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Etude des crédits du ministère des
Finances
(Quinze heures dix minutes)
Le Président (M. Boucher): A l'ordre, s'il vous
plaît!
La commission permanente des finances et des comptes publics est
réunie pour étudier les crédits du ministère des
Finances pour l'année 1980-1981.
Les membres de la commission sont: M. Desbiens (Dubuc), M. Goulet
(Bellechasse), M. Grégoire (Frontenac), M. Laplante (Bourassa), M.
Michaud (Laprairie), M. Parizeau (L'Assomption), M. Ouellette (Beauce-Nord)
remplace M. Perron (Duplessis); M. Forget (Saint-Laurent), M. Scowen
(Notre-Dame-de-Grâce).
Les intervenants sont: M. Baril (Arthabaska), M. Brassard
(Lac-Saint-Jean), M. Ciaccia (Mont-Royal), M. Cordeau (Saint-Hyacinthe), M.
Fallu (Terrebonne), M. Giasson (Montmagny-L'Islet), M. Laberge (Jeanne-Mance),
M. Martel (Richelieu), M. Samson (Rouyn-Noranda).
Y a-t-il un rapporteur?
M. Michaud: Je proposerais M. Desbiens (Dubuc).
Le Président (M. Boucher): M. Desbiens (Dubuc) est
nommé rapporteur de cette commission.
M. le ministre, pour les commentaires préliminaires.
M. Parizeau: M. le Président, plutôt que des
commentaires préliminaires, je souhaiterais, s'il était possible,
qu'on s'entende sur l'ordre dans lequel nous allons examiner les
crédits, parce qu'il y a un certain nombre de contraintes d'horaires que
j'aimerais expliquera mes collègues, de façon qu'on puisse voir
si on peut s'entendre sur l'ordre dans lequel nous allons étudier les
crédits.
Nous avons examiné, d'une part, les crédits du
ministère des Finances et, d'autre part, les créditsdu
Trésor; en outre, j'ai demandé au président de
Loto-Québec et au président de la Caisse de dépôt et
placement, comme je le fais chaque année, d'être ici. De la
même façon, j'ai demandé au curateur public, dont le poste
apparaît dans les crédits, mais qui a, si on peut dire, un
rôle un peu distinct de la fonction publique habituelle, d'être ici
aussi.
Les contraintes de temps que j'ai sont les suivantes: M. Jean-Marc
Lafaille, président de Loto-Québec et vice-président de la
National Association of State Lotteries, participe, aujourd'hui et demain,
à un congrès qui se tient à Cleveland, dans l'Ohio; si
c'était possible, je pense que ce serait utile qu'il puisse partir
à 17 h 15 et ne pas rater complètement ce congrès. Je
suggérerais, s'il n'y a pas d'objection, que nous commencions par
Loto-Québec.
Après cela, on pourrait peut-être passer à la
Curatelle publique qui a toujours été, traditionnellement,
examinée à part. J'attends le curateur d'une minute à
l'autre. Ensuite, puisque nous sommes déjà engagés dans
les sociétés d'Etat ou les organismes comme ceux-là, on
pourrait commencer l'étude des crédits de la Caisse de
dépôt et placement.
Ce soir, je souhaiterais, si c'est possible, qu'à partir de 20
heures on commence les crédits du Conseil du trésor pour la
raison suivante, de façon que le personnel du Conseil du trésor
puisse être libéré pour la séance de mardi.
Le Conseil du trésor siège toujours le mardi. S'il fallait
qu'on bloque tout ce monde-là demain, on serait obligé de
reporter toute la mécanique de 24 ou de 48 heures. Or, comme on le sait,
le Conseil du trésor doit siéger mardi pour le Conseil des
ministres du mercredi et il serait, si c'est possible, je pense, utile qu'on
passe au Conseil du trésor ce soir.
Si nous terminions cela avant minuit, nous pourrions continuer sur la
Caisse de Dépôt et Placement. Et, alors, ce serait une fois qu'on
aura passé tout cela, que l'on aborderait les crédits du
ministère des Finances, par exemple, demain ou tard ce soir, selon la
façon dont ça tourne. Je vais demander à M. le
Président si mes collègues accepteraient cet ordre du jour.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Notre-Dame-de-Grâce et M. le député de Bellechasse, est-ce
qu'il y a accord pour suivre cet ordre d'étude des crédits?
M. Scowen: M. le Président, on est d'accord pour commencer
avec Loto-Québec et la Curatelle, mais j'aurais
préféré, une fois l'étude de la question de la
caisse commencée, qu'on puisse la terminer avant de commencer les autres
sujets, pour deux raisons. La première, c'est que je pense que c'est un
sujet qui est un peu plus dans l'actualité que les autres et qu'il faut,
quant à moi, suivre une certaine ligne de pensée jusqu'au bout.
De plus, c'est la première fois que je fais les crédits des
Finances, et je suis habitué de recevoir une documentation des autres
ministères, avant que l'étude des crédits soit
engagée, pour nous permettre d'étudier d'une façon
complète les crédits et poser des questions intelligentes. A
quinze heures cet après-midi, je n'avais rien reçu, soit sur le
Conseil du trésor, soit sur le ministère des Finances et un
adjoint du ministre m'a dit qu'il y avait quelque chose, que c'était en
route. (15 h 15)
En tenant compte des circonstances, ce serait apprécié si
on pouvait avoir au moins une journée, au moins quelques heures pour
l'étudier. Je pense que la courtoisie élémentaire exige
que nous ayons au moins quelques heures, sinon quelques jours pour
étudier ces questions. Dans le cas de Loto-Québec et de la
caisse, nous avons au moins les rapports annuels et certains documents. Mais,
pour les autres, on attend encore. Alors, si c'était possible qu'on
puisse faire Loto-Québec, comme le propose le ministre, la Curatelle et
ensuite passer à la caisse, jusqu'à ce que ce soit
terminé, je l'apprécierais.
M. Parizeau: Bon, parfait, M. le Président.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Bellechasse.
M. Goulet: M. le Président, j'avais quelques propos
préliminaires à faire. Je peux les garder avant de commencer
l'étude du chapitre ou nous parlerons de la Caisse de dépôt
et placement. Quant à moi, Loto-Québec, ça va être
très court et la Curatelle publique également. On peut se
libérer de ça immédiatement, M. le Président; je
n'ai pas d'objections. En ce qui concerne la Curatelle, je n'ai pas de
questions et je n'aurais qu'une question sur Loto-Québec.
Le Président (M. Boucher): Merci, M. le
député de Bellechasse. Comme il y a accord pour que l'on commence
immédiatement par Loto-Québec, la parole est à vous, M. le
ministre.
Loto-Québec
M. Parizeau: M. le Président, Loto-Québec, comme on
le sait, est une des entreprises gouvernementales à qui on ne peut
reprocher de ne pas faire d'argent. Nous avons modifié un peu, depuis la
dernière fois que nous nous sommes vus sur Loto-Québec,
l'organisation du conseil d'administration de Loto-Québec qui a
été élargi. D'autre part, le personnel de
Loto-Québec a fonctionné dans le cadre de ce nouveau
règlement et non plus dans le cadre de la fonction publique. Le
troisième élément majeur qui a marqué
l'année en cours ou l'année qui se termine, c'est que Loto-Canada
s'est retirée du champ des lotos, si bien que Loto-Québec n'est
plus en concurrence avec Loto-Canada au Québec à l'heure
actuelle.
D'ailleurs, à la suite de ce retrait de Loto-Canada,
Loto-Québec a passé c'est presque concomitant comme
opération une entente avec les autres provinces du Canada, pour
le jeu qui s'appelle "la Provinciale", si bien qu'on ne peut pas dire que
Loto-Québec fonctionne seule. Elle exploite seule une série de
jeux au Québec et, d'autre part, un jeu interprovincial qui, encore une
fois, a accompagné le retrait de Loto-Canada du champ des loteries.
Comme on le sait, le nouveau gouvernement fédéral semble,
à l'heure actuelle, vouloir revenir sur cette entente et remettre en
marche une Loto-Canada, mais on doit dire que les renseignements à ce
sujet ne sont pas encore suffisamment précis pour qu'on puisse faire des
commentaires au stade où nous en sommes.
Quant au montant que le trésor public pense tirer en 1980-1981 de
Loto-Québec nous nous attendions, au début de cette année,
que ce soit environ $132 000 000, et tout indique que ce montant sera obtenu,
au point où nous en sommes.
Voilà à peu près ce que je voulais dire comme
première observation sur Loto-Québec, M. le Président.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Notre-Dame-de-Grâce.
M. Scowen: J'ai lu le rapport annuel pour l'exercice
terminé le 31 mars 1979, et il y a trois ou quatre questions que je veux
soulever. Premièrement, M. le ministre, vous avez constaté,
j'imagine, que les dépenses, le coût d'administration, de cette
société ont augmenté de 5% en 1978 à 8% en 1979.
Comme n'importe quelle compagnie, quand vous voyez une augmentation de 75% dans
un an dans le coût d'administration il faut se poser des questions.
Il y a quand même certaines explications dans le texte qui ne sont
pas rassurantes mais, je pense, qu'il vaut la peine au moins de vous demander
de dire si vous êtes satisfait de cette augmentation de $10 000 000
à $20 000 000 dans une seule année pour l'administration de cette
société, et de nous dire si de l'effectif a été
augmenté et, si oui, par combien parce que ce n'est pas à
Loto-Québec sûrement qu'on cherche à développer une
lourde bureaucratie?
La deuxième question que je veux soulever: dans le rapport, il y
avait une partie du texte qui s'appelait révolution des dépenses
" et le président était très préoccupé par
la concurrence qu'il n'aimait pas; il voulait que cela disparaisse. Si je
comprends bien, la concurrence dont il parlait était effectivement le
fédéral. Il a même promis que si quelqu'un pouvait rayer
cette concurrence de la scène, il pourrait réduire les
dépenses de publicité de moitié, cette année, de
3,6% à 2%.
Est-ce qu'on peut attendre maintenant que cette réduction soit
bientôt réalisée? Je pense qu'il a promis, si je comprends
bien... Il n'a pas parlé directement du fédéral, mais il a
parlé de la concurrence, en disant: Sans cette concurrence, ces
dépenses pourraient facilement se ramener à 2% du chiffre
d'affaires de la société. Est-ce que vous pensez vraiment qu'en
réduisant le chiffre d'affaires, même dû au simple fait que
la concurrence est éliminée, les ventes vont se maintenir?
La dernière question que je veux poser est simplement pour vous
rappeler que dans le rapport du Vérificateur général, il y
avait deux ou trois problèmes de soulevés. Le plus frappant,
c'est qu'il existe une possibilité d'avoir deux gagnants sur un
même numéro de billet pour la Mini-Loto et la Super-Loto. C'est
possible, en principe, pour deux personnes de gagner le million à cause
de certaines faiblesses du système. Je pense que cela a
été porté à l'attention de la population par le
Vérificateur général et que cela peut peut-être
augmenter la vente des billets pour une certaine période, mais pas
nécessairement la rentabilité de la société. Est-ce
que vous êtes en train de régler ce problème soulevé
à la page 226? Egalement, il y a les deux autres problèmes qui
sont soulevés par le Vérificateur général dans ses
constatations au numéro 2 de la page 225 et au numéro 4 de la
page 226 et qui sont d'ordre administratif. Je ne vais pas soulever les
détails, mais je pense certainement que le premier que j'ai
mentionné est intéressant et doit être
réglé.
Alors, ce sont mes trois questions, M. le Président: Les
coûts d'administration, la concurrence et le bonheur qui va nous arriver
à cause de l'élimination de cette concurrence et le rapport du
Vérificateur général.
Le Président (M. Boucher): Merci, M. le
député de Notre-Dame-de-Grâce. M. le ministre.
M. Parizeau: M. le Président, je pense que pour ce qui a
trait aux coûts, il s'agit davantage d'une question de reclassement des
comptes qu'autre chose. Je rappelle au député de
Notre-Dame-de-Grâce que la rémunération des grossistes,
dans l'état des revenus et dépenses c'est à
l'article coût des ventes tombe de $10 930 000 à $4 500
000, et une partie de cela a été reclassée à
l'article frais de distribution et de ventes, en ce sens qu'un plus grand
nombre d'employés ont été utilisés pour la
distribution.
Si on tient compte de ce changement d'affectation dans les comptes, les
données relatives aux frais d'exploration ou dépenses sont d'un
autre ordre. Pour l'année 1977-1978, l'année 1978
terminée, les frais de "marketing", de publicité surtout, sont de
2,3% des ventes. Les frais de distribution sont de 6% et les frais
d'administration de 1,27%. L'informatique est à 0,6% des ventes.
Pour l'année suivante maintenant, mais sur la même base
comptable, les frais de "marketing" sont de 3,7%. Les frais de distribution de
3,1%. Voyez, nous tombons de 6% à 3,1%, toujours des ventes. Les frais
d'administration à 1,7% et l'informatique à 1,3%. Au total, sur
une même base comptable, les dépenses de "marketing",
distribution, administration, informatique, amortissement, etc., passent de
10,3% des ventes à 10,1%. En fait, il y a eu une légère
amélioration d'une année sur l'autre, si on établit la
comparaison des chiffres sur la même base comptable.
A cet égard, ça ne me déplaît pas du tout
comme portrait, sauf qu'il faut bien comprendre que l'année 1978-1979 a
été une année de grande concurrence entre les deux
systèmes et a occasionné, sur le plan des dépenses
publicitaires évidemment, passablement plus de dépenses
qu'avant.
Donc, si je résume: un peu davantage en termes de proportion des
ventes; davantage de publicité, parce qu'on était en pleine
concurrence avec Loto-Canada à ce moment; beaucoup moins de
dépenses sur les frais de distribution, parce qu'on avait aboli,
à ce moment, le système des concessions, alors, au lieu de
dépenser 6% de frais de distribution, on avait 3,1% de frais de
distribution; des dépenses un peu en hausse en frais d'administration et
une hausse qui n'est pas très forte en termes de millions de dollars
mais quand même assez substantielle sur le plan de l'informatique.
On me signale qu'une des raisons pour laquelle les frais d'informatique
ont particulièrement monté, c'est l'introduction de la
Quotidienne.
Deuxième question, la...
M. Scowen: Excusez-moi, M. le... M. Parizeau: Oui.
M. Scowen: Avant de terminer, finalement, avec tous les
changements dont vous avez parlé, la marge de profits est tombée
de 36% à 35%. J'accepte qu'il y avait...
M. Parizeau: Non, mais ça n'a rien à voir avec les
frais d'administration, ça à voir avec le montant
distribué en prix, ça n'a rien à voir avec les
dépenses.
M. Scowen: Ah, bon!
M. Parizeau: Non, l'ensemble des dépenses, qui
représentait 10,3%, en 1977-1978, au total, tombe à 10,1%; donc,
ça ne peut pas venir de là.
Le fait que la marge de profit soit tombée de 36% à 35%
vient de ce que les prix, qui représentaient, en 1977-1978, 44% du
total, en représentent, en 1978-1979, 45,2%.
M. Scowen: Cela fut une politique délibérée
qui va continuer ou ce fut accidentel?
M. Parizeau: Non, c'est une politique
délibérée. On constate, au fond, au fur et à mesure
où on se déplace vers des loteries plus populaires 6-36,
Quotidienne, etc. que le pourcentage d'argent remis en prix au public
augmente. Je vous rappelle, par exemple, qu'il y a cinq ou six ans le
pourcentage en prix n'était qu'autour de 38% ou 39% et il est
déjà rendu à 45%; il est à peu près stable
maintenant, d'après ce qu'on peut voir. A 45% en 1978-1979 et pour
1979-1980 le rapport annuel va sortir bientôt c'est
absolument le même pourcentage et on prévoit, pour 1980-1981,
45,9%. (15 h 30)
Donc, ça semble se stabiliser entre 45% et 46%. Mais disons que
ça n'a rien à voir avec les frais d'administration mais
plutôt avec le montant remis au public en prix.
Pour ce qui a trait à la concurrence, une chose est assez claire,
je pense. C'est que la coexistence de Loto-Québec et de Loto-Canada
d'abord impliquait sur le plan des frais d'administration un
dédoublement assez considérable et, d'autre part, une
espèce de surenchère, en termes de publicité, qui
était considérable. C'est ainsi, par exemple, que Loto-Canada en
était arrivée à presque 6% des recettes brutes sous forme
de publicité. Evidemment, là, la concurrence pend entre les deux
organismes, quand ça se produit comme ça, pour savoir lequel va
faire le plus de publicité et inonder davantage les ondes.
Remarquez que, tant que Loto-Canada a été dans le champ,
il y a eu des tentatives, entre les provinces et le gouvernement
fédéral, pour limiter les dépenses de publicité en
pourcentage des ventes brutes pour chacun des participants. Une entente comme
celle-là est extrêmement difficile à
patrouiller, parce qu'on s'en rend toujours compte ex post. Ce n'est
qu'après qu'on se rend compte si effectivement les participants ont bien
été disciplinés ou pas. Alors, le principal
inconvénient que ça présentait, cette concurrence, et la
raison pour laquelle je suis particulièrement content que Loto-Canada
soit sorti du champ, c'est qu'on évite de noyer les ondes davantage
encore que les compagnies de bière.
C'est excellent qu'il y ait de la publicité pour les lotos, on
n'est pas obligés de prendre tout le temps disponible en "prime time".
Dans ce sens, donc, le fait que Loto-Canada soit disparu du champ, je pense,
n'enlève rien au public puisque la loterie du millionnaire que
Loto-Canada avait lancée a été reprise par l'entente
interprovinciale sur un bassin de population tout aussi grand. Donc, on peut
faire autant de millionnaires à travers le Canada par une loto que
Loto-Canada en faisait. On le fait par le truchement des provinces et, d'autre
part, on arrive à limiter quand même les dépenses de
publicité de façon un peu meilleure que c'était le cas
avant. Alors, à tous les égards, je pense que le départ de
Loto-Canada est une bonne chose.
M. Scowen: Est-ce que je peux présumer que le
président va faire suite à son intention de réduire
maintenant les dépenses en publicité à 2% du chiffre
d'affaires.
M. Parizeau: C'est déjà fait. M. Scowen:
C'est déjà fait.
M. Parizeau: Nous sommes en train, à l'heure actuelle,
nous visons pour 1980-1981 un montant de publicité de l'ordre de 2,2% du
chiffre d'affaires plutôt que de 3,7% de 1978-1979, par exemple.
M. Scowen: Simplement un avertissement poli au président,
d'après mon expérience, c'est que dans le domaine des produits
dont le monde n'a pas besoin, ce n'est pas tout à fait clair que la
publicité et la concurrence même n'auront pas l'effet d'augmenter
le marché total. Quand vous avez le monopole de
l'électricité, c'est une chose; mais, quand vous avez le monopole
de quelque chose dont personne n'a besoin, il ne faut pas tenir pour acquis que
vous pouvez garder votre chiffre d'affaires au même niveau en
réduisant vos dépenses publicitaires. C'est simplement quelque
chose d'assez élémentaire, mais j'espère que vous allez
tenir compte de ça.
M. Parizeau: Maintenant, d'un autre côté, il faut
reconnaître, M. le Président, qu'il y a de la concurrence. Il y a
même une concurrence extrêmement nette entre les jeux. Au fond, la
caractéristique de ce genre de métier, c'est constamment
constaté que certains jeux ont mûri, ne se développent plus
beaucoup indépendamment de la quantité de publicité qu'on
met dedans et que, l'attrait du nouveau, du changement, de jeux
différents est vraiment ça qui relance constam- ment les ventes.
Au fond, le travail de Loto-Québec est bien plus, à l'heure
actuelle, sur le plan de l'imagination, de trouver de nouveaux jeux face
à un public qui se lasse graduellement des jeux qui sont toujours les
mêmes. La publicité vient servir d'appoint pour, au fond,
révéler les nouveaux jeux au fur et à mesure où ils
sont lancés. Dans ce sens-là, les jeux sont en concurrence les
uns avec les autres. Il y en a qui mûrissent et qui vieillissent, et il y
en a d'autres qui, au contraire, se développent très rapidement
simplement parce qu'ils sont nouveaux; ils présentent un
élément de jeu différent de ceux qu'on connaissait
jusqu'à maintenant. C'est exactement ça qui s'est passé
avec les changements apportés à la "6-36", c'est ça qu'on
voit à l'heure actuelle avec la Quotidienne. La publicité vient
servir d'appoint. Mais la publicité toute seule ne peut pas faire
redémarrer un jeu qui a mûri.
Si nous passons maintenant à la question du vérificateur,
je pense que c'est plus une ambiguïté qu'autre chose. En fait, il y
a une possibilité. Si on entre dans les questions vraiment techniques
là-dessus, je demanderai au président de Loto-Québec de me
prêter davantage de lumière, mais enfin il y a toujours, non pas
seulement une possibilité, mais il arrive très fréquemment
qu'il va y avoir plusieurs billets portant le même numéro et qui
sont tous gagnants. Un billet de Loto-Québec comporte trois
numéros. Les séries sont faites de nombres de 100 000 à
999 999. Comme il se vend de ce genre de billets jusqu'à 2 600 000 ou
même davantage par semaine, il y a donc trois séries qui sont
imprimées et certaines semaines trois séries et demie. Quand un
chiffre sort, il y a trois gagnants au moins et certaines semaines, il y en a
quatre pour le même numéro. Ce que le vérificateur
soulevait c'est qu'à l'occasion de plusieurs séries où il
y a trois gagnants ou quatre gagnants certaines semaines, il pourrait y avoir
dans un jeu la possibilité que deux personnes, par exemple, gagnent un
million au lieu d'une seule. Cela ne s'est jamais produit, mais on sait
qu'effectivement cette possibilité existe.
Au fond, si cela se produisait, cela ferait un argument de vente
absolument sensationnel pour Loto-Québec qui n'attend que cela, mais
cela ne s'est jamais produit! Ce qu'on considère comme étant un
inconvénient, pour Loto-Québec c'est un admirable argument de
vente si jamais le hasard faisait que ça sortait comme cela. Ce qui sort
évidemment ce sont des prix de $15 000. Il y a quatre personnes la
même semaine qui gagnent $15 000 ou trois personnes qui gagnent $50 000,
mais deux à $1 000 000 cela ne s'est encore jamais produit. M. Lafaille
n'attend que cela. L'aspect publicitaire serait énorme. Si on ne voulait
pas avoir plusieurs gagnants sur le même numéro, trois ou quatre,
on devrait avoir des séries qui portent en million, pas six chiffres,
mais sept chiffres, c'est-à-dire tout un changement extraordinaire dans
l'organisation de la chose. Ce n'est vraiment pas nécessaire. Les gens
ont l'habitude de six numéros, ils ont toujours gagé sur six
numéros, laissons-les à six numéros.
Je dois dire que là-dessus, je n'ai pas très bien saisi
je saisis ce que veut dire le vérificateur mais je ne suis
pas certain qu'il n'y a pas de discussions à entreprendre avec lui pour
lui faire saisir tous les avantages publicitaires qu'il y aurait si,
effectivement, la possibilité qu'il énonce se produisait. Cela
serait prodigieux!
M. Scowen: Le Vérificateur général avait
soulevé un problème. Vous avez répondu avec une solution
qui n'est certainement pas acceptable et même ridicule. Est-ce que
et c'est clair qu'on ne le propose pas, ni vous, ni moi c'est possible
d'imaginer que la société va se mettre au travail pour trouver
une autre solution qui n'est pas une solution de caricature, mais une solution
pratique qui va régler un problème d'ordre administratif qui, je
pense, a été soulevé d'une façon très
raisonnable par le Vérificateur général.
M. Parizeau: D'abord, c'est un système dont je suis un peu
étonné qu'on dise que c'est un système ridicule. Si c'est
un système ridicule, c'est un système général
à travers toutes les loteries...
M. Scowen: J'ai parlé de la solution que vous avez
proposée vous-même.
M. Parizeau: Quelle solution?
M. Scowen: L'idée d'ajouter un autre numéro,
d'élargir la...
M. Parizeau: Non, non, ce n'est pas une solution que j'ai
proposée, j'ai dit que cela ne tenait pas debout.
M. Scowen: Exactement.
M. Parizeau: Alors, ce n'est pas une solution...
M. Scowen: C'est ça.
M. Parizeau: Je l'ai éliminée...
M. Scowen: Oui, c'est ça. Mais est-ce qu'on peut
s'attendre que le président s'occupe de ce problème, qu'il mette
de côté très vite la solution que vous avez soulevée
comme n'étant pas acceptable, je suis d'accord là-dessus...
M. Parizeau: Mais il a été le premier à la
soulever, oui.
M. Scowen:... et continue à chercher une solution? Si vous
avez vraiment l'intention d'offrir deux lots de $1 000 000, qu'on fasse de la
publicité et qu'on en profite. Si on n'a pas cette intention, si la
comptabilité est basée sur un gagnant, qu'on s'organise pour
n'avoir qu'un seul gagnant. Je pense que c'est de la saine administration
élémentaire.
M. Parizeau: Mais c'est que l'ensemble de la politique de prix
est basée sur la loi des grands nombres et par définition, on ne
sait pas quand cela peut se produire. Mais c'est incorporé dans les
projections que nous faisons des probabilités que certains
événements se passent ou se produisent. A cet égard, la
loi des grands nombres restera toujours ce qu'elle est.
Il y a normalement 42,5% si on tient compte non seulement d'un
prix de $1 000 000, mais de toute la structure de prix normalement, on
doit en arriver à une situation où à peu près, par
exemple pour la Mini-Loto, 42,5% de l'argent retournent en prix. Evidemment, il
peut y avoir des variations d'une période à l'autre, mais cela
s'étale à 42,5%, basé sur le principe de la loi des grands
nombres. Alors, je ne vois pas... Enfin le mieux que l'on puisse faire, c'est
de retourner voir le Vérificateur général et lui dire:
Ecoutez, c'est comme ça que le système de loteries fonctionne.
Cela ne dérange pas le système de loteries; ils sont prêts
à cela, ils sont organisés en fonction de cela.
M. Scowen: Et les deux autres?
M. Parizeau: Quand j'ai vu sortir la chose, évidemment, je
me suis dit simplement qu'il y aurait une lettre à envoyer au
vérificateur pour insister sur le fait que cela fait partie du jeu
lui-même.
Pour les deux autres observations du Vérificateur
général, on me dit qu'effectivement, entre le moment où le
personnel a cessé d'être régi par la fonction publique et
le moment où son nouveau statut a été défini par
règlement, il y a des déductions à la source qui n'ont pas
été faites, mais que cela a été corrigé
depuis ce temps. Donc, on reconnaît la validité des observations
du vérificateur, mais les corrections ont été faites.
M. Scowen: J'ai une toute dernière question, M. le
Président, que je n'ai pas mentionnée avant. L'an passé,
en 1978, la société a remboursé au gouvernement $85 000
000 en remises comme telles et à peu près $9 000 000 sous forme
de dividendes, à la suite de la réorganisation de la
société. Est-ce que le ministre peut me dire ses
prévisions quant aux sommes qu'il prévoit recevoir de
Loto-Québec pour l'année financière en cours?
M. Parizeau: Oui, pour l'année 1979-1980, les remises ont
été de $101 500 000...
M. Scowen: C'est pour l'exercice du gouvernement?
M. Parizeau: C'est ça, jusqu'au 31 mars. C'est la
même chose d'ailleurs... cela se termine aussi au 31 mars pour la
loto.
M. Scowen: Ah oui! D'après le rapport que j'ai ici,
à moins que je ne comprenne pas les chiffres, ce sont $78 000 000 plus
$9 000 000.
M. Parizeau: Nous parlons de 1978. M. Scowen: Non, je
parle de 1979.
M. Parizeau: Non, non, l'année qui se termine le 31 mars
1979...
M. Scowen: Ce sont $78 000 000 plus $8 800 000, si je comprends
bien? Cela se chiffre par 87...
M. Parizeau: Nous arrivons à la même chose, nous
arrivons à $86 000 000, parce qu'il faut additionner ici à la
fois les versements et les bénéfices non répartis, parce
que c'est devenu à un moment donné... enfin le statut a
changé. (15 h 45)
M. Scowen: Oui.
M. Parizeau: Donc on s'entend pour $86 000 000, pour 1978-1979;
pour 1979-1980, l'année terminée le 31 mars dernier, $101 500 000
et avant d'arriver aux $101 500 000 on a d'abord enlevé les $4 500 000
que nous devons à Ottawa en raison de cette entente que nous avons entre
Ottawa, l'Ontario et nous, pour le paiement de l'équipement
informatique, qui est en somme la liquidation de Loto-Canada et, pour
1980-1981, j'ai demandé $132 000 000.
M. Scowen: $132 000 000? M. Parizeau: Oui.
M. Scowen: Pour l'année 1979-1980, c'était $102 000
000?
M. Parizeau: $101 500 000.
M. Scowen: Quand vous dites que vous avez demandé...
Est-ce que les sommes qui sont versées sont basées sur les
profits de la société ou sur vos besoins?
M. Parizeau: Non, c'est basé essentiellement sur ce qu'on
pense que la société est capable de générer,
maintenant que Loto-Canada n'est plus dans le champ; l'année 1980-1981
va leur permettre d'envisager un volume de vente et ensuite une
rentabilité supérieure. Je détermine cependant, chaque
année, au début de l'année ça, d'accord avec
le président, bien sûr ce qu'on attend une
espèce d'objectif, de "target" de la compagnie, compte tenu des
prévisions qu'on fait de son chiffre de ventes, de ses dépenses,
de son budget de fonctionnement, ce que normalement elle doit pouvoir rapporter
tant.
Alors, on s'entend là-dessus pour définir une sorte
d'objectif et j'envoie une lettre au président en disant: M. le
Président, j'attends, pour cette année, un montant d'à peu
près telle chose.
M. Scowen: C'est assez curieux: en 1978, le revenu de la
société était de $73 000 000 et elle vous a remis $73 000
000. En 1979, le revenu a été de $86 000 000 et elle vous a remis
$86 000 000; cela donne l'apparence que ce n'est pas votre demande qui
détermine le montant qui est remis au gouvernement, mais c'est un
montant équivalent aux revenus de l'exercice pour l'année.
Dois-je comprendre que les $132 000 000, pour l'année en cours,
sont basés sur vos projections de revenus nets de la
société? Et, si le revenu net n'est pas de $132 000 000, elle va
vous verser le montant qu'elle gagne ou est-ce qu'elle est obligée de
vous verser les $132 000 000 indépendamment des revenus?
M. Parizeau: Je ne suis pas un homme déraisonnable, je ne
veux pas vider la caisse.
M. Scowen: En fait, le principe c'est qu'elle vous paie le
montant précis qui correspond à des revenus pour l'exercice?
M. Parizeau: Exactement, et vous voyez, par exemple, pour
1979-1980, la lettre que je lui avais envoyée après en avoir
discuté avec le président au début de l'année, je
demandais $100 000 000 et finalement ça a été $101 500
000; cette année, on a examiné les chiffres ensemble et on s'est
dit: Cette boîte-là doit être bonne pour $132 000 000.
Evidemment, si elle fait $130 000 000, je demanderai des explications et si
elle fait $133 000 000, j'offrirai ma bénédiction.
M. Scowen: Merci.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Bellechasse.
M. Goulet: Rapidement, M. le Président. Si je comprends
bien, on va directement à Loto-Québec et on entrera dans le vif
du sujet concernant le ministère des Finances seulement après le
dîner. Or, je veux bien me conformer à votre directive et à
l'entente que nous avons eue au début, M. le Président. J'avais
dit que j'avais seulement une question concernant Loto-Québec, ce sera
probablement une question à deux, trois ou quatre volets.
Depuis que le fédéral a exprimé le voeu de revenir
occuper le champ des loteries, après s'en être retiré,
j'aimerais savoir quelle est l'attitude du ministre ou quelle sera son
attitude. Est-ce que, depuis que cette annonce a été faite, il y
a eu des pourparlers, des démarches effectuées par le ministre
des Finances, par le président de Loto Québec, par le
gouvernement ou certains de se. représentants, des démarches avec
les autre provinces parce que c'est supposé être de
juridiction essentiellement provinciale de façon à en
arriver à un front commun? Au niveau du fédéral, est-ce
que ça fera partie des rencontres constitutionnelles? Pourra-t-on en
discuter lors de ces rencontres. Le ministre a-t-il des choses précises
à nous dire là-dessus?
M. Parizeau: II ne s'agit pas, M. le Président, de choses
très précises, parce qu'en somme on n'a qu'une expression
d'opinion de M. Reagan dans les journaux. Il n'en reste pas moins qu'il y a une
thèse qu'on est en train de faire examiner de façon plus
approfondie juridique en vertu de laquelle si le gouvernement
fédéral revenait dans
les loteries, après l'entente qui a été
signée, ce serait, au fond, une sorte de bris de contrat. C'est
probablement une question constitutionnelle. Il ne faut pas oublier que
l'entente qui a été faite a été signée par
tous les gouvernements ou par les représentants autorisés de tous
les gouvernements. Une entente a été faite entre les lotos
elles-mêmes. On est en train d'examiner au cas où ça
se présenterait, effectivement simplement s'il n'y a pas lieu
d'avoir les recours juridiques habituels dans un cas comme ça. C'est
très formel. L'entente en vertu de laquelle Loto-Canada est disparue et
l'entente en vertu de laquelle on a liquidé en Ontario et au
Québec l'équipement électronique dont elle disposait, tout
ça donnait lieu à une entente commerciale, en bonne et due forme,
si le député comprend bien ce que je veux dire.
Au fond, on est en train de faire examiner le président de
Loto-Québec me l'a dit seulement les conséquences
juridiques que ça aurait, pour voir s'il y a des recours. D'autre part,
quant à des gestes purement politiques, ça m'est très
difficile, à l'heure actuelle, de prendre une position sur la base d'une
déclaration faite à un journaliste par un ministre. S'il fallait
commencer à s'exciter chaque fois qu'un ministre fait une
déclaration à un journaliste, on vivrait en état de
schizophrénie perpétuelle. Alors, on attend simplement qu'on en
sache davantage des intentions d'Ottawa. Mais je reviens sur l'aspect juridique
de l'entente du 23 août 1979, telle que signée, encore une fois,
par tous les gouvernements du Canada.
M. Goulet: Lors de l'émission de télévision
où M. Trudeau, M. le premier ministre du Canada, prenait la parole, il
disait justement que le premier ministre du gouvernement qui lui avait
succédé avait brisé cette entente qu'il avait
signée avec les provinces et que c'était pour cette
raison-là. Si j'ai bien compris M. Trudeau ce soir-là, il a dit
un peu à la population: Nous avions signé une entente avec les
provinces et M. Clark est venu briser ça. Or, nous, nous voulons revenir
à l'entente qu'on avait nous-mêmes signée. Il semblait dire
que, dans cette entente, les provinces étaient consentantes que le
fédéral continue à occuper une , certaine place dans le
champ. Moi, je ne l'avais pas compris comme ça. Mais c'est ce que le
premier ministre a dit. Je me demande si ce n'est pas le dernier soir qu'il a
parlé, à l'émission de M. Nadeau, où il a dit: II
n'est pas question de revenir sur notre parole; on veut tout simplement
respecter l'entente qu'on avait signée quand nous étions le
gouvernement, et que M. Clark est venu briser. Est-ce que c'est vrai? Est-ce
que c'est votre opinion à vous?
M. Parizeau: Le fait est, c'est qu'il y avait eu une entente sur
le partage des champs de la loterie avec Mme Campagnolo. Je ne me souviens pas
que ça ait été signé. Je ne pense pas...
M. Goulet: M. le Président, j'ouvre une
parenthèse...
M. Parizeau: ... que ça n'ait jamais été
signé.
M. Goulet: C'est possible... J'ai dit "signé" tout
à l'heure dans mes propos?
M. Parizeau: Oui.
M. Goulet: C'est possible qu'il y ait eu une entente de principe,
mais est-ce que ce fut signé? Je ne voudrais pas employer ce terme.
M. Parizeau: Mon souvenir, c'est que ça n'a jamais
été signé. C'est-à-dire qu'il y avait eu une
entente qui était intervenue. Il y avait, à ce moment-là,
un terrible trafic téléphonique et une entente était
apparue téléphoniquement, comme ça, entre un certain
nombre de ministres. Mais je ne me souviens pas que rien n'ait
été signé. Là, le cabinet Trudeau est tombé
et le cabinet Clark est arrivé au pouvoir avec l'idée formelle
ils n'ont pas rompu quoi que ce soit de sortir du champ des lotos
et ont fait rédiger un texte à cet égard, y compris des
clauses de liquidation pour Loto-Canada et l'ont fait signer par un
représentant attitré de chacun des onze gouvernements. Si,
d'ailleurs, ça intéresse le député, je serais
prêt à lui envoyer une copie de ça avec les signatures.
C'est signé, en bonne et due forme, au nom des onze gouvernements du
pays. Alors, ça devient très gênant, pour un nouveau
gouvernement, quelques mois plus tard, de venir dire: Une entente signée
par les onze gouvernements, le 23 août 1979, nous la déchirons et
nous recommençons.
M. Goulet: Si je comprends bien le ministre, M. le
Président, c'est que l'entente intervenue du temps que M. Trudeau
était premier ministre était une entente verbale.
M. Parizeau: C'est mon souvenir. Je pourrais vérifier,
mais...
M. Goulet: Par contre, l'autre gouvernement, lui, en est venu
à une entente signée.
M. Parizeau: C'est ça.
M. Goulet: Cela répond à ma question. Maintenant,
j'apprécierais beaucoup recevoir...
M. Parizeau: Bien sûr! J'en ferai parvenir aux
députés membres de cette commission. On peut en faire tout de
suite, si vous voulez.
M. Goulet: Est-ce que le ministre a des écrits concernant
même si l'entente n'a pas été signée
l'autre entente dont nous parle le premier ministre actuel, cette entente qui
avait été acceptée au niveau du principe.
M. Parizeau: On a des masses de télex, de choses comme
cela. On pourrait...
M. Goulet: Toujours selon les déclarations. Mais il n'y a
pas un résumé de cela qui existe...
M. Parizeau: II y en a eu tellement de versions. Je pourrais
essayer de sortir la dernière version, si...
M. Goulet: M. le Président, je voudrais être plus
clair auprès du ministre. L'entente dont nous parlait le premier
ministre du Canada, cette fameuse entente de principe, même si elle n'a
pas été signée, j'imagine que ce n'est pas un document de
trois cents pages, cette entente dont parlait M. Trudeau qui avait
été acceptée, semble-t-il, par les provinces et qui a
été défaite par le gouvernement Clark quand il en est venu
à une autre entente.
M. Parizeau: Je peux sûrement retrouver la dernière
version. Ce que je vérifierai cependant, M. le Président, c'est
si cette dernière version avait été amendée ou non
par téléphone par la suite. La dernière version, nous
pourrons la faire circuler.
M. Goulet: Dans le même ordre d'idée, M. le
Président...
M. Parizeau: Je m'excuse, mais est-ce que je peux interrompre le
député? On s'entend bien, le document que je lui remettrai
à ce sujet n'a jamais été signé, n'est-ce pas?
M. Goulet: Parfait.
M. Parizeau: C'est, comment dire, notre souvenir de la
dernière version ou le papier qui représente la dernière
version des discussions que nous avons tenues entre nous. Il faudra
l'interpréter sous cette lumière-là.
M. Goulet: Le premier ministre parlait, M. le Président,
de parole donnée même si cela n'a pas été
signé, c'est fort possible. Je ne crois pas qu'il ait dit non plus
qu'elle avait été signée, mais il parlait d'une entente en
voulant dire que la parole des provinces avait été donnée,
les provinces avaient accepté cette entente. C'est cette fameuse entente
que personnellement je n'ai pas vue.
M. Parizeau: Je pourrai en fournir un exemplaire.
M. Goulet: Dans le même sens, M. le Président,
est-ce qu'à Loto-Québec on a des chiffres qui nous permettraient
de faire une comparaison objective, par exemple, de l'augmentation du chiffre
d'affaires ou des revenus nets, ou des revenus bruts, depuis que le
fédéral s'est retiré du champ des loteries? Je sais que
ça ne fait pas longtemps, mais on doit quand même avoir des
chiffres comparatifs?
M. Parizeau: Comme nous, avons remplacé la loterie
fédérale à $10 par une loterie provinciale à $10,
on a là le même genre de véhicule. Il est assez facile de
voir combien cela rapporte, brut. A l'heure actuelle, nous vendons de cette
loterie à $10 à peu près $9 000 000 par tirage, ce qui
devrait dire peut- être $60 000 000 par année. Dans la
première année, $60 000 000 à peu près sur une base
annuelle de revenus bruts.
M. Goulet: Pas seulement cette loterie. Au niveau de la
concurrence même, depuis que la loterie fédérale n'existe
plus, est-ce que la Mini a augmenté, est-ce que l'inter a
augmenté; on n'a pas de chiffres?
M. Parizeau: Oui, on a des chiffres, mais de là à
dire que tel tirage a augmenté parce qu'Ottawa n'est plus dans la
loterie du $10, cela j'en doute beaucoup.
M. Goulet: Au niveau du chiffre total global de toute la loterie.
Le fédéral s'est retiré à tel mois et à
partir de ce mois-là, nous avons augmenté nos ventes de 2% ou de
8%, ou de 10%. Cela ne doit pas être compliqué. Même si je
n'ai pas au niveau de la Mini, et ces choses-là, au niveau du chiffre
d'affaires total de Loto-Québec?
M. Parizeau: Si on veut l'avoir par décomposition des
ventes par mois, on pourrait sûrement fournir cela, indiquer quel mois le
fédéral physiquement s'est retiré du champ, mais là
je laisserai cependant au député, M. le Président,
l'appréciation d'imputer ce qui va au fait que Loto-Canada n'est pas
là. D'autre part, il ne faut pas oublier, n'est-ce pas, que nous avons
en même temps ou à peu près, à la même
époque, introduit de nouvelles valideuses à l'équipement
électronique complètement différent et lancé la
Quotidienne à peu près en même temps. C'est-à-dire
que vous avez le retrait de Loto-Canada, son remplacement par une loterie
à $10, le lancement de la Quotidienne et un changement majeur de
l'équipement. Alors, imputer à chacun de ces facteurs, qui se
présentent presque tous en même temps, un pourcentage de
responsabilité, je peux dire que c'est assez difficile. On vous fournira
les données par mois en vous indiquant à quel moment Loto-Canada
s'est retirée, et le député en tirera les conclusions
qu'il juge appropriées.
M. Goulet: M. le Président, je ne veux pas au niveau de
chaque chapitre. Je demandais simplement, au ministre, s'il avait pu me donner
un chiffre, c'est-à-dire que depuis que notre compétiteur s'est
retiré des affaires, le chiffre d'affaires de Loto-Québec a
augmenté de tant. (16 heures)
M. Parizeau: $60 000 000 sur une base annuelle dû à
la loterie de $10. Cela, on peut le dire.
M. Goulet: Seulement. Au sujet du montant total, vous n'avez pas
de chiffres? Si vous avez augmenté de $60 000 000 dans un, vous avez
baissé de $60 000 000 au total des autres, on est au même point.
C'est-à-dire que depuis que le fédéral n'est plus
là, est-ce qu'au niveau de Loto-Québec, on a fait plus de ventes
ou si on est resté au même point ou à peu près?
M. Parizeau: Pour les ventes globales de Loto-Québec,
ça se présente de la façon suivante. Je vous donne les
quatre dernières années: 1977-1978, $203 000 000; 1978-1979, $244
000 000; 1979-1980, $318 000 000; les prévisions pour 1980-1981, $420
000 000. Nous calculons que des $319 000 000 aux $420 000 000, la substitution
de la loterie à $10, le fédéral s'enlevant et la loterie
provinciale à $10 intervenant, représente $60 000 000
là-dedans.
M. Goulet: D'accord. Depuis que la société a
été changée, la nouvelle formulation de la
société, est-ce qu'on a également des chiffres? Est-ce
qu'on peut comparer justement avec ce qui se faisait les autres années?
Est-ce que l'augmentation du chiffre d'affaires est due aux changements parce
qu'il y a une loi qui a amendé les statuts de Loto. Est-ce qu'on a des
chiffres comparatifs? Est-ce que ça a été un bienfait ou
si cela n'a absolument rien changé dans les faits?
M. Parizeau: Je crois que cela a eu plusieurs effets utiles.
Peut-être le plus utile de ces effets fut-il de doter Loto-Québec
d'un conseil d'administration régulier, ordinaire, fonctionnant comme un
conseil d'administration de corporation et composé de plusieurs
personnes qui ont un sens très précis, non seulement des
affaires, mais du marketing. Et plusieurs des personnes qui ont
été placées à ce conseil d'administration, l'ont
été à cause de leur expérience dans le
marketing.
J'aimerais ici rappeler le nom de certains des membres du nouveau
conseil d'administration qui découle de la nouvelle structure
corporative de Loto-Québec: M. Desmeules a été, comme vous
le savez, longtemps président de la Société des alcools;
M. Jean-Claude Messier est président de Métro-Richelieu; M.
André Perreault, c'est le président de André Perreault
Ltée, le discaire, cet homme qui a construit à partir de
Saint-Hyacinthe cette entreprise de vente de disques qui, à l'heure
actuelle, s'étend à une bonne partie de l'Amérique du
nord; et Mme Vézina qui est directrice générale du Salon
de la femme de Montréal Enr. On a cherché à mettre dans ce
conseil d'administration des gens qui, d'une part, ont une bonne connaissance
des affaires, mais d'autre part, sont en contact avec le marketing
auprès du grand public. Cela, je pense, a eu un excellent effet. Parce
qu'après tout, Loto-Québec, c'est une entreprise de vente au
détail, d'opération publicitaire et de promotion. Là, il y
a une dimension nouvelle qui est apparue au conseil d'administration de
Loto-Québec que, moi, je trouve inappréciable.
M. Goulet: Puisque le ministre s'entend pour dire qu'ils ont
conservé à peu près le même degré de
progression que les autres années parce que si vous avez $60 000 000 qui
sont reliés directement au fait que Loto-Québec ne se soit
retiré, il reste à peu près ie même degré de
progression que...
M. Parizeau: Non.
M. Goulet: Non?
M. Parizeau: Prenez par exemple, de 1976-1977 à 1977-1978,
la progression n'avait été que de $183 000 000 à $203 000
000. Il n'y avait pas de quoi pavoiser, c'était 10%, le taux
d'inflation. 1977-1978, de $202 000 000 à $244 000000, là,
c'était déjà plus substantiel. Là, je connais un
président-directeur général qui n'est pas tout à
fait étranger à cette progression-là. D'autre part,
après ça, on entre dans la phase de la grande concurrence avec
Loto-Canada, mais même là ça augmente de $244 000 000
à $318 000 000. Et alors, de $318 000 000 à $420 000 000
ça fait un tiers d'augmentation dans l'année, dont une bonne
partie, il faut le reconnaître, est due au fait que Loto-Canada n'est
plus dans le chemin.
D'autre part, on va voir à quel point La Quotidienne augmente
aussi vite qu'on le pense. Je reviens toujours à cette idée que
lorsqu'on commence un jeu flambant neuf comme ça, c'est toujours un peu
difficile. On a tendance à être un peu conservateur sur le
degré de progression. C'est un jeu neuf, par définition, parce
qu'il est là.
Au contraire, je pense que sur le plan de la progression des ventes,
s'il y a une chose tout à fait remarquable, au total, c'est que dans
l'espace de trois ans, la progression des ventes totales de Loto-Québec
aurait plus que doublé en trois ans.
M. Goulet: Très courte question. Au niveau des billets non
réclamés, avant cela retournait aux revenus nets de
Loto-Québec, j'imagine. Maintenant, vous créez un fonds
spécial. Qui décide? Est-ce le bureau de direction qui
décide que cela va être tiré, par exemple, à telle
occasion ou est-ce que vous remettez au complet tout l'argent qui n'a pas
été réclamé? Est-ce que vous le remettez en
circulation ou s'il y en a une partie qui sert à autre chose?
M. Parizeau: Tout l'argent des prix non réclamés
donne lieu à des bonis à l'occasion de tirages
spéciaux.
Cette semaine, par exemple, on me dit que les billets de la Mini
je passe mon commercial! comportent justement un versement de billets
non réclamés de loteries antérieures. Il va y en avoir
à l'occasion du 10e anniversaire de Loto-Québec aussi. A
l'occasion, tous les prix non réclamés seront distribués
à titre de bonis additionnels.
M. Goulet: En dernier lieu, M. le Président, dans le
rapport du Vérificateur général je ne dis pas qu'il
blâmait, mais il soulignait en tout cas, que Loto-Québec avait
engagé des gens et n'avait pas fait les déductions à la
source, les T-4, les TP-4 et il disait que ces gens n'avaient pas droit
à ce genre de système, parce que ce n'étaient pas des
bureaux de professionnels ou des compagnies... J'aimerais savoir ce que le
ministre...
M. Parizeau: Je pense avoir déjà répondu
à cela, tout à l'heure, au député de
Notre-Dame-de-Grâce, en disant que...
M. Goulet: Je m'excuse, M. le Président, mais
c'était probablement au moment où je parlais avec un monsieur de
la presse. Si c'est le cas, je m'en excuse, je pourrai relire les
galées.
M. Parizeau: Non, non, je vais résumer à nouveau.
En somme, tout le personnel de Loto-Québec était à la
fonction publique. Nous avons décidé de sortir ce personnel de la
fonction publique. Dans la période intercalaire, il est exact que ceux
qui ont été embauchés étaient
considérés comme des professionnels. Cela n'était pas
normal que Loto-Québec ne perçoive pas à la source les
déductions qui doivent être perçues. Ils se sont rendu
compte de la chose et c'est maintenant corrigé.
Alors, les observations du vérificateur sont parfaitement
exactes, sauf que toutes les corrections qui devaient être faites ont
été faites et sont en vigueur à l'heure actuelle.
M. Goulet: Merci. C'est très complet.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Laprairie.
M. Michaud: Oui, merci, M. le Président. Vous vous
rappellerez, il y a deux ans, nous avons changé le système de
distribution de Loto-Québec, pour remplacer les concessionnaires par des
grossistes. Dès la première année, Loto-Québec
avait épargné ou diminué ses frais de distribution
d'environ $10 000 000. Est-ce qu'on a des chiffres équivalents pour la
deuxième année de fonctionnement sous ce nouveau système?.
Deuxièmement, avec le nouveau système, nous avons
intégré des organismes à but non lucratif à
Lotomatic et aux kiosques, est-ce que ce nouveau système fonctionne bien
aussi?
M. Parizeau: M. le Président, je pense que la façon
la plus spectaculaire de voir les effets du changement de distribution à
Loto-Québec où, comme le dit le député de
Laprairie, on a supprimé tous les concessionnaires, est peut-être
les deux chiffres suivants: en 1975-1976, où l'ancien système
fonctionnait, nous avions à Loto-Québec, en frais de
distribution, $11 500 000 représentant 7,7% du chiffre des ventes; en
1980-1981, donc cinq ans plus tard, les frais de distribution en dépit
de l'inflation, non seulement n'ont pas monté, mais ils sont à
$10 700 000, représentant 2,5% des frais de distribution. (16 h 15)
Si donc on appliquait les 7,7% aux ventes prévues pour 1980-1981,
les frais de distribution ne seraient pas de $10 700 000, mais de $35 000
000.
M. Michaud: On peut conclure qu'il y a $25 000 000 quelque
part...
M. Parizeau: Qui représentent le gain de
l'élimination du patronage.
M. Michaud: Excellent! Pour la deuxième question,
j'aimerais parler de l'intégration des organismes à but non
lucratif à Lotomatic et aux kiosques. Avons-nous eu un succès
pour ces organismes à but non lucratif? A-t-on aussi à peu
près le montant des sommes que ces organismes à but non lucratif
ont pu obtenir avec ce travail dans les kiosques et à Lotomatic?
M. Parizeau: M. le Président, la difficulté de
répondre à ça est la suivante: II est entendu qu'au fur et
à mesure où un kiosque... Enfin, tous les baux qui sont venus
à échéance, dans les kiosques, ont été
passés à des organismes à but non lucratif et, d'autre
part, la Lotomatic n'est accessible qu'à des organismes comme
ceux-là.
Evidemment, les résultats sont extraordinairement
différents, selon les organismes; il y en a qui se grouillent et il y en
a qui ne se grouillent pas. Mais j'aimerais cependant donner, pour la
Lotomatic, un certain nombre de chiffres pour les organismes où
ça marche le mieux; ça donnera une indication de ce qu'un
organisme qui veut se grouiller un peu peut gagner comme argent.
L'Institut de cardiologie de Québec, par exemple, dans la
Lotomatic, l'an dernier, pour 1979-1980, a retiré, comme revenu net: $40
110. Encore une fois, ce n'est pas leur chiffre de ventes, c'est leur profit
net des opérations sur la Lotomatic.
La Fondation épique: $42 000; la Fédération de
l'Age d'or: $24 000. Il y a même certains endroits au Québec qui
donnent des résultats assez étonnants, même si c'est
très localisé: la Chambre de commerce du Témiscamingue,
par exemple: $16 600, ce qui est assez spectaculaire, dans un coin comme
ça.
Maintenant, il y a à l'opposé d'autres qui ne manifestent
pas une énergie... Mais encore une fois, là, libre à eux;
chacun a la possibilité d'aller chercher l'argent qu'il veut, dans la
mesure où il s'organise correctement.
M. Michaud: Cela reste maintenant un outil, s'ils veulent
l'utiliser. Donc, pour cette année, on peut dire que le nouveau
système de distribution vaut environ $25 000 000?
M. Parizeau: Le nouveau système de distribution nous
aurait permis, par rapport au pourcentage de 1975-1976, effectivement,
d'économiser pas loin de $25 000 000.
M. Michaud: Merci, M. le Président.
Le Président (M. Boucher): Est-ce qu'il y a d'autres
questions sur Loto-Québec?
Curatelle publique
Alors, on peut passer à la Curatelle publique.
M. Parizeau: II s'agit du programme 6 des crédits des
Finances.
Je rappelle, M. le Président, simplement à titre
d'introduction, que le curateur est chargé d'admi-
nistrer les biens de malades mentaux et les biens sans maîtres et
de surveiller l'administration des curateurs privés et des tuteurs. La
Curatelle publique est, traditionnellement, rattachée au
ministère des Finances, mais a des états financiers qui lui sont
propres. Elle fait rapport, en somme, à l'Assemblée nationale et
au public, par le truchement du ministre des Finances, mais encore une fois, a
ses états financiers propres et sa propre politique de placement, par
exemple, de ses biens, sans interférence de l'Etat quant à
l'orientation que les placements doivent prendre ou les mesures qui doivent
être prises pour protéger les biens des malades mentaux.
Voilà un peu ce que je voulais dire pour commencer.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Notre-Dame-de-Grâce. (16 h 15)
M. Scowen: Non, M. le Président, j'ai regardé les
détails du programme 6, comme présentés dans le budget et,
quant aux dépenses et au nombre d'employés je n'ai pas de
questions à poser.
Le Président (M. Boucher): Merci, M. le
député de Notre-Dame-de-Grâce. M. le député
de Bellechasse.
M. Goulet: Très rapidement, M. le Président. On dit
que le programme vise l'administration et la surveillance des biens des
curateurs privés et des tuteurs. Est-ce que c'est possible que vous
puissiez administrer des biens de corporations?
M. Parizeau: II arrive que, dans le cas de certaines corporations
éteintes, on ait oublié de poser les gestes pour
l'éteindre et qu'on s'adresse au curateur pour éteindre la
corporation. Ce n'est pas exactement fréquent.
M. Goulet: Non, ce n'est pas fréquent, mais ça veut
dire que ce sont justement les corporations qui n'ont pas fourni de rapport
annuel dans le but... parce qu'une corporation qui veut une dissolution peut y
aller par le biais d'un bureau de comptables ou d'avocats et ça
coûte tant pour fermer les livres. Par contre, elles peuvent prendre la
méthode indirecte, c'est-à-dire ne pas produire de rapport et, un
jour ou l'autre, le ministère du Revenu ferme cette compagnie, non?
M. Parizeau: Non, les corporations éteintes dont on
parlait tout à l'heure ne sont pas celles qui ne présentent pas
de rapport. Ce sont celles qui ont mis fin à leur charte. C'est dans ce
sens qu'une compagnie éteinte peut arriver chez le curateur.
M. Goulet: Par l'autre méthode, elle ne peut pas
arriver?
M. Parizeau: Non.
M. Goulet: Si une compagnie ne faisait plus de rapport annuel
parce que ça ne vaut pas la peine, mais qu'il resterait certains biens,
ce n'est pas possible qu'elle arrive chez vous?
M. Parizeau: Non, le curateur ne peut pas toucher à
ça.
M. Goulet: II faudrait relire les propos provenant de la
commission du revenu la semaine dernière, parce qu'on nous avait dit que
c'est là que ça irait. M. le Président, je relirai les
propos de la commission du revenu de la semaine dernière et je
reformulerai la question au ministre d'ici la fin des travaux, même si le
curateur n'est pas... parce que c'est ce qu'il a semblé nous dire.
Maintenant, je le dis sous toute réserve. A la commission du revenu de
la semaine dernière, on nous donnait comme réponse que ça
s'en allait au bureau du curateur et que c'est lui qui s'en occupait. Je
relirai les galées de cette commission, M. le Président, pour
savoir exactement la réponse et je reviendrai à la charge
auprès du ministre des Finances afin de savoir exactement si la bonne
réponse nous a été fournie.
L'an passé, nous avions le même ministre pour les deux
commissions et, cette année, nous avons affaire à deux ministres
différents. C'est pour ça que...
M. Parizeau: Je dois dire que c'est la première fois qu'on
me pose la question cependant. Vérifications faites avec le curateur, il
semble bien qu'il faut que la compagnie ait mis fin à sa charte pour
qu'elle soit considérée aux fins du curateur comme une compagnie
éteinte.
M. Goulet: Le fait de ne pas avoir produit de rapport?
M. Parizeau: Ne met pas fin à la charte.
M. Goulet: Mais si c'est le ministère du revenu qui envoie
un premier avis, un deuxième avis et qui, après ça, met
fin à la charte? C'est possible que ça se passe comme
ça.
M. Parizeau: II faudrait que ce soit le ministère des
Consommateurs, Coopératives et Institutions financières.
M. Goulet: D'accord, allons-y avec ce ministère. Si la
compagnie ne produit pas de rapport dans le but que ce soit le ministère
des Consommateurs, Coopératives et Institutions financières qui
puisse mettre fin à cette compagnie pour ne pas avoir à payer les
frais inhérents à la fermeture des livres, est-ce que c'est
possible?
M. Parizeau: Le curateur me dit qu'il ne les prend pas.
M. Goulet: D'accord. Je vais relire les propos de la semaine
dernière et je reviendrai. J'ai terminé.
Caisse de dépôt et placement
Le Président (M. Boucher): II n'y a pas d'autres
questions. Le programme 6 est adopté. Vous pouvez passer
immédiatement à la Caisse de dépôt et placement.
M. Parizeau: M. le Président, la Caisse de
dépôt et placement a présenté récemment son
rapport de gestion pour l'année terminée au 31 décembre
1979.
Comme vous le savez, la caisse a changé de président
récemment. Ce n'est pas un événement fréquent
à la Caisse de dépôt et placement et cela vaut la peine
d'être souligné. M. Campeau, qui m'accompagne, est le
troisième président de la Caisse de dépôt et
placement depuis sa création, c'est-à-dire depuis une quinzaine
d'années.
La Caisse de dépôt et placement je le rappelle
brièvement a dans notre système plusieurs fonctions
distinctes. Elle est chargée, d'une part, de recevoir et c'est
comme cela qu'elle a été créée l'argent de
la Régie des rentes, mais au fur et à mesure que les
années ont passé, le nombre de déposants s'est accru. On a
demandé à la Caisse de dépôt d'administrer les fonds
de retraite des employés du secteur public. D'autre part, elle
administre aussi les fonds de la Commission des accidents du travail, elle
administre les fonds qui lui viennent de l'Office de la construction du
Québec et depuis quelque temps, elle administre les fonds de la
Régie de l'assurance automobile.
En outre, un certain nombre d'organismes publics moins importants font
aussi administrer leur fonds de retraite par la Caisse de dépôt et
certains organismes gouvernementaux ont pris l'habitude d'y déposer des
sommes. Une université s'est jointe à cette liste pour faire
administrer son régime de rentes, c'est l'Université du
Québec. On trouvera la liste complète de ces déposants en
page 40 du rapport annuel.
La Caisse de dépôt à partir des fonds qu'elle
reçoit a plusieurs fonctions de financement ou de prêt à
assurer. D'abord, elle doit assurer une partie des besoins d'emprunt du
gouvernement et d'Hy-dro-Québec, c'est-à-dire des deux grands
emprunteurs du secteur public. Deuxièmement, elle est chargée
aussi d'aider au financement des municipalités, des communautés
urbaines, et puis d'un certain nombre d'organismes parapublics qui sont
habilités à émettre leurs propres emprunts comme les
hôpitaux, les universités, les CEGEP. Troisième fonction:
la Caisse de dépôt a toujours eu comme mandat, et a toujours comme
mandat, d'assurer le financement d'entreprises ou de faciliter le financement
d'entreprises, soit par l'achat d'actions sur les bourses ou à
l'occasion de transactions de placements privés, et aussi, à plus
forte raison, d'acheter des obligations de compagnies. Quatrième
fonction: la caisse, qui s'est développée plus graduellement avec
le temps, a dans le domaine immobilier un rôle croissant qui prend
surtout la forme de crédits hypothécaires. La répartition
des fonds de la caisse entre chacune de ces orienta- tions a varié avec
le temps encore qu'un certain nombre de données centrales apparaissent.
Par exemple, le financement du gouvernement et d'Hydro-Québec
représente habituellement un pourcentage de l'ordre de 50%, parfois un
peu plus, parfois un peu moins, parfois jusqu'à 60%, des fonds
"plaçables" à long terme chaque année. Le portefeuille
d'action est, depuis plusieurs années déjà, le plus gros
portefeuille d'actions ordinaires de compagnies que l'on trouve au Canada.
Dans le domaine municipal, les performances sont moins spectaculaires,
si l'on peut dire, parce que la Caisse de dépôt et placement ne
doit pas acheter plus de 20% d'une émission d'une municipalité.
Evidemment, sur le plan municipal, ça paraît moins
exubérant que ça peut paraître sur d'autres plans.
La Caisse de dépôt et placement ne place, d'autre part,
normalement que dans des titres canadiens, c'est-à-dire que la Caisse de
dépôt et placement n'a pas l'habitude d'aller à
l'étranger. Sauf erreur, il n'y a jamais eu d'exception à
ça. Je pense qu'il n'y a jamais eu de titres, par exemple
américains ou européens, dans le portefeuille de la caisse de
quelque ordre que ce soit.
La Caisse de dépôt et placement peut cependant sortir du
registre purement québécois, et d'ailleurs c'est un peu
inévitable parce que s'il fallait que la Caisse de dépôt et
placement ne reste que dans des titres québécois, il arriverait
des moments où elle ne saurait pas où placer son argent. On a vu,
par exemple, encore l'année dernière, la Caisse de
dépôt et placement avoir un portefeuille de plusieurs centaines de
millions de dollars d'obligations du gouvernement fédéral. Il est
évident que dans le domaine pétrolier, les titres achetés
par laCaisse de dépôt et placement à la Bourse sont surtout
dans d'autres provinces canadiennes. Si elle devait se concentrer exclusivement
dans des titres pétroliers québécois, elle n'irait pas
très loin.
Alors son champ d'action est plutôt québécois quand
on parle d'hypothèques, quand on parle d'obligations municipales, quand
on parle d'hôpitaux, quand on parle d'universités et quand on
parle de financement de provinces; très canadien quand il s'agit
d'actions de compagnies ou d'obligations de compagnies et avec des pointes de
financement, quand elle a des excédents de fonds ou quand de bonnes
occasions se présentent, du côté d'obligations
fédérales.
Les politiques de prêt ont été modifiées
récemment sur un plan. Et comme on en a parlé passablement en
public, je souhaiterais terminer mes premières observations pour
décrire précisément ce qui s'est passé.
Depuis sa fondation, la Caisse de dépôt et placement
prêtait à Hydro-Qébec et au gouvernement au taux du
marché. On s'entendait, en somme, pour que les montants à
prêter à HydroQuébec et au gouvernement le soient à
certaines dates au courant de l'année, au fur et à mesure
où les fonds s'accumulaient, et ces prêts se faisaient au taux du
marché pour les obligations du Québec
ou pour les obligations d'Hydro-Québec à ces
dates-là. Cela présentait un problème que l'on voit
déjà depuis plusieurs années, qu'on a vu presque
dès le démarrage de la caisse et qui était le suivant:
c'est qu'il arrive assez fréquemment, étant donné que la
caisse est de loin évidemment de très très loin
le plus gros portefeuille d'obligations du gouvernement du Québec
et d'Hydro-Québec que l'on puisse trouver où que ce soit. D'autre
part, étant donné qu'elle est très souvent sur le
marché pour acheter ou vendre, il arrive que le marché, pour les
obligations du Québec ou pour les obligations d'Hydro-Québec, ce
soit la caisse. Un jour donné ou une semaine donnée, le
marché le plus actif sur les titres du gouvernement du Québec ou
les titres d'Hydro-Québec, c'est la caisse elle-même par ses
transactions au jour le jour. Alors, dès le début de la caisse,
dès la fin des années soixante, on s'est rendu compte à
quel point cette notion d'acheter des obligations du gouvernement ou
d'Hydro-Québec au prix du marché était ambiguë dans
la mesure où la Caisse de dépôt et placement avait la
taille pour faire le marché.
Néanmoins, en dépit de ces difficultés, on n'avait
pas beaucoup de solutions de remplacement. Donc, cela a duré
jusqu'à très récemment. Récemment, nous avons
été confronté par une décision du Heritage Fund
d'Alberta à savoir que, dorénavant, le Heritage Fund
prêterait aux provinces canadiennes à un taux
d'intérêt qui serait le taux de rendement de la province qui a le
meilleur taux de rendement au moment où la transaction se fait,
c'est-à-dire habituellement en Ontario. (16 h 30)
En somme, le Heritage Fund qui, je le rappelle, place les fonds obtenus
par le gouvernement de l'Alberta à partir des redevances sur le
pétrole, le Heritage Fund a décidé de commencer à
placer son argent dans les provinces en les traitant toutes sur le même
pied et en les égalisant toutes avec le plus bas taux de rendement qu'il
y a sur le marché, au moment où la transaction se fait.
Donc, s'il prête par exemple il est évident que le
Heritage Fund ne prête pas beaucoup aux gouvernements, mais il
prête à des compagnies, Hydro, par exemple, sur une échelle
croissante alors s'il a un prêt à faire à la
compagnie Hydro du Nouveau-Brunswick ou bien s'il a un prêt à
faire à Hydro-Québec, ou encore s'il a un prêt à
faire à B.C.-Hydro, il va le faire au taux de la province qui a le
meilleur taux de rendement, le jour où la transaction se fait, qui
encore une fois est habituellement en Ontario.
Comme Heritage Fund a commencé à prêter de l'argent
à Hydro-Québec, cela plaçait la Caisse de
dépôt dans une situation un peu baroque. Si la Caisse de
dépôt n'avait pas poursuivi sa politique, ou enfin si elle avait
poursuivi plutôt son ancienne politique, cela aurait pu donner le
résultat suivant: C'est que la Caisse de dépôt, à
peu près au même moment, aurait été prête
à prêter de l'argent à Hydro-Québec à un taux
plus élevé que Heritage Fund prêtait à
Hydro-Québec. C'est dans ces con- ditions, quand on s'est rendu compte
que non seulement Heritage Fund avait pas mal d'argent à placer, mais
effectivement commençait à en placer passablement et qu'il en
aurait de plus en plus, que le conseil d'administration de la Caisse de
dépôt, le 26 mai, a adopté une résolution en vertu
de laquelle, pour ce qui a trait à ses prêts au gouvernement du
Québec et aux titres qui sont garantis par le gouvernement du
Québec, c'est-à-dire entre autres à Hydro-Québec,
la Caisse de dépôt adopterait la même attitude ou la
même politique que Heritage Fund.
En fait, la politique de placement, à l'heure actuelle, pour le
gouvernement du Québec et les titres garantis... Je m'excuse, je me suis
trompé tout à l'heure. On me disait le 26 mai. Ce n'est pas le 26
mai, c'est le 21 avril. La note était datée du 26 mai, mais la
résolution est du 21 avril.
Donc, la Caisse de dépôt prête maintenant, comme je
le disais, au gouvernement du Québec et aux sociétés qui
sont garanties par le gouvernement du Québec, selon la même
politique que Heritage Fund le fait.
Voilà, en somme, M. le Président, ce que j'avais à
dire comme note d'introduction.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Notre-Dame-de-Grâce, vous pouvez si vous voulez...
M. Scowen: M. le Président, nous avons l'intention de
poser plusieurs questions au sujet de la Caisse de dépôt.
Quand cette société a été
créée, en 1965 si ma mémoire est bonne, il y avait des
objectifs assez précis. Ces objectifs étaient poursuivis par un
groupe de personnes d'une compétence excellente. A cause de cela, cette
société est devenue, si vous voulez, une des plus
respectées dans son domaine, non seulement au Québec mais au
Canada.
Elle a été créée spécifiquement pour
les besoins du Québec. Elle a été créée, en
plus, afin d'éviter certaines faiblesses qu'on voyait dans les
sytèmes des autres provinces et du gouvernement du Canada, et elle
était vue jusqu'à récemment comme une
société de première qualité.
Plus récemment et surtout depuis deux ans, il subsiste de grandes
questions autour de cette société. Plusieurs questions... Je
pense qu'il subsiste un gros point d'interrogation, aujourd'hui, au sujet de
cette société. Il y a beaucoup de fumée. Je pense qu'il
est essentiel, dans les prochains jours, que la question de la
crédibilité de la caisse soit réglée. Parce que je
n'exagère pas quand je dis que les autres institutions
financières du Québec et du Canada, les personnes responsables de
ces institutions, les journalistes et bientôt, j'espère, le public
vont commencer à se poser la question. La crédibilité de
la plus grande et de la plus importante société dans ce domaine,
au Canada, est en jeu, et avec elle, celle du ministre et du gouvernement.
Je veux citer simplement, dans mon avant-propos, neuf
événements qui, je pense, ont eu
pour effet de mettre en doute la crédibilité de cette
société. Après j'essaierai d'aborder les questions d'une
autre façon; mais je veux commencer avec ces neuf
événements qui ont chacun une importance particulière.
Premièrement, pendant les dernières années, mais
particulièrement en 1978, la majorité des administrateurs de la
société a été remplacée par les amis du
Parti québécois: MM. Claude Cas-tonguay, Hervé Belzile et
Raymond Lavoie ont été remplacés par Pierre
Péladeau, André Marier et Fernand Paré.
Deuxièmement, le départ de M. Pierre Harbour, avec un
grand point d'interrogation, question qui est soulevée de nouveau
aujourd'hui dans le journal Finances.
Troisièmement, il y a la démission de M. Cazavan avant la
fin de son mandat, pour des raisons dites personnelles, mais de façon
assez curieuse, puisqu'il a été retenu comme conseiller à
un salaire aussi élevé que celui du président actuel, si
mon information est exacte. Il est parti, mais il n'est pas parti.
Pourquoi?
Quatrièmement, pour la première fois dans l'histoire de
cette société, il a été remplacé par une
personne qui est venue directement de la fonction publique, un sous-ministre
adjoint du ministère des Finances. C'est une société qui
avait toujours essayé de garder une distance entre le gouvernement et
ses actions particulières.
Cinquièmement, il y a le départ de l'administrateur
nommé par le gouvernement actuel, M. Kierans, de façon assez
abrupte il y a quelques semaines.
Sixièmement, il y a actuellement des rumeurs sur la
possibilité du départ d'au moins deux cadres supérieurs
très expérimentés et ayant une longue expérience
dans la société. On parle de départs incessamment. Si ce
ne sont que des rumeurs, j'espère que ce sera clarifié ici.
Septièmement, devant un déficit sans
précédent dans les comptes publics du Québec, par
coïncidence peut-être, le ministre a décidé
d'établir par l'entremise de la société une nouvelle
politique en ce qui concerne le taux d'intérêt, d'établir
un taux de faveur pour le gouvernement avec les raisons qu'il vient
d'expliquer, mais qui pour moi et je vais expliquer pourquoi ensuite
sont nettement insuffisantes.
Huitièmement, il y a la décision du ministre de demander
à la caisse ou, si vous voulez, une décision de la caisse
d'accepter d'acheter pour un montant sans précédent des
obligations du gouvernement du Québec cette année, montant qui
sera un pourcentage sans précédent du total des fonds disponibles
à la caisse cette année.
Nous avons l'intention de poser des questions sur la décision
récente qui n'est peut-être pas directement reliée,
mais qui peut avoir un lien du ministre de vendre un montant sans
précédent d'obligations d'épargne aux
Québécois à un taux d'intérêt de 14%. On va
certainement poser des questions à savoir combien en ont
été vendues à ce prix.
Finalement, il a la déclaration du nouveau président, dans
un communiqué de presse, d'une nouvelle politique, d'une politique qui
n'est pas du tout bien définie, mais qu'il qualifie de très
importante et de fondamentale, qui n'est pas bien décrite dans le
communiqué de presse, qui est loin d'être claire, qui est
entourée de certains slogans... Je pense que je cite fidèlement
le président quand il disait: Dorénavant, dans la politique de la
Caisse de dépôt et placement du Québec, le mot le plus
important sera Québec. Comme si les administrateurs et la direction de
cette société n'avaient pas comme premier but, dans les
années précédentes, le bien-être des
Québécois et du Québec.
Ce sont neuf choses qui sont arrivées depuis deux ans maintenant.
Chacune, isolément, est importante. Mais je pense que le ministre
lui-même, s'il se trouvait dans l'Opposition ou s'il était
journaliste, un jour, devant toute une série d'événements
dont chacun touche la crédibilité d'une société qui
a été bâtie par les gouvernements libéraux et de
l'Union Nationale depuis 1965, aurait la responsabilité d'obtenir des
réponses très précises à ces questions.
Je ne sais pas si une commission parlementaire sur les crédits
est le meilleur lieu pour poser ces questions. C'est clair que les personnes
qui ont les données ou les informations ne sont pas ici aujourd'hui,
mais elles peuvent être appelées à comparaître devant
une commission parlementaire spéciale. Mais on verra. On va poser les
questions que nous avons préparées cet après-midi et ce
soir. Si le ministre peut répondre à ces questions de
façon à satisfaire non seulement l'Opposition officielle, mais la
population en général, on va les laisser tomber. Mais si le point
d'interrogation au-dessus de cette société, au-dessus de ses
liens avec le gouvernement et au-dessus des pratiques du gouvernement touchant
cette société qui était, jusqu'à récemment,
une société dont tous les Québécois étaient
très fiers et qui était une garantie pour l'avenir des fonds de
pension des Québécois, si ces questions ne sont pas
réglées ici; nous avons l'intention, bien sûr, d'aller plus
loin.
L'argent de la caisse, ce n'est pas les impôts. L'argent de la
caisse, c'est l'épargne des Québécois. Ni le gouvernement,
ni ses institutions n'ont le droit d'utiliser cette épargne pour des
fins autres que le bien-être des fonds de pension des
Québécois. Nous avons l'intention de poser des questions sous
trois grandes rubriques. Premièrement, il nous faut certaines
informations en ce qui concerne les activités de la caisse pendant les
dernières années, surtout en ce qui a trait au financement des
dettes du gouvernement actuel. Deuxièmement, une série de
questions qui touchent les événements dont je viens de parler,
surtout celui qui concerne les personnalités. Finalement, on aimerait
aborder un peu plus en profondeur la question de l'orientation de cette
société dans l'avenir. Je ne sais pas si mon collègue a
des choses à dire de nature générale avant de
commencer les questions. Si oui, je vais lui passer la parole.
Le Président (M. Boucher): Merci, M. le
député de Notre-Dame-de-Grâce. M. le député
de Bellechasse, pour les remarques préliminaires.
M. Goulet: M. le Président, au niveau des remarques
générales concernant le sujet que nous abordons, sujet que je
serais tenté d'appeler le mystère qui entoure la Caisse de
dépôt et placement, comme le disait le député de
Notre-Dame-de-Grâce... C'est vrai que depuis quelque temps, il s'est
produit des événements qui laissent la population un peu
songeuse, à savoir si le gouvernement je le dis sous toute
réserve ne manipule pas à son gré la Caisse de
dépôt et placement. (16 h 45)
Voici certaines questions que se pose la population. On
considère, et avec raison, que la Caisse de dépôt est un
levier économique important pour le Québec. En plus, même,
on nous donne l'impression qu'elle ne sert qu'à être le
créancier des dettes du gouvernement. Si on ajoute à cela, M. le
Président, les rumeurs circulant autour des démissions qui se
sont produites au cours des derniers mois, on en vient à se poser de
sérieuses questions sur l'autonomie de la Caisse de dépôt
et placement du Québec. C'est facile de dire que le financement du
déficit budgétaire du gouvernement est facilité par la
Caisse de dépôt, mais ce n'est pas lier la Caisse de
dépôt au gouvernement, à l'avance; il est difficile de dire
cela. J'aimerais savoir, M. le Président, du président même
de la Caisse de dépôt étant donné qu'il nous fait
l'honneur de sa présence, ainsi que du ministre des Finances,
jusqu'à quel point la direction de la Caisse de dépôt est
libre dans ses décisions. Quel degré d'autonomie a la direction
de la Caisse de dépôt à l'égard du gouvernement?
Je pense qu'on n'a pas le droit de laisser circuler de telles rumeurs et
ce n'est pas du charriage, je pense, d'amener ces propos à la commission
parlementaire. Si le ministre a, comme nous, lu les journaux ces
dernières semaines, je pense que la crédibilité de la
Caisse de dépôt en prend pour son rhume. On n'a qu'à
penser, par exemple, au salaire consenti à l'ex-président qui a
conservé le même salaire comme conseiller. Comme le disait le
ministre lors d'une question à l'Assemblée nationale, il serait
difficile dans l'entreprise privée d'avoir des conseillers qui vont
travailler pour nous à titre de conseiller et à un salaire
à l'égal du salaire d'un sous-ministre ou quelque chose de
semblable. M. le Président, quand on est rendu à payer un
conseiller exactement le même salaire qu'il avait au moment où il
était président de la Caisse de dépôt, je me demande
et encore là ce sont des choses que nous entendons souvent dans
la population si ce n'est pas justement $350 000 donnés pour
avoir la paix et si c'est cela, il faudrait qu'on ait des explications parce
que cela commence à être des gros sous. $72 000, pendant cinq ans,
pour un conseiller, je me demande si ce n'est pas acheter la paix tout
simplement.
Toujours concernant la Caisse de dépôt, mais cette fois au
sujet des contributions du Régime de rentes dont la Caisse de
dépôt a la gestion. C'est un secret de polichinelle, M. le
Président, que si on n'accroît pas la contribution des citoyens
québécois au régime de rentes, il sortira bientôt
beaucoup plus d'argent de la Caisse de dépôt, beaucoup plus
d'argent au paiement des pensions, qu'il en entrera sur les
prélèvements salariaux des Québécois au travail.
Dans ce contexte, ne serait-il pas préférable d'augmenter tout de
suite les cotisations graduellement dans le but de rentabiliser la Régie
des rentes? Au train où cela va, nos enfants et nos petits-enfants
auront à nous payer des pensions par l'impôt plutôt que par
le rendement d'actifs que nous aurions pu leur léguer. Ce que je demande
au ministre, c'est où il ira chercher ce nouvel argent pour compenser
à la chute des contributions? Bien sûr, au fur et à mesure,
qu'avanceront les débats, nous aurons d'autres questions à
formuler au ministre des Finances et au président de la Caisse de
dépôt, justement parce que nous sommes conscients que cet
organisme est extrêmement important au niveau du développement du
Québec. Il s'est passé des choses, depuis deux ans comme
le disait mon collègue de Notre-Dame-de-Grâce je pense que
la population du Québec est en droit d'avoir des réponses aux
nombreuses questions qu'elle se pose actuellement.
Le Président (M. Boucher): M. le ministre.
M. Parizeau: M. le Président, je vais commencer par la
fin, par la dernière observation du député de Bellechasse
qui dit que depuis deux ans, il s'est passé des choses. Effectivement,
depuis deux ans, il s'est passé des choses. Je ne me souviens pas qu'on
ait jamais dit que le travail d'un gouvernement consiste à administrer
les affaires courantes. Il se passe des choses! La première des jobs
d'un gouvernement c'est de gouverner. Je ne vais pas m'excuser qu'il se soit
passé des choses. Il s'est passé des choses! On va prendre les
choses qui se sont passées et on va essayer d'interpréter ce qui
s'est passé, d'abord de le constater et de l'interpréter. Je
pense que la liste des neuf ou dix points mentionnés par le
député de Notre-Dame-de-Grâce va servir de bonne
introduction et je reviendrai sur deux points additionnels qu'a soulevés
le député de Bellechasse pour terminer.
La première affirmation du député de
Notre-Dame-de-Grâce: le gouvernement, à l'occasion de
modifications dans le conseil d'administration de la Caisse de
dépôt et placement, aurait nommé des amis du Parti
québécois. Je trouve ça assez amusant, M. le
Président, qu'on présente ça comme cela. Je veux bien que
le député de Notre-Dame-de-Grâce interprète
ça, maintenant qu'il est en politique, de cette façon, mais
qu'est-ce qu'il pense de la nomination de Claude Castonguay? Qu'est-ce qu'il
pense de la nomination, en 1973, de Claude Forget? Je ne veux tout de
même pas en arriver à une situation où parce que quelqu'un
considère que le Parti québécois ne lui est pas
totalement répugnant, il faut maintenant l'exclure une fois pour
toutes de tout poste. On va chercher des gens qui sont compétents au
meilleur jugement que l'on peut avoir. Et le fait qu'ils aient des convictions,
je pense qu'il n'y a pas plus de raisons que ça les gêne pour des
postes comme ceux-là que ça gênait les exemples que je
viens de donner.
A cet égard, je vous avouerais, M. le Président, que je
n'ai aucune espèce, et pas la moindre excuse à présenter
sur ce plan, d'autant plus que certains des exemples qu'il donne sont assez
drôles. Il donnait comme exemple de ça, André Marier.
André Marier occupe au conseil d'administration de la Caisse de
dépôt et placement... C'est un excellent cas parce que ça
va indiquer à quel point, quand on veut faire courir des rumeurs, on
peut faire courir des rumeurs. La rumeur publique, c'est toujours
extrêmement dangereux. Quel poste occupe André Marier? Il occupe
exactement le poste au conseil de la Caisse de dépôt et placement
qu'un autre occupait, qui s'appelait Jacques Parizeau, au début de la
Caisse de dépôt et placement. Il occupe le poste, que j'ai
occupé pendant plusieurs années, comme un des
représentants du gouvernement nommés parmi les fonctionnaires. Et
pourquoi avais-je ce poste-là? Parce que j'ai beaucoup travaillé
à la mise en place de la Caisse de dépôt et placement. Et,
pendant que je faisais pas mal de travail pour la mise en place de la Caisse de
dépôt et placement, qu'est-ce que faisait M. André Marier?
Il travaillait avec moi à la mise en place de la Caisse de
dépôt et placement. On a travaillé ensemble au projet.
Alors, ça ne présentait pas de problème à l'un des
artisans du projet qui était moi, ce n'était pas discutable que
je sois à ce poste-là dans les années 1966,1967,1968,
jusqu'en 1969 où là, j'ai eu des activités parascolaires
qui m'ont un peu éloigné de ce genre de poste, mais ça
poserait des problèmes aujourd'hui qu'André Marier qui a
travaillé avec moi à ce moment-là à la mise en
place de la Caisse de dépôt et placement, qui connaît
l'institution comme sa poche, qui la suit depuis de temps-là, là,
c'est dommageable que tout à coup il devienne membre du conseil
d'administration. Je m'excuse, mais de qui se moque-t-on? Soulever la
compétence d'André Marier qui est un des artisans principaux de
la caisse, à être au conseil de la caisse me paraît
immonde.
Deuxième question, deuxième événement qui,
semble-t-il, entacherait la caisse: le départ de M. Arbour et la
campagne que mène contre M. Arbour un journal pas les journaux,
un journal, et dans ce journal, un journaliste. Je ne veux pas entrer loin dans
cette affaire-là, M. le Président, mais je vous dirais bien que
parfois il y a des conflits d'intention, des conflits non pas des
conflits d'intérêts d'argent entre deux hommes qui peuvent
faire en sorte qu'un homme n'en aime pas beaucoup un deuxième.
Le journaliste en question avait suggéré plusieurs moyens
de financer une compagnie qui s'appelle Laduboro. Et, finalement, M. Arbour,
retourné au secteur privé, premièrement, s'est mis
à financer Laduboro. Le journaliste n'a pas trouvé ça
très drôle. Il a trouvé ça d'autant moins
drôle il faut quand même le dire à certains moments,
quand ça devient un moyen de juger la caisse que le journaliste
en question a intenté une poursuite judiciaire contre Laduboro.
Evidemment, à partir du moment où un journaliste intente
une poursuite judiciaire à l'égard d'une compagnie qui est
financée par quelqu'un d'autre et attaque ce quelqu'un d'autre, à
toutes les trois semaines, régulièrement dans son journal, je
pense qu'on peut laisser les hommes être ce qu'ils sont et ne pas juger
que c'est nécessairement quelque chose qui entache la Caisse de
dépôt de quoi que ce soit. Laissons les hommes développer
l'hommerie qui est inévitable dans ce genre de choses. L'important,
simplement, c'est d'avoir les yeux suffisamment ouverts pour se rendre compte
que lorsque deux personnes sont en conflit d'argent l'une contre l'autre, et
que c'en est rendu au niveau des cours de justice, il n'est pas
nécessaire de considérer que le débat est
nécessairement marqué au sceau de la plus grande
objectivité.
Alors, passons à des choses un peu plus sérieuses.
Troisième question, la démission de M. Ca-zavan. M.
Cazavan a été sous-ministre en titre au ministère des
Finances. De là, il est passé vice-président à la
Canadian Development Corporation. On lui a demandé, en 1970, je pense,
non, excusez-moi, en 1973, de devenir président-directeur
général de la Caisse de dépôt et placement. C'est un
contrat de dix ans et un contrat de dix ans qui prévoit que le
président ne peut être démis de son poste autrement que par
un vote de l'Assemblée nationale et que son salaire ne peut être
réduit. C'est ce que dit la loi. C'est un type de protection qui est
très voisin, en fait c'est à peu près identique, à
celui du gouverneur de la banque du Canada. En fait, pour les mêmes
raisons, on veut que l'homme qui a ce poste, d'abord, soit en poste longtemps.
Deuxièmement, qu'on ne puisse pas, justement, et là, j'aborde par
la bande une question sur laquelle je reviendrai, en répondant tout
à l'heure, aux questions que posait le député de
Bellechasse, on ne veut pas qu'il puisse être une sorte de marionnette du
gouvernement du moment.
Donc, il est là pour dix ans. Personne ne peut le mettre dehors
autrement que l'Assemblée nationale, par un vote. D'autre part, son
salaire ne peut pas être réduit. C'est l'article 8 de la charte de
la Caisse de dépôt et placement.
Or, M. Cazavan avait indiqué qu'il n'était pas du tout
certain qu'il irait jusqu'à son terme de dix ans. Il l'avait
accepté en 1973, les années ont passé et, à un
moment donné, M. Cazavan a décidé que les années,
qu'il voulait passer à la caisse, à la direction de la caisse
plutôt, s'étaient écoulées et il a demandé de
démissionner.
Voilà un homme qui est à quelques années de la
retraite, qui, de toute façon, a en poche son contrat de dix ans, avec
un salaire qui ne peut pas être réduit, mais qui dit: Bon, j'ai
passé un certain
nombre d'années dans ce poste, j'aimerais maintenant faire autre
chose. Le problème consiste essentiellement à savoir comment le
gouvernement traite quelqu'un comme cela, au cours des dernières
années, avant sa retraite.
J'ai eu l'occasion de dire, à l'Assemblée nationale, que
cet homme a passé, donc, une bonne partie de sa vie active au service de
l'Etat. Nous savons tous que le système des pensions, à
l'intérieur du secteur public, base entièrement le montant de la
pension sur la moyenne des cinq meilleures années. Ce qui, en pratique,
dans un contexte inflationniste comme celui que nous connaissons, veut dire les
cinq dernières. (17 heures)
J'ai eu l'occasion de dire aussi que les salaires que nous payons
à des postes de responsabilité pareils et je pense que
c'est vrai des sous-ministres en titre, je pense que c'est vrai de plusieurs
présidents de sociétés d'Etat ces salaires sont
très au-dessous de ce que le secteur privé paierait pour des
postes analogues. Un bonhomme qui viendrait du secteur privé et qui
entrerait dans une institution aussi importante que la Caisse de
dépôt et placement, d'abord, s'entendrait à l'avance, en
entrant, sur le genre de montant qu'il aura en sortant, justement en
prévision de sa retraite, et demanderait un salaire qui serait sans
aucune commune mesure avec ceux que nous payons.
Comment fait-on, nous, pour trouver des gens qui vont accepter de faire
ce type de travail, d'assumer ce genre de responsabilité et de fournir
à l'Etat, quelque soit le gouvernement au pouvoir, le genre de
loyauté auquel le gouvernement, quel qu'il soit, est en droit de
s'attendre?
Une des raisons pour lesquelles on peut faire fonctionner le
système de cette façon, c'est qu'on ne joue pas, en fin de
carrière, avec les droits à la pension, de ces gens. Cela ne se
fait à aucun niveau, mais à plus forte raison pour des gens qui
ont des responsabilités pareilles et dont on sait très bien
qu'ils sont très sous-payés pour ce type de responsabilité
par rapport au secteur privé; on ne joue pas avec leur droit à la
pension.
Là, il y avait plusieurs possibilités; l'une qui
consistait pour moi, par exemple, à nommer M. Cazavan comme conseiller
spécial au ministère des Finances, le plus tôt possible, ou
bien encore à accepter qu'il occupe ce poste de conseiller à la
Caisse de dépôt, où il remplit une fonction que personne ne
remplissait vraiment jusque-là, c'est-à-dire les rapports avec
l'ensemble des déposants.
J'ai indiqué tout à l'heure, dans mon introduction, que le
nombre de déposants s'est accru. Leurs besoins sont devenus passablement
diversifiés, la façon dont il faut placer les fonds de l'Office
de la construction du Québec, de la Régie des rentes, de
l'assurance automobile n'est pas pareille. Là, nous avons, dans M.
Cazavan, d'abord, quelqu'un qui connaît la machine admirablement et,
d'autre part, qui, maintenant, va avoir comme une des fonctions mais
fonction essentielle et nouvelle à la caisse de s'occuper des
besoins financiers, des besoins de placement, du dessein, de la structure de
placement nécessaire pour chacun des déposants. On n'avait pas
ça jusqu'à maintenant; c'était un poste qui n'était
pas comblé.
J'ai préféré de loin une formule comme
celle-là, d'une part, parce qu'il y avait manifestement un poste
à occuper, et que, d'autre part, M. Cazavan pouvait l'occuper, à
mon sens, mieux que quiconque.
Mais qu'on mette en cause l'intégrité de la caisse ou
l'intégrité du gouvernement pour avoir décidé
ça plutôt que de prendre M. Cazavan comme conseiller
spécial au ministère des Finances, je vous avouerai que je trouve
ça odieux; parce que ce qu'il y a derrière cette idée,
c'est qu'on aurait bien pu couper le salaire de M. Cazavan et faire en sorte
que sa pension soit réduite à la fin de sa carrière dans
le secteur public. Mais cela, j'ai déjà dit que, à mon
sens, c'était déshonorant et je le répète.
Quatrième question: le remplacement de M. Cazavan. J'ai
proposé, au Conseil des ministres, que M. Cazavan soit remplacé
par M. Jean Campeau pour les raisons suivantes. On conviendra qu'il y a
quelques années que je m'occupe de questions financières
je n'ai pas attendu d'être ministre pour ça je n'ai jamais
rencontré quelqu'un qui ait une connaissance aussi remarquable des
marchés financiers que M. Campeau. Après avoir travaillé
avec lui pendant maintenant presque quatre ans, j'étais absolument
convaincu que personne ne pouvait faire un aussi bon travail dans le cadre des
opérations de la caisse que M. Campeau. Alors, est-ce que je dois
m'excuser que mes convictions, quant à cela, m'aient amené
à recommander au Conseil des ministres de nommer M. Jean Campeau? Je
vous avouerai que ça ne me... là encore, le premier travail d'un
gouvernement, c'est de gouverner, selon le jugement qu'il peut avoir à
la fois des hommes et des circonstances.
Mais, le député de Notre-Dame-de-Grâce disait: C'est
la première fois qu'un président de la caisse vient directement
du ministère des Finances. Bien, il ne peut pas y avoir beaucoup de
fois, car M. Campeau est le troisième en quinze ans, le troisième
président. D'autre part, comme je l'ai déjà
indiqué, M. Cazavan, lui, a été sous-ministre en titre et,
d'autre part, à cause de la protection tout à fait remarquable
qu'offre la charte à celui qui est nommé dès qu'il est
nommé qu'il vienne directement ou indirectement, ça n'a
pas beaucoup d'importance il ne peut pas être renvoyé de
son poste, sans un vote de l'Assemblée nationale et, donc, un
débat de tous les diables. Vous imaginez ce que ça voudrait dire.
Il est protégé comme personne n'est protégé
ailleurs dans le secteur public, qu'il vienne directement, comme M. Cazavan,
par le truchement de la Canadian Development Corporation, après avoir
été plusieurs années sous-ministre des Finances, pour moi,
ça n'a vraiment aucune espèce d'importance.
Abordons maintenant la question du départ de M. Kierans.
J'imagine qu'on ne relèvera pas que c'était nécessairement
un ami du PQ que nous
avons nommé au conseil d'administration. Je reviens au premier
point de M. le député de Notre-Dame-de-Grâce. M. Kierans a
été nommé par le présent gouvernement. M. Kierans a
décidé de démissionner dans un contexte politique,
c'est-à-dire pendant la campagne référendaire. C'est un
choix que n'importe quel citoyen qui occupe un poste peut faire et ça le
regarde. Mais, dans sa lettre de démission, il soulève deux
questions tout à fait distinctes. La première a trait au fait que
le gouvernement siphonnerait des fonds de la caisse, aurait en somme un moyen
d'aller chercher à la caisse des sommes que la caisse ne devrait pas
prêter au gouvernement. J'ai eu l'occasion de dire, le premier ministre
aussi, que le plan d'affectation des fonds de la caisse on
procède comme ça une fois par année, c'est-à-dire
qu'une fois par année, la caisse fait une première distribution
des fonds entre les différentes voies dont je parlais
précédemment, tant dans telle voie et tant dans telle autre. Cela
ne veut pas dire qu'au courant de l'année, d'ailleurs, elle ne change
pas certaines choses dépendant un peu de la situation du marché,
mais soit une espèce de plan d'affectation des fonds.
A la réunion où ce plan d'affectation des fonds a
été préparé, la décision de prêter
à HydroQuébec et au gouvernement les sommes dont on a
parlé a été prise à l'unanimité. J'ai cru
comprendre par la suite là, je vous avouerai que dans le
tohu-bohu de la campagne référendaire, il y avait des bouts de
télévision et de radio qui parfois m'échappaient
qu'il n'aurait pas été présent pendant toute la
réunion. M. le Président, j'allais dire: Ce n'est pas mon
problème. Si quelqu'un est pressé et part avant la fin de la
réunion et qu'il constate qu'effectivement la décision est
unanime, il fait corriger ça ou bien il part plus tard. Ce n'est pas une
décision secondaire dont on parle, la principale fonction de la Caisse
de dépôt c'est d'affecter des sommes entre différents
usages. On ne discute pas ici de l'administration de la petite caisse de
café, c'est le plan d'affectation des fonds, c'est-à-dire la
principale fonction de la caisse.
Si on s'excuse ensuite en disant: Je suis obligé de partir un peu
vite... J'ai trop longtemps oeuvré comme membre du conseil
d'administration de la caisse pour savoir que de telles réunions, on ne
saute pas cela.
D'autre part, cela lui a pris, si je comprends bien, un mois et demi
pour se rendre compte que l'affectation qui avait été faite ce
jour-là ne correspondait pas à ce qu'il espérait ou
à ce qu'il souhaitait. Je trouve que c'est bien long. Encore une fois,
le rôle de la caisse n'est pas de fabriquer des petits pois, ce n'est pas
de faire de l'acier, c'est de prêter l'argent du fonds d'affectation.
C'est le geste majeur de la compagnie. Découvrir un mois et demi
après qu'on voulait faire de l'acier et que ce sont des petits pois
qu'on a produits, c'est bizarre!
Deuxièmement, M. Kierans soulève une autre question qui
est celle d'un gouvernement qui irait chercher auprès de la caisse des
taux préfé- rentiels. J'ai expliqué tout à l'heure
longuement et on y reviendra s'il le faut que ce n'est pas une
question de taux préférentiels, c'est une question simplement de
s'aligner sur une pratique, à mon sens d'ailleurs fort logique
parce que je vous avouerai que je n'ai jamais très bien compris pourquoi
au Canada les provinces empruntent à des taux différents qu'a
adoptée le Heritage Fund. Le problème ne consiste pas... Si M.
Kierans, dans sa lettre de démission, avait parlé du Heritage
Fund, avait parlé des nouveaux éléments que comportait la
situation, je comprendrais. Non, tout ce qu'on voit apparaître dans sa
lettre c'est à des taux préférentiels comme si le
gouvernement demandait des faveurs, et des faveurs non chiffrées, plus
ou moins au gré du ministre des Finances qui dit à la Caisse de
dépôt: Vous ne pourriez pas me passer quelques centaines de
millions à un petit 5%! Il ne s'agit pas de cela. On peut
interpréter cela quand on lit la lettre. Il ne s'agit pas de cela et il
ne s'agissait pas de cela au conseil d'administration de la Caisse de
dépôt qui a majoritairement adopté la politique du Heritage
Fund avec laquelle M. Kierans n'était pas d'accord.
On me signale un passage de la lettre de M. Kierans qui fait comprendre
encore davantage ce que je veux dire: "Le ministère des Finances est
prêt à payer le prix courant aux investisseurs étrangers ou
aux investisseurs indépendants, mais il exigera des taux
préférentiels de la caisse". C'est exactement comme si je
pouvais, avec toute la protection dont j'ai parlé tout à l'heure,
dire à M. Campeau: Passez-moi donc $400 000 000 à 5%! Il n'y a
pas d'autres explications dans la lettre. En fait, la question, le
problème était posé par la pratique du Heritage Fund. Je
comprends que M. Kierans puisse être en désaccord avec une
décision de son conseil d'administration comme il l'a été
à ce moment-là et dire: Cette décision, je la trouve
insupportable et, dans ces conditions, je quitte le conseil d'administration de
la caisse. C'est son privilège, je n'en disconviens pas. On peut se
poser des questions quant à la première argumentation,
c'est-à-dire celle qui consistait à dire: Je ne suis pas d'accord
avec l'affectation des fonds. Je reconnais, cependant, que quelqu'un puisse
dire: Même si le "Heritage Fund" prend une décision comme
celle-là au Canada, moi, administrateur de la caisse, cela n'a pas de
bon sens pour la caisse et, dans ces conditions, je m'en vais, même si la
majorité des membres du conseil d'administration sont d'accord avec la
politique.
Sixième point. Le député de
Notre-Dame-de-Grâce parlait de rumeurs de démission. Je ne sais
pas. Il y en aura peut-être ou il y en aura peut-être pas, mais je
ferai remarquer cependant qu'il y a eu bien plus de démissions de
personnel à la Caisse de dépôt à cause de la
politique de rémunération qui n'a pas été
changée pendant des années que pour des raisons comme celles que
soulevait le député de Notre-Dame-de-Grâce. En fait, dans
le rapport annuel, sauf erreur, il y a un certain nombre d'allusions assez
précises au personnel
que la Caisse de dépôt a perdu pendant des années
à cause de cela. (17 h 15)
Page huit, M. le Président: "Au cours des années 70, la
Caisse de dépôt et placement s'est constituée une
équipe de gestion à la hauteur du nombre croissant des
défis qu'elle doit relever. Le total des biens sous gestion a presque
décuplé pendant cette période alors que les effectifs ont
moins que triplé. Les résultats obtenus sont d'autant plus
éloquents que la Caisse de dépôt et placement a
été durement touchée par de nombreux départs
à tous les paliers de l'administration. A titre d'exemple, mentionnons
que pas moins de 48 personnes, soit 13 membres du personnel cadre et 35
professionnels du placement, ont quitté leur emploi au cours des dix
dernières années. En 1979 seulement, le nombre des départs
a été de huit. Il n'est donc pas surprenant que parmi 29 cadres
en fonction au 31 décembre 1979, on n'en dénombrait que quatre
ayant fait partie de la direction pendant plus de dix ans. L'érosion
constante survenue au niveau du personnel dirigeant et spécialisé
a eu pour effet d'abaisser à moins de sept la moyenne des années
de service des cadres de la Caisse de dépôt et placement.
L'âge moyen de ces derniers s'établissait, etc." Je continue, M.
le Président. "Conformément à l'arrêté en
conseil 1031 du 11 avril 1979, la Caisse de dépôt et placement
assume depuis cette date la responsabilité de la gestion et de la
rémunération de son personnel."-
Pourquoi, M. le Président? Parce qu'il y a un problème pas
réglé à la caisse depuis quinze ans. Je m'excuse, M. le
Président, mais je l'ai réglé. Cela faisait quinze ans que
ces gens-là se battaient pour sortir des normes extrêmement
resserrées de la Commission de la fonction publique. Cela n'avait jamais
été réglé par les gouvernements antérieurs.
Et, évidemment, sur le plan des équivalences, c'était
très difficile d'établir des équivalences. Un bon
"trader", ça n'a pas de prix pour n'importe quelle institution. D'autre
part, un bon "trader" n'est pas "trader" toute sa vie. C'est un peu comme le
hockey, il faut attacher ses patins. La tension est telle qu'il n'y a pas
beaucoup de Gordie Howe dans ce métier. Il est utilisable pendant
quelques années, après ça on s'en sert comme analyste,
mais pendant un certain nombre d'années, il y a une pression nerveuse,
physique sur ces gens-là qui est absolument extraordinaire. Vous ne
pouvez pas établir une correspondance quelconque avec l'un ou l'autre
des corps de la fonction publique et un bon "trader", ce n'est pas
faisable.
Le résultat, c'est qu'à cause d'une politique de
rémunération calquée sur la fonction publique pendant des
années et des années, et des années, le personnel de la
caisse, les cadres de la caisse, sont, comme l'extrait que je viens de lire,
sortis les uns après les autres. Et ça, je suis très fier
d'avoir pu enfin le régler, d'avoir fait sortir la caisse de la fonction
publique et d'avoir fait en sorte qu'ils aient une pratique de
rémunération plus conformes aux pratiques que l'on trouve
ailleurs. Alors, dans ce sens-là, M. le député de
Notre-Dame-de-
Grâce soulevait le cas d'une couple de démissions dont il
aurait entendu parler, peut-être. A côté du problème
que j'ai réglé, à mon sens, ce n'est pas grand-chose.
Bon, la question numéro 7 avait trait à la nouvelle
politique de taux d'intérêt créé par Heritage Fund.
J'en ai parlé deux fois, je ne vais pas répéter une
troisième fois.
Passons maintenant à la décision de la caisse d'acheter un
montant sans précédent de titres du gouvernement, disait le
député de Notre-Dame-de-Grâce. En effet, c'est un montant
sans précédent. L'inflation joue dans ce domaine-là comme
pour le prix du beurre. Il suffit simplement de pratiquer la même
politique indéfiniment et seulement par l'inflation, ça fait
chaque année des montants sans précédent. Je peux
même vous dire que si l'inflation continue à 10% par année,
dans quatre ans d'ici, le montant sera sans précédent. C'est
ça l'inflation. Alors, il faut, comme d'habitude, pour comprendre ce qui
se passe, utiliser cette règle mathématique extraordinairement
compliquée qu'on appelle la règle de trois. Qu'est-ce que la
caisse, à même ses fonds disponibles pour placement, chaque
année, place dans les titres du gouvernement du Québec?
Réponse: 1976, dernière année de ce que vous savez, 38%;
1980, estimation, 39%. Il n'y a pas de quoi se battre dans les autobus, comme
différence. Soit dit en passant, en 1979, c'étaient 29%.
Effectivement, cela varie de 38%, à 29% à 39%.
J'ai un superbe petit graphique à montrer. Là, c'est
déjà plus compliqué comme mathématiques. C'est une
corrélation, depuis 1970, à la fois des fonds disponibles pour
placement à la caisse et les montants prêtés au
gouvernement du Québec. Je le montre à mes collègues d'en
face, M. le Président. Evidemment, ce sont des montants sans
précédent, à cause de l'inflation, il est sûr que
cela fait de plus gros montants à la fin de la période qu'au
début de la période. Comme vous noterez, les années sont
de chaque côté de la ligne rouge, ce qui représenterait une
corrélation parfaite où le pourcentage aurait toujours
été le même, de 70 à 80. Vous voyez les points sont
situés de part et d'autre de la ligne rouge, mais sans vraiment beaucoup
de divergences.
Evidemment, les montants sont sans précédent. Je peux
annoncer au député de Notre-Dame-de-Grâce que, dans trois
ans d'ici, il faudra coller une feuille en-haut. Bien sûr, à cause
de l'inflation. L'important, cependant, c'est que cette corrélation
continue de jouer comme elle a joué jusqu'à maintenant. Je vous
signale que le coefficient de corrélation pour 1970-1980 est de 0,98,
pour ceux qui savent apprécier la délicatesse de ce genre de
calcul. L'idéal serait de 100, enfin de 1,00, c'est 0.98.
Passons au point suivant, la question des obligations d'épargne.
Nous en parlerons, j'imagine, quand nous aborderons les crédits du
ministère des Finances. C'est vraiment là que cela va. Cela n'a
rien à voir avec la caisse de dépôt, vu que la caisse de
dépôt n'en achète pas, n'en vend pas, n'en transige pas.
Donc, on verra cela quand on
examinera la dette publique, enfin le programme visant la dette
publique. D'ailleurs, je pense que le député de
Notre-Dame-de-Grâce avait déjà fait allusion à cela;
quand nous aborderons les crédits du ministère des Finances, nous
toucherons à cela.
Il me reste à discuter, pour en finir avec les observations du
député de Notre-Dame-de-Grâce, la déclaration du
nouveau président, dans un communiqué de presse. Je ne sais pas
si j'ai le communiqué. J'ai un extrait du communiqué, tel que
publié dans les journaux. Mais enfin, l'extrait du communiqué
disait ou c'était une interview, je pense quelque chose
comme ceci, n'est-ce pas? Il y a une de ces phrases qui est citée dans
le nom de la Caisse de dépôt et placement du Québec, a-t-il
dit, "Québec est le mot le plus important". Je m'excuse, mais je ne vois
pas qui devrait avoir honte de cela. Moi, cela ne me choque pas! Je trouve
ça même très bien. Effectivement, le rôle de la
caisse de dépôt est de servir de levier économique et
financier au Québec, comme l'indiquait très clairement lors de
son dépôt en deuxième lecture, le projet de loi
créant la caisse de dépôt. C'est effectivement
fondamental.
Bon, il me reste à aborder deux des questions qui ont
été soulevées par le député de
Bellechasse.
D'abord le degré d'autonomie de la caisse. Tout de suite, je
m'excuse auprès du député de Bellechasse, si je vais avoir
l'air un petit peu professoral dans ce que je vais dire, mais c'est un
"sacré" problème qui existe dans tous les pays occidentaux, ou
à peu près, et depuis longtemps. Cela revient à ceci. Je
commence par les banques centrales, parce que c'est dans les banques centrales
que le problème est apparu et c'est au moment où on a
créé des choses comme la caisse de dépôt qu'on a
transporté le problème, en somme, des banques centrales
jusqu'ici.
Dans les banques centrales, de type britannique, telles que nous les
connaissons et donc tel que fonctionne la Banque du Canada, le gouverneur de la
banque a cette protection absolument remarquable, dont je faisais état
tout à l'heure, dix ans sans qu'il puisse être renvoyé
autrement que par un vote de l'Assemblée nationale et on ne peut pas
réduire son salaire.
C'est tout à fait exceptionnel comme protection. L'idée de
cela, c'est que dans ces discussions sur la politique monétaire à
suivre, sur le financement du gouvernement, etc., un gouverneur de banque
centrale peut s'opposer au gouvernement. S'il croit que l'intérêt
public exige qu'il s'oppose au gouvernement, il a les moyens juridiques de s'y
opposer et d'envoyer paître le gouvernement.
Il y a des cas célèbres, aussi bien en France, en
Angleterre, au Canada. On en a vu plusieurs cas de gouverneurs qui, à un
moment donné, se sont opposés au gouvernement en disant: Vous
n'irez pas plus loin que là. On aurait tort de croire que le
gouvernement peut facilement leur passer par-dessus la tête. Il y a des
débats dans les Assemblées nationales ou dans les Parlements qui
ont effectivement renversé des gouvernements à la suite de
déclarations très claires de tel ou tel gouverneur de banque
centrale. Je pense ici au gouverneur de la Banque centrale, M. Baumgartner, en
France, dans les années cinquante, une déclaration ferme de M.
Baumgartner a fait tomber le gouvernement français. Cepandant, cela a
toujours été tempéré par le fait que les
représentants du peuple doivent être en mesure d'influencer les
choix politiques qui se font. On ne peut pas, d'une part, dire: Vous serez
parfaitement protégé, vous, gouverneurs, vous enverrez
paître le gouvernement quand vous voudrez et, d'autre part, ne pas
reconnaître qu'il y a quelque chose d'un peu paradoxal que ceux qui sont
élus par le peuple ne peuvent pas infléchir les politiques. Ce
qui s'est produit à la suite essentiellement de l'affaire Coyne, au
Canada, entre M. Coyne, gouverneur de la Banque du Canada et M. Flemming,
ministre des Finances du cabinet Diefenbaker et finalement tout le gouvernement
Diefenbaker, ce qui s'est produit, c'est qu'on a modifié la Loi de la
banque du Canada pour faire en sorte que le gouverneur ait toute aptitude
à résister au gouvernement quand il le veut, sauf que le
gouvernement fédéral a maintenant le droit d'émettre des
directives écrites à la Banque du Canada si, à un moment
donné, il y a un conflit. Le gouverneur doit, cependant, suivre les
directives écrites que le gouvernement fédéral lui a
données. C'est comme cela qu'on a réussi au Canada à
réconcilier l'espèce d'opposition dont je parlais tout à
l'heure. Le gouverneur de la Banque du Canada fait ce qu'il veut et le
gouvernement peut, de temps à autre, émettre des directives
écrites et alors, cependant, le gouverneur accepte de se plier à
ces directives. S'il ne les aime pas, il peut toujours partir, mais il accepte
de se plier. Mais les directives doivent être écrites et,
évidemment, elles reçoivent la publicité habituelle, elles
doivent être déposées à la Chambre des communes,
etc.
Quand nous avons créé la Caisse de dépôt,
cela n'existait pas encore. Donc, les protections qu'on trouve dans la charte
de la Caisse de dépôt sont du premier type Banque du Canada, pas
du second. Nous n'avons aucun droit d'émettre des directives en vertu de
la charte. La protection du président de la Caisse de dépôt
est exactement la même que celle du gouverneur de la Banque centrale
d'avant, il n'y a pas de droit de directives.
Vous avez noté, dans un certain nombre de lois que nous avons
changées depuis trois ans et demi, je pense, par exemple, à des
sociétés comme REXFOR, sauf erreur SOQUEM, que le gouvernement a
introduit, pour la première fois dans le cas de ces
sociétés, un droit de directives écrites qui doivent
être déposées à l'Assemblée nationale. C'est
de là que cela vient cette espèce de cheminement historique dont
je parlais tout à l'heure, mais nous avons aussi amendé la Loi de
la caisse de dépôt et nous n'avons pas fait cela. Vous avez
remarqué que la dernière fois que nous avons amendé la Loi
de la caisse de dépôt, en Chambre, nous n'avons pas introduit le
droit de directives. Pourquoi, ne l'avons-nous pas intro-
duit? Justement, pour maintenir cette situation que nous connaissons
depuis quinze ans qui a peut-être créé ailleurs des
problèmes qu'ils ont cherché à résoudre avec leur
droit de directives comme à la Banque du Canada, mais nous ne les avons
pas eus ces problèmes. Les présidents de la Caisse de
dépôt que nous avons connus jusqu'à maintenant, d'une part,
ont exercé les pleins droits que la charte leur donne avec leur conseil
d'administration, ont pris des orientations qu'ils jugeaient bon de prendre et
moi, je vous avouerai qu'à partir du moment ou quelque chose fonctionne
correctement depuis quinze ans, je ne vois pas la nécessité de
commencer à introduire ce principe des directives dans la charte.
Donc, à cet égard la Caisse de dépôt a
davantage d'autonomie, en fait, que la Banque du Canada en a par rapport au
gouvernement. II ne doit plus y avoir au Canada, beaucoup de
sociétés qui ont un degré d'autonomie aussi grand que la
Caisse de dépôt. Ce n'est pas le moindre paradoxe que de voir
autant de gens, à l'heure actuelle, depuis une quinzaine de jours ou
depuis un mois, soulever des questions d'autonomie de la caisse, alors qu'il y
a très peu de sociétés au Canada qui gardent une autonomie
aussi grande.
Mon seul pouvoir, en vertu de l'article 44 de la charte, comme ministre
des Finances, est de demander des renseignements. En somme, je peux demander
à la Caisse de dépôt: Qu'est-ce que vous avez fait sur le
marché secondaire depuis trois semaines? Donnez-moi le décompte
de vos opérations. Je peux leur dire: A quoi ressemble votre
portefeuille d'actions dans les papiers? J'ai le droit, en vertu de l'article
44, de demander des renseignements, c'est le seul droit que j'ai.
Comme gouvernement, nous avons le droit, bien sûr, quand un poste
au conseil d'administration devient vacant, de le remplacer. Et quand un
président arrive au bout de son mandat, de le remplacer. Mais c'est
tout. Encore une fois, le degré d'autonomie de la caisse, je ne dirais
pas qu'il est unique au Canada, parce que je ne peux pas dire que j'ai fait le
tour des centaines et des centaines de sociétés d'Etat qui
peuvent exister, mais il ne doit plus y avoir beaucoup de
sociétés d'Etat au Canada qui ont un degré d'autonomie
aussi grand.
Finalement... Je m'excuse d'avoir été bien long, M. le
Président, mais je termine; comme on m'avait quand même
posé une douzaine de questions, il fallait que je les prenne une
à une. Finalement, pour les contributions et les bénéfices
du Régime de rentes, c'est une question qui est effectivement
très importante.
Nous savions, en créant la caisse, que le Régime de rentes
au Québec, pas plus que le régime des rentes au Canada,
n'était pas complètement capitalisé. Cela malheureusement,
c'est le genre de compromis à la canadienne comme on en fait trop
souvent. Le gouvernement fédéral voulait, en 1964, avoir un
régime de rentes canadien sur la base du "pay as you go",
c'est-à-dire aucune accumulation de capital, rien du tout, on
perçoit des contributions, on paie des bénéfices et quand
il y a un trou dans la caisse, on monte les contributions, on paie les
bénéfices et ça continue comme ça.
Le fédéral voulait donc un "pay as you go" rigoureux, pas
d'accumulation de capital du tout. Le gouvernement du Québec, lui,
demandait un système complètement capitalisé,
c'est-à-dire qu'on aurait fixé le taux des contributions assez
haut au départ pour qu'ensuite, indéfiniment, on puisse payer des
pensions sans jamais avoir à augmenter les taux de contribution dans
l'avenir.
Qu'est-ce qu'on a fait? Enfin, comme d'habitude, entre les deux,
mi-chair, mi-poisson, ce fut en partie capitalisé. Le 1,8% sur les
feuilles de paie de l'employé et le 1,8% sur la feuille de paie de
l'employeur, c'est ça, cette espèce de compromis mi-chair,
mi-poisson qui fait que quand ça été lancé,
à la fois le Canada Pension Plan et la Régie des rentes, on
savait absolument dès le départ qu'à un moment
donné les fonds disponibles dans la caisse baisseraient plus vite que le
taux d'entrée et qu'il faudrait augmenter les contributions.
Je signale d'ailleurs que les premières projections qui ont
été faites, à la fois le taux d'accumulation et ensuite le
taux de réduction des fonds dans la Caisse de dépôt, ont
été faites justement par M. Castonguay dont on parlait tout
à l'heure, c'est lui qui a fait les premières études.
Constamment, dans l'opinion publique, on voit apparaître des
articles disant: Dans dix ans, il ne restera plus un cent dans la Caisse de
dépôt, ou dans quinze ans, dans vingt ans ou dans vingt-cinq
ans... comme si c'était de la grosse nouvelle. En fait, c'est absolument
rigoureux comme calcul, on sait ça depuis le départ.
Evidemment, les choses ont changé en ce sens que certains des
déposants ne sont pas soumis à ce système de
capitalisation partielle, c'est ainsi que, par exemple, les fonds de
l'assurance-automobile déposés à la Caisse de
dépôt, eux, normalement, ne vont pas être amenés
à décroître. S'il y a des ajustements à faire dans
les taux, ils seront faits annuellement. Justement, on en discutait il y a
quelques jours. Mais il est vrai que les fonds pour la Régie des rentes
vont se mettre à tomber assez rapidement dans les années
quatre-vingt-dix.
Il y a une façon de régler ça, c'est effectivement
d'augmenter les taux de contribution; c'est la seule façon. J'avais,
lorsque M. D'Arcy McKeough était ministre des Finances en Ontario, une
sorte d'entente avec lui où l'on poussait tous les deux très fort
pour faire en sorte que partout à travers le Canada, le même jour,
on augmente les taux exactement de la même façon. Le Canada
Pension Plan et la Régie des rentes sont tellement similaires comme
régimes et, d'autre part, doivent être disponibles,
c'est-à-dire qu'il doit y avoir un certain degré d'osmose entre
ces deux plans, ne serait-ce qu'à cause des mobilités de
personnel ou de main-d'oeuvre, qu'on a tout à gagner à faire
ça ensemble.
Malheureusement. M. D'Arcy McKeough n'est plus là et il est vrai
qu'au Canada, d'une façon générale, comment dire... les
gouvernements, de-
puis un an et demi ou deux ans, tout en reconnaissant que
l'échéance ne peut pas attendre bien bien longtemps, les
gouvernements ont, dans une bonne mesure, cessé de considérer
cela comme quelque chose d'assez urgent.
Moi, je veux bien qu'on passe encore un petit bout de temps sans changer
les taux, mais tôt ou tard, mais plutôt plus tôt que plus
tard j'entends, il va falloir que tout le monde se conduise en être
raisonnable et qu'un peu partout au Canada, on monte les taux de contribution,
si on veut éviter ce qui serait ridicule, c'est-à-dire que la
Caisse de dépôt soit amenée à vendre des titres pour
payer des pensions et après que la chute a été
suffisamment prononcée, qu'un gouvernement trouve le courage
nécessaire de remonter les taux et que l'argent s'accumule à
nouveau dans la caisse après cette espèce de phase de
désinvestisse-ment, ce qui serait ridicule.
Alors vous me direz: C'est quand? Mon impression, si on veut simplement
maintenir les bénéfices de la Régie des rentes tels quels,
ne pas changer le système, c'est qu'on veut peut-être attendre
encore jusqu'à trois ans. Mais nous avons eu, dans l'intervalle, un
rapport qui s'appelle Cofirentes et qui suggère des
élargissements ou des améliorations du régime. Alors,
évidemment, si on faisait des améliorations du régime sans
changer les taux de contribution, eh bien! il se produirait un
désinvestissement extraordinaire-ment rapide.
Voilà, à peu près ce que je voulais dire, M. le
Président, en m'excusant d'avoir été un peu long.
Le Président (M. Bordeleau): Alors, M. le
député de Notre-Dame-de-Grâce, vous m'avez demandé
la parole.
M. Scowen: Oui, M. le Président. D'abord, je veux dire que
je suis plus déçu de la situation après les explications
du ministre qu'avant.
J'admets que nous avons posé les problèmes d'une
façon générale et qu'il a répondu d'une
façon générale, mais comme je l'ai dit, nous avons
l'intention de les poser plus tard d'une façon plus précise. Mais
je ne peux pas passer à ces questions précises avant de faire
quelques commentaires et peut-être poser une ou deux questions sur
l'explication que le ministre vient de nous donner.
Premièrement, je commence par la fin. J'ai été
frappé en écoutant la comparaison entre l'autonomie de la Banque
du Canada et celle de la Caisse de dépôt et placement. La Caisse
de dépôt n'est pas une banque centrale du moins, jusqu'au
renouvellement de son mandat. La Caisse de dépôt est un fonds de
retraite. De plus, la Caisse de dépôt n'est même pas
exactement un fonds de retraite, car de plus en plus elle est devenue un fonds
d'assurance-automobile et un fonds d'accidents du travail. Si vous regardez les
chiffres pour la dernière année, vous verrez que la plus grande
contribution a été faite par la Régie de
l'assuran-ce-automobile et la deuxième a été faite par un
fonds de pension privé, celui des contribuables et des fonctionnaires du
gouvernement. La troisième a été faite par la Régie
des rentes, mais pas loin derrière, il y avait la Commission des
accidents du travail. Alors, nous avons ici quelque chose qui est une fiducie,
une organisation dont le but est de protéger les fonds qui sont
versés pour ce qui est effectivement de l'assurance.
Je pense que c'est cette distinction, que le ministre n'a pas faite
aujourd'hui et qu'il n'a pas faite dans toutes ses déclarations, qui est
au fond du problème. C'est pourquoi nous avons mis un si grand
intérêt à regarder ces nouvelles orientations d'une
façon plus précise et à poser des questions
là-dessus.
Il a aussi parlé de l'autonomie. Le grand problème est que
la question de l'autonomie de cette caisse est vraiment en jeu. Le ministre a
dit qu'il n'y a aucune autre institution au Canada qui jouit d'une telle
autonomie aujourd'hui. Vous n'avez le droit que de poser des questions. Mais
nous ne sommes pas tous aussi naïfs que cela. Le ministre n'a pas
hésité à prêter des intentions à M. Kierans
quant aux vraies raisons de sa démission. Il n'a pas
hésité, au sujet des autres événements, à
prêter des intentions aux autres personnes. Par exemple, il a
prêté des intentions récemment, dans son discours sur le
budget, aux raffineurs de Montréal quand il disait douter
énormément que les profits déclarés soient les
vrais profits. C'est de bonne guerre, je l'accepte. Mais il faut accepter aussi
que la population a le droit de prêter des intentions au ministre, quand
nous voyons ce qui s'est passé.
Deux exemples: Je pense que le ministre a été trop
facilement blessé par ce que j'ai dit de ces conseils d'administration.
Je n'ai jamais soulevé la question de la compétence de M. Marier,
comme il l'a prétendu, pas du tout. La question qui se pose, c'est qu'il
avait ses administrateurs quelques-uns qui étaient nommés
depuis 1970 qui ont été gardés par les
gouvernements de l'Union Nationale, deuxièmement, qui ont
été gardés après par le nouveau gouvernement
Bourassa et qui ont été tout à coup rayés au
complet pour le nouveau groupe d'administrateurs. Alors, nous avons le droit,
je pense... Je ne conteste pas la compétence de M. Marier, je suis
certain que vous ne contestez pas la compétence de M. Castonguay, qu'il
soit libéral, ou conservateur, ou quoi mais, on s'étonne
qu'il ait démissionné ni celle de M. Lavoie, j'imagine, ou
M. Belzile.
Le deuxième point. On a le droit, je pense, de demander si cette
autonomie sera gardée ou s'il n'aurait pas été mieux de
garder au moins une ou deux personnes de la vieille garde en changeant
légèrement, en respectant surtout de la perspective du
public.
Le troisième point, dans le même sens, c'est la nomination
de M. Campeau. Je n'ai aucun doute de la compétence de M. Campeau, comme
vous l'avez prétendu. Mais, la question essentielle, ce n'est pas
ça. Je pense que le ministre comprend aussi bien que moi que, quand nous
avons une société qui est censée garder une autonomie et
quand le ministre, sans que le reste de la population soit consulté et
j'accepte très bien qu'il a le
droit de le faire lui-même par la voie du Conseil des ministres,
quand pour la première fois on nomme un fonctionnaire qui a
été très près du ministre pour diriger cette
entreprise, la population a le même droit de prêter des intentions
au ministre qu'il en a, lui, de prêter des intentions de M. Kierans quand
il démissionne pendant un référendum. M. Kierans a
nié que le référendum ait eu quelque chose à faire
avec sa démission. Le ministre nie que la nomination de M. Campeau ait
quelque chose à faire avec ses désirs de contrôler
davantage la Caisse de dépôt et placement. On a le droit de croire
l'un ou l'autre ou les deux, ou de ne pas croire les deux. Mais cette
coïncidence et ce n'est pas absolument moi-même qui l'avait
soulevée concernant les administrateurs, le nouveau
président, est vraiment bizarre. Et je pense que si le ministre
lui-même était de l'autre côté, il aurait
trouvé une façon humoristique, habile de poser les questions
quant à l'intention du ministre des Finances et du gouvernement dans ce
domaine.
Un autre point que je veux soulever, c'est celui de M. Cazavan. Je
trouve l'explication incomplète. Il a dit: M. Cazavan a
décidé que les années qu'il voulait passer à la
caisse étaient écoulées. Je pense que je cite: M. Cazavan
a décidé que les années qu'il voulait passer à la
caisse sont écoulées. Je veux faire autre chose. C'est ça
que vous avez dit comme étant les paroles de M. Cazavan: Les
années qu'il voulait passer à la caisse sont
écoulées. Il a dit: Je veux faire autre chose. Très bien.
Mais, dans une déclaration qui a été faite par un
porte-parole et je l'ai ici quelque part de la caisse, il disait
qu'il pouvait justifier le salaire élevé de M. Cazavan
précisément parce que M. Cazavan avait décidé de
rester aussi actif au sein de la caisse qu'avant. Le ministre a parlé de
l'honneur et du déshonneur et de la nécessité de traiter
les personnes d'une façon équilibrée. (17 h 45)
C'est M. Cazavan, pas le ministre, si on comprend bien, qui a
décidé de démissionner. Si c'est vrai et si quelqu'un
à ce niveau décide de démissionner, il doit comprendre que
ça signifie normalement que son salaire soit terminé. Parce qu'il
est le président d'un fonds de pension, j'imagine qu'il connaît
pas mal ce que comprennent les pensions. Je ne peux pas imaginer qu'un
président, en prenant sa retraite cinq, six ou sept ans avant son terme
normal, puisse penser que ce serait déshonorant, de la part du
gouvernement, de ne pas lui donner tout simplement une pension qui soit
à la mesure des années qu'il a travaillé et des
années qu'il a contribué à cette pension.
Il y a quelque chose là qui ne tient pas debout, pas du tout. Si
vous m'aviez dit, M. le ministre: On a décidé de s'organiser et
de donner à M. Cazavan sa pension comme s'il y avait droit. Avec les
complications résultant du fait qu'il ait eu deux ou trois emplois
antérieurs, nous nous sommes organisés pour qu'il ait 60%, 70% ou
50% je ne sais pas à quoi il avait droit on pourrait
comprendre, mais quand vous dites qu'il voulait faire autre chose, quand vous
dites, par la suite, qu'il est encore là à temps plein et que
vous justifiez le salaire à temps plein, sur la base de sa
présence; quand vous dites que c'est déshonorant de ne pas donner
plein salaire à quelqu'un qui décide lui-même de prendre sa
retraite; il y a quelque chose là qui ne tient pas debout.
Quand j'ai soulevé la question des deux personnes dont la rumeur
dit qu'elles vont partir, vous avez dit: C'est possible; et vous vous
êtes lancé dans une longue et intéressante
élaboration de vos grandes réussites dans le domaine de la
politique salariale du personnel et je vous félicite. Pouvez-vous nous
assurer que la rumeur de la démission de M. Paris, le directeur adjoint
de la caisse, et celle de M. Lavoie, le directeur de la direction du
financement soit liée avec le fait que bien que vous ayez assaini cette
situation, ce fut insuffisant, et qu'ils ont décidé de partir
parce qu'ils ont trouvé un emploi plus intéressant ailleurs? Si
telle est la raison pour laquelle ils vont démissionner ou seront
mis à pied, je ne sais pas si c'est ça, ainsi soit-il.
C'est l'espèce de question qu'on veut vous poser. Mais il est possible
d'imaginer que si ces deux personnes n'ont pas démissionné ou
n'ont pas l'intention de démissionner, si c'est vrai vous pouvez
le nier ce n'est pas lié au fait qu'ils ont trouvé un
autre emploi plus intéressant. Ce n'est pas à cause d'un
problème que vous avez dit avoir déjà réglé,
mais c'est à cause d'autre chose. De plus, on trouve que votre
explication, franchement, n'est pas très forte.
On veut revenir sur le "Heritage Fund", parce qu'on trouve que c'est un
argument très faible pour justifier votre décision de
créer ce taux de faveur. Si vous avez décidé que c'est
à cause de "Heritage Fund", nous avons le droit de vous demander si vous
avez l'intention, demain, advenant que si, demain, le "Heritage Fund"
décide que ce n'est plus sa politique, la politique de "Heritage Fund"
et de remonter les taux d'intérêt.
Moi, je trouve que ce n'est pas un argument très fort. J'ai
l'impression que vous allez décider de le faire, pour d'autres raisons
peut-être très valables, mais je trouve inconcevable que le
gouvernement du Québec puisse décider d'établir les taux
d'intérêt pour les obligations du gouvernement du Québec,
dans la Caisse de dépôt, par rapport à une décision
de Peter Lougheed, en Alberta. Parce qu'il peut changer cette décision
demain; et je pense qu'on a le droit de demander si c'est maintenant la
politique du gouvernement d'établir le taux d'intérêt des
obligations du Québec par rapport aux décisions de Peter
Lougheed? J'en doute fortement.
Une autre question, qui, pour moi, n'était pas du tout
satisfaisante. J'ai souligné et je le répète, nous
avons l'intention de poser des questions plus précises
l'impression que nous avons que, cette année, la caisse sera
obligée... de demander d'acheter une somme sans précédent
des obligations du gouvernement du Québec. Vous avez dit: Bien
sûr, c'est à cause de l'inflation. C'est toujours sans
précédent parce que c'est l'inflation. Peut-être
qu'à l'occasion de nos questions, vous pour-
rez nous rassurer que le taux d'inflation, étant d'à peu
près 10%, le montant additionnel que la caisse sera obligée
d'acheter, sera d'environ 10%.
Mes chiffres indiquent qu'à la fin de l'année 1979, 32,4%
de tout le portefeuille de la Caisse de dépôt était
à la fin de l'année 1979 dans les obligations du gouvernement du
Québec seulement. Je ne parle pas d'Hydro-Québec. On veut savoir
si c'est un montant, un chiffre, un pourcentage qui a été
augmenté récemment. J'ai l'impression qu'en 1978 le chiffre
était de 30,6, il a été augmenté de presque 2% dans
un an, mais vous pouvez nous rassurer en disant qu'à la fin de
l'année 1980-1981, vous avez l'intention d'assurer que le pourcentage
soit encore de 32.4. Moi, j'ai l'impression mais c'est tout simplement
une impression que vous avez l'intention de demander, de suggérer
à la caisse d'acheter pour pas loin d'un milliard de dollars
d'obligations du Québec, cette année.
Dans le discours sur le budget, vous avez dit: $1 500 000 000, mais
c'était pour le gouvernement et Hydro. J'ai l'impression qu'Hydro aura
probablement $400 000, je ne sais pas exactement. Cela monte à $1 100
000 000; il est probable que la caisse sera obligée d'en acheter pour ce
montant. J'ai l'impression, M. le Président, que les fonds disponibles
à la caisse, les nouveaux fonds sont d'environ $1 800 000 000 et avec le
transfert que vous avez proposé du fonds fédéral ou
quelque chose comme cela, ça peut monter à $2 200 000 000. Si je
prends les $2 200 000 000 comme le total disponible, il semble que le
pourcentage que la caisse sera obligé d'acheter, le total de ses
nouveaux achats, cette année, sera de 50%. Si je prends seulement les
nouveaux fonds à $1 800 000 000 je vais le faire très vite
ce sera 61%. Si nos chiffres sont précis, cette année, la
Caisse de dépôt va acheter, va recevoir en fonds nouveaux des
déposants et de leurs revenus, à peu près $1 800 000 000
et ils vont acheter pour $1 100 000 000 dans les obligations du Québec.
C'est 61%. C'est loin d'être, pour moi, quelque chose qui est lié
au taux d'inflation parce que l'année dernière, ils ont
acheté je ne sais pas combien mais le taux total cumulatif
jusqu'à la fin de 1979, était de 32%.
Il existe, comme je vous l'avais dit, pas mal de questions à la
suite de votre déclaration et je pense à la dernière parce
que vous avez un peu déformé ce que j'ai dit quant à la
déclaration du président.
J'ai dit que le président avait dit que dorénavant, pour
l'avenir, c'est le mot Québec qui sera le mot le plus important dans le
nom de la Caisse de dépôt. Vous avez dit: Je ne vois rien
là-dedans. Pourquoi pas? Pourquoi Québec n'est-il pas important?
Ce n'est pas la question que j'ai posée. L'implication de la
déclaration du président, c'est qu'avant, jusqu'à
maintenant, ce n'était pas le Québec. C'était quelque
chose... l'intérêt principal des administrateurs et la direction
de la caisse n'était pas le Québec, que c'est un changement,
personne peut reprocher à quelqu'un de dire que la caisse doit
travailler dans les intérêts du Québec. Il est
étonnant qu'après quinze ans d'exis- tence, un nouveau
président découvre tout à coup que pendant quinze ans
cette société n'a pas travaillé dans les
intérêts du Québec. C'est ça la question. C'est la
réponse que vous avez donnée, qu'il n'y avait rien à faire
sur cette question.
Je ne sais pas si mon collègue a d'autres réactions
à apporter quant à votre déclaration, sinon, j'ai des
questions précises à poser sur quelques chiffres et sur quelques
événements. Mais je vais passer la parole au
député, s'il veut.
Le Président (M. Bordeleau): Oui, M. le
député de Bellechasse, vous avez quelque chose à
ajouter.
M. Goulet: Oui, très rapidement. On sait que la
réponse du ministre, concernant la question que j'avais posée,
quant à l'autonomie de la gestion de la Caisse de dépôt et
placement, c'était, bien sûr, à la suite du remplacement de
M. Cazavan. Bien sûr, personnellement, en tout cas, je ne crois pas avoir
mis en doute la compétence du nouveau président, ce
n'était pas du tout le but de la question. Ce que je voulais savoir du
ministre, il nous a expliqué qu'un président de caisse de
dépôt, ou de banque, comme celle de la Banque du Canada, aurait pu
en venir à une décision qui aurait eu pour effet de renverser le
gouvernement, mais justement, dans le système parlementaire où
nous sommes actuellement, est-ce que monsieur Cazavan n'était pas
conscient que s'il n'allait pas dans le même sens que la volonté
du gouvernement ou du ministre des Finances, il avait, à ce
moment-là, une épée sur la tête, parce qu'il sait
très bien que le gouvernement actuel est majoritaire et qu'il n'aurait
pas pu le renverser à cause de cela.
Vous avez dit vous-même que M. Cazavan a, lui-même,
démissionné. Or, si c'est lui qui n'a pas respecté son
contrat, d'après les propos qu'a tenus le ministre, les explications
données par le ministre, ce serait M. Cazavan, lui-même, qui
aurait donné sa démission, parce qu'il s'est dit qu'il n'avait
plus la capacité d'effectuer ce travail et qu'il veut être
remplacé tout simplement. Pourquoi aurait-il exigé le même
salaire? Il était tout à fait normal, à ce
moment-là, qu'en démissionnant, il consente également
à abandonner le salaire et qu'il ait droit, justement, à la
pension pour le temps où il avait été là. Je ne
vois pas pourquoi quelqu'un aurait exigé un salaire pour la fonction
qu'il n'occupait plus et également, pourquoi il aurait exigé une
pension pour des années de service qu'il n'aurait pas
complétées?
Alors, si c'est le gouvernement qui avait demandé au
président de démissionner, ce sont des choses qu'on peut exiger
d'une personne, mais si c'est lui qui a démissionné, je ne vois
pas pourquoi, dans toute saine administration, il aurait pu exiger une telle
chose.
Je pense et, écoutez, le ministre dit qu'on peut véhiculer
n'importe quelle rumeur, personnellement, c'est la première fois que
j'en parle. Je n'en ai pas parlé à l'Assemblée nationale
et ce n'est certainement pas nous qui avons véhiculé ces rumeurs,
mais les rumeurs sont que M. Cazavan
était conscient que vous étiez majoritaire et de tout le
brouhaha que cela aurait pu amener à l'Assemblée nationale, pour
le remplacement du président de la Caisse de dépôt et
placement. Vous ne croyez pas que cela aurait été une toute autre
attitude, si vous aviez été minoritaire en Chambre, justement? Ne
pensez-vous pas que cela aurait pu se passer d'une autre façon?
Or, M. Cazavan était conscient de cela et je pense
sincèrement que cela peut être une des raisons qui ont fait qu'on
a dit à M. Cazavan: "Ecoute, ôte-toi de là, on va te
consentir le même salaire et tu n'as plus rien à dire." Comme le
disait l'ex-ministre de l'Industrie et du Commerce, c'est un
"quasi-tabletté à $72 000 par année, pendant trois ans ou
pendant cinq ans. Je ne me souviens pas de la date, mais je pense qu'il reste
cinq ans à son mandat.
Comment expliquer le fait que ce gars-là remette sa
démission et qu'il exige le même salaire? S'il ne l'a pas
exigé et que vous lui avez donné, ce n'est pas de la saine
administration. Je pense que c'est la logique qui parle.
Le Président (M. Bordeleau): Alors, il est presque 18
heures. Il est même 18 heures.
M. Parizeau: Est-ce que je pourrais, M. le Président,
prendre deux minutes?
Le Président (M. Bordeleau): Avec le consentement, on
pourrait peut-être accepter la réponse du ministre.
M. Parizeau: Non, ce n'est pas la réponse. J'aurai
à répondre après. Mais comme il reste deux minutes,
j'aurais seulement un paragraphe.
Des Voix: Qu'il prenne les deux minutes.
Le Président (M. Bordeleau): Allez-y. M. le
ministre...
M. Parizeau: Simplement sur une chose qui me servira de toile de
fond pour nos discussions de ce soir, sur le même sujet. Je viens de me
rendre compte, d'ailleurs, que la Loi de la Caisse de dépôt et
placement a été adoptée le 9 juin 1965. Elle a donc quinze
ans aujourd'hui. C'est tiré du discours de M. Lesage, quant au
rôle de chacun dans cette nouvelle institution, son discours en
deuxième lecture. On disait tout à l'heure, mais cela n'a pas de
rapport avec la banque centrale, tout ce que le ministre a dit, c'était
simplement de la poudre aux yeux et nous avons écouté cela. Je
cite M. Lesage: "II sera donc possible, pour la Législature du
Québec, de limoger un directeur général dont la politique
sera notoirement insatisfaisante, mais il sera alors nécessaire de
provoquer un débat public et d'expliquer en détail le conflit qui
oppose le gouvernement et le directeur général de la caisse." (18
heures)
II est évident que de cette façon on offre au gouvernement
la possibilité de dénouer une crise, mais il est évident
aussi que l'on n'a recours à une telle extrémité que dans
une situation grave et même très grave. On connaît à
cet égard le conflit qui a opposé, en 1961, le gouvernement
canadien et le directeur de la Banque du Canada. La politique du gouvernement a
finalement prévalu, mais il est apparu clairement qu'on n'avait pas le
moindre désir de faire face à une semblable crise tous les cinq
ou six ans ou même tous les deux ou trois ans, c'est évident.
Le second principe qu'il faut établir, c'est celui de la
coordination des opérations de la caisse et de la politique
économique générale de l'Etat." Ce n'est pas un fonds de
pension simple dont on parle, c'est la coordination des opérations de la
caisse et de la politique économique générale de l'Etat.
C'est par le truchement du conseil d'administration que cette synchronisation
doit normalement se faire. Je n'ai jamais dit autre chose et on prendra
ça comme toile de fond pour nos débats à 20 heures, M. le
Président.
M. Scowen: A 20 heures, je vous citerai des phrases de M. Lesage
qui sont beaucoup mieux que ça.
M. Parizeau: Bon, alors...
Le Président (M. Bordeleau): D'accord, alors la commission
suspend ses travaux jusqu'à ce soir, 20 heures.
Suspension de la séance à 18 h 3
Reprise de la séance à 20 h 11
Le Président (M. Ouellet): A l'ordre s'il vous
plaît!
La commission reprend ses travaux pour l'étude des crédits
du ministère des Finances 1980-1981.
M. Parizeau: M. le Président, j'avais utilisé les
deux dernières minutes qu'il restait avant six heures pour bien indiquer
que, contrairement à ce qui avait été
suggéré auparavant, s'imaginer que dans l'intention du
législateur, la Caisse de dépôt et placement est un simple
fonds de pension, n'est pas exact. La Caisse de dépôt et placement
a été conçue par le législateur au départ
à la fois comme devant administrer un fonds de pension dans les
meilleures conditions de rentabilité possible, mais aussi comme un
instrument, comme dit M. Lesage, comme un levier économique, qui doit
être protégé de l'intervention gouvernementale au jour le
jour par les protections qui sont données à son président,
mais où la coordination des opérations avec la politique
économique générale de l'Etat se fait par le truchement du
conseil d'administration. Je ne me souviens pas d'avoir jamais vu une charte
d'un fonds de pension où l'on parle de coordination de la politique
économique générale de l'Etat avec les politiques de
placement.
Alors, toute tentative de faire croire que la Caisse de
dépôt et placement est simplement un fonds de pension parmi
d'autres, se heurte, je pense, aux déclarations très claires qui
avaient été faites dès la présentation de cette
législation.
Le député de Notre-Dame-de-Grâce a cependant
souligné que par les remplacements qui se seraient faits au conseil en
1978, une sorte de continuité dans l'administration de la caisse aurait
été interrompue, et il avait déjà dit auparavant
qu'il fallait y voir, sinon des intentions politiques, tout au moins des sortes
d'amitiés particulières comme explication de ce qui s'est
produit. J'ai eu l'occasion de dire ce que je pensais des amitiés
particulières, voyons maintenant l'argument du manque de
continuité.
Si nous comparons 1977 et 1978 au niveau du conseil d'administration,
c'est-à-dire au moment où les changements ont été
faits, on constate quoi? Marcel Cazavan est président en 1977 et en
1978; le vice-président, M. Gill Fortier, l'est en 1977, 1978 et l'est
toujours; M. Louis Laberge est au conseil en 1977, en 1978 et l'est toujours;
M. Michel Caron a remplacé M. Goyette comme ex officio, en raison du
changement de postes, M. Goyette n'est plus sous-ministre des Finances, c'est
M. Caron qui l'est, il occupe le siège en 1977 et en 1978. (20 h 15)
M. Lafond a remplacé M. Lemieux comme représentant
d'Hydro-Québec, mais M. Lafond est l'assistant de M. Lemieux depuis des
années. Quant au représentant ex officio de la Commission
municipale de Québec, c'est le juge Richard Beau-lieu qui l'est en 1977,
en 1978 et qui l'est toujours.
Alors, suggérer qu'il y a rupture de continuité serait, je
pense, exagéré. Allons plus loin cependant. M. André
Marier dont le député de Notre-Dame-de-Grâce disait
qu'il faisait partie de ces nominations agréables au gouvernement, si
j'ai bien compris ce qu'il voulait dire a été nommé
en remplacement de M. John Dinsmore à ce poste de fonctionnaire dont
j'ai parlé plus tôt. Mais il a remplacé M. Dinsmore
dès 1977, donc en 1978, au moment des remplacements dont parlait le
député de Notre-Dame-de-Grâce, M. Marier en était
à sa deuxième année à la Caisse de
dépôt.
Alors, qui avons-nous exactement remplacé? Nous avons
remplacé M. Raymond Lavoie par M. Eric Kierans. On conviendra que ce
n'est pas nécessairement une réorientation politique majeure!
Nous avons remplacé M. Castonguay par M. Fernand Paré. On nous
dira: Est-ce qu'il y a eu des raisons pour lesquelles on aurait voulu
évincer M. Castonguay? M. Castonguay, le 7 juillet 1978, faisait
parvenir une lettre au ministre des Finances pour lui dire qu'il était
invité à devenir membre du conseil d'administration d'une banque
et que, dans ces conditions, il avait l'intention de démissionner;
c'était le 7 juillet 1978. On ne l'a pas mis dehors, il voulait
être au conseil d'administration d'une banque. Comme on chantait avantla
guerre, M. le Président, tous les goûts sont dans la nature. Cela
lui faisait plaisir d'être dans une banque, et la loi prévoit que
si on est au conseil d'une banque, on ne peut pas être au Conseil de la
Caisse de dépôt. Il a choisi la banque plutôt que la caisse.
C'est son choix.
Il nous reste M. Belzile remplacé par M. Pé-ladeau. Est-ce
que c'est de cela dont on parle? La crédibilité de la caisse
modifiée parce que le gouvernement au terme du mandat de M. Belzile
décide de le remplacer par M. Péladeau. Les deux, je pense, sont
avantageusement connus dans les milieux d'affaires. On disait que M.
Péladeau est plutôt du côté du gouvernement.
Sûrement pas autant que M. Lemelin peut l'être du côté
de l'Opposition!
M. Scowen: M. Lemelin? M. Parizeau: Oui... M.
Scowen: ...
M. Parizeau: Editeur pour éditeur! Je me souviens qu'un
éditeur de journal a pris fait et cause pour le non. Je ne me souviens
pas que M. Péladeau ait pris fait et cause pour le oui. Alors, c'est
quoi ces interprétations? Nous avons remplacé M. Belzile par M.
Péladeau, et voilà pour les postes existants en 1977.
Nous avons, cependant, ajouté deux postes parce que cela
découlait de l'élargissement du conseil d'administration
demandé, d'ailleurs, lorsque nous avons transformé la loi, par
l'ancienne administration de la Caisse de dépôt qui disait qu'il
n'y avait pas assez de monde à ce conseil, qu'on avait de la
difficulté parfois à avoir le quorum. On a dit: Très bien,
on va en ajouter deux. Dans ces deux, nous avons ajouté M. Alfred
Rouleau. J'imagine qu'on conviendra que c'est peut-être normal qu'un
représentant... C'était la première fois qu'un
représentant des mouvements coopératifs était
ajouté aux administrateurs de la caisse et il est entendu qu'il y aura
toujours un représentant des mouvements coopératifs à la
Caisse de dépôt. Cela a été introduit comme
amendement à la loi. Nous avons nommé M. Rouleau comme premier
représentant des mouvements coopératifs. Cela m'a paru
effectivement plus raisonnable de commencer par M. Alfred Rouleau plutôt
que par le président, d'autre part très méritant, des
comptoirs alimentaires. Coopérative pour coopérative, il faut
commencer par le commencement. D'autre part, nous avons nommé un autre
représentant du milieu des affaires dans la personne de M. Gaston
Pelletier qui, comme par hasard, était l'adjoint, à ce
moment-là, de M. Raymond Lavoie. Vous voyez M. Lavoie exit, M. Pelletier
intra. Voulez-vous bien me dire exactement dans ce que nous avons fait en 1978
qu'est-ce qu'on trouve de croche? Qu'est-ce qu'on trouve de croche exactement?
Et sur le plan de la continuité et sur le plan du choix des hommes.
D'autre part, le député de Notre-Dame-de-Grâce a
fait quelques allusions au fait que le nouveau président de la Caisse de
dépôt disait que dans le nom de la Caisse de dépôt et
de placement du Québec, Québec est désormais le mot le
plus
important et, disait-il, cela voulait dire que depuis quinze ans, le mot
Québec aurait été moins important. Mais le
président de la Caisse de dépôt, dans la citation que j'ai
faite de lui, n'a jamais dit: Dorénavant; il disait: Dans le nom de la
Caisse de dépôt et de placement du Québec, "Québec"
est le mot le plus important. Il ne condamnait rien quant au passé, il
ne préjugeait rien quant à l'avenir, il disait "est"; moi, j'ai
pris ça comme une constatation de fait.
Il faut vraiment que quelqu'un ait l'esprit mal tourné pour voir
des trucs pareils; moi, j'ai pris ça si le président peux
m'excuser de dire des choses pareilles un peu comme une
vérité première, il ne condamnait personne: "Le
Québec est", il n'y a pas de "dorénavant est", il disait "est le
mot le plus important".
Encore une fois je répète ce que j'ai dit tout
à l'heure si on trouve quoi que ce soit de croche à dire
que dans "Caisse de dépôt et placement du Québec",
"Québec" est le mot le plus important, je n'y trouve rien de
répréhensible, au contraire, j'allais dire: C'est même pour
ça en un certain sens qu'elle est nommée, toujours
conformément à l'intention du législateur, telle
qu'exprimée le 9 juin 1965.
Passons maintenant aux commentaires du député de
Notre-Dame-de-Grâce sur M. Cazavan. Il me citait quand il disait que M.
Cazavan voulait faire autre chose. Je n'ai pas dit faire autre chose en dehors
nécessairement de la caisse, je disais par rapport à la direction
de la caisse. C'est vrai que la Caisse de dépôt et placement
devrait peut-être avoir... Peut-être que le débat actuel,
aussi inélégant qu'il soit, parce qu'il est franchement
inélégant, va peut-être nous amener à faire ce que
la Banque du Canada a déjà fait il y a quelques années...
Le député de Notre-Dame-de-Grâce m'excusera de revenir
à nouveau à la Banque du Canada, mais M. Lesage était
tellement explicite dans ses comparaisons. Cela nous amènera
peut-être à demander à la Caisse de dépôt
d'établir une politique de pension pour ses dirigeants. Peut-être
qu'effectivement on pourrait avoir, dans les règlements de la caisse,
l'expression d'une politique de pension qui dit que n'importe qui qui a
été président pendant X années a droit à des
bénéfices de pension de tel ordre, plutôt que ceux qui sont
prévus par la Fonction publique. Je ne suis pas certain que ça
coûtera moins cher et les expériences que j'ai vues dans bien
d'autres entreprises, qui ont fait des choses comme celle-là, ont
habituellement révélé que ça coûtait plus
cher, mais si ça peut éviter des débats aussi
inélégants que ceux auxquels nous assistons depuis une dizaine de
jours, on pourra toujours dire que l'Opposition insistait pour que quelque
chose d'au moins aussi coûteux, sinon plus coûteux soit fait de
façon que des débats aussi inélégants ne
recommencent pas. Je n'exclus pas ça du tout. Effectivement, la Banque
du Canada a maintenant une politique en vertu de laquelle quelqu'un qui a
été gouverneur de la banque a droit à une pension
très substantielle, merci beaucoup! Il ne faut pas se faire d'illusion,
un gouvernement de la Banque du Canada ne prend pas sa retraite avec $25 000
par année. S'il y en a qui pensent cela, ils se trompent. Digitus in
oculo.
Il me reste maintenant à examiner deux choses: Le
député de Notre-Dame-de-Grâce disait, bien alors le
Heritage Fund a une politique, et si M. Lougheed changeait sa politique, est-ce
que la caisse de dépôt changerait aussi la sienne?
Bien, la vie est marquée par beaucoup de rebondissements.
Actuellement, c'est cela qui fait le Heritage Fund. Le Heritage Fund, dans
l'espace de très peu de temps a atteint pas loin de $5 000 000 000
à placer: $4 500 000 000, je pense. Au fur et à mesure où
le prix du pétrole va monter, il va rejoindre très rapidement la
taille de la caisse de dépôt. Il n'est pas du tout
indifférent d'avoir deux organismes qui ont un "cash-flow" de même
taille ou à peu près, dont l'un va voir son "cashflow" monter
considérablement dès que le prix du pétrole aura
augmenté, qu'ils joueront tous les deux, au Canada, sur le marché
financier, un rôle absolument majeur, auront des politiques de
prêts qui sont à peu près les mêmes ou, sinon, fort
discordantes. Il s'agit de deux très gros fonds gouvernementaux, en
fait, des deux plus gros fonds gouvernementaux qu'il y ait au Canada.
Alors, on me dit, si M. Lougheed change de politique, qu'est-ce qui se
produira? Ah bien, je peux assurer une chose, c'est que le conseil
d'administration se réunira en disant, qu'est-ce qu'on fait? La vie est
chargée de rebondissements. Ce n'est pas de la religion, une politique
de placement. Ce serait trop simple. Si toutes les politiques de placement
étaient couvertes par l'article 232 du petit catéchisme, il n'y
aurait aucun problème d'application. Pour le moment, c'est ce que fait
le "Heritage Fund". Comme ils font cela à l'heure actuelle, il est
très difficile pour nous de faire autrement. Si jamais, ils changent, on
verra comment nous changerons. C'est le conseil d'administration qui aura
à décider.
Finalement, la question du pourcentage des fonds de la caisse de
dépôt qui vont en obligations du gouvernement. Là, je
m'excuse, M. le Président, mais c'est comme si je n'avais pas dit un
mot. Je veux dire que le député de Notre-Dame-de-Grâce a
fait exactement comme si je n'avais rien dit. J'ai pourtant signalé
clairement que les fonds disponibles pour placements, pour l'année 1976
que je sache, nous n'étions pas là, nous sommes
arrivés dans nos bureaux au début de décembre des
fonds disponibles pour placement, 38%, sont allés en obligations du
gouvernement du Québec. C'est-à-dire $461 000 000 sur $1 217 000
000, pour les années plus récentes 1976.
M. Scowen: 1976, merci.
M. Parizeau: En 1979 ce sont des années de
calendrier parce que la Caisse de dépôt et placement tient ses
états financiers sur des années de calendrier nous sommes
tombés par rapport à 38%. En fait, les obligations de
Québec ont représenté 29% des fonds disponibles pour
placement à la Caisse de dépôt et placement, soit $741 000
000 sur $2 605 000 000.
Et, en 1980, la caisse prévoit acheter $1 000 000 000
d'obligations du gouvernement du Québec sur un total de fonds
disponibles pour placement de $2 546 000 000, c'est-à-dire 39%,
c'est-à-dire à peu près la même chose qu'en
1976.
M. Scowen: $2 500 000 000.
M. Parizeau: $2 546 000 000. Alors, comment ça s'explique?
Bien, ça s'explique largement parce que la Caisse de dépôt
et placement avait pourquoi cette divergence entre 1979 et 1980 en
particulier en 1979 énormément de valeurs à court
terme au début de l'année. Ils en avaient presque $800 000 000.
Alors, forcément, nous, en nous présentant pour $741 000 000
d'obligations, ça représentait un pourcentage pas mal plus faible
qu'en 1976. Et cette année, au début de l'année, ils n'ont
pas $800 000 000 de valeurs à court terme, ils en ont $535 000 000.
Alors, le milliard qu'on leur demande représente un pourcentage plus
élevé, 39%, mais qui est à peu près le même
que celui de 1976.
Il y a, d'autre part, à peu près $100 000 000 que la
Caisse de dépôt et placement met de côté pour les
bons du trésor du Québec, en plus de tout ce que je viens de
dire. Sauf que là, il faut bien comprendre qu'il s'agit de quelque chose
qui peut se réaliser ou ne pas se réaliser, compte tenu du
rôle que jouent trois acteurs sur le marché financier qu'a
créé le gouvernement du Québec en établissant les
bons du trésor il y a quelques mois: le marché, les 27 courtiers
autorisés ou maisons financières autorisées à
soumissionner pour des bons du trésor chaque semaine; le gouvernement
lui-même qui peut avoir un intérêt à un moment
donné à soumissionner sur ce marché et la Caisse de
dépôt qui peut aussi avoir intérêt à
soumissionner sur ce marché. Les $100 000 000 qui sont
réservés par la Caisse de dépôt pour le
fonctionnement du marché des bons du trésor sont non seulement
une approximation, mais une sorte de jeton qui est mis sur la table et dont on
verra simplement à la fin de l'année comment l'interaction des
trois acteurs a utilisé cet argent ou pas. (20 h 30)
II s'agit de quelque chose de tout à fait nouveau dans notre
système, le gouvernement du Québec n'ayant jamais jusqu'à
maintenant été sur le marché des bons du trésor. En
ouvrant un tel marché, on satisfait à des besoins d'entreprises
qui ne trouvaient pas dans les titres québécois, des titres
à court terme, à trois mois. Depuis que nous avons ouvert ce
marché des bons du trésor, la Caisse de dépôt
présentait assez fréquemment des soumissions. Dans l'ensemble,
l'essentiel de ces bons du trésor ont été achetés
par des maisons privées parce que cela correspondait à leurs
besoins. Au gouvernement, cela donne un instrument d'emprunt très
flexible et aux entreprises qui ont de l'argent à placer à court
terme, cela leur donne un instrument québécois qu'elles ne
trouvaient jusqu'à maintenant qu'au gouvernement fédéral.
C'est pour cela que ces $100 000 000 réservés pour les bons du
trésor je les tiens à part parce qu'il s'agit de quelque chose
d'expérimental qui, jusqu'à maintenant, fonctionne très
bien, mais qui n'a rien à voir avec les besoins de financement à
long terme du gouvernement du Québec, bien sûr.
Dans ce sens, je conclus que cette impression qu'ont certains que le
gouvernement irait siphonner des montants abusifs d'argent à la Caisse
de dépôt et placement est erronée. Je reviens à
nouveau sur le fait que dans les autres provinces canadiennes, la
totalité de cet argent va aux gouvernements provinciaux. La
totalité! Le gouvernement du Québec en modérant ses
appétits au niveau où il le fait est tout à fait
exemplaire par rapport à toutes les provinces canadiennes qui, elles,
vont ramasser si vous me passez l'expression, M. le Président
le pognon intégralement.
Voilà à peu près les premiers commentaires que
j'avais à faire.
Le Président (M. Bordeleau): M. le député de
Notre-Dame-de-Grâce.
M. Scowen: J'ai une série de questions, M. le
Président, dont quelques-unes découlent de la déclaration
de M. Parizeau du ministre, excusez-moi. Premièrement, il a fait
allusion en terminant au comportement de la Caisse de dépôt, des
autres provinces et du fonds canadien. Je pense que simplement pour
qu'il puisse comprendre l'orientation générale de nos questions
si nous avons décidé de développer une politique
qui est plus ou moins conforme à celle du Canada et des autres
provinces, il vaut la peine de l'expliquer clairement à la population
parce que jusqu'à maintenant on a toujours été très
fier au Québec d'avoir quelque chose de distinct, différent et
meilleur. Ce n'est pas une question que je pose, c'est simplement pour qu'il
puisse comprendre, en général, la nature de nos questions surtout
quand nous arrivons à cette dernière question que je vais poser
ce soir sur les nouvelles orientations. Si on décide finalement que la
Caisse de dépôt doit devenir ce qu'est devenu le Canada Pension
Plan, ainsi soit-il, mais que tout le monde comprenne que ce changement a
été fait.
Premièrement, dans le domaine des emprunts, le ministre a dit que
pour 1980, il prévoyait des emprunts de $1 000 000 000 à la
caisse de la part du gouvernement. Si je comprends bien, cela veut dire
qu'Hydro-Québec va emprunter $500 000 000. Est-ce que c'est cela?
M. Parizeau: Non, $400 000 000, puisque je disais $1000 000 000
pour le gouvernement en obligations, $400 000 000 pour Hydro-Québec et
on garde en réserve, au cas où, $100 000 000 pour les bons du
trésor.
M. Scowen: Si les bons du trésor ne marchent pas, cela
peut être ajouté au montant de la caisse?
M. Parizeau: Oui, sauf que c'est déjà
réglé, les bons du trésor maintenant sont en... Cela fait
combien de mois? Trois ou quatre mois?
M. Scowen: En ce qui concerne...
M. Parizeau: On a dix fois plus de soumissions qu'on a de bons du
Trésor à vendre.
M. Scowen: En ce qui concerne les montants disponibles, vous avez
dit que ce serait de l'ordre de $2 500 000 000 et le débat jusqu'ici
s'est fait autour des deux chiffres de $1 800 000 000, celui de M. Kierans, et
celui que M. Campeau a sorti en réplique, $2 200 000 000. La
différence était expliquée, si je comprends bien, et je
cite: "M. Kierans estime aussi que la Caisse de dépôt et placement
devrait vendre des centaines de millions de ses actifs pour réaliser ses
achats prévus d'obligations québécoises, ce que ne
conteste pas M. Parizeau comme tel. Il explique toutefois que la Caisse de
dépôt et placement a investi des centaines de millions sur les $10
000 000 000 d'actifs dans les obligations fédérales et les titres
à court terme lorsqu'elle ne se trouvait pas en mesure de les
réaliser. La Caisse de dépôt et placement nous a dit
qu'elle disposait de $2 200 000 000 cette année avant le budget." Alors,
M. Kierans disait que c'était $1 800 000 000, M. Parizeau je n'ai
pas la date de cet article, je pense que c'est le 6 mai que ce sera $2
200 000 000 et ce soir, on est devant $2 500 000 000. Alors, simplement pour
que tout le monde puisse comprendre... Dans la caisse même, il y a deux
sources de revenus, si je comprends bien. Il y a les dépôts nets
des déposants et le revenu. Est-ce que le ministre ou le
président peut me dire quelle est la prévision pour
l'année des dépôts des déposants et la
prévision du revenu?
M. Parizeau: Alors, nous allons maintenant, M. le
Président, procéder à cette répartition à
laquelle j'avais cru que M. Kierans assistait, mais d'où il semblerait
maintenant qu'il est parti juste avant que ça se termine cet
après-midi-là. Encore une fois, le rôle principal de la
Caisse de dépôt et placement, c'est de placer de l'argent. Alors,
puisque nous, on est poigné jusqu'à minuit et qu'on ne peut pas
partir avant, on va regarder les chiffres.
M. Scowen: Alors, les deux chiffres ne sont pas les
chiffres...
M. Parizeau: Vous allez avoir tous les chiffres, monsieur, tels
qu'ils sont demandés et à partir d'états que la Caisse de
dépôt et placement me présente. Ayant le droit, en vertu de
l'article 44, de demander des renseignements, je les ai.
Fonds disponibles pour placement, valeurs à court terme au
début de l'année 1980: $535 000 000; contributions nettes des
déposants: $875 000 000; revenus nets $994 000 000;
échéances de placements: $142 000 000...
Une Voix: Echéances des placements?
M. Parizeau: Oui, des placements qui viennent à
échéance, des obligations qui viennent à
échéance.
Cela fait $2 546 000 000 de fonds disponibles pour les placements. Les
$1 800 000 000 de M. Kei-rans, viennent des deux éléments du
centre: contributions nettes des déposants et revenus nets,
c'est-à-dire les deux éléments dont parlait le
député de Notre-Dame-de-Grâce tout à l'heure; on
voit qu'il y a une communion d'esprit remarquable.
M. Scowen: Cela donne environ $1 800 000 000, à peu
près.
M. Parizeau: Oui, c'est ça qui fait les $1 800 000
000.
M. Scowen: Ceci consiste en nouveaux fonds.
M. Parizeau: Ce n'est pas une question de nouveaux fonds ou
d'anciens fonds, ce sont les fonds qu'ils ont à placer.
M. Scowen: L'autre, c'est un transfert d'une partie du
portefeuille, d'une espèce d'obligation ou action à une autre,
mais les nouveaux fonds qui vont entrer seront en effet le revenu...
M. Parizeau: Non, les actions ne viennent pas à
échéance, M. le Président. Quand on parle de valeurs
à court terme là, je reviendrai sur ce que disait le
député de Notre-Dame-de-Grâce, plus tôt, avant 18
heures c'est quand même aussi un fonds de retraite. Un fonds de
retraite n'a pas à stocker des montants énormes de valeurs
à court terme, ce n'est pas son rôle. Ce qu'on dit c'est que, au
début de l'année, ça s'adonne parce que la caisse ne
trouve pas toujours les fonds pour les placements à long terme qu'elle
désire, qu'elle doit acheter des valeurs à court terme. Donc,
elle commence l'année avec $535 000 000 de valeurs à court terme
qui ne sont pas sa fonction propre et qui sont utilisables pour des
investissements en actions, en obligations, etc., en tout temps, plus $875 000
000, plus $994 000 000, plus les échéances de placements. Quand
des placements viennent à échéance, la caisse ne va pas se
précipiter à la banque pour déposer l'argent, elle va
essayer de placer ça. Donc, ce qu'elle a à placer, selon une
comptabilité qu'elle tient depuis toujours, c'est $2 546 000 000.
Là-dessus, elle affecte d'après la répartition qui
a été faite cet après-midi célèbre où
quelqu'un est parti trop tôt disent les journaux, je n'ai pas
été vérifier, je ne sais pas à quelle heure il est
parti, je ne tiens pas le "punch" à Québec, obligations: $1
000 000 000; Hydro-Québec: $400 000 000; autres, incluant les "Canada":
$259 000 000; achat d'actions: $373 000 000; achat d'hypothèques et
d'immeubles: $177 000 000; total: $2 209 000 000.
Maintenant, récapitulons ce qui semble irréca-pitulable.
Le chiffre dont parle M. Kierans, c'est la somme des contributions nettes des
déposants et des revenus nets. Cela fait $1 800 000 000. Le chiffre dont
j'ai parlé, ce sont les $2 200 000 000 des attributions de fonds. Alors,
cela fait $2 200 000 000, si on ajoute les "Québec", les
"Hydro-Québec", les autres, incluant les "Canada", les achats d'actions,
les achats d'hypothèques et immeubles,
$2 546 000 000, ce qui devrait leur laisser, à la fin de
l'année, à supposer que tout cela se réalise mais
encore une fois, cela change dans le courant de l'année à
supposer que tout cela se réalise, cela devrait les laisser avec environ
$337 000 000 de placements à court terme. On ne va pas se faire
d'illusions, mais il reste, néanmoins, que selon les obligations qui
sont mises sur le marché, selon qu'il y a beaucoup d'emprunteurs ou
moins d'emprunteurs, ces chiffres peuvent changer. Mais, c'est, en tout cas,
l'orientation générale prise par la caisse.
M. Scowen: J'espère que le ministre peut accepter qu'il
existe une distinction entre les nouveaux fonds qui viennent, soit de revenus,
soit des déposants, et les transferts des actifs actuels du
portefeuille. En effet, le ministre ou la caisse a décidé de
changer le portefeuille en réduisant, par exemple, les obligations du
gouvernement du Canada. Il aurait pu décider, également, de
réduire les actions qu'il détient dans l'industrie de la
chaussure ou des pâtes et papier. Par ce moyen, il peut dire que nous
n'avons plus de fonds disponibles. Mais je pense qu'il est clair, quant
à moi, au moins, que les nouveaux fonds à la disposition de la
caisse sont de l'ordre de $1 800 000 000.
M. Parizeau: M. le Président, enlevons d'abord la question
des "Canada" là-dedans, une bonne partie des "Canada" achetées
par la caisse, c'est du long terme. Donc, c'est en portefeuille, c'est
engrangé cette affaire-là, c'est en portefeuille. Si on les
vendait à l'heure actuelle, avec les taux d'intérêts que
l'on connaît, on perdrait de l'argent. Une bonne partie des "Ottawa",
c'est du long terme.
Revenons à cette question des nouveaux fonds. Mais oui, si on me
parle de l'addition des fonds. L'addition des fonds est de $1 800 000 000. Mais
il reste que $142 000 000 viennent à échéance. Encore une
fois, cet argent ne va pas aller à la banque, il va être
placé. Pour un organisme qui investit de l'argent, il n'y a pas
seulement le problème de savoir ce qui rentre de nouveau, il y a celui
de savoir ce qui vient à échéance et d'autre part, quelles
sont les valeurs à court terme dans lesquelles cet organisme sait
placer, en attendant que le long terme sorte. Je veux dire que n'importe quel
administrateur de portefeuille sait cela.
M. Scowen: Comme vous savez, les obligations du Canada sont,
à toutes fins pratiques, les actifs à court terme. C'est en effet
la même chose...
M. Parizeau: Et maintenant, est-ce qu'on a une
décomposition des actifs fédéraux par
échéance?
M. Scowen: II existe un marché...
M. Parizeau: Non, non...
Une Voix: Autrefois, il y a quatre ou cinq ans.
M. Parizeau: Oui, autrefois, mais maintenant, vous avez... La
répartition des titres de la caisse se fait. Moi, j'ai vu une liste, il
y a quelques semaines. On en voyait de tous les genres, des actifs
fédéraux. Il y avait du fédéral à
très long terme. Il y avait du fédéral à court
terme. Il y avait n'importe quoi.
M. Scowen: Dans le cadre de cette élaboration des sources
et des fonds, est-ce que le ministre peut nous dire combien a été
réalisé par la vente des obligations d'épargne
québécoise dans les dernières semaines? Le total final?
(20 h 45)
M. Parizeau: II n'y a aucun rapport avec la Caisse de
dépôt et placement. Cela, on en parlera tout à l'heure
quand on passera aux finances, comme je le disais.
M. Scowen: Cela n'a aucun rapport direct, mais ça peut
aider peut-être...
M. Parizeau: Non, absolument aucun rapport. Du point de vue des
opérations de la caisse, les obligations d'épargne sont
réservées aux particuliers, sont vendues à des
particuliers. La Caisse de dépôt et placement ne touche pas
à ça.
M. Scowen: Je comprends parfaitement, mais est-ce que vous avez
le chiffre?
M. Parizeau: Oui, je n'attends pas ça; dès qu'on
abordera le programme numéro je ne sais pas quoi trois ou
quatre des Finances, gestion de la dette.
M. Scowen: Mais, est-ce que vous pouvez nous le donner tout de
suite?
M. Parizeau: Bien non, écoutez, le député de
Notre-Dame-de-Grâce... M. le Président, j'avais
suggéré qu'effectivement on change à un moment
donné ce soir du côté de la Caisse de dépôt et
placement. C'est lui qui a insisté pour qu'on finisse la caisse et qu'on
passe ensuite aux crédits. Passons aux crédits.
M. Scowen: Mais, on parle, dans le cas de la caisse, des besoins
du gouvernement du Québec...
M. Parizeau: Ah non! Je comprends...
M. Scowen: ... et une partie de cette question est liée
avec les autres sources de revenu. C'est un chiffre que le ministre a
certainement, dont il est certainement au courant.
M. Parizeau: Oui, bien sûr.
M. Scowen: Est-ce que c'est $800 000 000? Est-ce que c'est $500
000 000? Est-ce que c'était...
M. Parizeau: Non, comme nous verrons, c'est autour de $750 000
000 bruts. Mais j'aurai un bon nombre d'indications à donner quant aux
recon-
versions qui doivent être faites pour des obligations provenant
d'épargnes qui viennent à échéance et d'autre part,
pour des conversions d'obligations antérieures. Mais cela n'a pas de
signification particulière par rapport à ces chiffres-là
pour la raison suivante.
M. Scowen: Pour le... mais c'est très intéressant.
$750 000 000 à peu près?
M. Parizeau: Brut, et le brut ne vous donne rien comme indication
de l'augmentation de l'encours, absolument rien. Cela n'a aucune espèce
de signification comme chiffre.
M. Scowen: Mais, le montant qui a été vendu
à 14% monte à peu près à $750 000 000?
M. Parizeau: M. le Président, est-ce qu'on arrête
l'examen de la Caisse de dépôt et placement et qu'on passe au
programme no 3?
Le Président (M. Bordeleau): Vous avez raison, M. le
ministre, il faudrait s'en tenir autant que possible à la Caisse de
dépôt et placement quitte à revenir à ce
moment-là au programme no 3.
M. Scowen: Semble-t-il que c'est un sujet assez sensible. Alors,
je retourne à la caisse. M. le Président, est-ce que je peux
suggérer une question. Avez-vous les chiffres, M. le ministre? Vous avez
donné les chiffres de 1976. On a essayé d'aller en arrière
un peu par rapport aux rapports annuels et c'était difficile. Vous
m'avez donné les chiffres de 1976. Avez-vous avec vous ce soir les
chiffres pour 1975, 1974?
M. Parizeau: On va sortir le graphique que j'ai
montré.
M. Scowen: Parce qu'ils ne sont pas clairement indiqués
dans les rapports. Il y avait une autre façon avant que vous arriviez,
les rapports n'étaient pas aussi clairs et...
M. Parizeau: Effectivement, les rapports n'étaient pas
aussi clairs. Mais, ce n'est pas ma faute, ce n'est pas moi qui fais les
rapports de la Caisse de dépôt et placement.
M. Scowen: Non, non, c'est exactement...
M. Parizeau: Voyons, à partir du graphique que je montrais
tout à l'heure, par exemple, en 1970, le gouvernement de Québec
avait obtenu $160 000 000 sur des fonds disponibles pour placement de $410 000
000.
M. Scowen: $410 000 000.
M. Parizeau: Encore une fois, il ne faut pas se mettre martel en
tête et je suis bien prêt à fournir aux membres de ce
comité cette corrélation. C'est quand même très
clair, n'est-ce pas?
M. Scowen: Si vous pouvez nous fournir le tableau, ça
va...
M. Parizeau: je suis sûr que M. Scowen a fait assez de
statistiques pour savoir ce que ça veut dire.
M. Scowen: Si vous pouvez nous fournir les chiffres, ce ne sera
pas nécessaire de les sortir.
M. Parizeau: Oui, bien sûr. Non, mais c'est très
intéressant, ce qui veut dire que la thèse de chiffres sans
précédent dont il parlait, elle apparaît clairement
là-dedans.
M. Scowen: Tout ce que je sais, tout ce qu'on a été
capable de sortir d'après les données disponibles, c'était
que sur le plan cumulatif, jusqu'à 1979, c'était 32,4%. Cela,
c'est sur le plan cumulatif, si nos chiffres sont corrects. Alors,
l'année passée, c'était 29% et en 1980, vous
prévoyez, d'après vous, 40%.
M. Parizeau: Non, 39%.
M. Scowen: Excusez-moi, je vais faire le calcul.
M. Parizeau: Par rapport à 38% en 1976. M. Scowen:
Oui, et avez-vous pour 1975?
M. Parizeau: Non, je vous ai sorti 1970, je peux bien vous sortir
1975, où est le tableau?
M. Scowen: Non, j'ai demandé 1975, vous m'avez
donné 1970.
M. Parizeau: Alors, 1975, c'était une année
exubérante. Le gouvernement a été chercher $400 000 000
sur $625 000 000.
M. Scowen: Sur $625 000 000.
M. Parizeau: Oui, exubérant cette année-là,
exubérant le gouvernement.
M. Scowen: C'étaient les deux tiers.
M. Parizeau: Oui, attention c'est Québec et
Hydro-Québec qui sont garantis.
M. Scowen: Je parle toujours du gouvernement du
Québec.
Je présume que les chiffres que vous nous avez donnés pour
1975,1979 et 1980, c'est le Québec seulement.
M. Parizeau: C'est le Québec seulement. Si vous voulez
avoir les chiffres avec HydroQuébec.
M. Scowen: Non.
M. Parizeau: Ah, pour une fois que vous ne voulez pas, c'est
intéressant.
M. Scowen: C'est intéressant, mais on ne le veut pas pour
le moment.
M. Parizeau: Bien non, mais je vais prendre... M. Scowen:
II y a des chiffres intéressants là.
M. Parizeau: Moi, je voudrais peut-être, vous voyez.
M. Scowen: Si vous voulez les donner.
M. Parizeau: Pour 1980, Québec et HydroQuébec cela
fait 55% de tous les fonds à placer de la Caisse de dépôt.
L'année 1975 qui intéresse à ce point le
député de Note-Dame-de-Grâce c'est 65%, grosse chute,
grosse chute. Nous sommes modestes dans nos appétits à
côté de 1975, je ne sais pas qui avait un appétit pareil
cette année, mais il est monté aux deux tiers.
M. Scowen: Je propose tout simplement que pour les contribuables,
pour les retraités, il y a une distinction entre une obligation pour
construire un barrage qui va produire des revenus, et une obligation pour
couvrir un déficit courant du gouvernement.
M. Parizeau: Absolument pas. Ce serait supposé, en somme,
que la pension diverge de montant et de qualité selon que les
intérêts sont payés par le gouvernement ou par
l'Hydro-Québec. Je soumets humblement que le pensionné s'en fout
éperdument. Lui, ce qu'il veut avoir essentiellement, c'est un
rendement, enfin, c'est sa pension. Que cela vienne du fait que le gouvernement
a emprunté, que ce soit Hydro-Québec, l'Office des autoroutes ou
n'importe quoi, il s'en contrefiche, mais alors là, royalement. Si on
pense que la Régie des rentes paie une pension aujourd'hui en disant: La
pension que vous recevez ce mois-ci est plutôt "loadée" par les
intérêts de l'Hydro-Québec avec le gouvernement par rapport
au mois dernier, cela non.
M. Scowen: Je pense que l'attitude d'ignorance des contribuables
du Montréal face à M. Drapeau et ses dépenses pour les
Jeux olympiques indique que vous avez probablement raison. Ils s'en foutent. Je
pense que c'est quand même important de porter ce fait à leur
attention.
M. Parizeau: Je ne suis pas d'accord, porter à leur
attention quoi? Porter à leur attention que 10 1/2% à
Hydro-Québec est différent de 10 1/2% au gouvernement. Voyons
donc! C'est toujours 10 1/2%. Cela s'accumule au même rythme. Les
intérêts composés sont les mêmes. Il n'y a pas des
tables d'intérêts composés pour le gouvernement et des
tables d'intérêts composés pour Hydro-Québec tout de
même. Enfin, moi ce n'est pas comme cela que j'ai appris mes
mathématiques financières. Il faut penser que 10 1/2% à
intérêts composés c'est la même chose.
M. Scowen: M. le Président, je voulais demander au
ministre s'il a les chiffres bruts de l'investissement de la caisse dans les
obligations du gouvernement du Québec, et ceux d'Hydro-Qué-bec
pour les dix dernières années? Jusqu'à ce qu'il soit
entré au pouvoir, les chiffres n'étaient pas
séparés dans les comptes pour les années 1970 à
1977 ou 1976 au moins. Dans le rapport annuel les deux chiffres étaient
ensemble. Cela a été hors du public. Je ne demande pas qu'il nous
donne une liste oralement ce soir, mais est-ce possible d'avoir cette
table-là?
M. Parizeau: Ce tableau est à la page 45 et à la
page 46 du raport annuel de la Caisse de dépôt.
M. Scowen: Le dernier? ...
Ça, c'est le problème. Parce que vous voyez, il y a du
gouvernement du Québec des garanties. Et j'ai l'impression qu'il y a
là-dedans, et HydroQuébec et le gouvernement du
Québec.
M. Parizeau: Je comprends.
M. Scowen: Cela n'a jamais été rendu public
jusqu'à ce que vous entriez.
M. Parizeau: J'admets, d'accord. La demande est légitime
d'établir la différence entre les directes et les garanties. Nous
allons établir la distinction des deux et fournir cela au
député.
M. Scowen: Merci.
J'ai quelques questions à poser au sujet de Heritage Fund. Comme
je vous l'avais dit tantôt, on a trouvé que l'argument consistant
à demander à la caisse ou la décision de la caisse, si
vous préférez, de donner ce taux de faveur au gouvernement et
l'idée de le baser dans votre argumentation seulement sur le taux
d'intérêt de Heritage Fund, ne sont pas très
convaincants.
Par exemple, je veux demander au ministre ceci. Si j'étais
à votre place et que je trouvais une province très riche
prête à prêter au gouvernement du Québec selon ses
besoins à un taux d'intérêt équivalant à
celui de l'Ontario, je dirais: Très bien, allez-y, je vais combler mes
besoins avec le gouvernement de l'Alberta, à environ 10%, au taux de
l'Ontario, cela va ainsi libérer la Caisse de dépôt et lui
permettre d'investir davantage dans les obligations, ce qui va donner un
rendement plus intéressant pour les déposants à la
caisse.
Si c'est vrai que le Heritage Fund est prêt à vous
prêter à ce taux sensationnel, pourquoi ne pas emprunter de
Heritage Fund?
M. Parizeau: D'abord, ce n'est pas un cadeau que le Heritage Fund
fait au Québec, c'est une politique qu'il a à l'égard de
l'ensemble du Canada. Deuxièmement, ce n'est pas vrai qu'on
libérerait la caisse d'une sorte d'obligation de nous prêter. Si
le gouvernement de Québec et HydroQuébec n'empruntaient pas de la
caisse, la caisse
ne saurait pas où prêter son argent; il ne resterait qu'une
seule possibilité à la caisse, ce serait d'aller aux Etats-Unis.
Il n'y a aucun moyen pour la caisse d'imaginer... A certains égards
c'est une sorte de vue, comment dire, qu'on peut avoir sur l'état
des marchés financiers au Canada et ce qui est achetable au Canada
il n'y aurait aucun moyen pour la Caisse de dépôt et
placement de se retourner de bord et de dire: Voici, j'ai $1 500 000 000 de
plus à placer par année, où est-ce que je les place?
C'est tellement vrai, d'ailleurs, que le Heritage Fund, qui ne veut
toujours pas sortir du Canada, avait, à son dernier état
financier, la moitié de ses fonds en "cash". Comme le gouvernement de
l'Alberta a un surplus... Cette année, en 1980-1981, par exemple,
l'Alberta va avoir un surplus budgétaire qui sera presque le double du
déficit de toutes les provinces de Terre-Neuve au Manitoba. Donc, le
Heritage Fund ne peut pas prêter au gouvernement de l'Alberta, le
gouvernement de l'Alberta n'emprunte pas. Il ne peut pas prêter aux
municipalités de l'Alberta, le gouvernement de l'Alberta a
remboursé toutes les dettes des municipalités. Le Heritage Fund
est placé dans la situation où la moitié de son fonds est
en "cash". Là, cela se comprend, dans ces conditions, qu'il se soit
retourné de côté, depuis quelques mois, et qu'il ait
décidé de prêter à d'autres provinces à un
taux de la province qui emprunte le moins cher, c'est la seule façon
pour lui de placer des fonds.
A supposer, par exemple, que j'aille emprunter ce qui serait
aberrant, mais ça n'a pas d'importance $1 500 000 000 en Alberta
par année, là, ce serait au tour de la Caisse de
dépôt et placement d'être dans la situation du Heritage Fund
et de dire: Qu'est-ce que je fais avec mes $1 500 000 000 par an? La raison
pour laquelle on est allé acheter passablement de valeurs du
gouvernement fédéral depuis quelques années, c'est
à cause de quoi? Ce n'est pas parce que cela a un rendement sensationnel
par rapport à des obligations provinciales ou municipales, c'est parce
que ce n'est pas facile pour la caisse de placer son argent. La Caisse de
dépôt et placement est déjà rendue au point
où c'est le plus gros portefeuille d'actions ordinaires au Canada. Sur
certains titres, il est arrivé dans le passé que la Caisse de
dépôt et placement devait arrêter ses achats d'actions
à la Bourse parce que sa seule intervention faisait monter les cotes.
Elle était le marché!
Il a fallu qu'elle cesse d'acheter des actions pendant un certain temps
parce qu'elle était la Bourse sur certains titres. Dans ce
sens-là, la question posée est donc totalement
hypothétique. Cela ne pourrait pas se faire, la Caisse de
dépôt et placement qui serait prise avec $1 000 000 000 ou $1 500
000 000 de liquidités additionnelles à l'heure actuelle. Je ne
sais pas dans quoi elle les placerait; à moins, évidemment, qu'on
décide d'envoyer tout cela aux Etats-Unis. Evidemment, il y a là
des perspectives de placement considérables. Il n'y a pas de
façon de placer cela.
M. Scowen: Excusez-moi, M. le ministre, je pense que vous faites
un peu d'exagération.
Combien avez-vous l'intention d'emprunter de Heritage Fund cette
année? (21 heures)
M. Parizeau: Le gouvernement du Québec, je ne pense pas.
Hydro-Québec va probablement adopter à l'égard de Heritage
Fund l'attitude qu'il a prise à l'égard de l'ensemble de son
marché, c'est-à-dire que, si à un moment donné les
taux canadiens qu'il peut obtenir d'Héritage Fund lui paraissent
préférables aux taux auxquels il peut emprunter en Europe, au
Japon ou ailleurs, il ouvre. Mon impression c'est qu'il va aller chercher
probablement autour de $200 000 000 de Heritage Fund ou quelque chose comme
cela.
M. Scowen: La question que j'ai posée n'avait rien
à voir avec Hydro-Québec. Vous avez besoin d'un milliard pour le
gouvernement du Québec. Vous pouvez obtenir les mêmes conditions,
les mêmes taux ou de la caisse à cause de cette décision ou
de Heritage Fund. Vous avez aussi décidé que la caisse doit jouer
un rôle beaucoup plus actif au sein de l'industrie publique et
privée au Québec. Je pense que vous exagérez en
répondant que: Ou on emprunte $1 100 000 000 ou on n'emprunte rien du
tout. C'est très possible de concevoir la possibilité d'aller
à Heritage Fund pour quatre, cinq, six, trois et demi pour
libérer la caisse et lui permettre de faire d'autres investissements
intéressants. Mais en effet, vous m'avez dit, si je comprends bien,
qu'il n'est pas possible pour la Caisse de dépôt et placement de
Québec, cette année, de trouver des placements
intéressants même pour un million de dollars de plus qui sont
disponibles, même avec tout ce qu'elle va emprunter du gouvernement du
Québec.
M. Parizeau: Ce n'est pas faisable.
M. Scowen: Je ne parle pas du milliard. Je dis que vous
n'êtes pas obligé d'emprunter le milliard de Heritage Fund, vous
pouvez emprunter $200 000 000 et libérer la caisse des obligations de
combien vous voulez, $200 000 000, $300 000 000 pour permettre à la
caisse de faire des investissements plus intéressants en termes de taux
d'intérêts, parce qu'il est clair qu'elle emprunte de vous autres
à un taux préférentiel en bas du marché, ou
après des investissements dans le secteur privé ou public. Cela
ne tient pas debout cet argument.
M. Parizeau: M. le Président, non seulement cela tient
debout, mais encore une fois, je pense que le député de
Notre-Dame-de-Grâce ne se rend absolument pas compte de ce que cela veut
dire quand il parle de $300 000 000, et de dire on va aller placer cela dans
l'industrie privée. $300 000 000 à $400 000 000 d'actions, c'est
énorme dans une année. Il n'y a pas de genre de truc disponible
au Québec. Si on voulait placer $300 000 000 ou $400 000 000 en actions
ordinaires en un an au Québec, je ne sais pas où on placerait
cela. Ce n'est simplement pas faisable. Ce n'est pas une question de mauvaise
volonté, cela fait quinze ans que la Caisse de dépôt
répète
à peu près à chaque rapport annuel ou à
chaque discours public qu'elle préférerait avoir davantage
d'actions. Cela fait quinze ans qu'elle fait cela. Il n'y a pas cela. Cela ne
sert à rien de se raconter des histoires. Lorsque le Heritage Fund a
déterminé sa politique de placement, tout ce qu'on pouvait avoir
comme choix, c'était le suivant: Ou bien suivre la politique de
placement en titres gouvernementaux adoptée par le Heritage Fund et
continuer à placer une bonne partie des sommes disponibles à la
Caisse de dépôt, au gouvernement et à Hydro-Québec,
ou bien se trouver dans la situation complètement fofolle de se
prêter à soi-même à un taux plus élevé
que le Heritage Fund n'était prêt à nous prêter.
C'était cela le choix véritable. Le choix véritable
ce n'était pas de se demander: Est-ce qu'on pourrait réduire les
besoins du gouvernement ou d'Hydro-Québec de $300 000 000, $400 000 000
à l'égard d'Hydro et puis, d'autre part, de placer cela dans
l'entreprise privée du Québec. $400 000 000 d'actions ordinaires
au Québec. Si c'était disponible, comme dit l'autre, cela se
saurait. Il n'y a pas cela.
M. Scowen: Si je comprends, en résumé, vous n'avez
pas l'intention d'emprunter de Heritage Fund pour le gouvernement du
Québec, pour les besoins du gouvernement cette année parce que la
caisse de dépôt a besoin de ce milliard de dollars au complet
parce qu'elle ne peut pas trouver ailleurs d'autres investissements plus
intéressants pour la caisse et pour les déposants, soit ici au
Québec, soit au Canada, soit à l'étranger et est
obligée de vous demander: S'il vous plaît, M. Parizeau,
laissez-nous vous donner cet argent et n'allez pas en Alberta où les
taux sont exactement les mêmes.
M. Parizeau: Effectivement, la Caisse de dépôt a
besoin de placer beaucoup d'argent dans les titres du gouvernement du
Québec.
M. Scowen: Mais le total. Je demande le total?
M. Parizeau: Non, le total peut varier. Quand je disais tout
à l'heure que des affectations de sommes comme celles-là peuvent
varier en cours d'année, cela peut se produire de la façon
suivante, à la condition qu'on cherche à réfléchir
et pas simplement se situer dans une espèce d'atmosphère
d'affrontement où on finit par ne rien comprendre.
Il est évident, par exemple, que si les travaux
d'épuration des eaux vont plus vite singulièrement dans la
région de Montréal, si en particulier la grosse usine
d'épuration de l'île Sainte-Thérèse, ou en face de
l'île Sainte-Thérèse, peut débloquer assez
rapidement, il va y avoir là un appel de fonds important de la part de
la CUM. Là, on pourrait fort bien imaginer que la Caisse de
dépôt puisse placer davantage d'argent dans des émissions
de la CUM que ce serait le cas autrement. Cela, on ne le verra que dans le
courant de l'année.
Je sais qu'il y a eu des discussions qui ont eu cours entre la CUM et la
Caisse de dépôt à ce sujet, la CUM se posant la question de
savoir parce qu'évidemment la CUM a un programme à la fois
de transport en commun et d'épuration des eaux extraordinairement
coûteux et un problème essentiellement de "phasing in" et
là, on pourrait fort bien imaginer que dans ces conditions le
gouvernement du Québec laisse la place, et ce serait tout à fait
raisonnable.
Est-ce que cela veut dire que le gouvernement du Québec irait au
Heritage Fund? Pas nécessairement. Cela dépendrait de ce que
seraient les taux sur d'autres marchés. La caractéristique de
cette première affectation qui se fait au début de l'année
est d'indiquer un certain nombre d'orientations. Ensuite, on réagit
à la fois aux besoins de fonds de chacun des participants et, d'autre
part, à la variation des conditions sur les marchés qui, sur une
période d'un an, changent énormément, ou même
à l'apparition de nouveaux titres.
Par exemple, le Québec a fait une première émission
en unités de compte en Europe, en écus. C'est la première
fois que se présentait la possibilité de faire une
émission en unités de compte. Il est évident que
même si le Heritage Fund m'avait offert de l'argent au moment où
j'ai fait cette première émission, je l'aurais fait en
unités de compte. Cela paraissait intéressant, c'est un
marché nouveau pour nous. C'est toujours important d'ouvrir de nouveaux
marchés. Si le Heritage Fund s'était présenté
à ce moment-là, j'aurais dit non, je m'en vais en unités
de compte, je veux savoir comment cela marche et le taux a l'air d'être
bon.
On ne peut pas, encore une fois, se commettre indépendamment des
besoins de chacun et des conditions du marché à une sorte de
carcan. Le $1 000 000 000 qui est réservé à la Caisse de
dépôt, il est tout à fait possible que, pour une part, je
ne m'en serve pas dans le courant de l'année. Il est tout à fait
possible que je l'offre à Hydro-Québec, cela m'est
déjà arrivé... c'est arrivé l'an dernier. On leur a
offert $150 000 000 sur notre part à la Caisse de dépôt,
parce que l'année dernière, à un moment donné,
compte tenu des conditions du marché, ce qui avait été
réservé à la Caisse de dépôt pour le
gouvernement, on n'en a pas eu besoin. On a dit à la Caisse de
dépôt: Si vous voulez allez les chercher, il y a $150 000 000
disponibles pour vous. Ces choses se font constamment, c'est tout à fait
dans l'ordre des choses.
M. Scowen: Une avant-dernière question sur ce point, M. le
Président. Si je comprends bien, le fait que la caisse va vous
prêter à un taux préférentiel, cela veut dire qu'en
effet il n'y aura pas de placements publics cette année au
Québec. Ils seront placés privément avec la caisse,
à part celui que vous venez de faire.
M. Parizeau: Pas nécessairement.
M. Scowen: Non?
M. Parizeau: Pas nécessairement, M. le
Président.
M. Scowen: Vous prévoyez à peu près combien
dans les placements publics, soit au Canada, soit ailleurs?
M. Parizeau: Là, nous reviendrons là-dessus en
discutant des obligations d'épargne. Il est évident que
l'effervescence des obligations d'épargne à 14% change un peu mes
orientations sur ce plan.
M. Scowen: Je serai content d'y revenir. Je veux simplement dire
en terminant cette partie...
M. Parizeau: Ce n'est pas à cause de la Caisse de
dépôt; c'est à cause de l'effervescence des obligations
d'épargne. Il est évident que j'ai des besoins qui changent un
peu de nature.
M. Scowen: Je veux dire simplement, en terminant cette partie, M.
le Président, que je trouve assez bizarre que ce gouvernement
social-démocrate ait l'intention cette année de prêter aux
capitalistes du Québec, comme il vient de le faire, à un taux
d'intérêt de 14% et d'obliger les contribuables
québécois qui versent leur petite somme chaque année par
déduction à prêter à ce même gouvernement
à un taux qui est même inférieur à celui du
marché. Je pense que c'est joliment difficile à justifier devant
le public. 14% pour tous ceux qui ont profité de cette affaire des
dernières semaines et 10% point quelque chose, moins que le taux du
marché, pour les gens qui ont besoin de ces fonds pour leur fonds de
pension. C'est bizarre.
M. Parizeau: M. le Président, je ne peux pas accepter
cela. D'abord, je rappellerai au député de
Notre-Dame-de-Grâce, puisqu'il veut absolument m'entraîner sur les
obligations d'épargne, que c'est justement ce gouvernement
social-démocrate qui a réduit la marge, c'est-à-dire les
montants admissibles à chaque particulier pour les obligations
d'épargne de $50 000 par personne à $15 000, et qui a mis
l'accent systématiquement sur la petite épargne. C'est le premier
gouvernement, le premier, qui a rendu l'achat d'obligations d'épargne
admissible par retenues sur la paie dans un bon nombre d'institutions. Cela ne
se faisait jamais avant.
Je rappellerai aussi que seuls les individus sont admissibles aux
obligations d'épargne et je rappellerai enfin que je ne vois pas
pourquoi Hydro-Québec, par exemple, et le gouvernement du Québec
sont assujettis sur le marché canadien à un taux
d'intérêt systématiquement un peu plus élevé
que celui de l'Ontario.
Oh! pas grand-chose. De ce temps-ci, c'est de l'ordre de 20 "basis
point". A cause d'une coutume en vertu de laquelle l'Ontario est une province
sage et le Québec est une province effervescente, donc 20 "basis point"
doivent consacrer la différence de la dignité.
Hydro-Québec à tous égards est infiniment plus solide sur
le plan financier qu'Hydro-Ontario. Il n'y a pas de commune mesure.
M. Scowen: Sauf le marché.
M. Parizeau: En effet, oui. Le marché de concurrence pure
et parfaite, comme on le sait.
Oui, en effet, de concurrence pure et parfaite. Et que ce soit un
gouvernement de l'Ouest qui nous rappelle ces vérités
fondamentales, je ne trouve pas ça désagréable du tout.
Que ce soit un gouvernement de l'Ouest qui nous dise: Nous, on ne voit vraiment
pas de différence entre des obligations de l'Ontario et des obligations
du Québec. Evidemment, nous, avec nos complexes
d'infériorité, on ne pourrait pas se dire ça. On aurait
l'impression de faire une mauvaise action. Mais que quelqu'un de l'Ouest nous
le dise, je ne trouve pas ça désagréable. Cela confirme
d'ailleurs des analyses comme celles de Kidder Pea-body qui pousse depuis
déjà assez longtemps pour qu'Hydro-Québec ait le
même "triple A" qu'Hydro-Ontario. Les Américains nous disent
ça, en somme. Enfin, certains Américains. L'Alberta nous dit
ça. Il nous reste simplement à le croire.
M. Scowen: M. le Président, une dernière question.
Voulez-vous nous donner votre meilleure estimation de pertes de revenus que va
subir la caisse cette année à cause de cette décision de
donner un taux préférentiel? Je sais que ce n'est que trente,
virgule quelque chose. Je ne sais pas exactement combien. Mais en termes de
dollars de revenus perdus pour une année complète, douze mois,
basés sur les montants que vous allez emprunter, ce sera combien en
dollars?
M. Parizeau: Impossible à dire parce que le seul fait que
le Heritage Fund pratique cette politique change les "spread". C'est absolument
impossible à dire. Vous avez un intervenant majeur sur le marché
financier qui change les règles du jeu.
M. Scowen: Vous prenez le...
M. Parizeau: II est absolument impossible de le savoir. De toute
façon, même si nous n'avions pas fait à la Caisse de
dépôt, si la décision n'avait pas été prise
de suivre le Heritage Fund, le seul fait que le Heritage Fund fasse ça
et le fasse sur une échelle de plus en plus grande et de plus en plus
systématiquement au Canada fait que ce geste rend dorénavant
l'interprétation des "spread" extraordinairement difficile. (21 h
15)
Ce que le Heritage Fund est en train de faire et ce n'est pas vrai
seulement pour le Québec, c'est vrai pour Terre-Neuve, pour les
provinces maritimes et pour les provinces de l'Ouest ce que
l'Héritage Fund est en train de faire, c'est déjà de
changer le fonctionnement du marché. Dans ces conditions, il n'y a
aucune réponse possible qu'on puisse donner...
M. Scowen: Ce que je propose, c'est de calculer la
différence entre les deux taux d'intérêt et la multiplier
par le montant que vous avez l'intention de prêter. Ce n'est pas
compliqué.
M. Parizeau: Dans ces conditions, si le député de
Notre-Dame-de-Grâce, M. le Président, veut s'amuser à
prendre dix "basis point" sur
$1000 000 000, vingt "basis point" sur $1000 000 000, cinquante "basis
point" sur $1 000 000 000, je lui laisse la règle de trois, je n'ai pas
besoin de faire la règle de trois à sa place. Comme, de toute
façon, c'est purement hypothétique, qu'il prenne dix "basis
point" sur $1000 000 000, vingt "basis point" sur $1000 000 000, trente "basis
point" sur $1 000 000 000 et il choisira dans ses propres calculs ce qui fait
son affaire.
M. Scowen: C'est possible de calculer la différence entre
le taux du marché des obligations du Québec et le taux du
marché des obligations de l'Ontario.
M. Parizeau: Mais tout cela est public, encore une fois, et
purement hypothétique. Prenez à dix "basis point", vingt "basis
point", trente "basis point", cinquante "basis point" si cela vous amuse,
appliquez cela à $1 000 000 000...
M. Scowen: Ce n'est pas pour m'amuser, c'est pour que les gens
puissent comprendre.
M. Parizeau: Non, là vous êtes dans la pure
hypothèse.
M. Scowen: Excusez-moi, on est dans les dollars et on peut
calculer; si vous refusez de le calculer, on va le faire pour vous.
M. Parizeau: Pas pour moi, pour vous.
M. Scowen: Non, pour la population, s'il vous plaît.
M. Parizeau: Encore une fois, M. le Président, le
député, qui est dans la pure hypothèse, peut choisir les
"basis point" qu'il voudra, appliquer cela au $1 000 000 000 qu'on a vu passer
tout à l'heure et en tirer toutes les conclusions qu'il voudra, mais ce
sont ses conclusions, ses hypothèses et ses calculs.
M. Scowen: J'ai même l'impression que quelqu'un va le faire
pour vous.
M. le Président, cela termine une série de questions que
nous avions concernant cette partie. J'en ai d'autres, mais je ne sais pas si
mon collègue...
M. Goulet: Oui, M. le Président.
Le Président (M. Bordeleau): M. le député de
Bellechasse.
M. Goulet: Peut-être pas pendant une heure, mais je vais
quand même poser des questions, M. le Président. C'est seulement
une blague, parce que les questions étaient vraiment pertinentes.
M. le Président, le ministre, tout à l'heure, a dit qu'il
était extrêmement difficile pour la Caisse de dépôt
d'élargir son champ d'investissements, de trouver ce qu'on peut appeler,
des nouveaux marchés. J'aimerais savoir ce qu'il pense des propos de son
collègue des institutions financières, propos, qu'il a
répétés encore dernièrement en commission
parlementaire où, je ne dirai pas qu'il accusait, mais, il qualifiait la
Caisse de dépôt d'être trop conservatrice et il aurait voulu
qu'elle s'implique davantage, qu'elle participe davantage au financement et du
secteur privé, et du secteur public. C'est peut-être difficile
lorsqu'on parle de $300 000 000 ou de $400 000 000, mais allons-y pour $100 000
000; ce qui sera consenti sera toujours consenti, mais il y a un commencement
à tout.
Ce ministre aurait aimé pas le député de
Bellechasse, mais le ministre des Consommateurs, Coopératives et
Institutions financières; il a bien dit qu'il parlait à titre
personnel, mais il est quand même ministre, et il était à
la table de la commission il jugerait opportun que la caisse mette
davantage d'argent au service du secteur privé et du secteur public,
qu'elle s'implique davantage dans le développement économique. Il
me semble que cela ne concorde pas trop avec les propos que vous avez tenus
tout à l'heure. Est-ce que le ministre des Consommateurs,
Coopératives et Institutions financières aurait des
débouchés et pourrait en suggérer? Pourquoi tient-il de
tels propos si...
M. Parizeau: Je pense que cela se comprend de la façon
suivante. La Caisse de dépôt pourrait acheter, non pas le
contrôle arithmétique d'un certain nombre de grandes entreprises,
parce que la loi prévoit qu'elle ne peut pas acheter plus que 30%
des actions d'une seule compagnie enfin, il reste qu'aller acheter 20%
ou 25% des actions d'un certain nombre de très grosses compagnies,
là, on peut faire en sorte que la caisse de dépôt trouve un
exutoire considérable pour ses fonds. Evidemment, cela ne se fait pas
dans une journée, c'est un virage qui se prend graduellement. Là,
évidemment, cela peut utiliser beaucoup d'argent. Si on se fixait comme
objectif, par exemple, sur une période de quelques années, de
faire en sorte que la caisse devienne un très gros actionnaire, dans le
cas d'un bon nombre de corporations où les actions sont très
diffusées dans le public, qu'elle soit le plus gros actionnaire à
l'intérieur de la limite de 30% d'un certain nombre de très
grandes corporations, là, évidemment, on joue beaucoup d'argent
à la fois.
On a vu un exemple de cela je pense que c'est le premier aussi
spectaculaire par l'achat de 21% de la Domtar; cela a coûté
$115 000 000. La Caisse de dépôt est devenue, d'un seul coup, le
plus gros actionnaire de Domtar.
On peut, évidemment, envisager, ce qui est tout à fait
dans l'intérêt public, singulièrement à long terme,
qu'un organisme public québécois devienne un actionnaire
important ou le plus gros actionnaire dans une corporation qui est aussi
liée au développement forestier qu'au développement
papetier au Québec. C'est ce que mon collègue avait en
tête, d'ailleurs, lorsqu'il parlait d'une plus grande comment
dirais-je? activité de la Caisse de dépôt et
placement du côté des actions.
Vous voyez, vous avez ici deux conceptions assez différentes.
L'une qui consiste à dire que la Caisse de dépôt peut
devenir le plus gros actionnaire dans une corporation, mais elle doit faire
cela, normalement, sur une assez longue période de temps, en achetant
à la Bourse, au fur et à mesure où de bonnes occasions se
présentent. Et, éventuellement, elle deviendra peut-être
assez considérable, comme actionnaire. Par opposition à l'autre
qui dit, on va aller chercher des blocs. Exemple: Domtar. On va chercher un
bloc et on l'achète. Dans ce cas-là, c'était Argus
Corporation, je pense, qu'il faisait un détour par une autre compagnie.
Mais on va chercher le bloc d'Argus.
La première orientation demande beaucoup de temps et les fonds
sortent petit à petit. La deuxième orientation c'est celle
dont mon collègue voulait parler consiste à dire, on va
acheter un bloc. Il y a un bloc de $60 000 000, un bloc de $100 000 000 et un
bloc de $150 000 000. Evidemment, si on s'oriente de ce côté, la
caisse peut trouver le moyen d'investir des sommes considérables. Il est
évident que, pour moi, advenant qu'un jour, par exemple, la caisse
vienne me dire, on pensait vous donner $1 000 000 000 cette année, enfin
vous prêter $1 000 000 000, mais nous aurions un coup fumant à
faire. Nous avons besoin de $300 000 000 ou de $400 000 000 additionnels pour
aller prendre quelque chose qui est évidemment dans
l'intérêt public au Québec. Qu'est-ce que je ferais? Je me
retournerais et j'irais emprunter l'argent ailleurs. Il n'y a pas de
problème. La seule chose est qu'il faut reconnaître que, dans la
mesure où l'on prend une orientation comme celle-là, cela ne se
fait que graduellement et qu'on ne se met pas à l'achat de blocs comme
on se met à l'observation des petits oiseaux.
A un moment donné, il y a des blocs qui deviennent disponibles et
d'autres peuvent ne pas l'être pendant une longue période de
temps. Mais il est évident que le précédent, si l'on peut
dire, parce que c'est une sorte de précédent, le
précédent de la Domtar est intéressant. C'est à
cela que faisait allusion mon collègue. Je ne suis pas en
désaccord avec lui quant à l'utilité de pouvoir le
faire.
L'important, cependant, à un moment donné, mais cela
viendrait plus tard, enfin le problème sera de savoir comment la caisse
est rerésentée aux conseils d'administration de
sociétés comme celles-là. Quand la Caisse de
dépôt et placement devient, en achetant des actions au fur et
à mesure, au fil des années, un actionnaire important, elle ne
demande pas nécessairement des postes au conseil d'administration. Il
est évident, au contraire, que si vous achetez, dans une compagnie
publique où les actions sont cotées en Bourse et que le capital
est distribué un peu partout, si vous achetez 25%, vous êtes
amené, inévitablement, à nommer des membres au conseil
d'administration. Evidemment, c'est un rôle assez nouveau pour la caisse.
Elle n'a pas souvent, dans son passé, nommé beaucoup
d'administrateurs. Si elle achetait plusieurs blocs, la Caisse de
dépôt et placement serait amenée à nommer des
adminis- trateurs aux conseils d'administration, ce qui serait, pour elle, un
virage assez important.
Mais il ne faut pas chercher à m'opposer à mon
collègue, à cet égard. Je pense que le
précédent de la Domtar est très intéressant
à bien des égards. Très très intéressant.
S'il y a un type d'entreprise, dont le développement est très
relié au développement du Québec, ce sont bien des
entreprises comme celle-là.
Le Président (M. Bordeleau): M. le député de
Bellechasse.
M. Goulet: Mais vous dites, à un moment donné, que
la caisse devrait chercher davantage, ce n'est pas facile, ou la caisse n'a pas
cherché assez... Je ne me souviens pas trop des propos que vous avez
tenus. Mais, justement, comme le disait le député de
Notre-Dame-de-Grâce, vous ne pensez pas qu'il y aurait lieu de
libérer la Caisse de dépôt, de façon qu'elle puisse
mettre plus d'argent au service du développement économique. Bien
sûr, il y aurait un risque plus grand et il y aurait plus de travail
parce qu'il faudrait qu'elle aille chercher. Pourquoi ne le ferait-elle
pas?
M. Parizeau: M. le Président, je n'en disconviens pas un
instant. Mais quand je vois la Caisse de dépôt et placement
placée dans une situation où on est obligé d'empiler $500
000 000 d'obligations fédérales, ou aller jusqu'à $800 000
000 de titres à court terme, parce qu'elle ne trouve pas ou qu'elle n'a
pas trouvé, dans le passé, ce genre d'opérations à
faire, qu'on ne vienne pas dire que c'est parce que le gouvernement prend trop
d'argent dans la caisse! Ce n'est pas vrai! Ce n'est simplement pas vrai!
Si vraiment le gouvernement poussait la caisse constamment dans ses
derniers retranchements, vous ne verriez pas $500 000 000 d'obligations
fédérales, parce que cela a un rendement très faible.
Si le député de Notre-Dame-de-Grâce s'amuse à
compter des "basis points" par rapport au Heritage fund, je vais lui en compter
des "basis point"... L'argent que le pensionné perd, au Québec,
chaque fois que la Caisse de dépôt achète des obligations
fédérales; pensez-vous que c'est une obligation qui rapporte,
ça, au Canada l'obligation fédérale? C'est celle qui
rapporte le moins. Pourquoi la caisse va-t-elle chercher $500 000 000
d'obligations fédérales? Pourquoi entre-t-elle dans du court
terme jusqu'à concurrence de $800 000 000? Le gouvernement ne tasse pas
la caisse dans ce sens. Le jour où la caisse viendrait dire: Ecoutez,
nous n'avons presque plus de placements à court terme, on a
liquidé toutes les obligations fédérales pas payantes que
nous avions ou à peu près et, néanmoins, on a un coup
fumant de quelques centaines de millions à faire; je leur dirais: Mais
comment donc, allez-y. Allez-y!
La caisse regorge d'argent; le jour où il y aurait pénurie
à la caisse, est-ce que le gouvernement se tasserait? Bien sûr, il
se tasserait, et comment donc! Pensez-vous que si on avait un
coup fumant qui consistait à acheter le contrôle de trois
ou quatre très grosses entreprises majeures pour le
développement, on insisterait pour faire passer des obligations que, de
toute façon, on peut vendre dans une demi-douzaine de marchés du
monde? Jamais! Je ne vais pas chercher de l'argent à la caisse parce que
je ne peux pas emprunter en Europe, ils sont constamment après moi pour
me prêter de l'argent. Avec des trous qui changent de semaine en semaine,
de jour en jour et de mois en mois, le marché, c'est ça.
M. Goulet: Une dernière question, M. le Président.
Peut-être me direz-vous que ça ne touche pas la Caisse de
dépôt, mais le ministre a cru bon, dans une réponse au
député de Notre-Dame-de-Grâce, de dire: On met l'accent sur
le petit épargnant; en parlant de son gouvernement
social-démocrate; je ne sais pas qui l'a qualifié ainsi, si c'est
lui ou le député de Notre-Dame-de-Grâce...
A la suite de ces propos, en parlant justement du petit
épargnant, est-ce que la politique du gouvernement qu'on pourrait
qualifier d'un autre livre blanc qu'on attend sur l'épargne ou
l'investissement des institutions financières va être
connue par le public bientôt? On en a parlé, ça fait trois
ans qu'on en parle.
M. Parizeau: Je ne sais pas exactement où en est rendue
l'étude à l'heure actuelle. Je sais que notre travail est
terminé aux Finances; c'est ramassé au ministère du
Développement économique, je pense. Oui, c'est au comité
ministériel du Développement économique, il faudrait poser
la question au ministre d'Etat au Développement économique. Je
sais que, nous, on a eu une série d'études à faire, on les
a faites, mais je ne sais pas où en est l'espèce de grande
synthèse.
M. Goulet: Votre travail est complété?
M. Parizeau: Oui, II y a une espèce de synthèse
générale à faire; ça prend beaucoup de temps. En
soi, ça ne m'étonne pas du tout, je me souviens qu'il y a
quelques années, sous d'autres gouvernements, comme fonctionnaires, le
seul travail qu'on avait eu à faire sur les compagnies de fiducie avait
demandé un travail de chien. C'est très long; il ne faut pas se
faire d'illusion. Si on veut avoir des chiffres le moindrement un peu valables,
ça prend beaucoup de temps.
Le Président (M. Bordeleau): M. le député de
Bellechasse.
M. Goulet: M. le Président, dans un autre ordre
d'idées; la Société de développement Pasteur,
ça appartenait à 100% à la Caisse de dépôt?
Ce fut liquidé ou si ça existe encore?
M. Parizeau: On me dit que ça a été une
société établie par la Caisse de dépôt pour
faire de l'immeuble et que c'est inopérant, ce n'est pas fermé
comme compagnie, c'est inopérant.
M. Goulet: C'est inopérant. Mais cette
société possédait des terrains. Ces terrains ont
été vendus au complet. Pourrions-nous savoir quand les derniers
terrains ou le bloc de terrains qu'elle possédait ont été
vendus? Je pense que le président pourrait nous le dire. Y avait-il
beaucoup de terrains?
M. Parizeau: On me dit que c'étaient des terrains qui
entraient et sortaient de cette compagnie, c'est-à-dire que lorsqu'il
fallait saisir, à la suite d'une hypothèque dont les conditions
n'étaient pas remplies, on mettait le terrain là. Ensuite il
était vendu, et d'autres terrains, dans les mêmes circonstances,
étaient contrôlés par la compagnie qui les revendait. C'est
en somme, si je comprends bien, une question de disposition
d'hypothèques qui tournent sures.
M. Goulet: Y a-t-il des blocs de terrains importants qui ont
été transigés pour fermer les livres?
M. Parizeau: Pas d'après ce qu'on me dit, M. le
Président. (21 h 30) "Au cours des exercices je tire ça du
rapport du vérificateur de toute façon antérieurs,
la Société de développement Pasteur, détenue
à 100% par la caisse, s'est départie de tous les terrains qu'elle
possédait. Au 31 décembre 1978, son actif se résumait
à une encaisse, un billet avec la caisse et des intérêts
courus à recevoir. Si la caisse n'a pas l'intention de réutiliser
cette compagnie, nous ne voyons aucune utilité à en prolonger
l'existence et il y aurait lieu de procéder à l'abandon de sa
charte". La décision n'est pas encore prise, à ce qu'on me dit
à la Caisse de dépôt, de savoir si on va abandonner la
charte ou non. Mais il n'y a plus d'autres actifs qu'une encaisse.
M. Goulet: Alors, depuis 1978, il n'y a eu aucune transaction de
faite par cette compagnie. Cela va, M. le Président.
Le Président (M. Bordeleau): Cela va. Toujours sur le
même sujet, soit la Caisse de dépôt et placement.
M. Scowen: Oui.
Le Président (M. Bordeleau): Allez-y, M. le
député de Notre-Dame-de-Grâce.
M. Scowen: Premièrement, je pense que le ministre doit
féliciter son président d'avoir fait ce qu'il vient de qualifier
d'impossible. Je veux citer M. Campeau dans une entrevue avec M. Alain Dubuc,
dans la Presse, quand il disait: "A titre d'exemple, cet écart
résultant de la nouvelle politique, note M. Campeau, aura
représenté qu'hier, le Québec aurait pu emprunter à
un taux de 12,5% au lieu de 12,7% qui prévalait sur le marché. Au
bout de l'année, le manque à gagner qu'il en res-
tera, se chiffre aux alentours de $5 000 000 sur le revenu de $837 000
000, soit une perte de moins de 0,5%. Bravo, M. Campeau, vous avez fait
l'impossible!
M. Parizeau: ... je ne saisis pas l'allusion.
M. Scowen: Vous avez dit que c'était impossible de
calculer ce chiffre, si je comprends bien.
M. Parizeau: Evidemment, il est tout à fait possible, un
jour, sur une transaction, de dire: Voici quelle est la différence de
"basis point", ce jour-là. C'est ce dont on parle. On me dit: Au cours
d'une année, comment fait-on le calcul? Je dis: Etant donné
qu'à l'heure actuelle, en l'espace de quelques mois, le Heritage Fund
s'est considérablement activé, que je n'ai pas la moindre
idée combien de prêts il va faire dans l'année, que je n'ai
pas la moindre idée quel effet en un an ça va avoir sur les
marchés financiers, je suis incapable de répondre à la
question.
Vous êtes en train de me dire qu'il y a une contradiction entre le
fait que je vous dis que c'est une rivière et vous me dites que M.
Campeau a défini une photo. Bien oui, entre une photo et une
rivière, il n'y a pas de correspondance, bien sûr. Sur le flux
d'un an, c'est indéterminable. Sur une transaction un jour donné,
évidemment, ça l'est.
M. Scowen: II parlait d'une année. Mais, quand même,
la prochaine série de questions, M. le Président, touche M.
Cazavan. Je pense, vu que cette question a été soulevée
assez souvent, que ça vaut la peine d'essayer de comprendre exactement
ce que cette question de sa pension et de salaire veut dire. Si je comprends
bien, M. Cazavan avait trois ou quatre années dans son mandat comme
directeur de la caisse et il avait, si je me rappelle bien, 59 ans.
Normalement, il aurait eu droit à une pension au moment où il
prenait sa retraite, s'il prenait sa retraite d'une façon normale, aux
mois de janvier ou février quand il a démissionné, il
aurait eu le droit à une pension. Est-ce que vous pouvez nous dire quel
sera le montant de cette pension à laquelle M. Cazavan aurait eu droit
par année?
M. Parizeau: Comment il pourrait avoir droit à une
pension? La règle du 90, c'est-à-dire la somme de l'âge et
des années de service n'existe pas, c'est-à-dire est
inapplicable. D'autre part, il n'avait pas 35 ans de service dans la fonction
publique. D'autre part, il n'est pas en mauvaise santé; il n'est pas
malade ou invalide. Alors, je ne vois pas en quoi M. Cazavan pouvait avoir une
pension, à supposer qu'il prenne sa retraite demain matin. Il n'y a pas
droit.
M. Scowen: Si M. Cazavan, avec un salaire de $72 000 par
année si c'était le chiffre avait
démissionné, à ce moment, et que vous aviez pris la
décision de lui verser une somme annuelle qui correspondrait aux
périodes pendant lesquelles il avait servi et dans la fonction publique
et à la Caisse de dépôt et placement, il aurait
été possible de calculer une pension applicable et de la verser
à M. Cazavan?
M. Parizeau: Je comprends qu'un ministre a beaucoup de pouvoirs,
mais pas celui de violer les lois. M. Cazavan était dans la fonction
publique et les règlements de la CARR, du régime public de
retraite, s'appliquant à lui. Je ne peux pas violer cela.
M. Scowen: M. Cazavan va toucher $72 000 par année
jusqu'à quand?
M. Parizeau: La résolution du conseil d'administration de
la caisse est, je crois, pour cinq ans, n'est-ce pas? Est-ce qu'on a le texte?
Je crois que c'est cinq ans, mais je vais vérifier et je corrigerai
seulement s'il y a une erreur. A mon sens, c'est cinq ans... selon la
résolution du conseil d'administration.
M. Scowen: En effet, jusqu'à l'âge de 65 ans. M.
Parizeau: Jusqu'à l'âge de la retraite.'
M. Scowen: A 65 ans, il aura droit à une pension de
combien?
M. Parizeau: II faudrait déterminer... je ne sais pas. Il
a seize ans de service déjà, cela fera 21 ans, à 2% par
année, 42... Ah oui! il a l'ancien dix ans comme sous-ministre. Je
pourrai faire le calcul et je le ferai envoyer au député. Cela ne
pose pas de difficultés. Je demanderai à la CARR de faire le
calcul.
M. Scowen: Le problème qui est soulevé par cette
affaire, M. le Président, c'est que M. Cazavan a décidé de
démissionner. Il semble être en santé et en état de
travailler parce qu'en fait, il continue de travailler. Il aurait pu trouver un
autre emploi, car c'est un homme d'une grande qualité, tout le monde le
constate. Il n'était pas incapable de travailler demain jusqu'à
l'âge de 65 ans. La chose que tout le monde trouve curieuse, c'est que
vous ayez décidé d'accepter sa démission parce qu'il
voulait démissionner et par la suite, vous avez décidé de
ne pas le laisser partir, comme il le voulait, et vous l'avez persuadé
de rester au même salaire avec des responsabilités moindres. Il
fait maintenant le travail de conseiller quand il est apte à travailler.
Il aurait pu aller ailleurs. Il aurait pu prendre sa retraite sur la base des
fonds qu'il avait épargnés pendant des années, l'argent
qu'il avait versé dans les fonds de pension du gouvernement pendant des
années. Il y avait beaucoup de possibilités. Vous avez
fondé votre décision de payer M. Cazavan $72 000 par année
sur le fait que c'était la seule solution honorable de la part du
gouvernement. Est-ce que cela veut dire que tous les cadres supérieurs
qui ont travaillé avec dévouement six ans ou sept ans pour un des
organismes
de l'Etat, ont le droit, simplement à cause du fait qu'ils
veulent démissionner, d'avoir le même salaire avec des
responsabilités moindres. Ce n'était pas une question de
santé, il voulait démissionner d'après lui pour des
raisons personnelles. C'est très curieux! Tout le monde se pose des
questions et je pense qu'on a raison de le faire.
M. Parizeau: Quand on dit tout le monde, je ne pense pas que ce
soit tout le monde.
M. Scowen: A peu près.
M. Parizeau: Non. Il y en a un certain nombre qui refusent de
voir qu'au fond chaque système a sa logique propre et que dans beaucoup,
beaucoup d'entreprises, au moment d'un "merger" par exemple, ce genre
d'arrangement est très fréquent. En fait, on se voile en disant:
Mais c'est l'argent des contribuables. Jamais dans le secteur privé, on
ne ferait des choses comme celles-là. Laissez-moi rire! Dans le secteur
privé, on fait cela à tout bout de champ. Sauf que dans le
secteur privé, on n'a pas un carcan ausi précis que celui...
Encore une fois, moi je ne peux pas violer les lois.
M. le député de Notre-Dame-de-Grâce disait que le
président voulait démissionner de la caisse et qu'on a
décidé de le garder comme conseiller. Il n'a pas
démissionné de la caisse. Ce qu'il souhaitait, c'était de
démissionner de son rôle de président de la caisse, ce qui
n'est pas la même chose. Deuxièmement, dit le député
de Notre-Dame-de-Grâce, avec les économies qu'il a
accumulées, cela fait de grosses économies. Quand il a
été nommé, je pense qu'il faisait $40 000. Avec ses
économies, il aurait bien pu se payer un fonds de retraire ou quelque
chose comme cela. Mais ses économies sur le plan de ces pensions,
où étaient-elles? Elles étaient dans le fonds de retraite
des fonctionnaires où il est entendu que passé dix ans de
service, on ne peut pas retirer cet argent et ça ne peut être
payable que comme pension différée à l'âge de 65
ans. Donc, encore une fois, on ne monte pas des romans.
On est en train de nous faire des romans à épisodes sans
se douter un instant qu'il y a un système de retraite au gouvernement et
qu'on ne peut simplement pas l'enfreindre. Ecoutez, ça fait trois ans
que je cherche à faire en sorte qu'après avoir payé 25 ans
dans un fonds de pension des enseignants au Québec, administré
par le gouvernement du Québec, je sois habilité, comme ministre
en congé sans solde de l'enseignement, à assurer mes paiements
sur un fonds de retraite d'enseignants dans lequel j'ai déjà
investi 25 années. Tout ministre que je sois, on me démontre
chaque fois que c'est contraire aux lois et aux règlements et qu'il n'y
a aucun moyen que le fonds de pension qui était en congé sans
solde et à l'emploi si je peux m'exprimer ainsi du
gouvernement du Québec, je puisse faire des versements annuels dans mon
fonds d'enseignant qui est aussi administré par le gouvernement du
Québec. On n'a pas le droit de faire ça. Ne me montez pas des
scénarios ou des romans au sujet de M. Cazavan en disant: II aurait pu
retirer de l'ar- gent là, faire de ceci avec, etc. Ce n'est pas
possible. Son fonds de pension, il est dans le fonds de pension des
fonctionnaires. Cela ne sert à rien, absolument à rien, de monter
des scénarios, comme je vous le dis. A la limite, ça fait flotter
des impressions ou des images de quelque chose de vaguement incorrect, alors
qu'en fait vous êtes en face d'un problème qui est sérieux
pour plusieurs des meilleurs serviteurs du gouvernement ou de l'Etat que nous
ayons lorsqu'ils arrivent à cet âge-là.
Encore une fois, je répète ce que j'ai dit cet
après-midi là-dessus: Une raison pour laquelle on peut payer de
tels salaires à des gens qui ont des responsabilités pareilles,
c'est qu'on ne fait pas de "fling-flang" avec leur droit à la pension
dans leurs dernières années. Moi, vous me direz n'importe quoi
là-dessus, sur ce plan-là, vous ne me ferez pas changer d'un
iota. Le jour où l'on toucherait à ça, on ferait quelque
chose qui, à l'intérieur de l'ensemble du secteur public, aurait
des répercussions extraordinairement dommageables sans aucune
espèce de comparaison avec l'argent qu'on peut zigonner sur le bord
d'une table comme le député de Notre-Dame-de-Grâce le fait
quand il monte des scénarios sur ce que M. Cazavan aurait pu faire
à 59 ans.
M. Scowen: M. le Président, l'élément que le
ministre n'a pas touché et qui est essentiel là-dedans, c'est que
M. Cazavan lui-même, en pleine santé, a décidé de
démissionner. Si quelqu'un, dans n'importe quelle de nos
sociétés, dans la fonction publique ou dans une
société privée, décide d'une façon autonome
de démissionner pour des raisons personnelles, sans pression du
gouvernement ou de son employeur, je pense qu'il est évident, et cela va
de soi, qu'il a pris une décision personnelle et c'est à lui de
prendre la responsabilité qui en découle. C'est pourquoi M. Yvan
Guay a dit, et je cite: Quoi qu'il en soit, le public a droit de demander et de
savoir pourquoi on paie à M. Cazavan, démissionnaire, son salaire
d'ancien président à $72 000 pour agir à titre de
conseiller spécial. Le président occupe un poste
décisionnel, alors que le conseiller spécial ne l'occupe pas.
Pourquoi alors payer les deux personnes au même salaire? Si M. Cazavan
est en pleine forme et peut travailler à temps plein pour la CDP au
même salaire, pourquoi a-t-il démissionné? Si le poste de
conseiller spécial est tellement important au point d'y mettre un
salaire de président, pourquoi ne l'a-t-on pas créé depuis
quinze ans?
M. le Président, c'est l'essentiel de la question. Le ministre a
parlé de ses déboires. Si une société oblige, pour
ses raisons à elle qui sont souvent les bonnes une
personne qui a donné plusieurs années de sa vie à
travailler et à créer une société, elle a
certainement une responsabilité. Mais si cette société n'a
fait aucune pression sur cette personne pour l'obliger à
démissionner, si on n'a pas changé les termes de son emploi, si
on n'a donné aucune occasion à cette personne de
démissionner, il va de soi que cette personne a pris une décision
autonome et que l'Etat ou l'em-
ployeur n'a pas d'obligations envers cette personne. Cette personne doit
prendre ses propres responsabilités. Elle ne doit pas
démissionner avant d'avoir calculé les conséquences,
incluant ses droits au fonds de retraite et les autres postes qu'ils peuvent
trouver. C'est bizarre et, je le répète, tout le monde trouve
cela bizarre. (21 h 45)
M. Parizeau: Si je comprends bien, là, on change de
scénario. Là, ce n'est plus M. Cazavan qui retire l'argent de son
fonds de retraite; là, on a compris qu'il ne peut pas le retirer de son
fonds de retraite. Donc, il est tout à fait anormal d'imaginer que
quelqu'un, qui a été à des postes de première
responsabilité pendant des années, puisse demander qu'on le
soulage de ses fonctions de premières responsabilités pour se
mettre en second. Si je comprends bien, l'opération est infaisable, non
seulement elle n'est pas infaisable, mais je pense, et encore une fois je
répète, que dans le secteur public c'est la meilleure
façon de procéder pour faire en sorte que des gens qui ont
travaillé, à certains moments, dans des conditions pas faciles
quand je dis des conditions pas faciles, il faut bien comprendre que les
cadres du gouvernement, contrairement aux professionnels du gouvernement, n'ont
droit à aucun temps supplémentaire et qu'ils ont des
sacrées heures et arrivant à la fin de la cinquantaine ou
au début de la soixantaine, ils peuvent demander d'être
dégagés de leurs fonctions de premier plan. Il faut, à ce
moment, que le gouvernement se conduise de façon honorable. C'est ce que
j'ai répété à plusieurs reprises, aujourd'hui, M.
le Président, et je n'en démords pas. Non pas seulement à
l'égard de M. Cazavan, d'ailleurs, mais cela a une portée bien
plus grande. Il est évident qu'à cet égard, c'est une des
conditions par laquelle l'Etat peut faire en sorte que des gens travaillent
dans des conditions d'heures et de jours absolument indicibles pendant une
bonne partie de leur vie, en sachant qu'on n'en profitera pas, dans leurs
dernières années, pour jouer avec leur pension.
M. Scowen: Alors, au sujet de M. Paris et M. Lavoie...
Le Président (M. Bordeleau): M. le député de
Saint-Laurent, vous aviez une question sur le même sujet?
M. Forget: Oui, si vous le permettez. Je comprends mal
j'ose à peine dire "les explications" qu'a données le
ministre des Finances. Je pense qu'il s'est plutôt amusé à
élaborer sur ce qu'il a appelé les scénarios qui lui ont
été présentés à titre d'hypothèses
par mon collègue de Notre-Dame-de-Grâce, mais finalement on n'en
sait pas plus qu'on en savait au début de cet échange, si je
comprends bien. Le ministre des Finances a fait un long développement
pour nous parler des fonds de retraite; je ne sais pas ce que ça faisait
là, puisqu'il a affirmé lui-même que M. Cazavan n'avait pas
droit au fonds de retraite.
Il reste que j'aimerais bien savoir du ministre des Finances... Parce
que je présume que c'est lui qui détermine cette politique qui a
d'autres applications, couramment, qui sont venues à notre connaissance.
Il semble que la théorie générale soit la suivante, c'est
qu'un haut fonctionnaire, qui occupe un jour des fonctions données pour
un salaire donné, doit désormais considérer que même
si, pour d'excellentes raisons, quelles que soient ces raisons, mais
d'excellentes raisons, il vient à ne plus occuper les mêmes
fonctions, quoiqu'il arrive, il va pouvoir continuer à
bénéficier des mêmes conditions de
rémunération de manière à ne pas diminuer sa
pension à laquelle il n'a d'ailleurs pas droit pour l'instant. Est-ce
que c'est ça le principe, qu'il est absolument interdit de
considérer une diminution de rémunération, même
lorsque les responsabilités assumées sont réduites de
façon radicale? Est-ce qu'il faut comprendre que ce principe va
s'appliquer même lorsqu'une personne, qu'on met plus ou moins en
semi-retraite, continue à recevoir le salaire que reçoit
désormais le directeur, le sous-ministre, le président ou le
directeur général de l'organisme en question qui succède
à cette première personne?
Autrement dit, est-ce qu'il est normal que M. Cazavan, même avec
des responsabilités beaucoup moindres à supposer qu'il lui
en reste d'ailleurs, ce qui n'est pas établi continue à
retirer les mêmes émoluments? Parce qu'il est bien clair qu'il
pourrait aussi recevoir $50 000 par année. Ce ne serait quand même
pas une insulte que de lui donner $50 000, étant donné qu'il a
des responsabilités moindres et que l'effet de ceci, sur ses droits
à une pension éventuelle, serait infinitésimal
probablement, tout compte fait.
Est-ce qu'il faut comprendre qu'il n'en est absolument pas question?
C'est une question de principe pour le gouvernement actuel qu'on ne
réduit le salaire de personne quel que soit le sort qu'on fait aux
responsabilités d'un individu et, deuxièmement, qu'il est tout
à fait acceptable que quelqu'un qui devient conseiller spécial ou
pour employer une expression peut-être un peu plus brutale, mais
certainement plus honnête lorsqu'on "met quelqu'un sur la
tablette", on continue à lui donner le même salaire qu'avant et,
en particulier, le même salaire que le président ou le directeur
général de l'organisme en question. C'est donc la base à
partir de laquelle il faudra évaluer tous les autres cas analogues qui
existent et qui existent en nombre plus qu'insignifiant, semble-t-il.
M. Parizeau: M. le Président, j'ai l'impression
d'être dans une partie de baseball où le lanceur de relève
le savait. Certaines des questions qu'il soulève, cela fait trois fois
qu'on en parle aujourd'hui. Il n'était pas là, il n'a pas
écouté les explications, mais là on reprend la partie de
baseball à la septième manche.
M. Forget: ... très éliminant ce qui s'est dit
avant que j'arrive parce qu'il semble bien qu'on était "back to square
one" à neuf heures et quart.
M. Parizeau: M. le Président, je veux bien, seulement, on
en a discuté avant six heures
longuement. Il est évident qu'au fur et à mesure que la
discussion avance, on ne reprend pas... Je n'ai pas l'habitude de revenir sur
tous les éléments dont j'ai parlé à quatre heures,
dont j'ai parlé à cinq heures et demie et que je reprends ensuite
le soir. On tient pour acquis que certaines des choses qui ont
été dites ont été dites! Si je dois refaire, il
faut que je recommence ce matin.
M. Scowen: Je vous avais écouté attentivement avant
six heures...
M. Parizeau: En avez-vous un autre lanceur de relève?
Comme on est ici jusqu'à minuit, il faudrait quand même
prévoir cela. Si je dois recommencer la même explication trois
fois de suite, j'aime autant le savoir à l'avance. Cela fait trois fois
qu'on reprend cela, je n'ai pas d'objection de la reprendre une
quatrième fois.
D'abord, la question de la semi-retraite ou du "tablettage". Nous avons
eu une discussion fort intéressante cet après-midi sur le
rôle de M. Cazavan dans un poste nouveau qui n'a jamais existé
je reprends tout qui n'a jamais existé à la Caisse
de dépôt et placement, c'est-à-dire de servir à la
fois de contact, de correspondant pour l'ensemble des déposants à
la Caisse de dépôt et placement. Comme le député de
Saint-Laurent le sait bien puisqu'il a été pendant un an au
conseil d'administration de la Caisse de dépôt et placement, on a
eu d'abord la Régie des rentes toute nue comme déposant et
ensuite, il en est venu un bon nombre de tous genres dont les besoins sont fort
différents. Cela correspond, d'ailleurs, à des politiques de
placement différentes. Certains de ces déposants se sont toujours
plaints que les politiques de placement à la Caisse de
dépôt et placement correspondaient peut-être aux besoins de
la majorité mais pas aux leurs propres. Il y a toujours eu des
discussions très intéressantes sur ce plan quant à savoir
s'il fallait vraiment des politiques de placement différentes selon les
déposants. Compte tenu du nombre croissant de déposants et de
l'arrivée de très importants d'entre eux, comme la Régie
de l'assurance automobile récemment, on a ouvert ce poste qui est
nouveau et qu'occupe actuellement, à titre de conseiller, M. Cazavan. Ne
parlons pas d'une semi-retraite, ne parlons pas de "tablettage"; il remplit une
fonction qui ne s'exerçait pas avant à la caisse parce qu'on n'en
avait pas besoin, dont le besoin se manifestait de plus en plus clairement
depuis quelques années et enfin le poste s'est ouvert.
Deuxième question maintenant. Est-ce que, effectivement, en
réduisant son salaire à $50 000 cela aurait eu un effet
infinitésimal sur sa pension? Cela n'aurait pas eu un effet
infinitésimal sur sa pension. Le député de Saint-Laurent
sait comme moi que, dans le secteur public, la pension est calculée
comme 2% par année de service applicable à la moyenne des cinq
meilleures années. Cela doit faire quatre fois que je dis cela
aujourd'hui! Enfin, on continue! Applicable aux cinq meilleures années,
les cinq années les mieux payées, ce qui veut dire, dans le
contexte d'inflation actuel, les cinq dernières années. On prend
donc 2% par année de service et on applique cette proportion à la
moyenne des cinq meilleures années. Réduire le salaire de M.
Cazavan de $72 000 à $50 000, est-ce que cela a un effet
infinitésimal sur sa pension? Cela n'a pas un effet infinitésimal
sur sa pension, cela coupe sa pension d'un tiers. Le député de
Saint-Laurent a peut-être des moyens privés que je ne connais
pas...
M. Forget: Vous avez bien dit les cinq meilleures années
et non les cinq dernières années?
M. Parizeau: Ce que je dis, c'est que les cinq meilleures
années, dit le règlement, en pratique, dans la situation
inflationniste que l'on connaît aujourd'hui, ce sont les cinq
dernières, forcément. Cela va?
M. Goulet: Pas nécessairement.
M. Forget: Alors, en plus de ça, vous allez l'augmenter
pendant les prochaines années?
M. Parizeau: Conformément à... M. Forget:
Ah! bon.
M. Parizeau: Le conseil d'administration de la Caisse de
dépôt et placement a passé une résolution...
M. Forget: C'est utile à savoir.
M. Parizeau: C'est tout à fait normal. Le prix du beurre
augmente pour lui, comme pour tout le monde.
M. Forget: Oui.
M. Parizeau: Une personne qui a rempli les fonctions de directeur
général...
M. Goulet: Un député libéral ne doit pas
avoir les moyens de...
M. Parizeau: ... c'est le texte du règlement. Cela a
été déposé d'ailleurs... Oui, oui, ce
règlement a été déposé à
l'Assemblée nationale, il me semble.
M. Forget: Même indexé? M. Goulet: Incroyable!
M. Parizeau: Oui, oui, c'est tout écrit dans quelque chose
qui a été déposé à l'Assemblée
nationale.
M. Forget: Magnifique!
M. Parizeau: "Une personne qui a rempli les fonctions de
directeur général pendant au moins cinq ans peut, lorsqu'elle
cesse d'occuper ses fonctions, être nommée conseiller
spécial du président-directeur général au
même traitement pour une période n'excédant pas cinq ans.
Ce traitement peut être ajusté annuellement, suivant les
règles ordinaires. Le conseiller spécial peut, avec l'accord du
ministre des Finances, agir à titre de membre d'un conseil
d'administration d'une société à but lucratif."
M. Forget: Mais comme M. Cazavan a été là
pendant cinq ans, je pense, si ma mémoire est bonne, enfin quelque chose
qui s'approche fort de cinq ans, donc quoi qu'il arrive, sa pension sera
éventuellement calculée, même si son salaire futur
était réduit à $20 000 par année, il avait
la possibilité de voir sa pension calculée sur une moyenne qui
donne, présentement, au taux actuel, $72 000 par année.
M. Parizeau: Non, parce qu'il a commencé...
M. Forget: Le fait, qu'il soit prolongé pour cinq ans
encore, n'ajoute pas grand-chose à cela, sauf l'indexation qui
cependant, j'imagine, doit être plafonnée à ces
niveaux-là.
M. Parizeau: Non, parce que, comme il a commencé à
la Caisse de dépôt et placement, au salaire de $40 000, si on
prend la moyenne des cinq meilleures années, cela a un effet. Cela a un
effet. Il n'est pas payé, depuis six ans, $72 000. Il a commencé
à $40 000.
Alors, j'en viens maintenant au principe général que
soulevait le député de Saint-Laurent. Est-ce que, effectivement,
quand quelqu'un est rendu à la fin de sa carrière, on doit lui
permettre de continuer au salaire qu'il a atteint. Je pense, oui,
effectivement. Je pense que, effectivement, c'est la seule chose correcte
à faire à l'égard de ces cadres supérieurs du
gouvernement. Cela me paraît être comment dire? la
seule chose qui fait que, dans le secteur public, on sache,
indépendamment des passages, des aléas de la politique ou des
passages de gouvernements ou des changements, qu'on ne joue pas avec les droits
à la pension. Enfin, c'est la cinquième fois que je
répète cela.
M. Forget: M. le Président, je m'excuse. Le ministre nous
induit en erreur, lorsqu'il parle de jouer avec les droits à la
retraite. Les droits à la retraite, c'est une chose. Il a tellement dit
qu'il ne pouvait pas jouer avec, qu'il a dit que, de toute façon, M.
Cazavan ne pourrait pas recevoir sa pension s'il avait pris sa retraite,
maintenant. Donc, les droits à la retraite ne sont pas en question ici.
C'est complètement sans pertinence. Ce dont il parle, ce ne sont pas les
droits à la retraite, c'est le quantum de la pension quand, un jour,
elle sera payable. Ce qu'il nous dit, c'est qu'il faut faire comme si une perte
de responsabilité n'avait pas eu lieu, de manière que le salaire
continue à être non seulement versé au taux actuel, mais
même augmenté et ceci, indépendamment des
responsabilités assumées par l'individu visé, de
manière que sa pension puisse, un jour, être identique quant
à son montant, à ce qu'elle aurait été s'il n'y
avait pas eu de perte de responsabilité. Ce n'est écrit nulle
part. C'est une invention, je pense, du ministre des Finances. Il n'y a
absolument aucune obligation légale à ce qu'il en soit ainsi.
Aucune!
Pour le ministre des Finances qui semble si chatouilleux sur les droits
à la retraite, qui dit qu'il ne peut rien faire parce que les lois ne le
lui permettent pas, rien ne le permet, où a-t-il lu quelque part qu'il y
avait une règle qui disait que le paiement doit se faire,
indépendamment, des responsabilités? Il peut bien le
prétendre, c'est son affaire, mais ce n'est certainement pas une
règle qui est écrite en lettres de feu, quelque part sur les
tables de la loi. C'est une invention qu'on a faite pour les besoins de la
cause. Ce serait beaucoup plus simple de parler franchement que de nous parler
de jouer avec les droits à la retraite. Personne ne peut jouer avec les
droits à la retraite, à moins de passer une loi à
l'Assemblée nationale. Mais ce que l'on fait actuellement, c'est que
l'on joue avec le montant de la pension et on joue plutôt à la
hausse. On a tout à fait le droit de se demander: est-ce qu'il est dans
l'intérêt public que pour ménager certaines
susceptibilités, ou une espèce de climat psychologique qui est
beaucoup plus sévèrement affecté par le fait qu'on met des
gens sur la tablette, sans leur demander la permission, en dépit des
protestations du ministre, que tout le monde va continuer de croire que c'est
de ça dont on parle plutôt que des questions de quantum de
pension. De toute façon, à ces niveaux-là, la pension sera
fort satisfaisante pour le plupart des gens. (22 heures)
M. Parizeau: M. le Président, quand je disais tout
à l'heure qu'on ne pouvait pas violer des lois, c'était dans un
tout autre contexte que celui soulevé par le premier lanceur, pas par le
second. Là, c'était rigoureusement juridique, ce qu'il me
demandait, il disait: M. Cazavan aurait pu partir avec son fonds de retraite.
J'ai dit: Non, il ne peut pas partir avec son fonds de retraite, c'est une
pension différée en vertu des lois. C'est dans ce
contexte-là que je parlais des lois de fonds de retraite et qu'on ne
transfère pas ça ailleurs.
Quand on parle maintenant du respect desdroits à la retraite dans
le cas que le député de Saint-Laurent évoque, ce n'est pas
une loi. C'est tellement pas une loi d'ailleurs que, dans la résolution
passée par le conseil d'administration de la Caisse de
dépôt et placement, je n'ai aucune espèce d'idée
s'ils vont l'augmenter, ou comment ils vont l'augmenter, ou qu'est-ce qu'ils
vont lui donner? Je n'en sais rien. Ce n'est pas prévu par une loi.
Tout ce que je disais, et je le répète encore, et j'ai dit
à l'Assemblée nationale que je trouverais ça
déshonorant qu'on fasse le contraire. C'est donc que je ne me
réfère pas à une loi. Si cela avait été une
loi, j'aurais dit: C'est illégal. Je ne dis pas que c'est
illégal, je dis que c'est déshonorant de jouer avec les droits
à la retraite de gens qui ont été dans le secteur public
longtemps à ce poste de responsabilité. On trouvera un synonyme,
mais ça rend exactement la même idée.
M. Forget: Ce n'est pas un synonyme. Si vous dites qu'il n'y a
pas de loi, il n'y a pas de droit. C'est tout, c'est aussi simple que
ça. Arrêtez de jouer avec les mots, quand même, un peu.
C'est très joli, mais on n'est pas dans un cours de rhétorique
ici. On vous dit: Vous n'avez aucune base pour le faire et vous vous amusez
à jouer avec les mots. Vous n'avez effectivement aucune base pour le
faire sauf votre préférence personnelle d'agir ainsi. C'est
tout.
M. Parizeau: Non, la base pour le faire, à partir du
moment où je dis qu'il est déshonorant de faire le contraire, ilI
y a une base pour le faire. Si le député de Saint-Laurent me dit:
Trouvez-moi la loi de la CARR qui impose ça. Je dis: Non, ça ne
l'impose pas, la CARR. Et je n'ai jamais, d'alIleurs, soulevé
I'idée que
les règlements ou la loi applicable à la CARR imposaient
ça. J'ai toujours défendu ça depuis cet après-midi
et à l'Assemblée nationale il y a quelques jours en disant que ce
serait déshonorant de ne pas le f ai re. Je n'ai jamais soulevé
ça autrement, je n'ai jamais utilisé une autre expression.
Maintenant, chacun peut avoir le sens de l'honneur qu'il veut. Cela, bien
sûr.
M. Forget: Sûrement, on le voit à tous les
jours.
M. Parizeau: D'autre part, je voudrais terminer sur la
dernière allusion du député de Saint-Laurent La question
du "tablettage" des gens et les leçons qu'on aurait à recevoir
sur le "tablettage" des gens, M. le Président, qu'on me laisse rire.
Cela, vraiment, compte tenu de la réputation de "tablettage" qui
existait il y a quelques années à l'intérieur de la
fonction publique, c'est la dernière chose que je me serais attendu de
voir le député de Saint-Laurent soulever ce soir.
M. Forget: On peut produire les statistiques, vous êtes
bons là-dessus.
M. Parizeau: J'ai défini le rôle de M. Cazavan
à la Caisse de dépôt et placement actuellement. Bien
sûr que, dans certains cas, il y a quelques années, ça
aurait été assez difficile de définir les rôles d'un
certain nombre de gens dits "tablettés". Sur ce plan-là,
vraiment, il y a de l'ironie qui se perd au fur et à mesure que les
années passent.
M. Scowen: Oui, mais si vous me permettez, M. le
Président, un aspect de cette question que tout le monde pose, c'est:
Est-ce qu'il y avait des pressions directes ou indirectes sur M. Cazavan
à démissionner? Si elles existaient, ces pressions, si le
gouvernement voulait remplacer M. Cazavan pour des raisons peut-être
justifiables ou non, on peut comprendre plus facilement ce que le ministre
décidera de dire, tenant compte du fait que c'est nous qui prenons
l'initiative. Ce sera déshonorant, a cité le ministre, de lui
permettre aussi de perdre la pension que nous croyons être son droit.
Mais, s'il a démissionné d'une façon autonome, sans
pression, pour ses propres besoins et qu'il est apte à travailler, et
c'est clair qu'il travaille encore, simplement parce que son opinion
était qu'il ne voulait pas rester président, dans ce cas, je
pense que cette question d'honneur ne s'impose pas.
C'est une décision autonome d'un homme en bonne santé.
Alors, le problème qui est posé par la décision du
gouvernement, c'est que cela donne l'apparence à tout le monde que des
pressions était mises sur M. Cazavan, parce que la façon
honorable de procéder que vous avez décrite, c'est une
façon de procéder avec quelqu'un sur lequel vous avez mis des
pressions directes, ou indirectes. Je pense que vous comprenez le sens de mes
paroles. Si je démissionne de moi-même, parce qu'il y a d'autre
chose que je veux faire dans la vie, les responsabilités que vous avez
envers moi sont très différentes. Alors, j'apporte aujourd'hui
plusieurs éléments qui constituent un gros point d'interrogation
au sujet de la Caisse de dépôt, et celui-ci est un
élément parfait. Est-ce qu'il y avait des pressions indirectes ou
directes sur M. Cazavan pour le forcer à démissionner et qui vous
avaient incité à le traiter de cette façon si
honorable?
M. Parizeau: On va reprendre la discussion de cet
après-midi. Je vous ai indiqué qu'il n'y a aucun moyen, mais
vraiment aucun moyen, de faire en sorte qu'on puisse pousser un
président de la caisse à démissionner. Il n'y a aucun
moyen de faire ça, pas le moindre. Il peut envoyer paître... Il
faut bien comprendre encore une fois. Ce ne sont pas des statuts très
fréquents je reprends la discussion qu'on a eue cet
après-midi où un homme est protégé pendant
dix ans par un vote de l'Assemblée nationale. Qu'on ne vienne pas me
parler de... Je savais personnellement que M. Cazavan ne voulait pas rester
jusqu'au bout de son mandat. Je dois dire que j'étais un peu surpris que
ça vienne aussi vite. Il ne m'avait jamais caché d'ailleurs, et
je pense qu'il n'avait pas caché, sauf erreur, à mon
prédécesseur, qu'il n'avait pas l'intention de rester jusqu'au
bout de son mandat. Mais j'étais un peu surpris que ça vienne
aussi vite. Néanmoins, encore une fois, il n'y a pas moyen de faire des
pressions sur un homme protégé de cette façon.
Le Président (M. Bordeleau): M. le député de
Saint-Laurent.
M. Forget: Sur le même sujet. J'aimerais que le ministre,
s'il est possible, nous donne une réponse un peu plus directe sur ce
point-là. Est-ce que le ministre nous dit que cette démission n'a
absolument rien à voir avec la qualité ou la nature des relations
que le ministre des Finances ou le gouvernement, si l'on veut, dans son
ensemble, entretenait avec la Caisse de dépôt préalablement
au départ comme président de M. Cazavan? On peut
interpréter le mot "pression" de bien des façons, mais il y a des
gens qui se font une idée suffisamment élevée de leur
rôle pour ne pas vouloir mettre en péril les relations qui
existent entre l'organisme qu'il dirige et le gouvernement, étant
donné des frictions qu'ils vivent déjà, qu'ils anticipent
ou dont on leur annonce l'imminence. Est-ce que le ministre des Finances peut
nous dire de façon positive que, selon lui, cette décision de M.
Cazavan il vient de nous dire qu'elle a été
anticipée par rapport à sa propre attente est absolument
indépendante de ses relations avec le gouvernement et la Caisse de
dépôt?
M. Parizeau: Moi, je le pense, M. le Président. Je sais
bien que sur le plan de mes rapports avec le président de la caisse
nous nous connaissions depuis des années ont toujours
été assez cordiaux. Je ne vois pas dans mes rapports avec la
direction de la caisse ce qui pourrait être considéré, de
près ou de loin, comme étant une pression dans un sens ou dans
l'autre. Quant à l'orientation même de la caisse ou en ce qui a
trait, si vous voulez, à l'atmosphère interne de la caisse,
ça je ne pourrais pas le dire. Je ne peux pas me mettre à la
place des autres. Mais sur le plan des rapports que j'ai entretenus avec le
président de la caisse, ils ont toujours été cordiaux
depuis des années et ils le demeurent.
M. Forget: Y compris les orientations que le gouvernement ou le
ministre des Finances voulait
donner, souhaitait donner ou aurait souhaité donner, eut-elle eu
un autre directeur général, à ses politiques
financières?
M. Parizeau: Le ministre des Finances n'a pas... Là
encore, on va reprendre ce que j'ai lu... Je suis tanné de lire, on l'a
déjà lu cet après-midi. Vous lirez la page du discours en
deuxième lecture. Je ne veux pas reprendre la lecture de cela. Vous
lirez la déclaration de M. Lesage du 9 juin 1965, page 3311 du journal
des Débats il y a quinze ans aujourd'hui sur la
façon dont la politique de classement de la caisse et la politique
économique générale de l'Etat doivent être
coordonnées. Cela ne se fait pas par des discussions entre le
président de la caisse et le ministre des Finances. Cela se fait
clairement et on voit très bien l'intention du législateur
ici entre le président de la caisse et son conseil
d'administration. Si à un moment donné, des débats doivent
avoir lieu, c'est là qu'ils doivent avoir lieu.
Le Président (M. Bordeleau): M. le député de
Bellechasse, vous aviez d'autres questions sur le même sujet.
M. Goulet: M. le Président, je ne veux pas être
désagréable avec le ministre, mais ses propos ne m'ont pas
convaincu. J'étais ici cet après-midi et je n'ai rien
manqué. On vous a demandé à l'Assemblée nationale
pourquoi on ne pourrait pas poser deux ou trois questions à M. Cazavan.
Vous avez dit je pense que le terme que vous avez employé, c'est
quelque chose comme zigon-ner et vous l'avez comparé à la
démission du député Raynauld. Mais je trouvais qu'il y
avait une drôle de différence. Quand M. Raynauld a quitté
ses fonctions de député, il a laissé de côté
le salaire alors que M. Cazavan, lui, a continué à recevoir $72
000. Je pense qu'un fonctionnaire qui reçoit $72 000, quel que soit ce
fonctionnaire ou ce ministre, un député peut avoir au moins le
droit au nom de la population de lui poser des questions. La question à
laquelle vous n'avez vraiment pas répondu directement je trouve
ça déplorable c'est pourquoi consentir le même
salaire à une personne qui ne veut plus assumer, d'après les
propos mêmes de M. Cazavan, les responsabilités. Quand vous parlez
de zigonnage autour de la table, je pense qu'on aurait pu garder M. Cazavan
comme conseiller à $40 000, $45 000, $50 000 par année. Il aurait
été capable encore de se payer trois repas par jour. Moi,
ça ne me fait pas brailler ces choses-là. Mais quand on parle
pour un seul cas de $350 000 à $400 000 provenant des deniers publics
pour les cinq prochaines années, je me demande... En plus, il va avoir
droit à sa pension. Calculez-le... cela va être à peu
près 70% de ça à vie auquel il va avoir droit. Alors, si
c'est du zigonnage... Quand on parle d'un déficit record de $2 300 000
000 au Québec, je pense que des coûts de $300 000 ou $400 000, on
en n'a pas de besoin. Le ministre sait que la règle de trois... Il en a
parlé cet après-midi. C'est bien de valeur, mais si on veut me
faire brailler sur le sort de M. Cazavan en disant qu'il n'a pas eu des
conditions faciles depuis cinq ans, je trouve qu'il n'est pas misérable
du tout et vous ne. me con-vainquerez pas avec ça. Si le ministre veut
vraiment nous amener à verser des larmes sur le cas de M. Cazavan pour
justifier sa position qui, jusqu'à maintenant, n'est pas justifiable
je regrette de le dire, mais ce n'est pas justifiable vous
viendrez chez nous, dans Bellechasse, et je vais vous donner des cas beaucoup
plus pathétiques que ça, beaucoup plus pathétiques que le
cas de M. Cazavan.
J'aurais aimé voir M. Cazavan ici, durant deux minutes, pour lui
formuler quelques questions. Quand on paie un gars $72 000, il doit avoir des
comptes à rendre, pas seulement au ministre des Finances mais aussi aux
élus du peuple, aux élus de la population. Moi, je vous le dis,
je blâme sévèrement le ministre des Finances pour cette
décision personnelle qu'il a prise, parce que selon ce qu'il nous a dit
depuis cet après-midi, c'est une décision personnelle qu'il a
prise et elle s'explique difficilement. Dans l'entreprise privée,
ça ne se fait pas ça de garder quelqu'un au même point que
le président-directeur général. On peut garder quelqu'un
dans l'entreprise privée, lui garder un poste de façon qu'il
n'ait pas à aller quêter. On peut reconnaître les
années de service. Mais M. Cazavan n'avait pas 50 ans de service
à la Caisse de dépôt, il en avait cinq. Le garder comme
conseiller au même poste et au même salaire que le
président-directeur général... S'il était au moins
au même salaire que le vice-président, mais au même salaire
que le président-directeur général, ça ne
s'explique pas.
Je m'excuse de revenir à la charge et je ne voudrais pas
être désagréable, mais si le ministre appelle ça du
zigonnage, c'est bien de valeur, mais je ne prends pas ses propos. C'est aussi
simple que ça.
Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre.
M. Parizeau: II ne s'agit pas de savoir si c'est une
décision personnelle à moi ou non, la caisse répond
à l'Assemblée nationale pour moi. Je n'ai pas l'habitude de
passer des responsabilités à qui que ce soit d'autre.
Deuxièmement, il ne s'agit pas de faire pleurer. Il s'agit simplement
d'être correct. (22 h 15)
Le député de Bellechasse dit: Moi, ça ne me
dérange pas de couper les salaires de gens qui ne remplissent plus tout
à fait les mêmes fonctions. Peut-être que ça ne le
dérange pas. Mais, si jamais ça lui arrive, lorsqu'il aura
vécu un peu avec ce genre de monde, il se rendra peut-être compte
que les sommes dont il parle sont, quant au fonctionnement de toute la fonction
publique, de l'argent bougrement bien placé.
Troisièmement, la raison pour laquelle je ne voulais pas
ce n'était pas du zigonnage que j'ai utilisé, sauf erreur,
ça a été utilisé dans un autre contexte
c'est que je disais qu'il n'y avait pas de raison pour que M. Cazavan, ayant
pris la décision de démissionner, soit grillé par un
certain nombre de députés autour de la table. Et je faisais
justement allusion au cas de M. Raynauld, gentiment d'ailleurs, histoire de
m'amuser un peu, mais on
pourrait s'amuser davantage. Supposez que M. Raynauld retourne à
l'enseignement, il est en congé sans solde comme moi; quand j'aurai fini
ce job temporaire, moi, de toute façon, je suis né enseignant, je
crèverai enseignant, je retournerai à l'enseignement. Sur quoi?
Sur des fonds publics. Bien sûr. Oui, sur des fonds publics, les
universités c'est payé par le contribuable.
M. Forget: Vous ne garderez pas votre salaire de ministre
n'est-ce pas?
M. Goulet: Non, vous ne garderez pas votre salaire de ministre
quand vous allez retourner enseigner.
M. Parizeau: Non, vous pensez bien. Qu'est-ce que vous
préférez, vous, mon salaire de ministre, avec les vacances que je
prends, ou mon salaire de professeur titulaire, fin de carrière, aux
hautes études avec quatre mois de vacances et six heures d'enseignement
par semaine? Voyons, soyez sérieux un peu; il n'y a pas de comparaison.
Seulement avec la consultation qu'on peut faire, on double cette somme!
M. Goulet: Faites votre choix, vous pouvez faire votre choix, on
est dans un pays libre.
M. Parizeau: Justement, quand je faisais des allusions gentilles
au député d'Outremont, je ne nous voyais pas tous ensemble...
Enfin, écoutez, on aurait l'air ridicule de dire au député
d'Outremont: Monsieur, vous quittez votre poste de député, vous
allez peut-être retourner à l'enseignement où vous serez
payé par le contribuable, vous allez gagner plus à ce moment que
vous ne gagnez comme député. Auriez-vous l'obligeance de venir
devant les députés qu'on s'enquière des raisons pour
lesquelles vous avez décidé de démissionner. Je ferais
rire de moi si je posais une question comme celle-là et vous auriez bien
raison de rire.
M. Goulet: Ce n'est pas ça du tout qu'on a dit.
Le Président (M. Bordeleau): Cela va, M. le
député de Bellechasse.
M. Goulet: Ce n'est pas ça qu'on a dit du tout, M. le
Président.
Le Président (M. Bordeleau): Si vous avez d'autres
questions à poser, allez-y.
M. Goulet: ... On a pris l'exemple de M. Raynauld. Le ministre
nous amène sur une autre discussion. Lorsque j'ai parlé de M.
Raynauld, j'ai dit... M. Raynauld ou un autre député des dix ou
onze autres qui ont démissionné. Si M. Raynauld avait
démissionné et qu'il avait conservé le même salaire,
là, nous aurions eu raison de parler. M. Raynauld s'en est allé,
et son salaire est coupé automatiquement et c'est ce qu'on demandait
pour M. Cazavan. On consent même que vous lui donniez $40 000 ou $50 000,
mais ne venez pas nous faire brailler avec $72 000, c'est un peu
dépassé le seuil du bien-être social, voyons donc! Vous lui
donnez le même salaire que le président-directeur
général!
Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre.
M. Parizeau: M. le Président, quand on revient constamment
au comté de Bellechasse je comprends très bien que le
comté de Bellechasse est sûrement un très beau
comté, au moins aussi beau que le mien mais pas plus dans
Bellechasse que dans mon comté, il y a quelqu'un qui administre $10 000
000 000 par année; ne commençons pas à faire des analogies
avec le comté de Bellechasse, ça ne se présente pas du
tout sur ce plan-là.
Je reviens à ce que j'ai déjà dit. Vous êtes
en face de gens dans le secteur public qui gagneraient beaucoup plus que
ça s'ils étaient dans le secteur privé avec le même
genre de responsabilités, et la moindre des choses, quand ils quittent
leur poste de première responsabilité, c'est d'assurer le pont
avec le moment où ils peuvent exercer leur droit à la retraite.
C'est tout ce que j'ai dit, pas plus que ça, mais pas moins que
ça!
Le Président (M. Bordeleau): M. le député de
Notre-Dame-de-Grâce.
M. Scowen: J'essaie de comprendre cette question des pressions
directes ou indirectes. Le ministre a dit: C'est impossible d'exercer des
pressions sur une personne qui a un mandat de dix ans.
M. Parizeau: Non, pas un mandat de dix ans; ce genre de
protection est prévu par l'article 8.
M. Scowen: Le mandat de dix ans, comme décrit par le texte
de la loi, je l'ai lu et je le comprends. Une façon que je puis
imaginer, si je voulais faire des pressions, serait d'entourer ce
président de collègues avec lesquels il ne s'entend pas.
Je me demande il n'y a peut-être pas de rapport mais
en 1978, quatre, cinq nouveaux membres du conseil d'administration
étaient nommés. Je ne sais pas si M. Cazavan s'entendait avec ces
nouveaux administrateurs. Le ministre a dit qu'il avait toujours des relations
très cordiales avec M. Cazavan. Je veux demander au ministre s'il a
consulté M. Cazavan sur les noms des personnes qu'il prévoyait
nommer à la Caisse de dépôt et placement et, s'il l'a
consulté, si M. Cazavan était d'accord avec ces nominations et
s'il trouvait que c'étaient des personnes avec qui il pouvait travailler
dans une équipe harmonieuse.
M. Parizeau: J'ai eu, effectivement, une consultation avec M.
Cazavan. Il est très difficile d'interpréter, cependant, une
conversation comme celle-là pour la raison suivante: C'est que M.
Cazavan connaissait suffisamment le fonctionnement d'un gouvernement pour
savoir que, d'une part, c'est par... Au fond, c'est un peu par amitié,
si vous voulez, que je le consultais là-dessus parce que le gouvernement
aurait bien pu ne pas le consulter. D'autre part, j'avais suffisamment
confiance dans son jugement pour vouloir avoir des réactions de sa part
mais d'autre part, lui, de son côté, ayant fonctionné
longtemps dans le secteur public, savait très bien qu'il y a des limites
aux commentaires qu'on peut faire si un gouvernement est orienté vers
certaines nominations. Très franchement, l'impression que j'ai eue
à ce mo-
ment-là c'est qu'il avait des réticences peut-être
sur un nom. Si j'avais à résumer la conversation ce serait...
M. Scowen: Est-ce qu'on peut dire à titre d'exemple que M.
Cazavan s'entendait aussi bien avec M. Marier qu'il s'entendait avec M.
Dinsmore.
M. Parizeau: Aucune idée! Je serais incapable de vous le
dire. Je ne suis pas l'aumônier de la caisse!
M. Scowen: Vous n'avez aucune idée?
M. Parizeau: Absolument aucune idée! Pas la moindre!
M. Forget: Vous êtes son propre gardien, cependant! C'est
beaucoup mieux!
M. Scowen: M. le Président, j'ai deux ou trois autres
questions qui touchent M. Cazavan lui-même, mais je ne sais pas si les
autres...
Le Président (M. Bordeleau): Oui, M. le
député de Saint-Laurent.
M. Forget: Comme on vient de toucher cette question du
remaniement du conseil d'administration, comme le ministre des Finances vient
de concéder que les nouvelles nominations de 1978 n'ont pas
suscité un emballement enthousiaste de la part de M. Cazavan, comme il
nous l'a indiqué tout à l'heure qu'il était fort possible
que ses relations entre le nouveau conseil d'administration et lui-même
aient pu jouer un rôle dans la décision de quitter ses fonctions,
ce remaniement du conseil d'administration acquiert un relief tout à
fait particulier dans le contexte. On peut se demander quelles raisons ont
poussé le gouvernement à modifier aussi profondément le
conseil d'administration tout d'un coup? En effet, il y a quand même dans
la Caisse de dépôt et placement des gens qui étaient
là depuis le début dans certains cas. On peut concevoir que le
gouvernement ait voulu faire des changements. C'est tout à fait normal
mais est-ce qu'il n'aurait pas été plus prudent, pour assurer
justement que les politiques de la Caisse de dépôt et placement
soient continuées avec un minimum de difficultés, que les
relations avec le président-directeur général soient les
meilleures possible, qu'on n'ait pas fait tous ces changements la même
année, au même moment?
M. Scowen: Une chose qu'on peut dire, c'est que nous avons tous
les mêmes préoccupations.
M. Parizeau: M. le Président, d'abord je tiens à
rejeter une par une toutes les interprétations que le
député de Saint-Laurent a données à mes paroles. Je
pense que rien de ce que j'ai dit ne permet...
M. Forget: Je n'ai pas fait d'interprétations, je n'ai
qu'énuméré les choses que vous avez dites.
M. Parizeau: Non. Le député de Saint-Laurent n'a
pas énuméré les choses que j'ai dites, il a
interprété une série de choses que j'avais dites dans un
sens que je ne leur ai pas donné. Donc, je les regrette toutes. Je dis
cela seulement pour que cela soit bien inscrit au journal des Débats. Ce
n'est pas parce que je suis resté coi pendant la liste de ses
interprétations que je les accepte; je les rejette toutes.
Cela étant dit, passons au fond de la question. Alors, ça,
c'est la deuxième ronde. On a tout fait ce travail-là, mais on va
le recommencer. Alors, bis. Dans le conseil d'administration... S'il y avait
des divergences entre les deux versions, le député de
Notre-Dame-de-Grâce les signalera au passage.
Donc, nous comparons l'année 1977 à l'année 1978. A
l'année 1977, il y avait au conseil d'administration MM. Cazavan,
Fortier, Louis Laberge, Raymond Lavoie, André Marier, Claude
Caston-guay, Hervé Belzile, Michel Caron, Georges La-fond et Richard
Beaulieu. Je signale déjà que ça faisait deux changements
par rapport à l'année précédente. John Dinsmore
était parti et Ed Lemieux d'Hydro-Québec aussi. L'un avait
été remplacé par André Marier, en 1977, dont j'ai
eu l'occasion de dire qu'il occupait ce poste, exactement le poste que j'ai
occupé pendant quatre ans moi-même, c'est-à-dire comme
fonctionnaire nommé à la caisse. Cela m'apparaissait d'autant
moins bizarre de le nommer qu'il avait beaucoup travaillé, comme moi
d'ailleurs, à la création de la Caisse de dépôt et
placement. Je signalerai que le poste auquel il a été
nommé en 1977 est exactement celui que le député de
Saint-Laurent a occupé lui-même en 1973. Vous voyez qu'il a du
répondant, ce poste. Il a été occupé successivement
par moi pendant quatre ans, Michel Bélanger pendant quatre ans, Claude
Forget pendant un an, John Dinsmore pendant trois ans et maintenant par
André Marier. Et encore une fois, André Marier est probablement
plus normalement à ce poste que n'importe qui parce qu'il a
travaillé à l'établissement de la caisse longuement.
Le deuxième nouveau en 1977, c'est Georges Lafond qui a
été et qui est encore l'assistant de Ed Lemieux à
Hydro-Québec. Ed Lemieux l'a entraîné, l'a tenu sur les
fonts baptismaux quand il était jeune homme, ou l'a fait monter, etc.
C'est le successeur évident, c'est son fils spirituel, n'est-ce pas?
Donc, déjà en 1977, on change deux postes.
L'année suivante, en 1978, il va y avoir plusieurs changements de
postes, il va y avoir des ajouts parce qu'il y a une nouvelle loi, on agrandit
le conseil d'administration. On nous dit: C'est difficile d'avoir le quorum, il
n'y a pas assez de membres, vous ne pourriez pas en ajouter? D'autre part,
ça fait très longtemps que les mouvements coopératifs au
Québec demandent un représentant. On dit: Tiens, ce serait une
bonne occasion, on va leur donner. Et alors, de 1978 par rapport à 1977,
qu'est-ce qui reste comme postes occupés par les mêmes personnes?
Poste de Marcel Cazavan, ça n'a pas changé; Gill Fortier,
ça n'a pas changé; Est-ce que dans les explications entre premier
et bis, il y a des divergences?
M. Forget: Continuez. Remarquez que, M. le Président,
comme le ministre s'interroge, c'est qu'il répond fort longuement et
peut-être pour la troisième fois, c'est fort possible, à
une question, mais en répondant légèrement à
côté,. ce qui diminue un peu l'intérêt de sa
réponse. Parce qu'il
y a quand même eu des changements. On ne cherche pas à se
les faire décrire, on peut consulter pour ça les rapports annuels
de la Caisse de dépôt et placement.
M. Parizeau: Je décris mais j'interprète en
même temps. On m'a dit: Est-ce que vous avez assuré une certaine
continuité? Je voulais vous la démontrer, la continuité.
Mais la continuité, c'est comme le mouvement, ça se
démontre en marchant.
Je disais donc qu'en 1978 par rapport à 1977, M. Cazavan
occupe-t-il le même poste? Oui. Gill Fortier occupe-t-il le même
poste? Oui. Louis Laberge occupe-t-il le même poste? Oui. André
Marier occupe-t-il le même poste? Oui. Michel Caron occupe-t-il le
même poste? Oui. Georges Lafond occupe-t-il le même poste? Oui. Et
Richard Beaulieu occupe-t-il le même poste? Oui. Qu'est-ce qu'il vous
faut comme continuité?
M. Forget: II y a beaucoup de fonctionnaires dans tout ça,
n'est-ce pas? (22 h 30)
M. Parizeau: Ah! c'est vrai. Qu'est-ce que vous voulez? Tout le
monde ne peut pas être dans le secteur privé. C'est exact. Il y a
des fonctionnaires. Mais M. Louis Laberge n'est pas un fonctionnaire. Si jamais
on lui disait cela, il n'aimerait pas cela du tout.
M. Forget: C'est un type spécial!
M. Goulet: Cela m'étonne qu'il n'ait pas été
remplacé.
M. Parizeau: Qu'est-ce qu'il nous reste? Il y a deux postes qui
ont changé... pardon, trois postes, des anciens postes de 1977. Trois
postes. M. Raymond Lavoie est remplacé par M. Eric Kierans. M. Claude
Castonguay est remplacé par M. Fernand Paré. M. Castonguay
m'écrit, le 7 juillet 1978 ce n'est pas une fuite pour me
dire qu'il est invité à devenir membre du conseil
d'administration d'une banque et donc, dans ces conditions, qu'il lui faut
démissionner, selon les dispositions de la loi. Il fait son choix. Comme
je le disais au député de Notre-Dame-de-Grâce, il y en a
qui préfèrent la banque et d'autres préfèrent la
caisse. Préférer la banque à la caisse, c'est un choix. M.
Hervé Belzile est remplacé par M. Pierre Péladeau. Donc,
il y a trois des postes occupés par ces trois personnes qui
complétaient le conseil d'administration de 1977 et qui sont
remplacées par MM. Eric Kierans, Fernand Paré et Pierre
Péladeau. On ajoute...
M. Forget: En fait de continuité, donc, ce n'est pas...
Pour ceux qui sont à ce conseil d'administration et qui ne sont pas
là en leur qualité de fonctionnaires et dont on pourrait
s'attendre qu'ils représentent la voie indépendante, en quelque
sorte, de l'administration publique sur ce conseil d'administration, on a donc,
pour des raisons qui en partie sont expliquées et non expliquées
pour une autre partie, une continuité qui est remarquable en ceci, c'est
qu'elle est inexistante.
M. Parizeau: Ah! encore une fois, on considère que M.
Louis Laberge... Vraiment, on le pousse un peu fort du côté du
secteur public. Mais quoi qu'il en soit, et je reviens là-dessus, vous
avez...
M. Forget: II est bien là...
M. Parizeau: ... un démissionnaire qu'il faut remplacer de
toute façon, puisqu'il s'en va à la banque... Ensuite, deux
autres... D'autre part, on ajoute deux noms. Celui de M. Gaston Pelletier qui,
en un certain sens, est une sorte de continuité. C'est l'adjoint
justement de M. Raymond Lavoie, au Crédit foncier. Alors, on a eu le
patron pendant passablement de temps et là, nous avons le premier
adjoint. D'autre part, M. Alfred Rouleau. Alors, dans ces deux postes, je
plaide effectivement la non-continuité, car les postes n'existaient pas
avant. Alors, comme on les a créés avec la loi, il est bien
sûr que c'est la première année. Voilà.
En fait, de ceux qui occupent les postes, pendant ces trois
années, pour la majorité des postes la continuité s'est
faite. Là, encore...
M. Forget: Parmi tous ces changements ou ces non-changements, il
reste qu'on peut dégager bien des façons de décoder tout
cela. L'une des façons de décoder tout cela qui n'échappe
absolument pas à tout le monde, c'est qu'à part les gens qui sont
là presque ex officio, et j'ai mentionné bien sûr le juge
Fortier qui est président de la Régie des rentes. C'est le plus
gros déposant. Je suppose qu'on lui remettra, un jour, la
présidence de la Régie de l'assurance automobile ou Dieu sait
quoi, mais c'est un poste qui est ex officio. A part le sous-ministre des
Finances qui, lui aussi, est là ex officio, il reste qu'on a un
très petit nombre de postes qui ont été occupés
pendant de nombreuses années au moins deux d'entre eux par
des personnalités qui ont eu, indubitablement, un impact majeur sur les
politiques et l'orientation de la Caisse de dépôt et
placement.
Ces deux personnes, et en plus une troisième qui doit quitter
à cause d'une disposition de la loi, sont remplacées par de
nouveaux venus dont on peut très bien penser, étant donné
leur personnalité, leurs affiliations connues ou soupçonna-bles,
qu'il s'agit là de nominations qui ont pour but et certainement, de
toute façon, pour effet de placer le gouvernement dans une position
très avantageuse, merci, si jamais il veut faire pression sur quelqu'un
ou sur quelque chose.
C'était là le but de ma question. C'est dans le contexte
d'un départ remarqué que ceci se fait. Et je pense qu'il
était tout à fait approprié de souligner que les voies
indépendantes de l'administration publique ont été mises
de côté, par hasard ou par dessein semble-t-il par dessein,
plus que par hasard et on s'est retrouvé devant un conseil
d'administration très gentil, merci, auquel on n'a pas besoin d'envoyer
des directives, de toute façon, qui sont interdites par la loi, si je
comprends bien, nous dirait-on, mais auquel on peut parler gentiment, autour
d'une tasse de thé, et chez qui on va pouvoir trouver une oreille
réceptive.
C'est dans ce contexte, je pense, M. le Président, que la
discussion de tout à l'heure s'illumine d'un relief particulier.
M. Parizeau: En effet, M. le Président, nous avons
nommé des gens aussi à notre dévotion
qu'Eric Kierans; ça, entre nous, si vraiment, par dessein, on
voulait des gens à notre dévotion, on aurait pu trouver
mieux!
M. Forget: ... tout prévoir.
M. Parizeau: D'autre part, on nous dit et je reviens
encore à ce que je disais cet après-midi II y a des gens,
c'est curieux, ils n'ont pas l'air d'être complètement
enragés contre le gouvernement actuel, c'est bizarre. Mais est-ce qu'on
croit vraiment que M. Claude Castonguay était enragé contre le
gouvernement du temps? Est-ce que le député de Saint-Laurent,
lorsqu'il siégeait à la Caisse dépôt et placement,
était enragé contre le gouvernement du temps?
M. Forget: C'était un bon gouvernement à
l'époque!
M. Parizeau: Ah! nous y sommes, on est donc en pleine politique,
mais là, je la rends au député de Saint-Laurent! C'est lui
qui en fait!
M. Forget: Oui, à 22 h 35, il commence à être
temps de vous en apercevoir, M. le ministre.
M. Michaud: II y avait un bon financement
démocratique!
M. Parizeau: On est à 22 h 35 et je note que le
député de Saint-Laurent a décidé de plonger tout
ça dans la politique, M. le Président.
Le Président (M. Bordeleau): M. le député de
Notre-Dame-de-Grâce.
M. Scowen: J'ai remarqué que M. Cazavan, qui n'est plus
membre du conseil d'administration, n'est pas lié, si je comprends bien,
par l'article 12 de la loi. Si je comprends bien, M. Cazavan a maintenant le
droit, en plus de ses rémunérations par la caisse et à
l'extérieur comme conseiller, s'il le veut, de devenir membre du conseil
d'administration d'une autre fiducie ou de n'importe quoi. Est-ce que dans
l'arrêté en conseil, c'était spécifiquement
déclaré que M. Cazavan était obligé de se comporter
exactement comme s'il était encore membre du conseil d'administration,
ou est-il maintenant libre?
M. Parizeau: Non, l'arrêté en conseil dit: "Le
conseiller spécial peut, avec l'accord du ministre des Finances, agir
à titre de membre d'un conseil d'administration d'une
société à but lucratif." Ceci est indiqué ici pour
une raison très simple, c'est qu'à partir du moment où,
pour toutes les raisons que j'invoquais quant au secteur public et au
fonctionnement de la fonction publique, c'est exactement ça qui se
passerait. Dans le cadre de la fonction publique, par exemple, si un
sous-ministre ou un sous-ministre adjoint voulait devenir membre d'un conseil
d'administration ça se pose surtout dans le cas des
sociétés d'Etat de SIDBEC, de REXFOR ou de je ne sais
quoi, il doit demander l'autorisation du ministre des Finances.
M. Scowen: Même salaire indexé, beaucoup moins de
responsabilités et, de plus, le droit d'avoir des activités
à l'extérieur de la société pour laquelle il est
payé au même salaire que le président! Pas mal
ça!
M. Parizeau: Seulement sur l'accord du gouvernement.
M. Scowen: Oui! C'est un bon négociateur!
M. Parizeau: Entre nous, exactement de la même
façon, selon les mêmes règles qui existent dans la fonction
publique: un sous-ministre ne peut pas aller se balader, et prendre un poste
à un conseil d'administration sans en obtenir l'autorisation.
M. Scowen: M. le Président, en plus des changements qui
sont survenus dans le conseil d'administration et dans le poste de
président il y a, ce que j'ai appelé cet après-midi des
rumeurs et ce sont des rumeurs assez fortes disant que le premier
directeur général adjoint, M. Jean-Michel Paris, qui est en
poste, si ma mémoire est bonne, depuis au moins dix ans, sinon quinze,
serait mis à pied ou qu'il serait obligé de démissionner,
et que des changements très importants soient faits dans ses
responsabilités.
La même chose existe dans le cas de M. Jean Lavoie, directeur
général adjoint de la direction du financement, un nouveau poste
qui a été créé récemment, mais c'est un
homme qui, comme M. Paris est là depuis longtemps, deux autres
éléments au plus haut niveau de cette continuité.
J'aimerais savoir si le ministre ou le président veut confirmer ou nier
ces rumeurs, parce que ces questions qui circulent dans la rue de
Montréal dans le domaine des finances sont très courantes. Je
veux demander de plus, s'il est question que ces deux personnes voient leur
mission changée. Si elles démissionnent ou si elles changent
d'emploi, avez-vous l'intention de les traiter de la même façon
extrêmement honorable que vous avez traité le président?
Est-ce qu'il y a quelque chose là ou si c'est une rumeur que vous voulez
nier tout de suite?
M. Parizeau: M. le Président, je ne vais pas traiter de
rumeur. De deux choses l'une, quand on parle de rumeurs: ou ça ne se
produit pas ou ça se produit. Si ça ne se produit pas, on a eu
tort de parler de rumeurs. Si ça se produit, il y a toutes
espèces d'autres endroits où on peut poser des questions, quand
même que ça serait à la période des questions
à l'Assemblée nationale, si à ce moment et advenant que
ça se produise, le député tenait toujours à poser
des questions de cet ordre. Mais je ne veux pas baguenauder des rumeurs.
Néanmoins, je suis un peu surpris qu'il mette encore l'accent sur
l'affaire de la continuité, compte tenu de ce que je lui ai dit cet
après-midi. Sur le plan de la continuité à la caisse, le
problè-
me... Puisque nous avons un ancien membre de la caisse je ne suis
pas tout seul; on est deux de "l'alumnae", autour de la table le
député de Saint-Laurent doit savoir comme moi que sur le plan de
la continuité des cadres à la Caisse de dépôt, la
pire chose a été la politique de salaires pendant bien des
années.
Je répète ce que j'ai dit cet après-midi: je suis
assez heureux d'avoir enfin réussi à régler cette affaire
en sortant le personnel de la caisse de la fonction publique. Il est
très curieux, sur le plan de la continuité, que ça ne vous
frappe pas dans le rapport annuel de cette année, qu'on y indique que
treize membres du personnel de cadre et 35 professionnels du placement ont
quitté leur emploi au cours des dix dernières années,
spécifiquement à cause de ce problème de salaire qui
n'était pas réglé. Sur le plan de la continuité,
ça me paraît passablement plus sérieux que le
phénomène dont le député de
Notre-Dame-de-Grâce parlait, advenant que ce soit autre chose qu'une
rumeur; je n'en sais rien. Cela se produira peut-être; j'ai eu des
échos de certaines choses, bien peu, mais des échos. Encore une
fois, le "street talk", s'il fallait toujours... S'il fallait constamment faire
état des possibilités dont on entend parler, on n'aboutirait pas
très loin.
Alors, ce que je dis simplement, M. le Président, c'est, encore
une fois: ou bien ça ne se produira pas et on avait tort d'en parler ou
bien ça se produira et à ce moment, on posera toutes les
questions utiles. Ceci étant dit, je voudrais établir une
distinction très nette entre deux niveaux de poste. Nous avons
discuté longuement de M. Ca-zavan dont le poste sur le plan de la
structure administrative de la caisse est le seul qui soit mentionné
dans la loi. Donc, dans ces conditions, puisque la loi me donne certaines
responsabilités et que la caisse répond à
l'Assemblée nationale par moi, de ce poste, oui, bien sûr, je dois
discuter. De tous les autres postes à la Caisse de dépôt et
placement, c'est l'administration interne. Il faut bien établir une
distinction très nette entre les postes qui sont spécifiquement
mentionnés dans la loi et les autres postes. Je ne veux pas dire par
là qu'on ne peut pas en discuter ici. Je veux simplement dire qu'il faut
établir une distinction très nette entre les deux types de
poste.
M. Scowen: Vous avez eu la gentillesse, la semaine passée,
en réponse à une question du député de Gouin, de
dire que cette semaine vous aviez l'intention de faire les crédits, que
vous amèneriez le président de la caisse ici et qu'on pourrait
lui poser des questions. Je l'accepte. Ce n'est pas vous qui êtes
responsable pour les postes inférieurs, même celui du premier
directeur général adjoint. Mais, est-ce que vous pouvez nous
permettre de poser quelques questions au président qui est ici et qui
est peut-être au courant de ces choses?
M. Parizeau: Sur le plan de l'administration interne de la
caisse, je pense que c'est même la chose normale à faire, bien
sûr. (22 h 45)
M. Scowen: Je veux demander au président s'il est question
de changer le poste de M. Paris d'une façon importante? Est-ce qu'il est
question qu'il puisse peut-être quitter la Caisse de dépôt?
Est-ce qu'il est question de changer les responsabilités de M. Lavoie?
Est-ce qu'il est question qu'il puisse lui aussi quitter la caisse? Est-ce que
vous croyez que la perte de ces deux personnes qui ont une longue
expérience sera une perte importante pour la caisse ou est-ce que vous
pouvez perdre ces deux personnes sans danger d'affaiblir la caisse? Est-ce que
les départs, s'ils ont lieu, sont liés au problème qu'a
soulevé le ministre tantôt, celui du traitement qu'il nous
avait dit avoir réglé quand même ou avec d'autres
aspects de votre politique? Advenant que ces démissions ou ces
départs aient lieu, est-ce que vous avez l'intention de recommander au
ministre que cette politique d'honneur dont le ministre se vante dans le
cas de M. Cazavan s'applique également à ces deux
personnes qui ont quand même un service plus long que M. Cazavan?
Le Président (M. Bordeleau): M. le président.
M. Parizeau: A ceci, je peux répondre qu'un changement de
directeur général amène sûrement un changement de
mentalité dans une corporation quelle qu'elle soit. Il est
évident qu'il y a eu des discussions entre certains officiers de la
Caisse de dépôt et moi. Est-ce qu'ils resteront? Est-ce qu'ils
partiront? Il n'y a rien de final là-dessus. Il y a eu des discussions
et il va continuer à y en avoir.
M. Scowen: Dans ces deux cas, est-ce qu'il n'est pas plutôt
question de la qualité et de la performance de ces deux personnes ou
est-ce que c'est plutôt lié au changement de l'organisation?
Est-ce qu'en effet ces deux postes seront éliminés ou est-ce
qu'il est plutôt question de la qualité de ces personnes?
M. Parizeau: II n'est pas question de départ d'aucune
personne. Il est question de personnes qui discutent, qui regardent, qui se
demandent si elles peuvent encore être heureuses à la Caisse de
dépôt, si elles le sont à l'heure actuelle, si elles l'ont
jamais été. C'est sûr qu'il va y avoir certains changements
à la caisse. Mais est-ce que ces gens resteront ou partiront? Il n'y a
rien de définitif là-dessus, ça reste encore en suspens.
Cela va être encore comme ça l'année prochaine,
c'est-à-dire que certains n'aimeront pas la façon de diriger,
même si elle est sensiblement la même que par le passé.
M. Scowen: Ce sont là deux personnes il faut
l'admettre qui ont des postes très importants depuis longtemps.
Est-ce que la perte de ces deux personnes sera importante pour vous ou est-ce
que c'est quelque chose qui peut même améliorer la performance de
la caisse?
M. Parizeau: Vous parlez de deux personnes. Il peut être
question d'une personne, de deux personnes ou de trois personnes. C'est
d'administration interne. C'est seulement...
M. Scowen: Ah bon! il n'est pas question des deux personnes que
j'ai nommées.
M. Parizeau: Pas plus spécifiquement que d'autres sur ce
point. Est-ce qu'il est question de celles-là? Peut-être que de
celles-là, il en a été question, oui. Il y en a
peut-être d'autres.
M. Scowen: C'est sur ces deux-là que les rumeurs
circulent. C'est pourquoi on soulève la question. On ne fait pas
circuler des rumeurs sur des personnes qui ne sont pas importantes. Elles sont
deux personnes connues comme des personnes clefs dans l'organisation.
M. Parizeau: On ne peut pas répondre sur des personnes
spécifiques qui sont dans l'administration.
M. Scowen: Si elles partent, est-ce que ce sera lié?
Est-ce qu'il existe aujourd'hui des problèmes avec ces deux personnes au
sujet de leur traitement ou est-ce que les problèmes dont le ministre a
parlé et qu'il dit avoir réglés...
M. Parizeau: C'est d'administration interne et ça ne se
discute pas publiquement.
M. Scowen: D'accord. Une dernière question, M. Campeau.
S'il arrive que ces deux personnes soient parmi celles qui font partie des
changements de mentalité que vous avez décrits et qu'elles ne
soient plus là d'ici quelques semaines ou quelques mois, est-ce que vous
pensez qu'elles auront le droit, tenant compte de leur poste et du nombre
d'années de service avec la caisse, d'avoir le même traitement que
le ministre a donné à M. Cazavan?
M. Parizeau: Je pense que ce genre de question ne se pose pas du
tout ici.
M. Scowen: Je pense que les députés ont quand
même le droit de décider de la sorte de questions qu'ils veulent
poser dans une commission parlementaire.
M. Parizeau: Vous avez raison. A ce moment, je ne pense
pas...
M. Scowen: Je m'excuse, mais je ne sais pas qui a le droit de
décider quelle sorte de questions nous avons le droit de poser.
M. Parizeau: Je m'excuse aussi.
M. Scowen: A moins que le président ne me rappelle
à l'ordre, j'ai l'impression que j'ai le droit de poser des questions
d'intérêt public sur n'importe quel sujet, à n'importe qui,
dans cette commission parlementaire. Si vous n'êtes pas de cet avis, nous
sommes prêts à écouter votre raisonnement.
Le Président (M. Bordeleau): Là dessus, M. le
député de Notre-Dame-de-Grâce, vous avez raison, vous
pouvez effectivement poser les questions que vous voulez. Par contre, M.
Campeau peut aussi répondre de la façon dont il le
désire.
M. Scowen: Est-ce qu'il veut ajouter quelque chose?
M. Parizeau: Je n'ai pas de commentaires.
M. Scowen: Merci d'avoir amené le président, M. le
ministre.
Le Président (M. Bordeleau): Est-ce que cela va en ce qui
concerne la Caisse de dépôt et placement?
M. Scowen: Non. J'ai une série de questions qui touche
l'orientation.
Le Président (M. Bordeleau): Allez-y, M. le
député de Notre-Dame-de-Grâce.
M. Scowen: Merci, M. le Président. Je ne sais pas si c'est
la sorte de questions qu'on doit poser au ministre ou au président, mais
une chose est certaine, c'est que le président n'a pas
hésité à parler de ce sujet aux journalistes. J'imagine
qu'on a au moins le droit de demander au président d'expliquer un peu ce
qu'il a dit aux journalistes. Je veux faire référence à
deux documents, en particulier un communiqué de presse, sans date, et
l'autre, un article paru dans la Presse qui fait probablement suite à ce
communiqué.
En gros, il semble que le président prévoit une nouvelle
orientation très importante pour la caisse. Je cite quelques extraits de
ce communiqué de presse: La politique de placement de la Caisse de
dépôt et placement du Québec sera davantage axée sur
le développement économique du Québec au cours de la
prochaine décennie mais, à brève échéance,
on ne prévoit aucun changement radical dans la composition des
portefeuilles. La caisse doit maintenir, orienter davantage ses ressources vers
le développement économique du Québec, sans pour autant
restreindre l'importance de sa participation au financement du secteur public.
Le statut de la Caisse de dépôt lui permet et lui commande de
jouer dorénavant un véritable rôle de chef de file,
d'innovateur et de catalyseur de projets de grande envergure, en particulier
par l'intensification de son activité dans le financement des
entreprises du Québec et par l'exploitation des possibilités de
collaboration avec d'autres agents de développement économique.
Le conseil favorise notamment l'affectation de capitaux substantiels à
l'acquisition de titres de propriétés d'entreprises publiques ou
privées établies au Québec, vise à accroître
sa participation dans les entreprises dont l'activité est jugée
stratégique pour l'économie québécoise.
C'est une déclaration du président.
M. Parizeau: M. le Président, c'est une
déclaration, je pense, de l'ancien président, dans le rapport
annuel, parce que je n'ai fait aucun communiqué de presse.
M. Scowen: Ah! Bon. Dans ce cas, je vais...
M. Parizeau: M. le Président, si je peux me permettre, ces
commentaires apparaissent en page 4 du rapport du conseil d'administration de
la caisse signé par M. Cazavan.
M. Scowen: Dans ce cas, je ne sais pas si je dois poser ces
questions au ministre et au président. Je vais citer le président
actuel, M. Cam-peau: "Ceux qui ont administré la caisse dans le
passé ont très bien agi, et l'institution ne pouvait pas tout
faire en même temps. Il y a différents stades de
développement par lesquels il fallait passer".
M. Campeau a ajouté qu'on est maintenant à un autre stade,
celui d'une caisse qui servira pleinement au développement
économique du Québec. Dans le nom de la Caisse de
dépôt et placement du Québec, a-t-il dit, Québec est
le mot le plus important. Je pense que cette déclaration de M. Campeau
est une suite plus ou moins fidèle du communiqué de presse du
dernier président. Je pense que je n'exagère pas quand je dis que
c'est la déclaration d'un changement important, même radical, dans
la politique de la caisse.
Nous avons déjà au Québec deux institutions qui ont
été créées par les gouvernements antérieurs
pour stimuler le développement économique au Québec,
peut-être plus que cela, mais on a au moins la Société de
développement industriel et la Société
générale de financement; et nous avons SIDBEC si vous voulez,
mais surtout ces deux premières dont la mission est très
clairement définie dans la charte, à savoir stimuler le
développement économique du Québec. J'accepte que le
mandat de la caisse, qui a été créée en 1965,
n'était pas un mandat pour faire une seule chose, c'était surtout
pour réaliser un équilibre mais, quand même, je cite M.
Cazavan dans son rapport de 1978: "... en assurant d'abord la protection du
capital, en le protégeant contre l'érosion et, finalement, en le
faisant fructifier de manière à accélérer le
développement des secteurs public et privé, d'abord". Finalement,
en 1978, M. Cazavan, dans cette déclaration, quant à moi,
était fidèle à l'intention de M. Lesage, M.
Lévesque et M. Kierans, du gouvernement libéral de
l'époque, quand les trois ont créé la Caisse de
dépôt et placement, et fidèle à l'impression,
à la politique qui était suivie par les administrateurs depuis ce
temps.
Si je comprends bien cette déclaration, vos commentaires du 21
février de cette année marquent un changement, un virement. J'ai
déjà posé la question plus tôt aujourd'hui, d'une
autre façon. J'ai dit: Comment dites-vous aujourd'hui que Québec
est le mot le plus important dans la Caisse de dépôt et placement?
Est-ce que cela veut dire qu'avant votre arrivée, les personnes
responsables n'avaient pas les objectifs québécois comme
objectifs principaux? Je n'ai pas eu de réponse. Quand même, c'est
dans ce cadre que je pose la question. Si cette société a
l'intention d'innover et de catalyser des projets de grande envergure,
d'intensifier son activité dans le financement des entreprises du
Québec, d'acquérir des titres de propriétés
d'entreprise, il me semble, quant à moi, qu'il est essentiel que cette
nouvelle politique soit bien définie, qu'on se présente ici,
à une commission parlementaire publique, qu'on vienne expliquer que les
liens qui sont établis avec les politiques de la Société
de développement industriel et celles de la SGF seront bien
établis pour qu'il n'y ait pas de chevauchements, et qu'on
démontre comment ce changement de politique peut se faire d'une
façon qui peut protéger les contribuables, parce que, comme je
l'ai dit ce matin, ce ne sont pas les impôts avec lesquels vous jouez, ce
sont les épargnes des Québécois. Ce n'est pas votre
propriété, c'est la propriété des personnes qui
versent chaque mois les sommes pour leur retraite. Je pense que vous n'avez pas
le droit de changer la politique d'une société de cette
importance, avec un simple communiqué de presse et une
déclaration dans un journal.
Mon impression est la suivante: C'est quelque chose qui ne peut pas
s'expliquer dans le cadre d'un débat sur les crédits. C'est
possible que je me trompe. C'est possible que tout cela puisse être
expliqué à notre satisfaction dans quinze minutes. Mais si ce
n'est pas possible, nous allons certainement vous demander, dans
l'intérêt de tout le monde, et pour essayer de faire quelque chose
en vue de maintenir au moins le minimum de crédibilité de cette
institution, d'accepter de venir devant nous tous donner un document
écrit qui explique clairement cette politique chiffrée dans le
sens que vous prévoyez que, d'ici cinq ans, ou dix ans, le pourcentage
des portefeuilles qui sera obtenu dans les actions va changer de tel ou tel
pourcentage, quelles sortes d'actions, les détails, et que ce programme
soit présenté à l'Assemblée nationale et au public.
(23 heures)
En gros, c'est ma suggestion. J'aimerais beaucoup avoir votre
réaction. On ne veut pas se lancer dans une société qui va
financer des industries douteuses. Je pense que, probablement, à un
moment donné, on a demandé à la Caisse de
dépôt de subventionner Tricofil ou Marine Industrie ou d'autres
sociétés dans lesquelles l'Etat avait un intérêt
particulier. L'attitude de cette société sera-t-elle
changée pour l'avenir, devant ces demandes, souvent des demandes qui
viennent de pressions politiques? Où en sommes-nous avec ces deux
documents?
M. Parizeau: M. le Président, si vous me le permettez, je
vais répondre à cela, parce que, à partir du moment
où on fait un procès d'intention à la caisse, en parlant
de maintenir un minimum de crédibilité, d'entreprises douteuses,
ou de pressions politiques, là, je m'excuse, mais je
préfère
prendre ce crachoir, parce qu'il y a quand même un bout!
En fait, cela fait très longtemps que le rôle de la caisse,
comme complément d'autres sociétés d'Etat, a
été établi dès le départ. On peut bien
maintenant se creuser les méninges et avoir l'impression de
découvrir des choses, il faudrait quand même que ce soit
compatible avec la SDI et la SGF. Personne n'avait vu cela avant aujourd'hui
bien sûr.
Je reviens à ce que disait M. Lesage il y a quinze ans ce soir,
en parlant de la SGF, page 3325: "Elle doit prendre l'initiative, courir des
risques, préparer des projets et faire en sorte qu'ils se
réalisent. Au contraire, la Caisse de dépôt et placement
n'a pas à remplir ce rôle. Elle n'est pas un entrepreneur, mais un
réservoir de capitaux. Ce n'est pas sa fonction de créer des
entreprises, mais elle aura les ressources et les pouvoirs nécessaires
pour s'associer aux initiatives, aux projets de création et d'expansion
qui lui sont imposés. L'initiative de revenir, de la SGF, du secteur
privé, du gouvernement ou d'une combinaison des trois ensemble, ou de
deux des trois. La caisse doit être en mesure de favoriser ces
initiatives, de contribuer à leur financement, et c'est bien à
cette fin qu'elle est conçue. Elle jouera un rôle absolument
essentiel, pour alimenter financièrement l'essor économique du
Québec c'est presque la même phrase que celle de M.
Cazavan! en liaison avec les grands organismes qui ont été
mis sur pied depuis quelques années, les nombreuses dispositions qui
s'appliquent aux placements dans des titres d'entreprise sont destinées
à permettre à la caisse de remplir cette fonction dans les
limites de la prudence et cela, on le comprendra facilement. "Ces dispositions
ont trait d'abord à diverses proportions que la caisse sera
appelée à maintenir. Ainsi, pas plus de 30% de l'actif total de
la caisse ne pourra être investi dans des actions, alors qu'au contraire
aucune limite n'est prévue pour les obligations, à condition
qu'elles satisfassent à certaines règles sur lesquelles je
reviendrai dans quelques minutes soit en fait les règles
inspirées des règles applicables aux compagnies d'assurance-vie.
"La limite fixée en proportion de l'actif qui peut être
placé en actions, c'est le résultat d'un compromis. Ce sont les
30%. Il faut éviter d'investir les fonds exclusivement en titres
à valeur fixe, pour éviter d'éroder l'actif au fur et
à mesure où l'inflation se propage".
Ce ne sont pas des entreprises douteuses, M. le Président, c'est
le fait qu'on voyait déjà cela en 1965, qu'il y avait une
tendance inflationniste et que de prendre des titres à valeur fixe
érodait ou risquait d'éroder le capital de la caisse, et qu'il
fallait donc combiner avec des actions ordinaires, et que des actions
ordinaires ne devaient pas se prendre de n'importe quelle façon, dans
n'importe quel genre d'orientation, mais qu'elles devaient, autant que
possible, chercher à favoriser le développement économique
du Québec.
Donc c'est clair au départ. Au fond, cela l'est resté,
sauf peut-être que, pour les raisons que je disais tout à l'heure
et on reprend un débat qu'on a tenu il y a déjà
quelques heures, on se répète indéfiniment au fur
et à mesure où le porte feuille d'actions de la caisse s'est
accru, la caisse n'a pas été chercher les titres
américains sur la Bourse de New York, mais elle a été
amenée à devenir très importante sur les Bourses
canadiennes et sur certains titres sur les Bourses canadiennes. Et à un
moment donné cela se sentait déjà il y a quelques
années, mais cela s'est senti davantage encore au cours des quatre ou
cinq dernières années, peut-être la caisse ne pouvait
plus avancer dans ses achats en Bourse, elle était le marché. Le
moindrement qu'elle intervenait un peu davantage, elle faisait monter les cotes
et, dans certains cas, très substantiellement. C'est dans ce sens qu'a
commencé à paraître l'idée d'achat de blocs, dont on
parlait avec le député de Bellechasse précédemment.
Bien sûr, il y a eu, au niveau des placements privés de la caisse,
des achats de petits blocs sur une chose qui a commencé à
s'appeler "la liste spéciale", il y a quelques années. La caisse
y jouait un rôle pour aider au lancement de petites ou de moyennes
entreprises. On allait voir la caisse et on disait: Est-ce que vous prendriez
15% de mes actions? La caisse a une autorité morale considérable;
dans la mesure où la caisse prenait 15% des actions, on trouvait
d'autres actionnaires; c'était plus facile à lancer. Mais
même à cela, cela a été insuffisant cette
liste spéciale qui porte un nom différent, maintenant, c'est la
liste des placements privés.
Même à cela, ce fut insuffisant pour absorber tout l'argent
que la caisse voulait mettre dans des actions. Donc, elle se sentait
bloquée du côté des bourses et les petits placements
privés qu'elle faisait ne lui permettaient pas d'entrer suffisamment
dans le financement d'entreprises. Là a commencé à
apparaître la perspective et on rejoint une des choses qu'on
citait au sujet d'une déclaration de M. Campeau et qu'on retrouve, tout
au moins dans son esprit, dans le texte de M. Cazavan d'acheter des
blocs dans des grosses entreprises. Je pense que le cas le plus spectaculaire
pour commencer, c'est Domtar, l'achat du bloc d'Argus dans Domtar.
C'est là où il y a, à la fois, une
continuité par rapport aux objectifs des quinze dernières
années, un certain nombre de difficultés rencontrés au fur
et à mesure que les années s'écoulaient, en raison
même de l'exiguïté des bourses canadiennes, de
l'incapacité des placements privés de petite taille d'absorber
tout ce que la caisse aurait pu mettre dans le développement
économique, et maintenant de ce qui est possiblement mais
là, je laisserais peut-être M. Campeau compléter de
ce qu'on peut imaginer comme pouvant être un virage dans la mesure
où on commencerait à s'intéresser à des blocs
d'entreprises plus considérables.
Mais il n'y a rien dans tout ça qui permette de parler
d'entreprises douteuses, de pressions politiques ou de je ne sais quoi.
M. Scowen: Je vais revenir avec une question un peu plus
précise.
M. Parizeau: Domtar, comme entreprise douteuse, c'est pas mal!
Alex Hamilton serait ravi!
M. Scowen: Non, je n'ai pas suggéré que
c'était une entreprise douteuse. Ou bien cette déclaration, M. le
Président, est un changement de politique important ou bien elle ne
l'est pas. Il m'est permis de poser la question. Il me semble que si une des
politiques de cette société est dorénavant d'acheter des
blocs importants dans des sociétés existantes, c'est un
changement important, même si ça se situe à
l'intérieur d'un cadre de politiques possibles par rapport à la
charte de la société, c'est un changement important.
Il y a aussi la possibilité que cette société
puisse, à l'avenir, commencer à faire des investissements dans de
nouvelles entreprises. Je prends, à titre d'exemple, la compagnie
Pétromont qu sera mise sur pied ici bientôt. C'est un peu plus
risqué que Domtar, mais c'est intéressant pour le gouvernement et
pour le Québec parce que c'est une société qui va
créer quelque chose de nouveau ici dans la pétrochimie. Mais
c'est une société qui n'a pas de "track record". Alors est-ce
qu'on peut prévoir qu'un moment donné la Caisse de
dépôt puisse décider d'investir dans de telles choses? On a
le droit de poser la question.
M. Parizeau: M. le Président, il s'agirait de la poser au
complet. Il faudrait dire qu'il n'y a pas juste un accoucheur là-dedans,
il y en a trois; le gouvernement, sans doute...
M. Scowen: Oui.
M. Parizeau: Oui, mais est-ce qu'on peut avoir les deux autres
noms? Quels sont-ils? Gulf et Union Carbide?
M. Scowen: Et Union Carbide, oui.
M. Parizeau: II n'y a pas de "track record", il y a juste Gulf et
Union Carbide derrière cette société.
M. Scowen: Excusez-moi, M. le Président, vous savez autant
que moi qu'on ne parle pas d'investir dans Union Carbide ni dans Gulf; on parle
d'investir dans une filiale, une société dont les actions sont
contrôlées par trois personnes morales qui peuvent perdre beaucoup
d'argent. Si vous avez investi dans ITT Rayonier à Port-Cartier, c'est
clair que vous n'aviez pas à sortir beaucoup d'argent, mais ITT est
encore là. Ce n'est pas du tout la même chose dont je parle, et
vous le savez autant que moi. Je parle de Pétromont et c'est un exemple.
Je lis dans ce document beaucoup de choses qui sont frappantes. Je parle
d'innovation, de catalyseur, d'exploitation de possibilités de
collaboration, et je lis dans ce document la charte de la Caisse de
dépôt, article 19: Que les sommes confiées à la
caisse sont déposées à demande ou à préavis
au gré du déposant. C'est une société qui
gère des fonds de pension, des fonds d'accidents du travail, de fonds
d'accidents d'automobile, ce n'est pas quelque chose qui à mon avis,
s'accorde très bien avec les grandes prises de position des
sociétés qui, comme vous le savez, ne sont pas très
"liquides". Vous pouvez déjà vendre 1000 ou 10 000 actions de
Domtar, mais c'est beaucoup plus difficile de vendre 23%. Nous entrons dans un
tout autre sujet ici. J'ai fortement l'impression que vous ne devez pas vous
lancer dans une politique qui fait suite à ces trois pages dont
je n'ai pas encore la date avant que vous ayez clairement
expliqué ce que ça veut dire dans des termes concrets un
changement de portefeuille, avant que vous ayez donné à la
population l'assurance que ses rentes ne seront pas affectées.
Je vais vous poser la question de façon très directe:
Etes-vous prêt, avant qu'on termine la session, à convoquer une
commission parlementaire à laquelle la Caisse de dépôt va
devoir nous donner beaucoup plus de détails, avec des chiffres, sur ces
déclarations faites par la société, à la suite de
M. Campeau?
M. Parizeau: M. le Président, j'insiste à nouveau
sur le fait que le texte que cite le député de
Notre-Dame-de-Grâce est un texte signé par M. Cazavan.
M. Scowen: M. Gérard Blondeau.
M. Parizeau: C'est le communiqué de presse qui a
été émis par la Caisse de dépôt à
l'occasion de la sortie de son rapport annuel et où, bien sûr, on
résume ce que M. Cazavan disait dans son rapport du conseil
d'administration, rapport qui est signé par lui. La Caisse de
dépôt et placement, comme d'habitude, a fait un communiqué
de presse à partir de cela. Ce que dit, à toutes fins pratiques,
le rapport du conseil d'administration, ce sont des choses qui ont toujours
été dans l'esprit de la caisse. Cela prend diverses formes selon
les années, mais cela a toujours été à la fois dans
son mandat, dans ses pouvoirs, dans ses orientations profondes qui ont
été confirmées. Je serais étonné qu'on ne
trouve pas un accent dans l'un ou l'autre des conseils d'administration ou que,
dans des déclarations faites par la caisse depuis quinze ans, on ne
trouve pas des allusions à cette politique.
Comme j'ai essayé de l'exprimer tout à l'heure, il y a eu
des accidents de parcours depuis quinze ans. Parfois, on a essayé
plutôt la Bourse, parfois plutôt les placements privés. Et
il n'y a aucune espèce de raison de considérer que cet accent
placé davantage sur le développement économique du
Québec qui est le mandat même ou qui est un des mandats centraux
de la caisse, a besoin d'une commission parlementaire pour être capable
de débloquer. Bien voyons! C'est à la fois l'intention du
législateur et l'expression du législateur. Le texte que je
lisais tout à l'heure est assez clair, il date de quinze ans. Or, on ne
va pas faire une commission parlementaire pour se demander quelle forme doit
prendre une déclaration faite il y a quinze ans.
M. Scowen: Si ce n'est pas du tout un changement, même dans
l'esprit de la caisse, pourquoi le communiqué de presse?
M. Parizeau: Pour reprendre essentiellement ce qui était
dit en conclusion du rapport du conseil d'administration. Il faut prendre cela
dans son contexte. Soit dit en passant, à partir du moment où
l'on souligne aussi pesamment dans certains milieux que le gouvernement finance
copieusement le gouvernement, ce n'est peut-être pas mauvais que cela
soit répété. "Tout en reconnaissant le bien-fondé
des objectifs poursuivis jusqu'ici, dit M. Cazavan dans son texte pas le
communiqué qu'on avait avec, c'est son texte, c'est signé par lui
le conseil considère que la Caisse de dépôt doit
maintenant orienter davantage ses ressources vers le développement
économique du Québec sans pour autant restreindre l'importance de
sa participation au financement du secteur public. De l'avis du conseil, la
stature de l'organisme lui permet et lui commande de jouer dorénavant un
véritable rôle de chef de file, d'innovateur et de catalyseur de
projets de grande envergure, en particulier par l'intensification de son
activité dans le financement des entreprises du Québec et par
l'exploitation des possibilités de collaboration avec d'autres agents de
développement économique. "A cette fin, le conseil favorise
notamment l'affectation de capitaux substantiels à l'acquisition de
titres de propriété d'entreprises publiques ou privées,
installées au Québec. Plus spécifiquement, il estime
essentiel que la Caisse de dépôt vise à accroître sa
participation dans des entreprises dont l'activité est jugée
stratégique pour l'économie québécoise."
M. le Président, ce que le député de
Notre-Dame-de-Grâce me demandait cet après-midi, c'est pourquoi la
caisse n'en fait pas plus? Et maintenant, il y a un président qui dit:
La caisse en fait plus, elle va en faire plus. Tout le monde s'entend!
M. Scowen: Je ne vous ai pas demandé pourquoi la caisse
n'a pas fait plus.
M. Parizeau: Evidemment. Quand vous me demandiez pourquoi on
mettait $1 000 000 000 dans le gouvernement à la caisse, $400 000 000
à Hydro-Québec, vous nous disiez pourquoi n'allez-vous pas
emprunter en Alberta pour permettre à la caisse de faire plus de
développement économique. Le président dit: Justement, on
va en faire de plus en plus. Je ne comprends pas!
M. Scowen: M. le Président, aujourd'hui, dans l'ensemble
des fonds de la caisse, les actions comptent pour 11,3% du portefeuille, en
décembre 1979. Est-ce que cette politique va créer un changement
dans le pourcentage des actions? Quand? Combien?
M. Parizeau: Je crois, sauf erreur, M. le Président, mais
je ne peux pas me tromper de beau- coup plus que 1 ou 2 points de pourcentage,
que la caisse est déjà montée jusqu'à 17%.
M. Scowen: 16,7%.
M. Parizeau: Oui. Dans ces conditions et à cause des
difficultés que j'expliquais tout à l'heure, au fur et à
mesure que les ressources de la caisse augmentent considérablement, de
se maintenir à un pourcentage comme celui-là, le genre de...
Parmi tous ceux qui ont accompagné la caisse pendant bien des
années, l'idée d'aller à 15% au moins, sinon davantage, ne
paraissait pas déraisonnable. Mais le problème s'est toujours
posé d'être capable d'y arriver. (23 h 15)
M. Scowen: J'espère que vous appréciez, M. le
Président, comment les réponses sont insatisfaisantes quant
à la grandeur du problème, l'ambiguïté des
communiqués de presse, les difficultés à avoir des
chiffres, les difficultés à avoir une définition plus
précise des expressions très vagues qui se trouvent dans ce
document. J'espère que vous comprenez pourquoi nous exigeons que ce soit
clarifié dans un document beaucoup plus important que celui-ci.
Le Président (M. Bordeleau): M. le député,
votre question, vous me la posez comme président?
M. Scowen: Oui, oui, je parle toujours au président.
Le Président (M. Bordeleau): Je n'ai pas à
apprécier; j'ai à donner le droit de parole, comme je fais pour
vous actuellement. Alors, si le ministre veut répondre quand même,
je vais lui laisser le droit de répondre.
M. Parizeau: Alors, je peux répondre quand même.
M. Scowen: Je parle au ministre, mais...
M. Parizeau: M. le Président, je signale simplement que,
lorsque le député dit "ce document", au journal des Débats
on va penser qu'effectivement c'est un document très copieux qu'il agite
comme ça. C'est un communiqué de presse... Une Voix: Trois
pages.
M. Parizeau: ... qui s'appuie, je veux dire qui est fait sur la
base du rapport annuel.
M. Scowen: Oui.
M Parizeau: Evidemment, si le communiqué de presse avait
été plus concis, ce serait plus précis encore. Seulement,
je ne comprends pas pourquoi des gens, à la fois de notre sérieux
et de notre âge, doivent s'occuper de communiqués de presse quand
on a le vrai document devant nous. Je ne comprends pas!
Le Président (M. Bordeleau): Oui, M. le
député de Saint-Laurent.
M. Forget: Si mon collègue me le permet, je ne comprends
pas ce qui pousse le ministre des Finances à se livrer interminablement
à ce jeu du chat et de la souris. Il a, lui-même, fait lecture
d'un texte qui est contenu dans le rapport annuel de la Caisse de
dépôt, où, sans faire d'interprétation, on lit
clairement: "Jusqu'à maintenant, les objectifs de la régie ont
été tels et tels... Désormais, nous allons tenter de etc."
Mon collègue de Notre-Dame-de-Grâce dit que ce document avoue le
désir de la Caisse de dépôt de modifier ses orientations.
Le ministre des Finances nous dit combien il a été difficile,
dans le passé, de réaliser des objectifs comme ceux-là. On
peut lire à travers les lignes du communiqué, de la
déclaration et des quelques réponses, qu'on va chercher à
utiliser des moyens nouveaux, inédits, dans une certaine mesure au
moins. Il s'agit d'une somme de $10 000 000 000, la seule somme de $10 000 000
000 est-il permis de le dire, que le secteur public, au Québec,
contrôle. En quoi est-il devenu indécent de poser à
l'Assemblée nationale la question suivante: Comment ce gouvernement-ci,
dans sa sagesse, ou le conseil d'administration de la Caisse de
dépôt et placement, dans sa sagesse à lui aussi, vont-ils
s'y prendre pour réaliser des objectifs qui, je le veux bien, sont
là depuis quinze ans, mais qui, semble-t-il, n'ont pas été
atteints puisque la caisse elle-même le déplore? On amaintenant l'intention de viser, avec plus de détermination
qu'avant, le Québec dont on ne se serait jamais occupé,
présumément, dans le passé. Maintenant, on va s'en occuper
à la Caisse de dépôt. C'est une affirmation, en soi, qui
dépasse peut-être un peu... C'est l'imagination créatrice
du rédacteur, peut-être, qui a fait rédiger cela.
Peut-être qu'on nous dira: Cela n'a aucun sens, ce sont des balivernes,
même des stupidités. On ne voulait pas vraiment dire cela. On
s'est trompé. On a laissé croire des choses qui n'étaient
pas du tout dans notre intention, mais, bon Dieu, enfin, qu'on nous dise
quelque chose qu'on peut comprendre!
Il s'agit d'une somme de $10 000 000 000 qu'on veut orienter, d'un actif
considérable qui s'accroît, d'ailleurs, à un rythme assez
intéressant. On veut l'orienter d'une autre façon. On est
d'accord, qu'il y a des problèmes. Mais comment s'y prendre? Quelles
sont les implications? Est-ce qu'il y a des choix? Lesquels? Pourquoi les
prend-on de préférence à d'autres? Il me semble qu'il n'y
a rien d'indécent dans des questions comme celles-là. Pourquoi
faut-il prendre une heure, ne serait-ce que pour poser la question, et pour se
faire dire finalement: Bien non, il n'y a rien là, on a toujours fait
cela. Cela a toujours été dans les textes. Voyez-vous, en 1965,
c'est ce qu'on avait prévu. Tout cela va découler d'une
inspiration originale. On n'a pas vraiment besoin de poser des questions.
Quelle est cette idée de poser des questions? Il s'agit seulement de $10
000 000 000. Ce n'est rien pour le Québec!
Evidemment, le ministre des Finances a l'occasion de jongler avec des
chiffres beaucoup plus importants que ceux-là. Il en est rendu à
$17 000 000 000 dans son budget annuel. Alors, il peut probablement trouver
méprisantes des considérations aussi terre à terre que
celles de $10 000 000 000 et la Caisse de dépôt. Mais, bon Dieu,
c'est intéressant pour tout le monde! Tout le monde contribue à
ce régime. Est-ce qu'il faudrait poser la question en chinois pour se
faire répondre?
Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre.
M. Parizeau: M. le Président, si on ne m'interrompait pas,
ça serait plus facile d'avoir des réponses.
M. Forget: Ah bon, c'est notre faute, excusez-nous.
M. Parizeau: Oui, effectivement, parce que j'en étais
à déterminer le sens de cette limite de 15% à 17%. Vous
voulez avoir des réponses précises? Bien, il ne faudrait pas que
vous me coupiez la parole si vous voulez avoir des réponses
précises. Je disais donc qu'on était monté à 17%,
qu'on avait toujours eu l'idée parmi tous ceux qui ont accompagné
la caisse depuis longtemps puisqu'on en revient aux objectifs originaux que la
caisse cherche à mieux atteindre... C'est M. le député de
Saint-Laurent lui-même qui disait ça. Donc, que 15% n'ont rien
d'affolant, on a déjà atteint 17% et on est tombé à
11%. C'est à ce moment-là que l'interruption est venue, et alors
là, il y a eu la scène du député de Saint-Laurent
et tout ce qui s'ensuit.
Le fait de retourner, par exemple, de 11% à 17%, ce n'est pas $10
000 000 000 que ça implique. Non, on n'est pas rendu là. On est
gros, mais pas à ce point-là. De passer de 11% à 17%,
ça représente $600 000 000 de plus dans le portefeuille
d'actions. $600 000 000 d'actions ordinaires, ça ne pleut pas. En fait,
il y a très peu de portefeuilles au Canada qui ont comme stock total
d'actions $600 000 000, d'actions ordinaires de compagnies.
Il ne faut pas se faire d'illusions. C'est un virage qui, un peu sur la
lancée des blocs dont je parlais tout à l'heure, ne peut se faire
que sur quelques années. Je ne vois vraiment pas, à l'heure
actuelle, au Québec et même au Canada, $600 000 000 d'actions
ordinaires qui soient faciles à placer. Il va falloir prendre le temps
de le faire. Mais il est évident que de revenir à des
pourcentages d'actions comme la caisse en a connu avant, de 15% ou 17%, c'est
un virage par rapport à aujourd'hui. Cela n'a rien d'étonnant par
rapport aux objectifs et ça va prendre un certain temps pour l'obtenir.
La meilleure façon de l'obtenir, c'est peut-être encore par des
blocs. Ce sont quand même des réponses précises.
Maintenant, le fait que le député de Saint-Laurent
revienne sur la phrase en disant: Bien, on nous dit que maintenant on va
s'occuper du Québec comme si on ne s'en n'était jamais
occupé depuis quinze ans, ce n'est pas ça qui est écrit.
Ce qui est écrit c'est la troisième ou quatrième
fois
que je le répète c'est dans le nom de la Caisse de
dépôt et placement du Québec, Québec est le mot le
plus important. C'est pour maintenant que Québec est le mot le plus
important. Ce n'est pas dorénavant que Québec sera le mot le plus
important. C'est le genre de procès d'intention qu'on fait depuis des
heures ici. Il ne faut pas s'étonner si, à certains moments,
comment dire mon calme habituel me trahit un peu.
M. Scowen: Deux questions très précises, M. le
ministre. Je vais vous poser les deux, vous pourrez y répondre
après. Je pense que ce sera plus rapide pour vous. Il y a,
premièrement, la possibilité non la réalité,
d'investir dans des sociétés qui ont un record qui est bon comme
par exemple Domtar. Il est question de probablement demander le droit de nommer
les conseillers aux conseils d'administration. Je pense que c'est quelque chose
qui est déjà fait. Si je me rappelle bien, dans le cas de
Provigo, je pense que M. Marier siège déjà là.
Probablement que vous allez demander un ou deux conseillers au conseil
d'administration de Domtar à un moment donné.
M. Parizeau: C'est déjà fait, sauf erreur. Je pense
qu'ils sont nommés.
M. Scowen: Voulez-vous préciser le rôle?
Premièrement, est-ce que vous prévoyez que les personnes qui
seront nommées seront les administrateurs des caisses ou peut-être
d'autres personnes qui sont des représentants de caisses? Et, quel est
le rôle précis que vous prévoyez pour ces personnes
nommées par les caisses aux conseils d'administration de ces
sociétés privées?
La deuxième question que je vous pose: Est-ce qu'il est question,
à un moment donné, de demander à la caisse d'investir non
pas dans les compagnies comme Domtar ou Provigo qui sont cotées à
la Bourse, qui ont un record qui est peut-être approuvé par votre
personnel comme étant un bon investissement, mais, de faire de nouveaux
investissements dans les choses qui sont en train de démarrer comme
Pétromont je vais le prendre comme exemple qui sont
beaucoup plus incertaines mais qui sont liées avec les politiques
économiques du Québec? Ou est-ce que vous avez l'intention de
garder ces investissements pour la Société générale
de financement, tenant compte du fait que l'incertitude qui entoure les
nouvelles compagnies n'est pas quelque chose qui doit être lié
à la caisse? Alors, les deux questions: le rôle des
administrateurs, si vous avez l'intention d'en avoir pour les compagnies
existantes et les politiques envers l'investissement dans les nouvelles
entreprises.
M. Parizeau: Là, je peux vous annoncer la nomination du
représentant de la caisse à Domtar. Cela se situe très mal
je vous signale tout de suite dans le genre de conversation que
nous avons eue depuis quelques heures. C'est Me Yves Pratte.
M. Scowen: Eric Kierans?
M. Parizeau: Non, ce n'est pas Eric Kierans! Ha! Ha! Ha! Je
suppose qu'il n'a pas d'objection particulière.
Une Voix: Ni l'un, ni l'autre!
M. Parizeau: Revenons à des choses plus sérieuses.
Je mettrais cela entre parenthèses, non pas parce que Me Yves Pratte
n'est pas un homme sérieux, mais parce que c'était simplement une
petite taquinerie que je me payais. Je pense que les représentants de la
caisse au conseil d'administration ne pourront jamais opérer autrement
que comme tous les administrateurs dans un conseil d'administration, c'est
d'abord dans l'intérêt des actionnaires. Il ne peut pas vraiment y
avoir sur ce plan de divergences entre un administrateur de la caisse et un
administrateur d'un groupe privé. Ils sont d'abord nommés
là pour administrer la compagnie le mieux possible dans
l'intérêt de leurs actionnaires. C'est le rôle fondamental
de l'administrateur. Cela n'aurait pas, je crois, de sens de chercher à
établir deux types de comportements: l'un qui serait celui de
l'administrateur nommé par la caisse et l'autre qui serait
l'administrateur nommé par un groupe privé. Je pense que cela ne
serait pas raisonnable. Je raisonne un peu dans l'abstrait, parce que le
problème ne s'est jamais posé, mais il pourrait se poser dans
l'avenir. Ce que je dis là est un peu hypothétique, c'est un peu
une situation que j'invente; mais imaginons, par exemple, une
société dans laquelle la Caisse de dépôt et
placement aurait une part importante des actions, et des administrateurs qui
seraient nommés par elle, on imaginerait très mal qu'à un
moment donné cette société puisse dire: Je déplace
mon siège social à Toronto, et que les administrateurs de la
caisse ne déchirent pas leurs vêtements et ne fassent pas un
tapage de tous les diables. Evidemment, ils ne seront jamais majoritaires
puisque de toute façon dans la Caisse de dépôt et placement
la loi est précise là-dessus. Ils ne peuvent pas avoir plus que
30% des actions. Ce que je veux dire, c'est que sur le plan des
réflexes, il ne faudrait pas s'étonner que les administrateurs de
la caisse tout à coup, nommés à un conseil
d'administration, déchirent leurs vêtements si jamais quelque
chose comme cela se produisait. Il ne faudrait pas s'en étonner.
En ce qui a trait aux entreprises nouvelles...
M. Scowen: Est-ce que vous prévoyez que ces
administrateurs auront également la responsabilité de surveiller
le comportement de ces sociétés privées quant à
leur responsabilité sociale? Est-ce que c'est possible que cette
personne doive se percevoir comme étant le représentant du
gouvernement du Québec à ces conseils d'administration, afin de
s'assurer que toutes les lois sont respectées? Ce n'est pas surtout la
rentabilité de la société, mais ses propres idées,
ou les idées du gouvernement sur le comportement social d'une
société, qui est la raison principale de sa
présence.
M. Parizeau: Ce serait probablement contraire à la lettre
de la loi et sûrement contraire à son esprit, que des
représentants de la Caisse de dépôt et placement dans un
conseil d'administration se considèrent d'une façon ou de l'autre
comme des représentants du gouvernement du Québec. Je pense que
cela n'aurait aucun sens.
M. Scowen: C'est toute une affaire que vous lancez là.
M. Parizeau: Dans laquelle on est déjà
lancé. Il ne faut pas se faire d'illusions, c'est une question de
degré. La Caisse de dépôt et placement a été
le deuxième plus gros actionnaire de Norcen à une certaine
époque, cela a été le plus gros actionnaire de la Banque
canadienne nationale. Il ne faut pas se faire d'illusions, c'est une situation
qui diverge de degré, mais qui n'est pas nouvelle. Il ne faut pas
s'imaginer qu'on invente quelque chose. Encore une fois, la Caisse de
dépôt et placement et d'une bonne marge était
le plus gros actionnaire de la Banque canadienne nationale, et cela depuis des
années. Il n'y a rien de bien nouveau. On me pose une question de
comportement. Je pense que cela a toujours été perçu comme
cela par les gouvernements précédents, et cela l'est par le
gouvernement actuel, que d'aucune espèce de façon un
représentant de la Caisse de dépôt à un conseil
d'administration ne peut se considérer comme un représentant du
gouvernement ou parler au nom du gouvernement, ou avoir des
responsabilités à l'égard du gouvernement. Les rapports
entre les gens et entre les institutions deviendraient ininterprétables.
Chacun son travail!
M. Scowen: J'accepte que ce ne soit pas nouveau, j'accepte que
c'est une question de degré. Tout ce que je veux vous dire, c'est que
c'est nouveau pour la caisse et ce n'est pas du tout quelque chose, quant
à moi, qui est bien précisé. J'ai l'impression même
que vous développez des idées et des politiques là-dessus
pendant que vous parlez ce soir. Vous n'utilisez pas les documents sur lesquels
on s'est penché pour régler cette question. (23 h 30)
C'est simplement un exemple de la raison pour laquelle je trouve que
cela doit être beaucoup plus pondéré dans une commission
parlementaire, avant qu'on se lance davantage dans ces affaires.
M. Parizeau: M. le Président, ce ne sont pas des
idées que j'élabore au fur et à mesure que je parle. Je
rappelle au député de Notre-Dame-de-Grâce que j'ai
été quatre ans au conseil d'administration de cette institution.
On y a un peu songé. On n'a pas attendu aujourd'hui pour se poser un
certain nombre de ces questions.
La première fois, je crois, et sauf erreur, que la question s'est
posée, cela devait être au moment de la nomination de... à
Cablevision comme membre du conseil d'administration. C'est la première
fois que la Caisse de dépôt a nommé, en 1971, un
représentant. C'est en 1971 que le premier représentant de la
caisse, à un conseil d'administration, a été nommé.
Alors, vous comprenez, ce n'est pas exactement nouveau. Je n'établis pas
des principes. Je comprends que le député voudrait avoir une
commission parlementaire et il est obligé de trouver du nouveau à
tout prix. Mais, vraiment, des affaires qui ont neuf ans d'âge, ce n'est
pas exactement nouveau!
M. Scowen: Ce n'est pas un problème qu'on vient de
trouver, c'est partout!
M. Parizeau: Ceci étant dit, je reviens à la
question qu'il posait sur les nouvelles entreprises. Sur les nouvelles
entreprises, ce ne sont pas des intentions qui limitent l'activité de la
caisse, c'est la loi. Les pouvoirs de placement de la caisse comportent, pour
toute entreprise qui n'a pas cinq ans... Est-ce que 4% de rendement sur ses
actions ordinaires pendant cinq ans ou bien 5%pendant quatre ans? Donc, ce sont
4% pendant cinq ans. Bon! Pourtouteentreprisequi n'a paseu4%de rendement sur
ses actions pendant cinq années, ce titre est considéré
comme un titre de "basket clause".
Sur le plan du "basket clause", la Caisse de dépôt a des
pouvoirs un peu analogues à ceux d'une compagnie d'assurance-vie. Alors,
dans ce sens, il n'y a pas de raison que la Caisse de dépôt prenne
ni plus ni moins de risques avec des entreprises nouvelles qu'une compagnie
d'assurance-vie montante.
En fait, la législation applicable à la Caisse de
dépôt est à peu près identique c'est à
peu près identique, n'est-ce pas, 7%? au pouvoir d'une compagnie
d'assurance-vie. Mais je pense que la loi fédérale élargit
un peu les pouvoirs du "basket clause" depuis quelques années. Je ne
suis pas certain.
En tout cas, si les pouvoirs de la caisse, quant au "basket clause",
à l'heure actuelle, sont comparables à ceux qu'une compagnie
d'assurance-vie et qu'il y a des divergences, c'est plutôt que la caisse
a un peu moins de pouvoirs que les compagnies d'assurance-vie
elles-mêmes. Dans ce sens-là, la caisse a été
traitée comme une institution financière tout à fait
analogue à celles qui administrent les épargnes des particuliers,
dans un autre contexte, c'est-à-dire l'assurance plutôt que la
pension.
Le Président (M. Bordeleau): M. le député de
Saint-Laurent.
M. Forget: M. le Président, dans l'effort pour trouver des
blocs significatifs, est-ce qu'il est plausible que la caisse aille explorer un
peu plus largement ou jette son filet de pêche, si on veut, dans des eaux
plus nouvelles? Le ministre des Finances a attiré l'attention sur
l'exiguïté du marché canadien et même à
plusieurs égards, pas seulement sur le plan de l'impact sur les
marchés, mais aussi sur l'exiguïté de certains segments
comme l'entreprise autochtone, si l'on veut, ou la moyenne entreprise.
Dans ce cas-là, est-ce qu'il est concevable, parmi les nouvelles
orientations, si on veut ramener le pourcentage de 11% à 15% ou 16%,
qu'on aille chercher un peu plus largement et est-ce qu'il y a des directions
particulières qui retiennent l'attention ou qui sont susceptibles de
retenir l'attention de la caisse?
M. Parizeau: Je suis inapte à répondre
là-dessus. Je pense que c'est le conseil d'administration de la caisse
qui doit déterminer cela. Peut-être que M. Campeau aurait quelques
mots. Voulez-vous vous prononcer là-dessus, pour le moment? Non? C'est
vraiment le conseil d'administration de la caisse qui a à
déterminer sa politique interne quant à des mouvements comme
ceux-là.
M. Forget: Si la caisse décidait de devenir un actionnaire
significatif d'une multinationale, par exemple, pour des raisons qui peuvent
n'avoir rien à faire directement avec les activités de cette
société au Québec, mais a cause de l'impact indirect que
ça pourrait avoir. Le gouvernement, si je comprends bien, n'aurait donc
aucune espèce d'objection si, par ailleurs, il s'agit là d'un
placement rentable.
M. Parizeau: Je pense que le gouvernement ici doit s'astreindre
à cette discipline, prévue par la loi, d'ailleurs, qui fait que
le conseil d'administration prend des décisions de cet ordre dans le
meilleur intérêt de la caisse et, d'autre part, dans les
perspectives comment dire que M. Lesage appelait en 1965 la
politique économique générale du gouvernement et dont il
disait, d'ailleurs, que c'est au conseil d'administration et au
président de la caisse de se coordonner. Donc, ce n'est pas le
gouvernement. Le gouvernement n'a pas à donner d'indication à la
caisse ou à chercher à guider son action. Le conseil
d'administration a, manifestement dans ses fonctions, de se renseigner sur ce
qu'est la politique économique générale et, d'autre part,
de faire en sorte qu'il se coordonne correctement avec le président de
la caisse quant aux gestes à poser. Mais le gouvernement n'a pas
à intervenir pour interpréter des politiques spécifiques.
Ce n'est pas son rôle. Et on se fie essentiellement au conseil
d'administration de la caisse pour saisir, justement, ces questions de
politique économique et être capable, à un moment
donné, d'interpréter un placement en se disant: C'est dans
l'intérêt des actionnaires, ça semble s'inscrire dans la
perception que nous avons de la politique économique
générale et, dans ces conditions, nous le ferons. Ou encore,
ça semblerait un placement intéressant, mais ce n'est
manifestement pas dans l'intérêt de la politique économique
générale telle que nous la percevons au conseil d'administration,
alors on ne le fait pas. Mais c'est à eux de décider.
M. Forget: M. le Président, c'est bien sûr la
réponse traditionnelle dans le cas de la Caisse de dépôt et
placement et on se rend compte tout de suite que, lorsqu'on fait allusion
à des interprétations de la politique économique
générale, on tombe dans un large domaine où la
subjectivité a large place. Sur le plan de la transparence, surtout
lorsqu'il s'agit d'orientation nouvelle, ce genre de réponse n'est
peut-être pas entièrement satisfaisant en 1980. Je ne me
prononcerai pas sur ce qu'on pouvait en penser en 1965, mais il reste que,
quand on regarde la composition du conseil d'administration il y a quand
même une abondance particulière de personnes qui ne sont pas
entièrement autonomes ou indépendantes face au gouvernement. Il
s'agit de sous-ministres, directeurs, présidents-directeurs
généraux de différents organismes gouvernementaux; il y a
là-dedans des gens qui sont dans l'orbite gouvernementale, très
évidemment. Il y a une minorité de gens je pense qu'il
s'agit d'une minorité; sous réserve d'une vérification,
mais je pense que c'est une minorité effectivement qui sont
véritablement autonomes. Alors, c'est une interprétation qui
risque fort d'être guidée si le gouvernement en sent le
besoin.
Est-ce qu'il ne serait pas préférable à ce
moment-là, quand il y a des orientations nouvelles qui se dessinent et
quand surtout ces orientations portent sur des points majeurs sur pratiquement
non pas l'interprétation des grands objectifs historiques de la caisse,
mais sur des moyens d'action ou des stratégies qui marquent un
départ ou une brisure ou qui risquent de marquer une brisure importante
avec le passé, que ça fasse l'objet de quelque chose d'un petit
peu plus officiel, d'un petit peu plus formel et d'un peu plus public à
cause de ça? Particulièrement, si on nous annonce des changements
et je reviens à la suggestion de mon collègue avec
toutes les meilleures raisons du monde on ne fait pas de procès
d'intention il reste que, s'il est dévié pour avoir des
changements, ce n'est pas tout à fait rassurant de dire: Bien oui, mais
il y a le sous-ministre des Finances, le président de la Régie
des rentes, le trésorier d'Hyro-Québec, et comme ça, le
président-directeur général du Centre de recherche
industrielle du Québec. Bon, tous ces gens, bien sûr, sont bien
intentionnés, mais, encore une fois, ils risquent d'être
influencés dans leur jugement sur des aspects importants, majeurs, parce
qu'ils croient ce que le gouvernement en pense. Or, ce n'est peut-être
pas ce que le public en penserait s'il avait l'occasion d'être saisi des
faits pertinents.
M. Parizeau: M. le Président, trois des personnes
auxquelles le député de Saint-Laurent fait allusion n'ont pas de
droit de vote et une des raisons pour lesquelles elles n'ont pas le droit de
vote, c'est justement pour qu'elles ne puissent pas, à l'occasion de
décisions importantes, jouer sur la décision du conseil
d'administration. A l'occasion de la révision de la loi de la Caisse de
dépôt ça ne fait pas si longtemps qu'on l'a
révisée on aurait pu leur redonner le droit de vote. On a
aboli le droit de vote. On a continué à les laisser sans droit de
vote pour toute une série de raisons, dont une est spécifiquement
celle que mentionnait le député de Saint-Laurent.
Deuxièmement, le présent gouvernement a ajouté deux
postes totalement indépendants du secteur public, deux postes qui
représentent le milieu des affaires. En fait, le nombre de
représentants du milieu des affaires, grâce à ces
changements que nous avons apportés à la loi justement pour
établir encore un peu plus de distance, est passé de deux
à quatre, a doublé. C'est, encore une fois, nous qui avons fait
cela, il n'y a pas longtemps, il n'y a pas un an et demi, pour faire en sorte
que des aens qui n'ont rigoureusement rien à avoir avec le secteur
gouvernemental puissent avoir un oeil neuf sur ce genre de décision.
Encore une fois, d'une part, en enlevant le droit de vote au
sous-ministre des Finances, au trésorier d'Hydro-Québec et au
président de la Commission municipale de Québec, en leur refusant
le droit de vote et au augmentant le nombre de représentants des milieux
d'affaires, nous avons l'impression psychologiquement de distendre la caisse
plutôt que de la rapprocher du secteur public. A l'heure actuelle, et
pour la première fois, le nombre des autonomes dépasse le nombre
des fonctionnaires du secteur public à la caisse. Ils sont cinq contre
quatre. J'enlève ceux qui n'ont pas le droit de vote. C'est la
première fois que ça se produit et c'est un changement que nous
avons apporté après quinze ans. La loi n'avait pas
été changée à cet égard. C'est un changement
que nous avons apporté il y a un an et demi.
M. Forget: A ce moment, tout dépend du mécanisme de
nomination. C'est vrai. Alors, l'explication donnée par le ministre des
Finances est rigoureusement exacte, mais son importance pratique dépend
strictement de la façon dont les nominations sont faites, des
inclinaisons naturelles ou des suggestions auxquelles les gens qui sont
nommés sont plus susceptibles que d'autres. Là-dessus,
évidemment, il y a discrétion complète de la part du
gouvernement. Donc, on revient, dans le fond, par un détour, à la
situation où ces gens, une fois nommés ils sont
nommés, rappelons-le-nous, par le gouvernement sont dans un
climat de discussions et de travail où, bien sûr, certains
fonctionnaires n'ont pas le droit de vote, mais ils participent, malgré
tout, aux travaux du conseil d'administration et ils sont, eux-mêmes,
choisis par le gouvernement. Donc, ils sont dans une situation propice pour
être réceptifs. Cela ne diminue en rien l'à-propos
du moins, c'est mon opinion des remarques que je faisais tout à
l'heure.
La question que je posais tout à l'heure: Ne serait-il pas plus
sage, dans ce contexte, soit de procéder par une voie d'orientations un
peu plus formelles, lorsque véritablement des virages sont
amorcés ou, alors, d'entourer le mécanisme de nomination d'une
procédure telle que l'on puisse connaître, au moment des
nominations, les orientations, la façon dont les gens qui sont
nommés envisagent les choses, quel genre de philosophie ils se font de
l'intervention possible d'un organisme comme la Caisse de dépôt
dans le dévelop- pement économique du Québec, pour ne
mentionner que cet aspect? (23 h 45)
M. Parizeau: Nous sommes le quatrième gouvernement
à nommer des gens à des postes du conseil d'administration de la
Caisse de dépôt. Nous avons essayé d'être aussi sages
que ceux qui nous ont précédés, aussi responsables. Mais
nous occupons le pouvoir à l'heure actuelle et on essaie de l'exercer le
mieux possible. J'imagine que le député de Saint-Laurent, durant
les années qu'il a passées au pouvoir, considérait le
gouvernement auquel il appartenait comme étant à peu près
responsable. J'ai l'honneur de considérer que j'appartiens à un
gouvernement qui se considère comme étant au moins aussi
responsable.
Bien sûr, à la Caisse de dépôt, comme à
un certain nombre d'autres organismes, nous avons, chaque fois que des vacances
se présentent, ou bien à prolonger un mandat ou bien à
nommer d'autres personnes. Il y a quelques centaines de postes peut-être,
dans l'ensemble du secteur public, où ça se produit. Le
gouvernement, au moment où il est au pouvoir, doit nommer des gens
à des postes; il l'a fait le mieux possible et de la façon la
plus responsable possible. C'est une règle de base du fonctionnement non
pas seulement de la Caisse de dépôt, mais de l'ensemble des
institutions que nous administrons comme gouvernement.
Je pense qu'on aurait tort de penser je pense que ce serait tout
à fait injuste qu'à cet égard un conseil
d'administration a une sorte de préjugé défavorable en
partant parce qu'il est nommé par un gouvernement. Notre régime
politique fonctionne de cette façon; le gouvernement a un certain nombre
de postes à pourvoir et il le fait. Le fait que, de temps à
autre, il y ait des démissions fracassantes comme celle de M. Kierans,
ça indique qu'on ne pratique pas couramment pas plus pour des
organismes comme ceux-là, d'ailleurs, que les gouvernements qui nous ont
précédés une sorte de partisanerie idiote dans les
nominations. Je pense que ça n'a pas été vrai de ceux qui
nous ont précédés et que ce n'est pas vrai du gouvernement
actuel, non plus.
Je voudrais simplement revenir parce que l'heure avance
sur une chose qu'énonçait le député de
Saint-Laurent et, là encore, je pense qu'il exagère par
rapport à ce que je cherchais à dire tout à l'heure
c'est que je ne vois pas, à l'heure actuelle, dans les orientations que
prend la caisse, une brisure ou un changement radical. Bien sûr, si la
Caisse de dépôt, il y a dix ans par exemple, avait eu 3% de son
actif en actions et que, il y a cinq ans, cela avait été de 6% ou
7% ou que nous étions aujourd'hui à 11% et qu'on décidait
de monter à 25%, là on dirait: Oui, effectivement, ça
commence à être un virage relativement impressionnant. Pendant des
années et des années, vous avez été à un
niveau très faible et là, vous êtes en train de prendre un
virage considérable.
Mais, tel qu'on l'expliquait tout à l'heure, ce n'est pas
ça. En fait, proportionnellement à la taille de son actif total,
la Caisse de dépôt a été, dans le
passé, plus active sur le plan des actions qu'elle ne l'a
été dans son histoire récente. Donc, avant même
qu'on puisse parler de virage, il y a une question simplement de retour
à des proportions et à une place relative qui étaient bien
connues il y a quelques années.
Le Président (M. Bordeleau): M. le député de
Notre-Dame-de-Grâce.
M. Scowen: M. le Président, l'heure avance et je veux
simplement dire deux ou trois mots en terminant. J'ai essayé, au cours
des dernières minutes, de réfléchir un peu sur ce qui est
arrivé aujourd'hui, parce que je reste aussi inquiet que je
l'étais ce matin et même plus. Je pense que la façon la
plus claire de l'expliquer, c'est de dire avec tout le respect du monde que je
pense que vous et votre président vous êtes trompés quand
vous avez dit que le mot "Québec" est le mot le plus important dans le
titre de cette société. Nous sommes tous des
Québécois et nous avons travaillé, depuis longtemps, pour
le Québec. Nous sommes à l'Assemblée nationale du
Québec et le mot le plus important c'est "Assemblée nationale";
le mot le plus important dans Radio-Québec, c'est "Radio"; le mot le
plus important dans Loto-Québec, c'est "Loto". Nous sommes tous
Québécois, ce sont toutes des sociétés
québécoises, nous pouvons prendre pour acquis que c'est
québécois.
L'expression la plus importante dans Caisse de dépôt et
placement du Québec, c'est "Caisse de dépôt et placement".
Elle n'est pas ici pour faire des loteries, elle n'est pas ici pour faire de la
radio et elle n'est pas ici pour faire le développement industriel. Ce
n'est pas une société générale de financement;
c'est une Caisse de dépôt et placement qui a été
créée avec des buts très spécifiques et surtout
pour garder et améliorer le sort des rentiers, les contributions et
l'épargne des Québécois.
On a passé, cet après-midi, à travers les questions
sur les administrateurs, M. Cazavan, la nomination de M. Campeau, le premier
fonctionnaire qui est venu directement à titre de président, des
rumeurs d'autres démissions, la question de M. Kierans, le taux de
faveur et le Heritage Fund, le financement du déficit du gouvernement,
la nouvelle politique et finalement le refus du ministre devant tous ces
problèmes qui sont soulevés non seulement par nous, mais qui ont
été soulevés en Chambre et amplement dans les journaux et
qui seront répétés à maintes reprises
jusqu'à ce que ce problème soit réglé.
Mon impression, après tout cela, M. le Président, c'est
que nous sommes témoins d'une politisation importante d'une
société qui est depuis longtemps connue dans le monde entier et
surtout au Québec pour son indépendance et qui agit quand
même pour le bien-être des Québécois dans un domaine
spécifique. J'ai une grande peur et je vais continuer de le
répéter avec cette politisation je ne dis pas que
c'est quelque chose qui est fait d'une façon radicale, mais c'est fait
d'une façon systématique que cette société
soit en train de perdre l'indépendance dont elle a joui depuis
longtemps. On est en train de diminuer la crédibilité de cette
société. On est en train de permettre beaucoup d'autres
interventions politiques, par vous, par les gouvernements qui vous
succéderont. On est en train de politiser un instrument du gouvernement
qui, pour de très bonnes raisons, a été créé
d'une façon très indépendante et qui est resté
indépendant depuis maintenant quinze ans sous plusieurs gouvernements
dont plusieurs n'étaient pas libéraux.
Nous ne sommes pas satisfaits. La partie la plus importante du nom de
cette société est Caisse de dépôt et placement. Cela
a été créé pour ces fins. Ce n'est pas
nécessaire de répéter qu'on est québécois;
nous sommes tous québécois. C'est la mission de cette
société qui est importante. Et même si vous avez
prétendu que ce n'est pas, pour le moment, l'intention du gouvernement
de changer radicalement la mission de cette société, il est clair
qu'il y a quelques indications que des changements sont en train de se
produire. Et même plus important, quant à moi, la façon
dont vous avez procédé dans tous les événements que
j'ai décrits a pour effet de permettre d'autres interventions plus
facilement parce que le mur est maintenant brisé et d'une façon
assez brutale.
J'espère que vous pouvez nous donner au moins cette satisfaction
ce soir. J'espère que vous pouvez accepter, d'ici la fin de la session,
de permettre à la société même si on s'est
trompé, tant mieux de se présenter devant
l'Assemblée nationale avec une explication écrite, claire sur les
questions qu'on a soulevées aujourd'hui et dont les réponses
restent très, très, très floues. Je vous remercie.
M. Parizeau: M. le Président, les observations du
député de Notre-Dame-de-Grâce sur le sens de l'appellation
Québec, je ne veux pas en discuter; je trouve ça très
triste, infiniment triste qu'il réagisse de cette façon et je
n'en dirai pas plus.
La politisation de la Caisse de dépôt et placement, non, ce
n'est pas vrai, pas de notre point de vue en tout cas et pas par ce que nous
faisons. Le rôle de la caisse et l'autorité morale de la caisse
viennent, au fond, de sa performance et nous avons pris les mesures
nécessaires pour que cette performance de la caisse, qui est
déjà reconnue comme une des plus brillantes parmi les
institutions financières du même genre au Canada, se poursuive et,
si possible, s'accélère et s'améliore.
Oui, on a politisé, on cherche à politiser, depuis quelque
temps, un certain nombre d'aspects de la caisse. Nous avons assisté,
effectivement, aujourd'hui, à une longue politisation de la caisse et de
son rôle. A cet égard, le député de
Notre-Dame-de-Grâce aura joué un rôle de premier plan. Je le
lui concède. J'ai essayé à travers tout cela de prendre
à la fois ses observations, ses diagnostics et ses analyses un à
un. En dépit de ce que disait le député de Saint-Laurent
qui est arrivé un peu tard je les ai pris
systémati-
quement un à un. Que l'on veuille prêter des intentions,
comme on a prêté des intentions une bonne partie de la
journée, que l'on essaie d'insinuer des choses, oui, on peut politiser
une situation en procédant de cette façon.
Nous, depuis que nous sommes au pouvoir, à l'égard de la
caisse, nous avons essayé, et je pense, réussi à lui
laisser jouer le rôle que la loi prévoit et qui s'est
avéré tellement utile pour les Québécois depuis
qu'elle existe. Je pense que le gouvernement actuel, à cet égard,
a agi avec le même degré de responsabilité que les
gouvernements qui l'ont précédé avaient agi. Je pense que
tous les gouvernements qui ont présidé aux destinées de la
caisse depuis le début ont eu ce sens de ne pas jouer un rôle
abusif et de rester à l'intérieur des paramètres de cette
loi et en particulier de l'explication qu'en avait donnée le
premier ministre du temps de la Caisse de dépôt et
placement qu'il l'avait créée il y a quinze ans. Ce n'est pas par
hasard que je suis revenu au discours de deuxième lecture de M. Lesage
parce qu'au fond, chaque fois qu'on a eu à discuter à
l'intérieur même de la caisse de son orientation, très
souvent ceux-là même qui la dirigeaient retournaient à ce
document en disant: Est-ce que nous sommes encore dans les paramètres
que le législateur avait établis? Ce que j'ai essayé de
démontrer, M. le .Président, c'est que ce gouver- nement est
aussi resté à l'intérieur des mêmes
paramètres.
Merci, M. le Président.
Le Président (M. Bordeleau): Je constate qu'il est
maintenant minuit. Est-ce que je peux comprendre que cela clôt le
débat sur la discussion qui concerne la Caisse de dépôt et
placement et qu'on pourrait entreprendre demain matin les crédits comme
tels, en commençant par ceux du Conseil du trésor? Cela
irait?
M. Parizeau: Est-ce que je pourrais demander qu'on commence
demain matin par Finances et ensuite Conseil du trésor? Ce serait plus
facile pour la séance du Conseil du trésor dans la
journée.
Le Président (M. Bordeleau): Absolument. Nous commencerons
donc demain matin avec les crédits des Finances et pour ce soir...
Une Voix: C'est à dix heures demain?
Le Président (M. Bordeleau): Oui. La commission ajourne
ses travaux à demain matin, 10 heures.
Fin de la séance à 23 h 59