L'utilisation du calendrier requiert que Javascript soit activé dans votre navigateur.
Pour plus de renseignements

Accueil > Travaux parlementaires > Travaux des commissions > Journal des débats de la Commission permanente des finances et des comptes publics

Recherche avancée dans la section Travaux parlementaires

La date de début doit précéder la date de fin.

Liens Ignorer la navigationJournal des débats de la Commission permanente des finances et des comptes publics

Version finale

31e législature, 4e session
(6 mars 1979 au 18 juin 1980)

Le lundi 9 juin 1980 - Vol. 21 N° 296

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Étude des crédits du ministère des Finances


Journal des débats

 

Etude des crédits du ministère des Finances

(Quinze heures dix minutes)

Le Président (M. Boucher): A l'ordre, s'il vous plaît!

La commission permanente des finances et des comptes publics est réunie pour étudier les crédits du ministère des Finances pour l'année 1980-1981.

Les membres de la commission sont: M. Desbiens (Dubuc), M. Goulet (Bellechasse), M. Grégoire (Frontenac), M. Laplante (Bourassa), M. Michaud (Laprairie), M. Parizeau (L'Assomption), M. Ouellette (Beauce-Nord) remplace M. Perron (Duplessis); M. Forget (Saint-Laurent), M. Scowen (Notre-Dame-de-Grâce).

Les intervenants sont: M. Baril (Arthabaska), M. Brassard (Lac-Saint-Jean), M. Ciaccia (Mont-Royal), M. Cordeau (Saint-Hyacinthe), M. Fallu (Terrebonne), M. Giasson (Montmagny-L'Islet), M. Laberge (Jeanne-Mance), M. Martel (Richelieu), M. Samson (Rouyn-Noranda).

Y a-t-il un rapporteur?

M. Michaud: Je proposerais M. Desbiens (Dubuc).

Le Président (M. Boucher): M. Desbiens (Dubuc) est nommé rapporteur de cette commission.

M. le ministre, pour les commentaires préliminaires.

M. Parizeau: M. le Président, plutôt que des commentaires préliminaires, je souhaiterais, s'il était possible, qu'on s'entende sur l'ordre dans lequel nous allons examiner les crédits, parce qu'il y a un certain nombre de contraintes d'horaires que j'aimerais expliquera mes collègues, de façon qu'on puisse voir si on peut s'entendre sur l'ordre dans lequel nous allons étudier les crédits.

Nous avons examiné, d'une part, les crédits du ministère des Finances et, d'autre part, les créditsdu Trésor; en outre, j'ai demandé au président de Loto-Québec et au président de la Caisse de dépôt et placement, comme je le fais chaque année, d'être ici. De la même façon, j'ai demandé au curateur public, dont le poste apparaît dans les crédits, mais qui a, si on peut dire, un rôle un peu distinct de la fonction publique habituelle, d'être ici aussi.

Les contraintes de temps que j'ai sont les suivantes: M. Jean-Marc Lafaille, président de Loto-Québec et vice-président de la National Association of State Lotteries, participe, aujourd'hui et demain, à un congrès qui se tient à Cleveland, dans l'Ohio; si c'était possible, je pense que ce serait utile qu'il puisse partir à 17 h 15 et ne pas rater complètement ce congrès. Je suggérerais, s'il n'y a pas d'objection, que nous commencions par Loto-Québec.

Après cela, on pourrait peut-être passer à la Curatelle publique qui a toujours été, traditionnellement, examinée à part. J'attends le curateur d'une minute à l'autre. Ensuite, puisque nous sommes déjà engagés dans les sociétés d'Etat ou les organismes comme ceux-là, on pourrait commencer l'étude des crédits de la Caisse de dépôt et placement.

Ce soir, je souhaiterais, si c'est possible, qu'à partir de 20 heures on commence les crédits du Conseil du trésor pour la raison suivante, de façon que le personnel du Conseil du trésor puisse être libéré pour la séance de mardi.

Le Conseil du trésor siège toujours le mardi. S'il fallait qu'on bloque tout ce monde-là demain, on serait obligé de reporter toute la mécanique de 24 ou de 48 heures. Or, comme on le sait, le Conseil du trésor doit siéger mardi pour le Conseil des ministres du mercredi et il serait, si c'est possible, je pense, utile qu'on passe au Conseil du trésor ce soir.

Si nous terminions cela avant minuit, nous pourrions continuer sur la Caisse de Dépôt et Placement. Et, alors, ce serait une fois qu'on aura passé tout cela, que l'on aborderait les crédits du ministère des Finances, par exemple, demain ou tard ce soir, selon la façon dont ça tourne. Je vais demander à M. le Président si mes collègues accepteraient cet ordre du jour.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Notre-Dame-de-Grâce et M. le député de Bellechasse, est-ce qu'il y a accord pour suivre cet ordre d'étude des crédits?

M. Scowen: M. le Président, on est d'accord pour commencer avec Loto-Québec et la Curatelle, mais j'aurais préféré, une fois l'étude de la question de la caisse commencée, qu'on puisse la terminer avant de commencer les autres sujets, pour deux raisons. La première, c'est que je pense que c'est un sujet qui est un peu plus dans l'actualité que les autres et qu'il faut, quant à moi, suivre une certaine ligne de pensée jusqu'au bout. De plus, c'est la première fois que je fais les crédits des Finances, et je suis habitué de recevoir une documentation des autres ministères, avant que l'étude des crédits soit engagée, pour nous permettre d'étudier d'une façon complète les crédits et poser des questions intelligentes. A quinze heures cet après-midi, je n'avais rien reçu, soit sur le Conseil du trésor, soit sur le ministère des Finances et un adjoint du ministre m'a dit qu'il y avait quelque chose, que c'était en route. (15 h 15)

En tenant compte des circonstances, ce serait apprécié si on pouvait avoir au moins une journée, au moins quelques heures pour l'étudier. Je pense que la courtoisie élémentaire exige que nous ayons au moins quelques heures, sinon quelques jours pour étudier ces questions. Dans le cas de Loto-Québec et de la caisse, nous avons au moins les rapports annuels et certains documents. Mais, pour les autres, on attend encore. Alors, si c'était possible qu'on puisse faire Loto-Québec, comme le propose le ministre, la Curatelle et ensuite passer à la caisse, jusqu'à ce que ce soit terminé, je l'apprécierais.

M. Parizeau: Bon, parfait, M. le Président.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Bellechasse.

M. Goulet: M. le Président, j'avais quelques propos préliminaires à faire. Je peux les garder avant de commencer l'étude du chapitre ou nous parlerons de la Caisse de dépôt et placement. Quant à moi, Loto-Québec, ça va être très court et la Curatelle publique également. On peut se libérer de ça immédiatement, M. le Président; je n'ai pas d'objections. En ce qui concerne la Curatelle, je n'ai pas de questions et je n'aurais qu'une question sur Loto-Québec.

Le Président (M. Boucher): Merci, M. le député de Bellechasse. Comme il y a accord pour que l'on commence immédiatement par Loto-Québec, la parole est à vous, M. le ministre.

Loto-Québec

M. Parizeau: M. le Président, Loto-Québec, comme on le sait, est une des entreprises gouvernementales à qui on ne peut reprocher de ne pas faire d'argent. Nous avons modifié un peu, depuis la dernière fois que nous nous sommes vus sur Loto-Québec, l'organisation du conseil d'administration de Loto-Québec qui a été élargi. D'autre part, le personnel de Loto-Québec a fonctionné dans le cadre de ce nouveau règlement et non plus dans le cadre de la fonction publique. Le troisième élément majeur qui a marqué l'année en cours ou l'année qui se termine, c'est que Loto-Canada s'est retirée du champ des lotos, si bien que Loto-Québec n'est plus en concurrence avec Loto-Canada au Québec à l'heure actuelle.

D'ailleurs, à la suite de ce retrait de Loto-Canada, Loto-Québec a passé — c'est presque concomitant comme opération — une entente avec les autres provinces du Canada, pour le jeu qui s'appelle "la Provinciale", si bien qu'on ne peut pas dire que Loto-Québec fonctionne seule. Elle exploite seule une série de jeux au Québec et, d'autre part, un jeu interprovincial qui, encore une fois, a accompagné le retrait de Loto-Canada du champ des loteries.

Comme on le sait, le nouveau gouvernement fédéral semble, à l'heure actuelle, vouloir revenir sur cette entente et remettre en marche une Loto-Canada, mais on doit dire que les renseignements à ce sujet ne sont pas encore suffisamment précis pour qu'on puisse faire des commentaires au stade où nous en sommes.

Quant au montant que le trésor public pense tirer en 1980-1981 de Loto-Québec nous nous attendions, au début de cette année, que ce soit environ $132 000 000, et tout indique que ce montant sera obtenu, au point où nous en sommes.

Voilà à peu près ce que je voulais dire comme première observation sur Loto-Québec, M. le Président.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Scowen: J'ai lu le rapport annuel pour l'exercice terminé le 31 mars 1979, et il y a trois ou quatre questions que je veux soulever. Premièrement, M. le ministre, vous avez constaté, j'imagine, que les dépenses, le coût d'administration, de cette société ont augmenté de 5% en 1978 à 8% en 1979. Comme n'importe quelle compagnie, quand vous voyez une augmentation de 75% dans un an dans le coût d'administration il faut se poser des questions.

Il y a quand même certaines explications dans le texte qui ne sont pas rassurantes mais, je pense, qu'il vaut la peine au moins de vous demander de dire si vous êtes satisfait de cette augmentation de $10 000 000 à $20 000 000 dans une seule année pour l'administration de cette société, et de nous dire si de l'effectif a été augmenté et, si oui, par combien parce que ce n'est pas à Loto-Québec sûrement qu'on cherche à développer une lourde bureaucratie?

La deuxième question que je veux soulever: dans le rapport, il y avait une partie du texte qui s'appelait révolution des dépenses " et le président était très préoccupé par la concurrence qu'il n'aimait pas; il voulait que cela disparaisse. Si je comprends bien, la concurrence dont il parlait était effectivement le fédéral. Il a même promis que si quelqu'un pouvait rayer cette concurrence de la scène, il pourrait réduire les dépenses de publicité de moitié, cette année, de 3,6% à 2%.

Est-ce qu'on peut attendre maintenant que cette réduction soit bientôt réalisée? Je pense qu'il a promis, si je comprends bien... Il n'a pas parlé directement du fédéral, mais il a parlé de la concurrence, en disant: Sans cette concurrence, ces dépenses pourraient facilement se ramener à 2% du chiffre d'affaires de la société. Est-ce que vous pensez vraiment qu'en réduisant le chiffre d'affaires, même dû au simple fait que la concurrence est éliminée, les ventes vont se maintenir?

La dernière question que je veux poser est simplement pour vous rappeler que dans le rapport du Vérificateur général, il y avait deux ou trois problèmes de soulevés. Le plus frappant, c'est qu'il existe une possibilité d'avoir deux gagnants sur un même numéro de billet pour la Mini-Loto et la Super-Loto. C'est possible, en principe, pour deux personnes de gagner le million à cause de certaines faiblesses du système. Je pense que cela a été porté à l'attention de la population par le Vérificateur général et que cela peut peut-être augmenter la vente des billets pour une certaine période, mais pas nécessairement la rentabilité de la société. Est-ce que vous êtes en train de régler ce problème soulevé à la page 226? Egalement, il y a les deux autres problèmes qui sont soulevés par le Vérificateur général dans ses constatations au numéro 2 de la page 225 et au numéro 4 de la page 226 et qui sont d'ordre administratif. Je ne vais pas soulever les détails, mais je pense certainement que le premier que j'ai mentionné est intéressant et doit être réglé.

Alors, ce sont mes trois questions, M. le Président: Les coûts d'administration, la concurrence et le bonheur qui va nous arriver à cause de l'élimination de cette concurrence et le rapport du Vérificateur général.

Le Président (M. Boucher): Merci, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce. M. le ministre.

M. Parizeau: M. le Président, je pense que pour ce qui a trait aux coûts, il s'agit davantage d'une question de reclassement des comptes qu'autre chose. Je rappelle au député de Notre-Dame-de-Grâce que la rémunération des grossistes, dans l'état des revenus et dépenses — c'est à l'article coût des ventes — tombe de $10 930 000 à $4 500 000, et une partie de cela a été reclassée à l'article frais de distribution et de ventes, en ce sens qu'un plus grand nombre d'employés ont été utilisés pour la distribution.

Si on tient compte de ce changement d'affectation dans les comptes, les données relatives aux frais d'exploration ou dépenses sont d'un autre ordre. Pour l'année 1977-1978, l'année 1978 terminée, les frais de "marketing", de publicité surtout, sont de 2,3% des ventes. Les frais de distribution sont de 6% et les frais d'administration de 1,27%. L'informatique est à 0,6% des ventes.

Pour l'année suivante maintenant, mais sur la même base comptable, les frais de "marketing" sont de 3,7%. Les frais de distribution de 3,1%. Voyez, nous tombons de 6% à 3,1%, toujours des ventes. Les frais d'administration à 1,7% et l'informatique à 1,3%. Au total, sur une même base comptable, les dépenses de "marketing", distribution, administration, informatique, amortissement, etc., passent de 10,3% des ventes à 10,1%. En fait, il y a eu une légère amélioration d'une année sur l'autre, si on établit la comparaison des chiffres sur la même base comptable.

A cet égard, ça ne me déplaît pas du tout comme portrait, sauf qu'il faut bien comprendre que l'année 1978-1979 a été une année de grande concurrence entre les deux systèmes et a occasionné, sur le plan des dépenses publicitaires évidemment, passablement plus de dépenses qu'avant.

Donc, si je résume: un peu davantage en termes de proportion des ventes; davantage de publicité, parce qu'on était en pleine concurrence avec Loto-Canada à ce moment; beaucoup moins de dépenses sur les frais de distribution, parce qu'on avait aboli, à ce moment, le système des concessions, alors, au lieu de dépenser 6% de frais de distribution, on avait 3,1% de frais de distribution; des dépenses un peu en hausse en frais d'administration et une hausse qui n'est pas très forte en termes de millions de dollars mais quand même assez substantielle sur le plan de l'informatique.

On me signale qu'une des raisons pour laquelle les frais d'informatique ont particulièrement monté, c'est l'introduction de la Quotidienne.

Deuxième question, la...

M. Scowen: Excusez-moi, M. le... M. Parizeau: Oui.

M. Scowen: Avant de terminer, finalement, avec tous les changements dont vous avez parlé, la marge de profits est tombée de 36% à 35%. J'accepte qu'il y avait...

M. Parizeau: Non, mais ça n'a rien à voir avec les frais d'administration, ça à voir avec le montant distribué en prix, ça n'a rien à voir avec les dépenses.

M. Scowen: Ah, bon!

M. Parizeau: Non, l'ensemble des dépenses, qui représentait 10,3%, en 1977-1978, au total, tombe à 10,1%; donc, ça ne peut pas venir de là.

Le fait que la marge de profit soit tombée de 36% à 35% vient de ce que les prix, qui représentaient, en 1977-1978, 44% du total, en représentent, en 1978-1979, 45,2%.

M. Scowen: Cela fut une politique délibérée qui va continuer ou ce fut accidentel?

M. Parizeau: Non, c'est une politique délibérée. On constate, au fond, au fur et à mesure où on se déplace vers des loteries plus populaires — 6-36, Quotidienne, etc. — que le pourcentage d'argent remis en prix au public augmente. Je vous rappelle, par exemple, qu'il y a cinq ou six ans le pourcentage en prix n'était qu'autour de 38% ou 39% et il est déjà rendu à 45%; il est à peu près stable maintenant, d'après ce qu'on peut voir. A 45% en 1978-1979 et pour 1979-1980 — le rapport annuel va sortir bientôt — c'est absolument le même pourcentage et on prévoit, pour 1980-1981, 45,9%. (15 h 30)

Donc, ça semble se stabiliser entre 45% et 46%. Mais disons que ça n'a rien à voir avec les frais d'administration mais plutôt avec le montant remis au public en prix.

Pour ce qui a trait à la concurrence, une chose est assez claire, je pense. C'est que la coexistence de Loto-Québec et de Loto-Canada d'abord impliquait sur le plan des frais d'administration un dédoublement assez considérable et, d'autre part, une espèce de surenchère, en termes de publicité, qui était considérable. C'est ainsi, par exemple, que Loto-Canada en était arrivée à presque 6% des recettes brutes sous forme de publicité. Evidemment, là, la concurrence pend entre les deux organismes, quand ça se produit comme ça, pour savoir lequel va faire le plus de publicité et inonder davantage les ondes.

Remarquez que, tant que Loto-Canada a été dans le champ, il y a eu des tentatives, entre les provinces et le gouvernement fédéral, pour limiter les dépenses de publicité en pourcentage des ventes brutes pour chacun des participants. Une entente comme celle-là est extrêmement difficile à

patrouiller, parce qu'on s'en rend toujours compte ex post. Ce n'est qu'après qu'on se rend compte si effectivement les participants ont bien été disciplinés ou pas. Alors, le principal inconvénient que ça présentait, cette concurrence, et la raison pour laquelle je suis particulièrement content que Loto-Canada soit sorti du champ, c'est qu'on évite de noyer les ondes davantage encore que les compagnies de bière.

C'est excellent qu'il y ait de la publicité pour les lotos, on n'est pas obligés de prendre tout le temps disponible en "prime time". Dans ce sens, donc, le fait que Loto-Canada soit disparu du champ, je pense, n'enlève rien au public puisque la loterie du millionnaire que Loto-Canada avait lancée a été reprise par l'entente interprovinciale sur un bassin de population tout aussi grand. Donc, on peut faire autant de millionnaires à travers le Canada par une loto que Loto-Canada en faisait. On le fait par le truchement des provinces et, d'autre part, on arrive à limiter quand même les dépenses de publicité de façon un peu meilleure que c'était le cas avant. Alors, à tous les égards, je pense que le départ de Loto-Canada est une bonne chose.

M. Scowen: Est-ce que je peux présumer que le président va faire suite à son intention de réduire maintenant les dépenses en publicité à 2% du chiffre d'affaires.

M. Parizeau: C'est déjà fait. M. Scowen: C'est déjà fait.

M. Parizeau: Nous sommes en train, à l'heure actuelle, nous visons pour 1980-1981 un montant de publicité de l'ordre de 2,2% du chiffre d'affaires plutôt que de 3,7% de 1978-1979, par exemple.

M. Scowen: Simplement un avertissement poli au président, d'après mon expérience, c'est que dans le domaine des produits dont le monde n'a pas besoin, ce n'est pas tout à fait clair que la publicité et la concurrence même n'auront pas l'effet d'augmenter le marché total. Quand vous avez le monopole de l'électricité, c'est une chose; mais, quand vous avez le monopole de quelque chose dont personne n'a besoin, il ne faut pas tenir pour acquis que vous pouvez garder votre chiffre d'affaires au même niveau en réduisant vos dépenses publicitaires. C'est simplement quelque chose d'assez élémentaire, mais j'espère que vous allez tenir compte de ça.

M. Parizeau: Maintenant, d'un autre côté, il faut reconnaître, M. le Président, qu'il y a de la concurrence. Il y a même une concurrence extrêmement nette entre les jeux. Au fond, la caractéristique de ce genre de métier, c'est constamment constaté que certains jeux ont mûri, ne se développent plus beaucoup indépendamment de la quantité de publicité qu'on met dedans et que, l'attrait du nouveau, du changement, de jeux différents est vraiment ça qui relance constam- ment les ventes. Au fond, le travail de Loto-Québec est bien plus, à l'heure actuelle, sur le plan de l'imagination, de trouver de nouveaux jeux face à un public qui se lasse graduellement des jeux qui sont toujours les mêmes. La publicité vient servir d'appoint pour, au fond, révéler les nouveaux jeux au fur et à mesure où ils sont lancés. Dans ce sens-là, les jeux sont en concurrence les uns avec les autres. Il y en a qui mûrissent et qui vieillissent, et il y en a d'autres qui, au contraire, se développent très rapidement simplement parce qu'ils sont nouveaux; ils présentent un élément de jeu différent de ceux qu'on connaissait jusqu'à maintenant. C'est exactement ça qui s'est passé avec les changements apportés à la "6-36", c'est ça qu'on voit à l'heure actuelle avec la Quotidienne. La publicité vient servir d'appoint. Mais la publicité toute seule ne peut pas faire redémarrer un jeu qui a mûri.

Si nous passons maintenant à la question du vérificateur, je pense que c'est plus une ambiguïté qu'autre chose. En fait, il y a une possibilité. Si on entre dans les questions vraiment techniques là-dessus, je demanderai au président de Loto-Québec de me prêter davantage de lumière, mais enfin il y a toujours, non pas seulement une possibilité, mais il arrive très fréquemment qu'il va y avoir plusieurs billets portant le même numéro et qui sont tous gagnants. Un billet de Loto-Québec comporte trois numéros. Les séries sont faites de nombres de 100 000 à 999 999. Comme il se vend de ce genre de billets jusqu'à 2 600 000 ou même davantage par semaine, il y a donc trois séries qui sont imprimées et certaines semaines trois séries et demie. Quand un chiffre sort, il y a trois gagnants au moins et certaines semaines, il y en a quatre pour le même numéro. Ce que le vérificateur soulevait c'est qu'à l'occasion de plusieurs séries où il y a trois gagnants ou quatre gagnants certaines semaines, il pourrait y avoir dans un jeu la possibilité que deux personnes, par exemple, gagnent un million au lieu d'une seule. Cela ne s'est jamais produit, mais on sait qu'effectivement cette possibilité existe.

Au fond, si cela se produisait, cela ferait un argument de vente absolument sensationnel pour Loto-Québec qui n'attend que cela, mais cela ne s'est jamais produit! Ce qu'on considère comme étant un inconvénient, pour Loto-Québec c'est un admirable argument de vente si jamais le hasard faisait que ça sortait comme cela. Ce qui sort évidemment ce sont des prix de $15 000. Il y a quatre personnes la même semaine qui gagnent $15 000 ou trois personnes qui gagnent $50 000, mais deux à $1 000 000 cela ne s'est encore jamais produit. M. Lafaille n'attend que cela. L'aspect publicitaire serait énorme. Si on ne voulait pas avoir plusieurs gagnants sur le même numéro, trois ou quatre, on devrait avoir des séries qui portent en million, pas six chiffres, mais sept chiffres, c'est-à-dire tout un changement extraordinaire dans l'organisation de la chose. Ce n'est vraiment pas nécessaire. Les gens ont l'habitude de six numéros, ils ont toujours gagé sur six numéros, laissons-les à six numéros.

Je dois dire que là-dessus, je n'ai pas très bien saisi — je saisis ce que veut dire le vérificateur — mais je ne suis pas certain qu'il n'y a pas de discussions à entreprendre avec lui pour lui faire saisir tous les avantages publicitaires qu'il y aurait si, effectivement, la possibilité qu'il énonce se produisait. Cela serait prodigieux!

M. Scowen: Le Vérificateur général avait soulevé un problème. Vous avez répondu avec une solution qui n'est certainement pas acceptable et même ridicule. Est-ce que — et c'est clair qu'on ne le propose pas, ni vous, ni moi — c'est possible d'imaginer que la société va se mettre au travail pour trouver une autre solution qui n'est pas une solution de caricature, mais une solution pratique qui va régler un problème d'ordre administratif qui, je pense, a été soulevé d'une façon très raisonnable par le Vérificateur général.

M. Parizeau: D'abord, c'est un système dont je suis un peu étonné qu'on dise que c'est un système ridicule. Si c'est un système ridicule, c'est un système général à travers toutes les loteries...

M. Scowen: J'ai parlé de la solution que vous avez proposée vous-même.

M. Parizeau: Quelle solution?

M. Scowen: L'idée d'ajouter un autre numéro, d'élargir la...

M. Parizeau: Non, non, ce n'est pas une solution que j'ai proposée, j'ai dit que cela ne tenait pas debout.

M. Scowen: Exactement.

M. Parizeau: Alors, ce n'est pas une solution...

M. Scowen: C'est ça.

M. Parizeau: Je l'ai éliminée...

M. Scowen: Oui, c'est ça. Mais est-ce qu'on peut s'attendre que le président s'occupe de ce problème, qu'il mette de côté très vite la solution que vous avez soulevée comme n'étant pas acceptable, je suis d'accord là-dessus...

M. Parizeau: Mais il a été le premier à la soulever, oui.

M. Scowen:... et continue à chercher une solution? Si vous avez vraiment l'intention d'offrir deux lots de $1 000 000, qu'on fasse de la publicité et qu'on en profite. Si on n'a pas cette intention, si la comptabilité est basée sur un gagnant, qu'on s'organise pour n'avoir qu'un seul gagnant. Je pense que c'est de la saine administration élémentaire.

M. Parizeau: Mais c'est que l'ensemble de la politique de prix est basée sur la loi des grands nombres et par définition, on ne sait pas quand cela peut se produire. Mais c'est incorporé dans les projections que nous faisons des probabilités que certains événements se passent ou se produisent. A cet égard, la loi des grands nombres restera toujours ce qu'elle est.

Il y a normalement 42,5% — si on tient compte non seulement d'un prix de $1 000 000, mais de toute la structure de prix — normalement, on doit en arriver à une situation où à peu près, par exemple pour la Mini-Loto, 42,5% de l'argent retournent en prix. Evidemment, il peut y avoir des variations d'une période à l'autre, mais cela s'étale à 42,5%, basé sur le principe de la loi des grands nombres. Alors, je ne vois pas... Enfin le mieux que l'on puisse faire, c'est de retourner voir le Vérificateur général et lui dire: Ecoutez, c'est comme ça que le système de loteries fonctionne. Cela ne dérange pas le système de loteries; ils sont prêts à cela, ils sont organisés en fonction de cela.

M. Scowen: Et les deux autres?

M. Parizeau: Quand j'ai vu sortir la chose, évidemment, je me suis dit simplement qu'il y aurait une lettre à envoyer au vérificateur pour insister sur le fait que cela fait partie du jeu lui-même.

Pour les deux autres observations du Vérificateur général, on me dit qu'effectivement, entre le moment où le personnel a cessé d'être régi par la fonction publique et le moment où son nouveau statut a été défini par règlement, il y a des déductions à la source qui n'ont pas été faites, mais que cela a été corrigé depuis ce temps. Donc, on reconnaît la validité des observations du vérificateur, mais les corrections ont été faites.

M. Scowen: J'ai une toute dernière question, M. le Président, que je n'ai pas mentionnée avant. L'an passé, en 1978, la société a remboursé au gouvernement $85 000 000 en remises comme telles et à peu près $9 000 000 sous forme de dividendes, à la suite de la réorganisation de la société. Est-ce que le ministre peut me dire ses prévisions quant aux sommes qu'il prévoit recevoir de Loto-Québec pour l'année financière en cours?

M. Parizeau: Oui, pour l'année 1979-1980, les remises ont été de $101 500 000...

M. Scowen: C'est pour l'exercice du gouvernement?

M. Parizeau: C'est ça, jusqu'au 31 mars. C'est la même chose d'ailleurs... cela se termine aussi au 31 mars pour la loto.

M. Scowen: Ah oui! D'après le rapport que j'ai ici, à moins que je ne comprenne pas les chiffres, ce sont $78 000 000 plus $9 000 000.

M. Parizeau: Nous parlons de 1978. M. Scowen: Non, je parle de 1979.

M. Parizeau: Non, non, l'année qui se termine le 31 mars 1979...

M. Scowen: Ce sont $78 000 000 plus $8 800 000, si je comprends bien? Cela se chiffre par 87...

M. Parizeau: Nous arrivons à la même chose, nous arrivons à $86 000 000, parce qu'il faut additionner ici à la fois les versements et les bénéfices non répartis, parce que c'est devenu à un moment donné... enfin le statut a changé. (15 h 45)

M. Scowen: Oui.

M. Parizeau: Donc on s'entend pour $86 000 000, pour 1978-1979; pour 1979-1980, l'année terminée le 31 mars dernier, $101 500 000 et avant d'arriver aux $101 500 000 on a d'abord enlevé les $4 500 000 que nous devons à Ottawa en raison de cette entente que nous avons entre Ottawa, l'Ontario et nous, pour le paiement de l'équipement informatique, qui est en somme la liquidation de Loto-Canada et, pour 1980-1981, j'ai demandé $132 000 000.

M. Scowen: $132 000 000? M. Parizeau: Oui.

M. Scowen: Pour l'année 1979-1980, c'était $102 000 000?

M. Parizeau: $101 500 000.

M. Scowen: Quand vous dites que vous avez demandé... Est-ce que les sommes qui sont versées sont basées sur les profits de la société ou sur vos besoins?

M. Parizeau: Non, c'est basé essentiellement sur ce qu'on pense que la société est capable de générer, maintenant que Loto-Canada n'est plus dans le champ; l'année 1980-1981 va leur permettre d'envisager un volume de vente et ensuite une rentabilité supérieure. Je détermine cependant, chaque année, au début de l'année — ça, d'accord avec le président, bien sûr — ce qu'on attend — une espèce d'objectif, de "target" — de la compagnie, compte tenu des prévisions qu'on fait de son chiffre de ventes, de ses dépenses, de son budget de fonctionnement, ce que normalement elle doit pouvoir rapporter tant.

Alors, on s'entend là-dessus pour définir une sorte d'objectif et j'envoie une lettre au président en disant: M. le Président, j'attends, pour cette année, un montant d'à peu près telle chose.

M. Scowen: C'est assez curieux: en 1978, le revenu de la société était de $73 000 000 et elle vous a remis $73 000 000. En 1979, le revenu a été de $86 000 000 et elle vous a remis $86 000 000; cela donne l'apparence que ce n'est pas votre demande qui détermine le montant qui est remis au gouvernement, mais c'est un montant équivalent aux revenus de l'exercice pour l'année.

Dois-je comprendre que les $132 000 000, pour l'année en cours, sont basés sur vos projections de revenus nets de la société? Et, si le revenu net n'est pas de $132 000 000, elle va vous verser le montant qu'elle gagne ou est-ce qu'elle est obligée de vous verser les $132 000 000 indépendamment des revenus?

M. Parizeau: Je ne suis pas un homme déraisonnable, je ne veux pas vider la caisse.

M. Scowen: En fait, le principe c'est qu'elle vous paie le montant précis qui correspond à des revenus pour l'exercice?

M. Parizeau: Exactement, et vous voyez, par exemple, pour 1979-1980, la lettre que je lui avais envoyée après en avoir discuté avec le président au début de l'année, je demandais $100 000 000 et finalement ça a été $101 500 000; cette année, on a examiné les chiffres ensemble et on s'est dit: Cette boîte-là doit être bonne pour $132 000 000. Evidemment, si elle fait $130 000 000, je demanderai des explications et si elle fait $133 000 000, j'offrirai ma bénédiction.

M. Scowen: Merci.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Bellechasse.

M. Goulet: Rapidement, M. le Président. Si je comprends bien, on va directement à Loto-Québec et on entrera dans le vif du sujet concernant le ministère des Finances seulement après le dîner. Or, je veux bien me conformer à votre directive et à l'entente que nous avons eue au début, M. le Président. J'avais dit que j'avais seulement une question concernant Loto-Québec, ce sera probablement une question à deux, trois ou quatre volets.

Depuis que le fédéral a exprimé le voeu de revenir occuper le champ des loteries, après s'en être retiré, j'aimerais savoir quelle est l'attitude du ministre ou quelle sera son attitude. Est-ce que, depuis que cette annonce a été faite, il y a eu des pourparlers, des démarches effectuées par le ministre des Finances, par le président de Loto Québec, par le gouvernement ou certains de se. représentants, des démarches avec les autre provinces — parce que c'est supposé être de juridiction essentiellement provinciale — de façon à en arriver à un front commun? Au niveau du fédéral, est-ce que ça fera partie des rencontres constitutionnelles? Pourra-t-on en discuter lors de ces rencontres. Le ministre a-t-il des choses précises à nous dire là-dessus?

M. Parizeau: II ne s'agit pas, M. le Président, de choses très précises, parce qu'en somme on n'a qu'une expression d'opinion de M. Reagan dans les journaux. Il n'en reste pas moins qu'il y a une thèse — qu'on est en train de faire examiner de façon plus approfondie — juridique en vertu de laquelle si le gouvernement fédéral revenait dans

les loteries, après l'entente qui a été signée, ce serait, au fond, une sorte de bris de contrat. C'est probablement une question constitutionnelle. Il ne faut pas oublier que l'entente qui a été faite a été signée par tous les gouvernements ou par les représentants autorisés de tous les gouvernements. Une entente a été faite entre les lotos elles-mêmes. On est en train d'examiner — au cas où ça se présenterait, effectivement — simplement s'il n'y a pas lieu d'avoir les recours juridiques habituels dans un cas comme ça. C'est très formel. L'entente en vertu de laquelle Loto-Canada est disparue et l'entente en vertu de laquelle on a liquidé en Ontario et au Québec l'équipement électronique dont elle disposait, tout ça donnait lieu à une entente commerciale, en bonne et due forme, si le député comprend bien ce que je veux dire.

Au fond, on est en train de faire examiner — le président de Loto-Québec me l'a dit — seulement les conséquences juridiques que ça aurait, pour voir s'il y a des recours. D'autre part, quant à des gestes purement politiques, ça m'est très difficile, à l'heure actuelle, de prendre une position sur la base d'une déclaration faite à un journaliste par un ministre. S'il fallait commencer à s'exciter chaque fois qu'un ministre fait une déclaration à un journaliste, on vivrait en état de schizophrénie perpétuelle. Alors, on attend simplement qu'on en sache davantage des intentions d'Ottawa. Mais je reviens sur l'aspect juridique de l'entente du 23 août 1979, telle que signée, encore une fois, par tous les gouvernements du Canada.

M. Goulet: Lors de l'émission de télévision où M. Trudeau, M. le premier ministre du Canada, prenait la parole, il disait justement que le premier ministre du gouvernement qui lui avait succédé avait brisé cette entente qu'il avait signée avec les provinces et que c'était pour cette raison-là. Si j'ai bien compris M. Trudeau ce soir-là, il a dit un peu à la population: Nous avions signé une entente avec les provinces et M. Clark est venu briser ça. Or, nous, nous voulons revenir à l'entente qu'on avait nous-mêmes signée. Il semblait dire que, dans cette entente, les provinces étaient consentantes que le fédéral continue à occuper une , certaine place dans le champ. Moi, je ne l'avais pas compris comme ça. Mais c'est ce que le premier ministre a dit. Je me demande si ce n'est pas le dernier soir qu'il a parlé, à l'émission de M. Nadeau, où il a dit: II n'est pas question de revenir sur notre parole; on veut tout simplement respecter l'entente qu'on avait signée quand nous étions le gouvernement, et que M. Clark est venu briser. Est-ce que c'est vrai? Est-ce que c'est votre opinion à vous?

M. Parizeau: Le fait est, c'est qu'il y avait eu une entente sur le partage des champs de la loterie avec Mme Campagnolo. Je ne me souviens pas que ça ait été signé. Je ne pense pas...

M. Goulet: M. le Président, j'ouvre une parenthèse...

M. Parizeau: ... que ça n'ait jamais été signé.

M. Goulet: C'est possible... J'ai dit "signé" tout à l'heure dans mes propos?

M. Parizeau: Oui.

M. Goulet: C'est possible qu'il y ait eu une entente de principe, mais est-ce que ce fut signé? Je ne voudrais pas employer ce terme.

M. Parizeau: Mon souvenir, c'est que ça n'a jamais été signé. C'est-à-dire qu'il y avait eu une entente qui était intervenue. Il y avait, à ce moment-là, un terrible trafic téléphonique et une entente était apparue téléphoniquement, comme ça, entre un certain nombre de ministres. Mais je ne me souviens pas que rien n'ait été signé. Là, le cabinet Trudeau est tombé et le cabinet Clark est arrivé au pouvoir avec l'idée formelle — ils n'ont pas rompu quoi que ce soit — de sortir du champ des lotos et ont fait rédiger un texte à cet égard, y compris des clauses de liquidation pour Loto-Canada et l'ont fait signer par un représentant attitré de chacun des onze gouvernements. Si, d'ailleurs, ça intéresse le député, je serais prêt à lui envoyer une copie de ça avec les signatures. C'est signé, en bonne et due forme, au nom des onze gouvernements du pays. Alors, ça devient très gênant, pour un nouveau gouvernement, quelques mois plus tard, de venir dire: Une entente signée par les onze gouvernements, le 23 août 1979, nous la déchirons et nous recommençons.

M. Goulet: Si je comprends bien le ministre, M. le Président, c'est que l'entente intervenue du temps que M. Trudeau était premier ministre était une entente verbale.

M. Parizeau: C'est mon souvenir. Je pourrais vérifier, mais...

M. Goulet: Par contre, l'autre gouvernement, lui, en est venu à une entente signée.

M. Parizeau: C'est ça.

M. Goulet: Cela répond à ma question. Maintenant, j'apprécierais beaucoup recevoir...

M. Parizeau: Bien sûr! J'en ferai parvenir aux députés membres de cette commission. On peut en faire tout de suite, si vous voulez.

M. Goulet: Est-ce que le ministre a des écrits concernant — même si l'entente n'a pas été signée — l'autre entente dont nous parle le premier ministre actuel, cette entente qui avait été acceptée au niveau du principe.

M. Parizeau: On a des masses de télex, de choses comme cela. On pourrait...

M. Goulet: Toujours selon les déclarations. Mais il n'y a pas un résumé de cela qui existe...

M. Parizeau: II y en a eu tellement de versions. Je pourrais essayer de sortir la dernière version, si...

M. Goulet: M. le Président, je voudrais être plus clair auprès du ministre. L'entente dont nous parlait le premier ministre du Canada, cette fameuse entente de principe, même si elle n'a pas été signée, j'imagine que ce n'est pas un document de trois cents pages, cette entente dont parlait M. Trudeau qui avait été acceptée, semble-t-il, par les provinces et qui a été défaite par le gouvernement Clark quand il en est venu à une autre entente.

M. Parizeau: Je peux sûrement retrouver la dernière version. Ce que je vérifierai cependant, M. le Président, c'est si cette dernière version avait été amendée ou non par téléphone par la suite. La dernière version, nous pourrons la faire circuler.

M. Goulet: Dans le même ordre d'idée, M. le Président...

M. Parizeau: Je m'excuse, mais est-ce que je peux interrompre le député? On s'entend bien, le document que je lui remettrai à ce sujet n'a jamais été signé, n'est-ce pas?

M. Goulet: Parfait.

M. Parizeau: C'est, comment dire, notre souvenir de la dernière version ou le papier qui représente la dernière version des discussions que nous avons tenues entre nous. Il faudra l'interpréter sous cette lumière-là.

M. Goulet: Le premier ministre parlait, M. le Président, de parole donnée même si cela n'a pas été signé, c'est fort possible. Je ne crois pas qu'il ait dit non plus qu'elle avait été signée, mais il parlait d'une entente en voulant dire que la parole des provinces avait été donnée, les provinces avaient accepté cette entente. C'est cette fameuse entente que personnellement je n'ai pas vue.

M. Parizeau: Je pourrai en fournir un exemplaire.

M. Goulet: Dans le même sens, M. le Président, est-ce qu'à Loto-Québec on a des chiffres qui nous permettraient de faire une comparaison objective, par exemple, de l'augmentation du chiffre d'affaires ou des revenus nets, ou des revenus bruts, depuis que le fédéral s'est retiré du champ des loteries? Je sais que ça ne fait pas longtemps, mais on doit quand même avoir des chiffres comparatifs?

M. Parizeau: Comme nous, avons remplacé la loterie fédérale à $10 par une loterie provinciale à $10, on a là le même genre de véhicule. Il est assez facile de voir combien cela rapporte, brut. A l'heure actuelle, nous vendons de cette loterie à $10 à peu près $9 000 000 par tirage, ce qui devrait dire peut- être $60 000 000 par année. Dans la première année, $60 000 000 à peu près sur une base annuelle de revenus bruts.

M. Goulet: Pas seulement cette loterie. Au niveau de la concurrence même, depuis que la loterie fédérale n'existe plus, est-ce que la Mini a augmenté, est-ce que l'inter a augmenté; on n'a pas de chiffres?

M. Parizeau: Oui, on a des chiffres, mais de là à dire que tel tirage a augmenté parce qu'Ottawa n'est plus dans la loterie du $10, cela j'en doute beaucoup.

M. Goulet: Au niveau du chiffre total global de toute la loterie. Le fédéral s'est retiré à tel mois et à partir de ce mois-là, nous avons augmenté nos ventes de 2% ou de 8%, ou de 10%. Cela ne doit pas être compliqué. Même si je n'ai pas au niveau de la Mini, et ces choses-là, au niveau du chiffre d'affaires total de Loto-Québec?

M. Parizeau: Si on veut l'avoir par décomposition des ventes par mois, on pourrait sûrement fournir cela, indiquer quel mois le fédéral physiquement s'est retiré du champ, mais là je laisserai cependant au député, M. le Président, l'appréciation d'imputer ce qui va au fait que Loto-Canada n'est pas là. D'autre part, il ne faut pas oublier, n'est-ce pas, que nous avons en même temps ou à peu près, à la même époque, introduit de nouvelles valideuses à l'équipement électronique complètement différent et lancé la Quotidienne à peu près en même temps. C'est-à-dire que vous avez le retrait de Loto-Canada, son remplacement par une loterie à $10, le lancement de la Quotidienne et un changement majeur de l'équipement. Alors, imputer à chacun de ces facteurs, qui se présentent presque tous en même temps, un pourcentage de responsabilité, je peux dire que c'est assez difficile. On vous fournira les données par mois en vous indiquant à quel moment Loto-Canada s'est retirée, et le député en tirera les conclusions qu'il juge appropriées.

M. Goulet: M. le Président, je ne veux pas au niveau de chaque chapitre. Je demandais simplement, au ministre, s'il avait pu me donner un chiffre, c'est-à-dire que depuis que notre compétiteur s'est retiré des affaires, le chiffre d'affaires de Loto-Québec a augmenté de tant. (16 heures)

M. Parizeau: $60 000 000 sur une base annuelle dû à la loterie de $10. Cela, on peut le dire.

M. Goulet: Seulement. Au sujet du montant total, vous n'avez pas de chiffres? Si vous avez augmenté de $60 000 000 dans un, vous avez baissé de $60 000 000 au total des autres, on est au même point. C'est-à-dire que depuis que le fédéral n'est plus là, est-ce qu'au niveau de Loto-Québec, on a fait plus de ventes ou si on est resté au même point ou à peu près?

M. Parizeau: Pour les ventes globales de Loto-Québec, ça se présente de la façon suivante. Je vous donne les quatre dernières années: 1977-1978, $203 000 000; 1978-1979, $244 000 000; 1979-1980, $318 000 000; les prévisions pour 1980-1981, $420 000 000. Nous calculons que des $319 000 000 aux $420 000 000, la substitution de la loterie à $10, le fédéral s'enlevant et la loterie provinciale à $10 intervenant, représente $60 000 000 là-dedans.

M. Goulet: D'accord. Depuis que la société a été changée, la nouvelle formulation de la société, est-ce qu'on a également des chiffres? Est-ce qu'on peut comparer justement avec ce qui se faisait les autres années? Est-ce que l'augmentation du chiffre d'affaires est due aux changements parce qu'il y a une loi qui a amendé les statuts de Loto. Est-ce qu'on a des chiffres comparatifs? Est-ce que ça a été un bienfait ou si cela n'a absolument rien changé dans les faits?

M. Parizeau: Je crois que cela a eu plusieurs effets utiles. Peut-être le plus utile de ces effets fut-il de doter Loto-Québec d'un conseil d'administration régulier, ordinaire, fonctionnant comme un conseil d'administration de corporation et composé de plusieurs personnes qui ont un sens très précis, non seulement des affaires, mais du marketing. Et plusieurs des personnes qui ont été placées à ce conseil d'administration, l'ont été à cause de leur expérience dans le marketing.

J'aimerais ici rappeler le nom de certains des membres du nouveau conseil d'administration qui découle de la nouvelle structure corporative de Loto-Québec: M. Desmeules a été, comme vous le savez, longtemps président de la Société des alcools; M. Jean-Claude Messier est président de Métro-Richelieu; M. André Perreault, c'est le président de André Perreault Ltée, le discaire, cet homme qui a construit à partir de Saint-Hyacinthe cette entreprise de vente de disques qui, à l'heure actuelle, s'étend à une bonne partie de l'Amérique du nord; et Mme Vézina qui est directrice générale du Salon de la femme de Montréal Enr. On a cherché à mettre dans ce conseil d'administration des gens qui, d'une part, ont une bonne connaissance des affaires, mais d'autre part, sont en contact avec le marketing auprès du grand public. Cela, je pense, a eu un excellent effet. Parce qu'après tout, Loto-Québec, c'est une entreprise de vente au détail, d'opération publicitaire et de promotion. Là, il y a une dimension nouvelle qui est apparue au conseil d'administration de Loto-Québec que, moi, je trouve inappréciable.

M. Goulet: Puisque le ministre s'entend pour dire qu'ils ont conservé à peu près le même degré de progression que les autres années parce que si vous avez $60 000 000 qui sont reliés directement au fait que Loto-Québec ne se soit retiré, il reste à peu près ie même degré de progression que...

M. Parizeau: Non.

M. Goulet: Non?

M. Parizeau: Prenez par exemple, de 1976-1977 à 1977-1978, la progression n'avait été que de $183 000 000 à $203 000 000. Il n'y avait pas de quoi pavoiser, c'était 10%, le taux d'inflation. 1977-1978, de $202 000 000 à $244 000000, là, c'était déjà plus substantiel. Là, je connais un président-directeur général qui n'est pas tout à fait étranger à cette progression-là. D'autre part, après ça, on entre dans la phase de la grande concurrence avec Loto-Canada, mais même là ça augmente de $244 000 000 à $318 000 000. Et alors, de $318 000 000 à $420 000 000 ça fait un tiers d'augmentation dans l'année, dont une bonne partie, il faut le reconnaître, est due au fait que Loto-Canada n'est plus dans le chemin.

D'autre part, on va voir à quel point La Quotidienne augmente aussi vite qu'on le pense. Je reviens toujours à cette idée que lorsqu'on commence un jeu flambant neuf comme ça, c'est toujours un peu difficile. On a tendance à être un peu conservateur sur le degré de progression. C'est un jeu neuf, par définition, parce qu'il est là.

Au contraire, je pense que sur le plan de la progression des ventes, s'il y a une chose tout à fait remarquable, au total, c'est que dans l'espace de trois ans, la progression des ventes totales de Loto-Québec aurait plus que doublé en trois ans.

M. Goulet: Très courte question. Au niveau des billets non réclamés, avant cela retournait aux revenus nets de Loto-Québec, j'imagine. Maintenant, vous créez un fonds spécial. Qui décide? Est-ce le bureau de direction qui décide que cela va être tiré, par exemple, à telle occasion ou est-ce que vous remettez au complet tout l'argent qui n'a pas été réclamé? Est-ce que vous le remettez en circulation ou s'il y en a une partie qui sert à autre chose?

M. Parizeau: Tout l'argent des prix non réclamés donne lieu à des bonis à l'occasion de tirages spéciaux.

Cette semaine, par exemple, on me dit que les billets de la Mini — je passe mon commercial! — comportent justement un versement de billets non réclamés de loteries antérieures. Il va y en avoir à l'occasion du 10e anniversaire de Loto-Québec aussi. A l'occasion, tous les prix non réclamés seront distribués à titre de bonis additionnels.

M. Goulet: En dernier lieu, M. le Président, dans le rapport du Vérificateur général je ne dis pas qu'il blâmait, mais il soulignait en tout cas, que Loto-Québec avait engagé des gens et n'avait pas fait les déductions à la source, les T-4, les TP-4 et il disait que ces gens n'avaient pas droit à ce genre de système, parce que ce n'étaient pas des bureaux de professionnels ou des compagnies... J'aimerais savoir ce que le ministre...

M. Parizeau: Je pense avoir déjà répondu à cela, tout à l'heure, au député de Notre-Dame-de-Grâce, en disant que...

M. Goulet: Je m'excuse, M. le Président, mais c'était probablement au moment où je parlais avec un monsieur de la presse. Si c'est le cas, je m'en excuse, je pourrai relire les galées.

M. Parizeau: Non, non, je vais résumer à nouveau. En somme, tout le personnel de Loto-Québec était à la fonction publique. Nous avons décidé de sortir ce personnel de la fonction publique. Dans la période intercalaire, il est exact que ceux qui ont été embauchés étaient considérés comme des professionnels. Cela n'était pas normal que Loto-Québec ne perçoive pas à la source les déductions qui doivent être perçues. Ils se sont rendu compte de la chose et c'est maintenant corrigé.

Alors, les observations du vérificateur sont parfaitement exactes, sauf que toutes les corrections qui devaient être faites ont été faites et sont en vigueur à l'heure actuelle.

M. Goulet: Merci. C'est très complet.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Laprairie.

M. Michaud: Oui, merci, M. le Président. Vous vous rappellerez, il y a deux ans, nous avons changé le système de distribution de Loto-Québec, pour remplacer les concessionnaires par des grossistes. Dès la première année, Loto-Québec avait épargné ou diminué ses frais de distribution d'environ $10 000 000. Est-ce qu'on a des chiffres équivalents pour la deuxième année de fonctionnement sous ce nouveau système?. Deuxièmement, avec le nouveau système, nous avons intégré des organismes à but non lucratif à Lotomatic et aux kiosques, est-ce que ce nouveau système fonctionne bien aussi?

M. Parizeau: M. le Président, je pense que la façon la plus spectaculaire de voir les effets du changement de distribution à Loto-Québec où, comme le dit le député de Laprairie, on a supprimé tous les concessionnaires, est peut-être les deux chiffres suivants: en 1975-1976, où l'ancien système fonctionnait, nous avions à Loto-Québec, en frais de distribution, $11 500 000 représentant 7,7% du chiffre des ventes; en 1980-1981, donc cinq ans plus tard, les frais de distribution en dépit de l'inflation, non seulement n'ont pas monté, mais ils sont à $10 700 000, représentant 2,5% des frais de distribution. (16 h 15)

Si donc on appliquait les 7,7% aux ventes prévues pour 1980-1981, les frais de distribution ne seraient pas de $10 700 000, mais de $35 000 000.

M. Michaud: On peut conclure qu'il y a $25 000 000 quelque part...

M. Parizeau: Qui représentent le gain de l'élimination du patronage.

M. Michaud: Excellent! Pour la deuxième question, j'aimerais parler de l'intégration des organismes à but non lucratif à Lotomatic et aux kiosques. Avons-nous eu un succès pour ces organismes à but non lucratif? A-t-on aussi à peu près le montant des sommes que ces organismes à but non lucratif ont pu obtenir avec ce travail dans les kiosques et à Lotomatic?

M. Parizeau: M. le Président, la difficulté de répondre à ça est la suivante: II est entendu qu'au fur et à mesure où un kiosque... Enfin, tous les baux qui sont venus à échéance, dans les kiosques, ont été passés à des organismes à but non lucratif et, d'autre part, la Lotomatic n'est accessible qu'à des organismes comme ceux-là.

Evidemment, les résultats sont extraordinairement différents, selon les organismes; il y en a qui se grouillent et il y en a qui ne se grouillent pas. Mais j'aimerais cependant donner, pour la Lotomatic, un certain nombre de chiffres pour les organismes où ça marche le mieux; ça donnera une indication de ce qu'un organisme qui veut se grouiller un peu peut gagner comme argent.

L'Institut de cardiologie de Québec, par exemple, dans la Lotomatic, l'an dernier, pour 1979-1980, a retiré, comme revenu net: $40 110. Encore une fois, ce n'est pas leur chiffre de ventes, c'est leur profit net des opérations sur la Lotomatic.

La Fondation épique: $42 000; la Fédération de l'Age d'or: $24 000. Il y a même certains endroits au Québec qui donnent des résultats assez étonnants, même si c'est très localisé: la Chambre de commerce du Témiscamingue, par exemple: $16 600, ce qui est assez spectaculaire, dans un coin comme ça.

Maintenant, il y a à l'opposé d'autres qui ne manifestent pas une énergie... Mais encore une fois, là, libre à eux; chacun a la possibilité d'aller chercher l'argent qu'il veut, dans la mesure où il s'organise correctement.

M. Michaud: Cela reste maintenant un outil, s'ils veulent l'utiliser. Donc, pour cette année, on peut dire que le nouveau système de distribution vaut environ $25 000 000?

M. Parizeau: Le nouveau système de distribution nous aurait permis, par rapport au pourcentage de 1975-1976, effectivement, d'économiser pas loin de $25 000 000.

M. Michaud: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Boucher): Est-ce qu'il y a d'autres questions sur Loto-Québec?

Curatelle publique

Alors, on peut passer à la Curatelle publique.

M. Parizeau: II s'agit du programme 6 des crédits des Finances.

Je rappelle, M. le Président, simplement à titre d'introduction, que le curateur est chargé d'admi-

nistrer les biens de malades mentaux et les biens sans maîtres et de surveiller l'administration des curateurs privés et des tuteurs. La Curatelle publique est, traditionnellement, rattachée au ministère des Finances, mais a des états financiers qui lui sont propres. Elle fait rapport, en somme, à l'Assemblée nationale et au public, par le truchement du ministre des Finances, mais encore une fois, a ses états financiers propres et sa propre politique de placement, par exemple, de ses biens, sans interférence de l'Etat quant à l'orientation que les placements doivent prendre ou les mesures qui doivent être prises pour protéger les biens des malades mentaux.

Voilà un peu ce que je voulais dire pour commencer.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Notre-Dame-de-Grâce. (16 h 15)

M. Scowen: Non, M. le Président, j'ai regardé les détails du programme 6, comme présentés dans le budget et, quant aux dépenses et au nombre d'employés je n'ai pas de questions à poser.

Le Président (M. Boucher): Merci, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce. M. le député de Bellechasse.

M. Goulet: Très rapidement, M. le Président. On dit que le programme vise l'administration et la surveillance des biens des curateurs privés et des tuteurs. Est-ce que c'est possible que vous puissiez administrer des biens de corporations?

M. Parizeau: II arrive que, dans le cas de certaines corporations éteintes, on ait oublié de poser les gestes pour l'éteindre et qu'on s'adresse au curateur pour éteindre la corporation. Ce n'est pas exactement fréquent.

M. Goulet: Non, ce n'est pas fréquent, mais ça veut dire que ce sont justement les corporations qui n'ont pas fourni de rapport annuel dans le but... parce qu'une corporation qui veut une dissolution peut y aller par le biais d'un bureau de comptables ou d'avocats et ça coûte tant pour fermer les livres. Par contre, elles peuvent prendre la méthode indirecte, c'est-à-dire ne pas produire de rapport et, un jour ou l'autre, le ministère du Revenu ferme cette compagnie, non?

M. Parizeau: Non, les corporations éteintes dont on parlait tout à l'heure ne sont pas celles qui ne présentent pas de rapport. Ce sont celles qui ont mis fin à leur charte. C'est dans ce sens qu'une compagnie éteinte peut arriver chez le curateur.

M. Goulet: Par l'autre méthode, elle ne peut pas arriver?

M. Parizeau: Non.

M. Goulet: Si une compagnie ne faisait plus de rapport annuel parce que ça ne vaut pas la peine, mais qu'il resterait certains biens, ce n'est pas possible qu'elle arrive chez vous?

M. Parizeau: Non, le curateur ne peut pas toucher à ça.

M. Goulet: II faudrait relire les propos provenant de la commission du revenu la semaine dernière, parce qu'on nous avait dit que c'est là que ça irait. M. le Président, je relirai les propos de la commission du revenu de la semaine dernière et je reformulerai la question au ministre d'ici la fin des travaux, même si le curateur n'est pas... parce que c'est ce qu'il a semblé nous dire. Maintenant, je le dis sous toute réserve. A la commission du revenu de la semaine dernière, on nous donnait comme réponse que ça s'en allait au bureau du curateur et que c'est lui qui s'en occupait. Je relirai les galées de cette commission, M. le Président, pour savoir exactement la réponse et je reviendrai à la charge auprès du ministre des Finances afin de savoir exactement si la bonne réponse nous a été fournie.

L'an passé, nous avions le même ministre pour les deux commissions et, cette année, nous avons affaire à deux ministres différents. C'est pour ça que...

M. Parizeau: Je dois dire que c'est la première fois qu'on me pose la question cependant. Vérifications faites avec le curateur, il semble bien qu'il faut que la compagnie ait mis fin à sa charte pour qu'elle soit considérée aux fins du curateur comme une compagnie éteinte.

M. Goulet: Le fait de ne pas avoir produit de rapport?

M. Parizeau: Ne met pas fin à la charte.

M. Goulet: Mais si c'est le ministère du revenu qui envoie un premier avis, un deuxième avis et qui, après ça, met fin à la charte? C'est possible que ça se passe comme ça.

M. Parizeau: II faudrait que ce soit le ministère des Consommateurs, Coopératives et Institutions financières.

M. Goulet: D'accord, allons-y avec ce ministère. Si la compagnie ne produit pas de rapport dans le but que ce soit le ministère des Consommateurs, Coopératives et Institutions financières qui puisse mettre fin à cette compagnie pour ne pas avoir à payer les frais inhérents à la fermeture des livres, est-ce que c'est possible?

M. Parizeau: Le curateur me dit qu'il ne les prend pas.

M. Goulet: D'accord. Je vais relire les propos de la semaine dernière et je reviendrai. J'ai terminé.

Caisse de dépôt et placement

Le Président (M. Boucher): II n'y a pas d'autres questions. Le programme 6 est adopté. Vous pouvez passer immédiatement à la Caisse de dépôt et placement.

M. Parizeau: M. le Président, la Caisse de dépôt et placement a présenté récemment son rapport de gestion pour l'année terminée au 31 décembre 1979.

Comme vous le savez, la caisse a changé de président récemment. Ce n'est pas un événement fréquent à la Caisse de dépôt et placement et cela vaut la peine d'être souligné. M. Campeau, qui m'accompagne, est le troisième président de la Caisse de dépôt et placement depuis sa création, c'est-à-dire depuis une quinzaine d'années.

La Caisse de dépôt et placement — je le rappelle brièvement — a dans notre système plusieurs fonctions distinctes. Elle est chargée, d'une part, de recevoir — et c'est comme cela qu'elle a été créée — l'argent de la Régie des rentes, mais au fur et à mesure que les années ont passé, le nombre de déposants s'est accru. On a demandé à la Caisse de dépôt d'administrer les fonds de retraite des employés du secteur public. D'autre part, elle administre aussi les fonds de la Commission des accidents du travail, elle administre les fonds qui lui viennent de l'Office de la construction du Québec et depuis quelque temps, elle administre les fonds de la Régie de l'assurance automobile.

En outre, un certain nombre d'organismes publics moins importants font aussi administrer leur fonds de retraite par la Caisse de dépôt et certains organismes gouvernementaux ont pris l'habitude d'y déposer des sommes. Une université s'est jointe à cette liste pour faire administrer son régime de rentes, c'est l'Université du Québec. On trouvera la liste complète de ces déposants en page 40 du rapport annuel.

La Caisse de dépôt à partir des fonds qu'elle reçoit a plusieurs fonctions de financement ou de prêt à assurer. D'abord, elle doit assurer une partie des besoins d'emprunt du gouvernement et d'Hy-dro-Québec, c'est-à-dire des deux grands emprunteurs du secteur public. Deuxièmement, elle est chargée aussi d'aider au financement des municipalités, des communautés urbaines, et puis d'un certain nombre d'organismes parapublics qui sont habilités à émettre leurs propres emprunts comme les hôpitaux, les universités, les CEGEP. Troisième fonction: la Caisse de dépôt a toujours eu comme mandat, et a toujours comme mandat, d'assurer le financement d'entreprises ou de faciliter le financement d'entreprises, soit par l'achat d'actions sur les bourses ou à l'occasion de transactions de placements privés, et aussi, à plus forte raison, d'acheter des obligations de compagnies. Quatrième fonction: la caisse, qui s'est développée plus graduellement avec le temps, a dans le domaine immobilier un rôle croissant qui prend surtout la forme de crédits hypothécaires. La répartition des fonds de la caisse entre chacune de ces orienta- tions a varié avec le temps encore qu'un certain nombre de données centrales apparaissent. Par exemple, le financement du gouvernement et d'Hydro-Québec représente habituellement un pourcentage de l'ordre de 50%, parfois un peu plus, parfois un peu moins, parfois jusqu'à 60%, des fonds "plaçables" à long terme chaque année. Le portefeuille d'action est, depuis plusieurs années déjà, le plus gros portefeuille d'actions ordinaires de compagnies que l'on trouve au Canada.

Dans le domaine municipal, les performances sont moins spectaculaires, si l'on peut dire, parce que la Caisse de dépôt et placement ne doit pas acheter plus de 20% d'une émission d'une municipalité. Evidemment, sur le plan municipal, ça paraît moins exubérant que ça peut paraître sur d'autres plans.

La Caisse de dépôt et placement ne place, d'autre part, normalement que dans des titres canadiens, c'est-à-dire que la Caisse de dépôt et placement n'a pas l'habitude d'aller à l'étranger. Sauf erreur, il n'y a jamais eu d'exception à ça. Je pense qu'il n'y a jamais eu de titres, par exemple américains ou européens, dans le portefeuille de la caisse de quelque ordre que ce soit.

La Caisse de dépôt et placement peut cependant sortir du registre purement québécois, et d'ailleurs c'est un peu inévitable parce que s'il fallait que la Caisse de dépôt et placement ne reste que dans des titres québécois, il arriverait des moments où elle ne saurait pas où placer son argent. On a vu, par exemple, encore l'année dernière, la Caisse de dépôt et placement avoir un portefeuille de plusieurs centaines de millions de dollars d'obligations du gouvernement fédéral. Il est évident que dans le domaine pétrolier, les titres achetés par laCaisse de dépôt et placement à la Bourse sont surtout dans d'autres provinces canadiennes. Si elle devait se concentrer exclusivement dans des titres pétroliers québécois, elle n'irait pas très loin.

Alors son champ d'action est plutôt québécois quand on parle d'hypothèques, quand on parle d'obligations municipales, quand on parle d'hôpitaux, quand on parle d'universités et quand on parle de financement de provinces; très canadien quand il s'agit d'actions de compagnies ou d'obligations de compagnies et avec des pointes de financement, quand elle a des excédents de fonds ou quand de bonnes occasions se présentent, du côté d'obligations fédérales.

Les politiques de prêt ont été modifiées récemment sur un plan. Et comme on en a parlé passablement en public, je souhaiterais terminer mes premières observations pour décrire précisément ce qui s'est passé.

Depuis sa fondation, la Caisse de dépôt et placement prêtait à Hydro-Qébec et au gouvernement au taux du marché. On s'entendait, en somme, pour que les montants à prêter à HydroQuébec et au gouvernement le soient à certaines dates au courant de l'année, au fur et à mesure où les fonds s'accumulaient, et ces prêts se faisaient au taux du marché pour les obligations du Québec

ou pour les obligations d'Hydro-Québec à ces dates-là. Cela présentait un problème que l'on voit déjà depuis plusieurs années, qu'on a vu presque dès le démarrage de la caisse et qui était le suivant: c'est qu'il arrive assez fréquemment, étant donné que la caisse est de loin — évidemment de très très loin — le plus gros portefeuille d'obligations du gouvernement du Québec et d'Hydro-Québec que l'on puisse trouver où que ce soit. D'autre part, étant donné qu'elle est très souvent sur le marché pour acheter ou vendre, il arrive que le marché, pour les obligations du Québec ou pour les obligations d'Hydro-Québec, ce soit la caisse. Un jour donné ou une semaine donnée, le marché le plus actif sur les titres du gouvernement du Québec ou les titres d'Hydro-Québec, c'est la caisse elle-même par ses transactions au jour le jour. Alors, dès le début de la caisse, dès la fin des années soixante, on s'est rendu compte à quel point cette notion d'acheter des obligations du gouvernement ou d'Hydro-Québec au prix du marché était ambiguë dans la mesure où la Caisse de dépôt et placement avait la taille pour faire le marché.

Néanmoins, en dépit de ces difficultés, on n'avait pas beaucoup de solutions de remplacement. Donc, cela a duré jusqu'à très récemment. Récemment, nous avons été confronté par une décision du Heritage Fund d'Alberta à savoir que, dorénavant, le Heritage Fund prêterait aux provinces canadiennes à un taux d'intérêt qui serait le taux de rendement de la province qui a le meilleur taux de rendement au moment où la transaction se fait, c'est-à-dire habituellement en Ontario. (16 h 30)

En somme, le Heritage Fund qui, je le rappelle, place les fonds obtenus par le gouvernement de l'Alberta à partir des redevances sur le pétrole, le Heritage Fund a décidé de commencer à placer son argent dans les provinces en les traitant toutes sur le même pied et en les égalisant toutes avec le plus bas taux de rendement qu'il y a sur le marché, au moment où la transaction se fait.

Donc, s'il prête par exemple — il est évident que le Heritage Fund ne prête pas beaucoup aux gouvernements, mais il prête à des compagnies, Hydro, par exemple, sur une échelle croissante — alors s'il a un prêt à faire à la compagnie Hydro du Nouveau-Brunswick ou bien s'il a un prêt à faire à Hydro-Québec, ou encore s'il a un prêt à faire à B.C.-Hydro, il va le faire au taux de la province qui a le meilleur taux de rendement, le jour où la transaction se fait, qui encore une fois est habituellement en Ontario.

Comme Heritage Fund a commencé à prêter de l'argent à Hydro-Québec, cela plaçait la Caisse de dépôt dans une situation un peu baroque. Si la Caisse de dépôt n'avait pas poursuivi sa politique, ou enfin si elle avait poursuivi plutôt son ancienne politique, cela aurait pu donner le résultat suivant: C'est que la Caisse de dépôt, à peu près au même moment, aurait été prête à prêter de l'argent à Hydro-Québec à un taux plus élevé que Heritage Fund prêtait à Hydro-Québec. C'est dans ces con- ditions, quand on s'est rendu compte que non seulement Heritage Fund avait pas mal d'argent à placer, mais effectivement commençait à en placer passablement et qu'il en aurait de plus en plus, que le conseil d'administration de la Caisse de dépôt, le 26 mai, a adopté une résolution en vertu de laquelle, pour ce qui a trait à ses prêts au gouvernement du Québec et aux titres qui sont garantis par le gouvernement du Québec, c'est-à-dire entre autres à Hydro-Québec, la Caisse de dépôt adopterait la même attitude ou la même politique que Heritage Fund.

En fait, la politique de placement, à l'heure actuelle, pour le gouvernement du Québec et les titres garantis... Je m'excuse, je me suis trompé tout à l'heure. On me disait le 26 mai. Ce n'est pas le 26 mai, c'est le 21 avril. La note était datée du 26 mai, mais la résolution est du 21 avril.

Donc, la Caisse de dépôt prête maintenant, comme je le disais, au gouvernement du Québec et aux sociétés qui sont garanties par le gouvernement du Québec, selon la même politique que Heritage Fund le fait.

Voilà, en somme, M. le Président, ce que j'avais à dire comme note d'introduction.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Notre-Dame-de-Grâce, vous pouvez si vous voulez...

M. Scowen: M. le Président, nous avons l'intention de poser plusieurs questions au sujet de la Caisse de dépôt.

Quand cette société a été créée, en 1965 si ma mémoire est bonne, il y avait des objectifs assez précis. Ces objectifs étaient poursuivis par un groupe de personnes d'une compétence excellente. A cause de cela, cette société est devenue, si vous voulez, une des plus respectées dans son domaine, non seulement au Québec mais au Canada.

Elle a été créée spécifiquement pour les besoins du Québec. Elle a été créée, en plus, afin d'éviter certaines faiblesses qu'on voyait dans les sytèmes des autres provinces et du gouvernement du Canada, et elle était vue jusqu'à récemment comme une société de première qualité.

Plus récemment et surtout depuis deux ans, il subsiste de grandes questions autour de cette société. Plusieurs questions... Je pense qu'il subsiste un gros point d'interrogation, aujourd'hui, au sujet de cette société. Il y a beaucoup de fumée. Je pense qu'il est essentiel, dans les prochains jours, que la question de la crédibilité de la caisse soit réglée. Parce que je n'exagère pas quand je dis que les autres institutions financières du Québec et du Canada, les personnes responsables de ces institutions, les journalistes et bientôt, j'espère, le public vont commencer à se poser la question. La crédibilité de la plus grande et de la plus importante société dans ce domaine, au Canada, est en jeu, et avec elle, celle du ministre et du gouvernement.

Je veux citer simplement, dans mon avant-propos, neuf événements qui, je pense, ont eu

pour effet de mettre en doute la crédibilité de cette société. Après j'essaierai d'aborder les questions d'une autre façon; mais je veux commencer avec ces neuf événements qui ont chacun une importance particulière.

Premièrement, pendant les dernières années, mais particulièrement en 1978, la majorité des administrateurs de la société a été remplacée par les amis du Parti québécois: MM. Claude Cas-tonguay, Hervé Belzile et Raymond Lavoie ont été remplacés par Pierre Péladeau, André Marier et Fernand Paré.

Deuxièmement, le départ de M. Pierre Harbour, avec un grand point d'interrogation, question qui est soulevée de nouveau aujourd'hui dans le journal Finances.

Troisièmement, il y a la démission de M. Cazavan avant la fin de son mandat, pour des raisons dites personnelles, mais de façon assez curieuse, puisqu'il a été retenu comme conseiller à un salaire aussi élevé que celui du président actuel, si mon information est exacte. Il est parti, mais il n'est pas parti. Pourquoi?

Quatrièmement, pour la première fois dans l'histoire de cette société, il a été remplacé par une personne qui est venue directement de la fonction publique, un sous-ministre adjoint du ministère des Finances. C'est une société qui avait toujours essayé de garder une distance entre le gouvernement et ses actions particulières.

Cinquièmement, il y a le départ de l'administrateur nommé par le gouvernement actuel, M. Kierans, de façon assez abrupte il y a quelques semaines.

Sixièmement, il y a actuellement des rumeurs sur la possibilité du départ d'au moins deux cadres supérieurs très expérimentés et ayant une longue expérience dans la société. On parle de départs incessamment. Si ce ne sont que des rumeurs, j'espère que ce sera clarifié ici.

Septièmement, devant un déficit sans précédent dans les comptes publics du Québec, par coïncidence peut-être, le ministre a décidé d'établir par l'entremise de la société une nouvelle politique en ce qui concerne le taux d'intérêt, d'établir un taux de faveur pour le gouvernement avec les raisons qu'il vient d'expliquer, mais qui pour moi — et je vais expliquer pourquoi ensuite — sont nettement insuffisantes.

Huitièmement, il y a la décision du ministre de demander à la caisse ou, si vous voulez, une décision de la caisse d'accepter d'acheter pour un montant sans précédent des obligations du gouvernement du Québec cette année, montant qui sera un pourcentage sans précédent du total des fonds disponibles à la caisse cette année.

Nous avons l'intention de poser des questions sur la décision récente — qui n'est peut-être pas directement reliée, mais qui peut avoir un lien — du ministre de vendre un montant sans précédent d'obligations d'épargne aux Québécois à un taux d'intérêt de 14%. On va certainement poser des questions à savoir combien en ont été vendues à ce prix.

Finalement, il a la déclaration du nouveau président, dans un communiqué de presse, d'une nouvelle politique, d'une politique qui n'est pas du tout bien définie, mais qu'il qualifie de très importante et de fondamentale, qui n'est pas bien décrite dans le communiqué de presse, qui est loin d'être claire, qui est entourée de certains slogans... Je pense que je cite fidèlement le président quand il disait: Dorénavant, dans la politique de la Caisse de dépôt et placement du Québec, le mot le plus important sera Québec. Comme si les administrateurs et la direction de cette société n'avaient pas comme premier but, dans les années précédentes, le bien-être des Québécois et du Québec.

Ce sont neuf choses qui sont arrivées depuis deux ans maintenant. Chacune, isolément, est importante. Mais je pense que le ministre lui-même, s'il se trouvait dans l'Opposition ou s'il était journaliste, un jour, devant toute une série d'événements dont chacun touche la crédibilité d'une société qui a été bâtie par les gouvernements libéraux et de l'Union Nationale depuis 1965, aurait la responsabilité d'obtenir des réponses très précises à ces questions.

Je ne sais pas si une commission parlementaire sur les crédits est le meilleur lieu pour poser ces questions. C'est clair que les personnes qui ont les données ou les informations ne sont pas ici aujourd'hui, mais elles peuvent être appelées à comparaître devant une commission parlementaire spéciale. Mais on verra. On va poser les questions que nous avons préparées cet après-midi et ce soir. Si le ministre peut répondre à ces questions de façon à satisfaire non seulement l'Opposition officielle, mais la population en général, on va les laisser tomber. Mais si le point d'interrogation au-dessus de cette société, au-dessus de ses liens avec le gouvernement et au-dessus des pratiques du gouvernement touchant cette société qui était, jusqu'à récemment, une société dont tous les Québécois étaient très fiers et qui était une garantie pour l'avenir des fonds de pension des Québécois, si ces questions ne sont pas réglées ici; nous avons l'intention, bien sûr, d'aller plus loin.

L'argent de la caisse, ce n'est pas les impôts. L'argent de la caisse, c'est l'épargne des Québécois. Ni le gouvernement, ni ses institutions n'ont le droit d'utiliser cette épargne pour des fins autres que le bien-être des fonds de pension des Québécois. Nous avons l'intention de poser des questions sous trois grandes rubriques. Premièrement, il nous faut certaines informations en ce qui concerne les activités de la caisse pendant les dernières années, surtout en ce qui a trait au financement des dettes du gouvernement actuel. Deuxièmement, une série de questions qui touchent les événements dont je viens de parler, surtout celui qui concerne les personnalités. Finalement, on aimerait aborder un peu plus en profondeur la question de l'orientation de cette société dans l'avenir. Je ne sais pas si mon collègue a des choses à dire de nature générale avant de

commencer les questions. Si oui, je vais lui passer la parole.

Le Président (M. Boucher): Merci, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce. M. le député de Bellechasse, pour les remarques préliminaires.

M. Goulet: M. le Président, au niveau des remarques générales concernant le sujet que nous abordons, sujet que je serais tenté d'appeler le mystère qui entoure la Caisse de dépôt et placement, comme le disait le député de Notre-Dame-de-Grâce... C'est vrai que depuis quelque temps, il s'est produit des événements qui laissent la population un peu songeuse, à savoir si le gouvernement — je le dis sous toute réserve — ne manipule pas à son gré la Caisse de dépôt et placement. (16 h 45)

Voici certaines questions que se pose la population. On considère, et avec raison, que la Caisse de dépôt est un levier économique important pour le Québec. En plus, même, on nous donne l'impression qu'elle ne sert qu'à être le créancier des dettes du gouvernement. Si on ajoute à cela, M. le Président, les rumeurs circulant autour des démissions qui se sont produites au cours des derniers mois, on en vient à se poser de sérieuses questions sur l'autonomie de la Caisse de dépôt et placement du Québec. C'est facile de dire que le financement du déficit budgétaire du gouvernement est facilité par la Caisse de dépôt, mais ce n'est pas lier la Caisse de dépôt au gouvernement, à l'avance; il est difficile de dire cela. J'aimerais savoir, M. le Président, du président même de la Caisse de dépôt étant donné qu'il nous fait l'honneur de sa présence, ainsi que du ministre des Finances, jusqu'à quel point la direction de la Caisse de dépôt est libre dans ses décisions. Quel degré d'autonomie a la direction de la Caisse de dépôt à l'égard du gouvernement?

Je pense qu'on n'a pas le droit de laisser circuler de telles rumeurs et ce n'est pas du charriage, je pense, d'amener ces propos à la commission parlementaire. Si le ministre a, comme nous, lu les journaux ces dernières semaines, je pense que la crédibilité de la Caisse de dépôt en prend pour son rhume. On n'a qu'à penser, par exemple, au salaire consenti à l'ex-président qui a conservé le même salaire comme conseiller. Comme le disait le ministre lors d'une question à l'Assemblée nationale, il serait difficile dans l'entreprise privée d'avoir des conseillers qui vont travailler pour nous à titre de conseiller et à un salaire à l'égal du salaire d'un sous-ministre ou quelque chose de semblable. M. le Président, quand on est rendu à payer un conseiller exactement le même salaire qu'il avait au moment où il était président de la Caisse de dépôt, je me demande — et encore là ce sont des choses que nous entendons souvent dans la population — si ce n'est pas justement $350 000 donnés pour avoir la paix et si c'est cela, il faudrait qu'on ait des explications parce que cela commence à être des gros sous. $72 000, pendant cinq ans, pour un conseiller, je me demande si ce n'est pas acheter la paix tout simplement.

Toujours concernant la Caisse de dépôt, mais cette fois au sujet des contributions du Régime de rentes dont la Caisse de dépôt a la gestion. C'est un secret de polichinelle, M. le Président, que si on n'accroît pas la contribution des citoyens québécois au régime de rentes, il sortira bientôt beaucoup plus d'argent de la Caisse de dépôt, beaucoup plus d'argent au paiement des pensions, qu'il en entrera sur les prélèvements salariaux des Québécois au travail. Dans ce contexte, ne serait-il pas préférable d'augmenter tout de suite les cotisations graduellement dans le but de rentabiliser la Régie des rentes? Au train où cela va, nos enfants et nos petits-enfants auront à nous payer des pensions par l'impôt plutôt que par le rendement d'actifs que nous aurions pu leur léguer. Ce que je demande au ministre, c'est où il ira chercher ce nouvel argent pour compenser à la chute des contributions? Bien sûr, au fur et à mesure, qu'avanceront les débats, nous aurons d'autres questions à formuler au ministre des Finances et au président de la Caisse de dépôt, justement parce que nous sommes conscients que cet organisme est extrêmement important au niveau du développement du Québec. Il s'est passé des choses, depuis deux ans — comme le disait mon collègue de Notre-Dame-de-Grâce — je pense que la population du Québec est en droit d'avoir des réponses aux nombreuses questions qu'elle se pose actuellement.

Le Président (M. Boucher): M. le ministre.

M. Parizeau: M. le Président, je vais commencer par la fin, par la dernière observation du député de Bellechasse qui dit que depuis deux ans, il s'est passé des choses. Effectivement, depuis deux ans, il s'est passé des choses. Je ne me souviens pas qu'on ait jamais dit que le travail d'un gouvernement consiste à administrer les affaires courantes. Il se passe des choses! La première des jobs d'un gouvernement c'est de gouverner. Je ne vais pas m'excuser qu'il se soit passé des choses. Il s'est passé des choses! On va prendre les choses qui se sont passées et on va essayer d'interpréter ce qui s'est passé, d'abord de le constater et de l'interpréter. Je pense que la liste des neuf ou dix points mentionnés par le député de Notre-Dame-de-Grâce va servir de bonne introduction et je reviendrai sur deux points additionnels qu'a soulevés le député de Bellechasse pour terminer.

La première affirmation du député de Notre-Dame-de-Grâce: le gouvernement, à l'occasion de modifications dans le conseil d'administration de la Caisse de dépôt et placement, aurait nommé des amis du Parti québécois. Je trouve ça assez amusant, M. le Président, qu'on présente ça comme cela. Je veux bien que le député de Notre-Dame-de-Grâce interprète ça, maintenant qu'il est en politique, de cette façon, mais qu'est-ce qu'il pense de la nomination de Claude Castonguay? Qu'est-ce qu'il pense de la nomination, en 1973, de Claude Forget? Je ne veux tout de même pas en arriver à une situation où parce que quelqu'un considère que le Parti québécois ne lui est pas

totalement répugnant, il faut maintenant l'exclure une fois pour toutes de tout poste. On va chercher des gens qui sont compétents au meilleur jugement que l'on peut avoir. Et le fait qu'ils aient des convictions, je pense qu'il n'y a pas plus de raisons que ça les gêne pour des postes comme ceux-là que ça gênait les exemples que je viens de donner.

A cet égard, je vous avouerais, M. le Président, que je n'ai aucune espèce, et pas la moindre excuse à présenter sur ce plan, d'autant plus que certains des exemples qu'il donne sont assez drôles. Il donnait comme exemple de ça, André Marier. André Marier occupe au conseil d'administration de la Caisse de dépôt et placement... C'est un excellent cas parce que ça va indiquer à quel point, quand on veut faire courir des rumeurs, on peut faire courir des rumeurs. La rumeur publique, c'est toujours extrêmement dangereux. Quel poste occupe André Marier? Il occupe exactement le poste au conseil de la Caisse de dépôt et placement qu'un autre occupait, qui s'appelait Jacques Parizeau, au début de la Caisse de dépôt et placement. Il occupe le poste, que j'ai occupé pendant plusieurs années, comme un des représentants du gouvernement nommés parmi les fonctionnaires. Et pourquoi avais-je ce poste-là? Parce que j'ai beaucoup travaillé à la mise en place de la Caisse de dépôt et placement. Et, pendant que je faisais pas mal de travail pour la mise en place de la Caisse de dépôt et placement, qu'est-ce que faisait M. André Marier? Il travaillait avec moi à la mise en place de la Caisse de dépôt et placement. On a travaillé ensemble au projet. Alors, ça ne présentait pas de problème à l'un des artisans du projet qui était moi, ce n'était pas discutable que je sois à ce poste-là dans les années 1966,1967,1968, jusqu'en 1969 où là, j'ai eu des activités parascolaires qui m'ont un peu éloigné de ce genre de poste, mais ça poserait des problèmes aujourd'hui qu'André Marier qui a travaillé avec moi à ce moment-là à la mise en place de la Caisse de dépôt et placement, qui connaît l'institution comme sa poche, qui la suit depuis de temps-là, là, c'est dommageable que tout à coup il devienne membre du conseil d'administration. Je m'excuse, mais de qui se moque-t-on? Soulever la compétence d'André Marier qui est un des artisans principaux de la caisse, à être au conseil de la caisse me paraît immonde.

Deuxième question, deuxième événement qui, semble-t-il, entacherait la caisse: le départ de M. Arbour et la campagne que mène contre M. Arbour un journal — pas les journaux, un journal, et dans ce journal, un journaliste. Je ne veux pas entrer loin dans cette affaire-là, M. le Président, mais je vous dirais bien que parfois il y a des conflits d'intention, des conflits — non pas des conflits d'intérêts — d'argent entre deux hommes qui peuvent faire en sorte qu'un homme n'en aime pas beaucoup un deuxième.

Le journaliste en question avait suggéré plusieurs moyens de financer une compagnie qui s'appelle Laduboro. Et, finalement, M. Arbour, retourné au secteur privé, premièrement, s'est mis à financer Laduboro. Le journaliste n'a pas trouvé ça très drôle. Il a trouvé ça d'autant moins drôle — il faut quand même le dire à certains moments, quand ça devient un moyen de juger la caisse — que le journaliste en question a intenté une poursuite judiciaire contre Laduboro.

Evidemment, à partir du moment où un journaliste intente une poursuite judiciaire à l'égard d'une compagnie qui est financée par quelqu'un d'autre et attaque ce quelqu'un d'autre, à toutes les trois semaines, régulièrement dans son journal, je pense qu'on peut laisser les hommes être ce qu'ils sont et ne pas juger que c'est nécessairement quelque chose qui entache la Caisse de dépôt de quoi que ce soit. Laissons les hommes développer l'hommerie qui est inévitable dans ce genre de choses. L'important, simplement, c'est d'avoir les yeux suffisamment ouverts pour se rendre compte que lorsque deux personnes sont en conflit d'argent l'une contre l'autre, et que c'en est rendu au niveau des cours de justice, il n'est pas nécessaire de considérer que le débat est nécessairement marqué au sceau de la plus grande objectivité.

Alors, passons à des choses un peu plus sérieuses.

Troisième question, la démission de M. Ca-zavan. M. Cazavan a été sous-ministre en titre au ministère des Finances. De là, il est passé vice-président à la Canadian Development Corporation. On lui a demandé, en 1970, je pense, non, excusez-moi, en 1973, de devenir président-directeur général de la Caisse de dépôt et placement. C'est un contrat de dix ans et un contrat de dix ans qui prévoit que le président ne peut être démis de son poste autrement que par un vote de l'Assemblée nationale et que son salaire ne peut être réduit. C'est ce que dit la loi. C'est un type de protection qui est très voisin, en fait c'est à peu près identique, à celui du gouverneur de la banque du Canada. En fait, pour les mêmes raisons, on veut que l'homme qui a ce poste, d'abord, soit en poste longtemps. Deuxièmement, qu'on ne puisse pas, justement, et là, j'aborde par la bande une question sur laquelle je reviendrai, en répondant tout à l'heure, aux questions que posait le député de Bellechasse, on ne veut pas qu'il puisse être une sorte de marionnette du gouvernement du moment.

Donc, il est là pour dix ans. Personne ne peut le mettre dehors autrement que l'Assemblée nationale, par un vote. D'autre part, son salaire ne peut pas être réduit. C'est l'article 8 de la charte de la Caisse de dépôt et placement.

Or, M. Cazavan avait indiqué qu'il n'était pas du tout certain qu'il irait jusqu'à son terme de dix ans. Il l'avait accepté en 1973, les années ont passé et, à un moment donné, M. Cazavan a décidé que les années, qu'il voulait passer à la caisse, à la direction de la caisse plutôt, s'étaient écoulées et il a demandé de démissionner.

Voilà un homme qui est à quelques années de la retraite, qui, de toute façon, a en poche son contrat de dix ans, avec un salaire qui ne peut pas être réduit, mais qui dit: Bon, j'ai passé un certain

nombre d'années dans ce poste, j'aimerais maintenant faire autre chose. Le problème consiste essentiellement à savoir comment le gouvernement traite quelqu'un comme cela, au cours des dernières années, avant sa retraite.

J'ai eu l'occasion de dire, à l'Assemblée nationale, que cet homme a passé, donc, une bonne partie de sa vie active au service de l'Etat. Nous savons tous que le système des pensions, à l'intérieur du secteur public, base entièrement le montant de la pension sur la moyenne des cinq meilleures années. Ce qui, en pratique, dans un contexte inflationniste comme celui que nous connaissons, veut dire les cinq dernières. (17 heures)

J'ai eu l'occasion de dire aussi que les salaires que nous payons à des postes de responsabilité pareils — et je pense que c'est vrai des sous-ministres en titre, je pense que c'est vrai de plusieurs présidents de sociétés d'Etat — ces salaires sont très au-dessous de ce que le secteur privé paierait pour des postes analogues. Un bonhomme qui viendrait du secteur privé et qui entrerait dans une institution aussi importante que la Caisse de dépôt et placement, d'abord, s'entendrait à l'avance, en entrant, sur le genre de montant qu'il aura en sortant, justement en prévision de sa retraite, et demanderait un salaire qui serait sans aucune commune mesure avec ceux que nous payons.

Comment fait-on, nous, pour trouver des gens qui vont accepter de faire ce type de travail, d'assumer ce genre de responsabilité et de fournir à l'Etat, quelque soit le gouvernement au pouvoir, le genre de loyauté auquel le gouvernement, quel qu'il soit, est en droit de s'attendre?

Une des raisons pour lesquelles on peut faire fonctionner le système de cette façon, c'est qu'on ne joue pas, en fin de carrière, avec les droits à la pension, de ces gens. Cela ne se fait à aucun niveau, mais à plus forte raison pour des gens qui ont des responsabilités pareilles et dont on sait très bien qu'ils sont très sous-payés pour ce type de responsabilité par rapport au secteur privé; on ne joue pas avec leur droit à la pension.

Là, il y avait plusieurs possibilités; l'une qui consistait pour moi, par exemple, à nommer M. Cazavan comme conseiller spécial au ministère des Finances, le plus tôt possible, ou bien encore à accepter qu'il occupe ce poste de conseiller à la Caisse de dépôt, où il remplit une fonction que personne ne remplissait vraiment jusque-là, c'est-à-dire les rapports avec l'ensemble des déposants.

J'ai indiqué tout à l'heure, dans mon introduction, que le nombre de déposants s'est accru. Leurs besoins sont devenus passablement diversifiés, la façon dont il faut placer les fonds de l'Office de la construction du Québec, de la Régie des rentes, de l'assurance automobile n'est pas pareille. Là, nous avons, dans M. Cazavan, d'abord, quelqu'un qui connaît la machine admirablement et, d'autre part, qui, maintenant, va avoir comme une des fonctions — mais fonction essentielle et nouvelle à la caisse — de s'occuper des besoins financiers, des besoins de placement, du dessein, de la structure de placement nécessaire pour chacun des déposants. On n'avait pas ça jusqu'à maintenant; c'était un poste qui n'était pas comblé.

J'ai préféré de loin une formule comme celle-là, d'une part, parce qu'il y avait manifestement un poste à occuper, et que, d'autre part, M. Cazavan pouvait l'occuper, à mon sens, mieux que quiconque.

Mais qu'on mette en cause l'intégrité de la caisse ou l'intégrité du gouvernement pour avoir décidé ça plutôt que de prendre M. Cazavan comme conseiller spécial au ministère des Finances, je vous avouerai que je trouve ça odieux; parce que ce qu'il y a derrière cette idée, c'est qu'on aurait bien pu couper le salaire de M. Cazavan et faire en sorte que sa pension soit réduite à la fin de sa carrière dans le secteur public. Mais cela, j'ai déjà dit que, à mon sens, c'était déshonorant et je le répète.

Quatrième question: le remplacement de M. Cazavan. J'ai proposé, au Conseil des ministres, que M. Cazavan soit remplacé par M. Jean Campeau pour les raisons suivantes. On conviendra qu'il y a quelques années que je m'occupe de questions financières — je n'ai pas attendu d'être ministre pour ça — je n'ai jamais rencontré quelqu'un qui ait une connaissance aussi remarquable des marchés financiers que M. Campeau. Après avoir travaillé avec lui pendant maintenant presque quatre ans, j'étais absolument convaincu que personne ne pouvait faire un aussi bon travail dans le cadre des opérations de la caisse que M. Campeau. Alors, est-ce que je dois m'excuser que mes convictions, quant à cela, m'aient amené à recommander au Conseil des ministres de nommer M. Jean Campeau? Je vous avouerai que ça ne me... là encore, le premier travail d'un gouvernement, c'est de gouverner, selon le jugement qu'il peut avoir à la fois des hommes et des circonstances.

Mais, le député de Notre-Dame-de-Grâce disait: C'est la première fois qu'un président de la caisse vient directement du ministère des Finances. Bien, il ne peut pas y avoir beaucoup de fois, car M. Campeau est le troisième en quinze ans, le troisième président. D'autre part, comme je l'ai déjà indiqué, M. Cazavan, lui, a été sous-ministre en titre et, d'autre part, à cause de la protection tout à fait remarquable qu'offre la charte à celui qui est nommé dès qu'il est nommé — qu'il vienne directement ou indirectement, ça n'a pas beaucoup d'importance — il ne peut pas être renvoyé de son poste, sans un vote de l'Assemblée nationale et, donc, un débat de tous les diables. Vous imaginez ce que ça voudrait dire. Il est protégé comme personne n'est protégé ailleurs dans le secteur public, qu'il vienne directement, comme M. Cazavan, par le truchement de la Canadian Development Corporation, après avoir été plusieurs années sous-ministre des Finances, pour moi, ça n'a vraiment aucune espèce d'importance.

Abordons maintenant la question du départ de M. Kierans. J'imagine qu'on ne relèvera pas que c'était nécessairement un ami du PQ que nous

avons nommé au conseil d'administration. Je reviens au premier point de M. le député de Notre-Dame-de-Grâce. M. Kierans a été nommé par le présent gouvernement. M. Kierans a décidé de démissionner dans un contexte politique, c'est-à-dire pendant la campagne référendaire. C'est un choix que n'importe quel citoyen qui occupe un poste peut faire et ça le regarde. Mais, dans sa lettre de démission, il soulève deux questions tout à fait distinctes. La première a trait au fait que le gouvernement siphonnerait des fonds de la caisse, aurait en somme un moyen d'aller chercher à la caisse des sommes que la caisse ne devrait pas prêter au gouvernement. J'ai eu l'occasion de dire, le premier ministre aussi, que le plan d'affectation des fonds de la caisse — on procède comme ça une fois par année, c'est-à-dire qu'une fois par année, la caisse fait une première distribution des fonds entre les différentes voies dont je parlais précédemment, tant dans telle voie et tant dans telle autre. Cela ne veut pas dire qu'au courant de l'année, d'ailleurs, elle ne change pas certaines choses dépendant un peu de la situation du marché, mais soit une espèce de plan d'affectation des fonds.

A la réunion où ce plan d'affectation des fonds a été préparé, la décision de prêter à HydroQuébec et au gouvernement les sommes dont on a parlé a été prise à l'unanimité. J'ai cru comprendre par la suite — là, je vous avouerai que dans le tohu-bohu de la campagne référendaire, il y avait des bouts de télévision et de radio qui parfois m'échappaient — qu'il n'aurait pas été présent pendant toute la réunion. M. le Président, j'allais dire: Ce n'est pas mon problème. Si quelqu'un est pressé et part avant la fin de la réunion et qu'il constate qu'effectivement la décision est unanime, il fait corriger ça ou bien il part plus tard. Ce n'est pas une décision secondaire dont on parle, la principale fonction de la Caisse de dépôt c'est d'affecter des sommes entre différents usages. On ne discute pas ici de l'administration de la petite caisse de café, c'est le plan d'affectation des fonds, c'est-à-dire la principale fonction de la caisse.

Si on s'excuse ensuite en disant: Je suis obligé de partir un peu vite... J'ai trop longtemps oeuvré comme membre du conseil d'administration de la caisse pour savoir que de telles réunions, on ne saute pas cela.

D'autre part, cela lui a pris, si je comprends bien, un mois et demi pour se rendre compte que l'affectation qui avait été faite ce jour-là ne correspondait pas à ce qu'il espérait ou à ce qu'il souhaitait. Je trouve que c'est bien long. Encore une fois, le rôle de la caisse n'est pas de fabriquer des petits pois, ce n'est pas de faire de l'acier, c'est de prêter l'argent du fonds d'affectation. C'est le geste majeur de la compagnie. Découvrir un mois et demi après qu'on voulait faire de l'acier et que ce sont des petits pois qu'on a produits, c'est bizarre!

Deuxièmement, M. Kierans soulève une autre question qui est celle d'un gouvernement qui irait chercher auprès de la caisse des taux préfé- rentiels. J'ai expliqué tout à l'heure longuement — et on y reviendra s'il le faut — que ce n'est pas une question de taux préférentiels, c'est une question simplement de s'aligner sur une pratique, à mon sens d'ailleurs fort logique — parce que je vous avouerai que je n'ai jamais très bien compris pourquoi au Canada les provinces empruntent à des taux différents qu'a adoptée le Heritage Fund. Le problème ne consiste pas... Si M. Kierans, dans sa lettre de démission, avait parlé du Heritage Fund, avait parlé des nouveaux éléments que comportait la situation, je comprendrais. Non, tout ce qu'on voit apparaître dans sa lettre c'est à des taux préférentiels comme si le gouvernement demandait des faveurs, et des faveurs non chiffrées, plus ou moins au gré du ministre des Finances qui dit à la Caisse de dépôt: Vous ne pourriez pas me passer quelques centaines de millions à un petit 5%! Il ne s'agit pas de cela. On peut interpréter cela quand on lit la lettre. Il ne s'agit pas de cela et il ne s'agissait pas de cela au conseil d'administration de la Caisse de dépôt qui a majoritairement adopté la politique du Heritage Fund avec laquelle M. Kierans n'était pas d'accord.

On me signale un passage de la lettre de M. Kierans qui fait comprendre encore davantage ce que je veux dire: "Le ministère des Finances est prêt à payer le prix courant aux investisseurs étrangers ou aux investisseurs indépendants, mais il exigera des taux préférentiels de la caisse". C'est exactement comme si je pouvais, avec toute la protection dont j'ai parlé tout à l'heure, dire à M. Campeau: Passez-moi donc $400 000 000 à 5%! Il n'y a pas d'autres explications dans la lettre. En fait, la question, le problème était posé par la pratique du Heritage Fund. Je comprends que M. Kierans puisse être en désaccord avec une décision de son conseil d'administration comme il l'a été à ce moment-là et dire: Cette décision, je la trouve insupportable et, dans ces conditions, je quitte le conseil d'administration de la caisse. C'est son privilège, je n'en disconviens pas. On peut se poser des questions quant à la première argumentation, c'est-à-dire celle qui consistait à dire: Je ne suis pas d'accord avec l'affectation des fonds. Je reconnais, cependant, que quelqu'un puisse dire: Même si le "Heritage Fund" prend une décision comme celle-là au Canada, moi, administrateur de la caisse, cela n'a pas de bon sens pour la caisse et, dans ces conditions, je m'en vais, même si la majorité des membres du conseil d'administration sont d'accord avec la politique.

Sixième point. Le député de Notre-Dame-de-Grâce parlait de rumeurs de démission. Je ne sais pas. Il y en aura peut-être ou il y en aura peut-être pas, mais je ferai remarquer cependant qu'il y a eu bien plus de démissions de personnel à la Caisse de dépôt à cause de la politique de rémunération qui n'a pas été changée pendant des années que pour des raisons comme celles que soulevait le député de Notre-Dame-de-Grâce. En fait, dans le rapport annuel, sauf erreur, il y a un certain nombre d'allusions assez précises au personnel

que la Caisse de dépôt a perdu pendant des années à cause de cela. (17 h 15)

Page huit, M. le Président: "Au cours des années 70, la Caisse de dépôt et placement s'est constituée une équipe de gestion à la hauteur du nombre croissant des défis qu'elle doit relever. Le total des biens sous gestion a presque décuplé pendant cette période alors que les effectifs ont moins que triplé. Les résultats obtenus sont d'autant plus éloquents que la Caisse de dépôt et placement a été durement touchée par de nombreux départs à tous les paliers de l'administration. A titre d'exemple, mentionnons que pas moins de 48 personnes, soit 13 membres du personnel cadre et 35 professionnels du placement, ont quitté leur emploi au cours des dix dernières années. En 1979 seulement, le nombre des départs a été de huit. Il n'est donc pas surprenant que parmi 29 cadres en fonction au 31 décembre 1979, on n'en dénombrait que quatre ayant fait partie de la direction pendant plus de dix ans. L'érosion constante survenue au niveau du personnel dirigeant et spécialisé a eu pour effet d'abaisser à moins de sept la moyenne des années de service des cadres de la Caisse de dépôt et placement. L'âge moyen de ces derniers s'établissait, etc." Je continue, M. le Président. "Conformément à l'arrêté en conseil 1031 du 11 avril 1979, la Caisse de dépôt et placement assume depuis cette date la responsabilité de la gestion et de la rémunération de son personnel."-

Pourquoi, M. le Président? Parce qu'il y a un problème pas réglé à la caisse depuis quinze ans. Je m'excuse, M. le Président, mais je l'ai réglé. Cela faisait quinze ans que ces gens-là se battaient pour sortir des normes extrêmement resserrées de la Commission de la fonction publique. Cela n'avait jamais été réglé par les gouvernements antérieurs. Et, évidemment, sur le plan des équivalences, c'était très difficile d'établir des équivalences. Un bon "trader", ça n'a pas de prix pour n'importe quelle institution. D'autre part, un bon "trader" n'est pas "trader" toute sa vie. C'est un peu comme le hockey, il faut attacher ses patins. La tension est telle qu'il n'y a pas beaucoup de Gordie Howe dans ce métier. Il est utilisable pendant quelques années, après ça on s'en sert comme analyste, mais pendant un certain nombre d'années, il y a une pression nerveuse, physique sur ces gens-là qui est absolument extraordinaire. Vous ne pouvez pas établir une correspondance quelconque avec l'un ou l'autre des corps de la fonction publique et un bon "trader", ce n'est pas faisable.

Le résultat, c'est qu'à cause d'une politique de rémunération calquée sur la fonction publique pendant des années et des années, et des années, le personnel de la caisse, les cadres de la caisse, sont, comme l'extrait que je viens de lire, sortis les uns après les autres. Et ça, je suis très fier d'avoir pu enfin le régler, d'avoir fait sortir la caisse de la fonction publique et d'avoir fait en sorte qu'ils aient une pratique de rémunération plus conformes aux pratiques que l'on trouve ailleurs. Alors, dans ce sens-là, M. le député de Notre-Dame-de-

Grâce soulevait le cas d'une couple de démissions dont il aurait entendu parler, peut-être. A côté du problème que j'ai réglé, à mon sens, ce n'est pas grand-chose.

Bon, la question numéro 7 avait trait à la nouvelle politique de taux d'intérêt créé par Heritage Fund. J'en ai parlé deux fois, je ne vais pas répéter une troisième fois.

Passons maintenant à la décision de la caisse d'acheter un montant sans précédent de titres du gouvernement, disait le député de Notre-Dame-de-Grâce. En effet, c'est un montant sans précédent. L'inflation joue dans ce domaine-là comme pour le prix du beurre. Il suffit simplement de pratiquer la même politique indéfiniment et seulement par l'inflation, ça fait chaque année des montants sans précédent. Je peux même vous dire que si l'inflation continue à 10% par année, dans quatre ans d'ici, le montant sera sans précédent. C'est ça l'inflation. Alors, il faut, comme d'habitude, pour comprendre ce qui se passe, utiliser cette règle mathématique extraordinairement compliquée qu'on appelle la règle de trois. Qu'est-ce que la caisse, à même ses fonds disponibles pour placement, chaque année, place dans les titres du gouvernement du Québec? Réponse: 1976, dernière année de ce que vous savez, 38%; 1980, estimation, 39%. Il n'y a pas de quoi se battre dans les autobus, comme différence. Soit dit en passant, en 1979, c'étaient 29%. Effectivement, cela varie de 38%, à 29% à 39%.

J'ai un superbe petit graphique à montrer. Là, c'est déjà plus compliqué comme mathématiques. C'est une corrélation, depuis 1970, à la fois des fonds disponibles pour placement à la caisse et les montants prêtés au gouvernement du Québec. Je le montre à mes collègues d'en face, M. le Président. Evidemment, ce sont des montants sans précédent, à cause de l'inflation, il est sûr que cela fait de plus gros montants à la fin de la période qu'au début de la période. Comme vous noterez, les années sont de chaque côté de la ligne rouge, ce qui représenterait une corrélation parfaite où le pourcentage aurait toujours été le même, de 70 à 80. Vous voyez les points sont situés de part et d'autre de la ligne rouge, mais sans vraiment beaucoup de divergences.

Evidemment, les montants sont sans précédent. Je peux annoncer au député de Notre-Dame-de-Grâce que, dans trois ans d'ici, il faudra coller une feuille en-haut. Bien sûr, à cause de l'inflation. L'important, cependant, c'est que cette corrélation continue de jouer comme elle a joué jusqu'à maintenant. Je vous signale que le coefficient de corrélation pour 1970-1980 est de 0,98, pour ceux qui savent apprécier la délicatesse de ce genre de calcul. L'idéal serait de 100, enfin de 1,00, c'est 0.98.

Passons au point suivant, la question des obligations d'épargne. Nous en parlerons, j'imagine, quand nous aborderons les crédits du ministère des Finances. C'est vraiment là que cela va. Cela n'a rien à voir avec la caisse de dépôt, vu que la caisse de dépôt n'en achète pas, n'en vend pas, n'en transige pas. Donc, on verra cela quand on

examinera la dette publique, enfin le programme visant la dette publique. D'ailleurs, je pense que le député de Notre-Dame-de-Grâce avait déjà fait allusion à cela; quand nous aborderons les crédits du ministère des Finances, nous toucherons à cela.

Il me reste à discuter, pour en finir avec les observations du député de Notre-Dame-de-Grâce, la déclaration du nouveau président, dans un communiqué de presse. Je ne sais pas si j'ai le communiqué. J'ai un extrait du communiqué, tel que publié dans les journaux. Mais enfin, l'extrait du communiqué disait — ou c'était une interview, je pense — quelque chose comme ceci, n'est-ce pas? Il y a une de ces phrases qui est citée dans le nom de la Caisse de dépôt et placement du Québec, a-t-il dit, "Québec est le mot le plus important". Je m'excuse, mais je ne vois pas qui devrait avoir honte de cela. Moi, cela ne me choque pas! Je trouve ça même très bien. Effectivement, le rôle de la caisse de dépôt est de servir de levier économique et financier au Québec, comme l'indiquait très clairement lors de son dépôt en deuxième lecture, le projet de loi créant la caisse de dépôt. C'est effectivement fondamental.

Bon, il me reste à aborder deux des questions qui ont été soulevées par le député de Bellechasse.

D'abord le degré d'autonomie de la caisse. Tout de suite, je m'excuse auprès du député de Bellechasse, si je vais avoir l'air un petit peu professoral dans ce que je vais dire, mais c'est un "sacré" problème qui existe dans tous les pays occidentaux, ou à peu près, et depuis longtemps. Cela revient à ceci. Je commence par les banques centrales, parce que c'est dans les banques centrales que le problème est apparu et c'est au moment où on a créé des choses comme la caisse de dépôt qu'on a transporté le problème, en somme, des banques centrales jusqu'ici.

Dans les banques centrales, de type britannique, telles que nous les connaissons et donc tel que fonctionne la Banque du Canada, le gouverneur de la banque a cette protection absolument remarquable, dont je faisais état tout à l'heure, dix ans sans qu'il puisse être renvoyé autrement que par un vote de l'Assemblée nationale et on ne peut pas réduire son salaire.

C'est tout à fait exceptionnel comme protection. L'idée de cela, c'est que dans ces discussions sur la politique monétaire à suivre, sur le financement du gouvernement, etc., un gouverneur de banque centrale peut s'opposer au gouvernement. S'il croit que l'intérêt public exige qu'il s'oppose au gouvernement, il a les moyens juridiques de s'y opposer et d'envoyer paître le gouvernement.

Il y a des cas célèbres, aussi bien en France, en Angleterre, au Canada. On en a vu plusieurs cas de gouverneurs qui, à un moment donné, se sont opposés au gouvernement en disant: Vous n'irez pas plus loin que là. On aurait tort de croire que le gouvernement peut facilement leur passer par-dessus la tête. Il y a des débats dans les Assemblées nationales ou dans les Parlements qui ont effectivement renversé des gouvernements à la suite de déclarations très claires de tel ou tel gouverneur de banque centrale. Je pense ici au gouverneur de la Banque centrale, M. Baumgartner, en France, dans les années cinquante, une déclaration ferme de M. Baumgartner a fait tomber le gouvernement français. Cepandant, cela a toujours été tempéré par le fait que les représentants du peuple doivent être en mesure d'influencer les choix politiques qui se font. On ne peut pas, d'une part, dire: Vous serez parfaitement protégé, vous, gouverneurs, vous enverrez paître le gouvernement quand vous voudrez et, d'autre part, ne pas reconnaître qu'il y a quelque chose d'un peu paradoxal que ceux qui sont élus par le peuple ne peuvent pas infléchir les politiques. Ce qui s'est produit à la suite essentiellement de l'affaire Coyne, au Canada, entre M. Coyne, gouverneur de la Banque du Canada et M. Flemming, ministre des Finances du cabinet Diefenbaker et finalement tout le gouvernement Diefenbaker, ce qui s'est produit, c'est qu'on a modifié la Loi de la banque du Canada pour faire en sorte que le gouverneur ait toute aptitude à résister au gouvernement quand il le veut, sauf que le gouvernement fédéral a maintenant le droit d'émettre des directives écrites à la Banque du Canada si, à un moment donné, il y a un conflit. Le gouverneur doit, cependant, suivre les directives écrites que le gouvernement fédéral lui a données. C'est comme cela qu'on a réussi au Canada à réconcilier l'espèce d'opposition dont je parlais tout à l'heure. Le gouverneur de la Banque du Canada fait ce qu'il veut et le gouvernement peut, de temps à autre, émettre des directives écrites et alors, cependant, le gouverneur accepte de se plier à ces directives. S'il ne les aime pas, il peut toujours partir, mais il accepte de se plier. Mais les directives doivent être écrites et, évidemment, elles reçoivent la publicité habituelle, elles doivent être déposées à la Chambre des communes, etc.

Quand nous avons créé la Caisse de dépôt, cela n'existait pas encore. Donc, les protections qu'on trouve dans la charte de la Caisse de dépôt sont du premier type Banque du Canada, pas du second. Nous n'avons aucun droit d'émettre des directives en vertu de la charte. La protection du président de la Caisse de dépôt est exactement la même que celle du gouverneur de la Banque centrale d'avant, il n'y a pas de droit de directives.

Vous avez noté, dans un certain nombre de lois que nous avons changées depuis trois ans et demi, je pense, par exemple, à des sociétés comme REXFOR, sauf erreur SOQUEM, que le gouvernement a introduit, pour la première fois dans le cas de ces sociétés, un droit de directives écrites qui doivent être déposées à l'Assemblée nationale. C'est de là que cela vient cette espèce de cheminement historique dont je parlais tout à l'heure, mais nous avons aussi amendé la Loi de la caisse de dépôt et nous n'avons pas fait cela. Vous avez remarqué que la dernière fois que nous avons amendé la Loi de la caisse de dépôt, en Chambre, nous n'avons pas introduit le droit de directives. Pourquoi, ne l'avons-nous pas intro-

duit? Justement, pour maintenir cette situation que nous connaissons depuis quinze ans qui a peut-être créé ailleurs des problèmes qu'ils ont cherché à résoudre avec leur droit de directives comme à la Banque du Canada, mais nous ne les avons pas eus ces problèmes. Les présidents de la Caisse de dépôt que nous avons connus jusqu'à maintenant, d'une part, ont exercé les pleins droits que la charte leur donne avec leur conseil d'administration, ont pris des orientations qu'ils jugeaient bon de prendre et moi, je vous avouerai qu'à partir du moment ou quelque chose fonctionne correctement depuis quinze ans, je ne vois pas la nécessité de commencer à introduire ce principe des directives dans la charte.

Donc, à cet égard la Caisse de dépôt a davantage d'autonomie, en fait, que la Banque du Canada en a par rapport au gouvernement. II ne doit plus y avoir au Canada, beaucoup de sociétés qui ont un degré d'autonomie aussi grand que la Caisse de dépôt. Ce n'est pas le moindre paradoxe que de voir autant de gens, à l'heure actuelle, depuis une quinzaine de jours ou depuis un mois, soulever des questions d'autonomie de la caisse, alors qu'il y a très peu de sociétés au Canada qui gardent une autonomie aussi grande.

Mon seul pouvoir, en vertu de l'article 44 de la charte, comme ministre des Finances, est de demander des renseignements. En somme, je peux demander à la Caisse de dépôt: Qu'est-ce que vous avez fait sur le marché secondaire depuis trois semaines? Donnez-moi le décompte de vos opérations. Je peux leur dire: A quoi ressemble votre portefeuille d'actions dans les papiers? J'ai le droit, en vertu de l'article 44, de demander des renseignements, c'est le seul droit que j'ai.

Comme gouvernement, nous avons le droit, bien sûr, quand un poste au conseil d'administration devient vacant, de le remplacer. Et quand un président arrive au bout de son mandat, de le remplacer. Mais c'est tout. Encore une fois, le degré d'autonomie de la caisse, je ne dirais pas qu'il est unique au Canada, parce que je ne peux pas dire que j'ai fait le tour des centaines et des centaines de sociétés d'Etat qui peuvent exister, mais il ne doit plus y avoir beaucoup de sociétés d'Etat au Canada qui ont un degré d'autonomie aussi grand.

Finalement... Je m'excuse d'avoir été bien long, M. le Président, mais je termine; comme on m'avait quand même posé une douzaine de questions, il fallait que je les prenne une à une. Finalement, pour les contributions et les bénéfices du Régime de rentes, c'est une question qui est effectivement très importante.

Nous savions, en créant la caisse, que le Régime de rentes au Québec, pas plus que le régime des rentes au Canada, n'était pas complètement capitalisé. Cela malheureusement, c'est le genre de compromis à la canadienne comme on en fait trop souvent. Le gouvernement fédéral voulait, en 1964, avoir un régime de rentes canadien sur la base du "pay as you go", c'est-à-dire aucune accumulation de capital, rien du tout, on perçoit des contributions, on paie des bénéfices et quand il y a un trou dans la caisse, on monte les contributions, on paie les bénéfices et ça continue comme ça.

Le fédéral voulait donc un "pay as you go" rigoureux, pas d'accumulation de capital du tout. Le gouvernement du Québec, lui, demandait un système complètement capitalisé, c'est-à-dire qu'on aurait fixé le taux des contributions assez haut au départ pour qu'ensuite, indéfiniment, on puisse payer des pensions sans jamais avoir à augmenter les taux de contribution dans l'avenir.

Qu'est-ce qu'on a fait? Enfin, comme d'habitude, entre les deux, mi-chair, mi-poisson, ce fut en partie capitalisé. Le 1,8% sur les feuilles de paie de l'employé et le 1,8% sur la feuille de paie de l'employeur, c'est ça, cette espèce de compromis mi-chair, mi-poisson qui fait que quand ça été lancé, à la fois le Canada Pension Plan et la Régie des rentes, on savait absolument dès le départ qu'à un moment donné les fonds disponibles dans la caisse baisseraient plus vite que le taux d'entrée et qu'il faudrait augmenter les contributions.

Je signale d'ailleurs que les premières projections qui ont été faites, à la fois le taux d'accumulation et ensuite le taux de réduction des fonds dans la Caisse de dépôt, ont été faites justement par M. Castonguay dont on parlait tout à l'heure, c'est lui qui a fait les premières études.

Constamment, dans l'opinion publique, on voit apparaître des articles disant: Dans dix ans, il ne restera plus un cent dans la Caisse de dépôt, ou dans quinze ans, dans vingt ans ou dans vingt-cinq ans... comme si c'était de la grosse nouvelle. En fait, c'est absolument rigoureux comme calcul, on sait ça depuis le départ.

Evidemment, les choses ont changé en ce sens que certains des déposants ne sont pas soumis à ce système de capitalisation partielle, c'est ainsi que, par exemple, les fonds de l'assurance-automobile déposés à la Caisse de dépôt, eux, normalement, ne vont pas être amenés à décroître. S'il y a des ajustements à faire dans les taux, ils seront faits annuellement. Justement, on en discutait il y a quelques jours. Mais il est vrai que les fonds pour la Régie des rentes vont se mettre à tomber assez rapidement dans les années quatre-vingt-dix.

Il y a une façon de régler ça, c'est effectivement d'augmenter les taux de contribution; c'est la seule façon. J'avais, lorsque M. D'Arcy McKeough était ministre des Finances en Ontario, une sorte d'entente avec lui où l'on poussait tous les deux très fort pour faire en sorte que partout à travers le Canada, le même jour, on augmente les taux exactement de la même façon. Le Canada Pension Plan et la Régie des rentes sont tellement similaires comme régimes et, d'autre part, doivent être disponibles, c'est-à-dire qu'il doit y avoir un certain degré d'osmose entre ces deux plans, ne serait-ce qu'à cause des mobilités de personnel ou de main-d'oeuvre, qu'on a tout à gagner à faire ça ensemble.

Malheureusement. M. D'Arcy McKeough n'est plus là et il est vrai qu'au Canada, d'une façon générale, comment dire... les gouvernements, de-

puis un an et demi ou deux ans, tout en reconnaissant que l'échéance ne peut pas attendre bien bien longtemps, les gouvernements ont, dans une bonne mesure, cessé de considérer cela comme quelque chose d'assez urgent.

Moi, je veux bien qu'on passe encore un petit bout de temps sans changer les taux, mais tôt ou tard, mais plutôt plus tôt que plus tard j'entends, il va falloir que tout le monde se conduise en être raisonnable et qu'un peu partout au Canada, on monte les taux de contribution, si on veut éviter ce qui serait ridicule, c'est-à-dire que la Caisse de dépôt soit amenée à vendre des titres pour payer des pensions et après que la chute a été suffisamment prononcée, qu'un gouvernement trouve le courage nécessaire de remonter les taux et que l'argent s'accumule à nouveau dans la caisse après cette espèce de phase de désinvestisse-ment, ce qui serait ridicule.

Alors vous me direz: C'est quand? Mon impression, si on veut simplement maintenir les bénéfices de la Régie des rentes tels quels, ne pas changer le système, c'est qu'on veut peut-être attendre encore jusqu'à trois ans. Mais nous avons eu, dans l'intervalle, un rapport qui s'appelle Cofirentes et qui suggère des élargissements ou des améliorations du régime. Alors, évidemment, si on faisait des améliorations du régime sans changer les taux de contribution, eh bien! il se produirait un désinvestissement extraordinaire-ment rapide.

Voilà, à peu près ce que je voulais dire, M. le Président, en m'excusant d'avoir été un peu long.

Le Président (M. Bordeleau): Alors, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce, vous m'avez demandé la parole.

M. Scowen: Oui, M. le Président. D'abord, je veux dire que je suis plus déçu de la situation après les explications du ministre qu'avant.

J'admets que nous avons posé les problèmes d'une façon générale et qu'il a répondu d'une façon générale, mais comme je l'ai dit, nous avons l'intention de les poser plus tard d'une façon plus précise. Mais je ne peux pas passer à ces questions précises avant de faire quelques commentaires et peut-être poser une ou deux questions sur l'explication que le ministre vient de nous donner.

Premièrement, je commence par la fin. J'ai été frappé en écoutant la comparaison entre l'autonomie de la Banque du Canada et celle de la Caisse de dépôt et placement. La Caisse de dépôt n'est pas une banque centrale du moins, jusqu'au renouvellement de son mandat. La Caisse de dépôt est un fonds de retraite. De plus, la Caisse de dépôt n'est même pas exactement un fonds de retraite, car de plus en plus elle est devenue un fonds d'assurance-automobile et un fonds d'accidents du travail. Si vous regardez les chiffres pour la dernière année, vous verrez que la plus grande contribution a été faite par la Régie de l'assuran-ce-automobile et la deuxième a été faite par un fonds de pension privé, celui des contribuables et des fonctionnaires du gouvernement. La troisième a été faite par la Régie des rentes, mais pas loin derrière, il y avait la Commission des accidents du travail. Alors, nous avons ici quelque chose qui est une fiducie, une organisation dont le but est de protéger les fonds qui sont versés pour ce qui est effectivement de l'assurance.

Je pense que c'est cette distinction, que le ministre n'a pas faite aujourd'hui et qu'il n'a pas faite dans toutes ses déclarations, qui est au fond du problème. C'est pourquoi nous avons mis un si grand intérêt à regarder ces nouvelles orientations d'une façon plus précise et à poser des questions là-dessus.

Il a aussi parlé de l'autonomie. Le grand problème est que la question de l'autonomie de cette caisse est vraiment en jeu. Le ministre a dit qu'il n'y a aucune autre institution au Canada qui jouit d'une telle autonomie aujourd'hui. Vous n'avez le droit que de poser des questions. Mais nous ne sommes pas tous aussi naïfs que cela. Le ministre n'a pas hésité à prêter des intentions à M. Kierans quant aux vraies raisons de sa démission. Il n'a pas hésité, au sujet des autres événements, à prêter des intentions aux autres personnes. Par exemple, il a prêté des intentions récemment, dans son discours sur le budget, aux raffineurs de Montréal quand il disait douter énormément que les profits déclarés soient les vrais profits. C'est de bonne guerre, je l'accepte. Mais il faut accepter aussi que la population a le droit de prêter des intentions au ministre, quand nous voyons ce qui s'est passé.

Deux exemples: Je pense que le ministre a été trop facilement blessé par ce que j'ai dit de ces conseils d'administration. Je n'ai jamais soulevé la question de la compétence de M. Marier, comme il l'a prétendu, pas du tout. La question qui se pose, c'est qu'il avait ses administrateurs — quelques-uns qui étaient nommés depuis 1970 — qui ont été gardés par les gouvernements de l'Union Nationale, deuxièmement, qui ont été gardés après par le nouveau gouvernement Bourassa et qui ont été tout à coup rayés au complet pour le nouveau groupe d'administrateurs. Alors, nous avons le droit, je pense... Je ne conteste pas la compétence de M. Marier, je suis certain que vous ne contestez pas la compétence de M. Castonguay, qu'il soit libéral, ou conservateur, ou quoi — mais, on s'étonne qu'il ait démissionné — ni celle de M. Lavoie, j'imagine, ou M. Belzile.

Le deuxième point. On a le droit, je pense, de demander si cette autonomie sera gardée ou s'il n'aurait pas été mieux de garder au moins une ou deux personnes de la vieille garde en changeant légèrement, en respectant surtout de la perspective du public.

Le troisième point, dans le même sens, c'est la nomination de M. Campeau. Je n'ai aucun doute de la compétence de M. Campeau, comme vous l'avez prétendu. Mais, la question essentielle, ce n'est pas ça. Je pense que le ministre comprend aussi bien que moi que, quand nous avons une société qui est censée garder une autonomie et quand le ministre, sans que le reste de la population soit consulté et j'accepte très bien qu'il a le

droit de le faire lui-même par la voie du Conseil des ministres, quand pour la première fois on nomme un fonctionnaire qui a été très près du ministre pour diriger cette entreprise, la population a le même droit de prêter des intentions au ministre qu'il en a, lui, de prêter des intentions de M. Kierans quand il démissionne pendant un référendum. M. Kierans a nié que le référendum ait eu quelque chose à faire avec sa démission. Le ministre nie que la nomination de M. Campeau ait quelque chose à faire avec ses désirs de contrôler davantage la Caisse de dépôt et placement. On a le droit de croire l'un ou l'autre ou les deux, ou de ne pas croire les deux. Mais cette coïncidence — et ce n'est pas absolument moi-même qui l'avait soulevée — concernant les administrateurs, le nouveau président, est vraiment bizarre. Et je pense que si le ministre lui-même était de l'autre côté, il aurait trouvé une façon humoristique, habile de poser les questions quant à l'intention du ministre des Finances et du gouvernement dans ce domaine.

Un autre point que je veux soulever, c'est celui de M. Cazavan. Je trouve l'explication incomplète. Il a dit: M. Cazavan a décidé que les années qu'il voulait passer à la caisse étaient écoulées. Je pense que je cite: M. Cazavan a décidé que les années qu'il voulait passer à la caisse sont écoulées. Je veux faire autre chose. C'est ça que vous avez dit comme étant les paroles de M. Cazavan: Les années qu'il voulait passer à la caisse sont écoulées. Il a dit: Je veux faire autre chose. Très bien. Mais, dans une déclaration qui a été faite par un porte-parole — et je l'ai ici quelque part — de la caisse, il disait qu'il pouvait justifier le salaire élevé de M. Cazavan précisément parce que M. Cazavan avait décidé de rester aussi actif au sein de la caisse qu'avant. Le ministre a parlé de l'honneur et du déshonneur et de la nécessité de traiter les personnes d'une façon équilibrée. (17 h 45)

C'est M. Cazavan, pas le ministre, si on comprend bien, qui a décidé de démissionner. Si c'est vrai et si quelqu'un à ce niveau décide de démissionner, il doit comprendre que ça signifie normalement que son salaire soit terminé. Parce qu'il est le président d'un fonds de pension, j'imagine qu'il connaît pas mal ce que comprennent les pensions. Je ne peux pas imaginer qu'un président, en prenant sa retraite cinq, six ou sept ans avant son terme normal, puisse penser que ce serait déshonorant, de la part du gouvernement, de ne pas lui donner tout simplement une pension qui soit à la mesure des années qu'il a travaillé et des années qu'il a contribué à cette pension.

Il y a quelque chose là qui ne tient pas debout, pas du tout. Si vous m'aviez dit, M. le ministre: On a décidé de s'organiser et de donner à M. Cazavan sa pension comme s'il y avait droit. Avec les complications résultant du fait qu'il ait eu deux ou trois emplois antérieurs, nous nous sommes organisés pour qu'il ait 60%, 70% ou 50% — je ne sais pas à quoi il avait droit — on pourrait comprendre, mais quand vous dites qu'il voulait faire autre chose, quand vous dites, par la suite, qu'il est encore là à temps plein et que vous justifiez le salaire à temps plein, sur la base de sa présence; quand vous dites que c'est déshonorant de ne pas donner plein salaire à quelqu'un qui décide lui-même de prendre sa retraite; il y a quelque chose là qui ne tient pas debout.

Quand j'ai soulevé la question des deux personnes dont la rumeur dit qu'elles vont partir, vous avez dit: C'est possible; et vous vous êtes lancé dans une longue et intéressante élaboration de vos grandes réussites dans le domaine de la politique salariale du personnel et je vous félicite. Pouvez-vous nous assurer que la rumeur de la démission de M. Paris, le directeur adjoint de la caisse, et celle de M. Lavoie, le directeur de la direction du financement soit liée avec le fait que bien que vous ayez assaini cette situation, ce fut insuffisant, et qu'ils ont décidé de partir parce qu'ils ont trouvé un emploi plus intéressant ailleurs? Si telle est la raison pour laquelle ils vont démissionner — ou seront mis à pied, je ne sais pas — si c'est ça, ainsi soit-il. C'est l'espèce de question qu'on veut vous poser. Mais il est possible d'imaginer que si ces deux personnes n'ont pas démissionné ou n'ont pas l'intention de démissionner, si c'est vrai — vous pouvez le nier — ce n'est pas lié au fait qu'ils ont trouvé un autre emploi plus intéressant. Ce n'est pas à cause d'un problème que vous avez dit avoir déjà réglé, mais c'est à cause d'autre chose. De plus, on trouve que votre explication, franchement, n'est pas très forte.

On veut revenir sur le "Heritage Fund", parce qu'on trouve que c'est un argument très faible pour justifier votre décision de créer ce taux de faveur. Si vous avez décidé que c'est à cause de "Heritage Fund", nous avons le droit de vous demander si vous avez l'intention, demain, advenant que si, demain, le "Heritage Fund" décide que ce n'est plus sa politique, la politique de "Heritage Fund" et de remonter les taux d'intérêt.

Moi, je trouve que ce n'est pas un argument très fort. J'ai l'impression que vous allez décider de le faire, pour d'autres raisons peut-être très valables, mais je trouve inconcevable que le gouvernement du Québec puisse décider d'établir les taux d'intérêt pour les obligations du gouvernement du Québec, dans la Caisse de dépôt, par rapport à une décision de Peter Lougheed, en Alberta. Parce qu'il peut changer cette décision demain; et je pense qu'on a le droit de demander si c'est maintenant la politique du gouvernement d'établir le taux d'intérêt des obligations du Québec par rapport aux décisions de Peter Lougheed? J'en doute fortement.

Une autre question, qui, pour moi, n'était pas du tout satisfaisante. J'ai souligné — et je le répète, nous avons l'intention de poser des questions plus précises — l'impression que nous avons que, cette année, la caisse sera obligée... de demander d'acheter une somme sans précédent des obligations du gouvernement du Québec. Vous avez dit: Bien sûr, c'est à cause de l'inflation. C'est toujours sans précédent parce que c'est l'inflation. Peut-être qu'à l'occasion de nos questions, vous pour-

rez nous rassurer que le taux d'inflation, étant d'à peu près 10%, le montant additionnel que la caisse sera obligée d'acheter, sera d'environ 10%.

Mes chiffres indiquent qu'à la fin de l'année 1979, 32,4% de tout le portefeuille de la Caisse de dépôt était à la fin de l'année 1979 dans les obligations du gouvernement du Québec seulement. Je ne parle pas d'Hydro-Québec. On veut savoir si c'est un montant, un chiffre, un pourcentage qui a été augmenté récemment. J'ai l'impression qu'en 1978 le chiffre était de 30,6, il a été augmenté de presque 2% dans un an, mais vous pouvez nous rassurer en disant qu'à la fin de l'année 1980-1981, vous avez l'intention d'assurer que le pourcentage soit encore de 32.4. Moi, j'ai l'impression — mais c'est tout simplement une impression — que vous avez l'intention de demander, de suggérer à la caisse d'acheter pour pas loin d'un milliard de dollars d'obligations du Québec, cette année.

Dans le discours sur le budget, vous avez dit: $1 500 000 000, mais c'était pour le gouvernement et Hydro. J'ai l'impression qu'Hydro aura probablement $400 000, je ne sais pas exactement. Cela monte à $1 100 000 000; il est probable que la caisse sera obligée d'en acheter pour ce montant. J'ai l'impression, M. le Président, que les fonds disponibles à la caisse, les nouveaux fonds sont d'environ $1 800 000 000 et avec le transfert que vous avez proposé du fonds fédéral ou quelque chose comme cela, ça peut monter à $2 200 000 000. Si je prends les $2 200 000 000 comme le total disponible, il semble que le pourcentage que la caisse sera obligé d'acheter, le total de ses nouveaux achats, cette année, sera de 50%. Si je prends seulement les nouveaux fonds à $1 800 000 000 — je vais le faire très vite — ce sera 61%. Si nos chiffres sont précis, cette année, la Caisse de dépôt va acheter, va recevoir en fonds nouveaux des déposants et de leurs revenus, à peu près $1 800 000 000 et ils vont acheter pour $1 100 000 000 dans les obligations du Québec. C'est 61%. C'est loin d'être, pour moi, quelque chose qui est lié au taux d'inflation parce que l'année dernière, ils ont acheté — je ne sais pas combien — mais le taux total cumulatif jusqu'à la fin de 1979, était de 32%.

Il existe, comme je vous l'avais dit, pas mal de questions à la suite de votre déclaration et je pense à la dernière parce que vous avez un peu déformé ce que j'ai dit quant à la déclaration du président.

J'ai dit que le président avait dit que dorénavant, pour l'avenir, c'est le mot Québec qui sera le mot le plus important dans le nom de la Caisse de dépôt. Vous avez dit: Je ne vois rien là-dedans. Pourquoi pas? Pourquoi Québec n'est-il pas important? Ce n'est pas la question que j'ai posée. L'implication de la déclaration du président, c'est qu'avant, jusqu'à maintenant, ce n'était pas le Québec. C'était quelque chose... l'intérêt principal des administrateurs et la direction de la caisse n'était pas le Québec, que c'est un changement, personne peut reprocher à quelqu'un de dire que la caisse doit travailler dans les intérêts du Québec. Il est étonnant qu'après quinze ans d'exis- tence, un nouveau président découvre tout à coup que pendant quinze ans cette société n'a pas travaillé dans les intérêts du Québec. C'est ça la question. C'est la réponse que vous avez donnée, qu'il n'y avait rien à faire sur cette question.

Je ne sais pas si mon collègue a d'autres réactions à apporter quant à votre déclaration, sinon, j'ai des questions précises à poser sur quelques chiffres et sur quelques événements. Mais je vais passer la parole au député, s'il veut.

Le Président (M. Bordeleau): Oui, M. le député de Bellechasse, vous avez quelque chose à ajouter.

M. Goulet: Oui, très rapidement. On sait que la réponse du ministre, concernant la question que j'avais posée, quant à l'autonomie de la gestion de la Caisse de dépôt et placement, c'était, bien sûr, à la suite du remplacement de M. Cazavan. Bien sûr, personnellement, en tout cas, je ne crois pas avoir mis en doute la compétence du nouveau président, ce n'était pas du tout le but de la question. Ce que je voulais savoir du ministre, il nous a expliqué qu'un président de caisse de dépôt, ou de banque, comme celle de la Banque du Canada, aurait pu en venir à une décision qui aurait eu pour effet de renverser le gouvernement, mais justement, dans le système parlementaire où nous sommes actuellement, est-ce que monsieur Cazavan n'était pas conscient que s'il n'allait pas dans le même sens que la volonté du gouvernement ou du ministre des Finances, il avait, à ce moment-là, une épée sur la tête, parce qu'il sait très bien que le gouvernement actuel est majoritaire et qu'il n'aurait pas pu le renverser à cause de cela.

Vous avez dit vous-même que M. Cazavan a, lui-même, démissionné. Or, si c'est lui qui n'a pas respecté son contrat, d'après les propos qu'a tenus le ministre, les explications données par le ministre, ce serait M. Cazavan, lui-même, qui aurait donné sa démission, parce qu'il s'est dit qu'il n'avait plus la capacité d'effectuer ce travail et qu'il veut être remplacé tout simplement. Pourquoi aurait-il exigé le même salaire? Il était tout à fait normal, à ce moment-là, qu'en démissionnant, il consente également à abandonner le salaire et qu'il ait droit, justement, à la pension pour le temps où il avait été là. Je ne vois pas pourquoi quelqu'un aurait exigé un salaire pour la fonction qu'il n'occupait plus et également, pourquoi il aurait exigé une pension pour des années de service qu'il n'aurait pas complétées?

Alors, si c'est le gouvernement qui avait demandé au président de démissionner, ce sont des choses qu'on peut exiger d'une personne, mais si c'est lui qui a démissionné, je ne vois pas pourquoi, dans toute saine administration, il aurait pu exiger une telle chose.

Je pense et, écoutez, le ministre dit qu'on peut véhiculer n'importe quelle rumeur, personnellement, c'est la première fois que j'en parle. Je n'en ai pas parlé à l'Assemblée nationale et ce n'est certainement pas nous qui avons véhiculé ces rumeurs, mais les rumeurs sont que M. Cazavan

était conscient que vous étiez majoritaire et de tout le brouhaha que cela aurait pu amener à l'Assemblée nationale, pour le remplacement du président de la Caisse de dépôt et placement. Vous ne croyez pas que cela aurait été une toute autre attitude, si vous aviez été minoritaire en Chambre, justement? Ne pensez-vous pas que cela aurait pu se passer d'une autre façon?

Or, M. Cazavan était conscient de cela et je pense sincèrement que cela peut être une des raisons qui ont fait qu'on a dit à M. Cazavan: "Ecoute, ôte-toi de là, on va te consentir le même salaire et tu n'as plus rien à dire." Comme le disait l'ex-ministre de l'Industrie et du Commerce, c'est un "quasi-tabletté à $72 000 par année, pendant trois ans ou pendant cinq ans. Je ne me souviens pas de la date, mais je pense qu'il reste cinq ans à son mandat.

Comment expliquer le fait que ce gars-là remette sa démission et qu'il exige le même salaire? S'il ne l'a pas exigé et que vous lui avez donné, ce n'est pas de la saine administration. Je pense que c'est la logique qui parle.

Le Président (M. Bordeleau): Alors, il est presque 18 heures. Il est même 18 heures.

M. Parizeau: Est-ce que je pourrais, M. le Président, prendre deux minutes?

Le Président (M. Bordeleau): Avec le consentement, on pourrait peut-être accepter la réponse du ministre.

M. Parizeau: Non, ce n'est pas la réponse. J'aurai à répondre après. Mais comme il reste deux minutes, j'aurais seulement un paragraphe.

Des Voix: Qu'il prenne les deux minutes.

Le Président (M. Bordeleau): Allez-y. M. le ministre...

M. Parizeau: Simplement sur une chose qui me servira de toile de fond pour nos discussions de ce soir, sur le même sujet. Je viens de me rendre compte, d'ailleurs, que la Loi de la Caisse de dépôt et placement a été adoptée le 9 juin 1965. Elle a donc quinze ans aujourd'hui. C'est tiré du discours de M. Lesage, quant au rôle de chacun dans cette nouvelle institution, son discours en deuxième lecture. On disait tout à l'heure, mais cela n'a pas de rapport avec la banque centrale, tout ce que le ministre a dit, c'était simplement de la poudre aux yeux et nous avons écouté cela. Je cite M. Lesage: "II sera donc possible, pour la Législature du Québec, de limoger un directeur général dont la politique sera notoirement insatisfaisante, mais il sera alors nécessaire de provoquer un débat public et d'expliquer en détail le conflit qui oppose le gouvernement et le directeur général de la caisse." (18 heures)

II est évident que de cette façon on offre au gouvernement la possibilité de dénouer une crise, mais il est évident aussi que l'on n'a recours à une telle extrémité que dans une situation grave et même très grave. On connaît à cet égard le conflit qui a opposé, en 1961, le gouvernement canadien et le directeur de la Banque du Canada. La politique du gouvernement a finalement prévalu, mais il est apparu clairement qu'on n'avait pas le moindre désir de faire face à une semblable crise tous les cinq ou six ans ou même tous les deux ou trois ans, c'est évident.

Le second principe qu'il faut établir, c'est celui de la coordination des opérations de la caisse et de la politique économique générale de l'Etat." Ce n'est pas un fonds de pension simple dont on parle, c'est la coordination des opérations de la caisse et de la politique économique générale de l'Etat. C'est par le truchement du conseil d'administration que cette synchronisation doit normalement se faire. Je n'ai jamais dit autre chose et on prendra ça comme toile de fond pour nos débats à 20 heures, M. le Président.

M. Scowen: A 20 heures, je vous citerai des phrases de M. Lesage qui sont beaucoup mieux que ça.

M. Parizeau: Bon, alors...

Le Président (M. Bordeleau): D'accord, alors la commission suspend ses travaux jusqu'à ce soir, 20 heures.

Suspension de la séance à 18 h 3

Reprise de la séance à 20 h 11

Le Président (M. Ouellet): A l'ordre s'il vous plaît!

La commission reprend ses travaux pour l'étude des crédits du ministère des Finances 1980-1981.

M. Parizeau: M. le Président, j'avais utilisé les deux dernières minutes qu'il restait avant six heures pour bien indiquer que, contrairement à ce qui avait été suggéré auparavant, s'imaginer que dans l'intention du législateur, la Caisse de dépôt et placement est un simple fonds de pension, n'est pas exact. La Caisse de dépôt et placement a été conçue par le législateur au départ à la fois comme devant administrer un fonds de pension dans les meilleures conditions de rentabilité possible, mais aussi comme un instrument, comme dit M. Lesage, comme un levier économique, qui doit être protégé de l'intervention gouvernementale au jour le jour par les protections qui sont données à son président, mais où la coordination des opérations avec la politique économique générale de l'Etat se fait par le truchement du conseil d'administration. Je ne me souviens pas d'avoir jamais vu une charte d'un fonds de pension où l'on parle de coordination de la politique économique générale de l'Etat avec les politiques de placement.

Alors, toute tentative de faire croire que la Caisse de dépôt et placement est simplement un fonds de pension parmi d'autres, se heurte, je pense, aux déclarations très claires qui avaient été faites dès la présentation de cette législation.

Le député de Notre-Dame-de-Grâce a cependant souligné que par les remplacements qui se seraient faits au conseil en 1978, une sorte de continuité dans l'administration de la caisse aurait été interrompue, et il avait déjà dit auparavant qu'il fallait y voir, sinon des intentions politiques, tout au moins des sortes d'amitiés particulières comme explication de ce qui s'est produit. J'ai eu l'occasion de dire ce que je pensais des amitiés particulières, voyons maintenant l'argument du manque de continuité.

Si nous comparons 1977 et 1978 au niveau du conseil d'administration, c'est-à-dire au moment où les changements ont été faits, on constate quoi? Marcel Cazavan est président en 1977 et en 1978; le vice-président, M. Gill Fortier, l'est en 1977, 1978 et l'est toujours; M. Louis Laberge est au conseil en 1977, en 1978 et l'est toujours; M. Michel Caron a remplacé M. Goyette comme ex officio, en raison du changement de postes, M. Goyette n'est plus sous-ministre des Finances, c'est M. Caron qui l'est, il occupe le siège en 1977 et en 1978. (20 h 15)

M. Lafond a remplacé M. Lemieux comme représentant d'Hydro-Québec, mais M. Lafond est l'assistant de M. Lemieux depuis des années. Quant au représentant ex officio de la Commission municipale de Québec, c'est le juge Richard Beau-lieu qui l'est en 1977, en 1978 et qui l'est toujours.

Alors, suggérer qu'il y a rupture de continuité serait, je pense, exagéré. Allons plus loin cependant. M. André Marier — dont le député de Notre-Dame-de-Grâce disait qu'il faisait partie de ces nominations agréables au gouvernement, si j'ai bien compris ce qu'il voulait dire — a été nommé en remplacement de M. John Dinsmore à ce poste de fonctionnaire dont j'ai parlé plus tôt. Mais il a remplacé M. Dinsmore dès 1977, donc en 1978, au moment des remplacements dont parlait le député de Notre-Dame-de-Grâce, M. Marier en était à sa deuxième année à la Caisse de dépôt.

Alors, qui avons-nous exactement remplacé? Nous avons remplacé M. Raymond Lavoie par M. Eric Kierans. On conviendra que ce n'est pas nécessairement une réorientation politique majeure! Nous avons remplacé M. Castonguay par M. Fernand Paré. On nous dira: Est-ce qu'il y a eu des raisons pour lesquelles on aurait voulu évincer M. Castonguay? M. Castonguay, le 7 juillet 1978, faisait parvenir une lettre au ministre des Finances pour lui dire qu'il était invité à devenir membre du conseil d'administration d'une banque et que, dans ces conditions, il avait l'intention de démissionner; c'était le 7 juillet 1978. On ne l'a pas mis dehors, il voulait être au conseil d'administration d'une banque. Comme on chantait avantla guerre, M. le Président, tous les goûts sont dans la nature. Cela lui faisait plaisir d'être dans une banque, et la loi prévoit que si on est au conseil d'une banque, on ne peut pas être au Conseil de la Caisse de dépôt. Il a choisi la banque plutôt que la caisse. C'est son choix.

Il nous reste M. Belzile remplacé par M. Pé-ladeau. Est-ce que c'est de cela dont on parle? La crédibilité de la caisse modifiée parce que le gouvernement au terme du mandat de M. Belzile décide de le remplacer par M. Péladeau. Les deux, je pense, sont avantageusement connus dans les milieux d'affaires. On disait que M. Péladeau est plutôt du côté du gouvernement. Sûrement pas autant que M. Lemelin peut l'être du côté de l'Opposition!

M. Scowen: M. Lemelin? M. Parizeau: Oui... M. Scowen: ...

M. Parizeau: Editeur pour éditeur! Je me souviens qu'un éditeur de journal a pris fait et cause pour le non. Je ne me souviens pas que M. Péladeau ait pris fait et cause pour le oui. Alors, c'est quoi ces interprétations? Nous avons remplacé M. Belzile par M. Péladeau, et voilà pour les postes existants en 1977.

Nous avons, cependant, ajouté deux postes parce que cela découlait de l'élargissement du conseil d'administration demandé, d'ailleurs, lorsque nous avons transformé la loi, par l'ancienne administration de la Caisse de dépôt qui disait qu'il n'y avait pas assez de monde à ce conseil, qu'on avait de la difficulté parfois à avoir le quorum. On a dit: Très bien, on va en ajouter deux. Dans ces deux, nous avons ajouté M. Alfred Rouleau. J'imagine qu'on conviendra que c'est peut-être normal qu'un représentant... C'était la première fois qu'un représentant des mouvements coopératifs était ajouté aux administrateurs de la caisse et il est entendu qu'il y aura toujours un représentant des mouvements coopératifs à la Caisse de dépôt. Cela a été introduit comme amendement à la loi. Nous avons nommé M. Rouleau comme premier représentant des mouvements coopératifs. Cela m'a paru effectivement plus raisonnable de commencer par M. Alfred Rouleau plutôt que par le président, d'autre part très méritant, des comptoirs alimentaires. Coopérative pour coopérative, il faut commencer par le commencement. D'autre part, nous avons nommé un autre représentant du milieu des affaires dans la personne de M. Gaston Pelletier qui, comme par hasard, était l'adjoint, à ce moment-là, de M. Raymond Lavoie. Vous voyez M. Lavoie exit, M. Pelletier intra. Voulez-vous bien me dire exactement dans ce que nous avons fait en 1978 qu'est-ce qu'on trouve de croche? Qu'est-ce qu'on trouve de croche exactement? Et sur le plan de la continuité et sur le plan du choix des hommes.

D'autre part, le député de Notre-Dame-de-Grâce a fait quelques allusions au fait que le nouveau président de la Caisse de dépôt disait que dans le nom de la Caisse de dépôt et de placement du Québec, Québec est désormais le mot le plus

important et, disait-il, cela voulait dire que depuis quinze ans, le mot Québec aurait été moins important. Mais le président de la Caisse de dépôt, dans la citation que j'ai faite de lui, n'a jamais dit: Dorénavant; il disait: Dans le nom de la Caisse de dépôt et de placement du Québec, "Québec" est le mot le plus important. Il ne condamnait rien quant au passé, il ne préjugeait rien quant à l'avenir, il disait "est"; moi, j'ai pris ça comme une constatation de fait.

Il faut vraiment que quelqu'un ait l'esprit mal tourné pour voir des trucs pareils; moi, j'ai pris ça — si le président peux m'excuser de dire des choses pareilles — un peu comme une vérité première, il ne condamnait personne: "Le Québec est", il n'y a pas de "dorénavant est", il disait "est le mot le plus important".

Encore une fois — je répète ce que j'ai dit tout à l'heure — si on trouve quoi que ce soit de croche à dire que dans "Caisse de dépôt et placement du Québec", "Québec" est le mot le plus important, je n'y trouve rien de répréhensible, au contraire, j'allais dire: C'est même pour ça en un certain sens qu'elle est nommée, toujours conformément à l'intention du législateur, telle qu'exprimée le 9 juin 1965.

Passons maintenant aux commentaires du député de Notre-Dame-de-Grâce sur M. Cazavan. Il me citait quand il disait que M. Cazavan voulait faire autre chose. Je n'ai pas dit faire autre chose en dehors nécessairement de la caisse, je disais par rapport à la direction de la caisse. C'est vrai que la Caisse de dépôt et placement devrait peut-être avoir... Peut-être que le débat actuel, aussi inélégant qu'il soit, parce qu'il est franchement inélégant, va peut-être nous amener à faire ce que la Banque du Canada a déjà fait il y a quelques années... Le député de Notre-Dame-de-Grâce m'excusera de revenir à nouveau à la Banque du Canada, mais M. Lesage était tellement explicite dans ses comparaisons. Cela nous amènera peut-être à demander à la Caisse de dépôt d'établir une politique de pension pour ses dirigeants. Peut-être qu'effectivement on pourrait avoir, dans les règlements de la caisse, l'expression d'une politique de pension qui dit que n'importe qui qui a été président pendant X années a droit à des bénéfices de pension de tel ordre, plutôt que ceux qui sont prévus par la Fonction publique. Je ne suis pas certain que ça coûtera moins cher et les expériences que j'ai vues dans bien d'autres entreprises, qui ont fait des choses comme celle-là, ont habituellement révélé que ça coûtait plus cher, mais si ça peut éviter des débats aussi inélégants que ceux auxquels nous assistons depuis une dizaine de jours, on pourra toujours dire que l'Opposition insistait pour que quelque chose d'au moins aussi coûteux, sinon plus coûteux soit fait de façon que des débats aussi inélégants ne recommencent pas. Je n'exclus pas ça du tout. Effectivement, la Banque du Canada a maintenant une politique en vertu de laquelle quelqu'un qui a été gouverneur de la banque a droit à une pension très substantielle, merci beaucoup! Il ne faut pas se faire d'illusion, un gouvernement de la Banque du Canada ne prend pas sa retraite avec $25 000 par année. S'il y en a qui pensent cela, ils se trompent. Digitus in oculo.

Il me reste maintenant à examiner deux choses: Le député de Notre-Dame-de-Grâce disait, bien alors le Heritage Fund a une politique, et si M. Lougheed changeait sa politique, est-ce que la caisse de dépôt changerait aussi la sienne?

Bien, la vie est marquée par beaucoup de rebondissements. Actuellement, c'est cela qui fait le Heritage Fund. Le Heritage Fund, dans l'espace de très peu de temps a atteint pas loin de $5 000 000 000 à placer: $4 500 000 000, je pense. Au fur et à mesure où le prix du pétrole va monter, il va rejoindre très rapidement la taille de la caisse de dépôt. Il n'est pas du tout indifférent d'avoir deux organismes qui ont un "cash-flow" de même taille ou à peu près, dont l'un va voir son "cashflow" monter considérablement dès que le prix du pétrole aura augmenté, qu'ils joueront tous les deux, au Canada, sur le marché financier, un rôle absolument majeur, auront des politiques de prêts qui sont à peu près les mêmes ou, sinon, fort discordantes. Il s'agit de deux très gros fonds gouvernementaux, en fait, des deux plus gros fonds gouvernementaux qu'il y ait au Canada.

Alors, on me dit, si M. Lougheed change de politique, qu'est-ce qui se produira? Ah bien, je peux assurer une chose, c'est que le conseil d'administration se réunira en disant, qu'est-ce qu'on fait? La vie est chargée de rebondissements. Ce n'est pas de la religion, une politique de placement. Ce serait trop simple. Si toutes les politiques de placement étaient couvertes par l'article 232 du petit catéchisme, il n'y aurait aucun problème d'application. Pour le moment, c'est ce que fait le "Heritage Fund". Comme ils font cela à l'heure actuelle, il est très difficile pour nous de faire autrement. Si jamais, ils changent, on verra comment nous changerons. C'est le conseil d'administration qui aura à décider.

Finalement, la question du pourcentage des fonds de la caisse de dépôt qui vont en obligations du gouvernement. Là, je m'excuse, M. le Président, mais c'est comme si je n'avais pas dit un mot. Je veux dire que le député de Notre-Dame-de-Grâce a fait exactement comme si je n'avais rien dit. J'ai pourtant signalé clairement que les fonds disponibles pour placements, pour l'année 1976 — que je sache, nous n'étions pas là, nous sommes arrivés dans nos bureaux au début de décembre — des fonds disponibles pour placement, 38%, sont allés en obligations du gouvernement du Québec. C'est-à-dire $461 000 000 sur $1 217 000 000, pour les années plus récentes 1976.

M. Scowen: 1976, merci.

M. Parizeau: En 1979 — ce sont des années de calendrier parce que la Caisse de dépôt et placement tient ses états financiers sur des années de calendrier — nous sommes tombés par rapport à 38%. En fait, les obligations de Québec ont représenté 29% des fonds disponibles pour placement à la Caisse de dépôt et placement, soit $741 000 000 sur $2 605 000 000.

Et, en 1980, la caisse prévoit acheter $1 000 000 000 d'obligations du gouvernement du Québec sur un total de fonds disponibles pour placement de $2 546 000 000, c'est-à-dire 39%, c'est-à-dire à peu près la même chose qu'en 1976.

M. Scowen: $2 500 000 000.

M. Parizeau: $2 546 000 000. Alors, comment ça s'explique? Bien, ça s'explique largement parce que la Caisse de dépôt et placement avait — pourquoi cette divergence entre 1979 et 1980 en particulier — en 1979 énormément de valeurs à court terme au début de l'année. Ils en avaient presque $800 000 000. Alors, forcément, nous, en nous présentant pour $741 000 000 d'obligations, ça représentait un pourcentage pas mal plus faible qu'en 1976. Et cette année, au début de l'année, ils n'ont pas $800 000 000 de valeurs à court terme, ils en ont $535 000 000. Alors, le milliard qu'on leur demande représente un pourcentage plus élevé, 39%, mais qui est à peu près le même que celui de 1976.

Il y a, d'autre part, à peu près $100 000 000 que la Caisse de dépôt et placement met de côté pour les bons du trésor du Québec, en plus de tout ce que je viens de dire. Sauf que là, il faut bien comprendre qu'il s'agit de quelque chose qui peut se réaliser ou ne pas se réaliser, compte tenu du rôle que jouent trois acteurs sur le marché financier qu'a créé le gouvernement du Québec en établissant les bons du trésor il y a quelques mois: le marché, les 27 courtiers autorisés ou maisons financières autorisées à soumissionner pour des bons du trésor chaque semaine; le gouvernement lui-même qui peut avoir un intérêt à un moment donné à soumissionner sur ce marché et la Caisse de dépôt qui peut aussi avoir intérêt à soumissionner sur ce marché. Les $100 000 000 qui sont réservés par la Caisse de dépôt pour le fonctionnement du marché des bons du trésor sont non seulement une approximation, mais une sorte de jeton qui est mis sur la table et dont on verra simplement à la fin de l'année comment l'interaction des trois acteurs a utilisé cet argent ou pas. (20 h 30)

II s'agit de quelque chose de tout à fait nouveau dans notre système, le gouvernement du Québec n'ayant jamais jusqu'à maintenant été sur le marché des bons du trésor. En ouvrant un tel marché, on satisfait à des besoins d'entreprises qui ne trouvaient pas dans les titres québécois, des titres à court terme, à trois mois. Depuis que nous avons ouvert ce marché des bons du trésor, la Caisse de dépôt présentait assez fréquemment des soumissions. Dans l'ensemble, l'essentiel de ces bons du trésor ont été achetés par des maisons privées parce que cela correspondait à leurs besoins. Au gouvernement, cela donne un instrument d'emprunt très flexible et aux entreprises qui ont de l'argent à placer à court terme, cela leur donne un instrument québécois qu'elles ne trouvaient jusqu'à maintenant qu'au gouvernement fédéral. C'est pour cela que ces $100 000 000 réservés pour les bons du trésor je les tiens à part parce qu'il s'agit de quelque chose d'expérimental qui, jusqu'à maintenant, fonctionne très bien, mais qui n'a rien à voir avec les besoins de financement à long terme du gouvernement du Québec, bien sûr.

Dans ce sens, je conclus que cette impression qu'ont certains que le gouvernement irait siphonner des montants abusifs d'argent à la Caisse de dépôt et placement est erronée. Je reviens à nouveau sur le fait que dans les autres provinces canadiennes, la totalité de cet argent va aux gouvernements provinciaux. La totalité! Le gouvernement du Québec en modérant ses appétits au niveau où il le fait est tout à fait exemplaire par rapport à toutes les provinces canadiennes qui, elles, vont ramasser — si vous me passez l'expression, M. le Président — le pognon intégralement.

Voilà à peu près les premiers commentaires que j'avais à faire.

Le Président (M. Bordeleau): M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Scowen: J'ai une série de questions, M. le Président, dont quelques-unes découlent de la déclaration de M. Parizeau — du ministre, excusez-moi. Premièrement, il a fait allusion en terminant au comportement de la Caisse de dépôt, des autres provinces et du fonds canadien. Je pense que — simplement pour qu'il puisse comprendre l'orientation générale de nos questions — si nous avons décidé de développer une politique qui est plus ou moins conforme à celle du Canada et des autres provinces, il vaut la peine de l'expliquer clairement à la population parce que jusqu'à maintenant on a toujours été très fier au Québec d'avoir quelque chose de distinct, différent et meilleur. Ce n'est pas une question que je pose, c'est simplement pour qu'il puisse comprendre, en général, la nature de nos questions surtout quand nous arrivons à cette dernière question que je vais poser ce soir sur les nouvelles orientations. Si on décide finalement que la Caisse de dépôt doit devenir ce qu'est devenu le Canada Pension Plan, ainsi soit-il, mais que tout le monde comprenne que ce changement a été fait.

Premièrement, dans le domaine des emprunts, le ministre a dit que pour 1980, il prévoyait des emprunts de $1 000 000 000 à la caisse de la part du gouvernement. Si je comprends bien, cela veut dire qu'Hydro-Québec va emprunter $500 000 000. Est-ce que c'est cela?

M. Parizeau: Non, $400 000 000, puisque je disais $1000 000 000 pour le gouvernement en obligations, $400 000 000 pour Hydro-Québec et on garde en réserve, au cas où, $100 000 000 pour les bons du trésor.

M. Scowen: Si les bons du trésor ne marchent pas, cela peut être ajouté au montant de la caisse?

M. Parizeau: Oui, sauf que c'est déjà réglé, les bons du trésor maintenant sont en... Cela fait combien de mois? Trois ou quatre mois?

M. Scowen: En ce qui concerne...

M. Parizeau: On a dix fois plus de soumissions qu'on a de bons du Trésor à vendre.

M. Scowen: En ce qui concerne les montants disponibles, vous avez dit que ce serait de l'ordre de $2 500 000 000 et le débat jusqu'ici s'est fait autour des deux chiffres de $1 800 000 000, celui de M. Kierans, et celui que M. Campeau a sorti en réplique, $2 200 000 000. La différence était expliquée, si je comprends bien, et je cite: "M. Kierans estime aussi que la Caisse de dépôt et placement devrait vendre des centaines de millions de ses actifs pour réaliser ses achats prévus d'obligations québécoises, ce que ne conteste pas M. Parizeau comme tel. Il explique toutefois que la Caisse de dépôt et placement a investi des centaines de millions sur les $10 000 000 000 d'actifs dans les obligations fédérales et les titres à court terme lorsqu'elle ne se trouvait pas en mesure de les réaliser. La Caisse de dépôt et placement nous a dit qu'elle disposait de $2 200 000 000 cette année avant le budget." Alors, M. Kierans disait que c'était $1 800 000 000, M. Parizeau — je n'ai pas la date de cet article, je pense que c'est le 6 mai — que ce sera $2 200 000 000 et ce soir, on est devant $2 500 000 000. Alors, simplement pour que tout le monde puisse comprendre... Dans la caisse même, il y a deux sources de revenus, si je comprends bien. Il y a les dépôts nets des déposants et le revenu. Est-ce que le ministre ou le président peut me dire quelle est la prévision pour l'année des dépôts des déposants et la prévision du revenu?

M. Parizeau: Alors, nous allons maintenant, M. le Président, procéder à cette répartition à laquelle j'avais cru que M. Kierans assistait, mais d'où il semblerait maintenant qu'il est parti juste avant que ça se termine cet après-midi-là. Encore une fois, le rôle principal de la Caisse de dépôt et placement, c'est de placer de l'argent. Alors, puisque nous, on est poigné jusqu'à minuit et qu'on ne peut pas partir avant, on va regarder les chiffres.

M. Scowen: Alors, les deux chiffres ne sont pas les chiffres...

M. Parizeau: Vous allez avoir tous les chiffres, monsieur, tels qu'ils sont demandés et à partir d'états que la Caisse de dépôt et placement me présente. Ayant le droit, en vertu de l'article 44, de demander des renseignements, je les ai.

Fonds disponibles pour placement, valeurs à court terme au début de l'année 1980: $535 000 000; contributions nettes des déposants: $875 000 000; revenus nets $994 000 000; échéances de placements: $142 000 000...

Une Voix: Echéances des placements?

M. Parizeau: Oui, des placements qui viennent à échéance, des obligations qui viennent à échéance.

Cela fait $2 546 000 000 de fonds disponibles pour les placements. Les $1 800 000 000 de M. Kei-rans, viennent des deux éléments du centre: contributions nettes des déposants et revenus nets, c'est-à-dire les deux éléments dont parlait le député de Notre-Dame-de-Grâce tout à l'heure; on voit qu'il y a une communion d'esprit remarquable.

M. Scowen: Cela donne environ $1 800 000 000, à peu près.

M. Parizeau: Oui, c'est ça qui fait les $1 800 000 000.

M. Scowen: Ceci consiste en nouveaux fonds.

M. Parizeau: Ce n'est pas une question de nouveaux fonds ou d'anciens fonds, ce sont les fonds qu'ils ont à placer.

M. Scowen: L'autre, c'est un transfert d'une partie du portefeuille, d'une espèce d'obligation ou action à une autre, mais les nouveaux fonds qui vont entrer seront en effet le revenu...

M. Parizeau: Non, les actions ne viennent pas à échéance, M. le Président. Quand on parle de valeurs à court terme — là, je reviendrai sur ce que disait le député de Notre-Dame-de-Grâce, plus tôt, avant 18 heures — c'est quand même aussi un fonds de retraite. Un fonds de retraite n'a pas à stocker des montants énormes de valeurs à court terme, ce n'est pas son rôle. Ce qu'on dit c'est que, au début de l'année, ça s'adonne parce que la caisse ne trouve pas toujours les fonds pour les placements à long terme qu'elle désire, qu'elle doit acheter des valeurs à court terme. Donc, elle commence l'année avec $535 000 000 de valeurs à court terme qui ne sont pas sa fonction propre et qui sont utilisables pour des investissements en actions, en obligations, etc., en tout temps, plus $875 000 000, plus $994 000 000, plus les échéances de placements. Quand des placements viennent à échéance, la caisse ne va pas se précipiter à la banque pour déposer l'argent, elle va essayer de placer ça. Donc, ce qu'elle a à placer, selon une comptabilité qu'elle tient depuis toujours, c'est $2 546 000 000. Là-dessus, elle affecte — d'après la répartition qui a été faite cet après-midi célèbre où quelqu'un est parti trop tôt disent les journaux, je n'ai pas été vérifier, je ne sais pas à quelle heure il est parti, je ne tiens pas le "punch" —à Québec, obligations: $1 000 000 000; Hydro-Québec: $400 000 000; autres, incluant les "Canada": $259 000 000; achat d'actions: $373 000 000; achat d'hypothèques et d'immeubles: $177 000 000; total: $2 209 000 000.

Maintenant, récapitulons ce qui semble irréca-pitulable. Le chiffre dont parle M. Kierans, c'est la somme des contributions nettes des déposants et des revenus nets. Cela fait $1 800 000 000. Le chiffre dont j'ai parlé, ce sont les $2 200 000 000 des attributions de fonds. Alors, cela fait $2 200 000 000, si on ajoute les "Québec", les "Hydro-Québec", les autres, incluant les "Canada", les achats d'actions, les achats d'hypothèques et immeubles,

$2 546 000 000, ce qui devrait leur laisser, à la fin de l'année, à supposer que tout cela se réalise — mais encore une fois, cela change dans le courant de l'année — à supposer que tout cela se réalise, cela devrait les laisser avec environ $337 000 000 de placements à court terme. On ne va pas se faire d'illusions, mais il reste, néanmoins, que selon les obligations qui sont mises sur le marché, selon qu'il y a beaucoup d'emprunteurs ou moins d'emprunteurs, ces chiffres peuvent changer. Mais, c'est, en tout cas, l'orientation générale prise par la caisse.

M. Scowen: J'espère que le ministre peut accepter qu'il existe une distinction entre les nouveaux fonds qui viennent, soit de revenus, soit des déposants, et les transferts des actifs actuels du portefeuille. En effet, le ministre ou la caisse a décidé de changer le portefeuille en réduisant, par exemple, les obligations du gouvernement du Canada. Il aurait pu décider, également, de réduire les actions qu'il détient dans l'industrie de la chaussure ou des pâtes et papier. Par ce moyen, il peut dire que nous n'avons plus de fonds disponibles. Mais je pense qu'il est clair, quant à moi, au moins, que les nouveaux fonds à la disposition de la caisse sont de l'ordre de $1 800 000 000.

M. Parizeau: M. le Président, enlevons d'abord la question des "Canada" là-dedans, une bonne partie des "Canada" achetées par la caisse, c'est du long terme. Donc, c'est en portefeuille, c'est engrangé cette affaire-là, c'est en portefeuille. Si on les vendait à l'heure actuelle, avec les taux d'intérêts que l'on connaît, on perdrait de l'argent. Une bonne partie des "Ottawa", c'est du long terme.

Revenons à cette question des nouveaux fonds. Mais oui, si on me parle de l'addition des fonds. L'addition des fonds est de $1 800 000 000. Mais il reste que $142 000 000 viennent à échéance. Encore une fois, cet argent ne va pas aller à la banque, il va être placé. Pour un organisme qui investit de l'argent, il n'y a pas seulement le problème de savoir ce qui rentre de nouveau, il y a celui de savoir ce qui vient à échéance et d'autre part, quelles sont les valeurs à court terme dans lesquelles cet organisme sait placer, en attendant que le long terme sorte. Je veux dire que n'importe quel administrateur de portefeuille sait cela.

M. Scowen: Comme vous savez, les obligations du Canada sont, à toutes fins pratiques, les actifs à court terme. C'est en effet la même chose...

M. Parizeau: Et maintenant, est-ce qu'on a une décomposition des actifs fédéraux par échéance?

M. Scowen: II existe un marché...

M. Parizeau: Non, non...

Une Voix: Autrefois, il y a quatre ou cinq ans.

M. Parizeau: Oui, autrefois, mais maintenant, vous avez... La répartition des titres de la caisse se fait. Moi, j'ai vu une liste, il y a quelques semaines. On en voyait de tous les genres, des actifs fédéraux. Il y avait du fédéral à très long terme. Il y avait du fédéral à court terme. Il y avait n'importe quoi.

M. Scowen: Dans le cadre de cette élaboration des sources et des fonds, est-ce que le ministre peut nous dire combien a été réalisé par la vente des obligations d'épargne québécoise dans les dernières semaines? Le total final? (20 h 45)

M. Parizeau: II n'y a aucun rapport avec la Caisse de dépôt et placement. Cela, on en parlera tout à l'heure quand on passera aux finances, comme je le disais.

M. Scowen: Cela n'a aucun rapport direct, mais ça peut aider peut-être...

M. Parizeau: Non, absolument aucun rapport. Du point de vue des opérations de la caisse, les obligations d'épargne sont réservées aux particuliers, sont vendues à des particuliers. La Caisse de dépôt et placement ne touche pas à ça.

M. Scowen: Je comprends parfaitement, mais est-ce que vous avez le chiffre?

M. Parizeau: Oui, je n'attends pas ça; dès qu'on abordera le programme numéro — je ne sais pas quoi — trois ou quatre des Finances, gestion de la dette.

M. Scowen: Mais, est-ce que vous pouvez nous le donner tout de suite?

M. Parizeau: Bien non, écoutez, le député de Notre-Dame-de-Grâce... M. le Président, j'avais suggéré qu'effectivement on change à un moment donné ce soir du côté de la Caisse de dépôt et placement. C'est lui qui a insisté pour qu'on finisse la caisse et qu'on passe ensuite aux crédits. Passons aux crédits.

M. Scowen: Mais, on parle, dans le cas de la caisse, des besoins du gouvernement du Québec...

M. Parizeau: Ah non! Je comprends...

M. Scowen: ... et une partie de cette question est liée avec les autres sources de revenu. C'est un chiffre que le ministre a certainement, dont il est certainement au courant.

M. Parizeau: Oui, bien sûr.

M. Scowen: Est-ce que c'est $800 000 000? Est-ce que c'est $500 000 000? Est-ce que c'était...

M. Parizeau: Non, comme nous verrons, c'est autour de $750 000 000 bruts. Mais j'aurai un bon nombre d'indications à donner quant aux recon-

versions qui doivent être faites pour des obligations provenant d'épargnes qui viennent à échéance et d'autre part, pour des conversions d'obligations antérieures. Mais cela n'a pas de signification particulière par rapport à ces chiffres-là pour la raison suivante.

M. Scowen: Pour le... mais c'est très intéressant. $750 000 000 à peu près?

M. Parizeau: Brut, et le brut ne vous donne rien comme indication de l'augmentation de l'encours, absolument rien. Cela n'a aucune espèce de signification comme chiffre.

M. Scowen: Mais, le montant qui a été vendu à 14% monte à peu près à $750 000 000?

M. Parizeau: M. le Président, est-ce qu'on arrête l'examen de la Caisse de dépôt et placement et qu'on passe au programme no 3?

Le Président (M. Bordeleau): Vous avez raison, M. le ministre, il faudrait s'en tenir autant que possible à la Caisse de dépôt et placement quitte à revenir à ce moment-là au programme no 3.

M. Scowen: Semble-t-il que c'est un sujet assez sensible. Alors, je retourne à la caisse. M. le Président, est-ce que je peux suggérer une question. Avez-vous les chiffres, M. le ministre? Vous avez donné les chiffres de 1976. On a essayé d'aller en arrière un peu par rapport aux rapports annuels et c'était difficile. Vous m'avez donné les chiffres de 1976. Avez-vous avec vous ce soir les chiffres pour 1975, 1974?

M. Parizeau: On va sortir le graphique que j'ai montré.

M. Scowen: Parce qu'ils ne sont pas clairement indiqués dans les rapports. Il y avait une autre façon avant que vous arriviez, les rapports n'étaient pas aussi clairs et...

M. Parizeau: Effectivement, les rapports n'étaient pas aussi clairs. Mais, ce n'est pas ma faute, ce n'est pas moi qui fais les rapports de la Caisse de dépôt et placement.

M. Scowen: Non, non, c'est exactement...

M. Parizeau: Voyons, à partir du graphique que je montrais tout à l'heure, par exemple, en 1970, le gouvernement de Québec avait obtenu $160 000 000 sur des fonds disponibles pour placement de $410 000 000.

M. Scowen: $410 000 000.

M. Parizeau: Encore une fois, il ne faut pas se mettre martel en tête et je suis bien prêt à fournir aux membres de ce comité cette corrélation. C'est quand même très clair, n'est-ce pas?

M. Scowen: Si vous pouvez nous fournir le tableau, ça va...

M. Parizeau: je suis sûr que M. Scowen a fait assez de statistiques pour savoir ce que ça veut dire.

M. Scowen: Si vous pouvez nous fournir les chiffres, ce ne sera pas nécessaire de les sortir.

M. Parizeau: Oui, bien sûr. Non, mais c'est très intéressant, ce qui veut dire que la thèse de chiffres sans précédent dont il parlait, elle apparaît clairement là-dedans.

M. Scowen: Tout ce que je sais, tout ce qu'on a été capable de sortir d'après les données disponibles, c'était que sur le plan cumulatif, jusqu'à 1979, c'était 32,4%. Cela, c'est sur le plan cumulatif, si nos chiffres sont corrects. Alors, l'année passée, c'était 29% et en 1980, vous prévoyez, d'après vous, 40%.

M. Parizeau: Non, 39%.

M. Scowen: Excusez-moi, je vais faire le calcul.

M. Parizeau: Par rapport à 38% en 1976. M. Scowen: Oui, et avez-vous pour 1975?

M. Parizeau: Non, je vous ai sorti 1970, je peux bien vous sortir 1975, où est le tableau?

M. Scowen: Non, j'ai demandé 1975, vous m'avez donné 1970.

M. Parizeau: Alors, 1975, c'était une année exubérante. Le gouvernement a été chercher $400 000 000 sur $625 000 000.

M. Scowen: Sur $625 000 000.

M. Parizeau: Oui, exubérant cette année-là, exubérant le gouvernement.

M. Scowen: C'étaient les deux tiers.

M. Parizeau: Oui, attention c'est Québec et Hydro-Québec qui sont garantis.

M. Scowen: Je parle toujours du gouvernement du Québec.

Je présume que les chiffres que vous nous avez donnés pour 1975,1979 et 1980, c'est le Québec seulement.

M. Parizeau: C'est le Québec seulement. Si vous voulez avoir les chiffres avec HydroQuébec.

M. Scowen: Non.

M. Parizeau: Ah, pour une fois que vous ne voulez pas, c'est intéressant.

M. Scowen: C'est intéressant, mais on ne le veut pas pour le moment.

M. Parizeau: Bien non, mais je vais prendre... M. Scowen: II y a des chiffres intéressants là.

M. Parizeau: Moi, je voudrais peut-être, vous voyez.

M. Scowen: Si vous voulez les donner.

M. Parizeau: Pour 1980, Québec et HydroQuébec cela fait 55% de tous les fonds à placer de la Caisse de dépôt. L'année 1975 qui intéresse à ce point le député de Note-Dame-de-Grâce c'est 65%, grosse chute, grosse chute. Nous sommes modestes dans nos appétits à côté de 1975, je ne sais pas qui avait un appétit pareil cette année, mais il est monté aux deux tiers.

M. Scowen: Je propose tout simplement que pour les contribuables, pour les retraités, il y a une distinction entre une obligation pour construire un barrage qui va produire des revenus, et une obligation pour couvrir un déficit courant du gouvernement.

M. Parizeau: Absolument pas. Ce serait supposé, en somme, que la pension diverge de montant et de qualité selon que les intérêts sont payés par le gouvernement ou par l'Hydro-Québec. Je soumets humblement que le pensionné s'en fout éperdument. Lui, ce qu'il veut avoir essentiellement, c'est un rendement, enfin, c'est sa pension. Que cela vienne du fait que le gouvernement a emprunté, que ce soit Hydro-Québec, l'Office des autoroutes ou n'importe quoi, il s'en contrefiche, mais alors là, royalement. Si on pense que la Régie des rentes paie une pension aujourd'hui en disant: La pension que vous recevez ce mois-ci est plutôt "loadée" par les intérêts de l'Hydro-Québec avec le gouvernement par rapport au mois dernier, cela non.

M. Scowen: Je pense que l'attitude d'ignorance des contribuables du Montréal face à M. Drapeau et ses dépenses pour les Jeux olympiques indique que vous avez probablement raison. Ils s'en foutent. Je pense que c'est quand même important de porter ce fait à leur attention.

M. Parizeau: Je ne suis pas d'accord, porter à leur attention quoi? Porter à leur attention que 10 1/2% à Hydro-Québec est différent de 10 1/2% au gouvernement. Voyons donc! C'est toujours 10 1/2%. Cela s'accumule au même rythme. Les intérêts composés sont les mêmes. Il n'y a pas des tables d'intérêts composés pour le gouvernement et des tables d'intérêts composés pour Hydro-Québec tout de même. Enfin, moi ce n'est pas comme cela que j'ai appris mes mathématiques financières. Il faut penser que 10 1/2% à intérêts composés c'est la même chose.

M. Scowen: M. le Président, je voulais demander au ministre s'il a les chiffres bruts de l'investissement de la caisse dans les obligations du gouvernement du Québec, et ceux d'Hydro-Qué-bec pour les dix dernières années? Jusqu'à ce qu'il soit entré au pouvoir, les chiffres n'étaient pas séparés dans les comptes pour les années 1970 à 1977 ou 1976 au moins. Dans le rapport annuel les deux chiffres étaient ensemble. Cela a été hors du public. Je ne demande pas qu'il nous donne une liste oralement ce soir, mais est-ce possible d'avoir cette table-là?

M. Parizeau: Ce tableau est à la page 45 et à la page 46 du raport annuel de la Caisse de dépôt.

M. Scowen: Le dernier? ...

Ça, c'est le problème. Parce que vous voyez, il y a du gouvernement du Québec des garanties. Et j'ai l'impression qu'il y a là-dedans, et HydroQuébec et le gouvernement du Québec.

M. Parizeau: Je comprends.

M. Scowen: Cela n'a jamais été rendu public jusqu'à ce que vous entriez.

M. Parizeau: J'admets, d'accord. La demande est légitime d'établir la différence entre les directes et les garanties. Nous allons établir la distinction des deux et fournir cela au député.

M. Scowen: Merci.

J'ai quelques questions à poser au sujet de Heritage Fund. Comme je vous l'avais dit tantôt, on a trouvé que l'argument consistant à demander à la caisse ou la décision de la caisse, si vous préférez, de donner ce taux de faveur au gouvernement et l'idée de le baser dans votre argumentation seulement sur le taux d'intérêt de Heritage Fund, ne sont pas très convaincants.

Par exemple, je veux demander au ministre ceci. Si j'étais à votre place et que je trouvais une province très riche prête à prêter au gouvernement du Québec selon ses besoins à un taux d'intérêt équivalant à celui de l'Ontario, je dirais: Très bien, allez-y, je vais combler mes besoins avec le gouvernement de l'Alberta, à environ 10%, au taux de l'Ontario, cela va ainsi libérer la Caisse de dépôt et lui permettre d'investir davantage dans les obligations, ce qui va donner un rendement plus intéressant pour les déposants à la caisse.

Si c'est vrai que le Heritage Fund est prêt à vous prêter à ce taux sensationnel, pourquoi ne pas emprunter de Heritage Fund?

M. Parizeau: D'abord, ce n'est pas un cadeau que le Heritage Fund fait au Québec, c'est une politique qu'il a à l'égard de l'ensemble du Canada. Deuxièmement, ce n'est pas vrai qu'on libérerait la caisse d'une sorte d'obligation de nous prêter. Si le gouvernement de Québec et HydroQuébec n'empruntaient pas de la caisse, la caisse

ne saurait pas où prêter son argent; il ne resterait qu'une seule possibilité à la caisse, ce serait d'aller aux Etats-Unis. Il n'y a aucun moyen pour la caisse d'imaginer... A certains égards — c'est une sorte de vue, comment dire, qu'on peut avoir sur l'état des marchés financiers au Canada et ce qui est achetable au Canada — il n'y aurait aucun moyen pour la Caisse de dépôt et placement de se retourner de bord et de dire: Voici, j'ai $1 500 000 000 de plus à placer par année, où est-ce que je les place?

C'est tellement vrai, d'ailleurs, que le Heritage Fund, qui ne veut toujours pas sortir du Canada, avait, à son dernier état financier, la moitié de ses fonds en "cash". Comme le gouvernement de l'Alberta a un surplus... Cette année, en 1980-1981, par exemple, l'Alberta va avoir un surplus budgétaire qui sera presque le double du déficit de toutes les provinces de Terre-Neuve au Manitoba. Donc, le Heritage Fund ne peut pas prêter au gouvernement de l'Alberta, le gouvernement de l'Alberta n'emprunte pas. Il ne peut pas prêter aux municipalités de l'Alberta, le gouvernement de l'Alberta a remboursé toutes les dettes des municipalités. Le Heritage Fund est placé dans la situation où la moitié de son fonds est en "cash". Là, cela se comprend, dans ces conditions, qu'il se soit retourné de côté, depuis quelques mois, et qu'il ait décidé de prêter à d'autres provinces à un taux de la province qui emprunte le moins cher, c'est la seule façon pour lui de placer des fonds.

A supposer, par exemple, que j'aille emprunter — ce qui serait aberrant, mais ça n'a pas d'importance — $1 500 000 000 en Alberta par année, là, ce serait au tour de la Caisse de dépôt et placement d'être dans la situation du Heritage Fund et de dire: Qu'est-ce que je fais avec mes $1 500 000 000 par an? La raison pour laquelle on est allé acheter passablement de valeurs du gouvernement fédéral depuis quelques années, c'est à cause de quoi? Ce n'est pas parce que cela a un rendement sensationnel par rapport à des obligations provinciales ou municipales, c'est parce que ce n'est pas facile pour la caisse de placer son argent. La Caisse de dépôt et placement est déjà rendue au point où c'est le plus gros portefeuille d'actions ordinaires au Canada. Sur certains titres, il est arrivé dans le passé que la Caisse de dépôt et placement devait arrêter ses achats d'actions à la Bourse parce que sa seule intervention faisait monter les cotes. Elle était le marché!

Il a fallu qu'elle cesse d'acheter des actions pendant un certain temps parce qu'elle était la Bourse sur certains titres. Dans ce sens-là, la question posée est donc totalement hypothétique. Cela ne pourrait pas se faire, la Caisse de dépôt et placement qui serait prise avec $1 000 000 000 ou $1 500 000 000 de liquidités additionnelles à l'heure actuelle. Je ne sais pas dans quoi elle les placerait; à moins, évidemment, qu'on décide d'envoyer tout cela aux Etats-Unis. Evidemment, il y a là des perspectives de placement considérables. Il n'y a pas de façon de placer cela.

M. Scowen: Excusez-moi, M. le ministre, je pense que vous faites un peu d'exagération.

Combien avez-vous l'intention d'emprunter de Heritage Fund cette année? (21 heures)

M. Parizeau: Le gouvernement du Québec, je ne pense pas. Hydro-Québec va probablement adopter à l'égard de Heritage Fund l'attitude qu'il a prise à l'égard de l'ensemble de son marché, c'est-à-dire que, si à un moment donné les taux canadiens qu'il peut obtenir d'Héritage Fund lui paraissent préférables aux taux auxquels il peut emprunter en Europe, au Japon ou ailleurs, il ouvre. Mon impression c'est qu'il va aller chercher probablement autour de $200 000 000 de Heritage Fund ou quelque chose comme cela.

M. Scowen: La question que j'ai posée n'avait rien à voir avec Hydro-Québec. Vous avez besoin d'un milliard pour le gouvernement du Québec. Vous pouvez obtenir les mêmes conditions, les mêmes taux ou de la caisse à cause de cette décision ou de Heritage Fund. Vous avez aussi décidé que la caisse doit jouer un rôle beaucoup plus actif au sein de l'industrie publique et privée au Québec. Je pense que vous exagérez en répondant que: Ou on emprunte $1 100 000 000 ou on n'emprunte rien du tout. C'est très possible de concevoir la possibilité d'aller à Heritage Fund pour quatre, cinq, six, trois et demi pour libérer la caisse et lui permettre de faire d'autres investissements intéressants. Mais en effet, vous m'avez dit, si je comprends bien, qu'il n'est pas possible pour la Caisse de dépôt et placement de Québec, cette année, de trouver des placements intéressants même pour un million de dollars de plus qui sont disponibles, même avec tout ce qu'elle va emprunter du gouvernement du Québec.

M. Parizeau: Ce n'est pas faisable.

M. Scowen: Je ne parle pas du milliard. Je dis que vous n'êtes pas obligé d'emprunter le milliard de Heritage Fund, vous pouvez emprunter $200 000 000 et libérer la caisse des obligations de combien vous voulez, $200 000 000, $300 000 000 pour permettre à la caisse de faire des investissements plus intéressants en termes de taux d'intérêts, parce qu'il est clair qu'elle emprunte de vous autres à un taux préférentiel en bas du marché, ou après des investissements dans le secteur privé ou public. Cela ne tient pas debout cet argument.

M. Parizeau: M. le Président, non seulement cela tient debout, mais encore une fois, je pense que le député de Notre-Dame-de-Grâce ne se rend absolument pas compte de ce que cela veut dire quand il parle de $300 000 000, et de dire on va aller placer cela dans l'industrie privée. $300 000 000 à $400 000 000 d'actions, c'est énorme dans une année. Il n'y a pas de genre de truc disponible au Québec. Si on voulait placer $300 000 000 ou $400 000 000 en actions ordinaires en un an au Québec, je ne sais pas où on placerait cela. Ce n'est simplement pas faisable. Ce n'est pas une question de mauvaise volonté, cela fait quinze ans que la Caisse de dépôt répète

à peu près à chaque rapport annuel ou à chaque discours public qu'elle préférerait avoir davantage d'actions. Cela fait quinze ans qu'elle fait cela. Il n'y a pas cela. Cela ne sert à rien de se raconter des histoires. Lorsque le Heritage Fund a déterminé sa politique de placement, tout ce qu'on pouvait avoir comme choix, c'était le suivant: Ou bien suivre la politique de placement en titres gouvernementaux adoptée par le Heritage Fund et continuer à placer une bonne partie des sommes disponibles à la Caisse de dépôt, au gouvernement et à Hydro-Québec, ou bien se trouver dans la situation complètement fofolle de se prêter à soi-même à un taux plus élevé que le Heritage Fund n'était prêt à nous prêter.

C'était cela le choix véritable. Le choix véritable ce n'était pas de se demander: Est-ce qu'on pourrait réduire les besoins du gouvernement ou d'Hydro-Québec de $300 000 000, $400 000 000 à l'égard d'Hydro et puis, d'autre part, de placer cela dans l'entreprise privée du Québec. $400 000 000 d'actions ordinaires au Québec. Si c'était disponible, comme dit l'autre, cela se saurait. Il n'y a pas cela.

M. Scowen: Si je comprends, en résumé, vous n'avez pas l'intention d'emprunter de Heritage Fund pour le gouvernement du Québec, pour les besoins du gouvernement cette année parce que la caisse de dépôt a besoin de ce milliard de dollars au complet parce qu'elle ne peut pas trouver ailleurs d'autres investissements plus intéressants pour la caisse et pour les déposants, soit ici au Québec, soit au Canada, soit à l'étranger et est obligée de vous demander: S'il vous plaît, M. Parizeau, laissez-nous vous donner cet argent et n'allez pas en Alberta où les taux sont exactement les mêmes.

M. Parizeau: Effectivement, la Caisse de dépôt a besoin de placer beaucoup d'argent dans les titres du gouvernement du Québec.

M. Scowen: Mais le total. Je demande le total?

M. Parizeau: Non, le total peut varier. Quand je disais tout à l'heure que des affectations de sommes comme celles-là peuvent varier en cours d'année, cela peut se produire de la façon suivante, à la condition qu'on cherche à réfléchir et pas simplement se situer dans une espèce d'atmosphère d'affrontement où on finit par ne rien comprendre.

Il est évident, par exemple, que si les travaux d'épuration des eaux vont plus vite singulièrement dans la région de Montréal, si en particulier la grosse usine d'épuration de l'île Sainte-Thérèse, ou en face de l'île Sainte-Thérèse, peut débloquer assez rapidement, il va y avoir là un appel de fonds important de la part de la CUM. Là, on pourrait fort bien imaginer que la Caisse de dépôt puisse placer davantage d'argent dans des émissions de la CUM que ce serait le cas autrement. Cela, on ne le verra que dans le courant de l'année.

Je sais qu'il y a eu des discussions qui ont eu cours entre la CUM et la Caisse de dépôt à ce sujet, la CUM se posant la question de savoir — parce qu'évidemment la CUM a un programme à la fois de transport en commun et d'épuration des eaux extraordinairement coûteux et un problème essentiellement de "phasing in" — et là, on pourrait fort bien imaginer que dans ces conditions le gouvernement du Québec laisse la place, et ce serait tout à fait raisonnable.

Est-ce que cela veut dire que le gouvernement du Québec irait au Heritage Fund? Pas nécessairement. Cela dépendrait de ce que seraient les taux sur d'autres marchés. La caractéristique de cette première affectation qui se fait au début de l'année est d'indiquer un certain nombre d'orientations. Ensuite, on réagit à la fois aux besoins de fonds de chacun des participants et, d'autre part, à la variation des conditions sur les marchés qui, sur une période d'un an, changent énormément, ou même à l'apparition de nouveaux titres.

Par exemple, le Québec a fait une première émission en unités de compte en Europe, en écus. C'est la première fois que se présentait la possibilité de faire une émission en unités de compte. Il est évident que même si le Heritage Fund m'avait offert de l'argent au moment où j'ai fait cette première émission, je l'aurais fait en unités de compte. Cela paraissait intéressant, c'est un marché nouveau pour nous. C'est toujours important d'ouvrir de nouveaux marchés. Si le Heritage Fund s'était présenté à ce moment-là, j'aurais dit non, je m'en vais en unités de compte, je veux savoir comment cela marche et le taux a l'air d'être bon.

On ne peut pas, encore une fois, se commettre indépendamment des besoins de chacun et des conditions du marché à une sorte de carcan. Le $1 000 000 000 qui est réservé à la Caisse de dépôt, il est tout à fait possible que, pour une part, je ne m'en serve pas dans le courant de l'année. Il est tout à fait possible que je l'offre à Hydro-Québec, cela m'est déjà arrivé... c'est arrivé l'an dernier. On leur a offert $150 000 000 sur notre part à la Caisse de dépôt, parce que l'année dernière, à un moment donné, compte tenu des conditions du marché, ce qui avait été réservé à la Caisse de dépôt pour le gouvernement, on n'en a pas eu besoin. On a dit à la Caisse de dépôt: Si vous voulez allez les chercher, il y a $150 000 000 disponibles pour vous. Ces choses se font constamment, c'est tout à fait dans l'ordre des choses.

M. Scowen: Une avant-dernière question sur ce point, M. le Président. Si je comprends bien, le fait que la caisse va vous prêter à un taux préférentiel, cela veut dire qu'en effet il n'y aura pas de placements publics cette année au Québec. Ils seront placés privément avec la caisse, à part celui que vous venez de faire.

M. Parizeau: Pas nécessairement.

M. Scowen: Non?

M. Parizeau: Pas nécessairement, M. le Président.

M. Scowen: Vous prévoyez à peu près combien dans les placements publics, soit au Canada, soit ailleurs?

M. Parizeau: Là, nous reviendrons là-dessus en discutant des obligations d'épargne. Il est évident que l'effervescence des obligations d'épargne à 14% change un peu mes orientations sur ce plan.

M. Scowen: Je serai content d'y revenir. Je veux simplement dire en terminant cette partie...

M. Parizeau: Ce n'est pas à cause de la Caisse de dépôt; c'est à cause de l'effervescence des obligations d'épargne. Il est évident que j'ai des besoins qui changent un peu de nature.

M. Scowen: Je veux dire simplement, en terminant cette partie, M. le Président, que je trouve assez bizarre que ce gouvernement social-démocrate ait l'intention cette année de prêter aux capitalistes du Québec, comme il vient de le faire, à un taux d'intérêt de 14% et d'obliger les contribuables québécois qui versent leur petite somme chaque année par déduction à prêter à ce même gouvernement à un taux qui est même inférieur à celui du marché. Je pense que c'est joliment difficile à justifier devant le public. 14% pour tous ceux qui ont profité de cette affaire des dernières semaines et 10% point quelque chose, moins que le taux du marché, pour les gens qui ont besoin de ces fonds pour leur fonds de pension. C'est bizarre.

M. Parizeau: M. le Président, je ne peux pas accepter cela. D'abord, je rappellerai au député de Notre-Dame-de-Grâce, puisqu'il veut absolument m'entraîner sur les obligations d'épargne, que c'est justement ce gouvernement social-démocrate qui a réduit la marge, c'est-à-dire les montants admissibles à chaque particulier pour les obligations d'épargne de $50 000 par personne à $15 000, et qui a mis l'accent systématiquement sur la petite épargne. C'est le premier gouvernement, le premier, qui a rendu l'achat d'obligations d'épargne admissible par retenues sur la paie dans un bon nombre d'institutions. Cela ne se faisait jamais avant.

Je rappellerai aussi que seuls les individus sont admissibles aux obligations d'épargne et je rappellerai enfin que je ne vois pas pourquoi Hydro-Québec, par exemple, et le gouvernement du Québec sont assujettis sur le marché canadien à un taux d'intérêt systématiquement un peu plus élevé que celui de l'Ontario.

Oh! pas grand-chose. De ce temps-ci, c'est de l'ordre de 20 "basis point". A cause d'une coutume en vertu de laquelle l'Ontario est une province sage et le Québec est une province effervescente, donc 20 "basis point" doivent consacrer la différence de la dignité. Hydro-Québec à tous égards est infiniment plus solide sur le plan financier qu'Hydro-Ontario. Il n'y a pas de commune mesure.

M. Scowen: Sauf le marché.

M. Parizeau: En effet, oui. Le marché de concurrence pure et parfaite, comme on le sait.

Oui, en effet, de concurrence pure et parfaite. Et que ce soit un gouvernement de l'Ouest qui nous rappelle ces vérités fondamentales, je ne trouve pas ça désagréable du tout. Que ce soit un gouvernement de l'Ouest qui nous dise: Nous, on ne voit vraiment pas de différence entre des obligations de l'Ontario et des obligations du Québec. Evidemment, nous, avec nos complexes d'infériorité, on ne pourrait pas se dire ça. On aurait l'impression de faire une mauvaise action. Mais que quelqu'un de l'Ouest nous le dise, je ne trouve pas ça désagréable. Cela confirme d'ailleurs des analyses comme celles de Kidder Pea-body qui pousse depuis déjà assez longtemps pour qu'Hydro-Québec ait le même "triple A" qu'Hydro-Ontario. Les Américains nous disent ça, en somme. Enfin, certains Américains. L'Alberta nous dit ça. Il nous reste simplement à le croire.

M. Scowen: M. le Président, une dernière question. Voulez-vous nous donner votre meilleure estimation de pertes de revenus que va subir la caisse cette année à cause de cette décision de donner un taux préférentiel? Je sais que ce n'est que trente, virgule quelque chose. Je ne sais pas exactement combien. Mais en termes de dollars de revenus perdus pour une année complète, douze mois, basés sur les montants que vous allez emprunter, ce sera combien en dollars?

M. Parizeau: Impossible à dire parce que le seul fait que le Heritage Fund pratique cette politique change les "spread". C'est absolument impossible à dire. Vous avez un intervenant majeur sur le marché financier qui change les règles du jeu.

M. Scowen: Vous prenez le...

M. Parizeau: II est absolument impossible de le savoir. De toute façon, même si nous n'avions pas fait à la Caisse de dépôt, si la décision n'avait pas été prise de suivre le Heritage Fund, le seul fait que le Heritage Fund fasse ça et le fasse sur une échelle de plus en plus grande et de plus en plus systématiquement au Canada fait que ce geste rend dorénavant l'interprétation des "spread" extraordinairement difficile. (21 h 15)

Ce que le Heritage Fund est en train de faire et ce n'est pas vrai seulement pour le Québec, c'est vrai pour Terre-Neuve, pour les provinces maritimes et pour les provinces de l'Ouest — ce que l'Héritage Fund est en train de faire, c'est déjà de changer le fonctionnement du marché. Dans ces conditions, il n'y a aucune réponse possible qu'on puisse donner...

M. Scowen: Ce que je propose, c'est de calculer la différence entre les deux taux d'intérêt et la multiplier par le montant que vous avez l'intention de prêter. Ce n'est pas compliqué.

M. Parizeau: Dans ces conditions, si le député de Notre-Dame-de-Grâce, M. le Président, veut s'amuser à prendre dix "basis point" sur

$1000 000 000, vingt "basis point" sur $1000 000 000, cinquante "basis point" sur $1 000 000 000, je lui laisse la règle de trois, je n'ai pas besoin de faire la règle de trois à sa place. Comme, de toute façon, c'est purement hypothétique, qu'il prenne dix "basis point" sur $1000 000 000, vingt "basis point" sur $1000 000 000, trente "basis point" sur $1 000 000 000 et il choisira dans ses propres calculs ce qui fait son affaire.

M. Scowen: C'est possible de calculer la différence entre le taux du marché des obligations du Québec et le taux du marché des obligations de l'Ontario.

M. Parizeau: Mais tout cela est public, encore une fois, et purement hypothétique. Prenez à dix "basis point", vingt "basis point", trente "basis point", cinquante "basis point" si cela vous amuse, appliquez cela à $1 000 000 000...

M. Scowen: Ce n'est pas pour m'amuser, c'est pour que les gens puissent comprendre.

M. Parizeau: Non, là vous êtes dans la pure hypothèse.

M. Scowen: Excusez-moi, on est dans les dollars et on peut calculer; si vous refusez de le calculer, on va le faire pour vous.

M. Parizeau: Pas pour moi, pour vous.

M. Scowen: Non, pour la population, s'il vous plaît.

M. Parizeau: Encore une fois, M. le Président, le député, qui est dans la pure hypothèse, peut choisir les "basis point" qu'il voudra, appliquer cela au $1 000 000 000 qu'on a vu passer tout à l'heure et en tirer toutes les conclusions qu'il voudra, mais ce sont ses conclusions, ses hypothèses et ses calculs.

M. Scowen: J'ai même l'impression que quelqu'un va le faire pour vous.

M. le Président, cela termine une série de questions que nous avions concernant cette partie. J'en ai d'autres, mais je ne sais pas si mon collègue...

M. Goulet: Oui, M. le Président.

Le Président (M. Bordeleau): M. le député de Bellechasse.

M. Goulet: Peut-être pas pendant une heure, mais je vais quand même poser des questions, M. le Président. C'est seulement une blague, parce que les questions étaient vraiment pertinentes.

M. le Président, le ministre, tout à l'heure, a dit qu'il était extrêmement difficile pour la Caisse de dépôt d'élargir son champ d'investissements, de trouver ce qu'on peut appeler, des nouveaux marchés. J'aimerais savoir ce qu'il pense des propos de son collègue des institutions financières, propos, qu'il a répétés encore dernièrement en commission parlementaire où, je ne dirai pas qu'il accusait, mais, il qualifiait la Caisse de dépôt d'être trop conservatrice et il aurait voulu qu'elle s'implique davantage, qu'elle participe davantage au financement et du secteur privé, et du secteur public. C'est peut-être difficile lorsqu'on parle de $300 000 000 ou de $400 000 000, mais allons-y pour $100 000 000; ce qui sera consenti sera toujours consenti, mais il y a un commencement à tout.

Ce ministre aurait aimé — pas le député de Bellechasse, mais le ministre des Consommateurs, Coopératives et Institutions financières; il a bien dit qu'il parlait à titre personnel, mais il est quand même ministre, et il était à la table de la commission — il jugerait opportun que la caisse mette davantage d'argent au service du secteur privé et du secteur public, qu'elle s'implique davantage dans le développement économique. Il me semble que cela ne concorde pas trop avec les propos que vous avez tenus tout à l'heure. Est-ce que le ministre des Consommateurs, Coopératives et Institutions financières aurait des débouchés et pourrait en suggérer? Pourquoi tient-il de tels propos si...

M. Parizeau: Je pense que cela se comprend de la façon suivante. La Caisse de dépôt pourrait acheter, non pas le contrôle arithmétique d'un certain nombre de grandes entreprises, — parce que la loi prévoit qu'elle ne peut pas acheter plus que 30% des actions d'une seule compagnie — enfin, il reste qu'aller acheter 20% ou 25% des actions d'un certain nombre de très grosses compagnies, là, on peut faire en sorte que la caisse de dépôt trouve un exutoire considérable pour ses fonds. Evidemment, cela ne se fait pas dans une journée, c'est un virage qui se prend graduellement. Là, évidemment, cela peut utiliser beaucoup d'argent. Si on se fixait comme objectif, par exemple, sur une période de quelques années, de faire en sorte que la caisse devienne un très gros actionnaire, dans le cas d'un bon nombre de corporations où les actions sont très diffusées dans le public, qu'elle soit le plus gros actionnaire à l'intérieur de la limite de 30% d'un certain nombre de très grandes corporations, là, évidemment, on joue beaucoup d'argent à la fois.

On a vu un exemple de cela — je pense que c'est le premier aussi spectaculaire — par l'achat de 21% de la Domtar; cela a coûté $115 000 000. La Caisse de dépôt est devenue, d'un seul coup, le plus gros actionnaire de Domtar.

On peut, évidemment, envisager, ce qui est tout à fait dans l'intérêt public, singulièrement à long terme, qu'un organisme public québécois devienne un actionnaire important ou le plus gros actionnaire dans une corporation qui est aussi liée au développement forestier qu'au développement papetier au Québec. C'est ce que mon collègue avait en tête, d'ailleurs, lorsqu'il parlait d'une plus grande — comment dirais-je? — activité de la Caisse de dépôt et placement du côté des actions.

Vous voyez, vous avez ici deux conceptions assez différentes. L'une qui consiste à dire que la Caisse de dépôt peut devenir le plus gros actionnaire dans une corporation, mais elle doit faire cela, normalement, sur une assez longue période de temps, en achetant à la Bourse, au fur et à mesure où de bonnes occasions se présentent. Et, éventuellement, elle deviendra peut-être assez considérable, comme actionnaire. Par opposition à l'autre qui dit, on va aller chercher des blocs. Exemple: Domtar. On va chercher un bloc et on l'achète. Dans ce cas-là, c'était Argus Corporation, je pense, qu'il faisait un détour par une autre compagnie. Mais on va chercher le bloc d'Argus.

La première orientation demande beaucoup de temps et les fonds sortent petit à petit. La deuxième orientation — c'est celle dont mon collègue voulait parler — consiste à dire, on va acheter un bloc. Il y a un bloc de $60 000 000, un bloc de $100 000 000 et un bloc de $150 000 000. Evidemment, si on s'oriente de ce côté, la caisse peut trouver le moyen d'investir des sommes considérables. Il est évident que, pour moi, advenant qu'un jour, par exemple, la caisse vienne me dire, on pensait vous donner $1 000 000 000 cette année, enfin vous prêter $1 000 000 000, mais nous aurions un coup fumant à faire. Nous avons besoin de $300 000 000 ou de $400 000 000 additionnels pour aller prendre quelque chose qui est évidemment dans l'intérêt public au Québec. Qu'est-ce que je ferais? Je me retournerais et j'irais emprunter l'argent ailleurs. Il n'y a pas de problème. La seule chose est qu'il faut reconnaître que, dans la mesure où l'on prend une orientation comme celle-là, cela ne se fait que graduellement et qu'on ne se met pas à l'achat de blocs comme on se met à l'observation des petits oiseaux.

A un moment donné, il y a des blocs qui deviennent disponibles et d'autres peuvent ne pas l'être pendant une longue période de temps. Mais il est évident que le précédent, si l'on peut dire, parce que c'est une sorte de précédent, le précédent de la Domtar est intéressant. C'est à cela que faisait allusion mon collègue. Je ne suis pas en désaccord avec lui quant à l'utilité de pouvoir le faire.

L'important, cependant, à un moment donné, mais cela viendrait plus tard, enfin le problème sera de savoir comment la caisse est rerésentée aux conseils d'administration de sociétés comme celles-là. Quand la Caisse de dépôt et placement devient, en achetant des actions au fur et à mesure, au fil des années, un actionnaire important, elle ne demande pas nécessairement des postes au conseil d'administration. Il est évident, au contraire, que si vous achetez, dans une compagnie publique où les actions sont cotées en Bourse et que le capital est distribué un peu partout, si vous achetez 25%, vous êtes amené, inévitablement, à nommer des membres au conseil d'administration. Evidemment, c'est un rôle assez nouveau pour la caisse. Elle n'a pas souvent, dans son passé, nommé beaucoup d'administrateurs. Si elle achetait plusieurs blocs, la Caisse de dépôt et placement serait amenée à nommer des adminis- trateurs aux conseils d'administration, ce qui serait, pour elle, un virage assez important.

Mais il ne faut pas chercher à m'opposer à mon collègue, à cet égard. Je pense que le précédent de la Domtar est très intéressant à bien des égards. Très très intéressant. S'il y a un type d'entreprise, dont le développement est très relié au développement du Québec, ce sont bien des entreprises comme celle-là.

Le Président (M. Bordeleau): M. le député de Bellechasse.

M. Goulet: Mais vous dites, à un moment donné, que la caisse devrait chercher davantage, ce n'est pas facile, ou la caisse n'a pas cherché assez... Je ne me souviens pas trop des propos que vous avez tenus. Mais, justement, comme le disait le député de Notre-Dame-de-Grâce, vous ne pensez pas qu'il y aurait lieu de libérer la Caisse de dépôt, de façon qu'elle puisse mettre plus d'argent au service du développement économique. Bien sûr, il y aurait un risque plus grand et il y aurait plus de travail parce qu'il faudrait qu'elle aille chercher. Pourquoi ne le ferait-elle pas?

M. Parizeau: M. le Président, je n'en disconviens pas un instant. Mais quand je vois la Caisse de dépôt et placement placée dans une situation où on est obligé d'empiler $500 000 000 d'obligations fédérales, ou aller jusqu'à $800 000 000 de titres à court terme, parce qu'elle ne trouve pas ou qu'elle n'a pas trouvé, dans le passé, ce genre d'opérations à faire, qu'on ne vienne pas dire que c'est parce que le gouvernement prend trop d'argent dans la caisse! Ce n'est pas vrai! Ce n'est simplement pas vrai!

Si vraiment le gouvernement poussait la caisse constamment dans ses derniers retranchements, vous ne verriez pas $500 000 000 d'obligations fédérales, parce que cela a un rendement très faible.

Si le député de Notre-Dame-de-Grâce s'amuse à compter des "basis points" par rapport au Heritage fund, je vais lui en compter des "basis point"... L'argent que le pensionné perd, au Québec, chaque fois que la Caisse de dépôt achète des obligations fédérales; pensez-vous que c'est une obligation qui rapporte, ça, au Canada l'obligation fédérale? C'est celle qui rapporte le moins. Pourquoi la caisse va-t-elle chercher $500 000 000 d'obligations fédérales? Pourquoi entre-t-elle dans du court terme jusqu'à concurrence de $800 000 000? Le gouvernement ne tasse pas la caisse dans ce sens. Le jour où la caisse viendrait dire: Ecoutez, nous n'avons presque plus de placements à court terme, on a liquidé toutes les obligations fédérales pas payantes que nous avions ou à peu près et, néanmoins, on a un coup fumant de quelques centaines de millions à faire; je leur dirais: Mais comment donc, allez-y. Allez-y!

La caisse regorge d'argent; le jour où il y aurait pénurie à la caisse, est-ce que le gouvernement se tasserait? Bien sûr, il se tasserait, et comment donc! Pensez-vous que si on avait un

coup fumant qui consistait à acheter le contrôle de trois ou quatre très grosses entreprises majeures pour le développement, on insisterait pour faire passer des obligations que, de toute façon, on peut vendre dans une demi-douzaine de marchés du monde? Jamais! Je ne vais pas chercher de l'argent à la caisse parce que je ne peux pas emprunter en Europe, ils sont constamment après moi pour me prêter de l'argent. Avec des trous qui changent de semaine en semaine, de jour en jour et de mois en mois, le marché, c'est ça.

M. Goulet: Une dernière question, M. le Président. Peut-être me direz-vous que ça ne touche pas la Caisse de dépôt, mais le ministre a cru bon, dans une réponse au député de Notre-Dame-de-Grâce, de dire: On met l'accent sur le petit épargnant; en parlant de son gouvernement social-démocrate; je ne sais pas qui l'a qualifié ainsi, si c'est lui ou le député de Notre-Dame-de-Grâce...

A la suite de ces propos, en parlant justement du petit épargnant, est-ce que la politique du gouvernement — qu'on pourrait qualifier d'un autre livre blanc qu'on attend sur l'épargne ou l'investissement des institutions financières — va être connue par le public bientôt? On en a parlé, ça fait trois ans qu'on en parle.

M. Parizeau: Je ne sais pas exactement où en est rendue l'étude à l'heure actuelle. Je sais que notre travail est terminé aux Finances; c'est ramassé au ministère du Développement économique, je pense. Oui, c'est au comité ministériel du Développement économique, il faudrait poser la question au ministre d'Etat au Développement économique. Je sais que, nous, on a eu une série d'études à faire, on les a faites, mais je ne sais pas où en est l'espèce de grande synthèse.

M. Goulet: Votre travail est complété?

M. Parizeau: Oui, II y a une espèce de synthèse générale à faire; ça prend beaucoup de temps. En soi, ça ne m'étonne pas du tout, je me souviens qu'il y a quelques années, sous d'autres gouvernements, comme fonctionnaires, le seul travail qu'on avait eu à faire sur les compagnies de fiducie avait demandé un travail de chien. C'est très long; il ne faut pas se faire d'illusion. Si on veut avoir des chiffres le moindrement un peu valables, ça prend beaucoup de temps.

Le Président (M. Bordeleau): M. le député de Bellechasse.

M. Goulet: M. le Président, dans un autre ordre d'idées; la Société de développement Pasteur, ça appartenait à 100% à la Caisse de dépôt? Ce fut liquidé ou si ça existe encore?

M. Parizeau: On me dit que ça a été une société établie par la Caisse de dépôt pour faire de l'immeuble et que c'est inopérant, ce n'est pas fermé comme compagnie, c'est inopérant.

M. Goulet: C'est inopérant. Mais cette société possédait des terrains. Ces terrains ont été vendus au complet. Pourrions-nous savoir quand les derniers terrains ou le bloc de terrains qu'elle possédait ont été vendus? Je pense que le président pourrait nous le dire. Y avait-il beaucoup de terrains?

M. Parizeau: On me dit que c'étaient des terrains qui entraient et sortaient de cette compagnie, c'est-à-dire que lorsqu'il fallait saisir, à la suite d'une hypothèque dont les conditions n'étaient pas remplies, on mettait le terrain là. Ensuite il était vendu, et d'autres terrains, dans les mêmes circonstances, étaient contrôlés par la compagnie qui les revendait. C'est en somme, si je comprends bien, une question de disposition d'hypothèques qui tournent sures.

M. Goulet: Y a-t-il des blocs de terrains importants qui ont été transigés pour fermer les livres?

M. Parizeau: Pas d'après ce qu'on me dit, M. le Président. (21 h 30) "Au cours des exercices — je tire ça du rapport du vérificateur de toute façon — antérieurs, la Société de développement Pasteur, détenue à 100% par la caisse, s'est départie de tous les terrains qu'elle possédait. Au 31 décembre 1978, son actif se résumait à une encaisse, un billet avec la caisse et des intérêts courus à recevoir. Si la caisse n'a pas l'intention de réutiliser cette compagnie, nous ne voyons aucune utilité à en prolonger l'existence et il y aurait lieu de procéder à l'abandon de sa charte". La décision n'est pas encore prise, à ce qu'on me dit à la Caisse de dépôt, de savoir si on va abandonner la charte ou non. Mais il n'y a plus d'autres actifs qu'une encaisse.

M. Goulet: Alors, depuis 1978, il n'y a eu aucune transaction de faite par cette compagnie. Cela va, M. le Président.

Le Président (M. Bordeleau): Cela va. Toujours sur le même sujet, soit la Caisse de dépôt et placement.

M. Scowen: Oui.

Le Président (M. Bordeleau): Allez-y, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Scowen: Premièrement, je pense que le ministre doit féliciter son président d'avoir fait ce qu'il vient de qualifier d'impossible. Je veux citer M. Campeau dans une entrevue avec M. Alain Dubuc, dans la Presse, quand il disait: "A titre d'exemple, cet écart résultant de la nouvelle politique, note M. Campeau, aura représenté qu'hier, le Québec aurait pu emprunter à un taux de 12,5% au lieu de 12,7% qui prévalait sur le marché. Au bout de l'année, le manque à gagner qu'il en res-

tera, se chiffre aux alentours de $5 000 000 sur le revenu de $837 000 000, soit une perte de moins de 0,5%. Bravo, M. Campeau, vous avez fait l'impossible!

M. Parizeau: ... je ne saisis pas l'allusion.

M. Scowen: Vous avez dit que c'était impossible de calculer ce chiffre, si je comprends bien.

M. Parizeau: Evidemment, il est tout à fait possible, un jour, sur une transaction, de dire: Voici quelle est la différence de "basis point", ce jour-là. C'est ce dont on parle. On me dit: Au cours d'une année, comment fait-on le calcul? Je dis: Etant donné qu'à l'heure actuelle, en l'espace de quelques mois, le Heritage Fund s'est considérablement activé, que je n'ai pas la moindre idée combien de prêts il va faire dans l'année, que je n'ai pas la moindre idée quel effet en un an ça va avoir sur les marchés financiers, je suis incapable de répondre à la question.

Vous êtes en train de me dire qu'il y a une contradiction entre le fait que je vous dis que c'est une rivière et vous me dites que M. Campeau a défini une photo. Bien oui, entre une photo et une rivière, il n'y a pas de correspondance, bien sûr. Sur le flux d'un an, c'est indéterminable. Sur une transaction un jour donné, évidemment, ça l'est.

M. Scowen: II parlait d'une année. Mais, quand même, la prochaine série de questions, M. le Président, touche M. Cazavan. Je pense, vu que cette question a été soulevée assez souvent, que ça vaut la peine d'essayer de comprendre exactement ce que cette question de sa pension et de salaire veut dire. Si je comprends bien, M. Cazavan avait trois ou quatre années dans son mandat comme directeur de la caisse et il avait, si je me rappelle bien, 59 ans. Normalement, il aurait eu droit à une pension au moment où il prenait sa retraite, s'il prenait sa retraite d'une façon normale, aux mois de janvier ou février quand il a démissionné, il aurait eu le droit à une pension. Est-ce que vous pouvez nous dire quel sera le montant de cette pension à laquelle M. Cazavan aurait eu droit par année?

M. Parizeau: Comment il pourrait avoir droit à une pension? La règle du 90, c'est-à-dire la somme de l'âge et des années de service n'existe pas, c'est-à-dire est inapplicable. D'autre part, il n'avait pas 35 ans de service dans la fonction publique. D'autre part, il n'est pas en mauvaise santé; il n'est pas malade ou invalide. Alors, je ne vois pas en quoi M. Cazavan pouvait avoir une pension, à supposer qu'il prenne sa retraite demain matin. Il n'y a pas droit.

M. Scowen: Si M. Cazavan, avec un salaire de $72 000 par année — si c'était le chiffre — avait démissionné, à ce moment, et que vous aviez pris la décision de lui verser une somme annuelle qui correspondrait aux périodes pendant lesquelles il avait servi et dans la fonction publique et à la Caisse de dépôt et placement, il aurait été possible de calculer une pension applicable et de la verser à M. Cazavan?

M. Parizeau: Je comprends qu'un ministre a beaucoup de pouvoirs, mais pas celui de violer les lois. M. Cazavan était dans la fonction publique et les règlements de la CARR, du régime public de retraite, s'appliquant à lui. Je ne peux pas violer cela.

M. Scowen: M. Cazavan va toucher $72 000 par année jusqu'à quand?

M. Parizeau: La résolution du conseil d'administration de la caisse est, je crois, pour cinq ans, n'est-ce pas? Est-ce qu'on a le texte? Je crois que c'est cinq ans, mais je vais vérifier et je corrigerai seulement s'il y a une erreur. A mon sens, c'est cinq ans... selon la résolution du conseil d'administration.

M. Scowen: En effet, jusqu'à l'âge de 65 ans. M. Parizeau: Jusqu'à l'âge de la retraite.'

M. Scowen: A 65 ans, il aura droit à une pension de combien?

M. Parizeau: II faudrait déterminer... je ne sais pas. Il a seize ans de service déjà, cela fera 21 ans, à 2% par année, 42... Ah oui! il a l'ancien dix ans comme sous-ministre. Je pourrai faire le calcul et je le ferai envoyer au député. Cela ne pose pas de difficultés. Je demanderai à la CARR de faire le calcul.

M. Scowen: Le problème qui est soulevé par cette affaire, M. le Président, c'est que M. Cazavan a décidé de démissionner. Il semble être en santé et en état de travailler parce qu'en fait, il continue de travailler. Il aurait pu trouver un autre emploi, car c'est un homme d'une grande qualité, tout le monde le constate. Il n'était pas incapable de travailler demain jusqu'à l'âge de 65 ans. La chose que tout le monde trouve curieuse, c'est que vous ayez décidé d'accepter sa démission parce qu'il voulait démissionner et par la suite, vous avez décidé de ne pas le laisser partir, comme il le voulait, et vous l'avez persuadé de rester au même salaire avec des responsabilités moindres. Il fait maintenant le travail de conseiller quand il est apte à travailler. Il aurait pu aller ailleurs. Il aurait pu prendre sa retraite sur la base des fonds qu'il avait épargnés pendant des années, l'argent qu'il avait versé dans les fonds de pension du gouvernement pendant des années. Il y avait beaucoup de possibilités. Vous avez fondé votre décision de payer M. Cazavan $72 000 par année sur le fait que c'était la seule solution honorable de la part du gouvernement. Est-ce que cela veut dire que tous les cadres supérieurs qui ont travaillé avec dévouement six ans ou sept ans pour un des organismes

de l'Etat, ont le droit, simplement à cause du fait qu'ils veulent démissionner, d'avoir le même salaire avec des responsabilités moindres. Ce n'était pas une question de santé, il voulait démissionner d'après lui pour des raisons personnelles. C'est très curieux! Tout le monde se pose des questions et je pense qu'on a raison de le faire.

M. Parizeau: Quand on dit tout le monde, je ne pense pas que ce soit tout le monde.

M. Scowen: A peu près.

M. Parizeau: Non. Il y en a un certain nombre qui refusent de voir qu'au fond chaque système a sa logique propre et que dans beaucoup, beaucoup d'entreprises, au moment d'un "merger" par exemple, ce genre d'arrangement est très fréquent. En fait, on se voile en disant: Mais c'est l'argent des contribuables. Jamais dans le secteur privé, on ne ferait des choses comme celles-là. Laissez-moi rire! Dans le secteur privé, on fait cela à tout bout de champ. Sauf que dans le secteur privé, on n'a pas un carcan ausi précis que celui... Encore une fois, moi je ne peux pas violer les lois.

M. le député de Notre-Dame-de-Grâce disait que le président voulait démissionner de la caisse et qu'on a décidé de le garder comme conseiller. Il n'a pas démissionné de la caisse. Ce qu'il souhaitait, c'était de démissionner de son rôle de président de la caisse, ce qui n'est pas la même chose. Deuxièmement, dit le député de Notre-Dame-de-Grâce, avec les économies qu'il a accumulées, cela fait de grosses économies. Quand il a été nommé, je pense qu'il faisait $40 000. Avec ses économies, il aurait bien pu se payer un fonds de retraire ou quelque chose comme cela. Mais ses économies sur le plan de ces pensions, où étaient-elles? Elles étaient dans le fonds de retraite des fonctionnaires où il est entendu que passé dix ans de service, on ne peut pas retirer cet argent et ça ne peut être payable que comme pension différée à l'âge de 65 ans. Donc, encore une fois, on ne monte pas des romans.

On est en train de nous faire des romans à épisodes sans se douter un instant qu'il y a un système de retraite au gouvernement et qu'on ne peut simplement pas l'enfreindre. Ecoutez, ça fait trois ans que je cherche à faire en sorte qu'après avoir payé 25 ans dans un fonds de pension des enseignants au Québec, administré par le gouvernement du Québec, je sois habilité, comme ministre en congé sans solde de l'enseignement, à assurer mes paiements sur un fonds de retraite d'enseignants dans lequel j'ai déjà investi 25 années. Tout ministre que je sois, on me démontre chaque fois que c'est contraire aux lois et aux règlements et qu'il n'y a aucun moyen que le fonds de pension qui était en congé sans solde et à l'emploi — si je peux m'exprimer ainsi — du gouvernement du Québec, je puisse faire des versements annuels dans mon fonds d'enseignant qui est aussi administré par le gouvernement du Québec. On n'a pas le droit de faire ça. Ne me montez pas des scénarios ou des romans au sujet de M. Cazavan en disant: II aurait pu retirer de l'ar- gent là, faire de ceci avec, etc. Ce n'est pas possible. Son fonds de pension, il est dans le fonds de pension des fonctionnaires. Cela ne sert à rien, absolument à rien, de monter des scénarios, comme je vous le dis. A la limite, ça fait flotter des impressions ou des images de quelque chose de vaguement incorrect, alors qu'en fait vous êtes en face d'un problème qui est sérieux pour plusieurs des meilleurs serviteurs du gouvernement ou de l'Etat que nous ayons lorsqu'ils arrivent à cet âge-là.

Encore une fois, je répète ce que j'ai dit cet après-midi là-dessus: Une raison pour laquelle on peut payer de tels salaires à des gens qui ont des responsabilités pareilles, c'est qu'on ne fait pas de "fling-flang" avec leur droit à la pension dans leurs dernières années. Moi, vous me direz n'importe quoi là-dessus, sur ce plan-là, vous ne me ferez pas changer d'un iota. Le jour où l'on toucherait à ça, on ferait quelque chose qui, à l'intérieur de l'ensemble du secteur public, aurait des répercussions extraordinairement dommageables sans aucune espèce de comparaison avec l'argent qu'on peut zigonner sur le bord d'une table comme le député de Notre-Dame-de-Grâce le fait quand il monte des scénarios sur ce que M. Cazavan aurait pu faire à 59 ans.

M. Scowen: M. le Président, l'élément que le ministre n'a pas touché et qui est essentiel là-dedans, c'est que M. Cazavan lui-même, en pleine santé, a décidé de démissionner. Si quelqu'un, dans n'importe quelle de nos sociétés, dans la fonction publique ou dans une société privée, décide d'une façon autonome de démissionner pour des raisons personnelles, sans pression du gouvernement ou de son employeur, je pense qu'il est évident, et cela va de soi, qu'il a pris une décision personnelle et c'est à lui de prendre la responsabilité qui en découle. C'est pourquoi M. Yvan Guay a dit, et je cite: Quoi qu'il en soit, le public a droit de demander et de savoir pourquoi on paie à M. Cazavan, démissionnaire, son salaire d'ancien président à $72 000 pour agir à titre de conseiller spécial. Le président occupe un poste décisionnel, alors que le conseiller spécial ne l'occupe pas. Pourquoi alors payer les deux personnes au même salaire? Si M. Cazavan est en pleine forme et peut travailler à temps plein pour la CDP au même salaire, pourquoi a-t-il démissionné? Si le poste de conseiller spécial est tellement important au point d'y mettre un salaire de président, pourquoi ne l'a-t-on pas créé depuis quinze ans?

M. le Président, c'est l'essentiel de la question. Le ministre a parlé de ses déboires. Si une société oblige, pour ses raisons à elle — qui sont souvent les bonnes — une personne qui a donné plusieurs années de sa vie à travailler et à créer une société, elle a certainement une responsabilité. Mais si cette société n'a fait aucune pression sur cette personne pour l'obliger à démissionner, si on n'a pas changé les termes de son emploi, si on n'a donné aucune occasion à cette personne de démissionner, il va de soi que cette personne a pris une décision autonome et que l'Etat ou l'em-

ployeur n'a pas d'obligations envers cette personne. Cette personne doit prendre ses propres responsabilités. Elle ne doit pas démissionner avant d'avoir calculé les conséquences, incluant ses droits au fonds de retraite et les autres postes qu'ils peuvent trouver. C'est bizarre et, je le répète, tout le monde trouve cela bizarre. (21 h 45)

M. Parizeau: Si je comprends bien, là, on change de scénario. Là, ce n'est plus M. Cazavan qui retire l'argent de son fonds de retraite; là, on a compris qu'il ne peut pas le retirer de son fonds de retraite. Donc, il est tout à fait anormal d'imaginer que quelqu'un, qui a été à des postes de première responsabilité pendant des années, puisse demander qu'on le soulage de ses fonctions de premières responsabilités pour se mettre en second. Si je comprends bien, l'opération est infaisable, non seulement elle n'est pas infaisable, mais je pense, et encore une fois je répète, que dans le secteur public c'est la meilleure façon de procéder pour faire en sorte que des gens qui ont travaillé, à certains moments, dans des conditions pas faciles — quand je dis des conditions pas faciles, il faut bien comprendre que les cadres du gouvernement, contrairement aux professionnels du gouvernement, n'ont droit à aucun temps supplémentaire et qu'ils ont des sacrées heures — et arrivant à la fin de la cinquantaine ou au début de la soixantaine, ils peuvent demander d'être dégagés de leurs fonctions de premier plan. Il faut, à ce moment, que le gouvernement se conduise de façon honorable. C'est ce que j'ai répété à plusieurs reprises, aujourd'hui, M. le Président, et je n'en démords pas. Non pas seulement à l'égard de M. Cazavan, d'ailleurs, mais cela a une portée bien plus grande. Il est évident qu'à cet égard, c'est une des conditions par laquelle l'Etat peut faire en sorte que des gens travaillent dans des conditions d'heures et de jours absolument indicibles pendant une bonne partie de leur vie, en sachant qu'on n'en profitera pas, dans leurs dernières années, pour jouer avec leur pension.

M. Scowen: Alors, au sujet de M. Paris et M. Lavoie...

Le Président (M. Bordeleau): M. le député de Saint-Laurent, vous aviez une question sur le même sujet?

M. Forget: Oui, si vous le permettez. Je comprends mal — j'ose à peine dire — "les explications" qu'a données le ministre des Finances. Je pense qu'il s'est plutôt amusé à élaborer sur ce qu'il a appelé les scénarios qui lui ont été présentés à titre d'hypothèses par mon collègue de Notre-Dame-de-Grâce, mais finalement on n'en sait pas plus qu'on en savait au début de cet échange, si je comprends bien. Le ministre des Finances a fait un long développement pour nous parler des fonds de retraite; je ne sais pas ce que ça faisait là, puisqu'il a affirmé lui-même que M. Cazavan n'avait pas droit au fonds de retraite.

Il reste que j'aimerais bien savoir du ministre des Finances... Parce que je présume que c'est lui qui détermine cette politique qui a d'autres applications, couramment, qui sont venues à notre connaissance. Il semble que la théorie générale soit la suivante, c'est qu'un haut fonctionnaire, qui occupe un jour des fonctions données pour un salaire donné, doit désormais considérer que même si, pour d'excellentes raisons, quelles que soient ces raisons, mais d'excellentes raisons, il vient à ne plus occuper les mêmes fonctions, quoiqu'il arrive, il va pouvoir continuer à bénéficier des mêmes conditions de rémunération de manière à ne pas diminuer sa pension à laquelle il n'a d'ailleurs pas droit pour l'instant. Est-ce que c'est ça le principe, qu'il est absolument interdit de considérer une diminution de rémunération, même lorsque les responsabilités assumées sont réduites de façon radicale? Est-ce qu'il faut comprendre que ce principe va s'appliquer même lorsqu'une personne, qu'on met plus ou moins en semi-retraite, continue à recevoir le salaire que reçoit désormais le directeur, le sous-ministre, le président ou le directeur général de l'organisme en question qui succède à cette première personne?

Autrement dit, est-ce qu'il est normal que M. Cazavan, même avec des responsabilités beaucoup moindres — à supposer qu'il lui en reste d'ailleurs, ce qui n'est pas établi — continue à retirer les mêmes émoluments? Parce qu'il est bien clair qu'il pourrait aussi recevoir $50 000 par année. Ce ne serait quand même pas une insulte que de lui donner $50 000, étant donné qu'il a des responsabilités moindres et que l'effet de ceci, sur ses droits à une pension éventuelle, serait infinitésimal probablement, tout compte fait.

Est-ce qu'il faut comprendre qu'il n'en est absolument pas question? C'est une question de principe pour le gouvernement actuel qu'on ne réduit le salaire de personne quel que soit le sort qu'on fait aux responsabilités d'un individu et, deuxièmement, qu'il est tout à fait acceptable que quelqu'un qui devient conseiller spécial ou — pour employer une expression peut-être un peu plus brutale, mais certainement plus honnête — lorsqu'on "met quelqu'un sur la tablette", on continue à lui donner le même salaire qu'avant et, en particulier, le même salaire que le président ou le directeur général de l'organisme en question. C'est donc la base à partir de laquelle il faudra évaluer tous les autres cas analogues qui existent et qui existent en nombre plus qu'insignifiant, semble-t-il.

M. Parizeau: M. le Président, j'ai l'impression d'être dans une partie de baseball où le lanceur de relève le savait. Certaines des questions qu'il soulève, cela fait trois fois qu'on en parle aujourd'hui. Il n'était pas là, il n'a pas écouté les explications, mais là on reprend la partie de baseball à la septième manche.

M. Forget: ... très éliminant ce qui s'est dit avant que j'arrive parce qu'il semble bien qu'on était "back to square one" à neuf heures et quart.

M. Parizeau: M. le Président, je veux bien, seulement, on en a discuté avant six heures

longuement. Il est évident qu'au fur et à mesure que la discussion avance, on ne reprend pas... Je n'ai pas l'habitude de revenir sur tous les éléments dont j'ai parlé à quatre heures, dont j'ai parlé à cinq heures et demie et que je reprends ensuite le soir. On tient pour acquis que certaines des choses qui ont été dites ont été dites! Si je dois refaire, il faut que je recommence ce matin.

M. Scowen: Je vous avais écouté attentivement avant six heures...

M. Parizeau: En avez-vous un autre lanceur de relève? Comme on est ici jusqu'à minuit, il faudrait quand même prévoir cela. Si je dois recommencer la même explication trois fois de suite, j'aime autant le savoir à l'avance. Cela fait trois fois qu'on reprend cela, je n'ai pas d'objection de la reprendre une quatrième fois.

D'abord, la question de la semi-retraite ou du "tablettage". Nous avons eu une discussion fort intéressante cet après-midi sur le rôle de M. Cazavan dans un poste nouveau qui n'a jamais existé — je reprends tout — qui n'a jamais existé à la Caisse de dépôt et placement, c'est-à-dire de servir à la fois de contact, de correspondant pour l'ensemble des déposants à la Caisse de dépôt et placement. Comme le député de Saint-Laurent le sait bien puisqu'il a été pendant un an au conseil d'administration de la Caisse de dépôt et placement, on a eu d'abord la Régie des rentes toute nue comme déposant et ensuite, il en est venu un bon nombre de tous genres dont les besoins sont fort différents. Cela correspond, d'ailleurs, à des politiques de placement différentes. Certains de ces déposants se sont toujours plaints que les politiques de placement à la Caisse de dépôt et placement correspondaient peut-être aux besoins de la majorité mais pas aux leurs propres. Il y a toujours eu des discussions très intéressantes sur ce plan quant à savoir s'il fallait vraiment des politiques de placement différentes selon les déposants. Compte tenu du nombre croissant de déposants et de l'arrivée de très importants d'entre eux, comme la Régie de l'assurance automobile récemment, on a ouvert ce poste qui est nouveau et qu'occupe actuellement, à titre de conseiller, M. Cazavan. Ne parlons pas d'une semi-retraite, ne parlons pas de "tablettage"; il remplit une fonction qui ne s'exerçait pas avant à la caisse parce qu'on n'en avait pas besoin, dont le besoin se manifestait de plus en plus clairement depuis quelques années et enfin le poste s'est ouvert.

Deuxième question maintenant. Est-ce que, effectivement, en réduisant son salaire à $50 000 cela aurait eu un effet infinitésimal sur sa pension? Cela n'aurait pas eu un effet infinitésimal sur sa pension. Le député de Saint-Laurent sait comme moi que, dans le secteur public, la pension est calculée comme 2% par année de service applicable à la moyenne des cinq meilleures années. Cela doit faire quatre fois que je dis cela aujourd'hui! Enfin, on continue! Applicable aux cinq meilleures années, les cinq années les mieux payées, ce qui veut dire, dans le contexte d'inflation actuel, les cinq dernières années. On prend donc 2% par année de service et on applique cette proportion à la moyenne des cinq meilleures années. Réduire le salaire de M. Cazavan de $72 000 à $50 000, est-ce que cela a un effet infinitésimal sur sa pension? Cela n'a pas un effet infinitésimal sur sa pension, cela coupe sa pension d'un tiers. Le député de Saint-Laurent a peut-être des moyens privés que je ne connais pas...

M. Forget: Vous avez bien dit les cinq meilleures années et non les cinq dernières années?

M. Parizeau: Ce que je dis, c'est que les cinq meilleures années, dit le règlement, en pratique, dans la situation inflationniste que l'on connaît aujourd'hui, ce sont les cinq dernières, forcément. Cela va?

M. Goulet: Pas nécessairement.

M. Forget: Alors, en plus de ça, vous allez l'augmenter pendant les prochaines années?

M. Parizeau: Conformément à... M. Forget: Ah! bon.

M. Parizeau: Le conseil d'administration de la Caisse de dépôt et placement a passé une résolution...

M. Forget: C'est utile à savoir.

M. Parizeau: C'est tout à fait normal. Le prix du beurre augmente pour lui, comme pour tout le monde.

M. Forget: Oui.

M. Parizeau: Une personne qui a rempli les fonctions de directeur général...

M. Goulet: Un député libéral ne doit pas avoir les moyens de...

M. Parizeau: ... c'est le texte du règlement. Cela a été déposé d'ailleurs... Oui, oui, ce règlement a été déposé à l'Assemblée nationale, il me semble.

M. Forget: Même indexé? M. Goulet: Incroyable!

M. Parizeau: Oui, oui, c'est tout écrit dans quelque chose qui a été déposé à l'Assemblée nationale.

M. Forget: Magnifique!

M. Parizeau: "Une personne qui a rempli les fonctions de directeur général pendant au moins cinq ans peut, lorsqu'elle cesse d'occuper ses fonctions, être nommée conseiller spécial du président-directeur général au même traitement pour une période n'excédant pas cinq ans. Ce traitement peut être ajusté annuellement, suivant les règles ordinaires. Le conseiller spécial peut, avec l'accord du ministre des Finances, agir à titre de membre d'un conseil d'administration d'une société à but lucratif."

M. Forget: Mais comme M. Cazavan a été là pendant cinq ans, je pense, si ma mémoire est bonne, enfin quelque chose qui s'approche fort de cinq ans, donc quoi qu'il arrive, sa pension sera éventuellement calculée, même si son salaire futur

était réduit à $20 000 par année, il avait la possibilité de voir sa pension calculée sur une moyenne qui donne, présentement, au taux actuel, $72 000 par année.

M. Parizeau: Non, parce qu'il a commencé...

M. Forget: Le fait, qu'il soit prolongé pour cinq ans encore, n'ajoute pas grand-chose à cela, sauf l'indexation qui cependant, j'imagine, doit être plafonnée à ces niveaux-là.

M. Parizeau: Non, parce que, comme il a commencé à la Caisse de dépôt et placement, au salaire de $40 000, si on prend la moyenne des cinq meilleures années, cela a un effet. Cela a un effet. Il n'est pas payé, depuis six ans, $72 000. Il a commencé à $40 000.

Alors, j'en viens maintenant au principe général que soulevait le député de Saint-Laurent. Est-ce que, effectivement, quand quelqu'un est rendu à la fin de sa carrière, on doit lui permettre de continuer au salaire qu'il a atteint. Je pense, oui, effectivement. Je pense que, effectivement, c'est la seule chose correcte à faire à l'égard de ces cadres supérieurs du gouvernement. Cela me paraît être — comment dire? — la seule chose qui fait que, dans le secteur public, on sache, indépendamment des passages, des aléas de la politique ou des passages de gouvernements ou des changements, qu'on ne joue pas avec les droits à la pension. Enfin, c'est la cinquième fois que je répète cela.

M. Forget: M. le Président, je m'excuse. Le ministre nous induit en erreur, lorsqu'il parle de jouer avec les droits à la retraite. Les droits à la retraite, c'est une chose. Il a tellement dit qu'il ne pouvait pas jouer avec, qu'il a dit que, de toute façon, M. Cazavan ne pourrait pas recevoir sa pension s'il avait pris sa retraite, maintenant. Donc, les droits à la retraite ne sont pas en question ici. C'est complètement sans pertinence. Ce dont il parle, ce ne sont pas les droits à la retraite, c'est le quantum de la pension quand, un jour, elle sera payable. Ce qu'il nous dit, c'est qu'il faut faire comme si une perte de responsabilité n'avait pas eu lieu, de manière que le salaire continue à être non seulement versé au taux actuel, mais même augmenté et ceci, indépendamment des responsabilités assumées par l'individu visé, de manière que sa pension puisse, un jour, être identique quant à son montant, à ce qu'elle aurait été s'il n'y avait pas eu de perte de responsabilité. Ce n'est écrit nulle part. C'est une invention, je pense, du ministre des Finances. Il n'y a absolument aucune obligation légale à ce qu'il en soit ainsi. Aucune!

Pour le ministre des Finances qui semble si chatouilleux sur les droits à la retraite, qui dit qu'il ne peut rien faire parce que les lois ne le lui permettent pas, rien ne le permet, où a-t-il lu quelque part qu'il y avait une règle qui disait que le paiement doit se faire, indépendamment, des responsabilités? Il peut bien le prétendre, c'est son affaire, mais ce n'est certainement pas une règle qui est écrite en lettres de feu, quelque part sur les tables de la loi. C'est une invention qu'on a faite pour les besoins de la cause. Ce serait beaucoup plus simple de parler franchement que de nous parler de jouer avec les droits à la retraite. Personne ne peut jouer avec les droits à la retraite, à moins de passer une loi à l'Assemblée nationale. Mais ce que l'on fait actuellement, c'est que l'on joue avec le montant de la pension et on joue plutôt à la hausse. On a tout à fait le droit de se demander: est-ce qu'il est dans l'intérêt public que pour ménager certaines susceptibilités, ou une espèce de climat psychologique qui est beaucoup plus sévèrement affecté par le fait qu'on met des gens sur la tablette, sans leur demander la permission, en dépit des protestations du ministre, que tout le monde va continuer de croire que c'est de ça dont on parle plutôt que des questions de quantum de pension. De toute façon, à ces niveaux-là, la pension sera fort satisfaisante pour le plupart des gens. (22 heures)

M. Parizeau: M. le Président, quand je disais tout à l'heure qu'on ne pouvait pas violer des lois, c'était dans un tout autre contexte que celui soulevé par le premier lanceur, pas par le second. Là, c'était rigoureusement juridique, ce qu'il me demandait, il disait: M. Cazavan aurait pu partir avec son fonds de retraite. J'ai dit: Non, il ne peut pas partir avec son fonds de retraite, c'est une pension différée en vertu des lois. C'est dans ce contexte-là que je parlais des lois de fonds de retraite et qu'on ne transfère pas ça ailleurs.

Quand on parle maintenant du respect desdroits à la retraite dans le cas que le député de Saint-Laurent évoque, ce n'est pas une loi. C'est tellement pas une loi d'ailleurs que, dans la résolution passée par le conseil d'administration de la Caisse de dépôt et placement, je n'ai aucune espèce d'idée s'ils vont l'augmenter, ou comment ils vont l'augmenter, ou qu'est-ce qu'ils vont lui donner? Je n'en sais rien. Ce n'est pas prévu par une loi.

Tout ce que je disais, et je le répète encore, et j'ai dit à l'Assemblée nationale que je trouverais ça déshonorant qu'on fasse le contraire. C'est donc que je ne me réfère pas à une loi. Si cela avait été une loi, j'aurais dit: C'est illégal. Je ne dis pas que c'est illégal, je dis que c'est déshonorant de jouer avec les droits à la retraite de gens qui ont été dans le secteur public longtemps à ce poste de responsabilité. On trouvera un synonyme, mais ça rend exactement la même idée.

M. Forget: Ce n'est pas un synonyme. Si vous dites qu'il n'y a pas de loi, il n'y a pas de droit. C'est tout, c'est aussi simple que ça. Arrêtez de jouer avec les mots, quand même, un peu. C'est très joli, mais on n'est pas dans un cours de rhétorique ici. On vous dit: Vous n'avez aucune base pour le faire et vous vous amusez à jouer avec les mots. Vous n'avez effectivement aucune base pour le faire sauf votre préférence personnelle d'agir ainsi. C'est tout.

M. Parizeau: Non, la base pour le faire, à partir du moment où je dis qu'il est déshonorant de faire le contraire, ilI y a une base pour le faire. Si le député de Saint-Laurent me dit: Trouvez-moi la loi de la CARR qui impose ça. Je dis: Non, ça ne l'impose pas, la CARR. Et je n'ai jamais, d'alIleurs, soulevé I'idée que

les règlements ou la loi applicable à la CARR imposaient ça. J'ai toujours défendu ça depuis cet après-midi et à l'Assemblée nationale il y a quelques jours en disant que ce serait déshonorant de ne pas le f ai re. Je n'ai jamais soulevé ça autrement, je n'ai jamais utilisé une autre expression. Maintenant, chacun peut avoir le sens de l'honneur qu'il veut. Cela, bien sûr.

M. Forget: Sûrement, on le voit à tous les jours.

M. Parizeau: D'autre part, je voudrais terminer sur la dernière allusion du député de Saint-Laurent La question du "tablettage" des gens et les leçons qu'on aurait à recevoir sur le "tablettage" des gens, M. le Président, qu'on me laisse rire. Cela, vraiment, compte tenu de la réputation de "tablettage" qui existait il y a quelques années à l'intérieur de la fonction publique, c'est la dernière chose que je me serais attendu de voir le député de Saint-Laurent soulever ce soir.

M. Forget: On peut produire les statistiques, vous êtes bons là-dessus.

M. Parizeau: J'ai défini le rôle de M. Cazavan à la Caisse de dépôt et placement actuellement. Bien sûr que, dans certains cas, il y a quelques années, ça aurait été assez difficile de définir les rôles d'un certain nombre de gens dits "tablettés". Sur ce plan-là, vraiment, il y a de l'ironie qui se perd au fur et à mesure que les années passent.

M. Scowen: Oui, mais si vous me permettez, M. le Président, un aspect de cette question que tout le monde pose, c'est: Est-ce qu'il y avait des pressions directes ou indirectes sur M. Cazavan à démissionner? Si elles existaient, ces pressions, si le gouvernement voulait remplacer M. Cazavan pour des raisons peut-être justifiables ou non, on peut comprendre plus facilement ce que le ministre décidera de dire, tenant compte du fait que c'est nous qui prenons l'initiative. Ce sera déshonorant, a cité le ministre, de lui permettre aussi de perdre la pension que nous croyons être son droit. Mais, s'il a démissionné d'une façon autonome, sans pression, pour ses propres besoins et qu'il est apte à travailler, et c'est clair qu'il travaille encore, simplement parce que son opinion était qu'il ne voulait pas rester président, dans ce cas, je pense que cette question d'honneur ne s'impose pas.

C'est une décision autonome d'un homme en bonne santé. Alors, le problème qui est posé par la décision du gouvernement, c'est que cela donne l'apparence à tout le monde que des pressions était mises sur M. Cazavan, parce que la façon honorable de procéder que vous avez décrite, c'est une façon de procéder avec quelqu'un sur lequel vous avez mis des pressions directes, ou indirectes. Je pense que vous comprenez le sens de mes paroles. Si je démissionne de moi-même, parce qu'il y a d'autre chose que je veux faire dans la vie, les responsabilités que vous avez envers moi sont très différentes. Alors, j'apporte aujourd'hui plusieurs éléments qui constituent un gros point d'interrogation au sujet de la Caisse de dépôt, et celui-ci est un élément parfait. Est-ce qu'il y avait des pressions indirectes ou directes sur M. Cazavan pour le forcer à démissionner et qui vous avaient incité à le traiter de cette façon si honorable?

M. Parizeau: On va reprendre la discussion de cet après-midi. Je vous ai indiqué qu'il n'y a aucun moyen, mais vraiment aucun moyen, de faire en sorte qu'on puisse pousser un président de la caisse à démissionner. Il n'y a aucun moyen de faire ça, pas le moindre. Il peut envoyer paître... Il faut bien comprendre encore une fois. Ce ne sont pas des statuts très fréquents — je reprends la discussion qu'on a eue cet après-midi — où un homme est protégé pendant dix ans par un vote de l'Assemblée nationale. Qu'on ne vienne pas me parler de... Je savais personnellement que M. Cazavan ne voulait pas rester jusqu'au bout de son mandat. Je dois dire que j'étais un peu surpris que ça vienne aussi vite. Il ne m'avait jamais caché d'ailleurs, et je pense qu'il n'avait pas caché, sauf erreur, à mon prédécesseur, qu'il n'avait pas l'intention de rester jusqu'au bout de son mandat. Mais j'étais un peu surpris que ça vienne aussi vite. Néanmoins, encore une fois, il n'y a pas moyen de faire des pressions sur un homme protégé de cette façon.

Le Président (M. Bordeleau): M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: Sur le même sujet. J'aimerais que le ministre, s'il est possible, nous donne une réponse un peu plus directe sur ce point-là. Est-ce que le ministre nous dit que cette démission n'a absolument rien à voir avec la qualité ou la nature des relations que le ministre des Finances ou le gouvernement, si l'on veut, dans son ensemble, entretenait avec la Caisse de dépôt préalablement au départ comme président de M. Cazavan? On peut interpréter le mot "pression" de bien des façons, mais il y a des gens qui se font une idée suffisamment élevée de leur rôle pour ne pas vouloir mettre en péril les relations qui existent entre l'organisme qu'il dirige et le gouvernement, étant donné des frictions qu'ils vivent déjà, qu'ils anticipent ou dont on leur annonce l'imminence. Est-ce que le ministre des Finances peut nous dire de façon positive que, selon lui, cette décision de M. Cazavan — il vient de nous dire qu'elle a été anticipée par rapport à sa propre attente — est absolument indépendante de ses relations avec le gouvernement et la Caisse de dépôt?

M. Parizeau: Moi, je le pense, M. le Président. Je sais bien que sur le plan de mes rapports avec le président de la caisse — nous nous connaissions depuis des années — ont toujours été assez cordiaux. Je ne vois pas dans mes rapports avec la direction de la caisse ce qui pourrait être considéré, de près ou de loin, comme étant une pression dans un sens ou dans l'autre. Quant à l'orientation même de la caisse ou en ce qui a trait, si vous voulez, à l'atmosphère interne de la caisse, ça je ne pourrais pas le dire. Je ne peux pas me mettre à la place des autres. Mais sur le plan des rapports que j'ai entretenus avec le président de la caisse, ils ont toujours été cordiaux depuis des années et ils le demeurent.

M. Forget: Y compris les orientations que le gouvernement ou le ministre des Finances voulait

donner, souhaitait donner ou aurait souhaité donner, eut-elle eu un autre directeur général, à ses politiques financières?

M. Parizeau: Le ministre des Finances n'a pas... Là encore, on va reprendre ce que j'ai lu... Je suis tanné de lire, on l'a déjà lu cet après-midi. Vous lirez la page du discours en deuxième lecture. Je ne veux pas reprendre la lecture de cela. Vous lirez la déclaration de M. Lesage du 9 juin 1965, page 3311 du journal des Débats— il y a quinze ans aujourd'hui — sur la façon dont la politique de classement de la caisse et la politique économique générale de l'Etat doivent être coordonnées. Cela ne se fait pas par des discussions entre le président de la caisse et le ministre des Finances. Cela se fait clairement — et on voit très bien l'intention du législateur ici — entre le président de la caisse et son conseil d'administration. Si à un moment donné, des débats doivent avoir lieu, c'est là qu'ils doivent avoir lieu.

Le Président (M. Bordeleau): M. le député de Bellechasse, vous aviez d'autres questions sur le même sujet.

M. Goulet: M. le Président, je ne veux pas être désagréable avec le ministre, mais ses propos ne m'ont pas convaincu. J'étais ici cet après-midi et je n'ai rien manqué. On vous a demandé à l'Assemblée nationale pourquoi on ne pourrait pas poser deux ou trois questions à M. Cazavan. Vous avez dit — je pense que le terme que vous avez employé, c'est quelque chose comme zigon-ner — et vous l'avez comparé à la démission du député Raynauld. Mais je trouvais qu'il y avait une drôle de différence. Quand M. Raynauld a quitté ses fonctions de député, il a laissé de côté le salaire alors que M. Cazavan, lui, a continué à recevoir $72 000. Je pense qu'un fonctionnaire qui reçoit $72 000, quel que soit ce fonctionnaire ou ce ministre, un député peut avoir au moins le droit au nom de la population de lui poser des questions. La question à laquelle vous n'avez vraiment pas répondu directement — je trouve ça déplorable — c'est pourquoi consentir le même salaire à une personne qui ne veut plus assumer, d'après les propos mêmes de M. Cazavan, les responsabilités. Quand vous parlez de zigonnage autour de la table, je pense qu'on aurait pu garder M. Cazavan comme conseiller à $40 000, $45 000, $50 000 par année. Il aurait été capable encore de se payer trois repas par jour. Moi, ça ne me fait pas brailler ces choses-là. Mais quand on parle pour un seul cas de $350 000 à $400 000 provenant des deniers publics pour les cinq prochaines années, je me demande... En plus, il va avoir droit à sa pension. Calculez-le... cela va être à peu près 70% de ça à vie auquel il va avoir droit. Alors, si c'est du zigonnage... Quand on parle d'un déficit record de $2 300 000 000 au Québec, je pense que des coûts de $300 000 ou $400 000, on en n'a pas de besoin. Le ministre sait que la règle de trois... Il en a parlé cet après-midi. C'est bien de valeur, mais si on veut me faire brailler sur le sort de M. Cazavan en disant qu'il n'a pas eu des conditions faciles depuis cinq ans, je trouve qu'il n'est pas misérable du tout et vous ne. me con-vainquerez pas avec ça. Si le ministre veut vraiment nous amener à verser des larmes sur le cas de M. Cazavan pour justifier sa position qui, jusqu'à maintenant, n'est pas justifiable — je regrette de le dire, mais ce n'est pas justifiable — vous viendrez chez nous, dans Bellechasse, et je vais vous donner des cas beaucoup plus pathétiques que ça, beaucoup plus pathétiques que le cas de M. Cazavan.

J'aurais aimé voir M. Cazavan ici, durant deux minutes, pour lui formuler quelques questions. Quand on paie un gars $72 000, il doit avoir des comptes à rendre, pas seulement au ministre des Finances mais aussi aux élus du peuple, aux élus de la population. Moi, je vous le dis, je blâme sévèrement le ministre des Finances pour cette décision personnelle qu'il a prise, parce que selon ce qu'il nous a dit depuis cet après-midi, c'est une décision personnelle qu'il a prise et elle s'explique difficilement. Dans l'entreprise privée, ça ne se fait pas ça de garder quelqu'un au même point que le président-directeur général. On peut garder quelqu'un dans l'entreprise privée, lui garder un poste de façon qu'il n'ait pas à aller quêter. On peut reconnaître les années de service. Mais M. Cazavan n'avait pas 50 ans de service à la Caisse de dépôt, il en avait cinq. Le garder comme conseiller au même poste et au même salaire que le président-directeur général... S'il était au moins au même salaire que le vice-président, mais au même salaire que le président-directeur général, ça ne s'explique pas.

Je m'excuse de revenir à la charge et je ne voudrais pas être désagréable, mais si le ministre appelle ça du zigonnage, c'est bien de valeur, mais je ne prends pas ses propos. C'est aussi simple que ça.

Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre.

M. Parizeau: II ne s'agit pas de savoir si c'est une décision personnelle à moi ou non, la caisse répond à l'Assemblée nationale pour moi. Je n'ai pas l'habitude de passer des responsabilités à qui que ce soit d'autre. Deuxièmement, il ne s'agit pas de faire pleurer. Il s'agit simplement d'être correct. (22 h 15)

Le député de Bellechasse dit: Moi, ça ne me dérange pas de couper les salaires de gens qui ne remplissent plus tout à fait les mêmes fonctions. Peut-être que ça ne le dérange pas. Mais, si jamais ça lui arrive, lorsqu'il aura vécu un peu avec ce genre de monde, il se rendra peut-être compte que les sommes dont il parle sont, quant au fonctionnement de toute la fonction publique, de l'argent bougrement bien placé.

Troisièmement, la raison pour laquelle je ne voulais pas — ce n'était pas du zigonnage que j'ai utilisé, sauf erreur, ça a été utilisé dans un autre contexte — c'est que je disais qu'il n'y avait pas de raison pour que M. Cazavan, ayant pris la décision de démissionner, soit grillé par un certain nombre de députés autour de la table. Et je faisais justement allusion au cas de M. Raynauld, gentiment d'ailleurs, histoire de m'amuser un peu, mais on

pourrait s'amuser davantage. Supposez que M. Raynauld retourne à l'enseignement, il est en congé sans solde comme moi; quand j'aurai fini ce job temporaire, moi, de toute façon, je suis né enseignant, je crèverai enseignant, je retournerai à l'enseignement. Sur quoi? Sur des fonds publics. Bien sûr. Oui, sur des fonds publics, les universités c'est payé par le contribuable.

M. Forget: Vous ne garderez pas votre salaire de ministre n'est-ce pas?

M. Goulet: Non, vous ne garderez pas votre salaire de ministre quand vous allez retourner enseigner.

M. Parizeau: Non, vous pensez bien. Qu'est-ce que vous préférez, vous, mon salaire de ministre, avec les vacances que je prends, ou mon salaire de professeur titulaire, fin de carrière, aux hautes études avec quatre mois de vacances et six heures d'enseignement par semaine? Voyons, soyez sérieux un peu; il n'y a pas de comparaison. Seulement avec la consultation qu'on peut faire, on double cette somme!

M. Goulet: Faites votre choix, vous pouvez faire votre choix, on est dans un pays libre.

M. Parizeau: Justement, quand je faisais des allusions gentilles au député d'Outremont, je ne nous voyais pas tous ensemble... Enfin, écoutez, on aurait l'air ridicule de dire au député d'Outremont: Monsieur, vous quittez votre poste de député, vous allez peut-être retourner à l'enseignement où vous serez payé par le contribuable, vous allez gagner plus à ce moment que vous ne gagnez comme député. Auriez-vous l'obligeance de venir devant les députés qu'on s'enquière des raisons pour lesquelles vous avez décidé de démissionner. Je ferais rire de moi si je posais une question comme celle-là et vous auriez bien raison de rire.

M. Goulet: Ce n'est pas ça du tout qu'on a dit.

Le Président (M. Bordeleau): Cela va, M. le député de Bellechasse.

M. Goulet: Ce n'est pas ça qu'on a dit du tout, M. le Président.

Le Président (M. Bordeleau): Si vous avez d'autres questions à poser, allez-y.

M. Goulet: ... On a pris l'exemple de M. Raynauld. Le ministre nous amène sur une autre discussion. Lorsque j'ai parlé de M. Raynauld, j'ai dit... M. Raynauld ou un autre député des dix ou onze autres qui ont démissionné. Si M. Raynauld avait démissionné et qu'il avait conservé le même salaire, là, nous aurions eu raison de parler. M. Raynauld s'en est allé, et son salaire est coupé automatiquement et c'est ce qu'on demandait pour M. Cazavan. On consent même que vous lui donniez $40 000 ou $50 000, mais ne venez pas nous faire brailler avec $72 000, c'est un peu dépassé le seuil du bien-être social, voyons donc! Vous lui donnez le même salaire que le président-directeur général!

Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre.

M. Parizeau: M. le Président, quand on revient constamment au comté de Bellechasse — je comprends très bien que le comté de Bellechasse est sûrement un très beau comté, au moins aussi beau que le mien — mais pas plus dans Bellechasse que dans mon comté, il y a quelqu'un qui administre $10 000 000 000 par année; ne commençons pas à faire des analogies avec le comté de Bellechasse, ça ne se présente pas du tout sur ce plan-là.

Je reviens à ce que j'ai déjà dit. Vous êtes en face de gens dans le secteur public qui gagneraient beaucoup plus que ça s'ils étaient dans le secteur privé avec le même genre de responsabilités, et la moindre des choses, quand ils quittent leur poste de première responsabilité, c'est d'assurer le pont avec le moment où ils peuvent exercer leur droit à la retraite. C'est tout ce que j'ai dit, pas plus que ça, mais pas moins que ça!

Le Président (M. Bordeleau): M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Scowen: J'essaie de comprendre cette question des pressions directes ou indirectes. Le ministre a dit: C'est impossible d'exercer des pressions sur une personne qui a un mandat de dix ans.

M. Parizeau: Non, pas un mandat de dix ans; ce genre de protection est prévu par l'article 8.

M. Scowen: Le mandat de dix ans, comme décrit par le texte de la loi, je l'ai lu et je le comprends. Une façon que je puis imaginer, si je voulais faire des pressions, serait d'entourer ce président de collègues avec lesquels il ne s'entend pas.

Je me demande — il n'y a peut-être pas de rapport — mais en 1978, quatre, cinq nouveaux membres du conseil d'administration étaient nommés. Je ne sais pas si M. Cazavan s'entendait avec ces nouveaux administrateurs. Le ministre a dit qu'il avait toujours des relations très cordiales avec M. Cazavan. Je veux demander au ministre s'il a consulté M. Cazavan sur les noms des personnes qu'il prévoyait nommer à la Caisse de dépôt et placement et, s'il l'a consulté, si M. Cazavan était d'accord avec ces nominations et s'il trouvait que c'étaient des personnes avec qui il pouvait travailler dans une équipe harmonieuse.

M. Parizeau: J'ai eu, effectivement, une consultation avec M. Cazavan. Il est très difficile d'interpréter, cependant, une conversation comme celle-là pour la raison suivante: C'est que M. Cazavan connaissait suffisamment le fonctionnement d'un gouvernement pour savoir que, d'une part, c'est par... Au fond, c'est un peu par amitié, si vous voulez, que je le consultais là-dessus parce que le gouvernement aurait bien pu ne pas le consulter. D'autre part, j'avais suffisamment confiance dans son jugement pour vouloir avoir des réactions de sa part mais d'autre part, lui, de son côté, ayant fonctionné longtemps dans le secteur public, savait très bien qu'il y a des limites aux commentaires qu'on peut faire si un gouvernement est orienté vers certaines nominations. Très franchement, l'impression que j'ai eue à ce mo-

ment-là c'est qu'il avait des réticences peut-être sur un nom. Si j'avais à résumer la conversation ce serait...

M. Scowen: Est-ce qu'on peut dire à titre d'exemple que M. Cazavan s'entendait aussi bien avec M. Marier qu'il s'entendait avec M. Dinsmore.

M. Parizeau: Aucune idée! Je serais incapable de vous le dire. Je ne suis pas l'aumônier de la caisse!

M. Scowen: Vous n'avez aucune idée?

M. Parizeau: Absolument aucune idée! Pas la moindre!

M. Forget: Vous êtes son propre gardien, cependant! C'est beaucoup mieux!

M. Scowen: M. le Président, j'ai deux ou trois autres questions qui touchent M. Cazavan lui-même, mais je ne sais pas si les autres...

Le Président (M. Bordeleau): Oui, M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: Comme on vient de toucher cette question du remaniement du conseil d'administration, comme le ministre des Finances vient de concéder que les nouvelles nominations de 1978 n'ont pas suscité un emballement enthousiaste de la part de M. Cazavan, comme il nous l'a indiqué tout à l'heure qu'il était fort possible que ses relations entre le nouveau conseil d'administration et lui-même aient pu jouer un rôle dans la décision de quitter ses fonctions, ce remaniement du conseil d'administration acquiert un relief tout à fait particulier dans le contexte. On peut se demander quelles raisons ont poussé le gouvernement à modifier aussi profondément le conseil d'administration tout d'un coup? En effet, il y a quand même dans la Caisse de dépôt et placement des gens qui étaient là depuis le début dans certains cas. On peut concevoir que le gouvernement ait voulu faire des changements. C'est tout à fait normal mais est-ce qu'il n'aurait pas été plus prudent, pour assurer justement que les politiques de la Caisse de dépôt et placement soient continuées avec un minimum de difficultés, que les relations avec le président-directeur général soient les meilleures possible, qu'on n'ait pas fait tous ces changements la même année, au même moment?

M. Scowen: Une chose qu'on peut dire, c'est que nous avons tous les mêmes préoccupations.

M. Parizeau: M. le Président, d'abord je tiens à rejeter une par une toutes les interprétations que le député de Saint-Laurent a données à mes paroles. Je pense que rien de ce que j'ai dit ne permet...

M. Forget: Je n'ai pas fait d'interprétations, je n'ai qu'énuméré les choses que vous avez dites.

M. Parizeau: Non. Le député de Saint-Laurent n'a pas énuméré les choses que j'ai dites, il a interprété une série de choses que j'avais dites dans un sens que je ne leur ai pas donné. Donc, je les regrette toutes. Je dis cela seulement pour que cela soit bien inscrit au journal des Débats. Ce n'est pas parce que je suis resté coi pendant la liste de ses interprétations que je les accepte; je les rejette toutes.

Cela étant dit, passons au fond de la question. Alors, ça, c'est la deuxième ronde. On a tout fait ce travail-là, mais on va le recommencer. Alors, bis. Dans le conseil d'administration... S'il y avait des divergences entre les deux versions, le député de Notre-Dame-de-Grâce les signalera au passage.

Donc, nous comparons l'année 1977 à l'année 1978. A l'année 1977, il y avait au conseil d'administration MM. Cazavan, Fortier, Louis Laberge, Raymond Lavoie, André Marier, Claude Caston-guay, Hervé Belzile, Michel Caron, Georges La-fond et Richard Beaulieu. Je signale déjà que ça faisait deux changements par rapport à l'année précédente. John Dinsmore était parti et Ed Lemieux d'Hydro-Québec aussi. L'un avait été remplacé par André Marier, en 1977, dont j'ai eu l'occasion de dire qu'il occupait ce poste, exactement le poste que j'ai occupé pendant quatre ans moi-même, c'est-à-dire comme fonctionnaire nommé à la caisse. Cela m'apparaissait d'autant moins bizarre de le nommer qu'il avait beaucoup travaillé, comme moi d'ailleurs, à la création de la Caisse de dépôt et placement. Je signalerai que le poste auquel il a été nommé en 1977 est exactement celui que le député de Saint-Laurent a occupé lui-même en 1973. Vous voyez qu'il a du répondant, ce poste. Il a été occupé successivement par moi pendant quatre ans, Michel Bélanger pendant quatre ans, Claude Forget pendant un an, John Dinsmore pendant trois ans et maintenant par André Marier. Et encore une fois, André Marier est probablement plus normalement à ce poste que n'importe qui parce qu'il a travaillé à l'établissement de la caisse longuement.

Le deuxième nouveau en 1977, c'est Georges Lafond qui a été et qui est encore l'assistant de Ed Lemieux à Hydro-Québec. Ed Lemieux l'a entraîné, l'a tenu sur les fonts baptismaux quand il était jeune homme, ou l'a fait monter, etc. C'est le successeur évident, c'est son fils spirituel, n'est-ce pas? Donc, déjà en 1977, on change deux postes.

L'année suivante, en 1978, il va y avoir plusieurs changements de postes, il va y avoir des ajouts parce qu'il y a une nouvelle loi, on agrandit le conseil d'administration. On nous dit: C'est difficile d'avoir le quorum, il n'y a pas assez de membres, vous ne pourriez pas en ajouter? D'autre part, ça fait très longtemps que les mouvements coopératifs au Québec demandent un représentant. On dit: Tiens, ce serait une bonne occasion, on va leur donner. Et alors, de 1978 par rapport à 1977, qu'est-ce qui reste comme postes occupés par les mêmes personnes? Poste de Marcel Cazavan, ça n'a pas changé; Gill Fortier, ça n'a pas changé; Est-ce que dans les explications entre premier et bis, il y a des divergences?

M. Forget: Continuez. Remarquez que, M. le Président, comme le ministre s'interroge, c'est qu'il répond fort longuement et peut-être pour la troisième fois, c'est fort possible, à une question, mais en répondant légèrement à côté,. ce qui diminue un peu l'intérêt de sa réponse. Parce qu'il

y a quand même eu des changements. On ne cherche pas à se les faire décrire, on peut consulter pour ça les rapports annuels de la Caisse de dépôt et placement.

M. Parizeau: Je décris mais j'interprète en même temps. On m'a dit: Est-ce que vous avez assuré une certaine continuité? Je voulais vous la démontrer, la continuité. Mais la continuité, c'est comme le mouvement, ça se démontre en marchant.

Je disais donc qu'en 1978 par rapport à 1977, M. Cazavan occupe-t-il le même poste? Oui. Gill Fortier occupe-t-il le même poste? Oui. Louis Laberge occupe-t-il le même poste? Oui. André Marier occupe-t-il le même poste? Oui. Michel Caron occupe-t-il le même poste? Oui. Georges Lafond occupe-t-il le même poste? Oui. Et Richard Beaulieu occupe-t-il le même poste? Oui. Qu'est-ce qu'il vous faut comme continuité?

M. Forget: II y a beaucoup de fonctionnaires dans tout ça, n'est-ce pas? (22 h 30)

M. Parizeau: Ah! c'est vrai. Qu'est-ce que vous voulez? Tout le monde ne peut pas être dans le secteur privé. C'est exact. Il y a des fonctionnaires. Mais M. Louis Laberge n'est pas un fonctionnaire. Si jamais on lui disait cela, il n'aimerait pas cela du tout.

M. Forget: C'est un type spécial!

M. Goulet: Cela m'étonne qu'il n'ait pas été remplacé.

M. Parizeau: Qu'est-ce qu'il nous reste? Il y a deux postes qui ont changé... pardon, trois postes, des anciens postes de 1977. Trois postes. M. Raymond Lavoie est remplacé par M. Eric Kierans. M. Claude Castonguay est remplacé par M. Fernand Paré. M. Castonguay m'écrit, le 7 juillet 1978 — ce n'est pas une fuite — pour me dire qu'il est invité à devenir membre du conseil d'administration d'une banque et donc, dans ces conditions, qu'il lui faut démissionner, selon les dispositions de la loi. Il fait son choix. Comme je le disais au député de Notre-Dame-de-Grâce, il y en a qui préfèrent la banque et d'autres préfèrent la caisse. Préférer la banque à la caisse, c'est un choix. M. Hervé Belzile est remplacé par M. Pierre Péladeau. Donc, il y a trois des postes occupés par ces trois personnes qui complétaient le conseil d'administration de 1977 et qui sont remplacées par MM. Eric Kierans, Fernand Paré et Pierre Péladeau. On ajoute...

M. Forget: En fait de continuité, donc, ce n'est pas... Pour ceux qui sont à ce conseil d'administration et qui ne sont pas là en leur qualité de fonctionnaires et dont on pourrait s'attendre qu'ils représentent la voie indépendante, en quelque sorte, de l'administration publique sur ce conseil d'administration, on a donc, pour des raisons qui en partie sont expliquées et non expliquées pour une autre partie, une continuité qui est remarquable en ceci, c'est qu'elle est inexistante.

M. Parizeau: Ah! encore une fois, on considère que M. Louis Laberge... Vraiment, on le pousse un peu fort du côté du secteur public. Mais quoi qu'il en soit, et je reviens là-dessus, vous avez...

M. Forget: II est bien là...

M. Parizeau: ... un démissionnaire qu'il faut remplacer de toute façon, puisqu'il s'en va à la banque... Ensuite, deux autres... D'autre part, on ajoute deux noms. Celui de M. Gaston Pelletier qui, en un certain sens, est une sorte de continuité. C'est l'adjoint justement de M. Raymond Lavoie, au Crédit foncier. Alors, on a eu le patron pendant passablement de temps et là, nous avons le premier adjoint. D'autre part, M. Alfred Rouleau. Alors, dans ces deux postes, je plaide effectivement la non-continuité, car les postes n'existaient pas avant. Alors, comme on les a créés avec la loi, il est bien sûr que c'est la première année. Voilà.

En fait, de ceux qui occupent les postes, pendant ces trois années, pour la majorité des postes la continuité s'est faite. Là, encore...

M. Forget: Parmi tous ces changements ou ces non-changements, il reste qu'on peut dégager bien des façons de décoder tout cela. L'une des façons de décoder tout cela qui n'échappe absolument pas à tout le monde, c'est qu'à part les gens qui sont là presque ex officio, et j'ai mentionné bien sûr le juge Fortier qui est président de la Régie des rentes. C'est le plus gros déposant. Je suppose qu'on lui remettra, un jour, la présidence de la Régie de l'assurance automobile ou Dieu sait quoi, mais c'est un poste qui est ex officio. A part le sous-ministre des Finances qui, lui aussi, est là ex officio, il reste qu'on a un très petit nombre de postes qui ont été occupés pendant de nombreuses années — au moins deux d'entre eux — par des personnalités qui ont eu, indubitablement, un impact majeur sur les politiques et l'orientation de la Caisse de dépôt et placement.

Ces deux personnes, et en plus une troisième qui doit quitter à cause d'une disposition de la loi, sont remplacées par de nouveaux venus dont on peut très bien penser, étant donné leur personnalité, leurs affiliations connues ou soupçonna-bles, qu'il s'agit là de nominations qui ont pour but et certainement, de toute façon, pour effet de placer le gouvernement dans une position très avantageuse, merci, si jamais il veut faire pression sur quelqu'un ou sur quelque chose.

C'était là le but de ma question. C'est dans le contexte d'un départ remarqué que ceci se fait. Et je pense qu'il était tout à fait approprié de souligner que les voies indépendantes de l'administration publique ont été mises de côté, par hasard ou par dessein — semble-t-il par dessein, plus que par hasard — et on s'est retrouvé devant un conseil d'administration très gentil, merci, auquel on n'a pas besoin d'envoyer des directives, de toute façon, qui sont interdites par la loi, si je comprends bien, nous dirait-on, mais auquel on peut parler gentiment, autour d'une tasse de thé, et chez qui on va pouvoir trouver une oreille réceptive.

C'est dans ce contexte, je pense, M. le Président, que la discussion de tout à l'heure s'illumine d'un relief particulier.

M. Parizeau: En effet, M. le Président, nous avons nommé des gens aussi à notre dévotion

qu'Eric Kierans; ça, entre nous, si vraiment, par dessein, on voulait des gens à notre dévotion, on aurait pu trouver mieux!

M. Forget: ... tout prévoir.

M. Parizeau: D'autre part, on nous dit — et je reviens encore à ce que je disais cet après-midi — II y a des gens, c'est curieux, ils n'ont pas l'air d'être complètement enragés contre le gouvernement actuel, c'est bizarre. Mais est-ce qu'on croit vraiment que M. Claude Castonguay était enragé contre le gouvernement du temps? Est-ce que le député de Saint-Laurent, lorsqu'il siégeait à la Caisse dépôt et placement, était enragé contre le gouvernement du temps?

M. Forget: C'était un bon gouvernement à l'époque!

M. Parizeau: Ah! nous y sommes, on est donc en pleine politique, mais là, je la rends au député de Saint-Laurent! C'est lui qui en fait!

M. Forget: Oui, à 22 h 35, il commence à être temps de vous en apercevoir, M. le ministre.

M. Michaud: II y avait un bon financement démocratique!

M. Parizeau: On est à 22 h 35 et je note que le député de Saint-Laurent a décidé de plonger tout ça dans la politique, M. le Président.

Le Président (M. Bordeleau): M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Scowen: J'ai remarqué que M. Cazavan, qui n'est plus membre du conseil d'administration, n'est pas lié, si je comprends bien, par l'article 12 de la loi. Si je comprends bien, M. Cazavan a maintenant le droit, en plus de ses rémunérations par la caisse et à l'extérieur comme conseiller, s'il le veut, de devenir membre du conseil d'administration d'une autre fiducie ou de n'importe quoi. Est-ce que dans l'arrêté en conseil, c'était spécifiquement déclaré que M. Cazavan était obligé de se comporter exactement comme s'il était encore membre du conseil d'administration, ou est-il maintenant libre?

M. Parizeau: Non, l'arrêté en conseil dit: "Le conseiller spécial peut, avec l'accord du ministre des Finances, agir à titre de membre d'un conseil d'administration d'une société à but lucratif." Ceci est indiqué ici pour une raison très simple, c'est qu'à partir du moment où, pour toutes les raisons que j'invoquais quant au secteur public et au fonctionnement de la fonction publique, c'est exactement ça qui se passerait. Dans le cadre de la fonction publique, par exemple, si un sous-ministre ou un sous-ministre adjoint voulait devenir membre d'un conseil d'administration — ça se pose surtout dans le cas des sociétés d'Etat — de SIDBEC, de REXFOR ou de je ne sais quoi, il doit demander l'autorisation du ministre des Finances.

M. Scowen: Même salaire indexé, beaucoup moins de responsabilités et, de plus, le droit d'avoir des activités à l'extérieur de la société pour laquelle il est payé au même salaire que le président! Pas mal ça!

M. Parizeau: Seulement sur l'accord du gouvernement.

M. Scowen: Oui! C'est un bon négociateur!

M. Parizeau: Entre nous, exactement de la même façon, selon les mêmes règles qui existent dans la fonction publique: un sous-ministre ne peut pas aller se balader, et prendre un poste à un conseil d'administration sans en obtenir l'autorisation.

M. Scowen: M. le Président, en plus des changements qui sont survenus dans le conseil d'administration et dans le poste de président il y a, ce que j'ai appelé cet après-midi des rumeurs — et ce sont des rumeurs assez fortes — disant que le premier directeur général adjoint, M. Jean-Michel Paris, qui est en poste, si ma mémoire est bonne, depuis au moins dix ans, sinon quinze, serait mis à pied ou qu'il serait obligé de démissionner, et que des changements très importants soient faits dans ses responsabilités.

La même chose existe dans le cas de M. Jean Lavoie, directeur général adjoint de la direction du financement, un nouveau poste qui a été créé récemment, mais c'est un homme qui, comme M. Paris est là depuis longtemps, deux autres éléments au plus haut niveau de cette continuité. J'aimerais savoir si le ministre ou le président veut confirmer ou nier ces rumeurs, parce que ces questions qui circulent dans la rue de Montréal dans le domaine des finances sont très courantes. Je veux demander de plus, s'il est question que ces deux personnes voient leur mission changée. Si elles démissionnent ou si elles changent d'emploi, avez-vous l'intention de les traiter de la même façon extrêmement honorable que vous avez traité le président? Est-ce qu'il y a quelque chose là ou si c'est une rumeur que vous voulez nier tout de suite?

M. Parizeau: M. le Président, je ne vais pas traiter de rumeur. De deux choses l'une, quand on parle de rumeurs: ou ça ne se produit pas ou ça se produit. Si ça ne se produit pas, on a eu tort de parler de rumeurs. Si ça se produit, il y a toutes espèces d'autres endroits où on peut poser des questions, quand même que ça serait à la période des questions à l'Assemblée nationale, si à ce moment et advenant que ça se produise, le député tenait toujours à poser des questions de cet ordre. Mais je ne veux pas baguenauder des rumeurs.

Néanmoins, je suis un peu surpris qu'il mette encore l'accent sur l'affaire de la continuité, compte tenu de ce que je lui ai dit cet après-midi. Sur le plan de la continuité à la caisse, le problè-

me... Puisque nous avons un ancien membre de la caisse — je ne suis pas tout seul; on est deux de "l'alumnae", autour de la table — le député de Saint-Laurent doit savoir comme moi que sur le plan de la continuité des cadres à la Caisse de dépôt, la pire chose a été la politique de salaires pendant bien des années.

Je répète ce que j'ai dit cet après-midi: je suis assez heureux d'avoir enfin réussi à régler cette affaire en sortant le personnel de la caisse de la fonction publique. Il est très curieux, sur le plan de la continuité, que ça ne vous frappe pas dans le rapport annuel de cette année, qu'on y indique que treize membres du personnel de cadre et 35 professionnels du placement ont quitté leur emploi au cours des dix dernières années, spécifiquement à cause de ce problème de salaire qui n'était pas réglé. Sur le plan de la continuité, ça me paraît passablement plus sérieux que le phénomène dont le député de Notre-Dame-de-Grâce parlait, advenant que ce soit autre chose qu'une rumeur; je n'en sais rien. Cela se produira peut-être; j'ai eu des échos de certaines choses, bien peu, mais des échos. Encore une fois, le "street talk", s'il fallait toujours... S'il fallait constamment faire état des possibilités dont on entend parler, on n'aboutirait pas très loin.

Alors, ce que je dis simplement, M. le Président, c'est, encore une fois: ou bien ça ne se produira pas et on avait tort d'en parler ou bien ça se produira et à ce moment, on posera toutes les questions utiles. Ceci étant dit, je voudrais établir une distinction très nette entre deux niveaux de poste. Nous avons discuté longuement de M. Ca-zavan dont le poste sur le plan de la structure administrative de la caisse est le seul qui soit mentionné dans la loi. Donc, dans ces conditions, puisque la loi me donne certaines responsabilités et que la caisse répond à l'Assemblée nationale par moi, de ce poste, oui, bien sûr, je dois discuter. De tous les autres postes à la Caisse de dépôt et placement, c'est l'administration interne. Il faut bien établir une distinction très nette entre les postes qui sont spécifiquement mentionnés dans la loi et les autres postes. Je ne veux pas dire par là qu'on ne peut pas en discuter ici. Je veux simplement dire qu'il faut établir une distinction très nette entre les deux types de poste.

M. Scowen: Vous avez eu la gentillesse, la semaine passée, en réponse à une question du député de Gouin, de dire que cette semaine vous aviez l'intention de faire les crédits, que vous amèneriez le président de la caisse ici et qu'on pourrait lui poser des questions. Je l'accepte. Ce n'est pas vous qui êtes responsable pour les postes inférieurs, même celui du premier directeur général adjoint. Mais, est-ce que vous pouvez nous permettre de poser quelques questions au président qui est ici et qui est peut-être au courant de ces choses?

M. Parizeau: Sur le plan de l'administration interne de la caisse, je pense que c'est même la chose normale à faire, bien sûr. (22 h 45)

M. Scowen: Je veux demander au président s'il est question de changer le poste de M. Paris d'une façon importante? Est-ce qu'il est question qu'il puisse peut-être quitter la Caisse de dépôt? Est-ce qu'il est question de changer les responsabilités de M. Lavoie? Est-ce qu'il est question qu'il puisse lui aussi quitter la caisse? Est-ce que vous croyez que la perte de ces deux personnes qui ont une longue expérience sera une perte importante pour la caisse ou est-ce que vous pouvez perdre ces deux personnes sans danger d'affaiblir la caisse? Est-ce que les départs, s'ils ont lieu, sont liés au problème qu'a soulevé le ministre tantôt, celui du traitement — qu'il nous avait dit avoir réglé quand même — ou avec d'autres aspects de votre politique? Advenant que ces démissions ou ces départs aient lieu, est-ce que vous avez l'intention de recommander au ministre que cette politique d'honneur — dont le ministre se vante dans le cas de M. Cazavan — s'applique également à ces deux personnes qui ont quand même un service plus long que M. Cazavan?

Le Président (M. Bordeleau): M. le président.

M. Parizeau: A ceci, je peux répondre qu'un changement de directeur général amène sûrement un changement de mentalité dans une corporation quelle qu'elle soit. Il est évident qu'il y a eu des discussions entre certains officiers de la Caisse de dépôt et moi. Est-ce qu'ils resteront? Est-ce qu'ils partiront? Il n'y a rien de final là-dessus. Il y a eu des discussions et il va continuer à y en avoir.

M. Scowen: Dans ces deux cas, est-ce qu'il n'est pas plutôt question de la qualité et de la performance de ces deux personnes ou est-ce que c'est plutôt lié au changement de l'organisation? Est-ce qu'en effet ces deux postes seront éliminés ou est-ce qu'il est plutôt question de la qualité de ces personnes?

M. Parizeau: II n'est pas question de départ d'aucune personne. Il est question de personnes qui discutent, qui regardent, qui se demandent si elles peuvent encore être heureuses à la Caisse de dépôt, si elles le sont à l'heure actuelle, si elles l'ont jamais été. C'est sûr qu'il va y avoir certains changements à la caisse. Mais est-ce que ces gens resteront ou partiront? Il n'y a rien de définitif là-dessus, ça reste encore en suspens. Cela va être encore comme ça l'année prochaine, c'est-à-dire que certains n'aimeront pas la façon de diriger, même si elle est sensiblement la même que par le passé.

M. Scowen: Ce sont là deux personnes — il faut l'admettre — qui ont des postes très importants depuis longtemps. Est-ce que la perte de ces deux personnes sera importante pour vous ou est-ce que c'est quelque chose qui peut même améliorer la performance de la caisse?

M. Parizeau: Vous parlez de deux personnes. Il peut être question d'une personne, de deux personnes ou de trois personnes. C'est d'administration interne. C'est seulement...

M. Scowen: Ah bon! il n'est pas question des deux personnes que j'ai nommées.

M. Parizeau: Pas plus spécifiquement que d'autres sur ce point. Est-ce qu'il est question de celles-là? Peut-être que de celles-là, il en a été question, oui. Il y en a peut-être d'autres.

M. Scowen: C'est sur ces deux-là que les rumeurs circulent. C'est pourquoi on soulève la question. On ne fait pas circuler des rumeurs sur des personnes qui ne sont pas importantes. Elles sont deux personnes connues comme des personnes clefs dans l'organisation.

M. Parizeau: On ne peut pas répondre sur des personnes spécifiques qui sont dans l'administration.

M. Scowen: Si elles partent, est-ce que ce sera lié? Est-ce qu'il existe aujourd'hui des problèmes avec ces deux personnes au sujet de leur traitement ou est-ce que les problèmes dont le ministre a parlé et qu'il dit avoir réglés...

M. Parizeau: C'est d'administration interne et ça ne se discute pas publiquement.

M. Scowen: D'accord. Une dernière question, M. Campeau. S'il arrive que ces deux personnes soient parmi celles qui font partie des changements de mentalité que vous avez décrits et qu'elles ne soient plus là d'ici quelques semaines ou quelques mois, est-ce que vous pensez qu'elles auront le droit, tenant compte de leur poste et du nombre d'années de service avec la caisse, d'avoir le même traitement que le ministre a donné à M. Cazavan?

M. Parizeau: Je pense que ce genre de question ne se pose pas du tout ici.

M. Scowen: Je pense que les députés ont quand même le droit de décider de la sorte de questions qu'ils veulent poser dans une commission parlementaire.

M. Parizeau: Vous avez raison. A ce moment, je ne pense pas...

M. Scowen: Je m'excuse, mais je ne sais pas qui a le droit de décider quelle sorte de questions nous avons le droit de poser.

M. Parizeau: Je m'excuse aussi.

M. Scowen: A moins que le président ne me rappelle à l'ordre, j'ai l'impression que j'ai le droit de poser des questions d'intérêt public sur n'importe quel sujet, à n'importe qui, dans cette commission parlementaire. Si vous n'êtes pas de cet avis, nous sommes prêts à écouter votre raisonnement.

Le Président (M. Bordeleau): Là dessus, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce, vous avez raison, vous pouvez effectivement poser les questions que vous voulez. Par contre, M. Campeau peut aussi répondre de la façon dont il le désire.

M. Scowen: Est-ce qu'il veut ajouter quelque chose?

M. Parizeau: Je n'ai pas de commentaires.

M. Scowen: Merci d'avoir amené le président, M. le ministre.

Le Président (M. Bordeleau): Est-ce que cela va en ce qui concerne la Caisse de dépôt et placement?

M. Scowen: Non. J'ai une série de questions qui touche l'orientation.

Le Président (M. Bordeleau): Allez-y, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Scowen: Merci, M. le Président. Je ne sais pas si c'est la sorte de questions qu'on doit poser au ministre ou au président, mais une chose est certaine, c'est que le président n'a pas hésité à parler de ce sujet aux journalistes. J'imagine qu'on a au moins le droit de demander au président d'expliquer un peu ce qu'il a dit aux journalistes. Je veux faire référence à deux documents, en particulier un communiqué de presse, sans date, et l'autre, un article paru dans la Presse qui fait probablement suite à ce communiqué.

En gros, il semble que le président prévoit une nouvelle orientation très importante pour la caisse. Je cite quelques extraits de ce communiqué de presse: La politique de placement de la Caisse de dépôt et placement du Québec sera davantage axée sur le développement économique du Québec au cours de la prochaine décennie mais, à brève échéance, on ne prévoit aucun changement radical dans la composition des portefeuilles. La caisse doit maintenir, orienter davantage ses ressources vers le développement économique du Québec, sans pour autant restreindre l'importance de sa participation au financement du secteur public. Le statut de la Caisse de dépôt lui permet et lui commande de jouer dorénavant un véritable rôle de chef de file, d'innovateur et de catalyseur de projets de grande envergure, en particulier par l'intensification de son activité dans le financement des entreprises du Québec et par l'exploitation des possibilités de collaboration avec d'autres agents de développement économique. Le conseil favorise notamment l'affectation de capitaux substantiels à l'acquisition de titres de propriétés d'entreprises publiques ou privées établies au Québec, vise à accroître sa participation dans les entreprises dont l'activité est jugée stratégique pour l'économie québécoise.

C'est une déclaration du président.

M. Parizeau: M. le Président, c'est une déclaration, je pense, de l'ancien président, dans le rapport annuel, parce que je n'ai fait aucun communiqué de presse.

M. Scowen: Ah! Bon. Dans ce cas, je vais...

M. Parizeau: M. le Président, si je peux me permettre, ces commentaires apparaissent en page 4 du rapport du conseil d'administration de la caisse signé par M. Cazavan.

M. Scowen: Dans ce cas, je ne sais pas si je dois poser ces questions au ministre et au président. Je vais citer le président actuel, M. Cam-peau: "Ceux qui ont administré la caisse dans le passé ont très bien agi, et l'institution ne pouvait pas tout faire en même temps. Il y a différents stades de développement par lesquels il fallait passer".

M. Campeau a ajouté qu'on est maintenant à un autre stade, celui d'une caisse qui servira pleinement au développement économique du Québec. Dans le nom de la Caisse de dépôt et placement du Québec, a-t-il dit, Québec est le mot le plus important. Je pense que cette déclaration de M. Campeau est une suite plus ou moins fidèle du communiqué de presse du dernier président. Je pense que je n'exagère pas quand je dis que c'est la déclaration d'un changement important, même radical, dans la politique de la caisse.

Nous avons déjà au Québec deux institutions qui ont été créées par les gouvernements antérieurs pour stimuler le développement économique au Québec, peut-être plus que cela, mais on a au moins la Société de développement industriel et la Société générale de financement; et nous avons SIDBEC si vous voulez, mais surtout ces deux premières dont la mission est très clairement définie dans la charte, à savoir stimuler le développement économique du Québec. J'accepte que le mandat de la caisse, qui a été créée en 1965, n'était pas un mandat pour faire une seule chose, c'était surtout pour réaliser un équilibre mais, quand même, je cite M. Cazavan dans son rapport de 1978: "... en assurant d'abord la protection du capital, en le protégeant contre l'érosion et, finalement, en le faisant fructifier de manière à accélérer le développement des secteurs public et privé, d'abord". Finalement, en 1978, M. Cazavan, dans cette déclaration, quant à moi, était fidèle à l'intention de M. Lesage, M. Lévesque et M. Kierans, du gouvernement libéral de l'époque, quand les trois ont créé la Caisse de dépôt et placement, et fidèle à l'impression, à la politique qui était suivie par les administrateurs depuis ce temps.

Si je comprends bien cette déclaration, vos commentaires du 21 février de cette année marquent un changement, un virement. J'ai déjà posé la question plus tôt aujourd'hui, d'une autre façon. J'ai dit: Comment dites-vous aujourd'hui que Québec est le mot le plus important dans la Caisse de dépôt et placement? Est-ce que cela veut dire qu'avant votre arrivée, les personnes responsables n'avaient pas les objectifs québécois comme objectifs principaux? Je n'ai pas eu de réponse. Quand même, c'est dans ce cadre que je pose la question. Si cette société a l'intention d'innover et de catalyser des projets de grande envergure, d'intensifier son activité dans le financement des entreprises du Québec, d'acquérir des titres de propriétés d'entreprise, il me semble, quant à moi, qu'il est essentiel que cette nouvelle politique soit bien définie, qu'on se présente ici, à une commission parlementaire publique, qu'on vienne expliquer que les liens qui sont établis avec les politiques de la Société de développement industriel et celles de la SGF seront bien établis pour qu'il n'y ait pas de chevauchements, et qu'on démontre comment ce changement de politique peut se faire d'une façon qui peut protéger les contribuables, parce que, comme je l'ai dit ce matin, ce ne sont pas les impôts avec lesquels vous jouez, ce sont les épargnes des Québécois. Ce n'est pas votre propriété, c'est la propriété des personnes qui versent chaque mois les sommes pour leur retraite. Je pense que vous n'avez pas le droit de changer la politique d'une société de cette importance, avec un simple communiqué de presse et une déclaration dans un journal.

Mon impression est la suivante: C'est quelque chose qui ne peut pas s'expliquer dans le cadre d'un débat sur les crédits. C'est possible que je me trompe. C'est possible que tout cela puisse être expliqué à notre satisfaction dans quinze minutes. Mais si ce n'est pas possible, nous allons certainement vous demander, dans l'intérêt de tout le monde, et pour essayer de faire quelque chose en vue de maintenir au moins le minimum de crédibilité de cette institution, d'accepter de venir devant nous tous donner un document écrit qui explique clairement cette politique chiffrée dans le sens que vous prévoyez que, d'ici cinq ans, ou dix ans, le pourcentage des portefeuilles qui sera obtenu dans les actions va changer de tel ou tel pourcentage, quelles sortes d'actions, les détails, et que ce programme soit présenté à l'Assemblée nationale et au public. (23 heures)

En gros, c'est ma suggestion. J'aimerais beaucoup avoir votre réaction. On ne veut pas se lancer dans une société qui va financer des industries douteuses. Je pense que, probablement, à un moment donné, on a demandé à la Caisse de dépôt de subventionner Tricofil ou Marine Industrie ou d'autres sociétés dans lesquelles l'Etat avait un intérêt particulier. L'attitude de cette société sera-t-elle changée pour l'avenir, devant ces demandes, souvent des demandes qui viennent de pressions politiques? Où en sommes-nous avec ces deux documents?

M. Parizeau: M. le Président, si vous me le permettez, je vais répondre à cela, parce que, à partir du moment où on fait un procès d'intention à la caisse, en parlant de maintenir un minimum de crédibilité, d'entreprises douteuses, ou de pressions politiques, là, je m'excuse, mais je préfère

prendre ce crachoir, parce qu'il y a quand même un bout!

En fait, cela fait très longtemps que le rôle de la caisse, comme complément d'autres sociétés d'Etat, a été établi dès le départ. On peut bien maintenant se creuser les méninges et avoir l'impression de découvrir des choses, il faudrait quand même que ce soit compatible avec la SDI et la SGF. Personne n'avait vu cela avant aujourd'hui bien sûr.

Je reviens à ce que disait M. Lesage il y a quinze ans ce soir, en parlant de la SGF, page 3325: "Elle doit prendre l'initiative, courir des risques, préparer des projets et faire en sorte qu'ils se réalisent. Au contraire, la Caisse de dépôt et placement n'a pas à remplir ce rôle. Elle n'est pas un entrepreneur, mais un réservoir de capitaux. Ce n'est pas sa fonction de créer des entreprises, mais elle aura les ressources et les pouvoirs nécessaires pour s'associer aux initiatives, aux projets de création et d'expansion qui lui sont imposés. L'initiative de revenir, de la SGF, du secteur privé, du gouvernement ou d'une combinaison des trois ensemble, ou de deux des trois. La caisse doit être en mesure de favoriser ces initiatives, de contribuer à leur financement, et c'est bien à cette fin qu'elle est conçue. Elle jouera un rôle absolument essentiel, pour alimenter financièrement l'essor économique du Québec — c'est presque la même phrase que celle de M. Cazavan! — en liaison avec les grands organismes qui ont été mis sur pied depuis quelques années, les nombreuses dispositions qui s'appliquent aux placements dans des titres d'entreprise sont destinées à permettre à la caisse de remplir cette fonction dans les limites de la prudence et cela, on le comprendra facilement. "Ces dispositions ont trait d'abord à diverses proportions que la caisse sera appelée à maintenir. Ainsi, pas plus de 30% de l'actif total de la caisse ne pourra être investi dans des actions, alors qu'au contraire aucune limite n'est prévue pour les obligations, à condition qu'elles satisfassent à certaines règles sur lesquelles je reviendrai dans quelques minutes — soit en fait les règles inspirées des règles applicables aux compagnies d'assurance-vie. "La limite fixée en proportion de l'actif qui peut être placé en actions, c'est le résultat d'un compromis. Ce sont les 30%. Il faut éviter d'investir les fonds exclusivement en titres à valeur fixe, pour éviter d'éroder l'actif au fur et à mesure où l'inflation se propage".

Ce ne sont pas des entreprises douteuses, M. le Président, c'est le fait qu'on voyait déjà cela en 1965, qu'il y avait une tendance inflationniste et que de prendre des titres à valeur fixe érodait ou risquait d'éroder le capital de la caisse, et qu'il fallait donc combiner avec des actions ordinaires, et que des actions ordinaires ne devaient pas se prendre de n'importe quelle façon, dans n'importe quel genre d'orientation, mais qu'elles devaient, autant que possible, chercher à favoriser le développement économique du Québec.

Donc c'est clair au départ. Au fond, cela l'est resté, sauf peut-être que, pour les raisons que je disais tout à l'heure — et on reprend un débat qu'on a tenu il y a déjà quelques heures, on se répète indéfiniment — au fur et à mesure où le porte feuille d'actions de la caisse s'est accru, la caisse n'a pas été chercher les titres américains sur la Bourse de New York, mais elle a été amenée à devenir très importante sur les Bourses canadiennes et sur certains titres sur les Bourses canadiennes. Et à un moment donné — cela se sentait déjà il y a quelques années, mais cela s'est senti davantage encore au cours des quatre ou cinq dernières années, peut-être— la caisse ne pouvait plus avancer dans ses achats en Bourse, elle était le marché. Le moindrement qu'elle intervenait un peu davantage, elle faisait monter les cotes et, dans certains cas, très substantiellement. C'est dans ce sens qu'a commencé à paraître l'idée d'achat de blocs, dont on parlait avec le député de Bellechasse précédemment. Bien sûr, il y a eu, au niveau des placements privés de la caisse, des achats de petits blocs sur une chose qui a commencé à s'appeler "la liste spéciale", il y a quelques années. La caisse y jouait un rôle pour aider au lancement de petites ou de moyennes entreprises. On allait voir la caisse et on disait: Est-ce que vous prendriez 15% de mes actions? La caisse a une autorité morale considérable; dans la mesure où la caisse prenait 15% des actions, on trouvait d'autres actionnaires; c'était plus facile à lancer. Mais même à cela, cela a été insuffisant — cette liste spéciale qui porte un nom différent, maintenant, c'est la liste des placements privés.

Même à cela, ce fut insuffisant pour absorber tout l'argent que la caisse voulait mettre dans des actions. Donc, elle se sentait bloquée du côté des bourses et les petits placements privés qu'elle faisait ne lui permettaient pas d'entrer suffisamment dans le financement d'entreprises. Là a commencé à apparaître la perspective — et on rejoint une des choses qu'on citait au sujet d'une déclaration de M. Campeau et qu'on retrouve, tout au moins dans son esprit, dans le texte de M. Cazavan — d'acheter des blocs dans des grosses entreprises. Je pense que le cas le plus spectaculaire pour commencer, c'est Domtar, l'achat du bloc d'Argus dans Domtar.

C'est là où il y a, à la fois, une continuité par rapport aux objectifs des quinze dernières années, un certain nombre de difficultés rencontrés au fur et à mesure que les années s'écoulaient, en raison même de l'exiguïté des bourses canadiennes, de l'incapacité des placements privés de petite taille d'absorber tout ce que la caisse aurait pu mettre dans le développement économique, et maintenant de ce qui est possiblement — mais là, je laisserais peut-être M. Campeau compléter — de ce qu'on peut imaginer comme pouvant être un virage dans la mesure où on commencerait à s'intéresser à des blocs d'entreprises plus considérables.

Mais il n'y a rien dans tout ça qui permette de parler d'entreprises douteuses, de pressions politiques ou de je ne sais quoi.

M. Scowen: Je vais revenir avec une question un peu plus précise.

M. Parizeau: Domtar, comme entreprise douteuse, c'est pas mal! Alex Hamilton serait ravi!

M. Scowen: Non, je n'ai pas suggéré que c'était une entreprise douteuse. Ou bien cette déclaration, M. le Président, est un changement de politique important ou bien elle ne l'est pas. Il m'est permis de poser la question. Il me semble que si une des politiques de cette société est dorénavant d'acheter des blocs importants dans des sociétés existantes, c'est un changement important, même si ça se situe à l'intérieur d'un cadre de politiques possibles par rapport à la charte de la société, c'est un changement important.

Il y a aussi la possibilité que cette société puisse, à l'avenir, commencer à faire des investissements dans de nouvelles entreprises. Je prends, à titre d'exemple, la compagnie Pétromont qu sera mise sur pied ici bientôt. C'est un peu plus risqué que Domtar, mais c'est intéressant pour le gouvernement et pour le Québec parce que c'est une société qui va créer quelque chose de nouveau ici dans la pétrochimie. Mais c'est une société qui n'a pas de "track record". Alors est-ce qu'on peut prévoir qu'un moment donné la Caisse de dépôt puisse décider d'investir dans de telles choses? On a le droit de poser la question.

M. Parizeau: M. le Président, il s'agirait de la poser au complet. Il faudrait dire qu'il n'y a pas juste un accoucheur là-dedans, il y en a trois; le gouvernement, sans doute...

M. Scowen: Oui.

M. Parizeau: Oui, mais est-ce qu'on peut avoir les deux autres noms? Quels sont-ils? Gulf et Union Carbide?

M. Scowen: Et Union Carbide, oui.

M. Parizeau: II n'y a pas de "track record", il y a juste Gulf et Union Carbide derrière cette société.

M. Scowen: Excusez-moi, M. le Président, vous savez autant que moi qu'on ne parle pas d'investir dans Union Carbide ni dans Gulf; on parle d'investir dans une filiale, une société dont les actions sont contrôlées par trois personnes morales qui peuvent perdre beaucoup d'argent. Si vous avez investi dans ITT Rayonier à Port-Cartier, c'est clair que vous n'aviez pas à sortir beaucoup d'argent, mais ITT est encore là. Ce n'est pas du tout la même chose dont je parle, et vous le savez autant que moi. Je parle de Pétromont et c'est un exemple. Je lis dans ce document beaucoup de choses qui sont frappantes. Je parle d'innovation, de catalyseur, d'exploitation de possibilités de collaboration, et je lis dans ce document — la charte de la Caisse de dépôt, article 19: Que les sommes confiées à la caisse sont déposées à demande ou à préavis au gré du déposant. C'est une société qui gère des fonds de pension, des fonds d'accidents du travail, de fonds d'accidents d'automobile, ce n'est pas quelque chose qui à mon avis, s'accorde très bien avec les grandes prises de position des sociétés qui, comme vous le savez, ne sont pas très "liquides". Vous pouvez déjà vendre 1000 ou 10 000 actions de Domtar, mais c'est beaucoup plus difficile de vendre 23%. Nous entrons dans un tout autre sujet ici. J'ai fortement l'impression que vous ne devez pas vous lancer dans une politique qui fait suite à ces trois pages — dont je n'ai pas encore la date — avant que vous ayez clairement expliqué ce que ça veut dire dans des termes concrets un changement de portefeuille, avant que vous ayez donné à la population l'assurance que ses rentes ne seront pas affectées.

Je vais vous poser la question de façon très directe: Etes-vous prêt, avant qu'on termine la session, à convoquer une commission parlementaire à laquelle la Caisse de dépôt va devoir nous donner beaucoup plus de détails, avec des chiffres, sur ces déclarations faites par la société, à la suite de M. Campeau?

M. Parizeau: M. le Président, j'insiste à nouveau sur le fait que le texte que cite le député de Notre-Dame-de-Grâce est un texte signé par M. Cazavan.

M. Scowen: M. Gérard Blondeau.

M. Parizeau: C'est le communiqué de presse qui a été émis par la Caisse de dépôt à l'occasion de la sortie de son rapport annuel et où, bien sûr, on résume ce que M. Cazavan disait dans son rapport du conseil d'administration, rapport qui est signé par lui. La Caisse de dépôt et placement, comme d'habitude, a fait un communiqué de presse à partir de cela. Ce que dit, à toutes fins pratiques, le rapport du conseil d'administration, ce sont des choses qui ont toujours été dans l'esprit de la caisse. Cela prend diverses formes selon les années, mais cela a toujours été à la fois dans son mandat, dans ses pouvoirs, dans ses orientations profondes qui ont été confirmées. Je serais étonné qu'on ne trouve pas un accent dans l'un ou l'autre des conseils d'administration ou que, dans des déclarations faites par la caisse depuis quinze ans, on ne trouve pas des allusions à cette politique.

Comme j'ai essayé de l'exprimer tout à l'heure, il y a eu des accidents de parcours depuis quinze ans. Parfois, on a essayé plutôt la Bourse, parfois plutôt les placements privés. Et il n'y a aucune espèce de raison de considérer que cet accent placé davantage sur le développement économique du Québec qui est le mandat même ou qui est un des mandats centraux de la caisse, a besoin d'une commission parlementaire pour être capable de débloquer. Bien voyons! C'est à la fois l'intention du législateur et l'expression du législateur. Le texte que je lisais tout à l'heure est assez clair, il date de quinze ans. Or, on ne va pas faire une commission parlementaire pour se demander quelle forme doit prendre une déclaration faite il y a quinze ans.

M. Scowen: Si ce n'est pas du tout un changement, même dans l'esprit de la caisse, pourquoi le communiqué de presse?

M. Parizeau: Pour reprendre essentiellement ce qui était dit en conclusion du rapport du conseil d'administration. Il faut prendre cela dans son contexte. Soit dit en passant, à partir du moment où l'on souligne aussi pesamment dans certains milieux que le gouvernement finance copieusement le gouvernement, ce n'est peut-être pas mauvais que cela soit répété. "Tout en reconnaissant le bien-fondé des objectifs poursuivis jusqu'ici, dit M. Cazavan dans son texte — pas le communiqué qu'on avait avec, c'est son texte, c'est signé par lui — le conseil considère que la Caisse de dépôt doit maintenant orienter davantage ses ressources vers le développement économique du Québec sans pour autant restreindre l'importance de sa participation au financement du secteur public. De l'avis du conseil, la stature de l'organisme lui permet et lui commande de jouer dorénavant un véritable rôle de chef de file, d'innovateur et de catalyseur de projets de grande envergure, en particulier par l'intensification de son activité dans le financement des entreprises du Québec et par l'exploitation des possibilités de collaboration avec d'autres agents de développement économique. "A cette fin, le conseil favorise notamment l'affectation de capitaux substantiels à l'acquisition de titres de propriété d'entreprises publiques ou privées, installées au Québec. Plus spécifiquement, il estime essentiel que la Caisse de dépôt vise à accroître sa participation dans des entreprises dont l'activité est jugée stratégique pour l'économie québécoise."

M. le Président, ce que le député de Notre-Dame-de-Grâce me demandait cet après-midi, c'est pourquoi la caisse n'en fait pas plus? Et maintenant, il y a un président qui dit: La caisse en fait plus, elle va en faire plus. Tout le monde s'entend!

M. Scowen: Je ne vous ai pas demandé pourquoi la caisse n'a pas fait plus.

M. Parizeau: Evidemment. Quand vous me demandiez pourquoi on mettait $1 000 000 000 dans le gouvernement à la caisse, $400 000 000 à Hydro-Québec, vous nous disiez pourquoi n'allez-vous pas emprunter en Alberta pour permettre à la caisse de faire plus de développement économique. Le président dit: Justement, on va en faire de plus en plus. Je ne comprends pas!

M. Scowen: M. le Président, aujourd'hui, dans l'ensemble des fonds de la caisse, les actions comptent pour 11,3% du portefeuille, en décembre 1979. Est-ce que cette politique va créer un changement dans le pourcentage des actions? Quand? Combien?

M. Parizeau: Je crois, sauf erreur, M. le Président, mais je ne peux pas me tromper de beau- coup plus que 1 ou 2 points de pourcentage, que la caisse est déjà montée jusqu'à 17%.

M. Scowen: 16,7%.

M. Parizeau: Oui. Dans ces conditions et à cause des difficultés que j'expliquais tout à l'heure, au fur et à mesure que les ressources de la caisse augmentent considérablement, de se maintenir à un pourcentage comme celui-là, le genre de... Parmi tous ceux qui ont accompagné la caisse pendant bien des années, l'idée d'aller à 15% au moins, sinon davantage, ne paraissait pas déraisonnable. Mais le problème s'est toujours posé d'être capable d'y arriver. (23 h 15)

M. Scowen: J'espère que vous appréciez, M. le Président, comment les réponses sont insatisfaisantes quant à la grandeur du problème, l'ambiguïté des communiqués de presse, les difficultés à avoir des chiffres, les difficultés à avoir une définition plus précise des expressions très vagues qui se trouvent dans ce document. J'espère que vous comprenez pourquoi nous exigeons que ce soit clarifié dans un document beaucoup plus important que celui-ci.

Le Président (M. Bordeleau): M. le député, votre question, vous me la posez comme président?

M. Scowen: Oui, oui, je parle toujours au président.

Le Président (M. Bordeleau): Je n'ai pas à apprécier; j'ai à donner le droit de parole, comme je fais pour vous actuellement. Alors, si le ministre veut répondre quand même, je vais lui laisser le droit de répondre.

M. Parizeau: Alors, je peux répondre quand même.

M. Scowen: Je parle au ministre, mais...

M. Parizeau: M. le Président, je signale simplement que, lorsque le député dit "ce document", au journal des Débats on va penser qu'effectivement c'est un document très copieux qu'il agite comme ça. C'est un communiqué de presse... Une Voix: Trois pages.

M. Parizeau: ... qui s'appuie, je veux dire qui est fait sur la base du rapport annuel.

M. Scowen: Oui.

M Parizeau: Evidemment, si le communiqué de presse avait été plus concis, ce serait plus précis encore. Seulement, je ne comprends pas pourquoi des gens, à la fois de notre sérieux et de notre âge, doivent s'occuper de communiqués de presse quand on a le vrai document devant nous. Je ne comprends pas!

Le Président (M. Bordeleau): Oui, M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: Si mon collègue me le permet, je ne comprends pas ce qui pousse le ministre des Finances à se livrer interminablement à ce jeu du chat et de la souris. Il a, lui-même, fait lecture d'un texte qui est contenu dans le rapport annuel de la Caisse de dépôt, où, sans faire d'interprétation, on lit clairement: "Jusqu'à maintenant, les objectifs de la régie ont été tels et tels... Désormais, nous allons tenter de etc." Mon collègue de Notre-Dame-de-Grâce dit que ce document avoue le désir de la Caisse de dépôt de modifier ses orientations. Le ministre des Finances nous dit combien il a été difficile, dans le passé, de réaliser des objectifs comme ceux-là. On peut lire à travers les lignes du communiqué, de la déclaration et des quelques réponses, qu'on va chercher à utiliser des moyens nouveaux, inédits, dans une certaine mesure au moins. Il s'agit d'une somme de $10 000 000 000, la seule somme de $10 000 000 000 est-il permis de le dire, que le secteur public, au Québec, contrôle. En quoi est-il devenu indécent de poser à l'Assemblée nationale la question suivante: Comment ce gouvernement-ci, dans sa sagesse, ou le conseil d'administration de la Caisse de dépôt et placement, dans sa sagesse à lui aussi, vont-ils s'y prendre pour réaliser des objectifs qui, je le veux bien, sont là depuis quinze ans, mais qui, semble-t-il, n'ont pas été atteints puisque la caisse elle-même le déplore? On amaintenant l'intention de viser, avec plus de détermination qu'avant, le Québec dont on ne se serait jamais occupé, présumément, dans le passé. Maintenant, on va s'en occuper à la Caisse de dépôt. C'est une affirmation, en soi, qui dépasse peut-être un peu... C'est l'imagination créatrice du rédacteur, peut-être, qui a fait rédiger cela. Peut-être qu'on nous dira: Cela n'a aucun sens, ce sont des balivernes, même des stupidités. On ne voulait pas vraiment dire cela. On s'est trompé. On a laissé croire des choses qui n'étaient pas du tout dans notre intention, mais, bon Dieu, enfin, qu'on nous dise quelque chose qu'on peut comprendre!

Il s'agit d'une somme de $10 000 000 000 qu'on veut orienter, d'un actif considérable qui s'accroît, d'ailleurs, à un rythme assez intéressant. On veut l'orienter d'une autre façon. On est d'accord, qu'il y a des problèmes. Mais comment s'y prendre? Quelles sont les implications? Est-ce qu'il y a des choix? Lesquels? Pourquoi les prend-on de préférence à d'autres? Il me semble qu'il n'y a rien d'indécent dans des questions comme celles-là. Pourquoi faut-il prendre une heure, ne serait-ce que pour poser la question, et pour se faire dire finalement: Bien non, il n'y a rien là, on a toujours fait cela. Cela a toujours été dans les textes. Voyez-vous, en 1965, c'est ce qu'on avait prévu. Tout cela va découler d'une inspiration originale. On n'a pas vraiment besoin de poser des questions. Quelle est cette idée de poser des questions? Il s'agit seulement de $10 000 000 000. Ce n'est rien pour le Québec!

Evidemment, le ministre des Finances a l'occasion de jongler avec des chiffres beaucoup plus importants que ceux-là. Il en est rendu à $17 000 000 000 dans son budget annuel. Alors, il peut probablement trouver méprisantes des considérations aussi terre à terre que celles de $10 000 000 000 et la Caisse de dépôt. Mais, bon Dieu, c'est intéressant pour tout le monde! Tout le monde contribue à ce régime. Est-ce qu'il faudrait poser la question en chinois pour se faire répondre?

Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre.

M. Parizeau: M. le Président, si on ne m'interrompait pas, ça serait plus facile d'avoir des réponses.

M. Forget: Ah bon, c'est notre faute, excusez-nous.

M. Parizeau: Oui, effectivement, parce que j'en étais à déterminer le sens de cette limite de 15% à 17%. Vous voulez avoir des réponses précises? Bien, il ne faudrait pas que vous me coupiez la parole si vous voulez avoir des réponses précises. Je disais donc qu'on était monté à 17%, qu'on avait toujours eu l'idée parmi tous ceux qui ont accompagné la caisse depuis longtemps puisqu'on en revient aux objectifs originaux que la caisse cherche à mieux atteindre... C'est M. le député de Saint-Laurent lui-même qui disait ça. Donc, que 15% n'ont rien d'affolant, on a déjà atteint 17% et on est tombé à 11%. C'est à ce moment-là que l'interruption est venue, et alors là, il y a eu la scène du député de Saint-Laurent et tout ce qui s'ensuit.

Le fait de retourner, par exemple, de 11% à 17%, ce n'est pas $10 000 000 000 que ça implique. Non, on n'est pas rendu là. On est gros, mais pas à ce point-là. De passer de 11% à 17%, ça représente $600 000 000 de plus dans le portefeuille d'actions. $600 000 000 d'actions ordinaires, ça ne pleut pas. En fait, il y a très peu de portefeuilles au Canada qui ont comme stock total d'actions $600 000 000, d'actions ordinaires de compagnies.

Il ne faut pas se faire d'illusions. C'est un virage qui, un peu sur la lancée des blocs dont je parlais tout à l'heure, ne peut se faire que sur quelques années. Je ne vois vraiment pas, à l'heure actuelle, au Québec et même au Canada, $600 000 000 d'actions ordinaires qui soient faciles à placer. Il va falloir prendre le temps de le faire. Mais il est évident que de revenir à des pourcentages d'actions comme la caisse en a connu avant, de 15% ou 17%, c'est un virage par rapport à aujourd'hui. Cela n'a rien d'étonnant par rapport aux objectifs et ça va prendre un certain temps pour l'obtenir. La meilleure façon de l'obtenir, c'est peut-être encore par des blocs. Ce sont quand même des réponses précises.

Maintenant, le fait que le député de Saint-Laurent revienne sur la phrase en disant: Bien, on nous dit que maintenant on va s'occuper du Québec comme si on ne s'en n'était jamais occupé depuis quinze ans, ce n'est pas ça qui est écrit. Ce qui est écrit — c'est la troisième ou quatrième fois

que je le répète — c'est dans le nom de la Caisse de dépôt et placement du Québec, Québec est le mot le plus important. C'est pour maintenant que Québec est le mot le plus important. Ce n'est pas dorénavant que Québec sera le mot le plus important. C'est le genre de procès d'intention qu'on fait depuis des heures ici. Il ne faut pas s'étonner si, à certains moments, — comment dire — mon calme habituel me trahit un peu.

M. Scowen: Deux questions très précises, M. le ministre. Je vais vous poser les deux, vous pourrez y répondre après. Je pense que ce sera plus rapide pour vous. Il y a, premièrement, la possibilité non la réalité, d'investir dans des sociétés qui ont un record qui est bon comme par exemple Domtar. Il est question de probablement demander le droit de nommer les conseillers aux conseils d'administration. Je pense que c'est quelque chose qui est déjà fait. Si je me rappelle bien, dans le cas de Provigo, je pense que M. Marier siège déjà là. Probablement que vous allez demander un ou deux conseillers au conseil d'administration de Domtar à un moment donné.

M. Parizeau: C'est déjà fait, sauf erreur. Je pense qu'ils sont nommés.

M. Scowen: Voulez-vous préciser le rôle? Premièrement, est-ce que vous prévoyez que les personnes qui seront nommées seront les administrateurs des caisses ou peut-être d'autres personnes qui sont des représentants de caisses? Et, quel est le rôle précis que vous prévoyez pour ces personnes nommées par les caisses aux conseils d'administration de ces sociétés privées?

La deuxième question que je vous pose: Est-ce qu'il est question, à un moment donné, de demander à la caisse d'investir non pas dans les compagnies comme Domtar ou Provigo qui sont cotées à la Bourse, qui ont un record qui est peut-être approuvé par votre personnel comme étant un bon investissement, mais, de faire de nouveaux investissements dans les choses qui sont en train de démarrer comme Pétromont — je vais le prendre comme exemple — qui sont beaucoup plus incertaines mais qui sont liées avec les politiques économiques du Québec? Ou est-ce que vous avez l'intention de garder ces investissements pour la Société générale de financement, tenant compte du fait que l'incertitude qui entoure les nouvelles compagnies n'est pas quelque chose qui doit être lié à la caisse? Alors, les deux questions: le rôle des administrateurs, si vous avez l'intention d'en avoir pour les compagnies existantes et les politiques envers l'investissement dans les nouvelles entreprises.

M. Parizeau: Là, je peux vous annoncer la nomination du représentant de la caisse à Domtar. Cela se situe très mal — je vous signale tout de suite — dans le genre de conversation que nous avons eue depuis quelques heures. C'est Me Yves Pratte.

M. Scowen: Eric Kierans?

M. Parizeau: Non, ce n'est pas Eric Kierans! Ha! Ha! Ha! Je suppose qu'il n'a pas d'objection particulière.

Une Voix: Ni l'un, ni l'autre!

M. Parizeau: Revenons à des choses plus sérieuses. Je mettrais cela entre parenthèses, non pas parce que Me Yves Pratte n'est pas un homme sérieux, mais parce que c'était simplement une petite taquinerie que je me payais. Je pense que les représentants de la caisse au conseil d'administration ne pourront jamais opérer autrement que comme tous les administrateurs dans un conseil d'administration, c'est d'abord dans l'intérêt des actionnaires. Il ne peut pas vraiment y avoir sur ce plan de divergences entre un administrateur de la caisse et un administrateur d'un groupe privé. Ils sont d'abord nommés là pour administrer la compagnie le mieux possible dans l'intérêt de leurs actionnaires. C'est le rôle fondamental de l'administrateur. Cela n'aurait pas, je crois, de sens de chercher à établir deux types de comportements: l'un qui serait celui de l'administrateur nommé par la caisse et l'autre qui serait l'administrateur nommé par un groupe privé. Je pense que cela ne serait pas raisonnable. Je raisonne un peu dans l'abstrait, parce que le problème ne s'est jamais posé, mais il pourrait se poser dans l'avenir. Ce que je dis là est un peu hypothétique, c'est un peu une situation que j'invente; mais imaginons, par exemple, une société dans laquelle la Caisse de dépôt et placement aurait une part importante des actions, et des administrateurs qui seraient nommés par elle, on imaginerait très mal qu'à un moment donné cette société puisse dire: Je déplace mon siège social à Toronto, et que les administrateurs de la caisse ne déchirent pas leurs vêtements et ne fassent pas un tapage de tous les diables. Evidemment, ils ne seront jamais majoritaires puisque de toute façon dans la Caisse de dépôt et placement la loi est précise là-dessus. Ils ne peuvent pas avoir plus que 30% des actions. Ce que je veux dire, c'est que sur le plan des réflexes, il ne faudrait pas s'étonner que les administrateurs de la caisse tout à coup, nommés à un conseil d'administration, déchirent leurs vêtements si jamais quelque chose comme cela se produisait. Il ne faudrait pas s'en étonner.

En ce qui a trait aux entreprises nouvelles...

M. Scowen: Est-ce que vous prévoyez que ces administrateurs auront également la responsabilité de surveiller le comportement de ces sociétés privées quant à leur responsabilité sociale? Est-ce que c'est possible que cette personne doive se percevoir comme étant le représentant du gouvernement du Québec à ces conseils d'administration, afin de s'assurer que toutes les lois sont respectées? Ce n'est pas surtout la rentabilité de la société, mais ses propres idées, ou les idées du gouvernement sur le comportement social d'une

société, qui est la raison principale de sa présence.

M. Parizeau: Ce serait probablement contraire à la lettre de la loi et sûrement contraire à son esprit, que des représentants de la Caisse de dépôt et placement dans un conseil d'administration se considèrent d'une façon ou de l'autre comme des représentants du gouvernement du Québec. Je pense que cela n'aurait aucun sens.

M. Scowen: C'est toute une affaire que vous lancez là.

M. Parizeau: Dans laquelle on est déjà lancé. Il ne faut pas se faire d'illusions, c'est une question de degré. La Caisse de dépôt et placement a été le deuxième plus gros actionnaire de Norcen à une certaine époque, cela a été le plus gros actionnaire de la Banque canadienne nationale. Il ne faut pas se faire d'illusions, c'est une situation qui diverge de degré, mais qui n'est pas nouvelle. Il ne faut pas s'imaginer qu'on invente quelque chose. Encore une fois, la Caisse de dépôt et placement — et d'une bonne marge — était le plus gros actionnaire de la Banque canadienne nationale, et cela depuis des années. Il n'y a rien de bien nouveau. On me pose une question de comportement. Je pense que cela a toujours été perçu comme cela par les gouvernements précédents, et cela l'est par le gouvernement actuel, que d'aucune espèce de façon un représentant de la Caisse de dépôt à un conseil d'administration ne peut se considérer comme un représentant du gouvernement ou parler au nom du gouvernement, ou avoir des responsabilités à l'égard du gouvernement. Les rapports entre les gens et entre les institutions deviendraient ininterprétables. Chacun son travail!

M. Scowen: J'accepte que ce ne soit pas nouveau, j'accepte que c'est une question de degré. Tout ce que je veux vous dire, c'est que c'est nouveau pour la caisse et ce n'est pas du tout quelque chose, quant à moi, qui est bien précisé. J'ai l'impression même que vous développez des idées et des politiques là-dessus pendant que vous parlez ce soir. Vous n'utilisez pas les documents sur lesquels on s'est penché pour régler cette question. (23 h 30)

C'est simplement un exemple de la raison pour laquelle je trouve que cela doit être beaucoup plus pondéré dans une commission parlementaire, avant qu'on se lance davantage dans ces affaires.

M. Parizeau: M. le Président, ce ne sont pas des idées que j'élabore au fur et à mesure que je parle. Je rappelle au député de Notre-Dame-de-Grâce que j'ai été quatre ans au conseil d'administration de cette institution. On y a un peu songé. On n'a pas attendu aujourd'hui pour se poser un certain nombre de ces questions.

La première fois, je crois, et sauf erreur, que la question s'est posée, cela devait être au moment de la nomination de... à Cablevision comme membre du conseil d'administration. C'est la première fois que la Caisse de dépôt a nommé, en 1971, un représentant. C'est en 1971 que le premier représentant de la caisse, à un conseil d'administration, a été nommé. Alors, vous comprenez, ce n'est pas exactement nouveau. Je n'établis pas des principes. Je comprends que le député voudrait avoir une commission parlementaire et il est obligé de trouver du nouveau à tout prix. Mais, vraiment, des affaires qui ont neuf ans d'âge, ce n'est pas exactement nouveau!

M. Scowen: Ce n'est pas un problème qu'on vient de trouver, c'est partout!

M. Parizeau: Ceci étant dit, je reviens à la question qu'il posait sur les nouvelles entreprises. Sur les nouvelles entreprises, ce ne sont pas des intentions qui limitent l'activité de la caisse, c'est la loi. Les pouvoirs de placement de la caisse comportent, pour toute entreprise qui n'a pas cinq ans... Est-ce que 4% de rendement sur ses actions ordinaires pendant cinq ans ou bien 5%pendant quatre ans? Donc, ce sont 4% pendant cinq ans. Bon! Pourtouteentreprisequi n'a paseu4%de rendement sur ses actions pendant cinq années, ce titre est considéré comme un titre de "basket clause".

Sur le plan du "basket clause", la Caisse de dépôt a des pouvoirs un peu analogues à ceux d'une compagnie d'assurance-vie. Alors, dans ce sens, il n'y a pas de raison que la Caisse de dépôt prenne ni plus ni moins de risques avec des entreprises nouvelles qu'une compagnie d'assurance-vie montante.

En fait, la législation applicable à la Caisse de dépôt est à peu près identique — c'est à peu près identique, n'est-ce pas, 7%? — au pouvoir d'une compagnie d'assurance-vie. Mais je pense que la loi fédérale élargit un peu les pouvoirs du "basket clause" depuis quelques années. Je ne suis pas certain.

En tout cas, si les pouvoirs de la caisse, quant au "basket clause", à l'heure actuelle, sont comparables à ceux qu'une compagnie d'assurance-vie et qu'il y a des divergences, c'est plutôt que la caisse a un peu moins de pouvoirs que les compagnies d'assurance-vie elles-mêmes. Dans ce sens-là, la caisse a été traitée comme une institution financière tout à fait analogue à celles qui administrent les épargnes des particuliers, dans un autre contexte, c'est-à-dire l'assurance plutôt que la pension.

Le Président (M. Bordeleau): M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: M. le Président, dans l'effort pour trouver des blocs significatifs, est-ce qu'il est plausible que la caisse aille explorer un peu plus largement ou jette son filet de pêche, si on veut, dans des eaux plus nouvelles? Le ministre des Finances a attiré l'attention sur l'exiguïté du marché canadien et même à plusieurs égards, pas seulement sur le plan de l'impact sur les marchés, mais aussi sur l'exiguïté de certains segments

comme l'entreprise autochtone, si l'on veut, ou la moyenne entreprise. Dans ce cas-là, est-ce qu'il est concevable, parmi les nouvelles orientations, si on veut ramener le pourcentage de 11% à 15% ou 16%, qu'on aille chercher un peu plus largement et est-ce qu'il y a des directions particulières qui retiennent l'attention ou qui sont susceptibles de retenir l'attention de la caisse?

M. Parizeau: Je suis inapte à répondre là-dessus. Je pense que c'est le conseil d'administration de la caisse qui doit déterminer cela. Peut-être que M. Campeau aurait quelques mots. Voulez-vous vous prononcer là-dessus, pour le moment? Non? C'est vraiment le conseil d'administration de la caisse qui a à déterminer sa politique interne quant à des mouvements comme ceux-là.

M. Forget: Si la caisse décidait de devenir un actionnaire significatif d'une multinationale, par exemple, pour des raisons qui peuvent n'avoir rien à faire directement avec les activités de cette société au Québec, mais a cause de l'impact indirect que ça pourrait avoir. Le gouvernement, si je comprends bien, n'aurait donc aucune espèce d'objection si, par ailleurs, il s'agit là d'un placement rentable.

M. Parizeau: Je pense que le gouvernement ici doit s'astreindre à cette discipline, prévue par la loi, d'ailleurs, qui fait que le conseil d'administration prend des décisions de cet ordre dans le meilleur intérêt de la caisse et, d'autre part, dans les perspectives — comment dire — que M. Lesage appelait en 1965 la politique économique générale du gouvernement et dont il disait, d'ailleurs, que c'est au conseil d'administration et au président de la caisse de se coordonner. Donc, ce n'est pas le gouvernement. Le gouvernement n'a pas à donner d'indication à la caisse ou à chercher à guider son action. Le conseil d'administration a, manifestement dans ses fonctions, de se renseigner sur ce qu'est la politique économique générale et, d'autre part, de faire en sorte qu'il se coordonne correctement avec le président de la caisse quant aux gestes à poser. Mais le gouvernement n'a pas à intervenir pour interpréter des politiques spécifiques. Ce n'est pas son rôle. Et on se fie essentiellement au conseil d'administration de la caisse pour saisir, justement, ces questions de politique économique et être capable, à un moment donné, d'interpréter un placement en se disant: C'est dans l'intérêt des actionnaires, ça semble s'inscrire dans la perception que nous avons de la politique économique générale et, dans ces conditions, nous le ferons. Ou encore, ça semblerait un placement intéressant, mais ce n'est manifestement pas dans l'intérêt de la politique économique générale telle que nous la percevons au conseil d'administration, alors on ne le fait pas. Mais c'est à eux de décider.

M. Forget: M. le Président, c'est bien sûr la réponse traditionnelle dans le cas de la Caisse de dépôt et placement et on se rend compte tout de suite que, lorsqu'on fait allusion à des interprétations de la politique économique générale, on tombe dans un large domaine où la subjectivité a large place. Sur le plan de la transparence, surtout lorsqu'il s'agit d'orientation nouvelle, ce genre de réponse n'est peut-être pas entièrement satisfaisant en 1980. Je ne me prononcerai pas sur ce qu'on pouvait en penser en 1965, mais il reste que, quand on regarde la composition du conseil d'administration il y a quand même une abondance particulière de personnes qui ne sont pas entièrement autonomes ou indépendantes face au gouvernement. Il s'agit de sous-ministres, directeurs, présidents-directeurs généraux de différents organismes gouvernementaux; il y a là-dedans des gens qui sont dans l'orbite gouvernementale, très évidemment. Il y a une minorité de gens — je pense qu'il s'agit d'une minorité; sous réserve d'une vérification, mais je pense que c'est une minorité effectivement — qui sont véritablement autonomes. Alors, c'est une interprétation qui risque fort d'être guidée si le gouvernement en sent le besoin.

Est-ce qu'il ne serait pas préférable à ce moment-là, quand il y a des orientations nouvelles qui se dessinent et quand surtout ces orientations portent sur des points majeurs sur pratiquement non pas l'interprétation des grands objectifs historiques de la caisse, mais sur des moyens d'action ou des stratégies qui marquent un départ ou une brisure ou qui risquent de marquer une brisure importante avec le passé, que ça fasse l'objet de quelque chose d'un petit peu plus officiel, d'un petit peu plus formel et d'un peu plus public à cause de ça? Particulièrement, si on nous annonce des changements — et je reviens à la suggestion de mon collègue — avec toutes les meilleures raisons du monde — on ne fait pas de procès d'intention — il reste que, s'il est dévié pour avoir des changements, ce n'est pas tout à fait rassurant de dire: Bien oui, mais il y a le sous-ministre des Finances, le président de la Régie des rentes, le trésorier d'Hyro-Québec, et comme ça, le président-directeur général du Centre de recherche industrielle du Québec. Bon, tous ces gens, bien sûr, sont bien intentionnés, mais, encore une fois, ils risquent d'être influencés dans leur jugement sur des aspects importants, majeurs, parce qu'ils croient ce que le gouvernement en pense. Or, ce n'est peut-être pas ce que le public en penserait s'il avait l'occasion d'être saisi des faits pertinents.

M. Parizeau: M. le Président, trois des personnes auxquelles le député de Saint-Laurent fait allusion n'ont pas de droit de vote et une des raisons pour lesquelles elles n'ont pas le droit de vote, c'est justement pour qu'elles ne puissent pas, à l'occasion de décisions importantes, jouer sur la décision du conseil d'administration. A l'occasion de la révision de la loi de la Caisse de dépôt — ça ne fait pas si longtemps qu'on l'a révisée — on aurait pu leur redonner le droit de vote. On a aboli le droit de vote. On a continué à les laisser sans droit de vote pour toute une série de raisons, dont une est spécifiquement celle que mentionnait le député de Saint-Laurent.

Deuxièmement, le présent gouvernement a ajouté deux postes totalement indépendants du secteur public, deux postes qui représentent le milieu des affaires. En fait, le nombre de représentants du milieu des affaires, grâce à ces changements que nous avons apportés à la loi justement pour établir encore un peu plus de distance, est passé de deux à quatre, a doublé. C'est, encore une fois, nous qui avons fait cela, il n'y a pas longtemps, il n'y a pas un an et demi, pour faire en sorte que des aens qui n'ont rigoureusement rien à avoir avec le secteur gouvernemental puissent avoir un oeil neuf sur ce genre de décision.

Encore une fois, d'une part, en enlevant le droit de vote au sous-ministre des Finances, au trésorier d'Hydro-Québec et au président de la Commission municipale de Québec, en leur refusant le droit de vote et au augmentant le nombre de représentants des milieux d'affaires, nous avons l'impression psychologiquement de distendre la caisse plutôt que de la rapprocher du secteur public. A l'heure actuelle, et pour la première fois, le nombre des autonomes dépasse le nombre des fonctionnaires du secteur public à la caisse. Ils sont cinq contre quatre. J'enlève ceux qui n'ont pas le droit de vote. C'est la première fois que ça se produit et c'est un changement que nous avons apporté après quinze ans. La loi n'avait pas été changée à cet égard. C'est un changement que nous avons apporté il y a un an et demi.

M. Forget: A ce moment, tout dépend du mécanisme de nomination. C'est vrai. Alors, l'explication donnée par le ministre des Finances est rigoureusement exacte, mais son importance pratique dépend strictement de la façon dont les nominations sont faites, des inclinaisons naturelles ou des suggestions auxquelles les gens qui sont nommés sont plus susceptibles que d'autres. Là-dessus, évidemment, il y a discrétion complète de la part du gouvernement. Donc, on revient, dans le fond, par un détour, à la situation où ces gens, une fois nommés — ils sont nommés, rappelons-le-nous, par le gouvernement — sont dans un climat de discussions et de travail où, bien sûr, certains fonctionnaires n'ont pas le droit de vote, mais ils participent, malgré tout, aux travaux du conseil d'administration et ils sont, eux-mêmes, choisis par le gouvernement. Donc, ils sont dans une situation propice pour être réceptifs. Cela ne diminue en rien l'à-propos — du moins, c'est mon opinion — des remarques que je faisais tout à l'heure.

La question que je posais tout à l'heure: Ne serait-il pas plus sage, dans ce contexte, soit de procéder par une voie d'orientations un peu plus formelles, lorsque véritablement des virages sont amorcés ou, alors, d'entourer le mécanisme de nomination d'une procédure telle que l'on puisse connaître, au moment des nominations, les orientations, la façon dont les gens qui sont nommés envisagent les choses, quel genre de philosophie ils se font de l'intervention possible d'un organisme comme la Caisse de dépôt dans le dévelop- pement économique du Québec, pour ne mentionner que cet aspect? (23 h 45)

M. Parizeau: Nous sommes le quatrième gouvernement à nommer des gens à des postes du conseil d'administration de la Caisse de dépôt. Nous avons essayé d'être aussi sages que ceux qui nous ont précédés, aussi responsables. Mais nous occupons le pouvoir à l'heure actuelle et on essaie de l'exercer le mieux possible. J'imagine que le député de Saint-Laurent, durant les années qu'il a passées au pouvoir, considérait le gouvernement auquel il appartenait comme étant à peu près responsable. J'ai l'honneur de considérer que j'appartiens à un gouvernement qui se considère comme étant au moins aussi responsable.

Bien sûr, à la Caisse de dépôt, comme à un certain nombre d'autres organismes, nous avons, chaque fois que des vacances se présentent, ou bien à prolonger un mandat ou bien à nommer d'autres personnes. Il y a quelques centaines de postes peut-être, dans l'ensemble du secteur public, où ça se produit. Le gouvernement, au moment où il est au pouvoir, doit nommer des gens à des postes; il l'a fait le mieux possible et de la façon la plus responsable possible. C'est une règle de base du fonctionnement non pas seulement de la Caisse de dépôt, mais de l'ensemble des institutions que nous administrons comme gouvernement.

Je pense qu'on aurait tort de penser — je pense que ce serait tout à fait injuste — qu'à cet égard un conseil d'administration a une sorte de préjugé défavorable en partant parce qu'il est nommé par un gouvernement. Notre régime politique fonctionne de cette façon; le gouvernement a un certain nombre de postes à pourvoir et il le fait. Le fait que, de temps à autre, il y ait des démissions fracassantes comme celle de M. Kierans, ça indique qu'on ne pratique pas couramment — pas plus pour des organismes comme ceux-là, d'ailleurs, que les gouvernements qui nous ont précédés — une sorte de partisanerie idiote dans les nominations. Je pense que ça n'a pas été vrai de ceux qui nous ont précédés et que ce n'est pas vrai du gouvernement actuel, non plus.

Je voudrais simplement revenir — parce que l'heure avance — sur une chose qu'énonçait le député de Saint-Laurent — et, là encore, je pense qu'il exagère par rapport à ce que je cherchais à dire tout à l'heure — c'est que je ne vois pas, à l'heure actuelle, dans les orientations que prend la caisse, une brisure ou un changement radical. Bien sûr, si la Caisse de dépôt, il y a dix ans par exemple, avait eu 3% de son actif en actions et que, il y a cinq ans, cela avait été de 6% ou 7% ou que nous étions aujourd'hui à 11% et qu'on décidait de monter à 25%, là on dirait: Oui, effectivement, ça commence à être un virage relativement impressionnant. Pendant des années et des années, vous avez été à un niveau très faible et là, vous êtes en train de prendre un virage considérable.

Mais, tel qu'on l'expliquait tout à l'heure, ce n'est pas ça. En fait, proportionnellement à la taille de son actif total, la Caisse de dépôt a été, dans le

passé, plus active sur le plan des actions qu'elle ne l'a été dans son histoire récente. Donc, avant même qu'on puisse parler de virage, il y a une question simplement de retour à des proportions et à une place relative qui étaient bien connues il y a quelques années.

Le Président (M. Bordeleau): M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Scowen: M. le Président, l'heure avance et je veux simplement dire deux ou trois mots en terminant. J'ai essayé, au cours des dernières minutes, de réfléchir un peu sur ce qui est arrivé aujourd'hui, parce que je reste aussi inquiet que je l'étais ce matin et même plus. Je pense que la façon la plus claire de l'expliquer, c'est de dire avec tout le respect du monde que je pense que vous et votre président vous êtes trompés quand vous avez dit que le mot "Québec" est le mot le plus important dans le titre de cette société. Nous sommes tous des Québécois et nous avons travaillé, depuis longtemps, pour le Québec. Nous sommes à l'Assemblée nationale du Québec et le mot le plus important c'est "Assemblée nationale"; le mot le plus important dans Radio-Québec, c'est "Radio"; le mot le plus important dans Loto-Québec, c'est "Loto". Nous sommes tous Québécois, ce sont toutes des sociétés québécoises, nous pouvons prendre pour acquis que c'est québécois.

L'expression la plus importante dans Caisse de dépôt et placement du Québec, c'est "Caisse de dépôt et placement". Elle n'est pas ici pour faire des loteries, elle n'est pas ici pour faire de la radio et elle n'est pas ici pour faire le développement industriel. Ce n'est pas une société générale de financement; c'est une Caisse de dépôt et placement qui a été créée avec des buts très spécifiques et surtout pour garder et améliorer le sort des rentiers, les contributions et l'épargne des Québécois.

On a passé, cet après-midi, à travers les questions sur les administrateurs, M. Cazavan, la nomination de M. Campeau, le premier fonctionnaire qui est venu directement à titre de président, des rumeurs d'autres démissions, la question de M. Kierans, le taux de faveur et le Heritage Fund, le financement du déficit du gouvernement, la nouvelle politique et finalement le refus du ministre devant tous ces problèmes qui sont soulevés non seulement par nous, mais qui ont été soulevés en Chambre et amplement dans les journaux et qui seront répétés à maintes reprises jusqu'à ce que ce problème soit réglé.

Mon impression, après tout cela, M. le Président, c'est que nous sommes témoins d'une politisation importante d'une société qui est depuis longtemps connue dans le monde entier et surtout au Québec pour son indépendance et qui agit quand même pour le bien-être des Québécois dans un domaine spécifique. J'ai une grande peur — et je vais continuer de le répéter — avec cette politisation —je ne dis pas que c'est quelque chose qui est fait d'une façon radicale, mais c'est fait d'une façon systématique — que cette société soit en train de perdre l'indépendance dont elle a joui depuis longtemps. On est en train de diminuer la crédibilité de cette société. On est en train de permettre beaucoup d'autres interventions politiques, par vous, par les gouvernements qui vous succéderont. On est en train de politiser un instrument du gouvernement qui, pour de très bonnes raisons, a été créé d'une façon très indépendante et qui est resté indépendant depuis maintenant quinze ans sous plusieurs gouvernements dont plusieurs n'étaient pas libéraux.

Nous ne sommes pas satisfaits. La partie la plus importante du nom de cette société est Caisse de dépôt et placement. Cela a été créé pour ces fins. Ce n'est pas nécessaire de répéter qu'on est québécois; nous sommes tous québécois. C'est la mission de cette société qui est importante. Et même si vous avez prétendu que ce n'est pas, pour le moment, l'intention du gouvernement de changer radicalement la mission de cette société, il est clair qu'il y a quelques indications que des changements sont en train de se produire. Et même plus important, quant à moi, la façon dont vous avez procédé dans tous les événements que j'ai décrits a pour effet de permettre d'autres interventions plus facilement parce que le mur est maintenant brisé et d'une façon assez brutale.

J'espère que vous pouvez nous donner au moins cette satisfaction ce soir. J'espère que vous pouvez accepter, d'ici la fin de la session, de permettre à la société même — si on s'est trompé, tant mieux — de se présenter devant l'Assemblée nationale avec une explication écrite, claire sur les questions qu'on a soulevées aujourd'hui et dont les réponses restent très, très, très floues. Je vous remercie.

M. Parizeau: M. le Président, les observations du député de Notre-Dame-de-Grâce sur le sens de l'appellation Québec, je ne veux pas en discuter; je trouve ça très triste, infiniment triste qu'il réagisse de cette façon et je n'en dirai pas plus.

La politisation de la Caisse de dépôt et placement, non, ce n'est pas vrai, pas de notre point de vue en tout cas et pas par ce que nous faisons. Le rôle de la caisse et l'autorité morale de la caisse viennent, au fond, de sa performance et nous avons pris les mesures nécessaires pour que cette performance de la caisse, qui est déjà reconnue comme une des plus brillantes parmi les institutions financières du même genre au Canada, se poursuive et, si possible, s'accélère et s'améliore.

Oui, on a politisé, on cherche à politiser, depuis quelque temps, un certain nombre d'aspects de la caisse. Nous avons assisté, effectivement, aujourd'hui, à une longue politisation de la caisse et de son rôle. A cet égard, le député de Notre-Dame-de-Grâce aura joué un rôle de premier plan. Je le lui concède. J'ai essayé à travers tout cela de prendre à la fois ses observations, ses diagnostics et ses analyses un à un. En dépit de ce que disait le député de Saint-Laurent — qui est arrivé un peu tard — je les ai pris systémati-

quement un à un. Que l'on veuille prêter des intentions, comme on a prêté des intentions une bonne partie de la journée, que l'on essaie d'insinuer des choses, oui, on peut politiser une situation en procédant de cette façon.

Nous, depuis que nous sommes au pouvoir, à l'égard de la caisse, nous avons essayé, et je pense, réussi à lui laisser jouer le rôle que la loi prévoit et qui s'est avéré tellement utile pour les Québécois depuis qu'elle existe. Je pense que le gouvernement actuel, à cet égard, a agi avec le même degré de responsabilité que les gouvernements qui l'ont précédé avaient agi. Je pense que tous les gouvernements qui ont présidé aux destinées de la caisse depuis le début ont eu ce sens de ne pas jouer un rôle abusif et de rester à l'intérieur des paramètres de cette loi — et en particulier de l'explication qu'en avait donnée le premier ministre du temps — de la Caisse de dépôt et placement qu'il l'avait créée il y a quinze ans. Ce n'est pas par hasard que je suis revenu au discours de deuxième lecture de M. Lesage parce qu'au fond, chaque fois qu'on a eu à discuter à l'intérieur même de la caisse de son orientation, très souvent ceux-là même qui la dirigeaient retournaient à ce document en disant: Est-ce que nous sommes encore dans les paramètres que le législateur avait établis? Ce que j'ai essayé de démontrer, M. le .Président, c'est que ce gouver- nement est aussi resté à l'intérieur des mêmes paramètres.

Merci, M. le Président.

Le Président (M. Bordeleau): Je constate qu'il est maintenant minuit. Est-ce que je peux comprendre que cela clôt le débat sur la discussion qui concerne la Caisse de dépôt et placement et qu'on pourrait entreprendre demain matin les crédits comme tels, en commençant par ceux du Conseil du trésor? Cela irait?

M. Parizeau: Est-ce que je pourrais demander qu'on commence demain matin par Finances et ensuite Conseil du trésor? Ce serait plus facile pour la séance du Conseil du trésor dans la journée.

Le Président (M. Bordeleau): Absolument. Nous commencerons donc demain matin avec les crédits des Finances et pour ce soir...

Une Voix: C'est à dix heures demain?

Le Président (M. Bordeleau): Oui. La commission ajourne ses travaux à demain matin, 10 heures.

Fin de la séance à 23 h 59

Document(s) associé(s) à la séance