Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.
Commission permanente des finances, des comptes
publics et du revenu
Etude des crédits du ministère des
Finances
Séance du mardi 13 mai 1975 (Dix heures trente-cinq minutes)
M. Houde Limoilou (président de la commission permanente des
finances, des comptes publics et du revenu): A l'ordre, messieurs! La
commission des finances, des comptes publics et du revenu étudie les
crédits des Finances pour l'année 1975/76. Programme 7: Curatelle
publique. L'honorable ministre d'Etat aux Finances.
M. Parent (Hull): M. le Président...
Le Président (M. Houde, Limoilou): Les membres de la
commission ce matin sont MM. Bacon (Trois-Rivières), Bédard
(Chicoutimi), Bellemare (Johnson), Boutin (Abitibi-Ouest), Déom
(Laporte), Parent (Hull) qui remplace M. Garneau (Jean-Talon), Malépart
(Sainte-Marie), Marchand (Laurier), Mercier (Bellechasse), Morin
(Sauvé), Pepin (Sherbrooke), Roy (Beauce-Sud), Lacroix
(Iles-de-la-Madeleine) qui remplace M. Saindon (Argenteuil), Vallières
(Richmond). Le nom de M. Boutin (Abitibi-Ouest) est suggéré comme
rapporteur de la commission. Adopté?
M. Lacroix: C'est un bon placoteux.
Le Président (M. Houde, Limoilou): L'honorable ministre
d'Etat aux Finances.
Programme 7 Curatelle publique
M. Morin: M. le Président, est-ce que je pourrais demander
au ministre d'Etat de nous présenter les responsables de la Curatelle
publique au moment où il va nous faire son exposé?
M. Parent (Hull): II y a Me Rémi Lussier, notre curateur,
M. Lionel Forgue, Yvon Oesjardins, directeur des finances.
M. Morin: Merci.
Exposé général du
ministre
M. Parent (Hull): M. le Président, avant d'aborder plus en
détail l'étude du programme de la Curatelle publique, j'aimerais,
en premier lieu, faire état des activités qui ont marqué
de façon particulière la dernière année
financière. A la suite de la réorganisation administrative du
service de l'administration des biens des malades mentaux, des successions
vacantes et des biens sans maître, il nous a été possible
d'approfondir nos recherches en vue de la récupération maximale
des biens gérés.
En effet, l'expérience du système mis en place depuis plus
de deux ans est suffisamment concluante en ce qu'elle permet de gérer
adéquatement les patrimoines qui sont dévolus au curateur public
et de répondre ainsi à la réalisation du premier objectif
de la Curatelle publique. Grâce à ces nouvelles structures et
à ces nouveaux mécanismes, et cela sans accroissement de
personnel, le curateur public a réussi à absorber et à
contrôler un actif total qui se chiffrait, au 31 décembre 1974,,
à $37,776,000 comparativement à $29,178,559 au 31 décembre
1973, soit une augmentation d'environ 30%.
Cet accroissement s'est reflété sur l'ensemble des
nouveaux dossiers même si la manipulation du volume des dossiers des
malades mentaux au cours de l'année fut sensiblement identique à
celle de l'année précédente, exception faite toutefois du
volume des dossiers de successions vacantes où le nombre des dossiers
ouverts en 1974 a subi une très forte hausse: 770 nouveaux dossiers en
1974 comparativement à 131 en 1973. L'actif de plusieurs de ces nouveaux
dossiers s'échelonne de $100,000 à $1 million.
Egalement, il convient de souligner que, le 13 décembre dernier,
le lieutenant-gouverneur en conseil promulguait des amendements à la Loi
de la Curatelle publique, afin de corriger un certain nombre d'anomalies
constatées. Les principales modifications apportées sont les
suivantes: la désignation d'un vérificateur indépendant
agissant à titre de vérificateur des livres du curateur public.
Le curateur public étant un fonctionnaire du Québec administrant
des biens du domaine privé, la nomination d'un vérificateur
tota-Isment indépendant s'avérait essentielle; la nomination par
le tribunal d'un administrateur provisoire à une succession, cet
administrateur devant être le curateur public. Cette disposition a
été prévue pour protéger les nombreux
créanciers qui sont lésés dans leurs droits parce que des
héritiers connus d'une succession refusent ou négligent
d'accepter ou de renoncer à la succession.
Puisque ces personnes sont connues, la succession ne peut être
réputée vacante et le tribunal ne peut la déclarer vacante
à cause de la présence connue desdits héritiers qui ne
bougent pas. Le curateur public peut donc intervenir dans ces cas et
protéger les droits des intéressés. Le curateur public est
tuteur ou curateur d'office, lorsqu'un tuteur ou un curateur est
destitué, jusqu'à la nomination d'un autre tuteur ou curateur,
ceci parce que l'expérience a démontré que lorsqu'un
tuteur ou un curateur a été destitué, les parents ou amis
généralement refusent ou négligent de faire nommer un
nouveau tuteur ou curateur. De cette façon les biens du pupille sont
beaucoup mieux protégés.
Au cours de la dernière année financière, j'ai
demandé qu'on examine la situation des tuteurs et des curateurs en
fonction au Québec. Au Québec, un tuteur est en fonction
dès l'instant du jugement le nommant et il est en possession des biens
de son pupille. Le premier geste qu'il doit poser est
de dresser un inventaire notarié des biens qu'il doit
administrer.
La situation, en date du 24 avril 1975, était la suivante:
tuteurs et curateurs nommés avant la promulgation de la Loi de la
Curatelle publique, soit le 1er juin 1972, 17,906; les inventaires
reçus, 5,095; fausses adresses, 5,926; inventaires à recevoir,
6,885; tuteurs et curateurs nommés après le 1er juin 1972, 9,013;
inventaires reçus, 3,581; fausses adresses, 236; inventaires à
recevoir 5,196.
Des personnes nommées avant le 1er juin 1972, nous nous
attendions à une certaine résistance à voir le curateur
public intervenir dans ce domaine. En effet, personne ne surveillait la gestion
de ces biens. La très grande majorité des tuteurs et des
curateurs ne dressaient pas d'inventaires notariés ou autres. En fait,
les tuteurs et curateurs n'en dressaient aucun, de sorte qu'il est difficile de
séparer les biens du pupille de ceux du tuteur ou du curateur.
Cependant, l'attitude générale des tuteurs et des
curateurs nommés après le 1er juin 1972 n'est pas sans nous
inquiéter. En effet, ces personnes n'ont aucune raison de ne pas se
soumettre à la loi puisqu'elles sont avisées, dès le
début de leur gestion, qu'elles doivent soumettre un inventaire
notarié et un rapport annuel de leur administration, soit par le notaire
instrumentant au conseil de famille, soit par leur avocat, soit par le
protonotaire du district judiciaire où est prononcé le jugement
créant la tutelle ou la curatelle, soit par le curateur public qui lui
en fait la demande en temps et lieu.
Pourtant, le tiers seulement de ces personnes se soumettent à la
loi et de façon générale nous pouvons constater une
certaine négligence ou une résistance passive des tuteurs et des
curateurs. D'autre part, en vertu des dispositions actuelles, le tuteur et le
curateur doivent annuellement soumettre un rapport de leur administration. Au
31 décembre 1974 nous avions 4,495 curateurs et 23,345 tuteurs. Nous
avons expédié 21,104 demandes de rapport financier annuel.
Malgré nos nombreuses démarches pour atteindre ces personnes,
nous n'avons pas encore obtenu toutes les informations requises. Par ailleurs,
nous pouvons remarquer, depuis la dernière année, une
augmentation très forte autant dans le nombre des tuteurs et des
curateurs que dans les valeurs administrées.
Ainsi, depuis 1966, le nombre des tuteurs a augmenté de 1,148
à 4,103 et la valeur de $2,560,000 à $3,659,000. En ce qui a
trait aux curateurs, leur nombre est passé de 122 à 288 au cours
de la même période et les valeurs de $1,120,000 à
$4,800,000. De plus, même si en vertu des stipulations prévues au
code civil un tuteur ou un curateur doit donner une caution ou garantie, soit
une hypothèque légale contre son administration, encore faut-il
que le tuteur ou le curateur soit propriétaire d'un immeuble, ce qui
n'est pas le cas pour la majorité. Lorsque le tuteur ou le curateur est
propriétaire d'un immeuble, celui-ci est souvent
hypothéqué. La garantie prévue devient donc illusoire ou
inexistante.
En somme, il faut conclure qu'un très grand nombre de tuteurs et
de curateurs ne se soumettent pas à la loi. Dans bien des cas, la
caution ou garantie contre l'administration du tuteur ou du curateur n'existe
pas. Le problème s'aggrave avec le temps puisque chaque année un
nombre grandissant de tuteurs et de curateurs sont nommés. Vu que le
système présentement en vigueur ne permet l'intervention du
curateur public qu'a posteriori, il y a lieu de s'interroger sur
l'efficacité de ce système de protection. Aussi, j'ai
demandé au curateur public de me faire part des méthodes
appliquées à cet égard dans certaines autres provinces.
Bien que les méthodes de protection semblent différentes d'une
province à l'autre et que chacune des formules comporte des avantages et
des inconvénients, nous nous proposons, au cours des prochains mois, de
nous inspirer de ces différentes législations en vue d'assurer
une meilleure protection des biens appartenant à des mineurs et à
des incapables.
Nous allons également examiner davantage les causes des anomalies
du système de protection actuel qui proviennent, notamment, de
l'insuffisance des connaissances requises de la part des tuteurs et des
curateurs.
Comme il s'agit d'un problème qui devient de plus en plus
épineux, je me propose, au cours des prochains mois, de suggérer
au conseil des ministres les mesures susceptibles de faire l'objet d'une
révision législative pour assurer aux personnes concernées
une meilleure protection.
Le Président (M. Houde, Limoilou): Le chef de l'Opposition
officielle.
M. Morin: M. le Président, il est certain que la loi du 13
décembre 1974 modifiant la Loi de la Curatelle publique avait
déjà corrigé un certain nombre d'anomalies. Il est non
moins évident qu'il reste beaucoup à faire. En écoutant le
ministre, tout à l'heure, j'avais presque l'impression qu'il sonnait
l'alarme, en ce sens que la situation qu'il nous a décrite, il en est
bien conscient, est de plus en plus grave, puisque les montants des biens
administrés augmentent de façon spectaculaire d'année en
année, de même que le nombre des tuteurs et curateurs.
Le ministre a mentionné le fait qu'il y a négligence chez
un très grand nombre de tuteurs et curateurs qui, en principe, sont
soumis à la surveillance du curateur public de par la loi. Il a
même parlé d'une véritable résistance de ceux
à qui la loi confie la protection des mineurs et des incapables. Je ne
puis m'empêcher de m'interroger sur les sanctions dont dispose le
curateur public et dont dispose le ministre responsable pour tenter de mettre
de l'ordre dans une situation qui semble vraiment très grave. Je cite en
particulier deux passages de l'exposé préliminaire du ministre,
malgré les nombreuses démarches qui ont été
exécutées pour atteindre les tuteurs et curateurs. Il n'a pu
obtenir les informations requises en dépit de l'expédition de
21,104 demandes de rapports financiers annuels. Plus loin, il nous apprend
qu'il faut conclure de tous les faits qu'il a énumé-
rés je ne veux pas revenir sur tous qu'un grand
nombre de tuteurs et de curateurs ne se soumettent tout simplement pas à
la loi.
Dans bien des cas, la caution ou la garantie qui doit être fournie
par le tuteur ou le curateur, n'existe même pas.
Le ministre nous a dit qu'elle était même illusoire dans
bien des cas, cette caution. Le ministre ajoute qu'il a l'intention de faire
quelque chose, qu'il a demandé au curateur public d'étudier cette
question pour voir s'il n'y aurait pas lieu, au cours des prochains mois, de
nous inspirer des lois des autres provinces pour tenter de mettre de l'ordre
dans une situation qui semble de plus en plus chaotique.
J'aimerais demander au ministre, comme question préliminaire,
quelles sont les sanctions dont le curateur public a usé jusqu'ici dans
les cas, particulièrement les plus flagrants. Deuxièmement,
j'imagine que le curateur public n'a pas attendu les crédits de cette
année pour se pencher sur ce problème et pour étudier ce
qui se fait ailleurs, pour tenter de corriger la situation. Quelles sont, dans
l'état actuel de la réflexion du curateur public, les sanctions
dont il devrait disposer pour pouvoir effectuer une surveillance efficace sur
les tuteurs et curateurs privés? C'est ma première question.
M. Parent (Hull): Bien, il s'agit d'un problème assez
complexe. La loi ne prévoit pas de sanction contre les tuteurs et les
curateurs, à l'exception du fait que, dans l'amendement que nous avons
apporté dans la loi de 1974, il est permissible au curateur de demander
la destitution du curateur ou du tuteur. C'est la seule alternative que nous
avons. Il n'y a pas de pénalité comme telle sur la
présentation de l'inventaire ou sur la présentation des rapports
annuels.
Par ailleurs, quant à l'expérience que nous avons
tentée au cours de la dernière année devant les tribunaux
pour la destitution, les juges se demandent si le seul fait de ne pas produire
un rapport constitue une cause de destitution. Il nous faudrait, je pense,
devant les tribunaux, être en mesure on n'a pas les renseignements
de prouver que le curateur ou le tuteur n'administre pas les biens du
pupille selon les prescriptions du code civil.
Mais, comment faire, nous, pour demander sa destitution, quand nous
n'avons pas les renseignements? Les seuls renseignements que nous
possédons, dans le cas des tuteurs, c'est au moment où il y a un
jugement de rendu ou que l'argent est versé; dans la plupart des cas,
c'est à la suite d'accidents de la circulation ou d'autres accidents.
Des indemnités sont payées par les compagnies d'assurance.
Nous avons une collaboration extrêmement efficace de la part du
ministère de la Justice. Les protonotaires nous font parvenir au fur et
à mesure les jugements qui sont rendus et les régistra-teurs, les
enregistrements de propriétés.
Cela ne nous donne pas de preuves suffisantes devant les tribunaux,
même en connaissant ces faits qu'il y a mauvaise gestion. Et c'est
là que les juges se demandent si le fait de ne pas produire un rapport,
même si c'est une loi, est un élément vital pour obtenir sa
destitution.
J'ai demandé au curateur public, l'automne dernier,
d'entreprendre une tournée pour s'assurer de la façon que l'on
procède dans les autres provinces. Le curateur public s'est rendu
à ma demande. Il m'a fait un rapport sur les formules qui sont en
vigueur en Ontario, ou en Colombie-Britannique et en Alberta.
Comme je l'ai dit dans mon exposé, il y a des avantages et des
inconvénients. En Ontario, l'"Official Guardian" a la
responsabilité de la gestion de l'argent, mais il ne peut pas remettre
d'argent au tuteur ou au curateur, selon le cas, à moins qu'il y art une
ordonnance de la cour. Donc, l'argent est en possession non pas du tuteur ou du
curateur, mais bien de l'"Official Guardian", c'est lui qui détient les
fonds. C'est en Ontario.
En Colombie-Britannique on exige une caution contre l'administration, et
là encore, l'argent est gardé par le "Public Trustee", qui
administre sans intervention de la cour.
En Alberta, c'est le "Public Trustee", qui est doublé du
rôle de l'Official Guardian". Il a complète autorité. Il a
la gestion des fonds. Notre système à nous, par le conseil de
famille, s'il s'agit d'un malade psychiatrique déclaré incapable
d'administrer ses biens, ou par un tuteur, il arrive que les biens lui sont
confiés par décision du conseil de famille, sanctionnée
par la cour, mais les biens demeurent en leur possession.
C'est là que notre loi dit que le tuteur ou le curateur doit, au
moment où il commence à exercer sa fonction de tuteur ou de
curateur, faire une déclaration notariée de l'inventaire des
biens qu'il a sous sa gestion.
M. Morin: II ne le fait pas très souvent.
M. Parent (Hull): II ne le fait pas. L'autre anomalie que nous
retrouvons, si nous voulons constater qu'il y a bonne gestion, c'est le rapport
annuel. Là encore nous avons énormément de
difficulté à obtenir les renseignements, malgré les
demandes répétées que nous avons faites.
En réalité, selon une prospection des biens
déjà sous la garde des tuteurs ou des curateurs, si on regarde
l'ensemble des tuteurs et des curateurs, on a l'impression que les fonds en
fiducie pourraient atteindre environ $90 millions. C'est une somme très
considérable. Nous nous posons l'interrogation à savoir s'il y a
lieu d'envisager une nouvelle loi pour enlever ce droit au tuteur ou au
curateur sans que l'Etat se charge de l'administration et de la gestion des
biens. C'est une décision assez grave à prendre.
Nous convenons qu'avant le 1er juin 1972, les tuteurs ou curateurs
n'étaient pas assujettis à la Curatelle publique. La Curatelle
publique était pour les successions vacantes et pour les personnes
incapables d'administrer leurs biens elles-mêmes. Cela n'empêchait
pas le curateur d'être curateur aux biens d'une personne incapable.
Mais, dans la majorité des cas, on acceptait que ce soit la
Curatelle publique qui administre les biens.
Mais c'est là, à mon avis, une décision
d'importance qu'il reste à prendre devant le refus, pas
catégorique, d'environ 60% des curateurs et tuteurs de répondre
à nos demandes d'information, nous poussant à l'interrogation
à savoir s'il y a lieu de modifier la loi dans un sens ou dans l'autre.
C'est la raison pour laquelle j'ai demandé au curateur public
d'entreprendre l'étude de ce qui se faisait ailleurs.
Le 17 juin, tous les curateurs d'office au Canada ont une rencontre.
C'est à la suite de cette rencontre à laquelle le curateur
public du Québec assistera que nous serons en mesure de prendre une
décision, à savoir s'il y a lieu d'intervenir par un projet de
loi. En somme, c'est presque une destitution complète si nous prenons
cette orientation, à savoir que l'Etat va avoir l'oeil ou que nous ayons
une formule de pénalité pour celui qui ne produit pas ses
rapports. Mais la pénalité va être à l'encontre de
qui? Et au bénéfice de qui?
Pour que la Curatelle entreprenne des actions ou pose des actes pour la
destitution, qui va payer le service? La Curatelle ou la fiducie concernant le
curateur et le tuteur? Selon nos règles actuelles, si nous demandons la
destitution d'un tuteur ou d'un curateur, les frais sont assumés par
cette tutelle ou cette curatelle. Si nous devions prendre, pour les
récalcitrants, des procédures devant les tribunaux, c'est un
coût assez excessif devant le nombre qu'il y a, mais qui va supporter la
charge? Il y a toujours l'Etat qui peut supporter la charge. Mais, à ce
moment-là, c'est au détriment de l'autre partie qui assume ses
frais.
Or, nous sommes conscients du problème; nous avons fait des
efforts innombrables l'an dernier pour recueillir, avant l'entrée en
vigueur de la nouvelle loi, les données sur tous les curateurs et
tuteurs qui avaient été nommés et désignés
avant le 1er juin 1972. Et là, nous nous attendions qu'il y ait une
certaine réticence. Une nouvelle loi qui affecte, en somme, des droits
acquis peut alors être représentative d'une certaine
réticence par le fait qu'on vient intervenir dans le domaine qui leur
était réservé à la suite de décisions de
conseils de famille.
Mais depuis l'entrée en vigueur de la loi, en 1972, où les
règles étaient établies pour l'avenir, nous ne nous
attendions pas à une réticence comme celle que nous avons
présentement. Est-ce simplement une réticence de fournir ou une
non-connaissance de la loi, ou si on dit: bien, les montants que nous avons
à administrer sont minimes, $3,000, $4,000, $5,000; c'est courant,
ça nécessite ces montants-là pour entretenir l'enfant
jusqu'à l'âge de sa majorité? Il y a des questions à
se poser là-dessus. Je ne pense pas qu'il y ait réticence
purement et simplement sur la question de produire un rapport, mais souvent sur
l'ampleur des fonds qui sont à administrer. Si on regarde les accidents
d'automobile, les indemnités vont varier de $1,000 à $35,000
normalement. Si on a une curatelle ou une tutelle de $4,000, $5,000, on ne
pourra pas justifier de faire une déclaration nota- riée sur les
biens puisqu'il s'agit d'un montant d'argent. On ne pourra pas justifier de
faire un rapport annuel parce qu'on dit qu'une partie de cet argent sert
à l'entretien de l'enfant au cours de l'année.
Mais souvent, ce que l'on retrace dans certaines curatelles et tutelles,
c'est que ceux qui sont nommés tuteurs ou curateurs utilisent souvent
les fonds pour leurs propres fins, pour payer leurs dettes. Ou pour
prétendre qu'ils vont acheter un immeuble qui va servir au pupille.
Ce sont des gestes qui sont posés, en somme, peut-être pas
consciemment ou délibérément pour enlever de l'argent aux
pupilles, mais qui nous laissent quand même perplexes devant la
situation.
M. Morin: M. le Président, on pourrait peut-être
faire une distinction entre les modifications fondamentales qu'il conviendrait
d'apporter au régime de la curatelle et de la tutelle et puis le cas
plus immédiat de l'absence de pénalités dans le cas des
infractions à la loi ou dans le cas de fraudes. Je voudrais, d'abord,
m'entretenir avec vous brièvement des modifications fondamentales qui
pourraient être apportées. Vous avez mentionné le fait que,
dans plusieurs autres provinces, c'est le "Public Guardian",
l'équivalent du curateur public, qui a la gestion des fonds.
Est-ce qu'on ne pourrait pas faire une distinction je pense tout
haut entre le fait de détenir l'argent et de l'investir
éventuellement, comme le fait déjà le curateur public, et
la tâche qui appartient en propre au tuteur ou au curateur, qui est de
voir aux besoins du pupille ou de la personne soumise à la
curatelle?
J'ai l'impression qu'on pourrait faire une telle distinction. Le
rôle du tuteur ou du curateur n'est pas, selon moi, de manipuler
l'argent, de l'investir à son gré, puis éventuellement,
dans certains cas déplorables, de payer ses dettes, comme vous l'avez
signalé, mais se limite à voir aux besoins du pupille ou de la
personne incapable.
Le rôle du curateur public est de surveiller les fonds, de les
investir, de les faire fructifier, le cas échéant, et de
répondre à tout besoin normal signalé par le tuteur ou le
curateur privé, au nom de son pupille ou de la personne incapable. Le
rôle du curateur public consiste à établir avec le tuteur
un régime financier qui permette régulièrement de subvenir
aux besoins de la personne sous tutelle ou curatelle. Est-ce qu'on ne peut pas
étudier une formule de ce genre qui aurait, dans mon esprit, l'avantage
de maintenir en place l'esprit du code civil qui veut que ce soit une personne
qui est près de la personne sous curatelle ou tutelle qui s'en occupe,
parce qu'elle est bien mieux informée qu'une administration lointaine
des besoins réels de cette personne? Est-ce que cela n'aurait pas, par
ailleurs, l'avantage d'aller chercher, dans ce qui se fait ailleurs,
l'élément de contrôle public qui vous manque à
l'heure actuelle?
M. Parent (Hull): Je pense qu'il y a deux aspects, à ce
moment-là. Si j'interprète bien vos pa-
roles, en somme, nous aurions une vue d'ensemble sur l'administration et
la gestion de la tutelle ou de la curatelle et nous pourvoirions, par le
curateur ou tuteur, à ce qu'un genre d'allocation soit versé pour
l'entretien du pupille.
Mais je pense qu'il y a un autre aspect qu'on semble oublier; c'est que,
même si un pupille a reçu une indemnité, il n'en demeure
pas moins que la responsabilité de la famille, c'est de continuer
à le faire vivre jusqu'à son âge de majorité. A ce
moment-là, le besoin n'est pas le même. Vous avez, par ailleurs,
le cas où il serait plausible d'agir selon votre suggestion; c'est dans
le cas, par exemple, où des enfants mineurs sont laissés
orphelins. Le père et la mère étant
décédés, les enfants ont reçu le produit des
polices d'assurance ou de l'indemnité, s'il y a eu accident, qui a
été versée et qui constitue une somme en regard des
enfants. A ce moment-là, il s'agit de maintenir ces enfants dans des
foyers soit nourriciers ou autres.
A ce moment-là, comme on le fait en Ontario, on va payer une
famille tant par mois pour en avoir soin, mais l'autre partie est gardée
en banque par "L'official Guardian". En Ontario, par exemple, j'ai un cas
actuellement de deux enfants qui demeurent à Hull, dont les parents sont
décédés à Sud-bury. C'est "('OfficialGuardian" qui a dans les fonds $35,000 et la famille qui entretient les
deux enfants à Hull fait une demande mensuelle pour l'entretien, la
nourriture et le logement des deux enfants parce qu'ils sont orphelins.
A même le fonds, la cour décide d'accorder des montants
mensuels. S'il y a des dépenses spéciales, on fait une
requête spéciale. Mais là, c'est le contrôle de
l'Etat en entier. Selon la formule que vous proposez, il y aurait en partie une
formule de l'Etat et en partie une formule d'accessibilité pour les
besoins immédiats. C'est parce qu'il y a deux genres, chacune des
tutelles ou des curatelles étant différente l'une de l'autre.
S'il arrive que ce soit une jeune fille ou un jeune garçon,
disons de 14 ans, qui a subi un accident, il reçoit une indemnité
et les parents ont quand même la responsabilité de l'enfant
jusqu'à sa maturité. A ce moment-là, c'est une autre
façon de gérer.
M. Morin: C'est une nuance qu'on pourrait apporter à ce
que je disais et qui, déjà, me paraît faire avancer un peu
le débat. Si le mineur est accidenté et reçoit une
indemnité, je pense que, s'agissant des parents, sauf cas exceptionnel,
on peut sans doute leur faire confiance, surtout s'il ne s'agit pas de montants
énormes. On pourrait peut-être faire exception pour les montants
inférieurs à tant de milliers de dollars pour ne pas encombrer la
Curatelle publique avec des milliers de dossiers où les montants en
cause ne sont pas considérables. Je pense effectivement aux enfants qui
sont complètement orphelins et qui peuvent être confiés
quelques fois à la tutelle de personnes qui sont même
peut-être étrangères à la famille. C'est dans ces
cas-là, je crois, que la surveillance doit être plus
étroite.
Je pense à la formule que je mentionnais au ministre, où
le tuteur ou le curateur chargé de s'occuper des besoins du pupille ou
de la personne incapable est chargé de s'adresser à la Curatelle
publique pour l'obtention de montants qui pourraient d'ailleurs être
fixés plusieurs mois d'avance. Je vois très bien une
négociation intervenant entre un tuteur et la Curatelle publique, le
tuteur disant: J'ai fait un budget pour mon pupille, pour l'année qui
vient, qui suppose que pendant les premiers six mois un montant de tant
d'argent devrait lui être versé, compte tenu, évidemment,
du montant qui a été accordé au pupille par jugement, dans
le cas d'un accident, par exemple. Je vois très bien le tuteur
intervenir, après six mois, auprès du curateur public, pour lui
demander d'augmenter la pension parce qu'il est intervenu, par exemple, un tel
taux d'inflation que les montants ne suffisent plus à pourvoir à
l'entretien du pupille. C'est ce genre de mécanisme que je verrais,
où le tuteur aurait vraiment un rôle social et un rôle
familial, mais n'aurait pas en main les montants d'argent avec toutes les
possibilités d'abus que cela entraîne.
En tout cas, je ne veux pas non plus ouvrir un long débat avec le
ministre, mais je lui suggérerais d'examiner cette avenue de
réflexions pour éviter que la machine de l'Etat soit
entièrement responsable même de l'entretien quotidien des
pupilles. L'Etat ne peut pas avoir la tête à tout, ne peut pas
connaître les besoins, variables selon les individus et les situations,
de chaque individu. C'est la tâche, à mon avis et dans
l'esprit du code civil, c'est bien cela, je crois, l'idée fondamentale
du tuteur ou du curateur de voir aux besoins, mais il n'est pas
nécessaire, pour cela, qu'il ait le contrôle de l'argent, surtout
s'il s'agit de montants considérables.
Je vois un joint de ce genre entre l'institution privée, qui doit
continuer à exister, à mon avis, avec le conseil de famille, qui
me paraît aussi être dans l'esprit de notre droit et conforme
à nos mentalités et à nos besoins et, d'autre part, le
besoin de plus en plus urgent d'une intervention de l'Etat dans une
époque où les devoirs et les obligations des individus sont
quelques fois exercés avec un certain laxisme. Il ne faut pas se le
cacher, M. le ministre, je pense que vous en êtes conscient, on n'a plus
le même sens du devoir aujourd'hui qu'on l'avait autrefois. L'argent est
vite dépensé dans le type de société où nous
vivons. C'est pourquoi je crois qu'il commence à être urgent qu'on
impose le type de contrôle dont le ministre nous a parlé.
Je ne veux pas entrer dans une discussion sur tous les détails
des améliorations qui pourraient être apportées.
Dans une certaine mesure, je fais confiance au curateur public et je
fais confiance au ministre pour nous apporter une loi idoine, d'ici quelques
mois. Mais, je voudrais lui souligner le fait qu'il y a vraiment urgence.
D'ailleurs, il semble le reconnaître dans son exposé
préliminaire, mais je crois que, si cela pouvait se régler cette
année, ce sont déjà des milliers de dollars et
peut-être davantage qui ne seront pas dilapidés.
M. le Président, je ne sais pas si le ministre a
quelques commentaires à faire là-dessus. S'il veut me
répondre, j'aurai, ensuite, quelques questions rapides à lui
poser.
M. Parent (Hull): M. le Président, je trouve
extrêmement bénéfiques les suggestions du chef de
l'Opposition. Ce que nous recherchons, nous aussi, c'est une solution à
ces problèmes que j'ai relatés. Il arrive des difficultés
que l'on rencontre dans la gestion. Nous serions peut-être prêts
à envisager la formule que le chef de l'Opposition met de l'avant. Il
reste que pour la mettre en vigueur, cela va exiger qu'il y ait d'autres
modifications qui soient apportées. Mettre de l'avant une telle formule,
cela veut dire, en conservant un genre de statu quo sur le conseil de la
famille et ainsi de suite, la connaissance des biens qui sont sous tutelle. Et
c'est là que nous avons de la difficulté. Quelle méthode
prendre pour nous assurer les renseignements?
Actuellement, dès que nous sommes conscients qu'un curateur ou un
tuteur administre $1,000 et moins, nous lui demandons un rapport, une
déclaration. Et par la suite, si on s'aperçoit que c'est $1,000
et moins, nous n'exigeons pas de rapport annuel. Au-delà de $1,000 nous
exigeons des rapports. Pour celui qui est appelé à être
désigné comme curateur ou tuteur par la cour, il y aurait
peut-être un amendement à envisager, à savoir qu'il doit
fournir une caution, dès sa nomination.
M. Morin: Une caution véritable.
M. Parent (Hull): Une caution véritable. C'est
peut-être un des éléments qui feront agir le curateur ou le
tuteur qui est désigné.
Il y a peut-être d'autres méthodes que nous sommes à
étudier actuellement pour savoir si vraiment, au moment où il y a
une tutelle ou une curatelle, il y a lieu d'intervenir. Actuellement, nous
avons devant les tribunaux une quarantaine de demandes de destitution pour
mauvaise gestion, simplement dans les rapports que nous avons reçus de
tuteurs ou de curateurs. Je pense qu'il n'est pas impensable de dire que nous
avons des tuteurs et des curateurs qui administrent jusqu'aux millions. Vous en
avez des pupilles qui rapportent des sommes assez phénoménales,
annuellement. Je sais par ailleurs un cas en particulier où nous sommes
intervenus un jeune qui est sur le marché du travail pour
faire destituer un tuteur et faire nommer un autre tuteur qui prendrait
vraiment les intérêts, parce qu'il y avait des montants en cause
au-delà du demi-million. Mais il y a l'obligation, pour le tuteur et le
curateur, d'investir les sommes d'argent qu'il a à sa disposition, pour
administrer, selon le code civil, articles 981 et suivants. Dans bien des cas,
on ne sait pas si c'est fait, parce que nous ne connaissons pas le dossier.
Nous recherchons le moyen, et c'est pour cela que le problème est plus
complexe que celui d'assurer la protection du patrimoine. Nous voulons trouver
une formule par laquelle nous pourrions, sur un budget annuel, comme vous
l'avez souligné, verser un montant mensuellement, aux personnes qui ont
soin de l'enfant. Cela va plus loin que cela, parce qu'à ce moment cela
nous nécessite de connaître le dossier d'abord, savoir si les
prescriptions du code civil sont suivies en matière de placement pour
que la succession, la curatelle ou la tutelle puisse progresser. Cela
nécessite, à ce moment, une vérification annuelle,
à savoir si les biens ont été utilisés de
façon régulière, si on a dépensé les sommes
d'argent selon les formes prescrites. Cela nous exige, à ce moment, une
surveillance. Mais comment la faire, cette surveillance? C'est pour cela que je
dis que je suis heureux que nous puissions entamer la discussion sur des sujets
aussi évidents que les problèmes que j'ai soulevés ce
matin dans mon exposé.
Nous sommes conscients des problèmes que nous avons. Nous tentons
d'y trouver des éléments de solution. C'est pourquoi, même
au cours d'une discussion des crédits de la Curatelle publique, nous
sommes heureux de recevoir des suggestions qui pourraient nous permettre
d'apporter des solutions aux difficultés que nous affrontons
présentement dans l'exercice des responsabilités du curateur
public.
Que l'Etat s'empare de l'ensemble des tuteurs et des curateurs, je ne
crois pas que ce soit là la formule. Je pense qu'il faut respecter,
comme vous l'avez dit, la question du conseil de famille. Par ailleurs, ce sont
les moyens et pour respecter cet aspect et, deuxièmement, pour
respecter la tutelle et la curatelle selon les prescriptions établies.
C'est là que nous avons des dficultés à faire le
joint.
Nous nous posons des questions. C'est pour ça que je pense que
j'ai été assez clair ce matin en disant que nous éprouvons
des difficultés majeures, notamment à rejoindre ces gens quand la
seule ouverture que nous avons est de demander la destitution, mais
basée sur quoi?
M. Morin: Oui. Il y a là un problème qui est plus
immédiat que celui que nous évoquions il y a un instant. Le
problème de la bonne administration des fonds, à mon avis, va
nécessiter des réformes en profondeur, et j'imagine que le
ministre va pouvoir y penser pendant un certain nombre de mois.
Sur la question, qui me paraît assez grave, des inventaires non
reçus ou des tuteurs et des curateurs qui font comme si la loi
n'existait pas, il me paraît qu'il va falloir songer à des peines
plus graves, plus sérieuses que la simple destitution.
D'abord, le problème de la destitution, c'est que, souvent, vous
allez remarquer que, dans les faits, une fois que vous avez obtenu une
destitution, le conseil de famille ne nomme pas de successeur. Donc, vous
n'êtes pas tellement plus avancés...
M. Parent (Hull): Oui. M. Morin: ... quelquefois.
M. Parent (Hull): Oui, depuis l'amendement à la loi, au
mois de décembre l'an dernier, le curateur public est maintenant
d'office durant l'interrègne.
M. Morin: Oui.
M. Parent (Hull): Nous avons pourvu...
M. Morin: Oui.
M. Parent (Hull):... à cette difficulté que nous
avions déjà.
M. Morin: Oui. Et est-ce que, dans la plupart des cas, les
conseils de famille ont tenu à nommer d'autres tuteurs ou d'autres
curateurs où est-ce que vous vous êtes ramassés avec la
tutelle et la curatelle?
M. Parent (Hull): Non, dans la plupart des cas, on me dit que
c'est demeuré entre les mains du curateur.
M. Morin: C'est vous qui avez hérité de toute
l'affaire, de toute façon.
M. Parent (Hull): C'est ça.
M. Morin: Ceci ne me paraît pas être
nécessairement la meilleure solution. D'autre part, je regarde les
chiffres pour les tuteurs et les curateurs nommés avant la promulgation
de la loi en I972. Sur 17,000, le nombre de fausses adresses est impressionnant
et le nombre des inventaires à recevoir également. Cela doit
faire plus de 12,000 sur 17,000. D'autre part, pour les tuteurs et curateurs
nommés après le 1er juin 1972, nous sommes encore, dans la
majorité des cas, devant des inventaires à recevoir, soit 5,196
sur 9,013. C'est plus de la moitié.
M. Parent (Hull): C'est ça.
M. Morin: II paraît que là, il y a un
problème immédiat et qu'il devrait être résolu
rapidement. Je me permets de dire au ministre que je ne vois pas de solution
autre que de donner des dents à la loi et au curateur public. Quand je
dis donner des dents, je veux dire prévoir des pénalités,
qui pourraient être, bien sûr, assorties aux montants qui sont
gérés. On ne voit pas des pénalités de $500 pour
des fonds administrés inférieurs à $1,000. Mais il
pourrait y avoir une échelle dans les pénalités, qui
tiendrait compte des montants administrés, qui tiendrait compte aussi de
la gravité de l'infraction. On peut présumer que si un curateur
nommé après 1972 n'a pas encore fait rapport alors qu'il a des
fonds importants sous sa gestion, il s'agit d'une infraction qui devrait
être sanctionnée de façon extrêmement
sévère par la loi.
Je ne vois pas d'autre solution, je vous l'avoue bien
sincèrement, en dehors d'une pénalité qui soit
appliquée non pas contre les fonds sous tutelle ou sous curatelle, mais
une pénalité qui soit adjugée contre la personne
délinquante, contre le tuteur personnellement, contre le curateur
personnellement.
Je me permets, en tout cas, de le suggérer, parce qu'on aura beau
retourner le problème sous tous les angles, tant que le bras du
ministre, tant que le bras du curateur public, tant que le bras, autrement dit,
de l'Etat ne sera pas armé, tant que vous n'aurez pas une main de fer
dans ce domaine, vous risquez de vous faire rire au nez comme cela a
été le cas jusqu'ici.
M. Parent (Hull): II y a deux volets à cette question.
Pour les curateurs, il est possible, je pense, d'apporter des amendements
à la loi, qui nous permettraient d'exiger, on pourrait dire presque
séance tenante, au moment de leur nomination, qu'ils soumettent
l'inventaire dans un délai X. Je pense que c'est possible pour le
curateur. Pour le tuteur, cela devient plus difficile. Le tuteur est
nommé au moment où il y a une poursuite engagée. Le
jugement où effectivement l'argent est versé n'arrive qu'un an,
deux ou trois ans après. C'est là qu'il faudrait prévoir,
par un mécanisme peut-être dans le code de procédure
civile, l'obligation, au moment où le jugement est rendu, de
déposer un cautionnement et de faire l'inventaire notarié
immédiatement, dans un délai X, s'il y a d'autres biens qui
appartiennent au pupille, à part le jugement qui vient d'être
rendu.
M. Morin: Oui.
M. Parent (Hull): Pour les tuteurs, c'est un problème
assez grave. Il y a une période d'années d'attente.
M. Morin: Oui.
M. Parent (Hull): Pour les curateurs ce n'est pas un
nombre considérable; je pense qu'il n'y en a que 288 il est
peut-être possible d'agir immédiatement, mais, pour les tuteurs,
cela se ferait dans un laps de temps plus long. Mais, à ce moment
encore, ce sont des arrangements qu'il faudrait faire avec le ministère
de la Justice pour voir s'il y a moyen de faire des modifications à
notre loi, qui pourraient entraîner cette obligation, tout en maintenant,
comme on l'a dit tout à l'heure, le fait qu'il y ait un tuteur ou un
curateur, parce que le fait d'avoir des curateurs et des tuteurs, à mon
avis, rencontre l'aspect du code civil. Je pense qu'on doit continuer à
le respecter.
Mais, pour assurer la protection des patrimoines, il va nous falloir
agir d'une façon ou d'une autre, pour avoir des moyens coercitifs pour
nous assurer de la connaissance des dossiers. Comme vous l'avez
souligné, quand on pense que, sur le nombre de tuteurs et de curateurs
nommés après le 1er juin, il y en a 5,196 dont nous n'avons pas
les inventaires et qu'il y a 236 fausses adresses, il reste que ce sont des
dossiers qu'il nous faudra récupérer. Il est possible que nous ne
retrouvions que quelque mille dollars dans ces dossiers, mais il n'en demeure
pas moins que le patrimoine du pupille n'est pas protégé.
M. Morin: Pour certains pupilles, quelque milliers de dollars
font toute la différence entre recevoir une éducation et n'en pas
recevoir.
M. Parent (Hull): C'est cela.
M. Morin: Cela peut être énorme. M. Parent
(Hull): Oui.
M. Morin: Selon les conditions, $3,000 ou $4,000 peuvent faire
une énorme différence.
Je crois qu'il faut probablement faire une distinction entre fournir
l'inventaire et fournir une caution. Dans le cas des inventaires qui n'ont pas
été reçus, je pense qu'il faut prévoir une
pénalité. En effet, je crois que les statistiques très
pessimistes qui nous ont été fournies par le ministre ce matin ne
s'amélioreront guère tant qu'il n'y aura pas une obligation
sanctionnée par une pénalité, par une amende
sérieuse, peut-être même assortie, dans les cas les plus
graves, je veux dire dans les cas où il s'agit de montants
considérables, où vous savez, ou avez lieu de croire que les
biens sont considérables, et où il y a des possibilités
d'abus, en allant peut-être plus loin que la simple
pénalité d'ordre monétaire.
M. Parent (Hull): Contre le tuteur et le curateur, mais non
contre la tutelle et la curatelle.
M. Morin: C'est ce que je disais au ministre tout à
l'heure. Contre la personne directement responsable, soit le tuteur, soit le
curateur. Bien sûr; autrement, vous n'obtiendrez rien.
Dans le cas de la caution je ne veux pas faire durer le
débat indéfiniment, j'achève je vous avoue, M. le
ministre, que je n'y crois guère.
Premièrement, parce que lorsqu'il s'agit de biens
considérables, il se peut très bien, dans la majorité des
cas, que le tuteur ou le curateur n'ait pas lui-même de biens suffisants
pour garantir, pour donner une garantie sérieuse de son
administration.
Deuxièmement, tout le monde sait qu'il est rare de trouver
quelqu'un qui n'ait pas déjà une première
hypothèque sur sa maison. Je suis bien convaincu que la plupart des
tuteurs et des curateurs ne font pas exception à cette règle et
qu'obtenir une deuxième hypothèque sur un immeuble, aujourd'hui,
ce n'est pas une véritable garantie.
Donc, je n'arrive pas à prendre la caution au sérieux.
Cela me ramène au problème de fond, dont nous discutions tout
à l'heure, de savoir qui doit avoir les biens en main, surtout
lorsqu'ils sont considérables.
A mon avis, je pense qu'il faut abandonner l'idée de la caution
et confier les biens, lorsqu'ils excèdent un certain montant, en tout
cas, et lorsqu'on n'a pas affaire au père ou à la mère de
l'enfant, automatiquement au curateur public, lequel, sur réquisition du
tuteur ou du curateur, établit un régime financier pour le
pupille.
Là vous n'avez plus besoin de caution ou en tout cas ça
devient beaucoup moins nécessaire pour assurer la bonne gestion. Ce
qu'on veut garantir, ce qu'il est nécessaire de garantir, c'est la
gestion des biens. Si vous enlevez cette gestion, il n'y aura plus besoin de
caution, sauf peut-être lorsque, s'agissant du père de l'enfant,
il y aurait des cas marginaux où on pourrait encore exiger une caution.
De toute façon, cela ne serait jamais une solution qui nous assurerait
de la bonne gestion par les parents des fonds dont nous avons parlé.
J'en fais simplement la suggestion au ministre. J'espère qu'au
cours de cette année la loi va être améliorée de
façon sérieuse pour ce qui est de la production des inventaires.
Pour le reste, j'admets que ce sont des problèmes plus fondamentaux,
lorsqu'on parle de transférer la gestion au curateur public, mais j'ose
espérer que d'ici la prochaine fois où nous nous rencontrerons il
y aura déjà du chemin de parcouru dans ce sens-là.
M. Parent (Hull): II y a peut-être la possibilité
aussi qu au-delà d'un certain montant il v aurait automatiquement
transfert au curateur public.
Cela peut être une formule mitigée de cette
façon-là, aussi, à l'effet que si une curatelle ou une
tutelle dépasse, par exemple, $50,000, automatiquement c'est le curateur
public qui s'en occupe. Ou ça peut être conjoint, le curateur
public et le curateur privé, mais sous la gouverne du curateur
public.
M. Morin: Pour ce qui est de l'administration des fonds.
M. Parent (Hull): Pour ce qui est de l'administration.
M. Morin: Oui.
M. Parent (Hull): Cela peut être une formule...
M. Morin: C'est ce genre de formule que je suggérais au
ministre.
M. Parent ( Hull): Plutôt que ce soit l'Etat en entier,
comme ça existe en Colombie-Britannique, en Alberta et en Ontario, que
ce soit le gouvernement lui-même, par un organisme, qui détienne
l'ensemble des fonds,...
M. Morin: Oui.
M. Parent (Hull): Nous voudrions préserver ce
caractère du conseil de famille et de la gestion sous surveillance.
M. Morin: Très bien.
M. Parent (Hull): Mais peut-être que pour des montants
assez considérables, parce que nous avons des curatelles et des tutelles
je pense que c'est huit ou dix qui dépassent le demi
million, il y aurait l'obligation pour le tuteur ou le curateur, dans un cas
semblable, d'avoir l'autorisation du curateur public pour faire des
déboursés.
M. Morin: Je pense que le ministre m'a bien compris, je crois
qu'il y a encore un rôle pour le tuteur et le curateur privé.
M. Parent (Hull): Oui.
M. Morin: Parce que l'Etat ne peut pas avoir l'oeil à
tout, et on sait ce que ça donne. Regardez ce que ça donne pour
l'aide sociale, où l'Etat ne peut pas penser à tous les cas
particuliers. En ou-
tre, les besoins des pupilles, des incapables, peuvent varier
énormément selon leur condition et il n'y a qu'une personne de la
parenté qui puisse porter suffisamment d'attentions et d'égards
aux besoins diversifiés des personnes pour vraiment arriver à un
régime équitable.
Pour ce qui est du montant de $50,000 mentionné par le ministre,
je le crois peut-être un peu élevé. C'est à
débattre. Je n'ai pas de suggestion ferme à faire ce matin, mais
il me semble que dès que les montants excèdent $10,000 ou
$15,000, il ne serait pas mauvais que le curateur public mette son nez dans
ça, du point de vue de la gestion.
M. Parent (Hull): Qu'il ait droit de regard.
M. Morin: Qu'il ait même les fonds et qu'il les verse au
tuteur ou au curateur selon les demandes motivées de ceux-ci.
Mais $50,000, ça me parait élevé. Même avec
la dévaluation, la dépréciation de l'argent, aujourd'hui
$50,000, ça reste la valeur d'une grosse maison et c'est vite
dilapidé.
Le Président (M. Houde, Limoilou): L'honorable
député d'Abitibi-Ouest.
M. Boutin: Est-ce que le curateur public reçoit quelque
argent ou revenu de son service de curatelle, surtout dans le cas de
successions laissées vacantes? Il se trouve, en fait, à agir
comme une compagnie de fiducie ou un trust. Est-ce qu'il a des
bénéfices quelconques de ce côté?
M. Parent (Hull): Nous n'avons pas de bénéfices
comme tels. Nous avons des tarifs qui sont établis pour chaque acte qui
est posé et c'est de là que la Curatelle a un fonds collectif qui
provient des transactions, dont le tarif est déterminé et
prévu par la loi. Le tarif a été publié dans la
Gazette officielle le 17 juin 1972 et détermine les honoraires
exigés pour chaque transaction, par exemple, pour le rapport annuel.
Pour les successions vacantes, c'est 2.5% au départ de l'actif brut de
la succession réglée avec une charge minimale de $100.
M. Boutin: D'un autre côté, en ce qui concerne les
curateurs ou les tuteurs, est-ce que, pour eux, il y a des
bénéfices quelconques qu'ils peuvent retirer dans
l'administration de cette curatelle ou cette tutelle?
M. Parent (Hull): Les curateurs et tuteurs n'ont droit à
aucun honoraire.
M. Boutin: Parce que vous souligniez tout à l'heure...
M. Parent (Hull): II arrive par ailleurs que quand c'est
confié à des sociétés de fiducie, il y a des
honoraires qui sont exigés pour le fiduciaire. Mais quand il s'agit d'un
tuteur ou d'un curateur, il n'y a pas d'honoraires prévus par la loi
pour ce curateur ou ce tuteur.
M. Boutin: Tout à l'heure, vous mentionniez que certaines
personnes, en faisant progresser ou en voulant faire progresser les biens de la
curatelle ou de la tutelle, pouvaient parfois s'en servir à leurs
propres fins, d'une certaine façon. J'essaie de comprendre quels sont
les intérêts des gens soit à accepter la tutelle ou la
curatelle, à part d'avoir des liens de parenté directement avec
les individus. Est-ce qu'il y a d'autres liens?
M. Parent (Hull): Non, il s'agit à ce moment-là
d'un service qui est rendu à un pupille dont le conseil de famille
décide qui sera désigné comme tuteur ou comme curateur.
Mais il s'agit à ce moment-là d'un exercice libre; le tuteur
n'est pas obligé d'accepter une tutelle comme le curateur n'est pas
obligé d'accepter une curatelle. Il reste que c'est un service qu'il
rend, celui d'assurer la protection du patrimoine du pupille en cause.
M. Boutin: Dans le cas d'un orphelin, qui n'a pas de
parenté?
M. Parent (Hull): C'est cela, dans le cas d'un orphelin, qui n'a
pas de parenté, c'est un peu la discussion que j'avais tout à
l'heure avec le chef de l'Opposition, à ce moment-là, ce qui
arrive, c'est que l'argent est entre les mains du tuteur, qui utilise les
sommes pour l'entretien et le logement du pupille. Mais il arrive souvent, et
nous avons une quarantaine de cas devant les tribunaux, que l'argent a
été utilisé à mauvais escient, pour payer des
dettes personnelles, croyant que parce que l'enfant est sous le toit on pouvait
payer ses dettes personnelles avec l'argent du pupille: croyant qu'on pouvait
acheter une voiture: croyant qu'on pouvait acheter une maison. C'est
défendu, mais cela se fait, et à ce moment-là, nous
demandons la destitution du tuteur ou du curateur et nous demandons
également le remboursement, parce qu'il s'agit du patrimoine d'un
pupille.
Si on a accepté d'être tuteur ou curateur, à ce
moment-là, on sait dès le départ qu'il n'y a pas de
bénéfices à recevoir. Mais souvent, on pense qu'il y a des
bénéfices.
M. Boutin: Ne pensez-vous pas qu'il y a un lien direct avec la
production des bilans ou des inventaires annuels, des rapports annuels, dans le
fait, justement, que tout ceci n'apporte aucun bénéfice que ce
soit aux gens concernés qu'ils se croient obligés de faire toutes
sortes de transactions ou un certain travail contre aucune
rémunération, alors que c'est quelque chose qui se tient de ce
côté.
M. Parent (Hull): C'est peut-être une anomalie de savoir
qu'à un moment donné on exerce une responsabilité sans
recevoir de rémunération. Je suis bien prêt à
admettre cela. Il demeure tout de même qu'au moment d'accepter
d'être tuteur ou curateur on l'a fait dans un esprit de famille, à
savoir qu'il fallait assurer la protection du patrimoine du mineur ou du malade
mental. Si on se sert des sommes du pupille ou du malade mental à
ses
propres fins, je n'ai pas l'impression que nous protégeons le
patrimoine du pupille ou du malade mental. Il est dans l'incapacité
d'administrer ses biens, on demande à quelqu'un de lui succéder
pour une période de temps pour voir à l'administration et
à la gestion.
Je comprends que, si on le confie à une société de
fiducie, on va faire des honoraires probablement de 5%. Cela arrive. Mais ce
que l'on constate, quant à une certaine rémunération par
certains tuteurs et curateurs, c'est l'esprit large qu'on a adopté,
à savoir qu'on a payé ses dettes personnelles. On dit: Le pupille
ou le malade mental vivait sous notre toit, on est obligé de s'en
occuper. Tout cela mérite une certaine considération.
Cela ne devrait pas exister en vertu de la loi.
M. Boutin: Non, c'est parce que je voulais en venir à
ceci. Si on arrivait avec simplement des honoraires qui seraient acceptables
sur production des inventaires ou du rapport annuel à la Curatelle
publique, quelque chose qui serait admissible, cela pourrait peut-être
aider à faire sortir cette production.
M. Parent (Hull): Oui, peut-être, mais vous avez d'autres
cas par ailleurs que nous constatons dans l'administration et la gestion, tant
de la Curatelle publique que des curatelles privées et des tuteurs
privés. Il arrive, surtout chez les curateurs, que nous ne retrouvons
comme biens que des valeurs immobilisées; un immeuble qui n'a aucune
source de revenu, mais qui par ailleurs exige des réparations. Si en
plus il fallait ajouter des honoraires pour une rémunération, il
faudrait donc procéder à hypothéquer les immeubles en
cause pour servir de rémunération. A ce moment-là, je
pense qu'on irait à l'encontre complètement du code civil et de
l'esprit qui prévaut, à savoir la protection du patrimoine de
l'individu.
M. Boutin: Tout à l'heure, vous mentionniez que, dans les
cautions ou les garanties qui sont offertes, on a toujours regardé
simplement l'hypothèque légale. Je considère qu'un autre
mode pour forcer les curateurs, des sanctions, je pourrais être d'accord
là-dessus. Mais est-ce qu'on a envisagé la question des
nantissements des biens immobiliers, des billets promissoires ou autres
garanties quelconques, à part simplement l'hypothèque
légale?
M. Parent (Hull): C'est qu'il faut se fier au code civil, qui
nous dit que la caution ou garantie qui peut être exigée c'est
simplement l'hypothèque légale. Or c'est là qu'on dit que
c'est illusoire, parce que, comme l'a souligné le chef de l'Opposition,
ils sont assez rares les gens qui, étant en possession d'un immeuble, ne
l'aient pas au moins hypothéqué d'une première
hypothèque.
Or, la garantie ou la caution est presque nulle, si on veut, pour
assurer un recouvrement. Quand j'ai parlé tout à l'heure de
caution, nous parlions de la possibilité d'avoir des genres de cautions
fournies par les compagnies d'assurance. Mais comme l'a souligné le chef
de l'Opposition, et je suis d'accord avec lui, je n'ai pas l'impression qu'on
va assurer beaucoup plus le patrimoine de cette façon.
Je pense que le moyen serait l'administration conjointe dans les
successions d'importance, comme on l'a souligné, peut-être $25,000
et plus. L'administration conjointe pourrait être le moyen le plus
efficace d'assurer la protection du patrimoine.
Le Président (M. Houde, Limoilou): Le chef de
l'Opposition.
M. Morin: Je voudrais peut-être poser une dernière
question d'ordre général, avant de passer à des
problèmes portant plus spécifiquement sur les crédits de
la Curatelle publique.
Dans le cas des destitutions que vous avez demandées aux
tribunaux, est-ce que, le cas échéant, vous demandez
également au tribunal d'imposer d'autres sanctions? J'entends des
sanctions d'ordre civil, notamment, le remboursement. Dans combien de cas
avez-vous dû exiger le remboursement de montants au patrimoine et de quel
ordre? Pourriez-vous nous donner une idée de l'ordre des montants qui
ont pu faire l'objet d'abus?
M. Parent (Hull): II y a deux procédures..La
première, la demande de destitution; la loi pourvoit que si le juge
accorde la destitution du curateur ou du tuteur, avec les amendements que nous
avons promulgués au mois de décembre, le curateur public est
nommé d'office. La deuxième procédure qu'il faut suivre
c'est d'exercer nos prérogatives par le curateur public auprès du
tribunal à nouveau pour récupérer les biens qui ont
été dilapidés. C'est une autre procédure que le
curateur doit prendre, après sa nomination d'office comme curateur,
devant le tribunal pour exiger le remboursement des biens ainsi
dilapidés.
M. Morin: C'est donc une procédure subséquente.
M. Parent (Hull): Subséquente.
M. Morin: Dans combien de cas avez-vous dû instituer de
telles procédures?
M. Parent (Hull): Nous en avons une vingtaine, actuellement, qui
ont été destitués et les procédures sont en cours
pour des recouvrements, sur la deuxième procédure. Nous en avons
une quarantaine devant les tribunaux pour demander la destitution, nous sommes
au premier stade. Dans l'étude qui est faite à ce jour des
états financiers qui nous sont parvenus, au 31 décembre 1974,
nous croyons qu'il y aura probablement jusqu'à 150 cas où il nous
faudra intervenir.
M. Morin: Pour des montants de quel ordre? Pouvez-vous nous
donner une idée, quelques exemples, peut-être?
M. Parent (Hull): On a un cas particulier, entre autres,
où il y a eu de faux placements pour une somme de $35,000, mais les
causes varient normalement entre $1,000 et $50,000.
M. Morin: Entre $1,000 et $50,000? M. Parent (Hull):
Oui.
M. Morin: Je ne voudrais pas retarder la marche des choses, mais
je remarque que le quorum vacille constamment et il me semble que c'est la
moindre des choses que de tenir le quorum au moment où nous discutons
quand même de choses qui sont d'intérêt public.
Le Président (M. Houde, Limoilou): Le député
qui est sorti tout à l'heure fait son entrée et cela va combler
le quorum.
M. Morin: Bien. C'est parce qu'à un moment nous
n'étions que six sur les huit requis. Merci, M. le député,
de nous remettre dans la légalité.
J'en ai terminé pour les commentaires d'ordre
général. Je souhaite vivement, au cours de l'année qui
vient, que nous puissions améliorer la situation. Les dossiers qui ont
fait l'objet d'inventaire sont au nombre total de 8,676 sur 26,919. J'ai fait
le calcul et ce n'est même pas tout à fait le tiers. Je crois
qu'il y a de la possibilité d'amélioration. J'espère bien
que quand nous nous retrouverons, l'année prochaine, la loi aura
été modifiée et le curateur public sera en mesure de nous
faire part d'une plus grande efficacité. C'est peut-être
lié avant l'adoption du programme 7, j'ai encore quelques petites
questions précises au problème du recrutement. On en a
parlé l'année dernière déjà. Est-ce que le
ministre pourrait faire une comparaison entre les effectifs autorisés et
les effectifs réels du curateur public?
L'an dernier, la curatelle disposait d'un personnel de 101 personnes sur
des effectifs autorisés qui, si ma mémoire est bonne, se
situaient à 158 personnes.
C'était donc 101 sur 158: c'était loin, évidemment,
d'être favorable à une véritable efficacité des
services de la curatelle. Quelle est la situation, cette année, M. le
ministre?
M. Parent (Hull): Beaucoup mieux. Sur I58 postes
autorisés, il y en a 22 vacants, dont quatre professionnels, deux
techniciens, seize employés de secrétariat.
Je voudrais relever ce que le chef de l'Opposition a dit tout à
l'heure que, l'an prochain, il aimerait que nous revenions en ayant
montré beaucoup plus d'efficacité. Je sais que le chef de
l'Opposition ne l'a pas fait avec malice...
M. Morin: Sûrement pas.
M. Parent (Hull): ...mais je voudrais lui dire comment, à
la Curatelle publique, je suis heureux du personnel qui m'entoure et qui
effectue une tâche des plus ingrates et le fait avec beaucoup de sens des
responsabilités et de dévouement. Avec le nombre total
d'employés que nous avons en poste actuellement, soit I36, et la
quantité de dossiers que nous avons à manipuler, en plus des
dossiers qui tombent sous la juridiction de la curatelle, je pense que c'est un
élément assez extraordinaire à souligner que nous ne
faisons pas d'abus sur le nombre d'employés, mais que notre personnel
est des plus compétents. Ils ont toute ma confiance.
M. Morin: Je pense que le ministre avait compris que j'ai
lié ce problème d'efficacité au problème du
recrutement. Tout de suite, je suis conscient comme lui que l'efficacité
grandit avec le nombre, avec la compétence du personnel. Je n'ai pas,
non plus, de raison de croire que le personnel en place ne soit pas
compétent. J'ai lieu de croire, au contraire, qu'il l'est et je n'ai pas
de raisons qui me permettent de le blâmer de quoi que ce soit. Au
contraire, je crois savoir qu'ils sont débordés de travail.
Je constate quand même que l'efficacité n'est pas tout ce
qu'elle devrait être. J'essaie de le faire objectivement, sans
blâmer qui que ce soit. Je pense que c'est le système qui n'est
peut-être pas aussi rodé, aussi au point qu'il pourrait
l'être. Cela, c'est la législation qui va nous permettre de
l'arranger. Maintenant autre question...
M. Parent (Hull): II faut dire que ce n'est que depuis la loi de
I972 que nous avons juridiction sur les tuteurs et les curateurs.
M. Morin: Privés.
M. Parent (Hull): C'est très nouveau; le rodage n'a pas
été long à se faire. Nous avons de la difficulté
à obtenir les renseignements des curateurs et des tuteurs. Mais avec le
personnel que nous avons à notre disposition, les recherches que nous
avons effectuées par les bureaux d'enregistrement et les bureaux de
protonotaires nous ont été d'un apport considérable. Il
faut constater quand même que c'est un travail de
bénédictin d'essayer de retrouver 27,000 tuteurs et curateurs
dans la province.
M. Morin: Je le comprends volontiers, surtout quand il y a un
nombre d'adresses inexactes ou fausses aussi élevé. Mais je crois
qu'avec le personnel requis il y aurait moyen de le faire. Je constate,
d'ailleurs, qu'il y a eu 31 nouvelles personnes affectées à la
Curatelle publique au cours de l'année écoulée, ce qui est
un très gros progrès.
La question suivante que j'aimerais poser au ministre est celle-ci. Les
effectifs autorisés se situent, à l'heure actuelle, à I58.
D'après l'expérience qu'il a de ce service qui est soumis
à sa surveillance, de combien de personnes devrait disposer le curateur
public pour faire face à la musique, à l'heure actuelle? Est-ce
que 158 est suffisant ou s'il faudrait d'ores et déjà songer
à augmenter les effectifs autorisés?
M. Parent (Hull): Là-dessus, je ne voudrais pas prendre
d'engagement, parce que, depuis un mois, la direction générale de
l'organisation administrative du ministère de la Fonction publique est
à faire une étude sur la structure de la curatelle pour me
fournir des renseignements sur le nombre de personnes et l'organigramme que
devrait avoir la curatelle dans l'exercice de ses responsabilités, en
tenant compte des phénomènes que j'ai expliqués, ce matin,
dans mon exposé, à savoir les difficultés que nous
rencontrons. La direction générale de l'organisation
administrative de la Fonction publique doit me faire rapport, d'ici le 30 juin,
sur la question des effectifs.
M. Morin: L'an dernier, il y avait cinq personnes
affectées à plein temps à la surveillance de ce qu'on
pourrait appeler les dossiers privés, les dossiers de curatelle ou de
tutelle privée. Combien de personnes ont été
affectées à ce service, cette année?
M. Parent (Hull): II y en a maintenant 36.
M. Morin: Par rapport à cinq l'an dernier? Autrement dit,
il s'est fait un gros effort, si je comprends bien, au cours de l'année,
pour étoffer le service de surveillance.
M. Parent (Hull): Bien, comme il s'agissait d'une nouvelle loi,
nous avons demandé de nouveaux effectifs, qui nous ont été
accordés. Cela comprend maintenant un cadre, cinq professionnels, dix
agents vérificateurs, pour s'assurer de la vérification des
états financiers, et 20 employés de bureau pour la cueillette des
données.
M. Morin: Les cinq professionnels je crois que c'est le
chiffre que vous avez mentionné sont des professionnels
appartenant à quelle discipline, à quelle profession?
M. Parent (Hull): Ce sont des agents de gestion
financière.
M. Morin: Ce sont des agents de gestion financière.
Est-ce que je pourrais vous demander, maintenant, quel a
été le rendement sur les placements au cours de l'année
écoulée? Je veux dire le rendement sur les actifs qui sont sous
administration collective et sur les actifs sous administration nominative.
M. Parent (Hull): Le rendement, cette année, pour 1974, a
été de 8.75%, comparativement à 8.39% l'an dernier. De ce
rendement, le produit du fonds collectif, qui est distribué au solde des
comptes des administrés, a été fixé, à
partir de l'an dernier, au taux de 7% sur le solde minimum trimestriel.
Nous avons donc distribué, au cours de l'année 1974, pour
le compte de nos administrés, $1,864,053.
M. Morin: Vous vous souvenez peut-être que, l'année
dernière, nous avons eu une discussion au sujet de la gestion du
portefeuille. Pour ce qui est des fonds liquides qui sont gérés
par la curatelle, je voudrais demander au ministre, à nouveau, s'il ne
croirait pas opportun de faire gérer le portefeuille par la Caisse de
dépôt et de placement. Ce n'est pas la première fois que je
soulève la question. Elle a même été soulevée
par des prédécesseurs dans l'Opposition il y a deux et trois ans,
je crois. En relisant les notes, avant la séance de ce matin, je
constate que le ministre nous disait qu'il n'avait pas d'objection à
étudier la suggestion, mais que les contraintes qui pèsent sur la
gestion par la curatelle sont plus étroites que les contraintes qui
pèsent sur la Caisse de dépôt et de placement.
Pour faire avancer le débat, je lui demanderais s'il n'est pas
concevable que, tout en exerçant la gestion sur les biens liquides, sur
les fonds liquides de la curatelle, la Caisse de dépôt et de
placement se soumette aux contraintes prévues dans la loi pour la
gestion des fonds qui tombent sous l'emprise de la curatelle ou la tutelle.
M. Parent (Hull): Disons que, cette année, je suis plus
renseigné. Je vais vous dire les raisons pour lesquelles nous ne pouvons
pas aller à la Caisse de dépôt et de placement.
La Caisse de dépôt et de placement n'administre que des
biens qui sont la propriété de la province, alors que les biens
du curateur public proviennent du secteur privé.
Les biens en la possession de la caisse sont la propriété
de la couronne, du chef de la province, alors que les biens dont
l'administration est confiée au curateur ne doivent pas être
confondus avec les biens du domaine public.
Le curateur public, limité aux prescriptions des articles 981 o)
et suivants du code civil, ne peut confier ses placements à une
corporation qui a plus de pouvoirs qu'il n'en a. Le curateur public ne peut
faire indirectement ce qu'il ne peut faire directement. Le curateur public
n'aurait aucun contrôle sur les placements que la caisse ferait pour lui,
ce qui va à l'encontre des dispositions du code civil.
Le curateur public ne peut investir à la Caisse de
dépôt et de placement à cause des dispositions des articles
981 o) et suivants du code civil.
De plus, il y a la question du rendement, qui serait
préjudiciable aux administrés.
M. Morin: Prenons d'abord, si vous voulez bien, la question de la
gestion des fonds publics par la Caisse de dépôt. Le ministre ne
va sûrement pas nier que la loi autorise la Caisse de dépôt
à gérer des fonds privés également. Je pense aux
fonds de pension. Je crois que la loi l'autorise, en tout cas. Peut-être
qu'à l'heure actuelle, la caisse n'administre pas encore des fonds de
pension privés, mais cela ne lui est pas interdit.
M. Parent (Hull): Apparemment, oui, à ce qu'on me dit, par
l'article 4 de la Loi de la Caisse de dépôt et de placement.
M. Morin: Je ne l'ai pas sous les yeux, donc je ne saurais dire
si...
M. Parent (Hull): Je me fie à mon juriste. On me dit que
selon l'article 4 la Caisse de dépôt est l'agent de la province,
le chef de la couronne.
M. Morin: C'est juste.
M. Parent (Hull): Et tous les biens et immeubles qu'elle
administre sont des biens de la couronne.
M. Morin: Donc cela exclut, dans votre esprit, la
possibilité d'une gestion des fonds liquides gérés par la
Curatelle publique.
M. Parent (Hull): En plus, le code civil interdirait au curateur
public...
M. Morin: Oui, vous avez mentionné les articles.
A l'heure actuelle, comment fonctionne votre service de gestion du
portefeuille, pour ce qui est des investissements? Vous avez un service des
investissements.
M. Parent (Hull): Les trois hauts fonctionnaires qui sont ici, en
arrière, MM. Lussier, Forgue et Desjardins, constituent le comité
de placement.
M. Morin: Je vois.
M. Parent (Hull): Avec l'aide des courtiers, ils font partie du
groupe. Les placements sont autorisés par ces trois personnes. Les
courtiers à qui nous avons recours sont les suivants: La Banque
provinciale du Canada; Breault, Guy, O'Brian Inc.; Cliche et Associés
Ltée; Crang, Ostiguy Inc.; Geoffrion, Robert et Gélinas
Ltée; Grenier, Ruel et Co.; René-T. Leclerc Inc.;
Lévesque, Beaubien Inc.; Tassé et Associés
Ltée.
Je vais même vous en donner une copie.
M. Morin: Merci. Ce sont vos conseillers, en quelque sorte, ces
courtiers?
M. Parent (Hull): Oui. Ils agissent comme conseillers
également.
M. Morin: Comme conseillers et comme courtiers,
c'est-à-dire qu'ils placent les fonds, sous la direction et sous la
surveillance de votre comité de gestion.
M. Parent (Hull): Des trois, oui.
M. Morin: Quand vous dites que la Caisse de dépôt
rapporterait moins, faites-vous allusion au fait que le rendement à la
Caisse de dépôt était de 7,88% pour l'année
écoulée, par rapport à 8,75%? C'est ce que vous voulez
dire.
M. Parent (Hull): Oui, à cause des frais d'administration
qu'ils seraient dans l'obligation de nous imposer.
M. Morin: Oui. M. le Président, j'ai terminé pour
le programme 7. A moins que mes collègues aient des questions, nous
sommes prêts à procéder à l'adoption de ce
programme.
Le Président (M. Houde, Limoilou): Y a-t-il d'autres
questions au programme 7?
M. Mercier: Adopté.
Le Président (M. Houde, Limoilou): Les
éléments I et 2 du programme 7 sont adoptés.
M. Morin: Adopté.
Le Président (M. Houde, Limoilou): La commission ajourne
ses travaux sine die.
(Fin de la séance à 11 h 59)