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Version finale

37e législature, 1re session
(4 juin 2003 au 10 mars 2006)

Le mercredi 6 avril 2005 - Vol. 38 N° 64

Consultation générale sur le document intitulé Le secteur énergétique au Québec - Contexte, enjeux et questionnements


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Table des matières

Journal des débats

(Dix heures dix-sept minutes)

Le Président (M. Jutras): Alors, vu que nous avons quorum, nous allons débuter nos travaux, et je déclare la séance de l'économie et du travail ouverte. Je rappelle le mandat de la commission: l'objet de cette séance est de poursuivre la consultation générale sur le document intitulé Le secteur énergétique au Québec ? Contexte, enjeux et questionnements.

Alors, Mme la secrétaire, avez-vous des remplacements à annoncer?

La Secrétaire: Non, M. le Président, il n'y a pas de remplacement.

Le Président (M. Jutras): S'il y a des personnes dans la salle qui ont des téléphones cellulaires en leur possession, je leur demanderais de bien vouloir le fermer.

Alors, je donne lecture de l'ordre du jour de la journée. Alors, dans les minutes qui suivent, nous entendrons l'Association québécoise de lutte contre la pollution atmosphérique et Stratégies énergétiques; par la suite, nous entendrons la Fédération étudiante collégiale du Québec; et les derniers intervenants, en avant-midi, seront M. Guy Chevrette et Mme Amélie Kègle.

Nous suspendrons nos travaux à 12 h 30 pour les reprendre après la période de questions. Et donc, vers les 15 heures, nous entendrons Citoyennes et citoyens Vert Kyoto; à 16 heures, Consultants AGREN Canada inc.; et, à 17 heures, Intersan inc.

Auditions (suite)

Alors, les représentants de l'Association québécoise de lutte contre la pollution atmosphérique et Stratégies énergétiques sont présents. Je vous demanderais de prendre place. Alors, bienvenue à la Commission de l'économie et du travail. Je vous rappelle les règles: vous avez 20 minutes pour la présentation de votre mémoire; par la suite, il y aura un échange avec le ministre et les députés ministériels; et, par après, un échange avec les députés de l'opposition.

Dans un premier temps, je vous demanderais de vous présenter ? là, il y a M. Bélisle ? alors de vous présenter et présenter la personne qui vous accompagne et procéder à la présentation de votre mémoire. Ou si c'est M. Neuman? Est-ce que c'est ça? Ah bon! O.K.

Association québécoise de lutte contre
la pollution atmosphérique (AQLPA)
et Stratégies énergétiques (SE)

M. Bélisle (André): Alors, merci, M. le Président, et merci de nous accueillir. Merci, mesdames et messieurs de la commission.

Alors, je me nomme. André Bélisle, président de l'Association québécoise de lutte contre la pollution atmosphérique. On est un organisme qui existe au Québec depuis maintenant 23 ans, dont la mission est d'abord une mission d'éducation populaire et bien sûr un travail aussi pour protéger et encourager le progrès, si on veut, et aussi les engagements qu'on a pris, de différentes sources, pour améliorer la qualité de l'air.

Je cède la parole à mon collègue, Me Neuman, de Stratégies énergétiques, qui est aussi procureur de l'AQLPA.

n (10 h 20) n

M. Neuman (Dominique): Alors, bonjour, M. le Président, M. le ministre, MM. et Mmes les députés. Alors, comme nous avons indiqué dans notre mémoire, nous vous proposons une Feuille de route pour une politique énergétique. Pourquoi? Parce que les mécanismes législatifs et régulatoires actuels de planification énergétique au Québec ont failli à leur tâche. Ces mécanismes n'ont permis ni à l'Assemblée nationale, ni à sa Commission de l'économie et du travail, ni au gouvernement du Québec et ni à la Régie de l'énergie de voir venir et de gérer d'avance, voire d'éviter la crise de sécurité énergétique invoquée par Hydro-Québec en 2003-2004 pour justifier son projet de centrale Le Suroît.

De plus, les mécanismes actuels de prise de décision quant aux choix des filières énergétiques n'intègrent pas les propres politiques du gouvernement du Québec, tant en matière énergétique qu'environnementale. Notre mémoire regorge de citations, à la fois du BAPE, de la Régie de l'énergie et d'autres organismes qui font ce reproche justement au gouvernement de ne pas avoir traduit, dans ses politiques, dans ses actions concrètes, les grandes politiques qu'il a lui-même adoptées, et c'est quelque chose qui se manifeste depuis plusieurs années.

Il en ressort que ces processus génèrent de façon systématique des décisions qui vont à l'encontre des politiques publiques du gouvernement. La non-concordance entre les décisions prises et les politiques publiquement exprimées par le gouvernement a pour effet de générer de manière systémique une insatisfaction, auprès de la population et des leaders d'opinion, qui se retourne contre les élus, contre le gouvernement.

Comme le confirme la Régie de l'énergie, la crise de légitimité autour du projet Le Suroît n'a été qu'un exemple de ce que les processus actuels sont susceptibles de générer de façon systématique.

Donc, dans notre mémoire, nous vous proposons une Feuille de route qui est axée sur l'adoption d'un certain nombre de mesures, dont un grand nombre de mesures dès 2005. D'abord, nous proposons: d'ici octobre 2005, nous recommandons que le gouvernement modifie le régime actuel des plans stratégiques d'Hydro-Québec qui sont actuellement des plans d'une durée de cinq ans. Un plan d'une durée de cinq ans, pour planifier ce qu'on a à planifier au niveau de la production, ce n'est pas un plan stratégique. Ça ne permet pas, au gouvernement et aux élus, de voir venir les choix à faire et de les faire en temps utile.

De plus, le plan stratégique d'Hydro-Québec, tel qu'il est présenté ces dernières années, est centré sur le scénario «moyen» de la demande et «moyen» de l'offre, ce qui ne permet pas de sensibiliser les élus qui ont à adopter ce plan aux choix qui ont à être faits, puis les choix ont à être faits non pas seulement en fonction du scénario moyen, mais en fonction de scénarios d'encadrement, ce qu'on appelle le «scénario fort», le scénario à plus ou moins un ou deux écarts types de la moyenne.

Donc, nous proposons qu'il y ait dorénavant un plan stratégique d'Hydro-Québec sur un horizon de 15 ans ? donc que le prochain dépôt porte donc sur la période de 2006 à 2020 ? et que ce plan établisse un calendrier pour le développement de l'ensemble des sources de production qui sont prévues, incluant le développement du potentiel éolien du Québec. De plus, comme cela a déjà été annoncé, nous souhaitons que, dès le début de 2005, ait lieu le lancement urgent de l'appel d'offres pour un deuxième bloc de 1 000 MW éoliens, tel que déjà promis.

Nous proposons similairement qu'il y ait un plan gouvernemental sur un horizon de 15 ans, qui soit déposé également d'ici octobre 2005, délimitant le rôle de l'énergie thermique au Québec afin qu'on puisse voir venir les choix, qu'on puisse voir venir notamment si nous avons ou non un besoin de gaz naturel tel qu'il justifie les différents projets de ports méthaniers qui sont présentement en discussion. C'est le plan qui doit précéder la décision de construire et non pas l'inverse.

On a déjà dit que la formule de la commission parlementaire souvent ne permettait pas d'avoir l'expertise nécessaire pour examiner de façon approfondie de tels plans. Pour combler cette lacune, ce que nous proposons, c'est de suivre l'exemple qui a été fait à l'occasion du dossier du Suroît en 2004 et qui serait de soumettre le plan à un avis consultatif ? et je dis bien consultatif ? de la Régie de l'énergie avant sa présentation à la commission parlementaire. De cette manière, la régie aurait pu fournir son expertise, et également les différents intervenants concernés auraient pu d'abord se renseigner lors des processus de consultation mis en oeuvre par la régie, obtenir des précisions et des renseignements requis et eux-mêmes mieux développer leurs propres discours, leurs propres représentations, qu'ils pourraient faire par la suite.

Donc, cette combinaison d'accroître le rôle des élus en ayant un plan de 15 ans et d'accroître aussi le rôle consultatif de la régie permettra aux élus de mieux voir venir et de mieux faire les choix stratégiques qui doivent être faits en matière électrique et gazière.

Également, nous recommandons au gouvernement de finalement adopter un plan national interministériel en efficacité énergétique, tel que cela avait déjà été annoncé dans la Politique énergétique de 1996 et jamais mis en oeuvre.

Nous recommandons au gouvernement de mettre en oeuvre les Codes modèles ? qui sont déjà adoptés, qui sont déjà prêts depuis 1997 ? des Codes modèles de construction qui ont été préparés par le Conseil national de la recherche, qui sont suivis pour des programmes gouvernementaux tel que Novoclimat, tel que le PEBC, mais qui, en 2005, mériteraient de devenir la norme, le «benchmark», là, au-dessous duquel on ne descend pas. Et il y a un fort consensus du milieu de la construction pour que ces codes modèles soient mis en place.

Nous recommandons également de confier un rôle accru et des ressources, des budgets à l'Agence de l'efficacité énergétique pour qu'elle puisse accomplir le rôle ? qui lui est dévolu, le rôle qu'elle a déjà de par sa loi ? qui est d'être finalement le maître d'oeuvre principal de la réalisation d'un plan national gouvernemental en efficacité énergétique. L'agence avait déjà peu de budget et peu de ressources lorsqu'elle a été créée, et elle en a de moins en moins année après année. Elle avait des programmes il y a un certain temps; elle n'en a plus. Elle a été obligée de se départir de tous ses programmes, faute de budget.

Finalement, nous proposons, au niveau des tarifs d'énergie, de maintenir le coût de l'électricité patrimoniale ? qui est fournie par Hydro-Québec Production à Hydro-Québec Distribution ? à 0,0279 $ le kilowattheure. Nous ne proposons ni de l'augmenter au prix du marché, comme ça a été recommandé par certains, ni de le descendre au coût réel qui serait peut-être de l'ordre de 0,018 $, 0,019 $, selon les données les plus récentes, puisqu'actuellement le 0,0279 $ est un compromis raisonnable entre le 0,018 $ du coût réel et ce que ça représenterait sur le marché, qui est d'environ 0,08 $. Nous pensons que ce compromis raisonnable doit être maintenu. Ça permet de maintenir les tarifs d'électricité parmi les plus bas en Amérique du Nord ? peut-être pas les plus bas, mais parmi les plus bas ? et également le fait que les tarifs ne soient pas trop bas quand même fournit un certain incitatif aux mesures d'efficacité énergétique. Si les tarifs baissaient, des mesures d'efficacité énergétique qui actuellement sont rentables ne le seraient plus, ou leur délai de réalisation, leur période de retour sur l'investissement serait trop longue, ce qui fait que le gouvernement devrait injecter davantage d'argent pour rérentabiliser ces mesures, ce qui fait qu'on tournerait en rond.

Donc, je vais passer la parole à mon collègue M. Bélisle, qui va vous présenter d'autres aspects de nos recommandations.

M. Bélisle (André): Merci. Au début, pour respecter le temps qui nous est alloué, on avait décidé que Dominique couvrirait l'aspect énergie et moi plus l'aspect transport. Alors, mon propos va tenir plus dans le domaine transport.

Alors, on recommande à la commission de recommander au gouvernement de Québec de voir à maintenir la cohérence entre ses décisions sur des dossiers en particulier en matière d'aménagement du territoire et de transport, et des orientations qu'il a déjà définies sur ces questions, notamment dans sa politique énergétique de 1996, dans le Plan d'action québécois sur les changements climatiques 2000-2002, le cadre d'aménagement et les orientations gouvernementales pour la région métropolitaine de Montréal et de Québec, préparé par le ministère des Affaires municipales et de la Métropole, ainsi que le Plan stratégique de développement du transport métropolitain, de l'Agence métropolitaine de transport.

n (10 h 30) n

En ce sens, on recommande plus particulièrement un développement axé sur l'accessibilité du transport en commun; un développement visant à maximiser l'efficacité du transport des personnes et du transport des marchandises; le principe de densifier prioritairement les zones déjà denses, déjà multifonctionnelles et déjà pourvues de services publics; l'évitement de l'étalement du développement urbain vers des zones qui ne sont pas déjà denses, multifonctionnelles et pourvues de services publics.

On recommande, quant au transport des personnes, que la commission recommande au gouvernement du Québec d'assurer un financement adéquat des dépenses d'opération des services de transport en commun dans les différentes régions du Québec, en ayant pour souci le maintien ou l'accroissement de la qualité du service et de l'achalandage.

On recommande également de poursuivre la mise en place des mesures incitatives à l'usage du transport en commun dans les différentes régions du Québec, notamment par des mesures fiscales dont le crédit fiscal pour les cartes de transport, et l'accroissement des programmes Employeurs, en vue de convaincre les employeurs de mettre en place, de concert avec leurs employés, des mesures pour réduire les déplacements en voiture.

Nous recommandons également que la commission recommande au gouvernement de poursuivre ses démarches en vue de développer l'intermodalité rail-route et route-fleuve.

On recommande aussi à la commission que la commission recommande au gouvernement du Québec, tant pour le transport des personnes que des marchandises, de développer le créneau de l'électrification des transports ferroviaires.

On recommande également que la commission recommande au gouvernement du Québec de procéder à l'instauration d'un programme redevance-remise sur l'achat des véhicules légers neufs, tel que défini par le Groupe de travail sur les transports, du Comité interministériel sur les changements climatiques, dans son rapport du mois d'août 2000 intitulé Les options pour la réduction des émissions de gaz à effet de serre dans les transports au Québec, et tel que repris dans le Plan d'action québécois 2000-2002 sur les changements climatiques.

Nous recommandons également à la commission de recommander au gouvernement du Québec d'interdire les véhicules de publicité mobile dans toutes les grandes agglomérations, comme il était déjà interdit dans la Communauté urbaine de Montréal.

Et finalement on demande à la commission de recommander au gouvernement du Québec de procéder immédiatement à la mise en oeuvre d'un programme obligatoire d'inspection et d'entretien des véhicules automobiles lourds et légers, comprenant un volet d'aide à la réparation pour les propriétaires de véhicules routiers légers à faibles revenus. Voilà. Et la présentation est terminée.

Le Président (M. Jutras): Alors, merci. Alors, je céderais... je cède maintenant la parole au ministre. M. le ministre.

M. Corbeil: Merci, M. le Président. Bonjour, M. Bélisle, M. Neuman. D'entrée de jeu, ma première question va porter sur l'efficacité énergétique, puisque c'est un des éléments importants de votre mémoire qui, soit dit en passant, est très bien étoffé.

À la recommandation n° 30 de votre mémoire, vous suggérez de déposer un plan national en efficacité énergétique dès 2005, lequel serait coordonné et supervisé par l'Agence de l'efficacité énergétique. À cet égard, vous soumettez plusieurs éléments qui devraient faire partie du plan national en efficacité énergétique.

J'aurais trois questions. En fait, iriez-vous jusqu'à proposer l'autonomie de l'agence? Vous proposez aussi que ça devrait viser toutes les sources d'énergie et tous les usages, incluant les transports; en fait vous ne le proposez pas. Est-ce que vous pensez que ça devrait inclure les transports? Et: Comment on devrait financer un tel plan?

M. Neuman (Dominique): D'abord, oui, le plan devrait inclure tous les secteurs, et je vous donne un exemple. Il y a une certaine entreprise, je ne veux pas nommer son nom, qui fait de l'efficacité énergétique qu'on appelle communautaire, c'est-à-dire qu'ils se rendent chez les gens... C'est peut-être un organisme, vous savez probablement duquel je parle, qui, de façon systématique dans un quartier, a pris entente avec les élus locaux, frappent aux portes, se rendent chez les gens et leur proposent tout ce que les gens peuvent faire en efficacité énergétique et sur lequel ils ont le contrôle. Donc, il n'est pas question de sectoriser, de dire: Ah! moi, je suis là pour l'électricité; ce que vous pouvez faire pour votre voiture, ce n'est pas moi. Je vous donne le numéro de téléphone, mais, moi, je ne m'en occupe pas. Au contraire, leur travail, c'est de réaliser tout ce qui peut être fait et de conseiller les gens globalement.

Donc, c'est une des raisons pour lesquelles il faut qu'il y ait un organisme qui globalement puisse coordonner l'ensemble des actions. Il y a une interrelation entre le marché de l'huile de chauffage, le coût du gaz, le coût du pétrole. Donc, il y ait une interrelation entre ces différents éléments, et il est souhaitable que l'organisme coordonne l'ensemble. Ce rôle de coordination d'ensemble interministériel était déjà prévu à la politique énergétique de 1996, donc nous proposons de le réaliser.

Votre demande: Est-ce que ça devrait être un organisme distinct du gouvernement? Nous ne faisons pas cette recommandation parce que notre recommandation est plus au niveau des budgets, quelle que soit la forme qu'a cet organisme. L'important, c'est qu'il ait des budgets et donc qu'il puisse développer des programmes et jouer son rôle de leadership. Et intuitivement on se dit que, comme le plan d'action interministériel est un plan d'action gouvernemental, que sa raison d'être, c'est de responsabiliser le gouvernement quant au domaine de l'efficacité énergétique, il serait normal que l'agence travaille de concert et soit le bras du gouvernement pour réaliser et coordonner cette politique plutôt qu'une agence indépendante qui pourrait avoir son propre agenda et qui un jour pourrait susciter peut-être une insatisfaction dans la population, et ça retomberait sur le gouvernement qui de toute façon aurait à gérer cette insatisfaction. Donc, il faut que les deux fonctionnent de façon coordonnée et fonctionnent en plus des propres programmes qu'Hydro-Québec, Gaz Métropolitain, Gazifère ont en efficacité énergétique, programmes qui sont supervisés par la Régie de l'énergie et qui doivent continuer d'exister, et l'un doit fonctionner en complémentarité avec l'autre.

Je vous donne là-dessus un petit exemple. L'Agence de l'efficacité énergétique avait jadis des programmes pour aider une meilleure efficacité énergétique dans les bâtiments du gouvernement, les bâtiments scolaires, les bâtiments de santé. Ces programmes ont disparu, et c'est un peu Hydro-Québec Distribution qui est en train de reprendre ce fardeau sur elle. Ce n'est pas normal que ce soit ainsi. Il devrait y avoir des politiques internes au gouvernement pour qu'elle exerce son leadership, pour qu'elle donne l'exemple quant à l'efficacité énergétique de ses bâtiments, et ces programmes devraient exister en plus et non pas être refilés à Hydro-Québec pour être gérés. Hydro-Québec a aussi plein de programmes à offrir et qui doivent continuer de l'être et de faire de l'expansion. On apprécie l'effort que le gouvernement a fait pour amener Hydro-Québec Distribution à hausser ses récents objectifs en efficacité énergétique. On demandait 6 TWh pour... si Hydro-Québec propose 3 TWh; mais c'est mieux que 1 TWh quand même, comme c'était avant.

M. Corbeil: M. le Président, merci. En fait, j'aimerais que vous élaboriez un petit peu plus sur le financement d'un tel plan, et j'aimerais aussi que vous précisiez, parce que vous parlez d'un plan national interministériel. Je veux bien que le gouvernement fasse des efforts, investisse dans le secteur de l'efficacité énergétique pour donner l'exemple, mais il faut que les consommateurs soient partenaires pour la démarche qui les concerne, surtout si vous parlez d'un plan global d'efficacité énergétique pour le transport, pour la chauffe, l'isolation, etc. Il y a plusieurs aspects, que vous connaissez tout aussi bien que moi, là-dedans.

Alors, j'aimerais que vous parliez un petit peu plus de la question du financement d'un tel plan et comment on fait l'arrimage. J'en suis, que le gouvernement devrait prêcher par l'exemple pour commencer, là, et après ça faire ensuite que la masse, là où il y aura des économies importantes et significatives à réaliser, puisse se réaliser.

M. Neuman (Dominique): Interministériel, c'est dans le sens où d'une part chaque ministère a des choses qu'il peut faire chez lui, dans ses propres bâtiments et équipements, et, en plus, de par son rôle, de par ses propres mandats, a des interventions qu'il peut faire. On a donné des exemples en termes d'aménagement: il y a le ministère des Affaires municipales, des Transports et autres. Au niveau du financement, l'important, c'est que les budgets existent, que ces budgets croissent et soient suffisants. Les deux sources sont les crédits gouvernementaux ou que l'agence exerce son pouvoir d'aller chercher une redevance sur les sources d'énergie, pouvoir qui n'a pas été exercé mais qui pourrait l'être. C'est les deux choix qui sont possibles. Nous n'avons pas de recommandation spécifique quant à la manière dont devraient être articulées les deux sources, mais l'important, c'est que le résultat, c'est que les budgets soient là.

Un aspect qui pourrait être exploré, c'est que dans... Puisque... les mesures les plus efficaces sont les mesures qui impliquent des investissements plus lourds dans les équipements, comme, bon, l'isolation thermique, les systèmes de chauffage, par rapport aux mesures comportementales. Les mesures comportementales s'effritent plus rapidement, sont plus difficiles à obtenir, et leur rentabilité des fois est plus faible. Donc, comme les mesures les plus efficaces sont les plus lourdes, souvent c'est celles qui sont rentables après un certain terme mais qui nécessitent un investissement de départ important.

n (10 h 40) n

Je donne un exemple qui vous a été présenté par un autre intervenant, qui est la géothermie. La géothermie permet de réduire de 65 % les coûts de chauffage. Ça prend environ, selon le cas, entre cinq et 10 ans de rentabilité, peut-être plus, mais c'est définitivement bien en deçà de la durée de vie de l'immeuble. Sauf que ça prend un investissement de départ important.

Des organismes comme l'agence pourraient offrir une aide au financement, donc non pas de... souvent de donner de l'argent mais de prêter de l'argent et peut-être de développer des méthodes de remboursement qui correspondent avec la période de retour sur l'investissement, de sorte que les consommateurs auraient plus de facilité pour installer ça et sachant que leurs paiements par exemple ne seront pas supérieurs à l'économie d'énergie qu'ils réalisent pendant la durée de vie de la mesure.

M. Corbeil: Merci beaucoup. Dans le cadre de vos recommandations, vous suggérez notamment de déployer un objectif et un calendrier d'implantation de compteurs intelligents, permettant une tarification différenciée dans le temps. Comme vous savez, l'Ontario a décidé que tous les consommateurs d'électricité auraient un tel compteur à l'horizon 2010.

Dans le contexte québécois où la chauffe de l'espace représente une part majeure des besoins en électricité, jugez-vous que la tarification différenciée dans le temps peut trouver ici une application concrète? Et, si oui, pourquoi?

M. Neuman (Dominique): Cette mesure est une mesure de moindre importance. D'abord, c'est essentiellement pour donner un feed-back en temps réel aux consommateurs. Les grands consommateurs ? consommateurs industriels et commerciaux ? ont cet outil. L'idée est de fournir plus aisément ce type d'outil à l'ensemble des consommateurs pour qu'ils puissent suivre en temps réel quel est l'effet des gestes qu'ils ont posés, le jour même ou la veille, pour qu'ils puissent réaliser ce qu'ils auraient pu faire, qu'ils puissent comparer d'une journée à l'autre. C'est surtout dans cette optique-là.

Il y a une autre optique mais qui, elle, est beaucoup plus à long terme; on parle d'après 2010. C'est que, pour l'instant, il n'y a pas de besoin de capacité de puissance supplémentaire en production électrique au Québec, mais on prévoit que, peut-être, d'ici la prochaine décennie, qu'il y aurait... peut-être que ce type de besoin pourrait émerger et, dans ce cas, il pourrait être utile que les consommateurs aient déjà les outils qui leur permettraient de gérer dans le temps leur consommation. Mais je suis tout à fait conscient que cet aspect-là n'est pas une priorité maintenant, c'est plus pour le long terme.

M. Corbeil: À la page 17 de votre mémoire, vous recommandez que le gouvernement mette sur pied un plan gazier, à l'instar du plan stratégique d'Hydro-Québec. Nous souhaiterions vous entendre sur deux aspects de cette question, c'est-à-dire quels seraient les principaux volets du plan que vous souhaitez et comment seraient-ils mis en oeuvre?

M. Neuman (Dominique): Les principaux aspects, ce serait la demande et l'offre. Donc, déterminer, sur un horizon de 15 ans, quels sont les besoins prévisibles du Québec en termes de consommation gazière, comme ça se fait pour la planification électrique, et ensuite déterminer quels sont les meilleurs moyens de satisfaire cette demande.

Ce serait un plan gouvernemental qui ne s'imposerait pas de lui-même aux entités gazières, Gaz Métropolitain et Gazifère, mais qui servirait de cadre d'orientation au gouvernement qui a à approuver différents projets que ces entités pourraient avoir à proposer. Comme par exemple, si l'on conçoit qu'on a un besoin d'approvisionnement et que le moyen de satisfaire cet approvisionnement ce sont des gazoducs, dans ce cas, ça permettrait au gouvernement de planifier ce qui se fait à cet égard-là.

De la même manière, ça permettrait au gouvernement d'évaluer si des ports méthaniers sont justifiés ou non, compte tenu du niveau de la demande qui est prévu sur cette période de planification. Et ce serait, contrairement au plan d'Hydro-Québec, ce serait un plan préparé par le gouvernement.

M. Corbeil: Justement, puisqu'on parle de plan gazier, je pense que la situation est à peu près en équilibre, au moment où on se parle, peut-être même un petit peu en déficit l'hiver. Donc, on ne peut pas augmenter nécessairement la demande, l'offre n'étant pas au rendez-vous. Et je pense qu'on aurait peut-être avantage à miser sur une plus grande accessibilité et disponibilité du gaz naturel justement, pour corriger le tir au niveau de la chauffe de l'eau, la chauffe des espaces, sur le plan de l'efficacité ou, à tout le moins, d'une utilisation plus rationnelle de l'énergie, là. J'aimerais ça vous entendre là-dessus, un peu.

M. Neuman (Dominique): Oui. Au niveau de la chauffe, comme ça a été dit souvent, il est plus efficace de brûler le gaz naturel directement pour chauffer que de le brûler pour en faire de l'électricité qui, par la suite, servira à la chauffe. Donc, dans la mesure où les sources marginales qui ont été envisagées ? puis avec Bécancour et le Suroît ? pour la production d'électricité supplémentaire sont au gaz naturel, ça, ça justifie d'accroître la part de marché de la chauffe au gaz naturel. C'est un phénomène qui... en fait qui était présent depuis plusieurs années, les choix n'ont pas été faits depuis plusieurs années, je sais que plusieurs organismes ont fait des représentations à ce sujet. Ce qui est en train d'arriver maintenant et qui est nouveau, c'est qu'en plus... donc, tout en maintenant ce que je viens de dire, là, au niveau de la chauffe au gaz naturel, c'est que maintenant il y a une nouvelle forme d'énergie qui maintenant entre en compétition avec ce même marché que le gaz naturel n'a pas pris pour la chauffe, qui est la géothermie et qui, elle, pour l'instant ? je dis bien «pour l'instant» ? est plus réalisable dans le contexte où la chauffe est faite de façon électrique. C'est que la géothermie représente une économie d'environ 65 % de la consommation électrique du chauffage, mais il y a quand même un besoin d'un système électrique d'appoint pour les périodes de grands froids qui ne sont pas couvertes par la géothermie.

Donc, on se trouve dans la situation où il y a deux nouvelles sources possibles d'approvisionnement en chauffage, là, qui sont le gaz naturel et la géothermie, mais combinées à l'électrique, peut-être un jour au gaz, si les prix y sont ? mais, pour l'instant, c'est avec l'électrique ? et il y aurait lieu de développer ces deux sources comme alternatives pour réduire la part énorme que nous avons dans le tout-à-l'électricité actuellement.

M. Bélisle (André): Puis, peut-être, si vous permettez, en complément de réponse, il y a aussi le fait que, dans bien des cas, les fluctuations dans le prix du gaz font qu'on remarque une tendance vers le retour vers le mazout lourd, et, dans la grande industrie, on a vu, dans les dernières années, un bond, selon Statistique Canada, d'environ 1,8 million de tonnes de recours au mazout lourd, ce qui libère en théorie ? et là, nous, c'est les questions pour lesquelles on aimerait obtenir des réponses claires ? qui libère en théorie beaucoup de gaz. Alors, là, on se questionne sur quelles orientations prendre et quelle est la réalité au moment où on parle.

Le Président (M. Jutras): Mme la députée de Rosemont.

Mme Dionne-Marsolais: Merci. Alors, messieurs, bonjour. Je dois vous dire que je suis assez contente de voir que vous vous êtes penchés sérieusement sur toute la problématique du transport, parce qu'effectivement c'est probablement le secteur le plus faible qui a été présenté ici; très peu de gens en ont parlé. Et, vos recommandations, à ce niveau-là, je pense, vont aider, du moins je l'espère, la réflection sur la politique énergétique parce que c'est... Actuellement, là, au Québec, il y a autant de consommation de pétrole que d'électricité dans le bilan; essentiellement, c'est le transport... Donc, toute mesure qui va aider à l'amélioration du transport en commun, l'efficacité du transport dans son ensemble, c'est une voie importante.

Je retiens de votre mémoire l'importance ou l'urgence de voir venir. Je crois que c'est une des recommandations que vous faites qui... et puis vous la campez bien, vous la définissez: on doit faire un plan de 15 ans, on doit le revoir à tous les deux, trois ans. On peut discuter, là, de la période, mais l'objectif étant de suivre l'évolution de la planification des besoins énergétiques, et, si je comprends bien aussi, vous intégrez toutes les formes d'énergie dans cette planification-là, pas seulement l'électricité, ce qui est bien. J'aime aussi votre idée de feuille de route. C'est la mode en ce moment, les feuilles de route, mais je pense que c'est une façon simple de comprendre ou d'expliquer les étapes.

n (10 h 50) n

J'ai trouvé intéressante aussi la demande d'avis à la régie pour ce qui est des plans d'Hydro-Québec, je crois, avant la présentation en commission parlementaire. Ça, je trouve ça bien intéressant parce qu'on a constaté, au fil des années, que, nous, parlementaires, manquions un peu de profondeur de connaissances pour vraiment valider, questionner et peut-être aussi contester certaines présentations de la société d'État dont nous sommes tous les représentants des actionnaires comme parlementaires, et ça, je trouve que c'est... Enfin, c'est la première fois qu'on a cette recommandation-là, et j'espère que le ministre va la retenir, parce que je crois qu'elle servirait si ce n'est que le processus d'éducation permanente des citoyens par le biais des parlementaires, si vous voulez, et ça, moi, je la retiens, celle-là.

J'ai un autre petit commentaire qui est présent un peu partout dans votre document, c'est celui de prêcher par l'exemple, hein? Vous dites au gouvernement: Est-ce que vous ne devriez pas prêcher par l'exemple dans tel secteur, tel secteur? Bon, ça va du Code du bâtiment jusqu'à la politique de transport. Et je vais poser une petite question très d'actualité.

À la page 29, je crois, de votre sommaire, vous parlez des constructions et des plans, le leadership, là, pour maximiser les économies d'énergie, hein? Je vais vous demander: Est-ce qu'il ne serait pas opportun... On voit, là... Actuellement, il y a, au Québec, les grands projets... Mais vous savez ce dont je veux parler, pas besoin de regarder la recommandation, là. Le fonds, là, si on prêche par l'exemple.

Il y a des grands projets actuellement, sur les tables à dessin du gouvernement, hein: le centre hospitalier McGill, le centre hospitalier Montréal... l'Université de Montréal, probablement la Cité des arts ? on ne sait pas trop comment ça s'en va, mais ça va finir par aboutir. Est-ce que vous iriez jusqu'à... Enfin, est-ce que ce ne serait pas opportun que, dans chacun de ces grands projets là, on exige... sur le plan par exemple du chauffage de l'eau, on pourrait exiger du solaire thermique? On a eu ici une entreprise qui est venue nous présenter un processus de solaire thermique, apparemment très efficace, qu'ils souhaitent implanter dans les habitations, partout au Québec. Bon. Ça prend un investissement initial. On prévoit une période de récupération peut-être sur huit, neuf ans; ça peut être plus court.

Mais est-ce qu'il n'y aurait pas lieu que le gouvernement prévoie, dans ses budgets de construction de ces immeubles publics, un pourcentage spécifique? Ça peut être un mur solaire, ça peut-être... C'est au concepteur architectural... Vous le dites quelque part d'ailleurs: C'est à l'architecte à le définir. Mais que l'on prévoie que x pour cent de l'énergie, au moins, devrait produire de l'énergie verte plus... puis que ça compterait, si vous voulez, dans les économies d'énergie, si on peut appeler comme ça, là, du bilan du gouvernement par exemple.

Est-ce que c'est quelque chose à votre avis qui pourrait être dans ce que vous dites votre plan interministériel en efficacité énergétique, là? Mais un plan interministériel d'efficacité énergétique, ça va prendre cinq ans, hein, avant que ce soit écrit, fini, approuvé par tout le monde. Puis c'est encore beau, parce qu'on a essayé, nous, il y a déjà quatre ans, de faire ça, puis c'est difficile pour toutes sortes de raisons.

Mais, si on se donne au moins trois, quatre cibles, les nouveaux immeubles, ce n'est quand même pas... Bien sûr, ça va coûter probablement plus cher, en amont, au départ, mais, si on fait le calcul de la durée de vie de l'immobilisation, bien peut-être que, sur 10 ans, ça va coûter moins cher puis, après 10 ans, bien là ça va coûter beaucoup moins cher. Qu'est-ce que vous pensez de ça? Est-ce que ça devrait être dans une mise à jour de notre politique énergétique?

M. Bélisle (André): Tout à fait. Le gouvernement doit prêcher par l'exemple, et ça passe par des exemples très concrets qu'on doit encourager. Et, bon, je donnerais un exemple peut-être un peu historique à cette question-là, et je pense que ça va répondre de façon claire.

Si on regarde, il y a quelques années, à Saint-Georges de Beauce, on se posait des questions quant à l'approvisionnement en gaz naturel ? qui n'arrivait pas ? et les choix qu'on devait faire pour le chauffage de différents bâtiments dont le CIMIC qui est un centre de formation en mécanique industrielle, qui est de la grosseur d'un cégep. Et, dès le milieu des années quatre-vingt-dix, les gens, là-bas, voyant qu'il n'y aurait aucun moyen de pouvoir recourir au gaz, ont fait le choix d'aller vers la géothermie, et, à ce moment-là, bien, des gens disaient: Ça n'a pas de bon sens, la géothermie ne fonctionne pas. Eh bien, aujourd'hui, les Beaucerons et le maire Carette, de Saint-Georges de Beauce, s'en fait une fierté. Remarquez qu'ils ont réussi à couper de plus de 50 % les coûts de chauffage et ils n'ont pas pu obtenir d'aide gouvernementale.

Donc, c'est là que le gouvernement pourrait prêcher par l'exemple et vraiment faire la promotion des énergies vertes comme on en parle, mais, dans la réalité, il faut que ça s'incarne dans des projets précis. Vous en avez fait une, nomenclature de projets très importants. Eh oui, ce serait certainement bienvenu dans une politique semblable.

Mme Dionne-Marsolais: Donc, deux choses: prêcher par l'exemple plus un fonds pour permettre l'appui à ces initiatives-là qui utiliseraient du solaire, que ce soit photovoltaïque, thermique ou d'autres énergies vertes.

Petite question. Hydro-Québec devrait-elle à votre avis s'impliquer dans la production éolienne?

M. Neuman (Dominique): Oui, le privé et Hydro-Québec. Il y a certains sites qui ont un énorme potentiel éolien et qui sont éloignés; on parle de la Baie-James, on parle du Grand Nord. Ces sites sont nettement plus accessibles à une entité comme Hydro-Québec qu'à des producteurs privés. Mais néanmoins il y a tout un développement éolien privé qui est en train de voir le jour en Gaspésie et qui va probablement s'étendre dans d'autres régions prochainement, qui doit être encouragé également. Donc, il y a de la place pour les deux.

Mme Dionne-Marsolais: Merci.

Le Président (M. Jutras): M. le député de Lac-Saint-Jean et, après, M. le député de Vanier.

M. Tremblay: Oui, merci. Vous avez parlé qu'au terme d'un dépôt d'une politique énergétique sur une longueur de 15 ans vous n'excluez pas le gaz naturel. Hier, Greenpeace sont venus puis ils ont vraiment appuyé l'idée qu'il fallait évacuer le plus possible, dans l'économie québécoise, l'utilisation du gaz naturel. Pour une association qui lutte contre la pollution atmosphérique, je trouve que vous avez quand même une ouverture. Donc, j'aimerais ça vous entendre sur cette ouverture de l'utilisation du gaz naturel.

M. Neuman (Dominique): Oui. D'abord, au niveau de la production électrique, ce que... enfin, au niveau de la production électrique, je ne sais pas si c'est à ça que vous faites référence seulement, clairement, je l'ai mentionné tout à l'heure, en réponse à une autre question sur le chauffage, là, c'est qu'il est nettement plus efficace de brûler du gaz naturel pour se chauffer que d'utiliser du gaz naturel pour produire l'électricité qui elle-même servira au chauffage. Donc, s'il y a des choix à faire, il faut les faire de façon rationnelle dans ce sens-là.

Nous sommes arrivés à la conclusion, lors des différents travaux que nous avons faits depuis un an, à l'occasion du débat sur le Suroît devant la Régie de l'énergie, qu'il était possible d'éviter la production d'électricité au gaz naturel par une série de mesures: en accroissant les mesures d'efficacité énergétique, comme c'est en train de se faire; en accroissant le développement éolien, comme c'est en train de se faire; en faisant attention à ne pas autoriser d'avance d'immenses projets très consommateurs d'électricité si on ne sait pas déjà comment est-ce qu'on va la produire, cette électricité.

Donc, il y avait des projets qui étaient encore en l'air, à une certaine époque, et qui, maintenant, pour l'instant, sont arrêtés ou sont suspendus. Donc, de façon rationnelle, on peut éviter... tout en assurant la sécurité énergétique des Québécois, l'équilibre entre l'offre et la demande, et même un scénario plus élevé de la demande, on peut faire tout ça sans avoir recours à des projets de production électrique par le gaz naturel.

M. Bélisle (André): Peut-être, oui, en complément de réponse. Il est sûr que le gaz naturel, en principe, voit son espérance de vie réduite de plus en plus et rapidement. Mais il va rester certains domaines: entre autres, on pourrait penser à la grande industrie et l'affinage des métaux où le gaz naturel pourrait remplacer d'autres combustibles plus polluants. Donc, on ne peut pas fermer la porte à une amélioration dans ce domaine-là, mais globalement il ne faut pas que le développement du gaz naturel se fasse de façon...

Bon, premièrement, dans le cas de la production d'électricité, c'est très clair. Notre position, on a été, je pense, assez visibles sur le dossier du Suroît et les autres dossiers de centrales thermiques. Il n'en est pas question, ça; c'est aller dans la mauvaise direction.

D'un autre côté, le chauffage domiciliaire pourrait nécessiter le gaz, mais il ne doit pas empêcher le développement de la géothermie qui, elle, libère du gaz. Donc, ce n'est pas aussi simple que de dire non à 100 % au gaz ou, oui, on est d'accord à 100 % pour le gaz. C'est plus dans les nuances, mais il faut voir que, sur un avenir à court terme, le gaz voit son marché, au Québec, diminuer. Par contre, dans d'autres domaines ? et là c'est tout à fait différent quand on traverse nos frontières ? le gaz devient un atout. Alors, là, il faut vraiment garder notre diversité québécoise et appliquer à notre réalité une logique qui fait que le gaz est en voie de réduction, en tout cas.

M. Tremblay: D'accord.

M. Bélisle (André): Selon notre vision à moyen terme.

M. Tremblay: Une petite question piège: Si vous aviez à chauffer de l'eau et vous avez le choix entre l'hydroélectricité ou le gaz, ce serait lequel selon vous qui est le moins dommageable?

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bélisle (André): Bonne question. Tout va dépendre aussi de comment vous voulez le faire, mais le solaire a toute une place intéressante dans ça qu'il faut faire.

Des voix: Ha, ha, ha!

n (11 heures) n

M. Bélisle (André): Alors, voilà. Il n'y a pas de réponse aussi simple de dire: Bien, c'est zéro gaz ou zéro hydroélectricité. Il faut être capable d'aller dans la définition précise des choses et il faut faire la place aux énergies vertes, parce que l'éolien aussi pourrait chauffer l'eau. Donc, ce n'est pas aussi simple que ça.

M. Neuman (Dominique): Est-ce que vous voulez simplement chauffer l'eau ou vous voulez la faire bouillir?

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Jutras): M. le député de Vanier.

M. Légaré: Merci, M. le Président. Excellente réponse, en passant. Vous parlez dans votre mémoire, qui est extrêmement intéressant d'ailleurs, vous parlez d'efficacité énergétique, vous parlez des coûts aussi. J'ai posé cette question-là à plusieurs reprises, je veux vous la poser aussi: Est-ce que l'efficacité énergétique passe automatiquement par une augmentation des coûts?

M. Neuman (Dominique): Les coûts, vous voulez dire les coûts des tarifs d'électricité? O.K. Bien, écoutez, les plans d'efficacité énergétique qui sont actuellement conçus sont basés sur le principe des coûts évités, là. Il y a toute une mécanique sur laquelle il y a un potentiel technicoéconomique de... listant l'ensemble des mesures possibles qui sont identifiées, et ce potentiel classe les mesures selon leur coût. Donc, on trace la ligne à un certain point, et ce qui est en dessous de cette ligne est rentable, et ce qui est au-dessus de cette ligne ne l'est pas. Je simplifie un petit peu, parce qu'il y a toute une question de la période de retour sur l'investissement qu'il faut prendre en compte. Donc, plus le coût évité, donc à la fois le coût évité pour l'utilité publique et le coût évité pour le consommateur, plus ces coûts sont élevés, plus il sera incité à réaliser des mesures d'efficacité énergétique. Donc, il y a cet aspect-là, mais il faut aussi tenir compte que, dans certains cas, la rentabilité est là mais prend du temps et que l'investissement initial est élevé. C'est pour ça que j'ai parlé de mesures de financement.

Écoutez, il y a un exemple, et je vous le cite en exemple, mais je ne sais pas si... Le programme n'est pas tout à fait au point. Au Manitoba, il y a eu un programme de géothermie selon lequel, si je comprends bien, si le programme avait bien fonctionné, c'est qu'on permettait au consommateur de payer sur sa facture d'électricité son paiement mensuel pour son système géothermique installé, et le paiement était étalé de manière à ne pas dépasser l'économie que réalise le consommateur grâce à cette installation. Donc, c'est ce genre de formule qu'il faut examiner. Donc, qui dit financement, ce que ça coûte au gouvernement, ou à Hydro-Québec, ou à Gaz Métropolitain, c'est juste les coûts d'administration, éventuellement les coûts d'une réduction du taux du prêt. Mais c'est beaucoup plus facile à réaliser que de simplement donner de l'argent, et donc ça permet d'atteindre un beaucoup plus grand nombre de clients, de faire un bien meilleur usage avec cet argent. Donc, il y a une combinaison à faire entre subventionner et prêter pour réaliser le plus de mesures possible.

M. Bélisle (André): Et peut-être en complément de réponse, si votre question portait aussi sur la prudence qu'on doit avoir vis-à-vis des gens moins fortunés, bien, là, il faut qu'il y ait des programmes d'efficacité énergétique qui soient vraiment dirigés et encadrés vers les clientèles les plus pauvres et qu'on s'assure que le travail et l'argent se rendent jusque dans les maisons à Saint-Henri ou à Saint-Roch. Ce n'est pas tout d'avoir un programme d'efficacité énergétique, c'est de le rendre dans les maisons des gens qui en ont besoin pour s'assurer que les moins bien nantis d'entre nous ne souffrent pas de cette volonté de devenir bons, là. Devenir bon, ça ne se fait pas aux dépens des pauvres, il faut que ça se fasse pour le bien-être et le mieux-être de toute la collectivité.

M. Légaré: Merci.

Le Président (M. Jutras): Alors, M. Bélisle, M. Neuman, merci pour votre présentation.

Et je demanderai à la Fédération étudiante collégiale du Québec de bien vouloir s'avancer et prendre place.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Jutras): Alors, nous accueillons maintenant la Fédération étudiante collégiale du Québec. Alors, bienvenue à la Commission de l'économie et du travail. Alors, je vous rappelle les règles: vous avez 20 minutes pour la présentation de votre mémoire; par la suite, il y aura un échange avec le ministre et les députés ministériels et, par après, un échange avec les députés de l'opposition. Alors, je vous invite à commencer en vous présentant d'abord, présenter la personne qui vous accompagne et, par la suite, votre mémoire.

Fédération étudiante
collégiale du Québec (FECQ)

M. Plamondon (Jonathan): Parfait. Bonjour. Bonjour, les membres de la commission. Bonjour, M. le Président. Je me présente, je suis Jonathan Plamondon, vice-président de la Fédération étudiante collégiale du Québec. Avec moi, il y a Laurent Viau, qui est coordonnateur à la recherche à la Fédération étudiante aussi.

Donc, la Fédération étudiante collégiale du Québec, c'est un organisme, une fédération qui représente les étudiants et les étudiantes des cégeps à travers le Québec. On représente plus de 60 000 étudiants et étudiantes à travers le Québec.

Globalement, ce que je voudrais vous dire avant de commencer la présentation du mémoire, c'est: Il y a deux choses qui ont motivé nos membres à déposer un mémoire sur la commission de l'avenir énergétique. Premièrement, c'est qu'on est une génération qui a un petit peu grandi avec l'éveil que la population a eu aux causes environnementales et aussi à l'avenir énergétique qu'il y a à travers le Québec. Deuxième chose, lorsqu'on parle d'avenir, nos membres se sentent particulièrement touchés. Donc, c'est sous ce principe-là que le mémoire a été rédigé à la fédération. Et, dans le mémoire, nous n'avons pas la prétention d'être des experts non plus, c'est plutôt une optique citoyenne que la rédaction du mémoire a été faite. Puis c'est plutôt dans une optique globale qu'il a été rédigé plutôt que dans une optique d'experts ou d'érudits.

Donc, pour débuter la présentation du mémoire, rapidement il y a trois préceptes de base qui sont présents dans l'ensemble du mémoire: le premier précepte est la sécurité énergétique, le deuxième étant le développement économique et durable ainsi que le troisième étant les modifications des habitudes de consommation des citoyens et des citoyennes.

Au niveau de la sécurité énergétique, pour nous, il y a une chose qui est évidente, c'est que nous devons en premier lieu nous assurer que nous avons une sécurité énergétique. Ça, le développement du Québec passe par la sécurité énergétique. Présentement, c'est autour de 168 TWh, et, d'ici 2014, ça devrait passer à 191 TWh. Donc, dans ce sens-là, pour nous, l'hydroélectricité est une base solide pour la sécurité énergétique. Nous ne rejetons pas, absolument pas l'hydroélectricité comme source d'avenir énergétique au Québec dans ce sens-là. Et, dans le même sens, c'est une façon d'avoir l'avenir énergétique avec des coûts fixes, aussi de façon stable pour une sécurité énergétique. Par contre, ce que nous affirmons dans le mémoire aussi présentement, c'est que l'hydroélectricité ne doit pas être exclusivement la pierre angulaire de l'avenir énergétique pour assurer notre sécurité énergétique.

n (11 h 10) n

Lorsqu'on parle de coûts fixes, parce qu'on mentionne à quelques reprises que l'hydroélectricité ainsi que beaucoup d'autres énergies renouvelables telles que l'énergie éolienne ainsi que l'énergie géothermique et d'autres énergies renouvelables ont des coûts fixes, c'est que selon nous le coût de production de ces énergies-là ne dépende pas d'un achat d'une ressource extérieure telle que le mazout, le pétrole ou le gaz naturel, qui sont un petit peu assujettis à des coûts extérieurs, qui sont assujettis à des fluctuations du marché. Donc, dans ce sens-là, nous voyons l'hydroélectricité comme une pierre angulaire, mais nous pensons sincèrement que l'avenir devrait aussi passer par les énergies vertes telles que l'énergie éolienne ainsi que l'énergie solaire pour s'assurer de la sécurité énergétique.

La deuxième pierre angulaire du mémoire en tant que telle, c'est le développement économique et durable. Pour nous, le mot développement prend tout son sens surtout lorsqu'on parle de développement durable. Le développement durable, c'est un mot beaucoup, beaucoup utilisé ces temps-ci. C'est un mot maintes fois repris à travers les médias, à travers différents groupes. Il prend son sens pas seulement que dans un respect de l'environnement et dans un respect des ressources qui doivent être en place pour les générations futures, mais dans un respect aussi des ressources énergétiques et dans la capacité de développer une économie pour les générations futures. Le souci principal de notre génération n'est pas juste dû au fait que certaines énergies vont pouvoir avoir des dommages sur l'environnement mais est aussi sur la capacité à développer notre économie, la capacité aussi à développer en région des ressources pour pouvoir avoir une croissance sociale et économique des régions.

Donc, dans ce sens-là, miser sur des énergies non renouvelables telles que le pétrole, le mazout ou le gaz naturel nous apparaît un petit peu délicat ou même voire une vision à court terme. Dans ce sens-là, ça inquiète certains de nos membres dû au fait que ce que nous demandons ou ce que nous voyons à travers un développement durable, c'est une équité intergénérationnelle. Donc, pour nous, le choix des énergies vertes et le choix d'énergies renouvelables surtout est un choix qui va permettre, oui, la sécurité énergétique mais, oui, un développement économique et un développement durable de l'ensemble des régions du Québec.

Donc, à travers le mémoire, nous avons qualifié différentes sources d'énergie. Comme vous allez pouvoir le voir si vous l'avez lu ? j'imagine que oui ? qu'il y a un classement qui se fait par couleurs, les énergies qu'on considère comme vertes étant l'énergie éolienne, étant l'énergie aussi solaire. Ces énergies-là, nous les considérons excellentes pour l'environnement. Cependant, nous émettons des doutes quant à leur stabilité et leur capacité de pouvoir soutenir le réseau ou les demandes énergétiques. C'est pourquoi nous mettons l'énergie hydraulique comme étant dans le classement jaune, mais pour nous l'énergie hydraulique doit maintenir un rôle de support pour pouvoir développer justement d'autres aspects d'énergie. Et bien sûr, dans le classement rouge, nous mettons les énergies non renouvelables telles que la mazout, le pétrole et ainsi que les énergies au gaz naturel.

Pour la troisième partie, je laisserais mon collègue Laurent développer.

M. Viau (Laurent): Bonjour. Premièrement, bien, il y a un aspect qui a été développé aussi dans notre mémoire, ça concerne les habitudes de consommation. Donc, en ce sens, on parle, entre autres, d'efficacité énergétique. On salue les efforts qui ont été mis de l'avant pour développer un plan d'efficacité énergétique. Reste à voir les résultats maintenant.

Par rapport à ça, il nous apparaît important de miser beaucoup sur l'éducation. Notre génération a vu naître le recyclage. C'est, entre autres, par le biais de l'éducation qui a été faite notamment dans les cours d'écologie au primaire et au secondaire que ces habitudes-là ont pu s'ancrer profondément dans les habitudes de vie des Québécois et des Québécoises. Ensuite de ça, il y a des campagnes de sensibilisation qui ont été mises de l'avant, qu'on peut voir encore aujourd'hui, et on salue encore une fois ces initiatives-là.

D'autre part, pour ce qui est de la tarification, certaines personnes semblent dire qu'une augmentation de la tarification ferait en sorte que nécessairement les habitudes de consommation diminueraient. Par contre, ce qu'il faut retenir, c'est qu'il y a une grande partie de la population qui vit sous le seuil de la pauvreté ou avec très peu de moyens, notamment les étudiants et les étudiantes, et en ce sens nous croyons que l'augmentation des tarifs d'électricité ne serait pas nécessairement un incitatif à la réduction de la consommation d'électricité.

Autre chose à apporter, nous pensons que le mandat d'Hydro-Québec devrait être revu et amélioré. En ce sens, évidemment il y a toute la partie de la sécurité énergétique qui doit prédominer. Par contre, nous, ce que nous amenons, c'est que ce développement-là du potentiel électrique au Québec doit permettre aussi le développement local. Donc, quand on parle de développer l'industrie éolienne, en Gaspésie notamment, il nous apparaît clair que la production des unités de production éolienne doit pouvoir se faire localement, donc qu'il doit y avoir une production manufacturière qui se développe avec une expertise québécoise en la matière dans les régions d'implantation de ces technologies-là.

Évidemment aussi, le mandat d'Hydro-Québec devrait intégrer la notion de développement durable, ce qui ferait en sorte que toute nouvelle production énergétique devrait être analysée à la lumière de ce qu'est le développement durable, donc prioriser ce qui est les énergies renouvelables.

Ensuite de ça, le mandat de recherche d'Hydro-Québec devrait être mis de l'avant davantage. Il devrait y avoir un certain pourcentage des revenus d'Hydro-Québec qui devraient être alloués à la recherche pour permettre que le Québec continue à maintenir un leadership mondial en matière énergétique et en matière de développement durable. À ce niveau-là, nous, ce qu'on propose aussi, c'est la mise sur pied d'un observatoire mondial du développement durable, ce qui nous permettrait de connaître ce qui se fait dans l'ensemble des pays concernant notamment le développement énergétique d'énergies renouvelables.

Autre chose, la commission ici présente devrait recommander au gouvernement la mise sur pied d'un plan d'action en écotechnologie, ce qui permettrait, entre autres, d'améliorer l'efficacité énergétique en permettant à ce que des subventions soient octroyées pour améliorer l'efficacité énergétique de certains appareils soit industriels ou domestiques, et de ce fait le Québec pourrait se positionner favorablement dans l'économie mondiale en développant des expertises qui lui seraient propres. Si on revient un peu plus dans nos platebandes à nous, au niveau collégial, nous croyons qu'un centre collégial de transfert technologique pourrait être développé concernant les écotechnologies pour en fait rassembler toute la synergie qu'il pourrait y avoir entre l'expertise des professeurs et des gens du milieu collégial dans certains domaines qui concernent l'énergie, notamment au niveau de l'entretien des éoliennes, et aussi tout ce qui se fait au niveau de la recherche, notamment universitaire.

Ensuite de ça, évidemment si on se met à développer une expertise, il faudra que cette expertise-là puisse être également intégrée dans les connaissances des Québécois. Donc, au niveau collégial, au niveau universitaire, il devrait pouvoir y avoir des programmes qui permettent à ce qu'il y ait une main-d'oeuvre spécialisée qui puisse acquérir les connaissances nécessaires au développement du potentiel éolien, du potentiel solaire ou géothermique. Ce qui conclut en somme l'ensemble de la présentation de notre mémoire.

Le Président (M. Jutras): Alors, merci pour la présentation. Nous passons maintenant à l'échange. Je cède la parole au ministre. M. le ministre.

n (11 h 20) n

M. Corbeil: Merci, M. le Président. Bienvenue à la commission, M. Plamondon, M. Viau. La commission se penche amplement sur la question de la sécurité énergétique du Québec, et au début de votre présentation vous avez parlé abondamment et en vantant les mérites de l'hydroélectricité, et qu'on devrait non seulement continuer là-dessus, mais peut-être continuer à bâtir sur ce qu'on a déjà... bien, sur ces acquis-là.

Le problème qui est soulevé par plusieurs intervenants, c'est toujours la question du risque de l'hydraulicité, et, sous-jacent à ce risque-là, on parle souvent de la diversification. Alors, moi, j'aimerais vous entendre sur l'aspect diversification, et sur ce risque d'hydraulicité là, et aussi comment on peut gérer ça ou intégrer ça avec votre préoccupation par un maintien, voire une augmentation de la capacité de production hydroélectrique.

M. Plamondon (Jonathan): ...au niveau de la diversification, on est des partisans de la diversification, c'est-à-dire que pour nous l'hydroélectricité doit être un peu un levier pour permettre le développement de d'autres énergies renouvelables, de d'autres sources d'énergie renouvelable au Québec, c'est-à-dire... Je m'explique.

Nous avons besoin d'une sécurité énergétique d'ampleur pour s'assurer que l'ensemble des entreprises et des citoyens, des citoyennes puissent fonctionner à travers le Québec. Par contre, nous devons nous garder une marge de manoeuvre pour avoir un développement à ce niveau-là, et les énergies renouvelables telles que l'éolienne et le solaire peuvent, de façon parallèle, pouvoir se développer à travers le Québec, un petit peu partout, dans des développements régionaux, ou de façon stratégique sur certains territoires du Québec, ou même subvenir à des réseaux locaux que, des fois, l'hydroélectricité peut avoir de la difficulté... Je pense, entre autres, aux Îles-de-la-Madeleine qui des fois peut être un réseau difficile à soutenir pour l'hydroélectricité, mais que, pour l'éolien, pourrait être quelque chose plus facile.

Donc, dans ce sens-là, nous pensons que la diversification doit être progressive, c'est-à-dire qu'on ne peut pas selon nous laisser tomber complètement l'hydroélectricité ou mettre l'éolien au-delà de 15 % de source pour le réseau électrique au Québec. Cependant, la diversification doit être progressive. Donc, pendant que des sources comme l'éolienne ou le solaire peuvent subvenir au réseau électrique québécois, les barrages, pendant ce temps-là, pourraient fonctionner à un rythme moindre qu'ils fonctionnent d'habitude sans l'éolien ou le solaire. Donc, pendant ce temps-là, il peut y avoir une espèce de contre-ballant qui se fait entre les deux, donc progressivement une diversification, que l'éolien, le solaire et voire même le géothermique, à moyen, long terme, peuvent prendre leur place.

Au niveau de l'hydraulicité, je vais peut-être laisser plus mon collègue répondre dans ce sens-là.

M. Viau (Laurent): C'est évident qu'on est soumis aux aléas de la température, du climat pour ce qui est de l'hydraulicité. Par contre, si on vient à augmenter sensiblement l'apport des énergies renouvelables notamment qui sont produites, si on venait à aller chercher jusqu'à 10 % ou 15 % d'énergie produite à base d'éolienne, déjà là on aurait une base suffisante à notre avis pour pouvoir permettre, si jamais il y a une baisse notable de l'hydraulicité au Québec, de quand même subvenir à nos besoins en matière énergétique. D'autre part, la géothermie pourrait permettre, si un plan efficace en la matière était développé, de réduire de façon considérable tout ce qui est chauffage de résidences ou d'édifices commerciaux ou industriels, donc ce qui nous permettrait en gros de diminuer notre consommation globale d'électricité. Et donc, en ce sens, l'hydraulicité serait un facteur de risque moins important qu'il peut l'être à l'heure actuelle.

M. Corbeil: Merci beaucoup. Justement dans la même foulée, les propositions que vous faites à la commission, vous soutenez l'éolien, le solaire, la géothermie et aussi l'efficacité énergétique. Vous proposez d'éliminer la production d'énergie thermique, incluant l'énergie nucléaire, dans votre mémoire. Actuellement, les énergies émergentes qui font appel au soleil ou au sol présentent un surcoût par rapport aux formes de production d'électricité conventionnelles qu'on utilise présentement. Dans la foulée de vos propositions, vous demandez aussi à la Régie de l'énergie qu'elle s'assure que le Québec possède à moyen terme les tarifs d'électricité les plus bas en Amérique du Nord. Comment on peut en arriver à concilier ces deux propositions-là où on veut se lancer dans davantage d'énergies, j'en conviens, là, renouvelables, propres, vertes, ça va de soi, mais qui, on le sait, ont toutes un coût plus important que les formes d'énergie qu'on utilise présentement et aussi le fait qu'on veuille avoir à moyen terme les tarifs d'électricité les plus bas en Amérique du Nord?

M. Plamondon (Jonathan): Dans ce sens-là, un petit peu plus loin dans le mémoire, nous proposons la mise sur pied d'un observatoire mondial sur les écotechnologies. Pourquoi? Nous sommes conscients qu'en ce moment il y a un surcoût sur les énergies renouvelables dites vertes telles que l'éolien, le solaire aussi, dans sa mise en application et dans sa production. Par contre, nous croyons fermement que, si nous développons par la recherche des technologies, nous allons réussir à abaisser ces coûts-là. Et, si nous développons une économie régionale ou une économie propre au Québec sur les écotechnologies, nous allons abaisser les coûts de l'implantation de ces sources d'énergie là. Donc, c'est évident qu'à court terme ça demande du développement, de la recherche, c'est pourquoi qu'il faut miser sur les connaissances. Et nous croyons ? c'est un petit peu plus nos platebandes d'ailleurs, les connaissances ? nous croyons que miser sur la société du savoir stratégiquement est un bon choix en tant que tel et que nous allons, à moyen terme, être gagnants et pouvoir ménager la chèvre et le chou dans ce sens-là.

Au niveau des coûts, des tarifs d'hydroélectricité, notre vision à ce sujet-là, c'est que c'est un service. Nous considérons l'hydroélectricité, Hydro-Québec, comme étant un service fait à la population, comme une multitude d'autres services qui sont donnés à la population. Selon nous, l'aménagement des coûts devrait plutôt se faire dans d'autres endroits qui sont soit l'imposition, l'aménagement budgétaire plutôt que dans la tarification des services. Ça, c'est la vision de la Fédération étudiante collégiale du Québec. Donc...

M. Corbeil: On s'est lancé dernièrement dans de l'aménagement budgétaire, puis ça n'a pas donné résultat qui a été très, très probant.

M. Plamondon (Jonathan): C'est évident que, quand ça a des impacts sur les plus pauvres d'entre nous, c'est sûr que ça crée certains remous. Ceci étant dit...

M. Corbeil: Alors, on n'ouvrira pas un autre débat...

M. Plamondon (Jonathan): On n'ouvrira pas un autre débat.

M. Corbeil: ...je vais laisser la place à mon collègue le député d'Arthabaska.

Le Président (M. Jutras): Alors, M. le député d'Arthabaska.

M. Bachand: Merci, M. le Président. Dans la même foulée que le ministre, ça nous fait toujours plus plaisir de vous voir en dedans qu'à l'extérieur. Donc, bienvenue à la commission.

Comme première question, j'ai lu à l'intérieur de vos recommandations une recommandation intéressante sur les mesures législatives, les incitatifs fiscaux, mais c'est surtout sur la recommandation 4: «...les citoyens des communautés concernées puissent décider, par voie référendaire, de l'installation ou non de mini-barrages.» On a eu plusieurs recommandations à l'intérieur de la commission, puis je dois vous avouer que les opinions sont très partagées.

Qu'est-ce que vous penseriez d'une planification nationale qui orienterait chacune des régions dans le choix des rivières qu'elles vont harnacher? Parce qu'il y a tellement de critères, donc un plan national qui donnerait les grands enjeux, les grands objectifs et qui permettrait aux régions de mieux décider, avec des outils un peu plus, je dirais, comment... des outils qui sont plus généralisés ou qui donneraient des critères sur lesquels on peut fonder ou appuyer des décisions qui seraient plus régionales. Qu'est-ce que vous penseriez d'un plan comme celui-là?

M. Plamondon (Jonathan): Je peux peut-être vous poser une question. C'est-à-dire ce serait un plan national. Par contre, ceux qui manoeuvraient au régional, ce serait quoi, les MRC ou les conseils...

M. Bachand: Par exemple, ce seraient les MRC qui auraient des critères nationaux qui leur permettraient, par exemple, de ne jamais toucher à des rivières patrimoniales, par exemple. Des rivières qui seraient déjà harnachées leur permettraient de mettre de l'avant leurs projets, et il y aurait des critères nationaux qui leur permettraient de porter un meilleur jugement sur les décisions qu'ils vont prendre en termes d'administration publique, comme les MRC, par exemple, dans des cas bien, bien spécifiques.

n (11 h 30) n

M. Plamondon (Jonathan): À ce niveau-là, la perception que les étudiants et les étudiantes du collégial du Québec ont sur le débat qui a déjà eu lieu au niveau des rivières, au niveau des minicentrales, c'est que, dans certaines régions, ça peut s'avérer une ressource énorme. Et pas seulement qu'une ressource hydroélectrique, mais ça peut s'avérer une ressource écotouristique, une ressource... Je pense, entre autres, à certaines rivières qu'il y a dans le coin de Saint-Félicien, beaucoup de mes collègues en tourisme d'aventure me parlent de leur coin et considèrent que certaines minicentrales pourraient amoindrir leurs capacités à développer de l'écotouristique. Donc, dans ce sens-là, eux autres considèrent très, mais très important que la population soit impliquée dans le processus. Nous ne rejetons pas du revers de la main du tout les projets en tant que tels. Ce que nous affirmons, c'est que, pour s'assurer que ces projets-là soient davantage légitimes et qu'ils soient davantage exploités par l'ensemble de la population régionale et locale, c'est que l'ensemble de la population se prononce sur ce sujet-là. Comme ça, ça évite justement une contestation ou une remise en question, comme on a déjà vu à travers la province, dans un premier temps. Dans un deuxième temps, ça permet une meilleure légitimisation et ça permet aussi une meilleure utilisation de la ressource mise en place.

M. Bachand: M. le Président, très rapidement, donc. Oui, c'est intéressant comme réponse. Dites-moi donc, sur l'achat de véhicules à faible consommation énergétique ? vous en faites aussi une recommandation en 9 ? qu'est-ce que vous pensez de la politique qui a permis une augmentation des droits d'immatriculation sur les quatre litres et plus? Est-ce que vous pensez que c'est une bonne voie ou pas vraiment?

M. Viau (Laurent): À ce sujet-là, nous autres, on avait une recommandation pour avoir une surtaxe sur les véhicules à forte consommation énergétique. Donc, on croit que c'est une bonne solution. Par contre, au niveau économique, au niveau de la famille également, nous autres, ce qu'on dit, c'est que, quand ces véhicules-là servent au travail, notamment pour ce qui est des camionneurs, ou pour ce qui est des personnes qui travaillent dans la construction et qui ont besoin de véhicules à forte cylindrée, ou pour ce qui est des familles qui ont besoin de beaucoup de place pour transporter leur famille, donc minivans et autres, bien peut-être créer un crédit à ce niveau-là pour rembourser la surtaxe pourrait être une solution envisagée.

M. Bachand: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Jutras): Alors, merci. Mme la députée de Rosemont.

Mme Dionne-Marsolais: ...M. le Président. Alors, messieurs, bienvenue. J'ai particulièrement apprécié certaines de vos recommandations et j'ai des petites questions pour certaines et des commentaires pour d'autres. D'abord, toute la philosophie, là, je suis assez à l'aise avec ça. Dans votre recommandation 5 par contre, vous dites «que la stratégie mise de l'avant quant à la production et à la consommation énergétique au Québec vise une autonomie et un contrôle des sources d'énergie employées par l'État». C'est gros, ça.

M. Plamondon (Jonathan): Oui, en effet, ça peut paraître gros. Ce que nous voulons affirmer par un contrôle, comme je l'ai mentionné un petit peu plus tôt, c'est lorsqu'on doit importer des sources d'énergie, que ce soit le gaz naturel, que ce soit du pétrole, c'est qu'à la limite nous ne contrôlons pas les coûts, c'est des coûts qui peuvent fluctuer. Le pétrole, je crois que c'est le meilleur exemple, c'est un coût qui fluctue assez quotidiennement. Je pense que tout le monde qui doit mettre de l'essence dans sa voiture et voit le coût augmenter semaine après semaine ou, pour une fin de semaine de longues vacances, voit le coût augmenter grogne un petit peu intérieurement. Donc, dans ce sens-là, de façon globale, pour l'État québécois, ne pas contrôler relativement les coûts, c'est un risque. En termes budgétaires, c'est quand même un risque. Selon nous, c'est un meilleur choix stratégique d'opter avec des sources d'énergie comme l'eau, l'éolienne, le solaire, à la limite, à moyen et long terme, le géothermique, qui n'ont pas de coût fluctuant en tant que tel, ont des coûts fixes beaucoup plus faciles à déterminer que le pétrole ou le gaz naturel. Dans ce sens-là. Et pour l'autonomie, juste rapidement, c'est pour s'assurer principalement que ça devienne une ressource profitable pour la collectivité du Québec, donc de pouvoir l'exporter et même en tirer bénéfice pour l'ensemble de la société.

Mme Dionne-Marsolais: Oui. C'est un gros mandat, là, que vous demandez. Mais là on va aller dans des mesures qui pourraient aider ça. Vous dites aussi, vous parlez du mandat de recherche pour Hydro-Québec. À votre avis, est-ce qu'un pourcentage convenu des revenus d'Hydro-Québec à consacrer à la recherche et au développement vous apparaît une avenue acceptable?

M. Viau (Laurent): En fait, c'est ce qui a été proposé directement dans notre mémoire. On sait que les dépenses en recherche ont quand même diminué passablement depuis les années quatre-vingt-dix au niveau d'Hydro-Québec, à l'IREQ notamment. Donc, en ce sens, pour stabiliser les revenus des chercheurs, pour stabiliser les sommes allouées à la recherche, peut-être qu'envisager cette solution-là serait une avenue qui pourrait être acceptable.

Mme Dionne-Marsolais: Avez-vous regardé ? sans en faire une étude exhaustive, parce que, comme vous dites, vous n'êtes pas des experts, et nous non plus ? avez-vous regardé quel pourrait être un pourcentage intéressant qui permettrait... en fait, au sens de développer une masse critique de fonds pour investir en recherche et développement?

M. Plamondon (Jonathan): Dans un premier lieu, quand on a commencé la rédaction de ce mémoire-là, on avait l'objectif de fixer un pourcentage. Ceci étant dit, on trouvait ça un peu prétentieux d'emblée d'arriver avec un pourcentage et de vouloir donner un mandat, un pourcentage à Hydro-Québec. Selon nous, la recherche passe aussi par le ministère du Développement économique et de la Recherche ainsi que par le ministère de l'Éducation du Québec. Donc, c'est sûr qu'il y a un travail de concertation à faire à savoir quel pourcentage qu'Hydro-Québec peut mettre dans son budget en termes de recherche et voir comment ça peut agir en complémentarité avec les deux autres ministères. C'est pour ça que nous n'avons pas voulu nécessairement indiquer un pourcentage fixe en tant que tel, étant donné que c'est un gros mandat quand même de définir quel pourcentage Hydro-Québec peut allouer à la recherche.

Mme Dionne-Marsolais: Oui, c'est vrai, mais vous auriez pu regarder avec d'autres secteurs industriels les plus avant-gardistes. Je pense à la pharmacie, des trucs comme ça. Mais vous dites aussi, si je comprends bien: Qu'on développe prioritairement l'énergie éolienne. Est-ce que, dans votre esprit, c'est quelque chose qui doit être fait par Hydro-Québec entièrement, ou en partie, ou Hydro-Québec devrait... Je vous pose la question.

M. Viau (Laurent): Pour ce qui est de l'assemblage des unités d'éoliennes, pour ce qui est de la production manufacturière, c'est évident que ça peut relever du privé. Je veux dire, l'État ne contrôle pas le béton qui est mis dans les barrages. Donc...

Mme Dionne-Marsolais: La production d'énergie, elle?

M. Viau (Laurent): La production d'énergie par contre, nous croyons que ça devrait rester l'affaire de l'État, comme ce l'est pour les centrales hydroélectriques, comme ce l'est pour l'ensemble de la production d'électricité au Québec.

Mme Dionne-Marsolais: O.K. Et je vois aussi que vous proposez une fiscalité adéquate, et vous dites: Augmenter la part de production de l'énergie solaire. Iriez-vous jusqu'à prévoir des avantages fiscaux pour l'achat, par exemple, d'équipement solaire? Parce que, là, on parle plus d'établissements, là, que ce soient des résidences, des commerces ou autres, là.

M. Viau (Laurent): En fait, c'est certain vu les coûts importants de départ pour l'installation de panneaux solaires, notamment dans des habitations, pour des édifices commerciaux ou industriels. C'est des coûts qui peuvent être quand même assez dispendieux et qui peuvent prendre du temps avant d'être rentabilisés. Donc, c'est évident qu'il devrait pouvoir y avoir des incitatifs fiscaux pour permettre à ce qu'il y ait ce genre de développement là qui puisse être fait.

Mme Dionne-Marsolais: O.K. Ma dernière question, c'est: Qu'est-ce que vous entendez par les écotechnologies? J'ai bien apprécié puis je comprends bien le lien avec les centres de transfert de technologie, ce que je trouve très intéressant, mais les écotechnologies, pouvez-vous nous expliquer ce que ça veut dire?

M. Viau (Laurent): En fait, c'est toutes les technologies qui visent à augmenter, si on veut, la rentabilité écologique, donc ce qui vise à ce que les technologies favorisent un meilleur développement durable. On sait qu'en Europe il y a un plan d'action qui a été fait, qui a été déposé récemment en termes d'écotechnologies. Donc, je crois qu'au niveau du Québec ça pourrait être une option à envisager, et ce qui permettrait également de favoriser justement la recherche et le développement et la mise en marché de produits à haute valeur écologique et à haut rendement énergétique.

Mme Dionne-Marsolais: En fait, ça veut dire aussi définir des critères, là, parce que... Et on prend les critères quoi, on prend les critères de Kyoto, je veux dire, la réduction des gaz à effet de serre ou on prend une comptabilité internationale sur la valeur ajoutée en fonction de la contribution ou de la non-contribution à l'augmentation de la pollution? C'est gros, là, ça aussi.

n (11 h 40) n

M. Viau (Laurent): En fait, je crois qu'à ce niveau-là les critères devraient correspondre aux coûts sociaux engagés par le développement des technologies, donc réduire les coûts sociaux, les coûts environnementaux, tout ce qui est du niveau de la biodiversité également. Si la production d'éléments manufacturés fait en sorte qu'on détruit un habitat naturel, c'est sûr que ça ne correspond pas à ce qu'on perçoit comme du développement durable ou comme étant des écotechnologies. C'est sûr que les critères sont à définir. À ce niveau-là, il existe justement des bases à l'étranger. Il y a certains travaux qui ont été faits là-dessus, notamment, comme je vous dis, en Europe. Donc, ce serait d'aller voir qu'est-ce qui se fait ailleurs là-dessus et, après ça, définir nous-mêmes les critères qui vont correspondre à ça.

Le Président (M. Bachand): Merci, Mme la députée de Rosemont. Mme la députée de Matapédia.

Mme Doyer: Merci. Comme ancienne professeure du collège, je vous félicite de votre mémoire puis de votre implication, quelle qu'elle soit d'ailleurs. Et je veux vous poser une question. À la page 34, vous parlez des revenus issus de ceux qui polluent. Si vous aviez à décider maintenant, là, qui vous viseriez en priorité? Parce que c'est vaste, tout ça. Vous iriez chercher par la fiscalité... Vous parlez de réforme fiscale écologique: «...tous ont su mettre à profit la fiscalité pour développer des solutions plus écologiques à partir de revenus issus de ceux qui polluent.» Vous avez à décider, qui vous visez?

M. Viau (Laurent): Bien, c'est quand même assez facile de déterminer qui sont les grands pollueurs au Québec. Du côté du Québec, on sait qu'environ 70 % de l'ensemble de l'énergie qui est consommée par l'industrie vient soit des papetières, des raffineries de pétrole ou des alumineries. On est capables de quantifier les rejets de gaz carbonique, et tout ça, dans l'atmosphère et quelles sont les sources de ces rejets-là. Donc, c'est justement se rendre à la source et viser les entreprises qui émettent le plus d'émissions polluantes.

Mme Doyer: Chez les consommateurs?

M. Plamondon (Jonathan): Chez les consommateurs, si je peux compléter, comme on l'a mentionné aussi plus tôt dans le mémoire, le transport est un facteur polluant, en termes de gaz à effet de serre, assez grand au Québec. Et, un peu en continuité avec la question qu'on nous a posée un petit peu plus tôt sur la tarification, la taxation des véhicules lourds, des véhicules utilitaires sport, nous, c'est évident que, ça, c'est une cible première, de un, pour diminuer leur présence sur les routes, de deux, aussi pour favoriser le transport en commun, favoriser aussi le transport ferroviaire. Pour nous, le transport ferroviaire devrait être davantage développé. Et, pour s'assurer un meilleur développement du transport ferroviaire, ça doit se faire en deux temps: de un, le développer; dans un deuxième temps, aussi diminuer la présence des camions lourds sur les routes, donc cibler, en termes de fiscalité, ceux-ci.

Le Président (M. Bachand): Merci, Mme la députée de Matapédia. Merci, messieurs, de vous être présentés à la commission. M. Viau, M. Plamondon, bon retour. Vous êtes toujours les bienvenus à la commission. Merci de vous êtres présentés.

Donc, je vais demander tout de suite à M. Chevrette et Mme Amélie Kègle de se présenter, s'il vous plaît.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Bachand): Excusez-moi, M. Chevrette, ce n'est pas dans mes habitudes de faire attendre des distingués invités comme vous. Donc, bienvenue à notre commission. Mme Kègle aussi, bienvenue. Je sais que vous êtes des habitués de cette commission, mais, pour les besoins aussi de nos auditeurs, je vais rapidement rappeler les règles: donc, 20 minutes pour votre présentation, et il y aura 10 minutes d'échange de part et d'autre pour la période des questions. Allez-y.

M. Guy Chevrette et Mme Amélie Kègle

M. Chevrette (Guy): ...M. le Président, M. le ministre, que je comprends ses motifs d'assister au Conseil des ministres. Mmes, MM. les députés, tout d'abord, je vous présente, à ma droite, Mme Amélie Kègle, qui est étudiante au niveau du MBA à Laval.

Comment il se fait qu'on se retrouve, une jeune étudiante et un vétéran de la politique, assis à cette table? C'est que j'étais représentant des CLD au Forum des générations ? Mme la députée de Rosemont s'en rappelle sans doute ? et je suis intervenu précisément sur l'énergie et sur la création de la richesse à partir des énergies propres. J'ai reçu, à peine une semaine après, un texte de Mme Kègle qui allait dans le même sens que mon intervention, et c'est là qu'on a décidé, par voie téléphonique, de se présenter ici devant vous et de vous livrer un message que l'on partage. Donc, vous avez les explications qui nous amènent ici ce matin.

D'ailleurs, je dois vous dire que nous nous sommes payé des lectures comparatives entre le document de base qui est soumis à la consultation et la politique de 1996. Nous avons étudié assez sérieusement, d'autant plus que ça me permettait une certaine réminiscence du passé, puisque j'avais eu le privilège et le bonheur de piloter la politique énergétique en 1996, de la faire adopter et de commencer à la mettre en oeuvre. Et plus on faisait la comparaison entre le texte qui est présenté pour fins de consultation, par rapport à tous les objectifs de la politique de 1996, je dois vous dire qu'à quelques mots près ce sont absolument les mêmes objectifs, et je voudrais vous les citer: mettre l'énergie au service des Québécois; construire un développement durable qui soit respectueux des générations à venir; créer la richesse; accroître le nombre d'emplois; positionner le Québec comme leader en matière d'énergie sur les marchés nord-américains. Je pense que, que ce soit dans un document ou dans l'autre, les objectifs sont passablement similaires, ce qui nous fait dire qu'on n'invente pas la roue à chaque année, c'est faux.

D'autre part, nous voulons d'entrée de jeu vous dire que nous ne sommes pas deux spécialistes mais bien deux citoyens qui sont désireux d'autre part de contribuer à ce grand débat, mais avec un objectif bien précis: les générations futures. C'est ça, notre objectif premier. Suite au Forum des générations, je dois vous avouer personnellement que j'ai été déçu de voir chaque groupe venir étaler sa liste d'épicerie, alors que le Forum des générations, me semblait-il, en tout cas dans ma tête à moi, c'était de regarder ce qu'on pouvait faire en fonction des générations futures, en fonction d'éviter le choc des générations. Je pensais que c'était cela fondamentalement et je dois vous avouer que ma prise de position devant le Forum des générations était fonction précisément des générations futures. Si on veut éviter le choc des générations futures, il faut faire quelque chose présentement.

Et d'entrée de jeu je vous dirai qu'il n'y a pas une journée qu'on n'entend pas, ici, au Québec: Pas assez d'argent en santé; l'éducation est sous-financée; pas assez d'argent pour financer le développement régional; pas assez d'argent pour maintenir les tarifs de garderie à 5 $; pas assez d'argent pour lutter contre la pauvreté; pas assez d'argent pour se donner une politique familiale adéquate; pas assez d'argent pour la culture; pas assez d'argent pour les routes; pas assez d'argent pour les infrastructures d'égout et d'aqueduc; pas assez d'argent pour l'environnement, etc. Il n'y a pas une journée qu'on n'entend pas ça. Pourtant, je pense qu'on a une possibilité de s'en sortir et une possibilité d'intervenir en fonction des générations futures.

Je vous invite d'ailleurs à lire dans le mémoire les citations de la page 2 de notre mémoire qui démontrent la similitude entre les objectifs de 1996 et les objectifs d'aujourd'hui, et que c'est peut-être dans la démarche qu'il faut changer les choses, et on va se permettre de vous en suggérer.

Donc, la situation budgétaire n'est pas rose effectivement, et nous sommes d'entrée de jeu favorables à un développement accéléré de nos potentiels d'énergie propre, on l'affirme très clairement. Et, en parlant de potentiels, je vais tout de suite laisser la parole à Mme Kègle, qui va vous parler de ces potentiels.

Le Président (M. Bachand): Allez-y, Mme Kègle.

n (11 h 50) n

Mme Kègle (Amélie): Merci beaucoup, M. Chevrette. Bon, je ne veux surtout pas répéter ce que plusieurs ont dit avant nous, mais je crois que c'est important de mettre l'accent sur les potentiels énergétiques du Québec, parce qu'ici, au Québec, on a vraiment tout en notre possession pour devenir un des leaders mondiaux de l'énergie propre. Écoutez, le Québec regorge de ressources renouvelables qui peuvent servir à produire de l'électricité. Déjà, en exploitant seulement 1,5 % de nos rivières au Québec, on a réussi à produire 30 000 MW d'électricité. Des études scientifiques, aujourd'hui, sérieuses évaluent que le potentiel hydroélectrique exploitable et rentable se situe à environ 20 000 MW. Ça, c'est sur un total de 45 000 MW environ.

Du côté de l'éolien, si on considère seulement les sites accessibles du Nord québécois, là, ceux qui sont relativement à proximité des lignes de transport existantes ou prévues, c'est au moins 35 000 MW qui seraient exploitables et rentables. Puis cet estimé-là, c'est vraiment conservateur, parce que des experts d'Environnement Canada, eux, évaluent plutôt ce potentiel à 70 000 MW. Donc, de façon très conservatrice, là, si on regarde le potentiel existant rentable du Québec aujourd'hui, il serait d'au moins 55 000 MW d'énergie renouvelable. C'est de l'énergie verte qui dort actuellement au Québec, puis ce 55 000 MW là, là, c'est presque deux fois ce qu'on produit actuellement en termes d'électricité. C'est énorme. Puis ça, c'est sans compter aussi les 4 à 5 billions de pieds cubes de gaz naturel qui se trouvent dans le golfe Saint-Laurent, puis ce gaz-là, là, ça pourrait être un des substituts au charbon ou au mazout, donc un plus environnemental. Avec le gaz naturel, le Québec pourrait vraiment se positionner dans un nouveau marché, voire même avoir la chance de briser le monopole albertain. C'est certain que, nous, ce qu'on priorise ici, c'est l'exploitation de notre énergie propre, de l'énergie éoliennne et hydraulique, mais on ne peut quand même pas s'empêcher d'exploiter puis d'exporter notre gaz naturel. Du pétrole puis du gaz, on en importe déjà, puis pour combien de temps encore? On en a encore besoin. Donc, nous ne sommes pas gênés d'en importer, mais pourquoi payer alors quand on a la ressource à portée de main et qu'elle pourrait nous rapporter beaucoup en termes économiques?

Nous croyons aussi qu'il faut songer très sérieusement à mettre en branle une politique agressive d'économie d'énergie. Nous avons déjà une agence en place. Certains même croient que l'augmentation des tarifs serait la meilleure formule. Il y a peut-être du vrai là-dedans, du bon là-dedans, mais, avant d'emprunter cette voie, il faudrait vraiment s'assurer que ce ne soient pas les gens les plus démunis qui soient les plus touchés par une politique agressive d'économie d'énergie. Alors, ma question, c'est: Pourquoi, si le Québec en a les moyens, n'exploiterait-il pas ses potentiels? Parce qu'il ne faut pas se le cacher, l'argent neuf, on n'en aura pas des tonnes si le Québec ne réussit pas à générer davantage de richesse puis on en aura besoin beaucoup pour pallier au choc des générations.

Là-dessus, je voudrais vous citer une citation d'un article qui a paru en octobre 2004 dans L'actualité, qui parle un peu de l'impact du vieillissement de la population. Ça y va comme suit: «...le vieillissement de la population du Québec signifie qu'il y aura moins d'adultes en âge de travailler et de payer des impôts, et qu'il y aura davantage de personnes de 65 ans ou plus requérant des soins de santé. En gros, si on attribuait à la population d'aujourd'hui la structure par âge qu'elle atteindra dans 20 ans tout en conservant les règles fiscales et les engagements de dépenses actuels, les revenus fiscaux du Québec diminueraient de 5 milliards et les dépenses augmenteraient de 5 milliards.»

Donc, au total, le trou budgétaire d'origine démographique atteindrait donc 10 milliards, une impasse de 10 milliards. Alors, selon nous, si on ne fait pas un développement accéléré de nos filières énergétiques, bien je pense qu'on va pouvoir dire: Tant pis pour le redressement de nos finances publiques puis pour la liquidité que nous aurions pu investir pour assurer un avenir à ma génération puis aux générations futures aussi.

Puis notre potentiel électrique, c'est loin d'être seulement une question de rentabilité économique, c'est également la seule alternative qui permettrait de fermer les centrales désuètes très polluantes de nos voisins américains puis ontariens. Si on regarde à l'annexe F de notre mémoire, on voit vraiment, là, que, sur la page, les petits points ronds, c'est les centrales au charbon des centrales américaines, puis on voit que les vents dominants poussent la pollution émise par ces centrales électriques là vers le Québec. Puis on voit que les gaz à effet de serre vont très haut dans l'atmosphère, mais les pluies acides puis le mercure retombent souvent chez nous, dans nos lacs, dans nos rivières, sur nos têtes. Donc, la pollution de nos voisins aboutit chez nous, puis ils ne peuvent pas régler leur problème parce qu'ils n'ont pas suffisamment de ressources naturelles pour pallier à ce problème-là.

Donc, pourquoi, si le Québec en a les moyens, ne ferait-il pas sa part pour diminuer les émissions de CO2 et la pollution au mercure et au soufre? D'un point de vue environnemental et même éthique, je dirais, ce serait de rater une belle occasion de montrer que le Québec est résolument tourné vers un vrai développement durable. Puis en fait nous avons autant de raisons environnementales, humaines puis économiques de bien utiliser ce dont la nature nous a pourvus, soit notre potentiel hydraulique et éolien.

Mais, cette fois-ci, nous croyons qu'il faudra bien expliquer aux citoyens et convaincre la population des bienfaits de ce grand projet de société pour bien le démarrer et bien le réaliser. Donc, nous croyons qu'il faudrait bien définir les objectifs spécifiques d'un plan de développement accéléré des filières énergétiques, c'est-à-dire d'informer de façon soutenue nos concitoyens afin qu'ils puissent accompagner et appuyer notre développement, conserver des sites patrimoniaux, créer des programmes de développement éolien et hydroélectrique avec des objectifs quantitatifs pour que la population puisse voir où le gouvernement s'en va avec ce projet-là, accélérer la prospection du potentiel gazier et pétrolier, permettre aux communautés autochtones de participer au développement parce qu'ils ont beaucoup à gagner d'un tel projet ? ce serait important que, dès le départ, ils soient impliqués ? puis développer des marchés canadiens et américains, bien sûr.

Mais, avant de céder la parole à M. Chevrette pour qu'il puisse vous expliquer la démarche puis conclure sur notre mémoire, j'espère que les travaux de cette commission serviront à articuler une vision puis à élaborer une stratégie d'action mais surtout à mettre en branle le plus tôt possible des projets de développement durable qui vont mettre en valeur principalement les deux plus grandes richesses du Québec, à savoir ses potentiels hydrauliques et éoliens. Merci.

Le Président (M. Bachand): M. Chevrette.

M. Chevrette (Guy): Oui, M. le Président. Tout d'abord, je voudrais parler un peu des objectifs spécifiques. Je pense que, par le passé, si on a eu beaucoup de réticences et beaucoup de craintes, c'est parce que l'information de façon soutenue à nos concitoyens et concitoyennes n'a pas été aussi forte ou assez forte. Il faut absolument que cette information-là puisse permettre aux citoyens de comprendre au départ où on va. Il faut aussi conserver les sites patrimoniaux. Déjà, il y a beaucoup d'inventaires de faits sur la classification des rivières. C'est parce que les gens pensent qu'Hydro-Québec va se tirer partout quand ça lui tente, alors que, si on avait déjà un plan bien défini de rivières qu'on ne touchera pas... Par exemple, l'Ashuapmushuan, si on décide qu'on n'y touche pas au départ, on n'y touche plus, puis c'est fini parce que le gouvernement a décidé que c'était un lieu à conserver, la rivière Moisie, etc. Mais, si on ne sait pas cela d'abord, la crainte s'installe, et les opposants à tout projet, à ce moment-là, s'en donnent à coeur joie et préparent des oppositions inutiles.

Créer d'ailleurs un programme de développement éolien et hydraulique avec des objectifs quantitatifs, Mme Kègle vous l'a dit. Accélérer la prospection du potentiel gazier, gaz naturel plus particulièrement. Permettre aux communautés autochtones, je répète, permettre aux communautés autochtones de participer au développement. Je pense que c'est dans les deux textes, autant de 1996, mais je pense qu'il est bon de le répéter parce que, dans leurs négociations globales, vous savez très, très bien qu'ils demandent un certain nombre de cours d'eau à être aménagés en minicentrales. Développer des marchés.

La démarche, c'est de faire connaître ces objectifs généraux et spécifiques ainsi que les priorités d'action. Il faut absolument faire ça au départ si on veut véritablement bien camper le débat. Ça demande un travail assez considérable au départ, mais je pense que ça deviendra un outil pédagogique extrêmement important pour arriver avec un programme accéléré.

Publier l'ensemble des données consolidées sur le potentiel énergétique. D'ailleurs, je remercie tout de suite le ministère pour les données qu'ils m'ont transmises, ainsi qu'Hydro-Québec qui... Chaque question qu'on a posée, on a eu les réponses sur le plan théorique.

Ensuite, rendre public tout le processus de développement. Faire connaître dès le départ le mode de partage des retombées économiques. Vous savez comment les milieux sont inquiets, les régions. Et je vais vous dire dans ma conclusion d'ailleurs pourquoi je dis que c'est important de savoir ça si on veut que le monde adhère à un programme accéléré de développement.

Négocier immédiatement une entente avec le gouvernement fédéral afin de ne pas subir les inconvénients majeurs d'une double étude d'impact. Je ne sais pas pourquoi qu'on fait cela, mais ça traîne en longueur puis ça ne commence pas en même temps, ça se tiraille, alors qu'il y a eu quelques expériences passées qui prouvent qu'on peut conclure une entente avec le fédéral pour que, simultanément et ensemble, il se fasse une étude d'impact sans qu'on ait à subir les retards inutiles. Ça, je pense que ça fait partie de toute la démarche, si on veut, de la clairvoyance.

Et je conclus en disant que les Québécois et Québécoises ont besoin d'un projet majeur, d'un projet qui est emballant. Il faut que ce projet soit aussi sinon plus emballant que fut l'étatisation de l'électricité en 1962 et que fut le développement de la Baie-James en 1971. Il y eut des critiques à l'époque, mais pourtant les années nous ont prouvé que ce furent d'excellentes décisions et de bons projets pour notre société. Imaginez une seule minute ce qu'auraient l'air nos finances publiques sans les revenus d'Hydro-Québec. Pour nous, cette grande décision n'a du sens que si, dès le départ, il est bel et bien convenu par législation...

n(12 heures)n

Et là je vous prierais de bien voir l'objectif fondamental de notre mémoire, je dis bien: Pour nous, cette grande décision n'a du sens que si, dès le départ, il est bel et bien convenu par législation qu'une partie importante des revenus additionnels, parce qu'il y aura accélération du développement, soit attribuée au remboursement de la dette, permettant ainsi aux générations futures d'avoir, eux aussi, une qualité de vie comparable à la nôtre. La dette accumulée n'est pas uniquement le fruit des immobilisations du passé qui serviront à plusieurs générations. Nous savons tous qu'une large partie de cette dette a servi à payer l'épicerie. Nous savons bien que certains diront que développer de l'énergie que nous n'avons pas besoin est un geste suicidaire. Nous leur répondons qu'il est aberrant d'être incapable de répondre spontanément à une demande de 300 à 400 MW quand on possède le potentiel pour le faire mais qu'il n'est pas développé.

Et, quant à rêver, pourquoi ne pas se servir du développement de ce potentiel énergétique afin de contribuer à solutionner le problème des régions ressources qui voient les richesses naturelles subir une première transformation chez eux pour ensuite les voir se transformer ailleurs? Pourquoi ne pas se servir de notre énergie pour contribuer à une deuxième et même à une troisième transformation dans nos régions ressources en particulier? Nous contribuerions ainsi à minimiser le problème de l'exode de nos jeunes et contribuerions à instaurer une véritable politique d'occupation du territoire, et ça, c'est de plus en plus inquiétant dans nos régions. Vous regarderez sur la Côte-Nord, la Haute-Côte-Nord, quand il en coûte à un citoyen, par exemple, là, de Longue-Rive ou Colombier plus cher de taxes pour une maison de 50 000 $ qu'à Québec avec tous les services pour une maison de 70 000 $, il y a de quoi s'inquiéter quand on veut véritablement que le Québec continue à garder son potentiel humain dans chacune de nos régions.

Et, quant à faire, pourquoi ne pas profiter de l'occasion pour se réapproprier les mégawatts consentis à des multinationales qui ont obtenu des droits hydrauliques et qui ont fermé leurs portes tout en continuant à vendre leurs mégawatts à Hydro-Québec et à empocher de l'argent? Dorénavant, les avantages consentis devraient l'être pour l'unique temps où elles créent des emplois chez nous. Nous avons les outils pour agir en toute efficacité et selon les règles. Nous avons une régie, nous avons une politique en matière d'énergie, nous avons une Agence de l'efficacité énergétique, nous avons un BAPE, nous pouvons agir de façon compétente. Il ne faut plus ne laisser la parole qu'aux opposants, il nous faut parler haut et fort. Il faut avoir visité plusieurs pays aux prises avec un manque d'énergie pour constater leurs difficultés de développement. Le Québec peut être un des leaders de l'énergie propre tout en s'assurant de léguer à nos jeunes un coin de pays en parfaite santé financière; ils y ont droit. Oui, ils y ont droit, à une qualité de vie. Nous pouvons, si nous le voulons, assurer leur avenir.

Enfin, M. le Président, je remercie Mme Kègle d'avoir participé à l'élaboration de ce mémoire. Nous voulions, à titre de deux citoyens d'âges très différents, vous démontrer qu'on pouvait partager un projet et des valeurs et vous prouver que l'harmonisation des générations, ça peut se faire. Je vous remercie.

Le Président (M. Bachand): Merci, M. Chevrette. Merci, Mme Kègle. Donc, je vais céder la parole à l'adjoint parlementaire au ministre, M. le député de Montmagny-L'Islet. Allez-y, M. le député.

M. Morin (Montmagny-L'Islet): Merci, M. le Président. Mme Kègle, M. Chevrette, bonjour. Vous en avez parlé tout à l'heure dans votre présentation, mais vous mentionnez, à la page 3 de votre mémoire, que plusieurs communautés autochtones sont à préparer des projets, notamment les petites centrales hydroélectriques, et donc plusieurs de nos municipalités régionales de comté ont des projets sur la planche. J'aimerais vous réentendre. Vous en avez parlé un petit peu tout à l'heure, mais que pensez-vous de ceux qui prônent pour les petites centrales hydroélectriques? Et s'agit-il d'une décision d'ensemble du Québec ou locale?

M. Chevrette (Guy): Personnellement, je pense que l'acceptabilité sociale relève beaucoup du milieu local, c'est bien évident. Le gouvernement se tirer contre... Une volonté généralisée contre, par exemple, en Haute-Mauricie, ça, ça met du plomb dans l'aile à un projet. Ça, je le conçois très, très bien. Moi, je pense que, si on démontre, au niveau du gouvernement, que le projet, ce n'est pas de développer tous azimuts, de ne pas s'en aller sur des rivières à valeur patrimoniale, mais c'est de prioriser, par exemple, celles qui sont déjà harnachées... Et c'est un bel exemple que vous me posez comme question.

Par exemple, la Haute-Mauricie, on sait que le Saint-Maurice est déjà harnaché. Par contre, il y a deux sites potentiels d'au-delà de 50 MW, et, moi, je pense que ça pourrait être développé par d'autres qu'Hydro-Québec, en passant. Le 50 ne devrait pas être une barrière. Il y a deux beaux projets où les MRC puis les communautés autochtones sur le Saint-Maurice pourraient très, très bien avoir accès à ces projets-là, et on ne parlerait plus de redevances s'ils participaient. Ça, quand on y pense, s'ils ont la capacité de développer, ils ne commanderaient plus des choses différentes. Ils diraient: On a un projet, on pourrait investir dans l'économie à partir de ce projet que nous avons réalisé nous autres mêmes. Ça changerait toute la dynamique dans les régions ressources. Donc, oui.

Et favoriser les cours d'eau qui ne créent à peu près pas d'ennoiement. Je sais, par exemple, sur la Manouane, il y a d'autres petits projets qui ne nécessitent même pas 1 km d'ennoiement. Donc, ce n'est pas des immenses surfaces. Donc, dans des petits projets de 20, 30, 40, 50, 75 MW et qui ne créent à peu près aucun préjudice environnemental, moi, je pense que vous avez là une porte de sortie pour plusieurs centaines et quelques milliers de mégawatts, une couple de 1 000 MW au Québec. Mais, s'ils le savent au départ que la volonté n'est pas de harnacher tout ce qui bouge puis de nous appeler «les castors bricoleurs», tu sais, je pense qu'on peut se comprendre.

Il y a des sites déjà identifiés, le ministère des Ressources naturelles a une assez bonne idée de la classification des cours d'eau au Québec, j'en suis convaincu. Il s'agit d'avoir la volonté d'en laisser faire, des projets dans les milieux. Et je dois vous avouer que, sur la Haute-Côte-Nord et même sur la Basse-Côte-Nord, il y a des sites où les communautés sont quasi unanimes pour réaliser des minibarrages, et ça devient une source de financement intéressant pour le milieu et ça change, je le répète, ça change beaucoup la dynamique de l'approche de discussion avec le gouvernement. Là, tu ne demandes plus: Donne-moi une redevance sur Hydro-Québec; donne-moi ci sur Hydro-Québec. C'est des projets qu'eux-mêmes vont réaliser, qu'ils vont bâtir. Ça va leur donner des ressources pour investir à nouveau dans le milieu, sur le plan économique. Ça, ça peut être un paramètre que les gouvernements, que le Parlement va fixer aussi. Et, moi, je pense que, oui, il y a une porte de sortie extrêmement intéressante pour vous autres.

Le Président (M. Bachand): M. le député.

M. Morin (Montmagny-L'Islet): Oui. M. Chevrette ou Mme Kègle, à la page 6 de votre mémoire, vous croyez possible pour Hydro-Québec et pour le gouvernement du Québec de travailler avec les propriétaires pour l'amélioration des logements, sans possibilité de refiler la facture aux locataires qui n'en ont pas les moyens. À ce compte-là, pouvez-vous nous apporter des précisions sur cet aspect de votre approche?

M. Chevrette (Guy): C'est très difficile. C'est très difficile de vous donner une recette toute faite parce qu'on sait très, très bien que, pour le locataire qui paie son électricité, si vous donnez une subvention au propriétaire, par exemple, de 2 000 $ pour réparer les fentes de 1/8 de pouce en dessous des fenêtres, c'est souvent dans ces logements de pauvres, malheureusement, que vous avez les ouvertures, ce qu'on appelle les ouvertures dans une maison, qui sont les plus perméables au froid, au vent, etc. Et, s'il améliore son loyer, le propriétaire augmente son coût de loyer. On n'a pas trouvé jusqu'à maintenant de solution magique pour cela. S'il y avait une entente pour signer, je ne sais pas: Je répare le logement... J'ai bien aimé l'idée de l'AQLPA, je crois, ou des étudiants, un des deux derniers groupes qui disait qu'il ne faut absolument pas que la facture soit refilée mais qu'on leur permette de déduire sur leur compte d'électricité, par exemple, au niveau du géothermique.

Mais prenez un pauvre, dans certains quartiers pauvres de Montréal ? puis je ne veux pas personnaliser un quartier en particulier parce qu'on en parle toujours, puis je trouve ça déprimant pour ce monde-là ? qui paie 400 $ d'électricité ou 500 $ par deux mois dans un petit logement de trois et demie, quatre et demie, ce n'est pas rare, ça. Allez à Montréal, vous allez vous le faire dire très couramment. Puis, dans nos milieux urbains où il y a certains petits bidonvilles, c'est eux autres qui paient le plus cher d'électricité puis qui n'ont pas les moyens de réparer. Donc, ils vont ajouter une plinthe électrique additionnelle pour se chauffer, pour chauffer les enfants.

Donc, on n'a pas trouvé de recette miracle. Mais je pense qu'Hydro-Québec et le gouvernement pourraient penser à une formule de déduction ou encore de gel du loyer pour quelques années pour que, si on répare le loyer, il y ait une économie générale; il peut y avoir un partage entre la déduction d'impôt et les revenus d'Hydro-Québec. On n'a pas fait l'exercice de trouver une formule. Mais notre crainte, on dit: Oui, il y a du vrai, il y a du vrai dans le fait d'augmenter les tarifs pour diminuer la consommation, à la condition que ça n'aille pas appauvrir le plus pauvre. Parce qu'on a tous un beau discours, tout le monde. Je suis convaincu que je vous ferais faire, chacun, un discours sur la lutte à la pauvreté puis je me demanderais lequel qui est le meilleur des deux. Mais on ne peut pas parler des deux côtés de la bouche en même temps: ou on lutte contre la pauvreté et on lutte véritablement, puis, si on pense à la tarification de l'électricité, il faut trouver une formule qui ne vient pas contredire une autre volonté politique de lutter contre la pauvreté. C'est ça qu'on veut dire. Il faut trouver des moyens avec Hydro et avec le ministère du Revenu et probablement le ministère des Finances.

n(12 h 10)n

Le Président (M. Jutras): Oui. Alors, M. le député d'Iberville.

M. Rioux: Merci, M. le Président. Bienvenue, Mme Kègle, M. Chevrette. Votre mémoire est très intéressant, il va dans la continuité de l'exposé que vous aviez fait au Forum des générations. Je pense que, dans les faits, ce que vous proposez, c'est réellement un projet de société: de un, d'assurer le développement potentiel de l'énergie que l'on a au Québec, le développement des régions, et aussi de dédier les revenus en majorité au remboursement de la dette.

Je vais avoir une question au politicien. On a l'exemple de l'Alberta qui a annoncé cette semaine qu'ils viennent de faire leur dernier paiement sur la dette, donc ils sont libres de dette. Ces gens-là aussi, on sait qu'ils ont une fiscalité qui est très compétitive, et ça, on sait qu'ils l'ont atteinte en exportant finalement leur pétrole qui est une ressource qui est non renouvelable. Comment se fait-il qu'au Québec il y ait autant de résistance à vouloir exporter nos ressources naturelles qui sont renouvelables?

Et pourtant on a un potentiel qui existe, et ce serait un moyen de se donner des outils que s'est donnés l'Alberta, c'est-à-dire de pouvoir éliminer notre dette à moyen terme et aussi de diminuer notre fiscalité et de devenir aussi plus compétitifs. Et ça, je pense que c'est important, cette partie-là. Puis une des parties, vous le dites, c'est qu'en même temps on assure le développement des régions, on permet aux régions de pouvoir finalement aller chercher pour elles-mêmes des revenus. C'est pour ça que tout à l'heure je disais: principalement attribuer au remboursement de la dette, parce qu'il ne faut pas oublier qu'il y a des revenus aussi qui vont rester en région.

Donc, d'où vient cette très grande réticence qu'on a dans nos journaux, des citoyens vis-à-vis l'exportation de nos ressources renouvelables?

M. Chevrette (Guy): Vous avez bien dit que vous vous adressiez au politicien? À l'ex, à l'ex-politicien. Je vous avoue que, moi, ça me heurte de voir Ralph Klein gonflé d'orgueil, avec de l'énergie polluante et non renouvelable, se vanter d'avoir éliminé toute sa dette puis de baisser ses impôts. Ça me heurte, quand on connaît le potentiel québécois, et ça me heurte beaucoup. Ça me fâche même. C'est un peu ce qui m'a poussé à faire l'intervention au Forum des générations, où on parlait d'avenir puis d'avenir. J'ai deux fils puis j'ai cinq petits-enfants, puis je peux-tu vous dire que, sur le temps qu'on est parti là, là... On vous a cité que, dans 20 ans, ce ne sera même pas... ça va être 5 milliards de moins de revenus et 5 milliards de plus de dépenses, puis avec deux ou trois à payer. Même si le baby-boomer va payer de l'impôt, contrairement à ce qu'ont écrit certains journaux, il reste qu'il y a un danger pour les générations futures.

Et la réticence vient du fait qu'on laisse parler exclusivement les opposants. Moi, je connais des types au Québec, puis vous autres aussi sans doute, qui sont partout, à Jonquière, à Québec, à Montréal, à Joliette, sur la Côte-Nord, en Gaspésie, contre tout projet de développement. Pourtant, ils sont pour l'énergie propre. Ils sont contre tout projet de développement. Moi, je commence à en avoir soupé de ça. Si ceux qui veulent un développement rationnel, encadré, dans le cadre d'un développement durable, parlaient eux aussi, donnaient les objectifs, donnaient la démarche, faisaient connaître le processus puis disaient: On fonce, on a un avenir à protéger... Moi, je ne serais pas content de moi si, dans 20 ans d'ici, mes jeunes seraient étouffés. J'ai eu une qualité de vie. Ils ont droit à une qualité de vie. Mme Kègle a droit à une qualité de vie, même si elle a 25 ans puis j'en ai 65. C'est clair.

Mme Kègle (Amélie): Je voudrais ajouter quelque chose aussi. C'est vrai qu'on laisse beaucoup de place aux gens qui sont contre, puis souvent on a l'impression qu'ils sont 100, 200, puis finalement ils sont 10, mais c'est parce qu'ils sont partout.

M. Chevrette (Guy): Ils font 10 mémoires.

Mme Kègle (Amélie): C'est ça. Puis, les gens, ils ne sont pas super gros informés non plus, puis, si on informait la population puis on leur expliquait les bienfaits... Souvent, ils disent: Ah! Exporter, c'est épouvantable, puis ça pollue, puis le gaz naturel... sauf que, si on exportait notre gaz naturel puis notre énergie propre aux Américains, bien, on aurait pas mal moins de pollution chez nous, au Québec, parce que leurs centrales ? eux, ils ont des problèmes, là ? elles sont désuètes. Il va falloir qu'ils investissent beaucoup dans leurs centrales. Puis si, nous, on pouvait leur exporter, on se ferait de l'argent, puis, deux, on diminuerait notre pollution. Parce que, même si tout le monde ici, au Québec, arrêtait de prendre leur voiture, bien, on aurait quand même 70 % des gaz à effet de serre au Québec parce que la pollution, au niveau des États américains puis de l'Ontario, bien, elle se garroche chez nous. Ça fait que, si on informait les gens du bienfait de ce grand projet de société là, que ce serait bon pour les générations futures, pour ma génération puis pour l'ensemble de la population, bien, je pense que les gens adhéreraient beaucoup plus à ces projets-là. Mais l'information n'est pas là. Il faut impliquer la population.

M. Chevrette (Guy): J'aime tellement votre question que j'ajouterais un autre élément. Ils sont tellement organisés, ceux qui sont contre, qu'ils ont l'air à être des milliers. Puis regardez-les dans un mouvement, là, et puis vous allez entendre le même clou, ils tapent sur le même clou tout le temps. Et posez-leur la question le lendemain, ils vont être contre le Suroît ? ils peuvent avoir de bonnes raisons. Puis tu leur dis: On va substituer ça. Si on les prenait au mot, là, le lendemain matin, là, j'ai 500 MW, une rivière déjà harnachée, êtes-vous pour? Ils trouveraient le moyen de monter toute la gang, avec autant de mémoires, pour être contre le projet de harnachement. C'est ça qui est le problème. Puis, admettons-le un petit peu, on a peur collectivement, en politique en particulier. On craint toujours les oppositions, c'est probablement normal. Mais j'ai été assis à votre place, puis il y a des journées où j'avais peur, moi aussi. Parce qu'ils ont tellement la parole, puis la presse leur donne tous les micros, si bien que le dossier n'a pas le temps de lever, il n'a même pas le temps de lever, il meurt dans l'oeuf. Et c'est ça que je trouve de valeur. Si véritablement on a un objectif sérieux d'aider les générations futures, là, on va le prouver.

Mme Kègle (Amélie): Une dernière chose que je voulais ajouter ? finalement, elle est intéressante, votre question ? bien, je ne m'en souviens pas...

Une voix: ...

Mme Kègle (Amélie): Oui, c'est ça. Je ne m'en souviens pas mais je sais que, dans le temps, il y avait beaucoup d'opposants à l'hydroélectricité. Les gens disaient: Non, l'hydroélectricité, ce n'est pas bon, puis ça n'a pas de bon sens, puis le nucléaire, bien, on va y aller. Bien, une chance qu'on ne les a pas écoutés, ces opposants-là, puis qu'on a poursuivi avec notre projet d'hydroélectricité. Ça fait que c'est un peu la même chose qui se passe. Il faut être convaincus de nos convictions puis aller de l'avant.

Le Président (M. Jutras): Alors, Mme la députée de Rosemont.

Mme Dionne-Marsolais: Merci. Moi, je me souviens de cette époque où est-ce qu'on contestait. En fait, on conteste des projets qu'on ne connaît pas. Quand on explique les projets, la démonstration a été faite au fil des années, et qu'on implique les communautés locales, il y a une compréhension, un apprentissage presque, on apprivoise et puis finalement on fait les choix qui sont les plus responsables. Mais je pense que votre point est bien important et je le partage entièrement.

Moi, je voudrais... J'ai aimé la réflexion, il y a des choses avec lesquelles je suis... Votre objectif de développement accéléré des filières énergétiques, je pense que ça mérite réflexion et peut-être une projection à moyen et long terme. C'est quelque chose qui ne pourrait pas se faire à court terme de toute façon, puis vous le dites bien, il faut impliquer le monde, il faut leur expliquer. Mais ça prend une vision, je crois.

J'ai des petites questions précises qui visent à apporter des qualifications à la mise à jour de votre politique énergétique, qui, on l'a vu depuis tous ces mois que l'on discute de l'avenir énergétique, est encore très d'actualité et nécessite peut-être une application plus rigoureuse du chapitre sur l'efficacité énergétique, et vous le dites vous-mêmes, d'ailleurs. Mais j'ai une petite question concrète: La dernière fois que vous êtes venus ici, on avait parlé de la loi n° 116 et, depuis ce temps-là, on a posé la question à différentes personnes: À votre avis, quelles seraient les composantes de la loi n° 116 qui mériteraient une révision pour permettre justement un accès plus transparent à l'information, toujours dans le but d'informer la population et de l'amener à partager les mêmes objectifs, je dirais, globaux que nous pouvons avoir comme responsables et comme élus?

M. Chevrette (Guy): Bien, vous connaissez ma position sur la loi n° 116. À mon point de vue, c'est une loi qui est venue aider Hydro-Québec à répondre à une commande financière gouvernementale. Ça, c'est mon point de vue bien personnel. Sans vouloir divulguer quoi que ce soit du secret du Conseil des ministres, vous savez très, très bien que... D'ailleurs, ça a été mon départ juste avant. Je suis parti. Ce n'est pas moi qui l'ai passée, la loi n° 116, je suis parti avant.

n(12 h 20)n

Je pense que la transparence à Hydro-Québec, au lieu de diviser Hydro-Québec comme on a tenté de le faire sous prétexte que c'était imposé par les Américains, à l'époque... Rappelez-vous, tout le discours, c'était: On nous demande ça, sinon ça ne marchera pas. Comme on n'était pas de ceux... En tout cas, moi, je n'étais pas un de ceux qui discutaient avec les Américains, même si j'étais ministre de l'Énergie à l'époque. On nous a dit: Il faut agir avec des comptabilités séparées. Quand on a séparé les comptabilités pour répondre supposément à une commande nord-américaine, là on est arrivé en plus avec la loi n° 116 et qui permettait de soustraire en plus tout un volet à une ? comment dirais-je? ? une évaluation, à une valeur passée qu'on réactualisait pour pouvoir donner une plus-value à la comptabilité gouvernementale. Moi, je pense... D'Hydro-Québec, excusez.

Je pense sincèrement qu'Hydro-Québec doit mettre sur la table... C'est une société d'État, c'est quasi impossible, mis à part la sécurité, mis à part l'objet de la sécurité énergétique, où on peut comprendre qu'ils ne peuvent pas étaler au grand jour, par exemple, et de dire: Il ne reste seulement qu'un pouce dans le réservoir, là, pour faire peur aux citoyens. Mis à part ça, ça devrait être une transparence totale, totale de tous les volets, non seulement le transport... production, transport, puis ne pas essayer de démontrer à des Québécois que le transport, là, ça rapporte à mort parce qu'on a changé les règles du jeu. Mais globalement Hydro-Québec coûte tant, coûte tant en transport, coûte tant en production, coûte tant... et la comptabilité, ça rapporte combien, puis répartir l'ensemble de la comptabilité sur les sources de revenus, les sources d'ensemble aussi.

Moi, je vous avoue que j'ai compris assez vite, à Hydro-Québec, que... sans vouloir en faire une cachette, je pense qu'ils répondaient à des commandes, ils répondaient à des commandes. Ma conviction profonde est qu'ils cherchaient à trouver les trucs nécessaires, puis ça, ils le font avec tous les gouvernements. Parce que, entre vous et moi, on peut bien... Les ministres de l'Énergie, tous ceux qui ont passé savent très, très bien qu'il y a beaucoup plus de choses qui se discutent au-dessus de notre tête que dans nos bureaux de ministres de l'Énergie. Puis ça, c'est de toujours, quel que soit le ministre de l'Énergie qui a eu lieu. C'était encore pire quand le bureau du PM était dans Hydro-Québec, ils n'avaient rien qu'un étage à monter, eux autres. Et le ministre de l'Énergie était toujours placé devant une situation de fait. Ça, il ne faut pas avoir peur de dire la vérité dans cela. Il faut qu'Hydro-Québec reçoive une commande gouvernementale, de l'Assemblée nationale s'il faut, pour la transparence totale dans tout le processus, dans tout le processus.

Mme Dionne-Marsolais: Je voudrais maintenant qu'on discute des interconnexions. Vous savez, on a vu, la semaine dernière, qu'Hydro maintenant ? c'était peut-être une commande ? était prête à construire des interconnexions avec l'Ontario, ce qu'elle s'était toujours refusée à faire dans le passé pour des raisons de marché; c'était beaucoup plus rémunérateur de vendre au sud que de vendre à l'est ou à l'ouest. Je pense que ça n'a pas changé, mais là visiblement on va vendre... on a l'intention de construire une ligne de transport vers l'Ontario. Et, avec votre objectif d'un plan de développement accéléré des filières énergétiques, comment vous voyez... Parce que finalement il y a quand même une source... Même si Hydro est une force financière importante, d'où sa relation intime avec le ministère des Finances, ça n'empêche pas qu'elle a une limite aussi à sa capacité de financement parce qu'elle doit quand même rencontrer un certain nombre de ratios financiers qui sont courants, là.

Alors, quelle est votre réaction par rapport à des investissements de cette importance vers l'Ontario qui, si on comprend bien ce qui a été écrit, seraient ? je dis bien... je mets tout ça au conditionnel, là, parce qu'il n'y a rien de fait ? mais qui seraient payés par les Québécois?

M. Chevrette (Guy): Oui. Ça, ça... Je me suis questionné beaucoup sur le sujet parce qu'effectivement Hydro pourrait être contrainte de faire changer ses ratios qu'elle doit respecter. Si c'était... Seul le Québec... Je n'ai jamais compris d'ailleurs pourquoi Hydro-Québec, par exemple, ne négociait pas avec Hydro Ontario, et je vais vous donner un exemple.

L'Ontario a, je pense, si ma mémoire est fidèle, de 12 à 14 milliards de dollars en réfection à faire dans ses centrales nucléaires. C'est immense comme besoins financiers à court terme pour l'Ontario. Il est clair que la réfection va peut-être amener l'Ontario à vouloir de l'énergie du Québec. Et, à ce moment-là, pourquoi ne pas faire, par exemple, comme avec Terre-Neuve, une entente pour une fourniture mais une immobilisation conjointe sur les connexions à faire entre l'Ontario puis le Québec? La même chose, je me rappelle de votre vigueur, ma chère dame, et vous vous rappelez de la mienne, une certaine fin de journée, sur l'interconnexion ou la ligne de transport vers les États-Unis, où on est sans doute deux des moineaux qui ont empêché que ça se fasse. Et puis pourquoi? Parce qu'on ne voulait pas profiter d'une crise du verglas pour réaliser un objectif qui aurait dû être débattu publiquement.

Donc, c'est bien évident que, pour moi, ça doit faire l'objet d'un débat public. Mais, à mon point de vue, c'est noble de vouloir bâtir des interconnexions pour fournir une énergie propre à nos voisins, et ça, il n'y a pas de scandale à ça, il n'y a pas de honte à ça, de vouloir vendre de l'énergie propre. De toute façon, c'est nous qui recevons leurs émanations. On passe notre temps à parler de pollution atmosphérique puis des pluies acides dans nos lacs, etc. Quelle honte devrions-nous avoir que d'être capables de vendre véritablement de l'énergie propre? On pourrait devenir les leaders mondiaux... en tout cas, nord-américains, sûr, des énergies propres avec le potentiel éolien qu'on a puis avec le potentiel hydroélectrique qu'on a. Moi, je trouve qu'il n'y a pas de honte à cela, surtout quand on a une vision d'aider les générations futures. On se targue facilement du discours des jeunes. On est peut-être capables de prouver que c'est vrai, notre discours, on le met en action.

Le Président (M. Jutras): Il reste deux minutes. M. le député de René-Lévesque.

M. Dufour: Rapidement. Alors, Mme Kègle, M. Chevrette, M. Chevrette qui est retraité, sur le document, mais qui est encore actif, actif parce que je vous ai vu dans un dossier avant les Fêtes, là, pour la Haute-Côte-Nord, avec le préfet Jean-Marie Delaunay, pour les petites municipalités, les projets pilotes qui vont faire foi de 236 municipalités au Québec.

En page 6 de votre document, vous prenez bien soin de parler des autochtones. On a reçu ici Uashat-Maliotenam, la communauté autochtone de Betsiamites, qui veulent être partenaires et même promoteurs de certains projets de minicentrales.

Là où je veux vous entendre... Et vous en avez parlé un petit peu tout à l'heure, vous avez parlé du monde qui sont à Montréal, à Joliette, tout partout. S'il y a, socialement parlant, acceptation d'un barrage de minicentrale dans une communauté, est-ce que ce doit être la communauté, la MRC qui décide ou que ça revient au national de prendre la décision? C'est une question, elle est importante, et je l'ai posée à plusieurs occasions.

Le Président (M. Jutras): M. Chevrette, rapidement.

M. Chevrette (Guy): Oui, je vais y aller sous deux angles. Le premier angle: le milieu. C'est bien clair, si le milieu est rébarbatif à toute forme de développement, je pense que vous n'avez pas à perdre d'argent dans les études d'impact puis à faire dépenser de l'argent pour faire une analyse du BAPE épouvantable quand ils vont se coucher devant toute machinerie lourde. Je pense que le milieu a un point très important de décision. Mais le front commun d'un milieu, par exemple... Je donne un exemple: Si la communauté autochtone, comme Betsiamites chez vous, avec la MRC de la Haute-Côte-Nord, décidait de faire deux minibarrages, puis c'est unanime dans la population ou c'est à 80 %, pourquoi que ce serait un Montréalais avec sa guitare qui viendrait l'arrêter? Correct? C'est assez précis pour que vous trouviez tout ce que je veux dire.

M. Dufour: Extrêmement précis.

Le Président (M. Jutras): Alors, Mme Kègle et M. Chevrette, merci pour votre présentation. Les travaux de la commission sont suspendus jusqu'après la période de questions. On reprend les travaux vers les 15 heures.

(Suspension de la séance à 12 h 29)

 

(Reprise à 15 h 23)

Le Président (M. Jutras): À l'ordre, s'il vous plaît! Étant donné que nous avons quorum, nous allons débuter nos travaux.

Les avis touchant les commissions n'ont pas encore été donnés au salon bleu, mais, étant donné que tout le monde est prêt, là, puis pour ne pas retarder indûment les travaux, nous allons quand même commencer avec le consentement des parlementaires. Alors, je présume qu'il y a consentement des parlementaires?

Une voix: ...

Le Président (M. Jutras): Oui, il y a consentement? Oui.

Alors donc, nous allons entendre dans un premier temps Citoyennes et citoyens Vert Kyoto qui ont déjà pris siège. Alors, M. le porte-parole, si vous voulez vous identifier, présenter les personnes qui vous accompagnent et procéder par la suite à la présentation de votre mémoire. Je vous rappelle que vous avez 20 minutes pour la présentation de votre mémoire. Par la suite, il y aura un échange avec le ministre et les députés ministériels ? le ministre va se joindre à nous, là, d'ici peu ? et, par après, avec les députés de l'opposition.

Citoyennes et citoyens Vert Kyoto (CCVK)

M. Beaulieu (Louis): Merci, M. le Président. Mon nom est Louis Beaulieu. Je suis le coordonnateur de la Coalition Québec Vert Kyoto. Rapidement, pour vous présenter les personnes qui nous accompagnent: Mme Louise Maranda, de la Coalition Rabat-Joie; M. Claude Dupuis, de la coalition Acte-B; M. Patrick Bonin, spécialiste en environnement; Mme Annie Letendre, spécialiste en environnement; et M. Pierre Séguin, de la Centrale des syndicats du Québec, deuxième vice-président.

Citoyens et citoyennes Vert Kyoto est en fait une instance, si l'on peut dire, de la Coalition Québec Vert Kyoto qui est une coalition qui regroupe 54 organismes. Pour respecter les organismes membres de notre coalition qui présentaient eux-mêmes en propre leur mémoire, nous avons donc décidé de présenter sous l'identification Citoyennes et citoyens Vert Kyoto ceux de nos membres qui se sont associés ensemble pour présenter le présent mémoire.

Qu'il soit clair dès le départ, M. le Président, nous ne remettons pas en cause une institution démocratique comme la présente commission parlementaire, mais nous voulons affirmer avec force ? et ce sera le message principal que nous essaierons de faire passer ? que le présent forum n'est pas le forum adéquat pour élaborer une politique énergétique pour le Québec. Nous souhaitons avoir un vrai débat public et nous souhaitons que la première recommandation de la commission soit de recommander au ministre de tenir un vrai débat public sur des modèles que nous connaissons déjà.

Il serait impérieux, en fait sous peine d'amnésie collective, de mettre en valeur les acquis du débat public sur l'énergie de 1995-1996. Vous avez ici plus de 300 mémoires qui ont été déposés en 1995 et 1996, qui ont fait l'objet de deux ans de consultation et de travaux, et on a l'impression que nous recommençons à refaire la roue à chaque fois alors que ces acquis sont là, ils font état de consensus qui sont encore présents, et il ne manque qu'une mise en oeuvre réelle de ces conclusions et une actualisation ? évidemment, suite aux années passées ? une actualisation des différents éléments qui constituaient ce consensus.

Nous estimons que la commission parlementaire a un mandat limité, alors que l'élaboration d'une politique énergétique fait appel à des enjeux complexes. Il y a d'énormes lacunes dans le document gouvernemental qui a suscité la présente consultation. Par exemple, il a été déjà noté, et nous le réitérons, il y a très peu de mention de toute la problématique du transport, et nous pensons que ceci est un oubli assez grave dans un contexte de tous les enjeux que nous devons considérer pour l'élaboration d'une politique énergétique.

Nous souhaitons un vrai débat. Nous pourrons élaborer par la suite s'il y a lieu, par des questions, certains modèles, mais nous avons deux ex-thèmes ou deux modèles qui peuvent être considérés: le débat qui s'est fait en 1995-1996, qui a été d'ailleurs un modèle international référé un peu partout dans le monde; il y a récemment la commission Coulombe.

Nous souhaitons que le processus implique trois éléments essentiels: une transmission d'information, qu'il soit clair pour la population qu'un processus d'information est transmis à tous ceux qui veulent participer à une telle consultation et que cette consultation soit ouverte au public; deuxièmement, que tous les acteurs et les intervenants soient impliqués; et surtout qu'un processus interactif soit mis en place permettant justement l'échange, ce que malheureusement ne permet pas une commission parlementaire comme celle-ci.

Notre mémoire, vous l'aurez remarqué, visait en fait à vous poser ? et c'est un peu de vous renvoyer la balle ? vous poser plusieurs et un ensemble de questions pour illustrer justement de quelle façon la commission parlementaire va pouvoir gérer les enjeux par rapport au Protocole de Kyoto, par rapport aux enjeux environnementaux, aux enjeux sociaux, aux enjeux économiques qui sont impliqués dans l'élaboration d'une politique énergétique au Québec.

C'est d'une certaine façon un crime de lèse-commission ? ou nous pourrions peut-être inventer une nouvelle procédure de mépris de commission parlementaire ? de constater que le contexte dans lequel se fait cette commission parlementaire donne lieu cependant à des actes qui nous mettent devant des faits accomplis: la centrale au gaz de Bécancour qui se poursuit actuellement alors que nous n'avons même pas encore décidé, que la commission n'a même encore donné ses recommandations quant à la place du gaz dans la politique énergétique du Québec; le débat sur les ports méthaniers dont on voudrait même tenir un référendum avant même une consultation du BAPE et alors que nous n'avons même pas encore décidé quelle devrait être la place du gaz dans la politique énergétique du Québec; un appel d'offres de 800 MW dans le thermique sous prétexte de cogénération alors qu'on n'a même pas encore défini quelle serait la place de la cogénération dans une politique énergétique du Québec et que doit vraiment dire «cogénération» comme tel et sa définition. Nous avons tous les indices d'un virage thermique au gaz qu'on veut nous imposer ou qu'on voudrait nous passer avant qu'effectivement nous ayons établi une vraie politique énergétique pour le Québec.

n(15 h 30)n

Nous souhaitons donc que la commission parlementaire puisse effectivement déboucher sur un vrai débat et non pas sur un débat par Internet qui nous semble un peu nébuleux, que les documents d'appui soient beaucoup mieux établis que ce que nous avons eu comme documents actuellement pour la consultation qui nous amène ici. Et nous souhaitons qu'il soit pris en considération les enjeux et les éléments sur lesquels nous allons conclure. Je passe la parole à M. Patrick Bonin sur l'aspect du Protocole de Kyoto.

M. Bonin (Patrick): Évidemment, la Coalition Québec Vert Kyoto vise l'atteinte des objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre dans le cadre du Protocole de Kyoto. Vous n'êtes probablement pas sans savoir que le protocole a été ratifié le 16 février dernier. Évidemment, une stratégie énergétique doit selon nous s'arrimer avec un plan d'action pour atteindre les objectifs de Kyoto. Or, au Québec, nous n'avons pas de plan d'action pour l'atteinte des objectifs de Kyoto. Le dernier plan d'action a été rédigé en 2000, il date de 2000, il portait sur la période 2000-2002. Donc, on a une très grande interrogation à savoir comment s'arrimera justement ce plan d'action là avec une éventuelle stratégie énergétique.

La réalité des changements climatiques est de plus en plus reconnue, consensus international. Le GEIEC, qui est le groupe intergouvernemental sur l'évolution du climat, reconnaît ? plus de 2 000 scientifiques mondiaux ? que la réalité des changements climatiques est déjà présente et qu'il faut vraiment prendre cette menace au sérieux. Je vous citerais David King, qui est le conseiller scientifique en chef auprès du gouvernement anglais, qui dit que le problème le plus grave auquel nous faisons face aujourd'hui, plus sérieux encore que la menace du terrorisme, ce sont les changements climatiques. Évidemment, les émissions planétaires sont en constante augmentation. On parle des émissions de CO2 ici, principale composante responsable des changements climatiques. Entre autres, les émissions au Québec ont augmenté de 5 % depuis 1990. Je vous rappelle que l'objectif est de diminuer de 6 % par rapport à 1990. Au Canada, c'est de 20 % que les émissions ont augmenté depuis 1990, et la tendance ne va pas en direction opposée.

Évidemment, les scientifiques internationaux s'entendent pour la plupart ? et, entre autres, le consortium Ouranos, à Montréal, qui est notre groupe de recherche québécois sur les changements climatiques ? s'entendent qu'il faudra 10 fois les objectifs de Kyoto pour stabiliser les concentrations de gaz à effet de serre, de CO2 dans l'atmosphère. 10 fois, c'est 60 % de réduction. L'Europe s'est d'ailleurs donnée, pas plus tard que la semaine passée, des objectifs ambitieux de réduction de 15 % à 30 % d'ici 2020 et l'Europe invitait également les pays développés à faire de même.

Nous en sommes évidemment rendus à un point où nous devons avancer rapidement, le plus rapidement possible, vers une économie énergétique mondiale postcarbone, soit en dehors des hydrocarbures, une économie qui ne rejetterait plus de carbone dans l'atmosphère. Les réserves mondiales de pétrole sont présentement d'environ 45 ans, les réserves prouvées. Les réserves mondiales de gaz naturel sont environ de 60 ans, prouvées. Nous sommes donc coincés entre, d'un côté, l'épuisement des ressources et, d'autre part, la nécessité de faire face aux changements climatiques. L'économie présentement est basée sur le carbone, plus particulièrement sur le pétrole et le gaz, et on sait que ce sera en déclin. Il faut donc évidemment sortir selon nous de l'économie du pétrole et du gaz et penser à ce qui va arriver une fois qu'il n'y aura plus de pétrole et de faire des décisions ? et de gaz, bien sûr ? et de faire des décisions en fonction de cette réalité.

Seul le gouvernement peut mettre en place des incitations pour encourager les investissements nécessaires. Il y a des choix gouvernementaux qui devront être avisés, qui devront être faits rapidement. Évidemment, des mauvais choix, notamment le maintien du statu quo ou le fait de laisser suivre le cours normal aux choses, eh bien ce sera probablement susceptible d'exacerber les chocs économiques, civils et climatiques du régime actuel, et je ne crois pas qu'on veut ça ici.

M. Beaulieu (Louis): Pour illustrer évidemment les éléments sur lesquels nous basons les filières énergétiques que nous préconisons, je pense qu'il y a un consensus qui a été établi autour de vous, comme il a été établi au niveau de la Régie de l'énergie, qui vise à utiliser avant toute autre source l'efficacité énergétique, de viser les économies d'énergie et de faire des plans d'éducation de la population en ce sens; de développer de façon importante la filière et le potentiel éolien ? nous avons été qualifiés de l'Arabie saoudite de l'éolien, et l'éolien, il a été démontré, est amplement complémentaire avec l'hydraulique, qui est une actuelle ressource et une richesse que nous possédons déjà; de développer évidemment tout l'aspect de la géothermie et de développer aussi les applications solaires. Mme Annie Letendre va pouvoir élaborer certains éléments.

Mme Letendre (Annie): Bonjour, mesdames, messieurs. Donc, je vais vous présenter pour l'exercice un résumé d'un tableau qu'on a fait qui compare le gaz naturel et l'éolien ainsi que ses différents avantages et inconvénients sur les pôles social, économique et environnemental. Bon. Du côté de la santé, évidemment le gaz naturel, par le biais d'émissions d'oxyde d'azote entre autres, a des impacts sur la santé, principalement sur les voies respiratoires. Au niveau de la création d'emplois, il est clairement reconnu que l'éolien permet de créer beaucoup plus d'emplois que les filières au gaz naturel. Les Québécois ont clairement également dit non à la filière thermique au gaz naturel, et 88 % de la population est pour l'efficacité énergétique et l'éolien. Au niveau de la sécurité, c'est clair qu'il n'y a aucun danger d'explosion avec des éoliennes et du vent.

Du côté économique, le développement d'une filière au gaz accroîtrait notre dépendance aux ressources extérieures, particulièrement envers l'Algérie et l'Alberta, tandis que le vent est bien présent au Québec. C'est une ressource qui est inépuisable côté du vent, alors que, pour le gaz naturel, on en a environ pour 60 ans, comme M. Bonin l'a dit un peu plus tôt. Je laisse le coût d'installation à votre discrétion. Quant aux coûts de production, le vent évidemment est gratuit, alors que, pour le gaz naturel, on doit faire une extraction, un raffinage, une transformation, un transport, et etc., qui sont tous des éléments qui ont un impact sur l'émission de gaz à effet de serre.

Côté environnemental, si on regarde, les émissions du gaz naturel ont un impact important sur les pluies acides et sur le smog, un impact très important sur la qualité de l'air, de l'eau et des sols. Il faut ici considérer le cycle de vie entier du gaz. On a à le transporter, que ce soit par bateau ou autre, ce qui peut entraîner une contamination des sols. Côté changements climatiques, on a une émission de gaz carbonique, de méthane et d'oxyde d'azote qui sont produits dans toutes les étapes d'extraction, raffinage, transportation, et etc., du gaz naturel, et ces différents éléments ne sont absolument pas émis dans le cas de l'éolien.

Il faut qu'on réoriente notre développement, je crois qu'on l'a compris. Je trouve qu'il est étrange d'orienter notre développement actuellement vers le gaz naturel, alors qu'on sait très bien que, d'ici 50 ou 60 ans, on aura à nouveau à réorienter et à prendre un virage tout autre. Je serai personnellement là encore probablement dans 60 ans. Dans 50 ans, j'aurai 85 ans. Je pense que nos jeunes ont besoin d'un modèle. On a besoin d'éducation relative à l'environnement et de dire à nos jeunes, oui, quoi faire, mais, si on ne leur montre pas comment faire, ils ne sauront jamais quel chemin prendre. Si on prend le virage au gaz aujourd'hui, c'est clair qu'ils vont être encore plus perdus dans 50 ans.

Les jeunes et les moins jeunes sont assez souvent découragés, dans ce que j'ai pu voir dans des séances d'information relatives à l'environnement qu'on a eu l'occasion de faire, quand ils voient des projets au gaz qui peuvent anéantir en quelques années leurs efforts relatifs au défi d'une tonne. Comme ça a été dit un peu plus tôt aujourd'hui, je pense que le gouvernement, les consommateurs et l'industrie doivent être des partenaires et agir ensemble. Nous prônons les énergies vertes. Nous pensons que la solution est un cocktail d'énergies et qu'il faut réduire le gaspillage. Pour nous et pour nos enfants, nous sommes contre la production d'électricité à partir du gaz naturel sans aucune hésitation, et c'est pour notre avenir à tous. Merci.

Le Président (M. Jutras): Est-ce que ça termine la présentation de votre groupe?

M. Beaulieu (Louis): Ça termine, M. le Président.

Le Président (M. Jutras): Oui? Alors, nous allons donc passer immédiatement à l'échange. Je cède la parole au ministre.

M. Corbeil: Merci, M. le Président. Mesdames messieurs, bonjour. Bienvenue aux travaux de la commission. J'aimerais vous entendre un petit peu plus, Mme Letendre. Tantôt, vous avez parlé que la solution passe par un cocktail d'énergies. Est-ce que vous pourriez élaborer davantage?

Mme Letendre (Annie): Oui, tout à fait. Un cocktail d'énergies en fait est un principe où on utilise plusieurs énergies vertes qui se complètent. On peut penser, par exemple, à installer des éoliennes dans l'eau qui alimente les réservoirs des bassins hydroélectriques. À ce moment, on a un couplage qui peut nous permettre autant d'utiliser le vent quand il souffle et de réduire un peu l'alimentation en eau des barrages, permettre d'accumuler de l'énergie en fait, si on veut. C'est également utiliser les sources de production d'énergie au bon endroit. Vous avez entendu parler de la géothermie. La géothermie est un excellent moyen de chauffer des grands complexes, des grands bâtiments, et, oui, ça pourrait être une excellente idée de réchauffer des complexes comme le CHUM ou autres. Alors, le cocktail d'énergies, c'est non pas de développer seulement une filière comme l'hydroélectricité, mais plutôt d'en développer plusieurs à la fois qui sont intéressantes, qui permettraient également de sécuriser l'approvisionnement en énergie au Québec.

n(15 h 40)n

M. Corbeil: Merci. À la page 49 de votre mémoire, vous vous interrogez sur l'utilisation des biocarburants. Pouvez-vous nous développer un peu plus votre position relativement à la promotion des biocarburants? Qu'est-ce que vous proposeriez comme mesures concrètes pour favoriser le développement des biocarburants? Et est-ce que vous avez une idée du coût de ces mesures et de leur rentabilité?

M. Beaulieu (Louis): Patrick Bonin.

M. Bonin (Patrick): La question des biocarburants est très intéressante et encore une fois une question très complexe. Donc, je n'ai pas la prétention de pouvoir répondre amplement. Les recommandations principales du mémoire en font état, entre autres, de la plupart de ces questions très complexes, et c'est pourquoi nos recommandations principales sont d'élargir ce débat, pour justement parler, et débattre, et trouver un consensus sur des alternatives qui existent, entre autres les biocarburants. Pour ce qui est du biocarburant, selon les connaissances actuelles que j'ai dans le domaine, il y a plusieurs façons de faire du biocarburant. Lorsque, par exemple, on utilise des plantes ou des résidus de plantes, par exemple le maïs, les résidus de maïs, pour produire de l'éthanol, ce n'est pas la même chose que lorsqu'on fait pousser du maïs pour produire spécifiquement du pétrole. Évidemment, lorsqu'on fait pousser du maïs, il y a des impacts environnementaux à faire pousser du maïs spécifiquement pour le pétrole. On ne se cache pas qu'on utilise énormément de pesticides actuellement pour le maïs et énormément d'engrais, de produits chimiques qui vont se retrouver là. On parle également de purin de porc. Donc, il y a plusieurs problématiques environnementales qui peuvent être reliées à l'utilisation du biocarburant en termes de production de biocarburants.

Ceci étant dit, évidemment le biocarburant peut être intéressant lorsqu'on l'utilise de façon intelligente, entre autres couplé avec le diesel, par exemple, un projet qui existait à Montréal, entre autres, avant que les subventions soient coupées, au niveau du transport en commun, qui aurait permis justement de réduire les émissions de gaz à effet de serre. Encore une fois, ça revient à une problématique plus large qui s'appelle le financement du transport en commun, dont vous avez probablement entendu parler ici et que... Nous souhaitons encore une fois réitérer notre position face au document de consultation qui a été soumis où la question du transport est pratiquement écartée de la question, où les points sur le transport ne sont pas développés. Et selon nous il faut absolument réfléchir à la question du transport et à la dépendance énergétique face au pétrole, sachant que le pétrole va s'épuiser, sachant que le Québec est un importateur net de pétrole, donc que notre balance économique est négative en raison, entre autres, du pétrole et de l'automobile, et qu'en tant que société, si on veut un projet d'avenir, avoir une indépendance à ce niveau énergétique, on doit se poser la question immédiatement, prendre le virage et devenir des pionniers.

M. Corbeil: Merci. Justement, puisqu'on parle de biocarburants et que vous avez parlé de l'éthanol, advenant l'hypothèse où on n'aurait pas à produire de maïs additionnel pour produire une certaine quantité d'éthanol, c'est-à-dire que ce maïs-là est déjà disponible au Québec et il est produit par nos producteurs agricoles, et qu'on puisse développer des façons d'utiliser peut-être, de convertir la biomasse pour faire de l'éthanol, est-ce que vous pensez que le gouvernement serait bienvenu de supporter non seulement le développement de ces projets-là, mais supporter financièrement, avec les taxes et les impôts des contribuables, l'arrivée de ce genre de produits pour améliorer notre bilan au niveau du transport? Parce que vous avez parlé de la question du transport.

M. Beaulieu (Louis): Patrick Bonin.

M. Bonin (Patrick): Oui, évidemment, ça pourrait être une mesure probablement intéressante. Encore là, cette mesure doit être étudiée, doit être débattue avec les principaux intéressés à la question, soit les experts dans le domaine du transport, et ces gens doivent pouvoir débattre de la question, et présenter leur point de vue et les nuances, et en discuter avec un gouvernement qui se retrouve dans une position de gestion au niveau de la société québécoise.

Ceci étant dit, la biomasse est intéressante. Lorsqu'on parle de financer la biomasse, c'est probablement intéressant. Par contre, lorsqu'on parle de financement, je viens à peine de le mentionner, le transport en commun doit être subventionné. Si vous avez du financement à faire, il y a des moyens, on veut sortir de l'automobile individuelle au Québec. On ne pourra pas sortir toutes les automobiles du Québec, mais je crois qu'un développement intelligent, lorsqu'on parle de transport en commun... Entre autres, nous avons un grand constructeur qui s'appelle Bombardier au Québec, pour ne pas le nommer, qui fait des trains. Toronto a commandé des trains à Bombardier; on n'en a même pas ici, au Québec, encore. Le tramway est en évolution partout à travers le monde, Bombardier est un chef de file. Nous avons de l'électricité, nous avons un moyen de produire de l'électricité qui s'appelle l'éolien, qui pourrait augmenter notre production d'électricité propre, qui pourrait se coupler très bien avec du transport en commun et justement réduire notre dépendance au pétrole.

Et encore une fois, la biomasse, je le rappelle qu'il y a des impacts environnementaux à la culture de maïs pour la biomasse. Donc, votre financement peut être intéressant, mais encore une fois, selon moi, ce n'est pas une mesure prioritaire, quoique c'est une mesure à faire. Et encore là c'est à vous à gérer votre budget, je vous dirais.

M. Beaulieu (Louis): Si vous permettez, M. le ministre, une réponse complémentaire. C'est un syndrome qui est, je pense, analysé et maintenant bien reconnu ? et j'en parle moi-même en tant qu'entrepreneur ayant été impliqué dans le domaine de l'éolien il y a maintenant 25 ans, à titre de pionnier dans un domaine où on me considérait comme un Don Quichotte ? c'est évident que tout le développement de toutes les nouvelles filières énergétiques et de ce cocktail auquel référait Mme Letendre va impliquer dans certains cas des soutiens qui soient bien ciblés et bien établis, mais des soutiens au démarrage de l'établissement de ces énergies ou de ces alternatives. Parce que, tant qu'un marché n'est pas créé, nous ne pourrons pas créer évidemment une valeur économique qui justifie les investissements souvent et nous sommes dans un cercle vicieux où, tant qu'il n'y a pas une quantité suffisante dans un marché, le marché ne démarre pas. Et, si le marché ne démarre pas, nous restons pris avec des vieilles solutions qui sont justement amplement capitalisées. Et c'est le rôle d'un gouvernement justement de voir à rétablir cet équilibre en fonction de priorités politiques.

M. Corbeil: Merci, M. Beaulieu. M. le Président, pour en revenir à votre mémoire, vous mentionnez que vous avez des réserves quant à une relance de grands chantiers hydroélectriques au Québec. Vous ajoutez que le Québec peut et doit envisager d'autres sources d'énergie alternatives. Considérant vos préoccupations quant aux rejets de gaz à effet de serre et que le recours à l'hydroélectricité a permis au Québec d'afficher une performance enviable en matière de faibles émissions de gaz à effet de serre par habitant en Amérique du Nord, pouvez-vous expliquer davantage votre position à l'égard de l'hydroélectricité?

M. Bonin (Patrick): Eh bien, je vais répondre. En effet, vous avez raison au niveau des émissions de gaz à effet de serre quoique les barrages, on l'oublie trop souvent, sont quand même sources d'émissions de gaz à effet de serre. Il y a plusieurs études à ce niveau. Les dernières études, je vous inviterais à être vigilants lorsque vous allez les consulter, toujours en gardant en tête que ces études ont été faites, entre autres, par des chercheurs au sein d'Hydro-Québec et que la neutralité de ces études n'est pas nécessairement mise en doute, mais il y a toujours une façon de présenter des études pour qu'elles soient plus belles lorsqu'on est celui qui fait les études.

Lorsqu'on parle des barrages hydroélectriques, vous n'êtes pas sans savoir que 94 % de la production d'électricité au Québec provient de l'hydroélectricité. Il y a eu de grands aménagements qui ont été faits, là, entre autres dans les années soixante-dix, de grands aménagements probablement intéressants, et on n'a pas à dire que ça a été une décision stratégique à l'époque. Par contre, le jeu a changé, la réalité mondiale a changé également, et la réalité provinciale, elle, n'a pas changé, en ce sens qu'il y a des impacts environnementaux à faire des barrages. Lorsqu'on parle d'inondation de territoires, lorsqu'on parle de taux de mercure dans les poissons, lorsqu'on parle de changements au niveau du bassin hydrographique, de changements au niveau de l'hydrologie, il y a beaucoup de conséquences dont on n'est même pas capables d'évaluer les conséquences, justement l'ampleur, si vous voulez, synergique.

Par exemple, lorsqu'on prend la Baie James présentement, la Grande Rivière a été harnachée. Vous avez en dessous la rivière Eastmain qui a été harnachée. On veut harnacher la rivière Rupert. Ce sont trois grandes rivières qui, à elles trois, lorsqu'elles vont être harnachées, ont des impacts plus grands qu'à une seule, donc des impacts synergiques qu'on ne connaît pas, entre autres sur le climat aussi, mais, entre autres, sur toute l'hydrologie. Donc, les études ne sont pas poussées là-dessus, et il y a une vigilance à y avoir, évidente, là-dessus.

Là où on a un problème ensuite, c'est lorsqu'on dit que le gouvernement veut diversifier les sources d'énergie au Québec, qu'il nous vante à profusion le gaz pour faire la diversification énergétique, et qu'on parle toujours, encore de faire de l'hydraulique quand on n'a pas d'éolien au Québec. La réalité, c'est que les derniers barrages, entre autres La Romaine, vont coûter plus cher au kilowattheure à produire que les derniers projets d'éolien selon l'appel d'offres qui a été signé par Hydro-Québec, selon les derniers contrats qui ont été signés. Donc, que de faire de l'hydroélectrique quand on a déjà harnaché suffisamment de rivières selon nous et, entre autres, d'en faire sans avoir une classification prioritaire des rivières, tel qu'il était demandé dans la politique de 1996... Et vous pourrez vous y référer, il y a énormément de matériel, comme on le disait, qui devrait, entre autres, être actualisé dans cette politique de 1996 mais qui est toujours très à date et très pertinent. Eh bien, selon nous, de ne pas classifier, d'aller à l'aveuglette comme ça dans un développement de tout acabit au niveau de l'hydroélectrique, que ce soient les minicentrales ou les gros barrages, quand il y a d'autres alternatives plus intéressantes, on parle de l'éolien mais également de la géothermie...

n(15 h 50)n

Le Québec est en retard énormément au niveau de la géothermie, et nous avons une situation parfaite pour en faire. La géothermie, c'est bon l'hiver, c'est bon l'été, ça réduit tout ce qui est la consommation d'énergie. Donc, on a d'autres moyens beaucoup moins dommageables que les grands barrages, qui, oui, en effet, au niveau de la problématique d'émissions de gaz à effet de serre, sont intéressants, mais trop rapidement on oublie les autres impacts.

Mme Letendre (Annie): J'aimerais vous rappeler une autre problématique. À partir du moment où on fait d'autres barrages, en cas de sécheresse, comme ce que l'on a vu l'année dernière, on aura encore des bas niveaux dans les réservoirs en période d'étiage et on aura encore une fois une grande différence entre la capacité de production en haut niveau et la capacité de production en bas niveau. On empire donc le problème. Également, il y a plusieurs ouvrages actuellement qui ne sont pas utilisés à leur maximum, des turbines qui ne sont pas en fonction ou qui ne sont pas installées et qui auraient intérêt à être installées avant de construire d'autres grands barrages. Merci.

M. Bonin (Patrick): Peut-être en complément rapidement. Peut-être également garder en tête que, lorsqu'on investit des fonds dans l'hydroélectrique, ces fonds-là ne se retrouvent pas dans d'autres énergies alternatives qui pourraient être intéressantes. Et également Hydro-Québec a une expertise en hydroélectrique, pourquoi ne pas développer d'expertise dans d'autres domaines qui pourraient être très intéressants, entre autres en termes d'exportation de cette expertise?

M. Corbeil: En ce qui concerne la géothermie, je pense qu'on peut faire référence à des endroits où c'est un peu plus développé qu'au Québec et essayer de comprendre pourquoi c'est plus développé que chez nous. Particulièrement en Suède, le nombre d'installations est de 27 000 unités. Et ça a passé de 2 000 unités en 1995 à 27 000 unités en 2001-2002 en Suède. Alors, je pense que c'est intéressant de voir la progression. Il y a juste un hic à ça, c'est qu'en Suède l'électricité coûte, si on fait la conversion parce que c'est en euros... en 2002, coûtait 0,17 $ du kilowattheure avec les taxes. Je pense que c'est un grand incitatif à prendre le virage géothermique, ce que nos tarifs à nous n'ont pas nécessairement, comme effet.

Et aussi, en ce qui concerne les réservoirs, j'aimerais revenir, parce que tantôt vous parliez d'être critique face à des études, et il y a eu des conclusions des chercheurs: «L'hydroélectricité est une énergie renouvelable qui contribue très peu aux gaz à effet de serre. L'apport des réservoirs de la zone boréale est de 35 à 70 fois plus faible par térawattheure que celui des centrales thermiques.»

Cet ouvrage scientifique est le fruit d'une collaboration entre 13 universités, six agences et centres de recherche et six entreprises d'Amérique du Nord, d'Europe et d'Amérique du Sud.

Je pense qu'il y aurait peut-être intérêt à développer notre potentiel hydroélectrique et à aider nos voisins à surmonter leur problème d'émissions de gaz à effet de serre, notamment par la conversion de centrales qui produisent de l'énergie à partir de combustion de charbon, notamment, de mazout, diesel ou de gaz naturel.

Mme Letendre (Annie): Si vous permettez...

M. Corbeil: Oui.

Mme Letendre (Annie): ...je pense qu'on peut limiter ou réduire même l'utilisation de nos voisins de combustibles fossiles grâce à des énergies qui n'émettent pas de gaz à effet de serre, par exemple l'éolien, le solaire, la géothermie, etc. Je pense également que l'exploitation des réservoirs d'Hydro-Québec a dépassé le seuil de renouvellement de la ressource l'année dernière et que ce n'était plus une ressource renouvelable. C'est un peu la même chose que n'importe quelle ressource. À partir du moment où on l'exploite à un taux trop élevé et qu'elle n'a pas le temps de se renouveler, que la pluie n'a pas assez... bon, qu'il n'y a pas assez de précipitations pour permettre une augmentation des niveaux d'eau, ce n'est plus une ressource renouvelable.

M. Dupuis (Claude): En complément, je vais vous signaler que vous avez raison, par rapport à la géothermie, par rapport au 0,17 $ du kilowattheure. J'ai fait moi-même une étude ici un peu sur une maison type du Québec qui déterminerait qu'avec un coût de 15 000 $ par système géothermique il y aurait environ 17 ans de «payback» sur un produit comme ça. Et c'est pourquoi le gouvernement, en quelque part, ou un organisme quelconque doit aider les gens qui voudraient se prémunir de ça, parce qu'en investissant environ ? en faisant un calcul rapide ? en investissant environ 500 millions de dollars dans ce système-là, donc 25 000 maisons environ, on pourrait aller chercher peut-être 1,9 à 2,1 TWh annuels. Et, avec un mode de financement dans lequel l'argent serait réinjecté à la suite des économies d'énergie, on pourrait continuer le projet d'installation de ces systèmes-là un petit peu partout à travers la province avec des mesures, oui, volontaires, parce que c'est vrai que le coût énergétique ne justifierait pas cette installation-là sans ça.

Par contre, ces systèmes-là sont performants et ils durent longtemps. On peut considérer qu'au niveau d'un compresseur, là, on a une vie utile de 25 ans et, au niveau de la tuyauterie installée, on a 50 ans et plus, là, à l'intérieur de la terre. 50 ans, c'est le minimum. Ça fait que définitivement il peut y avoir un certain rendement à ce niveau-là, un projet comme ça, mais c'est difficilement justifiable dans le contexte actuel. Et je ne dis pas ça parce que je voudrais que l'énergie augmente, parce que, si l'énergie augmente, on sait que ça va être les classes pauvres de notre société qui vont en faire les frais. Et d'autant plus que le coût énergétique, s'il augmente, on vient d'enlever notre compétitivité par rapport au marché, et on sait très bien que les marchés asiatiques sont très, très forts maintenant sur notre continent, et ça peut risquer de créer une problématique au niveau des manufacturiers aussi.

M. Corbeil: J'aimerais juste... Vous parliez tantôt d'un «payback» de 17 ans sur le coût de l'investissement d'un système géothermique et...

M. Dupuis (Claude): Oui.

M. Beaulieu (Louis): ...n'est basé que sur le coût actuel de l'électricité.

M. Corbeil: Oui. O.K. À 500 millions de dollars, vous pensiez qu'on pourrait convertir combien d'unités?

M. Dupuis (Claude): Bien, j'avais estimé à peu près entre 15 000 $ et 20 000 $ de la maison, tout dépendamment s'il y a un système de ventilation ou pas, parce que définitivement ça prend un système d'air forcé habituellement avec un système de géothermie, et, à ce moment-là, il y a des variations au niveau de la facture. Si les gens ont déjà une thermopompe, de transformer en géothermie, c'est plus facile de le faire. Étant donné qu'il y a un 65 % d'économie là-dedans... Une maison standard consomme environ 30 000 kWh annuels, et ça va chercher vraiment un 10 000 kWh supplémentaires, ce système-là, d'autant plus qu'on s'organise avec un compresseur qui est à l'intérieur de la maison, et ce compresseur-là, à l'intérieur de la maison, dure beaucoup plus longtemps, et on se sert de la surchauffe du compresseur pour chauffer l'eau domestique en plus. Ça fait qu'on a comme une double économie à deux niveaux.

M. Bonin (Patrick): Si vous permettez, M. le Président, en complément.

Le Président (M. Jutras): Rapidement, parce qu'il faudrait passer de l'autre côté.

M. Bonin (Patrick): Rapidement. Oui, en effet, lorsque vous parliez, vous avez tout à fait raison de mentionner les prix de l'électricité en Suède, c'est une vérité. Par contre, si on se compare ici, au Canada, au Manitoba, où, entre autres, le prix de l'électricité est de mémoire moins cher qu'au Québec, un petit peu moins cher, eh bien ils ont lancé un programme d'installation de 13 000 unités de géothermie. Donc, si le Manitoba est capable de le faire, je ne vois pas pourquoi le Québec ne serait pas capable de le faire, tout ça en gardant en tête que, selon Statistique Canada, la géothermie est probablement la meilleure technologie pour lutter contre les gaz à effet de serre.

Pour ce qui est des grands barrages, en terminant, vous avez, entre autres, cité cette étude, ce serait intéressant justement... Et c'est ce qui est le plus dommage avec le processus actuel, et ce pourquoi nous décrions ce processus pour l'élaboration d'une stratégie énergétique, c'est qu'on ne veut pas en débattre, et ces études sont critiquées. Je viens de l'Institut des sciences de l'environnement de l'UQAM, et il y a des chercheurs qui, entre autres, ont travaillé avec ces gens-là et qui pourraient nuancer, dire... Écoutez, je ne m'aventurerai pas sur les détails techniques des études, mais je vous dis simplement qu'il y a une réalité qui mérite d'être quand même regardée, quoique, en effet, les gaz à effet de serre, les barrages ne sont pas de grands émetteurs. Par contre, l'État de New York, qui s'est fixé comme objectif d'acheter pour 25 % d'énergie à partir de sources renouvelables, a exclu l'hydroélectrique de cette solution. En fait, ils excluent l'hydroélectrique comme étant une source d'énergie qui est renouvelable. Donc, oui, ça peut être intéressant à exporter, mais il y a d'autres façons de faire de l'électricité au Québec qui sont beaucoup moins dommageables pour l'environnement.

Le Président (M. Jutras): Bon. Ça va? Alors, maintenant, c'est du côté de l'opposition, Mme la députée de Rosemont.

Mme Dionne-Marsolais: Merci, M. le Président. Alors, bienvenue. C'est très intéressant de lire votre mémoire. Et il y a beaucoup de choses dedans, c'est très dense, et je partage votre réflexion quant aux résultats des échanges de 1995-1996, qui étaient très structurés. D'ailleurs, plusieurs des groupes sont venus nous dire que la réflexion et la politique de 1996 était encore d'actualité, mais qu'elle nécessiterait une application de toute sa réflexion sur l'efficacité énergétique qui, elle, devrait être d'abord implantée et bonifiée. Alors, je ne reviendrai pas là-dessus.

n(16 heures)n

Je partage aussi votre inquiétude sur le transport. On l'oublie dans notre réflexion énergétique, mais c'est un secteur qui est lié à nos choix énergétiques, et toute politique énergétique doit tenir compte d'une politique de transport, c'est évident. C'est plus évident maintenant que le Protocole de Kyoto a été, je dirais, compris, accepté et que l'on tente de l'intégrer.

Vous avez aussi parlé d'un processus d'information, de l'implication d'un forum adéquat. À quelle fréquence à votre avis est-ce que nous devrions mettre à jour nos réflexions énergétiques dans leur ensemble? Autrement dit, à quelle fréquence est-ce qu'on devrait faire des exercices de réflexion approfondis comme celui que nous avons fait en 1995?

M. Beaulieu (Louis): Je pense qu'il est pertinent de poser une telle question. Je vais vous avouer qu'il serait prématuré d'en définir une étendue tant que nous ne nous serions pas donné deux outils. Le premier, c'est de pouvoir effectivement se donner un plan d'action. C'est ce qui a manqué en fait, malheureusement, à l'exercice de 1995-1996; c'est qu'il n'y a pas eu de plan d'action malheureusement qui a été défini. Et que ce plan d'action puisse impliquer des objectifs à atteindre mesurables. C'est un autre élément que nous n'avons pas non plus actuellement comme outil. Alors, évidemment, il est difficile de vous dire à ce moment-ci à quel rythme nous devrions le faire si nous ne nous définissons pas au départ un plan d'action, et c'est cet élément-là qui nous manque.

Mme Dionne-Marsolais: Alors, prenons pour acquis que nous allons nous définir un plan d'action. Ce matin, certains parlaient d'une feuille de route. Si on se définit un plan d'action avec un certain nombre d'objectifs ? je veux vous en donner quelques-uns, puis j'aimerais ça que vous réagissiez à cela ? par exemple, au niveau des énergies vertes. Bon, on sait que notre gouvernement avait mis de l'avant un objectif de 1 000 MW d'éolien pour faire un projet pilote pour démontrer que ça se faisait à des coûts compétitifs, là, disons. Si on voulait se donner un objectif en matière d'éolien, quelle serait à votre avis l'envergure du pourcentage de production éolienne, de capacité éolienne que nous devrions avoir? Et est-ce que nous devrions donner à Hydro-Québec un objectif précis de sa propre production? Je ne parle pas d'achat, je parle de sa propre production d'énergie éolienne.

M. Beaulieu (Louis): C'est une énorme question. En fait, pour sérier quelques éléments et vous en fournir, parce qu'on ne pourra pas répondre même à une question comme celle-là en dehors des quelques minutes qu'il nous reste, premièrement nous partageons le point de vue que nous avons un potentiel qui dépasse les potentiels actuellement exploités dans la plupart des pays du monde. Et, à titre de référence, l'Allemagne a au-delà de 16 000 MW d'installés, et nous pensons, comme certains vous l'ont déjà dit et comme certains l'ont démontré à la régie, que nous devrions viser 20 000 MW d'installation d'ici probablement 10 ans. D'autres vous ont parlé de 1 000 MW par année, et nous partageons aussi, ceci étant dit, cette vue. Il faut tenir compte d'une chose: tous les intervenants dans l'éolien ont été unanimes à établir que le minimum de mégawatts installés, pour créer une industrie viable qui se développe au Québec, est de 4 000 MW. Or, nous sommes actuellement en train de grappiller sur un premier 1 000 MW qui va être installé, sur un appel d'offres dont nous attendons encore la queue, l'ombre de la queue d'un deuxième 1 000 MW qui n'est pas encore envisagé, et nous attendons impatiemment que l'autre 2 000 MW soit le plus rapidement possible annoncé. Là, nous aurons des vraies intentions d'installation, pour la capacité d'installer une industrie au Québec. Quant au pourcentage que cela devrait représenter, il y a trop d'éléments techniques pour le moment que je ne peux pas élaborer.

Il y a une chose cependant que votre question me permet de soulever tout de suite, si vous me permettez, c'est le scandale, nous trouvons, le scandale d'avoir Hydro-Québec prétendre que l'éolien actuellement au Québec coûte 0,087 $ du kilowattheure, alors qu'ils imputent à un coût réel de l'éolien de 0,06 $ le coût du transport de l'électricité qui fait partie pourtant de la mission d'Hydro-Québec de fournir des infrastructures d'électricité dans toutes les régions du Québec et, à ce que je sache, la Gaspésie en fait encore partie. Et qui, en plus de ça, imputent un coût de l'équilibrage, c'est-à-dire le fait qu'Hydro-Québec Production va bénéficier du fait qu'elle va remplir ses barrages pendant que les éoliennes leur fournissent de l'électricité et recharger cet argent-là aux producteurs éoliens, alors qu'en fait c'est Hydro-Québec qui en tire production, qui en tire bénéfice. Évidemment, c'est Hydro-Québec Distribution qui gère le contrat. Alors, la main gauche ne sait pas ce que fait la main droite.

M. Bonin (Patrick): Peut-être juste en complément d'information, si vous permettez. Lorsque vous parlez d'Hydro-Québec et de la possibilité de développer l'éolien, on a vu les dernières signatures des appels d'offres sur 900, près de 1 000 MW. En fait, 740 MW sont allés à Cartier Énergie, Cartier Énergie qui est détenue par TransCanada Énergie, entre autres par TransCanada Énergie, et TransCanada Énergie sont les promoteurs, ceux qui réalisent la centrale thermique au gaz naturel de Bécancour, dite de cogénération, là, et également sont ceux qui sont dans la promotion du projet Gros-Cacouna, Énergie Cacouna.

Donc, on voit une industrie qui fait du thermique et qui se lance, entre autres, dans l'éolien. Même chose pour... c'est Intersan, je crois, également qui détient Cartier. Intersan fait de l'hydroélectricité. Cartier Énergie, ce sont les promoteurs qui ont 740 MW. Intersan fait de l'hydroélectricité et... Innergex, pardon, Innergex, exactement, font de l'hydroélectricité et se lancent également dans l'éolien. Donc, Hydro-Québec selon moi est en train de manquer un bateau, et c'est un sacré bateau qui pourrait mener loin.

Mme Dionne-Marsolais: Donc, si je vous comprends bien, donner un pourcentage à Hydro-Québec de production d'énergie éolienne pour l'intégration au réseau de façon à vraiment faire un virage, si je peux utiliser cette expression-là, c'est quelque chose qui serait réaliste, là. Ce n'est pas quelque chose...

M. Beaulieu (Louis): C'est réaliste. Il est démontré maintenant techniquement que nous n'avons plus le problème de ce qu'on appelle la haute pénétration dans un réseau, avec un réseau éolien qui est bien balancé dans différentes régions, qui permet d'exploiter les différents régimes de vent justement variables dans différentes régions.

Mme Dionne-Marsolais: Maintenant, si on lui donnait ou si on se donnait, dans cet ajout à la politique énergétique, des objectifs pour d'autres formes d'énergie verte... Je ne discute pas de l'efficacité énergétique parce que pour moi c'est un acquis. Il faut qu'on le fasse, et la réflexion qui avait été faite en 1995 doit être bonifiée mais devrait être le fer de lance de l'ajout, de la nouvelle stratégie dont on parle. Mais je pense, entre autres, à des formes de production d'énergie comme le solaire thermique ou le solaire photovoltaïque, surtout... ou le solaire couplé avec d'autres formes de production, la géothermie, surtout pour des réseaux isolés en priorité pour commencer à faire des projets pilotes pour qu'on puisse faire la démonstration à Hydro-Québec même du potentiel de ces formes d'énergie là ? parce qu'on est quand même dans une très grosse société qui a sa propre rigidité, on le sait. Alors, est-ce que c'est quelque chose qui... Si on se fixait des pourcentages, est-ce que c'est quelque chose qui serait acceptable à votre avis ou réaliste?

M. Dupuis (Claude): Oui, ce serait acceptable. On sait très bien que la technologie évolue extrêmement rapidement aujourd'hui. On dit que la connaissance a évolué, à un moment donné, à une certaine fréquence au niveau temps. La technologie évolue elle aussi énormément. Mon opinion là-dessus... Je suis ingénieur, donc mon opinion là-dessus est que, oui, il faut commencer. Il faut commencer et il faut faire des pas, et, à chaque fois qu'on fait un nouveau pas, on se retrouve avec une situation où est-ce que le pas suivant va être encore meilleur, et ainsi de suite. Il faut vraiment le commencer. Mais, comme disait Louis tantôt, on a quand même une problématique dans une nouvelle technologie comme ça, c'est que les coûts de cette technologie-là sont tout le temps très chers tant et aussi longtemps qu'on n'a pas créé l'industrie de cette technologie-là, tant que cette industrie-là n'est pas créée, et ça devient extrêmement onéreux de faire ces pas-là s'il n'y a pas un mouvement de masse qui s'installe et qui contribue à faire diminuer les prix.

Mme Dionne-Marsolais: ...à mes collègues. À votre avis, quel serait un effort de recherche et de développement acceptable compétitivement pour Hydro-Québec? Parce que la question que je pose, c'est se fixer... Pour trouver des solutions, soit dans le transport, soit dans d'autres sphères d'application, il faut qu'on investisse de l'argent et qu'on fasse appel aux meilleurs cerveaux que nous avons au Québec. On sait que les gouvernements ont des... pas des restrictions budgétaires, mais des contraintes budgétaires, et, dans le temps, quand on regarde l'historique d'Hydro-Québec et de ses investissements en recherche et développement, la relativité, le pourcentage relatif de ses efforts décroît dans le temps et de manière... vraiment comme une peau de chagrin. À votre avis, quel serait le pourcentage des revenus d'Hydro-Québec ou des profits nets, là ? c'est vous, les spécialistes de ça ? que nous pourrions demander à Hydro-Québec de consentir en recherche et développement? Je ne dis pas où ça se ferait, là, mais... Avez-vous des opinions là-dessus ou avez-vous regardé ça avec d'autres sociétés? Vous parliez de l'Allemagne tantôt.

n(16 h 10)n

M. Beaulieu (Louis): Nous partageons, madame, une énorme inquiétude de voir justement que l'IREQ a été à peu près dépeuplé de ses chercheurs, alors que des expertises ont été développées. Je vous rappellerais que l'IREQ était un des premiers organismes au Québec à faire la promotion de l'éolien et à avoir justement des éléments de solution éolienne, entre autres, pour les communautés isolées, chose que même Hydro-Québec n'a jamais considérée, malgré que c'est un centre de recherche d'Hydro-Québec. Alors, nous partageons cette préoccupation et le fait qu'une...

Ceci étant dit, moi, je vais vous répondre à titre d'homme d'affaires, mais en toute honnêteté je n'ai pas la prétention de pouvoir vous répondre aujourd'hui quant au pourcentage qu'Hydro-Québec devrait y mettre parce qu'il y a un bon coup à donner et, deuxièmement, il y a un choix magistral à faire pour Hydro-Québec, c'est de développer elle-même l'éolien et de ne pas laisser le développement de l'éolien à des compagnies étrangères qui vont l'exploiter et qui par la suite vont l'exporter, et où on va se retrouver, au bout du compte, à en avoir tiré très peu de profit. Alors, il faut d'abord qu'Hydro-Québec se positionne comme producteur et, deuxièmement, qu'elle y attribue un budget qui quant à moi devrait représenter un minimum de 5 % de ses revenus.

Le Président (M. Jutras): Mme la députée de...

Une voix: ...

Le Président (M. Jutras): Oui.

M. Dupuis (Claude): Ce que je voudrais dire, moi, là-dedans, pour fermer ça un petit peu, c'est que... ce que voulait dire aussi M. Beaulieu, c'est que ça dépend du contexte aussi. Ça dépend toujours de l'urgence. Ça peut varier dans le temps, ce pourcentage-là, et il doit varier dans le temps.

M. Beaulieu (Louis): Le pourcentage normal est de 2 %, mais actuellement il devrait aller à... dans un effort particulier.

Le Président (M. Jutras): Mme la députée de Matapédia.

Mme Doyer: Alors, vous avez répondu à ma question, je vais vous la poser quand même ? page 132, deuxième paragraphe ? parce que vous vous questionnez sur... Bon, vous dites: «De plus, des règles plus précises doivent être définies quant aux coûts imputés à l'éolien, aux normes d'implantation des parcs éoliens, à la production d'éoliennes au Québec.» M. Raymond Gilbert ? je ne sais pas si vous avez lu ou écouté sa présentation ? parlait d'Éole Québec, se questionnait effectivement sur une espèce de situation qu'on vit actuellement, où ça se développe mais quasiment de façon anarchique. On a eu un premier appel d'offres, on va en avoir un deuxième. Et, à Rivière-du-Loup, par exemple, à Cacouna, les gens se questionnaient: Comment ça se fait que ça apparaît dans le décor? Puis il va s'en produire ailleurs.

Alors, est-ce qu'on va être obligé de revenir dans quelque temps constater un état de fait où... Il y a actuellement des MRC qui veulent devenir promoteurs. Il y a des villes qui, par leur corporation de développement économique, disent: Nous aussi, on veut y aller. Dans mon comté, à Amqui, le maire d'Amqui dit: Bien, on va y aller, nous autres, on va essayer de faire de l'argent avec ça aussi. En même temps, les élus municipaux, locaux, et même dans les régions, on a été obligé de gérer le développement, d'avoir des schémas d'aménagement cohérents. Alors, ça se fait à mon idée actuellement un petit peu de façon éclatée.

Alors, est-ce que vous êtes pour Éole Québec, une entreprise un petit peu à part ou en parallèle d'Hydro-Québec ou... Vous semblez être... Et est-ce que c'est la position de l'ensemble de... Parce que vous êtes quand même plusieurs dans votre regroupement, où on a une filiale d'Hydro-Québec. Et à quelque part la nationalisation de l'électricité, elle s'est faite parce qu'à un moment donné il y avait plein d'entreprises privées sur notre territoire. On a nationalisé, maintenant on est ensemble propriétaires, les Québécois et Québécoises, de cette... Je pense à ce 2,5 milliards qu'on va aller chercher, là, dans les coffres d'Hydro-Québec... bien, pas qu'on va aller chercher, mais d'argent qui est produit, de dividendes.

Alors, ça, comment est-ce qu'on se situe, nous autres, la société québécoise, par rapport à ça? C'est ça, ma question.

M. Beaulieu (Louis): C'est une question d'assez grande amplitude qui implique aussi même la question qu'on n'a pas posée encore, et que peu osent poser, et que pourtant, dans votre région, on commence à vivre, c'est l'acceptabilité par les citoyens d'avoir une éolienne sur le dessus du clocher de l'église, pour la caricaturer, mais c'est une personne justement de la région de Gaspésie qui l'a sortie.

Et, si vous me permettez de corriger un élément dans votre présentation, la première des choses que je soulignerais, ce n'est pas que c'est anarchique, c'est qu'il y a tout d'abord des conditions adverses au développement. Quand on a une société d'État comme Hydro-Québec, avec son potentiel et sa capacité, qui a dénigré l'éolien au point qu'un commissaire de la Régie de l'énergie, au printemps dernier, était surpris de l'attitude systématique d'Hydro-Québec contre l'éolien et que soudain nous voyons une conversion à l'éolien, aux mois de septembre-octobre, dont nous ne comprenons pas les tenants et les aboutissants, mais que l'on voit par ailleurs que l'on maintient des conditions adverses quant à l'exploitation de parcs éoliens au Québec, avec les éléments que je vous ai mentionnés tantôt, quand on voit que par ailleurs des appels d'offres se font, qu'on a du mal à avoir l'annonce d'autres appels d'offres, et soudainement une annonce de 200 MW se fait à Trois-Rivières, avec une compagnie que personne ne connaît dans l'industrie, qui est à Toronto, il y a des éléments assez contradictoires dans tous ces messages-là.

La réponse donc à votre question, qui nous est venue lors de la Régie de l'énergie, est oui. Pour le moment, nous pourrions favoriser l'hypothèse d'une organisation Éole Québec parce que, malheureusement il faut le constater aujourd'hui, pour le moment Hydro-Québec n'a pas la confiance, à ce niveau-là, du public. Et ça, c'est un constat malheureux que nous devons faire à ce niveau-là.

Ceci étant dit, il faut cependant que ça se travaille en complémentarité avec l'hydraulique. C'est un des avantages majeurs du Québec que de pouvoir démontrer que l'éolien justement fonctionne le plus l'hiver et va permettre d'économiser et de vider les barrages pendant l'hiver, alors que l'été les éoliennes fonctionnent moins et les barrages se remplissent, il faut profiter de cet élément-là. Donc, quoi qu'il en soit, j'ai une collaboration, quelle que soit la structure que l'on choisira, qui devra se faire avec Hydro-Québec cependant et avec l'exploitation hydraulique. Mais pour le moment c'est une piste que nous favorisons. Ceci étant dit, je ne peux pas le dire, que c'est une décision ou un consensus auprès des 54 membres de notre coalition.

Le Président (M. Jutras): Est-ce que, M. le député de Lac-Saint-Jean, vous voulez intervenir? Non? Il reste deux minutes.

M. Tremblay: Bon, bien, écoutez, rapidement mes premiers mots seront pour vous féliciter du travail que vous avez fait dans tout le dossier du Suroît, d'une part. D'autre part, il est assez clair que votre position à l'égard du gaz... vous dites non au gaz. Maintenant, vous êtes conscient qu'il y a, toutes dans l'industrie, des utilisations diverses faites du gaz naturel. Maintenant, si on veut arriver vers une conversion, une décarbonisation de notre industrie, combien d'années pensez-vous que ça peut prendre et quelles sont les mesures qu'il faudra prendre pour... Parce que j'imagine que, dans l'industrie, ce sera assez complexe d'éliminer toute forme d'utilisation de gaz. Donc, j'aimerais ça avoir votre vision sur...

M. Beaulieu (Louis): Le premier objectif ? dans peut-être la minute qui reste ? est d'abord d'arrêter la progression de la consommation; deuxièmement, de substituer tout ce qui est substituable, par des énergies et le cocktail d'énergies dont on a parlé, pour libérer du gaz qui autrement doit être utilisé de façon incontournable encore par certaines industries et malgré tout favoriser la recherche et le développement d'alternatives pour que ces industries-là puissent justement se convertir éventuellement. Mais l'objectif est la réduction à zéro de l'utilisation du gaz. Dans quel temps? C'est difficile, à ce moment-là, de vous faire une boule de cristal, à ce niveau-là, parce que ça exige plusieurs conditions préalables.

Le Président (M. Jutras): Alors, mesdames, messieurs, merci pour votre présentation. Et je demanderais à Consultants AGREN Canada inc. de bien vouloir s'approcher et prendre place, au représentant de Consultants AGREN Canada inc., si vous voulez prendre place.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Jutras): Est-ce qu'il y a, dans la salle, quelqu'un qui représente Consultants AGREN Canada inc.? Premier appel. Deuxième appel. Est-ce qu'il y a quelqu'un, dans la salle, qui représente Consultants AGREN Canada inc.?

Une voix: ...

n(16 h 20)n

Le Président (M. Jutras): Bon. Alors, nous reprenons donc nos travaux et nous entendrons maintenant Consultants AGREN Canada inc. Est-ce que vous êtes M. Claude Anger?

M. Anger (Claude B.): C'est ça.

Le Président (M. Jutras): Oui. Alors, bienvenue à la Commission de l'économie et du travail. Alors, je vous demanderais de procéder à la présentation de votre mémoire. Vous avez 20 minutes pour ce faire. Par la suite, il y aura un échange avec le ministre et les députés ministériels et par après un échange avec les députés de l'opposition. Alors, vous pouvez procéder dès maintenant, nous vous écoutons.

Consultants AGREN Canada inc.

M. Anger (Claude B.): Bon, bien, M. le Président, M. le ministre, mesdames, messieurs. Alors, je ne suis pas une coalition, je suis tout seul, et je vais vous parler de problèmes assez ponctuels et qui sont tous en dehors du réseau interconnecté d'Hydro-Québec. J'ai écrit deux mémoires, l'un qui s'appelle Approvisionnement en gaz naturel des Îles-de-la-Madeleine. Je vais commencer par celui-ci, puisque vous avez bien entendu parlé du gaz, il y a quelques minutes, et puis je continuerai par un mémoire sur les énergies renouvelables pour le Nord-du-Québec, c'est-à-dire bien au nord de La Grande, en dehors du réseau interconnecté.

Alors, les Îles-de-la-Madeleine, c'est une région assez isolée. On a essayé pendant un moment de rattacher les Îles-de-la-Madeleine au réseau d'Hydro-Québec avec un câble sous-marin. Il y a eu deux études qui ont été faites, une en passant directement de la Gaspésie aux Îles-de-la-Madeleine, l'autre en passant par l'Île-du-Prince-Édouard. Et, dès le début des appels d'offres, on s'est rendu compte que c'était un prix faramineux. Donc, les Îles-de-la-Madeleine ont à se débrouiller toutes seules au point de vue de l'énergie qui coûte très cher actuellement. Les Îles-de-la-Madeleine ont un énorme groupe diesel qui est considéré même comme le plus grand de l'Amérique du Nord, et l'énergie revient à Hydro-Québec au moins deux ou trois fois plus que le prix qu'elle peut la vendre, puisque le prix de vente est réglementé dans le Québec tout entier.

Alors, je me permets de dire que je connais un peu le problème du golfe du Saint-Laurent. J'ai été chef géophysicien à SOQUIP à partir de 1972. Par exemple, j'ai même donné au directeur d'exploration de SOQUEM la géophysique qui leur a permis de mettre en production le dôme de sel pour la production de sel. Il y a eu quelques forages de faits dans le golfe du Saint-Laurent, et un de ces forages, East Point E-49, là, sous la juridiction de l'Île-du-Prince-Édouard, a découvert du pétrole en 1970. Le forage avait été abandonné à cause d'une tempête. Il a été rentré en 1971. Il a été complètement testé et il pourrait produire 5,3 millions de pieds cubes par jour. Le forage est abandonné actuellement, mais on pourrait toujours forer juste à côté. Je sais qu'actuellement les forages dans le golfe du Saint-Laurent ne sont pas quelque chose de bien populaire.

Cependant, les Îles-de-la-Madeleine utilisent les hydrocarbures, des hydrocarbures même lourds qui ont davantage de problèmes avec l'effet de serre que le gaz naturel. Actuellement, la technologie à mon avis est mûre pour amener d'une manière économique le gaz d'East Point E-49 aux Îles-de-la-Madeleine. Le transport pourrait se faire sous forme de gaz comprimé. Alors, je dois dire aussi que c'est moi qui ai recommandé à SOQUIP de transporter le gaz de Saint-Flavien par camion. À l'époque, tout le monde avait beaucoup ri, à la séance de SOQUIP, de transporter du gaz par camion, mais en fait ça a été finalement une opération rentable qui, pour une fois, a fait gagner un peu d'argent à SOQUIP, d'ailleurs. Évidemment, il ne s'agirait plus de camions, il faudrait des bateaux. À l'heure actuelle, il n'y a pas de bateau transporteur de gaz naturel comprimé, il y a uniquement du gaz liquéfié. Les problèmes du gaz comprimé et du gaz liquéfié sont très nettement différents en ce qui concerne surtout la distance économique de transport.

Il y a, à l'Université Memorial, à Saint-Jean, un groupe qui a été créé, CMCNG, Centre for Marine Compressed Natural Gas, qui est en train d'étudier le transport du gaz naturel comprimé par bateau, surtout afin de produire les gisements d'Hibernia et de White Rose. Alors, à mon avis, maintenant, il est tout à fait possible d'amener du gaz naturel aux Îles-de-la-Madeleine, ce qui diminuerait un peu les effets de serre dans l'île.

Alors, la source de gaz naturel est connue, le transport du gaz est en cours d'étude, il y a juste un tout petit problème, ce serait l'installation de chargement. Il n'existe actuellement aucune installation de chargement de gaz comprimé offshore, mais en fait ce n'est pas la mer à boire.

Installation de déchargement, c'est très facile, puisqu'il y a beaucoup de sel aux Îles-de-la-Madeleine, et un stockage, en lessivant une caverne dans le sel, est un des plus économiques qu'on puisse trouver.

Le marché pour le gaz. On pourrait vendre tout le gaz. Même, il vaudrait mieux en avoir un tout petit peu plus, si on en avait. Le principal problème à mon avis serait plutôt d'ordre administratif puisqu'actuellement il n'y a pas d'entente entre le Canada et les provinces du Québec, du Nouveau-Brunswick et de l'Île-du-Prince-Édouard en ce qui concerne l'utilisation du golfe du Saint-Laurent pour le pétrole, et puis également la province de l'Île-du-Prince-Édouard manque cruellement d'énergie et elle voudra sans doute peut-être garder ce gaz pour elle-même.

Alors, évidemment, il y a eu de l'énergie éolienne qui a été essayée aux Îles-de-la-Madeleine. Une Darrieus avait été construite, de 250 KW; elle s'était effondrée, ce qui n'est pas irrémédiable. Enfin, on devrait pouvoir construire des éoliennes qui tiennent debout. Mais à mon avis il était extrêmement difficile de produire de l'électricité avec des éoliennes en dehors d'un réseau de distribution et de transport bien organisé. On a parlé tout à l'heure de 4 000 MW, ce qui me semble un peu beaucoup pour le réseau d'Hydro-Québec.

Enfin, j'ai la double citoyenneté française et canadienne, alors je sais un peu ce qui se passe en France. En France, il y aura sans doute bientôt 7 000 MW d'énergie éolienne installée, et il y aura deux problèmes. Les réseaux de distribution ne pourront pas absorber toute cette énergie, il faudra que ça passe par les réseaux de transport qui devront être grandement améliorés. D'autre part, l'énergie éolienne est produite à certains moments et pas du tout à d'autres ? quand il n'y a pas de vent, il n'y a pas d'énergie ? alors il faudra aussi avoir des systèmes soit, par exemple, par pompage ? il y a déjà 4 000 MW d'installés en France ? soit par «compressed air energy storage» pour absorber l'énergie produite par les éoliennes et la restituer quand il n'y a pas de vent.

Alors, je voudrais simplement dire que, par exemple, pendant la canicule de 2003, l'Europe a été tout à fait affectée par ce phénomène naturel. Les Allemands, qui ont pas mal d'éoliennes, ne produisaient plus d'électricité parce qu'ils étaient juste au coeur de l'anticyclone, et puis les Français avaient une sécheresse telle qu'il n'y avait pas d'eau dans les barrages pour produire de l'hydroélectricité. Alors, il faut vraiment panacher toutes les énergies pour avoir un peu d'énergie quand il le faut.

n(16 h 30)n

Alors, mon deuxième mémoire est intitulé Énergies renouvelables pour le Nord-du-Québec. Alors, là aussi, SOQUIP m'avait envoyé à Poste-de-la-Baleine, Tasiujaq, à un moment où Shell Canada ne voulait plus distribuer les hydrocarbures dans quatre postes du Québec. La direction générale du Nouveau-Québec était obligée de s'occuper de ça, et ils n'aimaient pas ça. Alors, SOQUIP avait essayé de regarder si c'était possible.

Quand j'ai visité ces postes-là, il y avait un gaspillage épouvantable d'énergie. Les quelques Inuits ouvraient leurs fenêtres au mois de février alors que leurs maisons étaient chauffées aux frais du gouvernement. Et surtout j'ai visité un poste de production d'hydroélectricité par Hydro-Québec à Poste-de-la-Baleine. Je suis rentré dans une salle où il y avait un caterpillar de 800 kW en train de marcher. Il faisait moins 25 ° dehors, plus 25 ° dans la pièce, et j'ai fait le tour du caterpillar, je n'ai vu aucune récupération d'énergie, ce qui m'a beaucoup étonné. Alors, j'ai demandé à l'employé d'Hydro-Québec comment il chauffait sa pièce. Alors, il m'a dit: Mais nous avons une fournaise. Sur le caterpillar de 800 kW, il avait de quoi chauffer à peu près 40 ou 50 maisons. Enfin.

Alors, je propose trois sortes d'énergie, il pourrait y en avoir bien d'autres. Je propose de la minihydroélectricité. Alors, j'insiste pour avoir un système de production de minihydroélectricité qui soit essentiellement basé sur un lac parce que les besoins d'électricité sont très élevés en hiver et il n'y a pas d'eau dans les rivières à ce moment-là. Alors, il faut sortir l'eau d'un lac pour la turbiner. Alors, je suis tout à fait d'accord au point de vue environnement, il ne faut quand même pas tout inonder ni se voir... Le marnage, qui pourrait être adopté pour certaines productions d'électricité qui seraient suffisantes pour de petits villages, serait sans doute inférieur à 2 ou 3 m. Ce marnage n'inonderait pratiquement rien et aurait un effet à mon avis négligeable sur l'environnement.

Il n'y a que des centrales diesel dans les postes inuits actuellement. Il y a eu un petit projet sur la Highfall, par Kuujjamiut, qui a avorté vers les années quatre-vingt-dix. Je n'ai pas regardé ce qui se passe à Wemindji, mais je crois que la centrale a été arrêtée. En fait, deux raisons tendent à promouvoir l'installation de minicentrales hydroélectriques maintenant: d'abord, le prix des hydrocarbures est tel que le coût de l'électricité... À un moment, Hydro-Québec disait que l'électricité à Kuujjuaq leur revenait à 0,55 $ du kilowattheure, ce qui est quand même assez élevé. Au contraire, maintenant, les taux d'intérêt pour les emprunts sont à leur plus bas. Une centrale hydroélectrique dépend surtout du coût de l'équipement, et, si on pouvait emprunter de l'énergie à 3 % pendant 20 ans pour 12 ou 15 millions de dollars pour Inukjuak, on pourrait sans doute produire de l'électricité à 0,05 $ ou 0,06 $ du kilowattheure.

Alors, je donne un projet sur carte au cinquante millième pour Inukjuak, là, dans mon rapport. Alors, il s'agirait de dévier la Kongut vers le lac Qikirtalik et puis turbiner cette eau à environ 4 km d'Inukjuak. La Kongut actuellement est encore à 45 m d'altitude, à environ 6 ou 7 km de la mer. Il y a des chutes qui à mon avis empêchent les remontées des poissons anadromes, et en fait il serait même sans doute possible d'installer des échelles à poissons à la sortie du lac Qikirtalik pour remédier à cela. D'autre part, passer par le lac Qikirtalik permettrait aux Inuits d'Inukjuak d'aller très facilement sur toute la rivière Kongut. Le site devrait pouvoir produire jusqu'à 4 MW, ce qui serait très largement supérieur aux besoins actuels en électricité d'Inukjuak mais qui permettrait d'utiliser de l'énergie excédentaire de façon à satisfaire certains autres besoins d'Inukjuak.

La deuxième énergie que je propose, c'est des éoliennes ? mais non pas pour la production d'électricité ? pour la production directe de chaleur. L'énergie électrique ne peut pas se stocker. Il y a eu un grand projet d'un anneau avec des supraconducteurs qui devaient se faire entre la France et le Québec, mais finalement ça ne s'est pas fait. Il y a quelques piles et puis quelques batteries qui peuvent stocker un petit peu d'électricité, mais enfin ce n'est pas tout à fait suffisant pour les besoins d'une communauté innue. Par contre, la chaleur peut se stocker. Il n'y a qu'à aller voir, par exemple, à Reykjavik, le stockage qui se trouve au haut d'une colline, à la Perle, qui permet de satisfaire aux besoins de la ville de Reykjavik. Je suis allé plusieurs fois à Reykjavik. Et maintenant ce site d'ailleurs est un site très intéressant pour les Islandais. Ils ont transformé ça avec un hôtel, etc. Maintenant, tous les gens viennent se marier à la Perle. C'est le grand...

On peut aussi stocker de la chaleur dans le roc. Ça, ça a été étudié dès 1976, à Stockholm, au congrès Rockstore auquel j'ai assisté. Il y a très peu d'installations qui produisent directement de la chaleur. Il y en a cependant au moins une en France, une toute petite installation, des turbines à eau ? enfin, c'était environ 100 kW ? qui produisent de la chaleur. Enfin, la principale raison, c'est que la vente et le transport d'énergie électrique sont très réglementés tandis qu'il n'y a aucun règlement pour le transport de chaleur. Alors donc, cette personne-là pouvait se débrouiller pour vendre de la chaleur à ses voisins, alors qu'elle aurait eu bien du mal à vendre de l'électricité.

La production d'électricité avec une éolienne, ça ne se produit que quand le vent est un peu fort, au moins trois ou quatre mètres-seconde. Ça s'arrête quand le vent est très fort, 25 ou 30 mètres-seconde. En ce qui concerne la production de chaleur, à mon avis on n'aurait pas besoin de s'arrêter quelle que soit la... En plus, la production d'électricité doit se faire à une fréquence de 60 Hz, tout au moins en Amérique du Nord. La fréquence des chaleurs pourrait se faire à n'importe quelle fréquence, ce qui devrait simplifier la construction de l'éolienne.

Une société en France avait voulu, pendant un moment, s'intéresser au problème de la production de chaleur à partir d'éolienne. C'était la société Bertin qui voulait faire ça à Paris, sur les tours assez élevées, avec des Darrieus, et ils voulaient utiliser une pompe centrifuge. En fait, ils voulaient beaucoup d'argent pour uniquement étudier le problème, et on ne leur a pas donné. On a rédigé cinq ou six pages sur leur projet.

En ce qui concerne le véhicule de la chaleur, il faudrait transporter la chaleur quelque part, évidemment dans le Nord. Il faudrait un fluide qui ne gèle pas en hiver si l'installation est arrêtée. Mais enfin c'est assez facile à trouver.

Alors, en ce qui concerne le stockage de la chaleur, ce serait évidemment le point fort de cette production directe de chaleur, puisque ça pourrait stocker. On pourrait construire assez facilement un stockage d'une quinzaine de jours qui suffirait à passer sans doute les périodes sans vent. Alors, les besoins en chaleur des postes inuits du Nord sont supérieurs aux besoins d'électricité.

n(16 h 40)n

Alors, je propose d'installer des éoliennes qui seraient au début expérimentales, encore que les problèmes ne sont pas très compliqués, à Quaqtaq. Quaqtaq a, pendant l'année, 20 jours sans gel, ce qui est beaucoup plus favorable que Paris pour la continuité du marché, la température moyenne annuelle est de moins 7,5 °, degrés-jours de chauffage, 9 100, ce qui devrait être un très bon marché pour une chaleur produite. En fait, la chaleur pourrait être vendue à Quaqtaq à l'année longue. Le vent, à Quaqtaq, est excellent. À Quaqtaq, le vent est le record du Québec en ce qui concerne l'énergie moyenne. Par contre, il est beaucoup moins élevé que le maximum pour l'énergie, pour le vent horaire maximum annuel, ce qui donc est très, très favorable.

En ce qui concerne le roc, Quaqtaq est basé sur le socle canadien qu'on appelle le Churchill. À mon avis, c'est tout à fait semblable au Bouclier scandinave dans lequel les Suédois voulaient essayer de stocker de la chaleur. Et, d'après ce que disent certains rapports, ce roc a très, très peu de recouvrement de type glaciaire.

Ensuite, je me suis permis d'envoyer pour la seconde fois un rapport que j'ai déjà communiqué au Secrétariat aux affaires autochtones, en 1991, en ce qui concerne la biomasse et la gazéification du bois. Alors, on peut utiliser, au point de vue de la biomasse, peut-être le maïs dans certains pays, la canne à sucre au Brésil, mais enfin le bois est une ressource quand même assez grande au Québec, encore peut-être plus grande que le maïs. Et on a déjà bien étudié le problème des gazogènes, en particulier en France, pendant la guerre. Alors, je suis né en France et j'ai pu voir des gazogènes pendant la guerre, il y en a eu environ 400 000 en Europe. Ces gazogènes, pour le transport routier, présentaient quelques problèmes parce que, pour accélérer une voiture, il faut non seulement appuyer sur la pédale, mais il faut augmenter la fourniture du gaz, du gazogène, ce qui est beaucoup plus difficile. Alors, pour monter une côte, une voiture à gazogène montait très lentement.

Mon père à l'époque utilisait le toluène pour faire marcher sa voiture. Vous voyez qu'en France on ne manquait pas d'imagination pour trouver des énergies pour remplacer les hydrocarbures qui étaient absolument absents de toute l'Europe à l'époque, puisqu'il y avait le blocus des Alliés. Alors, le toluène pouvait monter les côtes très facilement, alors mon père pestait beaucoup quand il était derrière un gazogène.

Le Président (M. Bachand): M. Anger, je vais vous demander de conclure, même si c'est fort intéressant.

M. Anger (Claude B.): Comment?

Le Président (M. Bachand): Je vais vous demander de conclure, même si c'est fort intéressant.

M. Anger (Claude B.): Oui. Bien, en ce qui concerne le rapport que j'ai fait sur effectivement la gazéification du bois, je pense qu'il est très détaillé puisqu'il a 27 pages et que sa lecture devrait être suffisante, de sorte que je n'ai rien besoin d'ajouter à ce que j'ai écrit en 1991, qui est toujours d'actualité, donc.

Le Président (M. Bachand): C'est donc...

M. Anger (Claude B.): Je peux m'arrêter volontiers.

Le Président (M. Bachand): Merci, M. Anger. Donc, je vais donner l'opportunité au ministre des Ressources naturelles et de la Faune de vous poser ses questions. Allez-y, M. le ministre.

M. Corbeil: Merci beaucoup, M. le Président. Merci, M. Anger. Vous avez suscité ma curiosité, non seulement mon intérêt, mais aussi ma curiosité parce qu'entre autres fonctions je suis également ministre responsable du Nord-du-Québec et j'ai eu l'occasion de visiter quelques-unes des communautés auxquelles vous faites référence dans votre mémoire. Et vos propositions, vos différentes propositions semblent être des pistes intéressantes pour gérer la question de la production d'énergie et la consommation d'énergie dans le Nord-du-Québec.

Justement, en ce qui concerne votre concept de centrale autour d'un lac pour produire de l'électricité à un coût inférieur au prix payé pour le carburant utilisé dans les centrales diesel, j'aimerais ça que vous nous donniez... Vous avez parlé, élaboré sur quelques renseignements techniques. Est-ce que vous auriez aussi des renseignements économiques concernant ces projets afin de permettre aux membres de la commission de...

M. Anger (Claude B.): ...ce que je viens de dire, qui n'est pas dans mon rapport. Le coût de l'électricité produite, comme j'ai dit, autour d'un lac dépendra beaucoup du prêt que les gens pourront obtenir, le taux d'intérêt et la longueur du prêt. Là je viens de dire: Si vous avez 3 % de taux d'intérêt pendant 20 ans, vous allez pouvoir produire de l'électricité très bon marché.

En ce qui concerne Kuujjamiut, j'ai été un peu impliqué parce qu'en fait, en 1988, je crois, le monopole complet d'Hydro-Québec, qui allait presque jusqu'à 1 kW, a été aboli. Tout d'un coup, on a pu construire des centrales jusqu'à 18 MW. En France, à cette époque-là, les particuliers avaient le droit de construire jusqu'à 8 MW, et il y avait 12 000 minihydroélectricités en France. L'expérience de la France en ce qui concerne la minihydroélectricité était énorme. J'ai visité Pincher Creek, le centre des énergies renouvelables de l'Alberta, alors j'ai assisté à un séminaire pendant trois jours. On nous a aimablement fait visiter trois minicentrales qui venaient d'être construites en Alberta, les trois centrales avaient des turbines françaises. Alors, ça prouve que, quand même, la France avait à ce moment-là une certaine avance qu'elle a un peu perdue d'ailleurs parce que les constructeurs de turbines ont été achetés par des Américains et une société autrichienne. Maintenant, il y a très peu de sociétés françaises absolument indépendantes qui construisent des miniturbines. Mais enfin il y avait le know-how, et puis qui a été d'ailleurs vendu à Hydrolec quand même, au Québec, là, qui est une filiale française.

Alors, Kuujjamiut aurait pu produire l'électricité à 0,18 $ du kilowattheure, mais il n'y avait pas d'eau dans la Highfall en janvier, février, mars, avril. Alors, le coût de l'électricité, déjà, si vous pouvez utiliser vos turbines pendant 12 mois au lieu de seulement huit, vous voyez que vous réduisez votre coût de 0,18 $, à peu près, à 0,12 $ s'il y avait assez d'eau dans la Highfall, et, s'il y avait un lac sur la Highfall qui permette d'alimenter la Highfall en eau pendant toute l'année, ce serait à peu près le coût à Kuujjuaq.

Le site d'Inukjuak est encore meilleur parce que le débit spécifique des rivières augmente en allant vers le sud. Vers la rivière Inukjuak, il est environ de 12 litres par seconde par kilomètre carré de bassin versant, qui est nettement supérieur à celui de la région de Kuujjuaq, où il est de 8 ou 9. Donc, on aura plus d'eau en hiver. À la fois l'Inukjuak et la Kongut passent de lac en lac en lac, c'est presque un lac en continu. Donc, le débit d'eau en hiver sera assez considérable. Alors, je me suis permis de faire remarquer, dans mon rapport, que les données hydrologiques ne sont pas excellentes, excellentes actuellement. On a abandonné quand même des tas de points de jauge, et ces quelques petits calculs que j'ai faits sur la Kongut sont basés sur une jauge qui est située sur l'Inukjuak. Mais je pense qu'on pourra produire de l'électricité à Inukjuak à beaucoup moins de 0,10 $ du kilowattheure...

M. Corbeil: D'accord, merci.

M. Anger (Claude B.): ...en suivant ce schéma.

M. Corbeil: Pardon?

M. Anger (Claude B.): En suivant ce schéma où vous avez ma carte au cinquante millième que j'ai un peu gribouillée, là, pour montrer... Alors, le niveau de la Kongut serait réélevé de 1,5 m, 5 pi. J'espère que Québec Vert ne critiquera pas trop ça, mais enfin...

M. Corbeil: Merci beaucoup. J'aimerais revenir aussi sur la section où vous parlez de production directe de chaleur au moyen d'éoliennes. Vous proposez que cette énergie soit stockée dans les roches afin de servir au chauffage d'habitations ou pour la production d'électricité à partir d'une turbine à isobutane. Pourriez-vous nous exposer l'état d'avancement de la technologie de production de chaleur et d'électricité à partir de l'énergie stockée dans le sol en région nordique? Et je sais que vous avez fait référence tantôt, dans votre présentation, à l'Islande, je crois.

M. Anger (Claude B.): Ah non! Mais, en Islande, c'est de l'énergie géothermique.

M. Corbeil: O.K., c'est beau. O.K.

M. Anger (Claude B.): Non, non, ce n'est pas des éoliennes.

M. Corbeil: O.K., ça va.

n(16 h 50)n

M. Anger (Claude B.): L'Islande, actuellement, alors là, je ne sais pas ce que ces gens ont dit en ce qui concerne l'énergie géothermique, il y a trois sortes d'énergie géothermique: l'énergie géothermique qui vient de roches éruptives ou volcaniques... Alors là, par exemple, à Sonora, en Californie, en Nouvelle-Zélande et en Italie, on produit de l'électricité à partir de la vapeur humide qui sort de telles roches. Alors, ça, il y a des grosses productions, des centaines de mégawatts, qui sont faites comme ça. Ensuite, il y a l'énergie géothermique de roches sédimentaires qui contiennent des fluides, de l'eau en particulier, à une certaine profondeur. Alors, à partir de 2 000 m de profondeur, le gradient géothermique est suffisant pour avoir de l'eau à 60 °, 70 °, 90 °, et il y a actuellement plusieurs installations d'énergie géothermique de cette sorte à Paris, en France, dans le sud de Paris, qui peuvent alimenter 800, 1 000 maisons. Alors, il y a deux niveaux, sous Paris, qui peuvent produire de l'énergie géothermique: les sables verts du crétacé et puis le dogger. Alors, ça, c'est assez facile. D'ailleurs, l'Alberta n'aurait presque plus besoin d'hydrocarbures parce qu'ils pourraient avoir plein d'énergie géothermique avec l'oléoduc pour chauffer Edmonton, Calgary et tout ce qu'ils ont.

Alors, là, vous m'avez parlé aussi de la production d'électricité avec isobutane, alors c'est les Japonais qui ont développé une turbine qui peut marcher entre, mettons, 90 ° et 100 ° et puis la température ambiante pour produire de l'énergie. Alors ça, c'est très connu. Ça, c'est fait depuis longtemps. Je sais qu'au Zaïre une région complètement isolée, qui avait des sources chaudes à 90 °, a produit de l'électricité de cette manière. Et puis il y avait le fameux Claude Bernard, en France, qui essayait de produire de l'électricité avec de la chaleur à 35 °C, ce qui n'est pas considérable, mais en principe on peut vaporiser de l'eau et faire marcher une turbine à vapeur avec de la vapeur d'eau à 35 °.

Le Président (M. Bachand): Merci. Ça va, M. le ministre? Pas d'autres questions? Donc, merci, M. le ministre. Mme la porte-parole de l'opposition officielle en matière d'énergie, Mme la députée de Rosemont.

Mme Dionne-Marsolais: Merci, M. le Président. Alors, bienvenue. Vous avez mentionné, au début, le potentiel de gaz aux Îles-de-la-Madeleine, hein?

M. Anger (Claude B.): Ce n'est pas... Le gaz qui a été trouvé a été trouvé à 80 km au sud des Îles-de-la-Madeleine, et c'est une zone du golfe Saint-Laurent qui est considérée sous la juridiction de l'Île-du-Prince-Édouard. Encore qu'actuellement les limites sont en train de... sont rediscutées des fois.

Mme Dionne-Marsolais: D'accord. Mais en fait le point que vous faites ? c'est pour ça que je dis le gaz aux Îles, là ? c'est que vous dites: Actuellement, il y a ? et vous avez donné des exemples assez percutants, là ? des installations assez impressionnantes de production, des groupes électrogènes aux Îles pour produire de l'électricité, hein?

M. Anger (Claude B.): Bien, il y a des diesels, oui. Actuellement, les Îles-de-la-Madeleine sont alimentées avec des diesels.

Mme Dionne-Marsolais: C'est ça. Et donc vous dites: On pourrait... On pourrait très bien... Bien, vous qualifiez d'hérésie le fait de chauffer à l'électricité. Et je pense que, compte tenu du fait qu'il faut convertir le diesel en électricité pour chauffer, etc., avec les pertes d'efficacité énergétique que l'on connaît... Et vous proposez, si j'ai bien compris, d'acheter le gaz comprimé, c'est ça?

M. Anger (Claude B.): De transporter le gaz comprimé, oui, d'East Point E-49 aux Îles-de-la-Madeleine.

Mme Dionne-Marsolais: C'est ça, d'acheter le gaz comprimé de l'île de Sable ou de l'Île-du-Prince-Édouard...

M. Anger (Claude B.): Ah! Non, non, non.

Mme Dionne-Marsolais: De l'Île-du-Prince-Édouard.

M. Anger (Claude B.): D'East Point E-49.

Mme Dionne-Marsolais: O.K.

M. Anger (Claude B.): Il y a un dôme de sel qui a été foré dans le golfe du Saint-Laurent. Là, vous avez ma carte, là; c'est le point orange qui est marqué sur ma carte, là.

Mme Dionne-Marsolais: C'est à quelle distance des îles?

M. Anger (Claude B.): 80 km des Îles-de-la-Madeleine et 30 km du nord de l'Île-du-Prince-Édouard.

Mme Dionne-Marsolais: O.K., donc le fameux East Point, bon. Maintenant, ce dôme de sel là, il n'y a rien dedans en ce moment.

M. Anger (Claude B.): Bien, actuellement, il n'y a pas de production. Il y a un forage qui a été fait. Un dôme de sel est une structure géologique qui permet de trouver du pétrole assez facilement. Vous pouvez avoir du pétrole, enfin des hydrocarbures, au-dessus du dôme parce que le dôme, en montant... Le sel est plus léger que les autres sédiments. Alors, il a tendance à monter. Alors, il déforme les sédiments au-dessus du dôme, ce qui fait une structure anticlinale qui peut contenir des hydrocarbures. Le sel, en montant, intercepte des tas de sédiments comme des calcaires, etc. Alors, il y a des roches qu'on appelle un «caprock», en bon français, juste au-dessus du dôme, qui, par exemple, au Texas, produit beaucoup d'hydrocarbures. C'est aussi un réservoir. Et puis, en flanc de dôme, les couches sédimentaires aussi sont redressées vers le dôme par la montée du sel, et vous avez en flanc de dôme la possibilité de trouver des hydrocarbures. Alors, un dôme de sel est une structure géologique qui est recherchée par les explorateurs d'hydrocarbures et qui est forée assez facilement.

Mme Dionne-Marsolais: Je vais vous poser une question qui est peut-être très... qui va vous paraître absolument candide et peut-être même un peu ignare, mais... Est-ce qu'aux Îles il y a des dômes de sel?

M. Anger (Claude B.): Oui, il y en a quatre... six.

Mme Dionne-Marsolais: Bon. Est-ce qu'il n'y aurait pas de potentiel d'hydrocarbures sur les Îles, aux Îles?

M. Anger (Claude B.): Eh bien, si. Bien, actuellement, sur les Îles-de-la-Madeleine, vous avez un permis qui a été attribué à une société d'Halifax, Corridor Resources, qui est en train d'explorer pour les hydrocarbures. Ils ont fait un forage qui a avorté, il y a trois ou quatre ans; peut-être que Jean-Yves Laliberté est plus au courant que moi. Il y a un forage qui a été fait, ils s'étaient mis sur le bord de mer, il y a l'eau qui est arrivée à une grande mer, et puis ils ont trouvé des marnes en quantités bien supérieures à ce qu'ils avaient... Enfin, le forage n'a pas été conduit jusqu'à l'objectif.

J'indique quand même, dans mes mémoires, qu'il va être assez difficile de trouver des hydrocarbures autour des dômes de sel des Îles-de-la-Madeleine parce que vous êtes justement au bord de la mer. Alors, pour faire de la sismique, par exemple, je sais qu'actuellement on n'en fait pas, mais pour faire de la sismique, il faudra que vous en fassiez offshore, à terre et dans la zone de transition si vraiment vous voulez faire une étude complète des dômes de sel qui existent sur les Îles-de-la-Madeleine. À ce moment-là, vous aurez peut-être une certaine chance de trouver des hydrocarbures. Actuellement, à mon avis, Corridor Resources n'a pas fait l'effort nécessaire pour implanter un forage correct sur les Îles-de-la-Madeleine.

Alors, d'autre part, il y a une autre structure qui s'appelle Old Harry, qui se trouve offshore. Alors, Old Harry est actuellement un objectif de Corridor Resources. Ils ont même obtenu 500 000 $ d'Hydro-Québec qui participera certainement à ce forage si un jour il est autorisé, ce qui quand même devrait se produire. Alors, je rappelle quand même, dans mes mémoires, que cette structure se trouve sur la flexure nord du bassin, qu'elle est exactement semblable, enfin très semblable à celle de Brion, qui a déjà été forée par Texaco qui n'a pas trouvé d'hydrocarbures, sauf dans le charbon. Alors...

Mme Dionne-Marsolais: Dans le?

M. Anger (Claude B.): Charbon.

Mme Dionne-Marsolais: Ah! D'accord.

M. Anger (Claude B.): Il y a des couches de charbon énormes dans le bassin de Madeleine. Vous avez des fois 6 ou 7 m de charbon et vous avez plusieurs couches. À l'île Brion, il y a deux couches, l'une au-dessus de l'autre, le total fait à peu près 10 m, et le charbon de l'île Brion contient du méthane qui pourrait certainement être exploité. Alors, c'est un parc, etc., je crois que Brion se... Et puis la production... la déméthanisation du charbon est en général assez faible. Certaines études ont été faites au Bedford Institute of Oceanography, et ce serait sans doute à peu près... peut-être 300 000 pi³ par jour. Alors, aux Îles-de-la-Madeleine, à mon avis, il vous en faudrait 6 ou 7 millions.

Mme Dionne-Marsolais: D'accord. Mais en fait la raison pour laquelle je vous posais cette question-là, c'était pour essayer de comprendre un peu, là, et de vous suivre dans votre analyse, et ce n'est pas évident, là, pour des non-initiés. Ce que vous me dites, vous dites: On pourrait acheter donc ce gaz d'East Point.

M. Anger (Claude B.): Acheter... je ne sais pas si c'est un achat parce qu'actuellement le forage qui a été fait a été abandonné. Il est...

Mme Dionne-Marsolais: Il n'y a rien.

M. Anger (Claude B.): Oui. Il est cimenté, bon, et il est à mon avis irrécupérable. Il faudrait en forer un autre.

Mme Dionne-Marsolais: Bien, alors, comment vous pensez...

M. Anger (Claude B.): Oui, mais juste à côté, vous êtes sûrs de trouver. Non, mais ce qu'il y a d'ennuyeux dans la prospection des hydrocarbures, c'est la probabilité de trouver quelque chose; c'est ça, le plus grand coût. Si vous êtes sûrs de trouver, c'est beaucoup plus facile.

Mme Dionne-Marsolais: Mais alors, si votre hypothèse est juste et que nous sommes sûrs de trouver, je vous retourne la question: Pourquoi des entreprises privées comme Corridor Resources ne forent pas? Pourquoi est-ce qu'ils vont se distraire par Old Harry alors que...

n(17 heures)n

M. Anger (Claude B.): Bien, la raison essentielle, je la donne dans mon mémoire: c'est les progrès technologiques. Sable Island a été trouvé au moins 25 ans avant d'être produit. On savait qu'il y avait du gaz à Sable Island avant 1970. Le gaz de Sable Island a été produit, alors là je le dis, il fallait construire un gazoduc en diphasé qui contienne à la fois du liquide et du gaz, et on hésitait beaucoup à faire ça en 1970. Il a fallu avoir des productions offshore qui soient beaucoup plus économiques. L'offshore a fait des progrès énormes. La production offshore, les coûts de production offshore ont été divisés à peu près par quatre, depuis cette époque-là.

Et puis, enfin, alors, le dernier point, c'est l'augmentation du coût des hydrocarbures. Alors, en 1970, je ne sais pas, le gaz au Texas, il devait valoir 0,20 $; maintenant, ça va être plutôt 6 $. Alors, ce n'est pas tout à fait pareil.

Le Président (M. Jutras): ...c'est parce que le temps passe. M. le député de René-Lévesque.

M. Dufour: M. Anger, bienvenue. Une question qui pique ma curiosité. Une minicentrale doit être construite autour d'un lac et non pas des chutes rapides en avant des gorges. Pourriez-vous me donner des détails?

M. Anger (Claude B.): Au Grand Nord! Dans le Nord du Québec!

M. Dufour: Oui, mais pourriez-vous me donner des détails sur une minicentrale autour d'un lac? Comment...

M. Anger (Claude B.): Eh bien, j'explique ça surtout dans le texte anglais. Si vous avez un lac... il faut trouver un lac de plusieurs kilomètres carrés, hein, d'abord. Mais enfin, au Québec, on n'en manque pas, hein, dans tout le Canada même entier. Ensuite, il faut que vous barriez ce lac à son exutoire, de façon à pouvoir retenir une certaine quantité d'eau pendant l'hiver. Bon. Le barrage à la sortie du lac doit être très, très peu élevé. Le barrage que je propose pour la Kongut serait de 1,5 m, retenir 1,5 m d'eau. Ce n'est pas beaucoup, hein? Ça, ça peut vous faire plusieurs millions de mètres cubes, puisque le lac est très grand, pour avoir un débit suffisant pendant les mois de février, mars, avril. Vous n'avez pas suffisamment d'eau dans la rivière, alors vous retenez cette eau-là pour l'hiver. Ensuite, il faut que vous trouviez un site favorable, que vous preniez cette eau sur le côté, n'importe où, pour que vous trouviez une dénivellation.

Alors, je dis au moins 20 m, parce qu'en minihydro il ne faut pas trouver une turbine trop chère. Je sais qu'Hydro-Québec a de l'argent, et puis au lac Robertson, ils ont dépensé 9 000 $ pour chaque kilowatt, mais enfin il vaudrait mieux ne pas faire ça, hein? Alors, si vous avez une dénivellation d'environ 20 m, 25 m là, ici, dans ce cas que je propose à Inukjuak, bien, ce serait 42 m, le niveau piézométrique à la centrale. Alors, à 42 m, vous pouvez installer une turbine, et puis là vous... Mais, si vous avez un barrage, le barrage, il faudra alors qu'il retienne une quantité d'eau. Dans une gorge par exemple, votre barrage, il devra avoir, je ne sais pas, 17, 20 m de haut; ce n'est pas rentable, ça. Le coût d'un barrage, il dépend de sa hauteur. Si vous avez un barrage de 1,5 m, il est 20 fois moins cher qu'un barrage de 15 m. Pour trouver de l'électricité rentable, pour un village, il ne faut pas que vous payiez trop cher. Moi, à mon avis, ce site d'Inukjuak, bien, ça devrait coûter 12 ou 15 millions de dollars.

M. Dufour: Ça va.

Le Président (M. Jutras): Alors, nous vous remercions donc pour votre présentation. Et je demanderais aux représentants de Intersan inc. de bien vouloir s'approcher et prendre place.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Jutras): M. Dussault, si vous voulez prendre place au centre, s'il vous plaît. Alors, est-ce que vous êtes prêts? Alors, je souhaite la bienvenue donc aux représentants d'Intersan inc. à la Commission de l'économie et du travail. M. Dussault, bonjour. Je vous rappelle les règles, là: vous avez 20 minutes pour la présentation de votre mémoire; par après, il y aura un échange avec le ministre et les députés; et, par après, un échange avec les députés de l'opposition.

Alors donc, M. Dussault, si vous voulez présenter, dans un premier temps, la personne qui vous accompagne ou les personnes qui vous accompagnent. Là, il y a une personne qui vous accompagne?

M. Dussault (Martin): Oui, tout à fait. Alors, Mme...

Le Président (M. Jutras): Oui, la présenter, et, par la suite, allez-y avec la présentation de votre mémoire.

Intersan inc.

M. Dussault (Martin): Alors, Mme Catherine Verrault, de la firme André Simard et Associés, ici, à Québec, et, pour ma part, je suis Martin Dussault, le directeur des affaires publiques pour la compagnie Intersan.

Donc, merci de nous accueillir aujourd'hui, dans le cadre des travaux de cette commission parlementaire. Nous sommes très heureux de l'occasion qui nous est donnée aujourd'hui de participer à ces travaux qui se penchent sur les enjeux et la problématique que pose la sécurité énergétique du Québec. Il nous est particulièrement agréable de témoigner devant vous d'une dimension qui a priori n'est pas évidente, celle du rôle important que peuvent jouer les gestionnaires des sites d'enfouissement de matières résiduelles dans le domaine de la sécurité énergétique du Québec.

D'abord, pour mieux vous situer, Intersan est une entreprise spécialisée dans la gestion intégrée des matières résiduelles. Intersan est une filiale de Waste Management du Canada qui elle-même est une filiale de Waste Management inc., la plus importante entreprise dans ce secteur d'activité en Amérique du Nord.

Intersan est présente un peu partout à travers le Québec, et nous employons au-delà de 300 personnes qui assurent chaque semaine la collecte, le transport et la récupération des matières recyclables ainsi que l'élimination sécuritaire des résidus ultimes. Intersan assure ce service essentiel auprès d'une centaine de municipalités comptant au total environ 2,5 millions de Québécoises et de Québécois, soit environ le tiers de la population du Québec.

C'est à titre de citoyen corporatif responsable dans le domaine de la gestion des matières résiduelles et comme fournisseur de services essentiels aux collectivités qu'Intersan intervient dans le cadre de cette consultation sur l'avenir et la sécurité énergétique du Québec. Chez Intersan, nous pensons que, dans une perspective économique, une saine gestion des matières résiduelles amène des retombées positives pour les municipalités et les contribuables. Une gestion intégrée des matières résiduelles permet d'en tirer des ressources utiles, des produits à valeur ajoutée ainsi que des matières recyclables qui sont ainsi introduites dans un nouveau cycle économique.

Ce qui est plus méconnu toutefois, c'est la valeur énergétique des résidus, ce dont nous venons vous parler aujourd'hui. En effet, des quantités d'énergie appréciables peuvent être extraites des résidus en décomposition, sous forme de biogaz. Intersan souhaite apporter à la commission un éclairage positif sur une filière énergétique prometteuse, axée sur le traitement et la transformation des matières résiduelles en produits utiles et rentables.

Depuis maintenant une quinzaine d'années, avec le concours de ses différentes filiales au Québec, au Canada et aux États-Unis, Waste Management a réalisé plusieurs expériences de valorisation énergétique des résidus enfouis. Le captage des biogaz qui se dégagent des sites d'enfouissement et leur transformation en énergie ont donné des résultats fort intéressants. Notre entreprise multiplie d'ailleurs l'implantation de systèmes de collecte des biogaz afin d'accroître la protection de l'environnement et d'extraire cette source d'énergie fort utile.

n(17 h 10)n

À l'heure actuelle, Waste Management exploite environ 85 projets de transformation des biogaz produits par les sites d'enfouissement à travers l'Amérique du Nord. De ce nombre, 54 sont des projets de production d'électricité qui génèrent au total plus de 200 MW d'énergie, c'est-à-dire suffisamment pour répondre aux besoins de 215 000 foyers. Dans le cadre de 31 autres projets, l'énergie produite par les biogaz a permis à des clients industriels de notre entreprise d'éviter annuellement la consommation de l'équivalent de plus de 2 millions de barils d'huile. Grâce aux efforts qu'elle consacre à la récupération et à la transformation en énergie des biogaz, Waste Management a réussi à ce jour à réduire de façon importante les émissions de gaz à effet de serre en provenance de ses lieux d'enfouissement. Il s'agit là, estimons-nous, d'un apport appréciable à la lutte amorcée à l'échelle mondiale en vue de réduire les émissions gazeuses qui contribuent aux changements climatiques de notre planète.

Les scientifiques ont remarqué, depuis fort longtemps, que la décomposition des matières organiques produit de la chaleur et du gaz. C'est un phénomène universel, et, partout où il y a décomposition de matières organiques, il y a ainsi production de gaz. C'est évidemment le cas des sites d'enfouissement: dès que les matières résiduelles s'y retrouvent, le lent et complexe processus de décomposition de la matière organique s'amorce en raison de la présence de micro-organismes. Cette dégradation progressive produit des gaz composés à parts à peu près égales de méthane et de dioxyde de carbone. Donc, dans un site d'enfouissement sanitaire conventionnel, c'est normalement au cours des 20 à 30 premières années suivant l'enfouissement d'une matière que la production de biogaz est la plus importante. Cependant et selon des conditions inhérentes aux sites, la présence de certaines matières organiques plus réfractaires à la biodégradation peut prolonger... de 30 à 70 ans et même parfois davantage.

Non contrôlés, il faut l'admettre, les biogaz sont une nuisance pour notre environnement. La principale est due à la présence du méthane. Ce gaz inodore et incolore devient explosif lorsqu'il migre dans le sol, et il s'accumule dans un espace clos à une concentration variant entre 5 % et 15 % dans l'air. De plus, le méthane contribue de façon importante au phénomène de changements climatiques, lorsqu'il s'échappe dans l'atmosphère. Enfin, tous ceux qui ont été exposés conviennent sans détour de la nuisance olfactive que représentent les biogaz, en raison des odeurs parfois nauséabondes associées à leur présence. Ceci n'est ni dû au méthane ni au dioxyde de carbone qui en fait qui ne sentent rien, mais aux divers composés organiques volatiles et composés soufrés qu'ils contiennent.

Il va sans dire donc qu'en raison de toutes ces nuisances la gestion responsable d'un lieu d'enfouissement exige désormais la mise en place d'un système efficace de contrôle des émissions des biogaz. C'est ce que nous nous employons désormais progressivement à faire sur nos sites d'enfouissement à l'intérieur de notre entreprise. Toutefois, plutôt que d'assister passivement à la disposition des matières résiduelles qui n'ont pu être recyclées, nous en favorisons une gestion optimale en retirant une valeur des matières.

Waste Management, la maison mère d'Intersan, a mis au point, au cours de la dernière décennie, la technologie du bioréacteur qui permet d'assurer une gestion optimale des matières résiduelles en donnant une valeur à l'ensemble des résidus que mettent en bordure de la rue les citoyens et les entreprises.

En quelques mots, je vous explique le fonctionnement de la technologie du bioréacteur, et je vous réfère à la page 8 de notre mémoire, où un schéma y figure, et il aide à la compréhension. D'abord, les matières résiduelles sont entassées à l'intérieur d'une cellule étanche, ce qui permet de prévenir toute détérioration de la qualité de la nappe phréatique et des sols environnants. Et, à la base de cette cellule, on aménage un système de collecte des eaux de lixiviation.

Les eaux de lixiviation, ce sont les eaux de précipitation qui ont circulé à travers les matières en décomposition. Donc, on recueille ces eaux à travers ce système de collecte qui permet de recueillir en continu le liquide à la base de la cellule. Ces eaux de lixiviation, qui sont riches en matières organiques, sont ensuite recirculées dans l'amoncellement de résidus grâce à un autre système de tuyaux aménagé à différents niveaux à l'intérieur de l'amoncellement de matières.

Le lixiviat, donc, je le mentionnais, qui est riche en matières organiques, devient ainsi un agent stimulant grâce à sa flore bactériologique, ce qui permet d'accélérer la décomposition de la matière organique et précipite du même coup la production de biogaz dans le cycle de vie traditionnel des résidus enfouis. Les matières résiduelles, qui mettraient normalement de nombreuses années à se décomposer, libèrent alors des biogaz sur une période qui est beaucoup plus courte, un système actif de captage des biogaz aspire ces derniers et les achemine vers une station de pompage où ils deviennent disponibles comme source d'énergie. Sur le plan environnemental, cela entraîne des gains d'importance avec une stabilisation beaucoup plus rapide des résidus qui deviennent ainsi inertes, donc inoffensifs. Et, sur le plan énergétique, cela permet de recueillir le méthane et de l'utiliser à bon escient pour alimenter la communauté.

Le biogaz étant composé d'environ 50 % de méthane, il possède un potentiel énergétique équivalant à environ la moitié de celui du gaz naturel. La gestion contrôlée du biogaz crée donc un gisement énergétique fort intéressant, à la fois propre, abordable, facilement accessible et disponible sur l'ensemble du territoire québécois, puisque des lieux d'élimination, il y en a dans chaque collectivité pour desservir les citoyens.

Les différentes techniques de valorisation sont bien connues, les premières expériences en ce domaine ayant eu lieu dès 1975, aux États-Unis. Le plus fréquent, on se sert du biogaz pour produire de l'électricité, mais de plus en plus d'industries, comme j'en parlerai dans quelques instants, le recherchent pour l'utiliser directement comme combustible pour produire de la vapeur. En plus donc de réduire les émissions de gaz à effet de serre dans l'atmosphère, la valorisation des biogaz permet une réduction appréciable de la consommation de combustibles fossiles, donc autre intérêt.

Permettez-moi ici de vous faire part d'une expérience que nous vivons concrètement au Québec. Intersan possède à Sainte-Sophie, dans les Laurentides, un important site d'enfouissement qu'elle exploite selon la technologie du bioréacteur dont je vous ai parlé il y a quelques instants.

En vertu d'une entente tripartite conclue avec Gaz Métro et Cascades, Intersan dirige désormais la majeure partie du biogaz extrait de ce site vers une usine de Cascades qui est située, elle, à Saint-Jérôme. Avec le concours de Gaz Métro, cette énergie verte qu'est le biogaz est acheminée chez Cascades via un pipeline d'une longueur de 13 km. L'énergie verte provenant de Sainte-Sophie comblera ainsi, à un prix fort compétitif, une part substantielle des besoins énergétiques de l'usine de Cascades, et ce, pour au moins une dizaine d'années. Cette utilisation permet à Cascades de réduire de façon significative ses coûts en approvisionnement énergétique et améliore d'autant sa compétitivité sur la scène internationale. On comprend ainsi pourquoi les réactions de la collectivité, des organismes et des médias ont été aussi positives lors de l'annonce du projet mis en opération le 31 décembre dernier. Et d'ailleurs j'ai joint au mémoire plusieurs extraits de journaux à travers le Canada. Ça a véritablement retenu l'attention. C'est une nouvelle qui a été accueillie très positivement.

De plus, la valorisation des biogaz contribue à réduire les émissions de gaz à effet de serre dans l'atmosphère, comparativement à un site où il n'y a pas de récupération des biogaz. Par exemple, pour le site de Sainte-Sophie, le captage et la combustion des biogaz chez Cascades permet d'éviter que 470 000 tonnes de CO2 équivalent se retrouvent dans l'atmosphère, ce qui correspond à retirer au-delà de 100 000 voitures de la circulation. Voilà qui est significatif, dans le contexte de la lutte aux émissions de gaz à effet de serre. À cela, il faut ajouter la réduction de 61 000 tonnes de CO2 équivalent due à la substitution des combustibles fossiles chez Cascades, ce qui permet ensuite d'éviter des émissions équivalentes à celles d'environ 14 000 voitures supplémentaires.

Le partenariat Intersan-Gaz Métro-Cascades est unique au Québec. Il a le grand avantage, en plus des effets bénéfiques sur l'environnement, de permettre l'utilisation d'une ressource énergétique dont profite directement la population locale plutôt que de la voir introduite dans un vaste réseau d'exportation. Intersan considère qu'elle participe ainsi activement au développement économique de la région des Laurentides.

D'autres projets sont actuellement à l'étude dans le but de valoriser la production de biogaz du site de Sainte-Sophie non utilisée par Cascades. Au nombre des projets les plus prometteurs, on trouve celui du chauffage des serres des producteurs agricoles. Des discussions à cet effet sont d'ailleurs en cours avec les représentants locaux du milieu agricole.

Intersan estime que la production d'énergie au bénéfice des diverses collectivités où elle est présente constitue un exemple concret de développement durable, et elle entend, à terme, réaliser d'autres projets de valorisation énergétique des biogaz dans les autres sites qu'elle exploite ailleurs au Québec.

Cependant, de tels projets ne peuvent se concrétiser sans l'appui du gouvernement et celui des municipalités hôtes. Cet appui doit principalement se traduire par des règles du jeu claires et qui favorisent le développement à long terme de projets concertés de gestion optimale des matières résiduelles, et ce, tant à l'échelle régionale qu'à l'échelle provinciale. Intersan considère en outre que l'intégration sociale et le partenariat sont des composantes aussi fondamentales qu'incontournables pour le développement de tels projets. L'exemple du site de Sainte-Sophie en témoigne selon nous de façon fort éloquente.

n(17 h 20)n

Les sites d'enfouissement sanitaire représentent un potentiel significatif de production d'énergie et ils ont la caractéristique intéressante d'être répartis sur l'ensemble du territoire. À eux seuls, à titre d'exemple, les trois sites exploités par Intersan au Québec peuvent théoriquement produire des quantités appréciables d'énergie, et ce, pour plusieurs dizaine d'années encore.

À titre d'information, nous évaluons que nos trois gisements de biogaz pourraient produire, d'ici 2040, environ 90 millions de gigajoules, unité de mesure utilisée pour le gaz naturel, ce qui équivaut à environ quelque 15 millions de barils de pétrole brut. Cette information est d'autant plus significative lorsqu'on sait qu'Intersan gère environ 25 % des quelque 6,5 millions de tonnes de matières résiduelles éliminées annuellement au Québec.

Plusieurs autres entreprises dans le domaine de la gestion des matières résiduelles ont également amorcé la valorisation énergétique avec le biogaz. La filière énergétique des résidus québécois est considérable et elle est appelée à progresser encore.

La valorisation des matières résiduelles organiques s'ajoute aux autres options de valorisation énergétique de la biomasse, tels que les résidus de bois et les effluents agricoles. D'ailleurs, un document publié en vue des travaux de la présente commission souligne l'intérêt de cette forme d'énergie non traditionnelle issue de la biomasse forestière, agricole et urbaine.

Les biogaz tirés des matières résiduelles peuvent être utilisés de multiples façons. La plus simple et la plus économique consiste sans aucun doute à les employer directement comme combustible ou source de chaleur; j'en ai parlé tout à l'heure, avec l'exemple concret de l'utilisation qu'en fait Cascades. Ils sont ainsi particulièrement appropriés pour les systèmes collectifs de chauffage de bâtiments et pour certains procédés industriels où ils remplacent efficacement les hydrocarbures fossiles qui, comme on le sait, sont des ressources, elles, non renouvelables.

Pour conclure, nous ne pouvons qu'insister sur la nécessité de reconnaître que les biogaz récupérés des sites d'enfouissement sanitaire du Québec constituent un gisement énergétique d'importance et que cette filière énergétique doit absolument être considérée dans l'élaboration de la future politique énergétique québécoise. Cette réalité est d'ailleurs déjà reconnue ailleurs dans le monde, et je vous donnerai ici en exemple: chez nos voisins américains, l'Agence de protection de l'environnement ou le «EPA» administre un programme appelé «Green Power Partnership», qui appuie les producteurs d'énergie durable et vient en aide aux organismes qui choisissent de faire appel à ce type d'énergie. Les gaz produits dans les sites d'enfouissement font partie des énergies vertes reconnues par l'agence gouvernementale américaine, et elles font ainsi l'objet d'incitatifs financiers sous forme d'exemption de taxes et de crédits fiscaux.

Nous aimerions terminer notre présentation devant cette commission par trois recommandations. La première: Intersan recommande au gouvernement du Québec de reconnaître explicitement l'énergie de la biomasse des matières résiduelles dans sa future politique énergétique. Même si elle peut apparaître mineure dans l'ensemble du portefeuille énergétique, le biogaz doit être reconnu, car c'est une ressource qui est là de toute façon et qui est perdue si elle n'est pas valorisée. Dans une démarche où on veut sécuriser l'approvisionnement du Québec et qu'on demande à chaque citoyen de réduire sa consommation de kilowattheures, les mégawatts produits par les biogaz sont certainement très intéressants. Cette reconnaissance du biogaz dans le portefeuille énergétique québécois devrait découler d'une concertation étroite entre le ministère de l'Environnement et le ministère responsable de la politique énergétique du Québec. La reconnaissance de cette filière énergétique devrait aussi être l'occasion, d'une part, d'éliminer certains obstacles institutionnels et réglementaires et, d'autre part, de la mise en place d'incitatifs visant la multiplication des projets de valorisation énergétique.

Pour notre deuxième recommandation, Intersan recommande au gouvernement du Québec de réglementer l'exploitation des sites d'enfouissement sanitaire pour que l'élimination des matières résiduelles s'effectue de façon sécuritaire, assurant ainsi des gisements énergétiques conformes et sécuritaires. L'extraction du biogaz d'un site d'enfouissement peut avoir un apport significatif pour la région hôte. L'exploitation des biogaz ajoute en effet une valeur économique aux matières résiduelles, et la production d'énergie peut ainsi avoir des retombées positives pour les collectivités vivant à proximité des sites.

Comme troisième recommandation, Intersan recommande au gouvernement du Québec de privilégier l'émission de permis et autorisations de longue durée aux exploitants de sites d'élimination sécuritaire afin que ces derniers puissent garantir aux organisations et entreprises régionales un approvisionnement à long terme en énergie produite par les biogaz.

Alors, M. le Président, M. le ministre, Mmes et MM. membres de la commission, je tiens à vous remercier de l'attention que vous avez bien voulu porter à notre mémoire. Mme Verrault et moi sommes maintenant disponibles pour échanger avec vous.

Le Président (M. Jutras): Alors, Mme Verrault, M. Dussault, merci pour la présentation. Je cède maintenant la parole au ministre. M. le ministre.

M. Corbeil: Merci, M. le Président. Bienvenue, M. Dussault et Mme Verrault. Je pense que votre présentation est d'autant plus intéressante que, dans les mémoires qu'on a reçus... et c'est reconnu que les gaz, les biogaz qui s'échappent de ces sites d'enfouissement, méthane et autres produits, sont 21 fois plus nocifs que le CO2 en termes d'importance ou d'impact dans les gaz à effet de serre.

Vous parlez d'enjeux environnementaux, économiques, énergétiques et sociaux de l'utilisation du biogaz d'enfouissement pour fins énergétiques. La valorisation du biogaz a des effets positifs à tous les niveaux, et vous citez en exemple votre projet de Sainte-Sophie avec la papetière Rolland, de Cascades, qui permettrait de réduire des émissions de près de 500 000 tonnes de CO2 par année.

Comment expliquez-vous le nombre limité de projets de valorisation de biogaz d'enfouissement au Québec? Vous-même, l'entreprise, possédez également les lieux d'enfouissement sanitaire de Saint-Nicéphore et de Magog. Avez-vous des projets pour ces sites? Et la production d'électricité serait-elle une option pour vos projets? Sinon, quelles en sont les raisons?

M. Dussault (Martin): Je vais commencer par répondre à votre première question. D'abord, oui, nous avons un grand intérêt à développer d'autres projets de valorisation des biogaz, notamment au site de Saint-Nicéphore, qui fait maintenant partie de la ville de Drummondville, et à Magog, en Estrie, où nous exploitons, dans ces deux cas, des lieux d'enfouissement. Donc, il y a un potentiel intéressant pour développer ces gisements énergétiques, donc les transformer soit en gaz naturel pour approvisionner des industries environnantes ou encore introduire le biogaz une fois qu'il aura été transformé en électricité dans le réseau d'Hydro-Québec.

L'une des raisons, vous savez, je le citais, le projet, le partenariat Cascades-Gaz Métro-Intersan est une première, au Québec, et nous espérons que cette réussite ? c'est un cas à succès ? va créer beaucoup d'intérêt. Déjà, on le ressent, mais on espère qu'au sein d'autres industriels un peu partout à travers le Québec nous allons créer cet intérêt. Donc, je peux vous dire que déjà Cascades reçoit beaucoup de visites, notre site à Sainte-Sophie reçoit beaucoup de visiteurs également. Les gens veulent mieux comprendre ce qui autrefois était de la théorie; maintenant, c'est de la pratique. Alors, on a bien l'intention de le faire dans nos autres sites maintenant que les gens sont confiants que cela fonctionne.

Un des obstacles pour transformer le biogaz, en fait le méthane, en électricité, vous savez, comme contribuables, chaque fois qu'on regarde notre compte d'Hydro, on trouve toujours que ça coûte trop cher, mais, lorsqu'on travaille... si on se reporte de l'autre côté, lorsqu'on produit de l'énergie, eh bien on trouve ici, au Québec, que les tarifs sont peu élevés. Alors, une des raisons pour laquelle, aux États-Unis, c'est beaucoup plus facile d'utiliser la filière du biogaz, c'est que les tarifs d'électricité sont nettement plus élevés, donc la filière des biogaz est nettement plus compétitive. Alors, une des raisons pour laquelle je mentionnais, tout à l'heure, dans une des recommandations, c'est de procéder avec des différents incitatifs financiers.

En fait, pour convertir le biogaz en électricité, à l'heure actuelle, Hydro paie entre 0,045 $ et 0,05 $ du kilowattheure, alors qu'il en coûte environ 0,08 $ du kilowattheure pour avoir un projet qui soit viable; 0,08 $ ou 0,09 $ du kilowattheure. Alors donc, ce que nous souhaiterions, dans le cadre de la politique, c'est qu'Hydro puisse acheter ces kilowattheures en provenance des sites d'enfouissement en comblant une partie différentielle. Donc, il y a une politique d'achat, de la part d'Hydro-Québec, ce qui permettrait de favoriser la production d'électricité à partir des lieux d'enfouissement.

M. Corbeil: Merci. Vous indiquez, à la page 12 de votre mémoire puis vous venez de terminer là-dessus, que la gestion du biogaz constitue une filière énergétique verte et reconnue comme telle par les instances internationales bénéficiant entre autres d'incitatifs financiers sous forme de taxes et de crédits fiscaux.

Pourriez-vous donner plus de détails sur ces mesures d'encouragement qui existent dans certains pays? Si on exclut celle que vous venez de nous donner, là, de dire que l'Hydro achète votre énergie au coût de production ou proche, là, est-ce que vous pouvez me donner des exemples de ce qui existe dans d'autres juridictions?

n(17 h 30)n

M. Dussault (Martin): En fait, comme je le mentionnais, je me concentrerai sur les exemples américains, puisque notre entreprise opère aux États-Unis; j'en ai mentionné quelques exemples.

En fait, ce qui serait intéressant et ce qui se voit également ailleurs, c'est que les acheteurs de biogaz, de méthane en fait, puissent, eux également... non seulement le producteur puisse avoir des exemptions, mais également ceux qui achètent directement le biogaz puissent, eux aussi, bénéficier de crédits, d'avantages fiscaux. Ce sont des politiques qui se voient dans certains États américains.

Je citerai ici en exemple ce que ça pourrait avoir comme développement, et je donnerai des exemples que je connais. Par exemple, à Sainte-Sophie, il y a des producteurs de serres qui sont fort intéressés à avoir notre énergie, mais ils aimeraient pouvoir bénéficier d'exemptions, d'avantages fiscaux qui leur permettraient d'avoir accès à notre énergie à plus bas coût. Donc, ça permettrait d'avoir une énergie plus propre; le méthane pourrait substituer par exemple des vieilles huiles, à l'heure actuelle, qui sont utilisées pour chauffer des serres. Donc, l'environnement en serait d'autant avantagé. Ce sont des politiques semblables qui sont mises de l'avant chez nos voisins et qui suscitent des projets... comme je le mentionne, qui aident des projets.

Peut-être ma collègue Mme Verrault pourrait renchérir, elle qui possède une douzaine d'années d'expérience dans le domaine et qui est bien au fait de plusieurs projets aux États-Unis.

Le Président (M. Jutras): Mme Verrault.

Mme Verrault (Catherine): En fait, c'est le programme que M. Dussault nous a parlé tout à l'heure, le «Green Power», mis sur pied par l'«EPA» qui donne des incitatifs, des crédits fiscaux pour la production d'énergie à partir de biogaz; c'est principalement le programme en vigueur.

M. Corbeil: Merci. Dans votre recommandation n° 2, vous dites: «Intersan recommande que le gouvernement du Québec réglemente adéquatement l'exploitation des sites pour que l'élimination des matières résiduelles soit sécuritaire, assurant ainsi des gisements énergétiques conformes.» Pouvez-vous nous proposer des mesures concrètes là-dessus?

M. Dussault (Martin): Oui. Bien, en fait, la proposition est fort simple. Actuellement, le règlement qui régit les activités d'élimination au Québec est vieux; en fait, il date de 1978. Alors, vous comprendrez que les technologies sont nettement plus modernes que la réglementation en soi au Québec, et, depuis octobre 2000, il y a un nouveau projet de règlement qui obligerait l'ensemble des sites à opérer avec les nouvelles technologies modernes.

Donc, évidemment, nous encourageons fortement votre gouvernement, M. le ministre, à mettre en vigueur, dans les meilleurs délais ? et nous encourageons M. Mulcair à le faire également, il a tout notre appui comme industrie ? à mettre de l'avant cette nouvelle réglementation pour faire en sorte que l'ensemble des sites, au Québec, des sites d'enfouissement opèrent selon les meilleures technologies, selon les meilleures méthodes de conception, selon les meilleures méthodes d'opération, selon les critères de suivi environnemental les plus sévères, et, parmi ces mesures-là, il y a évidemment l'obligation, pour les sites de moyenne envergure, de capter les biogaz. Donc, on aurait des gisements énergétiques qui seraient conformes, un peu partout à travers la province. D'une part, le citoyen qui envoie ces matières qui n'ont pu être récupérées à l'élimination aurait l'assurance qu'elles sont bien gérées, de façon sécuritaire; et, d'autre part, on aurait encore plus de ressources énergétiques qu'on pourrait aller y puiser.

M. Corbeil: Merci beaucoup.

Le Président (M. Jutras): M. le député d'Arthabaska.

M. Bachand: Merci, M. le Président. Bienvenue à la commission, M. Dussault, ça me fait plaisir de vous voir ici. Je connais votre grande expertise en la matière. Vous êtes un des pionniers bien sûr dans les sites d'enfouissement, mais c'est pour ça qu'on a toujours le rôle, quand on est pionnier, d'être aussi à l'avant-garde pour ne pas se faire damer le pion, puis je pense que vous l'avez fait, vous l'avez prouvé, mais il ne faut pas lâcher.

J'ai quelques questions à vous poser, si M. le Président m'en donne le temps. Effectivement, la réglementation est en vigueur. Donc, vous avez à vivre, actuellement, vous, avec des sites de première génération ? qui est l'ancienne appellation ? par rapport aux sites de deuxième génération; vous devez vous conformer maintenant à ces sites de deuxième génération là. Ça vous occasionne des coûts énormes, bon, etc. Et, quand vous êtes ? et là vous allez voir le portrait ? quand vous êtes à proximité d'un site de première génération par rapport à un site de deuxième génération, vous n'êtes plus concurrentiels. Est-ce que je me trompe?

M. Dussault (Martin): Vous avez une très bonne lecture des événements.

M. Bachand: O.K. Donc, pour rentabiliser votre entreprise, vous devez bien sûr ? parce que mon collègue ici et président de la commission connaît bien le problème aussi, parce que, Saint-Nicéphore, tout le monde allait déverser là parce qu'on a besoin de volumes pour rentabiliser un site, bon. Dans la rentabilité du site, il y a aussi l'élément quand on va chercher des matières résiduelles partout parce qu'on en a de besoin pour rentabiliser notre site, pour être rentables à la tonne, bien sûr qu'on se retrouve avec un paquet d'affaires dans notre site qu'on ne voudrait pas nécessairement mais qu'on doit prendre, pour un paquet de raisons, et qui viennent de l'extérieur. Quand je dis de l'extérieur, ils viennent des États-Unis, puis, de l'extérieur, c'est de l'extérieur, là, ça vient de loin.

Qu'est-ce que vous pensez de la tendance qui dit que, maintenant, lorsqu'un site devrait aller chercher des matières résiduelles qui sont à l'extérieur par exemple d'une MRC ou à l'extérieur d'un certain périmètre, les matières résiduelles qu'on envoie, les déchets en fait devaient être aussi accompagnés du volume équivalent ou d'un volume comparable mais de matières recyclables?

Donc, si on considère à peu près qu'il y a 60 % des matières qui sont recyclables, lorsqu'on viendrait envoyer dans vos sites ou la compagnie ou la ville ou peu importe, là... le contractant qui vous envoie 40 % de ses matières dans votre site devrait aussi vous envoyer 60 % de matières recyclables que vous géreriez et qui créeraient des emplois dans les régions, et ce qui ferait en sorte que le site finalement aurait aussi des avantages. Parce que, là, actuellement, entre vous et moi, là, Saint-Nicéphore, l'avantage qu'il a d'avoir un site sur son territoire, ce n'est pas nécessairement évident, là, à part la production de biogaz bien sûr. Qu'est-ce que vous pensez de cette nouvelle tendance là?

M. Dussault (Martin): Peut-être, dans un premier temps, j'aimerais peut-être apporter une correction. La loi québécoise interdit de prendre des matières à l'extérieur du Québec; donc, c'est bien important de le mentionner. Et, nous, évidemment, nous opérons en vertu des lois et règlements qui nous régissent au Québec.

Ceci étant dit, nous ne sommes pas le producteur de matières résiduelles, nous en sommes gestionnaires, et nous adhérons à la politique 1998-2008 pour mettre en valeur 65 % des matières résiduelles, et le deuxième objectif est d'opérer des sites de deuxième génération, comme vous les avez appelés, des sites totalement conformes.

Alors, ceci étant dit, une fois que nous aurons fait tous les efforts pour avoir une gestion plus écologique, mettre plus de matières recyclables dans le bac bleu, pouvoir mettre des matières compostables dans le bac brun pour les envoyer sur les plateformes de compostage, il restera, en bout de ligne, selon les spécialistes, environ 35 % des matières qui devront être traitées, et nous prévoyons... les plans de notre entreprise sont faits en fonction de l'atteinte des objectifs de la politique québécoise.

Ceci étant dit, notre philosophie est d'avoir, de donner une valeur à l'ensemble du sac vert: les matières recyclables ont un potentiel, la matière organique a un autre potentiel, et le dernier 35 %, nous voulons lui donner une valeur ? et c'est ce qui nous amène ici, aujourd'hui ? pour pouvoir retirer une énergie de ce 35 % là.

Pour répondre à la deuxième partie de votre question sur le transport entre MRC des matières résiduelles, il y a actuellement une politique, et, en vertu de cette politique-là, les MRC ont des plans de gestion qui permettent de s'entendre entre elles. Et, pour faire spécifiquement référence à Saint-Nicéphore, effectivement la MRC de Drummond a adopté son plan de gestion qui prévoit qu'en bout de ligne les matières qui auront... en fait la portion du 35 %, c'est ce que nous devrons gérer éventuellement. Mais ça, évidemment, c'est tributaire de l'effort du citoyen et de la réussite des efforts de recyclage.

Alors, comme vous et moi, on peut encourager les efforts de récupération, nous espérons que tout ça va se produire, mais, en bout de ligne, nous devons avoir des solutions qui sont efficaces pour recueillir ces matières-là, et c'est comme ça que nous nous présentons actuellement.

M. Bachand: ...très satisfait de la réponse. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Jutras): Oui. Mme la députée de Rosemont.

n(17 h 40)n

Mme Dionne-Marsolais: Merci, M. le Président. Bonjour. Je dois vous dire que j'ai trouvé vos explications très intéressantes, disons, pour expliquer quelque chose qui est très peu connu. Et, dans la définition des énergies vertes, que l'on retrouve un peu partout maintenant, là, on voit de plus en plus ? et corrigez-moi si je me trompe ? ce type de production de biogaz à partir de déchets, de sites d'enfouissement en fait, est de plus en plus valorisé. Est-ce que je me trompe?

M. Dussault (Martin): Non, c'est la tendance, vous avez parfaitement raison.

Mme Dionne-Marsolais: C'est ça, hein? Et ça, c'est vrai, vraiment partout. D'après ce que je lis, puis je lis beaucoup, de ce temps-ci, comme tout le monde, pas juste vos rapports et puis les rapports qui nous sont soumis aussi, mais ce qui se passe ailleurs dans le monde. C'est toujours important de se comparer.

Si on avait... Il y a un certain nombre de choses que vous nous avez dites, là, surtout en réponse aux questions du ministre, qui sont importantes et qui peuvent avoir une influence sur les suites à apporter à la politique énergétique. Mais, si on avait un objectif à se fixer, réaliste, pour cinq ou 10 prochaines années au Québec, en matière de potentiel de récupération des biogaz pour fins d'utilisation, au sens large, là, pas seulement pour fins d'intégration au réseau de Gaz Métro... Parce qu'en ce moment les expériences dont vous nous parlez, c'est toujours en lien avec Gaz Métro. Est-ce que je me trompe?

M. Dussault (Martin): Au Québec, oui; à l'échelle nord-américaine, non.

Mme Dionne-Marsolais: C'est ça. Mais, au Québec, à date, chaque fois qu'on a vu des projets, même, je pense, celui de Montréal, hein? Ce n'est pas vous qui le faites, là, celui de... Ce n'est pas vous, hein, qui faites celui de...

M. Dussault (Martin): Celui-là, non.

Mme Dionne-Marsolais: ...de Saint-Michel?

M. Dussault (Martin): C'est la firme Gazmont, c'est le projet de Gazmont, à l'ancienne carrière Miron.

Mme Dionne-Marsolais: C'est ça, c'est ça. Mais aussi... aussi, c'est avec Gaz Métro, non?

M. Dussault (Martin): C'est converti en électricité.

Mme Dionne-Marsolais: Ah! O.K. Mais ça fait quand même partie du potentiel des biogaz.

M. Dussault (Martin): Absolument.

Mme Dionne-Marsolais: Bon. Donc, ma question, c'est que, si on avait un objectif réaliste, j'imagine qu'à Intersan vous êtes des gens d'affaires, vous avez fait une évaluation du potentiel des sites à travers tout le Québec. Si vous vouliez, si vous aviez les conditions optimales, je ne dirai pas idéales, pour vous permettre de mettre en valeur ces sites-là, de produire de l'énergie, que ce soit pour fins de la convertir en électricité ou alors de l'acheminer dans un réseau de gazoduc quelconque, ce serait quoi, le potentiel, si on le donne en termes... peut-être en termes de pourcentage, disons, des BTU consommés à des fins de chauffage ou autres au Québec, là? J'essaie de trouver une donnée qui serait significative et qui pourrait rentrer dans des objectifs quantifiables.

M. Dussault (Martin): En fait, pour vous donner quelques chiffres: à Sainte-Sophie, en termes d'approvisionnement de la firme Cascades, à l'heure actuelle nous leur acheminons grosso modo 36 millions de mètres cubes de méthane par année, ce qui est significatif.

Si on convertissait, par exemple, ces mètres cubes en électricité, pour donner un ordre de grandeur, on parle d'environ 9 MW, et, pour le site de Saint-Nicéphore, dans la région de Drummondville, c'est un peu moins et, à Magog, on parle d'environ 2 à 3 MW. Donc, tout ça mis ensemble, on est entre 18 et 20 MW pour uniquement trois lieux d'enfouissement au Québec; donc, imaginez, si on prend l'ensemble des sites d'enfouissement.

Et ma collègue ici, Mme Verrault, qui a une longue expertise et qui connaît bien et beaucoup mieux que moi l'ensemble des autres sites, peut vous donner des chiffres qui sont assez spectaculaires par rapport au potentiel de mégawatts ou encore de BTU, comme vous avez mentionné.

Mme Verrault (Catherine): O.K. Actuellement, il y a cinq projets significatifs, si on veut, de valorisation de biogaz, au Québec.

Mme Dionne-Marsolais: Potentiels ou réels?

Mme Verrault (Catherine): Non, actuellement, fonctionnels.

Mme Dionne-Marsolais: Ah! fonctionnels.

Mme Verrault (Catherine): Existants, ce qui représente une quantité d'énergie de 193 MW thermiques. Ou, si je le convertis en mégawatts électriques, ça fait 52 MW électriques.

Maintenant, si on regarde le potentiel dans des sites de moyenne et encore de grande envergure, on peut avoir un potentiel supplémentaire de développement de 166 MW thermiques, ce qui nous fait à peu près une quarantaine de mégawatts électriques. Bon, là, dans cet estimé-là, je ne tiens pas compte par exemple des petits sites d'enfouissement où il pourrait y avoir une valorisation par l'installation de serres et utilisation du biogaz par le chauffage.

Si on regarde l'inventaire des émissions de gaz à effet de serre du Québec, il y a des estimations d'émissions de biogaz qui sont émis à l'atmosphère, et, si on valorisait chaque molécule de biogaz qui est émise à l'atmosphère, ceci représente un potentiel de 400 MW thermiques ou environ 108 MW électriques.

Mme Dionne-Marsolais: Seulement au Québec.

Mme Verrault (Catherine): Ça, c'est selon les inventaires québécois d'émissions de gaz à effet de serre.

Mme Dionne-Marsolais: Bon. Oui, mais là, ça... ça, le 400, là, mégawatts thermiques, vous avez dit... c'est ça?

Mme Verrault (Catherine): C'est ça.

Mme Dionne-Marsolais: C'est vraiment, je vous dirais, le scénario maximal, hein?

Mme Verrault (Catherine): C'est le maximum théorique. Comme je vous dit, c'est si on valorise chaque molécule.

Mme Dionne-Marsolais: C'est ça, oui.

Mme Verrault (Catherine): Évidemment, ce n'est pas possible.

Mme Dionne-Marsolais: Bien, c'est ça, bon. Donc, on peut s'en tenir à quelque chose comme un potentiel réel, là, autour de 40 MW.

Mme Verrault (Catherine): Entre 40 et 50 MW, oui.

Mme Dionne-Marsolais: Oui, hein? O.K. Alors, dans ces conditions-là, il y a un certain nombre de critères ou d'exigences ou de conditions qui seraient essentiels pour atteindre ces objectifs-là. Est-ce que le coût d'enfouissement est une variable stratégique dans la valorisation de ces sites-là?

M. Dussault (Martin): En fait, je vous dirais que ce sont deux activités qui sont... c'est un intrant et un extrant, mais ce sont deux activités qui sont différentes. Peu importe le coût pour éliminer les matières résiduelles, ça n'aura pas d'influence sur la quantité de gaz qui va sortir du lieu d'enfouissement. Donc, ce sont deux choses qui sont différentes.

Je vous dirais, ce qui est intéressant, dans la gestion et la valorisation du biogaz et dans toute la stratégie de diversification du portefeuille énergétique, ce n'est pas tant l'importance du potentiel énergique. Si on regarde à travers tout le portefeuille québécois, c'est une infime partie. Mais, à ce moment-ci, on a entendu beaucoup de gens plaider en faveur de l'efficacité énergétique. Le ministère des Ressources naturelles en fait également un cheval de bataille, et à juste titre. Mais, lorsqu'on demande aux citoyens de réduire chaque jour leur consommation d'énergie pour économiser petit à petit chaque kilowattheure, nous, on vous parle, aujourd'hui, de mégawatts qui peuvent être produits à partir de biogaz. Donc, ça a une contribution certainement intéressante en termes d'apport énergétique, et, d'autre part, ça a un apport intéressant, puisqu'en utilisant cette énergie-là qui est propre, eh bien on va substituer des sources d'énergie de combustibles fossiles; donc, d'autre part, on va aider à combattre, on va aider à la lutte aux changements climatiques.

Mme Dionne-Marsolais: Mais, quand vous parlez de 40 à 50 MW électriques, là, vous parlez quand même de ces puissances-là d'une manière annuelle, à chaque année.

Mme Verrault (Catherine): C'est des...

Mme Dionne-Marsolais: Ça a une durée de vie... Se donner un objectif de 50 ou 60 MW en provenance de l'énergie qui vient des biogaz par année, ce n'est pas un objectif farfelu, là.

Mme Verrault (Catherine): Non, non, c'est une puissance installée, réaliste, là, de 40 à 50 MW, oui.

Mme Dionne-Marsolais: Bon. Vous dites qu'il n'y a pas de lien avec le coût d'enfouissement, et peut-être que c'est vrai, je ne le sais pas, je vous posais la question pour avoir une réponse. Par contre, plus le coût d'enfouissement va être élevé, est-ce que le propriétaire ne va pas avoir un intérêt à mettre en valeur son site, lui, justement à ce qu'on produise des biogaz pour qu'il puisse avoir un certain... il va avoir une redevance, là, vous n'allez pas arriver puis dire: On vous achète puis on fait ça? Vous arrivez avec un équipement, vous le vendez, ou vous l'exploitez, ou vous vous associez avec lui. Ce n'est pas...

À Sainte-Sophie, est-ce que vous êtes propriétaires de...

M. Dussault (Martin): Nous sommes propriétaires.

Mme Dionne-Marsolais: Ah! vous êtes propriétaires du site.

M. Dussault (Martin): Oui, exactement.

Mme Dionne-Marsolais: Ah! d'accord, d'accord, d'accord. Donc, l'intention ou la rentabilité pour vous, c'est... vous attendez qu'un site soit à un certain niveau, puis, après ça, vous l'achetez, puis là vous le développez? C'est pour ça que vous dites qu'il n'y a pas de lien?

M. Dussault (Martin): En fait, si on regarde l'expérience qu'on a ici, au Québec, nos sites que nous opérons, nous les avons acquis au cours des dernières années. Sainte-Sophie a été acquis en 1997. Nous avons commencé le forage de puits pour extraire les biogaz, puisqu'au Québec, selon la réglementation et selon certains certificats d'autorisation, il faut extraire les biogaz et les incinérer.

n(17 h 50)n

Maintenant, nous avons amorcé une nouvelle cellule, en vertu d'une nouvelle autorisation, et, dès lors, nous entamons la mise en place de systèmes de collecte, dès les premiers mètres à la base, pour extraire le plus rapidement les biogaz. Donc, chaque biogaz, chaque mètre cube de biogaz qui est dégagé, nous nous efforçons de le capter, et, lorsqu'on a une entente comme celle avec Cascades, bien vous comprendrez que notre incitatif à extraire le maximum de biogaz est d'autant plus grand, de sorte que la protection environnementale est bien servie également.

Mme Dionne-Marsolais: Vous recommandez «que le gouvernement du Québec réglemente adéquatement l'exploitation des sites». Qu'est-ce que c'est, dans votre tête, réglementer adéquatement l'exploitation des sites pour que cette élimination-là soit justement... pour que ça se matérialise en gisements énergétiques conformes? Ça veut dire quoi, dans votre esprit? Parce que tout ce que vous dites, c'est que le ministère de l'Environnement et le ministère des Ressources naturelles s'entendent, mais vous ne dites pas sur quoi.

M. Dussault (Martin): En fait, comme je le mentionnais un peu précédemment, le premier jalon, le premier pas qu'on souhaiterait, c'est qu'il y ait une nouvelle réglementation qui soit implantée. Je sais qu'elle est prête pour être adoptée, cette nouvelle réglementation là. Elle a fait un consensus, lors d'une commission, en fait lors d'une consultation publique qui a eu lieu en 2000. Donc, il s'est presque écoulé maintenant cinq ans depuis que cette nouvelle réglementation là a été proposée.

Nous, on souhaite qu'elle soit mise de l'avant pour que l'ensemble des sites... Le député d'Arthabaska, tout à l'heure, mentionnait que ça créait un système à deux vitesses actuellement, au Québec. C'est le cas des sites qui sont assujettis à l'ancienne réglementation de 1978 et les sites qui ont passé par le processus des audiences publiques et qui sont sous le coup de nouveaux certificats d'autorisation. Donc on souhaite que tout le monde opère sur un même pied d'égalité, et ce que ça aura également pour effet, c'est que tout le monde devra capter les biogaz dans les sites de moyenne envergure, et ça augmentera incidemment le potentiel énergétique.

Mme Dionne-Marsolais: Donc, la principale caractéristique de la réglementation à l'étude, c'est la taille des sites. C'est ça?

M. Dussault (Martin): En fait, c'est l'aménagement: donc s'assurer que les sites soient étanches, donc que les biogaz et les eaux de lixiviation ne migrent pas vers le sous-sol ou vers l'extérieur. Ceci étant dit, lorsqu'on a une cellule étanche, les biogaz seront maintenus à l'intérieur de la cellule étanche, et ça facilite l'extraction des biogaz et éventuellement leur mise en valeur.

Mme Dionne-Marsolais: O.K. Maintenant, vous dites que vous recommandez «que le gouvernement [...] privilégie des permis et autorisations à long terme pour l'exploitation...» Je sais que... je pense qu'il y a quelqu'un qui en a parlé tantôt, là, mais quelle serait la durée de vie de ces permis-là? Est-ce qu'il faudrait qu'ils soient renouvelables régulièrement? Parce que j'imagine qu'il y a des durées de vie dans ces équipements-là, là.

M. Dussault (Martin): En fait, ce que l'on souhaite, ce que l'on recommande, c'est que les autorisations soient d'une durée suffisamment longue pour que l'on puisse avoir des contrats d'approvisionnement qui soient sécurisés, qui soient garantis. Et, dans notre philosophie à long terme, on parle d'environ une vingtaine d'années, puisque les MRC, dans le cadre de leur plan de gestion, doivent faire une planification sur un horizon d'environ 20 ans. Donc, pour nous, on pense qu'il y aurait possibilité d'avoir une concordance avec les plans de gestion des MRC, mais, en même temps, lorsqu'on veut signer un contrat avec une entreprise ou même une institution qui souhaiterait utiliser notre biogaz, donc 20 ans d'approvisionnement, ce serait de nature à garantir la sécurité énergétique de nos installations.

Mme Dionne-Marsolais: Donc...

Le Président (M. Jutras): Dernière question, Mme la députée de Rosemont.

Mme Dionne-Marsolais: Merci, M. le Président. Est-ce que je comprends donc qu'actuellement vous êtes propriétaire, mais que, si, dans le temps, vous souhaitiez développer... le gouvernement souhaiterait mettre un peu d'emphase pour développer cela, on pourrait même avoir des municipalités qui se portent acquéreurs de ça. C'est ça que vous nous dites, là?

M. Dussault (Martin): Actuellement, au Québec, il y a des entreprises privées qui exploitent des lieux d'enfouissement, comme c'est le cas pour des municipalités. Et j'entendais le maire de Sherbrooke, qui est venu comparaître devant vous, parler également de l'expérience qu'ils sont sur le point de faire. Donc, il y a des bonnes choses qui se font dans l'entreprise privée mais également auprès des municipalités.

Mme Dionne-Marsolais: Merci.

Le Président (M. Jutras): Alors, M. Dussault, Mme Verrault, nous vous remercions pour votre présentation.

Alors, les travaux de la commission sont ajournés à demain matin, 9 h 30, dans cette salle-ci? Dans le salon rouge, salle du Conseil législatif.

(Fin de la séance à 17 h 55)


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