Journal des débats de la Commission de l'économie et du travail
Version préliminaire
43e législature, 1re session
(29 novembre 2022 au 10 septembre 2025)
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Le
mardi 22 avril 2025
-
Vol. 47 N° 97
Étude détaillée du projet de loi n° 89, Loi visant à considérer davantage les besoins de la population en cas de grève ou de lock-out
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9 h 30 (version non révisée)
(Neuf heures quarante-sept minutes)
Le Président (M. Allaire) : Alors,
à l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de
la Commission de l'économie et du travail ouverte.
Alors, la commission est réunie afin d'entreprendre
l'étude détaillée du projet de loi n° 89, Loi visant à considérer
davantage les besoins de la population en cas de grève ou de lock-out.
M. le secrétaire, est-ce qu'il y a des
remplacements ce matin?
Le Secrétaire : Oui, M. le
Président. Mme Boivin Roy (Anjou—Louis-Riel) est remplacée par Mme Lachance
(Bellechasse); Mme Mallette (Huntingdon) est remplacée par M. Tremblay
(Dubuc); Mme Tremblay (Hull) est remplacée par Mme Picard (Soulanges);
Mme Lakhoyan Olivier (Chomedey) est remplacée par Mme Prass
(D'Arcy-McGee); et M. Fontecilla (Laurier-Dorion) est remplacée par M. Leduc
(Hochelaga-Maisonneuve).
Le Président (M. Allaire) : Excellent.
Merci. Avant de débuter les remarques préliminaires, je dépose les mémoires
reçus depuis la fin des auditions.
Alors, nous sommes prêts à débuter les
remarques préliminaires. M. le ministre, on débute avec vous. Vous avez donc 20 minutes.
Je vous cède la parole.
M. Boulet : Merci, M. le
Président. Alors, content de débuter l'étude détaillée d'un projet de loi que
je considère à connotation profondément humaine. Nous devons considérer
davantage les besoins de la population en cas de grève ou de lock-out. Je saluerais
mes collègues de D'Arcy-McGee, d'Hochelaga-Maisonneuve et de Jean-Talon, leurs
équipes, ma sous-ministre, mon directeur intérimaire de cabinet, l'équipe du
ministère du Travail puis mes collègues gouvernementaux qui sont avec nous ce
matin, qui sont de précieux alliés, de précieux partenaires, qui sont aussi interpelés,
on l'est tous, par l'impact parfois considérable de conflits de travail. On l'a
vécu notamment dans les dernières années.
Donc, on est rendus à l'étape d'étudier,
article par article, le contenu de ce...
M. Boulet : ...projet de loi
qui, dans son essence, comporte deux nouveaux outils en relations de travail.
Le premier, c'est d'assurer le bien-être de la population. On sait, quand il y
a un conflit de travail... Il faut les éviter, évidemment. On a mis en place
des mécanismes qui aident les parties à négocier des renouvellements de
conventions collectives de travail. On l'a réussi dans la plupart des cas où
les services du ministère du Travail sont requis. Je pense que près de
95 % des dossiers se règlent sans conflit. Cependant, il y a eu quand même
une augmentation importante de grèves et/ou de lock-outs dans les dernières
années. On parle de 288 conflits de travail, en 2024, dans tous les secteurs
d'activité.
• (9 h 50) •
Donc, le premier outil, qui s'applique,
évidemment, dans une dynamique de relations employeur-salariés, en vertu du
Code du travail, qui est la loi qui s'applique pour régir les rapports
collectifs de travail au Québec, il y a un décret gouvernemental qui est
adopté. Après ça, une des deux parties peut demander au Tribunal administratif
du travail, qui est complètement indépendant et impartial, de déterminer si les
critères prévus au projet de loi s'appliquent. Les critères prévus au projet de
loi, on en a parlé fréquemment. Quand on dit bien-être de la population, c'est,
notamment, en rapport avec sa sécurité sociale, économique ou environnementale,
pour ne pas que ce soit affecté de manière disproportionnée.
Donc, une des parties peut demander au
tribunal de déterminer si les critères que je viens de mentionner s'appliquent.
Si c'est oui, là, à ce moment-là, la balle revient dans le camp des parties.
Les partis déterminent les services à maintenir dans le contexte de la grève,
la grève ou le lock-out se poursuit, déterminent le contenu ou les tenants et
aboutissants des services à maintenir, et, après ça, le tribunal entérine ou
détermine la suffisance de ces services-là. Si le tribunal décide que les
critères ne sont pas rencontrés, bon, évidemment, comme c'est un tribunal, on
se soumet à cette décision-là, et le conflit se poursuit comme il avait été
amorcé.
Ça, c'est un premier outil, qui nous
apparaît essentiel pour s'assurer que certains services soient maintenus. C'est
une décision, encore une fois, qui est totalement apolitique, qui est rendue
par des personnes qui ont l'expertise, et avec des critères qui sont
suffisamment larges pour donner une marge de manœuvre complète et satisfaisante
au Tribunal administratif du travail. C'est, je le mentionnais, dans plusieurs
secteurs. On l'a vécu dans le transport scolaire, dans le transport en commun, en
transformation alimentaire, dans les services funéraires, en éducation. Il n'y
a pas un secteur d'activité qui est à l'abri. Ceci dit, on parle souvent d'un
régime de services essentiels. Il est maintenu dans son intégralité. Il
s'applique en santé, en services sociaux, dans certains services publics et
dans la fonction publique, c'est-à-dire les organismes et les ministères.
Donc, ce qu'on vient créer avec le projet
de loi, c'est un régime totalement parallèle de maintien de services. Souvent,
on réfère à des services minimaux pour, encore une fois, tenir compte des
besoins de la population dans des contextes de conflits de travail qui sont
malheureux. Je ne reviendrai pas sur tous les cas, mais je réfère souvent au
témoignage du Dr Égide Royer, qui est un psychologue et un professeur réputé,
qui nous mentionnait à quel point les enfants à besoins particuliers, notamment
atteints du trouble du spectre de l'autisme ou en situation de handicap,
pouvaient être affectés dans leur développement, tant au plan des
apprentissages que des comportements. Lui disait : Au bout de deux, trois
semaines, il y a même une régression, qui implique de nouvelles interventions,
des nouvelles réadaptations. Souvent, les parents sont contraints à faire ce
qui s'impose pour s'assurer du plein développement et de l'épanouissement de
ces enfants à besoins particuliers. Donc, ça...
M. Boulet : ...c'est le
premier outil. Puis je le répète, parce qu'il y a beaucoup d'informations qui
ont circulé sur la place publique, on ne vient pas empêcher, par ce projet de
loi là, l'exercice du droit de grève, on est à la quête constante. Puis c'est
ce à quoi je nous invite tous, les parlementaires, à un équilibre entre
l'exercice du droit à la grève ou au lock-out et les besoins de la population,
qui sont aussi fondamentaux. Parce qu'on reconnaît que le droit de grève, il
est constitutionnellement reconnu. On a tous lu l'affaire Saskatchewan,
décision rendue par la Cour suprême du Canada en 2015. On a tous été informés
des décisions qui ont été rendues par les tribunaux supérieurs partout au
Canada. Maintenant, depuis 2015, on a vécu, et on peut faire une législation,
je le souhaite ardemment et profondément, qui soit adaptée à nos réalités
humaines, sociales et économiques.
Le deuxième outil, c'est la possibilité
pour le ministre de soumettre à un arbitre de différends si le conflit de
travail engendre un préjudice grave ou irréparable à la population. On connaît
ce concept-là. Évidemment, la première étape à franchir, c'est celle de la conciliation
et/ou de la médiation. Les parties ont les outils. Il y a une négociation qui
appartient aux parties. Elles ont toutes la faculté de faire une entente.
L'arbitrage de différends est le deuxième outil, donc, encore une fois, une
décision qui serait rendue par une personne qui détient l'expertise, qui est
indépendante, qui est impartiale et qui rendrait une décision qui constituerait
le contenu de la convention collective. Mais, encore une fois, ça requiert un
prérequis de préjudice grave ou irréparable à la population et l'intervention
d'un conciliateur ou d'un médiateur se sera avérée infructueuse. Donc, c'est un
deuxième outil simple qui permet de dénouer une impasse, qui permet de revenir
au titre, au libellé du titre de ce projet de loi n° 89 : considérer
davantage les besoins de la population. Ça peut être des familles, ça peut être
des parents, ça peut être des enfants, ça peut être des personnes à faibles
revenus. C'est généralement ou notamment des personnes en situation de vulnérabilité
ou des personnes qui sont confrontées à une impuissance dans le contexte d'un
conflit de travail qui, malheureusement, a des répercussions qui sont tellement
négatives et qui comporte des préjudices significatifs à la population. Bon, je
le redis, M. le Président, c'est une approche qui est modérée, c'est une
approche qui est balisée avec des critères objectifs. C'est des décisions qui
sont rendues par des personnes qui connaissent, qui sont capables d'appliquer
les critères, qui sont impartiales, qui sont totalement indépendantes. C'est
des outils que nous considérons comme étant exceptionnels, qui seront utilisés
avec parcimonie. S'il y a 200 conflits, s'il y a 250 conflits dans
une année, ce sera forcément un nombre très limité de conflits qui auront les impacts
dont... que nous faisons référence dans le projet de loi et qui respecteront
les critères.
On veut que le processus, encore une fois,
soit limité aux cas véritablement problématiques. Les parties patronales et
syndicales seront à participer au processus du début à la fin, dans le contexte
du premier outil, en déterminant les paramètres des services minimaux à
maintenir en cas de grève ou de lock-out et, dans le deuxième, évidemment, en
négociant de façon raisonnée à la table de négociation et en participant au
processus de conciliation médiation.
Encore une fois, je le répète, c'est une
question d'équilibre. Je comprends qu'il y a des points de vue qui peuvent
différer qui ont été exprimés, encore une fois, notamment par les centrales
syndicales, par des professeurs et par des chercheurs, mais on veut un projet
de loi qui soit connecté aux besoins de la population, qui soit...
M. Boulet : ...fondé sur des
réalités pragmatiques vécues par la population. Donc, l'étude détaillée, c'est
une étape du cheminement du projet de loi. Vous me connaissez, on va faire
cette étape-là avec ouverture, avec écoute. On a d'ailleurs des amendements à
soumettre suite aux consultations particulières. J'espère que nos échanges,
lors de l'étude détaillée, vont nous permettre de trouver les meilleurs
équilibres possibles, d'examiner attentivement les mesures proposées et de
garder à l'esprit, encore une fois, les besoins de personnes, d'êtres humains
qui peuvent malheureusement se retrouver en situation de vulnérabilité par des
conflits de travail.
• (10 heures) •
Alors, voilà, ça complète mes remarques
préliminaires. Je vous remercie encore une fois, M. le Président, et très
heureux et... hâte de commencer l'étude détaillée. Merci.
Le Président (M. Allaire) : Merci
à vous, M. le ministre. On poursuit avec l'opposition officielle. Mme la
députée de D'Arcy-McGee, vous avez 20 minutes, je vous cède la parole.
Mme Prass : Merci, M. le
Président. Je vais débuter par remercier tous ceux qui ont pris part aux
consultations, qu'ils ont déposé en mémoire lors de... avant l'étude détaillée.
Ça... ça nous a permis de nous alimenter, de comprendre les différentes
réalités des différentes parties qui ont soumis leurs mémoires, leurs opinions.
Donc, comme on le sait, au Québec, nous
avons un historique fier de syndicalisation au Québec. Nous avons toujours été
une société qui soutenait ce mouvement dans ses différentes actions. Mais ce
qu'on voit aujourd'hui, c'est que le gouvernement essaie d'amener un projet de
loi pour résoudre certaines situations où il y a un déséquilibre, disons, entre
l'effet voulu d'une grève et les impacts que ça peut avoir sur certaines
personnes, sur certaines populations.
Tel que le ministre l'a mentionné, en
particulier, on a entendu des voix et des mémoires parler des jeunes avec des
besoins particuliers qui ont été... qui ont été négativement affectés quand il
y a eu les grèves des professeurs. Donc, ils n'ont pas pu aller à l'école et
garder cette routine, garder cet apprentissage, recevoir les services qu'ils
continuaient de recevoir à l'école pour leur bon fonctionnement également.
Donc, ce que ce que le ministre propose,
aujourd'hui, avec ce projet de loi, c'est en certains cas, quand certaines
populations vulnérables sont à risque, d'exiger, avec le tribunal au travail,
des services minimalement requis. Donc, ce qu'on veut s'assurer, c'est que ce
projet de loi, cet outil-là ne devienne pas, justement, un outil pour des
ministres pour abuser et faire en sorte que, quand il y a des grèves de la part
de syndicats, bien, on va être faciles à identifier un groupe dont il y a des
effets négatifs et donc on va utiliser les moyens qui sont mis de l'avant dans
le projet de loi pour que la grève... bien les deux parties concernées soient
amenées devant le TAT.
Donc, on veut s'assurer que, comme j'ai
dit, il n'y a pas d'abus et que ça ne devienne pas... ça ne remette pas en
question le droit de grève. Et je ne pense pas que c'est l'intention du
ministre non plus, parce que, comme j'ai dit au Québec, c'est une tradition
qu'on respecte depuis longtemps, c'est une réalité avec laquelle on vit, mais
ça ne peut pas se faire au détriment des personnes les plus vulnérables de
notre société et ça ne peut pas être dans le but d'utiliser les outils qui
vont... dans ce projet de loi pour que ça devienne une guerre entre le patronal
et le syndicat. Il faut vraiment que ce soit la question de qui sont les
personnes qui sont négativement impactées et l'effet que ça peut avoir sur eux.
Donc, c'est toujours question de trouver un équilibre.
Nous allons débuter aujourd'hui l'étude
détaillée. Tel... comme j'ai mentionné lors des consultations, avec les
différents mémoires qui ont été déposés, on a pu faire le tour un petit peu des
différentes parties prenantes et de leur point de vue, commencent à créer des
impacts sur la réalité des syndicats, des syndicats et de la population au
Québec. Donc, nous nous attendons à ce que le ministre soit ouvert à écouter
les amendements que nous allons amener justement pour bonifier ce projet de
loi, pour qu'il n'y ait pas d'ambiguïté et que ça soit utilisé, comme j'ai dit,
comme un outil de la part du gouvernement pour mettre fin à des grèves ou
enlever le droit des syndicats. C'est vraiment... On espère que ça va être
utilisé dans des exceptions vraiment très rares, des situations où, comme j'ai
dit, on reconnaît qu'il y a des populations vulnérables qui peuvent... puis qui
peuvent écoper des effets négatifs des grèves.
Donc on va être à l'écoute, on va proposer
des amendements, on verra ce que les autres...
10 h (version non révisée)
Mme Prass : ...collègues vont
proposer également, mais nous avons hâte de commencer l'étude détaillée et de
poursuivre le travail et de bonifier le projet de loi. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Allaire) : Merci
à vous, Mme la députée de d'Arcy-McGee. On poursuit avec le deuxième groupe de
l'opposition. M. le député d'Hochelaga-Maisonneuve, vous avez 20 minutes,
la parole est à vous.
M. Leduc : Merci, M. le
Président. Bonjour, tout le monde. C'est quand même symbolique de commencer ce
projet de loi là, ici, dans le beau salon rouge, qui est le nôtre, qui nous
accueille temporairement en attendant les rénovations du salon bleu. Donc, on
avait eu des longues heures ici, le ministre et moi, pendant la commission sur
le projet de loi n° 89... n° 59,
c'est un autre 9, je me trompe souvent quand je lui parle, il me demande des
fois si je ne suis pas nostalgique du projet de loi n° 59.
On le verra dans les prochaines heures, en effet, si je suis nostalgique du
projet de loi n° 59 parce que je veux remercier d'avance
tout le monde pour leur patience dans les prochaines heures et dans les
prochains jours alors que nous commençons l'étude détaillée de ce projet de loi
n° 89.
Salutations à toutes les équipes qui sont
là aujourd'hui, des différents partis de la table du ministère, tous les gens
qui nous écoutent à la maison. Je sais qu'ils sont particulièrement nombreux
dans ce projet de loi qui est fort couru, je pense qu'on peut dire ça, qui a
animé beaucoup de gens, qui continue de l'animer d'ailleurs en ce moment même.
Je vous dirais, M. le Président, dans les
remarques préliminaires qui sont les miennes, que je suis à la fois très triste
et très content d'être ici. D'abord, très triste parce que je pense que nous
assistons, et ça a été confirmé par plusieurs interventions durant les
audiences, au pire recul en matière de droit du travail des 20 dernières
années. La question, je l'avais posée carrément dans le cadre des différentes
interventions des collègues, notamment des représentants du milieu du travail,
des représentants syndicaux, et, sans hésitation, on me répondait tout le temps :
Oui, oui, c'est le pire recul en matière de droit du travail dans les dernières
années. Il fallait remonter à Jean Charest des fois pour avoir un recul
similaire en matière de modification du Code du travail. Puis, en effet, ce n'est
pas tous les jours qu'on touche au droit de grève qui, on le croyait, en tout
cas, était bien protégé par les différents arrêts des différentes
jurisprudences. Le ministre l'a même fait évoquer, y a même fait référence il y
a quelques instants, il a dit : Oui, on a tous lu les arrêts Saskatchewan
et compagnie. Bien, je pense qu'on n'a pas tous lu la même chose visiblement,
sinon on ne serait pas ici en ce moment à discuter de ce, j'ose le dire,
terrible, terrible projet de loi qui vient donner un pouvoir démesuré au
ministre, qui vient donner... qui vient faire quelque chose qu'il savait qu'il
n'avait pas le droit de faire, c'est-à-dire venir rejouer dans la définition
des services essentiels que nous avons faite.
C'était un des premiers projets de loi qu'on
a faits ensemble, M. le ministre et moi. On était fraîchement arrivés, 2018, on
était nouveaux tous les deux comme élus. Bien sûr, tous les deux, on était des
praticiens du droit du travail, lui, dans le... dans son milieu, qui est... d'un
cabinet d'avocats, plus proche des milieux patronaux, moi, d'un milieu
syndical, bien sûr, mais tous les deux, on était nouveau ici puis il a fallu
répondre à un jugement de la Cour d'appel. Si je ne me trompe pas, c'était le
jugement Flageole, si ma mémoire est bonne, qui disait que, bien, la définition
des services essentiels était beaucoup trop large, et en particulier toute la
notion des limitations. Hein, il y avait des heures précises, des pourcentages
de présence au travail. J'ai dit Cour d'appel, mais mon collègue me dit, c'est
le TAT, il a bien raison, c'est M. le juge Flageole du TAT qui avait dit qu'il
fallait revoir ça. Et c'est une première loi, donc, qu'on a traitée, M. le
ministre et moi.
C'est là qu'on avait d'ailleurs resserré,
hein, la définition alentour de la santé et la sécurité, qu'est ce qui
constitue un service essentiel. C'est un travail qui pourrait affecter la santé
et la sécurité physique des personnes. Alors, il le savait très bien, M. le
ministre, qu'en faisant ça, ça allait peut-être faire quelques mécontents, mais
c'était la chose à faire. C'est ce qui nous faisait... ce qui nous permet de
respecter le jugement Flageole, qui nous permet de respecter d'ailleurs nos
engagements internationaux en matière de respect du droit et des libertés
syndicales, c'est ce qui nous faisait respecter aussi de manière plus large le
fameux jugement Saskatchewan et la Cour suprême. Bref, c'est la bonne chose à
faire.
Or, on se retrouve aujourd'hui avec un
projet de loi qui vient, comme je le disais tantôt, contourner un peu là, qui
vient faire ce qu'il n'avait pas le droit de faire en inventant de toutes
pièces un nouveau concept qui est le machin truc, là, de bien être des
personnes. C'est drôle parce que le ministre, lui, fait un effort vraiment
studieux de ne jamais se tromper et de ne jamais faire référence aux services
essentiels quand il parle de ça. Il le fait bien parce qu'il sait très bien que
ses paroles traduisent l'intention du législateur. Et s'il se trompait à
outrance, ça pourrait même potentiellement être utilisé devant les tribunaux
pour dire : Bien, vous voyez, le ministre lui-même se trompe, il dit
services essentiels à la place de machin bien-être et compagnie, bien, ça
pourrait être utilisé parce que la contestation, on l'a tous compris, va
arriver la seconde et demie après que le projet de loi va être sanctionné...
M. Leduc : ...l'autre bord de
la rue par le lieutenant-gouverneur. Sauf qu'il fait attention, lui, le
ministre. Il ne se trompe pas. Il est à son affaire. Mais beaucoup de gens qui
sont venus en audience, M. le Président. Ils se sont tous trompés. Ils ont tous
compris ce qui se passe. Ils ont tous compris que c'était juste une extension,
un élargissement de la Loi sur les services essentiels, mais déguisé par une
autre manière, que le ministre pense... à tort à mon avis, mais pense qui va
résister au test des tribunaux. Donc, c'est bien triste parce qu'on refait,
dans le fond, le même débat qu'on a fait en 2019. Moi, je pense qu'en ce sens,
donc, on perd notre temps, vu que ce débat-là était supposément clos. Et
malheureusement, on le fait en faisant reculer le droit du travail et le droit
des travailleurs et travailleuses d'une manière impressionnante.
• (10 h 10) •
Je suis triste, donc, pour revenir à
mon... à mon introduction, je suis triste d'être ici à traiter de ça. On
devrait être en train, au contraire, au contraire, de travailler sur des
aspects plus positifs du droit du travail. Ça fait plus d'un an que le ministre
prépare une grosse réforme. On en entend parler, là, de tous les angles
possibles. On en avait déjà des discussions, lui et moi, à micro ouvert, à
micro fermé. J'ai hâte, moi, de la voir, cette réforme générale du droit du
travail. Ça risque de toucher plein de... plein d'aspects. Moi, je trouve que
ça va être un mandat intéressant. On ne devrait pas être en train de faire reculer
le droit du travail au Québec, M. le Président, en ce moment parce qu'on
devrait prioriser cette réforme-là et aussi parce qu'on subit des attaques de
notre voisin du Sud, qui n'a peu faire d'une part de notre souveraineté
nationale, mais d'autre part, du respect des accords commerciaux signés
préalablement, qui n'a peu faire de même de la logique même, on pourrait dire,
là, parce que ses histoires de tarifs, ça nuit à sa propre population, je pense
qu'on l'a assez dit.
Et, quand c'est arrivé, cette histoire de
tarifs là, il y a quelques semaines, quelques mois maintenant, il y a comme eu
une espèce de sursaut d'unité nationale, hein? Tout le monde s'est dit :
Bien là, patrons, syndicats, travailleurs, gouvernements, on doit tous se
serrer la main et faire front commun contre la politique de Trump, contre les
attaques tarifaires de Trump.
Et, à peu près au même moment
littéralement, je pense que c'était à quelques jours d'intervalle, bien là, on
dépose un projet de loi pour faire reculer le droit de grève au Québec. Bien,
bravo! Quelle occasion manquée d'essayer de créer un consensus patronal,
syndical, un consensus patronal, syndical que je sais que le ministre recherche
de manière sérieuse. Le ministre s'est fait une réputation d'être quelqu'un qui
veut éviter le conflit, qui veut essayer de trouver des solutions. Il travaille
beaucoup avec les partenaires du marché du travail, de la main-d'oeuvre. Il
échange souvent avec les partenaires. Je sais qu'il est capable de faire ça
puis je sais que c'est ça qu'il a fait dans l'essentiel de son parcours comme
ministre. Alors pourquoi, aujourd'hui, alors que tranquillement, le mandat
commence à poindre à sa fin, il reste quoi, un an et des poussières à notre
présence ici, M. le Président, on verra s'il y a un remaniement ministériel, on
verra si M. le ministre se représente en 2026, si je me représente en 2026, on
verra bien, si nous sommes élus dans nos circonscriptions respectives, toujours
est-il que pendant que nous, on rigole puis qu'on fait ces choses-là, bien les
travailleurs, travailleuses, eux, vivent un recul objectif de leurs conditions
de travail, vivent un recul objectif dans leur capacité à défendre leurs
conditions de travail à travers l'outil qu'est la grève. Et c'est
malheureusement l'œuvre du ministre.
Le ministre, je n'ai pas toujours voté
pour ses réformes, hein? Mais il en a... il en a fait des bonnes, des réformes,
le ministre. J'ai en tête le projet de loi qu'on a traité... deux projets de
loi qu'on a traités dans cette législature, donc il y a à peine un an et des
poussières, celui sur le harcèlement psychologique, très bon projet de loi,
celui sur le travail des enfants, très bon projet de loi, je l'appelais... donc
j'étais bien content qu'il atterrisse et qu'il ait lieu, la réforme du RQAP, le
règlement sur les stagiaires. Tout ça, évidemment, j'ai quand même chialé un
peu parce que c'est ma... c'est ma nature. Et le premier ministre aime bien
nous taquiner, à l'opposition, quand il dit qu'on chiale. Mais il y avait des
imperfections dans ces projets de loi là, là, évidemment, mais c'étaient quand
même des initiatives positives.
On a eu une bataille, une passe d'armes un
peu plus sérieuses sur la réforme de la santé et sécurité, on en aura une
vraisemblablement sur ce projet de loi là, mais quand on regarde le portrait
général du ministre, c'est... c'est quand même bien mesuré comme interventions.
Comme je vous disais encore, tu sais, moi, j'étais horrifié du projet de loi
n° 59 en santé et sécurité. J'ai... Je me suis battu, corps et... corps et
ongles... corps et âme, pardon. Bec et ongles, corps et âme, c'est ça. J'ai...
J'ai mélangé des expressions. Mais, au final, c'est un portrait équilibré. Et
là je trouve malheureusement, puis je l'ai déjà dit, j'ai même posé la question
ici, au salon rouge, pendant une période de questions, je trouve qu'il gâche
son héritage, M. le ministre, avec ce projet de loi là...
M. Leduc : ...il aurait pu
terminer son mandat avec la grosse réforme qu'il nous... qu'il nous soumet,
qu'il nous soumettra bientôt, j'imagine. On verra le... On jugera l'arbre à ses
fruits, comme on dit. Il aurait pu terminer son mandat avec une belle grosse
réforme en droit du travail. Probablement qu'il y aurait eu un peu de réformes,
à gauche, à droite, quelques tours de vis, mais au final, j'assume que ça
aurait été quelque chose d'assez intéressant. Mais non, avant et au lieu de se
plonger là-dedans, on nous soumet cette pièce législative là, très courte,
10 articles.
Moi, je me suis passé la réflexion, est-ce
qu'il le savait, que ce serait une bombe nucléaire en matière de droit du
travail, ce projet de loi là, et qu'il l'a sorti de sa grosse réforme pour que
sa grosse réforme se passe mieux, dans une meilleure ambiance. Là, on ne le
saura jamais. On m'a laissé comprendre que ce n'était peut-être pas le cas. Je
veux... Je veux le croire.
Cela étant dit, reste que ça met une drôle
d'ambiance dans le milieu du travail, M. le Président, de se faire dire :
Vos droits syndicaux, vos droits de travailleurs, travailleuses, bien, on les
fait reculer massivement. Tout ça, en plus, inspiré par un gouvernement fédéral
qu'on ne cesse de nous dire, au gouvernement du Québec, qu'il faut... qu'il
faut... que c'est... que ce n'est pas le bon modèle. Combien de motions on vote
ici pour demander des choses au fédéral, pour dénoncer des choses au fédéral,
la CAQ, évidemment, le gouvernement en fait partie. Puis je pense que c'est
même un peu dans la nature du gouvernement du Québec, puis un de ses devoirs,
peu importe le parti qui est sur la chaise gouvernementale, de défendre le
Québec. Mais là, c'est l'inverse. Il y a une très mauvaise pratique qui a été
utilisée au fédéral, qui est celle de l'arbitrage automatique et obligatoire,
puis le ministre s'en est inspiré, à quelques nuances près, pour faire sa
propre intervention, sa propre marque.
Et je termine sur cette portion-là de ma
discussion sur l'héritage gâché. C'est que ça va devenir le projet de loi du
ministre. Les articles qu'il va nous faire rajouter dans le Code du travail, ce
ne sera pas une intervention du gouvernement ou... Ça va... Ça va être sa
marque personnelle. Ça va être son héritage. Il aura mis son nom sur cette
intervention législative là, sur cette attaque au droit de grève. Moi, je
trouve ça triste parce que je pense que son bilan général était somme toute
équilibré, et je pense que ça reflétait sa personnalité, une personne assez
équilibrée sur le dossier du travail. Mais, avec l'équilibre est... est
complet, est gâché... le déséquilibre est complet. Et on... et on s'y perd. On
s'y perd.
Je disais, en entrée de jeu, M. le
Président, que j'étais triste et content. Donc, ça, c'était la portion plus
triste. Pourquoi je suis content d'être ici, M. le Président? Bien, parce que
je fais de la politique pour ça. Comme je disais tantôt, moi, je suis un ancien
syndicaliste. J'ai signé des cartes de membre de syndicat, j'ai déposé des
requêtes d'accréditation, j'ai préparé des griefs, j'ai préparé des assemblées
générales, j'ai préparé des formations syndicales, j'ai organisé les camps des
jeunes quand j'étais à la FTQ, j'ai... Mon Dieu! J'ai négocié, négocié. J'ai
fait un certificat en droit du travail à l'UQAM parce que ça m'intéressait.
C'est là d'ailleurs que j'ai rencontré plein de professeures brillantes,
notamment certaines qui ont... qui ont déposé des mémoires extrêmement étoffés.
Et donc j'ai toujours trouvé, dans mon parcours syndical, mon parcours
militant, certains diront, qu'il manquait une voix ici, dans cette enceinte,
pour défendre les travailleurs, travailleuses, pour défendre l'importance de
l'outil syndical dans la défense des travailleurs, travailleuses. Et je voulais
être là, dans la place, dans la salle, pour être face à peu importe la couleur
du gouvernement d'en face, quand il y aurait une attaque au droit du travail.
Bien, j'ai été bien servi dans l'ancien
mandat. Je faisais référence au projet de loi n° 59 sur la santé et
sécurité. Ça avait duré, de mémoire, 190 h sur plusieurs mois. Je pense
que, ça, c'étaient 400 articles. Je pense qu'à 10 articles, on
n'étirera pas ça pendant 190 heures, M. le Président. Il y aura par contre
des sérieuses discussions dans les prochaines heures, dans les prochains jours.
Mais, dans le fond, moi je vous dis ça parce que j'ai été servi. Et je constate
que c'est encore pertinent que je sois ici parce qu'encore aujourd'hui on a des
attaques frontales contre le droit des travailleurs et travailleuses. Et c'est
pour ça que paradoxalement, même si je suis triste sur le fond, bien, je pense
que je suis content sur la forme, parce que je me dis au moins aujourd'hui,
demain, jeudi, peut-être dans les prochaines semaines, peu importe comment de
temps va durer ce projet de loi là, cette étude détaillée là, bien, il y aura
quelqu'un dans la salle, ici, qui connaît le droit du travail, qui a été et qui
a été longtemps dans les souliers de gens qui, au quotidien, doivent préparer
une grève.
Tiens, je ne l'ai pas dit, ça, tantôt dans
mon... dans mon ancienne tâche de conseiller syndical, j'en ai organisé, des
grèves, M. le Président. Probablement qu'un des plus grands mythes au Québec
alentour du syndicalisme, c'est cette idée que les syndicats ne font que des
grèves et que... n'attendent que l'opportunité de faire une grève. Moi, j'ai
beaucoup d'amis, bien sûr, évidemment, j'étais là pendant, mon Dieu, presque...
M. Leduc : ...15 ans.
J'ai beaucoup d'amis dans le milieu syndical, à différents niveaux, des
conseillers, des élus, etc. Personne n'aime ça soit faire la grève ou organiser
une grève. Personne n'aime ça. Pourquoi? D'abord, mais c'est extrêmement
angoissant. Quand ça commence, on ne sait pas quand est ce que ça va finir.
Puis, dans la vie, l'être humain, il a besoin d'un peu de stabilité. Ça fait
que, quand vous faites le choix conscient dans une assemblée, de voter pour un
mandat de grève et d'exercer une grève, ouf, vous vous embarquez dans un...
dans tout un contrat. Quand nous, on se présente, mettons, dans une élection
générale, c'est un peu angoissant aussi, tu sais, on met notre face sur un
poteau, on ne sait pas trop, elle va-tu passer, elle ne vas-tu pas passer, mais
il y a une date de fin, tu sais, ça dure 33 jours puis telle date, c'est
la fin des élections, il y aura un résultat. Mais quand vous déclenchez la
grève, M. le Président, vous n'avez absolument aucune idée quand est-ce qu'elle
va finir, absolument aucune idée, ça dépend de 1 000 facteurs, ça
dépend de la table de négo, est-ce que votre grève est efficace, est-ce qu'il y
a une bonne participation de... des travailleurs, travailleuses à votre grève,
est-ce que le patron est prêt à régler, est-ce qu'il va avoir une intervention
politique? Toutes sortes de choses qu'on devine à mesure qu'on avance dans le
conflit. Et personne n'aime ça faire la grève.
• (10 h 20) •
Le ministre a fait référence à plusieurs
conflits de travail dans ses différentes interventions. Il l'a fait d'ailleurs
ce matin en remarques préliminaires. Moi, j'ai pris le temps de rencontrer, de
parler à ces différents groupes-là. Je suis allé lire des fois sur leur page
Facebook, sur les communications des centrales alentour de ces conflits-là.
Personne n'avait écrit des communiqués pour dire : Yeah, c'est la grève.
Personne ne fait ça parce c'est difficile parce que c'est long, parce que ça
met un poids économique sur soi-même et sur sa famille. Quand on est en grève,
on ne reçoit pas son salaire, hein, évidemment, on reçoit une compensation, une
paye de grève qui est souvent une fraction du salaire de base. Des fois, si en
plus on est en couple avec une conjoint ou une conjointe qui est dans la même
bâtisse que vous, dans le même travail que vous, bien, lui ou elle aussi est en
grève, ça fait que ça fait deux salaires coupés à la maison. C'est dur. Et je
ne peux pas m'empêcher de me surprendre que le ministre qui a été longtemps
dans le milieu du travail, qui en a connu des conflits, je suis sûr qu'il l'a,
cette sensibilité là, je suis sûr qu'il a, à défaut d'avoir marché dans les
lignes de partage... puis je ne lui reproche pas ça, ce n'est pas ça ma
question, mais je sais qu'il sait qu'un conflit, c'est dur pour les
travailleurs, en particulier quand un conflit a une répercussion sur la
population. Personne n'a envie de nuire à personne dans la vie. Ça fait que sa
grève, qui est l'ultime moyen de pression pour faire entendre raison au patron
puis faire bouger un peu une table de négo qui, des fois, est stallée en bon
français depuis des années, des fois c'est des années, hein, des fois c'est
juste quelques mois, c'est déjà très long, mais des fois c'est des années, mais
il reste quoi aux travailleurs et travailleuses? Il reste que ça, la grève. Il
y a toutes sortes de moyens de pression qu'on peut faire, mettre des chandails,
faire un petit rallye sur l'heure du dîner, mais vous comprendrez, M. le
Président, que quand on arrive à la grève, tout ça a été essayé à de multiples
reprises et qu'il nous semble qu'il n'y a plus d'autre issue. Puis là le
ministre vient nous dire : Non, je refuse, ça ne peut pas être une issue à
votre problème de relation de travail, j'impose autre chose. C'est un précédent
dangereux, très dangereux.
Le ministre tente de nous rassurer en
disant : Oui, mais moi, je n'en abuserai pas, là, moi, le ministre, le
député de Trois-Rivières, là. Bien, d'une part qui vivra verra, parce qu'il y a
une grève du service de garde qui est au coin, au coin de la rue, là. Là, il
n'y a pas de grève cette semaine, mais qui sait ce qui va arriver la semaine
d'après si ça ne bouge pas à la table de négo? Parce que moi, les échos que
j'en ai, c'est que ça ne bouge pas. Là, ils ont tout fait les gradations, là,
une journée, deux journées, trois journées, deux fois trois journées, quatre
journées. La prochaine étape, si je comprends bien, c'est la grève générale
illimitée, là. Qu'est-ce qu'il reste? C'est ça qui leur reste pour faire entendre
raison, parce qu'ils ont des salaires à peine plus haut que le salaire minimum.
Là, le ministre va vouloir leur dire : non, mais il essaie de nous
dire : oui, mais peut-être que moi, je... je n'utiliserai pas, je vais
voir quand est-ce que ça part. Mais quelle espèce de milieu d'arène des
influences, il est en train d'ouvrir, le ministre? Qu'est-ce qui va se passer,
là? Chacun des députés des différentes régions, différentes circonscriptions de
la CAQ vont commencer à aller cogner à sa porte pour dire : Oui, là, dans
ma région, ils sont tannés, on y va. Il se met lui-même en situation de subir
du lobbyisme interne de ses propres collègues, ce qui ne devrait pas être le
cas.
Alors, c'est un précédent dangereux. Je
suis triste d'être ici parce que ça n'a pas rapport comme projet de loi, mais
je suis content d'être ici parce qu'il y aura quelqu'un qui va défendre les
travailleurs, travailleuses. Je vais le faire avec sérieux, je vais le faire
avec discipline, et puis ça va nous occuper dans les...
M. Leduc : ...Merci, M. le
Président.
Le Président (M. Allaire) : Merci,
M. le député d'Hochelaga-Maisonneuve. Nous avons deux nouveaux membres au sein
de cette commission, que je salue, M. le député de Portneuf, nouveau membre
permanent au sein se cette commission, et le député de Jean-Talon, que je cède
la parole pour ses remarques préliminaires. À vous la parole, M. le député de
Jean-Talon.
M. Paradis : Merci beaucoup.
Salutations à toute l'équipe gouvernementale, à mes collègues de l'opposition.
Le ministre se targue de vouloir placer le
curseur au bon endroit. Il dit : J'ai probablement la bonne solution parce
que d'un côté, beaucoup d'associations patronales sont venues dire : C'est
bien, ce projet de loi là, mais on peut aller encore plus loin. Puis beaucoup
des... en fait, la totalité des organisations syndicales, des représentants des
travailleurs sont venus dire : Ce projet de loi est dangereux. Alors, il
dit : Bien, je dois être quelque part dans le milieu. Mais la réalité est
la suivante : tous les experts indépendants qui sont venus en
consultations particulières, tous les experts en droit du travail, en relations
de travail sont venus nous dire que ce projet de loi là comporte des dangers
importants. C'est soit des feux jaunes ou des feux rouges, très clairs.
Le Conseil d'intervention pour les femmes
au travail, l'Association canadienne des libertés civiles, les huit experts et
expertes du Centre de recherche interuniversitaire sur la mondialisation et le
travail, les trois experts de l'Université de Montréal, l'Ordre des conseillers
en ressources humaines agréés, Finn Makela et le Groupe de l'Université de
Sherbrooke, même la Fédération des centres de services scolaires, qui sont
aussi un employeur, disent : Attention, l'incertitude dans ce projet de
loi là pourrait créer des remous dans le secteur du travail.
Donc, en réalité, les indépendants sont
tous venus nous dire : Retirer le projet de loi ou des modifications
profondes. C'est ça, la réalité. J'ai hâte d'avoir des discussions avec le
ministre pour voir qu'est-ce qu'il a, lui, comme études, comme analyses
juridiques, notamment, des impacts de ce projet de loi.
Ce projet de loi contient deux mécanismes
distincts. Le ministre l'a dit. Et les deux mécanismes commencent par un
pouvoir discrétionnaire octroyé au gouvernement, au ministre. Donc, sur la
désignation des services, donc le remplacement de la notion de services
essentiels par «les services assurant le bien-être de la population», ça
commence par «un décret du gouvernement qui désigne une association accréditée
ou un employeur à l'égard duquel ensuite le tribunal peut déterminer quels sont
ses services.» Dans l'autre mécanisme, c'est «le ministre, s'il estime qu'une
grève ou un lock-out cause ou menace de causer un préjudice grave ou
irréparable, peut mettre fin à une grève pour demander aux parties d'aller en
arbitrage obligatoire.»
C'est important. C'est grave quand on
remplace des droits reconnus notamment par la Constitution, par une longue
tradition jurisprudentielle et législative, par des pouvoirs discrétionnaires.
Et donc nous avons voté contre le principe de ce projet de loi parce qu'il n'y
a pas de garanties suffisantes sur l'exercice de ce pouvoir discrétionnaire. Le
ministre nous a dit : Ça va être exceptionnel, ça va être exercé avec
précaution, ne vous en faites pas, ça va bien aller. Mais «ne vous en faites
pas, ça va bien aller», avec des pouvoirs discrétionnaires, ce n'est pas assez.
Ce sont des notions nouvelles en droit que propose le projet de loi, et on n'a
pas entendu beaucoup de critères ou de balises qui nous permettent de voir
comment va être exercé ces nouveaux droits, qu'est-ce qu'ils vont vouloir dire,
comment la jurisprudence va les interpréter.
Donc, s'agissant de droits importants, nous,
on est très préoccupés par ce projet de loi. D'autant plus... mon collègue
d'Hochelaga-Maisonneuve l'a mentionné, mais d'autant plus que c'est comme...
c'est un morceau d'une plus importante réforme. Et, je l'ai dit, ça, lorsque je
me suis prononcé sur l'adoption, ici, en Chambre. La présidente du Conseil du
trésor est venue nous dire, elle, qu'elle va aussi faire un exercice de
révision de tout le processus de négociation dans le secteur public. Là, ce
projet de loi là va plus loin que le secteur public. Il touche aussi le secteur
privé. Mais pourquoi on arrive avec juste ce morceau-là, alors que c'est
l'ensemble d'une réforme qu'on est supposé voir? Puis comment ça se fait qu'on
arrive avec ce qui peut être vu comme le bâton, la massue sur les droits des
travailleurs, alors qu'on n'a pas le reste? C'est préoccupant.
Donc, on va être ouverts à la discussion.
Mais, pour l'instant, ce projet de loi là, pour nous... on a... on a voté
contre. Et, si on n'a pas de garanties additionnelles ou des modifications
profondes, on risque... on pense que c'est un... c'est dangereux de venir jouer
dans un équilibre aussi délicat que celui qui existe actuellement entre les
représentants des travailleurs et les représentants des employeurs. Surtout
dans une optique où même le problème ne semble pas posé avec autant de clarté
que j'aurais aimé le voir posé. On a parlé à peu près seulement des deux... de
deux ou trois exemples. On est revenus toujours avec les mêmes exemples de
conflits de travail, alors qu'on sait qu'au Québec il y a un historique aussi
de règlement des conflits de travail et que les conflits de travail ne sont pas
longs. Et il y a un modèle québécois qui fonctionne. Est-ce qu'on est en...
M. Paradis : ...rien d'y
toucher quitte à l'endommager. C'est ça la question qui se pose. Merci.
Le Président (M. Allaire) : Merci,
M. le député de Jean-Talon. Est-ce qu'il y a d'autres membres de la commission
qui souhaitent faire des remarques préliminaires? Non. Excellent. Ça va? On
s'en va donc à la Rubrique des motions préliminaires. J'ai compris que le
deuxième groupe de l'opposition souhaitait déposer une première motion
préliminaire. M. le député d'Hochelaga-Maisonneuve, je peux vous céder la
parole.
M. Leduc : Merci, M. le
Président. Je commence avec ma première :
«Que, conformément à l'article 244 du
règlement de l'Assemblée nationale, la Commission de l'économie et du travail,
avant d'entreprendre l'étude détaillée du projet de loi n° 89,
Loi visant à considérer davantage les besoins de la population en cas de grève
ou de lock-out tienne des consultations particulières et qu'à cette fin, elle
entende le Syndicat des travailleurs et travailleuses du cimetière Notre-Dame-des-Neiges.»
• (10 h 30) •
Le Président (M. Allaire) : Vous
allez juste me permettre de spécifier que c'est un... Vous avez
30 minutes, mais c'est un 30 minutes en continu. Ce n'est donc pas
une période d'échange. Alors, allez-y.
M. Leduc : Merci, M. le
Président. Je voudrais d'abord vous dire que, quand le ministre a déposé son
projet de loi qui fait sa tournée d'entrevues, je pense que c'est un des
premiers exemples qu'il utilisait pour justifier son intervention législative
et dire :Regardez ce qui s'est passé au cimetière Notre-Dame-des-Neiges,
un long conflit, des familles endeuillées, etc. Donc, assez spontanément, moi,
je me demandais si on avait tous lu l'article du Nouvelliste, je pense,
dans le temps des fêtes où, un peu manière surprenante, en faisant le bilan de
sa dernière session, le ministre glissait qu'il y aurait une intervention
législative pour réduire le droit de grève. Mais ce n'est pas les termes qu'il
a utilisés, mais c'est ce qu'on a tous compris. À ce moment-là, je me
demandais, oui, comment il va aller justifier ça, tu sais, qu'est-ce qu'il
va... Je ne le vois pas là. Il ne va pas commencer à aller critiquer les
professeurs puis je veux dire, tout le monde aime les profs dans la vie, là, il
ne va pas s'attaquer aux profs, je ne peux pas croire. Et assez tôt donc dans
les premières entrevues postdépôt de son projet de loi, c'est le cimetière
Notre-Dame-des-Neiges qui a été utilisé comme exemple. Bon.
Bien, moi je l'avais vu passer un peu ce
conflit-là. Je me rappelais le conflit précédent, là, je pense que c'était 2017
si ma mémoire est bonne. Je sais que c'est un endroit qui n'est pas facile, qui
a un employeur très difficile. Donc, je suis allé un peu me renseigner et, M.
le Président, il y a quelques jours, il y a une belle lettre ouverte qui
circulait sur les réseaux sociaux. Je vais vous la lire parce que c'est un cri
du cœur de Joël Mailly qui est un travailleur en aménagement paysager au
cimetière Notre-Dame-des-Neiges et qui est responsable de l'information à
son... à son syndicat, le syndicat que je propose, que nous venions... que nous
invitons ici à entendre. Je vous lis donc la lettre qu'il a publiée, je pense
que c'est le 10 avril dernier.
Ça va comme suit : «Cher M. Jean
Boulet, député de Trois-Rivières à l'Assemblée nationale. Je suis un
travailleur du cimetière Notre-Dame-des-Neiges et c'est avec tristesse et
colère que pendant l'étude de la commission parlementaire du projet de loi n° 89, je vous ai entendu vous servir de notre interminable
conflit de travail pour vous faire du capital politique — bon, il y a
des termes, je ne sais pas, qui sont un peu non-parlementaire, je vais les
sauter, c'est... je veux dire, je vais éditorialiser ces termes-là — c'est
inadéquat de votre part de mentionner une bataille que vous ne connaissez en
aucun point. Laissez-moi vous faire un bref résumé de la situation qui nous a
affectés, nous les employés, des opérations de ce magnifique site. Notre
convention collective venait à échéance le 1ᵉʳ janvier 2018, malgré les
demandes syndicales de commencer les négociations avant cette date, l'employeur
a préféré attendre et attendre et attendre. Ce n'est que plusieurs mois plus
tard qu'une date fut convenue pour s'asseoir et négocier, malgré le fait que
notre employeur nous avait déjà mis en lock-out en 2007. Notre but a toujours
été le même négocier de bonne foi, mais comment négocier avec un employeur
absent? Ce même employeur a pris ses propres employés et ses propres clients en
otage en réduisant ses effectifs sur le terrain, les services offerts et en
multipliant ses moyens de pression, il espérait sûrement pousser ses précieux
employés à sortir en grève afin que ceux-ci soient blâmés pour la détérioration
de ce lieu historique et plein de mémoire qu'est le cimetière
Notre-Dame-des-Neiges. Mais, voilà, nous sommes fiers de notre travail, soucieux
de notre clientèle et empathiques avec les familles en deuil. Ce n'est que
quatre ans plus tard, en janvier 2022, sous les demandes des familles
exaspérées par le manque de services, que nous voterons la grève. Quand même,
hein, quatre ans plus tard, c'en était trop, le cimetière était alors dans un
état lamentable et l'ambiance toxique. Des gardiens de sécurité ont même été
embauchés pour contrôler les accès de colère des clients et des clientes.
Quatre ans à être embarrassés par les lacunes de notre milieu de travail...
10 h 30 (version non révisée)
M. Leduc : ...et à devoir s'expliquer
devant les médias en toute transparence. Cette grève, M. Boulet, M. le ministre,
les travailleurs et travailleuses du cimetière l'ont votée pour offrir un
environnement digne à une clientèle en deuil. En cours de route, ce choix a
permis de faire le ménage de certaines pommes pourries du panier patronal, avec
comme finalité une nouvelle direction qui semble vouloir travailler et collaborer
de façon positive pour la dignité des défunts et des défuntes.
«Votre projet de loi n° 89, M. le
ministre, s'il avait été voté en 2023, n'aurait qu'envenimé notre situation,
mais aussi celle de la population en deuil dont les proches viennent chercher
le repos chez nous. Cela aurait laissé des cicatrices encore plus profondes qu'elles
ne le sont. Êtes-vous conscient, M. le ministre, que la plus grande partie des
familles que nous servons sont aussi des travailleurs et travailleuses, dont
certains des professeurs, des infirmières ou autres professions syndiquées? Mon
fils est resté à la maison lors de la grève des professeurs, mais à elles et à
eux de se battre... Merci à elles et à eux de se battre pour garder le métier
honorable et pour que nos jeunes soient instruits par des gens intéressés. Nous
voulons, en tant que travailleurs, travailleuses, des conditions qui nous
permettent d'effectuer notre travail avec fierté, parce que nous nous soucions
de servir au mieux notre clientèle et que, comme le reste de la population,
nous sommes importants.
«En espérant que vous reconsidériez vos
valeurs.» C'est signé, je le disais tantôt, M. Joël Maillé, travailleur en
aménagement paysager au cimetière Notre-Dame-des-Neiges et responsable de l'information
au Syndicat des travailleurs, travailleuses au cimetière Notre-Dame-des-Neiges.
Bien, savez-vous quoi, M. le Président? M.
Joël Maillé, il est ici aujourd'hui. Il est dans les gradins avec nous. Il s'est
déplacé de Montréal. Bien, j'assume qu'il est dans la région de Montréal, s'il
travaille au cimetière Notre-Dame-des-Neiges. Il s'est déplacé avec nous
aujourd'hui. Il est disponible. Le but d'une motion préliminaire, c'est de dire :
Bien, je pense qu'on devrait entendre d'autres personnes avant de commencer l'étude
détaillée. M. le ministre a ad nauseam utilisé l'exemple du cimetière
Notre-Dame-des-Neiges. Bien, on n'a pas entendu les principaux intéressés. Il
est là, là. Il est là. Il est dans les gradins. On peut accepter la motion, le
faire descendre, prendre... ça peut être 45 minutes, ça peut même être
plus court, si vous voulez, M. le Président. Il est prêt, il est disponible, il
peut vous expliquer ce qui s'est passé dans son conflit et pourquoi, selon lui,
j'imagine, c'est ce que sa lettre dit, le projet de loi n° 89 n'aidera
pas, ne va qu'envenimer les situations.
Je le soumets parce que je sais que, M. le
ministre, c'est un... quand même un gars de terrain. Il aime ça, aller voir ce
qui se passe sur le terrain. Mais là, le terrain est venu à nous aujourd'hui.
Il est là, le terrain. Alors, je lui soumets que ça pourrait être pertinent d'accepter
cette motion préliminaire pour les entendre. Il n'est pas venu seul. Il est
accompagné de M. Patrick Chartrand, qui est avec lui également, qui est un... je
pense, aussi un représentant syndical du cimetière Notre-Dame-des-Neiges. On
salue M. Chartrand également. Donc, deux personnes ont fait la route
Montréal-Québec. Je ne sais pas s'ils sont partis ce matin ou hier soir, l'histoire
ne le dit pas, mais ils sont ici avec nous aujourd'hui pour sensibiliser M. le
ministre. Puis je pense honnêtement que ce serait de bonne guerre que le
ministre les entende directement parce qu'il les a... il a utilisé fréquemment
l'exemple du cimetière Notre-Dame-des-Neiges pour justifier son intervention
législative.
Je ne me suis pas contenté de la belle
lettre de M. Maillé, que j'ai vu circuler à travers, je pense, le conseil
central de la CSN de Montréal, que j'ai salué. J'ai demandé sa permission, bien
sûr, pour pouvoir la lire. Il nous est venu donc à ce moment-là l'idée de...
bien, pourquoi pas se déplacer, si vous êtes disponibles. Alors, vraiment,
encore une fois, merci de vous être déplacés aussi au salon Rouge. Normalement,
on est dans une commission, dans une autre salle un peu plus intime, on
pourrait quasiment voir la couleur de vos yeux. Là, vous êtes un peu plus loin
dans les gradins, mais vous êtes là, et on vous... on vous voit et on vous
apprécie.
Je suis allé voir un peu l'historique de
ce conflit-là, donc au-delà de la belle lettre du 10 avril. Parce que vous
vous rappelez, là, il le... il mentionne que sa convention venait à échéance le
1er janvier 2018. Ça, le 1er janvier 2018, c'est avant notre première
élection, à M. le ministre et moi. On a été élus le 3 octobre 2018. Je me
rappelle de la date exacte parce que c'est la date d'anniversaire de ma fille,
savez-vous, donc 3 octobre. Oui. Donc, le 3 octobre 2018, un nombre
suffisant de gens ont coché la case Jean Boulet, CAQ, Trois-Rivières, la case
Alexandre Leduc, Québec solidaire, Hochelaga-Maisonneuve pour que nous soyons
les deux ici présents à l'Assemblée nationale. Suffisamment de gens ont refait
l'exercice en 2022, ce qui fait qu'on est en train de discuter, le ministre et
moi. Mais ça veut dire que tout ce temps-là, pendant qu'on...
M. Leduc : ...réformer la loi
en réponse au jugement Flageole, pendant qu'on parlait de RQAP, pendant qu'on
parlait de réforme de santé-sécurité. Tout ce temps-là, il n'y avait pas de
convention collective, puis la négo stâlait. Hallucinant, quand même.
Je répète l'extrait ici : «Ce n'est
que quatre ans plus tard, en janvier 2022, que nous voterons la grève.» Le
ministre en a négocié, des conventions collectives. Quatre ans sans convention
collective, attendre quatre ans pour oser déclencher la grève, c'est beaucoup
de patience. C'est vraiment beaucoup de patience. La plupart des gens dans les
milieux de travail, et avec raison, vont se tanner bien avant et vont partir un
conflit de travail au moins la moitié plus court, puis souvent un peu plus
court. Alors qu'ils aient eu... qu'ils aient eu le courage d'attendre quatre
ans, ça en dit long sur l'amour de leur travail et l'amour de la clientèle du
cimetière Notre-Dame-des-Neiges.
• (10 h 40) •
Je suis allé relire un peu l'historique du
conflit, j'ai imprimé quelques... quelques communiqués puis je pense que ça
serait salutaire de nous les rappeler pour voir comment ça a évolué. J'ai... Je
n'ai pas eu le temps de tous les retrouver, bien sûr, ce n'était pas le but de
l'exercice, mais j'en ai imprimé quelques-uns à partir d'avril 2023.
«Cimetière Côte-des-Neiges, syndicat en
conflit, campagne de solidarité pour les syndicats en conflit. La Fabrique
Notre-Dame doit négocier de bonne foi. Les membres du Syndicat des travailleurs,
travailleuses du Cimetière Côte-des-Neiges, affilié à la CSN, sont en grève
générale illimitée depuis le 12 janvier dernier.» On est en avril 2023 dans le
communiqué, donc 12 janvier 2023. «Le syndicat fait face à la Fabrique
Notre-Dame, l'employeur qui gère le cimetière et la basilique Notre-Dame. Pour
ce qui est de leurs collègues de bureau, ils sont en grève depuis le 20
septembre 2022.» Donc, il y a eu d'abord, si je comprends bien, une grève des
cols blancs, si je ne me trompe pas, et ensuite suivie de la grève des cols
bleus. Donc, j'assume qu'il y a donc deux accréditations à même le syndicat.
«Le syndicat est sans contrat de travail depuis le 31 décembre 2018 et les
négociations n'avancent plus. Bien avant le début des deux grèves, les familles
et leurs proches cumulaient des frustrations et de la colère envers la
fabrique, à un point tel que le nombre d'appuis aux grévistes de la part de la
clientèle ne cesse d'augmenter. Plus que jamais, les membres sont déterminés à
obtenir une entente de principe à la hauteur de leurs attentes afin de pouvoir
soutenir adéquatement les familles endeuillées qui choisissent le cimetière
Notre-Dame-des-Neiges. Il faut savoir que, jusqu'à tout récemment, la direction
bloquait l'accès au cimetière à sa clientèle mais que cette obstruction
existait bien avant le début du premier conflit. L'attitude de l'employeur face
à ses salariés a dépassé les bornes, et celui-ci multiplie les recours légaux
de toutes sortes pour tenter de briser les deux unités. À présent, les clientes
et les clients sortent sur la place publique et affirment haut et fort vivre le
même mépris que les salariés, avant même... allant même, pardon, jusqu'à tenir
responsables la direction et le conseil d'administration de l'établissement du
gâchis actuel. Les travailleuses et travailleurs du cimetière ont toujours
soutenu les familles et maintenant de bonnes relations avec elles. Et la vérité
est connue depuis longtemps, ce sont bien évidemment ces familles qui paient le
fort prix de l'obstination de la Fabrique Notre-Dame à ne pas régler la
négociation. Pire encore, la fabrique a supprimé plus d'une quarantaine de
postes, ce qui compromet la capacité des salariés à répondre aux besoins des
familles endeuillées. Les salariés se battent toujours pour un plancher
d'emplois et pour des salaires qui vont assurer un avenir viable au cimetière
Notre-Dame-des-Neiges. Sans ces deux éléments essentiels, nous ne serons jamais
en mesure de bien répondre aux demandes des familles vivant un deuil.»
Alors, vous pouvez bien vous imaginer, M.
le Président, si, en plein conflit de travail, l'employeur supprime 40 postes,
ça se peut que ça n'aille pas très bien, le conflit de travail, puis que ça se
prolonge un petit peu. Alors, un peu étonnant comme attitude, mais ça arrive.
C'est ça, les relations de travail. Des fois, ça se passe bien. Dans
l'écrasante majorité du temps, ça se passe bien. On fera référence certainement
plus tard à des tableaux qui ont été proposés et soumis par des... par les
experts en droit du travail. Il me semble, de mémoire, c'est entre 85 % et
90 % des négociations qui se passent très bien, sans aucune forme de
conflit de quoi que ce soit. Celui-là fait, bien sûr, presque cas d'école dans
un sens où l'employeur s'est magasiné du trouble tout seul comme un... comme un
grand garçon.
Et là on fait... on était en avril 2023,
on fait un petit saut à juin 2023, donc quelques semaines, quelques mois plus
tard. Communiqué de la CSN toujours, 29 juin 2023 : «Poursuite de la grève
au cimetière Notre-Dame-des-Neiges. Ce que les membres ont constaté dans les
présentations, c'est que l'employeur voulait nous faire reculer pratiquement
partout. Ce qui vient profondément nous chercher dans l'attitude des patrons,
c'est la non-reconnaissance de notre travail dont ils font preuve en nous
proposant un protocole de retour au travail si décevant.» C'est une citation
de...
M. Leduc : ...M. Patrick
Chartrand, que je saluais quelques instants. Les membres des deux syndicats
réunis en assemblée générale extraordinaire ont rejeté la recommandation du
conciliateur et le protocole du retour au travail qui y est rattaché. Les
travailleurs et travailleuses ont ainsi décidé de poursuivre la grève qu'ils
mènent depuis plusieurs mois et de continuer la bataille pour l'obtention des
meilleures conditions de travail. Le comité de négociation a présenté
aujourd'hui à leurs membres respectifs les propositions de conventions
collectives et les conditions de retour au travail du conciliateur nommé au
dossier. Les membres ont jugé que ces recommandations comprenaient trop de
bémols et étaient insatisfaisantes. Pour eux, la mauvaise gestion de
l'employeur reflétée dans ses propositions est inacceptable. Ce que les membres
ont constaté dans les présentations, c'est que l'employeur voulait nous faire
reculer pratiquement partout. Ce qui vient profondément nous chercher dans
l'attitude des patrons, c'est la non-reconnaissance de notre travail dont ils
font preuve en nous proposant un protocole de retour au travail si décevant. C'est
un manque de respect. On perdrait sur différents acquis établis. J'ai confiance
en nos membres. Ils ont pris la bonne décision, avance Patrick Chartrand,
président du syndicat des employés de l'entretien du cimetière. Nous sommes
deux syndicats réunis. Nous nous battons ensemble depuis si longtemps. Ce n'est
pas maintenant que nous allons abandonner le combat. Nous avons enduré des
années de conflit de travail avant de sortir en grève. Si on avait voté en
faveur du désolant protocole de retour au travail, on ouvrait la porte à un
réel cauchemar pour les années à venir. Ce n'est pas une décision facile que
nous avions à prendre, car nous avions hâte d'accueillir fièrement les familles
au cimetière, tout en étant respectés dans notre travail, défend Éric Dufaux,
président du Syndicat des employés de bureau.»
Deux derniers paragraphes qui
disent : «L'importance de la lutte. La Fabrique Notre-Dame a aujourd'hui
manqué l'occasion de réintégrer les travailleurs et travailleuses dans un
climat sain et satisfaisant. Je tiens à féliciter toutes les militantes et les
militants impliqués dans cette lutte historique. Le Conseil central et toutes
ses composantes les appuient du fond du cœur, affirme Dominique Daigneault,
présidente du Conseil central de Montréal de la CSN. C'est une négociation qui
est difficile depuis si longtemps. Les membres ont dit haut et fort à
l'employeur qu'ils sont surtout en désaccord avec les conditions de retour au
travail. Nous respectons entièrement les choix qu'ils ont faits. C'est important
qu'ils sachent que nous nous appuyons et qu'ils pourront compter sur nous
jusqu'au bout, soutient Linda Tavolaro, secrétaire générale de la Fédération
des employés de services publics CSN.»
Donc, je vous parlais de 29 juin
2023. C'est... Il y a un passage intéressant, hein, quand ça parle du
conciliateur. Je sais qu'encore une fois, le ministre est... aime beaucoup ce
travail-là. J'ai la chance... J'ai eu la chance de rencontrer quelques-unes...
quelques personnes dans la vie qui font ce beau métier là, qu'est la
médiation-conciliation. C'est un service qui est offert gratuitement par le
ministère, souvent, pour essayer de résoudre des conflits. C'est d'ailleurs un
pouvoir qu'il a, hein? Dans un des mémoires que je relisais hier soir, je pense
que c'était celui du CRIMT... faisait l'étalage des différents pouvoirs du
ministre. Le ministre peut nommer un conciliateur-médiateur de son propre chef,
pas obligé d'attendre la permission des deux parties. Des fois, c'est quelque
chose qu'il peut faire. Je ne suis pas, dans ce cas-ci, si c'est ça qu'il a
fait ou s'il avait l'accord des deux parties. Il nous le dira peut-être dans
son intervention, tantôt. Mais, bon, l'arrivée d'un conciliateur-médiateur,
pour avoir, donc, vécu ça de l'autre partie, la partie des travailleurs,
comment je vous dirais ça, on accueille toujours ça avec un certain... une
ouverture, une ouverture certaine, mais aussi un certain scepticisme. Pourquoi?
Parce qu'il n'y a pas de magie, là. Un conciliateur-médiateur peut venir
apporter, je dirais, un éclairage nouveau, peut venir mettre les deux parties
sur un autre mode de communication, parce qu'il est supposé de rencontrer les
deux parties d'abord séparément, il peut y avoir des rencontres conjointes,
mais c'est surtout du «one on one», comme on dit, puis qu'après ça, lui essaie
de construire une piste d'atterrissage. Mais il n'y a pas de magie. Si,
l'employeur, son but, c'est de faire reculer le syndicat d'une dizaine d'années
en imposant des reculs, bien, le médiateur, il ne peut pas inventer un nouveau
mandat patronal. Il est quand même limité dans l'absolu. Il faut que les deux
parties veuillent que ça fonctionne pour que ça fonctionne. Et, parfois, un
médiateur-conciliateur, dans la pratique de ce métier-là, bien, tu essaies de
voir les deux demandes puis de trancher à peu près en deux. On appelle ça...
couper la poire en deux. C'est sûr que, si vous vous battez pour maintenir vos
acquis puis qu'à côté le patron propose des reculs de 10 ans en arrière,
trancher la poire en deux, c'est un exercice qui va être vain par définition,
parce qu'il ne satisfera certainement pas au moins une des deux parties. C'est
visiblement ce qui est arrivé dans l'exercice qui nous intéresse en juin 2023
avec cette médiation-là, conciliation-là.
Je poursuis avec un... là, on fait un
autre saut de quelques mois. On arrive en novembre 2023. «Briseurs de grève au
cimetière Notre-Dame-des-Neiges. Après quelque 40 rencontres de
négociations, conciliation et 15 mois de conflit travail, les parties n'ont
toujours pas conclu de convention collective. Le 28 novembre 2023, le
Tribunal administratif du travail ordonnait la Fabrique Notre-Dame, employeur
du cimetière, de cesser d'utiliser les services de ses représentants pour
accomplir, en tout ou en partie, les fonctions de salariés de l'unité de
négociation. Pour le syndicat, la direction utilise des briseurs de grève,
notamment, pour les fonctions des préposés à l'accueil et les conseillers,
conseillères aux ventes afin de contourner les moyens de pression exercés par
les travailleuses et les travailleurs...
M. Leduc : ...de bureau du
cimetière, en grève depuis le 20 septembre 2022.
«Pascal Schiavone et Anshley Ligondé, les
deux représentants de l'employeur visés par l'ordonnance du TAT, auraient été
embauchés après le début de la phase de négociation de la convention
collective, et ce, en contravention des dispositions anti-briseurs de grève
prévues au Code du travail.
«De plus, le 9 novembre dernier, le
syndicat a gagné un arbitrage de grief, lequel confirme que l'employeur ne
respecte pas le plancher d'emploi comme établi dans la convention collective.»
Citation : «Comment un patron qui ne respecte ni la loi ni son contrat de
travail peut-il prétendre que sa priorité absolue est d'accueillir les familles
endeuillées dans le respect et la dignité?» «C'est un non-sens, nous ne croyons
tout simplement pas»... attendez un instant... voilà, «c'est un non-sens, nous
n'y croyons tout simplement pas», confirme Éric Dufault, président du syndicat
des employé-es de bureau.
• (10 h 50) •
«Une fois de plus, l'employeur manifeste
un immense mépris à l'égard de son personnel. L'issue du conflit n'est
assurément pas l'embauche de briseurs de grève. L'employeur doit faire preuve
d'ouverture et retourner rapidement à la table pour arriver enfin à une entente
négociée», ajoute Linda Tavolaro, secrétaire générale de la Fédération des
employées et employés de services publics-CSN.
«Cette situation est incroyable!
Sincèrement, nous faisons rarement face à un employeur aussi récalcitrant qui
s'entête autant à ne pas vouloir trouver un terrain d'entente par la voie de la
négociation. Aujourd'hui, le conseil central dénonce haut et fort l'utilisation
de briseurs de grève par ces patrons sans vergogne! Ce n'est toutefois pas le
temps de baisser les bras : l'appui que nous offrons aux travailleuses et
aux travailleurs du cimetière est et restera indéfectible», affirme avec aplomb
Dominique Daigneault, présidente du Conseil central du Montréal
métropolitain-CSN.
«En grève depuis le 20 septembre 2022, le
Syndicat des emplois de bureau du Cimetière Notre-Dame-des-Neiges-CSN compte
une quinzaine de membres. Ceux-ci revendiquent, entre autres, un salaire qui
couvre l'inflation avec une rétroaction salariale. À ce jour, après quelque 40
rencontres de négociation/conciliation et 15 mois de conflit de travail, les
parties n'ont toujours pas conclu de convention collective.»
Quelques éléments d'analyse ici, M. le
Président. D'abord, le syndicat compte une quinzaine de membres. Je ne sais pas
c'est laquelle des deux accréditations... c'est employés de bureau, c'est
écrit. Une quinzaine de membres. Je ne sais pas, les cols bleus, ils sont
combien... Peut-être un peu plus. Ma compréhension, c'est qu'on n'était pas
dans... on a... Ils pourraient être alentour d'une centaine, au total, dans ces
eaux-là. Je répète, c'est l'exemple que le ministre a utilisé le plus souvent
dans ses entrevues télévisées, dans ses entrevues à la radio, ici, aux
audiences, il y a quelques semaines. «Il faut éviter... le Cimetière
Côte-des-Neiges, ça a été trop long», etc.
On va vraiment bousculer le droit du
travail — puis on y reviendra tantôt, là, il y a des termes très durs
utilisés par les experts — à cause d'un conflit qui a touché à peu
près, encore une fois, quoi, une centaine de membres. Puis je ne dis pas ça
pour diminuer le conflit, là. La centaine de membres qui ont vécu ça, puis
quand... Il y en a deux ici, en cette enceinte, avec nous. Ça a dû être
extrêmement éprouvant. Mais je suis certain, profondément convaincu qu'ils
n'ont pas envie d'être utilisés par le ministre, par le gouvernement comme
exemple pour modifier, bousculer le droit du travail du Québec au grand
complet, je suis convaincu de ça. S'ils on fait la route Montréal-Québec,
aujourd'hui, pour se mettre à la disposition du ministre puis lui expliquer un
peu plus en détail le conflit, je suis convaincu qu'ils n'ont pas... c'est
parce qu'ils n'ont pas envie d'être utilisés comme justification de son
intervention législative, qui va, potentiellement, les toucher dans le futur,
mais toucher 100 % des travailleurs et travailleuses du Québec, à quelques
exceptions.
L'autre chose qu'il faut faire comme
analyse, dans ce communiqué-là, M. le Président, c'est les briseurs de grève.
Je le disais tantôt, on devrait être en train de faire autre chose ici en ce
moment. Bien, voilà une excellente suggestion. Le ministre cherche une manière
d'éviter des conflits longs, des prolongations de conflit. Bien, la voilà.
Pourquoi il ne dépose pas un projet de loi pour resserrer l'utilisation des
briseurs de grève? C'est compliqué, faire reconnaître qu'il y a des briseurs de
grève sur un conflit de travail, M. le Président. On se fait une fierté, au
Québec, d'avoir été un des précurseurs en Amérique du Nord sur la loi
anti-briseurs de grève. Il y a des gros trous dans la loi. J'ai déjà moi-même
déposé un projet de loi là-dessus, j'étais un peu déçu que le ministre ne le
réutilise pas. Qui vivra verra. Peut-être que, dans sa belle réforme qui s'en
vient, il me fera ce beau cadeau de venir boucher la notion d'établissement,
notamment, sur la question des briseurs de grève.
Mais au-delà de l'établissement, c'est
compliqué, faire reconnaître les briseurs de grève. Oui, je ne peux pas montrer
un article de journal. D'accord, j'arrête. C'est compliqué, faire reconnaître
un briseur de grève. Il faut... il faut comme jouer à Sherlock Holmes un peu,
là, il faut faire... il faut faire vigilance, il faut regarder c'est qui, la
personne, elle était-tu là avant, elle n'était-tu pas là avant, c'est-tu une
cadre, pas une cadre? C'est compliqué, il faut ramasser des informations, après
ça, il faut aller faire une plainte, trouver une date d'audience. C'est quand
même long. Et ça arrive quand même encore assez souvent, au Québec, malheureusement,
malgré la loi, que des employeurs...
M. Leduc : ...s'essaient. Puis
savez-vous quoi, M. le Président? Ils s'essaient autant... à mon avis, c'est
qu'ils savent que c'est long et compliqué, faire reconnaître ça. Ils savent que
la game joue contre l'adversaire. Puis quand ça arrive qu'ils se font pogner,
honnêtement, c'est une petite tape sur les doigts, là.
Une voix : ...
M. Leduc : Oui, je... pour
moi. Honnêtement, c'est une petite tape sur les doigts qui arrive, là, quand
ils se font pogner, ce n'est pas rien de très perturbant. Un petit article,
peut-être, un article dans un communiqué de syndicat : Ah! Ils ont...
briseurs de grève. Peut-être un article dans les médias, mais les conséquences
ne sont pas énormes pour un employeur qui s'est fait pincer à embaucher des
briseurs de grève en contradiction et en offense, j'oserais dire, de la loi du
Québec, depuis plusieurs décennies maintenant. Bien ça, ce serait une façon
intéressante d'intervenir de la part du ministre pour réduire la durée des
conflits de travail. Pourquoi il ne le fait pas? Pourquoi, dans l'étalage des
mesures possibles qu'il aurait pu utiliser s'il voulait tant que ça faire une
intervention législative sur la grève, pour réduire les conflits... pourquoi il
n'a pas fait ça? Pourquoi son choix éditorial sur l'étalage des choses encore
qu'il aurait pu faire... il aurait pu hausser les amendes de non-respect, il
aurait pu faciliter le dépôt des plaintes, accélérer le traitement des plaintes
au TAL, plein de choses qu'il aurait pu faire... non, il est allé s'inspirer
d'une très mauvaise pratique qui est évidemment contestée, qui va certainement
aller jusqu'en Cour suprême du fédéral pour en faire un copier-coller, à
quelques virgules près? Étonnant choix éditorial, M. le Président, du ministre
en matière de droit de grève et de son respect.
J'arrive au dernier communiqué, M. le
Président, de décembre 2023, 18 décembre 2023, fin de la grève au cimetière
Notre Dame-des-Neiges : «Après de si longs mois passés dehors, nous
rentrons au travail la tête haute. Nous pourrons enfin accueillir les familles
endeuillées qui méritent d'être traitées dans la plus grande humanité qui
soit.» Citation d'Éric Dufour, président du syndicat. Réunis dans l'Assemblée
générale, aujourd'hui, les membres du syndicat des employés de bureau du
cimetière Notre-Dame des Neiges-CSN ont adopté à 100 % l'entente de
principe qui leur a été présentée. Après 15 mois de conflit de travail, la
grève est ainsi levée et le groupe retournera travailler le 9 janvier 2024.
Ouverture chaotique. Bien que la fin du conflit du personnel de l'entretien ait
permis la réouverture du cimetière le 11 septembre dernier, dans les faits, les
opérations de l'établissement tournaient au ralenti alors que le personnel administratif
était toujours en grève, et ce, depuis le 20 septembre 2022. Selon Éric Dufour,
président du syndicat des employés de bureau, le but était d'aller chercher le
meilleur contrat de travail possible pour nos membres, et c'est ce que nous
avons obtenu. Après si de longs mois passés dehors, nous rentrerons au travail
la tête haute, nous pourrons enfin accueillir les familles endeuillées qui
méritent d'être traitées dans la plus grande humanité qui soit. Je suis heureux
que la mobilisation de notre équipe... Je remercie tous et toutes, les
camarades, du fond du cœur pour la bataille qu'ils ont menée, avance-t-il. La
nouvelle convention collective des travailleurs et travailleuses prévoit des
augmentations de salaire de 22,4 % couvrant les années 2018 à 2026. Ça
fait presque 10 ans. C'est quand même hallucinant.
De plus, un règlement est intervenu sur
les litiges concernant le plancher d'emploi et l'utilisation des briseurs de
grève. Le maintien du plancher d'emploi est ainsi sécurisé pour les employés de
bureau. Enfin, un protocole de retour au travail respectueux des salariés
également a été approuvé par les deux parties. Les travailleurs et
travailleuses du cimetière viennent de mener une bataille qui passera à
l'histoire du mouvement syndical québécois. Ils ont tenu la minute de plus,
celle qui est souvent la plus exigeante mais la plus payante en matière de
gains. Je tiens à féliciter, au nom de la CSN, chacun des membres du syndicat
pour cette belle victoire, affirme Caroline Senneville, la présidente de la
CSN. La Fédération n'est pas près d'oublier cette année et demie de conflit
vécue par les camarades du cimetière ainsi que leur exceptionnelle
mobilisation. Soyez fiers de vous et des gains remportés, formule Linda...
secrétaire générale de la Fédération des employés et employées du service
public CSN. C'est effectivement une page d'histoire syndicale qui se tourne
aujourd'hui. Le conseil central des syndicats sont aujourd'hui très heureux de
se tenir debout auprès des militants et militantes, déclare Dominic Daigneault,
du conseil central.
Il me reste deux minutes, Mme... M. le
Président, pardon, pour vous synthétiser le dossier. On parlait de médiation,
conciliation. On parlait d'arbitrage, on va parler d'arbitrage. Pensez-vous que
la notion de plancher d'emploi que le patron voulait faire disparaître aurait
fait partie d'un arbitrage exécutif tel que décrété par le... que le ministre
veut décréter? Les chances auraient été assez minces, je pense, qu'un arbitre,
essayant toujours de couper la poire en deux, se dise : Bien là, il y a un
plancher existant, le syndicat veut le maintenir, le patron veut le faire
sauter. Les chances du maintien du plancher d'emploi auraient pu sauter assez
vite dans le cadre de l'arbitrage automatique souhaité par le ministre. Or, il
a été maintenu à cause d'une bataille syndicale. Et ça, le plancher d'emploi,
ça va contribuer à maintenir des bons services au cimetière
Notre-Dame-des-Neiges.
En conclusion, M. le Président, Patrick
est là, dans les gradins, Joël est là, dans les gradins. Ils sont disponibles,
ils peuvent descendre à l'instant, si le ministre accepte d'entendre... ça peut
être 30 minutes, 45 minutes, peu importe. Il a utilisé beaucoup l'exemple, ce
serait, je pense, respectueux de les entendre aujourd'hui...
M. Leduc : ...nous expliquer
leur réalité. Merci beaucoup, M. le Président.
Le Président (M. Allaire) : Merci
à vous, M. le député d'Hochelaga-Maisonneuve. D'autres interventions? Mme la
députée de d'Arcy, la parole est à vous pour 30 minutes.
Mme Prass : Merci, M. le
Président. Comme mon collègue l'a évoqué, le ministre a souvent utilisé
l'exemple du Cimetière des neiges pour justifier un certain point
d'introduction de ce projet de loi. Premièrement, je salue les personnes qui
sont là aujourd'hui, parce que, clairement, vous avez vécu... qui devraient
être... entendre. Et je pense que, comme on a entendu plusieurs groupes lors
des consultations, que ce soit du côté patronal ou du côté syndical, je pense
que nous sommes tous là pour être à l'écoute, justement, des personnes qui
pourraient être affectées par le projet de loi qui est devant nous, donc. Et,
tel que mentionné, c'était un exemple qui est revenu à plusieurs reprises et
qui a été très médiatisé. Et je pense qu'on est toujours pour le dialogue,
donc, pour entendre des personnes qui ont été concernées.
• (11 heures) •
Moi, je ne vois pas d'entrave à les
entendre, parce que, pour bien... pour que le projet de loi soit bien...
réponde vraiment aux réalités, je pense qu'on a besoin d'entendre le plus de
parties possible, ceux qui sont impliqués, ceux qui pourraient être affectés
par ce projet de loi. On sait évidemment, comme j'ai dit, ça a été médiatisé
parce qu'on a beaucoup entendu de la part des familles qui ont été affectées.
Mais je pense qu'autant il y a un droit pour que les travailleurs qui ont...
qui sont allés en grève d'être entendus, donc, je soutiens la motion de mon
collègue pour que le groupe soit entendu. Comme j'ai dit, pour moi, je pense,
pour bien alimenter la conversation et l'étude détaillée, comme ça a été fait
lors des consultations et la lecture des différents mémoires, d'entendre le
plus grand groupe... entendre le plus grand nombre de groupes, je pense que ça
ne va que nous... nous alimenter pour vraiment comprendre ce que ce projet...
comment procéder avec ce projet de loi. Donc, on est bien d'accord avec la
mission du collègue. Merci.
Le Président (M. Allaire) : Merci,
Mme la députée. On est toujours sur les motions préliminaires. M. le ministre,
la parole est à vous.
M. Boulet : Merci, M. le
Président. Évidemment, j'aimerais joindre ma parole à celle des collègues pour
saluer les personnes présentes du Syndicat des travailleuses et travailleurs du
Cimetière Notre-Dame-des-Neiges. Cependant, on est évidemment contre la motion,
on la considère impertinente, M. le Président. Est-ce que... Ici, dans le cas
présent, on a entendu la centrale syndicale qui est la CSN. On ne peut pas
entendre chaque association détentrice d'une unité d'accréditation syndicale.
Si on fait ça, tous les syndicats qui ont été concernés par des conflits de
travail ou qui peuvent potentiellement être concernés vont requérir le droit
d'être entendus en consultations particulières. Et la Fabrique Notre-Dame-des-Neiges,
qui est l'employeur, pourrait prétendre au même droit. C'est pour ça que la
centrale syndicale, qui chapeaute l'ensemble des syndicats locaux ou affiliés
qui ont des accréditations syndicales, est le partenaire, est le porte-parole
privilégié pour faire valoir les prétentions de la CSN. Comme vous le voyez
ici, c'est un syndicat qui est affilié avec la CSN. Donc, la CSN a été
entendue. Malheureusement, comme mon collègue d'Hochelaga-Maisonneuve et ma
collègue de D'Arcy-McGee, on est tous des partisans du dialogue, mais le
dialogue ne doit pas se transformer en monologue social, parce que ce qu'on
demande, c'est de retirer le projet de loi. Il n'y a pas de recommandation. On
ne participe pas à la discussion. Il n'y a aucune suggestion, aucune recommandation.
Ceci dit, moi, je suis toujours disposé à
rencontrer les personnes du syndicat, puis là je réponds à mon collègue
d'Hochelaga-Maisonneuve. Il le sait, dans le dossier du cimetière
Notre-Dame-des-Neiges, j'ai été interpelé. Mais il faut scinder le processus de
négociation des impacts découlant d'une impasse, découlant des grèves et des
lock-out. Et ce qui m'intéresse, moi, c'est les familles endeuillées, c'est les
parents, c'est les familles, c'est les enfants à besoins particuliers. C'est ces
personnes-là que le projet de loi vise à protéger essentiellement. Une grève ou
un lock-out, c'est un moyen de pression sur un employeur dans le cas d'une
grève' sur un syndicat, dans le cas d'un lock-out, ce n'est pas pour prendre la
population en otage...
11 h (version non révisée)
M. Boulet : ...Et dans le
cas présent, la fabrique est intervenue et moi j'ai rencontré les parties. On a
nommé des conciliateurs médiateurs qui ont été extrêmement actifs. Et j'ai
rencontré les parties, les membres du syndicat. Probablement que certaines des
personnes qui sont ici, j'ai eu l'opportunité de rencontrer, mais M. Pipon
a attendu 20 mois avant de faire inhumer son corps. Les familles
endeuillées témoignaient d'une accumulation des dépouilles dans des
frigidaires. C'est des familles qui ont subi des préjudices humains importants,
étant incapables de faire leur deuil. Ils faisaient constamment appel à l'importance
de la dignité humaine. C'est des familles qui ne pouvaient pas aller se
recueillir au cimetière qui n'était pas entretenu, il y avait eu une crise de
verglas, donc qui vivaient dans l'impuissance, M. le Président, l'impuissance
de vivre un deuil, de vivre dans une société qui est humaine puis qui est
respectueuse des conséquences de l'impasse.
Puis je ne nie pas les prétentions du
syndicat. Puis l'employeur aurait des prétentions opposées. Nous, ce qui nous
intéresse en négociation, ce n'est pas l'objet du projet de loi, c'est d'accompagner
les parties, d'offrir des services d'amélioration du climat de relations de
travail, d'accompagnement à la négociation pour renouveler une convention
collective. On a des conciliateurs médiateurs qui ont une expertise en
négociation raisonnée, qui ont le doigté, la capacité d'aider les parties à
explorer des hypothèses de travail, éventuellement des hypothèses de règlement.
Il y avait un climat lourd, j'en conviens. Mais là on était, et ce qui nous
intéresse dans le projet de loi, c'est l'importance l'impasse d'une incapacité
de négocier par elle-même un renouvellement d'une convention collective de
travail. Ce qui nous intéresse, c'est les M. Pipon de ce monde. C'est les
familles endeuillées qui ne pouvaient plus gérer l'incapacité d'obtenir une
inhumation.
Puis écoutez, il y a eu, on a parlé jusqu'à
3 000 dossiers où la moitié avait eu un appel. Puis quand il y avait
un appel pour faire un suivi, généralement l'inhumation survenait 24 à 48 heures
plus tard. Mais la vaste majorité des cas qui ont été appelés, ça a pris de 20
à 24 mois, M. le Président, avant d'avoir une inhumation. Est-ce que c'est
compatible avec la dignité humaine? La réponse, c'est non. Donc, la centrale
syndicale, CSN, qui est mentionnée dans la motion préliminaire, a été entendue,
a déposé un mémoire, a fait les fouilles jurisprudentielles législatives
appropriées. Et ce qui nous intéresse dans ce projet de loi là, c'est l'impact
des grèves ici, dans le cas présent, les familles endeuillées.
Puis là, écoutez, je pourrais vous lire le
communiqué de l'association qui soutient le projet de loi qui réfère à une
avancée significative, M. le Président, pour la protection des familles
endeuillées, particulièrement vulnérables face aux conséquences néfastes des
conflits de travail. «L'introduction d'un service minimal et de l'arbitrage
obligatoire permettra d'éviter les situations de blocage prolongées et
douloureuses que nous avons connues dans le passé». Et mon collègue d'Hochelaga-Maisonneuve,
dans sa motion, s'intéresse aux blocages et les causes du blocage. Le projet de
loi s'intéresse aux conséquences de ce blocage-là. Et vous le savez, les
conséquences dans une impasse, c'est l'exercice d'une grève ou d'un lockout, c'est
un moyen de pression. Et c'est là qu'il faut considérer davantage les besoins
aussi fondamentaux de la population. Il y a des droits à la sécurité, il y a
des droits à la dignité humaine qui sont aussi protégés. Et là je cite le
communiqué : «Les familles confrontées à un deuil ont déjà subi une
épreuve immense. Il est inacceptable qu'elles doivent en plus faire face à des
perturbations liées à des conflits de travail prolongés, comme ce fut le cas au
cimetière Notre-Dame-des-Neiges. Le projet de loi n° 89, avec son service...
avec son mécanisme de service minimal et d'arbitrage obligatoire, permettra de
mieux encadrer ces situations et d'assurer le respect de la dignité humaine...
M. Boulet : ...en toutes
circonstances, et c'est ça qui nous intéresse. La négociation, c'est l'affaire
de mon collègue quand il était conseiller syndical, ça me concernait aussi, en
pratique, avant de faire de la politique. Là, la mission que nous avons comme État,
c'est de protéger la population, et ce projet de loi comporte des mécanismes
nouveaux qui vont permettre au Québec de mieux protéger une population qui vit,
malheureusement, des préjudices qu'on ne peut pas accepter dans une société
comme la nôtre. Merci, M. le Président.
• (11 h 10) •
Le Président (M. Allaire) : Merci,
M. le ministre. D'autres interventions concernant la motion préliminaire? Oui,
M. le député de Jean-Talon, vous avez 10 minutes.
M. Paradis : Merci. Est-ce
que j'ai bien compris, M. le ministre, que vous les aviez rencontrés, les gens
du cimetière, vous?
Le Président (M. Allaire) : O.K.
Juste, M. le député de Jean-Talon, ce n'est pas une discussion, c'est... Vous
avez un 10 minutes en continu. Donc, ce n'est pas une période d'échange.
C'est un 10 minutes, vous devez l'utiliser à bon escient.
M. Paradis : Bon. Alors,
j'aurais préféré qu'on ait un dialogue, mais je vais y aller comme vous
l'indiquez, M. le Président. Bon, la question est de savoir : Est-ce que
le ministre leur a parlé directement? Parce que, si la réponse, c'est oui,
bien, c'est intéressant pour le ministre, mais ce serait intéressant pour nous,
comme députés de l'opposition qui voulons bien faire notre travail, de voir
aussi ce qu'ils ont à dire.
Ici, la motion de mon collègue d'Hochelaga-Maisonneuve
parle des gens du syndicat. Ça peut être les usagers, ça peut être la partie
patronale. Mais c'est intéressant, la motion, parce qu'il n'y a pas tant
d'exemples que ça qui ont été cités dans les consultations particulières. Je
l'ai mentionné à quelques reprises. On est souvent revenu avec l'exemple du
cimetière, l'exemple du transport collectif à Québec, le RTC. J'essaie de voir
les autres qui ont été évoqués, on a peut-être évoqué les camps de jour pour
les enfants, mais c'est vraiment ces deux exemples là qui sont... qui sont
constamment revenus à l'avant-plan pour expliquer ce qui se passe dans ce
projet de loi là. Le ministre, ayant lui-même, donc, abordé cet exemple-là,
pourquoi on n'entend pas les parties prenantes pour voir qu'en est-il? Le
ministre vient d'indiquer : Bien, bon, ce n'est pas juste le syndicat,
c'est aussi de comprendre les impacts que ça a eus. Bien, les impacts que ça a
eus... Moi, je serais bien d'accord, même, à amender cette motion-là puis
dire : La partie patronale... le comité des usagers, si ça existe, je ne
le sais pas, mais c'est un exemple phare qui a été utilisé.
Donc, moi, je voudrais savoir pourquoi.
C'est quoi, les raisons de s'opposer à une telle motion qui vise à nous
éclairer sur la portée de ce projet de loi là, en utilisant les exemples qui
ont été mis sur la table par la ministre lui-même? Là, il nous a dit :
C'est la dignité des usagers qui a été mise en cause. C'est des mots
importants. Est-ce que ça, ça justifie des changements fondamentaux à notre
droit du travail? Parce que c'est ça dont on parle. Puis j'aimerais revenir
là-dessus, là. C'est que le ministre nous dit régulièrement : C'est fait
avec précaution, c'est circonscrit, c'est mesuré. Et moi, je ne suis pas sûr.
Quand je lis ce projet de loi là et qu'on vient jouer dans la définition des
services essentiels pour la remplacer, compte tenu d'une jurisprudence qu'on
juge un peu trop contraignante, par le principe de services assurant le
bien-être de la population, c'est un changement. C'est fondamental. On parle
des piliers de notre droit du travail. Puis ensuite l'autre notion, c'est la
même chose, là, quand le ministre s'octroie, donc, un pouvoir de mettre fin à
une grève puis de déférer à un arbitrage obligatoire. Là, on vient de parler du
droit de grève. Alors, qu'est-ce qu'on a comme données? Qu'est-ce qu'on a
comme... Est-ce qu'il y en a d'autres, des exemples, que le cimetière? Est-ce
que le ministre a une liste, quelque part, des conflits de travail qui ont mené
à l'adoption de ce projet de loi là, que, là, vraiment, on dit : La
situation est vraiment épouvantable au Québec, donc il faut faire des
changements aussi... Moi, je les qualifie de radicaux, les changements, parce
que ce n'est pas... ce n'est pas... bon. Bien, «radicaux» est peut-être un...
je vois le ministre réagir, là, c'est peut-être un mot fort, mais ce sont des
changements extrêmement importants, la notion de services essentiels puis
mettre fin à une grève par décret pour ensuite déférer à un arbitrage
obligatoire, là. C'est majeur, je... laissez-moi utiliser ce mot-là,
fondamental. Bon.
Alors, pour l'instant, ce qu'on a, c'est
l'exemple du cimetière, qui a été beaucoup mentionné aussi par des gens qui
sont venus en consultations particulières autant que par le ministre. Pourquoi
on ne les entendrait pas, ces gens-là, qu'ils viennent nous expliquer? Tiens,
on va le prendre comme laboratoire, comme exemple. Alors, moi, je pose la
question : Qu'est-ce qui fait que, dans nos débats, on n'accepte pas plus
d'ouverture, plus d'information, à moins que le ministre nous indique qu'il a
beaucoup de données, puis beaucoup d'avis juridiques, puis beaucoup d'exemples
à nous donner, puis pour nous éclairer? Moi, je dirais : Bien, si cet
exemple-là, c'en est un qui est important pour lui, écoutons les gens,
qu'est-ce qu'ils ont à nous dire sur les impacts...
M. Paradis : ...sur
comment ça s'est passé, puis comment ils voient les impacts potentiels d'un
projet de loi comme celui qu'on est en train d'étudier.
Le Président (M. Allaire) :
Merci, M. le député de Jean-Talon. D'autres interventions concernant la motion
préliminaire? S'il n'y a pas d'autre intervention, nous allons procéder à sa
mise aux voix. Est-ce que la motion préliminaire est...
Une voix : ...
Le Président (M. Allaire) :
Parfait. Par appel nominal, M. le secrétaire, s'il vous plaît.
Le Secrétaire
: Pour,
contre, abstention, M. Leduc (Hochelaga-Maisonneuve)?
M. Leduc : Pour.
Le Secrétaire
: M. Boulet
(Trois-Rivières)?
M. Boulet : Rejeté.
Le Secrétaire
: M. Caron
(Portneuf)?
M. Caron : Contre.
Le Secrétaire
: M. Dufour
(Abitibi-Est)?
M. Dufour : Contre.
Le Secrétaire
: Mme Picard
(Soulanges)?
Mme Picard : Contre.
Le Secrétaire
: Mme Lachance
(Bellechasse)?
Mme Lachance : Contre.
Le Secrétaire
: M. Martel
(Nicolet-Bécancour)?
M.
Martel
:
Contre.
Le Secrétaire
: Mme Prass
(D'Arcy-McGee)?
Mme Prass : Pour.
Le Secrétaire
: M. Paradis
(Jean-Talon)?
M. Paradis : Pour.
Le Secrétaire
: M. Allaire
(Maskinongé)?
Le Président (M. Allaire) :
Abstention. La motion est donc rejetée.
Alors, on continue dans la rubrique des
motions préliminaires. J'ai compris que M. le député de l'opposition... du
deuxième groupe de l'opposition, pardon, M. le député d'Hochelaga-Maisonneuve
avait une autre motion préliminaire. Je vous cède la parole.
M. Leduc : Merci, M. le
Président. Je la lis :
«Que conformément à l'article 244 du
règlement de l'Assemblée nationale, la Commission de l'économie du travail,
avant d'entreprendre l'étude détaillée du projet de loi n° 89, Loi visant
à considérer davantage les besoins de la population en cas de grève ou de
lockout tienne des consultations particulières et qu'à cette fin, une entende
la Fédération des employés du secteur public, secteur transport scolaire».
Le Président (M. Allaire) :
Vous pouvez poursuivre. Ça va.
M. Leduc : Ce n'est pas
la bonne qui est à l'écran. Il y a une petite erreur sur F...
Le Président (M. Allaire) :
FESQ?
M. Leduc : FESP, en fait.
...la Fédérarion des employés du... C'est ça.
Le Président (M. Allaire) :
On va la changer, mais je pense que l'essence est la même. On va la changer.
M. Leduc : Oui, il n'y a
pas de problèmes. C'est une fédération de la CSN si on veut préciser, mais
parfait, on s'entend que c'est la FESP que je précise, transport scolaire.
Avant de plonger dans le transport scolaire, M. le Président, je veux juste
mentionner qu'en plus de Joël et Patrick qui étaient là tantôt, il y avait
aussi, j'ai même cité à quelques reprises Mme Linda Savolaro qui est là,
de la fameuse FESP pour le secteur des cimetières. Alors, je l'ai nommée. Je la
salue, elle était là également. Désolé pour la motion qui a été rachetée. On
avait évidemment des espoirs modérés, je le dirais comme ça. Merci de vous être
déplacée. Je veux répondre quand même sur quelques éléments du ministre, qu'il
a utilisés dans sa réplique pour justifier son refus de la motion. Quand il
dit : Ah! Bien là, ils font partie de la CSN, ils pouvaient s'exprimer à
travers la CSN. Bon, il faut savoir que quand une centrale syndicale convoquée
ici dans un format accéléré, là, des fois, c'est des une heure qu'on a, des
fois c'est 45 minutes, puis je suis pas mal certain, de mémoire, que
c'était 45 minutes, bien, ça fait un pitch de 10 minutes, hein, et ça
ne fait pas beaucoup de temps pour s'exprimer sur les différents aspects, je
vous dirais, les nombreux aspects de ce projet de loi là. Et ça ne fait pas
beaucoup de temps pour aborder les différents conflits de travail qui sont
traités à travers les interventions du ministre. Et en plus, le ministre dit
qu'il y a peut-être un problème de dialogue social. On me demande si c'est
correct...
Une voix : ...
M. Leduc : C'est la
Fédération des employés de secteur public. On va vous envoyer la bonne version.
Voulez-vous qu'on suspende un instant ou...
Le Président (M. Allaire) :
Non, ça va. Je pense qu'on est... Quand même on a compris...
M. Leduc : O.K. C'est
beau.
Le Président (M. Allaire) :
...le sens. Allez-y.
M. Leduc : Alors, je
répète, c'est la Fédération des employés du secteur public, une fédération de
la CSN, secteur transport scolaire. Voilà, je disais le ministre se plaignait à
l'instant qu'il trouvait qu'il y avait manqué de dialogue social de la part des
centrales syndicales qui sont venues unanimement lui dire qu'il n'y avait pas
grand-chose à récupérer de son projet et qu'il devait le retirer. Cela étant
dit, M. le Président, je lui ai reproché séance tenante, je lui reproche encore
aujourd'hui, le dialogue social n'était pas fort, fort de son côté non plus,
là, pendant ces échanges-là avec les centrales syndicales. M. le ministre avait
des échanges très nourris avec les avocats, avocates, les experts en relations
de travail, des groupes patronaux, mais en particulier les trois centrales qui
sont venues. Je pense que c'était la CSN en particulier qu'il a... qu'il a
mangé le micro pendant les minutes qui lui étaient réservées. Il n'y a eu
absolument aucun échange avec la centrale. Ça fait que je trouve ça quand même
particulier qu'on se plaigne qu'il n'y a pas de dialogue social de la part des
centrales qui viennent en audience, mais qu'on ne pose comme ministre
absolument aucune question et qu'on ne leur laisse absolument aucun espace pour
répliquer et pour échanger. Donc ça fait un peu l'arroseur arrosé. Je ne trouve
pas que c'est sa ligne de défense la plus solide, en toute humilité, M. le
Président.
Maintenant, encore un petit accroc avant
de tomber dans le transport scolaire, M. le Président. M. le ministre parlait à
l'instant de la dignité humaine. Je pense que c'est évidemment quelque chose
qui nous anime tous et toutes, la dignité humaine, mais on fait beaucoup de
politique aussi pour ça, pour défendre, je pense, chacun, une certaine version
de la dignité humaine qui, je l'espère, se rejoint en quelque part à quelques
endroits. Cela étant dit, ça va poser des problèmes tantôt. Pourquoi? Parce que
c'est...
M. Leduc : ...le terme qui est
dans son projet de loi. Ce n'est pas «dignité humaine» qui est dans son projet
de loi. C'est la sécurité sociale, économique et environnementale. Dans lequel
ou lesquels de ces trois critères cadre celui qu'il nous explique comme
étant celui de la dignité humaine? Est-ce la sécurité sociale, est-ce la
sécurité économique, est-ce la sécurité environnementale? Nous le découvrirons
lorsque nous serons rendus à l'article pertinent, ce qui sera pour un autre
épisode, M. le Président.
• (11 h 20) •
Concentrons-nous, dans les prochaines
minutes qui sont les nôtres, sur un autre dossier, qui a été quand même
beaucoup utilisé par la ministre dans ses différentes interventions, qui est
celui du transport scolaire. On a fait le tour, je pense, quand même du dossier
tantôt du cimetière Notre-Dame-des-Neiges. Encore une fois, je salue les gens
qui se sont déplacés, je salue les gens qui sont... qui nous écoutent,
peut-être, ou qui vont nous écouter qui viennent de ce syndicat-là, mais
imaginez-vous donc qu'il y a aussi des gens qui se sont déplacés aujourd'hui
qui viennent du transport scolaire, du secteur du transport scolaire. J'ai
Carolanne Laplante... Carole Laplante, pardon, Carole Laplante, qui est dans
les gradins aussi, qui s'est déplacée aujourd'hui pour nous, et Mme Josée Dubé,
qui est une vice-présidente de la FEESP, qui est responsable du transport
scolaire. Donc, deux personnes qui sont disponibles aussi, M. le ministre, M.
le Président, pour venir s'asseoir avec nous dans les prochaines minutes et
venir nous expliquer leur réalité. Ça aussi, ça a été un exemple que le
ministre a utilisé. Mon collègue de Jean-Talon l'évoquait à l'instant, il
faisait la liste, là, la courte liste des exemples que le ministre a utilisés.
Celui du transport scolaire est quand même assez fascinant parce que ce n'est
pas le gouvernement, l'employeur, mais il a eu une influence, je dirais, assez
frontale. La frontière entre le direct et l'indirect est très floue dans ce
dossier-là. Parce qu'il savait que les conditions de travail n'étaient pas à la
hauteur, le gouvernement savait qu'il y avait des énormes problèmes de recrutement
et de rétention de main-d'œuvre dans le transport scolaire et que cette
existence du problème de recrutement et de rétention menait à des... parfois,
des ruptures de service, menait à des frustrations légitimes de parents qui
devaient chambouler leur routine, faire plusieurs kilomètres, parfois en sens
inverse de travail, écourter leur journée de travail. Bref, ça posait des
enjeux de productivité dans plusieurs régions du Québec.
Et, pour ce faire, le gouvernement a
dit : Bien là, une des façons que je peux intervenir, à défaut de tout
nationaliser, je pense que ce n'est pas... ça n'a jamais été dans les cartons,
là, ce n'est pas nécessairement ça que je propose non plus, mais, à défaut de
tout nationaliser, qu'est-ce que je peux faire d'un point de vue
d'investissement, bien, c'est de mettre de l'argent sur la table pour que les
compagnies de transport aient des marges de manœuvre financière plus
intéressantes afin de rehausser les salaires. Par contre, ce n'est pas une
seule grosse compagnie qui contrôle tout le secteur, c'est quelques compagnies,
certaines multinationales d'ailleurs. On l'évoquera tantôt, quand je lirai
quelques cas d'espèce. Mais le gouvernement a dit, puis il l'avait fait dans
d'autres scénarios dans le passé : Je vais financer, dans le fond, une
augmentation de salaire. C'est un peu ça qu'il a fait, il a dit : Voici
l'argent, plusieurs millions, et les compagnies... que je donne aux compagnies
directement et qui doit servir à rehausser les salaires.
Qu'est-ce qui s'est passé? Quand on
n'attache pas de conditions à des subventions du genre, puis on le voit dans,
malheureusement, plusieurs dossiers au gouvernement, qu'est-ce qui se passe?
Bien, ça ne se passe pas toujours très bien. Puis ce n'est pas l'intégralité
des sommes qui ont été envoyées qui peuvent et qui servent, dans les faits, à
l'augmentation de salaire. Et ça, qu'est-ce que ça génère comme sentiments,
vous pensez, du côté des employés du transport scolaire? Vous êtes là, là, vous
êtes un électeur, un citoyen, puis, statistiquement, il y a des bonnes chances
que vous avez voté pour la CAQ dans votre région, votre gouvernement reconnaît
que votre salaire n'est pas à la hauteur, vous voyez des collègues quitter ou
embarquer dans le métier puis rester à peine quelques semaines parce que soit
il y a quelque chose de plus payant à côté ou ils n'y voient pas vraiment
d'avenir, vous voyez votre gouvernement dégager des sommes importantes pour
dire : On reconnaît le problème et notre façon de contribuer à son
règlement, à ce problème-là, c'est de mettre à disposition de vos employeurs
des sommes importantes pour que ça dégringole, en anglais, on dit le
«trickle-down economics»...
M. Leduc : ...via le
mécanisme de la négociation de convention collective, idéalement. Je ne sais
pas, là, c'est quoi, le taux de syndicalisation dans le milieu, ma
compréhension, c'est qu'il est quand même assez fort, mais, bref, évidemment,
ça allait passer par le truchement de la négociation. Mais ce n'est pas ça qui
s'est passé, M. le Président. Ça a été passablement plus compliqué. Il y a eu
des conflits, on va examiner quelques-uns, parce que ça a été marquant,
suffisamment marquant pour que le ministre l'utilise comme exemple. Il l'a dit
lui-même tantôt, si je ne me trompe, là, le transport scolaire, etc. Et voilà.
Alors, plongeons. J'ai ici quelques
communiqués de presse intéressants, ça va sûrement faire référence à Transco
qui, je pense, lui aussi, est une multinationale qui nous explique un peu
certains aspects du conflit. Alors, le syndicat de Transco accepte l'hypothèse
du règlement du conciliateur. Réunis en assemblée générale ce matin, les
membres du Syndicat des travailleurs et travailleuses de Transco-CSN ont
accepté à 69,4 %, par voie de scrutin secret, l'hypothèse soumise par le
conciliateur ce mercredi 6 mars 2024. : «Nous avons accepté l'hypothèse de
règlement du conciliateur qui contient des augmentations totales de 43 %
sur la durée de la nouvelle convention collective de six ans et rétroactive au
1ᵉʳ juillet... Durant cette période, nous passerons, donc, du salaire
hebdomadaire actuel de 634 $ à 907 $ au 1er juillet 2027. Nous avons
également obtenu une augmentation de l'échelle de nos vacances, 90 % après
la 15e année de service, ainsi qu'un... qu'une sixième journée de congé de
maladie en 2025, déclare Carole Laplante, présidente de STTT-CSN - Carole
Laplante qui, je le rappelle, est dans les gradins avec nous aujourd'hui, qui
est disponible.
«Nous saluons la lutte exemplaire menée
par les travailleuses et les travailleurs du syndicat qui ont tenu tête à une
multinationale durant un peu plus de quatre mois afin de tenir ces
bonifications et leurs conditions de travail. Tous les autres transporteurs
devront tenir compte de l'effet de ces gains sur le marché de l'emploi. Et ça
aussi, le syndicat peut en être fier, souligne Stéphanie Gratton, présidente
par intérim de la Fédération des employées et employées de services
publics-CSN.» La FEESP, dont je faisais référence, est-ce qu'on l'a rajouté
finalement? Oui, elle est dans la motion. Parfait. Merveilleux.
Je continue : «Dans le contexte
d'inflation majeure, quand on se bat pour améliorer nos conditions de travail
et de vie, on le fait avec notre cœur et avec cette énergie de la juste cause.
Tout au long de leur négociation, j'ai vu les membres porter fièrement cette
cause des chauffeurs et chauffeuses d'autobus scolaires. Nous partageons cette
fierté et nous sommes convaincus que leur contribution à ce combat constitue
une avancée pour tous et toutes, ajoute Dominique Daigneault, présidente du
Conseil central de Montréal métropolitain-CSN. Au nom de la CSN, je tiens à
féliciter la combativité des membres du syndicat de Transco, leur ténacité,
leur détermination et surtout leur solidarité dans ce parcours de négociation marqué
par un conflit difficile. Se tenir debout et garder la tête haute entre les
parents des enfants et l'attitude cavalière et intransigeante de leur employeur
- pas l'employeur des enfants, bien sûr, l'employeur des travailleurs et
travailleuses - n'a pas été de tout repos, conclut Caroline Senneville,
présidente de la CSN.» Là, il y a une petite explication.
«À propos, le STTT - donc le Syndicat des
travailleurs et travailleuses de Transco - compte près de 350 membres
responsables d'autant de parcours de transport scolaire. La FEESP-CSN compte
plus de 425 syndicats affiliés représentant 65 000 membres, etc. »
Augmentation totale de 43 % de
salaire, c'est quand même massif, c'est intéressant. Ça, c'est un exemple de
conciliation qui a fonctionné. Tantôt j'évoquais un exemple qui n'a pas pu
marcher, celui-là a fonctionné. Savez-vous pourquoi? Parce qu'il y a eu, on
pourrait dire, une intervention politique. Quand ça a commencé à brasser, là,
avec des conflits de travail et des grèves, bien, il y a du monde qui ont
commencé poser des questions : Comment ça se fait que l'argent que le
ministère a déposé pour régler le conflit, bien, il n'aide pas à régler le
conflit? Mais il n'a pas eu le choix d'avoir une réponse. Je n'ai pas la
citation exacte, on la retrouvera peut-être, mais on peut regarder pendant ce
temps-là. Le ministre Drainville, le ministre de l'Éducation a pris la parole
dans le cadre de ce conflit-là pour dire : Oui, oui, on a mis de
l'argent...
Le Président (M. Allaire) : Juste
un petit rappel, M. le député...
M. Leduc : Utiliser le titre,
bien sûr.
Le Président (M. Allaire) : Exactement.
Merci.
M. Leduc : Le ministre de
l'Éducation a pris la parole et a dit : Il faut que l'argent descende, il
faut que ça serve. Intervention, donc, politique salutaire, parce qu'il y avait
là un problème que le gouvernement reconnaissait, que le gouvernement voulait
régler, mais qu'il avait mal attaché, on va le dire comme ça. Il n'y avait pas
de condition, même si c'était implicite, mais il n'y a pas de condition qui
avait été attachée aux sommes qui avaient été allouées pour le conflit des
transports scolaires. Le ministre a été obligé de s'impliquer et de donner un
petit clin d'oeil de facto à la partie syndicale en disant : Oui, oui,
vous avez raison, cet argent-là était supposé d'être pour vous autres. Puis,
visiblement, il ne l'est pas ou, en tout cas, pas au complet.
Alors, le ministre de l'Éducation, le 31
janvier 2023, a dit - je parlais du clin d'oeil : «Les chauffeurs doivent
avoir leur juste part.» C'est ça, la citation du ministre de l'Éducation. Ça a
été sa manière de...
M. Leduc : ...de plonger dans
le conflit. On était à combien de millions ici? Je pense, c'est
130 millions qui avaient été mis sur la table. On pourra vérifier. Donc,
intervention, encore une fois, politique mais salutaire pour que les
130 millions qui avaient été mis sur la table — je cherchais le
chiffre tantôt, je l'ai trouvé — descendent pour de vrai dans les
poches de ceux qui... que ça visait.
• (11 h 30) •
Alors, il y a une citation, encore une
fois, là, du ministre, toujours dans Le Soleil, là, que je faisais
référence à l'instant : «C'est une augmentation de 130 millions juste
pour cette année, 2022-2023. Sur ces 130 millions, il y en a 112 qui sont
allés dans les poches des transporteurs scolaires l'été passé lors du règlement
du mois d'août dernier. On souhaite que les chauffeurs aient leur juste part de
ces 112 millions. Ce n'est pas à nous de trancher cette juste part. Ça doit
faire partie de la négociation.» Intéressant.
Le ministre de l'Éducation, donc, cette
fois-ci, constate un peu les limites de son intervention, qu'il n'a pas réussi
à attacher ça avec une conséquence exacte, mais, en même temps, fait un appel à
la négociation bien senti en disant : Nous, on met des ressources, mais on
n'ira pas microgérer puis on fait confiance à la négociation pour que ça
progresse. Bien, intéressant, intéressant que, d'un côté, là, on a un ministre
qui veut soit imposer la fin d'une grève avec un arbitrage, soit la limiter
fondamentalement à travers des services essentiels déguisés, là, un service de
bien-être, qu'on a appelé. Bien, intéressant. C'est une autre façon de
procéder. On verra si ces deux-là sont d'accord au Conseil des ministres.
Prochain communiqué, M. le
Président : «La CSN dénonce les mensonges de Transco Montréal. En ce lundi
15 janvier 2024, à la suite d'un communiqué de presse diffusé par
l'employeur jeudi dernier, le Syndicat des travailleurs et travailleuses de Transco
CSN a déposé au Tribunal administratif du travail une plainte pour négociation
de mauvaise foi et pour ingérence et entrave aux activités du syndicat. En
grève générale illimitée depuis le 31 octobre, le syndicat fait face à
Transco Montréal, qui multiplie les interventions trompeuses dans le cadre des
négociations avec ses salariés — citation — "Jeudi
dernier, l'employeur a procédé à l'envoi d'un communiqué de presse mensonger
aux médias, qui s'adresse clairement à nos membres, ce qui est interdit, et les
boss le savent très bien. Depuis le début de la grève générale illimitée, entre
autres, ce n'est pas la première fois que Transco Montréal tente de négocier
directement avec les salariés, et, à cet égard, nous avons employé une mise en
demeure contre ces manoeuvres le 3 novembre dernier. Il s'agit donc d'une
récidive qui vise à miner à nouveau la crédibilité du comité de négociation.
Nous avons rarement vu autant de manoeuvres antisyndicales de la part d'un
employeur qui fait face à des travailleuses et à des travailleurs qui sont
toujours plus en colère et qui ne vont pas se satisfaire d'un règlement au
rabais", déclare Carole Laplante, présidente du STTCSN», que, je répète,
est parmi nous. Elle est là, elle est disponible. Elle a fait le chemin aussi.
Encore une fois, je ne sais pas si Mme Laplante est de Montréal ou de Québec,
elle nous le dira plus tard, mais elle a fait le chemin pour être présente avec
nous, pour passer la matinée avec nous. Elle est prête, elle peut descendre. Ça
prend cinq minutes. Donnez-lui juste 15 minutes, si vous voulez, Mme... M.
le Président, M. le ministre. Que ça soit juste 15 minutes, ça ne me
dérange pas, on fera une question d'une minute chaque, les oppositions, mais
entendez-les. Ils sont venus pour ça. Ils sont venus vous interpeler, M. le
ministre, pour vous entendre et pouvoir transmettre leur réalité à votre
réflexion.
Je continue le communiqué. «Transco
Montréal répète à qui veut bien l'entendre que les demandes du syndicat sont
déraisonnables et irréalistes, cherchant à négocier sur la place publique et à
faire pression sur les salariés plutôt que de négocier de bonne foi avec le
syndicat — citation — "Nous le répétons, Transco
Montréal a toujours de la difficulté à recruter et à garder son monde avec les
salaires versés avant le début de la grève. L'inflation et le prix élevé du
logement poussent plusieurs salariés de l'entreprise à fréquenter des banques
alimentaires chaque semaine pour arriver à combler leurs besoins de base. Les
boss de Transco devraient avoir honte de mentir ainsi sur la place publique et
d'agir de la sorte avec leurs salariés", souligne Josée Dubé, présidente
du secteur des transports scolaires de la Fédération des employés de services
publics CSN — qui est avec nous aujourd'hui. Rappelons qu'Autobus Transco
inc. à Mascouche, détenu par la même propriétaire que Transco Montréal, a
accepté une augmentation de 53 % sur six ans, qui a été négociée et
entérinée par ses salariés en février 2023. L'argent a été versé par le
gouvernement, la capacité de payer est là, et nous le savons parce que nous
avons accès à toute l'information pertinente à cet effet. Selon les
documents... obtenus — pardon — Transco Montréal a reçu une
bonification de ses contrats d'environ 25 % depuis l'année scolaire
2021-2022. Cet argent versé aux transporteurs doit, entre autres, servir à
bonifier les conditions de travail, parfois faméliques, dans le secteur.»
Intéressant. Donc, il y avait un conflit
Transco Montréal, mais le voisin, Transco Mascouche, lui avait réglé, il avait
réglé à 53 % sur six ans, mais, à Transco Montréal, pas de règlement, pas
de règlement à l'horizon. Puis là il y avait...
11 h 30 (version non révisée)
M. Leduc : ...le travail.
Encore une fois, on parle ici de communiqués de presse mensongers. Une
intervention, qui se fait taper sur les doigts par le tribunal, d'ingérence
dans les affaires syndicales. C'est un autre bon truc qu'on a dans le Code du
travail du Québec que l'employeur ne peut pas commencer à aller s'ingérer dans
la gestion d'un syndicat commence à communiquer par-dessus le syndicat à la
table de négos. C'est quelque chose qui est difficile aussi à faire appliquer.
Pour avoir été il y a quand même quelques années, ce n'est pas simple. Encore
une fois, il faut faire sa preuve, il faut aller devant le tribunal, trouver
une date, etc. La tape sur les doigts est somme toute très symbolique. Si le
ministre cherche une manière d'adoucir les conflits et les réduire, pourquoi on
ne serre pas la vis pour les employeurs qui seraient reconnus coupables d'ingérence
dans les dossiers syndicaux comme ça? Ce serait passablement plus efficace pour
les rares employeurs, mais ils ne sont pas légion. Je l'expliquais tantôt où
90 % des conventions collectives sont renouvelées, j'oserais dire dans la
joie et la bonne humeur, là, avec pas de conflit de travail, pas d'intervention
de conciliation.
Ça va plutôt bien, là les relations de
travail au Québec, M. le Président, c'est essentiellement ça que nous ont dit
les experts, là, que je n'ai pas l'occasion de citer encore. Mais il est où, le
problème, là? Grosso modo, c'est ça qu'ils nous disent, là. C'est quoi la
panique, là? C'est quoi l'affaire, là? On cherche. Bien, le ministre nous donne
des pistes, il nous dit Cimetière Notre-Dame-des-Neige, il nous dit transport
scolaire. Bien, ça devrait être des exemples qui l'inspireraient à agir sur d'autres
volets. Qu'ils les augmentent les amendes pour les entreprises qui font de l'ingérence
dans les affaires syndicales, qu'il les augmente les amendes pour les
entreprises qui embauchent des travailleurs illégaux de remplacement qui est le
terme français de «scabs». Là, il y aurait une influence réelle, positive sur
la réduction de temps de conflit, peut-être même sur la réduction des conflits
en général. Mais, à la place de ça, ils prennent la solution, j'oserais dire
facile.
Je me rappelle une vieille annonce, c'est-tu
Bureau en gros? Peut-être? Je ne sais pas s'ils l'ont encore, il y a comme un
gros bouton, c'est écrit Simple dessus. On pèse sur le piton simple, on
procède. J'ai l'impression que M. le ministre se cherchait un gros bouton
Simple. Conflit de travail, c'est long, c'est compliqué. Woup! le fédéral a
fait quelque chose, bouton Simple. Bien, non, ce n'est pas simple parce que, là,
avec son bouton Simple, c'est simple pour lui, mais complique la réalité pour
tout le monde. Il complique la réalité pour les négociateurs syndicaux, pour
les négociateurs patronaux aussi. Complique la réalité, pour les... pour les
arbitres qu'il va éventuellement nommer et imposer. Qu'est-ce qu'ils vont faire
aux autres? Comment ils vont trancher la situation parfois insoluble?
Je faisais référence tantôt au plancher d'emploi
au Cimetière Notre-Dame-des-Neiges. Comment vous trancher ça, vous, comme
arbitre? Il y en a un, le patron le veut plus, le syndicat veut le garder.
Allez-y, imposez-moi une convention collective. Vous le gardez ou pas, le
plancher d'emploi? Puis, si vous le gardez, vous le mettez à combien? Vous l'imposez,
là. C'est ça qu'il va faire, le ministre, là, il va décréter, il va demander un
arbitre qui va décréter une convention collective. Dans le Code du travail, ça
existe juste en ce moment, sauf erreur de ma part, lors d'une première
convention collective. Quand il y a une première convention collective, un
nouveau syndicat que l'employeur bloque pour toutes sortes de raisons, on peut
utiliser l'arbitrage automatique d'une première convention collective, une
seule des deux parties peut le demander, et ça s'applique. C'est le seul moment,
parce que c'est la première convention collective, il faut que ça procède.
Je pense qu'historiquement on s'est doté
de cet outil-là parce que c'est quand même une tactique patronale parfois. On l'a
vu chez Walmart ou chez McDonald's, encore une fois, de staller, en bon français,
assez longtemps que ça tanne tout le monde puis qu'après ça il y a une demande
de révocation syndicale parce que, de toute façon, ça fait un an, deux ans,
trois ans puis il n'y a toujours rien. Mais cette disposition-là, dans le
projet, automatique, elle existe précisément pour faire respecter le droit d'association
à un moment précis où c'est quand même facile au début de bloquer et de faire
mourir à petit feu la création d'un syndicat dans un emploi donné.
La tâche que donne le ministre aux
arbitres avec son projet de loi sera à mon avis un cadeau empoisonné. Ça sera
aussi un cadeau empoisonné pour les... les les juges du TAT. On aura certainement
l'occasion d'y revenir. Mais avec des critères aussi flous, on l'a dit tantôt
en ouverture...
M. Leduc : …social, économique,
environnemental. Là, le ministre parle de dignité humaine. C'est quoi ça, la
sécurité sociale, la sécurité économique puis la sécurité environnementale.
Comment les juges du TAT vont devoir gérer cette patate chaude là? Je parlais
du bouton simple du ministre, là. C'est simple pour lui, parce qu'une fois
qu'il a pesé dessus, envoye le TAT! Est-ce qu'on a... Est-ce que c'est
pertinent d'assujettir ou pas le syndicat à ma nouvelle procédure? Wow!
• (11 h 40) •
Là, le ministre a l'air d'avoir décidé,
lui, que, par exemple, le cimetière Côte-des-Neiges passerait le test puis il
serait appliqué. Il n'a comme même pas l'air d'avoir de jeu, le tribunal, pour
ce cas-là particulier, ça me… ça me conforte dans mon objectif de venir parler
de quelques cas particuliers. Parce que, visiblement, lui, le ministre a déjà
sa lecture personnelle. Puis c'est logique. C'est pour ça qu'il fait un projet
de loi, j'imagine, en vertu de quelques cas qu'on a vécus.
Je continue avec un autre communiqué, M.
le Président. Transco Montréal : Une grève générale illimitée qui traîne
inutilement. Ce matin, les membres du Syndicat des travailleurs, travailleuses
de Transco CSN ont tenu un piquetage symbolique afin de rappeler à la haute
direction du centre de services scolaire de Montréal qu'ils sont en grève
générale illimitée depuis le 31 octobre dernier. Citation : «Alors
que les élèves retournent en classe, ce matin, nous ne sommes pas heureux d'en
priver plusieurs de leur transport pour obtenir le salaire décent auquel nous
avons droit. Ça fait bientôt trois mois que nous sommes en grève et près de
deux ans que nous négocions avec notre employeur, et celui-ci refuse toujours
de nous verser la part des sommes qu'il a pourtant bien reçues du gouvernement
afin de bonifier nos salaires. Nous le précisons à nouveau, les salaires qui
nous étaient versés au moment du déclenchement de notre grève ne parviennent
même pas à attirer et à retenir les salaires dont nous avons besoin pour
effectuer nos routes chaque jour. Et ce sont les enfants et leurs parents qui
en paient le prix, déclare Carole Laplante, présidente du CSTT CSN… STTT CSN,
pardon.»
Autre citation : «L'employeur devra
l'admettre, de nouvelles données salariales sont en vigueur dans le secteur du
transport scolaire. Plusieurs règlements reconnaissent enfin le difficile
travail des conductrices et des conducteurs. Tous les employeurs ont reçu une
bonification variant de 15 % à 30 % de la valeur de leurs contrats,
et cet argent doit se rendre dans les poches de celles et de ceux qui
conduisent les autobus, ajoute Frédéric Brun, président par intérim de la
FESP-CSN. L'employeur mène une guerre d'usure et laisse inutilement traîner la
négociation, pour la régler rapidement, il sait très bien ce qu'il a à faire.»
Autre citation : «Plusieurs des
membres du syndicat doivent recourir aux banques alimentaires afin de répondre
à leurs besoins essentiels. Et nous ne sommes pas les seuls à trouver que ça
n'a pas de maudit bon sang. First Student, dont le siège social est à
Cincinnati, fait partie des employeurs dans le transport scolaire qui refusent
de verser l'argent reçu du gouvernement et, de ce fait, qui maintiennent leurs
salariés sous les seuils de revenus viables. Pour vivre décemment à Montréal,
l'Institut de recherche et d'information socio-économique a fixé ce seuil à
32 525 $ en 2023, insiste Dominique… présidente du Conseil centra du
Montréal métropolitain CSN. Voilà pourquoi nous appuyons sans réserve ces
femmes et ces hommes qui sont toujours très mobilisés et déterminés à aller
chercher leur juste part de cet argent. Nous rappelons qu'au mois de février
dernier, le ministre de l'Éducation, Bernard Drainville, est lui-même intervenu
sur la place publique afin d'appuyer les revendications du secteur du transport
scolaire de la FEESP-CSN, en soulignant que les chauffeuses et chauffeurs
doivent avoir leur juste part, précise Caroline Senneville, présidente de la
CSN. Les salariés du syndicat font partie du mouvement de travailleurs,
travailleuses qui doivent malheureusement recourir à la grève pour aller
chercher ce qui doit leur revenir. Nous allons être à leurs côtés jusqu'à ce
qu'ils l'obtiennent.»
Cas de figure intéressants. Parce que, là,
dans le scénario où ça se répète, mettons, ou qu'on se rapporte quelques années
en arrière, ça a eu lieu, et que le projet de loi est déjà en vigueur, que fait
le gouvernement? Parce que, d'un côté, il reconnaît le problème en mettant de
l'argent, en bonifiant les contrats, en disant explicitement : Cela doit
servir à bonifier les conditions de travail. Certains le font, certains ne le
font pas. Chez ceux qui ne le font pas, grosse surprise, conflit de travail.
Déjà que les salaires ne sont pas terribles. On parle de recourir aux banques
alimentaires, quand vous êtes un travailleur à temps plein, pour un service, je
pense… je ne sais pas si on appelle ça parapublic, bien, ça pose des questions.
Qu'aurait fait le gouvernement dans cette
situation-là? Grève de transport scolaire prolongée de quelques mois à
Montréal. Est-ce qu'on l'applique? Est-ce qu'on applique la limitation de la
grève? Le premier volet de son projet de loi. Est-ce qu'on applique l'arbitrage
obligatoire? Deuxième volet. Qu'est-ce qu'on a… On vient de dire : Ils ont
raison de se battre pour leur juste part. Le ministre de l'Éducation dit ça.
Est-ce que, dans ce cas-là, parce que c'est de l'argent public, on attend puis
on laisse le conflit continuer? On va y aller par… cas par cas, M. le
Président, et c'est ça qui m'inquiète de cette situation-là où le ministre se
magasine des problèmes…
M. Leduc :
...il se magasine des conflits de
cohérence, il se magasine de la pression des chambres de commerce, de la
pression de ses propres députés, alors qu'il devrait plutôt faire confiance à
un système, qui, somme toute, va plutôt bien. C'est ce que les experts nous ont
dit en audience, dans les documents.
Alors, encore une fois, les deux représentants
du secteur scolaire sont présents... présentes, c'est deux femmes, et sont
disponibles pour descendre, pour nous entretenir ne serait-ce que
15 minutes, M. le ministre. J'aimerais bien qu'on puisse pouvoir les
entendre. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Allaire) : Merci,
M. le député d'Hochelaga-Maisonneuve. M. le ministre, la parole est à vous.
Vous avez 30 minutes.
M. Boulet : Merci, M. le
Président. Très rapidement, parce que je réalise que mon collègue d'Hochelaga-Maisonneuve
a parlé plus d'un conflit de travail et, encore une fois, s'est intéressé au
processus de négociation; le projet de loi n° 89 s'intéresse aux
répercussions d'une impasse découlant d'une négociation et les impacts négatifs
sur la population. Je rappellerai, pour les consultations particulières, là,
rapidement, on a entendu le Conseil du patronat, la Fédération canadienne de
l'entreprise indépendante, la Fédération des chambres de commerce, les
Manufacturiers et exportateurs de même que les centrales syndicales que sont la
FTQ, la CSN, la CSQ et la CSD. Évidemment, dans ces organisations patronales et
syndicales, il y a beaucoup d'employeurs puis il y a beaucoup d'accréditation
syndicale et il y a beaucoup de secteurs.
Puis le collègue de Jean-Talon me parle :
On veut savoir si vous rencontrez. Oui, quand il y a des conflits, quand il y a
une impasse, et, oui, ça m'arrive de rencontrer quand il y a des impacts
importants sur la population. C'est toujours des rencontres qui sont publiques
et qui sont paritaires, une rencontre avec les porte-parole patronaux et une
rencontre avec les porte-parole syndicaux pour jouer un rôle de facilitateur.
Les secteurs, il y en a beaucoup. Là, il
n'y a pas que les services funéraires. Ce n'est pas le politique qui va décider,
c'est des tribunaux indépendants. Puis on a parlé aussi du transport scolaire.
Il y a 194 accréditations syndicales. Puis là, je vais entendre mon
collègue d'Hochelaga-Maisonneuve, il n'y a pas que Transco, il y a
194 accréditations syndicales, tout le monde a son dossier spécifique,
puis il y a 55 % des accréditations syndicales qui sont détenues par la
CSN, et, oui, c'est préoccupant. Et ce n'est pas moi qui vais m'immiscer dans
est-ce que les services minimalement requis pour assurer la sécurité sociale,
économique, environnementale de la population s'appliquent, est-ce que la
population est affectée de manière disproportionnée. Vous aurez à donner la
réponse, et ça, je le dis, au Tribunal administratif du travail. Et c'est
important de scinder, encore une fois, ce que nous faisons en étude détaillée
sur le projet de loi du processus de négociation. Parce qu'il y en a
énormément, on parle de près de 95 % qui se règlent sans conflit de
travail, il y a eu 288 conflits de travail en 2024. Donc, il y en a un
nombre substantiel.
Et je trouve ça intéressant quand le
collègue d'Hochelaga-Maisonneuve nous invite notamment à monter les amendes
quand il y a des cas d'ingérence patronale ou quand il y a l'utilisation de
travailleurs et travailleuses de remplacement, ce qu'on appelle communément les
briseurs de grève. Et j'ose souhaiter que c'est dans une infime minorité de
cas, qu'il y a des dossiers véritables d'ingérence patronale et d'utilisation
de briseurs de grève, alors qu'on invoque aussi dans notre dossier du
P.L. 89 que la plupart des dossiers se règlent sans conflit de travail.
Alors, encore une fois, je pense que cette
motion-là ne s'impose pas, elle n'est pas pertinente. Les consultations
particulières ont permis à tous les groupes qui avaient fait l'objet d'une
entente avec les autres partis, les autres leaders parlementaires... Alors,
pour toutes ces raisons, nous nous opposons à cette motion, M. le Président.
Le Président (M. Allaire) : Merci,
M. le ministre. D'autres interventions concernant cette motion préliminaire? Mme
la ministre D'Arcy-McGee, vous avez 30 minutes.
Mme Prass : Merci, M. le
Président. Encore une fois, dans un souci de démocratie, mous sommes bien
d'accord avec la proposition du collègue pour entendre le plus de groupes
possible, encore une fois, pour alimenter justement nos discussions au long de
l'étude détaillée. Comme on le sait, chacun a ses réalités, que ce soit un
syndicat, que ce soit un secteur de travail, et je pense qu'il est important
d'entendre la voix de chacun. Donc, on appuie, la motion du collègue dans
l'esprit de la démocratie. Merci...
Le Président (M. Allaire) : ...Merci
à vous. Interventions? M. le député de Jean-Talon. Vous avez 10 minutes.
La parole est à vous.
• (11 h 50) •
M. Paradis : Merci. Mais oui,
de fait, c'est un peu le même principe. On a reçu des gens en consultations
particulières, c'est vrai, qui sont venus éclairer nos débats. C'est très utile
pour l'ensemble de la députation d'entendre des experts, d'entendre des parties
prenantes venir nous expliquer ce qu'ils pensent du projet de loi. C'est
toujours limité comme exercice, bien sûr. Et là on a la chance d'entendre des
gens... Bon, je comprends que le ministre n'était peut-être pas au courant
qu'il y avait des personnes concernées par les motions préliminaires du député d'Hochelaga-Maisonneuve
qui étaient ici, mais il se trouve qu'elles sont ici, ces personnes-là, et
qu'on passe beaucoup de temps à argumenter pour savoir si on devrait les
entendre ou pas alors qu'elles sont là, et elles sont prêtes à descendre ici,
sur le plancher du salon rouge pour être entendues. Alors, pourquoi pas?
Pourquoi ne pas utiliser ce précieux temps qu'on a ensemble plutôt que de
discuter est ce que, oui ou non, on devrait les entendre? Le député d'Hochelaga
disait : Ne serait-ce que pour 15 minutes, on pourrait les entendre.
Et, de fait, leur avis est important, parce qu'on discute aussi de cet
exemple-là, on discute de ce service-là. On va se demander : Est-ce qu'e,
oui ou non, ça entre dans le cadre des dispositions qui sont proposées dans le
projet de loi n° 89? Quel impact ça aurait sur les parties prenantes? On a
la chance de les avoir avec nous. Écoutons-les, on est dans la maison de la
démocratie, on est dans la maison du peuple. La démocratie, c'est d'avoir des
élus qui sont disposés à écouter, à entendre, pour ensuite se faire des
meilleurs porte-parole des gens qu'on représente. Alors, je suis en faveur
aussi de cette proposition du député d'Hochelaga-Maisonneuve.
Le Président (M. Allaire) : Merci,
M. le député de Jean-Talon. D'autres interventions? S'il n'y a pas d'autres
interventions, nous allons procéder à la mise aux voix de la motion
préliminaire déposée par le député d'Hochelaga-Maisonneuve, par appel nominal,
s'il vous plaît, M. le secrétaire.
Le Secrétaire : Pour, contre,
abstention. M. Leduc (Hochelaga-Maisonneuve)?
M. Leduc : Pour.
Le Secrétaire
: M. Boulet
(Trois-Rivières)?
M. Boulet : Contre.
Le Secrétaire
: M. Caron
(Portneuf)?
M. Caron : Contre.
Le Secrétaire
: M. Dufour
(Abitibi-Est)?
M. Dufour : Contre.
Le Secrétaire
: Mme Picard
(Soulanges)?
Mme Picard : Contre.
Le Secrétaire
: Mme Lachance
(Bellechasse)?
Mme Lachance : Contre.
Le Secrétaire
: M. Martel
(Nicolet-Bécancour)?
M.
Martel
:
Contre.
Le Secrétaire
: Mme Prass
(D'Arcy-McGee)?
Mme Prass : Pour.
Le Secrétaire
: M. Paradis
(Jean-Talon)?
M. Paradis : Pour.
Le Secrétaire
: M. Allaire
(Maskinongé)?
Le Président (M. Allaire) : Abstention.
La motion est donc rejetée. M. le député d'Hochelaga-Maisonneuve, j'ai compris
que vous aviez une troisième motion préliminaire, donc je vous cède la parole.
M. Leduc : Merci, M. le
Président. La motion préliminaire va comme suit que :
Conformément à l'article 244 du
règlement de l'Assemblée nationale, la Commission de l'économie du travail,
avant d'entreprendre l'étude détaillée du projet de loi n° 89, Loi visant
à considérer davantage les besoins de la population en cas de grève ou de
lockout, tienne des consultations particulières et qu'à cette fin elle entende
de la Fédération de la santé et des services sociaux, secteur CPE.
Le Président (M. Allaire) : Bon.
Juste un petit instant parce que là, il y a eu comme des changements. Je
comprends qu'on va faire les modifications. On a compris le groupe que vous
souhaitiez qu'on reçoive à l'intérieur de votre motion. Donc, je pense que vous
pouvez poursuivre, là, un peu comme tantôt, là, on va l'afficher lorsqu'on
l'aura reçu.
M. Leduc : C'est la F3S-CSN,
secteur CPE.
Le Président (M. Allaire) : Excellent.
Merci.
M. Leduc : Je poursuis, M. le
Président?
Le Président (M. Allaire) :
...
M. Leduc : Merci. Encore une
fois, merci aux personnes qui se sont déplacées aujourd'hui. On vous salue. Je
n'ai pas de représentantes secteur de CPE en Chambre aujourd'hui, M. le
Président. Cependant, elles sont dans mon cœur parce que je les aime beaucoup.
Vous savez, le conflit qui anime en ce moment le Québec dans le dossier des
CPE, il y a un grosso modo, là, ce n'est pas 100 % syndiqués, hein, il y
en a certaines en minorité, mais qui ne le sont pas, mais la grosse majorité
l'est. Une partie qui est avec la CSQ à la FIPEQ, si je ne me trompe pas, qu'on
salue. Eux ont obtenu un règlement. Une autre partie dans deux syndicats de la
FTQ, si je ne me trompe pas, les Métallos et le SQEES, les employés de service
aussi ont obtenu un règlement, mais on me disait l'autre jour que ce n'était
pas encore signé, même si le règlement a été atteint. Et la grosse majorité,
quelque part alentour de 80 ou 85 %, si ma mémoire est bonne, des
travailleuses, beaucoup, travailleuses de l'éducation et des hommes bien sûr,
mais c'est majorité écrasante de femmes, sont des... sont à la CSN, donc la
FSSS, secteur CPE.
Le conflit n'est pas le premier. Moi, je
me rappelle, ma fille était encore dans un CPE, c'est 2021 je pense, lors du
dernier conflit général...
M. Leduc : ...qui avait
duré quelques semaines entre deux ou trois semaines si ma mémoire est bonne.
Elle était assez jeune pour que je la mette sur le siège arrière de mon vélo,
qu'on fasse le tour de la circonscription, saluer les différentes personnes qui
étaient en conflit, qui faisaient du piquetage. Et là, évidemment, elle est
rendue à l'école, elle n'est plus disponible pour faire la tournée des CPE.
Mais l'autre jour, il y avait un jour de grève, bien sûr, et j'étais dans ma
circonscription, dans d'Hochelaga-Maisonneuve et j'ai fait le tour des lignes
de piquetage. J'ai vu des femmes et des hommes, beaucoup de femmes, bien sûr,
extrêmement motivées, passionnées, mais qui vivent une situation terrible parce
que la négociation précédente, c'était supposé de faire une majoration. Elle a
eu lieu en partie. Ce n'était pas exactement ce qu'elles souhaitaient, mais
c'était mieux que rien. Mais là, on est encore devant une situation pire que
2021.
Pourquoi? D'une part, il y a une grosse
négociation dans le secteur public et il y a eu des majorations de salaires
importantes dans le secteur public, notamment le secteur de l'éducation et
notamment les services de garde, secteur de l'éducation. Et c'est un travail
très similaire à celui d'un service de garde en milieu de CPE. Et ça attire certainement
les mêmes personnes. En d'autres mots, de très nombreuses éducatrices en CPE
ont quitté le réseau pour se joindre au réseau scolaire. C'est très bien pour
le réseau scolaire, mais c'est une catastrophe pour le réseau des CPE. La
pénurie de main-d'oeuvre actuelle, elle est forte et elle ne se dirige pas pour
s'améliorer dans un futur rapproché, M. le Président, parce que, en plus de
tous les problèmes que je vous citais précédemment, bien, il y a celui de
l'exode. Quand vous êtes payé plus cher de l'heure en venant travailler chez
Costco, donc, une entreprise de grande surface, une épicerie de grande surface,
on pourrait dire, vous êtes payé plus cher là que pour prendre soin des enfants
de la nation, bien, non seulement c'est... ce n'est pas économiquement viable,
mais il y a aussi un coût moral, je pense, symbolique qui est lourd à porter
parce que vous vous dites l'État du Québec dans la duquel je suis une
participante, duquel je suis une citoyenne auquel je livre une partie de mes
impôts, de mon salaire via les impôts, bien, n'est pas capable de m'offrir un
salaire similaire à celui d'une entreprise privée qui ne demande à peu près
aucune qualification. Tandis que moi, en théorie, pour travailler dans un CPE,
on me demande une technique minimalement. Ce faisant, l'exode a lieu, mais les
besoins restent totaux à l'intérieur des CPE. Avec ce qui, se passe, allez-vous
recruter toutes les personnes qui appliquent? Et il se passe la même chose qui
s'est passée et qui se passe encore dans le réseau scolaire avec les
professeurs. La proportion de personnes non qualifiées qui effectuent la tâche,
elle a explosé.
Je faisais référence au ministre de
l'Éducation tantôt quand ils nous avaient tous subjugués en disant : Il
faut un adulte dans la classe. On avait compris que ça n'allait pas bien au
scolaire au Québec. Mais à toutes fins pratiques, la ministre de la Famille
pourrait utiliser les mêmes mots en ce moment pour les services de garde. Il
faut un adulte dans la salle où les enfants passent leur journée. Et je dis ça,
je ne suis pas en train de diminuer ou disqualifier toutes les femmes et les
hommes qui ont levé la main et qui s'intéressent à cette profession-là, cette
belle profession-là, ce beau milieu. D'ailleurs, je les remercie et je les
salue chaleureusement de venir au front et nous permettre, à nous les jeunes
parents, en particulier les jeunes femmes, de pouvoir retourner travailler. Par
contre, force est de constater, et je m'en fais parler de plus en plus, autant
par des professionnels, des travailleuses que des parents qu'il y a
objectivement une baisse de la qualité des services qu'on offre dans les
différents CPE. Puis ça, c'est un... C'est comme un cercle vicieux, M. le
Président. La roue tourne en ce sens que les conditions de travail prennent du
retard. Il y a des démissions, il y a des gens qui arrivent mais qui sont moins
qualifiés. La qualité des services diminue. Bien, l'avenir n'est pas rose. Puis
si vous n'êtes pas capables de trouver une place, bien, vous ne pouvez pas
retourner au travail après votre SQAP. On a beau avoir fait une réforme
intéressante du SQAP, le ministre et moi en 2019, si je me rappelle bien, dont
il avait proposé de pouvoir étaler les semaines sur une plus longue période,
réforme intéressante. Ça ne coûte pas beaucoup cher au gouvernement, mais...
M. Leduc : ...permettait
d'accommoder certaines personnes qui préféraient peut-être avoir un petit peu
moins d'argent, mais sur une plus longue période. Très bien. Donc, à la place
d'un an maximum, maintenant, on peut l'étaler jusqu'à... je pense, c'est
18 mois, si ma mémoire est bonne. Mais au bout de 18 mois, malgré
tout, là, s'il n'y a pas de place, on retourne travailler ou on ne retourne pas
travailler? De facto, il y en a un des deux parents qui ne pourra pas retourner
travailler. Ce n'est pas vrai qu'on a tous une tante, une grand-mère, une
voisine, un ami qui est prête à semi-temps plein s'occuper de notre enfant en
bas âge pour qu'on puisse aller travailler. Ça fait que soit on ne retourne pas
travailler, on reste à la maison, soit on retourne travailler à temps partiel.
• (12 heures) •
Il y a une étude qui est sortie il y a
quelques semaines, là, je ne l'ai pas avec moi, mais c'était de l'organisme Ma
place au travail, des chiffres hallucinants sur le poids que représentent les
imperfections du réseau sur les familles, et en particulier sur les femmes, sur
les mères. C'est souvent la mère qui est choisie dans le couple pour rester à
la maison et prolonger son congé et, de facto, mettre sur pause sa carrière.
Potentiellement, parfois, peut-être renoncer à sa carrière ou, du moins, ruiner
temporairement sa carrière. C'est les femmes qui lèvent la main, c'est les
femmes qui prennent cette fonction-là, parfois, parce que c'est le moins gros
salaire des deux dans le couple — statistiquement, c'est souvent ça — parfois,
pour d'autres raisons. C'est des raisons personnelles aussi qui animent le
couple, mais c'est aussi des raisons macroéconomiques, des raisons systémiques,
un terme qui fait parfois peur au gouvernement, «systémique».
Blague à part, M. le Président, on en
arrive à une situation où là le gouvernement, à cause d'une grève prolongée
dans le secteur public, en particulier en éducation, a fini par mettre un peu
d'argent sur la table pour régler le conflit, en même temps, se refuse d'aller
chercher des nouveaux revenus. Donc, déficit important, c'est le deuxième
déficit important quand même qu'on a dans le budget du gouvernement. Sauf que,
là, ce n'est pas la fin des haricots pour tous les autres, là, le secteur des
CPE, ils ont peut-être le malheur de passer après les profs et les emplois des
secteurs publics, mais ils sont là pareil. Puis la crise, elle est totale
pareil. S'il n'y a pas des rehaussements substantiels de conditions de travail
dans le secteur des CPE et des services de garde de manière plus générale, ça
va aller très mal dans le futur. Puis, un des signaux les plus criants que la
ministre notamment devrait entendre, c'est la question de la fermeture d'une
cohorte complète d'une technique d'éducation à l'enfance, au cégep Montmorency,
je crois. Déjà qu'on a des problèmes de recrutement, hein? Déjà qu'on a aboli
les bourses Perspective, là, il y a une cohorte complète qui se ferme. Ils ne
sont pas capables de dire : Oui, là, il n'y a pas assez de monde qui est
inscrit, ça ne vaut pas la peine d'avoir des profs, des salles, etc., de partir
une cohorte, on annule cette cohorte-ci, ouf!
Ça fait qu'on n'est pas en train de se
dire : Là, c'est une mauvaise passe, mais on se serre les dents, on se
serre les coudes, on va traverser puis ça va être mieux dans une couple
d'années. Rien qui nous garantit ça parce qu'on n'est même pas capable d'avoir
des cohortes en ce moment de relève. Quand vous vous promenez sur les lignes de
piquetage, là, M. le Président, là, qu'est-ce qu'elles nous disent, les
travailleuses, les travailleurs des CPE? Ils font bataille pour elles, mais ils
font surtout une bataille pour la relève. Celles qui étaient les plus ardentes
sur les lignes de piquetage, ça m'a impressionnée, c'étaient beaucoup les
éducatrices avec quelques années d'expérience, des 15, 20, 25 ans,
30 ans d'expérience. Puis elles achèvent tranquillement, elles se dirigent
vers la retraite, mais elles veulent léguer un milieu au moins aussi bon que
celui dans lequel elles sont arrivées à l'origine. Mais elles sont angoissées
parce qu'elles ne sentent pas que c'est possible en ce moment. Il y a quelque
chose d'assez triste, je pense qu'aucun parent ne veut vivre ça dans la vie, de
savoir que la génération qui va nous suivre va l'avoir plus difficile que nous.
On aimerait ça adhérer tout le monde à cette idée là, que toutes les
générations qui nous suivent vont toujours avoir des moins gros défis que ceux
que nous avons eus, que ce soit un peu moins difficile pour ceux qui vont
suivre.
On aborde ici, en long et en large, le
dossier du logement. Je pense, c'est un dossier assez facile à régler, ça.
Objectivement, les jeunes, dans les prochaines années, vont l'avoir plus
difficile que les deux, trois générations précédentes en matière d'accès à la
propriété puis à l'accès au logement. Bien, c'est un peu ça qui anime les
éducatrices.
Alors, de dire qu'un conflit qui ne se
règle pas parce que le gouvernement, pour x ou y raisons, n'est pas en mesure
de déposer une offre salariale décente, n'est pas en mesure de comprendre aussi
qu'en déposant une offre salariale décente, c'est à peu près le seul instrument
qu'il a pour la remplir, sa cohorte dans les cégeps puis éviter qu'il y en ait
d'autres qui soient annulées. Pourquoi vous pensez que les...
12 h (version non révisée)
M. Leduc : ...gens ne s'inscrivent
plus dans les techniques d'éducation à l'enfance. Bien, les salaires ne sont
pas terribles. Pourquoi vous pensez que le monde quitte le réseau des CPE pour
aller soit dans le réseau scolaire, soit au Costco, ou ailleurs? Bien, les
salaires ne sont pas terribles. En plus, si vous allez dans le réseau scolaire,
bien, vous avez des plus longues vacances l'été. Pas fermés... fermés, les
services scolaires... les services de garde du secteur scolaire, durant l'été,
l'école est fermée. Le CPE, lui, il est ouvert toute l'année. Il y en a, des
vacances, là, mais il est ouvert toute l'année. Si vous n'êtes pas capables d'accoter,
égaliser, si possible, mais, minimalement, accoter les salaires que vous
avez... que vous venez juste d'offrir au secteur scolaire, bien, grosse
surprise, ça ne passera pas.
Puis là on a connu la gradation classique
d'un conflit de travail : des manifestations, des chandails, des couleurs.
Je me rappelle, je venais juste d'être nommé responsable du dossier famille en
janvier, il y avait une grosse manifestation ici, là, sur Charest, qui
terminait pas loin du... ça devait être les bureaux du ministre de la
Famille... de la ministre de la Famille, pardon. Bien, c'est ça, le classique,
vous commencez par vous faire entendre, vous mobilisez votre monde, vous allez
chercher des mandats de grève pour des petites portions. On commence par une
journée de grève, on commence par deux journées de grève, on continue avec
peut-être trois journées de grève.
Oui, je me rappellerai toute ma vie de l'ancienne
grève de 2021. Puis moi-même, qui est un syndicaliste, un progressiste... bon,
bien, coudon, on va les... on va les appuyer, nos amies éducatrices et autres
travailleurs, travailleuses des CPE, parce que c'est important, parce qu'on
veut que ça reste un milieu attractif. Bien, quand j'allais... quand j'arrivais
au CPE, le matin, pour aller porter Jeanne, il y avait toujours le tableau, en
particulier, le lundi, des repas de la semaine. On a eu, en long et en large,
des débats ici, là, sur les repas scolaires, puis, des fois, on se faisait dire
que c'était impossible, c'était compliqué, alors qu'il y a des repas fournis
dans une écrasante majorité de CPE au Québec.
Tout ça pour dire que j'arrivais le matin,
puis là on voyait le tableau des repas de la semaine, puis je pense que la
grève générale commençait un mercredi. Il y avait le beau tableau qu'on voyait
chaque matin, qui était réconfortant, avec les repas, puis là on regardait avec
la... notre enfant. «Regarde, tu vas manger ça cette semaine», nanana, puis là
il y avait, lundi, mardi, quelque chose, là, genre, des pâtes ou du couscous,
puis là, woups! les mercredi, jeudi, vendredi, il y avait un beau gros X, et c'était,
symboliquement, le conflit qui commençait. Et, comme je le disais tantôt, M. le
Président, un conflit qui commence, on ne sait jamais quand est-ce qu'il se
termine.
Et donc, replacez-vous, donc, dans les
souliers, un instant, de... d'un travailleur, travailleuse, une éducatrice.
Puis j'insiste, hein, toujours pour dire «travailleur, travailleuse». Pourquoi?
Parce qu'évidemment, les éducatrices comptent pour le gros, hein, de la masse
salariale puis des employés d'un CPE, mais il y a, bien sûr, des cadres aussi,
des gens à l'administration, mais il y a aussi, en particulier, les gens à la
cuisine, justement. On appelle ça des responsables de l'alimentation. Il y en
avait un au CPE de ma fille, Jean-François, bien sympathique. Il nous offrait,
des fois, des recettes de ses... de sa cuisine que notre enfant avait aimées,
puis, à cet âge-là, on essaie beaucoup de faire découvrir des nouveaux
aliments, bien sûr, à nos enfants. Tout ça pour dire qu'il y en a, de mémoire,
à peu près 400. Donc, je fais toujours un point d'honneur de ne pas juste
parler d'éducatrices, bien sûr, mais de l'ensemble des travailleurs,
travailleuses, entre autres, en pensant à eux et elles.
Mais je pense aussi aux cadres, hein,
parce que les cadres, dans les CPE, c'est un autre défi, ça. Ils n'ont pas le
même mécanisme de convention collective. Puis je ne m'étendrai pas trop là-dedans,
parce que ce n'est pas l'objet de la loi, mais il y a une grosse pénurie,
aussi, de recrutement et de rétention de cadres là-dedans, dans les CPE. Mais
je ferme la parenthèse.
Sur le dossier des travailleurs,
travailleuses des CPE, donc, mettez-vous dans leurs souliers, là. Vous avez un
réseau qui prend le bord, des collègues qui sont partis. Moi, j'en connais
personnellement, là, des éducatrices qui ont quitté puis qui sont rendues aux
services scolaires. J'en ai même croisé une, l'autre jour, en ligne de
piquetage. C'était une ligne de piquetage contre le projet de loi n° 89, d'ailleurs,
au Sommet de l'Est de Montréal. Puis il y avait une mère et sa fille, qui
étaient au... qui étaient d'origine... du CPE où Jeanne est allée, donc
éducatrices de mère en fille, fascinant. Et sa fille avait pris la décision
douloureuse de quitter le CPE, auquel elle était allée elle-même, d'ailleurs,
dans sa jeunesse, pour aller travailler dans un... dans le réseau scolaire, et
elle m'expliquait qu'au rang 4 dans l'échelon salarial des CPE... elle
quittait, donc, au rang 4 et elle rentrait au rang 1... parce qu'elle ne se
faisait pas reconnaître d'expérience, elle rentrait au rang 1 dans le réseau
scolaire, service de garde dans le réseau scolaire, et elle avait 7 $ de
plus de l'heure. C'est quand même hallucinant. Vous êtes au rang 4, comme
éducatrice...
M. Leduc : ...j'imagine, ça ressemble...
ça veut dire quatre ans d'expérience, quelque chose comme ça, puis vous
rentrez à l'échelon 1, vous avez 7 $ de plus, vous baissez d'échelon,
pour faire un travail somme toute similaire, puis vous baissez d'échelon, mais
vous avez 7 $ de plus. Fascinant. Fascinant. Qu'est-ce qu'on leur dit,
donc, symboliquement, à elles et eux des CPE? On a eu des nombreuses questions
ici, au salon rouge, avec la ministre. C'était soit la ministre de la Famille
qui me répondait, parfois la ministre du Conseil du trésor, la présidente du
Conseil du trésor, vu que c'est un aspect des négos. Bien, on me disait :
La négo continue, etc.
• (12 h 10) •
Mais, quand on fait l'analyse froide des
motivations du gouvernement avec ce projet de loi, le projet de loi
n° 89 que nous étudions depuis ce matin en étude détaillée, vous
regardez l'état des lieux, là, c'est quoi, le conflit important de travail qui
est à nos portes et qui risque d'avoir un impact majeur sur la population,
qui... et qui a déjà un impact majeur sur la population? Je faisais tantôt
référence à la gradation. Bien, les semaines à trois jours de grève, c'est un
gros défi logistique pour beaucoup de gens, pour beaucoup de gens. Moi, à
l'époque, en 2021, quand il y avait eu des grèves prolongées, j'avais la chance
d'être député puis d'avoir une certaine flexibilité dans mon horaire. Je pense
qu'en plus, cette semaine-là, on ne siégeait pas, ça fait que j'étais en circo.
Avec ma conjointe de l'époque, on avait patenté un horaire, mes grands-parents
qui étaient en semi-retraite avec... tu sais, là, ils étaient un peu patchés.
On était, dans les circonstances, très chanceux parce qu'il y a des nombreux
parents qui vivent dans une ville, dans une région, parce qu'ils se sont
expatriés de leur patelin, parce qu'ils n'ont pas de... ils n'ont pas de
parents proches, pas de grands-parents, etc. On est dans une autre situation
pour beaucoup de ces parents-là qui n'ont pas nécessairement un réseau solide
pour palier en situation de grève. Bien, qu'est-ce qu'on nous dit, le
gouvernement, qu'est-ce qu'il nous dit en termes d'analyse de la situation? Il
dit : Là, il y a un conflit qui s'enligne, objectivement, pour dégénérer,
parce qu'il n'y a pas d'offre sur la table pertinente, en tout cas,
visiblement, rien qui s'approche pour accoter Costco puis le service public
scolaire. Qu'est-ce qu'on pense qu'il va arriver? Bien, sans grande surprise,
ça se peut que ce soit la prochaine étape, la grève générale.
Et, au même moment, on dépose un projet de
loi pour limiter le droit de grève et faire un arbitrage exécutif. Là, sur le
volet Arbitrage exécutif, j'ai compris que les CPE n'étaient pas affectés par
ça, si je ne me trompe pas, assez tôt, le ministre y a fait référence. Donc,
pour l'arbitrage exécutoire, j'ai dit «exécutif» tantôt, c'est exécutoire, là,
le gouvernement a dit : Non, non, non, ça, il y a des secteurs complets,
là, écartez et il n'y aura pas de... il n'y aura pas d'arbitrage pour ces
gens-là. Bien, pourquoi il fait ça? C'est quand même étonnant, tu sais. Il
pourrait dire : Je mets fin à la grève avec l'arbitrage. Bien, ce qu'on a
eu comme explication dans les audiences du ministre, c'était : Bien, là,
on parle des deniers de l'État puis de l'État comme employeur. Ah bon? Ça fait
que, quand c'est l'État, l'employeur, puis quand c'est de l'argent public, là,
ça ne peut pas être un arbitrage. C'est intéressant. C'est-tu parce qu'ils
auraient peur que l'arbitrage donne des conditions qui, à ses yeux, seraient
trop généreuses? On parlait tantôt des limitations d'arbitrage, de couper la
poire en deux. Bien, couper la poire en deux, entre le salaire de Costco puis
le salaire actuel des éducatrices non qualifiées, qui est à 2,40 $ d'être
le salaire minimum, là, à partir du 1er mai, peut-être que ça
stresse pas mal le gouvernement, parce qu'évidemment toujours refuser d'aller
chercher des revenus supplémentaires, bien, ça vous limite dans vos capacités à
déposer des budgets équilibrés puis remplir vos obligations d'État employeur
puis de fournir des services de qualité à la population qui paient taxes et
impôts, puis qu'ils s'attendent à ça, avec raison. Bon. Il faut vraiment être
un peu pogné.
Mais quel message ça envoie? Puis je n'ai
pas entendu ni le ministre du Travail, ni la présidente du Conseil du trésor,
ni la ministre de la Famille s'engager et rassurer le secteur des CPE, qui se
dirige vers la grève en généralité, et leur dire : Là, il y a ça, là, il y
a le 89, là, mais on ne s'en servira pas avec vous autres. Je ne l'ai pas
entendu prononcer ces mots-là. Je répète, ni le ministre du Travail, ni la
présidente du Conseil du trésor, ni la ministre de la Famille. Deux
explications pourquoi je n'ai pas entendu prononcer ces mots-là. Il n'y en a
pas 50, il y en a juste deux, soit parce que ça n'a pas adonné...
M. Leduc : ...ou soit parce
que c'est ça, l'objectif, que là on veut se donner d'un outil législatif, que
je considère autoritaire, pour casser une grève. On a fait référence aussi, le
ministre l'a dit depuis ce matin, à la grève des profs. On a tous deviné et
tous très bien compris que, si le p.l. 89 avait été en fonction pendant la
grève des profs de l'an dernier, que moi, je qualifie de grève héroïque, en
particulier, notamment, les profs de la FAE, qui n'avaient pas de fond de
grève... on a tous compris que, si le p.l. 89 avait été en vigueur l'an dernier
avec la grève de la FAE, bien, le... ça aurait été appliqué.
Le Président (M. Allaire) : M.
le député, je vous invite simplement à la prudence pour ne pas prêter des
intentions dans ce cas-ci. Je comprends que vous exprimez une opinion, mais la
ligne, elle est très mince. Faites attention, s'il vous plaît.
M. Leduc : Parfait. Je vais me
discipliner, M. le Président. Donc, si c'est un peu ça, l'opinion qu'on peut
laisser entendre ou qu'on peut deviner ou analyser des commentaires du
ministre, qui fait référence à la grève des profs quand on parle de conflits de
travail, on peut en déduire ça, que ça aurait peut-être été un instrument
utilisable, pour le moins, par le gouvernement il y a un an.
Bien, c'est quoi le conflit similaire qui
s'en vient qui s'en approche le plus? C'est celle-là. C'est 400 CPE, si je ne
me trompe pas, qui sont affiliés à la CSN à la grandeur du Québec. C'est
beaucoup de monde, ça. C'est des milliers de travailleurs, travailleuses,
éducatrices, responsables en alimentation, de gens à l'administration, des
milliers de personnes dans toutes les régions du Québec, là, pas d'une région
ou d'une autre, partout. Partout au Québec, elles sont là. Et là on a un gouvernement
qui leur dit : En tout cas, négociez comme vous voulez, mais p.l. 89, il
est là, il s'en vient. Puis d'habitude un gouvernement qui se dote d'un pouvoir
vise à l'exercer.
Je lisais un mémoire hier du CRIMT, je
pense, qui utilisait la métaphore de Tchekhov, je ne sais pas si je vais le
retrouver, mais c'est un... évidemment, un dramaturge russe bien connu. Alors,
je vous lis un extrait du mémoire du CRIMT, ça m'a bien fait rigoler, page
47 : «Principe dramaturgique, la métaphore du fusil de Tchekhov. Principe
dramaturgique attribué à l'auteur de théâtre russe Anton Tchekhov, qui aurait
notamment dit : "Si, dans le premier acte, vous dites qu'il y a un
fusil accroché au mur, alors il faut absolument qu'un coup de feu soit tiré
avec au second ou au troisième acte. S'il n'est pas destiné à être utilisé, il
n'a rien à faire là."»
Donc, la métaphore du fusil de
Tchekhov : si vous inventez un moyen législatif dans une situation donnée,
c'est assez normal de prendre pour acquis qu'il va être utilisé dans ladite
situation donnée. Alors, si en pleine grève, partielle pour l'instant, des CPE,
on a un gouvernement qui se dote, qui veut se doter de pouvoirs assez
autoritaires en matière de restriction des droits de grève, bien là, je ne
pense pas qu'on est en train de faire des procès d'intention, M. le Président,
en prenant pour acquis que, si le gouvernement se dote d'un pouvoir, c'est
qu'il a l'intention de s'en servir.
Puis là la grève générale, elle est à nos
portes, là. On avait un petit espoir la fin de semaine dernière... pas
celle-ci, celle d'avant, il y a deux fins de semaine, M. le Président, petit
espoir. J'avais même taquiné la présidente du Conseil du trésor ici, au salon
rouge, en disant : Je vous mets au défi, Mme la Présidente du Conseil du
trésor, réglez en fin de semaine. Comme ça, les trois jours de grève, qui
allaient commencer le lundi, mardi, mercredi, peuvent être annulés. Hein, des
grèves qui sont annoncées d'avance, ce n'est pas une fatalité. Si on trouve un
règlement entre-temps, on annule la grève puis tout le monde est content. On
retourne travailler, tout le monde, on fignole les trois, quatre virgules de
l'entente de principe, puis on signe quelque chose, avec une belle petite
photo, puis une belle publication sur les réseaux sociaux, puis des beaux
communiqués quelques semaines plus tard.
Les échos que j'ai eus, c'est que ça avait
quand même avancé durant la fin de semaine, qu'il y avait eu des... du bon à la
table de négo sur les CPE, mais malheureusement pas de règlement, pas de
règlement. Et là, pas de règlement, la gradation, là, normale, convenue,
j'oserais dire, d'à peu près tout le monde dans le milieu du travail, l'étape
qui reste, bien, c'est la... c'est la grève générale. Et là les braves
travailleuses et travailleurs, éducatrices des CPE vont se poser la question,
là, dans le déclenchement d'une grève générale, ils vont se poser une double
question, en fait : Quand est-ce... Là, on commence, mais quand est-ce que
ça va finir? Combien de temps ça va prendre? C'est une question lourde, ça,
parce qu'en plus elles l'ont, pour la plupart, vécu il y a quelques... quelques
années à peine. Il y a quatre ans, 2021. Ça ne fait pas des...
M. Leduc : ...ils ont une mémoire
très vive de ça. Puis il y a quatre ans, c'était particulier, M. le Président,
on sortait de presque deux ans de pandémie, pendant lesquels, à toutes les
semaines, le premier ministre se faisait un devoir, puis il avait raison de le
faire, parce que je trouvais que c'était un moment sympathique, de saluer tous
nos anges gardiens. Il le faisait dans sa conférence de presse, là,
quotidienne. C'était à 13 heures, je pense. Je m'en rappelle, c'était
pendant la sieste de la petite. Ça fait qu'on se donnait un petit moment pour
l'écouter. Conférence de presse quotidienne du premier ministre. Puis finalement
il a pris l'habitude de nommer des anges gardiens. C'était beaucoup des
employés du secteur de la santé, bien sûr, mais il a nommé, je pense que ça a
été plus large, me je me rappelle d'une fois ou deux qu'il avait nommé les
éducatrices, les travailleurs de CPE, notamment parce qu'ils avaient été
restés... étaient restés ouverts pour une partie de population, là. Ce n'est
pas tout le monde qui peut envoyer son enfant, bien sûr, mais les travailleurs
essentiels de la pandémie pouvaient évidemment envoyer leur enfant parce
qu'autrement ils n'auraient pas pu aller travailler, des infirmières, des préposés
aux bénéficiaires, etc.
• (12 h 20) •
Bien, il s'était fait dire pendant la
pandémie, période extrêmement dure pour tout le monde, qu'ils étaient des anges
gardiens, que la nation, là, fonctionnait dans les circonstances, en bonne
partie parce qu'elles étaient en train de faire leur travail. Bien, c'est
gratifiant, ça, quand le premier ministre du Québec, en direct à la télévision
nationale, vous qualifie d'ange gardien. C'est un beau moment. Ça marque les
esprits avec raison. Et encore une fois, je le dis, je crois que c'est un beau
geste du premier ministre à ce moment-là. Mais les bottines n'ont pas suivi les
babines, comme on dit. Quand est arrivé le moment de négocier pour ajuster les
conditions de travail, là, bien, le gouvernement n'était plus là. Le gouvernement
n'était plus dans cette même logique d'ange gardien.
Donc, il y avait eu des beaux mots, mais
ça ne s'est pas accompagné de conséquences. Il faut donc prendre en compte
cette situation-là où le gouvernement, dans un contexte de conflit de travail
qui dégénère, qu'il n'est pas capable de régler, qu'il pourrait régler
facilement s'il mettait une offre décente pour accoter le salaire du Costco ou
du secteur scolaire. Il y a le p.l. no° 89 qui est là. Puis ils vont se
poser une question très sérieuse : Est-ce qu'on va en grève? Combien de
temps ça va finir... ça va durer? Et surtout, est-ce que le 89 va nous tomber
sur la tête pendant ce chemin-là? Et je souhaite de tout cœur que s'il y a une
grève, qu'il y ait un conflit travail serein, mais surtout qu'ils obtiennent un
règlement rapidement, puis qu'on évite si possible la grève, mais certainement
qu'on évite le p.l. no° 89dans leurs pattes.
Le Président (M. Allaire) :
Merci, M. le député. M. le ministre, la parole est à vous.
M. Boulet : Oui. Merci,
M. le Président. Évidemment, pour les mêmes raisons déjà invoquées, cette
motion ne peut être acceptée. En même temps, je ne veux pas m'immiscer dans un
processus de négociation en cours. J'ai beaucoup de respect pour les parties,
les éducateurs, les éducatrices, les familles, les parents, les enfants, et moi
aussi, je souhaite un règlement rapide à la satisfaction des parties. Je pense
que tout est sur la table. Il s'agit de faire une entente et de régler ce
dossier-là. Et ceci dit, il faut faire attention avec les mécanismes qui sont
dans le projet de loi. Il y a deux mécanismes ou deux outils. Le premier
s'applique aux CPE, les services minimalement requis pour assurer la sécurité
de la population affectée de manière disproportionnée. Mais le deuxième
mécanisme d'arbitrage ne s'applique pas parce qu'on est dans la sphère des
finances publiques et ne s'applique pas dans le cas des CPE. Je ne sais pas si
mon collègue... Le deuxième mécanisme ne s'applique pas. O.K. On se comprenait
là-dessus. O.K. C'est tout, c'est complet, M. le Président.
Le Président (M. Allaire) :
Merci. D'autres interventions concernant cette motion préliminaire. M. le
député de Jean-Talon, vous souhaitez intervenir? Ça va? S'il n'y a pas d'autre
intervention, nous allons procéder à la mise aux voix de la motion
préliminaire. Est-ce que cette motion est adoptée?
Une voix : Par appel nominal.
Le Président (M. Allaire) :
Par appel nominal. M. le secrétaire.
Le Secrétaire
: Pour,
contre, abstention, M. Leduc (Hochelaga-Maisonneuve)?
M. Leduc : Pour.
Le Secrétaire
: M. Boulet
(Trois-Rivières)?
M. Boulet : Contre.
Le Secrétaire
: M. Caron
(Portneuf)?
M. Caron : Contre.
Le Secrétaire
: M. Dufour
(Abitibi-Est)?
M. Dufour : Contre.
Le Secrétaire
: Mme Picard
(Soulanges)?
Mme Picard : Contre.
Le Secrétaire
: Mme Lachance
(Bellechasse)?
Mme Lachance : Contre.
Le Secrétaire
: M. Martel
(Nicolet-Bécancour)?
M.
Martel
:
Contre.
Le Secrétaire
: Mme Prass
(D'Arcy-McGee)?
Mme Prass : Abstention.
Le Secrétaire
: M. Paradis
(Jean-Talon)?
M. Paradis : Pour.
Le Secrétaire
: M. Allaire
(Maskinongé)?
Le Président (M. Allaire) :
Abstention. Cette motion est donc rejetée.
On poursuit donc avec une quatrième motion
préliminaire déposée par le député d'Hochelaga-Maisonneuve. La parole est à
vous.
M. Leduc : Merci, M. le
Président. La motion se lit comme suit : «Que, conformément à
l'article 244 du règlement de l'Assemblée nationale, la Commission de
l'économie et du travail, avant d'entreprendre l'étude détaillée du projet de
loi n° 89, Loi visant à considérer davantage les besoins de la population
en cas de grève ou de lockout, tienne des consultations particulières et qu'à
cette fin elle entende...
M. Leduc : ...le Syndicat des
salariés d'entretien du Réseau de transport de la Capitale. Avez-vous la bonne
version à l'écran?
Le Président (M. Allaire) : Non,
mais on va la mettre...
M. Leduc : On va la mettre.
Le Président (M. Allaire) : ...ça
ne sera pas très long. Vous pouvez poursuivre. Ça va.
M. Leduc : Dans la liste des
groupes que le ministre fait référence, donc, ce matin, on a eu : Syndicat
Notre-Dame-des-Neiges, les transports scolaires. On vient de parler des CPE. Un
autre qui est souvent utilisé par le ministre, c'est celui du RTC, la grève qui
a eu lieu en juillet 2023, si ma mémoire est bonne, qui a duré quatre jours ou,
en tout cas, quelque chose comme ça. Le ministre s'en sert souvent de cet
exemple-là. D'ailleurs, c'est une des premières fois, je me rappelle que, moi,
on me demandait de me prononcer, tu sais, puis je pense que le maire de Québec
avait dit : Oui, mais là ça devrait être un service essentiel. Et là le
ministre était un peu, je dirais, assis entre deux chaises, en ce sens que ça
ne fait pas si longtemps qu'on avait adopté la loi pour mettre à jour la
définition de services essentiels. Ça ne faisait pas partie de sécurité
physique des personnes.
Donc, on avait eu une espèce d'échange par
communiqué et citation interposés où on devait se poser la question, est-ce que
le RTC fait partie de ça. Puis au regard très froid des critères que nous
avions nous-mêmes adoptés ici, en cette Chambre, en 2019, bien, ça n'affectait
pas la sécurité physique et la santé physique des personnes, une grève du RTC,
aussi désagréable logistiquement puisse-t-elle être. J'ai... Je suis assez
vieux maintenant, pour avoir été longtemps un usager, je le suis encore
d'ailleurs à l'occasion, un usager du métro de Montréal, notamment quand
j'étudiais à l'UQAM, où il y avait eu quelques grèves à la STM à l'époque et...
bien, le métro, il ne passait pas à toutes les heures de la journée. C'était
l'ancienne loi où là il y avait des restrictions, puis il fallait utiliser des
périodes particulières pour aller et revenir à Montréal, autrement, on
attendait.
Cette grève-là, si mon souvenir est bon,
au RTC a été, je dirais... Le cadre de ça, c'était le Festival d'été de Québec,
hein, c'est pour ça que ça brassait un peu du côté notamment de la mairie. Mais
il y avait le Festival de Québec, un événement monstre, là, dans la région...
dans la belle région de Québec, qui attire des dizaines et des dizaines de
milliers de touristes du Québec, du Canada, des États-Unis, d'un peu partout
dans le monde, en fait, et qui et qui est très populaire, très populaire, le
Festival d'été de Québec. J'en suis moi-même un participant à quelques
occasions. Il y avait donc, pour le syndicat des transports de la RTC, des
employés de la RTC, une occasion à ne pas manquer, hein? Le ministre a fait
assez de relations de travail pour comprendre la nature d'un rapport de force.
Un rapport de force, d'ailleurs, des fois,
on cherche un équivalent en anglais puis ça n'existe pas vraiment. C'est un
terme très, très particulier en français. Le rapport de force, c'est de voir
laquelle des deux parties a symboliquement, effectivement, le haut du bâton,
comment ils peuvent utiliser toutes sortes d'éléments pour construire, on dit
ça, «construire un rapport de force» par rapport à son vis-à-vis. C'est donc
une manière qui existe pour la partie syndicale de se faire entendre, quel est
ton rapport de force. La grève, on l'évoquait tantôt, est elle-même une
participation à la construction de ce rapport de force là. Et là, devant le
Festival d'été de Québec qui allait avoir lieu, le RTC, le syndicat du RTC a
dit : Bien, voilà, notre rapport de force, il est là, et nous allons
l'exercer. Bien, c'est comme ça que ça marche, les négociations, les deux
parties, patronales comme syndicales, profitent du contexte pour exercer un
rapport de force.
Quand Trump menace des tarifs puis qu'il y
a des industries qui menacent de fermer, qu'est-ce que vous pensez que vous
pensez que les patrons font? Bien, ils utilisent le rapport de force du
contexte, en disant : Peut-être qu'on va être obligés de baisser les
salaires ou de renoncer à une partie du fonds de pension ou de baisser un peu
les assurances, sinon, on ferme, il n'y a plus d'emploi. Mais c'est
l'utilisation d'un contexte géopolitique, économique pour exercer un rapport de
force. Vous ne verrez pas un ministre du Travail commencer à passer des lois
pour interdire les employeurs d'utiliser un contexte x ou y pour se construire
un rapport de force. C'est ça, la négociation. Mais c'est ça que le RTC a fait
dans le contexte, le syndicat de la RTC a fait.
Le ministre faisait référence, dans ses
explications, tantôt, sur la portion RTC, puis il l'a fait en audience aussi,
puis je vous avoue que ça m'a un peu hérissé le poil des bras aux gens...
M. Leduc : ...au salaire
minimum. Il a dit : Les gens au salaire minimum ont besoin des transports
collectifs. C'est un service de bien-être, là, je ne sais pas laquelle des
trois catégories, là, sociales, économiques, environnementales. J'imagine que,
dans ce cas-ci, ça va être économique, mais il l'a dit, le plus sérieusement du
monde : Les gens au salaire minimum ont besoin des services d'autobus.
Bien, il a raison, il a raison, mais j'aimerais ça qu'il ait raison plus
souvent, notamment sur la hauteur du salaire minimum.
Le Président (M. Allaire) : Merci.
Merci, M. le député. Déjà 12 h 30, vous allez pouvoir reprendre cet
après-midi.
Donc, compte tenu de l'heure, la
commission suspend ses travaux. Merci, tout le monde. Bon dîner.
(Suspension de la séance à 12 h 30)
15 h (version non révisée)
(Reprise à 15 h 27)
Le Président (M. Allaire) : Alors,
à l'ordre, s'il vous plaît. Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de
la Commission de l'économie et du travail ouverte. La commission est réunie
afin d'entreprendre l'étude détaillée du projet de loi n° 89, Loi visant à
considérer davantage les besoins de la population en cas de grève ou de
lockout.
Donc, si vous vous souvenez, là, nous
étions, ce matin, sur un amendement déposé par le député d'Hochelaga-Maisonneuve.
M. le député d'Hochelaga-Maisonneuve, je vous laisse la parole. Il vous reste
24 minutes sur la motion préliminaire que vous avez déposée.
M. Leduc : Merci, M. le
Président. Donc, en effet, j'avais déposé une motion préliminaire, que nous
avions commencé à discuter, sur l'opportunité de faire venir en commission les
syndicats qui représentent le RTC. C'est un exemple donc souvent utilisé par M.
le ministre, pardon, pour justifier son intervention législative.
On se rappelle bien sûr de la grève de
quatre jours qui a eu lieu à l'été 2023, en juillet si je ne me trompe
pas, en lien avec le Festival d'été de Québec, le FEQ. Je suis allé relire,
pendant la pause dîner, des extraits du jugement en lien avec le deuxième
volet, parce que, dans le fond, il y a eu deux séquences de services
essentiels, du moins de tentatives d'intégrer le RTC dans le giron des services
essentiels de la part du... bien, de la direction du RTC, les employeurs. La
première avait été faite pendant le conflit, donc de juillet 2023. Je pense
que, là, c'était le conflit avec les chauffeurs d'autobus. Et là il y a une
autre tentative un peu plus récente, donc en novembre 2024, en lien avec une
grève des salariés d'entretien, donc deux corps d'emplois distincts. J'assume
qu'ils sont dans des unités différentes, peut-être dans le même syndicat, mais
deux unités différentes.
Je vais vous en lire quelques extraits, M.
le Président. Donc, c'est le Tribunal du travail, bien sûr, le TAT qui rend sa
décision le 19 novembre 2024, devant le juge administratif Pierre-Etienne
Moran : «Une grève des salariés d'entretien du Réseau de transport de la
capitale, le RTC ou l'employeur, entraînera à terme l'interruption complète du
service de transport en commun à Québec. S'agit-il d'un service essentiel? C'est-à-dire
un service dont l'interruption peut avoir pour effet de mettre en danger la
santé ou la sécurité publique. Voilà la seule question à laquelle doit répondre
le tribunal dans le cadre de son enquête. Suivant l'article 111. 0.17 du
Code du travail. Une réponse affirmative permettra au tribunal de rencontrer...
de rendre, pardon, une ordonnance assujettissant le Syndicat des salariés d'entretien
du RTC-CSN...
M. Leduc : ...dit le syndicat
et le RTC a l'obligation de maintenir des services essentiels en cas de grève.
Sans contredit, l'assujettissement à une telle obligation constitue une
restriction au droit de grève désormais constitutionnalisé... la preuve ne
démontre pas qu'une telle grève peut avoir pour effet de mettre en danger la
santé ou la sécurité publique. Par conséquent, il n'est pas indiqué de
prononcer une ordonnance selon laquelle les parties doivent maintenir les
services essentiels s'il y a grève». Donc, on comprend que la partie patronale
a échoué dans sa tentative de démontrer qu'il y avait là danger, santé,
sécurité physique des personnes. Je résume un peu les positions, là, positions
des partis, l'employeur. «Le RTC plaide qu'une ordonnance d'assujettissement
doit être ici prononcée car les salariés représentés par le syndicat rendent
des services dans l'interruption pourrait avoir pour effet de mettre en danger
la santé ou la sécurité de la population». On évoque que l'absence d'autobus
augmenterait les détails... les délais d'intervention des services d'urgence. Ensuite,
il pointe l'impossibilité d'accès aux soins de santé affectant surtout les
personnes vulnérables ainsi que les effets de l'absence d'autobus disponibles
sur les différents partenaires avec lesquels il y a des ententes en cas
d'urgence ou de sinistre. J'attire votre attention sur personnes vulnérables,
hein, c'est un terme que le ministre utilise souvent, je pense même qu'il est
dans un des libellés du projet de loi. On y reviendra. Enfin, pour le RTC, la
grève de 2023 n'est pas pertinente dans la présente enquête, puisqu'elle s'est
déroulée dans une très courte période et durant l'été. Alors ça, c'est quand
même drôle, ils avaient échoué dans la première tentative, mais là il décide de
s'en distancer. Finalement, la grève, ce n'est pas trop grave de 2023, ça ne
devrait pas être pertinent dans l'étude. Quand même rigolo.
• (15 h 30) •
La défense du syndicat va comme
suit : Le syndicat plaide que l'interprétation restrictive de
l'article 111.0.17 du Code du travail adoptée jusqu'ici par le tribunal et
particulièrement dans la décision RTC, chauffeurs d'autobus, est appropriée,
qu'il n'y a aucune raison de s'en écarter. Je vous disais tantôt qu'il y avait
eu un jugement plus tôt sur la partie chauffeur. Et là le syndicat dit :
Bien, vous aviez fait une bonne décision, on ne pense pas qu'il y a lieu de
s'écarter de ça. C'est logique comme défense. Il estime que l'assujettissement,
toujours le syndicat, «il estime que l'assujettissement n'est pas justifié. Il
n'y a aucune preuve d'une mise en danger de la santé ou la sécurité publique en
cas d'interruption de travail des salariés d'entretien et incidemment de
l'absence du service de transport en commun. En ce qui concerne la dégradation
des délais d'intervention des systèmes d'urgence en raison de la congestion
routière provoquée par une grève, le syndicat réitère les conclusions de la
décision RTC, chauffeurs d'autobus. De toute façon, la preuve nouvelle sur
cette question ne soutient pas la position du RTC, ajoute-t-il». Enfin, le
syndicat appelle le tribunal à considérer l'impact de la grève ayant eu lieu
entre le 1er et le 5 juillet 2023, s'agissant d'une — citation —
«opportunité inespérée de faire une analyse fine des effets réels, pratiques et
sur le terrain et non purement théorique, modélisée, escomptée potentiellement
ou supputée», donc le syndicat se cite en disant : Mais, voilà, on avait
l'occasion de le voir, cette fameuse tentative de faire croire qu'une grève de
transport allait tout faire... allait générer du chaos. Il dit : Bien, voilà,
on l'a vu, ce n'est pas le cas.
Et là le jugement commence, analyse, le
cadre juridique, l'article 111.0.17 du Code du travail se lit comme
suit :
«Lorsqu'il est d'avis qu'une grève peut
avoir — là, c'est l'article 11.0.17 — lorsqu'il est
avis qu'une grève peut avoir pour effet de mettre en danger la santé ou la
sécurité publique, le tribunal peut, de son propre chef ou à la demande d'un
employeur ou d'une association accréditée dans un service public, peut ordonner
à ceux-ci de maintenir le service essentiel en cas de grève. Pour le même
motif, le tribunal peut, de son propre chef ou à la demande d'une entreprise
qui n'est pas visée à l'article 111.0.16 ou d'une association accréditée
de cette entreprise, ordonner à ceux-ci de maintenir des services essentiels en
cas de grève si la nature des opérations de cette entreprise la rend
assimilable à un service public. L'entreprise est alors considérée comme un
service public pour l'application du présent code. Le tribunal peut en outre
rendre une décision en application du premier ou du deuxième alinéa à la
demande d'une personne autre qu'une partie s'il juge qu'elle a un intérêt
suffisant. À compter de la date de la notification de la décision du tribunal
aux parties, l'exercice du droit de grève est suspendu jusqu'à ce que
l'association accréditée en cause se conforme aux exigences des
articles 111.0.18 et 111.0.23.»
Et là on sort donc de l'analyse de
l'article comme tel qui mobilise cet exercice-là, on retourne à l'analyse du
tribunal : «Aux fins de décider s'il convient d'assujettir les parties à
l'obligation de maintenir des services essentiels en cas de grève, le syndicat
soutient qu'il faut examiner si l'interruption des services fournis par les
salariés qu'il représente peut avoir pour effet de mettre en danger la santé ou
la sécurité publique, c'est-à-dire une menace réelle, évidente et imminente. Le
RTC appelle à une interprétation élargie de la notion de danger. Il argue dans
une interprétation restrictive... il argue qu'une interprétation restrictive
telle que celle suggérée par le syndicat est retenue dans la décision RTC,
chauffeurs d'autobus, ajoute à la loi en posant des exigences qui n'y sont pas
prévues, et ce, sans que sa constitutionnalité n'ait été contestée. Il ajoute
qu'un tel seuil serait en décalage avec les textes de la loi et l'intention du
législateur qui se dégage des propos du ministre du Travail qui parle
d'incidence ou d'impact à l'occasion...
15 h 30 (version non révisée)
M. Leduc : ...les débats
entourant l'adoption de la nouvelle mouture de l'article 111.0.7 du Code
du travail en 2019. Le RTC se trouve à réprouver cette direction que le Tribunal
faisait entre les risques et le danger. Je dis souvent aux ministres ici, d'ailleurs
à micro ouvert, que nos échanges ont un impact sur le droit, bien, le voilà, le
Tribunal a cité des échanges, des propos du ministre, que nous avions eus dans
le cadre de la précédente adoption, en 2019, de cet article-là.
Je continue : «Le législateur a attribué
au Tribunal la compétence d'assurer l'application diligente et efficace du Code
du travail et d'exercer les autres fonctions que ce code que toute autre loi lui
attribue. Les droits de grève et de lockout sont encadrés par les dispositions
du chapitre 5 du Code du travail. Le chapitre 5.1 de cette même loi
renferme quant à lui des dispositions particulières aux services publics, ce qu'est
le RTC en tant qu'entreprise de transport par autobus. Le droit de grève
constitue un élément essentiel d'un processus véritable de négociation
collective. Il n'est pas seulement dérivé de la négociation collective, il en
constitue une composition indispensable. La Cour suprême l'a consacré
constitutionnellement en 2015 — et là c'était une citation de l'arrêt
Saskatchewan.
«Cependant, il arrive que ce droit
conditionnel ne puisse être exaucé dans sa plénitude par les salariés d'un
service public, car le maintien des services essentiels s'impose. Cette
obligation est déclenchée suivant une décision du Tribunal assujettissant les
parties à ce régime d'exception, conformément à l'article 111.0.17 du Code
du travail qui lui confère un pouvoir en ce sens. Dans la décision. RTC
chauffeur d'autobus, le Tribunal s'est livré à une interprétation de la notion
de danger, notamment en fonction du texte et de l'objet de la loi, mais aussi
du contexte ayant donné lieu à l'adoption de la nouvelle mouture de l'article 111.0.17
du Code du travail. En effet, le texte de la disposition ainsi que la
consécration du caractère conditionnel du droit de grève et l'interprétation
restrictive qu'il sied d'accorder à la notion de service essentiel, comme l'enseigne
la Cour suprême dans l'arrêt Saskatchewan, ont amené le Tribunal à envisager le
danger comme une menace réelle, évidente et imminente pour la vie, la sûreté,
la santé ou la sécurité de la population. La prudence est de mise afin de bien
distinguer le danger du risque, comme le souligne le Tribunal. La lecture de
ces quelques définitions tirées Dictionnaire de la langue française mène au
constat que la notion de danger est beaucoup plus restreinte que celle de
risque. Si la première comprend immanquablement la seconde, l'inverse n'est pas
vrai. Cette interprétation tirée du texte est d'ailleurs conforme au contexte
plus général qui appelle lui aussi une interprétation restrictive du danger en
phase avec l'arrêt Saskatchewan.
«La Cour suprême fait sienne l'approche du
Comité de la liberté syndicale du Bureau international du travail, soit une
menace évidente et imminente pour la vie, la sécurité et la santé. Le danger
est tout à fait étranger aux désagréments, aux inconvénients, aux incommodités
et aux préjudices économiques. En ce sens, il faut se garder de qualifier un
danger qui n'en est pas réellement un et qui pourrait amener le Tribunal, bien
malgré lui, à substituer à la notion de service essentiel celle de service
minimal de fonctionnement. Or, c'est un autre terme qu'on utilise ici, «service
minimal de fonctionnement», on n'est pas loin de la langue du ministre, là, les
bien-être, etc. Intéressant.
«Solutions de rechange et des mesures d'atténuation.
L'identification d'un danger appelle à considérer l'existence de solutions de
rechange et de mesures d'atténuation. C'est donc dire qu'il faut examiner la
situation dans son ensemble afin de déterminer s'il existe une façon d'éviter d'amoindrir
le droit de grève en recourant à des moyens qui permettent, dans les faits, qu'elle
ne mette pas en danger la santé ou la sécurité publique. La raison... La
question qui se pose est celle de l'existence, de la disponibilité et non des
solutions de rechange ou des mesures d'atténuation. Il faut se garder de
considérer les préférences ou les souhaits des usagers.
«La causalité entre la grève et le danger.
Le tribunal devrait identifier en lien un lien de causalité entre ce danger et
la grève elle-même. En effet, l'article 11.0.17 du Code du travail réfère
à une grève qui peut avoir pour effet de mettre en danger la santé ou la
sécurité publique. Par conséquent, le tribunal doit agir avec circonspection et
ne saurait faire porter à une grève éventuelle et restreindre de ce droit la
responsabilité des situations appréhendées et dont il ne serait pas la cause.
Ce faisant, il faut éviter d'apprécier l'existence d'un danger de façon absolue
et totalement désincarnée du contexte et de la réalité dans laquelle ils se
posent. C'est pourquoi un certain exercice d'appréciation relative s'impose
afin de tenir compte de l'ensemble de l'environnement dans l'évaluation d'une
situation donnée qui paraît poser un danger pour la santé et la sécurité
publique. Par exemple, il apparaîtrait totalement incongru de considérer
strictement et isolément l'impact d'une grève sur la durée d'un transport
ambulancier, sans égard à la réalité normale et quotidienne à laquelle ces
premiers répondants sont confrontés, par exemple, les conditions
météorologiques, l'état de la chaussée, le manque de ressources, nombre d'appels
important, surcharge du réseau de santé, etc. Ce serait là faire porter à la
grève une responsabilité qu'elle n'a peut-être pas. Bref, la prudence s'impose.
«Par ailleurs, dans certaines
circonstances, le lien de causalité entre la grève et le danger pourrait se
révéler, se révéler aléatoire, notamment en raison de l'inaction ou du défaut d'agir
d'un tiers. Pensons au cas où des autorités publiques ont le mandat de protéger
la santé ou la sécurité de la population, ou encore de remplir plus largement d'autres
missions et qu'elles doivent s'adapter... adapter leurs façons de faire à l'occasion
d'une grève. En d'autres mots, si tant est qu'il existe dans le présent dossier
un danger...
M. Leduc : ...du fait de la
grève en raison notamment d'un transfert des usagers privés de transport en
commun vers l'automobile pouvant provoquer une circulation routière plus
importante, il faudra s'interroger sur le rôle que pourraient jouer les
autorités publiques dans le contrôle des flux et des débits de la circulation
aux endroits névralgiques, pour ne nommer que ces aspects. Elles ne sauraient
être passives ou se dérober à leurs responsabilités.»
• (15 h 40) •
Il finit de s'autociter, il revient à
l'analyse : «Cette interprétation se situe dans le sillage d'une
jurisprudence constante du tribunal depuis qu'il a compétence en matière
d'assujettissement au maintien des services essentiels dans un service public.
Soulignons au passage que cette interprétation restrictive de la notion de
danger, que ramène à l'avant-plan l'arrêt Saskatchewan, diverge en effet d'une
approche plus large qui a peut-être trouvé écho dans la jurisprudence
antérieure que le RTC met de l'avant en l'espèce. Avec égards, non seulement
faut-il distinguer le risque du danger, mais il ne faut guère négliger que le
législateur n'a pas assujetti les sociétés de transport en commun à un service
minimum de fonctionnement, spécialement dans le cas d'un conflit de travail.
«Comment la notion de service essentiel...
Commentant la notion de service essentiel, le professeur Jean Bernier
écrit : "Bien que les organes de surveillance aient fondé leur
décision sur la base de la notion stricte de service essentiel, à savoir ceux
dont l'interruption peut mettre en danger la santé et la sécurité du public, il
y a lieu de se demander si on n'assiste pas à un risque d'une certaine dérive
de la notion de service essentiel vers celle d'un service minimum de
fonctionnement en raison d'une interprétation de plus en plus large du
concept."» Intéressant. Intéressante contribution de M. Jean Bernier ici.
Je ne peux m'empêcher de penser à la
motion qui avait été déposée par la troisième opposition, il y a quelques mois,
sur les services de traversiers. Alors, il y avait les traversiers qui étaient
en grève, surtout dans la Côte-Nord et le Bas-St-Laurent, si je ne me trompe
pas, et ça causait, bien sûr, une forme de pression économique dans la région.
Et nos collègues avaient déposé une motion qui souhaitait que les transports de
traversier soient intégrés dans la notion de service essentiel. Bien sûr, on ne
modifie pas la loi à travers une motion sans préavis déposée un bon matin, une
maudite chance, mais ça avait posé le... un problème théorique important pour
le ministre puis pour l'ensemble des... de la classe politique, pour honnête,
M. le Président, parce que, bien sûr, une grève de traversiers, ce n'est pas
extrêmement populaire, bien sûr. Le député de Matane, je pense, qui avait
déposé la motion, qui était concerné, de premier chef, par cette grève-là, on
avait eu une petite passe d'échange, je pense, sur les réseaux sociaux, où
j'avais un peu critiqué cette motion-là, je l'avais qualifiée d'antisyndicale,
et il m'avait dit... il m'avait mis au défi de venir la défendre dans les
radios du Bas-Saint-Laurent. Ça m'aurait fait plaisir. L'invitation n'est
jamais venue.
Cela dit, bien sûr que c'est désagréable,
une grève de transports, de traversiers, bien sûr que c'est désagréable, une
grève d'autobus, bien sûr, personne ne dit le contraire, personne ne dit que
c'est un moment apprécié par tout le monde. Ce n'est pas agréable, une grève de
professeurs, ce n'est pas agréable, une grève d'éducatrices et de travailleuses
et travailleurs en CPE. Personne n'apprécie ça, une grève, M. le Président.
Mais ce n'est pas ça, la question. Et le danger, dans le système politique dans
lequel nous sommes, c'est de basculer dans une forme de réponse automatique et
d'un bouton simple, comme je le disais tantôt, le bouton... à un problème qui
est posé par quelques personnes, quelques... quelques acteurs donnés comme...
et de chercher une solution immédiate, facile. Le ministre, je pense, est tombé
dans le piège avec son projet de loi, mais très, très clairement, la cour... le
TAT ici nous indique que ce n'est pas la bonne voie à suivre.
Je poursuis la lecture du jugement. «Du
reste, on ne saurait inférer de l'utilisation du verbe conjugué
"peut" dans la disposition législative que l'ordonnance
d'assujettissement s'impose dès lors qu'une simple possibilité de danger
existe. Ce faisant, on compromettrait l'application harmonieuse de la
disposition avec le contexte global, de même que l'objet du Code du travail
prévoyant un droit de grève et un régime d'exception pour les services publics.
En somme, pour le tribunal, dans le présent dossier, c'est en fonction de cette
interprétation restrictive selon laquelle le danger pour la santé ou la
sécurité publique s'entend d'une menace réelle, évidente et imminente qu'il
faudra déterminer si une grève des salariés d'entretien peut avoir un tel
effet, justifiant dès lors une ordonnance d'assujettissement. Mais il y a
davantage. Une telle interprétation est conforme aux enseignements de l'arrêt
Doré contre le Barreau du Québec, dans lequel la Cour suprême établit la
manière dont un tribunal ou un organisme administratif doit appliquer les
valeurs de la Charte canadienne des droits et libertés, dite la Charte, dans
l'exercice d'un pouvoir discrétionnaire qui lui est conféré par la loi. Comment
un décideur administratif applique-t-il donc les valeurs consacrées par la
Charte dans l'exercice d'un pouvoir discrétionnaire que lui confère la loi? Il
ou elle met en balance ses valeurs et les objectifs de la loi. Lorsqu'il
procède à cette mise en balance, le décideur doit d'abord se pencher sur les
objectifs en question. Ensuite, le décideur doit se demander comment protéger
au mieux la valeur en jeu consacré par la Charte compte tenu des objectifs...
M. Leduc : ...par la loi.
Cette réflexion constitue l'essence même de l'analyse de la proportionnalité et
exige que le décideur mette en balance la gravité de l'atteinte à la valeur
protégée par la charte, d'une part, et les objectifs que vise la loi, d'autre
part. Certes, il faut constater que l'article 111.0.17 du Code du travail, par
ses effets, peut effectivement mettre en cause une valeur ou un droit garanti
par la charte, en l'occurrence la liberté d'association et donc le droit de
grève... qui en découle.
«Cela dit, l'objectif législatif est
d'éviter que la santé et la sécurité publique ne soient mises en danger par
l'interruption de travail des salariés dans l'exercice de leur droit de grève.
En revanche, le Code du travail ne prévoit pas que la santé, la sécurité de la
population doivent être garanties en toutes circonstances. Si le RTC reconnaît
que ce cadre analytique, tiré de l'arrêt Doré, s'applique ici, il souligne
cependant que le tribunal doit alors se garder de recourir à la charte dans
l'interprétation du danger auquel réfère l'article 111.0.7 du Code du travail,
puisqu'il n'existe pas d'ambiguïté. Cette prétention est rejetée, comme
l'exprime la Cour suprême dans l'arrêt Clark. En droit administratif,
l'ambiguïté ne constitue pas l'élément déclencheur pour l'application des
valeurs de la Charte. Dans la décision. RTC chauffeurs d'autobus, le tribunal
écrit : "L'arrêt Saskatchewan nous rappelle donc que le critère du
danger pour la santé ou la sécurité publique commande, de par le caractère
constitutionnel du droit grève, une interprétation véritablement
restrictive."
«L'objectif est de porter atteinte le
moins possible au droit de grève de façon à ce que la santé ou la sécurité
publique ne soit pas mise en danger. Ce postulat est tout à fait conforme à la
mise en balance que doit faire le tribunal en l'espèce, se fondant sur l'arrêt
Doré, une cour de révision chercherait à s'assurer qu'il n'existe pas d'autre
possibilité de donner davantage d'effets ou protection conférée par la charte
sur la liberté d'association et le droit de grève, en considération de
l'objectif législatif selon laquelle la santé et la sécurité de la population
ne doivent pas être mises en danger par la grève.
«Ainsi, pour le tribunal, il ne fait aucun
doute qu'une interprétation de la notion de danger, moins restrictive que celle
retenue en l'espèce et se rapprochant d'un risque, prêterait flanc à une décision
qui a une incidence disproportionnée sur les protections conférées par la
charte ne peut d'aucune façon démontrer que le décideur s'est penché de façon
significative sur celle-ci, ni que son raisonnement reflète les répercussions
importantes de cette décision peut avoir.»
J'arrête ma lecture du jugement, M. le
Président, il restait, bien sûr, des dizaines de pages, là n'est pas
l'objectif, mais ça me semblait un très bon résumé. Merci à mon collègue
d'avoir soumis les passages pertinents de décisions importantes qui nous
questionnent encore plus sur notre présence ici cet après-midi, M. le
Président, parce qu'il n'y a pas qu'une forme d'ambiguïté du tribunal ici.
C'est très, très clair, le tribunal dit, là : La loi que vous avez faite
en 2009, c'est très bien, c'est conforme aux chartes, c'est la santé et la
sécurité physique des personnes qui est le seul critère. Cette histoire-à de
danger imminent, ce n'est pas ça qui est en jeu. Il ne faut pas abuser du
service essentiel et l'élargir, là, il y avait un vocable, que je ne me
rappelle pas, qui me faisait penser à celui du ministre. Mais je le trouve
particulièrement éclairant ce jugement-là.
Et rappelons-nous que c'est la deuxième,
c'est la deuxième tentative de RTC, hein? Ils avaient échoué la première fois
avec les chauffeurs, échec, la deuxième fois, avec la grève des employés de
service. C'est quand même un point important ces deux exemples-là, M. le
Président, parce qu'on a eu l'occasion d'observer une grève réelle. Je parle,
en particulier, la première, celle de juillet 2023. Puis malgré l'interruption
complète du service de transport en commun pendant quatre jours, mais il n'y a
pas eu d'incident recensé. Il n'y a pas eu de retard critique dans les
interventions d'urgence. Il n'y a pas eu de chaos généralisé, pas
d'effondrement des services de santé. La société, dans le fond, a continué de
fonctionner. Est-ce que c'était désagréable pour plusieurs? Sans aucun doute.
Est-ce que c'était agaçant, éreintant, complexe? Est-ce que des gens ont perdu
les services de leur femme d'entretien ménager, comme le président de la FQM
qui est venu ici? Peut-être, on le saluera d'ailleurs. Mais reste que,
globalement, force est de constater que ça... la société continue à rouler. Il
n'y avait pas péril en la demeure. Il n'y avait, en effet, pas de danger pour
la santé et la sécurité des personnes.
• (15 h 50) •
Le ministre va me dire : Oui, mais
toute cette loi-là reste telle quelle. C'est parfait. Je vais juste rajouter
une couche à... On a tous compris ce qui se passe, M. le Président, on a tous
compris ce qui se passe. La couche d'à côté vise à aller faire ce qu'il sait
qu'il n'a pas le droit de faire, parce qu'il a perdu. Le jugement de Flageole,
l'arrêt Flageole l'a obligé à changer la loi. Il ne peut pas venir la rechanger
parce qu'il va se refaire ramasser devant les tribunaux. Qu'est-ce qu'il fait?
Il utilise une voie de contournement, tiens, je vais le dire comme ça. C'est
très triste de voir ça, très triste. Je pense qu'on aurait pu l'éviter. Et je vais
terminer, M. le Président, en citant...
M. Leduc : ...la conclusion de
l'arrêt RTC que j'ai commencé à lire tantôt parce qu'elle est éclairante elle
aussi. «Une grève affectant le service de transport en commun dans
l'agglomération de Québec est susceptible de déranger, d'importuner, voire de
chambarder les habitudes non seulement des usagers du RTC, mais aussi, plus
globalement, de l'ensemble des citoyens et des acteurs publics. Mais la seule
question pertinente afin de déterminer si le tribunal doit ordonner ou RTC au
syndicat de maintenir les services essentiels en cas de grève est
l'identification d'un danger, c'est-à-dire une menace réelle, évidente et
imminente pour la santé et la sécurité publique qui peut en découler, d'où une
interprétation restrictive de la notion de danger à laquelle réfère
l'article 111.0.17 du Code du travail. À défaut, on risque de dénaturer et
de substituer à cette notion un simple risque, et ce au mépris du texte, de
l'objet et du contexte qui caractérise cette disposition législative. Plus
encore, cela entraînerait un déséquilibre du droit de la population au
détriment du droit constitutionnel de grève en porte à faux avec des
enseignements de la Cour suprême issus de l'arrêt Doré. La preuve... à
l'enquête analysée globalement ne soutient pas qu'une grève des salariés
d'entretien du RTC peut mettre un danger... en danger la santé ou la sécurité
publique s'entendant d'une menace réelle, évidente et imminente. Ainsi, pour
l'heure, le droit de grève des salariés d'entretien qui représente le syndicat
pouvant être exercé dans sa plénitude doit prévaloir sur de simples
appréhensions. Enfin, l'assujettissement au maintien des services essentiels en
cas de grève est un processus dynamique. En conséquence, le tribunal n'est en
rien functus officio et pourrait intervenir à nouveau et même d'urgence si les
circonstances le justifiaient». Ce serait donc possible de revenir à la charge
dans une autre circonstance là-dessus, M. le Président, ce pourquoi, je pense,
ce serait intéressant d'accueillir les syndicats de RTC pour qu'ils nous
donnent plus de détails sur le contexte de la négociation qui a mené à cette
grève de quatre jours en plein festival d'été de Québec et qu'ils puissent
donner des détails sur la manière dont ce projet de loi là viendrait nuire au
processus de négociation. Merci.
Le Président (M. Allaire) : Merci,
M. le député d'Hochelaga-Maisonneuve. Est-ce qu'il y a d'autres interventions
sur cette motion préliminaire? Mme la députée de D'Arcy-McGee, la parole est à
vous.
Mme Prass : Merci, M. le
Président. Mais comme le Réseau des transports du Québec, justement, eux ont
déposé leur mémoire lors des consultations, je pense qu'il serait...
excusez-moi, le Réseau de transport de la capitale, je pense qu'il serait
raisonnable également d'entendre le syndicat des salariés de la RTC, d'autant
plus, comme mon collègue l'a mentionné, le ministre, lors des consultations et
des travaux jusqu'à présent, a évoqué plusieurs exemples et situations
potentiels de cas où, justement, la population serait mal desservie, les
populations les plus vulnérables seraient mal desservies par une grève. Donc,
je pense qu'il serait cohérent d'entendre tous ces partis-là, incluant le
syndicat des salariés des RTC, justement, pour venir nous exposer la situation
qu'ils ont vécue. Et, encore une fois, tout dans l'esprit de démocratie et de
pouvoir entendre le plus de groupes possible pour avoir le plus de points de
vue pour nous alimenter. Donc, on soutient la motion.
Le Président (M. Allaire) : ...de
D'Arcy-McGee. D'autres interventions? M. le député de Jean-Talon, allez-y.
M. Paradis : Je vais aller
dans le même sens que ma collègue. Ça aussi, c'est un des exemples qui a
souvent été cité dans les consultations particulières et qui est souvent mis
sur la table, dans les médias ou ailleurs, par le ministre et par d'autres
comme étant un des conflits de travail qui ont fait en sorte que ce projet de
loi là serait, selon le ministre, nécessaire ou utile. Et il est vrai qu'on a
entendu le RTC, qui est venu ici à titre d'employeur, il me semble que d'avoir
le point de vue du syndicat ici, ce serait une bonne chose. J'ajouterais, comme
je l'ai fait plutôt aujourd'hui, que les groupes d'usagers aussi, ça aurait pu
être intéressant de les entendre sur cette question-là, parce que je ne suis
pas sûr qu'ils arriveraient tous avec le même point de vue qu'on a entendu,
celui de... du RTC sur cette question-là. Alors, j'appuie la motion du collègue
d'Hochelaga-Maisonneuve, ça fait partie de l'outillage dont on doit se doter
quand on étudie un projet de loi qui a comme intention de modifier profondément
l'équilibre dans les négociations des conditions de travail des travailleurs au
Québec. Je le réitère, c'est un changement fondamental que le ministre veut
faire avec ce projet de loi là, entendons les personnes qui ont des choses
importantes à nous dire, notamment sur les cas qui semblent avoir inspiré le
ministre ou qui semblent faire partie des cas qui ont inspiré le ministre quand
il a rédigé le projet de loi.
Le Président (M. Allaire) : Merci,
M. le député de Jean-Talon. D'autres interventions? M. le ministre, allez-y.
M. Boulet : Bien, rapidement,
c'est une motion pour faire entendre un syndicat, et je n'ai pas entendu
d'arguments justifiant la pertinence de les faire entendre. C'est un syndicat,
encore une fois, qui est affilié à la CSN assez étonnamment...
M. Boulet : ...et la CSN est
venue en commission parlementaire et n'a fait aucune recommandation. Elle a
demandé, purement et simplement, le retrait du projet de loi.
Ceci dit, moi, je ne me prononcerai pas
sur le mérite de cas. Dans le projet de loi, on le voit que c'est une décision
qui se doit d'être apolitique, qui doit être prise par des personnes
impartiales et indépendantes, donc ce serait présomptueux de ma part de dire
que le projet de loi pourrait s'appliquer dans l'hypothèse X, Y ou Z. Il y a
des secteurs d'activité, je le répète souvent... puis, oui, j'ai parlé du
transport en commun... comme étant des exemples où ils pouvaient. La
transformation alimentaire, le transport scolaire, les services funéraires, en
éducation, c'est les secteurs clés auxquels je fais souvent référence. Mais
jamais je ne dirai : Dans cette hypothèse, le tribunal rendrait telle
décision. On le sait... vous avez tous pratiqué en relations de travail ou vous
connaissez la règle de droit au Québec... c'est le tribunal qui décide.
Finalement, dernier commentaire,
j'apprécie beaucoup les lectures que partage avec nous notre collègue de
Hochelaga-Maisonneuve. J'ai lu la décision, et ce n'est pas ce qui supporte la
pertinence de faire entendre un syndicat qui est affilié à la CSN. Et la seule
différence qui est fondamentale... collègue, vous le savez, vous souriez bien...
ce n'est pas le même critère que dans notre projet de loi. Le projet de loi
comporte des éléments de droit nouveau. Dans le Réseau de transport de la
Capitale, le juge du Tribunal administratif du travail s'est prononcé sur
l'application d'un critère, qui est le danger pour la santé ou la sécurité
publique. Ce n'est pas ce critère-là que nous avons dans le projet de loi.
Et vous avez fait référence aux services
minimaux aussi, mais, dans le projet de loi, on parle des services minimalement
requis pour assurer la sécurité de la population, pour éviter qu'elle soit
affectée de manière disproportionnée. Ce n'est pas le même critère. Mais
j'apprécie vos qualités pédagogiques, mais... transmettez-moi les décisions, je
vais les lire. Puis celle-là, je l'avais très bien lue. Merci beaucoup, M. le
Président.
Le Président (M. Allaire) : Merci,
M. le ministre. D'autres interventions? S'il n'y a pas d'autre intervention,
nous allons procéder à la mise aux voix de la motion.
Une voix : ...
Le Président (M. Allaire) : Par
appel nominal? S'il vous plaît, M. le secrétaire.
Le Secrétaire : Pour, contre,
abstention. M. Leduc (Hochelaga-Maisonneuve)?
M. Leduc : Pour.
Le Secrétaire
: M. Boulet
(Trois-Rivières)?
M. Boulet : Contre.
Le Secrétaire
: M. Caron
(Portneuf)?
M. Caron : Contre.
Le Secrétaire
: M. Tremblay
(Dubuc)?
M. Tremblay : Contre.
Le Secrétaire
: Mme Lachance
(Bellechasse)?
Mme Lachance : Contre.
Le Secrétaire
: Mme Picard
(Soulanges)?
Mme Picard : Contre.
Le Secrétaire
: Mme Prass
(D'Arcy-McGee)?
Mme Prass : Pour.
Le Secrétaire
: M. Paradis
(Jean-Talon)?
M. Paradis : Pour.
Le Secrétaire
: M. Allaire
(Maskinongé)?
Le Président (M. Allaire) : Abstention.
Donc, la motion est rejetée. Alors, on va poursuivre, là, puisqu'il y en a deux
autres qui sont en attente et il y en a beaucoup qui ont été déposées,
effectivement, par le deuxième groupe de l'opposition. On va enchaîner avec le
député de Jean-Talon avec sa motion préliminaire. Donc, je vous cède la parole.
Peut-être en faire la lecture, et la parole est à vous pour 30 minutes. Ça va?
Allez-y.
M. Paradis : Très bien.
Alors, motion préliminaire :
«Que, conformément à l'article 244 du Règlement
de l'Assemblée nationale, la Commission de l'économie et du travail, avant
d'entreprendre l'étude détaillée du projet de loi n° 89, Loi visant à
considérer davantage les besoins de la population en cas de grève ou de
lock-out, demande au gouvernement de transmettre, dans les plus brefs délais,
ses analyses et avis juridiques émis relativement au projet de loi.»
Bien. Moi, je ne suis pas élu depuis très
longtemps, je suis un des plus récemment élus députés de l'Assemblée nationale,
mais j'ai quand même déjà un certain nombre de commissions parlementaires sur
de nombreux sujets, et celui-ci, ce projet de loi, est très, très, très
juridique. Il y en a eu d'autres, d'ailleurs, avec le ministre, où on a
beaucoup parlé de jurisprudence, on a beaucoup parlé d'état du droit, c'est
vrai. C'est le cas dans presque tous les projets de loi, hein, peu importe les
domaines, on vient jouer dans l'état du droit, puis on se pose la question de,
bien, quelle est la situation actuelle, et quels sont les impacts de ce qu'on
va décider ensemble. Et celui-ci, vraiment, j'ai rarement entendu autant
d'organismes, d'organisations, en consultations particulières, venir nous
parler de leur interprétation d'une décision particulière de la Cour suprême du
Canada, d'arrêt Saskatchewan, mais de beaucoup d'autres décisions aussi qui ont
suivi celle de la Cour suprême du Canada. Il y en a de la...
M. Paradis : ...et Cour
d'appel du Québec aussi qui sont venus confirmer que le droit de grève est
un... est une composante de la liberté d'association ici au Québec.
• (16 heures) •
Dans les experts indépendants, je l'ai
mentionné parce qu'on... on a eu, là, je pense qu'on peut... les consultations
particulières et les mémoires, parce que les mémoires qu'on a eues
d'organisations qui ne sont pas venues en consultations particulières, c'est la
même tendance qui se confirme, c'est-à-dire que, quand on est... quand ce sont
des représentants des employeurs généralement favorables au projet de loi,
quand ce sont des représentants des travailleurs, généralement très
défavorables au projet de loi, et entre les deux, il y a des expertises,
notamment beaucoup d'expertises juridiques et de spécialistes en relations de
travail. Et je l'ai mentionné ce matin, dans mes remarques préliminaires, je le
réitère, tous ces mémoires et tous ces témoignages sont très inquiets, sont
très préoccupés. Ça va des drapeaux jaunes très foncés aux drapeaux rouges très
rouges, avec des demandes de retrait du projet de loi n° 69, mais sur la
base d'analyses, de longues analyses juridiques de l'état de la jurisprudence.
Certains nous ont même amenés en droit international, très important parce
qu'ils disent que le Québec, à travers notamment certains traités signés par le
Canada, est tenu de respecter le droit international, et qu'il y a toute une
évolution aussi de ce que c'est la liberté d'association. Ensuite, on a des
interprétations des décisions des tribunaux supérieurs de la Cour... de la Cour
suprême du Canada, de la Cour d'appel, des tribunaux supérieurs. Mon collègue d'Hochelaga-Maisonneuve,
tout à l'heure, faisait référence à une décision qui a été citée, à laquelle se
sont référées plusieurs des organisations qu'on a entendues en consultations
particulières, décision du Tribunal du travail, là, dans le dossier, notamment
de... du RTC. Donc, beaucoup de droit et beaucoup de droit.
Et dans son projet de loi, en fait, le
ministre, j'aurais aimé ça avoir le nombre de fois où je l'ai entendu dire ça,
je ne l'ai pas, mais je l'ai entendu souvent dire... puis je le comprends, il
le fait avec une certaine fierté, c'est du droit nouveau parce que c'est vrai
que les projets de loi peuvent nous amener dans de nouveaux... dans des
nouvelles interprétations, cherchent à modifier justement l'état du droit.
C'est bien, mais dans ce cas-ci, on plonge vraiment... En tout cas, mon avis,
c'est qu'on plonge ou on saute de l'avion presque sans parachute. Le ministre
nous dit souvent : Oui, oui, oui, il y a des critères, j'ai mis des
balises. Mais en gros, il nous a dit souvent aussi : Ces nouveaux
pouvoirs-là, on ne sait pas exactement encore comment ça va être interprété.
J'espère que je ne lui mets pas des mots dans la bouche, mais il dit :
Mais ça va être... on va être très précautionneux avec les pouvoirs qui sont...
qui sont conférés au ministre. On va faire très attention, ça va être
exceptionnel. Et je ne sais pas où est-ce qu'il voit ces balises-là parce que
la plupart des juristes... en fait, tous les juristes indépendants qui sont
venus se sont montrés inquiets parce qu'on remplace... dans les deux
mécanismes, on remplace un état du droit connu, stable, qui donne une certaine
sécurité à tous les intervenants, tant du côté patronal que du côté des
travailleurs, parce qu'on sait quelles sont les règles qui vont s'appliquer
puis qui vont nous permettre d'arriver à une entente sur les conditions de
travail des travailleurs dans une entreprise X ou dans un secteur donné. Dans
les deux cas, on remplace un état connu du droit par un état presque
complètement inconnu ou totalement inconnu.
Donc, dans le premier mécanisme, qui est
celui donc des dispositions particulières relatives aux services à maintenir
pour assurer le bien-être de la population, on remplace... puis là, certains
disent... puis mon collègue d'Hochelaga-Maisonneuve, et aussi de le mentionner,
dire : On essaie de contourner l'état du droit, la jurisprudence actuelle,
notamment celle de la Cour suprême du Canada, on la trouve trop restrictive ou
trop contraignante, donc on veut se sortir de ce carcan là, et pour le faire,
on va adopter une nouvelle loi qui va venir bouleverser l'état du droit.
Mais, bon, à l'article 111.22.3 qu'on
veut insérer au Code du travail par l'entremise de l'article 4, donc les
services assurant le bien-être de la population. Plusieurs nous ont posé plein
de questions : De quel bien-être on parle? Les services minimalement
requis, qu'est-ce que ça va être minimalement requis pour éviter que ne soit
affectés de manière disproportionnée? C'est quoi de manière disproportionnée?
La sécurité sociale, c'est quoi, la sécurité sociale? Économique, c'est quoi la
sécurité économique? Ou environnementale, c'est quoi la sécurité
environnementale? Notamment celle des personnes en situation de vulnérabilité?
Qui sont les personnes en situation de vulnérabilité...
16 h (version non révisée)
M. Paradis : ...aïe, ça
commence à en faire des questions, ça. Presque à chaque mot, presque à chaque
groupe de trois mots, il y a une question fondamentale. Ce n'est pas des
détails, là, c'est fondamental, les questions qui se posent. Et là, le ministre
nous dit : On a des balises. Bon, moi je les cherche, les balises, mais je
ne les vois pas à même le projet de loi. Bon, on dit : Là, ah! il va y
avoir des experts qui vont intervenir après ça, les gens du tribunal du
travail. Oui, mais tout ça va tirer son origine d'une décision discrétionnaire
du ministre. C'est le ministre qui va décider... bien, en l'occurrence, c'est
le gouvernement, mais donc c'est le ministre qui va jouer un rôle important,
qui va arriver à la table du Conseil des ministres, qui va dire : Bon, là,
j'aimerais ça adopter un décret. Pour désigner une association accréditée, il y
a un employeur à l'égard duquel le tribunal peut par la suite déterminer s'il y
a des services assurant le bien-être de la population qui doivent être maintenus
en cas de grève ou de lock-out.
Donc, ça commence par une décision du
gouvernement, et moi, je ne sais pas comment elle va s'exercer parce que toutes
les notions dont on vient de parler, elles n'existent pas dans le droit du
travail actuellement. Donc, on passe d'un État de droit bien déterminé qui est
le fruit d'une évolution de la jurisprudence, d'une application des
dispositions du Code du travail, des autres lois et règlements dans le domaine
du travail, une jurisprudence étoffée, puis là, on arrive avec quelque chose de
complètement nouveau. Donc, avant, c'étaient les services essentiels, puis ça,
on sait ce que ça veut dire. Manifestement, le ministre ne semble pas satisfait
de cette définition-là ou semble penser qu'il faut autre chose, puis là, donc,
on s'en va vers du droit nouveau.
Le deuxième mécanisme, c'est celui qu'on
appelle le pouvoir spécial du ministre, oui, parce qu'il est pas mal spécial, c'est
le cas de le dire. Mais donc, à l'article 111.32.2, qui serait ajouté au
Code du travail par l'entremise de l'article 5 du projet de loi, on va
maintenant avoir un article qui dit que le ministre peut, s'il estime qu'une
grève ou un lock-out cause ou menace de causer un préjudice grave ou
irréparable à la population, et que l'intervention d'un conciliateur ou d'un
médiateur s'est avérée infructueuse, déférer le différend à un arbitre. Ça, en
gros, ça veut dire que le ministre s'octroie désormais le pouvoir d'arrêter une
grève, de dire : C'est terminé, tout le monde au travail, vous allez
devant un arbitre, alors que la Cour suprême, que la Cour d'appel du Québec,
que les tribunaux supérieurs et tous les tribunaux spécialisés par la suite
nous ont dit : Le droit de grève, maintenant, c'est essentiel, c'est un
droit constitutionnellement protégé qui est essentiel à la liberté d'association.
Et là-dessus, là dessus, les experts
indépendants, je le redis, tous les experts indépendants qui connaissent le
droit du travail, qui sont venus nous parler, là, ont déchiré leur chemise
là-dessus. Puis certains ont utilisé des comparaisons pour que les gens nous
comprennent parce que, là, ici, c'est ici, c'est un droit qui est conféré aux
travailleurs, mais qui est essentiel au bon fonctionnement de notre société.
Puis ça fait des années que les tribunaux en parlent pour dire : Bien, ça
fait partie des règles du jeu, parce que s'il n'y a pas le droit de grève, si
on interfère dans le droit de grève, on enlève aux travailleurs un outil
essentiel pour pouvoir négocier avec, oui, des moyens de pression qui, parfois,
ont des impacts sur la population, surtout sur l'employeur, mais c'est un outil
essentiel pour arriver à des conditions de travail justes dans une société
ouverte et démocratique comme la nôtre. C'est essentiel puis c'est utile au bon
fonctionnement global de notre société. C'est un droit constitutionnel. Et là,
le ministre dit : J'ai le droit de le retirer par ma décision parce que je
juge qu'il cause... que la grève cause ou menace de causer un préjudice grave
ou irréparable à la population. C'est très, très, très important, ce qu'il se
passe. Et c'est pour ça que les professeurs de droit, que les experts en
relations de travail sont venus nous dire : Aïe, attention! Attention!
Alerte rouge! Droit constitutionnel face à un pouvoir discrétionnaire. Comment
il va s'exercer, ce pouvoir discrétionnaire là?
Bon, d'abord causer ou menace de causer un
préjudice grave ou irréparable à la population. Donc, dans le contexte de cet
article-là, ça aussi, ça va être à définir. Dans le contexte de cet article là,
quelle est la jurisprudence, peut-être, sur des notions similaires dont on va s'inspirer?
Est-ce que le ministre a des avis juridiques, là, j'arrive à la motion, c'est
de savoir... puis c'est pour l'ensemble, pour le premier mécanisme. C'est la
même chose, sur quoi s'est appuyé le ministre pour arriver avec ce projet de
loi? Parce que...
M. Paradis : ...on va
demander des... mais j'arrivais à la fin, là, mais c'est la même chose, quelles
données sur les conflits de travail. Parce qu'il y a plein de gens qui sont
venus nous dire que le problème, ce n'est pas comme si notre société était
malade de ces conflits de travail. Il n'y en a pas tant que ça, puis ils se
règlent assez rapidement, parce que, justement, il y a des pressions qui
s'exercent, de part et d'autre, qui poussent les parties à s'entendre.
Là, on veut retirer une partie de ces
leviers-là. Quelles données on a? Combien de conflits? Pour quelle longueur?
Pour... Où est le problème? Parce que là, on vient de dire non à toutes les demandes
du collègue d'Hochelaga-Maisonneuve qui disait : Bien, sur les cas qui ont
été cités, entendons les partis puis on va en discuter, mais il n'y a pas de
données. Mais là, ensuite, on revient, c'est un projet de loi éminemment
juridique qui vise notamment, dans le deuxième mécanisme, à retirer un droit
constitutionnellement reconnu aux travailleurs. Dans quelle mesure? Comment le
ministre va exercer son pouvoir? Ça va venir d'où, sa décision? Qu'est-ce qui
nous fait dire que ça va être balisé comme il prétend, que ça va être exercé
avec précaution comme il le prétend? Ça, c'est ce qui s'appelle un pouvoir
discrétionnaire.
Alors, moi, je suis un député inquiet,
puis je vais faire un lien avec des événements qui se sont passés très
récemment ici, à l'Assemblée nationale, puis qui est une tendance, moi, qui
m'inquiète honnêtement, compte tenu du travail que j'ai exercé avant où on
visait à protéger l'État de droit puis la démocratie un peu partout dans le
monde contre l'arbitraire. Mais il y a quelques semaines, on était réunis ici,
une nuit au complet, pour adopter un projet de loi qui est devenu une loi qui
est la loi Stablex - puis je vais faire un lien avec ce qui se passe ici, pour
moi, c'est lié - qui, grosso modo, là, article par article, écarte l'application
des lois normales, toutes les lois, les règlements municipaux, les lois du
Québec, tout ça a été écarté par ce projet de loi là qui interdit aux tribunaux
d'agir et qui remplace tout ça par un pouvoir discrétionnaire immense à la
ministre des Ressources naturelles et des Forêts, un pouvoir discrétionnaire,
donc, on écarte les lois dont on s'est doté pour le remplacer par un pouvoir
discrétionnaire. C'est ce qu'on voit ici.
Il n'y a pas si longtemps, après ça, on
était réunis ici, dans une autre commission parlementaire, où la ministre de
l'Énergie... de l'Économie, de l'Innovation et de l'Énergie a écarté toute
l'application des règles de la Régie de l'énergie pour adopter, par décret, des
nouveaux tarifs d'électricité pour tous les Québécois, à l'encontre de tout ça
est écrit, donc, des lois claires, un cadre juridique clair remplacé par un
pouvoir discrétionnaire. Je fais le lien avec ce qui se passe ici, là. Moi, ça
fait, au moins, la troisième fois que je vois ça en quelques semaines, de remplacer
un État stable du droit par un pouvoir discrétionnaire du ministre. Moi, je
suis inquiet, je suis inquiet puis je ne suis pas rassuré, même malgré toute
l'estime que je porte au ministre. Ce n'est pas ça, la question, la question,
c'est : La loi va prévoir désormais qu'un ministre, lui ou les suivants
vont pouvoir décider de mettre fin à une grève, puis d'obliger l'arbitrage,
alors, c'est un droit conditionnellement reconnu. Les balises dont il parle,
là, où sont-elles? Parce que, oui, après ça, il y a un mécanisme qui balise le
règlement du différend qui aurait été différé... déféré à l'arbitrage.
Mais je n'en vois pas, de balise, alors
que c'est un moment important. Est-ce qu'il y a une étude réglementaire? Est-ce
qu'il y a un règlement qui vient avec ça, qui va déterminer comment ça s'estime
qu'une grève cause ou menace de causer un préjudice grave ou irréparable à la
population? Qu'est-ce qu'on a considéré comme exemple précédent qui... Ah! ça,
ça cause ou menace de causé, ça, ça ne cause pas ou ne menace pas de causer? On
ne le sait pas, on n'en sait rien. Je ne veux pas prévoir, là, je n'ai pas de
boule de cristal, mais j'imagine que le ministre, pour pouvoir dire : Oui,
mais, vous savez, M. le député de Jean-Talon, vous savez comment ça marche. Il
y a plein d'informations délicates dans ces avis-là. On a réfléchi à voix haute
là-dedans, on nous met en garde. Puis tout n'est pas nécessairement pour le
public, mais c'est tellement important ce qu'on fait aujourd'hui, puis il y a
des inquiétudes légitimes.
Moi, je le redis : Ma formation
politique et moi, on a voté contre le principe de ce projet-là parce que c'est
grave ce qui s'y passe. Puis je n'ai pas entendu, pour l'instant, de données ou
je n'ai pas d'informations à ma disposition qui me permettent de croire que
c'est ce droit nouveau que le ministre veut faire...
M. Paradis : ...a des sources
suffisamment claires ou qu'il y a des réponses suffisamment étoffées aux
nombreuses questions qui ont été posées par les experts indépendants sur ce
projet de loi là pour dire que, bien, ça vaut la peine de continuer, parce que
plusieurs sont venus nous dire : Retirez-les, ces dispositions-là, ou
alors définissez les concepts, ou alors faites des modifications fondamentales
au projet de loi. Puis là je redis, là, je ne parle pas du bassin des
employeurs ou du bassin des représentants des travailleurs, je parle des
experts indépendants qui sont venus. Puis je suis curieux de voir ce que le
ministre en a pensé, parce que je sais qu'il a beaucoup d'estime aussi pour les
collègues juristes qui sont venus nous voir puis qui ont exprimé légitimement
des inquiétudes.
• (16 h 10) •
Donc, pour nous éclairer, je me dis :
Si le ministre, lui, dispose d'informations, dispose d'analyses à même... qui
pourraient rassurer les députés, qui pourraient nous aider à faire notre
travail, de voir où est-ce qu'il veut s'en aller avec toutes ces notions-là...
Parce qu'il y a deux articles principaux, là, on va s'entendre... il y a...
ensuite, il y a des articles accessoires, là, mais les deux principaux, c'est
la définition des services assurant le bien-être de la population, donc
l'article 111.22.3, l'article 111.32.2. D'où est-ce que ça vient, ces
mots-là? Pourquoi on a choisi ces mots-là? Pourquoi on les a mis ensemble?
Qu'est-ce que ça veut dire? Qu'est-ce que ça donne comme garde-fou? Qu'est-ce
que le ministre a étudié avant qui lui permet d'arriver avec cette... Il a
l'air d'un ministre résolu à nous dire qu'il a mis le curseur à la bonne place.
Moi, je voudrais savoir qu'est-ce qu'il a comme matériel, mais surtout ça va
nous aider, nous, à faire notre travail puis avoir des débats éclairés.
S'il y a des parties confidentielles à ces
avis juridiques, à ces analyses, bien, est-ce qu'il y a des parties qui peuvent
être retirées, strictement celles qui sont vraiment confidentielles? Mais, s'il
y en a d'autres, même quand il y a des analyses de risque... C'est une nouvelle
façon de faire le droit aussi, hein? Pourquoi on n'est pas plus transparent
là-dessus? Même si le gouvernement dit : Je ne dis pas que ça va arriver,
mais je vais analyser ce risque-là... Parce que le mémoire au Conseil des
ministres aussi est assez court. Il n'y en a pas beaucoup, de ça. Mais même
si... même si le ministre dit : Il est circonscrit, ce risque, je l'ai
atténué, voici comment je l'ai atténué, je ne pense pas que ça va alarmer notre
société que de savoir que le gouvernement a réfléchi à des questions, s'est
posé des questions puis y a répondu de telle ou telle façon. Donc, moi, je
pense que c'est bon dans l'intérêt public d'avoir accès à ces avis-là. Puis je
regarde le ministre puis je suis pas mal certain qu'il y en a parce qu'il y a
beaucoup de gens qui ont travaillé à préparer ce projet de loi. De quoi se
sont-ils inspirés, quelles décisions, quels critères, quelles balises? Est-ce
qu'il y a d'autre chose qui s'en vient après, qui est en préparation, qui n'est
pas terminé mais qui pourrait nous aider? Moi, j'invite le ministre à faire
preuve de la plus grande transparence possible à l'aube de nos débats. Je l'ai
vu dans une... dans une autre commission parlementaire. Bon, j'avais trouvé
ça... On avait reçu beaucoup, beaucoup de documentation la veille. Ça ne nous
avait pas laissé beaucoup de temps pour la lire. Mais n'empêche, finalement, on
y a eu accès.
Alors, qu'est-ce qu'il peut nous donner,
sur le plan juridique, sur le plan des analyses, qui va nous aider à faire
notre travail? Parce qu'autrement ce projet de loi là, moi, j'y vois beaucoup
trop de risque pour déséquilibrer cet... je le redis, cet équilibre tellement
important entre les employeurs et les travailleurs au Québec pour déterminer
les meilleures conditions de travail possible, meilleures, c'est meilleures
pour les deux parties et meilleures pour notre société. J'ai l'impression,
comme plusieurs, moi, qu'on vient déséquilibrer complètement, débalancer ce qui
existe, et, tel quel, ça ne me semble toujours pas acceptable.
Le Président (M. Allaire) :
Merci, M. le député de Jean-Talon. M. le ministre, allez-y, 30 minutes.
M. Boulet : Oui, merci.
Écoutez, j'ai évidemment beaucoup de respect pour le collègue de Jean-Talon.
Vous connaissez ma réponse d'avance. Les avis juridiques sont confidentiels
dans leur intégralité, donc on ne peut pas les communiquer. C'est une règle qui
est reconnue. Normalement, je pourrais même ne pas dire... ne pas pouvoir dire
qu'on a des avis juridiques. Cependant, il y a quand même un mémoire qui a été
déposé au Conseil des ministres avec une analyse d'impact, puis je sais que
vous l'avez lu probablement avec énormément d'attention. Donc, je vous y
réfère.
Ceci dit, c'est effectivement du droit
nouveau, c'est du droit nouveau qui s'inspire de la réalité vécue notamment
depuis 2015, particulièrement dans des conflits de travail qui ont eu des
impacts sur une population souvent laissée impuissante, souvent
vulnérabilisée...
M. Boulet : ...je dis... on
dirait, des fois, qu'on ne lit pas le même projet de loi. Pour moi, ce n'est
pas un projet de loi qui bouscule un équilibre. C'est un projet de loi qui est
simple, c'est un projet de loi à connotation humaine, dont le titre est
extrêmement révélateur : considérer les besoins de la population. Il me
semble que c'est simple. Et il faut aussi considérer qu'on a utilisé des
concepts qui ne sont pas venus de nulle part. Le Comité des libertés syndicales — vous
m'avez entendu y référer — sous l'égide de l'Organisation
internationale du travail, fait référence aux services minimaux. Ce n'est pas
les mêmes critères, j'en conviens. Il y a des organismes qui sont venus, lors
des consultations particulières, qui nous ont expliqué les nuances.
• (16 h 20) •
Mais quand vous dites qu'on donne un
pouvoir discrétionnaire absolu au ministre, c'est faux. Je vais vous parler,
moi, d'un pouvoir discrétionnaire qui m'apparaît beaucoup plus imposant, et qui
est clairement discrétionnaire, puis vous le connaissez, c'est l'article 107 du
Code canadien du travail : «Le ministre peut prendre les mesures qu'il
estime de nature à favoriser la bonne entente dans le monde du travail,
susciter des conditions favorables. Il peut déférer toute question au Conseil
canadien des relations industrielles ou lui ordonner de prendre les mesures que
lui juge nécessaires.» Ça, collègue, c'est un pouvoir discrétionnaire. Ce n'est
pas du tout de même nature que ce que nous retrouvons dans le projet de loi.
Pour le premier mécanisme, c'est bien
défini, il y a des paramètres. Il ne faut pas aller trop dans le détail, vous
le savez, il faut laisser le soin au tribunal d'analyser les faits mis en
preuve, l'expertise qui lui est présentée et rendre une décision en tenant
compte du bien-être de la population, et ça s'exprime par les services
minimalement requis pour assurer sa sécurité, sociale, économique ou
environnementale, environnementale, on le sait, pour éviter des cataclysmes ou
des catastrophes naturelles, pour ne pas qu'elle soit affectée de manière
disproportionnée. C'est aussi simple que ça.
Donc, de dire qu'il n'y a pas de balises,
c'est faux. Puis c'est parce que vous argumentez beaucoup sur le fond, sur la
substance du projet de loi, ce que, je pense, n'est pas, à ce stade-ci, la
place ou le moment approprié. Mais moi, je peux le définir, les services
minimalement requis, je peux définir la sécurité sociale, économique ou
environnementale, ce qu'est «affecter».
Le Président (M. Allaire) : M.
le ministre, je vais juste vous couper dans votre élan. Vous avez employé le
mot «faux». Vous savez que c'est un propos qui est non parlementaire. Je
vais...
M. Boulet : «Inexact».
Désolé.
Le Président (M. Allaire) : Merci
de...
M. Boulet : Puis on se... il
n'y avait pas de...
Le Président (M. Allaire) : Mais...
C'est correct. De façon claire, juste le retirer, s'il vous plaît, pour
poursuivre.
M. Boulet : Super. Je le
retire, je le retire totalement.
Le Président (M. Allaire) : Excellent,
merci. Vous pouvez poursuivre.
M. Boulet : «Affecter de
manière disproportionnée». Le préjudice grave ou irréparable, vous le connaissez,
ce concept-là. Il est appliqué, il est interprété devant les tribunaux.
Puis je vous référerais, là... Parce que
le collègue de Hochelaga-Maisonneuve y faisait référence. Votre collègue député
de Matane, vous le savez, a déposé une motion pour reconnaître que le
traversier Matane—Côte-du-Nord est un service essentiel, puis Radio-Canada
écrivait : «Une motion a été déposée ce matin par le député péquiste
Pascal Bérubé pour que l'Assemblée nationale reconnaisse que le service de
traversier entre Matane, Godbout et Baie-Comeau est essentiel.» Pourquoi,
disait-il? Pour la sécurité économique des citoyens et des entreprises des deux
régions. Il disait aussi, par ailleurs, et là il était accompagné d'autres élus
de la Matanie : «Pascal Bérubé avait exprimé la même volonté de rendre le
service essentiel durant les vacances de construction de juillet dernier, alors
que la grève paralysait le lien maritime. Pendant 10 jours, les denrées, les
touristes et les employés n'ont pu passer d'une rive à l'autre en empruntant le
F.-A.-Gauthier.»
Dernière citation : «Cinq jours sans
traversier»... là, c'est avec les guillemets... «"Cinq jours sans
traverses, ça ne peut pas marcher. Est-ce qu'il est question de décès probables
et de vie des gens en cause? Non. Mais est-ce essentiel pour la région? Oui.
Assurons-nous que nous ayons au moins une traverse par jour", avait
martelé M. Bérubé.» Puis là c'était dans une entrevue accordée à 98.5. Et la
notion de service...
M. Boulet : ...l'essentiel est
avec un critère plus serré. On se donne un régime parallèle avec un critère
distinct simplement pour mieux protéger les besoins de la population. Et votre
collègue référait à la sécurité économique, puis on peut la définir, puis vous
savez que les tribunaux, ils utilisent même les dictionnaires quand le concept
est relativement nouveau. Les mots ont tous un sens. Les dictionnaires les
définissent. La langue française a ses complexités, mais elle est belle et elle
est riche de sens. Donc, venir dire que c'est un pur pouvoir discrétionnaire,
je regrette, c'est du droit nouveau. Il y a des balises, il y a des critères,
et on est véritablement loin de l'article 107 du Code canadien du travail.
Et quand on me demande des données ou des
faits, pourquoi vous ne référez pas au-delà des professeurs d'université? Oui,
en qui j'ai un profond respect et les experts que j'ai côtoyés et pour lesquels
j'ai de l'affection parce que j'aime leur travail, j'aime les recherches que
ces personnes-là font, et moi, je trouve que c'est des personnes qui nous
enrichissent comme parlementaires. Et à chaque fois qu'on pense au travers des
consultations particulières, je me dis : c'est un passage obligé, mais qui
est aussi nécessaire et utile pour nous aider lors de l'étude détaillée. Ça
fait que c'est sûr que vos motions, je vous écoute, mais moi, je suis prêt à
débattre lors de l'étude détaillée de chacun des articles puis d'écouter des
projets d'amendements. Ce n'est pas de venir dire on n'est pas d'accord, c'est
on veut s'intéresser à la population. Et le Dr Égide Royer, lui aussi est venu.
Pourquoi vous n'en parlez pas? Il a mentionné qu'il y avait
54 000 élèves handicapés au Québec qui sont dans un réseau d'écoles,
ils sont dans des écoles régulières, ils sont dans des écoles spécialisées. Il
y a des impacts pour les enfants qui sont atteints du trouble du spectre de
l'autisme et en situation de handicap. Je sais que ça vous ennuie peut-être,
mais il faut tenir compte aussi de ces témoignages là, de ces réalités-là. Il y
a le transport scolaire, il y a les services funéraires, mais il y a les autres
aussi. On peut en parler secteur après secteur. S'il y a eu 288 conflits
en 2024, souhaitons qu'il y en ait deux fois moins en 2025. On n'est pas partis
pour ça, mais il y en a quand même un certain nombre. Et souhaitons qu'on
n'utilise pas ces mécanismes-là, collègue. Idéalement, là, je préférerais qu'on
ne les utilise pas parce que le droit de grève, c'est un moyen de pression.
Puis pourquoi il est constitutionnellement reconnu? Parce qu'il fait partie de
la liberté d'association. Et ça, c'est tant dans la Charte canadienne que la
Charte québécoise des droits et libertés de la personne. Mais est-ce qu'on peut
accepter qu'un conflit de travail provoque une régression dans les
comportements et dans les apprentissages d'enfants à besoins particuliers?
Est-ce qu'on peut accepter que des conflits de travail aient des impacts
préjudiciables pour des personnes à faible revenu, pour des parents, pour des
familles? Encore une fois, je ne veux pas cibler aucun groupe. Puis on ne cible
pas les CPE pis on ne cible pas un groupe en particulier, on cible la paix
industrielle, on cible l'importance des besoins aussi fondamentaux des citoyens
puis des citoyennes du Québec. C'est simplement ce que nous faisons. Et je comprends
que vos motions vous permettent de débattre du fond, de la substance du projet
de loi. Je vais me limiter à ces commentaires-là, mais malheureusement, pour
les avis, les analyses juridiques, on ne sera pas en mesure... Mais on pourra
partager tout ce qu'on a. Puis les consultations particulières fourmillent de
belles recommandations, fourmillent de beaux mémoires. Analyser les
recommandations qui sont dans les mémoires. Malheureusement, pour quatre
centrales syndicales, il n'y en a pas, peut-être pour d'autres groupes, mais il
y a aussi d'autres groupes qui sont venus dans le transport urbain, dans le
secteur municipal, chez les employeurs, les petits, les moyens et les grands
employeurs. Et la conjoncture se prête à ça, parce que la population du Québec,
dans le... parce que là, c'est le collègue d'Hochelaga-Maisonneuve qui
disait : On a besoin de s'unir. Oui, on a besoin de s'unir. Les Québécois,
Québécoises ont besoin de stabilité puis de prévisibilité, ils sont parfois
irrités, ils sont parfois pris en otage par des conflits de travail malheureux
dans différents secteurs d'activité, et c'est ça qu'on veut contrôler avec des
balises, des critères...
M. Boulet : ...puis ça ne
s'assoit pas uniquement sur un pouvoir discrétionnaire. Merci, M. le Président
• (16 h 30) •
Le Président (M. Allaire) : Merci
à vous, M. le ministre. M. le député d'Hochelaga-Maisonneuve, la parole est à
vous 30 minutes. Bien, voulez-vous prendre la parole?
M. Leduc : C'est 30 minutes
sur la motion du PQ?
Le Président (M. Allaire) : Oui,
exact.
M. Leduc :
O.K. Merci.
Le Président (M. Allaire) : Ça
va?
M. Leduc : Oui.
Le Président (M. Allaire) : Allez-y.
M. Leduc : Vous avez bien
présupposé que je voulais prendre la parole.
M. Boulet : C'est
discrétionnaire.
M. Leduc : C'est
discrétionnaire? Bien, le ministre était bien partie.
Le Président (M. Allaire) : Le
contraire m'aurait surpris. Allez-y.
M. Leduc : Merci, M. le
Président. Il y a beaucoup, beaucoup de choses à dire et à réagir. D'abord,
merci à mon collègue de la troisième opposition pour la motion, je la trouve
particulièrement pertinente. J'aurais pu l'écrire moi-même parce que j'en partage
entièrement le contenu. Les avis juridiques, ce n'est pas notre premier rodéo à
M. le ministre et moi. On a déjà discuté en long et en large de ça dans le
passé. J'aurais été jaloux, en fait, que vous obteniez, cher collègue, les avis
juridiques du ministre, alors que, moi, ça fait 12 projets de loi que
j'essaie de les obtenir sans succès. Cela étant dit, les avis juridiques, quand
on dit qu'ils ne sont pas partageables, bien, c'est vous qui décidez, M. le
ministre, si vous les partagez ou pas. Il n'y a pas de règle, à moins que vous
m'expliquiez l'inverse, là, mais il n'y a pas de règle écrite en quelque part
que c'est impartageable. C'est vous, le... en quelque sorte, le client des
services juridiques internes du gouvernement, bien, c'est à vous de décider si
vous les partagez ou pas.
Maintenant, vous faites référence à
d'autres groupes. Vous dites : Oui, mais là c'est... les centrales
syndicales n'ont pas rien partagé comme amendement. Bien, je ne sais pas.
Qu'est-ce que vous feriez à leur place? Vous vous proposez de faire le plus
gros recul en histoire du droit du travail des 20 dernières années. Ça ne
prête pas beaucoup à un exercice d'amendement. Là, ils vous en on fait, des
suggestions. Ils ont dit : Bien, retirez le p.l., puis on va aller discuter.
Mais, pour vrai, si vous aviez fait ça, si vous aviez bien travaillé en amont,
vous aviez fait des vraies discussions avec la partie syndicale, il aurait
peut-être eu de l'ouverture pour aller, peut-être, bouger une vis ou deux, une
virgule ou deux dans les services essentiels. Moi, je trouve que ça aurait été
bien reçu si vous aviez fait ce travail-là en amont. Ça n'a pas été fait
visiblement. Vous le saviez très bien. Ce n'est pas pour rien que c'est sorti
entre Noël et le jour de l'An. Vous saviez très bien que ça allait être une
réaction très forte, très émotive, en vous attaquant au droit de grève au
Québec.
Par contre, il y a un groupe. Vous
dites : Ah! il y a d'autres groupes qui ont fait des suggestions, vous,
vous ne parlez pas de ce groupe-là. Vous nous accusez de ne pas parler de M.
Égide Royer, qui, en tout respect, est, en effet, un expert en éducation mais
il n'est pas un expert en droit du travail, là, ce n'est pas pour ça, qu'on l'a
invité. Il nous a dit : Bien, évidemment, il y a des conséquences pour les
enfants à besoins particuliers quand il y a une grève. Bien, grosse surprise,
là, oui, évidemment. Moi, je vous... je lui avais... je vous avais répondu à
vous, M. le ministre, puis j'avais posé la question à M. Égide Royer. Quand l'école
Irénée-Lussier, là, qui est une école pour les enfants à besoins particuliers
dans ma circonscription, était en grève en même temps que le reste des profs de
la FAE, quand je fais la tournée des lignes de piquetage, bien, ils étaient
tous là, là, les profs d'Irénée-Lussier. Alors, c'est eux et elles qui
s'occupent des enfants à besoins particuliers à la journée longue, à l'année
longue. Alors, je ne pense pas qu'on peut les accuser de ne pas se soucier de
l'avenir des enfants et du bien-être des enfants. Ils ont toujours bien voté
cette grève-là eux aussi, les enseignants, enseignantes et le reste du
personnel scolaire de l'école d'Irénée-Lussier, pour ne nommer qu'elle. Alors,
moi, je ferais très attention avec ce genre d'arguments là.
Le ministre dit : Ah! bien là, il
faudrait souhaiter qu'il y ait moins d'arrêts de travail. J'en fais partie.
Oui, bien sûr, mais, encore une fois, là, l'important mémoire du CRIMT, dont le
nom exact est le Centre de recherche interuniversitaire sur la mondialisation et
le travail, C-R-I-M-T, qu'il y a des professeurs dans différentes universités,
là, mais, dans ce cas-ci, c'était le mémoire des professeurs de l'Université
Montréal, Mélanie Laroche, Patrice Jalette et Gregor Murray, de l'École de
relations industrielles, donc déposé, là, en mars 2025, ils avaient différents
tableaux. Ça, je peux les montrer, M. le Président, les tableaux. Ça, il n'y a
pas de problème.
Le Président (M. Allaire) : ...ça
va.
M. Leduc : Parfait.
Excellent. Premier tableau, j'y ai fait référence tantôt, mais là j'ai demandé
pendant la pause qu'on me les imprime, avec mes collègues ici, Taux moyen de
conventions collectives réglées à l'étape de la négociation directe, de la
conciliation, de l'arbitrage ou de l'arrêt de travail, Québec, 2001 à 2022,
donc, grosso modo, les quelques 20, 25 dernières années, on voit que c'est
assez stable. Ça, c'est dans le mémoire dont je faisais référence. Je n'ai pas
la page exacte, mais vous le trouverez facilement. En bleu, c'est les négociations
directes. En jaune orange, ici, la conciliation, arbitrage, c'est minuscule,
donc on le voit à peine, et les arrêts de travail en jaune. Bien, tranche par
tranche, là, c'est des blocs à peu près de trois, quatre ans. C'est assez
stable. Il y avait eu une hausse du nombre... du pourcentage de grèves ici,
dans le bloc 14-18, et redescend ensuite. Donc, on avait monté à
15 %, la proportion des...
16 h 30 (version non révisée)
M. Leduc : …négociations qui s'étaient
conclues à travers un arrêt de travail, puis là, on dit : Arrêt de
travail, ça inclut autant la grève que le lock-out. Ça avait monté à 15 %.
Ça faisait longtemps qu'on n'avait pas vu ça, mais ça redescendu par la suite,
2019-2022. Puis là on n'a pas les chiffres de 2023 à aujourd'hui, j'imagine qu'ils
attendent de fermer un cycle de trois ans. Mais par définition, si ça redescend
ici, ça remonte là. Alors, le pourcentage de gens qui signent une convention collective
sans trop de problèmes, on va le dire comme ça, 80 %. Huit conventions
collectives sur 10 négociées dans un climat relativement sain et normal. Pas de
grève, pas d'arbitrage, pas d'arrêt de travail, pas de conciliation, pas de
médiation. C'est quand même une écrasante majorité, ça, M. le Président. Alors,
comme me dit qu'on veut moins d'arrêts de travail, j'en suis. Mais encore une
fois, c'est… où la nécessité absolue de faire un projet de loi? Moi, ça ne m'a
pas été démontré du tout.
Autre figure intéressante, toujours dans
la même mémoire du… des professeurs de l'École de relations industrielles. C'est
le nombre d'arrêts de travail au Québec, parce qu'il y a quelques groupes
patronaux qui sont venus nous dire : Oui, mais là Il y a une explosion des
arrêts de travail au Québec. C'est un problème, il faut intervenir. C'est pour
ça qu'il faut un projet de loi, même il y en a qui voulaient qu'on aille plus
loin dans le projet de loi du ministre Boulet… du ministre du Travail, pardon.
Je m'autocorrige, mais, si vous regardez sur le long, le moyen, long terme, ici,
là, oui, s'il y a une certaine remontée du nombre d'arrêts de travail, ici, c'est
en chiffres absolus, dans les dernières années, postpandémiques,
essentiellement, mais c'est quand même assez éloigné de ce que c'était à l'époque,
les années 70, entre autres, même début 80. Donc, on n'est plus dans
une… on n'est pas dans une espèce de grand retour des grèves massives. Puis en
plus on s'est fait expliquer, notamment par la CSQ, quand elle est venue en
audience, qu'il y a un problème conceptuel avec ces chiffres-là, c'est qu'il y
a… quand le front… quand le secteur public part en grève, ça multiplie un peu
artificiellement ce chiffre-là, parce qu'il y a plusieurs accréditations distinctes,
ça fait que, même cette courbe-là, elle est comme un peu dopée artificiellement
par la grève du secteur public en termes de chiffres absolus. Donc, c'est… même
cette courbe-là est à prendre avec un petit grain de sel, mais au final, c'est
quand même une pente, en générale, descendante. Donc encore une fois, il y en a,
des conflits de travail, bien sûr, mais pas de… pas lieu de paniquer.
Troisième figure, je pense que c'est elle
la plus intéressante. En tout cas, c'est celle qui m'a le plus marqué, où on
fait un lien en trois courbes. Donc, ça s'appelle hausse salariale négociée,
inflation et chômage au Québec de 1984 à 2023. Donc, c'est un petit peu plus
long encore. L'autre a commencé en 1971, non, donc c'était l'autre qui était plus
longue, plus longitudinale, celle-là est quand même pas mal, mais on voit la
ligne pleine, ici, c'est la hausse salariale négociée. J'assume que ça doit
être en pourcentage, mais c'est ça. Donc le tableau ici est en pourcentage. La
ligne en pointillé, c'est l'IPC, l'indice du prix à la consommation. Ah! Tiens,
tiens, il y a comme une corrélation assez forte entre les deux lignes, entre
les hausses de salaire et l'IPC. Comment on analyse ça? Ils l'écrivent très
bien dans le mémoire, d'ailleurs, bien, sans grande surprise. S'IPC est forte,
les gens réclament plus de hausses de salaire pour garder à peu près intact, à
défaut de l'améliorer, leur pouvoir d'achat. Si l'inflation et l'IPC est basse,
la pression de faire l'effort immense que constitue un conflit de travail, en
termes émotifs, en termes de ressources, bien la pression est moins forte si l'IPC
est faible, pas moyen de… pas besoin de brasser autant la cabane et de faire
des moyens de pression aussi forts, M. le Président.
Bien, voilà. Qu'est-ce qui se passe
récemment ici, depuis 2020? Wo! Une ascension assez forte de l'IPC. On l'a dit
ad nauseum ici. Crise du coût de la vie. Ça se reflète dans le logement, ça se
reflète à l'épicerie, ça se reflète dans plein de choses au quotidien. Bien, quelle
surprise! La hausse aussi des demandes salariales est forte, est à peu près
collée à celle de l'IPC. Encore une fois, ça ne prend pas la tête à Papineau.
Il est juste là, Papineau, on le salue. Ça ne prend pas la tête à Papineau pour
comprendre que, si des gens ont une hausse du coût de la vie, plus forte que d'habitude,
bien, ils vont vouloir une hausse de salaire plus forte que d'habitude. S'ils
veulent une hausse de salaire plus forte que d'habitude, bien, peut-être que l'employeur
va résister un peu plus, pour toutes sortes de motifs, valables ou pas. Ce n'est
pas ça, la question. Si l'employeur résiste plus que d'habitude, bien, peut-être,
qu'il va y avoir plus de conflits de travail, tout ça d'un point de vue macro,
là, d'un point de vue encore une fois systémique, le mot qui fait mal…
M. Leduc : ...c'est normal.
C'est normal qu'avec l'IPC il y ait plus de conflits de travail. Ça ne veut pas
dire que le système que nous avons pris des années à bâtir doit être révisé de
fond en comble et dont les principes du très fragile équilibre, qui sont
présents depuis, encore une fois, des décennies, doivent être mis en cause,
comme le fait... Bonjour... comme le...
• (16 h 40) •
Le Président (M. Allaire) :
...rappel de prendre le temps de la sonnerie de vos appareils. Deux de suite,
c'est quand même... c'est plutôt rare quand même.
M. Leduc :. Aucun souci pour
moi, M. le Président. On la salue. Aucun... alors aucun, aucun étonnement
devrait être présent dans nos esprits alentour de ça, que ce soit donc du côté
du ministre ou que ce soit du côté de groupes patronaux, voire de chroniqueurs,
de prendre très, j'ose le dire, un peu bêtement, la hausse des conflits de
travail pour dire : Voilà, ça, ici, là, c'est ça qui légitime l'intervention
du gouvernement. Bien, un instant, il y a l'autre tableau aussi, il y a la
hausse de l'IPC puis la hausse des demandes salariales, ça, c'est pas mal plus
pertinent. Ça, c'est plus intéressant pour comprendre et mettre en contexte le
tableau précédent.
Maintenant, je reviens à la motion. De
mettre la main sur les analyses puis les avis juridiques sur le projet de loi,
ça me semble essentiel. Pourquoi? Et mon collègue de Jean-Talon en a très bien
fait l'étalage tantôt. Ce projet de loi comporte de très nombreux problèmes
juridiques, des problèmes juridiques très sérieux, puis, tôt ou tard, on va
arriver dans l'étude détaillée, article par article, puis on va les traiter un
par un, ça, j'en suis convaincu, mais pour les gens qui nous écoutent, je les
réfère à un autre mémoire du CRIMT. Le CRIMT est tellement sur la coche, M. le
Président, qu'ils ont fait deux mémoires avec une autre batch de profs, si je
peux m'exprimer ainsi. Donc, le premier tantôt, c'était l'école de relations
industrielles d'où j'ai tiré les trois tableaux. Là, il y a une autre mémoire
du CRIMT. Eux autres étaient passés le jour d'avant, je pense, le 17 mars
2025. Et, dans ce bassin de professeurs, il y a Julie Bourgault, avocate et
professeure titulaire au département de droit de l'Université du Québec en
Outaouais; Michel Coutu, avocat, professeur émérite, École de relations
industrielles, Université de Montréal; Laura Dehaibi, avocate, est professeure,
département de relations industrielles, Université Laval; Me Dalia
Gesualdi-Fecteau, avocate et professeure titulaire, École des relations de
travail, Université de Montréal, principalement, elle, je pense,
qu'interagissait avec le ministre; Louis Philippe Lampron, avocat et professeur
titulaire à la Faculté de droit de l'Université Laval; Anne Julie Roland,
avocate et professeure chargée d'enseignement à l'École des relations de
travail, Université de Montréal; Gilles Trudeau, avocat et professeur émérite,
Faculté de droit, Université de Montréal; et finalement Maxine Vyssotski
Charlebois, avocate et professeure, Département de sciences juridiques,
Université du Québec à Montréal, de l'UQAM, mon alma mater. Donc, un mémoire un
peu plus juridique, parce que, dans les professeurs, c'est un peu plus des
avocats, des professeurs de droit. Je vais juste vous lire les deux pages du
sommaire exécutif parce que ça frappe, M. le Président. Ça va... ça y va au
toast, là, puis c'est assez frontal, j'y vais : «Sommaire exécutif. Le
présent mémoire soumis par huit experts et expertes universitaires du droit
national et international du travail, du droit constitutionnel. Le mémoire
propose une analyse historique et juridique des changements introduits par le
projet de loi n° 89, visant à considérer davantage les besoins de la
population en cas de grève ou de lockout». Là, ils divisent leur sommaire en
deux sections. Première section, c'est : «Quant au pouvoir spécial conféré
par le projet de loi au ministre de décréter un arbitrage obligatoire et de
mettre fin à la grève. L'imposition de l'arbitrage obligatoire entraînant la
suppression du droit de grève porte atteinte à la liberté d'association, qu'il
survienne avant l'exercice du droit de grève, au début de celui-ci ou après un
certain temps depuis le déclenchement de la grève. Le mécanisme de règlement des
différends qui se substitue au droit de grève ne permet pas forcément de
justifier l'atteinte à la liberté d'association au sens de l'article premier de
la Charte canadienne. Ces modifications envisagées au Code du travail, si elles
devaient être adoptées, entraînent indubitablement une banalisation de la
violation des droits consacrés par les chartes. Ce constat se pose avec encore
plus de vigueur lorsque le recours à l'arbitrage obligatoire repose sur une
décision unilatérale et discrétionnaire du ministre. L'analyse qui devrait être
faite pour évaluer la constitutionnalité du décret pris sous l'égide de
l'éventuel article 111.32.2 du Code du travail repose sur des
considérations éminemment factuelles. Cette analyse se fera au cas par cas. Une
telle modification du Code du travail conduira inévitablement à une
prolifération de contestations constitutionnelles et une judiciarisation des
conflits de travail, puisque chaque...
M. Leduc : ...ça devra être
analysé à l'aune d'une particularité qui lui sont propres. Le pouvoir spécial
octroyé au ministre par ce projet de loi ne respecte pas les engagements
internationaux du Québec, c'est-à-dire les conventions numéro 87 et 98 de
l'OIT, l'Organisation internationale du travail. En effet, en vertu du droit
international, la grève ne peut être limitée ou interdite que dans les services
essentiels au sens strict du terme, et l'arbitrage obligatoire ne peut être
imposé de manière unilatérale et discrétionnaire par le gouvernement. Ayoye!
Deuxième section, quant aux dispositions
du projet de loi n° 89 portant sur l'obligation de maintenir des services
assurant le bien-être de la population en cas de grève, l'article 4 du
projet de loi, le Tribunal du travail mobilise une définition englobante de la notion
de sécurité et démontre de larges pouvoirs qu'il peut déjà exercer quand les
circonstances le justifient. L'ajout des concepts comme le bien-être ou la
sécurité sociale, des notions indéfinies juridiquement, risquent de faire
double emploi avec le régime des services essentiels et d'engendrer confusion
et incertitude quant à la portée de notre régime juridique. Ça fait mal, ça, M.
le Président. Confusion et incertitude quant à la portée de notre régime
juridique. Quand je vous disais qu'il frappe fort, ça fait mal.
L'insertion du critère sécurité économique
trahit le principe même de la grève qui est précisément d'imposer un fardeau
économique à l'employeur. Le principe même de la grève, M. le Président. Comme
l'a souligné la Cour suprême en 2015, si la grève est un moyen de pression
économique certes redoutable, elle constitue néanmoins une composante cruciale
de la promotion de la paix industrielle et partant socioéconomique. Les
dispositions du chapitre5 1.1 ont le potentiel d'entraver substantiellement la
liberté d'association. Ces entraves devront être appréciées à l'aune de
l'article premier de la Charte canadienne. Une fois de plus, cette analyse se
fera au cas par cas, au risque d'une judiciarisation des conflits de travail.
Les dispositions envisagées en ce qui
concerne les services visant à assurer le bien être de la population sont
larges et débordent du cadre établi par le droit international dans la mesure
où elles ne se limitent pas aux services publics d'importance primordiale et
aux crises nationales aiguës. De façon générale, les pouvoirs discrétionnaires
conférés au gouvernement et au ministre par le projet de loi n° 89
heurtent les principes de primauté et de prévisibilité du droit en plus d'être
une source de potentielles iniquités entre les milieux de travail oeuvrant ou
non dans un même secteur d'activité. Ces principes pourraient servir d'assise
juridique pour contester la validité conditionnelle des chapitres 5.1 et
5.3.1. Ces principes peuvent servir d'assise juridique pour contester la validité
constitutionnelle. On se l'est fait dire en plus par l'intégralité des
centrales qui sont venues ici et elles vont contester le projet loi n° 89 la seconde et quart suivant la signature du
lieutenant-gouverneur, et là, on est en train de dire : Oui, oui, ils
auront raison, par des experts en droit, les professeurs d'université. Moi, ça
m'inquiéterait à la place du ministre, en particulier pour son héritage, parce
que si, dans quelques années, ça monte en Cour suprême et que ça se fait
démolir, mais ça va être son nom qui va être associé à ça.
Je termine le sommaire exécutif avec
l'extrait suivant, M. le Président. «Le projet loi n° 89
pose un risque accru de judiciarisation et de politisation des relations de
travail, instaure de ce fait une indétermination du cadre juridique
applicable.» Là, je vous épargne la lecture de cette section-là, mais elle est
particulièrement éclairante. Dans le fond, les experts nous
disent : La mise en concurrence des deux régimes... le ministre
parlait d'un régime parallèle, mais la mise en concurrence des deux régimes,
c'est terrible, ça. Qu'est-ce qui va arriver? Eh bien, il va se passer que dans
un dossier X ou Y, un groupe patronal va se demander lequel des deux régimes
pourrait potentiellement être utilisable. Parce que ne l'oublions pas, je le
disais tantôt en citant la décision du TAT sur le RTC, il pourrait être appelé
à se repencher dans le futur sur l'inclusion ou pas des services de transport
dans les services essentiels. C'était une disposition du projet de loi de 2019
que le ministre et moi avons discuté et débattu dans cette Chambre. C'était la
façon du ministre de dire : On se garde une porte ouverte. Donc, on sort
les espèces d'applications un peu bêtes des pourcentages, on resserre les
critères sur la sécurité et la santé physique des personnes, mais on se garde
une petite porte ouverte pour la situation qui évolue. C'était assez habile en
fait. On ne sait jamais comment le futur va se développer, quelles nouvelles
technologies pourraient arriver. On se fait tout le temps expliquer ça dans nos
fameux cours de droit constitutionnel. C'est le pouvoir subsidiaire de la
Confédération canadienne qu'on a décidé, malheureusement à l'époque, qui
retombait sur le fédéral...
M. Leduc : ...c'est pour ça
que les télécommunications, c'est fédéral.
• (16 h 50) •
Une voix : ...
M. Leduc : Résiduaire, merci.
J'ai un vrai avocat à mes côtés. Moi, j'ai juste un certificat en droit du
travail. Je ne suis pas tout à fait un vrai juriste, je suis un «wannabe» juriste,
en bon français. Donc, pouvoir résiduaire. Merci, merci.
Tout ça pour vous dire qu'on a à peu
près... pas fait un équivalent, mais on... c'est un peu ça qu'on a fait dans le
domaine du droit du travail en disant : Pour les services essentiels, la
cour, le TAT a le droit de réinterpréter dans le futur. Ils l'ont dit eux-mêmes
dans la décision.
Bien, ces deux régimes-là, côte à côte,
qui... qu'est-ce qui va s'appliquer? On a eu... On a eu même ce débat-là dans
le cadre... Tu sais, je faisais référence à l'ouverture... une intervention
législative du ministre, que j'ai somme toute appréciée, qui était
l'encadrement légal des stagiaires. J'étais content qu'il le fasse, j'étais
juste qu'il fasse un régime parallèle. J'aurais souhaité que ça soit intégré
pleinement dans les normes du travail, puis c'était à peu près ma seule
critique que je lui avais faite à l'époque : Pourquoi vous créez un régime
parallèle? Le régime est déjà là. Faites juste intégrer les étudiants dans ce
régime-là. Bien là, j'ai l'impression qu'on rejoue dans le même film.
Le ministre est un... Je finis par le
connaître, hein, sept ans à travailler ensemble. Il aime ça, les espèces de
trucs parallèles, à côté, un peu différent, un peu... un peu pareil, pas
pareil, une formule que je trouve un peu alambiquée, pour être honnête, M. le
Président, parfois. Bien là, on 100 % là-dedans, là, 100 % là-dedans.
Parce qu'il le sait que, s'il va rejouer dans la notion des services
essentiels... il le sait qu'il va perdre en Cour suprême, il le sait que c'est
très clair, la jurisprudence. Alors, il essaie quelque chose, il essaie quelque
chose en parallèle. Il dit : Bien non, non, mais ce n'est pas... il a eu
l'échange tantôt avec mon collègue, ce n'est pas tout à fait les services
essentiels, c'est autre chose. Tout le monde a compris ce que c'était, en
particulier les gens qui sont venus soutenir le projet de loi, ils utilisaient
tous le vocable «services essentiels». Il a même cité, le ministre, l'exemple
tantôt des transports de traversiers, le vocable était utilisé pour services
essentiels. Bien, voilà, exactement... C'est ça qu'il veut faire. Il veut venir
combler, sans pouvoir le faire, parce qu'il sait qu'il ne peut pas le faire...
il veut élargir la notion de services essentiels, mais il n'en est pas capable.
Il est... Il est un peu prisonnier de la jurisprudence, à son corps défendant,
peut-être, je ne sais pas, mais là il a trouvé ça, cette espèce de voie de
contournement un peu bizarre. Et il se fait critiquer : «L'indétermination
du cadre juridique applicable, un risque accru de judiciarisation et de
politisation des relations de travail instaurant une indétermination du cadre
juridique applicable». C'est quand même... C'est quand même fort, ça, M. le
Président.
Moi, je trouve ça bien dommage parce qu'on
devrait être en train de faire autre chose. Si le ministre avait voulu
intervenir dans le droit du travail en disant : Il faut qu'on bouge un peu
sur les conflits, il y a quelque chose à faire... J'ai émis des pistes tantôt.
On a parlé d'être plus sévère sur les briseurs de grève, on a parlé d'être plus
sévère, c'était quoi l'autre aspect, sur la notion d'établissement notamment.
Pourquoi ce n'est pas dans le projet de loi? Pourquoi, au pire, il ne fait pas
aussi les deux? Pourquoi il n'a pas rajouté ça aussi? Pourquoi il fait juste un
volet? Je ne le comprends pas, ça. Je ne le comprends pas. Ça m'étonne. Ce
n'est pas... Je ne reconnais pas le ministre dans son approche sur ce projet de
loi là. Je le reconnais sur la forme, je disais tantôt un truc un peu
alambiqué, mais, sur le fond, ça me surprend. Le ministre recherche toujours
l'équilibre, recherche toujours à ne pas être en froid avec une ou l'autre des
parties.
Je l'ai entendu dire, l'autre jour :
Bien là, mon projet de loi n° 89, tous les syndicats sont venus me dire qu'ils
étaient contre, tous les groupes patronaux sont venus me dire qu'ils étaient
pour, donc j'ai trouvé l'équilibre. Bien, voyons! Ce n'est pas comme ça que ça
marche. Si tout le monde était venu dire qu'il était contre, vous auriez
peut-être pu plaider que vous aviez trouvé un équilibre, mais là, si tous les
syndicats sont contre et tous les patrons sont pour, il n'y en a pas,
d'équilibre. Ce n'est pas ça, l'équilibre. C'est le déséquilibre, c'est la
consécration même du déséquilibre.
J'ai trouvé l'approche du CRHA assez
intéressante. CRHA, c'est le conseil des... l'ordre des conseillers en
ressources humaines agréés. Puis eux, ils occupent une place assez fascinante
dans l'échiquier du droit du travail. Les conseillers en ressources humaines
agréés, c'est comme... c'est comme les cadres, dans le fond. Ça fait qu'ils
sont dans la partie patronale sans être les patrons, dans ce sens qu'ils
négocient des griefs, ils appliquent des politiques, ils appliquent du droit,
mais ce n'est pas eux qui décident des grandes orientations de l'entreprise,
ça, c'est les patrons, les possédants, les conseillers en ressources humaines,
c'est plus des cadres, mais ils sont proches des travailleurs. Tous les
conseillers en ressources humaines, c'est la porte ouverte, ils reçoivent des
travailleurs qui leur parlent de toutes sortes de problèmes qui sont...
M. Leduc : ...un pied dans les
deux mondes. Mais qu'est-ce qu'ils sont venus dire au ministre? Ils ouvraient
la porte à une reconsidération de la notion de services essentiels pour
peut-être faire des ajustements, même les centrales syndicales étaient ouvertes
à ça, mais sur la notion de l'arbitrage automatique exécutoire qui mettait fin
abruptement à la grève, ils sont venus dire la même chose que les
centrales : Retirez ce bout-là. Les patrons, il y a des cadres sont venus
dire ça au ministre. Ça n'a pas fait grand bruit. Moi, j'ai retenu ce
passage-là, des CRHA qui sont venus dire : L'arbitrage exécutoire qui met
fin à la grève, ce n'est pas possible. Retirez-moi ce bout-là.
Alors, on verra à l'étude par articles
s'il y a peut-être des amendements, le ministre a même dit qu'il y avait des
amendements qui allaient... Je ne sais pas s'il va reprendre la même bonne
pratique qu'il avait dans les précédents projets de loi, c'est-à-dire de
déposer tout de suite, d'entrée de jeu, l'ensemble de ses amendements. Je le
regarde voir s'il veut répéter ce bel exercice là. Sinon, nous allons les
apprendre au fur et à mesure. On le verra tantôt. Nous, ça nous permet de mieux
pouvoir nous enligner sur la pertinence de nos amendements, mais, au pire, on
les regardera un à la suite de l'autre, ce n'est pas grave. Mais cette façon-là
de travailler, M. le Président, de dire : Il y a un... je vois un problème,
je prends une partie des données pour justifier un problème, je sais que je
n'aurai pas gain de cause devant la Cour sur les services essentiels,
c'est-à-dire jusqu'où ils voudraient aller, même s'il le sait, il s'est fait
dire notamment par les centrales qu'il aurait de l'ouverture pour regarder ça,
non, non, il préfère inventer un régime parallèle, contourner le droit actuel,
espérer que ça, ça tough plus longtemps à la hauteur de ce que ça veut dire en
matière de contestation juridique. Donc, quand on part une contestation comme
ça, M. le Président, bien, avant que ça monte jusqu'à la Cour suprême, on est
dans un délai de quoi, cinq à 10 ans au moins, ça peut vouloir dire
peut-être deux autres gouvernements différents, là, avant qu'une décision soit
rendue. Est-ce que c'est la chose responsable à faire, de savoir que son régime
va être contesté pendant presque cinq à 10 ans? Est-ce que c'est la chose
responsable à faire? Je suis convaincu que non.
Là, je termine là-dessus, avec les minutes
qu'il me reste, M. le Président. Il ne pourra pas me répondre sur le champ,
mais on en reparlera certainement tantôt. Le ministre, tantôt, m'a dit, ou a
dit plutôt : C'est faux de dire... c'est inexact de dire que je ciblerais
les CPE, mais ça a fait référence à ça tantôt. Tout le contexte tend à prouver
le contraire, mais, après ça, il faut entendre ce que l'autre partie nous dit,
hein, audi alteram partem, comme disait M. Landry, mais est-ce que le
ministre, dans ce cas-ci, et, encore une fois, il me répondra tantôt, mais
est-ce qu'il est prêt d'abord à s'engager à ce que si jamais son projet de loi
est adopté tel quel et qu'il y a grève dans les CPE dans les prochaines
semaines à ne pas mobiliser son projet de loi, à ne pas utiliser son projet de
loi pour la grève des CPE? Est-ce qu'il est prêt à s'engager là-dessus? Parce
que, là, il veut nous convaincre que ce n'est pas son intention de s'en servir
trop souvent, que ce n'est pas quelque chose qui est fait à cause des CPE, ah,
mais qui vivra verra. Mais là, si on veut... on veut bien comprendre son
intention, est-il prêt à s'engager? Je le mets au défi de ne pas mobiliser son
projet de loi n° 89 dans le cadre d'une éventuelle...
parce qu'on ne la souhaite pas, M. le Président, d'une éventuelle grève des
CPE. Je lui pose la question. Je sais que je n'aurai pas de réponse maintenant,
nous ne sommes pas rendus à la partie d'échange, mais il m'a regardé, il m'a
bien compris la question. Nous aurons certainement l'occasion d'y revenir. Et
je vais m'arrêter là-dessus, M. le Président. Merci.
Le Président (M. Allaire) : Merci,
M. le député d'Hochelaga-Maisonneuve. D'autres interventions? Ça va. S'il n'y a
pas d'autre d'intervention, nous allons procéder à la mise aux voix de cette
motion préliminaire. Est-ce qu'elle est adoptée?
Une voix : Par appel nominal.
Le Président (M. Allaire) : Par
appel nominal. Par appel nominal, s'il vous plaît.
Le Secrétaire : Pour, contre,
abstention. M. Boulet (Trois-Rivières)?
M. Boulet : Contre.
Le Secrétaire : M. Caron
(Portneuf)?
M. Caron : Contre.
Le Secrétaire : M. Tremblay
(Dubuc)?
M. Tremblay : Contre.
Le Secrétaire
: Mme Lachance
(Bellechasse)?
Mme Lachance : Contre.
Le Secrétaire : Mme Picard
(Soulanges)?
Mme Picard : Contre.
Le Secrétaire : Mme Prass
(D'Arcy-McGee)?
Mme Prass : Pour.
Le Secrétaire : M. Leduc
(Hochelaga-Maisonneuve)?
M. Leduc : Pour.
Le Secrétaire : Et, M. Allaire
(Maskinongé)?
Le Président (M. Allaire) : Abstention.
Donc, la motion préliminaire, elle est rejetée. Je comprends qu'il y a une
autre motion préliminaire que le deuxième groupe de l'opposition souhaite
déposer. Donc, M. le député d'Hochelaga-Maisonneuve, je vous cède la parole.
M. Leduc : Moi, il m'en reste
juste une. Je vois que vous en aviez deux dans votre...
Le Président (M. Allaire) : Oui.
Laquelle, juste pour être certain, là?
M. Leduc : Celle du TAT.
Le Président (M. Allaire) : Ça
va, on va l'afficher.
M. Leduc : Ça va?
Le Président (M. Allaire) : Oui,
on va y aller.
M. Leduc : Merveilleux. Que,
conformément à l'article 244 du règlement de l'Assemblée nationale, la
Commission de l'économie et du travail, avant d'entreprendre l'étude détaillée
du projet de loi n° 89, Loi visant à considérer
davantage les besoins de la population en cas de grève et de lock-out, tienne
des consultations particulières...
M. Leduc : ...et qu'à cette
fin, elle entende le Tribunal administratif du travail.»
• (17 heures) •
C'est quand même inhabituel, je vais le
dire comme ça, M. le Président, de te proposer d'entendre le TAT. Comme c'est
une instance de jugement qui se veut le plus neutre possible, bien sûr, il y a
toujours une distance, hein, avec les élus. Cependant, le cas en espèce du
projet de loi n° 89 nous appelle, je pense, à faire
cette exception.
Les.... J'ai lu à l'instant, avant qu'on
batte la motion de mon collègue de Jean-Talon, à quel point les collègues du
CRIMT, C-R-I-M-T, la, de l'université... des universités, des profs de droit et
des relations industrielles des différentes universités étaient inquiets quant
aux imprécisions de ce projet de loi là, quant au caractère un peu flou de
certaines données. Bien, il y a d'autres collègues aussi qui ne sont pas très
heureux de ça, et j'y ai fait référence tantôt dans un autre extrait. Mais là,
je vais lire l'extrait encore du mémoire de l'École des relations industrielles
de l'Université de Montréal qui sont affiliés au CRIMT aussi, donc Mélanie
Laroche, Patrice Jallette, Gregor Murray, et ça va comme suit :
«Le projet de loi n° 89 introduit un
nouveau type de conflit, soit des conflits qui jusqu'ici ont toujours été
considérés comme non essentiels, soit des conflits qui pourraient viser des
entreprises privées dans le commerce ou même le secteur manufacturier. Bien que
ces conflits aient pu déranger les clients, les bénéficiaires, les usagers ou
les citoyens concernés, ils ne mettaient pas en danger ni la santé ou la
sécurité publique. Comme la propose le projet de loi. Le passage de la notion
de conflit affectant des services essentiels à celle de conflit affectant de
manière disproportionnée la sécurité sociale, économique ou environnementale de
la population, notamment celle de personnes en situation de vulnérabilité, non
seulement élargit le nombre de conflits considérés, mais introduit un flou qui
prendrait des années à être clarifié et laissera pendant ce temps les parties
dans l'incertitude. Ces notions nouvelles devront être interprétées au gré du
contexte, introduisant une dose supplémentaire d'incertitude dans le système de
relations de travail. De plus, l'introduction par le projet de loi d'un critère
de proportionnalité est confuse et probablement inapplicable. Si la
disproportion vise à comparer et à soupeser la liberté individuelle
d'association et celle du droit de la sécurité dans le cadre d'un conflit même
de nature privée, les tribunaux ont déjà, avec les chartes, tous les outils
nécessaires pour y parvenir. Si cette disproportion vise plutôt à soupeser les
enjeux et les impacts d'un conflit, comment alors mesurer les désagréments à la
sécurité environnementale, sociale ou économique vécus par la population? En le
mettant en rapport avec les objectifs poursuivis par cet arrêt de travail. Il
s'agit d'un problème de mesure bien réel, car il faudrait aussi considérer les
bénéfices produits pour l'ensemble de la population par l'amélioration des
conditions de travail des groupes en conflit et potentiellement des services
qu'ils assurent. Par exemple, il n'est pas rare que dans les secteurs des
services publics, les points litigieux menant au conflit sont animés par un
désir des travailleurs d'améliorer les services à la population ou d'en éviter
la dégradation.»
Je fais une pause ici et je parlais des
CPE un peu plus tôt aujourd'hui. Quand je fais la tournée des grèves, des
lignes de piquetage en CPE. Oui, elles se battent pour leurs conditions de
travail, mais je le disais, elles se battent surtout pour celles qui vont
suivre. Elles se battent aussi pour les conditions de vie des tout petits.
Elles le voient bien qu'elles ne sont pas capables de livrer un service aussi
bon que ça a déjà été. Elles le voient bien le réseau dépérir à vue d'oeil.
Elles n'ont pas envie de voir leur milieu de travail se transformer pour le
moindre... le moins... le moins bien, dans le fond, pour le pire. Alors, bien
sûr que leur grève, par la force des choses, avec un gain intéressant en
matière de conditions de travail, va stabiliser le réseau et par le fait même
attirer des nouveaux talents, repartir des cohortes dans les cégeps, éviter des
transfuges vers Costco et vers le réseau de services de garde à outrance,
stabiliser la main-d'oeuvre et de facto assurer un meilleur service à la
population. C'est ça la thèse des professeurs ici. C'était la même chose dans
les écoles. Quand on a fait la grève des profs, des employés de soutient dans
les écoles, c'était la même chose, si on ne payait pas les profs d'un... avec
un... avec un salaire décent, bien, on allait se retrouver avec un adulte dans
la classe comme le disait si bien le ministre de l'Éducation, puis encore là,
ça va être un défi à chaque...
17 h (version non révisée)
M. Leduc : …mois de septembre.
De s'assurer qu'il y avait au moins un adulte dans la classe dans chaque classe
du Québec. Je poursuis. «Dans le même esprit, un conflit dans le secteur privé
peut viser à empêcher un employeur à délocaliser une partie de ses activités
qui seraient susceptibles d'affecter la place des opérations locales dans la
chaîne de valeur mondiale, ce qui n'irait pas sans conséquences pour la
communauté locale. De telles considérations seront-elles prises en
considération dans l'évaluation de la proportionnalité? En dépit de nos
expertises et de nos expériences en matière de relations de travail, il ne nous
est pas possible de déterminer comment on peut affecter de manière
proportionnée ou disproportionnée la sécurité économique, sociale et
environnementale. Plusieurs années ponctuées d'essais et d'erreurs, de
malentendus et de décisions du TAT seront probablement nécessaires au
développement d'une interprétation fonctionnelle de ces notions floues», je
répète, une interprétation fonctionnelle de ces notions floues. Plusieurs
années de décisions du TAT. On ne parle pas d'une application, là, qui aura
trouvé son air d'aller dans six mois, là. Plusieurs années ponctuées d'essais,
d'erreurs, de malentendus, de décisions du TAT seront probablement nécessaires
au développement d'une interprétation fonctionnelle de ces notions floues. On
parle toujours des notions de sécurité économique, sociale et environnementale
et du caractère proportionné ou disproportionné de l'atteinte à celles-ci.
Le TAT dispose déjà d'une latitude pour
élargir ou rétrécir la notion de service essentiel à la lumière des normes
sociales et de sa propre jurisprudence. Tiens, tiens! Les parties à ces
conflits sont libres de le faire valoir, leur argumentaire au moment d'arrêter
la définition de services essentiels dans chaque conflit. Bien oui, on vient de
le voir dans le dossier du RTC à deux reprises, la RTC est allée voir puis elle
a dit : Oui, oui, je pense qu'on peut essayer de revoir si ça cadre ou pas
dans service essentiel. C'est possible de le faire au moment où on se parle. Ce
n'est pas une procédure qui est souvent utilisée, d'ailleurs. Le ministre aurait
pu faire cet appel-là à la place de faire un p.l. Si vous voulez, les patrons,
essayer quelque chose, allez essayer… allez voir le TAT, préparez-vous comme du
monde, mettez un argumentaire, plutôt que de dérouler un tapis vers une voie de
contournement.
«Notre régime de relations de travail
étant soumis à un contrôle étatique important et un tel degré d'intervention de
l'État étant inhabituel au regard des normes internationales, il ne nous
apparaît pas approprié pour le Québec de se distinguer et de s'isoler davantage
sur le plan international. Outch! Il ne nous apparaît pas approprié pour le
Québec de se distinguer et de s'isoler davantage au plan international.» C'est
une situation qui frappe, parce qu'un peu plus tôt dans le mémoire ils font
référence au fait que, toutes choses étant égales, par ailleurs, le droit de
grève au Québec est déjà quand même assez restreint. Des périodes assez
précises où est-ce qu'on peut faire le droit de grève. Ce n'est pas illimité,
là, c'est un nombre de jours après la fin de la convention, etc. On fait
référence à la France, parfois, la France, c'est un autre extrême, mais ils n'ont
pas à peu près de limitations au droit de grève, ils peuvent faire une grève de
solidarité en France, même si nos conditions de travail sont bonnes, si la
convention n'est pas échue, est prévue pour dans deux, trois ans. Mais on a un
groupe de travailleurs dans une industrie voisine qui ont besoin de soutien,
bien, on peut faire la grève de solidarité, c'est parfaitement légitime et
assez courant, même. Mais ici au Québec, on n'a pas le droit. Donc, le droit de
grève est déjà somme toute assez restreint. C'est la thèse des trois
professeurs de l'Université Laval de l'École de relations industrielles.
• (17 h 10) •
Puis là on vient avoir un ministre qui
leur dit : non seulement ce n'est pas assez… on seulement c'est déjà assez
restreint, mais on va plus loin encore. Pourquoi j'ai proposé qu'on entende le TAT?
Bien, pour ça, M. le Président. Parce que quand on a trois professeurs experts
en relations industrielles qui nous disent que plusieurs années seront
nécessaires pour développer et interpréter… pour développer une interprétation
fonctionnelle de ces notions floues, ça m'inquiète. Je ne sais pas si je serai
assis avec le ministre dans la prochaine législature, dans un an et des
poussières. Qui vivra verra. Je sais que peu importe si moi ou lui, nous
revenons ici, nous allons probablement retourner peut-être à nos pratiques
antérieures ou, d'une certaine manière, continuer à évoluer dans le milieu du
travail. Par contre, l'approche qu'il aura cimentée ici et ce que j'estime être
les problèmes potentiels qu'il aura créés, seront, eux, complet et entiers, que
notre présence…
M. Leduc : ...si se pérennise
ou pas. Et quand on a trois experts en relations industrielles qui nous disent
que plusieurs années de décisions seront nécessaires pour développer une
interprétation fonctionnelle du TAT, mais j'aimerais ça de l'entendre, moi, le
TAT, parce que je suis pas mal certain qu'ils n'étaient pas très, très
enthousiastes quand ils ont vu la nature du projet de loi, quand ils ont vu la
grosseur de la patate chaude que le ministre prévoyait leur balancer pour
dire : Bon, bien, les amis, voici des notions, puis vous vous arrangez
avec ça, moi, je veux juste pouvoir faire quelque chose politiquement, hein, il
y a un conflit dans une région x ou y, ou une industrie x ou y, c'est un
problème, les médias en parlent, les citoyens m'en parlent, mes députés de mon
caucus m'en parlent, bien, voilà, je vais pouvoir avoir dit j'ai fait quelque
chose. Parce que, dans le conflit du RTC, reprenons encore l'exemple de... de
tantôt, le ministre était un petit peu politiquement attaché. Qu'est-ce qu'il
pouvait dire, le ministre, pendant le conflit du RTC? Pas grand-chose, à part
de dire : l'état du droit est tel qu'il est puis les groupes pourront
aller plaider. Je suis un politicien maintenant moi aussi, là, je le comprends
qu'il avait une pression et l'appel de pouvoir faire quelque chose de plus
gros, mais ce n'est pas parce que l'appel puis la pression sont là qu'il faut
leur succomber. Combien de fois on se fait dire, peu importe les partis, qu'il
faut faire x ou y affaires à cause de tel sondage ou à cause de telle position
d'un autre parti dans un autre pays, dans une autre industrie. Bien, bien sûr
qu'on peut se laisser influencer dans les débats, c'est ça, le concept,
d'écouter des arguments, mais il faut y aller selon nos convictions, il faut
aussi y aller avec notre responsabilité d'élu, en particulier quand on
administre l'État quand on est au pouvoir, quand on est à la tête d'un
ministère aussi important que le ministère du Travail. Je ne sais pas quel a
été le niveau de discussion que le ministre a eu avec le TAT en amont de son
projet de loi. Je ne sais pas si, en général, il y a des discussions avec le
TAT en amont de ses différents projets de loi. J'imagine que, dans ce cas-ci,
en tout cas, je souhaite qu'il y en ait eu une certaine forme. Je serais
curieux d'entendre le TAT, qu'est ce qu'ils ont à nous dire là-dessus? Comment
ils voient ça, eux et elles, le TAT, d'appliquer des notions comme la
proportionnalité d'une atteinte dans une sécurité économique, sociale et
environnementale? Qu'est-ce que ça veut dire, ça, pour le TAT?
Puis ça, M. le Président, comme je vous
disais, je connais bien mon collègue le ministre du Travail, on a eu plusieurs
projets de loi ensemble, on appliquait toutes sortes de choses, parfois du
droit nouveau, parfois des ajustements au droit, le ministre était très, très,
très habitué, en particulier quand il faisait du droit nouveau à utiliser, avec
beaucoup de prudence, la disposition... les dispositions finales pour voir
quand est-ce que ce serait appliqué. Vous connaissez le concept, un projet de
loi, vous n'êtes pas obligé de le rentrer en vigueur au complet en même temps,
vous pouvez choisir certains articles qui vont entrer en vigueur à un moment x,
d'autres à un moment y. La dernière fois qu'on a eu cette discussion-là, ça m'a
beaucoup fâché, c'était sur le projet de loi sur la construction, on avait enfin
convaincu le ministre de permettre la rétroactivité salariale, mais, surprise,
en fin, fin, fin de parcours, un des derniers articles, grande déception, le
ministre avait décidé que ça ne s'appliquerait pas à la négociation qui allait
commencer. Écoute, je ne referai pas le débat, mais il n'y a pas beaucoup de
justifications. Mais pour vous dire que là, là, il fallait faire bien
attention, là, là, on ne pouvait pas l'appliquer trop vite, là, le nouveau
droit. Tous les salariés du Québec ont le droit de négocier de la rétro, sauf
les salariés de la construction. On avait finalement décidé de mettre ça
derrière nous, mais pas tout de suite. Ça va être appliqué juste dans quelques
années. Ça, c'était important pour le ministre, à ce moment-là, de faire une distance.
J'imagine que c'était peut-être sa façon de dire au patronat : Bon, mais,
regardez, des petits gestes, le député d'Hochelaga-Maisonneuve a été bien
fatiguant avec ça, il a bien fallu que je donne quelque chose. Puis là, par
contre, ça ne s'applique tout de suite, ça fait que la prochaine négo. Bien,
coudon! Alors, moi, je m'étais imaginé, on dira peut-être naïvement, que
l'application de concepts aussi vagues et un bouleversement aussi frontal de
l'équilibre des forces en matière de droit de grève, j'aurais imaginé qu'il y
aurait eu une application quand même assez décalée, tu sais...
M. Leduc : ...on est en... au
mois d'avril, presque au mois de mai. Je me suis dit : Bien, mettons que
c'est appliqué là avant la fin de la session, il va certainement laisser six
mois, peut-être un an avant que ça rentre en vigueur. Non, bien non. Sous
réserve de surprise qui nous sera déposée, en temps et lieu, par le ministre,
que dit le projet de loi, là, n° 89, à l'article 11, Dispositions finales?
«Les dispositions de la présente loi entrent en vigueur le (indiquer ici la
date de la sanction de la présente loi).» La sanction de la présente loi, pour
les gens qui nous écoutent, c'est, une fois qu'on l'a adopté au salon rouge, le
ministre prend rendez-vous avec le lieutenant-gouverneur, traverse la rue,
signature. Je ne sais pas s'il y a une photo. Peut être que oui, peut-être que
non. Pas de photo, qu'on me dit. Et, après ça, voilà, la loi prend effet à la
signature par le lieutenant-gouverneur.
Pourquoi, là, c'est une application
immédiate? Pourquoi, cette fois-ci, contrairement à plein d'autres fois où
est-ce qu'on avait du droit nouveau, puis que le ministre avait insisté pour en
faire une application différée... pourquoi, cette fois-ci, c'est une application
immédiate, à la sanction de la loi? Pas dans trois mois, pas dans six mois, pas
dans un an. Immédiatement.
Tantôt, je disais... Le ministre nous dit
qu'il ne veut pas qu'on pense que ça a été fait contre les CPE. Bien, encore
une fois, le contexte conspire à l'inverse. Et ça, c'est un élément de contexte
qui conspire à l'inverse. Si le ministre avait mis du droit nouveau comme ça,
avec une application différée dans six mois — je prends un chiffre
comme ça — bon, pas mal sûr... Et je souhaite ardemment qu'il n'y ait
pas de conflits de travail toujours dans les CPE dans six mois, on se comprend
bien. Mais là ce n'est pas ça. Là, c'est appliqué immédiatement.
Donc, une idée sortie de nulle part,
pendant le jour de l'an, par un article dans Le Nouvelliste, un projet
de loi déposé, sans consultations préalables par le milieu syndical, à la
va-vite, en janvier, des auditions, quand même, assez expéditives février,
mars. Et là on est en avril. On imagine que ça va être adopté et sanctionné
quelque part au mois de mai. Bien, encore une fois, hein, tout conspire à ce
qu'on imagine qu'en effet il y a une cible potentielle de ce p.l. là, puis
c'est la grève des CPE. Je souhaite me tromper.
Et, encore une fois, hein, je l'ai lancé,
le défi, tantôt, au ministre : qu'il s'engage maintenant à nous dire qu'il
ne l'appliquera pas aux CPE. Ça va peut-être rassurer quelques personnes. Moi,
je le regarde puis je lui dis : S'il s'engage à dire qu'il ne l'applique
pas aux CPE, peu importe ce qui se passe, là, je vais arrêter de plaider que
c'est un objectif du gouvernement. Je vous jure. C'est filmé, là, c'est
enregistré. Qu'il s'engage clairement. J'arrêterai de le dire. Autrement, pour
moi, le contexte conspire à ce que ce soit, en effet, un outil. Et une forme
d'épée de Damoclès, hein? Parce que...
Le Président (M. Allaire) : ...prêtez
des intentions quand vous affirmez une telle chose. Donc, pour vos prochaines
interventions, votre prochaine intervention, je vous invite à la prudence.
M. Leduc : Juste pour
clarifier l'intention. C'est quoi qui m'est reproché?
Le Président (M. Allaire) : Bien,
en fait, vous sous-entendez que le gouvernement va se servir de ça dans un
conflit qui est actuel et qui se... et qui perdure, donc je vous invite à la
prudence. C'est... Vous ne faites pas une critique, vous prêtez des intentions.
Je l'ai dit tantôt, la ligne est mince. Merci de faire attention.
M. Leduc : Bon, parfait, M.
le Président. De toute façon, mon défi est lancé au ministre. On verra s'il me...
s'il me répond.
Peut-être pour terminer, M. le Président,
moi, le... ce qui m'inquiète pour la suite des choses, avec le TAT, c'est qu'il
y a en ce moment, une transition au TAT, hein, la présidente du TAT quitte. À
ma connaissance, elle n'est toujours pas remplacée, sauf si mes informations ne
sont pas à jour. Elle est remplacée? O.K., c'est plus récent que je pensais,
tant mieux. Mais, bref, une transition est en cours. Ce n'est jamais un élément
simple dans une institution aussi importante qu'un tribunal, du travail, au
demeurant, et d'amener ce tribunal-là à devoir jongler avec des principes aussi
flous que ceux qui sont mis dans le mémoire, avec des réactions aussi
politiques qui vont l'être, à savoir l'assujettissement ou pas d'un groupe à un
conflit, moi, ça m'inquiète, et il me semble que ça aurait été la chose à faire
d'inviter le TAT pour qu'il nous explique comment il juge possible ou pas de
rencontrer les exigences du ministre comme il le souhaite dans son projet de
loi, et quel serait l'échéancier souhaité.
Puis je me suis inspiré, dans cet
argumentaire-là, M. le Président, d'un autre dossier qu'on...
M. Leduc : ...qu'on traite en
ce moment, que la réforme électorale. La réforme électorale, comment ça marche?
Le DGEQ... Il y a des... Il y a des concertations, il y a des discussions avec
les différents partis, mais, à un moment donné, le DGEQ trace une ligne puis
dit : Si vous voulez, chers élus, que je modifie x ou y choses pour les
prochaines élections — heureusement nous avons des élections à date
fixe au Québec maintenant, à savoir octobre 2026 — je dois avoir une
indication claire de ce qui va se passer avant x date. Souvent, c'est à peu
près un an d'avance. C'est un peu ça qu'il nous a dit. Il nous a dit :
Chers élus, vous voulez des modifications pour l'élection 2026, adoptez-les là,
avant l'été 2025, pour que j'aie le temps de les appliquer en 2026.
• (17 h 20) •
On avait eu exactement le même débat sur
la réforme du mode de scrutin. Le DGE nous avait dit la même chose : Si vous
voulez une réforme du mode de scrutin... Je pense qu'il avait dit deux ans de
délai, à l'époque. Il fallait donc se dépêcher à adopter... à discuter et
adopter un projet de loi. Je ne referai pas toute l'histoire, mais...
Moi, j'aimerais ça savoir, donc, qu'est-ce
que le TAT souhaiterait comme délai d'application. Parce que, pour discuter
d'une compréhension commune de ces enjeux-là, il faut que ça se parle. Ça ne va
pas se faire à la va-vite en disant : Bien, au cas par cas, on verra bien,
puis tranquillement, petit chemin faisant, quelque chose comme un courant
jurisprudentiel va se constituer.
On a eu à peu près la même réflexion... En
ce moment même, aujourd'hui même, on dépose une partie du rapport sur la
commission sur le temps d'écran, sur l'interdiction des cellulaires en classe.
Pourquoi? Parce que tout le monde était d'accord de l'interdiction, mais on
n'était pas d'accord sur l'échéancier. Nous, on ne voulait pas que ça soit
appliqué tout de suite à la rentrée, on trouvait ça trop court. Nous collègues
des autres partis voulait l'application immédiate pour la rentrée, soit, mais
on voulait aussi que les communautés se parlent puis se concertent. Et, si on
déposait le rapport à la fin... à la fin mai, que le ministre adoptait sa
directive en juin, bien, il n'y aura pas de concertation en juillet puis en
août dans les écoles. Ça fait qu'on a discuté puis on a dit : O.K., on va
faire un rapport préliminaire, donc juste là-dessus, on va le déposer tout de
suite, ça va laisser un peu de temps.
Là, entre la conférence de presse du
ministre entre Noël et le jour de l'an puis la sanction du projet de loi
éventuelle au mois de mai, c'est... quoi, c'est quatre mois à peine, grosso
modo, là. Ce n'est pas beaucoup, ce n'est pas un délai sérieux pour que des...
un tribunal sérieux comme le TAT se concerte et travaille.
Alors, mon intention avec ça, M. le
Président, c'est d'entendre le TAT, qu'il nous dise c'est quoi un délai
raisonnable d'application ce projet de loi là, pour que, quand on arrivera à la
disposition finale numéro... à l'article 11, bien, qu'on ait quelque chose de
sensé, que nous adoptions comme législateurs quelque chose de responsable comme
délai. Je vais voter contre pareil, hein, le projet de loi, on s'entend, on
s'entend. Le ministre a l'air déçu. J'annonce mes intentions tout de suite. Par
contre, s'il veut aller dans la logique de son projet de loi, par respect, je
pense, pour les membres du tribunal du travail, il devrait s'enquérir ou du
moins vouloir s'enquérir de qu'est-ce que serait un délai raisonnable
d'application de son projet de loi, compte tenu du caractère extrêmement flou
de ces notions, tel que mentionné, avec beaucoup de tact, par les trois
professeurs, Mélanie Laroche, Patrice Jalette et Gregor Murray, de l'École de
relations industrielles de l'Université de Montréal. Merci beaucoup, M. le
Président.
Le Président (M. Allaire) :
Merci à vous, M. le député d'Hochelaga-Maisonneuve. D'autres interventions? M.
le ministre. Non?
M. Boulet : Oui, oui.
Le Président (M. Allaire) :
Oui? Allez-y. La parole est à vous.
M. Boulet : Écoutez, si je
veux me rendre un peu utile, je vais faire une intervention. Évidemment, dans
le respect de la séparation des pouvoirs, je rappellerai à mon collègue que les
orientations, les contenus du projet de loi et des projets de loi, c'est le
Parlement qui décide. Le Tribunal administratif du travail est en application
puis devra interpréter, comme il le fait pour les autres lois qui sont sous sa
juridiction, devra interpréter. Donc, il y a forcément un devoir de réserve.
Puis on ne peut pas demander au Tribunal administratif du travail de participer
à des... il ne l'a jamais fait d'ailleurs, à des consultations particulières
pour qu'il nous dise : Quand vous pensez que ça devrait s'appliquer?
Quelle serait la date de sanction la plus opportune?
Et je rappellerai à mon collègue que le
projet de loi n° 33, vous vous souvenez, sur les services essentiels, c'est
entré en vigueur à la date de la sanction. Donc, vous avez même participé et
contribué à l'adoption de projets de loi, puis je me souviens que vous aviez
voté en faveur de la date de la sanction, puis c'était dans la globalité de ce
projet de loi là. Ça fait que...
Ceci dit, quand on amorcera l'étude
détaillée sur le contenu, on pourra...
M. Boulet : ...en discuter
puis vous le savez que je suis ouvert à discuter de la date qui sera la date
d'application du projet de loi, la date de la sanction aussi. Ce qui est dans
le projet de loi, ça ne veut pas dire que c'est coulé là, dans le biton... dans
le béton ad vitam aeternam, là. C'est ça, le contenu d'un projet de loi. Il est
toujours perfectible. Et si vous avez des arguments légitimes, particulièrement
bien fondés, on pourra en discuter quand on sera rendu au dernier article du
projet de loi.
Donc, faire entendre le cas, certainement
pas, puis de dire que c'est des concepts vagues. Je le réitère, on aura à en
discuter. Vous pourrez, à l'article pertinent, me dire : Ça, M. le
ministre, est-ce qu'on ne pourrait pas préciser? Mais j'avais un grand avocat
sénior qui me rappelait constamment que ce qui dominant lors d'une audience,
c'est les faits, c'est la preuve. C'est les faits. Les concepts, il faut
laisser la marge de manœuvre suffisante à un tribunal pour les rendre en
harmonie et pour s'assurer que les décisions soient une harmonie entre les
faits mis en preuve et les critères qui apparaissent dans le... dans le projet
de loi ou dans la loi.
Puis je vais en profiter, là, pour
reprendre, là, parce que vous êtes beaucoup sur le fond, sur la substance. Puis
vous dites, puis je le redis, le 12 septembre 2024, il n'y a pas eu que ma
conférence de presse aux fêtes, là, mais le 12 septembre 2024 au Comité
consultatif du travail et de la main-d'œuvre, le 31 janvier 2025, à la...
avec la présidente de la CSN, le 7 février, avec les quatre leaders des
centrales syndicales. Et tout ça, c'est avant le dépôt qui s'est fait le
19 février. Puis le 24 février, il y a eu aussi une discussion dès
après le dépôt, parce que ça m'était demandé.
Et je reviens parce que vous revenez
souvent sur les critères. J'ai fait référence à 107 du Code canadien du
travail, j'ai fait référence aux propos de notre collègue de Matane sur la
sécurité économique. Mais lors des conflits fédéraux, on appliquait 107. Quelle
était votre opinion sur le règlement du conflit ferroviaire, le conflit
portuaire, le conflit dans le secteur des postes? La vaste majorité de la
population souhaitait éviter les impacts. Puis c'est... Ce n'est pas un article
comme ça, là, c'est 107 balisé. C'est un 107 plus respectueux de l'état de
la jurisprudence canadienne. La Fédération canadienne de l'entreprise
indépendante, 80 % de ses membres sont favorables au contenu du projet de
loi.
Puis quand vous dites «équilibre», oui, il
y en a qui demandent plus, qu'on pousse le curseur encore plus d'un côté.
D'autres veulent qu'on retire le projet de loi. Est-ce qu'on peut se lancer le
défi que vous me lancez, puis on pourra en discuter lors de la substance du
projet de loi? Est-ce qu'on peut se lancer le défi, nous, parlementaires, de
trouver le meilleur équilibre, l'équilibre entre l'exercice d'un droit
constitutionnel et les besoins de la population? Si on relève tous ensemble ce
défi-là, on va servir la société québécoise puis on va répondre aux besoins de
la population, comme le titre du projet de loi le mentionne bien. Puis je
rappellerai que, dans les syndicats, il y a aussi des travailleurs et
travailleuses syndiqués qui vivent aussi des conséquences particulièrement préjudiciables
de conflits de travail dans différents secteurs d'activité. Il y a des parents,
il y a des membres de famille, excusez-moi de ne pas m'adresser à vous, M. le
Président, là...
Une voix : ...
M. Boulet : ...mais ces
personnes-là comprennent aussi le sens très fin de ce projet de loi là. C'est
du droit nouveau. Il y a une forme, selon ce que vous diriez, une forme
d'audace. On verra comment les tribunaux interpréteront, si jamais il y a des
recours, comment ce sera appliqué. C'est là, vraisemblablement, que les recours
juridiques seront les plus pertinents. Mais je suis convaincu que si, ensemble,
les parlementaires on trouve un bon équilibre, on va passer au travers, puis
les Québécois et Québécoises ne seront que mieux considérés, pourront se juger
aussi plus stables et verront une meilleure prévisibilité dans certains
conflits de travail. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Allaire) :
Merci à vous, M. le ministre. D'autres interventions sur cette motion
préliminaire? S'il n'y a pas d'intervention, on va procéder par vote nominal,
j'imagine. M. le secrétaire...
Le Président (M. Allaire) : ...M.
le secrétaire, s'il vous plaît. La parole est à vous.
• (17 h 30) •
Le Secrétaire : Pour, contre,
abstention. M. Leduc (Hochelaga-Maisonneuve)?
M. Leduc : Pour.
Le Secrétaire : M. Boulet
(Trois-Rivières)?
M. Boulet : Contre.
Le Secrétaire : M. Caron
(Portneuf)?
M. Caron : Contre.
Le Secrétaire : M. Tremblay
(Dubuc)?
M. Tremblay : Contre.
Le Secrétaire : Mme Picard
(Soulanges)?
Mme Picard : Contre.
Le Secrétaire : Mme Prass
(D'Arcy-McGee)?
Mme Prass : Pour.
Le Secrétaire : Et M. Allaire
(Maskinongé)?
Le Président (M. Allaire) : Abstention.
Donc, la motion préliminaire est rejetée. Est-ce qu'à ce stade-ci il y a
d'autres motions préliminaires que les parlementaires souhaitent déposer à
cette commission? Donc, il n'y a pas d'autre motion préliminaire.
Nous allons donc... Nous sommes prêts, en
fait, à débuter l'étude détaillée du projet de loi. J'ai compris... Oui, M. le
député d'Hochelaga-Maisonneuve.
M. Leduc : Est-ce qu'on peut,
conformément à l'article 245, demander à ce que le projet de loi soit
étudié article par article, alinéa par alinéa et paragraphe par paragraphe,
s'il vous plaît?
Le Président (M. Allaire) : Oui,
pas de problème. Parfait, c'est noté. Donc, j'ai aussi compris qu'il y avait eu
une entente entre les parlementaires pour pouvoir procéder un peu dans le
désordre habituel, donc dans un ordre bien établi, donc une suite logique, si
on veut, pour mieux étudier le projet de loi.
Donc, on va commencer avec
l'article 4, si vous me le permettez et si vous êtes d'accord, bien sûr,
et l'article 4 introduit 14 nouveaux articles. Donc, vous comprenez
comme nous n'allons pas... nous n'allons pas voter chaque article introduit par
article introduit, mais nous allons les étudier un par un, naturellement. Donc,
nous allons voter le bloc à la toute fin de l'article 4, qui introduit
14 nouveaux articles.
Donc, M. le ministre, je vous cède la
parole. Oui.
M. Boulet : ...une pause de
deux minutes, si...
Le Président (M. Allaire) : Ah!
Bien oui, pas de problème. On va prendre une pause quelques instants.
On va suspendre les travaux.
(Suspension de la séance à 17 h 31)
17 h 30 (version non révisée)
(Reprise à 17 h 40)
Le Président (M. Allaire) :
Alors, nous allons reprendre les travaux. M. le ministre, je vous cède la
parole pour la lecture de l'introduction de l'article quatre. Le chapitre 5.1.1,
et vous pouvez aussi lire l'article introduit à 111.22.2 et vos commentaires, je
vous cède la parole.
M. Boulet : Oui, merci, M. le
Président. 4 : Ce code est modifié par l'insertion, avant l'article 111.23,
du chapitre suivant :
«Chapitre 5.1.1. Dispositions
particulières relatives aux services à maintenir pour assurer le bien-être de
la population.»
«111.22.2. Les dispositions du présent
chapitre ne s'appliquent pas aux relations du travail dans un ministère ou à un
organisme du gouvernement dont le personnel est nommé suivant la Loi sur la
fonction publique, Chapitre F-3.1.1, ni dans un établissement visé à l'article
un de la Loi sur le régime de négociation des conventions collectives dans les
secteurs public et parapublic. Chapitre r-8.2.»
Commentaires. Le projet de loi introduit
un nouveau chapitre au Code du travail qui permet le maintien en certaines
circonstances de services assurant le bien-être de la population en cas de
grève ou de lock-out. Le chapitre 111.22.2 précise le champ d'application
du nouveau régime. Celui-ci ne s'applique pas aux ministères et organismes du
gouvernement, dont le personnel est nommé dans la Loi sur la fonction publique,
ni aux établissements de santé. Bon, c'est un article assez clair, c'est un
article d'application. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Allaire) : Merci
à vous. On débute donc la période d'échange pour ce nouvel article introduit.
Est-ce qu'il y a des interventions? M. le député d'Hochelaga-Maisonneuve, la
parole est à vous.
M. Leduc : Merci, M. le
Président. Donc, juste avant de poser des questions au ministre, pour bien me
situer, là, on a un plan de travail particulier qu'on a accepté. Donc, on ne commence
pas l'article un, on commence l'article quatre.
Le Président (M. Allaire) :
Exact. Oui.
M. Leduc : C'est ça, qui se
sous-divise en, mon Dieu! 15 ou à peu près…
Le Président (M. Allaire) : 14
articles.
M. Leduc : 14 articles
que nous allons traiter un par un, mais que nous allons voter à la fin.
Le Président (M. Allaire) :
Exact, et voilà.
M. Leduc : Au… quand on aura
terminé le 111.22.15, il y aura le vote. Ça fait que, quand on termine le 111.22.2,
on fait juste passer au suivant.
Le Président (M. Allaire) : Voilà.
M. Leduc : Il n'y a pas de…
Le Président (M. Allaire) : Il
n'y a pas de vote.
M. Leduc : O.K., je comprends,
ça, c'est clair pour moi. Maintenant, sur le fond, 111.22.2. C'est... c'est l'inclusion
ou c'est les exclusions? Je m'adresse plus au ministre cette fois-ci.
M. Boulet : …
M. Leduc : Donc c'est ce qui
ne s'applique pas. Là, on est dans la section… on n'est pas dans la section de
l'arbitrage.
M. Boulet : C'est dans le
nouveau chapitre dont le titre est Dispositions relatives aux services à
maintenir pour assurer le bien-être de la population. Puis là, c'est un article
d'application, mais qui réfère à ce qui n'est pas visé par ce nouveau régime là.
En fait, puis pour résumer, collègue d'Hochelaga-Maisonneuve, puis je peux peut-être
anticiper vos questions, là. Donc, on maintient l'intégralité du service… du
régime des services essentiels. Donc, en santé, ça ne s'applique pas, les
services sociaux non plus. Ça ne s'applique pas dans la fonction publique, c'est-à-dire
les organismes et les ministères. Tout ce qui est relatif au personnel nommé en
vertu de la loi sur la fonction publique, et donc ça s'applique à tout le
reste, les services publics. Donc ça s'applique aussi aux centres de services
scolaires, aux commissions scolaires, là, dans les cas où ça existe, les
collèges, les universités, les CPE, et tout ce qui est soumis au Code du
travail, là, tout ce qui est associations accréditées en vertu du Code du
travail, tout le reste.
Donc, santé, on ne touche pas, services
sociaux, fonction publique, organismes et ministères. Services publics, il peut
y avoir un maintien de services essentiels, mais en vertu du critère de danger
pour la santé ou sécurité de la population. Et là, c'est ce qu'on appelle le
régime parallèle qui s'applique à tous les autres, mais qui peut aussi, ce
régime parallèle là, être complémentaire pour certains services publics comme
les municipalités, la collecte de déchets, le transport en commun. En gros, c'est
ça.
M. Leduc : Est-ce que cette
liste d'inclusions, exclusions…
M. Leduc : ...est la même que
celle sur les services essentiels.
M. Boulet : En fait...
M. Leduc : ...sur les
services essentiels.
M. Boulet : Oui, c'est...
M. Leduc : Vous, vous dites :
on fait un régime parallèle.
M. Boulet : En fait, c'est
les organismes qui ne sont pas visés par le régime des services essentiels.
M. Leduc : Donc, il n'y a
personne qui peut être visé par les deux.
M. Boulet : Oui. Dans les
services publics, ce que je viens de mentionner, les municipalités, les régies
intermunicipales, la collecte de déchets, le transport en commun, je peux tous
les nommer, là, mais les services publics qu'on retrouve dans le Code du
travail, à l'article... c'est-tu 111.2? Bon. En fait, je vais vous les nommer,
là, il y a les sociétés de transport en commun, sociétés de traversier,
collecte de déchets...
Des voix : ...
Le Président (M. Allaire) : Est-ce
que vous souhaitez qu'on suspende les travaux?
M. Boulet : ...Puis
évidemment l'éducation est visée. Là, comme je viens de le mentionner, les
centres de services scolaires, les écoles primaires, secondaires, les collèges,
les universités puis tout le secteur privé.
M. Leduc : ...je vous pose la
question, M. le ministre, c'est qu'assez tôt, là, quand vous avez déposé le
projet de loi, vous avez fait circuler un espèce de petit tableau comme ça, qui
résumait, en vertu, si je comprends bien, de 111.22.2, qui était inclus, qui
était exclu. Moi, ce que j'aimerais voir puis vous demander, à vous et à votre
équipe, s'il serait possible de produire un tableau aussi, une annexe ou un
addendum de ce tableau-là, pour qu'on comprenne qui est touché dans les deux,
qui est à la fois touché par la Loi sur les services essentiels et qui est
touché aussi par le nouveau système de maintien pour...
M. Boulet : En éducation, il
n'y en a pas, de services essentiels, ce serait les services publics. Donc, la
question, collègue, c'est vous voulez savoir là où il peut y avoir application
du régime de services essentiels et, de manière complémentaire, le régime de
service à maintenir pour assurer le bien-être de la population. Les gros, là,
je vous dirais, là, c'est ceux que je vous ai mentionnés, mais on peut avoir
une liste plus complète, et vous la transmettre.
M. Leduc : Oui, ça pourrait
être envoyé par courriel plus tard ce soir.
M. Boulet : Mais
essentiellement, là, c'est collecte de déchets, transport en commun puis les
municipalités.
M. Leduc : O.K. Donc, puis
vous avez dit 111...
Le Président (M. Allaire) : Juste,
simplement, pour clarifier, si c'est possible d'envoyer la liste à l'adresse de
la commission, ça va nous faire plaisir à la soumettre à l'ensemble des
parlementaires.
M. Boulet : Oui, en fait,
c'est la liste où les services essentiels et les nouveaux services à maintenir
pour assurer le bien-être de la population s'applique de manière complémentaire.
M. Leduc : Pour les deux?
M. Boulet : Pour les deux.
Oui.
M. Leduc : Parfait. C'était ma
demande. Merci, c'est apprécié.
Je ne sais pas si cette liste-là, elle fait partie
déjà du Greffier. Je ne sais pas si c'est possible de le partager aux collègues
parce que je ne souviens où est-ce que je l'avais trouvée? Je pense que c'était
sur Internet, mais je la trouvais particulièrement...
Le Président (M. Allaire) : ...simplement
la transmettre à la commission, puis ça va nous faire le plaisir de la mettre
sur Greffier. Actuellement, elle ne l'est pas.
M. Leduc : Ah, non? Mais, en
tout cas, je regarde encore une fois le ministre, son équipe, là, si... pour
partager la liste. Je la trouvais bien faite pour bien comprendre.
M. Boulet : ...cette
liste-là, là, collègue, elle est publique. Puis on... j'en avais parlé à
l'annonce du projet de loi, là, en conférence de presse, ça fait qu'il n'y a
pas de problème. Évidemment, il va y avoir des précisions plus tard, on a un
amendement, notamment, pour venir préciser la liste qui est dans une annexe de
la Loi sur le régime de négociation dans le secteur public et parapublic, qui
est régi par un régime distinct, là, un peu comme la construction, mais on aura
un amendement un peu plus loin, là, pour venir le préciser, mais c'est sur le
mécanisme d'arbitrage, pas sur le régime de service à maintenir.
M. Leduc : Il n'y a pas un
projet de loi qui va être déposé demain là-dessus? Parce qu'il est au
feuilleton aujourd'hui.
M. Boulet : Oui, mais nous...
oui, ce n'est pas la même affaire, c'est pour le régime de négo.
M. Leduc : Mais, c'est ça,
c'est ce qui est au feuilleton, c'est le régime de négo du secteur public par
votre collègue du Conseil du trésor, j'assume.
M. Boulet : Exact. Qui va
déposer le projet de loi demain.
M. Leduc : Mais à partir de
demain, oui, peut-être jeudi, on verra, mais...
M. Boulet : Mais qui devrait
normalement le déposer. Est-ce que c'est au feuilleton?
M. Leduc : C'est au feuilleton
aujourd'hui, ça fait qu'elle peut le déposer à partir de demain.
M. Boulet : Normalement, ça
devrait être demain.
M. Leduc : Mais vous décidez
de passer à travers votre projet de loi plutôt que le sien?
M. Boulet : Mais ce n'est pas
la même affaire, ce n'est pas dans le même... ce n'est pas dans la même période
de temps. Son projet de loi concerne le régime de négo. Nous, la négo est dans
une impasse, et on est dans un contexte de conflit de travail, ça fait que ce
n'est pas la même... ce n'est pas la même dynamique du tout, là.
M. Leduc : À moins que mes
collègues...
M. Leduc : ...aient des
questions de compréhension, moi, je veux peut-être avoir une petite suspension
pour écrire un amendement, M. le Président.
Le Président (M. Allaire) : Pas
de problème. D'autres questions avant qu'on procède à la suspension? Mme la députée
de D'Arcy-McGee, ça va? Parfait.
Nous allons suspendre les travaux quelques
instants. Merci.
(Suspension de la séance à 17 h 50)
(Reprise à 17 h 57)
Le Président (M. Allaire) : Nous
allons reprendre les travaux. M. le député d'Hochelaga-Maisonneuve, j'ai
compris que vous souhaitiez déposer un amendement, je vous cède la parole pour
la lecture de l'amendement et vos explications, s'il vous plaît. Merci.
M. Leduc : Merci, M. le
Président. Ça va comme suite. À l'article 111.22.2 proposé par
l'article 4 du projet de loi, ajouter, après «parapublic
(chapitre R-8.2), les mots «, ni les centres de la petite enfance».
Donc, dans le document qu'on nous avait
fait cheminer peu de temps après le dépôt du projet de loi, dans la liste des
secteurs inclus dans le processus, mais on parle toujours du premier volet,
hein, les dispositions particulières relatives aux services à maintenir pour
assurer le bien-être de la population, vous me permettrez de dire les services
essentiels déguisés ou... c'était clairement mentionné ici, dans la petite
feuille, là : «Les centres de petite enfance». C'est pour ça que, tantôt,
on a eu un échange... bien, «un échange», un... j'ai fait des commentaires,
puis je l'ai fait au salon bleu, au salon rouge, je l'ai fait ailleurs, en
disant : Bien, moi je pense qu'il y a comme une espèce de... j'essaie
utiliser les bons termes pour ne pas vous irriter une autre fois, M. le
Président. Je vous regarde, vous vous penchez vers moi, là. Bref, je trouvais que
le contexte conspirait à s'imaginer qu'il y avait peut-être là une forme d'épée
de Damoclès au-dessus de la tête de nos amis des centres de petite enfance.
Bien, je me dis, voilà, clarifions-le, ne sont pas visés, on va pour le mettre
dans le projet de loi. Le ministre pourra clarifier ses intentions.
Le Président (M. Allaire) : Merci.
M. le ministre.
M. Boulet : M. le Président,
d'abord, c'est nos amis à nous tous, hein, les centres de la petite enfance. On
sait à quel point c'est important de bien préparer ceux qui vont... ceux et
celles qui vont nous remplacer. Les centres de la petite enfance sont concernés
par le premier mécanisme, c'est-à-dire le maintien de services minimalement
requis pour assurer la sécurité de la population, qui ne doit pas être affectée
de manière disproportionnée. Maintenant, ça s'applique aux CPE. Mais ce n'est
pas moi qui vais dire comment les tribunaux vont l'appliquer, comprenez-vous?
Ça fait qu'on ne les a pas ciblés. Peut-être que le Tribunal administratif du travail,
si jamais il y avait un décret gouvernemental et si jamais, par la suite, il y
avait une partie qui demandait au tribunal de déterminer si les critères
s'appliquent, que le tribunal dirait : Finalement, ça ne rencontre pas le
critère qui est prévu à la loi, mais ce n'est pas moi qui vais le déterminer.
Quand je dis : C'est un tribunal impartial et indépendant, il faut que la
décision soit apolitique, et je fais partie de la politique. Donc, il faut
cependant confirmer que les...
18 h (version non révisée)
M. Boulet : ...de la
petite enfance sont visés par ce concept-là de maintien de services
minimalement requis. Ils ne sont pas non plus visés par le régime des services
essentiels. Ils ne sont pas, comme vous savez, dans 111.0.16, mais ils sont inclus
dans le premier mécanisme. Merci.
• (18 heures) •
Le Président (M. Allaire) :
Merci. M. le député d'Hochelaga-Maisonneuve.
M. Leduc : Bon. On
comprend en effet qu'ils n'étaient pas dans les services essentiels. Puis même
s'ils avaient voulu y être assujettis, comme on l'a vu tantôt dans la décision
vers du RTC, ils auraient dû, l'employeur est ici le gouvernement, auraient dû
plaider qu'une interruption de services en CPE aurait menacé la sécurité
physique et la santé physique des personnes, à savoir soit les enfants ou les...
ou leurs parents. Ça aurait été assez hasardeux comme plaidoyer. Donc, on
comprend que ce n'est jamais arrivé, du moins à ma connaissance. Mais là, vous,
vous dites : Parfait, ils ne sont pas dans le régime de services
essentiels. On leur crée les régimes parallèles, les services essentiels déguisés,
puis on leur dit : Vous n'aurez pas à faire des... un plaidoyer avec un
critère aussi sévère. On vous met un critère... On baisse la barre, là. Santé
physique des personnes, c'est haut. Pour rencontrer ce critère-là, il faut se
lever de bonne heure le matin. On baisse la barre. Vous dites trois critères.
Vous dites sécurité économique, sociale, environnementale. Lequel des trois ou
lesquels des trois vous croyez est applicable dans le cas des CPE?
Le Président (M. Allaire) :
M. le ministre.
M. Boulet : Là, ça
ressemble à un contre-interrogatoire, mais je ne tomberai pas dans le piège de
préjuger de la décision que rendrait le Tribunal administratif du travail.
Votre réponse serait aussi bonne que la mienne et votre réponse ne serait qu'hypothétique
comme la mienne. Ce qui est important de savoir, c'est qu'en étant visé par le
premier mécanisme, il faudrait se poser la question, puis ce serait extrêmement
contextuel, la durée de la grève, les circonstances, l'impact sur la
population. Mais le tribunal aurait, s'il y avait un décret, si une des parties
demandait au tribunal, encore une fois, je vais me répéter, de déterminer si les
critères s'appliquent. Puis ça serait la question qui confrontera le tribunal.
Est-ce que cette grève-là, qui dure depuis un certain temps, peut avoir l'impact
qui est non souhaitable, qui est déterminé par le projet de loi?
Mais je reviens parce que, depuis le début
de l'étude détaillée où, vous avez déjà mentionné, le projet de loi vise les
CPE, non, vise à mettre un terme à la grève, non, parce qu'ils ne sont pas
visés par le mécanisme d'arbitrage de différends qui est concerné dans le
deuxième mécanisme et qui a comme préalable l'existence d'un préjudice grave ou
irréparable à la population. On n'est pas ans ce contexte-là. On parle de
maintien de services minimalement requis. Et, encore une fois, je ne peux pas
dire plus qu'ils sont concernés par ce mécanisme-là. Donc, votre réponse serait
hasardeuse, hypothétique, comme la mienne aussi le serait.
M. Leduc : Là, vous dites
les services minimaux. Comment ça va marcher dans un CPE, un service minimal? Ça
va être quoi? Une demi-journée de CPE? Pour un parent, c'est quoi, le service
minimal? Un trois quarts de journée, un quart de journée ou une journée semaine?
M. Boulet : On peut faire
des hypothèses, là, combien de journées par semaine.
M. Leduc : Bien, j'espère
que vous y avez réfléchi. C'est vous, le ministre.
M. Boulet : Ça, c'est une
réponse que je trouve intellectuellement intéressante. Est-ce que c'est un
certain nombre d'heures ou un certain nombre de jours par semaine? Mais tu sais,
déjà quand une grève est fragmentée dans le temps, moi, j'y vois beaucoup moins
d'impact. En tout cas, ça, c'est une opinion personnelle. Mais une grève qui est
à durée continue, qui est à durée indéterminée, au-delà d'un certain temps, là,
à mon avis, ça devient... On entre dans une zone qui est plus... qui est plus
près de l'application des critères. Puis je n'irais pas plus loin que ça, mais «minimalement
requis», ça vise à limiter la portée des services qui devraient effectivement
être maintenus. Ce n'est pas tous les services nécessaires pour prévenir tout
inconfort qui devraient être maintenus, mais ceux minimalement requis pour
assurer le bien-être de la population. Puis, je le répète, là, on est loin d'une
discrétion totale. C'est vraiment un concept qui devrait être appliqué en
tenant compte de la... des faits qui sont mis en preuve. Puis, je le répète, la
durée de la grève, la nature de la grève, le contexte puis l'impact sur les...
M. Boulet : ...les enfants,
par exemple, ça serait à déterminer et à juger par le tribunal. Merci, M. le
Président.
M. Leduc : Bon, là, il y a au
moins une bonne chose de réglée pour l'intention du législateur. Des grèves
d'une deux ou trois journées ponctuelles, comme le dit le ministre, ce n'est
pas inclus là-dedans.
M. Boulet : Ce n'est pas ce
que j'ai dit.
M. Leduc : Du moins, à ses
yeux, ce n'est pas... ce n'est pas ça qu'il recherche à régler comme problème,
il parlait plus de conflits généralisés. Dans les circonstances, ça me réjouit,
M. le Président. C'est toujours bien ça de clarifié.
Par contre, je repose ma question, là.
Oui, on peut bien souhaiter ce service minimal, qu'est-ce que ça veut dire dans
le cas d'une CPE? Je vous donnais l'exemple de la grève générale de 2021. À
l'époque, avec... avec la mère de ma fille, on s'était comme patenté des
demi-journées. Moi j'avais concentré mes rencontres de député le matin. Elle,
elle avait concentré ses tâches en après-midi. Puis pendant les deux semaines,
trois semaines que ça avait duré, on avait à peu près survécu comme ça, où moi
je faisais mes... je concentrais mes jobs de député le matin, l'après-midi, je
prenais des choses plus légères ou une tournée que je pouvais faire avec ma
fille, qui devait avoir, quoi, quatre ou cinq ans à l'époque. Puis c'est comme
ça qu'on a survécu. Mais donc, c'est-tu ça, un service minimum?
Le ministre, il dit : Je ne le sais
pas trop, on verra bien. Oui, mais vous avez vous-même inventé ce système-là,
M. le ministre, vous devez avoir une certaine idée qu'est-ce que ça représente
pour vous un service minimum pour les... pour les CPE? C'est-tu comme pendant
la COVID. C'est-tu certains types de personnes qui auront... qui pourront
continuer à avoir accès aux CPE, comme les infirmières par exemple, les
employés du système de santé? C'est-tu ça, les services minimums à vos yeux?
Le Président (M. Allaire) : M.
le ministre.
M. Boulet : C'est habile
comme question, mais encore une fois, je ne peux pas, pour et au nom du
tribunal, le déterminer. D'abord, vous mentionnez que c'est au prochain article
qu'on va définir c'est quoi les services minimalement requis. Ça fait qu'à cet
article-là on pourra en discuter. Mais c'est comme si vous me demandiez c'est
quoi du harcèlement psychologique? Il y a plein de trames factuelles, puis que
ça crée un milieu de travail néfaste. Parce que c'est quoi un milieu de travail
néfaste? C'est... c'est sûr qu'on peut avoir à définir chaque mot. Ceci dit, ça
dépend de la preuve qui est soumise au tribunal. C'est ça qui va permettre de
déterminer, qui va mettre du sens à des concepts, qui va donner du contenu à ce
qu'est un service minimalement requis pour éviter que soit affectée de manière
disproportionnée la sécurité de la population, notamment des personnes en
situation de vulnérabilité. C'est la preuve. Puis il faudrait, pour avoir une
réponse plus claire que vous me disiez, puis je ne le ferais même pas : M.
le ministre, je vais vous présenter une trame factuelle, une hypothèse de grève
qui dure depuis tant de temps, qui affecte tant de personnes, qui a telles
conséquences, qui a tel impact. Puis même là, je ne serais pas en mesure de
donner une réponse.
C'est pour ça, quand vous dites : Les
grèves de tant de jours ne sont pas incluses. Si... Je n'ai pas répondu ça, je
dis juste que moi, je ne peux pas te donner de réponse, je dis juste que les
CPE sont visés par le premier mécanisme. Maintenant, quand la grève aura
l'impact qui apparaît à la définition de l'article suivant, ça sera au tribunal
de le déterminer, puis ça sera aux conseillers ou aux représentants de faire
cette preuve-là avec des... des témoins puis des rapports d'expertise. Il n'y a
pas... Puis encore une fois, il n'y a pas deux grèves qui ont le même impact,
puis ce n'est pas parce qu'une grève n'a pas l'impact prévu dans le projet de loi
qu'elle ne pourrait pas avoir cet impact-là à la prochaine, parce que ce n'est
pas continu, là, c'est le régime de service à maintenir, c'est négociation,
c'est dossier par dossier. Quand il y a conclusion d'une convention collective
puis qu'il y a une renégociation, le même débat pourrait revenir, mais dans un
contexte totalement différent.
M. Leduc : Tantôt,
j'exprimais, puis c'est pour ça que je justifiais... je voulais justifier
d'inviter le TAT ici. Je disais que vous leur balancez toute une patate chaude,
une énorme patate chaude dans les mains, puis vous êtes en train de nous
confirmer que c'est bel et bien la situation parce que vous n'êtes même pas en
mesure de me dire à peu près à quoi ça ressemble, selon vous, un service
minimal.
Dans le cas des CPE, il n'y a pas
150 solutions, là. Il y a un service de garde avec un programme éducatif
d'ailleurs, mais qui offre un service. Grosso modo, c'est quoi? À peu près de
7 h à 5 h le soir, là, plus ou moins. Voilà, de lundi à vendredi, de
7 h à 5 h, c'est ça votre aire de jeu, là. Comment vous déterminez
qu'est-ce qu'un service minimal dans les circonstances? Il n'y a pas
150 options. Est-ce que c'est, et je le répète, des demi-journées toute la
semaine, la moitié de la semaine...
M. Leduc : ...en journée
complète? Est-ce que c'est des personnes, des corps d'emploi qui vont y avoir
accès comme pendant la COVID? C'est pas mal les trois scénarios plausibles, là.
On n'en inventera pas d'autres.
• (18 h 10) •
M. Boulet : Vos hypothèses
sont bonnes, hein? Puis, tu sais, le harcèlement, puis je vais prendre cet
exemple-là, ou un accident de travail ou peu importe le concept, c'est des
concepts vides de sens à défaut de démonstration factuelle. Puis, tu sais, je
ne peux pas statuer à la place du Tribunal administratif du travail, puis ce
n'est pas au gouvernement de déterminer la nature des services à maintenir.
Nous, tout ce qui nous importe, c'est de s'assurer que le bien-être de la
population n'est pas compromis puis à déterminer, avec exactitude, la nature
des services. Moi, je fais confiance au Tribunal administratif du travail puis
vous aussi, j'en suis convaincu. Mais je ne peux pas embarquer dans la
détermination de la nature des services à maintenir dans un CPE, ou dans une entreprise
de transformation alimentaire, ou dans des entreprises de transport scolaire.
Je ne peux pas embarquer là-dedans. Tout
ce que je peux faire, c'est donner des critères, dans une loi, avec vous, avec
votre collaboration. C'est la nature des lois du travail, que ce soit les
normes, les accidents de travail, l'équité salariale, c'est des critères. Ça
fait qu'il faudrait, encore une fois... C'est supercontextuel. Je ne peux pas,
malheureusement, embarquer là-dedans, là.
M. Leduc : Moi je comprends
que vous ne voulez pas déterminer lequel, mais vous auriez pu, au moins,
dire : Ça pourrait ressembler à ça ou ça, mais là on n'a même pas
d'indication. Bonne chance, encore une fois, au TAT pour déterminer l'intention
du législateur à ce niveau-là.
M. Boulet : Ah mon Dieu!
Faites confiance aux décideurs, c'est des personnes qui ont une expertise
remarquable, là, qui sont habitués, là. Ils savent, avec les faits x, y et z,
si c'est un accident de travail, les faits, a, b, c, si c'est du harcèlement.
Et là, avec les faits c, d, e, f, si c'est des services minimalement requis, ça
ne pourra pas affecter la population. C'est les faits et le contexte qui vont
permettre au tribunal de le déterminer. Malheureusement, j'aimerais ça vous
donner un livre de recettes, mais ça n'existe pas en droit.
M. Leduc : Je comprends, mais
votre recette est salée en tabarnouche, M. le ministre.
M. Boulet : Elle est salée.
Vous pourriez le dire, le 107 du Code canadien. Je ne sais pas si vous l'avez dit
publiquement.
M. Leduc : Très très salé, ça
aussi. Vous aviez copié la recette sur le site de Ricardo.
M. Boulet : Bien là, ça,
j'aurais compris que vous me disiez, 107 est salé, pas dans le projet de loi.
Dites, au moins, qu'il y a du sucre aussi, là.
Le Président (M. Allaire) : De
toute évidence, vous commencez à avoir faim, tout le monde. Je veux juste que
vous fassiez attention. Je vous laisse aller dans les échanges. Ça reste
respectueux, c'est parfait comme ça. Vous n'êtes pas obligés de vous revirer
vers moi à chaque occasion, ça facilite les échanges, c'est correct comme ça.
Mais laissez-vous quelques secondes, entre deux interventions, pour que
l'audiovisuel puisse s'ajuster, sinon, on va s'y perdre, tout le monde. M. le
député d'Hochelaga-Maisonneuve.
M. Leduc : En particulier,
les amis qui vont tout écrire nos belles paroles pour la postérité. Comme ça,
dans 10 ans, quand la Cour suprême va avoir donné tort au ministre, vous pouvez
ressortir le procès-verbal de notre échange, envoyez un petit texto puis
dire : Regarde, regarde, j'avais raison. C'est ça que je vais faire.
Bon, blague à part, M. le ministre,
réglons l'histoire... mettons de côté, plutôt, parce qu'on ne l'a pas réglée,
l'histoire de ce que ça veut dire services minimaux dans le cas des CPE.
M. Boulet : À l'article
suivant.
M. Leduc : Oui, on y
reviendra, mais là je suis vraiment dans les CPE, c'est ça qui m'intéresse en
ce moment. Moi, j'aimerais ça qu'on les exclue de votre régime. Quand vous
dites, si j'ai bien compris le régime que vous nous proposez, vous dites qu'il
y a une étape... qu'il y a comme deux étapes. Le gouvernement, j'imagine, à
travers une proposition, si j'ai bien compris, un décret aussi de votre Conseil
des ministres proposé par le ministre du Travail, décide d'assujettir un
syndicat ou un groupe de syndicat, quand vous faites ce décret-là, j'assume que
vous portez un certain regard éditorial quant aux trois critères que vous venez
d'énoncer, qu'on étudiera en détail plus tard, là, sécurité sociale, économique
et environnementale.
Si vous décidez d'initier cette
démarche-là de la sécurité, le maintien du bien-être de la population, services
essentiels déguisés, si décidez de les accréditer, là, de leur donner... de les
assujettir, pardon, c'est que vous, vous dites minimalement, un ou des
critères, je pense qu'il y a peut-être risque. Vous n'êtes pas en train de
trancher, pour vous, c'est important de prendre cette distance-là. Vous pitchez
la patate chaude au TAT. Mais si vous initiez le processus, c'est que vous...
M. Leduc : ...pensez qu'il y a
un potentiel d'atteinte minimale à l'un des trois, je ne me trompe pas?
M. Boulet : Bien, je suis
d'accord avec vous, et puis ce n'est pas une patate chaude, c'est une patate
qui a la chaleur souhaitée et souhaitable pour répondre aux besoins
fondamentaux de la population, mais c'est certain qu'en amont de l'adoption
d'un décret gouvernemental, il y a de l'observation, il y a de l'analyse, il y
a des consultations. Ceci dit, sans égard à ce qu'une partie peut se décider de
demander après ça au tribunal, après l'adoption du décret gouvernemental, de
déterminer si les critères s'appliquent. Et je l'ai souvent dit, c'est un
processus qui se fera dans le respect le plus profond face à la décision que le
tribunal pourrait rendre, parce que le tribunal pourrait dire : Les
critères ne sont pas rencontrés, comme ça s'est fait, comme ça pourrait se
faire comme dans le cas des services essentiels.
M. Leduc : Vous confirmez
donc ma lecture. Pour que le gouvernement assujettisse un groupe ou un syndicat
particulier et initie cette démarche des services minimaux de bien être, il
faut que vous ayez, dans le fond, l'impression qu'un ou des critères est en
danger. Vous ne faites pas ça à partir de rien.
M. Boulet : Je ne pense pas
que c'est une impression, il faut juste faire attention aux termes. Vous le
savez, là, j'ai dit...
M. Leduc : Qu'est-ce que
c'est, alors?
M. Boulet : Bien, ce n'est
pas une impression, c'est une analyse, c'est des consultations, c'est des
observations. Et ça, ça se fait avec des groupes, avec des comités, puis ça se
fait en ayant une compréhension de ce qui se passe sur le terrain, des impacts
puis...
M. Leduc : Mais si vous êtes
convaincu qu'il y a une atteinte à un des critères, pourquoi vous ne décidez
pas vous-même? Pourquoi vous envoyez ça au TAT? Je pense que...
M. Boulet : Bien, parce que
la décision est impartiale. Il faut bien comprendre le processus, là. Le décret
n'est qu'un élément déclencheur d'un processus qui vise à ce qu'une décision
soit rendue de la façon... je me répète, là, impartiale et indépendante. Le
décret est adopté par le gouvernement, une des parties, parce qu'il ne se
pourrait qu'aucune des parties ne demande l'intervention du TAT, mais une des
parties, vous dites souvent les syndicats, mais il y a aussi l'employeur, un
des deux demandes au Tribunal administratif du travail, et là s'enclenche un
processus de négociation entre elles. L'employeur et le syndicat se rencontrent
et déterminent les services minimalement requis à maintenir, parce que la grève
ou le lock-out l'encontre se poursuit parallèlement. Si les parties
s'entendent, le tribunal va entériner ou s'il considère que c'est insuffisant,
il pourra se prononcer sur la suffisance. Donc, c'est un processus qui est
sain, qui est respectueux de l'état de la jurisprudence et qui respecte
l'impartialité de toutes les étapes que je viens de vous expliquer.
M. Leduc : Je le comprends
très bien. Merci pour l'explication. Là où je veux atterrir, dans le fond, avec
ma question, M. le ministre, c'est là. Pour initier ça, il n'y a rien qui
existe là-dedans si au point de départ, il n'y a pas une décision éditoriale
politique du gouvernement, via votre suggestion, comme ministre du Travail,
d'assujettir un groupe à ce processus-là.
M. Boulet : C'est des termes,
encore une fois, où il faut faire attention. On ne décide pas d'assujettir, on
fait un décret gouvernemental parce que, suite à des analyses, consultations et
observations, on considère qu'il pourrait y avoir rencontre des critères qui
sont dans le projet de loi, mais on ne décide pas de les assujettir. Ça, c'est
les partis qui vont s'assujettir en négociant des services minimalement requis
à maintenir et le Tribunal administratif du travail, à défaut d'entente entre
les parties. C'est bien simple comme processus, collègue, puis ce n'est pas
nous qui décidons d'assujettir. Nous, on décide... Je pense que vous l'exprimez
bien, je pense qu'on est...
M. Leduc : Merci de la
précision. Je vais corriger mon terme. Le terme que vous avez un peu plus loin
à 111. 22.4, c'est «désigner».
M. Boulet : Exact.
M. Leduc : On comprend qu'assujettir,
je l'utilisais dans ce sens-là, mais vous, vous le retenez comme le tribunal.
Je vais jouer avec votre interprétation puis utiliser vos propres termes. Je
voulais dire «désigner», c'est là-dessus que je veux me concentrer.
M. Boulet : O.K., parfait.
M. Leduc : Quand le
gouvernement, vous, le ministre du Travail, vous plaidez à votre Conseil des
ministres de dire : Je souhaite désigner tel groupe pour qu'il puisse...
après ça, on va voir les autres étapes, mais potentiellement être assujetti à
des services de bien-être, mais la portion désignation, vous ne la faites pas
sur rien — et puis on a eu un échange juste avant, puis vous
dites : Oui, oui, bien sûr, on analyse la situation, etc. — vous
la faites sur la base des trois critères. Quand vous décidez au gouvernement de
désigner un groupe, vous vous dites : Il y a...
M. Leduc : ...probablement
une atteinte ou il y a potentiellement une atteinte à la sécurité sociale,
économique ou environnementale, non? Parce que, sinon, si ce n'est pas ça, sur
quoi vous vous basez pour désigner un groupe?
• (18 h 20) •
Le Président (M. Allaire) : M.
le ministre.
M. Boulet : Mais j'ai répondu
à plusieurs reprises, là, j'utilise les trois mêmes termes : analyse,
consultation, observation. Et je ne sais pas, mais on s'éloigne beaucoup de
l'amendement qui est soumis par mon collègue d'Hochelaga-Maisonneuve. Mais
c'est sûr qu'avant de désigner il faut comprendre et s'assurer que le décret...
tu sais, ce n'est un décret qui est adopté en l'air comme ça, là.
M. Leduc : O.K. Revenons aux
CPE dans ce cas-ci. En quoi, parce qu'il y a trois critères, on va les analyser
un par un, en quoi un CPE... des CPE pourraient porter atteinte à la sécurité
environnementale d'une population?
M. Boulet : Collègue,
sécurité environnementale. Moi, je vais vous poser une question : Pourquoi
priver la population du Québec d'un mécanisme qui vise à assurer son bien-être
en cas de conflit dans un CPE? Pourquoi les CPE, on dirait : Ils ne sont
pas visés ni par le mécanisme numéro un, ni par le mécanisme numéro deux? Puis
un énoncé... Le tribunal, je l'ai répété souvent, dispose des garanties
d'indépendance nécessaires pour assurer qu'il n'y ait pas une application qui
déborde de ce qui se passe sur le terrain. Mais, je le répète, pourquoi priver
la population de ce mécanisme-là? C'est un mécanisme qui vise à protéger cette
population. Pourquoi les priver de ce mécanisme-là ici, dans le cas?
Puis, je le répète, non seulement les CPE
ne sont pas ciblés, non seulement je vous ai réaffirmé qu'ils ne sont pas non
plus visés par le deuxième mécanisme sur l'arbitrage de différends quand il y a
préjudice grave ou irréparable, mais moi...Pourquoi?
M. Leduc : Moi, je ne parle
pas de l'arbitrage, là, je parle de la grève, parce que vous voulez limiter
leur exercice de grève à travers une décision d'un tribunal. Vous dites que
vous prenez une distance, mais vous venez de me confirmer, à travers ce qu'on
va voir tantôt, à 111.22.4, tout ça ne peut commencer que si vous désignez une
association accréditée ou un groupe d'associations accréditées. C'est un choix
éditorial que vous faites en désignant une association. Ce n'est pas neutre, ce
n'est pas le Saint-Esprit qui désigne une association, c'est vous.
M. Boulet : C'est parce que
le choix éditorial, vous le dites avec une connotation péjorative, mais ce
n'est pas le cas. Avant de désigner dans un décret gouvernemental, le décret,
pour qu'il soit adopté par un gouvernement, s'appuiera, je le répète, sur des
analyses, des consultations, des observations. Puis exprimez-le comme vous
voulez, mais en tenant compte des critères qui sont à ce moment-là dans la loi,
qui sont actuellement dans un projet de loi, mais c'est fait aussi simplement
que ça. Puis après ça, je le répète, tout le dossier appartient aux parties.
Une partie peut demander au tribunal, et, si le tribunal décide que les
critères s'appliquent, c'est les parties qui négocient les services
minimalement requis à maintenir, la grève se poursuit même pendant le maintien
des services minimalement requis. D'ailleurs, dans les régimes de services
essentiels, c'est la même réalité, vous le savez, collègue. La grève se
poursuit parallèlement ou malgré le maintien de services essentiels en
éducation puis, en CPE, il n'y en a pas de services essentiels. Donc, on vient
simplement dire, puis le tribunal aura à le déterminer, est-ce que les critères
sont rencontrés? Puis ce n'est pas le gouvernement qui va le faire, puis, après
ça, les parties vont les définir, ces services-là.
M. Leduc : Mais, des fois, M.
le ministre, j'ai l'impression que vous parlez comme si la désignation d'un
groupe pour, potentiellement, faire restreindre son droit de grève, c'était
quelque chose de neutre et objectif. Mais assumez-vous un peu, là, c'est
politique. Désigner un groupe qui va potentiellement perdre des droits de
grève, qui va être obligé de faire des demi-tâches, peu importe comment ça va
s'appliquer, ce n'est pas neutre. Sortez de cette neutralité-là. Vous devez
vous assumer, vous allez les désigner. C'est ça qui commence le processus. Quel
signal vous envoyez au TAT quand vous désignez un groupe? C'est que vous pensez
que ça doit s'appliquer. Vous n'êtes pas en train de dire : Je désigne ce
groupe-là, en disant : Je ne sais pas trop si les critères
socioéconomiques, environnementaux, ça s'applique, on verra. Bien non, tout le
monde comprend que, si vous les désignez, c'est que vous pensez que ça doit
s'appliquer.
M. Leduc : Là, c'est le
reflet de votre pensée que la désignation, vous avez enlevé le mot
«assujettissement»...
M. Boulet : ...mais c'est
comme si pour vous une désignation c'est l'équivalent d'assujettir, mais ce
n'est pas le cas, ce n'est pas un assujettissement. L'analyse aura permis de
démontrer qu'il y a un impact sur les besoins de la population. C'est un décret
qui ne fait que désigner. Après ça, l'assujettissement est déterminé par le
tribunal puis, en cas d'assujettissement, les parties négocient la nature des
services à maintenir.
Je pense que je me répète beaucoup, là,
mais c'est parce que, oui, il y a un travail en amont, puis ça, je l'ai répété
à plusieurs reprises, ça se fait par, encore une fois, des analyses, des
observations, puis des consultations. On s'assume, c'est écrit dans le projet
de loi, on s'assume, mais ça ne rend pas la décision politique, la décision
d'assujettissement ou la décision de respect des critères qui sont dans le
projet de loi, elle appartient exclusivement au tribunal administratif qui est
encore une fois indépendant puis impartial. Merci.
M. Leduc : On va s'entendre
sur une chose. Moi, je ne suis pas en train de dire que vous êtes... que vous
dictez la conclusion du TAT. Je ne dirai jamais ça, je ne le crois pas. De
toute façon ce n'est pas ça que vous faites. Soyons très, très clairs
là-dessus. Par contre, je n'accepte pas la version qui dit que désigner quelque
chose de neutre et simple et il n'y a pas de problème. Vous prenez un choix
politique, un choix éditorial. En désignant un groupe, vous signalez à la
société, aux éditoriaux et aux potentielles lignes ouvertes de gens qui
n'aiment pas ça, la grève, etc. que vous pensez que ça mérite d'être traité, et
juste ça, c'est bien sûr une prise de position politique. Évidemment,
évidemment, ce n'est rien d'autre que ça. Ça n'existerait pas, la procédure du
TAT si vous... vous ne faites pas la désignation au préalable. Bien sûr que
c'est un geste politique. Ce n'est pas exactement le même geste politique, puis
on va être d'accord là-dessus qu'une loi spéciale. Une loi spéciale, vous
convoquiez tout le monde ici...
M. Boulet : Bien, oui.
M. Leduc : ...puis vous nous
faisiez passer toute la nuit sur un projet de loi, là, vous l'assumiez de A à
Z, l'aspect politique de la chose. Mais ce n'est pas parce que vous désignez le
TAT puis que vous le sous-traitez pour faire la moitié de la job
d'assujettissement que vous n'avez plus de rôle politique, vous le désignez, ce
groupe-là vous initiez la démarche, une partie de la démarche certainement.
Moi, je veux vraiment que vous l'assumiez, là, c'est politique, cette
décision-là.
M. Boulet : En fait, j'assume
tout ce qui est écrit dans le projet de loi et je le répète, ce n'est pas
d'assujettir, c'est de désigner. Puis il y a un paquet de facteurs aussi que
j'ai identifiés comme la durée, le contexte, les impacts, et ça, ça se fait par
des analyses, des consultations et des observations, puis c'est un décret
gouvernemental, puis un décret gouvernemental, je ne veux pas banaliser ça,
mais ça implique une rigueur, ça implique un sérieux dans l'analyse. Et après
ça, c'est un dossier qui appartient aux parties et au tribunal. Mais je
comprends ce que vous dites, je pense qu'on est pas mal sur la même longueur
d'onde, puis c'est important ce que vous voulez passer comme message, c'est
qu'avant de désigner par l'adoption d'un décret vous voulez qu'on s'assure
d'avoir bien analysé la situation, et encore une fois, il n'y aura pas deux
conflits similaires.
M. Leduc : Oui, mais...
techniquement, là, comment ça va fonctionner, le décret? Est-ce que je fais
bien d'assumer que c'est au... ça va être un mercredi au Conseil des ministres
bien, ou non, une journée, mais essentiellement le mercredi. Est-ce qu'il y
aura un mémoire qui va être accompagné de cette décision-là, comme ça l'est
parfois comme un projet de loi?
Le Président (M. Allaire) : Là,
si vous vous rappelez qu'on est quand même sur un amendement. Là, vous êtes
dans la procédure, je ne dis pas quand on est complètement à l'extérieur de
l'amendement, mais je vous demande quand même de vous recentrer sur le message
qui... qu'on peut lire ici sur l'amendement.
M. Boulet : On pourra en
reparler.
M. Leduc : O.K. Dans le cas
d'un CPE, comment ça fonctionnerait techniquement?
M. Boulet : Ah! là, je n'ai
vraiment plus de commentaires, M. le Président, puis ceci dit, avec respect,
collègue.
M. Leduc : Bon. J'ai des
questions sérieuses cela dit. Pour moi, ce n'est pas clair. Ça fait que, là, on
a parlé du tout début, la désignation. On n'est pas d'accord, bon, on en a
parlé. La deuxième étape, une des deux parties doit activer en quelque sorte.
Il y a comme deux... deux étapes avant que le TAT se saisisse, hein? Il y a
comme deux verrous. Il y a le verrou politique du ministre et du décret du
Conseil des ministres, on vient d'en parler, mais après ça il y a une des deux
parties qui doit activer le processus. J'ai bien compris?
M. Boulet : Vous avez très
bien compris.
M. Leduc : Bon. Dans le cas
des CPE, on assume que la partie syndicale, c'est une des trois fédérations
syndicales, là, CSN, CSQ ou FTQ, mais qui est la partie patronale qui devra
activer?
• (18 h 30) •
M. Boulet : Bien, c'est une
fédération, mais... puis qui pourrait négocier...
18 h 30 (version non révisée)
M. Boulet : ...les paramètres
des services minimaux à maintenir.
M. Leduc : Mais je veux
faire... Avez-vous vérifié votre réponse? Parce qu'elle est bien importante,
là, c'est-tu... vous dites, c'est l'AQCPE ou c'est le Conseil du trésor?
Des voix : ...
Le Président (M. Allaire) :
...
M. Boulet : O.K. C'est chaque
CPE.
Le Président (M. Allaire) :
Voilà.
M. Leduc : Chaque CPE! Il y en
a 400, là, qui s'en vont en grève, M. le ministre.
M. Boulet : Pardon?
M. Leduc : Il y en a 400 qui s'en
vont en grève, là.
M. Boulet : Ah, bien oui.
M. Leduc : Vous allez adopter
400 décrets?
M. Boulet : Mais vous savez
très bien que les dossiers de même nature qui comportent le même objet sont
regroupés au Tribunal administratif du travail, là, mais, tu sais, c'est...
M. Leduc : Ah, qu'ils soient
regroupés ou pas... Mais ça veut dire que vous allez adopter 400 décrets
pour chacun des 400 CPE du Québec.
M. Boulet : ...décret dans
lequel ils vont être nommés globalement, les CPE.
M. Leduc : C'est à dire les
400 CPE syndiqués à la FSSS-CSN?
M. Boulet : Puis là, encore
une fois, c'est hypothétique, là, vous prenez pour acquis que nos analyses
auront déterminé que ça mérite l'adoption d'un décret gouvernemental. Et je le
répète, c'est hyper contextuel.
M. Leduc : ...il y a 400 certificats
d'accréditation, là, à la CSN. Ce n'est pas un syndicat unifié, là, on me
corrigera si je me trompe, mais là ça ne veut pas dire... il ne va pas y avoir
400 directions de CPE qui vont activer le mécanisme que vous nous proposez,
là. 400 directeurs de CPE à la grandeur du Québec qui vont devoir mobiliser l'article
machin machin, là, pour le bien-être.
M. Boulet : On va ajourner
deux minutes. Je veux juste obtenir une précision.
Le Président (M. Allaire) : Pas
de problème. Nous allons suspendre les travaux quelques instants. Merci.
(Suspension de la séance à 18 h 32)
(Reprise à 18 h 40)
Le Président (M. Allaire) :
Alors, nous allons reprendre les travaux. M. le ministre, je vous cède la
parole.
M. Boulet : Donc, merci,
M. le Président. Ça nous permet de préciser, puis on aura à le repréciser,
parce que ça va être le même... la même structure avec le secteur de
l'éducation, mais ça va être la structure de négociation nationale qui va
s'appliquer. Ici, avec les CPE, il y en a 54 % qui sont syndiqués. De ces
54 % là, il y en a 76 % avec la FSSS-CSN, il y en a 17 % avec la
CSQ, puis il y en a 5 % avec la FTQ, la FQF, puis il y en a 2 % avec
d'autres. Puis du côté des associations, il y a des regroupements d'employeurs
qui participent à la négociation nationale. Il y a l'Association patronale
nationale des CPE, l'APNCPE, c'est surtout la FSSS-CSN représente 53 CPE,
puis c'est ça, il y a un regroupement patronal. Il y a d'autres groupements
d'employeurs de CPE. Ça fait que ça irait en épousant la structure de
négociation nationale. Évidemment, notre projet de loi ne concerne pas les CPE
qui ne sont pas syndiqués. Donc, ces regroupements-là nationaux pourraient
définir les paramètres permettant de maintenir des services minimalement requis
pour assurer le bien-être de la population. Donc, c'est ça.
M. Leduc : Je suis
vraiment confus, là, M. le Président. C'est un genre de consortium, dans le
fond, qui va prendre la décision s'il veut en appeler à l'assujettissement au
tribunal?
M. Boulet : Non.
M. Leduc : Vous avez
parlé d'une...
M. Boulet : C'est une
désignation par décret gouvernemental. Là, je reprends. Et la détermination, si
on aboutit là, c'est les syndicats CSN, FTQ, CSQ, avec les regroupements
d'employeurs, il y a des regroupements patronaux... Bien, c'est ça, des
regroupements patronaux. C'est eux qui auraient à déterminer les paramètres de
maintien de services minimalement requis.
M. Leduc : Pouvez-vous
nous les nommer? Il y en a combien?
M. Boulet : Des
regroupements d'employeurs, il y a 12 regroupements patronaux FSSS-CSN
puis il y a 220 CPE là-dedans. Presque tous les CPE sont là. Comme je
disais tout à l'heure, 56 %. Il y a un regroupement patronal pour la
FITEQ-CSQ, il y a 48 CPE, puis il y a un autre groupement d'employeurs
FTQ, 19 CPE. Donc on a nos CPE ici.
M. Leduc : Et les
regroupements, les 12 qui vont toucher la CSN, parlons seulement, là, de celle
ci qui est aux portes de la grève générale, c'est-tu des regroupements par
région? C'est pour ça qu'il y en a 12?
M. Boulet : Non. Je ne
l'ai pas ici. C'est 12 regroupements patronaux pour la FSSS-CSN puis ça
représente 220 CPE. Est-ce que c'est délimité régionalement? Je n'ai pas
cette donnée-là.
M. Leduc : Il y a plus de
CPE que ça à la CSN...
M. Boulet : Pardon?
M. Leduc : Il y a plus de
CPE que ça à la CSN...
M. Boulet : Il y en a 220
que je vois ici, 220 CPE qui sont syndiqués CSN. Puis il y en a... C'est
parce que 54 % des CPE sont syndiqués. De ces 54 % là, il y en a
70 %... 76 % qui sont syndiqués CSN. Puis là je pense que Guillaume
m'a bien compris.
M. Leduc : Mais là, mais
les chiffres, là, à la limite, ma question, ce n'est pas ça.
M. Boulet : Non.
M. Leduc : Ma question
c'est là pour activer. Puis là, encore une fois, il y a deux verrous, là. Il y
a vous qui devez désigner. Après ça, pour activer, il faut qu'il y ait une
demande d'une des deux parties, soit la partie syndicale, soit la partie
patronale. Puis là vous me dites il y a 12 regroupements patronaux juste
pour la CSN. Comment ça marche? C'est-tu les 12 qui doivent s'entendre ensemble
pour faire une seule demande. C'est-tu une demande par chacun des
12 regroupements patronaux. Vous ne pouvez encore me dire c'est quoi la
différence entre ces 12 là. C'est-tu par région, par je ne sais pas?
M. Boulet : Et c'est les
12 regroupements patronaux ou la FSSS-CSN. C'est une de ces deux
parties-là qui demande autant de déterminer l'assujettissement, le respect des critères.
M. Leduc : Mais les 12,
encore une fois, c'est qui exactement les 12?
M. Boulet : Bien, c'est
des regroupements patronaux, c'est des...
M. Leduc : Mais là on a
sûrement des noms, je ne peux pas croire.
M. Boulet : Bien, il y a
l'Association patronale nationale des CPE. Mais on pourra vous donner la liste
des noms, là. Moi, je ne les ai pas, les noms.
M. Leduc : Non, mais, M.
le ministre, on parle d'application, d'assujettir un secteur complet, les CPE.
Moi, je ne veux pas. Mais j'essaie de...
M. Leduc : ...de voir si vous
êtes capable de me montrer comment ça va marcher. Là, la démonstration n'est
pas concluante, là.
M. Boulet : Vous connaissez
très bien... Le processus, je l'ai bien expliqué. Là, vous êtes dans la finesse
de qui va déterminer la nature des services minimalement requis.
M. Leduc : Bien, j'espère,
oui. C'est ça, ma job, M. le ministre, moi.
M. Boulet : C'est... Ça va...
Le Président (M. Allaire) : ...là.
Encore une fois, un à la fois. M. le ministre.
M. Boulet : ...de négociation
nationale. C'est les mêmes parties, exactement les mêmes parties. Prenez-le
simplement, collègue. L'entreprise X, qui a une accréditation syndicale, c'est
l'employeur puis le syndicat. Dans le cas des CPE, comme il y en a des
centaines, ils sont regroupés. La plupart sont accrédités avec la CSN. Ça fait
qu'une des parties, c'est la CSN. Puis les CPE sont regroupés en associations
patronales, et c'est comme ça que ça se négocie au niveau national, et c'est
comme ça que ça va se négocier. Collègue, ils négocient le contenu de
conventions collectives de même. O.K. Collègue, ils négocient le contenu d'une
convention collective de travail de même. Là, on demande de s'entendre, si on
se rend là, là, s'il y a un décret, s'il y a une décision du TAT
d'assujettissement puis que les parties ont à négocier les services
minimalement requis à maintenir. C'est la même structure que quand on négocie
un renouvellement de convention.
M. Leduc : Moi, j'ai compris
qu'avant que le TAT se penche sur l'assujettissement, une des deux parties doit
le demander.
M. Boulet : ...
M. Leduc : Bon, mais là,
c'est... on n'est même pas rendus à l'assujettissement puis les services
minimaux, on est encore à la deuxième étape. Puis là vous me dites : Il y
a 12 regroupements patronaux juste pour la CSN, puis moi, j'essaie de savoir,
puis je n'ai pas encore d'explication : Est-ce que les 12 doivent le
demander en même temps d'une seule voix ou chacun des 12 séparément doit loger
une demande?
M. Boulet : Ça, c'est une
question...Ça, ça pourra être précisé, là. Je n'ai pas de réponse.
Des voix : ...
M. Boulet : Normalement, ils
se coordonnent, puis ils négocient de cette manière-là aussi, collègue. C'est
pour ça que je dis : Ça épouse ou ça... C'est tout à fait similaire à la
structure de négociation nationale des renouvellements de conventions
collectives de travail. Ça fait que, oui, ils se coordonnent, les 12 regroupements
patronaux pour la CSN. Il y en a un pour la CSQ, c'est facile. Il y en a un
pour la FTQ, c'est facile. Il y en a 12 pour la CSN. Et ma réponse, c'est oui,
c'est la même affaire.
M. Leduc : Puisqu'est-ce
qui arrive s'il y en a un des 12 qui décide, il dit : Moi, je ne suis pas
d'accord avec cette procédure-là, allez-y, vous autres, les 11 autres...
M. Boulet : Ah! bien, moi, macompréhension, c'est que, si une des parties ne demande pas au TAT, bien,
le TAT n'a pas à déterminer. Ce qui est prévu dans le projet de loi, puis on le
verra plus loin, c'est que le décret gouvernemental désigne une des parties,
donc la CSN, ou la FTQ, ou la CSQ, ou le regroupement patronal dans le cas de
la FTQ, le regroupement patronal dans le cas de la CSQ, les 13 regroupements
patronaux dans le cas de la CSN. Si personne ne demande au TAT, le TAT n'est
pas saisi... n'est pas légalement saisi.
M. Leduc : ...mais si à
l'intérieur, encore une fois, des 12 regroupements patronaux de la CSN, il y en
a un ou deux qui dit : Moi, je n'y crois pas, à cette procédure-là, je n'y
vais pas, allez-y, vous autres...
M. Boulet : ...pas clair, là,
dans les articles... des.
M. Leduc : ...ça veut dire
qu'il y a une partie des grévistes de la CSN qui ne sera pas assujettie puis
l'autre va l'être?
M. Boulet : ...non. Comme je
dis, pour que le tribunal soit légalement saisi, il faut que soit la CSN, soit
la CSQ, soit la FTQ le demande, du côté syndical, ou soit le regroupement
patronal... je pense, je me répète, là, mais quand même, le regroupement
patronal FTQ, le regroupement patronal CSQ ou les 13 regroupements patronaux
coordonnés ensemble le demande. S'il n'y a personne qui le demande, par exemple
si la CSN ne le demande pas puis si les 13 ne le demandent pas ensemble, le
tribunal, dans mon esprit, n'est pas légalement saisi. Puis, s'il faut que ce
soit précisé puis éclairci, ça le sera, mais dans les articles qui suivent, là,
on est loin de votre amendement, là, c'est un article du champ d'application.
M. Leduc : En tout respect du
ministre, M. le Président, ça me semble bien confus, tout ça. J'ai
l'impression, encore une fois, en tout respect, qu'on improvise un peu des
réponses à mes questions, qui sont des questions sérieuses d'application, parce
qu'encore une fois la grève générale est à nos portes, pour des enjeux qui sont
en dehors de la... pas de la compréhension, pardon, mais de la... du champ
d'action direct du ministre, c'est sa collègue du Conseil du trésor. La raison
pour laquelle je posais la question, c'est que moi, je suis un peu confus parce
que toutes les indications que j'ai à ce moment-ci, c'est que c'est surtout le
Conseil du trésor qui négocie. Là, dans la réponse, on n'y a même pas fait
référence, mais, moi, ma compréhension, c'est que c'est au Conseil du trésor
que ça...
M. Leduc : …les fins de semaine
puis que ça discute.
• (18 h 50) •
M. Charette : …puis je sais
que ce n'est pas votre intention que vous voulez me faire répéter. Le mécanisme
d'arbitrage ne s'applique pas aux CPE. Puis c'est le Conseil du trésor qui
négocie. Ici, on parle de ça d'après la négociation, après une impasse, après
le déclenchement d'une grève. Qu'est-ce qu'on fait pour assurer le bien-être de
la population? On est rendu à ce stade-là. Je sais que vous me l'avez fait
dire, là, mais on n'est pas au stade de la négociation. Pis c'est vrai que
c'est le Conseil du trésor. Mais pour la négociation de l'identité des services
minimalement requis à maintenir, on épouse la structure de négociation
nationale. C'est la structure, c'est le processus. Et moi, je ne trouve pas ça
confus. À moins que vous vouliez créer cette confusion-là, je pense qu'il faut
le faire simplement.
M. Leduc : Je suis sur la
page…
Le Président (M. Allaire) :
…M. le ministre, faites attention de ne pas prêter des intentions à votre tour.
M. le député d'Hochelaga-Maisonneuve, la parole est à vous.
M. Leduc : Je suis sur la page
du gouvernement, du ministre de la Famille, Entente nationale des centres de la
petite enfance. Là, il y a la section CSN, la section CSQ, ma section FTQ. Mais
le petit paragraphe introductif, je vous lis : «Cette section regroupe les
ententes portant sur les clauses nationales des centres de petite enfance pour
la période du 1ᵉʳ avril 2020 au 31 mars 2023 et les lettres d'entente
intervenues entre le Secrétariat du Conseil du trésor, le ministère de la Famille,
des regroupements d'employeurs, ainsi que les syndicats suivants, etc. Bien là,
il y a… il y a beaucoup de monde, là, au party, là, il y a le Conseil du
trésor, il y a le ministère de la Famille puis les regroupements d'employeurs,
les syndicats bien entendu, mais là les ententes, là, ceux qui la signent,
ententes portant sur des clauses intervenues entre… Il n'y a pas juste les
regroupements patronaux, là. Il y a aussi le ministère de la Famille puis le
Conseil du trésor. Est-ce que vous me confirmez donc, M. le ministre, que ni le
ministère de la Famille, ni le Conseil du trésor ne pourra activer la clause
pour assujettir les CPE?
M. Boulet : Bon, c'est un
décret gouvernemental, puis la distinction que vous devez faire puis que vous
vous faites certainement, c'est que les conventions collectives sont négociées
au national avec le secrétariat du Conseil du trésor et le ministère de la
Famille. Mais après ça, il y a une convention collective par CPE, parce qu'il y
a une accréditation syndicale par CPE. Donc, c'est simplement cette
distinction-là que vous devez faire.
M. Leduc : Je n'étais même pas
rendu aux conventions collectives locales. Vous me précédez, on va y arriver.
Comme, restons sur les conventions nationales, parce que c'est toujours, si
j'ai bien compris, un employeur ou une association accréditée qui doit activer
le processus. Est-ce qu'au regard de votre compréhension de votre projet de
loi, de votre imitation de la grève avec le service de bien-être, le ministère
de la Famille ou le Conseil du trésor pourrait activer ce processus dans le
cadre d'une grève de CPE?
M. Boulet : Non, parce que ce
n'est pas l'employeur et ce n'est pas le syndicat. Le secrétariat du Conseil du
trésor négocie, le ministère de la Famille, mais l'employeur, c'est le CPE.
Donc, ce n'est pas… ni l'un ni l'autre qui peut activer.
M. Leduc : La réponse est
claire, le ministère de la Famille, Conseil du Trésor ne peuvent pas activer
ça, on s'entend, on clarifie des choses, je suis content d'entendre ça. M. le
ministre. Merci de la clarification. Ça, c'est réglé. Maintenant, vous aviez
raison, de dire qu'il y a des ententes nationales, puis après ça, il y a des
ententes locales. À ma compréhension, c'est CPE par CPE, ça fait beaucoup
d'ententes locales. Est-ce que, dans ce cadre-là, il faudrait que, dans ce
cas-là, soit le directeur ou la directrice du CPE ou son… qui devrait activer
les services essentiels s'il y a une grève qui se poursuit localement? Parce
qu'il n'y a pas d'entente sur leur convention locale, au-delà d'une entente
nationale potentielle.
M. Boulet : Bien, c'est la
même affaire que le contenu d'une convention collective. Quand les paramètres
sont définis puis le maintien des services, c'est CPE par CPE, forcément, c'est
CPE par CPE où il y a une application des conventions collectives de travail,
tu sais, c'est exactement comme ça que les relations de travail se font dans
cet environnement.
M. Leduc : Donc s'il y a une
entente-cadre avec la CSN cette semaine, mais que, dans deux, trois CPE, il y a
un… il y a un gros problème local parce que la convention locale, les dispositions
particulières de cette convention locale, là, ça grince. Puis que la grève se
poursuit dans ces cas-là, il va falloir que ça soit les directions
particulières de ces CPE là qui activent le mécanisme.
M. Boulet : Totalement. Vous
comprenez aussi bien que moi.
M. Leduc : Bon, on a… On
atteint un niveau de compréhension, en tout cas, de ma part…
M. Boulet : ...pour les CPE.
Le Président (M. Allaire) : ...
M. Leduc : Il me reste une
minute. Merci. Peut-être que j'aimerais... j'aimerais la consacrer sur le défi
que j'ai posé au ministre tantôt. Est-ce qu'il s'engage... Au cas de CPE, là,
il dit qu'il veut les garder assujettis. C'est une chose, mais est-ce qu'il
s'engage à ne pas utiliser cette clause-là s'il y a grève dans les CPE dans les
prochaines heures?
M. Boulet : M. le Président,
vous connaissez déjà ma réponse, ils sont couverts par le mécanisme de maintien
des services minimalement requis. Leur assujettissement n'est pas une décision
politique, qui est une décision qui sera rendue par un tribunal. C'est pour ça
que je ne peux pas dire : Ils ne seront pas assujettis, parce que c'est le
tribunal qui est indépendant et impartial qui va avoir à le déterminer. Je la
répète, je ne peux pas dire... Tu sais, c'est... Comme tous les concepts, que
ce soit un accident ou une maladie ou du harcèlement ou de la violence, ça sera
au tribunal à déterminer, en tenant compte de la preuve qui est faite, en
tenant compte de la durée du conflit, de son contexte, de l'impact sur,
particulièrement, les enfants. Ça fait que je ne peux pas aller plus loin
là-dessus, là.
M. Leduc : Est-ce que vous
seriez ouverts, quand on sera rendus aux applications, de différer l'application
de cette loi-là pour les CPE...
M. Boulet : Moi, je suis
ouvert...
M. Leduc : ...pour que ça ne
concerne pas la négo actuelle?
M. Boulet : Moi, je suis
ouvert à toutes les discussions raisonnées. Vous me connaissez. Moi, je
souhaite le règlement le plus diligent possible pour le bien-être de nos
éducatrices et éducateurs, de nos familles, de nos parents, de nos enfants.
Mais, quand on... Ça, c'est le dernier article, là, d'entrée en vigueur de la
loi. Tout est possible, tout est possible. Moi, je n'exclus rien.
M. Leduc : Quand vous nous
aviez dit qu'il fallait attendre d'appliquer la rétroactivité salariale à la
construction, l'argument que vous avez utilisé, c'est que la négo était déjà
commencée. La négo est non seulement bien commencée, mais le conflit bat son
plein. Est-ce que vous vous engagez, encore une fois, quand on va être rendus
dans les dispositions transitoires...
M. Boulet : Ça, c'est le type
d'argument que nous allons écouter, que je vais écouter certainement avec
attention.
Le Président (M. Allaire) : Dix
secondes.
M. Leduc : On va les laisser
s'envoler, les secondes.
Le Président (M. Allaire) : Si
vous voulez. C'est bon.
M. Leduc : Merci, M. le
Président.
Le Président (M. Allaire) : Parfait.
Merci, M. le député d'Hochelaga-Maisonneuve. Est-ce qu'il y a d'autres
interventions sur l'amendement déposé par le deuxième groupe de l'opposition?
M. le député de Jean-Talon, la parole est à vous.
M. Paradis : Bon, on vient
d'assister à un échange intéressant. Mais donc il y a... il y a une
particularité, ce projet de loi va entrer en vigueur à sa sanction, et ça...
disons que... On est dans le domaine des hypothèses, mais les Québécois sont en
droit de savoir à quoi s'attendre, parce que vous l'avez mentionné, c'est du
droit nouveau, ce projet de loi là. Puis il y a une partie de votre échange qui
le démontre aussi, avec le député d'Hochelaga-Maisonneuve, hein, il va y avoir
des questions juridiques, mais il va y avoir des questions politiques puis il
va y avoir des questions sociales qui vont se poser. Et donc, disons que la
loi... disons qu'on le travaille très vite, là, puis que le projet de loi est
adopté, on est dans le domaine des hypothèses, puis que, là, il y a une grève
qui se déclenche dans le réseau des CPE, allez-vous exercer votre pouvoir?
Est-ce que vous allez, oui ou non, désigner les associations accréditées et les
employeurs? Là, je comprends qu'il y a eu des questions pour savoir qui ils
sont là, mais est-ce que vous allez les désigner, oui ou non?
M. Boulet : Je ne suis
vraiment pas, collègue, en mesure de répondre parce que, comme j'ai mentionné,
avant de désigner, cette désignation-là va faire l'objet d'un décret
gouvernemental...
Le Président (M. Allaire) : ...
M. Boulet : Ah! excusez-moi.
Donc, avant de désigner, cette désignation-là qui fera l'objet d'un décret
gouvernemental, nous allons devoir analyser, observer, consulter. Et est-ce que
les CPE en feront partie? C'est vraiment dépendant de comment le conflit génère
des impacts sur la population. Je pense que la préoccupation d'un État puis la
préoccupation de notre gouvernement, ça va être de considérer le bien-être de
la population dans la mesure où, en amont, on aura déterminé de façon objective
et rigoureuse que le conflit affecte de manière disproportionnée le bien-être
de la population. Oui, le décret pourrait s'appliquer au CPE, mais, encore une
fois, c'est une des parties, comme on vient de discuter de façon très
minutieuse avec le collègue Hochelaga-Maisonneuve...
19 h (version non révisée)
M. Boulet : ...qui pourra
demander au tribunal de déterminer s'ils sont assujettis ou non. Là, tout ce
que je dis, c'est que ça s'applique aux CPE, mais ça ne veut pas dire qu'ils
sont assujettis. Puis je pense que vous comprenez la nuance, l'assujettissement,
c'est une décision qui va relever du tribunal. Je ne sais pas si je réponds
bien, collègue, là, mais...
• (19 heures) •
M. Paradis : Oui. Mais, bon,
la première décision, c'est de savoir si le gouvernement va adopter un décret qui
va désigner les associations accréditées et les employeurs à l'égard duquel,
ensuite, le tribunal va pouvoir, etc.
M. Boulet : C'est une
excellente question. Il n'y aura jamais un décret qui va s'appliquer pour
l'avenir. Le décret va s'appliquer, puis c'est précisé dans le projet de loi,
dossier par dossier, négo par négo. C'est parce qu'il va avoir un règlement, il
va avoir signature de convention collective, et ce décret-là n'aura pas un
effet dans l'avenir. Il va ne s'appliquer que pour un processus de négociation.
Ça fait qu'on ne pourra jamais dire... tu sais, puis peut-être que les CPE, il
y aura un décret gouvernemental de désignation une fois, mais il pourrait ne
plus y en avoir jamais. Il pourrait ne pas y en avoir, par exemple, maintenant
et en avoir un plus tard, en raison de la durée puis du contexte du conflit,
là.
M. Paradis : Donc, attendez.
Donc là, vous nous dites déjà que ça ne peut jamais être à l'avance.
M. Boulet : Non, je pense
qu'on ne se comprend pas bien. C'est conflit après conflit. On ne désignera pas
un secteur, on ne désignera pas la compagnie X et le syndicat Y, comme étant
visés par un régime de maintien de services minimalement requis, ça va être en
tenant compte du conflit et de ses conséquences. Et donc ça n'aura pas d'impact
sur la prochaine négociation de renouvellement de convention collective qui
générerait, par exemple, un conflit de travail. C'est simplement ça, la
précision, là.
M. Paradis : O.K. C'est prévu
où, ça, ce que vous nous mentionnez?
M. Boulet : On va le voir
plus tard, mais c'est prévu clairement, dans le projet de loi, que ça
s'applique seulement pour le dossier actuel.
M. Paradis : Pouvez-vous me
l'indiquer? Parce que là on est sur... on est quand même sur un amendement qui
vise ça.
M. Boulet : Mais là on est
sur un amendement pour les CPE, là. Oui, c'est quel article... Ce ne sera pas
long, M. le Président?
Le Président (M. Allaire) : On
va suspendre les travaux quelques instants.
(Suspension de la séance à 19 h 02)
(Reprise à 19 h 03)
Le Président (M. Allaire) : Alors,
nous allons reprendre les travaux. M. le ministre, vous avez la réponse. La
parole est à vous.
M. Boulet : C'est 111.22.6 -
on va y arriver, souhaitons, diligemment - qui dit : «La décision du
tribunal d'assujettir une association accréditée à un employeur au maintien des
services assurant le bien-être de la population en cas de grève ou de lock-out
s'applique pour la phase des négos en cours.» Donc ce n'est pas les parties qui
sont désignées ad vitam, c'est pour une phase de négociation en cours.
M. Paradis : Là, vous parlez,
11.22.6, c'est la décision du tribunal d'assujettir une association accréditée.
Fort bien, vous-même, vous l'avez mentionné, ça, c'est la décision
d'assujettir. Moi, je vous parle de ce qui précède. «Le gouvernement - 111.22.4
- le gouvernement peut, par décret, désigner une association accréditée et un
employeur à l'égard desquels le tribunal peut déterminer...», etc. Ça, est-ce
que ça peut... Qu'est-ce qui dit, là-dedans, que ça ne peut pas se faire à
l'avance?
M. Boulet : C'est parce que
c'est le processus qu'on a expliqué un peu plus tôt. Le décret ne fait que
désigner, suite à la désignation, une partie peut demander au tribunal. Et
c'est le tribunal qui décide d'assujettir, et son pouvoir est limité à la phase
des négociations en cours. Ça fait que le décret, si on veut que ça s'applique
à une phase de négociation ultérieure, dans huit ans, dans 12 ans, dans 20 ans,
ça va prendre un autre décret gouvernemental. Moi, c'est très clair, là.
M. Paradis : Mais...
M. Boulet : Et un tel décret
à... Puis vous avez lu le projet de loi, là, mais à 111.22.4, le deuxième
alinéa : «Un tel décret a effet jusqu'au dépôt d'une convention collective
ou de ce qui en tient lieu. Il peut...
M. Boulet : ...en tout temps
avant un tel dépôt. Une copie est notifiée aux parties concernées et au
Tribunal.» Donc, les deux articles combinés sont, à mon avis, hyperclairs.
M. Paradis : Bien, je ne sais
pas. Moi, je ne sais pas s'ils sont hyperclairs. «Hyperclair», c'est un...
c'est un adjectif d'une... C'est d'une grande clarté, M. le ministre.
M. Boulet : Bien, si vous
voulez que ce soit plus clair, proposez un amendement. On est...
M. Paradis : Bien, non, mais
je veux savoir d'abord comment ça fonctionne. C'est... On a essayé d'avoir plus
de détails sur ce qui explique les solutions que vous avez choisies dans votre
projet de loi puis on ne les a pas eues. Bon, maintenant, j'aimerais savoir
qu'est-ce qui empêche, par exemple... Disons, on est dans un cas hypothétique,
que, ce projet de loi, un gouvernement se dépêche à l'adopter, il est adopté, puis
là il y a un mouvement syndical qui se dessine dans le monde des CPE. Je veux
savoir qu'est-ce qui empêche, dans le projet de loi, un ministre d'adopter un
décret puis de dire : Aïe! je vous ai à l'oeil. Là, j'adopte un décret
pour désigner les associations et les employeurs à l'égard desquels le tribunal
pourrait ensuite, etc. Qu'est-ce qui empêche dans le projet de loi de faire ça
dès maintenant? Et là ça va s'appliquer, comme le deuxième alinéa le dit,
jusqu'au dépôt d'une convention collective, mais le décret, il est adopté, puis
ensuite le tribunal fait ce qu'il veut. Qu'est-ce qui empêche, là, de le faire?
Qu'est-ce qui vous empêche de le faire?
M. Boulet : Je ne comprends
pas la question. Puis je vais revenir à la clarté du texte, là, c'est une
phrase : «Un tel décret a effet jusqu'au dépôt d'une convention
collective.» Pour moi, c'est hyperclair que ça ne s'applique que pour la phase
actuelle des négociations. Et qu'est-ce qui empêche le gouvernement,
actuellement, d'adopter un décret? Le projet de loi est en étude détaillée.
M. Paradis : Non, mais après
l'adoption du projet de loi.
M. Boulet : Qu'est-ce qui
empêcherait un gouvernement d'adopter un décret? J'ai expliqué tout à l'heure.
M. Paradis : Qu'est-ce qui dit,
là, que ça vient... Qu'est-ce qui dit que vous ne pouvez pas désigner
immédiatement, dire : Bien, le domaine des CPE, par exemple, l'éducation à
la petite enfance, les services à la petite enfance, moi, j'adopte un décret,
je désigne l'association accréditée et les employeurs x, y, z?
M. Boulet : Il y a un décret
gouvernemental... Vous êtes en train de me dire : Le gouvernement adopte
des décrets sans analyse, consultation ou observation. Il faut s'assurer d'une
probabilité d'assujettissement, là, parce que le tribunal peut décider qu'ils
sont assujettis parce que les critères sont respectés, il peut décider qu'ils
ne sont pas assujettis parce que les critères ne sont pas respectés. Mais
qu'est-ce qui empêche un gouvernement d'adopter un décret? C'est sûr que, si
notre analyse, nos observations, nos consultations et l'examen de la durée du
conflit, le contexte et les impacts ne nous permettent pas d'adopter un décret
de manière rigoureuse et sérieuse, il ne sera pas adopté. Mais je ne pourrai pas
donner une garantie qu'un décret gouvernemental ne peut pas être adopté. Mais
un gouvernement gouverne avec sérieux et rigueur. C'est l'explication que je
peux vous donner.
Le Président (M. Allaire) : M.
le député de Jean-Talon.
M. Paradis : Oui, on en a
parlé plus tôt... on a parlé plus tôt... Moi, je vous ai parlé du fait que ce
régime remplaçait un mécanisme assez connu, stable, qui est le fruit d'une
longue évolution législative jurisprudentielle puis vous le remplacez avec des
pouvoirs discrétionnaires peu balisés. Vous, vous avez dit : Il y a plein
de balises, c'est très balisé. On est dedans, là. Il y a un... L'amendement
parle des centres de la petite enfance à savoir s'ils sont assujettis ou pas.
Le collège d'Hochelaga-Maisonneuve prévoit de les exclure. Vous, vous
dites : Non, ils sont inclus. Il y a un mouvement syndical qui se dirige,
il y a des grèves auxquelles on pourrait... qu'on pourrait vivre bientôt au
Québec. On a un exemplaire clair devant nous. Je vous demande de nous
l'expliquer. Comment vous allez exercer les pouvoirs qui vous seraient donnés
par le projet de loi, si le projet de loi est adopté, à ce moment-là? Vous avez
dit : On va analyser, on va consulter, on va observer. Ça, c'est votre
réponse à ma première question.
Puis là on va avoir des critères, parce
qu'un décret, ça ne s'applique pas comme ça. Moi, en tout cas, je ne les vois
pas, les critères, ici. Je n'en vois aucun, je n'en vois aucun. Je ne sais pas
ce que vous allez analyser, je ne sais pas qui vous allez consulter, puis je ne
sais pas ce que vous allez observer. Puis je me demande ce qui empêche un
ministre, vous ou un autre, dans l'avenir, d'adopter des décrets rapidement.
Quand on voit venir des mouvements de grèves possibles, de dire : Ah! tout
de suite, je vous désigne, ça lance un message fort. Vous, vous allez me
dire : Ah! mais, attendez un peu, l'assujettissement n'est pas encore
déterminé, etc. Mais, quand tu as un gouvernement qui adopte un décret, là, ça
lance un message très fort. Et ça vient changer l'équilibre de la négociation,
ça vient...
M. Paradis : …et tout de suite
jouer sur les forces parce que les employeurs vont dire : Oh! Le ministre
vient d'annoncer ses couleurs, il adopte un décret. Puis il le fait rapidement.
C'est ça, ma question, c'est de savoir à quel moment ça commence. Parce que
moi, je ne la vois pas, la balise, là. Vous me parlez du deuxième alinéa. Ça,
ça veut dire qu'il va avoir effet le décret jusqu'à une convention collective.
Fort bien, ça n'explique pas à partir de quel moment il peut être adopté. Puis
après ça, vous me parlez de l'exercice par le tribunal de la deuxième phase de
ça. Moi, je vous parle du premier, là, le décret. Je vous demande les balises
de l'exercice du décret. Vous me… vous me répondez en disant : Faites… en
gros, faites-nous confiance, on ne prendra pas un décret comme ça. Mais moi, je
vous dis : Où sont les balises dans le projet de loi? Non, mais ce n'est
pas drôle, M. le ministre, là. Je vous pose des questions très légitimes.
• (10 heures) •
M. Boulet : Non, non, mais…
Non, mais c'est parce que les balises, vous avez vu l'article 107, Code
canadien du travail où il n'y a pas de balise, il y en a des balises, qu'on va
étudier aux articles suivants, les services minimalement requis pour assurer la
sécurité de la population. Votre collègue de Matane référait à la sécurité
économique pour la Société des traversiers, c'est des concepts qui existent
dans toutes les lois du travail. Et c'est sûr que ce n'est pas un décret du ministre,
c'est un décret gouvernemental. Puis c'est… avant d'adopter un décret, il faut
tenir compte des impacts. Il faut voir la durée du conflit, la nature du
conflit. On a des services d'accompagnement à la négociation, d'amélioration du
climat de relations de travail. On a des conciliateurs médiateurs. On a
l'expertise au ministère pour déterminer quelles sont les conséquences. Et je
le répète, c'est une décision qu'on veut apolitique. Le tribunal va déterminer
si ces critères-là, encore une fois, qu'on va étudier un peu plus loin…
Puis, oui, j'utiliserai notamment le
dictionnaire, j'utiliserai les définitions qui sont dans des arrêts de
jurisprudence au Québec. Vous les connaissez. Je le répète. Un accident de
travail, c'est défini. Puis c'est quoi, un événement imprévu et soudain,
collègue de Jean-Talon? Il y a plein de décisions de jurisprudence. Survenu par
le fait ou à l'occasion du travail, c'est-tu clair? Il n'y a rien de
parfaitement noir et blanc en droit. Vous le savez aussi bien que moi. Une violence
à caractère sexuel, c'est défini d'une manière qui implique une interprétation
puis une application par les tribunaux en tenant compte de la preuve qui est
soumise. Puis il n'y a pas deux cas pareils. Le réseau de transport de la
capitale, est-ce que ça aurait été la même décision dans un autre réseau de
transport, dans une autre ville avec une preuve différente? Oui.
Vous me demandez de vous expliquer de
façon mécanique alors que vous savez très bien que dans notre cas, il y a des
concepts qui sont utilisés, qui vont être appliqués. Puis ce n'est pas des mots
inconnus, c'est des mots que tout le monde connaissent. En tout cas, votre
collègue connaît bien la sécurité économique. Donc, moi, je suis prêt à revenir
sur ces explications-là, que j'ai données aussi au collègue d'Hochelaga-Maisonneuve.
Je suis prêt à les reprendre. Mais encore une fois, ce n'est pas le ministre.
Une discrétion… Relisons l'article 107. C'est quand un ministre, il estime
nécessaire, puis il ordonne un arbitrage exécutoire. Il ordonne la fin d'un
conflit de travail. Il ordonne au Conseil canadien des relations industrielles
de faire ce que lui décide. C'est ça un pouvoir discrétionnaire. C'est ça qu'on
a voulu éviter. J'ai été le plus attentif possible pour que nos balises soient
les plus respectueuses de l'état de la jurisprudence.
Est-ce qu'on peut avoir l'ambition de la
faire évoluer aussi la jurisprudence? En tenant compte de certains cas, il n'y
en aura peut-être pas de cas d'application, mais il y a deux mécanismes. Les
deux mécanismes dans les deux cas n'ont qu'un objectif : protéger une
population qui est souvent prise en otage par des conflits de travail qui
durent trop longtemps. Une grève, c'est un moyen de pression. Un lock-out,
c'est un moyen de pression, mais ce n'est pas un outil pour mettre une pression
indue disproportionnée sur une population qui est souvent impuissante,
marginalisée par un conflit. C'est simplement… il faut garder ça simple, le
projet de loi, il est dans son titre extrêmement clair, puis dans les aspects
pratiques, il y aura des tribunaux puis il y aura un arbitre de différends qui
déterminera, dans le deuxième mécanisme, le contenu de la convention collective
de travail. Je comprends qu'on peut complexifier, mais gardons ça simple…
Le Président (M. Allaire) : Merci,
merci. Je regarde l'heure. Il est 19 h 15.
Donc, compte tenu de l'heure, merci pour
votre collaboration aujourd'hui, j'ajourne les travaux au
mardi 29 avril à 15 h 30 où elle entreprendra un autre
mandat. Merci, tout le monde!
(Fin de la séance à 19 h 15)