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Version finale

37e législature, 1re session
(4 juin 2003 au 10 mars 2006)

Le jeudi 23 février 2006 - Vol. 38 N° 109

Consultations particulières dans le cadre de l'examen du rapport d'évaluation du Bureau d'évaluation médicale et du document d'actualisation de ce rapport


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Table des matières

Auditions (suite)

Mémoire déposé

Intervenants

 

M. Normand Jutras, président

M. Claude Bachand, vice-président

M. Pierre Descoteaux

M. Norbert Morin

M. Marjolain Dufour

Mme Danielle Doyer

Mme France Hamel

* M. Omer Beaudoin Rousseau, APCHQ

* Mme Claire Fournier, idem

* M. Claude Faucher, CSD

* Mme Marie Anne Roiseux, idem

* M. Guy Duchesne, ACRGTQ

* M. René Turmel, idem

* M. Christian Tétreault, idem

* M. Pierre Séguin, CSQ

* M. Pierre Lefebvre, idem

* M. Roch Lafrance, ATTAQ

* M. Philippe Poisson, idem

* Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats

(Neuf heures trente-trois minutes)

Le Président (M. Jutras): ...s'il vous plaît! Nous avons quorum. Nous allons donc commencer nos travaux, et je déclare la séance de la Commission de l'économie et du travail ouverte.

Je rappelle le mandat de la commission. Alors, l'article 68 de la Loi instituant la Commission des lésions professionnelles et modifiant diverses dispositions législatives donne le mandat à la commission compétente, dans ce cas-ci, la Commission de l'économie et du travail, d'examiner le rapport d'évaluation du Bureau d'évaluation médicale. Après avoir entendu les représentants du Bureau d'évaluation médicale le 19 octobre 2005, les membres de la commission ont convenu de poursuivre cet examen en entendant des groupes intéressés et concernés par la question, et donc c'est ce que nous accomplissons, là, ces jours-ci, hier et aussi aujourd'hui.

Est-ce que, Mme la secrétaire, vous avez des remplacements à annoncer?

La Secrétaire: Non, M. le Président, il n'y a pas de remplacement.

Le Président (M. Jutras): Et je demande non seulement aux parlementaires, mais aussi aux personnes qui sont dans la salle, qui ont un téléphone cellulaire en leur possession, de bien vouloir le fermer.

Alors, je donne lecture de l'ordre du jour. À 9 h 30, nous entendrons l'Association provinciale des constructeurs d'habitations du Québec; à 10 h 30, la Centrale des syndicats démocratiques; à 11 h 30, l'Association des constructeurs de routes et grands travaux du Québec. Nous suspendrons nos travaux à 12 h 30, pour reprendre à 14 heures. À 14 heures, nous entendrons la Centrale des syndicats du Québec; à 15 heures, l'Assemblée des travailleurs et travailleuses accidenté-e-s du Québec; et en fin d'après-midi, à 16 heures, les remarques finales des députés de l'opposition; à 16 h 20, les remarques finales du député indépendant; à 16 h 25, les remarques finales du groupe parlementaire formant le gouvernement, et nous ajournerons nos travaux vers les 16 h 45.

Alors, vous êtes les représentants de l'Association provinciale des constructeurs d'habitations du Québec?

M. Rousseau (Omer Beaudoin): Oui, c'est bien ça.

Le Président (M. Jutras): Oui. Alors, bienvenue donc à la Commission de l'économie et du travail. Je vous rappelle les règles: vous avez 20 minutes pour la présentation de votre mémoire; par la suite, il y aura un échange de 20 minutes avec les députés ministériels et par après un échange de 20 minutes avec les députés de l'opposition.

Auditions (suite)

Alors, je vous demande donc de commencer sans plus tarder, peut-être en vous présentant en premier, présenter la personne qui vous accompagne et par la suite nous livrer votre mémoire.

Association provinciale des constructeurs
d'habitations du Québec inc. (APCHQ)

M. Rousseau (Omer Beaudoin): Alors, merci, M. le Président, membres de cette commission. Mon nom, c'est Omer Rousseau. Je suis le vice-président exécutif de l'association provinciale, et ma consoeur évidemment est avocate, c'est Mme Claire Fournier.

Alors, simplement vous dire qu'au départ ce n'est pas moi qui vais se prononcer sur le fond, mais c'est bien Me Fournier, puisqu'évidemment elle professe dans ce dossier, depuis à peu près une vingtaine d'années, donc elle a une connaissance, une expertise c'est-à-dire, dans le fond un peu hors du commun à cet égard. Alors donc, je vais lui laisser le soin de le faire, mais néanmoins et préalablement, je pense, je voudrais vous présenter simplement l'association provinciale, qui est un regroupement, qui date depuis les années soixante, d'environ 13 000 entreprises, ce qui en fait la plus importante, c'est-à-dire, à travers le Québec et même au Canada, en termes d'association patronale dans l'industrie de la construction mais pour le secteur résidentiel. Alors, évidemment, notre mission, c'est s'assurer évidemment, de plus en plus, que nos entrepreneurs deviennent des professionnels, qu'ils s'améliorent constamment, de façon à ce que, lorsqu'ils transigent avec un consommateur, les tractations, c'est-à-dire, dans le fond soient, c'est-à-dire, équitables, honnêtes et, c'est-à-dire, dans le fond bien rendues.

Alors, pour ce faire, simplement vous dire que, c'est-à-dire, au départ, c'est-à-dire, j'ai peut-être trois, quatre points à vous souligner. C'est que l'association provinciale, c'est-à-dire, administre la garantie obligatoire au Québec qui est reconnue par le gouvernement du Québec. Nous l'avions instaurée sur une base volontaire, il y a 25 ans, et évidemment le gouvernement s'en était inspiré pour évidemment, dans le fond, la rendre obligatoire au cours des dernières années.

Secondairement, évidemment nous sommes le plus important administrateur de mutuelles, c'est-à-dire, au Québec, dans l'industrie de la construction, avec au-delà de 3 500 entreprises, pour une masse salariale d'à peu près 550 millions, ce qui en fait quand même, c'est-à-dire, dans le fond une importance. Et, au chapitre évidemment de la commission, ce matin je pense que, c'est-à-dire, on a une raison d'être ici présents.

Troisième des choses, évidemment, c'est-à-dire, nous occupons, c'est-à-dire, 80 % de tout le secteur de la maison neuve mais également aussi dans le domaine de la rénovation, et à cet égard nous offrons également... offrir une garantie.

Et enfin je vous dirais que, c'est-à-dire, nous sommes aussi également reconnus par le gouvernement, au niveau de la Loi des relations de travail, pour négocier la convention collective du secteur résidentiel, ce qui touche à peu près aux environs de 12 000 entreprises, employeurs, ce qui est différent de la notion d'«entrepreneurs», et à peu près aux environs de 25 000 à 30 000 salariés.

Alors, sur ce, vous avez une connaissance, c'est-à-dire, dans le fond ou le profil de l'organisation, et je laisserais Me Fournier de vous faire la présentation des principaux points sur le fond. Merci.

n (9 h 40) n

Le Président (M. Jutras): Me Fournier.

Mme Fournier (Claire): Merci de nous entendre et de nous convoquer aujourd'hui, donner la permission de pouvoir apporter certains points de vue ou commentaires suite au dépôt du rapport que j'appellerais, moi, des activités, là, du BEM.

Effectivement, depuis 20 ans que je suis tombée dans la santé et sécurité, depuis 1986, et j'ai vu passer la CALP, le bureau de révision paritaire, l'arbitre médical et le BEM. Donc, à cet égard, on a une bonne expertise au sein de l'association pour pouvoir venir aujourd'hui. Il n'est pas ici de nos propos de traiter de toutes les améliorations à la qualité qu'a essayé de faire le BEM. On a un point important qui a déjà été discuté, de ce que je comprends, là, hier, dans les débats, sur l'augmentation des demandes et le pouvoir discrétionnaire du BEM, qui sont pour nous des sujets intimement liés parce qu'effectivement on constatait que depuis 1999, dans les statistiques qui nous sont fournies, il y a presque 4 000 demandes de plus d'avis au BEM qui sont demandées, selon les statistiques qui nous sont fournies, par année. À cet égard, on s'interroge, quant à nous, sur cette croissance-là non pas strictement attribuable pour avoir entendu les gens ultérieurement nous dire: Bien, vous savez, c'est les mutuelles de prévention, c'est les employeurs qui exercent leurs recours, ça double et ça crée un climat d'ajouts médicaux, de contestations qui ne devrait pas avoir lieu.

Je pose le problème différemment: Est-ce qu'il n'y a pas plutôt, si on veut parler ici de l'administration du BEM et de sa qualité à rendre des avis qui vont respecter au moins le cadre légal aussi dans lequel elle le fait et respecter son devoir d'agir avec indépendance... Le BEM est quand même composé de médecins, et on s'adresse à eux pour le médical et non pour le légal. On doit se poser la question si on n'éviterait pas des dédoublements d'avis au BEM par l'examen de statistiques qu'on n'a pas, que les données ne nous donnent pas, sur la proportion de demandes qui reviennent, deux fois dans un même dossier, pour un même travailleur. Parce qu'il y a, comme je vous dis, des points, les cinq points, tout le monde en a parlé, qu'ils doivent traiter.

On a souvent une problématique où, malgré un avis du BEM qui aurait consolidé la lésion du travailleur ? ça ne veut pas dire qu'il est complètement guéri, ça veut dire qu'il atteint un plateau de récupération pour lui ? on devrait mettre fin aux traitements, il va faire des recommandations ou un avis à cet égard-là et il ne se prononcera pas sur l'existence de séquelles permanentes ultérieures. Et je m'adresse surtout à cette problématique-là parce que ça crée effectivement un dédoublement de demandes parce que soit la CSST ou l'employeur peut se réadresser au BEM si le médecin traitant fait défaut ou tarde à produire un quelconque avis sur l'existence de séquelles permanentes, alors que dans le temps on a médicalement dit: Il est consolidé, il n'a plus besoin de traitements. Pendant ce temps-là, le travailleur bénéficie de son indemnité de remplacement de revenu, ce qui est correct. Il est en suspens, il attend, mais on crée un deuxième avis de BEM plusieurs mois plus tard pour essayer de finaliser ou d'évaluer le portrait, où va la réclamation. Ça retarde la réadaptation, ça retarde l'évaluation effectivement de la capacité à réintégrer un travail et ça crée beaucoup de frustrations, je pense, généralement pour tout le monde et le travailleur qui se présente plusieurs fois devant les experts et pour la durée des indemnités et puis des actions qui auraient pu être prises, plus tôt dans le temps, pour la réadaptation.

Alors, pour moi, je trouve que les données statistiques que le BEM nous fournissait ou a données dans les informations ne permettent pas de faire une espèce de regroupement de ces informations-là. Est-ce que c'est vraiment un réel problème ou c'est un mythe qu'on véhicule tous? Et on n'a pas de donnée à cet égard-là pour justifier ou expliquer cette croissance dans les demandes du BEM. Alors, c'était la problématique, je pense, qui devrait être évaluée si on veut améliorer la qualité du service ou des avis qui sont donnés et, par ricochet, diminuer les impacts dits de contestation parce qu'il y en aurait moins. Il n'y aurait pas deux avis médicaux dans un même dossier qui se retrouveraient peut-être en contestation ou non, mais on diminuerait toute la charge de tension que crée un éternel suivi médical, qui est trop long dans le temps. C'est l'essentiel des propos que je vous résume sans vous lire l'argumentation.

On a fait référence à la jurisprudence. Pourquoi le BEM n'applique pas systématiquement les points, ne prend pas sa juridiction sur les points 4 et 5 quand c'est le moment? C'est bien évident qu'il ne se prononcera pas sur les séquelles permanentes si le médecin a choisi de dire: Il n'est pas consolidé, les indemnités vont poursuivre, j'appuie les positions du médecin traitant. Il n'y a pas de problème, il ne peut pas donc se prononcer médicalement là-dessus, mais je crois que sa juridiction, ses pouvoirs sont sous-utilisés. Pour avoir entendu, il y a plusieurs années, des débats similaires là-dessus, déjà en 1998, il y avait eu des rencontres avec les gens du BEM, avec les... d'associations. À l'époque, le directeur de l'époque était venu présenter ses explications, pourquoi ils n'exerceraient plus ou peu leur juridiction discrétionnaire. On nous disait tout simplement: Écoutez, on se fait trop infirmer ou renverser à la Commission des lésions professionnelles ou à la CALP, donc on ne veut pas ça, on n'ira pas plus loin que les trois premiers points quand le médecin traitant ne s'est pas prononcé sur l'existence possible de séquelles permanentes. C'était vraiment ça qui était mis sur la table des explications: On n'ira pas plus loin, on se fait trop infirmer ou renverser à la Commission des lésions professionnelles ou la CALP. À l'époque, on était en 1998, quand même. Il faut peut-être revoir ça. Si c'est une réalité, je ne le crois pas.

Et, quand on regarde les statistiques de résultats, qu'est-ce que la CLP infirme ou non et la quantité de dossiers qui montent réellement en contestation, je crois que ce n'est plus une réalité de dire: On ne devrait pas se prononcer sur les points 4 et 5 quand il y a consolidation, et ça va diminuer la quantité d'expertises, ça va diminuer le stress associé aux délais si on a des avis médicaux complets.

Essentiellement, sur le reste des propos, je crois que, si effectivement on traitait de la question des honoraires par ricochet avec ça, on comprend que les experts ? c'est des spécialistes auxquels on a affaire ? au BEM veulent la parité, si on peut le dire comme ça, des honoraires avec leurs collègues de la SAAQ ou d'autres régimes. Pour un travail comparable, à cet égard, si j'ai une expertise médicale qui s'arrête toujours sur les points 1, 2 et 3, le travail n'est pas comparable dans le sens que je n'ai pas atteint une évaluation complète de l'état du dossier. Est-ce que c'est ça qui a justifié une indemnisation ou un honoraire si petit en disant: «Bien, ce n'est pas toujours une expertise complète qu'on nous fournit, c'est une expertise à moitié»?

Bon. Ce n'est peut-être pas juste pour le service qu'ils rendent ou pour le spécialiste qu'il est, mais, si on veut atteindre, peut-être régler le problème de recrutement ? le «régler», c'est un grand mot; la pénurie, on le sait, au niveau médical existe et elle n'est pas juste propre aux problèmes avec la CSST, elle est pour tous les citoyens qui veulent voir un spécialiste ? si on veut diminuer ou amenuiser cet impact-là de recrutement, si on veut atteindre un honoraire comparable, je crois qu'il serait... que l'expertise va être comparable et va être rémunérée de façon comparable, quand elle aura traité de l'ensemble du dossier final. Parce qu'à la SAAQ une expertise médicale est demandée par la Société d'assurance automobile pour évaluer les conséquences des séquelles. À la CSST, l'expertise médicale peut être demandée par la CSST, peut être demandée et produite par le médecin traitant, et l'employeur pourra soumettre aussi une contre-expertise. C'est beaucoup plus lourd peut-être de conséquences, mais la CSST ne s'est pas dotée d'un système identique à la SAAQ où elle est la seule à évaluer le dossier. Alors, on ne peut pas comparer un régime de la SAAQ avec celui de la CSST, ce n'est pas ce que les parties ont mis en place.

Sur la formation aux membres, écoutez, j'ai relu les débats d'octobre, les discours d'octobre et j'ai relu les rapports où j'oublie peut-être des lignes, mais je n'ai pas, outre les discussions que j'ai vues hier ou j'ai entendues hier, quelle est la formation qui a été donnée dans les faits. On dit qu'ils en reçoivent deux par année. Quelle formation a été donnée depuis 2001? Je ne sais pas si vous avez reçu cette information-là. Moi, comme usager, je ne l'ai pas entendue, là. J'ai vu hier la référence à une formation qui a fait un peu jaser, là, effectivement, là, sur des astuces pour travailler avec un patient, je dirais, ou un travailleur qui serait d'un dossier plus complexe ou plus émotif. Je crois que c'est quand même de mise d'évaluer qu'est-ce qu'on fait en cas d'une personne qui peut être en panique devant nous, puis en état de stress, puis en état de tension. C'est normal d'essayer de penser au côté humain que doit évaluer le BEM, mais quelles sont les autres formations qui leur ont été données, outre rencontrer la CLP? Pour moi, je n'ai pas vu cette information-là, je ne l'ai pas reçue, elle n'est pas divulguée. Alors, ça manque dans les informations qui sont fournies par le BEM. Il ne suffit pas de nous dire: On se donne de la formation deux fois par année. Oui, mais laquelle? Et en quoi elle devient pertinente? Alors, sur ce, si on nous fait rapport, on devrait faire rapport avec plus de transparence.

Une problématique sur les délais de transmission de l'avis du BEM. Il y a une problématique qui malheureusement peut survenir au plan juridique, à savoir: Est-ce que l'avis... pourquoi on traite de ça? C'est parce que l'avis du BEM, s'il n'est pas produit dans le fameux délai de 30 jours, se retrouve à ne pas lier la CSST dans sa décision qu'elle pourrait rendre par la suite. Ça a des conséquences quand même importantes, et la CSST pourrait utiliser l'expertise qu'elle, elle a requise pour se déclarer liée sur les conséquences médicales. Et il est arrivé à quelques reprises que, devant une ambiguïté ? quelle est la date de départ de ce délai de transmission? Est-ce que c'est quand le membre du BEM reçoit le travailleur à l'examen qui est le délai ou est-ce que c'est une transmission de documents avant ça par la CSST au bureau du BEM? ? ça crée litige, et je... avec des affaires un peu particulières où on se retrouve, les représentants. J'ai vu des représentants des travailleurs prendre le téléphone après une audition, appeler le secrétariat du BEM et essayer d'avoir une preuve de date de réception ou de transmission aux membres du BEM pour justifier que l'avis du BEM était légal. Et là on revient devant le tribunal puis on essaie d'introduire une preuve comme ça par téléphone.

En tout cas, c'est du cafouillage, là, et, si on pouvait avoir un avis, une lettre administrative dans le dossier qui fait partir ce délai-là, ce serait clair quand on reçoit un dossier devant le tribunal pour computer des délais. Alors, sur le plan administratif, ça crée du cafouillage en audition, quand les parties décident de s'attaquer à la question des délais.

Je ne sais pas combien de minutes il reste, là, mais en tout cas je pédale un petit peu, mais j'essaie d'aller vite.

Le Président (M. Jutras): Il vous reste six minutes.

n (9 h 50) n

Mme Fournier (Claire): Six minutes. Ça fait qu'au terme des solutions possibles je crois que, si on envisageait effectivement une meilleure rémunération des membres du BEM, une parité qu'on parle avec la SAAQ, ça réglerait une partie du problème peut-être de recrutement. Mais il faut s'assurer qu'en tant que médecins leurs avis sont, entre guillemets, respectés aussi. Qu'on ait appelé ça BEM, qu'on ait changé ça BEM alors que c'était l'arbitre médical, il n'en demeure pas moins que le BEM rend un avis médical autonome en soi, et il est là pour trancher entre une situation.

Et on a entendu beaucoup de choses sur la durée d'un examen, le temps qui est accordé à l'examen. Quand vous allez voir votre spécialiste, vous n'êtes pas un accidenté du travail qui est référé par voter médecin traitant, le spécialiste devant vous ne prendra pas 20 minutes pour vous examiner; il y a un interne qui va vous avoir vu, il va vous avoir vu trois minutes, il va dicter un petit rapport à l'attention du médecin traitant, et ça ne dure pas plus que 15 minutes. Alors, je trouve ça extraordinaire qu'on s'en revienne à dire encore aujourd'hui qu'on attaque le BEM sur la qualité ou la durée de ses évaluations, puisque, dans le temps ce qui est fait est fait suivant les règles de l'art, avec des évaluations, des points précis, qu'est-ce qu'ils doivent questionner, le travailleur, et c'est fait avec l'état du dossier tel qu'il est reçu et transmis par la CSST. S'il manque des informations médicales, c'est une toute autre chose que le travailleur pourra faire produire aussi par le médecin traitant éventuellement.

Donc, sur ce, je veux dire, il n'y a pas de solution miracle à savoir est-ce qu'on améliore les délais en recrutant davantage de personnel. Il faut aller revoir jusqu'au niveau des informations statistiques, là, est-ce qu'on n'a pas un problème de dédoublement d'avis dans les mêmes dossiers, du fait, comme on dit, de l'absence d'exercice de la discrétion du BEM. Merci.

Le Président (M. Jutras): Alors, merci, et je cède la parole au député de Groulx.

M. Descoteaux: Merci, M. le Président. Bienvenue, Me Fournier, M. Rousseau. Vous représentez 13 000 employeurs, des employeurs qui ont plus ou moins quelques 37 000 salariés, travailleurs, donc de très petites entreprises pour la majorité et qui compensent le faible nombre en réalité de travailleurs par le dynamisme de nos entreprises de construction. Donc, merci d'être là.

J'aurai seulement deux questions très brèves. Je veux revenir sur la fameuse discrétion, si vous permettez, Me Fournier, la discrétion de l'article 221 sur généralement les points 4 et 5, là, qui ne sont pas abordés. Hier, la CSN nous faisait part de certaines appréhensions de cette discrétion-là, où, de son propre chef, si l'expert du BEM abordait ces points-là ou tranchait ces points-là... pourrait peut-être commettre, disons, un impair à l'endroit du salarié quant à ses droits. D'un autre côté aussi, le médecin traitant qui n'a pas abordé ces deux points-là, les points 4 et 5, peut avoir d'excellentes raisons pour ne les avoir abordés justement dans son rapport. Et je pense que le but que vous recherchez, d'accélérer le dossier ou du moins de lui donner une vitesse de croisière raisonnable en se servant de 221 ? et ça nous a été suggéré aussi par d'autres ? est-ce qu'au fond on ne pourrait pas revenir au même point ou au même problème, puisqu'évidemment, si notre expert du BEM tranche ces questions-là, évidemment le travailleur accidenté va avoir le droit de faire reconnaître ses droits sous ces points-là quand même, sur ces points-là?

Il va voir son médecin traitant. Le médecin traitant va dire: Je n'ai jamais touché à ça, et mon opinion est complètement contraire à celle-là. Et là on va se ramasser à la Commission des lésions professionnelles, et les chances sont d'une part qu'il va y avoir un changement, et on va être dans le processus quand même de révision à la CLP. Et est-ce qu'à ce moment-là nos amis du BEM, nos experts ne sont pas justifiés d'être très prudents à cet égard-là, de ne pas toucher 221, de ne pas se servir de cette discrétion-là justement pour ne pas ouvrir des problèmes qui ne sont pas là?

Un élément évident, là, c'est lorsqu'il y a entente entre le médecin traitant du travailleur accidenté, sur ces aspects-là justement, et les médecins de la CSST ou le médecin de l'employeur. L'expert du BEM serait très mal venu de venir mettre son grain de sel sur ça et changer la décision. Moi, comme je vous dis, je veux l'aborder sous l'angle de la célérité et du traitement du dossier. Il me semble que, de ce côté-là, la position du BEM est défendable.

Mme Fournier (Claire): Ce qu'il faut peut-être remettre en perspective, le médecin traitant est souvent lui-même lié à une impasse pour les traitements, a des délais d'attente même dans la référence à un spécialiste de son patient. Il va requérir lui-même de la CSST bien des fois d'aller en expertise. Il va mettre ces notes-là dans le dossier, parce que, lui, il a atteint un point maximal qu'il ne sait plus quoi faire.

Alors, de me dire que, les médecins traitants, on ne serait pas prudent, là, d'aller plus loin, c'est que, lorsque le BEM se saisit du dossier, il a généralement une expertise détaillée soit de l'employeur ou de la CSST qui va avoir traité des cinq points. Il y a donc quelqu'un dans des spécialistes, il y des médecins qui ont déjà posé une position, dire: On est prêts et on est mûrs pour l'en traiter. S'il estime que le dossier médicalement n'est pas mûr pour en traiter, il a tout à fait cette discrétion-là. C'est normal. À un moment donné, quand on a des expertises de part et d'autre, où le médecin traitant a fait véhiculer le travailleur chez plusieurs spécialistes, plusieurs tests de résonnance, des traitements de physiothérapie de huit mois pour une entorse lombaire, il est définitivement, lui aussi, dans une impasse et il attend des fois que quelqu'un vienne le délier.

Et, si le BEM n'exerce pas sa capacité de donner un avis complémentaire, qui va peut-être donner un coup de pouce au médecin traitant ou pour se positionner, alors le BEM ne traiterait pas de 4 et 5 s'il n'y avait pas personne qui en a traité, au dossier, à savoir le médecin de la CSST ou le médecin de l'employeur. Il y aurait un malaise plus certain si le BEM allait en plus traiter l'atteinte, les limitations quand ni la personne qui a demandé le BEM, la CSST ou l'employeur en a traité et était prête à le traiter. C'est normal.

Alors, il faut laisser place à leur jugement médical, là. C'est des médecins qui évaluent. Comme spécialiste référé par le médecin traitant, il peut évaluer et donner un portrait du dossier à la date où il le voit. Il n'est pas différent d'un autre spécialiste que le médecin traitant aurait requis.

M. Descoteaux: Je suis content d'avoir une juriste pour aborder cette question-là devant la commission, parce que je considère que la loi en question, là ? je pense que c'est reconnu de toutes parts, même par les employeurs ? c'est une loi qui veut être interprétée de façon large et libérale, remédiatrice pour le travailleur accidenté, comme les lois de cette nature-là.

Et, sans dire d'aucune façon, sans vouloir même insinuer qu'un expert ou de l'employeur ou de la CSST serait partial à l'égard de celui qui lui donne le mandat, quand même il n'y a personne qui se prononce sur ces points-là au niveau des droits du salarié. Et là j'ai l'impression qu'on esquive un peu l'essence de la loi, le but de la loi parce que notre expert du BEM... Et on les a entendus hier, l'association des médecins experts. Eux traitent le dossier sur une base purement scientifique, mais ils sont obligés de reconnaître qu'il y a des zones grises et que la certitude à 100 % n'existe pas.

Donc, on se retrouve dans une situation où on a l'expert de la CSST qui prend une position, l'expert de l'employeur qui peut prendre une position. Puis l'expert du BEM, je verrais mal comment il... Il n'y a rien du côté gauche de la main, et il y a deux expertises, puis là il va aller contredire l'expertise qu'il a devant lui. Je trouve ça difficile.

Une voix: ...

M. Descoteaux: Ils le font mais pas souvent.

Mme Fournier (Claire): C'est là que les statistiques ne parlent pas assez, O.K., au niveau du regroupement de ces informations-là, pour dire: Est-ce que c'est un mythe qu'on véhicule ou ce ne l'est pas, l'usage du pouvoir discrétionnaire?

J'aimerais mieux qu'on aille plus au fond des choses de ça que de pelleter tout sur le dos des mutuelles de prévention qui font trop d'évaluations médicales. Parce que chez nous, si on veut revenir à la réalité, l'association, c'est de la PME. Ils sont regroupés en mutuelle pour aider à gérer leurs dossiers. C'est de la prévention aussi. On a une équipe de préventionnistes. L'usage de l'expertise ne fait pas partie des moyens de la mutuelle. Ils la paient eux-mêmes.

On a un format de regroupement où c'est mon employeur qui, s'il est prêt à aller en expertise, va assumer de sa poche l'expertise. Quand j'entends dire qu'on a des très gros moyens, et on va tuer une mouche avec une masse, non, ce n'est pas tout à fait la réalité dans le temps.

Alors, on utilise l'expertise parce qu'on sent qu'il y a une impasse, que ça ne débloque pas des fois sur le plan médical, et il manque de suivi. Ce qu'on ne voit pas, c'est tous les rapports d'expertise qui viennent faire des recommandations sur... de traitements. Et, quand le médecin traitant reçoit ça, parce qu'on a l'obligation de lui fournir notre rapport, il est des fois très content que quelqu'un l'aide à réorienter le traitement. On n 'a pas juste des dossiers de contestation, il faut bien faire attention à ça, là, c'est ce qui est véhiculé beaucoup, là, l'usage des moyens, et ainsi de suite, là.

n (10 heures) n

M. Descoteaux: Ce que j'avais compris, moi, c'est que les mutuelles étaient là surtout pour la prévention au départ, là. Donc, c'est un volet fort important de votre rôle à ce niveau-là.

J'ai seulement une autre question avant de céder la parole à mes collègues, qui veulent certainement échanger avec vous, c'est la question des honoraires ou de la rémunération. Je vous trouve un peu réducteurs de ce côté-là.

Une voix: ...

M. Descoteaux: Réducteurs.

Mme Fournier (Claire): Réducteurs.

M. Descoteaux: Oui. À date, il n'y a pas eu beaucoup de dissension à l'effet que les experts du BEM étaient payés sous les autres, sous le niveau des autres experts, puis vous nous dites: Bien, peut-être que le travail est moins long, moins complet, puis ça mérite peut-être 350 $. Mon appréciation des choses peut être par déformation comme avocat, mais je trouve que le talent puis l'expertise, ça ne se paie pas, ça ne se vend pas à la livre et que l'expertise médicale pour trancher cinq points, ou l'analyse, ou l'examen que devra faire l'expert pour rendre une opinion sur trois points, par exemple, est tout à fait la même analyse et le même examen médical que pour trancher sur cinq.

Donc, j'ai un petit peu de difficultés avec ce point-là. Comme je vous dis, l'intelligence, ça ne se vend pas à la livre. Et j'aimerais peut-être que vous me donniez vos précisions sur ça.

Une voix: ...

Mme Fournier (Claire): On va le vendre à l'once.

M. Descoteaux: Si vous n'êtes pas capable...

Mme Fournier (Claire): Non, mais, écoutez, on ne peut pas être contre la parité, c'est très clair. C'est un spécialiste, puis, à 350 $ l'examen, c'est peu payé. Ça, c'est très clair.

Pourquoi le législateur le choisit comme ça, entre les pouvoirs, entre guillemets, qu'il s'est donnés, à la valeur de l'expertise quand la SAAQ la demande? C'est elle qui contrôle le dossier médical, si on peut appeler ça de même. C'est elle qui va décider à la fin, comme toute compagnie d'assurance devrait le faire, quand ça débute, quand ça arrête, qu'est-ce qu'on modifie, qu'est-ce qu'on accorde, et elle a choisi de donner un pouvoir à son médecin examinateur plus important. L'avis du BEM malheureusement, c'est un avis qui peut lier la CSST majoritairement, et la CSST rendra la décision qu'elle souhaite rendre après ça. Et, si on veut donner une parité, je crois qu'on devrait donner les moyens au BEM d'être plus complet qu'à demi. C'est peut-être dans ce sens-là... les propos, et non pour réduire la qualité de leur expertise, là, dans ce sens-là.

M. Descoteaux: Mais vous avez raison toutefois, parce que la CSST est liée, au plan médical, par la décision du BEM. Donc, peu importe qui l'applique en pratique, la décision, l'expertise est là pour être suivie.

Mme Fournier (Claire): Oui.

M. Descoteaux: Merci, M. le Président. Merci bien.

Le Président (M. Jutras): M. le député d'Arthabaska.

M. Bachand (Arthabaska): ...M. le Président. Je vais faire un peu de millage sur ce que mon collègue vient de dire.

Moi, je peux comprendre, sur le travail rendu puis le travail qu'il avait à faire, qu'une personne, elle a beau être spécialiste puis avoir toutes les qualités intellectuelles, si elle est chez elle, dans sa cave, là, ça ne mérite pas 300 $ à toutes les minutes qu'elle ouvre la bouche, là. Il a un certain travail à faire, et, vous, vous évaluez ce travail-là en cinq points et vous dites: Ce travail-là se réduit à trois. À mon sens, ça vaut la moitié. En gros, je comprends un peu votre interprétation. Moi, je ne discute pas ça vraiment, là, ça me paraît sensiblement équitable, là.

Mais c'est quoi, les moyens pour faire en sorte que ces gens-là puissent utiliser au maximum leurs qualités de spécialiste puis leurs compétences puis donc donner un diagnostic semblable à celui de la SAAQ, en cinq points? Quels sont les moyens qu'on pourrait leur donner? Parce que, sur le plan législatif, ils les ont quand même, là. C'est parce qu'ils ne veulent pas les utiliser?

Mme Fournier (Claire): Bien, ils les ont, les moyens. Pour moi, ils les ont. Ils les ont tout à fait, les moyens. Je veux dire, je ne peux pas donner de moyens différents à la loi telle qu'elle est. Puis, même en ne la changeant pas, elle leur donne les moyens de rendre des avis complets. Est-ce que la qualité du dossier médical qui leur est transmis pourrait être améliorée, par exemple? Ça, c'est une autre chose, là.

M. Bachand (Arthabaska): ...de ces choses-là. Non, mais je vais vous guider dans mes intentions de réflexion. Vous me dites que ça devrait être amélioré.

La CSN nous dit, elle, que le médecin traitant devrait, lui, à leur sens être la personne en priorité qui donne l'avis, celui qui est le phare en fait de la décision ou de l'orientation que devrait prendre le dossier. Est-ce que vous êtes d'accord avec ça?

Mme Fournier (Claire): Est-ce qu'il y a un régime d'assurance collective, au monde, qui laisse entière décision, tout le temps de la durée d'une invalidité, au médecin traitant? Non.

Alors là, il y a un problème de base, là. La CSST c'est quand même une assurance accident du travail mais des cotisations payées par les employeurs. C'est un régime d'assurance qu'on traite, là.

M. Bachand (Arthabaska): Mais continuons la logique dans la logique d'un régime d'assurance, dans ce cas-là. Au moment où le médecin traitant n'est pas sûr, au lieu de demander, par exemple, l'expertise auprès du BEM, il la demandait auprès d'un spécialiste choisi à l'intérieur de la CSST. Comment vous verriez ça?

Mme Fournier (Claire): Non, je pense que le médecin traitant peut choisir un spécialiste. Quand il réfère à un spécialiste pour avoir une opinion, parce que, lui, il a atteint un plateau, il ne sait plus quoi faire, puis il faut que ça aille en orthopédie, il attend un rapport de lui. Mais ce qu'on a dans les dossiers, c'est des slips ça de gros.

Quand je dis: La qualité peut-être de l'information médicale, si elle était améliorée à la base, en allant chercher la capacité de leur permettre d'élaborer davantage, il y a des tentatives qui ont été faites à cet égard-là, en introduisant un rapport complémentaire que le médecin traitant peut compléter. Lorsqu'il voit une expertise rentrer de la CSST ou l'employeur, le médecin traitant a un beau formulaire avec de l'espace, il peut remplir tout ce qu'il veut sur ses impressions et commentaires, où il en est rendu avec le patient. Il peut donner plus d'informations. Le médecin traitant n'exerce pas lui-même cette possibilité-là de remplir ces rapports-là. La majorité du temps, ces rapports-là sont inexistants, ils ne répliquent pas à l'expertise qu'ils reçoivent.

Alors, quand je dis: Améliorer la qualité de ce qui est transmis, c'est important. Et, quand on regarde le guide que s'est donné le BEM, s'il y a ce genre de commentaire là ou d'information détaillée de la part du médecin traitant, ils vont moins exercer leur fameuse discrétion parce qu'ils vont essayer de s'en remettre à l'opinion du médecin traitant, qui a l'air de suivre tout ce qu'il faut qu'il suive.

M. Bachand (Arthabaska): O.K. Ça, c'est intéressant. Je vous dis ça parce que le terrain de la CSN, c'est un peu ça. Eux, c'est carrément abandonner le BEM. La FTQ, c'est: Peut-être un jour, en état de survie, là, puis éventuellement le flusher, là, ce qui n'est pas très élégant, je dois vous l'avouer, là. Mais n'empêche qu'ils rejoignent un peu les propos dans le sens où le médecin traitant, avec une meilleure orientation, une meilleure organisation puis un meilleur fonctionnement à travers la paperasse qu'il doit transmettre, une plus grande responsabilité sur le cas, le suivi, puis etc., on éviterait beaucoup de dossiers traités au BEM.

Donc, éventuellement, on pourrait l'enlever, puis ceux qui sont contestés s'en iraient directement à la CLP. Vous pensez quoi de ça?

Mme Fournier (Claire): On reviendrait au système avant 1985, où la CSST choisissait, comme la SAAQ, un spécialiste pour faire une expertise au dossier, rendait des décisions, et l'une ou l'autre des parties pouvait la monter jusqu'à la CAS, la Commission des affaires sociales. Là, là, ce qu'on me dit, on reviendrait exactement à comment c'était avant 1985.

Alors, de dire que le médecin traitant sait toujours quoi faire dans son dossier, c'est faux. Moi, j'ai entendu des choses hier: D'une part, le médecin traitant sait toujours où il va. Le médecin traitant est pris avec, comme tout le monde dans la société, avec des délais pour des experts, avec des délais pour des chirurgies. Je veux dire, il n'est pas normal effectivement qu'on se retrouve, neuf mois plus tard, avec une déchirure d'un genou qui n'est toujours pas opéré. Moi, j'ai des employeurs qui sont prêts à dire: Lui, c'est mon homme clé, il est opérateur d'une machinerie tellement importante que, quand l'été va commencer, j'en ai besoin parce que, si lui ne travaille pas, j'ai 14 hommes qui ne travaillent pas. Et ça, il y a des employeurs qui sont prêts à dire: Où je peux l'envoyer pour lui faire faire sa chirurgie du genou? La médecine à deux vitesses, là, elle est là, à la CSST. D'abord, on passe, en physiothérapie, les premiers avant tout le monde, tout est payé. Mais il y a la lenteur du soin plus particulier... à la chirurgie. Ça, on ne pourra pas rien y changer.

Malgré les avis de BEM les meilleurs au monde, on ne pourra pas rien changer au délai de traitement de ces gens-là. Alors, en tout cas, je déborde peut-être dans le sujet, là.

Le Président (M. Jutras): Alors, M. le député de Montmagny-L'Islet.

n (10 h 10) n

M. Morin (Montmagny-L'Islet): Oui, merci, M. le Président. On a parlé de mutuelles. Je sais que votre association est le principal gestionnaire de mutuelles de la construction. On a dit que certaines mutuelles contestaient de façon systématique, même si l'employeur approuvait l'accident. Qu'est-ce que vous pensez de cette affirmation?

Mme Fournier (Claire): C'est gratuit comme affirmation. On gère 3 500 réclamations d'accident par année. Il y a eu une baisse, cette année, de 25 % des accidents par rapport à 2005, par rapport à 2004. C'est beaucoup de gestion, ça. Et puis ce n'est pas vrai qu'on conteste tout le temps. J'ai entendu des affaires: Les employeurs font venir les médecins traitants systématiquement en audition. Si on rencontre, dans notre pratique, un procureur qui a l'habitude de faire ça, ce n'est pas la majorité. Alors, on crée une identification. Ils gèrent plus les dossiers.

Oui, ils ne contestent pas nécessairement tout parce qu'on a l'obligation d'évaluer l'assignation temporaire, le protocole de retour au travail. C'est là-dessus qu'il faut qu'ils travaillent. Alors, quand on me dit: Est-ce qu'on conteste tout, c'est faux. Il se règle bien des choses, il se concilie bien des affaires en cours de route, mais on ne peut pas se permettre de l'échapper, le dossier, et de le laisser aller parce que la CSST, en donnant des recours aux employeurs, elle ne les exerce pas dans l'examen ou dans l'évaluation médicale des dossiers.

Donc, plus il y aura des coûts imputés dans les dossiers, plus le régime de CSST va coûter cher. Et il est un régime, entre guillemets, privé. Ce n'est pas les fonds publics, là, il faut le gérer, c'est une assurance.

M. Morin (Montmagny-L'Islet): Les mutuelles, c'est de la prévention. Est-ce que, chez vous, la prévention, c'est important? On nous a dit qu'il y a des mutuelles qui ne s'occupaient pas de prévention.

Mme Fournier (Claire): Non. Chez nous, c'est très important. Surtout dans le secteur de la construction, on n'a pas le choix. Je veux dire, on ne peut pas laisser aller les gens en prévention. Mais, pour investir en prévention, il faut avoir des cotisations payables, raisonnables aussi. Pour réinvestir en prévention, c'est comme ça. Les employeurs vont tous vous dire ça. S'ils peuvent avoir une cotisation moins coûteuse, on investit en prévention. Chez nous, il y a une équipe de préventionnistes qui couvre la province régionalement et qui assiste tout le monde même pour les exercices de retour au travail, l'évaluation de postes, et on essaie encore d'aller plus proactif dans l'assignation temporaire.

M. Morin (Montmagny-L'Islet): Merci, M. le Président.

Le Président (M. Jutras): On va passer du côté de l'opposition. Moi, je veux revenir sur un point, là, qui a été soulevé, à l'effet que les experts du BEM, là, ne se prononcent pas, là, bon, puis que le dossier redescend, puis le dossier remonte. Vous nous dites qu'une opinion, de ce que je comprends, là, qui a été émise par les gens du BEM il y a quelques années, c'est que, s'ils ne se prononçaient pas en totalité, c'est qu'ils étaient souvent renversés par la CLP. Et ça, vous nous dites que ça remonte à il y a quelques années, et c'était une opinion émise par les gens du BEM.

Mme Fournier (Claire): En 1998, par l'ancien directeur médical qui était là.

Le Président (M. Jutras): O.K. Moi, j'aurais pensé que... parce qu'on s'est posé la question dans cette commission-ci. À quelques reprises, là, c'est revenu, là, cet élément-là. Il y a des gens qui disaient: On ne sait pas pourquoi ils n'utilisent pas leur discrétion. Bon. Vous, vous nous donnez une opinion. Moi, j'aurais pensé que c'était plutôt le fait que les experts du BEM veulent que le médecin traitant se prononce avant, et après, là, ils vont accepter de se prononcer.

Mme Fournier (Claire): Regardez ce qui se passe: donc, le médecin traitant qui n'est pas d'accord avec l'établissement d'une table de consolidation, là, il y a eu ce premier BEM là de trois points, là, il n'est pas d'accord à faire consolider son patient. Je peux le comprendre. Pensez-vous qu'il va lui mettre des séquelles permanentes dans le mois qui va suivre l'avis du BEM? Non. On va attendre, on va attendre. On va attendre qu'il soit prêt à l'émettre malgré qu'il y ait un litige, là, sur la date de consolidation puis que le travailleur soit déjà rendu en contestation, parce qu'il a fait consolider sa lésion. On va attendre. C'est complètement contre-productif. On va attendre combien de temps? Que le médecin traitant soit prêt? Il n'est déjà pas d'accord avec l'établissement de la date de consolidation.

Alors, le processus n'est pas assez rapide ou il faudrait que le médecin traitant, comme je vous dis, fournisse de l'information médicale plus complète.

Le Président (M. Jutras): Puis un autre élément, c'est: Est-ce que les médecins traitants sont à l'aise pour se prononcer sur les séquelles permanentes? Puis je parle surtout d'un généraliste. Peut-être qu'un spécialiste, ça va, là, lui, parce que généralement c'est un spécialiste qui va se prononcer là-dessus. Mais est-ce que les...

Mme Fournier (Claire): Les généralistes.

Le Président (M. Jutras): ...généralistes ? c'est les spécialistes qui se prononcent là-dessus habituellement; est-ce que les généralistes ? le font?

Mme Fournier (Claire): Non.

Le Président (M. Jutras): Non, hein, c'est ça.

Mme Fournier (Claire): Non. Règle générale, ils vont référer à un orthopédiste eux autres mêmes. Ils demandent une référence à un spécialiste. Il y en a quelques-uns. Écoutez, dans le réseau, je veux dire, techniquement il y a des médecins traitants qui sont spécialisés à traiter les accidentés du travail, là.

Quand j'entends dire qu'il y en a qui ne veulent pas toucher à ça, il y en a d'autres qui y touchent plus que d'autres, alors il faut faire attention. Il y en a qui se sentent peut-être une compétence, de par leur expertise, de le faire, mais la majorité réfère le dossier à un expert qui fait le fameux rapport, bilan des séquelles, et c'est un spécialiste, les trois quarts du temps, physiatre, ou orthopédiste, chirurgien plasticien qui va le faire.

Le Président (M. Jutras): O.K. Ça va. Alors, M. le député de René-Lévesque.

M. Dufour: Merci, M. le Président. Alors, Mme Fournier, M. Rousseau, merci de votre mémoire.

Vous dites d'entrée de jeu, dans la note aux lecteurs, que «quelque 4 000 membres lui ont confié la gestion de plus de 750 millions de dollars en masse salariale. À maturité, ses mutuelles permettront le partage de plus de 20 millions annuellement en économies de cotisations à la CSST».

Comment on économise 20 millions de dollars en cotisations à la CSST? Je vous ouvre une porte, là, parce qu'il s'est dit hier que, de par le fait que les mutuelles contestent à tour de bras, il y a des règlements au niveau de certaines conciliations, puis l'argent est pris dans le fonds consolidé du secteur et que l'employeur n'est pas imputé. Alors, est-ce que le 20 millions que vous marquez là, c'est un peu ce qui s'est dit hier ou vous avez une autre réponse là-dessus?

Mme Fournier (Claire): C'est sûr que c'est un crédit qui éventuellement est donné dans un dossier, du fait qu'il y ait des sommes qui ont été versées mais qui n'auraient pas dû être versées. Si c'est la Commission des lésions professionnelles qui décide de trancher puis dire: Je m'excuse, il n'y en a plus, de maladie professionnelle, puis il a été payé pendant deux ans, c'est inévitable, là, je vais avoir un crédit. Donc, ils... comme vous dites, dans le fonds consolidé, effectivement. Ça, c'est des résultats très, très optimistes, là, on n'a pas atteint jamais ça, là.

M. Dufour: C'est une vision.

Mme Fournier (Claire): C'est une vision à long terme parce que, le travail qui est fait en matière de gestion, il n'y a pas d'économies réalisables en un an. La tarification, c'est sur quatre ans, le portrait, puis ça va prendre quatre ans avant de revoir un retour quelconque, là.

Donc, il y a beaucoup d'énergie qui est mise par les gens pas tant juste au niveau des accidents de travail, au niveau du retour, de la réadaptation, du maintien du lien d'emploi. C'est toutes ces notions-là qu'il faut travailler.

M. Dufour: Vous avez dit tout à l'heure que vous avez suivi la journée hier.

Mme Fournier (Claire): Je suis arrivée à 16 heures et j'ai lu les autres du matin.

M. Dufour: Vous êtes au courant des audiences qu'on a eues hier, au niveau de différents groupes, et on ne se cachera pas qu'on a une dizaine de groupes à rencontrer. On en rencontre encore quatre après vous, et, sans présumer de rien, là, si la tendance se maintient, là, ce n'est pas la majorité qui annonce qu'ils veulent faire sauter le BEM, là, si je peux m'exprimer ainsi, là, O.K., parce qu'il y a un entre deux. Et, moi, j'essaie de voir ça assez loin. Je regarde la FTQ, je regarde certains autres groupes qui disaient: Bon, si le BEM n'est plus là, on va complètement congestionner la CLP parce qu'il y a déjà des dossiers en retard.

Donc, ça prend un entre deux. Sauf que, nous, comme membres de la commission, il faut qu'on trouve des solutions à tenter de régler ça. Ce que plusieurs nous disaient hier, il faut se fier au médecin traitant. Le médecin traitant est un professionnel en soi, même s'il est généraliste. Quand il a des difficultés à poser un diagnostic sur un traitement, il l'envoie se faire référer. Il y en a qui nous disaient hier qu'il fallait enlever le droit de contestation d'un employeur. Quel est votre avis là-dessus?

Mme Fournier (Claire): C'est non, à moins qu'on accroisse le droit de la CSST de s'occuper du dossier médical. Parce que, si la CSST abdique sa responsabilité parce qu'elle l'a donnée aux employeurs, bien je ne vois pas comment on va... celle des employeurs. C'est un régime d'assurance. Il faut revenir à l'assurance. C'est... mais c'est ça, là.

M. Dufour: Effectivement. Il faut revenir toujours à l'assurance, mais il faut toujours avoir à l'esprit qu'on travaille avec des humains et qu'il y a une dignité à avoir à se faire transborder d'un bord et de l'autre, si je peux prendre cette expression-là. Parce que la FTQ hier comparaît ça ? je dis bien comparaît ça ? à une machine à boules puis des «flippers», là. Tu sais, c'est vrai qu'il y a du monde qui se fait transborder d'un bord et de l'autre.

Je prends bonne note de ce que vous avez dit par rapport au BEM, deux fois le monde retourne au BEM, et vous avez fait une évaluation vous-même. Parce qu'on se posait des questions hier sur les chiffres qui nous étaient donnés. Puis vous dites, à la page 2 de votre document: À titre de gestionnaire de près de 3 500 réclamations par année, nous constatons que près de 50 % de nos dossiers ayant fait l'objet d'un premier avis retournent au BEM. Donc, c'est une fois sur deux, ça.

Mme Fournier (Claire): Pas sur 3 500, là, parce que les 3 500, ils ne s'en vont pas tous au BEM. Ça, c'est la quantité, le volume de réclamations qu'on gère.

M. Dufour: O.K. D'accord. Il y a de la lumière à avoir là.

n (10 h 20) n

Mme Fournier (Claire): Et, par année, la quantité de dossiers qui peuvent aller en expertise, là, c'est peut-être 250, là, dans le sens d'expertise pure. Alors, si j'ai un BEM qui s'est prononcé sur 1, 2, 3, moi, je vous dis que, 50 % du temps, je retourne encore, tout de suite, au BEM, après, pour finaliser l'avis.

M. Dufour: O.K. Je reviens sur le pouvoir discrétionnaire. Il est clair que, dans la loi, à mon avis ? puis je ne penserais pas me tromper, là ? c'est qu'il faut que le médecin traitant se soit prononcé sur le diagnostic des quatrième et cinquième éléments que vous avez soumis tantôt, sur la consolidation, les lésions, pour que le BEM puisse se prononcer.

Mme Fournier (Claire): Oui.

M. Dufour: Je vais à la page 4 du document. Là, je suis surpris. Puis je vais le dire comme je le pense. On est ici pour se dire les vraies affaires, là. Vous dites: «Peut-on envisager une solution mitoyenne qui permettrait de verser des honoraires plus élevés lorsqu'un seul avis porte sur les cinq points de l'article 212...»

On n'appelle pas ça du troc ou un échange de bons procédés? On va te monter ton honoraire si tu donnes un avis sur les cinq points.

Mme Fournier (Claire): Non, non, ce n'est pas dans ce sens-là, là.

M. Dufour: Je veux vous entendre là-dessus.

Mme Fournier (Claire): Ce n'est pas dans ce sens-là, là. Je veux dire, c'est comme je vous disais. Pour moi, la valeur de l'avis ou l'avis sur cinq points lie et crée davantage une situation qu'on peut avoir un avis qui est identique à celui de la SAAQ. C'est dans cet ordre d'idées là.

Quand la SAAQ va rechercher les avis, c'est sur tout. Le médecin va lier la SAAQ sur tout le dossier, alors qu'ici, de fait qu'on n'exerce pas cette discrétion-là, on n'aboutit pas et, en bout de ligne, on ne retourne même pas au même médecin le deuxième avis. Ça, ce serait une autre problématique... que le même médecin du BEM devrait revoir le travailleur qu'il a déjà vu la première fois... Pas glissé là-dedans, mais il y a plein de choses comme ça qui pourraient être améliorées. Mais les cinq points pour moi valent une expertise détaillée. C'est comparable aux évaluations que les médecins de l'employeur font puis que les médecins de la CSST font.

M. Dufour: O.K. Je suis content que ? M. le Président? ? oui...

Une voix: ...

M. Dufour: ...je suis content que vous me parliez de la SAAQ, la Société d'assurance automobile du Québec, parce que ça fait plusieurs fois que certains groupes font référence à la procédure que la SAAQ a, et j'ose croire que c'est bon parce que je n'ai jamais personne, à mon bureau, qui vient se plaindre de la Société d'assurance automobile du Québec, mais j'ai beaucoup plus de monde qui se plaint des dossiers de CSST. Alors, effectivement, je pense, comme membres de la commission, on va devoir aller fouiller là un petit peu, là, parce qu'on a à trouver des solutions à ce problème-là.

Vous dites, à la page 4 de votre document, que le BEM «procède à l'analyse des décisions de la CLP afin d'identifier les lacunes dans les avis. Or, nous nous interrogeons si cette analyse est réalisée avec la collaboration d'un juriste.» On parle de courant jurisprudentiel, bien entendu. Ça, il va de soi. Mais, à ce que je sache, le membre du BEM ? puis ça, on le disait hier, bon, on s'ostinait un peu ? c'est-u le médicolégal? Mais il est là pour porter un acte médical. En quoi le juriste a affaire là-dedans?

Mme Fournier (Claire): L'administration de la preuve, l'interprétation de la loi des fois, dans la façon, comme on dit, qu'il a libellé l'existence soit de limitations ou libellé son diagnostic. Quand la CSST aurait déjà peut-être déjà rendu des décisions dans un dossier, elle n'a pas reconnu certains diagnostics, le BEM se prononce, il est important qu'il voit l'impact qu'a eu son avis. C'est dans ce sens-là que c'est formateur qu'ils voient les résultats. Puis ils le font. On me dit qu'ils le font, ce qui est très bien. Ça n'en fait pas des légalistes, là. Mais de voir l'impact de l'administration de la preuve et comment, entre guillemets, on utilise leurs avis ou on interprète leurs avis, ça peut être dans la qualité de la preuve. Je pense que c'est formateur. C'est dans ce sens-là.

Et je m'interrogeais: Est-ce que c'est des médecins qui analysent les jurisprudences? C'est correct, mais ça devrait être multidisciplinaire.

M. Dufour: O.K. Vous avez parlé de formation, tout à l'heure, au niveau du rapport du Bureau d'évaluation médicale, que vous ne voyez pas grand-chose au niveau de la formation dans le rapport du Bureau d'évaluation médicale.

Mme Fournier (Claire): Quelles étaient les formations dispensées depuis 2001.

M. Dufour: Oui. Alors, hier, il nous a été déposé, un document, par la FTQ, un document qui avait été laissé par hasard sur un bureau, Astuces pour évaluer le patient difficile. Hier, je n'ai pas eu le temps de le lire, mais je vous fais simplement quelques remarques. Puis, je vais l'étudier à fond, là. Puis, si vous en voulez une copie, la commission est ouverte à ça.

M. Fournier: J'en ai une copie.

M. Dufour: Alors, ça dit là-dedans: les troubles de la personnalité, les personnalités paranoïaques, les personnalités schizoïdes, les personnalités schizotypiques, les personnalités «borderline», les personnalités antisociales. Il y a du stock là-dedans, là. J'espère que ce n'est pas ce genre de formation là qu'il faut effectivement que... ceux qui siègent, nos professionnels, nos spécialistes qui siègent au bureau du BEM aient ce genre de formation là.

Mme Fournier (Claire): Je crois que, ça, on ne peut pas en faire des psychologues, là. Il y a eu un discours ou l'utilisation d'un langage dans ce document-là, puis, comme je vous dis, j'en ai pris copie hier, à la fin de la journée.

M. Dufour: Non, puis j'apprécie que vous me donniez des commentaires dessus.

Mme Fournier (Claire): Moi, je trouve qu'il y a un langage qui est loin de vulgariser. Vous savez, dans le secteur des affaires sociales ou les hôpitaux, on va donner de la formation à nos gens qui sont aux prises avec des patients psychiatriques. Ça n'en fait pas des travailleurs sociaux ou des psychiatres. Mais comment réagir devant quelqu'un qui est agressif? On n'avait pas besoin de tomber dans quelque chose d'aussi théorique. C'est un accompagnement parce qu'on a affaire à un humain, écoutez. Et on ne nous enseigne pas ça à l'école. J'ai déjà vu, en audience, moi, des agents de sécurité qui sont là, dans la salle, parce que tout le monde est énervé. Il n'y a pas de cours là-dessus.

Alors, c'est louable de vouloir introduire quelque chose comme ça. En tout cas, le texte ou le choix n'est peut-être pas parfait. Merci.

M. Dufour: Merci pour vos commentaires.

Le Président (M. Jutras): Mme la députée de Matapédia.

Mme Doyer: Merci, M. le Président. Bonjour, madame, monsieur. Bienvenue à la commission. Moi, c'est toute la question de votre conclusion, c'est à la page 5 de votre conclusion. Et, quand on regarde dans le rapport d'évaluation du Bureau d'évaluation médicale, on voit qu'il y a une banque de 78 experts au Québec, il y en a à Québec, il y en a à Montréal. Et, quand je lis votre conclusion, j'aimerais ça bien comprendre de quoi il est question avec ça.

Vous disiez: «En tant qu'usager du BEM à titre de représentant des employeurs, ce devoir de faire rapport et donc d'être transparent sur les activités du BEM est apprécié, mais l'exercice demeure incomplet sur plusieurs points.» Et là vous dites: «Aussi, de par leur rôle d'arbitre médical, même si cette appellation a été abandonnée, l'amélioration de la qualité devra être évaluée de façon plus approfondie compte tenu de l'augmentation des demandes.» Et, moi, c'est sur ça, là, l'augmentation de la demande, le manque de ressources dont plusieurs sont venus nous faire part ici et comment dans le fond remédier à ça. Peut-il y avoir un lien avec le recours au deuxième BEM lorsque le pouvoir discrétionnaire du BEM aurait pu être exercé? Et on en a parlé, de ce pouvoir discrétionnaire là, qui n'est à peu près pas utilisé, à ce que je comprends. Ça, vous m'expliquerez ça, de quelle façon vous voyez ça.

La question. S'il s'avérait que plusieurs deuxièmes avis au BEM pouvaient être évités, les problématiques de délai de traitement d'une demande de BEM ainsi que des honoraires pourraient alors sûrement s'en trouver améliorés. Et plusieurs personnes sont venues nous parler du manque de ressources, nous ont dit: Si on les payait, si on égalisait les honoraires entre la SAAQ, la CSST, cette banque d'experts qu'on essayait dans le fond de constituer pour donner des avis dans un délai le meilleur possible... Et aussi, quand on regarde, il y a le 350 $ de base, 325 $ ou 350 $, mais il y a aussi la possibilité d'ajouter quand le dossier est plus complexe, hein, vous le soulignez. C'est souligné ici, là, dans la rémunération, si je me réfère à ici: On a donc des honoraires de 325 $ par expertise auxquels peuvent s'ajouter 150 $ ou 200 $ qui peuvent s'ajouter en raison de la complexité d'un dossier. Qu'est-ce qu'on peut faire? Puis on manque de spécialistes au Québec, hein? On en manque un peu partout au Québec, et il faut, excusez-moi l'expression, en produire le plus vite possible pour soigner le monde aussi, hein? On ne peut pas mobiliser ces gens-là qui sont demandés pour des opérations, dont vous nous avez parlé, pour que les gens retournent au travail, soient consolidés.

Comment vous voyez ça par rapport aux deuxièmes avis et à la constitution ? c'est-u comme ça qu'on peut dire ça? ? au fait de constituer une banque idéale possible, là, d'aller améliorer le manque de ressources?

n(10 h 30)n

Mme Fournier (Claire): Mais est-ce qu'en tant que spécialiste lui-même, qui voit bien que la loi à certains égards le lie à répondre non pas à toutes, mais à la moitié du dossier, est-ce qu'il est motivé, vous pensez, pour rendre des avis? Pas sûre, moi. Oublions la rémunération seule. Si on lui demande toujours un avis... bien, «toujours», c'est un grand mot, là. Si on lui demande un avis qu'il ne pourra que gentiment nous donner sur trois points, la motivation... aussi aller au fond des choses, elle est où? Je pense qu'en tant que spécialiste il peut vouloir donner un avis à un moment donné, qui va être significatif dans le dossier.

Alors, c'est dans cet ordre des choses. S'il avait ou assumait mieux ses pouvoirs, parce que c'est un pouvoir quand même de donner un avis, là, il assumait mieux cette évaluation-là, pouvait se dire: Je vais la donner en entier et je ne sentirai pas que je le fais à moitié, il va peut-être être davantage motivé, et on pourra créer une rémunération toujours avec la complexité.

On peut le mettre à 600 $ l'expertise et continuer dans des tarifs avec des cas complexes, parce qu'il y a des cas plus complexes, c'est évident, là. Ce n'est pas toujours des entorses lombaires, mais c'est une majorité d'entorses, par exemple.

Mme Doyer: Puis pour la meilleure façon de constituer une banque, si je peux dire, correcte, suffisante ou de l'améliorer à travers les prochaines années, au niveau du manque de ressources au BEM, vous nous en avez parlé.

Mme Fournier (Claire): On aura toujours un manque de ressources, là, parce qu'il y a une pénurie généralisée pour tout le monde qui veut avoir un orthopédiste en ville. Alors, on va peut-être motiver des gens qui ne viennent plus au BEM, là, qui sont sur la liste, là, si on leur amène des directives, une ligne directrice qui leur permet de donner un avis plus complet. Il y en a peut-être qui se sont un peu désengagés de ça, là. Je ne peux pas parler pour eux.

Mme Doyer: Et certains sont venus nous dire en tout cas, la FTQ à mon souvenir, ou ceux-là qui représentent souvent les accidentés nous disent que, si on revenait à l'esprit de la loi, dans le fond la Loi pour les accidents de travail, les maladies professionnelles, si on partait d'une idée que la personne qu'on a devant nous n'est pas un fraudeur, je vais le dire comme ça, ou quelqu'un qui fait semblant ou qui... Puis, ce document, Astuces pour évaluer le patient difficile, «astuces», c'est vrai que ce n'est vraiment pas bien choisi, c'est ordinaire, là. Pour une formation, moi, si j'étais la psychologue ? la ou les, là ? je serais gênée ce matin. Parce que dans le fond c'est de partir du présupposé quand on donne une formation à des gens qui sont supposés d'être empathiques avec les clients qu'ils ont devant eux, hein? Et, quand je regarde, à quelque part les travailleurs vont nous dire: Un opérateur de machinerie lourde, là, n'est pas intéressé à s'en aller... Votre monsieur qui a mal aux genoux puis que, vous, comme employeur, vous le voulez ? parce qu'on le sait bien, que, dans le domaine de la construction, de l'habitation, on manque de travailleurs, il faut aller en chercher... Et vous êtes tenus, si je peux dire, comme employeurs à aller chercher les ressources dont vous avez besoin.

Donc, à quelque part, où il est, l'intérêt des employeurs et souvent des travailleurs de passer le restant de leur vie sur les accidents du travail? C'est peut-être x pourcentage, un petit pourcentage et c'est comme si on regardait les gens dans le fond comme des fraudeurs, et, moi, je trouve ça gros comme affaire. Ce qu'on nous a présenté hier, je trouve ça ordinaire, O.K., on se le dit, là, je tiens à le dire. Hier, j'ai cogité ça, mais aujourd'hui ça sort, et, à un moment donné, c'est vrai. Et, vous, ce que vous nous dites, là... Puis vous êtes un mémoire vivante parce que vous les avez toutes vues passer, les structures. Et qu'à quelque part quel syndicat, quel travailleur, qui a intérêt?

Le Président (M. Jutras): ...réponse, là. Il va falloir que vous laissiez du temps pour la réponse.

Mme Doyer: Bien, oui, parce que, là... et ça, j'ai senti ça chez vous. Écoutez, on n'a pas un préjugé contre les employeurs et contre les travailleurs ici, on essaie de chercher la meilleure solution pour améliorer les choses pour les travailleurs et pour les employeurs aussi.

Mme Fournier (Claire): C'est parce qu'il y a plein de choses dans la loi, à part du BEM, là, qui pourraient être améliorées, et puis là la commission n'est pas là pour ça. On pourrait parler longuement du travail d'assignation temporaire, à réintégrer le travailleur et de prendre la comparaison, dans les autres provinces, qu'est-ce qu'ils font. Le médecin traitant n'a pas la... Même si, en Ontario ou d'autres provinces, le médecin traitant semble non contesté, ce n'est pas vrai qu'il a toute la latitude pour le retour au travail, il est accompagné par les agents de la CSST qui définissent des retours au travail. Et on n'attend pas que le médecin coche oui puis non, c'est beaucoup plus proactif.

Alors, tu sais, il y a d'autres avenues que tout passer par le BEM.

Mme Doyer: Oui. Bien, moi, je...

Le Président (M. Jutras): Alors, merci...

Mme Doyer: C'est déjà fini?

Le Président (M. Jutras): ... ? oui, et même on excède, là ? Me Fournier, merci, M. Rousseau.

Et je demande aux représentants de la Centrale des syndicats démocratiques de bien vouloir prendre place.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Jutras): Alors, les représentants de la Centrale des syndicats démocratiques, vous êtes prêts?

Une voix: Oui.

Le Président (M. Jutras): Oui. Alors, bienvenue à la Commission de l'économie et du travail. Vous avez 20 minutes pour la présentation de votre mémoire, par la suite 20 minutes d'échange avec les députés ministériels et par après 20 minutes d'échange avec les députés de l'opposition.

Alors, je vous demanderais, dans un premier temps, de vous identifier, présenter la personne qui vous accompagne et y aller avec la présentation de votre mémoire.

Centrale des syndicats démocratiques (CSD)

M. Faucher (Claude): D'accord. Merci, M. le Président. Mesdames messieurs, merci de permettre à la Centrale des syndicats démocratiques de faire valoir son point de vue quant au rapport d'évaluation du BEM.

C'est ça. J'ai apporté des copies parce que j'ignorais si on vous avait transmis les copies du mémoire de la CSD. Alors, il devrait y en avoir pour tout le monde. Pour faire ma présentation, je suis accompagné. Mon nom est Claude Faucher, je suis vice-président de la CSD. Et, pour faire ma présentation, je suis accompagné de Marie Anne Roiseux, qui est avocate aux lois sociales à la CSD, dont le travail ne consiste pas uniquement mais pour la plupart de son temps à plaider des dossiers de lésions professionnelles devant la Commission des lésions professionnelles.

Bref, la CSD, au Québec, représente 65 000 travailleuses et travailleurs d'à peu près tous les secteurs d'activité économique, exception faite, je dirais, de la fonction publique fédérale et celle du Québec. On représente un certain nombre de salariés du réseau de la santé et des services sociaux ainsi que certaines municipalités, mais 95 % de nos membres sont issus du secteur privé. Donc, la CSD regroupe un peu plus de 400 syndicats affiliés répartis dans à peu près 500 milieux de travail. Pour nous, à la CSD, la santé et la sécurité du travail est une préoccupation constante et majeure parce que les salariés que nous représentons nous confient la mission de veiller à ce qu'ils ne perdent pas leur vie à la gagner. On a donc une équipe multidisciplinaire qui intervient tant en prévention des lésions professionnelles, en formation en santé et sécurité du travail qu'en matière de représentation. Il est aussi primordial pour nous que les victimes de lésions professionnelles soient assurées d'une procédure de réparation plus juste, le plus juste possible et qui respecte l'équité et leurs conditions qu'ils n'ont pas souhaitées.

Quant au Bureau d'évaluation médicale, un petit rappel, il a été institué en fait en 1992, en remplacement de l'Arbitrage médical qui existait depuis 1985. Et, en 1997, à l'occasion de la création de la Commission des lésions professionnelles, on n'a, ni plus ni moins, que reconduit, avec un petit peu d'aménagements, l'arbitrage... le Bureau d'évaluation médicale, pardon, qui existait. Et l'article 68 de la loi oblige le ministre du Travail à faire un rapport d'évaluation au gouvernement donc à l'égard du BEM. Un premier rapport a été déposé en avril 2001, mais il semble qu'il n'a jamais été étudié en commission parlementaire. Et par la suite un document d'actualisation a été déposé le 19 octobre 2005, et c'est sur la base de ces deux rapports-là que nous discutons de notre appréciation du Bureau d'évaluation médicale. Ce qu'on constate, c'est qu'aucun des deux rapports ne contient de recommandations claires quant à l'avenir du BEM, et on comprend que son avenir est assuré moyennant la poursuite des efforts déployés pour améliorer un certain nombre de mesures qui dépendent des facteurs internes au Bureau d'évaluation médicale.

Mais on pense qu'il faut aller plus loin. Il faut questionner davantage les pratiques internes, surtout que le document d'actualisation présente quant à nous de nombreuses lacunes. Puis on peut difficilement porter un jugement pleinement éclairé... considération de ces différentes lacunes qu'on vous indiquera un peu plus loin dans notre présentation.

n(10 h 40)n

Donc, un des buts avoués du Bureau d'évaluation médicale est d'éviter que les membres du BEM produisent plus de 405 avis par année. Bon. Même s'ils ont fait un certain nombre d'efforts, ils n'y arrivent pas. La situation se dégrade, en 2004, avec sept membres qui ont vécu cette situation, c'est-à-dire qui ont produit un plus grand nombre d'avis que ce qui est ciblé par le Bureau d'évaluation médicale. Par rapport à un maximum de cinq, donc on était rendu à sept.

Donc, le Bureau d'évaluation médicale nous a fourni des données ventilées dans les deux rapports, donc un premier bloc, 1996 à 2000, et un deuxième bloc, 2001 à 2004. Pour nous, ces deux rapports-là, qui sont distincts et différents, nous amènent à nous poser un grand nombre de questions. Premièrement, la qualité des données semble discutable. En effet, dans le premier rapport, quand on parle des membres qui ont produit des avis, il y a une colonne où on chiffre le nombre de membres qui ont produit entre zéro et 135 avis, alors que, dans le deuxième tableau, dans le rapport d'actualisation, cette colonne-là est changée pour parler des membres qui ont produit entre un et 135 avis alors, plutôt que zéro et 135 avis. En plus, c'est que, dans les données ventilées 2001, 2002, 2003, on n'a aucun chiffre par rapport au nombre de membres qui ont produit un certain nombre d'avis, on n'a plus ces informations-là. Ces informations-là disparaissent pour nous ramener finalement à la situation de 2004 où on a encore des données.

Ce qu'on constate, c'est qu'en 2004, quand on fait le calcul du nombre d'avis transmis par chacun des médecins, on additionne chacune des colonnes, on arrive à la conclusion qu'il y a un total de 75 membres qui ont rendu des avis, alors que le BEM nous dit avoir 91 médecins sur la liste du Bureau d'évaluation médicale. C'est donc dire que, là, on se questionne: Le nombre de médecins qui ont adhéré au Bureau d'évaluation médicale est-il de 91 ou de 75? Ou encore est-ce que ça signifie qu'il y en a 16 qui n'ont rendu aucun avis? Et de là on peut s'interroger de savoir pourquoi les 16 n'ont rendu aucun avis, alors que d'autres sont surutilisés. N'y a-t-il pas moyen de faire un meilleur partage des dossiers qui sont présentés au Bureau d'évaluation médicale? Donc, voilà un certain nombre de questions. Ensuite, on n'est pas en mesure de savoir comment va le recrutement des membres du BEM. Tout ce qu'on sait, c'est qu'on a recruté 29 nouveaux membres depuis 1998 pour passer finalement de 88 membres en 1998 à 91 membres en 2004, ce qui donne un résultat assez faible, merci. Donc, on a eu une faible augmentation du nombre de membres malgré qu'on en ait recruté 29 au cours de cette même période-là.

Donc, dans le document d'actualisation, on nous dit que l'objectif d'éviter de donner plus de 405 mandats aux membres n'a pas été atteint en raison de difficultés de recrutement. Et là on identifie un certain nombre de raisons pour lesquelles on n'a pas eu de recrutement: on parle de la règle du cinq ans d'expérience minimale; on parle du fait de renoncer à agir à titre de médecin désigné pour la CSST; on parle du fait que les membres du BEM ne peuvent pas faire leurs évaluations dans leur cabinet; et on parle également que les honoraires seraient insuffisants par rapport à d'autres types d'évaluations qui sont faites dans d'autres ministères ou dans d'autres organismes.

En résumé, ce qu'on dit, c'est que l'explosion des demandes, combinée aux difficultés de recrutement ? ça, c'est le BEM qui l'a dit dans son rapport ? a fait qu'il a été impossible d'atteindre l'objectif de 405 avis, maximum, par membre du BEM.

Concernant les raisons qui ont été invoquées pour dire: On n'est pas capable de recruter, bon, si on les regarde l'une après l'autre, le cinq ans d'expérience, ça nous semble un peu curieux parce que, selon l'information qu'on possède, les membres du BEM actuellement ont déjà beaucoup plus que cinq ans d'expérience. Et il apparaît, selon les informations qu'on a, que cette règle-là du cinq ans, ce n'est pas une règle absolue qui est un empêchement à aller chercher des médecins qui veulent agir comme membres du BEM. Deuxième point, la question de renoncer à agir comme médecin désigné pour la CSST, ça, ça nous laisse un peu perplexes. On espère qu'il n'y a pas, derrière cette idée-là, une intention ou une proposition à permettre que les membres du BEM puissent à la fois agir pour un employeur, pour la CSST ou pour un travailleur et à la fois pour le BEM. Parce qu'ici on n'est pas dans un dossier de la SAAQ, là, on est dans un dossier où la CSST est partie prenante à la contestation, l'employeur est partie prenante à la contestation, et le membre du Bureau d'évaluation médicale, qui à la fois ferait des évaluations pour l'un et pour l'autre, se placerait en conflit d'intérêts.

Ça entacherait d'une façon grave, pensons-nous, la crédibilité du Bureau d'évaluation médicale, qui se veut, et rappelons-nous l'Arbitrage médical, une espèce de tampon, une espèce de tribunal administratif médical, entre guillemets, pour essayer de régler les dossiers quand il y a litige entre l'employeur, la CSST puis le travailleur, plutôt que d'aller en contestation devant le tribunal administratif spécialisé qu'est la Commission des lésions professionnelles. Donc, on pense qu'il y a un danger là et on souhaite que ce n'est pas l'intention du ministère du Travail d'aller dans le sens de ce que laisse sous-entendre... en tout cas, de ce qu'on craint dans le rapport du Bureau d'évaluation médicale.

Les deux autres raisons: bien, le fait de ne pas pouvoir pratiquer en cabinet, je pense que, si c'est ça, le problème, c'est un très petit problème, c'est un minuscule problème; et, quant à la rémunération des médecins, bien ça, on laisse ça à l'État parce que c'est l'État qui négocie avec les fédérations de médecins les différentes rémunérations pour des expertises. Puis, s'il y a des écarts, on pense que l'État est capable de régler ça sans qu'on intervienne à cet égard-là, quoique je sache que le Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre est en voie de discuter d'une proposition au ministre du Travail à cet égard-là.

L'autre préoccupation qu'on a, c'est la question de la rétro-information qui est faite au membre du BEM, qui nous apparaît questionnable à plusieurs égards. D'une part, quand on nous dit qu'on transmet aux membres du BEM l'information concernant les décisions rendues par la Commission des lésions professionnelles, il ne faut jamais perdre de vue que le rôle du BEM et que le rôle du commissaire de la Commission des lésions professionnelles sont deux rôles très différents, qui peuvent à quelque part être complémentaires mais qui ne doivent jamais être mêlés, dans le sens où le membre du Bureau d'évaluation médicale, lui, n'est là que pour évaluer, quand il y a eu litige entre l'opinion du médecin, le médecin de l'employeur ou la CSST, évaluer sur le plan médical, en fonction de l'information qui apparaît au dossier et de la rencontre qu'il a avec le travailleur s'il y a une rencontre avec le travailler, d'évaluer un avis médical sur la base des données qu'il a. Il n'a pas à faire l'appréciation juridique de la présentation de la probabilité de la preuve, il n'a pas à faire l'évaluation juridique de la crédibilité des témoins, il n'a pas à faire l'évaluation juridique que la Commission des lésions professionnelles a le fardeau de faire.

Donc, si on transmet aux médecins du BEM les décisions de la Commission des lésions professionnelles, on pense qu'il y a un risque de glissement et que les membres du Bureau d'évaluation médicale vont essayer de se transformer en enquêteurs, vont essayer de juger de la crédibilité des travailleurs, vont essayer de balancer la preuve, la balance des probabilités et donc vont se transformer, ni plus ni moins, en espèce d'enquêteurs ou de commissaires enquêteurs, puis ça, c'est un glissement dangereux. C'est deux niveaux de choses fort différents, l'évaluation médicale du BEM et la décision de la Commission des lésions professionnelles, selon nous.

L'autre chose, c'est que, quand on nous dit qu'on transmet aux membres du BEM les décisions qui font partie d'un courant jurisprudentiel ou des décisions intéressantes, ça aussi, ça nous apporte plusieurs questions parce que qui dit courant jurisprudentiel parle de multiplicité de courants. Alors, qui détermine lequel, courant, on achemine aux membres du BEM et pourquoi? Un courant jurisprudentiel, qu'est-ce que ça veut dire? Ça veut-u dire qu'un commissaire a rendu 10 décisions, dans 10 dossiers, sur la même question, puis il a maintenu son avis tout le temps ou ça veut dire que plusieurs commissaires ont rendu des avis? Bien, vous savez, j'ai déjà eu une discussion, moi, avec des gens, puis pas n'importe qui, là, où eux disaient: Il y a un courant jurisprudentiel, alors qu'un commissaire avait rendu 10 fois la même décision. J'ai été obligé de lui expliquer: Un instant, là. S'il y en a quatre, commissaires, qui ont rendu des décisions différentes, ça m'apparaît plus lourd, comme courant jurisprudentiel, qu'un commissaire qui en rend 10. Ce n'est pas parce que quelqu'un ne change pas d'idée que les autres n'ont pas raison.

Et, tout d'un coup, il arrive une décision qui diffère des autres; est-ce que ça signifie que la décision n'est pas bonne, que l'évaluation juridique qui en est faite est mal faite? Non. Alors, qu'est-ce qui détermine le courant jurisprudentiel qu'on va transmettre aux membres du BEM et à quelles fins? En tout cas, pour nous, ça nous préoccupe beaucoup.

n(10 h 50)n

Pour ce qui est de la grille d'évaluation de la qualité des avis du BEM, ce n'est pas très clair pour nous comment procède le BEM à cet égard-là. On trouve qu'il y a plusieurs imprécisions de la part des membres du BEM, dans leur évaluation, souvent concernant le diagnostic, le barème des dommages corporels, les limitations fonctionnelles. Puis, pire encore, même le rapport nous dit ? je ne sais plus si c'est celui d'actualisation ou le rapport initial ? nous dit que 7 % des avis du BEM ont été infirmés par la CLP pour cause d'examen incomplet. Ça, pour nous c'est carrément inacceptable qu'il y ait des examens incomplets au BEM.

Concernant le programme de formation, bien, nous, on pense que le programme de formation, ça ne devrait pas être facultatif, ça devrait être obligatoire. On nous dit qu'il y a deux formations par année, au BEM, et que cette formation-là ne devrait peut-être pas porter sur n'importe quoi mais porter, entre autres, sur l'uniformisation des examens. Quand on a un type de lésion, quel est l'examen qu'on doit faire? Quelle est la méthode qu'on doit utiliser et comment on doit la faire pour que l'examen soit complet et donc qu'on ait un avis qui soit basé sur quelque chose de sérieux, de solide, éviter donc qu'on ait des résultats d'examen incomplets parce que l'examen lui-même a été incomplet, vous voyez?

L'autre affaire, le libellé des diagnostics. Essayer d'uniformiser le libellé du diagnostic pour éviter, par exemple, que, dans un dossier, un médecin nous parle d'une tendinite, alors qu'un autre nous parle de tendinopathie. On a un médecin traitant qui émet un avis. Si le membre du BEM n'est pas d'accord avec ce médecin traitant là, alors qu'il est saisi d'un dossier il pourra rendre un autre diagnostic, mais, quand il est d'accord, qu'il ne change pas de mots pour dire la même chose. Donc, qu'on ait une uniformité dans l'appellation du diagnostic pour être sûrs que ça ne crée pas de confusion après ça puis qu'on se ramasse devant la Commission des lésions professionnelles, alors que le médecin voulait dire la même affaire, finalement.

Concernant les rapports humains, bien ce qu'on peut dire, c'est que, selon les informations qu'on a, les rapports humains à l'égard des membres du BEM, des travailleurs et des membres du BEM semblent s'améliorer. Il y a toujours place à de l'amélioration, il faut continuer à le faire, mais ça semble beaucoup mieux que ça a déjà été il y a quelque temps. Par ailleurs, on est un petit peu surpris et on se demande pourquoi on ne fait pas appel... les membres du BEM ne font pas appel à des centres médicaux spécialisés. Dans des dossiers où l'intégrité physique, psychique et les limitations fonctionnelles sont en cause, ce n'est pas vrai qu'un médecin évaluateur, avec une heure d'examen, est en mesure de se pencher sur toutes ces questions-là. On pense qu'on devrait faire appel dans des cas où, entre autres, la résistance physique, la force ou le déficit cognitif secondaire sont en cause en rapport à un traumatisme crânien et des cas complexes, là, où on dit: Pourquoi les membres du BEM ne font pas appel dans le fond à des centres médicaux spécialisés pour faire évaluer ces différents éléments-là, puis enfin ils rendront une décision éclairée, un avis éclairé qui va lier, hein, soit dit en passant, parce que l'avis du BEM lie la CSST, puis ça a des conséquences, ça a des conséquences juridiques pour les travailleurs?

Donc, on pense que les membres du BEM ne devraient pas être réticents mais au contraire devraient faire appel à ces bureaux-là, à ces centres médicaux là. Bon.

Concernant le délai opérationnel, bon, ça, c'est le délai qui s'écoule entre le jour de la réception d'une demande au BEM et la date de transmission de l'avis. Ce qu'on nous dit, c'est que le BEM veut ramener ça à moins de 18 jours. Mais les données sont quand même curieuses. Encore une fois, quand on compare toutes les données qui nous sont données, on ne comprend pas pourquoi, en 2001, il y a eu 1 500 demandes de plus que les années précédentes et pas plus non plus que le quasi doublement du délai opérationnel moyen de traitement entre 2000 et 2001. Donc, on a eu un bond dans le nombre de demandes ? ça, on le conçoit ? mais pourquoi le délai opérationnel a doublé entre 2000 et 2001? Et pourquoi par la suite il y a eu une réduction spectaculaire du délai? Ça, on ne nous le dit pas, hein? C'est comme si on a perdu des données ou n'est pas en mesure de les expliquer. Bref, ça pose un certain nombre de questions. Et puis on ne parle pas non plus de la hausse spectaculaire qui s'est produite en 2004, quand le délai est remonté à 31,5.

Donc, il y a des variations importantes tant dans le nombre de dossiers qui sont... quant au nombre d'avis produits; pas le nombre de dossiers reçus au BEM, mais, le nombre d'avis produits, il y a des variations importantes. Il y a des variations importantes quant au délai, mais on ne sait pas pourquoi ces variations-là sont arrivées. C'est-u parce qu'à un moment donné on a eu trop de demandes puis on a mis de la pression pour que les décisions soient rendues rapidement? C'est-u pour d'autres raisons? C'est-u parce que les dossiers étaient plus simples au cours de toute une année? Je l'ignore. Mais bref les informations nous semblent insuffisantes à cet égard-là.

Donc, tout ce qu'on dit dans le rapport, finalement c'est qu'on a eu de la misère à recruter, puis cette difficulté de recrutement là fait en sorte qu'on ne peut pas rencontrer nos délais opérationnels souhaités. Puis ces difficultés de recrutement sont liées à quatre raisons, quatre raisons qui quant à nous sont dans certains cas pas vraiment fondées ? dans d'autres cas, peut-être ? mais que l'État est en mesure de régler ça facilement.

Alors, ce qu'on propose, nous, c'est que le BEM poursuive ses efforts quant à l'humanisme qui doit les guider dans le cadre d'un examen de travailleurs et travailleuses accidentés du travail ou victimes de lésions professionnelles; poursuive ses efforts quant à l'assurance que les examens seront complets; qu'on fasse toujours le même genre d'examen pour le même type de lésion et qu'il y ait une cohérence, entre les membres du BEM, quant aux dénominations des diagnostics pour éviter qu'on se ramasse à la Commission des lésions professionnelles, alors qu'il n'y a pas véritablement de litige; ensuite, veiller à ce que les membres du BEM ne confondent pas leur rôle avec celui des membres de la CLP, des commissaires. Ça, c'est fondamental. S'ils se mêlent de ça, on s'en va directement là où il ne faut pas aller.

Et il faut aussi que les membres du BEM poursuivent leurs efforts quant au recrutement, c'est bien sûr, si recrutement possible il y a en raison de la pénurie des médecins actuellement, et essayer de mettre fin à la surutilisation des médecins, et aussi continuer l'effort quant à la réduction des délais pour la production des avis. Merci beaucoup.

Le Président (M. Jutras): Alors, merci, M. Faucher. M. le député de Groulx.

M. Descoteaux: Merci, M. le Président. M. Faucher, Me Roiseux, bienvenue devant la commission. Je vais avoir seulement peut-être une question ou un point que je veux aborder avec vous, M. Faucher. D'ailleurs, je suis un peu surpris de la teneur de vos propos concernant la rétro-information, et ça m'a rappelé que du temps où, vous, vous plaidiez devant moi, vous, procureur pour la CSD, puis, moi, arbitre, vous me surpreniez à l'époque aussi donc, mais dans le bon sens.

Il y a quelque chose qui m'échappe un peu parce que vous semblez aller passablement loin au niveau de la rétro-information, alors que le BEM veut s'en servir, ce que j'ai compris, à toutes fins utiles, dans le cadre du respect de la loi telle qu'elle existe, donc avec l'interprétation qu'on doit lui donner. Je me réfère aux propos qu'on a entendus hier de la FTQ où M. Massé nous disait: Bien, la loi est déjà faite en fonction d'être interprétée de façon large et libérale, les tribunaux l'ont reconnu, et c'est à juste titre que le BEM devrait suivre cette façon de penser là. La CSN nous dit la même chose, malgré que pour la CSN, eux, ils vont beaucoup plus loin, ils disent: Il est trop tard pour le BEM, ce que je ne crois pas d'ailleurs. Et la position qu'on a du BEM comme tel, de nos experts, ils nous disent: Nous, on applique ? et c'est un peu le point que vous faites ? nous, notre rôle est purement médical, et on applique la science. Notre rôle est scientifique. On arrive à une conclusion scientifique après un examen médical et une analyse du dossier. Et le Conseil du patronat suit ça parfaitement parce qu'ils sont venus nous dire: Le rôle du BEM, c'est purement médical, il ne peut pas faire d'autre chose que ça. Et, s'il y a un aspect d'interprétation, de façon large et favorable, en faveur du travailleur accidenté, de façon à ce que ce soit remédiateur, ce sera à un autre à regarder ça.

Moi, je peux suivre l'argument jusqu'à un certain point. C'est parfait. Si l'expert du BEM ne peut pas interpréter la loi de façon large et regarder le contexte aussi du travailleur où il va retourner pour prendre sa décision, bien je me dis: Parfait, à ce niveau-là, une autre instance va le faire, va regarder l'aspect sous cet angle-là.

Malheureusement, lorsque la décision part du BEM où on dit: Vous ne vous préoccupez pas de l'interprétation large, et libérale, et remédiatrice, un autre va le faire, la décision du BEM descend à la CSST qui doit l'appliquer. Mais la CSST, comme on le sait et comme on a appris au cours de ces audiences-ci, la CSST est liée par la décision du BEM. Donc, les Américains appellent ça «un catch-22», on tourne en rond. On n'appliquera jamais, à ce niveau-là, une interprétation large, et libérale, remédiatrice en faveur du travailleur accidenté.

Où est-ce que ça va s'appliquer, ça? Bien, la décision va être contestée quand elle va se rendre, elle va monter à la Commission des lésions professionnelles. Et là, sans insulter qui que ce soit, là on a un vrai tribunal, dans le sens que, malgré que le BEM en soit un, tribunal, hein, il doit arbitrer, et là on a un tribunal qui va regarder l'ensemble du dossier, qui va regarder la question médicale et qui va regarder l'aspect remédiateur de la loi. Et c'est peut-être pour ça qu'on se retrouve avec un bon nombre de décisions du BEM appliquées par la CSST qui sont révisées et cassées par la Commission des lésions professionnelles.

n(11 heures)n

Donc, moi, quand je vois le BEM qui fait des efforts, des efforts pour que ses membres, les médecins experts, regardent, élargissent un peu leur champ de vision, avoir au moins une vision à 180 degrés, là, et que vous nous dites, parce que ça a été des commentaires qu'on a entendus aussi, là: On ne veut pas jouer à l'avocat, ce n'est pas jouer à l'avocat de regarder son rôle à l'intérieur d'une loi qui doit être interprétée de façon à remédier les problèmes du salarié ou du travailleur accidenté.

Vous nous dites: Ils vont transformer. Je vous dirais que vous allez beaucoup plus loin que même le Conseil du patronat ou l'association des médecins experts parce que vous nous dites: Ils vont se transformer en enquêteurs, ils vont se transformer en juristes. Moi, enquêteur, ça veut dire l'inquisition, on va rentrer dans la vie privée des gens. Et ce n'est pas comme ça que j'ai compris la chose, loin de là. Et je trouve l'effort du BEM louable de ce côté-là, parce qu'au fond, si le BEM ne rend pas une décision selon le sens de la loi ? et on a bien compris la position du Conseil du patronat sur ça parce qu'il veut limiter le plus possible à l'aspect médical, ce qui peut être défendable à condition qu'une autre instance du même niveau s'occupe de l'aspect large et libéral de la loi ? bien là on se retrouve devant un cul-de-sac et on se retrouve avec encore plus de décisions qui vont monter à la Commission des lésions professionnelles.

Donc, je vous le dis, honnêtement, ça m'étonne. Ça m'étonne que vous preniez cette position-là parce que le BEM n'a jamais voulu aller si loin puis devenir un système d'inquisition. Mais ils veulent que leurs membres ouvrent, élargissent leur vision pour prendre en compte non pas des courants jurisprudentiels. Ce n'est même pas des courants jurisprudentiels. Vous donnez l'exemple de certains. À un moment donné, il y en a un qui a une tendance. Je me souviens, quand j'étais arbitre, on appelait ça un arbitre qui chire; il part sur un bord, puis les autres suivent un bout de temps. Mais, à un moment donné, la cour dit: Non, non, on est dans le champ, là. Bon.

Donc, je trouve ça dangereux, votre approche, parce qu'au fond vous êtes ? ça fait deux fois que j'utilise l'expression ce matin; mais vous êtes ? réducteurs à l'endroit d'un tribunal. Ça demeure un tribunal, moi, dans mon esprit en tout cas, le BEM, puisqu'il doit trancher. Avant ça, bon c'était de l'arbitrage médical, mais c'est encore ça, le système. Il doit trancher et avec le privilège, comme on a entendu hier, de poser son propre diagnostic, mais ce n'est certainement pas d'aller aussi loin que vous dites. Et je trouve ça dangereux parce que ça nous amène sur un terrain que jamais le BEM n'a voulu aborder mais que le BEM fait des efforts louables, je pense, pour, comme je vous ai dit, là, élargir son champ de vision.

Le Président (M. Jutras): M. Faucher.

M. Faucher (Claude): Alors, ma collègue pourra compléter la réponse, mais ce que je dirais, c'est que bon notre formation de juriste nous amène à comprendre très bien qu'une loi à caractère social, par la Loi d'interprétation, doit être interprétée d'une manière large et libérale, de façon à favoriser dans le fond, dans ce cas-ci, les victimes de lésions professionnelles. Le débat n'est pas là.

Le débat est que, dans notre mémoire, nous signalons qu'il y a un risque de glissement. Et on n'est pas contre la formation des membres du BEM. Bien au contraire, on souhaite qu'elle soit obligatoire. Ce qu'on dit tout simplement, c'est qu'il faut faire très attention et que la direction du BEM a le devoir de faire très attention pour qu'il n'y ait pas de glissement entre le rôle, et l'appréciation, et le travail qui se fait et la présentation de la preuve qui se fait au niveau du tribunal administratif qu'est la Commission des lésions professionnelles, et le devoir de l'arbitre médical du Bureau d'évaluation médicale, qui est d'évaluer médicalement le dossier en fonction de ce qu'il détient. Donc, lui, il n'a pas à faire d'enquête, il n'a pas à évaluer la balance des probabilités. Il n'a pas à rendre une décision sur le plan juridique, il a à rendre un avis sur le plan médical. Et c'est ce glissement-là qu'on veut éviter tout simplement, sachant très bien par ailleurs que le membre du BEM devrait, quand il y a un doute dans son esprit, avoir une oreille favorable en fonction du médecin traitant du travailleur.

Le médecin traitant du travailleur a toujours son importance primordiale. Il a pris le travailleur alors qu'il a eu sa lésion puis il l'a suivi médicalement, jusqu'à ce qu'il y ait un litige au niveau d'un certain nombre de données qui dans le fond ne sont pas de la faute du travailleur mais d'une compréhension médicale ou d'une évaluation médicale.

Donc, si le membre du BEM a un doute, oui, je dirais qu'il penche du côté de l'avis du médecin du travailleur ? s'il a un doute. Dans ce sens-là, oui, l'article 41 de la Loi d'interprétation, l'interprétation large et libérale en faveur de, dans ce cas-ci, l'assuré, la victime des lésions professionnelles, doit guider.

Le Président (M. Jutras): Mme la députée de La Peltrie.

Mme Hamel: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Jutras): ...chose à ajouter, Me Roiseux?

Mme Roiseux (Marie Anne): ...des exemples concrets de glissement, là. Qu'on pense, par exemple, à la théorie des signes de Waddell, ceux qui ont eu l'occasion de...

Une voix: ...

Mme Roiseux (Marie Anne): Waddell. C'est un médecin qui avait établi une série de tests qui permettaient de déterminer si la douleur était d'origine organique ou plutôt subjective, ce qui ne veut pas dire qu'elle n'existe pas, ce qui ne veut pas dire qu'elle n'est pas réelle. Mais il y a un courant qui utilise les signes de Waddell pour dire que la personne crée ou invente, et, en bout de ligne, on s'en va vers en fraudeur, O.K.? Et cette théorie-là a eu un mouvement très fort et avec beaucoup d'écoute à la CLP, ou à la CALP, ou à la Commission des affaires sociales.

Donc, ce que je veux dire, c'est que, si, par exemple, on donne tout le temps, tout le temps des décisions qui vont appuyer cette interprétation-là, est-ce qu'on ne risque pas d'avoir des médecins qui vont tout le temps aller à la recherche des signes de Waddell puis tout le temps aller à la recherche du côté frauduleux? Et on le voit moins, on l'a vu beaucoup à une certaine époque.

Ceci étant dit, on ne vous dit pas que la formation est mauvaise ou quoi que ce soit. On n'a pas beaucoup d'informations, hein, sur la formation qui est donnée dans le document qui nous est remis. Alors, c'est pour juste vous souligner qu'il peut y avoir un glissement. Je vous donne un exemple concret. Et voilà.

Le Président (M. Jutras): Mme la députée de La Peltrie.

Mme Hamel: Merci, M. le Président. Madame, monsieur, bonjour.

Je voudrais vous amener à la page 10 de votre mémoire, la sous-utilisation de centres médicaux spécialisés. En tout dernier, là, vous dites: «On ne comprend pas du tout la réticence des membres du BEM de recourir à ces centres, surtout que les membres du BEM sont sursollicités alors que les centres médicaux spécialisés, eux, sont sous-utilisés, voire pas du tout utilisés.» J'aimerais ça que vous éclaircissiez ça parce que, moi, ma compréhension, là, jusqu'à maintenant c'était que, quand on est rendu avec un dossier au BEM, c'est que c'est quand même des dossiers qui sont étoffés, qu'il y a eu des spécialistes dans le dossier ou des experts qui ont donné leur avis. Alors, lui, il va trancher selon les dires des médecins du travailleur ou de l'employeur puis il va trancher.

Alors, je voudrais que vous m'expliquiez, là, votre affirmation.

Mme Roiseux (Marie Anne): Bon. Encore une fois, là, on a pris les informations sur l'utilisation dans le document qui nous avait été remis. D'une part, les dossiers peuvent être étoffés; ça va dépendre. Il peut y avoir des dossiers, qui sont relativement peu étoffés, qui vont se rendre devant le Bureau d'évaluation médicale, c'est-à-dire qu'il peut y avoir une contestation sur le diagnostic, par exemple, à retenir en relation avec une lésion et sur le diagnostic tout court, qui va être dès le début du dossier. Donc, à ce moment-là, ça peut se faire très rapidement, et le dossier peut ne pas être tellement étoffé.

Ce qu'on se dit tout simplement, c'est que, si le médecin disait: Je suis devant tel type de lésion, un exemple, une épicondylite, O.K., une épicondylite n'est pas une lésion où on peut voir facilement la limitation qui en résulte, en ce sens que, si vous faites plier le bras ? ça, c'est pour le barème ? le bras va plier, il n'y aura pas de problème, il va faire tous les mouvements qu'on veut. Ça va être beaucoup plus certains gestes qui à la longue vont être difficiles à faire, vont faire réapparaître la douleur. Alors, si le médecin du Bureau d'évaluation médicale pouvait avoir ces évaluations faites à leur demande, alors qu'ils auraient une certaine certitude de l'intégralité ou de l'intégrité plutôt de l'évaluation ils auraient peut-être un avis plus solide au niveau de l'atteinte et au niveau aussi des limitations quant aux mouvements et des... à retenir pour le travail. C'est tout simplement ça. Ces évaluations-là ne se retrouvent pas nécessairement dans les dossiers, surtout si on demande au médecin du Bureau d'évaluation médicale de rendre une décision sur des atteintes et des limitations, alors que le médecin traitant, lui, en est encore au traitement.

Donc, on n'en est pas encore rendu à dire: Bien, c'est quoi exactement, les limitations? Cette information-là ne se retrouve pas nécessairement dans les dossiers. Ce sont vraiment des évaluations qui sont spécialisées. Je pense au syndrome du déficit, syndrome cognitif, là, qui résulte d'un trauma crânien, c'est des tests qui prennent deux jours à faire, dans des endroits fermés, avec des évaluateurs qui sont des neuropsychologues. C'est très long. Ça ne se fait pas rapidement. Et ils ne sont pas nécessairement... on peut voir que quelqu'un a un syndrome, mais on ne sait pas encore comment il va être évalué. Donc, il faudrait que ces évaluations-là soient faites.

Mme Hamel: Bien, peut-être que j'ai mal compris, mais il me semble que, de la part du médecin traitant ou de la part de la CSST, quelque part dans une situation, il faut aller un peu plus loin. Quand on a à trancher, là, sur les points 4 et 5, là, à un moment donné, il faut se baser sur quelque chose. Alors, est-ce que ce n'est pas au médecin traitant ou à la CSST, là, de...

Mme Roiseux (Marie Anne): Il arrive...

Mme Hamel: ...faire faire ces tests-là?

n(11 h 10)n

Mme Roiseux (Marie Anne): Oui. Il arrive que la CSST ou le médecin traitant va référer la personne à certains organismes. Ça arrive. Mais, comme je dis, tout va dépendre dans quel état est le dossier, à quelle étape où on en est rendu.

Si le médecin traitant, lui, en est encore à l'étape de traiter la personne, il n'aura pas fait faire les tests pour évaluer la résistance. Il aura peut-être fait... Il y aura certainement des indications dans le dossier, des examens qui auront été faits, mais ça ne nous dira pas quel est l'état actuel de la personne et quelles sont ses limites. Je ne vous dis pas que tous les dossiers le nécessitent, là, et même je dirais que ce n'est pas la majorité des dossiers qui nécessitent de telles évaluations, mais dans certains cas ça pourrait être nécessaire, et on se dit que ce serait une bonne chose que les médecins puissent y recourir et on les encouragerait.

Mme Hamel: O.K. Merci.

Le Président (M. Jutras): M. le député de René-Lévesque.

M. Dufour: Oui, merci beaucoup, M. le Président. Alors, Mme Roiseux, M. Faucher, bienvenue à cette commission, merci pour votre mémoire.

Peut-être à l'inverse de ce que mon... ou approfondir ce que le député de Groulx voulait signifier ou voulait vous faire parler, sur la rétro-information, moi, ce que je comprends de la manière que vous avez libellé votre texte: «En faisant de la rétro-information sur les décisions rendues par la CLP, on risque d'orienter les décisions des membres du BEM vers ce qui peut être gagné plutôt qu'en fonction du cas qui [lui] est confié.» On parle de glissement.

Tu sais, au contraire de ce que le collègue de Groulx disait, ce que j'y vois là-dedans, moi, c'est qu'en regardant ce que j'appelle la jurisprudence des décisions de la CLP, c'est qu'il y aurait un risque de glisser sur le fait que, ce que la CLP a renversé par rapport au BEM, en l'étudiant, ils risqueraient de se donner des outils pour moins le renverser. C'est un peu ça que vous voulez dire?

M. Faucher (Claude): Ce serait peut-être intéressant pour le médecin d'être moins renversé effectivement parce que ça ferait paraître sa qualité d'avis meilleure.

Bon, ceci dit, le médecin évaluateur, lui, n'a pas à jauger la crédibilité du témoin, n'a pas à recevoir des preuves parce que c'est un procès de novo devant la Commission des lésions professionnelles, n'a pas à jauger les nouvelles preuves qui sont présentées devant la Commission des lésions professionnelles, n'a pas à entendre des témoins qui peuvent venir ajouter, corroborer, apporter des informations qui n'apparaissent pas au dossier.

Donc, c'est deux rôles complètement distincts, et tout ce qu'on fait, vous avez raison, on allume la lumière rouge pour dire: Attention, pour ne pas qu'il y ait de glissement.

M. Dufour: O.K. Vous ne dites pas, dans votre mémoire, que vous voulez évincer le BEM, O.K., et vous parlez, bon, il y a eu certaines améliorations au niveau humain. Bon. Je regarde l'ensemble de votre mémoire, et M. Massé de la Fédération des travailleurs du Québec nous disait hier que la loi est là, et, si on se fie à l'esprit de la loi ? malgré que j'aie déjà travaillé dans ce domaine-là, puis l'esprit de table de négociation, des fois il peut être large, là ? mais qu'on a les outils nécessaires sans réouvrir la législation actuelle.

Alors, si on se fie aux outils qu'on a actuellement, le fait de donner un peu plus de marge de manoeuvre au médecin traitant par rapport à la loi qu'on a là, qui, lui, peut référer, si besoin est, à un spécialiste pour entériner le diagnostic qu'il avait fait lui-même, est-ce que ça empêcherait inévitablement que la CSST conteste ou que l'employeur conteste ou il faudrait modifier législativement la loi au moment où on se parle?

M. Faucher (Claude): Moi, je pense que l'intention de la loi est de donner le plus de crédibilité possible à l'avis du médecin traitant. Ceci dit, peu importent les moyens qu'on prendra, à moins d'une interdiction formelle ? ce qui à mon avis n'existera jamais ? c'est sûr que la CSST et l'employeur sont des parties au dossier susceptibles de contester.

M. Dufour: O.K. Il y a un problème majeur parce que les groupes nous disaient hier ? et même on va en rencontrer, un autre groupe tout à l'heure, là, puis c'est un problème qui est criant ? c'est que, malgré le travail qu'on va avoir à faire comme membres de la Commission économie et travail, suite à ces deux jours de travaux-là, c'est que, si on veut effectivement donner un peu plus de marge de manoeuvre aux médecins traitants... c'est qu'on nous dit par contre, par ricochet, qu'il y a des médecins traitants qui ne veulent pas en avoir, d'accidentés du travail, par rapport aux problèmes de contestation, des problèmes administratifs, et ça va aussi loin de dire qu'effectivement...

Un travailleur qui se blesse de nuit s'en va à l'urgence. L'urgence, ils sont obligés de le traiter, il y a attestation médicale. Mais il ne veut rien savoir de son cas. Il s'en va dans une clinique. Il passe comme trois médecins, là, tu sais, puis le médecin qui le prend, bien, il l'envoie en référence à un spécialiste, puis là bien on se demande, là, c'est qui, le médecin traitant au travers de tout ça.

Et je me dis: Comme vision du travail qu'on a à faire comme commission parlementaire, c'est que, même si on donne la marge de manoeuvre au médecin traitant, il va toujours avoir ce problème-là quand même, là. Alors, qu'est-ce que vous répondez à ça? Quelle est votre vision là-dessus?

Mme Roiseux (Marie Anne): Écoutez, c'est sûr que c'est une problématique qui est vécue par beaucoup de gens. D'abord, la première problématique qu'on a pour tout le monde, là, c'est l'absence de médecins traitants, point, c'est-à-dire de médecins qui prennent en charge quelqu'un, puis ça, c'est un problème qui déborde, là, du problème du Bureau d'évaluation médicale.

Mais ça amène beaucoup de problématiques au niveau des travailleurs. Par exemple, d'une part il y a toute une perception par le système médical qu'il reste, encore là, des gens qui se demandent si le travailleur qui est là, il vient... C'est la première fois qu'il le voit. Est-ce qu'il connaît la personne? Est-ce qu'il sait qu'elle est de bonne foi? Alors, il y a un petit peu de méfiance, il se demande s'il veut avoir un congé, et tout ça. Donc ça, ça amène ce lien de confiance là, qui n'est pas toujours facile, et évidemment aussi ça fait des médecins qui n'ont pas le goût de répondre parce qu'il y a un côté administratif qui peut être lourd pour certains médecins.

Mais vous dire qu'est-ce qu'on peut répondre à ça, la seule chose qu'on peut dire, c'est que le Bureau d'évaluation médicale, lui, ne vient pas répondre à cette problématique-là, O.K.? La façon dont beaucoup de travailleurs, malheureusement, perçoivent le Bureau d'évaluation médicale, c'est: Encore un autre médecin qui va me regarder mais qui ne me donnera pas de réponse. Parce que le Bureau d'évaluation médicale n'est pas là pour traiter. Il va peut-être faire des suggestions, mais il ne sera pas là pour faire un suivi. Et déjà les travailleurs ont été promenés d'un médecin à l'autre et ils ont été contestés ou plus ou moins mis en doute dans beaucoup de cas, là, dans ceux qu'on retrouve. En tout cas, nous autres, ceux que je retrouve dans mon bureau, évidemment ils ont été mis en doute par le médecin de l'employeur, donc ils arrivent déjà au Bureau d'évaluation médicale un peu stressés.

Souvent, on voit des gens, ils vont dire: Il en met beaucoup. Vous comprenez que le travailleur, ça fait quatre médecins qu'il va voir puis que chacun le regarde en disant: Bien, voyons, tu n'as pas si mal que ça. Ça fait que, là, il se dit: Bien, coudon, je vais lui montrer que j'ai mal puis je vais en mettre beaucoup, de la douleur. Donc, il y a ce danger-là que ça fait. Mais le Bureau d'évaluation médicale n'est pas là pour répondre à cette problématique-là. C'est peut-être d'avoir plus de médecins traitants habitués et habilités à travailler avec les accidentés de travail.

M. Faucher (Claude): ...permettez un court complément.

M. Dufour: Mais peut-être juste pour... Puis vous irez avec votre complément. Parce qu'à l'inverse, malgré que le médecin traitant ne connaisse pas plus le travailleur par rapport qu'il peut se demander s'il veut avoir un congé, le BEM, c'est la même chose aussi, il ne connaît pas plus le travailleur non plus. C'est un peu ce que vous dites, là.

Une voix: Tout à fait.

M. Faucher (Claude): Alors, effectivement, on constate qu'il y a un certain nombre de médecins qui hésitent ou refusent carrément de prendre des dossiers de CSST parce que pour eux souvent il y a trop de tracasseries administratives. Alors, dans ce sens-là. Et la Cour d'appel a déjà rendu une décision à cet égard-là. Mais que la commission ici rappelle à la CSST son devoir de réserve, qu'ils ne prennent pas fait et cause pour l'employeur dans un dossier, ça, ce serait déjà une bonne chose. Puis qu'on arrête de faire des tracasseries auprès des médecins, ça, ce serait déjà une bonne chose.

M. Dufour: O.K. Une chose m'intrigue en page 9 du document ? parce que je ne connais pas les termes médicaux; je connais du monde qui font de la défense aux accidentés qui sont presque rendus des médecins, soit dit en passant, surtout dans le niveau muscolosquelettique ? mais vous dites: «Il en est de même pour le libellé des diagnostics posés ? ça, je pense que c'est des éléments qui sont importants ? ils devrait être uniformisé pour éviter de se retrouver avec des diagnostics différents, par exemple, tendinite versus tendinopathie, alors que le médecin du BEM, au fond, a diagnostiqué la même chose que le médecin traitant.»

Vous voulez dire quoi par là? Ça veut-u dire, ce que je comprends, que la tendinite versus une tendinopathie, c'est la même chose?

Mme Roiseux (Marie Anne): ...oui. Peut-être pas dans tous les cas, mais dans certains cas, oui, et, moi, je vous dirais qu'il y a de plus en plus une tendance. Par exemple, il y a un de mes médecins experts qui me dit: Tendinite, tendinopathie, pour moi c'est la même chose. La seule chose, c'est qu'il va la qualifier d'une certaine façon. Alors, indiquer «tendinopathie traumatique», hein, ou «tendinite traumatique», ça veut dire la même chose.

n(11 h 20)n

On a le même exemple, par exemple, par rapport aux lombalgies. Avant, on avait l'entorse lombaire, et l'entorse lombaire donnait des lombalgies. Maintenant, on a de plus en plus de médecins qui de tout côté... et même la Fédération des médecins avait produit, il y a quelques années, un document où on parlait des lombalgies résultant d'un accident de travail et où on parlait d'un premier diagnostic qui était lombalgie mécanique ou lombalgie traumatique et d'autres choses comme ça.

Donc, on voit qu'il y a ça, mais on se retrouve encore avec des débats sur des diagnostics. Puis, moi-même, je le vis parce que, là, je conteste le diagnostic du médecin du BEM au nom du travailleur, je m'en vais faire voir mon travailleur en expertise, puis mon expert me dit: Bien, c'est le même diagnostic.

M. Faucher (Claude): Puis effectivement, concernant l'exemple qui vient d'être donné ? et je n'ai pas de formation médicale non plus ? mais une lombalgie, ça veut dire que tu as mal dans le dos. Alors là, il y en a qui disent: Si tu as mal dans le dos, ça ne veut pas dire que tu es blessé. Et là il y avait confusion. Puis, à la CSST, ils disaient: Une lombalgie, ce n'est pas acceptable, alors qu'une entorse lombaire, c'est acceptable, il y a une blessure.

Alors, vous voyez la confusion que ça crée, alors que, là, même la Fédération des médecins omnipraticiens a dû, dans sa formation, apporter des nuances à son propos, quant à la lombalgie, pour dire: Oui, oui, la lombalgie, là, ça veut dire qu'il a quelque chose, là, ça ne veut pas dire qu'il a juste mal. Tu n'as pas de douleur sans avoir quelque chose, là.

M. Dufour: O.K. Écoutez, au niveau des rapports humains ? puis là je vais poser une question que je n'ai pas posée du tout à d'autres groupes, mais à mon avis je pense que j'avais posé la question à ceux qui nous présentaient le rapport sur le Bureau d'évaluation médicale ? concernant les rapports humains, les rapports humains, c'est-à-dire vous faites une évaluation exhaustive, qu'il y a eu effectivement des améliorations. Par contre, il y a des groupes qui nous disaient hier que bon, selon certains témoignages, ils y ont été cinq minutes, il y a eu des diagnostics de faits, qu'il ne s'est même pas levé le bras, mal reçus.

Et vous admettez quelques recommandations à la fin de votre mémoire, dans la conclusion: «Selon la Centrale des syndicats démocratiques, le BEM doit poursuivre ses efforts [...] quant à l'humanisme qui doit guider ses membres[...]; quant à l'assurance que les examens seront complets...» Est-ce que pour vous ce serait pertinent que la personne qui va passer devant le BEM soit accompagnée d'un témoin ou d'un représentant, soit celui qui fait la défense aux accidentés ou celui qui prend sa défense s'il est syndiqué? Selon vous, est-ce que ce serait pertinent?

Mme Roiseux (Marie Anne): Moi, je ne vois pas c'est quoi, le problème, pour le Bureau d'évaluation médicale d'évaluer quelqu'un en présence d'un tiers, si la personne qui est évaluée est d'accord...

M. Dufour: ...

Mme Roiseux (Marie Anne): ...le désire. Et, quant à moi, en tout cas, comme je vous dis, je ne vois pas le problème, je n'ai jamais compris pourquoi les médecins se sentaient si menacés ou étaient si...

Une voix: ...

Mme Roiseux (Marie Anne): ...réticents ? merci ? pour ce genre d'évaluation là ou la présence de personnes. Par contre, quand on vous dit que ça c'est amélioré, c'est une constatation qu'on fait dans notre domaine, dans l'évaluation des dossiers et quand je parle avec les gens. Ça ne veut pas dire que tous les médecins font des évaluations qui satisfassent les gens qui ont eu des accidents de travail, ça ne veut pas dire que tout le monde est parfait, là. Mais, nous autres, on a noté, depuis quelques années en tout cas, j'ai noté une nette amélioration, et les gens se plaignent beaucoup moins d'une attitude négative de l'examinateur.

M. Dufour: D'accord. Bien, je vous remercie beaucoup. Il y a ma collègue qui voudrait poser une question.

Le Président (M. Bachand): Oui. Mme la députée de Matapédia.

Mme Doyer: Merci, M. le Président. Alors, ça va être très court. Vous parlez de sous-utilisation de centres médicaux spécialisés, et on est venu nous dire ? certains des groupes qui sont venus devant nous ? on nous a parlé d'équipes multidisciplinaires ou pluridisciplinaires qui seraient utilisées ailleurs, soit dans d'autres provinces ou dans d'autres pays.

Comment vous voyez ça? Qu'est-ce que vous voyez comme la meilleure façon? Puis j'aimerais que vous nous donniez des exemples de centres médicaux spécialisés. Et vous nous dites qu'ils sont sous-utilisés aussi, hein? Je ne me trompe pas?

Mme Roiseux (Marie Anne): O.K. Ils sont sous-utilisés en tout cas par le BEM. On s'entend.

Mme Doyer: Oui, oui.

Mme Roiseux (Marie Anne): Comment on voit ça? Écoutez, le Bureau d'évaluation médicale reçoit une demande d'évaluation d'un déficit pour, comme je vous disais, par exemple, un déficit cognitif secondaire à un trauma crânien. Écoutez, ça a beau être un neurologue, ça a beau être quelqu'un de très spécialisé, il ne peut pas, à l'intérieur d'une entrevue d'une demi-heure, trois quarts d'heure, maximum une heure, évaluer la perte cognitive de cette personne-là et le pourcentage. Au plus, il pourra dire: Il y a une atteinte, il est fortement atteint ou il est moyennement atteint, mais il ne pourra pas le faire de façon spécifique.

Et dans certains cas l'évaluation, elle est très pointue et elle demande beaucoup de tests. Quelqu'un qui va avoir un trauma crânien va avoir un comportement, parfois, à la suite de ce trauma-là, un changement d'humeur, un changement d'attitude qui ne se voient pas dans un bureau de médecin. Il va être très bien orienté dans le temps, il va juste rapporter qu'il perd la mémoire, mais il ne pourra pas vous dire quoi exactement. Et donc pour ça ces tests-là sont plus importants. Je vous donne un exemple.

Puis donc, quand on a ce type de dossier là, si les évaluations n'ont pas été faites ? parce que parfois elles sont faites ? mais, à ce moment-là, il serait peut-être bon de souligner qu'il y a eu tel type d'évaluation qui a été faite à tel moment, à tel moment. Parce qu'en tout cas, dans certains cas, on lit des rapports où on a l'impression que le médecin qui a examiné, lui, il voit que la personne va très bien, il n'y a pas d'atteinte, alors qu'il y a quatre rapports de neuropsychologues qui parlent ? en cours de route, qui ne sont pas finaux ? mais qui parlent de problèmes de mémoire, de changements d'humeur, de difficultés qui sont liés au trauma. Je vous donne un exemple, là...

Mme Doyer: D'accord. Et ça, c'est l'exemple pointu ou de personnes qui sont spécialisées, qui donnent un avis... spécialisées, où que le médecin du BEM réfère et va chercher des avis, et ça revient, et lui décide. Mais l'équipe multidisciplinaire ou pluridisciplinaire, de ce que vous connaissez du cheminement d'un dossier dans la structure jusqu'à quand c'est contesté, où vous la feriez agir? Si ? si ? je dis bien s'il y avait à faire appel à cette équipe-là pluri ou multidisciplinaire, où vous la verriez?

Mme Roiseux (Marie Anne): Bien, écoutez, je pense que, dans des cas de trauma où il y a plusieurs atteintes à plusieurs niveaux, ça pourrait être très pertinent, en effet. On a une personne qui peut avoir des atteintes au niveau orthopédique, là, disons, au niveau des os, au niveau musculosquelettique, on a une personne qui peut avoir une atteinte au niveau psychologique qui n'est pas nécessairement liée à un trauma crânien, mais on a une dépression qui est liée à la douleur.

Donc, dans ce sens-là, pour une évaluation ça pourrait être pertinent sur deux points, ça pourrait être pertinent sur la conduite à tenir. On a trop souvent ça, hein, quand on réfère à des spécialistes. Le spécialiste, lui, va évaluer l'aspect ? l'orthopédiste va évaluer l'aspect ? squelettique puis il ne regardera pas le reste de la personne, alors il va émettre des limitations d'un côté. L'autre médecin va dire: Bien, il n'est pas encore guéri. Enfin, ça fait beaucoup de cheminement, alors que peut-être il y aurait lieu pour, un, la nécessité des traitements d'avoir en effet une vision plus globale de la personne et donc d'avoir une équipe multidisciplinaire.

Et puis finalement, comme je vous dis, quand on en arrive au moment où la personne aura atteint cette consolidation ou ne pourra pas s'améliorer, pour l'évaluation des atteintes et des limitations ça pourrait être aussi un autre moment pertinent.

Une voix: Merci bien, madame, monsieur.

M. Faucher (Claude): ...des équipes multidisciplinaires, on pourrait aussi en utiliser à d'autres fins que dans le cadre d'une procédure de contestation.

À titre d'exemple, dans le cadre d'un programme de réadaptation, voir quel est l'état de la personne, comment on peut l'aider à améliorer sa condition physique, psychique puis sa formation pour être en mesure de se trouver un emploi, comment on peut l'aider à faire sa recherche d'emploi. Donc là, une équipe multidisciplinaire m'apparaît aussi tout appropriée, mais ce n'est pas dans un cadre d'une procédure de contestation.

Mme Doyer: Merci.

Le Président (M. Bachand): Merci, monsieur. Merci, Mme la députée de Matapédia. M. Faucher, Mme Roiseux, merci infiniment de vous être présentés à la commission, et bon retour chez vous. Je vais demander tout de suite à l'Association des constructeurs de routes et grands travaux du Québec de se présenter, s'il vous plaît.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Bachand): Messieurs, désolé, on va suspendre quelques instants, le temps d'une pause santé.

(Suspension de la séance à 11 h 30)

 

(Reprise à 11 h 40)

Le Président (M. Bachand): Donc, nous allons reprendre nos travaux, si vous le permettez, messieurs. Désolé pour le retard puis les inconvénients que ça vous a créés. Donc, la pause santé en fait, c'était pour que quelqu'un de nos collègues puisse aller fumer un peu ? on ne le nommera pas, c'est du côté de l'opposition. Comme quoi il y a des gens qui sont imparfaits dans notre équipe, c'est des humains.

M. Duchesne, M. Tétreault, M. Turmel, bienvenue à notre commission. Je vais vous demander de vous présenter ? parce que, dans l'ordre ou dans le désordre, on a de la difficulté à vous reconnaître ? pour le bénéfice de nos collègues. Vous connaissez la procédure: 15 minutes pour votre présentation. On va prendre une quinzaine de minutes aussi de part et d'autre pour poser des questions, pour éclaircir la teneur de votre mémoire.

Allez-y, messieurs.

Association des constructeurs de routes
et grands travaux du Québec (ACRGTQ)

M. Duchesne (Guy): Bon. Je vous remercie, M. le Président. Je suis Guy Duchesne. Je suis le directeur général adjoint à l'Association des constructeurs de routes et grands travaux du Québec; à ma gauche, Me Christian Tétreault, directeur du contentieux; et, à ma droite, M. René Turmel, conseiller en santé et sécurité au travail.

Permettez-moi, avant de tomber dans le vif du sujet, de vous présenter un petit peu c'est quoi, le bref portrait de l'association, ainsi que le secteur génie civil et voirie. L'Association des constructeurs de routes et grands travaux du Québec existe depuis 1944. Elle regroupe, sur une base volontaire, la majorité des principaux entrepreneurs et fournisseurs de biens et services oeuvrant dans le domaine de génie civil, de voirie, de transport d'énergie électrique et de grands travaux du Québec. L'ACRGTQ également, en vertu de la loi R-20, nous sommes l'association sectorielle responsable de la négociation de la convention collective du secteur génie civil et voirie. À ce titre, on représente les intérêts de plus de 2 000 employeurs dans l'industrie de la construction.

En matière de santé et sécurité au travail, l'association informe, forme et conseille ses employeurs dans la gestion de leurs dossiers en matière de prévention et inspection, de lésions professionnelles et de cotisations et les représente devant divers tribunaux. On représente également les employeurs dans des dossiers d'intérêt collectif, auprès de divers organismes intervenant en matière de santé et sécurité au travail.

Finalement, le secteur génie civil et voirie englobe tous les travaux de construction d'ouvrages d'intérêt général, d'utilité publique ou privée, notamment les routes, les infrastructures, les éoliennes, les barrages, les centrales et lignes électriques et les gazoducs. Environ 25 000 salariés de l'industrie y sont actifs. Les principaux donneurs d'ouvrage sont les gouvernements et leurs sociétés d'État. Sur ça, je cède la parole à M. René Turmel, qui va vous rentrer dans le vif du sujet de notre mémoire. Merci.

Le Président (M. Bachand): Allez-y, M. Turmel.

M. Turmel (René): Bonjour.

Le Président (M. Bachand): Bonjour.

M. Turmel (René): Nous proposons aux membres de la commission une présentation en trois parties: la première partie porterait sur la nécessité du BEM; la deuxième partie exposerait nos commentaires sur le bilan des mesures administratives mises en place par le BEM; et enfin, en troisième partie, nous souhaiterions présenter les difficultés rencontrées par nos employeurs au cours du processus d'évaluation médicale, processus qui comprend notamment l'avis du Bureau d'évaluation médicale, et les solutions que nous vous proposons pour y remédier.

Notre présentation débuterait à la page 3, dernier paragraphe, du mémoire. Bien que la loi accorde à l'opinion du médecin qui a charge une valeur prépondérante, nous considérons que le processus d'évaluation médicale constitue un élément essentiel à l'équilibre des droits de chacune des parties. Les employeurs qui assument en totalité le financement du régime doivent avoir l'opportunité de contrôler et de contester, le cas échéant, le bien-fondé de la position médicale du médecin traitant. À cet égard, la possibilité d'avoir recours à une opinion médicale de manière impartiale est incontestable. Il est impératif que les avis rendus soient de très grande qualité dans un contexte où les parties auront été desservies avec célérité.

À l'égard des mesures administratives mises en place par le BEM, nos commentaires porteront sur six de ces mesures, dont deux ont été réunies. À l'égard de la première mesure, qui est de répartir plus équitablement les dossiers entre les membres du BEM, nous endossons la position de la direction du BEM de fixer une limite quant au nombre d'avis, par année, qu'un membre peut produire. Le nombre maximum d'avis a été fixé annuellement à 405. Cette pratique a pour effet d'éviter des concentrations de dossiers entre les mains d'un nombre restreint de professionnels de la santé et d'assurer une plus grande qualité des avis. Or, nous constatons que cet objectif est difficile à rencontrer, puisque le nombre de membres ayant produit plus de 405 avis est passé à sept en 2004, comparativement à cinq en 2000. Cette difficulté, selon le document d'actualisation du ministère du Travail, repose sur deux facteurs: l'accroissement des demandes d'avis et la difficulté de recrutement de nouveaux membres.

En ce qui concerne l'accroissement des demandes d'avis, nous observons que, depuis 2002, le nombre d'avis est relativement stable, ce qui correspond entre 7 % et 8 % des dossiers ouverts annuellement à la CSST, et cela, incluant les avis où le membre du BEM a refusé d'exercer son pouvoir discrétionnaire. Par ailleurs, le document d'actualisation avance plusieurs raisons pour expliquer les difficultés de recrutement. Nous croyons que certaines n'ont plus leur raison d'être. Est-il nécessaire de maintenir l'exigence de cinq années d'expérience dans la spécialité? Est-il justifié d'empêcher un membre de procéder à l'évaluation à son cabinet? Nous considérons que ces deux mesures pourraient être abolies sans que cela n'entache l'impartialité, la crédibilité et la rigueur de l'institution.

Enfin, il nous apparaît évident qu'une rémunération concurrentielle favoriserait une augmentation de la qualité des avis et le recrutement de nouveaux membres.

La deuxième mesure: implanter une grille d'évaluation des avis des membres. Nous endossons sans réserve l'initiative de la direction du BEM d'implanter une grille d'évaluation des avis. Cette mesure est d'autant plus efficace qu'elle sert à identifier les correctifs à apporter et à déterminer la nécessité de formation sur une base individuelle. D'ailleurs, nous constatons, avec beaucoup de satisfaction, l'importante baisse du pourcentage des avis qui ne rencontrent pas les critères de qualité entre 1999 et 2004, passant de 27 % à 2 %, et un indice de conformité qui est passé de 68 % à 84,5 %.

Les troisième et quatrième mesures: implanter un mécanisme de rétro-information pour les membres du BEM à la suite des décisions rendues par la CLP, et élaborer un programme de formation continue. Nous considérons que la direction du BEM doit poursuivre ses efforts à ce niveau, puisque, selon les informations contenues au document d'actualisation, il semble que le pourcentage des avis contestés à la CLP soit en diminution depuis l'application de cette mesure, soit de 9,8 % en 1998 à 8,8 % en 2002. Toutefois, nous notons qu'environ 40 % des avis contestés à la CLP sont infirmés.

La cinquième mesure: améliorer les rapports humains entre les médecins experts et les victimes d'accidents du travail. Face aux critiques formulées en 1997, il était nécessaire que le BEM améliore la perception de ses services par les victimes d'accidents. À cet égard, il nous semble que les mesures adoptées ont grandement amélioré cet état de fait. Avec un taux de satisfaction de 92 % relativement au respect et à l'attention accordés par le médecin expert au travailleur, de 92 % pour les douleurs reliées à l'examen, de 72 % pour la durée de l'examen et de 82 % concernant la qualité de l'examen, il est difficile pour quiconque de soutenir l'existence d'un mécontentement généralisé comme ce fut le cas dans le passé. Par ailleurs, il est nécessaire que la direction du BEM maintienne les mesures visant à assurer que les membres continuent à traiter les victimes d'accidents avec respect, attention, professionnalisme et de manière éthique.

À l'égard de la sixième mesure qui porte sur l'utilisation des centres médicaux spécialisés pour fixer dans certains cas les DAP... et les limitations fonctionnelles, nous n'avons pas de commentaire.

Septième mesure: développer des indicateurs qualitatifs et quantitatifs significatifs concernant l'évaluation des membres du BEM. Nous constatons, à la lecture des documents du ministère du Travail, que les mesures administratives ont eu un effet bénéfique, puisque le pourcentage d'avis infirmés par la CLP en raison d'une mauvaise qualité diminue progressivement. En ce qui concerne le délai opérationnel moyen, manifestement l'objectif de la direction de maintenir ce délai à moins de 18 jours n'est pas rencontré. Le délai moyen étant de 31,5 jours en 2004, il est donc devenu nécessaire de prendre des mesures pour l'atteinte de l'objectif.

Dans la documentation, deux facteurs sont avancés pour expliquer l'augmentation du délai opérationnel: les difficultés de recrutement et le nombre croissant de demandes d'avis. Pour le premier facteur, nous avons plutôt, dans notre présentation, avancé certaines pistes de solution pour remédier à la situation. Quant au deuxième facteur, nous considérons que l'exercice adéquat de la discrétion accordée aux membres du BEM et un accès moins restreint au dossier du travailleur pourraient éviter des demandes d'avis inutiles. Nous croyons que l'augmentation des effectifs au BEM et l'exercice approprié du pouvoir discrétionnaire permettraient d'atteindre l'objectif fixé à 18 jours.

n(11 h 50)n

Par ailleurs, nous portons à votre attention le fait que les employeurs se plaignent que la durée totale du processus d'évaluation médicale excède trois mois à partir du moment où la CSST est saisie de la demande d'avis au BEM de l'employeur, ce qui nous amène à faire état des difficultés rencontrées par les employeurs à l'égard du processus d'évaluation médicale.

La première difficulté d'accès au BEM que nos employeurs rencontrent a trait à la notion de médecin qui a charge du travailleur. Lorsque le travailleur consulte plusieurs médecins, qui est le médecin qui a charge afin que l'employeur puisse identifier les rapports médicaux qui sont contestables auprès du BEM? Le travailleur a droit aux soins du professionnel de la santé de son choix. Le travailleur a donc le droit de changer à plusieurs reprises de médecin. L'employeur ne peut contester au BEM que les rapports médicaux émis par le médecin qui a charge. Les demandes d'avis au BEM de l'employeur sont refusées lorsque le rapport médical contesté n'est pas considéré comme celui émis par le médecin qui a charge. De même, lorsque le médecin qui a charge réfère le travailleur à un spécialiste qui le traite durant une certaine période. Le statut de ce médecin spécialiste constitue dans bien des cas une ambiguïté. Est-il ou non le médecin qui a charge au sens de la loi? Afin de remédier à ces difficultés, nous proposons de permettre à l'employeur de contester au BEM tout rapport médical émis par un médecin consulté par le travailleur.

La deuxième difficulté rencontrée par nos employeurs a trait à l'émission des rapports médicaux contestables au BEM. L'employeur est privé de son recours au BEM durant de longues périodes, lorsque le médecin qui a charge du travailleur n'émet pas un rapport médical suite à une consultation ou tarde à en émettre un. L'un des rapports médicaux les plus importants qui tarde souvent à être émis par le médecin qui a charge est le rapport d'évaluation médicale appelé communément REM qui doit être émis suite au rapport final qui identifie l'existence d'une atteinte permanente et de limitations fonctionnelles. Encore là, de longues périodes d'attente sont vécues par nos employeurs avec toutes les conséquences financières pour l'employeur et le régime. Par ailleurs, le format et le contenu des rapports médicaux sont inadéquats à une saine gestion des réclamations. Plusieurs rapports médicaux complétés par les médecins sont illisibles et incomplets.

Afin de pallier à ces difficultés, nous proposons les mesures suivantes: tout médecin consulté par un travailleur doit émettre un rapport médical et le transmettre à la CSST; revoir le format et le contenu des rapports médicaux afin qu'ils soient lisibles, complets et permettent une saine gestion des réclamations; le médecin du travailleur doit émettre le REM en même temps que le rapport final. Si ce médecin réfère le travailleur à un autre médecin pour l'évaluation des limitations fonctionnelles et de l'atteinte permanente, cet autre médecin doit émettre son REM dans le mois qui suit l'émission du rapport final. À défaut, nous suggérons que la CSST désigne un médecin qui produira le REM dans les 15 jours suivants, et l'avis du médecin ainsi désigné sera réputé être l'avis du médecin du travailleur et contestable au BEM par l'employeur.

La troisième difficulté a trait à l'accès de l'employeur au dossier médical. L'employeur éprouve des difficultés à exercer ses recours auprès du BEM, du fait que le dossier médical du travailleur est tenu confidentiel. En effet, la loi lui interdit de recevoir les rapports médicaux subséquents à la période des premiers 14 jours et tous les autres documents médicaux émis au dossier de lésions professionnelles. Cet interdit est très lourd à gérer, inéquitable et restreint l'accès de l'employeur au BEM. Dans les faits, cet interdit amène les difficultés suivantes: l'employeur se voit obligé d'identifier, auprès de la CSST, un médecin désigné pour connaître le suivi médical et exercer ses recours. Même lorsque l'employeur a identifié un tel médecin, la CSST néglige, ou tarde, ou retarde la transmission des documents, l'obligeant à faire de multiples démarches pour qu'elle les transmette à son médecin désigné. De plus, même lorsque la CSST expédie les documents au médecin désigné, ce dernier peut difficilement assurer un examen de tous les rapports émis pour chacune des réclamations et informer l'employeur des recours à prendre. Ces médecins-là ont plusieurs employeurs. Ces employeurs-là ont plusieurs travailleurs.

Les médecins consultés n'ayant pas l'obligation de transmettre à la CSST tous les documents médicaux en relation avec l'événement, tels que le protocole radiologique, le protocole opératoire, le test d'investigation, etc., l'employeur se voit obligé d'obtenir une autorisation d'accès du travailleur ou faire des pressions sur la CSST pour qu'elle obtienne copie des documents. Cette situation empêche l'employeur et son médecin désigné de faire une analyse adéquate de l'état du dossier.

Afin de pallier à ces difficultés, nous proposons les mesures suivantes: tout médecin consulté par le travailleur doit transmettre à la CSST tous les documents médicaux relatifs à la lésion professionnelle, et ce, dans les meilleurs délais; l'employeur doit avoir accès au dossier médical et intégral du travailleur en rapport avec sa lésion professionnelle afin de disposer d'une défense pleine et entière. Pour ce faire la CSST doit les lui transmettre périodiquement, dans les meilleurs délais.

Il est ironique de constater que l'employeur reçoit une copie complète du dossier médical et administratif de la Révision administrative et de la CLP afin de lui permettre une défense pleine et entière devant ces instances, alors qu'il est empêché d'avoir accès au dossier médical au moment où il est opportun de faire la gestion du dossier. Il est inapproprié que l'agent payeur ou l'employeur soit exclu du processus d'information, étape essentielle à un suivi rigoureux de chaque réclamation permettant l'exercice de ses droits de contestation prévus à la loi. Le droit de l'employeur de contester un rapport médical ou une décision de la CSST de nature médicoadministrative implique nécessairement que, pour être exercé, l'employeur reçoive copie des rapports médicaux et tous les autres documents médicaux.

La quatrième difficulté a trait à l'avis du membre du BEM. À l'égard des avis rendus par les membres du BEM, nos employeurs éprouvent principalement deux difficultés. La première difficulté a trait au pouvoir discrétionnaire accordé aux membres du BEM de se prononcer sur des sujets sur lesquels le médecin qui a charge ne s'est pas prononcé. À cet égard, la quasi-totalité des membres du BEM refusent d'exercer leur pouvoir discrétionnaire en ne se prononçant pas sur la date de fin des traitements, les limitations fonctionnelles et l'atteinte permanente, alors qu'ils consolident la lésion professionnelle. Ce refus peut avoir plusieurs conséquences: un allongement de la période de versement des indemnités qui peut être considéré injustifié ultérieurement; l'émission du rapport final et du REM du médecin qui a charge qui tarde à être émis ou qui n'est pas émis, car ce médecin juge la lésion non consolidée, contrairement à l'avis du membre du BEM; troisième conséquence, la nécessité d'une deuxième expertise du médecin désigné de l'employeur après l'émission du rapport final ou du REM et un deuxième avis du BEM; quatrième conséquence, ou un avis du médecin désigné de la CSST suivi d'une demande d'avis au BEM logée par la CSST si le médecin qui a charge tarde trop à émettre son rapport final et son REM.

La deuxième difficulté origine du fait que des membres du BEM fixent les dates de consolidation et de fin des traitements à la date de leur examen, alors que le dossier médical leur permettrait de fixer une date antérieure à la date de leur examen. L'employeur doit donc contester l'avis du membre du BEM pour tenter de faire reconnaître les dates fixées par son médecin désigné.

Afin de pallier à ces difficultés, nous proposons les mesures suivantes: si le membre du BEM consolide la lésion professionnelle, il doit se prononcer sur les limitations fonctionnelles et l'atteinte permanente, même si le médecin traitant ne s'est pas prononcé sur ces sujets; le membre du BEM doit considérer une date de consolidation et de fin des traitements antérieure à la date de son examen si la preuve médicale le permet.

Et la cinquième difficulté a trait au processus de contestation de l'avis du BEM. La loi prévoit que l'avis du BEM est contestable devant la Révision administrative de la CSST et par la suite à la CLP. Nous considérons que l'étape devant la Révision administrative est inutile, puisque la CSST est liée par l'avis du BEM. Cette situation a pour effet de prolonger inutilement les délais pour obtenir une décision finale. Afin de pallier à cette difficulté, nous proposons d'adresser directement à la CLP les contestations relatives à l'avis du BEM.

En guise de conclusion, le processus d'évaluation médicale prévu à la loi représente un élément essentiel à l'équilibre du régime. Cette institution s'est grandement améliorée relativement aux items ayant fait l'objet de critiques dans le passé. Nous sommes conscients que cette amélioration est le fruit du travail accompli par la direction du BEM et qu'il faille maintenir des efforts constants à ce niveau. Par ailleurs, il est primordial que des mesures soient également prises pour atténuer les difficultés de gestion rencontrées par nos employeurs. Merci.

Le Président (M. Bachand): Merci, M. Turmel. Donc, je vais donner l'opportunité au député de Groulx de vous poser des questions pour éclaircir un peu la situation.

Allez-y, M. le député de Groulx.

n(12 heures)n

M. Descoteaux: Merci, M. le Président. Bienvenue, messieurs, devant la commission. Merci pour une présentation qui est droite au but. Et, si vous me permettez, j'ai juste quelques questions parce que je vais laisser l'opportunité à mes collègues de discuter et d'échanger avec vous.

Ce qu'on a entendu, vous l'avez probablement entendu aussi, au courant de l'avant-midi et hier, la question de fixation de la date de consolidation, en fait votre deuxième difficulté que vous rencontrez au niveau du BEM, vous avez certainement entendu nos experts, là, les médecins experts, nous dire que leur approche était basée sur une approche scientifique. Donc, ils doivent regarder le dossier, bien entendu, mais d'un autre côté, médicalement parlant, si on est pour se prononcer à ce niveau-là, ils doivent constater de visu.

Vous nous dites: Bien, le médecin du BEM pourrait fixer la date de consolidation antérieurement à sa visite. Mais est-ce qu'ils ne sont pas tout à fait justifiés de rendre cette décision-là, de consolider à la date où le travailleur est devant eux, parce qu'ils doivent le constater, et bon l'approche scientifique fait en sorte qu'on se prononce sur ce qu'on voit? Et j'ai un peu de difficultés à vous suivre lorsque vous demandez à un expert de se prononcer sur quelque chose qui était antérieur, alors que, lui, il n'était pas là, bien entendu. Puis il faut se souvenir qu'on parle de médecins experts, là, ici.

M. Tétreault (Christian): Si vous me permettez, je vais essayer de vous éclairer le plus possible sur cette question-là. S'il y a de l'ambiguïté, vous me le laisserai savoir, là, pour que ce soit clair dans votre esprit.

D'abord, la notion de consolidation, elle est définie à la loi, hein? La consolidation, c'est le moment, la date où l'individu a atteint le maximum de récupération, la date ou le moment où il est plus... de s'améliorer par la nature des traitements. Alors, la date de consolidation, c'est évident que le médecin peut faire un exercice en examinant l'ensemble de la preuve documentaire qui est au dossier, l'ensemble des documents médicaux pour constater à quel moment l'individu a plafonné en termes d'amélioration de sa condition physique. Et quel exercice il fait pour déterminer ça? Bien, il évalue les constations cliniques qui sont rapportées par les différents évaluateurs et là il dit: Bien, écoute, moi, je constate qu'à compter de cette date-là l'individu avait manifestement atteint un plateau thérapeutique.

Par exemple, si la preuve médicale tend à démontrer que l'individu, il n'a plus aucun signe clinique de souffrance de quelque nature que ce soit depuis le 1er janvier, par exemple, s'il l'évalue au mois d'avril, il n'y a rien qui l'empêche de faire une analyse en rétrospection pour dire: Bien, moi, je constate que ? puisque mon mandat, c'est de déterminer à quel moment l'individu a atteint le maximum de récupération; je constate que ? les signes cliniques qui ont été observés en janvier, à partir de janvier, témoignent du fait que l'individu a atteint le maximum de récupération et, par voie de conséquence, était donc consolidé à cette date-là, alors que, la pratique actuellement, effectivement, ils consolident au moment où ils procèdent à l'examen de l'individu. Alors, à mon avis, ils passent à côté du mandat qui leur est donné par la loi, puisque leur mandat, c'est d'identifier à quel moment l'individu a atteint le plateau thérapeutique, le maximum de récupération. Et il se peut que ce maximum de récupération là soit en fonction de... de preuve, soit antérieur à la date où ils ont procédé à l'examen.

Et il y en a certains, médecins évaluateurs du BEM, qui font l'exercice correctement et qui, après avoir analysé l'ensemble de preuves documentaires qui est au dossier ? parce qu'eux autres, ils ont tous les documents médicaux, hein, ils ont tout l'historique... Tous les rapports médicaux que la CSST a en sa possession sont expédiés au BEM, alors ils sont en mesure de faire une analyse pour voir à quel moment l'individu a atteint le maximum de récupération. C'est dans ce sens-là qu'on vous dit que l'exercice devrait être fait correctement.

M. Descoteaux: Lorsque...

M. Tétreault (Christian): Et j'ajouterais juste, si vous me permettez, juste...

M. Descoteaux: Oui. Allez-y.

M. Tétreault (Christian): D'ailleurs, c'est l'exercice qu'on fait quand on se présente, devant la Commission des lésions professionnelles, sur une question où le tribunal doit déterminer quelle est la date de consolidation qui concerne la lésion professionnelle, là, pour laquelle on analyse le cas.

Alors, l'exercice que la CLP fait à ce moment-là, c'est tout simplement d'examiner l'ensemble de la preuve documentaire. Ils font exactement le même exercice qu'on suggère de faire, à ce stade-ci, par les évaluateurs du BEM pour dire: Écoutez, à compter de telle date, l'individu avait atteint le maximum de récupération et, à compter de cette date-là, il n'était plus susceptible de s'améliorer. Donc, la date de consolidation correspond à une date qui est antérieure à l'avis du BEM.

M. Descoteaux: Sans s'appuyer sur la vieille thèse ou du gros bon sens ou de trop fort ne casse, mais ne croyez-vous pas que les experts du BEM sont quand même justifiés d'y aller de façon prudente, de ce côté-là, en ce sens que, la biologie étant ce qu'elle est, les situations concernant un travailleur accidenté peuvent évoluer dans le temps? On a vu des dossiers médicaux où il y a guérison, il y a moins de guérison, il y a plus de guérison, et en fait ça monte et ça descend. Et, à ce moment-là, nos experts du BEM justement disent: On va partir du moment où j'ai, devant moi, quelqu'un, où je peux fixer ce plateau-là où il n'aura plus de changement lorsque je le vois. Ça me semble être une approche prudente.

M. Tétreault (Christian): C'est effectivement une approche qui est prudente. Soit dit en passant, dans la mesure où un individu présente... Bon. À un moment donné, il s'est stabilisé, puis dans le temps on retrouve une situation où il y a une reprise évolutive de la lésion; il y a des mécanismes dans la loi pour que l'individu puisse de nouveau réclamer à la... ce qu'on appelle les réclamations pour rechute, récidive ou aggravation.

Alors, si, par exemple ? je vous donne l'exemple de tantôt ? le 1er janvier, l'individu a été évalué, on constate, à partir de cette date-là, que le monsieur a atteint le maximum de récupération, puisqu'il n'a plus aucun signe clinique de souffrance de quelque nature que ce soit, et le médecin évaluateur l'évalue ? du BEM; l'évalue ? au 1er avril, par exemple; alors, s'il fait l'analyse comme il faut, il va faire rétroagir sa date de consolidation au 1er janvier, et, si l'individu, à un moment donné dans le temps, il a une poussée évolutive de sa lésion, il va pouvoir s'adresser de nouveau à la CSST et faire une réclamation qu'on appelle une réclamation pour rechute, récidive ou aggravation. Ce sont les mécanismes qui sont prévus dans la loi, là.

M. Descoteaux: Dans le même ordre d'idées, puis je suis tout à fait d'accord avec vous lorsque vous parlez de la célérité du processus, vraiment, là, certainement lorsqu'on parle de santé des individus et du fait qu'ils sont hors l'emploi qu'ils veulent occuper généralement. D'ailleurs, les syndicats nous l'ont dit, les associations syndicales nous l'ont dit, le but qu'ils visent, c'est que le salarié soit remis, le plus vitement possible, sur pied pour retourner au travail.

Mais, au niveau justement de mêmes principes, là, de la vitesse de la guérison, vous dites: Bon, le BEM devrait se prononcer sur le REM justement, sur les atteintes permanentes et les limitations, là, et vous voudriez qu'il se prononce alors que peut-être le généraliste ou le médecin traitant n'est pas tout à fait en mesure de le faire et que le processus de guérison, on le sait, en tout cas, moi, je pense qu'il ne s'applique pas, de la même façon, à tout le monde. Est-ce qu'il n'y a pas un risque encore une fois, et nos amis du BEM sont justement justifiés en partie d'être très prudents sur cet aspect discrétionnaire que leur donne 221?

M. Tétreault (Christian): Écoutez, c'est évident que je comprends la prudence qui anime les médecins évaluateurs du BEM lorsqu'ils ont un dossier devant eux puis qu'on leur demande leur opinion sur les trois premiers avis de l'article 212, c'est-à-dire la nécessité de traitement, la date de consolidation et le diagnostic. Je les comprends d'avoir une prudence pour ne pas se saisir de la question des limitations fonctionnelles ou de l'atteinte permanente lorsque le médecin traitant ne s'est pas prononcé sur la question. Je comprends ça, cette prudence-là.

Soit dit en passant, le médecin traitant est choisi par le travailleur, hein, il n'y a personne qui impose un médecin quelconque au travailleur, et la loi prévoit des mécanismes à l'article 205.1 et à l'article 212.1 pour que le médecin traitant... Dès le moment où on constate que l'employeur a obtenu une évaluation d'un médecin désigné qui infirme l'opinion du médecin traitant, la loi oblige la CSST à transmettre copie de cette évaluation-là au médecin traitant et lui donne un délai pour répondre à l'opinion du médecin désigné par l'employeur. Là, écoutez, ils ont tous les outils, en tous les cas les travailleurs, pour s'assurer que leur médecin va pouvoir donner l'opinion sur les items qui ont été infirmés et sur les items sur lesquels le médecin désigné par l'employeur s'est prononcé avant que le dossier soit acheminé au BEM. Mais évidemment, là, j'ai entendu hier les gens dire: Écoutez, les médecins traitants, ils ne remplissent pas la feuille, ils ne font pas l'analyse. Il faudra peut-être que les médecins traitants corrigent le tir, là.

Mais une chose est sûre, c'est qu'il y a dans la loi tous les outils permis pour que le médecin traitant puisse se prononcer sur les items sur lesquels le médecin désigné s'est prononcé et que le dossier soit complet au niveau du BEM.

M. Descoteaux: ...que les limitations fonctionnelles et l'atteinte permanente, là, à un moment précis dans le temps, le médecin traitant n'est peut-être pas en mesure de se prononcer, mais c'est une question de temps.

Une autre question. Puis, moi, je suis très heureux de voir, dans votre mémoire, la position que vous prenez. Vous étiez ici puis vous avez peut-être vu que c'est un peu... Moi, je vous suis de ce côté-là. Lorsque vous parlez de la grille d'évaluation des avis, la rétro-information, vous semblez favorable à cet aspect-là. Donc, quand on parle de rétro-information, on parle d'information qui vient des décisions de la CLP, comment le BEM peut s'en inspirer. Moi, je vous suis à 100 %, de ce côté-là.

Vous avez entendu tantôt les représentants de la CSD qui avaient peut-être une crainte qu'il y ait un glissement de ce côté-là. Est-ce que vous entrevoyez cette possibilité de glissement un peu comme eux l'ont abordée? Moi, je ne la voyais pas autant. J'aimerais ça voir comment vous considérez ça.

n(12 h 10)n

M. Tétreault (Christian): Bien, écoutez, moi, je ne vois pas, là, de glissement possible à ce niveau-là. Ce qu'il faut comprendre aussi, c'est que, cette commission-ci, les analyses qu'ils ont faites, les études qui ont été faites sur le BEM originent du fait qu'un certain nombre d'individus s'étaient plaints sur le mode de fonctionnement du BEM, notamment sur trois items plus particulièrement, c'est-à-dire sur le fait que, lorsqu'ils étaient évalué par les médecins du BEM, l'examen générait des douleurs, sur le fait que l'examen était trop sommaire, sur le fait que les médecins évaluateurs manquaient de respect à leur égard, n'étaient pas attentionnés, un manque d'éthique.

Bref, quand on lit entre les lignes, ce que j'observe, c'est que les mesures administratives qui ont été mises en place ont définitivement réglé ces difficultés-là, hein? Les critiques n'ont pas été reprises, avec beaucoup de vigueur, par les associations d'accidentés ou les associations syndicales, hein? Ce qu'on a entendu aujourd'hui, c'est davantage: Il faudrait abolir ça parce que: Pour quelle raison on devrait contester ou on devrait donner une opportunité à quelqu'un de contester l'opinion du médecin traitant?

On faisait une analogie assez boiteuse hier, soit dit en passant, lorsque j'ai entendu l'exemple suivant, en disant: Bien, quand on se casse un bras chez nous, y a-tu quelqu'un qui va aller vérifier si le médecin qui me traite me donne les bons traitements? Est-ce qu'il y a quelqu'un qui va vérifier si ce médecin-là me dispense les bons soins, à quel moment j'ai été... etc.? La réponse: c'est sûr qu'il n'y a personne qui fait ça. Mais, si la même personne fait une demande au niveau de son assurance salaire ou au niveau de son assurance invalidité, c'est évident que l'organisme qui gère le programme d'assurance en question va évaluer le dossier. Puis, à un moment donné, quand il va constater que le dossier dévie de la norme, hein, ce qui sort de ce qu'habituellement on est en droit de s'attendre ? pour une entorse lombaire, par exemple, habituellement ça guérit en quatre, six, huit semaines ? on est rendu à six mois, puis ce n'est pas guéri encore, je pense que l'agent payeur va probablement prendre les moyens pour vérifier ou contrôler si l'opinion du médecin traitant qui continue à administrer des soins puis à considérer que l'individu est invalide est justifiée ou pas. C'est la même dynamique pour la CSST, là.

J'entendais aussi des remarques. Vous savez, on a suggéré l'abolition du BEM, et, moi, je m'en voudrais de ne pas vous laisser connaître la position de l'association là-dessus. Il y a cinq arguments ou cinq éléments de réflexion qu'il faut faire avant de faire disparaître le BEM. Le premier, comme je vous ai mentionné tantôt, il y a définitivement le degré de satisfaction qui est accru depuis que les mesures administratives ont été prises, hein, avec un taux de satisfaction de 92 % ? je prends le rapport d'actualisation, là, qui a été déposé par la direction du BEM; 92 % ? pour l'aspect examen douloureux, 92 % pour l'attention et le respect de l'évaluateur à l'égard de la victime d'accident de travail, 82 % pour la qualité de l'examen. Et il y a eu un échantillonnage qui est au-delà de 1 000 individus qui ont été questionnés.

Définitivement, les mesures qui ont été mises en place démontrent qu'il y a un degré de satisfaction de la clientèle qui a été évaluée par les médecins évaluateurs. Ça se peut-u qu'il y en ait qui ont dérapé, hein? Ça se peut. On a donné des exemples hier, le dossier de Jean-Guy Smyth, là. La FTQ a dit: M. Smyth s'est présenté dans le bureau du Bureau d'évaluation médicale, puis le médecin lui a posé quelques questions, il ne l'a même pas examiné, puis il l'a retourné chez eux, puis il a reçu un rapport sur lequel on disait qu'il y avait de l'atrophie ou pas, il y avait des amplitudes articulaires à tel niveau, etc. Bon. Ce doit être un cas isolé. Je ne peux pas comprendre que l'ensemble des médecins évaluateurs du BEM font des opinions sans même évaluer l'individu. C'est assurément un cas isolé.

Donc, premier élément, c'est qu'il y a un degré de satisfaction de la clientèle aujourd'hui du BEM.

Deuxième élément qui m'incite à vous dire qu'on ne doit pas faire disparaître ce BEM-là, c'est qu'il a un degré d'efficacité qui est exemplaire. Rappelons-nous, là, la toile de fond est la suivante: il y a 150 000 demandes d'indemnisation qui sont produites à la CSST, 150 000, 160 000 demandes d'indemnisation qui sont faites à la CSST. Là-dessus, là, il y a 12 000 demandes d'intervention ou d'avis au BEM. C'est moins de 10 %, ça, des dossiers. Alors, hier, quand j'entendais dire que les employeurs utilisaient systématiquement leur recours pour contester devant le BEM, on est en bas de 10 %, là. On s'entend? Ajoutez à ça que, sur les 12 000 demandes qui sont faites, il y en a à peu près 1 300 qui sont contestées devant la CLP. Donc, environ 10 % des avis du BEM sont contestés à la CLP. Ce que ça signifie a contrario, c'est que 90 % des avis du BEM ont réussi à régler le différend qui était né entre le médecin traitant et le médecin désigné par l'employeur. C'est un bon degré d'efficacité, ça. Moi, si j'avais 90 % dans les réponses que je donne à mes clients, je serais heureux.

Alors donc, non seulement il y a un degré de satisfaction qui est accru, non seulement il y a une efficacité qui est exemplaire, dans ce contexte-ci, qui règle un ensemble de litiges, qui évite qu'on se ramasse devant la Commission des lésions professionnelles pour rien. Au surplus, si je prends les statistiques que la FATA a données devant vous, à un moment donné, la FATA a dit: Nous, quand on conteste à la CLP, il y a 60 % des décisions qu'on a contestées où on réussit à faire infirmer l'opinion du médecin du BEM.

Ce que ça signifie, c'est que, pour que la FATA conteste, il faut, à la base, que le médecin traitant ait rendu une opinion x, que le médecin désigné par l'employeur ait rendu une opinion y et que le médecin du BEM ait retenu l'opinion du médecin désigné par l'employeur. On se suit? Ça veut dire, ça, qu'a contrario, s'ils réussissent à ne faire infirmer que 60 % des décisions qui ont été rendues par le BEM lorsque c'est eux qui contestent, ça veut dire que, 40 % des cas, ils ne réussissent pas. Ça veut dire que, dans 40 % des cas, le travailleur reçoit de l'indemnisation. S'il n'y avait pas de contrôle qui était effectué, dans 40 % des cas, l'individu recevrait de l'indemnisation à laquelle il n'a pas droit.

Or, ne serait-ce que pour s'assurer que, dans un contexte comme celui-là, que les gens qui reçoivent l'indemnisation de la CSST y aient droit, il me semble que, quand on a un taux de 40 % des gens, là, où on retient l'opinion du BEM et, par voie de conséquence, l'opinion du médecin désigné dans le contexte où la FATA faisait référence, il me semble que c'est important que l'on s'assure, hein, en tant que législateurs, c'est important qu'on s'assure que l'individu soit indemnisé à juste titre et en fonction des dispositions législatives.

Le quatrième élément que je veux porter à votre attention, c'est que, si on retire le droit de contester à l'employeur, c'est qu'on retire le droit à l'agent payeur d'utiliser des mesures de contrôle pour s'assurer que l'individu est justement rémunéré. Dans notre secteur d'activité, ce sont pour l'essentiel des grosses entreprises de construction avec des masses salariales importantes, ce qu'on appelle les entreprises qui sont pour l'essentiel au régime rétrospectif. Et là je vais le vulgariser, là. Quand on parle d'une entreprise qui est au régime rétrospectif, ce que ça signifie, c'est que chaque dollar que la CSST paie à un individu, c'est un dollar que la... va chercher en cotisations à l'employeur. Je vulgarise, là, O.K., à une nuance près, mais c'est à peu près ça, O.K., d'où l'intérêt, hein? Si on retire le droit à l'employeur de contester ou de contrôler l'opinion du médecin traitant, on lui enlève la possibilité de s'assurer qu'il ne paie pas dans un contexte où c'est injustifié de payer. Et je vous rappelle qu'il y a 40 % des cas, là, que ce serait injustifié s'il n'y avait pas la possibilité de contester. Juste ce motif-là me semble important. Ça m'apparaîtrait contraire au droit puis à toute logique d'empêcher l'agent payeur de pouvoir vérifier ou contrôler la validité de l'opinion du médecin traitant.

Et, comme cinquième élément de réflexion, avant d'abolir le BEM. Si on abolit le BEM, ça veut dire que dans certaines circonstances il y a des individus qui sont indemnisés, alors qu'ils n'auraient pas droit à l'indemnisation, à raison d'au moins 40 %, si j'applique les statistiques de la FATA. L'impact de ça, c'est que ça a un impact sur le coût du régime, le coût du régime va monter en flèche, hein? Si on peut... des mesures de contrôle pour vérifier si les gens sont correctement indemnisés, ça va être ce qu'on appelle... Hier, M. Massé appelait ça: Il ne faut pas que ce soit un passe-droit, là, il ne faut pas que ce soit... Bien, c'est justement que ça aurait pour effet si on enlevait la possibilité de contester l'opinion du médecin traitant.

Alors donc, impact, augmentation des coûts, puisqu'il y a augmentation d'indemnisation; augmentation des coûts, les coûts sont refilés aux employeurs, puisque c'est l'employeur qui assume, qui finance la totalité du régime. Et l'employeur va faire quoi avec ces coûts-là? Bien, évidemment, il va les refiler au niveau de ses coûts de ses biens et services. Dans un contexte où déjà certains secteurs d'activité sont en difficulté sur le plan concurrentiel, dans un contexte de mondialisation, est-ce qu'on peut se permettre ça? Autre élément de réflexion.

Le Président (M. Jutras): Alors, on va passer du côté de l'opposition. M. le député de René-Lévesque.

M. Dufour: Oui, merci beaucoup, M. le Président. Alors, M. Turmel, M. Tétreault, M. Duchesne, ex-résident de Baie-Comeau, qui a été probablement un bâtisseur d'eau au niveau des grands barrages. Alors, je viens d'écouter... C'est M. Turmel, vous?

Une voix: Tétreault.

M. Dufour: Tétreault. Je viens de vous écouter, là, par rapport à ce que vous dites, sur toute la chaîne et la vision que vous avez par rapport à la montée des coûts, sauf que, quand on regarde tout ça, là, c'est qu'il faut pénaliser peut-être l'abus mais ne pas pénaliser l'ensemble de la collectivité. On se comprend là-dessus, là.

M. Tétreault (Christian): ...

n(12 h 20)n

M. Dufour: Je vais la reprendre dans mes remarques finales. Ça, je suis bien content d'en avoir parlé, là, ça va me pratiquer. Vous dites, en page 16 de votre document, que, «bien que la loi accorde à l'opinion du médecin qui a charge une valeur prépondérante, nous considérons que le processus d'évaluation médicale constitue un élément essentiel à l'équilibre des droits de chacune des parties».

Hier, on a entendu des groupes ? hier. Puis, regardez, là, je m'attendais, avec les groupes qu'on avait là, qu'on puisse partir d'un point, puis d'aller à l'autre point, puis être complètement au contraire, là. Ça, on s'en attendait, là, de la part de l'employeur puis de la part de certaines organisations syndicales. Mais force est d'admettre que c'est vrai à certains égards que c'est David contre Goliath, là.

M. Tétreault (Christian): Bien, là-dessus, si vous me... Avez-vous terminé?

M. Dufour: Mais je vais finir ma réflexion, là...

M. Tétreault (Christian): O.K. C'est beau.

M. Dufour: ...parce que la question va venir. Et ça continue en disant que ça prend un tiers impartial, qu'un tiers impartial est incontestable. Il est clair que le médecin traitant, quand il prend charge du travailleur, nonobstant le fait, là, qu'il peut en voir deux ou trois, là, comme j'ai expliqué précédemment, c'est qu'il réfère à un spécialiste aussi, donc il y a un suivi de ça là-dedans. Alors, tu sais, l'histoire d'être David et Goliath fait en sorte qu'il y a beaucoup plus de prise du coté de l'employeur au moment où on se parle, même si vous financez le régime à 100 %, qu'il y en a au niveau du travailleur. Puis, comme je vous disais, l'abus, il faut être capable de l'empêcher, mais je ne pense pas qu'il y a des passe-droits partout.

De là vient ma question. «La première difficulté d'accès au BEM que nos employeurs rencontrent a trait à la notion du médecin qui a charge du travailleur. Lorsque le travailleur consulte plusieurs médecins, qui est le médecin qui a charge afin que l'employeur puisse identifier les rapports médicaux qui seront contestables auprès du BEM?» Et vous allez plus loin en bas, parce que je parlais de la référence tout à l'heure: Le médecin traitant qui n'a pas tous les outils nécessaires pour être capable de faire des diagnostics l'envoie au spécialiste. Vous dites un peu plus bas: «De même, lorsque le médecin qui a charge réfère le travailleur à un spécialiste qui le traite durant une certaine période», est-ce que ce médecin spécialiste constitue, dans bien des cas, une ambiguïté? Est-il ou non le médecin à charge au sens de la Loi des accidents du travail?

Moi, à mon avis, s'il est envoyé par le médecin traitant pour avoir un diagnostic, il reste toujours que c'est le médecin traitant qui est à charge, ce n'est pas le spécialiste. J'aimerais vous entendre là-dessus.

M. Tétreault (Christian): Bien, c'est ça qui est la difficulté. Ça devient peu évident, à un moment donné, de savoir qui est le médecin traitant dans un contexte où il y a une série de consultations médicales qui sont initiées, par exemple. Bon.

Souvent, on a une omnipraticien ou un médecin de famille qui gère le dossier, puis, à un moment donné, il réfère son client à un orthopédiste, et là l'orthopédiste le suit pendant trois, quatre semaines, six semaines, je ne le sais pas. Puis là, à un moment donné, il interrompt les traitements, le gars retourne voir son médecin de famille, et là le médecin de famille le réfère à quelqu'un d'autre qui, lui, le prend en charge à nouveau pendant une certaine période de temps.

Là, présumons, pour les fins de la discussion, que l'employeur conteste les documents ou l'avis que l'orthopédiste, le premier qui a été consulté... Il arrive puis là il se fait dire: Écoutez, cet orthopédiste-là n'est pas le médecin qui a charge. Alors, c'est là qu'il y a de l'ambiguïté, s'il y a une série de médecins. S'il y en a juste un, ça va bien, on est capable d'identifier qui est le médecin qui a charge, mais, dans la mesure où il y a une série d'évaluateurs, une série de médecins qui prennent, entre guillemets, charge de l'individu, ça devient difficile de dire: Bien, c'est ce médecin-là que l'on peut contester ou l'avis qu'on peut contester devant le bureau de révision.

M. Dufour: Alors, en bas du paragraphe, en bas de cette page, vous dites: «Afin de remédier à ces difficultés, nous proposons de permettre à l'employeur de contester au BEM tout rapport médical émis par un médecin consulté par le travailleur.» Même le médecin de référence, qui est le médecin traitant qui l'envoie soit à un orthopédiste ou à un autre, vous demandez d'avoir l'opportunité de contester au BEM ce rapport-là?

M. Tétreault (Christian): Voilà. Pour les fins de la discussion tantôt, je reviens à l'exemple, bon, le médecin de famille qui réfère à un orthopédiste qui le prend en charge pendant un certain temps, mettons, un mois, deux mois, et, pendant ce temps-là, cet orthopédiste-là remplit ce qu'on appelle des rapports médicaux à la CSST. L'employeur reçoit copie de ce document-là, initie une contestation. Si, par exemple, le médecin pose un diagnostic de hernie discale, ce avec quoi le médecin désigné n'est pas d'accord, l'employeur initie la contestation au BEM, et là on se fait dire, juste à la CLP, qu'on a contesté un document qui ne provenait pas du médecin qui a charge, d'où la difficulté. Alors, on retourne en arrière, puis là il faut recommencer le processus pour essayer d'identifier c'est qui qui a charge puis là il faut contester le bon document.

Alors, vous savez, les contraintes administratives qui sont imposées à l'employeur sont difficiles ici à gérer, il faut qu'il agisse dans un délai qui est court. Il n'a pas un an, là, pour contester l'opinion du médecin qui a charge, il a 30 jours à partir du moment où il prend connaissance du rapport.

Alors, déjà, ils sont déjà encarcanés dans une structure administrative qui est difficile. Alors, s'il faut en plus avoir la difficulté d'essayer de savoir: Bien, lui, il est-u le médecin juste consulté ou bien, donc, si c'est le médecin qui a charge?, c'est une difficulté supplémentaire, vous comprendrez.

M. Dufour: O.K. Deux dernières questions. Il me reste cinq minutes. Aux pages 15 de 16 de votre document: «Le processus de contestation de l'avis du BEM. La [loi] prévoit que l'avis du BEM est contestable devant la Révision administrative de la CSST par la suite à la CLP. Nous considérons que l'étape devant la Révision administrative est inutile, puisque la CSST est liée par l'avis du BEM.» Mais, je ne veux pas me tromper, là, la Révision administrative, même le travailleur peut la demander, ça?

M. Tétreault (Christian): Oui.

M. Dufour: Ça veut dire qu'on enlèverait le droit aux travailleurs, là. C'est ça que ça veut dire, là?

M. Tétreault (Christian): Bien, regardez, ce qui se passe actuellement, là ? juste pour que ce soit clair dans votre esprit; ce qui se passe actuellement ? c'est que bon on a un médecin traitant qui émet une opinion, un médecin désigné de l'employeur qui considère que l'opinion du médecin traitant est mal fondée; on s'en va devant le BEM; le BEM analyse le dossier, rend son avis. Cet avis-là est expédié à la CSST, et la CSST rend une décision qui est conforme à l'opinion du BEM. Alors là, actuellement, le processus de contestation est le suivant: cet avis-là est contestable en Révision administrative, O.K...

M. Dufour: Avant d'aller à la CLP.

M. Tétreault (Christian): ...avant d'aller à la CLP. Mais, en Révision administrative, c'est la CSST encore, elle est encore liée par l'opinion du BEM. La Révision administrative, tout ce qu'elle fait, elle le regarde puis elle dit: Écoute, il y a une opinion du BEM, là, qui dit telle chose; la CSST a rendu une décision qui est conforme à l'opinion du BEM; bien, moi, je rejette la demande de révision de l'employeur ou je rejette la demande de révision du travailleur. Et là, à ce moment-là, le dossier est acheminé à la CLP.

Alors ça devient un processus qu'il est absolument inutile de passer en Révision administrative, ces dossiers-là devraient passer directement à la CLP.

M. Dufour: C'est pour ça que je pose la question. C'est inutile et inutile parce que la CSST est liée.

M. Tétreault (Christian): Absolument.

M. Dufour: Mais elle se retrouve là pourquoi d'abord, si c'est inutile? C'est parce que c'est un oubli qu'on a fait de l'enlever? Ou comment ça marche?

M. Tétreault (Christian): Ah, je ne pourrais pas vous le dire, pourquoi. Probablement qu'ils ont voulu éviter qu'on se retrouve devant la CLP, dans des dossiers où le processus d'évaluation médicale était régulier. C'est probablement ça.

M. Dufour: Était régulier?

M. Tétreault (Christian): Était irrégulier.

M. Dufour: Irrégulier.

M. Tétreault (Christian): Bon. Par exemple, l'employeur a contesté, pris connaissance du rapport à une date x, mais il n'a pas initié son processus d'évaluation médicale à l'intérieur du délai qui lui est imparti par la loi, bien ça rend le processus qui est irrégulier.

M. Dufour: Si c'est irrégulier...

M. Tétreault (Christian): Bien, à ce moment-là, l'avis du BEM est nul.

M. Dufour: ...la CSST ne peut pas le renverser parce qu'il est pris avec la décision du BEM, sauf que ça donne une chance quand tu vas en lésion professionnelle.

M. Tétreault (Christian): Non. Ils ont le droit. La Révision administrative a le droit de dire que le processus est irrégulier et, s'il est irrégulier, à ce moment-là, de considérer que l'avis du BEM est illégal.

M. Dufour: O.K. Dernière question.

M. Tétreault (Christian): Mais ça, ça pourrait se faire de façon automatique devant la CLP. Et je m'en voudrais par ailleurs, parce que vous avez parlé de David...

M. Dufour: Bien, je vais vous poser ma dernière question...

M. Tétreault (Christian): O.K.

M. Dufour: ...puis vous engloberez le tout parce qu'il me reste trois, quatre minutes. Vous dites: «L'accès de l'employeur au dossier médical ? je ne veux pas me tromper, mais je pense que la loi est à l'encontre de ça. L'employeur éprouve des difficultés à exercer ses recours auprès du BEM, du fait que le dossier médical du travailleur est tenu confidentiel. En effet, la loi lui interdit de recevoir les rapports médicaux subséquents...» Ça veut dire qui vient après la période des 14 premiers jours. Vous voudriez avoir accès à ça?

M. Tétreault (Christian): Regardez, actuellement, là, c'est un artifice, cette histoire-là. Ce qui se passe...

M. Dufour: C'est un artifice?

n(12 h 30)n

M. Tétreault (Christian): ... ? ah oui, regardez; ce qui se passe ? actuellement, c'est la chose suivante: le médecin traitant fait des formulaires, remplit des formulaires de la CSST; ce formulaire-là est acheminé à la commission de santé et de... du travail, et que, pour que l'employé puisse en connaître le contenu, juste en connaître le contenu là, même pas connaître ce qui est écrit, il faut que le médecin désigne un médecin en vertu de l'article 38, il faut qu'on procède à identifier un médecin qu'on appelle un médecin désigné, et ce médecin désigné là, à ce moment-là, reçoit les documents de la CSST.

Mais le médecin désigné, dans bien des circonstances, il représente plusieurs employeurs, puis pour un employeur il y a plusieurs travailleurs, et là il reçoit ça dans une boîte à chaussures ? bon, c'est imagé, là; mais il reçoit ça dans une boite à chaussures ? à son bureau; il y a 42 avis là-dedans, il ne sait pas trop c'est qui, c'est quoi, comment ça fonctionne. Alors, avant que le rapport soit acheminé à l'employeur, bien il s'écoule du temps, du délai, etc. Et, quand on conteste, une fois que la contestation... parce qu'on dit que ce dossier-là est confidentiel, hein, c'est ça qui est le principe. Le hic, c'est que, dès le moment où l'employeur initie une contestation en Révision administrative ou à la CLP ou que ce soit le travailleur qui initie, dès le moment où quelqu'un initie une contestation à la Révision administrative ou à la CLP, le dossier devient par magie... il n'est plus confidentiel.

Là, on en donne des copies puis là on sait, là, c'est quoi, les rapports, on connaît qu'est-ce qui est arrivé, on a toute l'évolution du dossier, on a tout le contenu du dossier.

Alors donc, quand c'est le temps de faire de la gestion, le dossier, il est confidentiel, puis là ça devient des procédures administratives à ne plus finir pour essayer de connaître juste le contenu du rapport médical. Puis, quand on est rendu à une étape subséquente, devant la CLP ou devant la Révision administrative, bien là le dossier devient... par magie, il devient public. Puis, à ce moment-là, pour une défense pleine et entière de l'employeur, bien il y a tous les documents, mais là ça devient inutile.

Ce qu'on suggère comme solution à cette difficulté-là, c'est que les médecins traitants envoient ou que les travailleurs envoient directement les rapports médicaux qu'ils obtiennent, les petits slips de la CSST, à l'employeur qui fera une gestion de son dossier.

M. Dufour: Ça va.

Le Président (M. Jutras): Ça va? Alors, merci, messieurs, pour votre présentation, et bon retour.

Alors, les travaux sont suspendus. Nous reprendrons à 14 heures, dans cette même salle.

(Suspension de la séance à 12 h 31)

 

(Reprise à 14 h 5)

Le Président (M. Jutras): Alors, nous reprenons donc nos travaux, et je souhaite la bienvenue aux représentants de la Centrale des syndicats du Québec. Alors, bienvenue à la Commission de l'économie et du travail. Je vous rappelle de quelle façon nous fonctionnons: vous avez 20 minutes pour la présentation de votre mémoire; par après, il y aura un échange avec les députés ministériels et par après un échange de 20 minutes avec les députés de l'opposition.

Alors, qui est le principal porte-parole? Vous êtes monsieur?

M. Séguin (Pierre): Pierre Séguin.

Le Président (M. Jutras): Pierre Séguin. Alors, si vous voulez présenter la personne qui vous accompagne et nous dire ce qu'il en est, de votre mémoire.

Centrale des syndicats du Québec (CSQ)

M. Séguin (Pierre): Je vous remercie beaucoup, M. le Président. Je suis accompagné aujourd'hui par M. Pierre Lefebvre, ressource à la centrale et responsable du dossier santé et sécurité du travail.

Donc, M. le Président, bonjour. Messieurs dames, bonjour, bon après-midi. D'entrée de jeu, je vais quand même passer assez rapidement sur le profil de la Centrale des syndicats du Québec, compte tenu que nous n'en sommes pas à notre première présence parmi vous, mais juste en vous informant que la centrale regroupe plus de 172 000 membres qui travaillent dans le secteur public et parapublic. Et je reviendrai, un petit peu plus loin dans la présentation du mémoire, sur certains détails qui caractérisent les membres que nous représentons.

Dans un premier temps, si vous nous le permettez, en 1997, lorsqu'il y a eu des consultations sur le projet de loi n° 79, beaucoup de critiques avaient été émises à l'égard du fonctionnement du Bureau d'évaluation médicale, ce qui avait eu pour effet, entre autres, de faire en sorte que l'on retrouve dans la loi l'article 68 qui donnait obligation au ministre du Travail de présenter un rapport d'évaluation qui avait comme objet de faire état des résultats du fonctionnement du Bureau d'évaluation en suivi des mesures qui avaient été adoptées à l'époque. Aujourd'hui, nos commentaires porteront effectivement sur le rapport d'évaluation du Bureau d'évaluation médicale déposé, en 2001, par le ministère du Travail et sur son actualisation qui a été présentée le 19 octobre dernier, lors du passage du Bureau d'évaluation médicale devant cette commission.

Vous me permettrez également de faire un petit retour en arrière pour vous illustrer un peu l'assise sur laquelle repose l'argumentaire que l'on souhaite développer dans nos commentaires, aujourd'hui. En 1997, nous déposions un mémoire à l'intérieur duquel on retrouvait quatre recommandations relatives au processus d'évaluation médicale. Ces recommandations-là prenaient assise, entre autres, sur le travail qui avait été réalisé par le groupe de travail sur la déjudiciarisation. La première recommandation que nous avions inscrite à l'intérieur de document-là portait effectivement sur l'existence du Bureau d'évaluation médicale. Nous avions comme conviction, à ce moment, qu'il était important de voir à ce qu'on puisse considérer la possibilité d'éliminer, si vous voulez, ou de procéder à l'abolition du Bureau d'évaluation médicale en s'assurant bien sûr que nous puissions conserver le respect du principe de l'opinion du médecin traitant, ce qui avait pour effet, entre autres, de faire en sorte que la Commission de la santé et sécurité du travail demeurait liée par son avis, jusqu'à une décision finale de la Commission des lésions professionnelles.

On appuyait également, à ce moment-là, bien sûr en lien avec le travail réalisé par le groupe de travail, les mécanismes qui permettaient à un employeur ou à la Commission santé et sécurité du travail de contester l'opinion du médecin traitant. Nous étions convaincus à l'époque qu'il y avait un risque quant à un possible engorgement de la CLP, mais il restait des preuves à faire quant à ce possible engorgement-là. Dans ce contexte, on était d'accord pour maintenir le Bureau d'évaluation médicale moyennant certaines améliorations.

Donc, c'est sur cette base-là aujourd'hui que nous allons faire nos commentaires à l'égard de la raison d'être du Bureau d'évaluation médicale et de son fonctionnement actuel.

Il nous apparaît tout à fait important, avant d'aller un peu plus loin, de faire le portrait des lésions professionnelles que rencontrent les membres que nous représentons. Comme je le disais d'entrée de jeu, la Centrale des syndicats du Québec représente un peu plus de 172 000 membres qui presque majoritairement travaillent dans le secteur public, mais une forte proportion de ce nombre de personnes là travaille également dans le secteur parapublic, ce qui a pour effet qu'ils se retrouvent en santé, en éducation, dans les services... en santé et services sociaux, pardon, en éducation.

n (14 h 10) n

Et il y a également, au sein de ce groupe-là, des représentants des établissements d'enseignement privés, des universités, du secteur communautaire, des communications et des centres de la petite enfance, ainsi qu'une association de retraités de l'éducation.

Les membres que l'on représente sont, de plus en plus, victimes de lésions professionnelles. Cependant, à l'exception des membres de l'association des retraitées et des retraités de l'éducation, l'ensemble des personnes que l'on représente sont considérées, au sens de la loi, comme étant des salariés et donc protégés par cette même loi-là. Il est important de prendre en considération, à ce stade-ci, qu'il y avait également des représentants des centres de la petite enfance qui étaient et qui sont toujours affiliés à la Centrale des syndicats du Québec, qui bénéficiaient également de cette même protection là de la loi, car ils étaient, avant que le gouvernement n'agisse par l'imposition d'une loi, reconnus comme des salariés à part entière. Avec l'avènement de la loi n° 8, que le gouvernement du Québec a imposée, ces personnes-là se sont vu nier le caractère de salarié tel qu'il est reconnu au sein du Code de travail, de sorte qu'aujourd'hui ils se trouvent sans protection par rapport à ce qui pourrait éventuellement leur arriver dans l'exercice de leur profession. S'ils se voulaient, s'ils souhaitaient être en mesure de pouvoir bénéficier de la protection de la loi, ils devraient le faire sur la base de travailleurs autonomes et assumer l'entièreté des frais encourus par cette démarche.

Les lésions professionnelles que vivent et que l'on... qui sont identifiées à l'égard des membres que l'on représente se situent bon an, mal an, dans un univers relativement connu, mais, juste pour en illustrer quelques-uns au-delà des cas classiques qui peuvent se présenter, quand on pense aux infirmières, par exemple, elles peuvent très fréquemment se retrouver blessées lorsqu'elles ont à soulever un patient. En ce qui concerne les personnes qui travaillent en éducation, du côté des enseignants, souvent elles sont aux prises avec des nodules aux cordes vocales, ce qui a pour effet de mettre en péril l'exercice de leur profession. Et il y a également, par rapport aux interprètes que l'on représente, des possibilités de rencontrer des difficultés, des problèmes musculosquelettiques. Et également, par rapport aux enseignants qui enseignent la musique, entre autres, ils peuvent se retrouver éventuellement avec des problèmes de surdité professionnelle. Toutefois, un fort pourcentage des personnes qui se retrouvent avec des lésions professionnelles, en l'occurrence 40 % d'entre eux, vivent des situations qui touchent plus spécifiquement la santé mentale, ce qui a pour effet, entre autres, dans les cas qui nous sont donnés, d'examiner et de supporter des personnes qui sont victimes d'épuisement professionnel, d'anxiété, de dépression et de stress post-traumatique liés au travail.

Comme nous avons pu le remarquer lors du passage du Bureau d'évaluation médicale, le 19 octobre, il avait été fait mention qu'une forte proportion des dossiers qui étaient soumis au Bureau d'évaluation médicale étaient de l'ordre de... 80 %, ça touchait des chirurgies orthopédiques. Donc, on comprend très bien qu'à l'énoncé qu'on vient de vous faire et aux propos qu'on vient de tenir ce ne sont pas nécessairement les membres de la Centrale des syndicats du Québec qui manifestement se retrouvent en grand nombre, devant le Bureau d'évaluation médicale, mais quand même certains d'entre eux nous ont fait part de certaines critiques vécues lors de leur passage devant le Bureau d'évaluation médicale.

Dans ce contexte, juste avant d'aller aux critiques qui avaient été exprimées par nos membres, je tiendrais à attirer votre attention sur le fait que, compte tenu du fait qu'effectivement nous ne sommes pas le plus gros de la clientèle qui fréquente le Bureau d'évaluation médicale, ça s'explique surtout par le fait que, dans l'exercice des professions que nous représentons, il y a effectivement une part importante de ces personnes-là qui sont touchées sur le plan psychique, entre autres, donc en lien avec des lésions professionnelles qui sont davantage reliées à la santé mentale. Et, lorsqu'il y a contestation de ces cas-là, c'est davantage au niveau de la relation causale entre le diagnostic et les conditions de travail que les contestations se réalisent et se confirment. Comme vous le savez, le BEM n'a pas nécessairement la compétence pour être en mesure d'intervenir à cet égard-là. Donc, ça vient encore une fois expliquer davantage pourquoi nous ne sommes pas nécessairement si présents au niveau du BEM.

Toutes les questions qui sont liées aux lésions professionnelles auraient pu normalement être évitées en grande partie, ne serait-ce que par rapport à un effort accru en termes de prévention. À ce titre, je tiens à rappeler aux membres de la commission et plus spécifiquement au ministre du Travail que les secteurs d'activité à l'intérieur desquels se retrouvent l'ensemble des personnes que nous représentons ne sont pas reconnus, au moment où on se parle, comme secteurs prioritaires par la CSST, ne font pas non plus l'objet de réglementations eu égard aux mécanismes de prévention prévus également à l'intérieur de la loi, et ça, malgré le fait que ces mesures-là sont en vigueur depuis 25 ans. De plus, j'aimerais attirer votre attention sur le fait qu'aucune association sectorielle n'existe, au moment où on se parle, dans le milieu de l'éducation, à l'exception bien sûr de la santé et des services sociaux qui sont représentés par l'association l'ASSTSAS, d'ailleurs association à laquelle nous participons et où nous sommes membres.

Donc, en lien avec les critiques que les membres que nous représentons ont pu exprimer par rapport au Bureau d'évaluation médicale, certaines de ces critiques-là bien sûr ont fait l'objet de présentations lors de la journée du 19 octobre, où il y a eu effectivement, là, réunion pour évaluer les documents qui vous avaient été présentés, le rapport du Bureau d'évaluation médicale. Ce qui est ressorti surtout par rapport aux critiques qui ont été exprimées, c'est davantage lié aux déplacements que les personnes ont à exercer lorsqu'elles sont appelées à se présenter devant le Bureau d'évaluation médicale. Comme il a été souligné, lors de cette rencontre-là du 19 octobre, par le Dr Jean Tremblay, 90 % des expertises que réalise le Bureau d'évaluation médicale se font soit à Montréal soit à Québec. Donc, à titre d'exemple, si vous me permettez, il ne s'agit que d'imaginer qu'une personne, par exemple, qui habite la région de Sherbrooke, et qui est victime d'un mal de dos, et qui doit se déplacer pour venir à une évaluation médicale dans la région de Québec, tout le stress que cette personne-là peut rencontrer, ne serait-ce que par rapport à l'idée même de se déplacer.

Mais, qui plus est, lorsque le déplacement doit se concrétiser, ces personnes-là se retrouvent plus qu'autrement en période de stress très intense. Ce que nous aimerions, c'est qu'il puisse y avoir la possibilité que les évaluations puissent se tenir en région, comme ça se fait dans le contexte de la CSST et de la SAAQ.

Et également il n'y a pas eu nécessairement de commentaires qui ont été exprimés à l'égard des visites au Bureau d'évaluation médicale et à l'examen proprement dit. Certaines personnes ont surtout manifesté le fait qu'il n'y avait pas nécessairement de comportement respectueux qui était vécu lors de ces rencontres-là, et les gens parlent plus d'un ressentiment, d'une suspicion quant au comportement dont faisaient preuve les personnes qui procédaient à l'évaluation. Également, un manque d'empathie avait été remarqué. Plusieurs personnes exprimaient, de la part des personnes qui procédaient à l'évaluation, qu'il y avait effectivement un manque d'empathie, ce qui avait pour effet, entre autres, de placer les personnes dans une perspective où ils considéraient que la relation n'était pas tellement agréable avec la personne qui procédait à l'évaluation. Ça faisait, ça, en sorte que le ressentiment qui était vécu par les personnes entraînait encore davantage l'idée, donnait plus de force à l'idée que le Bureau d'évaluation médicale n'était pas là nécessairement pour respecter les droits des personnes mais bien au contraire pour leur faire perdre des droits.

À ce titre-là, j'aimerais attirer votre attention également sur une étude que l'UQAM a réalisée et qui disait qu'il était difficile de percevoir comment les médecins pouvaient être neutres et préoccupés par le bien-être de leur clientèle. Les examens sont souvent brefs, parfois brusques, et le parti pris en faveur du médecin patronal et du médecin de la CSST est perçu par plusieurs comme évident. Ça vient encore une fois, ça, renforcer un peu les perceptions que les personnes peuvent avoir à l'égard des représentants du Bureau d'évaluation médicale.

À l'égard des examens, les personnes sont appelées, lorsqu'elles se présentent au niveau de l'évaluation du Bureau de l'évaluation médicale, à rencontrer des médecins. Je pense qu'il est important de considérer, à ce moment-ci, que, dans ces contextes-là, les personnes rencontrent plusieurs médecins et qu'il est également stressant pour ces personnes qui sont déjà victimes d'une lésion professionnelle d'avoir à rencontrer plusieurs médecins et de leur exprimer, à tour de rôle, les motifs pour lesquels ils doivent se présenter à eux. Dans le contexte de l'examen proprement dit, le fait que des médecins nouveaux soient rencontrés sur une base régulière a pour effet, entre autres, de faire en sorte que le stress que vivent ces personnes-là s'accroît au fil du temps.

n (14 h 20) n

À titre d'exemple, lorsque des personnes peuvent être demandées à se rendre au Bureau d'évaluation médicale, il se peut et il arrive à quelques reprises que les personnes doivent se présenter, dans un premier temps, pour une évaluation qui touche les trois premiers points de l'article 212 de la loi et ensuite, à un deuxième rendez-vous, pour procéder à une évaluation qui touche plus spécifiquement les degrés d'atteinte et les limitations fonctionnelles, donc les deux derniers points de l'article 212. À titre de solution, il serait peut-être souhaitable, à ce moment-là, si jamais ce cas-là se présentait à nouveau, qu'il y ait un effort pour que ce soit le même médecin qui puisse minimalement rencontrer ces personnes-là.

D'ailleurs, dans ce contexte-là, les personnes avaient l'impression que, quand ça se passait comme ça, quand il y avait des visites médicales où ce n'était pas nécessairement le même médecin qu'ils rencontraient, ça laissait un certain arrière-goût chez les personnes, et elles avaient l'impression que ceci venait encore une fois accroître le sentiment que le Bureau d'évaluation médicale travaillait davantage pour le bien-être de ses représentants que pour celui des travailleurs.

Et mon collègue Pierre Lefebvre va vous parler présentement du rapport d'évaluation que le bureau a présenté le 19 octobre.

Le Président (M. Jutras): Alors, M. Lefebvre.

M. Lefebvre (Pierre): Merci. Bonjour à mon tour. Alors, je vais essayer d'aller rapidement sur nos commentaires sur le rapport d'évaluation comme tel. Peut-être ne nous reste-t-il que peu de temps, M. le Président.

Le Président (M. Jutras): Cinq minutes.

M. Lefebvre (Pierre): Cinq minutes, parfait. Merci. Donc, M. Séguin vous rappelait d'entrée de jeu que, déjà en 1997, on se plaçait sur le terrain de l'abolition du BEM. On acceptait cependant la possibilité que le BEM soit maintenu devant un possible engorgement de la CLP. On n'est toujours pas convaincus de cet argument de l'engorgement de la CLP pour un certain nombre de raisons, notamment l'aspect modérateur que représente pour les employeurs ? et je vais revenir plus loin sur les coûts que ça représente pour un travailleur ou une travailleuse... mais l'aspect modérateur que ça peut entraîner pour un employeur de contester jusqu'à la Commission des lésions professionnelles.

Donc, l'argument de l'engorgement de la commission ne nous convainc toujours pas. On est préoccupés par l'augmentation constante du nombre de dossiers qui sont cependant soumis au Bureau d'évaluation médicale. Et, à cet égard-là, on est particulièrement frappés par l'augmentation du nombre de requêtes qui originent des employeurs. Les demandes de la CSST semblent se stabiliser autour de 3 000 par année. C'est les demandes des employeurs qui expliquent l'augmentation. Et nous faisons comme plusieurs autres et notamment l'étude des chercheurs dirigés par Katherine Lippel, dont mon collègue a parlé tout à l'heure, on fait une relation avec les règles de financement, les nouvelles règles de financement de la CSST, notamment le taux personnalisé, notamment l'émergence des mutuelles de prévention, qui sont beaucoup plus intéressées à la gestion des accidents et des coûts des accidents et des maladies professionnelles que de la prévention comme telle, malgré leur nom.

Donc, au nom d'une diminution des coûts, ce sont les mutuelles qui poussent et qui favorisent la contestation devant la Commission des lésions professionnelles. Et donc, aussi en préalable, devant le Bureau d'évaluation médicale, ce sont les mutuelles qui font en sorte qu'il y a des employeurs qui auparavant n'auraient pas contesté, n'auraient pas poussé la contestation, qui maintenant, au nom de cette réduction des coûts, contestent.

Je passe rapidement sur la question des contestations comme telles de la Commission des lésions professionnelles simplement pour indiquer que les règles juridiques que la Commission des lésions professionnelles applique ne sont évidemment pas du même ordre que celles en matière médicale.

La règle de la prépondérance de la preuve et du doute raisonnable, c'est quelque chose qui a déjà été souligné par d'autres intervenants avant nous, et donc je n'insisterai pas là-dessus. Simplement pour dire que ce doute raisonnable qui existe en matière juridique, devant la Commission des lésions professionnelles, à notre point de vue, devrait s'appliquer en faveur des travailleurs par tous les intervenants en cause.

J'ai parlé tout à l'heure des frais modérateurs que pourraient représenter les coûts, pour un employeur, d'une contestation devant la CLP et je voudrais prendre quelques instants pour parler du déséquilibre qui existe à l'encontre des droits des travailleurs face à une contestation devant la Commission des lésions professionnelles. La contestation notamment d'un avis du BEM, ça va nécessiter une expertise, une contre-expertise, une nouvelle expertise avant d'être capable d'arriver devant la Commission des lésions professionnelles et être capable de faire une preuve correcte. Il y a combien de travailleuses et de travailleurs, particulièrement chez les non-syndiqués mais même chez les syndiqués, qui sont capables d'assumer les coûts de ces nombreuses expertises?

À cet égard-là, on veut attirer votre attention sur une règle qui s'applique en faveur des accidentés de la route, dans la Loi sur l'assurance automobile. À tout le moins, lorsqu'un accidenté a gain de cause devant le Tribunal administratif du Québec, à tout le moins, la loi prévoit que ces coûts d'expertise peuvent faire l'objet d'un remboursement au moins jusqu'à concurrence de 600 $. Ça permet au moins ça, et peut-être qu'il y aurait quelque chose à regarder de ce côté-là également.

Je passe aussi rapidement sur les rapports humains encore une fois pour faire un parallèle avec la Société d'assurance automobile, qui semble, à tout le moins ? et je dis bien qui semble... La SAAQ n'est pas totalement à l'abri de critiques. Probablement qu'une commission comme celle-ci pourrait également en faire un examen, mais il semble y avoir, à tout le moins, une approche client, je dirais, beaucoup plus favorable envers les accidentés, à tout le moins, dans les publications de la SAAQ que ce qu'on constate, du côté du Bureau d'évaluation médicale, en matière d'accidents de travail et maladies professionnelles.

Je terminerais avec la question des trop nombreuses expertises selon nous qui sont confiées à certains médecins membres du Bureau d'évaluation médicale, plus particulièrement les médecins qui produisent plus que 405 avis annuellement, alors simplement pour illustrer: à trois jours, par semaine, de disponibilité, à six expertises par jour, on arrive à 864 avec fort heureusement deux semaines de vacances à Noël et deux semaines l'été, qui sont sûrement bien méritées. On ne comprend pas, on ne comprend pas qu'un médecin puisse en arriver à ça.

Alors, M. le Président, vous me faites signe. Je cède la parole une dernière fois à mon collègue pour la conclusion.

Le Président (M. Jutras): Oui, la conclusion.

M. Séguin (Pierre): Très rapidement, M. le Président. En fait, on vous exprimait, tout au long de cette présentation-là, qu'une forte proportion des membres que l'on représente sont victimes de lésions professionnelles qui résident du secteur de la santé psychologique et de la santé mentale. Il y avait, dans la négociation que nous venons de conclure avec le gouvernement, par l'imposition d'une loi spéciale, des propositions qui avaient été mises de l'avant par l'ensemble de l'organisation pour faire en sorte que l'on puisse jouer et mettre l'emphase pour être capables de trouver des solutions à la problématique que nous avons exprimée aujourd'hui. Malencontreusement, l'imposition de la loi spéciale a fait en sorte que ça n'a pas pu se concrétiser, et dans ce contexte nous déplorons le fait que ça se soit passé ainsi.

Nous considérons, dans cette perspective-là, que le gouvernement a donné un peu l'aval à la position que peuvent avoir les fédérations patronales à l'égard des propos que nous avons tenus ici, aujourd'hui, et en lien avec l'évaluation qui a été présentée dans le contexte du 19 octobre. Et nous n'avons de cesse que d'avoir à, à chaque fois qu'il nous sera possible de le faire, renouer avec ce fait-là, que les conditions de travail, qui nous ont été imposées, n'ont pas pu, entre autres, permettre de trouver des solutions à l'égard de la situation que vivent nos collègues lorsqu'ils sont victimes de lésions professionnelles. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Jutras): Merci, messieurs. M. le député de Groulx.

M. Descoteaux: Merci, M. le Président. Bienvenue, messieurs, devant la commission et merci de votre mémoire. Je l'ai bien apprécié parce que vous nous avez apporté en tout cas ? c'est la deuxième journée aujourd'hui qu'on travaille et qu'on entend nos invités sur la question du BEM; et vous nous avez apporté ? des éléments en tout cas que, moi, je n'avais pas reçus des autres intervenants, entre autres tout l'aspect des distances, une certaine conviviabilité additionnelle vis-à-vis les services que rend le BEM ou les expertises qu'ils doivent rendre. Bon. Ça, ça donne une couleur différente, puis ça, je vous en remercie.

Vous me permettrez de vous poser une question piège, parce que vous nous dites, dans votre mémoire, que pour des raisons qui vous appartiennent vous ne voulez pas, comment dire, vous ne voulez pas apporter aucune suggestion visant des modifications législatives. Je le comprends bien. Mais, étant donné que j'ai soulevé cette question-là, moi, à quelques reprises, entre autres, avec vos collègues de la FTQ ? et vous m'avez rejoint, du moins dans l'analyse que vous avez faite ? sur la question, vous avez appelé ça le doute raisonnable, vous dites que la CLP, la Commission des lésions, applique cette théorie du doute raisonnable d'une part et que vous verriez que ça s'applique de la même façon, au niveau de tous les intervenants. Et, je présume, lorsque vous dites ça, vous parlez du BEM, vous verriez ce principe-là.

n (14 h 30) n

Je ne l'ai pas abordé, moi, sur la base du doute raisonnable, je l'ai plutôt abordé sur le fait que la loi devait être interprétée de façon large et libérale et, partant, appliquée de façon remédiatrice. Mais je pense qu'on se rejoint là-dessus. Ou j'ai mentionné qu'est-ce que, pour s'assurer que justement les experts du BEM aient une telle approche... Parce que vous avez probablement entendu les propos du Conseil du patronat qui nous disait: Non, au niveau du BEM, c'est un avis purement médical. Il ne touche à rien d'autre, il applique la science. Moi, j'ai évoqué peut-être la possibilité par le biais d'un amendement législatif, mais je n'en fais pas vraiment, là. Peu importe le moyen, du moment qu'on y arrive.

Et vous dites: Bien, on ne veut pas toucher à. Vous suggérez, de quelque façon que ce soit, un amendement législatif, mais est-ce que ce ne serait pas opportun ? soyez candides devant nous ? et de nous dire, si ce n'est pas via un amendement législatif ? mais je pense que c'est peut-être une des solutions ? est-ce que c'est réglementaire ou autre. Donnez-nous donc vos lumières sur ça. Si on veut effectivement que l'expert du BEM ait cette approche remédiatrice vis-à-vis le travailleur accidenté, est-ce que ce n'est pas... quels seront les moyens qu'on devrait regarder, nous, comme commission, là, qui pourraient faire l'objet d'une recommandation, y compris si cet un amendement législatif? Pilez sur votre orgueil, messieurs.

Le Président (M. Jutras): Qui répond? M. Séguin? M. Lefebvre?

M. Lefebvre (Pierre): Je vais y aller, M. le Président. Alors, effectivement, bien vous avez bien compris qu'on ne se place pas sur le terrain de la recommandation. Si un jour le gouvernement décide de proposer des modifications à la Loi sur les accidents de travail, maladies professionnelles, ça nous fera plaisir de revenir vous dire ce qu'on en pense. Pour le moment, on a quand même inclus, dans notre mémoire, un certain nombre de suggestions qui ne sont pas nécessairement toutes de l'ordre de la modification législative non plus.

Quand on évoque l'idée du doute raisonnable ou de la prépondérance de preuve qui devrait pour nous a priori jouer en faveur de la travailleuse ou du travailleur et de la part de tous les intervenants, c'est, d'abord et avant tout, une question de comportement, c'est une question d'attitude face à la personne qui se présente en premier lieu, devant la CSST, avec une réclamation. Et ça, ça ne nécessite pas une modification législative, c'est de recevoir la personne qui vient frapper à la porte d'un service public, même si c'est un service public d'assurance d'employeurs, on en convient. Mais qui vient frapper à la porte d'un service public doit être traité comme quelqu'un qui a des droits et non pas comme quelqu'un qui s'en vient jouer dans le système. Et c'est ça souvent que les travailleuses et que les travailleurs perçoivent de la part de l'ensemble des intervenants, que ce soit la CSST, que ce soit leur employeur ou que ce soit au niveau de l'évaluation médicale, et c'est tout ce climat-là auquel on s'en prend.

L'avis médical est basé, oui, sur une approche scientifique, mais ça reste un avis médical, de un. Mais il devient juridique à partir du moment où la loi prévoit que la commission, la CSST, est liée par cet avis-là. Et c'est ça qui entraîne les contestations et c'est là où les règles de preuve sont différentes quand on est rendu à l'étape de la contestation, où là on n'exige plus la rigueur scientifique sur laquelle cependant la CSST s'est fondée pour rendre sa décision, puisqu'elle est liée par l'avis du BEM.

Alors, sans nécessairement avoir de modification législative précise à vous suggérer, il nous semble qu'il y a quelque chose à regarder là, à tout le moins.

M. Descoteaux: Vous êtes d'une prudence presque légendaire. Est-ce qu'à ce moment-là, parce qu'on le sait... Je soulève un point qu'on a débattu tout au long, depuis hier, c'est le fameux processus que le BEM met de l'avant, qui est la rétroinformation. À partir de décisions qui ont été renversées au niveau de la commission, on les regarde. Est-ce que vous croyez que ça devrait être maintenu, ce processus-là? Et justement est-ce que ça rejoint selon vous cet aspect-là de dire: «Peut-être que ce sera un effet graduel, mais en réalité on va y arriver, par un tel processus, à avoir des experts médicaux au niveau du BEM qui vont avoir cette approche, celle dont on discute, qu'on l'appelle balance des probabilités ou préjugé favorable, peu importe»?

Est-ce que vous pensez que c'est un véhicule qui ? d'ailleurs, ça fait partie des recommandations en 1997, comme vous savez, là; est-ce que vous pensez que c'est un véhicule ? justement va rendre la marchandise à ce niveau-là?

M. Lefebvre (Pierre): C'est peut-être un mécanisme qui peut être utile. Écoutez, je ne suis pas en mesure de commenter comment à l'interne ça se fait, comment ça s'opère et comment surtout ça se vit de la part des médecins.

Le Dr Tremblay a eu l'amabilité de fournir un certain nombre de réponses et de documents à l'occasion d'une rencontre du Comité sur la sécurité des travailleurs du Conseil consultatif du travail, de la main-d'oeuvre. Des exemples de rencontres de formation ou d'information des membres du Bureau d'évaluation médicale qui peut-être durent une heure, deux heures, trois heures dans leur gros maximum, combien de membres du bureau participent effectivement à ces rencontres-là? Comment c'est transmis? Écoutez, je n'en ai aucune idée.

Alors, c'est difficile pour nous de commenter précisément sur l'utilité de ce mécanisme-là en particulier. On pense que, oui, ça peut servir, ça peut être utile, mais est-ce que c'est le seul moyen? On l'ignore.

M. Descoteaux: Vous nous avez dit que vous étiez de ceux qui prônaient, en 1997, l'abolition du BEM.

Le ministre du Travail nous a dit que pour l'instant, à tout le moins, là, le BEM devait demeurer. Je vous dirais qu'à la lumière de l'ensemble des invités que nous avons entendus la majorité nous dit: Le BEM doit demeurer. Et, quand je regarde votre mémoire ? et j'aimerais avoir votre commentaire sur ça parce que je vois un petit peu une zone grise ? mais vous reconnaissez les améliorations importantes qui ont été faites au niveau du BEM. D'ailleurs, moi, j'ai l'impression qu'on est ici, aujourd'hui, dans le cadre d'une amélioration du BEM dans le sens qu'on veut avoir les commentaires et les suggestions de tous les intervenants pour être en mesure de faire des recommandations pour améliorer le BEM. Je serais bien malheureux, après avoir entendu tous les groupes qui nous disent: Oui, le BEM doit demeurer, qu'on arrive à une conclusion, comme on dit en français, «out of nowhere», qui dirait: Il faut abolir. Ça me semblerait antinomique.

Est-ce que vous partagez mes vues de ce côté-là, maintenant, considérant les améliorations depuis 1997, que le BEM au fond rend beaucoup plus de services et qu'il doit être maintenu? Parce que je trouvais que votre mémoire était peut-être un petit peu gris sur côté-là.

Le Président (M. Jutras): M. Lefevbre.

M. Lefebvre (Pierre): Merci. Oui, notre mémoire est un peu, oui, peut-être gris effectivement, tout comme il l'était en 1997. Vous aurez sûrement compris que, déjà en 1997, on avait une position un peu mitoyenne, je dirais, et c'est la position qu'on reprend devant vous, en 2006.

De recommandation formelle d'abolir le BEM? Encore là, on ne se place pas sur le terrain de la recommandation formelle, vous l'avez bien compris tout à l'heure. Le BEM doit-il demeurer? Écoutez, les arguments de 1997, on nous parlait d'une avalanche de recours devant la Commission des lésions professionnelles. La preuve n'en a pas été faite. On n'est toujours pas convaincus de cette avalanche-là et pas sûrs que les 13 000 demandes ou les 12 000 demandes d'avis au Bureau d'évaluation médicale se traduiraient en autant de contestations devant la Commission des lésions professionnelles. On n'est pas sur le terrain du maintien à tout prix du BEM non plus. Quand vous faites référence à la majorité des intervenants qui disent que le BEM doit demeurer, c'est peut-être une majorité d'une sorte d'intervenants devant vous, là. Je ne suis pas convaincu.

Il me semble qu'il y a des groupes de représentants des travailleurs accidentés ou les autres organisations syndicales qui ne sont peut-être pas aussi affirmatifs dans leur souhait de maintenir le BEM. Vous avez bien parlé d'une majorité?

n (14 h 40) n

M. Descoteaux: Bien, disons donc que la tiédeur nous appelle à la prudence avant de mettre la hache dans quelque organisme que ce soit, à tout le moins. Lorsque, même vous, votre position est à l'effet que vous avez une position mitoyenne, moi, je serais très malheureux de dire: Non, il faut, sur une position mitoyenne, il faut nécessairement aller de ce côté-là.

Et puis d'un autre côté on n'est pas obligé de sauter dans le trou pour mesurer la profondeur. Parce que donc on sait que le nombre de demandes augmente, et il ne faudrait pas se retrouver dans une situation où effectivement, à la CLP, c'est le débordement pour tenter de réparer la situation. Je pense que je paraphrase un peu, mais vos collègues de la FTQ ont bien dit: Si on l'enlève. Et leur position n'était pas justement de procéder de cette façon-là. Mais, lorsqu'on enlève un organisme, ou un tribunal, ou peu importe, il faut penser à le remplacer par quelque chose d'autre.

Donc, moi, à ce stade-ci, c'est pour ça. Mais j'apprécie quand même votre position, là, qui dit: vous ne prenez pas position de façon catégorique, à l'effet qu'il faudrait l'enlever. Au contraire.

M. Lefebvre (Pierre): La position catégorique qu'on prend cependant, c'est qu'on poursuit deux objectifs. Et ça, ça demeure.

Le premier objectif, c'est celui d'éviter de judiciariser ces dossiers-là. Si ça passe par l'abolition du BEM, ce qu'on pensait en 1997 et ce qu'on pense encore, bien, soit. Ça, pour nous c'est l'objectif essentiel, c'est d'éviter de judiciariser, premièrement. Le deuxième objectif, c'est plus large aussi, c'est d'éviter l'ensemble de ces dossiers, l'ensemble de ces recours. 12 000 demandes d'avis au BEM, 12 000 contestations à la Commission des lésions professionnelles, annuellement; pourquoi? Parce qu'il y a 130 quelques mille réclamations à la CSST, annuellement? Il y a un problème à la base. Il y a trop d'accidents, il y a trop de maladies professionnelles, il n'y a pas suffisamment de prévention. C'est la raison pour laquelle on rappelle, dans notre mémoire, au gouvernement qu'il y a des mécanismes de prévention qui ne s'appliquent pas chez nous. Il est là, le problème, à la base. Moins d'accidents, moins de contestations; moins de contestations, moins de judiciarisation.

M. Descoteaux: De ce côté-là, je vous suis à 100 % sur la prévention. Ce sera toujours le cheval de bataille à prioriser. Tout à fait. Merci bien, messieurs. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Jutras): Ça va. M. le député de René-Lévesque.

M. Dufour: Oui. Merci beaucoup, M. le Président. Alors, MM. Séguin et Lefebvre, merci pour votre mémoire, votre présence en commission.

Je reprends ce que vous venez de dire au niveau de vos objectifs. Vous parliez de deux objectifs. Éviter de judiciariser, c'est un peu ça d'ailleurs, le rapport de l'enquête qui avait été faite par la déjudiciarisation en 1994, dont ça parlait effectivement d'abolir le BEM, chose que je trouve curieuse aujourd'hui, parce que des groupes qui étaient pour ça avant ne le sont plus aujourd'hui. Par contre, il y en a qui nous disent qu'il est trop tard pour le faire, là. J'y vais somme toute très rapidement, là.

Vous qui vous dites que vous n'êtes pas sur un terrain à tout prix de garder le BEM, mais vous parlez des deux objectifs, puis qui sont extrêmement importants, puis qui sont liés, c'est d'éviter de judiciariser puis, deux, éviter l'ensemble des recours. Par contre, si on regarde tous les dossiers du BEM, 12 000 à 13 000 par année, il est clair qu'il y en a qui vont se rendre à la CLP. Donc, le processus vire. Alors, si on enlève le BEM de là, il est clair que la CLP va être embourbée, comprenez-vous? Alors, ça prend un juste milieu, mais je comprends qu'il ne faut pas judiciariser.

Dans votre document, vous avez parlé d'une première... Le portrait sur l'existence même du Bureau d'évaluation médicale, vous en avez parlé. Vous avez demandé l'abolition pure et simple du BEM. Puis, en bas de ce paragraphe-là, vous parlez de: «Les trois autres recommandations que nous faisions sur le processus d'évaluation médicale visaient justement ce but.» Quelles étaient-elles, ces trois autres recommandations?

M. Lefebvre (Pierre): Alors, en 1997, dans le mémoire qu'on présentait devant la Commission de l'économie et du travail, effectivement, en février 1997, on formulait quatre recommandations concernant l'évaluation médicale. La première était de retenir la position du groupe de travail sur la déjudiciarisation, le rapport Durand, auquel vous avez fait référence avec encore une fois, comme je le disais tantôt, à la première série de questions, en réponse à la première série de questions, que, si le Bureau d'évaluation médicale devait être maintenu, on recommandait d'abord de rendre plus rigoureuse la sélection des médecins qui en sont membres et de prévoir que la sélection est accomplie par le Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre mais dans le cadre d'un règlement adopté qui est approuvé par le gouvernement.

La deuxième recommandation était de fixer un délai plus long si la formule du choix de trois médecins par le médecin traitant était retenue, qui était une des suggestions qu'on faisait. Et c'était une des suggestions qui étaient faites par le rapport Durand, de fixer un délai un petit peu plus long que cinq jours. Et finalement on en avait contre la possibilité du médecin traitant de changer son opinion à la suite du rapport d'un médecin désigné par la CSST ou de l'employeur, ce que la loi permet évidemment et, entre autres, à la suite d'un avis du Bureau d'évaluation médicale. Donc, de ne pas retenir cette possibilité-là. Là-dessus on n'avait pas été entendu.

M. Dufour: Donc, sur les quatre éléments que vous venez de mentionner, les atteintes d'objectifs, ils n'ont pas atterri du tout, là. C'est ce que je comprends.

M. Lefebvre (Pierre): Sauf pour la discussion au niveau du Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre, mais, encore là, c'est une discussion. Sans critiquer le travail nécessairement qui est accompli au Comité sur la sécurité des travailleurs du CCTM, il n'en demeure pas moins que le comité est saisi d'une liste de 86, 88, 90 médecins avec un formulaire somme toute relativement sommaire, et c'est acheminé au conseil, et c'est recommandé au conseil, et c'est recommandé au ministre par le conseil, là.

Pour ce qui est de la rigueur, enfin on n'en sait pas grand-chose sur les membres, les candidatures qui nous sont soumises, sinon l'expérience passée.

M. Dufour: À la page 6 de votre mémoire, au troisième paragraphe, vous parlez qu'«en effet, plus de 40 % des cas que nous traitons sont de l'ordre de l'épuisement professionnel, de l'anxiété, de la dépression ou du stress post-traumatique liés au travail», ce qu'on appelle plus communément, dans le langage ouvrier, le burnout. C'est-u ça?

M. Lefebvre (Pierre): C'est bien ça.

M. Dufour: Je voulais juste faire sûr que je comprends. C'est probablement une question de... À la page 8, troisième paragraphe, vous parlez par rapport au pouvoir discrétionnaire: «une première fois sur les trois premiers éléments énumérés à l'article 212». Ce n'est pas plutôt à l'article 221? Juste pour ne pas me mélanger, là, parce que j'avais 221 dans les autres documents.

M. Lefebvre (Pierre): Le pouvoir discrétionnaire dont vous parlez, on le retrouve effectivement à 221, c'est le pouvoir qu'a le membre du Bureau d'évaluation médicale de se prononcer sur des éléments sur lesquels des médecins avant lui ne se sont pas prononcés. Ce dont on parle ici, c'est les cinq éléments énumérés à 212, où il arrive fréquemment que des travailleuses, des travailleurs soient examinés au Bureau d'évaluation médicale deux fois: une première fois sur les trois premiers éléments; et une deuxième fois sur les deux derniers, généralement lorsque la lésion est consolidée.

M. Dufour: O.K. Puis ça a parlé, pendant les deux jours de la commission, qu'il y avait sensiblement une amélioration par rapport aux visites au Bureau d'évaluation médicale. Il y a même eu un sondage là-dessus, là, sur 1 066 répondants. Vous parlez, dans votre document, en page 8, qu'il y a qui se sont sentis mal à l'aise au bureau du BEM. Je ne sais pas si ça a changé, si c'est des données à jour que vous avez. Je pose la question ? c'est la deuxième fois que je vais la poser dans ces deux jours: Croiriez-vous pertinent que la personne qui va se faire évaluer au Bureau d'évaluation médicale, si elle le désire, soit accompagnée d'un témoin?

M. Séguin (Pierre): ...ce qui est surtout important, nous pensons, par rapport à la visite d'une personne au Bureau d'évaluation médicale, c'est que minimalement les attitudes et les comportements qui soient mis de l'avant, donc l'éthique dont doit faire preuve la personne qui va procéder à l'évaluation, permettent, entre autres, à la personne d'être en mesure de se sentir respectée et qu'il y ait place effectivement pour cette personne-là de pouvoir exprimer et d'être entendue quant aux malaises qui sont les siens et quant aux différents motifs qui peuvent lui permettre, entre autres, d'arriver à se faire comprendre de la personne qui la rencontre.

Effectivement, il peut toujours y avoir une possibilité que cette personne-là puisse faire l'objet d'un accompagnement. Mais d'entrée de jeu nous pensons qu'il serait préférable que, dans le contexte des visites qui se réalisent à l'égard du Bureau d'évaluation médicale, l'éthique soit davantage l'assise sur laquelle repose l'action du professionnel, donc qu'il y ait là effectivement preuve d'empathie, d'écoute et de respect par rapport à la personne qui se présente devant lui. Et éventuellement, si une personne peut accompagner la personne accidentée, il n'y a pas de problème, nous ne voyons pas de problème à cet égard-là.

M. Dufour: D'accord.

Le Président (M. Jutras): Mme la députée de Matapédia? Non. Ça va.

M. Dufour: J'en ai une autre.

Une voix: Il n'a pas fini.

Le Président (M. Jutras): Oui. Ça va.

n (14 h 50) n

M. Dufour: Peut-être une dernière. C'est important parce qu'on va avoir à prendre des décisions comme membres de la Commission économie et travail. C'est qu'advenant le fait qu'on y va avec l'esprit large de la loi, large et libéral concernant la marge de manoeuvre qu'un médecin traitant peut avoir par rapport à son patient, nonobstant le fait que lui peut désigner un professionnel pour appuyer sa théorie ou son diagnostic, plusieurs nous disent qu'il y a même des médecins traitants aujourd'hui qui ne veulent même pas prendre en charge des accidentés du travail.

Alors, si on prend comme position, nous, qu'on donne le bénéfice du doute ou qu'on donne le vrai esprit ou la vraie interprétation de la loi par rapport aux médecins traitants, on risque quand même d'avoir des problèmes parce qu'ils ne veulent pas prendre en charge ou à certains égards ils aiment mieux se distancer de ce processus-là. Parce qu'il y en a qui ont même dit que le médecin traitant, s'il avait voulu être avocat, il aurait été devant le Barreau. Je suis médecin et je veux faire de la pratique; qu'est-ce que vous répondez à ça?

Il peut y avoir une solution aussi, puis je l'ouvre, entre parenthèses, parce que je pensais à ça en dînant, à midi. Il est clair que tu peux avoir un médecin traitant parce que tu as eu un accident de travail de nuit, tu as été à l'urgence, mais tu peux aller voir ton propre médecin. Donc, est-ce que les GMF, les groupes de médecins de famille, pourraient faire l'affaire ultérieurement, tu sais, parce que les médecins traitants, au moment où on se parle, sont très réceptifs à recevoir des accidentés du travail?

M. Séguin (Pierre): Un peu comme on l'expliquait, sans nécessairement être entré dans les détails, pour le médecin traitant, à partir du moment où il y a énormément de contestations, à partir du moment où il y a énormément d'embûches qui se présentent sur le chemin, lorsqu'il décide effectivement de vouloir supporter la personne qui va le rencontrer, force est de constater que c'est suffisant, ça, pour faire en sorte que le médecin traitant rebute un peu à aller de l'avant dans le contexte de la représentation, par rapport à la personne qui est venue le consulter.

S'il y avait des possibilités d'améliorer cette réalité-là, elles viseraient essentiellement à faire en sorte que, si l'opinion du médecin traitant est à tel point importante, qu'on puisse lui permettre d'être en mesure de cheminer tout au long du processus, sans nécessairement procéder à lui mettre des embûches tout au long du parcours, ce qui a pour effet, entre autres, à moyen et à long terme, de faire en sorte qu'il y ait effectivement désistement des médecins traitants dans ce contexte-là.

M. Dufour: À judiciariser, justement.

M. Séguin (Pierre): Et à judiciariser, effectivement.

M. Dufour: Bien, merci beaucoup.

Le Président (M. Jutras): Alors, merci, messieurs, pour votre présentation.

Et je demande aux représentants de l'Assemblée des travailleurs et travailleuses accidenté-e-s du Québec de s'avancer et de prendre place pour la présentation de leur mémoire.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Jutras): Je souhaite la bienvenue, là, à la Commission de l'économie et du travail, là, aux représentants de l'Assemblée des travailleurs et travailleuses accidenté-e-s du Québec.

Alors, messieurs, je vous rappelle les règles: vous avez 20 minutes pour la présentation de votre mémoire; par après, il y aura un échange de 20 minutes avec les députés ministériels et par la suite un échange de 20 minutes avec les députés de l'opposition.

Alors, qui est le principal porte-parole?

M. Lafrance (Roch): C'est moi.

Le Président (M. Jutras): Vous êtes monsieur?

M. Lafrance (Roch): Je suis Roch Lafrance.

Le Président (M. Jutras): Roch?

M. Lafrance (Roch): Roch Lafrance.

Le Président (M. Jutras): Roch Lafrance. Alors, si vous voulez présenter la personne qui vous accompagne et par la suite y aller avec votre mémoire.

Assemblée des travailleurs et travailleuses
accidenté-e-s du Québec (ATTAQ)

M. Lafrance (Roch): Exactement. Alors, moi, je suis président de l'ATTAQ et je suis accompagné de M. Philippe Poisson, qui est secrétaire.

Alors, brièvement, l'ATTAQ, c'est un regroupement d'associations d'accidentés du travail qui existe depuis 25 ans déjà et qui regroupe principalement des associations d'accidentés qui sont principalement non syndiqués, ce qui nous distingue de plusieurs associations de travailleurs qui se sont présentées devant vous, depuis deux jours.

Alors, c'est M. Poisson qui va commencer la présentation, et je reviendrai tout à l'heure.

Le Président (M. Jutras): M. Poisson.

M. Poisson (Philippe): Bonjour et merci de nous recevoir. Le 19 octobre dernier, nous étions ici présents en très grand nombre pour assister à l'examen, par cette commission, du rapport d'évaluation du Bureau d'évaluation médicale.

D'entrée de jeu, on aimerait vous dire que nous avons été amèrement déçus de l'exercice qui a été fait lors de cette séance, voire même choqués par les demi-vérités qui ont été révélées. C'est pourquoi nous sommes heureux de pouvoir aujourd'hui rétablir les choses afin que cette commission puisse atteindre l'objectif qui était visé par les parlementaires lorsqu'ils ont adopté l'article 68 du projet de loi n° 79, qui était d'évaluer le Bureau d'évaluation médicale afin de déterminer si on doit le maintenir, le modifier ou l'abolir. Nous ne pensons pas que le rapport qui a été fait devant la Commission de l'économie et du travail, le 19 octobre dernier, permette de juger de la pertinence ou non de maintenir le BEM. Notre intervention devant cette commission, aujourd'hui, vise à atteindre cet objectif.

Il nous semble cependant nécessaire, dans un premier temps, de tracer un bref bilan de l'évolution de l'évaluation médicale en matière de lésions professionnelles avant d'examiner le rapport d'évaluation du BEM. On nous annonçait en 1985, lors de l'adoption de la Loi sur les accidents de travail et maladies professionnelles, qu'on allait mettre fin à la mainmise de la CSST sur les questions d'ordre médical. La CSST allait désormais être liée par l'opinion du médecin traitant. Après maintenant plus de 20 ans d'expérience de cette loi, nous pouvons affirmer que le respect de l'opinion du médecin traitant n'est qu'un leurre. Les modifications apportées au régime, en 1985, n'ont permis tout au plus que d'établir le cadre dans lequel la toute puissance de la CSST s'exerce. On est en effet passé d'un régime, avant 1985, où la commission avait les pleins pouvoirs et où elle les utilisait sans aucun encadrement à un régime, à compter de 1985, qui lui permettait toujours d'imposer ses vues mais en suivant un processus de contestation de l'opinion du médecin traitant auprès du Service d'arbitrage médical, pour en arriver, en 1992, à un processus de validation de sa position par le BEM.

Ce qu'on a fait en 1985 n'est que d'offrir à la CSST un moyen de sauver la face et les apparences en créant une structure de contrôle externe projetant pour l'oeil naïf une image de neutralité, mais les dés étaient pipés d'avance. Tout d'abord, le mode de nomination des arbitres par le Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre lui garantissait qu'une bonne partie des médecins se retrouvant sur la liste allaient continuer, comme ils le faisaient par le passé, à servir ses intérêts. Mais cette liste ne lui assurait cependant qu'un contrôle partiel sur ce nouveau service d'arbitrage. Elle s'était donc empressée de faire nommer deux de ses vaillants serviteurs à ce service, le Dr Patry, ex-directeur de l'évaluation médicale de la CSST pour la région de Montréal, et le Dr Lemieux, ex-directeur du bureau médical de la CSST pour la région de Québec, afin qu'ils désignent les arbitres pour chacun de ces dossiers. Rien ne nous porte à croire qu'aujourd'hui c'est différent. Et ces vaillants serviteurs l'ont servi, et ils s'étaient alors mis à désigner un groupuscule d'amis, amis qu'ils connaissaient bien, puisque c'est à l'aide de ces médecins qu'ils ménageaient le fonds d'indemnisation alors qu'ils travaillaient officiellement pour la CSST. Cette dernière venait donc ainsi de compléter l'opération et de s'assurer un parfait contrôle du processus.

La réforme de 1992 n'a rien changé à la situation, bien au contraire. On a bien sûr rebaptisé le Service d'arbitrage médical en Bureau d'évaluation médicale, mais nous avions dorénavant les mêmes médecins arbitres possédant plus de pouvoirs, désignés par les mêmes directeurs pour rendre des avis à la demande d'employeurs ou de la CSST, ayant désormais plus de pouvoirs et moins de contraintes.

L'actuel processus d'évaluation médicale ne peut prétendre à la neutralité. Il ne sert que les intérêts des cotisants et de la CSST, qui, rappelons-le, là, travaillent pour la même piastre, en imposant aux travailleurs et travailleuses un traitement qui, en plus de compromettre une éventuelle reconnaissance de leurs droits, présente une menace pour leur santé.

n (15 heures) n

M. Lafrance (Roch): Alors, je vais continuer sur le rapport du Bureau d'évaluation médicale qui a été présenté devant cette commission, le 19 octobre dernier.

Alors, comme on l'a dit en introduction, on a été très choqués de cette présentation-là et du rapport qui a été déposé. Selon nous, il y a eu plusieurs manipulations de chiffres qu'on a continué à entendre ici, d'ailleurs depuis deux jours, plusieurs omissions, des affirmations non fondées qui ont été faites par l'ex-directeur du Bureau d'évaluation médicale à l'époque ainsi que l'ex-sous-ministre adjoint du ministère du Travail. Alors, c'est quand même curieux qu'on soit en présence aujourd'hui, quelques mois plus tard, de deux ex. Je ne sais pas s'il y a un lien avec leur présentation et ce qu'ils ont fait comme rapport, mais ces deux personnes là ne sont plus au ministère du Travail et au BEM aujourd'hui.

Alors, selon nous, ce que ces deux présentateurs là ont fait au mois d'octobre, c'est qu'ils ont dépeint un tableau qui occulte totalement la réalité. Et aussi, face à ce triste spectacle, parce que, pour nous, c'est un triste spectacle, nous ne pouvons en arriver qu'à une seule conclusion, c'est que ces deux personnes-là ont tenté sciemment de tromper cette commission. Et, on verra, dans le mémoire qu'on dépose, on a plusieurs éléments qui contredisent carrément les informations qui ont été données le 19 octobre dernier.

Donc, dans le peu de temps qui nous est alloué, évidemment on ne reprendra pas tous les éléments que nous traitons dans notre mémoire, mais il y a plusieurs éléments qui méritent d'être corrigés et qu'on pourra discuter avec les membres de la commission plus tard. Ceci dit, on veut quand même souligner certains points qui nous apparaissent importants de souligner dans notre présentation.

Alors, on l'a entendu à plusieurs reprises depuis deux jours, le BEM serait un outil de déjudiciarisation. Alors, lors de sa présentation, le 19 octobre dernier, l'ex-directeur du BEM, qui était le Dr Michel Dupont, s'est acharné à plusieurs reprises à prétendre que le Bureau d'évaluation médicale constitue un élément de déjudiciarisation et que seulement entre 8 % et 10 % des avis du BEM sont contestés annuellement. Or, cette affirmation-là est totalement non fondée. Et, comme je vous disais, on a entendu plusieurs associations patronales venir dire: Oui, oui, il y a seulement 10 % des avis qui sont contestés, donc c'est vraiment un outil de déjudiciarisation. Alors, nous, ce qu'on prétend, et on va le démontrer, c'est que le BEM génère au contraire une formidable activité de contestation.

Prenons les chiffres de la CLP. Depuis deux jours, on nous dit qu'il y a grosso modo environ 1 000 décisions, 1 000 contestations qui sont faites à la CLP, annuellement. Nous n'avons pas le chiffre de contestations qui sont acheminées à la CLP tout simplement parce que la CLP ne compile pas ces données-là, malheureusement. On a tenté de les avoir. On nous dit qu'on n'a pas les chiffres. On peut cependant, quand on regarde ce qui sort de la CLP, avoir une bonne idée du nombre de contestations qui peuvent peut-être entrer. Or, annuellement, la CLP ferme environ 4 000 dossiers qui portent sur des avis du BEM, soit 2 000 décisions qui sont rendues et environ 2 000 dossiers qui sont fermés avec désistement et transaction en vertu du Code civil. Alors, comment 1 000 avis annuellement contestés peuvent générer 4 000 dossiers qui portent sur la même question à chaque année, qui sont fermés par la CLP? Alors, vous voyez qu'il y a un petit problème à quelque part.

Or, si on regarde les données en provenance de la Direction de la révision administrative de la CSST, c'est-à-dire le premier palier de contestation, alors, nous, on les a fait sortir, les chiffres. Et, pour l'année 2004, hein, le directeur du BEM nous parlait souvent de l'année 2004, il y a eu pour moins de 12 000 avis de rendus, en 2004, par le BEM, plus de 7 500 contestations directes d'avis de décisions qui font suite au BEM. Alors, quand on parle de 1 000 contestations, là, je ne sais pas où on prend ce chiffre-là, mais les données qui proviennent de la CSST nous démontrent tout le contraire, c'est qu'il y a deux tiers des décisions qui font suite à un BEM, qui sont directement contestées à la Révision administrative.

La FATA vous l'a dit hier, et, nous aussi, on vous le dit, c'est qu'en plus de ces contestations directes là, là, O.K. ? c'est étiqueté comme ça, là, à la Révision administrative: décisions faisant suite au BEM ? il y a le quart des contestations qui sont faites suite à un avis du BEM, qui vont aussi générer une autre contestation d'une décision incidente, comme par exemple une décision qui donne droit ou pas à la réadaptation, droit de retour au travail, emploi convenable, et qui sont fondées sur les conclusions du BEM. Et donc, si les limitations fonctionnelles ont été mal évaluées, évidemment la décision de la CSST, qui utilise les mêmes limitations fonctionnelles, sera aussi, elle, contestée.

Et donc, selon notre évaluation, nous, on pense qu'une institution comme le BEM, un organisme comme le BEM, qui génère environ 80 contestations à chaque fois qu'elle rend 100 avis, bien on ne peut pas parler de déjudiciarisation. Et on trouve curieux que cet organisme-là vienne ici, en disant: Il n'y en a pas, de problème. Alors, nous, on dit: 80 contestations sur 100 avis, il y a un problème. Et donc, plutôt que de camoufler ça et de nier la réalité, le directeur du BEM ou l'ex-directeur du BEM aurait dû avouer qu'il y a un problème. Or, il a tenté de camoufler ces informations-là. Et, nous, ce qu'on vous dit, c'est qu'on tente de vous induire en erreur. Alors, contrairement à ce que le Dr Dupont a dit devant cette commission, nous, on dit que le BEM est un des éléments qui judiciarise le plus notre régime d'indemnisation.

Concernant le taux de confirmation et d'infirmation des avis du BEM, on a entendu aussi, depuis deux jours, et c'est le Dr Dupont qui le disait le 19 octobre dernier, que les avis du BEM sont confirmés par la CLP à raison de 57 % des contestations qui sont faites, là, à la CLP. Or, cette affirmation-là aussi est totalement contredite par les chiffres mêmes de la Commission des lésions professionnelles qui, je vous le souligne... c'est eux qui ont le mandat de faire cette évaluation-là, le législateur leur a donné ce mandat-là et doivent compiler ce type de données là. Et, quand on examine les données de la CLP, on constate un tout autre portrait: 35 % des avis du BEM sont confirmés en totalité; 38 % sont infirmés en totalité; et 27 % sont infirmés en partie. Et donc, là aussi, on se retrouve dans une situation où les avis du BEM sont infirmés dans une proportion de 65 %, donc deux avis sur trois.

La FATA vous a donné des chiffres, dans leurs dossiers, qui sont à peu près semblables, et, nous aussi, dans l'étude qu'on a faite dans nos dossiers, on arrive à peu près aux mêmes résultats: 68 % d'avis... infirmés, c'est-à-dire.

Donc, quand un tribunal doit intervenir dans deux cas sur trois, nous, on pense que ce n'est pas déraisonnable d'affirmer que les avis du BEM, là, ça n'a rien de scientifique. Les avis du BEM, ça sert seulement à gérer des coûts, ce qu'on a entendu, là, gérer des coûts, depuis deux jours. Alors, nous, on pense que c'est ça, la clé, ça gère des coûts, point. Ça n'a rien de scientifique.

Finalement, sur les éléments aussi qu'on veut attirer votre attention, le taux de confirmation de l'opinion du médecin traitant. Alors, les membres de la commission parlementaire sur le projet de loi n° 79 voulaient avoir ces chiffres-là. Ils l'avaient demandé à l'époque, et nous étions ici, le 19 octobre dernier, quand M. Dufour a demandé aussi ce taux d'infirmation, par le BEM, de l'opinion du médecin traitant. Et l'ex-directeur du BEM a refusé de dévoiler ces taux-là et a même dit: Nous, on ne veut pas faire ça. Nous, ce qu'on vous souligne, c'est que le BEM a déjà fait l'expérience. En 1995, le BEM a évalué 601 dossiers, tous les dossiers d'évaluation qu'ils ont faits en février 1995, et les taux de confirmation de l'opinion du médecin traitant s'établissaient à 25 %. Donc, c'était assez catastrophique comme données et c'est pour ça que, depuis ce temps-là, on ne veut plus sortir d'informations. Nous, on l'a fait aussi dans nos dossiers. On a évalué au hasard ? comme la CSN a fait, on vous l'a dit hier; au hasard ? dans les dossiers, et on arrive à un taux de confirmation, par le BEM, de l'opinion du médecin traitant à 22 %.

n (15 h 10) n

Donc, c'est assez comparable à ce qu'on retrouvait il y a 10 ans. Alors, est-ce qu'il y a une amélioration? Bien, nous, on pense que non. Mais il y a des questions plus importantes que ça à se poser: Comment est-il possible d'expliquer que des médecins traitants, très souvent des médecins spécialistes, se trompent trois fois sur quatre? Alors, quelle est la réponse à ça? Est-il possible que des milliers de médecins, au Québec, soient incompétents et pratiquent la médecine librement, au Québec, là, sans qu'ils soient dérangés? Et de l'autre côté est-il possible que le patronat, la CSST et le BEM aient pu réussir à dépister, là, l'élite du corps médical, ce qu'on peut appeler, là, cette poignée de médecins qui peuvent en quelques minutes, premièrement, repérer l'incompétence des médecins et, deuxièmement, réparer le tort qui a été causé aux victimes d'accidents et de maladies du travail?

Alors, nous, ce qu'on vous dit, là, c'est que tout ça, ce n'est pas possible et qu'on est en présence d'une médecine qui est affairée à soigner les coûts des lésions professionnelles plutôt que les lésions professionnelles elles-mêmes.

Avant de passer à nos revendications, je veux juste vous souligner que notre mémoire traite aussi de plusieurs autres questions. Je vais attirer très brièvement votre attention là-dessus. D'abord, c'est qu'il y a plusieurs médecins au BEM qui sont en conflit d'intérêts. Il y a en effet une dizaine de médecins membres du BEM qui ont fait des évaluations pour le BEM et pour la CSST simultanément, et il semble que personne ne s'en soucie. Alors, nous, on trouve ça très grave, là, parce qu'il y a des règles, hein, et les médecins sont censés s'engager à ne pas être en conflit d'intérêts. Il y en a qui le sont. On révèle ces données-là, et personne ne semble s'offusquer de la chose.

Deuxièmement, on vous a déposé des documents. Il y en a un, c'est un document qu'on fait annuellement. Nous, on analyse les résultats, là, de qui fait des évaluations au BEM et on se rend compte depuis des années, hein, depuis 1986, qu'il y a une toute petite clique de médecins qui sont grassement payés, qui produisent, bon an, mal an, la majorité des évaluations au BEM. Et certains de ces médecins-là ont réussi, au cours des années, grâce à ce petit... on peut appeler ça un petit «sideline» à temps partiel, là, à accumuler un revenu d'appoint qui dépasse les 2 millions de dollars. Alors ça, c'est assez préoccupant.

Et on veut aussi souligner ? et on vous a déposé un autre document ? une recherche de Me Katherine Lippel. Hier, vous en avez entendu parler, là, la CSN en a parlé. Alors, on a déposé pour les membres de cette commission la recherche en question, qui révèle des choses assez troublantes, notamment que le processus d'évaluation médicale, et ça inclut le BEM, peut engendrer des problèmes au niveau de la santé physique ? ça, on le comprend bien, absence de traitement ? mais aussi au niveau de la santé mentale des travailleurs et des travailleuses. Et on se retrouve ainsi en présence d'une médecine qui, loin de guérir, rend les gens malades.

Alors, je vais passer la parole à M. Poisson qui va terminer la présentation.

M. Poisson (Philippe): Au vu de l'ATTAQ, une réforme de ce régime-là s'impose.

Alors, depuis 1997, le BEM est sous évaluation afin de pouvoir décider si on doit le maintenir, le modifier ou l'abolir. Nous pensons que le BEM, tant par ses agissements que par l'évaluation qu'il fait de lui-même, a fait la preuve qu'il ne peut pas être amélioré. Nous sommes donc d'avis que la solution permettant aux victimes de lésions professionnelles d'obtenir justice réside dans la disparition de cet outil et dans une réforme du processus d'évaluation médicale.

Donc, dans un premier temps, nous demandons l'abolition du Bureau d'évaluation médicale. Et on ne prend pas ça de nulle part ou on ne tire pas ça tout d'un coup, d'un chapeau, là, le rapport Durand en a déjà fait mention, de cette question-là, 26 associations de médecins sur 27 ont déjà été d'accord avec ça. La disparition de cet outil de patronage érigé en système ne pourrait qu'assainir l'ensemble du processus d'évaluation médicale. Cet outil, qui n'existe pas pour traiter les travailleurs et les travailleuses ? on le répète, là, ça n'existe pas pour traiter personne, ça ? et qui en prime rend les gens malades, n'a pas sa raison d'être. Et, soyons clairs, nous ne voulons pas son remplacement par une autre structure similaire, on nous a fait le coup en 1992.

Cette position-là est-u farfelue? On pense au contraire qu'elle est très réaliste, sérieuse et fondée. Doit-on rappeler que le groupe de travail formé en 1993, comme je vous le disais, sur la déjudiciarisation proposait l'abolition du BEM et réitérait la nécessité du rôle prépondérant du médecin du travailleur. Ce rapport avait été appuyé par toutes les associations médicales, sauf une, l'association des orthopédistes du Québec, dont faisaient partie les trois membres de la Fédération des médecins spécialistes hier qui sont venus vous rencontrer, rappelons-le.

Deuxièmement, on estime qu'il est urgent qu'on retire aux employeurs leur pouvoir de contestation en matière médicale. Il est grand temps que ce système d'abus, voire de harcèlement médical de la part des patrons soit démantelé. Il est franchement outrageant, avouez-le, que le responsable d'une lésion professionnelle soit appelé à intervenir sur la nature, la durée des traitements à fournir à une victime, sa victime.

Troisièmement, nous estimons qu'il est aussi nécessaire que l'on retire à la CSST ses pouvoirs de contestation en matière médicale. Alors, on ne s'objecte pas, et comprenez-le bien, on ne s'objecte pas à toute forme de vérification de leurs opinions par un autre médecin ? spécialiste, si nécessaire. Et, comme le dit M. Lafrance, bon nombre de médecins traitants sont déjà des spécialistes, mais on ne voit aucune justification à ce que ce soit la CSST qui choisisse ces médecins-là. Alors, on ne peut pas tolérer plus longtemps qu'une commission chargée de l'indemnisation des victimes d'accidents et de maladies du travail se place aussi manifestement en situation de conflit d'intérêts, en position de juge et partie. Pour nous autres, ça, ça a assez duré.

Quatrièmement, le régime doit respecter véritablement l'opinion du médecin traitant. On croit fermement que d'instaurer le respect intégral de l'opinion du médecin traitant constitue la seule solution permettant de mettre fin à un système d'abus et d'injustices organisé et généralisé, à un système fondé sur des intérêts et axé sur des objectifs strictement économiques et partisans, à un système qui cause les plus graves préjudices aux travailleurs et aux travailleuses.

Le Président (M. Jutras): Est-ce que vous concluez, M. Poisson? Est-ce que vous terminez?

M. Poisson (Philippe): Oui.

Le Président (M. Jutras): Oui.

M. Poisson (Philippe): Oui. 10 secondes. Nous ne pensons pas que le véritable respect de l'opinion du médecin traitant nous assurerait une justice parfaite, loin de là. C'est cependant la solution la moins pire, et elle a au moins le mérite de placer les victimes d'accidents et de maladies du travail sur le même pied d'égalité que l'ensemble des citoyens de cette société. Elle a surtout le mérite de remettre, entre les mains des médecins traitants, le processus qui doit soigner et traiter les malades.

Alors, en conclusion, on pense qu'il est urgent de revoir tout ça, hein? On nous a invités à six reprises depuis 1992, afin qu'on vous donne notre avis sur cette question-là. À chaque fois, les parlementaires nous ont remerciés pour la qualité de notre analyse et de notre contribution, mais à chaque fois on n'a pas jugé pertinent d'appliquer nos recommandations. Alors, on a plutôt choisi d'appliquer une médecine proposée par des vendeurs d'illusions, qui a amené un gâchis, celui qu'on connaît aujourd'hui, et entre-temps on a hypothéqué la santé de milliers de travailleurs et de travailleuses. Alors, on espère que pour une fois nos revendications seront retenues. Merci.

Le Président (M. Jutras): Alors, merci, messieurs, et je cède la parole au député de Groulx. M. le député.

n (15 h 20) n

M. Descoteaux: Merci, M. le Président. Merci, messieurs, de votre présence.

Si vous permettez, vous avez indiqué que, selon vous, certaines personnes avaient pu tenter d'induire ? je vais utiliser un terme large; d'induire ? en erreur, en octobre passé, la commission. Par déférence pour tous ceux qui se présentent devant la commission, je ne veux pas aborder ça d'aucune façon. Mais, à toutes fins utiles, vous comprendrez que, si la commission est là, aujourd'hui, c'est que nous avons quand même été sensibilisés à des problématiques que vous aviez évoquées. Nous avons quand même été sensibilisés au fait qu'à l'intérieur des documents et à l'intérieur du rapport même qui nous a été déposé à l'automne dernier on voyait la nécessité de se questionner davantage et d'entendre tous les intervenants, d'où votre présence aujourd'hui, que je salue bien humblement, et je suis très heureux que vous soyez là.

D'un autre côté, vous nous déposez non seulement un rapport fort étoffé, mais vous nous déposez en plus l'étude de Me Lippel et d'autres documents. Donc, vous augmentez considérablement notre tâche de travail, ce qui est tout à fait justifié mais en même temps qui nous place dans une position où c'est difficile de tout couvrir, puisqu'il y a des documents qu'on n'a pas regardés. Mais quand même je pense qu'on peut faire un bon bout de chemin ensemble.

Vous nous avez indiqué que, bon, de votre côté vous voyez l'abolition du BEM. Ce n'est pas ce qu'on a entendu grosso modo, depuis que nos travaux ont débuté hier. À toutes fins utiles, je vous lance la question, mais, lorsqu'on prend une position comme la vôtre, c'est difficile de répondre à la question que je vais vous soumettre. Parce que depuis hier j'ai évoqué la question d'un BEM qui devrait avoir un préjugé favorable aux travailleurs accidentés. Je pense qu'il n'y a pas un intervenant à qui je n'ai pas posé cette question-là. Certains sont d'accord, certains ne sont pas d'accord. Parce que la loi dont on parle est une loi sociale. Vous le savez, vous travaillez avec constamment. C'est une loi qui doit être remédiatrice pour nos travailleurs qui sont accidentés. Le BEM, initialement on a voulu, je crois, le déjudiciariser. Est-ce qu'on a réussi? C'est une autre question.

Vous semblez dire que non. Et ça, j'aimerais ça que vous élaboriez un petit peu plus de ce côté-là, mais est-ce qu'un BEM mis à jour, mis à la carte, ouvert sur l'approche adoptée vis-à-vis un travailleur accidenté.

Parce qu'il ne faut pas oublier. Vous nous dites: Est-ce que trois médecins sur quatre sont dans l'erreur? Mais je pense qu'a priori, si on retient le principe de la bonne foi, qui se présume, un peu tout le monde ? je fais abstraction des questions de conflits d'intérêts, là, vous le réalisez bien ? est-ce que, nos médecins du BEM, on ne peut pas leur dire aussi, nos experts: «Ils sont de bonne foi»? Et, si on les aiguille de façon appropriée, au niveau d'une législation ou d'une autre façon à l'effet qu'eux-mêmes doivent regarder le travailleur accidenté comme un individu auquel on doit apporter une solution médicale ? ce n'est pas lui qui va l'apporter ? de façon à le remettre sur pied le plus vite possible, une approche plus humaine aussi ? on l'a entendu à plusieurs reprises ? est-ce que vous ne voyez pas là une partie de la solution ou est-ce que je suis complètement, complètement dans le champ?

Le Président (M. Jutras): Oui, M. Lafrance.

M. Lafrance (Roch): Oui. Écoutez, on a assisté à toute la commission parlementaire, et effectivement vous avez posé la question à tout le monde. Nous, on n'y croit pas, et je vais vous expliquer pourquoi. Puis ce n'est pas une question de bonne ou de mauvaise volonté des médecins, là. C'est sûr qu'on en connaît, des médecins qui sont là depuis fort longtemps, qui ont travaillé pour la CSST ou pour des employeurs avant, alors c'est sûr qu'on a, mettons, un petit préjugé défavorable envers ces médecins-là. Mais, même si tous les médecins qui sont là sont de bonne foi, il y a un problème majeur avec votre hypothèse, qui est intéressante, au niveau de la loi en tant que telle, et vous l'avez souligné hier, il y a plusieurs décisions de la Cour d'appel du Québec qui rappellent que c'est une loi qui doit s'interpréter de façon large et libérale. La Loi d'interprétation dit exactement la même chose, et pourtant des fois on a de la difficulté à la faire interpréter de façon large et libérale.

Alors, à l'ATTAQ, on est d'accord pour qu'il y ait des dispositions dans la loi qui le disent encore plus clairement. Ça, ça va. Mais, quand on arrive au BEM, le problème avec le BEM, c'est que les gens qui sont là, c'est des médecins. Les médecins, ce n'est pas des juristes, ils ne sont pas là... Et on comprend que c'est un processus d'arbitrage, mais c'est quand même fondamentalement des médecins qui ont été formés à juste titre à donner des opinions dites, mettons, scientifiques. Et, dans leur tête, quand on leur parle, par exemple, de fardeau de preuve, de prépondérance de preuve, de bénéfice du doute, là ça n'a pas la même signification que pour un juriste comme vous. Et, nous, on le voit régulièrement, là. On travaille avec des médecins experts qui sont, mettons, catalogués comme protravailleurs. Même ces médecins-là qui font de l'expertise pour les travailleurs, il faut régulièrement leur réexpliquer que le fardeau de preuve, là, quand on parle de prépondérance de preuve, c'est 50 % des chances plus un. Et ça ne leur rentre pas dans la tête parce qu'ils ont été formés pour être des médecins, et un médecin, ça soigne du monde par définition et ça n'a pas le droit de se tromper.

Or, quand on va voir un médecin, là, pour se faire, bon, opérer, on a un problème, on espère bien qu'il va fonctionner avec une grande certitude et non pas en disant: Bon, tu as plus de chances d'avoir tel genre de problème, donc je vais te prodiguer tel genre de traitement. Hein, c'est ça qu'on exige, et les médecins, à juste titre c'est comme ça qu'ils fonctionnent. Alors, de leur demander, dans leur pratique d'arbitrage médical, de changer du jour au lendemain et de retourner, là... Ils vont faire de l'arbitrage, ils vont faire de l'évaluation au BEM, et l'après-midi ils retournent voir leurs patients, et ils vont revenir avec ça. Et donc, moi, je pense que ce n'est pas fonctionnel. On ne peut pas obliger des médecins à changer leur façon de penser, comme ça.

M. Descoteaux: Votre approche nous laisse croire en réalité que, lorsqu'un médecin agit dans le but de traiter, évidemment sa science le sert; lorsque le médecin agit sur un tribunal, qu'il soit autre, sa science le dessert. Et, jusqu'à un certain point, je me demande si vous n'avez pas en partie raison. Nos médecins, on sait qu'ils rendent le serment d'Hippocrate. Curieusement, le serment d'Hippocrate ne commence pas par «soigner», mais commence plutôt par «ne pas nuire». «Ne pas nuire», et ensuite «soigner pour guérir».

Donc, je vous rejoins en partie, mais, si je vais pousser votre argumentation un petit peu plus loin, vous nous dites: Bon, nous, on verrait le BEM disparaître et l'instauration d'un autre système. Et là je vous perd un peu parce que, remplacer un système par un système, on peut se retrouver dans une situation peut-être pire qu'on était. Donc, qu'est-ce que vous voyez comme système de remplacement? J'ai bien compris tout le premier volet sur la prépondérance que vous voulez donner aux médecins traitants. Ça, vous n'avez pas à revenir là-dessus, je pense qu'on l'a compris. Même, ça a fait partie de nos discussions. Mais, en termes de système, comment voyez-vous ça?

M. Poisson (Philippe): Écoutez, il y a quelques intervenants qui vous ont dit depuis hier qu'il était incompréhensible, voire injustifiable qu'il y ait deux médecines au Québec, hein? N'importe quel d'entre vous aurait un accident d'automobile, j'ai beau être un cotisant à ce régime-là, je n'ai aucun droit d'exiger de votre part que vous vous soumettiez à l'examen du médecin de mon choix. Est-ce à dire que les entreprises, au Québec, sont une autre catégorie de citoyens et qu'eux doivent avoir des droits et des pouvoirs supplémentaires? Et, rappelons-le, hein, quand on parle de droit de contestation de la CSST, de l'employeur au nom, là, de la contribution monétaire, on parle toujours de la même piastre.

On a entendu des gens aujourd'hui venir dire: On devrait avoir les rapports, l'ensemble des documents médicaux produits par les médecins des travailleurs. Qu'est-ce qu'on veut exactement? Ériger un deuxième régime pour surveiller la CSST, là, un régime parallèle où les patrons, au Québec, vont surveiller tout ce qui se passe en matière médicale, chacun des rapports, des notes d'évolution, des rapports de physio, des scans, des rayons X? Bien, voyons donc, ça n'a pas de bon sens. On a une organisation, la CSST, qui a la réputation d'être assez outillée, là, je pense, pour être en mesure de faire cette job-là. Pour quelle raison? Qu'est-ce qui vient justifier que l'employeur, le responsable des lésions professionnelles, vienne se mêler de c'est quoi, le diagnostic, c'est quoi, les traitements qu'on doit avoir, hein, quand est-ce qu'ils vont être arrêtés, puis c'est quoi, les séquelles qu'on a. Que le médecin qui donne une opinion là-dessus voie le travailleur ou la travailleuse pendant 10 minutes, quelqu'un qu'il n'a jamais vu de sa vie, et qui en plus génère une multitude de contestations sur une foule de sujets, engorge le tribunal, ça n'a pas de sens.

Et on faisait allusion à une boule de machine à boules, hier, là. Regardez en arrière de nous autres, là, il n'y a personne qui a l'air d'une boule de machine à boules ici, là, c'est du monde. C'est du monde qui va souffrir des suites d'une évaluation du BEM, physiquement, moralement, qui vont se retrouver financièrement dans le trou, et il y a même du monde, là... Chez nous, dans l'association où je travaille, il y a même quelqu'un qui s'est enlevé la vie après une décision qui faisait suite à un avis du BEM.

Alors, écoutez, là, les médecins traitants, là, des travailleurs accidentés, ils pratiquent la médecine légalement, au Québec. S'il y en a qui sont complaisants, comme on a pu l'affirmer ou que certains peuvent le croire, là, bien qu'on les poursuive, ceux-là, et on débarrassera la société de ces médecins-là, qui pourraient peut-être être aussi complaisants dans les dossiers d'accidents d'auto ou dans d'autres dossiers, Régie des rentes, etc.

M. Descoteaux: Mais le temps file, en ce qui me concerne, pour échanger avec vous, mais je repose ma question parce que vous êtes passés un petit peu à côté. Et vous me parlez de l'élimination du BEM et de l'instauration d'un autre mécanisme. Allez-y brièvement, mais donnez-moi vos lumières de ce côté-là.

n(15 h 30)n

M. Lafrance (Roch): Bien, écoutez, ce que, nous, on propose, là, c'est grosso modo ce qu'on avait dans le rapport de la déjudiciarisation, qui, rappelons-le, est un comité de la CSST, qui disait: On est en train de judiciariser des questions qui sont strictement d'ordre médical. Parce que, je vous le rappelle, les cinq points qui vont au BEM, c'est le diagnostic, la date de consolidation, les traitements et les soins, l'atteinte permanente et les limitations fonctionnelles. On ne parle pas du lien de causalité, on parle de ces cinq question-là.

Alors, ce que le rapport Durand disait, c'est: Pourquoi on ne laisse pas ça entre les mains de médecins, comme ça se fait dans la vie de tous les jours?, c'est-à-dire: un médecin suit son patient, il n'y a personne qui est par-dessus son épaule puis qui vient dire: Tu fais une bonne ou une mauvaise job, tu as besoin de physiothérapie, tu prescris de la physiothérapie. Puis la RAMQ n'est pas là pour venir dire: C'est-u justifié, ça? C'est-u justifié, tel genre d'opération, même si ça coûte très cher? Alors, pourquoi, nous, on est assujettis à un employeur, d'un côté, qui regarde par-dessus l'épaule du médecin puis, de l'autre côté, la CSST? Alors, ce que, nous, on dit: le mécanisme, il est simple, puis c'est exactement ce que le rapport Durand disait: priorité à l'opinion du médecin traitant. Si la CSST trouve que le rapport est incomplet... Et je veux juste enlever un petit mythe. On entend ça depuis hier, là. J'ai l'impression que vous avez l'impression que les médecins traitants, c'est des médecins de famille ou des médecins généralistes. Les travailleurs et les travailleuses que, nous, on rencontre, la majorité sont suivis par des médecins spécialistes, c'est leurs médecins traitants. Et, l'autre groupe, là, où, nous, on a compilé dans nos dossiers, 89 % des gens qu'on rencontre sont suivis ou ont été référés à des médecins spécialistes.

Et le monsieur ? je ne me souviens pas de son nom ? de l'association, qui est venue ce matin, là, des constructeurs de routes le disait: Des fois, même s'il y a un médecin traitant généraliste, ces gens-là vont être référés à des médecins spécialistes, puis le suivi va durer quatre semaines, six semaines, huit semaines. Alors, il y a des médecins spécialistes là-dedans, alors ce n'est pas des médecins compétents, là. En tout cas, ils sont tout aussi incompétents que les médecins du BEM, c'est la même chose.

Donc, la CSST, si elle a besoin d'informations, elle demande au médecin. Le médecin sera obligé de référer à un médecin sur le marché, comme il fait à chaque fois qu'il a besoin d'une opinion. Mais là la CSST pourrait lui demander: Fournis-nous une opinion supplémentaire. Et, si jamais après ça la CSST trouve que c'est insuffisant, bien elle rendra une décision, puis les parties contesteront à la Commission des lésions professionnelles, ce qui n'encombrera pas le tribunal plus qu'il l'est là, hein, parce qu'actuellement au moins deux tiers des avis faisant suite au BEM s'en vont en contestation.

M. Descoteaux: Merci, messieurs. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Jutras): Ça va? Monsieur? Non. Mme la députée de Matapédia, dans un premier temps.

Mme Doyer: Oui. Merci. Alors, merci, M. le Président. Bonjour, messieurs.

Effectivement, vous avez raison de nous ramener à l'ordre, dans le sens de qui traite qui, parce que c'est très confondant dans le sens du médecin traitant, parce que la personne qui a un accident ou une maladie professionnelle, à quelque part elle est en lien avec son médecin de famille souvent, quand elle a la chance d'en avoir un. Et c'est ça, là, c'est de ça qu'il faut qu'on se démêle et se dépêtre. Il y a une différence entre une maladie professionnelle, par exemple, et un accident, un événement qui est survenu. Ça peut même être un accident de la route, un chauffeur de camion qui a un accident sur la route puis que c'est pendant son travail. Alors, il faut être capable de démêler tout ça.

Et, moi, je voudrais vous questionner parce que, là, vous avez l'air à vouloir ? vous n'avez pas l'air, c'est clair ? vous voulez autre chose. Vous voulez autre chose parce que vous constatez que ça, ça ne fonctionne pas souvent pour les travailleurs puis encore bien plus pour des travailleurs qui ne sont pas dans des grands syndicats, je dois le dire, mais qui sont plus ou moins bien protégés là où ils travaillent. Alors, il y a des idées qui ont été amenées à un moment donné, par exemple l'idée d'une équipe pluri ? je reviens sur ce que j'avais questionné ce matin ? pluridisciplinaire ou multidisciplinaire, entre guillemets, et l'idée d'une banque, d'une équipe de spécialistes. Moi, dans ma région, le Bas-Saint-Laurent, il y en a, des spécialistes, il y en a qui soignent des personnes qui ont eu des accidents de travail ou des maladies professionnelles qui ont été constatés. En Gaspésie, il y en a. On en a, même si des fois on n'en a jamais suffisamment, hein? On connaît la pénurie qu'on a.

Alors, qu'est-ce qui pourrait nous donner, de ce côté-là des choses, une amélioration à la situation?

M. Poisson (Philippe): Bien, en fait, on va revenir à la même chose. Pour ce qui est des équipes multidisciplinaires, sur le fond on n'a pas de problème, nous autres, là. On n'a pas vu d'expérience très concluante, mais on n'a pas de problème sur le fond, à ce que du monde, des spécialistes s'occupent des travailleurs accidentés pour les soigner.

Mais ce n'est pas de ça qu'on parle, là. Le BEM, là, ça ne soigne personne, ça. Les médecins de compagnies, ça ne soigne personne, ça soigne les compagnies, oui, c'est à ça que ça sert. Les médecins de la CSST, là, ils ne soignent personne eux autres non plus, tu sais.

Banque de spécialistes; si ce à quoi vous faites référence, c'est l'espèce de liste de médecins qu'il peut y avoir à la Société de l'assurance automobile, qui font les évaluations à la place des médecins traitants, on va vous dire qu'on ne veut rien savoir. Les citoyens, là, ont le droit de choisir le médecin qu'ils veulent. C'est un principe qu'on a retenu en 1985, bien qu'on puisse l'esquiver avec le BEM, mais on ne veut pas revenir en arrière non plus.

Alors, qu'il y en ait plus, de services pour les accidentés, on n'a pas de problème avec ça, et le BEM et toute la médecine de contestation en monopolisent une bonne gang, hein? Tout le monde vous l'a dit, ça, depuis hier, là, que les spécialistes, ils sont rares, on a des difficultés à y avoir accès. Ce que j'aimerais répéter cependant, dans ce régime-là, et, je pense, ce qu'il faut retenir surtout, c'est: Les seuls médecins, dans ce régime-là, qui soignent les travailleurs, c'est les médecins traitants. Ce sont par ailleurs les seuls médecins à ne pas être payés directement par la partie qui retient leurs services. Alors, si on a à parler de complaisance au niveau des médecins, regardons donc du côté de ceux qui reçoivent des 2 000 $, puis 3 000 $, puis 5 000 $ d'honoraires à chaque fois qu'ils produisent une expertise avant le BEM ou ceux qui font des millions au Bureau d'évaluation médicale.

Le Président (M. Jutras): Oui, M. Lafrance.

M. Lafrance (Roch): Bien, on ne demande pas un traitement différent ou spécial pour les accidentés du travail. Ce qu'on demande, là... Parce que particulièrement les associations d'employeurs sont venues ici pour vous parler de coûts, ça coûte cher, et on laisse sous-entendre que consolidation égale indemnité, hein? Nous, on vient ici pour vous dire: Consolidation, là, on parle de traitements. Est-ce que la personne a besoin de traitements ou non? Et, quand on laisse planer que les gens qui ne sont pas consolidés médicalement ne travaillent pas, ça, c'est faux. Il y a combien de monde en assignation temporaire, au Québec? Il y a combien de monde qui décide de continuer à travailler, même s'ils ne sont pas consolidés?

Alors, tu sais, de laisser entendre que, tant que le travailleur n'est pas consolidé... puis là, si l'arbitre n'utilise pas son pouvoir discrétionnaire de se prononcer, même si le médecin traitant ne s'est pas prononcé, ça allonge indûment puis ça coûte beaucoup d'argent parce que le travailleur, il écoute la télé chez lui, là. Ce n'est pas de même que ça se passe dans la vie. Les gens, là, une grande partie, avant la consolidation, travaillent. Alors, ce que ça met fin, c'est: ça met fin à des traitements. C'est de ça que, nous, on parle, là, ici. Et pourquoi, parce qu'on est accidentés du travail, on n'aurait pas droit à ces traitements-là comme tout le monde? Et donc on ne veut pas des médecins spéciaux, on ne veut rien de spécial, on veut être traités comme tout le monde. Parce qu'il y a même quelqu'un d'une association patronale ce matin qui disait: La médecine à deux vitesses, ça existe déjà, nous, là, on a notre gang. Bien, ces médecins-là, là, qui sont libérés des dizaines, et des dizaines, et des dizaines de jours par année pour faire de l'expertise médicale, bien pourquoi on ne les prend pas ? c'est majoritairement des orthopédistes ? puis qu'on ne leur ouvre pas des salles dans des blocs opératoires, puis qu'ils aillent opérer? Ils ont été formés pour opérer, bien, qu'ils opèrent. On ne veut plus les voir, nous.

Mme Doyer: Je vous remercie.

Le Président (M. Jutras): M. le député de René-Lévesque.

n(15 h 40)n

M. Dufour: Oui, merci beaucoup, M. le Président. Alors, MM. Poisson et Lafrance, je tiens à saluer aussi l'ensemble des travailleuses et travailleurs qui vous accompagnent cet après-midi.

Je n'ose vous dire merci pour votre qualité et votre contribution parce que vous notez, à la page 40, qu'à toutes les fois que vous l'avez fait il n'y a pas aucune recommandation qui a été appliquée. Alors, je ne m'embarquerai pas sur un terrain glissant. Sauf que je pense que ça fait deux jours que vous êtes ici, vous voyez un peu l'esprit de la commission: quand elle parle, elle essaie d'avoir le maximum, elle essaie de voir quelques solutions dans la vision qu'on a du dossier.

Mais je pense qu'effectivement, comme ma collègue a dit, vous nous avez remis un peu sur la sellette en décortiquant un peu ? un peu pas mal ? le rapport du Bureau d'évaluation médicale qui nous a été fait le 19. J'ai pris bonne note que, deux fois sur trois, ça a été infirmé par la CLP. Même vous parliez de 80 sur 100. Alors, effectivement, il y a un problème là, là. Vous avez dit aussi que c'était une question de soigner les coûts et non pas les lésions. Je prends des notes de ce que vous avez dit, là, mais il est clair qu'à la lueur du document que vous avez on va avoir à le décortiquer. Puis même, je dirais, je pousserais même plus à fond que, si on a besoin d'un renseignement supplémentaire, on va vous le demander.

Ma première question va être à l'effet des médecins qui siègent au niveau des deux endroits, parce que, je me rappelle, même le ministre du Travail avait dit qu'il était même surpris qu'il y ait des médecins qui siègent sur deux, en tout cas, bref, sur deux instances. Vous nous parlez de 10 médecins. Est-ce que c'est les médecins qu'on a en nomenclature. Bien, il y en a plus que 10, là.

M. Lafrance (Roch): O.K. Quand on parle...

M. Dufour: Je voudrais avoir un éclaircissement là-dessus, là.

M. Lafrance (Roch): Oui. Il y a 14 médecins qui font partie des deux listes. Dans le tableau que vous avez là, il y en a 10 qui ont effectivement fait des évaluations et pour la CSST et pour le BEM au cours d'une même année. Il y en a quatre qui étaient sur les deux listes, qui n'ont pas fait des évaluations simultanément. Et on le mentionne dans le mémoire pour répondre à ce que le Dr Dupont disait. Nous, on a fait attention justement à ne pas mettre, sur cette liste-là, des médecins qui faisaient de l'expertise médicale pour la CSST et qui, en cours d'année, sont nommés au BEM et donc, évidemment, dans la même année, pourraient avoir fait des évaluations pas nécessairement en même temps mais avant leur nomination au BEM. Alors, tout ça, là, il y en avait 28 en tout.

Nous, on a dit: Il y en a 14 qui ont été nommés, qui ont cessé d'en faire, et donc on les a éliminés. Mais il en reste 14 qui sont toujours sur les deux listes et, de ces 14 là, il y en a 10 qui ont effectivement fait des évaluations, pendant la même année, et pour la CSST et pour le BEM. Ça, ça transgresse une règle qui est claire. Et là on a tenté, là ? et on en parle dans notre mémoire ? d'expliquer la chose.

Premièrement, ce serait des évaluations pour l'IVAC. Alors, nous, nos chiffres là, on est...

Une voix: L'IVAC.

M. Dufour: L'IVAC. D'accord.

M. Lafrance (Roch): L'IVAC, qui est l'organisme qui indemnise les victimes d'actes criminels, qui est géré par la CSST. Sauf que, nous, quand on a fait notre demande, là, on l'a fait spécifiquement pour les examens commandés en vertu de l'article 204 de la loi, non pas tous les examens médicaux qui ont été commandés par la CSST.

La CSST fait toutes sortes de demandes. En vertu de 204, ils vont... l'article 204 qui dit que la CSST, pour contester dans le cadre de la loi, peut requérir un examen médical. Alors, nous, on a dit: On veut savoir qui a fait des examens en vertu de cet article-là. Donc, ça ne comprend pas les expertises pour la CLP, par exemple, ça ne comprend pas les expertises pour l'IVAC. Et donc, écoutez, ce n'est pas nous qui avons le fardeau de la preuve là-dedans, là. On vient nous dire: Non, non, ce n'est pas ça. Mais il n'y a personne qui est capable de venir nous démontrer le contraire. Et, nous, les chiffres, ils viennent de la CSST.

M. Dufour: De là viennent votre préoccupation et le fait que ce n'est pas ce que le sous-ministre nous avait dit le 19 octobre 2005.

M. Lafrance (Roch): Exactement.

M. Dufour: Je reviens à ce qui nous préoccupe le plus, la solution. Il est clair que vous prônez l'élimination du BEM. J'ai pris bonne note de ce que M. Poisson a dit tout à l'heure, aussi.

Il est venu un groupe de spécialistes nous dire hier que le BEM devait être existentiel encore. Par contre, vous nous avez dit tout à l'heure, puis je ne veux pas me tromper, que 26 autres groupes, suite au rapport Durand, en 1994, étaient pour l'élimination du BEM. Je ne me trompe pas si j'ai entendu ça?

M. Poisson (Philippe): Vous avez tout à fait entendu ça. Le seul groupe qui était contre, dans le rapport Durand, contre l'élimination du BEM était représenté par le président de l'association des orthopédistes hier, qui participait à la présentation des médecins spécialistes.

M. Dufour: D'accord. Alors, vous étiez ici, pendant les deux jours. Il est clair qu'effectivement, depuis 1994 et à aller jusqu'en 1997, beaucoup étaient pour l'élimination du BEM.

Par contre, même mon collègue de Groulx a essayé de faire parler les représentants de la CSQ sur la véritable position qu'ils avaient. Puis, même s'ils n'ont pas voulu se mouiller, il est clair que sur le terrain... Donc, il y avait une plus grande probabilité, en 1997, d'éliminer le BEM qui fait en sorte qu'elle n'est pas encore évacuée au moment où on se parle. Il y a un problème criant avec le BEM. Ça, c'est clair, ça a été dit. La solution, c'est l'esprit large et libéral de l'esprit de la loi concernant le médecin traitant.

Alors, je reviens à mon médecin traitant sur peut-être une possibilité de piste de solution que vous avez, parce que le problème qu'on a, malgré que ça ne doit pas être à 100 %, tout ça, là, c'est qu'il y a des médecins traitants qui ne veulent pas prendre en charge des accidentés du travail peut-être par rapport à tout le processus de judiciarisation qu'il y a au moment où on se parle.

Alors, si on règle ça, selon vous est-ce que ça va libérer et est-ce que ça va congestionner, s'il y a effectivement des arbitrages qui sont demandés, la Commission des lésions professionnelles? J'aimerais vous entendre là-dessus.

M. Lafrance (Roch): Bien, sur la question des groupes ? et parlons particulièrement de la CSQ qui a présenté juste avant nous ? la position semblait assez claire, hein? Ce qu'ils disaient, c'est: Bon, nous, là, en 1997, là, on avait bien des problèmes avec le BEM et on se présente aujourd'hui puis on ne veut pas faire de recommandation parce que ? puis c'est écrit, je pense, noir sur blanc dans leur mémoire ? on a peur que, si le gouvernement ouvre la loi, on va se faire varloper. Alors, c'est une position de dire: On n'a pas confiance au gouvernement actuel.

Alors, nous, on n'est pas là pour dire: On a-tu confiance ou pas confiance? Nous, ce qu'on dit, là, c'est que ça a assez duré, ça n'a pas d'allure. Et on pense que, peu importe le gouvernement, là, s'il y a du monde qui examine la situation et qui analyse ce qui se passe là, on ne peut pas faire autrement que de dire: On va abolir cette structure-là. Bon. Peut-être qu'on a une mauvaise analyse, peut-être qu'on devrait être comme la CSQ puis dire: On va attendre qu'il y ait une autre gouvernement, mais, nous, on n'attendra pas. On a les parlementaires qu'on a élus puis on est ici pour dire ce qu'on a à dire.

Au niveau de la CSD, c'est un peu ça. Et donc il y a du monde qui dit: Ce n'est peut-être pas le moment de faire réouvrir la loi. La FTQ était plus claire en disant: Nous, là, on n'a pas de mandat de congrès, mais, si ça ne change pas radicalement d'ici quelques mois, on va probablement en avoir un. Alors, il y a deux grandes centrales qui semblent dire: Il y a des problèmes majeurs. La CSN dit: On est pour l'abolition. La FTQ, qui nous annonçait presque en primeur qu'ils allaient être pour l'abolition dans quelques mois. Donc, on n'est pas seulement deux groupes qui demandent l'abolition. On voit qu'il y a des problèmes majeurs.

Sur la question des médecins traitants, écoutez, on en parle dans notre mémoire, brièvement, là, il y a tout un système, bon, puis tout le monde en a parlé, les médecins traitants se font harceler. Ils sont tannés de se faire contester, de se faire remettre en question, alors ça, déjà c'est un élément majeur. Mais ce qu'on n'a pas parlé ici, c'est le harcèlement que la CSST fait à l'endroit des médecins traitants. Vous savez, le bureau médical, là, les médecins de papier, qui étaient supposés de disparaître avec la nouvelle loi, en 1985, bien, ils existent toujours, ces médecins de papier là, et leur travail principal, c'est, excusez le terme, mais d'écoeurer les médecins traitants. Les médecins traitants se font harceler. Ceux qui traitent plusieurs accidentés du travail, plusieurs fois par semaine, on se le fait dire par des médecins traitants: Le médecin de la CSST m'appelle, le monde de la CSST m'appelle. Alors ça, on en parle dans notre mémoire.

Il y a aussi les employeurs qui harcèlent les médecins, hein, parce que, les employeurs, là, actuellement la nouvelle mode, c'est l'assignation temporaire. Alors, tu as un accident du travail, tu pars de l'entreprise en ambulance avec, dans une main, là, un formulaire d'assignation temporaire, puis tu arrives soit à l'urgence soit chez ton médecin de famille, puis tu as déjà ça. Là, le médecin dit: Bien non, ça n'a pas d'allure, là, tu saignes, là, on va attendre deux, trois jours. Bien, le travailleur retourne ce formulaire-là à l'employeur. L'employeur, il n'est pas content. Qu'est-ce qu'il fait? Il appelle le médecin, il dit: Ce n'est pas bon, puis ça coûte de l'argent.

Donc, ces médecins-là, ils veulent faire de la médecine. Ça a été dit hier. Ils ne veulent pas faire du droit. S'ils avaient voulu faire du droit, là, ils auraient été en droit. Et donc ils sont constamment harcelés formellement, hein, selon des procédures prévues dans la loi mais aussi en dessous de la table, là. Tu sais, les appels de la CSST, on ne voit pas ça, mais ça existe encore.

Petit détail aussi, là, parce qu'on a beaucoup entendu... les médecins refusent de remplir le rapport complémentaire suite au rapport du médecin désigné. Effectivement, beaucoup de médecins refusent de le remplir aujourd'hui, pas nécessairement il y a cinq, six ans. Mais ces médecins-là, là, ils ont d'autres choses à faire dans la vie et, à un moment donné, au début, quand il y a l'introduction du rapport complémentaire, de bonne foi ils ont dit: Oui, on va travailler, puis on va le remplir, puis on va faire nos devoirs, on envoie ça. Ils se sont rendu compte que, rapport complémentaire ou pas, ça ne change rien, ils sont renversés dans 80 %, 85 % des cas. Alors, les médecins, ce qu'ils disent, c'est: Ça n'a pas d'allure, je n'ai pas de temps à perdre avec ça.

Alors, tu sais, c'est beaucoup plus un signe d'on proteste en disant: Écoutez bien, là, le système n'a pas d'allure, je ne me mettrai pas à écrire pour rien. Ce n'est pas des médecins qui ne s'occupent pas de leurs travailleurs. Au contraire, ceux qui en font beaucoup, de cas d'accidents du travail, c'est les premiers à ne plus les remplir parce qu'ils savent comment ça se passe.

n(15 h 50)n

Le Président (M. Jutras): Ça va?

M. Dufour: Une dernière question peut-être?

Le Président (M. Jutras): Oui, allez-y.

M. Dufour: Hier, il nous a été présenté par la FTQ, un document qui avait été laissé sur une table ? je ne sais pas si vous avez pu en prendre connaissance ?Astuces pour évaluer le patient difficile.

Une voix: ...

M. Dufour: Il a été public hier. Quel est votre avis sur un genre de document comme ça?

M. Poisson (Philippe): Écoutez, c'est une illustration parmi une autre. On en fait depuis des années, des illustrations de ce qui se passe. Des histoires d'horreur au BEM... Écoutez, là, il n'y a pas des gens qui ont fait la route de Montréal ou de Sherbrooke pour rien ici, aujourd'hui, là. On nous en raconte toutes sortes, des histoires de gens qui se sont fait faire mal, des gens où il y a... des situations où on ne leur met pas de jaquette, des gens qui se sont fait faire des examens un peu particuliers. Vous savez, là, être déshabillé, flambant nu, pour une épicondylite ou bien donc un syndrome du tunnel carpien, là, ça peut être particulièrement intimidant pour une petite madame. Ce genre d'histoire là existe, hein? Il y a du monde qui se rend à l'hôpital en sortant du BEM.

Ça fait qu'il n'est pas étonnant de voir ce genre de formation là se donner au Bureau d'évaluation médicale. Je veux dire, on vous l'a présenté dans notre mémoire, la CSST a la mainmise sur cet organisme-là depuis sa création. Avant, c'était le Service d'arbitrage médical, et ça a l'air que ça va se continuer. Les nominations qui se font au Bureau d'évaluation médicale, c'est encore du monde qui vient de la CSST, hein, alors ce n'est pas demain que ça va changer, là.

Le Président (M. Jutras): Oui, M. Lafrance.

M. Lafrance (Roch): Ce document-là, ça ne nous a pas surpris, mais ça montre effectivement l'état d'esprit. Écoutez, on l'a regardé puis on s'est dit: Il y a quelque chose qui n'a pas d'allure. Et le docteur, il me semble que c'est Bilodeau, hier, en tout cas le président de l'association des orthopédistes, qui est venu dire ici que, pour lui, c'est la meilleure formation qu'il n'avait pas vue au BEM. Vous voyez l'état d'esprit de ces gens-là. Puis on ne les accuse de mauvaise foi, là, c'est du monde qui sont là parce qu'ils ont l'impression qu'il y a des fraudeurs dans le système, puis on essaie de les dépister par toutes sortes d'astuces.

Et, quand vous lisez ce document-là, les patients difficiles, c'est nécessairement du monde qui ont des problèmes psychiatriques ou des simulateurs, hein? Il n'y a pas d'autre choix que ça, là. Il n'y a pas personne qu'on voit là-dedans, on n'a pas d'exemple du monde qui sont tannés de se faire barouetter d'un bord puis de l'autre puis qui ne croient pas à la crédibilité du processus. Là, quand ça fait deux, trois, quatre, 10 médecins experts que tu rencontres à la demande de la CSST puis de l'employeur, puis tu vas au BEM, puis tu as des rechutes, puis ça recommence, puis, à chaque fois que tu vas là, tu n'as rien, tu as des examens bidon, souvent pas d'examen, et, nous, on n'a pas élaboré beaucoup là-dedans dans notre mémoire, parce qu'on vous dépose l'étude de Mme Lippel, et il y a des cas assez frappants là-dedans. Et je veux juste vous souligner que l'étude a été faite après la réforme du BEM, là, hein? Ça a été fait, là, à partir de 2001 jusqu'à 2004, alors ce n'est pas des vieilles histoires, là, des années, tu sais, 1980, là.

Alors, il y a un problème majeur de vision, et ça se traduit dans les avis. Alors, ça ne nous étonne pas de voir ça, là, ce genre de formation là.

M. Dufour: Merci beaucoup.

Le Président (M. Jutras): Alors, merci, messieurs, pour votre présentation.

Alors, les travaux de la commission sont ajournés sine die, la commission devant entendre prochainement ? mais là la date n'est pas déterminée ? le Barreau du Québec.

Mémoire déposé

Et je dépose aussi, là, un mémoire qui nous a été remis, là, qu'on nous a fait parvenir, que nous a fait parvenir la Société des médecins experts du Québec, et qui est signé par Georges L'Espérance, neurochirurgien.

(Fin de la séance à 15 h 56)


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