sur les propos que tenait M. Laberge.
Le Président (M. Charbonneau, Verchères):
Ah, bon. Tantôt?
Mme Fecteau: Oui.
Le Président (M. Charbonneau, Verchères):
D'accord, sur un autre sujet. M. Rabeau?
Une voix:...
Le Président (M. Charbonneau, Verchères):
Sur la même chose. Alors, M. le député de Bertrand,
si vous voulez, on va céder la parole au professeur Rabeau et vous
reviendrez en additionnelle. Cela va vous permettre peut-être
d'avoir...
M. Rabeau: Alors, je voudrais juste préciser que le
traité de libre-échange crée un zone de
libre-échange où il y aura une libre circulation des produits et,
en partie, des capitaux. Dans les zones de libre-échange comme cela,
généralement, on ne peut pas observer de très grosses
variations de taux de change. Il y a des mécanismes de stabilisation
automatique qui font que si une devise tend à s'apprécier trop ou
se déprécier trop, les mouvements de capitaux jouent dans un sens
ou dans l'autre pour stabiliser les choses.
Prenons un exemple. Disons que le dollar canadien se mette à
s'apprécier de plus en plus. Dans une zone de libre-échange, les
entreprises qui sont au Canada vont être de plus en plus
défavorisées. On va avoir des pertes dans notre balance
commerciale, mais les entreprises canadiennes vont vouloir aller s'installer
aux États-Unis à ce moment-là parce que notre dollar sera
trop élevé. Ce faisant, avec les mouvements de capitaux, cela va
renverser l'évolution du taux de change qui va se
déprécier avec les sorties de capitaux. La valeur du dollar
canadien va s'abaisser. Si, d'autre part, le dollar canadien tend à se
déprécier beaucoup, ce sont les entreprises américaines
qui vont venir ici pour profiter de notre taux de change
déprécié. Là, la valeur du dollar canadien va
remonter, de sorte que, compte tenu de ces mouvements de capitaux entre les
deux pays, on devrait avoir une situation dans une zone de libre-échange
où il n'y aurait pas de fluctuations très considérables
dans la valeur relative de notre monnaie par rapport à celle des
États-Unis.
Le Président (M. Charbonneau, Verchères):
Avant de donner une question additionnelle, y avait-il une
réponse additionnelle? Un complément de réponse, M.
Landry.
M. Landry: Oui, parce que je pense que la question
soulevée par le député de Bertrand est cruciale et, dans
le grand public, on l'entend. Les gens disent: Oui, mais si l'argent remonte.
Le professeur Rabeau a donné une partie de la réponse en pariant
des mécanismes d'ajustement automatique. Mais il y a une autre partie
pratique maintenant dont je voudrais me charger. D'abord, regardons le
passé. Vous savez que le dollar canadien a déjà non
seulement été au pair, mais légèrement en "surcote"
par rapport au dollar américain. On se souvient de cela. Ce n'est pas
nécessaire d'être vieux. On vendait déjà à
l'époque 70 % de nos exportations internationales aux États-Unis
d'Amérique. Cela veut dire que même en situation monétaire
serrée, on est suffisamment concurrentiel pour faire de très
grosses affaires aux États-Unis. Surviennent les accords de la
Jamaïque en janvier 1976. Le dollar se met à flotter et part dans
la direction que l'on sait avec un moment donné 20 % et au-delà
de "décote". Qu'est-ce que cela a fait sur les douanes? Cela nous a fait
sauter les douanes américaines comme un lièvre saute par-dessus
une clôture parce que la douane était parfois de 10 et notre
"décote" était de 20. On avait encore un avantage de 10. Si, par
ailleurs, la monnaie allait se réapprécier et revenir au pair, un
dollar pour un dollar, et qu'on n'avait pas le libre-échange,
qu'arriverait-il? Là, on s'accrocherait les pieds directement dans la
moindre douane. Avec notre "décote", on sautait par-dessus la
clôture. Au pair, on se bute directement sur la clôture. Cela
pourrait être catastrophique. Donc la question monétaire est une
raison supplémentaire pour abolir les douanes et les tarifs.
Le Président (M. Charbonneau, Verchères):
M. le député de Bertrand.
M. Parent (Bertrand): Oui, je pense que les informations
données peuvent me satisfaire, parce je pense que c'est une
préoccupation clans la population, comme vous dites. Mais auprès
des dirigeants d'entreprises, c'est aussi une préoccupation fort
importante. Et quand le ministre tantôt me disait: On ne peut pas, cela
relève du gouvernement fédéral, et que le premier ministre
du Québec réclamait ces dernières semaines, voire depuis
un mois, des mesures dans ce sens-là et qu'il obtenait d'autres de ses
collègues, soit M. Peterson, des appuis, c'est que même en
ayant des appuis, que ce soit le gouvernement du Québec ou le
gouvernement de l'Ontario, cela n'a pas changé grand-chose quant
à l'attidude du gouvernement central, du gouvernement canadien. Et cela
me préoccupe au plus haut point, parce qu'on est dans un rapport de
forces où aujourd'hui, en 1988, le gouvernement d'Ottawa semble bien
s'entendre avec le gouvernement du Québec, et même dans les
meilleures conditions possibles, où on a une espèce, et vous me
passerez l'expression de "bargaining power", où le gouvernement du
Québec a donné son appui au gouvernement canadien pour cet accord
de libre-échange, je ne veux pas qu'on le retire, mais ce que je dis
c'est qu'on a donné quelque chose pour être capable de faire
avancer, et de l'autre côté, à partir du moment où
le gouvernement du Québec et le gouvernement de l'Ontario se
lèvent debout et demandent au premier ministre canadien d'être
capable d'intervenir dans ce sens-là, pour être capable de
justement éviter que cela continue à augmenter en ce qui a trait
au dollar, on a un refus total de la part du premier ministre canadien. Ce que
je me dis, c'est qu'il y aurait peut-être eu lieu, ou il y aurait
peut-être encore lieu d'établir certaines façons où
on est capable d'avoir un rapport de forces dans ce sens-là au niveau
des provinces vis-à-vis du gouvernement canadien.
La question est posée, et il y a un dernier commentaire par
rapport à ce que M. Landry disait tantôt. Oui en 1972, si je me
souviens bien, le dollar était au pair, ou légèrement
au-dessus, mais à ce moment-là on se souviendra quand même
que le pourcentage dans bien des cas de protection au plan douanier
était là pleinement, était là drôlement plus
élevé et on sait que, en moyenne, au Québec on a le double
du tarif du côté américain, c'est-à-dire qu'on est
doublement protégé. Alors l'abolition au cours des cinq ou des
dix prochaines années va faire en sorte qu'on va perdre ce double
avantage de protection, et dans ce cas-là, je pense que s'il n'y a
absolument rien de prévu ou à prévoir, et je ne suis pas
économiste pour dire: Voici la façon de le faire, mais la
question se pose, et elle est d'une préoccupation telle qu'on pourrait
se ramasser dans deux ans d'ici, tous ceux qui sont autour de la table et qui
sont tout à fait favorables au libre échange, et dire: Oui, mais
ce n'était pas prévu dans les règles du jeu, cela vient
chambarder complètement et on n'a aucun contrôle... Je trouve cela
préoccupant. Je ne sais pas de quelle façon le Québec
pourrait se prémunir en accord justement de s'allier si les dix
provinces allaient dans le même sens, pour être capable
d'établir un rapport de forces avant le 1er janvier 1989, avant que tout
soit mis en oeuvre.
Le Président (M. Charbonneau, Verchères):
M. le ministre ou M. Rabeau.
M. Rabeau: Je voudrais simplement dire, qu'ici, le régime
de taux de change flexible que l'on a est présentement une garantie en
somme pour nous. C'est un avantage parce qu'on ne peut pas prévoir
effectivement comment les stratégies d'entreprises vont se
dérouler et ainsi de suite. Dans toutes les études, on trouve
évidemment qu'au début de l'accord, le Canada importe
proportionnellement plus que les États-Unis vont accroître leurs
importations. Et cela veut dire que dans un régime de taux de change
flexible, si notre balance commerciale tend à se
détériorer un peu au début de l'accord, le taux de change
va suivre, il va y avoir une dépréciation de notre monnaie, alors
que si on avait un code quelconque qui gèlerait le taux de change
à un certain niveau, on s'enlèverait une marge de manoeuvre, qui
est la flexibilité du taux de change. Alors je pense que dans le cadre
d'une négociation d'une zone de libre-échange, on a tout
intérêt à garder un taux de change flexible, et ce qui
arrive présentement, le taux de change est à la hausse, en fait
n'a rien à voir avec la question du libre-échange, c'est
strictement pour empêcher que se reproduisent des conditions semblables
à celle de 1981-1982 où on avait des taux d'inflation, des taux
d'accroissement salarial très considérable, et c'est tout
simplement pour empêcher une reprise de l'inflation. C'est juste un
mouvement passager de la politique monétaire face à la question
de l'inflation. Ce n'est pas vraiment relié à la question du
libre-échange.
Le Président (M. Charbonneau, Verchères):
Un complément de réponse, M. Ducros, rapidement, parce
qu'on va changer de sujet par la suite. M. Ducros.
M. Oucros: Je suis en train d'écouter ce qui se dit depuis
ce matin. Ce que je ressens, dans la conversation qu'on a, c'est que les
principes sont acceptés. On pose une série de questions sur les
méthodes d'implantation. Voici ce que j'aimerais poser comme question
à tous les intervenants ici, je ne sais pas si c'est dans la même
veine d'idée, je le crois. Est-ce qu'on est en train de discuter sur les
principes de base du traité de libre-échange ou si, au contraire,
on est en train de parler des méthodes d'implantation, des mesures
d'adaptation, des questions à savoir comment on va, tous ensemble,
réagir une fois le traité accepté? Si on parle de cette
deuxième partie, pour moi, il n'y a plus de regroupement pour le
libre-échange et de coalition d'opposition. On devrait travailler tous
ensemble dans une atmosphère de coopération et dire comment on va
faire fonctionner cette histoire-là au 1er janvier 1989. À mon
avis, on est ensemble, dès ce moment-ci, pour essayer de trouver des
solutions à l'implantation de ce traité.
Le Président (M. Charbonneau, Verchères):
Le message étant passé, je suis sûr que ie premier
ministre aurait bien aimé l'entendre,
mais je pense que l'objet...
M. Ducros: Mais, j'aimerais poser la question à la
coalition. À mon avis, le propos change constamment et totalement si on
est capable de s'entendre sur les principes de base et si on est capable
d'essayer ensemble de trouver des méthodes de solution.
Le Président (M. Charbonneau, Verchères):
Je m'apprêtais à donner la parole à M. Larose pour
un autre sujet, mais je présume, le connaissant un peu, qu'il peut
répondre à cette question aussi, par le fait même. M.
Larose.
M. Larose: D'abord, nous, on constate que l'économie
canadienne et l'économie québécoise sont intimement
imbriquées dans l'économie nord-américaine ou
l'économie américaine. C'est une des économies les plus
ouvertes. Et s'il y a un irritant que je tolère mal, c'est quand on dit
que la coalition propose le repliement, le recro-quevillement, la refermeture
de l'économie. C'est faux. On est dans une situation où
l'économie est très largement ouverte et imbriquée. Par
ailleurs, nous faisons le constat qu'au Canada et au Québec nous vivons
comme Canadiens et comme Québécois, avec des règles, des
acquis, un mode, un modus vivendi et on se paye ce mode de vie. Notamment, on
s'est donné des protections sociales. On s'est donné des
mécanismes de redistribution de la richesse dans ce pays, que les
Américains ne se sont pas donnés. On s'est donné une
fiscalité. On a donné un rôle à l'État, plus
particulièrement au Québec, un rôle à l'État
du Québec qui joue dans l'économie, qui exerce une pression pour
tel et tel secteur dans le développement. Notre crainte, et c'est une
certitude quand on vérifie les textes, c'est que loin d'agrandir notre
marge de manoeuvre pour maintenir les acquis et promouvoir, je dirais, le
développement de l'originalité canadienne et
québécoise, l'accord ratatine, réduit la capacité
collective précisément pour financer notre propre
originalité. Dans ce sens-là, on va être pour une
ouverture, pour le maintien d'une ouverture, mais on va être pour, je
dirais, le développement - je prends un mot haïssable - d'un
rapport de forces collectif qui va nous permettre, comme
Québécois et comme Canadiens, de pouvoir être encore
Québécois et encore Canadiens. Quand on regarde l'accord, tel
qu'il nous est proposé, nous craignons beaucoup pour l'avenir,
précisément si on crée les mêmes conditions
économiques ou les mêmes conditions de production au Canada qu'aux
États-Unis. Ce n'est pas la puce qui va écraser
l'éléphant. C'est l'éléphant qui va "barouetter" la
puce. S'il y a un pont qui s'écroule, ce n'est pas la puce qui va
pouvoir prétendre que c'est elle qui l'a écrasé. Cela va
être l'éléphant. Alors, dans le rapport de forces
États-Unis-Canada, on pense qu'on va être perdant au change. C'est
le fond de notre crainte. Alors on va travailler beaucoup pour maintenir et
développer une ouverture, mais on va férocement batailler pour se
faire ingérer ou intégrer aux États-Unis. C'est cela, si
je reprends la synthèse de notre position. Mais je ne voudrais pas que
vous m'oubliiez sur le nouveau débat qui est la
propriété... (17 h 15)
Le Président (M. Charbonneau, Verchères): Je
considérerais plutôt que c'est une réponse en fonction
d'une question qui vous a été adressée. Je vais permettre
une réplique du ministre sur la même question en fonction de votre
réponse et, par la suite, on reviendra à vous pour un autre
sujet. M. le ministre.
M. MacDonald: Eh bien, il est vrai que vous avez une structure de
programmes sociaux différents aux États-Unis qu'au Québec.
Il est également vrai que dans un contexte européen, et que vous
parliez: de l'entente européenne ou du marché commun, si vous
recherchez un pays en particulier, par exemple la Suède, vous allez
retrouver là un régime d'avantages sociaux supérieur au
nôtre où on a su, non seulement le conserver, mais à
l'occasion, l'optimiser. On a su également développer une
capacité industrielle et une productivité qui permet que ce
pays-là, à l'heure actuelle, compétionne très bien
avec ses partenaires et à l'échelle mondiale.
Au Canada et au Québec, ce que nous y voyons, nous, et j'en ai
parlé dans mon énoncé préliminaire, c'est de
créer l'ambiance pour créer des emplois, créer des emplois
pour créer la richesse, non pas pour diminuer, ce qui est cette
réalité sociale qu'on s'est donnée mais
l'améliorer. Je dirais que si vous observez ce qui se passe aux
États-Unis à l'heure actuelle, les coûts qui sont
assumés par les entreprises pour leurs employés, parce qu'il y a
absence de programmes sociaux sur une base nationale ou sur une base
étatique, ces coûts-là sont rendus astronomiques. Il y a
des pressions énormes vis-à-vis des États
américains et vis-à-vis du gouvernement fédéral
pour amener justement ce genre de protection et ce genre de qualité de
vie élémentaire que les Américains observent ici au
Canada.
Je ne vois pas dans les circonstances... Je m'aperçois, M.
Larose, que lorsque j'entends votre perception de certaines clauses, etc. - je
vous disais ce matin qu'on pourrait discuter ensemble - je pense que bien
souvent on regarde le verre à moitié vide et le verre à
moitié plein, mais c'est le même verre avec le même contenu.
On lui donne une interprétation différente. Dans ce qui vous
préoccupe, je vois beaucoup plus de pression et de difficulté du
côté américain à faire face à la demande
d'amélioration que, ici, de diminuer ce que sont nos acquis.
Le Président (M. Charbonneau, Verchères):
M. Charbonneau, vous m'avez demandé... Cela va. M. Landry, sur la
même question.
M. Landry: Je trouve que le président de la
CSN a remarquablement bien exprimé l'inquiétude de sa
centrale et l'inquiétude de base. Ce qui me frappait, et je pense que le
ministre a eu un peu la même impression, c'est que nous avons exactement
la même inquiétude. Nous trouvons consolation dans l'accord face
à la même inquiétude de garder la souveraineté de
nos gouvernements, nos programmes sociaux dont on discutera en détail ce
soir. Tout cela, à mon avis, est beaucoup plus menacé par le
statu quo, c'est-à-dire l'absence d'accord, que par un accord. Il me
venait une image en écoutant le président de la CSN. Les images
clochent, mais il me semble que les travailleurs sont mieux avec une convention
collective que sans convention collective. Avant le syndicalisme, avant le
droit du travail, les rapports étaient anarchiques entre les patrons et
leurs employés. Avant l'entente avec les États-Unis
d'Amérique, les rapports étaient anarchiques, entre un immense
pays - et il va être encore immense après - tout ce que vous avez
dit, le cheval, le lapin, tous les animaux y ont passé, c'est vrai.
C'était vrai avant, cela va être vrai après, sauf que nous
balisons et nous civilisons les rapports entre un grand et un petit. Cela me
console de la même inquiétude que vous, et vous, cela vous
désole davantage. Il doit y avoir moyen de s'entendre quelque part.
Le Président (M. Charbonneau, Verchères):
M. Larose, vous m'aviez indiqué tout à l'heure que vous
aviez un sujet sur les investissements. Est-ce que vous voulez y revenir
maintenant?
M. Larose: Je veux y revenir, mais je pense qu'il faut que je
prolonge la réflexion de Bernard Landry.
Le Président (M. Charbonneau, Verchères):
Allons-y.
M. Larose: II est beaucoup mieux que les travailleurs aient une
convention collective que pas de convention collective. Mais une convention
collective, ce n'est pas avoir un petit texte de 100 pages; cela dépend
de ce qu'il y a dedans. Il existe des conventions collectives où c'est
nonobstant le droit de gérance. On peut convenir de ça. Ce que
nous disons, c'est que dans l'accord, c'est un accord qui confirme par
écrit le statu quo. Cela n'empêche pas les Américains de
faire ce qu'ils veulent, de faire aujourd'hui ce qu'ils ont fait hier. Cela ne
les empêche pas. Une deuxième caractéristique d'une
convention collective, c'est le mécanisme de règlement des
litiges. On en parlera demain mais, nous, on ne pense pas qu'il y a là
un mécanisme de règlement des litiges. Il y quelque chose pour
s'amuser pendant un an et deux sur les différents litiges, mais il n'y a
pas là de tribunal qui règle. Mais de cela, on va en parler
demain. Autrement dit, notre inquiétude par rapport au texte est que
c'est un texte qui est contraignant pour une des parties. Les anarcho disent
que les conventions collectives, ce sont des contrats d'esclavage. Je ne
voudrais pas dire que l'accord, c'est ça. Disons qu'on pense que le
poids et les contraintes, c'est pour nous autres bien plus que pour les
Américains. On fera l'illustration de ça au fur et à
mesure du débat.
Le Président (M. Charbonneau, Verchères):
Je vais permettre une dernière réplique à cette
intervention, en fait, pour l'échange et qu'on revienne à un
autre sujet parce que le temps file. Est-ce que quelqu'un veut répliquer
ou si cela va aller? Vous le laissez marquer le point? Je comprends cela
très bien. Alors, M. Larose, sur la question des investissements.
M. Larose: Oui.
Le Président (M. Charbonneau, Verchères):
Et après cela, M. Proulx. Ah, c'était sur ça,
monsieur...
M. Proulx: C'est un peu ce... Une petite question...
Le Président (M. Charbonneau, Verchères):
Rapidement, M. Proulx.
M. Proulx: Une supplémentaire, M. Landry. Je voudrais
qu'il m'explique comment on a fait pour en arriver aujourd'hui à ce
qu'on est quand même, parce qu'on dit qu'on est rendu à 80 % du
marché et cela semble être dans le fouillis le plus complet.
Alors, on a dû être extraordinaire pour réussir à
développer notre économie et à faire du commerce avec les
États-Unis.
Le Président (M. Charbonneau, Verchères):
Réponse, est-ce que vous...
Une voix: La question s'adressait à M. Landry.
Le Président (M. Charbonneau, Verchères):
C'est à M. Landry.
M. Landry: Je suis tout à fait d'accord que cette entente
de libre-échange, en termes de commerce et en termes de volume, ce n'est
que compléter les 20 % d'une oeuvre qui est déjà accomplie
à 80 %. Cela a créé, de facto, un statut particulier entre
le Canada et les États-Unis en termes de volume de commerce, mais on n'a
pas eu les institutions qui consacraient ce statut particulier. C'est pour cela
que ça devient dangereux aujourd'hui. Un des grands périls de la
situation présente, c'est une des clauses du GATT qui est la fameuse
clause de la nation la plus favorisée. Les Américains, pour punir
les Japonais de telle ou telle manoeuvre qu'ils n'aiment pas ou pour punir la
Communauté économique européenne, vont instaurer, par
exemple, un droit de douane comme ils ont
menacé de le faire sur trois produits, le vin blanc, le fromage
et le cognac, de 200 % et, à cause de la clause de la nation la plus
favorisée, ils ne peuvent pas exempter leur partenaire
privilégié qui est le Canada. Alors, on se trouve dans la
situation absurde de visa le noir, tua le blanc. Pour régler des
querelles japonaises ou portugaises, ce seraient des gens d'ici qui seraient
pénalisés dans nos usines. C'est pour ça que le statu quo
est à ce point dangeureux et qu'il faut, puisque chaque fois que les
Américains vont bouger, étant leur principal partenaire, nous
serons les plus touchés, au moins d'avoir la possibilité
d'empêcher les gestes intempestifs et les représailles
unilatérales.
Le Président (M. Charbonneau, Verchères):
Une dernière remarque sur ça, M. le ministre.
M. MacDonald: II y a une loi qu'il ne faut jamais perdre de vue,
justement ce qui a été la réussite canadienne dans la
pénétration des marchés américains, et vous dites:
On a 80 %. Vous utilisez les chiffres, effectivement, d'un succès et
d'un succès canadien aux États-Unis. Mais ce
succès-là, en grande partie, s'est réalisé au
moment où les États-Unis ne connaissaient pas de déficit
de la balance commerciale, où les États-Unis étaient les
grands financiers du monde, prêtaient à qui ils voulaient bien
prêter et donnaient à d'autres. Depuis le début des
années quatre-vingt associés nécessairement avec cette
montée de protectionnisme, les Américains ont accumulé
à un rythme faramineux un déficit de la balance commerciale qui,
même si nous voyons depuis quelques mois une réduction sensible
qui laisse présager de meilleurs moments, globalement la maîtrise
de ce déficit-là, on ne la voit pas, même dans un
délai qu'on cataloguerait à moyen terme de deux à cinq
à l'intérieur des politiques actuelles. Deuxièmement, les
déficits accumulés commercialement et de façon
budgétaire font que ce pays-là est redevenu pour la
première fois dans plus de 50 années un pays débiteur.
Chez certains, c'est la panique qui génère un protectionnisme
dont on n'est pas les seuls responsables, c'est certain. D'ailleurs, ils visent
d'autres pays, mais attaquer ou menacer ne fait pas tellement de distinction
avec ceux qui ont des excédents de balance commerciale avec eux. Il faut
se remettre dans ce contexte-là lorsque vous donnez les chiffres que
vous citez, et ne pas l'oublier.
Le Président (M. Charbonneau, Verchères):
On change de sujet, si vous le voulez bien. M. Larose.
M. Larose: C'est concernant la propriété
étrangère ou les investissements. Je crois découvrir que
l'accord achève, je dirais, de - le terme anglais c'est de "scraper" -
de démolir toutes les barrières ou les protections qu'on
s'était données dans les dernières décennies pour
que les sec- teurs industriels puissent se canadianiser ou demeurer
propriétés canadiennes ou québécoises. Si j'ai bien
lu l'accord, il y a des secteurs qui sont exemptés: il y a te gaz, il y
a l'uranium, il y a les services financiers, H y a la culture, il y en a
peut-être d'autres, enfin, il y a un certain nombre de secteurs
exemptés. Pour tous les autres, pour les entreprises en bas de 150 000
000 $, puis on me dit qu'au Québec il y en a à peu près
75, c'est le "free for ail". N'importe qui peut acheter n'importe quoi pour en
faire ce qu'il veut. Est-ce exact? Si c'est exact, il me semble qu'on s'ouvre
les flancs d'une manière extraordinaire pour qu'effectivement du peu de
contrôle que nous avons, nous en ayons moins encore. Là-dessus, je
voudrais voir c'est quoi le rationnel qui voudrait renforcer le Canada ou le
Québec en permettant ce type d'ouverture du côté des
investissements étrangers.
Le Président (M. Charbonneau, Verchères): M. le
ministre.
M. MacDonald: D'abord, vous avez cité qu'il y avait des
exclusions quant aux possibilités d'investissements américains;
vous avez cité le domaine culturel, c'est effectivement totalement
exclu; la question énergitique aussi et vous avez précisé,
mais enfin, il y a des exclusions quant à la valeur des entreprises et
si j'extensionne, on commence à un chiffre de 5 000 000 $ d'actifs comme
étant un plafond à l'heure actuelle qui demande
appréciation, révision et objection s'il y a lieu et qui va
s'extensionner jusqu'à 150 000 000 $. Même rendu à 150 000
000 $, si je regarde cela globalement dans le Canada et il y a plusieurs
entreprises québécoises de visées là-dedans, les
300 plus grandes entreprises québécoises ne peuvent pas
être touchées.
Deuxièmement, il faut qu'il y ait consentement de la part des
propriétaires québécois qui, à l'heure actuelle,
ont beaucoup plus tendance à aller - et vous en avez des exemples
multiples, on a parlé de Bernard Lemaire, ce n'en est qu'un; que vous
parliez de moyennes entreprises ou de grosses entreprises, Canam-Manac en
serait une deuxième - acheter, à aller investir à
l'étranger tout en n'oubliant pas d'investir ici, bien au
contraire...
En dernier lieu, nous ne générons pas, et vous le savez
très bien, suffisamment de capitaux pour développer au rythme
où nous voulons développer. Nous avons donc un climat d'accueil,
nous générons un climat d'accueil, nous stimulons un climat
d'accueil à l'investissement, et à l'investissement intelligent,
étranger, ici ou qui nous permet également une
réciprocité. Je pense que, quand vous - et je ne dis pas, vous,
M. Larose - généralement parlant... on pourrait appeler à
la catastrophe et voir un drapeau étranger sur chacune de nos petites ou
moyennes entreprises au Québec, je pense que ce n'est: pas faire,
d'abord, état de la réalité du climat actuel
et de la gestion des entreprises québécoises, et
certainement pas état de la tendance que celles-ci ont de vouloir
s'étendre plutôt que de se faire acheter.
Le Président (M. Charbonneau, Verchères):
J'avais des questions ici, en avant, mais c'est sur les questions des
investissements ou sur d'autres? Je comprends qu'il y a des
anxiétés à savoir si vous aurez assez de temps, je pense
qu'on va réserver du temps. Donc, je voudrais, peut-être donner
une réponse additionnelle à M. Larose sur la question des
investissements, M. Landry. Après cela, on va passer à Mme
Fecteau et à M. Arsenault, de la Chambre de commerce. Donc, ici, il y a
deux autres questions principales qui sont annoncées et vous allez avoir
l'occasion de les poser.
M. Landry.
M. Landry: C'est pour répondre au président de la
CSN. C'est peut-être mieux d'entendre son additionnelle parce que je
pourrai essayer de répondre mieux.
Le Président (M. Charbonneau, Verchères):
Alors M. Larose.
M. Larose: Sur l'additionnelle, c'est pour dire que l'accord
exclut toute condition qu'on pourrait imposer à d'éventuels
investisseurs. Par exemple, qu'ils soient obligés de faire un minimum
d'exportations, ou bien qu'ils soient obligés d'acheter la
matière première ici au Canada ou tout cela. Je pense que
là-dessus, l'accord spécifie qu'il n'y a plus rien en termes de
contraintes. Autrement dit, quelqu'un pourrait acheter une entreprise pour
fermer un concurrent. Cela demeure très possible.
Le Président (M. Charbonneau, Verchères):
M. Landry. (17 h 30)
M. Landry: Voici la réponse additionnelle que je voulais
donner, parce que le président de la CSN avait demandé le
rationnel de cette chose-là. Il est devenu très pratique le
rationnel de cette chose-là. C'est que depuis cinq ans, il y a davantage
d'investissements canadiens vers les États-Unis que l'inverse. La
tendance historique s'est renversée. Alors le gouvernement canadien
était dans une situation impossible face à Washington de dire:
Vous ne viendrez pas chez nous, mais on va aller faire tout ce qu'on veut chez
vous.
Le deuxième élément de réponse
additionnelle, c'est que j'ai bien connu, comme tous ceux qui ont
été au gouvernement au Québec, la période FIRA et
cela nous a nui énormément, surtout au Québec. Les
Québécois qui en ont profité, ce sont les grands bureaux
d'avocats de Montréal qui pilotaient les dossiers FIRA qui, de toute
façon, pour les grandes entreprises, étaient toujours
acceptés, mais en quoi cela a nui au gouvernement du Québec?
C'est que nous avions une stratégie de PME et en particulier des PME de
l'Europe de l'Ouest. Aller dire à un industriel de Strasbourg qu'il faut
d'abord convaincre de venir s'installer à Granby dans le parc industriel
et lui faire miroiter tous les avantages et tout cela et dire en plus:
Prenez-vous un avocat pour aller demander la permission au gouvernement du
Canada pour venir. Ce n'était pas administrable, cela n'avait pas de bon
sens et le gouvernement du Québec n'a jamais été
très chaud vis-à-vis du FIRA. Ce qui est l'essentiel, c'est de
protéger les très grands centres décisionnels, les
très grandes entreprises et permettre un peu de souplesse et de
flexibilité dans l'autre.
Quant aux possibilités d'acheter ou de ne pas acheter des
matières premières, ce n'est pas couvert dans l'entente. Ce
serait probablement très mal vu aux yeux du GATT d'agir ainsi, mais cela
ne découle pas du libre-échange.
Le Président (M. Charbonneau, Verchères):
Mme Fecteau, sur une autre question.
Mme Fecteau: Oui, c'est cela.
Le Président (M. Charbonneau, Verchères):
Juste avant de vous céder la parole, M. Boudreau, vous vouliez
intervenir sur quoi? Sur une autre question?
M. Boudreau (Denis): Une question reliée aux
investissements, mais faisant intervenir la question de la
fiscalité.
Le Président (M. Charbonneau, Verchères):
D'accord.
Mme Fecteau: C'est parfait, c'est la même chose.
Le Président (M. Charbonneau, Verchères):
C'est la même chose. Alors, on sera probablement sur la même
longueur d'onde. Mme Fecteau.
Mme Fecteau: Juste un petit point avant de passer à cette
notion-là. Je ne peux pas m'empêcher de dire à mes
collègues, M. Landry et M. Larose, que je connais des employés
qui sont tout aussi bien traités que ceux qui ont des conventions
collectives de travail.
Deuxièmement, mes propos font la suite des commentaires que
tenait M. Laberge quant au terme "subvention". Il craignait justement que les
investissements soient moins nombreux avec l'avènement du
libre-échange puisque le terme "subvention" était remis en
question.
Je dirai là-dessus que nos entreprises, et vous vous souviendrez,
M. MacDonald, en décembre dernier, nous étions accompagnés
d'un dirigeant d'entreprise, une entreprise de Québec, qui disait qu'il
était contre les subventions. Je ne parle pas de krach
économique, de récession comme on l'a connue en 1980, je parle
d'une
situation économique comme on la connaît aujourd'hui. Les
entreprises que je représente dans le secteur manufacturier et
spécifiquement dans les secteurs de la fabrication métal,
machineries, papier, aliments, produits chimiques, textile et plastique sont
contre les subventions.
Un sondage récent qui a été étalé il
y a deux semaines, lors de notre congrès national, où une
question étart celle-ci: Quel type d'assistance les entreprises
attendent-elles des gouvernements pour traverser le processus de transition? 50
% d'entre elles n'en veulent pas. Cela ne veut pas dire pour autant que l'on ne
puisse pas réclamer des choses. Là-dessus, je me souviendrai
également que M. Ciaccia était le conférencier d'honneur
à notre congrès national et il étalait le dernier budget
du gouvernement du Québec et les mesures pour les entreprises
québécoises. Je vous dirai que M. Ciaccia a fait des jaloux dans
la salle, puisque la plupart des entreprises qui étaient là
étaient représentées par des dirigeants d'entreprises
ontariennes. À la fin du discours de M. Ciaccia, certains d'entre eux
sont venus me voir en disant: Le Québec nous attire. C'est incroyable
par rapport à l'Ontario maintenant.
Cela dit, le budget du Québec, il y a quelques semaines, quand il
étalait des mesures encourageant les déductions pour
amortissement, les mesures de crédits d'impôt, encourage
l'entreprise. Ces mesures sont plus qu'encourageantes pour l'entreprise
québécoise et pour l'investissement. Je dirai également
que les politiques d'assouplissement de la réglementation et ce qu'a
fait le gouvernement du Québec dernièrement quant à
l'assouplissement dans le domaine du transport fait en sorte également
qu'on aura un libre marché dans le domaine du transport et qui
coûtera probablement moins cher pour les entreprises
manufacturières.
M. Landry l'a dit, l'abolissement des mesures touchant le FIRA a permis
également l'investissement au Canada. Donc, ce sont les propos que je
voulais tenir face au terme "subvention". J'aimerais tout simplement rassurer
les gens que ce mot-là et cette définition de "subvention" ne
fait pas peur aux entreprises manufacturières; loin de là, elles
sont contre.
Le Président (M. Charbonneau, Verchères):
Alors, M. Boudreau, hein, je pense?
M. Boudreau: Boudreau...
Le Président (M. Charbonneau, Verchères):
C'est cela. M. Boudreau.
M. Boudreau: ...de la FTQ, oui. Moi, j'ai deux remarques et une
nouvelle question, la question de savoir dans quelle mesure la fiscalité
et la fiscalité à la Québécoise serait
touchée par l'Accord de libre-échange.
Ma première remarque, c'est dans le domaine des impacts,
bénéfices macro-économiques. Là, cela ne va pas du
tout quand on nous énumère les dix points majeurs de
bénéfice découlant du libre-échange. Pour moi qui
suis économiste, on nous décrit là l'homme des cavernes
qui sort de son trou noir et qui s'aperçoit qu'il vit dans le monde avec
lequel il y a d'autres animaux à deux pattes avec qui il pourrait
échanger. On n'est pas à l'âge de pierre, en termes de
commerce international; on est un des marchés les plus ouverts à
l'échelle du monde au commerce international. Le milieu syndical ne
refuse pas cela, le commerce international. Mais quand on nous dit: Les
bénéfices, là, écoutez, on va avoir un grand
marché, plus de problème de petite taille; nos industries plus
sécuritaires, baisse des coûts de production... J'ai fait quelques
calculs sur les baisses des coûts de production des entreprises,
découlant de la baisse des tarifs, et il y a des surprises pour
messieurs les hommes d'affaires qui croient que cela va se faire tout seul, le
passage au libre-échange. Il y a de méchantes surprises, en tout
cas.
Cela dit, les bénéfices macro-économiques. Quand on
part de l'âge de pierre et qu'on compare où l'on sera dans dix
ans, je comprends que ce soit étonnant comme bénéfice, ce
n'est pas de ça qu'on parle. Aujourd'hui, le libre-échange ou le
libre-marché avec les États-Unis, qui est bon pour le
Québec, c'est celui qu'on a. Les matières premières, les
produits transformés à partir des matières
premières, pâtes et papiers, métaux, nos succès
commerciaux, ils sont là. Les 20 % qu'il reste à
libéraliser, là, la porte n'est pas là pour rien et les
mesures de protection qui restent, Mme Fecteau, ce sont les entreprises qui les
demandent, qui les réclament, et qui ont demandé qu'on les
maintienne parce qu'elles sont affectées très fortement par la
concurrence.
Deuxième point. Le contexte économique n'a jamais
été aussi bon. D'accord. Pourtant, les problèmes de
structure industrielle au Québec: ne sont toujours pas
réglés après sept ou huit ans de supercontexte
économique. Il y a des problèmes industriels au Québec qui
sont tels que ce n'est pas la concurrence et le libre-marché qui vont
les régler. Quant à cela, il n'y a pais si longtemps, des
gouvernements ont sorti des plans de développement économique
dans lesquels ils nous disaient ça, que pour restructurer l'industrie au
Québec, il fallait un gouvernement qui agisse. Avec le
libre-échange, là, le gouvernement abandonne cette
responsabilité-là.
Le dernier point sur lequel je veux en venir, c'est que: Saviez-vous que
la fiscalité est touchée directement par l'Accord de
libre-échange? Quatre articles de l'accord touchent...: la Loi sur les
revenus, la loi canadienne où le chapitre sur l'investissement facilite
le transfert des fonds aux Américains, article 1606, et plus de droit de
lever des taxes. Dans quelle mesure les pays, le Québec, pourra-t-il
continuer à prendre des mesures fiscales qui font de la discrimination
en faveur de nos entreprises? Et je mets en cause des programmes comme le
Régime d'épar-
gne-actions qui vise clairement à favoriser des industries de
chez nous dans des secteurs prioritaires.
M. MacDonald, s'il vous plaît.
Le Président (M. Charbonneau, Verchères):
Alors, M. MacDonald, M. le ministre, je vais vous donner la parole et,
par la suite, sur la même réponse, M. Rabeau, et là - je
vous signale qu'on a déjà dépassé le temps - je
vais néanmoins permettre une question ou un commentaire à
monsieur...
M. Arsenault (Louis): Arsenault.
Le Président (M. Charbonneau, Verchères):
...Arsenault, de la Chambre de commerce. Je m'excuse, M. Arsenault.
Après cela, on passera aux conclusions finales des parlementaires pour
qu'on change de thème. On passera à l'agriculture.
Alors, M. le ministre.
M. MacDonald: Eh! bien. Retenant quelques paroles que je crois
avoir saisies dans votre premier argument, à savoir qu'il y a des
difficultés, vous avez dit, je crois: Cela ne se fera pas tout seul, le
libre-échange. Je suis d'accord avec vous et je pense que je n'ai
rencontré aucune entreprise, particulièrement parmi celles qui
pourraient être affectées par une réduction tarifaire, qui
prétende que cela va se faire seul. Mais je n'en ai pas rencontré
une non plus, dans ce domaine-là, qui ait une idée globale du
marché, qui ne voie pas strictement et purement un petit marché
régional. Je n'en ai pas rencontré une qui n'ait pas à
faire face continuellement à un besoin d'accroissement de
productivité. La différence qu'il y a avec l'entente de
libéralisation des échanges, c'est que le chef d'entreprise sait,
ce qu'il ne sait pas autrement quand on parle de taux de change, ce qu'il ne
sait pas autrement quand on parle de venue sur le marché de nouveaux
producteurs en pays en voie de développement, ou etc. il ne le sait pas,
cela... Il sait, par contre, avec l'entente de libre-échange, qu'il y a
une amélioration de tant de pourcent pendant cinq ans ou pendant dix ans
qu'il doit apporter pour rester au même palier et un peu plus s'il veut
s'améliorer. Et je crois que, malgré que je vous respecte
certainement et je vous connais de réputation pour ce que vous pouvez
dire, je pense que vous n'êtes pas en position pour nier ce qui est un
sondage valable fait par l'Association des manufacturiers en ce qui a trait
à l'utilisation des subventions.
Deuxième point: vous dites que nous abandonnons les outils, ou
notre capacité d'intervention. Je pense qu'il a été dit
ici, soit par le premier ministre, soit par moi-même, soit par d'autres,
que nous n'abandonnons rien dans notre capacité d'intervenir, M. le
député de Bertrand a parlé du coffre à outils. Je
suis parfaitement d'accord avec lui qu'il faut avoir des outils et nous les
avons. Nous avons la possibilité d'en modifier ou d'en créer
d'autres. Il n'est absolument pas question, c'était d'ailleurs une
condition fondamentale de la participation du Québec aux
négociations, de se garder notre capacité d'intervenir en
matière de développement régional, compte tenu de la
spécificité à la fois canadienne et
québécoise. Je ne vois pas où vous prétendez, et
d'ailleurs ce n'est pas la première fois qu'on en a discuté, de
notre incapacité de continuer à intervenir. Cependant, ce avec
quoi on va s'entendre très bien, avant l'entente de libre-échange
et après l'entente de libre-échange, on n'a pas de chèque
en blanc pour créer des conditions de commerce déloyal. Ce ne
l'était pas avant et ce ne le sera pas demain. Cependant, on se donne un
cadre, et M. Landry l'a utilisé souvent, un cadre
légiféré, un cadre réglementé où on
sait saprement mieux que jamais... à l'intérieur duquel on peut
avoir une intervention plutôt que d'être soumis à des
actions unilatérales américaines.
Et en troisième lieu, je pense que vous faisiez
référence également à ces outils et vous disiez: Je
vois des possibilités de mettre en péril les avantages qu'on peut
conférer en ce qui a trait au REA. Eh bien, si nous visions, à
l'intérieur d'un REA, strictement et purement par exemple un secteur
où la grande majorité des entreprises font de l'exportation, et
que là on y voyait un avantage direct, créant une situation de
commerce déloyal, je serais d'accord avec vous. Cela n'a jamais
été le cas du REA et, à ma connaissance, ce ne sont pas
les intentions du ministère des Finances à l'heure actuelle de
cibler de cette façon-là. Le REA est accessible à
n'importe quelle entreprise dans n'importe quel secteur, à toutes fins
utiles. Alors je ne vois pas en quoi le REA est mis en péril.
Le Président (M. Charbonneau, Verchères):
Merci, M. le ministre. Un rapide commentaire, M. Rabeau.
M. Rabeau: Oui, juste quelques commentaires additionnels.
D'abord, je voudrais simplement préciser que l'on garde
entièrement notre capacité de taxer et que si, par exemple, les
gouvernements décidaient d'harmoniser la fiscalité des
entreprises avec celle des États-Unis, bien on peut prendre les taxes
ailleurs, les taxes indirectes par exemple, et le Canada garde totalement sa
souveraineté en matière de taxation. Quant à la question
de REAQ, je pense qu'il y a l'avantage ici de ce comité d'experts qui va
travailler pendant cinq ans. Toutes ces mesures-là vont être
révisées et vont faire l'objet d'une entente et d'une
harmonisation entre le Canada et les États-Unis, où il faudra en
arriver à un certain accord pour que ces choses-là soient
acceptées de part et d'autre de la frontière.
Et juste un dernier point. Effectivement, le libre-échange porte
sur à peu près 20 % des
secteurs qui ne sont pas libéralisés présentement.
Donc, il ne faut pas lui attribuer un impact très considérable.
D'ailleurs toutes les études sont claires là-dessus. Ce n'est pas
un impact formidable, ce n'est pas quelque chose d'exceptionnel, sauf que ce
que l'on décrit ici quand on parle des impacts macro-économiques,
ce sont les avantages généraux que l'on retrouve dans les zones
de libre-échange et qui changent de façon générale
les règles du jeu et qui donnent des avantages aux deux partenaires de
chaque côté. Et effectivement, je pense que tout le monde est
d'accord que la question des stratégies d'entreprises, ce que les gens
vont faire évidemment dans le cadre du libre-échange, c'est une
chose absolument essentielle quant à faire du libre-échange un
succès économique... Et là, l'hypothèse que pose
tout le monde, c'est simplement une hypothèse optimiste que nos hommes
d'affaires vont être capables de relever le défi, et de poser,
d'avoir les stratégies nécessaires pour pouvoir
bénéficier des avantages d'une zone de libre-échange.
Merci.
Le Président (M. Charbonneau, Verchères):
M. Arsenault, est-ce que c'est une question ou un commentaire? (17 h
45)
M. Arsenault: C'est un commentaire, M. le Président.
Le Président (M. Charbonneau, Verchères):
Alors, je vais vous permettre un commentaire. Pour être un peu
juste parce qu'il y a plusieurs commentaires de gens qui sont plutôt en
faveur, je permettrai une réplique et non pas une question à la
coalition, une dernière réplique et après cela, on passera
aux commentaires généraux des parlementaires. Alors, M.
Arsenault.
M. Arsenault: La Chambre de commerce du Québec n'a pas
voulu envoyer ici tous ses arsenaux. Je suis seul, mais je ne pouvais quand
même pas me présenter comme Louis Arsenal.
Dans le bref mémoire qui a été distribué
à tous les membres de cette commission ce matin et à tous les
intervenants, la Chambre de commerce du Québec fait connaître sa
position. Alors, très brièvement, je la résumerai comme
ceci.
La Chambre de commerce du Québec, après une analyse
vraiment détaillée, considère que l'entente, même si
elle n'est pas parfaite, est un accord qui répartit de façon
équitable les bénéfices et les risques pour les industries
des deux pays. Nous sommes convaincus que les entreprises
québécoises n'ont rien à craindre de la concurrence et
qu'elles sauront s'adapter rapidement et efficacement au nouveau contexte. Nous
n'avons peut-être pas les étoiles filantes dont M. Laberge faisait
état tout à l'heure, mais le ciel du Québec a souvent
été sillonné par des comètes. Je pense que je
pourrais vous lire une liste assez impressionnante d'entreprises
québé- coises, petites et grandes, même quelques-unes dans
les secteurs dits mous qui ont su quand même se créer une niche,
établir un créneau précis aux États-Unis en dehors
de l'entente du libre-échange et s'établir, je pense, une place
enviable. Donc, aucune crainte du côté de la capacité
concurrentielle des entreprises du Québec. Nous sommes
agréablement surpris d'apprendre qu'une entreprise sur trois au
Québec exporte déjà et une autre sur trois est très
intéressée à développer, dans le cadre du
libre-échange, des rapports avec le marché américain. Nous
sommes très confiants donc que nos entreprises soient en mesure de
concurrencer adéquatement. Le libre-échange constitue pour les
entreprises du Québec un véritable stimulant. Nous sommes
convaincus que nous pouvons avec ce libre-échange pénétrer
de nouveaux marchés. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Charbonneau, Verchères):
Une réplique finale, M. Larose.
M. Larose: D'abord, je voudrais dire à Mme Fecteau que
s'il n'y avait pas d'avantages à se syndiquer, vraisemblablement, nous
ne serions pas si combattus. Deuxièmement, les avantages sont
économiques, mais ils sont peut-être d'abord et avant tout des
avantages d'hommes et de femmes qui se sentent un peu plus respectés en
étant syndiqués.
Cela dit, ce qu'il y a dans l'accord n'est qu'un début. L'accord
nous enclenche vers un processus qui va prendre plus d'ampleur parce qu'il est
spécifié à l'article 1601 que ça va continuer
à négocier pour essayer d'éliminer les secteurs sur
lesquels on a exclu, notamment sur les investissements. La volonté
américaine est très claire, ça va être de
"continentaliser" toute l'économie et que du nord au sud jusqu'à
l'Arctique, ce soit les mêmes règles. Nous sommes
déjà inquiets par rapport à ce qui existe dans l'accord,
notamment au chapitre des investissements, mais plus, on a l'impression que la
roue va tourner pour encore un bout de temps jusqu'à ce qu'on soit
complètement ingéré par les États-Unis. Dans ce
sens, l'accord est un choix dont on ne connaît pas à l'heure
actuelle tous les effets.
Remarques finales
Le Président (M. Charbonneau, Verchères): Merci, M.
Larose.
M. le député de Bertrand, pour vos trois minutes de
remarques finales.
M. Jean-Guy Parent
M. Parent (Bertrand): Oui, conclure en trois minutes sur un bloc
aussi important que l'économie, d'abord je déplore qu'il y ait eu
seulement une heure et demie. Je proposerais au ministre du Commerce
extérieur qu'il y ait des suites sur
différents blocs au cours de l'automne, pourquoi pas?
Ce que j'aimerais finalement sur le plan du volet économique,
c'est peut-être de mettre un peu en garde les intervenants autour de la
table tout en étant très optimiste quant à l'avenir
économique du Québec et à l'avenir face au
libre-échange malgré les préoccupations que j'ai. Il reste
qu'il y a actuellement un emballement que l'on connaît depuis une couple
d'années et qui est dû particulièrement à un
ensemble de mesures qu'a connues le Québec concernant
l'entrepreneurship, des mesures qui ont fait en sorte, depuis cinq ans, six
ans, sept ans, de développer l'entrepreneurship au Québec.
Aujourd'hui, tout le monde se sent très fort. Alors, j'ai beaucoup de
préoccupations quant à cette forme d'emballement, parce que la
journée où nous rencontrerons un début de récession
économique, peut-être que cela peut venir, que cela va venir
beaucoup plus rapidement, je ne le souhaite pas, je suis persuadé que
les dirigeants d'entreprises au Québec, les grandes, les moyennes et
particulièrement les petites, vont réagir tout autrement. La mise
en garde, ce n'est pas pour être négatif, mais c'est pour dire
à tous les intervenants, et je l'ai vécu en commission
parlementaire au mois de septembre lorsque la plupart des associations
patronales sont venues ici nous dire: Écoutez, le libre-échange
ne nous fait pas peur, mais lorsqu'on fouille un peu plus loin et lorsqu'on
gratte un peu plus loin, on s'aperçoit que, malheureusement, personne ne
sait trop exactement comment ça va se vivre et comment va être la
compétition et la réaction américaines.
Tout cela pour dire qu'il y a beaucoup de précautions à
prendre et qu'il faut éviter de s'emballer sur quelque sondage que ce
soit en ce sens que c'est tout beau et que personne n'a plus besoin d'aide ou
de subvention. Mme Judith Maxwell, le 14 avril dernier, annonçait dans
son rapport comme présidente du Conseil économique les 250 000
emplois au lieu de 300 000 qu'aurait comme effet le libre-échange et ce,
sur une période de dix ans. Elle disait ceci: Ce scénario est
toutefois basé sur l'hypothèse que la croissance de la
productivité sera vigoureuse. Mais, si les industries négligent
de moderniser leurs usines et d'assurer le perfectionnement de leur
main-d'oeuvre, 17 entreprises sur les 36 étudiées accuseront une
diminution d'emplois et de production. Ce que cela veut dire, c'est que tous
les scénarios et tous les modèles qui sont faits, c'est à
partir du fait que tout va bien. Mais, ça n'ira pas toujours bien et on
sait qu'on va connaître des périodes plus difficiles. Dans ce
sens-là, j'invite encore une fois et je reviens au sujet que j'avais
à l'ouverture du bloc économique... Si une entreprise sur deux
à travers le Canada, dans cette petite étude qui a
été faite par le Conseil économique, 17 sur 36, donc 50 %
des entreprises, si on ne leur donne pas les outils nécessaires pour
être capables de moder- niser, de recycler leur main-d'oeuvre, on n'a
qu'à se poser la question et elle a été posée ce
matin. Pourquoi a-t-on actuellement au Québec - et je termine
là-dessus, M. le Président - en période de croissance
économique, 9,6 % de chômage? C'est parce que la croissance est
bonne, mais on a un jeu d'offre et de demande qui fait qu'on n'est pas capable
de répondre. Il y a des demandes d'emploi et il y a du chômage. On
n'est pas capable d'y répondre. Il y a un problème fondamental.
Même en dehors du libre-échange, le problème est là
de façon très grave, mais il va s'accentuer avec l'Accord de
libre-échange.
Le Président (M. Charbonneau, Verchères):
Merci, M. le député de Bertrand. M. le ministre, en
conclusion.
M. Pierre MacDonald
M. MacDonald: En conclusion, M. le Président, à
l'exemple du député, je reprends quelques-unes des paroles de mon
exposé préliminaire. La position du gouvernement,
prénégociations, durant les négociations, en attente
à l'heure actuelle de la mise en oeuvre, c'est celle de s'associer
à ce projet à la seule et unique condition que cela puisse
signifier une amélioration de l'économie québécoise
qui se traduit nécessairement par cet objectif premier, qui est celui de
créer un plus grand nombre d'emplois, des emplois stables et de
préparer, d'améliorer continuellement le climat de façon
à faire face à des changements qui seront non seulement ceux
amenés par l'entente de libre-échange, mais les changements que
nous connaissons chaque jour dans un monde extrêmement compétitif
où des éléments autres que purement réduction de
tarifs douaniers, genre politique monétaire, transfert de technologie,
grande découverte scientifique, guerre sectorielle, si vous voulez,
peuvent venir influencer le climat et être des obstacles au but premier
de créer des emplois. Nous croyons avoir posé des conditions qui
ont été respectées. Nous croyons poursuivre par des
politiques autres que celles purement orientées directement au
libre-échange, à savoir les politiques du gouvernement en
matière de fiscalité. Je n'ai pas besoin de revenir sur ce
qu'était le budget de M. Levesque. Je pense que tous les participants
autour de la table ici, si je reprends ce qu'on a lu comme commentaires, ont vu
un effort, et plus qu'un effort, dans le sens d'optimiser l'économie
québécoise. Je pense également que le fait que nous soyons
ici, favorables d'un côté, en opposition de l'autre, mais avec
l'esprit ouvert pour se parler et essayer de se comprendre: Où sont nos
différends, de quelle façon pourrons-nous mieux concilier ou
trouver un terrain d'entente? Je pense que nous retrouvons ici ce que nous
avions escompté d'une certaine façon ou observé,
c'est-à-dire une maturité dans cette société
québécoise qui est la nôtre qui va nous permettre de faire
face, à l'intérieur de balises, de conditions et de
protection essentielles pour sauvegarder les acquis, qui va nous
permettre, dis-je, non seulement de faire face à ce défi -
défi que je qualifie même d'emballant, exigeant mais emballant -
de l'entente de libre-échange avec les États-Unis, mais
d'être capables de rentrer, à part active, comme on le fait
actuellement, dans un contexte de négociation globale au sein du GATT et
faire face à ce défi qui se veut beaucoup plus global que
strictement bilatéral. Je pense que sur le plan économique et
sous tous ces ensembles que j'ai mentionnés, je suis fort heureux
d'être capable d'échanger nos points de vue comme on le fait
aujourd'hui.
Impact de l'accord sur l'agriculture
Le Président (M. Charbonneau, Verchères):
Merci, M. le ministre. Cela termine le bloc de la discussion sur les
conséquences sur l'économie québécoise.
Nous allons maintenant aborder l'autre thème: Les impacts de
l'accord sur le secteur agricole. Cette fois nous avons toujours les cinq
minutes de départ aux quatre groupes et, par la suite, nous aurons une
discussion d'environ 35 minutes. Sans plus tarder, je vais céder la
parole au ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation.
M. le ministre du Commerce extérieur et du Développement
technologique, vous aviez une remarque avant qu'on aborde?
M. MacDonald: Oui, j'ai une contrainte impérative qui
était alignée avec le programme initial, un rendez-vous à
18 h 30. Est-ce que vous avez l'intention de prolonger?
Le Président (M. Charbonneau, Verchères):
Je pense, M. le ministre que nous allons continuer jusqu'à 19
heures pour finir le bloc.
M. MacDonald: Parfait. Si ces messieurs, en
général, me permettaient de quitter pour quelques minutes, mon
collègue et les gens qui l'accompagnent pourraient continuer, si vous
voulez bien m'excuser.
Remarques préliminaires M. Michel
Pagé
Le Président (M. Charbonneau, Verchères):
Merci, M. le ministre. M. le ministre de l'Agriculture, des
Pêcheries et de l'Alimentation.
M. Pagé: Merci, M. le Président. Je vais saluer mes
collègues, membres de l'Assemblée nationale, saluer nos
distingués invités qui participent à cet échange
aujourd'hui, notamment la coalition d'opposition à l'Accord de
libre-échange et plus particulièrement l'Union des producteurs
agricoles, saluer le regroupement pour l'Accord de libre-échange et plus
particulièrement les représentants de la Coopérative
fédérée du Québec.
L'agriculture, sujet qui a fait l'objet non seulement de beaucoup
d'intérêt, beaucoup de discussions et beaucoup de
représentations, l'agriculture, dis-je, joue un rôle majeur et
très significatif, notamment dans l'économie des régions
du Québec. Dans notre économie, il est bon de profiter de cet
échange qui, quoique bref, nous permettra, j'en suis persuadé, de
progresser dans cet effort, cette démarche de réflexion et de
représentation. L'agriculture du Québec c'est 2 % du produit
intérieur brut, c'est 80 000 emplois directs, c'est 260 000 emplois qui
sont aussi reliés à la transformation, la distribution et aux
services connexes, c'est donc 11,1 % de la main-d'oeuvre totale du
Québec, 3 500 000 000 $ de recettes à la ferme, ce qui
représente 15 % de l'ensemble canadien. On sait que nos principales
productions agricoles sont basées sur les productions animales, le lait
qui représente 32 % des recettes monétaires, le porc dont on
produit 160 % de notre consommation avec des exportations très
importantes aux États-Unis, avec 20,2 % et la volaille à 8,7 %.
Nous sommes passés d'une agriculture qu'on pourrait qualifier
d'artisanale il y a une génération et demie, deux
générations, à une véritable production moderne,
dynamique, industrielle qui s'est développée et qui s'inscrit
aujourd'hui dans le cadre de juridiction partagée entre les deux paliers
de gouvernement et une agriculture qui, ici au Canada, comme ailleurs dans
l'ensemble des pays industrialisés, fait l'objet de mesures de
protection. Une agriculture qui est particulière au Canada et qui est
aussi particulière au Québec, par ses structures. (18 heures)
Qu'il me suffise d'en référer à nos régimes
d'assurance stabilisation qui nous sont propres, à nos agences
nationales de commercialisation sur le plan canadien où on se discipline
et où on ne contribue pas, évidemment, à accroître
les marchés internationaux. Une agriculture, donc, qui est bien
structurée. Une agriculture pour laquelle nous avons dans cette
démarche, comme gouvernement, et j'ai, comme ministre responsable, et
nous avions dès le départ un double objectif. Le premier, de
protéger nos acquis, de protéger ses structures et le second,
évidemment, de faire en sorte que cet accord puisse bonifier notre
présence, notamment sur le marché américain compte tenu,
évidemment, d'un bassin de consommatrices et de consommateurs qui est
très important pour nous.
Au plan du commerce bilatéral avec les États-Unis, on doit
retenir que nos exportations de produits alimentaires vers ce pays sont
croissantes. De 712 000 000 $ en 1985, nos exportations, donc des produits de
chez nous vers les États-Unis, s'élèvent à 812 000
000 $ en 1987. Le marché américain constitue donc le
véritable pivot de nos exportations alimentaires puisque 65 % de nos
ventes internationales sont consacrées, sont adressées,
évidemment, aux
États-Unis. Nos importations de produits alimentaires en
provenance des États-Unis s'élevaient à 536 000 000 $ en
1985 et celles-ci ont atteint 582 000 000 $ en 1987. Ajoutons que nos ventes
agro-alimentaires aux États-Unis ne représentent que 5 % des
exportations totales du Québec.
Les États-Unis, c'est donc un gros client. C'est un marché
important qu'on se doit de reconnaître et on doit considérer ce
marché, évidemment, dans l'évolution des positions en
matière agricole que le Québec a défendues au cours des
négociations bilatérales. Je ne crois pas qu'il soit
nécessaire ici de décrire à nouveau les grandes
composantes de notre politique agricole et de la structure agricole canadienne
et québécoise. Cependant, on doit reconnaître et on doit
prendre en compte l'exiguïté et la faible croissance de la
population et, conséquemment, du marché québécois
et l'opportunité d'améliorer les conditions d'accès aux
marchés canadien et américain. Pour nous, l'ouverture, la
pénétration de ces marchés par nos entreprises demeure un
objectif très important. J'irais même jusqu'à dire une
priorité. Cependant, on doit convenir que cette ouverture ne doit pas se
faire à n'importe quel prix.
En ce qui a trait aux spécificités agroalimentaires du
Québec, il est utile de se rappeler que les offices nationaux de
commercialisation...
Le Président (M. Charbonneau, Verchères):
Je m'excuse de vous interrompre.
M. Pagé: Oui.
Le Président (M. Charbonneau, Verchères):
Je voudrais vous signaler que le temps alloué pour vos...
M. Pagé: Le temps fuit, M. le Président.
Le Président (M. Charbonneau,
Verchères):
II fuit rapidement et même d'ailleurs, on a pris du retard. Alors,
si vous n'avez pas d'objection, à moins que vous en ayez pour 30
secondes.
M. Pagé: Vous êtes comme le président de
l'Assemblée nationale, vous occupez, finalement, la fonction de
président. Vous demandez de conclure.
Le Président (M. Charbonneau, Verchères):
Je vous demande de conclure à moins que vous me disiez que vous
en avez encore pour quinze ou 30 secondes, autrement, à travers les
réponses que vous donnerez tantôt, je suis convaincu que vous
pourrez donner des informations.
M. Pagé: Essentiellement, M. le Président, je vais
conclure en vous indiquant que nous sommes farouchement
déterminés à faire en sorte que cet accord puisse conduire
dans tes faits au maintien, à la sécurité, à la
sécurisation - si je peux utiliser le terme - des acquis et des
spécificités du Québec tout en maintenant un autre volet
d'objectif, de renforcer notre présence à l'égard de ce
marché de consommateurs qui est de plusieurs dizaines de millions de
population à moins de 500 milles de Montréal.
Le Président (M. Charbonneau, Verchères):
Merci, M. le ministre. M. le député de Laviolette pour un
cinq minutes également.
M. Jean-Pierre Jolivet
M. Jolivet: Merci, M. le Président. Personne ne va mettre
en doute l'importance de l'agriculture dans l'économie. Cette
importance, d'ailleurs, a été reconnue par le premier ministre
lorsqu'à Devos, en février 1987, il disait à Mme Pat
Carney qui était responsable à l'époque du dossier au
fédéral, qu'il voulait exclure l'agriculture du traité de
libre-échange. Cependant, en septembre 1987, cette proposition
d'exclusion s'est métamorphosée en statut spécial pour
l'agriculture et les pêcheries. Lorsque le 3 octobre la version
préliminaire est arrivée, on s'est aperçu, finalement, que
ce n'était ni l'exclusion, ni le maintien d'un statut particulier
spécial mais plutôt partie intégrante de l'accord. On
avait, en particulier, abolition de tous les tarifs douaniers sur les produits
agricoles sur une période de dix ans, incluant les tarifs de 15 % pour
la crème glacée et le yogourt, élimination des licences
d'importation pour le blé, l'orge et l'avoine, augmentation des quotas
à l'importation de volailles, d'oeufs et de produits
dérivés jusqu'au niveau annuel moyen des livraisons
observées au cours des cinq dernières années, soit un
accroissement de la part américaine de 6,1 % à 7,5 % de notre
marché, harmonisation des normes ou barrières techniques
régissant la circulation des produits agricoles, des aliments et des
boissons.
Quant au concept de subvention à l'exportation, il permet une
interprétation très large de ce que les Américains peuvent
amener comme interprétation à une subvention à
l'exportation. Le ministre québécois à l'époque
s'était affiché avec un très fort optimisme, il l'a dit
tout à l'heure, en disant que les acquis étaient maintenus.
L'abolition cependant des tarifs douaniers de 15 % sur la crème
glacée et le yogourt a eu pour effet d'affecter indirectement le
système de gestion de l'offre dans le secteur laitier en ouvrant la
porte à l'importation accrue de yogourt et de crème glacée
en provenance des États-Unis à la suite de l'abolition des tarifs
douaniers, ce qui a obligé le ministre à réviser sa
position.
Face à l'ampleur donc de l'impact de l'accord préliminaire
affectant l'agriculture, l'UPA a réagi et a exprimé ses
inquiétudes et, à la suite de pressions très fortes, le
ministre de l'Agriculture a dû alors intervenir auprès d'Ottawa,
principalement dans le but d'obtenir
l'inclusion du recours du Canada aux dispositions de l'article 11 des
accords du GATT. Cet article 11 permet à un pays de
décréter des quotas à l'importation pour protéger
certains produits. Pourtant, le 7 décembre dernier, son collègue
qui est assis à côté de lui indiquait que c'était
une référence inutile. Quoique nous aurions souhaité comme
Opposition l'exclusion du secteur agricole dans le traité de
libre-échange, on doit cependant reconnaître que l'insertion de
l'article 11 dans le texte final de l'accord du 12 décembre 1987
constitue une amélioration par rapport au contenu de la version
préliminaire. Cependant, le texte final de l'accord reconnaît au
Canada et au Québec le droit de maintenir des offices de
commercialisation dans le secteur du lait, des oeufs et de la volaille, mais
aussi celui d'en créer de nouveaux comme dans le cas de la pomme de
terre. Ces systèmes de gestion de l'offre ajustant le niveau de
production à celui de notre consommation sont un élément
fondamental de notre politique agricole.
Cependant, des inquiétudes persistent. Tout d'abord, il y a une
contradiction de la part du Canada dans l'accord qui, tout en faisant inscrire
à l'article 710 la possibilité de recourir aux dispositions de
l'article 11 du GATT, s'engage du même coup à l'article 701
à adopter la même stratégie que les États-Unis qui
réclament farouchement l'abolition de cet article 11 dans le cadre des
prochaines négociations commerciales multilatérales du GATT. Les
États-Unis ne se sont aucunement engagés dans l'accord à
ne pas établir de nouveaux droits compensatoires sur des produits
agricoles comme dans le cas du porc; pareille garantie aurait été
Importante pour le Canada au chapitre de l'accès garanti au
marché américain. Malgré l'inscription de la crème
glacée et du yogourt sur la liste des produits protégés en
vertu de l'article 11 du GATT, il faut aller plus loin en inscrivant sur cette
liste les oeufs d'incubation et les produits de volailles
transformés.
De son côté, l'abolition des tarifs douaniers sur les plats
préparés à base de volaille est susceptible de freiner
considérablement la croissance observée depuis quelques
années de nos entreprises de surtransformation de volaille.
De plus, il faut s'interroger sur le mécanisme d'attribution des
quotas supplémentaires d'importation de volailles américaines qui
seront octroyés à des entreprises canadiennes de transformation
et de surtransformation de volaille. Il ne faut pas que l'allocation de ces
quotas soit réservée seulement à quelques entreprises
canadiennes, car celles-ci bénéficieraient d'un avantage
concurrentiel marqué, en ayant accès à un volume accru et
moins coûteux de volailles américaines par rapport aux entreprises
ne s'approvisionnant qu'en fonction des possibilités de la production
domestique.
Donc, le gouvernement du Québec doit aussi s'interroger sur la
portée inquiétante de l'accord relativement à l'abolition
des tarifs douaniers prévus pour les fruits et légumes
transformés. L'abolition de ces tarifs se traduira pas des
difficultés sérieuses pour notre industrie
québécoise de la conserve comptant plus de 2500 emplois,
difficultés de concurrencer les entreprises américaines de ce
secteur bénéficiant d'avantages climatiques, d'économie
d'échelle et d'une capacité excédentaire de la
production.
Voilà pour l'essentiel des commentaires que je désirais
soumettre à cette commission à titre de porte-parole de
l'Opposition en matière d'agriculture, en réitérant notre
position en faveur de l'exclusion de l'agriculture à cet accord en
raison de son impact significatif sur les activités d'un certain nombre
de secteurs de notre agriculture que |e viens tout juste d'évoquer.
Le Président (M. Charbonneau, Verchères):
Merci, M. le député de Laviolette. Je présume que
ce sera M. Proulx.
M. Proulx: Vous présumez cela, M. le Président.
Le Président (M. Charbonneau, Verchères): Ha, ha,
ha!
Coalition québécoise d'opposition au
libre-échange
M. Jacques Proulx
M. Proulx: Alors, MM. les ministres, MM. et Mmes les
Invités, Je veux vous dire dès le départ, même si je
le dis régulièrement c'est important parce qu'il y a beaucoup de
gens qui l'oublient facilement, que mon organisme représente tous les
producteurs et productrices agricoles du Québec, c'est-à-dire 48
000 personnes, se qui fait environ 40 000 petites et moyennes entreprises au
Québec. Comme vous connaissez l'importance du secteur agro-alimentaire
au Québec qui est, et c'est avec fierté que je le dis, le secteur
économique le plus important, alors je pense que si c'est important
c'est à cause de ces hommes et de ces femmes qui, à la base,
permettent et ont permis d'augmenter considérablement nos exportations.
Personne n'ignore non plus que depuis deux ans et demi on s'oppose pour des
raisons bien spécifiques au projet qui nous est soumis à l'heure
actuelle. Je tiens à préciser encore une fois qu'on ne s'oppose
pas à une libéralisation du marché, on ne s'oppose pas
à une ouverture sur le monde, mais on s'oppose au contrat qui nous est
soumis à l'heure actuelle pour une multitude de raisons.
Une des premières raisons qu'on pourrait continuer à
utiliser, même si elle est usée, c'est que pendant fort longtemps
on nous a garanti, de part et d'autre, que l'agriculture n'était pas
incluse à l'intérieur de cela. Pourtant, on s'est
réveillé un matin avec non seulement l'agriculture qui
était incluse» mais tant le primaire que
le secondaire étaient inclus, et en entier, à
l'intérieur de ça. Je voudrais rappeler aussi qu'on nous cite en
exemple souvent les bienfaits de ce qui s'est passé en Europe et
à différents autres endroits, différents traités.
Vous me permettrez de rappeler quand même que cela a pris 30 ans à
la communauté économique avant d'inclure l'agriculture. On a fait
un exercice d'une trentaine d'années avant d'accepter l'agriculture
à l'intérieur de cela. Pourquoi fait-on cela? Ce n'est pas parce
que l'agriculture et l'agro-alimentaire sont un secteur non productif, ce n'est
pas parce que c'est un secteur qui n'est pas efficace, c'est tout le contraire.
Quand on regarde les statistiques des dernières années, on
s'aperçoit très rapidement que le secteur agricole et
agro-alimentaire a été le seul secteur dans la crise actuelle qui
a continué à augmenter son niveau d'efficacité, son niveau
de productivité. Il y a une raison: c'est que l'agriculture, de tous les
temps, est un secteur très vulnérable, même s'il est
productif, un secteur essentiel à une population, à un peuple et
c'est pour cela que la plupart ont, depuis toujours, mis tout ce qu'il est
possible de mettre en oeuvre pour le protéger justement.
Alors, c'est tout cela qui est mis en cause à l'heure actuelle.
Même si on a essayé d'établir un certain nombre de
protections autour de cela, même si on a réussi à obtenir
certaines sécurités, c'est beaucoup trop peu. Je pourrais
énumé-rer une série de secteurs qui à
l'intérieur, qu'on prenne les fruits et légumes, que ce soit
à l'état frais ou à la transformation qui, en perdant tant
les tarifs saisonniers que les tarifs normaux, vont disparaître
très rapidement parce que la percée qu'on a réussi
à faire avec ces produits-là aux États-Unis provient
justement du droit d'établir des tarifs saisonniers, chose qui va
disparaître graduellement au cours des années. On reconnaît
aussi, et même des partisans du libre-échange le reconnaissent
très bien, que tout le secteur de la plume, volaille et oeufs est en
très grand danger à l'heure actuelle pour une raison assez simple
et qu'on connaît. La production américaine, on sait dans quelles
conditions ils la font. Le pire dans cela, c'est tout le secteur de ces
produits-là, le secteur de surtransformation qui est un secteur en
pleine progression, qui est un secteur d'avenir justement devant les
changements de nos habitudes alimentaires et qui, on le sait tous, aux
États-Unis a plusieurs longueurs d'avance sur nous et surtout a une
capacité incroyable et qui va nous inonder très rapidement au fur
et à mesure que les tarifs vont disparaître. Même les
produits, même les secteurs agricoles qui ont été
protégés jusqu'à un certain... en tout cas, qui ont
réussi à avoir une certaine production, on est revenu souvent sur
l'article 11 qui s'applique dans le cas de la production laitière,
restent très vulnérables parce que, comme je l'ai souligné
un peu ce matin, l'article 11, les protections qu'on a réussi à
obtenir proviennent d'une autre négociation qui se produit ailleurs
à l'heure actuelle et tant et aussi longtemps qu'on ne connaîtra
pas les résultats, on ne peut pas considérer cela comme une
sécurité.
Alors, M. le Président, en terminant, je vous dirai qu'il ne faut
pas oublier non plus que les États-Unis ont une surproduction
énorme. Ils n'ont pas besoin de nos produits à l'heure actuelle.
Je ne pense pas et je continue à dire que l'accès garanti au
marché américain continue d'être de la foutaise. (18 h
15)
Le Président (M. Charbonneau, Verchères): Merci M.
Proulx. Je vais maintenant céder la parole à M. Roger Pelletier
du regroupement pour le libre-échange qui est de la Coopérative
fédérée. M. Pelletier.
Regroupement pour le libre-échange M. A. Roger
Pelletier
M. Pelletier (A. Roger): M. le Président, Mmes, MM. les
membres de la commission. Si je me présente c'est que pour plusieurs je
suis peut-être un inconnu. Je demeure à
Sainte-Anne-de-la-Pocatière, je suis un producteur de lait. Il faut
être producteur agricole, comme à l'UPA, pour être à
la haute direction.
Notre organisme aurait souhaité pouvoir présenter une
position plus nuancée que nous devons le faire, compte tenu des
règles du jeu établies pour cette commission parlementaire. Les
particularités de l'industrie agro-alimentaire et le chaos qui
règne actuellement sur le marché mondial de ces produits rendent
difficile un jugement sans nuance sur l'accord canado-américain de
libre-échange pour notre industrie. Nous sommes, par contre, pleinement
conscients de l'importance du débouché que représente le
marché américain pour nos produits. Près des deux tiers
des exportations des produits agricoles et alimentaires chargés au
Québec étaient destinés au marché américain,
en 1986. Nos exportations vers les États-Unis, actuellement,
s'élèvent à 809 000 000 $ et comprenaient principalement
des viandes, des fruits de mer, des boissons, des produits de l'érable
et des aliments du bétail. Demain, les frontières
économiques seront plus ouvertes qu'elles ne le sont aujourd'hui. Nous
devons nous préparer à faire face à cette
réalité, dans l'industrie agro-alimentaire comme ailleurs. Par
conséquent, nous ne pouvions que souscrire d'emblée à
l'objectif que poursuivait le gouvernement canadien dans cette
négociation, à savoir sécuriser notre accès au
marché américain.
Cette entente ne règlera pas tous les problèmes
d'accès pour nos produits au marché américain. Les
Américains pourront continuer d'imposer contre nos produits des tarifs
compensatoires et "anti-dumping". Elle comporte cependant des points positifs
pour notre industrie. L'exemption mutuelle de la loi d'importation des
viandes et l'élimination à cinq ans des clauses pour
recouvrer les frais d'opération des postes douaniers en font partie. Le
mécanisme permettant d'en appeler des décisions des tribunaux
commerciaux aux impôts et tarifs compensatoires et "anti-dumping" est une
mesure positive. Cependant, son pouvoir se limite à examiner si le
tribunal commercial, dont la décision est contestée, a
respecté les règles de procédure et a agi dans les limites
de son mandat. Les quotas d'importation et de production qui sont les
fondements même du sytème de gestion de l'offre dans les secteurs
laitiers et avicoles, sont maintenus puisque les pouvoirs dévolus en
vertu de l'article 11 du GATT peuvent continuer de s'exercer.
Également, rien dans cette entente ne remet en cause les
principales politiques canadiennes et québécoises, tels le
crédit et les assurances agricoles, les contrôles des produits
substituts par les provinces dans le secteur laitier. Mais, l'abolition
généralisée des tarifs douaniers constitue une menace pour
certains secteurs de l'industrie agro-alimentaire. L'accroissement du volume
des quotas d'importation dans le secteur avicole sera dommageable dans ce
secteur. Notre environnement naturel et socio-économique impose à
notre industrie agro-alimentaire de sévères contraintes. Parmi
celles-ci, le climat n'est pas le moindre des obstacles que nous ayons à
vaincre. Cependant, nous possédons également d'importants atouts.
Le savoir-faire de nos producteurs et de nos transformateurs, notre
localisation sur la voie maritime du Saint-Laurent, notre proximité du
marché américain en sont des exemples. Il ne faut pas
interpréter les remarques que nous formulons face à l'entente
commerciale canado-américaine comme une volonté de repli sur soi.
L'industrie agro-alimentaire québécoise peut
compétitionner sur les marchés mondiaux quand les règles
du jeu sont équitables comme le démontrent, pour ne prendre que
ces exemples, notre industrie porcine, nos bovins laitiers, notre industrie
acéricole, plusieurs secteurs de notre industrie horticole et la
production forestière issue de nos boisés privés.
Nos observations visent à identifier, pour les autorités
fédérales, les gestes qu'elles peuvent poser sans remettre en
cause l'entente commerciale pour que notre industrie agroalimentaire
bénéficie pleinement de ce traité. En décembre,
nous demandions au gouvernement fédéral d'ajouter le yogourt et
la crème glacée à la liste des produits d'importation
contrôlées, en vertu de l'article 11 du GATT. Ce fut fait en
janvier. Nous lui demandons de faire de même pour les plats
cuisinés à base de volaille. Nous avions exprimé certaines
inquiétudes relativement au contenu de la politique qui remplacerait
celle du double prix pour le blé de consommation humaine. Les mesures de
remplacement annoncées par le gouvernement fédéral nous
semblent acceptables.
Il reste à régler la question de l'allocation des quotas
d'importation de la chair de volaille et la mise en place de mesures de
transition pour les secteurs horticoles qui seraient négativement
affectés pat l'entente. Beaucoup reste à faire pour assainir le
marché mondial des produits agro-alimentaires. Mais cette entente
représente un pas dans la bonne direction et nous le croyons. Merci.
Discussion générale
Le Président (M. Charbonneau,
Verchères):
Merci, M. Pelletier. Nous allons maintenant aborder la discussion
générale. M. le député de Laviolette.
M. Jolivet: Merci, M. le Président. Ma première
question s'adresse à l'un ou l'autre des ministres qui voudra y
répondre. Elle concerne la contradiction qui semble exister entre, d'une
part, la volonté du Canada de recourir aux dispositions de l'article 11
du GATT en le faisant inscrire, comme on l'a vu, de façon implicite
à l'article 710 de l'accord alors que d'un autre côté, le
Canada s'engage, en vertu de l'article 701, à adopter la même
stratégie que celle que les États-Unis adopteront dans le cadre
des prochaines négociations commerciales multilatérales du GATT,
où les Américains veulent tout mettre en oeuvre pour faire
disparaître l'article 11. Quel ministre peut me donner une réponse
à cette contradiction?
Le Président (M. Charbonneau, Verchères):
M. le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de
l'Alimentation.
M. Pagé: J'apprécie la question de M. le
député. Ce qui demeure important, c'est que cette entente
permette au Canada et par conséquent au Québec, de maintenir les
interventions qu'on a bâties chez nous. Par exemple, les plans de
contingentement par les agences nationales de commercialisation, les
producteurs canadiens et québécois se sont disciplinés. On
se rappelle le temps où on devait jeter du lait. Cela a impliqué
des inquiétudes, des distorsions. On se demandait où on s'en
allait avec cela. Sauf qu'aujourd'hui, il faut reconnaître que la mise en
place de ces systèmes aura contribué de façon efficace
à bâtir une agriculture plus dynamique et plus prospère.
Cela a toujours été la position du gouvernement du
Québec.
Le maintien de nos agences de commercialisation donc, cela implique
évidemment des limites aux importations des autres produits, toujours
sous quotas. D'ailleurs, on voit que dans certaines productions, par exemple
dans le poulet, les quotas d'importations qui seront autorisés se
réfèrent à la moyenne des cinq dernières
années et sont généralement en-deçà de ce
qu'ils étaient dans les deux dernières années.
Le maintien d'une protection pour notre
agriculture pour que, demain matin, elle ne soit pas complètement
déstabilisée. Le maintien aussi de régimes qu'on s'est
donné où les producteurs, entre autres les producteurs du
Québec, contribuent avec le gouvernement du Québec par des
régimes d'assurance-stabilisation des revenus. Nous croyons que ces
régimes sont plus utiles et nous permettent d'atteindre davantage la
cible d'une stabilité en agriculture que des subventions ad hoc qui sont
versées par les gouvernements, et ça on pourrait y
référer longuement. Quand on voit les déclarations faites
par certains chefs de pays industrialisés de diminuer le
subventionnement mais, en même temps, de verser 30 000 000 000 $ ou 35
000 000 000 $ pour aider les producteurs de céréales, on doit
constater et retenir que nos régimes d'assurance-stabilisation vont
contribuer à maintenir cette stabilité.
On pourrait référer aussi à notre financement qui
est différent. Ce n'est pas du financement ad hoc. Ce n'est pas du
financement en cas de crise. Ce sont des programmes normés, ouverts et
accessibles à tous les producteurs. C'était clair dans l'Accord
de libre-échange, à la suite des négociations du
Québec et des échanges avec les représentants canadiens,
que ces dispositions allaient être maintenues.
Cependant, il fallait s'assurer qu'on ne puisse pas faire indirectement
ce qu'on ne voulait pas faire directement. C'est pourquoi le Québec a
insisté pour maintenir, et que ce soit spécifié dans
l'accord, le droit de recourir aux dispositions de l'article 11 des accords du
GATT avec, évidemment, la reconnaissance. On doit convenir que c'est
bien de l'avoir dans l'accord, mais encore faudra-t-il que le gouvernement
fédéral ait la volonté politique de s'en prévaloir.
Il l'a énoncé pour la crème glacée et le yogourt.
Il reste toute la problématique des oeufs d'incubation, des produits
transformés de la volaille, mais tout cela pourra venir
éventuellement. Mais je vais vous dire ceci - je vais être
très clair et je sais que c'est une préoccupation de nos bons
amis de l'Union des producteurs agricoles et particulièrement de M.
Proulx - je conclus là-dessus, c'est qu'en parallèle à cet
accord, il y a les négociations multilatérales. Nous serons
là. Le Québec, par notre responsabilité de juridiction
partagée, aura une position aussi claire, avec le même objectif,
en ce qui concerne la position canadienne, dans les accords du GATT.
Le Président (M. Charbonneau, Verchères):
Une additionnelle.
M. Jolivet: Oui.
Le Président (M. Charbonneau, Verchères):
Je pense que M. le ministre du Commerce extérieur pourrait
répondre.
M. Jolivet: Oui, justement le ministre du Commerce
extérieur avait dit que l'article 11 était inutile, en
réponse à des questions qu'on posait en Chambre. Il a dit que
c'était inutile. Dans un contexte où justement le but des
États-Unis est de faire disparaître l'article 11, comment
allez-vous pouvoir permettre les dires que vous avez aujourd'hui si dans x
années c'est disparu? C'est le ministre du Commerce extérieur qui
pourrait y répondre parce que, effectivement, c'est lui qui a dit
à l'Assemblée nationale que l'article 11 était
inutile.
Le Président (M. Charbonneau, Verchères):
M. le ministre du Commerce extérieur.
M. MacDonald: Eh bien, d'abord, pour ce que j'avais dit
relativement à l'article 11, l'entente bilatérale devait se faire
dans le contexte du respect de ce qu'était le GATT. L'article 11
continuait, il n'était pas question, par l'absence de l'article 11, de
faire disparaître ses avantages ou son respect.
Un bon ami, M. Dozois, l'ancien ministre des Finances, me disait, quand
je travaillais avec lui à Hydro-Québec: Trop fort casse pas. Dans
les circonstances et vis-à-vis des représentations qui
étaient faites, "trop fort casse pas", et j'étais parfaitement
d'accord sur les efforts qu'a faits mon collègue pour le faire
insérer et on l'a eu.
Si vous pouviez me permettre...
M. Pagé: Je présume que le député est
satisfait qu'on l'ait eu.
Le Président (M. Charbonneau, Verchères):
N'ouvrez pas de discussions, là!
M. Jolivet: "Trop fort casse pas", c'est un principe que je
connais.
M. MacDonald: Et vous êtes d'accord avec cela. Par contre,
j'aimerais souligner, M. le Président - parce que je devrai quitter -
que l'on a gardé le discours aujourd'hui et qu'on a été
capable de discuter sur des sujets. Je me rappelle, tantôt, lorsque M.
Laberge mettait en cause la capacité exécutoire du tribunal
supranational, on ne s'entendait pas sur les termes, on ne savait pas ce que
c'était; on s'est entendu. M. Larose a posé une question sur
l'article 904 et je crois qu'il a reçu réponse et, en plus de
cela, je lui ai dit qu'il recevrait réponse par écrit.
Dans ce même contexte-là de pouvoir vivre avec la
vérité, M. le président de l'UPA a fait certaines
affirmations que je ne peux accepter ou laisser passer sans explication. Il a
dit, par exemple: L'agriculture, marché commun européen, exclu.
Mais la raison d'être même - on reprendra le texte, on
représentera le texte de ce que vous avez dit - d'avoir amené les
pays européens à former un marché commun était, au
départ, la volonté d'avoir une certaine politique agricole
commune. Il a dit: On est menacé par des inondations de productions
américaines qui ont une plus grande capacité. Quoi? Dans les
domai-
es contingentés où on fait passer les pourcentages
à 1 % de plus de ce qu'a été le quota
précédent, mais qui est inférieur à ce qu'a
été la réalité. Dans le milieu d'une
réalité agricole extraordinaire au Québec, c'était
un des succès; on se vante, on se pète de la broue en masse sur
les succès de certaines de nos industries de haute technologie qui ont
percé les marchés étrangers. Regardez les chiffres
d'exportations agricoles du Québec au cours des derniers cinq ans et
c'est une victoire extraordinaire de capacité d'exporter plus que ce
qu'on importe et on a conservé les barrières et les
contingentements.
On a parlé d'Américains qui n'ont pas besoin de nos
produits et je répète les paroles. Je pense que je viens de
donner une explication où non seulement ils semblent avoir besoin de nos
produits, mais ils les aiment, tant qu'à la qualité et aux prix.
Finalement, on dit et j'ai entendu: L'accès garanti, c'est une foutaise.
L'accès garanti comme tel, sans aucune condition, sans aucune balise, je
suis totalement d'accord avec M. Proulx, c'est de la foutaise. Par contre, les
protections additionnelles qui ont été acquises, prenons
strictement et purement les producteurs de porc et l'épée de
Damoclès qui leur pendait sur la tête et la situation qui pourrait
être celle de maintenant, dans un contexte de l'entente. Eh bien! C'est
une maudite amélioration.
Je suis d'accord, pour employer un terme qui a été dit
ici, que ce n'est pas la panacée. Ce n'est pas tout ce qu'on voulait,
mais je voudrais, surtout dans le domaine de l'agriculture qui est si important
dans tout ceci, qu'on regarde les faits comme ils sont. Peut-être qu'il
aurait avantage, à l'occasion, d'adresser certaines questions à
des experts qui donneraient des réalités et non pas des
impressions.
Le Président (M. Charbonneau, Verchères):
M. Proulx.
M. Proulx: J'ai peut-être mal articulé, je m'excuse
si le ministre des Affaires extérieures n'a pas compris. J'ai dit que
cela avait pris 30 ans... (18 h 30)
Le Président (M. Charbonneau, Verchères): II n'est
pas encore ministre des Affaires extérieures, H est ministre du Commerce
extérieur.
M. Proulx: C'est un choix qu'il fait. Cela pourrait arriver, je
pense que vous feriez un bon travail dans ce sens-là.
Je voudrais vous dire que j'ai dit que la Communauté
économique européenne avait prison s'est donné 30 ans pour
inclure l'agriculture et même un peu plus de 30 ans, parce qu'on va finir
en 1992, M. le ministre. Alors on est loin de dire qu'on ne voulait pas inclure
l'agriculture, seulement, nous autres, on veut que tout soit fini dans 10 ans,
à quelques exceptions près.
C'est une différence très importante.
Quand vous dites que les quotas ont augmenté mais tellement peu
qu'ils sont encore en bas de ce qu'ils ont déjà
été, effectivement, dans certaines productions, ils pouvaient
varier de 0 à x %, c'est bien sûr. Aujourd'hui on les a
fixés, c'est cela qui est le grave danger, c'est d'autant plus dangereux
qu'on établit très clairement qu'ils ne seront jamais en
deçà de ce qu'ils sont actuellement besoin ou pas besoin et qui,
continuellement, vont profiter des augmentations et des efforts qui sont faits
par les producteurs pour augmenter la consommation et on va être
obligés de la partager avec un pays qui n'aura pas nécessairement
fait des efforts pour, justement. Et je vous dirai en plus, face à cela,
que vous devriez prendre le document que votre collègue le ministre de
l'Agriculture a préparé, une question d'équité,
où justement il entre un peu en contradiction avec ce que vous venez de
dire par rapport aux quotas. Je pense que c'est une question très
importante, la question des quotas. Et même si à certains endroits
il y a eu une légère augmentation, cela peut paraître
minime au départ, je vous l'accorde, quelques millions de dollars pour
les producteurs, je vous l'accorde, le problème c'est qu'on prend une
habitude et qu'on ne sera pas capable de revenir là-dessus. C'est
là qu'est le danger, M. le ministre, c'est là qu'est le
danger.
Le Président (M. Charbonneau, Verchères): Alors,
est-ce que vous avez une réplique à donner, M. MacDonald.
M. MacDonald: Non, non. Je suis content par contre de la
façon avec laquelle on aborde cela, et j'ai l'impression que lorsque ce
volet-là de l'agriculture va se terminer, on aura probablement encore
avancé comme on l'a fait dans les autres.
Le Président (M. Charbonneau, Verchères): M.
Loubier, de l'UPA.
M. Loubier (Yvon): Peut-être pour compléter
l'intervention de M. Proulx sur la question, par exemple, de la gestion des
approvisionnements dans le secteur de la volaille et des oeufs. Vous savez
qu'actuellement on prévoit, sur une période de dix ans, abolir
les tarifs douaniers qui sont chiffrés à 17.5 % à l'heure
actuelle. Et ces tarifs douaniers on les abolit sur les produits
surtransformés de la volaille. Et c'est la seule protection que ces
produits-là ont, les produits surtransformés, je peux vous donner
quelques exemples: poulet à la Kiev, Cordon bleu, mets
préparés surgelés ou emballés sous vide, etc...
C'est la seule protection que ces produits-là ont actuellement. Ils ne
sont pas soumis à des contingents d'importation comme c'est le cas pour
les autres produits de base et transformés, dans le cas de la volaille
et des oeufs, et c'est par le truchement de cette abolition tarifaire dans les
pro-
duits surtransformés que vous allez en arriver, à un
moment donné, à jeter complètement à terre la
gestion des approvisionnements dans le secteur de la volaille. Je vais juste
vous donner un exemple des petites tendances récentes. Aux
États-Unis, il y a une quinzaine d'années, environ 80 % du poulet
était consommé sous forme brute, alors qu'actuellement, vous avez
environ 20 % de ce poulet-là qui est consommé de façon
brute, le reste est soit transformé ou surtransformé. La tendance
est nette depuis les quatre ou cinq dernières années du
côté canadien. Il y a même des spécialistes qui font
des prévisions sur le marché de la surtransformation; dans dix ou
quinze ans, ils disent, sans avoir peur de faire rire d'eux, que ce
marché-là va s'accaparer environ 30 % à 50 % de la
consommation totale de poulet. Qu'est-ce que cela veut dire 30 % à 50 %
de la consommation totale de poulet dans le secteur où il y a une
gestion des approvisionnements? Si on abolit les tarifs et si on ne met pas ces
produits-là sur la liste des produits contingentés à
l'importation, cela veut dire que l'on vient de faire sauter la gestion des
approvisionnements, parce que cela ne peut tenir un système où
vous avez de 30 % à 50 % de produits qui entrent librement et le reste
qui est contingente, c'est un non-sens. On a parlé du climat, tout
à l'heure, M. Pelletier l'a mentionné, M. Pagé l'a
mentionné aussi, le climat n'est pas un moindre facteur quand vous
regardez dans le secteur de la volaille. Il existait une industrie de la
volaille dans le nord-est des États-Unis, il n'y a pas tellement
longtemps, et il n'y en a plus actuellement, au profit du centre-sud et du sud
des États-Unis. Nous on est un peu plus au nord. Ce
raisonnement-là du climat peut s'appliquer aussi dans le secteur des
fruits et légumes frais et transformés. Je veux juste vous donner
un exemple de ce que peut faire le climat. Le rendement à l'hectare dans
la pomme de terre est de 7 tonnes en moyenne au Canada contre un rendement de
25 tonnes à l'hectare dans l'État de Washington. Si vous
êtes une entreprise de transformation de la pomme de terre, où
allez-vous situer votre entreprise de transformation? Sûrement pas ici.
Le rendement à l'hectare pour la tomate est de 18 tonnes en moyenne
contre 25 tonnes au Michigan et 35 tonnes aussi en Californie et deux
récoltes par année. On pourrait multiplier les exemples à
l'infini. Donc, le climat n'est pas un moindre problème, c'est un
sérieux problème.
Le Président (M. Charbonneau, Verchères):
M. le ministre.
M. Pagé: Globalement, je retiens de la position
adoptée et du commentaire du représentant de l'UPA cet
après-midi qu'il s'agit d'un autre témoignage très
éloquent. L'Union des producteurs agricoles a dit par la voix de son
président: Nous avons des inquiétudes à l'égard de
cet accord. On ne voit aucun effet à court terme. Nous craignons pour le
futur. Le représentant qui vient d'intervenir, M. Loubier, nous dit: On
prévoit une consommation de poulets transformés pouvant aller de
30 % à 50 %. Elle est de 3 % actuellement, premièrement.
Deuxièmement, il faut bien convenir que ces importations de produits
transformés provenant des États-Unis pourront toujours faire
l'objet de limitations par des recours à d'autres dispositions,
notamment à l'article 11 de l'accord du GATT. Il faut quand même
mettre cela en relief. Vous parlez aussi des tomates. C'est le cas que les
tomates est un secteur qui va être particulier. Mais, vous ne vous
référez pas au fait que nos tarifs saisonniers seront maintenus
pour nos productions saisonnières avec une mécanique, bien oui,
avec une mécanique, monsieur, qui permet... On a eu de nombreux
échanges. Vous dites qu'il n'y en n'a pas, nous disons qu'il y en a un,
un mécanisme qui nous permettra de régulariser et de
protéger, par exemple, nos fraises, leur donner une protection
adéquate entre le 15 juin et le 15 juillet.
Vous ne parlez pas évidemment de la production du porc. Je
termine là-dessus, M. le Président. On produit 160 % de notre
consommation. On produit un porc de qualité - la productivité, la
qualité du produit - un porc qui est beaucoup moins gras qu'ailleurs. On
a atteint un niveau de performance exceptionnelle. Évidemment, on en
produit plus qu'on en consomme; donc, il faut l'exporter. Le principal
marché pour le porc, c'est 235 000 000 $ par année-Une voix:
C'est 275 000 000 $.
M. Pagé: ...c'est 275 000 000 $ par année qu'on
vend aux États-Unis. Le ministre de l'Agriculture que je suis se faisait
dire samedi dernier par une grande chaîne: On devra cette année
importer 50 containers de porcs. Qu'est-ce que cela veut dire? Cela veut dire,
50 x 500, c'est 25 000 porcs qu'on devra importer du Danemark. Pourquoi? Parce
que notre produit est bien reçu sur les marchés extérieurs
et notamment sur le marché américain. Vous le savez pertinemment,
on le sait et il faut se le dire, que ce qui nous a placé dans une
position intéressante, c'est qu'il n'y a pas eu de droits compensatoires
exigés à l'égard des porcs en carcasse. La mesure de
Washington s'est appliquée aux porcs vivants, affectant davantage
l'Ontario. Mais tout le monde sait pertinemment que n'eût
été l'initiation de cet échange et de l'accord, le porc du
Québec aurait été affecté par l'exigence de tels
droits compensatoires.
Le Président (M. Charbonneau, Verchères):
M. Loubier.
M. Loubier: J'aimerais apporter une petite correction aux propos
de M. Pagé sur la question des produits surtransformés de la
volaille. Ils ne font pas partie des contingents d'importation.
Donc, ils ne sont pas soumis à l'article 11 à l'heure
actuelle. Ils font partie de la gamme de produits qui sont
protégés par des tarifs douaniers de 17 %. C'est la
première correction que je voulais vous apporter. Vous le savez comme
moi. Vous avez fait des représentations auprès du
fédéral pour mettre, sur la liste des produits
contingentés, ces produits de la volaille. Vous avez essuyé un
refus.
Deuxième aspect, la question des tarifs...
M. Pagé: Vous permettrez...
Le Président (M. Charbonneau, Verchères):
Un instant, M. le ministre.
M. Loubier: C'était une additionnelle, s'il vous
plaît.
Le Président (M. Charbonneau, Verchères):
M. le ministre, un instant.
M. Loubier: Sur la question des tarifs saisonniers dans les
fruits et légumes frais, il faut être clair là-dessus. On
nous remâche toujours la même chose. Il faut être clair
là-dessus. Ces tarifs douaniers vont disparaître sur une
période de dix ans. Ce n'est qu'après, lorsqu'on va s'apercevoir
que les producteurs maraîchers dans le secteur frais, dans les segments
frais, s'ils ont à subir une dépréciation des prix sur
leur propre marché, qu'on se réserve le droit, sur une
période de 20 ans, de rétablir les tarifs NPF,
c'est-à-dire prévus par le GATT, de les remettre en place. Mais,
connaissant la tendance des tarifs NPF à l'heure actuelle, ils vont
être soit réduits très fortement ou équivalents
à zéro dans dix ans. Ce qui fait que ce n'est pas une protection.
Si on avait parlé de contingent, cela aurait été un peu
différent. J'aimerais aussi demander à M. Pagé et à
M. Pelletier en même temps: Quelle assurance avez-vous dans l'entente
bilatérale que les politiques et les programmes appliqués au
Québec vont être protégés, en vertu du processus
d'harmonisation prévu au cours des cinq ou sept prochaines années
et en vertu surtout du projet de loi C-130 qui a été
déposé à la Chambre des communes il y a deux semaines? Les
articles 6 et 9, l'article 6 surtout avec une portée plus
générale, chapeauté d'une juridiction
fédérale exclusive en matière de commerce, donnent pleins
pouvoirs au gouvernement fédéral pour contrecarrer les programmes
provinciaux et pour faire ce que le gouvernement fédéral essaie
depuis quinze ans, c'est-à-dire faire reculer le Québec sur les
programmes agricoles spécifiquement québécois comme
l'assurance-stabilisation des revenus et le crédit agricole. Cela lui
donne tous les éléments constitutionnels pour le faire. Je vous
pose la question.
Le Président (M. Charbonneau, Verchères):
M. Pagé, rapidement. M. le ministre.
M. Pagé: Comment pouvez-vous conclure que la disposition
de la loi fédérale actuelle vient changer la constitution?
L'agriculture demeurera une juridiction partagée. Vis-à-vis de
l'agriculture au Québec, le gouvernement du Québec aura toujours
ses responsabilités. C'est à partir de ces responsabilités
qu'il a prises dans le passé qu'on a bâti une agriculture aussi
progressive, efficace et rentable dans certaines productions, dans la
majorité des productions. Notre interprétation est tout à
fait différente. Vous y voyez l'interprétation d'une modification
à la constitution, vous y voyez une situation où la juridiction
ne serait plus partagée. Je vous dis: Un instant, on est habitue
à se défendre au Québec, nous autres. On va continuer
à se défendre. Notre juridiction va être partagée.
Vous faisiez mention tout à l'heure, vous disiez qu'on avait
essuyé un refus concernant notre demande de protéger les
entrées de produits transformés du poulet. Vous savez
pertinemment que la question devrait être répondue positivement
par le gouvernement fédéral peu de temps après les
élections américaines. C'est ce qu'on s'est fait dire et c'est ce
que vous vous êtes fait dire à part cela.
Vous allez permettre, M. le Président, à M. Lavoie
d'ajouter à la question de l'assistance.
Le Président (M. Charbonneau, Verchères):
Bon. Rapidement. Je vous indique que j'ai encore trois intervenants. Le
temps file rapidement. Alors, rapidement, M. Lavoie.
M. Lavoie (Jean-Yves): Seulement un petit complément
d'information sur la possibilité d'ajouter à la liste des
produits d'importation contrôlée les produits
surtransformés. C'est vrai que dans l'accord, dans la situation
actuelle, ces produits ne sont pas sur la liste. On a demandé que si, un
jour, il y a entrée de produits américains, on utilise notre
droit de les ajouter à la liste, tel que prévu à l'article
11. J'ai bien dit "s'il devait entrer des produits américains". Imposer
un quota, en vertu de l'article 11, cela veut d'abord dire qu'il y a eu
entrée de produits, que cette entrée est suffisamment massive
pour causer un préjudice, pour entraîner une menace à
l'industrie d'ici. Dans le cas des produits surtransformés, de
mémoire, le chiffre des importations américaines était de
40 tonnes. C'est un chiffre dérisoire. Mais, on ne peut pas demander
d'imposer un quota pour se protéger contre un danger qui n'existe pas,
qui est inexistant. Mais, si jamais cela devait arriver, on a
complètement le droit, en vertu de l'accord actuel, en vertu de
l'article 11, de les ajouter à la liste.
Le Président (M. Charbonneau, Verchères):
Une brève réplique de l'UPA. M. Loubier.
M. Loubier: Je voulais tout simplement
revenir aux propos de M. Pagé. Constitutionnel-lement parlant,
c'est vrai que l'agriculture est une juridiction partagée entre le
gouvernement fédéral et les provinces. Mais, vous lirez aussi le
dernier paragraphe de ce partage. C'est qu'en cas de désaccord entre la
politique nationale et les mesures provinciales, c'est le gouvernement
fédéral qui a le dernier mot, et vous venez le renforcer avec un
accord commercial de juridiction exclusivement fédérale. Vous
venez de renforcer ce problème. C'est tout ce que j'avais à dire
là-dessus.
M. Pagé: J'ajouterai très brièvement qu'on a
confiance en nos moyens; on a confiance au Québec et on a confiance en
la force du Québec.
Le Président (M. Charbonneau,
Verchères):
Alors, il me reste maintenant le député de
Laviolette, M. Daoust de la FTQ et M. Dumais.
Alors, rapidement, M. le député de Laviolette.
M. Jolivet: Ce n'est pas sur le même sujet. Moi, c'est sur
un autre sujet.
Le Président (M. Charbonneau, Verchères):
Est-ce que c'est sur le même sujet, M. Dumais?
M. Dumais (Mario): Oui.
(18 h 45)
Le Président (M. Charbonneau, Verchères): Alors,
allez-y donc tout de suite.
M. Dumais: C'est pour apporter une précision a propos du
poulet transformé. M. Loubier nous a cité un chiffre en disant,
que, aux États-Unis à telle époque, on consommait tant de
poulet brut et tant de poulet transformé et ultérieurement, on
est rendu à tel chiffre. Mais, il ne faut pas oublier une chose, c'est
que lorsqu'on parle de poulet transformé et surtransformé, il y a
beaucoup de choses là-dedans. La catégorie de produits qui est en
augmentation, pour ce qui est de la consommation la plus importante, ce sont
les croquettes de poulet qu'on retrouve dans les restaurants de consommation
rapide et ils sont, à l'heure actuelle, sur la liste des importations
contrôlées. Quant aux produits surtransformés, nous sommes
d'accord pour les ajouter aussi.
Le Président (M. Charbonneau, Verchères):
Merci, monsieur. Une réplique.
M. Proulx: On est tous d'accord pour les ajouter à la
liste, sauf que vous n'avez pas de pouvoir et moi non plus pour les ajouter. Il
ne faudrait quand même pas charrier sur cela. C'est le gouvernement qui
va avoir le pouvoir. Loin de se donner les pouvoirs de le rajouter, par la Loi
130, on vient amoindrir les points qu'on possède.
Ce n'est pas une question de volonté, c'est une question d'un
gouvernement supérieur qui a le droit d'adopter des lois. On va avoir
d'ailleurs l'occasion demain d'en parler plus spécifiquement dans un des
secteurs, mais il reste que c'est une réalité. Ce n'est pas un
manque de confiance envers qui que ce soit. C'est la question qu'un
gouvernement supérieur, qui se donne des pouvoirs par cette loi, de
pouvoir minimiser nos chances qu'on a de partager.
Je veux seulement revenir sur la question...
Le Président (M. Charbonneau, Verchères):
M. Proulx, on va déborder. Je vous ai laissé donner une
réplique sur le sujet dont on vient de parler. Pour être
honnête avec ceux qui...
M. Jolivet: Je permettrais qu'il y aille de sa question.
Le Président (M. Charbonneau, Verchères):
Vous acceptez de céder votre droit de parole. Très bien.
M. Proulx.
M. Jolivet: Pas nécessairement lui céder, mais lui
donner la chance de...
Le Président (M. Charbonneau, Verchères):
Oui, mais je ne peux plus. On peut filer jusqu'à minuit,
seulement sur l'agriculture. Si vous lui cédez votre droit de parole, je
vais le reconnaître, mais après cela, j'aurai M. Daoust de la FTQ
et cela va être tout.
M. Proulx: Une chose. On permet de contingenter dans certains
produits, mais on ne détermine pas le niveau. Je vais revenir sur
l'article 11 du GATT. Encore là, on va nous dire: Vous êtes des
peureux. Mais les négociations ont lieu à l'heure actuelle au
GATT. On connaît très bien la position américaine et
très bien la position canadienne, parce qu'elle était facile
à connaître. Ils ont appuyé la position américaine,
qui elle justement demande très clairement l'abolition, non seulement de
l'article 11, mais de plusieurs autres mesures, mais en particulier de
l'article 11. Quelle sera notre position advenant que cela disparaisse? Toute
notre protection, le peu de protection qu'on a obtenu à
l'intérieur de cela, repose là-dessus. Qu'est-ce qui va arriver
si cela disparaît? Est-ce qu'on va continuer à appuyer? Cela va
être fait. On va déjà être dans le rouleau
compresseur.
Le Président (M. Charbonneau, Verchères): M. le
ministre, rapidement.
M. Pagé: M. le Président, j'ai indiqué
très clairement au nom du gouvernement, la position suivante. Notre
approche à l'égard de l'entente sur le libre-échange a
été de sécuriser nos acquis en exigeant, en maintenant,
comme représentation, que le gouvernement canadien
devait s'assurer que nos structures soient maintenues. Nos
régimes d'assurance-stabilisation sont maintenus, nos agences nationales
de commercialisation sont maintenues, le droit de recours à l'article 11
a été ajouté, et nous sommes conscients que ce qui a
été recherché et obtenu par cet accord ne doit pas faire
l'objet d'un positionnement différent dans le cadre de la
négociation des accords multilatéraux. C'est dans ce sens que va
la position du Québec, c'est-à-dire qu'on ne vienne pas faire,
par le biais de la position canadienne à cette négociation du
GATT, le contraire de ce qu'on a recherché, de ce qu'on a obtenu,
puisqu'il nous sécurise de façon positive dans l'Accord de
libre-échange.
Le Président (M. Charbonneau, Verchères):
Rapidement, M. Daoust. Cela sera la dernière avant les remarques
des parlementaires.
M. Daoust (Fernand): C'est un peu une question et un très
bref commentaire. Il nous arrive de temps à autre de lire des
témoignages de gens extrêmement autorisés dans tel ou tel
secteur. J'en ai un et je vais vous le lire. C'est dans le secteur de la
transformation des produits agro-alimentaires. Cela été
publié dans Business Week, un article sur le libre-échange
qui est tout récent. Je vais vous le traduire. Sans les tarifs, le
Canada perdrait la presque totalité de son industrie de transformation
des produits alimentaires au profit des États-Unis. Celui qui dit cela
s'appelle David R. Beatty. Il n'est rien de moins que le président de
Weston Foods Limited, une des compagnies canadiennes dans le secteur
agro-alimentaire les plus importantes. Il poursuit en disant: Pour contrecarrer
la puissance de géants comme Heinz - et là, on voit tous les
produits de Heinz qui nous viennent à l'idée - et Nabisco inc, M.
Beatty indique qu'il faudrait que le gouvernement canadien traite les
compagnies qui sont dans ce secteur - il y a des centaines et des milliers
d'emplois dans ce secteur - comme des trésors nationaux. Ma traduction
n'est peut-être pas adéquate, "national treasures". Voilà,
encore une fois, un témoignage autorisé et cela nous rend
sceptique. C'est bien beau d'entendre tous les témoignages sur les
retombées positives de toutes sortes mais, j'aimerais bien
connaître vos commentaires là-dessus. Ce n'est pas le moindre des
secteurs, soit dit en passant, à moins que ce type soit
complètement incompétent. Il nous le dit carrément: Vous
allez être balayé au Canada. On va être balayé dans
le secteur agro-alimentaire.
Le Président (M. Charbonneau, Verchères):
Je pense, en fait, que la question est assez claire. M. Dumais, vous
voulez y répondre?
M. Dumais: M. Beatty devrait nous dire comment on va
disparaître dans le porc, étant donné qu'il n'y en a pas de
tarif, qu'on est là et qu'on exporte. Alors, il dit...
Une voix:...
M. Dumais: Non, non. Il dit que l'ensemble de l'industrie
agro-alimentaire va disparaître. C'est le genre d'affirmation à
l'emporte-pièce qui ne repose sur aucun fondement et qu'on
n'arrête pas d'entendre dans ce dossier. Comment l'ensemble de
l'industrie agro-alimentaire pourrait disparaître? Parce que les tarifs
disparaissent? Or, dans le porc, il n'y en a pas et on exporte au Japon et aux
États-Unis, et on est très présent. Voilà un petit
exemple qui dément cette affirmation.
Le Président {M. Charbonneau, Verchères):
Écoutez, faisons une entente, pour qu'on s'entende bien. Je donne
une question ou un commentaire à la coalition contre et une
réplique au regroupement pour et après cela, les parlementaires,
le député de Laviolette et le ministre, exprimeront les remarques
finales. Cela va être tout.
M. Proulx: Et nos cinq minutes d'économie de ce matin, M.
le Président? On avait mis cinq minutes dans nos poches.
M. Larose: Mais, moi, je voulais tout simplement
référer la question de M. Dumais. Il pourrait la poser au
professeur Rabeau - il n'est plus là - qui dit dans son texte que, face
à cette situation, il est possible que des entreprises canadiennes de
fabrication de produits alimentaires décident de s'installer aux
États-Unis de façon à contourner les problèmes.
Alors, peut-être qu'il faudrait que vous vous intéressiez à
votre partenaire. Il pourrait vous répondre.
Le Président (M. Charbonneau, Verchères):
M. Landry, vous aviez un commentaire qui pourrait être une
réponse à cela?
M. Landry: Non, pas particulièrement. Déjà
dans un marché libre, il y a des entreprises qui prennent leur expansion
aux États-Unis, malheureusement. Je ne dis pas que le
libre-échange va les faire revenir. Tout ce qu'il faut souhaiter, c'est
qu'il leur enlève le goût de s'en aller. Les journaux, à
toutes les semaines, nous font état de grandes entreprises dans
l'agro-alimentaire qui chérissent le souhait de faire leur
développement aux États-Unis pour les années qui viennent.
Encore une fois, cela ne veut pas dire que le libre-échange va
régler ce problème, mais cela va leur enlever une motivation de
partir puisqu'ils vont pouvoir desservir, à partir de Montréal ou
de Sainte-Anne-de-la-Pocatière, des points aussi populeux que New-York,
Boston et Philadelphie, où il y a 100 000 000 d'habitants à
portée de
camions de la ferme de M. Pelletier.
Le Président (M. Charbonneau, Verchères):
Bon, écoutez, sur consentement, on sait que l'agriculture, c'est
important, que c'est sensible et je pense que mes électeurs m'en
voudraient si je ne donnais pas une dernière occasion au
président de l'UPA d'intervenir. Je donnerai une réplique par la
suite, soit au ministre, soit au regroupement pour et, après cela, ce
sera les remarques finales. Une dernière à M. Proulx.
M. Proulx: Très, très court. Oui, une
dernière, mais deux petits volets dedans.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Proulx: Rappeler à M. Dumais que tout ce qu'il a dit,
on est d'accord avec lui dans le porc, et il a fait cela dans un contexte
où il n'y a pas de libre-échange. Alors, son affirmation vaut
l'autre. Deuxièmement, je demanderais à la Coopérative
fédérée comment se fait-il qu'au congrès
général de l'UPA, elle a appuyé l'action de l'UPA par la
voix de son président, et quel mandat a-t-elle aujourd'hui pour se
prononcer pour le libre-échange?
Le Président (M. Charbonneau, Verchères):
Rapidement, M. Pelletier.
M. Pelletier: Je dis que notre position n'a pas changé. On
était favorable au libre-échange à condition que le
gouvernement fédéral fasse ses devoirs, exécute les choses
qui sont de son ressort. Il y a un bout de chemin de fait. On espère que
d'ici les échéances, les choses qu'on a demandées, ils les
accepteront. Je pense qu'on n'est pas si loin aussi de la position de l'UPA,
quand on nous dit: S'ils avaient mis cela dedans, si on avait des garanties
qu'ils acceptent cela, on serait d'accord. Mais ils craignent que ce ne soit
pas là. On aimait mieux espérer que cela y sera, parce
qu'on...
Le Président (M. Charbonneau, Verchères):
Bon, écoutez...
M. Pelletier: ...pense qu'on est un petit peuple qui a une grosse
capacité de production et qu'on a besoin d'exporter.
Le Président (M. Charbonneau, Verchères):
M. le député de Laviolette.
M. Proulx: II n'a pas répondu à ma question: Le
mandat des propriétaires, quand est-ce qu'ils l'ont eu?
Le Président (M. Charbonneau, Verchères):
Les problèmes de mandat ou de légitimité des gens
qui sont ici, on n'embarquera pas dans cela, parce qu'on n'aura pas fini encore
à minuit.
M. Jolivet: Comme le temps file et que peu de temps nous a
été alloué cependant, même si on a eu l'heure
prévue, j'aurais eu plusieurs questions qui auraient certainement fait
l'objet d'autres discussions, comme l'harmonisation des normes techniques de
contrôle et d'inspection des produits agro-alimentaires. On aurait pu
parler de la définition même du mot "subvention" qui, dans un sens
tellement large, permettrait aux États-Unis d'avoir des droits
compensatoires. Le ministre nous a demandé d'être des gens de
confiance. J'aimerais lui rappeler qu'au mois de décembre dernier,
euphorique comme il l'était, il a demandé d'avoir confiance parce
qu'il avait rencontré Campeau Corporation, M. Campeau sur le dossier de
Blue Bonnets. Voyez ce que cela donne aujourd'hui. Il en parle comme des gens
prenant en otages et d'un autre côté, comme étant des
personnes faisant du chantage.
Donc, j'aime mieux - si trop fort ne casse pas - en arriver à
avoir des textes légaux clairs et précis que d'avoir simplement
la bonté pour le ministre de lui faire confiance ou d'avoir confiance en
lui-même. Dans ce contexte, j'aime mieux, au nom des réticences
qui ont été exprimées aujourd'hui, continuer dans la
même voie que j'ai maintenue jusqu'à maintenant.
Remarques finales
Le Président (M. Charbonneau, Verchères):
Merci, M. le député de Laviolette. M. le ministre, en
conclusion.
M. Pagé: Combien de temps?
Le Président (M. Charbonneau, Verchères):
Cinq minutes, maximum.
M. Pagé: D'accord, Rapidement, M. Daoust...
Le Président (M. Charbonneau, Verchères):
Je m'excuse, c'est trois minutes.
M. Pagé: Je commence?
Le Président (M. Charbonneau, Verchères):
Commencez, on a jusqu'à 19 heures.
M. Michel Pagé
M. Pagé: Rapidement, M. Daoust, fort probablement que
l'artice auquel il se référait, celui du dirigeant de Weston,
s'il avait été écrit plus récemment,
c'est-à-dire après l'énoncé de la politique
fédérale sur le double prix du blé panifiable, que la
position aurait été tout à fait différente. Quand
l'article a été ■ écrit, j'ai la conviction que le
prix intérieur au Canada était ce qu'il était
antérieurement, c'est-à-dire beaucoup plus élevé
qu'il le sera, une fois cette politique de double prix abolie.
Cela dit, M. le Président, je voudrais en terminant tout d'abord
remercier les gens du
secteur de l'agriculture et de l'agro-alimentaire qui sont venus
témoigner pour et contre, avec des réserves et des
appréhensions. Je n'ai pas l'intention de mentionner la
représentativité. Pour moi, ces deux organismes que sont l'Union
des producteurs agricoles et la Coopérative fédérée
du Québec ont joué un rôle éminemment important et
utile dans le développement de l'agriculture au Québec, et ils
sont tous les deux représentatifs. C'est ce qui fait la beauté du
secteur de l'agriculture. C'est ce qui fait son charme et c'est ce qui fait
aussi son particularisme.
Essentiellement, M. le Président, en ce qui nous concerne, nous
avons déployé des efforts pour sécuriser nos productions,
nos systèmes, nos structures. Nous redoublerons d'efforts pour
être certains que ces acquis ne seront pas enlevés par d'autres
négociations ou d'autres types d'accords, et nous sommes farouchement
déterminés à faire en sorte de nous associer au monde de
la production, par la technologie et la recherche, pour produire à un
meilleur coût, nous associer avec nos entreprises de transformation,
parce que la confiance qu'on a dans le Québec nous permet de croire avec
beaucoup de légitimité que nous sommes capables, avec nos
produits transformés, d'accéder et de pénétrer les
marchés américains, comme le disait M. Landry, qui sont
près de 80 000 000 à moins de 500 milles de Montréal.
Nous produisons sous l'égide de l'excellence. Nous sommes aussi
productifs que ces gens-là. On a des facteurs à certains
égards qui sont négatifs. On a fait référence
à la température tout à l'heure dans certaines productions
bien spécifiques. Nous avons confiance en l'avenir, et les positions du
gouvernement du Québec s'appuieront et iront dans le sens de renforcer
l'économie agro-alimentaire au Québec.
Le Président (M. Charbonneau, Verchères):
M. le ministre, je vous remercie.
Nous allons maintenant passer à la pause alimentaire. Nous avons
une heure de suspension. Nous reprendrons à 20 heures sur quelque chose
qui est peut-être connexe à l'alimentation, c'est-à-dire la
consommation.
(Suspension de la séance à 19 heures)
(Reprise à 20 h 9)
Impact de l'accord sur la consommation
Le Président (M. Charbonneau, Verchères):
Nous allons reprendre, ce soir, avec le thème de l'impact de
l'Accord de libre-échange sur les questions de consommation, sinon sur
les consommateurs eux-mêmes. Nous avons d'abord, encore une fois, vingt
minutes de déclarations d'ouverture, à raison de cinq minutes par
groupe d'intervenants, et puis nous avons une vingtaine de minutes de
débat.
Pour ceux qui ont participé à l'exercice, jusqu'à
maintenant, vous savez combien vous êtes volubiles et que le temps file
vite. Alors, vingt minutes, c'est vraiment court. Aussi, je demanderais
à tous et chacun des intervenants, à la fois à
l'égard des commentaires et des questions, et des réponses,
d'être brefs, sinon, tout le monde va sortir de l'exercice un peu
frustré sur les deux thèmes de la soirée, parce que dans
les deux cas, on n'a pas un temps énorme.
Alors, sans plus; tarder, je vais céder la parole, du
côté gouvernemental, au ministre de la Justice et responsable de
l'Office de la protection du consommateur. M. le ministre, pour cinq
minutes.
Remarques préliminaires M. Herbert Marx
M. Marx: Merci, M. le Président. Permettez-moi de vous
entretenir d'un sujet qui préoccupe plusieurs de nos participants, soit
l'impact de l'Accord de libre-échange sur la consommation.
Les avantages économiques de l'accord commenceront à se
faire sentir peu de temps après sa mise en application, le 1er janvier
1989, puisque les prix de toute une gamme de produits de consommation
baisseront, accroissant ainsi le pouvoir d'achat des ménages
québécois et canadiens. Les aspects de l'Accord de
libre-échange qui auront les effets les plus marqués sur les
consommateurs canadiens sont: l'abolition progressive des droits de douane qui
entraînera, pour les consommateurs, des prix plus bas et un choix plus
grand de produits; le maintien, en vertu de l'accord, des normes techniques
canadiennes en matière d'information et de protection des consommateurs.
Environ 70 % du commerce entre le Canada et les États-Unis est
présentement exempté de droits. Les tarifs du Canada sont
cependant deux fois plus élevés que ceux des États-Unis.
Les Canadiens paient environ plus de 2 000 000 000 000 $ par an en droits de
douanes sur les importations en provenance des États-Unis. Dans l'Accord
de libre-échange, il a été convenu, bien sûr,
d'éliminer tous les droits de douanes entre les deux pays, mais aussi de
réduire un large éventail de barrières non tarifaires, de
libéraliser le commerce et de garantir davantage l'accès aux
marchés, ce qui va dans le sens des intérêts les plus
spécifiques des consommateurs en tant qu'accueilleurs et utilisateurs de
biens et services. Dans cette perspective, il convient de vous faire part en
premier lieu des impacts possibles sur le cadre législatif et
réglementaire de la protection du consommateur qui contraignent le
commerce et impliquent des coûts d'accès au marché.
Un cadre juridique et réglementaire ainsi que des normes
techniques axées sur l'information et la protection du public
protègent actuel-
lement les consommateurs au Québec. Le cadre vise fes produits
nationaux et importés. Prenons par exemple la Loi sur la protection du
consommateur du Québec, dans laquelle on retrouve la plupart des mesures
de protection du consommateur et qui fournit un cadre pour les transactions
entre consommateurs et commerçants. Cette loi ne contient pas de normes
détaillées mais impose plutôt un certain nombre de
règles qui visent à rétablir un certain équilibre
entre deux contractants qui sont, d'une part, le commerçant
spécialiste dans son domaine d'activités et, d'autre part, un
consommateur désavantagé au pian économique et au plan de
l'information. Ce que contient la Loi sur la protection du consommateur vise la
loyauté des transactions en protégeant le consommateur au niveau
précontractuel: pratiques de commerce, représentations,
publicité; au niveau contractuel: clauses abusives, garanties et, enfin,
au chapitre de la protection financière: permis, cautionnements,
participation à des fonds d'indemnisation.
Ces règles du jeu s'appliquent peu importe l'origine ou fa
qualité des commerçants et placent donc sur un pied
d'égalité l'ensemble de ceux qui offrent des services. Cette
législation qui a pour effet, en définitive, de favoriser la
concurrence et de mieux en faire profiter les consommateurs est donc loin de
constituer une entrave au libre-échange.
En ce qui concerne les normes et les règlements sur la
qualité des produits, le texte de l'accord énonce explicitement
un principe directeur à la section portant sur les normes, soit que les
mesures qui sont permises, lorsqu'elles ont pour objet de protéger la
santé, la sécurité, l'environnement, la
sécurité nationale et les intérêts des
consommateurs, ne doivent pas avoir pour effet d'exclure les produits de
l'autre pays qui safisfont à ces objectifs. Il est certain qu'il y
aurait des ajustements à faire tant au niveau provincial que
fédéral. Il est bien possible que nous ayons a harmoniser
certaines réglementations, mais ces modifications ne seront
nécessaires que sur des points très limités. On peut
parler par exemple de certaines conditions d'obtention des permis ou de
participation à des fonds d'indemnisation ainsi que de normes relatives
à la qualité et à la sécurité des produits.
Cependant, l'accord prévoit que la finalité de telles normes n'a
pas à être mise en doute. Il faut rappeler en effet que bien que
les normes actuelles soient différentes, dans une certaine mesure, d'un
pays à l'autre, il s'agit de deux pays ayant une préoccupation
sociale qui se traduit par des mesures importantes de protection des
consommateurs.
Les dispositions de l'accord prévoient que l'information et la
protection des consommateurs sont des raisons de maintenir les normes
techniques, c'est donc dire que la protection dont jouissent
présentement les consommateurs québécois demeurera, et que
les normes dont ils bénéficient actuellement seront aussi
sévères, sinon plus.
L'obstacle principal à la croissance économique est la
limitation du marché canadien pour entretenir la concurrence dans le
contexte international en évolution. L'Accord de libre-échange
entre les deux pays vise justement l'élargissement de ce marché
en éliminant les barrières tarifaires et non tarifaires. L'Accord
de libre-échange permettra de lutter efficacement contre ces
barrières et permettra aussi de s'attendre à un ralentissement
plus ou moins important de la croisssance des prix.
Finalement...
Le Président (M. Charbonneau, Verchères):
Finalement, M. le ministre, merci.
M. Marx: Finalement, un des grands gagnants de cet accord sera le
consommateur, car if aura un plus grand éventail de biens et de
services. Quant à la capacité des gouvernements d'intervenir pour
protéger les intérêts des consommateurs, elle n'est
aucunement altérée par l'accord, et l'Office de la protection du
consommateur continuera à jouer son rôle au Québec.
En résumé, les importations intensifieront la concurrence,
ce qui aura pour effet d'améliorer la qualité et la
diversité des produits de consommation et avec ces avantages, l'accord
préserve les normes techniques canadiennes et québécoises
conçues pour protéger les Intérêts des
consommateurs.
Le Président (M. Charbonneau, Verchères):
Merci, M. le ministre.
M. Marx: Merci, M. le Président, pour votre
générosité d'une minute et quinze secondes de plus.
Le Président (M. Charbonneau, Verchères):
Et je la donnerai également au député de
Saint-Jacques et aux autres invités. M. le député de
Saint-Jacques.
M. André Boulerice
M. Boulerice: Merci de votre équité, M. le
Président. Je suis content qu'on aborde le volet consommation, puisque
l'incidence de l'Accord de libre-échange pour les consommateurs
constitué en tout cas, à nos yeux, un facteur important dans
l'analyse qu'on doit faire du bien-fondé de ce processus de
libéralisation commerciale. Au-delà de son impact sur la
croissance économique, sur la productivité, sur le niveau de
l'emploi, il faut en effet se demander si l'accord conclu entre le Canada et
les États-Unis aura des conséquences bénéfiques
pour les consommateurs en termes de réduction du prix des produits de
consommation donc, d'augmentation du pouvoir d'achat. Force est de constater
que les études réalisées à ce propos, les diverses
tentatives
visant à estimer cet impact, sont loin d'arriver à des
résultats similaires. Il y a donc matière de toute
évidence à débat. En principe, un principe de
libération des échanges devrait provoquer une tendance à
la baisse du prix des produits. L'élimination des barrières
commerciales et notamment l'abolition des droits de douane devraient d'une part
réduire le prix des produits importés. Il faut cependant
préciser que 75 % des exportations américaines sont aujourd'hui
admises en franchise au Canada. Un grand nombre de produits de consommation, en
fait la majorité de ceux-ci, demeurent néanmoins frappés
de tarifs douaniers importants, de 10 %, 15 % et voire même 20 %. D'autre
part, la suppression de ces tarifs peut aussi influencer à la baisse le
prix des produits fabriqués au Canada et au Québec, compte tenu
des effets d'une concurrence accrue et des économies d'échelle
découlant de l'accès au marché américain. Le
gouvernement canadien a mené des études qui visaient à
chiffrer l'impact de l'élimination des tarifs douaniers sur les
dépenses de consommation. Selon ces prévisions, lors de
l'entrée en vigueur complète de l'accord, soit dans dix ans, les
ménages bénéficieraient d'économies annuelles de
325 $ à 800 $, selon qu'il s'agit d'un ménage à faible
revenu, ou à revenu moyen ou élevé. Une famille moyenne de
quatre personnes économiseraient de 85 $ à 130 $ par année
sur l'alimentation tandis qu'il en coûterait de 5000 $ à 8000 $ de
moins à une telle famille pour faire construire sa maison et la
meubler.
La Coalition québécoise d'opposition au
libre-échange situe la baisse des prix à la consommation,
résultant de l'abolition des tarifs dans une fourchette, de 0,57 %
à 3,49 % selon que les importations sont constantes ou que les prix
locaux subissent aussi un ajustement. La coalition a par ailleurs raison de
souligner que cette diminution des prix à la consommation se
réalisera si la baisse des tarifs est d'abord entièrement
transmise au consommateur, si la perte des recettes gouvernementales sous forme
de droits de douane qui s'élèvent à 2 100 000 000 $ par
année n'est pas compensée par une hausse des taxes et si
l'ajustement industriel n'entraîne pas d'effets négatifs sur le
pouvoir d'achat par le biais de pertes d'emplois ou de baisses de salaires.
Autant de conditions dont il demeure très difficile à ce
moment-ci de savoir si elles seront respectées.
Une autre étude réalisée, celle-là, par la
Fédération nationale des associations de consommateurs du
Québec et rendue publique le mois dernier, en vient à la
conclusion que les dépenses courantes des consommateurs ne vont pas
diminuer, mais augmenter d'au moins 8 $ par année en tenant compte d'une
augmentation anticipée au chapitre notamment des tarifs
d'électricité, etc.
Le Regroupement québécois des associations de
consommateurs et consommatrices formule une recommandation qui mérite,
M. le Président, d'être prise en considération, soit la
création d'un conseil consultatif de consommateurs, pouvant tenir des
audiences publiques et faire appel au comité intergouvernemental
chargé de la mise en application des délégations du
traité. Ce conseil serait chargé de s'assurer que la baisse des
tarifs se répercute par un pouvoir d'achat accru et de surveiller
l'harmonisation des normes afin qu'elles ne se traduisent pas par une
diminution de la qualité et de la sécurité des produits.
Cette question de l'harmonisation des normes est particulièrement
importante. Le gouvernement canadien se fait rassurant à cet
égard. Dans le document intitulé, L'Accord de
libre-échange entre le Canada et les États-Unis et les
consommateurs canadiens, on s'empresse d'affirmer que l'accord préserve
les normes techniques canadiennes conçues pour protéger les
intérêts de consommateurs et que les produits américains
continuent de devoir satisfaire aux règlements canadiens en
matière de protection et d'information des consommateurs. Il n'en
demeure pas moins que l'accord prévoit une uniformisation des normes
techniques nationales, chaque pays devant les rendre compatibles avec celles de
l'autre pays. En somme, les normes techniques ou les règlements ne
doivent pas servir pour faire obstacle à la libre circulation des
marchandises.
Il y a là un sujet de préoccupation pour les consommateurs
puisque nos normes sont en général, et il faut s'en
réjouir, plus sévères que les normes américaines.
En somme, il est difficile de porter un jugement catégorique ou
définitif sur les bénéfices ou les Inconvénients de
l'accord du libre-échange pour les consommateurs. On peut
vraisemblablement s'attendre à certaines baisses de prix dont l'ampleur
demeurera cependant assez limitée à court terme, à mon
avis. Par ailleurs, certaines dispositions de l'accord pourraient annuler ces
bénéfices. Dans cette perspective, la mise en place d'un
mécanisme de surveillance afin de veiller aux intérêts des
consommateurs constitue pour nous une avenue souhaitable, M. le
Président. Je vous remercie. Je pense...
Le Président (M. Charbonneau, Verchières):
Alors, vous êtes correct, M. le député...
M. Boulerice: Merci.
Le Président (M. Charbonneau, Verchères): ...avec
le temps additionnel que vous a gagné le ministre.
M. Boulerice: ...lire mon texte, M. le Président.
Le Président (M. Charbonneau, Verchères):
Le président ne fait pas d'appréciation bien que, parfois,
il pourrait être tenté d'en faire. M. Larose.
Coalition québécoise d'opposition au
libre-échange
M. GéraW Larose
M. Larose: S'il est un dossier où il ressort clairement
que les tenants du libre-échange n'ont aucune espèce de
gêne à recourir à la propagande et à la
désinformation pour manipuler l'opinion publique, c'est bien le dossier
de la consommation. Au lendemain de la publication du texte préliminaire
de l'accord Mulroney-Reagan, les Mulroney, Carney, Clark et autres clamaient
bien haut que la libéralisation du commerce ferait économiser
8000 $, au moins 8000 $, à ceux qui achèteront une maison. On est
ailé voir cela. C'est possible. D'abord, il faut se situer dans dix ans.
Ensuite, il faut arriver de la planète Mars, tout nu. On n'a pas de
maison, la maison n'est pas équipée. On est tout nu, on n'a
même pas de vêtements. Quand on achète le tout US, parce
qu'il faut tout acheter aux États-Unis, il y aurait une économie
située entre 5068 $ à 7857 $. Pour faire de la propagande, c'est
très beau, sauf que cela ne correspond à aucune espèce de
réalité. Mais, quand même, cela peut faire son petit
millage et cela l'a fait effectivement. Même si cette hypothèse
farfelue ne résiste pas deux minutes à un examen le moindrement
sérieux, il n'en demeure pas moins que les partisans du
libre-échange continuent de faire miroiter des gains potentiels qui
reposent plus sur une profession de foi que sur une analyse documentée
de la réalité économique. Selon nos études
basées sur des statistiques gouvernementales, à importation
constante, la baisse des prix à la consommation résultant de
l'abolition des tarifs actuels se situera, comme le dit le député
de Saint-Jacques, à 0,57 % pour un budget moyen. Dans
l'éventualité où les producteurs locaux s'adapteraient
à la baisse des prix due à l'abolition des tarifs ou si des
produits d'importation remplaçaient des produits locaux, la baisse
totale serait de 3,49 %, étalée sur une période de dix
ans. C'est un maximum. Mais, cette hypothèse ne serait toutefois
réalisable que si... Là, on met trois conditions pour aller
chercher ce fameux "jackpot". La première, c'est que la baisse des prix
est entièrement transmise aux consommateurs et aux consommatrices. On
peut entretenir un sain scepticisme. Je rappellerai que, quand Parizeau avait
baissé la taxe ascenseur, les misérables
pétrolières, deux ou trois jours après, avaient
encaissé la différence. C'est vrai que c'était des
pauvres. Alors, les riches ne feront certainement pas cela. La deuxième
condition est l'ajustement industriel. Il ne faudrait pas que l'ajustement
industriel entraîne des effets négatifs sur le pouvoir d'achat. On
en a discuté un peu cet après-midi. On entretient quelques doutes
sur le fait qu'il n'y ait pas de perturbation dans le domaine de l'emploi. On
va en parler aussi demain. Alors, c'est la deuxième condition à
réaliser. La troisiè- me, c'est précisément que le
gouvernement fédéral ne cherche pas à aller chercher, par
des taxes indirectes, les 2 100 000 000 $ qui vont lui manquer. Celui qui
entretient un scepticisme là-dessus, c'est notre camarade Yves Rabeau
qui, devant le groupe Desjardins-Ducharme, a dit, dans son texte, que "dans la
mesure où le Canada voudra garder ses programmes sociaux en
matière de dépenses publiques, il faudra compter de plus en plus
sur la taxation indirecte. Cette augmentation des taxes à la
consommation annulera au moins en partie un des bénéfices du
libre-échange, qui sera la baisse des prix des biens de consommation sur
le marché." Alors, disons que les trois conditions pour aller chercher
le fameux "jackpot" de 3,49 % sont les trois conditions qu'on avance. Il y aura
là une vérification à faire, à savoir si cela va se
concrétiser.
Mais, dans le dossier de la consommation, il n'y a pas que dans le
domaine du prix du panier à provisions où le rapport
qualité-prix est à surveiller. Les consommateurs et les
consommatrices veillent aussi à la défense de leurs droits et,
souvent, ils se retrouvent sur le marché du travail, où se
détermine en bonne partie le pouvoir d'achat leur permettant d'assumer
leurs responsabilités individuelles, familiales, collectives et
sociales. La preuve est loin d'être faite qu'il seront gagnants sur ces
chapitres. L'harmonisation prévue des lois commerciales canadiennes et
américaines nous fait de plus craindre une réduction des normes
canadiennes de qualité et la dégradation d'un ensemble de valeurs
qui constituent nos choix de société. Dans une étude
récente, livrée en janvier dernier par le ministère
canadien des Finances, M. Wilson, lui-même, arrivait à la
conclusion qu'en ce qui concerne la baisse de l'indice du prix à la
consommation, pour les cinq prochaines années, due au rabattement des
tarifs, il faut espérer que cela totalise moins 1 %. Alors, qu'on nous
dise que le libre-échange, c'est fort bien et qu'il y a là tout
l'avenir d'un peuple, il ne faudrait pas nous raconter de sornettes en disant
qu'on va pouvoir s'en mettre dans les poches, ce n'est pas vrai. Au contraire,
on pense qu'on pourra s'en mettre moins parce qu'il y aura perturbations,
notamment, dans le domaine de l'emploi, chapitre qu'on va débattre plus
précisément demain, celui de l'emploi. (20 h 30)
Le Président (M. Charbonneau, Verchères): M.
Larose, je vous remercie. Je crois que la parole sera maintenant à Mme
Guiilot-Lemay, je m'excuse, Mme Guillot-Lemelin. Alors, vous avez la
parole.
Regroupement pour le libre-échange Mme Solange
Guillot-Lemelin
Mme Guillot-Lemelin (Solange): M. le Président, M. le
ministre, mesdames et messieurs,
comme présidente de l'Association des consommateurs du
Québec, c'est avec un grand intérêt que je participe
à cette commission parlementaire extraordinaire sur l'Accord de
libre-échange entre le Canada et les États-Unis. Je tiens
à souligner que c'est remarquable que les associations de consommateurs
soient représentées ici ce soir. Aussi extraordinaire que ce
soit, il est important que soient représentés les gens ordinaires
sur cette question. Lorsqu'on parle de gens ordinaires, ce sont nous, les
consommateurs que je représente aujourd'hui.
L'Association des consommateurs du Québec appuie cet accord pour
les raisons suivantes. Nous croyons que l'ensemble des consommateurs profitera
de plusieurs avantages qui découlent de cet accord. Tout d'abord les
prix. Contrairement à certains, nous n'avançons pas de prix, nous
ne disons pas que cela va coûter, par exemple, 8 $ ou qu'on va gagner
8000 $, nous laissons tomber ces extrêmes et laissons ceux qui les ont
avancés se débrouiller avec. Cependant, nous sommes convaincus
que cet accord aura pour effet de ralentir l'augmentation des prix et c'est ce
qui est important pour le consommateur.
Un autre avantage: le droit de choisir. Un droit proclamé par
John F. Kennedy en 1962, il y a de cela près de 30 ans, mais ce droit
est d'autant plus nécessaire dans le contexte actuel. Le consommateur
aura donc plus de choix, plus de choix à meilleur prix. Comment une
association de consommateurs pourrait s'opposer à cela?
En ce qui concerne la sécurité et la qualité des
produits, j'aimerais répéter le texte de l'accord à
l'article 603 - on l'a mentionné, mais je tiens à le
répéter: "Ni l'une ni l'autre Partie ne maintiendra ou n'adoptera
de mesures normatives ou de procédures d'approbation des produits qui
créeraient des obstacles inutiles à leur commerce
bilatéral. Il ne sera pas réputé y avoir de tels
obstacles: a) s'il peut être prouvé que la mesure ou
procédure a pour objet de réaliser un objectif intérieur
légitime." Cet objectif intérieur légitime on en a
parié à plusieurs reprises aujourd'hui; il vise à
protéger la santé, la sécurité, les
intérêts essentiels en matière de sécurité et
d'environnement et les intérêts des consommateurs.
J'avoue que si cela n'avait pas été si clairement
spécifié dans le texte, on aurait eu beaucoup plus de
réticence sur ce point en particulier. Je tiens à mentionner
également qu'on est aussi d'accord avec la création d'un conseil
consultatif de consommateurs.
Ce consommateur en tant qu'acheteur de biens et de services sera donc
avantagé par cet accord. On a tout à gagner et rien à
perdre. C'est avec fierté et même avec joie que je
représente une association de consommateurs qui a compris l'importance
d'appuyer un accord qui favorisera l'intérêt de tous les
consommateurs. Je vous remercie.
Discussion générale
Le Président (M. Charbonneau, Verchères): Merci,
madame. Je ne peux pas dire que vous avez abusé de votre temps, alors ce
sera dans la banque. M. le député de Saint-Jacques, pour la
première question.
M. Boulerice: Oui, M. le Président, je vais m'adresser
à celui que, en langage parlementaire, j'appelle affectueusement mon ami
d'en face, M. le ministre responsable de la Protection du consommateur. M. le
ministre, est-ce que le gouvernement du Québec a réalisé
ses propres études afin de mesurer l'impact de l'Accord de
libre-échange pour les consommateurs, une étude en termes
d'effets sur les prix des produits et le pouvoir d'achat?
M. Marx: Vous savez, M. le Président, je ne suis pas
responsable de la consommation, même à la maison. Je suis
responsable...
M. Boulerice: Vous m'avez déjà dit le
contraire.
M. Marx: Pardon?
M. Boulerice: Vous m'avez déjà dit le
contraire.
Le Président (M. Charbonneau, Verchères):
Vous embarquez sur un terrain glissant.
M. Marx: Mais je suis responsable de la protection du
consommateur, c'est une toute autre chose. Le ministre du Commerce
extérieur et du Développement technologique me dit que, en effet,
dans son ministère, on a fait beaucoup d'études sur tous les
aspects de cette entente de libre-échange.
M. Boulerice: Si votre collègue, l'actuel ministre du
Commerce extérieur et du Développement technologique dit qu'il y
a des études, est-ce qu'on pourrait avoir le dépôt de ces
études? Là, on a des études qui viennent d'ailleurs, mais
une étude venant du gouvernement du Québec semble
intéressante.
Le Président (M. Charbonneau, Verchères):
M. le ministre.
M. MacDonald: Si vous me demandez si nous avons fait une
étude précise, du genre de celle qui a cherché à
déterminer qu'il pouvait y avoir une augmentation de 12 $ à la
suite d'une augmentation du tarif de l'électricité, etc., la
réponse, c'est non. Nous n'avons pas fait cette étude au
provincial. Nous avons fait un très grand nombre d'éludés
sectorielles que nous avons publiées. Nous vous en avons remis 400
pages. Nous avons consulté également les études qui ont
été faites par le gouvernement fédéral ou
par d'autres organismes pour en vérifier le contenu, pour voir si
c'était réellement en accord avec ce qui était
l'appréciation qu'on pouvait avoir des grandes tendances. Et dans ce
contexte-là, nous en sommes venus à la conclusion, qui est la
conclusion générale des études et où les montants
varient, que, effectivement, conséquence logique de cette entente de
libre-échange, et qu'il y aura des avantages positifs. Mais je le redis,
des avantages qui peuvent varier considérablement selon les
hypothèses que vous prenez.
M. Boulerice: Et vos avantages positifs, vous avez
été capables de les cibler dans quel secteur?
M. MacDonald: Dans la réduction des prix,
nécessairement, par l'abolition des tarifs douaniers, c'est un
écart; par les plus grandes séries de production, soit locale ou
venant de l'extérieur par l'agrandissement des marchés, tout
particulièrement, par ce que sont les possibilités pour les
manufacturiers canadiens d'accroître considérablement leur
production dans certains secteurs.
M. Boulerice: Je vais revenir...
Le Président (M. Charbonneau, Verchères):
Sur le même sujet, est-ce que vous avez terminé?
M. Boulerice: Non, non.
Le Président (M. Charbonneau, Verchères):
Mais sur le même sujet, parce que le député
de...
M. Boulerice: Non, mais c'est toujours sur la consommation.
Le Président (M. Charbonneau, Verchères):
Oui, je comprends. On va être une demi-heure sur la consommation,
mais...
M. Boulerice: Pourquoi pas?
Le Président (M. Charbonneau, Verchères):
Sur la même question qui vient d'être abordée, M. le
député de Bertrand.
M. Parent (Bertrand): Rapidement. C'est parce que le ministre
répète à deux ou trois reprises, depuis ce matin: Les
études ont été déposées. Je m'excuse. Les
études qui ont été déposées le 31 juillet,
de mémoire, l'année passée, un vendredi après-midi,
par le ministre de l'Industrie et du Commerce n'étaient qu'une
série de statistiques de Statistique Canada dont les dates les plus
récentes étaient de 1982. Ce qui a été
déposé dans les autres documents que le ministre a sur son
bureau, ce ne sont pas les études d'impact auxquelles on est en droit de
s'attendre et le ministre du Commerce extérieur et du
Développement technologique sait fort bien de quelles études il
s'agit, puisque lui-même a dit qu'il était d'accord pour qu'elles
soient déposées, mais son collègue, le ministre de
l'Industrie et du Commerce, a toujours refusé de le faire. Les
études sectorielles qui ont été faites sur les impacts du
libre-échange n'ont jamais été déposées et
je me demande pourquoi le ministre nous dit qu'il a déposé ces
études-là?
M. MacDonald: Je le dis parce que c'est la réalité.
J'ai expliqué, en Chambre et ailleurs, à maintes reprises, ce
qu'étaient les études sectorielles, qu'elles étaient
composées d'un certain nombre de chapitres, qu'il y avait deux chapitres
dans chacune des études sectorielles qui n'avaient pas été
rendus publics. Premièrement, pour ce qui était des
données confidentielles des entreprises, surtout celles de
propriétés publiques, où des détails concernant la
structure de prix, le coût de fabrication, etc., pouvaient être un
détriment, à leur avantage, compétitif et,
deuxièmement, deuxième groupe de renseignements non rendus
publics par le gouvernement provincial, c'étaient des données
fédérales pour lesquelles nous avions convenu, à leur
demande, de les garder confidentielles. Je ne veux rien annoncer. On m'a
mentionné, effectivement, je pense que vous en avez entendu parler vous
aussi, que le gouvernement fédéral devait rendre publique
incessamment la totalité de ses études qui n'étaient pas
de nature confidentielle. Je présume que les parties, justement, qu'ils
nous ont données, seront rendues publiques. Mais, il ne faudrait pas
charrier non plus. Nous avons donné des statistiques. Nous n'avons pas
seulement donné des statistiques, mais nous avons donné à
deux reprises, c'est-à-dire dans un premier texte et, ensuite, dans un
texte mis à jour, quels étaient les impacts, on les a
appelées les enjeux, en utilisant des statistiques réelles qui,
à ma connaissance, n'ont jamais été contestées par
vous ni par la coalition d'opposition ou etc. Les chiffres sont là, le
constat que nous en avons fait demeure le même. Nous avons fait certaines
mises à jour lorsqu'on a eu des chiffres additionnels. Il n'y a aucune
cachette quelconque dans cela. Alors, je ne vois pas pourquoi vous
prétendez que vous n'avez pas les renseignements dont vous avez
besoin.
Le Président (M. Charbonneau, Verchères):
Comme le temps est limité, on va... Maintenant que le point est
marqué sur les études de part et d'autre, on va aller à M.
Racicot spécifiquement sur la question de la consommation.
M. Racicot (Pierre): II me fait plaisir, au nom de la
Fédération nationale des associations de consommateurs
d'être présent ici, probablement sur la dernière commission
parlementaire qui porte sur le libre-change.
J'aimerais donner quelques remarques, quelques points d'information pour
l'ensemble de
la commission. Toutefois, si vous voulez, j'aimerais terminer par un
commentaire ou une opinion et une question que j'aimerais poser à M.
Marx.
D'abord, simplement comme remarque préliminaire, je dirais que
toutes les dispositions relatives à l'article 600 concernant la
réglementation, à laquelle faisait référence le
ministre et Mme Lemelin, je réfère le ministre tout simplement
à l'analyse légale sur l'étude d'impact de l'accord du
libre-échange dans la loi qui a été déposée
par le Solliciteur général de l'Ontario, en mai 1988, qui conclut
que, même si c'est vrai ce que le ministre avançait, les provinces
seront obligées de se mettre à table pour harmoniser les
standards de qualité, etc., sauf qu'en plus, autour de la table, il y
aura le gouvernement américain.
Le deuxième point concerne le fameux 8 $ qui a été
cité dans les médias d'information. Je dois dire que nous sommes
arrivés à ce chiffre-là avec exactement la même
méthodologie qu'on avait utilisée l'an dernier, à peu
près à la même époque, laquelle avait
été vérifiée par le ministère des Finances
du gouvernement du Canada et même M. le ministre André Harvey
avait écrit dans le journal Le Devoir, en réponse à
M. Vastel, que les chiffres correspondaient aux leurs. La seule
différence avec les chiffres que l'on a cette année, parce qu'on
a utilisé la même méthodologie, c'est qu'on est au courant
de ce que contient exactement l'accord et que, par conséquent, on est
capables de faire des études un peu plus pointues parce que, maintenant,
on sait, par exemple, la part du marché des Américains. L'an
passé, on avait dit: La part du marché... On fait
l'hypothèse que tout le monde achète américain. Cette
année on a été capables de spécifier cela par
produit de consommation, étant donné que l'on possède
maintenant tous les produits de consommation impliqués dans l'accord,
puisque c'est inclus dans la brique que tout le monde connaît.
L'autre point que j'aimerais ajouter, c'est que ce n'est pas automatique
que, parce que la barrière tarifaire va diminuer, le prix à la
consommation va diminuer. D'ailleurs, il y en a plusieurs qui ont fait des
remarques à ce propos. Je peux donner un exemple que tout le monde a en
mémoire - je vais me dépêcher le plus possible, parce que
j'en suis encore à l'étape des observations qui ont
été faites.
Le Président (M. Charbonneau, Verchères):
Sauf qu'on a 20 minutes pour tout le monde. C'est cela le
problème.
M. Racicot: D'accord. Je spécifierais simplement que, dans
la chaussure, on nous avait garanti des baisses de prix, mais, l'an
passé, il y a eu une augmentation de prix de 5 % et, cette année,
il y a eu une augmentation de prix de 4 %, sauf qu'il y a eu entre-temps aussi
une perte de 3000 emplois. L'autre élément, M. le
Président, c'est un article paru dans Le Soleil le 2 juin où on
dit que le prix du pain pourrait baisser grâce à l'accord du
libre-échange, parce que le double prix est éliminé. Tout
le monde l'a lu, sauf que cela veut dire quoi? Cela veut dire qu'aujourd'hui,
il n'y a personne qui est capable de nous garantir, à nous
consommateurs, qu'au mois de janvier l'an prochain, le prix des 450 grammes de
pain ne sera pas rendu a 1,50 $ ou à 2 $. Pourquoi? Parce qu'on a fait
sauter justement la fourchette de prix dans les minoteries. Par
conséquent, c'est vrai que lorsque la mesure a été
avancée dans le cadre du libre-échange, le prix du blé, la
tonne était de 190 $, mais aujourd'hui, au moment où on se parle,
s'est rendu à 235 $ et on prévoit à la Commission
canadienne du blé que la tonne dépassera 257 $. Cela signifie que
cela peut monter jusqu'à 300 $ le prix du blé avec ce qui se
passe dans l'Ouest canadien. Selon nous, c'est loin d'être une garantie.
On commence déjà à payer, les consommateurs, pour le
libre-échange, alors que, normalement, on aurait dû avoir des
diminutions de prix.
Le Président (M. Charbonneau, Verchères):
Est-ce que vous pouvez y aller immédiatement, si vous avez une
question à formuler, parce qu'autrement, les commentaires que vous avez
faits peuvent, d'ailleurs, amener une réplique. Si vous voulez une
question spécifique, ce serait le temps de la poser. (20 h 45)
M. Racicot: Alors je vais poser la question spécifique au
ministre M. Marx: Les objectifs poursuivis par l'accord, si on exclut
l'accès au marché américain, parce que de toute
façon, actuellement, l'accord ne garantit pas l'accès au
marché américain, la sécurité que l'on
prévoyait au point de départ, mais il y a d'autres objectifs qui
sont inclus dans cet accord, et vous les avez mentionnés, concernant la
concurrence, etc.
Alors, pensez-vous que présentement... parce qu'on cherche, nous
autres, une alternative avec des députés conservateurs - excusez
nos fréquentations, mais c'est comme cela qu'on travaille... On cherche,
si vous voulez, l'alternative et on pense que, présentement, la nouvelle
loi sur la concurrence est une hypothèse intéressante parce que,
dans ses objectifs... elle a des objectifs visant à accorder aux
consommateurs les meilleurs prix possible et à stimuler la concurrence
au Canada. Elle permet d'intervenir...
Le Président (M. Charbonneau, Verchères):
Votre question.
M. Racicot: Elle permet d'intervenir, elle donne le pouvoir
d'intervenir au niveau des tarifs douaniers, par le gouverneur en conseil.
C'est dans la loi, présentement. Donc, on n'aurait même pas besoin
du libre-échange pour commencer à avoir une politique
d'Intervention au niveau des tarifs douaniers. Elle permet...
Le Président (M. Charbonneau, Verchères):
M. Racicot...
M. Racicot: ...l'accord de spécialisation.
Le Président (M. Charbonneau, Verchères):
Je m'excuse de vous interrompre mais là, vous allez prendre tout
le temps, finalement, qui est imparti...
M. Racicot: D'accord.
Le Président (M. Charbonneau, Verchères): ...pour
l'ensemble du débat.
M. Racicot: Alors.
Le Président (M. Charbonneau, Verchères):
Je comprends que c'est frustrant pour tout le monde; vingt minutes, ce
n'est pas beaucoup, mais, à un moment donné...
M. Racicot: Oui.
Le Président (M. Charbonneau, Verchères): ...il
faut que je coupe.
M. Racicot: Mais...
Le Président (M. Charbonneau, Verchères):
Alors, je vais laisser la parole au ministre, parce que je pense que,
déjà, les commentaires que vous avez formulés...
M. Racicot: Je pense qu'il a compris la question.
Le Président (M. Charbonneau, Verchères):
J'ai l'impression qu'il a compris.
Alors, M. le ministre responsable de la Protection du consommateur.
M. Marx: Premièrement, M. le Président, si je
m'adresse aux Québécois et aux Québécoises, je
pense que tout le monde va bien comprendre que, si les tarifs douaniers
disparaissent, cela va coûter moins cher pour un
téléviseur, pour une caméra, etc. Au moins, les
Québécois qui vont en Floride en hiver et au Maine durant
l'été savent que, s'il n'y a pas de tarif douanier, ils vont
payer moins.
M. Larose: Ils ne pourront pas les rentrer au Canada.
M. Marx: Pourquoi? S'il n'y a pas de tarif douanier?
Une voix: Pourquoi pas?
M. Larose: Ah! bon! Alors, on va pouvoir aller acheter toutes nos
affaires aux États-Unis.
Une voix: Ah! oui?
M. Marx: C'est cela. Alors...
Le Président (M. Charbonneau, Verchères):
À l'ordre, s'il vous plaît! Cela va bien jusqu'à
maintenant, alors je vous demanderais de faire cela dans l'ordre, en demandant
à la présidence le droit d'intervenir. M. le ministre.
M. Marx: Je vois que j'ai déjà convaincu une
personne qui était contre il y a quelques minutes.
Des voix: Ha, ha, ha! M. Marx: Bon! Cela commence... M.
Larose: Je me suis inscrit, hein! Des voix: Ha, ha, ha!
M. Marx: Je pense que cela... Moi, je ne suis pas
économiste, bien sûr, mais je pense que cela va de soi que les
prix vont diminuer. Sur la question de la loi fédérale sur la
concurrence, l'entente sur le libre-échange n'empêche pas le
Canada de procéder avec un certain nombre de dispositions dans cette
loi. Donc, l'un n'empêche pas l'autre.
Le Président (M. Charbonneau, Verchères):
M. le ministre. Rapidement, s'il vous plaît!
M. MacDonald: J'ai l'impression, effectivement, qu'il y a une
confusion - c'est peut-être moi qui suis confus, cela m'arrive - et qu'on
mélange les carottes avec les tomates, et qu'on met de côté
certains éléments de base. Comme vous l'avez dit vous-même,
j'exclus l'accès au marché américain comme étant
une condition et, ensuite, vous posez vos points.
J'aimerais tout simplement vous ramener sur un exemple que vous avez
donné, cette crainte que vous avez de voir le pain augmenter. Bien, je
ne la comprends pas, parce que, dans le système canadien actuel,
déjà, avec des deux prix du blé, on paie très cher
à cause du double prix, qui est une mesure protectionniste qui a ses
raisons d'être, qui peut être expliquée, mais qui est
là. Je vais vous rajouter une autre hypothèse, pas une
hypothèse, mais une réalité actuelle. Vous savez que, pour
des compagnies québécoises, il est plus profitable, par exemple -
et j'en prends une qui est venue me faire des représentations - de s'en
aller établir une usine en Italie, d'acheter du blé canadien au
prix international et de revenir vendre ses pâtes au Québec,
à une meilleure rentabilité si elles les fabriquaient ici.
J'essaie d'associer votre énoncé, là, cette crainte de
voir le prix du pain augmenter, avec ce qu'est la réalité
canadienne actuelle.
Le Président (M. Charbonneau, Verchères):
Brève réplique, M. Racicot.
M. Racicot: Je ne sais pas, là. Bien, c'est que,
effectivement, comme vous le disiez, il y a un prix à payer pour une
échelle de tarifs concernant les minoteries. Lorsque les... C'est vrai
que, comme consommateurs, lorsque les prix sont bas au niveau international, on
paie et, lorsque les prix sont élevés... C'est-à-dire que,
quand les prix sont bas, on ne paie pas cette diminution-là, parce qu'il
y a un prix minimal et, lorsque le prix est trop élevé, par
exemple, on ne va pas chercher ce prix-là; on va au maximum de la
fourchette, en ce qui concerne les minoteries. Par conséquent, si vous
faites sauter cela, comme cela va arriver le 1er août prochain, cela veut
dire que le prix international, actuellement, est en hausse. Il augmente au
maximum, au moment où l'on se parle. Et cela signifie qu'il n'y a pas de
limite. Alors pas de limite, cela veut dire que les minoteries, elles, ne
prendront pas de chance, elles vont refiler le prix au consommateur, sur leur
pain. Alors qu'avant, au moins, on était protégés. C'est
vrai qu'on ne pouvait pas bénéficier de bas prix, comme je le
disais, j'ai donné les chiffres tantôt, mais quand vous n'aurez
plus de fourchette, vous allez péter la cagnotte puis, je pense, on s'en
reparlera, qu'il va être trop tard, mais en espérant que le
gouvernement du Québec va pouvoir réagir sur le contrôle du
prix du pain.
Le Président (M. Charbonneau, Verchères):
Merci. M. Rabeau, rapidement.
M. Rabeau: Je veux juste apporter une précision sur une
remarque que M. Larose a dite tout à l'heure, laquelle j'ai faite
à une conférence ailleurs à propos du prix des produits.
Si on fait l'hypothèse que le gouvernement canadien, par exemple,
voulait harmoniser la fiscalité des entreprises et la fiscalité
des particuliers avec celles des Américains, c'est une hypothèse
qu'on peut soutenir dans le cadre du libre-échange. Il faudrait à
ce moment-là aller chercher des revenus ailleurs et si on va les
chercher au plan de la taxation indirecte, comme c'est prévu dans la
réforme fiscale, effectivement, cela compenserait au moins pour une
partie des effets de la baisse de tarifs. Mais tout cela est purement
hypothétique. Ce sont les jeux de la fiscalité. Selon où
on veut mettre le poids de la fiscalité, on aura des effets
différents sur le prix des produits. Si on veut imposer plus les
particuliers, le prix des produits pourra baisser davantage. Tout cela est une
question de stratégie, de politique fiscale. Où faire porter le
fardeau fiscal à l'avenir? C'est là une première
remarque.
La deuxième remarque, c'est qu'en fait, par le
libre-échange, je pense que c'est un exercice qui n'est pas possible
d'arriver à préciser exactement où vont aller les prix
avec le libre-échange parce qu'il y a de multiples facteurs qui entrent
en ligne de compte, entre autres le taux de change qui est flexible, ensuite,
il y a les politiques de prix des entreprises, et ainsi de suite.
Je pense que les trois choses qu'il faut retenir dans tout cela c'est
que le libre-échange va apporter une augmentation du revenu des
ménages, on en a parlé tout à l'heure au chapitre sur
l'économie, avec l'augmentation de la productivité. La
deuxième chose, c'est qu'il y aura une augmentation du nombre de
produits disponibles au Canada et une augmentation de la concurrence sur les
marchés qui, die, est favorable à la baisse des prix. Je pense
que ce sont là les trois bénéfices les plus importants
pour les consommateurs et on ne peut pas aller, à mon avis,
au-delà de ces trois bénéfices, on ne peut pas quantifier
davantage.
Le Président (M. Charbonneau, Verchères):
En principe, on a à peu près écoulé le temps
qui est imparti. Voici ce que je propose, parce que 20 minutes, ce n'est
vraiment pas beaucoup et j'ai quelques intervenants qui sont sur nia liste...
J'en ai trois, qui sont: M. Larose, M. Proulx et le député de
Saint-Jacques. En fonction des questions que vous allez poser ou des
interventions que vous allez faire, je donnerai des droits de réplique
soit au ministre, soit au groupement en faveur. M. Larose. Et chacun une
intervention et la plus brève possible, s'il vous plaît.
M. Larose: C'est parce que tout le dossier de la consommation,
à venir jusqu'à maintenant dans le débat public, a
été davantage un débat, comme je le disais au
début, pour la démagogie. Quand on dit que les associations de
consommateurs, ce qui les fait "triper" dans cet accord-là c'est que
cela va ralentir l'augmentation des prix, j'en veux rien que pour preuve M.
Wilson lui-même qui dit qu'au lieu d'augmenter de 25 % d'ici 1994, cela
va augmenter de 24 %. Alors comme ralentissement, je note qu'il y a un
ralentissement de 1 %, mais disons que cela ne m'encourage pas à casser
la baraque pour cela. D'autant plus que c'est dans le cadre optimal où
le dollar ne flotte pas en dents de scie, où tout est stable au niveau
de l'emploi, etc. Alors, ne nous racontons pas de sornettes en disant qu'il y a
là un gros bâton qui peut vendre et acheter l'accord. Dans ce
sens-là, je dis: Convenons qu'on va débattre d'autres aspects,
mais ce n'est surtout pas par la consommation que l'accord va se faire
sentir.
Le Président (M. Charbonneau, Verchères):
Est-ce qu'il y a quelqu'un qui veut donner la réplique? Non.
Alors, je vais reconnaître le député de Saint-Jacques et
après cela M. Proulx.
M. Boulerice: Ma question s'adresse au ministre responsable de la
Protection du consommateur. Est-ce qu'il est favorable, mais est-ce qu'il est
favorable dans le sens où il entend favoriser la création d'un
conseil consultatif des consommateurs, comme le recommande justement
le regroupement et comme l'a endossé d'ailleurs madame qui est de
la section québécoise de l'Association canadienne des
consommateurs, c'est cela?
Mme Guillot-Lemelin: L'Association des consommateurs du
Québec.
M. Boulerice: En tout cas, vous étiez d'accord avec le
conseil consultatif, c'est cela qui est l'essentiel pour le moment. Alors la
question que je pose est: Est-ce que vous êtes favorable et entendez-vous
favoriser la création, justement, de ce conseil consultatif des
consommateurs?
M. Marx: En tant que ministre de la Justice, j'ai
déjà aboli deux conseils consultatifs, un à la Justice et
un autre, et le gouvernement a déjà aboli un certain nombre de
conseils consultatifs. Je ne suis pas contre un conseil consultatif en
matière de protection du consommateur, mais c'est la première
fois qu'on me pose cette question. Nous avons l'Office de la protection du
consommateur, qui, je trouve, fait un excellent travail, et c'est l'office qui
conseille le ministre responsable de la Protection du consommateur et vous
savez qu'au conseil d'administration de l'office il y des représentants
de toutes les couches de notre société. Donc je pense qu'à
ce moment-ci, je trouve que l'office conseille assez bien le ministre
responsable de l'office.
Le Président (M. Charbonneau, Verchères):
M. Proulx.
M. Proulx: Pour compléter, je pense que l'exemple du pain
est un exemple pertinent de ce qu'on a dit déjà depuis un certain
temps. On prend dans les poches de ceux qui ont le moins de chance de pouvoir
se réchapper ailleurs, pour peut-être en donner ou stabiliser un
prix. Parce que je rappellerai que le double prix du blé est aboli, il
est aboli pour le 1er août, et où est-on aller chercher les
économies qu'on fera peut-être? Dans mes poches à moi, le
producteur de blé. On me donne naturellement une prime de
séparation cette année, mais ensuite je devrai m'arranger avec le
prix international. Je voudrais rappeler aussi à la représentante
des consommateurs, qu'à l'heure actuelle, le consommateur ne paie pas le
vrai prix pour les produits essentiels qui sont le lait, les oeufs, la
volaille. Et dans un marché totalement libre vous allez payer le vrai
prix, et je prends pour exemple les statistiques des quinzes dernières
années. Dans les produits qui se sont justement donné des moyens,
qui vont être abolis avec le temps, ces produits-là sont les
produits qui ont le moins augmenté pour le consommateur, comparativement
aux autres produits, le porc par exemple, la viande de boeuf et autres, qui ont
été sur un marché totalement libre eux, qui ont fait des
augmentations de 200, 300 ou 400 %. Pensez-y bien comme consommateur que cela
va être "le fun". Malheureusement cela ne viendra pas dans mes poches.
Vous allez payer le vrai prix, par exemple, à ce moment-là.
Le Président (M. Charbonneau, Verchères):
Est-ce qu'il y a quelqu'un qui veut... Mme Guillot-Lemelin.
Mme Guillot-Lemelin: J'aimerais revenir c'est parce qu'on parle
beaucoup des prix et dans ma présentation j'ai bien dit qu'il y aurait
un ralentissement, effectivement, peut-être de 1 %. Mais il sera
là quand même le ralentissement de l'augmentation des prix, et on
ne peut pas le nier, même si on voulait le faire.
Aussi, la question des prix n'est pas la seule question aussi face au
consommateur. On n'a jamais dit que le consommateur allait devenir riche du
jour au lendemain à cause de l'accord du libre-échange et qu'il y
aurait des cadeaux qui lui seraient offerts. Sauf qu'on s'est dit que cela va
permettre, ce ralentissement-là, de lui être profitable, et on a
dit également qu'il ne perdrait pas sur la qualité des produits.
Il va y avoir plus de produits, alors il n'y a pas de raisons qui fasse qu'on
s'opposerait à cela, même si les prix ne sont pas la seule
question.
Remarques finales
Le Président (M. Charbonneau, Verchères):
Alors nous allons conclure maintenant par les remarques finales des
parlementaires. M. le député de Saint-Jacques. Vous avez trois
minutes.
M. André Boulerice
M. Boulerice: De toute évidence, en trois minutes, je suis
obligé de vous dire ce que j'ai dit au début de la commission.
J'assiste à un deuxième vide ministériel. Le premier est
celui du ministre responsable du Commerce extérieur qui, pour ce qui est
des impacts de libre-échange ne semble pas avoir des chiffres qu'il soit
capable d'aligner devant nous, et nous donner un portrait très clair
là-dessus.
Le deuxième vide ministériel, celui-là j'en ai
peut-être un petit peu plus l'accoutumance parce que je le côtoie
régulièrement en Chambre, c'est le ministre responsable de la
Protection du consommateur, qui, manifestement, n'a pas lu votre rapport et
votre recommandation. Elle est très évidente ici. On dit: La
création d'un conseil consultatif de consommateurs ayant des pouvoirs
d'audiences publiques pouvant faire appel au comité intergouvernemental
qui aura la mission de la mise en application des obligations du traité.
Ce conseil travaillera en coordination, etc." Donc vous ne demandez pas un
conseil consultatif comme il en existe au ministère de l'Immigration,
d'ici l'an 3324, pour faire une caricature. C'est dans le cadre justement
des
accords. Manifestement, le ministre ne l'a pas lu, et le ministre est
ignorant de cette facette importante pour la protection du consommateur. Donc
inévitablement, il est incapable de s'avancer puisqu'il y a ignorance du
problème comme tel. (21 heures)
Le ministre n'a pas fait ses devoirs à ce sujet, M. le
Président. Il me semble qu'un ministre qui a la responsabilité de
la protection des consommateurs devrait être capable, aurait dû
prévenir, parce que je pense qu'il vaut mieux faire de la
prévention que de la guérison; aurait été capable,
il me semble, d'apporter des choses quant à l'uniformisation des normes
techniques de façon que cela ne se traduise pas par une diminution des
garanties qui sont offertes aux consommateurs en termes d'information et en
termes de protection parce qu'on a quand même ici des standards dont on
est fier et qu'on aimerait bien conserver. Et on n'a absolument aucune garantie
du maintien, actuellement dans ce que je lis, ce que je vois et ce que
j'entends à l'égard du traité de libre-échange
Canada-États-Unis. Alors, deuxième vide, M. le Président,
en si peu de temps. Cela augure bien pour le restant de la soirée et de
la journée de demain.
M. Herbert Marx
Le Président (M. Charbonneau, Verchères):
Merci, M. le député de Saint-Jacques.
M. le ministre responsable de la Protection du consommateur.
M. Marx: M. le Président, quand le député de
Saint-Jacques a pris la parole, j'ai pensé qu'il était pour me
féliciter pour avoir mis en vigueur la protection sur l'immobilier
vis-à-vis le...
M. Boulerice:...
Le Président (M. Charbonneau, Verchères):
À l'ordre! À l'ordre, s'il vous plaît! Je
demanderais à tout le monde...
À l'ordre! Jusqu'à maintenant, cela va bien. Si on veut
rester sur la lancée de ce matin et de cet après-midi, je
voudrais que tout le monde s'en tienne à l'objet de la commission. M. le
ministre, sur les problèmes qui nous préoccupent.
M. Marx: Oui, M. le Président, en résumé,
premièrement, les impacts sont positifs sur le consommateur. Les impacts
de libre-échange sont positifs sur le consommateur. Deuxièmement,
en ce qui concerne la protection des consommateurs, celle-ci n'est pas
affectée par l'entente sur le libre-échange. Nous avons une des
meilleures lois sur la protection des consommateurs en Amérique du Nord,
avec une excellente administration de cette loi par l'Office de la protection
du consommateur. Donc, je pense qu'en général, l'entente de
libre-échange va bénéficier davantage aux
consommateurs.
Impact de l'accord sur les programmes sociaux
Le Président (M. Charbonneau, Verchères):
Sur cette dernière réponse, nous allons maintenant passer
à l'autre thème qui est l'impact de l'accord de
libre-échange sur les programmes sociaux du Québec. J'inviterais
ceux qui doivent prendre la parole à s'approcher de la table
maintenant.
Comme dans le cas du dossier sur la consommation, nous avons
malheureusement peu de temps après les remarques préliminaires.
Il va n'y avoir qu'une vingtaine de minutes de débat
général. On pourra toujours étendre un peu comme on vient
de le faire, mais pas énormément.
Alors, je vais d'abord céder la pétrole au porte-parole
gouvernemental, M. le ministre de l'Éducation. M. le ministre, en vous
rappelant que vous avez cinq minutes. Je sais que lorsque vous partez, vous
êtes difficile à arrêter, mais je vais le faire
néanmoins, je vous le jure.
Remarques préliminaires M. Claude Ryan
M. Ryan: M. le Président, je vais essayer de parler plus
vite que d'ordinaire en ayant l'espoir que je serai quand même compris.
La cause est tellement claire que je n'ai pas d'inquiétude.
Le gouvernement du Québec s'était engagé au
début de cette opération qui conduit à l'Accord de
libre-échange avec les États-Unis à travailler de
manière à assurer le maintien de l'intégralité des
lois, des programmes et des politiques qui, dans le domaine social de
même que dans celui des affaires culturelles, de la langue et des
communications, contribue au caractère distinctif de la
société québécoise. Cette préoccupation
était d'autant plus importante qu'au chapitre des politiques sociales,
le Canada et le Québec en particulier se distingue historiquement des
Eïtats-Unis à bien des points de vue. Nos politiques sociales sont
plus élaborées en général que celles des
États-Unis. Elles sont inspirées souvent d'expériences
puisées dans d'autres pays, plus souvent encore de notre propre
philosophie de la vie, de notre propre histoire. Il était normal
qu'à la veille de ces négociations sur le libre-échange,
nous veillions de manière particulière à assurer la
liberté du Canada et du Québec, en particulier en ces
matières.
On peut parler de l'impact de l'Accord de libre-échange sur les
politiques sociales sous deux aspects différents: l'impact direct et
l'impact indirect. Au point de vue de l'impact direct, mes remarques seront les
suivantes. Tout d'abord, je pense qu'on peut affirmer que l'accord ne
s'applique qu'aux objectifs expressé-
ment mentionnés dans le texte de l'accord, c'est-à-dire
les échanges de biens et de services entre les deux pays. Il n'est
nullement mention, dans le texte de l'accord, des politiques sociales de chaque
pays. Par conséquent, on peut en inférer tout à fait
logiquement que les politiques sociales ne sont point affectées
directement par l'accord sur le libre-échange. En plus, dans le texte de
l'accord, on trouve des dispositions de caractère général
qui confirment implicitement la liberté des gouvernements canadiens en
matière de politique sociale. En particulier, dès le
préambule, il est dit que les parties ont convenu de travailler ensemble
à réduire les distorsions commerciales découlant des
actions des gouvernements, tout en laissant aux parties la latitude voulue pour
protéger l'intérêt public. Alors sous cette affirmation on
peut inclure tout le champ des politiques sociales. Finalement, les
gouvernements des deux pays restent libres de déterminer leurs
politiques fiscales, étant exclue, évidemment, la liberté
de discriminer contre des citoyens de l'un ou l'autre des pays. Mais cela dit,
la liberté de chaque pays en matière fiscale reste
complète. Si le Québec veut accorder à ses contribuables
telle ou telle forme d'exemption, par exemple, au chapitre des charges
familiales, absolument rien dans l'accord du libre-échange
n'empêche de le faire. S'il veut donner des allocations spéciales
aux enfants, au troisième, au quatrième ou au cinquième
enfant, comme on l'a fait dans le dernier discours sur le budget, absolument
rien n'interdit au Québec de le faire. Il n'est pas question de cela
dans l'Accord de libre-échange. Sur ce plan-ci, par conséquent,
je ne pense pas qu'on puisse parler d'un impact direct de l'Accord de
libre-échange sur les politiques sociales. Il y a un domaine très
important qui est embrassé par l'accord, c'est tout celui des services
professionnels. C'est une des grandes innovations de cet accord que
l'importance qu'il attache à la liberté des échanges en
matière de services professionnels. On embrasse, évidemment un
champ qui relève directement de la compétence du ministre
chargé de l'application des lois professionnelles. C'est évident
que pour des professions comme la profession d'architecte, la profession
d'ingénieur, la profession de comptable et pour beaucoup d'autres
professions, on s'en ira vers une plus grande libéralisation des normes
de reconnaissance professionnelle, des normes d'exercice, d'admission à
la pratique, d'échanges de services d'un pays à l'autre,
d'accès aux contrats, privés pour commencer et
éventuellement publics dans une certaine mesure, à d'autres
stades, je pense bien. Ce sera difficile d'éviter que des
développements n'aillent de ce côté-là. Cela fait
partie de l'accord. Cela entraîne des conséquences, mais chaque
pays sera libre d'y aller graduellement. Cela commence par les architectes.
Cela prendra des accords, qui ne sont pas encore mis au point. Ensuite, on
passera à d'autres professions. C'est un processus qui sera long et qui
peut avoir des effets bienfaisants d'un côté comme de l'autre. On
remarquera que de ce côté-ci, toutes les professions qui se
rattachent plus directement aux politiques ou aux programmes sociaux sont
exclues. Toutes les professions de la santé sont exclues. Toutes les
professions reliées à l'enseignement et à
l'éducation sont exclues. Toutes les professions reliées à
la gestion des affaires publiques, provinciales, municipales ou
fédérales, sont exclues également. Cela en fait pas mal.
Et les avocats et les notaires ne sont pas compris dans les professions qui
sont couvertes par l'accord. En plus de toutes ces exclusions,...
Le Président (M. Charbonneau, Verchères):
En conclusion, M. le ministre.
M. Ryan: ...il y a des dispositions dans cette partie de l'accord
qui prévoient que même pour les professions qui sont comprises, on
pourra avoir des mesures spéciales, au titre de la prudence de gestion,
au titre de la fiducie, au titre de la santé, de la
sécurité et même de la protection du consommateur. Par
conséquent, il y a beaucoup de marge pour la liberté et la
responsabilité des gouvernements.
En ce qui touche l'impact indirect de l'accord, M. le
Président...
Le Président (M. Charbonneau, Verchères):
Et vous terminez avec cela.
M. Ryan: ...je crois qu'il est très difficile à
prédire.
Le Président (M. Charbonneau, Verchères):
Vous ne répondez pas, par exemple. Vous terminez avec cela.
M. Ryan: Si l'on adopte l'hypothèse négative que
l'accord produira des fruits économiques mauvais pour le Québec
et le Canada, c'est évident qu'il y aura des conséquences sur les
programmes sociaux qu'il faudra quand même financier. Mais si
c'était une hypothèse négative, le gouvernement ne serait
pas entré dans la perspective de libre-échange. Nous avons
opté pour l'hypothèse positive. Dans la mesure où notre
hypothèse se réalise, il en résultera plus de richesses et
plus de biens pour les particuliers, pour les entreprises, pour les
gouvernements et, par conséquent, des possibilités plus grandes
de développer davantage nos politiques sociales si tel est le voeu de la
population. De ce côté-ci, en conséquence, je pense que les
développements sont aussi intéressants dans une perspective que
dans l'autre. Nous autres, nous optons pour la perspective de la plus grande
liberté de communication. Nous croyons qu'il en découlera des
fruits économiques qui permettront, comme nous sommes en train d'en
faire la preuve au gouvernement, avec plus de prospérité, avec
une activité économique qui marche mieux, c'est
plus facile d'avoir des politiques sociales généreuses.
C'est plus facile que quand l'économie est dans un état de
contraction lamentable, comme on l'a vu pendant quelques années. Merci,
M. le Président.
Le Président (M. Charbonneau, Verchères):
Sur cette note optimiste, M. le ministre, je vous remercie de votre
intervention. Je vais maintenant céder la parole à Mme la
députée de Maisonneuve.
Mme Louise Harel
Mme Harel: M. le Président, est-ce que vous entendez, par
équité, me donner un temps équivalent?
Le Président (M. Charbonneau, Verchères):
Vous allez avoir le même droit que le ministre. J'espère
n'avoir pas plus de difficulté à vous arrêter que je n'en
ai eu à l'arrêter.
Mme Harel: Vous savez combien les femmes sont plus respectueuses
des règles du jeu.
Le Président (M. Charbonneau, Verchères):
Je ne veux pas faire du sexisme à l'envers non plus ce soir.
Mme Harel: Pourquoi pas, M. le Président?
Les tenants du libre-échange sont formels. Les régimes
canadiens et québécois de sécurité sociale, comme
l'assurance-maladie, l'assurance-chômage, l'aide sociale, les pensions et
rentes publiques, l'assurance-santé et sécurité au travail
et bien d'autres ne sont pas inclus dans l'accord. Bien qu'ils ne soient pas
inclus dans l'accord, en sont-ils pour autant à l'abri? Si la plupart
des études démontrent que le libre-échange se soldera par
une création nette d'emplois, les mêmes études ne cachent
pourtant pas qu'il y aura aussi des pertes d'emplois. Selon le Conseil
économique du Canada, 17 groupes industriels sur 36 subiront une baisse
nette de la production et de l'emploi. Le coût déjà
élevé de la sécurité du revenu pour les
sans-travail, soit 4 500 000 000 $ consacrés au Québec chaque
année à l'assurance-chômage et à l'assistance
sociale pour les aptes au travail, devrait continuer à progresser au fur
et à mesure de l'aggravation des difficultés à trouver ou
à garder un nouvel emploi, particulièrement pour des travailleurs
et travailleuses âgées, les personnes qui ont un faible niveau de
scolarité ou celles qui habitent de petites municipalités
éloignées. En l'absence, comme c'est le cas présentement,
d'une stratégie globale de développement social et d'une
stratégie de plein emploi, la tentation sera très forte de
réduire les coûts des régimes de sécurité du
revenu, de couper la durée, le niveau, l'accessibilité aux
prestations ou aux services et de culpabiliser les victimes.
La bonne fée de l'entente canado-américaine peut se
tranformer en une très vilaine sorcière pour un très grand
nombre de nos concitoyens. Cette profonde inquiétude est d'autant
aggravée par le désengagement de l'actuel gouvernement à
l'égard des chômeurs et chômeuses involontaires qui ont
recours à l'aide sociale. Le projet de loi 37 qui est, au moment
même où nous faisons cet échange, discuté et
débattu au salon bleu, privatise la pauvreté en écartant
ses causes économiques et sociales. Ne l'oublions pas, les nouveaux
pauvres sont des gens qui auraient très bien pu s'en sortir à une
autre époque. Comment, en l'absence de tout engagement ferme en ce sens,
peut-on espérer que l'Accord de libre-échange vienne plutôt
favoriser une stratégie de développement social qu'amener le
gouvernement à y renoncer?
M. le Président, à l'instar de l'Association des
hôpitaux du Québec, qui multiplie les avis en ce sens, on ne
saurait assez insister sur l'impact des inégalités sociales
également en matière de santé. Le projet gouvernemental de
privatisation sous prétexte d'établir une saine concurrence entre
certains établissements du système de santé ne modifiera
en rien la donnée fondamentale de base, le défi majeur que le
gouvernement refuse de relever, soit la promotion de la santé par la
réduction des inégalités. Les coûts de la maladie
sont élevés et les inégalités provoquent ces
coûts. Pourtant de nombreuses études et des rapports
récents reconnaissent l'incidence élevée des
problèmes et des coûts de santé dans les populations
socio-économiquement défavorisées. (21 h 15)
En matière de scolarisation, qu'attend ce gouvernement pour mener
une nouvelle campagne vigoureuse de scolarisation et d'alphabétisation
préalable à toute formation de la main-d'oeuvre? Nous aurons
l'occasion longuement demain de discuter des programmes d'adaptation.
Si on considère qu'au Québec, un adulte sur deux n'a pas
terminé les études secondaires et qu'un sur quatre a huit
années et moins de scolarité, à six mois du traité,
si nous voulons obtenir des résultats, il va falloir, M. le
Président, se presser. Comme le soulignait à juste titre ce matin
un éminent membre du présent débat, il est tout aussi vrai
dans notre propre société qu'entre le fort et le faible, en
('absence de droits qui affranchissent, la liberté pourra opprimer. Je
vous remercie.
Le Président (M. Charbonneau, Verchères): Merci,
Mme la députée. M. Charbonneau pour la CEQ.
Coalition québécoise d'opposition au
libre-échange
M. Yvon Charbonneau
M. Charbonneau (Yvon): M. le Président, j'ai entendu M. le
ministre de l'Éducation dire que le gouvernement ou les
gouvernements
allaient garder leur pleine capacité de légiférer
en matière fiscale. U faudrait discuter aussi avec le professeur Rabeau
qui, en conclusion de la conférence qu'il prononçait en janvier,
disait que pour assurer la compétitivité des entreprises
canadiennes, il y aurait une tendance à l'harmonisation de la
fiscalité des entreprises avec celle des États-Unis. Et dans la
mesure où le Canada voulait garder ses propres programmes sociaux en
matière de dépenses publiques, il faudrait compter de plus en
plus sur la taxation indirecte et, encore plus loin, à
l'intégration entre les deux pays. Une intégration des deux
économies limiterait les écarts de taxation entre les deux pays.
Cela pourrait remettre en cause certains des programmes sociaux que les
personnes ou les entreprises doivent supporter au Canada. Donc nous sommes face
à un enjeu, un enjeu qui est à la fois d'ordre direct et
indirect. C'est sûr que ce n'est pas mentionné dans le projet
d'accord, mais il y a un enjeu social important. La coalition a
étudié quatre domaines de protection sociale: l'aide aux
familles, les régimes de retraite, les prestations de chômage et
l'assurance-santé. Dans ces quatre domaines, nous avons constaté
des écarts, vous les avez admis tout à l'heure, d'ailleurs, entre
le Canada et les États-Unis. Il faudrait bien être très
naïf pour ne pas comprendre qu'il va y avoir une dynamique
économique qui va tendre à l'harmonisation parce que pour
soutenir la concurrence, les entreprises ayant siège au Canada devront
essayer d'avoir des coûts comparables à celles qui sont aux
États-Unis et, finalement, essayer de limiter, soit les salaires, soit
les avantages sociaux, enfin, essayer d'arriver aux prix courants sur le
continent. Donc, c'est un enjeu extrêmement important et la coalition a
invité Mme Madeleine Parent pour ajouter son témoignage. Mme
Madeleine Parent a été syndicaliste pendant des décennies
et est maintenant représentante du Comité canadien d'action sur
le statut de la femme et représentante aussi de la Coalition
Solidarité populaire du Québec.
Le Président (M. Charbonneau, Verchères): Mme
Parent, sur le temps des remarques préliminaires, il vous reste à
peu près deux minutes, trois minutes.
Mme Madeleine Parent
Mme Parent (Madeleine): M. le Président, si on songe
à l'insistance du patronat sur l'harmonisation des conditions, il faut
se rappeler qu'aux États-Unis le droit à la syndicalisation est
bien inférieur et beaucoup moins protégé que ce que nous
avons ici. Au fait, le pourcentage de syndiqués aux États-Unis
est de moitié du pourcentage de syndiqués au Canada. En plus, il
faut se rappeler que les normes de travail et le salaire minimum dans beaucoup
d'États des États-Unis sont bien inférieures. Certains
États n'ont même pas de salaire minimum du tout.
Quand on songe à l'assurance-santé, c'est un plan
universel gratuit que nous avons ici au Canada, qui est
énormément supérieur à ce qui se passe aux
États-Unis. Et il est sûr, quand on parle d'harmoniser les
conditions et c'est ce qu'on essaie de faire, on est en train de le faire, que
nos programmes sociaux, notre programme d'assurance-santé et les autres
sont menacés dans le contexte du libre-échange. M. Wilson
à Ottawa a déjà essayé de désindexer nos
pensions de vieillesse. C'était de nous ramener un peu plus au niveau
très inférieur qui existe aux États-Unis. M. Forget de la
Commmission royale d'enquête a essayé de couper de façon
drastique dans les prestations d'assurance-chômage; il n'a pas
réussi, mais c'était encore une tentative de nous amener un peu
plus en harmonie avec ce qui se passe aux États-Unis. Je dois dire
malheureusement que le projet de loi de M. Paradis ne prévoit pas qu'il
y aura plus d'emplois ici au Québec; il prévoit qu'il y en aura
moins et, dans ce contexte, il essaie de couper dans les allocations
qu'obtiennent les assistés sociaux. Alors, on essaie déjà
dans nos gouvernements à Québec et à Ottawa de
réduire les conditions sociales et les avantages sociaux que nous
avons.
J'aimerais demander au ministre: Qu'est-ce qu'il propose de faire dans
le cas où une compagnie américaine de gestion aurait la gestion
d'hôpitaux ou de centres d'accueil au Québec et
considérerait que ce sont des subventions déloyales quand vous
donnez des subventions supérieures à d'autres hôpitaux qui
ont des responsabilités et des besoins plus considérables? Il me
semble, pour ma part, que ces compagnies privées de gestion qui auront
le droit de venir au Québec injecteront dans nos concepts
d'administration de nos hôpitaux et de nos maisons de santé le
concept du profit qui amènera une augmentation du "contractage". Cela
voudra dire qu'il n'y aura plus d'emplois précaires, plus d'emplois qui
paieront moins et moins d'emplois à temps plein plus sécuritaires
pour les travailleurs et les travailleuses dans les services de santé.
Alors, qu'est-ce que le ministre propose de faire si on accuse le Québec
de subventions déloyales et à la faveur du projet de loi C-130
à Ottawa où le gouvernement fédéral se donne le
droit de rendre caduque l'application de tout droit provincial qui viendrait en
conflit avec l'exécution du libre-échange?
Le Président (M. Charbonneau, Verchères): Mme
Parent, je ne donnerai pas la parole immédiatement au ministre qui
pourra cogiter sa réponse. Je vais plutôt donner la parole
à M. Landry pour terminer les remarques préliminaires.
Regroupement pour le libre-échange M. Bernard
Landry
M. Landry: M. le Président, ce que nous discutons dans ce
bloc est à ce point important
que si on m'avait convaincu que nos programmes sociaux étaient
menacés directement ou indirectement, j'aurais révisé
radicalement ma position sur le libre-échange. La croissance
économique, je le redis, n'est pas une fin en soi et le succès
pour une société, c'est plus la justice que la richesse d'un
petit nombre et la pauvreté d'un grand nombre. Par conséquent,
j'ai réfléchi personnellement assez profondément à
ça, et je vais essayer en six petits points rapides de vous donner mon
opinion.
Premièrement, et je pense qu'il y a un quasi-consensus autour de
la table, directement les programmes ne sont pratiquement pas menacés ou
touchés par le traité; ils ne sont pratiquement pas inclus. Il y
a peut-être une petite amélioration directe du statu quo que le
ministre n'a pas mentionnée et qui est la suivante: c'est qu'un de nos
programmes sociaux a été attaqué dans le statu quo avant
le libre-échange et quatre ans avant le libre-échange, quand les
Américains ont assimilé assurance-chômage et subvention
indue à la pêche maritime, sauf qu'ils ont retiré leur
droit compensateur, fort heureusement. Cela illustre que le
libre-échange améliore légèrement notre position
pour protéger nos programmes sociaux puisque maintenant on n'aura pas
les diktats unilatéraux de la International Trade Commission de
Washington.
Sur le plan direct, je pense que les effets ne sont pas très
importants, sauf que les interlocuteurs les plus sérieux parlent de
glissements indirects, c'est ce qui leur fait peur. Je vais essayer de parler
un peu de ces glissements et vous dire pourquoi, à mon avis, ils
n'arriveront pas. Ils n'arriveront pas parce qu'ils me semblent absurdes. Et
pourquoi? Parce que le Canada et le Québec se sont donné depuis
une trentaine d'années des institutions de santé qui sont
incommensurablement supérieures aux institutions américaines,
parce qu'universelles, parce que justes, parce que réparties sur le
territoire et, en plus, moins coûteuses. Aux États-Unis, il y a un
énorme système de santé qui est monstrueusement gros et
ramifié avec du public, du privé, du municipal, du religieux.
Cela ressemble un peu à ce que le Québec avait il y a 30 ans, et
cela coûte deux, trois points de pourcentage de produit national brut de
plus pour faire marcher cela. Le système américain est au bord du
point de rupture, à tel point que le principal candidat
présidentiel, investi de l'investiture démocrate, M. Dukakis,
veut importer le système canadien aux États-Unis. Puis il est en
avance dans les sondages sur tous ses rivaux, pour une raison bien simple: qui,
dans cette salle, des patrons, des syndiqués, des gouvernants, voudrait
se lever et dire à la population du Québec: Nous réclamons
un système qui marche mal, qui coûte plus cher? Il ne peut pas y
avoir de glissement. Ce serait une absurdité.
Le gouvernement conservateur a essayé d'enlever le
supplément de revenus. Cela a duré trois jours comme tentative.
Il y a eu six autobus de ville de Laval et un certain nombre d'ailleurs, puis
cela a fini "dret" là. Les programmes sociaux, dans une
société comme la nôtre, c'est inscrit profondément
au coeur de nos populations.
Donc, à mon avis, s'il y a un glissement, il va être "the
other way around", comme on dit, et il n'y aura pas une telle
détérioration. Les exemples étrangers, qui des fois sont
fatigants, on en a employé beaucoup aujourd'hui, mais permettez-moi d'en
resservir encore quelques-uns sans en abuser. On l'a bien vu, la Suède,
qui consacre 33% de son PNB à ses programmes sociaux (les programmes
sociaux les plus avancés du monde), fonde sa stratégie, depuis 30
ans, sur le libre-échange et la social démocratie, et
réussit à être riche et juste en même temps. Si les
Suédois, petit peuple ingénieux, ont pu réussir cela,
qu'est-ce qui nous empêche de le faire, nous? Je dirais plus que cela. Le
glissement est tellement: invraisemblable qu'à l'intérieur des
États-Unis d'Amérique, un pays qui a fêté deux
siècles d'existence, ils n'ont pas réussi à avoir un
système harmonisé. Et les États progressistes de la
Nouvelle-Angleterre, nos voisins, incluant New York et le New Jersey aussi,
mais sûrement le Massachusetts et sûrement le Rhode Island, ont des
systèmes, tout pris en compte, qui ressemblent à peu près
au nôtre. Ils ont à peu près le niveau de protection
sociale que se donne le Québec, qui est la partie la plus avancée
du Canada sur ce point. Puis, dans le même pays mais à l'autre
bout, au Texas, ils sont avant le déluge en ces matières. Alors,
il faudrait qu'on nous explique pourquoi un modeste accord de
libre-échange provoquerait des glissements que la puissante
fédération américaine, qui marche depuis deux
siècles, n'a pas provoqués. Je pense que c'est presque absurde de
prétendre cela.
Qu'est-ce qui va maintenir nos programmes sociaux ici? Deux choses: la
volonté politique des gouvernements et celle des gens qui les
élisent. Le traité de libre-échange ne nous mettrait pas
à l'abri d'un retour réactionnaire de gouvernements
d'extrême droite qui tenteraient d'abolir cela. Mais dans une
démocratie, c'est le peuple qui les aura mis là. Cela serait
catastrophique, mais cela ne dépendrait pas du libre-échange.
Quel est le deuxième facteur qui peut nous permettre de maintenir
nos programmes sociaux et de les augmenter? La prospérité. On a
les programmes sociaux qu'on a les moyens de se donner. Et, comme les zones de
libre-échange partout ont engendré la prospérité,
celle-ci devrait, non pas menacer nos programmes sociaux, mais nous aider
à les consolider et à les étendre.
Discussion générale
Le Président (M. Charbonneau, Verchères):
Alors, cette réponse, en fait, ce dernier commentaire met fin
à la période des déclarations
préliminaires. Maintenant, on va engager le débat. J'ai,
sur la liste, Mme Fecteau, M. Larose, M. Charbonneau, Mme la
députée de Maisonneuve et M. Bertrand. Alors, je vais commencer
par Mme Fecteau qui a attendu longtemps cet après-midi pour avoir son
droit de parole.
Mme Fecteau: Là, je suis la première.
Le Président (M. Charbonneau, Verchères):
Là, vous allez être la première.
Mme Fecteau: Ha, ha! Seulement pour répondre aux propos de
madame, quant au patronat qui réclamait l'harmonisation. C'est vrai
qu'on réclamait l'harmonisation, mais pas pour n'importe quoi. On
réclamait l'harmonisation pour les politiques fiscales, en
matière d'encouragements fiscaux relatifs à la recherche et au
développement, en matière d'encouragements touchant
l'amortissement, au niveau de l'abaissement des taux d'imposition pour les
particuliers. Cela dit, nous croyons que le libre-échange va permettre
l'amélioration de la productivité de nos entreprises et de
continuer à se payer des programmes sociaux et des mesures sociales de
qualité.
Cela ne veut pas dire qu'on ne puisse pas remettre en question une
politique en matière de sécurité sociale, par exemple, si
cette politique ne va plus. Remettre en cause une politique, cela ne veut pas
dire pour autant qu'il nous faut réduire à la baisse les
avantages que ceux-ci nous procuraient avant. Alors, tout simplement, je
voulais corriger les prétentions qu'aurait pu avoir le patronat
vis-à-vis de l'harmonisation. (21 h 30)
Le Président (M. Charbonneau, Verchères): Avant de
vous céder la parole, Mme Blanchette, j'avais reconnu M. Larose mais,
auparavant, je voulais demander au ministre de l'Éducation s'il avait,
à ce moment-ci, la réponse à la question que Mme
Blanchette lui a posée à la fin de son intervention.
Une voix: Mme Parent.
Le Président (M. Charbonneau, Verchères):
Mme Parent, je m'excuse madame. Je ne sais pas pourquoi.
M. Ryan: Je vois que le président est jeune, il n'a pas
vécu une partie de l'histoire sociale du Québec.
Le Président (M. Charbonneau, Verchères):
Ah! qu'est-ce que vous voulez! Heureusement que j'ai appris mon
métier avec vous, M. Ryan.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Ryan: Brièvement, M. le Président, il est vrai
qu'en vertu de l'Accord de libre-échange, comme je le lis, il pourrait
arriver qu'une firme américaine qui se spécialise dans la gestion
d'un hôpital vienne s'installer au Québec et assume la gestion
d'un hôpital que j'imaginerais privé, parce qu'on ne
conçoit pas un hôpital public confiant sa gestion à une
firme privée. Il deviendrait privé, s'il faisait une chose comme
celle-là. On ne peut pas concevoir qu'une commission scolaire devienne
privée, c'est contradictoire dans les termes. C'est pour cela que les
commissions scolaires sont fortement opposées à l'enseignement
privé en général. Mais supposez que ce sort par
conséquent l'hypothèse que je fais, l'autre étant
irréelle, cette firme devrait se soumettre à toutes les
législations du Québec en matière de relations du travail,
par exemple. Ce n'est pas le Code américain ou le Code de l'État
de New York qui s'appliquerait à son activité au Québec,
c'est le Code du travail du Québec, comme pour n'importe quel autre
employeur québécois.
Deuxièmement, elle ne pourrait pas porter une accusation de
concurrence déloyale, pour la raison que vous donnez, parce que le
gouvernement donnerait plus, par exemple, aux hôpitaux publics, parce que
cela ce sont des choses qui se passent à l'intérieur du
Québec, sur lesquelles le gouvernement du Québec conserve
entière juridiction, nonobstant des termes de l'accord. On ne fait pas
d'exportation de ces services. Par conséquent, je ne vois pas que ce cas
s'applique. Je ne pense pas que ce soit un exemple pertinent.
Le Président (M. Charbonneau, Verchères): M.
Larose, est-ce que vous permettez à Mme Parent de poursuivre? Allez-y
donc, Madame.
Mme Parent: II y a deux choses. Pour répondre à Mme
Fecteau d'abord, je me rappelle très bien que des organisations
patronales demandent que la loi "anti-scabs" soit abolie pour leur faciliter le
travail et ces associations patronales demandent aussi que notre loi sur la
compensation accidents et maladies du travail soit amendée de
façon que les frais soient moins élevés pour les patrons
et je dis que cela, c'est dans le sens de niveler avec ce qui se passe aux
États-Unis.
Sur la gestion des hôpitaux, M. le ministre, selon l'article 14.08
de l'accord, on permet la gestion privée des hôpitaux. Je dois
dire qu'il y a des compagnies de gestion, des compagnies privées
américaines qui travaillent très fort en Alberta actuellement
pour avoir la gestion d'hôpitaux publics dès que l'Accord de
libre-échange sera ratifié. Alors, je ne crois pas que cela soit
impossible. À la lumière du "bill", à Ottawa, de M.
Crosbie, le C-130, l'article 9 dit que si le cabinet, avec la gouverneure
générale, trouve qu'une province agit d'une façon qui
vient en conflit avec l'Accord de libre-échange, le cabinet adoptera un
règlement qui ne permettra pas l'application de la loi provinciale.
Le Président (M. Charbonneau, Verchères):
Merci Mme Parent. Est-ce que cela va? Il n'y a pas de réponse.
Alors, M. Larose.
M. Larose: J'ai une capacité d'entendre très grande
mais j'avoue que mon ami Landry exagère quelque peu. On est dans la
politique-fiction mur à mur quand on nous dit que l'Accord de
libre-échange va exercer une pression mécanique qui va faire que
les États-Unis vont s'ajuster au Canada dans le domaine de la
santé. Ou bien donc, il ne voyage plus...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Larose: ...ou bien il a sauté quelques
frontières, mais je rappellerai que le régime de santé aux
États-Unis est le régime qui gaspille le plus. Mais le
problème, ce n'est pas de gaspiller ou de ne pas gaspiller, c'est de
faire de l'argent. Alors, si on peut faire de l'argent en gaspillant, est-ce
que je peux vous dire qu'il y en a quelques-uns qui sont
intéressés? Vous pensez que le système américain va
se modifier avec l'accord des médecins, sans grève des
médecins, sans grève des spécialistes, sans grève
des avocats, sans grève des compagnies d'assurances? Tout le monde se
graisse dans le régime anarchique, chaotique, coûteux,
américain. Ceux qui paient, c'est la population; 15 % de la population
est sans protection, les autres le sont de façon inégale. Voyons
donc! Essayez de faire accroire qu'automatiquement Dukakis, qui reprend une
vieille idée... Kennedy est venu se traîner les savates ici
plusieurs fois, y compris dans mon CLSC applaudissant le régime
québécois. Bien oui, mais ce n'est pas le premier et ce n'est pas
le dernier, et Dukakis va en parler aussi. Le problème c'est que cela va
accoucher lorsqu'il va y avoir un mouvement social pour le faire accoucher,
comme cela a accouché ici au Québec, avec la grève des
omnipraticiens, avec tous les troubles d'octobre pris là-dedans. Vous
vous rappelez un peu les événements. Tout cela est arrivé
par un mouvement social. Ce n'est pas le petit accord, ou le gros accord de
libre-échange qui va "timer" tout le monde sur la même "track". Et
voilà que le peuple américain va être ajusté
à l'ère québécoise! C'est de la politique-fiction.
Je pourrais parler de la Suède. Si la Suède a grandi dans le
libre-échange, moi je recommence à lire, il faudrait que je lise
dans le texte en plus, parce que ce n'est pas vrai. La Suède s'est
construite par un rapport interne impliquant tous les partenaires, d'abord les
patrons, les syndicats et les politiciens, et en contrôlant très
bien qui venait chez eux pour faire quoi, et à leurs conditions. Ce
n'est pas tout à fait ce que l'accord nous propose. C'est la libre loi
du marché que cet accord. Ce sont des rapports de forces du
marché; ce n'est pas l'interventionnisme de l'État et ce n'est
surtout pas de la concertation sociale.
Le Président (M. Charbonneau, Verchères):
Je suis convaincu qu'il y a quelqu'un qui va vous répliquer. M.
Landry.
M. Landry: Oui, c'est dans l'emportement sans doute, mais le
président de la CSN travestit mes paroles. Je ne prétends pas que
cet Accord de libre-échange va provoquer un changement social aux
États-Unis. Si un changement social arrive aux États-Unis, c'est
parce que leur système n'est plus vivable et que c'est un système
de gaspillage où simplement les poursuites dont sont victimes les
médecins les amènent à payer une fraction monstrueuse de
leur salaire en assurance-responsabilités. Cela n'a rien à voir
avec le libre-échange et ne me prêtez pas des paroles que je n'ai
pas employées. M. Dukakis, candidat à la présidence des
États-Unis, fait campagne pour un programme qui ressemble au nôtre
tout simplement parce que le leur n'est plus vivable.
Revenons à la question suédoise. J'ai dit, et je redis,
que la Suède a fondé son spectaculaire développement, qui
lui permet d'avoir les plus hautes dépenses sociales de la
planète et de garder sa prospérité, sur la liberté
du commerce avec ses voisins. Elle est membre, je vous l'ai dit, de
l'Association européenne de libre-échange, qui n'est pas un petit
accord sectoriel, comme vous l'avez laissé entendre ce matin. C'est un
accord universel qui comporte deux exclusions: l'agriculture et la pêche.
Ce qui me permet de dire, comme je l'ai dit ce matin, que les camarades
travailleurs de Volvo ont de gros salaires et de grosses mesures sociales,
parce qu'ils peuvent vendre les Volvos à 355 000 000 de consommateurs
solvables. Et il y a un autre facteur effectivement qui a fait de la
Suède ce qu'elle est: des gouvernements courageux, lucides,
clairvoyants. Il paraît que même les conservateurs par là
sont plus progressistes que nos progressistes d'ici. C'est vrai, c'est la
tradition nationale suédoise, et cela rejoint ce que je vous ai dit de
la volonté politique. Le Québec restera une société
avancée et une société conviviale tant qu'il aura les
moyens de se payer des programmes et qu'il élira des gouvernements qui
ont cet impératif en tête.
Le Président (M. Charbonneau, Verchères):
Mme la députée de Maisonneuve et après M.
Charbonneau.
Mme Harel: Merci, M. le Président. J'aimerais bien
partager cet optimisme inconditionnel que certains affichent, mais la vision
que j'ai du Québec actuel n'est pas tout à fait celle d'une
société conviviale. Et je m'en réfère aux
études récentes et importantes du Conseil des affaires sociales
et de la famille qui démontraient que, malheureusement, il faut
constater qu'en 1988, le Québec était coupé en deux. Qu'il
y avait d'un côté un Québec de communautés rurales,
périphériques, mais aussi de quartiers
défavorisés de grandes villes, un Québec qui fait
presque 40 %, et qui est en voie de sous-développement. Un Québec
qui est en voie de sous-développement et de désintégration
à la fois démographique, économique et sociale. Et de
l'autre côté, un Québec qui est en pleine croissance
économique, pour qui les choses n'ont jamais aussi bien
été. Et c'est comme dos à dos des réalités
qui se neutralisent, parce que chacune d'entre elles, avec raison, se
prétendant la meilleure. Ceux et celles des Québécois qui
pensent que cela n'a jamais été aussi bien et ceux et celles des
Québécois qui pensent que cela n'a jamais été aussi
mal - et c'est vrai. Dans ce contexte, l'Accord de libre-échange n'est
pas neutre. Il vient ou il ne vient pas aggraver cette réalité ou
alors il la désamorce. Quels sont les engagements de la part du
gouvernement qui va ratifier ou qui va entériner la ratification
canadienne de l'accord? Quels sont à six mois du traité les
engagements que les mesures, les correctifs, l'ensemble des interventions
seront faits vigoureusement pour tenter de faire ce que vingt ans de programmes
sociaux n'ont pas réalisé?
Alors, ma question, M. le Président, s'adresse au ministre de
l'Éducation qui représente ce soir en l'occurrence le
gouvernement sur cette question des programmes sociaux. Comment expliquer cela
autrement que par la volonté de réduire les coûts des
programmes de transferts, les coûts associés aux dépenses
publiques à l'égard des personnes dites aptes au travail qui ont
épuisé leurs prestations d'assurance-chômage et qui, de ce
fait, sont maintenant à l'aide sociale comme sous une forme d'assistance
chômage? Comment expliquer cette volonté comme quasi
irrémédiable du gouvernement de réduire les prestations
des 170 000 ménages qui sont des chômeurs involontaires
plutôt que d'offrir de façon énergique et vigoureuse des
programmes qui leur permettraient une véritable
réintégration à l'emploi?
Le Président (M. Charbonneau, Verchères):
M. le ministre.
M. Ryan: Je ne sais pas quel est le rôle de la
présidence, mais il me semble que la pertinence de la question
prête au doute.
Le Président (M. Charbonneau, Verchères):
Je pense que le président n'a pas à choisir les questions.
Je pense que vous n'êtes pas obligé de répondre à la
question, mais la députée de Maisonneuve avait la latitude
d'intervenir dans le sens où elle le souhaitait. Alors, M. le
ministre.
M. Ryan: Je croyais qu'on... Excusez-moi.
Mme Harel: Puis-je préciser ma question au ministre?
M. Ryan: Oui.
Le Président (M. Charbonneau, Verchères):
Alors, vous...
M. Ryan: Le lien avec le libre-échange.
Mme Harel: II a lui-même fait un débat sur les
professions et cela ne me semblait pas devoir être discuté dans le
cadre de cette discussion sur les programmes sociaux. Je pense que la
discussion qui est pertinente présentement est la suivante: nos
programmes sont-ils à l'abri? Est-ce qu'il n'y aura pas une pression
très forte, à cause de l'augmentation des coûts des
programmes de transferts de revenu, une pression et une tentation très
fortes de la part du gouvernement pour réduire les dépenses
publiques? Est-ce qu'on n'a pas déjà malheureusement un
précédent avec ce qui est devant nous présentement?
Le Président (M. Charbonneau, Verchères):
Dans ce sens, M. le ministre.
M. Ryan: Là, je vois plus la pertinence de la question.
C'est plus clair. Je voudrais répondre à cela par un fait
général. Depuis la fin de la dernière guerre mondiale, les
échanges économiques entre le Canada et les États-Unis
n'ont cessé de croître et en même temps la différence
dans les politiques sociales qui caractérisent les deux pays s'est
également accentuée. Si le raisonnement qui sous-tend votre
inquiétude était fondé, le mouvement aurait dû
être en sens inverse. Les politiques sociales se seraient
rapprochées sans cesse sous la pression des investisseurs
américains qui dirigeaient des entreprises ici et de ce flux
d'échanges sans cesse accru qui s'est produit. Ce n'est pas cela qui est
arrivé.
Le Canada est une réalité politique de type
différent et le Québec également. On pourrait discuter
longtemps sur l'origine de l'assurance-maladie. M. Larose l'attribuait à
l'agitation sociale qui s'est produite au Québec. Cela a commence en
Saskatchewan, l'assurance-maladie au Canada. C'est une idée qui est
née dans l'après-guerre. C'est vraiment une idée
canadienne, pas seulement québécoise. Nous l'avons adaptée
à notre manière à nous, tant mieux, mais c'est vraiment un
des fruits de l'expérience politique économico-sociale
canadienne.
Je pense qu'ici, il s'agit que la volonté politique se
maintienne. Encore une fois, nous pourrons avoir en matière de politique
d'habitation, de politique d'aide financière aux étudiants, de
politique d'aide aux familles, d'appui à la natalité, de
protection de la vieillesse, de régimes de retraite, des choses qui nous
caractériseront et qui seront, évidemment, qui devront être
à la mesure de nos moyens sans quoi nous transmettrons des obligations
à nos descendants qui seront excessives.
Le Président (M. Charbonneau, Verchères):
Sur la même question, M. Ducros, si vous voulez
ajouter un...
M. Ducros: Je vais faire peut-être une réponse
à Mme Harel sur cette question du Québec divisé en deux:
d'un côté, la pauvreté et, de l'autre côté, le
groupe économiquement fort. Je ne peux pas parler au niveau politique ni
au niveau des grandes politiques sociales, sauf que je voyage beaucoup. M.
Larose, je m'excuse, je ne saute pas par-dessus les frontières. Je
voyage beaucoup. (21 h 45)
J'ai été à San Francisco la semaine
dernière. Vous vous promenez sur Market Street à San Francisco et
là, vous voyez un clivage énorme entre deux
sociétés: la société noire qui couche en plein
milieu de la rue et la société blanche qui est réellement
extrêmement riche. Quand vous allez à Washington, et j'y
étais il y a trois semaines, vous ne pouvez pas aller à plus de
deux ou trois rues des grands hôtels, parce que vous tombez dans ces
problèmes-là, des problèmes sociaux absolument
énormes. Je suis convaincu de ce que M. Landry disait tout à
l'heure, que les programmes sociaux américains sont arrivés au
bout et qu'ils vont devoir être changés. On va probablement les
rapprocher beaucoup plus et, là, il y a la présence de M. Dukakis
qui a, évidemment, beaucoup d'intentions dans cette direction.
J'aimerais ajouter un autre point sur l'éducation. Moi, cela me
coûte plus cher d'engager des gens de même niveau aux
États-Unis qu'au Canada, à cause des programmes sociaux. L'un de
ces programmes, je viens d'engager, le 23 septembre de l'an dernier, mon
président américain. Celui-ci a trois enfants à
l'université et cela lui coûte 60 000 $ américains pour
faire éduquer ses trois enfants. Je suis obligé d'augmenter mes
salaires pour ces programmes sociaux-là.
Le Président (M. Charbonneau, Verchères):
Alors, il ne reste pas grand temps. J'ai M. Charbonneau du
côté des gens qui s'opposent et de l'autre côté, des
gens du regroupement, j'ai M. Bertrand, M. Rabeau et M. Landry. Je vais d'abord
permettre à M. Charbonneau de poser sa question. Si jamais cela
s'adresse au gouvernement, je donnerai un droit de réplique. En tout
cas, je vais essayer d'équilibrer, mais je ne prendrai plus d'autres
intervenants que ceux que je viens d'indiquer, outre peut-être les gens
de la partie gouvernementale pour répondre à une question ou
à une autre qui leur serait spécifiquement adressée. M.
Charbonneau.
M. Charbonneau (Yvon): M. le Président, j'aurais quelques
observations et ensuite une ou deux questions à l'endroit du ministre.
Observations à l'égard des personnes qui nous servent abondamment
l'exemple de la Suède. Il s'agit d'une société qui s'est
construite selon un modèle de social-démocratie avancée
dont on n'a pas de traces ici. On a quelques éléments qui
pourraient le faire penser à des gens, mais en réalité le
système suédois est bien différent et bien plus ancien. Il
me semble que l'exemple ne peut pas être servi, lorsqu'on met en
comparaison ou en parallèle la société canadienne et la
société américaine, ou les sociétés
québécoise, canadienne et américaine. Il y a tellement de
disproportions dans tout cela que l'exemple ne peut pas nous éclairer
beaucoup.
Pendant le débat de la journée, lorsqu'on s'aventurait pas
mal sur le terrain économique, les tenants de l'Accord de
libre-échange, à certains moments, nous ont dit: Pourquoi vous
alarmez-vous? Au fond, cela ne changera pas grand-chose. Déjà,
à 80 %, tout est ouvert, tout est libéralisé. Cela va
à peine confirmer, créer des institutions pour "normer" le tout,
normaliser le tout. D'un autre côté, on vient nous dire dans un
élan de foi que la prospérité qui naîtra de cet
accord de libre-échange va permettre le maintien des régimes
sociaux, meilleurs au Canada qu'aux États-Unis, et va même
entraîner une amélioration, un mouvement à
l'amélioration des régimes sociaux aux États-Unis. Ce
n'était pas grand-chose quand on parlait du plan économique et
voilà que au plan social, cela va avoir des retombées
décuplées, centuplées. Je ne comprends pas tellement
pourquoi on nous sert ces arguments-là, d'autant plus que ces arguments
s'ajoutent plutôt aux nôtres. Ce que la fédération
américaine n'a pas réussi à faire en termes
d'amélioration ou d'harmonisation entre, par exemple, certains
États du Nord et le Texas, ce qu'elle n'a pas réussi à
faire après un siècle, la fédération
américaine, pardon deux siècles, pourquoi cela se produirait-il
sous l'Impact de la prospérité retrouvée après un
accord qui, somme toute, porte à la marge d'après les arguments
entendus aujourd'hui? Il me semble qu'il y a moyen de discuter de
manière plus systématique de la question.
Je voudrais poser une couple de questions au ministre de
l'Éducation.
Le Président (M. Charbonneau, Verchères):
Pas trop, M. Charbonneau, pas une couple.
M. Charbonneau (Yvon): Je n'ai pas abusé aujourd'hui.
Le Président (M. Charbonneau, Verchères):
Non, mais je comprends.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Charbonneau (Yvon): Si vous n'êtes pas
équipés pour veiller tard, nous, nous le sommes.
Le Président (M. Charbonneau, Verchères):
Non, mais je suis équipé pour essayer de faire respecter
un peu l'entente qu'on a eue. Allez-y!
M. Charbonneau (Y von): D'accord. Je voudrais poser une ou deux
questions au ministre de l'Éducation qui est en même temps
ministre de l'Enseignement supérieur et de la Science et ministre
responsable des professions partir de l'article 1403 de l'accord et du projet
de loi C-130. Il est question de l'autorisation d'exercer et de la
reconnaissance professionnelle. M. le ministre en a parlé dans son
intervention préliminaire et il nous a renvoyés à une
annexe sectorielle, si je comprends bien, qui semble limiter la question
surtout à la profession d'architecte. Je voudrais demander au ministre
de bien lire et de commenter devant nous l'article 1405 qui dit: "Les parties
s'efforceront d'étendre les obligations du présent chapitre. Les
parties passeront périodiquement en revue les dispositions du
présent chapitre et se consulteront à leur sujet, dans le but
d'inclure de nouveaux services ou pour identifier de nouvelles occasions
d'élargir l'accès à leurs marchés de services
respectifs." L'intention du législateur est extrêmement claire
ici, elle veut associer le Canada et les provinces, du champ de leur
compétence, à une démarche d'extension,
d'approfondissement de ces échanges de professionnels et de services
professionnels. Jusqu'où cela peut-il aller? Pou-vez-vous commenter cet
article 1405?
Je vais aller à l'article 1408 où l'on définit
"service visé".: "service visé s'entend d'un service figurant
dans la liste jointe à l'annexe 1408 et décrit pour
référence dans cette annexe." L'annexe 1408, M. le
Président, on ne va pas la lire au complet, elle a plus de deux pages.
Elle comporte des inscriptions comme suit: services commerciaux de cours par
correspondance, services professionnels, notamment - et là, il y a sept
ou huit professions, dont services de bibliothécaires, services de
consultation, etc. -services de formation, services commerciaux de recherche en
économie en sociologie; en statistique et en pédagogie.
Le Président (M. Charbonneau, Verchères):
M. Charbonneau, le ministre a devant lui l'article, alors ce n'est pas
nécessaire de le lire.
M. Charbonneau (Y von): J'ai terminé ma citation et je
fais remarquer que ces sujets portent en grande partie sur la formation et
l'éducation.
Le Président (M. Charbonneau, Verchères):
Je pense que...
M. Charbonneau (Yvon): Permettez-moi de terminer en revenant
à ceci. Il y a une liste jointe à cette annexe 1408 qui n'existe
pas ici dans le document. Je voudrais demander au ministre s'il dispose de
cette liste jointe à l'annexe, mais qui n'est pas entre nos mains
ici...
M. Ryan: Nous l'avons.
M. Charbonneau (Yvon): ...et que comporte cette liste comme champ
de couverture.
Le Président (M. Charbonneau, Verchères): M. le
ministre.
M. Ryan: M. le Président, nous avons la liste. Je la
passerai volontiers à M. Charbonneau à l'issue de la discussion
que nous avons. J'ai bien mentionné tantôt que l'accord qui est
entamé avec les architectes devrait être recherché ensuite
dans d'autres professions. Je l'ai dit formellement. Cela fait partie de
l'accord de libre-échange, en particulier, les professions suivantes:
services de génie et d'arpentage, services de comptabilité et de
vérification, services d'agrologie, services scientifiques et
techniques, services de consultants en administration, services de
bibliothécaires, services de consultation en agriculture... Il y en a
quelques autres aussi. Vous avez parlé de services de formation. Vous
avez peut-être oublié le titre de cette section, c'est services
commerciaux de formation. Je vous passerai le texte que j'ai ici, cela fait
partie du projet de loi fédéral. Parmi les choses qui sont
exclues, il y a tout ce qui regarde les systèmes d'enseignement primaire
et secondaire jusqu'au postsecondaire.
M. Charbonneau (Yvon): Où est exclu cela? M. Ryan:
Pardon?
M. Charbonneau (Yvon): C'est exclu par quelles dispositions?
M. Ryan: Nous avons tout cela dans les textes qui sont ici. Je
vous les passerai tantôt, c'est assez long.
M. Charbonneau (Yvon): Ah bon! Comme cela, il y a des parties
cachées.
M. Ryan: Je vous assure que j'ai vérifié toutes ces
choses-là avant de les affirmer.
M. Charbonneau (Yvon): Pourquoi n'est-ce pas à la
disposition du public, M. le Président?
M. Ryan: Parce que...
Le Président (M. Charbonneau, Verchères):
D'après ce que je viens de comprendre, c'est que cela va
l'être.
M. Ryan: C'est déjà du domaine public. Il s'agit de
se le procurer.
Le Président (M. Charbonneau, Verchères):
Voici ce que je vous propose maintenant à cette étape. M.
Rabeau et M. Landry sont intervenus à plusieurs reprises. Je
céderai la parole à M. Bertrand qui n'est pas intervenu et par la
suite on fera les remarques finales, parce que déjà on
a pris plus de temps qu'on avait prévu pour ce sujet. M.
Bertrand.
M. Bertrand (Roger): Brièvement, M. le Président,
si vous le permettez, peut-être, faut-il rappeler une chose. Quand on
discute de libre-échange, on oublie peut-être que, de façon
un peu plus globale, il y a des mouvements dans nos sociétés qui
font en sorte qu'il y a des choses qu'on ne pourra pas contourner. Une de ces
choses, je pense, est la mondialisation des échanges entre les peuples,
entre les pays et entre les collectivités. Ces échanges-là
concernent bien sûr les cultures, les valeurs, les connaissances, mais
également les échanges économiques. C'est un mouvement
immanent. On peut, effectivement, essayer d'y résister le plus possible,
mais le train est en train de passer et, si on n'embarque pas dedans, on va
être derrière tout le monde dans quelques années. On va
être et on est déjà en situation de compétition
importante, quoi qu'on veuille, qu'on le veuille ou non.
Dans une situation de compétition, ce qu'on doit faire
normalement, je pense, c'est de s'appuyer sur les éléments ou les
activités par rapport à quoi on a des avantages comparatifs. Or,
il apparaît à l'évidence, d'après les études
que nous avons faites, alors que j'étais commissaire à la
commission Rochon, s'il y a un genre d'activité où on a
définitivement et clairement un avantage comparatif par rapport aux
Américains, ce sont bien notre système de santé et nos
programmes sociaux. À un point tel que, au Québec, on consacre
environ 9,1 % de notre richesse à la santé, les États-Unis
quelque part aux alentours de 10,2 %. On a déjà un avantage
comparatif de l'ordre de 1,5 % et ce ne sont pas des "peanuts" en termes
d'avantages. Alors, il faut s'appuyer sur cela. Il faut s'appuyer, justement,
sur ces programmes sociaux et de santé pour s'assurer, d'une part, qu'on
a une société en santé sur le plan individuel et sur le
plan collectif et une société qui, à cause de cela, sera
d'autant plus solide et productive. On aura également une
société qui, parce qu'elle investit dans le bien-être de
chacun de ses citoyens, sera une société plus cohésive,
plus cohérente, moins tiraillée, plus performante et
également plus concurrentielle. Je termine sur cela, si vous me le
permettez, M. le Président.
Le libre-échange sera viable si on s'appuie d'abord justement sur
ces piliers qu'on a développés dans la foulée de la
Révolution tranquille pour édifier, pour construire et pour
devenir plus concurrentiels. Si on s'assoit sur nos lauriers, si on s'enferme
dans un genre d'autisme collectif, si on se campe sur le statu quo, je pense
qu'à ce moment-là le reste du monde va passer à
côté de nous autres et pendant ce temps-là on va
piétiner. Si on n'embarque pas, j'ai personnellement la conviction que
cela risque de nous coûter beaucoup plus cher sur le plan
économique et social à long terme.
Le Président (M. Charbonneau, Verchères):
Alors, sur cette dernière remarque, je vais céder
maintenant la parole à Mme la députée de Maisonneuve pour
les remarques finales.
Remarques finales Mme Louise Harel
Mme Harel: M. le Président, je constate que les partisans
du libre-échange se réjouissent de l'occasion qui est
donnée au Québec de restructurer son économie à la
faveur de cet accord de libre-échange, mais je constate également
qu'autant il faut se réjouir, autant il faut également
s'inquiéter de ce que cette restructuration n'aggrave les
inégalités. Je crois que cette inquiétude est
fondée, parce que l'absence d'inquiétude et une sorte de
béatitude mécanique sur les effets n'amèneront pas cette
volonté politique qui est indispensable. La volonté politique
doit clairement s'afficher et, évidemment, être à
l'opposé d'une attitude passive qui interviendrait mollement dans des
situations d'instabilité de l'emploi comme celles qui vont se produire
dans certains secteurs, on le sait, et dans des situations de
détérioration des compétences des travailleurs,
étant donné les changements que l'on peut envisager. Cela
commande, pour que les travailleurs démunis ne tombent pas dans cette
trappe de pauvreté et que la trappe de pauvreté ne se referme pas
sur eux, du fait que la pression des dépenses publiques risque d'amener
les gouvernements à vouloir légitimement les réduire, non
pas en adoptant des mesures énergiques mais en coupant dans les niveaux,
la durée ou l'accessibilité aux prestations et aux services.
Cela, M. le Président, avec la garantie que...
Je comprends M. Ducros de nous dire que c'est pire aux
Étals-Unis. Je ne veux pas le chicaner sur cela, c'est possible. Je lui
donne le bénéfice du doute, il s'y connaît certainement
bien, mais je veux simplement attirer son attention, parce qu'on n'a pas
conscience que la situation d'ici est une situation qui départage la
population du Québec litéralement en deux groupes de citoyens. On
a parfois l'impression qu'il y a des pauvres, mais que l'immense
majorité bénéficie du développement.. Eh bien, sur
97 facteurs, imaginez, pas un seul n'a permis de différencier les
populations. À 40 %, elles se retrouveraient toutes en-dessous de ces 97
facteurs qui, mon Dieu, couvraient de la qualité de l'éducation
à l'état de santé, la mésadapta-tion, l'emploi,
etc. Cela veut donc dire qu'il y a actuellement un phénomène de
sous-développement dans la société
québécoise réel, évalué et mesurable, qu'il
y a par ailleurs un phénomène de croissance économique
pour une certaine partie de la population et que l'accord de
libre-échange peut venir aggraver profondément, peut-être
de façon irrémédiable cette situation.
Le Président (M. Charbonneau, Verchères):
Je vous remercie, Mme la députée de Maison-neuve.
M. le ministre, en conclusion.
M. Ryan: C'est la dernière intervention?
Le Président (M. Charbonneau, Verchères): C'est
votre dernière intervention de trois minutes.
M. Claude Ryan
M. Ryan: M. le Président, tout est question de confiance.
J'écoute la députée de Maisonneuve et je ne réussis
pas à savoir si elle est en faveur ou non de l'accord de
libre-échange. Ce serait important qu'on le sache clairement. Je n'ai
pas vu une attitude claire. Mais, je crois que fondamentalement ce qui est en
cause, c'est la confiance en nous-mêmes comme collectivité. Nous
devons faire face au défi de la concurrence que nous le voulions ou non.
Avec la révolution des communications, la concurrence nous investit de
partout. Il s'agit de savoir si nous allons participer à la
définition des conditions dans lesquelles elle va se faire et nous
croyons que cet accord de libre-échange est un de ces ensembles de
conditions qui vont nous permettre de réaliser un degré plus
élevé de prospérité économique qui permettra
ensuite l'expression d'une volonté politique capable de rechercher une
meilleure justice.
C'est vrai qu'il y a des inégalités dans notre
société. Il y en a de très grandes aux États-Unis.
Il y en a dans toutes les sociétés du monde à ma
connaissance, mais je ne pense pas que l'on puisse invoquer uniquement cet
argument pour s'opposer au traité de libre-échange, parce qu'on
peut très bien prendre la contrepartie et dire qu'en entrant dans une
perspective de libre-échange, on sera peut-être mieux placé
pour combattre les inégalités si on réussit à
créer plus de richesse. Alors, if faudrait que l'Opposition
précise sa position davantage. J'ai beaucoup de respect pour les
inquiétudes qui ont été manifestées. C'est
très bon qu'elles aient pu être exprimées à
l'occasion d'une commission parlementaire, mais ce que j'ai entendu ce soir me
persuade qu'il faut aller dans la direction du libre-échange.
Ajournement
Le Président (M. Charbonneau, Verchères): Merci, M.
le ministre. Je serais porté à dire, sur les questions de
volonté, qu'il y a bien des débats qui se concluent par des
questions de volonté. Je ne réanimerai pas les vieilles
discussions de familles qu'on a eues il y a quelques années.
Sur ce, j'ajourne les travaux à demain 11 heures, mais je
voudrais rappeler aux membres de la commission que nous avons un projet de loi
privé à étudier article par article dès maintenant.
Alors, je demanderais aux invités de la commission d'aujourd'hui et aux
personnes qui ne sont pas intéressées par la discussion du projet
de loi 213 de continuer cette discussion à l'extérieur de la
salle pour permettre aux membres de la commission de terminer leur travail.
(Fin de la séance à 22 h 3)