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Version préliminaire

43e législature, 1re session
(29 novembre 2022 au 10 septembre 2025)

Cette version du Journal des débats est une version préliminaire : elle peut donc contenir des erreurs. La version définitive du Journal, en texte continu avec table des matières, est publiée dans un délai moyen de 2 ans suivant la date de la séance.

Pour en savoir plus sur le Journal des débats et ses différentes versions

Le mardi 22 avril 2025 - Vol. 47 N° 97

Étude détaillée du projet de loi n° 89, Loi visant à considérer davantage les besoins de la population en cas de grève ou de lock-out


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Journal des débats

9 h 30 (version non révisée)

(Neuf heures quarante-sept minutes)

Le Président (M. Allaire) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission de l'économie et du travail ouverte.

Alors, la commission est réunie afin d'entreprendre l'étude détaillée du projet de loi n° 89, Loi visant à considérer davantage les besoins de la population en cas de grève ou de lock-out.

M. le secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements ce matin?

Le Secrétaire : Oui, M. le Président. Mme Boivin Roy (Anjou—Louis-Riel) est remplacée par Mme Lachance (Bellechasse); Mme Mallette (Huntingdon) est remplacée par M. Tremblay (Dubuc); Mme Tremblay (Hull) est remplacée par Mme Picard (Soulanges); Mme Lakhoyan Olivier (Chomedey) est remplacée par Mme Prass (D'Arcy-McGee); et M. Fontecilla (Laurier-Dorion) est remplacée par M. Leduc (Hochelaga-Maisonneuve).

Le Président (M. Allaire) : Excellent. Merci. Avant de débuter les remarques préliminaires, je dépose les mémoires reçus depuis la fin des auditions.

Alors, nous sommes prêts à débuter les remarques préliminaires. M. le ministre, on débute avec vous. Vous avez donc 20 minutes. Je vous cède la parole.

M. Boulet : Merci, M. le Président. Alors, content de débuter l'étude détaillée d'un projet de loi que je considère à connotation profondément humaine. Nous devons considérer davantage les besoins de la population en cas de grève ou de lock-out. Je saluerais mes collègues de D'Arcy-McGee, d'Hochelaga-Maisonneuve et de Jean-Talon, leurs équipes, ma sous-ministre, mon directeur intérimaire de cabinet, l'équipe du ministère du Travail puis mes collègues gouvernementaux qui sont avec nous ce matin, qui sont de précieux alliés, de précieux partenaires, qui sont aussi interpelés, on l'est tous, par l'impact parfois considérable de conflits de travail. On l'a vécu notamment dans les dernières années.

Donc, on est rendus à l'étape d'étudier, article par article, le contenu de ce...

M. Boulet : ...projet de loi qui, dans son essence, comporte deux nouveaux outils en relations de travail. Le premier, c'est d'assurer le bien-être de la population. On sait, quand il y a un conflit de travail... Il faut les éviter, évidemment. On a mis en place des mécanismes qui aident les parties à négocier des renouvellements de conventions collectives de travail. On l'a réussi dans la plupart des cas où les services du ministère du Travail sont requis. Je pense que près de 95 % des dossiers se règlent sans conflit. Cependant, il y a eu quand même une augmentation importante de grèves et/ou de lock-outs dans les dernières années. On parle de 288 conflits de travail, en 2024, dans tous les secteurs d'activité.

• (9 h 50) •

Donc, le premier outil, qui s'applique, évidemment, dans une dynamique de relations employeur-salariés, en vertu du Code du travail, qui est la loi qui s'applique pour régir les rapports collectifs de travail au Québec, il y a un décret gouvernemental qui est adopté. Après ça, une des deux parties peut demander au Tribunal administratif du travail, qui est complètement indépendant et impartial, de déterminer si les critères prévus au projet de loi s'appliquent. Les critères prévus au projet de loi, on en a parlé fréquemment. Quand on dit bien-être de la population, c'est, notamment, en rapport avec sa sécurité sociale, économique ou environnementale, pour ne pas que ce soit affecté de manière disproportionnée.

Donc, une des parties peut demander au tribunal de déterminer si les critères que je viens de mentionner s'appliquent. Si c'est oui, là, à ce moment-là, la balle revient dans le camp des parties. Les partis déterminent les services à maintenir dans le contexte de la grève, la grève ou le lock-out se poursuit, déterminent le contenu ou les tenants et aboutissants des services à maintenir, et, après ça, le tribunal entérine ou détermine la suffisance de ces services-là. Si le tribunal décide que les critères ne sont pas rencontrés, bon, évidemment, comme c'est un tribunal, on se soumet à cette décision-là, et le conflit se poursuit comme il avait été amorcé.

Ça, c'est un premier outil, qui nous apparaît essentiel pour s'assurer que certains services soient maintenus. C'est une décision, encore une fois, qui est totalement apolitique, qui est rendue par des personnes qui ont l'expertise, et avec des critères qui sont suffisamment larges pour donner une marge de manœuvre complète et satisfaisante au Tribunal administratif du travail. C'est, je le mentionnais, dans plusieurs secteurs. On l'a vécu dans le transport scolaire, dans le transport en commun, en transformation alimentaire, dans les services funéraires, en éducation. Il n'y a pas un secteur d'activité qui est à l'abri. Ceci dit, on parle souvent d'un régime de services essentiels. Il est maintenu dans son intégralité. Il s'applique en santé, en services sociaux, dans certains services publics et dans la fonction publique, c'est-à-dire les organismes et les ministères.

Donc, ce qu'on vient créer avec le projet de loi, c'est un régime totalement parallèle de maintien de services. Souvent, on réfère à des services minimaux pour, encore une fois, tenir compte des besoins de la population dans des contextes de conflits de travail qui sont malheureux. Je ne reviendrai pas sur tous les cas, mais je réfère souvent au témoignage du Dr Égide Royer, qui est un psychologue et un professeur réputé, qui nous mentionnait à quel point les enfants à besoins particuliers, notamment atteints du trouble du spectre de l'autisme ou en situation de handicap, pouvaient être affectés dans leur développement, tant au plan des apprentissages que des comportements. Lui disait : Au bout de deux, trois semaines, il y a même une régression, qui implique de nouvelles interventions, des nouvelles réadaptations. Souvent, les parents sont contraints à faire ce qui s'impose pour s'assurer du plein développement et de l'épanouissement de ces enfants à besoins particuliers. Donc, ça...

M. Boulet : ...c'est le premier outil. Puis je le répète, parce qu'il y a beaucoup d'informations qui ont circulé sur la place publique, on ne vient pas empêcher, par ce projet de loi là, l'exercice du droit de grève, on est à la quête constante. Puis c'est ce à quoi je nous invite tous, les parlementaires, à un équilibre entre l'exercice du droit à la grève ou au lock-out et les besoins de la population, qui sont aussi fondamentaux. Parce qu'on reconnaît que le droit de grève, il est constitutionnellement reconnu. On a tous lu l'affaire Saskatchewan, décision rendue par la Cour suprême du Canada en 2015. On a tous été informés des décisions qui ont été rendues par les tribunaux supérieurs partout au Canada. Maintenant, depuis 2015, on a vécu, et on peut faire une législation, je le souhaite ardemment et profondément, qui soit adaptée à nos réalités humaines, sociales et économiques.

Le deuxième outil, c'est la possibilité pour le ministre de soumettre à un arbitre de différends si le conflit de travail engendre un préjudice grave ou irréparable à la population. On connaît ce concept-là. Évidemment, la première étape à franchir, c'est celle de la conciliation et/ou de la médiation. Les parties ont les outils. Il y a une négociation qui appartient aux parties. Elles ont toutes la faculté de faire une entente. L'arbitrage de différends est le deuxième outil, donc, encore une fois, une décision qui serait rendue par une personne qui détient l'expertise, qui est indépendante, qui est impartiale et qui rendrait une décision qui constituerait le contenu de la convention collective. Mais, encore une fois, ça requiert un prérequis de préjudice grave ou irréparable à la population et l'intervention d'un conciliateur ou d'un médiateur se sera avérée infructueuse. Donc, c'est un deuxième outil simple qui permet de dénouer une impasse, qui permet de revenir au titre, au libellé du titre de ce projet de loi n° 89 : considérer davantage les besoins de la population. Ça peut être des familles, ça peut être des parents, ça peut être des enfants, ça peut être des personnes à faibles revenus. C'est généralement ou notamment des personnes en situation de vulnérabilité ou des personnes qui sont confrontées à une impuissance dans le contexte d'un conflit de travail qui, malheureusement, a des répercussions qui sont tellement négatives et qui comporte des préjudices significatifs à la population. Bon, je le redis, M. le Président, c'est une approche qui est modérée, c'est une approche qui est balisée avec des critères objectifs. C'est des décisions qui sont rendues par des personnes qui connaissent, qui sont capables d'appliquer les critères, qui sont impartiales, qui sont totalement indépendantes. C'est des outils que nous considérons comme étant exceptionnels, qui seront utilisés avec parcimonie. S'il y a 200 conflits, s'il y a 250 conflits dans une année, ce sera forcément un nombre très limité de conflits qui auront les impacts dont... que nous faisons référence dans le projet de loi et qui respecteront les critères.

On veut que le processus, encore une fois, soit limité aux cas véritablement problématiques. Les parties patronales et syndicales seront à participer au processus du début à la fin, dans le contexte du premier outil, en déterminant les paramètres des services minimaux à maintenir en cas de grève ou de lock-out et, dans le deuxième, évidemment, en négociant de façon raisonnée à la table de négociation et en participant au processus de conciliation médiation.

Encore une fois, je le répète, c'est une question d'équilibre. Je comprends qu'il y a des points de vue qui peuvent différer qui ont été exprimés, encore une fois, notamment par les centrales syndicales, par des professeurs et par des chercheurs, mais on veut un projet de loi qui soit connecté aux besoins de la population, qui soit...

M. Boulet : ...fondé sur des réalités pragmatiques vécues par la population. Donc, l'étude détaillée, c'est une étape du cheminement du projet de loi. Vous me connaissez, on va faire cette étape-là avec ouverture, avec écoute. On a d'ailleurs des amendements à soumettre suite aux consultations particulières. J'espère que nos échanges, lors de l'étude détaillée, vont nous permettre de trouver les meilleurs équilibres possibles, d'examiner attentivement les mesures proposées et de garder à l'esprit, encore une fois, les besoins de personnes, d'êtres humains qui peuvent malheureusement se retrouver en situation de vulnérabilité par des conflits de travail.

• (10 heures) •

Alors, voilà, ça complète mes remarques préliminaires. Je vous remercie encore une fois, M. le Président, et très heureux et... hâte de commencer l'étude détaillée. Merci.

Le Président (M. Allaire) : Merci à vous, M. le ministre. On poursuit avec l'opposition officielle. Mme la députée de D'Arcy-McGee, vous avez 20 minutes, je vous cède la parole.

Mme Prass : Merci, M. le Président. Je vais débuter par remercier tous ceux qui ont pris part aux consultations, qu'ils ont déposé en mémoire lors de... avant l'étude détaillée. Ça... ça nous a permis de nous alimenter, de comprendre les différentes réalités des différentes parties qui ont soumis leurs mémoires, leurs opinions.

Donc, comme on le sait, au Québec, nous avons un historique fier de syndicalisation au Québec. Nous avons toujours été une société qui soutenait ce mouvement dans ses différentes actions. Mais ce qu'on voit aujourd'hui, c'est que le gouvernement essaie d'amener un projet de loi pour résoudre certaines situations où il y a un déséquilibre, disons, entre l'effet voulu d'une grève et les impacts que ça peut avoir sur certaines personnes, sur certaines populations.

Tel que le ministre l'a mentionné, en particulier, on a entendu des voix et des mémoires parler des jeunes avec des besoins particuliers qui ont été... qui ont été négativement affectés quand il y a eu les grèves des professeurs. Donc, ils n'ont pas pu aller à l'école et garder cette routine, garder cet apprentissage, recevoir les services qu'ils continuaient de recevoir à l'école pour leur bon fonctionnement également.

Donc, ce que ce que le ministre propose, aujourd'hui, avec ce projet de loi, c'est en certains cas, quand certaines populations vulnérables sont à risque, d'exiger, avec le tribunal au travail, des services minimalement requis. Donc, ce qu'on veut s'assurer, c'est que ce projet de loi, cet outil-là ne devienne pas, justement, un outil pour des ministres pour abuser et faire en sorte que, quand il y a des grèves de la part de syndicats, bien, on va être faciles à identifier un groupe dont il y a des effets négatifs et donc on va utiliser les moyens qui sont mis de l'avant dans le projet de loi pour que la grève... bien les deux parties concernées soient amenées devant le TAT.

Donc, on veut s'assurer que, comme j'ai dit, il n'y a pas d'abus et que ça ne devienne pas... ça ne remette pas en question le droit de grève. Et je ne pense pas que c'est l'intention du ministre non plus, parce que, comme j'ai dit au Québec, c'est une tradition qu'on respecte depuis longtemps, c'est une réalité avec laquelle on vit, mais ça ne peut pas se faire au détriment des personnes les plus vulnérables de notre société et ça ne peut pas être dans le but d'utiliser les outils qui vont... dans ce projet de loi pour que ça devienne une guerre entre le patronal et le syndicat. Il faut vraiment que ce soit la question de qui sont les personnes qui sont négativement impactées et l'effet que ça peut avoir sur eux. Donc, c'est toujours question de trouver un équilibre.

Nous allons débuter aujourd'hui l'étude détaillée. Tel... comme j'ai mentionné lors des consultations, avec les différents mémoires qui ont été déposés, on a pu faire le tour un petit peu des différentes parties prenantes et de leur point de vue, commencent à créer des impacts sur la réalité des syndicats, des syndicats et de la population au Québec. Donc, nous nous attendons à ce que le ministre soit ouvert à écouter les amendements que nous allons amener justement pour bonifier ce projet de loi, pour qu'il n'y ait pas d'ambiguïté et que ça soit utilisé, comme j'ai dit, comme un outil de la part du gouvernement pour mettre fin à des grèves ou enlever le droit des syndicats. C'est vraiment... On espère que ça va être utilisé dans des exceptions vraiment très rares, des situations où, comme j'ai dit, on reconnaît qu'il y a des populations vulnérables qui peuvent... puis qui peuvent écoper des effets négatifs des grèves.

Donc on va être à l'écoute, on va proposer des amendements, on verra ce que les autres...


 
 

10 h (version non révisée)

Mme Prass : ...collègues vont proposer également, mais nous avons hâte de commencer l'étude détaillée et de poursuivre le travail et de bonifier le projet de loi. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Allaire) : Merci à vous, Mme la députée de d'Arcy-McGee. On poursuit avec le deuxième groupe de l'opposition. M. le député d'Hochelaga-Maisonneuve, vous avez 20 minutes, la parole est à vous.

M. Leduc : Merci, M. le Président. Bonjour, tout le monde. C'est quand même symbolique de commencer ce projet de loi là, ici, dans le beau salon rouge, qui est le nôtre, qui nous accueille temporairement en attendant les rénovations du salon bleu. Donc, on avait eu des longues heures ici, le ministre et moi, pendant la commission sur le projet de loi n° 89... n° 59, c'est un autre 9, je me trompe souvent quand je lui parle, il me demande des fois si je ne suis pas nostalgique du projet de loi n° 59. On le verra dans les prochaines heures, en effet, si je suis nostalgique du projet de loi n° 59 parce que je veux remercier d'avance tout le monde pour leur patience dans les prochaines heures et dans les prochains jours alors que nous commençons l'étude détaillée de ce projet de loi n° 89.

Salutations à toutes les équipes qui sont là aujourd'hui, des différents partis de la table du ministère, tous les gens qui nous écoutent à la maison. Je sais qu'ils sont particulièrement nombreux dans ce projet de loi qui est fort couru, je pense qu'on peut dire ça, qui a animé beaucoup de gens, qui continue de l'animer d'ailleurs en ce moment même.

Je vous dirais, M. le Président, dans les remarques préliminaires qui sont les miennes, que je suis à la fois très triste et très content d'être ici. D'abord, très triste parce que je pense que nous assistons, et ça a été confirmé par plusieurs interventions durant les audiences, au pire recul en matière de droit du travail des 20 dernières années. La question, je l'avais posée carrément dans le cadre des différentes interventions des collègues, notamment des représentants du milieu du travail, des représentants syndicaux, et, sans hésitation, on me répondait tout le temps : Oui, oui, c'est le pire recul en matière de droit du travail dans les dernières années. Il fallait remonter à Jean Charest des fois pour avoir un recul similaire en matière de modification du Code du travail. Puis, en effet, ce n'est pas tous les jours qu'on touche au droit de grève qui, on le croyait, en tout cas, était bien protégé par les différents arrêts des différentes jurisprudences. Le ministre l'a même fait évoquer, y a même fait référence il y a quelques instants, il a dit : Oui, on a tous lu les arrêts Saskatchewan et compagnie. Bien, je pense qu'on n'a pas tous lu la même chose visiblement, sinon on ne serait pas ici en ce moment à discuter de ce, j'ose le dire, terrible, terrible projet de loi qui vient donner un pouvoir démesuré au ministre, qui vient donner... qui vient faire quelque chose qu'il savait qu'il n'avait pas le droit de faire, c'est-à-dire venir rejouer dans la définition des services essentiels que nous avons faite.

C'était un des premiers projets de loi qu'on a faits ensemble, M. le ministre et moi. On était fraîchement arrivés, 2018, on était nouveaux tous les deux comme élus. Bien sûr, tous les deux, on était des praticiens du droit du travail, lui, dans le... dans son milieu, qui est... d'un cabinet d'avocats, plus proche des milieux patronaux, moi, d'un milieu syndical, bien sûr, mais tous les deux, on était nouveau ici puis il a fallu répondre à un jugement de la Cour d'appel. Si je ne me trompe pas, c'était le jugement Flageole, si ma mémoire est bonne, qui disait que, bien, la définition des services essentiels était beaucoup trop large, et en particulier toute la notion des limitations. Hein, il y avait des heures précises, des pourcentages de présence au travail. J'ai dit Cour d'appel, mais mon collègue me dit, c'est le TAT, il a bien raison, c'est M. le juge Flageole du TAT qui avait dit qu'il fallait revoir ça. Et c'est une première loi, donc, qu'on a traitée, M. le ministre et moi.

C'est là qu'on avait d'ailleurs resserré, hein, la définition alentour de la santé et la sécurité, qu'est ce qui constitue un service essentiel. C'est un travail qui pourrait affecter la santé et la sécurité physique des personnes. Alors, il le savait très bien, M. le ministre, qu'en faisant ça, ça allait peut-être faire quelques mécontents, mais c'était la chose à faire. C'est ce qui nous faisait... ce qui nous permet de respecter le jugement Flageole, qui nous permet de respecter d'ailleurs nos engagements internationaux en matière de respect du droit et des libertés syndicales, c'est ce qui nous faisait respecter aussi de manière plus large le fameux jugement Saskatchewan et la Cour suprême. Bref, c'est la bonne chose à faire.

Or, on se retrouve aujourd'hui avec un projet de loi qui vient, comme je le disais tantôt, contourner un peu là, qui vient faire ce qu'il n'avait pas le droit de faire en inventant de toutes pièces un nouveau concept qui est le machin truc, là, de bien être des personnes. C'est drôle parce que le ministre, lui, fait un effort vraiment studieux de ne jamais se tromper et de ne jamais faire référence aux services essentiels quand il parle de ça. Il le fait bien parce qu'il sait très bien que ses paroles traduisent l'intention du législateur. Et s'il se trompait à outrance, ça pourrait même potentiellement être utilisé devant les tribunaux pour dire : Bien, vous voyez, le ministre lui-même se trompe, il dit services essentiels à la place de machin bien-être et compagnie, bien, ça pourrait être utilisé parce que la contestation, on l'a tous compris, va arriver la seconde et demie après que le projet de loi va être sanctionné...

M. Leduc : ...l'autre bord de la rue par le lieutenant-gouverneur. Sauf qu'il fait attention, lui, le ministre. Il ne se trompe pas. Il est à son affaire. Mais beaucoup de gens qui sont venus en audience, M. le Président. Ils se sont tous trompés. Ils ont tous compris ce qui se passe. Ils ont tous compris que c'était juste une extension, un élargissement de la Loi sur les services essentiels, mais déguisé par une autre manière, que le ministre pense... à tort à mon avis, mais pense qui va résister au test des tribunaux. Donc, c'est bien triste parce qu'on refait, dans le fond, le même débat qu'on a fait en 2019. Moi, je pense qu'en ce sens, donc, on perd notre temps, vu que ce débat-là était supposément clos. Et malheureusement, on le fait en faisant reculer le droit du travail et le droit des travailleurs et travailleuses d'une manière impressionnante.

• (10 h 10) •

Je suis triste, donc, pour revenir à mon... à mon introduction, je suis triste d'être ici à traiter de ça. On devrait être en train, au contraire, au contraire, de travailler sur des aspects plus positifs du droit du travail. Ça fait plus d'un an que le ministre prépare une grosse réforme. On en entend parler, là, de tous les angles possibles. On en avait déjà des discussions, lui et moi, à micro ouvert, à micro fermé. J'ai hâte, moi, de la voir, cette réforme générale du droit du travail. Ça risque de toucher plein de... plein d'aspects. Moi, je trouve que ça va être un mandat intéressant. On ne devrait pas être en train de faire reculer le droit du travail au Québec, M. le Président, en ce moment parce qu'on devrait prioriser cette réforme-là et aussi parce qu'on subit des attaques de notre voisin du Sud, qui n'a peu faire d'une part de notre souveraineté nationale, mais d'autre part, du respect des accords commerciaux signés préalablement, qui n'a peu faire de même de la logique même, on pourrait dire, là, parce que ses histoires de tarifs, ça nuit à sa propre population, je pense qu'on l'a assez dit.

Et, quand c'est arrivé, cette histoire de tarifs là, il y a quelques semaines, quelques mois maintenant, il y a comme eu une espèce de sursaut d'unité nationale, hein? Tout le monde s'est dit : Bien là, patrons, syndicats, travailleurs, gouvernements, on doit tous se serrer la main et faire front commun contre la politique de Trump, contre les attaques tarifaires de Trump.

Et, à peu près au même moment littéralement, je pense que c'était à quelques jours d'intervalle, bien là, on dépose un projet de loi pour faire reculer le droit de grève au Québec. Bien, bravo! Quelle occasion manquée d'essayer de créer un consensus patronal, syndical, un consensus patronal, syndical que je sais que le ministre recherche de manière sérieuse. Le ministre s'est fait une réputation d'être quelqu'un qui veut éviter le conflit, qui veut essayer de trouver des solutions. Il travaille beaucoup avec les partenaires du marché du travail, de la main-d'oeuvre. Il échange souvent avec les partenaires. Je sais qu'il est capable de faire ça puis je sais que c'est ça qu'il a fait dans l'essentiel de son parcours comme ministre. Alors pourquoi, aujourd'hui, alors que tranquillement, le mandat commence à poindre à sa fin, il reste quoi, un an et des poussières à notre présence ici, M. le Président, on verra s'il y a un remaniement ministériel, on verra si M. le ministre se représente en 2026, si je me représente en 2026, on verra bien, si nous sommes élus dans nos circonscriptions respectives, toujours est-il que pendant que nous, on rigole puis qu'on fait ces choses-là, bien les travailleurs, travailleuses, eux, vivent un recul objectif de leurs conditions de travail, vivent un recul objectif dans leur capacité à défendre leurs conditions de travail à travers l'outil qu'est la grève. Et c'est malheureusement l'œuvre du ministre.

Le ministre, je n'ai pas toujours voté pour ses réformes, hein? Mais il en a... il en a fait des bonnes, des réformes, le ministre. J'ai en tête le projet de loi qu'on a traité... deux projets de loi qu'on a traités dans cette législature, donc il y a à peine un an et des poussières, celui sur le harcèlement psychologique, très bon projet de loi, celui sur le travail des enfants, très bon projet de loi, je l'appelais... donc j'étais bien content qu'il atterrisse et qu'il ait lieu, la réforme du RQAP, le règlement sur les stagiaires. Tout ça, évidemment, j'ai quand même chialé un peu parce que c'est ma... c'est ma nature. Et le premier ministre aime bien nous taquiner, à l'opposition, quand il dit qu'on chiale. Mais il y avait des imperfections dans ces projets de loi là, là, évidemment, mais c'étaient quand même des initiatives positives.

On a eu une bataille, une passe d'armes un peu plus sérieuses sur la réforme de la santé et sécurité, on en aura une vraisemblablement sur ce projet de loi là, mais quand on regarde le portrait général du ministre, c'est... c'est quand même bien mesuré comme interventions. Comme je vous disais encore, tu sais, moi, j'étais horrifié du projet de loi n° 59 en santé et sécurité. J'ai... Je me suis battu, corps et... corps et ongles... corps et âme, pardon. Bec et ongles, corps et âme, c'est ça. J'ai... J'ai mélangé des expressions. Mais, au final, c'est un portrait équilibré. Et là je trouve malheureusement, puis je l'ai déjà dit, j'ai même posé la question ici, au salon rouge, pendant une période de questions, je trouve qu'il gâche son héritage, M. le ministre, avec ce projet de loi là...

M. Leduc : ...il aurait pu terminer son mandat avec la grosse réforme qu'il nous... qu'il nous soumet, qu'il nous soumettra bientôt, j'imagine. On verra le... On jugera l'arbre à ses fruits, comme on dit. Il aurait pu terminer son mandat avec une belle grosse réforme en droit du travail. Probablement qu'il y aurait eu un peu de réformes, à gauche, à droite, quelques tours de vis, mais au final, j'assume que ça aurait été quelque chose d'assez intéressant. Mais non, avant et au lieu de se plonger là-dedans, on nous soumet cette pièce législative là, très courte, 10 articles.

Moi, je me suis passé la réflexion, est-ce qu'il le savait, que ce serait une bombe nucléaire en matière de droit du travail, ce projet de loi là, et qu'il l'a sorti de sa grosse réforme pour que sa grosse réforme se passe mieux, dans une meilleure ambiance. Là, on ne le saura jamais. On m'a laissé comprendre que ce n'était peut-être pas le cas. Je veux... Je veux le croire.

Cela étant dit, reste que ça met une drôle d'ambiance dans le milieu du travail, M. le Président, de se faire dire : Vos droits syndicaux, vos droits de travailleurs, travailleuses, bien, on les fait reculer massivement. Tout ça, en plus, inspiré par un gouvernement fédéral qu'on ne cesse de nous dire, au gouvernement du Québec, qu'il faut... qu'il faut... que c'est... que ce n'est pas le bon modèle. Combien de motions on vote ici pour demander des choses au fédéral, pour dénoncer des choses au fédéral, la CAQ, évidemment, le gouvernement en fait partie. Puis je pense que c'est même un peu dans la nature du gouvernement du Québec, puis un de ses devoirs, peu importe le parti qui est sur la chaise gouvernementale, de défendre le Québec. Mais là, c'est l'inverse. Il y a une très mauvaise pratique qui a été utilisée au fédéral, qui est celle de l'arbitrage automatique et obligatoire, puis le ministre s'en est inspiré, à quelques nuances près, pour faire sa propre intervention, sa propre marque.

Et je termine sur cette portion-là de ma discussion sur l'héritage gâché. C'est que ça va devenir le projet de loi du ministre. Les articles qu'il va nous faire rajouter dans le Code du travail, ce ne sera pas une intervention du gouvernement ou... Ça va... Ça va être sa marque personnelle. Ça va être son héritage. Il aura mis son nom sur cette intervention législative là, sur cette attaque au droit de grève. Moi, je trouve ça triste parce que je pense que son bilan général était somme toute équilibré, et je pense que ça reflétait sa personnalité, une personne assez équilibrée sur le dossier du travail. Mais, avec l'équilibre est... est complet, est gâché... le déséquilibre est complet. Et on... et on s'y perd. On s'y perd.

Je disais, en entrée de jeu, M. le Président, que j'étais triste et content. Donc, ça, c'était la portion plus triste. Pourquoi je suis content d'être ici, M. le Président? Bien, parce que je fais de la politique pour ça. Comme je disais tantôt, moi, je suis un ancien syndicaliste. J'ai signé des cartes de membre de syndicat, j'ai déposé des requêtes d'accréditation, j'ai préparé des griefs, j'ai préparé des assemblées générales, j'ai préparé des formations syndicales, j'ai organisé les camps des jeunes quand j'étais à la FTQ, j'ai... Mon Dieu! J'ai négocié, négocié. J'ai fait un certificat en droit du travail à l'UQAM parce que ça m'intéressait. C'est là d'ailleurs que j'ai rencontré plein de professeures brillantes, notamment certaines qui ont... qui ont déposé des mémoires extrêmement étoffés. Et donc j'ai toujours trouvé, dans mon parcours syndical, mon parcours militant, certains diront, qu'il manquait une voix ici, dans cette enceinte, pour défendre les travailleurs, travailleuses, pour défendre l'importance de l'outil syndical dans la défense des travailleurs, travailleuses. Et je voulais être là, dans la place, dans la salle, pour être face à peu importe la couleur du gouvernement d'en face, quand il y aurait une attaque au droit du travail.

Bien, j'ai été bien servi dans l'ancien mandat. Je faisais référence au projet de loi n° 59 sur la santé et sécurité. Ça avait duré, de mémoire, 190 h sur plusieurs mois. Je pense que, ça, c'étaient 400 articles. Je pense qu'à 10 articles, on n'étirera pas ça pendant 190 heures, M. le Président. Il y aura par contre des sérieuses discussions dans les prochaines heures, dans les prochains jours. Mais, dans le fond, moi je vous dis ça parce que j'ai été servi. Et je constate que c'est encore pertinent que je sois ici parce qu'encore aujourd'hui on a des attaques frontales contre le droit des travailleurs et travailleuses. Et c'est pour ça que paradoxalement, même si je suis triste sur le fond, bien, je pense que je suis content sur la forme, parce que je me dis au moins aujourd'hui, demain, jeudi, peut-être dans les prochaines semaines, peu importe comment de temps va durer ce projet de loi là, cette étude détaillée là, bien, il y aura quelqu'un dans la salle, ici, qui connaît le droit du travail, qui a été et qui a été longtemps dans les souliers de gens qui, au quotidien, doivent préparer une grève.

Tiens, je ne l'ai pas dit, ça, tantôt dans mon... dans mon ancienne tâche de conseiller syndical, j'en ai organisé, des grèves, M. le Président. Probablement qu'un des plus grands mythes au Québec alentour du syndicalisme, c'est cette idée que les syndicats ne font que des grèves et que... n'attendent que l'opportunité de faire une grève. Moi, j'ai beaucoup d'amis, bien sûr, évidemment, j'étais là pendant, mon Dieu, presque...

M. Leduc : ...15 ans. J'ai beaucoup d'amis dans le milieu syndical, à différents niveaux, des conseillers, des élus, etc. Personne n'aime ça soit faire la grève ou organiser une grève. Personne n'aime ça. Pourquoi? D'abord, mais c'est extrêmement angoissant. Quand ça commence, on ne sait pas quand est ce que ça va finir. Puis, dans la vie, l'être humain, il a besoin d'un peu de stabilité. Ça fait que, quand vous faites le choix conscient dans une assemblée, de voter pour un mandat de grève et d'exercer une grève, ouf, vous vous embarquez dans un... dans tout un contrat. Quand nous, on se présente, mettons, dans une élection générale, c'est un peu angoissant aussi, tu sais, on met notre face sur un poteau, on ne sait pas trop, elle va-tu passer, elle ne vas-tu pas passer, mais il y a une date de fin, tu sais, ça dure 33 jours puis telle date, c'est la fin des élections, il y aura un résultat. Mais quand vous déclenchez la grève, M. le Président, vous n'avez absolument aucune idée quand est-ce qu'elle va finir, absolument aucune idée, ça dépend de 1 000 facteurs, ça dépend de la table de négo, est-ce que votre grève est efficace, est-ce qu'il y a une bonne participation de... des travailleurs, travailleuses à votre grève, est-ce que le patron est prêt à régler, est-ce qu'il va avoir une intervention politique? Toutes sortes de choses qu'on devine à mesure qu'on avance dans le conflit. Et personne n'aime ça faire la grève.

• (10 h 20) •

Le ministre a fait référence à plusieurs conflits de travail dans ses différentes interventions. Il l'a fait d'ailleurs ce matin en remarques préliminaires. Moi, j'ai pris le temps de rencontrer, de parler à ces différents groupes-là. Je suis allé lire des fois sur leur page Facebook, sur les communications des centrales alentour de ces conflits-là. Personne n'avait écrit des communiqués pour dire : Yeah, c'est la grève. Personne ne fait ça parce c'est difficile parce que c'est long, parce que ça met un poids économique sur soi-même et sur sa famille. Quand on est en grève, on ne reçoit pas son salaire, hein, évidemment, on reçoit une compensation, une paye de grève qui est souvent une fraction du salaire de base. Des fois, si en plus on est en couple avec une conjoint ou une conjointe qui est dans la même bâtisse que vous, dans le même travail que vous, bien, lui ou elle aussi est en grève, ça fait que ça fait deux salaires coupés à la maison. C'est dur. Et je ne peux pas m'empêcher de me surprendre que le ministre qui a été longtemps dans le milieu du travail, qui en a connu des conflits, je suis sûr qu'il l'a, cette sensibilité là, je suis sûr qu'il a, à défaut d'avoir marché dans les lignes de partage... puis je ne lui reproche pas ça, ce n'est pas ça ma question, mais je sais qu'il sait qu'un conflit, c'est dur pour les travailleurs, en particulier quand un conflit a une répercussion sur la population. Personne n'a envie de nuire à personne dans la vie. Ça fait que sa grève, qui est l'ultime moyen de pression pour faire entendre raison au patron puis faire bouger un peu une table de négo qui, des fois, est stallée en bon français depuis des années, des fois c'est des années, hein, des fois c'est juste quelques mois, c'est déjà très long, mais des fois c'est des années, mais il reste quoi aux travailleurs et travailleuses? Il reste que ça, la grève. Il y a toutes sortes de moyens de pression qu'on peut faire, mettre des chandails, faire un petit rallye sur l'heure du dîner, mais vous comprendrez, M. le Président, que quand on arrive à la grève, tout ça a été essayé à de multiples reprises et qu'il nous semble qu'il n'y a plus d'autre issue. Puis là le ministre vient nous dire : Non, je refuse, ça ne peut pas être une issue à votre problème de relation de travail, j'impose autre chose. C'est un précédent dangereux, très dangereux.

Le ministre tente de nous rassurer en disant : Oui, mais moi, je n'en abuserai pas, là, moi, le ministre, le député de Trois-Rivières, là. Bien, d'une part qui vivra verra, parce qu'il y a une grève du service de garde qui est au coin, au coin de la rue, là. Là, il n'y a pas de grève cette semaine, mais qui sait ce qui va arriver la semaine d'après si ça ne bouge pas à la table de négo? Parce que moi, les échos que j'en ai, c'est que ça ne bouge pas. Là, ils ont tout fait les gradations, là, une journée, deux journées, trois journées, deux fois trois journées, quatre journées. La prochaine étape, si je comprends bien, c'est la grève générale illimitée, là. Qu'est-ce qu'il reste? C'est ça qui leur reste pour faire entendre raison, parce qu'ils ont des salaires à peine plus haut que le salaire minimum. Là, le ministre va vouloir leur dire : non, mais il essaie de nous dire : oui, mais peut-être que moi, je... je n'utiliserai pas, je vais voir quand est-ce que ça part. Mais quelle espèce de milieu d'arène des influences, il est en train d'ouvrir, le ministre? Qu'est-ce qui va se passer, là? Chacun des députés des différentes régions, différentes circonscriptions de la CAQ vont commencer à aller cogner à sa porte pour dire : Oui, là, dans ma région, ils sont tannés, on y va. Il se met lui-même en situation de subir du lobbyisme interne de ses propres collègues, ce qui ne devrait pas être le cas.

Alors, c'est un précédent dangereux. Je suis triste d'être ici parce que ça n'a pas rapport comme projet de loi, mais je suis content d'être ici parce qu'il y aura quelqu'un qui va défendre les travailleurs, travailleuses. Je vais le faire avec sérieux, je vais le faire avec discipline, et puis ça va nous occuper dans les...

M. Leduc : ...Merci, M. le Président.

Le Président (M. Allaire) : Merci, M. le député d'Hochelaga-Maisonneuve. Nous avons deux nouveaux membres au sein de cette commission, que je salue, M. le député de Portneuf, nouveau membre permanent au sein se cette commission, et le député de Jean-Talon, que je cède la parole pour ses remarques préliminaires. À vous la parole, M. le député de Jean-Talon.

M. Paradis : Merci beaucoup. Salutations à toute l'équipe gouvernementale, à mes collègues de l'opposition.

Le ministre se targue de vouloir placer le curseur au bon endroit. Il dit : J'ai probablement la bonne solution parce que d'un côté, beaucoup d'associations patronales sont venues dire : C'est bien, ce projet de loi là, mais on peut aller encore plus loin. Puis beaucoup des... en fait, la totalité des organisations syndicales, des représentants des travailleurs sont venus dire : Ce projet de loi est dangereux. Alors, il dit : Bien, je dois être quelque part dans le milieu. Mais la réalité est la suivante : tous les experts indépendants qui sont venus en consultations particulières, tous les experts en droit du travail, en relations de travail sont venus nous dire que ce projet de loi là comporte des dangers importants. C'est soit des feux jaunes ou des feux rouges, très clairs.

Le Conseil d'intervention pour les femmes au travail, l'Association canadienne des libertés civiles, les huit experts et expertes du Centre de recherche interuniversitaire sur la mondialisation et le travail, les trois experts de l'Université de Montréal, l'Ordre des conseillers en ressources humaines agréés, Finn Makela et le Groupe de l'Université de Sherbrooke, même la Fédération des centres de services scolaires, qui sont aussi un employeur, disent : Attention, l'incertitude dans ce projet de loi là pourrait créer des remous dans le secteur du travail.

Donc, en réalité, les indépendants sont tous venus nous dire : Retirer le projet de loi ou des modifications profondes. C'est ça, la réalité. J'ai hâte d'avoir des discussions avec le ministre pour voir qu'est-ce qu'il a, lui, comme études, comme analyses juridiques, notamment, des impacts de ce projet de loi.

Ce projet de loi contient deux mécanismes distincts. Le ministre l'a dit. Et les deux mécanismes commencent par un pouvoir discrétionnaire octroyé au gouvernement, au ministre. Donc, sur la désignation des services, donc le remplacement de la notion de services essentiels par «les services assurant le bien-être de la population», ça commence par «un décret du gouvernement qui désigne une association accréditée ou un employeur à l'égard duquel ensuite le tribunal peut déterminer quels sont ses services.» Dans l'autre mécanisme, c'est «le ministre, s'il estime qu'une grève ou un lock-out cause ou menace de causer un préjudice grave ou irréparable, peut mettre fin à une grève pour demander aux parties d'aller en arbitrage obligatoire.»

C'est important. C'est grave quand on remplace des droits reconnus notamment par la Constitution, par une longue tradition jurisprudentielle et législative, par des pouvoirs discrétionnaires. Et donc nous avons voté contre le principe de ce projet de loi parce qu'il n'y a pas de garanties suffisantes sur l'exercice de ce pouvoir discrétionnaire. Le ministre nous a dit : Ça va être exceptionnel, ça va être exercé avec précaution, ne vous en faites pas, ça va bien aller. Mais «ne vous en faites pas, ça va bien aller», avec des pouvoirs discrétionnaires, ce n'est pas assez. Ce sont des notions nouvelles en droit que propose le projet de loi, et on n'a pas entendu beaucoup de critères ou de balises qui nous permettent de voir comment va être exercé ces nouveaux droits, qu'est-ce qu'ils vont vouloir dire, comment la jurisprudence va les interpréter.

Donc, s'agissant de droits importants, nous, on est très préoccupés par ce projet de loi. D'autant plus... mon collègue d'Hochelaga-Maisonneuve l'a mentionné, mais d'autant plus que c'est comme... c'est un morceau d'une plus importante réforme. Et, je l'ai dit, ça, lorsque je me suis prononcé sur l'adoption, ici, en Chambre. La présidente du Conseil du trésor est venue nous dire, elle, qu'elle va aussi faire un exercice de révision de tout le processus de négociation dans le secteur public. Là, ce projet de loi là va plus loin que le secteur public. Il touche aussi le secteur privé. Mais pourquoi on arrive avec juste ce morceau-là, alors que c'est l'ensemble d'une réforme qu'on est supposé voir? Puis comment ça se fait qu'on arrive avec ce qui peut être vu comme le bâton, la massue sur les droits des travailleurs, alors qu'on n'a pas le reste? C'est préoccupant.

Donc, on va être ouverts à la discussion. Mais, pour l'instant, ce projet de loi là, pour nous... on a... on a voté contre. Et, si on n'a pas de garanties additionnelles ou des modifications profondes, on risque... on pense que c'est un... c'est dangereux de venir jouer dans un équilibre aussi délicat que celui qui existe actuellement entre les représentants des travailleurs et les représentants des employeurs. Surtout dans une optique où même le problème ne semble pas posé avec autant de clarté que j'aurais aimé le voir posé. On a parlé à peu près seulement des deux... de deux ou trois exemples. On est revenus toujours avec les mêmes exemples de conflits de travail, alors qu'on sait qu'au Québec il y a un historique aussi de règlement des conflits de travail et que les conflits de travail ne sont pas longs. Et il y a un modèle québécois qui fonctionne. Est-ce qu'on est en...

M. Paradis : ...rien d'y toucher quitte à l'endommager. C'est ça la question qui se pose. Merci.

Le Président (M. Allaire) : Merci, M. le député de Jean-Talon. Est-ce qu'il y a d'autres membres de la commission qui souhaitent faire des remarques préliminaires? Non. Excellent. Ça va? On s'en va donc à la Rubrique des motions préliminaires. J'ai compris que le deuxième groupe de l'opposition souhaitait déposer une première motion préliminaire. M. le député d'Hochelaga-Maisonneuve, je peux vous céder la parole.

M. Leduc : Merci, M. le Président. Je commence avec ma première :

«Que, conformément à l'article 244 du règlement de l'Assemblée nationale, la Commission de l'économie et du travail, avant d'entreprendre l'étude détaillée du projet de loi n° 89, Loi visant à considérer davantage les besoins de la population en cas de grève ou de lock-out tienne des consultations particulières et qu'à cette fin, elle entende le Syndicat des travailleurs et travailleuses du cimetière Notre-Dame-des-Neiges.»

• (10 h 30) •

Le Président (M. Allaire) : Vous allez juste me permettre de spécifier que c'est un... Vous avez 30 minutes, mais c'est un 30 minutes en continu. Ce n'est donc pas une période d'échange. Alors, allez-y.

M. Leduc : Merci, M. le Président. Je voudrais d'abord vous dire que, quand le ministre a déposé son projet de loi qui fait sa tournée d'entrevues, je pense que c'est un des premiers exemples qu'il utilisait pour justifier son intervention législative et dire :Regardez ce qui s'est passé au cimetière Notre-Dame-des-Neiges, un long conflit, des familles endeuillées, etc. Donc, assez spontanément, moi, je me demandais si on avait tous lu l'article du Nouvelliste, je pense, dans le temps des fêtes où, un peu manière surprenante, en faisant le bilan de sa dernière session, le ministre glissait qu'il y aurait une intervention législative pour réduire le droit de grève. Mais ce n'est pas les termes qu'il a utilisés, mais c'est ce qu'on a tous compris. À ce moment-là, je me demandais, oui, comment il va aller justifier ça, tu sais, qu'est-ce qu'il va... Je ne le vois pas là. Il ne va pas commencer à aller critiquer les professeurs puis je veux dire, tout le monde aime les profs dans la vie, là, il ne va pas s'attaquer aux profs, je ne peux pas croire. Et assez tôt donc dans les premières entrevues postdépôt de son projet de loi, c'est le cimetière Notre-Dame-des-Neiges qui a été utilisé comme exemple. Bon.

 Bien, moi je l'avais vu passer un peu ce conflit-là. Je me rappelais le conflit précédent, là, je pense que c'était 2017 si ma mémoire est bonne. Je sais que c'est un endroit qui n'est pas facile, qui a un employeur très difficile. Donc, je suis allé un peu me renseigner et, M. le Président, il y a quelques jours, il y a une belle lettre ouverte qui circulait sur les réseaux sociaux. Je vais vous la lire parce que c'est un cri du cœur de Joël Mailly qui est un travailleur en aménagement paysager au cimetière Notre-Dame-des-Neiges et qui est responsable de l'information à son... à son syndicat, le syndicat que je propose, que nous venions... que nous invitons ici à entendre. Je vous lis donc la lettre qu'il a publiée, je pense que c'est le 10 avril dernier.

Ça va comme suit : «Cher M. Jean Boulet, député de Trois-Rivières à l'Assemblée nationale. Je suis un travailleur du cimetière Notre-Dame-des-Neiges et c'est avec tristesse et colère que pendant l'étude de la commission parlementaire du projet de loi n° 89, je vous ai entendu vous servir de notre interminable conflit de travail pour vous faire du capital politique — bon, il y a des termes, je ne sais pas, qui sont un peu non-parlementaire, je vais les sauter, c'est... je veux dire, je vais éditorialiser ces termes-là — c'est inadéquat de votre part de mentionner une bataille que vous ne connaissez en aucun point. Laissez-moi vous faire un bref résumé de la situation qui nous a affectés, nous les employés, des opérations de ce magnifique site. Notre convention collective venait à échéance le 1ᵉʳ janvier 2018, malgré les demandes syndicales de commencer les négociations avant cette date, l'employeur a préféré attendre et attendre et attendre. Ce n'est que plusieurs mois plus tard qu'une date fut convenue pour s'asseoir et négocier, malgré le fait que notre employeur nous avait déjà mis en lock-out en 2007. Notre but a toujours été le même négocier de bonne foi, mais comment négocier avec un employeur absent? Ce même employeur a pris ses propres employés et ses propres clients en otage en réduisant ses effectifs sur le terrain, les services offerts et en multipliant ses moyens de pression, il espérait sûrement pousser ses précieux employés à sortir en grève afin que ceux-ci soient blâmés pour la détérioration de ce lieu historique et plein de mémoire qu'est le cimetière Notre-Dame-des-Neiges. Mais, voilà, nous sommes fiers de notre travail, soucieux de notre clientèle et empathiques avec les familles en deuil. Ce n'est que quatre ans plus tard, en janvier 2022, sous les demandes des familles exaspérées par le manque de services, que nous voterons la grève. Quand même, hein, quatre ans plus tard, c'en était trop, le cimetière était alors dans un état lamentable et l'ambiance toxique. Des gardiens de sécurité ont même été embauchés pour contrôler les accès de colère des clients et des clientes. Quatre ans à être embarrassés par les lacunes de notre milieu de travail...


 
 

10 h 30 (version non révisée)

M. Leduc : ...et à devoir s'expliquer devant les médias en toute transparence. Cette grève, M. Boulet, M. le ministre, les travailleurs et travailleuses du cimetière l'ont votée pour offrir un environnement digne à une clientèle en deuil. En cours de route, ce choix a permis de faire le ménage de certaines pommes pourries du panier patronal, avec comme finalité une nouvelle direction qui semble vouloir travailler et collaborer de façon positive pour la dignité des défunts et des défuntes.

«Votre projet de loi n° 89, M. le ministre, s'il avait été voté en 2023, n'aurait qu'envenimé notre situation, mais aussi celle de la population en deuil dont les proches viennent chercher le repos chez nous. Cela aurait laissé des cicatrices encore plus profondes qu'elles ne le sont. Êtes-vous conscient, M. le ministre, que la plus grande partie des familles que nous servons sont aussi des travailleurs et travailleuses, dont certains des professeurs, des infirmières ou autres professions syndiquées? Mon fils est resté à la maison lors de la grève des professeurs, mais à elles et à eux de se battre... Merci à elles et à eux de se battre pour garder le métier honorable et pour que nos jeunes soient instruits par des gens intéressés. Nous voulons, en tant que travailleurs, travailleuses, des conditions qui nous permettent d'effectuer notre travail avec fierté, parce que nous nous soucions de servir au mieux notre clientèle et que, comme le reste de la population, nous sommes importants.

«En espérant que vous reconsidériez vos valeurs.» C'est signé, je le disais tantôt, M. Joël Maillé, travailleur en aménagement paysager au cimetière Notre-Dame-des-Neiges et responsable de l'information au Syndicat des travailleurs, travailleuses au cimetière Notre-Dame-des-Neiges.

Bien, savez-vous quoi, M. le Président? M. Joël Maillé, il est ici aujourd'hui. Il est dans les gradins avec nous. Il s'est déplacé de Montréal. Bien, j'assume qu'il est dans la région de Montréal, s'il travaille au cimetière Notre-Dame-des-Neiges. Il s'est déplacé avec nous aujourd'hui. Il est disponible. Le but d'une motion préliminaire, c'est de dire : Bien, je pense qu'on devrait entendre d'autres personnes avant de commencer l'étude détaillée. M. le ministre a ad nauseam utilisé l'exemple du cimetière Notre-Dame-des-Neiges. Bien, on n'a pas entendu les principaux intéressés. Il est là, là. Il est là. Il est dans les gradins. On peut accepter la motion, le faire descendre, prendre... ça peut être 45 minutes, ça peut même être plus court, si vous voulez, M. le Président. Il est prêt, il est disponible, il peut vous expliquer ce qui s'est passé dans son conflit et pourquoi, selon lui, j'imagine, c'est ce que sa lettre dit, le projet de loi n° 89 n'aidera pas, ne va qu'envenimer les situations.

Je le soumets parce que je sais que, M. le ministre, c'est un... quand même un gars de terrain. Il aime ça, aller voir ce qui se passe sur le terrain. Mais là, le terrain est venu à nous aujourd'hui. Il est là, le terrain. Alors, je lui soumets que ça pourrait être pertinent d'accepter cette motion préliminaire pour les entendre. Il n'est pas venu seul. Il est accompagné de M. Patrick Chartrand, qui est avec lui également, qui est un... je pense, aussi un représentant syndical du cimetière Notre-Dame-des-Neiges. On salue M. Chartrand également. Donc, deux personnes ont fait la route Montréal-Québec. Je ne sais pas s'ils sont partis ce matin ou hier soir, l'histoire ne le dit pas, mais ils sont ici avec nous aujourd'hui pour sensibiliser M. le ministre. Puis je pense honnêtement que ce serait de bonne guerre que le ministre les entende directement parce qu'il les a... il a utilisé fréquemment l'exemple du cimetière Notre-Dame-des-Neiges pour justifier son intervention législative.

Je ne me suis pas contenté de la belle lettre de M. Maillé, que j'ai vu circuler à travers, je pense, le conseil central de la CSN de Montréal, que j'ai salué. J'ai demandé sa permission, bien sûr, pour pouvoir la lire. Il nous est venu donc à ce moment-là l'idée de... bien, pourquoi pas se déplacer, si vous êtes disponibles. Alors, vraiment, encore une fois, merci de vous être déplacés aussi au salon Rouge. Normalement, on est dans une commission, dans une autre salle un peu plus intime, on pourrait quasiment voir la couleur de vos yeux. Là, vous êtes un peu plus loin dans les gradins, mais vous êtes là, et on vous... on vous voit et on vous apprécie.

Je suis allé voir un peu l'historique de ce conflit-là, donc au-delà de la belle lettre du 10 avril. Parce que vous vous rappelez, là, il le... il mentionne que sa convention venait à échéance le 1er janvier 2018. Ça, le 1er janvier 2018, c'est avant notre première élection, à M. le ministre et moi. On a été élus le 3 octobre 2018. Je me rappelle de la date exacte parce que c'est la date d'anniversaire de ma fille, savez-vous, donc 3 octobre. Oui. Donc, le 3 octobre 2018, un nombre suffisant de gens ont coché la case Jean Boulet, CAQ, Trois-Rivières, la case Alexandre Leduc, Québec solidaire, Hochelaga-Maisonneuve pour que nous soyons les deux ici présents à l'Assemblée nationale. Suffisamment de gens ont refait l'exercice en 2022, ce qui fait qu'on est en train de discuter, le ministre et moi. Mais ça veut dire que tout ce temps-là, pendant qu'on...

M. Leduc : ...réformer la loi en réponse au jugement Flageole, pendant qu'on parlait de RQAP, pendant qu'on parlait de réforme de santé-sécurité. Tout ce temps-là, il n'y avait pas de convention collective, puis la négo stâlait. Hallucinant, quand même.

Je répète l'extrait ici : «Ce n'est que quatre ans plus tard, en janvier 2022, que nous voterons la grève.» Le ministre en a négocié, des conventions collectives. Quatre ans sans convention collective, attendre quatre ans pour oser déclencher la grève, c'est beaucoup de patience. C'est vraiment beaucoup de patience. La plupart des gens dans les milieux de travail, et avec raison, vont se tanner bien avant et vont partir un conflit de travail au moins la moitié plus court, puis souvent un peu plus court. Alors qu'ils aient eu... qu'ils aient eu le courage d'attendre quatre ans, ça en dit long sur l'amour de leur travail et l'amour de la clientèle du cimetière Notre-Dame-des-Neiges.

• (10 h 40) •

Je suis allé relire un peu l'historique du conflit, j'ai imprimé quelques... quelques communiqués puis je pense que ça serait salutaire de nous les rappeler pour voir comment ça a évolué. J'ai... Je n'ai pas eu le temps de tous les retrouver, bien sûr, ce n'était pas le but de l'exercice, mais j'en ai imprimé quelques-uns à partir d'avril 2023.

«Cimetière Côte-des-Neiges, syndicat en conflit, campagne de solidarité pour les syndicats en conflit. La Fabrique Notre-Dame doit négocier de bonne foi. Les membres du Syndicat des travailleurs, travailleuses du Cimetière Côte-des-Neiges, affilié à la CSN, sont en grève générale illimitée depuis le 12 janvier dernier.» On est en avril 2023 dans le communiqué, donc 12 janvier 2023. «Le syndicat fait face à la Fabrique Notre-Dame, l'employeur qui gère le cimetière et la basilique Notre-Dame. Pour ce qui est de leurs collègues de bureau, ils sont en grève depuis le 20 septembre 2022.» Donc, il y a eu d'abord, si je comprends bien, une grève des cols blancs, si je ne me trompe pas, et ensuite suivie de la grève des cols bleus. Donc, j'assume qu'il y a donc deux accréditations à même le syndicat. «Le syndicat est sans contrat de travail depuis le 31 décembre 2018 et les négociations n'avancent plus. Bien avant le début des deux grèves, les familles et leurs proches cumulaient des frustrations et de la colère envers la fabrique, à un point tel que le nombre d'appuis aux grévistes de la part de la clientèle ne cesse d'augmenter. Plus que jamais, les membres sont déterminés à obtenir une entente de principe à la hauteur de leurs attentes afin de pouvoir soutenir adéquatement les familles endeuillées qui choisissent le cimetière Notre-Dame-des-Neiges. Il faut savoir que, jusqu'à tout récemment, la direction bloquait l'accès au cimetière à sa clientèle mais que cette obstruction existait bien avant le début du premier conflit. L'attitude de l'employeur face à ses salariés a dépassé les bornes, et celui-ci multiplie les recours légaux de toutes sortes pour tenter de briser les deux unités. À présent, les clientes et les clients sortent sur la place publique et affirment haut et fort vivre le même mépris que les salariés, avant même... allant même, pardon, jusqu'à tenir responsables la direction et le conseil d'administration de l'établissement du gâchis actuel. Les travailleuses et travailleurs du cimetière ont toujours soutenu les familles et maintenant de bonnes relations avec elles. Et la vérité est connue depuis longtemps, ce sont bien évidemment ces familles qui paient le fort prix de l'obstination de la Fabrique Notre-Dame à ne pas régler la négociation. Pire encore, la fabrique a supprimé plus d'une quarantaine de postes, ce qui compromet la capacité des salariés à répondre aux besoins des familles endeuillées. Les salariés se battent toujours pour un plancher d'emplois et pour des salaires qui vont assurer un avenir viable au cimetière Notre-Dame-des-Neiges. Sans ces deux éléments essentiels, nous ne serons jamais en mesure de bien répondre aux demandes des familles vivant un deuil.»

Alors, vous pouvez bien vous imaginer, M. le Président, si, en plein conflit de travail, l'employeur supprime 40 postes, ça se peut que ça n'aille pas très bien, le conflit de travail, puis que ça se prolonge un petit peu. Alors, un peu étonnant comme attitude, mais ça arrive. C'est ça, les relations de travail. Des fois, ça se passe bien. Dans l'écrasante majorité du temps, ça se passe bien. On fera référence certainement plus tard à des tableaux qui ont été proposés et soumis par des... par les experts en droit du travail. Il me semble, de mémoire, c'est entre 85 % et 90 % des négociations qui se passent très bien, sans aucune forme de conflit de quoi que ce soit. Celui-là fait, bien sûr, presque cas d'école dans un sens où l'employeur s'est magasiné du trouble tout seul comme un... comme un grand garçon.

Et là on fait... on était en avril 2023, on fait un petit saut à juin 2023, donc quelques semaines, quelques mois plus tard. Communiqué de la CSN toujours, 29 juin 2023 : «Poursuite de la grève au cimetière Notre-Dame-des-Neiges. Ce que les membres ont constaté dans les présentations, c'est que l'employeur voulait nous faire reculer pratiquement partout. Ce qui vient profondément nous chercher dans l'attitude des patrons, c'est la non-reconnaissance de notre travail dont ils font preuve en nous proposant un protocole de retour au travail si décevant.» C'est une citation de...

M. Leduc : ...M. Patrick Chartrand, que je saluais quelques instants. Les membres des deux syndicats réunis en assemblée générale extraordinaire ont rejeté la recommandation du conciliateur et le protocole du retour au travail qui y est rattaché. Les travailleurs et travailleuses ont ainsi décidé de poursuivre la grève qu'ils mènent depuis plusieurs mois et de continuer la bataille pour l'obtention des meilleures conditions de travail. Le comité de négociation a présenté aujourd'hui à leurs membres respectifs les propositions de conventions collectives et les conditions de retour au travail du conciliateur nommé au dossier. Les membres ont jugé que ces recommandations comprenaient trop de bémols et étaient insatisfaisantes. Pour eux, la mauvaise gestion de l'employeur reflétée dans ses propositions est inacceptable. Ce que les membres ont constaté dans les présentations, c'est que l'employeur voulait nous faire reculer pratiquement partout. Ce qui vient profondément nous chercher dans l'attitude des patrons, c'est la non-reconnaissance de notre travail dont ils font preuve en nous proposant un protocole de retour au travail si décevant. C'est un manque de respect. On perdrait sur différents acquis établis. J'ai confiance en nos membres. Ils ont pris la bonne décision, avance Patrick Chartrand, président du syndicat des employés de l'entretien du cimetière. Nous sommes deux syndicats réunis. Nous nous battons ensemble depuis si longtemps. Ce n'est pas maintenant que nous allons abandonner le combat. Nous avons enduré des années de conflit de travail avant de sortir en grève. Si on avait voté en faveur du désolant protocole de retour au travail, on ouvrait la porte à un réel cauchemar pour les années à venir. Ce n'est pas une décision facile que nous avions à prendre, car nous avions hâte d'accueillir fièrement les familles au cimetière, tout en étant respectés dans notre travail, défend Éric Dufaux, président du Syndicat des employés de bureau.»

Deux derniers paragraphes qui disent : «L'importance de la lutte. La Fabrique Notre-Dame a aujourd'hui manqué l'occasion de réintégrer les travailleurs et travailleuses dans un climat sain et satisfaisant. Je tiens à féliciter toutes les militantes et les militants impliqués dans cette lutte historique. Le Conseil central et toutes ses composantes les appuient du fond du cœur, affirme Dominique Daigneault, présidente du Conseil central de Montréal de la CSN. C'est une négociation qui est difficile depuis si longtemps. Les membres ont dit haut et fort à l'employeur qu'ils sont surtout en désaccord avec les conditions de retour au travail. Nous respectons entièrement les choix qu'ils ont faits. C'est important qu'ils sachent que nous nous appuyons et qu'ils pourront compter sur nous jusqu'au bout, soutient Linda Tavolaro, secrétaire générale de la Fédération des employés de services publics CSN.»

Donc, je vous parlais de 29 juin 2023. C'est... Il y a un passage intéressant, hein, quand ça parle du conciliateur. Je sais qu'encore une fois, le ministre est... aime beaucoup ce travail-là. J'ai la chance... J'ai eu la chance de rencontrer quelques-unes... quelques personnes dans la vie qui font ce beau métier là, qu'est la médiation-conciliation. C'est un service qui est offert gratuitement par le ministère, souvent, pour essayer de résoudre des conflits. C'est d'ailleurs un pouvoir qu'il a, hein? Dans un des mémoires que je relisais hier soir, je pense que c'était celui du CRIMT... faisait l'étalage des différents pouvoirs du ministre. Le ministre peut nommer un conciliateur-médiateur de son propre chef, pas obligé d'attendre la permission des deux parties. Des fois, c'est quelque chose qu'il peut faire. Je ne suis pas, dans ce cas-ci, si c'est ça qu'il a fait ou s'il avait l'accord des deux parties. Il nous le dira peut-être dans son intervention, tantôt. Mais, bon, l'arrivée d'un conciliateur-médiateur, pour avoir, donc, vécu ça de l'autre partie, la partie des travailleurs, comment je vous dirais ça, on accueille toujours ça avec un certain... une ouverture, une ouverture certaine, mais aussi un certain scepticisme. Pourquoi? Parce qu'il n'y a pas de magie, là. Un conciliateur-médiateur peut venir apporter, je dirais, un éclairage nouveau, peut venir mettre les deux parties sur un autre mode de communication, parce qu'il est supposé de rencontrer les deux parties d'abord séparément, il peut y avoir des rencontres conjointes, mais c'est surtout du «one on one», comme on dit, puis qu'après ça, lui essaie de construire une piste d'atterrissage. Mais il n'y a pas de magie. Si, l'employeur, son but, c'est de faire reculer le syndicat d'une dizaine d'années en imposant des reculs, bien, le médiateur, il ne peut pas inventer un nouveau mandat patronal. Il est quand même limité dans l'absolu. Il faut que les deux parties veuillent que ça fonctionne pour que ça fonctionne. Et, parfois, un médiateur-conciliateur, dans la pratique de ce métier-là, bien, tu essaies de voir les deux demandes puis de trancher à peu près en deux. On appelle ça... couper la poire en deux. C'est sûr que, si vous vous battez pour maintenir vos acquis puis qu'à côté le patron propose des reculs de 10 ans en arrière, trancher la poire en deux, c'est un exercice qui va être vain par définition, parce qu'il ne satisfera certainement pas au moins une des deux parties. C'est visiblement ce qui est arrivé dans l'exercice qui nous intéresse en juin 2023 avec cette médiation-là, conciliation-là.

Je poursuis avec un... là, on fait un autre saut de quelques mois. On arrive en novembre 2023. «Briseurs de grève au cimetière Notre-Dame-des-Neiges. Après quelque 40 rencontres de négociations, conciliation et 15 mois de conflit travail, les parties n'ont toujours pas conclu de convention collective. Le 28 novembre 2023, le Tribunal administratif du travail ordonnait la Fabrique Notre-Dame, employeur du cimetière, de cesser d'utiliser les services de ses représentants pour accomplir, en tout ou en partie, les fonctions de salariés de l'unité de négociation. Pour le syndicat, la direction utilise des briseurs de grève, notamment, pour les fonctions des préposés à l'accueil et les conseillers, conseillères aux ventes afin de contourner les moyens de pression exercés par les travailleuses et les travailleurs...

M. Leduc : ...de bureau du cimetière, en grève depuis le 20 septembre 2022.

«Pascal Schiavone et Anshley Ligondé, les deux représentants de l'employeur visés par l'ordonnance du TAT, auraient été embauchés après le début de la phase de négociation de la convention collective, et ce, en contravention des dispositions anti-briseurs de grève prévues au Code du travail.

«De plus, le 9 novembre dernier, le syndicat a gagné un arbitrage de grief, lequel confirme que l'employeur ne respecte pas le plancher d'emploi comme établi dans la convention collective.» Citation : «Comment un patron qui ne respecte ni la loi ni son contrat de travail peut-il prétendre que sa priorité absolue est d'accueillir les familles endeuillées dans le respect et la dignité?» «C'est un non-sens, nous ne croyons tout simplement pas»... attendez un instant... voilà, «c'est un non-sens, nous n'y croyons tout simplement pas», confirme Éric Dufault, président du syndicat des employé-es de bureau.

• (10 h 50) •

«Une fois de plus, l'employeur manifeste un immense mépris à l'égard de son personnel. L'issue du conflit n'est assurément pas l'embauche de briseurs de grève. L'employeur doit faire preuve d'ouverture et retourner rapidement à la table pour arriver enfin à une entente négociée», ajoute Linda Tavolaro, secrétaire générale de la Fédération des employées et employés de services publics-CSN.

«Cette situation est incroyable! Sincèrement, nous faisons rarement face à un employeur aussi récalcitrant qui s'entête autant à ne pas vouloir trouver un terrain d'entente par la voie de la négociation. Aujourd'hui, le conseil central dénonce haut et fort l'utilisation de briseurs de grève par ces patrons sans vergogne! Ce n'est toutefois pas le temps de baisser les bras : l'appui que nous offrons aux travailleuses et aux travailleurs du cimetière est et restera indéfectible», affirme avec aplomb Dominique Daigneault, présidente du Conseil central du Montréal métropolitain-CSN.

«En grève depuis le 20 septembre 2022, le Syndicat des emplois de bureau du Cimetière Notre-Dame-des-Neiges-CSN compte une quinzaine de membres. Ceux-ci revendiquent, entre autres, un salaire qui couvre l'inflation avec une rétroaction salariale. À ce jour, après quelque 40 rencontres de négociation/conciliation et 15 mois de conflit de travail, les parties n'ont toujours pas conclu de convention collective.»

Quelques éléments d'analyse ici, M. le Président. D'abord, le syndicat compte une quinzaine de membres. Je ne sais pas c'est laquelle des deux accréditations... c'est employés de bureau, c'est écrit. Une quinzaine de membres. Je ne sais pas, les cols bleus, ils sont combien... Peut-être un peu plus. Ma compréhension, c'est qu'on n'était pas dans... on a... Ils pourraient être alentour d'une centaine, au total, dans ces eaux-là. Je répète, c'est l'exemple que le ministre a utilisé le plus souvent dans ses entrevues télévisées, dans ses entrevues à la radio, ici, aux audiences, il y a quelques semaines. «Il faut éviter... le Cimetière Côte-des-Neiges, ça a été trop long», etc.

On va vraiment bousculer le droit du travail — puis on y reviendra tantôt, là, il y a des termes très durs utilisés par les experts — à cause d'un conflit qui a touché à peu près, encore une fois, quoi, une centaine de membres. Puis je ne dis pas ça pour diminuer le conflit, là. La centaine de membres qui ont vécu ça, puis quand... Il y en a deux ici, en cette enceinte, avec nous. Ça a dû être extrêmement éprouvant. Mais je suis certain, profondément convaincu qu'ils n'ont pas envie d'être utilisés par le ministre, par le gouvernement comme exemple pour modifier, bousculer le droit du travail du Québec au grand complet, je suis convaincu de ça. S'ils on fait la route Montréal-Québec, aujourd'hui, pour se mettre à la disposition du ministre puis lui expliquer un peu plus en détail le conflit, je suis convaincu qu'ils n'ont pas... c'est parce qu'ils n'ont pas envie d'être utilisés comme justification de son intervention législative, qui va, potentiellement, les toucher dans le futur, mais toucher 100 % des travailleurs et travailleuses du Québec, à quelques exceptions.

L'autre chose qu'il faut faire comme analyse, dans ce communiqué-là, M. le Président, c'est les briseurs de grève. Je le disais tantôt, on devrait être en train de faire autre chose ici en ce moment. Bien, voilà une excellente suggestion. Le ministre cherche une manière d'éviter des conflits longs, des prolongations de conflit. Bien, la voilà. Pourquoi il ne dépose pas un projet de loi pour resserrer l'utilisation des briseurs de grève? C'est compliqué, faire reconnaître qu'il y a des briseurs de grève sur un conflit de travail, M. le Président. On se fait une fierté, au Québec, d'avoir été un des précurseurs en Amérique du Nord sur la loi anti-briseurs de grève. Il y a des gros trous dans la loi. J'ai déjà moi-même déposé un projet de loi là-dessus, j'étais un peu déçu que le ministre ne le réutilise pas. Qui vivra verra. Peut-être que, dans sa belle réforme qui s'en vient, il me fera ce beau cadeau de venir boucher la notion d'établissement, notamment, sur la question des briseurs de grève.

Mais au-delà de l'établissement, c'est compliqué, faire reconnaître les briseurs de grève. Oui, je ne peux pas montrer un article de journal. D'accord, j'arrête. C'est compliqué, faire reconnaître un briseur de grève. Il faut... il faut comme jouer à Sherlock Holmes un peu, là, il faut faire... il faut faire vigilance, il faut regarder c'est qui, la personne, elle était-tu là avant, elle n'était-tu pas là avant, c'est-tu une cadre, pas une cadre? C'est compliqué, il faut ramasser des informations, après ça, il faut aller faire une plainte, trouver une date d'audience. C'est quand même long. Et ça arrive quand même encore assez souvent, au Québec, malheureusement, malgré la loi, que des employeurs...

M. Leduc : ...s'essaient. Puis savez-vous quoi, M. le Président? Ils s'essaient autant... à mon avis, c'est qu'ils savent que c'est long et compliqué, faire reconnaître ça. Ils savent que la game joue contre l'adversaire. Puis quand ça arrive qu'ils se font pogner, honnêtement, c'est une petite tape sur les doigts, là.

Une voix : ...

M. Leduc : Oui, je... pour moi. Honnêtement, c'est une petite tape sur les doigts qui arrive, là, quand ils se font pogner, ce n'est pas rien de très perturbant. Un petit article, peut-être, un article dans un communiqué de syndicat : Ah! Ils ont... briseurs de grève. Peut-être un article dans les médias, mais les conséquences ne sont pas énormes pour un employeur qui s'est fait pincer à embaucher des briseurs de grève en contradiction et en offense, j'oserais dire, de la loi du Québec, depuis plusieurs décennies maintenant. Bien ça, ce serait une façon intéressante d'intervenir de la part du ministre pour réduire la durée des conflits de travail. Pourquoi il ne le fait pas? Pourquoi, dans l'étalage des mesures possibles qu'il aurait pu utiliser s'il voulait tant que ça faire une intervention législative sur la grève, pour réduire les conflits... pourquoi il n'a pas fait ça? Pourquoi son choix éditorial sur l'étalage des choses encore qu'il aurait pu faire... il aurait pu hausser les amendes de non-respect, il aurait pu faciliter le dépôt des plaintes, accélérer le traitement des plaintes au TAL, plein de choses qu'il aurait pu faire... non, il est allé s'inspirer d'une très mauvaise pratique qui est évidemment contestée, qui va certainement aller jusqu'en Cour suprême du fédéral pour en faire un copier-coller, à quelques virgules près? Étonnant choix éditorial, M. le Président, du ministre en matière de droit de grève et de son respect.

J'arrive au dernier communiqué, M. le Président, de décembre 2023, 18 décembre 2023, fin de la grève au cimetière Notre Dame-des-Neiges : «Après de si longs mois passés dehors, nous rentrons au travail la tête haute. Nous pourrons enfin accueillir les familles endeuillées qui méritent d'être traitées dans la plus grande humanité qui soit.» Citation d'Éric Dufour, président du syndicat. Réunis dans l'Assemblée générale, aujourd'hui, les membres du syndicat des employés de bureau du cimetière Notre-Dame des Neiges-CSN ont adopté à 100 % l'entente de principe qui leur a été présentée. Après 15 mois de conflit de travail, la grève est ainsi levée et le groupe retournera travailler le 9 janvier 2024. Ouverture chaotique. Bien que la fin du conflit du personnel de l'entretien ait permis la réouverture du cimetière le 11 septembre dernier, dans les faits, les opérations de l'établissement tournaient au ralenti alors que le personnel administratif était toujours en grève, et ce, depuis le 20 septembre 2022. Selon Éric Dufour, président du syndicat des employés de bureau, le but était d'aller chercher le meilleur contrat de travail possible pour nos membres, et c'est ce que nous avons obtenu. Après si de longs mois passés dehors, nous rentrerons au travail la tête haute, nous pourrons enfin accueillir les familles endeuillées qui méritent d'être traitées dans la plus grande humanité qui soit. Je suis heureux que la mobilisation de notre équipe... Je remercie tous et toutes, les camarades, du fond du cœur pour la bataille qu'ils ont menée, avance-t-il. La nouvelle convention collective des travailleurs et travailleuses prévoit des augmentations de salaire de 22,4 % couvrant les années 2018 à 2026. Ça fait presque 10 ans. C'est quand même hallucinant.

De plus, un règlement est intervenu sur les litiges concernant le plancher d'emploi et l'utilisation des briseurs de grève. Le maintien du plancher d'emploi est ainsi sécurisé pour les employés de bureau. Enfin, un protocole de retour au travail respectueux des salariés également a été approuvé par les deux parties. Les travailleurs et travailleuses du cimetière viennent de mener une bataille qui passera à l'histoire du mouvement syndical québécois. Ils ont tenu la minute de plus, celle qui est souvent la plus exigeante mais la plus payante en matière de gains. Je tiens à féliciter, au nom de la CSN, chacun des membres du syndicat pour cette belle victoire, affirme Caroline Senneville, la présidente de la CSN. La Fédération n'est pas près d'oublier cette année et demie de conflit vécue par les camarades du cimetière ainsi que leur exceptionnelle mobilisation. Soyez fiers de vous et des gains remportés, formule Linda... secrétaire générale de la Fédération des employés et employées du service public CSN. C'est effectivement une page d'histoire syndicale qui se tourne aujourd'hui. Le conseil central des syndicats sont aujourd'hui très heureux de se tenir debout auprès des militants et militantes, déclare Dominic Daigneault, du conseil central.

Il me reste deux minutes, Mme... M. le Président, pardon, pour vous synthétiser le dossier. On parlait de médiation, conciliation. On parlait d'arbitrage, on va parler d'arbitrage. Pensez-vous que la notion de plancher d'emploi que le patron voulait faire disparaître aurait fait partie d'un arbitrage exécutif tel que décrété par le... que le ministre veut décréter? Les chances auraient été assez minces, je pense, qu'un arbitre, essayant toujours de couper la poire en deux, se dise : Bien là, il y a un plancher existant, le syndicat veut le maintenir, le patron veut le faire sauter. Les chances du maintien du plancher d'emploi auraient pu sauter assez vite dans le cadre de l'arbitrage automatique souhaité par le ministre. Or, il a été maintenu à cause d'une bataille syndicale. Et ça, le plancher d'emploi, ça va contribuer à maintenir des bons services au cimetière Notre-Dame-des-Neiges.

En conclusion, M. le Président, Patrick est là, dans les gradins, Joël est là, dans les gradins. Ils sont disponibles, ils peuvent descendre à l'instant, si le ministre accepte d'entendre... ça peut être 30 minutes, 45 minutes, peu importe. Il a utilisé beaucoup l'exemple, ce serait, je pense, respectueux de les entendre aujourd'hui...

M. Leduc : ...nous expliquer leur réalité. Merci beaucoup, M. le Président.

Le Président (M. Allaire) : Merci à vous, M. le député d'Hochelaga-Maisonneuve. D'autres interventions? Mme la députée de d'Arcy, la parole est à vous pour 30 minutes.

Mme Prass : Merci, M. le Président. Comme mon collègue l'a évoqué, le ministre a souvent utilisé l'exemple du Cimetière des neiges pour justifier un certain point d'introduction de ce projet de loi. Premièrement, je salue les personnes qui sont là aujourd'hui, parce que, clairement, vous avez vécu... qui devraient être... entendre. Et je pense que, comme on a entendu plusieurs groupes lors des consultations, que ce soit du côté patronal ou du côté syndical, je pense que nous sommes tous là pour être à l'écoute, justement, des personnes qui pourraient être affectées par le projet de loi qui est devant nous, donc. Et, tel que mentionné, c'était un exemple qui est revenu à plusieurs reprises et qui a été très médiatisé. Et je pense qu'on est toujours pour le dialogue, donc, pour entendre des personnes qui ont été concernées.

• (11 heures) •

Moi, je ne vois pas d'entrave à les entendre, parce que, pour bien... pour que le projet de loi soit bien... réponde vraiment aux réalités, je pense qu'on a besoin d'entendre le plus de parties possible, ceux qui sont impliqués, ceux qui pourraient être affectés par ce projet de loi. On sait évidemment, comme j'ai dit, ça a été médiatisé parce qu'on a beaucoup entendu de la part des familles qui ont été affectées. Mais je pense qu'autant il y a un droit pour que les travailleurs qui ont... qui sont allés en grève d'être entendus, donc, je soutiens la motion de mon collègue pour que le groupe soit entendu. Comme j'ai dit, pour moi, je pense, pour bien alimenter la conversation et l'étude détaillée, comme ça a été fait lors des consultations et la lecture des différents mémoires, d'entendre le plus grand groupe... entendre le plus grand nombre de groupes, je pense que ça ne va que nous... nous alimenter pour vraiment comprendre ce que ce projet... comment procéder avec ce projet de loi. Donc, on est bien d'accord avec la mission du collègue. Merci.

Le Président (M. Allaire) : Merci, Mme la députée. On est toujours sur les motions préliminaires. M. le ministre, la parole est à vous.

M. Boulet : Merci, M. le Président. Évidemment, j'aimerais joindre ma parole à celle des collègues pour saluer les personnes présentes du Syndicat des travailleuses et travailleurs du Cimetière Notre-Dame-des-Neiges. Cependant, on est évidemment contre la motion, on la considère impertinente, M. le Président. Est-ce que... Ici, dans le cas présent, on a entendu la centrale syndicale qui est la CSN. On ne peut pas entendre chaque association détentrice d'une unité d'accréditation syndicale. Si on fait ça, tous les syndicats qui ont été concernés par des conflits de travail ou qui peuvent potentiellement être concernés vont requérir le droit d'être entendus en consultations particulières. Et la Fabrique Notre-Dame-des-Neiges, qui est l'employeur, pourrait prétendre au même droit. C'est pour ça que la centrale syndicale, qui chapeaute l'ensemble des syndicats locaux ou affiliés qui ont des accréditations syndicales, est le partenaire, est le porte-parole privilégié pour faire valoir les prétentions de la CSN. Comme vous le voyez ici, c'est un syndicat qui est affilié avec la CSN. Donc, la CSN a été entendue. Malheureusement, comme mon collègue d'Hochelaga-Maisonneuve et ma collègue de D'Arcy-McGee, on est tous des partisans du dialogue, mais le dialogue ne doit pas se transformer en monologue social, parce que ce qu'on demande, c'est de retirer le projet de loi. Il n'y a pas de recommandation. On ne participe pas à la discussion. Il n'y a aucune suggestion, aucune recommandation.

Ceci dit, moi, je suis toujours disposé à rencontrer les personnes du syndicat, puis là je réponds à mon collègue d'Hochelaga-Maisonneuve. Il le sait, dans le dossier du cimetière Notre-Dame-des-Neiges, j'ai été interpelé. Mais il faut scinder le processus de négociation des impacts découlant d'une impasse, découlant des grèves et des lock-out. Et ce qui m'intéresse, moi, c'est les familles endeuillées, c'est les parents, c'est les familles, c'est les enfants à besoins particuliers. C'est ces personnes-là que le projet de loi vise à protéger essentiellement. Une grève ou un lock-out, c'est un moyen de pression sur un employeur dans le cas d'une grève' sur un syndicat, dans le cas d'un lock-out, ce n'est pas pour prendre la population en otage...


 
 

11 h (version non révisée)

M. Boulet : ...Et dans le cas présent, la fabrique est intervenue et moi j'ai rencontré les parties. On a nommé des conciliateurs médiateurs qui ont été extrêmement actifs. Et j'ai rencontré les parties, les membres du syndicat. Probablement que certaines des personnes qui sont ici, j'ai eu l'opportunité de rencontrer, mais M. Pipon a attendu 20 mois avant de faire inhumer son corps. Les familles endeuillées témoignaient d'une accumulation des dépouilles dans des frigidaires. C'est des familles qui ont subi des préjudices humains importants, étant incapables de faire leur deuil. Ils faisaient constamment appel à l'importance de la dignité humaine. C'est des familles qui ne pouvaient pas aller se recueillir au cimetière qui n'était pas entretenu, il y avait eu une crise de verglas, donc qui vivaient dans l'impuissance, M. le Président, l'impuissance de vivre un deuil, de vivre dans une société qui est humaine puis qui est respectueuse des conséquences de l'impasse.

Puis je ne nie pas les prétentions du syndicat. Puis l'employeur aurait des prétentions opposées. Nous, ce qui nous intéresse en négociation, ce n'est pas l'objet du projet de loi, c'est d'accompagner les parties, d'offrir des services d'amélioration du climat de relations de travail, d'accompagnement à la négociation pour renouveler une convention collective. On a des conciliateurs médiateurs qui ont une expertise en négociation raisonnée, qui ont le doigté, la capacité d'aider les parties à explorer des hypothèses de travail, éventuellement des hypothèses de règlement. Il y avait un climat lourd, j'en conviens. Mais là on était, et ce qui nous intéresse dans le projet de loi, c'est l'importance l'impasse d'une incapacité de négocier par elle-même un renouvellement d'une convention collective de travail. Ce qui nous intéresse, c'est les M. Pipon de ce monde. C'est les familles endeuillées qui ne pouvaient plus gérer l'incapacité d'obtenir une inhumation.

Puis écoutez, il y a eu, on a parlé jusqu'à 3 000 dossiers où la moitié avait eu un appel. Puis quand il y avait un appel pour faire un suivi, généralement l'inhumation survenait 24 à 48 heures plus tard. Mais la vaste majorité des cas qui ont été appelés, ça a pris de 20 à 24 mois, M. le Président, avant d'avoir une inhumation. Est-ce que c'est compatible avec la dignité humaine? La réponse, c'est non. Donc, la centrale syndicale, CSN, qui est mentionnée dans la motion préliminaire, a été entendue, a déposé un mémoire, a fait les fouilles jurisprudentielles législatives appropriées. Et ce qui nous intéresse dans ce projet de loi là, c'est l'impact des grèves ici, dans le cas présent, les familles endeuillées.

Puis là, écoutez, je pourrais vous lire le communiqué de l'association qui soutient le projet de loi qui réfère à une avancée significative, M. le Président, pour la protection des familles endeuillées, particulièrement vulnérables face aux conséquences néfastes des conflits de travail. «L'introduction d'un service minimal et de l'arbitrage obligatoire permettra d'éviter les situations de blocage prolongées et douloureuses que nous avons connues dans le passé». Et mon collègue d'Hochelaga-Maisonneuve, dans sa motion, s'intéresse aux blocages et les causes du blocage. Le projet de loi s'intéresse aux conséquences de ce blocage-là. Et vous le savez, les conséquences dans une impasse, c'est l'exercice d'une grève ou d'un lockout, c'est un moyen de pression. Et c'est là qu'il faut considérer davantage les besoins aussi fondamentaux de la population. Il y a des droits à la sécurité, il y a des droits à la dignité humaine qui sont aussi protégés. Et là je cite le communiqué : «Les familles confrontées à un deuil ont déjà subi une épreuve immense. Il est inacceptable qu'elles doivent en plus faire face à des perturbations liées à des conflits de travail prolongés, comme ce fut le cas au cimetière Notre-Dame-des-Neiges. Le projet de loi n° 89, avec son service... avec son mécanisme de service minimal et d'arbitrage obligatoire, permettra de mieux encadrer ces situations et d'assurer le respect de la dignité humaine...

M. Boulet : ...en toutes circonstances, et c'est ça qui nous intéresse. La négociation, c'est l'affaire de mon collègue quand il était conseiller syndical, ça me concernait aussi, en pratique, avant de faire de la politique. Là, la mission que nous avons comme État, c'est de protéger la population, et ce projet de loi comporte des mécanismes nouveaux qui vont permettre au Québec de mieux protéger une population qui vit, malheureusement, des préjudices qu'on ne peut pas accepter dans une société comme la nôtre. Merci, M. le Président.

• (11 h 10) •

Le Président (M. Allaire) : Merci, M. le ministre. D'autres interventions concernant la motion préliminaire? Oui, M. le député de Jean-Talon, vous avez 10 minutes.

M. Paradis : Merci. Est-ce que j'ai bien compris, M. le ministre, que vous les aviez rencontrés, les gens du cimetière, vous?

Le Président (M. Allaire) : O.K. Juste, M. le député de Jean-Talon, ce n'est pas une discussion, c'est... Vous avez un 10 minutes en continu. Donc, ce n'est pas une période d'échange. C'est un 10 minutes, vous devez l'utiliser à bon escient.

M. Paradis : Bon. Alors, j'aurais préféré qu'on ait un dialogue, mais je vais y aller comme vous l'indiquez, M. le Président. Bon, la question est de savoir : Est-ce que le ministre leur a parlé directement? Parce que, si la réponse, c'est oui, bien, c'est intéressant pour le ministre, mais ce serait intéressant pour nous, comme députés de l'opposition qui voulons bien faire notre travail, de voir aussi ce qu'ils ont à dire.

Ici, la motion de mon collègue d'Hochelaga-Maisonneuve parle des gens du syndicat. Ça peut être les usagers, ça peut être la partie patronale. Mais c'est intéressant, la motion, parce qu'il n'y a pas tant d'exemples que ça qui ont été cités dans les consultations particulières. Je l'ai mentionné à quelques reprises. On est souvent revenu avec l'exemple du cimetière, l'exemple du transport collectif à Québec, le RTC. J'essaie de voir les autres qui ont été évoqués, on a peut-être évoqué les camps de jour pour les enfants, mais c'est vraiment ces deux exemples là qui sont... qui sont constamment revenus à l'avant-plan pour expliquer ce qui se passe dans ce projet de loi là. Le ministre, ayant lui-même, donc, abordé cet exemple-là, pourquoi on n'entend pas les parties prenantes pour voir qu'en est-il? Le ministre vient d'indiquer : Bien, bon, ce n'est pas juste le syndicat, c'est aussi de comprendre les impacts que ça a eus. Bien, les impacts que ça a eus... Moi, je serais bien d'accord, même, à amender cette motion-là puis dire : La partie patronale... le comité des usagers, si ça existe, je ne le sais pas, mais c'est un exemple phare qui a été utilisé.

Donc, moi, je voudrais savoir pourquoi. C'est quoi, les raisons de s'opposer à une telle motion qui vise à nous éclairer sur la portée de ce projet de loi là, en utilisant les exemples qui ont été mis sur la table par la ministre lui-même? Là, il nous a dit : C'est la dignité des usagers qui a été mise en cause. C'est des mots importants. Est-ce que ça, ça justifie des changements fondamentaux à notre droit du travail? Parce que c'est ça dont on parle. Puis j'aimerais revenir là-dessus, là. C'est que le ministre nous dit régulièrement : C'est fait avec précaution, c'est circonscrit, c'est mesuré. Et moi, je ne suis pas sûr. Quand je lis ce projet de loi là et qu'on vient jouer dans la définition des services essentiels pour la remplacer, compte tenu d'une jurisprudence qu'on juge un peu trop contraignante, par le principe de services assurant le bien-être de la population, c'est un changement. C'est fondamental. On parle des piliers de notre droit du travail. Puis ensuite l'autre notion, c'est la même chose, là, quand le ministre s'octroie, donc, un pouvoir de mettre fin à une grève puis de déférer à un arbitrage obligatoire. Là, on vient de parler du droit de grève. Alors, qu'est-ce qu'on a comme données? Qu'est-ce qu'on a comme... Est-ce qu'il y en a d'autres, des exemples, que le cimetière? Est-ce que le ministre a une liste, quelque part, des conflits de travail qui ont mené à l'adoption de ce projet de loi là, que, là, vraiment, on dit : La situation est vraiment épouvantable au Québec, donc il faut faire des changements aussi... Moi, je les qualifie de radicaux, les changements, parce que ce n'est pas... ce n'est pas... bon. Bien, «radicaux» est peut-être un... je vois le ministre réagir, là, c'est peut-être un mot fort, mais ce sont des changements extrêmement importants, la notion de services essentiels puis mettre fin à une grève par décret pour ensuite déférer à un arbitrage obligatoire, là. C'est majeur, je... laissez-moi utiliser ce mot-là, fondamental. Bon.

Alors, pour l'instant, ce qu'on a, c'est l'exemple du cimetière, qui a été beaucoup mentionné aussi par des gens qui sont venus en consultations particulières autant que par le ministre. Pourquoi on ne les entendrait pas, ces gens-là, qu'ils viennent nous expliquer? Tiens, on va le prendre comme laboratoire, comme exemple. Alors, moi, je pose la question : Qu'est-ce qui fait que, dans nos débats, on n'accepte pas plus d'ouverture, plus d'information, à moins que le ministre nous indique qu'il a beaucoup de données, puis beaucoup d'avis juridiques, puis beaucoup d'exemples à nous donner, puis pour nous éclairer? Moi, je dirais : Bien, si cet exemple-là, c'en est un qui est important pour lui, écoutons les gens, qu'est-ce qu'ils ont à nous dire sur les impacts...

M. Paradis : ...sur comment ça s'est passé, puis comment ils voient les impacts potentiels d'un projet de loi comme celui qu'on est en train d'étudier.

Le Président (M. Allaire) : Merci, M. le député de Jean-Talon. D'autres interventions concernant la motion préliminaire? S'il n'y a pas d'autre intervention, nous allons procéder à sa mise aux voix. Est-ce que la motion préliminaire est...

Une voix : ...

Le Président (M. Allaire) : Parfait. Par appel nominal, M. le secrétaire, s'il vous plaît.

Le Secrétaire : Pour, contre, abstention, M. Leduc (Hochelaga-Maisonneuve)?

M. Leduc : Pour.

Le Secrétaire : M. Boulet (Trois-Rivières)?

M. Boulet : Rejeté.

Le Secrétaire : M. Caron (Portneuf)?

M. Caron : Contre.

Le Secrétaire : M. Dufour (Abitibi-Est)?

M. Dufour : Contre.

Le Secrétaire : Mme Picard (Soulanges)?

Mme Picard : Contre.

Le Secrétaire : Mme Lachance (Bellechasse)?

Mme Lachance : Contre.

Le Secrétaire : M. Martel (Nicolet-Bécancour)?

M. Martel : Contre.

Le Secrétaire : Mme Prass (D'Arcy-McGee)?

Mme Prass : Pour.

Le Secrétaire : M. Paradis (Jean-Talon)?

M. Paradis : Pour.

Le Secrétaire : M. Allaire (Maskinongé)?

Le Président (M. Allaire) : Abstention. La motion est donc rejetée.

Alors, on continue dans la rubrique des motions préliminaires. J'ai compris que M. le député de l'opposition... du deuxième groupe de l'opposition, pardon, M. le député d'Hochelaga-Maisonneuve avait une autre motion préliminaire. Je vous cède la parole.

M. Leduc : Merci, M. le Président. Je la lis :

«Que conformément à l'article 244 du règlement de l'Assemblée nationale, la Commission de l'économie du travail, avant d'entreprendre l'étude détaillée du projet de loi n° 89, Loi visant à considérer davantage les besoins de la population en cas de grève ou de lockout tienne des consultations particulières et qu'à cette fin, une entende la Fédération des employés du secteur public, secteur transport scolaire».

Le Président (M. Allaire) : Vous pouvez poursuivre. Ça va.

M. Leduc : Ce n'est pas la bonne qui est à l'écran. Il y a une petite erreur sur F...

Le Président (M. Allaire) : FESQ?

M. Leduc : FESP, en fait. ...la Fédérarion des employés du... C'est ça.

Le Président (M. Allaire) : On va la changer, mais je pense que l'essence est la même. On va la changer.

M. Leduc : Oui, il n'y a pas de problèmes. C'est une fédération de la CSN si on veut préciser, mais parfait, on s'entend que c'est la FESP que je précise, transport scolaire. Avant de plonger dans le transport scolaire, M. le Président, je veux juste mentionner qu'en plus de Joël et Patrick qui étaient là tantôt, il y avait aussi, j'ai même cité à quelques reprises Mme Linda Savolaro qui est là, de la fameuse FESP pour le secteur des cimetières. Alors, je l'ai nommée. Je la salue, elle était là également. Désolé pour la motion qui a été rachetée. On avait évidemment des espoirs modérés, je le dirais comme ça. Merci de vous être déplacée. Je veux répondre quand même sur quelques éléments du ministre, qu'il a utilisés dans sa réplique pour justifier son refus de la motion. Quand il dit : Ah! Bien là, ils font partie de la CSN, ils pouvaient s'exprimer à travers la CSN. Bon, il faut savoir que quand une centrale syndicale convoquée ici dans un format accéléré, là, des fois, c'est des une heure qu'on a, des fois c'est 45 minutes, puis je suis pas mal certain, de mémoire, que c'était 45 minutes, bien, ça fait un pitch de 10 minutes, hein, et ça ne fait pas beaucoup de temps pour s'exprimer sur les différents aspects, je vous dirais, les nombreux aspects de ce projet de loi là. Et ça ne fait pas beaucoup de temps pour aborder les différents conflits de travail qui sont traités à travers les interventions du ministre. Et en plus, le ministre dit qu'il y a peut-être un problème de dialogue social. On me demande si c'est correct...

Une voix : ...

M. Leduc : C'est la Fédération des employés de secteur public. On va vous envoyer la bonne version. Voulez-vous qu'on suspende un instant ou...

Le Président (M. Allaire) : Non, ça va. Je pense qu'on est... Quand même on a compris...

M. Leduc : O.K. C'est beau.

Le Président (M. Allaire) : ...le sens. Allez-y.

M. Leduc : Alors, je répète, c'est la Fédération des employés du secteur public, une fédération de la CSN, secteur transport scolaire. Voilà, je disais le ministre se plaignait à l'instant qu'il trouvait qu'il y avait manqué de dialogue social de la part des centrales syndicales qui sont venues unanimement lui dire qu'il n'y avait pas grand-chose à récupérer de son projet et qu'il devait le retirer. Cela étant dit, M. le Président, je lui ai reproché séance tenante, je lui reproche encore aujourd'hui, le dialogue social n'était pas fort, fort de son côté non plus, là, pendant ces échanges-là avec les centrales syndicales. M. le ministre avait des échanges très nourris avec les avocats, avocates, les experts en relations de travail, des groupes patronaux, mais en particulier les trois centrales qui sont venues. Je pense que c'était la CSN en particulier qu'il a... qu'il a mangé le micro pendant les minutes qui lui étaient réservées. Il n'y a eu absolument aucun échange avec la centrale. Ça fait que je trouve ça quand même particulier qu'on se plaigne qu'il n'y a pas de dialogue social de la part des centrales qui viennent en audience, mais qu'on ne pose comme ministre absolument aucune question et qu'on ne leur laisse absolument aucun espace pour répliquer et pour échanger. Donc ça fait un peu l'arroseur arrosé. Je ne trouve pas que c'est sa ligne de défense la plus solide, en toute humilité, M. le Président.

Maintenant, encore un petit accroc avant de tomber dans le transport scolaire, M. le Président. M. le ministre parlait à l'instant de la dignité humaine. Je pense que c'est évidemment quelque chose qui nous anime tous et toutes, la dignité humaine, mais on fait beaucoup de politique aussi pour ça, pour défendre, je pense, chacun, une certaine version de la dignité humaine qui, je l'espère, se rejoint en quelque part à quelques endroits. Cela étant dit, ça va poser des problèmes tantôt. Pourquoi? Parce que c'est...

M. Leduc : ...le terme qui est dans son projet de loi. Ce n'est pas «dignité humaine» qui est dans son projet de loi. C'est la sécurité sociale, économique et environnementale. Dans lequel ou lesquels de ces trois critères cadre celui qu'il nous explique comme étant celui de la dignité humaine? Est-ce la sécurité sociale, est-ce la sécurité économique, est-ce la sécurité environnementale? Nous le découvrirons lorsque nous serons rendus à l'article pertinent, ce qui sera pour un autre épisode, M. le Président.

• (11 h 20) •

Concentrons-nous, dans les prochaines minutes qui sont les nôtres, sur un autre dossier, qui a été quand même beaucoup utilisé par la ministre dans ses différentes interventions, qui est celui du transport scolaire. On a fait le tour, je pense, quand même du dossier tantôt du cimetière Notre-Dame-des-Neiges. Encore une fois, je salue les gens qui se sont déplacés, je salue les gens qui sont... qui nous écoutent, peut-être, ou qui vont nous écouter qui viennent de ce syndicat-là, mais imaginez-vous donc qu'il y a aussi des gens qui se sont déplacés aujourd'hui qui viennent du transport scolaire, du secteur du transport scolaire. J'ai Carolanne Laplante... Carole Laplante, pardon, Carole Laplante, qui est dans les gradins aussi, qui s'est déplacée aujourd'hui pour nous, et Mme Josée Dubé, qui est une vice-présidente de la FEESP, qui est responsable du transport scolaire. Donc, deux personnes qui sont disponibles aussi, M. le ministre, M. le Président, pour venir s'asseoir avec nous dans les prochaines minutes et venir nous expliquer leur réalité. Ça aussi, ça a été un exemple que le ministre a utilisé. Mon collègue de Jean-Talon l'évoquait à l'instant, il faisait la liste, là, la courte liste des exemples que le ministre a utilisés. Celui du transport scolaire est quand même assez fascinant parce que ce n'est pas le gouvernement, l'employeur, mais il a eu une influence, je dirais, assez frontale. La frontière entre le direct et l'indirect est très floue dans ce dossier-là. Parce qu'il savait que les conditions de travail n'étaient pas à la hauteur, le gouvernement savait qu'il y avait des énormes problèmes de recrutement et de rétention de main-d'œuvre dans le transport scolaire et que cette existence du problème de recrutement et de rétention menait à des... parfois, des ruptures de service, menait à des frustrations légitimes de parents qui devaient chambouler leur routine, faire plusieurs kilomètres, parfois en sens inverse de travail, écourter leur journée de travail. Bref, ça posait des enjeux de productivité dans plusieurs régions du Québec.

Et, pour ce faire, le gouvernement a dit : Bien là, une des façons que je peux intervenir, à défaut de tout nationaliser, je pense que ce n'est pas... ça n'a jamais été dans les cartons, là, ce n'est pas nécessairement ça que je propose non plus, mais, à défaut de tout nationaliser, qu'est-ce que je peux faire d'un point de vue d'investissement, bien, c'est de mettre de l'argent sur la table pour que les compagnies de transport aient des marges de manœuvre financière plus intéressantes afin de rehausser les salaires. Par contre, ce n'est pas une seule grosse compagnie qui contrôle tout le secteur, c'est quelques compagnies, certaines multinationales d'ailleurs. On l'évoquera tantôt, quand je lirai quelques cas d'espèce. Mais le gouvernement a dit, puis il l'avait fait dans d'autres scénarios dans le passé : Je vais financer, dans le fond, une augmentation de salaire. C'est un peu ça qu'il a fait, il a dit : Voici l'argent, plusieurs millions, et les compagnies... que je donne aux compagnies directement et qui doit servir à rehausser les salaires.

Qu'est-ce qui s'est passé? Quand on n'attache pas de conditions à des subventions du genre, puis on le voit dans, malheureusement, plusieurs dossiers au gouvernement, qu'est-ce qui se passe? Bien, ça ne se passe pas toujours très bien. Puis ce n'est pas l'intégralité des sommes qui ont été envoyées qui peuvent et qui servent, dans les faits, à l'augmentation de salaire. Et ça, qu'est-ce que ça génère comme sentiments, vous pensez, du côté des employés du transport scolaire? Vous êtes là, là, vous êtes un électeur, un citoyen, puis, statistiquement, il y a des bonnes chances que vous avez voté pour la CAQ dans votre région, votre gouvernement reconnaît que votre salaire n'est pas à la hauteur, vous voyez des collègues quitter ou embarquer dans le métier puis rester à peine quelques semaines parce que soit il y a quelque chose de plus payant à côté ou ils n'y voient pas vraiment d'avenir, vous voyez votre gouvernement dégager des sommes importantes pour dire : On reconnaît le problème et notre façon de contribuer à son règlement, à ce problème-là, c'est de mettre à disposition de vos employeurs des sommes importantes pour que ça dégringole, en anglais, on dit le «trickle-down economics»...

M. Leduc : ...via le mécanisme de la négociation de convention collective, idéalement. Je ne sais pas, là, c'est quoi, le taux de syndicalisation dans le milieu, ma compréhension, c'est qu'il est quand même assez fort, mais, bref, évidemment, ça allait passer par le truchement de la négociation. Mais ce n'est pas ça qui s'est passé, M. le Président. Ça a été passablement plus compliqué. Il y a eu des conflits, on va examiner quelques-uns, parce que ça a été marquant, suffisamment marquant pour que le ministre l'utilise comme exemple. Il l'a dit lui-même tantôt, si je ne me trompe, là, le transport scolaire, etc. Et voilà.

Alors, plongeons. J'ai ici quelques communiqués de presse intéressants, ça va sûrement faire référence à Transco qui, je pense, lui aussi, est une multinationale qui nous explique un peu certains aspects du conflit. Alors, le syndicat de Transco accepte l'hypothèse du règlement du conciliateur. Réunis en assemblée générale ce matin, les membres du Syndicat des travailleurs et travailleuses de Transco-CSN ont accepté à 69,4 %, par voie de scrutin secret, l'hypothèse soumise par le conciliateur ce mercredi 6 mars 2024. : «Nous avons accepté l'hypothèse de règlement du conciliateur qui contient des augmentations totales de 43 % sur la durée de la nouvelle convention collective de six ans et rétroactive au 1ᵉʳ juillet... Durant cette période, nous passerons, donc, du salaire hebdomadaire actuel de 634 $ à 907 $ au 1er juillet 2027. Nous avons également obtenu une augmentation de l'échelle de nos vacances, 90 % après la 15e année de service, ainsi qu'un... qu'une sixième journée de congé de maladie en 2025, déclare Carole Laplante, présidente de STTT-CSN - Carole Laplante qui, je le rappelle, est dans les gradins avec nous aujourd'hui, qui est disponible.

«Nous saluons la lutte exemplaire menée par les travailleuses et les travailleurs du syndicat qui ont tenu tête à une multinationale durant un peu plus de quatre mois afin de tenir ces bonifications et leurs conditions de travail. Tous les autres transporteurs devront tenir compte de l'effet de ces gains sur le marché de l'emploi. Et ça aussi, le syndicat peut en être fier, souligne Stéphanie Gratton, présidente par intérim de la Fédération des employées et employées de services publics-CSN.» La FEESP, dont je faisais référence, est-ce qu'on l'a rajouté finalement? Oui, elle est dans la motion. Parfait. Merveilleux.

Je continue : «Dans le contexte  d'inflation majeure, quand on se bat pour améliorer nos conditions de travail et de vie, on le fait avec notre cœur et avec cette énergie de la juste cause. Tout au long de leur négociation, j'ai vu les membres porter fièrement cette cause des chauffeurs et chauffeuses d'autobus scolaires. Nous partageons cette fierté et nous sommes convaincus que leur contribution à ce combat constitue une avancée pour tous et toutes, ajoute Dominique Daigneault, présidente du Conseil central de Montréal métropolitain-CSN. Au nom de la CSN, je tiens à féliciter la combativité des membres du syndicat de Transco, leur ténacité, leur détermination et surtout leur solidarité dans ce parcours de négociation marqué par un conflit difficile. Se tenir debout et garder la tête haute entre les parents des enfants et l'attitude cavalière et intransigeante de leur employeur - pas l'employeur des enfants, bien sûr, l'employeur des travailleurs et travailleuses - n'a pas été de tout repos, conclut Caroline Senneville, présidente de la CSN.» Là, il y a une petite explication.

«À propos, le STTT - donc le Syndicat des travailleurs et travailleuses de Transco - compte près de 350 membres responsables d'autant de parcours de transport scolaire. La FEESP-CSN compte plus de 425 syndicats affiliés représentant 65 000 membres, etc. »

Augmentation totale de 43 % de salaire, c'est quand même massif, c'est intéressant. Ça, c'est un exemple de conciliation qui a fonctionné. Tantôt j'évoquais un exemple qui n'a pas pu marcher, celui-là a fonctionné. Savez-vous pourquoi? Parce qu'il y a eu, on pourrait dire, une intervention politique. Quand ça a commencé à brasser, là, avec des conflits de travail et des grèves, bien, il y a du monde qui ont commencé poser des questions : Comment ça se fait que l'argent que le ministère a déposé pour régler le conflit, bien, il n'aide pas à régler le conflit? Mais il n'a pas eu le choix d'avoir une réponse. Je n'ai pas la citation exacte, on la retrouvera peut-être, mais on peut regarder pendant ce temps-là. Le ministre Drainville, le ministre de l'Éducation a pris la parole dans le cadre de ce conflit-là pour dire : Oui, oui, on a mis de l'argent...

Le Président (M. Allaire) : Juste un petit rappel, M. le député...

M. Leduc : Utiliser le titre, bien sûr.

Le Président (M. Allaire) : Exactement. Merci.

M. Leduc : Le ministre de l'Éducation a pris la parole et a dit : Il faut que l'argent descende, il faut que ça serve. Intervention, donc, politique salutaire, parce qu'il y avait là un problème que le gouvernement reconnaissait, que le gouvernement voulait régler, mais qu'il avait mal attaché, on va le dire comme ça. Il n'y avait pas de condition, même si c'était implicite, mais il n'y a pas de condition qui avait été attachée aux sommes qui avaient été allouées pour le conflit des transports scolaires. Le ministre a été obligé de s'impliquer et de donner un petit clin d'oeil de facto à la partie syndicale en disant : Oui, oui, vous avez raison, cet argent-là était supposé d'être pour vous autres. Puis, visiblement, il ne l'est pas ou, en tout cas, pas au complet.

Alors, le ministre de l'Éducation, le 31 janvier 2023, a dit - je parlais du clin d'oeil : «Les chauffeurs doivent avoir leur juste part.» C'est ça, la citation du ministre de l'Éducation. Ça a été sa manière de...

M. Leduc : ...de plonger dans le conflit. On était à combien de millions ici? Je pense, c'est 130 millions qui avaient été mis sur la table. On pourra vérifier. Donc, intervention, encore une fois, politique mais salutaire pour que les 130 millions qui avaient été mis sur la table — je cherchais le chiffre tantôt, je l'ai trouvé — descendent pour de vrai dans les poches de ceux qui... que ça visait.

• (11 h 30) •

Alors, il y a une citation, encore une fois, là, du ministre, toujours dans Le Soleil, là, que je faisais référence à l'instant : «C'est une augmentation de 130 millions juste pour cette année, 2022-2023. Sur ces 130 millions, il y en a 112 qui sont allés dans les poches des transporteurs scolaires l'été passé lors du règlement du mois d'août dernier. On souhaite que les chauffeurs aient leur juste part de ces 112 millions. Ce n'est pas à nous de trancher cette juste part. Ça doit faire partie de la négociation.» Intéressant.

Le ministre de l'Éducation, donc, cette fois-ci, constate un peu les limites de son intervention, qu'il n'a pas réussi à attacher ça avec une conséquence exacte, mais, en même temps, fait un appel à la négociation bien senti en disant : Nous, on met des ressources, mais on n'ira pas microgérer puis on fait confiance à la négociation pour que ça progresse. Bien, intéressant, intéressant que, d'un côté, là, on a un ministre qui veut soit imposer la fin d'une grève avec un arbitrage, soit la limiter fondamentalement à travers des services essentiels déguisés, là, un service de bien-être, qu'on a appelé. Bien, intéressant. C'est une autre façon de procéder. On verra si ces deux-là sont d'accord au Conseil des ministres.

Prochain communiqué, M. le Président : «La CSN dénonce les mensonges de Transco Montréal. En ce lundi 15 janvier 2024, à la suite d'un communiqué de presse diffusé par l'employeur jeudi dernier, le Syndicat des travailleurs et travailleuses de Transco CSN a déposé au Tribunal administratif du travail une plainte pour négociation de mauvaise foi et pour ingérence et entrave aux activités du syndicat. En grève générale illimitée depuis le 31 octobre, le syndicat fait face à Transco Montréal, qui multiplie les interventions trompeuses dans le cadre des négociations avec ses salariés — citation — "Jeudi dernier, l'employeur a procédé à l'envoi d'un communiqué de presse mensonger aux médias, qui s'adresse clairement à nos membres, ce qui est interdit, et les boss le savent très bien. Depuis le début de la grève générale illimitée, entre autres, ce n'est pas la première fois que Transco Montréal tente de négocier directement avec les salariés, et, à cet égard, nous avons employé une mise en demeure contre ces manoeuvres le 3 novembre dernier. Il s'agit donc d'une récidive qui vise à miner à nouveau la crédibilité du comité de négociation. Nous avons rarement vu autant de manoeuvres antisyndicales de la part d'un employeur qui fait face à des travailleuses et à des travailleurs qui sont toujours plus en colère et qui ne vont pas se satisfaire d'un règlement au rabais", déclare Carole Laplante, présidente du STTCSN», que, je répète, est parmi nous. Elle est là, elle est disponible. Elle a fait le chemin aussi. Encore une fois, je ne sais pas si Mme Laplante est de Montréal ou de Québec, elle nous le dira plus tard, mais elle a fait le chemin pour être présente avec nous, pour passer la matinée avec nous. Elle est prête, elle peut descendre. Ça prend cinq minutes. Donnez-lui juste 15 minutes, si vous voulez, Mme... M. le Président, M. le ministre. Que ça soit juste 15 minutes, ça ne me dérange pas, on fera une question d'une minute chaque, les oppositions, mais entendez-les. Ils sont venus pour ça. Ils sont venus vous interpeler, M. le ministre, pour vous entendre et pouvoir transmettre leur réalité à votre réflexion.

Je continue le communiqué. «Transco Montréal répète à qui veut bien l'entendre que les demandes du syndicat sont déraisonnables et irréalistes, cherchant à négocier sur la place publique et à faire pression sur les salariés plutôt que de négocier de bonne foi avec le syndicat — citation — "Nous le répétons, Transco Montréal a toujours de la difficulté à recruter et à garder son monde avec les salaires versés avant le début de la grève. L'inflation et le prix élevé du logement poussent plusieurs salariés de l'entreprise à fréquenter des banques alimentaires chaque semaine pour arriver à combler leurs besoins de base. Les boss de Transco devraient avoir honte de mentir ainsi sur la place publique et d'agir de la sorte avec leurs salariés", souligne Josée Dubé, présidente du secteur des transports scolaires de la Fédération des employés de services publics CSN — qui est avec nous aujourd'hui. Rappelons qu'Autobus Transco inc. à Mascouche, détenu par la même propriétaire que Transco Montréal, a accepté une augmentation de 53 % sur six ans, qui a été négociée et entérinée par ses salariés en février 2023. L'argent a été versé par le gouvernement, la capacité de payer est là, et nous le savons parce que nous avons accès à toute l'information pertinente à cet effet. Selon les documents... obtenus — pardon — Transco Montréal a reçu une bonification de ses contrats d'environ 25 % depuis l'année scolaire 2021-2022. Cet argent versé aux transporteurs doit, entre autres, servir à bonifier les conditions de travail, parfois faméliques, dans le secteur.»

Intéressant. Donc, il y avait un conflit Transco Montréal, mais le voisin, Transco Mascouche, lui avait réglé, il avait réglé à 53 % sur six ans, mais, à Transco Montréal, pas de règlement, pas de règlement à l'horizon. Puis là il y avait...


 
 

11 h 30 (version non révisée)

M. Leduc : ...le travail. Encore une fois, on parle ici de communiqués de presse mensongers. Une intervention, qui se fait taper sur les doigts par le tribunal, d'ingérence dans les affaires syndicales. C'est un autre bon truc qu'on a dans le Code du travail du Québec que l'employeur ne peut pas commencer à aller s'ingérer dans la gestion d'un syndicat commence à communiquer par-dessus le syndicat à la table de négos. C'est quelque chose qui est difficile aussi à faire appliquer. Pour avoir été il y a quand même quelques années, ce n'est pas simple. Encore une fois, il faut faire sa preuve, il faut aller devant le tribunal, trouver une date, etc. La tape sur les doigts est somme toute très symbolique. Si le ministre cherche une manière d'adoucir les conflits et les réduire, pourquoi on ne serre pas la vis pour les employeurs qui seraient reconnus coupables d'ingérence dans les dossiers syndicaux comme ça? Ce serait passablement plus efficace pour les rares employeurs, mais ils ne sont pas légion. Je l'expliquais tantôt où 90 % des conventions collectives sont renouvelées, j'oserais dire dans la joie et la bonne humeur, là, avec pas de conflit de travail, pas d'intervention de conciliation.

Ça va plutôt bien, là les relations de travail au Québec, M. le Président, c'est essentiellement ça que nous ont dit les experts, là, que je n'ai pas l'occasion de citer encore. Mais il est où, le problème, là? Grosso modo, c'est ça qu'ils nous disent, là. C'est quoi la panique, là? C'est quoi l'affaire, là? On cherche. Bien, le ministre nous donne des pistes, il nous dit Cimetière Notre-Dame-des-Neige, il nous dit transport scolaire. Bien, ça devrait être des exemples qui l'inspireraient à agir sur d'autres volets. Qu'ils les augmentent les amendes pour les entreprises qui font de l'ingérence dans les affaires syndicales, qu'il les augmente les amendes pour les entreprises qui embauchent des travailleurs illégaux de remplacement qui est le terme français de «scabs». Là, il y aurait une influence réelle, positive sur la réduction de temps de conflit, peut-être même sur la réduction des conflits en général. Mais, à la place de ça, ils prennent la solution, j'oserais dire facile.

Je me rappelle une vieille annonce, c'est-tu Bureau en gros? Peut-être? Je ne sais pas s'ils l'ont encore, il y a comme un gros bouton, c'est écrit Simple dessus. On pèse sur le piton simple, on procède. J'ai l'impression que M. le ministre se cherchait un gros bouton Simple. Conflit de travail, c'est long, c'est compliqué. Woup! le fédéral a fait quelque chose, bouton Simple. Bien, non, ce n'est pas simple parce que, là, avec son bouton Simple, c'est simple pour lui, mais complique la réalité pour tout le monde. Il complique la réalité pour les négociateurs syndicaux, pour les négociateurs patronaux aussi. Complique la réalité, pour les... pour les arbitres qu'il va éventuellement nommer et imposer. Qu'est-ce qu'ils vont faire aux autres? Comment ils vont trancher la situation parfois insoluble?

Je faisais référence tantôt au plancher d'emploi au Cimetière Notre-Dame-des-Neiges. Comment vous trancher ça, vous, comme arbitre? Il y en a un, le patron le veut plus, le syndicat veut le garder. Allez-y, imposez-moi une convention collective. Vous le gardez ou pas, le plancher d'emploi? Puis, si vous le gardez, vous le mettez à combien? Vous l'imposez, là. C'est ça qu'il va faire, le ministre, là, il va décréter, il va demander un arbitre qui va décréter une convention collective. Dans le Code du travail, ça existe juste en ce moment, sauf erreur de ma part, lors d'une première convention collective. Quand il y a une première convention collective, un nouveau syndicat que l'employeur bloque pour toutes sortes de raisons, on peut utiliser l'arbitrage automatique d'une première convention collective, une seule des deux parties peut le demander, et ça s'applique. C'est le seul moment, parce que c'est la première convention collective, il faut que ça procède.

Je pense qu'historiquement on s'est doté de cet outil-là parce que c'est quand même une tactique patronale parfois. On l'a vu chez Walmart ou chez McDonald's, encore une fois, de staller, en bon français, assez longtemps que ça tanne tout le monde puis qu'après ça il y a une demande de révocation syndicale parce que, de toute façon, ça fait un an, deux ans, trois ans puis il n'y a toujours rien. Mais cette disposition-là, dans le projet, automatique, elle existe précisément pour faire respecter le droit d'association à un moment précis où c'est quand même facile au début de bloquer et de faire mourir à petit feu la création d'un syndicat dans un emploi donné.

La tâche que donne le ministre aux arbitres avec son projet de loi sera à mon avis un cadeau empoisonné. Ça sera aussi un cadeau empoisonné pour les... les les juges du TAT. On aura certainement l'occasion d'y revenir. Mais avec des critères aussi flous, on l'a dit tantôt en ouverture...

M. Leduc : …social, économique, environnemental. Là, le ministre parle de dignité humaine. C'est quoi ça, la sécurité sociale, la sécurité économique puis la sécurité environnementale. Comment les juges du TAT vont devoir gérer cette patate chaude là? Je parlais du bouton simple du ministre, là. C'est simple pour lui, parce qu'une fois qu'il a pesé dessus, envoye le TAT! Est-ce qu'on a... Est-ce que c'est pertinent d'assujettir ou pas le syndicat à ma nouvelle procédure? Wow!

• (11 h 40) •

Là, le ministre a l'air d'avoir décidé, lui, que, par exemple, le cimetière Côte-des-Neiges passerait le test puis il serait appliqué. Il n'a comme même pas l'air d'avoir de jeu, le tribunal, pour ce cas-là particulier, ça me… ça me conforte dans mon objectif de venir parler de quelques cas particuliers. Parce que, visiblement, lui, le ministre a déjà sa lecture personnelle. Puis c'est logique. C'est pour ça qu'il fait un projet de loi, j'imagine, en vertu de quelques cas qu'on a vécus.

Je continue avec un autre communiqué, M. le Président. Transco Montréal : Une grève générale illimitée qui traîne inutilement. Ce matin, les membres du Syndicat des travailleurs, travailleuses de Transco CSN ont tenu un piquetage symbolique afin de rappeler à la haute direction du centre de services scolaire de Montréal qu'ils sont en grève générale illimitée depuis le 31 octobre dernier. Citation : «Alors que les élèves retournent en classe, ce matin, nous ne sommes pas heureux d'en priver plusieurs de leur transport pour obtenir le salaire décent auquel nous avons droit. Ça fait bientôt trois mois que nous sommes en grève et près de deux ans que nous négocions avec notre employeur, et celui-ci refuse toujours de nous verser la part des sommes qu'il a pourtant bien reçues du gouvernement afin de bonifier nos salaires. Nous le précisons à nouveau, les salaires qui nous étaient versés au moment du déclenchement de notre grève ne parviennent même pas à attirer et à retenir les salaires dont nous avons besoin pour effectuer nos routes chaque jour. Et ce sont les enfants et leurs parents qui en paient le prix, déclare Carole Laplante, présidente du CSTT CSN… STTT CSN, pardon.»

Autre citation : «L'employeur devra l'admettre, de nouvelles données salariales sont en vigueur dans le secteur du transport scolaire. Plusieurs règlements reconnaissent enfin le difficile travail des conductrices et des conducteurs. Tous les employeurs ont reçu une bonification variant de 15 % à 30 % de la valeur de leurs contrats, et cet argent doit se rendre dans les poches de celles et de ceux qui conduisent les autobus, ajoute Frédéric Brun, président par intérim de la FESP-CSN. L'employeur mène une guerre d'usure et laisse inutilement traîner la négociation, pour la régler rapidement, il sait très bien ce qu'il a à faire.»

Autre citation : «Plusieurs des membres du syndicat doivent recourir aux banques alimentaires afin de répondre à leurs besoins essentiels. Et nous ne sommes pas les seuls à trouver que ça n'a pas de maudit bon sang. First Student, dont le siège social est à Cincinnati, fait partie des employeurs dans le transport scolaire qui refusent de verser l'argent reçu du gouvernement et, de ce fait, qui maintiennent leurs salariés sous les seuils de revenus viables. Pour vivre décemment à Montréal, l'Institut de recherche et d'information socio-économique a fixé ce seuil à 32 525 $ en 2023, insiste Dominique… présidente du Conseil centra du Montréal métropolitain CSN. Voilà pourquoi nous appuyons sans réserve ces femmes et ces hommes qui sont toujours très mobilisés et déterminés à aller chercher leur juste part de cet argent. Nous rappelons qu'au mois de février dernier, le ministre de l'Éducation, Bernard Drainville, est lui-même intervenu sur la place publique afin d'appuyer les revendications du secteur du transport scolaire de la FEESP-CSN, en soulignant que les chauffeuses et chauffeurs doivent avoir leur juste part, précise Caroline Senneville, présidente de la CSN. Les salariés du syndicat font partie du mouvement de travailleurs, travailleuses qui doivent malheureusement recourir à la grève pour aller chercher ce qui doit leur revenir. Nous allons être à leurs côtés jusqu'à ce qu'ils l'obtiennent.»

Cas de figure intéressants. Parce que, là, dans le scénario où ça se répète, mettons, ou qu'on se rapporte quelques années en arrière, ça a eu lieu, et que le projet de loi est déjà en vigueur, que fait le gouvernement? Parce que, d'un côté, il reconnaît le problème en mettant de l'argent, en bonifiant les contrats, en disant explicitement : Cela doit servir à bonifier les conditions de travail. Certains le font, certains ne le font pas. Chez ceux qui ne le font pas, grosse surprise, conflit de travail. Déjà que les salaires ne sont pas terribles. On parle de recourir aux banques alimentaires, quand vous êtes un travailleur à temps plein, pour un service, je pense… je ne sais pas si on appelle ça parapublic, bien, ça pose des questions.

Qu'aurait fait le gouvernement dans cette situation-là? Grève de transport scolaire prolongée de quelques mois à Montréal. Est-ce qu'on l'applique? Est-ce qu'on applique la limitation de la grève? Le premier volet de son projet de loi. Est-ce qu'on applique l'arbitrage obligatoire? Deuxième volet. Qu'est-ce qu'on a… On vient de dire : Ils ont raison de se battre pour leur juste part. Le ministre de l'Éducation dit ça. Est-ce que, dans ce cas-là, parce que c'est de l'argent public, on attend puis on laisse le conflit continuer? On va y aller par… cas par cas, M. le Président, et c'est ça qui m'inquiète de cette situation-là où le ministre se magasine des problèmes…

M. Leduc : ...il se magasine des conflits de cohérence, il se magasine de la pression des chambres de commerce, de la pression de ses propres députés, alors qu'il devrait plutôt faire confiance à un système, qui, somme toute, va plutôt bien. C'est ce que les experts nous ont dit en audience, dans les documents.

Alors, encore une fois, les deux représentants du secteur scolaire sont présents... présentes, c'est deux femmes, et sont disponibles pour descendre, pour nous entretenir ne serait-ce que 15 minutes, M. le ministre. J'aimerais bien qu'on puisse pouvoir les entendre. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Allaire) : Merci, M. le député d'Hochelaga-Maisonneuve. M. le ministre, la parole est à vous. Vous avez 30 minutes.

M. Boulet : Merci, M. le Président. Très rapidement, parce que je réalise que mon collègue d'Hochelaga-Maisonneuve a parlé plus d'un conflit de travail et, encore une fois, s'est intéressé au processus de négociation; le projet de loi n° 89 s'intéresse aux répercussions d'une impasse découlant d'une négociation et les impacts négatifs sur la population. Je rappellerai, pour les consultations particulières, là, rapidement, on a entendu le Conseil du patronat, la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante, la Fédération des chambres de commerce, les Manufacturiers et exportateurs de même que les centrales syndicales que sont la FTQ, la CSN, la CSQ et la CSD. Évidemment, dans ces organisations patronales et syndicales, il y a beaucoup d'employeurs puis il y a beaucoup d'accréditation syndicale et il y a beaucoup de secteurs.

Puis le collègue de Jean-Talon me parle : On veut savoir si vous rencontrez. Oui, quand il y a des conflits, quand il y a une impasse, et, oui, ça m'arrive de rencontrer quand il y a des impacts importants sur la population. C'est toujours des rencontres qui sont publiques et qui sont paritaires, une rencontre avec les porte-parole patronaux et une rencontre avec les porte-parole syndicaux pour jouer un rôle de facilitateur.

Les secteurs, il y en a beaucoup. Là, il n'y a pas que les services funéraires. Ce n'est pas le politique qui va décider, c'est des tribunaux indépendants. Puis on a parlé aussi du transport scolaire. Il y a 194 accréditations syndicales. Puis là, je vais entendre mon collègue d'Hochelaga-Maisonneuve, il n'y a pas que Transco, il y a 194 accréditations syndicales, tout le monde a son dossier spécifique, puis il y a 55 % des accréditations syndicales qui sont détenues par la CSN, et, oui, c'est préoccupant. Et ce n'est pas moi qui vais m'immiscer dans est-ce que les services minimalement requis pour assurer la sécurité sociale, économique, environnementale de la population s'appliquent, est-ce que la population est affectée de manière disproportionnée. Vous aurez à donner la réponse, et ça, je le dis, au Tribunal administratif du travail. Et c'est important de scinder, encore une fois, ce que nous faisons en étude détaillée sur le projet de loi du processus de négociation. Parce qu'il y en a énormément, on parle de près de 95 % qui se règlent sans conflit de travail, il y a eu 288 conflits de travail en 2024. Donc, il y en a un nombre substantiel.

Et je trouve ça intéressant quand le collègue d'Hochelaga-Maisonneuve nous invite notamment à monter les amendes quand il y a des cas d'ingérence patronale ou quand il y a l'utilisation de travailleurs et travailleuses de remplacement, ce qu'on appelle communément les briseurs de grève. Et j'ose souhaiter que c'est dans une infime minorité de cas, qu'il y a des dossiers véritables d'ingérence patronale et d'utilisation de briseurs de grève, alors qu'on invoque aussi dans notre dossier du P.L. 89 que la plupart des dossiers se règlent sans conflit de travail.

Alors, encore une fois, je pense que cette motion-là ne s'impose pas, elle n'est pas pertinente. Les consultations particulières ont permis à tous les groupes qui avaient fait l'objet d'une entente avec les autres partis, les autres leaders parlementaires... Alors, pour toutes ces raisons, nous nous opposons à cette motion, M. le Président.

Le Président (M. Allaire) : Merci, M. le ministre. D'autres interventions concernant cette motion préliminaire? Mme la ministre D'Arcy-McGee, vous avez 30 minutes.

Mme Prass : Merci, M. le Président. Encore une fois, dans un souci de démocratie, mous sommes bien d'accord avec la proposition du collègue pour entendre le plus de groupes possible, encore une fois, pour alimenter justement nos discussions au long de l'étude détaillée. Comme on le sait, chacun a ses réalités, que ce soit un syndicat, que ce soit un secteur de travail, et je pense qu'il est important d'entendre la voix de chacun. Donc, on appuie, la motion du collègue dans l'esprit de la démocratie. Merci...

Le Président (M. Allaire) : ...Merci à vous. Interventions? M. le député de Jean-Talon. Vous avez 10 minutes. La parole est à vous.

• (11 h 50) •

M. Paradis : Merci. Mais oui, de fait, c'est un peu le même principe. On a reçu des gens en consultations particulières, c'est vrai, qui sont venus éclairer nos débats. C'est très utile pour l'ensemble de la députation d'entendre des experts, d'entendre des parties prenantes venir nous expliquer ce qu'ils pensent du projet de loi. C'est toujours limité comme exercice, bien sûr. Et là on a la chance d'entendre des gens... Bon, je comprends que le ministre n'était peut-être pas au courant qu'il y avait des personnes concernées par les motions préliminaires du député d'Hochelaga-Maisonneuve qui étaient ici, mais il se trouve qu'elles sont ici, ces personnes-là, et qu'on passe beaucoup de temps à argumenter pour savoir si on devrait les entendre ou pas alors qu'elles sont là, et elles sont prêtes à descendre ici, sur le plancher du salon rouge pour être entendues. Alors, pourquoi pas? Pourquoi ne pas utiliser ce précieux temps qu'on a ensemble plutôt que de discuter est ce que, oui ou non, on devrait les entendre? Le député d'Hochelaga disait : Ne serait-ce que pour 15 minutes, on pourrait les entendre. Et, de fait, leur avis est important, parce qu'on discute aussi de cet exemple-là, on discute de ce service-là. On va se demander : Est-ce qu'e, oui ou non, ça entre dans le cadre des dispositions qui sont proposées dans le projet de loi n° 89? Quel impact ça aurait sur les parties prenantes? On a la chance de les avoir avec nous. Écoutons-les, on est dans la maison de la démocratie, on est dans la maison du peuple. La démocratie, c'est d'avoir des élus qui sont disposés à écouter, à entendre, pour ensuite se faire des meilleurs porte-parole des gens qu'on représente. Alors, je suis en faveur aussi de cette proposition du député d'Hochelaga-Maisonneuve.

Le Président (M. Allaire) : Merci, M. le député de Jean-Talon. D'autres interventions? S'il n'y a pas d'autres interventions, nous allons procéder à la mise aux voix de la motion préliminaire déposée par le député d'Hochelaga-Maisonneuve, par appel nominal, s'il vous plaît, M. le secrétaire.

Le Secrétaire : Pour, contre, abstention. M. Leduc (Hochelaga-Maisonneuve)?

M. Leduc : Pour.

Le Secrétaire : M. Boulet (Trois-Rivières)?

M. Boulet : Contre.

Le Secrétaire : M. Caron (Portneuf)?

M. Caron : Contre.

Le Secrétaire : M. Dufour (Abitibi-Est)?

M. Dufour : Contre.

Le Secrétaire : Mme Picard (Soulanges)?

Mme Picard : Contre.

Le Secrétaire : Mme Lachance (Bellechasse)?

Mme Lachance : Contre.

Le Secrétaire : M. Martel (Nicolet-Bécancour)?

M. Martel : Contre.

Le Secrétaire : Mme Prass (D'Arcy-McGee)?

Mme Prass : Pour.

Le Secrétaire : M. Paradis (Jean-Talon)?

M. Paradis : Pour.

Le Secrétaire : M. Allaire (Maskinongé)?

Le Président (M. Allaire) : Abstention. La motion est donc rejetée. M. le député d'Hochelaga-Maisonneuve, j'ai compris que vous aviez une troisième motion préliminaire, donc je vous cède la parole.

M. Leduc : Merci, M. le Président. La motion préliminaire va comme suit que :

Conformément à l'article 244 du règlement de l'Assemblée nationale, la Commission de l'économie du travail, avant d'entreprendre l'étude détaillée du projet de loi n° 89, Loi visant à considérer davantage les besoins de la population en cas de grève ou de lockout, tienne des consultations particulières et qu'à cette fin elle entende de la Fédération de la santé et des services sociaux, secteur CPE.

Le Président (M. Allaire) : Bon. Juste un petit instant parce que là, il y a eu comme des changements. Je comprends qu'on va faire les modifications. On a compris le groupe que vous souhaitiez qu'on reçoive à l'intérieur de votre motion. Donc, je pense que vous pouvez poursuivre, là, un peu comme tantôt, là, on va l'afficher lorsqu'on l'aura reçu.

M. Leduc : C'est la F3S-CSN, secteur CPE.

Le Président (M. Allaire) : Excellent. Merci.

M. Leduc : Je poursuis, M. le Président?

Le Président (M. Allaire) : ...

M. Leduc : Merci. Encore une fois, merci aux personnes qui se sont déplacées aujourd'hui. On vous salue. Je n'ai pas de représentantes secteur de CPE en Chambre aujourd'hui, M. le Président. Cependant, elles sont dans mon cœur parce que je les aime beaucoup. Vous savez, le conflit qui anime en ce moment le Québec dans le dossier des CPE, il y a un grosso modo, là, ce n'est pas 100 % syndiqués, hein, il y en a certaines en minorité, mais qui ne le sont pas, mais la grosse majorité l'est. Une partie qui est avec la CSQ à la FIPEQ, si je ne me trompe pas, qu'on salue. Eux ont obtenu un règlement. Une autre partie dans deux syndicats de la FTQ, si je ne me trompe pas, les Métallos et le SQEES, les employés de service aussi ont obtenu un règlement, mais on me disait l'autre jour que ce n'était pas encore signé, même si le règlement a été atteint. Et la grosse majorité, quelque part alentour de 80 ou 85 %, si ma mémoire est bonne, des travailleuses, beaucoup, travailleuses de l'éducation et des hommes bien sûr, mais c'est majorité écrasante de femmes, sont des... sont à la CSN, donc la FSSS, secteur CPE.

Le conflit n'est pas le premier. Moi, je me rappelle, ma fille était encore dans un CPE, c'est 2021 je pense, lors du dernier conflit général...

M. Leduc : ...qui avait duré quelques semaines entre deux ou trois semaines si ma mémoire est bonne. Elle était assez jeune pour que je la mette sur le siège arrière de mon vélo, qu'on fasse le tour de la circonscription, saluer les différentes personnes qui étaient en conflit, qui faisaient du piquetage. Et là, évidemment, elle est rendue à l'école, elle n'est plus disponible pour faire la tournée des CPE. Mais l'autre jour, il y avait un jour de grève, bien sûr, et j'étais dans ma circonscription, dans d'Hochelaga-Maisonneuve et j'ai fait le tour des lignes de piquetage. J'ai vu des femmes et des hommes, beaucoup de femmes, bien sûr, extrêmement motivées, passionnées, mais qui vivent une situation terrible parce que la négociation précédente, c'était supposé de faire une majoration. Elle a eu lieu en partie. Ce n'était pas exactement ce qu'elles souhaitaient, mais c'était mieux que rien. Mais là, on est encore devant une situation pire que 2021.

Pourquoi? D'une part, il y a une grosse négociation dans le secteur public et il y a eu des majorations de salaires importantes dans le secteur public, notamment le secteur de l'éducation et notamment les services de garde, secteur de l'éducation. Et c'est un travail très similaire à celui d'un service de garde en milieu de CPE. Et ça attire certainement les mêmes personnes. En d'autres mots, de très nombreuses éducatrices en CPE ont quitté le réseau pour se joindre au réseau scolaire. C'est très bien pour le réseau scolaire, mais c'est une catastrophe pour le réseau des CPE. La pénurie de main-d'oeuvre actuelle, elle est forte et elle ne se dirige pas pour s'améliorer dans un futur rapproché, M. le Président, parce que, en plus de tous les problèmes que je vous citais précédemment, bien, il y a celui de l'exode. Quand vous êtes payé plus cher de l'heure en venant travailler chez Costco, donc, une entreprise de grande surface, une épicerie de grande surface, on pourrait dire, vous êtes payé plus cher là que pour prendre soin des enfants de la nation, bien, non seulement c'est... ce n'est pas économiquement viable, mais il y a aussi un coût moral, je pense, symbolique qui est lourd à porter parce que vous vous dites l'État du Québec dans la duquel je suis une participante, duquel je suis une citoyenne auquel je livre une partie de mes impôts, de mon salaire via les impôts, bien, n'est pas capable de m'offrir un salaire similaire à celui d'une entreprise privée qui ne demande à peu près aucune qualification. Tandis que moi, en théorie, pour travailler dans un CPE, on me demande une technique minimalement. Ce faisant, l'exode a lieu, mais les besoins restent totaux à l'intérieur des CPE. Avec ce qui, se passe, allez-vous recruter toutes les personnes qui appliquent? Et il se passe la même chose qui s'est passée et qui se passe encore dans le réseau scolaire avec les professeurs. La proportion de personnes non qualifiées qui effectuent la tâche, elle a explosé.

Je faisais référence au ministre de l'Éducation tantôt quand ils nous avaient tous subjugués en disant : Il faut un adulte dans la classe. On avait compris que ça n'allait pas bien au scolaire au Québec. Mais à toutes fins pratiques, la ministre de la Famille pourrait utiliser les mêmes mots en ce moment pour les services de garde. Il faut un adulte dans la salle où les enfants passent leur journée. Et je dis ça, je ne suis pas en train de diminuer ou disqualifier toutes les femmes et les hommes qui ont levé la main et qui s'intéressent à cette profession-là, cette belle profession-là, ce beau milieu. D'ailleurs, je les remercie et je les salue chaleureusement de venir au front et nous permettre, à nous les jeunes parents, en particulier les jeunes femmes, de pouvoir retourner travailler. Par contre, force est de constater, et je m'en fais parler de plus en plus, autant par des professionnels, des travailleuses que des parents qu'il y a objectivement une baisse de la qualité des services qu'on offre dans les différents CPE. Puis ça, c'est un... C'est comme un cercle vicieux, M. le Président. La roue tourne en ce sens que les conditions de travail prennent du retard. Il y a des démissions, il y a des gens qui arrivent mais qui sont moins qualifiés. La qualité des services diminue. Bien, l'avenir n'est pas rose. Puis si vous n'êtes pas capables de trouver une place, bien, vous ne pouvez pas retourner au travail après votre SQAP. On a beau avoir fait une réforme intéressante du SQAP, le ministre et moi en 2019, si je me rappelle bien, dont il avait proposé de pouvoir étaler les semaines sur une plus longue période, réforme intéressante. Ça ne coûte pas beaucoup cher au gouvernement, mais...

M. Leduc : ...permettait d'accommoder certaines personnes qui préféraient peut-être avoir un petit peu moins d'argent, mais sur une plus longue période. Très bien. Donc, à la place d'un an maximum, maintenant, on peut l'étaler jusqu'à... je pense, c'est 18 mois, si ma mémoire est bonne. Mais au bout de 18 mois, malgré tout, là, s'il n'y a pas de place, on retourne travailler ou on ne retourne pas travailler? De facto, il y en a un des deux parents qui ne pourra pas retourner travailler. Ce n'est pas vrai qu'on a tous une tante, une grand-mère, une voisine, un ami qui est prête à semi-temps plein s'occuper de notre enfant en bas âge pour qu'on puisse aller travailler. Ça fait que soit on ne retourne pas travailler, on reste à la maison, soit on retourne travailler à temps partiel.

• (12 heures) •

Il y a une étude qui est sortie il y a quelques semaines, là, je ne l'ai pas avec moi, mais c'était de l'organisme Ma place au travail, des chiffres hallucinants sur le poids que représentent les imperfections du réseau sur les familles, et en particulier sur les femmes, sur les mères. C'est souvent la mère qui est choisie dans le couple pour rester à la maison et prolonger son congé et, de facto, mettre sur pause sa carrière. Potentiellement, parfois, peut-être renoncer à sa carrière ou, du moins, ruiner temporairement sa carrière. C'est les femmes qui lèvent la main, c'est les femmes qui prennent cette fonction-là, parfois, parce que c'est le moins gros salaire des deux dans le couple — statistiquement, c'est souvent ça — parfois, pour d'autres raisons. C'est des raisons personnelles aussi qui animent le couple, mais c'est aussi des raisons macroéconomiques, des raisons systémiques, un terme qui fait parfois peur au gouvernement, «systémique».

Blague à part, M. le Président, on en arrive à une situation où là le gouvernement, à cause d'une grève prolongée dans le secteur public, en particulier en éducation, a fini par mettre un peu d'argent sur la table pour régler le conflit, en même temps, se refuse d'aller chercher des nouveaux revenus. Donc, déficit important, c'est le deuxième déficit important quand même qu'on a dans le budget du gouvernement. Sauf que, là, ce n'est pas la fin des haricots pour tous les autres, là, le secteur des CPE, ils ont peut-être le malheur de passer après les profs et les emplois des secteurs publics, mais ils sont là pareil. Puis la crise, elle est totale pareil. S'il n'y a pas des rehaussements substantiels de conditions de travail dans le secteur des CPE et des services de garde de manière plus générale, ça va aller très mal dans le futur. Puis, un des signaux les plus criants que la ministre notamment devrait entendre, c'est la question de la fermeture d'une cohorte complète d'une technique d'éducation à l'enfance, au cégep Montmorency, je crois. Déjà qu'on a des problèmes de recrutement, hein? Déjà qu'on a aboli les bourses Perspective, là, il y a une cohorte complète qui se ferme. Ils ne sont pas capables de dire : Oui, là, il n'y a pas assez de monde qui est inscrit, ça ne vaut pas la peine d'avoir des profs, des salles, etc., de partir une cohorte, on annule cette cohorte-ci, ouf!

Ça fait qu'on n'est pas en train de se dire : Là, c'est une mauvaise passe, mais on se serre les dents, on se serre les coudes, on va traverser puis ça va être mieux dans une couple d'années. Rien qui nous garantit ça parce qu'on n'est même pas capable d'avoir des cohortes en ce moment de relève. Quand vous vous promenez sur les lignes de piquetage, là, M. le Président, là, qu'est-ce qu'elles nous disent, les travailleuses, les travailleurs des CPE? Ils font bataille pour elles, mais ils font surtout une bataille pour la relève. Celles qui étaient les plus ardentes sur les lignes de piquetage, ça m'a impressionnée, c'étaient beaucoup les éducatrices avec quelques années d'expérience, des 15, 20, 25 ans, 30 ans d'expérience. Puis elles achèvent tranquillement, elles se dirigent vers la retraite, mais elles veulent léguer un milieu au moins aussi bon que celui dans lequel elles sont arrivées à l'origine. Mais elles sont angoissées parce qu'elles ne sentent pas que c'est possible en ce moment. Il y a quelque chose d'assez triste, je pense qu'aucun parent ne veut vivre ça dans la vie, de savoir que la génération qui va nous suivre va l'avoir plus difficile que nous. On aimerait ça adhérer tout le monde à cette idée là, que toutes les générations qui nous suivent vont toujours avoir des moins gros défis que ceux que nous avons eus, que ce soit un peu moins difficile pour ceux qui vont suivre.

On aborde ici, en long et en large, le dossier du logement. Je pense, c'est un dossier assez facile à régler, ça. Objectivement, les jeunes, dans les prochaines années, vont l'avoir plus difficile que les deux, trois générations précédentes en matière d'accès à la propriété puis à l'accès au logement. Bien, c'est un peu ça qui anime les éducatrices.

Alors, de dire qu'un conflit qui ne se règle pas parce que le gouvernement, pour x ou y raisons, n'est pas en mesure de déposer une offre salariale décente, n'est pas en mesure de comprendre aussi qu'en déposant une offre salariale décente, c'est à peu près le seul instrument qu'il a pour la remplir, sa cohorte dans les cégeps puis éviter qu'il y en ait d'autres qui soient annulées. Pourquoi vous pensez que les...


 
 

12 h (version non révisée)

M. Leduc : ...gens ne s'inscrivent plus dans les techniques d'éducation à l'enfance. Bien, les salaires ne sont pas terribles. Pourquoi vous pensez que le monde quitte le réseau des CPE pour aller soit dans le réseau scolaire, soit au Costco, ou ailleurs? Bien, les salaires ne sont pas terribles. En plus, si vous allez dans le réseau scolaire, bien, vous avez des plus longues vacances l'été. Pas fermés... fermés, les services scolaires... les services de garde du secteur scolaire, durant l'été, l'école est fermée. Le CPE, lui, il est ouvert toute l'année. Il y en a, des vacances, là, mais il est ouvert toute l'année. Si vous n'êtes pas capables d'accoter, égaliser, si possible, mais, minimalement, accoter les salaires que vous avez... que vous venez juste d'offrir au secteur scolaire, bien, grosse surprise, ça ne passera pas.

Puis là on a connu la gradation classique d'un conflit de travail : des manifestations, des chandails, des couleurs. Je me rappelle, je venais juste d'être nommé responsable du dossier famille en janvier, il y avait une grosse manifestation ici, là, sur Charest, qui terminait pas loin du... ça devait être les bureaux du ministre de la Famille... de la ministre de la Famille, pardon. Bien, c'est ça, le classique, vous commencez par vous faire entendre, vous mobilisez votre monde, vous allez chercher des mandats de grève pour des petites portions. On commence par une journée de grève, on commence par deux journées de grève, on continue avec peut-être trois journées de grève.

Oui, je me rappellerai toute ma vie de l'ancienne grève de 2021. Puis moi-même, qui est un syndicaliste, un progressiste... bon, bien, coudon, on va les... on va les appuyer, nos amies éducatrices et autres travailleurs, travailleuses des CPE, parce que c'est important, parce qu'on veut que ça reste un milieu attractif. Bien, quand j'allais... quand j'arrivais au CPE, le matin, pour aller porter Jeanne, il y avait toujours le tableau, en particulier, le lundi, des repas de la semaine. On a eu, en long et en large, des débats ici, là, sur les repas scolaires, puis, des fois, on se faisait dire que c'était impossible, c'était compliqué, alors qu'il y a des repas fournis dans une écrasante majorité de CPE au Québec.

Tout ça pour dire que j'arrivais le matin, puis là on voyait le tableau des repas de la semaine, puis je pense que la grève générale commençait un mercredi. Il y avait le beau tableau qu'on voyait chaque matin, qui était réconfortant, avec les repas, puis là on regardait avec la... notre enfant. «Regarde, tu vas manger ça cette semaine», nanana, puis là il y avait, lundi, mardi, quelque chose, là, genre, des pâtes ou du couscous, puis là, woups! les mercredi, jeudi, vendredi, il y avait un beau gros X, et c'était, symboliquement, le conflit qui commençait. Et, comme je le disais tantôt, M. le Président, un conflit qui commence, on ne sait jamais quand est-ce qu'il se termine.

Et donc, replacez-vous, donc, dans les souliers, un instant, de... d'un travailleur, travailleuse, une éducatrice. Puis j'insiste, hein, toujours pour dire «travailleur, travailleuse». Pourquoi? Parce qu'évidemment, les éducatrices comptent pour le gros, hein, de la masse salariale puis des employés d'un CPE, mais il y a, bien sûr, des cadres aussi, des gens à l'administration, mais il y a aussi, en particulier, les gens à la cuisine, justement. On appelle ça des responsables de l'alimentation. Il y en avait un au CPE de ma fille, Jean-François, bien sympathique. Il nous offrait, des fois, des recettes de ses... de sa cuisine que notre enfant avait aimées, puis, à cet âge-là, on essaie beaucoup de faire découvrir des nouveaux aliments, bien sûr, à nos enfants. Tout ça pour dire qu'il y en a, de mémoire, à peu près 400. Donc, je fais toujours un point d'honneur de ne pas juste parler d'éducatrices, bien sûr, mais de l'ensemble des travailleurs, travailleuses, entre autres, en pensant à eux et elles.

Mais je pense aussi aux cadres, hein, parce que les cadres, dans les CPE, c'est un autre défi, ça. Ils n'ont pas le même mécanisme de convention collective. Puis je ne m'étendrai pas trop là-dedans, parce que ce n'est pas l'objet de la loi, mais il y a une grosse pénurie, aussi, de recrutement et de rétention de cadres là-dedans, dans les CPE. Mais je ferme la parenthèse.

Sur le dossier des travailleurs, travailleuses des CPE, donc, mettez-vous dans leurs souliers, là. Vous avez un réseau qui prend le bord, des collègues qui sont partis. Moi, j'en connais personnellement, là, des éducatrices qui ont quitté puis qui sont rendues aux services scolaires. J'en ai même croisé une, l'autre jour, en ligne de piquetage. C'était une ligne de piquetage contre le projet de loi n° 89, d'ailleurs, au Sommet de l'Est de Montréal. Puis il y avait une mère et sa fille, qui étaient au... qui étaient d'origine... du CPE où Jeanne est allée, donc éducatrices de mère en fille, fascinant. Et sa fille avait pris la décision douloureuse de quitter le CPE, auquel elle était allée elle-même, d'ailleurs, dans sa jeunesse, pour aller travailler dans un... dans le réseau scolaire, et elle m'expliquait qu'au rang 4 dans l'échelon salarial des CPE... elle quittait, donc, au rang 4 et elle rentrait au rang 1... parce qu'elle ne se faisait pas reconnaître d'expérience, elle rentrait au rang 1 dans le réseau scolaire, service de garde dans le réseau scolaire, et elle avait 7 $ de plus de l'heure. C'est quand même hallucinant. Vous êtes au rang 4, comme éducatrice...

M. Leduc : ...j'imagine, ça ressemble... ça veut dire quatre ans d'expérience, quelque chose comme ça, puis vous rentrez à l'échelon 1, vous avez 7 $ de plus, vous baissez d'échelon, pour faire un travail somme toute similaire, puis vous baissez d'échelon, mais vous avez 7 $ de plus. Fascinant. Fascinant. Qu'est-ce qu'on leur dit, donc, symboliquement, à elles et eux des CPE? On a eu des nombreuses questions ici, au salon rouge, avec la ministre. C'était soit la ministre de la Famille qui me répondait, parfois la ministre du Conseil du trésor, la présidente du Conseil du trésor, vu que c'est un aspect des négos. Bien, on me disait : La négo continue, etc.

• (12 h 10) •

Mais, quand on fait l'analyse froide des motivations du gouvernement avec ce projet de loi, le projet de loi n° 89 que nous étudions depuis ce matin en étude détaillée, vous regardez l'état des lieux, là, c'est quoi, le conflit important de travail qui est à nos portes et qui risque d'avoir un impact majeur sur la population, qui... et qui a déjà un impact majeur sur la population? Je faisais tantôt référence à la gradation. Bien, les semaines à trois jours de grève, c'est un gros défi logistique pour beaucoup de gens, pour beaucoup de gens. Moi, à l'époque, en 2021, quand il y avait eu des grèves prolongées, j'avais la chance d'être député puis d'avoir une certaine flexibilité dans mon horaire. Je pense qu'en plus, cette semaine-là, on ne siégeait pas, ça fait que j'étais en circo. Avec ma conjointe de l'époque, on avait patenté un horaire, mes grands-parents qui étaient en semi-retraite avec... tu sais, là, ils étaient un peu patchés. On était, dans les circonstances, très chanceux parce qu'il y a des nombreux parents qui vivent dans une ville, dans une région, parce qu'ils se sont expatriés de leur patelin, parce qu'ils n'ont pas de... ils n'ont pas de parents proches, pas de grands-parents, etc. On est dans une autre situation pour beaucoup de ces parents-là qui n'ont pas nécessairement un réseau solide pour palier en situation de grève. Bien, qu'est-ce qu'on nous dit, le gouvernement, qu'est-ce qu'il nous dit en termes d'analyse de la situation? Il dit : Là, il y a un conflit qui s'enligne, objectivement, pour dégénérer, parce qu'il n'y a pas d'offre sur la table pertinente, en tout cas, visiblement, rien qui s'approche pour accoter Costco puis le service public scolaire. Qu'est-ce qu'on pense qu'il va arriver? Bien, sans grande surprise, ça se peut que ce soit la prochaine étape, la grève générale.

Et, au même moment, on dépose un projet de loi pour limiter le droit de grève et faire un arbitrage exécutif. Là, sur le volet Arbitrage exécutif, j'ai compris que les CPE n'étaient pas affectés par ça, si je ne me trompe pas, assez tôt, le ministre y a fait référence. Donc, pour l'arbitrage exécutoire, j'ai dit «exécutif» tantôt, c'est exécutoire, là, le gouvernement a dit : Non, non, non, ça, il y a des secteurs complets, là, écartez et il n'y aura pas de... il n'y aura pas d'arbitrage pour ces gens-là. Bien, pourquoi il fait ça? C'est quand même étonnant, tu sais. Il pourrait dire : Je mets fin à la grève avec l'arbitrage. Bien, ce qu'on a eu comme explication dans les audiences du ministre, c'était : Bien, là, on parle des deniers de l'État puis de l'État comme employeur. Ah bon? Ça fait que, quand c'est l'État, l'employeur, puis quand c'est de l'argent public, là, ça ne peut pas être un arbitrage. C'est intéressant. C'est-tu parce qu'ils auraient peur que l'arbitrage donne des conditions qui, à ses yeux, seraient trop généreuses? On parlait tantôt des limitations d'arbitrage, de couper la poire en deux. Bien, couper la poire en deux, entre le salaire de Costco puis le salaire actuel des éducatrices non qualifiées, qui est à 2,40 $ d'être le salaire minimum, là, à partir du 1er mai, peut-être que ça stresse pas mal le gouvernement, parce qu'évidemment toujours refuser d'aller chercher des revenus supplémentaires, bien, ça vous limite dans vos capacités à déposer des budgets équilibrés puis remplir vos obligations d'État employeur puis de fournir des services de qualité à la population qui paient taxes et impôts, puis qu'ils s'attendent à ça, avec raison. Bon. Il faut vraiment être un peu pogné.

Mais quel message ça envoie? Puis je n'ai pas entendu ni le ministre du Travail, ni la présidente du Conseil du trésor, ni la ministre de la Famille s'engager et rassurer le secteur des CPE, qui se dirige vers la grève en généralité, et leur dire : Là, il y a ça, là, il y a le 89, là, mais on ne s'en servira pas avec vous autres. Je ne l'ai pas entendu prononcer ces mots-là. Je répète, ni le ministre du Travail, ni la présidente du Conseil du trésor, ni la ministre de la Famille. Deux explications pourquoi je n'ai pas entendu prononcer ces mots-là. Il n'y en a pas 50, il y en a juste deux, soit parce que ça n'a pas adonné...

M. Leduc : ...ou soit parce que c'est ça, l'objectif, que là on veut se donner d'un outil législatif, que je considère autoritaire, pour casser une grève. On a fait référence aussi, le ministre l'a dit depuis ce matin, à la grève des profs. On a tous deviné et tous très bien compris que, si le p.l. 89 avait été en fonction pendant la grève des profs de l'an dernier, que moi, je qualifie de grève héroïque, en particulier, notamment, les profs de la FAE, qui n'avaient pas de fond de grève... on a tous compris que, si le p.l. 89 avait été en vigueur l'an dernier avec la grève de la FAE, bien, le... ça aurait été appliqué.

Le Président (M. Allaire) : M. le député, je vous invite simplement à la prudence pour ne pas prêter des intentions dans ce cas-ci. Je comprends que vous exprimez une opinion, mais la ligne, elle est très mince. Faites attention, s'il vous plaît.

M. Leduc : Parfait. Je vais me discipliner, M. le Président. Donc, si c'est un peu ça, l'opinion qu'on peut laisser entendre ou qu'on peut deviner ou analyser des commentaires du ministre, qui fait référence à la grève des profs quand on parle de conflits de travail, on peut en déduire ça, que ça aurait peut-être été un instrument utilisable, pour le moins, par le gouvernement il y a un an.

Bien, c'est quoi le conflit similaire qui s'en vient qui s'en approche le plus? C'est celle-là. C'est 400 CPE, si je ne me trompe pas, qui sont affiliés à la CSN à la grandeur du Québec. C'est beaucoup de monde, ça. C'est des milliers de travailleurs, travailleuses, éducatrices, responsables en alimentation, de gens à l'administration, des milliers de personnes dans toutes les régions du Québec, là, pas d'une région ou d'une autre, partout. Partout au Québec, elles sont là. Et là on a un gouvernement qui leur dit : En tout cas, négociez comme vous voulez, mais p.l. 89, il est là, il s'en vient. Puis d'habitude un gouvernement qui se dote d'un pouvoir vise à l'exercer.

Je lisais un mémoire hier du CRIMT, je pense, qui utilisait la métaphore de Tchekhov, je ne sais pas si je vais le retrouver, mais c'est un... évidemment, un dramaturge russe bien connu. Alors, je vous lis un extrait du mémoire du CRIMT, ça m'a bien fait rigoler, page 47 : «Principe dramaturgique, la métaphore du fusil de Tchekhov. Principe dramaturgique attribué à l'auteur de théâtre russe Anton Tchekhov, qui aurait notamment dit : "Si, dans le premier acte, vous dites qu'il y a un fusil accroché au mur, alors il faut absolument qu'un coup de feu soit tiré avec au second ou au troisième acte. S'il n'est pas destiné à être utilisé, il n'a rien à faire là."»

Donc, la métaphore du fusil de Tchekhov : si vous inventez un moyen législatif dans une situation donnée, c'est assez normal de prendre pour acquis qu'il va être utilisé dans ladite situation donnée. Alors, si en pleine grève, partielle pour l'instant, des CPE, on a un gouvernement qui se dote, qui veut se doter de pouvoirs assez autoritaires en matière de restriction des droits de grève, bien là, je ne pense pas qu'on est en train de faire des procès d'intention, M. le Président, en prenant pour acquis que, si le gouvernement se dote d'un pouvoir, c'est qu'il a l'intention de s'en servir.

Puis là la grève générale, elle est à nos portes, là. On avait un petit espoir la fin de semaine dernière... pas celle-ci, celle d'avant, il y a deux fins de semaine, M. le Président, petit espoir. J'avais même taquiné la présidente du Conseil du trésor ici, au salon rouge, en disant : Je vous mets au défi, Mme la Présidente du Conseil du trésor, réglez en fin de semaine. Comme ça, les trois jours de grève, qui allaient commencer le lundi, mardi, mercredi, peuvent être annulés. Hein, des grèves qui sont annoncées d'avance, ce n'est pas une fatalité. Si on trouve un règlement entre-temps, on annule la grève puis tout le monde est content. On retourne travailler, tout le monde, on fignole les trois, quatre virgules de l'entente de principe, puis on signe quelque chose, avec une belle petite photo, puis une belle publication sur les réseaux sociaux, puis des beaux communiqués quelques semaines plus tard.

Les échos que j'ai eus, c'est que ça avait quand même avancé durant la fin de semaine, qu'il y avait eu des... du bon à la table de négo sur les CPE, mais malheureusement pas de règlement, pas de règlement. Et là, pas de règlement, la gradation, là, normale, convenue, j'oserais dire, d'à peu près tout le monde dans le milieu du travail, l'étape qui reste, bien, c'est la... c'est la grève générale. Et là les braves travailleuses et travailleurs, éducatrices des CPE vont se poser la question, là, dans le déclenchement d'une grève générale, ils vont se poser une double question, en fait : Quand est-ce... Là, on commence, mais quand est-ce que ça va finir? Combien de temps ça va prendre? C'est une question lourde, ça, parce qu'en plus elles l'ont, pour la plupart, vécu il y a quelques... quelques années à peine. Il y a quatre ans, 2021. Ça ne fait pas des...

M. Leduc : ...ils ont une mémoire très vive de ça. Puis il y a quatre ans, c'était particulier, M. le Président, on sortait de presque deux ans de pandémie, pendant lesquels, à toutes les semaines, le premier ministre se faisait un devoir, puis il avait raison de le faire, parce que je trouvais que c'était un moment sympathique, de saluer tous nos anges gardiens. Il le faisait dans sa conférence de presse, là, quotidienne. C'était à 13 heures, je pense. Je m'en rappelle, c'était pendant la sieste de la petite. Ça fait qu'on se donnait un petit moment pour l'écouter. Conférence de presse quotidienne du premier ministre. Puis finalement il a pris l'habitude de nommer des anges gardiens. C'était beaucoup des employés du secteur de la santé, bien sûr, mais il a nommé, je pense que ça a été plus large, me je me rappelle d'une fois ou deux qu'il avait nommé les éducatrices, les travailleurs de CPE, notamment parce qu'ils avaient été restés... étaient restés ouverts pour une partie de population, là. Ce n'est pas tout le monde qui peut envoyer son enfant, bien sûr, mais les travailleurs essentiels de la pandémie pouvaient évidemment envoyer leur enfant parce qu'autrement ils n'auraient pas pu aller travailler, des infirmières, des préposés aux bénéficiaires, etc.

• (12 h 20) •

Bien, il s'était fait dire pendant la pandémie, période extrêmement dure pour tout le monde, qu'ils étaient des anges gardiens, que la nation, là, fonctionnait dans les circonstances, en bonne partie parce qu'elles étaient en train de faire leur travail. Bien, c'est gratifiant, ça, quand le premier ministre du Québec, en direct à la télévision nationale, vous qualifie d'ange gardien. C'est un beau moment. Ça marque les esprits avec raison. Et encore une fois, je le dis, je crois que c'est un beau geste du premier ministre à ce moment-là. Mais les bottines n'ont pas suivi les babines, comme on dit. Quand est arrivé le moment de négocier pour ajuster les conditions de travail, là, bien, le gouvernement n'était plus là. Le gouvernement n'était plus dans cette même logique d'ange gardien.

Donc, il y avait eu des beaux mots, mais ça ne s'est pas accompagné de conséquences. Il faut donc prendre en compte cette situation-là où le gouvernement, dans un contexte de conflit de travail qui dégénère, qu'il n'est pas capable de régler, qu'il pourrait régler facilement s'il mettait une offre décente pour accoter le salaire du Costco ou du secteur scolaire. Il y a le p.l. no° 89 qui est là. Puis ils vont se poser une question très sérieuse : Est-ce qu'on va en grève? Combien de temps ça va finir... ça va durer? Et surtout, est-ce que le 89 va nous tomber sur la tête pendant ce chemin-là? Et je souhaite de tout cœur que s'il y a une grève, qu'il y ait un conflit travail serein, mais surtout qu'ils obtiennent un règlement rapidement, puis qu'on évite si possible la grève, mais certainement qu'on évite le p.l. no° 89dans leurs pattes.

Le Président (M. Allaire) : Merci, M. le député. M. le ministre, la parole est à vous.

M. Boulet : Oui. Merci, M. le Président. Évidemment, pour les mêmes raisons déjà invoquées, cette motion ne peut être acceptée. En même temps, je ne veux pas m'immiscer dans un processus de négociation en cours. J'ai beaucoup de respect pour les parties, les éducateurs, les éducatrices, les familles, les parents, les enfants, et moi aussi, je souhaite un règlement rapide à la satisfaction des parties. Je pense que tout est sur la table. Il s'agit de faire une entente et de régler ce dossier-là. Et ceci dit, il faut faire attention avec les mécanismes qui sont dans le projet de loi. Il y a deux mécanismes ou deux outils. Le premier s'applique aux CPE, les services minimalement requis pour assurer la sécurité de la population affectée de manière disproportionnée. Mais le deuxième mécanisme d'arbitrage ne s'applique pas parce qu'on est dans la sphère des finances publiques et ne s'applique pas dans le cas des CPE. Je ne sais pas si mon collègue... Le deuxième mécanisme ne s'applique pas. O.K. On se comprenait là-dessus. O.K. C'est tout, c'est complet, M. le Président.

Le Président (M. Allaire) : Merci. D'autres interventions concernant cette motion préliminaire. M. le député de Jean-Talon, vous souhaitez intervenir? Ça va? S'il n'y a pas d'autre intervention, nous allons procéder à la mise aux voix de la motion préliminaire. Est-ce que cette motion est adoptée?

Une voix : Par appel nominal.

Le Président (M. Allaire) : Par appel nominal. M. le secrétaire.

Le Secrétaire : Pour, contre, abstention, M. Leduc (Hochelaga-Maisonneuve)?

M. Leduc : Pour.

Le Secrétaire : M. Boulet (Trois-Rivières)?

M. Boulet : Contre.

Le Secrétaire : M. Caron (Portneuf)?

M. Caron : Contre.

Le Secrétaire : M. Dufour (Abitibi-Est)?

M. Dufour : Contre.

Le Secrétaire : Mme Picard (Soulanges)?

Mme Picard : Contre.

Le Secrétaire : Mme Lachance (Bellechasse)?

Mme Lachance : Contre.

Le Secrétaire : M. Martel (Nicolet-Bécancour)?

M. Martel : Contre.

Le Secrétaire : Mme Prass (D'Arcy-McGee)?

Mme Prass : Abstention.

Le Secrétaire : M. Paradis (Jean-Talon)?

M. Paradis : Pour.

Le Secrétaire : M. Allaire (Maskinongé)?

Le Président (M. Allaire) : Abstention. Cette motion est donc rejetée.

On poursuit donc avec une quatrième motion préliminaire déposée par le député d'Hochelaga-Maisonneuve. La parole est à vous.

M. Leduc : Merci, M. le Président. La motion se lit comme suit :       «Que, conformément à l'article 244 du règlement de l'Assemblée nationale, la Commission de l'économie et du travail, avant d'entreprendre l'étude détaillée du projet de loi n° 89, Loi visant à considérer davantage les besoins de la population en cas de grève ou de lockout, tienne des consultations particulières et qu'à cette fin elle entende...

M. Leduc : ...le Syndicat des salariés d'entretien du Réseau de transport de la Capitale. Avez-vous la bonne version à l'écran?

Le Président (M. Allaire) : Non, mais on va la mettre...

M. Leduc : On va la mettre.

Le Président (M. Allaire) : ...ça ne sera pas très long. Vous pouvez poursuivre. Ça va.

M. Leduc : Dans la liste des groupes que le ministre fait référence, donc, ce matin, on a eu : Syndicat Notre-Dame-des-Neiges, les transports scolaires. On vient de parler des CPE. Un autre qui est souvent utilisé par le ministre, c'est celui du RTC, la grève qui a eu lieu en juillet 2023, si ma mémoire est bonne, qui a duré quatre jours ou, en tout cas, quelque chose comme ça. Le ministre s'en sert souvent de cet exemple-là. D'ailleurs, c'est une des premières fois, je me rappelle que, moi, on me demandait de me prononcer, tu sais, puis je pense que le maire de Québec avait dit : Oui, mais là ça devrait être un service essentiel. Et là le ministre était un peu, je dirais, assis entre deux chaises, en ce sens que ça ne fait pas si longtemps qu'on avait adopté la loi pour mettre à jour la définition de services essentiels. Ça ne faisait pas partie de sécurité physique des personnes.

Donc, on avait eu une espèce d'échange par communiqué et citation interposés où on devait se poser la question, est-ce que le RTC fait partie de ça. Puis au regard très froid des critères que nous avions nous-mêmes adoptés ici, en cette Chambre, en 2019, bien, ça n'affectait pas la sécurité physique et la santé physique des personnes, une grève du RTC, aussi désagréable logistiquement puisse-t-elle être. J'ai... Je suis assez vieux maintenant, pour avoir été longtemps un usager, je le suis encore d'ailleurs à l'occasion, un usager du métro de Montréal, notamment quand j'étudiais à l'UQAM, où il y avait eu quelques grèves à la STM à l'époque et... bien, le métro, il ne passait pas à toutes les heures de la journée. C'était l'ancienne loi où là il y avait des restrictions, puis il fallait utiliser des périodes particulières pour aller et revenir à Montréal, autrement, on attendait.

Cette grève-là, si mon souvenir est bon, au RTC a été, je dirais... Le cadre de ça, c'était le Festival d'été de Québec, hein, c'est pour ça que ça brassait un peu du côté notamment de la mairie. Mais il y avait le Festival de Québec, un événement monstre, là, dans la région... dans la belle région de Québec, qui attire des dizaines et des dizaines de milliers de touristes du Québec, du Canada, des États-Unis, d'un peu partout dans le monde, en fait, et qui et qui est très populaire, très populaire, le Festival d'été de Québec. J'en suis moi-même un participant à quelques occasions. Il y avait donc, pour le syndicat des transports de la RTC, des employés de la RTC, une occasion à ne pas manquer, hein? Le ministre a fait assez de relations de travail pour comprendre la nature d'un rapport de force.

Un rapport de force, d'ailleurs, des fois, on cherche un équivalent en anglais puis ça n'existe pas vraiment. C'est un terme très, très particulier en français. Le rapport de force, c'est de voir laquelle des deux parties a symboliquement, effectivement, le haut du bâton, comment ils peuvent utiliser toutes sortes d'éléments pour construire, on dit ça, «construire un rapport de force» par rapport à son vis-à-vis. C'est donc une manière qui existe pour la partie syndicale de se faire entendre, quel est ton rapport de force. La grève, on l'évoquait tantôt, est elle-même une participation à la construction de ce rapport de force là. Et là, devant le Festival d'été de Québec qui allait avoir lieu, le RTC, le syndicat du RTC a dit : Bien, voilà, notre rapport de force, il est là, et nous allons l'exercer. Bien, c'est comme ça que ça marche, les négociations, les deux parties, patronales comme syndicales, profitent du contexte pour exercer un rapport de force.

Quand Trump menace des tarifs puis qu'il y a des industries qui menacent de fermer, qu'est-ce que vous pensez que vous pensez que les patrons font? Bien, ils utilisent le rapport de force du contexte, en disant : Peut-être qu'on va être obligés de baisser les salaires ou de renoncer à une partie du fonds de pension ou de baisser un peu les assurances, sinon, on ferme, il n'y a plus d'emploi. Mais c'est l'utilisation d'un contexte géopolitique, économique pour exercer un rapport de force. Vous ne verrez pas un ministre du Travail commencer à passer des lois pour interdire les employeurs d'utiliser un contexte x ou y pour se construire un rapport de force. C'est ça, la négociation. Mais c'est ça que le RTC a fait dans le contexte, le syndicat de la RTC a fait.

Le ministre faisait référence, dans ses explications, tantôt, sur la portion RTC, puis il l'a fait en audience aussi, puis je vous avoue que ça m'a un peu hérissé le poil des bras aux gens...

M. Leduc : ...au salaire minimum. Il a dit : Les gens au salaire minimum ont besoin des transports collectifs. C'est un service de bien-être, là, je ne sais pas laquelle des trois catégories, là, sociales, économiques, environnementales. J'imagine que, dans ce cas-ci, ça va être économique, mais il l'a dit, le plus sérieusement du monde : Les gens au salaire minimum ont besoin des services d'autobus. Bien, il a raison, il a raison, mais j'aimerais ça qu'il ait raison plus souvent, notamment sur la hauteur du salaire minimum.

Le Président (M. Allaire) : Merci. Merci, M. le député. Déjà 12 h 30, vous allez pouvoir reprendre cet après-midi.

Donc, compte tenu de l'heure, la commission suspend ses travaux. Merci, tout le monde. Bon dîner.

(Suspension de la séance à 12 h 30)


 
 

15 h (version non révisée)

(Reprise à 15 h 27)

Le Président (M. Allaire) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît. Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission de l'économie et du travail ouverte. La commission est réunie afin d'entreprendre l'étude détaillée du projet de loi n° 89, Loi visant à considérer davantage les besoins de la population en cas de grève ou de lockout.

Donc, si vous vous souvenez, là, nous étions, ce matin, sur un amendement déposé par le député d'Hochelaga-Maisonneuve. M. le député d'Hochelaga-Maisonneuve, je vous laisse la parole. Il vous reste 24 minutes sur la motion préliminaire que vous avez déposée.

M. Leduc : Merci, M. le Président. Donc, en effet, j'avais déposé une motion préliminaire, que nous avions commencé à discuter, sur l'opportunité de faire venir en commission les syndicats qui représentent le RTC. C'est un exemple donc souvent utilisé par M. le ministre, pardon, pour justifier son intervention législative.

On se rappelle bien sûr de la grève de quatre jours qui a eu lieu à l'été 2023, en juillet si je ne me trompe pas, en lien avec le Festival d'été de Québec, le FEQ. Je suis allé relire, pendant la pause dîner, des extraits du jugement en lien avec le deuxième volet, parce que, dans le fond, il y a eu deux séquences de services essentiels, du moins de tentatives d'intégrer le RTC dans le giron des services essentiels de la part du... bien, de la direction du RTC, les employeurs. La première avait été faite pendant le conflit, donc de juillet 2023. Je pense que, là, c'était le conflit avec les chauffeurs d'autobus. Et là il y a une autre tentative un peu plus récente, donc en novembre 2024, en lien avec une grève des salariés d'entretien, donc deux corps d'emplois distincts. J'assume qu'ils sont dans des unités différentes, peut-être dans le même syndicat, mais deux unités différentes.

Je vais vous en lire quelques extraits, M. le Président. Donc, c'est le Tribunal du travail, bien sûr, le TAT qui rend sa décision le 19 novembre 2024, devant le juge administratif Pierre-Etienne Moran : «Une grève des salariés d'entretien du Réseau de transport de la capitale, le RTC ou l'employeur, entraînera à terme l'interruption complète du service de transport en commun à Québec. S'agit-il d'un service essentiel? C'est-à-dire un service dont l'interruption peut avoir pour effet de mettre en danger la santé ou la sécurité publique. Voilà la seule question à laquelle doit répondre le tribunal dans le cadre de son enquête. Suivant l'article 111. 0.17 du Code du travail. Une réponse affirmative permettra au tribunal de rencontrer... de rendre, pardon, une ordonnance assujettissant le Syndicat des salariés d'entretien du RTC-CSN...

M. Leduc : ...dit le syndicat et le RTC a l'obligation de maintenir des services essentiels en cas de grève. Sans contredit, l'assujettissement à une telle obligation constitue une restriction au droit de grève désormais constitutionnalisé... la preuve ne démontre pas qu'une telle grève peut avoir pour effet de mettre en danger la santé ou la sécurité publique. Par conséquent, il n'est pas indiqué de prononcer une ordonnance selon laquelle les parties doivent maintenir les services essentiels s'il y a grève». Donc, on comprend que la partie patronale a échoué dans sa tentative de démontrer qu'il y avait là danger, santé, sécurité physique des personnes. Je résume un peu les positions, là, positions des partis, l'employeur. «Le RTC plaide qu'une ordonnance d'assujettissement doit être ici prononcée car les salariés représentés par le syndicat rendent des services dans l'interruption pourrait avoir pour effet de mettre en danger la santé ou la sécurité de la population». On évoque que l'absence d'autobus augmenterait les détails... les délais d'intervention des services d'urgence. Ensuite, il pointe l'impossibilité d'accès aux soins de santé affectant surtout les personnes vulnérables ainsi que les effets de l'absence d'autobus disponibles sur les différents partenaires avec lesquels il y a des ententes en cas d'urgence ou de sinistre. J'attire votre attention sur personnes vulnérables, hein, c'est un terme que le ministre utilise souvent, je pense même qu'il est dans un des libellés du projet de loi. On y reviendra. Enfin, pour le RTC, la grève de 2023 n'est pas pertinente dans la présente enquête, puisqu'elle s'est déroulée dans une très courte période et durant l'été. Alors ça, c'est quand même drôle, ils avaient échoué dans la première tentative, mais là il décide de s'en distancer. Finalement, la grève, ce n'est pas trop grave de 2023, ça ne devrait pas être pertinent dans l'étude. Quand même rigolo.

• (15 h 30) •

La défense du syndicat va comme suit : Le syndicat plaide que l'interprétation restrictive de l'article 111.0.17 du Code du travail adoptée jusqu'ici par le tribunal et particulièrement dans la décision RTC, chauffeurs d'autobus, est appropriée, qu'il n'y a aucune raison de s'en écarter. Je vous disais tantôt qu'il y avait eu un jugement plus tôt sur la partie chauffeur. Et là le syndicat dit : Bien, vous aviez fait une bonne décision, on ne pense pas qu'il y a lieu de s'écarter de ça. C'est logique comme défense. Il estime que l'assujettissement, toujours le syndicat, «il estime que l'assujettissement n'est pas justifié. Il n'y a aucune preuve d'une mise en danger de la santé ou la sécurité publique en cas d'interruption de travail des salariés d'entretien et incidemment de l'absence du service de transport en commun. En ce qui concerne la dégradation des délais d'intervention des systèmes d'urgence en raison de la congestion routière provoquée par une grève, le syndicat réitère les conclusions de la décision RTC, chauffeurs d'autobus. De toute façon, la preuve nouvelle sur cette question ne soutient pas la position du RTC, ajoute-t-il». Enfin, le syndicat appelle le tribunal à considérer l'impact de la grève ayant eu lieu entre le 1er et le 5 juillet 2023, s'agissant d'une — citation — «opportunité inespérée de faire une analyse fine des effets réels, pratiques et sur le terrain et non purement théorique, modélisée, escomptée potentiellement ou supputée», donc le syndicat se cite en disant : Mais, voilà, on avait l'occasion de le voir, cette fameuse tentative de faire croire qu'une grève de transport allait tout faire... allait générer du chaos. Il dit : Bien, voilà, on l'a vu, ce n'est pas le cas.

Et là le jugement commence, analyse, le cadre juridique, l'article 111.0.17 du Code du travail se lit comme suit :

«Lorsqu'il est d'avis qu'une grève peut avoir — là, c'est l'article 11.0.17 — lorsqu'il est avis qu'une grève peut avoir pour effet de mettre en danger la santé ou la sécurité publique, le tribunal peut, de son propre chef ou à la demande d'un employeur ou d'une association accréditée dans un service public, peut ordonner à ceux-ci de maintenir le service essentiel en cas de grève. Pour le même motif, le tribunal peut, de son propre chef ou à la demande d'une entreprise qui n'est pas visée à l'article 111.0.16 ou d'une association accréditée de cette entreprise, ordonner à ceux-ci de maintenir des services essentiels en cas de grève si la nature des opérations de cette entreprise la rend assimilable à un service public. L'entreprise est alors considérée comme un service public pour l'application du présent code. Le tribunal peut en outre rendre une décision en application du premier ou du deuxième alinéa à la demande d'une personne autre qu'une partie s'il juge qu'elle a un intérêt suffisant. À compter de la date de la notification de la décision du tribunal aux parties, l'exercice du droit de grève est suspendu jusqu'à ce que l'association accréditée en cause se conforme aux exigences des articles 111.0.18 et 111.0.23.»

Et là on sort donc de l'analyse de l'article comme tel qui mobilise cet exercice-là, on retourne à l'analyse du tribunal : «Aux fins de décider s'il convient d'assujettir les parties à l'obligation de maintenir des services essentiels en cas de grève, le syndicat soutient qu'il faut examiner si l'interruption des services fournis par les salariés qu'il représente peut avoir pour effet de mettre en danger la santé ou la sécurité publique, c'est-à-dire une menace réelle, évidente et imminente. Le RTC appelle à une interprétation élargie de la notion de danger. Il argue dans une interprétation restrictive... il argue qu'une interprétation restrictive telle que celle suggérée par le syndicat est retenue dans la décision RTC, chauffeurs d'autobus, ajoute à la loi en posant des exigences qui n'y sont pas prévues, et ce, sans que sa constitutionnalité n'ait été contestée. Il ajoute qu'un tel seuil serait en décalage avec les textes de la loi et l'intention du législateur qui se dégage des propos du ministre du Travail qui parle d'incidence ou d'impact à l'occasion...


 
 

15 h 30 (version non révisée)

M. Leduc : ...les débats entourant l'adoption de la nouvelle mouture de l'article 111.0.7 du Code du travail en 2019. Le RTC se trouve à réprouver cette direction que le Tribunal faisait entre les risques et le danger. Je dis souvent aux ministres ici, d'ailleurs à micro ouvert, que nos échanges ont un impact sur le droit, bien, le voilà, le Tribunal a cité des échanges, des propos du ministre, que nous avions eus dans le cadre de la précédente adoption, en 2019, de cet article-là.

Je continue : «Le législateur a attribué au Tribunal la compétence d'assurer l'application diligente et efficace du Code du travail et d'exercer les autres fonctions que ce code que toute autre loi lui attribue. Les droits de grève et de lockout sont encadrés par les dispositions du chapitre 5 du Code du travail. Le chapitre 5.1 de cette même loi renferme quant à lui des dispositions particulières aux services publics, ce qu'est le RTC en tant qu'entreprise de transport par autobus. Le droit de grève constitue un élément essentiel d'un processus véritable de négociation collective. Il n'est pas seulement dérivé de la négociation collective, il en constitue une composition indispensable. La Cour suprême l'a consacré constitutionnellement en 2015 — et là c'était une citation de l'arrêt Saskatchewan.

«Cependant, il arrive que ce droit conditionnel ne puisse être exaucé dans sa plénitude par les salariés d'un service public, car le maintien des services essentiels s'impose. Cette obligation est déclenchée suivant une décision du Tribunal assujettissant les parties à ce régime d'exception, conformément à l'article 111.0.17 du Code du travail qui lui confère un pouvoir en ce sens. Dans la décision. RTC chauffeur d'autobus, le Tribunal s'est livré à une interprétation de la notion de danger, notamment en fonction du texte et de l'objet de la loi, mais aussi du contexte ayant donné lieu à l'adoption de la nouvelle mouture de l'article 111.0.17 du Code du travail. En effet, le texte de la disposition ainsi que la consécration du caractère conditionnel du droit de grève et l'interprétation restrictive qu'il sied d'accorder à la notion de service essentiel, comme l'enseigne la Cour suprême dans l'arrêt Saskatchewan, ont amené le Tribunal à envisager le danger comme une menace réelle, évidente et imminente pour la vie, la sûreté, la santé ou la sécurité de la population. La prudence est de mise afin de bien distinguer le danger du risque, comme le souligne le Tribunal. La lecture de ces quelques définitions tirées Dictionnaire de la langue française mène au constat que la notion de danger est beaucoup plus restreinte que celle de risque. Si la première comprend immanquablement la seconde, l'inverse n'est pas vrai. Cette interprétation tirée du texte est d'ailleurs conforme au contexte plus général qui appelle lui aussi une interprétation restrictive du danger en phase avec l'arrêt Saskatchewan.

«La Cour suprême fait sienne l'approche du Comité de la liberté syndicale du Bureau international du travail, soit une menace évidente et imminente pour la vie, la sécurité et la santé. Le danger est tout à fait étranger aux désagréments, aux inconvénients, aux incommodités et aux préjudices économiques. En ce sens, il faut se garder de qualifier un danger qui n'en est pas réellement un et qui pourrait amener le Tribunal, bien malgré lui, à substituer à la notion de service essentiel celle de service minimal de fonctionnement. Or, c'est un autre terme qu'on utilise ici, «service minimal de fonctionnement», on n'est pas loin de la langue du ministre, là, les bien-être, etc. Intéressant.

«Solutions de rechange et des mesures d'atténuation. L'identification d'un danger appelle à considérer l'existence de solutions de rechange et de mesures d'atténuation. C'est donc dire qu'il faut examiner la situation dans son ensemble afin de déterminer s'il existe une façon d'éviter d'amoindrir le droit de grève en recourant à des moyens qui permettent, dans les faits, qu'elle ne mette pas en danger la santé ou la sécurité publique. La raison... La question qui se pose est celle de l'existence, de la disponibilité et non des solutions de rechange ou des mesures d'atténuation. Il faut se garder de considérer les préférences ou les souhaits des usagers.

«La causalité entre la grève et le danger. Le tribunal devrait identifier en lien un lien de causalité entre ce danger et la grève elle-même. En effet, l'article 11.0.17 du Code du travail réfère à une grève qui peut avoir pour effet de mettre en danger la santé ou la sécurité publique. Par conséquent, le tribunal doit agir avec circonspection et ne saurait faire porter à une grève éventuelle et restreindre de ce droit la responsabilité des situations appréhendées et dont il ne serait pas la cause. Ce faisant, il faut éviter d'apprécier l'existence d'un danger de façon absolue et totalement désincarnée du contexte et de la réalité dans laquelle ils se posent. C'est pourquoi un certain exercice d'appréciation relative s'impose afin de tenir compte de l'ensemble de l'environnement dans l'évaluation d'une situation donnée qui paraît poser un danger pour la santé et la sécurité publique. Par exemple, il apparaîtrait totalement incongru de considérer strictement et isolément l'impact d'une grève sur la durée d'un transport ambulancier, sans égard à la réalité normale et quotidienne à laquelle ces premiers répondants sont confrontés, par exemple, les conditions météorologiques, l'état de la chaussée, le manque de ressources, nombre d'appels important, surcharge du réseau de santé, etc. Ce serait là faire porter à la grève une responsabilité qu'elle n'a peut-être pas. Bref, la prudence s'impose.

«Par ailleurs, dans certaines circonstances, le lien de causalité entre la grève et le danger pourrait se révéler, se révéler aléatoire, notamment en raison de l'inaction ou du défaut d'agir d'un tiers. Pensons au cas où des autorités publiques ont le mandat de protéger la santé ou la sécurité de la population, ou encore de remplir plus largement d'autres missions et qu'elles doivent s'adapter... adapter leurs façons de faire à l'occasion d'une grève. En d'autres mots, si tant est qu'il existe dans le présent dossier un danger...

M. Leduc : ...du fait de la grève en raison notamment d'un transfert des usagers privés de transport en commun vers l'automobile pouvant provoquer une circulation routière plus importante, il faudra s'interroger sur le rôle que pourraient jouer les autorités publiques dans le contrôle des flux et des débits de la circulation aux endroits névralgiques, pour ne nommer que ces aspects. Elles ne sauraient être passives ou se dérober à leurs responsabilités.»

• (15 h 40) •

Il finit de s'autociter, il revient à l'analyse : «Cette interprétation se situe dans le sillage d'une jurisprudence constante du tribunal depuis qu'il a compétence en matière d'assujettissement au maintien des services essentiels dans un service public. Soulignons au passage que cette interprétation restrictive de la notion de danger, que ramène à l'avant-plan l'arrêt Saskatchewan, diverge en effet d'une approche plus large qui a peut-être trouvé écho dans la jurisprudence antérieure que le RTC met de l'avant en l'espèce. Avec égards, non seulement faut-il distinguer le risque du danger, mais il ne faut guère négliger que le législateur n'a pas assujetti les sociétés de transport en commun à un service minimum de fonctionnement, spécialement dans le cas d'un conflit de travail.

«Comment la notion de service essentiel... Commentant la notion de service essentiel, le professeur Jean Bernier écrit : "Bien que les organes de surveillance aient fondé leur décision sur la base de la notion stricte de service essentiel, à savoir ceux dont l'interruption peut mettre en danger la santé et la sécurité du public, il y a lieu de se demander si on n'assiste pas à un risque d'une certaine dérive de la notion de service essentiel vers celle d'un service minimum de fonctionnement en raison d'une interprétation de plus en plus large du concept."» Intéressant. Intéressante contribution de M. Jean Bernier ici.

Je ne peux m'empêcher de penser à la motion qui avait été déposée par la troisième opposition, il y a quelques mois, sur les services de traversiers. Alors, il y avait les traversiers qui étaient en grève, surtout dans la Côte-Nord et le Bas-St-Laurent, si je ne me trompe pas, et ça causait, bien sûr, une forme de pression économique dans la région. Et nos collègues avaient déposé une motion qui souhaitait que les transports de traversier soient intégrés dans la notion de service essentiel. Bien sûr, on ne modifie pas la loi à travers une motion sans préavis déposée un bon matin, une maudite chance, mais ça avait posé le... un problème théorique important pour le ministre puis pour l'ensemble des... de la classe politique, pour honnête, M. le Président, parce que, bien sûr, une grève de traversiers, ce n'est pas extrêmement populaire, bien sûr. Le député de Matane, je pense, qui avait déposé la motion, qui était concerné, de premier chef, par cette grève-là, on avait eu une petite passe d'échange, je pense, sur les réseaux sociaux, où j'avais un peu critiqué cette motion-là, je l'avais qualifiée d'antisyndicale, et il m'avait dit... il m'avait mis au défi de venir la défendre dans les radios du Bas-Saint-Laurent. Ça m'aurait fait plaisir. L'invitation n'est jamais venue.

Cela dit, bien sûr que c'est désagréable, une grève de transports, de traversiers, bien sûr que c'est désagréable, une grève d'autobus, bien sûr, personne ne dit le contraire, personne ne dit que c'est un moment apprécié par tout le monde. Ce n'est pas agréable, une grève de professeurs, ce n'est pas agréable, une grève d'éducatrices et de travailleuses et travailleurs en CPE. Personne n'apprécie ça, une grève, M. le Président. Mais ce n'est pas ça, la question. Et le danger, dans le système politique dans lequel nous sommes, c'est de basculer dans une forme de réponse automatique et d'un bouton simple, comme je le disais tantôt, le bouton... à un problème qui est posé par quelques personnes, quelques... quelques acteurs donnés comme... et de chercher une solution immédiate, facile. Le ministre, je pense, est tombé dans le piège avec son projet de loi, mais très, très clairement, la cour... le TAT ici nous indique que ce n'est pas la bonne voie à suivre.

Je poursuis la lecture du jugement. «Du reste, on ne saurait inférer de l'utilisation du verbe conjugué "peut" dans la disposition législative que l'ordonnance d'assujettissement s'impose dès lors qu'une simple possibilité de danger existe. Ce faisant, on compromettrait l'application harmonieuse de la disposition avec le contexte global, de même que l'objet du Code du travail prévoyant un droit de grève et un régime d'exception pour les services publics. En somme, pour le tribunal, dans le présent dossier, c'est en fonction de cette interprétation restrictive selon laquelle le danger pour la santé ou la sécurité publique s'entend d'une menace réelle, évidente et imminente qu'il faudra déterminer si une grève des salariés d'entretien peut avoir un tel effet, justifiant dès lors une ordonnance d'assujettissement. Mais il y a davantage. Une telle interprétation est conforme aux enseignements de l'arrêt Doré contre le Barreau du Québec, dans lequel la Cour suprême établit la manière dont un tribunal ou un organisme administratif doit appliquer les valeurs de la Charte canadienne des droits et libertés, dite la Charte, dans l'exercice d'un pouvoir discrétionnaire qui lui est conféré par la loi. Comment un décideur administratif applique-t-il donc les valeurs consacrées par la Charte dans l'exercice d'un pouvoir discrétionnaire que lui confère la loi? Il ou elle met en balance ses valeurs et les objectifs de la loi. Lorsqu'il procède à cette mise en balance, le décideur doit d'abord se pencher sur les objectifs en question. Ensuite, le décideur doit se demander comment protéger au mieux la valeur en jeu consacré par la Charte compte tenu des objectifs...

M. Leduc : ...par la loi. Cette réflexion constitue l'essence même de l'analyse de la proportionnalité et exige que le décideur mette en balance la gravité de l'atteinte à la valeur protégée par la charte, d'une part, et les objectifs que vise la loi, d'autre part. Certes, il faut constater que l'article 111.0.17 du Code du travail, par ses effets, peut effectivement mettre en cause une valeur ou un droit garanti par la charte, en l'occurrence la liberté d'association et donc le droit de grève... qui en découle.

«Cela dit, l'objectif législatif est d'éviter que la santé et la sécurité publique ne soient mises en danger par l'interruption de travail des salariés dans l'exercice de leur droit de grève. En revanche, le Code du travail ne prévoit pas que la santé, la sécurité de la population doivent être garanties en toutes circonstances. Si le RTC reconnaît que ce cadre analytique, tiré de l'arrêt Doré, s'applique ici, il souligne cependant que le tribunal doit alors se garder de recourir à la charte dans l'interprétation du danger auquel réfère l'article 111.0.7 du Code du travail, puisqu'il n'existe pas d'ambiguïté. Cette prétention est rejetée, comme l'exprime la Cour suprême dans l'arrêt Clark. En droit administratif, l'ambiguïté ne constitue pas l'élément déclencheur pour l'application des valeurs de la Charte. Dans la décision. RTC chauffeurs d'autobus, le tribunal écrit : "L'arrêt Saskatchewan nous rappelle donc que le critère du danger pour la santé ou la sécurité publique commande, de par le caractère constitutionnel du droit grève, une interprétation véritablement restrictive."

«L'objectif est de porter atteinte le moins possible au droit de grève de façon à ce que la santé ou la sécurité publique ne soit pas mise en danger. Ce postulat est tout à fait conforme à la mise en balance que doit faire le tribunal en l'espèce, se fondant sur l'arrêt Doré, une cour de révision chercherait à s'assurer qu'il n'existe pas d'autre possibilité de donner davantage d'effets ou protection conférée par la charte sur la liberté d'association et le droit de grève, en considération de l'objectif législatif selon laquelle la santé et la sécurité de la population ne doivent pas être mises en danger par la grève.

«Ainsi, pour le tribunal, il ne fait aucun doute qu'une interprétation de la notion de danger, moins restrictive que celle retenue en l'espèce et se rapprochant d'un risque, prêterait flanc à une décision qui a une incidence disproportionnée sur les protections conférées par la charte ne peut d'aucune façon démontrer que le décideur s'est penché de façon significative sur celle-ci, ni que son raisonnement reflète les répercussions importantes de cette décision peut avoir.»

J'arrête ma lecture du jugement, M. le Président, il restait, bien sûr, des dizaines de pages, là n'est pas l'objectif, mais ça me semblait un très bon résumé. Merci à mon collègue d'avoir soumis les passages pertinents de décisions importantes qui nous questionnent encore plus sur notre présence ici cet après-midi, M. le Président, parce qu'il n'y a pas qu'une forme d'ambiguïté du tribunal ici. C'est très, très clair, le tribunal dit, là : La loi que vous avez faite en 2009, c'est très bien, c'est conforme aux chartes, c'est la santé et la sécurité physique des personnes qui est le seul critère. Cette histoire-à de danger imminent, ce n'est pas ça qui est en jeu. Il ne faut pas abuser du service essentiel et l'élargir, là, il y avait un vocable, que je ne me rappelle pas, qui me faisait penser à celui du ministre. Mais je le trouve particulièrement éclairant ce jugement-là.

Et rappelons-nous que c'est la deuxième, c'est la deuxième tentative de RTC, hein? Ils avaient échoué la première fois avec les chauffeurs, échec, la deuxième fois, avec la grève des employés de service. C'est quand même un point important ces deux exemples-là, M. le Président, parce qu'on a eu l'occasion d'observer une grève réelle. Je parle, en particulier, la première, celle de juillet 2023. Puis malgré l'interruption complète du service de transport en commun pendant quatre jours, mais il n'y a pas eu d'incident recensé. Il n'y a pas eu de retard critique dans les interventions d'urgence. Il n'y a pas eu de chaos généralisé, pas d'effondrement des services de santé. La société, dans le fond, a continué de fonctionner. Est-ce que c'était désagréable pour plusieurs? Sans aucun doute. Est-ce que c'était agaçant, éreintant, complexe? Est-ce que des gens ont perdu les services de leur femme d'entretien ménager, comme le président de la FQM qui est venu ici? Peut-être, on le saluera d'ailleurs. Mais reste que, globalement, force est de constater que ça... la société continue à rouler. Il n'y avait pas péril en la demeure. Il n'y avait, en effet, pas de danger pour la santé et la sécurité des personnes.

• (15 h 50) •

Le ministre va me dire : Oui, mais toute cette loi-là reste telle quelle. C'est parfait. Je vais juste rajouter une couche à... On a tous compris ce qui se passe, M. le Président, on a tous compris ce qui se passe. La couche d'à côté vise à aller faire ce qu'il sait qu'il n'a pas le droit de faire, parce qu'il a perdu. Le jugement de Flageole, l'arrêt Flageole l'a obligé à changer la loi. Il ne peut pas venir la rechanger parce qu'il va se refaire ramasser devant les tribunaux. Qu'est-ce qu'il fait? Il utilise une voie de contournement, tiens, je vais le dire comme ça. C'est très triste de voir ça, très triste. Je pense qu'on aurait pu l'éviter. Et je vais terminer, M. le Président, en citant...

M. Leduc : ...la conclusion de l'arrêt RTC que j'ai commencé à lire tantôt parce qu'elle est éclairante elle aussi. «Une grève affectant le service de transport en commun dans l'agglomération de Québec est susceptible de déranger, d'importuner, voire de chambarder les habitudes non seulement des usagers du RTC, mais aussi, plus globalement, de l'ensemble des citoyens et des acteurs publics. Mais la seule question pertinente afin de déterminer si le tribunal doit ordonner ou RTC au syndicat de maintenir les services essentiels en cas de grève est l'identification d'un danger, c'est-à-dire une menace réelle, évidente et imminente pour la santé et la sécurité publique qui peut en découler, d'où une interprétation restrictive de la notion de danger à laquelle réfère l'article 111.0.17 du Code du travail. À défaut, on risque de dénaturer et de substituer à cette notion un simple risque, et ce au mépris du texte, de l'objet et du contexte qui caractérise cette disposition législative. Plus encore, cela entraînerait un déséquilibre du droit de la population au détriment du droit constitutionnel de grève en porte à faux avec des enseignements de la Cour suprême issus de l'arrêt Doré. La preuve... à l'enquête analysée globalement ne soutient pas qu'une grève des salariés d'entretien du RTC peut mettre un danger... en danger la santé ou la sécurité publique s'entendant d'une menace réelle, évidente et imminente. Ainsi, pour l'heure, le droit de grève des salariés d'entretien qui représente le syndicat pouvant être exercé dans sa plénitude doit prévaloir sur de simples appréhensions. Enfin, l'assujettissement au maintien des services essentiels en cas de grève est un processus dynamique. En conséquence, le tribunal n'est en rien functus officio et pourrait intervenir à nouveau et même d'urgence si les circonstances le justifiaient». Ce serait donc possible de revenir à la charge dans une autre circonstance là-dessus, M. le Président, ce pourquoi, je pense, ce serait intéressant d'accueillir les syndicats de RTC pour qu'ils nous donnent plus de détails sur le contexte de la négociation qui a mené à cette grève de quatre jours en plein festival d'été de Québec et qu'ils puissent donner des détails sur la manière dont ce projet de loi là viendrait nuire au processus de négociation. Merci.

Le Président (M. Allaire) : Merci, M. le député d'Hochelaga-Maisonneuve. Est-ce qu'il y a d'autres interventions sur cette motion préliminaire? Mme la députée de D'Arcy-McGee, la parole est à vous.

Mme Prass : Merci, M. le Président. Mais comme le Réseau des transports du Québec, justement, eux ont déposé leur mémoire lors des consultations, je pense qu'il serait... excusez-moi, le Réseau de transport de la capitale, je pense qu'il serait raisonnable également d'entendre le syndicat des salariés de la RTC, d'autant plus, comme mon collègue l'a mentionné, le ministre, lors des consultations et des travaux jusqu'à présent, a évoqué plusieurs exemples et situations potentiels de cas où, justement, la population serait mal desservie, les populations les plus vulnérables seraient mal desservies par une grève. Donc, je pense qu'il serait cohérent d'entendre tous ces partis-là, incluant le syndicat des salariés des RTC, justement, pour venir nous exposer la situation qu'ils ont vécue. Et, encore une fois, tout dans l'esprit de démocratie et de pouvoir entendre le plus de groupes possible pour avoir le plus de points de vue pour nous alimenter. Donc, on soutient la motion.

Le Président (M. Allaire) : ...de D'Arcy-McGee. D'autres interventions? M. le député de Jean-Talon, allez-y.

M. Paradis : Je vais aller dans le même sens que ma collègue. Ça aussi, c'est un des exemples qui a souvent été cité dans les consultations particulières et qui est souvent mis sur la table, dans les médias ou ailleurs, par le ministre et par d'autres comme étant un des conflits de travail qui ont fait en sorte que ce projet de loi là serait, selon le ministre, nécessaire ou utile. Et il est vrai qu'on a entendu le RTC, qui est venu ici à titre d'employeur, il me semble que d'avoir le point de vue du syndicat ici, ce serait une bonne chose. J'ajouterais, comme je l'ai fait plutôt aujourd'hui, que les groupes d'usagers aussi, ça aurait pu être intéressant de les entendre sur cette question-là, parce que je ne suis pas sûr qu'ils arriveraient tous avec le même point de vue qu'on a entendu, celui de... du RTC sur cette question-là. Alors, j'appuie la motion du collègue d'Hochelaga-Maisonneuve, ça fait partie de l'outillage dont on doit se doter quand on étudie un projet de loi qui a comme intention de modifier profondément l'équilibre dans les négociations des conditions de travail des travailleurs au Québec. Je le réitère, c'est un changement fondamental que le ministre veut faire avec ce projet de loi là, entendons les personnes qui ont des choses importantes à nous dire, notamment sur les cas qui semblent avoir inspiré le ministre ou qui semblent faire partie des cas qui ont inspiré le ministre quand il a rédigé le projet de loi.

Le Président (M. Allaire) : Merci, M. le député de Jean-Talon. D'autres interventions? M. le ministre, allez-y.

M. Boulet : Bien, rapidement, c'est une motion pour faire entendre un syndicat, et je n'ai pas entendu d'arguments justifiant la pertinence de les faire entendre. C'est un syndicat, encore une fois, qui est affilié à la CSN assez étonnamment...

M. Boulet : ...et la CSN est venue en commission parlementaire et n'a fait aucune recommandation. Elle a demandé, purement et simplement, le retrait du projet de loi.

Ceci dit, moi, je ne me prononcerai pas sur le mérite de cas. Dans le projet de loi, on le voit que c'est une décision qui se doit d'être apolitique, qui doit être prise par des personnes impartiales et indépendantes, donc ce serait présomptueux de ma part de dire que le projet de loi pourrait s'appliquer dans l'hypothèse X, Y ou Z. Il y a des secteurs d'activité, je le répète souvent... puis, oui, j'ai parlé du transport en commun... comme étant des exemples où ils pouvaient. La transformation alimentaire, le transport scolaire, les services funéraires, en éducation, c'est les secteurs clés auxquels je fais souvent référence. Mais jamais je ne dirai : Dans cette hypothèse, le tribunal rendrait telle décision. On le sait... vous avez tous pratiqué en relations de travail ou vous connaissez la règle de droit au Québec... c'est le tribunal qui décide.

Finalement, dernier commentaire, j'apprécie beaucoup les lectures que partage avec nous notre collègue de Hochelaga-Maisonneuve. J'ai lu la décision, et ce n'est pas ce qui supporte la pertinence de faire entendre un syndicat qui est affilié à la CSN. Et la seule différence qui est fondamentale... collègue, vous le savez, vous souriez bien... ce n'est pas le même critère que dans notre projet de loi. Le projet de loi comporte des éléments de droit nouveau. Dans le Réseau de transport de la Capitale, le juge du Tribunal administratif du travail s'est prononcé sur l'application d'un critère, qui est le danger pour la santé ou la sécurité publique. Ce n'est pas ce critère-là que nous avons dans le projet de loi.

Et vous avez fait référence aux services minimaux aussi, mais, dans le projet de loi, on parle des services minimalement requis pour assurer la sécurité de la population, pour éviter qu'elle soit affectée de manière disproportionnée. Ce n'est pas le même critère. Mais j'apprécie vos qualités pédagogiques, mais... transmettez-moi les décisions, je vais les lire. Puis celle-là, je l'avais très bien lue. Merci beaucoup, M. le Président.

Le Président (M. Allaire) : Merci, M. le ministre. D'autres interventions? S'il n'y a pas d'autre intervention, nous allons procéder à la mise aux voix de la motion.

Une voix : ...

Le Président (M. Allaire) : Par appel nominal? S'il vous plaît, M. le secrétaire.

Le Secrétaire : Pour, contre, abstention. M. Leduc (Hochelaga-Maisonneuve)?

M. Leduc : Pour.

Le Secrétaire : M. Boulet (Trois-Rivières)?

M. Boulet : Contre.

Le Secrétaire : M. Caron (Portneuf)?

M. Caron : Contre.

Le Secrétaire : M. Tremblay (Dubuc)?

M. Tremblay : Contre.

Le Secrétaire : Mme Lachance (Bellechasse)?

Mme Lachance : Contre.

Le Secrétaire : Mme Picard (Soulanges)?

Mme Picard : Contre.

Le Secrétaire : Mme Prass (D'Arcy-McGee)?

Mme Prass : Pour.

Le Secrétaire : M. Paradis (Jean-Talon)?

M. Paradis : Pour.

Le Secrétaire : M. Allaire (Maskinongé)?

Le Président (M. Allaire) : Abstention. Donc, la motion est rejetée. Alors, on va poursuivre, là, puisqu'il y en a deux autres qui sont en attente et il y en a beaucoup qui ont été déposées, effectivement, par le deuxième groupe de l'opposition. On va enchaîner avec le député de Jean-Talon avec sa motion préliminaire. Donc, je vous cède la parole. Peut-être en faire la lecture, et la parole est à vous pour 30 minutes. Ça va? Allez-y.

M. Paradis : Très bien. Alors, motion préliminaire :

«Que, conformément à l'article 244 du Règlement de l'Assemblée nationale, la Commission de l'économie et du travail, avant d'entreprendre l'étude détaillée du projet de loi n° 89, Loi visant à considérer davantage les besoins de la population en cas de grève ou de lock-out, demande au gouvernement de transmettre, dans les plus brefs délais, ses analyses et avis juridiques émis relativement au projet de loi.»

Bien. Moi, je ne suis pas élu depuis très longtemps, je suis un des plus récemment élus députés de l'Assemblée nationale, mais j'ai quand même déjà un certain nombre de commissions parlementaires sur de nombreux sujets, et celui-ci, ce projet de loi, est très, très, très juridique. Il y en a eu d'autres, d'ailleurs, avec le ministre, où on a beaucoup parlé de jurisprudence, on a beaucoup parlé d'état du droit, c'est vrai. C'est le cas dans presque tous les projets de loi, hein, peu importe les domaines, on vient jouer dans l'état du droit, puis on se pose la question de, bien, quelle est la situation actuelle, et quels sont les impacts de ce qu'on va décider ensemble. Et celui-ci, vraiment, j'ai rarement entendu autant d'organismes, d'organisations, en consultations particulières, venir nous parler de leur interprétation d'une décision particulière de la Cour suprême du Canada, d'arrêt Saskatchewan, mais de beaucoup d'autres décisions aussi qui ont suivi celle de la Cour suprême du Canada. Il y en a de la...

M. Paradis : ...et Cour d'appel du Québec aussi qui sont venus confirmer que le droit de grève est un... est une composante de la liberté d'association ici au Québec.

• (16 heures) •

Dans les experts indépendants, je l'ai mentionné parce qu'on... on a eu, là, je pense qu'on peut... les consultations particulières et les mémoires, parce que les mémoires qu'on a eues d'organisations qui ne sont pas venues en consultations particulières, c'est la même tendance qui se confirme, c'est-à-dire que, quand on est... quand ce sont des représentants des employeurs généralement favorables au projet de loi, quand ce sont des représentants des travailleurs, généralement très défavorables au projet de loi, et entre les deux, il y a des expertises, notamment beaucoup d'expertises juridiques et de spécialistes en relations de travail. Et je l'ai mentionné ce matin, dans mes remarques préliminaires, je le réitère, tous ces mémoires et tous ces témoignages sont très inquiets, sont très préoccupés. Ça va des drapeaux jaunes très foncés aux drapeaux rouges très rouges, avec des demandes de retrait du projet de loi n° 69, mais sur la base d'analyses, de longues analyses juridiques de l'état de la jurisprudence. Certains nous ont même amenés en droit international, très important parce qu'ils disent que le Québec, à travers notamment certains traités signés par le Canada, est tenu de respecter le droit international, et qu'il y a toute une évolution aussi de ce que c'est la liberté d'association. Ensuite, on a des interprétations des décisions des tribunaux supérieurs de la Cour... de la Cour suprême du Canada, de la Cour d'appel, des tribunaux supérieurs. Mon collègue d'Hochelaga-Maisonneuve, tout à l'heure, faisait référence à une décision qui a été citée, à laquelle se sont référées plusieurs des organisations qu'on a entendues en consultations particulières, décision du Tribunal du travail, là, dans le dossier, notamment de... du RTC. Donc, beaucoup de droit et beaucoup de droit.

Et dans son projet de loi, en fait, le ministre, j'aurais aimé ça avoir le nombre de fois où je l'ai entendu dire ça, je ne l'ai pas, mais je l'ai entendu souvent dire... puis je le comprends, il le fait avec une certaine fierté, c'est du droit nouveau parce que c'est vrai que les projets de loi peuvent nous amener dans de nouveaux... dans des nouvelles interprétations, cherchent à modifier justement l'état du droit. C'est bien, mais dans ce cas-ci, on plonge vraiment... En tout cas, mon avis, c'est qu'on plonge ou on saute de l'avion presque sans parachute. Le ministre nous dit souvent : Oui, oui, oui, il y a des critères, j'ai mis des balises. Mais en gros, il nous a dit souvent aussi : Ces nouveaux pouvoirs-là, on ne sait pas exactement encore comment ça va être interprété. J'espère que je ne lui mets pas des mots dans la bouche, mais il dit : Mais ça va être... on va être très précautionneux avec les pouvoirs qui sont... qui sont conférés au ministre. On va faire très attention, ça va être exceptionnel. Et je ne sais pas où est-ce qu'il voit ces balises-là parce que la plupart des juristes... en fait, tous les juristes indépendants qui sont venus se sont montrés inquiets parce qu'on remplace... dans les deux mécanismes, on remplace un état du droit connu, stable, qui donne une certaine sécurité à tous les intervenants, tant du côté patronal que du côté des travailleurs, parce qu'on sait quelles sont les règles qui vont s'appliquer puis qui vont nous permettre d'arriver à une entente sur les conditions de travail des travailleurs dans une entreprise X ou dans un secteur donné. Dans les deux cas, on remplace un état connu du droit par un état presque complètement inconnu ou totalement inconnu.

Donc, dans le premier mécanisme, qui est celui donc des dispositions particulières relatives aux services à maintenir pour assurer le bien-être de la population, on remplace... puis là, certains disent... puis mon collègue d'Hochelaga-Maisonneuve, et aussi de le mentionner, dire : On essaie de contourner l'état du droit, la jurisprudence actuelle, notamment celle de la Cour suprême du Canada, on la trouve trop restrictive ou trop contraignante, donc on veut se sortir de ce carcan là, et pour le faire, on va adopter une nouvelle loi qui va venir bouleverser l'état du droit.

Mais, bon, à l'article 111.22.3 qu'on veut insérer au Code du travail par l'entremise de l'article 4, donc les services assurant le bien-être de la population. Plusieurs nous ont posé plein de questions : De quel bien-être on parle? Les services minimalement requis, qu'est-ce que ça va être minimalement requis pour éviter que ne soit affectés de manière disproportionnée? C'est quoi de manière disproportionnée? La sécurité sociale, c'est quoi, la sécurité sociale? Économique, c'est quoi la sécurité économique? Ou environnementale, c'est quoi la sécurité environnementale? Notamment celle des personnes en situation de vulnérabilité? Qui sont les personnes en situation de vulnérabilité...


 
 

16 h (version non révisée)

M. Paradis : ...aïe, ça commence à en faire des questions, ça. Presque à chaque mot, presque à chaque groupe de trois mots, il y a une question fondamentale. Ce n'est pas des détails, là, c'est fondamental, les questions qui se posent. Et là, le ministre nous dit : On a des balises. Bon, moi je les cherche, les balises, mais je ne les vois pas à même le projet de loi. Bon, on dit : Là, ah! il va y avoir des experts qui vont intervenir après ça, les gens du tribunal du travail. Oui, mais tout ça va tirer son origine d'une décision discrétionnaire du ministre. C'est le ministre qui va décider... bien, en l'occurrence, c'est le gouvernement, mais donc c'est le ministre qui va jouer un rôle important, qui va arriver à la table du Conseil des ministres, qui va dire : Bon, là, j'aimerais ça adopter un décret. Pour désigner une association accréditée, il y a un employeur à l'égard duquel le tribunal peut par la suite déterminer s'il y a des services assurant le bien-être de la population qui doivent être maintenus en cas de grève ou de lock-out.

Donc, ça commence par une décision du gouvernement, et moi, je ne sais pas comment elle va s'exercer parce que toutes les notions dont on vient de parler, elles n'existent pas dans le droit du travail actuellement. Donc, on passe d'un État de droit bien déterminé qui est le fruit d'une évolution de la jurisprudence, d'une application des dispositions du Code du travail, des autres lois et règlements dans le domaine du travail, une jurisprudence étoffée, puis là, on arrive avec quelque chose de complètement nouveau. Donc, avant, c'étaient les services essentiels, puis ça, on sait ce que ça veut dire. Manifestement, le ministre ne semble pas satisfait de cette définition-là ou semble penser qu'il faut autre chose, puis là, donc, on s'en va vers du droit nouveau.

Le deuxième mécanisme, c'est celui qu'on appelle le pouvoir spécial du ministre, oui, parce qu'il est pas mal spécial, c'est le cas de le dire. Mais donc, à l'article 111.32.2, qui serait ajouté au Code du travail par l'entremise de l'article 5 du projet de loi, on va maintenant avoir un article qui dit que le ministre peut, s'il estime qu'une grève ou un lock-out cause ou menace de causer un préjudice grave ou irréparable à la population, et que l'intervention d'un conciliateur ou d'un médiateur s'est avérée infructueuse, déférer le différend à un arbitre. Ça, en gros, ça veut dire que le ministre s'octroie désormais le pouvoir d'arrêter une grève, de dire : C'est terminé, tout le monde au travail, vous allez devant un arbitre, alors que la Cour suprême, que la Cour d'appel du Québec, que les tribunaux supérieurs et tous les tribunaux spécialisés par la suite nous ont dit : Le droit de grève, maintenant, c'est essentiel, c'est un droit constitutionnellement protégé qui est essentiel à la liberté d'association.

Et là-dessus, là dessus, les experts indépendants, je le redis, tous les experts indépendants qui connaissent le droit du travail, qui sont venus nous parler, là, ont déchiré leur chemise là-dessus. Puis certains ont utilisé des comparaisons pour que les gens nous comprennent parce que, là, ici, c'est ici, c'est un droit qui est conféré aux travailleurs, mais qui est essentiel au bon fonctionnement de notre société. Puis ça fait des années que les tribunaux en parlent pour dire : Bien, ça fait partie des règles du jeu, parce que s'il n'y a pas le droit de grève, si on interfère dans le droit de grève, on enlève aux travailleurs un outil essentiel pour pouvoir négocier avec, oui, des moyens de pression qui, parfois, ont des impacts sur la population, surtout sur l'employeur, mais c'est un outil essentiel pour arriver à des conditions de travail justes dans une société ouverte et démocratique comme la nôtre. C'est essentiel puis c'est utile au bon fonctionnement global de notre société. C'est un droit constitutionnel. Et là, le ministre dit : J'ai le droit de le retirer par ma décision parce que je juge qu'il cause... que la grève cause ou menace de causer un préjudice grave ou irréparable à la population. C'est très, très, très important, ce qu'il se passe. Et c'est pour ça que les professeurs de droit, que les experts en relations de travail sont venus nous dire : Aïe, attention! Attention! Alerte rouge! Droit constitutionnel face à un pouvoir discrétionnaire. Comment il va s'exercer, ce pouvoir discrétionnaire là?

Bon, d'abord causer ou menace de causer un préjudice grave ou irréparable à la population. Donc, dans le contexte de cet article-là, ça aussi, ça va être à définir. Dans le contexte de cet article là, quelle est la jurisprudence, peut-être, sur des notions similaires dont on va s'inspirer? Est-ce que le ministre a des avis juridiques, là, j'arrive à la motion, c'est de savoir... puis c'est pour l'ensemble, pour le premier mécanisme. C'est la même chose, sur quoi s'est appuyé le ministre pour arriver avec ce projet de loi? Parce que...

M. Paradis : ...on va demander des... mais j'arrivais à la fin, là, mais c'est la même chose, quelles données sur les conflits de travail. Parce qu'il y a plein de gens qui sont venus nous dire que le problème, ce n'est pas comme si notre société était malade de ces conflits de travail. Il n'y en a pas tant que ça, puis ils se règlent assez rapidement, parce que, justement, il y a des pressions qui s'exercent, de part et d'autre, qui poussent les parties à s'entendre.

Là, on veut retirer une partie de ces leviers-là. Quelles données on a? Combien de conflits? Pour quelle longueur? Pour... Où est le problème? Parce que là, on vient de dire non à toutes les demandes du collègue d'Hochelaga-Maisonneuve qui disait : Bien, sur les cas qui ont été cités, entendons les partis puis on va en discuter, mais il n'y a pas de données. Mais là, ensuite, on revient, c'est un projet de loi éminemment juridique qui vise notamment, dans le deuxième mécanisme, à retirer un droit constitutionnellement reconnu aux travailleurs. Dans quelle mesure? Comment le ministre va exercer son pouvoir? Ça va venir d'où, sa décision? Qu'est-ce qui nous fait dire que ça va être balisé comme il prétend, que ça va être exercé avec précaution comme il le prétend? Ça, c'est ce qui s'appelle un pouvoir discrétionnaire.

Alors, moi, je suis un député inquiet, puis je vais faire un lien avec des événements qui se sont passés très récemment ici, à l'Assemblée nationale, puis qui est une tendance, moi, qui m'inquiète honnêtement, compte tenu du travail que j'ai exercé avant où on visait à protéger l'État de droit puis la démocratie un peu partout dans le monde contre l'arbitraire. Mais il y a quelques semaines, on était réunis ici, une nuit au complet, pour adopter un projet de loi qui est devenu une loi qui est la loi Stablex - puis je vais faire un lien avec ce qui se passe ici, pour moi, c'est lié - qui, grosso modo, là, article par article, écarte l'application des lois normales, toutes les lois, les règlements municipaux, les lois du Québec, tout ça a été écarté par ce projet de loi là qui interdit aux tribunaux d'agir et qui remplace tout ça par un pouvoir discrétionnaire immense à la ministre des Ressources naturelles et des Forêts, un pouvoir discrétionnaire, donc, on écarte les lois dont on s'est doté pour le remplacer par un pouvoir discrétionnaire. C'est ce qu'on voit ici.

Il n'y a pas si longtemps, après ça, on était réunis ici, dans une autre commission parlementaire, où la ministre de l'Énergie... de l'Économie, de l'Innovation et de l'Énergie a écarté toute l'application des règles de la Régie de l'énergie pour adopter, par décret, des nouveaux tarifs d'électricité pour tous les Québécois, à l'encontre de tout ça est écrit, donc, des lois claires, un cadre juridique clair remplacé par un pouvoir discrétionnaire. Je fais le lien avec ce qui se passe ici, là. Moi, ça fait, au moins, la troisième fois que je vois ça en quelques semaines, de remplacer un État stable du droit par un pouvoir discrétionnaire du ministre. Moi, je suis inquiet, je suis inquiet puis je ne suis pas rassuré, même malgré toute l'estime que je porte au ministre. Ce n'est pas ça, la question, la question, c'est : La loi va prévoir désormais qu'un ministre, lui ou les suivants vont pouvoir décider de mettre fin à une grève, puis d'obliger l'arbitrage, alors, c'est un droit conditionnellement reconnu. Les balises dont il parle, là, où sont-elles? Parce que, oui, après ça, il y a un mécanisme qui balise le règlement du différend qui aurait été différé... déféré à l'arbitrage.

Mais je n'en vois pas, de balise, alors que c'est un moment important. Est-ce qu'il y a une étude réglementaire? Est-ce qu'il y a un règlement qui vient avec ça, qui va déterminer comment ça s'estime qu'une grève cause ou menace de causer un préjudice grave ou irréparable à la population? Qu'est-ce qu'on a considéré comme exemple précédent qui... Ah! ça, ça cause ou menace de causé, ça, ça ne cause pas ou ne menace pas de causer? On ne le sait pas, on n'en sait rien. Je ne veux pas prévoir, là, je n'ai pas de boule de cristal, mais j'imagine que le ministre, pour pouvoir dire : Oui, mais, vous savez, M. le député de Jean-Talon, vous savez comment ça marche. Il y a plein d'informations délicates dans ces avis-là. On a réfléchi à voix haute là-dedans, on nous met en garde. Puis tout n'est pas nécessairement pour le public, mais c'est tellement important ce qu'on fait aujourd'hui, puis il y a des inquiétudes légitimes.

Moi, je le redis : Ma formation politique et moi, on a voté contre le principe de ce projet-là parce que c'est grave ce qui s'y passe. Puis je n'ai pas entendu, pour l'instant, de données ou je n'ai pas d'informations à ma disposition qui me permettent de croire que c'est ce droit nouveau que le ministre veut faire...

M. Paradis : ...a des sources suffisamment claires ou qu'il y a des réponses suffisamment étoffées aux nombreuses questions qui ont été posées par les experts indépendants sur ce projet de loi là pour dire que, bien, ça vaut la peine de continuer, parce que plusieurs sont venus nous dire : Retirez-les, ces dispositions-là, ou alors définissez les concepts, ou alors faites des modifications fondamentales au projet de loi. Puis là je redis, là, je ne parle pas du bassin des employeurs ou du bassin des représentants des travailleurs, je parle des experts indépendants qui sont venus. Puis je suis curieux de voir ce que le ministre en a pensé, parce que je sais qu'il a beaucoup d'estime aussi pour les collègues juristes qui sont venus nous voir puis qui ont exprimé légitimement des inquiétudes.

• (16 h 10) •

Donc, pour nous éclairer, je me dis : Si le ministre, lui, dispose d'informations, dispose d'analyses à même... qui pourraient rassurer les députés, qui pourraient nous aider à faire notre travail, de voir où est-ce qu'il veut s'en aller avec toutes ces notions-là... Parce qu'il y a deux articles principaux, là, on va s'entendre... il y a... ensuite, il y a des articles accessoires, là, mais les deux principaux, c'est la définition des services assurant le bien-être de la population, donc l'article 111.22.3, l'article 111.32.2. D'où est-ce que ça vient, ces mots-là? Pourquoi on a choisi ces mots-là? Pourquoi on les a mis ensemble? Qu'est-ce que ça veut dire? Qu'est-ce que ça donne comme garde-fou? Qu'est-ce que le ministre a étudié avant qui lui permet d'arriver avec cette... Il a l'air d'un ministre résolu à nous dire qu'il a mis le curseur à la bonne place. Moi, je voudrais savoir qu'est-ce qu'il a comme matériel, mais surtout ça va nous aider, nous, à faire notre travail puis avoir des débats éclairés.

S'il y a des parties confidentielles à ces avis juridiques, à ces analyses, bien, est-ce qu'il y a des parties qui peuvent être retirées, strictement celles qui sont vraiment confidentielles? Mais, s'il y en a d'autres, même quand il y a des analyses de risque... C'est une nouvelle façon de faire le droit aussi, hein? Pourquoi on n'est pas plus transparent là-dessus? Même si le gouvernement dit : Je ne dis pas que ça va arriver, mais je vais analyser ce risque-là... Parce que le mémoire au Conseil des ministres aussi est assez court. Il n'y en a pas beaucoup, de ça. Mais même si... même si le ministre dit : Il est circonscrit, ce risque, je l'ai atténué, voici comment je l'ai atténué, je ne pense pas que ça va alarmer notre société que de savoir que le gouvernement a réfléchi à des questions, s'est posé des questions puis y a répondu de telle ou telle façon.      Donc, moi, je pense que c'est bon dans l'intérêt public d'avoir accès à ces avis-là. Puis je regarde le ministre puis je suis pas mal certain qu'il y en a parce qu'il y a beaucoup de gens qui ont travaillé à préparer ce projet de loi. De quoi se sont-ils inspirés, quelles décisions, quels critères, quelles balises? Est-ce qu'il y a d'autre chose qui s'en vient après, qui est en préparation, qui n'est pas terminé mais qui pourrait nous aider? Moi, j'invite le ministre à faire preuve de la plus grande transparence possible à l'aube de nos débats. Je l'ai vu dans une... dans une autre commission parlementaire. Bon, j'avais trouvé ça... On avait reçu beaucoup, beaucoup de documentation la veille. Ça ne nous avait pas laissé beaucoup de temps pour la lire. Mais n'empêche, finalement, on y a eu accès.

Alors, qu'est-ce qu'il peut nous donner, sur le plan juridique, sur le plan des analyses, qui va nous aider à faire notre travail? Parce qu'autrement ce projet de loi là, moi, j'y vois beaucoup trop de risque pour déséquilibrer cet... je le redis, cet équilibre tellement important entre les employeurs et les travailleurs au Québec pour déterminer les meilleures conditions de travail possible, meilleures, c'est meilleures pour les deux parties et meilleures pour notre société. J'ai l'impression, comme plusieurs, moi, qu'on vient déséquilibrer complètement, débalancer ce qui existe, et, tel quel, ça ne me semble toujours pas acceptable.

Le Président (M. Allaire) : Merci, M. le député de Jean-Talon. M. le ministre, allez-y, 30 minutes.

M. Boulet : Oui, merci. Écoutez, j'ai évidemment beaucoup de respect pour le collègue de Jean-Talon. Vous connaissez ma réponse d'avance. Les avis juridiques sont confidentiels dans leur intégralité, donc on ne peut pas les communiquer. C'est une règle qui est reconnue. Normalement, je pourrais même ne pas dire... ne pas pouvoir dire qu'on a des avis juridiques. Cependant, il y a quand même un mémoire qui a été déposé au Conseil des ministres avec une analyse d'impact, puis je sais que vous l'avez lu probablement avec énormément d'attention. Donc, je vous y réfère.

Ceci dit, c'est effectivement du droit nouveau, c'est du droit nouveau qui s'inspire de la réalité vécue notamment depuis 2015, particulièrement dans des conflits de travail qui ont eu des impacts sur une population souvent laissée impuissante, souvent vulnérabilisée...

M. Boulet : ...je dis... on dirait, des fois, qu'on ne lit pas le même projet de loi. Pour moi, ce n'est pas un projet de loi qui bouscule un équilibre. C'est un projet de loi qui est simple, c'est un projet de loi à connotation humaine, dont le titre est extrêmement révélateur : considérer les besoins de la population. Il me semble que c'est simple. Et il faut aussi considérer qu'on a utilisé des concepts qui ne sont pas venus de nulle part. Le Comité des libertés syndicales — vous m'avez entendu y référer — sous l'égide de l'Organisation internationale du travail, fait référence aux services minimaux. Ce n'est pas les mêmes critères, j'en conviens. Il y a des organismes qui sont venus, lors des consultations particulières, qui nous ont expliqué les nuances.

• (16 h 20) •

Mais quand vous dites qu'on donne un pouvoir discrétionnaire absolu au ministre, c'est faux. Je vais vous parler, moi, d'un pouvoir discrétionnaire qui m'apparaît beaucoup plus imposant, et qui est clairement discrétionnaire, puis vous le connaissez, c'est l'article 107 du Code canadien du travail : «Le ministre peut prendre les mesures qu'il estime de nature à favoriser la bonne entente dans le monde du travail, susciter des conditions favorables. Il peut déférer toute question au Conseil canadien des relations industrielles ou lui ordonner de prendre les mesures que lui juge nécessaires.» Ça, collègue, c'est un pouvoir discrétionnaire. Ce n'est pas du tout de même nature que ce que nous retrouvons dans le projet de loi.

Pour le premier mécanisme, c'est bien défini, il y a des paramètres. Il ne faut pas aller trop dans le détail, vous le savez, il faut laisser le soin au tribunal d'analyser les faits mis en preuve, l'expertise qui lui est présentée et rendre une décision en tenant compte du bien-être de la population, et ça s'exprime par les services minimalement requis pour assurer sa sécurité, sociale, économique ou environnementale, environnementale, on le sait, pour éviter des cataclysmes ou des catastrophes naturelles, pour ne pas qu'elle soit affectée de manière disproportionnée. C'est aussi simple que ça.

Donc, de dire qu'il n'y a pas de balises, c'est faux. Puis c'est parce que vous argumentez beaucoup sur le fond, sur la substance du projet de loi, ce que, je pense, n'est pas, à ce stade-ci, la place ou le moment approprié. Mais moi, je peux le définir, les services minimalement requis, je peux définir la sécurité sociale, économique ou environnementale, ce qu'est «affecter».

Le Président (M. Allaire) : M. le ministre, je vais juste vous couper dans votre élan. Vous avez employé le mot «faux». Vous savez que c'est un propos qui est non parlementaire. Je vais...

M. Boulet : «Inexact». Désolé.

Le Président (M. Allaire) : Merci de...

M. Boulet : Puis on se... il n'y avait pas de...

Le Président (M. Allaire) : Mais... C'est correct. De façon claire, juste le retirer, s'il vous plaît, pour poursuivre.

M. Boulet : Super. Je le retire, je le retire totalement.

Le Président (M. Allaire) : Excellent, merci. Vous pouvez poursuivre.

M. Boulet : «Affecter de manière disproportionnée». Le préjudice grave ou irréparable, vous le connaissez, ce concept-là. Il est appliqué, il est interprété devant les tribunaux.

Puis je vous référerais, là... Parce que le collègue de Hochelaga-Maisonneuve y faisait référence. Votre collègue député de Matane, vous le savez, a déposé une motion pour reconnaître que le traversier Matane—Côte-du-Nord est un service essentiel, puis Radio-Canada écrivait : «Une motion a été déposée ce matin par le député péquiste Pascal Bérubé pour que l'Assemblée nationale reconnaisse que le service de traversier entre Matane, Godbout et Baie-Comeau est essentiel.» Pourquoi, disait-il? Pour la sécurité économique des citoyens et des entreprises des deux régions. Il disait aussi, par ailleurs, et là il était accompagné d'autres élus de la Matanie : «Pascal Bérubé avait exprimé la même volonté de rendre le service essentiel durant les vacances de construction de juillet dernier, alors que la grève paralysait le lien maritime. Pendant 10 jours, les denrées, les touristes et les employés n'ont pu passer d'une rive à l'autre en empruntant le F.-A.-Gauthier.»

Dernière citation : «Cinq jours sans traversier»... là, c'est avec les guillemets... «"Cinq jours sans traverses, ça ne peut pas marcher. Est-ce qu'il est question de décès probables et de vie des gens en cause? Non. Mais est-ce essentiel pour la région? Oui. Assurons-nous que nous ayons au moins une traverse par jour", avait martelé M. Bérubé.» Puis là c'était dans une entrevue accordée à 98.5. Et la notion de service...

M. Boulet : ...l'essentiel est avec un critère plus serré. On se donne un régime parallèle avec un critère distinct simplement pour mieux protéger les besoins de la population. Et votre collègue référait à la sécurité économique, puis on peut la définir, puis vous savez que les tribunaux, ils utilisent même les dictionnaires quand le concept est relativement nouveau. Les mots ont tous un sens. Les dictionnaires les définissent. La langue française a ses complexités, mais elle est belle et elle est riche de sens. Donc, venir dire que c'est un pur pouvoir discrétionnaire, je regrette, c'est du droit nouveau. Il y a des balises, il y a des critères, et on est véritablement loin de l'article 107 du Code canadien du travail.

Et quand on me demande des données ou des faits, pourquoi vous ne référez pas au-delà des professeurs d'université? Oui, en qui j'ai un profond respect et les experts que j'ai côtoyés et pour lesquels j'ai de l'affection parce que j'aime leur travail, j'aime les recherches que ces personnes-là font, et moi, je trouve que c'est des personnes qui nous enrichissent comme parlementaires. Et à chaque fois qu'on pense au travers des consultations particulières, je me dis : c'est un passage obligé, mais qui est aussi nécessaire et utile pour nous aider lors de l'étude détaillée. Ça fait que c'est sûr que vos motions, je vous écoute, mais moi, je suis prêt à débattre lors de l'étude détaillée de chacun des articles puis d'écouter des projets d'amendements. Ce n'est pas de venir dire on n'est pas d'accord, c'est on veut s'intéresser à la population. Et le Dr Égide Royer, lui aussi est venu. Pourquoi vous n'en parlez pas? Il a mentionné qu'il y avait 54 000 élèves handicapés au Québec qui sont dans un réseau d'écoles, ils sont dans des écoles régulières, ils sont dans des écoles spécialisées. Il y a des impacts pour les enfants qui sont atteints du trouble du spectre de l'autisme et en situation de handicap. Je sais que ça vous ennuie peut-être, mais il faut tenir compte aussi de ces témoignages là, de ces réalités-là. Il y a le transport scolaire, il y a les services funéraires, mais il y a les autres aussi. On peut en parler secteur après secteur. S'il y a eu 288 conflits en 2024, souhaitons qu'il y en ait deux fois moins en 2025. On n'est pas partis pour ça, mais il y en a quand même un certain nombre. Et souhaitons qu'on n'utilise pas ces mécanismes-là, collègue. Idéalement, là, je préférerais qu'on ne les utilise pas parce que le droit de grève, c'est un moyen de pression. Puis pourquoi il est constitutionnellement reconnu? Parce qu'il fait partie de la liberté d'association. Et ça, c'est tant dans la Charte canadienne que la Charte québécoise des droits et libertés de la personne. Mais est-ce qu'on peut accepter qu'un conflit de travail provoque une régression dans les comportements et dans les apprentissages d'enfants à besoins particuliers? Est-ce qu'on peut accepter que des conflits de travail aient des impacts préjudiciables pour des personnes à faible revenu, pour des parents, pour des familles? Encore une fois, je ne veux pas cibler aucun groupe. Puis on ne cible pas les CPE pis on ne cible pas un groupe en particulier, on cible la paix industrielle, on cible l'importance des besoins aussi fondamentaux des citoyens puis des citoyennes du Québec. C'est simplement ce que nous faisons. Et je comprends que vos motions vous permettent de débattre du fond, de la substance du projet de loi. Je vais me limiter à ces commentaires-là, mais malheureusement, pour les avis, les analyses juridiques, on ne sera pas en mesure... Mais on pourra partager tout ce qu'on a. Puis les consultations particulières fourmillent de belles recommandations, fourmillent de beaux mémoires. Analyser les recommandations qui sont dans les mémoires. Malheureusement, pour quatre centrales syndicales, il n'y en a pas, peut-être pour d'autres groupes, mais il y a aussi d'autres groupes qui sont venus dans le transport urbain, dans le secteur municipal, chez les employeurs, les petits, les moyens et les grands employeurs. Et la conjoncture se prête à ça, parce que la population du Québec, dans le... parce que là, c'est le collègue d'Hochelaga-Maisonneuve qui disait : On a besoin de s'unir. Oui, on a besoin de s'unir. Les Québécois, Québécoises ont besoin de stabilité puis de prévisibilité, ils sont parfois irrités, ils sont parfois pris en otage par des conflits de travail malheureux dans différents secteurs d'activité, et c'est ça qu'on veut contrôler avec des balises, des critères...

M. Boulet : ...puis ça ne s'assoit pas uniquement sur un pouvoir discrétionnaire. Merci, M. le Président

• (16 h 30) •

Le Président (M. Allaire) : Merci à vous, M. le ministre. M. le député d'Hochelaga-Maisonneuve, la parole est à vous 30 minutes. Bien, voulez-vous prendre la parole?

M. Leduc : C'est 30 minutes sur la motion du PQ?

Le Président (M. Allaire) : Oui, exact.

M. Leduc : O.K. Merci.

Le Président (M. Allaire) : Ça va?

M. Leduc : Oui.

Le Président (M. Allaire) : Allez-y.

M. Leduc : Vous avez bien présupposé que je voulais prendre la parole.

M. Boulet : C'est discrétionnaire.

M. Leduc : C'est discrétionnaire? Bien, le ministre était bien partie.

Le Président (M. Allaire) : Le contraire m'aurait surpris. Allez-y.

M. Leduc : Merci, M. le Président. Il y a beaucoup, beaucoup de choses à dire et à réagir. D'abord, merci à mon collègue de la troisième opposition pour la motion, je la trouve particulièrement pertinente. J'aurais pu l'écrire moi-même parce que j'en partage entièrement le contenu. Les avis juridiques, ce n'est pas notre premier rodéo à M. le ministre et moi. On a déjà discuté en long et en large de ça dans le passé. J'aurais été jaloux, en fait, que vous obteniez, cher collègue, les avis juridiques du ministre, alors que, moi, ça fait 12 projets de loi que j'essaie de les obtenir sans succès. Cela étant dit, les avis juridiques, quand on dit qu'ils ne sont pas partageables, bien, c'est vous qui décidez, M. le ministre, si vous les partagez ou pas. Il n'y a pas de règle, à moins que vous m'expliquiez l'inverse, là, mais il n'y a pas de règle écrite en quelque part que c'est impartageable. C'est vous, le... en quelque sorte, le client des services juridiques internes du gouvernement, bien, c'est à vous de décider si vous les partagez ou pas.

Maintenant, vous faites référence à d'autres groupes. Vous dites : Oui, mais là c'est... les centrales syndicales n'ont pas rien partagé comme amendement. Bien, je ne sais pas. Qu'est-ce que vous feriez à leur place? Vous vous proposez de faire le plus gros recul en histoire du droit du travail des 20 dernières années. Ça ne prête pas beaucoup à un exercice d'amendement. Là, ils vous en on fait, des suggestions. Ils ont dit : Bien, retirez le p.l., puis on va aller discuter. Mais, pour vrai, si vous aviez fait ça, si vous aviez bien travaillé en amont, vous aviez fait des vraies discussions avec la partie syndicale, il aurait peut-être eu de l'ouverture pour aller, peut-être, bouger une vis ou deux, une virgule ou deux dans les services essentiels. Moi, je trouve que ça aurait été bien reçu si vous aviez fait ce travail-là en amont. Ça n'a pas été fait visiblement. Vous le saviez très bien. Ce n'est pas pour rien que c'est sorti entre Noël et le jour de l'An. Vous saviez très bien que ça allait être une réaction très forte, très émotive, en vous attaquant au droit de grève au Québec.

Par contre, il y a un groupe. Vous dites : Ah! il y a d'autres groupes qui ont fait des suggestions, vous, vous ne parlez pas de ce groupe-là. Vous nous accusez de ne pas parler de M. Égide Royer, qui, en tout respect, est, en effet, un expert en éducation mais il n'est pas un expert en droit du travail, là, ce n'est pas pour ça, qu'on l'a invité. Il nous a dit : Bien, évidemment, il y a des conséquences pour les enfants à besoins particuliers quand il y a une grève. Bien, grosse surprise, là, oui, évidemment. Moi, je vous... je lui avais... je vous avais répondu à vous, M. le ministre, puis j'avais posé la question à M. Égide Royer. Quand l'école Irénée-Lussier, là, qui est une école pour les enfants à besoins particuliers dans ma circonscription, était en grève en même temps que le reste des profs de la FAE, quand je fais la tournée des lignes de piquetage, bien, ils étaient tous là, là, les profs d'Irénée-Lussier. Alors, c'est eux et elles qui s'occupent des enfants à besoins particuliers à la journée longue, à l'année longue. Alors, je ne pense pas qu'on peut les accuser de ne pas se soucier de l'avenir des enfants et du bien-être des enfants. Ils ont toujours bien voté cette grève-là eux aussi, les enseignants, enseignantes et le reste du personnel scolaire de l'école d'Irénée-Lussier, pour ne nommer qu'elle. Alors, moi, je ferais très attention avec ce genre d'arguments là.

Le ministre dit : Ah! bien là, il faudrait souhaiter qu'il y ait moins d'arrêts de travail. J'en fais partie. Oui, bien sûr, mais, encore une fois, là, l'important mémoire du CRIMT, dont le nom exact est le Centre de recherche interuniversitaire sur la mondialisation et le travail, C-R-I-M-T, qu'il y a des professeurs dans différentes universités, là, mais, dans ce cas-ci, c'était le mémoire des professeurs de l'Université Montréal, Mélanie Laroche, Patrice Jalette et Gregor Murray, de l'École de relations industrielles, donc déposé, là, en mars 2025, ils avaient différents tableaux. Ça, je peux les montrer, M. le Président, les tableaux. Ça, il n'y a pas de problème.

Le Président (M. Allaire) : ...ça va.

M. Leduc : Parfait. Excellent. Premier tableau, j'y ai fait référence tantôt, mais là j'ai demandé pendant la pause qu'on me les imprime, avec mes collègues ici, Taux moyen de conventions collectives réglées à l'étape de la négociation directe, de la conciliation, de l'arbitrage ou de l'arrêt de travail, Québec, 2001 à 2022, donc, grosso modo, les quelques 20, 25 dernières années, on voit que c'est assez stable. Ça, c'est dans le mémoire dont je faisais référence. Je n'ai pas la page exacte, mais vous le trouverez facilement. En bleu, c'est les négociations directes. En jaune orange, ici, la conciliation, arbitrage, c'est minuscule, donc on le voit à peine, et les arrêts de travail en jaune. Bien, tranche par tranche, là, c'est des blocs à peu près de trois, quatre ans. C'est assez stable. Il y avait eu une hausse du nombre... du pourcentage de grèves ici, dans le bloc 14-18, et redescend ensuite. Donc, on avait monté à 15 %, la proportion des...


 
 

16 h 30 (version non révisée)

M. Leduc : …négociations qui s'étaient conclues à travers un arrêt de travail, puis là, on dit : Arrêt de travail, ça inclut autant la grève que le lock-out. Ça avait monté à 15 %. Ça faisait longtemps qu'on n'avait pas vu ça, mais ça redescendu par la suite, 2019-2022. Puis là on n'a pas les chiffres de 2023 à aujourd'hui, j'imagine qu'ils attendent de fermer un cycle de trois ans. Mais par définition, si ça redescend ici, ça remonte là. Alors, le pourcentage de gens qui signent une convention collective sans trop de problèmes, on va le dire comme ça, 80 %. Huit conventions collectives sur 10 négociées dans un climat relativement sain et normal. Pas de grève, pas d'arbitrage, pas d'arrêt de travail, pas de conciliation, pas de médiation. C'est quand même une écrasante majorité, ça, M. le Président. Alors, comme me dit qu'on veut moins d'arrêts de travail, j'en suis. Mais encore une fois, c'est… où la nécessité absolue de faire un projet de loi? Moi, ça ne m'a pas été démontré du tout.

Autre figure intéressante, toujours dans la même mémoire du… des professeurs de l'École de relations industrielles. C'est le nombre d'arrêts de travail au Québec, parce qu'il y a quelques groupes patronaux qui sont venus nous dire : Oui, mais là Il y a une explosion des arrêts de travail au Québec. C'est un problème, il faut intervenir. C'est pour ça qu'il faut un projet de loi, même il y en a qui voulaient qu'on aille plus loin dans le projet de loi du ministre Boulet… du ministre du Travail, pardon. Je m'autocorrige, mais, si vous regardez sur le long, le moyen, long terme, ici, là, oui, s'il y a une certaine remontée du nombre d'arrêts de travail, ici, c'est en chiffres absolus, dans les dernières années, postpandémiques, essentiellement, mais c'est quand même assez éloigné de ce que c'était à l'époque, les années 70, entre autres, même début 80. Donc, on n'est plus dans une… on n'est pas dans une espèce de grand retour des grèves massives. Puis en plus on s'est fait expliquer, notamment par la CSQ, quand elle est venue en audience, qu'il y a un problème conceptuel avec ces chiffres-là, c'est qu'il y a… quand le front… quand le secteur public part en grève, ça multiplie un peu artificiellement ce chiffre-là, parce qu'il y a plusieurs accréditations distinctes, ça fait que, même cette courbe-là, elle est comme un peu dopée artificiellement par la grève du secteur public en termes de chiffres absolus. Donc, c'est… même cette courbe-là est à prendre avec un petit grain de sel, mais au final, c'est quand même une pente, en générale, descendante. Donc encore une fois, il y en a, des conflits de travail, bien sûr, mais pas de… pas lieu de paniquer.

Troisième figure, je pense que c'est elle la plus intéressante. En tout cas, c'est celle qui m'a le plus marqué, où on fait un lien en trois courbes. Donc, ça s'appelle hausse salariale négociée, inflation et chômage au Québec de 1984 à 2023. Donc, c'est un petit peu plus long encore. L'autre a commencé en 1971, non, donc c'était l'autre qui était plus longue, plus longitudinale, celle-là est quand même pas mal, mais on voit la ligne pleine, ici, c'est la hausse salariale négociée. J'assume que ça doit être en pourcentage, mais c'est ça. Donc le tableau ici est en pourcentage. La ligne en pointillé, c'est l'IPC, l'indice du prix à la consommation. Ah! Tiens, tiens, il y a comme une corrélation assez forte entre les deux lignes, entre les hausses de salaire et l'IPC. Comment on analyse ça? Ils l'écrivent très bien dans le mémoire, d'ailleurs, bien, sans grande surprise. S'IPC est forte, les gens réclament plus de hausses de salaire pour garder à peu près intact, à défaut de l'améliorer, leur pouvoir d'achat. Si l'inflation et l'IPC est basse, la pression de faire l'effort immense que constitue un conflit de travail, en termes émotifs, en termes de ressources, bien la pression est moins forte si l'IPC est faible, pas moyen de… pas besoin de brasser autant la cabane et de faire des moyens de pression aussi forts, M. le Président.

Bien, voilà. Qu'est-ce qui se passe récemment ici, depuis 2020? Wo! Une ascension assez forte de l'IPC. On l'a dit ad nauseum ici. Crise du coût de la vie. Ça se reflète dans le logement, ça se reflète à l'épicerie, ça se reflète dans plein de choses au quotidien. Bien, quelle surprise! La hausse aussi des demandes salariales est forte, est à peu près collée à celle de l'IPC. Encore une fois, ça ne prend pas la tête à Papineau. Il est juste là, Papineau, on le salue. Ça ne prend pas la tête à Papineau pour comprendre que, si des gens ont une hausse du coût de la vie, plus forte que d'habitude, bien, ils vont vouloir une hausse de salaire plus forte que d'habitude. S'ils veulent une hausse de salaire plus forte que d'habitude, bien, peut-être que l'employeur va résister un peu plus, pour toutes sortes de motifs, valables ou pas. Ce n'est pas ça, la question. Si l'employeur résiste plus que d'habitude, bien, peut-être, qu'il va y avoir plus de conflits de travail, tout ça d'un point de vue macro, là, d'un point de vue encore une fois systémique, le mot qui fait mal…

M. Leduc : ...c'est normal. C'est normal qu'avec l'IPC il y ait plus de conflits de travail. Ça ne veut pas dire que le système que nous avons pris des années à bâtir doit être révisé de fond en comble et dont les principes du très fragile équilibre, qui sont présents depuis, encore une fois, des décennies, doivent être mis en cause, comme le fait... Bonjour... comme le...

• (16 h 40) •

Le Président (M. Allaire) : ...rappel de prendre le temps de la sonnerie de vos appareils. Deux de suite, c'est quand même... c'est plutôt rare quand même.

M. Leduc :. Aucun souci pour moi, M. le Président. On la salue. Aucun... alors aucun, aucun étonnement devrait être présent dans nos esprits alentour de ça, que ce soit donc du côté du ministre ou que ce soit du côté de groupes patronaux, voire de chroniqueurs, de prendre très, j'ose le dire, un peu bêtement, la hausse des conflits de travail pour dire : Voilà, ça, ici, là, c'est ça qui légitime l'intervention du gouvernement. Bien, un instant, il y a l'autre tableau aussi, il y a la hausse de l'IPC puis la hausse des demandes salariales, ça, c'est pas mal plus pertinent. Ça, c'est plus intéressant pour comprendre et mettre en contexte le tableau précédent.

Maintenant, je reviens à la motion. De mettre la main sur les analyses puis les avis juridiques sur le projet de loi, ça me semble essentiel. Pourquoi? Et mon collègue de Jean-Talon en a très bien fait l'étalage tantôt. Ce projet de loi comporte de très nombreux problèmes juridiques, des problèmes juridiques très sérieux, puis, tôt ou tard, on va arriver dans l'étude détaillée, article par article, puis on va les traiter un par un, ça, j'en suis convaincu, mais pour les gens qui nous écoutent, je les réfère à un autre mémoire du CRIMT. Le CRIMT est tellement sur la coche, M. le Président, qu'ils ont fait deux mémoires avec une autre batch de profs, si je peux m'exprimer ainsi. Donc, le premier tantôt, c'était l'école de relations industrielles d'où j'ai tiré les trois tableaux. Là, il y a une autre mémoire du CRIMT. Eux autres étaient passés le jour d'avant, je pense, le 17 mars 2025. Et, dans ce bassin de professeurs, il y a Julie Bourgault, avocate et professeure titulaire au département de droit de l'Université du Québec en Outaouais; Michel Coutu, avocat, professeur émérite, École de relations industrielles, Université de Montréal; Laura Dehaibi, avocate, est professeure, département de relations industrielles, Université Laval; Me Dalia Gesualdi-Fecteau, avocate et professeure titulaire, École des relations de travail, Université de Montréal, principalement, elle, je pense, qu'interagissait avec le ministre; Louis Philippe Lampron, avocat et professeur titulaire à la Faculté de droit de l'Université Laval; Anne Julie Roland, avocate et professeure chargée d'enseignement à l'École des relations de travail, Université de Montréal; Gilles Trudeau, avocat et professeur émérite, Faculté de droit, Université de Montréal; et finalement Maxine Vyssotski Charlebois, avocate et professeure, Département de sciences juridiques, Université du Québec à Montréal, de l'UQAM, mon alma mater. Donc, un mémoire un peu plus juridique, parce que, dans les professeurs, c'est un peu plus des avocats, des professeurs de droit. Je vais juste vous lire les deux pages du sommaire exécutif parce que ça frappe, M. le Président. Ça va... ça y va au toast, là, puis c'est assez frontal, j'y vais : «Sommaire exécutif. Le présent mémoire soumis par huit experts et expertes universitaires du droit national et international du travail, du droit constitutionnel. Le mémoire propose une analyse historique et juridique des changements introduits par le projet de loi n° 89, visant à considérer davantage les besoins de la population en cas de grève ou de lockout». Là, ils divisent leur sommaire en deux sections. Première section, c'est : «Quant au pouvoir spécial conféré par le projet de loi au ministre de décréter un arbitrage obligatoire et de mettre fin à la grève. L'imposition de l'arbitrage obligatoire entraînant la suppression du droit de grève porte atteinte à la liberté d'association, qu'il survienne avant l'exercice du droit de grève, au début de celui-ci ou après un certain temps depuis le déclenchement de la grève. Le mécanisme de règlement des différends qui se substitue au droit de grève ne permet pas forcément de justifier l'atteinte à la liberté d'association au sens de l'article premier de la Charte canadienne. Ces modifications envisagées au Code du travail, si elles devaient être adoptées, entraînent indubitablement une banalisation de la violation des droits consacrés par les chartes. Ce constat se pose avec encore plus de vigueur lorsque le recours à l'arbitrage obligatoire repose sur une décision unilatérale et discrétionnaire du ministre. L'analyse qui devrait être faite pour évaluer la constitutionnalité du décret pris sous l'égide de l'éventuel article 111.32.2 du Code du travail repose sur des considérations éminemment factuelles. Cette analyse se fera au cas par cas. Une telle modification du Code du travail conduira inévitablement à une prolifération de contestations constitutionnelles et une judiciarisation des conflits de travail, puisque chaque...

M. Leduc : ...ça devra être analysé à l'aune d'une particularité qui lui sont propres. Le pouvoir spécial octroyé au ministre par ce projet de loi ne respecte pas les engagements internationaux du Québec, c'est-à-dire les conventions numéro 87 et 98 de l'OIT, l'Organisation internationale du travail. En effet, en vertu du droit international, la grève ne peut être limitée ou interdite que dans les services essentiels au sens strict du terme, et l'arbitrage obligatoire ne peut être imposé de manière unilatérale et discrétionnaire par le gouvernement. Ayoye!

Deuxième section, quant aux dispositions du projet de loi n° 89 portant sur l'obligation de maintenir des services assurant le bien-être de la population en cas de grève, l'article 4 du projet de loi, le Tribunal du travail mobilise une définition englobante de la notion de sécurité et démontre de larges pouvoirs qu'il peut déjà exercer quand les circonstances le justifient. L'ajout des concepts comme le bien-être ou la sécurité sociale, des notions indéfinies juridiquement, risquent de faire double emploi avec le régime des services essentiels et d'engendrer confusion et incertitude quant à la portée de notre régime juridique. Ça fait mal, ça, M. le Président. Confusion et incertitude quant à la portée de notre régime juridique. Quand je vous disais qu'il frappe fort, ça fait mal.

L'insertion du critère sécurité économique trahit le principe même de la grève qui est précisément d'imposer un fardeau économique à l'employeur. Le principe même de la grève, M. le Président. Comme l'a souligné la Cour suprême en 2015, si la grève est un moyen de pression économique certes redoutable, elle constitue néanmoins une composante cruciale de la promotion de la paix industrielle et partant socioéconomique. Les dispositions du chapitre5 1.1 ont le potentiel d'entraver substantiellement la liberté d'association. Ces entraves devront être appréciées à l'aune de l'article premier de la Charte canadienne. Une fois de plus, cette analyse se fera au cas par cas, au risque d'une judiciarisation des conflits de travail.

Les dispositions envisagées en ce qui concerne les services visant à assurer le bien être de la population sont larges et débordent du cadre établi par le droit international dans la mesure où elles ne se limitent pas aux services publics d'importance primordiale et aux crises nationales aiguës. De façon générale, les pouvoirs discrétionnaires conférés au gouvernement et au ministre par le projet de loi n° 89 heurtent les principes de primauté et de prévisibilité du droit en plus d'être une source de potentielles iniquités entre les milieux de travail oeuvrant ou non dans un même secteur d'activité. Ces principes pourraient servir d'assise juridique pour contester la validité conditionnelle des chapitres 5.1 et 5.3.1. Ces principes peuvent servir d'assise juridique pour contester la validité constitutionnelle. On se l'est fait dire en plus par l'intégralité des centrales qui sont venues ici et elles vont contester le projet loi n° 89 la seconde et quart suivant la signature du lieutenant-gouverneur, et là, on est en train de dire : Oui, oui, ils auront raison, par des experts en droit, les professeurs d'université. Moi, ça m'inquiéterait à la place du ministre, en particulier pour son héritage, parce que si, dans quelques années, ça monte en Cour suprême et que ça se fait démolir, mais ça va être son nom qui va être associé à ça.

Je termine le sommaire exécutif avec l'extrait suivant, M. le Président. «Le projet loi n° 89 pose un risque accru de judiciarisation et de politisation des relations de travail, instaure de ce fait une indétermination du cadre juridique applicable.» Là, je vous épargne la lecture de cette section-là, mais elle est particulièrement éclairante. Dans le fond, les experts nous disent : La mise en concurrence des deux régimes... le ministre parlait d'un régime parallèle, mais la mise en concurrence des deux régimes, c'est terrible, ça. Qu'est-ce qui va arriver? Eh bien, il va se passer que dans un dossier X ou Y, un groupe patronal va se demander lequel des deux régimes pourrait potentiellement être utilisable. Parce que ne l'oublions pas, je le disais tantôt en citant la décision du TAT sur le RTC, il pourrait être appelé à se repencher dans le futur sur l'inclusion ou pas des services de transport dans les services essentiels. C'était une disposition du projet de loi de 2019 que le ministre et moi avons discuté et débattu dans cette Chambre. C'était la façon du ministre de dire : On se garde une porte ouverte. Donc, on sort les espèces d'applications un peu bêtes des pourcentages, on resserre les critères sur la sécurité et la santé physique des personnes, mais on se garde une petite porte ouverte pour la situation qui évolue. C'était assez habile en fait. On ne sait jamais comment le futur va se développer, quelles nouvelles technologies pourraient arriver. On se fait tout le temps expliquer ça dans nos fameux cours de droit constitutionnel. C'est le pouvoir subsidiaire de la Confédération canadienne qu'on a décidé, malheureusement à l'époque, qui retombait sur le fédéral...

M. Leduc :  ...c'est pour ça que les télécommunications, c'est fédéral.

• (16 h 50) •

Une voix : ...

M. Leduc : Résiduaire, merci. J'ai un vrai avocat à mes côtés. Moi, j'ai juste un certificat en droit du travail. Je ne suis pas tout à fait un vrai juriste, je suis un «wannabe» juriste, en bon français. Donc, pouvoir résiduaire. Merci, merci.

Tout ça pour vous dire qu'on a à peu près... pas fait un équivalent, mais on... c'est un peu ça qu'on a fait dans le domaine du droit du travail en disant : Pour les services essentiels, la cour, le TAT a le droit de réinterpréter dans le futur. Ils l'ont dit eux-mêmes dans la décision.

Bien, ces deux régimes-là, côte à côte, qui... qu'est-ce qui va s'appliquer? On a eu... On a eu même ce débat-là dans le cadre... Tu sais, je faisais référence à l'ouverture... une intervention législative du ministre, que j'ai somme toute appréciée, qui était l'encadrement légal des stagiaires. J'étais content qu'il le fasse, j'étais juste qu'il fasse un régime parallèle. J'aurais souhaité que ça soit intégré pleinement dans les normes du travail, puis c'était à peu près ma seule critique que je lui avais faite à l'époque : Pourquoi vous créez un régime parallèle? Le régime est déjà là. Faites juste intégrer les étudiants dans ce régime-là. Bien là, j'ai l'impression qu'on rejoue dans le même film.

Le ministre est un... Je finis par le connaître, hein, sept ans à travailler ensemble. Il aime ça, les espèces de trucs parallèles, à côté, un peu différent, un peu... un peu pareil, pas pareil, une formule que je trouve un peu alambiquée, pour être honnête, M. le Président, parfois. Bien là, on 100 % là-dedans, là, 100 % là-dedans. Parce qu'il le sait que, s'il va rejouer dans la notion des services essentiels... il le sait qu'il va perdre en Cour suprême, il le sait que c'est très clair, la jurisprudence. Alors, il essaie quelque chose, il essaie quelque chose en parallèle. Il dit : Bien non, non, mais ce n'est pas... il a eu l'échange tantôt avec mon collègue, ce n'est pas tout à fait les services essentiels, c'est autre chose. Tout le monde a compris ce que c'était, en particulier les gens qui sont venus soutenir le projet de loi, ils utilisaient tous le vocable «services essentiels». Il a même cité, le ministre, l'exemple tantôt des transports de traversiers, le vocable était utilisé pour services essentiels. Bien, voilà, exactement... C'est ça qu'il veut faire. Il veut venir combler, sans pouvoir le faire, parce qu'il sait qu'il ne peut pas le faire... il veut élargir la notion de services essentiels, mais il n'en est pas capable. Il est... Il est un peu prisonnier de la jurisprudence, à son corps défendant, peut-être, je ne sais pas, mais là il a trouvé ça, cette espèce de voie de contournement un peu bizarre. Et il se fait critiquer : «L'indétermination du cadre juridique applicable, un risque accru de judiciarisation et de politisation des relations de travail instaurant une indétermination du cadre juridique applicable». C'est quand même... C'est quand même fort, ça, M. le Président.

Moi, je trouve ça bien dommage parce qu'on devrait être en train de faire autre chose. Si le ministre avait voulu intervenir dans le droit du travail en disant : Il faut qu'on bouge un peu sur les conflits, il y a quelque chose à faire... J'ai émis des pistes tantôt. On a parlé d'être plus sévère sur les briseurs de grève, on a parlé d'être plus sévère, c'était quoi l'autre aspect, sur la notion d'établissement notamment. Pourquoi ce n'est pas dans le projet de loi? Pourquoi, au pire, il ne fait pas aussi les deux? Pourquoi il n'a pas rajouté ça aussi? Pourquoi il fait juste un volet? Je ne le comprends pas, ça. Je ne le comprends pas. Ça m'étonne. Ce n'est pas... Je ne reconnais pas le ministre dans son approche sur ce projet de loi là. Je le reconnais sur la forme, je disais tantôt un truc un peu alambiqué, mais, sur le fond, ça me surprend. Le ministre recherche toujours l'équilibre, recherche toujours à ne pas être en froid avec une ou l'autre des parties.

Je l'ai entendu dire, l'autre jour : Bien là, mon projet de loi n° 89, tous les syndicats sont venus me dire qu'ils étaient contre, tous les groupes patronaux sont venus me dire qu'ils étaient pour, donc j'ai trouvé l'équilibre. Bien, voyons! Ce n'est pas comme ça que ça marche. Si tout le monde était venu dire qu'il était contre, vous auriez peut-être pu plaider que vous aviez trouvé un équilibre, mais là, si tous les syndicats sont contre et tous les patrons sont pour, il n'y en a pas, d'équilibre. Ce n'est pas ça, l'équilibre. C'est le déséquilibre, c'est la consécration même du déséquilibre.

J'ai trouvé l'approche du CRHA assez intéressante. CRHA, c'est le conseil des... l'ordre des conseillers en ressources humaines agréés. Puis eux, ils occupent une place assez fascinante dans l'échiquier du droit du travail. Les conseillers en ressources humaines agréés, c'est comme... c'est comme les cadres, dans le fond. Ça fait qu'ils sont dans la partie patronale sans être les patrons, dans ce sens qu'ils négocient des griefs, ils appliquent des politiques, ils appliquent du droit, mais ce n'est pas eux qui décident des grandes orientations de l'entreprise, ça, c'est les patrons, les possédants, les conseillers en ressources humaines, c'est plus des cadres, mais ils sont proches des travailleurs. Tous les conseillers en ressources humaines, c'est la porte ouverte, ils reçoivent des travailleurs qui leur parlent de toutes sortes de problèmes qui sont...

M. Leduc : ...un pied dans les deux mondes. Mais qu'est-ce qu'ils sont venus dire au ministre? Ils ouvraient la porte à une reconsidération de la notion de services essentiels pour peut-être faire des ajustements, même les centrales syndicales étaient ouvertes à ça, mais sur la notion de l'arbitrage automatique exécutoire qui mettait fin abruptement à la grève, ils sont venus dire la même chose que les centrales : Retirez ce bout-là. Les patrons, il y a des cadres sont venus dire ça au ministre. Ça n'a pas fait grand bruit. Moi, j'ai retenu ce passage-là, des CRHA qui sont venus dire : L'arbitrage exécutoire qui met fin à la grève, ce n'est pas possible. Retirez-moi ce bout-là.

Alors, on verra à l'étude par articles s'il y a peut-être des amendements, le ministre a même dit qu'il y avait des amendements qui allaient... Je ne sais pas s'il va reprendre la même bonne pratique qu'il avait dans les précédents projets de loi, c'est-à-dire de déposer tout de suite, d'entrée de jeu, l'ensemble de ses amendements. Je le regarde voir s'il veut répéter ce bel exercice là. Sinon, nous allons les apprendre au fur et à mesure. On le verra tantôt. Nous, ça nous permet de mieux pouvoir nous enligner sur la pertinence de nos amendements, mais, au pire, on les regardera un à la suite de l'autre, ce n'est pas grave. Mais cette façon-là de travailler, M. le Président, de dire : Il y a un... je vois un problème, je prends une partie des données pour justifier un problème, je sais que je n'aurai pas gain de cause devant la Cour sur les services essentiels, c'est-à-dire jusqu'où ils voudraient aller, même s'il le sait, il s'est fait dire notamment par les centrales qu'il aurait de l'ouverture pour regarder ça, non, non, il préfère inventer un régime parallèle, contourner le droit actuel, espérer que ça, ça tough plus longtemps à la hauteur de ce que ça veut dire en matière de contestation juridique. Donc, quand on part une contestation comme ça, M. le Président, bien, avant que ça monte jusqu'à la Cour suprême, on est dans un délai de quoi, cinq à 10 ans au moins, ça peut vouloir dire peut-être deux autres gouvernements différents, là, avant qu'une décision soit rendue. Est-ce que c'est la chose responsable à faire, de savoir que son régime va être contesté pendant presque cinq à 10 ans? Est-ce que c'est la chose responsable à faire? Je suis convaincu que non.

Là, je termine là-dessus, avec les minutes qu'il me reste, M. le Président. Il ne pourra pas me répondre sur le champ, mais on en reparlera certainement tantôt. Le ministre, tantôt, m'a dit, ou a dit plutôt : C'est faux de dire... c'est inexact de dire que je ciblerais les CPE, mais ça a fait référence à ça tantôt. Tout le contexte tend à prouver le contraire, mais, après ça, il faut entendre ce que l'autre partie nous dit, hein, audi alteram partem, comme disait M. Landry, mais est-ce que le ministre, dans ce cas-ci, et, encore une fois, il me répondra tantôt, mais est-ce qu'il est prêt d'abord à s'engager à ce que si jamais son projet de loi est adopté tel quel et qu'il y a grève dans les CPE dans les prochaines semaines à ne pas mobiliser son projet de loi, à ne pas utiliser son projet de loi pour la grève des CPE? Est-ce qu'il est prêt à s'engager là-dessus? Parce que, là, il veut nous convaincre que ce n'est pas son intention de s'en servir trop souvent, que ce n'est pas quelque chose qui est fait à cause des CPE, ah, mais qui vivra verra. Mais là, si on veut... on veut bien comprendre son intention, est-il prêt à s'engager? Je le mets au défi de ne pas mobiliser son projet de loi n° 89 dans le cadre d'une éventuelle... parce qu'on ne la souhaite pas, M. le Président, d'une éventuelle grève des CPE. Je lui pose la question. Je sais que je n'aurai pas de réponse maintenant, nous ne sommes pas rendus à la partie d'échange, mais il m'a regardé, il m'a bien compris la question. Nous aurons certainement l'occasion d'y revenir. Et je vais m'arrêter là-dessus, M. le Président. Merci.

Le Président (M. Allaire) : Merci, M. le député d'Hochelaga-Maisonneuve. D'autres interventions? Ça va. S'il n'y a pas d'autre d'intervention, nous allons procéder à la mise aux voix de cette motion préliminaire. Est-ce qu'elle est adoptée?

Une voix : Par appel nominal.

Le Président (M. Allaire) : Par appel nominal. Par appel nominal, s'il vous plaît.

Le Secrétaire : Pour, contre, abstention. M. Boulet (Trois-Rivières)?

M. Boulet : Contre.

Le Secrétaire : M. Caron (Portneuf)?

M. Caron : Contre.

Le Secrétaire : M. Tremblay (Dubuc)?

M. Tremblay : Contre.

Le Secrétaire : Mme Lachance (Bellechasse)?

Mme Lachance : Contre.

Le Secrétaire : Mme Picard (Soulanges)?

Mme Picard : Contre.

Le Secrétaire : Mme Prass (D'Arcy-McGee)?

Mme Prass : Pour.

Le Secrétaire : M. Leduc (Hochelaga-Maisonneuve)?

M. Leduc : Pour.

Le Secrétaire : Et, M. Allaire (Maskinongé)?

Le Président (M. Allaire) : Abstention. Donc, la motion préliminaire, elle est rejetée. Je comprends qu'il y a une autre motion préliminaire que le deuxième groupe de l'opposition souhaite déposer. Donc, M. le député d'Hochelaga-Maisonneuve, je vous cède la parole.

M. Leduc : Moi, il m'en reste juste une. Je vois que vous en aviez deux dans votre...

Le Président (M. Allaire) : Oui. Laquelle, juste pour être certain, là?

M. Leduc : Celle du TAT.

Le Président (M. Allaire) : Ça va, on va l'afficher.

M. Leduc : Ça va?

Le Président (M. Allaire) : Oui, on va y aller.

M. Leduc : Merveilleux. Que, conformément à l'article 244 du règlement de l'Assemblée nationale, la Commission de l'économie et du travail, avant d'entreprendre l'étude détaillée du projet de loi n° 89, Loi visant à considérer davantage les besoins de la population en cas de grève et de lock-out, tienne des consultations particulières...

M. Leduc : ...et qu'à cette fin, elle entende le Tribunal administratif du travail.»

• (17 heures) •

C'est quand même inhabituel, je vais le dire comme ça, M. le Président, de te proposer d'entendre le TAT. Comme c'est une instance de jugement qui se veut le plus neutre possible, bien sûr, il y a toujours une distance, hein, avec les élus. Cependant, le cas en espèce du projet de loi n° 89 nous appelle, je pense, à faire cette exception.

Les.... J'ai lu à l'instant, avant qu'on batte la motion de mon collègue de Jean-Talon, à quel point les collègues du CRIMT, C-R-I-M-T, la, de l'université... des universités, des profs de droit et des relations industrielles des différentes universités étaient inquiets quant aux imprécisions de ce projet de loi là, quant au caractère un peu flou de certaines données. Bien, il y a d'autres collègues aussi qui ne sont pas très heureux de ça, et j'y ai fait référence tantôt dans un autre extrait. Mais là, je vais lire l'extrait encore du mémoire de l'École des relations industrielles de l'Université de Montréal qui sont affiliés au CRIMT aussi, donc Mélanie Laroche, Patrice Jallette, Gregor Murray, et ça va comme suit :

«Le projet de loi n° 89 introduit un nouveau type de conflit, soit des conflits qui jusqu'ici ont toujours été considérés comme non essentiels, soit des conflits qui pourraient viser des entreprises privées dans le commerce ou même le secteur manufacturier. Bien que ces conflits aient pu déranger les clients, les bénéficiaires, les usagers ou les citoyens concernés, ils ne mettaient pas en danger ni la santé ou la sécurité publique. Comme la propose le projet de loi. Le passage de la notion de conflit affectant des services essentiels à celle de conflit affectant de manière disproportionnée la sécurité sociale, économique ou environnementale de la population, notamment celle de personnes en situation de vulnérabilité, non seulement élargit le nombre de conflits considérés, mais introduit un flou qui prendrait des années à être clarifié et laissera pendant ce temps les parties dans l'incertitude. Ces notions nouvelles devront être interprétées au gré du contexte, introduisant une dose supplémentaire d'incertitude dans le système de relations de travail. De plus, l'introduction par le projet de loi d'un critère de proportionnalité est confuse et probablement inapplicable. Si la disproportion vise à comparer et à soupeser la liberté individuelle d'association et celle du droit de la sécurité dans le cadre d'un conflit même de nature privée, les tribunaux ont déjà, avec les chartes, tous les outils nécessaires pour y parvenir. Si cette disproportion vise plutôt à soupeser les enjeux et les impacts d'un conflit, comment alors mesurer les désagréments à la sécurité environnementale, sociale ou économique vécus par la population? En le mettant en rapport avec les objectifs poursuivis par cet arrêt de travail. Il s'agit d'un problème de mesure bien réel, car il faudrait aussi considérer les bénéfices produits pour l'ensemble de la population par l'amélioration des conditions de travail des groupes en conflit et potentiellement des services qu'ils assurent. Par exemple, il n'est pas rare que dans les secteurs des services publics, les points litigieux menant au conflit sont animés par un désir des travailleurs d'améliorer les services à la population ou d'en éviter la dégradation.»

Je fais une pause ici et je parlais des CPE un peu plus tôt aujourd'hui. Quand je fais la tournée des grèves, des lignes de piquetage en CPE. Oui, elles se battent pour leurs conditions de travail, mais je le disais, elles se battent surtout pour celles qui vont suivre. Elles se battent aussi pour les conditions de vie des tout petits. Elles le voient bien qu'elles ne sont pas capables de livrer un service aussi bon que ça a déjà été. Elles le voient bien le réseau dépérir à vue d'oeil. Elles n'ont pas envie de voir leur milieu de travail se transformer pour le moindre... le moins... le moins bien, dans le fond, pour le pire. Alors, bien sûr que leur grève, par la force des choses, avec un gain intéressant en matière de conditions de travail, va stabiliser le réseau et par le fait même attirer des nouveaux talents, repartir des cohortes dans les cégeps, éviter des transfuges vers Costco et vers le réseau de services de garde à outrance, stabiliser la main-d'oeuvre et de facto assurer un meilleur service à la population. C'est ça la thèse des professeurs ici. C'était la même chose dans les écoles. Quand on a fait la grève des profs, des employés de soutient dans les écoles, c'était la même chose, si on ne payait pas les profs d'un... avec un... avec un salaire décent, bien, on allait se retrouver avec un adulte dans la classe comme le disait si bien le ministre de l'Éducation, puis encore là, ça va être un défi à chaque...


 
 

17 h (version non révisée)

M. Leduc : …mois de septembre. De s'assurer qu'il y avait au moins un adulte dans la classe dans chaque classe du Québec. Je poursuis. «Dans le même esprit, un conflit dans le secteur privé peut viser à empêcher un employeur à délocaliser une partie de ses activités qui seraient susceptibles d'affecter la place des opérations locales dans la chaîne de valeur mondiale, ce qui n'irait pas sans conséquences pour la communauté locale. De telles considérations seront-elles prises en considération dans l'évaluation de la proportionnalité? En dépit de nos expertises et de nos expériences en matière de relations de travail, il ne nous est pas possible de déterminer comment on peut affecter de manière proportionnée ou disproportionnée la sécurité économique, sociale et environnementale. Plusieurs années ponctuées d'essais et d'erreurs, de malentendus et de décisions du TAT seront probablement nécessaires au développement d'une interprétation fonctionnelle de ces notions floues», je répète, une interprétation fonctionnelle de ces notions floues. Plusieurs années de décisions du TAT. On ne parle pas d'une application, là, qui aura trouvé son air d'aller dans six mois, là. Plusieurs années ponctuées d'essais, d'erreurs, de malentendus, de décisions du TAT seront probablement nécessaires au développement d'une interprétation fonctionnelle de ces notions floues. On parle toujours des notions de sécurité économique, sociale et environnementale et du caractère proportionné ou disproportionné de l'atteinte à celles-ci.

Le TAT dispose déjà d'une latitude pour élargir ou rétrécir la notion de service essentiel à la lumière des normes sociales et de sa propre jurisprudence. Tiens, tiens! Les parties à ces conflits sont libres de le faire valoir, leur argumentaire au moment d'arrêter la définition de services essentiels dans chaque conflit. Bien oui, on vient de le voir dans le dossier du RTC à deux reprises, la RTC est allée voir puis elle a dit : Oui, oui, je pense qu'on peut essayer de revoir si ça cadre ou pas dans service essentiel. C'est possible de le faire au moment où on se parle. Ce n'est pas une procédure qui est souvent utilisée, d'ailleurs. Le ministre aurait pu faire cet appel-là à la place de faire un p.l. Si vous voulez, les patrons, essayer quelque chose, allez essayer… allez voir le TAT, préparez-vous comme du monde, mettez un argumentaire, plutôt que de dérouler un tapis vers une voie de contournement.

«Notre régime de relations de travail étant soumis à un contrôle étatique important et un tel degré d'intervention de l'État étant inhabituel au regard des normes internationales, il ne nous apparaît pas approprié pour le Québec de se distinguer et de s'isoler davantage sur le plan international. Outch! Il ne nous apparaît pas approprié pour le Québec de se distinguer et de s'isoler davantage au plan international.» C'est une situation qui frappe, parce qu'un peu plus tôt dans le mémoire ils font référence au fait que, toutes choses étant égales, par ailleurs, le droit de grève au Québec est déjà quand même assez restreint. Des périodes assez précises où est-ce qu'on peut faire le droit de grève. Ce n'est pas illimité, là, c'est un nombre de jours après la fin de la convention, etc. On fait référence à la France, parfois, la France, c'est un autre extrême, mais ils n'ont pas à peu près de limitations au droit de grève, ils peuvent faire une grève de solidarité en France, même si nos conditions de travail sont bonnes, si la convention n'est pas échue, est prévue pour dans deux, trois ans. Mais on a un groupe de travailleurs dans une industrie voisine qui ont besoin de soutien, bien, on peut faire la grève de solidarité, c'est parfaitement légitime et assez courant, même. Mais ici au Québec, on n'a pas le droit. Donc, le droit de grève est déjà somme toute assez restreint. C'est la thèse des trois professeurs de l'Université Laval de l'École de relations industrielles.

• (17 h 10) •

Puis là on vient avoir un ministre qui leur dit : non seulement ce n'est pas assez… on seulement c'est déjà assez restreint, mais on va plus loin encore. Pourquoi j'ai proposé qu'on entende le TAT? Bien, pour ça, M. le Président. Parce que quand on a trois professeurs experts en relations industrielles qui nous disent que plusieurs années seront nécessaires pour développer et interpréter… pour développer une interprétation fonctionnelle de ces notions floues, ça m'inquiète. Je ne sais pas si je serai assis avec le ministre dans la prochaine législature, dans un an et des poussières. Qui vivra verra. Je sais que peu importe si moi ou lui, nous revenons ici, nous allons probablement retourner peut-être à nos pratiques antérieures ou, d'une certaine manière, continuer à évoluer dans le milieu du travail. Par contre, l'approche qu'il aura cimentée ici et ce que j'estime être les problèmes potentiels qu'il aura créés, seront, eux, complet et entiers, que notre présence…

M. Leduc : ...si se pérennise ou pas. Et quand on a trois experts en relations industrielles qui nous disent que plusieurs années de décisions seront nécessaires pour développer une interprétation fonctionnelle du TAT, mais j'aimerais ça de l'entendre, moi, le TAT, parce que je suis pas mal certain qu'ils n'étaient pas très, très enthousiastes quand ils ont vu la nature du projet de loi, quand ils ont vu la grosseur de la patate chaude que le ministre prévoyait leur balancer pour dire : Bon, bien, les amis, voici des notions, puis vous vous arrangez avec ça, moi, je veux juste pouvoir faire quelque chose politiquement, hein, il y a un conflit dans une région x ou y, ou une industrie x ou y, c'est un problème, les médias en parlent, les citoyens m'en parlent, mes députés de mon caucus m'en parlent, bien, voilà, je vais pouvoir avoir dit j'ai fait quelque chose. Parce que, dans le conflit du RTC, reprenons encore l'exemple de... de tantôt, le ministre était un petit peu politiquement attaché. Qu'est-ce qu'il pouvait dire, le ministre, pendant le conflit du RTC? Pas grand-chose, à part de dire : l'état du droit est tel qu'il est puis les groupes pourront aller plaider. Je suis un politicien maintenant moi aussi, là, je le comprends qu'il avait une pression et l'appel de pouvoir faire quelque chose de plus gros, mais ce n'est pas parce que l'appel puis la pression sont là qu'il faut leur succomber. Combien de fois on se fait dire, peu importe les partis, qu'il faut faire x ou y affaires à cause de tel sondage ou à cause de telle position d'un autre parti dans un autre pays, dans une autre industrie. Bien, bien sûr qu'on peut se laisser influencer dans les débats, c'est ça, le concept, d'écouter des arguments, mais il faut y aller selon nos convictions, il faut aussi y aller avec notre responsabilité d'élu, en particulier quand on administre l'État quand on est au pouvoir, quand on est à la tête d'un ministère aussi important que le ministère du Travail. Je ne sais pas quel a été le niveau de discussion que le ministre a eu avec le TAT en amont de son projet de loi. Je ne sais pas si, en général, il y a des discussions avec le TAT en amont de ses différents projets de loi. J'imagine que, dans ce cas-ci, en tout cas, je souhaite qu'il y en ait eu une certaine forme. Je serais curieux d'entendre le TAT, qu'est ce qu'ils ont à nous dire là-dessus? Comment ils voient ça, eux et elles, le TAT, d'appliquer des notions comme la proportionnalité d'une atteinte dans une sécurité économique, sociale et environnementale? Qu'est-ce que ça veut dire, ça, pour le TAT?

Puis ça, M. le Président, comme je vous disais, je connais bien mon collègue le ministre du Travail, on a eu plusieurs projets de loi ensemble, on appliquait toutes sortes de choses, parfois du droit nouveau, parfois des ajustements au droit, le ministre était très, très, très habitué, en particulier quand il faisait du droit nouveau à utiliser, avec beaucoup de prudence, la disposition... les dispositions finales pour voir quand est-ce que ce serait appliqué. Vous connaissez le concept, un projet de loi, vous n'êtes pas obligé de le rentrer en vigueur au complet en même temps, vous pouvez choisir certains articles qui vont entrer en vigueur à un moment x, d'autres à un moment y. La dernière fois qu'on a eu cette discussion-là, ça m'a beaucoup fâché, c'était sur le projet de loi sur la construction, on avait enfin convaincu le ministre de permettre la rétroactivité salariale, mais, surprise, en fin, fin, fin de parcours, un des derniers articles, grande déception, le ministre avait décidé que ça ne s'appliquerait pas à la négociation qui allait commencer. Écoute, je ne referai pas le débat, mais il n'y a pas beaucoup de justifications. Mais pour vous dire que là, là, il fallait faire bien attention, là, là, on ne pouvait pas l'appliquer trop vite, là, le nouveau droit. Tous les salariés du Québec ont le droit de négocier de la rétro, sauf les salariés de la construction. On avait finalement décidé de mettre ça derrière nous, mais pas tout de suite. Ça va être appliqué juste dans quelques années. Ça, c'était important pour le ministre, à ce moment-là, de faire une distance. J'imagine que c'était peut-être sa façon de dire au patronat : Bon, mais, regardez, des petits gestes, le député d'Hochelaga-Maisonneuve a été bien fatiguant avec ça, il a bien fallu que je donne quelque chose. Puis là, par contre, ça ne s'applique tout de suite, ça fait que la prochaine négo. Bien, coudon! Alors, moi, je m'étais imaginé, on dira peut-être naïvement, que l'application de concepts aussi vagues et un bouleversement aussi frontal de l'équilibre des forces en matière de droit de grève, j'aurais imaginé qu'il y aurait eu une application quand même assez décalée, tu sais...

M. Leduc : ...on est en... au mois d'avril, presque au mois de mai. Je me suis dit : Bien, mettons que c'est appliqué là avant la fin de la session, il va certainement laisser six mois, peut-être un an avant que ça rentre en vigueur. Non, bien non. Sous réserve de surprise qui nous sera déposée, en temps et lieu, par le ministre, que dit le projet de loi, là, n° 89, à l'article 11, Dispositions finales? «Les dispositions de la présente loi entrent en vigueur le (indiquer ici la date de la sanction de la présente loi).» La sanction de la présente loi, pour les gens qui nous écoutent, c'est, une fois qu'on l'a adopté au salon rouge, le ministre prend rendez-vous avec le lieutenant-gouverneur, traverse la rue, signature. Je ne sais pas s'il y a une photo. Peut être que oui, peut-être que non. Pas de photo, qu'on me dit. Et, après ça, voilà, la loi prend effet à la signature par le lieutenant-gouverneur.

Pourquoi, là, c'est une application immédiate? Pourquoi, cette fois-ci, contrairement à plein d'autres fois où est-ce qu'on avait du droit nouveau, puis que le ministre avait insisté pour en faire une application différée... pourquoi, cette fois-ci, c'est une application immédiate, à la sanction de la loi? Pas dans trois mois, pas dans six mois, pas dans un an. Immédiatement.

Tantôt, je disais... Le ministre nous dit qu'il ne veut pas qu'on pense que ça a été fait contre les CPE. Bien, encore une fois, le contexte conspire à l'inverse. Et ça, c'est un élément de contexte qui conspire à l'inverse. Si le ministre avait mis du droit nouveau comme ça, avec une application différée dans six mois — je prends un chiffre comme ça — bon, pas mal sûr... Et je souhaite ardemment qu'il n'y ait pas de conflits de travail toujours dans les CPE dans six mois, on se comprend bien. Mais là ce n'est pas ça. Là, c'est appliqué immédiatement.

Donc, une idée sortie de nulle part, pendant le jour de l'an, par un article dans Le Nouvelliste, un projet de loi déposé, sans consultations préalables par le milieu syndical, à la va-vite, en janvier, des auditions, quand même, assez expéditives février, mars. Et là on est en avril. On imagine que ça va être adopté et sanctionné quelque part au mois de mai. Bien, encore une fois, hein, tout conspire à ce qu'on imagine qu'en effet il y a une cible potentielle de ce p.l. là, puis c'est la grève des CPE. Je souhaite me tromper.

Et, encore une fois, hein, je l'ai lancé, le défi, tantôt, au ministre : qu'il s'engage maintenant à nous dire qu'il ne l'appliquera pas aux CPE. Ça va peut-être rassurer quelques personnes. Moi, je le regarde puis je lui dis : S'il s'engage à dire qu'il ne l'applique pas aux CPE, peu importe ce qui se passe, là, je vais arrêter de plaider que c'est un objectif du gouvernement. Je vous jure. C'est filmé, là, c'est enregistré. Qu'il s'engage clairement. J'arrêterai de le dire. Autrement, pour moi, le contexte conspire à ce que ce soit, en effet, un outil. Et une forme d'épée de Damoclès, hein? Parce que...

Le Président (M. Allaire) : ...prêtez des intentions quand vous affirmez une telle chose. Donc, pour vos prochaines interventions, votre prochaine intervention, je vous invite à la prudence.

M. Leduc : Juste pour clarifier l'intention. C'est quoi qui m'est reproché?

Le Président (M. Allaire) : Bien, en fait, vous sous-entendez que le gouvernement va se servir de ça dans un conflit qui est actuel et qui se... et qui perdure, donc je vous invite à la prudence. C'est... Vous ne faites pas une critique, vous prêtez des intentions. Je l'ai dit tantôt, la ligne est mince. Merci de faire attention.

M. Leduc : Bon, parfait, M. le Président. De toute façon, mon défi est lancé au ministre. On verra s'il me... s'il me répond.

Peut-être pour terminer, M. le Président, moi, le... ce qui m'inquiète pour la suite des choses, avec le TAT, c'est qu'il y a en ce moment, une transition au TAT, hein, la présidente du TAT quitte. À ma connaissance, elle n'est toujours pas remplacée, sauf si mes informations ne sont pas à jour. Elle est remplacée? O.K., c'est plus récent que je pensais, tant mieux. Mais, bref, une transition est en cours. Ce n'est jamais un élément simple dans une institution aussi importante qu'un tribunal, du travail, au demeurant, et d'amener ce tribunal-là à devoir jongler avec des principes aussi flous que ceux qui sont mis dans le mémoire, avec des réactions aussi politiques qui vont l'être, à savoir l'assujettissement ou pas d'un groupe à un conflit, moi, ça m'inquiète, et il me semble que ça aurait été la chose à faire d'inviter le TAT pour qu'il nous explique comment il juge possible ou pas de rencontrer les exigences du ministre comme il le souhaite dans son projet de loi, et quel serait l'échéancier souhaité.

Puis je me suis inspiré, dans cet argumentaire-là, M. le Président, d'un autre dossier qu'on...

M. Leduc : ...qu'on traite en ce moment, que la réforme électorale. La réforme électorale, comment ça marche? Le DGEQ... Il y a des... Il y a des concertations, il y a des discussions avec les différents partis, mais, à un moment donné, le DGEQ trace une ligne puis dit : Si vous voulez, chers élus, que je modifie x ou y choses pour les prochaines élections — heureusement nous avons des élections à date fixe au Québec maintenant, à savoir octobre 2026 — je dois avoir une indication claire de ce qui va se passer avant x date. Souvent, c'est à peu près un an d'avance. C'est un peu ça qu'il nous a dit. Il nous a dit : Chers élus, vous voulez des modifications pour l'élection 2026, adoptez-les là, avant l'été 2025, pour que j'aie le temps de les appliquer en 2026.

• (17 h 20) •

On avait eu exactement le même débat sur la réforme du mode de scrutin. Le DGE nous avait dit la même chose : Si vous voulez une réforme du mode de scrutin... Je pense qu'il avait dit deux ans de délai, à l'époque. Il fallait donc se dépêcher à adopter... à discuter et adopter un projet de loi. Je ne referai pas toute l'histoire, mais...

Moi, j'aimerais ça savoir, donc, qu'est-ce que le TAT souhaiterait comme délai d'application. Parce que, pour discuter d'une compréhension commune de ces enjeux-là, il faut que ça se parle. Ça ne va pas se faire à la va-vite en disant : Bien, au cas par cas, on verra bien, puis tranquillement, petit chemin faisant, quelque chose comme un courant jurisprudentiel va se constituer.

On a eu à peu près la même réflexion... En ce moment même, aujourd'hui même, on dépose une partie du rapport sur la commission sur le temps d'écran, sur l'interdiction des cellulaires en classe. Pourquoi? Parce que tout le monde était d'accord de l'interdiction, mais on n'était pas d'accord sur l'échéancier. Nous, on ne voulait pas que ça soit appliqué tout de suite à la rentrée, on trouvait ça trop court. Nous collègues des autres partis voulait l'application immédiate pour la rentrée, soit, mais on voulait aussi que les communautés se parlent puis se concertent. Et, si on déposait le rapport à la fin... à la fin mai, que le ministre adoptait sa directive en juin, bien, il n'y aura pas de concertation en juillet puis en août dans les écoles. Ça fait qu'on a discuté puis on a dit : O.K., on va faire un rapport préliminaire, donc juste là-dessus, on va le déposer tout de suite, ça va laisser un peu de temps.

Là, entre la conférence de presse du ministre entre Noël et le jour de l'an puis la sanction du projet de loi éventuelle au mois de mai, c'est... quoi, c'est quatre mois à peine, grosso modo, là. Ce n'est pas beaucoup, ce n'est pas un délai sérieux pour que des... un tribunal sérieux comme le TAT se concerte et travaille.

Alors, mon intention avec ça, M. le Président, c'est d'entendre le TAT, qu'il nous dise c'est quoi un délai raisonnable d'application ce projet de loi là, pour que, quand on arrivera à la disposition finale numéro... à l'article 11, bien, qu'on ait quelque chose de sensé, que nous adoptions comme législateurs quelque chose de responsable comme délai. Je vais voter contre pareil, hein, le projet de loi, on s'entend, on s'entend. Le ministre a l'air déçu. J'annonce mes intentions tout de suite. Par contre, s'il veut aller dans la logique de son projet de loi, par respect, je pense, pour les membres du tribunal du travail, il devrait s'enquérir ou du moins vouloir s'enquérir de qu'est-ce que serait un délai raisonnable d'application de son projet de loi, compte tenu du caractère extrêmement flou de ces notions, tel que mentionné, avec beaucoup de tact, par les trois professeurs, Mélanie Laroche, Patrice Jalette et Gregor Murray, de l'École de relations industrielles de l'Université de Montréal. Merci beaucoup, M. le Président.

Le Président (M. Allaire) : Merci à vous, M. le député d'Hochelaga-Maisonneuve. D'autres interventions? M. le ministre. Non?

M. Boulet : Oui, oui.

Le Président (M. Allaire) : Oui? Allez-y. La parole est à vous.

M. Boulet : Écoutez, si je veux me rendre un peu utile, je vais faire une intervention. Évidemment, dans le respect de la séparation des pouvoirs, je rappellerai à mon collègue que les orientations, les contenus du projet de loi et des projets de loi, c'est le Parlement qui décide. Le Tribunal administratif du travail est en application puis devra interpréter, comme il le fait pour les autres lois qui sont sous sa juridiction, devra interpréter. Donc, il y a forcément un devoir de réserve. Puis on ne peut pas demander au Tribunal administratif du travail de participer à des... il ne l'a jamais fait d'ailleurs, à des consultations particulières pour qu'il nous dise : Quand vous pensez que ça devrait s'appliquer? Quelle serait la date de sanction la plus opportune?

Et je rappellerai à mon collègue que le projet de loi n° 33, vous vous souvenez, sur les services essentiels, c'est entré en vigueur à la date de la sanction. Donc, vous avez même participé et contribué à l'adoption de projets de loi, puis je me souviens que vous aviez voté en faveur de la date de la sanction, puis c'était dans la globalité de ce projet de loi là. Ça fait que...

Ceci dit, quand on amorcera l'étude détaillée sur le contenu, on pourra...

M. Boulet : ...en discuter puis vous le savez que je suis ouvert à discuter de la date qui sera la date d'application du projet de loi, la date de la sanction aussi. Ce qui est dans le projet de loi, ça ne veut pas dire que c'est coulé là, dans le biton... dans le béton ad vitam aeternam, là. C'est ça, le contenu d'un projet de loi. Il est toujours perfectible. Et si vous avez des arguments légitimes, particulièrement bien fondés, on pourra en discuter quand on sera rendu au dernier article du projet de loi.

Donc, faire entendre le cas, certainement pas, puis de dire que c'est des concepts vagues. Je le réitère, on aura à en discuter. Vous pourrez, à l'article pertinent, me dire : Ça, M. le ministre, est-ce qu'on ne pourrait pas préciser? Mais j'avais un grand avocat sénior qui me rappelait constamment que ce qui dominant lors d'une audience, c'est les faits, c'est la preuve. C'est les faits. Les concepts, il faut laisser la marge de manœuvre suffisante à un tribunal pour les rendre en harmonie et pour s'assurer que les décisions soient une harmonie entre les faits mis en preuve et les critères qui apparaissent dans le... dans le projet de loi ou dans la loi.

Puis je vais en profiter, là, pour reprendre, là, parce que vous êtes beaucoup sur le fond, sur la substance. Puis vous dites, puis je le redis, le 12 septembre 2024, il n'y a pas eu que ma conférence de presse aux fêtes, là, mais le 12 septembre 2024 au Comité consultatif du travail et de la main-d'œuvre, le 31 janvier 2025, à la... avec la présidente de la CSN, le 7 février, avec les quatre leaders des centrales syndicales. Et tout ça, c'est avant le dépôt qui s'est fait le 19 février. Puis le 24 février, il y a eu aussi une discussion dès après le dépôt, parce que ça m'était demandé.

Et je reviens parce que vous revenez souvent sur les critères. J'ai fait référence à 107 du Code canadien du travail, j'ai fait référence aux propos de notre collègue de Matane sur la sécurité économique. Mais lors des conflits fédéraux, on appliquait 107. Quelle était votre opinion sur le règlement du conflit ferroviaire, le conflit portuaire, le conflit dans le secteur des postes? La vaste majorité de la population souhaitait éviter les impacts. Puis c'est... Ce n'est pas un article comme ça, là, c'est 107 balisé. C'est un 107 plus respectueux de l'état de la jurisprudence canadienne. La Fédération canadienne de l'entreprise indépendante, 80 % de ses membres sont favorables au contenu du projet de loi.

Puis quand vous dites «équilibre», oui, il y en a qui demandent plus, qu'on pousse le curseur encore plus d'un côté. D'autres veulent qu'on retire le projet de loi. Est-ce qu'on peut se lancer le défi que vous me lancez, puis on pourra en discuter lors de la substance du projet de loi? Est-ce qu'on peut se lancer le défi, nous, parlementaires, de trouver le meilleur équilibre, l'équilibre entre l'exercice d'un droit constitutionnel et les besoins de la population? Si on relève tous ensemble ce défi-là, on va servir la société québécoise puis on va répondre aux besoins de la population, comme le titre du projet de loi le mentionne bien. Puis je rappellerai que, dans les syndicats, il y a aussi des travailleurs et travailleuses syndiqués qui vivent aussi des conséquences particulièrement préjudiciables de conflits de travail dans différents secteurs d'activité. Il y a des parents, il y a des membres de famille, excusez-moi de ne pas m'adresser à vous, M. le Président, là...

Une voix : ...

M. Boulet : ...mais ces personnes-là comprennent aussi le sens très fin de ce projet de loi là. C'est du droit nouveau. Il y a une forme, selon ce que vous diriez, une forme d'audace. On verra comment les tribunaux interpréteront, si jamais il y a des recours, comment ce sera appliqué. C'est là, vraisemblablement, que les recours juridiques seront les plus pertinents. Mais je suis convaincu que si, ensemble, les parlementaires on trouve un bon équilibre, on va passer au travers, puis les Québécois et Québécoises ne seront que mieux considérés, pourront se juger aussi plus stables et verront une meilleure prévisibilité dans certains conflits de travail. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Allaire) : Merci à vous, M. le ministre. D'autres interventions sur cette motion préliminaire? S'il n'y a pas d'intervention, on va procéder par vote nominal, j'imagine. M. le secrétaire...

Le Président (M. Allaire) : ...M. le secrétaire, s'il vous plaît. La parole est à vous.

• (17 h 30) •

Le Secrétaire : Pour, contre, abstention. M. Leduc (Hochelaga-Maisonneuve)?

M. Leduc : Pour.

Le Secrétaire : M. Boulet (Trois-Rivières)?

M. Boulet : Contre.

Le Secrétaire : M. Caron (Portneuf)?

M. Caron : Contre.

Le Secrétaire : M. Tremblay (Dubuc)?

M. Tremblay : Contre.

Le Secrétaire : Mme Picard (Soulanges)?

Mme Picard : Contre.

Le Secrétaire : Mme Prass (D'Arcy-McGee)?

Mme Prass : Pour.

Le Secrétaire : Et M. Allaire (Maskinongé)?

Le Président (M. Allaire) : Abstention. Donc, la motion préliminaire est rejetée. Est-ce qu'à ce stade-ci il y a d'autres motions préliminaires que les parlementaires souhaitent déposer à cette commission? Donc, il n'y a pas d'autre motion préliminaire.

Nous allons donc... Nous sommes prêts, en fait, à débuter l'étude détaillée du projet de loi. J'ai compris... Oui, M. le député d'Hochelaga-Maisonneuve.

M. Leduc : Est-ce qu'on peut, conformément à l'article 245, demander à ce que le projet de loi soit étudié article par article, alinéa par alinéa et paragraphe par paragraphe, s'il vous plaît?

Le Président (M. Allaire) : Oui, pas de problème. Parfait, c'est noté. Donc, j'ai aussi compris qu'il y avait eu une entente entre les parlementaires pour pouvoir procéder un peu dans le désordre habituel, donc dans un ordre bien établi, donc une suite logique, si on veut, pour mieux étudier le projet de loi.

Donc, on va commencer avec l'article 4, si vous me le permettez et si vous êtes d'accord, bien sûr, et l'article 4 introduit 14 nouveaux articles. Donc, vous comprenez comme nous n'allons pas... nous n'allons pas voter chaque article introduit par article introduit, mais nous allons les étudier un par un, naturellement. Donc, nous allons voter le bloc à la toute fin de l'article 4, qui introduit 14 nouveaux articles.

Donc, M. le ministre, je vous cède la parole. Oui.

M. Boulet : ...une pause de deux minutes, si...

Le Président (M. Allaire) : Ah! Bien oui, pas de problème. On va prendre une pause quelques instants.

On va suspendre les travaux.

(Suspension de la séance à 17 h 31)


 
 

17 h 30 (version non révisée)

(Reprise à 17 h 40)

Le Président (M. Allaire) : Alors, nous allons reprendre les travaux. M. le ministre, je vous cède la parole pour la lecture de l'introduction de l'article quatre. Le chapitre 5.1.1, et vous pouvez aussi lire l'article introduit à 111.22.2 et vos commentaires, je vous cède la parole.

M. Boulet : Oui, merci, M. le Président. 4 : Ce code est modifié par l'insertion, avant l'article 111.23, du chapitre suivant :

«Chapitre 5.1.1. Dispositions particulières relatives aux services à maintenir pour assurer le bien-être de la population.»

«111.22.2. Les dispositions du présent chapitre ne s'appliquent pas aux relations du travail dans un ministère ou à un organisme du gouvernement dont le personnel est nommé suivant la Loi sur la fonction publique, Chapitre F-3.1.1, ni dans un établissement visé à l'article un de la Loi sur le régime de négociation des conventions collectives dans les secteurs public et parapublic. Chapitre r-8.2.»

Commentaires. Le projet de loi introduit un nouveau chapitre au Code du travail qui permet le maintien en certaines circonstances de services assurant le bien-être de la population en cas de grève ou de lock-out. Le chapitre 111.22.2 précise le champ d'application du nouveau régime. Celui-ci ne s'applique pas aux ministères et organismes du gouvernement, dont le personnel est nommé dans la Loi sur la fonction publique, ni aux établissements de santé. Bon, c'est un article assez clair, c'est un article d'application. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Allaire) : Merci à vous. On débute donc la période d'échange pour ce nouvel article introduit. Est-ce qu'il y a des interventions? M. le député d'Hochelaga-Maisonneuve, la parole est à vous.

M. Leduc : Merci, M. le Président. Donc, juste avant de poser des questions au ministre, pour bien me situer, là, on a un plan de travail particulier qu'on a accepté. Donc, on ne commence pas l'article un, on commence l'article quatre.

Le Président (M. Allaire) : Exact. Oui.

M. Leduc : C'est ça, qui se sous-divise en, mon Dieu! 15 ou à peu près…

Le Président (M. Allaire) : 14 articles.

M. Leduc :  14 articles que nous allons traiter un par un, mais que nous allons voter à la fin.

Le Président (M. Allaire) : Exact, et voilà.

M. Leduc : Au… quand on aura terminé le 111.22.15, il y aura le vote. Ça fait que, quand on termine le 111.22.2, on fait juste passer au suivant.

Le Président (M. Allaire) : Voilà.

M. Leduc : Il n'y a pas de…

Le Président (M. Allaire) : Il n'y a pas de vote.

M. Leduc : O.K., je comprends, ça, c'est clair pour moi. Maintenant, sur le fond, 111.22.2. C'est... c'est l'inclusion ou c'est les exclusions? Je m'adresse plus au ministre cette fois-ci.

M. Boulet :

M. Leduc : Donc c'est ce qui ne s'applique pas. Là, on est dans la section… on n'est pas dans la section de l'arbitrage.

M. Boulet : C'est dans le nouveau chapitre dont le titre est Dispositions relatives aux services à maintenir pour assurer le bien-être de la population. Puis là, c'est un article d'application, mais qui réfère à ce qui n'est pas visé par ce nouveau régime là. En fait, puis pour résumer, collègue d'Hochelaga-Maisonneuve, puis je peux peut-être anticiper vos questions, là. Donc, on maintient l'intégralité du service… du régime des services essentiels. Donc, en santé, ça ne s'applique pas, les services sociaux non plus. Ça ne s'applique pas dans la fonction publique, c'est-à-dire les organismes et les ministères. Tout ce qui est relatif au personnel nommé en vertu de la loi sur la fonction publique, et donc ça s'applique à tout le reste, les services publics. Donc ça s'applique aussi aux centres de services scolaires, aux commissions scolaires, là, dans les cas où ça existe, les collèges, les universités, les CPE, et tout ce qui est soumis au Code du travail, là, tout ce qui est associations accréditées en vertu du Code du travail, tout le reste.

Donc, santé, on ne touche pas, services sociaux, fonction publique, organismes et ministères. Services publics, il peut y avoir un maintien de services essentiels, mais en vertu du critère de danger pour la santé ou sécurité de la population. Et là, c'est ce qu'on appelle le régime parallèle qui s'applique à tous les autres, mais qui peut aussi, ce régime parallèle là, être complémentaire pour certains services publics comme les municipalités, la collecte de déchets, le transport en commun. En gros, c'est ça.

M. Leduc : Est-ce que cette liste d'inclusions, exclusions…

M. Leduc : ...est la même que celle sur les services essentiels.

M. Boulet : En fait...

M. Leduc : ...sur les services essentiels.

M. Boulet : Oui, c'est...

M. Leduc : Vous, vous dites : on fait un régime parallèle.

M. Boulet : En fait, c'est les organismes qui ne sont pas visés par le régime des services essentiels.

M. Leduc : Donc, il n'y a personne qui peut être visé par les deux.

M. Boulet : Oui. Dans les services publics, ce que je viens de mentionner, les municipalités, les régies intermunicipales, la collecte de déchets, le transport en commun, je peux tous les nommer, là, mais les services publics qu'on retrouve dans le Code du travail, à l'article... c'est-tu 111.2? Bon. En fait, je vais vous les nommer, là, il y a les sociétés de transport en commun, sociétés de traversier, collecte de déchets...

Des voix : ...

Le Président (M. Allaire) : Est-ce que vous souhaitez qu'on suspende les travaux?

M. Boulet : ...Puis évidemment l'éducation est visée. Là, comme je viens de le mentionner, les centres de services scolaires, les écoles primaires, secondaires, les collèges, les universités puis tout le secteur privé.

M. Leduc : ...je vous pose la question, M. le ministre, c'est qu'assez tôt, là, quand vous avez déposé le projet de loi, vous avez fait circuler un espèce de petit tableau comme ça, qui résumait, en vertu, si je comprends bien, de 111.22.2, qui était inclus, qui était exclu. Moi, ce que j'aimerais voir puis vous demander, à vous et à votre équipe, s'il serait possible de produire un tableau aussi, une annexe ou un addendum de ce tableau-là, pour qu'on comprenne qui est touché dans les deux, qui est à la fois touché par la Loi sur les services essentiels et qui est touché aussi par le nouveau système de maintien pour...

M. Boulet : En éducation, il n'y en a pas, de services essentiels, ce serait les services publics. Donc, la question, collègue, c'est vous voulez savoir là où il peut y avoir application du régime de services essentiels et, de manière complémentaire, le régime de service à maintenir pour assurer le bien-être de la population. Les gros, là, je vous dirais, là, c'est ceux que je vous ai mentionnés, mais on peut avoir une liste plus complète, et vous la transmettre.

M. Leduc : Oui, ça pourrait être envoyé par courriel plus tard ce soir.

M. Boulet : Mais essentiellement, là, c'est collecte de déchets, transport en commun puis les municipalités.

M. Leduc : O.K. Donc, puis vous avez dit 111...

Le Président (M. Allaire) : Juste, simplement, pour clarifier, si c'est possible d'envoyer la liste à l'adresse de la commission, ça va nous faire plaisir à la soumettre à l'ensemble des parlementaires.

M. Boulet : Oui, en fait, c'est la liste où les services essentiels et les nouveaux services à maintenir pour assurer le bien-être de la population s'applique de manière complémentaire.

M. Leduc : Pour les deux?

M. Boulet : Pour les deux. Oui.

M. Leduc : Parfait. C'était ma demande. Merci, c'est apprécié.

Je ne sais pas si cette liste-là, elle fait partie déjà du Greffier. Je ne sais pas si c'est possible de le partager aux collègues parce que je ne souviens où est-ce que je l'avais trouvée? Je pense que c'était sur Internet, mais je la trouvais particulièrement...

Le Président (M. Allaire) : ...simplement la transmettre à la commission, puis ça va nous faire le plaisir de la mettre sur Greffier. Actuellement, elle ne l'est pas.

M. Leduc : Ah, non? Mais, en tout cas, je regarde encore une fois le ministre, son équipe, là, si... pour partager la liste. Je la trouvais bien faite pour bien comprendre.

M. Boulet : ...cette liste-là, là, collègue, elle est publique. Puis on... j'en avais parlé à l'annonce du projet de loi, là, en conférence de presse, ça fait qu'il n'y a pas de problème. Évidemment, il va y avoir des précisions plus tard, on a un amendement, notamment, pour venir préciser la liste qui est dans une annexe de la Loi sur le régime de négociation dans le secteur public et parapublic, qui est régi par un régime distinct, là, un peu comme la construction, mais on aura un amendement un peu plus loin, là, pour venir le préciser, mais c'est sur le mécanisme d'arbitrage, pas sur le régime de service à maintenir.

M. Leduc : Il n'y a pas un projet de loi qui va être déposé demain là-dessus? Parce qu'il est au feuilleton aujourd'hui.

M. Boulet : Oui, mais nous... oui, ce n'est pas la même affaire, c'est pour le régime de négo.

M. Leduc : Mais, c'est ça, c'est ce qui est au feuilleton, c'est le régime de négo du secteur public par votre collègue du Conseil du trésor, j'assume.

M. Boulet : Exact. Qui va déposer le projet de loi demain.

M. Leduc : Mais à partir de demain, oui, peut-être jeudi, on verra, mais...

M. Boulet : Mais qui devrait normalement le déposer. Est-ce que c'est au feuilleton?

M. Leduc : C'est au feuilleton aujourd'hui, ça fait qu'elle peut le déposer à partir de demain.

M. Boulet : Normalement, ça devrait être demain.

M. Leduc : Mais vous décidez de passer à travers votre projet de loi plutôt que le sien?

M. Boulet : Mais ce n'est pas la même affaire, ce n'est pas dans le même... ce n'est pas dans la même période de temps. Son projet de loi concerne le régime de négo. Nous, la négo est dans une impasse, et on est dans un contexte de conflit de travail, ça fait que ce n'est pas la même... ce n'est pas la même dynamique du tout, là.

M. Leduc : À moins que mes collègues...

M. Leduc : ...aient des questions de compréhension, moi, je veux peut-être avoir une petite suspension pour écrire un amendement, M. le Président.

Le Président (M. Allaire) : Pas de problème. D'autres questions avant qu'on procède à la suspension? Mme la députée de D'Arcy-McGee, ça va? Parfait.

Nous allons suspendre les travaux quelques instants. Merci.

(Suspension de la séance à 17 h 50)

(Reprise à 17 h 57)

Le Président (M. Allaire) : Nous allons reprendre les travaux. M. le député d'Hochelaga-Maisonneuve, j'ai compris que vous souhaitiez déposer un amendement, je vous cède la parole pour la lecture de l'amendement et vos explications, s'il vous plaît. Merci.

M. Leduc : Merci, M. le Président. Ça va comme suite. À l'article 111.22.2 proposé par l'article 4 du projet de loi, ajouter, après «parapublic (chapitre R-8.2), les mots «, ni les centres de la petite enfance».

Donc, dans le document qu'on nous avait fait cheminer peu de temps après le dépôt du projet de loi, dans la liste des secteurs inclus dans le processus, mais on parle toujours du premier volet, hein, les dispositions particulières relatives aux services à maintenir pour assurer le bien-être de la population, vous me permettrez de dire les services essentiels déguisés ou... c'était clairement mentionné ici, dans la petite feuille, là : «Les centres de petite enfance». C'est pour ça que, tantôt, on a eu un échange... bien, «un échange», un... j'ai fait des commentaires, puis je l'ai fait au salon bleu, au salon rouge, je l'ai fait ailleurs, en disant : Bien, moi je pense qu'il y a comme une espèce de... j'essaie utiliser les bons termes pour ne pas vous irriter une autre fois, M. le Président. Je vous regarde, vous vous penchez vers moi, là. Bref, je trouvais que le contexte conspirait à s'imaginer qu'il y avait peut-être là une forme d'épée de Damoclès au-dessus de la tête de nos amis des centres de petite enfance. Bien, je me dis, voilà, clarifions-le, ne sont pas visés, on va pour le mettre dans le projet de loi. Le ministre pourra clarifier ses intentions.

Le Président (M. Allaire) : Merci. M. le ministre.

M. Boulet : M. le Président, d'abord, c'est nos amis à nous tous, hein, les centres de la petite enfance. On sait à quel point c'est important de bien préparer ceux qui vont... ceux et celles qui vont nous remplacer. Les centres de la petite enfance sont concernés par le premier mécanisme, c'est-à-dire le maintien de services minimalement requis pour assurer la sécurité de la population, qui ne doit pas être affectée de manière disproportionnée. Maintenant, ça s'applique aux CPE. Mais ce n'est pas moi qui vais dire comment les tribunaux vont l'appliquer, comprenez-vous? Ça fait qu'on ne les a pas ciblés. Peut-être que le Tribunal administratif du travail, si jamais il y avait un décret gouvernemental et si jamais, par la suite, il y avait une partie qui demandait au tribunal de déterminer si les critères s'appliquent, que le tribunal dirait : Finalement, ça ne rencontre pas le critère qui est prévu à la loi, mais ce n'est pas moi qui vais le déterminer. Quand je dis : C'est un tribunal impartial et indépendant, il faut que la décision soit apolitique, et je fais partie de la politique. Donc, il faut cependant confirmer que les...


 
 

18 h (version non révisée)

M. Boulet : ...de la petite enfance sont visés par ce concept-là de maintien de services minimalement requis. Ils ne sont pas non plus visés par le régime des services essentiels. Ils ne sont pas, comme vous savez, dans 111.0.16, mais ils sont inclus dans le premier mécanisme. Merci.

• (18 heures) •

Le Président (M. Allaire) : Merci. M. le député d'Hochelaga-Maisonneuve.

M. Leduc : Bon. On comprend en effet qu'ils n'étaient pas dans les services essentiels. Puis même s'ils avaient voulu y être assujettis, comme on l'a vu tantôt dans la décision vers du RTC, ils auraient dû, l'employeur est ici le gouvernement, auraient dû plaider qu'une interruption de services en CPE aurait menacé la sécurité physique et la santé physique des personnes, à savoir soit les enfants ou les... ou leurs parents. Ça aurait été assez hasardeux comme plaidoyer. Donc, on comprend que ce n'est jamais arrivé, du moins à ma connaissance. Mais là, vous, vous dites : Parfait, ils ne sont pas dans le régime de services essentiels. On leur crée les régimes parallèles, les services essentiels déguisés, puis on leur dit : Vous n'aurez pas à faire des... un plaidoyer avec un critère aussi sévère. On vous met un critère... On baisse la barre, là. Santé physique des personnes, c'est haut. Pour rencontrer ce critère-là, il faut se lever de bonne heure le matin. On baisse la barre. Vous dites trois critères. Vous dites sécurité économique, sociale, environnementale. Lequel des trois ou lesquels des trois vous croyez est applicable dans le cas des CPE?

Le Président (M. Allaire) : M. le ministre.

M. Boulet : Là, ça ressemble à un contre-interrogatoire, mais je ne tomberai pas dans le piège de préjuger de la décision que rendrait le Tribunal administratif du travail. Votre réponse serait aussi bonne que la mienne et votre réponse ne serait qu'hypothétique comme la mienne. Ce qui est important de savoir, c'est qu'en étant visé par le premier mécanisme, il faudrait se poser la question, puis ce serait extrêmement contextuel, la durée de la grève, les circonstances, l'impact sur la population. Mais le tribunal aurait, s'il y avait un décret, si une des parties demandait au tribunal, encore une fois, je vais me répéter, de déterminer si les critères s'appliquent. Puis ça serait la question qui confrontera le tribunal. Est-ce que cette grève-là, qui dure depuis un certain temps, peut avoir l'impact qui est non souhaitable, qui est déterminé par le projet de loi?

Mais je reviens parce que, depuis le début de l'étude détaillée où, vous avez déjà mentionné, le projet de loi vise les CPE, non, vise à mettre un terme à la grève, non, parce qu'ils ne sont pas visés par le mécanisme d'arbitrage de différends qui est concerné dans le deuxième mécanisme et qui a comme préalable l'existence d'un préjudice grave ou irréparable à la population. On n'est pas ans ce contexte-là. On parle de maintien de services minimalement requis. Et, encore une fois, je ne peux pas dire plus qu'ils sont concernés par ce mécanisme-là. Donc, votre réponse serait hasardeuse, hypothétique, comme la mienne aussi le serait.

M. Leduc : Là, vous dites les services minimaux. Comment ça va marcher dans un CPE, un service minimal? Ça va être quoi? Une demi-journée de CPE? Pour un parent, c'est quoi, le service minimal? Un trois quarts de journée, un quart de journée ou une journée semaine?

M. Boulet : On peut faire des hypothèses, là, combien de journées par semaine.

M. Leduc : Bien, j'espère que vous y avez réfléchi. C'est vous, le ministre.

M. Boulet : Ça, c'est une réponse que je trouve intellectuellement intéressante. Est-ce que c'est un certain nombre d'heures ou un certain nombre de jours par semaine? Mais tu sais, déjà quand une grève est fragmentée dans le temps, moi, j'y vois beaucoup moins d'impact. En tout cas, ça, c'est une opinion personnelle. Mais une grève qui est à durée continue, qui est à durée indéterminée, au-delà d'un certain temps, là, à mon avis, ça devient... On entre dans une zone qui est plus... qui est plus près de l'application des critères. Puis je n'irais pas plus loin que ça, mais «minimalement requis», ça vise à limiter la portée des services qui devraient effectivement être maintenus. Ce n'est pas tous les services nécessaires pour prévenir tout inconfort qui devraient être maintenus, mais ceux minimalement requis pour assurer le bien-être de la population. Puis, je le répète, là, on est loin d'une discrétion totale. C'est vraiment un concept qui devrait être appliqué en tenant compte de la... des faits qui sont mis en preuve. Puis, je le répète, la durée de la grève, la nature de la grève, le contexte puis l'impact sur les...

M. Boulet : ...les enfants, par exemple, ça serait à déterminer et à juger par le tribunal. Merci, M. le Président.

M. Leduc : Bon, là, il y a au moins une bonne chose de réglée pour l'intention du législateur. Des grèves d'une deux ou trois journées ponctuelles, comme le dit le ministre, ce n'est pas inclus là-dedans.

M. Boulet : Ce n'est pas ce que j'ai dit.

M. Leduc : Du moins, à ses yeux, ce n'est pas... ce n'est pas ça qu'il recherche à régler comme problème, il parlait plus de conflits généralisés. Dans les circonstances, ça me réjouit, M. le Président. C'est toujours bien ça de clarifié.

Par contre, je repose ma question, là. Oui, on peut bien souhaiter ce service minimal, qu'est-ce que ça veut dire dans le cas d'une CPE? Je vous donnais l'exemple de la grève générale de 2021. À l'époque, avec... avec la mère de ma fille, on s'était comme patenté des demi-journées. Moi j'avais concentré mes rencontres de député le matin. Elle, elle avait concentré ses tâches en après-midi. Puis pendant les deux semaines, trois semaines que ça avait duré, on avait à peu près survécu comme ça, où moi je faisais mes... je concentrais mes jobs de député le matin, l'après-midi,  je prenais des choses plus légères ou une tournée que je pouvais faire avec ma fille, qui devait avoir, quoi, quatre ou cinq ans à l'époque. Puis c'est comme ça qu'on a survécu. Mais donc, c'est-tu ça, un service minimum?

Le ministre, il dit : Je ne le sais pas trop, on verra bien. Oui, mais vous avez vous-même inventé ce système-là, M. le ministre, vous devez avoir une certaine idée qu'est-ce que ça représente pour vous un service minimum pour les... pour les CPE? C'est-tu comme pendant la COVID. C'est-tu certains types de personnes qui auront... qui pourront continuer à avoir accès aux CPE, comme les infirmières par exemple, les employés du système de santé? C'est-tu ça, les services minimums à vos yeux?

Le Président (M. Allaire) : M. le ministre.

M. Boulet : C'est habile comme question, mais encore une fois, je ne peux pas, pour et au nom du tribunal, le déterminer. D'abord, vous mentionnez que c'est au prochain article qu'on va définir c'est quoi les services minimalement requis. Ça fait qu'à cet article-là on pourra en discuter. Mais c'est comme si vous me demandiez c'est quoi du harcèlement psychologique? Il y a plein de trames factuelles, puis que ça crée un milieu de travail néfaste. Parce que c'est quoi un milieu de travail néfaste? C'est... c'est sûr qu'on peut avoir à définir chaque mot. Ceci dit, ça dépend de la preuve qui est soumise au tribunal. C'est ça qui va permettre de déterminer, qui va mettre du sens à des concepts, qui va donner du contenu à ce qu'est un service minimalement requis pour éviter que soit affectée de manière disproportionnée la sécurité de la population, notamment des personnes en situation de vulnérabilité. C'est la preuve. Puis il faudrait, pour avoir une réponse plus claire que vous me disiez, puis je ne le ferais même pas : M. le ministre, je vais vous présenter une trame factuelle, une hypothèse de grève qui dure depuis tant de temps, qui affecte tant de personnes, qui a telles conséquences, qui a tel impact. Puis même là, je ne serais pas en mesure de donner une réponse.

C'est pour ça, quand vous dites : Les grèves de tant de jours ne sont pas incluses. Si... Je n'ai pas répondu ça, je dis juste que moi, je ne peux pas te donner de réponse, je dis juste que les CPE sont visés par le premier mécanisme. Maintenant, quand la grève aura l'impact qui apparaît à la définition de l'article suivant, ça sera au tribunal de le déterminer, puis ça sera aux conseillers ou aux représentants de faire cette preuve-là avec des... des témoins puis des rapports d'expertise. Il n'y a pas... Puis encore une fois, il n'y a pas deux grèves qui ont le même impact, puis ce n'est pas parce qu'une grève n'a pas l'impact prévu dans le projet de loi qu'elle ne pourrait pas avoir cet impact-là à la prochaine, parce que ce n'est pas continu, là, c'est le régime de service à maintenir, c'est négociation, c'est dossier par dossier. Quand il y a conclusion d'une convention collective puis qu'il y a une renégociation, le même débat pourrait revenir, mais dans un contexte totalement différent.

M. Leduc : Tantôt, j'exprimais, puis c'est pour ça que je justifiais... je voulais justifier d'inviter le TAT ici. Je disais que vous leur balancez toute une patate chaude, une énorme patate chaude dans les mains, puis vous êtes en train de nous confirmer que c'est bel et bien la situation parce que vous n'êtes même pas en mesure de me dire à peu près à quoi ça ressemble, selon vous, un service minimal.

Dans le cas des CPE, il n'y a pas 150 solutions, là. Il y a un service de garde avec un programme éducatif d'ailleurs, mais qui offre un service. Grosso modo, c'est quoi? À peu près de 7 h à 5 h le soir, là, plus ou moins. Voilà, de lundi à vendredi, de 7 h à 5 h, c'est ça votre aire de jeu, là. Comment vous déterminez qu'est-ce qu'un service minimal dans les circonstances? Il n'y a pas 150 options. Est-ce que c'est, et je le répète, des demi-journées toute la semaine, la moitié de la semaine...

M. Leduc : ...en journée complète? Est-ce que c'est des personnes, des corps d'emploi qui vont y avoir accès comme pendant la COVID? C'est pas mal les trois scénarios plausibles, là. On n'en inventera pas d'autres.

• (18 h 10) •

M. Boulet : Vos hypothèses sont bonnes, hein?  Puis, tu sais, le harcèlement, puis je vais prendre cet exemple-là, ou un accident de travail ou peu importe le concept, c'est des concepts vides de sens à défaut de démonstration factuelle. Puis, tu sais, je ne peux pas statuer à la place du Tribunal administratif du travail, puis ce n'est pas au gouvernement de déterminer la nature des services à maintenir. Nous, tout ce qui nous importe, c'est de s'assurer que le bien-être de la population n'est pas compromis puis à déterminer, avec exactitude, la nature des services. Moi, je fais confiance au Tribunal administratif du travail puis vous aussi, j'en suis convaincu. Mais je ne peux pas embarquer dans la détermination de la nature des services à maintenir dans un CPE, ou dans une entreprise de transformation alimentaire, ou dans des entreprises de transport scolaire.

Je ne peux pas embarquer là-dedans. Tout ce que je peux faire, c'est donner des critères, dans une loi, avec vous, avec votre collaboration. C'est la nature des lois du travail, que ce soit les normes, les accidents de travail, l'équité salariale, c'est des critères. Ça fait qu'il faudrait, encore une fois... C'est supercontextuel. Je ne peux pas, malheureusement, embarquer là-dedans, là.

M. Leduc : Moi je comprends que vous ne voulez pas déterminer lequel, mais vous auriez pu, au moins, dire : Ça pourrait ressembler à ça ou ça, mais là on n'a même pas d'indication. Bonne chance, encore une fois, au TAT pour déterminer l'intention du législateur à ce niveau-là.

M. Boulet : Ah mon Dieu! Faites confiance aux décideurs, c'est des personnes qui ont une expertise remarquable, là, qui sont habitués, là. Ils savent, avec les faits x, y et z, si c'est un accident de travail, les faits, a, b, c, si c'est du harcèlement. Et là, avec les faits c, d, e, f, si c'est des services minimalement requis, ça ne pourra pas affecter la population. C'est les faits et le contexte qui vont permettre au tribunal de le déterminer. Malheureusement, j'aimerais ça vous donner un livre de recettes, mais ça n'existe pas en droit.

M. Leduc : Je comprends, mais votre recette est salée en tabarnouche, M. le ministre.

M. Boulet : Elle est salée.  Vous pourriez le dire, le 107 du Code canadien. Je ne sais pas si vous l'avez dit publiquement. 

M. Leduc : Très très salé, ça aussi. Vous aviez copié la recette sur le site de Ricardo.

M. Boulet : Bien là, ça, j'aurais compris que vous me disiez, 107 est salé, pas dans le projet de loi. Dites, au moins, qu'il y a du sucre aussi, là.

Le Président (M. Allaire) : De toute évidence, vous commencez à avoir faim, tout le monde. Je veux juste que vous fassiez attention. Je vous laisse aller dans les échanges. Ça reste respectueux, c'est parfait comme ça. Vous n'êtes pas obligés de vous revirer vers moi à chaque occasion, ça facilite les échanges, c'est correct comme ça. Mais laissez-vous quelques secondes, entre deux interventions, pour que l'audiovisuel puisse s'ajuster, sinon, on va s'y perdre, tout le monde. M. le député d'Hochelaga-Maisonneuve.

M. Leduc : En particulier, les amis qui vont tout écrire nos belles paroles pour la postérité. Comme ça, dans 10 ans, quand la Cour suprême va avoir donné tort au ministre, vous pouvez ressortir le procès-verbal de notre échange, envoyez un petit texto puis dire :  Regarde, regarde, j'avais raison. C'est ça que je vais faire.

Bon, blague à part, M. le ministre, réglons l'histoire... mettons de côté, plutôt, parce qu'on ne l'a pas réglée, l'histoire de ce que ça veut dire services minimaux dans le cas des CPE.

M. Boulet : À l'article suivant.

M. Leduc : Oui, on y reviendra, mais là je suis vraiment dans les CPE, c'est ça qui m'intéresse en ce moment. Moi, j'aimerais ça qu'on les exclue de votre régime. Quand vous dites, si j'ai bien compris le régime que vous nous proposez, vous dites qu'il y a une étape... qu'il y a comme deux étapes. Le gouvernement, j'imagine, à travers une proposition, si j'ai bien compris, un décret aussi de votre Conseil des ministres proposé par le ministre du Travail, décide d'assujettir un syndicat ou un groupe de syndicat, quand vous faites ce décret-là, j'assume que vous portez un certain regard éditorial quant aux trois critères que vous venez d'énoncer, qu'on étudiera en détail plus tard, là, sécurité sociale, économique et environnementale.

Si vous décidez d'initier cette démarche-là de la sécurité, le maintien du bien-être de la population, services essentiels déguisés, si décidez de les accréditer, là, de leur donner... de les assujettir, pardon, c'est que vous, vous dites minimalement, un ou des critères, je pense qu'il y a peut-être risque. Vous n'êtes pas en train de trancher, pour vous, c'est important de prendre cette distance-là. Vous pitchez la patate chaude au TAT. Mais si vous initiez le processus, c'est que vous...

M. Leduc : ...pensez qu'il y a un potentiel d'atteinte minimale à l'un des trois, je ne me trompe pas?

M. Boulet : Bien, je suis d'accord avec vous, et puis ce n'est pas une patate chaude, c'est une patate qui a la chaleur souhaitée et souhaitable pour répondre aux besoins fondamentaux de la population, mais c'est certain qu'en amont de l'adoption d'un décret gouvernemental, il y a de l'observation, il y a de l'analyse, il y a des consultations. Ceci dit, sans égard à ce qu'une partie peut se décider de demander après ça au tribunal, après l'adoption du décret gouvernemental, de déterminer si les critères s'appliquent. Et je l'ai souvent dit, c'est un processus qui se fera dans le respect le plus profond face à la décision que le tribunal pourrait rendre, parce que le tribunal pourrait dire : Les critères ne sont pas rencontrés, comme ça s'est fait, comme ça pourrait se faire comme dans le cas des services essentiels.

M. Leduc : Vous confirmez donc ma lecture. Pour que le gouvernement assujettisse un groupe ou un syndicat particulier et initie cette démarche des services minimaux de bien être, il faut que vous ayez, dans le fond, l'impression qu'un ou des critères est en danger. Vous ne faites pas ça à partir de rien.

M. Boulet : Je ne pense pas que c'est une impression, il faut juste faire attention aux termes. Vous le savez, là, j'ai dit...

M. Leduc : Qu'est-ce que c'est, alors?

M. Boulet : Bien, ce n'est pas une impression, c'est une analyse, c'est des consultations, c'est des observations. Et ça, ça se fait avec des groupes, avec des comités, puis ça se fait en ayant une compréhension de ce qui se passe sur le terrain, des impacts puis...

M. Leduc : Mais si vous êtes convaincu qu'il y a une atteinte à un des critères, pourquoi vous ne décidez pas vous-même? Pourquoi vous envoyez ça au TAT? Je pense que...

M. Boulet : Bien, parce que la décision est impartiale. Il faut bien comprendre le processus, là. Le décret n'est qu'un élément déclencheur d'un processus qui vise à ce qu'une décision soit rendue de la façon... je me répète, là, impartiale et indépendante. Le décret est adopté par le gouvernement, une des parties, parce qu'il ne se pourrait qu'aucune des parties ne demande l'intervention du TAT, mais une des parties, vous dites souvent les syndicats, mais il y a aussi l'employeur, un des deux demandes au Tribunal administratif du travail, et là s'enclenche un processus de négociation entre elles. L'employeur et le syndicat se rencontrent et déterminent les services minimalement requis à maintenir, parce que la grève ou le lock-out l'encontre se poursuit parallèlement. Si les parties s'entendent, le tribunal va entériner ou s'il considère que c'est insuffisant, il pourra se prononcer sur la suffisance. Donc, c'est un processus qui est sain, qui est respectueux de l'état de la jurisprudence et qui respecte l'impartialité de toutes les étapes que je viens de vous expliquer.

M. Leduc : Je le comprends très bien. Merci pour l'explication. Là où je veux atterrir, dans le fond, avec ma question, M. le ministre, c'est là. Pour initier ça, il n'y a rien qui existe là-dedans si au point de départ, il n'y a pas une décision éditoriale politique du gouvernement, via votre suggestion, comme ministre du Travail, d'assujettir un groupe à ce processus-là.

M. Boulet : C'est des termes, encore une fois, où il faut faire attention. On ne décide pas d'assujettir, on fait un décret gouvernemental parce que, suite à des analyses, consultations et observations, on considère qu'il pourrait y avoir rencontre des critères qui sont dans le projet de loi, mais on ne décide pas de les assujettir. Ça, c'est les partis qui vont s'assujettir en négociant des services minimalement requis à maintenir et le Tribunal administratif du travail, à défaut d'entente entre les parties. C'est bien simple comme processus, collègue, puis ce n'est pas nous qui décidons d'assujettir. Nous, on décide... Je pense que vous l'exprimez bien, je pense qu'on est...

M. Leduc : Merci de la précision. Je vais corriger mon terme. Le terme que vous avez un peu plus loin à 111. 22.4, c'est «désigner».

M. Boulet : Exact.

M. Leduc : On comprend qu'assujettir, je l'utilisais dans ce sens-là, mais vous, vous le retenez comme le tribunal. Je vais jouer avec votre interprétation puis utiliser vos propres termes. Je voulais dire «désigner», c'est là-dessus que je veux me concentrer.

M. Boulet : O.K., parfait.

M. Leduc : Quand le gouvernement, vous, le ministre du Travail, vous plaidez à votre Conseil des ministres de dire : Je souhaite désigner tel groupe pour qu'il puisse... après ça, on va voir les autres étapes, mais potentiellement être assujetti à des services de bien-être, mais la portion désignation, vous ne la faites pas sur rien — et puis on a eu un échange juste avant, puis vous dites : Oui, oui, bien sûr, on analyse la situation, etc. — vous la faites sur la base des trois critères. Quand vous décidez au gouvernement de désigner un groupe, vous vous dites : Il y a...

M. Leduc : ...probablement une atteinte ou il y a potentiellement une atteinte à la sécurité sociale, économique ou environnementale, non? Parce que, sinon, si ce n'est pas ça, sur quoi vous vous basez pour désigner un groupe?

• (18 h 20) •

Le Président (M. Allaire) : M. le ministre.

M. Boulet : Mais j'ai répondu à plusieurs reprises, là, j'utilise les trois mêmes termes : analyse, consultation, observation. Et je ne sais pas, mais on s'éloigne beaucoup de l'amendement qui est soumis par mon collègue d'Hochelaga-Maisonneuve. Mais c'est sûr qu'avant de désigner il faut comprendre et s'assurer que le décret... tu sais, ce n'est un décret qui est adopté en l'air comme ça, là.

M. Leduc : O.K. Revenons aux CPE dans ce cas-ci. En quoi, parce qu'il y a trois critères, on va les analyser un par un, en quoi un CPE... des CPE pourraient porter atteinte à la sécurité environnementale d'une population?

M. Boulet : Collègue, sécurité environnementale. Moi, je vais vous poser une question : Pourquoi priver la population du Québec d'un mécanisme qui vise à assurer son bien-être en cas de conflit dans un CPE? Pourquoi les CPE, on dirait : Ils ne sont pas visés ni par le mécanisme numéro un, ni par le mécanisme numéro deux? Puis un énoncé... Le tribunal, je l'ai répété souvent, dispose des garanties d'indépendance nécessaires pour assurer qu'il n'y ait pas une application qui déborde de ce qui se passe sur le terrain. Mais, je le répète, pourquoi priver la population de ce mécanisme-là? C'est un mécanisme qui vise à protéger cette population. Pourquoi les priver de ce mécanisme-là ici, dans le cas?

Puis, je le répète, non seulement les CPE ne sont pas ciblés, non seulement je vous ai réaffirmé qu'ils ne sont pas non plus visés par le deuxième mécanisme sur l'arbitrage de différends quand il y a préjudice grave ou irréparable, mais moi...Pourquoi?

M. Leduc : Moi, je ne parle pas de l'arbitrage, là, je parle de la grève, parce que vous voulez limiter leur exercice de grève à travers une décision d'un tribunal. Vous dites que vous prenez une distance, mais vous venez de me confirmer, à travers ce qu'on va voir tantôt, à 111.22.4, tout ça ne peut commencer que si vous désignez une association accréditée ou un groupe d'associations accréditées. C'est un choix éditorial que vous faites en désignant une association. Ce n'est pas neutre, ce n'est pas le Saint-Esprit qui désigne une association, c'est vous.

M. Boulet : C'est parce que le choix éditorial, vous le dites avec une connotation péjorative, mais ce n'est pas le cas. Avant de désigner dans un décret gouvernemental, le décret, pour qu'il soit adopté par un gouvernement, s'appuiera, je le répète, sur des analyses, des consultations, des observations. Puis exprimez-le comme vous voulez, mais en tenant compte des critères qui sont à ce moment-là dans la loi, qui sont actuellement dans un projet de loi, mais c'est fait aussi simplement que ça. Puis après ça, je le répète, tout le dossier appartient aux parties. Une partie peut demander au tribunal, et, si le tribunal décide que les critères s'appliquent, c'est les parties qui négocient les services minimalement requis à maintenir, la grève se poursuit même pendant le maintien des services minimalement requis.      D'ailleurs, dans les régimes de services essentiels, c'est la même réalité, vous le savez, collègue. La grève se poursuit parallèlement ou malgré le maintien de services essentiels en éducation puis, en CPE, il n'y en a pas de services essentiels. Donc, on vient simplement dire, puis le tribunal aura à le déterminer, est-ce que les critères sont rencontrés? Puis ce n'est pas le gouvernement qui va le faire, puis, après ça, les parties vont les définir, ces services-là.

M. Leduc : Mais, des fois, M. le ministre, j'ai l'impression que vous parlez comme si la désignation d'un groupe pour, potentiellement, faire restreindre son droit de grève, c'était quelque chose de neutre et objectif. Mais assumez-vous un peu, là, c'est politique. Désigner un groupe qui va potentiellement perdre des droits de grève, qui va être obligé de faire des demi-tâches, peu importe comment ça va s'appliquer, ce n'est pas neutre. Sortez de cette neutralité-là. Vous devez vous assumer, vous allez les désigner. C'est ça qui commence le processus. Quel signal vous envoyez au TAT quand vous désignez un groupe? C'est que vous pensez que ça doit s'appliquer. Vous n'êtes pas en train de dire : Je désigne ce groupe-là, en disant : Je ne sais pas trop si les critères socioéconomiques, environnementaux, ça s'applique, on verra. Bien non, tout le monde comprend que, si vous les désignez, c'est que vous pensez que ça doit s'appliquer.

M. Leduc : Là, c'est le reflet de votre pensée que la désignation, vous avez enlevé le mot «assujettissement»...

M. Boulet : ...mais c'est comme si pour vous une désignation c'est l'équivalent d'assujettir, mais ce n'est pas le cas, ce n'est pas un assujettissement. L'analyse aura permis de démontrer qu'il y a un impact sur les besoins de la population. C'est un décret qui ne fait que désigner. Après ça, l'assujettissement est déterminé par le tribunal puis, en cas d'assujettissement, les parties négocient la nature des services à maintenir.

Je pense que je me répète beaucoup, là, mais c'est parce que, oui, il y a un travail en amont, puis ça, je l'ai répété à plusieurs reprises, ça se fait par, encore une fois, des analyses, des observations, puis des consultations. On s'assume, c'est écrit dans le projet de loi, on s'assume, mais ça ne rend pas la décision politique, la décision d'assujettissement ou la décision de respect des critères qui sont dans le projet de loi, elle appartient exclusivement au tribunal administratif qui est encore une fois indépendant puis impartial. Merci.

M. Leduc : On va s'entendre sur une chose. Moi, je ne suis pas en train de dire que vous êtes... que vous dictez la conclusion du TAT. Je ne dirai jamais ça, je ne le crois pas. De toute façon ce n'est pas ça que vous faites. Soyons très, très clairs là-dessus. Par contre, je n'accepte pas la version qui dit que désigner quelque chose de neutre et simple et il n'y a pas de problème. Vous prenez un choix politique, un choix éditorial. En désignant un groupe, vous signalez à la société, aux éditoriaux et aux potentielles lignes ouvertes de gens qui n'aiment pas ça, la grève, etc. que vous pensez que ça mérite d'être traité, et juste ça, c'est bien sûr une prise de position politique. Évidemment, évidemment, ce n'est rien d'autre que ça. Ça n'existerait pas, la procédure du TAT si vous... vous ne faites pas la désignation au préalable. Bien sûr que c'est un geste politique. Ce n'est pas exactement le même geste politique, puis on va être d'accord là-dessus qu'une loi spéciale. Une loi spéciale, vous convoquiez tout le monde ici...

M. Boulet : Bien, oui.

M. Leduc : ...puis vous nous faisiez passer toute la nuit sur un projet de loi, là, vous l'assumiez de A à Z, l'aspect politique de la chose. Mais ce n'est pas parce que vous désignez le TAT puis que vous le sous-traitez pour faire la moitié de la job d'assujettissement que vous n'avez plus de rôle politique, vous le désignez, ce groupe-là vous initiez la démarche, une partie de la démarche certainement. Moi, je veux vraiment que vous l'assumiez, là, c'est politique, cette décision-là.

M. Boulet : En fait, j'assume tout ce qui est écrit dans le projet de loi et je le répète, ce n'est pas d'assujettir, c'est de désigner. Puis il y a un paquet de facteurs aussi que j'ai identifiés comme la durée, le contexte, les impacts, et ça, ça se fait par des analyses, des consultations et des observations, puis c'est un décret gouvernemental, puis un décret gouvernemental, je ne veux pas banaliser ça, mais ça implique une rigueur, ça implique un sérieux dans l'analyse. Et après ça, c'est un dossier qui appartient aux parties et au tribunal. Mais je comprends ce que vous dites, je pense qu'on est pas mal sur la même longueur d'onde, puis c'est important ce que vous voulez passer comme message, c'est qu'avant de désigner par l'adoption d'un décret vous voulez qu'on s'assure d'avoir bien analysé la situation, et encore une fois, il n'y aura pas deux conflits similaires.

M. Leduc : Oui, mais... techniquement, là, comment ça va fonctionner, le décret? Est-ce que je fais bien d'assumer que c'est au... ça va être un mercredi au Conseil des ministres bien, ou non, une journée, mais essentiellement le mercredi. Est-ce qu'il y aura un mémoire qui va être accompagné de cette décision-là, comme ça l'est parfois comme un projet de loi?

Le Président (M. Allaire) : Là, si vous vous rappelez qu'on est quand même sur un amendement. Là, vous êtes dans la procédure, je ne dis pas quand on est complètement à l'extérieur de l'amendement, mais je vous demande quand même de vous recentrer sur le message qui... qu'on peut lire ici sur l'amendement.

M. Boulet : On pourra en reparler.

M. Leduc : O.K. Dans le cas d'un CPE, comment ça fonctionnerait techniquement?

M. Boulet : Ah! là, je n'ai vraiment plus de commentaires, M. le Président, puis ceci dit, avec respect, collègue.

M. Leduc : Bon. J'ai des questions sérieuses cela dit. Pour moi, ce n'est pas clair. Ça fait que, là, on a parlé du tout début, la désignation. On n'est pas d'accord, bon, on en a parlé. La deuxième étape, une des deux parties doit activer en quelque sorte. Il y a comme deux... deux étapes avant que le TAT se saisisse, hein? Il y a comme deux verrous. Il y a le verrou politique du ministre et du décret du Conseil des ministres, on vient d'en parler, mais après ça il y a une des deux parties qui doit activer le processus. J'ai bien compris?

M. Boulet : Vous avez très bien compris.

M. Leduc : Bon. Dans le cas des CPE, on assume que la partie syndicale, c'est une des trois fédérations syndicales, là, CSN, CSQ ou FTQ, mais qui est la partie patronale qui devra activer?

• (18 h 30) •

M. Boulet : Bien, c'est une fédération, mais... puis qui pourrait négocier...


 
 

18 h 30 (version non révisée)

M. Boulet : ...les paramètres des services minimaux à maintenir.

M. Leduc : Mais je veux faire... Avez-vous vérifié votre réponse? Parce qu'elle est bien importante, là, c'est-tu... vous dites, c'est l'AQCPE ou c'est le Conseil du trésor?

Des voix : ...

Le Président (M. Allaire) : ...

M. Boulet : O.K. C'est chaque CPE.

Le Président (M. Allaire) : Voilà.

M. Leduc : Chaque CPE! Il y en a 400, là, qui s'en vont en grève, M. le ministre.

M. Boulet : Pardon?

M. Leduc : Il y en a 400 qui s'en vont en grève, là.

M. Boulet : Ah, bien oui.

M. Leduc : Vous allez adopter 400 décrets?

M. Boulet : Mais vous savez très bien que les dossiers de même nature qui comportent le même objet sont regroupés au Tribunal administratif du travail, là, mais, tu sais, c'est...

M. Leduc : Ah, qu'ils soient regroupés ou pas... Mais ça veut dire que vous allez adopter 400 décrets pour chacun des 400 CPE du Québec.

M. Boulet : ...décret dans lequel ils vont être nommés globalement, les CPE.

M. Leduc : C'est à dire les 400 CPE syndiqués à la FSSS-CSN?

M. Boulet : Puis là, encore une fois, c'est hypothétique, là, vous prenez pour acquis que nos analyses auront déterminé que ça mérite l'adoption d'un décret gouvernemental. Et je le répète, c'est hyper contextuel.

M. Leduc : ...il y a 400 certificats d'accréditation, là, à la CSN. Ce n'est pas un syndicat unifié, là, on me corrigera si je me trompe, mais là ça ne veut pas dire... il ne va pas y avoir 400 directions de CPE qui vont activer le mécanisme que vous nous proposez, là. 400 directeurs de CPE à la grandeur du Québec qui vont devoir mobiliser l'article machin machin, là, pour le bien-être.

M. Boulet : On va ajourner deux minutes. Je veux juste obtenir une précision.

Le Président (M. Allaire) : Pas de problème. Nous allons suspendre les travaux quelques instants. Merci.

(Suspension de la séance à 18 h 32)

(Reprise à 18 h 40)

Le Président (M. Allaire) : Alors, nous allons reprendre les travaux. M. le ministre, je vous cède la parole.

M. Boulet : Donc, merci, M. le Président. Ça nous permet de préciser, puis on aura à le repréciser, parce que ça va être le même... la même structure avec le secteur de l'éducation, mais ça va être la structure de négociation nationale qui va s'appliquer. Ici, avec les CPE, il y en a 54 % qui sont syndiqués. De ces 54 % là, il y en a 76 % avec la FSSS-CSN, il y en a 17 % avec la CSQ, puis il y en a 5 % avec la FTQ, la FQF, puis il y en a 2 % avec d'autres. Puis du côté des associations, il y a des regroupements d'employeurs qui participent à la négociation nationale. Il y a l'Association patronale nationale des CPE, l'APNCPE, c'est surtout la FSSS-CSN représente 53 CPE, puis c'est ça, il y a un regroupement patronal. Il y a d'autres groupements d'employeurs de CPE. Ça fait que ça irait en épousant la structure de négociation nationale. Évidemment, notre projet de loi ne concerne pas les CPE qui ne sont pas syndiqués. Donc, ces regroupements-là nationaux pourraient définir les paramètres permettant de maintenir des services minimalement requis pour assurer le bien-être de la population. Donc, c'est ça.

M. Leduc : Je suis vraiment confus, là, M. le Président. C'est un genre de consortium, dans le fond, qui va prendre la décision s'il veut en appeler à l'assujettissement au tribunal?

M. Boulet : Non.

M. Leduc : Vous avez parlé d'une...

M. Boulet : C'est une désignation par décret gouvernemental. Là, je reprends. Et la détermination, si on aboutit là, c'est les syndicats CSN, FTQ, CSQ, avec les regroupements d'employeurs, il y a des regroupements patronaux... Bien, c'est ça, des regroupements patronaux. C'est eux qui auraient à déterminer les paramètres de maintien de services minimalement requis.

M. Leduc : Pouvez-vous nous les nommer? Il y en a combien?

M. Boulet : Des regroupements d'employeurs, il y a 12 regroupements patronaux FSSS-CSN puis il y a 220 CPE là-dedans. Presque tous les CPE sont là. Comme je disais tout à l'heure, 56 %. Il y a un regroupement patronal pour la FITEQ-CSQ, il y a 48 CPE, puis il y a un autre groupement d'employeurs FTQ, 19 CPE. Donc on a nos CPE ici.

M. Leduc : Et les regroupements, les 12 qui vont toucher la CSN, parlons seulement, là, de celle ci qui est aux portes de la grève générale, c'est-tu des regroupements par région? C'est pour ça qu'il y en a 12?

M. Boulet : Non. Je ne l'ai pas ici. C'est 12 regroupements patronaux pour la FSSS-CSN puis ça représente 220 CPE. Est-ce que c'est délimité régionalement? Je n'ai pas cette donnée-là.

M. Leduc : Il y a plus de CPE que ça à la CSN...

M. Boulet : Pardon?

M. Leduc : Il y a plus de CPE que ça à la CSN...

M. Boulet : Il y en a 220 que je vois ici, 220 CPE qui sont syndiqués CSN. Puis il y en a... C'est parce que 54 % des CPE sont syndiqués. De ces 54 % là, il y en a 70 %... 76 % qui sont syndiqués CSN. Puis là je pense que Guillaume m'a bien compris.

M. Leduc : Mais là, mais les chiffres, là, à la limite, ma question, ce n'est pas ça.

M. Boulet : Non.

M. Leduc : Ma question c'est là pour activer. Puis là, encore une fois, il y a deux verrous, là. Il y a vous qui devez désigner. Après ça, pour activer, il faut qu'il y ait une demande d'une des deux parties, soit la partie syndicale, soit la partie patronale. Puis là vous me dites il y a 12 regroupements patronaux juste pour la CSN. Comment ça marche? C'est-tu les 12 qui doivent s'entendre ensemble pour faire une seule demande. C'est-tu une demande par chacun des 12 regroupements patronaux. Vous ne pouvez encore me dire c'est quoi la différence entre ces 12 là. C'est-tu par région, par je ne sais pas?

M. Boulet : Et c'est les 12 regroupements patronaux ou la FSSS-CSN. C'est une de ces deux parties-là qui demande autant de déterminer l'assujettissement, le respect des critères.

M. Leduc : Mais les 12, encore une fois, c'est qui exactement les 12?

M. Boulet : Bien, c'est des regroupements patronaux, c'est des...

M. Leduc : Mais là on a sûrement des noms, je ne peux pas croire.

M. Boulet : Bien, il y a l'Association patronale nationale des CPE. Mais on pourra vous donner la liste des noms, là. Moi, je ne les ai pas, les noms.

M. Leduc : Non, mais, M. le ministre, on parle d'application, d'assujettir un secteur complet, les CPE. Moi, je ne veux pas. Mais j'essaie de...

M. Leduc : ...de voir si vous êtes capable de me montrer comment ça va marcher. Là, la démonstration n'est pas concluante, là.

M. Boulet : Vous connaissez très bien... Le processus, je l'ai bien expliqué. Là, vous êtes dans la finesse de qui va déterminer la nature des services minimalement requis.

M. Leduc : Bien, j'espère, oui. C'est ça, ma job, M. le ministre, moi.

M. Boulet : C'est... Ça va...

Le Président (M. Allaire) :  ...là. Encore une fois, un à la fois. M. le ministre.

M. Boulet : ...de négociation nationale. C'est les mêmes parties, exactement les mêmes parties. Prenez-le simplement, collègue. L'entreprise X, qui a une accréditation syndicale, c'est l'employeur puis le syndicat. Dans le cas des CPE, comme il y en a des centaines, ils sont regroupés. La plupart sont accrédités avec la CSN. Ça fait qu'une des parties, c'est la CSN. Puis les CPE sont regroupés en associations patronales, et c'est comme ça que ça se négocie au niveau national, et c'est comme ça que ça va se négocier. Collègue, ils négocient le contenu de conventions collectives de même. O.K. Collègue, ils négocient le contenu d'une convention collective de travail de même. Là, on demande de s'entendre, si on se rend là, là, s'il y a un décret, s'il y a une décision du TAT d'assujettissement puis que les parties ont à négocier les services minimalement requis à maintenir. C'est la même structure que quand on négocie un renouvellement de convention.

M. Leduc : Moi, j'ai compris qu'avant que le TAT se penche sur l'assujettissement, une des deux parties doit le demander.

M. Boulet : ...

M. Leduc : Bon, mais là, c'est... on n'est même pas rendus à l'assujettissement puis les services minimaux, on est encore à la deuxième étape. Puis là vous me dites : Il y a 12 regroupements patronaux juste pour la CSN, puis moi, j'essaie de savoir, puis je n'ai pas encore d'explication : Est-ce que les 12 doivent le demander en même temps d'une seule voix ou chacun des 12 séparément doit loger une demande?

M. Boulet : Ça, c'est une question...Ça, ça pourra être précisé, là. Je n'ai pas de réponse.

Des voix : ...

M. Boulet : Normalement, ils se coordonnent, puis ils négocient de cette manière-là aussi, collègue. C'est pour ça que je dis : Ça épouse ou ça... C'est tout à fait similaire à la structure de négociation nationale des renouvellements de conventions collectives de travail. Ça fait que, oui, ils se coordonnent, les 12 regroupements patronaux pour la CSN. Il y en a un pour la CSQ, c'est facile. Il y en a un pour la FTQ, c'est facile. Il y en a 12 pour la CSN. Et ma réponse, c'est oui, c'est la même affaire.

M. Leduc : Puisqu'est-ce qui arrive s'il y en a un des 12 qui décide, il dit : Moi, je ne suis pas d'accord avec cette procédure-là, allez-y, vous autres, les 11 autres...

M. Boulet : Ah! bien, moi, macompréhension, c'est que, si une des parties ne demande pas au TAT, bien, le TAT n'a pas à déterminer. Ce qui est prévu dans le projet de loi, puis on le verra plus loin, c'est que le décret gouvernemental désigne une des parties, donc la CSN, ou la FTQ, ou la CSQ, ou le regroupement patronal dans le cas de la FTQ, le regroupement patronal dans le cas de la CSQ, les 13 regroupements patronaux dans le cas de la CSN. Si personne ne demande au TAT, le TAT n'est pas saisi... n'est pas légalement saisi.

M. Leduc : ...mais si à l'intérieur, encore une fois, des 12 regroupements patronaux de la CSN, il y en a un ou deux qui dit : Moi, je n'y crois pas, à cette procédure-là, je n'y vais pas, allez-y, vous autres...

M. Boulet : ...pas clair, là, dans les articles... des.

M. Leduc : ...ça veut dire qu'il y a une partie des grévistes de la CSN qui ne sera pas assujettie puis l'autre va l'être?

M. Boulet : ...non. Comme je dis, pour que le tribunal soit légalement saisi, il faut que soit la CSN, soit la CSQ, soit la FTQ le demande, du côté syndical, ou soit le regroupement patronal... je pense, je me répète, là, mais quand même, le regroupement patronal FTQ, le regroupement patronal CSQ ou les 13 regroupements patronaux coordonnés ensemble le demande. S'il n'y a personne qui le demande, par exemple si la CSN ne le demande pas puis si les 13 ne le demandent pas ensemble, le tribunal, dans mon esprit, n'est pas légalement saisi. Puis, s'il faut que ce soit précisé puis éclairci, ça le sera, mais dans les articles qui suivent, là, on est loin de votre amendement, là, c'est un article du champ d'application.

M. Leduc : En tout respect du ministre, M. le Président, ça me semble bien confus, tout ça. J'ai l'impression, encore une fois, en tout respect, qu'on improvise un peu des réponses à mes questions, qui sont des questions sérieuses d'application, parce qu'encore une fois la grève générale est à nos portes, pour des enjeux qui sont en dehors de la... pas de la compréhension, pardon, mais de la... du champ d'action direct du ministre, c'est sa collègue du Conseil du trésor. La raison pour laquelle je posais la question, c'est que moi, je suis un peu confus parce que toutes les indications que j'ai à ce moment-ci, c'est que c'est surtout le Conseil du trésor qui négocie. Là, dans la réponse, on n'y a même pas fait référence, mais, moi, ma compréhension, c'est que c'est au Conseil du trésor que ça...

M. Leduc : …les fins de semaine puis que ça discute.

• (18 h 50) •

M. Charette : …puis je sais que ce n'est pas votre intention que vous voulez me faire répéter. Le mécanisme d'arbitrage ne s'applique pas aux CPE. Puis c'est le Conseil du trésor qui négocie. Ici, on parle de ça d'après la négociation, après une impasse, après le déclenchement d'une grève. Qu'est-ce qu'on fait pour assurer le bien-être de la population? On est rendu à ce stade-là. Je sais que vous me l'avez fait dire, là, mais on n'est pas au stade de la négociation. Pis c'est vrai que c'est le Conseil du trésor. Mais pour la négociation de l'identité des services minimalement requis à maintenir, on épouse la structure de négociation nationale. C'est la structure, c'est le processus. Et moi, je ne trouve pas ça confus. À moins que vous vouliez créer cette confusion-là, je pense qu'il faut le faire simplement.

M. Leduc : Je suis sur la page…

Le Président (M. Allaire) : …M. le ministre, faites attention de ne pas prêter des intentions à votre tour. M. le député d'Hochelaga-Maisonneuve, la parole est à vous.

M. Leduc : Je suis sur la page du gouvernement, du ministre de la Famille, Entente nationale des centres de la petite enfance. Là, il y a la section CSN, la section CSQ, ma section FTQ. Mais le petit paragraphe introductif, je vous lis : «Cette section regroupe les ententes portant sur les clauses nationales des centres de petite enfance pour la période du 1ᵉʳ avril 2020 au 31 mars 2023 et les lettres d'entente intervenues entre le Secrétariat du Conseil du trésor, le ministère de la Famille, des regroupements d'employeurs, ainsi que les syndicats suivants, etc. Bien là, il y a… il y a beaucoup de monde, là, au party, là, il y a le Conseil du trésor, il y a le ministère de la Famille puis les regroupements d'employeurs, les syndicats bien entendu, mais là les ententes, là, ceux qui la signent, ententes portant sur des clauses intervenues entre… Il n'y a pas juste les regroupements patronaux, là. Il y a aussi le ministère de la Famille puis le Conseil du trésor. Est-ce que vous me confirmez donc, M. le ministre, que ni le ministère de la Famille, ni le Conseil du trésor ne pourra activer la clause pour assujettir les CPE?

M. Boulet : Bon, c'est un décret gouvernemental, puis la distinction que vous devez faire puis que vous vous faites certainement, c'est que les conventions collectives sont négociées au national avec le secrétariat du Conseil du trésor et le ministère de la Famille. Mais après ça, il y a une convention collective par CPE, parce qu'il y a une accréditation syndicale par CPE. Donc, c'est simplement cette distinction-là que vous devez faire.

M. Leduc : Je n'étais même pas rendu aux conventions collectives locales. Vous me précédez, on va y arriver. Comme, restons sur les conventions nationales, parce que c'est toujours, si j'ai bien compris, un employeur ou une association accréditée qui doit activer le processus. Est-ce qu'au regard de votre compréhension de votre projet de loi, de votre imitation de la grève avec le service de bien-être, le ministère de la Famille ou le Conseil du trésor pourrait activer ce processus dans le cadre d'une grève de CPE?

M. Boulet : Non, parce que ce n'est pas l'employeur et ce n'est pas le syndicat. Le secrétariat du Conseil du trésor négocie, le ministère de la Famille, mais l'employeur, c'est le CPE. Donc, ce n'est pas… ni l'un ni l'autre qui peut activer.

M. Leduc : La réponse est claire, le ministère de la Famille, Conseil du Trésor ne peuvent pas activer ça, on s'entend, on clarifie des choses, je suis content d'entendre ça. M. le ministre. Merci de la clarification. Ça, c'est réglé. Maintenant, vous aviez raison, de dire qu'il y a des ententes nationales, puis après ça, il y a des ententes locales. À ma compréhension, c'est CPE par CPE, ça fait beaucoup d'ententes locales. Est-ce que, dans ce cadre-là, il faudrait que, dans ce cas-là, soit le directeur ou la directrice du CPE ou son… qui devrait activer les services essentiels s'il y a une grève qui se poursuit localement? Parce qu'il n'y a pas d'entente sur leur convention locale, au-delà d'une entente nationale potentielle.

M. Boulet : Bien, c'est la même affaire que le contenu d'une convention collective. Quand les paramètres sont définis puis le maintien des services, c'est CPE par CPE, forcément, c'est CPE par CPE où il y a une application des conventions collectives de travail, tu sais, c'est exactement comme ça que les relations de travail se font dans cet environnement.

M. Leduc : Donc s'il y a une entente-cadre avec la CSN cette semaine, mais que, dans deux, trois CPE, il y a un… il y a un gros problème local parce que la convention locale, les dispositions particulières de cette convention locale, là, ça grince. Puis que la grève se poursuit dans ces cas-là, il va falloir que ça soit les directions particulières de ces CPE là qui activent le mécanisme.

M. Boulet : Totalement. Vous comprenez aussi bien que moi.

M. Leduc : Bon, on a… On atteint un niveau de compréhension, en tout cas, de ma part…

M. Boulet : ...pour les CPE.

Le Président (M. Allaire) : ...

M. Leduc : Il me reste une minute. Merci. Peut-être que j'aimerais... j'aimerais la consacrer sur le défi que j'ai posé au ministre tantôt. Est-ce qu'il s'engage... Au cas de CPE, là, il dit qu'il veut les garder assujettis. C'est une chose, mais est-ce qu'il s'engage à ne pas utiliser cette clause-là s'il y a grève dans les CPE dans les prochaines heures?

M. Boulet : M. le Président, vous connaissez déjà ma réponse, ils sont couverts par le mécanisme de maintien des services minimalement requis. Leur assujettissement n'est pas une décision politique, qui est une décision qui sera rendue par un tribunal. C'est pour ça que je ne peux pas dire : Ils ne seront pas assujettis, parce que c'est le tribunal qui est indépendant et impartial qui va avoir à le déterminer. Je la répète, je ne peux pas dire... Tu sais, c'est... Comme tous les concepts, que ce soit un accident ou une maladie ou du harcèlement ou de la violence, ça sera au tribunal à déterminer, en tenant compte de la preuve qui est faite, en tenant compte de la durée du conflit, de son contexte, de l'impact sur, particulièrement, les enfants. Ça fait que je ne peux pas aller plus loin là-dessus, là.

M. Leduc : Est-ce que vous seriez ouverts, quand on sera rendus aux applications, de différer l'application de cette loi-là pour les CPE...

M. Boulet : Moi, je suis ouvert...

M. Leduc : ...pour que ça ne concerne pas la négo actuelle?

M. Boulet : Moi, je suis ouvert à toutes les discussions raisonnées. Vous me connaissez. Moi, je souhaite le règlement le plus diligent possible pour le bien-être de nos éducatrices et éducateurs, de nos familles, de nos parents, de nos enfants. Mais, quand on... Ça, c'est le dernier article, là, d'entrée en vigueur de la loi. Tout est possible, tout est possible. Moi, je n'exclus rien.

M. Leduc : Quand vous nous aviez dit qu'il fallait attendre d'appliquer la rétroactivité salariale à la construction, l'argument que vous avez utilisé, c'est que la négo était déjà commencée. La négo est non seulement bien commencée, mais le conflit bat son plein. Est-ce que vous vous engagez, encore une fois, quand on va être rendus dans les dispositions transitoires...

M. Boulet : Ça, c'est le type d'argument que nous allons écouter, que je vais écouter certainement avec attention.

Le Président (M. Allaire) : Dix secondes.

M. Leduc : On va les laisser s'envoler, les secondes.

Le Président (M. Allaire) : Si vous voulez. C'est bon.

M. Leduc : Merci, M. le Président.

Le Président (M. Allaire) : Parfait. Merci, M. le député d'Hochelaga-Maisonneuve. Est-ce qu'il y a d'autres interventions sur l'amendement déposé par le deuxième groupe de l'opposition? M. le député de Jean-Talon, la parole est à vous.

M. Paradis : Bon, on vient d'assister à un échange intéressant. Mais donc il y a... il y a une particularité, ce projet de loi va entrer en vigueur à sa sanction, et ça... disons que... On est dans le domaine des hypothèses, mais les Québécois sont en droit de savoir à quoi s'attendre, parce que vous l'avez mentionné, c'est du droit nouveau, ce projet de loi là. Puis il y a une partie de votre échange qui le démontre aussi, avec le député d'Hochelaga-Maisonneuve, hein, il va y avoir des questions juridiques, mais il va y avoir des questions politiques puis il va y avoir des questions sociales qui vont se poser. Et donc, disons que la loi... disons qu'on le travaille très vite, là, puis que le projet de loi est adopté, on est dans le domaine des hypothèses, puis que, là, il y a une grève qui se déclenche dans le réseau des CPE, allez-vous exercer votre pouvoir? Est-ce que vous allez, oui ou non, désigner les associations accréditées et les employeurs? Là, je comprends qu'il y a eu des questions pour savoir qui ils sont là, mais est-ce que vous allez les désigner, oui ou non?

M. Boulet : Je ne suis vraiment pas, collègue, en mesure de répondre parce que, comme j'ai mentionné, avant de désigner, cette désignation-là va faire l'objet d'un décret gouvernemental...

Le Président (M. Allaire) : ...

M. Boulet : Ah! excusez-moi. Donc, avant de désigner, cette désignation-là qui fera l'objet d'un décret gouvernemental, nous allons devoir analyser, observer, consulter. Et est-ce que les CPE en feront partie? C'est vraiment dépendant de comment le conflit génère des impacts sur la population. Je pense que la préoccupation d'un État puis la préoccupation de notre gouvernement, ça va être de considérer le bien-être de la population dans la mesure où, en amont, on aura déterminé de façon objective et rigoureuse que le conflit affecte de manière disproportionnée le bien-être de la population. Oui, le décret pourrait s'appliquer au CPE, mais, encore une fois, c'est une des parties, comme on vient de discuter de façon très minutieuse avec le collègue Hochelaga-Maisonneuve...


 
 

19 h (version non révisée)

M. Boulet : ...qui pourra demander au tribunal de déterminer s'ils sont assujettis ou non. Là, tout ce que je dis, c'est que ça s'applique aux CPE, mais ça ne veut pas dire qu'ils sont assujettis. Puis je pense que vous comprenez la nuance, l'assujettissement, c'est une décision qui va relever du tribunal. Je ne sais pas si je réponds bien, collègue, là, mais...

• (19 heures) •

M. Paradis : Oui. Mais, bon, la première décision, c'est de savoir si le gouvernement va adopter un décret qui va désigner les associations accréditées et les employeurs à l'égard duquel, ensuite, le tribunal va pouvoir, etc.

M. Boulet : C'est une excellente question. Il n'y aura jamais un décret qui va s'appliquer pour l'avenir. Le décret va s'appliquer, puis c'est précisé dans le projet de loi, dossier par dossier, négo par négo. C'est parce qu'il va avoir un règlement, il va avoir signature de convention collective, et ce décret-là n'aura pas un effet dans l'avenir. Il va ne s'appliquer que pour un processus de négociation. Ça fait qu'on ne pourra jamais dire... tu sais, puis peut-être que les CPE, il y aura un décret gouvernemental de désignation une fois, mais il pourrait ne plus y en avoir jamais. Il pourrait ne pas y en avoir, par exemple, maintenant et en avoir un plus tard, en raison de la durée puis du contexte du conflit, là.

M. Paradis : Donc, attendez. Donc là, vous nous dites déjà que ça ne peut jamais être à l'avance.

M. Boulet : Non, je pense qu'on ne se comprend pas bien. C'est conflit après conflit. On ne désignera pas un secteur, on ne désignera pas la compagnie X et le syndicat Y, comme étant visés par un régime de maintien de services minimalement requis, ça va être en tenant compte du conflit et de ses conséquences. Et donc ça n'aura pas d'impact sur la prochaine négociation de renouvellement de convention collective qui générerait, par exemple, un conflit de travail. C'est simplement ça, la précision, là.

M. Paradis : O.K. C'est prévu où, ça, ce que vous nous mentionnez?

M. Boulet : On va le voir plus tard, mais c'est prévu clairement, dans le projet de loi, que ça s'applique seulement pour le dossier actuel.

M. Paradis : Pouvez-vous me l'indiquer? Parce que là on est sur... on est quand même sur un amendement qui vise ça. 

M. Boulet : Mais là on est sur un amendement pour les CPE, là. Oui, c'est quel article... Ce ne sera pas long, M. le Président? 

Le Président (M. Allaire) : On va suspendre les travaux quelques instants.

(Suspension de la séance à 19 h 02)

(Reprise à 19 h 03)

Le Président (M. Allaire) : Alors, nous allons reprendre les travaux. M. le ministre, vous avez la réponse. La parole est à vous.

M. Boulet : C'est 111.22.6 - on va y arriver, souhaitons, diligemment - qui dit : «La décision du tribunal d'assujettir une association accréditée à un employeur au maintien des services assurant le bien-être de la population en cas de grève ou de lock-out s'applique pour la phase des négos en cours.» Donc ce n'est pas les parties qui sont désignées ad vitam, c'est pour une phase de négociation en cours.

M. Paradis : Là, vous parlez, 11.22.6, c'est la décision du tribunal d'assujettir une association accréditée. Fort bien, vous-même, vous l'avez mentionné, ça, c'est la décision d'assujettir. Moi, je vous parle de ce qui précède. «Le gouvernement - 111.22.4 - le gouvernement peut, par décret, désigner une association accréditée et un employeur à l'égard desquels le tribunal peut déterminer...», etc. Ça, est-ce que ça peut... Qu'est-ce qui dit, là-dedans, que ça ne peut pas se faire à l'avance?

M. Boulet : C'est parce que c'est le processus qu'on a expliqué un peu plus tôt. Le décret ne fait que désigner, suite à la désignation, une partie peut demander au tribunal. Et c'est le tribunal qui décide d'assujettir, et son pouvoir est limité à la phase des négociations en cours. Ça fait que le décret, si on veut que ça s'applique à une phase de négociation ultérieure, dans huit ans, dans 12 ans, dans 20 ans, ça va prendre un autre décret gouvernemental. Moi, c'est très clair, là.

M. Paradis : Mais...

M. Boulet : Et un tel décret à... Puis vous avez lu le projet de loi, là, mais à 111.22.4, le deuxième alinéa : «Un tel décret a effet jusqu'au dépôt d'une convention collective ou de ce qui en tient lieu. Il peut...

M. Boulet : ...en tout temps avant un tel dépôt. Une copie est notifiée aux parties concernées et au Tribunal.» Donc, les deux articles combinés sont, à mon avis, hyperclairs.

M. Paradis : Bien, je ne sais pas. Moi, je ne sais pas s'ils sont hyperclairs. «Hyperclair», c'est un... c'est un adjectif d'une... C'est d'une grande clarté, M. le ministre.

M. Boulet : Bien, si vous voulez que ce soit plus clair, proposez un amendement. On est...

M. Paradis : Bien, non, mais je veux savoir d'abord comment ça fonctionne. C'est... On a essayé d'avoir plus de détails sur ce qui explique les solutions que vous avez choisies dans votre projet de loi puis on ne les a pas eues. Bon, maintenant, j'aimerais savoir qu'est-ce qui empêche, par exemple... Disons, on est dans un cas hypothétique, que, ce projet de loi, un gouvernement se dépêche à l'adopter, il est adopté, puis là il y a un mouvement syndical qui se dessine dans le monde des CPE. Je veux savoir qu'est-ce qui empêche, dans le projet de loi, un ministre d'adopter un décret puis de dire : Aïe! je vous ai à l'oeil. Là, j'adopte un décret pour désigner les associations et les employeurs à l'égard desquels le tribunal pourrait ensuite, etc. Qu'est-ce qui empêche dans le projet de loi de faire ça dès maintenant? Et là ça va s'appliquer, comme le deuxième alinéa le dit, jusqu'au dépôt d'une convention collective, mais le décret, il est adopté, puis ensuite le tribunal fait ce qu'il veut. Qu'est-ce qui empêche, là, de le faire? Qu'est-ce qui vous empêche de le faire?

M. Boulet : Je ne comprends pas la question. Puis je vais revenir à la clarté du texte, là, c'est une phrase : «Un tel décret a effet jusqu'au dépôt d'une convention collective.» Pour moi, c'est hyperclair que ça ne s'applique que pour la phase actuelle des négociations. Et qu'est-ce qui empêche le gouvernement, actuellement, d'adopter un décret? Le projet de loi est en étude détaillée.

M. Paradis : Non, mais après l'adoption du projet de loi.

M. Boulet : Qu'est-ce qui empêcherait un gouvernement d'adopter un décret? J'ai expliqué tout à l'heure.

M. Paradis : Qu'est-ce qui dit, là, que ça vient... Qu'est-ce qui dit que vous ne pouvez pas désigner immédiatement, dire : Bien, le domaine des CPE, par exemple, l'éducation à la petite enfance, les services à la petite enfance, moi, j'adopte un décret, je désigne l'association accréditée et les employeurs x, y, z?

M. Boulet : Il y a un décret gouvernemental... Vous êtes en train de me dire : Le gouvernement adopte des décrets sans analyse, consultation ou observation. Il faut s'assurer d'une probabilité d'assujettissement, là, parce que le tribunal peut décider qu'ils sont assujettis parce que les critères sont respectés, il peut décider qu'ils ne sont pas assujettis parce que les critères ne sont pas respectés. Mais qu'est-ce qui empêche un gouvernement d'adopter un décret? C'est sûr que, si notre analyse, nos observations, nos consultations et l'examen de la durée du conflit, le contexte et les impacts ne nous permettent pas d'adopter un décret de manière rigoureuse et sérieuse, il ne sera pas adopté. Mais je ne pourrai pas donner une garantie qu'un décret gouvernemental ne peut pas être adopté. Mais un gouvernement gouverne avec sérieux et rigueur. C'est l'explication que je peux vous donner.

Le Président (M. Allaire) : M. le député de Jean-Talon.

M. Paradis : Oui, on en a parlé plus tôt... on a parlé plus tôt... Moi, je vous ai parlé du fait que ce régime remplaçait un mécanisme assez connu, stable, qui est le fruit d'une longue évolution législative jurisprudentielle puis vous le remplacez avec des pouvoirs discrétionnaires peu balisés. Vous, vous avez dit : Il y a plein de balises, c'est très balisé. On est dedans, là. Il y a un... L'amendement parle des centres de la petite enfance à savoir s'ils sont assujettis ou pas. Le collège d'Hochelaga-Maisonneuve prévoit de les exclure. Vous, vous dites : Non, ils sont inclus. Il y a un mouvement syndical qui se dirige, il y a des grèves auxquelles on pourrait... qu'on pourrait vivre bientôt au Québec. On a un exemplaire clair devant nous. Je vous demande de nous l'expliquer. Comment vous allez exercer les pouvoirs qui vous seraient donnés par le projet de loi, si le projet de loi est adopté, à ce moment-là? Vous avez dit : On va analyser, on va consulter, on va observer. Ça, c'est votre réponse à ma première question.

Puis là on va avoir des critères, parce qu'un décret, ça ne s'applique pas comme ça. Moi, en tout cas, je ne les vois pas, les critères, ici. Je n'en vois aucun, je n'en vois aucun. Je ne sais pas ce que vous allez analyser, je ne sais pas qui vous allez consulter, puis je ne sais pas ce que vous allez observer. Puis je me demande ce qui empêche un ministre, vous ou un autre, dans l'avenir, d'adopter des décrets rapidement. Quand on voit venir des mouvements de grèves possibles, de dire : Ah! tout de suite, je vous désigne, ça lance un message fort. Vous, vous allez me dire : Ah! mais, attendez un peu, l'assujettissement n'est pas encore déterminé, etc. Mais, quand tu as un gouvernement qui adopte un décret, là, ça lance un message très fort. Et ça vient changer l'équilibre de la négociation, ça vient...

M. Paradis : …et tout de suite jouer sur les forces parce que les employeurs vont dire : Oh! Le ministre vient d'annoncer ses couleurs, il adopte un décret. Puis il le fait rapidement. C'est ça, ma question, c'est de savoir à quel moment ça commence. Parce que moi, je ne la vois pas, la balise, là. Vous me parlez du deuxième alinéa. Ça, ça veut dire qu'il va avoir effet le décret jusqu'à une convention collective. Fort bien, ça n'explique pas à partir de quel moment il peut être adopté. Puis après ça, vous me parlez de l'exercice par le tribunal de la deuxième phase de ça. Moi, je vous parle du premier, là, le décret. Je vous demande les balises de l'exercice du décret. Vous me… vous me répondez en disant : Faites… en gros, faites-nous confiance, on ne prendra pas un décret comme ça. Mais moi, je vous dis : Où sont les balises dans le projet de loi? Non, mais ce n'est pas drôle, M. le ministre, là. Je vous pose des questions très légitimes.

• (10 heures) •

M. Boulet : Non, non, mais… Non, mais c'est parce que les balises, vous avez vu l'article 107, Code canadien du travail où il n'y a pas de balise, il y en a des balises, qu'on va étudier aux articles suivants, les services minimalement requis pour assurer la sécurité de la population. Votre collègue de Matane référait à la sécurité économique pour la Société des traversiers, c'est des concepts qui existent dans toutes les lois du travail. Et c'est sûr que ce n'est pas un décret du ministre, c'est un décret gouvernemental. Puis c'est… avant d'adopter un décret, il faut tenir compte des impacts. Il faut voir la durée du conflit, la nature du conflit. On a des services d'accompagnement à la négociation, d'amélioration du climat de relations de travail. On a des conciliateurs médiateurs. On a l'expertise au ministère pour déterminer quelles sont les conséquences. Et je le répète, c'est une décision qu'on veut apolitique. Le tribunal va déterminer si ces critères-là, encore une fois, qu'on va étudier un peu plus loin…

Puis, oui, j'utiliserai notamment le dictionnaire, j'utiliserai les définitions qui sont dans des arrêts de jurisprudence au Québec. Vous les connaissez. Je le répète. Un accident de travail, c'est défini. Puis c'est quoi, un événement imprévu et soudain, collègue de Jean-Talon? Il y a plein de décisions de jurisprudence. Survenu par le fait ou à l'occasion du travail, c'est-tu clair? Il n'y a rien de parfaitement noir et blanc en droit. Vous le savez aussi bien que moi. Une violence à caractère sexuel, c'est défini d'une manière qui implique une interprétation puis une application par les tribunaux en tenant compte de la preuve qui est soumise. Puis il n'y a pas deux cas pareils. Le réseau de transport de la capitale, est-ce que ça aurait été la même décision dans un autre réseau de transport, dans une autre ville avec une preuve différente? Oui.

Vous me demandez de vous expliquer de façon mécanique alors que vous savez très bien que dans notre cas, il y a des concepts qui sont utilisés, qui vont être appliqués. Puis ce n'est pas des mots inconnus, c'est des mots que tout le monde connaissent. En tout cas, votre collègue connaît bien la sécurité économique. Donc, moi, je suis prêt à revenir sur ces explications-là, que j'ai données aussi au collègue d'Hochelaga-Maisonneuve. Je suis prêt à les reprendre. Mais encore une fois, ce n'est pas le ministre. Une discrétion… Relisons l'article 107. C'est quand un ministre, il estime nécessaire, puis il ordonne un arbitrage exécutoire. Il ordonne la fin d'un conflit de travail. Il ordonne au Conseil canadien des relations industrielles de faire ce que lui décide. C'est ça un pouvoir discrétionnaire. C'est ça qu'on a voulu éviter. J'ai été le plus attentif possible pour que nos balises soient les plus respectueuses de l'état de la jurisprudence.

Est-ce qu'on peut avoir l'ambition de la faire évoluer aussi la jurisprudence? En tenant compte de certains cas, il n'y en aura peut-être pas de cas d'application, mais il y a deux mécanismes. Les deux mécanismes dans les deux cas n'ont qu'un objectif : protéger une population qui est souvent prise en otage par des conflits de travail qui durent trop longtemps. Une grève, c'est un moyen de pression. Un lock-out, c'est un moyen de pression, mais ce n'est pas un outil pour mettre une pression indue disproportionnée sur une population qui est souvent impuissante, marginalisée par un conflit. C'est simplement… il faut garder ça simple, le projet de loi, il est dans son titre extrêmement clair, puis dans les aspects pratiques, il y aura des tribunaux puis il y aura un arbitre de différends qui déterminera, dans le deuxième mécanisme, le contenu de la convention collective de travail. Je comprends qu'on peut complexifier, mais gardons ça simple…

Le Président (M. Allaire) : Merci, merci. Je regarde l'heure. Il est 19 h 15.

Donc, compte tenu de l'heure, merci pour votre collaboration aujourd'hui, j'ajourne les travaux au mardi 29 avril à 15 h 30 où elle entreprendra un autre mandat. Merci, tout le monde!

(Fin de la séance à 19 h 15)


 
 

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