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Question avec débat:
Les conséquences économiques de
la
souveraineté-association
proposée
par le gouvernement
(Dix heures douze minutes)
La Présidente (Mme Cuerrier): La commission permanente des
finances et des comptes publics est réunie ce matin, pour discuter la
question avec débat du député d'Outremont au ministre des
Finances sur le sujet suivant: Les conséquences économiques de la
souveraineté-association proposée par le gouvernement.
M. le député d'Outremont, vous avez la parole. Vous
disposez de vingt minutes présentement, pour la première
intervention.
Exposé du sujet M. André
Raynauld
M. Raynauld: Merci, Mme la Présidente. Je dois dire
d'abord que je suis très heureux de l'occasion qui m'est offerte de
discuter de ce sujet qui est censé être d'une très grande
importance. Je ne sais pas si la foule qui se presse ici, ce matin, est un bon
indice de l'importance qu'on y attache. Quoi qu'il en soit, depuis vingt ans
que je participe à ce débat, c'est la première fois, sauf
erreur, que je parviens à débattre la question avec le ministre
des Finances. De son côté, il y a eu des évolutions un peu
plus fluctuantes dans sa pensée. Je voyais un article qu'il a
écrit en 1961 alors qu'il commençait à se poser quelques
questions. Il y avait d'ailleurs, entre parenthèses, une très
belle photo du ministre des Finances à ce moment-là.
J'ai écrit, de mon côté, je pense, le premier
article sur l'indépendance du Québec vers 1961 ou 1962. Ce n'est
pas d'hier que ce débat agite un certain nombre d'esprits. Je suis donc
très heureux que nous puissions engager le débat. J'aimerais, ce
matin, que ce débat se fasse sur un plan économique autant que
possible.
J'aurai, bien entendu, comme c'est l'usage, un certain nombre de
questions à poser, mais je peux peut-être dire dès
maintenant, Mme la Présidente, que la question est déjà
indiquée au feuilleton. Il s'agit des conséquences
économiques de la souveraineté-association. Je pense que tout le
reste ne sera que questions subsidiaires, questions particulières sur ce
thème général.
Pour mettre le ministre des Finances en appétit, je ferai d'abord
quelques observations d'ordre général à propos de ce que
je pense savoir des intentions du Parti québécois. Pour lever les
incertitudes restantes, je compterai sur un certain nombre de
réponses.
La première observation que je voudrais faire, Mme la
Présidente, j'y ai fait allusion tout à l'heure, c'est d'essayer
de discuter du problème de la souveraineté-association sous un
angle économique.
En effet, je pense qu'il serait trop facile de reléguer les
conséquences économiques de la souveraineté-association
à des questions de chiffres, à des batailles plus ou moins
ésotériques sur la validité d'une fraction d'une
unité, lorsqu'il s'agit d'un changement aussi fondamental que celui qui
est proposé. (10 h 15)
II serait également trop facile de ramener le débat
à une question de dignité et à une question de sentiment.
On peut ne pas vouloir de guerre de chiffres, c'en est une autre que de rejeter
les arguments d'ordre économique parce que, en réalité, si
la souveraineté-association est un projet de dignité et de
fierté pour les Québécois, la solution
fédérale est également une solution de dignité pour
les Québécois. Il s'agit de deux options qui sont
également défendables, également dignes. Personnellement,
je ne pense pas manquer à la fierté naturelle que je peux avoir
en défendant des idées du genre de celles que nous
défendons de ce côté de l'Assemblée.
La deuxième observation est la suivante. J'en ferai une
proposition très simple. Quand on change de régime politique,
comme lorsqu'on prend n'importe quelle décision, d'habitude, c'est pour
le mieux et non pour le pire. Si nous voulons avoir un débat un peu
relevé, on doit, bien entendu, mettre de côté certaines de
ces observations que parfois l'on entend et qui sont vraiment stupides,
à savoir que les Québécois sont incapables de faire quoi
que ce soit, qu'ils sont des impuissants. Il faudrait aussi mettre de
côté les arguments de la peur. Chaque fois que nous soulevons un
problème, une difficulté éventuelle qui pourrait se poser,
ce n'est pas pour faire peur au monde que nous faisons de telles observations.
Nous avons le droit de soulever les questions en ce qui concerne les
conséquences prévisibles sur le niveau de vie, sur la
qualité de vie des Québécois, sur le bien-être des
travailleurs, advenant l'indépendance.
J'aimerais bien que le ministre des Finances ce serait
peut-être ma première sous-question nous explique ce qu'il
a voulu dire, dans son discours sur la question référendaire
à l'Assemblée nationale récemment, quand il a
déclaré que l'indépendance, pour lui, c'était une
condition de relèvement économique et de
prospérité. J'aimerais bien qu'il nous dise par quel
mécanisme économique la souveraineté-association va
pouvoir créer des emplois, augmenter la productivité et
accélérer la croissance économique du Québec.
Troisième observation. Le nouveau régime dont nous
discutons, sa portée n'étant pas connue, il est évident
que les conséquences économiques seront, au mieux, des ordres de
grandeur. C'est dans ce sens-là que je disais tout à l'heure que
je ne veux pas, moi non plus, faire de guerre de chiffres, mais je pense qu'il
est possible quand même d'indiquer quels sont les signaux de direction.
Je pense aussi qu'il est possible, par l'analyse économique et par un
certain sens commun, d'identifier dans quelle direction nous allons. Est-ce
qu'on
s'en va en marche arrière ou si on s'en va en marche avant?
Peut-être qu'on ne s'entendra pas pour savoir si la vitesse à
laquelle on peut aller est de 22,6 milles ou de 23,4, mais ce n'est pas
ça l'important. L'important, c'est de savoir si on recule ou si on
avance. J'aimerais qu'on le sache, qu'on s'arrête un instant pour essayer
de montrer ou de prouver qu'on peut avancer lorsque, à mon avis aucun
économiste n'a été capable de démontrer une
amélioration à la situation économique du Québec,
advenant l'indépendance, associé ou pas associé. Je n'en
connais pas. J'aimerais qu'on m'explique par quel mécanisme, encore une
fois, on est capable d'obtenir des choses comme celle-là. Par contre, je
pense qu'il est possible de soulever un certain nombre de possibilités
qui nous amèneraient dans une situation pire que celle que nous avons
à l'heure actuelle.
En effet c'est ma quatrième observation il existe
quand même certaines données comptables qui sont, bien sûr,
insuffisantes, mais qui donnent justement ce sens de la direction, qui donnent
un ordre de grandeur. A cet égard, j'ai préparé un
tableau, Mme la Présidente. Je sais que je ne peux pas déposer de
documents à cette commission parlementaire, mais on me dit qu'on peut
toujours les distribuer. J'aimerais donc, Mme la Présidente, si c'est
possible, distribuer quelques tableaux statistiques, simplement pour illustrer
ce dont je veux parler.
Le tableau principal que j'ai préparé est un tableau qui
porte sur les recettes et les dépenses budgétaires et je pose une
question très précise qui est la suivante. Je ne fais pas
d'extrapolation pour l'avenir. Je dis: Quel aurait été
l'état du budget du Québec en 1978 si le Québec avait fait
son indépendance cette année-là? Je m'arrête donc
à la dernière année pour laquelle nous avons des
données complètes, des données basées sur les
comptes nationaux. J'examine quelle est la situation budgétaire actuelle
et j'examine ensuite quelle aurait été la
récupération des impôts du gouvernement
fédéral, ce que nous aurions également
récupéré comme obligations générales, sous
forme de dépenses publiques fédérales au Québec et
j'examine quelles en sont les conséquences.
Le tableau que j'ai distribué indique les résultats de ces
opérations. En ce qui concerne la situation actuelle, en 1978, on sera
un peu surpris d'apprendre que le déficit du gouvernement du
Québec est de $239 000 000 pour 1978. Il faut rappeler ici que les
comptes publics et les comptes nationaux sont deux systèmes de
comptabilité et, lorsqu'on passe du système comptable
budgétaire au système comptable national ou intérieur, on
a des différences assez sensibles. Ici, cela en est une, le
déficit est donc de $239 000 000 en 1978 (année civile).
Après l'indépendance, en 1978, quel aurait
été le budget du gouvernement du Québec? Le gouvernement
du Québec aurait des recettes de $17 600 000 000 et il aurait des
dépenses de $21 500 000 000, et le déficit serait passé de
$239 000 000 à $3 903 000 000. Ce déficit, en réali-
té, vient de deux sources; il vient du déficit provincial dont
j'ai parlé tout à l'heure et il vient ensuite du déficit
fédéral au Québec qui repose sur les chiffres que tout le
monde connaît, maintenant, pour 1978, une perte de $3 664 000 000 que le
Québec encourt. Donc, cette perte est enregistrée dans la
façon dont les comptes sont préparés. On
récupère des dépenses, on récupère des
impôts et, en fait, on récupère un déficit de $3 903
000 000.
Par conséquent, les dépenses augmentent de 64,5%, les
recettes augmentent de 37% et le déficit augmente de 1533%. Ceci vient
évidemment, encore une fois, de la perte du gouvernement du
Québec, dont j'ai parlé tout à l'heure, dans ses
transactions avec le gouvernement fédéral. La perte du gain
fédéral de $3 664 000 000, c'est équivalent à
20,75% des recettes totales nouvelles.
Je ne dis pas qu'il faudra nécessairement augmenter les
impôts pour la totalité de ce montant, mais je dis qu'il y a un
trou de $3 664 000 000 qu'il faudra remplir; il est équivalent à
près de 21% des recettes totales nouvelles. Par conséquent, ou
bien il faudra augmenter les impôts de 21%, ou bien il faudra augmenter
le déficit en conséquence, ou bien il faudra réduire le
niveau des services publics.
Ceci ne comprend pas une foule d'autres éléments. J'en ai
retenu deux, simplement pour m'en tenir à ce qu'il y a de plus
incontestable. On ne perd pas seulement $3 600 000 000, et j'ai
mentionné à la page 2 du tableau que j'ai distribué,
d'abord, que les dépenses à l'étranger ne sont pas
imputées aux provinces dans les comptes nationaux et on peut estimer
à $336 000 000 la part des dépenses à l'extérieur
du Canada qui serait imputable au Québec. Ensuite, il y a les
dépenses fédérales des fonctionnaires
fédéraux résidant à Hull qui ne sont pas
indiquées dans les comptes économiques provinciaux, ce qui
équivaut, d'après l'étude de M. Bonin, page 106, à
$200 000 000; ce qui veut dire que le déficit ou que la perte que le
Québec aurait fait en 1978 s'élève à $4 200 000
000, soit 24% des recettes budgétaires.
Le ministre, en faisant des commentaires sur une étude que
j'avais faite il n'y a pas tellement longtemps, avait dit, de façon
très élégante, que supposer qu'on serait obligé
d'augmenter les impôts de 15% était une ânerie. J'aimerais
lui rappeler qu'il n'y a pas d'ânerie là-dedans; suivant les
chiffres qui sont ici, c'est 24% des recettes budgétaires nouvelles dont
il s'agit, 24% qu'il faudra de toute façon payer, que ce soit sous forme
d'impôt, sous forme d'augmentation des emprunts pour financer le
déficit ou sous forme de réduction des services publics.
Enfin, il y a une petite remarque au bas du tableau de la page 2. Je
voudrais m'y attarder quelques minutes. Il y a un certain nombre
d'hypothèses qui sont faites lorsqu'on accepte une comptabilité
comme celle-là. Par exemple, on suppose que l'essentiel ne change pas.
L'essentiel, quand on change de régime, c'est bien sûr qu'il
pourrait y avoir un changement dans le niveau de vie, dans le standard de vie
des Québécois. Mais
ici, on suppose qu'il ne change pas. On fait simplement des ajustements
arithmétiques, statistiques, mais cette hypothèse de la
stabilité du revenu doit être rejetée. On en arrive ici non
pas à des chiffres précis, mais on en arrive à des
hypothèses, des ordres de grandeur, des sens de la direction, comme j'ai
mentionné tout à l'heure.
La première raison pour laquelle on doit rejeter cette
hypothèse, c'est qu'il est incontestable qu'il y aura des départs
de sièges sociaux d'entreprises nationales. M. le ministre des Finances
l'a admis, par conséquent, il n'y a pas de débat
là-dessus. Le seul débat qu'il peut y avoir, c'est que le
ministre des Finances, suivant ce que je comprends de ce qu'il a écrit,
prétend qu'on va remplacer les sièges sociaux d'entreprises
nationales par des sièges sociaux locaux, et que l'un équivaut
à l'autre. Je lui dirai que je diffère profondément d'avis
avec lui sur ce point-là, puisque les entreprises nationales dont il est
question appellent des décisions et appellent des emplois au
Québec reliés à des activités à
l'extérieur du Québec et il n'y a rien qui peut remplacer ce
genre d'activité. On ne remplace pas une activité d'exportation
de services par une augmentation d'emplois dans le commerce de détail.
Ce n'est pas l'équivalent, c'est complètement différent.
Quant aux sièges sociaux, on pourra y revenir tout à l'heure,
parce qu'ils sont très importants, cela implique un très grand
nombre d'emplois, mais cela implique surtout des centres de décision.
Lorsque les gens du Parti québécois nous disent qu'ils veulent,
premièrement, reprendre en main l'économie, je dis que le
départ de ces centres de décision est une accentuation d'une
tendance qu'ils déplorent, qu'ils veulent corriger et, au contraire, ils
l'encouragent; donc, une perte de centre de décision et d'autonomie
économique et sociale.
Il y a aussi l'émigration nette qui est incontestable
également et la souveraineté-association ne peut pas servir de
pôle d'attraction pour un Québec nouveau. A ce moment-là,
je dis que cette émigration nette va réduire les revenus des
Québécois du montant de ceux qui partent avec leur argent et va
réduire l'assiette fiscale.
Ensuite, il y a la facture pétrolière. Nous avons beaucoup
parlé, jusqu'à maintenant, des économies qu'on pouvait
faire en achetant le pétrole à un prix canadien inférieur
au prix mondial. Cette fois-ci, j'ai un petit tableau, dans la liste que j'ai
donnée, qui insiste plutôt sur la facture que nous aurions
à payer. En 1980, si le Québec était indépendant et
qu'il devait payer le prix mondial pour le pétrole, la facture totale
serait de $6 475 000 000 j'ai mis les hypothèses en dessous du
tableau si on veut les contester alors que la facture réelle
devrait être de $3 000 000 000. Donc, on passe du simple ou double et
ceci a des conséquences sur la balance des paiements ou la balance des
comptes courants sur lesquels on reviendra tout à l'heure; cela a aussi
un effet, parce que c'est un transfert réel de ressources à
l'extérieur du Québec, quel que soit le statut politique que nous
avons.
Ensuite, j'ai ajouté un tableau nouveau qui n'avait pas
été calculé jusqu'à maintenant, en ce qui concerne
le gaz naturel, puisqu'on consomme aussi du gaz naturel et là aussi, on
perdrait $90 000 000, ou environ, en 1979, si le Québec avait
payé les prix à l'exportation du gaz naturel.
Les objections que l'on fait à ça: c'est provisoire. Bien,
ce n'est pas provisoire du tout, il y a du pétrole au Canada pour un
très grand nombre d'années. J'ai fait circuler un tableau pour
montrer que la production totale ne diminuerait pas, elle resterait constante
entre 1978 et 1995 et ceci ne tient pas compte des plus récentes
découvertes qu'on a faites en pétrole léger, en
particulier à Terre-Neuve, et aussi en ce qui concerne le gaz naturel
dans les îles de l'Arctique.
Alors, ce n'est pas une situation provisoire. On pourra dire que le prix
va remonter au prix mondial et, suivant les informations que nous avons,
l'intention d'à peu près tout le monde dans le milieu, c'est au
moins d'arrêter au prix de Chicago qui est à 85% du prix mondial;
ça fait déjà une économie de 15%. En tout
état de cause, il est évident aussi qu'on a toutes les
misères du monde à rattraper même ce qu'on connaît
déjà des prix mondiaux et, par conséquent, je ne pense pas
qu'on puisse prendre au sérieux l'idée que ces avantages
liés à notre appartenance au Canada vont disparaître. (10 h
30)
Quatrième hypothèse. Je pense qu'il y a la fragmentation
du marché du capital au Canada qui ne peut qu'entraîner des
conséquences néfastes. Le ministre des Finances s'est
prononcé à plusieurs reprises là-dessus pour dire qu'il ne
fallait pas mettre des obstacles à l'association des capitaux, que le
financement extérieur se tarit, que le financement intérieur
coûte plus cher à ce moment-là.
Or, qu'est-ce que le gouvernement du Parti québécois
propose? Il propose de fragmenter toutes les institutions financières.
Il propose d'abord que les membres soient à propriété de
75% au minimum Québécois, ce qui veut dire que toutes et chacune
des banques à charte du Canada devront vendre de 75% à 90% de
leur capital-actions à des Québécois. La même chose
s'applique aux fiducies, à l'assurance, dans la mesure où ce ne
sont pas des mutuelles, et, en ce qui concerne le crédit à la
consommation, on abolit tout simplement les institutions.
Mais je vous demande combien cela coûte de racheter toutes les
institutions financières à 75%? J'aimerais que le ministre des
Finances soit un peu plus sérieux que la dernière fois qu'il en a
parlé lorsqu'il a dit que cela coûterait à peu près
ce qu'a coûté la nationalisation des compagnies
d'électricité et quand il a mis, dans son budget de l'An I, que
cela coûtait $45 000 000 pour racheter toutes les institutions
financières. J'aimerais bien qu'il soit un peu plus sérieux que
cela.
Quels vont être les effets sur l'association? Il n'y a pas
d'association là-dedans, il n'y a pas d'exception pour les autres
Canadiens. Tout le monde est traité comme un étranger.
Comment
pense-t-il avoir une association avec le reste du Canada quand, au
départ, il dit que toutes les institutions financières devront
être québécoises?
Le démantèlement des sociétés
fédérales. Quel est son effet? Avoir une deuxième
société pour l'expansion des exportations, avoir une
deuxième banque fédérale de développement, avoir
une autre Société Radio-Canada, avoir une autre
société pour l'énergie, un autre Pétro-Canada, cela
coûte combien? Le code des investissements va coûter combien? On
dit là-dedans que tout l'acier primaire devra appartenir à des
Québécois? Donc, il faut acheter Stelco. Quels sont les autres?
Les mass media, on les achète tous. Les entreprises non
québécoises on les achète toutes. Dans l'imprimé,
les livres, les revues, cela coûte combien? Quand on dit que la Caisse de
dépôt qui est aujourd'hui actionnaire de 124 entreprises elle
devra être actionnaire de toutes les entreprises importantes, lorsque, en
plus, le gouvernement du Québec devra aussi acheter une ou deux des plus
importantes banques à charte qui seront au Québec après
l'indépendance, cela coûte combien?
Cela coûte combien de racheter des entreprises de communication?
En 1972, le ministre des Finances disait qu'il fallait absolument restructurer
le secteur des communications, Northern Telecom, Marconi, RCA Victor. Je
pourrais lui dire que, depuis ce temps-là, il s'est passé bien
des choses, il n'aura rien à restructurer, elles sont toutes parties.
Mais cela coûte combien de racheter cela?
Mme la Présidente, ce sont un peu les questions que je voulais
poser ce matin. J'aimerais que le ministre des Finances, qui est responsable
des finances du Québec, nous dise à combien de milliards se
chiffrent ces engagements et où il va aller chercher cet argent.
Seulement pour les banques à charte, c'est $1 000 000 000, le
capital-actions. Où va-t-il aller prendre l'argent? Va-t-il l'enlever
à la Caisse de dépôt et placement du Québec? La
Caisse de dépôt et placement du Québec place son argent
à l'heure actuelle. Cet argent ne flotte pas dans les airs. Il n'est pas
inutilisé. Par conséquent, il faudra l'enlever du secteur des
obligations du gouvernement du Québec, si on consacre tout cet argent
à acheter des entreprises étrangères sans créer un
seul emploi pendant des années et des années.
Mme la Présidente, je pense qu'on ne peut pas en arriver à
la conclusion qu'avec un tel bilan, la prospérité des
Québécois puisse augmenter. Je pense qu'elle ne peut que
diminuer; elle ne peut que tourner au pire et je ne pense pas que ce soit
l'objectif que nous poursuivions.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le ministre des
Finances.
Réponse du ministre des Finances M. Jacques
Parizeau
M. Parizeau: Mme la Présidente, le débat qui vient
de s'engager, comme le disait le député d'Outremont, est un
débat qui dure effectivement depuis plusieurs années. Je regrette
simplement qu'on n'ait peut-être pas, jusqu'à maintenant, eu
l'occasion dans cette Chambre d'en discuter un peu plus souvent, parce que je
vois réapparaître des choses qu'au fond, je pensais
réglées depuis déjà un bon bout de temps.
On me permettra de commencer avec des choses qui me paraissent
élémentaires, mais qu'il faut dire, dans la mesure même
où ces questions sont soulevées. La souveraineté m'est
toujours apparue, fondamentalement, comme un instrument de développement
de l'économie du Québec pour la raison suivante: Le monde est
disparu où la prospérité apparaissait à la suite de
décisions de milliers de petits entrepreneurs qui s'adaptaient au
marché. Peut-être que le monde de la fin du XIXe siècle
était comme cela; peut-être que le monde du début du XXe
siècle était comme cela, mais le monde de nos jours a
changé. La prospérité des nations et des Etats est
basée, pour une bonne part, sur les décisions prises par un
certain nombre de groupes ou par un certain nombre d'individus et, finalement,
souvent pas très nombreux.
Il y a d'abord les gouvernements qui prennent des décisions sur
le plan économique. Autrefois, les gouvernements, c'était
relativement petit dans l'économie; 5%, 6%, 7% de toute la production
nationale leur passait entre les mains. Maintenant, ce n'est plus cela, c'est
40%. Il n'est donc pas du tout indifférent de savoir quelles
décisions les gouvernements prennent et comment ils les prennent. Les
décisions prises par les gouvernements ont un impact direct sur la
prospérité des Etats. Quand le gouvernement fédéral
décide de mettre dans les boules à mites l'usine de LaPrade, il
ferme le deuxième plus gros chantier au Québec. Quand le
gouvernement fédéral décide de choisir le F-18
plutôt que le F-16, il peut changer, par des centaines de millions de
dollars, les commandes qui vont venir dans l'économie
québécoise. Lorsque le gouvernement du Québec
décide d'ouvrir considérablement et d'accélérer les
plans d'épuration des eaux, il va tripler, en l'espace de deux ans et
demi ou trois ans, les investissements dans ce secteur.
Les gouvernements prennent des décisions qui ont des influences
sur les investissements, sur les emplois, sur le chômage, sur les revenus
des gens. D'autre part, il y a un certain nombre d'entreprises,
coopératives ou privées qui, de par leur décision
d'investir ou de ne pas investir à un endroit donné, affecte
aussi la prospérité des pays, la prospérité des
peuples. On ne peut pas, d'une part, constater que des entreprises vendent
pourdes milliards de dollars et s'imaginer que les décisions que
prennent les gens à la tête de ces entreprises n'ont pas d'effet
sur la prospérité des gens. Où sont situés ces
centres de décision? A l'intérieurdes frontières ou
à l'extérieur? L'effet ne sera pas le même.
Est-ce que ces entreprises ont à décider d'investir entre
plusieurs endroits différents ou si elles sont clairement
localisées quelque part? Elles ont leur base quelque part. A cet
égard, par exemple, on ne peut pas s'imaginer que les caisses
populaires
au Québec ou que les caisses d'entraide ont le choix d'investir
entre la France, l'Angleterre, les Etats-Unis, laColombie-Britannique ou
leQuébec. Ce n'est pas vrai. Théoriquement, sans doute, c'est
exact. On sait bien qu'en pratique, ce que ces sociétés, parce
qu'elles sont québécoises, vont faire, va être d'investir
au Québec et de prendre des décisions au Québec. Il n'est
doncabsolument pas indifférent que les centres de décision sur le
plan économique soient situés au Québec ou en dehors du
Québec. Ce que la souveraineté nous donne, c'est la
possibilité de rapatrierau Québec un certain nombre de centres
dedécision, dans le sens de nos intérêts plutôt que
de l'intérêt des autres. Les centres de décision, qu'ils
soient publics ou qu'ils soient privés, à notre époque,
conditionnent la prospérité. Dans ce sens, ce que la
souveraineté nous donne, c'est de rapatrier au Québec un plus
grand nombre de centres de décision, pas tous, bien sûr.
L'indépendance économique, à notre époque, n'existe
plus au sens complet ou total du terme, même pas pour les
Américains. Il reste, néanmoins, qu'il n'est pas
indifférent encore une fois d'avoir plutôt plus de centres de
décision chez nous, que plutôt plus de centres de décision
ailleurs. Ce n'est pas indifférent du tout. La souveraineté, dans
ce sens, est un instrument de prospérité.
L'association implique, encore une fois, essentiellement deux choses:
que nous maintenions l'union douanière qui existe jusqu'à
maintenant au Canada, non pas de la créer, mais de la maintenir, la
libre circulation des produits. L'union monétaire, d'autre part,
implique que nous gardions non pas que nous créeions une monnaie
commune avec le Canada que nous maintenions la monnaie commune qui
existe à l'heure actuelle.
Là-dessus, on n'a pas besoin, entre Québécois, de
considérer que l'association est à démontrer. Advenant que
les Québécois suivent le projet que le gouvernement leur propose,
une chose est évidente, c'est qu'on ne verra jamais nos amis d'en face
dire: On ne veut pas d'association avec le reste du Canada. Donc, dans ce sens,
je l'ai répété bien souvent dans le publicc'est la
première fois que je le dis dans cette Chambre, cependant
qu'à mon sens, on n'a pas besoin de vendre l'association aux
Québécois. Quelle que soit leur position politique, ils sont
d'avance acquis à une union à libre circulation des produits
entre le Canada et le Québec et ils sont d'ores et déjà
acquis à l'idée d'une monnaie commune. Nous sommes tous d'accord
là-dessus. C'est sur le plan de la souveraineté, bien sûr,
que le débat existe.
Le député d'Outremont disait: Je ne connais pas
d'économistes qui considèrent la souveraineté comme
étant un instrument de développement pour le Québec.
Là, je vous avouerai que je suis un peu surpris. Si aucun
économiste ne croit ça, pourquoi y a-t-il une soixantaine
d'économistes qui ont annoncé avant-hier qu'ils allaient proposer
le oui au référendum?
M. Bérubé: Des mauvais économistes.
M. Parizeau: Ce seraient des économistes, si je comprends
bien, qui, croyant que la souveraineté serait une façon de
reculer, néanmoins, par masochisme, le proposeraient.
Le député d'Outremont, d'autre part, nous a amenés
à la discussion de ce qui est je le dis sans ironie une
sorte de budget de l'An I qu'il nous a monté. Je croyais qu'après
la façon dont nos amis d'en face me reprochent parfois un budget de l'An
I il y a quelques années, il se serait abstenu de cet exercice. Mais,
enfin, puisqu'il a voulu faire son budget de l'An I, abordons ça
rapidement. Je dis rapidement, parce que je viens d'avoir les chiffres, mais,
déjà, il y a des choses très intéressantes qui
sortent des tableaux qu'il vient de distribuer.
Ce qu'il se dit au fond, c'est: Faisons la jonction des dépenses,
additionnons les dépenses que le gouvernement de Québec fait
à l'heure actuelle et celles que le gouvernement fédéral
fait au Québec. Additionnons les revenus, les recettes d'impôts de
toutes sortes payés par les Québécois et voyons quel
déficit apparaît.
Le déficit qu'il fait ressortir, dans un premier temps,
représente à peu près 17,6% de tous les revenus
payés par les Québécois. Le déficit actuel du
gouvernement de Québec est à peu près de 15,5% de toutes
les recettes perçues par le gouvernement du Québec auprès
des Québécois. Cela ne fait pas un très gros changement...
Mais continuons.
Dans sa deuxième page, il ajoute certains éléments
qu'il faudrait additionner à ce déficit, par exemple, les
dépenses du fédéral à l'étranger. Nous
n'avons jamais dit... et, comment dire, les salaires payés aux
fonctionnaires de Hull. Je veux bien, pour les salaires payés aux
fonctionnaires de Hull, incorporer ça, mais pour les dépenses du
gouvernement fédéral à l'étranger, il n'est pas dit
que le gouvernement de Québec aurait nécessairement le même
nombre d'ambassades ou qu'il aurait exactement les mêmes politiques
financières à l'étranger qui sont suivies par le
gouvernement fédéral.
Mais, en tout état de cause, supposons qu'on accepte les chiffres
du député d'Outremont, tels quels, ça veut dire que nous
montons sa deuxième estimation du déficit à 24% de nos
recettes totales, comme Québécois.
Posons-nous la question: A l'heure actuelle, le gouvernement
fédéral a un déficit qui représente combien par
rapport à ses recettes? Plus de 24% ou moins de 24%? Si on prend le
dernier budget Crosbie et qu'on enlève les augmentations de taxes qui
ont été refusées, et par le Parlement et par la
population, quel est le pourcentage? Plus de 24% ou moins de 24%? C'est 29%,
Mme la Présidente. On revient donc à l'argument fondamental. Le
gouvernement fédéral peut se payer un déficit de
29%,mais,commec'est un gouvernement sérieux, ça va! Nous, 24%, en
acceptant toutes les hypothèses du député d'Outremont, ah!
bien ça, pour nous, ce n'est pas possible!
Et, d'autre part, à partir des 24% du député
d'Outremont, je lui ferais noterqu'on n'a pas encore commencé à
aborder l'élimination des chevauchements. Il y en a, des chevauchements
dans notre système. Il y en a, des services rendus en double. On n'a pas
commencé à aborder les conséquences de n'avoirqu'un
ministère du Revenu, au lieu de deux; de n'avoir qu'un service
d'allocations familiales, au
lieu de deux, distribuant le même montant qu'aujourd'hui, mais
quand même pas avec deux équipes, deux systèmes
d'ordinateurs, deux listes d'adresses, etc. (10 h 45)
On n'a pas encore commencé à aborder les économies
qu'on pouvait réaliser en n'ayant pas deux ministères de
l'Agriculture, ou comme le disait dans certains discours le
député de Frontenac, un ministère de l'Agriculture qui
s'occupe des deux pis de la vache lait industriel, et un ministère de
l'Agriculture provincial qui s'occupe des deux pis de la vache lait nature. On
n'a pas commencé à faire des choses comme cela. On est à
24%, donc un déficit inférieur à celui du
fédéral par rapport à ses recettes, et on n'a même
pas commencé à aborder l'élimination des chevauchements.
Ce que le député d'Outremont vient de démontrer, c'est que
c'est éminemment faisable.
M. Bérubé: Exactement! On n'a pas besoin de le
démontrer, vous l'avez fait.
M. Parizeau: Je pensais avoir à sortir des chiffres, mais
je n'ai pas besoin d'en sortir, je prends ceux du député
d'Outremont.
M. Bérubé: Merci!
M. Parizeau: Abordons maintenant les autres questions
soulevées par le député d'Outremont. La question des
sièges sociaux. Oui, bien sûr, je n'imagine pas que tous les
sièges sociaux qui existent actuellement à Montréal,
advenant la souveraineté du Québec, vont nécessairement
rester à Montréal; comme il l'a dit lui-même, d'ailleurs,
je n'ai jamais cherché à cacher cela.
D'autre part, il est évident que toute une série de
sociétés qui oeuvrent au Québec à l'heure actuelle
et dont les sièges sociaux sont à Toronto auront pour leurs
activités à Québec à créer un très
grand nombre d'emplois pour créer des sièges sociaux
québécois; vous me direz des sièges sociaux pas aussi
gros. Sans doute, mais beaucoup plus nombreux. Sur ce plan des emplois
créés par rapport aux emplois perdus, je défierais le
député d'Outremont de me dire que le facteur des emplois
créés est nécessairement inférieur. On nous dit que
de petits sièges sociaux ne représentent pas
nécessairement le même attrait sur le plan économique. Cela
dépend, Mme la Présidente, cela dépend largement de
l'énergie qu'on met au développement de ses
sociétés. Ce n'est pas parce que c'est une société
québécoise qu'elle est nécessairement petite.
Certaines des plus grandes sociétés d'engineering au monde
à l'heure actuelle sont québécoises; elles ont leur
siège social à Montréal, elles exportent 50% ou 60% de
tous leurs services un peut partout dans le monde. Ce n'est pas parce qu'une
société est québécoise qu'elle est petite. Cela
dépend. Forcément, il y en a qui réussissent très
bien et il y a des sièges sociaux québécois qui
deviendront très importants parce que les sociétés auront
été bien gérées, et il y en a d'autres qui
resteront relativement petits. Cela va de soi, c'est la vie. Seulement, il
n'est pas nécessaire de conclure que, sur le plan de la concurrence pour
la vie, nous sommes nécessairement inférieurs; on en a des
preuves tous les jours et les hommes d'affaires québécois depuis
quelques années se débrouillent remarquablement bien, pour un bon
nombre d'entre eux en tout cas.
La question de la facture pétrolière me fait bondir un
peu. Je pense qu'il faut reconnaître, comme on le répète
depuis déjà quelques années, que la décision du
gouvernement canadien de maintenir le prix du pétrole canadien en
dessous du cours mondial permet aux consommateurs canadiens de réaliser
des économies substantielles par rapport à ce que paient les
consommateurs de pétrole ailleurs dans le monde. Profitons-en, grands
dieux! Non seulement il ne faut nier cela, j'allais dire qu'il faut empocher
cela pendant que ça dure. Tant mieux! Seulement, il faut quand
même nous rendre compte de ce qui nous pend au bout du nez. Ce qui nous
pend au bout du nez, c'est une décision déterminée aussi
bien par le Parti conservateur à Ottawa que par le Parti libéral,
par les deux grands partis susceptibles de prendre le pouvoir, que leur
objectif est d'augmenter en quelques années le prix du pétrole
canadien ou bien au niveau du prix international ou bien au niveau du prix de
Chicago qui lui-même, d'ailleurs, fluctue à la hausse assez
rapidement.
Le député d'Outremont disait: II est important de savoir,
dans ces questions, si on avance ou si on recule. Là, je lui rendrai
exactement son argument. Dans le cas du pétrole, quel est le sens du
mouvement? Il ne sait pas plus que moi si le premier ministre du Canada va
décider d'aller vite ou lentement, mais une chose est claire dans le
sens du mouvement, c'est que les deux gouvernements que nous avons eus depuis
quelque temps au Canada sont commis à augmenter le prix du
pétrole au niveau international ou au prix de Chicago. Cela, c'est
clair, c'est absolument clair et il n'y a jamais eu de doute là-dessus.
Ce qui veut dire que, d'ici quelques années, l'avantage dont nous
profitons comme consommateurs sera disparu ou à peu près. Qu'on
nous dise, à l'heure actuelle: C'est merveilleux ce qui se passe parce
que chaque contribuable peut empocher de l'argent, c'est très bien, mais
ça ne durera pas. Le sens du mouvement est à la disparition de
cet avantage-là. Donc, en tant que Canadiens, à supposer que nous
soyons encore Canadiens dans quelques années, comptons seulement sur une
chose, c'est que l'avantage présent sera disparu pour l'essentiel.
J'aborde finalement, Mme la Présidente, une question qu'a
soulevée le député d'Outremont et qui me paraît ici
fondamentale, mais je suis désolé d'avoir à l'aborder de
cette façon-là. Je ne pensais pas qu'on en était encore
à discuter de ces questions. Le député d'Outremont dit:
Dans un Québec souverain, le contrôle d'un certain nombre
d'institutions financières va être rapatrié au
Québec. C'est bien vrai. Combien cela va-t-il coûter? Mais, Mme la
Présidente, je ne pose pas
cela dans ces termes-là. Je dis: Combien cela va-t-il rapporter?
Mais des actions de banque, cela rapporte. Ce n'est pas exactement
considéré comme des titres risqués, ce n'est pas de la
spéculation minière, c'est un des placements de bon père
de famille depuis toujours. Cela rapporte et cela rapporte bien. Pour la
plupart des institutions dont parlait le député d'Outremont, il
dit: combien cela va-t-il coûter? Ce n'est pas combien cela va
coûter, c'est combien cela va nous rapporter.
A l'heure actuelle, de nouvelles émissions d'actions comportent
un avantage fiscal considérable. Le député d'Outremont
sait qu'à l'heure actuelle, on pourrait offrir trois fois plus de
nouvelles actions qu'on en a au Québec et elles seraient achetées
immédiatement. Il y a une demande qui dépasse largement l'offre
à cause des avantages fiscaux que nous avons donnés. Mais, dans
la mesure où des sociétés financières
émettraient de nouvelles actions pour ce qui serait substantiellement de
nouvelles sociétés au Québec, mais cela va se vendre comme
des petits pains. Regardons ce qui s'est passé avec la dernière
émission d'actions de la Banque de Montréal. La dernière
émission d'actions de la Banque de Montréal s'est vendue comme
des petits pains à peu près totalement au Québec. Est-ce
que le député d'Outremont va dire: Combien cela coûte-t-il?
Il ne demande pas combien cela coûte. C'est un paquet de
Québécois qui les ont achetées. Les
Québécois qui ont acheté cela n'ont pas l'impression que
cela leur coûte quelque chose, ils ont l'impression que c'est un
sacré bon placement. Effectivement, nous ferons de très bons
placements.
Je termine simplement en mentionnant la question de la Caisse de
dépôt qu'a soulevée le député d'Outremont. Il
disait: La Caisse de dépôt investit déjà de l'argent
dans des entreprises. Sans doute, mais alors, dit-il: Où va-t-elle aller
chercher les sommes pour rapatrier le contrôle de certaines entreprises?
Il y a des réponses immédiates et évidentes. Est-ce qu'on
sait, par exemple, que la Caisse de dépôt possède, à
l'heure actuelle, $443 000 000 d'obligations du gouvernement
fédéral? Il y a là une possibilité, j'allais dire,
de substitutions presque immédiate. Il y a $500 000 000 à la
Caisse de dépôt à placer, à placer demain matin,
dans les circonstances qu'évoquait le député d'Outremont,
$500 000 000.
Je termine, Mme la Présidente, en revenant à mon point de
départ. Les perspectives, je pense, qu'on évoque souvent à
rencontre de la souveraineté-association, ne tiennent pas compte
suffisamment de la capacité de l'économie du Québec de
fonctionner comme une économie dont le gouvernement est souverain. On
garde un certain nombre de complexes d'infériorité, à mon
sens, totalement inutiles. La souveraineté pour le Québec est
l'instrument de sa prospérité et l'association économique
avec le reste du Canada est le maintien de liens que nous considérons
utiles. Je m'arrête là, Mme la Présidente, pour le
moment.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député
d'Outremont.
Enoncés additionnels
M. Raynauld: Merci, Mme la Présidente. J'aurais quelques
remarques à faire avant de passer à un autre sujet et avant de
passer la parole à mon collègue. J'aurais peut-être
quelques remarques complémentaires à faire pour clarifier et
rétrécir les domaines de divergence. Prenons d'abord les centres
de décisions. Je suis bien d'accord avec le ministre des Finances que
les centres de décisions sont importants et qu'il peut y avoir une
différence quand une décision est prise par quelqu'un qui est
à un certain endroit dans le monde plutôt qu'à un autre. Je
voudrais cependant lui faire remarquer deux choses. La première, c'est
que le succès ou les échecs des décisions qui sont prises
dépendent d'un ensemble de règles et que, tant qu'on n'a pas
défini ces règles-là, on ne sait pas si les
décisions qui seront prises seront avantageuses ou non.
Les règles ont trait à la politique commerciale. Voici un
premier exemple. Si un pays fait partie du monde je pense bien que le
Québec veut encore en faire partie il va être soumis
à un certain nombre de règles de comportement qui vont indiquer
qu'en ce qui concerne la politique commerciale, l'entreprise ne pourra pas
vendre en bas du prix coûtant, c'est du dumping; il ne pourra pas faire
ça. Cela veut dire aussi que si le gouvernement qui prend ces
décisions, se met à vouloir empêcher l'importation d'un
certain nombre de produits pour protéger ses propres producteurs, par
exemple en agriculture ou dans d'autres domaines, il doit s'attendre que
d'autres pays fassent de même. Ces règles vont déterminer
la liberté de manoeuvre qui va rester à ces preneurs de
décisions. Tant qu'on n'a pas défini ces règles, on n'a
pas changé quoi que ce soit aux possibilités de
développement ou aux possibilités de ralentir ce
développement, même si les centres de décision ont
été déplacés.
Parmi les règles, il y a celles qui concernent la monnaie et le
financement des transactions extérieures. Si vous faites un
déficit intenable dans votre balance des paiements, si ce ne sont pas
d'autres organismes internationaux, comme le fonds monétaire
international qui vous imposeront des décisions, ce sera le pays ou le
gouvernement lui-même qui voudra prendre des décisions, de
façon à corriger un déficit éventuel dans sa
balance des paiements. Par conséquent, le preneur de décisions
fera face à un certain nombre de règles de ce genre; de la
même façon, le preneur de décisions va faire face à
un certain fardeau fiscal. Le gouvernement va prendre des décisions et
va imposer, comme dans tous les pays ce n'est pas une exception
des impôts à des entreprises, à des individus et le preneur
de décisions prend ça comme une donnée. Lorsque ce fardeau
fiscal est plus élevé à un certain endroit, il tend
à aller ailleurs. Lorsque le fardeau fiscal est plus favorable, il reste
là. C'est la première chose.
Il me semble que si on veut convaincre qui que ce soit sur la
validité de déplacement de centres de décision et dire:
simplement le fait que
nous prenons les décisions nous-mêmes, nous allons avancer,
je pense que c'est insuffisant. Il faut définir quel est le milieu, les
règles suivant lesquelles ces décisions seront prises.
Revenons à une de ces règles. Par exemple, le fardeau
fiscal. Si on est obligé d'avoir un fardeau fiscal plus
élevé à cause de toutes sortes de politiques qu'on a mises
en place, le preneur des décisions, même s'il est
Québécois pure laine, va faire face à des
difficultés que d'autres n'auront pas. Il va donc perdre sa
capacité concurrentielle et, je le répète, même s'il
est Québécois pure laine, il n'obtiendra pas les résultats
désirés.
Deuxième observation sur les centres de décision.
J'attache, comme je l'ai dit, une importance au centre de décision; mais
comment se fait-il que, si on attache une aussi grande importance au centre de
décision, on trouve acceptable et indifférent que des centres
quittent le Québec? Ces centres de décision à l'heure
actuelle quittent le Québec, ils le quittent depuis 25 ans; on l'a assez
dit. Ces centres de décision qui quittent le Québec, est-ce que
c'est une augmentation dans la capacité interne de gérer notre
économie ou si, au contraire, c'est un affaiblissement? Je
prétends que c'est un affaiblissement. J'irai plus loin, je
prétends que si la souveraineté-association se produit, il va y
avoir des départs encore plus nombreux, parce que tous les gens sont
d'accord sur un fait, lorsque nous avons des entreprises nationales et qu'un
marché est à 75% dans un endroit plutôt que dans l'autre,
vous n'allez pas établir votre centre de décision dans le plus
petit des deux. C'est même vrai pour les Etats-Unis également; il
y a des entreprises québécoises ou ontariennes qui quittent le
Québec ou l'Ontario pour aller aux États-Unis, parce que leur
marché s'y trouve. (11 heures)
Je ne comprends pas comment il se fait qu'avec un
rétrécissement de notre marché, en devenant
indépendant, on va pouvoir avoir plus de centres de décision pour
des entreprises qui font affaires à l'extérieur. Et pourtant,
faire affaires à l'extérieur, ce n'est pas parce que ce sont des
Québécois ou pas des Québécois. Quand le ministre
des Finances dit que ce n'est pas parce qu'on est Québécois que
nous sommes nécessairement des petites entreprises, ce n'est pas cela le
problème. Ce n'est pas cela du tout. Le problème est de savoir
si, avec les règles du jeu qui sont établies non seulement par
nous, mais qui sont établies en liaison avec le reste du monde, on a une
orientation qui va accroître la possibilité d'avoir de ces
sièges sociaux, avoir de ces entreprises nationales et internationales,
même québécoises. Est-ce qu'on va en avoir plus ou si on va
en avoir moins avec le rétrécissement du marché que la
souveraineté-association implique, de toute évidence, par rapport
à un marché canadien?
Ce sont les remarques que je voulais faire à propos des centres
de décision.
En ce qui concerne le pétrole, je ne sais pas si on va finir pas
s'entendre là-dessus. Le ministre des Finances dit; Oui, on a un
avantage, profitons- en. Ce n'est pas cela qu'il veut faire. Il veut faire
l'indépendance du Québec et on ne l'aura plus, l'avantage.
Qu'est-ce que c'est cette affirmation, profitons-en? Ce que vous proposez,
c'est justement de l'abandonner, cet avantage. S'il dure cinq ans, s'il dure
dix ans, quelle que soit la durée de cet avantage, ce que vous proposez,
c'est de l'abandonner. Et vous nous dites: Oui, on en profite. Profitons-en. Ce
n'est pas cela que vous dites. Vous ne dites pas: Profitons-en. Vous dites: On
s'en fout. On va le perdre, le montant de $3 000 000 000 pour 1980. On va le
perdre. Et on propose cela à la population du Québec. On ne
propose pas de le conserver. On propose d'abandonner cet avantage pour la
durée qu'il sera là.
Deuxième point, sur la durée. Est-ce que vraiment on peut
affirmer avec une certaine assurance aujourd'hui que le Canada, avec le genre
de ressources qu'il a, avec le genre de compétitivité qu'il a
dans le monde, avec les difficultés qu'il a eues historiquement pour
créer des emplois, est-ce que vraiment le ministre des Finances pense
que cela va être d'ici deux ou trois ans que le Canada va décider
d'avoir le prix mondial sur le pétrole? Je ne le pense pas.
Récemment, d'ailleurs, le nouveau ministre de l'Energie a justement dit
que le provisoire durerait longtemps là-dedans.
Je ne crois pas et il n'y a pas de base pour donner cette
assurance que cela va durer seulement quelques années. Les
dossiers sont là pour le prouver. Le gouvernement actuel a
annoncé qu'il n'y aurait plus de pétrole dans l'Ouest pour 1978,
pour 1979, pour 1980, pour 1983. Là, il est rendu à 1985. Cela a
toujours été démenti par les faits. Toujours. C'est parce
que le monde bouge, parce que le monde change. Pendant qu'on calculait un petit
écart avec le prix mondial qui était à $8 au début
de 1979, à la fin de l'année 1979, nous sommes rendus à
$15 ou $16 d'écart, parce que le reste du monde a bougé aussi. Il
n'y a pas seulement nous qui bougeons là-dedans. Le reste du monde aussi
bouge. Par conséquent, il ne faut pas simplement avancer pour rester en
place. Il faut aussi rattraper le reste du monde.
Par conséquent, cet avantage du pétrole est
considérable, il est susceptible de durer un bon nombre d'années
et ce que propose le gouvernement à l'heure actuelle, en abandonnant cet
avantage, est de pénaliser les Québécois. Cela, on appelle
cela contribuer à leur développement, contribuer à leur
prospérité.
En ce qui concerne les placements, je dirai seulement quelques mots
là-dessus. Le ministre des Finances dit: On va se poser la question
à savoir combien cela rapporte d'investir dans les banques. C'est un jeu
de mots. Si c'était vrai, s'il vivait dans ce monde où tout
était possible, pourquoi ne le fait-il pas maintenant? Et pourquoi le
ministre des Finances n'est-il pas millionnaire lui-même,
personnellement? C'est facile. Il nous dit que c'est payant d'acheter des
actions dans les entreprises. Pourquoi tout le monde n'est-il pas millionnaire
ici? Il y a une petite raison à cela: c'est qu'ils n'ont pas d'argent
pour faire l'investissement.
C'est quand même dépasser les bornes que d'aller demander
combien cela rapporte, puisque ce sont des "blue chips" et il y a une demande
à l'heure actuelle ou il y a une offre de fonds à l'heure
actuelle qui dépasse la demande. Je veux bien, mais le problème
n'est pas là, le problème est de savoir si on a les fonds pour
faire ces placements, ces investissements. Je prétends qu'avec les
données que nous avons à l'heure actuelle, il va y avoir moins
d'argent lorsque le Québec acquerra son indépendance qu'il en a
aujourd'hui il en aura moins, pas plus et, par conséquent,
je me demande, étant donné que tous les fonds à l'heure
actuelle sont quand même placés, où il va aller chercher
l'argent. S'il n'aime pas ma question: Combien cela coûte-t-il? je vais
lui demander: Où va-t-il aller chercher l'argent? De la même
façon que, pour un individu, il faut quand même avoir les fonds
pour faire des placements. Quand on n'a pas les fonds, on peut en emprunter un
peu, mais, à un moment donné, on ne peut plus placer, même
si cela rapportait énormément, si le rendement était
extrêmement élevé. C'est cela le vrai problème.
On va parler de la Caisse de dépôt et placement du
Québec. Le ministre des Finances sait très bien que la Caisse de
dépôt et placement du Québec n'est pas un réservoir
sans fonds, ce n'est pas un puits sans fonds. La Caisse de dépôt
et placement du Québec, je veux bien qu'elle ait $10 000 000 000 d'actif
à l'heure actuelle, mais ces $10 000 000 000 d'actif servent à
quelque chose. Ils servent à financer le gouvernement en particulier.
Ils servent à financer Hydro-Québec aussi. Il y a $1 000 000 000
de placés dans des actions. C'est très bien. Mais ce qu'on
propose, c'est combien de milliards de placements additionnels on propose. A ce
moment-là, cette Caisse de dépôt et placement du
Québec, quand viendra le moment où... Etant donné que ce
n'est pas encore une fois la manne du désert, cette Caisse de
dépôt et placement du Québec, elle accumule des fonds
à l'heure actuelle. A un moment donné, elle va peut-être
finir par ne plus en accumuler. En 1990, la réserve va commencer
à baisser, si ma mémoire est bonne, sur les chiffres de la Caisse
de dépôt et placement du Québec. On pourra bien dire
à ce moment-là: On aura des milliards et des milliards de
dollars, mais cette Caisse de dépôt, elle accumule des
réserves et des fonds pourquoi? C'est pour payer des pensions. Si on
s'en va, comme le ministre je ne sais plus le ministre de quoi a
dit l'autre jour, la Caisse de dépôt et placement du Québec
pourrait placer de l'argent dans les actions, là-dedans... On devrait au
moins multiplier par deux ou trois la proportion des fonds consacrés
à des placements dans des actions. Je veux bien, mais, pendant ce
temps-là, si on place l'argent là, on ne le place pas ailleurs.
Est-ce que ce genre de placements pour faire du développement et courir
des risques, cela appartient à une entreprise qui doit payer des
pensions aux gens ou est-ce qu'on ne court pas des risques excessifs, compte
tenu de la vocation d'une entreprise comme celle-là? En tout état
de cause, à moins de vouloir relever les impôts, les contributions
à cette Caisse de dépôt et placement du Québec, il
est certain que les fonds doivent s'accumuler de façon de moins en moins
rapide, étant donné qu'on est encore dans une période de
rodage, et comment peut-on penser que cette Caisse de dépôt et
placement du Québec fournira toutes les sommes auxquelles nous pouvons
penser pour faire des placements?
A ce moment-là, je dirai: Si on est prêt à acheter
toutes les banques, toutes les fiducies, toutes les sociétés
d'assurance qui ne sont pas des mutuelles, pourquoi aussi ne pas acheter le
reste du monde, pourquoi ne pas acheter des entreprises? Il y en a qui ont
essayé cela. Achetons les entreprises américaines; achetons
l'Allemagne; achetons le reste du monde. Combien est-ce que cela rapporte? Cela
rapporte beaucoup d'acheter des actions de la BMW. Cela rapporte; alors
plaçons l'argent là-dedans. C'est bien évident que ce
n'est pas une réponse. On ne peut pas placer des fonds illimités,
parce qu'il y a quand même telle chose et qu'il y a un besoin d'avoir les
ressources de financement pour faire ces placements.
Ah oui! le déficit fédéral. J'oubliais. Le
déficit fédéral, c'est une bonne blague. Ce n'est pas un
problème, une augmentation de 20%. Je le sais bien, le ministre des
Finances aurait aimé que je lui dise que cela aurait été
200% ou 300%. Il aurait pu l'attaquer d'une façon encore bien plus
efficace, mais non, 20% d'augmentation, ce n'est rien, ce n'est rien du tout. A
l'heure actuelle, le déficit est déjà à $2 300 000
000, il est déjà à 15% des recettes gouvernementales. Ce
n'est pas un problème. On le voit bien, ce n'est pas un problème.
Cela monte à 24%. Regardons donc le gouvernement fédéral,
il est déjà à 25%. Il oublie une petite chose, le ministre
des Finances, il oublie que l'économie canadienne, à ma
connaissance, est un peu plus grosse que l'économie du Québec,
presque trois fois.
M. Bérubé: C'est relatif.
Est-ce que le ministre des Finances propose également qu'il n'y
aura pas d'union monétaire, qu'il va pouvoir imprimer les billets avec
un accès à la banque centrale, de la même façon que
le gouvernement fédéral à l'heure actuelle? Est-ce que
c'est cela qu'il nous dit? S'il nous dit qu'il va avoir accès à
la banque centrale, qu'il va pouvoir financer son déficit, à ce
moment, j'accepterai la comparaison, mais, aussi longtemps qu'il proposera une
union monétaire avec les conditions attachées à l'union
monétaire, je ne peux pas accepter de comparer la possibilité de
financer un déficit quand on est un gouvernement fédéral
ou qu'on est un pays indépendant associé et faisant partie d'une
union monétaire. Cela ne se compare pas.
En ce qui concerne les revenus, on les prend; et les pourcentages que
nous utilisons des recettes gouvernementales? Il est bien évident que ce
pourcentage est d'autant plus bas que les recettes ou les dépenses du
gouvernement sont élevées
par rapport au produit intérieur brut. Peut-être que le
ministre de l'Energie et des Ressources ne comprend pas cette histoire, mais il
faudrait qu'il se la fasse expliquer. Le gouvernement du Québec, avec le
gouvernement fédéral, a une proportion de recettes publiques de
43% ou 44%, à l'heure actuelle. Pour l'Ontario, c'est 38% ou 36%; pour
l'Alberta, c'est 28%. Quand on prend ces choses, qu'on dit qu'on a un
déficit de 24% des recettes et que ces recettes sont très
élevées, elles sont peut-être les plus
élevées au Canada en pourcentage du produit intérieur
brut, cela renverse l'argument qui vient d'être
présenté.
Au contraire, cela voudrait dire, à ce moment, que cela
représenterait un fardeau beaucoup plus élevé pour nous,
en termes de la capacité de payer et de l'économie dans son
ensemble, que d'avoir un pourcentage de 24%. Autrement dit, on ne peut pas non
plus comparer 24% à 24% indépendamment de la relation entre les
recettes publiques et le produit intérieur brut. C'est pour cela que je
n'accepte pas la réponse qui a été donnée sur ce
point. Au contraire, je pense qu'il faut dire que nous augmenterions, avec ce
genre de rapatriement où on rapatrie non pas des ressources, mais on
rapatrie des déficits et on rapatrie des obligations on perd $4
000 000 000 en passant on augmente le poids de la fiscalité au
Québec, ou on augmente les engagements que nous prenons pour l'avenir,
ou bien on est obligé de réduire le niveau des services publics,
alors qu'à l'heure actuelle, à peu près tous les ministres
se promènent de village en village dans le Québec pour promettre
davantage, pour promettre plus de fonctionnaires fédéraux, pour
promettre des services publics encore plus élevés, pour promettre
des programmes sociaux encore plus élevés que ceux que nous avons
à l'heure actuelle. On dit que ce sont des engagements additionnels
qu'on prend avec des ressources qui seront moindres. J'arrêterai
là, M. le Président.
Le Président (M. Michaud): M. le ministre des
Finances.
M. Parizeau: M. le Président, je vais essayer de
répondre à un certain nombre de choses qu'a
présentées le député d'Outremont, d'élargir
peut-être aussi un peu le débat. Quand j'arriverai, cependant, aux
questions pétrolières, je pense que là, je demanderai
à mon collègue, le ministre de l'Energie et des Ressources, de
faire une intervention là-dessus.
Le député d'Outremont nous dit: Les centres de
décisions sont soumis à un certain nombre de règles de
fonctionnement qui sont normalement établies par les pouvoirs publics ou
négociées par les pouvoirs publics; bien sûr,
évidemment. Dans l'état actuel des choses... Il note deux grands
types de règles de comportement en ce qui a trait à la politique
commerciale, la douane, le commerce extérieur et ce qui est lié
à la monnaie. Je suis parfaitement d'accord, tout à fait
d'accord.
A l'heure actuelle, comment les règles de la politique
commerciale ou du commerce extérieur du
Canada sont-elles établies? Elles sont établies par un
gouvernement, tout seul, qui traite les gouvernements de province à peu
près comme des compagnies, c'est-à-dire que, si on veut
présenter au gouvernement fédéral nos idées sur le
genre de négociations qu'il devrait faire avec les autres pays, on est
bienvenu de le faire, comme à peu près n'importe quel homme
d'affaires, mais c'est le gouvernement fédéral qui décide
tout seul. (11 h 15)
Sur le plan de la monnaie, toutes les décisions fondamentales
sont prises par qui? Par le ministère des Finances à Ottawa et
par la Banque du Canada. Comment? Seuls. Consultation avec les provinces? Rien!
Là, on n'est même pas traité comme des enfants. On est
traité aussi comme des hommes d'affaires, parce que les hommes
d'affaires n'ont pas un mot à dire, eux non plus. Ils ne sont même
pas consultés. Cela peut donc, de notre point de vue, ne pas être
pire, quoi qu'il arrive. Quoi qu'il arrive, ça ne peut pas être
pire que la situation actuelle. On le sait bien quand on sait combien de
premiers ministres du Québec ont demandé, au cours des 20
dernières années, que le Québec soit consulté sur
la politique commerciale, qu'il participe aux décisions de la Banque du
Canada, au moins dans la mesure où il pourrait être associé
au conseil d'administration comme gouvernement. Cela fait quoi, 20 ans? que M.
Lesage, M. Johnson et M. Bourassa ont demandé ça. Rien! Rien du
tout!
Que proposons-nous, comme changement, dans les règles du jeu?
C'est qu'en même temps qu'on établit la souveraineté, la
politique douanière du Canada serait quelque chose sur lequel nous
aurions un mot à dire. Pas tous les mots à dire, bien sûr!
Cela se fait a deux, évidemment. Ce n'est pas nous qui mènerions,
et on ne gagnerait pas toujours quand on demanderait quelque chose; mais, au
moins, on serait associé aux décisions, ce qui n'est pas le cas
actuellement.
Sur le plan de la politique monétaire et des règles, d'une
façon générale, qui régissent la monnaie, on dit:
On voudrait participer à ces décisions. On ne gagnerait pas
à tout coup. Nos représentations ne seraient pas toujours
retenues. Parfois, il faudrait faire des compromis. Souvent, il faudrait faire
des compromis. Mais ce serait quand même mieux que la situation actuelle
où on n'a pas un mot à dire.
Quand on nous dit: La souveraineté-association n'améliore
pas les règles du jeu, je dis: Oh! oui, elle les améliore! Elle
les améliore considérablement, parce que les règles, de
notre point de vue, ne peuvent pas être pires qu'actuellement. On ne peut
pas descendre ce n'est pas comme la température en bas de
zéro, dans ce domaine. Actuellement, on est à zéro.
Toujours à partir du principe célèbre du yo-yo, quand on
est à zéro, ça peut seulement remonter; ça ne peut
pas descendre.
Il est clair que, sur le plan des règles du jeu, je suis tout
à fait d'accord avec le député d'Outremont pour dire;
C'est très important, les règles du jeu, pour voir comment les
centres de décision
peuvent fonctionner. Mais, quand les règles du jeu sont à
notre avantage pour exactement zéro, dans l'état actuel des
choses, ce que nous proposons ne peut être qu'une
amélioration.
La question du fardeau fiscal aussi est importante. Les centres de
décision au Québec vont fonctionner plus ou moins bien, selon que
le fardeau fiscal sur les contribuables va être très lourd ou
moins lourd, forcément. C'est évident. Il est très
intéressant, à cet égard, de voir que le
député d'Outremont me confirme, une fois de plus, que les chif
res qu'il vient de nous montrer sur le déficit d'un Québec
souverain, c'est éminemment faisable. Son tableau, je vous assure, je
vais le faire circuler longuement. Il est remarquable, ce tableau. J'ajouterai
juste une page cependant pour faire les pourcentages, comme je l'ai fait tout
à l'heure. Il est remarquable.
Le député d'Outremont nous dit: Mais, cela n'a pas la
même signification, des pourcentages, selon que c'est petit ou que c'est
gros. Est-ce qu'il est en train de me dire que 10% sur un petit placement,
c'est moins bon que 10% sur un gros placement? C'est toujours 10%. On a
établi ça en pourcentage. 10% sur $1000, c'est tout aussi bon que
10% sur $10 000. C'est un aussi bon placement. Non. Le fait est que le
député d'Outremont a clairement démontré que, sur
le plan du déficit auquel aurait à faire face un Québec
souverain, c'est tout à fait faisable et dans des conditions meilleures
qu'à l'heure actuelle, la façon dont le système
fédéral-provincial porte ses déficits. Ce serait plus
facile.
Un Québec souverain, selon ce qu'il vient de nous
démontrer, c'est plus faisable que le fédéralisme
canadien. Parfait!
Mais, revenons au fardeau fiscal lui-même, parce que ça,
c'est important. Il est très important que le fardeau fiscal au
Québec baisse. C'est très exactement ce qu'on a
réalisé depuis trois ans.
Quand on compare le fardeau fiscal au Québec de tous les
impôts perçus par le gouvernement du Québec, y compris les
taxes foncières scolaires... J'inclus les taxes foncières
scolaires, parce que, comme on vient de les supprimer au Québec et que
nous allons porter toutes les dépenses de l'Education à
même le budget du Québec, quand on se compare à l'Ontario,
par exemple, il faut incorporer les taxes foncières scolaires, parce
qu'elles existent dans cette province. Donc, toutes les taxes des deux
provinces, Québec et Ontario, plus les taxes scolaires, qu'est-ce que
ça donne comme fardeau fiscal?
En 1977-1978, la première année où on a
commencé à faire la réforme fiscale au Québec et
à réduire les impôts systématiquement, on a eu un
fardeau fiscal au Québec qui était de 20% plus
élevé qu'en Ontario, 20,3%. L'année suivante, en
1978-1979, seulement 17,7% plus élevé qu'en Ontario. En
1979-1980, 13,5% de plus qu'en Ontario. Cette année, en 1980-1981, on le
saura quand le discours sur le budget va sortir là-bas, il faudrait,
pour rester à 13,5% plus haut, que l'Ontario donne $500 000 000 de
baisse d'impôt. Si on ne donne pas $500 000 000 de baisse d'impôt
dans la paroisse voisine, à supposer que leurs impôts ne changent
pas, on va tomber peut-être, en 1980-1981, à 10% au-dessus de
l'Ontario.
Ce que ces gens d'en face nous ont laissé, c'était une
situation où le fardeau fiscal était de 20% plus haut que la
province voisine, et le gouvernement actuel a ramené cela probablement,
en trois ou quatre ans, à 10% seulement. On a coupé cela de
moitié et on continue, on n'a pas fini. Cela, ce n'est pas la moindre
des réalisations du présent gouvernement que par ses
réductions de taxe de vente, par la réforme fiscale municipale,
par la réduction de l'impôt sur le revenu, on aura réussi
à baisser de près de la moitié la différence entre
le fardeau fiscal énorme qu'on avait par rapport à l'Ontario
quand ces gens ont quitté le pouvoir. Oui, bien sûr, le fardeau
fiscal est important, j'en suis parfaitement conscient. C'est la raison pour
laquelle le fardeau fiscal, on le baisse par rapport à l'Ontario
systématiquement depuis trois ans.
Comme je le disais tout à l'heure, pour ce qui a trait au
pétrole, je demanderais à mon collègue, le ministre de
l'Energie et des Ressources, d'intervenir à ce sujet tout à
l'heure et je vais passer, puisque le temps coule assez rapidement, à
certaines des autres observations du député d'Outremont.
Je vous avouerai que je ne comprends pas, à nouveau, ce qu'il me
dit sur l'aptitude de l'économie du Québec à acheter des
actions, de l'ensemble des Québécois à acheter des actions
d'entreprises. Il a l'air de considérer qu'il y a une espèce de
réservoir invariable qui peut être affecté par les
Québécois à des achats d'actions. Il n'y a rien
d'invariable là-dedans. Quand on a établi, l'année
dernière, le plan d'épargne-actions, on a constaté dans
l'année qui a suivi qu'il se vendait, au Québec autant de
nouvelles actions d'entreprises chaque mois qu'il s'en vendait les
années précédentes par année, et il en manque.
Je ne comprends pas. Il est évident que le plan
d'épargne-actions et tous les courtiers le disent, il suffit de
connaître n'importe qui dans les milieux financiers ça
marche! A l'heure actuelle, si on pouvait doubler les émissions de
nouvelles actions chez les Québécois, les Québécois
les achèteraient. Qu'on ne vienne pas nous dire: Ils manquent d'argent,
on vend tous les mois des actions autant qu'on en vendait avant, chaque
année.
Je reviens maintenant et je termine là-dessus
à la question de la Caisse de dépôt. Je vous avouerai que
je ne saisis pas très bien. La réserve de la Caisse de
dépôt, dit le député d'Outremont, va tomber.
Forcément, pour ce qui a trait à la partie régime des
rentes, ça fait depuis la création de la Caisse de
dépôt qu'on sait que la réserve va tomber, et c'est vrai du
Canada Pension Plan, d'ailleurs, de la même façon et à la
même vitesse. C'est la raison pour laquelle on sait bien que pour assurer
les pensions, à un moment donné, les contributions au
régime de rentes, au Québec comme au Canada parce que les
deux plans sont presque identiques cela va avoir
augmenté. Quand? Dans deux ans, dans trois ans, je ne le sais
pas, mais il y a une chose qui est certaine, c'est que ça va augmenter,
et des deux côtés, au Canada comme au Québec parce que le
fonds a été créé comme cela en 1965. Tous les
actuaires savent cela depuis quatorze ans, maintenant. Eventuellement, la
réserve va tomber.
Je voudrais cependant que le député d'Outremont fasse
attention à quelque chose, il y a une deuxième grande source
d'alimentation de la Caisse de dépôt qui, elle, ne va pas tomber,
c'est l'assurance automobile. Là, ça ne tombe pas, au contraire,
les projections sont à l'effet d'une croissance considérable pour
des années et des années à venir. Si bien que la Caisse de
dépôt reste fondamentalement l'instrument qui avait
été envisagé il y a quatorze ans, quand M. Lesage a
créé cette société d'État,
c'est-à-dire que la moitié ou à peu près, un peu
plus de la moitié des sommes qui vont à la Caisse de
dépôt servent à alimenter les corps publics et l'autre
moitié est disponible soit pour le financement d'institutions, le
financement de sociétés commerciales ou industrielles, soit sous
forme d'obligations ou d'actions sur le crédit hypothécaire, sur
l'achat d'immeubles, dans certains cas c'est le plus gros réservoir de
capitaux de cet ordre qu'il y a. La caisse de dépôt n'est pas le
plus gros actionnaire de compagnies au Québec, c'est le plus gros pool
d'actions au Canada, et ça s'adonne que ça appartient aux
Québécois.
Alors, qu'on ne cherche pas à réduire le rôle que
peut jouer un instrument comme celui-là, c'est le plus gros portefeuille
d'actions au Canada et, encore une fois, les fonds s'en accroissent chaque
année de façon considérable. Les fonds que la caisse de
dépôt en 1980 va pouvoir placer soit dans les corps publics, soit
dans les entreprises, dépassent $2 000 000 000 pour la seule
année 1980. Qu'on ne cherche pas à ramener cela à quelque
chose d'insignifiant, ce n'est pas insignifiant, c'est considérable.
Mais, dit le député d'Outremont, peut-être qu'en se
servant de cela comme instrument de contrôle économique, du
développement économique, on prend des risques avec l'argent de
nos pensions? On ne prend pas des risques avec l'argent de nos pensions en
utilisant de l'argent pour placer cela dans nos entreprises. Au contraire.
D'autre part, si je comprends bien le député d'Outremont, s'il
pense que la caisse de dépôt ne devrait pas placer de l'argent
dans des actions pour les financer et placer cela seulement auprès du
gouvernement de Québec, comme c'est le cas pour toutes les autres
provinces canadiennes d'ailleurs, je lui annonce que je n'ai rien à
emprunter cette année.
Il peut se battre les flancs autant qu'il voudra sur le déficit
du gouvernement du Québec, moi, je n'ai absolument rien à
emprunter auprès des marchés privés, parce que la caisse
de dépôt va me fournir tout l'argent dont j'ai besoin. Alors,
qu'il se branche. Ou bien il me dit: La caisse de dépôt ne devrait
pas acheter d'actions pour développer le Québec et je lui dis
à ce moment-là: Dans ces conditions, il faut bien qu'il
achète essentiellement des actions du gouvernement de Québec et
qu'il cesse de taper sur mon déficit, je n'ai absolument plus besoin
d'aller emprunter sur les marchés quoi que ce soit. C'est l'un ou
l'autre.
Ceci étant dit, je termine simplement par un certain nombre de
considérations qui me paraissent un petit peu plus fondamentales. Nous
disposons au Québec d'un certain nombre d'instruments comme
ceux-là, qui nous ont permis de faire un bon bout de chemin, qui nous
ont permis, en somme, au moins de nous préparer au Québec
à prendre la relève, à faire en sorte qu'à un
moment donné, quand le public sera prêt à nous donner un
mandat à cet effet, on puisse faire du Québec un pays souverain.
Ces instruments-là, cela fait maintenant, selon les cas, cinq ans, six
ans, dix ans, quinze ans qu'on les utilise, qu'on s'en sert, qu'on voit en
somme, grâce à ces instruments, que nous pouvons fonctionner comme
une nation normale.
Il faudrait faire très attention à cet égard de ne
pas s'imaginer que l'idée même de la souveraineté sur le
plan économique est apparue hier ou il y a peu de temps. Au fond, quand
on regarde cela dans une certaine perspective historique, tous les gestes qui
ont été posés par des gouvernements successifs qui
n'étaient pas indépendantistes, qui étaient
fédéralistes, ces gestes-là, au fond, logiquement et
profondément, n'amenaient tôt ou tard que cette
échéance de la souveraineté. La caisse de
dépôt en est un exemple typique. C'est l'instrument par excellence
d'un gouvernement souverain. Il y manque simplement l'aptitude, par exemple,
à devenir une banque centrale, mais déjà beaucoup des
attributs d'une banque centrale, il les a. C'est très curieux de penser
qu'en 1965, alors que finalement il n'y avait ni d'un côté ni de
l'autre de la Chambre d'indépendantistes, des instruments comme
ceux-là, qui préfigurent au fond la souveraineté d'un
pays, étaient déjà créés. Voilà.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député
de Notre-Dame-de-Grâce.
M. Scowen: Merci, Mme la Présidente. Je pense d'abord que
cette occasion a un avantage très important, déjà ce
matin, et c'est le fait que nous nous sommes entendus je pense, pour la
première fois, sur le bilan de l'An I de l'indépendance. Je sais
très bien que le Parti québécois trouvait il y a quelques
années que ce bilan était un piège dans lequel il
était tombé, mais, cette fois-ci, ce matin, le
député d'Outremont a sorti un document avec lequel le ministre se
disait d'accord sur les chiffres essentiels. Il disait, en effet: Je trouve que
je suis prêt à le faire circuler parce que c'est une preuve que
c'est faisable. Alors, Mme la Présidente...
M. Parizeau: Est-ce qu'on peut soulever une question de
privilège en commission, Mme la Présidente?
M. Scowen: ... moi je suis persuadé qu'on va utiliser ce
document ensemble pour discuter-La Présidente (Mme Cuerrier):
Non, vous pourriez intervenir, M. le ministre.
M. Scowen: ... pendant les semaines à venir... (11 h
30)
M. Grégoire: Question de règlement, par contre.
M. Scowen: ... si c'est faisable ou non. Le ministre des Finances
disait: c'est faisable, quant à moi, c'est le déficit de la
première année, $3 900 000 000, parce qu'il faut comprendre que
le déficit du fédéral est même plus
élevé.
Mme la Présidente, nous allons combattre le ministre et le
gouvernement pendant les prochaines semaines sur cette idée. Tout le
monde est conscient que le déficit fédéral n'est pas un
déficit supportable, c'est un déficit qui a été
critiqué par tout le monde depuis longtemps. Le ministre des Finances a
critiqué lui-même ce déficit et, de plus, la meilleure
façon pour le gouvernement fédéral de réduire son
déficit, à ce moment-ci, c'est de se débarrasser du
Québec, parce que, dans le budget de Crosbie, qui date de quelques mois
maintenant, il a prévu un déficit de $9 400 000 000. Si le
Québec ne faisait plus partie du Canada, le déficit du Canada
serait réduit d'exactement le même montant, c'est-à-dire
que le déficit du Québec serait augmenté de $3 600 000
000.
En effet, avec l'indépendance du Québec, les
Québécois vont recevoir un fardeau fiscal additionnel par
année d'à peu près $2400 et les contribuables du reste du
Canada vont recevoir un bénéfice de $18 000 000, à peu
près $900 par famille, parce qu'il en coûte aux Canadiens du reste
du Canada à peu près $900 par famille, chaque année, en
paiement aux contribuables et au gouvernement du Québec.
Alors, le déficit du fédéral n'est pas supportable.
Le ministre des Finances ne peut pas, quant à moi, justifier un
déficit, ici au Québec, qui sera de l'ordre de $6 000 000 000
l'année prochaine; avec les chiffres qui sont donnés ici et le
déficit qu'il prévoit lui-même pour cette année, il
ne peut pas justifier, devant la population du Québec, un déficit
annuel d'à peu près $4000 par famille, durant la première
année d'un Québec indépendant.
Mme la Présidente, je veux quand même passer à
quelques questions au ministre. Ce sont des précisions sur le programme
d'association que nous voulons ce matin. Le ministre disait tantôt, dans
sa réplique à mon collègue, que l'objectif de la
souveraineté-association était "de rapatrier quelques centres de
décisions, sur le plan économique". C'est connu depuis longtemps.
On a entendu les députés, pendant le débat
référendaire, dire: On veut reprendre les choses en main, on va
prendre nos propres décisions économiques; on le comprend.
Il dit, en même temps: Nous voulons garder l'association
économique avec le reste du Canada, nous voulons maintenir une union
douanière, une union monétaire, ainsi de suite. Alors, M. le
ministre, les questions que je veux vous poser ce matin, c'est pour vous
demander de préciser un peu où vous vous situez entre les deux
pôles qui sont très différents: l'un est de reprendre les
centres de décision économiques pour nous-mêmes, l'autre
est de garder une association économique à peu près comme
celle que nous avons aujourd'hui. Il existe une tension entre ces deux
pôles et le problème que nous avons, tous les
Québécois, avec votre proposition d'association, c'est que vous
n'avez jamais précisé exactement, ou même
approximativement, ce que vous voulez faire pour régler la tension entre
les deux.
J'ai préparé ce matin, Mme la Présidente, une
série de questions et je pense que, si le ministre veut s'engager
à répondre brièvement à chacune de ces questions,
ça peut donner à la population une meilleure idée pour
savoir où il se situe entre ces idées d'association
économique avec le reste du Canada, comme il l'appelle, et l'idée
de reprendre tous les centres de décision économiques, ici, pour
les Québécois.
Avant de poser les questions, je veux souligner un point à la
suite d'une déclaration que le ministre a faite il y a quelques minutes.
Je pense qu'il parlait des politiques commerciale et douanière du
fédéral où nous voulons avoir notre mot à dire.
Même s'ils ne l'admettent pas, la plupart des gens croient
fortement qu'aujourd'hui, nous avons notre mot à dire en ce qui concerne
les politiques fédérales. Le premier ministre du Canada est un
Québécois. Le ministre de la Défense, qui a annoncé
l'achat d'avions pour le Canada, dans lequel le Québec va avoir à
peu près 50% des retombées économiques, avec 27% de la
population, est aussi un Québécois.
Les Québécois élisent, tous les cinq ans, des
députés québécois pour les représenter au
sein du gouvernement fédéral. C'est impossible, ce n'est pas
justifiable de dire que le Québec n'a pas un mot à dire au
gouvernement fédéral, à moins que vous soyez prêt
à dire, comme le député de Mercier, que les
Québécois qui sont élus au gouvernement
fédéral ne sont pas des Québécois mais des
Canadiens. Ils sont également tout le monde le sait des
Québécois. MM. Trudeau, Lamontagne, Chrétien et d'autres
sont des Québécois.
Il faut améliorer notre présence à Ottawa au sein
du gouvernement fédéral, bien sûr. C'est une autre affaire.
Mais ce n'est pas nécessaire de le faire avec un pays
indépendant.
Passons très vite aux questions que je veux poser au ministre.
Comme vous le savez, dans le livre blanc, il y a à peine trois ou quatre
pages qui nous donnent un aperçu de vos idées, de vos projets, de
vos programmes, relativement à l'association.
Je vais vous poser à peu près quatre questions d'ordre
général, suivies de deux ou trois autres sur le pouvoir
décisionnel que vous prévoyez pour le conseil communataire et
quelques-unes sur le libre marché. Je vais poser très vite
ces
questions, Mme la Présidente, et ensuite, avec votre permission,
je vais demander au ministre de nous donner une brève réponse
à chacune.
La première est d'ordre très général, c'est
simplement pour souligner un aspect de la négociation. J'espère
que le ministre et le gouvernement accepte que dans les négociations
avec le gouvernement fédéral on prévoit que, dans ce
gouvernement fédéral, il n'y aura pas de place pour les
députés du Québec... il est clair, quant à moi, que
nous serons en face d'une équipe de négociation qui comprendra
les députés des autres provinces. Si nous voulons négocier
avec le reste du Canada, il va de soi que le Québec ne pourra pas
être représenté à la table des négociations,
des deux côtés. Je le dis, parce que je pense qu'une partie de la
population du Québec n'est pas consciente de ce fait. Ce ne sera pas une
négociation entre M. Lévesque et M. Trudeau. Ce sera une
négociation entre le gouvenement du Québec, M. Lévesque et
son équipe, si c'est le cas, et une équipe du gouvernement
fédéral, composée entièrement des
députés et des ministres des autres provinces du Canada.
En effet, si vous votez oui au référendum, il n'y a plus
de place à la table de négociation pour MM. Trudeau,
Chrétien, Lalonde et pour les autres. Je veux simplement avoir
l'affirmation, de la part du ministre, de ce principe que je trouve
primordial.
Je suis maintenant arrivé aux quelques questions pour lesquelles
des réponses plus spécifiques sont permises. La deuxième
est celle-ci. A la page 85, vous parlez de la nature de cette équipe de
négociation qui va représenter ce que vous appelez le reste du
Canada. Je veux citer ceci: "...vu l'objet fort considérable de la
négociation, plusieurs provinces, sinon toutes, voudront établir
officiellement, auprès d'Ottawa, leur statut de partenaires à
part entière. Loin de s'opposer à une formule de ce genre, le
Québec croit qu'elle pourrait permettre une meilleure discussion et
éviter des malentendus".
La deuxième question que je voudrais vous poser, M. le ministre,
est celle-ci: Est-ce que vous êtes prêt, le cas
échéant, à accepter une association à dix, en plein
respect de la souveraineté des autres provinces du Canada?
Si le reste du Canada n'accepte pas l'idée du premier ministre
que le reste du Canada anglais, c'est une entité, mais que les premiers
ministres de l'Alberta, du Nouveau-Brunswick, etc. disent: Nous voulons une
association économique comme vous autres, mais nous voulons une
association à dix dans laquelle les droits de chacune des dix provinces
seront respectés et dans laquelle chacune des dix sera
représentée à toutes les institutions, est-ce que vous
êtes prêt à accepter le principe d'une association
économique à dix? Vous avez le droit de définir pour le
moment ce qu'est le Québec, mais c'est clair que vous n'avez pas le
droit de définir ce qu'est le Canada anglais. J'ai l'impression que
c'est cette espèce de réaction que vous aurez. On veut savoir si
une asso- ciation à dix est quelque chose que vous pouvez accepter.
La troisième question est reliée au conseil communautaire.
Tout le monde vous a posé la question et, jusqu'ici, vous n'avez pas
répondu. Quelle composition prévoyez-vous pour le conseil
communautaire? Comme tout le monde le sait maintenant, vous avez proposé
deux organismes principaux pour l'association économique: l'union
monétaire et le conseil communautaire.
Dans l'union monétaire, vous avez proposé une
représentation du Québec conforme à son poids
économique, ce qui veut dire à peu près 25%. Comme vous le
savez, à la Banque du Canada, aujourd'hui, nous avons deux membres sur
douze et, d'après votre proposition, cela va nous en donner trois sur
treize à peu près.
Mais dans le conseil communautaire qui aura les pouvoirs
décisionnels sur tous les autres éléments de l'association
économique, sauf l'union monétaire, il est un peu bizarre que la
représentation du Québec comparée à celle des
autres provinces du Canada ne soit pas mentionnée. A-ton le droit de
présumer que, dans votre esprit, ce sera à peu près la
même que pour l'union monétaire, une représentation de
25-75 à peu près ou proposez-vous une autre proportion et sur
quelle base?
La quatrième question de nature générale que je
veux vous poser touche la durée du traité. Dans la proposition
que vous présentez à la population, vous proposez une association
liée à la souveraineté, les deux étant
indivisibles. Vous dites à la population: Votez pour la
souveraineté liée à l'association. La question que je vous
pose, c'est: Est-ce vrai qu'en entrant dans ce nouveau statut les deux sont
indissociables? Est-ce que, dans votre esprit, à votre idée,
c'est indissociable en sortant? A titre d'exemple, je vous dis: Etes-vous
prêt à mettre dans la constitution du Québec qu'un
Québec indépendant est un Québec indépendant
lié à une association économique avec le reste du Canada
et que, si le traité d'association avec le reste du Canada est rompu ou
terminé, le Québec ne sera plus indépendant? Est-ce que
les citoyens du Québec doivent accepter le fait, s'ils votent oui,
qu'ils votent oui pour une indépendance permanente et un traité
d'une durée limitée qui pourrait être rompu?
Ce sont les quatre questions d'ordre général. Je passe
maintenant à trois ou quatre questions qui touchent directement le
conseil communautaire.
Dans votre description de ce conseil, vous dites: On attend. Vous avez
eu douze années, je pense, pour définir les pouvoirs
décisionnels, les responsabilités d'une association
économique avec le reste du Canada, mais tout ce que vous dites dans le
document, c'est: Le conseil communautaire aura un pouvoir de décision
sur les matières qui lui seront confiées par le traité
d'association et les décisions relatives aux questions fondamentales,
requerront l'accord du Québec et du Canada, et la négociation
postréférendaire va
déterminer quels sont les pouvoirs décisionnels
essentiels. Il n'y a pas un seul mot sur les responsabilités de
l'association.
Je veux vous poser des questions sur quatre sujets simplement pour
savoir si c'est votre intention de confier ces pouvois décisionnels
à ce conseil communautaire. (11 h 45)
Premièrement, les tarifs douaniers. Si je comprends bien, on
tient pour acquis que le développement des tarifs douaniers sera la
responsabilité de ce conseil communautaire. Je sais très bien que
le conseil sera normalement obligé, aura la responsabilité
d'administrer un traité sur les tarifs douaniers, d'accord. Quand vous
parlez de votre mot à dire, qui sera réalisé dans le
traité et dans l'administration du traité par le conseil, est-ce
que vous parlez de l'administration de choses comme les contingentements sur
les textiles, comme le pacte de l'automobile ou les autres libres
marchés par secteur? Si ce conseil communautaire est formé
présumément à 25% des Québécois et à
75% des autres, ou à 10% des Québécois et 90% des autres,
si c'est d'égal à égal entre les dix provinces, est-ce que
vous avez l'intention de confier les tarifs douaniers et la
responsabilité du développement d'un libre marché comme le
pacte de l'automobile et les contingentements, comme dans le cas du
textile?
Deuxièmement, la défense. Il est mentionné que,
probablement, on prévoira une défense commune. Est-ce que c'est
votre idée que la politique de la défense sera soumise à
un pouvoir décisionnel du conseil communautaire? Prenons par exemple la
politique d'achat d'avions, une question qui est chaude aujourd'hui. Dans le
cas d'achat d'avions pour la défense commune du Québec, du
Canada, de l'Ontario ou de la Colombie-Britannique, etc., avec
l'indépendance, comment prévoyez-vous le rôle du conseil
communautaire, et dans l'achat des avions et dans les autres politiques de
défense?
Troisièmement, l'investissement dans l'infrastructure. Vous avez
prévu que les compagnies CN et Air Canada pourraient continuer à
fonctionner comme des institutions conjointes. Est-ce que le conseil
communautaire va définir la politique d'investissements dans
l'infrastructure de ces institutions ou est-ce que c'est quelque chose qui sera
réservé au Québec dans le cas des territoires
québécois?
Une quatrième question, encore à titre d'exemple, la
politique de concurrence et la politique des monopoles. Je ne veux pas aller
plus loin, on va y revenir.
J'ai finalement, une série de quatre questions sur votre
proposition de libre marché. A la page 63, vous avez proposé la
libre circulation des marchandises et la libre circulation des personnes. Ces
quatre questions vont peut-être donner une meilleure impression, une
meilleure idée à la population de ce que vous proposez.
La Présidente (Mme Cuerrier): Vous pourriez
peut-être réserver vos quatre questions, votre temps est
déjà écoulé. Vous pourriez revenir.
M. Scowen: Si je peux passer en soixante secondes à
travers les quatre, ce n'est pas nécessaire que je donne une
explication.
La Présidente (Mme Cuerrier): Si vous voulez! Il vous
reste une minute.
M. Scowen: Une minute, merci. Les quatre questions sont:
Premièrement, la politique d'achat québécoise. Est-ce que
vous prévoyez la continuation d'une politique québécoise
d'achat, de préférence aux produits québécois,
quand vous déclarez que vous êtes pour un libre marché et
une libre circulation des services? La question de contrôle des changes.
Elle a été mentionnée par M. Lévesque, le premier
ministre il y a quelques semaines. La question des investissements
étrangers. Comment prévoyez-vous contrôler cela dans le cas
de ce libre marché? Le libre mouvement des personnes. Il y a quelques
semaines, M. Lévesque a déclaré, a promis que la loi 101
serait abolie, advenant la souveraineté du Québec. Il disait dans
une entrevue que ce serait possible, parce que nous aurons le contrôle
total de notre immigration dans un Québec indépendant. Dans ce
document, vous prévoyez la libre circulation des personnes entre le
Québec et le reste du Canada. En effet, si M. Lévesque est
correct, il a l'intention de contrôler lui-même l'immigration
canadienne, de toute l'association. Il est difficile d'imaginer comment le
Québec peut contrôler l'immigration de tout le pays. En effet,
c'est là une contradiction sur laquelle on veut un certain
éclaircissement.
C'est en tout une série de douze questions très
précises. Si le ministre peut nous donner des réponses assez
précises, je pense que la population aura une meilleure idée de
ce qu'est la souveraineté-association.
M. Parizeau: Mme la Présidente, avant de répondre
aux questions posées par le député de
Notre-Dame-de-Grâce, j'avais annoncé un peu plus tôt que,
pour ce qui a trait à certaines observations du député
d'Outremont sur le pétrole, je souhaitais vivement que le ministre de
l'Energie et des Ressources puisse présenter un certain nombre
d'observations.
Alors, est-ce qu'il y aurait des objections, Mme la Présidente,
à ce que cela se produise maintenant et je reviendrais après lui
pour répondre aux questions posées par le député de
Notre-Dame-de-Grâce?
La Présidente (Mme Cuerrier): D'accord, M. le ministre de
l'Energie et des Ressources et député de Matane.
M. Bérubé: Effectivement, nous avons eu droit
à un certain nombre d'assertions plus ou moins bien fondées et
qu'il était assez amusant de relever, dans la mesure où, en fait,
elles tombent tellement à plat ces jours-ci, parce qu'il s'agit
carrément de charriages politiques qui n'ont rien à voir avec la
réalité.
Premièrement, on nous dit: Le pétrole de l'Ouest, c'est
une merveille et, grâce à ça, nous
allons continuer à pouvoir bénéficier d'une
sécurité d'approvisionnement et si, évidemment, nous
choisissons la souveraineté-association, nous ne pourrons plus
bénéficier de cette sécurité d'approvisionnement.
Qu'en est-il vraiment?
Premièrement, il faut quand même reconnaître que le
pétrole albertain répond à peu près à la
moitié de nos besoins. C'est indéniable. Il le fait depuis 1976,
puisque, avant 1976, nous n'en recevions pas. Il faut maintenant regarder
où nous nous en allons. On nous cite des chiffres.
J'ai devant moi des "Forecast of the supply and requirements of crude
oil" de l'Energy Resource Conservation Board de Calgary, Alberta. Cet organisme
a comme fonction de connaître les possibilités de production
albertaine en pétrole, de regarder les besoins albertains en
pétrole et de calculer ce qui sera disponible pour les autres. En 1978,
on avait prévu une production de 1 666 000 barils par jour. Or, la
production n'a été que de 1 278 000 barils par jour. En d'autres
termes, prédiction optimiste, puisque la réalité a
été inférieure à ce qu'on pensait produire.
En 1980, cette production prévue était de 1 629 000 barils
par jour. En pratique, elle a été de 1 322 000 barils par jour.
En d'autres termes, cet organisme a toujours comme habitude de prédire
plus de production en Alberta qu'effectivement, on arrive à en produire.
Et, en 1985, que nous prédit-on? 1 200 000 barils par jour, moins qu'en
1978, moins qu'en 1980, et si ces prévisions sont toujours aussi
optimistes, il faut donc s'attendre que ce soit également
inférieur; pour 1990, grâce à l'implantation de deux usines
de production supplémentaire d'essence synthétique, à base
des sables bitumineux, ça remonte à 1 320 000 barils par
jour.
Mais, il faut maintenant regarder la demande interne de l'Alberta qui va
de 241 000 barils à 338 000, ce qui veut dire que la
disponibilité de pétrole albertain, pour le marché
canadien, baisse de 1 400 000 à 982 000 barils par jour. Voilà ce
que l'Alberta nous dit. On a oublié, de plus, que le Québec n'est
pas situé à côté de l'Alberta, c'est-à-dire
que la Saskatchewan va se servir en deuxième, forcément le
Manitoba en troisième, l'Ontario en quatrième et le
Québec, étant à l'extrémité du pipe-line,
devra se contenter de ce qui reste. Que restera-t-il? Eh bien, en 1985, c'est
l'Office national de l'énergie qui nous dit que le pétrole
albertain, le pétrole de l'Ouest, répondra à 19% de nos
besoins énergétiques.
Donc, cela va en diminuant. Si cela va en diminuant, regardons
maintenant comment nous allons nous protéger sur les marchés
mondiaux. Posons l'hypothèse maintenant que l'Iraq décide de
réduire sa production de pétrole. Nous avons des
approvisionnements qui baissent au Québec. Vous allez me dire! Nous
allons en faire venir plus de l'Alberta. Mais non, elle ne peut pas vous en
fournir plus. Donc, vous subissez l'impact directement.
S'imaginer que parce que nous recevons du pétrole de l'Alberta,
cela va nous protéger contre les fluctuations du marché, c'est
totalement irréa- liste. Parce que, en ce moment, vous ne pouvez pas
accroître la quantité d'huile débitée par le
pipe-line pour faire face à une pénurie subite dans l'Est. Cela a
été reconnu lors de la dernière conférence des
ministres de l'Énergie du Canada au moment où, effectivement,
à la suite d'une analyse de chiffres qui nous étaient fournis par
la fonction publique albertaine, il devenait évident que l'Alberta ne
pouvait pas répondre, en ce moment, à une baisse subite de nos
approvisionnements en provenance des pays étrangers.
Plus les années passent, pire la situation sera, puisque
l'Alberta devra réduire sa production. Du pétrole albertain, nous
en recevons, nous continuerons à en recevoir encore pendant un certain
nombre d'années, mais cela va en diminuant et cela nous oblige à
aller sur les marchés étrangers.
Deuxième question. A quel prix recevrons-nous du pétrole?
Nos distinqués collègues vis-à-vis de nous disent: Nous
allons le recevoir au prix de Chicago puisque cela semble faire l'objet d'un
consensus. Je vous dirai sur quelle base reposait ce consensus, puisque j'y
assistais à cette conférence des premiers ministres,
remplaçant M. Lé-vesque, conférence qui devait porter sur
l'énergie. Le consensus qui nous faisait tendre vers le prix de Chicago
reposait sur les projections suivantes qui étaient mises à notre
disposition: Au 1er janvier 1980, le prix de Chicago était de $24.50,
contre $27.49, prix de Montréal. Donc, effectivement, le prix de Chicago
était inférieur au prix de Montréal.
Cependant, l'accord sur l'accroissement du prix du pétrole
reposait sur une projection et il s'agissait d'un accord d'une très
courte durée. Quel était ce prix prévu en 1985 de la base
sur laquelle il y a consensus? $48.27 le baril pour le prix de Chicago, et
$46.29 pour le prix international à Montréal. En d'autres termes,
l'entente à laquelle réfère le député
d'Outremont je la connais puisque j'y étais repose sur une
projection qui va faire que les prix du pétrole de Chicago vont
excéder les prix internationaux.
Si le prix de Chicago n'excède pas les prix internationaux, il
n'y a pas d'entente sur les prix du pétrole et on ne peut pas dire
à ce moment-là que nous allons toujours avoir le pétrole
en bas du prix international. Pourquoi ne peut-on pas avoir le pétrole
en bas du prix international à long terme? C'est relativement facile
à comprendre. Nous n'avons de pétrole au Canada que pour treize
ans. La production canadienne et les chiffres qui nous avaient
été fournis à ce moment, les derniers chiffres,
étaient les suivants: En 1990, la production canadienne peut être
sensiblement de l'ordre de grandeur des chiffres fournis par les recher-chistes
du Parti libéral, elle était de 1 331 000 barils par jour. Je
pense qu'on nous donne comme chiffres, 1 475 000 barils par jour. Donc, nous
sommes dans le bon ordre de grandeur. Quelles étaient, cependant, les
prévisions pour la consommation canadienne? 2 157 000 barils par
jour.
Donc, la production canadienne ne répond plus qu'à 62% des
besoins canadiens. On a oublié de tenir compte de la croissance de la
consomma-
tion. Ce qui veut dire que si vous êtes au bout du pipe-line, vous
en avez effectivement de moins en moins. Mais si vous l'achetez sur les
marchés internationaux, vous allez donc devoir payer le prix
international. Effectivement, depuis 1979, le Canada n'est plus un exportateur
net de pétrole et, lorsqu'il importe du pétrole, il le paie au
prix international. S'il veut subventionner le pétrole, il doit le faire
à partir d'impôts qu'il perçoit, ou encore d'un
accroissement de son déficit. Ce qui faisait dire, il y a à peine
quinze jours, au président de Panartic Oil, une filiale de
Pétro-Canada, une société fédérale, ce qui
faisait dire à M. Hethring-ton que les Canadiens vont payer leur
pétrole au prix international, mais sans s'en rendre compte, parce que
et c'étaient ses propos sur $1 qu'ils paient à la
pompe, il faut ajouter $0.50 de déficit fédéral qu'ils
vont payer un jour ou l'autre sous la forme d'impôt. En d'autrs termes,
c'est: Achetez maintenant, payez plus tard. Il faut donc s'en aller vers le
prix international. (18 heures)
C'est d'autant plus inévitable que vous vous imaginez et
c'est le troisième élément de mon propos la
situation particulière où est placé le Canada lorsque,
maintenant, il doit aller sur les marchés internationaux acheter du
pétrole. Les pays arabes réduisent leur production actuelle de
pétrole et demandent aux pays occidentaux de réduire leur
consommation. Voilà qu'un délégué du gouvernement
fédéral se présente en Arabie Saoudite et explique que la
production canadienne ne répond plus à nos besoins, il nous faut
acheter du pétrole sur les marchés internationaux. Avec beaucoup
de sympathie, on l'écoute et on lui demande: Mais est-ce que votre
consommation effectivement baisse, au Canada? Alors, on dit: Non, notre
consommation augmente. C'était 4% par année, l'année
dernière. On dit: C'est bizarre parce que la consommation dans le monde
entier diminue, aux États-Unis elle a baissé de 4%. Pouvez-vous
nous expliquer pourquoi? Voyez-vous c'est simple. Nous avons une grande vente
de pétrole, deux barils pour le prix d'un, alors, forcément les
gens en achètent beaucoup. C'est pour cela que vous avez de la
difficulté à approvisionner les Canadiens. Eh bien! Vous
reviendrez.
Cela, c'est la politique pétrolière canadienne et cela
nous amène, à ce moment-là, à regarder ce qui se
passe sur le marché international.
En 1978, à peine 5% du pétrole sur le marché
mondial s'est vendu d'État à État. En fait, les
multinationales, les sept soeurs, Shell, Esso, Petrofina, achetaient leur
pétrole directement des pays producteurs, en 1978, à 95%. Que
s'est-il passé en 1979? 35% du pétrole international a
été négocié dans des ententes d'État
à État. Pourquoi? Les pays producteurs ne veulent plus
négocier avec les multinationales du pétrole, c'est aussi simple
que cela, ce qui augmente énormément l'importance de
l'intervention de l'État. Et vous savez que ces achats de pétrole
se font généralement dans le cadre d'ententes internationales,
avec des échanges de technologie qui peuvent permettre la vente de
technologie québécoise, de production québé- coise
en échange effectivement d'achats de pétrole. Or, on peut
maintenant se poser la question et là je reviens à
l'argumentation du ministre des Finances quelle est l'importance des
centres de décisions?
Présentement, nous avons, par exemple, à Québec,
à l'Université Laval, un remarquable centre d'économie des
ressources qui attire, à tous les deux ans, un colloque international de
très grande importance dans le domaine du pétrole. Pourquoi les
représentants de l'OPEP viennent-ils à Québec discuter
pétrole? Parce qu'il existe une expertise québécoise dans
le domaine, parce qu'il existe des points d'attraction à Québec;
c'est lié simplement à la qualité des hommes et des femmes
qui y travaillent. Lorsque ces Québécois veulent faire
carrière dans le secteur du pétrole, ils doivent aller la faire
à Toronto ou à Calgary puisque, de toute façon, les
centres de décision n'existent pas au Québec dans le domaine du
pétrole. Mais, quant à faire carrière à Calgary,
pourquoi ne pas faire carrière au Texas, à la maison mère
de Esso, où nous aurions encore de plus belles opportunités de
carrière, puisque tous les arguments que nous apportent nos
fédéralistes nous amèneraient à conclure que si,
effectivement, il nous faut une plus grande intégration
économique pour avoir des possibilités de carrière plus
passionnantes à Calgary, à ce moment-là, pourquoi ne
deviendrions-nous pas le 54e État américain ou le 56e ou le 57e
puisque tous les arguments vont dans le sens d'une intégration
canadienne aux États-Unis? Ce n'est pas cela qui se passe. Ce n'est pas
cela qui se passe parce que les Canadiens anglais ne veulent pas
s'intégrer aux États-Unis.
De la même façon, le Québécois,
éduqué au Québec, veut faire carrière au
Québec, veut être amené à participer à des
décisions importantes, avec des compatriotes qui parlent sa langue, qui
l'évaluent suivant ses critères, ses normes, qui sont les normes
de sa société, par conséquent, il est
intéressé à avoir des centres de décision au
Québec, ceux que nous donne le souveraineté-association.
Présentement, si c'est Pétro-Canada qui veut négocier sur
le marché international nos achats de pétrole, est-ce qu'elle va
faire les pressions, peut-être appropriées, pour inciter certaines
multinationales du pétrole faisant affaires au Canada à implanter
des centres de décision au Québec pour pouvoir obtenir cette part
de pétrole que le Québec aura à négocier?
En d'autres termes, si le Québec est amené à
négocier lui-même ses approvisionnements en pétrole, il
aura un instrument de pression extraordinairement puissant pour rapatrier des
centres de décision. Il échangera des centres de décision
contre des approvisionnements en pétrole. Croyez-vous que la
majorité anglophone du Canada utilisera ce levier pour forcer des
compagnies majoritairement anglophones à s'établir au
Québec et à fonctionner en français? Alors, là,
vous avez beaucoup d'illusions, puisque vous avez vous-mêmes reconnu que,
depuis vingt ans, il y a fuite continue des centres de décision au fur
et à
mesure que le Québec s'affirme en tant qu'entité
française.
Ce que nous disons, c'est que si le Québec veut vraiment
être français, il faudra qu'il dispose des moyens à la
mesure de ses politiques et, par conséquent, il faudra utiliser les
moyens nécessaires. Et le pétrole est un très bel exemple,
pour rapatrier des centres de décision, comme ceux dont on parle dans le
domaine du pétrole. Voilà ce que la
souveraineté-association va nous donner.
J'aimerais maintenant regarder un peu ce que le
fédéralisme renouvelé blème va nous rapporter,
puisque nous avons également la position du Parti libéral
concernant ce renouvellement du fédéralisme. Alors, je lis: "La
constitution affirmera le droit de propriété des provinces sur
les ressources naturelles sises sur leur territoire et leur conservera la
compétence exclusive pour gérer et réglementer les
ressources naturelles". C'est remarquablement identique à peu
près à la constitution actuelle.
Alors, je m'interroge. Est-ce qu'en vertu de cette proposition du Parti
libéral, l'Alberta pourra elle-même déterminer les prix de
vente de son pétrole, ou est-ce que ce sera le gouvernement
fédéral qui décidera? Il faut le décider. Si je
prends textuellement l'énoncé, l'Alberta étant
propriétaire de son pétrole, elle pourra en exiger le prix
qu'elle veut bien, sous condition d'en donner un droit de premier refus aux
autres provinces, au prix qu'elle est capable d'obtenir ailleurs. Bon. Si c'est
ça la proposition constitutionnelle du Parti libéral, en ce
cas-là, on n'a qu'à regarder ce que le premier ministre de
l'Alberta demande comme prix du pétrole, il demande le prix
international. Donc, la réforme constitutionnelle proposée par le
Parti libéral va faire en sorte qu'on va devoir payer ce que M. Lougheed
demande, donc le prix international. Comment prétendre alors que c'est
un avantage du fédéralisme, le fait qu'Ottawa peut forcer M.
Lougheed à nous vendre le pétrole à moitié prix et
nous dire, après ça: On va réformer le
fédéralisme et, désormais, on va payer ce que M. Lougheed
demande, soit le prix international.
En d'autres termes, j'aimerais savoir si oui ou non, suivant ce que vous
proposez, les provinces vont pouvoir déterminer leur prix pour leurs
richesses naturelles. Oui ou non, est-ce qu'elles vont pouvoir le
déterminer? Si c'est oui, à ce moment-là, il n'y a aucun
changement avec la souveraineté-association, et si c'est non,
voulez-vous, s'il vous plaît, le dire à M. Lougheed, parce qu'il
ne s'est jamais prononcé sur le détail de vos propositions
constitutionnelles? Il est d'accord sur une bonne base de négociations,
mais il ne s'est jamais prononcé sur le contenu. Je serais curieux de
connaître la réaction de M. Lougheed si on lui annonçait
que la position de M. Ryan consiste à lui interdire d'aller percevoir
les revenus qu'il entend percevoir pour son pétrole.
Je serais très curieux de connaître sa réaction. En
d'autres termes, ce qui me paraît assez évident, c'est que la
souveraineté-association permet de rapatrier les pouvoirs de
décisions au Québec dans un secteur aussi important que le
secteur énergétique, dans des conditions absolument identiques
à celles que nous avons connues dans le passé,
c'est-à-dire que nous allons devoir acheter effectivement notre
pétrole sur le marché international.
Et je termine sur un point. Tout récemment, M. Blakeney s'est
élevé contre le fait que le gouvernement fédéral ne
taxait pas l'électricité au Québec. Pourquoi taxer le
pétrole des provinces productrices du pétrole, ressource
épuisable, et non pas l'électricité qui, au contraire, est
une ressource inépuisable?
Or, si nous allions payer le prix canadien moyen pour
l'électricité, il nous en aurait coûté, en 1976,
$400 000 000 et, en 1980, à peu près $600 000 000. Ce sont des
estimations préliminaires pour 1980.
Cela veut dire, puisque les subventions en pétrole
représentaient, au dire même du député d'Outremont,
$578 000 000, qu'il nous en aurait coûté aussi cher de payer la
taxe fédérale "uni-formatrice" sur l'électricité
que ce que nous avons reçu en subventions.
On ne peut pas dire: On va partager la richesse des autres, mais nous,
nous ne partagerons pas. Si on est logique avec soi-même, on partage au
complet. Mais, à ce moment-là, cela n'a absolument rien
donné au Québec. Au contraire, cela nous a
pénalisés pour les siècles à venir, parce que nous
aurons de l'électricité encore longtemps.
Prouvez-moi qu'il y a du pétrole pour plus de quinze ans en
Alberta?
M. Raynauld: Mme la Présidente...
La Présidente (Mme Cuerrier): J'avais compris que vous
aviez...
M. Parizeau: Je pensais que nous avions une entente en vertu de
laquelle je répondais aux questions du député de
Notre-Dame-de-Grâce.
M. Raynauld: C'était une très courte intervention
en réponse à ce que le ministre a dit.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le ministre.
M. Parizeau: Mme la Présidente, avant d'aborder les
réponses aux questions que posait le député de
Notre-Dame-de-Grâce, je voudrais signaler ici une étonnante
opposition entre mes deux vis-à-vis.
Le député d'Outremont nous disait qu'un Québec
souverain va avoir un déficit de $4 200 000 000 d'après ses
calculs.
Le député de Notre-Dame-de-Grâce disait hier soir,
à la télévision, que le déficit sera de $6 000 000
000. Et il est revenu là-dessus ce matin.
C'est-à-dire que deux voisins de banquette divergent à
l'heure actuelle, quant à l'ampleur du déficit d'un Québec
souverain, par à peu près $2 000 000 000. Excusez du peu.
Je suggérerais que, quand même, ils accordent leurs
violons; cela fait un peu discordant
comme concerto, ce matin. Est-ce que c'est $4 200 000 000?
M. Scowen: Mme la Présidente, si vous me le permettez.
M. Parizeau: J'ai essayé de soulever une question de
privilège justement à cette occasion et on m'a dit que ce
n'était pas faisable. C'est donc maintenant que je réponds. Et,
autant que possible, sans être interrompu, Mme la Présidente.
M. Scowen: Pour le ministre des Finances, je peux régler
la contradiction dans une seule phrase parce qu'il n'y a pas du tout de
contradiction.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député,
c'est la même chose que tantôt. Vous auriez toujours pu poser une
question, qu'on l'accepte ou non. Mais vous n'avez pas à soulever de
question de privilège en commission plénière. M. le
ministre des Finances.
M. Parizeau: Mme la Présidente, quand j'ai cherché
tout à l'heure à intervenir spécifiquement sur cette
question, que soulevait alors le député de
Notre-Dame-de-Grâce, on m'a dit qu'en commission, il n'y a pas
d'intervention pour rectifier les faits, ou quelque chose comme cela.
Je signalerai, d'autre part, qu'en vertu des règlements de cette
commission, le député de Notre-Dame-de-Grâce a
épuisé son droit de parole. Il a fait ses 20 minutes et il est
spécifiquement indiqué dans notre règlement, si je
comprends bien, qu'un député qui n'est pas le principal
intervenant peut parler 20 minutes et pas plus.
M. Scowen: ... d'informer la population.
M. Parizeau: II a donc parlé 20 minutes et, s'il veut
faire une nouvelle intervention, il le fera par le truchement du
député d'Outremont, tout à l'heure.
Ceci étant dit, je reviens donc sur cette opposition
étonnante...
M. Raynauld: Question de règlement.
La Présidente (Mme Cuerrier) Sur une question de
règlement, M. le député d'Outremont.
M. Parizeau: II n'y a pas de...
M. Raynauld: Pour l'information du ministre des Finances, il y a
des questions de règlement en commission, mais il n'y a pas de questions
de privilège. Et mon collègue soulève une question de
règlement. Je pense, Mme la Présidente, suivant les informations
que j'ai sur le règlement, que vous êtes obligée d'accepter
sa demande de question de règlement.
La Présidente (Mme Cuerrier): Mais que ce soit bien une
question de règlement, M. le député.
M. Grégoire: Sur la question de règlement, si le
député de Notre-Dame-de-Grâce veut soulever une question de
règlement pour rectifier les faits, il aura l'occasion de le faire
après l'intervention du ministre des Finances, mais il ne doit pas
invoquer l'article 96 à ce moment-ci. Il le fera après
l'intervention du ministre des Finances, tout comme le ministre des Finances
l'a permis au député de Notre-Dame-de-Grâce tout à
l'heure.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le ministre des
Finances.
M. Parizeau: Mme la Présidente...
M. Scowen: Mme la Présidente, j'ai soulevé une
question de règlement à trois reprises et vous n'avez pas
écouté ma question de règlement.
Une Voix: La réponse est non.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député
de Notre-Dame-de-Grâce, voulez-vous lire l'article 96 du
règlement, s'il vous plaît?
M. le ministre des Finances. (12 h 15)
M. Parizeau: Mme la Présidente, je reviens à ce que
je disais. L'un dit $6 000 000 000 et l'autre $4 200 000 000. On s'entend bien
sur le fait que je n'accepte pas un instant même le déficit de $4
200 000 000 que nous proposait, si je puis m'exprimer ainsi, le
député d'Outremont pour un Québec souverain. Je n'accepte
pas cela un instant.
Je lui ai spécifiquement indiqué, par exemple, que les
dépenses du gouvernement fédéral à
l'étranger, qu'il nous impute, je n'accepte pas cela autrement que sous
bénéfice d'inventaire. On ne suivrait peut-être pas les
mêmes politiques.
J'ai indiqué spécifiquement plus tôt que tous les
dédoublements que nous pouvons enlever dans notre système
où les deux gouvernements ont les pieds dans la même bottine vont
réduire le déficit de façon très substantielle. Ce
n'est pas que j'accepte ses $4 200 000 000, ce que je dis simplement, c'est
qu'en prenant son chiffre comme étant exact pour 30 secondes
supposons qu'il le soit ce qu'il a démontré clairement ce
matin, c'est qu'un Québec souverain serait placé dans une
situation préférable, du point de vue du déficit, à
celle du gouvernement canadien à l'heure actuelle. C'est cela qu'il a
démonré.
Cela étant dit, j'en reviens aux questions du
député de Notre-Dame-de-Grâce. Je m'excuse, dans le cas
d'un certain nombre de réponses, ce sera très court, parce qu'il
me demande littéralement de m'occuper de choses qui ne me regardent
pas.
Comment serait composée la table de négociation,
côté canadien? Provinces-fédéral,
fédéral au complet, combinaison des deux? Je dirai, Mme la
Présidente, qu'il serait odieux pour nous de dire aux Canadiens: Voici
comment vous allez établir votre table de négociation. Ce ne sont
pas nos affaires. Je suis sûr qu'il y a assez de sagesse, si je peux
m'exprimer ainsi, de l'autre côté, pour qu'il soit capable de
déterminer la table de négociation qui fait mieux son affaire. Ce
n'est pas à nous de lui dire.
Est-ce qu'il pourrait y avoir, dit le député de
Notre-Dame-de-Grâce, une association à dix? Ce n'est pas notre
problème. La façon dont les neuf provinces canadiennes et leur
gouvernement fédéral se combineront, s'associeront, quels
pouvoirs ils donneront à leur gouvernement fédéral se
combineront, s'associeront, quels pouvoirs ils donneront à leur
gouvernement fédéral et quels pouvoirs resteront aux
gouvernements des provinces, c'est leur affaire, ce n'est pas la
nôtre.
Quand on commence à aborder les pouvoirs du Conseil communautaire
qui est prévu, dont on prévoit la négociation avec le
Canada, là, c'est un peu différent. Il y a un certain nombre de
réponses à donner au député de
Notre-Dame-de-Grâce, mais il faut bien comprendre que ces réponses
seront le résultat des négociations qui auront lieu. Le Conseil
communautaire formé de ministres qui, au fond, supervisera les ententes
quant à la politique commerciale, les ententes quant à la
politique monétaire, il va falloir lui déterminer des pouvoirs.
Par définition, les pouvoirs, cela se détermine à deux
dans un cas comme celui-là. C'est pour cela qu'il y a une phase de
négociation.
Il est évident que, sur un certain nombre de choses
fondamentales, il faudra que cela se fasse d'égal à égal.
On ne pourrait pas imaginer une structure d'un conseil communautaire qui serait
celle où, invariablement et à tout coup, le Québec serait
minoritaire et minorisé. Il y a un certain nombre de choses
fondamentales où il faut quand même que l'on puisse établir
un consensus, où il faut marcher par consensus.
Il est évident que, sur le plan des politiques majeures... Je
pense, par exemple, à ceci: Un gouvernement de Québec voudrait
qu'on ait le libre échange complet à l'égard du reste du
monde et un gouvernement canadien voudrait au contraire qu'on ait une
protection très élevée. Je grossis à dessein, je
caricature à dessein. Il est évident que le Conseil communautaire
ne pourrait pas durer très longtemps s'il y avait une opposition de
cette ampleur.
De la même façon, ce serait impensable que les
représentants d'un gouvernement disent: On va utiliser les ressources de
la Banque centrale ou de l'Autorité monétaire, plutôt, pour
maintenir la valeur du dollar canadien à un très haut niveau,
alors que l'autre gouvernement dirait: Je veux avoir un taux de change à
$0.85. Sur des choses fondamentales comme celles-là, il faut fonctionner
dans un cadre analogue, remarquez-le bien d'ailleurs, à ce qu'on trouve
au niveau de certaines autorités conjointes en Europe,
c'est-à-dire sur une base de consensus. Quand on est une association, il
faut tout de même qu'on s'entende sur un certain nombre de choses
fondamentales.
Au contraire, sur le plan ou bien du fonctionnement au jour le jour des
décisions, ou bien sur le plan sectoriel, là il n'y a pas de
raison que l'on cherche à donner à l'un ou l'autre des deux
gouvernements une sorte de veto perpétuel. Cela finirait par tout
stériliser. Comme on le dit dans le livre blanc c'est, à
mon sens, très juste comme observation on peut fort bien imaginer
une prépondérance donnée au Canada à l'égard
de la politique commerciale qui s'applique au blé, par exemple, et une
prépondérance donnée au gouvernement de Québec pour
tout ce qui a trait au commerce extérieur de l'amiante. Ce sont des
choses faisables et qui, encore une fois, n'aboutiront qu'après la
négociation.
Il faut aller négocier pour savoir avec quoi on revient. C'est la
raison pour laquelle on prévoit ce deuxième
référendum. On dit: On va voir, on va négocier, on va voir
avec quoi on revient, et là, il y aura un deuxième
référendum où on dira aux gens: Avant de changer quoi que
ce soit au statut politique, vous allez voter à nouveau, ce qui est la
façon normale, raisonnable de procéder. J'en dirai autant quant
à ce que disait le député de Notre-Dame-de-Grâce.
Imaginons qu'il y a un traité d'association de quinze ans, qu'au bout de
quinze ans, le traité d'association se termine et que les deux parties
ne soient pas intéressées à continuer. Est-ce qu'à
ce moment, le Québec qui a été souverain pendant quinze
ans, redevient une province canadienne? C'est un faux problème. C'est le
genre de choses justement qu'il faudra, à l'occasion du deuxième
référendum, à l'occasion d'un projet d'une nouvelle
constitution, clarifier de façon très simple. Ce serait d'un
bizarre intense, ce serait unique dans l'histoire du monde que des gens,
après avoir été quinze ans souverains, disent: Maintenant,
on redevient province. Je comprends que le Québec, comme on dit, est une
province pas comme les autres, mais à ce point, ce serait assez
surprenant.
Je continue dans la liste des questions. De quoi s'occuperait ce conseil
communautaire? Sûrement des deux questions fondamentales dont je parlais
tout à l'heure: politique commerciale et douanière et politique
monétaire, dans le sens très large du terme. Est-ce que le
conseil communautaire pourrait s'occuper d'autres choses? Le
député de Notre-Dame-de-Grâce disait: défense
nationale, infrastructures, etc. Je vous dirai que sur ces plans, on verra. Il
y a deux questions fondamentales: la politique commerciale et la monnaie. Le
reste est essentiellement négociable. Ce n'est pas de savoir si c'est
intéressant. Je vais vous en donner un exemple qui n'est pas
utilisé par le député de Notre-Dame-de-Grâce, mais
qui s'applique très bien au genre de questions qu'il posait: l'aviation,
les lignes aériennes. Il est clair qu'un Québec souverain va
avoir à l'intérieur de ses frontières une
société qui va s'occuper de transport aérien. C'est
très clair.
Sur le plan des lignes internationales, est-ce qu'on aurait une ligne
québécoise pour relier Londres, Paris, je ne sais pas quoi ou la
Floride? Ou bien est-ce qu'on aurait une société qui serait
propriété à la fois du Canada et du Québec, un peu
dans le sens des lignes Scandinaves où les pays Scandinaves se sont
entendus pour créer une société internationale
aérienne, SAS? On serait fous de ne pas explorer avec les
autorités canadiennes la possibilité de faire cela, de voir
comment cela peut fonctionner, si c'est intéressant pour les deux. Selon
les réponses que la négo-
ciation donnera, ou bien on marchera seul ou bien on marchera ensemble.
On compare des avantages et des inconvénients, des coûts et des
bénéfices et on voit ce que cela donne.
Donc, il y a dans le rôle du conseil communautaire deux
éléments fondamentaux. Le reste, il faut voir. Si c'est
intéressant, si cela rapporte, si c'est un bon placement, oui. Si cela
ne rapporte pas, si ce n'est pas intéressant, non. On fonctionne, dans
tous ces autres domaines, en fonction de nos intérêts. C'est ce
qui est remarquable, encore une fois, que d'être capable de rapatrier les
décisions au Québec et dire: Cela est dans notre
intérêt, on marche, cela n'est pas dans notre
intérêt, on ne marche pas. La souveraineté, c'est cela.
Il y avait quelques dernières questions que soulevait le
député de Notre-Dame-de-Grâce, comme: Est-ce qu'il va y
avoir une politique d'achat au Québec? Oui, bien sûr, il va y
avoir une politique d'achat au Québec. Qu'un pays soit souverain ou que
le Québec soit une province, il a toujours des politiques d'achat. On ne
peut pas soupçonner l'Ontario d'être un gouvernement sur le bord
de vouloir être souverain. L'Ontario ou Hydro-Ontario, par exemple, a des
politiques d'achat implicites, mais qui durent depuis des dizaines et des
dizaines d'années.
Les provinces canadiennes, traditionnellement, ont des politiques
d'achat. Il serait, quand même, étonnant, mais tout à fait
étonnant que le Québec, qui, lui aussi, a des politiques
aujourd'hui et en a eu depuis des années, dise: En devenant un pays
souverain, on n'en aurait plus. Évidemment, ce qui peut se faire et ce
qui, j'imagine, se fera, c'est que, de temps à autre, on examinera des
deux côtés nos politiques d'achat, en disant: Est-ce qu'elles ne
vont pas trop loin? Est-ce qu'il ne serait pas préférable d'en
réduire l'ampleur, de négocier un peu la possibilité de
réduire les barrières que ça implique? Mais, là
encore, on se laisse guider par quoi? On se laisse guider par notre propre
intérêt.
J'ai toujours été tout à fait étonné
de penser que l'on nous reprochait, depuis 20 ans que je suis ces questions au
Québec, d'avoir des politiques d'achat, alors qu'on n'a jamais
même été étonné de voir certaines
sociétés d'État ontariennes refuser des soumissions
présentées par des sociétés d'autres provinces.
Cela, c'était normal chez elles. Mais, chez nous, c'était anormal
d'avoir une politique d'achat.
Dorénavant, dans un cadre de souveraineté, si les
politiques d'achat, de part et d'autre, sont considérées comme
allant trop loin, on pourra s'en parler et voir dans quelle mesure il est de
l'intérêt des deux de les abaisser. Là encore, le fait
d'avoir les décisions en main permet d'aboutir à des choses ou
à des résultats que nous n'avons jamais pu atteindre
jusqu'à maintenant.
Voilà, Mme la Présidente, ce que je voulais dire pour le
moment.
M. Scowen: Je veux simplement rectifier deux faits très
importants, Mme la Présidente.
Le Présidente (Mme Cuerrier): M. le député,
en vertu de l'article 96, vous pouvez maintenant intervenir c'est une
question de règlement sur des choses que vous avez
déjà dites, pour donner une explication sur ce que vous avez
déjà dit. Il faut que votre explication soit courte et qu'elle ne
suscite pas d'autre débat et qu'elle ne contienne pas de questions.
M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.
M. Scowen: Je vais essayer de suivre attentivement toutes les
conditions, Mme la Présidente. Premièrement, l'écart entre
le déficit prévu par mon collègue de $4 000 000 000 et le
mien de $6 000 000 000 est très simple à expliquer. Si on avait
fait l'indépendance en 1978, le coût aurait été de
$4 000 000 000. Si on la fait en 1980, avec le déficit record du
ministre des Finances de cette année, le coût, le déficit
sera de l'ordre de $6 000 000 000. C'est la différence. Cela devient
pire de faire l'indépendance.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député,
n'ajoutez pas d'explications. C'est simplement sur ce que vous avez dit.
M. Scowen: Deuxième point, je n'ai pas soulevé, je
pense... Est-ce que j'ai dépassé les...
La Présidente (Mme Cuerrier): C'est sur ce que vous avez
dit vous-même.
M. Scowen: Sur la première, est-ce que j'ai observé
le règlement?
La Présidente (Mme Cuerrier): Allez!
M. Scowen: J'en ai deux autres, Mme la Présidente, et je
vais essayer d'être aussi rigoureux que dans la première.
Merci.
Le deuxième point que je voulais soulever, je pense que le
ministre m'a mal compris. Je lui ai demandé non pas s'il acceptera de
négocier avec dix provinces, mais s'il acceptera une association de dix
gouvernements. Cela, c'est la probabilité. Est-ce que vous êtes
prêt à accepter une association économique de dix
gouvernements?
M. Grégoire: C'est une question, Mme la Présidente.
On retourne dans le domaine des questions. Vous l'avez bien
spécifié. On lui a permis de poser une douzaine de questions
pendant 20 minutes et là on recommence encore la période des
questions.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député
de Frontenac, j'ai déjà entendu votre question de
règlement. Je pense que M. le député de
Notre-Dame-de-Grâce avait raison quand il a dit que M. le ministre
l'avait mal compris ou que vous vous étiez mal exprimé quant
à cette chose-là. Je pense que c'est ça et c'est là
que vous auriez dû vous arrêter.
M. Scowen: La troisième, Mme la Présidente, je
pense que le ministre m'a mal compris quand je
lui ai demandé de nous donner des détails
spécifiques sur le projet d'association. J'ai dit, Mme la
Présidente, que ça date maintenant, ce projet, de douze ans. Je
trouve aujourd'hui et je pense que la population le trouve aussi
que c'est inadmissible je termine, Mme la Présidente de
donner un exemple que le ministre lui-même qualifie de grossier et,
ensuite, de dire que, pour les autres questions de l'association, on va les
régler le cas échéant lors des négociations. Ils ne
savent même pas aujourd'hui ce qu'ils veulent faire.
M. Grégoire: Mme la Présidente, c'est une question
de règlement. Je crois que ça devient une réplique. S'il
veut en faire une réplique, qu'il le prenne sur son temps.
Une Voix: II n'en a plus de temps. (12 h 30)
La Présidente (Mme Cuerrier): Je devrai vous faire
remarquer, M. le député, que vous avez déjà
utilisé un peu plus que le temps qui vous était imparti. Alors,
je ne pourrai plus vous reconnaître, malheureusement, pour
aujourd'hui.
M. Scowen: C'étaient les trois seuls faits que je voulais
rectifier, Mme la Présidente, et je vous remercie infiniment de votre
coopération.
La Présidente (Mme Cuerrier): Les intervenants
privilégiés de cette commission aujourd'hui sont M. le
député d'Outremont et M. le ministre des Finances.
M. Parizeau: Mme la Présidente, sur une question de
règlement.
La Présidente (Mme Cuerrier): Sur une question de
règlement, M. le ministre.
M. Parizeau: Je dois vous demander une directive. Il est
évident que le député de Notre-Dame-de-Grâce a,
à partir d'une question de règlement, soumis un certain nombre
d'éléments et je veux répondre à partir du
même principe qu'il a utilisé.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le ministre, puisque M.
le député dit qu'il a été mal
interprété, vous pouvez toujours intervenir aussi, en vertu de
l'article 96, pour donner des explications sur ce que vous avez dit.
M. Parizeau: Simplement en vertu de l'article 96, Mme la
Présidente, je voudrais dire quelques mots.
Lorsque le député de Notre-Dame-de-Grâce dit: Mon
estimation du déficit de $6 000 000 000, je l'applique à 1980.
Comment arrive-t-il à faire cela? Il présente cela comme une
donnée en disant: Ce ne sont pas les mêmes années. Il n'y a
pas encore de budget fédéral pour 1980, mais, néanmoins,
il nous impute un déficit. Il n'y a pas de budget fédéral,
on ne connaît absolument pas ces changements d'impôt. Pour
1980-1981, on ne connaît pas le déficit fédéral.
S'il place le déficit de $6 000 000 000 en 1980 en disant: Ce
n'est pas la même année que celle utilisée par le
député d'Outremont, je lui dis, à ce moment-là, que
c'est un chiffre tiré en l'air.
D'autre part, il est possible que j'aie mal compris quand il a dit:
Est-ce que vous voulez une association à dix? A ce moment-là,
est-ce que vous accepteriez une association à dix? Je dois dire, Mme la
Présidente, que je ne comprends pas le sens de sa question. Est-ce qu'il
veut nous demander si on trouverait acceptable qu'il n'y ait plus de
gouvernement fédéral? Est-ce que c'est cela le sens de la
question? Si c'est cela, je dois simplement dire que je ne la comprends pas,
à partir du principe que je ne vois pas en vertu de quoi je demanderais
aux Canadiens anglais des autres provinces de supprimer leur gouvernement
fédéral; je ne comprends pas le sens de sa question.
M. Scowen: Je voudrais rectifier. Il a dit qu'il n'a pas
compris...
M. Grégoire: Mme la Présidente, il y en a d'autres
qui veulent parler.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député,
malheureusement, je vous ai dit... S'il vous plaît! Je vous ai bien dit,
M. le député, que votre temps de parole était
définitivement écoulé. M. le député
d'Outremont...
M. Scowen: Mme la Présidente...
La Présidente (Mme Cuerrier):... je vous donnerai
maintenant la parole et il faudrait bien être attentif pour
réserver dix minutes pour votre conclusion et dix minutes pour la
conclusion de M. le ministre. Si vous aviez une courte question qui permettrait
un échange, après cela nous pourrions terminer à 12 h 40,
c'est-à-dire afin de réserver le temps des conclusions de chacun
des intervenants privilégiés.
M. le député d'Outremont.
M. Raynauld: Mme la Présidente, je voulais quand
même avoir l'occasion de parler un peu de l'union monétaire, mais
avant de passer à cette question qui est assez importante, je ne peux
pas m'empêcher de faire quelques remarques sur les questions de
pétrole, à nouveau. Je ferai deux remarques.
La première, c'est que je trouve cela absolument extraordinaire
et d'une grande ironie que le ministre de l'Energie essaie de nous faire la
démonstration que n'ayant pas une goutte de pétrole au
Québec, si on était indépendant, on pourrait rapatrier les
centres de décision, d'une part, et on serait sûrement aussi bien
en étant indépendants qu'à l'intérieur d'un pays
qui possède des ressources considérables en pétrole. Cela
dépasse mon entendement. On est dans un pays qui a du pétrole, on
est dans un pays qui découvre du pétrole; on ne parle plus
seulement de l'Alberta maintenant, c'est un fait qu'on a découvert du
pétrole aussi au large des côtes de Terre-Neuve;
c'est le plus gros puits, apparemment, en dehors du Moyen-Orient, 20 000
barils par jour, les forages ne sont pas terminés. De toute
façon, je ne veux pas discuter là-dessus. Il n'y a rien
là...
M. Bérubé: C'est encore de la mécanique.
M. Raynauld: J'ai vu la série de télégrammes
qui a été faite à partir des tests. A l'heure où on
se parle, on estime qu'il y a 20 000 barils par jour. Ce n'est quand même
pas négligeable!
De toute façon, nous faisons partie d'un pays où il y a du
pétrole, où il y a du pétrole des sables bitumineux pour
200 ans et on serait mieux si on était indépendant. On n'a pas
une goutte de pétrole, mais cela ne fait rien, on essaie de nous
démontrer qu'on serait mieux si on n'était pas là. C'est
quelque chose, je pense, que les gens vont comprendre tout à fait. C'est
vraiment un sens commun tout à fait évident. On a parlé de
l'Islande aussi l'autre jour. J'ai des nouvelles pour ceux qui parlent de
l'Islande avec des taux d'inflation de 60% par année depuis quatre ans.
Qu'on en parle de l'Islande, on pourra y revenir.
Ensuite, on a parlé de la consommation, tout à l'heure. On
a dit que la consommation allait augmenter en même temps que la
production sur laquelle j'avais attiré l'attention. C'est exact que la
consommation monte. Cependant, j'ai une étude ici de Energie, Mines et
Ressources, où, comme par hasard, la demande ou la consommation de
pétrole dépend du prix. C'est curieux. Cela dépend du
prix. Si le ministre a raison de dire qu'on va rejoindre le prix international
très rapidement, l'étude ici montre qu'il y aura une substitution
du gaz naturel au pétrole. Cela aussi fait partie des plans du
gouvernement actuel d'augmenter la consommation de gaz naturel, avec le
résultat qu'en l'an 2000, avec une incitation à la consommation
du gaz, qui est une hypothèse, évidemment, mais à 60%, la
consommation de pétrole reste constante de 1985 à l'an 2000. La
consommation de pétrole reste constante au Canada. Alors, cela
dépend donc du prix et cela dépend de la substitution qui va se
faire. Par conséquent, je pense que ce n'est pas une évidence du
tout qu'on sera toujours les derniers servis parce qu'il n'y aurait plus de
pétrole dans l'Ouest. Alors, non seulement il pourrait y avoir du
pétrole ailleurs que dans l'Ouest, et là on ne serait plus les
derniers, peut-être qu'on serait au début de la chaîne, mais
chose certaine, cela me paraît extraordinaire qu'on puisse penser qu'on
serait mieux si on était indépendant, alors qu'on n'a pas de
pétrole, que faisant partie d'un pays où il y en a, même si
on se chicane sur la somme de pétrole qui peut exister.
C'était mon premier point. J'aimerais bien maintenant, Mme la
Présidente, soulever la question qui se relie un peu aux questions que
mon collègue a voulu poser. Je vais poser une question très
générale et je vais peut-être faire quelques
commentaires.
Ce qui nous préoccupe à l'heure actuelle, de ce
côté-ci, c'est de savoir si vraiment le gouver- nement veut une
association. Le ministre des Finances a dit: C'est bien évident de part
et d'autre de cette Chambre, on s'entend, on veut avoir une association. C'est
bon d'avoir une association. Nous avons des doutes que le gouvernement du Parti
québécois veuille d'une association. C'est le problème
qu'on a. On a des doutes sérieux, parce que chaque fois qu'on parle de
quelque politique que ce soit, par exemple le rapatriement des centres de
décision, les politiques d'achats, la politique tarifaire, les
politiques monétaires, chaque fois qu'on parle de ces choses-là,
c'est toujours dans l'hypothèse d'un Québec indépendant,
parce qu'il n'y a pas d'exception pour les autres parties du Canada quand vient
le moment de discuter là-dessus.
J'ai soulevé la question des institutions financières et
des banques, Mme la Présidente. Si on était vraiment
associé avec des partenaires, est-ce qu'on ne voudrait pas plutôt
essayer de maintenir la situation qui existe quant à la
propriété ou au contrôle des banques à charte? On
dirait: Oui, on s'associe avec vous, on va donc admettre qu'on ne va pas vous
traiter comme des Japonais ou comme des Brésiliens, en tout cas, comme
des étrangers. Cela tombe sous le sens. Or, il n'y a pas d'exception
pour le reste du pays. On parle de politique d'achats. On ne dit pas qu'on va
essayer de négocier une entente et que peut-être il pourrait y
avoir des accords de réciprocité ou quelque chose, non. On dit:
On veut avoir une politique d'achats. On ne devient quand même pas
indépendant pour ne pas changer les règles du jeu à notre
avantage, mais jamais on ne fait d'exception pour le reste du Canada. Par
conséquent, je dis, en ce qui me concerne, que le jugement que je fais,
c'est que le gouvernement du Parti québécois ne veut pas
d'association; elle n'a pas de contenu l'association. Chaque fois qu'on
soulève une chose... Qu'est-ce qu'il y a, Mme la Présidente?
La Présidente (Mme Cuerrier): Je veux simplement vous
faire signe que vous pourriez toujours laisser...
M. Raynauld: II n'est pas et quarante encore.
La Présidente (Mme Cuerrier): ... deux minutes pour une
réponse à votre question. Autrement, vous ne pourrez pas en
avoir, parce que M. le ministre de l'Energie et des Ressources n'a que deux
minutes et il ne pourra pas prendre de temps sur le temps des conclusions.
M. Raynauld: Mais, Mme la Présidente, cela dépend
si on parle pendant dix minutes pour conclure.
La Présidente (Mme Cuerrier): Non, il n'a que... De toute
façon, c'est comme vous...
M. Bérubé: ... connaître ma
réponse.
M. Raynauld: On n'est pas intéressé aux
réponses, parce qu'on a eu beaucoup de répon-
ses, ce n'est pas la première journée qu'on fait un
débat sur la souveraineté-association, ce n'est pas la
première fois, ça fait des années qu'on vous entend
répondre à côté des questions qu'on pose. Là,
j'en pose une nouvelle. Je l'ai posée au ministre des Affaires
intergouvernementales, il n'y a pas longtemps, et vous pensez qu'on a eu une
réponse? On n'a pas eu de réponse. On parle de rapatrier à
peu près toutes les institutions, on va racheter, on va acheter le monde
entier, on a tout l'argent qu'il faut pour faire ces choses et on dit: Est-ce
qu'on fait une association avec le Canada, oui ou non? Si on fait une
association, peut-être qu'avant de dire qu'on va acheter tout le reste du
Canada, tout ce qu'il y a au Québec, à ce moment-là, on
dirait: Ça va se discuter.
Il y a 500 sociétés fédérales qui vont
être supprimées puisqu'il n'y a plus de gouvernement
fédéral, qu'est-ce qu'on nous répond? On changera la
casquette des postiers. Après ça, on s'en va, peut-être Air
Canada, peut-être qu'on pourrait faire quelque chose. Peut-être,
pour Air Canada, peut-être que ça serait imbécile d'avoir
deux sociétés, parce que ce seraient deux gros déficits
plutôt que d'autre chose, là, peut-être, oui.
C'est comme ça qu'on traite des associés éventuels
avec lesquels on veut faire des affaires, c'est comme ça? On va aller se
promener, faire des discours à Toronto et on va aller dire aux gens de
Toronto: Vous savez, on a un peu de pouvoir, le Saint-Laurent, après
tout, passe dans notre province. Alors, pensez-y donc deux minutes avant de
dire: Bof, on pourra ne pas s'occuper de vous. Pensez-y donc un peu, la
suggestion étant qu'on pourrait bloquer le Saint-Laurent, on pourrait
peut-être avoir des motoneiges sur le Saint-Laurent, l'hiver, essayer de
bloquer cette affaire, pour faire peur aux autres. C'est comme ça qu'on
se comporte avec des associés avec lesquels on veut faire des affaires?
Non, ce n'est pas comme ça. Je suis bien obligé de conclure que
si on se comporte comme ça et c'est ça qu'on fait, qu'il n'y a
jamais de place pour personne d'autre, sauf pour nous, je suis bien
obligé de conclure qu'il n'y aura peut-être pas d'association.
Union monétaire
En ce qui concerne la monnaie le ministre des Finances est parti,
malheureusement, j'aurais aimé ça savoir un peu où il en
est dans ses délibérations psychologiques sur la monnaie, parce
que depuis 1977 le ministre des Finances nous dit qu'il n'aura probablement pas
de monnaie. Il a déclaré ça à Toronto, il n'y a pas
longtemps, c'est possible, mais ce n'est pas probable. Au HEC, en 1978, je ne
crois pas qu'on s'entende sur une monnaie commune. Juillet 1978, une monnaie
commune, c'est souhaitable sur le plan psychologique, mais vous savez, la
souveraineté politique exige qu'on ait tous les contrôles, tous
les instruments de contrôle sur notre développement. Est-ce qu'on
va en avoir une, une union monétaire, si le ministre des Finances
continue à répéter des choses pareilles? Si on n'a pas
d'union monétaire, où est-ce qu'on en est? On va les payer
comment, les dettes qu'on est supposé rapatrier, parce qu'on aime
ça, rapatrier, au Québec. On rapatrie des dettes, on rapatrie des
factures, on rapatrie des déficits, on est content, on a rapatrié
des choses, c'est à nous autres. On va les payer comment, ces dettes?
Avec quelle sorte de monnaie? Parce que ce n'est plus clair que ce seront des
dollars canadiens, ce n'est plus clair du tout. Une union monétaire
possible, mais pas probable. Possible...
M. Scowen: Psychologiquement.
M. Raynauld: Ouais, et c'est souhaitable sur le plan
psychologique. Sur le plan des faits, sur le plan objectif des politiques
économiques, franchement, ce sont des entraves inacceptables. Par
conséquent, on en est rendu, à l'heure actuelle, à se
poser des questions. L'union monétaire, est-ce qu'on en veut une, comme
c'est marqué dans le livre blanc, ou si le ministre des Finances aura
gain de cause dans ses convictions qu'il nous laisse partager, comme ça,
d'un discours à un autre? On peut se poser des questions.
Est-ce qu'il va y avoir une monnaie commune? Et s'il n'y a pas de
monnaie commune, et même s'il y en a une d'ailleurs, est-ce que le
ministre des Finances est prêt à réaffirmer ce qu'il a dit
ici il n'y a pas tellement longtemps, que, de toute façon, on serait en
surplus, à la balance des comptes courants?
Je pense qu'il a dû lire l'introduction aux comptes
économiques provinciaux. Il est bien indiqué qu'on ne peut pas
interpréter les exportations nettes comme un compte courant. Si cela
n'est pas un compte courant, cela veut dire qu'il ne peut pas se fier
là-dessus pour dire qu'il va y avoir un surplus. Est-ce que cela ne
serait pas un peu surprenant qu'on fasse un surplus au Québec, lorsque
la balance des comptes courants au Canada est en déficit de $5 000 000
000 depuis trois ou quatre ans de suite? Ce serait un peu curieux tout de
même que le Québec soit en surplus et que l'ensemble du Canada
soit en déficit de $5 000 000 000 par année. (12 h 45)
Qu'il nous explique donc sur quelle base il pense qu'on va avoir une
monnaie tellement forte qu'on va pouvoir payer nos dettes avec une monnaie
québécoise. S'il n'y a pas de monnaie québécoise,
le fonds des changes, est-ce qu'il va être à notre disposition
également? Est-ce que le fonds des changes va être à notre
disposition, indépendamment des déficits qu'on va faire? Et c'est
quoi le déficit, quand on pense à la facture
pétrolière dont j'ai parlé tout à l'heure, en 1980,
$6 000 000 000? Ce serait surprenant qu'on soit en surplus tout à coup,
quand on fait état de l'ensemble de ces faits.
Si nous ne sommes pas en surplus, je dis une chose: Sur le plan de
l'union monétaire, on n'aura pas accès sans restriction aux
devises étrangères gagnées par les autres et on va
être obligé de prendre des dispositions pour arrêter ce
déficit sur le compte courant. Si on a une monnaie distincte, elle va
être dévaluée. C'est cela que cela va
faire. C'est l'un ou l'autre. Merci, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Cuerrier): Dix minutes pour la
conclusion de M. le ministre.
M. Parizeau: Mme la Présidente, comme nous ne sommes pas
tout à fait à 13 heures et que je garde dix minutes, est-ce que
je pourrais permettre à mon collègue de prendre les deux minutes
qui restent?
M. Raynauld: II a terminé ses 20 minutes lui aussi.
La Présidente (Mme Cuerrier): Au début, nous avions
bien déterminé que nous préserverions les vingt
dernières minutes pour les deux intervenants privilégiés.
Je me vois dans l'obligation de m'en tenir à l'entente que nous avions
faite entre nous. M. le ministre des Finances, votre conclusion devrait durer
dix minutes.
M. Bérubé: Question de directive, Mme la
Présidente. Tantôt j'ai cru comprendre, à l'interrogation
que vous avez faite au député d'Outremont, que vous vouliez
justement m'accorder deux minutes pour me permettre de répondre aux
questions que le député d'Outremont m'a posées
spécifiquement.
Est-ce que je comprends bien que son intention était de poser des
questions, mais que, spécifiquement, il était
préférable pour lui que les réponses ne sortent pas
à la télévision et que l'objectif pour lui serait d'avoir
les faits et non pas la réponse? Est-ce que je comprends bien cela?
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le ministre, je me trouve
dans une situation assez embarrassante dans le sens que nous ne devons pas
dépasser 13 heures pour ajourner le débat, mais nous avions
très bien dit qu'après les dix minutes de conclusion qui devaient
commencer à 12 h 40, nous aurions probablement pu utiliser chacun dix
minutes pour les intervenants privilégiés. Comme M. le
député d'Outremont considère que son intervention
était sa conclusion et qu'il a quand même commencé sa
conclusion avant le moment que nous avions déterminé, je me
trouve vraiment en situation fort embarrassante et je vous demande votre
collaboration. Cela va?
M. le ministre des Finances, les dix minutes de conclusion, si j'ai bien
compris. M. le ministre.
Conclusion du ministre
M. Parizeau: En conclusion, Mme la Présidente, je pense
qu'on a tout de même, ce matin, réussi à établir un
certain nombre de choses. Je voudrais essayer d'en faire brièvement le
résumé, parce qu'il est rare qu'on en arrive, à l'occasion
de discussions comme celles-là, vraiment à établir un
certain nombre de conclusions et là, je pense que nous en avons quand
même quelques-unes.
La première conclusion, c'est que, si l'on suppose que les
Québécois paient tous leurs impôts au gouvernement du
Québec et toutes leurs taxes au gouvernement du Québec et que,
d'autre part, le gouvernement du Québec fournit aux
Québécois les mêmes services que ceux qu'ils
reçoivent à l'heure actuelle, y compris les pensions de
vieillesse, y compris tout le reste, le déficit budgétaire qui
apparaîtrait serait en fait proportionnellement plus faible, dans les
pires des conditions et en supposant que l'on ne fasse rien pour réduire
les doubles emplois et les chevauchements des deux gouvernements, en supposant
qu'on ne fasse rien, néanmoins, le Québec serait dans une
meilleure position financière que le gouvernement fédéral
ne l'est aujourd'hui. Je pense que c'est une conclusion fondamentale qui
correspond à ce que nous soutenons depuis fort longtemps de ce
côté-ci et que je vois confirmée par nos amis d'en face
pour la première fois. Je pense que c'est un moment historique que nous
connaissons.
M. Scowen: Au contraire, Mme la Présidente c'est une
fausseté grossière.
Une Voix: Remarquable démonstration. M. Parizeau:
Deuxièmement...
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député
de Notre-Dame-de-Grâce, je regrette, nous en sommes à la
conclusion. M. le ministre.
M. Scowen: Mais c'est simplement pour dire que ce n'est pas
vrai...
M. Parizeau: Deuxièmement, Mme la Présidente, nous
avons... Mme la Présidente, je pense que, quand on entend des injures
comme celles que je viens d'entendre, c'est que, manifestement, une
déclaration à porté. J'en prends bonne note.
La deuxième conclusion, je pense, à laquelle nous en
arrivons, c'est que, fondamentalement, l'association avec le Canada se fait sur
deux plans: la politique commerciale, la libre circulation des produits et,
d'autre part, la même monnaie.
Sans doute, on m'a remis sous le nez, si je puis m'exprimer ainsi,
certaines des discussions que j'ai souvent eues dans le public, dans le
passé, où, essentiellement, je voulais dire ceci: L'union
douanière, ce n'est pas très difficile à faire accepter
par le reste du Canada dans son ensemble, si on veut, mais surtout par
l'Ontario qui a le même intérêt que nous là-dedans et
qui a le poids qu'on connaît dans le Canada. D'ailleurs, entre nous cette
idée d'une union douanière n'a jamais été vraiment
attaquée en Ontario. Les Ontariens sont aussi réalistes que nous;
ils savent très bien à quel point c'est dans leur
intérêt comme dans le nôtre.
Pour ce qui a trait à l'union monétaire, ce n'est pas tout
à fait la même chose, bien sûr, parce que c'est commode sans
doute pour les deux, mais c'est tout de même plus astreignant. Il est
évident, par exemple, qu'il faut avoir à peu près le
même genre d'idées quant à l'évolution du taux de
change qu'on envisage.
II est clair aussi qu'un pays ne peut pas vouloir un rythme d'inflation
à toute allure, pendant que l'autre, au contraire, serait très
conservateur et viserait un taux d'inflation plus faible. Il faut davantage
s'entendre sur la monnaie. Bien sûr, c'est ce que nous disons. Nous
disons: Allons voir, allons discuter avec eux. C'est peut-être plus
compliqué à réaliser pour la monnaie que pour la libre
circulation des produits, mais il n'y a pas de raison de ne pas tenter
l'effort. Aussi bien pour ce qui a trait à la libre circulation des
produits qu'à l'égard de la monnaie, on n'a pas à faire
comme les Européens, c'est-à-dire à prendre des
années pour réaliser quelque chose qui n'existait pas. Il s'agit
de maintenir ce qui existe. C'est fort différent et, au fond, en un
certain sens, moins difficile, plus facile.
Sans doute, on me répond sur ce plan: Mais on a l'impression que
le gouvernement n'est pas vraiment intéressé à une
association. Au contraire, je pense qu'une des plus vieilles idées, une
des idées les plus fondamentales que le parti que je représente
et qui est au gouvernement maintenant défend depuis une douzaine
d'années, c'est que le Canada, sans nous, sera un meilleur pays, que les
Canadiens qui cherchent au fond depuis des générations à
avoir sur une foule de terrains une politique commune, une politique canadienne
dans laquelle ils se retrouvent, très souvent n'ont pas réussi
à y arriver essentiellement en raison du Québec. Le
Québec, depuis 25 ans, bloque un certain nombre d'aspirations chez les
Canadiens, pour des raisons qui sont fondamentales pour les
Québécois, mais qui font que les Canadiens, un certain nombre,
passent par des phases d'exaspération à l'égard du
Québec qui sont parfaitement compréhensibles. Ce que nous disons
depuis dix ans, c'est qu'au lieu, comme l'a dit bien souvent le premier
ministre actuel, d'être comme deux scorpions dans une bouteille prenons
donc l'habitude, prenons donc la décision de vivre chacun chez nous dans
notre pays et de faire en sorte que, sur un certain nombre de plans
économiques importants, on s'entende. En fait, je pense qu'on n'aura pas
trouvé, au cours de ces douze années, de dialogue agressif de
notre part à l'égard du Canada anglais. Ce n'est pas vrai. Nous
avons attaqué le gouvernement fédéral comme institution
sou- vent, le Canada anglais, non. C'est un pays, au même titre que nous
cherchons à établir un pays. Ces gens ont droit au même
genre de respect que nous demandons pour nous-mêmes. L'association, oui,
nous la voulons entre pays souverains.
Finalement, une chose sur laquelle on s'entend aussi, je crois, à
la suite du débat de ce matin, c'est l'importance des centres de
décision. Où sont-ils? Qui les contrôle? Les centres de
décision, aussi bien publics que privés, sont localisés
quelque part et, parce qu'ils sont localisés quelque part, ils sont
inévitablement influencés par l'endroit où ils se
trouvent. Là-dessus, le député d'Outremont tout à
l'heure consacrait cette importance des centres de décision. C'est dans
ce sens-là que la souveraineté, parce qu'elle permet enfin de
rapatrier des centres de décision chez nous, est un instrument de
prospérité. Je reviendrai en terminant essentiellement sur la
position prise avant-hier par cette soixantaine d'économistes et qui,
à mon sens, devrait faire réfléchir longuement.
Voilà des hommes de métier qui, au lieu de céder aux
frayeurs classiques, traditionnelles, qu'on répand dans nos milieux,
très souvent avec des arguments chiffrés, un peu
démagogiques, disent: Mais c'est faisable! C'est tout à fait
faisable sur le plan technique.
La souveraineté ne va pas se faire à cause de raisons
techniques. Mais il est fondamental de se rendre compte que la
souveraineté est faisable et réalisable sur le plan technique, et
que la souveraineté est un instrument efficace de
prospérité.
Merci, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Cuerrier): De la même
manière que j'ai pu compter sur votre collaboration tantôt pour
déterminer le temps alloué à chacun, je compte sur votre
collaboration pour dire qu'il est maintenant 13 heures et que cette commission
des finances et des comptes publics, qui a étudié la question
avec débat de M. le député d'Outremont au ministre des
Finances, cette question étant: Les conséquences
économiques de la souveraineté-association proposée par le
gouvernement, cette commission, dis-je, ajourne ses travaux sine die.
Fin de la séance à 12 h 58