Journal des débats de la Commission de l'économie et du travail
Version préliminaire
43e législature, 1re session
(29 novembre 2022 au 10 septembre 2025)
Cette version du Journal des débats est une version préliminaire : elle peut donc contenir des erreurs. La version définitive du Journal, en texte continu avec table des matières, est publiée dans un délai moyen de 2 ans suivant la date de la séance.
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Le
vendredi 30 mai 2025
-
Vol. 47 N° 111
Consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 101, Loi visant l’amélioration de certaines lois du travail
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11 h (version non révisée)
(Onze heures quinze minutes)
Le Président (M. Allaire) : Alors,
à l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de
la Commission de l'économie et du travail ouverte.
Je vous souhaite à tous la bienvenue et je
demande, s'il vous plaît, de prendre quelques secondes pour éteindre l'ensemble
de vos sonneries de vos multiples appareils électroniques, s'il vous plaît.
La commission est réunie afin de
poursuivre les consultations particulières et les auditions publiques sur le projet
de loi n° 101, Loi visant à l'amélioration de certaines lois du travail.
Mme la secrétaire, est-ce...
Le Président (M. Allaire) : ...qu'il
y a des remplacements?
La Secrétaire : Oui, M. le
Président. Mme Cadet (Bourassa-Sauvé) est remplacée par Mme Maccarone
(Westmount—Saint-Louis); Mme Lakhoyan Olivier (Chomedey) est remplacée par
Mme McGraw (Notre-Dame-de-Grâce); M. Fontecilla (Laurier-Dorion) est
remplacé par Mme Labrie (Sherbrooke); M. Paradis (Jean-Talon) est
remplacé par Mme Gentilcore (Terrebonne).
Le Président (M. Allaire) : Merci,
Mme la secrétaire. Alors, notre ordre du jour pour ce matin, nous allons
recevoir deux groupes, on commence avec l'Alliance du personnel professionnel
et technique de la santé et des services sociaux et on va enchaîner ensuite
avec la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante.
Avant de commencer et céder la parole à
notre premier groupe, vous allez me permettre de souhaiter la bienvenue à
l'ensemble des étudiants en droit de l'UQAM qui sont ici pour apprendre de ce
que j'ai compris. Alors, bienvenue, j'espère que vous allez apprécier votre
belle expérience avec nous. Alors, je reçois avec beaucoup de plaisir
l'Alliance du personnel professionnel et technique, de la santé et des services
sociaux. Bienvenue! Je vais vous laisser le soin de vous présenter et vous
pouvez commencer votre allocution de 10 minutes. La parole est à vous.
M. Comeau (Robert) : Alors,
merci, M. le Président, M. le ministre, Mmes, MM. les députés. Merci de. Nous
sommes là aujourd'hui pour discuter du projet de loi n° 101.
Je suis Robert Comeau, je suis président
de l'Alliance du personnel professionnel et technique, de la santé et des
services sociaux. On représente plus de 65 000 membres dans quelque
110 titres d'emploi, oeuvrant dans toutes les régions du Québec pour
garantir l'accessibilité et la qualité des soins et services publics. Je suis
accompagné à ma gauche de Christine Prégent, qui est vice-présidente de l'APTS,
ainsi que de Marsha Préfontaine et de Charles-Alexandre Bélisle, respectivement
coordonnatrice au secteur de la santé et sécurité du travail et coordonnateur
du secteur des relations de travail.
Notre intervention portera d'abord sur les
modifications à la Loi sur la santé et sécurité du travail et à la Loi sur les
accidents de travail et les maladies professionnelles. Nous aborderons ensuite
les dispositions concernant l'arbitrage de grief et la reddition de comptes des
organisations syndicales. Et pour conclure avec une proposition afin de mieux
soutenir les victimes de violence conjugale.
Tout d'abord, nous devons d'abord dénoncer
avec fermeté les modifications apportées à la Loi sur la santé et la sécurité
du travail. Le projet de loi reporte encore une fois l'entrée en vigueur du
Règlement sur les mécanismes de prévention et de participation des travailleurs
en établissement, et ce, malgré un consensus syndical patronal et son adoption
paritaire au conseil d'administration de la CNESST. Ces reports injustifiés
ralentissent une réforme attendue depuis plus de 40 ans. Mais surtout le
projet de loi introduit un nouveau chapitre à la LSST, le chapitre 16.1,
qui établit un régime de prévention à rabais pour les secteurs de la santé et
des services sociaux ainsi qu'à l'éducation. Ces secteurs, composés à plus de
80 % de femmes et exposés à de nombreux risques, se verraient ainsi moins
bien protégés que tous les autres secteurs. En 2023, ils représentaient à eux
seuls 31 % des lésions professionnelles acceptées par la CNESST. Ce régime
différencié est non seulement injuste, mais aussi discriminatoire. Il constitue
un recul en matière de prévention et va à l'encontre des principes mêmes de la
Loi sur la santé et sécurité au travail.
Ce que nous propose le ministre
aujourd'hui, c'est d'offrir une protection moindre aux femmes qui travaillent
dans les services publics que celles dont bénéficient les hommes de la
construction et du secteur manufacturier. Est-ce bien ça, M. le Président, le
legs que veut laisser le ministre du Travail aux milliers de femmes qui offrent
des services et prennent soin de la population du Québec?
L'APTS recommande donc fermement le
retrait complet de l'article 54 du projet de loi et du chapitre 16.1.
Toutes les travailleuses et tous les travailleurs du Québec, sans exception,
méritent un régime de prévention solide, équitable et efficace.
Le projet de loi fragilise aussi le
principe fondamental du paritarisme en matière de santé et sécurité du travail.
Il réduit les fonctions décisionnelles des comités de santé et sécurité,
notamment en ce qui concerne le choix des équipements de protection et les
programmes de formation. Il prive ainsi les travailleuses et les travailleurs
des outils nécessaires pour prévenir efficacement les accidents et les maladies
professionnelles. Le projet de loi va encore plus loin en retirant des
fonctions essentielles aux représentants en santé et sécurité et en limitant
les formations qui leur sont offertes. Le risque, c'est de voir émerger des
comités de santé-sécurité de façade qui n'ont aucun impact réel.
Il retire également à la CNESST des
pouvoirs essentiels. Il ne pourrait plus imposer la création de programmes de
prévention, de comités de santé ou l'ajout de représentants, même lorsque les
situations et les risques le justifient. Le gouvernement se réserve en outre le
pouvoir de modifier unilatéralement des règlements élaborés de façon paritaire.
Cela brise l'équilibre au cœur de notre modèle de gouvernance.
• (11 h 20) •
En ce qui concerne la Loi sur les
accidents de travail et les maladies professionnelles, le projet de loi propose
une nouvelle procédure de négociation à l'étape de la révision administrative
des décisions de la CNESST. Bien que l'intention puisse sembler...
M. Comeau (Robert) : ...cette
réforme nous inquiète. Les travailleuses et les travailleurs, souvent, non
représentés à ce stade, se retrouvent en situation de vulnérabilité, sans accès
équitable à l'information, face à deux puissants acteurs, qui sont l'employeur
et la CNESST. Cette dernière agit à la fois comme parti et comme arbitre, sans
balises claires pour encadrer notre rôle. Cela crée un déséquilibre majeur, qui
compromet l'exercice libre et éclairé des droits. Les enjeux sont pourtant
cruciaux, indemnités, capacité de travail, réadaptation, et les ententes qui en
découleraient seraient finales, sans appel possible. L'APTS remet donc en
question la pertinence même de cette nouvelle procédure, d'autant qu'un
mécanisme de conciliation, qui est mieux balisé, existe déjà dans la loi.
Abordons maintenant les changements au
Code du travail. Nous saluons la volonté du ministre de rendre le processus
d'arbitrage de griefs plus efficace. Le système actuel, conçu il y a plus de 60
ans, comme solution rapide aux conflits de travail, est, aujourd'hui, engorgé.
Il faut parfois attendre plus de deux ans pour obtenir une décision. Cela ne sert
ni les salariés, ni les employeurs et ni la justice. Nous appuyons donc
l'instauration de délais, à condition que ceux-ci puissent être applicables au
réseau de la santé et des services sociaux. Nous recommandons ainsi de scinder
le troisième alinéa, ajouté par l'article 16, pour en faire un article à part
entière, afin d'assurer son application, malgré l'exception créée par l'article
22 pour les secteurs public et parapublic.
Mais accélérer le traitement des griefs,
ça ne suffit pas. Depuis la création des CISSS et des CIUSSS, les mécanismes de
résolution de conflits en amont ont perdu totalement leur efficacité. Trop
souvent, les représentants patronaux n'ont pas de pouvoir décisionnel. Le
dialogue est alors rompu d'avance. Nous craignons que le projet de loi, en
misant sur la judiciarisation, plutôt que sur la prévention des conflits,
accentue cette tendance. Nous recommandons d'encourager formellement les
employeurs à régler leurs différends avant l'arbitrage. C'est un changement de
philosophie qui demande de la volonté politique.
Par ailleurs, si l'on impose de nouveaux
délais sans augmenter le nombre d'arbitres, on risque alors de créer un goulot
d'étranglement. Le ministère doit s'assurer que les ressources sont suffisantes
pour répondre à la demande. Nous proposons aussi de mieux outiller les
arbitres, notamment en leur permettant de traiter un grief incident lié à un
grief principal dont ils sont déjà saisis. Cela éviterait les dédoublements et
les tactiques dilatoires. Enfin, il est étonnant que la publication des données
sur les délais d'arbitrage ait cessé depuis plus de 10 ans. Nous recommandons
donc d'inclure dans le projet de loi une obligation, pour le ministère, de
rendre ces données publiques chaque année. Une telle transparence est essentielle,
selon nous.
Toujours en lien avec le Code du travail,
nous nous opposons à la modification de l'article 47.1, qui imposerait à toutes
les associations syndicales de présenter des états financiers vérifiés en
assemblée générale. Ce principe d'exigence... ce type d'exigence, pardon,
relève de la régie interne. Les membres sont en droit, bien sûr, d'exiger des
comptes de leur organisation syndicale, c'est très légitime, et les lois en
vigueur leur permettent déjà. Il n'y a pas lieu de légiférer pour répondre aux
cas isolés, qui semblent avoir motivé le ministre. Cette exigence entraînerait
des coûts importants, surtout pour les petites unités syndicales. Du temps, des
ressources et de l'argent seraient détournés de la défense des membres au
profit des grandes firmes comptables. Nous invitons donc le ministre à retirer
l'article 14 du projet de loi.
Enfin, le projet de loi n° 101
constitue une occasion à saisir pour mieux soutenir les victimes de violence
conjugale. Ce fléau touche des milliers de femmes, chaque année, au Québec.
Actuellement, la Loi sur les normes du travail ne prévoit que deux jours
rémunérés pour s'absenter, et ces deux jours sont partagés avec d'autres
motifs. C'est largement insuffisant pour permettre aux victimes de se protéger,
de trouver refuge, obtenir un soutien psychologique ou juridique et réorganiser
leur vie. D'autres provinces canadiennes, ainsi que le gouvernement fédéral,
ont déjà instauré des congés spécifiques pour répondre à ce besoin. L'APTS
réclame depuis longtemps l'ajout de 10 jours d'absence rémunérés pour les
victimes de violence conjugale. Le projet de loi modifiant déjà des motifs
d'absence, nous encourageons le ministre à y inclure cette disposition. C'est
une mesure concrète, humaine, qui pourrait faire une réelle différence, et
même, selon nous, sauver des vies.
En conclusion, ce projet de loi, bien
qu'animé de bonnes intentions, comporte plusieurs éléments préoccupants. Il
affaiblit la prévention dans les réseaux publics, il alourdit inutilement la
reddition des comptes des organisations syndicales et manque certaines
occasions d'introduire des normes plus justes. Nous invitons le gouvernement à
revoir en profondeur certaines dispositions, en s'appuyant sur nos
recommandations, pour bâtir un cadre législatif à la hauteur des défis actuels
du monde du travail.
Je vous remercie, M. le Président. On est
prêts à répondre aux questions.
Le Président (M. Allaire) : Merci
à vous. On débute la période d'échange avec la partie gouvernementale. M. le
ministre, vous avez 16 min 30 s...
M. Boulet : ...Oui, merci, M.
le Président. Merci, M. Comeau, pour la présentation. Merci à votre équipe.
Merci de votre présence, du temps que vous avez consacré à la préparation du
mémoire. Je pense que vous avez fait une analyse fine du projet de loi.
Vous vous prononcez sur plusieurs mesures,
là, mais vous avez mis l'accent sur certaines des 20 mesures dans ce
projet de loi là qui s'intéressent évidemment aux irritants dans l'application
de certaines lois du travail au Québec. Et on adopte une loi, mais c'est dans
son application puis suite à des interprétations que ça nous permet de
s'ajuster, de s'adapter. Et c'est ce que nous faisons.
Pour le régime de prévention, je veux
simplement mentionner, Robert, parce que ne je reprendrai pas toute mon
argumentation, mais redire et poser la question : On était où en 1979,
quand la loi santé et sécurité qui traite de prévention a été adoptée, en 1985,
quand la loi sur les accidents de travail qui s'intéresse à l'indemnisation a
été adoptée? Pendant 40 ans, vous le savez, il y avait deux secteurs
prioritaires à nette prépondérance masculine : la foresterie, la
métallurgie. Puis il y avait sept secteurs, et ce n'était que dans les deux
secteurs à prépondérance masculine qu'on avait tous les mécanismes de
prévention puis de participation des travailleurs et travailleuses. Dans les
autres secteurs, ça s'appliquait de façon asymétrique. Et, en santé et en
éducation, il n'y avait rien qui était impérativement applicable dans les milieux
de travail. Donc, on a fait une avancée phénoménale en 2021.
Puis ce n'est pas notre intention de
reculer. Notre intention, c'est de s'adapter puis de respecter les capacités
organisationnelles, de respecter les besoins en formation et en accompagnement
pour bien mettre en place les mécanismes de prévention puis de participation.
Où on était pendant que l'économie se
thésaurisait, que les risques psychosociaux prenaient de l'ampleur dans les
milieux de travail pour se limiter à l'identification des risques physiques,
chimiques, biologiques et autres, alors que la santé psychologique prenait une
part importante dans le pourcentage des accidents de travail et aussi des
maladies professionnelles qui étaient acceptées au Québec?
C'est pour ça que je ne peux pas accepter
le vocable de régime à rabais. Il faut avancer partout. Puis souvenez-vous, les
mécanismes de prévention puis de participation, c'est assez simple. C'est des
comités paritaires où tout le monde permet aux milieux de travail de se prendre
en charge. C'est des représentants en santé-sécurité, c'est des programmes de
prévention. Et, dans les plus petites entreprises, dans un souci d'adaptation
pour les 20 salariés et moins, ce n'est pas un programme de prévention,
c'est un plan d'action qui est plus simple. Ce n'est pas un représentant en
santé et sécurité. C'est un agent de liaison.
Et, ce qu'on a fait en 2021, on a mis en
place un régime intérimaire, toujours dans la même perspective d'y aller de
manière graduelle, de passer de 25 % de milieux de travail protégés par
des mécanismes de prévention et de participation à 100 %. On est toujours
dans cette direction-là. On a, avec l'entrée en vigueur du régime intérimaire,
notamment en santé, éducation, le 6 avril 2022... ce régime intérimaire
continue toujours de s'appliquer. Parce qu'il y en a qui croyaient que ça ne
s'appliquait plus. Ce régime intérimaire continue de s'appliquer.
• (11 h 30) •
Et on a permis donc une période de trois
ans, M. Comeau, qui arrive au 6 octobre 2025. On a demandé à la CNESST,
par la voix de son C.A. paritaire, de convenir, de faire un consensus. Le
consensus a été fait, vous le savez, après d'âpres discussions, après
l'intervention d'une personne spécialisée en conciliation. Mais il n'y avait
pas une représentation adéquate de santé, éducation à ce sous-comité-là. C'est
la raison pour laquelle, vous avez vu, dans le projet de loi, on ajoute un
siège pour la CSQ. Puis M. Gingras m'en parlait...
11 h 30 (version non révisée)
M. Boulet : ...depuis un
certain nombre d'années, et je suis hypercontent que la FTQ ait temporairement
cédé un de ses trois sièges pour permettre à la CSQ d'être au C.A. de la CNESST.
Avec le projet de loi, on va permettre à la FTQ de récupérer son troisième
siège et de nommer une personne qui provient de la partie patronale et qui est
représentative des milieux de santé et d'éducation. C'est un respect du
paritarisme.
Notre intention, M. Comeau, c'est toujours
de respecter le règlement issu du consensus du sous-comité et entériné par le C.A.
de la CNESST, mais de s'assurer de respecter les milieux de la santé, éducation
dans leur capacité de faire, dans leurs besoins de formation et d'accompagnement,
dans la compréhension de l'acuité de la pénurie de main-d'œuvre, de l'impact qu'un
trop grand nombre d'heures de libération syndicale pourrait avoir sur des
ruptures possibles de services. C'est ce qu'on fait. Puis j'ai bien aimé, M.
Comeau, quand vous dites : Il faut que ce soit solide et efficace. Oui, c'est
ce que nous voulons faire. Il y aura un rapport d'évaluation en 2029.
Et le régime intérimaire, j'en conviens, il
s'applique de façon asymétrique actuellement, mais on fait des pas importants.
Le régime intérimaire est une avancée significative en santé et sécurité, aussi,
en santé puis en éducation. Et le régime bonifié qui est prévu dans le projet
de loi n° 101... je vous inviterais... puis vous l'avez probablement déjà
fait, parce que... je ne ferai pas la nomenclature des bonifications du régime
intérimaire, mais pour les mécanismes de prévention, les fonctions du
représentant en santé et sécurité... puis je ne veux pas contredire certains
des aspects qu'il y a dans votre mémoire, mais aussi pour les fonctions du comité
de santé et sécurité... il n'y a pas tout, j'en conviens, mais il y a beaucoup
plus. C'est un régime intérimaire plus-plus-plus pour santé, éducation, puis on
se donne des chances de pouvoir l'appliquer avec souplesse, dans le respect du
capital humain et des ressources que nous avons dans deux milieux où c'est
beaucoup plus sophistiqué, et où il y a application, aussi, d'un concept de
multi-établissement.
C'était juste ce que je voulais partager
avec vous, parce que j'ai énormément d'estime pour l'APTS. Puis, Robert, je
veux souligner... excusez moi, M. Comeau, le ton de l'APTS, le ton que vous adoptez.
Moi, j'ai toujours compris qu'en négociation le ton avait un impact sur ton
niveau d'écoute, et je pense que tout le monde écoutait tout ce que vous avez
mentionné, en raison de votre approche raisonnée, et ça, je l'apprécie puis je
tiens à souligner. Et c'est pour ça que là, je veux vous écouter : La négo
pré-révision administrative, est-ce que votre préoccupation centrale, c'est que
les personnes, travailleurs, travailleuses, particulièrement, non syndiqués,
sont en position de plus grande vulnérabilité? Est-ce que c'est votre...
Robert, vous n'êtes pas d'accord avec ça, hein?
Mme Prégent (Christine) : Bien,
en fait, moi, je vais vous répondre sur le régime de prévention. En fait, il
faut se souvenir qu'en 2023 notre secteur de travail, en fait, en soins de
santé et assistance sociale, représentait, à lui seul, 31 % des lésions
acceptées à la CNESST, alors qu'en fait on représente moins de 10 % de
tous les travailleurs et les travailleuses au Québec. Donc, c'est dire à quel
point l'accès à ces mécanismes sont primordiales, et ça, il faut y avoir accès
de façon équitable.
Donc, j'en viens sur notre enjeu, aussi,
sur le fait qu'évidemment notre secteur est aussi à prédominance féminine, à
plus de 80 %, et, indépendamment de l'intention du gouvernement, on ne
peut pas fermer les yeux sur cette réalité-là. Ça nous plonge actuellement...
le régime particulier nous replonge 40 ans en arrière. Vous avez fait allusion
à cette fameuse époque, et là on se... on serait maintenus encore à nouveau
dans un contexte où on donne encore plus à des secteurs à prédominance
masculine, et ça, c'est complètement inacceptable. Plaider l'enjeu de pénurie
de main-d'œuvre à ce stade-ci, c'est un faux débat, parce qu'une travailleuse
en invalidité, non seulement ça coûte cher mais c'est aussi une travailleuse
qui n'est pas en train de donner des services à la population.
Mme Préfontaine (Marsha) : De
mon côté, j'aimerais rajouter aussi que les retraits... Je comprends qu'il y a
des fonctions...
Mme Préfontaine (Marsha) : ...supplémentaires
du régime intérimaire qui sont ajoutées pour le régime particulier. Par contre,
les fonctions primordiales pour assurer une pleine représentativité des
travailleurs puis un plein fonctionnement des mécanismes de prévention et de
participation, ces fonctions là sont amputées dans le régime particulier pour
le réseau de la santé et services sociaux et le réseau de l'éducation.
Par exemple, tenir un registre
d'accidents. Les comités en santé et sécurité de tous les milieux de travail au
Québec auront, tu sais, l'obligation, là, de tenir un registre d'accidents, ce
qui ne sera pas le cas des comités en santé et sécurité dans le réseau de la
santé et des services sociaux et dans le réseau de l'éducation. L'autre aspect,
aussi, dans les fonctions, là, primordiales, c'est la fonction d'enquêter sur les
événements qui ont... qui ont causé ou qui auraient été susceptibles de causer
des accidents ou une maladie professionnelle. Encore une fois, on enlève cette
fonction-là dans le réseau de la santé et dans le réseau de l'éducation pour le
régime particulier. Ce sont deux fonctions qui sont très cruciales pour que les
travailleurs puissent apporter leurs recommandations à même le comité.
L'autre élément que je veux apporter à
votre attention, c'est qu'au niveau du nombre de rencontres par année on a
quatre rencontres par année, quand il était prévu d'en avoir neuf. Comment
voulez-vous que les représentants des travailleurs, qui siègent sur ces
rencontres-là quatre fois par année, puissent avoir un vrai portrait de la
situation et apporter des recommandations au niveau de la prévention, et des
moyens efficaces au niveau de la prévention? Et ça, c'est la portion comité
santé et sécurité, mais il y a aussi des retraits de fonctions qui sont faits
au niveau des représentants en santé et sécurité au travail. Alors, tu sais,
pour nous, représentant 31 %, là, des lésions quand on représente, tu
sais, moins de 10 % des travailleurs au Québec, c'est disproportionnel. On
est un secteur où il y a un niveau de risque qui est quand même très, très,
très élevé, et d'enlever ce type de fonctions, d'enlever le nombre de
rencontres par année, bien, ça va à l'encontre du bon sens, là.
M. Boulet : Si vous me
permettez, je comprends les points que vous soulevez. Vous soulevez ce que vous
n'avez pas, plutôt que mettre l'accent sur ce que vous avez en termes de
mécanismes de prévention. De dire qu'on revient 40 ans en arrière, je
regrette, c'est totalement inexact.
Mme Préfontaine (Marsha) : Oui,
moi, ce que je vous dis...
M. Boulet : De dire... Non,
non, mais c'est parce que j'ai entendu ça, mais c'est totalement non fondé puis
je reviendrais sur les mécanismes de prévention et de participation. Il y avait
zéro, absolument zéro pendant 40 ans, alors qu'aujourd'hui… puis là je ne
ferai pas toute la liste, mais de dire que l'intérimaire bonifié, il n'y a rien
ou on en enlève, en fait, on en ajoute, mais il y en a d'autres que vous
voudriez ajouter. C'est ça, la réalité.
Mme Préfontaine (Marsha) : Bien,
en fait, on veut l'équité avec le reste des travailleurs du Québec, là.
M. Boulet : De dire… non, un
registre...
Le Président (M. Allaire) : On
ne peut pas s'interrompre comme ça. Laissez le ministre parler puis après ça
vous pourrez intervenir.
Mme Préfontaine (Marsha) : C'est
bon.
Le Président (M. Allaire) : M.
le ministre.
M. Boulet : Le registre
des accidents de travail, il existe, c'est l'employeur qui le fait. Il y a une
obligation. Et sachez que le registre est complété aussi à partir de la
réclamation du travailleur. Parce que dès qu'il y a un événement qui survient
sur les lieux de travail, le travailleur peut décrire son événement dans un
formulaire de réclamation et dans sa demande pour recevoir une indemnité de
remplacement de revenu par la CNESST et donc ça, ça existe déjà.
• (11 h 40) •
Donc, je vous demanderais aussi, puis je
sais que vous le faites. M. Comeau, je vous connais bien, là, verre n'est pas
plein, on peut s'entendre, mais il n'est pas vide comme il était il y a
40 ans. Disons qu'on pourrait diverger d'opinion sur le niveau d'eau dans
le verre, mais pas dire qu'il est vide. Ça fait que… Puis je ne referai pas la
liste, mais intervenir dans des droits de refus, accompagner l'inspecteur,
identifier les situations où il y a des… En fait, la base de la prévention,
c'est les risques. Si tu n'identifies pas les risques, notamment psychosociaux
en santé, éducation, tu ne fais rien en prévention. Mais au-delà de les
identifier, s'il y a de la violence, s'il y a du harcèlement, s'il y a des
troubles de stress post-traumatique ou autres, puis il y a des facteurs de
risque aussi, comme l'anxiété, l'iniquité…
M. Boulet : ...l'inéquité
organisationnelle et autre. Si tu les identifies puis tu mets en place des
mécanismes de contrôle, ce qu'on a dans le régime intérimaire bonifié, et si tu
vois les manières d'éliminer ces risques-là, c'est là que tu vas avoir le
meilleur impact sur l'objectif central, que nous avons tous, réduire la
fréquence et la gravité des lésions professionnelles. Ça, c'est tant les accidents
que les maladies.
Mais je voulais vous entendre, M. Comeau.
Je pense qu'on pourrait faire une discussion sempiternelle sur les mécanismes
de prévention et de participation, mais je voulais vous entendre d'abord sur la
négo prérévision administrative, puis j'ai besoin de votre opinion aussi pour
l'arbitrage, là, j'ai... Voulez- vous qu'on fasse la... Ah! il me reste...
Le Président (M. Allaire) : ...
M. Boulet : Bon, bien...
40 secondes. L'arbitrage, M. Comeau, il y a eu cinq nouveaux arbitres qui
ont été nommés. Il y a eu un nouvel appel de candidatures qui a été envoyé par
le Comité consultatif du travail et de la main-d'œuvre. Ça, pour le nombre
d'arbitres. Les griefs incidents, l'arbitre conserve sa juridiction. Les délais
approximatifs, ça, ça me préoccupe. Vous dites... Puis je me souviens que
c'étaient les délais approximatifs pour la reddition de la décision. Est-ce que
c'était bien...
M. Bélisle (Charles-Alexandre) : Oui.
Bien, en fait, ce qui est difficile aussi, c'est le manque de données qu'il y a
au ministère du Travail rendues publiques, là, sur le site Web ou autres. Donc,
c'est difficile d'identifier ça, mais...
Le Président (M. Allaire) : Merci.
Merci. Je suis désolé, je dois vous couper, malheureusement.
M. Boulet : On va s'en
reparler.
Le Président (M. Allaire) : Vous
pourrez vous en reparler de façon peut-être informelle. Alors, je cède la
parole à l'opposition officielle. Mme la députée de Notre-Dame-de-Grâce, vous
avez 14 min 20 s.
Mme McGraw : Wow! Merci, M.
le Président. Et je profite pour saluer les étudiants en droit à l'UQAM qui
sont avec nous ce matin. Merci pour votre participation, votre écoute et merci
beaucoup pour votre présentation, le mémoire avec les 12 recommandations.
J'ai beaucoup de questions. J'aimerais juste commencer avec la CNS. Vous
indiquez que les pouvoirs de la CNS sont affaiblis. Quels effets cela pourrait
avoir sur la prévention dans les milieux à haut risque, effectivement?
Mme Prégent (Christine) : Bien,
je pense qu'à ce stade-ci c'est important aussi de voir que, dans la réduction
des des responsabilités, on vient s'exposer à un risque ou la prise de décision
pourrait être unilatérale et ne pas répondre aux besoins. Donc, c'est aussi à
ce stade-ci où c'est important de voir que, pour implanter des mécanismes de
prévention qui fonctionnent, non seulement l'élément du paritarisme est
important, mais on considère qu'il n'y a pas de compromis et de demi-mesures à
faire à ce stade-ci, considérant les taux qu'on nous a exprimés un peu plus tôt
avec le pourcentage de lésions acceptées à la CNESST.
Mme McGraw : Et est-ce que
vous pensez que la CNS pourrait encore jouer un rôle avec ce projet de loi,
avec les changements qu'on envisage, jouer un rôle crédible si ces pouvoirs
sont affaiblis? Si vous trouvez que c'est affaibli, est-ce que ça demeure
crédible? Est-ce que ça va vraiment à la crédibilité de la CNS?
Mme Préfontaine (Marsha) : Bien,
tu sais, on a de la difficulté à comprendre pourquoi on est allé jouer sur ces
pouvoirs-là parce que le pouvoir de CNESST, les pouvoirs... duquel on parle,
c'est de... La CNESST, dans un cas particulier, pourrait demander de créer un
comité de santé et sécurité supplémentaire ou de faire nommer un RSS pour des
cas particuliers, puis là on vient enlever ce pouvoir-là à la CSST. Ça fait
que, pour nous, c'est un peu incongruent. Parce que, la CNESST, quand elle
vient dans un milieu de travail puis qu'elle identifie que le meilleur moyen
d'arriver à faire de la prévention pour ce cas particulier-là, bien, c'est
d'instaurer un comité paritaire spécifique à ce milieu de travail-là, mais
d'enlever le pouvoir à la CNESST de procéder et de recommander dans son rapport
d'instaurer un comité santé et sécurité, bien, c'est un petit peu... c'est un
petit peu absurde si c'est ça, l'analyse, là, de l'inspecteur en question, là.
Mme McGraw : Vous dénoncez
aussi l'affaiblissement du paritarisme et comment cela pourrait se manifester
dans les modifications proposées au rôle des comités et des représentés, juste
pour... représentants, pardon.
Mme Prégent (Christine) : Bien,
il y a, d'une part, la prise de décision qui pourrait être produite de façon
unilatérale, dont j'ai mentionné tout à l'heure, mais c'est important de garder
la mobilisation de l'ensemble des acteurs pour l'identification des risques.
Donc, là aussi, de préserver le paritarisme, ça devient important dans
l'engagement de chacun des acteurs sur le plancher, mais aussi pour trouver les
pistes de solutions qui vont répondre à chacun des besoins, que ce soit pour le
dépistage des risques, mais également pour les pistes de solutions, les
équipements de protection.
Mme McGraw : Juste, toujours
sur la CNS, le C.A. Je sais qu'il y a des recommandations qui ont été faites,
par exemple, par Force Jeunesse pour qu'il y ait au moins un membre qui...
Mme McGraw : ...en dessous de
l'âge de 35 ans. Comment vous... Je sais que la plupart de vos membres,
65 000 membres, sont des femmes. Je ne sais pas si vous avez une attention
particulière pour la prochaine génération, comment vous recevrez cette
proposition de Force Jeunesse. On a des jeunes avec nous aujourd'hui. Il y a-tu
une ouverture?
Mme Préfontaine (Marsha) : Bien,
il y a une ouverture, d'autant plus qu'on sait que notre... que la moyenne
d'âge chez nos membres est de 38 ans.
Mme McGraw : Impeccable! Si
je comprends bien, il y a quand même... le C.A.... Il y a même un règlement qui
avait été adopté par le C.A. de la CNS, et ça a été, si je comprends bien,
unanime, est-ce que c'est possible... mais ça n'a pas... il restait juste à
l'entériner au Conseil des ministres. Est-ce que c'est possible pour notre
formation d'avoir une copie de... la copie de l'amendement qui a été adopté? Ce
serait pour...
Mme Préfontaine (Marsha) : Oui,
à la fin de la commission. On a, ici, là, le projet de règlement, là, qui a été
publié à la Gazette, bien, la forme, dans le fond, qui a été entérinée, là, par
le C.A. de la CNESST, là, alors je pourrai vous donner une copie, certainement,
à la fin, là.
Mme McGraw : Et suite à cette
adoption unanime, vous auriez souhaité quoi, quelle aurait été la suite logique
des choses?
Mme Préfontaine (Marsha) : Bien,
pour nous, tu sais, à partir du moment où on respecte les règles de
paritarisme, tu sais, à partir du moment où c'est un projet de règlement qui a
fait consensus entre les parties pour... nous, on s'explique mal pourquoi le
Conseil des ministres n'a pas adopté, toujours, à ce jour, ce projet de règlement
là.
Mme McGraw : Pour revenir au
paritarisme, effectivement, on parle... plusieurs groupes parlent d'un régime
vraiment à deux vitesses et qu'on fait la distinction ou même la... le mot
«discrimination» a été utilisé, que, vraiment, pour les secteurs qui sont
majoritairement femmes, donc vos membres... et c'est peut-être souvent des
questions de santé mentale, psychosociales, et que c'est comme de deuxième
classe que les secteurs qui sont majoritairement hommes... et souvent des
problèmes de santé physique. Alors, on souligne que c'est... peu importe
l'intention ou la volonté du gouvernement, l'impact est discriminatoire. Alors,
il y a beaucoup de groupes qui ont soulevé... Est-ce que je pourrais vous
entendre plus là-dessus?
Mme Préfontaine (Marsha) : Oui.
Bien, j'aimerais aussi préciser que nous avons quand même beaucoup d'arrêts de
travail qui sont des troubles musculosquelettiques, surtout en lien avec les
cas de violence. Que ce soit dans les centres jeunesse ou dans les résidences à
assistance continue, nos membres vivent énormément de violence. Alors, tu sais,
on ne peut pas dire que ce n'est que des risques psychosociaux. Il y a aussi,
là, des troubles musculosquelettiques aussi dans les secteurs de laboratoire et
dans les secteurs de l'imagerie médicale. Alors, c'est... oui, on est un
secteur où est-ce qu'il y a quand même pas mal de risques psychosociaux, mais
il ne faut pas oublier aussi, là, les troubles musculosquelettiques qui sont
très présents quand même chez nos membres aussi, là.
M. Comeau (Robert) : Si je
peux me permettre d'ajouter un petit détail, en fait, la perception de nos
membres, nous, du fait que ce ne soit pas le même régime, le régime à deux
vitesses... Nous, notre employeur, c'est aussi le législateur. Et il y a une
fâcheuse tendance qu'on voit, c'est que notre employeur, donc le législateur,
tente souvent de se soustraire à ses propres lois. J'en conviens, qu'il y a des
avancements, on convient de ça, mais si je regarde la Loi sur l'équité
salariale, qui a été adoptée en 2006, autour de ça, bien, le gouvernement a
quand même déposé tout un chapitre pour pouvoir se soustraire à cette loi-là.
Donc, ses propres employés n'étaient pas éligibles à ça, il a fallu qu'on se
batte jusqu'en Cour suprême. Là, on voit un peu le même stratagème.
Pourquoi nous, on n'a pas droit aux mêmes
conditions que tous les travailleurs au Québec? Parce que c'est... notre
employeur est aussi législateur? Donc, nous, on fait ces rapprochements-là.
Puis on représente 86 % de femmes, chez nous, à l'APTS, 80 % santé et
éducation. Donc, c'est sûr qu'on fait l'addition, puis, pour nous, on trouve ça
discriminatoire.
Mme McGraw : Donc en termes
de l'exemplarité de l'État, selon vous, ce n'est pas fameux, là, dans ce
cas-là?
Mme Prégent (Christine) : Bien,
il faut se souvenir aussi que le régime particulier n'a pas de date de fin.
Donc, c'est vraiment nous plonger encore dans une période complètement
indéterminée.
Mme McGraw : Est-ce que,
selon vous, il y a un déséquilibre effectivement entre les pouvoirs de l'État
employeur et ceux des autres employeurs au Québec? Pour élaborer sur ce
point-là.
Mme Prégent (Christine) : En
fait, poser la question, c'est un peu y répondre puisque l'ensemble...
Mme McGraw : C'est ça, mais
j'aimerais vous entendre.
Mme Prégent (Christine) : ...des
autres employeurs au Québec...
Mme McGraw : Est là pour vous
écouter, surtout, alors continuez.
• (11 h 50) •
Mme Prégent (Christine) : L'ensemble
des autres employeurs du Québec, ils sont soumis à cette loi. Et posons-nous la
question, est-ce qu'on accepterait qu'un employeur, que le patron d'une usine
se soustraie aux mécanismes de prévention et de participation sous prétexte
qu'il a des enjeux financiers ou une... ou...
Mme Prégent (Christine) :
...vit une pénurie de main-d'œuvre.
Mme McGraw : Est-ce que
vous avez été consultés par le gouvernement avant le dépôt de... Vous êtes avec
nous aujourd'hui, c'est très apprécié. Est-ce que vous avez été consulté en
amont du dépôt du projet de loi?
Mme Préfontaine (Marsha) :
Pas particulièrement. On a participé, je dois le dire, à un processus de
médiation qui a été piloté, si on veut, là, par la CNESST, avec les syndicats
représentant les milieux de la santé et des services sociaux et, bien, le
Conseil du trésor, le CPNSSS et le ministère lui-même. Et Santé Québec s'est
ajouté par la suite. Ça fait que, oui, on a fait un processus de médiation avec
la CNESST. Ce qu'on remarquait par contre dans ce processus-là, c'est que le
ministère de la Santé et des Services sociaux adoptait une attitude d'essayer
de démontrer la non-applicabilité du régime dans le réseau de la santé et
services sociaux, au lieu de... Bien, l'objectif principal de cette
médiation-là, c'était de trouver des moyens pour faciliter l'implantation. Ça
fait qu'on s'est comme butés, là, je vous dirais, au ministère de la Santé et
des Services sociaux, là, dans ce processus.
Mme McGraw : Votre
mémoire parle d'un retour à une logique de CSS de façade. Est-ce que vous
pouvez nous expliquer ce que cela veut dire concrètement pour les travailleurs
et travailleuses sur le terrain?
Mme Préfontaine (Marsha) :
Bien, je l'ai mentionné un peu tantôt parce que dans le fond, en n'ayant que
quatre rencontres de comité par année, bien, ça devient difficile pour les
représentants des travailleurs de faire valoir leur point de vue dans ces
comités-là. L'autre chose aussi que j'aimerais souligner, c'est qu'en raison de
l'aspect de regroupement d'établissements dans le réseau de la santé et
services sociaux, bien, le processus de multiétablissement fait en sorte que
les comités de santé et sécurité regroupent énormément de travailleurs. Ce
n'est pas rare de voir des comités de santé et sécurité qui représentent
1 500 travailleurs et plus. Et souvent, ça représente aussi plusieurs
bâtiments, comme une vingtaine de bâtiments répartis sur des kilométrages, tu
sais, dans les régions administratives, là, répartis sur un certain nombre de
kilomètres. Et à quatre rencontres par année, avec des représentants avec six
représentants des travailleurs assis à ce comité-là, bien, c'est difficile de
s'imaginer comment on va faire entendre notre voix, comment les travailleurs
vont pouvoir participer à la prévention.
Mme McGraw : Il me reste
encore du temps, je pense, quatre minutes à peu près?
Le Président (M. Allaire) :
Trois minutes.
Mme McGraw : Trois
minutes. Ça fait que je vais vous lancer une question plus générale. Puis je...
Prenez le temps de prendre le temps qu'il vous reste, qu'il me reste,
effectivement. Parce qu'on est vraiment, là, surtout pour comprendre, écouter,
avoir vos conseils, votre feedback. Selon vous, quelles mesures est la plus
urgente à retirer ou à modifier dans le projet loi? Et est-ce qu'il y a autre
chose que vous voulez ajouter avec le temps qu'il nous reste?
Mme Prégent (Christine) :
Je pense que dans la mesure où on vient rendre accessibles les mécanismes de
prévention et de participation, on élimine l'enjeu discriminatoire, d'une part.
Et je vais faire référence en fait à l'analyse d'impact réglementaire qui
démontre bien aussi le retour d'investissement, pas juste financier, mais
également humain. Et avec cette vision-là, à moyen et long terme, bien, on
s'assurerait en fait de ne pas être contraint par la pénurie de main-d'œuvre et
véritablement donner un élan en matière de santé-sécurité au travail dans nos
milieux.
Mme McGraw : Autre chose
à ajouter, les collègues?
M. Bélisle
(Charles-Alexandre) : Je peux peut-être compléter sur un volet
différent du volet santé et sécurité au niveau davantage des délais d'arbitrage
de griefs. Ce qu'on remarque depuis plusieurs années, depuis notamment la
création des CISSS et des CIUSSS en 2015, mais également depuis la pandémie, une
difficulté plus grande à régler des problèmes, des problèmes de relations de
travail dans le réseau de la santé et des services sociaux, une implication
beaucoup plus grande maintenant de Santé Québec, des comités patronaux de
négociation aussi en santé et services sociaux, ce qui lie les établissements,
donc qui ne nous permet pas d'avoir des relations de travail, déjudiciarisées.
Donc, par la force des choses, on est obligés de soumettre des griefs en
arbitrage pour avoir une discussion. Pour seulement une discussion avec la
partie patronale, ce qui embourbe nécessairement le système d'arbitrage de
grief au Québec. Donc, dans les recommandations, ce qu'on dit, c'est que le
gouvernement devrait être un employeur de choix. Puis un employeur de choix,
c'est un changement de culture. C'est aussi de dire aux établissements dans le
réseau à Santé Québec, dorénavant, aussi tenter de régler les problèmes en
amont avant qu'ils soient judiciarisés, puis de porter une oreille véritable à
la résolution des problèmes en matière de relations de travail. Parce qu'au
bout de la ligne, là, les enjeux de relation...
M. Bélisle (Charles-Alexandre) : ...c'est
des enjeux relatifs aux conditions de travail des personnes salariées du
réseau, simplement.
Mme McGraw : Merci beaucoup.
Merci beaucoup, M. le Président.
Le Président (M. Allaire) : Ah!
Merci. On poursuit avec la dernière intervention. M. le député de Saint-Jérôme,
2 min 12 sec.
M. Chassin :Alors, évidemment, j'essaie de comprendre aussi vos
différents points. Puis là je vous le dis puis, à la limite, je le dis
peut-être aussi aux étudiants en droit, il y a énormément de niveaux de
complexité qui s'ajoutent. Puis, des fois, bien, on cherche à régler un
problème bureaucratique avec une solution bureaucratique, justement, c'est
comme pire, tu sais. Ça fait que, là, j'essaie de comprendre les principes. Ça
fait qu'aidez-moi à revenir à ça. Ce que je comprends, en fait, c'est que le
paritarisme, c'est l'engagement du travailleur, c'est la participation des
employés. C'est ça, dans le fond, qu'on cherche comme principe à avoir pour
assurer la sécurité... santé et sécurité au travail puis, en même temps, on
dit : Bien, on ne voudrait pas, par exemple, qu'on enlève le pouvoir d'un
inspecteur d'imposer un... tu sais, un CSS spécifique ou un RSS. Puis Donc, à
mon avis, au contraire, essayons de convaincre. Est-ce que ce n'est pas
contradictoire, dans le fond, d'avoir à la fois le pouvoir d'imposer alors
qu'on cherche un paritarisme qui va faire participer?
Mme Préfontaine (Marsha) : Bien,
en fait, les mécanismes de participation sont le comité et le responsable en
santé et sécurité... le représentant en santé et sécurité, alors, tu sais, des
fois, ce qui arrive, c'est qu'il y a... ce qui est de base exigé de par la loi.
Mais des fois, dans certains cas particuliers où il y a des problématiques, tu
sais, vraiment particulières, par exemple une problématique de violence dans un
établissement spécifique, bien, si le comité en santé et sécurité, centre jeunesse,
n'a pas cette problématique-là à travers tous les établissements, bien, dans
cet établissement spécifique là, il pourrait demander à créer un comité pour
adresser cette chose-là spécifiquement avec les travailleurs qui sont
directement impliqués, là.
M. Chassin :Mais ça devrait être facile, ça devrait être facile de les
convaincre, si on ne veut pas que ce soit juste de façade, dans le fond.
Mme Préfontaine (Marsha) : En
ce moment, ça... on ne convainc pas grand, grand monde, au niveau de la partie
patronale, d'ajouter des ressources en prévention, là, on... C'est comme si
l'employeur ne voyait pas...
Le Président (M. Allaire) : Merci.
Mme Préfontaine (Marsha) : ...la
plus-value.
Le Président (M. Allaire) : Merci.
Désolé.
M. Chassin :Merci.
Le Président (M. Allaire) : Désolé,
ça met fin à l'ensemble des échanges. Merci aux quatre représentants de l'APTS
pour votre belle contribution à cette commission.
Alors, je vais suspendre les travaux
quelques instants pour permettre à l'autre groupe de s'installer. Merci.
(Suspension de la séance à 11 h 58)
12 h (version non révisée)
(Reprise à 12 h 07)
Le Président (M. Allaire) : Alors,
nous allons reprendre les travaux. On accueille maintenant notre dernier groupe
de la journée. On est avec la Fédération canadienne de l'entreprise
indépendante, un habitué des commissions, M. Vincent. Bienvenu. Alors, je ne
serai pas plus long. Je vous cède la parole. Peut-être à déjà prendre le temps
de vous présenter et commencer votre allocution.
M. Vincent (François) : Merci,
M. le Président. M. le ministre, Mesdames et Messieurs les députés, bonjour. Je
suis François Vincent. Je suis le vice-président pour le Québec, la Fédération
canadienne de l'entreprise indépendante. C'est le plus gros regroupement de PME
au pays. On a 100 000 membres à travers la fédération canadienne,
puis 22 000 au Québec, qui sont dans toutes les régions, dans toutes les
villes et dans tous les secteurs d'activité économique.
Avant d'aller dans les détails du… des
modifications du projet de loi, Je pense qu'il est important de faire un
portrait des PME du Québec. Pourquoi, M. le Président? Parce que les PME
représentent le cœur de l'économie de toutes les régions administratives du
Québec. De… pour être… pour donner une image, c'est 95 % des entreprises
au Québec qui ont moins de 50 employés. Les PME emploient 2,2 millions
de Québécoises et de Québécois, mais nos PME sont encore fragiles. Puis j'aimerais
tellement vous dire le contraire, M. le Président. Vous ne pouvez pas savoir
comment, mais les données de la FCEI sont limpides. Je veux prendre l'exemple
du baromètre, l'indice de confiance à long terme du baromètre des affaires de
la FCEI, qui est un indicateur économique reconnu. Le premier trimestre de
cette année a enregistré des résultats inférieurs à 25 ans d'indicateurs.
Ça, c'est plus bas à ce que ça a été… qu'on a observé pendant la pandémie, puis
lors de la crise économique de 2008, il faut le faire quand même. Bonne
nouvelle! Par contre, au mois de mai, ça va mieux. Les PME du Québec, le
Québec, c'est dans le top de la liste, mais on est encore en dessous du… de la
barre de 50 points. On s'établit à 45,3, pour donner un ordre de grandeur,
là, je donne des chiffres, là, pour que l'économie roule à plein régime, il faut
qu'on soit entre 60 et 65. Là, on est à 43.
• (12 h 10) •
Concernant les enjeux des PME, ils les
identifient dans le baromètre de mai : l'insuffisance… la demande qui est
insuffisante à 56 %, la pénurie de main-d'œuvre qualifiée à 44 % et
le manque de fonds de roulement à 26 % comme étant les principaux freins à
la croissance et à la vente, et la production de leurs produits pour leurs
entreprises. Puis J'ajouterais aussi que d'après les données de notre sondage d'avril,
le top trois des principaux défis des PME québécoises sont l'incertitude
commerciale à 60 %...
M. Vincent (François) : ...l'incertitude
économique et politique à 58 % et le poids de la paperasserie
gouvernementale à 48 %.
Parlant de paperasserie, les données
dévoilées cette année par notre organisation montrent que les propriétaires de
PME perdent un peu plus qu'un mois par année à remplir de la paperasserie. Ça
fait que diminuer le fardeau administratif et... qui est d'ailleurs plus lourd
plus l'entreprise est petite, permettrait de stimuler la productivité des PME
et de l'économie du Québec. C'est 87 % des propriétaires de PME qui jugent
que la paperasserie nuit à la productivité et à la capacité de croissance de
l'entreprise. Puis, avec le projet de loi n° 101, bien, le ministre du
Travail manque une occasion de réduire significativement le cadre réglementaire
et fiscal unique au Québec pour 10 000 entreprises. Je parle de la loi et des
quatre conventions collectives. C'est un omnibus sur les lois du travail,
c'était une belle occasion de pouvoir traiter d'un enjeu que la FCEI porte
depuis plusieurs années. En effet, le Québec est la seule juridiction en
Amérique du Nord à avoir la Loi des décrets de convention collective, que je
vais dire la LDCC pendant le reste de la commission, qui impose un genre de
convention collective pour certains secteurs d'activités puis par région. C'est
un régime qui crée un fardeau réglementaire administratif disproportionné puis
une taxe sur la masse salariale supplémentaire aux entreprises qui y sont
assujetties.
La FCEI a démontré que le régime de la
LDCC vivait une crise de confiance auprès des entreprises assujetties. La forte
majorité des entreprises assujetties n'y voit aucun avantage, je répète, aucun.
Vous verrez à l'annexe un l'étude qui a fait mention de cela.
On a fait une autre étude aussi qui fait
ressortir les problèmes de gouvernance, de gestion, d'accompagnement des
comités paritaires auprès des entreprises assujetties, problèmes qui n'ont pas
été changés par la réformette réglementaire récente du ministre sur la
question. Certaines histoires ont été rapportées dans les médias et illustrent
même l'acharnement, le harcèlement vécu par des dirigeants des comités
paritaires, par des dirigeants de PME assujettis par des comités paritaires.
Puis, enfin, ça, vous avez ça dans l'annexe deux, il y a une étude de cas qui démontre
comment ça ne fonctionne pas.
Troisièmement, on a estimé que le coût
annuel du fardeau administratif et réglementaire lié à la LDCC est de 47
millions de dollars. Vous allez avoir à l'annexe trois la méthodologie de
notre évaluation, qui est conservatrice. Ça fait que, dans un contexte où les
PME font face à des défis économiques, maintenir un fardeau réglementaire
injustifié est contre-productif. Le ministre du Travail a encore le temps de
modifier son projet de loi n° 101 pour régler la question une bonne fois
pour toutes.
Concernant les dispositions spécifiques du
projet de loi, elles sont nombreuses et touchent beaucoup de lois. D'abord,
nous appuyons les modifications proposées pour accélérer le processus
d'arbitrage des griefs et éviter la judiciarisation. L'analyse d'impact
réglementaire du projet de loi mentionne qu'il faut en moyenne plus d'un an,
381 jours, pour être précis, pour que les deux parties nomment un arbitre et
presque deux ans, soit 720 jours avant de tenir une première journée
d'audition. L'objectif initial du recours à un arbitre est de réduire les
délais afin de permettre aux parties de parvenir plus rapidement à une entente.
Attendre plusieurs années pour y arriver est contre-productif.
Pour remédier à cette situation, le Comité
consultatif du travail et de la main-d'œuvre, dont la FCEI fait partie, propose
de modifier le Code du travail afin d'y inscrire des délais d'arbitrage tout en
précisant que les parties pourraient consentir à les prolonger. On voit que
c'est des dispositions qui sont reprises en bonne... en majeure partie dans le
projet de loi déposé par le ministre.
Nous appuyons aussi les modifications à la
loi des normes du travail pour l'absence pour les Forces armées canadiennes de
la santé publique ou de la sécurité civile. Ces dernières années, on a vécu des
sinistres au Québec, comme les inondations, les feux de forêt, puis, lors de
ces événements, bien, les Forces armées canadiennes viennent en renfort. Puis,
pour être plus efficace encore, le gouvernement du Québec a annoncé en mars
dernier la création d'une réserve d'intervention d'urgence en sécurité civile,
qui permettrait à 200 intervenants supplémentaires en cas de sinistre majeur
d'intervenir. Donc, le projet de loi n° 101 propose des modifications pour
permettre à une personne salariée de s'absenter pour des raisons liées à la
santé publique. Puis la FCEI, on appuie ça parce qu'elles sont bien balisées.
On a vu que c'est clairement indiqué, que c'est des congés qui sont non
rémunérés, puis ensuite les critères liés aux différentes lois sont très bien
définis. Donc, ce n'est pas un élargissement par l'âge, c'est très ciblé pour
répondre à cette problématique.
On soutient également les modifications
proposées à la Loi sur la santé et sécurité au travail pour que les employeurs
puissent réclamer des sommes à la CNESST en cas de réaffectation d'une employée
enceinte ou qui allaite. La CNESST administre déjà un tel programme de
compensation. Le...
M. Vincent (François) : ...projet
de loi vient ici asseoir des bases juridiques.
Concernant le programme de maternité sans
danger, nous rappelons une recommandation des associations patronales dans
l'avis du CCTM de 2017 de soustraire le programme de la LSST et de l'intégrer
au régime québécois d'assurance parentale. Je mentionne que le RQAP nage
actuellement dans des surplus qui ont été de 462,4 millions au 31 décembre 2024
et qu'ils sont projetés à 914 millions... 914, 9 millions en 2028. Ce serait le
bon moment pour le gouvernement du Québec de procéder à cette modification, qui
se ferait sans enlever quoi que ce soit aux travailleurs... travailleuses, en
assurant la viabilité du programme tel quel et en assurant une meilleure
logique de contribution pour les employeurs.
Concernant les modifications à la
gouvernance de la CNESST, la FCEI ne s'y oppose pas. Nous faisons écho aux
propos tenus par la Fédération des chambres de commerce et par les
Manufacturiers exportateurs du Québec, hier, sur la notion de paritarisme. Puis
plus spécifiquement sur la gouvernance, bien, je me permets de partager une
réflexion. Dans certaines provinces comme le Manitoba, la composition du C.A.
de la WCB, le Workers Compensation Board, est similaire à celle du Québec. En
Colombie-Britannique, par contre, les membres du conseil d'administration
doivent remplir certaines exigences : posséder une connaissance en
actuariat, en droit, en santé, représenter les intérêts des travailleurs,
représenter les intérêts des employeurs et l'intérêt public. Au Québec, la
majorité des membres du C.A. du... de la CNESST occupent des postes électifs de
hauts dirigeants au sein d'associations représentatives. Ces personnes, même si
elles ont lu et signé le code d'éthique et de déontologie de la CNESST, sont
d'abord redevables à l'organisation qui les emploie et aux mandats qu'elles ont
de leurs instances. Ces doubles fonctions peuvent peut-être limiter
l'indépendance nécessaire pour les délibérations plus sereines, constructives
et alignées sur des intérêts de la commission. Notons qu'il serait toujours
possible de garder le même mode de gouvernance, mais peut-être regarder pour
que les personnes qui y siègent ne soient pas des représentants actifs. J'en
profite juste pour inviter le ministre du Travail et les parlementaires à
poursuivre la réflexion sur que serait le meilleur cadre de gouvernance
possible pour la CNESST.
Il y a beaucoup d'autres aspects traités
dans le... dans notre mémoire, puis je serais heureux d'aller en détail lors de
la période d'échange. Merci.
Le Président (M. Allaire) : Merci,
M. Vincent. On débute la... justement, la période d'échange avec la partie
gouvernementale. M. le ministre, 16 minutes 30 secondes. La parole est à vous.
M. Boulet : Oui. Merci.
Merci, M. Vincent, de votre présence, toujours extrêmement appréciée pour le
temps que vous avez consacré à votre préparation puis à votre déplacement. Puis
on connaît l'importance de la Fédération canadienne de l'entreprise
indépendante au Québec, au Canada et particulièrement auprès des PME. Puis vous
faites des sorties, vous avez des sondages, vous avez des opinions qui sont
claires, qui s'articulent tout le temps autour de la compétitivité, de
l'efficacité, du fardeau administratif. C'est des objectifs que nous
partageons. Puis j'apprécie, par exemple, votre empathie que vous exprimez,
notamment pour les congés non rémunérés qui découlent de directives de la santé
publique ou de la sécurité civile. On l'a vécu avec la pandémie, avec les
inondations, incendies, puis c'était important de maintenir le lien d'emploi.
Souvenez-vous, durant la pandémie, on le faisait par voie de décret, alors
qu'il faut certainement amender la loi sur les normes du travail pour
minimalement s'assurer du maintien du lien d'emploi pour une personne,
collègues, qui doit évacuer sa maison en raison d'un incendie ou d'une
inondation, puis j'apprécie beaucoup que vous le souligniez.
La déjudiciarisation, je pense que vous
êtes d'accord. Vous faisiez partie du consensus au Comité consultatif du
travail et de la main-d'oeuvre pour les délais, M. Vincent, pour la médiation,
pour la conférence préparatoire. J'aimerais ça vous entendre sur un élément un
peu plus pointu : la divulgation de la preuve, qui ne faisait pas partie du
consensus, mais je veux avoir l'opinion de la FCEI via François Vincent.
Divulgation de la preuve au moins 30 jours avant, quelle est votre opinion?
• (12 h 20) •
M. Vincent (François) : Bien,
je n'ai pas d'opinion arrêtée spécifiquement sur le... Bien, on appuie les
mesures, là, puis on pense qu'une fois que ça va être rentré en ligne de
compte, les différentes parties vont s'adapter au nouveau cadre, puis aux
nouvelles normes, puis au temps. Je vous invite quand même à prendre en
considération ce qui a été émis par les autres organisations, notamment les manufacturiers
exportateurs sont allés plus en détail...
M. Vincent (François) : …sur
le 30 jours et etc. Puis j'ai entendu aussi qu'il y a eu beaucoup de questions
sur quand est-ce qu'on le met en application, le délai, etc. Moi, j'ai quand
même été jeté en bas de ma chaise quand j'ai vu les délais qui y sont associés.
Tu sais, je vais être capable d'avoir fini mes paiements de taux avant même
qu'on ait décidé d'un arbitre où je pourrais aller à pied à San Jose au Costa
Rica en aller-retour trois fois sans dormir, par exemple, selon Google Maps,
pour avoir touché le 381 jours ou le presque deux ans. Donc, c'est sûr qu'à un
moment donné, si on apporte des délais à quelque chose qui prend déjà deux ans,
bien, on va repousser encore et encore le fait que ça se passe plus rapidement.
Puis, sur le 30 jours, bien, je vous invite aussi à délibérer là-dessus, puis
je pense que Mme White avait une bonne référence sur l'analyse d'impact
réglementaire, qui donnait l'exemple de l'Ontario. Donc, c'est une bonne
délibération, mais on ne peut pas laisser le statu quo sur le fait que…
M. Boulet : Non, puis c'est
compatible avec la philosophie de la FCEI, puis les tribunaux supérieurs le
rappelait, l'arbitrage, c'est une procédure qui se veut expéditive, et les
délais, vous l'avez souvent souligné sur la place publique, les délais, c'est
des coûts pour une PME. Même un congédiement, dans une PME qui est syndiquée,
plus on attend, plus on risque d'avoir une décision qui va coûter cher si
jamais il y a réintégration à partir d'un certain moment et que le congédiement
est annulé. O.K., puis ce que j'aime aussi, c'est votre point que ça va prendre
une transition, mais il va falloir intégrer une nouvelle culture de diligence
dans la gestion puis l'application des procédures d'arbitrage qui sont dans les
conventions collectives.
PMSD, bien, vous savez que c'était
compatible avec aussi une pratique chez les employeurs et affecte parfois des
emplois où les conditions de travail et de rémunération sont moins
intéressantes et la CNESST comblait, puis on confirme cette pratique-là qui va
être assumée par la CNESST. Quand vous dites, M. Vincent, rappelez-moi… parce
que vous en avez déjà parlé, c'est en référence au PMSD que vous dites que vous
auriez souhaité que ce soit transféré dans la Loi sur l'assurance parentale.
Est-ce que c'est bien ça? Est-ce que j'ai bien compris?
M. Vincent (François) : Oui,
vous avez bien compris, puis on le met en place. C'est notre recommandation n° 6. Puis je tiens à préciser qu'on n'est pas contre le
PMSD même si c'est le seul programme comme ça qui existe au pays. Il y en a un
dans le code canadien qui a des dispositions similaires, mais il n'y a pas de
rémunération qui y est associée.
Puis je reviens au principe de base de la
santé et sécurité au travail. L'adhésion des employeurs, c'est le principe… du
juge ontarien qui, en 2013, a jeté les bases de ça, puis, dans le fond,
l'adhésion des employeurs se justifie par le fait que les coûts qu'ils assument
sont directement, je répète, directement, liés aux lésions liées au travail sur
lesquelles les employeurs peuvent intervenir par des mesures de prévention
ainsi que par l'élimination des poursuites, d'autre part, mais ils ne peuvent
pas intervenir sur le fait qu'une personne va tomber enceinte.
Par contre, le Régime québécois
d'assurance parentale pourrait avoir une disposition pour accompagner justement
ces travailleuses qui vont avoir des risques, puis que, là, la CNESST ou
l'employeur ne pourra pas la réaffecter, puis que ça pourrait être couvert par
le régime qui pourrait assumer les coûts. Je veux juste rappeler aussi, là,
dans l'avis du CCTM, on mentionnait qu'au départ le PMSD était supposé de
coûter 8 millions par année. Là, les sommes ont quand même diminué entre 2019
puis 2023, mais on est à 211 millions en 2023, c'est 27 fois plus.
Principalement, aussi, c'est des personnes qui vont être dans le secteur
public. Donc, les employeurs du secteur privé compensent le…
M. Boulet : Oui, il y a plus
de fonds.
M. Vincent (François) : Donc,
on pense, nous, qu'on… Je ne demande pas qu'on enlève le régime. Je veux juste
qu'on le mette à la bonne case, puis là, actuellement, le RQAP pourrait
reprendre ça.
M. Boulet : C'est
intéressant, parce que le raisonnement que vous faites, c'est que la
transaction ou le deal initial entre les employeurs et les travailleurs,
c'était de dire : On met en place un régime d'indemnisation sans égard à
la faute. Donc, il n'y a plus de procédure…
M. Boulet : ...procédure
judiciaire, mais ça concernait essentiellement les accidents, ou les maladies,
ou l'intervention de l'employeur qui font partie de l'environnement de travail
contrôlé ou supervisé, où l'employeur a un mot à dire. Puis ce que vous dites,
le PMST n'a pour cette finalité-là.
M. Vincent (François) : Non,
selon notre analyse, n'a pas cette finalité-là.
M. Boulet : Je comprends.
M. Vincent (François) : Il
n'y avait pas de consensus entre les patrons puis les syndicats là-dessus, mais
les associations patronales en faisaient la demande dans leur rapport. Puis,
bon, vous avez apporté beaucoup de modifications au programme de santé-sécurité
au travail, puis on est une des provinces qui, je pense, est la plus
interventionniste auprès des petites entreprises. Puis vous avez reçu beaucoup,
beaucoup d'étiquettes par différentes organisations, mais si on regarde
l'ensemble de votre œuvre, vous avez toujours mis en place des décisions qui
pouvaient être défavorables aux syndicats ou défavorables aux patrons. Moi, je
suis venu plein de fois dire que je n'étais pas d'accord avec qu'est-ce que
vous faisiez, mais je pense que ça a toujours été fait dans une perspective des
citoyens. Puis quand on regarde le régime dans son ensemble, il y a beaucoup
d'avancées qui ont été faites pour les travailleuses et les travailleurs.
M. Boulet : Puis,
M. Vincent, j'ai lu sur LinkedIn ce type de commentaires là que vous avez
fait, puis sincèrement ça m'a touché que depuis qu'on se côtoie, depuis quand
même un certain nombre d'années, vous sentez qu'on a toujours été guidé dans
notre action législative par l'intérêt du citoyen, appuyé sur des consensus
parfois, pas sur des consensus d'autre fois, mais en ayant à cœur l'intérêt des
citoyens et citoyennes.
M. Vincent (François) : C'est
ça un peu le rôle que vous jouez, les législateurs, les consensus, c'est
important pour vous guider, mais, au bout de la ligne, c'est le législateur qui
a à trancher puis qui pourrait le faire sur la Loi des conventions collectives
de façon directe et immédiate, qui aurait aussi une incidence positive pour les
travailleurs parce qu'ils verront une augmentation de leur salaire, parce
qu'ils n'auraient plus de cotisations à payer pour un comité paritaire qui met
des barrières supplémentaires et qui n'a aucun de contrôle de lois publiques
sur comment il gère ses affaires et gère son argent.
M. Boulet : Depuis qu'on se
connaît, qu'on discute de la Loi sur les décrets de conventions collectives,
vous l'expliquez super bien, c'est l'équivalent d'une convention collective de
travail dans des secteurs spécifiques, dans une géographie particulière, donc
dans un territoire particulier. Évidemment, c'est des conventions qui
contiennent des normes minimales de travail. Et je sais votre préoccupation
profonde, parce que c'est des coûts, c'est de la gestion, c'est des
prélèvements pour les employés avisés, c'est des rapports mensuels. Donc, il y
a beaucoup de paperasse, sans parler des comités paritaires qui gèrent
l'application de ces décrets-là, accompagnés d'inspecteurs pour s'assurer
qu'ils se déplacent dans les entreprises. Je comprends très bien tout ce que
vous avez soulevé. Et vous savez qu'on est toujours en analyse, puis on prend
très au sérieux cette revendication-là, et ce qu'on souhaite et ce qu'on
voudrait faire, c'est, bon, compléter l'analyse des options et procéder de la
manière la plus diligente possible.
Le C.A. J'aimerais vous entendre... Le
conseil d'administration, vous parlez beaucoup de gouvernance. Bon, là, vous
avez vu qu'on a ajouté un siège pour la CSQ qui a été prêté temporairement par
la FTQ, qui récupère son siège avec le projet de loi n° 101, et on
veillera à ce qu'il y ait une nomination d'une personne issue de la partie
patronale en santé éducation. D'ailleurs, ça a été un enjeu, là, dans le
sous-comité, où il y a eu un consensus sur le régime intérimaire, là, qui
deviendrait un régime permanent. Je vous répète que notre intention, c'est
toujours d'adapter un règlement qui respecte le régime... le règlement adopté
par le CNESST, mais en santé éducation, en raison des capacités
organisationnelles et en raison des possibles impacts d'accroître les heures de
libération sur la continuité des services, c'est ce qu'on appelle un régime
intérimaire bonifié. Je sais que je n'ai pas à faire ce débat-là avec vous,
mais je reviens sur la gouvernance du C.A. J'aimerais ça que vous nous parliez
de paritarisme puis de comment vous voyez la composition de ce C.A.-là.
• (12 h 30) •
M. Vincent (François) : Mais
d'abord sur le régime intérimaire, je n'ai rien mis dans mon... mais j'avais
mis...
12 h 30 (version non révisée)
M. Vincent (François) :
...quelque chose dans le projet de loi, finalement, ça fait que je l'ai dans le
mémoire, puis je l'ai enlevé parce qu'il était déjà assez long, mais je trouve
ça quand même assez spécial, que l'Etat décide de ne pas appliquer un régime
intérimaire en prétextant la pénurie de main-d'oeuvre et des difficultés...
M. Boulet : Non, il s'applique,
le régime intérimaire.
M. Vincent (François) : Bien,
ait repoussé l'autre réforme, là.
M. Boulet : C'est pour
tout le monde.
M. Vincent (François) : Bien,
du secteur public.
M. Boulet : Non, c'est
pour tout le monde. Il s'applique, mais c'est jusqu'à un maximum d'un an. Parce
que le 6 octobre, il y a encore plein, surtout des PME qui ont besoin d'être
accompagnées, d'avoir de la formation. Je l'ai dit à des centrales syndicales,
c'est facile à dire, mais c'est moins facile à mettre en application dans les
entreprises privées, là, particulièrement, là.
M. Vincent (François) :
Oui, d'avoir... Quand tu as un... tu as juste un employé, puis d'avoir un
représentant santé-sécurité puis que tu en as trois qui...
M. Boulet : C'est un
agent de liaison. Ce n'est pas un RSS...
M. Vincent (François) :
Un agent de liaison.
M. Boulet : ...François.
On le sait.
M. Vincent (François) : Bien,
sur le paritarisme, je suis d'accord avec qu'est ce qui a été émis concernant
le fait, le rôle du siège employeur qui serait l'employeur de l'État, puis le
rôle au niveau de l'interférence qu'il pourrait y avoir au niveau du
gouvernement. Mais cette interférence-là, elle l'est aussi pour les autres
membres du conseil d'administration qui ont des votes en assemblée générale,
puis qui, oui, vont négocier au sein du conseil d'administration. Mais
ultimement, le but d'un membre du conseil d'administration, ça devrait être de
bien administrer les régimes, de couvrir le maximum les travailleuses...
M. Boulet : Tellement.
M. Vincent (François) :
...puis d'assurer la saine gestion, baisser la cotisation, etc. Ça fait que,
moi, je vais juste lancer... lancer ça dans la marre, de peut-être voir s'il y
a d'autres modèles, si on peut l'ajuster ou, etc. Puis consulter les parties
prenantes, ça, c'est super important. Je pense que j'ai une position qui est
complètement divergente de tous les autres groupes. Moi, je suis arrivé à une
réflexion après cinq ans au conseil d'administration, puis je tiens à préciser,
ça fait 20 ans que je siège sur des instances paritaires, là. En 2004,
j'étais président de la FEUQ, puis j'étais aussi président du comité
consultatif jeune, des partenaires du marché... de la Commission des
partenaires du marché du travail. C'est un comité qui doit s'entendre entre
différents patrons, syndicats, groupes communautaires, etc. Après ça, en 2009, je
suis arrivé à la FCEI. J'ai siégé au CCTM sur des sous-comités du Comité
consultatif du travail et de la main-d'œuvre. Puis en 2019, je suis revenu à la
FCEI puis là je suis rentré sur le CCTM, CNESST, etc. Puis je trouve qu'il y a
peut-être trop de politique. Puis moi, ça... Vous le savez... J'ai démissionné,
là, du C.A. de la CNESST.
M. Boulet : Pas pour
FCEI, là. Vous personnellement, oui.
M. Vincent (François) : Bien,
pour moi en tant qu'individu.
M. Boulet : Parce que la
FCEI va faire une recommandation.
M. Vincent (François) : Parce
j'étais rendu à un point dans ma réflexion en me disant : Bien, est-ce que
je peux cumuler mon rôle comme vice-président de la FCEI puis, en même temps,
être sur le C.A. de la CNESST? Je tiens à ce que la FCEI puisse représenter les
PME. Puis là je suis en train de regarder qui pourrait me remplacer, mais j'aimerais
ça que ça ne soit pas quelqu'un qui soit un employé de la FCEI...
M. Boulet : Je comprends.
M. Vincent (François) : ...mais
qu'il soit capable de comprendre la réalité des petites entreprises, faire
valoir leurs points, travailler sur le paritarisme, mais en même temps être
dédouané pour des prises de position. Maintenant, ça... Ça, ça me revient, ça
revient à mon organisation, mais je pense que ça peut être intéressant d'avoir...
d'avoir une réflexion pour ne pas, quand il y a des lois qui créent des
problématiques, bien, ça interfère la possibilité même d'arriver à des
décisions à la CNESST.
M. Boulet : Eh! Que
j'aimerais qu'on en parle.
Le Président (M. Allaire) :
M. le ministre.
M. Boulet : Mais c'est
important, M. Vincent, de mettre l'accent sur le devoir de fiduciaire, qu'il
y ait un bon équilibre entre la saine gestion de l'organisme qu'est la CNESST
et la défense d'intérêts corporatifs. On pourra s'en reparler. Merci beaucoup.
Le Président (M. Allaire) :
Merci, M. le ministre. Ça met fin à cette période d'échange avec la partie
gouvernementale. On enchaîne avec l'opposition officielle, Mme la députée de Notre-Dame-de-Grâce,
14 min 20 s.
Mme McGraw : Merci, M.
le Président. Et merci à vous d'être là avec nous aujourd'hui pour le mémoire,
la présentation. Je vais commencer avec une question très générale. Est-ce que
le projet de loi n° 101 répond adéquatement aux réalités des PME?
M. Vincent (François) : Non,
parce qu'il n'abolit pas la Loi des décrets de conventions collectives.
Mme McGraw : Courte question,
courte réponse.
M. Vincent (François) :
C'est le «lead» de mon communiqué de presse. Il fait des bonnes choses quand
même.
Mme McGraw : Est-ce que
vous voulez élaborer? Non. O.K.
Une voix : Il fait des bonnes
choses quand même.
Mme McGraw : Est-ce que...
J'aimerais parler des décrets.
M. Vincent (François) :
Pardon?
Mme McGraw : Des décrets.
Justement, vous avez parlé de la politique et est ce que... Peut-être, par
crainte politique... Ça aurait été une belle occasion de réformer les décrets.
Est-ce que vous avez l'impression que le gouvernement renonce à réformer les
décrets par crainte politique même...
Mme McGraw : …si les
conséquences économiques pour les PME sont bien documentées.
M. Vincent (François) : Bien,
je ne pense pas qu'abolir la loi des décrets de conventions collectives est
facile politiquement ou va nécessairement faire gagner des points politiques.
Puis quand on parle de l'IDCC, là, M. ou Mme Tout-le-monde ne comprennent pas
qu'est-ce que ça veut dire. Puis après ça, bien, tu as l'autre partie, tu as
les comités paritaires qui défendent leur statu quo, puis tu as aussi les
syndicats qui sont là-dessus, qui vont défendre ces statu quo, qui rentrent
puis qui mettent de la pression pour ne pas qu'il y ait d'action.
Mais, tu sais, analyser pour arriver à une
décision, là, ça fait longtemps, là, est-ce qu'on veut repousser la décision?
Moi, ce qui est… ce qui est… ce que je trouverais vraiment plate, c'est que si
le législateur veut aller là, mais finalement il dépose avec un cadre d'adoption
qui n'est pas assez rapide, puis finalement, bien, on ne le fera pas, un peu
comme qui est arrivé avec les décrets de la coiffure qui étaient dans la
première mouture en 2012, puis que, finalement, il a fallu qu'il y ait le
leadership du ministre Boulet puis qui décide d'y aller de l'avant avec, parce
que c'était dans le projet de loi initial 53, qui est… qui est mort au
feuilleton. Après ça, il y a eu un autre ministre qui l'a repris, puis etc.
Puis, tu sais, nous, on a envoyé… j'ai
envoyé plusieurs lettres, puis je ne sais pas combien de fois j'en ai parlé au
ministre, là, ça doit être au-dessus de 50 fois, si ce n'est pas
100 fois. Chaque fois que je le rencontre, je parle la loi des décrets de
conventions collectives, mais je trouve une manière de le placer. Puis j'ai
déjà envoyé une lettre en disant : Bien, tu sais, abolisse-le, puis sinon,
bien, faites donc un référendum, demandez aux assujettis s'ils en veulent,
s'ils en veulent, maintenez-le, s'ils n'en veulent pas, bien, ne maintenez-le
pas. Ça fait qu'il n'y a pas eu de référendum.
Ensuite de ça, bon, dans l'analyse,
j'aimerais ça savoir, tu sais, c'est quoi la logique d'avoir un cadre
d'intervention de 160 kilomètres pour le décret de la métallurgie
mécanique. Pourquoi 160 kilomètres? Je n'ai jamais reçu de réponse. S'il y
a quelqu'un qui est capable me le dire, bien, vous pouvez m'envoyer un
courriel, je serais très content. Pourquoi les décrets sont passés de 160 à 15,
si c'est si bon que ça? Pourquoi les autres provinces canadiennes ou les autres
États américains n'ont pas mis en place un cadre similaire? Ça fait depuis 1934
qu'on a ce cadre-là. Poser la question, c'est y répondre.
Mme McGraw : Bien, c'est…
effectivement, ça… Oui, c'est… comme on dit, un… question, mais quand même, on
aime écouter les réponses. Le gouvernement dit vouloir valoriser l'emploi
régional, mais les décrets s'appliquent uniformément, même là où le tissu
économique ne le permet pas. Est-ce que le gouvernement ne contribue... ne
contribue-t-il pas en fait, à freiner le développement des régions?
M. Vincent (François) : Bien,
c'est sûr qu'il freine le développement puis la productivité des entreprises
puis il laisse en place des... un cadre de gouvernance qui est juste
défaillant. Moi, j'ai une entrepreneure qui m'a appelé au bureau en pleurs
juste avant de passer en cours parce qu'elle était sur le bord de perdre son
entreprise, parce qu'elle avait été mal conseillée par un avocat qui ne
connaissait pas la loi des décrets de conventions collectives. Elle, elle
compensait les congés par des… elle compensait les heures par des congés, mais
elle n'avait pas le droit selon le décret. Là, elle s'est ramassée avec ses
frais d'avocat puis avec ses frais au comité paritaire, elle a voulu négocier
avec les comités paritaires. Elle n'a pas… elle n'a pas voulu. Elle, c'était
son projet de vie qui tombait complètement, là. Finalement, elle a été capable
de régler, elle a payé, etc. Puis là, on a dit : Voudrais-tu sortir puis
raconter ton histoire? Elle a dit : Moi, je ne veux plus en entendre
parler. J'ai vécu l'enfer pendant trois ans, je veux plus le savoir. J
J'ai un entrepreneur, ça, c'est dans le
document après, qui contacte le comité paritaire parce que son père est décédé
puis il veut savoir c'est quoi la procédure. Il reçoit une amende. Son père est
mort, ils lui envoient une amende. Tu sais, c'est des histoires comme ça. Un
autre entrepreneur, ça, c'est dans le Journal de Montréal, il s'est fait… Il y
avait de la filature d'un comité paritaire, pas… chez lui. J'ai un membre qui
m'a parlé pour dire que, bizarrement, il se faisait appeler chez ses clients à
Toronto avant qu'il… il fallait qu'il refasse une soumission, par des
compétiteurs qui étaient sur le site du C.A. du comité paritaire, qui sont juge
et partie en même temps. Ça fait qu'à un moment donné, ça va faire.
Mme McGraw : Bon, votre
mémoire évoque des préoccupations concernant l'accès au dossier médical des
travailleurs. J'aimerais vous entendre plus là-dessus. Quelles seraient, par
exemple, des balises que vous allez recommander pour protéger à la fois le
droit à la preuve et le droit à la vie privée, puis le juste équilibre entre
les deux?
M. Vincent (François) : Le…
• (12 h 40) •
Mme McGraw : Le droit…
l'accès au dossier médical.
M. Vincent (François) : Oui.
Bien, ça, c'est suite au projet de loi n° 42, puis il y a eu… il y a eu
des… une couverture…
M. Vincent (François) : ...de
presse, notamment, là, des experts qui disaient que ça coûtait
300 millions supplémentaires au régime parce qu'ils n'avaient pas accès
aux dossiers médicaux. Le projet de loi apporte des modifications pour... au
niveau du montant des amendes, pour permettre une certaine avancée, donc, c'est
bien. Mais maintenant je me rallie aussi à ce qui a été exprimé par les autres
associations patronales, notamment l'AFCCQ, dans son mémoire, comme quoi...
Sauf ce qui touche le harcèlement puis les violences à caractère sexuel, on
devrait revenir à l'ancien régime. Donc, on veut protéger ça, mais en même
temps on ne veut pas empêcher le fait que ça puisse bien fonctionner à la
CNESST. Il y a quand même des avancées dans le projet de loi, ça fait que ça,
c'est mieux que rien, mais on ne peut pas faire fi que ça rajoute une
complexité supplémentaire à ce qu'on pense qui était visé au départ. Mais je ne
suis pas un expert dans cette question-là, là.
Mme McGraw : Si je comprends
bien, de façon générale, il y a des avancées, mais, dans ce domaine-là, ça
représente, selon vous, un recul?
M. Vincent (François) : Non, non,
il y a des avancées, dans le projet de loi, maintenant, on aimerait ça qu'on
aille plus loin, notamment en revenant au cadre précédent, mais pas pour... pas
pour ce qui touchait ou visait le projet de loi n° 42,
afin de mieux protéger les personnes vivant du harcèlement ou des violences à
caractère sexuel. Mais pour les autres cas que ce n'est pas ça, on voudrait
qu'on revienne au cadre précédent.
Mme McGraw : Est-ce qu'il y a
certaines mesures dans le projet de loi qui risquent, paradoxalement,
d'augmenter le fardeau administratif sur les petites entreprises surtout?
M. Vincent (François) : Bien,
les dispositions sur les... qui visent le camionnage, tu sais, ce n'est pas
défini spécifiquement que c'est pour le camionnage, donc ça pourrait avoir des
incidences indirectes sur d'autres secteurs d'activité économique. On demande
de pousser l'analyse un peu plus loin pour ne pas réadopter un cadre qui va
changer la vie de quelqu'un qui est un travailleur autonome ou qui est un
travailleur indépendant, puis de viser spécifiquement le camionnage.
Maintenant, on fait écho aussi à ce qui a
été dit par Alexandre Gagnon de la Fédération des chambres de commerce du
Québec, qui est un expert en dossier de relations du travail puis qui a bien
mentionné le fait que le cadre plus contraignant du Québec stimule la création
de «Chauffeurs inc.» Puis ce serait bien d'adapter les lois, notamment au
niveau des heures supplémentaires. Il y a eu une lettre qui a été envoyée, je
pense, en 2023 par la FCCQ, le CPQ, l'Association du camionnage et d'autres
organisations qui le demandaient pour justement diminuer les barrières à
l'entrée.
Le collègue du ministre Boulet, là, M.
Skeete, a déposé un projet de loi important et avant-gardiste sur le commerce
interprovincial. Maintenant, on peut continuer à aller plus loin en adaptant
certaines lois à la juridiction, aux autres juridictions, puis ça, ce serait un
pan qui pourrait être mis en place dans le projet de loi.
Mme McGraw : Selon vous,
est-ce que la CNESST agit actuellement avec assez de transparence et d'écoute
vis-à-vis les petits, les plus petits employeurs, de façon générale?
M. Vincent (François) : Bien
d'habitude, quand les membres m'appellent concernant la CNESST, ils ne sont pas
contents, là, parce qu'ils vivent quelque chose, puis de la même façon qu'un
travailleur qui est accidenté ne va pas être content. J'ai quelqu'un dans ma
famille qui a vécu du quoi, puis, je veux dire, ce n'est pas plaisant.
Maintenant, je pense que tous les employés, la haute direction de la CNESST
sont dévoués puis veulent avoir un bon régime puis bien répondre aux employeurs
puis aux employés. On fait quand même des choses extraordinaires, on a un
régime qui est plus généreux qu'ailleurs puis on a une cotisation qui a diminué.
Il y a d'autres provinces canadiennes, notamment en Atlantique, qui ont des
régimes qui sont moins favorables puis que ça coûte plus cher. Maintenant, il y
a toujours place à l'amélioration, ça c'est certain.
Mme McGraw : De façon plus
générale, parce qu'il nous reste, je pense, quelques minutes...
Une voix : ...
Mme McGraw : ...quatre
minutes, donc, peut-être deux questions, et prenez le temps de répondre. Est-ce
qu'il y a des... Ah! Est-ce qu'il y aurait une ouverture? Il y a Force Jeunesse
qui a fait une recommandation d'avoir un siège dédié, au sein du C.A. de la
CNESST, qui soit réservé à quelqu'un de 35 ans ou moins. Comment est-ce
que vous recevez cette recommandation de Force Jeunesse?
M. Vincent (François) : Bien,
je pense que ça peut être pris dans le cadre d'analyses de comment on peut
améliorer la gouvernance. Mais maintenant la gouvernance de la CNESST, c'est
quelque chose de différent parce que c'est le principe de Mérédith, puis etc.
Mais je pense que ça peut être intéressant d'avoir une réflexion, comment
l'améliorer. Maintenant...
M. Vincent (François) : ...moins
de 35 ans. Est-ce qu'on voudrait avoir des actuaires. Parce que, dans le
fond, c'est une gestion de fonds d'assurance pour être capable de répondre aux
besoins des travailleurs quand ils sont accidentés. Ça, ça pourrait être
intéressant aussi. Mon idée n'est pas... elle n'est pas faite, mais je ne suis
pas... je ne pense pas qu'il faut rester dans le statu quo en disant :
C'était comme ça, c'est bon, ça fait que c'est bon. Tu sais, si on regarde sur
l'ensemble de l'histoire du Québec, là, je veux dire, c'était un clin d'oeil,
là, qu'est-ce qui s'est passé. Donc, pensons-y, maintenant, n'agissons pas trop
rapidement non plus. Je pense que c'est important si... Le gouvernement, il
vient de réformer deux fois la CNESST. La dernière fois, c'était pour ajouter
un poste de président de conseil d'administration. Là, ensuite de ça, on
rajoute des sièges pour pouvoir en donner un la CSQ, mais si... C'est ça, ne
faisons pas... ne restons pas dans nos œillères du statu quo puis soyons
ouverts à avoir une réflexion pour l'amélioration de la gouvernance.
Mme McGraw : De façon
générale, est-ce qu'il y aurait des amendements ou quelque chose qui est
vraiment... juste pour... en conclusion, que vous voulez souligner, soit une
opportunité ou une lacune avec ce projet de loi? Et est-ce qu'il y a quelque
chose que vous n'avez pas eu la chance d'aborder que vous aimeriez mentionner
en conclusion?
M. Vincent (François) : Bien,
en conclusion, je demanderais aux députés et au ministre de proposer un
amendement pour abolir la loi des décrets de conventions collectives. Plus on
attend, moins ça va se faire, plus on va garder des régimes opaques qu'on
n'accepterait pas en tant que contribuables qu'un organisme d'État mette en
place ou soit... soit présente pour les payeurs de taxes. Puis c'est des
travailleurs, c'est des entreprises qui sont freinés par un cadre juridique
unique en Amérique du Nord.
Mme McGraw : Merci. C'est
tout pour moi.
Le Président (M. Allaire) : Ça
va? Merci, Mme la députée. On termine avec le député de Saint-Jérôme. 2min 12s.
La parole est à vous.
M. Chassin :Merci, M. le Président. Alors, évidemment, j'ai beaucoup de
questions sur les décrets de conventions collectives, comme s'en doute le
ministre. Puis, en même temps, vous avez beaucoup... vous en avez déjà donné
beaucoup. Je trouve quand même que c'est fascinant parce que, justement, c'est
un petit peu... c'est un peu opaque, c'est un peu obscur. Il y en a 13. Il y a
des aspects vraiment très particuliers, là, sur le nombre de... en fait, les
cotisations, là, les cotisations qui sont prélevées, bien, c'est, des fois,
même pas 1 million, des fois, c'est 4 millions, les plus gros, là,
c'est à peu près 4 millions, mais ça, c'est une demande d'accès à
l'information de 2023, puis là ça donne des chiffres de 2020, 2021. Le degré de
transparence n'est pas énorme.
Il y a des comités paritaires, par
exemple, de l'industrie de l'automobile, il y en a six, mais c'est dans
certaines régions, donc il y a des régions qui ne sont pas couvertes, tu sais.
Il y a comme... Puis ce que je disais à l'APTS, là, qui était là avant... il y
a comme une espèce de couche de bureaucratie par-dessus des couches de
bureaucratie qui s'empilent. Est-ce que, vu que ce n'est pas connu, là...
est-ce qu'il y a vraiment un coût politique à tasser tout ça, surtout à un
moment où, avec la partielle dans Arthabaska, tout le monde va être de centre,
centre droit, difficile à dire, mais tout le monde va être de centre droit? Il
y a-tu vraiment un coût politique à l'abolir?
M. Vincent (François) : Bien,
tu sais, je ne pense pas que les décisions, pour qu'elles soient bonnes, il
faut qu'elles soient nécessairement politiques, là, tu sais...
M. Chassin :Des fois, c'est juste pour aplanir, là.
M. Vincent (François) : ...des
fois, des fois, c'est une bonne politique publique, mais pas populaire, c'est
une pas bonne politique publique, mais elle est populaire, ou ce n'est pas une
bonne politique publique puis ce n'est pas populaire. Mais souvent on va aller
plus dans... chercher à rejoindre l'électorat puis à être populaire.
Là, je ne retrouve pas la lettre que je
cherche, là, mais, sur l'accès à l'information, là, ça, il y a eu des avancées,
puis je suis sûr que le ministre en est pour quelque chose. J'ai fait plein de
lettres d'accès à l'information, depuis... de 2009 à 2025, puis, avant, on ne
recevait jamais de réponse. Les comités paritaires ne sont pas assujettis à la
loi d'accès...
Le Président (M. Allaire) : Merci.
Merci.
M. Vincent (François) : Ah!
c'est fini?
Le Président (M. Allaire) : Désolé,
ça met fin à ce dernier bloc d'échange. Merci, M. Vincent, de l'entreprise...
de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante, pardon.
Alors, la commission ajourne ses travaux
au mardi 3 juin 2025, à 10 heures, où elle poursuivra son
mandat. Merci, tout le monde. Bon retour en circonscription.
(Fin de la séance à 12 h 50)