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Version finale

30e législature, 3e session
(18 mars 1975 au 19 décembre 1975)

Le jeudi 15 mai 1975 - Vol. 16 N° 90

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Etude des crédits du ministère des Finances


Journal des débats

 

Commission permanente des finances,

des comptes publics et du revenu

Etude des crédits du ministère des Finances

Séance du jeudi 15 mai 1975

(Dix heures quinze minutes)

M. Brisson (président de la commission permanente des finances, des comptes publics et du revenu): A l'ordre, messieurs!

M. Faucher (Yamaska) remplace M. Déom (Laporte) et M. Lacroix (Iles-de-la-Madeleine) remplace M. Saindon (Argenteuil). Nous avons quorum et nous allons commencer l'étude des crédits du ministère des Finances. La parole est au ministre.

Remarques préliminaires

M. Garneau: M. le Président, d'abord, je voudrais présenter les fonctionnaires du ministère qui m'accompagnent:II y a d'abord M. Pietro Guerci, sous-ministre adjoint au financement. M. Goyette, le sous-ministre, avait déjà accepté de donner une conférence à un groupe à Montréal et, comme il ne pouvait pas l'annuler à la dernière minute, parce que nous avons su seulement hier soir que l'étude de nos crédits se faisait ce matin, il sera ici cet après-midi et ce soir, si nous siégeons. Le sous-ministre adjoint aux Finances, M. Michel Au-det; le contrôleur des Finances, M. Lefebvre, et son adjoint, M. Breton, de même qu'un autre de ses adjoints, M. Roger Croteau, et également, à l'autre bout, M. Gariépy, qui est le directeur du Centre du traitement électronique des données; M. Pierre Sarault, du groupe de recherche économique et fiscale; M. André Montmigny, chef du personnel; M. Serge Juneau, contrôleur des finances, et M. Rosaire Plante, qui était comptable du ministère jusqu'à aujourd'hui. Il est muté au ministère du Travail et il sera remplacé par M. Jean Bel-lavance, qui est ici également. Est-ce que j'en ai oublié? Non, tout le monde est là. Il y a également M. Filion, qui est de mon bureau.

M. le Président, au début du travail en commission, il convient que je fasse quelques remarques, d'abord pour souligner que la commission a déjà procédé à l'analyse de la section se rapportant à la Curatelle publique, dont la responsabilité ministérielle relève du ministre d'Etat, M. Oswald Parent. Ces crédits ont été étudiés au début de cette semaine.

Pour ce qui est de la politique financière du gouvernement, j'ai eu l'occasion, le 17 avril, de l'exposer à l'Assemblée nationale et le document a été rendu public. Il est disponible, de telle sorte que, s'il y a des questions, nous pourrons en discuter plus à fond plus tard. Je ne crois pas qu'il y ait lieu pour moi de déborder de ce qui a été dit et écrit dans le texte du discours sur le budget.

J'aimerais plutôt faire des remarques d'ordre général, concernant trois des programmes du mi- nistère des Finances qui ont un caractère opérationnel plus important, à savoir le programme no I, le programme no 3 et quelques notes également concernant la gestion de la dette.

D'abord, le programme no I du ministère des Finances concerne les études économiques et fiscales. En 1974/75, cette direction comportait 21 personnes, dont seize cadres ou professionnels, soit l'effectif qui avait été prévu aux crédits. Ce groupe de la recherche économique et fiscale est dirigé par le sous-ministre adjoint aux Finances, M. Michel Audet. Il a comme principaux adjoints M. Pierre Sarault, qui est responsable des questions économiques, et M. Michel Grignon, qui dirige les questions fiscales.

Des études d'ordre économique et financier, qui intéressent l'évolution de l'économie, la location générale des ressources et des problèmes reliés au financement du secteur public, de même que l'aspect fiscal et les modifications qui sont apportées relèvent de cette division, en ce qui regarde les recommandations qui peuvent être faites au gouvernement, de même que les recherches sur révolution des revenus du gouvernement.

Je dirai qu'au cours de l'année qui s'est terminée, ce groupe de recherche économique et fiscale a participé étroitement, dans le cadre d'un comité conjoint de politique fiscale avec le ministère du Revenu et le Conseil du trésor, à l'étude et à l'élaboration des mesures que j'ai eu le plaisir d'annoncer dans le discours sur le budget.

Par ailleurs, on s'est appliqué, au niveau de ce groupe de travail, de cette direction, à raffiner les méthodes de prévision de revenus ainsi qu'à les remanier en fonction des nouveaux paramètres de la fiscalité. Cette opération se poursuivra au cours de cette année alors qu'on compte utiliser de plus en plus les moyens mécanographiques.

Enfin, le service des études fiscales a participé à divers comités aux niveaux interministériel et fédéral-provincial. Ces comités visaient divers sujets, tels la fiscalité minière et pétrolière, que j'ai déjà soulignée, la sécurité du revenu, la taxation gouvernementale, etc.

La direction des recherches économiques et fiscales a également participé à la préparation des travaux reliés aux conférences fédérales-provinciales des ministres des Finances.

Du côté des études économiques, les travaux se sont poursuivis dans trois secteurs. Sur le plan de la conjoncture, on s'est attaché à parfaire l'analyse de l'activité économique en utilisant, entre autres, à cet effet, les services du "Conference Board" avec lequel nous sommes associés pour la comparaison de nos données techniques, de même que des échanges de vues avec les différents participants à ce groupe de travail qu'on appelle le "Conference Work".

Cette étude de la conjoncture se traduit principalement par une analyse trimestrielle des principaux indicateurs économiques. Cette division a, d'autre part, été appelée à produire le dossier technique de conjonctures de diverses conférences fédérales-provinciales des premiers ministres auxquelles le ministre des Finances a également

participé. Elle a enfin contribué à divers éléments du budget, particulièrement l'annexe sur l'économie.

Dans le cadre de l'allocation des ressources, ce service ou cette direction générale s'est aussi attaché à la révision de diverses mesures d'aide à l'investissement, lesquelles furent poursuivies principalement en raison de l'évolution de l'activité économique. Elle s'est aussi attachée à étudier les problèmes des petites et moyennes entreprises et a mené, en collaboration, l'analyse qui a entraîné l'institution des SODEQ. Dans le même ordre d'idées, ce service a aussi contribué à la préparation du dossier technique de l'allocation triennale des ressources, en particulier en regard de l'évolution des revenus et des besoins de financement.

Quant aux études à caractère financier, le service des études économiques s'est appliqué à soutenir les travaux reliés à l'émission des titres québécois. Ce soutien s'est manifesté, entre autres, par la préparation d'un dossier économique et financier permettant d'effectuer certaines représentations aux agences américaines de cotations ou de "rating", pour employer un terme anglais de titres financiers. Cette section a aussi apporté sa collaboration à la préparation des prospectus d'émissions. Inutile de dire que ce travail qui se poursuivait depuis plusieurs mois a été un élément important dans la transmission des renseignements les plus précis possible qui ont permis à l'agence American Duties de reclassifler à la hausse la cote des titres de la province.

D'autre part, elle a aussi poursuivi d'autres travaux sur divers sujets. Entre autres, on peut citer l'analyse des diverses sources de financement et leur impact sur différents aspects de la vie économique québécoise. Pour ce qui est de l'avenir, évidemment, il nous faut poursuivre dans le même sens qu'annoncé, il y a certains travaux qui doivent être poursuivis, que ce soit au niveau de l'analyse conjoncturelle, où il faut parfaire certains instruments d'analyse, il y a aussi tout l'aspect de l'étude de l'impact de la masse salariale au niveau de la convention collective qui est en négociation, à laquelle la division des recherches économiques et fiscales sera appelée à fournir une certaine contribution. Il y a toute la division des études financières qui doit procéder à l'analyse de certaines tendances, certaines évolutions qui ont cours actuellement, non seulement au Québec mais dans l'ensemble du Canada concernant l'évolution de l'épargne et la façon dont cette épargne est utilisée. Evidemment, c'est un travail assez considérable et qui se poursuivra certainement sur plus d'une année.

Nous voulons aussi mettre l'accent sur la question de la préparation de la législation concernant les SODEQ que j'ai annoncée dans le discours sur le budget. Le groupe de recherche économique et fiscale participe en collaboration avec le ministère de l'Industrie et du Commerce, le ministère du Revenu et celui des Institutions financières à la préparation de la législation qui formera ces SODEQ et qui, je l'espère, pourra être présentée à l'Assemblée nationale dès la reprise de nos travaux parlementaires à l'automne.

Dans cette division des priorités économiques et budgétaires, nous voulons aussi raffiner les comparaisons interprovinciales des dépenses et l'analyse sélective, selon diverses variables.

Je pense que c'est un instrument d'analyse que nous devrons perfectionner davantage. Il y aura également les travaux de mise à jour concernant l'analyse faite par M. Rabeau sur l'impact économique des mesures budgétaires et fiscales au cours des années. Nous voulons également, en ce qui regarde la fiscalité, tenter de mettre certaines choses sur informatique, en construisant un modèle pour être en mesure de sortir beaucoup plus rapidement toutes les évaluations de pertes ou de gains de revenus que peuvent provoquer des modifications fiscales. Nous entreprenons, au niveau de cette section de la division des recherches économiques et fiscales, une analyse en profondeur de l'assiette de la taxe de vente, qui n'a pas été modifiée depuis un certain temps et qui, l'ayant été dans d'autres provinces, nous place dans une situation concurrentielle un peu embêtante sur certains aspects. Nous voulons dégager les points positifs et négatifs de cette question. Nous entreprenons également — c'est peut-être là une partie également très importante de nos travaux, non seulement pour l'an prochain, mais pour l'autre année — toute la documentation de base en vue du renouvellement des accords fiscaux avec le gouvernement fédéral, qui arrivent à échéance en I977.

J'aimerais également faire quelques remarques concernant le programme 3. Parmi les faits signalés l'an dernier, j'avais attiré l'attention des membres de cette commission sur trois points principaux qui avaient particulièrement marqué les activités du bureau du contrôleur des finances, au cours de l'année financière 1973/74. Le rodage du sous-système de contrôle des dépenses, dépendant du système de gestion budgétaire et comptable, communément appelé SYGBEC; le rattachement au bureau du contrôleur des finances du centre de traitement électronique des données et la mise en place d'une nouvelle structure qui allait de pair avec les responsabilités accrues du contrôleur des finances constituaient trois étapes qui étaient d'une portée capitale sur l'avenir de ce bureau.

Certaines initiatives prises au terme de l'exercice précité, telles que l'introduction d'un nouvel ordinateur de marque Univac et la mise sur pied d'une direction de la vérification des systèmes informatisés, devaient aussi exercer une influence prépondérante sur les activités de l'année financière 1974/75.

J'avais encore laissé entrevoir la prochaine adoption, par le Conseil du trésor, d'un projet de directive de contrôle de la perception des revenus, une chose qui avait été soulignée dans le rapport du vérificateur, ainsi que d'éventuels amendements à la Loi de l'administration financière.

Enfin, j'avais annoncé des modifications marquantes dans la présentation des comptes publics

de l'année financière terminée le 31 mars 1974. Les objectifs que nous nous étions fixés sont réalisés en majeure partie, mais cela ne s'est pas fait, en 1974/75, sans des heurts inévitables dus à la complexité même des projets.

Les services de la direction générale de la comptabilité, postés dans les divers ministères, ont su, par exemple, relever un défi d'envergure, malgré les difficultés sans nombre qui se sont présentées dès le début.

En effet, suite au rodage que j'ai rappelé tantôt, l'implantation de SYGBEC s'est effectuée depuis le 1er avril 1974. Ce jour-là fut celui du vrai départ, puisque les années antérieures avaient été des années de programmation, d'essais. Donc c'était véritablement le départ et l'expérimentation pour le vrai de tout ce système.

La mise en place du système a connu, évidemment, des difficultés mécaniques et techniques qui ont compliqué la tâhce de nos comptables; ceux-ci ont eu, en outre, à faire face à un surcroît de travail considérable par suite de la tenue en parallèle de la comptabilité conventionnelle.

Il s'agissait là d'une précaution impérative, parce qu'il fallait absolument s'assurer de l'exactitude des données comptables servant au contrôle des crédits budgétaires et à l'élaboration des états financiers de la province.

Les structures des services de la comptabilité ont dû, par le fait même, être ajustées pour être plus en mesure d'assumer ces nouvelles responsabilités et d'absorber ce surcroît de travail.

Il a fallu, néanmoins, recourir au service de personnel recruté sur une base occasionnelle, n'ayant pas généralement l'expérience nécessaire et il a fallu aussi effectuer du travail en temps supplémentaire.

Les efforts fournis pour remédier à la situation nous permettent, cependant, d'espérer entrevoir une normalisation de cette situation dans un proche avenir.

L'abandon graduel du système parallèle est envisagé, par exemple, et, déjà, depuis le 1er avril 1975, le service de la comptabilité ne procède plus à l'enregistrement manuel détaillé des frais de voyages par individu et des frais généraux par fournisseur.

Un enregistrement très sommaire demeure cependant au niveau des comptes de contrôle seulement.

Par ailleurs, nous prévoyons, pour l'année financière qui commence, la mise en place d'une structure administrative plus adéquate à la direction générale de la comptabilité.

Il s'agit là d'une opération nécessaire afin de réévaluer les procédures de travail et leur pertinence, de manière à les améliorer sensiblement.

La direction de la vérification des systèmes, qui relève précisément de la direction générale de la comptabilité, connaîtra aussi un certain développement pour l'aider à atteindre ses objectifs. Ceux-ci consistent à s'assurer de l'existence de contrôles adéquats à l'intérieur de tous les systèmes mécanisés du gouvernement ainsi que de la pertinence des traitements de l'information effectués par ces systèmes.

On entrevoit aussi, pour 1975/76, le développement, à la direction générale, des systèmes et du traitement de l'information, de laquelle dépend étroitement la réussite de la mécanisation des opérations budgétaires et comptables.

J'ai déjà fait allusion à l'ordinateur de marque Univac. A cause de la demande accrue provenant du système intégré de gestion du personnel et également à cause de l'ampleur du traitement des données comptables, nous avons procédé à la location d'un ordinateur puissant de marque IBM.

En effet, SYGBEC et le système intégré de gestion du personnel sont tous deux à un stade d'évolution constante et ne peuvent supporter aucun délai.

En 1975/76, nous mettrons un accent particulier sur le contrôle de la perception des revenus. Le document élaboré par une équipe de la direction générale des contrôles financiers fait désormais l'objet du règlement AF-6 et de la directive 1-75 qui précise les modalités d'application dudit règlement.

En vertu de cette même directive, le contrôleur des finances a établi l'ensemble de la procédure à suivre clans l'application de ces règlements et de cette directive.

Des postes additionnels sont naturellement demandés pour permettre à la direction générale des contrôles financiers de s'acquitter de ses nouvelles fonctions, qui se traduiront sûrement par un accroissement sensible du volume de travail.

Passant aux comptes publics de l'année financière terminée le 31 mars 1974, les membres de l'Assemblée nationale ont pu constater que des changements majeurs ont été apportés. L'ordre de présentation a en effet été modifié afin de mieux soutenir la comparaison avec celui du budget qui, depuis l'année financière 1973/74, est établi suivant la méthode des programmes.

Par cette méthode, les ressources sont orientées en fonction des objectifs que le gouvernement s'est préalablement fixés. Présentés selon les caractéristiques propres à cette méthode, les comptes publics deviennent plus significatifs.

Par ailleurs, il a été décidé de les scinder en deux volumes bien distincts afin d'en faciliter la consultation: états financiers d'une part et détail des dépenses d'autre part.

En ce qui concerne finalement les amendements que nous voulons apporter à la Loi de l'administration financière, nous avons dû, à cause des impératifs que je viens de signaler, reporter à plus tard l'examen des propositions qui ont été soumises.

Le travail préliminaire est assez avancé, cependant, et il y a tout lieu de croire qu'à l'automne nous pourrons apporter ces amendements à la Loi de l'administration financière dont j'ai parlé l'an passé et sur lesquels le contrôleur des finances et le Vérificateur général ont fait certaines remarques.

Enfin, pour ce qui est de la direction de la gestion de la caisse, il s'agit-là d'une section adminis-

trative extrêmement technique. Un certain nombre d'opérations ont été menées afin d'économiser des frais d'opération, et des ententes ont été signées avec les banques pour ce qui est de la conciliation des chèques, ce qui nous a permis de restreindre les temps de délais durant lesquels on pouvait transmettre des informations aux ministères clients, en particulier pour ce qui regarde les allocations familiales.

Nous avons également eu des négociations avec les banques pour que les sommes d'argent déposées au compte du gcuvernement dans des succursales un peu partout à traversée Québec par les agents qui perçoivent du revenu puissent être transférées dans les comptes avec des délais minimaux, de telle sorte que nous ne perdions pas les intérêts qui autrement n'auraient pas pu profiter à l'ensemble de l'activité gouvernementale sur le plan financier.

Voilà, M. le Président, les principales remarques que je voulais faire sur les trois principaux programmes d'activités. Je pense bien que, lorsque nous entreprendrons chacun de ces programmes, il y aura sans doute des questions à poser ou des explications additionnelles à transmettre aux membres de cette commission.

Le Président (M. Brisson): Le député de Sauvé.

Questions?... Adopté?

Commentaires de l'Opposition

M. Morin: M. le Président, le budget constituant aujourd'hui non seulement une technique de répartition des revenus et des dépenses gouvernementaux, mais également un instrument qui permet d'agir sur la conjoncture, je voudrais, avant de passer à l'examen de chaque programme du ministère des Finances, faire quelques commentaires sur ce second aspect du budget qui prend évidemment une importance considérable, accrue en période de mauvaise conjoncture.

Or, pour employer un euphémisme, nous sommes précisément, à l'heure actuelle, en période de basse conjoncture. De fait, nous sommes en pleine récession et l'instrument budgétaire prend alors toute son importance.

Je ne suis pas sûr, cependant, que le ministre des Finances et le gouvernement aient su utiliser pleinement, à bon escient, le budget de cette année à des fins conjoncturelles, à des fins de redressement de la conjoncture. Je l'ai déjà dit à plusieurs reprises, notamment à l'occasion des crédits, à l'occasion du discours du budget, mais il est peut-être bon d'y revenir ce matin, à tête plus reposée, alors que l'opération publicitaire du ministre est terminée et que peut-être nous pouvons, avec un peu moins d'esprit partisan, étudier les aspects conjoncturels de la politique budgétaire du gouvernement.

La situation économique du Québec s'est gravement détériorée, au cours des derniers mois. D'ailleurs la plupart des indicateurs économiques témoignent, depuis de longs mois, de l'affaissement graduel de la croissance économique. L'Op- position s'est inquiétée de cette situation déjà à plusieurs reprises et, dès I974, j'ai attiré l'attention du ministre des Finances, de même d'ailleurs que celle du ministre de l'Industrie et du Commerce, sur une situation qui ne laissait pas d'être inquiétante.

A maintes reprises, nous avons demandé au gouvernement, de dresser, devant l'opinion, devant les Québécois, un tableau objectif de la situation économique. Nous avons demandé au gouvernement de passer à l'action, pour tenter de redresser la situation avant qu'elle ne se gâte. De fait, elle s'est gâtée depuis lors.

Le gouvernement, que ce soit par la bouche du ministre de l'Industrie et du Commerce, avec lequel je me suis souvent entretenu de ces problèmes, en Chambre, que ce soit par la bouche du ministre des Finances, le gouvernement a toujours un langage vague à souhait, empreint d'un optimisme qui a peu à voir avec la réalité économique du Québec et de l'Amérique du Nord, dans son ensemble.

Depuis le dernier trimestre de I974, effectivement, la situation économique américaine est passée en état de non croissance, et cela devait, tôt ou tard, avoir des répercussions pour le Québec et pour l'ensemble du Canada naturellement. Au niveau canadien, la situation s'est détériorée, s'est dégradée déjà dès le deuxième trimestre de I974, c'est-à-dire, j'entends les mois d'avril, mai et juin. La croissance est devenue nulle, dès ce moment.

Pendant ce temps, la situation économique américaine continuait de s'aggraver, et cela évidemment a fini par avoir un impact considérable sur l'économie du Québec. Ce qui nous a étonnés, je ne vous le cacherai pas, M. le Président, c'est que chaque fois que nous avons soulevé ces problèmes en Chambre, le gouvernement, au lieu d'admettre que la situation était mauvaise, au lieu de mettre les Québécois devant la réalité, parce que c'est un instrument important de contrôle de la réalité que de la décrire de façon correcte, a laissé croire à la population que tout va bien, que la situation est rose, que les indicateurs économiques ne sont pas si mal que cela.

Avec le résultat que la population, qui ne demande qu'à croire, d'ailleurs, qu'il n'y a pas de problème, la population qu'on néglige d'informer correctement, de mettre dans le coup, la population évidemment, dans une très large mesure, a continué à vivre comme si de rien n'était, du moins pour ceux qui ne sont pas tombés en chômage et pour ceux dont le salaire n'a pas connu une chute dramatique en fonction de la hausse du coût de la vie et de la perte concomitante du pouvoir d'achat.

C'est une bien mauvaise façon de gouverner, que de ne pas informer les citoyens de ce qui se passe, surtout dans le domaine économique car, tôt ou tard, il faut évidemment faire face à la réalité. Tôt ou tard, les chiffres finissent par vous rejoindre, les courbes statistiques finissent par avoir des effets concrets sur la vie de tous les jours. Et alors là, évidemment, il est beaucoup plus difficile de s'expliquer.

Ce qui nous a beaucoup étonnés dans l'atti-

tude du gouvernement — je le répète au ministre des Finances, puisque l'occasion m'en est donnée, je sais qu'il ne m'écoutera guère, mais je crois que c'est quand même mon devoir de lui dire mon étonnement — c'est que le gouvernement a fermé les yeux littéralement, ou plutôt, pour être plus exact, a fermé les yeux de la population sur ces réalités jusqu'à ce qu'elles deviennent intolérables, proprement intolérables.

J'imagine que, dans le secret de son cabinet, le ministre savait, en fait, très bien ce qui se passait. J'imagine que le ministre est suffisamment compétent pour interpréter les principaux indicateurs économiques. S'il ne l'est pas, je sais qu'il a, autour de lui, des fonctionnaires qui sont capables de lui faire des dessins. Mais ces dessins, le gouvernement ne les a pas transmis à la population. Dans ces conditions, il est presque étonnant que le gouvernement se soit rendu compte, pour la première fois en avril 1975, que la conjoncture, tout à coup, était devenue mauvaise.

Et encore là faut-il souligner la timidité du langage utilisé par le gouvernement, quand on entend, par exemple, le ministre des Finances, je le lui ai déjà signalé, lors du débat, parler d'un certain ralentissement de la demande — le vocabulaire est quelquefois important — alors qu'il s'agit d'un ralentissement certain, en réalité, de la demande. Il s'agit non pas d'une tendance passagère, légère à la baisse, mais d'une tendance persistante, dont on ne voit d'ailleurs pas la fin.

De l'avis de la plupart des experts, M. le Président, nous sommes témoins d'un ralentissement de l'économie qui est à la fois grave et persistant. Comment pouvons-nous estimer, que tout va bien, quand les pronostics du gouvernement fédéral et ceux d'un organisme aussi réputé que la Conference Board estiment que la croissance économique va être nulle cette année, par rapport à l'année dernière? Comment est-il possible de dire, parce que je suis bien sûr qu'on ne le croit pas, comment est-il possible de dire que la situation n'est pas grave, alors que les derniers résultats trimestriels indiquent une chute du produit national brut au taux annuel de 5.2%, que le taux de chômage était de 10.8% le mois dernier, qu'il est demeuré, malgré qu'en avril d'habitude, il y ait une nette amélioration dans l'emploi, il est demeuré de 10.4% pour le troisième mois, les semaines les plus récentes?

Cela représente, M. le Président, un sommet, depuis treize ou quatorze ans, si je ne m'abuse. Comment peut-on décrire la situation de façon optimiste ou en tout cas dire aux gens de ne pas trop s'inquiéter, alors qu'on assiste à un ralentissement certain des nouveaux emplois créés depuis le début de l'année 1975? Une moyenne de 54,000 contre 96,000 pour la même période de 1974.

Comment pouvons-nous espérer que les Québécois vont faire l'effort nécessaire pour redresser cette conjoncture? Chacun sait, qu'on ne peut lutter à armes égales, avec des phénomènes comme ceux-là, que si toute la population accepte la description que le gouvernement fait de la situation. On ne peut lutter contre des phénomènes aussi importants que si tout le monde comprend que la situation est grave et accepte donc d'avoir un comportement économique idoine qui correspond au problème.

Je sais que le ministre me répondra peut-être que, quoi qu'il dise, lui, la population pourrait continuer de vivre comme si de rien n'était. Mais ce n'est pas exact, ce n'est pas entièrement exact. C'est vrai que dans notre population, il y a beaucoup d'éléments qui ne veulent rien savoir de la situation économique telle qu'elle existe et qui continuent à vivre comme si de rien n'était. Mais, je crois, que, si le gouvernement adoptait une attitude ouverte, une attitude franche, il pourrait déjà préparer la population à l'effort qui va être nécessaire, au cours des mois et des années qui viennent, pour redresser le gouvernail, pour remettre la galère dans le droit chemin.

Quand on prend connaissance des dernières statistiques globales de l'économie américaine, M. le Président, il n'y a pas de quoi à être vraiment optimiste. Ces statistiques nous révèlent qu'au cours du premier trimestre I975, le PNB américain a régressé au taux annuel tout à fait exceptionnel de 10%. Il est difficile, dans les circonstances, d'imaginer que le Québec ne subira pas lui aussi, au cours des prochains mois, et peut-être même pour une période prolongée, d'après ce qu'on peut lire, dans la presse économique, les contrecoups de cette abrupte récession chez nos voisins du sud.

Encore là, on peut se demander, si l'économie a atteint le creux de la vague. Les récentes prévisions fédérales font état, au Canada, d'un sérieux ralentissement des investissements manufacturiers prévus pour le Québec, en I975. Ceux-ci n'augmenteront que de 7,3%. C'est un taux qui est largement inférieur au taux canadien de 22,3% . Si maintenant on veut se donner une vision réaliste de la situation, si on parle en termes réels, c'est-à-dire compte tenu de l'inflation, les investissements vont connaître non seulement un ralentissement en I975, mais ils vont diminuer.

En I975, en termes réels, il y aura moins de construction d'usines au Québec qu'il y en a eue l'année précédente. C'est cela que ça veut dire en termes concrets. Devant ces données, nous aurions été en droit d'attendre, de la part du gouvernement, une politique budgétaire qui soit vigoureusement expansionniste. Ce n'est pas ce que nous avons obtenu, l'actuel budget prévoit un déficit de l'ordre de $300 millions. Mais, si l'on compare ce déficit avec celui des années précédentes, on s'aperçoit que cette année, le coup de barre attendu n'a pas été donné.

En effet, l'an dernier, pour l'année 1974/75, le ministre avait prévu, lors du discours du budget de mars I974, un déficit budgétaire qui était déjà de l'ordre de $225 millions.

M. Garneau: L'an passé? M. Morin: En 1973/74. M. Bacon: En 1973/74.

M. Morin: ... un déficit qui était déjà de l'ordre de $225 millions. M le Président, même l'année précédente, qui a été une année exceptionnelle, pour l'Amérique du Nord et pour le Québec, la plus grosse année de croissance depuis fort longtemps.

Le budget avait prévu un déficit de l'ordre de $258 millions. D'ailleurs, on peut trouver ces chiffres à la page 77 du discours du budget. Pour 1972/73, le déficit était de $323 millions; pour 1973/74, de $258 millions; pour l'année 1974/75, de $225 millions et, enfin, cette année, de $300 millions.

M. le Président, si maintenant on considère ce déficit en termes réels et en fonction de l'impact sur l'économie, on doit constater que cela correspond tout juste à l'augmentation, à la dépréciation de l'argent et, encore, quand on compare avec l'Ontario, par exemple, l'Ontario qui a décidé cette année de faire un déficit de $1.6 milliard, $1.1 milliard, si on ne compte pas le parapublic, on se rend compte que la politique financière du Québec, la politique conjoncturelle du Québec se réduit à peu de chose. L'impact sur l'économie de ce déficit va être à peu près nul, on peut le prévoir d'avance.

M. le Président, le Québec n'a pas vraiment cette année, en une période où il faudrait vraiment donner un coup de barre, de politique anticonjoncturelle. Nous ne pensons pas, quoique en dise le ministre, que le budget va constituer une aide sérieuse à l'économie québécoise. Nous ne pensons pas que ce déficit marginal va servir sérieusement à donner un élan nouveau à l'économie québécoise. Nous ne croyons pas non plus que seules des coupures d'impôt soient suffisantes. Il aurait fallu prévoir, en plus des éléments strictement fiscaux, des stimulants budgétaires beaucoup plus généreux et, en particulier, dans des catégories de dépenses susceptibles d'avoir des effets d'entraînement importants pour l'économie québécoise.

Par exemple, dans la perspective d'un taux de chômage très élevé, au niveau de l'ensemble du Québec, particulièrement désastreux dans les régions périphériques, comme j'ai pu le constater lors de mes diverses tournées, il est impensable qu'on ait réduit substantiellement les travaux d'amélioration de la forêt puisque les crédits à ce poste diminuent de $8 millions, en 1974/75, à $7.3 millions, pour l'année 1975/76.

De la même façon, M. le Président, on ne peut que s'étonner que les crédits affectés à la construction du réseau routier diminuent de $20 millions. En termes réels, compte tenu de l'inflation ou, de façon plus concrète, en termes de milles de routes, de kilomètres de routes qui ne seront pas construits, en termes de nombre de ponts, en termes de nombre d'emplois créés, la diminution va être de l'ordre de 20% cette année, en pleine période de basse conjoncture.

De même, dans un autre domaine qui est un classique, qui permet d'agir sur la conjoncture, celui de la construction domiciliaire, il est inadmissible que le gouvernement ne se soit pas servi de ses dépenses budgétaires pour relancer la construction. Les dernières statistiques fédérales font état d'un ralentissement plus qu'inquiétant des mises en chantier au Québec. Au cours du mois de mars, le nombre des mises en chantier est tombé de 50% par rapport à celui du mois de mars I974.

Ce sont des faits, tout cela. Je vous avoue que je profite de l'occasion pour dire, une fois de plus, mon inquiétude non seulement devant la situation économique, mais devant la façon dont le gouvernement traite cette situation.

Il aurait fallu un important programme d'aide à la construction domiciliaire, programme qui aurait dû au moins comporter cette prime de $1.000 dont nous avions fait la suggestion au ministre, pour chacune des mises en chantier d'habitations résidentielles.

En somme, M. le Président, si le gouvernement espère relancer l'économie avec un budget aussi peu expansionniste, j'estime qu'il y a très peu de chances qu'il atteigne son but. Peut-être convient-il de dire quelques mots aussi sur un autre aspect du budget. Les réductions ou les soi-disant réductions annoncées par le ministre au cours de son discours d'il y a quelques semaines.

Le ministre des Finances s'est livré, dans son discours, à de véritables manipulations des chiffres, pour gonfler le montant des réductions d'impôt qu'il a annoncées. Par exemple, lorsqu'à la page 18 de son discours du budget, il annonce de nouvelles réductions d'impôt sur le revenu des particuliers, au montant de $80 millions, le ministre ne fait, somme toute, qu'ajouter quelque $20 millions à des réductions d'au moins $60 millions qui s'appliquaient déjà en I974 au double titre de l'épargne-logement et des revenus d'intérêt.

Je pense, M. le Président, qu'il ne faut pas craindre les mots. Le budget, sur ce plan, je ne dis pas sur tous les plans, mais, sur ce plan, était carrément hypocrite. Il triturait les chiffres pour annoncer de fausses réductions, des réductions d'impôt qui était déjà en vigueur, rétroactivement, pour l'année précédente. J'ose à peine croire que des manipulations de cette sorte aient pu venir des fonctionnaires. Je pense que c'était une opération politique dont le ministre doit porter la responsabilité.

Les réductions au titre de l'épargne-logement et de l'exemption de $1,000 pour les revenus d'intérêt, évaluées à $60 millions annuellement et qui sont annoncées comme étant nouvelles, dans le discours du budget, avaient en effet déjà fait l'objet d'une annonce en décembre 1974 ainsi que d'un avis spécial du ministère du Revenu envoyé à tous les contribuables et que vous avez reçu, M. le Président, tout aussi bien que moi, avis dans lequel il était spécifié que ces réductions étaient applicables pour l'année d'imposition 1974.

Il est donc faux, M. le Président — je l'ai déjà dit publiquement, mais je tiens à le répéter à l'occasion de l'étude des crédits du ministère des Finances — de dire, comme l'a fait le ministre, à la page 18 de son discours, que ce montant de $80 millions s'ajoute à l'allégement de $340 millions au titre du revenu, ce qui constituait, au dire du mi-

nistre, un total de $420 millions ou plus de 15% de l'impôt qui aurait été autrement payable en I975.

En réalité, s'il n'y avait eu aucun changement en I975 par rapport à I974, ce ne sont pas $420 millions qui auraient été autrement payables, pour utiliser le jargon du ministre, mais bien $360 millions. Evidemment, cela faisait mieux dans l'opération publicité qu'a constituée le dernier budget, dans les communiqués de presse, de parler d'une réduction d'impôt de $420 millions sur le revenu des particuliers.

M. Garneau: M. le Président...

M. Morin: J'achève, M. le Président. Si le ministre veut bien me laisser terminer mes remarques...

M. Garneau: Non, ce n'est pas cela, c'est que j'invoque le règlement. Le chef de l'Opposition vient de se référer aux communiqués de presse. Je lui indiquerai que, s'il revérifie les communiqués de presse, il constatera que, dans les communiqués, nous l'avons indiqué. Toute son argumentation, selon laquelle nous avons essayé de camoufler la réalité, c'est que, non seulement ce n'était pas une opération publicitaire, parce que ce qui pouvait constituer une opération publicitaire aurait été les communiqués de presse, mais, dans les communiqués de presse, il était clairement indiqué qu'il s'agissait de mesures qui avaient été annoncées en décembre et dont l'impact véritable, sur le plan de l'économie et sur le plan des revenus de la province, se réalisait en 1975/76.

J'invite le chef de l'Opposition à relire les communiqués de presse, puisqu'il vient de s'y référer. Tant qu'il a parlé du discours du budget, je n'ai pas voulu l'arrêter, mais, comme il se réfère aux communiqués de presse, je l'inviterais à le faire, s'il veut une exactitude...

M. Morin: Je les ai lus, M. le Président, et j'avoue qu'ils sont fort habilement faits.

M. Garneau: Nous les mentionnons. M. Bacon: Comme les vôtres.

M. Morin: Mais, il faut convenir qu'ils étaient faits de sorte que la presse, dans son ensemble, s'est laissé prendre à ce piège.

M. Bacon: Ils étaient mieux faits que le vôtre, la veille.

M. Morin: Le ministre ne peut pas en disconvenir.

M. Bacon: C'était mieux fait que le vôtre, la veille.

M. Garneau: L'information était là. C'est ce que nous avons voulu faire. Nous avons donné toute l'information.

M. Morin: Elle était très habilement distillée, M. le Président.

M. Bacon: Beaucoup mieux que le vôtre, la veille.

M. Morin: Mais, si on veut bien me laisser terminer mes remarques, j'achève, on aura tout le loisir de me répondre, surtout que, sur ces $360 millions dont j'ai parlé, il y en a $200 millions qui proviennent, comme nous l'avons fait observer déjà, de la non-indexation de l'impôt sur le revenu des particuliers et de la hausse engendrée automatiquement par l'inflation.

Evidemment, l'habileté du ministre lui a permis de dire que les allégements fiscaux dépassaient le demi-milliard. Cela lui a même permis de dire que le gouvernement était plus généreux que l'Opposition, étant donné...

M. Garneau: C'était vrai.

M. Morin: ...ce que nous avions proposé, la veille.

M. Garneau: Ce qui était vrai. C'était vrai.

M. Morin: Non, ce qui était inexact, parce que, en réalité, c'étaient des réductions réelles de l'ordre de $360 millions que vous proposiez.

M. Garneau: Non, mais le chef de l'Opposition laisse tomber une partie des modifications...

M. Morin: Le ministre aura l'occasion de s'expliquer tout à l'heure. Mais, je veux revenir, en terminant, sur le caractère extrêmement hypocrite de la présentation. Bien sûr, le ministre a le droit d'être habile. Je ne lui contesterai pas ce droit. Cela peut être, dans bien des cas, une qualité, bien sûr.

M. Bacon: Que vous n'avez pas!

M. Morin: Mais, M. le Président, j'estime que l'habileté peut quelquefois confiner à l'hypocrisie, l'habileté peut légitimement consister à faire valoir le mieux possible ce que fait le gouvernement; très bien. Mais, lorsqu'on en vient à fausser la présentation des choses, pour améliorer strictement l'image, j'estime qu'une telle opération publicitaire n'est pas justifiée. En réalité, c'était un budget non pas de réductions réelles et substantielles des impôts, mais un budget de non-augmentation, d'élimination des augmentations automatiques, ce qui n'est pas la même chose.

Voilà, en gros, ce que j'avais à dire sur le budget, dans ses aspects conjoncturels ou dans ses aspects anticonjoncturels, de même que dans la présentation qu'on en a fait à l'opinion publique. Il conviendrait, maintenant, que j'en vienne, M. le Président, à des questions d'ordre général sur le programme no 1.

Comme nous le faisons toujours, lors de l'étude des crédits de divers ministères, j'ai des questions d'ordre général à poser au ministre, à l'occasion du programme 1 et nous passerons, ensuite, selon notre habitude, plus rapidement à

l'adoption des divers programmes, si vous voulez bien en convenir, M. le Président.

Le Président (M. Brisson): D'accord. Politique budgétaire

M. Morin: Ma première question porte sur la politique budgétaire. Nous aurions été en droit de nous attendre, comme je l'ai dit, à l'instant, à un budget vigoureusement expansionniste, c'est-à-dire à un accroissement substantiel des dépenses affectées à des programmes susceptibles de créer des emplois nouveaux.

Pourquoi le gouvernement ne l'a-t-il pas fait? Pourquoi le gouvernement a-t-il restreint ses emprunts à des niveaux aussi bas? Pourquoi a-t-il diminué les dépenses de voirie? Pourquoi a-t-il laissé stagner les dépenses en matière d'habitation? Pourquoi avoir diminué les montants affectés aux travaux sylvicoles? Pourquoi avoir diminué également les montants destinés à la voirie forestière? Pourquoi avoir prévu un déficit aussi léger, à peine... qui n'est même pas plus considérable, toutes proportions gardées, compte tenu de l'inflation, que les déficits des autres années? Serait-ce par hasard à cause des contraintes qui sont imposées au gouvernement par le financement des travaux de la baie James?

C'est une possibilité qui m'est venue à l'esprit quand j'ai pris connaissance du budget. Mais je voudrais que le ministre soit beaucoup plus précis dans sa réponse qu'il ne l'a été dans le discours du budget. Pourquoi un budget aussi peu expansionniste à l'heure où les gouvernements de la plupart des pays occidentaux, qui sont en économie de marché, ont prévu des mesures vigoureusement expansionnistes pour l'année I975?

M. Garneau: M. le Président, le chef de l'opposition, avant de poser sa question, a parlé d'habileté et d'hypocrisie. S'il a eu la certaine habileté, ce à quoi je m'inscris en faux, je ne crois pas qu'on puisse m'attribuer le qualificatif d'habile dans le mauvais sens du terme, dans le sens péjoratif du terme, en ayant donné à l'Assemblée nationale et à l'opinion publique québécoise la vérité telle qu'elle se présentait... Si c'est dans ce sens qu'il m'attribue le qualificatif d'habile, je serais prêt à l'accepter pour autant qu'il n'y ait pas cette connotation péjorative au mot.

Il a parlé également d'hypocrisie. Je suis tenté de lui retourner, de lui relancer la pierre en disant que si, entre nous deux, il y a une hypocrisie qui se manifeste, c'est peut-être davantage chez le chef de l'Opposition que chez le ministre des Finances ou chez le gouvernement.

Dans ses remarques, au tout début, le chef de l'Opposition a parlé des prévisions économiques, de la situation économique québécoise et il s'est référé au document qui s'appelle le document du Conference Board. Il parle de la situation économique que nous avons vécue, que nous avons connue au premier trimestre de cette année et de celle qui a prévalu dans les derniers mois du der- nier trimestre de I974. Il a omis de dire que ce même document indique clairement — s'il se réfère aux chiffres; j'imagine qu'il l'a lu — qu'à partir du deuxième trimestre de I975, ce même organisme, le Conference Board, indique une reprise dans l'activité économique et, d'une façon particulière, à partir du troisième trimestre de I975, où les données de croissance réelle du produit national brut deviennent positives et passent même jusqu'à l.8% de croissance réelle, ce que le chef de l'Opposition n'a pas voulu mentionner dans son exposé. La seule raison que j'y vois, c'est que, peut-être, dans son rôle, ne retient-il que l'aspect négatif et ne veut-il pas admettre les aspects positifs de la situation.

Lorsqu'on se réfère à l'ensemble de la conjoncture économique québécoise au cours des dernières années, et qu'on s'y réfère avec le pessimisme que le chef de l'Opposition a utilisé dans ses propos, je pense que ce pessismisme n'est indiqué que pour des raisons politiques, électorales, sans faire aucune référence à la réalité des faits.

Lorsqu'on regarde les indicateurs économiques de l'année I974, de I973, surtout l'évolution de ces indicateurs au cours des années passées, en particulier au cours des cinq dernières années, on s'aperçoit que, d'une situation extrêmement difficile au début des années I970, la situation s'est corrigée et rapidement, que ce soit en termes de création d'emplois, que ce soit en termes d'augmentation de la demande.

Le chef de l'Opposition, tout à l'heure, se référait à une baisse dramatique de la demande. Je me demande à quel endroit il prend ses chiffres. Lorsqu'on regarde les indicateurs économiques, on voit, par exemple, qu'au cours de l'année I974, les ventes au détail ont crû de 14.6%, que la valeur des expéditions manufacturières a augmenté de 21%, que le produit national brut a augmenté de 17%, que le revenu personnel des Québécois a augmenté de plus de 17%.

Ces chiffres, dans la plupart des cas, indiquent des situations plus favorables au Québec que dans l'ensemble canadien. Lorsqu'on regarde la situation de l'emploi, on s'aperçoit que, en I974, le taux de chômage, même s'il est à un niveau que certains peuvent considérer trop élevé était le plus bas au Québec depuis I970.

Il me semble que le chef de l'Opposition, s'il voulait parler d'hypocrisie tout à l'heure et m'adresser ce qualificatif, aurait dû prendre la précaution élémentaire de se couvrir par les chiffres véritables de la situation, de telle sorte que ce ne soit pas aussi facile pour moi de lui retourner la pierre que je le fais présentement.

Lorsqu'on regarde les investissements totaux qui ont augmenté, au Québec, de 17%, en moyenne, au cours des cinq dernières années, alors qu'ils ont augmenté de 12% en Ontario et de 14% pour l'ensemble canadien, il me semble que, si le chef de l'Opposition avait voulu être un peu plus prudent, lorsqu'il m'adressait le qualificatif d'hypocrite, il aurait peut-être dû se couvrir un peu et citer également ces chiffres.

Lorsqu'on regarde l'évolution du secteur ma-

nufacturier — et je fais abstraction de l'année dernière qui a été, d'une façon particulière, extrêmement importante pour le Québec — une croissance des investissements, de 46%, en I973, par rapport à I972, de 36%; en I972, par rapport à 1971, de 26%, on y voit non seulement un taux de croissance extrêmement élevé, mais également une progression constante de ces investissements manufacturiers.

Si on regarde du côté des immobilisations, les mêmes tendances se vérifient et les mêmes tendances, également, du côté manufacturier, lorsqu'on fait abstraction du remplacement des équipements, de l'usure des équipements, il faut faire la différence entre ces investissements manufacturiers bruts et ceux qui ne tiennent pas compte du renouvellement du stock.

On s'aperçoit encore là que la croissance, au Québec, a été encore plus marquée, soit 16%, par rapport à 6% en Ontario'. Il me semble que le chef de l'Opposition aurait dû indiquer ces données, faire part de ces données, s'il veut donner une image réelle de la situation économique au Québec.

M. Morin: Ce sont les chiffres de 1974, que vous venez de donner.

M. Garneau: Je viens de donner la moyenne des cinq dernières années, dans l'évolution véritable des investissements du secteur manufacturier, c'est la moyenne...

M. Morin: Nous étudions les crédits de 1975 depuis tout à l'heure.

M. Garneau: M. le Président, pour faire une projection, je crois que le chef de l'Opposition a parlé de révolution de l'économie, en disant que, depuis plusieurs mois, nous étions dans une situation — il n'a peut-être pas employé le terme du chef du Ralliement créditiste — il n'a peut-être pas employé le terme de "marasme", mais, quand même, il a fait une analyse extrêmement pessimiste de révolution de la situation.

Je pense que, pour être objectif, pour donner une situation telle qu'elle a été vécue au cours des années 1972, 1973 et 1974, sur lesquelles nous nous appuyons pour établir notre politique budgétaire et fiscale, le chef de l'Opposition, s'il avait voulu éviter toute hypocrisie, aurait pu donner également ces statistiques qui sont extrêmement encourageantes et qui dénotent que l'action du gouvernement, au cours des dernières années, s'est traduite par un accroissement du niveau de vie québécois, du pouvoir d'achat réel des Québécois, des travailleurs, et il me semble que cela aurait été de donner le ton à une discussion qu'il voulait sereine et objective.

M. le Président, le chef de l'Opposition s'est référé également aux modifications fiscales. Je comprends qu'il est placé dans une bien mauvaise situation, puisque le gouvernement, pour une fois dans l'histoire politique du Québec, dans des propositions... Evidemment, quand on est dans l'Opposition, c'est toujours facile de faire des remar- ques et de proposer des mesures qui coûtent beaucoup d'argent, puisqu'on n'a pas à les financer.

Le chef de l'Opposition, dans une tentative d'exposé budgétaire à la veille du dépôt du budget du gouvernement, proposait une baisse d'impôt de $500 millions et que nous arrivons avec une baisse véritable de la charge fiscale en 1975/76 de $540 millions, je comprends qu'il est placé dans une mauvaise situation et qu'il essaie de ramasser, de rapailler quelques éléments ici et là qui vont donner une certaine allure de respectabilité aux gestes qu'il pose à l'Assemblée nationale et au discours qu'il fait. Mais lorsqu'il mentionne que nous n'avons pas donné toute la vérité en ce qui regarde l'évolution de l'économie — je reviendrai tout à l'heure — et qu'on reprend le texte du discours et en particulier l'analyse de la conjoncture économique internationale, canadienne et québécoise, il s'apercevra que nous avons indiqué que le dernier trimestre de 1974 manifestait des signes de ralentissement, que nous avons dit que, pour l'année 1975, on pouvait s'attendre également à une période un peu plus difficile que celle que nous avions connue en 1974 et en 1973. C'est d'ailleurs à partir de cette analyse que nous avons présenté notre politique budgétaire et fiscale.

M. le Président, cette politique budgétaire et fiscale, je l'ai indiqué dans mon discours sur le budget, dans les premières pages de ce discours, devait répondre à deux situations qui nous apparaissaient contradictoires. Il s'agit, d'un côté, d'une baisse dans l'activité économique due en grande partie à la baisse de nos exportations à cause de la situation économique internationale, le chef de l'Opposition l'a mentionné tout à l'heure. L'autre aspect de la conjoncture était cette inflation qui demeurait persistante. Nous pouvions agir de différentes façons, mais il était important, je pense, que l'ensemble du budget du Québec ne soit pas de nature à provoquer ou à alimenter une inflation. Il nous fallait en même temps agir du côté économique. Nous aurions pu le faire par certains programmes gouvernementaux et le référer à l'augmentation de la construction des routes, des investissements à la construction routière, de ponts et d'immeubles. Mais nous constations — et le ministre des Transports, M. Mailloux, je crois, en a fait état, sinon lors de l'étude de ses crédits, je ne sais pas, je n'ai pas assisté à ses crédits, mais dans des discours qu'il afaits antérieurement— j'ai pu le constater lorsque j'ai adressé la parole et que j'ai discuté avec l'Association des constructeurs de routes du Québec, que le volume de travaux actuellement en cours dans ce secteur d'activité était tel que des augmentations de budget auraient signifié beaucoup plus des augmentations de coût que la possibilité d'avoir une augmentation véritable de l'activité économique, compte tenu du niveau extrêmement élevé qui existe présentement dans le secteur. Si nous avions voulu forcer la machine davantage, nous aurions sans doute été obligés, dans le champ des soumissions publiques, de faire appel à des entreprises à l'extérieur du Qué-

bec ou à l'extérieur du Canada, parce qu'un nombre important d'entrepreneurs étaient dans l'impossibilité de soumissionner et de répondre aux échéances qu'il est normal d'avoir dans la réalisation des contrats que l'on donne.

C'est pourquoi nous avons voulu plutôt agir du côté des extra-budgétaires et des sociétés d'Etat. C'est dans ce secteur que l'augmentation des investissements a été véritablement marquée avec un taux de croissance de près de 40%. Il s'agissait dans la plupart des cas de projets qui étaient non seulement sur les tables de dessin des ingénieurs, mais qui étaient rendus à un stade beaucoup plus avancé où les travaux véritables pouvaient s'exécuter. Je reviens au fait aussi que lorsque nous devons, indirectement ou directement, financer des travaux ou garantir des emprunts dans ces corporations d'Etat, notre programme d'emprunt est affecté dans l'ensemble et que nous ne pouvons pas en même temps élargir le champ d'action de ces sociétés d'Etat telles que la baie James, SOQUIP ou SOQUEM ou d'autres sociétés du genre, augmenter leur programme d'emprunt et en même temps augmenter celui du gouvernement.

C'est pourquoi notre action a été double: d'abord accroître et permettre à ces sociétés d'Etat d'avoir des niveaux d'investissements très élevés qu'elles financent en grande partie sur les marchés d'emprunt et, du côté gouvernemental, tenter de restreindre notre taux de croissance des dépenses ordinaires et nos dépenses d'immobilisation dans certains secteurs d'activités, en particulier dans le domaine de la voirie, pour laisser le champ à cette action économique importante des sociétés d'Etat. Pour ce qui est du côté gouvernemental, comme nous notions une possibilité de baisse de la demande en 1975 et aussi pour tenir compte de l'inflation et enlever certaines pressions dans les négociations collectives du secteur du travail, nous avons décidé de réduire les impôts sur le revenu des particuliers, d'une façon extrêmement importante.

J'ai employé le terme "massif" et je pense que c'est exactement décrire la situation qui est véritable et qui traduit la réalité telle que je l'ai fait dans mon discours sur le budget.

M. le Président, cela a été, je pense, un geste important du gouvernement qui collait à la réalité économique, à la conjoncture économique. Si ce discours sur le budget a été bien accepté par l'ensemble des agents de l'économie d'une façon générale, à l'exception de l'Opposition, dont, je comprends, que le rôle est de critiquer et non pas de féliciter, d'une façon générale, ce discours sur le budget a été qualifié d'extrêmement positif. Si la critique ne vient que de l'Opposition officielle, vous pouvez être assurés que, reconnaissant que c'est là son rôle, cela ne m'empêchera pas de dormir.

M. Morin: M. le Président, la critique de l'Opposition n'empêchera peut-être pas le ministre de dormir. Ce genre d'observations de sa part ne m'étonne pas outre mesure. La situation écono- mique va peut-être l'empêcher de dormir d'ici quelque temps.

M. Garneau: M. le Président...

M. Morin: C'est à moi de parler maintenant, si vous le permettez. Le ministre choisit à peu de frais les indicateurs qui font son affaire et les années qui font son affaire.

M. Garneau: Je prends la moyenne de cinq ans.

M. Morin: Je vous parle de l'année I975...

M. Garneau: C'est là-dessus qu'on s'appuie pour prévoir I975.

M. Morin: L'indicateur le plus sensible et le plus à jour, c'est quand même celui du chômage. Or, le mois dernier, nous avions le pire taux de chômage depuis l'année I963 et, en ce moment, nous avons le pire depuis l'année I96I. C'est quand même un fait dont il faut tenir compte. Prenons un autre indicateur, le ministre n'a pas fait tellement de commentaires là-dessus, les investissements manufacturiers tels que prévus pour l'année I975 par le BFS, 7% au Québec, ce qui en réalité n'est pas une augmentation, c'est une baisse par rapport au taux réel, par rapport, j'entends, en termes réels.

M. Bacon: Ce ne sont pas des illusions...

M. Morin: 22% au Canada et 46% en Ontario. Cela aussi est éloquent comme indicateurs. J'ai l'impression que cela peut être un dialogue de sourds, alors je vais prendre le problème autrement. On n'est pas pour se lancer des statistiques à la figure toute la matinée, cela ne mènera nulle part, je le sais bien, parce qu'à chaque fois que nous avons tenté de discuter rationnellement de ces questions, on s'est fait opposer d'autres séries de statistiques que le ministre, évidemment, considère comme étant plus favorables et justifiant ses positions.

Je vais le prendre autrement...

M. Garneau: Avant de passer à cet autre aspect de la question...

M. Morin: J'aimerais mieux vous poser la question, et en me répondant, vous pourrez ramener...

M. Garneau: D'accord, parce que les chiffres que vous avez donnés sur le chômage, évidemment, méritent des remarques. Je ne l'ai pas mentionné tout à l'heure, j'aurais pu le faire, mais en tout cas, je reviendrai tout à l'heure pour indiquer ce qu'est la réalité de l'évolution. On ne peut pas prendre seulement une année lorsqu'on regarde une évolution, d'autant plus lorsque cette année est à venir. Je lui répondrai tout à l'heure.

Chômage M. Morin: Ma question va porter justement sur

la question du chômage. Je pense que cela va peut-être nous permettre d'être plus précis. Cela va donner l'occasion au ministre, une fois de plus, de nous rassurer à peu de frais. Quand, d'après le ministre, le taux de chômage va redescendre au moins de deux ou trois points, de façon significative? Quand prévoit-il cela? Il a certainement dû en tenir compte lorsqu'il a établi son budget.

M. Garneau: M. le Président, j'ai indiqué tout à l'heure, et je pense que je l'ai, non seulement mentionné verbalement ou en réponse à des questions, mais je l'ai même inscrit dans le texte du discours, lorsque nous avons fait l'analyse de la situation économique et, lorsque nous avons expliqué les raisons pour lesquelles nous prenions les dispositions que nous avions prises dans le secteur de la taxation des entreprises, en ce qui regarde la taxe de vente sur la machinerie industrielle, la dépréciation accélérée et également la mise sur pied des SODEQ qu'une des raisons pour lesquelles nous procédions à ces mesures, au prolongement de ces mesures ou encore à l'ajout de certaines autres mesures concernant le secteur manufacturier, c'était justement pour répondre à une tendance qui avait commencé à se manifester en fin d'année I974 et au début d'année I975. On ne peut certainement pas me faire le reproche de ne pas l'avoir mentionné, puisqu'il est inscrit dans le texte même du discours sur le budget et explique les raisons pour lesquelles nous avons posé les gestes que nous avons posés.

Pour revenir aux questions de chômage, si on regarde l'évolution au cours des dernières années, encore là, notre situation s'est améliorée. Lorsqu'on fait le rapport, lorsqu'on analyse quelle était la situation comparative du Québec et de l'Ontario sur une période assez longue pour voir les tendances, parce qu'on pourrait avoir une très bonne année pour des raisons exceptionnelles, et que l'année suivante soit l'inverse, je pense qu'on ne peut être plus objectif.

Si on compare l'évolution du chômage au cours des neuf ou dix dernières années et qu'on fait le ratio entre ce qu'était la proportion du chômage au Québec et en Ontario, on s'aperçoit que la proportion s'est améliorée à l'avantage du Québec. Lorsqu'il y avait un chômeur en Ontario en 1961 — je prends une très longue période pour montrer bien la tendance de la situation économique du Québec — il y en avait 1.23 au Québec. En 1975, après une évolution qui, je pense, indique une tendance de l'évolution de l'économie — et c'est cela qui est important, on ne peut pas tirer seulement un chiffre comme cela qui fait notre affaire — mais si on prend la tendance en 1975, lorsqu'il y en avait un en Ontario, il y en avait 1.06 au Québec. C'est une amélioration de la situation de l'emploi qui est extrêmement à l'avantage du Québec, surtout au cours des deux dernières années, alors qu'il y a eu en 1973/74 en moyenne 200,000 nouveaux emplois de créés au Québec. Ce sont là des statistiques, je pense, qui ne s'étaient jamais vérifiées dans le passé.

Si on regarde maintenant vers l'avenir, et le chef de l'Opposition me pose une question à savoir à quel moment on pourrait estimer une stabilisation et une baisse dans le taux de chômage au Québec, je pense qu'il faut recoller ou coller cette question à l'expectative qu'on a de l'économie et de son évolution au cours des prochains trimestres. Si les prévisions économiques faites par certaines agences, comme le Conference Board, se réalisent, nous pouvons dire qu'à partir du troisième trimestre de 1975 et du premier trimestre de 1976 il devrait se manifester, non seulement dans l'économie canadienne et québécoise, mais aussi dans l'économie nord-américaine un redressement qui aurait une influence importante sur la situation de l'emploi au Québec.

J'aimerais ajouter qu'en ce qui regarde l'emploi il est bien possible que notre situation soit moins pénible que celle d'autres régions peut-être de l'Ontario, en particulier. Je ne dis pas des provinces de l'Ouest ou d'une province comme l'AI-berta, qui se trouve dans une situation bien privilégiée à cause de la question de l'énergie. Mais avec l'Ontario notre situation relative est moins difficile, à cause des gestes que nous avons posés et également de certains grands travaux qui, advenant un climat plus stable dans les chantiers de construction, se manifestera encore davantage, que ce soit la construction des jeux olympiques, la poursuite des travaux de la baie James, la construction du métro à Montréal, ainsi que l'ensemble du budget de construction de routes que nous avons dans tout le Québec. Ce sont des éléments de nature à soutenir davantage peut-être l'emploi ici au Québec, que nous pourrons voir dans d'autres régions du pays.

Si on prend la région métropolitaine de Québec, nous devons, pour des raisons d'administration gouvernementale, entreprendre des travaux qui se chiffreront par presque $100 millions au cours de l'automne par la construction de trois centres administratifs importants dont le ministre des Travaux publics a parlé et qui s'ajouteront, je pense, à l'ensemble de l'activité économique déjà générée par les projets que j'ai mentionnés tout à l'heure. Ces dernières constructions de grande envergure auront un impact particulier dans la région métropolitaine de Québec. Nous avons choisi de procéder maintenant, d'abord pour répondre à un besoin, mais nous aurions pu, en resserrant un peu, le reporter à l'année 1976/77. Nous avons voulu accélérer pour répondre davantage à la situation économique et lancer ces travaux.

Ce qui nous embête le plus maintenant, c'est la situation dans la question de la construction. Inutile de dire que nous ne ferons pas exprès pour créer une surchauffe qui serait de nature à briser ou à rendre encore plus difficile le règlement des relations de travail dans ce secteur, que ce soit ici même à Québec pour ces trois grandes constructions, que ce soit également pour les investissements de SIDBEQ, sur lesquelles nous reviendrons peut-être plus tard. Mais il s'agit là, je pense d'éléments additionnels à ce que j'ai déjà annoncé dans le discours du budget et qui indiquent que les prévisions du Conference Board et celles que

la division de recherche économique et fiscale a pu faire — prévisions vérifiées évidemment avec des données que d'autres provinces ont faites, puisqu'il y a des consultations constantes avec les autres provinces et le gouvernement fédéral — démontrent que la reprise économique qui se manifestera à partir du troisième trimestre et du deuxième, mais surtout du troisième, devrait apporter une correction au taux de chômage, ce qui était l'objet de la question du chef de l'Opposition.

M. Morin: Est-ce que je pourrais maintenant, tout en soulignant que les exercices du ministre des Finances sont fort intéressants, dire, qu'ils laissent quand même intact le fait que, pour avril I975, en ce moment, le taux de chômage en Ontario n'est que de 6.6%, alors qu'au Québec, il atteint IO.4%?

On aura beau jongler avec les pourcentages, cela reste une réalité extrêmement dure pour le Québec, un écart de cette sorte, surtout que c'est supérieur à la moyenne canadienne qui est de 8.1%.

M. Garneau: Est-ce que le chef de l'Opposition pourrait également ajouter l'évolution de ces taux de chômage, pour voir de quelle façon le Québec est affecté par cette situation économique, comparativement à l'Ontario?

Il va s'apercevoir qu'en Ontario l'augmentation du chômage, en proportion, a été beaucoup plus grande que celle du Québec. Je pense que c'est un élément qu'il faut mentionner également.

M. Morin: Si j'ai bien compris...

M. Garneau: Si le chef de l'Opposition dit qu'il ne veut pas qu'on se lance des statistiques, je suis bien prêt à entrer dans cette forme de conversation. Mais il ne faudrait quand même pas qu'il utilise cet instrument en pigeant ici et là, les statistiques qui font son affaire et laisse tomber les autres qui donnent, à mon sens, une image plus réelle de la situation.

Dans l'évolution — et c'est une responsabilité importante pour le ministre des Finances — je pense que les décisions d'investir dans une économie de marché, dans un monde libre, sont largement influencées par la conjoncture économique et aussi par les appréhensions que les gens ont.

Je ne crois pas que ce soit le rôle du ministre des Finances d'exagérer la situation et de faire en sorte qu'on sème la peur et la crainte partout. Il faut être objectif, il faut être réaliste, indiquer les choses telles qu'elles sont sans faire exprès pour faire en sorte que les hommes d'affaires, les industriels, même les individus, dans leurs activités économiques, se disent: Cela va mal à ce point que ce n'est pas le temps de prendre des décisions d'investir, de prendre des décisions d'acheter, et finalement être la cause d'une détérioration de l'économie.

Il faut être objectif, il faut être réaliste et c'est ce que j'ai essayé de faire dans le discours du budget, en donnant toutes les explications. Cha- cun peut en tirer les conclusions qu'il veut, mais je pense que c'est une responsabilité que je dois exercer. Je pense que nous avons voulu l'exercer avec le meilleur jugement possible, en étant le plus objectif possible.

M. Morin: Si j'ai bien compris le ministre, il prévoit donc une reprise de la croissance au plus tard pour le dernier trimestre de 1975, ou le début de 1976.

Est-ce que c'était son avis qu'il nous donnait ou celui du "Conference Board"?

M. Garneau: C'est cet avis que me transmettent mes officiers et ils le tirent non seulement des chiffres du Conference Board... Evidemment, je pense bien que les documents que le Conference Board publie, le chef de l'Opposition s'y est référé, il doit les avoir. On peut les comparer avec ce que le groupe de recherche économique et fiscale du Québec a lui-même fait. On peut les comparer avec ce que le ministère fédéral des Finances, dans sa division de recherches économiques, a fait, on peut les comparer également avec certaines données, puisqu'on a maintenant des rencontres assez systématiques avec la plupart des groupes de recherche économique, de grandes banques, de grands courtiers en valeur mobilière qui se spécialisent dans cette analyse de l'évolution de l'économie.

C'est un consensus de ces diverses analyses qui est fait, à partir duquel les économistes du ministère tirent leurs conclusions.

Déficit

M. Morin: M. le Président, si vous voulez, on peut peut-être revenir un instant sur la question du déficit, même si le ministre n'a pas décrit la situation telle qu'elle est, à notre avis, pour des raisons peut-être d'ordre psychologique, peut-être pour ne pas effrayer les gens, ce qui, à mon avis, demeure une psychologie à assez courte vue. Je me demande si, même à la lumière de sa propre évaluation de la situation qu'il nous a donnée dans le discours du budget, cela n'appelait pas des mesures expansionnistes plus vigoureuses et, notamment, un déficit qui soit, en l'occurrence, plus élevé que celui qu'il flous a proposé.

Quand on compare le déficit de cette année avec celui des années précédentes, il faut conclure que ce n'est pas tellement différent.

L'ordre de grandeur est le même, surtout si on tient compte de l'inflation. En fin de compte, est-ce que le ministre pense que ce déficit va avoir une signification pour la reprise de l'économie?

M. Garneau: M. le Président, je dirai d'abord que nous n'avons — et ce sont les premiers aspects des remarques du chef de l'Opposition dans cette nouvelle question — voulu cacher aucune donnée économique à l'ensemble de l'opinion publique, comme il a semblé le dire.

Nous ne voulons pas jouer sur la psychologie des gens du milieu des affaires et du milieu des agents économiques en leur donnant des faussetés.

Au contraire, je pense que nous avons été extrêmement réalistes. Quand on regarde l'ensemble du discours, les annexes économiques et les remarques qui y sont inscrites, on peut constater que nous avons été réalistes, mais ce n'était certainement pas le rôle du gouvernement d'aller exposer un pessimisme qui n'existait véritablement pas.

Là-dessus, je pense bien que nous avons voulu traduire la situation telle qu'elle se présentait.

Pour ce qui est du déficit, le chef de l'Opposition s'attache beaucoup à cet élément...

M. Morin: C'en est un parmi d'autres.

M. Garneau: C'en est un parmi d'autres, mais il laisse de côté complètement d'autres remarques, d'autres aspects du discours qui sont une réponse à sa question. Je l'ai fait dans le discours du budget même, et je l'ai fait en réponse à des questions des gens de la presse et dans des émissions de ligne ouverte ou de télévision où j'avais été invité. Le déficit n'est pas en lui-même le seul instrument du gouvernement; il a tout l'aspect parapublic de l'activité économique que le gouvernement peut utiliser par les emprunts que nous garantissons, par des investissements que nous autorisons.

C'est cet ensemble des investissements gouvernementaux et paragouvernementaux que l'on doit analyser, puisque le déficit ne comporte uniquement qu'une partie de l'activité économique, l'autre étant le secteur parapublic.

Je répondrai au chef de l'Opposition que c'est surtout du côté parapublic que nous avons voulu agir, parce que, d'abord, cela répondait à des besoins véritables du Québec; ainsi dans le développement de la baie James, il ne s'agit pas d'une question de fantaisie pour le Québec, c'est d'une grande nécessité.

Les plans étaient prêts, les contrats pouvaient être donnés à très court terme, de telle sorte que l'impact sur l'économie, sur la création d'emplois, sur les effets secondaires de ces investissements puisse se faire sentir à très court terme.

Si nous avions, dans le discours du budget, annoncé un déficit pour entreprendre des travaux au cours de l'année 1975/76 — et on sait que d'augmenter le programme de la voirie de $200 millions implique un délai dans la réalisation des travaux, de cinq, six mois pour compléter les plans, aller en soumissions publiques, procéder dans certains cas à des expropriations — il est plus probable que lorsque nous aurions connu l'impact de ces travaux, nous aurions été dans la pleine reprise de l'activité économique, probablement à partir du milieu de I976, disons à partir du mois de juin I976, jusqu'à la fin de I976.

Nous aurions pu avoir l'impact des décisions prises au mois d'avril 1975; nous aurions pu l'avoir probablement huit, dix, douze mois plus tard, de telle sorte que nous aurions probablement été dans ce que plusieurs économistes prévoient déjà, comme une reprise qui pourrait susciter un nou- veau départ dans l'inflation, alors que nous avons voulu agir dans les secteurs qui étaient prêts immédiatement à créer l'activité économique.

Grands projets

M. Morin: Voulez-vous dire que le gouvernement n'a pas de banque de projets, n'a pas de projets dans ses tiroirs, dans le domaine de la voirie, par exemple?

M. Garneau: Dans le domaine de la voirie, si on prend des projets de grande envergure, parce que c'est de cela que le chef de l'Opposition parle, le gouvernement, au cours des années passées, au cours de l'année 1972/73, a utilisé à fond cet instrument de développement pour assurer la reprise économique.

Nous l'avons dit dans nos budgets antérieurs. Je pense que l'impact que nous recherchions a été véritable. La reprise économique a été manifestée, il y a eu une création de 125,000 nouveaux emplois en 1973, il y en a eu 75,000 en 1974, de telle sorte que l'impact que nous recherchions était là.

Les grands travaux de voirie sont en cours de réalisation et je ne vois pas la nécessité de recommander au gouvernement d'entreprendre la construction d'autoroutes dans des régions du Québec où on n'en a pas besoin, d'autant plus que les recommandations qui nous avaient été faites par l'Office de planification et de développement du Québec étaient de baisser certains de ces investissements pour les remplacer par d'autres.

C'est pourquoi nous avons augmenté le budget de la voirie régionale plutôt que d'augmenter celui de la grande voirie à laquelle se réfère le chef de l'Opposition.

M. Morin: Vous avez convaincu vos collègues, M. le ministre.

M. Bacon: II semble que, lorsque le chef de l'Opposition parle d'une banque de projets, le député de Bellechasse aurait beaucoup de projets dans les tiroirs.

M. Giasson: Routes secondaires et tertiaires.

M. Mercier: Voilà. Je suis très heureux d'entendre le ministre des Finances parler de la voirie tertiaire.

M. Garneau: C'est dans ce secteur que l'augmentation a été véritable alors que, d u côté des grands projets de voirie, cela a été maintenu au rythme de croisière des années antérieures. Evidemment, quand on regarde les demandes, c'est évident que nous aurions pu augmenter, dans les projets de voirie régionale, certainement d'une centaine de millions de dollars et cela aurait satisfait plusieurs de mes collègues qui s'occupent avec beaucoup de dévouement de leur comté et qui auraient aimé pouvoir répondre d'une façon beaucoup plus grande à des demandes qui leur sont adressées par les municipalités, par leurs

électeurs. Mais il fallait faire des choix et ces choix, nous les avons faits de la façon exposée dans le discours du budget, en mettant plutôt l'accent sur la demande intérieure, en baissant les impôts d'une façon massive pour permettre aux individus de maintenir et d'accroître leur pouvoir d'achat et ainsi soutenir, d'une façon plus directe, l'ensemble de l'activité économique.

Evidement, cela ne répond pas nécessairement aux besoins d'asphalte qu'il y a dans chacun des comtés de la province, mais c'est un choix qui devait être fait et qui n'est pas facile à faire, je vous prie de me croire.

M. Morin: Je ne veux pas anticiper sur le programme 3, mais, puisqu'on en parle dans le contexte de la politique conjoncturelle, il faut quand même dire que non seulement il n'y a pas d'augmentation pour la construction d'autoroutes, mais il y a une baisse pour la construction des routes principales, une baisse substantielle d'une vingtaine de millions de dollars. Pour la construction des routes régionales, des autres routes, les routes locales, comme on les appelle dans la langue anglaise, ça passe de $40 millions à $44 millions pour les routes régionales et de $78 millions à $82 ou $83 millions pour les routes locales. Dans l'ensemble, c'est une baisse.

M. Garneau: Dans l'ensemble des activités de la voirie régionale qui ne comprend pas uniquement les routes tertiaires, mais qui comprend les routes régionales, il y a eu une augmentation extrêmement importante qui se répartit sur différents programmes de construction, d'entretien ou d'amélioration. Je pense que le ministre des Transports en a fait état, sinon lors de la défense de ses crédits, du moins dans des discours qu'il a faits à l'extérieur de la Chambre dont j'ai reçu copie et qui traduisaient la réalité, tel que le budget a été imprimé.

M. Morin: Le ministre nous parlait du secteur parapublic et il a mentionné un peu plus tôt les SODEQ. Mais je tiens à lui faire observer que cela ne me convainc pas beaucoup dans le contexte d'une discussion sur la conjoncture, parce que l'effet du parapublic, je pense à certains investissements de SIDBEC, par exemple, ne peut pas se faire sentir à court terme; c'est à moyen terme et à long terme. De même pour les SODEQ, il ne faut pas compter là-dessus sur le plan de la politique conjoncturelle avant qu'une année ne se soit écoulée et peut-être davantage.

M. Garneau: Pour ce qui est des SODEQ, je suis d'accord et cela s'inscrit certainement dans une politique, tout au moins, à moyen terme, dans les améliorations à notre structure industrielle. Pour ce qui est des autres investissements para-publics, si je prends la baie James, cela a un impact immédiat, puisqu'il y a à peu près 4,000 personnes qui travaillent actuellement sur les chantiers de la baie James et Dieu soit loué que le climat des relations de travail semble assez stable pour permettre l'exécution des travaux. Surtout, en même temps, que cela répond à un besoin économique du Québec. Cela permet à plusieurs centaines et plusieurs milliers de Québécois, de gagner des revenus passablement élevés. Je pense que c'est en fin de semaine dernière que des journalistes sont allés à la baie James pour interroger les ouvriers sur un certain nombre d'aspects de leurs travaux et les manoeuvres indiquaient qu'ils retiraient un chèque qui variait entre $1,300 et $1,500 par quinze jours. Je trouve que ce sont là des revenus extrêmement importants pour des Québécois qui, sans ces projets, auraient été en chômage ou dans des situations de revenu beaucoup plus faibles.

Pour ce qui est de SIDBEC, si nous allons de l'avant dans la construction, l'impact économique pourra se faire sentir immédiatement sur l'aspect de la construction et des industries connexes. Mais pour l'ensemble de l'activité économique et surtout de la structure industrielle du Québec, je suis d'accord avec le chef de l'Opposition pour dire que c'est évident qu'il s'agit là d'une mesure qui aura des effets à plus long terme que dans l'immédiat. Mais, dans l'immédiat, ce sera surtout l'aspect de la construction qui aura une importance.

Encore là, je suis sur que le conseil d'administration de SIDBEC est dans une position un peu délicate; se lancer dans des projets qui totaliseront $300 millions ou $400 millions, dans les conditions de relations de travail que nous connaissons présentement, SIDBEC hésite à se lancer immédiatement là-dedans, tant que la situation ne sera pas redevenue plus normale.

Nous ne voulons pas avoir les mêmes situations qu'il y a eues à Mont-Wright parce que c'est toute la rentabilité du projet qui serait mise en cause et qui ferait porter à une société d'Etat des positions qui seraient reflétées dans son bilan et qui pourraient être trop facilement exploitées par ceux qui s'opposent à l'intervention de l'Etat dans le domaine manufacturier ou de la transformation. Nous ne voulons pas permettre que, pour des effets secondaires, le bien-fondé de l'intervention de l'Etat, dans des secteurs économiques de cette nature, soit remis en cause sur le plan des principes mêmes, alors que ce ne serait pas du tout le fait d'être une société d'Etat qui serait la cause d'un déficit plus grand mais bien des conditions complètement extérieures au fait qu'il s'agit d'une société d'Etat.

M. Morin: M. le Président, étant donné le temps que cela peut prendre, je ne sais pas si c'est la peine d'aborder immédiatement un autre aspect du programme I qui est la question de l'indexation et des effets de la non-indexation. Je sais que votre projet était d'ajourner sine die à midi moins cinq, il est presque midi moins dix. Voulez-vous que nous abordions tout de suite cette question ou est-ce qu'on peut la remettre à la prochaine séance?

M. Garneau: Ce serait peut-être vrai, je pense

que nous avons du côté gouvernemental un caucus de députés qui n'a pas eu lieu hier, il a lieu aujourd'hui dans cette salle, à midi. Je n'ai pas d'objection à ce qu'on suspende sine die maintenant et qu'on aborde la question de l'indexation. C'est une matière un peu complexe et sur laquelle, je pense, il y a lieu d'exposer clairement la politique du gouvernement et le bien-fondé du choix que...

M. Morin: C'est ce que je pensais, justement.

M. Garneau: ... nous avons fait à l'endroit d'une indexation automatique. Comme le propose le chef de l'Opposition, je pense que cela prendrait plus de cinq minutes et j'aimerais avoir tout le temps pour tenter de convaincre le chef de l'Opposition que la philosophie sociale du gouvernement, cette démocratie sociale est mieux atteinte par les projets que nous avons exposés...

Le Président (M. Brisson): Social...

M. Garneau: La social-démocratie ou la démocratie sociale est plus réellement atteinte avec notre budget qu'avec celui que proposait le chef de l'Opposition.

M. Morin: M. le Président, j'ose espérer qu'on va terminer l'étude des crédits assez tôt malgré l'intention du ministre de me persuader que la non-indexation est une mesure socialement utile.

M. Garneau: A ce moment-là, M. le Président, on serait aussi bien de ne pas l'aborder et de se référer, comme le font les avocats, la plupart du temps, aux notes sténographiques qui ont été enregistrées soit à l'Assemblée nationale ou à cette commission l'an dernier, on gagnerait beaucoup de temps.

M. Morin: Je pense qu'il faut en discuter à fond. Si vous le voulez bien, M. le Président, nous le ferons au cours d'une séance subséquente.

Le Président (M. Brisson): La commission ajourne ses travaux sine die.

(Fin de la séance à 11 h 48)

Reprise de la séance à 16 h 15

M. Brisson (président de la commission permanente des finances, des comptes publics et du revenu): A l'ordre, messieurs!

M. Ostiguy (Verchères) remplace M. Déom (Laporte). Nous continuons. Y a-t-il d'autres questions au programme 1?

Indexation

M. Morin: Oui, M. le Président, il y a encore quelques questions au programme 1. En premier lieu, je voudrais jeter un coup d'oeil avec le ministre sur la question de l'indexation. Le ministre se souviendra que, dans son discours du budget, il a refusé une fois de plus d'accepter l'indexation de l'impôt sur le revenu. Il a refusé d'abandonner cet impôt qui, en période d'inflation, permet au gouvernement d'accroître automatiquement et subrepticement le fardeau fiscal sans qu'il y ait hausse apparente d'impôt. Cela lui permet, évidemment, cette année, comme les années précédentes, d'annoncer des réductions d'impôt qui, pour une large part, n'en sont pas en réalité.

Par exemple, s'il est exact — et j'aurai des questions à poser là-dessus au ministre tout à l'heure — que, cette année, la non-indexation a coûté aux contribuables québécois une somme d'environ $200 millions, la réduction réelle des taxes au Québec, dans le dernier budget, aurait été de $360 millions, si on écarte les $60 millions déjà applicables à 1974, moins les $200 millions de la non-indexation, ce qui, en réalité, représenterait des réductions de l'ordre de $160 millions.

Il ne faudrait tout de même pas perdre de vue que nous sommes en face de deux problèmes distincts. Il ne faut pas mêler les deux choses, d'une part, la nécessité d'éviter des hausses d'impôt sur le revenu automatiques et clandestines, comme le disait M. Turner dans son budget, et, deuxièmement, la nécessité d'alléger le fardeau fiscal.

On a vu, par exemple, le gouvernement fédéral, non seulement d'une part accorder l'indexation, mais d'autre part, prendre des mesures d'allégement du fardeau fiscal. Ce sont donc deux questions différentes à ne pas confondre. Il est bien évident que l'indexation ne vise pas la redistribution, le caractère redistributif de l'impôt. L'indexation n'a pour but que de maintenir le pouvoir d'achat des contribuables.

Malheureusement, dans les derniers budgets du gouvernement, on a mêlé ces deux questions complètement. Cela permet évidemment au gouvernement, d'année en année, de donner d'une main ce qu'il avait soutiré secrètement de l'autre. En réalité, dans le dernier budget, les personnes qui ont des revenus supérieurs à $9,000 — et n'oublions pas que beaucoup de personnes se trouvent désormais dans la catégorie qui va de $9,000 à $13,000 ou $14,000 — vont subir, à cause de l'inflation et de la non-indexation, une hausse réelle de leur fardeau fiscal et cela malgré les allégements fiscaux qui ont été annoncés dans le budget.

Je voudrais commencer l'étude sans doute trop brève que nous allons pouvoir consacrer à ce dossier, étant donné tout ce qu'il y a à examiner par ailleurs, en demandant au ministre de bien vouloir confirmer des chiffres qui ont été mentionnés l'année dernière, sur ce que coûte aux contribuables québécois la non-indexation au titre de l'impôt sur le revenu des particuliers.

D'abord, est-ce que le ministre a des chiffres à nous donner pour 1974, qui confirmeraient le chiffre déjà mentionné de $100 millions? Pour l'année 1975, pourrait-il nous confirmer le chiffre de $200 millions qui a été avancé l'année dernière?

M. Garneau: M. le Président, l'an dernier, lorsque j'ai déposé le budget, lorsque j'ai rendu publique la politique budgétaire et fiscale du gouvernement, l'exposé et les tableaux qui ont suivi, nous avions indiqué quelle était la comparaison dans les coûts des programmes que nous avions mis de l'avant, comparativement à ce qu'aurait coûté l'indexation pour l'année 1974. Ces chiffres se sont avérés assez justes. On retrouvera, dans l'exposé du budget de 1974/75 à la page 57, le fait que le coût de l'indexation ou, en d'autres termes, la perte de revenu au trésor public par l'indexation des échelles ou là structure de l'impôt pourrait représenter une perte de revenus de $70 millions, et pour l'année 1975, elle aurait représenté, si je comprends bien, $130 millions. Quand nous parlons de $200 millions pour le coût de l'indexation et qu'en 1975, pour la politique budgétaire et fiscale de 1975, nous la comparons à ce que nous avons fait, c'est $200 millions, c'est-à-dire l'indexation à 17%.

Encore là, lorsqu'on parle d'indexation, j'ai eu l'occasion de me rendre compte, par des questions qui m'ont été posées par des individus ou par des gens des media d'information, que, lorsqu'on parle d'indexation, cela ne veut pas dire que l'on indexe l'impôt autrement payable, mais c'est bien plutôt la structure d'impôt, c'est-à-dire les exemptions de base et les tranches d'impôt imposable qui sont indexées, ce qui signifie que le montant d'impôt autrement payable n'est pas réduit du montant de l'indexation, mais d'un montant beaucoup moindre. Le coût de l'indexation, suivant la formule fédérale, pour l'année 1974/75... Comme nous n'avons pas fait l'indexation automatique l'an dernier, mais que nous avons pris d'autres mesures, si nous avions décidé cette année de faire l'indexation, uniquement l'indexation, et, en plus, ce que nous avons fait l'an dernier, c'est-à-dire rattraper le montant d'environ $6.6 millions, cela aurait représenté $200 millions.

M. Morin: $200 millions.

M. Garneau: Les deux années ensemble.

M. Morin: $70 millions l'année dernière et $130 millions...

M. Garneau: $130 millions cette année. Ce qui veut dire que, quand on fait ces tableaux comparatifs, évidemment, il faut tenir compte de ce qui a été fait l'an dernier, de ce qui est fait cette année et tenir compte aussi du fait que les $200 millions rattrapent deux ans et non pas uniquement l'année 1975, en termes de coût. Si nous avions dit: L'an passé, au lieu d'indexer, nous avons fait telle chose. Maintenant, comme il y a, non seulement équilibre, mais que cela a coûté plus cher, les programmes mis de l'avant, que l'indexation si on disait: On ferme l'année 1974 et on les met de côté, pour l'année 1975, il faudrait tenir compte uniquement de $130 millions, si nous voulons comparer ce que nous avons fait en 1975 par rapport au coût de l'indexation.

M. Morin: Si l'inflation continue à se tenir dans les 10% ou 12%, entraînant automatiquement de la sorte des hausses d'impôt plus ou moins déguisées, est-ce que le ministre n'est pas d'avis que, tôt ou tard, au rythme actuel, il devra revoir les tables d'imposition, je veux dire les seuils de taux marginaux?

M. Garneau: M. le Président, je répète ce que j'ai dit à je ne sais combien de reprises: Depuis le moment où le gouvernement fédéral a introduit la formule d'indexation pour sa propre structure d'impôt, par choix politique, et qu'il l'a imposée aux autres provinces qui n'ont pas la liberté de manoeuvre qu'a le Québec — je l'ai dit et je l'ai répété à je ne sais combien de reprises — nous n'avons pas d'objection et nous ne cherchons querelle à personne d'avoir voulu procéder par une formule d'indexation.

Ce que nous avons dit et ce que nous soutenons, c'est que l'approche que nous avons utilisée pour apporter des modifications fiscales nous apparaît — et les chiffres qui ont été préparés par la direction des études économiques et fiscales de mon ministère m'en convainquent et en font la démonstration évidente — plus conforme à l'objectif que nous recherchions, c'est-à-dire de venir davantage en aide aux classes moins favorisées par leur niveau de revenu et aux classes moyennes de même qu'aux familles. L'utilisation de notre procédé tient davantage compte de la situation de ces contribuables que ne l'aurait fait l'indexation.

Si on me dit: II faudrait faire cela et d'autre chose, là on ne discute plus de la même philosophie, on discute plutôt du quantum dont nous pouvons disposer pour des baisses d'impôt. Evidemment, cela ne peut pas se faire sans tenir compte des autres aspects de la politique budgétaire et fiscale, c'est-à-dire de l'aspect des dépenses. Ce matin, on a souligné qu'il aurait peut-être été bon de mettre plus d'argent dans la voirie rurale. Evidemment, il y a cela et il y a tous les autres programmes du gouvernement. Si le gouvernement veut apporter des diminutions au fardeau fiscal des contribuables, il faut que cela se reflète également dans son programme de dépenses. Les programmes d'emprunt à eux seuls ne peuvent pas indéfiniment financer des sommes qui doivent être appliquées à des dépenses de fonctionnement. Nous avons emprunté pour les dépenses capitales, mais je ne pense pas que personne suggère d'utiliser cet instrument pour financer des

dépenses courantes, ce à quoi nous nous sommes opposés depuis I970.

M. Morin: M. le Président, si j'ai bien compris, l'un des buts poursuivis par le ministre, lorsqu'il a écarté l'indexation, lorsqu'il a choisi d'autres moyens, c'était de redistribuer le revenu et de permettre aux classes défavorisées et aux classes moyennes de se tirer un peu mieux d'affaire. Si c'est vraiment cela son intention, si c'est le caractère redistributif qui l'intéresse, pourquoi le fait-il de façon détournée? Pourquoi ne le fait-il pas carrément en accordant d'abord l'indexation à tout le monde et en taxant qui il estime doit être taxé au profit de ceux qui en ont besoin? Pourquoi utiliser des moyens détournés et clandestins?

M. Garneau: M. le Président, c'est là un vocabulaire qui est bien cher au chef de l'Opposition.

M. Morin: A M. Turner aussi.

M. Garneau: Je ne tournerai pas au ridicule de baisser les taxes pour les augmenter immédiatement. S'il y a quelque chose de clair et de précis, c'est bien ce que nous avons annoncé dans notre dernier exposé budgétaire; ce que le gouvernement a annoncé par la voix du ministre des Finances, il me semble que c'est bien précis. Je ne vois à quel exercice mathématique le chef de l'Opposition voudrait nous amener, qui, dans un premier temps, signifierait une baisse d'impôt et, dans un deuxième temps, une augmentation. Je trouve cela complètement ridicule et absolument non nécessaire. Ce que nous avons fait a été de changer les taux, d'exempter les premiers $2,000 de revenu imposable, d'augmenter l'exemption de base de façon beaucoup plus substantielle pour les gens mariés que nous ne l'avons fait pour les contribuables imposés comme célibataires, un ensemble de mesures qui ont permis de mettre de côté une formule d'exclusion pour fins d'impôt qui avait des défauts d'application qui ont été soulevés à cette commission par le député de Frontenac l'an dernier. Je pense que c'est une politique suffisamment claire, suffisamment précise.

En fait, la seule raison qui m'amènerait à agir de la sorte, ce serait pour plaire au chef de l'Opposition. Disons que ce n'est pas ma première préoccupation.

M. Morin: Je l'ai compris depuis longtemps. Je n'ai jamais attendu du ministre qu'il fasse quoi que ce soit pour me plaire; d'ailleurs je n'en aurais que faire.

M. Garneau: Ni pour lui déplaire non plus, il faut dire cela aussi.

M. Morin: Son premier souci doit être le contribuable québécois. J'imagine que cela l'est, au moins théoriquement. Le ministre joue avec les mots quand il nous dit "diminuez" et "augmentez". Il ne s'agit pas de cela. Il s'agit, en fait, de bien distinguer deux choses, l'indexation comme mesure sociale destinée à rendre le pouvoir d'achat et l'impôt comme mesure de redistribution du revenu.

Dans le système actuel du ministre, tout est mêlé, une chatte n'y retrouverait pas ses petits et les contribuables n'y retrouvent pas leurs dollars, souvent, surtout certaines catégories de contribuables.

M. Garneau: ... d'après les échos que j'en ai, d'après les échos qui m'ont été transmis par différentes sources, par la correspondance qui est entrée au bureau, il semble bien que les contribuables québécois se soient parfaitement démêlés de leurs affaires.

M. Morin: Au moment de faire sa déclaration d'impôt, je ne doute pas qu'il faille se démêler et que, si le contribuable ne se démêle pas, vos fonctionnaires sont là pour l'aider. Mais, ce n'est pas la question.

Je ne veux pas éterniser le débat, M. le Président. Je sais qu'il y a là un choix délibéré du gouvernement de ne pas indexer, mais je persiste à croire que, si l'aspect redistributif, dont il prétend que c'est la raison de sa façon d'agir, est vraiment au premier plan de ses préoccupations, il devrait utiliser carrément l'impôt et faire savoir à ceux qu'il entend taxer que c'est bien eux qu'il choisit pour leur imposer des taxes plus lourdes, peut-être parce qu'ils se trouvent dans les secteurs de la population qui sont plus favorisés, au profit des défavorisés.

M. Garneau: M. le Président, je pense avoir fait savoir à ces contribuables, à ces classes de contribuables auxquelles réfère le chef de l'Opposition, ce qui se produisait, puisque, dans les tableaux qui ont été annexés au discours du budget, on a donné la documentation, les renseignements complets où il est indiqué, par exemple, que, pour un contribuable imposé comme célibataire, qui, par l'indexation, aurait reçu une baisse d'impôt de $226, on lui dit qu'avec le régime proposé, il n'y en aura une seulement de $129, il me semble que c'est on ne peut plus clair pour ce contribuable. Il n'est pas obligé de chercher de Caïphe à Pilate pour savoir comment notre formule l'affecte, c'est indiqué en noir sur blanc dans le texte du discours et dans tous les communiqués qui ont été émis. La demande, qui est parvenue, pour obtenir des informations, à la direction des communications du ministère, fait en sorte qu'il y a beaucoup de contribuables qui veulent s'informer. Ils pourront le faire. Ce n'est donc pas une cachette.

Je voudrais aussi profiter de la circonstance pour peut-être ajouter un élément qui n'était pas dans le discours sur le budget, en fait, qui allait de soi, mais que nous n'avions pas indiqué. En tout cas, de toute façon, ce sera dans la loi qui sera présentée. C'est que, jusqu'ici, les contribuables qui ne payaient pas d'impôt n'avaient pas à payer de contribution au régime d'assurance-maladie. Comme ce plancher a été relevé, par la suite, lors du discours sur le budget, je pense qu'il est bon d'annoncer et de dire que les gens qui ne paieront pas d'impôt, à cause de leur niveau de revenu,

continueront à ne pas contribuer au régime d'assurance-maladie, comme par le passé. Au lieu d'être $5,200, ce sera $5,900 pour les gens mariés et, pour les contribuables célibataires cela ira jusqu'à environ $3,700, si ma mémoire m'est fidèle.

Mais, de toute façon, ce sera sur le même principe que cela s'appliquera de telle sorte que ceux qui ont un niveau de revenu qui ne leur permet pas de payer de l'impôt, ne contribueront pas non plus au régime d'assurance-maladie du Québec. C'est conforme avec l'année passée, mais à des seuils plus élevés. Je ne l'avais pas mentionné dans le discours sur le budget et je pense que, comme la loi se prépare dans ce sens, il convenait que je le mentionne.

M. Morin: M. le Président, toujours à l'intérieur du programme I, je voudrais poser quelques questions sur l'imposition des richesses naturelles. Je crois qu'il y avait un comité qui a siégé, l'année dernière le comité Audet, à la suite...

M. Garneau: II a bien travaillé, d'ailleurs. Fiscalité minière

M. Morin: Oui, il y eu un rapport, je crois, et, à la suite de ce rapport, on a procédé à une révision de la politique fiscale minière.

Je voudrais d'abord poser quelques questions sur des chiffres faisant partie d'une étude qui a été faite récemment par la firme Price Waterhouse sur l'évolution de la fiscalité minière au Canada, dans les diverses provinces du Canada, une étude qui était intitulée Tax Increases for Mining. Alors que, dans la plupart des autres provinces, dans l'Ontario et la Colombie-Britannique, en particulier, qui sont de grandes provinces minières avec le Québec, on a été témoin d'un relèvement considérable des exigences fiscales, du moins, au cours des dernières années, le Québec en est sensiblement au même point qu'il y a quelques années.

D'après ce qui a été publié dans les pages financières de la Presse il y a quelque temps, on évalue, en Colombie-Britannique, à 70.8% l'imposition totale, y compris les redevances, les taxes minières, l'impôt sur les profits, etc.

Dans l'Ontario, cette proportion un peu moindre est de 62.8%. Au Québec, maintenant, d'après les chiffres de Price Waterhouse, ce pourcentage tombe à 52.7%. J'aimerais demander au ministre s'il est exact, comme il l'a affirmé dans sa déclaration ministérielle — je crois que c'était le 19 décembre 1974 — que c'est au Québec que les compagnies minières paient les impôts les plus faibles, les plus réduits.

M. Garneau: L'an dernier, M. le Président, lors de l'étude des crédits, j'avais donné, je pense, à la demande du chef de l'Opposition... En tout cas, si je ne le lui avais pas transmis, je lui avais donné la source statistique, la publication statistique qui donnait la comparaison entre la valeur de la production minière dans chacune des provinces et les revenus que les provinces retiraient par leur fisca- lité, ce qu'on appelle les droits sur les mines et on voyait que, en proportion, nous retirions autant de fiscalité minière que la Colombie-Britannique ou que l'Ontario.

Ce qui s'est produit, l'an dernier, c'est que, dans un premier temps, l'Ontario a proposé des modifications à la taxation des droits sur les mines qui ont eu pour effet d'augmenter, d'une façon extrêmement importante, les droits et surtout les taux marginaux et qui, dans un deuxième temps, ont introduit toute une série de déductions, parce qu'on s'était rendu compte qu'on avait alourdi le fardeau fiscal beaucoup plus considérablement qu'on ne le pensait au départ. Du moins, je n'ai pas d'autre conclusion à tirer de l'évolution du dossier chez nos voisins de l'Ontario. Ils ont introduit toute une série de modifications où on a séparé les anciennes mines des nouvelles mines, où on a introduit des allocations de traitements qui sont différentes, dans une région et dans d'autres, de telle sorte que la situation, telle qu'elle se présente en Ontario... Je pense qu'il faudra attendre encore quelque temps avant de pouvoir mesurer le poids véritable de cette nouvelle politique des droits sur les mines.

Quand la maison Price Waterhouse a fait des comparaisons, évidemment, elle a dû les faire à partir des taux marginaux qui étaient contenus dans l'annonce du ministre des Finances du gouvernement ontarien, sans pouvoir vérifier de facto comment les compagnies minières allaient utiliser toutes les voies d'évitement qui ont été mises de l'avant subséquemment par la réglementation.

Nous, ce que nous avons fait concernant cette modification, à partir de l'expérience des autres provinces, il faut bien le reconnaître, nous avons préféré prendre un peu plus de temps et présenter une politique qui serait un peu plus précise et qui éviterait tous ces dédales de procédure et ces détours qui compliquent la situation et qui embêtent singulièrement, je pense bien, tous ceux qui évoluent dans ce secteur d'activités. Dans un premier temps, nous avons voulu redresser au moins les taux pour bénéficier de la rente produite par l'augmentation du prix des matières premières en 1974 et, dans un deuxième temps, apporter les modifications qui équilibreraient davantage la répartition entre les revenus provenant des droits sur les mines, les revenus provenant de la taxe de vente et les revenus provenant des profits des corporations qui oeuvrent dans ce secteur. Ces mesures ont été annoncées dans le discours sur le budget de telle sorte que le fardeau fiscal des compagnies minières a été augmenté au mois de décembre, et, dans ma dernière déclaration, le même fardeau fiscal continuera d'exister sauf qu'il sera réparti différemment entre l'impôt sur les droits sur les mines, l'impôt sur les sociétés et la taxe de vente.

M. Morin: La situation est peut-être un peu plus complexe que le ministre le laisse entendre si on tient compte de toute les formes de taxes que peuvent payer les compagnies minières, les redevances, l'impôt sur les profits, les "royautés". Pour être plus concret, je me demande si le ministre

pourrait nous faire brièvement le tableau du fardeau fiscal incluant les profits, les droits divers et les redevances diverses d'une province à l'autre pour une compagnie minière type, disons une compagnie qui aurait des profits de $50 millions.

M. Garneau: Si vous parlez des profits miniers, on pourrait le faire. Là, l'assiette est complètement différente selon les termes qu'on utilise si l'on parle des profits miniers, ce qui est la base, et de l'assiette de la taxe des droits sur les mines, il s'agit du profit à la tête du puits de la mine, alors que si l'on parle des profits de la corporation, cela comprend évidemment toutes ces opérations en plus de l'extraction du minerai, il y a de la transformation, les dépenses, tout le régime de vente, toute la publicité, en fait l'ensemble des activités d'une compagnie qui, à ce moment-là, se situe au même palier qu'une autre entreprise. Il faut distinguer dans chacun des cas. Des compagnies qui font $50 millions de profits, de droits sur les mines, il n'y en a malheureusement pas au Québec, j'aimerais bien cela, mais il n'y en a pas qui ont ce niveau.de profits. Pour faire un calcul, il faudrait d'abord utiliser le tableau et dire qu'entre $150,000 de profits et $3 millions taxés à 15%, il faudrait faire tout le calcul; entre $3 millions et $10 millions, c'est taxé à 20%; entre $10 millions et $20 millions, c'est taxé à 25%, et au-dessus de $20 millions, c'est taxé à un taux marginal de 30%. Pour en arriver après cela à l'impôt véritablement payé, il faudrait savoir s'il s'agit d'une compagnie qui fait de la transformation ou n'en fait pas, si elle fait uniquement...

M. Morin: Non, je pense à la tête du puits.

M. Garneau: Le profit qui est taxé à la tête du puits de la mine, on y applique les tarifs que je viens de mentionner et, une fois cet impôt calculé, on peut y apporter les déductions qui sont les allocations de traitement et qui sont également les allocations pour fins d'investissements. Evidemment, il faudrait faire une hypothèse beaucoup plus détaillée qu'uniquement donner le montant des profits, il faudrait donner l'ensemble des paramètres de l'entreprise et dire si elle a investi ou si elle n'a pas investi, si elle a fait de la recherche ou de l'exploration minière ou si elle n'en a pas fait. Je n'aurais pas d'objection à donner ou à demander à mes fonctionnaires d'essayer de calculer quel serait le fardeau fiscal au point de vue des droits sur les mines d'une compagnie qui ferait $10 millions de profits, de droits sur les mines, au niveau de la tête du puits de la mine, en supposant qu'elle a investi $5 millions durant l'année et $500,000 dans la recherche et l'exploration, s'il s'agit du cuivre et qu'elle exploite une usine de fusion et d'affinage, et qu'on puisse appliquer les allocations et traitement et en arriver à dire que cette compagnie qui a fait $10 millions de profit va payer $1,500,000 ou $2,000,000 d'impôt.

Je pourrais peut-être demander aux gens qui m'entourent de prendre note d'une telle hypothèse et d'essayer de calculer et demain je pourrais peut-être vous dire quel serait le montant théori- que, dans un cas hypothétique, de ce qu'elle paiera de droits sur les mines.

Par la suite, pour la même entreprise, il faudrait faire une hypothèse de profits de corporation et lui appliquer la Loi de l'impôt sur les corporations, afin de voir ce qu'elle paiera d'impôt. Il faudrait également faire l'hypothèse de la vente de ses produits, si elle les vend au Québec ou si elle les exporte, appliquer les nouvelles mesures concernant la taxe de vente et en arriver approximativement à un fardeau fiscal.

M. Morin: Le fardeau fiscal devrait tenir compte de toutes ces formes.

M. Garneau: C'est cela. C'est pour cela que je dis que pour donner un montant précis, il faudrait beaucoup de calculs.

M. Morin: Le comité Audet ne s'est-il pas penché là-dessus? Si je vous pose la question, c'est parce que je suppose que le comité Audet a dû soit faire les études, soit les faire faire.

M. Garneau: Les études ont été faites, non pas à partir de documents théoriques, mais à partir des renseignements confidentiels dont nous disposons au niveau du ministère des Richesses naturelles, pour voir comment les mesures que nous avions proposées allaient affecter chacune des entreprises minières. Nous avons pris des cas qui nous semblaient les plus représentatifs, dans chacune des catégories, parce qu'il faut bien reconnaître qu'au Québec les entreprises minières sont de taille fort différente. Vous avez plusieurs petites entreprises, qui ont des activités assez restreintes et quelques-unes qui sont de taille plus importante, mais qui ne se comparent pas aux grandes mines de nickel, comme celles qu'on retrouve en Ontario. Nous avions une structure minière passablement différente et il fallait tenir compte de l'ensemble de l'industrie telle qu'elle est au Québec.

Pour répondre à la question du député de Sauvé, nous pourrons avoir demain les renseignements d'une façon assez précise d'un cas hypothétique, soit d'une entreprise qui ferait $10 millions de profits à la tête du puits de la mine.

M. Morin: Je serais très heureux d'avoir ces renseignements. Ces études qui ont été faites pour le comité Audet et qui sont des études à partir de cas concrets sont-elles incorporées au rapport ou si ce sont des études à part?

M. Garneau: Je voudrais mentionner que le comité qui a été chargé de faire cette analyse n'était pas un comité du genre d'une commission d'enquête. C'était un groupe de travail qui avait pour objectif de proposer au gouvernement une modification à la fiscalité minière, les droits sur les mines, la taxe de vente et l'impôt sur les corporations. En quelque sorte, le rapport du groupe de travail qui a oeuvré au cours de la dernière année est le contenu du discours sur le budget, qui a été annoncé le 17 avril dernier. Ce que j'ai annoncé,

en quelque sorte, et même d'une façon assez près de la réalité, ce sont les recommandations qui nous ont été faites par ce groupe de travail et le rapport est ce qu'il y a dans l'annexe spéciale qu'il y a dans le discours sur le budget.

M. Morin: Le ministre aurait-il objection à déposer le rapport du comité Audet?

M. Garneau: II est déposé, parce qu'il s'agit des recommandations. C'est l'annexe qui résume l'ensemble de l'activité et du travail de ce groupe. Pour ce qui est des tableaux, l'autre aspect qui n'est pas inclus dans l'annexe, ce sont les tableaux qui ont été utilisés, qui ont été mis sur ordinateur pour faire jouer les différents paramètres. Ce ne sont pas des situations hypothétiques, mais des situations réelles. Evidemment, comme ce sont des renseignements que nous avons eus et que nous ne pouvons pas rendre publics parce qu'il s'agit de renseignements confidentiels, nous ne pouvons certainement pas les déposer.

M. Morin: M. le Président, le rapport de la compagnie Price Waterhouse, qui est quand même le plus récent que nous ayons, a ma connaissance, nous permettant d'établir une comparaison entre les diverses provinces, est-ce qu'il a été fait à l'instigation du comité Audet ou si c'est une initiative purement privée?

M. Garneau: C'est une initiative de la maison Price Waterhouse qui a voulu établir des comparaisons, probablement qu'elle a reçu des demandes de ses clients et qu'elle a décidé d'en faire une publication. C'est une situation très évolutive...

M. Morin: Je n'en doute pas.

M. Garneau: Au moment où le groupe a fait son étude, c'était antérieurement à l'annonce du discours sur le budget, pour ce qui est du Québec. En Ontario, il y a eu plusieurs décisions prises au niveau de la réglementation et qui semblent être discutées et rediscutées entre le gouvernement ontarien et l'association qui représente les entreprises minières en Ontario. Il est bien difficile, même actuellement, de savoir d'une façon précise comment la fiscalité minière va s'effectuer en Ontario. Cela a d'ailleurs été une de nos grandes préoccupations parce que nous voulions atteindre l'objectif, comme je l'ai mentionné dans mon discours, où le Québec pouvait aller chercher de cette entreprise un juste retour de l'utilisation de ses richesses, mais aussi faire en sorte que notre imposition ne soit pas de nature telle qu'on décourage, à toutes fins utiles, toute exploration minière chez nous et tout investissement. Comme la situation en Ontario évoluait presque continuellement, cela a été un des aspects assez difficile du travail du comité. On a eu des représentations de plusieurs entreprises qui soumettent que pour leur cas individuel cela signifie une taxation plus grande au Québec qu'ailleurs. Nous revérifions nos projections avec eux et je pense bien que, dans l'ensemble, nous pouvons dire que les entre- prises minières au Québec ne sont pas pénalisées, qu'elles sont dans une situation concurrentielle, mais qu'elles doivent faire face également à un fardeau fiscal qui répond à un objectif, absolument justifiable du Québec, qui est d'aller chercher un juste retour sur ses richesses naturelles.

M. Morin: Pourrais-je demander au ministre s'il avait fait examiner...

M. Garneau: Mon adjoint me souligne que, dans le secteur des métaux, le Québec est importateur de minerai pour fins de transformation, et c'est particulièrement le cas du cuivre et du zinc, où nous transformons plus que nous extrayons du sous-sol. C'est un autre élément dont il fallait tenir compte, parce qu'il ne fallait pas, par une fiscalité, renverser la vapeur et faire en sorte qu'à l'avenir les investissements se fassent ailleurs qu'au Québec, alors que nous avions déjà cet appareil de production qui faisait en sorte que nous transformions davantage que nous produisions.

M. Morin: Parlant d'investissements ailleurs qu'au Québec, le ministre est-il au courant que certaines provinces, et en particulier l'Ontario, ont offert, en I974, des exemptions pour transformation dans le nord de cette province, de façon à inciter à la transformation du minerai sur place le plus possible? Le ministre est-il au courant de cela? Quel effet cela peut-il avoir par rapport au Québec?

M. Garneau: II faut mettre en juxtaposition les taux marginaux qui sont plus élevés que les nôtres avec les allocations de traitement. L'Ontario va à un taux marginal de 40% et nous allons à un taux marginal de 30%. Par contre, ils ont des allocations de 20%, dans certains cas, et nous en avons de 15%. Si on fait la comparaison, dans des cas hypothétiques et même dans des cas particuliers, on s'aperçoit que les mines ou les entreprises qui auraient des profits moins forts seraient un peu moins taxées au Québec qu'en Ontario, et peut-être que les entreprises qui auraient des profits plus élevés seraient ou égales ou un peu supérieures à l'Ontario, suivant les gestes qu'elles vont poser à l'avenir. Si ces entreprises utilisent, par voie d'exploration et d'investissements nouveaux, les allocations qu'elles peuvent avoir pour fins d'investissements et fins d'exploration, à ce moment, cela peut les placer dans des situations plus avantageuses qu'en Ontario.

Si on n'utilise aucun des éléments qui ont été mis dans cette politique pour favoriser la transformation et l'exploration, il est bien possible qu'elles soient un plus plus taxées chez nous qu'en Ontario.

Mais, on ne peut pas prendre un facteur isolé; il faut, je pense, regarder l'ensemble et ce n'est évidemment pas facile, il faut faire des hypothèses avec tous les paramètres, les possibilités, et c'est assez complexe de donner des exemples chiffrés.

M. Morin: Je me demandais, en écoutant le ministre, si on ne pourrait pas être graduellement

témoin d'un déplacement des installations de transformation vers l'Ontario et qu'on...

M. Garneau: Non, je ne pense pas, parce que les entreprises qui transforment actuellement au Québec sont des entreprises surtout dans le cuivre ou dans le zinc. Le fer, le plus loin qu'on va actuellement, sauf SIDBEC, c'est le boulettage; alors, pour les entreprises qui transforment, les chiffres qu'on a faits nous montrent qu'il est aussi avantageux pour une mine de cuivre de continuer à investir au Québec que d'aller investir en Ontario.

M. Morin: C'est surtout au cuivre que je pensais.

M. Garneau: C'est aussi avantageux et c'est d'ailleurs la raison pour laquelle nous avons augmenté l'allocation de traitement, parce que, si nous ne l'avions pas fait, nous aurions placé nos entreprises de transformation qui le font déjà chez nous, nous les aurions placées dans une situation concurrentielle extrêmement délicate. Du moins, d'après ce que je peux voir, d'après les réactions que j'ai eues, c'est que cela se compare suffisamment avantageusement pour que ce ne soit pas une cause de déplacement dans le domaine de la transformation.

Evidemment, d'un autre côté, il fallait également établir une différence, au niveau de la taxation, entre celles qui transforment chez nous et celles qui ne transforment pas. C'est pourquoi nous avons maintenu l'allocation de traitement au niveau de 8% pour celles qui ne dépassent pas le stade de la première concentration et que nous avons donné des allocations de traitement allant jusqu'à 15% pour celles qui font l'affinage et le "smeltage".

Dans l'ensemble de l'activité minière, il y a des cas marginaux qui se situent entre les deux et qu'il nous faut considérer. Par exemple, est-ce qu'on ne devra pas en arriver à un taux moyen entre 8% et 15% pour les entreprises qui font le boulettage à comparer avec celles qui n'en font pas? Si on prend Québec Cartier Mining, actuellement, elle fait de la concentration, mais elle ne fait pas de boulettage, alors que Iron Ore fait de la concentration et du boulettage.

Est-ce que nous ne devrons pas établir un taux intermédiaire entre 8% et 15% pour bien répondre à ce désir qu'on a au Québec de voir les matières, les richesses naturelles transformées à un stade plus avancé? C'est une question qui est fort délicate et qui, en tout cas, n'est pas réglée d'une façon définitive. Mais la politique telle qu'elle a été annoncée sera suivie, à moins qu'on soit très précisément convaincu qu'en ne modifiant pas cette politique pour les fins intermédiaires qui se situent entre l'affinage et le concentrateur, tant qu'on ne nous aura pas fait la démonstration en noir sur blanc, d'une façon précise, que cela pourrait favoriser le déplacement d'entreprises à l'extérieur du Québec.

Actuellement, nous n'en sommes pas convaincus, mais si des études ultérieures nous le démontraient, je pense bien qu'il serait logique que nous agissions en conséquence.

M. Morin: Dans le cas de l'amiante où la position du Québec est peut-être plus solide que dans d'autres secteurs... Je me permets de penser tout haut. Pourquoi le gouvernement ne songerait-il pas à imposer une redevance spéciale, par exemple, sur le minerai extrait, peut-être en ajoutant à cela des allégements fiscaux pour ceux qui transforment, justement, l'amiante au Québec?

Le ministre sait comme moi qu'à l'heure actuelle, une infime portion de l'amiante extrait du sous-sol québécois fait l'objet d'une transformation ici, même la transformation la plus élémentaire. Est-ce que ce ne serait pas une façon à la fois peut-être d'extraire une meilleure rente économique et, en même temps, de favoriser la transformation sur place?

Est-ce que votre ministère s'est penché sur ce cas de l'amiante en particulier?

M. Garneau: Le cas de l'amiante est un cas un peu spécial, c'est la raison pour laquelle, dans le discours sur le budget, nous avons parlé, nous avons été très explicites dans les allocations de traitement à 15%, en indiquant que c'était la transformation qui allait... On a utilisé les mots, "affinage et smeltage", après avoir fouillé dans plusieurs dictionnaires pour savoir si c'étaient des mots français. On nous a confirmé, enfin, que ça l'était, mais cela n'a pas été facile de trouver, d'avoir la certitude que cela l'était, il y avait différentes écoles de pensée, mais, en tout cas, finalement, on a, sur ce détail technique, à quoi je pense, quand même indiqué qu'il s'agissait "d'affinage et de smeltage".

L'amiante, au stade où il est traité au Québec, est au stade ultime de l'opération minière si on peut dire; le stade qui suit se rend jusqu'à la fibre. Donc, le stade qui suit, c'est celui du manufacturier. Ce qu'on a indiqué dans le discours, c'est que nous ne voulions pas accorder, utiliser la fiscalité minière, le droit sur les mines, d'une façon systématique, pour appliquer des politiques de développement manufacturier.

Par contre, parce qu'il s'agit d'un impôt qui... En fait, on n'appelle pas cela une "royauté" ici, parce que c'est taxé sur les profits, non pas sur le volume ou sur la quantité de minerai extrait. Par contre, nous avons indiqué l'intention du gouvernement— et la loi contiendra cette disposition — que dans des cas bien particuliers, nous pourrons accorder une allocation plus grande, pour des projets d'investissement qui sont directement reliés, dans le secteur manufacturier, à la transformation d'une richesse naturelle de notre sous-sol, qui pourrait être transformée à un stade ultérieur allant jusqu'à la manufacture, mais nous n'avons pas voulu l'indiquer comme politique générale. Cela sera plutôt dans des cas exceptionnels, sans lesquelles mesures exceptionnelles, la rentabilité des investissements ne serait pas suffisante pour déclencher cet investissement. Cela sera véritablement des décisions cas par cas, mais

nous ne croyons pas qu'il y en ait d'énormes quantités.

Pour l'amiante, évidemment, l'étude qui a été menée d'une façon générale... Il y a eu une évolution évidemment au cours des derniers mois, là je ne peux pas me rattacher là-dessus, mais à partir des données statistiques qui étaient accumulées, celles-ci nous démontraient que le taux de rendement sur les sommes investies dans le secteur de l'amiante n'étaient pas extrêmement élevées, même relativement beaucoup plus bas que dans d'autres secteurs de l'activité minière québécoise et canadienne. C'est une question...

M. Morin: Cela ne doit pas être bien récent cela, M. le Président, cela doit être antérieur au relèvement des prix.

M. Garneau: C'étaient les dernières statistiques qu'on avait, on n'avait pas toutes les données de 1974. C'étaient les statistiques de 1973, mais évidemment il y a eu des redressements de prix, c'est pourquoi j'ai pris la précaution que j'ai prise, concernant la situation de 1974.

Par contre, la fin de 1974 et la situation actuelle en 1975 sur le commerce international, la situation économique internationale, ne me donnent pas d'indication qu'il y aurait une raison de s'enthousiasmer pour dire que ce secteur fonctionnerait à pleine vapeur, alors que les autres sur le plan international seront beaucoup plus au ralenti, si on pense au cuivre, par exemple, le prix a tombé d'une façon presque dramatique.

M. Morin: L'amiante ce n'est pas le cuivre.

M. Garneau: Non, mais je fais des comparaisons. Comme je n'ai pas les chiffres, je ne veux pas m'engager, mais je vous le dis, je ne verrais pas pourquoi, je ne vois pas sur quelle base on pourrait s'appuyer pour dire qu'alors que la plupart des prix des matières premières ont tombé, celles-là auraient augmenté à rencontre des tendances des autres.

M. Morin: Bien oui, il y a des bases justement, il y a certaines bases. D'abord il y a eu trois augmentations successives en 1974 qui ont augmenté le prix moyen de 45%. Je ne sais pas si le ministre a cela dans ses papiers.

On prévoit pour I975, non pas des baisses, comme dans d'autres secteurs, notamment pour le cuivre, mais on prévoit de nouvelles hausses, ne serait-ce que parce que la production mondiale, elle, a diminué. Il y a eu des fermetures de mines au Vermont, si ma mémoire est bonne aussi en Californie, il y a eu l'incendie de la King Beaver, l'amiante est plus rare et pourtant demeure tout à fait en demande. J'ai l'impression que l'offre réduite va permettre un maintien des prix et c'est la raison pour laquelle je me demandais si le ministre n'aurait pas examiné cela d'un peu plus près pour essayer de profiter de la position très forte du Québec dans ce secteur.

M. Garneau: II faut dire que, si les profits des compagnies étaient plus considérables, dans l'éventualité ou l'hypothèse dont parle le chef de l'Opposition se réalisait, que les modifications qu'on a apportées aux taux vont serrer davantage les compagnies qui vont être taxées à un taux marginal de 30% au lieu de l'être à un taux marginal de 15%. Ce serait déjà un avoir ou un acquis assez important pour la fiscalité québécoise, si c'était le cas.

M. Morin: Est-ce que le ministre pourrait m'éclairer sur un point. Je ne pense pas que dans l'amiante il y ait de taxes sur le tonnage.

M. Garneau: C'est encore la même politique. On taxe les profits à la tête du...

M. Morin: Vous taxez les profits, et le ministre sait comme moi que des profits cela peut se manipuler passablement. Tandis que le tonnage, c'est un facteur beaucoup plus objectif. N'y aurait-il pas intérêt à repenser cet aspect de la politique fiscale du Québec, particulièrement en ce qui concerne l'amiante?

M. Garneau: Je m'excuse, je n'ai pas saisi la dernière question.

M. Morin: J'ai demandé s'il n'y aurait pas lieu justement de repenser la fiscalité dans le domaine de l'amiante en fonction non plus seulement des profits qui peuvent faire l'objet d'un certain nombre de manipulations, mais en fonction du tonnage extrait?

M. Garneau: La question est de savoir si on pourrait modifier les lois qui ont donné, dans une très grande région du secteur de l'amiante, le sous-sol aux propriétaires de surface. Il y a eu plusieurs tentatives au cours des X dernières années, peut-être au cours des 30 ou 35 dernières années, de projets de loi qui ont même été déposés à l'Assemblée nationale et finalement qui ont été retirés parce que, cela veut dire, on a eu l'expérience avec SOQUIP lorsque SOQUIP faisait du forage dans cette région, a peu près dans le même secteur où se trouve l'amiante et où, avant de pouvoir procéder avec ces instruments, elle devait faire toute la recherche, toute l'analyse des titres pour savoir qui était propriétaire et pouvoir aller acheter les droits de propriété du sous-sol qui, pour des raisons — cela remonte à des actes aussi...

M. Morin: I884.

M. Garneau: ... anciens, peut-être même avant dans certains cas. Je pense qu'il y a eu des terrains...

M. Morin: C'est la situation antérieure à I880.

M. Garneau: Alors, qui ont été obligés de faire cette analyse des titres et il y a eu des tentatives de projets de loi. Cela veut dire qu'on enlèverait, pas uniquement aux propriétaires, des terrains sur lesquels sont les mines d'amiante, mais à une

foule de Québécois qui sont propriétaires. Dans certains cas, cela pourrait être des cultivateurs, dans d'autres cas, ce sont des propriétaires d'habitations familiales; ou il faudrait, par une législation, leur enlever le droit de propriété du sous-sol et les compenser d'une façon quelconque ou leur enlever tout simplement par une expropriation, à toutes fins utiles, un droit de propriété qu'ils ont.

C'est extrêmement difficile à résoudre parce que c'est la seule façon qui nous permettrait de changer notre fiscalité dans ce secteur pour utiliser la formule du tonnage au lieu d'utiliser la formule des droits à partir des profits.

De toute façon, il est apparu, d'ailleurs pas uniquement au Québec, c'est dans toutes les provinces, que la formule de taxation sur les profits était plus juste que la formule de taxation, à l'exception du pétrole, sur le tonnage. En tout cas, cela a été la conclusion parce que c'est cela la fiscalité. Même le Manitoba est allé plus loin que cela. Il vient de changer sa politique fiscale pour mettre des taux qui sont basés sur le rendement du capital investi. C'est une chose que nous avions également étudiée et, au lieu de le mettre d'une façon comme cela existe actuellement au Québec, en Ontario et dans les autres provinces, le Manitoba vient de modifier pour ajouter un autre élément et le taux de taxation sera basé sur un taux de rendement du capital investi. Cela change complètement la philosophie de la taxation minière, mais donne, à mon sens, une grande sécurité aux investisseurs, je dirais encore plus grande que celle qu'on a ou celle qui existe en Ontario ou dans d'autres provinces.

C'est donc à l'encontre de ce que voudrait dire la taxation à partir du volume.

M. Morin: C'est toute la question, la philosophie de base. Il s'agit de savoir si on tente de tirer la meilleure rente économique de l'exploitation des richesses naturelles pour la collectivité ou si on songe d'abord à ceux qui investissent dans le domaine minier. Il y a là, sans doute, un choix quasi philosophique.

M. Garneau: C'est-à-dire qu'il faut marier les deux. Il faut faire en sorte que les propriétaires des richesses, qui sont l'ensemble des citoyens québécois à l'exception de ce petit coin de la province pour des raisons juridiques, il faut avoir un juste retour sur l'utilisation de cette ressource et, en même temps, avoir une fiscalité qui permette une concurrence. Parce que si le coût de production de la tonne de fibre d'amiante est $50 ou $100 plus élevé que la production dans d'autres secteurs du monde, évidemment on sera dans une situation concurrentielle qui ne sera pas supportable, autant par des investissements publics que par des investissements privés.

M. Morin: Je sais bien mais enfin, 70% des exportations d'amiante dans le monde occidental viennent du Québec. Donc, il y a tout de même une position concurrentielle qui est différente de celle du cuivre, par exemple, ou du fer.

M. Garneau: Jusqu'à ce qu'on n'ait pas découvert ailleurs d'autre chose.

M. Morin: Oh! cela a été pas mal ratissé mais enfin. Je ne veux pas empiéter sur les crédits des richesses naturelles, mais est-ce que le ministère des Finances a un point de vue sur le problème auquel il vient de faire allusion, qui est celui de la propriété du sol qui emporte la propriété du sous-sol dans certaines régions du Québec? Est-ce que vous vous êtes fait une idée là-dessus, votre ministère est...

M. Garneau: Je pense que le...

M. Morin: Je voudrais terminer ma question: Est-ce qu'il ne serait pas urgent qu'en tant que ministre des Finances vous mettiez votre nez là-dedans, étant donné que dans la plupart des pays modernes, aujourd'hui, on fait toujours une distinction fondamentale entre la propriété du sol et celle du sous-sol. On réserve toujours le sous-sol aux souverains, à la collectivité, du moins je connais très peu d'Etats qui aient appliqué le vieux système médiéval en vertu duquel celui qui avait la surface du sol était propriétaire jusqu'aux enfers, usque ad infernos.

Est-ce que le ministre a un point de vue là-dessus, est-ce que son ministère s'est penché là-dessus?

M. Bacon: ... pour le latin.

M. Garneau: Parfois l'enfer nous paraît si près que...

M. Morin: De profondeur?

M. Garneau: ... la propriété ne descend pas tellement profondément.

M. Morin: II y a beaucoup de gens qui pensent cela au Québec.

M. Garneau: Le ministère des Finances a certainement regardé cette question mais uniquement sur le plan de la fiscalité parce qu'en se posant la question d'une réforme de la fiscalité minière, l'analyse à savoir si nous allions modifier le principe de la taxation a été regardée, mais nous en sommes rapidement revenus à l'idée qui est contenue dans la réforme parce qu'elle nous paraissait la plus juste et celle qui nous permettait une meilleure analyse comparative de la rentabilité des investissements faits.

Mais c'est surtout le ministère des Richesses naturelles qui a fait des études de ce côté.

J'imagine que, lors de l'étude des crédits du ministère des Richesses naturelles, mon collègue pourra informer davantage l'Assemblée, sa commission et les députés sur les difficultés qu'il y a. Je sais que cette question a été regardée, mais pas d'une façon systématique sur la base des principes par le ministère des Finances.

M. Morin: Le comité d'étude Audet n'en a pas traité?

M. Garneau: II a fait faire un travail par un spécialiste, par un juriste, pour voir quelles étaient les complications que pouvait amener une modification sur le plan strictement juridique. Cette analyse ou cette opinion juridique a été donnée par M. Lacasse, un avocat, qui a fait l'analyse de cette question. Cette analyse a été le point de départ de la réflexion qu'on a eue sur la réforme telle que proposée en termes juridiques.

M. Morin: C'est un sujet qui m'intéresse beaucoup. Il y a même un aspect constitutionnel à la question. Est-ce que le ministre aurait objection à ce qu'on puisse prendre connaissance de cette étude?

Je pense que cela intéresserait beaucoup de monde, cela pourrait même éclairer beaucoup de monde.

M. Garneau: Je vais consulter mon fonctionnaire, ici. M. Audet ne voit pas d'objection de principe à première vue. Je vais voir avec mon collègue des Richesses naturelles, puisque eux aussi ont participé à cette étude. En principe je ne crois pas qu'il ait d'objection et il me fera plaisir de la déposer. Si ce n'est pas à cette commission, je la déposerai à l'Assemblée nationale.

M. Morin: Bien, je serais très heureux d'avoir ce document, parce qu'il y a relativement peu d'études de fiables là-dessus. Je crois que cela aiderait la réflexion collective d'avoir un instrument de travail comme celui-là. Vous nous dites donc, je termine là-dessus, pour ce qui est de l'imposition des richesses naturelles, que l'essentiel du comité Audet, des conclusions du comité Audet se trouvent dans le budget, dans le discours du budget.

M. Garneau: Dans les recommandations.

M. Morin: II n'y a pas moyen d'avoir le document original lui-même?

M. Garneau: C'est une série de tableaux statistiques, à partir des données confidentielles qui nous ont été référées par le ministère du Revenu et par le ministère des Richesses naturelles. Dans les deux cas, la seule raison pour laquelle le comité en disposait, c'est que c'était utilisé d'une façon confidentielle. Je ne pense pas que les entreprises qui concurrencent une contre l'autre aimeraient voir leur état financier sur la place publique.

M. Morin: Je sais très bien.

M. Garneau: Mais il reste, à l'exception de ces tableaux, c'est ce qui est contenu dans l'annexe...

M. Morin: Je comprends que l'article 69 de la loi sur le ministère du Revenu empêche la divulgation de cela. J'y ai goûté...

M. Bacon: Vous en avez entendu parler déjà?

M. Morin: J'y ai goûté dans cette même commission, il n'y a pas si longtemps, avec les difficultés qui s'ensuivent de savoir vraiment, de connaître vraiment le fond d'un certain nombre de problèmes. Mais, enfin, je n'insisterai pas. Si le ministre me dit que vraiment l'essentiel se trouve dans le discours du budget, je me contenterai du rapport Lacasse, s'il veut bien nous le communiquer.

Le Président (M. Brisson): D'autres questions au programme 1?

M. Morin: Oui, il y avait aussi un rapport sur les sociétés pétrolières; qu'est-ce qu'il en est advenu, M. le Président?

M. Garneau: La même chose pour les sociétés pétrolières. Les recommandations que nous ont faites le comité, ce sont celles qui étaient contenues dans ma déclaration ministérielle du 19 décembre dernier. Nous avons appliqué ces recommandations, les conclusions du groupe de travail, parce qu'encore là ce n'était pas un comité qui avait pour fonction de présenter un rapport de discussion comme la commission Cliche ou quelque chose comme cela.

C'était un groupe de travail, de spécialistes qui se sont penchés sur la question et qui ont fait des recommandations. Les recommandations qu'ils nous ont faites ont été rendues publiques, par moi, le 19 décembre à l'Assemblée nationale, dans ma déclaration ministérielle. C'est cela qui a été la recommandation et c'est cela que nous avons suivi.

M. Morin: Dans cette déclaration, vous nous disiez que les frais d'exploration canadiens, engagés par une entreprise principale, demeureront amortissables au taux de 100%, alors que le taux sera de 30% sur le solde dégressif, pour ce qui est des frais d'aménagement canadiens non engagés au Québec.

Est-ce que c'était une des conclusions de ce rapport?

M. Garneau: C'est une des conclusions du groupe de travail. Ce qu'ont signifié, en fait, ces modifications que nous avons apportées à la fiscalité, c'est qu'on a multiplié par 9 les recettes fiscales que nous retirons des compagnies pétrolières.

M. Morin: Je veux être sûr de bien comprendre le sens. Pour que je sois sûr de bien vous comprendre, comment distinguez-vous frais d'aménagement de frais d'exploration?

M. Garneau: Prenons l'exemple de SOQUIP; peut-être que l'exemple est mauvais, parce qu'elle n'est pas imposable sauf lorsqu'elle agit en "joint venture" avec d'autres. Mais supposons que ce soit un "joint venture" et qu'elle fasse comme elle fait présentement ici, tout près de Québec, le fo-

rage — c'est du forage qu'elle fait — et que fe coût du forage est de $100,000. C'est une dépense d'exploration. Une fois le forage terminé et que cette compagnie constate que les réserves qu'elle a découvertes sont suffisamment grandes pour être exploitées, elle investit des sommes pour aménager l'exploitation des puits.

M. Morin: Alors c'est de l'exploitation, ce sont des frais d'exploitation.

M. Garneau: Des frais qui précèdent l'exploitation...

M. Morin: D'aménagement, en plus de l'exploitation.

M. Garneau: D'aménagement en plus de l'exploitation, c'est cela.

M. Morin: Autrement dit, dans la situation actuelle, une compagnie pétrolière peut encore se prévaloir de 100% de ses frais d'exploration à travers le pays, au Québec. La question que je voudrais poser au ministre est qu'il est sûrement conscient du fait qu'il se fait très peu d'exploration pétrolière au Québec.

M. Garneau: Les 100% s'appliquent pour les frais d'exploration faits au Québec. C'est cela qui est indiqué.

M. Morin: On dit: Les frais d'exploration canadiens...

M. Garneau: Oui.

M. Morin: ... demeureront. Qu'est-ce que cela signifie, ce sont les frais d'exploration dans l'ensemble du Canada, "coast to coast"?

M. Garneau: II faut constater que la plupart des entreprises sont des entreprises qui font affaires dans tout le pays et la répartition de la fiscalité sur les corporations est faite sur une base des employés et du chiffre d'affaires. Alors il faut qu'elles ...

M. Morin: Cela dépend, mais...

M. Garneau: ... établissent leur assiette, sur laquelle elles sont taxées. Ces entreprises utilisent les déductions de revenus qui sont permises par la loi. Ce que nous avons voulu faire, c'est de donner un avantage additionnel pour l'exploration faite au Québec versus l'exploration qui pourrait être faite au Québec et aussi ailleurs au Canada.

Justement pour répondre un peu à cette préoccupation que soulignait le chef de l'Opposition, de constater qu'il n'y a peut-être pas suffisamment d'exploration qui se faisait...

M. Morin: Oui, mais je veux être sûr que je comprends bien; est-ce que les compagnies peuvent continuer de déduire l'ensemble de leurs frais d'exploration, d'une mer à l'autre?

M. Garneau: Certainement.

M. Morin: C'est ce à quoi je veux en venir. Est-ce que c'est équitable cela? Je ne parle pas pour la compagnie, mais pour les Québécois.

M. Garneau: Ce sont des entreprises qui agissent dans tout le pays et l'assiette de leur taxation c'est dans l'ensemble de leurs opérations. Une fois que l'impôt et que le profit ont été calculés, pour l'ensemble des opérations, ce dernier est divisé pour fins d'imposition provinciale suivant la formule que je mentionnais tout à l'heure, c'est-à-dire un rapport entre le chiffre d'affaires et le nombre d'employés. Il faut en arriver à l'établissement de ce profit avant de le diviser pour y appliquer les taux, le montant qu'on peut taxer au Québec, le montant qu'ils peuvent taxer en Ontario, le montant qu'ils peuvent taxer dans les autres provinces.

M. Morin: Non, mais une compagnie pétrolière, en général, fait de l'exploration puis de l'exploitation, puis elle a un réseau de distribution, de vente. J'imagine, je n'en nomme aucune en particulier, une compagnie fictive qui aurait un réseau de distribution au Québec et qui, par hypothèse, ferait ici 25% de son chiffre d'affaires par exemple. Je pense que ce n'est pas exagéré de songer à une compagnie qui fait 25% de son chiffre d'affaires au Québec.

Est-ce qu'il est équitable que cette société puisse déduire les frais d'exploration qu'elle a engagés, non pas seulement au Québec, qui représente peut-être rien du tout ou très peu, peut-être un pourcentage infime de ces dépenses totales, est-ce qu'il est équitable qu'elles puissent déduire au Québec l'ensemble des frais d'exploration dans tout le Canada?

M. Garneau: Est-ce que le chef de l'Opposition me permettrait de répondre à cette question à une prochaine séance? Je voudrais consulter les gens qui m'entourent, pour être bien certain, parce que, comme c'est inscrit dans le journal des Débats, je ne voudrais certainement pas donner une information qui ne serait pas absolument juste. J'aimerais mieux que l'on vérifie de nouveau certains éléments de la loi avant de répondre.

M. Morin: Moi aussi, j'aimerais mieux prendre tout le temps requis. Je n'ai pas d'objection et le ministre peut faire cela tant qu'il le voudra, du moment qu'on a une réponse à une séance subséquente. Je ne suis pas ici pour essayer de le coincer. Je suis ici pour essayer de comprendre sa politique et les politiques de son ministère. S'il veut même me donner une réponse longue et détaillée, ce sera tant mieux. Je ne demande pas mieux.

M. Garneau: Pour être bien certain que je pourrai donner des informations, la question du chef de l'Opposition porte sur les frais d'exploration qui pourraient être engagés par une entreprise canadienne qui a des activités au Québec. Il s'agit de savoir comment la radiation de ces frais

est appliquée contre les profits canadiens et les profits qui sont faits au Québec.

M. Morin: Québécois, c'est exactement ma question.

M. Garneau: Alors, je vais donner, j'aurai des renseignements précis après avoir consulté les gens du ministère du Revenu et mes officiers.

M. Morin: Je ne sais pas si le comité Audet s'est penché là-dessus ou l'autre comité plutôt...

M. Garneau: C'est le groupe de travail dirigé par le sous-ministre du Revenu qui a fait le travail.

M. Morin: C'est cela, je me souviens maintenant. Peut-être qu'à la lumière de leurs travaux, vous pourrez me donner une réponse. A quelle heure pensez-vous ajourner la séance, M. le Président?

Le Président (M. Brisson): Six heures.

M. Morin: On va essayer de finir le programme 1, on va essayer, en tout cas, ce soir. Voulez-vous me donner trente secondes, M. le Président, pour que je puisse mettre de l'ordre dans les questions que j'ai l'intention de poser?

On pourrait aller un peu plus vite, M. le Président. J'aimerais bien qu'on puisse finir le programme 1 ce soir. Demain, je ne sais pas quels sont les projets de la commission. Est-ce que nous siégerons après l'Assemblée? L'Assemblée se réunit à dix heures; donc, vers onze heures, onze heures et demie, nous pourrions nous réunir à nouveau.

M. Garneau: II est bien possible que nous siégions demain après-midi également, si les autres commissions n'ont pas terminé.

Taxe de vente

M. Morin: Ah! C'est charmant comme perspective. Enfin.

Cela nous donnera tout le temps. Toujours au programme 1, je voudrais poser une ou deux questions sur la taxe de vente sur les vêtements. Dans son discours sur le budget fédéral, le ministre Turner a annoncé la suppression de la taxe de vente de 12% au niveau du manufacturier sur les vêtements. Quand nous nous sommes penchés sur cette question, nous avons estimé qu'il s'agissait de biens essentiels qu'on ne devrait pas taxer, un peu à l'instar des aliments, et c'est pourquoi, le ministre s'en souviendra sûrement, dans le fameux budget de l'an 1 du Parti québécois, nous pensions que le Québec devait réduire sa taxe de vente au détail de 8% à 4% sur les vêtements, et sur les chaussures également puisqu'il s'agit là aussi de biens de première nécessité.

Est-ce qu'il entre dans les intentions du ministère des Finances d'imiter, de prolonger, si on veut, le geste posé par le ministère fédéral des Fi- nances en matière de vêtements, dans le domaine du vêtement? J'entends au niveau de la taxe de vente.

M. Garneau: Je ne peux réellement pas répondre à la question du chef de l'Opposition telle que posée parce que, même si c'était l'intention du gouvernement de le faire, il conviendrait que je n'en donne pas un préavis de cinq ou six mois; comme cela affecte immédiatement les décisions des personnes impliquées, il faudrait l'annoncer pour qu'elle soit effective le soir même. Ce serait ma première restriction mais je ne veux pas...

M. Morin: Je ne vous demande pas si vous avez l'intention de le faire. Je vous demanderais alors si vous avez étudié la question?

M. Garneau: Je répondrai au chef de l'Opposition — d'ailleurs je l'ai mentionné très rapidement dans mes remarques du début — qu'une des questions sur lesquelles la direction des recherches économiques et fiscales va se pencher au cours de l'année c'est non seulement uniquement la question de la taxe de vente sur les vêtements — et en particulier tout le problème des chaussures, des vêtements pour enfants dont l'application n'a plus les mêmes effets aujourd'hui qu'elle avait il y a peut-être 15 ou 20 ans pour toutes sortes de raisons — mais l'ensemble du problème de la taxe de vente, son assiette, ses effets économiques, ses effets sur les contribuables à faibles revenus et voir de quelle façon, s'il y a des modifications à apporter, nous devons procéder. Est-ce que nous devons, par exemple, maintenir la taxe de vente sur tout, et même ajouter des éléments qui ne sont pas taxés, et donner par la suite, des crédits d'impôt pour tenir compte de la taxe de vente payée sur des éléments, des articles qu'on pourrait appeler de nécessité quotidienne et vitale, de telle sorte que nous puissions protéger les contribuables moyens et à bas revenus, sans pour autant donner des avantages à des contribuables plus fortunés?

On peut s'acheter, j'imagine bien, un complet convenable à $150 ou $200 et on peut également en acheter, si on a des moyens plus élevés, à $400 ou $500. Si on abolit la taxe de vente d'une façon uniforme, évidemment on va se trouver à avantager davantage ceux qui, ayant plus de revenus, achètent des vêtements ou des biens d'utilité courante plus élevés. Je ne donne pas une réponse définitive mais je soulève les hypothèses qui peuvent être considérées dans une question semblable, sans compter que dans l'administration et la perception de la taxe de vente, toutes les fois qu'on met des exceptions dans certains cas, on donne des possibilités d'évasion fiscale importantes. Il faudra tenir compte de cet aspect en même temps.

Il y a beaucoup de gens qui, surtout ceux qui sont responsables de la perception des impôts, nous disent: ce serait beaucoup plus facile d'avoir une taxe sur tous les éléments qui s'achètent au

détail, et donner un dégrèvement uniforme de $150, $200, $300 — peu importe le montant qu'on donne — via une autre formule. De cette façon, on atteindrait peut-être davantage un objectif social et on éviterait en même temps des évasions fiscales. Mais ce sont là uniquement quelques-uns des aspects qu'il faudra considérer avant d'en arriver à une prise de décision.

M. Morin: Si je pose la question, c'est parce que je suis conscient du fait que le contribuable québécois est soumis à des taux de taxe de vente qui sont supérieurs à ce qui se trouve dans beaucoup de provinces. C'est particulièrement dur lorsqu'il s'agit des biens de première nécessité, comme les vêtements et les chaussures. Le ministre peut bien s'imaginer qu'une famille défavorisée, et nombreuse de surcroît, n'a pas besoin de tellement moins de vêtements qu'une personne qui a un haut revenu.

M. Garneau: Ils ne paient pas le même prix. Je pense bien que le chef de l'Opposition va admettre avec moi...

M. Morin: C'est convenu, c'est convenu.

M. Garneau: ... qu'ils n'achètent pas les choses...

M. Morin: C'est convenu. Mais quand on prend une mesure de portée sociale, on s'interroge surtout sur ce que cela représente pour la grande masse des gens.

M. Garneau: Justement, mais comment atteindre cet objectif? On a souvent lancé l'idée qu'il fallait taxer les objets de luxe, par exemple, davantage que les objets de nécessité courante. Si on abolissait la taxe de vente d'une façon pure et simple sur le vêtement, on abolirait la taxe de vente sur le manteau de vison de $2,500 ou $3,000 de la même façon qu'on abolirait la taxe de vente sur un manteau d'hiver beaucoup plus conventionnel qui peut se vendre $150 ou $200.

Il s'agit de savoir de quelle façon procéder pour justement, si c'est là l'objectif, aider la grande masse des citoyens à revenu moyen et ordinaire, sans perdre les sources de revenu qui proviennent des contribuables qui ont les moyens de se payer des objets de luxe. C'est cela, la difficulté, savoir comment on atteint l'objectif qui est de détaxer, au niveau de la consommation, les classes de la société qui ne devraient peut-être pas être taxées sur ces éléments.

Evidemment, il y a plusieurs moyens. Il y a plusieurs façons de se rendre de Québec à Montréal.

M. Morin: Oui, il y a certainement pas mal de techniques que vous pourriez utiliser. En tout cas, je vous signale qu'il y a plusieurs provinces qui n'ont pas de taxe de vente sur les vêtements.

M. Garneau: Sur les chaussures, je sais qu'il y a des provinces qui l'ont enlevée, si les chaussu- res sont en bas de tel prix. C'est tellement facile à contourner, par des gens qui sont peu scrupuleux, que cela laisse la porte ouverte à toutes sortes de choses. Evidemment, il y a toutes sortes de techniques que les gens connaissent pour diviser des factures et faire en sorte qu'on puisse éliminer...

M. Morin: Une facture par chaussure. Est-ce que le ministre m'a dit que c'était à l'étude?

M. Garneau: L'ensemble de la question de la taxe de vente. Il y a cet aspect. Il y a également l'aspect de la taxe de vente non pas uniquement sur la machinerie industrielle, mais sur ce qui entre dans la fabrication des produits. Certaines provinces vont taxer certains éléments; d'autres n'en taxeront pas. On veut également procéder à une analyse comparative de ce qui se fait un peu partout au Canada pour que nos contribuables ne soient pas pénalisés, disons, d'une façon abusive, par rapport aux autres citoyens canadiens.

M. Morin: Est-ce qu'on peut prévoir un rapport bientôt?

M. Garneau: Encore là, il s'agit du même genre de travaux qui se font pour toutes les modifications fiscales qui sont annoncées. Il n'y a pas de rapport précis.

M. Morin: Ce sont des comités d'étude.

M. Garneau: Ce sont des comités d'étude dont le résultat amène des modifications fiscales; dans certains cas, il n'y en a pas. Il est inutile de dire que les travaux qui ont amené à la préparation du budget ont été beaucoup plus considérables que ce qui y est contenu. Il y a un certain nombre d'éléments, d'articles sur lesquels il y a eu des recherches faites, mais auxquelles on n'a pas donné suite, soit qu'on ne trouvait pas opportun de le faire dans le contexte économique ou encore parce que le coût de telles mesures était trop considérable.

M. Morin: Oui, d'accord, mais, dans une question importante comme celle-là, la taxe de vente sur les vêtements — ce n'est pas la seule question importante; il y en a bien d'autres, mais cela en est une, parce qu'elle a une portée sociale — est-ce concevable que le ministère mette à la disposition du public, de l'Opposition en particulier, le résultat de l'étude qui sera entreprise? Autrement, il est bien difficile de juger des actes posés par le ministère dans le concret du budget, si on n'a pas l'étude qui nous permet, à nous aussi, de parcourir le même chemin et de faire la même réflexion que le ministre ou ses principaux conseillers. Est-ce que le ministre me suit?

M. Garneau: Je saisis bien, mais qu'est-ce que vous voulez? C'est la différence entre le gouvernement et l'Opposition. Des études ont été faites sur la fiscalité. La commission Bélanger a été un exercice extrêmement valable où les différents groupes ont été consultés; il y a eu des audiences

publiques et, finalement, il y a eu un rapport qui était à la disposition de tout le monde, à partir duquel on pouvait avoir des opinions pour ou contre certaines des recommandations. Je pense qu'il faut faire la distinction entre ce genre d'exercice et une recherche qu'un ministère peut faire en vue de l'application ou non d'une politique.

Evidemment, cela placerait nos fonctionnaires dans une situation intenable. Ils ne sont pas des commissaires-enquêteurs qui viennent faire des recommandations et qui s'en vont par la suite. Ils sont là. Ils ne sont pas en mesure, à part cela, de répondre publiquement de leurs travaux, parce qu'ils ont, surtout dans le budget, à respecter la confidentialité qui entoure leur préparation.

M. Morin: Non. Je prie le ministre de croire que nous faisons très bien la distinction entre le gouvernement et l'Opposition. C'est présent dans nos esprits à chaque seconde de nos modestes vies en Chambre. La question n'est pas là. Je ne sais pas si le ministre a déjà été dans l'Opposition.

M. Garneau: Personnellement, non. Mais j'ai vécu l'Opposition comme votre savant recher-chiste...

M. Morin: Dans l'ombre de Jean Lesage, si je comprends bien. Oui.

M. Garneau: Une excellente école d'ailleurs. M. Morin: Je n'en doute pas.

M. Garneau: Le monsieur qui vous accompagne pourra le vérifier plus tard.

M. Morin: Oui, je n'en doute pas. Mais justement...

M. Garneau: Quand il sera habitué...

M. Morin: ...puisqu'il a été dans cette position...

M. Garneau: II y a deux aventures qui arrivent pour ceux qui ont été dans la position où j'ai été comme recherchiste. Ou ils abandonnent la politique complètement, ou ils plongent. Il y a des divisions et des illusions.

M. Morin: C'est un programme pour mes recher-chistes.

M. Garneau: C'est ça. M. Morin: Mais...

M. Garneau: Je ne sais pas laquelle des décisions est la meilleure, par exemple!

M. Morin: Je me demande justement si le ministre, ayant fait l'expérience d'être dans l'Opposition comme recherchiste, comme analyste, n'aurait pas apprécié justement d'avoir des études.

Peut-être pas toutes, car je conçois qu'il y en ait qui soient confidentielles, surtout lorsqu'elles font état des revenus de certains contribuables. Cela, je le conçois parfaitement.

Mais je me demande si le ministre, à ce moment-là, n'a pas été heureux de pouvoir parcourir le chemin parcouru déjà, avant lui, par le gouvernement dans l'établissement d'une politique, et pouvoir se référer à des documents sérieux, préparés par des gens sérieux. C'est dans cet esprit que je lui demande si, en ce qui concerne la taxe de vente sur les vêtements, il n'y aurait pas moyen qu'il nous mette quelque chose sous la dent, à un moment donné.

M. Garneau: C'est justement à cause de l'expression que vient d'utiliser le chef de l'Opposition, que, lorsque j'étais dans la situation du recherchiste, j'aurais aimé avoir ces rapports parce que cela nous les aurait justement mis sous la dent.

M. Morin: Je ne veux pas mordre le ministre. M. Garneau: Non, non.

M. Morin: Ce n'est pas du tout ce que j'ai voulu dire.

M. Garneau: Je fait tout simplement une courte projection sur l'utilisation qui serait faite.

M. Morin: Bien, non. Je veux dire que cela ferait l'objet d'une discussion comme celle que nous avons qui, je pense, est assez civilisée.

M. Garneau: Ah oui! Mais...

M. Morin: Bon. Cela permettrait quand même...

M. Garneau: D'ailleurs, il faut dire que dans plusieurs cas il y a des documents qui sont déposés à l'Assemblé nationale, qui sont parfois des travaux, parfois de la correspondance qui a été échangée. Mais, dans le domaine de la fiscalité, c'est peut-être un peu plus délicat pour les fonctionnaires d'un ministère comme celui des Finances qui serait... Je prends l'exemple ou la possibilité que M. Audet me fasse une recommandation sur l'augmentation de la taxe de vente sur les vêtements. Au lieu d'être à 8%, il me dit: Vous devriez la monter à 9%, et je décide de la baisser à 7%. Il serait placé dans une situation où... il dirait: C'est une question de confiance. Il est placé, si on vient devant une commission parlementaire...

M. Morin: Mais le ministre se ferait une belle publicité, par exemple.

M. Garneau: Bien oui! Mais on me conseillerait rapidement de congédier M. Audet, ce que je n'aurais pas l'intention de faire. Je donne un exemple par l'absurde...

M. Morin: Oui.

M. Garneau: ... de la situation...

M. Morin: Cela ne m'a guère convaincu.

M. Garneau: Si c'était un exposé philosophique ce serait peut-être différent.

M. Morin: Enfin, je demande au ministre de ne pas écarter complètement l'idée, le jour où il y aura une étude sur cette question, de la rendre publique ou de nous la communiquer à l'occasion des crédits ou en un autre moment pour que nous puissions, comme je le disais tout a l'heure, nous la mettre sous la dent. Je veux dire par là pour que nous puissions, intelligemment, en discuter, savoir ce que cela représenterait comme montant, par exemple, alors que, à l'heure actuelle, c'est assez difficile à établir.

M. Garneau: Je ne voudrais pas que vous soyez dansl'obligation de congédier tous vos re-cherchistes. Si on vous donne tout le travail fait, ce serait quasiment dommage...

M. Morin: Etait-ce pour cette raison, lorsque vous étiez dans l'Opposition, que vous n'insistiez pas pour avoir...

M. Garneau: Au contraire.

M. Morin: ... tous les renseignements...

M. Garneau: Au contraire.

M. Morin: ...de crainte d'être congédié?

M. Garneau: Au contraire, on faisait les mêmes demandes.

Revenus d'intérêts et dividendes

M. Morin: Bon. Puisque le ministre comprend très bien les motifs qui nous poussent à demander ces renseignements, j'espère quand même qu'il réfléchira à la possibilité de nous les fournir.

Peut-être une dernière question dans ce programme I, celle de l'exemption de $1,000 sur les revenus d'intérêts et dividendes.

Je voudrais demander au ministre s'il est conscient de l'aspect régressif de ce genre d'exemption, puisque seules les personnes — c'est sûrement quelqu'un qui a un revenu élevé qui fait ce bruit — seules les personnes dont les placements...

M. Garneau: II serait plus avantagé par l'indexation?

M. Morin: Est-ce que vous voulez relancer ce débat, M. le ministre?

M. Garneau: Cela pourrait crier trop fort.

M. Morin: M. le Président, seules les personnes ayant des revenus de placements supérieurs à $10,000 ou $12,000 mettons, profiteront au maxi- mum de cette exemption, c'est-à-dire les contribuables qu'on pourrait classer parmi ceux qui ont un revenu moyen ou supérieur. Cette exemption représente une épargne d'impôt croissante au fur et à mesure qu'on s'élève dans la pyramide des revenus, c'est-à-dire que plus le taux marginal applicable aux contribuables est élevé, par exemple, je regardais les chiffres, $1,000 d'exemption représentent une épargne au niveau de l'impôt québécois, de $220 pour le contribuable qui a un revenu imposable de $20,000, de $240 pour le contribuable qui a un revenu imposable de $30,000, de $260 pour le contribuable qui a un revenu imposable de $50,000 et de $280 pour le contribuable dont le revenu imposable est de $60,000, alors, les contribuables à plus faible revenu et à moyen revenu n'obtiennent aucune réduction d'impôt.

Bien sûr j'entends ceux qui n'ont pas de revenu de placements.

Je demande au ministre pourquoi avoir choisi cette technique plutôt que d'autres qui auraient été socialement peut-être plus utiles comme les crédits d'impôt pour le logement, etc.

M. Garneau: L'objectif visé était surtout de favoriser l'accumulation de l'épargne et de ne pas donner des avantages excessifs à ceux qui sont dans une situation de revenu qui leur permet d'économiser davantage. Je pense bien que si une personne est rendue à 40 ou 45 ans, travaille depuis l'âge de 20 ou 25 ans, a réussi à accumuler jusqu'à un montant de $10,000 en épargne et l'a placé dans des obligations ou dans des actions, on ne peut pas dire que, socialement nous l'avantageons d'une façon démesurée, que nous avantageons ce groupe de contribuables, d'autant plus que l'objectif, c'était justement de favoriser ceux qui restreignent leur consommation et décident d'épargner une partie de leur revenu. Je crois bien que, si nous n'avions pas mis de limite à cette déduction, nous aurions pu commettre une injustice sur le plan du fardeau fiscal, injustice qui aurait été à l'avantage des gros contribuables.

En mettant un maximum de $1,000, d'un côté, cela favorise l'épargne et, de l'autre côté aussi, pour ces contribuables à revenu moyen, pour employer l'expression du chef de l'Opposition tout à l'heure. Pour ces contribuables, le fait de pouvoir déduire jusqu'à $1,000 de revenu d'intérêts compense un peu pour l'inflation qui vient gruger un peu plus annuellement, indépendamment du taux d'inflation, la valeur du capital qu'il a placé dans des obligations ou dans des actions, surtout dans des obligations qui évidemment ont une valeur fixe et n'ont pas de correspondance directe avec l'augmentation des valeurs, comme ce serait le cas s'ils avaient acheté un terrain par exemple.

M. Morin: S'il s'agit de favoriser l'épargne, comme vous venez de le dire, M. le Président, pourquoi ne pas avoir restreint cette exemption aux titres québécois, aux seuls titres québécois, autrement dit, à l'épargne qui favorise le développement du Québec?

M. Garneau: Evidemment, il y a aussi le fait que c'est une mesure de concordance qui est appliquée à l'ensemble des citoyens canadiens par le biais du fédéral qui perçoit. Le fédéral perçoit l'impôt sur le revenu des citoyens canadiens et aussi des citoyens québécois qui paient des impôts au fédéral.

Peut-être que, pour bien des Québécois, il y aurait eu une divergence entre les deux assiettes et les deux façons d'imposer ces assiettes fiscales. Je pense bien que cela aurait été à ce point marginal. Rien n'empêche un Québécois, qui veut utiliser ses $1,000 de revenus d'intérêts en déduction de son revenu imposable, d'acheter des titres québécois, et j'espère que la plupart le feront.

D'un autre côté, les gens qui ont jusqu'à $10,000 de placements et qui n'ont que cela, je pense bien que si on faisait une analyse de leur portefeuille, on trouverait probablement une bonne partie d'obligations d'épargne, peut-être des obligations d'épargne du Canada également mais certainement pas des valeurs, des obligations de bien des entreprises à travers le pays. Je pense bien que le cas serait assez marginal, ils ont seulement $10,000. S'ils ont plus, là c'est une autre histoire, ils pourraient...

M. Morin: $1,000 cela peut être n'importe quoi sauf des titres québécois aussi.

M. Garneau: On porte mon attention sur le fait qu'il y aurait des cas marginaux extrêmement difficiles à délimiter. Si on dépose, par exemple, les intérêts sur dépôt dans les banques, comment traiterait-on, par exemple, les dépôts dans la Banque Royale, la Banque de Montréal qui ont leur siège social à Québec? Par contre, parmi les entreprises canadiennes, la Banque canadienne nationale fonctionne également dans tout le pays. Il y aurait cette difficulté; il y en a certainement d'autres aussi. Comment traiter, par exemple, les obligations de Bell Canada qui fonctionne surtout au Québec et en Ontario? Est-ce qu'on dit qu'il y en a une proportion qui serait des titres québécois?

Alors, cela aurait amené des complications assez grandes au niveau de l'administration. Je pense, personnellement, qu'une personne qui a $10,000 de placements, et qui n'a que cela, a certainement une partie importante de ses avoirs soit en dépôt dans des comptes d'épargne, dans les banques ou dans les sociétés de fiducie, ou encore dans les obligations d'épargne du Québec et du gouvernement fédéral. Mais cela ne doit pas s'étendre très facilement à des obligations d'entreprises industrielles qui fonctionnent ailleurs au Canada ou aux Etats-Unis. C'est peut-être extrêmement marginal et cela affecterait réellement un nombre peu important de citoyens.

Ententes fiscales

M. Morin: M. le Président, je voudrais demander au ministre la politique actuelle de son ministère au sujet de la renégociation des ententes fiscales qui doit avoir lieu en 1976, qui touche no- tamment les 24 points. Je voudrais lui demander où il en est dans ce dossier, tenant compte de la déclaration récente de son collègue, M. Lalonde, selon qui le transfert de points d'impôt pour financer la sécurité sociale est une technique dépassée.

M. Garneau: D'une façon générale d'abord, pour ce qui est des arrangements fiscaux qui se négocieront probablement à partir de l'automne 1976, c'est un autre élément que j'ai indiqué dans mes remarques au début de nos travaux. J'ai indiqué que c'était justement parmi les préoccupations de la direction qui se préoccupe du programme I, que le renouvellement des accords fiscaux était un des principaux points sur lesquels nous allions travailler au cours de l'année. Je ne suis réellement pas en mesure de dire présentement de quelle façon, cette année, nous aborderons la question du renouvellement des accords fiscaux. La stratégie et aussi les informations ne sont pas complétées pour savoir quelle sera l'attitude du gouvernement du Québec de façon précise dans ce domaine.

Pour ce qui est de la question de la sécurité sociale, je pense bien que cela va faire partie de l'ensemble du dossier, de la même façon que le financement de l'assurance-hospitalisation. S'il y avait un plafonnement en particulier du côté des coûts dans l'assurance-hospitalisation, on serait rendu presque sur le point où les seize points d'impôt qu'on a financeraient presque en totalité la contribution du fédéral.

Il faudrait savoir comment on applique, d'une façon effective, I'"opting out". Je pense bien qu'il reste encore quelques années, à cause de l'augmentation des coûts dans ce secteur, avant que cette situation ne se produise, mais je ne peux pas répondre, présentement, à la question du chef de l'Opposition. Peut-être que, lorsque nous étudierons nos crédits, l'an prochain, on sera beaucoup plus près des premières conférences fédérales-provinciales sur cette question-là, je serai plus en mesure d'informer les membres de la commission sur la philosophie générale qui nous animera dans cette discussion du renouvellement des accords fiscaux. Si je suis encore là.

M. Morin: La raison pour laquelle j'ai posé la question au ministre, c'est le fait que le gouvernement fédéral semble tout à fait décidé à ne pas accorder le rapatriement des 24 points, si on se fie, du moins, à ce que M. Lalonde a déclaré. Il semble que vous allez avoir toute une côte à remonter, dans cette négociation-là.

M. Garneau: Est-ce que vous distinguez uniquement la sécurité sociale — j'entends par là le régime canadien d'assistance publique — ou si vous incluez également toute la question de l'assurance-hospitalisation, de l'assurance-maladie?

M. Morin: Non, non, je pensais aux 24 points.

M. Garneau: Uniquement? Mais cela couvre l'ensemble.

M. Morin: Cela couvre l'ensemble, oui.

M. Garneau: C'est cinq points pour le régime canadien d'assistance publique qu'on a actuellement; on peut bien dire que c'est peut-être un des programmes sur lesquels je serais moins prêt à batailler pour avoir l'équivalence fiscale, mais en tout cas.

M. Morin: J'aurai l'occasion, peut-être, d'interroger le ministre en Chambre par la suite.

M. Garneau: Je voudrais juste ajouter un élément qu'on me souligne. L'équivalence fiscale, dans le domaine du régime canadien d'assistance publique, est difficile à établir parce que c'est une donnée qui est appelée à varier selon la condition économique.

M. Morin: M. le Président, je vois que l'heure est venue. J'aurai l'occasion d'interroger le ministre par la suite, au fur et à mesure que ces négociations approcheront, ces négociations tout à fait cruciales qui doivent se dérouler en 1976.

M. Garneau: Je n'ai pas d'indication sur le moment, quand la première conférence fédérale-provinciale sur cette question aura lieu; je serais porté à croire que ce ne serait pas beaucoup avant l'été ou l'automne 1976. De toute façon, nous nous y préparons en collaboration avec le ministère des Affaires intergouvernementales et les ministères sectoriels qui sont impliqués, d'une façon ou d'une autre, dans l'ensemble des arrangements fiscaux ou financiers.

Etude des politiques économiques et fiscales

M. Morin: Bien. Nous y reviendrons par la suite. Je voudrais simplement, avant d'adopter le programme I, poser une question relative aux traitements prévus dans la ventilation des crédits, à la page 11-2. Pourquoi l'augmentation considérable qui passe de $278 millions et demi à $397 millions d'une année à l'autre en ce qui concerne les traitements?

M. Garneau: II y a une augmentation dans le nombre de postes qui passent de 21 à 28.

M. Morin: Sept postes de plus, cela peut difficilement expliquer...

M. Garneau: Ce ne sont pas des millions, ce sont des mille.

M. Morin: C'est en mille, je m'excuse. Ce n'est pas million que je voulais dire, c'était mille, bien sûr.

M. Garneau: Cela veut dire à peu près $120,000. Il y a une augmentation de sept postes et il y a aussi l'indexation...

M. Morin: Je trouvais que les fonctionnaires me regardaient avec de gros yeux. Ils avaient vu décupler leur salaire dans l'espace d'une seconde. Cela aurait été trop beau.

M. Garneau: Cela aurait été des gros contribuables.

M. Morin: Est-ce que ce sont ces postes de plus qui représentent $120,000 de plus?

M. Garneau: II y a les sept postes plus l'indexation. Il reste à peu près 12% à payer — nous avons versé 6% — entre 10% et 12% de l'indexation pour tenir compte de l'augmentation du coût de la vie pour l'année qui se terminera le 30 juin 1975. Cela explique la grande partie de l'augmentation. Il n'y a pas d'autres éléments.

M. Morin: Ces postes, c'es,t quoi exactement?

M. Garneau: Des professionnels. Cinq professionnels, une secrétaire et un agent de bureau.

M. Morin: C'était pour étoffer ce service en particulier.

M. Garneau: C'est un service qui s'est développé, peut-être depuis la fin de 1970, début de 1971. C'est un secteur qui ne peut pas, je pense bien, augmenter à un rythme tellement rapide parce qu'il faut, évidemment, s'intégrer à l'équipe. C'est tellement une équipe homogène.

On m'informe que, sur les sept postes, ce ne sont pas des postes nouveaux pour l'ensemble du ministère. Il y a eu trois postes qui étaient à un programme différent antérieurement. Ils ont été transférés au bloc de recherches économiques et fiscales. Mais, en termes d'impact budgétaire, cela a la même signification. C'est un service qui est relativement récent au ministère des Finances. C'est assez surprenant de voir que, depuis des années, le ministère des Finances fonctionnait sans avoir un groupe spécialisé en recherches économiques et fiscales. C'est un service qui se développe mais qui, évidemment, répondait à un besoin absolument essentiel. Il est amené, avec d'abord la compétence des gens qui ont pu y être recrutés, à être consulté de plus en plus par les différents ministères sur différentes politiques qui se rattachent à l'économie ou à la fiscalité. Je pense que c'est une chose qui était souhaitable, en tout cas, et pour laquelle je me réjouis et je félicite ceux qui ont oeuvré dans ce secteur. Ils y ont mis beaucoup de temps et beaucoup de sérieux, de telle sorte que la crédibilité, maintenant, de ce groupe, au niveau du fonctionnarisme québécois, a gagné certainement ses épaulettes. On n'a qu'à constater le nombre de consultations qui sont adressées et dirigées vers ce groupe pour en avoir la preuve. Elles sont adressées par différents groupes de fonctionnaires qui ont besoin d'avoir des expertises dans différents domaines se rattachant à l'économie et à la fiscalité.

M. Morin: M. le Président, je vois que l'heure est dépassée. Nous sommes prêts à adopter le programme 1.

Le Président (M. Brisson): Alors, le programme 1, adopté. La commission suspend ses travaux jusqu'à vingt heures quinze minutes.

(Suspension de la séance à 18 h 3)

Reprise de la séance à 20 h 25

M. Brisson (président de la commission permanente des finances, des comptes publics et du revenu): A l'ordre, messieurs!

M. Ostiguy (Verchères) remplace M. Déom (Laporte) et M. Houde (Limoilou) remplace M. Malépart (Sainte-Marie).

M. Bacon: M. Ostiguy remplace M. Déom.

Le Président (M. Brisson): Programme 2, adopté?

Caisse et dette publique

M. Morin: Au programme 2, M. le Président, j'aurais quand même quelques petites questions.

Le Président (M. Brisson): Le député de Sauvé.

Emprunts d'Hydro-Québec

M. Morin: Je vais commencer par les emprunts d'Hydro-Québec. Puis-je demander d'abord, au ministre de nous dire quel est le programme d'emprunt pour les années à venir? Je crois qu'il en a parlé à quelques reprises, récemment, mais j'aimerais qu'il fasse le point. Il pourrait peut-être me dire du même coup si ce programme d'emprunt a été révisé, compte tenu de la hausse substantielle des coûts des travaux entrepris par Hydro-Québec?

M. Garneau: M. le Président, les renseignements sur ces questions avaient été rendus publics, à la commission parlementaire des richesses naturelles au cours de laquelle la Commission hydroélectrique et la Société de la baie James avaient comparu, et depuis... Cela remonte à quand? L'automne passé?

M. Morin: A l'automne.

M. Garneau: A l'automne. A ma connaissance, il n'y a pas eu de révision dans la programmation établie et le programme d'emprunt d'Hydro-Québec de l'an dernier était de...

En 1974, Hydro-Québec avait emprunté quelque $700 millions, $703 ou $705 millions, et celui de 1975 est estimé, à ce moment-ci à $800 millions, ce qui est conforme, en fait, aux renseignements qui avaient été rendus publics, lors de la comparution des officiers supérieurs de la Commission hydroélectrique, lors de la commission parlementaire des richesses naturelles. La programmation pour 1976 sera de l'ordre de $1 milliard; en 1977, elle devrait être de $1.5 milliard; en 1978, de $1,700,000 et en 1979, de $1.5 milliard. On voit que la pointe dans le domaine des besoins financiers, en emprunts pour Hydro-Québec, se situera au cours de son exercice financier en 1978.

Si on veut faire une comparaison avec Hydro-Ontario, dans les documents qui ont été

rendus publics, lors des audiences des officiers de cette commission hydroélectrique ontarienne, on avait donné les besoins financiers, le total des emprunts d'Hydro-Ontario à $1 milliard en 1975; $1,350,000,000 en 1976, $1,700,000,000 en 1977 et $1,750,000,000 en 1978. Cela va dans cet ordre de grandeur jusqu'en 1980 et, à partir de 1981, ça passe à $2 milliards. Cela donne un peu...

M. Morin: En I980, je m'excuse, c'était combien?

M. Garneau: Nous avons les chiffres ici. C'est une projection, évidemment, de l'exercice d'Hydro-Ontario. C'est tout près de $1 milliard $906 millions, d'après les documents qui ont été déposés aux audiences publiques un peu dans le même sens que ce qu'Hydro-Québec faisait ici à une commission parlementaire.

M. Morin: Est-ce que cette évolution tient compte de la hausse des tarifs d'Hydro-Québec?

M. Garneau: Cela tient compte d'une évolution avec des hausses de tarifs telles qu'il y en a eu l'an dernier, de 10% chaque année...

M. Morin: De 10% chaque année.

M. Garneau: Je ne sais pas si c'est chaque année ou... Oui, compte tenu justement d'une progression des ventes. Si Hydro-Québec est capable de... Cela, c'est un gagne-petit...

M. Morin: On a eu des gens favorisés cet après-midi. C'est curieux, les deux ont trouvé moyen de nous déranger.

M. Garneau: C'est cela. Oui, selon ce qu'Hydro-Québec pourra faire dans la vente du surplus d'énergie, soit aux Etats-Unis ou dans d'autres provinces, cela pourrait modifier les revenus d'Hydro-Québec, changer ses projections de revenus et peut-être modifier quand même, à la limite, à la marge, les besoins d'augmentation de revenus. Si on vend pour $50 millions alors qu'on n'avait pas prévu de surplus d'énergie, cela va certainement modifier, soit à la baisse le programme d'emprunt, ou les hausses d'électricité, pour tenir compte de l'augmentation des coûts dans la distribution de l'électricité, qui ne seront peut-être pas nécessaires. C'est pourquoi il faut, je pense, mettre cela dans la balance.

M. Morin: Quand vous parlez de la vente à l'extérieur, vous parlez des surplus saisonniers.

M. Garneau: Des surplus saisonniers.

M. Morin: II ne s'agit pas de blocs d'électricité permanents.

M. Garneau: C'est cela. Les ententes qu'on a, je pense, avec The State of New York.

M. Morin: Avec Con Edison. Ce sont les ententes avec Con Edison.

M. Garneau: The State of New York Electricity, à ce qu'on me dit.

M. Morin: La Société PASNY..

Dites-moi, M. le ministre, est-ce que l'augmentation de 10% dont vous avez parlé, c'est pour toutes les années que vous avez énumérées?

M. Garneau: Je pense que la projection avait été faite avec une croissance de tarifs de cet ordre.

M. Morin: De 10% jusqu'en I980?

M. Garneau: C'est pour I979 inclusivement, c'est en conformité avec les chiffres qui ont été déposés.

M. Morin: Cela n'a pas été facile de faire admettre, puis je ne pense pas que ç'a été admis publiquement jusqu'ici, que l'augmentation serait de 10% jusqu'en I979. C'était peut-être dans la planification, mais elle n'a pas été rendue publique aussi clairement que cela.

M. Garneau: C'est pourquoi j'ai voulu tout à l'heure, en donnant les informations telles qu'on les a, indiquer qu'il s'agit d'hypothèses. Si on regarde l'augmentation des revenus telle qu'elle apparaît aux états financiers d'Hydro-Québec, qui ont été rendus publics récemment, on s'aperçoit qu'il y a une modification à la hausse dans les prévisions. Cela peut changer tout, cela va dépendre, comme je l'ai dit, des ventes de surplus d'électricité ou de certains autres éléments. Mais en tenant compte d'une augmentation de revenus au cours des années, on a une projection de programmes d'emprunt de cette nature. Peut-être que l'augmentation des revenus ne proviendra pas nécessairement d'une augmentation des tarifs, comme je l'ai mentionné, mais de ventes plus considérables de surplus d'énergie qui, autrement, évidemment, serait perdue.

M. Morin: Cela fait des emprunts de l'ordre de $7 milliards d'ici I979, y compris I979. Dans une déclaration, en novembre dernier, vous avez... Bon, c'est bien, cela m'éclaire suffisamment pour l'instant. Le programme d'emprunt d'Hydro-Québec pour 1975 est donc de $800 millions, le programme annoncé. Est-ce que vous pourriez nous dire quelle proportion de ce programme a déjà été réalisée?

M. Garneau: $360 millions sur $807 millions, ce qui était le chiffre précis de la programmation.

M. Morin: Sur $807 millions. M. Garneau: Oui.

M. Morin: Et est-ce que le ministre a une idée du pourcentage qui sera vendu ou qu'on prévoit vendre sur le marché américain?

M. Garneau: $350 millions.

M. Morin: $350 millions sur le marché américain; combien en a-t-on déjà effectué?

M. Garneau: $200 millions. M. Morin: $200 millions?

M. Garneau: Oui. En fait, normalement, Hydro-Québec devrait aller sur le marché américain à la fin d'août ou au début de septembre, selon les conditions du marché. La date pourra varier mais c'est fin de l'été ou début de l'automne que, normalement...

M. Morin: Vu...

M. Garneau: La province vient de faire une émission, lundi dernier. Alors, probablement que cela ira au début de l'automne pour Hydro-Québec.

M. Morin: Vous n'appréhendez pas de difficulté étant donné que, d'une part, le marché canadien est passablement saturé. Je voyais justement que, le 30 avril, une émission d'Hydro-Ontatio a vraiment saturé le marché canadien et que, d'autre part, il y a une certaine méfiance du marché américain devant les obligations des utilités publiques.

M. Garneau: Je m'excuse, je n'ai pas saisi.

M. Morin: Je disais que, d'une part il y a des ententes qui font qu'Hydro-Québec ne va pas sur le marché canadien.

M. Garneau: Non.

M. Morin: ... c'est le gouvernement québécois qui y va.

M. Garneau: Non. Je pense que, dans le fond, les programmes d'emprunt d'Hydro-Québec et de la province, même si c'est pour des fins séparées, se réalisent en commun, si on peut dire. Il y a discussion entre les officiers d'Hydro-Québec et les officiers du ministère pour aller sur les marchés, selon les conditions. Il se pourrait fort bien que, par exemple, le marché s'ouvre pour la possibilité d'un emprunt sur le marché canadien et que la province n'ait pas besoin, disons à court terme, de finance. Hydro-Québec va y aller ou l'inverse, sauf aux Etats-Unis. Comme les montants sont plus gros et qu'on y va à peu près trois fois par année, c'est à plus long terme également, ce sont des emprunts de 25 ou 30 ans; là, d'habitude, HydroQuébec y va deux fois et la province y va une fois, de façon générale. C'est à peu près l'ordre de grandeur ou, disons, la séquence des émissions.

Mais, sur le marché canadien, les deux, et la province et Hydro-Québec, utilisent ce marché et le rythme ou le tour, c'est qu'il peut y avoir peut-être deux émissions d'Hydro-Québec sur le marché canadien avant qu'il y en ait une de la province, ou l'inverse, selon les conditions.

Hydro-Québec a déjà fait $120 millions sur le marché canadien depuis le début de l'année.

M. Morin: Les $350 millions qui vont être effectués sur le marché américain laissent donc $450 millions sur le marché, mais pas tout sur le marché canadien. Est-ce qu'on va en écouler sur le marché européen aussi? Sûrement...

M. Garneau: Quand je parle du marché canadien, cela comprend évidemment la partie que la Caisse de dépôt et placement achète de ces émissions.

M. Morin: Oui.

M. Garneau: En dehors du marché canadien-européen, la prévision était de $200 millions à effectuer sur d'autres marchés que les marchés canadien ou américain.

M. Morin: $200 millions?

M. Garneau: $200 millions... $212 millions en fait, si on veut être plus précis.

M. Morin: Bien. M. le ministre, est-ce que je pourrais revenir sur une déclaration qui avait fait couler passablement d'encre, à l'époque, une déclaration selon laquelle la baie James créerait des difficultés financières sérieuses? Je neveux pas me fier au titre, on vous faisait dire que la baie James étouffait financièrement le Québec, mais je pense que vous avez protesté, à l'époque, que telle n'était pas votre pensée. Je présente les choses de façon moins draconienne et je vous fais dire sous forme de question: Estimez-vous que la baie James comporte des difficultés financières pour le Québec, puisque d'ici I985 les entreprises publiques devront investir, d'après une autre de vos déclarations, environ $10 milliards, dont 80% pour les seuls besoins de l'Hydro-Québec et de la SDBJ?

M. Garneau: La SEBJ, la Société d'énergie de la baie James.

M. Morin: La société d'énergie ou de développement?

M. Garneau: C'est la société d'énergie...

M. Morin: Je ne sais plus laquelle possède l'autre?

M. Garneau: C'est la société d'énergie qui emprunte.

Je pense bien qu'il faut reconnaître que le choix que le gouvernement du Québec a fait, en allant de l'avant avec le projet de développement hydro-électrique des rivières qui se déversent dans la baie James et en particulier La Grande, a été un choix extrêmement important et capital dans l'évolution économique du Québec, dans son approvisionnement futur en électricité, mais aussi dans ses besoins d'emprunt pour réaliser ces investis-

sements. Loin de moi l'idée de dire que financer un investissement de $12 milliards, sur une période de sept ou huit ans, constitue une chose qui se fait du jour au lendemain ou encore qui se réalise sans effort et sans faire bien attention aux gestes que l'on pose. Je ne peux pas dire comme cela, du revers de la main, qu'un investissement de $12 milliards c'est une "peanut". Au contraire, c'est un investissement extrêmement important. Le choix que le gouvernement a fait, signifie qu'il devra en tenir compte si d'autres situations, d'autres projets se présentaient. J'ai dit à plusieurs reprises qu'on ne peut pas en même temps réaliser la baie James et entreprendre un autre investissement de $10 ou $12 milliards ailleurs dans d'autres projets. Cela a été un choix et ce choix il faut en tenir compte, lorsque l'on prend d'autres décisions, dans le financement d'autres projets.

Si le cas de la baie James nous était arrivé par-dessus le marché, sans que cela ait été une décision gouvernementale, on pourrait peut-être dire que c'est véritablement une chose insupportable. Mais comme cela a été une décision du gouvernement, un choix que nous avons fait, c'est clair qu'en posant ce geste, ça limite les possibilités d'action dans d'autres secteurs.

M. Morin: Enfin, comme on vous l'a fait dire à l'époque, ça draine, au cours des prochaines années, l'essentiel de la marge de manoeuvre du gouvernement du Québec.

M. Garneau: C'est certainement un facteur qu'il faut souligner avec franchise, mais dont il faut tenir compte. On ne pourrait pas dire facilement que demain matin, on va ajouter $l milliard à notre programme d'emprunt et dire qu'on va faire cela ce soir avant d'aller souper, surtout s'il se produisait des situations économiques difficiles.

L'an passé, le programme d'emprunt s'est réalisé avec une assez grande facilité. Même on n'était pas tellement avancé dans l'année qu'Hydro-Québec avait presque complété son programme d'emprunt et que le nôtre était passablement avancé aussi. Nous avons été en mesure de négocier, par l'entremise d'institutions bancaires internationales, des emprunts en dollars canadiens, des montants assez appréciables qui ont facilité la réalisation et qui ont fait que nous n'avons pas été obligés de revenir aussi souvent sur les mêmes marchés traditionnels du Canada et des Etats-Unis.

Cela a contribué, je pense, à améliorer la situation de la valeur de nos titres et des taux d'intérêt que l'on paie comparativement au taux d'intérêt payés par les autres provinces. C'est une chose que l'on surveille toujours. Nous avons entrepris, au début de l'hiver, une tournée des principales institutions financières européennes, en compagnie du sous-ministre, et nous avons visité les grandes banques européennes. Nous avons eu des conversations avec les autorités monétaires de certains pays pour connaître leur point de vue sur l'évolution de la situation économique européenne et l'évolution des marchés, les possibilités qu'il y aurait pour la province ou Hydro-Québec d'envisager des interventions financières sur ces marchés. Nous avons fait les mêmes démarches auprès d'institutions américaines pour essayer, avant d'en arriver au dépôt du budget, d'avoir une idée la plus précise possible sur comment nous pouvions envisager le financement de notre programme budgétaire 1975/76.

On peut certainement dire que les titres canadiens en général et les titres québécois, que ce soit la province ou Hydro-Québec, sont certainement des obligations qui sont bien accueillies sur ces marchés. Tout dépend, par la suite, des taux d'intérêt qui doivent être payés pour faire face à la concurrence sur ces marchés, les échéances auxquelles les prêteurs veulent consentir et le volume disponible. A cause de certaines de ces conditions, nous n'avons pas, jusqu'à présent, effectué de transactions financières, d'emprunts sur ces marchés parce que les échéances nous paraissaient beaucoup trop courtes. A des échéances de cinq ans, on aurait pu avoir des sommes d'argent assez importantes. Mais, comme cela se situe en deçà de la terminaison des travaux de la baie James, nous croyons que ce serait une mauvaise politique de faire des emprunts pour réaliser des travaux, emprunts qui arriveraient à échéance avant que l'ensemble du potentiel hydroélectrique qu'on est à développer rapporte des revenus à cause de la vente de l'électricité. Il faut au moins qu'il y ait des échéances de huit, neuf et dix ans. C'est l'une des raisons pour lesquelles nous n'avons pas fait, jusqu'à présent, de transactions sur les marchés européens.

Aux Etats-Unis, les rencontres que j'ai eues personnellement avec les présidents et les conseillers économiques de grandes institutions financières nous ont démontré que la situation aux Etats-Unis offrait beaucoup plus de possibilités en 1975, surtout si on associe à ces remarques ou à ces observations qu'on a recueillies dans ces grandes institutions, auprès des économistes-conseils de ces maisons, la récente décision de l'agence de "rating" américaine Moodies qui, en augmentant la cote de nos titres sur les marchés, a...

M. Morin: Une nouvelle étoile.

M. Garneau: C'est une nouvelle étoile, c'est cela, c'est un AA au lieu d'un A.

M. Morin: Comme dans le guide Michelin.

M. Garneau: C'est cela, deux fourchettes. Cela a un impact extrêmement considérable. Je peux vous dire que, même si j'étais déjà informé et conscient de la signification de ces cotations, j'ai pu constater lundi dernier, lors de l'assemblée qui a précédé la négociation véritable de l'emprunt — suivant les lois américaines, il faut qu'il y ait une assemblée avec les "underwriters" pour pouvoir répondre à des questions que les gens pourraient avoir à poser sur le principe de la divulgation complète de tous les renseignements — que la décision de Moodies avait eu un impact important. Au moment où le Québec voit sa cote augmenter, plusieurs autres institutions avaient eu

des reculs à la suite de la situation économique américaine, surtout ce que l'on appelle les utilités publiques; plusieurs d'entre elles avaient vu leur cote baisser.

La dernière représentation, cela fait plusieurs mois, même deux ans que les démarches avaient été entreprises auprès de Moodies pour soumettre toute la documentation et essayer d'obtenir une révision de notre cotation. La dernière démarche que nous avions faite était au mois de février. En compagnie de mon sous-ministre adjoint aux recherches économiques et fiscales, M. Audet, nous avions rencontré le président de cette agence et ses recherchistes. Nous avons déposé tous les renseignements additionnels qu'il avait demandés sur la situation financière et cela a pris encore presque deux mois avant que sa décision sorte. Cela a contribué, je pense, à abaisser le coût de notre dernier emprunt et aussi cela a influencé les emprunts futurs. D'ailleurs, l'émission a été lancée le lundi après-midi, elle était sur le marché le mardi matin et elle a été presque vendue dans la même journée. Elle est même à prime aujourd'hui. C'est donc dire qu'elle a été très bien accueillie et cela m'encourage pour la réalisation du programme d'emprunt sur le marché américain, tant pour l'émission qu'on vient de faire que pour celle que l'Hydro fera probablement au début de l'automne.

M. Morin: Si je comprends bien le ministre, il ne prévoit pas être obligé de restreindre son propre programme d'emprunt en raison des emprunts considérables d'Hydro-Québec au cours des prochaines années?

M. Garneau: J'espère que nous n'aurons pas à le faire, que la situation des marchés canadiens, américains et internationaux, particulièrement les sources du Moyen-Orient, pourra nous permettre de financer ces deux activités, les activités gouvernementales et celles d'Hydro-Québec, sans affecter, d'une façon trop directe, les initiatives que nous voudrions prendre dans d'autres secteurs d'activité.

M. Morin: M. le Président, je voudrais inviter le député de Vaudreuil à rester avec nous parce que s'il part, il va nous manquer deux hommes pour avoir le quorum. Je lui souhaite la bienvenue, j'espère qu'il est là à demeure.

M. Saindon: J'ai fait une propostion tout à l'heure qui est encore valable.

M. Morin: De vous asseoir entre deux chaises? Non.

M. Saindon: Surtout pas entre deux, sur deux.

M. Phaneuf: M. le Président, je n'ai pas l'intention de partir. Je suis ici à "perpète".

M. Morin: M. le Président, est-ce que la caisse de dépôt va être forcée d'absorber plus que sa part habituelle des emprunts d'Hydro? Compte tenu des chiffres qui nous ont été donnés par le ministre il y a un instant, et compte tenu aussi d'une certaine déclaration, je ne l'ai pas dans mon dossier mais de mémoire il me semble qu'il voulait obtenir de la caisse, à moins qu'il n'ait songé même à la forcer à prendre plus de 50%, à investir plus de 50% dans le secteur gouvernemental?

M. Garneau: Nous ne prévoyons pas actuellement, pour le programme d'emprunt 1975/76 du gouvernement, et I975 d'Hydro, avoir besoin de la caisse de dépôt dans des proportions plus grandes que les indications que cette même caisse nous a données dans ses décisions, dans sa politique d'investissements pour la présente année fiscale. S'il se produisait des situations que je ne peux pas prévoir maintenant sur les marchés américains, ou même sur les marchés canadiens, c'est évident que je pense bien que la caisse de dépôt n'aurait pas d'objection à réviser sa position. Mais dans le contexte actuel, nous n'avons pas fait de telles démarches et je ne pense pas qu'il nous sera nécessaire de le faire.

M. Morin: Quelle a été la réaction des gens de la caisse de dépôt à la suite des déclarations que vous aviez faites?

M. Garneau: Pas très bonnes.

M. Morin: J'avais cru comprendre qu'ils avaient eu une réaction disons mitigée?

M. Garneau: Oui. Evidemment, je les ai en-contrés; j'ai rencontré le conseil d'administration de la caisse, à l'occasion d'un lunch, et j'ai exposé mon point de vue là-dessus. Evidemment, on compare souvent le Québec à l'Ontario, et on l'a comparé aussi sous l'article des programmes d'emprunts.

Si on a bien remarqué dans le rapport de la caisse de dépôt, cette année, je pense qu'on a eu la délicatesse même de le souligner, d'une façon claire et précise, que lorsqu'on fait référence à la politique de placements de la caisse, et je pense que le conseil d'administration a voulu inscrire — en fait, je présume, parce que je n'ai pas cette confirmation — un tel chapitre dans son programme d'emprunt, pour répondre à certaines des questions qui avaient été soulevées lors de la commission parlementaire de ce même ministère, l'an dernier, où on m'avait posé certaines questions concernant la politique de placements de la caisse. Le rapport financier de I974, qui a été déposé, y fait référence, et on dit qu'après avoir exposé que le régime qui est en vigueur dans les autres provinces, celui qui est au Québec est un peu différent, puisque noué avons la caisse de dépôt, on dit ceci: Les gouvernements provinciaux...

A ce sujet, mentionnons que les contributions perçues dans une province, en vertu du Régime de pensions du Canada sont intégralement investies en obligations à long terme de cette même province, à un taux de rendement calculé en fonction de celui des obligations à long terme du gouvernement du Canada. Les gouvernements provin-

ciaux emploient le produit de ces émissions à la réalisation de programmes de leur choix. Ils obtiennent donc, ainsi, une part importante de leurs emprunts, à des taux inférieurs à ceux qu'ils doivent payer lorsqu'ils s'adressent au marché financier. Les économies qui en résultent au chapitre du service de la dette publique se trouvent, en définitive, réalisées au dépens du rendement global du patrimoine du régime de pensions.

Evidemment, c'est là la position du conseil d'administration de la caisse, mais il n'en reste pas moins vrai que, lorsque l'Ontario peut financer ses activités, celles de la province et une partie de celles d'Hydro-Ontario, mais surtout celles de la province, sans avoir à venir sur les marchés, cela influence non seulement les taux d'intérêt sur les prochaines émissions, parce qu'elles viennent moins souvent, et les détenteurs, les acheteurs de titres en ont moins en portefeuille, relativement, et ils sont plus désireux d'en avoir. Cela a certainement une influence sur les taux de rendement des obligations, en plus de pouvoir financer, peut-être, l'équivalent de $600 millions ou $700 millions, à peu près. C'est $725 millions de financement qu'ils ont, sans avoir à intervenir et à des taux d'intérêt plus bas.

Evidemment, je reconnais volontiers que c'est là une question qui peut donner lieu à un débat. Il peut y avoir des opinions différentes là-dessus, mais le point de vue que j'ai soulevé ne peut pas, non plus, être mis de côté, du revers de la main, de la même façon qu'on ne peut pas mettre de côté, du revers de la main, la position soulevée par la caisse de dépôt. Même si nous aurons d'autres discussions sur ce sujet, la décision finale n'est certainement pas prise dans un sens ou dans l'autre.

M. Morin: Quelles étaient leurs principales objections?

M. Garneau: Leur principale objection, ils l'indiquent dans le rapport, lorsqu'ils mentionnent: Les économies qui en résultent au chapitre du service de la dette publique, et si je prends le cas des provinces canadiennes, autres que le Québec, ce qu'ils gagnent en taux d'intérêt moins élevés sur les emprunts qu'ils font...

M. Morin: Oui, évidemment, c'est... M. Garneau: ... c'est en moins... M. Morin: ... en moins sur le revenu... M. Garneau: C'est ça.

M. Morin:... de la caisse. Est-ce que c'est cela, l'essentiel de l'objection?

M. Garneau: C'est la première objection. L'autre objection, que je considère peut-être un peu plus, à mon sens, valable sur le plan de l'économie générale, c'est que l'existence d'une caisse de dépôt qui intervient sur les marchés boursiers et qui intervient sur les marchés des obligations, consti- tue, pour Montréal, un centre nerveux, sur le plan financier, extrêmement important, et advenant le cas où la caisse de dépôt n'était plus capable de jouer ce rôle d'une façon aussi complète, je pense que cela aurait une influence sur le développement du commerce des valeurs mobilières et sur la place qu'est appelé à jouer Montréal, sur les marchés financiers internationaux. Je pense que cela donne un volume de transactions et une expertise qui, en plus, est francophone et qui est loin d'être négligeable. Si ce n'était ce deuxième aspect que je viens d'exposer, je serais beaucoup moins sensible à celui des taux d'intérêt et des taux de rendement des placements de la caisse, et peut-être plus prêt à passer à l'action.

C'est justement à cause du deuxième aspect que j'hésite à en faire une recommandation précise et que j'aime mieux qu'on en discute plus à fond, pour être bien certain que les gestes qu'on pourrait poser dans ce domaine ne seront pas de nature à nuire à l'ensemble de l'économie québécoise, en termes de marché financier, et à Montréal, comme place importante sur ces marchés financiers.

Obligations du Québec

M. Morin: Peut-être pourrions-nous passer à l'étude des émissions d'obligations du Québec, M. le Président? Le ministre a déjà fait allusion à certains aspects de ces émissions d'obligations. Est-ce que je pourrais lui demander, d'abord, quel a été le taux de rendement effectif sur les obligations émises dans le cadre du programme 1974/75, en distinguant, si vous le voulez bien, le marché canadien du marché américain?

M. Garneau: Je pense qu'on n'a pas fait de moyenne. Je peux vous donner la liste des emprunts avec les taux d'intérêt qu'on a payés. Si vous voulez prendre le discours du budget, à la page 73, je pense que le tableau des emprunts que nous avons faits est là, et il y a des petites notes en regard des chiffres qui donnent certains renseignements; comme le premier, $7.9 millions, c'est une partie du Régime de pensions du Canada qui nous est retournée parce que ce sont des contributions de résidants québécois dans les forces armées, entre autres, qui ne sont pas soumis au Régime de rentes du Québec et qui sont perçues par le Fonds de pensions du Canada, mais les sommes perçues nous sont retournées. Vous avez les taux d'intérêt qui suivent; le deuxième, c'est un emprunt auprès du gouvernement du Canada, dans le cadre des zones spéciales, et cela aussi s'est fait à des taux privilégiés.

M. Morin: Les emprunts, 8% à 10%, est-ce que cela signifie que cela oscille entre 8% et 10%? C'est ça que signifie cette façon d'inscrire les choses?

M. Garneau: II y a eu plusieurs transactions. Cela ne s'est pas fait en une seule fois et cela indique que les taux ont varié de 8% à 10%. L'argent qui nous est prêté dans le cadre des programmes

fédéraux l'est au taux d'intérêt auquel le gouvernement fédéral prête aux compagnies de la couronne. C'est la même chose pour le Régime des rentes du Canada, qui était le premier élément, qui varie entre 7.6% et 9.25%, c'est dire que les sommes nous ont été prêtées à des moments différents où les taux d'intérêt étaient différents. La moyenne pondérée doit être dans les environs de 10.25%, 10.30%.

M. Morin: Dans ce tableau de la page 73, M. le ministre, dans la colonne: Prix à l'acheteur, je remarque que l'un des emprunts s'est vendu à $95.94. Y a-t-il une raison particulière à cela? Est-ce que c'est pour éviter d'avoir à payer un taux de rendement plus élevé?

M. Garneau: On me dit que c'est un placement privé avec la caisse de dépôt. Au lieu de faire une nouvelle émission, cela a été la réouverture d'une émission de la même série, qui était à 9 3/4%, et la caisse était prête à transiger au taux du marché qui, à ce moment, était 10.25%. C'est pourquoi le prix à l'acheteur a été de $95.94. Le taux d'intérêt est corrigé, le rendement véritable ou le coût de l'emprunteur est corrigé par le prix de l'émission.

M. Morin: On peut peut-être en venir au programme d'emprunts pour...

M. Garneau: Je voudrais attirer l'attention du chef de l'Opposition sur le fait qu'il y a eu une autre transaction de $35 millions avec la caisse de dépôt, que l'on retrouve au centre du tableau, qui a été faite à $100.50. C'est la même opération dans le sens inverse, c'est pour ajuster le taux de rendement à la caisse au prix du marché à ce moment-là.

M. Morin: Oui, je vois. Venons-en, si vous le voulez bien, au programme d'emprunt 1975/76. Si j'ai bonne mémoire, il est de $689 millions d'après le budget.

M. Garneau: Je vais vérifier... Vous avez les chiffres devant vous, cela doit être cela.

M. Morin: $689 millions. J'aimerais vous demander quel est le pourcentage déjà réalisé et quel a été le taux effectif moyen sur ces émissions.

M. Garneau: II y a le montant de $100 millions sur le marché américain qui vient d'être fait à 9 7/8% au pair. C'est le seul, jusqu'à maintenant, qui est fait sur le programme d'emprunt. Comme vous le savez, on doit commencer la vente des obligations d'épargne le 20 mai, soit mardi prochain, jusqu'au 15 juin. Ce sera la deuxième opération pour la réalisation de notre programme d'emprunt pour cette année.

Il y a eu une livraison, aujourd'hui, d'un emprunt avec la caisse de dépôt de $42 millions qui a été fait, il y a une ou deux semaines, et dont la livraison s'est faite aujourd'hui. Cela aussi expliquait d'ailleurs l'absence de...

Nous prévoyons réaliser à peu près $100 millions au niveau des obligations d'épargne et il y a aussi...

M. Morin: Quel est le terme des $100 millions? M. Garneau: C'est 9 7/8

M. Morin: Non, cela est le taux, je veux connaître le terme.

M. Garneau: II est de 25 ans.

M. Morin: 25 ans. Cela n'a pas baissé beaucoup depuis l'année dernière.

M. Garneau: II est difficile de comparer d'une année à l'autre. A mon sens, la comparaison doit se faire beaucoup plus entre des émissions qui se font à la même date. Parce qu'on peut avoir fait des émissions une année à 8%, quelques mois plus tard, les faire à 9% et, encore quelques mois après, le taux peut redencendre. Tout dépend, évidemment, de la situation du marché. Pour voir si nous payons trop cher ou moins cher, il faudrait comparer avec d'autres émissions qui sont faites à peu près dans la même période. Actuellement, si on compare les marchés canadiens, c'est de cela qu'on parlait tout à l'heure, l'écart avec les titres ontariens est à — comment dit-on, en français, des "basis points"? — 3 points centésimaux.

M. Morin: Je me demandais si, compte tenu du fait que plusieurs gouvernements préparent des déficits substantiels, l'Ontario, notamment, cela ne va pas créer un engorgement du marché, si cela ne risque pas de faire monter les taux.

M. Garneau: Evidemment, c'est toujours un danger. C'est particulièrement vrai quand on regarde le déficit du gouvernement américain. Par contre, si on prend la situation au Canada, je ne sais pas d'une façon précise quelle sera l'intervention du gouvernement ontarien sur les marchés canadiens cette année. Une partie importante de leur programme, de leur déficit, si on peut dire, ou de leur programme d'emprunt est réalisée automatiquement par le Régime de pensions du Canada.

M. Morin: Oui, mais là, c'est plus de $1 milliard.

M. Garneau: Je ne sais pas exactement quelles sont leurs intentions, mais il faut noter, je pense, qu'il y a une baisse du côté des investissements privés, ce qui fait un équilibre entre les deux, je crois.

M. Morin: M. le Président, j'allais vous demander si nous avions quorum. Je vois que...

M. Phaneuf: J'étais pour demeurer toute la soirée ici.

M. Morin: Mais, en fait... voilà un nouveau joueur.

Le Président (M. Brisson): Nous avons noté... M. Pilote: Un bon pilote. M. Morin: M. le Président...

M. Garneau: Le chef de l'Opposition me demandait tout à l'heure la partie qu'il y avait de réalisée. Donc, il y a les $100 millions sur le marché américain et les $42 millions que nous venons de faire avec la Caisse de dépôt et placement du Québec. Dans la programmation déjà acceptée au niveau fédéral-provincial, il y a $70 millions qui seront versés dans le cadre de ces programmes qui ne nécessitent pas d'intervention sur les marchés, ce qui fait en tout près de $200 millions, un peu plus même, $225 millions, qui se trouvent à être faits sur notre programme d'emprunt de cette année. C'est plus que cela...

M. Morin: Est-ce que la Caisse de dépôt et placement du Québec va en prendre de vos $689 millions?

M. Garneau: Pour la province et HydroQuébec, la projection est de $320 millions.

M. Morin: $320 millions. Proportionnellement, est-ce supérieur aux années passées?

M. Garneau: Je vous dis que c'est à peu près la même proportion.

M. Morin: Je voudrais vous demander également si vous pourriez nous parler de l'évolution au cours des cinq ou six dernières années du pourcentage des obligations vendues en dehors du Québec dans les neuf provinces canadiennes. Je sais que, dans le passé, c'était à la fin 1973, vous vous êtes plaint du sort fait aux titres québécois ailleurs au Canada. Encore plus récemment, M. Paris, qui est de la Caisse de dépôt et placement du Québec, a déclaré que, depuis quelque temps déjà, les titres émis par le Québec se distribuent très mal à l'extérieur de la province. J'imagine qu'il veut dire...

M. Garneau: Avez-vous la date de sa déclaration?

M. Morin: C'est du 30 avril 1975. C'est donc très récent.

M. Garneau: II aurait peut-être été mieux de se renseigner avant de dire cela.

M. Morin: Non. C'est bien cela.

M. Garneau: Les statistiques qui ont été compilées, on les a pour quatre années parce qu'avant 1971, un tel exercice ne se faisait pas.

M. Morin: Oui.

M. Garneau: En 1971, au Canada, mais en dehors du Québec, il y avait eu une absorption de 16.8% des titres de nos émissions et, hors du Canada, 4.6%, ce qui faisait 21.4%. En 1972, il y a eu 11.9% de nos émissions vendues au Canada, hors du Québec, et 14.6% vendues hors du Canada — je parle des émissions canadiennes — ce qui faisait 26.5%. En 1973, il y a eu 16.8% de nos titres vendus au Canada, ei. dehors du Québec, et 7.8% vendus à l'extérieur du Canada, ce qui faisait 24.6%. En 1974, cela a été une nette amélioration et cela s'inscrit dans les efforts que nous avons faits au niveau de notre groupe bancaire, les modifications que nous avons apportées, et nous avons eu 27.2% de nos émissions canadiennes qui ont été achetées au Canada, mais à l'extérieur du Québec et 11.3% à l'extérieur du Canada, ce qui fait 38.5%, ce qui veut dire que la proportion des titres qui a été absorbée par les places financières strictement québécoises de 1971 à 1974 est passée de 78% à 61%.

C'est une amélioration extrêmement importante et nous faisons beaucoup d'efforts et demandons de façon précise, à notre groupe bancaire et en particulier, aux maisons nationales qui font partie de ce groupe bancaire de travailler beaucoup le marché canadien à l'extérieur du Québec et cela commence à rapporter des fruits.

M. Morin: Pourrait-on faire le même exercice, rapidement, des obligations achetées par la Caisse de dépôt et placement du Québec en pourcentage? Tout à l'heure, vous m'avez donné un chiffre absolu, pour la proportion de cette année, mais je ne crois pas que l'année dernière on ait examiné cela.

M. Garneau: L'an dernier, cela a été 20% de l'ensemble de nos émissions et cette année, la participation de la Caisse de dépôt et placement du Québec — je parle de la province et d'Hydro-Québec — sera de 23%.

M. Morin: Cela est ensemble, pour la province et pour Hydro-Québec. La contribution sera de 23%.

M. Garneau: 23%...

M. Morin: ... cette année.

M. Garneau: ... cette année et l'an dernier, cela a été de 20%, c'est-à-dire 230 sur 1,200 et cette année, c'est 320 sur 1,400, sur $1,400,000,000, $1,200,000,000.

M. Morin: Si vous voulez bien, quand on abordera la Caisse de dépôt et placement du Québec, j'aurai d'autres questions à poser pour compléter le tableau. Pour l'instant, je serais disposé aux obligations d'épargne.

Il semble qu'en 1974, il y ait eu une certaine concurrence entre les obligations du Québec et les obligations fédérales, concurrence vive et que vous n'avez pas pu écouler toutes les obligations que vous destiniez au marché. Quelles proportions exactement ont pu être écoulées?

M. Garneau: Le problème n'a pas tellement été au niveau de la période de distribution, mais surtout en termes de rachat des émissions antérieures, parce que durant la période de vente, nous avons quand même vendu $75 millions, ce qui n'était pas tellement loin quand même de nos projections.

M. Morin: Les $100 millions?

M. Garneau: Je ne me rappelle pas si c'était $100 millions, mais quand même, cela n'a pas tellement été la concurrence à ce moment qui nous a préoccupés que le fait que les taux d'intérêt sur les marchés à court terme étaient très élevés. Comme les obligations d'épargne sont des titres liquides qui peuvent être encaissés en tout temps, alors les gens encaissaient soit pour acheter des obligations d'épargne du Canada soit pour placer dans les dépôts à court terme auprès des sociétés de fiducie ou des banques qui payaient des taux d'intérêt plus élevés, ceci nous a amenés à relever le taux d'intérêt sur ces titres à 10%. Dès que cette opération a été faite, il y a eu un arrêt dans l'hémorragie du rachat parce que nous devenions extrêmement concurrentiels. Cette opération que nous avons menée en 1974 est la preuve, je pense, que les obligations d'épargne du Québec sont des titres que les contribuables ou les citoyens québécois ont avantage à garder et à acheter parce que nous rajustons les taux d'intérêt et je pense qu'avec l'expérience des dernières années, les détenteurs de ces titres sont en mesure de s'en rendre compte et ne procéderont pas au rachat ou à la revente de leurs titres dès qu'il y a des modifications sur les taux d'intérêt — je passe mon commercial.

M. Morin: C'est ce que je disais. Un très beau couplet commercial.

M. Garneau: Je le pratiquerai pour la télévision une bonne fois. Non, mais c'est quand même une réalité qui fait que les... Parce que mes officiers me suggèrent assez souvent de passer ce message publicitaire...

M. Morin: Oui, mais, enfin, ici, M. le ministre, on pourrait dire les choses telles qu'elles sont.

M. Garneau: Les choses sont ainsi, aussi.

M. Morin: Vous êtes aussi convaincant qu'un vendeur à la télévision.

M. Garneau: C'est la vérité et il y a même des gens qui m'ont souligné qu'ils avaient eu l'intention de vendre leurs titres mais qu'ils savaient que, tôt ou tard, on rajusterait les taux d'intérêt au taux du marché et ils les ont gardés. Et comme il s'agit là d'une discussion qui est consignée au journal des Débats, il y a peut-être des gens qui, par temps perdu, prendront la patience de lire tous ces longs débats et pourront constater que le ministère des Finances et le gouvernement du Qué- bec prennent soin de leurs clients et font en sorte que les détenteurs de ces titres ne soient pas pénalisés, mais qu'au contraire ils puissent recevoir un rendement aussi bon que s'ils les avaient placés dans d'autres valeurs canadiennes. Fin du message publicitaire.

M. Morin: Bien. Combien en avez-vous racheté au cours de l'année écoulée?

M. Garneau: Nous n'avons pas le détail. J'ai comme renseignement qu'au 31 mars 1974, nous avions $326 millions d'obligations d'épargne en circulation et, au 31 mars 1975, il y en avait $289 millions. Alors, on l'a? Ah bon! il y a eu $112,200,000 de rachetés et sur ce montant, il y avait rémission de 1964 qui arrivait à échéance et pour laquelle il restait $25 millions encore en circulation.

M. Morin: Vous en avez racheté plus que vous n'en avez vendu.

M. Garneau: C'est juste. Il faut dire qu'il y avait une émission qui arrivait à échéance également. Il y a une autre émission qui arrive à échéance également. Elle est venue à échéance le 1er mai. Il en restait $20 millions en circulation.

M. Morin: Pour votre programme de 1975/76, quel est le montant prévu? Je commence par vous poser cette question et j'en aurai d'autres par la suite.

M. Garneau: Les optimistes disent $100 millions. Ceux qui le sont moins disent $75 millions. Alors, quand on fait le poids entre les deux, je dis entre $75 millions et $100 millions. Il y a des bouteilles de vin de gagées à des endroits là-dessus.

M. Morin: Vous vous en tenez strictement à l'expérience de 1974.

M. Garneau: Je pense que cela sera entre $75 millions et $100 millions. Ce qui va peut-être nous avantager ou nous favoriser cette année, c'est que les taux d'intérêt à court terme, d'une façon générale, ont été... depuis quelque temps, les dépôts auprès des banques, les sociétés de fiducie se sont replacés, contrairement à la situation qui prévalait l'an dernier où les taux d'intérêt à court terme étaient dans quelques cas plus élevés même que les taux d'intérêt à long terme. Le rajustement qui s'est fait dans la courbe générale des taux d'intérêt devrait peut-être faciliter la vente de cette année, mais j'imagine que cela sera entre $75 millions et $100 millions.

M. Morin: C'est à 8.5%?

M. Garneau: A 8.5%, avec une échéance de cinq ans.

M. Morin: L'émission fédérale qui est actuellement en cours n'est-elle pas plus avantageuse?

M. Garneau: Celle qui a été lancée l'automne dernier est fermée parce que, justement, on en a trop vendu. D'ailleurs, on a indiqué dans les documents budgétaires du mois de novembre — renseignements, dans les statistiques fédérales. J'imagine qu'on va en refaire une autre à l'automne et la période de vente des obligations d'épargne du Canada n'est pas automatique. Nous, c'est un mois tandis qu'Ottawa, bien souvent, laisse la période de vente ouverte beaucoup plus longtemps.

M. Morin: M. le Président, il y a eu au niveau fédéral des projets — on me dit que cela s'est même fait — de déduction à la source pour les fins d'achat d'obligations d'épargne. J'entends les déductions à la source sur le salaire pour favoriser la vente des obligations d'épargne. Est-ce que le ministère a envisagé la possibilité d'instaurer un système comme celui-là au Québec?

M. Garneau: Oui, nous avons fait des études, je pense, il y a deux ou trois ans. Les officiers du ministère avaient rencontré les responsables de l'administration du programme de vente des obligations d'épargne du gouvernement fédéral. On s'est aperçu — et les statistiques l'indiquent — que le montant vendu est extrêmement bas en proportion de l'ensemble de la vente d'émissions. Les titres, qui sont vendus par déduction à la source, sont de petits montants et des titres qui ont la longueur de vie la plus courte. D'ailleurs, il s'agit de causer avec des gens qui achètent ces obligations d'épargne, la plupart les achètent par retenue sur salaire pour payer leurs vacances de l'an prochain, de sorte que la longueur de vie de ces titres est relativement courte, et le coût de l'émission est élevé, parce que cela implique évidemment une organisation de vente et une administration...

M. Morin: Pas mal compliquée.

M. Garneau: ... pas mal compliquée. C'est la raison pour laquelle nous n'avons pas pris cette voie. Nous avons plutôt préféré procéder par les banques, et les caisses populaires et les courtiers en valeurs mobilières sans affecter les retenues à la source.

M. Morin: Est-ce que vous avez cru comprendre que le gouvernement fédéral s'apprêtait à mettre fin à cette expérience?

M. Garneau: Je ne crois pas qu'il y ait eu d'indication de donnée dans ce sens. Je pense bien que le système du gouvernement fédéral est déjà en place. C'est plus facile pour eux de le poursuivre que pour nous de le créer en sachant que le résultat, en termes de montants perçus serait relativement bas et les coûts de perception de ce financement seraient élevés. D'ailleurs, quand la vie est très courte, cela a des coûts de...

M. Morin: M. le Président, je suis prêt à adopter le programme no 2.

Le Président (M. Brisson): Programme no 2, adopté. Programme no 3: Comptabilité gouvernementale.

Comptabilité gouvernementale

M. Garneau: Pour la première année, nous avons sauvé la discussion sur la théorie du major Douglas.

M. Morin: Oui. Je le regrette, je ne savais pas que le ministre était attaché à cette discussion annuelle. Cela lui permettait peut-être de refaire ses convictions d'année en année.

M. Garneau: C'est cela.

Le Président (M. Brisson): Programme 3, adopté?

M. Morin: Un instant, M. le Président, ne bousculons pas. Est-ce que je pourrais demander au ministre, au sujet du programme 3, à l'élément I, ce qui explique l'augmentation, somme toute, assez considérable de $6,462,200 — cette fois, je ne fais pas erreur, il s'agit bien de millions — à $8,147,300?

M. Garneau: Je pense que, si le chef de l'Opposition regarde la page explicative...

M. Morin: Des supercatégories?

M. Garneau: Oui.

M. Morin: On dirait que ce sont les traitements.

M. Garneau: Dans les informations concernant les postes. C'est là que, je pense, la variante est la plus grande, lorsqu'il y a eu une augmentation à l'élément I du nombre d'employés permanents. Dans l'ensemble du programme 3, il y a eu 141 postes d'ajoutés aux effectifs du ministère. Cela explique...

M. Morin: I4I postes comblés.

M. Garneau: Les sommes d'argent ont été inscrites au budget pour défrayer un nombre de postes proportionnel à cela, mais l'opération de recrutement est en cours. Combien y en a-t-il de complétés? Il y a 63 de ces I4I postes qui sont comblés. L'opération de recrutement au niveau des CEGEP a été très fructueuse... Peut-être qu'on pourrait demander au contrôleur des finances de donner des explications directement.

Au sujet du recrutement des postes, nous avons fait, en collaboration avec la Commission de la fonction publique, le tour des CEGEP au niveau de la section des finances. Déjà, nous avons eu une réponse affirmative de 76 étudiants qui sont intéressés à venir au ministère des Finances, qui vont y entrer au fur et à mesure, qui vont devenir disponibles.

M. Morin: Donc, à l'heure actuelle, il y a 63 postes comblés sur I4I postes disponibles. Est-ce que j'ai bien compris? C'est bien cela, M. le contrôleur?

M. Garneau: C'est-à-dire que, sur les I4I, on ne peut pas exactement sur les I4I, mais sur la différence, nous avions I79 postes au 31 mars, c'est-à-dire au 1er avril. Déjà, nous en avons comblé 63 sur les 179.

Les 141 étaient inclus dans les 179.

On ne peut pas dire que ce sont les nouveaux qui ont été comblés.

L'ensemble des postes vacants.

Dans l'ensemble des postes vacants, nous en avons comblé 63 depuis le 1er octobre.

M. Morin: Alors, vous ne prévoyez aucune difficulté pour combler les nouveaux postes prévus pour 1974/75, si je comprends bien.

M. Garneau: Non, surtout dans les derniers concours de recrutement, cela va même très bien, même au niveau professionnel, où nous avons eu des difficultés au cours de l'année. Au dernier concours, au moins dix candidats ont été choisis sur les quatorze qui s'étaient présentés.

M. Morin: Dix sur quatorze qui s'étaient présentés.

M. le Président, étant donné que le temps passe, je pense que nous pouvons adopter le programme 3 sans plus tarder.

Le Président (M. Brisson): Programme 3, adopté. Programme 4: Fonds de suppléance.

Fonds de suppléance

M. Garneau: M. le Président, le programme 4, en fait, en est un qui est inscrit dans les crédits du ministère des Finances, mais, pour une partie importante, disons, sur le plan administratif, soit la réserve pour augmenter l'article de l'élément 3 qui concerne les assistés sociaux, les programmes d'emplois d'assistés sociaux et les programmes d'embauche d'étudiants, même si la réserve est inscrite au ministère des Finances, nous n'administrons pas ces programmes. Dans le cas du placement étudiant, il s'agit d'un programme administré à l'intérieur du Conseil exécutif. Le programme concernant le placement de bénéficiaires d'aide sociale est administré par le ministère du Travail. Nous avons la réserve, et nous la transférons dans les ministères.

Nous transférons les crédits qui sont nécessaires dans les ministères qui ont la responsabilité de l'exécution d'un plan qui a été approuvé, dans un cas, par le ministère du Travail et, dans l'autre cas, par le service de placement étudiant qui relève de l'exécutif. C'est pourquoi je pense bien qu'il me serait difficile de répondre aux questions techniques sur ce programme. Nous le pourrons sans doute, lors de l'étude des crédits de ces deux ministères... Il y aura certainement des discussions qui vont porter là-dessus.

Pour les deux autres éléments du programme, la réserve générale, pour accroître tout crédit, dans les conditions qui sont inscrites dans l'élément I, a été augmentée de $5 millions à $13 millions. Avec l'accroissement du budget, nous avons cru qu'il n'était pas exagéré d'avoir une réserve générale pour répondre à des besoins urgents qui peuvent se présenter en cours d'année dans les différents programmes des ministères.

Pour ce qui est de la provision 2, qui a pour but d'augmenter tout crédit applicable aux traitements, salaires et allocations, l'estimation qui a été faite par le Conseil du trésor l'a située à $12 millions, comparativement à $21 millions l'an dernier. C'est que nous avons été en mesure, cette année, compte tenu de l'expérience accumulée, d'ajouter au poste traitements de la plupart des crédits des ministères de tous les programmes de l'activité gouvernementale les sommes d'argent qui étaient nécessaires pour le paiement de l'indexation, alors que, les années passées, nous étions un peu moins sûrs et nous avions mis une réserve plus généreuse pour parer à toute éventualité. Cela explique la baisse que nous avons à ce poste.

M. Morin: Le boni de vie chère, M. le ministre, est réparti dans les divers ministères, comme on dit.

M. Garneau: Dans tous les ministères, à tous les...

M. Morin: II n'apparaît pas ici?

M. Garneau: Non, évidemment, s'il s'avérait que, dans un ministère, il y a eu une erreur dans les calculs, nous pourrions utiliser cette réserve et la verser au poste traitements du programme concerné pour combler le manque qui pourrait exister. Mais, à moins qu'il y ait eu des erreurs dans les calculs effectués, il n'y aura pas nécessité d'utiliser cette réserve pour cette fin.

M. Morin: Quand vous avez prévu ce boni ou cette prime de vie chère qui est réparti à travers l'ensemble du budget des divers ministères, quel pourcentage avez-vous retenu comme base de calcul?

M. Garneau: Nous avons prévu que la prime de vie chère à verser, en vertu de la convention collective, signifierait une augmentation de la masse et un boni correspondant à 18%.

M. Morin: 18%.

M. Garneau: 18%, parce que c'est une formule qui s'accumule à partir de la signature de la convention. Quant à l'application de la formule telle que décrite dans la convention collective, nous avions prévu qu'elle pourrait représenter un boni de 18%, mais, les statistiques du dernier mois indiquent que ce sera un peu plus bas, probablement entre 16.75% et peut être 17.25%, quelque part dans cet ordre de grandeur.

Evidemment, nous le saurons lorsque l'indice du mois de juin sera publié, par rapport au mois

de juin de l'an dernier. Je pense que la réserve que nous avons inscrite sera un peu plus généreuse que nécessaire, ce qui veut dire qu'il resterait environ 10% ou ll% à verser à ce chapitre.

M. Morin: Cela va pour le programme 4.

Le Président (M. Brisson): Programme 4, adopté. Programme 5: Gestion interne et soutien, adopté?

M. Morin: Oui, nous sommes prêts à adopter le programme 5.

Le Président (M. Brisson): Programme 5, adopté. Programme 6: Traitement électronique centralisé des données.

Traitement électronique centralisé des données

M. Garneau: M. le Président, cette année, sur le programme, je vais souligner que nous avons fait la comparaison au brut, puisqu'il y a un changement. Avant cela, il y avait des imputations. Je pense bien que le chef de l'Opposition qui a procédé à l'étude d'autres... Probablement que vous avez passé déjà à travers l'étude des crédits d'autres ministères, ce n'est pas le premier.

M. Morin: Oui, deux en fait.

M. Garneau: Nous procédons au budget brut et non pas au budget net, de telle sorte que nous avons fait l'élimination des imputations de telle sorte que l'ensemble des crédits qui, autrefois, étaient au centre de traitement électronique des données, étaient beaucoup plus faibles que cela, étant donné que les crédits étaient dans chacun des ministères.

Maintenant, avec la présentation au brut, tous les crédits sont votés à ce programme 6 et subdivisés par ministère, mais payés à même les crédits votés à ce programme.

M. Morin: J'avoue, M. le Président, que j'ai mal saisi ce que le ministre a voulu dire. Est-ce qu'il veut dire que le traitement électronique de l'ensemble des ministères, le coût de l'ensemble des ministères est regroupé? Ce n'est sûrement pas cela, parce que...

M. Garneau: Non.

M. Morin: ... dans les autres ministères, chaque fois, nous avons eu justement des crédits prévus pour le traitement électronique.

M. Garneau: II y a un nombre important de ministères qui ont également leur centre de traitement des données.

M. Morin: Oui.

M. Garneau: Le ministère des Transports en a...

M. Morin: Le Revenu.

M. Garneau: ... le Bureau des véhicules-automobiles. Le Revenu a le sien. l'Education a un centre de traitement aussi important, les Affaires sociales également. Ici, il s'agit des ministères qui n'ont pas un volume d'activité suffisamment élevé pour avoir un centre d'informatique. Nous créons quand même des traitements de données. C'est le CTED qui fait le travail. C'est l'ensemble de ces crédits...

M. Morin: Est-ce qu'il y a des contrats, j'allais dire d'affermage à l'extérieur, en dehors des ministères, pour le traitement des données ou est-ce que tout se fait au sein du gouvernement, maintenant?

M. Garneau: C'est fait au sein du gouvernement, mais il peut arriver, à l'occasion, qu'un surcroît de travail nous oblige peut-être à le faire, mais c'est très rare. On va plutôt dans d'autres centres du gouvernement.

M. Morin: Est-ce que l'annonce d'une politique d'achat, par le ministère de l'Industrie et du Commerce, va changer les politiques d'achat et de location de matériel électronique du ministère des Finances, de la part du ministère des Finances?

M. Garneau: Actuellement, pour le CTED, le plus gros de l'équipement est fourni, soit par Uni-vac, soit par IBM. Dans les deux cas, il s'agit d'entreprises qui ont des activités importantes au Québec. Univac est installée à Dorval, je crois, maintenant. IBM est à Bromont. Ce sont, en fait, les deux grands fournisseurs, soit au niveau de l'achat pour certaines pièces, mais surtout au niveau de la location pour d'autres. Dans le cas de Univac, cela a été par appel d'offres, il y a combien d'années déjà? En 1972. En 1971 ou 1972? L'appel d'offres a été fait en 1971, mais on les a eus en 1972. Il y a eu un appel d'offres en 1971, à la suite d'un dépôt du cahier des charges. C'est la société Univac qui a présenté la meilleure cotation en respectant tous les critères assez complexes qui avaient été établis par un comité d'experts en informatique.

M. Morin: Est-ce que le ministre a une idée du pourcentage des appareils ou des pièces qui sont fabriquées au Québec?

M. Garneau: Non, ce que j'ai comme information, on nous transmet que, en termes de location, en 1975/76, il y avait $1.4 à Univac et $1.1 à IBM. Est-ce que chacune des pièces de ces machines est fabriquée au Québec ou non? Je n'ai pas l'information.

M. Morin: D'ailleurs, on se demande si on doit parler d'une politique d'achat, puisque, en fait, il s'agit d'une politique de location.

M. Garneau: Dans ce cas, c'est de la location.

M. Morin: Cela revient au même tout de même, puisqu'on peut se servir d'une politique de location pour favoriser la fabrication sur place.

M. Garneau: Comme il s'agit de deux entreprises qui sont deux grands fournisseurs établis au Québec avec des investissements — dans les deux cas — assez importants, que la concurrence se fait entre ces deux sociétés et qu'il n'y en a pas d'autres qui ont un degré de fabrication plus avancée au Québec, le problème serait difficile à résoudre d'une façon différente de celle que nous avons utilisée à ce jour, soit par appel d'offres, dans ces gros contrats.

M. Morin: Je serais curieux, cependant, de savoir combien il y a d'employés d'Univac au Québec, à Dorval. Ce serait intéressant de le savoir, je pense que ce n'est pas considérable.

M. Garneau: Je vais répondre à cet élément de curiosité.

Je pense que ce serait assez facile de l'obtenir, il s'agirait de le demander.

M. Morin: Ce serait intéressant, pour votre propre gouverne.

M. Garneau: On me dit qu'il y a une publication du ministère de l'Industrie et du Commerce là-dessus. C'est une publication que j'ai déjà vue, qui donne le nombre d'employés, enfin dix à quinze personnes ou plus de 1,000 personnes, pour la plupart des employeurs du Québec.

M. Garneau: Vous savez quelle... on va essayer de voir.

Il y a environ deux ans... On va vous l'envoyer.

M. Morin: Bien.

M. Garneau: Ce sont les employés de manufacture. Mon adjoint parlementaire se fera un plaisir de vous envoyer ça.

M. Morin: Si c'était établi à Trois-Rivières, le député s'en soucierait.

M. Bacon: On saurait le nombre d'employés. Une Voix: Le député s'en soucie.

M. Morin: Nous pouvons adopter le programme 6, M. le Président.

Le Président (M. Brisson): Programme 6, adopté. Le programme 7, Curatelle publique, a été adopté.

M. Morin: Ce programme a été adopté, oui.

M. Garneau: Le député d'Argenteuil me dit que la publication auquelle se réfère le sous-ministre, M. Goyette, a été expédiée...

Cette publication nous a été envoyée il y a à peu près deux ou trois semaines, avec la liste de tous les fabricants dans le Québec, le nombre d'employés...

C'est vrai, cela a été distribué en Chambre. Je me le rappelle, parce que j'ai jeté un coup d'oeil là-dessus. En tout cas, on va essayer de la retracer.

M. Morin: Pouvez-vous néanmoins vérifier, dans le cas d'Univac?

Cela m'intéresserait et je pense que cela vous intéresserait aussi.

Le Président (M. Brisson): Donc, les crédits budgétaires 1975/76 du ministère des Finances sont adoptés en entier?

M. Morin: Adopté.

Le Président (M. Brisson): La commission ajourne ses travaux sine die.

M. Morin: Je vroudrais poser au ministre une dernière question avant que nous nous quittions. Est-ce qu'on a prévu une commission pour SID-BEC, la caisse de dépôt, les entreprises d'Etat, pour que nous puissions examiner...

M. Garneau: Dans le cas de SIDBEC, il est bien possible que nous ayons, si ce n'est pas à cette partie-ci de nos travaux, ce sera au début de nos travaux d'automne, à revoir certains éléments de la loi, ce qui nous permettra d'avoir les gens de SIDBEC. Pour ce qui est de la caisse de dépôt, ça va dépendre des travaux parlementaires. Je dois dire au chef de l'Opposition que dès que les crédits des ministères seront adoptés, j'ai l'intention de demander au leader de la Chambre de convoquer la même commission parlementaire pour étudier le rapport du Vérificatuer général. Je ne voudrais pas qu'on prenne trop de retard de ce côté, mais qu'on essaie de concentrer plusieurs séances de travail pour être en mesure de passer à travers. Ce qui me fait penser que ça irait peut-être à un peu plus tard avant que nous puissions trouver le temps, à mois que, d'un commun accord avec les partis de l'Opposition, on mette la priorité sur ces commissions parlementaires. Je n'ai absolument pas d'objection à le faire. En ce qui regarde la caisse de dépôt, j'avais demandé au président de la caisse, par contre, de me transmettre des informations sur la Place Du puis, au sujet de laquelle le chef de l'Opposition avait posé des questions au premier ministre. J'ai obtenu les renseignements du président de la caisse de dépôt, en conformité avec l'article 44 de la loi constituant la caisse. Je pourrais peut-être lire la lettre du président. D'ailleurs, je lui ai dit que j'avais l'intention de déposer ce document à l'Assemblée nationale, et je n'aurai pas d'objection à le faire si le besoin en est exprimé.

Cette lettre, datée du 14 mai, m'est adressée. Sujet: Financement de Place Dupuis Incorporée. M. le ministre, pour faire suite à votre demande, en conformité avec les dispositions de l'article 44 de la charte de la Caisse de dépôt et placement du Québec, je vous transmets les renseignements

suivants concernant le sujet en titre. Le sujet en titre était le financement de Place Dupuis Incorporée. En juillet I97I, la Caisse de dépôt a été saisie du projet immobilier de Place Dupuis Incorporée qui comportait les éléments suivants et dont la construction devait s'effectuer en trois ou quatre phases successives selon un calendrier qui n'était pas encore défini à l'époque.

Première phase, plaza commerciale et édifices à bureaux sur la partie nord du quadrilatère situé à l'ouest de la bâtisse existante de Dupuis et Frères. Phase 2, extension vers le sud de la plaza commerciale pour couvrir tout le quadrilatère précité et, phase 3, un hôtel construit au-dessus de la plaza commerciale sur la partie sud du quadrilatère. Finalement, la phase 4, appartements et espaces de bureaux et remplacement de la partie sud de la vieille bâtisse de Dupuis et Frères.

La Caisse de dépôt a alors indiqué qu'elle serait intéressée à étudier une demande de financement pour les phases I et 2 et possiblement 3 du projet, mais que Place Dupuis devrait trouver un autre prêteur pour la quatrième phase du projet. Le cheminement de ce financement fut le suivant: réunion du conseil d'administration du 4 octobre I97I, résolution autorisant un investissement de $11,200,000 dans Place Dupuis Incorporée au taux de 10% l'an pour un terme de 30 ans. Cette autorisation portait sur l'achat et la location du terrain de Place Dupuis et le financement hypothécaire des édifices de la première phase du projet, nommément une plaza commerciale de trois étages couvrant la majeure partie du terrain, partie nord, un édifice à bureaux et des garages souterrains.

A la réunion du conseil d'administration du 18 octobre 1971, suite au parachèvement de l'acquisition des dernières parcelles de terrain en bordure de la rue Sainte-Catherine, il devient possible de procéder à la construction de la partie sud de la plaza commerciale en même temps que la partie nord dont le financement avait été autorisé. A cette réunion, soit celle du 18 octobre 1971, au conseil d'administration, le montant du financement autorisé a été porté à $13,500,000, soit une augmentation de $2,300,000, afin de couvrir la deuxième phase du projet. Suite à cette résolution, une lettre d'offre de financement de la Caisse de dépôt était émise et acceptée le 2 novembre 1971.

A la réunion du conseil d'administration de la caisse du II décembre 1972, suite à la conclusion d'une entente entre Place Dupuis Incorporée et les hôtels Holiday Inn, Place Dupuis est devenue en mesure de fournir les garanties exigées par la Caisse de dépôt pour le financement de cette troisième phase du projet et fait une demande à cet effet.

A la réunion du 11 décembre 1972, le conseil d'administration porte le montant autorisé du financement à $16 millions, soit une augmentation de $2.5 millions, de façon à couvrir cette dernière phase de la partie du projet financé par la Caisse de dépôt. Le financement autorisé comportait les éléments suivants: achat du terrain par la Caisse de dépôt pour une somme de $2.5 millions et loca- tion de celui-ci, à Place Dupuis, par un bail emphytéotique et un loyer annuel donnant un rendement initial de 9% sur l'investissement. Des modalités prévoyaient des révisions périodiques du loyer en fonction de l'accroissement de la valeur du terrain dans l'avenir. Souscription à $13.5 millions d'obligations hypothécaires d'un terme de 30 ans, portant intérêt au taux de 9.5%.

A la réunion du conseil d'administration du 27 mai 1974, suite à l'augmentation des coûts de construction, Place Dupuis a demandé une augmentation du montant du financement. A sa réunion du 27 mai 1974, le conseil d'administration a autorisé une augmentation du financement jusqu'à concurrence de $2 millions, au taux de 10.5%, pourvu que le montant total du financement ne soit pas supérieur à 90% du coût et 85% de la valeur économique.

A la réunion du conseil d'administration du 18 juin 1974, l'augmentation du prêt est ratifiée au montant de $1,600,000, au lieu de $2 millions, en raison des exigences formulées à la réunion précédente.

La quatrième phase du projet a été complétée sous forme d'édifice à bureaux qui ont été loués à l'Hydro-Québec. Le financement de cet immeuble a été effectué par un groupe d'institutions prêteuses, la Caisse de dépôt n'a pas participé à ce financement. La Caisse de dépôt n'a donc financé que la partie du complexe immobilier située sur le terrain qu'elle a acheté, soit les phases I, 2 et 3, précédemment décrites. Le revenu de location des espaces occupés par des organismes gouvernementaux, dont le plus important est la Société de la baie James et la Société d'énergie, représente 32.3% du revenu global des immeubles financés par la Caisse de dépôt.

J'espère que l'acheminement des diverses résolutions ainsi que les explications supplémentaires répondent adéquatement aux renseignements que vous désiriez obtenir. Agréez, M. le ministre, l'expression de mes sentiments distingués.

Ce que je voudrais ajouter à cette lettre, il s'agit de commentaires que j'ai pu recueillir auprès du président de la caisse de dépôt, c'est que, contrairement à ce que certains journaux avaient rapporté, les décisions de la caisse de dépôt concernant le financement de Place Dupuis ont toutes été prises avant que le président actuel soit en fonction et, également, avant le décès de M. Prieur.

Je pense qu'il est bon de souligner que la décision de la caisse d'investir dans le financement de Place Dupuis avait été prise sous l'instigation d'une personne extérieure a la caisse, dans l'intérim où le président décédé n'avait pas été remplacé.

Je pense qu'il s'agit d'une information absolument non fondée, qui n'était pas conforme à la réalité et qui se retrouve dans les dates et les explications qui m'ont été transmises par le président de la caisse de dépôt.

Egalement, je voudrais ajouter que, prévoyant des questions à ce sujet, j'avais communiqué avec le sous-ministre des travaux publics pour voir si le

gouvernement du Québec, le ministère des Travaux publics payait quelque loyer que ce soit à Place Dupuis, pour y abriter ou y loger des services d'un ou de différents ministères du gouvernement. La réponse que m'a transmise le sous-ministre des Travaux publics, M. Trudeau, disait que nous, le gouvernement, n'occupons, actuellement, directement, par la voie de nos ministères, aucun espace à bureaux dans Place Dupuis.

Maintenant, pour ce qui est de la location effectuée par Hydro-Québec, on se rappellera que, lors d'une commission parlementaire qui a eu lieu en cette même salle, cette question avait été soulevée pour répondre à certaines objections ou certains propos qui avaient été tenus concernant Place Desjardins. On se demandait pourquoi.

Moi-même, j'avais fait des observations sur cette question-là et le président d'Hydro-Québec avait répondu aux questions, lors d'une réunion subséquente à celle qui avait amené à cette table, les gens de Place Desjardins. Il avait expliqué pourquoi il avait loué à Place Dupuis, et aussi ce qu'il entendait faire à Place Desjardins et il avait indiqué — si ma mémoire m'est fidèle, je voudrais remonter voir le journal des Débats —qu'il s'agissait tout simplement de coût de location. Sur le plan strictement économique, les propositions qui étaient faites par Place Dupuis étaient nettement plus avantageuses et donnaient aussi la disponibilité de bureaux immédiatement alors que, dans l'autre cas, il s'agissait de locaux qui auraient été disponibles beaucoup plus tard.

M. Morin: Est-ce que le ministre voudrait bien déposer cette lettre? De toute façon, je pense que...

M. Garneau: Je n'ai pas d'objection. D'ailleurs...

M. Morin: ... pour qu'elle puisse être analysée.

M. Garneau: Elle se trouve inscrite. J'ai voulu la lire pour qu'elle soit inscrite également dans le journal des Débats, pour ce qui est des travaux de cette commission. J'ai indiqué au président de la caisse que j'avais l'intention de déposer les informations qu'il me transmettrait, et que je voulais les avoir dans la forme la plus claire et la plus précise possible.

Je pense que le document de quatre pages traduit assez bien ce qui a été la réalité dans cette transaction. Je tenais à faire ces observations, parce que les propos qui avaient été tenus ou exposés dans certains journaux mettaient en cause non seulement les officiers de la caisse, les permanents, les fonctionnaires qui sont à la caisse, mais également tous les membres du conseil d'administration qui, en définitive, auraient accepté de passer pour des marionnettes. Et je vous prie de me croire que, dans mes discussions avec la caisse de dépôt, je n'ai pas affaire à des marionnettes.

M. Morin: La difficulté de l'exercice auquel se livre le ministre, actuellement, c'est que la procé- dure administrative que nous décrit cette lettre, avec les dates, les montants, l'augmentation, etc., c'est bien beau, mais cela ne nous dit rien des possibilités de pression, tant sur la caisse de dépôt que sur Hydro-Québec, par la personne dont il a été question ces jours-ci.

Cela ne nous apprend rien là-dessus. Je ne pense pas que le ministre soit en mesure de répondre à des questions là-dessus.

M. Garneau: Je n'ai pas...

M. Morin: Autrement dit, je vois bien l'utilité que peut avoir la lettre et j'espère que le ministre va la déposer le plus tôt possible en Chambre. C'est un élément du dossier, mais ce que je voudrais dire au ministre, c'est que cela ne le clôt pas.

M. Garneau: M. le Président, je n'ai pas la prétention de vouloir clore le dossier dans l'esprit de ceux qui voient des pressions ou la possibilité de pressions, de quelque source qu'elles soient. Je pense bien, malgré les documents qu'on pourrait déposer ou les déclarations que l'on pourrait faire, que ceux qui veulent voir des choses, des pressions soi-disant indues pourront toujours les voir. J'ai cependant la conviction que si nous pouvons disposer du temps qu'il faut pour convoquer la caisse de dépôt a une commsision parlementaire, non pas uniquement pour venir faire des déclarations sur Place Dupuis, mais sur l'ensemble de sa politique, le seul témoignage qu'on pourra avoir, c'est celui des officiers de la caisse qui vont dire: On prend leur parole ou on ne la prend pas.

Une chose qui est certaine, c'est que l'ensemble des décisions et la chronologie des événements démontrent que les décisions n'ont pas été prises dans l'interrègne de la présidence de la caisse, mais plutôt avant le décès de M. Prieur qui, à ce moment-là, exerçait les fonctions de président directeur général.

M. Morin: Mais ce n'est pas moi qui avais soulevé ce point. Le ministre le sait, et tant mieux si cela clarifie un point auquel il a peut-être fait allusion dans les journaux.

Je ne crois pas que cela puisse nous éclairer, comme je le disais tout à l'heure, sur la possibilité que, dans tout cela, il ait pu y avoir influence indue de certaines personnes. Encore une fois, je ne tente pas de répondre à ma propre question.

M. Garneau: La seule réponse que je puisse donner au chef de l'Opposition, c'est qu'ayant connu, pour avoir travaillé avec lui, l'ancien président de la caisse, M. Prieur, connaissant également le directeur adjoint, M. Paris, et aussi les membres du conseil d'administration de la caisse, je pense pouvoir dire que s'il y avait eu des pressions que ces gens auraient considérées indues ou déplacées, de quelque nature et de quelque source que ce soit, je pense que... Le chef de l'Opposition, d'ailleurs, connaît la plupart des personnes qui sont au conseil, j'imagine bien.

M. Morin: Pas toutes, quelques-unes sûrement.

M. Garneau: Je pense que vous pouvez prendre des informations sur la valeur, en tant qu'hommes d'affaires et aussi sur la valeur morale de ces personnes, et que la meilleure réponse qu'on puisse faire, c'est que ce n'est pas une catégorie d'hommes qui accepteraient des pressions indues.

D'ailleurs, quand j'ai rencontré les membres du conseil d'administration de la caisse, c'est un des éléments que j'ai voulu soulever avec eux, pour savoir s'ils pouvaient prendre leurs décisions au meilleur de leurs connaissances, dans les intérêts supérieurs de la caisse et des contribuables québécois qui souscrivent au régime de rentes.

La réponse a été dans le sens qu'ils ne subissaient pas de telles pressions. Il y a même un des membres du conseil d'administration qui a voulu mettre de l'emphase sur le fait que nous n'intervenions pas, et, personnellement, comme ministre des Finances, il pouvait me rendre témoignage du fait que je n'avais pas essayé de faire prendre à la caisse des décisions, qui, aux yeux du conseil d'administration et des officiers supérieurs, n'étaient pas conformes aux intérêts des épargnants et de l'ensemble de la population du Québec.

M. Morin: M. le Président, si vous le voulez bien, nous allons traiter cette pièce comme une pièce additionnelle au dossier. Nous aurons l'occasion de rencontrer, je le souhaite, des gens de la caisse de dépôt, avant longtemps, et nous aurons aussi l'occasion de rencontrer les représentants d'Hydro-Québec. C'est peut-être à eux qu'il y aura le plus de questions à poser, étant donné qu'ils ont déménagé un certain nombre de leurs services à Place Dupuis depuis quelque temps.

M. Garneau: Je suis convaincu que les gens d'Hydro-Québec pourront répondre à ces questions, comme ils l'ont fait la dernière fois, parce que le sujet a été soulevé.

M. Morin: Oui, mais il y a eu des modifications depuis cette époque. Encore une fois, tout ce que je veux dire ce soir, c'est que le ministre ajoute une pièce importante au dossier, mais le dossier n'est pas fermé

M. Garneau: Si le chef de l'Opposition veut le laisser ouvert, libre à lui. Moi...

M. Morin: C'est notre tâche, tant qu'on n'en a pas le coeur net, de continuer à tenter d'obtenir tous le" renseignements susceptibles d'éclairer l'opinion publique.

M. Garneau: J'espère que le chef de l'Opposition ne m'en veut pas d'avoir donné ces informations que j'avais demandées pour cette commission, puisqu'il avait été question que ce soit soulevé ici.

M. Morin: Non, même j'en remercie le ministre et, dès que nous aurons une copie de la lettre, nous pourrons certainement en prendre une connaissance détaillée et, éventuellement, compléter le dossier.

M. Garneau: Simplement, je voudrais ajouter aussi que, dans le contexte des articles qui ont été écrits, ça place les officiers... Je prends l'exemple de la caisse de dépôt, mais aussi, dans d'autres cas, cela place des fonctionnaires dans des situations extrêmement délicates. Dans bien des cas, on nous demande si on doit répondre aux questions des journalistes, parce qu'on retrouve nos propos sens dessus dessous le lendemain matin.

Tout ce que je puis dire, c'est que c'est extrêmement déplorable qu'on ne prenne pas plus d'attention, en rapportant ces faits, parce que les media d'information, qui requièrent toujours le plus de renseignements possible en agissant de la sorte, se privent d'une source d'information objective et de bonne foi, qu'ils auront plus de difficulté à obtenir. Les officiers ne sont pas des hommes politiques et n'ont pas la possibilité d'entreprendre des débats sur la place publique. La seule façon pour eux d'exercer une prudence, c'est de ne plus vouloir répondre aux questions et ce serait dommage pour une information la plus complète et la plus objective possible pour l'ensemble des citoyens du Québec.

M. Morin: Oui. Je voudrais ajouter, en terminant, M. le Président, que c'est évidemment dommage que certaines institutions parapubliques aient à souffrir d'une certaine réputation du gouvernement depuis quelque temps. Je ne demande pas mieux...

M. Garneau: C'est l'opinion du chef de l'Opposition.

M. Morin: Mais je ne demande pas mieux que la lumière soit faite de fond en comble. J'espère que nous aurons l'occasion de rencontrer les responsables des entreprises d'Etat pour vider cette question.

Le Président (M. Brisson): Les crédits budgétaires étant adoptés, la commission s'ajourne sine die

(Fin de la séance à 22 h 8)

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