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Commission permanente des finances,
des comptes publics et du revenu
Etude des crédits du ministère des
Finances
Séance du jeudi 15 mai 1975
(Dix heures quinze minutes)
M. Brisson (président de la commission permanente des
finances, des comptes publics et du revenu): A l'ordre, messieurs!
M. Faucher (Yamaska) remplace M. Déom (Laporte) et M. Lacroix
(Iles-de-la-Madeleine) remplace M. Saindon (Argenteuil). Nous avons quorum et
nous allons commencer l'étude des crédits du ministère des
Finances. La parole est au ministre.
Remarques préliminaires
M. Garneau: M. le Président, d'abord, je voudrais
présenter les fonctionnaires du ministère qui m'accompagnent:II y
a d'abord M. Pietro Guerci, sous-ministre adjoint au financement. M. Goyette,
le sous-ministre, avait déjà accepté de donner une
conférence à un groupe à Montréal et, comme il ne
pouvait pas l'annuler à la dernière minute, parce que nous avons
su seulement hier soir que l'étude de nos crédits se faisait ce
matin, il sera ici cet après-midi et ce soir, si nous siégeons.
Le sous-ministre adjoint aux Finances, M. Michel Au-det; le contrôleur
des Finances, M. Lefebvre, et son adjoint, M. Breton, de même qu'un autre
de ses adjoints, M. Roger Croteau, et également, à l'autre bout,
M. Gariépy, qui est le directeur du Centre du traitement
électronique des données; M. Pierre Sarault, du groupe de
recherche économique et fiscale; M. André Montmigny, chef du
personnel; M. Serge Juneau, contrôleur des finances, et M. Rosaire
Plante, qui était comptable du ministère jusqu'à
aujourd'hui. Il est muté au ministère du Travail et il sera
remplacé par M. Jean Bel-lavance, qui est ici également. Est-ce
que j'en ai oublié? Non, tout le monde est là. Il y a
également M. Filion, qui est de mon bureau.
M. le Président, au début du travail en commission, il
convient que je fasse quelques remarques, d'abord pour souligner que la
commission a déjà procédé à l'analyse de la
section se rapportant à la Curatelle publique, dont la
responsabilité ministérielle relève du ministre d'Etat, M.
Oswald Parent. Ces crédits ont été étudiés
au début de cette semaine.
Pour ce qui est de la politique financière du gouvernement, j'ai
eu l'occasion, le 17 avril, de l'exposer à l'Assemblée nationale
et le document a été rendu public. Il est disponible, de telle
sorte que, s'il y a des questions, nous pourrons en discuter plus à fond
plus tard. Je ne crois pas qu'il y ait lieu pour moi de déborder de ce
qui a été dit et écrit dans le texte du discours sur le
budget.
J'aimerais plutôt faire des remarques d'ordre
général, concernant trois des programmes du mi- nistère
des Finances qui ont un caractère opérationnel plus important,
à savoir le programme no I, le programme no 3 et quelques notes
également concernant la gestion de la dette.
D'abord, le programme no I du ministère des Finances concerne les
études économiques et fiscales. En 1974/75, cette direction
comportait 21 personnes, dont seize cadres ou professionnels, soit l'effectif
qui avait été prévu aux crédits. Ce groupe de la
recherche économique et fiscale est dirigé par le sous-ministre
adjoint aux Finances, M. Michel Audet. Il a comme principaux adjoints M. Pierre
Sarault, qui est responsable des questions économiques, et M. Michel
Grignon, qui dirige les questions fiscales.
Des études d'ordre économique et financier, qui
intéressent l'évolution de l'économie, la location
générale des ressources et des problèmes reliés au
financement du secteur public, de même que l'aspect fiscal et les
modifications qui sont apportées relèvent de cette division, en
ce qui regarde les recommandations qui peuvent être faites au
gouvernement, de même que les recherches sur révolution des
revenus du gouvernement.
Je dirai qu'au cours de l'année qui s'est terminée, ce
groupe de recherche économique et fiscale a participé
étroitement, dans le cadre d'un comité conjoint de politique
fiscale avec le ministère du Revenu et le Conseil du trésor,
à l'étude et à l'élaboration des mesures que j'ai
eu le plaisir d'annoncer dans le discours sur le budget.
Par ailleurs, on s'est appliqué, au niveau de ce groupe de
travail, de cette direction, à raffiner les méthodes de
prévision de revenus ainsi qu'à les remanier en fonction des
nouveaux paramètres de la fiscalité. Cette opération se
poursuivra au cours de cette année alors qu'on compte utiliser de plus
en plus les moyens mécanographiques.
Enfin, le service des études fiscales a participé à
divers comités aux niveaux interministériel et
fédéral-provincial. Ces comités visaient divers sujets,
tels la fiscalité minière et pétrolière, que j'ai
déjà soulignée, la sécurité du revenu, la
taxation gouvernementale, etc.
La direction des recherches économiques et fiscales a
également participé à la préparation des travaux
reliés aux conférences fédérales-provinciales des
ministres des Finances.
Du côté des études économiques, les travaux
se sont poursuivis dans trois secteurs. Sur le plan de la conjoncture, on s'est
attaché à parfaire l'analyse de l'activité
économique en utilisant, entre autres, à cet effet, les services
du "Conference Board" avec lequel nous sommes associés pour la
comparaison de nos données techniques, de même que des
échanges de vues avec les différents participants à ce
groupe de travail qu'on appelle le "Conference Work".
Cette étude de la conjoncture se traduit principalement par une
analyse trimestrielle des principaux indicateurs économiques. Cette
division a, d'autre part, été appelée à produire le
dossier technique de conjonctures de diverses conférences
fédérales-provinciales des premiers ministres auxquelles le
ministre des Finances a également
participé. Elle a enfin contribué à divers
éléments du budget, particulièrement l'annexe sur
l'économie.
Dans le cadre de l'allocation des ressources, ce service ou cette
direction générale s'est aussi attaché à la
révision de diverses mesures d'aide à l'investissement,
lesquelles furent poursuivies principalement en raison de l'évolution de
l'activité économique. Elle s'est aussi attachée à
étudier les problèmes des petites et moyennes entreprises et a
mené, en collaboration, l'analyse qui a entraîné
l'institution des SODEQ. Dans le même ordre d'idées, ce service a
aussi contribué à la préparation du dossier technique de
l'allocation triennale des ressources, en particulier en regard de
l'évolution des revenus et des besoins de financement.
Quant aux études à caractère financier, le service
des études économiques s'est appliqué à soutenir
les travaux reliés à l'émission des titres
québécois. Ce soutien s'est manifesté, entre autres, par
la préparation d'un dossier économique et financier permettant
d'effectuer certaines représentations aux agences américaines de
cotations ou de "rating", pour employer un terme anglais de titres financiers.
Cette section a aussi apporté sa collaboration à la
préparation des prospectus d'émissions. Inutile de dire que ce
travail qui se poursuivait depuis plusieurs mois a été un
élément important dans la transmission des renseignements les
plus précis possible qui ont permis à l'agence American Duties de
reclassifler à la hausse la cote des titres de la province.
D'autre part, elle a aussi poursuivi d'autres travaux sur divers sujets.
Entre autres, on peut citer l'analyse des diverses sources de financement et
leur impact sur différents aspects de la vie économique
québécoise. Pour ce qui est de l'avenir, évidemment, il
nous faut poursuivre dans le même sens qu'annoncé, il y a certains
travaux qui doivent être poursuivis, que ce soit au niveau de l'analyse
conjoncturelle, où il faut parfaire certains instruments d'analyse, il y
a aussi tout l'aspect de l'étude de l'impact de la masse salariale au
niveau de la convention collective qui est en négociation, à
laquelle la division des recherches économiques et fiscales sera
appelée à fournir une certaine contribution. Il y a toute la
division des études financières qui doit procéder à
l'analyse de certaines tendances, certaines évolutions qui ont cours
actuellement, non seulement au Québec mais dans l'ensemble du Canada
concernant l'évolution de l'épargne et la façon dont cette
épargne est utilisée. Evidemment, c'est un travail assez
considérable et qui se poursuivra certainement sur plus d'une
année.
Nous voulons aussi mettre l'accent sur la question de la
préparation de la législation concernant les SODEQ que j'ai
annoncée dans le discours sur le budget. Le groupe de recherche
économique et fiscale participe en collaboration avec le
ministère de l'Industrie et du Commerce, le ministère du Revenu
et celui des Institutions financières à la préparation de
la législation qui formera ces SODEQ et qui, je l'espère, pourra
être présentée à l'Assemblée nationale
dès la reprise de nos travaux parlementaires à l'automne.
Dans cette division des priorités économiques et
budgétaires, nous voulons aussi raffiner les comparaisons
interprovinciales des dépenses et l'analyse sélective, selon
diverses variables.
Je pense que c'est un instrument d'analyse que nous devrons
perfectionner davantage. Il y aura également les travaux de mise
à jour concernant l'analyse faite par M. Rabeau sur l'impact
économique des mesures budgétaires et fiscales au cours des
années. Nous voulons également, en ce qui regarde la
fiscalité, tenter de mettre certaines choses sur informatique, en
construisant un modèle pour être en mesure de sortir beaucoup plus
rapidement toutes les évaluations de pertes ou de gains de revenus que
peuvent provoquer des modifications fiscales. Nous entreprenons, au niveau de
cette section de la division des recherches économiques et fiscales, une
analyse en profondeur de l'assiette de la taxe de vente, qui n'a pas
été modifiée depuis un certain temps et qui, l'ayant
été dans d'autres provinces, nous place dans une situation
concurrentielle un peu embêtante sur certains aspects. Nous voulons
dégager les points positifs et négatifs de cette question. Nous
entreprenons également c'est peut-être là une partie
également très importante de nos travaux, non seulement pour l'an
prochain, mais pour l'autre année toute la documentation de base
en vue du renouvellement des accords fiscaux avec le gouvernement
fédéral, qui arrivent à échéance en
I977.
J'aimerais également faire quelques remarques concernant le
programme 3. Parmi les faits signalés l'an dernier, j'avais
attiré l'attention des membres de cette commission sur trois points
principaux qui avaient particulièrement marqué les
activités du bureau du contrôleur des finances, au cours de
l'année financière 1973/74. Le rodage du sous-système de
contrôle des dépenses, dépendant du système de
gestion budgétaire et comptable, communément appelé
SYGBEC; le rattachement au bureau du contrôleur des finances du centre de
traitement électronique des données et la mise en place d'une
nouvelle structure qui allait de pair avec les responsabilités accrues
du contrôleur des finances constituaient trois étapes qui
étaient d'une portée capitale sur l'avenir de ce bureau.
Certaines initiatives prises au terme de l'exercice
précité, telles que l'introduction d'un nouvel ordinateur de
marque Univac et la mise sur pied d'une direction de la vérification des
systèmes informatisés, devaient aussi exercer une influence
prépondérante sur les activités de l'année
financière 1974/75.
J'avais encore laissé entrevoir la prochaine adoption, par le
Conseil du trésor, d'un projet de directive de contrôle de la
perception des revenus, une chose qui avait été soulignée
dans le rapport du vérificateur, ainsi que d'éventuels
amendements à la Loi de l'administration financière.
Enfin, j'avais annoncé des modifications marquantes dans la
présentation des comptes publics
de l'année financière terminée le 31 mars 1974. Les
objectifs que nous nous étions fixés sont réalisés
en majeure partie, mais cela ne s'est pas fait, en 1974/75, sans des heurts
inévitables dus à la complexité même des
projets.
Les services de la direction générale de la
comptabilité, postés dans les divers ministères, ont su,
par exemple, relever un défi d'envergure, malgré les
difficultés sans nombre qui se sont présentées dès
le début.
En effet, suite au rodage que j'ai rappelé tantôt,
l'implantation de SYGBEC s'est effectuée depuis le 1er avril 1974. Ce
jour-là fut celui du vrai départ, puisque les années
antérieures avaient été des années de
programmation, d'essais. Donc c'était véritablement le
départ et l'expérimentation pour le vrai de tout ce
système.
La mise en place du système a connu, évidemment, des
difficultés mécaniques et techniques qui ont compliqué la
tâhce de nos comptables; ceux-ci ont eu, en outre, à faire face
à un surcroît de travail considérable par suite de la tenue
en parallèle de la comptabilité conventionnelle.
Il s'agissait là d'une précaution impérative, parce
qu'il fallait absolument s'assurer de l'exactitude des données
comptables servant au contrôle des crédits budgétaires et
à l'élaboration des états financiers de la province.
Les structures des services de la comptabilité ont dû, par
le fait même, être ajustées pour être plus en mesure
d'assumer ces nouvelles responsabilités et d'absorber ce surcroît
de travail.
Il a fallu, néanmoins, recourir au service de personnel
recruté sur une base occasionnelle, n'ayant pas
généralement l'expérience nécessaire et il a fallu
aussi effectuer du travail en temps supplémentaire.
Les efforts fournis pour remédier à la situation nous
permettent, cependant, d'espérer entrevoir une normalisation de cette
situation dans un proche avenir.
L'abandon graduel du système parallèle est
envisagé, par exemple, et, déjà, depuis le 1er avril 1975,
le service de la comptabilité ne procède plus à
l'enregistrement manuel détaillé des frais de voyages par
individu et des frais généraux par fournisseur.
Un enregistrement très sommaire demeure cependant au niveau des
comptes de contrôle seulement.
Par ailleurs, nous prévoyons, pour l'année
financière qui commence, la mise en place d'une structure administrative
plus adéquate à la direction générale de la
comptabilité.
Il s'agit là d'une opération nécessaire afin de
réévaluer les procédures de travail et leur pertinence, de
manière à les améliorer sensiblement.
La direction de la vérification des systèmes, qui
relève précisément de la direction générale
de la comptabilité, connaîtra aussi un certain
développement pour l'aider à atteindre ses objectifs. Ceux-ci
consistent à s'assurer de l'existence de contrôles adéquats
à l'intérieur de tous les systèmes mécanisés
du gouvernement ainsi que de la pertinence des traitements de l'information
effectués par ces systèmes.
On entrevoit aussi, pour 1975/76, le développement, à la
direction générale, des systèmes et du traitement de
l'information, de laquelle dépend étroitement la réussite
de la mécanisation des opérations budgétaires et
comptables.
J'ai déjà fait allusion à l'ordinateur de marque
Univac. A cause de la demande accrue provenant du système
intégré de gestion du personnel et également à
cause de l'ampleur du traitement des données comptables, nous avons
procédé à la location d'un ordinateur puissant de marque
IBM.
En effet, SYGBEC et le système intégré de gestion
du personnel sont tous deux à un stade d'évolution constante et
ne peuvent supporter aucun délai.
En 1975/76, nous mettrons un accent particulier sur le contrôle de
la perception des revenus. Le document élaboré par une
équipe de la direction générale des contrôles
financiers fait désormais l'objet du règlement AF-6 et de la
directive 1-75 qui précise les modalités d'application dudit
règlement.
En vertu de cette même directive, le contrôleur des finances
a établi l'ensemble de la procédure à suivre clans
l'application de ces règlements et de cette directive.
Des postes additionnels sont naturellement demandés pour
permettre à la direction générale des contrôles
financiers de s'acquitter de ses nouvelles fonctions, qui se traduiront
sûrement par un accroissement sensible du volume de travail.
Passant aux comptes publics de l'année financière
terminée le 31 mars 1974, les membres de l'Assemblée nationale
ont pu constater que des changements majeurs ont été
apportés. L'ordre de présentation a en effet été
modifié afin de mieux soutenir la comparaison avec celui du budget qui,
depuis l'année financière 1973/74, est établi suivant la
méthode des programmes.
Par cette méthode, les ressources sont orientées en
fonction des objectifs que le gouvernement s'est préalablement
fixés. Présentés selon les caractéristiques propres
à cette méthode, les comptes publics deviennent plus
significatifs.
Par ailleurs, il a été décidé de les scinder
en deux volumes bien distincts afin d'en faciliter la consultation:
états financiers d'une part et détail des dépenses d'autre
part.
En ce qui concerne finalement les amendements que nous voulons apporter
à la Loi de l'administration financière, nous avons dû,
à cause des impératifs que je viens de signaler, reporter
à plus tard l'examen des propositions qui ont été
soumises.
Le travail préliminaire est assez avancé, cependant, et il
y a tout lieu de croire qu'à l'automne nous pourrons apporter ces
amendements à la Loi de l'administration financière dont j'ai
parlé l'an passé et sur lesquels le contrôleur des finances
et le Vérificateur général ont fait certaines
remarques.
Enfin, pour ce qui est de la direction de la gestion de la caisse, il
s'agit-là d'une section adminis-
trative extrêmement technique. Un certain nombre
d'opérations ont été menées afin
d'économiser des frais d'opération, et des ententes ont
été signées avec les banques pour ce qui est de la
conciliation des chèques, ce qui nous a permis de restreindre les temps
de délais durant lesquels on pouvait transmettre des informations aux
ministères clients, en particulier pour ce qui regarde les allocations
familiales.
Nous avons également eu des négociations avec les banques
pour que les sommes d'argent déposées au compte du gcuvernement
dans des succursales un peu partout à traversée Québec par
les agents qui perçoivent du revenu puissent être
transférées dans les comptes avec des délais minimaux, de
telle sorte que nous ne perdions pas les intérêts qui autrement
n'auraient pas pu profiter à l'ensemble de l'activité
gouvernementale sur le plan financier.
Voilà, M. le Président, les principales remarques que je
voulais faire sur les trois principaux programmes d'activités. Je pense
bien que, lorsque nous entreprendrons chacun de ces programmes, il y aura sans
doute des questions à poser ou des explications additionnelles à
transmettre aux membres de cette commission.
Le Président (M. Brisson): Le député de
Sauvé.
Questions?... Adopté?
Commentaires de l'Opposition
M. Morin: M. le Président, le budget constituant
aujourd'hui non seulement une technique de répartition des revenus et
des dépenses gouvernementaux, mais également un instrument qui
permet d'agir sur la conjoncture, je voudrais, avant de passer à
l'examen de chaque programme du ministère des Finances, faire quelques
commentaires sur ce second aspect du budget qui prend évidemment une
importance considérable, accrue en période de mauvaise
conjoncture.
Or, pour employer un euphémisme, nous sommes
précisément, à l'heure actuelle, en période de
basse conjoncture. De fait, nous sommes en pleine récession et
l'instrument budgétaire prend alors toute son importance.
Je ne suis pas sûr, cependant, que le ministre des Finances et le
gouvernement aient su utiliser pleinement, à bon escient, le budget de
cette année à des fins conjoncturelles, à des fins de
redressement de la conjoncture. Je l'ai déjà dit à
plusieurs reprises, notamment à l'occasion des crédits, à
l'occasion du discours du budget, mais il est peut-être bon d'y revenir
ce matin, à tête plus reposée, alors que l'opération
publicitaire du ministre est terminée et que peut-être nous
pouvons, avec un peu moins d'esprit partisan, étudier les aspects
conjoncturels de la politique budgétaire du gouvernement.
La situation économique du Québec s'est gravement
détériorée, au cours des derniers mois. D'ailleurs la
plupart des indicateurs économiques témoignent, depuis de longs
mois, de l'affaissement graduel de la croissance économique. L'Op-
position s'est inquiétée de cette situation déjà
à plusieurs reprises et, dès I974, j'ai attiré l'attention
du ministre des Finances, de même d'ailleurs que celle du ministre de
l'Industrie et du Commerce, sur une situation qui ne laissait pas d'être
inquiétante.
A maintes reprises, nous avons demandé au gouvernement, de
dresser, devant l'opinion, devant les Québécois, un tableau
objectif de la situation économique. Nous avons demandé au
gouvernement de passer à l'action, pour tenter de redresser la situation
avant qu'elle ne se gâte. De fait, elle s'est gâtée depuis
lors.
Le gouvernement, que ce soit par la bouche du ministre de l'Industrie et
du Commerce, avec lequel je me suis souvent entretenu de ces problèmes,
en Chambre, que ce soit par la bouche du ministre des Finances, le gouvernement
a toujours un langage vague à souhait, empreint d'un optimisme qui a peu
à voir avec la réalité économique du Québec
et de l'Amérique du Nord, dans son ensemble.
Depuis le dernier trimestre de I974, effectivement, la situation
économique américaine est passée en état de non
croissance, et cela devait, tôt ou tard, avoir des répercussions
pour le Québec et pour l'ensemble du Canada naturellement. Au niveau
canadien, la situation s'est détériorée, s'est
dégradée déjà dès le deuxième
trimestre de I974, c'est-à-dire, j'entends les mois d'avril, mai et
juin. La croissance est devenue nulle, dès ce moment.
Pendant ce temps, la situation économique américaine
continuait de s'aggraver, et cela évidemment a fini par avoir un impact
considérable sur l'économie du Québec. Ce qui nous a
étonnés, je ne vous le cacherai pas, M. le Président,
c'est que chaque fois que nous avons soulevé ces problèmes en
Chambre, le gouvernement, au lieu d'admettre que la situation était
mauvaise, au lieu de mettre les Québécois devant la
réalité, parce que c'est un instrument important de
contrôle de la réalité que de la décrire de
façon correcte, a laissé croire à la population que tout
va bien, que la situation est rose, que les indicateurs économiques ne
sont pas si mal que cela.
Avec le résultat que la population, qui ne demande qu'à
croire, d'ailleurs, qu'il n'y a pas de problème, la population qu'on
néglige d'informer correctement, de mettre dans le coup, la population
évidemment, dans une très large mesure, a continué
à vivre comme si de rien n'était, du moins pour ceux qui ne sont
pas tombés en chômage et pour ceux dont le salaire n'a pas connu
une chute dramatique en fonction de la hausse du coût de la vie et de la
perte concomitante du pouvoir d'achat.
C'est une bien mauvaise façon de gouverner, que de ne pas
informer les citoyens de ce qui se passe, surtout dans le domaine
économique car, tôt ou tard, il faut évidemment faire face
à la réalité. Tôt ou tard, les chiffres finissent
par vous rejoindre, les courbes statistiques finissent par avoir des effets
concrets sur la vie de tous les jours. Et alors là, évidemment,
il est beaucoup plus difficile de s'expliquer.
Ce qui nous a beaucoup étonnés dans l'atti-
tude du gouvernement je le répète au ministre des
Finances, puisque l'occasion m'en est donnée, je sais qu'il ne
m'écoutera guère, mais je crois que c'est quand même mon
devoir de lui dire mon étonnement c'est que le gouvernement a
fermé les yeux littéralement, ou plutôt, pour être
plus exact, a fermé les yeux de la population sur ces
réalités jusqu'à ce qu'elles deviennent
intolérables, proprement intolérables.
J'imagine que, dans le secret de son cabinet, le ministre savait, en
fait, très bien ce qui se passait. J'imagine que le ministre est
suffisamment compétent pour interpréter les principaux
indicateurs économiques. S'il ne l'est pas, je sais qu'il a, autour de
lui, des fonctionnaires qui sont capables de lui faire des dessins. Mais ces
dessins, le gouvernement ne les a pas transmis à la population. Dans ces
conditions, il est presque étonnant que le gouvernement se soit rendu
compte, pour la première fois en avril 1975, que la conjoncture, tout
à coup, était devenue mauvaise.
Et encore là faut-il souligner la timidité du langage
utilisé par le gouvernement, quand on entend, par exemple, le ministre
des Finances, je le lui ai déjà signalé, lors du
débat, parler d'un certain ralentissement de la demande le
vocabulaire est quelquefois important alors qu'il s'agit d'un
ralentissement certain, en réalité, de la demande. Il s'agit non
pas d'une tendance passagère, légère à la baisse,
mais d'une tendance persistante, dont on ne voit d'ailleurs pas la fin.
De l'avis de la plupart des experts, M. le Président, nous sommes
témoins d'un ralentissement de l'économie qui est à la
fois grave et persistant. Comment pouvons-nous estimer, que tout va bien, quand
les pronostics du gouvernement fédéral et ceux d'un organisme
aussi réputé que la Conference Board estiment que la croissance
économique va être nulle cette année, par rapport à
l'année dernière? Comment est-il possible de dire, parce que je
suis bien sûr qu'on ne le croit pas, comment est-il possible de dire que
la situation n'est pas grave, alors que les derniers résultats
trimestriels indiquent une chute du produit national brut au taux annuel de
5.2%, que le taux de chômage était de 10.8% le mois dernier, qu'il
est demeuré, malgré qu'en avril d'habitude, il y ait une nette
amélioration dans l'emploi, il est demeuré de 10.4% pour le
troisième mois, les semaines les plus récentes?
Cela représente, M. le Président, un sommet, depuis treize
ou quatorze ans, si je ne m'abuse. Comment peut-on décrire la situation
de façon optimiste ou en tout cas dire aux gens de ne pas trop
s'inquiéter, alors qu'on assiste à un ralentissement certain des
nouveaux emplois créés depuis le début de l'année
1975? Une moyenne de 54,000 contre 96,000 pour la même période de
1974.
Comment pouvons-nous espérer que les Québécois vont
faire l'effort nécessaire pour redresser cette conjoncture? Chacun sait,
qu'on ne peut lutter à armes égales, avec des
phénomènes comme ceux-là, que si toute la population
accepte la description que le gouvernement fait de la situation. On ne peut
lutter contre des phénomènes aussi importants que si tout le
monde comprend que la situation est grave et accepte donc d'avoir un
comportement économique idoine qui correspond au problème.
Je sais que le ministre me répondra peut-être que, quoi
qu'il dise, lui, la population pourrait continuer de vivre comme si de rien
n'était. Mais ce n'est pas exact, ce n'est pas entièrement exact.
C'est vrai que dans notre population, il y a beaucoup d'éléments
qui ne veulent rien savoir de la situation économique telle qu'elle
existe et qui continuent à vivre comme si de rien n'était. Mais,
je crois, que, si le gouvernement adoptait une attitude ouverte, une attitude
franche, il pourrait déjà préparer la population à
l'effort qui va être nécessaire, au cours des mois et des
années qui viennent, pour redresser le gouvernail, pour remettre la
galère dans le droit chemin.
Quand on prend connaissance des dernières statistiques globales
de l'économie américaine, M. le Président, il n'y a pas de
quoi à être vraiment optimiste. Ces statistiques nous
révèlent qu'au cours du premier trimestre I975, le PNB
américain a régressé au taux annuel tout à fait
exceptionnel de 10%. Il est difficile, dans les circonstances, d'imaginer que
le Québec ne subira pas lui aussi, au cours des prochains mois, et
peut-être même pour une période prolongée,
d'après ce qu'on peut lire, dans la presse économique, les
contrecoups de cette abrupte récession chez nos voisins du sud.
Encore là, on peut se demander, si l'économie a atteint le
creux de la vague. Les récentes prévisions
fédérales font état, au Canada, d'un sérieux
ralentissement des investissements manufacturiers prévus pour le
Québec, en I975. Ceux-ci n'augmenteront que de 7,3%. C'est un taux qui
est largement inférieur au taux canadien de 22,3% . Si maintenant on
veut se donner une vision réaliste de la situation, si on parle en
termes réels, c'est-à-dire compte tenu de l'inflation, les
investissements vont connaître non seulement un ralentissement en I975,
mais ils vont diminuer.
En I975, en termes réels, il y aura moins de construction
d'usines au Québec qu'il y en a eue l'année
précédente. C'est cela que ça veut dire en termes
concrets. Devant ces données, nous aurions été en droit
d'attendre, de la part du gouvernement, une politique budgétaire qui
soit vigoureusement expansionniste. Ce n'est pas ce que nous avons obtenu,
l'actuel budget prévoit un déficit de l'ordre de $300 millions.
Mais, si l'on compare ce déficit avec celui des années
précédentes, on s'aperçoit que cette année, le coup
de barre attendu n'a pas été donné.
En effet, l'an dernier, pour l'année 1974/75, le ministre avait
prévu, lors du discours du budget de mars I974, un déficit
budgétaire qui était déjà de l'ordre de $225
millions.
M. Garneau: L'an passé? M. Morin: En 1973/74. M.
Bacon: En 1973/74.
M. Morin: ... un déficit qui était
déjà de l'ordre de $225 millions. M le Président,
même l'année précédente, qui a été une
année exceptionnelle, pour l'Amérique du Nord et pour le
Québec, la plus grosse année de croissance depuis fort
longtemps.
Le budget avait prévu un déficit de l'ordre de $258
millions. D'ailleurs, on peut trouver ces chiffres à la page 77 du
discours du budget. Pour 1972/73, le déficit était de $323
millions; pour 1973/74, de $258 millions; pour l'année 1974/75, de $225
millions et, enfin, cette année, de $300 millions.
M. le Président, si maintenant on considère ce
déficit en termes réels et en fonction de l'impact sur
l'économie, on doit constater que cela correspond tout juste à
l'augmentation, à la dépréciation de l'argent et, encore,
quand on compare avec l'Ontario, par exemple, l'Ontario qui a
décidé cette année de faire un déficit de $1.6
milliard, $1.1 milliard, si on ne compte pas le parapublic, on se rend compte
que la politique financière du Québec, la politique
conjoncturelle du Québec se réduit à peu de chose.
L'impact sur l'économie de ce déficit va être à peu
près nul, on peut le prévoir d'avance.
M. le Président, le Québec n'a pas vraiment cette
année, en une période où il faudrait vraiment donner un
coup de barre, de politique anticonjoncturelle. Nous ne pensons pas, quoique en
dise le ministre, que le budget va constituer une aide sérieuse à
l'économie québécoise. Nous ne pensons pas que ce
déficit marginal va servir sérieusement à donner un
élan nouveau à l'économie québécoise. Nous
ne croyons pas non plus que seules des coupures d'impôt soient
suffisantes. Il aurait fallu prévoir, en plus des éléments
strictement fiscaux, des stimulants budgétaires beaucoup plus
généreux et, en particulier, dans des catégories de
dépenses susceptibles d'avoir des effets d'entraînement importants
pour l'économie québécoise.
Par exemple, dans la perspective d'un taux de chômage très
élevé, au niveau de l'ensemble du Québec,
particulièrement désastreux dans les régions
périphériques, comme j'ai pu le constater lors de mes diverses
tournées, il est impensable qu'on ait réduit substantiellement
les travaux d'amélioration de la forêt puisque les crédits
à ce poste diminuent de $8 millions, en 1974/75, à $7.3 millions,
pour l'année 1975/76.
De la même façon, M. le Président, on ne peut que
s'étonner que les crédits affectés à la
construction du réseau routier diminuent de $20 millions. En termes
réels, compte tenu de l'inflation ou, de façon plus
concrète, en termes de milles de routes, de kilomètres de routes
qui ne seront pas construits, en termes de nombre de ponts, en termes de nombre
d'emplois créés, la diminution va être de l'ordre de 20%
cette année, en pleine période de basse conjoncture.
De même, dans un autre domaine qui est un classique, qui permet
d'agir sur la conjoncture, celui de la construction domiciliaire, il est
inadmissible que le gouvernement ne se soit pas servi de ses dépenses
budgétaires pour relancer la construction. Les dernières
statistiques fédérales font état d'un ralentissement plus
qu'inquiétant des mises en chantier au Québec. Au cours du mois
de mars, le nombre des mises en chantier est tombé de 50% par rapport
à celui du mois de mars I974.
Ce sont des faits, tout cela. Je vous avoue que je profite de l'occasion
pour dire, une fois de plus, mon inquiétude non seulement devant la
situation économique, mais devant la façon dont le gouvernement
traite cette situation.
Il aurait fallu un important programme d'aide à la construction
domiciliaire, programme qui aurait dû au moins comporter cette prime de
$1.000 dont nous avions fait la suggestion au ministre, pour chacune des mises
en chantier d'habitations résidentielles.
En somme, M. le Président, si le gouvernement espère
relancer l'économie avec un budget aussi peu expansionniste, j'estime
qu'il y a très peu de chances qu'il atteigne son but. Peut-être
convient-il de dire quelques mots aussi sur un autre aspect du budget. Les
réductions ou les soi-disant réductions annoncées par le
ministre au cours de son discours d'il y a quelques semaines.
Le ministre des Finances s'est livré, dans son discours, à
de véritables manipulations des chiffres, pour gonfler le montant des
réductions d'impôt qu'il a annoncées. Par exemple,
lorsqu'à la page 18 de son discours du budget, il annonce de nouvelles
réductions d'impôt sur le revenu des particuliers, au montant de
$80 millions, le ministre ne fait, somme toute, qu'ajouter quelque $20 millions
à des réductions d'au moins $60 millions qui s'appliquaient
déjà en I974 au double titre de l'épargne-logement et des
revenus d'intérêt.
Je pense, M. le Président, qu'il ne faut pas craindre les mots.
Le budget, sur ce plan, je ne dis pas sur tous les plans, mais, sur ce plan,
était carrément hypocrite. Il triturait les chiffres pour
annoncer de fausses réductions, des réductions d'impôt qui
était déjà en vigueur, rétroactivement, pour
l'année précédente. J'ose à peine croire que des
manipulations de cette sorte aient pu venir des fonctionnaires. Je pense que
c'était une opération politique dont le ministre doit porter la
responsabilité.
Les réductions au titre de l'épargne-logement et de
l'exemption de $1,000 pour les revenus d'intérêt,
évaluées à $60 millions annuellement et qui sont
annoncées comme étant nouvelles, dans le discours du budget,
avaient en effet déjà fait l'objet d'une annonce en
décembre 1974 ainsi que d'un avis spécial du ministère du
Revenu envoyé à tous les contribuables et que vous avez
reçu, M. le Président, tout aussi bien que moi, avis dans lequel
il était spécifié que ces réductions étaient
applicables pour l'année d'imposition 1974.
Il est donc faux, M. le Président je l'ai
déjà dit publiquement, mais je tiens à le
répéter à l'occasion de l'étude des crédits
du ministère des Finances de dire, comme l'a fait le ministre,
à la page 18 de son discours, que ce montant de $80 millions s'ajoute
à l'allégement de $340 millions au titre du revenu, ce qui
constituait, au dire du mi-
nistre, un total de $420 millions ou plus de 15% de l'impôt qui
aurait été autrement payable en I975.
En réalité, s'il n'y avait eu aucun changement en I975 par
rapport à I974, ce ne sont pas $420 millions qui auraient
été autrement payables, pour utiliser le jargon du ministre, mais
bien $360 millions. Evidemment, cela faisait mieux dans l'opération
publicité qu'a constituée le dernier budget, dans les
communiqués de presse, de parler d'une réduction d'impôt de
$420 millions sur le revenu des particuliers.
M. Garneau: M. le Président...
M. Morin: J'achève, M. le Président. Si le ministre
veut bien me laisser terminer mes remarques...
M. Garneau: Non, ce n'est pas cela, c'est que j'invoque le
règlement. Le chef de l'Opposition vient de se référer aux
communiqués de presse. Je lui indiquerai que, s'il revérifie les
communiqués de presse, il constatera que, dans les communiqués,
nous l'avons indiqué. Toute son argumentation, selon laquelle nous avons
essayé de camoufler la réalité, c'est que, non seulement
ce n'était pas une opération publicitaire, parce que ce qui
pouvait constituer une opération publicitaire aurait été
les communiqués de presse, mais, dans les communiqués de presse,
il était clairement indiqué qu'il s'agissait de mesures qui
avaient été annoncées en décembre et dont l'impact
véritable, sur le plan de l'économie et sur le plan des revenus
de la province, se réalisait en 1975/76.
J'invite le chef de l'Opposition à relire les communiqués
de presse, puisqu'il vient de s'y référer. Tant qu'il a
parlé du discours du budget, je n'ai pas voulu l'arrêter, mais,
comme il se réfère aux communiqués de presse, je
l'inviterais à le faire, s'il veut une exactitude...
M. Morin: Je les ai lus, M. le Président, et j'avoue
qu'ils sont fort habilement faits.
M. Garneau: Nous les mentionnons. M. Bacon: Comme les
vôtres.
M. Morin: Mais, il faut convenir qu'ils étaient faits de
sorte que la presse, dans son ensemble, s'est laissé prendre à ce
piège.
M. Bacon: Ils étaient mieux faits que le vôtre, la
veille.
M. Morin: Le ministre ne peut pas en disconvenir.
M. Bacon: C'était mieux fait que le vôtre, la
veille.
M. Garneau: L'information était là. C'est ce que
nous avons voulu faire. Nous avons donné toute l'information.
M. Morin: Elle était très habilement
distillée, M. le Président.
M. Bacon: Beaucoup mieux que le vôtre, la veille.
M. Morin: Mais, si on veut bien me laisser terminer mes
remarques, j'achève, on aura tout le loisir de me répondre,
surtout que, sur ces $360 millions dont j'ai parlé, il y en a $200
millions qui proviennent, comme nous l'avons fait observer déjà,
de la non-indexation de l'impôt sur le revenu des particuliers et de la
hausse engendrée automatiquement par l'inflation.
Evidemment, l'habileté du ministre lui a permis de dire que les
allégements fiscaux dépassaient le demi-milliard. Cela lui a
même permis de dire que le gouvernement était plus
généreux que l'Opposition, étant donné...
M. Garneau: C'était vrai.
M. Morin: ...ce que nous avions proposé, la veille.
M. Garneau: Ce qui était vrai. C'était vrai.
M. Morin: Non, ce qui était inexact, parce que, en
réalité, c'étaient des réductions réelles de
l'ordre de $360 millions que vous proposiez.
M. Garneau: Non, mais le chef de l'Opposition laisse tomber une
partie des modifications...
M. Morin: Le ministre aura l'occasion de s'expliquer tout
à l'heure. Mais, je veux revenir, en terminant, sur le caractère
extrêmement hypocrite de la présentation. Bien sûr, le
ministre a le droit d'être habile. Je ne lui contesterai pas ce droit.
Cela peut être, dans bien des cas, une qualité, bien
sûr.
M. Bacon: Que vous n'avez pas!
M. Morin: Mais, M. le Président, j'estime que
l'habileté peut quelquefois confiner à l'hypocrisie,
l'habileté peut légitimement consister à faire valoir le
mieux possible ce que fait le gouvernement; très bien. Mais, lorsqu'on
en vient à fausser la présentation des choses, pour
améliorer strictement l'image, j'estime qu'une telle opération
publicitaire n'est pas justifiée. En réalité,
c'était un budget non pas de réductions réelles et
substantielles des impôts, mais un budget de non-augmentation,
d'élimination des augmentations automatiques, ce qui n'est pas la
même chose.
Voilà, en gros, ce que j'avais à dire sur le budget, dans
ses aspects conjoncturels ou dans ses aspects anticonjoncturels, de même
que dans la présentation qu'on en a fait à l'opinion publique. Il
conviendrait, maintenant, que j'en vienne, M. le Président, à des
questions d'ordre général sur le programme no 1.
Comme nous le faisons toujours, lors de l'étude des
crédits de divers ministères, j'ai des questions d'ordre
général à poser au ministre, à l'occasion du
programme 1 et nous passerons, ensuite, selon notre habitude, plus rapidement
à
l'adoption des divers programmes, si vous voulez bien en convenir, M. le
Président.
Le Président (M. Brisson): D'accord. Politique
budgétaire
M. Morin: Ma première question porte sur la politique
budgétaire. Nous aurions été en droit de nous attendre,
comme je l'ai dit, à l'instant, à un budget vigoureusement
expansionniste, c'est-à-dire à un accroissement substantiel des
dépenses affectées à des programmes susceptibles de
créer des emplois nouveaux.
Pourquoi le gouvernement ne l'a-t-il pas fait? Pourquoi le gouvernement
a-t-il restreint ses emprunts à des niveaux aussi bas? Pourquoi a-t-il
diminué les dépenses de voirie? Pourquoi a-t-il laissé
stagner les dépenses en matière d'habitation? Pourquoi avoir
diminué les montants affectés aux travaux sylvicoles? Pourquoi
avoir diminué également les montants destinés à la
voirie forestière? Pourquoi avoir prévu un déficit aussi
léger, à peine... qui n'est même pas plus
considérable, toutes proportions gardées, compte tenu de
l'inflation, que les déficits des autres années? Serait-ce par
hasard à cause des contraintes qui sont imposées au gouvernement
par le financement des travaux de la baie James?
C'est une possibilité qui m'est venue à l'esprit quand
j'ai pris connaissance du budget. Mais je voudrais que le ministre soit
beaucoup plus précis dans sa réponse qu'il ne l'a
été dans le discours du budget. Pourquoi un budget aussi peu
expansionniste à l'heure où les gouvernements de la plupart des
pays occidentaux, qui sont en économie de marché, ont
prévu des mesures vigoureusement expansionnistes pour l'année
I975?
M. Garneau: M. le Président, le chef de l'opposition,
avant de poser sa question, a parlé d'habileté et d'hypocrisie.
S'il a eu la certaine habileté, ce à quoi je m'inscris en faux,
je ne crois pas qu'on puisse m'attribuer le qualificatif d'habile dans le
mauvais sens du terme, dans le sens péjoratif du terme, en ayant
donné à l'Assemblée nationale et à l'opinion
publique québécoise la vérité telle qu'elle se
présentait... Si c'est dans ce sens qu'il m'attribue le qualificatif
d'habile, je serais prêt à l'accepter pour autant qu'il n'y ait
pas cette connotation péjorative au mot.
Il a parlé également d'hypocrisie. Je suis tenté de
lui retourner, de lui relancer la pierre en disant que si, entre nous deux, il
y a une hypocrisie qui se manifeste, c'est peut-être davantage chez le
chef de l'Opposition que chez le ministre des Finances ou chez le
gouvernement.
Dans ses remarques, au tout début, le chef de l'Opposition a
parlé des prévisions économiques, de la situation
économique québécoise et il s'est
référé au document qui s'appelle le document du Conference
Board. Il parle de la situation économique que nous avons vécue,
que nous avons connue au premier trimestre de cette année et de celle
qui a prévalu dans les derniers mois du der- nier trimestre de I974. Il
a omis de dire que ce même document indique clairement s'il se
réfère aux chiffres; j'imagine qu'il l'a lu qu'à
partir du deuxième trimestre de I975, ce même organisme, le
Conference Board, indique une reprise dans l'activité économique
et, d'une façon particulière, à partir du troisième
trimestre de I975, où les données de croissance réelle du
produit national brut deviennent positives et passent même jusqu'à
l.8% de croissance réelle, ce que le chef de l'Opposition n'a pas voulu
mentionner dans son exposé. La seule raison que j'y vois, c'est que,
peut-être, dans son rôle, ne retient-il que l'aspect négatif
et ne veut-il pas admettre les aspects positifs de la situation.
Lorsqu'on se réfère à l'ensemble de la conjoncture
économique québécoise au cours des dernières
années, et qu'on s'y réfère avec le pessimisme que le chef
de l'Opposition a utilisé dans ses propos, je pense que ce pessismisme
n'est indiqué que pour des raisons politiques, électorales, sans
faire aucune référence à la réalité des
faits.
Lorsqu'on regarde les indicateurs économiques de l'année
I974, de I973, surtout l'évolution de ces indicateurs au cours des
années passées, en particulier au cours des cinq dernières
années, on s'aperçoit que, d'une situation extrêmement
difficile au début des années I970, la situation s'est
corrigée et rapidement, que ce soit en termes de création
d'emplois, que ce soit en termes d'augmentation de la demande.
Le chef de l'Opposition, tout à l'heure, se
référait à une baisse dramatique de la demande. Je me
demande à quel endroit il prend ses chiffres. Lorsqu'on regarde les
indicateurs économiques, on voit, par exemple, qu'au cours de
l'année I974, les ventes au détail ont crû de 14.6%, que la
valeur des expéditions manufacturières a augmenté de 21%,
que le produit national brut a augmenté de 17%, que le revenu personnel
des Québécois a augmenté de plus de 17%.
Ces chiffres, dans la plupart des cas, indiquent des situations plus
favorables au Québec que dans l'ensemble canadien. Lorsqu'on regarde la
situation de l'emploi, on s'aperçoit que, en I974, le taux de
chômage, même s'il est à un niveau que certains peuvent
considérer trop élevé était le plus bas au
Québec depuis I970.
Il me semble que le chef de l'Opposition, s'il voulait parler
d'hypocrisie tout à l'heure et m'adresser ce qualificatif, aurait
dû prendre la précaution élémentaire de se couvrir
par les chiffres véritables de la situation, de telle sorte que ce ne
soit pas aussi facile pour moi de lui retourner la pierre que je le fais
présentement.
Lorsqu'on regarde les investissements totaux qui ont augmenté, au
Québec, de 17%, en moyenne, au cours des cinq dernières
années, alors qu'ils ont augmenté de 12% en Ontario et de 14%
pour l'ensemble canadien, il me semble que, si le chef de l'Opposition avait
voulu être un peu plus prudent, lorsqu'il m'adressait le qualificatif
d'hypocrite, il aurait peut-être dû se couvrir un peu et citer
également ces chiffres.
Lorsqu'on regarde l'évolution du secteur ma-
nufacturier et je fais abstraction de l'année
dernière qui a été, d'une façon
particulière, extrêmement importante pour le Québec
une croissance des investissements, de 46%, en I973, par rapport à I972,
de 36%; en I972, par rapport à 1971, de 26%, on y voit non seulement un
taux de croissance extrêmement élevé, mais également
une progression constante de ces investissements manufacturiers.
Si on regarde du côté des immobilisations, les mêmes
tendances se vérifient et les mêmes tendances, également,
du côté manufacturier, lorsqu'on fait abstraction du remplacement
des équipements, de l'usure des équipements, il faut faire la
différence entre ces investissements manufacturiers bruts et ceux qui ne
tiennent pas compte du renouvellement du stock.
On s'aperçoit encore là que la croissance, au
Québec, a été encore plus marquée, soit 16%, par
rapport à 6% en Ontario'. Il me semble que le chef de l'Opposition
aurait dû indiquer ces données, faire part de ces données,
s'il veut donner une image réelle de la situation économique au
Québec.
M. Morin: Ce sont les chiffres de 1974, que vous venez de
donner.
M. Garneau: Je viens de donner la moyenne des cinq
dernières années, dans l'évolution véritable des
investissements du secteur manufacturier, c'est la moyenne...
M. Morin: Nous étudions les crédits de 1975 depuis
tout à l'heure.
M. Garneau: M. le Président, pour faire une projection, je
crois que le chef de l'Opposition a parlé de révolution de
l'économie, en disant que, depuis plusieurs mois, nous étions
dans une situation il n'a peut-être pas employé le terme du
chef du Ralliement créditiste il n'a peut-être pas
employé le terme de "marasme", mais, quand même, il a fait une
analyse extrêmement pessimiste de révolution de la situation.
Je pense que, pour être objectif, pour donner une situation telle
qu'elle a été vécue au cours des années 1972, 1973
et 1974, sur lesquelles nous nous appuyons pour établir notre politique
budgétaire et fiscale, le chef de l'Opposition, s'il avait voulu
éviter toute hypocrisie, aurait pu donner également ces
statistiques qui sont extrêmement encourageantes et qui dénotent
que l'action du gouvernement, au cours des dernières années,
s'est traduite par un accroissement du niveau de vie québécois,
du pouvoir d'achat réel des Québécois, des travailleurs,
et il me semble que cela aurait été de donner le ton à une
discussion qu'il voulait sereine et objective.
M. le Président, le chef de l'Opposition s'est
référé également aux modifications fiscales. Je
comprends qu'il est placé dans une bien mauvaise situation, puisque le
gouvernement, pour une fois dans l'histoire politique du Québec, dans
des propositions... Evidemment, quand on est dans l'Opposition, c'est toujours
facile de faire des remar- ques et de proposer des mesures qui coûtent
beaucoup d'argent, puisqu'on n'a pas à les financer.
Le chef de l'Opposition, dans une tentative d'exposé
budgétaire à la veille du dépôt du budget du
gouvernement, proposait une baisse d'impôt de $500 millions et que nous
arrivons avec une baisse véritable de la charge fiscale en 1975/76 de
$540 millions, je comprends qu'il est placé dans une mauvaise situation
et qu'il essaie de ramasser, de rapailler quelques éléments ici
et là qui vont donner une certaine allure de respectabilité aux
gestes qu'il pose à l'Assemblée nationale et au discours qu'il
fait. Mais lorsqu'il mentionne que nous n'avons pas donné toute la
vérité en ce qui regarde l'évolution de l'économie
je reviendrai tout à l'heure et qu'on reprend le texte du
discours et en particulier l'analyse de la conjoncture économique
internationale, canadienne et québécoise, il s'apercevra que nous
avons indiqué que le dernier trimestre de 1974 manifestait des signes de
ralentissement, que nous avons dit que, pour l'année 1975, on pouvait
s'attendre également à une période un peu plus difficile
que celle que nous avions connue en 1974 et en 1973. C'est d'ailleurs à
partir de cette analyse que nous avons présenté notre politique
budgétaire et fiscale.
M. le Président, cette politique budgétaire et fiscale, je
l'ai indiqué dans mon discours sur le budget, dans les premières
pages de ce discours, devait répondre à deux situations qui nous
apparaissaient contradictoires. Il s'agit, d'un côté, d'une baisse
dans l'activité économique due en grande partie à la
baisse de nos exportations à cause de la situation économique
internationale, le chef de l'Opposition l'a mentionné tout à
l'heure. L'autre aspect de la conjoncture était cette inflation qui
demeurait persistante. Nous pouvions agir de différentes façons,
mais il était important, je pense, que l'ensemble du budget du
Québec ne soit pas de nature à provoquer ou à alimenter
une inflation. Il nous fallait en même temps agir du côté
économique. Nous aurions pu le faire par certains programmes
gouvernementaux et le référer à l'augmentation de la
construction des routes, des investissements à la construction
routière, de ponts et d'immeubles. Mais nous constations et le
ministre des Transports, M. Mailloux, je crois, en a fait état, sinon
lors de l'étude de ses crédits, je ne sais pas, je n'ai pas
assisté à ses crédits, mais dans des discours qu'il afaits
antérieurement j'ai pu le constater lorsque j'ai adressé la
parole et que j'ai discuté avec l'Association des constructeurs de
routes du Québec, que le volume de travaux actuellement en cours dans ce
secteur d'activité était tel que des augmentations de budget
auraient signifié beaucoup plus des augmentations de coût que la
possibilité d'avoir une augmentation véritable de
l'activité économique, compte tenu du niveau extrêmement
élevé qui existe présentement dans le secteur. Si nous
avions voulu forcer la machine davantage, nous aurions sans doute
été obligés, dans le champ des soumissions publiques, de
faire appel à des entreprises à l'extérieur du
Qué-
bec ou à l'extérieur du Canada, parce qu'un nombre
important d'entrepreneurs étaient dans l'impossibilité de
soumissionner et de répondre aux échéances qu'il est
normal d'avoir dans la réalisation des contrats que l'on donne.
C'est pourquoi nous avons voulu plutôt agir du côté
des extra-budgétaires et des sociétés d'Etat. C'est dans
ce secteur que l'augmentation des investissements a été
véritablement marquée avec un taux de croissance de près
de 40%. Il s'agissait dans la plupart des cas de projets qui étaient non
seulement sur les tables de dessin des ingénieurs, mais qui
étaient rendus à un stade beaucoup plus avancé où
les travaux véritables pouvaient s'exécuter. Je reviens au fait
aussi que lorsque nous devons, indirectement ou directement, financer des
travaux ou garantir des emprunts dans ces corporations d'Etat, notre programme
d'emprunt est affecté dans l'ensemble et que nous ne pouvons pas en
même temps élargir le champ d'action de ces sociétés
d'Etat telles que la baie James, SOQUIP ou SOQUEM ou d'autres
sociétés du genre, augmenter leur programme d'emprunt et en
même temps augmenter celui du gouvernement.
C'est pourquoi notre action a été double: d'abord
accroître et permettre à ces sociétés d'Etat d'avoir
des niveaux d'investissements très élevés qu'elles
financent en grande partie sur les marchés d'emprunt et, du
côté gouvernemental, tenter de restreindre notre taux de
croissance des dépenses ordinaires et nos dépenses
d'immobilisation dans certains secteurs d'activités, en particulier dans
le domaine de la voirie, pour laisser le champ à cette action
économique importante des sociétés d'Etat. Pour ce qui est
du côté gouvernemental, comme nous notions une possibilité
de baisse de la demande en 1975 et aussi pour tenir compte de l'inflation et
enlever certaines pressions dans les négociations collectives du secteur
du travail, nous avons décidé de réduire les impôts
sur le revenu des particuliers, d'une façon extrêmement
importante.
J'ai employé le terme "massif" et je pense que c'est exactement
décrire la situation qui est véritable et qui traduit la
réalité telle que je l'ai fait dans mon discours sur le
budget.
M. le Président, cela a été, je pense, un geste
important du gouvernement qui collait à la réalité
économique, à la conjoncture économique. Si ce discours
sur le budget a été bien accepté par l'ensemble des agents
de l'économie d'une façon générale, à
l'exception de l'Opposition, dont, je comprends, que le rôle est de
critiquer et non pas de féliciter, d'une façon
générale, ce discours sur le budget a été
qualifié d'extrêmement positif. Si la critique ne vient que de
l'Opposition officielle, vous pouvez être assurés que,
reconnaissant que c'est là son rôle, cela ne m'empêchera pas
de dormir.
M. Morin: M. le Président, la critique de l'Opposition
n'empêchera peut-être pas le ministre de dormir. Ce genre
d'observations de sa part ne m'étonne pas outre mesure. La situation
écono- mique va peut-être l'empêcher de dormir d'ici quelque
temps.
M. Garneau: M. le Président...
M. Morin: C'est à moi de parler maintenant, si vous le
permettez. Le ministre choisit à peu de frais les indicateurs qui font
son affaire et les années qui font son affaire.
M. Garneau: Je prends la moyenne de cinq ans.
M. Morin: Je vous parle de l'année I975...
M. Garneau: C'est là-dessus qu'on s'appuie pour
prévoir I975.
M. Morin: L'indicateur le plus sensible et le plus à jour,
c'est quand même celui du chômage. Or, le mois dernier, nous avions
le pire taux de chômage depuis l'année I963 et, en ce moment, nous
avons le pire depuis l'année I96I. C'est quand même un fait dont
il faut tenir compte. Prenons un autre indicateur, le ministre n'a pas fait
tellement de commentaires là-dessus, les investissements manufacturiers
tels que prévus pour l'année I975 par le BFS, 7% au
Québec, ce qui en réalité n'est pas une augmentation,
c'est une baisse par rapport au taux réel, par rapport, j'entends, en
termes réels.
M. Bacon: Ce ne sont pas des illusions...
M. Morin: 22% au Canada et 46% en Ontario. Cela aussi est
éloquent comme indicateurs. J'ai l'impression que cela peut être
un dialogue de sourds, alors je vais prendre le problème autrement. On
n'est pas pour se lancer des statistiques à la figure toute la
matinée, cela ne mènera nulle part, je le sais bien, parce
qu'à chaque fois que nous avons tenté de discuter rationnellement
de ces questions, on s'est fait opposer d'autres séries de statistiques
que le ministre, évidemment, considère comme étant plus
favorables et justifiant ses positions.
Je vais le prendre autrement...
M. Garneau: Avant de passer à cet autre aspect de la
question...
M. Morin: J'aimerais mieux vous poser la question, et en me
répondant, vous pourrez ramener...
M. Garneau: D'accord, parce que les chiffres que vous avez
donnés sur le chômage, évidemment, méritent des
remarques. Je ne l'ai pas mentionné tout à l'heure, j'aurais pu
le faire, mais en tout cas, je reviendrai tout à l'heure pour indiquer
ce qu'est la réalité de l'évolution. On ne peut pas
prendre seulement une année lorsqu'on regarde une évolution,
d'autant plus lorsque cette année est à venir. Je lui
répondrai tout à l'heure.
Chômage M. Morin: Ma question va porter justement sur
la question du chômage. Je pense que cela va peut-être nous
permettre d'être plus précis. Cela va donner l'occasion au
ministre, une fois de plus, de nous rassurer à peu de frais. Quand,
d'après le ministre, le taux de chômage va redescendre au moins de
deux ou trois points, de façon significative? Quand prévoit-il
cela? Il a certainement dû en tenir compte lorsqu'il a établi son
budget.
M. Garneau: M. le Président, j'ai indiqué tout
à l'heure, et je pense que je l'ai, non seulement mentionné
verbalement ou en réponse à des questions, mais je l'ai
même inscrit dans le texte du discours, lorsque nous avons fait l'analyse
de la situation économique et, lorsque nous avons expliqué les
raisons pour lesquelles nous prenions les dispositions que nous avions prises
dans le secteur de la taxation des entreprises, en ce qui regarde la taxe de
vente sur la machinerie industrielle, la dépréciation
accélérée et également la mise sur pied des SODEQ
qu'une des raisons pour lesquelles nous procédions à ces mesures,
au prolongement de ces mesures ou encore à l'ajout de certaines autres
mesures concernant le secteur manufacturier, c'était justement pour
répondre à une tendance qui avait commencé à se
manifester en fin d'année I974 et au début d'année I975.
On ne peut certainement pas me faire le reproche de ne pas l'avoir
mentionné, puisqu'il est inscrit dans le texte même du discours
sur le budget et explique les raisons pour lesquelles nous avons posé
les gestes que nous avons posés.
Pour revenir aux questions de chômage, si on regarde
l'évolution au cours des dernières années, encore
là, notre situation s'est améliorée. Lorsqu'on fait le
rapport, lorsqu'on analyse quelle était la situation comparative du
Québec et de l'Ontario sur une période assez longue pour voir les
tendances, parce qu'on pourrait avoir une très bonne année pour
des raisons exceptionnelles, et que l'année suivante soit l'inverse, je
pense qu'on ne peut être plus objectif.
Si on compare l'évolution du chômage au cours des neuf ou
dix dernières années et qu'on fait le ratio entre ce
qu'était la proportion du chômage au Québec et en Ontario,
on s'aperçoit que la proportion s'est améliorée à
l'avantage du Québec. Lorsqu'il y avait un chômeur en Ontario en
1961 je prends une très longue période pour montrer bien
la tendance de la situation économique du Québec il y en
avait 1.23 au Québec. En 1975, après une évolution qui, je
pense, indique une tendance de l'évolution de l'économie
et c'est cela qui est important, on ne peut pas tirer seulement un chiffre
comme cela qui fait notre affaire mais si on prend la tendance en 1975,
lorsqu'il y en avait un en Ontario, il y en avait 1.06 au Québec. C'est
une amélioration de la situation de l'emploi qui est extrêmement
à l'avantage du Québec, surtout au cours des deux
dernières années, alors qu'il y a eu en 1973/74 en moyenne
200,000 nouveaux emplois de créés au Québec. Ce sont
là des statistiques, je pense, qui ne s'étaient jamais
vérifiées dans le passé.
Si on regarde maintenant vers l'avenir, et le chef de l'Opposition me
pose une question à savoir à quel moment on pourrait estimer une
stabilisation et une baisse dans le taux de chômage au Québec, je
pense qu'il faut recoller ou coller cette question à l'expectative qu'on
a de l'économie et de son évolution au cours des prochains
trimestres. Si les prévisions économiques faites par certaines
agences, comme le Conference Board, se réalisent, nous pouvons dire
qu'à partir du troisième trimestre de 1975 et du premier
trimestre de 1976 il devrait se manifester, non seulement dans
l'économie canadienne et québécoise, mais aussi dans
l'économie nord-américaine un redressement qui aurait une
influence importante sur la situation de l'emploi au Québec.
J'aimerais ajouter qu'en ce qui regarde l'emploi il est bien possible
que notre situation soit moins pénible que celle d'autres régions
peut-être de l'Ontario, en particulier. Je ne dis pas des provinces de
l'Ouest ou d'une province comme l'AI-berta, qui se trouve dans une situation
bien privilégiée à cause de la question de
l'énergie. Mais avec l'Ontario notre situation relative est moins
difficile, à cause des gestes que nous avons posés et
également de certains grands travaux qui, advenant un climat plus stable
dans les chantiers de construction, se manifestera encore davantage, que ce
soit la construction des jeux olympiques, la poursuite des travaux de la baie
James, la construction du métro à Montréal, ainsi que
l'ensemble du budget de construction de routes que nous avons dans tout le
Québec. Ce sont des éléments de nature à soutenir
davantage peut-être l'emploi ici au Québec, que nous pourrons voir
dans d'autres régions du pays.
Si on prend la région métropolitaine de Québec,
nous devons, pour des raisons d'administration gouvernementale, entreprendre
des travaux qui se chiffreront par presque $100 millions au cours de l'automne
par la construction de trois centres administratifs importants dont le ministre
des Travaux publics a parlé et qui s'ajouteront, je pense, à
l'ensemble de l'activité économique déjà
générée par les projets que j'ai mentionnés tout
à l'heure. Ces dernières constructions de grande envergure auront
un impact particulier dans la région métropolitaine de
Québec. Nous avons choisi de procéder maintenant, d'abord pour
répondre à un besoin, mais nous aurions pu, en resserrant un peu,
le reporter à l'année 1976/77. Nous avons voulu
accélérer pour répondre davantage à la situation
économique et lancer ces travaux.
Ce qui nous embête le plus maintenant, c'est la situation dans la
question de la construction. Inutile de dire que nous ne ferons pas
exprès pour créer une surchauffe qui serait de nature à
briser ou à rendre encore plus difficile le règlement des
relations de travail dans ce secteur, que ce soit ici même à
Québec pour ces trois grandes constructions, que ce soit
également pour les investissements de SIDBEQ, sur lesquelles nous
reviendrons peut-être plus tard. Mais il s'agit là, je pense
d'éléments additionnels à ce que j'ai déjà
annoncé dans le discours du budget et qui indiquent que les
prévisions du Conference Board et celles que
la division de recherche économique et fiscale a pu faire
prévisions vérifiées évidemment avec des
données que d'autres provinces ont faites, puisqu'il y a des
consultations constantes avec les autres provinces et le gouvernement
fédéral démontrent que la reprise économique
qui se manifestera à partir du troisième trimestre et du
deuxième, mais surtout du troisième, devrait apporter une
correction au taux de chômage, ce qui était l'objet de la question
du chef de l'Opposition.
M. Morin: Est-ce que je pourrais maintenant, tout en soulignant
que les exercices du ministre des Finances sont fort intéressants, dire,
qu'ils laissent quand même intact le fait que, pour avril I975, en ce
moment, le taux de chômage en Ontario n'est que de 6.6%, alors qu'au
Québec, il atteint IO.4%?
On aura beau jongler avec les pourcentages, cela reste une
réalité extrêmement dure pour le Québec, un
écart de cette sorte, surtout que c'est supérieur à la
moyenne canadienne qui est de 8.1%.
M. Garneau: Est-ce que le chef de l'Opposition pourrait
également ajouter l'évolution de ces taux de chômage, pour
voir de quelle façon le Québec est affecté par cette
situation économique, comparativement à l'Ontario?
Il va s'apercevoir qu'en Ontario l'augmentation du chômage, en
proportion, a été beaucoup plus grande que celle du
Québec. Je pense que c'est un élément qu'il faut
mentionner également.
M. Morin: Si j'ai bien compris...
M. Garneau: Si le chef de l'Opposition dit qu'il ne veut pas
qu'on se lance des statistiques, je suis bien prêt à entrer dans
cette forme de conversation. Mais il ne faudrait quand même pas qu'il
utilise cet instrument en pigeant ici et là, les statistiques qui font
son affaire et laisse tomber les autres qui donnent, à mon sens, une
image plus réelle de la situation.
Dans l'évolution et c'est une responsabilité
importante pour le ministre des Finances je pense que les
décisions d'investir dans une économie de marché, dans un
monde libre, sont largement influencées par la conjoncture
économique et aussi par les appréhensions que les gens ont.
Je ne crois pas que ce soit le rôle du ministre des Finances
d'exagérer la situation et de faire en sorte qu'on sème la peur
et la crainte partout. Il faut être objectif, il faut être
réaliste, indiquer les choses telles qu'elles sont sans faire
exprès pour faire en sorte que les hommes d'affaires, les industriels,
même les individus, dans leurs activités économiques, se
disent: Cela va mal à ce point que ce n'est pas le temps de prendre des
décisions d'investir, de prendre des décisions d'acheter, et
finalement être la cause d'une détérioration de
l'économie.
Il faut être objectif, il faut être réaliste et c'est
ce que j'ai essayé de faire dans le discours du budget, en donnant
toutes les explications. Cha- cun peut en tirer les conclusions qu'il veut,
mais je pense que c'est une responsabilité que je dois exercer. Je pense
que nous avons voulu l'exercer avec le meilleur jugement possible, en
étant le plus objectif possible.
M. Morin: Si j'ai bien compris le ministre, il prévoit
donc une reprise de la croissance au plus tard pour le dernier trimestre de
1975, ou le début de 1976.
Est-ce que c'était son avis qu'il nous donnait ou celui du
"Conference Board"?
M. Garneau: C'est cet avis que me transmettent mes officiers et
ils le tirent non seulement des chiffres du Conference Board... Evidemment, je
pense bien que les documents que le Conference Board publie, le chef de
l'Opposition s'y est référé, il doit les avoir. On peut
les comparer avec ce que le groupe de recherche économique et fiscale du
Québec a lui-même fait. On peut les comparer avec ce que le
ministère fédéral des Finances, dans sa division de
recherches économiques, a fait, on peut les comparer également
avec certaines données, puisqu'on a maintenant des rencontres assez
systématiques avec la plupart des groupes de recherche
économique, de grandes banques, de grands courtiers en valeur
mobilière qui se spécialisent dans cette analyse de
l'évolution de l'économie.
C'est un consensus de ces diverses analyses qui est fait, à
partir duquel les économistes du ministère tirent leurs
conclusions.
Déficit
M. Morin: M. le Président, si vous voulez, on peut
peut-être revenir un instant sur la question du déficit,
même si le ministre n'a pas décrit la situation telle qu'elle est,
à notre avis, pour des raisons peut-être d'ordre psychologique,
peut-être pour ne pas effrayer les gens, ce qui, à mon avis,
demeure une psychologie à assez courte vue. Je me demande si, même
à la lumière de sa propre évaluation de la situation qu'il
nous a donnée dans le discours du budget, cela n'appelait pas des
mesures expansionnistes plus vigoureuses et, notamment, un déficit qui
soit, en l'occurrence, plus élevé que celui qu'il flous a
proposé.
Quand on compare le déficit de cette année avec celui des
années précédentes, il faut conclure que ce n'est pas
tellement différent.
L'ordre de grandeur est le même, surtout si on tient compte de
l'inflation. En fin de compte, est-ce que le ministre pense que ce
déficit va avoir une signification pour la reprise de
l'économie?
M. Garneau: M. le Président, je dirai d'abord que nous
n'avons et ce sont les premiers aspects des remarques du chef de
l'Opposition dans cette nouvelle question voulu cacher aucune
donnée économique à l'ensemble de l'opinion publique,
comme il a semblé le dire.
Nous ne voulons pas jouer sur la psychologie des gens du milieu des
affaires et du milieu des agents économiques en leur donnant des
faussetés.
Au contraire, je pense que nous avons été
extrêmement réalistes. Quand on regarde l'ensemble du discours,
les annexes économiques et les remarques qui y sont inscrites, on peut
constater que nous avons été réalistes, mais ce
n'était certainement pas le rôle du gouvernement d'aller exposer
un pessimisme qui n'existait véritablement pas.
Là-dessus, je pense bien que nous avons voulu traduire la
situation telle qu'elle se présentait.
Pour ce qui est du déficit, le chef de l'Opposition s'attache
beaucoup à cet élément...
M. Morin: C'en est un parmi d'autres.
M. Garneau: C'en est un parmi d'autres, mais il laisse de
côté complètement d'autres remarques, d'autres aspects du
discours qui sont une réponse à sa question. Je l'ai fait dans le
discours du budget même, et je l'ai fait en réponse à des
questions des gens de la presse et dans des émissions de ligne ouverte
ou de télévision où j'avais été
invité. Le déficit n'est pas en lui-même le seul instrument
du gouvernement; il a tout l'aspect parapublic de l'activité
économique que le gouvernement peut utiliser par les emprunts que nous
garantissons, par des investissements que nous autorisons.
C'est cet ensemble des investissements gouvernementaux et
paragouvernementaux que l'on doit analyser, puisque le déficit ne
comporte uniquement qu'une partie de l'activité économique,
l'autre étant le secteur parapublic.
Je répondrai au chef de l'Opposition que c'est surtout du
côté parapublic que nous avons voulu agir, parce que, d'abord,
cela répondait à des besoins véritables du Québec;
ainsi dans le développement de la baie James, il ne s'agit pas d'une
question de fantaisie pour le Québec, c'est d'une grande
nécessité.
Les plans étaient prêts, les contrats pouvaient être
donnés à très court terme, de telle sorte que l'impact sur
l'économie, sur la création d'emplois, sur les effets secondaires
de ces investissements puisse se faire sentir à très court
terme.
Si nous avions, dans le discours du budget, annoncé un
déficit pour entreprendre des travaux au cours de l'année 1975/76
et on sait que d'augmenter le programme de la voirie de $200 millions
implique un délai dans la réalisation des travaux, de cinq, six
mois pour compléter les plans, aller en soumissions publiques,
procéder dans certains cas à des expropriations il est
plus probable que lorsque nous aurions connu l'impact de ces travaux, nous
aurions été dans la pleine reprise de l'activité
économique, probablement à partir du milieu de I976, disons
à partir du mois de juin I976, jusqu'à la fin de I976.
Nous aurions pu avoir l'impact des décisions prises au mois
d'avril 1975; nous aurions pu l'avoir probablement huit, dix, douze mois plus
tard, de telle sorte que nous aurions probablement été dans ce
que plusieurs économistes prévoient déjà, comme une
reprise qui pourrait susciter un nou- veau départ dans l'inflation,
alors que nous avons voulu agir dans les secteurs qui étaient
prêts immédiatement à créer l'activité
économique.
Grands projets
M. Morin: Voulez-vous dire que le gouvernement n'a pas de banque
de projets, n'a pas de projets dans ses tiroirs, dans le domaine de la voirie,
par exemple?
M. Garneau: Dans le domaine de la voirie, si on prend des projets
de grande envergure, parce que c'est de cela que le chef de l'Opposition parle,
le gouvernement, au cours des années passées, au cours de
l'année 1972/73, a utilisé à fond cet instrument de
développement pour assurer la reprise économique.
Nous l'avons dit dans nos budgets antérieurs. Je pense que
l'impact que nous recherchions a été véritable. La reprise
économique a été manifestée, il y a eu une
création de 125,000 nouveaux emplois en 1973, il y en a eu 75,000 en
1974, de telle sorte que l'impact que nous recherchions était
là.
Les grands travaux de voirie sont en cours de réalisation et je
ne vois pas la nécessité de recommander au gouvernement
d'entreprendre la construction d'autoroutes dans des régions du
Québec où on n'en a pas besoin, d'autant plus que les
recommandations qui nous avaient été faites par l'Office de
planification et de développement du Québec étaient de
baisser certains de ces investissements pour les remplacer par d'autres.
C'est pourquoi nous avons augmenté le budget de la voirie
régionale plutôt que d'augmenter celui de la grande voirie
à laquelle se réfère le chef de l'Opposition.
M. Morin: Vous avez convaincu vos collègues, M. le
ministre.
M. Bacon: II semble que, lorsque le chef de l'Opposition parle
d'une banque de projets, le député de Bellechasse aurait beaucoup
de projets dans les tiroirs.
M. Giasson: Routes secondaires et tertiaires.
M. Mercier: Voilà. Je suis très heureux d'entendre
le ministre des Finances parler de la voirie tertiaire.
M. Garneau: C'est dans ce secteur que l'augmentation a
été véritable alors que, d u côté des grands
projets de voirie, cela a été maintenu au rythme de
croisière des années antérieures. Evidemment, quand on
regarde les demandes, c'est évident que nous aurions pu augmenter, dans
les projets de voirie régionale, certainement d'une centaine de millions
de dollars et cela aurait satisfait plusieurs de mes collègues qui
s'occupent avec beaucoup de dévouement de leur comté et qui
auraient aimé pouvoir répondre d'une façon beaucoup plus
grande à des demandes qui leur sont adressées par les
municipalités, par leurs
électeurs. Mais il fallait faire des choix et ces choix, nous les
avons faits de la façon exposée dans le discours du budget, en
mettant plutôt l'accent sur la demande intérieure, en baissant les
impôts d'une façon massive pour permettre aux individus de
maintenir et d'accroître leur pouvoir d'achat et ainsi soutenir, d'une
façon plus directe, l'ensemble de l'activité
économique.
Evidement, cela ne répond pas nécessairement aux besoins
d'asphalte qu'il y a dans chacun des comtés de la province, mais c'est
un choix qui devait être fait et qui n'est pas facile à faire, je
vous prie de me croire.
M. Morin: Je ne veux pas anticiper sur le programme 3, mais,
puisqu'on en parle dans le contexte de la politique conjoncturelle, il faut
quand même dire que non seulement il n'y a pas d'augmentation pour la
construction d'autoroutes, mais il y a une baisse pour la construction des
routes principales, une baisse substantielle d'une vingtaine de millions de
dollars. Pour la construction des routes régionales, des autres routes,
les routes locales, comme on les appelle dans la langue anglaise, ça
passe de $40 millions à $44 millions pour les routes régionales
et de $78 millions à $82 ou $83 millions pour les routes locales. Dans
l'ensemble, c'est une baisse.
M. Garneau: Dans l'ensemble des activités de la voirie
régionale qui ne comprend pas uniquement les routes tertiaires, mais qui
comprend les routes régionales, il y a eu une augmentation
extrêmement importante qui se répartit sur différents
programmes de construction, d'entretien ou d'amélioration. Je pense que
le ministre des Transports en a fait état, sinon lors de la
défense de ses crédits, du moins dans des discours qu'il a faits
à l'extérieur de la Chambre dont j'ai reçu copie et qui
traduisaient la réalité, tel que le budget a été
imprimé.
M. Morin: Le ministre nous parlait du secteur parapublic et il a
mentionné un peu plus tôt les SODEQ. Mais je tiens à lui
faire observer que cela ne me convainc pas beaucoup dans le contexte d'une
discussion sur la conjoncture, parce que l'effet du parapublic, je pense
à certains investissements de SIDBEC, par exemple, ne peut pas se faire
sentir à court terme; c'est à moyen terme et à long terme.
De même pour les SODEQ, il ne faut pas compter là-dessus sur le
plan de la politique conjoncturelle avant qu'une année ne se soit
écoulée et peut-être davantage.
M. Garneau: Pour ce qui est des SODEQ, je suis d'accord et cela
s'inscrit certainement dans une politique, tout au moins, à moyen terme,
dans les améliorations à notre structure industrielle. Pour ce
qui est des autres investissements para-publics, si je prends la baie James,
cela a un impact immédiat, puisqu'il y a à peu près 4,000
personnes qui travaillent actuellement sur les chantiers de la baie James et
Dieu soit loué que le climat des relations de travail semble assez
stable pour permettre l'exécution des travaux. Surtout, en même
temps, que cela répond à un besoin économique du
Québec. Cela permet à plusieurs centaines et plusieurs milliers
de Québécois, de gagner des revenus passablement
élevés. Je pense que c'est en fin de semaine dernière que
des journalistes sont allés à la baie James pour interroger les
ouvriers sur un certain nombre d'aspects de leurs travaux et les manoeuvres
indiquaient qu'ils retiraient un chèque qui variait entre $1,300 et
$1,500 par quinze jours. Je trouve que ce sont là des revenus
extrêmement importants pour des Québécois qui, sans ces
projets, auraient été en chômage ou dans des situations de
revenu beaucoup plus faibles.
Pour ce qui est de SIDBEC, si nous allons de l'avant dans la
construction, l'impact économique pourra se faire sentir
immédiatement sur l'aspect de la construction et des industries
connexes. Mais pour l'ensemble de l'activité économique et
surtout de la structure industrielle du Québec, je suis d'accord avec le
chef de l'Opposition pour dire que c'est évident qu'il s'agit là
d'une mesure qui aura des effets à plus long terme que dans
l'immédiat. Mais, dans l'immédiat, ce sera surtout l'aspect de la
construction qui aura une importance.
Encore là, je suis sur que le conseil d'administration de SIDBEC
est dans une position un peu délicate; se lancer dans des projets qui
totaliseront $300 millions ou $400 millions, dans les conditions de relations
de travail que nous connaissons présentement, SIDBEC hésite
à se lancer immédiatement là-dedans, tant que la situation
ne sera pas redevenue plus normale.
Nous ne voulons pas avoir les mêmes situations qu'il y a eues
à Mont-Wright parce que c'est toute la rentabilité du projet qui
serait mise en cause et qui ferait porter à une société
d'Etat des positions qui seraient reflétées dans son bilan et qui
pourraient être trop facilement exploitées par ceux qui s'opposent
à l'intervention de l'Etat dans le domaine manufacturier ou de la
transformation. Nous ne voulons pas permettre que, pour des effets secondaires,
le bien-fondé de l'intervention de l'Etat, dans des secteurs
économiques de cette nature, soit remis en cause sur le plan des
principes mêmes, alors que ce ne serait pas du tout le fait d'être
une société d'Etat qui serait la cause d'un déficit plus
grand mais bien des conditions complètement extérieures au fait
qu'il s'agit d'une société d'Etat.
M. Morin: M. le Président, étant donné le
temps que cela peut prendre, je ne sais pas si c'est la peine d'aborder
immédiatement un autre aspect du programme I qui est la question de
l'indexation et des effets de la non-indexation. Je sais que votre projet
était d'ajourner sine die à midi moins cinq, il est presque midi
moins dix. Voulez-vous que nous abordions tout de suite cette question ou
est-ce qu'on peut la remettre à la prochaine séance?
M. Garneau: Ce serait peut-être vrai, je pense
que nous avons du côté gouvernemental un caucus de
députés qui n'a pas eu lieu hier, il a lieu aujourd'hui dans
cette salle, à midi. Je n'ai pas d'objection à ce qu'on suspende
sine die maintenant et qu'on aborde la question de l'indexation. C'est une
matière un peu complexe et sur laquelle, je pense, il y a lieu d'exposer
clairement la politique du gouvernement et le bien-fondé du choix
que...
M. Morin: C'est ce que je pensais, justement.
M. Garneau: ... nous avons fait à l'endroit d'une
indexation automatique. Comme le propose le chef de l'Opposition, je pense que
cela prendrait plus de cinq minutes et j'aimerais avoir tout le temps pour
tenter de convaincre le chef de l'Opposition que la philosophie sociale du
gouvernement, cette démocratie sociale est mieux atteinte par les
projets que nous avons exposés...
Le Président (M. Brisson): Social...
M. Garneau: La social-démocratie ou la démocratie
sociale est plus réellement atteinte avec notre budget qu'avec celui que
proposait le chef de l'Opposition.
M. Morin: M. le Président, j'ose espérer qu'on va
terminer l'étude des crédits assez tôt malgré
l'intention du ministre de me persuader que la non-indexation est une mesure
socialement utile.
M. Garneau: A ce moment-là, M. le Président, on
serait aussi bien de ne pas l'aborder et de se référer, comme le
font les avocats, la plupart du temps, aux notes sténographiques qui ont
été enregistrées soit à l'Assemblée
nationale ou à cette commission l'an dernier, on gagnerait beaucoup de
temps.
M. Morin: Je pense qu'il faut en discuter à fond. Si vous
le voulez bien, M. le Président, nous le ferons au cours d'une
séance subséquente.
Le Président (M. Brisson): La commission ajourne ses
travaux sine die.
(Fin de la séance à 11 h 48)
Reprise de la séance à 16 h 15
M. Brisson (président de la commission permanente des
finances, des comptes publics et du revenu): A l'ordre, messieurs!
M. Ostiguy (Verchères) remplace M. Déom (Laporte). Nous
continuons. Y a-t-il d'autres questions au programme 1?
Indexation
M. Morin: Oui, M. le Président, il y a encore quelques
questions au programme 1. En premier lieu, je voudrais jeter un coup d'oeil
avec le ministre sur la question de l'indexation. Le ministre se souviendra
que, dans son discours du budget, il a refusé une fois de plus
d'accepter l'indexation de l'impôt sur le revenu. Il a refusé
d'abandonner cet impôt qui, en période d'inflation, permet au
gouvernement d'accroître automatiquement et subrepticement le fardeau
fiscal sans qu'il y ait hausse apparente d'impôt. Cela lui permet,
évidemment, cette année, comme les années
précédentes, d'annoncer des réductions d'impôt qui,
pour une large part, n'en sont pas en réalité.
Par exemple, s'il est exact et j'aurai des questions à
poser là-dessus au ministre tout à l'heure que, cette
année, la non-indexation a coûté aux contribuables
québécois une somme d'environ $200 millions, la réduction
réelle des taxes au Québec, dans le dernier budget, aurait
été de $360 millions, si on écarte les $60 millions
déjà applicables à 1974, moins les $200 millions de la
non-indexation, ce qui, en réalité, représenterait des
réductions de l'ordre de $160 millions.
Il ne faudrait tout de même pas perdre de vue que nous sommes en
face de deux problèmes distincts. Il ne faut pas mêler les deux
choses, d'une part, la nécessité d'éviter des hausses
d'impôt sur le revenu automatiques et clandestines, comme le disait M.
Turner dans son budget, et, deuxièmement, la nécessité
d'alléger le fardeau fiscal.
On a vu, par exemple, le gouvernement fédéral, non
seulement d'une part accorder l'indexation, mais d'autre part, prendre des
mesures d'allégement du fardeau fiscal. Ce sont donc deux questions
différentes à ne pas confondre. Il est bien évident que
l'indexation ne vise pas la redistribution, le caractère redistributif
de l'impôt. L'indexation n'a pour but que de maintenir le pouvoir d'achat
des contribuables.
Malheureusement, dans les derniers budgets du gouvernement, on a
mêlé ces deux questions complètement. Cela permet
évidemment au gouvernement, d'année en année, de donner
d'une main ce qu'il avait soutiré secrètement de l'autre. En
réalité, dans le dernier budget, les personnes qui ont des
revenus supérieurs à $9,000 et n'oublions pas que beaucoup
de personnes se trouvent désormais dans la catégorie qui va de
$9,000 à $13,000 ou $14,000 vont subir, à cause de
l'inflation et de la non-indexation, une hausse réelle de leur fardeau
fiscal et cela malgré les allégements fiscaux qui ont
été annoncés dans le budget.
Je voudrais commencer l'étude sans doute trop brève que
nous allons pouvoir consacrer à ce dossier, étant donné
tout ce qu'il y a à examiner par ailleurs, en demandant au ministre de
bien vouloir confirmer des chiffres qui ont été mentionnés
l'année dernière, sur ce que coûte aux contribuables
québécois la non-indexation au titre de l'impôt sur le
revenu des particuliers.
D'abord, est-ce que le ministre a des chiffres à nous donner pour
1974, qui confirmeraient le chiffre déjà mentionné de $100
millions? Pour l'année 1975, pourrait-il nous confirmer le chiffre de
$200 millions qui a été avancé l'année
dernière?
M. Garneau: M. le Président, l'an dernier, lorsque j'ai
déposé le budget, lorsque j'ai rendu publique la politique
budgétaire et fiscale du gouvernement, l'exposé et les tableaux
qui ont suivi, nous avions indiqué quelle était la comparaison
dans les coûts des programmes que nous avions mis de l'avant,
comparativement à ce qu'aurait coûté l'indexation pour
l'année 1974. Ces chiffres se sont avérés assez justes. On
retrouvera, dans l'exposé du budget de 1974/75 à la page 57, le
fait que le coût de l'indexation ou, en d'autres termes, la perte de
revenu au trésor public par l'indexation des échelles ou
là structure de l'impôt pourrait représenter une perte de
revenus de $70 millions, et pour l'année 1975, elle aurait
représenté, si je comprends bien, $130 millions. Quand nous
parlons de $200 millions pour le coût de l'indexation et qu'en 1975, pour
la politique budgétaire et fiscale de 1975, nous la comparons à
ce que nous avons fait, c'est $200 millions, c'est-à-dire l'indexation
à 17%.
Encore là, lorsqu'on parle d'indexation, j'ai eu l'occasion de me
rendre compte, par des questions qui m'ont été posées par
des individus ou par des gens des media d'information, que, lorsqu'on parle
d'indexation, cela ne veut pas dire que l'on indexe l'impôt autrement
payable, mais c'est bien plutôt la structure d'impôt,
c'est-à-dire les exemptions de base et les tranches d'impôt
imposable qui sont indexées, ce qui signifie que le montant
d'impôt autrement payable n'est pas réduit du montant de
l'indexation, mais d'un montant beaucoup moindre. Le coût de
l'indexation, suivant la formule fédérale, pour l'année
1974/75... Comme nous n'avons pas fait l'indexation automatique l'an dernier,
mais que nous avons pris d'autres mesures, si nous avions décidé
cette année de faire l'indexation, uniquement l'indexation, et, en plus,
ce que nous avons fait l'an dernier, c'est-à-dire rattraper le montant
d'environ $6.6 millions, cela aurait représenté $200
millions.
M. Morin: $200 millions.
M. Garneau: Les deux années ensemble.
M. Morin: $70 millions l'année dernière et $130
millions...
M. Garneau: $130 millions cette année. Ce qui veut dire
que, quand on fait ces tableaux comparatifs, évidemment, il faut tenir
compte de ce qui a été fait l'an dernier, de ce qui est fait
cette année et tenir compte aussi du fait que les $200 millions
rattrapent deux ans et non pas uniquement l'année 1975, en termes de
coût. Si nous avions dit: L'an passé, au lieu d'indexer, nous
avons fait telle chose. Maintenant, comme il y a, non seulement
équilibre, mais que cela a coûté plus cher, les programmes
mis de l'avant, que l'indexation si on disait: On ferme l'année 1974 et
on les met de côté, pour l'année 1975, il faudrait tenir
compte uniquement de $130 millions, si nous voulons comparer ce que nous avons
fait en 1975 par rapport au coût de l'indexation.
M. Morin: Si l'inflation continue à se tenir dans les 10%
ou 12%, entraînant automatiquement de la sorte des hausses d'impôt
plus ou moins déguisées, est-ce que le ministre n'est pas d'avis
que, tôt ou tard, au rythme actuel, il devra revoir les tables
d'imposition, je veux dire les seuils de taux marginaux?
M. Garneau: M. le Président, je répète ce
que j'ai dit à je ne sais combien de reprises: Depuis le moment
où le gouvernement fédéral a introduit la formule
d'indexation pour sa propre structure d'impôt, par choix politique, et
qu'il l'a imposée aux autres provinces qui n'ont pas la liberté
de manoeuvre qu'a le Québec je l'ai dit et je l'ai
répété à je ne sais combien de reprises nous
n'avons pas d'objection et nous ne cherchons querelle à personne d'avoir
voulu procéder par une formule d'indexation.
Ce que nous avons dit et ce que nous soutenons, c'est que l'approche que
nous avons utilisée pour apporter des modifications fiscales nous
apparaît et les chiffres qui ont été
préparés par la direction des études économiques et
fiscales de mon ministère m'en convainquent et en font la
démonstration évidente plus conforme à l'objectif
que nous recherchions, c'est-à-dire de venir davantage en aide aux
classes moins favorisées par leur niveau de revenu et aux classes
moyennes de même qu'aux familles. L'utilisation de notre
procédé tient davantage compte de la situation de ces
contribuables que ne l'aurait fait l'indexation.
Si on me dit: II faudrait faire cela et d'autre chose, là on ne
discute plus de la même philosophie, on discute plutôt du quantum
dont nous pouvons disposer pour des baisses d'impôt. Evidemment, cela ne
peut pas se faire sans tenir compte des autres aspects de la politique
budgétaire et fiscale, c'est-à-dire de l'aspect des
dépenses. Ce matin, on a souligné qu'il aurait peut-être
été bon de mettre plus d'argent dans la voirie rurale.
Evidemment, il y a cela et il y a tous les autres programmes du gouvernement.
Si le gouvernement veut apporter des diminutions au fardeau fiscal des
contribuables, il faut que cela se reflète également dans son
programme de dépenses. Les programmes d'emprunt à eux seuls ne
peuvent pas indéfiniment financer des sommes qui doivent être
appliquées à des dépenses de fonctionnement. Nous avons
emprunté pour les dépenses capitales, mais je ne pense pas que
personne suggère d'utiliser cet instrument pour financer des
dépenses courantes, ce à quoi nous nous sommes
opposés depuis I970.
M. Morin: M. le Président, si j'ai bien compris, l'un des
buts poursuivis par le ministre, lorsqu'il a écarté l'indexation,
lorsqu'il a choisi d'autres moyens, c'était de redistribuer le revenu et
de permettre aux classes défavorisées et aux classes moyennes de
se tirer un peu mieux d'affaire. Si c'est vraiment cela son intention, si c'est
le caractère redistributif qui l'intéresse, pourquoi le fait-il
de façon détournée? Pourquoi ne le fait-il pas
carrément en accordant d'abord l'indexation à tout le monde et en
taxant qui il estime doit être taxé au profit de ceux qui en ont
besoin? Pourquoi utiliser des moyens détournés et
clandestins?
M. Garneau: M. le Président, c'est là un
vocabulaire qui est bien cher au chef de l'Opposition.
M. Morin: A M. Turner aussi.
M. Garneau: Je ne tournerai pas au ridicule de baisser les taxes
pour les augmenter immédiatement. S'il y a quelque chose de clair et de
précis, c'est bien ce que nous avons annoncé dans notre dernier
exposé budgétaire; ce que le gouvernement a annoncé par la
voix du ministre des Finances, il me semble que c'est bien précis. Je ne
vois à quel exercice mathématique le chef de l'Opposition
voudrait nous amener, qui, dans un premier temps, signifierait une baisse
d'impôt et, dans un deuxième temps, une augmentation. Je trouve
cela complètement ridicule et absolument non nécessaire. Ce que
nous avons fait a été de changer les taux, d'exempter les
premiers $2,000 de revenu imposable, d'augmenter l'exemption de base de
façon beaucoup plus substantielle pour les gens mariés que nous
ne l'avons fait pour les contribuables imposés comme
célibataires, un ensemble de mesures qui ont permis de mettre de
côté une formule d'exclusion pour fins d'impôt qui avait des
défauts d'application qui ont été soulevés à
cette commission par le député de Frontenac l'an dernier. Je
pense que c'est une politique suffisamment claire, suffisamment
précise.
En fait, la seule raison qui m'amènerait à agir de la
sorte, ce serait pour plaire au chef de l'Opposition. Disons que ce n'est pas
ma première préoccupation.
M. Morin: Je l'ai compris depuis longtemps. Je n'ai jamais
attendu du ministre qu'il fasse quoi que ce soit pour me plaire; d'ailleurs je
n'en aurais que faire.
M. Garneau: Ni pour lui déplaire non plus, il faut dire
cela aussi.
M. Morin: Son premier souci doit être le contribuable
québécois. J'imagine que cela l'est, au moins
théoriquement. Le ministre joue avec les mots quand il nous dit
"diminuez" et "augmentez". Il ne s'agit pas de cela. Il s'agit, en fait, de
bien distinguer deux choses, l'indexation comme mesure sociale destinée
à rendre le pouvoir d'achat et l'impôt comme mesure de
redistribution du revenu.
Dans le système actuel du ministre, tout est mêlé,
une chatte n'y retrouverait pas ses petits et les contribuables n'y retrouvent
pas leurs dollars, souvent, surtout certaines catégories de
contribuables.
M. Garneau: ... d'après les échos que j'en ai,
d'après les échos qui m'ont été transmis par
différentes sources, par la correspondance qui est entrée au
bureau, il semble bien que les contribuables québécois se soient
parfaitement démêlés de leurs affaires.
M. Morin: Au moment de faire sa déclaration d'impôt,
je ne doute pas qu'il faille se démêler et que, si le contribuable
ne se démêle pas, vos fonctionnaires sont là pour l'aider.
Mais, ce n'est pas la question.
Je ne veux pas éterniser le débat, M. le Président.
Je sais qu'il y a là un choix délibéré du
gouvernement de ne pas indexer, mais je persiste à croire que, si
l'aspect redistributif, dont il prétend que c'est la raison de sa
façon d'agir, est vraiment au premier plan de ses préoccupations,
il devrait utiliser carrément l'impôt et faire savoir à
ceux qu'il entend taxer que c'est bien eux qu'il choisit pour leur imposer des
taxes plus lourdes, peut-être parce qu'ils se trouvent dans les secteurs
de la population qui sont plus favorisés, au profit des
défavorisés.
M. Garneau: M. le Président, je pense avoir fait savoir
à ces contribuables, à ces classes de contribuables auxquelles
réfère le chef de l'Opposition, ce qui se produisait, puisque,
dans les tableaux qui ont été annexés au discours du
budget, on a donné la documentation, les renseignements complets
où il est indiqué, par exemple, que, pour un contribuable
imposé comme célibataire, qui, par l'indexation, aurait
reçu une baisse d'impôt de $226, on lui dit qu'avec le
régime proposé, il n'y en aura une seulement de $129, il me
semble que c'est on ne peut plus clair pour ce contribuable. Il n'est pas
obligé de chercher de Caïphe à Pilate pour savoir comment
notre formule l'affecte, c'est indiqué en noir sur blanc dans le texte
du discours et dans tous les communiqués qui ont été
émis. La demande, qui est parvenue, pour obtenir des informations,
à la direction des communications du ministère, fait en sorte
qu'il y a beaucoup de contribuables qui veulent s'informer. Ils pourront le
faire. Ce n'est donc pas une cachette.
Je voudrais aussi profiter de la circonstance pour peut-être
ajouter un élément qui n'était pas dans le discours sur le
budget, en fait, qui allait de soi, mais que nous n'avions pas indiqué.
En tout cas, de toute façon, ce sera dans la loi qui sera
présentée. C'est que, jusqu'ici, les contribuables qui ne
payaient pas d'impôt n'avaient pas à payer de contribution au
régime d'assurance-maladie. Comme ce plancher a été
relevé, par la suite, lors du discours sur le budget, je pense qu'il est
bon d'annoncer et de dire que les gens qui ne paieront pas d'impôt,
à cause de leur niveau de revenu,
continueront à ne pas contribuer au régime
d'assurance-maladie, comme par le passé. Au lieu d'être $5,200, ce
sera $5,900 pour les gens mariés et, pour les contribuables
célibataires cela ira jusqu'à environ $3,700, si ma
mémoire m'est fidèle.
Mais, de toute façon, ce sera sur le même principe que cela
s'appliquera de telle sorte que ceux qui ont un niveau de revenu qui ne leur
permet pas de payer de l'impôt, ne contribueront pas non plus au
régime d'assurance-maladie du Québec. C'est conforme avec
l'année passée, mais à des seuils plus
élevés. Je ne l'avais pas mentionné dans le discours sur
le budget et je pense que, comme la loi se prépare dans ce sens, il
convenait que je le mentionne.
M. Morin: M. le Président, toujours à
l'intérieur du programme I, je voudrais poser quelques questions sur
l'imposition des richesses naturelles. Je crois qu'il y avait un comité
qui a siégé, l'année dernière le comité
Audet, à la suite...
M. Garneau: II a bien travaillé, d'ailleurs.
Fiscalité minière
M. Morin: Oui, il y eu un rapport, je crois, et, à la
suite de ce rapport, on a procédé à une révision de
la politique fiscale minière.
Je voudrais d'abord poser quelques questions sur des chiffres faisant
partie d'une étude qui a été faite récemment par la
firme Price Waterhouse sur l'évolution de la fiscalité
minière au Canada, dans les diverses provinces du Canada, une
étude qui était intitulée Tax Increases for Mining. Alors
que, dans la plupart des autres provinces, dans l'Ontario et la
Colombie-Britannique, en particulier, qui sont de grandes provinces
minières avec le Québec, on a été témoin
d'un relèvement considérable des exigences fiscales, du moins, au
cours des dernières années, le Québec en est sensiblement
au même point qu'il y a quelques années.
D'après ce qui a été publié dans les pages
financières de la Presse il y a quelque temps, on évalue, en
Colombie-Britannique, à 70.8% l'imposition totale, y compris les
redevances, les taxes minières, l'impôt sur les profits, etc.
Dans l'Ontario, cette proportion un peu moindre est de 62.8%. Au
Québec, maintenant, d'après les chiffres de Price Waterhouse, ce
pourcentage tombe à 52.7%. J'aimerais demander au ministre s'il est
exact, comme il l'a affirmé dans sa déclaration
ministérielle je crois que c'était le 19 décembre
1974 que c'est au Québec que les compagnies minières
paient les impôts les plus faibles, les plus réduits.
M. Garneau: L'an dernier, M. le Président, lors de
l'étude des crédits, j'avais donné, je pense, à la
demande du chef de l'Opposition... En tout cas, si je ne le lui avais pas
transmis, je lui avais donné la source statistique, la publication
statistique qui donnait la comparaison entre la valeur de la production
minière dans chacune des provinces et les revenus que les provinces
retiraient par leur fisca- lité, ce qu'on appelle les droits sur les
mines et on voyait que, en proportion, nous retirions autant de
fiscalité minière que la Colombie-Britannique ou que
l'Ontario.
Ce qui s'est produit, l'an dernier, c'est que, dans un premier temps,
l'Ontario a proposé des modifications à la taxation des droits
sur les mines qui ont eu pour effet d'augmenter, d'une façon
extrêmement importante, les droits et surtout les taux marginaux et qui,
dans un deuxième temps, ont introduit toute une série de
déductions, parce qu'on s'était rendu compte qu'on avait alourdi
le fardeau fiscal beaucoup plus considérablement qu'on ne le pensait au
départ. Du moins, je n'ai pas d'autre conclusion à tirer de
l'évolution du dossier chez nos voisins de l'Ontario. Ils ont introduit
toute une série de modifications où on a séparé les
anciennes mines des nouvelles mines, où on a introduit des allocations
de traitements qui sont différentes, dans une région et dans
d'autres, de telle sorte que la situation, telle qu'elle se présente en
Ontario... Je pense qu'il faudra attendre encore quelque temps avant de pouvoir
mesurer le poids véritable de cette nouvelle politique des droits sur
les mines.
Quand la maison Price Waterhouse a fait des comparaisons,
évidemment, elle a dû les faire à partir des taux marginaux
qui étaient contenus dans l'annonce du ministre des Finances du
gouvernement ontarien, sans pouvoir vérifier de facto comment les
compagnies minières allaient utiliser toutes les voies
d'évitement qui ont été mises de l'avant
subséquemment par la réglementation.
Nous, ce que nous avons fait concernant cette modification, à
partir de l'expérience des autres provinces, il faut bien le
reconnaître, nous avons préféré prendre un peu plus
de temps et présenter une politique qui serait un peu plus
précise et qui éviterait tous ces dédales de
procédure et ces détours qui compliquent la situation et qui
embêtent singulièrement, je pense bien, tous ceux qui
évoluent dans ce secteur d'activités. Dans un premier temps, nous
avons voulu redresser au moins les taux pour bénéficier de la
rente produite par l'augmentation du prix des matières premières
en 1974 et, dans un deuxième temps, apporter les modifications qui
équilibreraient davantage la répartition entre les revenus
provenant des droits sur les mines, les revenus provenant de la taxe de vente
et les revenus provenant des profits des corporations qui oeuvrent dans ce
secteur. Ces mesures ont été annoncées dans le discours
sur le budget de telle sorte que le fardeau fiscal des compagnies
minières a été augmenté au mois de décembre,
et, dans ma dernière déclaration, le même fardeau fiscal
continuera d'exister sauf qu'il sera réparti différemment entre
l'impôt sur les droits sur les mines, l'impôt sur les
sociétés et la taxe de vente.
M. Morin: La situation est peut-être un peu plus complexe
que le ministre le laisse entendre si on tient compte de toute les formes de
taxes que peuvent payer les compagnies minières, les redevances,
l'impôt sur les profits, les "royautés". Pour être plus
concret, je me demande si le ministre
pourrait nous faire brièvement le tableau du fardeau fiscal
incluant les profits, les droits divers et les redevances diverses d'une
province à l'autre pour une compagnie minière type, disons une
compagnie qui aurait des profits de $50 millions.
M. Garneau: Si vous parlez des profits miniers, on pourrait le
faire. Là, l'assiette est complètement différente selon
les termes qu'on utilise si l'on parle des profits miniers, ce qui est la base,
et de l'assiette de la taxe des droits sur les mines, il s'agit du profit
à la tête du puits de la mine, alors que si l'on parle des profits
de la corporation, cela comprend évidemment toutes ces opérations
en plus de l'extraction du minerai, il y a de la transformation, les
dépenses, tout le régime de vente, toute la publicité, en
fait l'ensemble des activités d'une compagnie qui, à ce
moment-là, se situe au même palier qu'une autre entreprise. Il
faut distinguer dans chacun des cas. Des compagnies qui font $50 millions de
profits, de droits sur les mines, il n'y en a malheureusement pas au
Québec, j'aimerais bien cela, mais il n'y en a pas qui ont ce niveau.de
profits. Pour faire un calcul, il faudrait d'abord utiliser le tableau et dire
qu'entre $150,000 de profits et $3 millions taxés à 15%, il
faudrait faire tout le calcul; entre $3 millions et $10 millions, c'est
taxé à 20%; entre $10 millions et $20 millions, c'est taxé
à 25%, et au-dessus de $20 millions, c'est taxé à un taux
marginal de 30%. Pour en arriver après cela à l'impôt
véritablement payé, il faudrait savoir s'il s'agit d'une
compagnie qui fait de la transformation ou n'en fait pas, si elle fait
uniquement...
M. Morin: Non, je pense à la tête du puits.
M. Garneau: Le profit qui est taxé à la tête
du puits de la mine, on y applique les tarifs que je viens de mentionner et,
une fois cet impôt calculé, on peut y apporter les
déductions qui sont les allocations de traitement et qui sont
également les allocations pour fins d'investissements. Evidemment, il
faudrait faire une hypothèse beaucoup plus détaillée
qu'uniquement donner le montant des profits, il faudrait donner l'ensemble des
paramètres de l'entreprise et dire si elle a investi ou si elle n'a pas
investi, si elle a fait de la recherche ou de l'exploration minière ou
si elle n'en a pas fait. Je n'aurais pas d'objection à donner ou
à demander à mes fonctionnaires d'essayer de calculer quel serait
le fardeau fiscal au point de vue des droits sur les mines d'une compagnie qui
ferait $10 millions de profits, de droits sur les mines, au niveau de la
tête du puits de la mine, en supposant qu'elle a investi $5 millions
durant l'année et $500,000 dans la recherche et l'exploration, s'il
s'agit du cuivre et qu'elle exploite une usine de fusion et d'affinage, et
qu'on puisse appliquer les allocations et traitement et en arriver à
dire que cette compagnie qui a fait $10 millions de profit va payer $1,500,000
ou $2,000,000 d'impôt.
Je pourrais peut-être demander aux gens qui m'entourent de prendre
note d'une telle hypothèse et d'essayer de calculer et demain je
pourrais peut-être vous dire quel serait le montant théori- que,
dans un cas hypothétique, de ce qu'elle paiera de droits sur les
mines.
Par la suite, pour la même entreprise, il faudrait faire une
hypothèse de profits de corporation et lui appliquer la Loi de
l'impôt sur les corporations, afin de voir ce qu'elle paiera
d'impôt. Il faudrait également faire l'hypothèse de la
vente de ses produits, si elle les vend au Québec ou si elle les
exporte, appliquer les nouvelles mesures concernant la taxe de vente et en
arriver approximativement à un fardeau fiscal.
M. Morin: Le fardeau fiscal devrait tenir compte de toutes ces
formes.
M. Garneau: C'est cela. C'est pour cela que je dis que pour
donner un montant précis, il faudrait beaucoup de calculs.
M. Morin: Le comité Audet ne s'est-il pas penché
là-dessus? Si je vous pose la question, c'est parce que je suppose que
le comité Audet a dû soit faire les études, soit les faire
faire.
M. Garneau: Les études ont été faites, non
pas à partir de documents théoriques, mais à partir des
renseignements confidentiels dont nous disposons au niveau du ministère
des Richesses naturelles, pour voir comment les mesures que nous avions
proposées allaient affecter chacune des entreprises minières.
Nous avons pris des cas qui nous semblaient les plus représentatifs,
dans chacune des catégories, parce qu'il faut bien reconnaître
qu'au Québec les entreprises minières sont de taille fort
différente. Vous avez plusieurs petites entreprises, qui ont des
activités assez restreintes et quelques-unes qui sont de taille plus
importante, mais qui ne se comparent pas aux grandes mines de nickel, comme
celles qu'on retrouve en Ontario. Nous avions une structure minière
passablement différente et il fallait tenir compte de l'ensemble de
l'industrie telle qu'elle est au Québec.
Pour répondre à la question du député de
Sauvé, nous pourrons avoir demain les renseignements d'une façon
assez précise d'un cas hypothétique, soit d'une entreprise qui
ferait $10 millions de profits à la tête du puits de la mine.
M. Morin: Je serais très heureux d'avoir ces
renseignements. Ces études qui ont été faites pour le
comité Audet et qui sont des études à partir de cas
concrets sont-elles incorporées au rapport ou si ce sont des
études à part?
M. Garneau: Je voudrais mentionner que le comité qui a
été chargé de faire cette analyse n'était pas un
comité du genre d'une commission d'enquête. C'était un
groupe de travail qui avait pour objectif de proposer au gouvernement une
modification à la fiscalité minière, les droits sur les
mines, la taxe de vente et l'impôt sur les corporations. En quelque
sorte, le rapport du groupe de travail qui a oeuvré au cours de la
dernière année est le contenu du discours sur le budget, qui a
été annoncé le 17 avril dernier. Ce que j'ai
annoncé,
en quelque sorte, et même d'une façon assez près de
la réalité, ce sont les recommandations qui nous ont
été faites par ce groupe de travail et le rapport est ce qu'il y
a dans l'annexe spéciale qu'il y a dans le discours sur le budget.
M. Morin: Le ministre aurait-il objection à déposer
le rapport du comité Audet?
M. Garneau: II est déposé, parce qu'il s'agit des
recommandations. C'est l'annexe qui résume l'ensemble de
l'activité et du travail de ce groupe. Pour ce qui est des tableaux,
l'autre aspect qui n'est pas inclus dans l'annexe, ce sont les tableaux qui ont
été utilisés, qui ont été mis sur ordinateur
pour faire jouer les différents paramètres. Ce ne sont pas des
situations hypothétiques, mais des situations réelles.
Evidemment, comme ce sont des renseignements que nous avons eus et que nous ne
pouvons pas rendre publics parce qu'il s'agit de renseignements confidentiels,
nous ne pouvons certainement pas les déposer.
M. Morin: M. le Président, le rapport de la compagnie
Price Waterhouse, qui est quand même le plus récent que nous
ayons, a ma connaissance, nous permettant d'établir une comparaison
entre les diverses provinces, est-ce qu'il a été fait à
l'instigation du comité Audet ou si c'est une initiative purement
privée?
M. Garneau: C'est une initiative de la maison Price Waterhouse
qui a voulu établir des comparaisons, probablement qu'elle a reçu
des demandes de ses clients et qu'elle a décidé d'en faire une
publication. C'est une situation très évolutive...
M. Morin: Je n'en doute pas.
M. Garneau: Au moment où le groupe a fait son
étude, c'était antérieurement à l'annonce du
discours sur le budget, pour ce qui est du Québec. En Ontario, il y a eu
plusieurs décisions prises au niveau de la réglementation et qui
semblent être discutées et rediscutées entre le
gouvernement ontarien et l'association qui représente les entreprises
minières en Ontario. Il est bien difficile, même actuellement, de
savoir d'une façon précise comment la fiscalité
minière va s'effectuer en Ontario. Cela a d'ailleurs été
une de nos grandes préoccupations parce que nous voulions atteindre
l'objectif, comme je l'ai mentionné dans mon discours, où le
Québec pouvait aller chercher de cette entreprise un juste retour de
l'utilisation de ses richesses, mais aussi faire en sorte que notre imposition
ne soit pas de nature telle qu'on décourage, à toutes fins
utiles, toute exploration minière chez nous et tout investissement.
Comme la situation en Ontario évoluait presque continuellement, cela a
été un des aspects assez difficile du travail du comité.
On a eu des représentations de plusieurs entreprises qui soumettent que
pour leur cas individuel cela signifie une taxation plus grande au
Québec qu'ailleurs. Nous revérifions nos projections avec eux et
je pense bien que, dans l'ensemble, nous pouvons dire que les entre- prises
minières au Québec ne sont pas pénalisées, qu'elles
sont dans une situation concurrentielle, mais qu'elles doivent faire face
également à un fardeau fiscal qui répond à un
objectif, absolument justifiable du Québec, qui est d'aller chercher un
juste retour sur ses richesses naturelles.
M. Morin: Pourrais-je demander au ministre s'il avait fait
examiner...
M. Garneau: Mon adjoint me souligne que, dans le secteur des
métaux, le Québec est importateur de minerai pour fins de
transformation, et c'est particulièrement le cas du cuivre et du zinc,
où nous transformons plus que nous extrayons du sous-sol. C'est un autre
élément dont il fallait tenir compte, parce qu'il ne fallait pas,
par une fiscalité, renverser la vapeur et faire en sorte qu'à
l'avenir les investissements se fassent ailleurs qu'au Québec, alors que
nous avions déjà cet appareil de production qui faisait en sorte
que nous transformions davantage que nous produisions.
M. Morin: Parlant d'investissements ailleurs qu'au Québec,
le ministre est-il au courant que certaines provinces, et en particulier
l'Ontario, ont offert, en I974, des exemptions pour transformation dans le nord
de cette province, de façon à inciter à la transformation
du minerai sur place le plus possible? Le ministre est-il au courant de cela?
Quel effet cela peut-il avoir par rapport au Québec?
M. Garneau: II faut mettre en juxtaposition les taux marginaux
qui sont plus élevés que les nôtres avec les allocations de
traitement. L'Ontario va à un taux marginal de 40% et nous allons
à un taux marginal de 30%. Par contre, ils ont des allocations de 20%,
dans certains cas, et nous en avons de 15%. Si on fait la comparaison, dans des
cas hypothétiques et même dans des cas particuliers, on
s'aperçoit que les mines ou les entreprises qui auraient des profits
moins forts seraient un peu moins taxées au Québec qu'en Ontario,
et peut-être que les entreprises qui auraient des profits plus
élevés seraient ou égales ou un peu supérieures
à l'Ontario, suivant les gestes qu'elles vont poser à l'avenir.
Si ces entreprises utilisent, par voie d'exploration et d'investissements
nouveaux, les allocations qu'elles peuvent avoir pour fins d'investissements et
fins d'exploration, à ce moment, cela peut les placer dans des
situations plus avantageuses qu'en Ontario.
Si on n'utilise aucun des éléments qui ont
été mis dans cette politique pour favoriser la transformation et
l'exploration, il est bien possible qu'elles soient un plus plus taxées
chez nous qu'en Ontario.
Mais, on ne peut pas prendre un facteur isolé; il faut, je pense,
regarder l'ensemble et ce n'est évidemment pas facile, il faut faire des
hypothèses avec tous les paramètres, les possibilités, et
c'est assez complexe de donner des exemples chiffrés.
M. Morin: Je me demandais, en écoutant le ministre, si on
ne pourrait pas être graduellement
témoin d'un déplacement des installations de
transformation vers l'Ontario et qu'on...
M. Garneau: Non, je ne pense pas, parce que les entreprises qui
transforment actuellement au Québec sont des entreprises surtout dans le
cuivre ou dans le zinc. Le fer, le plus loin qu'on va actuellement, sauf
SIDBEC, c'est le boulettage; alors, pour les entreprises qui transforment, les
chiffres qu'on a faits nous montrent qu'il est aussi avantageux pour une mine
de cuivre de continuer à investir au Québec que d'aller investir
en Ontario.
M. Morin: C'est surtout au cuivre que je pensais.
M. Garneau: C'est aussi avantageux et c'est d'ailleurs la raison
pour laquelle nous avons augmenté l'allocation de traitement, parce que,
si nous ne l'avions pas fait, nous aurions placé nos entreprises de
transformation qui le font déjà chez nous, nous les aurions
placées dans une situation concurrentielle extrêmement
délicate. Du moins, d'après ce que je peux voir, d'après
les réactions que j'ai eues, c'est que cela se compare suffisamment
avantageusement pour que ce ne soit pas une cause de déplacement dans le
domaine de la transformation.
Evidemment, d'un autre côté, il fallait également
établir une différence, au niveau de la taxation, entre celles
qui transforment chez nous et celles qui ne transforment pas. C'est pourquoi
nous avons maintenu l'allocation de traitement au niveau de 8% pour celles qui
ne dépassent pas le stade de la première concentration et que
nous avons donné des allocations de traitement allant jusqu'à 15%
pour celles qui font l'affinage et le "smeltage".
Dans l'ensemble de l'activité minière, il y a des cas
marginaux qui se situent entre les deux et qu'il nous faut considérer.
Par exemple, est-ce qu'on ne devra pas en arriver à un taux moyen entre
8% et 15% pour les entreprises qui font le boulettage à comparer avec
celles qui n'en font pas? Si on prend Québec Cartier Mining,
actuellement, elle fait de la concentration, mais elle ne fait pas de
boulettage, alors que Iron Ore fait de la concentration et du boulettage.
Est-ce que nous ne devrons pas établir un taux
intermédiaire entre 8% et 15% pour bien répondre à ce
désir qu'on a au Québec de voir les matières, les
richesses naturelles transformées à un stade plus avancé?
C'est une question qui est fort délicate et qui, en tout cas, n'est pas
réglée d'une façon définitive. Mais la politique
telle qu'elle a été annoncée sera suivie, à moins
qu'on soit très précisément convaincu qu'en ne modifiant
pas cette politique pour les fins intermédiaires qui se situent entre
l'affinage et le concentrateur, tant qu'on ne nous aura pas fait la
démonstration en noir sur blanc, d'une façon précise, que
cela pourrait favoriser le déplacement d'entreprises à
l'extérieur du Québec.
Actuellement, nous n'en sommes pas convaincus, mais si des études
ultérieures nous le démontraient, je pense bien qu'il serait
logique que nous agissions en conséquence.
M. Morin: Dans le cas de l'amiante où la position du
Québec est peut-être plus solide que dans d'autres secteurs... Je
me permets de penser tout haut. Pourquoi le gouvernement ne songerait-il pas
à imposer une redevance spéciale, par exemple, sur le minerai
extrait, peut-être en ajoutant à cela des allégements
fiscaux pour ceux qui transforment, justement, l'amiante au Québec?
Le ministre sait comme moi qu'à l'heure actuelle, une infime
portion de l'amiante extrait du sous-sol québécois fait l'objet
d'une transformation ici, même la transformation la plus
élémentaire. Est-ce que ce ne serait pas une façon
à la fois peut-être d'extraire une meilleure rente
économique et, en même temps, de favoriser la transformation sur
place?
Est-ce que votre ministère s'est penché sur ce cas de
l'amiante en particulier?
M. Garneau: Le cas de l'amiante est un cas un peu spécial,
c'est la raison pour laquelle, dans le discours sur le budget, nous avons
parlé, nous avons été très explicites dans les
allocations de traitement à 15%, en indiquant que c'était la
transformation qui allait... On a utilisé les mots, "affinage et
smeltage", après avoir fouillé dans plusieurs dictionnaires pour
savoir si c'étaient des mots français. On nous a confirmé,
enfin, que ça l'était, mais cela n'a pas été facile
de trouver, d'avoir la certitude que cela l'était, il y avait
différentes écoles de pensée, mais, en tout cas,
finalement, on a, sur ce détail technique, à quoi je pense, quand
même indiqué qu'il s'agissait "d'affinage et de smeltage".
L'amiante, au stade où il est traité au Québec, est
au stade ultime de l'opération minière si on peut dire; le stade
qui suit se rend jusqu'à la fibre. Donc, le stade qui suit, c'est celui
du manufacturier. Ce qu'on a indiqué dans le discours, c'est que nous ne
voulions pas accorder, utiliser la fiscalité minière, le droit
sur les mines, d'une façon systématique, pour appliquer des
politiques de développement manufacturier.
Par contre, parce qu'il s'agit d'un impôt qui... En fait, on
n'appelle pas cela une "royauté" ici, parce que c'est taxé sur
les profits, non pas sur le volume ou sur la quantité de minerai
extrait. Par contre, nous avons indiqué l'intention du
gouvernement et la loi contiendra cette disposition que dans des
cas bien particuliers, nous pourrons accorder une allocation plus grande, pour
des projets d'investissement qui sont directement reliés, dans le
secteur manufacturier, à la transformation d'une richesse naturelle de
notre sous-sol, qui pourrait être transformée à un stade
ultérieur allant jusqu'à la manufacture, mais nous n'avons pas
voulu l'indiquer comme politique générale. Cela sera plutôt
dans des cas exceptionnels, sans lesquelles mesures exceptionnelles, la
rentabilité des investissements ne serait pas suffisante pour
déclencher cet investissement. Cela sera véritablement des
décisions cas par cas, mais
nous ne croyons pas qu'il y en ait d'énormes
quantités.
Pour l'amiante, évidemment, l'étude qui a
été menée d'une façon générale... Il
y a eu une évolution évidemment au cours des derniers mois,
là je ne peux pas me rattacher là-dessus, mais à partir
des données statistiques qui étaient accumulées, celles-ci
nous démontraient que le taux de rendement sur les sommes investies dans
le secteur de l'amiante n'étaient pas extrêmement
élevées, même relativement beaucoup plus bas que dans
d'autres secteurs de l'activité minière québécoise
et canadienne. C'est une question...
M. Morin: Cela ne doit pas être bien récent cela, M.
le Président, cela doit être antérieur au relèvement
des prix.
M. Garneau: C'étaient les dernières statistiques
qu'on avait, on n'avait pas toutes les données de 1974. C'étaient
les statistiques de 1973, mais évidemment il y a eu des redressements de
prix, c'est pourquoi j'ai pris la précaution que j'ai prise, concernant
la situation de 1974.
Par contre, la fin de 1974 et la situation actuelle en 1975 sur le
commerce international, la situation économique internationale, ne me
donnent pas d'indication qu'il y aurait une raison de s'enthousiasmer pour dire
que ce secteur fonctionnerait à pleine vapeur, alors que les autres sur
le plan international seront beaucoup plus au ralenti, si on pense au cuivre,
par exemple, le prix a tombé d'une façon presque dramatique.
M. Morin: L'amiante ce n'est pas le cuivre.
M. Garneau: Non, mais je fais des comparaisons. Comme je n'ai pas
les chiffres, je ne veux pas m'engager, mais je vous le dis, je ne verrais pas
pourquoi, je ne vois pas sur quelle base on pourrait s'appuyer pour dire
qu'alors que la plupart des prix des matières premières ont
tombé, celles-là auraient augmenté à rencontre des
tendances des autres.
M. Morin: Bien oui, il y a des bases justement, il y a certaines
bases. D'abord il y a eu trois augmentations successives en 1974 qui ont
augmenté le prix moyen de 45%. Je ne sais pas si le ministre a cela dans
ses papiers.
On prévoit pour I975, non pas des baisses, comme dans d'autres
secteurs, notamment pour le cuivre, mais on prévoit de nouvelles
hausses, ne serait-ce que parce que la production mondiale, elle, a
diminué. Il y a eu des fermetures de mines au Vermont, si ma
mémoire est bonne aussi en Californie, il y a eu l'incendie de la King
Beaver, l'amiante est plus rare et pourtant demeure tout à fait en
demande. J'ai l'impression que l'offre réduite va permettre un maintien
des prix et c'est la raison pour laquelle je me demandais si le ministre
n'aurait pas examiné cela d'un peu plus près pour essayer de
profiter de la position très forte du Québec dans ce secteur.
M. Garneau: II faut dire que, si les profits des compagnies
étaient plus considérables, dans l'éventualité ou
l'hypothèse dont parle le chef de l'Opposition se réalisait, que
les modifications qu'on a apportées aux taux vont serrer davantage les
compagnies qui vont être taxées à un taux marginal de 30%
au lieu de l'être à un taux marginal de 15%. Ce serait
déjà un avoir ou un acquis assez important pour la
fiscalité québécoise, si c'était le cas.
M. Morin: Est-ce que le ministre pourrait m'éclairer sur
un point. Je ne pense pas que dans l'amiante il y ait de taxes sur le
tonnage.
M. Garneau: C'est encore la même politique. On taxe les
profits à la tête du...
M. Morin: Vous taxez les profits, et le ministre sait comme moi
que des profits cela peut se manipuler passablement. Tandis que le tonnage,
c'est un facteur beaucoup plus objectif. N'y aurait-il pas intérêt
à repenser cet aspect de la politique fiscale du Québec,
particulièrement en ce qui concerne l'amiante?
M. Garneau: Je m'excuse, je n'ai pas saisi la dernière
question.
M. Morin: J'ai demandé s'il n'y aurait pas lieu justement
de repenser la fiscalité dans le domaine de l'amiante en fonction non
plus seulement des profits qui peuvent faire l'objet d'un certain nombre de
manipulations, mais en fonction du tonnage extrait?
M. Garneau: La question est de savoir si on pourrait modifier les
lois qui ont donné, dans une très grande région du secteur
de l'amiante, le sous-sol aux propriétaires de surface. Il y a eu
plusieurs tentatives au cours des X dernières années,
peut-être au cours des 30 ou 35 dernières années, de
projets de loi qui ont même été déposés
à l'Assemblée nationale et finalement qui ont été
retirés parce que, cela veut dire, on a eu l'expérience avec
SOQUIP lorsque SOQUIP faisait du forage dans cette région, a peu
près dans le même secteur où se trouve l'amiante et
où, avant de pouvoir procéder avec ces instruments, elle devait
faire toute la recherche, toute l'analyse des titres pour savoir qui
était propriétaire et pouvoir aller acheter les droits de
propriété du sous-sol qui, pour des raisons cela remonte
à des actes aussi...
M. Morin: I884.
M. Garneau: ... anciens, peut-être même avant dans
certains cas. Je pense qu'il y a eu des terrains...
M. Morin: C'est la situation antérieure à I880.
M. Garneau: Alors, qui ont été obligés de
faire cette analyse des titres et il y a eu des tentatives de projets de loi.
Cela veut dire qu'on enlèverait, pas uniquement aux
propriétaires, des terrains sur lesquels sont les mines d'amiante, mais
à une
foule de Québécois qui sont propriétaires. Dans
certains cas, cela pourrait être des cultivateurs, dans d'autres cas, ce
sont des propriétaires d'habitations familiales; ou il faudrait, par une
législation, leur enlever le droit de propriété du
sous-sol et les compenser d'une façon quelconque ou leur enlever tout
simplement par une expropriation, à toutes fins utiles, un droit de
propriété qu'ils ont.
C'est extrêmement difficile à résoudre parce que
c'est la seule façon qui nous permettrait de changer notre
fiscalité dans ce secteur pour utiliser la formule du tonnage au lieu
d'utiliser la formule des droits à partir des profits.
De toute façon, il est apparu, d'ailleurs pas uniquement au
Québec, c'est dans toutes les provinces, que la formule de taxation sur
les profits était plus juste que la formule de taxation, à
l'exception du pétrole, sur le tonnage. En tout cas, cela a
été la conclusion parce que c'est cela la fiscalité.
Même le Manitoba est allé plus loin que cela. Il vient de changer
sa politique fiscale pour mettre des taux qui sont basés sur le
rendement du capital investi. C'est une chose que nous avions également
étudiée et, au lieu de le mettre d'une façon comme cela
existe actuellement au Québec, en Ontario et dans les autres provinces,
le Manitoba vient de modifier pour ajouter un autre élément et le
taux de taxation sera basé sur un taux de rendement du capital investi.
Cela change complètement la philosophie de la taxation minière,
mais donne, à mon sens, une grande sécurité aux
investisseurs, je dirais encore plus grande que celle qu'on a ou celle qui
existe en Ontario ou dans d'autres provinces.
C'est donc à l'encontre de ce que voudrait dire la taxation
à partir du volume.
M. Morin: C'est toute la question, la philosophie de base. Il
s'agit de savoir si on tente de tirer la meilleure rente économique de
l'exploitation des richesses naturelles pour la collectivité ou si on
songe d'abord à ceux qui investissent dans le domaine minier. Il y a
là, sans doute, un choix quasi philosophique.
M. Garneau: C'est-à-dire qu'il faut marier les deux. Il
faut faire en sorte que les propriétaires des richesses, qui sont
l'ensemble des citoyens québécois à l'exception de ce
petit coin de la province pour des raisons juridiques, il faut avoir un juste
retour sur l'utilisation de cette ressource et, en même temps, avoir une
fiscalité qui permette une concurrence. Parce que si le coût de
production de la tonne de fibre d'amiante est $50 ou $100 plus
élevé que la production dans d'autres secteurs du monde,
évidemment on sera dans une situation concurrentielle qui ne sera pas
supportable, autant par des investissements publics que par des investissements
privés.
M. Morin: Je sais bien mais enfin, 70% des exportations d'amiante
dans le monde occidental viennent du Québec. Donc, il y a tout de
même une position concurrentielle qui est différente de celle du
cuivre, par exemple, ou du fer.
M. Garneau: Jusqu'à ce qu'on n'ait pas découvert
ailleurs d'autre chose.
M. Morin: Oh! cela a été pas mal ratissé
mais enfin. Je ne veux pas empiéter sur les crédits des richesses
naturelles, mais est-ce que le ministère des Finances a un point de vue
sur le problème auquel il vient de faire allusion, qui est celui de la
propriété du sol qui emporte la propriété du
sous-sol dans certaines régions du Québec? Est-ce que vous vous
êtes fait une idée là-dessus, votre ministère
est...
M. Garneau: Je pense que le...
M. Morin: Je voudrais terminer ma question: Est-ce qu'il ne
serait pas urgent qu'en tant que ministre des Finances vous mettiez votre nez
là-dedans, étant donné que dans la plupart des pays
modernes, aujourd'hui, on fait toujours une distinction fondamentale entre la
propriété du sol et celle du sous-sol. On réserve toujours
le sous-sol aux souverains, à la collectivité, du moins je
connais très peu d'Etats qui aient appliqué le vieux
système médiéval en vertu duquel celui qui avait la
surface du sol était propriétaire jusqu'aux enfers, usque ad
infernos.
Est-ce que le ministre a un point de vue là-dessus, est-ce que
son ministère s'est penché là-dessus?
M. Bacon: ... pour le latin.
M. Garneau: Parfois l'enfer nous paraît si près
que...
M. Morin: De profondeur?
M. Garneau: ... la propriété ne descend pas
tellement profondément.
M. Morin: II y a beaucoup de gens qui pensent cela au
Québec.
M. Garneau: Le ministère des Finances a certainement
regardé cette question mais uniquement sur le plan de la
fiscalité parce qu'en se posant la question d'une réforme de la
fiscalité minière, l'analyse à savoir si nous allions
modifier le principe de la taxation a été regardée, mais
nous en sommes rapidement revenus à l'idée qui est contenue dans
la réforme parce qu'elle nous paraissait la plus juste et celle qui nous
permettait une meilleure analyse comparative de la rentabilité des
investissements faits.
Mais c'est surtout le ministère des Richesses naturelles qui a
fait des études de ce côté.
J'imagine que, lors de l'étude des crédits du
ministère des Richesses naturelles, mon collègue pourra informer
davantage l'Assemblée, sa commission et les députés sur
les difficultés qu'il y a. Je sais que cette question a
été regardée, mais pas d'une façon
systématique sur la base des principes par le ministère des
Finances.
M. Morin: Le comité d'étude Audet n'en a pas
traité?
M. Garneau: II a fait faire un travail par un spécialiste,
par un juriste, pour voir quelles étaient les complications que pouvait
amener une modification sur le plan strictement juridique. Cette analyse ou
cette opinion juridique a été donnée par M. Lacasse, un
avocat, qui a fait l'analyse de cette question. Cette analyse a
été le point de départ de la réflexion qu'on a eue
sur la réforme telle que proposée en termes juridiques.
M. Morin: C'est un sujet qui m'intéresse beaucoup. Il y a
même un aspect constitutionnel à la question. Est-ce que le
ministre aurait objection à ce qu'on puisse prendre connaissance de
cette étude?
Je pense que cela intéresserait beaucoup de monde, cela pourrait
même éclairer beaucoup de monde.
M. Garneau: Je vais consulter mon fonctionnaire, ici. M. Audet ne
voit pas d'objection de principe à première vue. Je vais voir
avec mon collègue des Richesses naturelles, puisque eux aussi ont
participé à cette étude. En principe je ne crois pas qu'il
ait d'objection et il me fera plaisir de la déposer. Si ce n'est pas
à cette commission, je la déposerai à l'Assemblée
nationale.
M. Morin: Bien, je serais très heureux d'avoir ce
document, parce qu'il y a relativement peu d'études de fiables
là-dessus. Je crois que cela aiderait la réflexion collective
d'avoir un instrument de travail comme celui-là. Vous nous dites donc,
je termine là-dessus, pour ce qui est de l'imposition des richesses
naturelles, que l'essentiel du comité Audet, des conclusions du
comité Audet se trouvent dans le budget, dans le discours du budget.
M. Garneau: Dans les recommandations.
M. Morin: II n'y a pas moyen d'avoir le document original
lui-même?
M. Garneau: C'est une série de tableaux statistiques,
à partir des données confidentielles qui nous ont
été référées par le ministère du
Revenu et par le ministère des Richesses naturelles. Dans les deux cas,
la seule raison pour laquelle le comité en disposait, c'est que
c'était utilisé d'une façon confidentielle. Je ne pense
pas que les entreprises qui concurrencent une contre l'autre aimeraient voir
leur état financier sur la place publique.
M. Morin: Je sais très bien.
M. Garneau: Mais il reste, à l'exception de ces tableaux,
c'est ce qui est contenu dans l'annexe...
M. Morin: Je comprends que l'article 69 de la loi sur le
ministère du Revenu empêche la divulgation de cela. J'y ai
goûté...
M. Bacon: Vous en avez entendu parler déjà?
M. Morin: J'y ai goûté dans cette même
commission, il n'y a pas si longtemps, avec les difficultés qui
s'ensuivent de savoir vraiment, de connaître vraiment le fond d'un
certain nombre de problèmes. Mais, enfin, je n'insisterai pas. Si le
ministre me dit que vraiment l'essentiel se trouve dans le discours du budget,
je me contenterai du rapport Lacasse, s'il veut bien nous le communiquer.
Le Président (M. Brisson): D'autres questions au programme
1?
M. Morin: Oui, il y avait aussi un rapport sur les
sociétés pétrolières; qu'est-ce qu'il en est
advenu, M. le Président?
M. Garneau: La même chose pour les sociétés
pétrolières. Les recommandations que nous ont faites le
comité, ce sont celles qui étaient contenues dans ma
déclaration ministérielle du 19 décembre dernier. Nous
avons appliqué ces recommandations, les conclusions du groupe de
travail, parce qu'encore là ce n'était pas un comité qui
avait pour fonction de présenter un rapport de discussion comme la
commission Cliche ou quelque chose comme cela.
C'était un groupe de travail, de spécialistes qui se sont
penchés sur la question et qui ont fait des recommandations. Les
recommandations qu'ils nous ont faites ont été rendues publiques,
par moi, le 19 décembre à l'Assemblée nationale, dans ma
déclaration ministérielle. C'est cela qui a été la
recommandation et c'est cela que nous avons suivi.
M. Morin: Dans cette déclaration, vous nous disiez que les
frais d'exploration canadiens, engagés par une entreprise principale,
demeureront amortissables au taux de 100%, alors que le taux sera de 30% sur le
solde dégressif, pour ce qui est des frais d'aménagement
canadiens non engagés au Québec.
Est-ce que c'était une des conclusions de ce rapport?
M. Garneau: C'est une des conclusions du groupe de travail. Ce
qu'ont signifié, en fait, ces modifications que nous avons
apportées à la fiscalité, c'est qu'on a multiplié
par 9 les recettes fiscales que nous retirons des compagnies
pétrolières.
M. Morin: Je veux être sûr de bien comprendre le
sens. Pour que je sois sûr de bien vous comprendre, comment
distinguez-vous frais d'aménagement de frais d'exploration?
M. Garneau: Prenons l'exemple de SOQUIP; peut-être que
l'exemple est mauvais, parce qu'elle n'est pas imposable sauf lorsqu'elle agit
en "joint venture" avec d'autres. Mais supposons que ce soit un "joint venture"
et qu'elle fasse comme elle fait présentement ici, tout près de
Québec, le fo-
rage c'est du forage qu'elle fait et que fe coût du
forage est de $100,000. C'est une dépense d'exploration. Une fois le
forage terminé et que cette compagnie constate que les réserves
qu'elle a découvertes sont suffisamment grandes pour être
exploitées, elle investit des sommes pour aménager l'exploitation
des puits.
M. Morin: Alors c'est de l'exploitation, ce sont des frais
d'exploitation.
M. Garneau: Des frais qui précèdent
l'exploitation...
M. Morin: D'aménagement, en plus de l'exploitation.
M. Garneau: D'aménagement en plus de l'exploitation, c'est
cela.
M. Morin: Autrement dit, dans la situation actuelle, une
compagnie pétrolière peut encore se prévaloir de 100% de
ses frais d'exploration à travers le pays, au Québec. La question
que je voudrais poser au ministre est qu'il est sûrement conscient du
fait qu'il se fait très peu d'exploration pétrolière au
Québec.
M. Garneau: Les 100% s'appliquent pour les frais d'exploration
faits au Québec. C'est cela qui est indiqué.
M. Morin: On dit: Les frais d'exploration canadiens...
M. Garneau: Oui.
M. Morin: ... demeureront. Qu'est-ce que cela signifie, ce sont
les frais d'exploration dans l'ensemble du Canada, "coast to coast"?
M. Garneau: II faut constater que la plupart des entreprises sont
des entreprises qui font affaires dans tout le pays et la répartition de
la fiscalité sur les corporations est faite sur une base des
employés et du chiffre d'affaires. Alors il faut qu'elles ...
M. Morin: Cela dépend, mais...
M. Garneau: ... établissent leur assiette, sur laquelle
elles sont taxées. Ces entreprises utilisent les déductions de
revenus qui sont permises par la loi. Ce que nous avons voulu faire, c'est de
donner un avantage additionnel pour l'exploration faite au Québec versus
l'exploration qui pourrait être faite au Québec et aussi ailleurs
au Canada.
Justement pour répondre un peu à cette
préoccupation que soulignait le chef de l'Opposition, de constater qu'il
n'y a peut-être pas suffisamment d'exploration qui se faisait...
M. Morin: Oui, mais je veux être sûr que je comprends
bien; est-ce que les compagnies peuvent continuer de déduire l'ensemble
de leurs frais d'exploration, d'une mer à l'autre?
M. Garneau: Certainement.
M. Morin: C'est ce à quoi je veux en venir. Est-ce que
c'est équitable cela? Je ne parle pas pour la compagnie, mais pour les
Québécois.
M. Garneau: Ce sont des entreprises qui agissent dans tout le
pays et l'assiette de leur taxation c'est dans l'ensemble de leurs
opérations. Une fois que l'impôt et que le profit ont
été calculés, pour l'ensemble des opérations, ce
dernier est divisé pour fins d'imposition provinciale suivant la formule
que je mentionnais tout à l'heure, c'est-à-dire un rapport entre
le chiffre d'affaires et le nombre d'employés. Il faut en arriver
à l'établissement de ce profit avant de le diviser pour y
appliquer les taux, le montant qu'on peut taxer au Québec, le montant
qu'ils peuvent taxer en Ontario, le montant qu'ils peuvent taxer dans les
autres provinces.
M. Morin: Non, mais une compagnie pétrolière, en
général, fait de l'exploration puis de l'exploitation, puis elle
a un réseau de distribution, de vente. J'imagine, je n'en nomme aucune
en particulier, une compagnie fictive qui aurait un réseau de
distribution au Québec et qui, par hypothèse, ferait ici 25% de
son chiffre d'affaires par exemple. Je pense que ce n'est pas
exagéré de songer à une compagnie qui fait 25% de son
chiffre d'affaires au Québec.
Est-ce qu'il est équitable que cette société puisse
déduire les frais d'exploration qu'elle a engagés, non pas
seulement au Québec, qui représente peut-être rien du tout
ou très peu, peut-être un pourcentage infime de ces
dépenses totales, est-ce qu'il est équitable qu'elles puissent
déduire au Québec l'ensemble des frais d'exploration dans tout le
Canada?
M. Garneau: Est-ce que le chef de l'Opposition me permettrait de
répondre à cette question à une prochaine séance?
Je voudrais consulter les gens qui m'entourent, pour être bien certain,
parce que, comme c'est inscrit dans le journal des Débats, je ne
voudrais certainement pas donner une information qui ne serait pas absolument
juste. J'aimerais mieux que l'on vérifie de nouveau certains
éléments de la loi avant de répondre.
M. Morin: Moi aussi, j'aimerais mieux prendre tout le temps
requis. Je n'ai pas d'objection et le ministre peut faire cela tant qu'il le
voudra, du moment qu'on a une réponse à une séance
subséquente. Je ne suis pas ici pour essayer de le coincer. Je suis ici
pour essayer de comprendre sa politique et les politiques de son
ministère. S'il veut même me donner une réponse longue et
détaillée, ce sera tant mieux. Je ne demande pas mieux.
M. Garneau: Pour être bien certain que je pourrai donner
des informations, la question du chef de l'Opposition porte sur les frais
d'exploration qui pourraient être engagés par une entreprise
canadienne qui a des activités au Québec. Il s'agit de savoir
comment la radiation de ces frais
est appliquée contre les profits canadiens et les profits qui
sont faits au Québec.
M. Morin: Québécois, c'est exactement ma
question.
M. Garneau: Alors, je vais donner, j'aurai des renseignements
précis après avoir consulté les gens du ministère
du Revenu et mes officiers.
M. Morin: Je ne sais pas si le comité Audet s'est
penché là-dessus ou l'autre comité plutôt...
M. Garneau: C'est le groupe de travail dirigé par le
sous-ministre du Revenu qui a fait le travail.
M. Morin: C'est cela, je me souviens maintenant. Peut-être
qu'à la lumière de leurs travaux, vous pourrez me donner une
réponse. A quelle heure pensez-vous ajourner la séance, M. le
Président?
Le Président (M. Brisson): Six heures.
M. Morin: On va essayer de finir le programme 1, on va essayer,
en tout cas, ce soir. Voulez-vous me donner trente secondes, M. le
Président, pour que je puisse mettre de l'ordre dans les questions que
j'ai l'intention de poser?
On pourrait aller un peu plus vite, M. le Président. J'aimerais
bien qu'on puisse finir le programme 1 ce soir. Demain, je ne sais pas quels
sont les projets de la commission. Est-ce que nous siégerons
après l'Assemblée? L'Assemblée se réunit à
dix heures; donc, vers onze heures, onze heures et demie, nous pourrions nous
réunir à nouveau.
M. Garneau: II est bien possible que nous siégions demain
après-midi également, si les autres commissions n'ont pas
terminé.
Taxe de vente
M. Morin: Ah! C'est charmant comme perspective. Enfin.
Cela nous donnera tout le temps. Toujours au programme 1, je voudrais
poser une ou deux questions sur la taxe de vente sur les vêtements. Dans
son discours sur le budget fédéral, le ministre Turner a
annoncé la suppression de la taxe de vente de 12% au niveau du
manufacturier sur les vêtements. Quand nous nous sommes penchés
sur cette question, nous avons estimé qu'il s'agissait de biens
essentiels qu'on ne devrait pas taxer, un peu à l'instar des aliments,
et c'est pourquoi, le ministre s'en souviendra sûrement, dans le fameux
budget de l'an 1 du Parti québécois, nous pensions que le
Québec devait réduire sa taxe de vente au détail de 8%
à 4% sur les vêtements, et sur les chaussures également
puisqu'il s'agit là aussi de biens de première
nécessité.
Est-ce qu'il entre dans les intentions du ministère des Finances
d'imiter, de prolonger, si on veut, le geste posé par le
ministère fédéral des Fi- nances en matière de
vêtements, dans le domaine du vêtement? J'entends au niveau de la
taxe de vente.
M. Garneau: Je ne peux réellement pas répondre
à la question du chef de l'Opposition telle que posée parce que,
même si c'était l'intention du gouvernement de le faire, il
conviendrait que je n'en donne pas un préavis de cinq ou six mois; comme
cela affecte immédiatement les décisions des personnes
impliquées, il faudrait l'annoncer pour qu'elle soit effective le soir
même. Ce serait ma première restriction mais je ne veux pas...
M. Morin: Je ne vous demande pas si vous avez l'intention de le
faire. Je vous demanderais alors si vous avez étudié la
question?
M. Garneau: Je répondrai au chef de l'Opposition
d'ailleurs je l'ai mentionné très rapidement dans mes remarques
du début qu'une des questions sur lesquelles la direction des
recherches économiques et fiscales va se pencher au cours de
l'année c'est non seulement uniquement la question de la taxe de vente
sur les vêtements et en particulier tout le problème des
chaussures, des vêtements pour enfants dont l'application n'a plus les
mêmes effets aujourd'hui qu'elle avait il y a peut-être 15 ou 20
ans pour toutes sortes de raisons mais l'ensemble du problème de
la taxe de vente, son assiette, ses effets économiques, ses effets sur
les contribuables à faibles revenus et voir de quelle façon, s'il
y a des modifications à apporter, nous devons procéder. Est-ce
que nous devons, par exemple, maintenir la taxe de vente sur tout, et
même ajouter des éléments qui ne sont pas taxés, et
donner par la suite, des crédits d'impôt pour tenir compte de la
taxe de vente payée sur des éléments, des articles qu'on
pourrait appeler de nécessité quotidienne et vitale, de telle
sorte que nous puissions protéger les contribuables moyens et à
bas revenus, sans pour autant donner des avantages à des contribuables
plus fortunés?
On peut s'acheter, j'imagine bien, un complet convenable à $150
ou $200 et on peut également en acheter, si on a des moyens plus
élevés, à $400 ou $500. Si on abolit la taxe de vente
d'une façon uniforme, évidemment on va se trouver à
avantager davantage ceux qui, ayant plus de revenus, achètent des
vêtements ou des biens d'utilité courante plus
élevés. Je ne donne pas une réponse définitive mais
je soulève les hypothèses qui peuvent être
considérées dans une question semblable, sans compter que dans
l'administration et la perception de la taxe de vente, toutes les fois qu'on
met des exceptions dans certains cas, on donne des possibilités
d'évasion fiscale importantes. Il faudra tenir compte de cet aspect en
même temps.
Il y a beaucoup de gens qui, surtout ceux qui sont responsables de la
perception des impôts, nous disent: ce serait beaucoup plus facile
d'avoir une taxe sur tous les éléments qui s'achètent
au
détail, et donner un dégrèvement uniforme de $150,
$200, $300 peu importe le montant qu'on donne via une autre
formule. De cette façon, on atteindrait peut-être davantage un
objectif social et on éviterait en même temps des évasions
fiscales. Mais ce sont là uniquement quelques-uns des aspects qu'il
faudra considérer avant d'en arriver à une prise de
décision.
M. Morin: Si je pose la question, c'est parce que je suis
conscient du fait que le contribuable québécois est soumis
à des taux de taxe de vente qui sont supérieurs à ce qui
se trouve dans beaucoup de provinces. C'est particulièrement dur
lorsqu'il s'agit des biens de première nécessité, comme
les vêtements et les chaussures. Le ministre peut bien s'imaginer qu'une
famille défavorisée, et nombreuse de surcroît, n'a pas
besoin de tellement moins de vêtements qu'une personne qui a un haut
revenu.
M. Garneau: Ils ne paient pas le même prix. Je pense bien
que le chef de l'Opposition va admettre avec moi...
M. Morin: C'est convenu, c'est convenu.
M. Garneau: ... qu'ils n'achètent pas les choses...
M. Morin: C'est convenu. Mais quand on prend une mesure de
portée sociale, on s'interroge surtout sur ce que cela représente
pour la grande masse des gens.
M. Garneau: Justement, mais comment atteindre cet objectif? On a
souvent lancé l'idée qu'il fallait taxer les objets de luxe, par
exemple, davantage que les objets de nécessité courante. Si on
abolissait la taxe de vente d'une façon pure et simple sur le
vêtement, on abolirait la taxe de vente sur le manteau de vison de $2,500
ou $3,000 de la même façon qu'on abolirait la taxe de vente sur un
manteau d'hiver beaucoup plus conventionnel qui peut se vendre $150 ou
$200.
Il s'agit de savoir de quelle façon procéder pour
justement, si c'est là l'objectif, aider la grande masse des citoyens
à revenu moyen et ordinaire, sans perdre les sources de revenu qui
proviennent des contribuables qui ont les moyens de se payer des objets de
luxe. C'est cela, la difficulté, savoir comment on atteint l'objectif
qui est de détaxer, au niveau de la consommation, les classes de la
société qui ne devraient peut-être pas être
taxées sur ces éléments.
Evidemment, il y a plusieurs moyens. Il y a plusieurs façons de
se rendre de Québec à Montréal.
M. Morin: Oui, il y a certainement pas mal de techniques que vous
pourriez utiliser. En tout cas, je vous signale qu'il y a plusieurs provinces
qui n'ont pas de taxe de vente sur les vêtements.
M. Garneau: Sur les chaussures, je sais qu'il y a des provinces
qui l'ont enlevée, si les chaussu- res sont en bas de tel prix. C'est
tellement facile à contourner, par des gens qui sont peu scrupuleux, que
cela laisse la porte ouverte à toutes sortes de choses. Evidemment, il y
a toutes sortes de techniques que les gens connaissent pour diviser des
factures et faire en sorte qu'on puisse éliminer...
M. Morin: Une facture par chaussure. Est-ce que le ministre m'a
dit que c'était à l'étude?
M. Garneau: L'ensemble de la question de la taxe de vente. Il y a
cet aspect. Il y a également l'aspect de la taxe de vente non pas
uniquement sur la machinerie industrielle, mais sur ce qui entre dans la
fabrication des produits. Certaines provinces vont taxer certains
éléments; d'autres n'en taxeront pas. On veut également
procéder à une analyse comparative de ce qui se fait un peu
partout au Canada pour que nos contribuables ne soient pas
pénalisés, disons, d'une façon abusive, par rapport aux
autres citoyens canadiens.
M. Morin: Est-ce qu'on peut prévoir un rapport
bientôt?
M. Garneau: Encore là, il s'agit du même genre de
travaux qui se font pour toutes les modifications fiscales qui sont
annoncées. Il n'y a pas de rapport précis.
M. Morin: Ce sont des comités d'étude.
M. Garneau: Ce sont des comités d'étude dont le
résultat amène des modifications fiscales; dans certains cas, il
n'y en a pas. Il est inutile de dire que les travaux qui ont amené
à la préparation du budget ont été beaucoup plus
considérables que ce qui y est contenu. Il y a un certain nombre
d'éléments, d'articles sur lesquels il y a eu des recherches
faites, mais auxquelles on n'a pas donné suite, soit qu'on ne trouvait
pas opportun de le faire dans le contexte économique ou encore parce que
le coût de telles mesures était trop considérable.
M. Morin: Oui, d'accord, mais, dans une question importante comme
celle-là, la taxe de vente sur les vêtements ce n'est pas
la seule question importante; il y en a bien d'autres, mais cela en est une,
parce qu'elle a une portée sociale est-ce concevable que le
ministère mette à la disposition du public, de l'Opposition en
particulier, le résultat de l'étude qui sera entreprise?
Autrement, il est bien difficile de juger des actes posés par le
ministère dans le concret du budget, si on n'a pas l'étude qui
nous permet, à nous aussi, de parcourir le même chemin et de faire
la même réflexion que le ministre ou ses principaux conseillers.
Est-ce que le ministre me suit?
M. Garneau: Je saisis bien, mais qu'est-ce que vous voulez? C'est
la différence entre le gouvernement et l'Opposition. Des études
ont été faites sur la fiscalité. La commission
Bélanger a été un exercice extrêmement valable
où les différents groupes ont été consultés;
il y a eu des audiences
publiques et, finalement, il y a eu un rapport qui était à
la disposition de tout le monde, à partir duquel on pouvait avoir des
opinions pour ou contre certaines des recommandations. Je pense qu'il faut
faire la distinction entre ce genre d'exercice et une recherche qu'un
ministère peut faire en vue de l'application ou non d'une politique.
Evidemment, cela placerait nos fonctionnaires dans une situation
intenable. Ils ne sont pas des commissaires-enquêteurs qui viennent faire
des recommandations et qui s'en vont par la suite. Ils sont là. Ils ne
sont pas en mesure, à part cela, de répondre publiquement de
leurs travaux, parce qu'ils ont, surtout dans le budget, à respecter la
confidentialité qui entoure leur préparation.
M. Morin: Non. Je prie le ministre de croire que nous faisons
très bien la distinction entre le gouvernement et l'Opposition. C'est
présent dans nos esprits à chaque seconde de nos modestes vies en
Chambre. La question n'est pas là. Je ne sais pas si le ministre a
déjà été dans l'Opposition.
M. Garneau: Personnellement, non. Mais j'ai vécu
l'Opposition comme votre savant recher-chiste...
M. Morin: Dans l'ombre de Jean Lesage, si je comprends bien.
Oui.
M. Garneau: Une excellente école d'ailleurs. M. Morin:
Je n'en doute pas.
M. Garneau: Le monsieur qui vous accompagne pourra le
vérifier plus tard.
M. Morin: Oui, je n'en doute pas. Mais justement...
M. Garneau: Quand il sera habitué...
M. Morin: ...puisqu'il a été dans cette
position...
M. Garneau: II y a deux aventures qui arrivent pour ceux qui ont
été dans la position où j'ai été comme
recherchiste. Ou ils abandonnent la politique complètement, ou ils
plongent. Il y a des divisions et des illusions.
M. Morin: C'est un programme pour mes recher-chistes.
M. Garneau: C'est ça. M. Morin: Mais...
M. Garneau: Je ne sais pas laquelle des décisions est la
meilleure, par exemple!
M. Morin: Je me demande justement si le ministre, ayant fait
l'expérience d'être dans l'Opposition comme recherchiste, comme
analyste, n'aurait pas apprécié justement d'avoir des
études.
Peut-être pas toutes, car je conçois qu'il y en ait qui
soient confidentielles, surtout lorsqu'elles font état des revenus de
certains contribuables. Cela, je le conçois parfaitement.
Mais je me demande si le ministre, à ce moment-là, n'a pas
été heureux de pouvoir parcourir le chemin parcouru
déjà, avant lui, par le gouvernement dans l'établissement
d'une politique, et pouvoir se référer à des documents
sérieux, préparés par des gens sérieux. C'est dans
cet esprit que je lui demande si, en ce qui concerne la taxe de vente sur les
vêtements, il n'y aurait pas moyen qu'il nous mette quelque chose sous la
dent, à un moment donné.
M. Garneau: C'est justement à cause de l'expression que
vient d'utiliser le chef de l'Opposition, que, lorsque j'étais dans la
situation du recherchiste, j'aurais aimé avoir ces rapports parce que
cela nous les aurait justement mis sous la dent.
M. Morin: Je ne veux pas mordre le ministre. M. Garneau:
Non, non.
M. Morin: Ce n'est pas du tout ce que j'ai voulu dire.
M. Garneau: Je fait tout simplement une courte projection sur
l'utilisation qui serait faite.
M. Morin: Bien, non. Je veux dire que cela ferait l'objet d'une
discussion comme celle que nous avons qui, je pense, est assez
civilisée.
M. Garneau: Ah oui! Mais...
M. Morin: Bon. Cela permettrait quand même...
M. Garneau: D'ailleurs, il faut dire que dans plusieurs cas il y
a des documents qui sont déposés à l'Assemblé
nationale, qui sont parfois des travaux, parfois de la correspondance qui a
été échangée. Mais, dans le domaine de la
fiscalité, c'est peut-être un peu plus délicat pour les
fonctionnaires d'un ministère comme celui des Finances qui serait... Je
prends l'exemple ou la possibilité que M. Audet me fasse une
recommandation sur l'augmentation de la taxe de vente sur les vêtements.
Au lieu d'être à 8%, il me dit: Vous devriez la monter à
9%, et je décide de la baisser à 7%. Il serait placé dans
une situation où... il dirait: C'est une question de confiance. Il est
placé, si on vient devant une commission parlementaire...
M. Morin: Mais le ministre se ferait une belle publicité,
par exemple.
M. Garneau: Bien oui! Mais on me conseillerait rapidement de
congédier M. Audet, ce que je n'aurais pas l'intention de faire. Je
donne un exemple par l'absurde...
M. Morin: Oui.
M. Garneau: ... de la situation...
M. Morin: Cela ne m'a guère convaincu.
M. Garneau: Si c'était un exposé philosophique ce
serait peut-être différent.
M. Morin: Enfin, je demande au ministre de ne pas écarter
complètement l'idée, le jour où il y aura une étude
sur cette question, de la rendre publique ou de nous la communiquer à
l'occasion des crédits ou en un autre moment pour que nous puissions,
comme je le disais tout a l'heure, nous la mettre sous la dent. Je veux dire
par là pour que nous puissions, intelligemment, en discuter, savoir ce
que cela représenterait comme montant, par exemple, alors que, à
l'heure actuelle, c'est assez difficile à établir.
M. Garneau: Je ne voudrais pas que vous soyez dansl'obligation de
congédier tous vos re-cherchistes. Si on vous donne tout le travail
fait, ce serait quasiment dommage...
M. Morin: Etait-ce pour cette raison, lorsque vous étiez
dans l'Opposition, que vous n'insistiez pas pour avoir...
M. Garneau: Au contraire.
M. Morin: ... tous les renseignements...
M. Garneau: Au contraire.
M. Morin: ...de crainte d'être congédié?
M. Garneau: Au contraire, on faisait les mêmes
demandes.
Revenus d'intérêts et dividendes
M. Morin: Bon. Puisque le ministre comprend très bien les
motifs qui nous poussent à demander ces renseignements, j'espère
quand même qu'il réfléchira à la possibilité
de nous les fournir.
Peut-être une dernière question dans ce programme I, celle
de l'exemption de $1,000 sur les revenus d'intérêts et
dividendes.
Je voudrais demander au ministre s'il est conscient de l'aspect
régressif de ce genre d'exemption, puisque seules les personnes
c'est sûrement quelqu'un qui a un revenu élevé qui fait ce
bruit seules les personnes dont les placements...
M. Garneau: II serait plus avantagé par l'indexation?
M. Morin: Est-ce que vous voulez relancer ce débat, M. le
ministre?
M. Garneau: Cela pourrait crier trop fort.
M. Morin: M. le Président, seules les personnes ayant des
revenus de placements supérieurs à $10,000 ou $12,000 mettons,
profiteront au maxi- mum de cette exemption, c'est-à-dire les
contribuables qu'on pourrait classer parmi ceux qui ont un revenu moyen ou
supérieur. Cette exemption représente une épargne
d'impôt croissante au fur et à mesure qu'on s'élève
dans la pyramide des revenus, c'est-à-dire que plus le taux marginal
applicable aux contribuables est élevé, par exemple, je regardais
les chiffres, $1,000 d'exemption représentent une épargne au
niveau de l'impôt québécois, de $220 pour le contribuable
qui a un revenu imposable de $20,000, de $240 pour le contribuable qui a un
revenu imposable de $30,000, de $260 pour le contribuable qui a un revenu
imposable de $50,000 et de $280 pour le contribuable dont le revenu imposable
est de $60,000, alors, les contribuables à plus faible revenu et
à moyen revenu n'obtiennent aucune réduction d'impôt.
Bien sûr j'entends ceux qui n'ont pas de revenu de placements.
Je demande au ministre pourquoi avoir choisi cette technique
plutôt que d'autres qui auraient été socialement
peut-être plus utiles comme les crédits d'impôt pour le
logement, etc.
M. Garneau: L'objectif visé était surtout de
favoriser l'accumulation de l'épargne et de ne pas donner des avantages
excessifs à ceux qui sont dans une situation de revenu qui leur permet
d'économiser davantage. Je pense bien que si une personne est rendue
à 40 ou 45 ans, travaille depuis l'âge de 20 ou 25 ans, a
réussi à accumuler jusqu'à un montant de $10,000 en
épargne et l'a placé dans des obligations ou dans des actions, on
ne peut pas dire que, socialement nous l'avantageons d'une façon
démesurée, que nous avantageons ce groupe de contribuables,
d'autant plus que l'objectif, c'était justement de favoriser ceux qui
restreignent leur consommation et décident d'épargner une partie
de leur revenu. Je crois bien que, si nous n'avions pas mis de limite à
cette déduction, nous aurions pu commettre une injustice sur le plan du
fardeau fiscal, injustice qui aurait été à l'avantage des
gros contribuables.
En mettant un maximum de $1,000, d'un côté, cela favorise
l'épargne et, de l'autre côté aussi, pour ces contribuables
à revenu moyen, pour employer l'expression du chef de l'Opposition tout
à l'heure. Pour ces contribuables, le fait de pouvoir déduire
jusqu'à $1,000 de revenu d'intérêts compense un peu pour
l'inflation qui vient gruger un peu plus annuellement, indépendamment du
taux d'inflation, la valeur du capital qu'il a placé dans des
obligations ou dans des actions, surtout dans des obligations qui
évidemment ont une valeur fixe et n'ont pas de correspondance directe
avec l'augmentation des valeurs, comme ce serait le cas s'ils avaient
acheté un terrain par exemple.
M. Morin: S'il s'agit de favoriser l'épargne, comme vous
venez de le dire, M. le Président, pourquoi ne pas avoir restreint cette
exemption aux titres québécois, aux seuls titres
québécois, autrement dit, à l'épargne qui favorise
le développement du Québec?
M. Garneau: Evidemment, il y a aussi le fait que c'est une mesure
de concordance qui est appliquée à l'ensemble des citoyens
canadiens par le biais du fédéral qui perçoit. Le
fédéral perçoit l'impôt sur le revenu des citoyens
canadiens et aussi des citoyens québécois qui paient des
impôts au fédéral.
Peut-être que, pour bien des Québécois, il y aurait
eu une divergence entre les deux assiettes et les deux façons d'imposer
ces assiettes fiscales. Je pense bien que cela aurait été
à ce point marginal. Rien n'empêche un Québécois,
qui veut utiliser ses $1,000 de revenus d'intérêts en
déduction de son revenu imposable, d'acheter des titres
québécois, et j'espère que la plupart le feront.
D'un autre côté, les gens qui ont jusqu'à $10,000 de
placements et qui n'ont que cela, je pense bien que si on faisait une analyse
de leur portefeuille, on trouverait probablement une bonne partie d'obligations
d'épargne, peut-être des obligations d'épargne du Canada
également mais certainement pas des valeurs, des obligations de bien des
entreprises à travers le pays. Je pense bien que le cas serait assez
marginal, ils ont seulement $10,000. S'ils ont plus, là c'est une autre
histoire, ils pourraient...
M. Morin: $1,000 cela peut être n'importe quoi sauf des
titres québécois aussi.
M. Garneau: On porte mon attention sur le fait qu'il y aurait des
cas marginaux extrêmement difficiles à délimiter. Si on
dépose, par exemple, les intérêts sur dépôt
dans les banques, comment traiterait-on, par exemple, les dépôts
dans la Banque Royale, la Banque de Montréal qui ont leur siège
social à Québec? Par contre, parmi les entreprises canadiennes,
la Banque canadienne nationale fonctionne également dans tout le pays.
Il y aurait cette difficulté; il y en a certainement d'autres aussi.
Comment traiter, par exemple, les obligations de Bell Canada qui fonctionne
surtout au Québec et en Ontario? Est-ce qu'on dit qu'il y en a une
proportion qui serait des titres québécois?
Alors, cela aurait amené des complications assez grandes au
niveau de l'administration. Je pense, personnellement, qu'une personne qui a
$10,000 de placements, et qui n'a que cela, a certainement une partie
importante de ses avoirs soit en dépôt dans des comptes
d'épargne, dans les banques ou dans les sociétés de
fiducie, ou encore dans les obligations d'épargne du Québec et du
gouvernement fédéral. Mais cela ne doit pas s'étendre
très facilement à des obligations d'entreprises industrielles qui
fonctionnent ailleurs au Canada ou aux Etats-Unis. C'est peut-être
extrêmement marginal et cela affecterait réellement un nombre peu
important de citoyens.
Ententes fiscales
M. Morin: M. le Président, je voudrais demander au
ministre la politique actuelle de son ministère au sujet de la
renégociation des ententes fiscales qui doit avoir lieu en 1976, qui
touche no- tamment les 24 points. Je voudrais lui demander où il en est
dans ce dossier, tenant compte de la déclaration récente de son
collègue, M. Lalonde, selon qui le transfert de points d'impôt
pour financer la sécurité sociale est une technique
dépassée.
M. Garneau: D'une façon générale d'abord,
pour ce qui est des arrangements fiscaux qui se négocieront probablement
à partir de l'automne 1976, c'est un autre élément que
j'ai indiqué dans mes remarques au début de nos travaux. J'ai
indiqué que c'était justement parmi les préoccupations de
la direction qui se préoccupe du programme I, que le renouvellement des
accords fiscaux était un des principaux points sur lesquels nous allions
travailler au cours de l'année. Je ne suis réellement pas en
mesure de dire présentement de quelle façon, cette année,
nous aborderons la question du renouvellement des accords fiscaux. La
stratégie et aussi les informations ne sont pas complétées
pour savoir quelle sera l'attitude du gouvernement du Québec de
façon précise dans ce domaine.
Pour ce qui est de la question de la sécurité sociale, je
pense bien que cela va faire partie de l'ensemble du dossier, de la même
façon que le financement de l'assurance-hospitalisation. S'il y avait un
plafonnement en particulier du côté des coûts dans
l'assurance-hospitalisation, on serait rendu presque sur le point où les
seize points d'impôt qu'on a financeraient presque en totalité la
contribution du fédéral.
Il faudrait savoir comment on applique, d'une façon effective,
I'"opting out". Je pense bien qu'il reste encore quelques années,
à cause de l'augmentation des coûts dans ce secteur, avant que
cette situation ne se produise, mais je ne peux pas répondre,
présentement, à la question du chef de l'Opposition.
Peut-être que, lorsque nous étudierons nos crédits, l'an
prochain, on sera beaucoup plus près des premières
conférences fédérales-provinciales sur cette
question-là, je serai plus en mesure d'informer les membres de la
commission sur la philosophie générale qui nous animera dans
cette discussion du renouvellement des accords fiscaux. Si je suis encore
là.
M. Morin: La raison pour laquelle j'ai posé la question au
ministre, c'est le fait que le gouvernement fédéral semble tout
à fait décidé à ne pas accorder le rapatriement des
24 points, si on se fie, du moins, à ce que M. Lalonde a
déclaré. Il semble que vous allez avoir toute une côte
à remonter, dans cette négociation-là.
M. Garneau: Est-ce que vous distinguez uniquement la
sécurité sociale j'entends par là le régime
canadien d'assistance publique ou si vous incluez également toute
la question de l'assurance-hospitalisation, de l'assurance-maladie?
M. Morin: Non, non, je pensais aux 24 points.
M. Garneau: Uniquement? Mais cela couvre l'ensemble.
M. Morin: Cela couvre l'ensemble, oui.
M. Garneau: C'est cinq points pour le régime canadien
d'assistance publique qu'on a actuellement; on peut bien dire que c'est
peut-être un des programmes sur lesquels je serais moins prêt
à batailler pour avoir l'équivalence fiscale, mais en tout
cas.
M. Morin: J'aurai l'occasion, peut-être, d'interroger le
ministre en Chambre par la suite.
M. Garneau: Je voudrais juste ajouter un élément
qu'on me souligne. L'équivalence fiscale, dans le domaine du
régime canadien d'assistance publique, est difficile à
établir parce que c'est une donnée qui est appelée
à varier selon la condition économique.
M. Morin: M. le Président, je vois que l'heure est venue.
J'aurai l'occasion d'interroger le ministre par la suite, au fur et à
mesure que ces négociations approcheront, ces négociations tout
à fait cruciales qui doivent se dérouler en 1976.
M. Garneau: Je n'ai pas d'indication sur le moment, quand la
première conférence fédérale-provinciale sur cette
question aura lieu; je serais porté à croire que ce ne serait pas
beaucoup avant l'été ou l'automne 1976. De toute façon,
nous nous y préparons en collaboration avec le ministère des
Affaires intergouvernementales et les ministères sectoriels qui sont
impliqués, d'une façon ou d'une autre, dans l'ensemble des
arrangements fiscaux ou financiers.
Etude des politiques économiques et
fiscales
M. Morin: Bien. Nous y reviendrons par la suite. Je voudrais
simplement, avant d'adopter le programme I, poser une question relative aux
traitements prévus dans la ventilation des crédits, à la
page 11-2. Pourquoi l'augmentation considérable qui passe de $278
millions et demi à $397 millions d'une année à l'autre en
ce qui concerne les traitements?
M. Garneau: II y a une augmentation dans le nombre de postes qui
passent de 21 à 28.
M. Morin: Sept postes de plus, cela peut difficilement
expliquer...
M. Garneau: Ce ne sont pas des millions, ce sont des mille.
M. Morin: C'est en mille, je m'excuse. Ce n'est pas million que
je voulais dire, c'était mille, bien sûr.
M. Garneau: Cela veut dire à peu près $120,000. Il
y a une augmentation de sept postes et il y a aussi l'indexation...
M. Morin: Je trouvais que les fonctionnaires me regardaient avec
de gros yeux. Ils avaient vu décupler leur salaire dans l'espace d'une
seconde. Cela aurait été trop beau.
M. Garneau: Cela aurait été des gros
contribuables.
M. Morin: Est-ce que ce sont ces postes de plus qui
représentent $120,000 de plus?
M. Garneau: II y a les sept postes plus l'indexation. Il reste
à peu près 12% à payer nous avons versé 6%
entre 10% et 12% de l'indexation pour tenir compte de l'augmentation du
coût de la vie pour l'année qui se terminera le 30 juin 1975. Cela
explique la grande partie de l'augmentation. Il n'y a pas d'autres
éléments.
M. Morin: Ces postes, c'es,t quoi exactement?
M. Garneau: Des professionnels. Cinq professionnels, une
secrétaire et un agent de bureau.
M. Morin: C'était pour étoffer ce service en
particulier.
M. Garneau: C'est un service qui s'est développé,
peut-être depuis la fin de 1970, début de 1971. C'est un secteur
qui ne peut pas, je pense bien, augmenter à un rythme tellement rapide
parce qu'il faut, évidemment, s'intégrer à
l'équipe. C'est tellement une équipe homogène.
On m'informe que, sur les sept postes, ce ne sont pas des postes
nouveaux pour l'ensemble du ministère. Il y a eu trois postes qui
étaient à un programme différent antérieurement.
Ils ont été transférés au bloc de recherches
économiques et fiscales. Mais, en termes d'impact budgétaire,
cela a la même signification. C'est un service qui est relativement
récent au ministère des Finances. C'est assez surprenant de voir
que, depuis des années, le ministère des Finances fonctionnait
sans avoir un groupe spécialisé en recherches économiques
et fiscales. C'est un service qui se développe mais qui,
évidemment, répondait à un besoin absolument essentiel. Il
est amené, avec d'abord la compétence des gens qui ont pu y
être recrutés, à être consulté de plus en plus
par les différents ministères sur différentes politiques
qui se rattachent à l'économie ou à la fiscalité.
Je pense que c'est une chose qui était souhaitable, en tout cas, et pour
laquelle je me réjouis et je félicite ceux qui ont oeuvré
dans ce secteur. Ils y ont mis beaucoup de temps et beaucoup de sérieux,
de telle sorte que la crédibilité, maintenant, de ce groupe, au
niveau du fonctionnarisme québécois, a gagné certainement
ses épaulettes. On n'a qu'à constater le nombre de consultations
qui sont adressées et dirigées vers ce groupe pour en avoir la
preuve. Elles sont adressées par différents groupes de
fonctionnaires qui ont besoin d'avoir des expertises dans différents
domaines se rattachant à l'économie et à la
fiscalité.
M. Morin: M. le Président, je vois que l'heure est
dépassée. Nous sommes prêts à adopter le programme
1.
Le Président (M. Brisson): Alors, le programme 1,
adopté. La commission suspend ses travaux jusqu'à vingt heures
quinze minutes.
(Suspension de la séance à 18 h 3)
Reprise de la séance à 20 h 25
M. Brisson (président de la commission permanente des
finances, des comptes publics et du revenu): A l'ordre, messieurs!
M. Ostiguy (Verchères) remplace M. Déom (Laporte) et M.
Houde (Limoilou) remplace M. Malépart (Sainte-Marie).
M. Bacon: M. Ostiguy remplace M. Déom.
Le Président (M. Brisson): Programme 2, adopté?
Caisse et dette publique
M. Morin: Au programme 2, M. le Président, j'aurais quand
même quelques petites questions.
Le Président (M. Brisson): Le député de
Sauvé.
Emprunts d'Hydro-Québec
M. Morin: Je vais commencer par les emprunts
d'Hydro-Québec. Puis-je demander d'abord, au ministre de nous dire quel
est le programme d'emprunt pour les années à venir? Je crois
qu'il en a parlé à quelques reprises, récemment, mais
j'aimerais qu'il fasse le point. Il pourrait peut-être me dire du
même coup si ce programme d'emprunt a été
révisé, compte tenu de la hausse substantielle des coûts
des travaux entrepris par Hydro-Québec?
M. Garneau: M. le Président, les renseignements sur ces
questions avaient été rendus publics, à la commission
parlementaire des richesses naturelles au cours de laquelle la Commission
hydroélectrique et la Société de la baie James avaient
comparu, et depuis... Cela remonte à quand? L'automne passé?
M. Morin: A l'automne.
M. Garneau: A l'automne. A ma connaissance, il n'y a pas eu de
révision dans la programmation établie et le programme d'emprunt
d'Hydro-Québec de l'an dernier était de...
En 1974, Hydro-Québec avait emprunté quelque $700
millions, $703 ou $705 millions, et celui de 1975 est estimé, à
ce moment-ci à $800 millions, ce qui est conforme, en fait, aux
renseignements qui avaient été rendus publics, lors de la
comparution des officiers supérieurs de la Commission
hydroélectrique, lors de la commission parlementaire des richesses
naturelles. La programmation pour 1976 sera de l'ordre de $1 milliard; en 1977,
elle devrait être de $1.5 milliard; en 1978, de $1,700,000 et en 1979, de
$1.5 milliard. On voit que la pointe dans le domaine des besoins financiers, en
emprunts pour Hydro-Québec, se situera au cours de son exercice
financier en 1978.
Si on veut faire une comparaison avec Hydro-Ontario, dans les documents
qui ont été
rendus publics, lors des audiences des officiers de cette commission
hydroélectrique ontarienne, on avait donné les besoins
financiers, le total des emprunts d'Hydro-Ontario à $1 milliard en 1975;
$1,350,000,000 en 1976, $1,700,000,000 en 1977 et $1,750,000,000 en 1978. Cela
va dans cet ordre de grandeur jusqu'en 1980 et, à partir de 1981,
ça passe à $2 milliards. Cela donne un peu...
M. Morin: En I980, je m'excuse, c'était combien?
M. Garneau: Nous avons les chiffres ici. C'est une projection,
évidemment, de l'exercice d'Hydro-Ontario. C'est tout près de $1
milliard $906 millions, d'après les documents qui ont été
déposés aux audiences publiques un peu dans le même sens
que ce qu'Hydro-Québec faisait ici à une commission
parlementaire.
M. Morin: Est-ce que cette évolution tient compte de la
hausse des tarifs d'Hydro-Québec?
M. Garneau: Cela tient compte d'une évolution avec des
hausses de tarifs telles qu'il y en a eu l'an dernier, de 10% chaque
année...
M. Morin: De 10% chaque année.
M. Garneau: Je ne sais pas si c'est chaque année ou...
Oui, compte tenu justement d'une progression des ventes. Si Hydro-Québec
est capable de... Cela, c'est un gagne-petit...
M. Morin: On a eu des gens favorisés cet
après-midi. C'est curieux, les deux ont trouvé moyen de nous
déranger.
M. Garneau: C'est cela. Oui, selon ce qu'Hydro-Québec
pourra faire dans la vente du surplus d'énergie, soit aux Etats-Unis ou
dans d'autres provinces, cela pourrait modifier les revenus
d'Hydro-Québec, changer ses projections de revenus et peut-être
modifier quand même, à la limite, à la marge, les besoins
d'augmentation de revenus. Si on vend pour $50 millions alors qu'on n'avait pas
prévu de surplus d'énergie, cela va certainement modifier, soit
à la baisse le programme d'emprunt, ou les hausses
d'électricité, pour tenir compte de l'augmentation des
coûts dans la distribution de l'électricité, qui ne seront
peut-être pas nécessaires. C'est pourquoi il faut, je pense,
mettre cela dans la balance.
M. Morin: Quand vous parlez de la vente à
l'extérieur, vous parlez des surplus saisonniers.
M. Garneau: Des surplus saisonniers.
M. Morin: II ne s'agit pas de blocs d'électricité
permanents.
M. Garneau: C'est cela. Les ententes qu'on a, je pense, avec The
State of New York.
M. Morin: Avec Con Edison. Ce sont les ententes avec Con
Edison.
M. Garneau: The State of New York Electricity, à ce qu'on
me dit.
M. Morin: La Société PASNY..
Dites-moi, M. le ministre, est-ce que l'augmentation de 10% dont vous
avez parlé, c'est pour toutes les années que vous avez
énumérées?
M. Garneau: Je pense que la projection avait été
faite avec une croissance de tarifs de cet ordre.
M. Morin: De 10% jusqu'en I980?
M. Garneau: C'est pour I979 inclusivement, c'est en
conformité avec les chiffres qui ont été
déposés.
M. Morin: Cela n'a pas été facile de faire
admettre, puis je ne pense pas que ç'a été admis
publiquement jusqu'ici, que l'augmentation serait de 10% jusqu'en I979.
C'était peut-être dans la planification, mais elle n'a pas
été rendue publique aussi clairement que cela.
M. Garneau: C'est pourquoi j'ai voulu tout à l'heure, en
donnant les informations telles qu'on les a, indiquer qu'il s'agit
d'hypothèses. Si on regarde l'augmentation des revenus telle qu'elle
apparaît aux états financiers d'Hydro-Québec, qui ont
été rendus publics récemment, on s'aperçoit qu'il y
a une modification à la hausse dans les prévisions. Cela peut
changer tout, cela va dépendre, comme je l'ai dit, des ventes de surplus
d'électricité ou de certains autres éléments. Mais
en tenant compte d'une augmentation de revenus au cours des années, on a
une projection de programmes d'emprunt de cette nature. Peut-être que
l'augmentation des revenus ne proviendra pas nécessairement d'une
augmentation des tarifs, comme je l'ai mentionné, mais de ventes plus
considérables de surplus d'énergie qui, autrement,
évidemment, serait perdue.
M. Morin: Cela fait des emprunts de l'ordre de $7 milliards d'ici
I979, y compris I979. Dans une déclaration, en novembre dernier, vous
avez... Bon, c'est bien, cela m'éclaire suffisamment pour l'instant. Le
programme d'emprunt d'Hydro-Québec pour 1975 est donc de $800 millions,
le programme annoncé. Est-ce que vous pourriez nous dire quelle
proportion de ce programme a déjà été
réalisée?
M. Garneau: $360 millions sur $807 millions, ce qui était
le chiffre précis de la programmation.
M. Morin: Sur $807 millions. M. Garneau: Oui.
M. Morin: Et est-ce que le ministre a une idée du
pourcentage qui sera vendu ou qu'on prévoit vendre sur le marché
américain?
M. Garneau: $350 millions.
M. Morin: $350 millions sur le marché américain;
combien en a-t-on déjà effectué?
M. Garneau: $200 millions. M. Morin: $200 millions?
M. Garneau: Oui. En fait, normalement, Hydro-Québec
devrait aller sur le marché américain à la fin
d'août ou au début de septembre, selon les conditions du
marché. La date pourra varier mais c'est fin de l'été ou
début de l'automne que, normalement...
M. Morin: Vu...
M. Garneau: La province vient de faire une émission, lundi
dernier. Alors, probablement que cela ira au début de l'automne pour
Hydro-Québec.
M. Morin: Vous n'appréhendez pas de difficulté
étant donné que, d'une part, le marché canadien est
passablement saturé. Je voyais justement que, le 30 avril, une
émission d'Hydro-Ontatio a vraiment saturé le marché
canadien et que, d'autre part, il y a une certaine méfiance du
marché américain devant les obligations des utilités
publiques.
M. Garneau: Je m'excuse, je n'ai pas saisi.
M. Morin: Je disais que, d'une part il y a des ententes qui font
qu'Hydro-Québec ne va pas sur le marché canadien.
M. Garneau: Non.
M. Morin: ... c'est le gouvernement québécois qui y
va.
M. Garneau: Non. Je pense que, dans le fond, les programmes
d'emprunt d'Hydro-Québec et de la province, même si c'est pour des
fins séparées, se réalisent en commun, si on peut dire. Il
y a discussion entre les officiers d'Hydro-Québec et les officiers du
ministère pour aller sur les marchés, selon les conditions. Il se
pourrait fort bien que, par exemple, le marché s'ouvre pour la
possibilité d'un emprunt sur le marché canadien et que la
province n'ait pas besoin, disons à court terme, de finance.
Hydro-Québec va y aller ou l'inverse, sauf aux Etats-Unis. Comme les
montants sont plus gros et qu'on y va à peu près trois fois par
année, c'est à plus long terme également, ce sont des
emprunts de 25 ou 30 ans; là, d'habitude, HydroQuébec y va deux
fois et la province y va une fois, de façon générale.
C'est à peu près l'ordre de grandeur ou, disons, la
séquence des émissions.
Mais, sur le marché canadien, les deux, et la province et
Hydro-Québec, utilisent ce marché et le rythme ou le tour, c'est
qu'il peut y avoir peut-être deux émissions d'Hydro-Québec
sur le marché canadien avant qu'il y en ait une de la province, ou
l'inverse, selon les conditions.
Hydro-Québec a déjà fait $120 millions sur le
marché canadien depuis le début de l'année.
M. Morin: Les $350 millions qui vont être effectués
sur le marché américain laissent donc $450 millions sur le
marché, mais pas tout sur le marché canadien. Est-ce qu'on va en
écouler sur le marché européen aussi?
Sûrement...
M. Garneau: Quand je parle du marché canadien, cela
comprend évidemment la partie que la Caisse de dépôt et
placement achète de ces émissions.
M. Morin: Oui.
M. Garneau: En dehors du marché canadien-européen,
la prévision était de $200 millions à effectuer sur
d'autres marchés que les marchés canadien ou
américain.
M. Morin: $200 millions?
M. Garneau: $200 millions... $212 millions en fait, si on veut
être plus précis.
M. Morin: Bien. M. le ministre, est-ce que je pourrais revenir
sur une déclaration qui avait fait couler passablement d'encre, à
l'époque, une déclaration selon laquelle la baie James
créerait des difficultés financières sérieuses? Je
neveux pas me fier au titre, on vous faisait dire que la baie James
étouffait financièrement le Québec, mais je pense que vous
avez protesté, à l'époque, que telle n'était pas
votre pensée. Je présente les choses de façon moins
draconienne et je vous fais dire sous forme de question: Estimez-vous que la
baie James comporte des difficultés financières pour le
Québec, puisque d'ici I985 les entreprises publiques devront investir,
d'après une autre de vos déclarations, environ $10 milliards,
dont 80% pour les seuls besoins de l'Hydro-Québec et de la SDBJ?
M. Garneau: La SEBJ, la Société d'énergie de
la baie James.
M. Morin: La société d'énergie ou de
développement?
M. Garneau: C'est la société
d'énergie...
M. Morin: Je ne sais plus laquelle possède l'autre?
M. Garneau: C'est la société d'énergie qui
emprunte.
Je pense bien qu'il faut reconnaître que le choix que le
gouvernement du Québec a fait, en allant de l'avant avec le projet de
développement hydro-électrique des rivières qui se
déversent dans la baie James et en particulier La Grande, a
été un choix extrêmement important et capital dans
l'évolution économique du Québec, dans son
approvisionnement futur en électricité, mais aussi dans ses
besoins d'emprunt pour réaliser ces investis-
sements. Loin de moi l'idée de dire que financer un
investissement de $12 milliards, sur une période de sept ou huit ans,
constitue une chose qui se fait du jour au lendemain ou encore qui se
réalise sans effort et sans faire bien attention aux gestes que l'on
pose. Je ne peux pas dire comme cela, du revers de la main, qu'un
investissement de $12 milliards c'est une "peanut". Au contraire, c'est un
investissement extrêmement important. Le choix que le gouvernement a
fait, signifie qu'il devra en tenir compte si d'autres situations, d'autres
projets se présentaient. J'ai dit à plusieurs reprises qu'on ne
peut pas en même temps réaliser la baie James et entreprendre un
autre investissement de $10 ou $12 milliards ailleurs dans d'autres projets.
Cela a été un choix et ce choix il faut en tenir compte, lorsque
l'on prend d'autres décisions, dans le financement d'autres projets.
Si le cas de la baie James nous était arrivé par-dessus le
marché, sans que cela ait été une décision
gouvernementale, on pourrait peut-être dire que c'est
véritablement une chose insupportable. Mais comme cela a
été une décision du gouvernement, un choix que nous avons
fait, c'est clair qu'en posant ce geste, ça limite les
possibilités d'action dans d'autres secteurs.
M. Morin: Enfin, comme on vous l'a fait dire à
l'époque, ça draine, au cours des prochaines années,
l'essentiel de la marge de manoeuvre du gouvernement du Québec.
M. Garneau: C'est certainement un facteur qu'il faut souligner
avec franchise, mais dont il faut tenir compte. On ne pourrait pas dire
facilement que demain matin, on va ajouter $l milliard à notre programme
d'emprunt et dire qu'on va faire cela ce soir avant d'aller souper, surtout
s'il se produisait des situations économiques difficiles.
L'an passé, le programme d'emprunt s'est réalisé
avec une assez grande facilité. Même on n'était pas
tellement avancé dans l'année qu'Hydro-Québec avait
presque complété son programme d'emprunt et que le nôtre
était passablement avancé aussi. Nous avons été en
mesure de négocier, par l'entremise d'institutions bancaires
internationales, des emprunts en dollars canadiens, des montants assez
appréciables qui ont facilité la réalisation et qui ont
fait que nous n'avons pas été obligés de revenir aussi
souvent sur les mêmes marchés traditionnels du Canada et des
Etats-Unis.
Cela a contribué, je pense, à améliorer la
situation de la valeur de nos titres et des taux d'intérêt que
l'on paie comparativement au taux d'intérêt payés par les
autres provinces. C'est une chose que l'on surveille toujours. Nous avons
entrepris, au début de l'hiver, une tournée des principales
institutions financières européennes, en compagnie du
sous-ministre, et nous avons visité les grandes banques
européennes. Nous avons eu des conversations avec les autorités
monétaires de certains pays pour connaître leur point de vue sur
l'évolution de la situation économique européenne et
l'évolution des marchés, les possibilités qu'il y aurait
pour la province ou Hydro-Québec d'envisager des interventions
financières sur ces marchés. Nous avons fait les mêmes
démarches auprès d'institutions américaines pour essayer,
avant d'en arriver au dépôt du budget, d'avoir une idée la
plus précise possible sur comment nous pouvions envisager le financement
de notre programme budgétaire 1975/76.
On peut certainement dire que les titres canadiens en
général et les titres québécois, que ce soit la
province ou Hydro-Québec, sont certainement des obligations qui sont
bien accueillies sur ces marchés. Tout dépend, par la suite, des
taux d'intérêt qui doivent être payés pour faire face
à la concurrence sur ces marchés, les échéances
auxquelles les prêteurs veulent consentir et le volume disponible. A
cause de certaines de ces conditions, nous n'avons pas, jusqu'à
présent, effectué de transactions financières, d'emprunts
sur ces marchés parce que les échéances nous paraissaient
beaucoup trop courtes. A des échéances de cinq ans, on aurait pu
avoir des sommes d'argent assez importantes. Mais, comme cela se situe en
deçà de la terminaison des travaux de la baie James, nous croyons
que ce serait une mauvaise politique de faire des emprunts pour réaliser
des travaux, emprunts qui arriveraient à échéance avant
que l'ensemble du potentiel hydroélectrique qu'on est à
développer rapporte des revenus à cause de la vente de
l'électricité. Il faut au moins qu'il y ait des
échéances de huit, neuf et dix ans. C'est l'une des raisons pour
lesquelles nous n'avons pas fait, jusqu'à présent, de
transactions sur les marchés européens.
Aux Etats-Unis, les rencontres que j'ai eues personnellement avec les
présidents et les conseillers économiques de grandes institutions
financières nous ont démontré que la situation aux
Etats-Unis offrait beaucoup plus de possibilités en 1975, surtout si on
associe à ces remarques ou à ces observations qu'on a recueillies
dans ces grandes institutions, auprès des économistes-conseils de
ces maisons, la récente décision de l'agence de "rating"
américaine Moodies qui, en augmentant la cote de nos titres sur les
marchés, a...
M. Morin: Une nouvelle étoile.
M. Garneau: C'est une nouvelle étoile, c'est cela, c'est
un AA au lieu d'un A.
M. Morin: Comme dans le guide Michelin.
M. Garneau: C'est cela, deux fourchettes. Cela a un impact
extrêmement considérable. Je peux vous dire que, même si
j'étais déjà informé et conscient de la
signification de ces cotations, j'ai pu constater lundi dernier, lors de
l'assemblée qui a précédé la négociation
véritable de l'emprunt suivant les lois américaines, il
faut qu'il y ait une assemblée avec les "underwriters" pour pouvoir
répondre à des questions que les gens pourraient avoir à
poser sur le principe de la divulgation complète de tous les
renseignements que la décision de Moodies avait eu un impact
important. Au moment où le Québec voit sa cote augmenter,
plusieurs autres institutions avaient eu
des reculs à la suite de la situation économique
américaine, surtout ce que l'on appelle les utilités publiques;
plusieurs d'entre elles avaient vu leur cote baisser.
La dernière représentation, cela fait plusieurs mois,
même deux ans que les démarches avaient été
entreprises auprès de Moodies pour soumettre toute la documentation et
essayer d'obtenir une révision de notre cotation. La dernière
démarche que nous avions faite était au mois de février.
En compagnie de mon sous-ministre adjoint aux recherches économiques et
fiscales, M. Audet, nous avions rencontré le président de cette
agence et ses recherchistes. Nous avons déposé tous les
renseignements additionnels qu'il avait demandés sur la situation
financière et cela a pris encore presque deux mois avant que sa
décision sorte. Cela a contribué, je pense, à abaisser le
coût de notre dernier emprunt et aussi cela a influencé les
emprunts futurs. D'ailleurs, l'émission a été
lancée le lundi après-midi, elle était sur le
marché le mardi matin et elle a été presque vendue dans la
même journée. Elle est même à prime aujourd'hui.
C'est donc dire qu'elle a été très bien accueillie et cela
m'encourage pour la réalisation du programme d'emprunt sur le
marché américain, tant pour l'émission qu'on vient de
faire que pour celle que l'Hydro fera probablement au début de
l'automne.
M. Morin: Si je comprends bien le ministre, il ne prévoit
pas être obligé de restreindre son propre programme d'emprunt en
raison des emprunts considérables d'Hydro-Québec au cours des
prochaines années?
M. Garneau: J'espère que nous n'aurons pas à le
faire, que la situation des marchés canadiens, américains et
internationaux, particulièrement les sources du Moyen-Orient, pourra
nous permettre de financer ces deux activités, les activités
gouvernementales et celles d'Hydro-Québec, sans affecter, d'une
façon trop directe, les initiatives que nous voudrions prendre dans
d'autres secteurs d'activité.
M. Morin: M. le Président, je voudrais inviter le
député de Vaudreuil à rester avec nous parce que s'il
part, il va nous manquer deux hommes pour avoir le quorum. Je lui souhaite la
bienvenue, j'espère qu'il est là à demeure.
M. Saindon: J'ai fait une propostion tout à l'heure qui
est encore valable.
M. Morin: De vous asseoir entre deux chaises? Non.
M. Saindon: Surtout pas entre deux, sur deux.
M. Phaneuf: M. le Président, je n'ai pas l'intention de
partir. Je suis ici à "perpète".
M. Morin: M. le Président, est-ce que la caisse de
dépôt va être forcée d'absorber plus que sa part
habituelle des emprunts d'Hydro? Compte tenu des chiffres qui nous ont
été donnés par le ministre il y a un instant, et compte
tenu aussi d'une certaine déclaration, je ne l'ai pas dans mon dossier
mais de mémoire il me semble qu'il voulait obtenir de la caisse,
à moins qu'il n'ait songé même à la forcer à
prendre plus de 50%, à investir plus de 50% dans le secteur
gouvernemental?
M. Garneau: Nous ne prévoyons pas actuellement, pour le
programme d'emprunt 1975/76 du gouvernement, et I975 d'Hydro, avoir besoin de
la caisse de dépôt dans des proportions plus grandes que les
indications que cette même caisse nous a données dans ses
décisions, dans sa politique d'investissements pour la présente
année fiscale. S'il se produisait des situations que je ne peux pas
prévoir maintenant sur les marchés américains, ou
même sur les marchés canadiens, c'est évident que je pense
bien que la caisse de dépôt n'aurait pas d'objection à
réviser sa position. Mais dans le contexte actuel, nous n'avons pas fait
de telles démarches et je ne pense pas qu'il nous sera nécessaire
de le faire.
M. Morin: Quelle a été la réaction des gens
de la caisse de dépôt à la suite des déclarations
que vous aviez faites?
M. Garneau: Pas très bonnes.
M. Morin: J'avais cru comprendre qu'ils avaient eu une
réaction disons mitigée?
M. Garneau: Oui. Evidemment, je les ai en-contrés; j'ai
rencontré le conseil d'administration de la caisse, à l'occasion
d'un lunch, et j'ai exposé mon point de vue là-dessus.
Evidemment, on compare souvent le Québec à l'Ontario, et on l'a
comparé aussi sous l'article des programmes d'emprunts.
Si on a bien remarqué dans le rapport de la caisse de
dépôt, cette année, je pense qu'on a eu la
délicatesse même de le souligner, d'une façon claire et
précise, que lorsqu'on fait référence à la
politique de placements de la caisse, et je pense que le conseil
d'administration a voulu inscrire en fait, je présume, parce que
je n'ai pas cette confirmation un tel chapitre dans son programme
d'emprunt, pour répondre à certaines des questions qui avaient
été soulevées lors de la commission parlementaire de ce
même ministère, l'an dernier, où on m'avait posé
certaines questions concernant la politique de placements de la caisse. Le
rapport financier de I974, qui a été déposé, y fait
référence, et on dit qu'après avoir exposé que le
régime qui est en vigueur dans les autres provinces, celui qui est au
Québec est un peu différent, puisque noué avons la caisse
de dépôt, on dit ceci: Les gouvernements provinciaux...
A ce sujet, mentionnons que les contributions perçues dans une
province, en vertu du Régime de pensions du Canada sont
intégralement investies en obligations à long terme de cette
même province, à un taux de rendement calculé en fonction
de celui des obligations à long terme du gouvernement du Canada. Les
gouvernements provin-
ciaux emploient le produit de ces émissions à la
réalisation de programmes de leur choix. Ils obtiennent donc, ainsi, une
part importante de leurs emprunts, à des taux inférieurs à
ceux qu'ils doivent payer lorsqu'ils s'adressent au marché financier.
Les économies qui en résultent au chapitre du service de la dette
publique se trouvent, en définitive, réalisées au
dépens du rendement global du patrimoine du régime de
pensions.
Evidemment, c'est là la position du conseil d'administration de
la caisse, mais il n'en reste pas moins vrai que, lorsque l'Ontario peut
financer ses activités, celles de la province et une partie de celles
d'Hydro-Ontario, mais surtout celles de la province, sans avoir à venir
sur les marchés, cela influence non seulement les taux
d'intérêt sur les prochaines émissions, parce qu'elles
viennent moins souvent, et les détenteurs, les acheteurs de titres en
ont moins en portefeuille, relativement, et ils sont plus désireux d'en
avoir. Cela a certainement une influence sur les taux de rendement des
obligations, en plus de pouvoir financer, peut-être, l'équivalent
de $600 millions ou $700 millions, à peu près. C'est $725
millions de financement qu'ils ont, sans avoir à intervenir et à
des taux d'intérêt plus bas.
Evidemment, je reconnais volontiers que c'est là une question qui
peut donner lieu à un débat. Il peut y avoir des opinions
différentes là-dessus, mais le point de vue que j'ai
soulevé ne peut pas, non plus, être mis de côté, du
revers de la main, de la même façon qu'on ne peut pas mettre de
côté, du revers de la main, la position soulevée par la
caisse de dépôt. Même si nous aurons d'autres discussions
sur ce sujet, la décision finale n'est certainement pas prise dans un
sens ou dans l'autre.
M. Morin: Quelles étaient leurs principales
objections?
M. Garneau: Leur principale objection, ils l'indiquent dans le
rapport, lorsqu'ils mentionnent: Les économies qui en résultent
au chapitre du service de la dette publique, et si je prends le cas des
provinces canadiennes, autres que le Québec, ce qu'ils gagnent en taux
d'intérêt moins élevés sur les emprunts qu'ils
font...
M. Morin: Oui, évidemment, c'est... M. Garneau: ... c'est
en moins... M. Morin: ... en moins sur le revenu... M. Garneau: C'est
ça.
M. Morin:... de la caisse. Est-ce que c'est cela, l'essentiel de
l'objection?
M. Garneau: C'est la première objection. L'autre
objection, que je considère peut-être un peu plus, à mon
sens, valable sur le plan de l'économie générale, c'est
que l'existence d'une caisse de dépôt qui intervient sur les
marchés boursiers et qui intervient sur les marchés des
obligations, consti- tue, pour Montréal, un centre nerveux, sur le plan
financier, extrêmement important, et advenant le cas où la caisse
de dépôt n'était plus capable de jouer ce rôle d'une
façon aussi complète, je pense que cela aurait une influence sur
le développement du commerce des valeurs mobilières et sur la
place qu'est appelé à jouer Montréal, sur les
marchés financiers internationaux. Je pense que cela donne un volume de
transactions et une expertise qui, en plus, est francophone et qui est loin
d'être négligeable. Si ce n'était ce deuxième aspect
que je viens d'exposer, je serais beaucoup moins sensible à celui des
taux d'intérêt et des taux de rendement des placements de la
caisse, et peut-être plus prêt à passer à
l'action.
C'est justement à cause du deuxième aspect que
j'hésite à en faire une recommandation précise et que
j'aime mieux qu'on en discute plus à fond, pour être bien certain
que les gestes qu'on pourrait poser dans ce domaine ne seront pas de nature
à nuire à l'ensemble de l'économie
québécoise, en termes de marché financier, et à
Montréal, comme place importante sur ces marchés financiers.
Obligations du Québec
M. Morin: Peut-être pourrions-nous passer à
l'étude des émissions d'obligations du Québec, M. le
Président? Le ministre a déjà fait allusion à
certains aspects de ces émissions d'obligations. Est-ce que je pourrais
lui demander, d'abord, quel a été le taux de rendement effectif
sur les obligations émises dans le cadre du programme 1974/75, en
distinguant, si vous le voulez bien, le marché canadien du marché
américain?
M. Garneau: Je pense qu'on n'a pas fait de moyenne. Je peux vous
donner la liste des emprunts avec les taux d'intérêt qu'on a
payés. Si vous voulez prendre le discours du budget, à la page
73, je pense que le tableau des emprunts que nous avons faits est là, et
il y a des petites notes en regard des chiffres qui donnent certains
renseignements; comme le premier, $7.9 millions, c'est une partie du
Régime de pensions du Canada qui nous est retournée parce que ce
sont des contributions de résidants québécois dans les
forces armées, entre autres, qui ne sont pas soumis au Régime de
rentes du Québec et qui sont perçues par le Fonds de pensions du
Canada, mais les sommes perçues nous sont retournées. Vous avez
les taux d'intérêt qui suivent; le deuxième, c'est un
emprunt auprès du gouvernement du Canada, dans le cadre des zones
spéciales, et cela aussi s'est fait à des taux
privilégiés.
M. Morin: Les emprunts, 8% à 10%, est-ce que cela signifie
que cela oscille entre 8% et 10%? C'est ça que signifie cette
façon d'inscrire les choses?
M. Garneau: II y a eu plusieurs transactions. Cela ne s'est pas
fait en une seule fois et cela indique que les taux ont varié de 8%
à 10%. L'argent qui nous est prêté dans le cadre des
programmes
fédéraux l'est au taux d'intérêt auquel le
gouvernement fédéral prête aux compagnies de la couronne.
C'est la même chose pour le Régime des rentes du Canada, qui
était le premier élément, qui varie entre 7.6% et 9.25%,
c'est dire que les sommes nous ont été prêtées
à des moments différents où les taux
d'intérêt étaient différents. La moyenne
pondérée doit être dans les environs de 10.25%, 10.30%.
M. Morin: Dans ce tableau de la page 73, M. le ministre, dans la
colonne: Prix à l'acheteur, je remarque que l'un des emprunts s'est
vendu à $95.94. Y a-t-il une raison particulière à cela?
Est-ce que c'est pour éviter d'avoir à payer un taux de rendement
plus élevé?
M. Garneau: On me dit que c'est un placement privé avec la
caisse de dépôt. Au lieu de faire une nouvelle émission,
cela a été la réouverture d'une émission de la
même série, qui était à 9 3/4%, et la caisse
était prête à transiger au taux du marché qui,
à ce moment, était 10.25%. C'est pourquoi le prix à
l'acheteur a été de $95.94. Le taux d'intérêt est
corrigé, le rendement véritable ou le coût de l'emprunteur
est corrigé par le prix de l'émission.
M. Morin: On peut peut-être en venir au programme
d'emprunts pour...
M. Garneau: Je voudrais attirer l'attention du chef de
l'Opposition sur le fait qu'il y a eu une autre transaction de $35 millions
avec la caisse de dépôt, que l'on retrouve au centre du tableau,
qui a été faite à $100.50. C'est la même
opération dans le sens inverse, c'est pour ajuster le taux de rendement
à la caisse au prix du marché à ce moment-là.
M. Morin: Oui, je vois. Venons-en, si vous le voulez bien, au
programme d'emprunt 1975/76. Si j'ai bonne mémoire, il est de $689
millions d'après le budget.
M. Garneau: Je vais vérifier... Vous avez les chiffres
devant vous, cela doit être cela.
M. Morin: $689 millions. J'aimerais vous demander quel est le
pourcentage déjà réalisé et quel a
été le taux effectif moyen sur ces émissions.
M. Garneau: II y a le montant de $100 millions sur le
marché américain qui vient d'être fait à 9 7/8% au
pair. C'est le seul, jusqu'à maintenant, qui est fait sur le programme
d'emprunt. Comme vous le savez, on doit commencer la vente des obligations
d'épargne le 20 mai, soit mardi prochain, jusqu'au 15 juin. Ce sera la
deuxième opération pour la réalisation de notre programme
d'emprunt pour cette année.
Il y a eu une livraison, aujourd'hui, d'un emprunt avec la caisse de
dépôt de $42 millions qui a été fait, il y a une ou
deux semaines, et dont la livraison s'est faite aujourd'hui. Cela aussi
expliquait d'ailleurs l'absence de...
Nous prévoyons réaliser à peu près $100
millions au niveau des obligations d'épargne et il y a aussi...
M. Morin: Quel est le terme des $100 millions? M. Garneau:
C'est 9 7/8
M. Morin: Non, cela est le taux, je veux connaître le
terme.
M. Garneau: II est de 25 ans.
M. Morin: 25 ans. Cela n'a pas baissé beaucoup depuis
l'année dernière.
M. Garneau: II est difficile de comparer d'une année
à l'autre. A mon sens, la comparaison doit se faire beaucoup plus entre
des émissions qui se font à la même date. Parce qu'on peut
avoir fait des émissions une année à 8%, quelques mois
plus tard, les faire à 9% et, encore quelques mois après, le taux
peut redencendre. Tout dépend, évidemment, de la situation du
marché. Pour voir si nous payons trop cher ou moins cher, il faudrait
comparer avec d'autres émissions qui sont faites à peu
près dans la même période. Actuellement, si on compare les
marchés canadiens, c'est de cela qu'on parlait tout à l'heure,
l'écart avec les titres ontariens est à comment dit-on, en
français, des "basis points"? 3 points centésimaux.
M. Morin: Je me demandais si, compte tenu du fait que plusieurs
gouvernements préparent des déficits substantiels, l'Ontario,
notamment, cela ne va pas créer un engorgement du marché, si cela
ne risque pas de faire monter les taux.
M. Garneau: Evidemment, c'est toujours un danger. C'est
particulièrement vrai quand on regarde le déficit du gouvernement
américain. Par contre, si on prend la situation au Canada, je ne sais
pas d'une façon précise quelle sera l'intervention du
gouvernement ontarien sur les marchés canadiens cette année. Une
partie importante de leur programme, de leur déficit, si on peut dire,
ou de leur programme d'emprunt est réalisée automatiquement par
le Régime de pensions du Canada.
M. Morin: Oui, mais là, c'est plus de $1 milliard.
M. Garneau: Je ne sais pas exactement quelles sont leurs
intentions, mais il faut noter, je pense, qu'il y a une baisse du
côté des investissements privés, ce qui fait un
équilibre entre les deux, je crois.
M. Morin: M. le Président, j'allais vous demander si nous
avions quorum. Je vois que...
M. Phaneuf: J'étais pour demeurer toute la soirée
ici.
M. Morin: Mais, en fait... voilà un nouveau joueur.
Le Président (M. Brisson): Nous avons noté... M.
Pilote: Un bon pilote. M. Morin: M. le Président...
M. Garneau: Le chef de l'Opposition me demandait tout à
l'heure la partie qu'il y avait de réalisée. Donc, il y a les
$100 millions sur le marché américain et les $42 millions que
nous venons de faire avec la Caisse de dépôt et placement du
Québec. Dans la programmation déjà acceptée au
niveau fédéral-provincial, il y a $70 millions qui seront
versés dans le cadre de ces programmes qui ne nécessitent pas
d'intervention sur les marchés, ce qui fait en tout près de $200
millions, un peu plus même, $225 millions, qui se trouvent à
être faits sur notre programme d'emprunt de cette année. C'est
plus que cela...
M. Morin: Est-ce que la Caisse de dépôt et placement
du Québec va en prendre de vos $689 millions?
M. Garneau: Pour la province et HydroQuébec, la projection
est de $320 millions.
M. Morin: $320 millions. Proportionnellement, est-ce
supérieur aux années passées?
M. Garneau: Je vous dis que c'est à peu près la
même proportion.
M. Morin: Je voudrais vous demander également si vous
pourriez nous parler de l'évolution au cours des cinq ou six
dernières années du pourcentage des obligations vendues en dehors
du Québec dans les neuf provinces canadiennes. Je sais que, dans le
passé, c'était à la fin 1973, vous vous êtes plaint
du sort fait aux titres québécois ailleurs au Canada. Encore plus
récemment, M. Paris, qui est de la Caisse de dépôt et
placement du Québec, a déclaré que, depuis quelque temps
déjà, les titres émis par le Québec se distribuent
très mal à l'extérieur de la province. J'imagine qu'il
veut dire...
M. Garneau: Avez-vous la date de sa déclaration?
M. Morin: C'est du 30 avril 1975. C'est donc très
récent.
M. Garneau: II aurait peut-être été mieux de
se renseigner avant de dire cela.
M. Morin: Non. C'est bien cela.
M. Garneau: Les statistiques qui ont été
compilées, on les a pour quatre années parce qu'avant 1971, un
tel exercice ne se faisait pas.
M. Morin: Oui.
M. Garneau: En 1971, au Canada, mais en dehors du Québec,
il y avait eu une absorption de 16.8% des titres de nos émissions et,
hors du Canada, 4.6%, ce qui faisait 21.4%. En 1972, il y a eu 11.9% de nos
émissions vendues au Canada, hors du Québec, et 14.6% vendues
hors du Canada je parle des émissions canadiennes ce qui
faisait 26.5%. En 1973, il y a eu 16.8% de nos titres vendus au Canada, ei.
dehors du Québec, et 7.8% vendus à l'extérieur du Canada,
ce qui faisait 24.6%. En 1974, cela a été une nette
amélioration et cela s'inscrit dans les efforts que nous avons faits au
niveau de notre groupe bancaire, les modifications que nous avons
apportées, et nous avons eu 27.2% de nos émissions canadiennes
qui ont été achetées au Canada, mais à
l'extérieur du Québec et 11.3% à l'extérieur du
Canada, ce qui fait 38.5%, ce qui veut dire que la proportion des titres qui a
été absorbée par les places financières strictement
québécoises de 1971 à 1974 est passée de 78%
à 61%.
C'est une amélioration extrêmement importante et nous
faisons beaucoup d'efforts et demandons de façon précise,
à notre groupe bancaire et en particulier, aux maisons nationales qui
font partie de ce groupe bancaire de travailler beaucoup le marché
canadien à l'extérieur du Québec et cela commence à
rapporter des fruits.
M. Morin: Pourrait-on faire le même exercice, rapidement,
des obligations achetées par la Caisse de dépôt et
placement du Québec en pourcentage? Tout à l'heure, vous m'avez
donné un chiffre absolu, pour la proportion de cette année, mais
je ne crois pas que l'année dernière on ait examiné
cela.
M. Garneau: L'an dernier, cela a été 20% de
l'ensemble de nos émissions et cette année, la participation de
la Caisse de dépôt et placement du Québec je parle
de la province et d'Hydro-Québec sera de 23%.
M. Morin: Cela est ensemble, pour la province et pour
Hydro-Québec. La contribution sera de 23%.
M. Garneau: 23%...
M. Morin: ... cette année.
M. Garneau: ... cette année et l'an dernier, cela a
été de 20%, c'est-à-dire 230 sur 1,200 et cette
année, c'est 320 sur 1,400, sur $1,400,000,000, $1,200,000,000.
M. Morin: Si vous voulez bien, quand on abordera la Caisse de
dépôt et placement du Québec, j'aurai d'autres questions
à poser pour compléter le tableau. Pour l'instant, je serais
disposé aux obligations d'épargne.
Il semble qu'en 1974, il y ait eu une certaine concurrence entre les
obligations du Québec et les obligations fédérales,
concurrence vive et que vous n'avez pas pu écouler toutes les
obligations que vous destiniez au marché. Quelles proportions exactement
ont pu être écoulées?
M. Garneau: Le problème n'a pas tellement
été au niveau de la période de distribution, mais surtout
en termes de rachat des émissions antérieures, parce que durant
la période de vente, nous avons quand même vendu $75 millions, ce
qui n'était pas tellement loin quand même de nos projections.
M. Morin: Les $100 millions?
M. Garneau: Je ne me rappelle pas si c'était $100
millions, mais quand même, cela n'a pas tellement été la
concurrence à ce moment qui nous a préoccupés que le fait
que les taux d'intérêt sur les marchés à court terme
étaient très élevés. Comme les obligations
d'épargne sont des titres liquides qui peuvent être
encaissés en tout temps, alors les gens encaissaient soit pour acheter
des obligations d'épargne du Canada soit pour placer dans les
dépôts à court terme auprès des
sociétés de fiducie ou des banques qui payaient des taux
d'intérêt plus élevés, ceci nous a amenés
à relever le taux d'intérêt sur ces titres à 10%.
Dès que cette opération a été faite, il y a eu un
arrêt dans l'hémorragie du rachat parce que nous devenions
extrêmement concurrentiels. Cette opération que nous avons
menée en 1974 est la preuve, je pense, que les obligations
d'épargne du Québec sont des titres que les contribuables ou les
citoyens québécois ont avantage à garder et à
acheter parce que nous rajustons les taux d'intérêt et je pense
qu'avec l'expérience des dernières années, les
détenteurs de ces titres sont en mesure de s'en rendre compte et ne
procéderont pas au rachat ou à la revente de leurs titres
dès qu'il y a des modifications sur les taux d'intérêt
je passe mon commercial.
M. Morin: C'est ce que je disais. Un très beau couplet
commercial.
M. Garneau: Je le pratiquerai pour la télévision
une bonne fois. Non, mais c'est quand même une réalité qui
fait que les... Parce que mes officiers me suggèrent assez souvent de
passer ce message publicitaire...
M. Morin: Oui, mais, enfin, ici, M. le ministre, on pourrait dire
les choses telles qu'elles sont.
M. Garneau: Les choses sont ainsi, aussi.
M. Morin: Vous êtes aussi convaincant qu'un vendeur
à la télévision.
M. Garneau: C'est la vérité et il y a même
des gens qui m'ont souligné qu'ils avaient eu l'intention de vendre
leurs titres mais qu'ils savaient que, tôt ou tard, on rajusterait les
taux d'intérêt au taux du marché et ils les ont
gardés. Et comme il s'agit là d'une discussion qui est
consignée au journal des Débats, il y a peut-être des gens
qui, par temps perdu, prendront la patience de lire tous ces longs
débats et pourront constater que le ministère des Finances et le
gouvernement du Qué- bec prennent soin de leurs clients et font en sorte
que les détenteurs de ces titres ne soient pas pénalisés,
mais qu'au contraire ils puissent recevoir un rendement aussi bon que s'ils les
avaient placés dans d'autres valeurs canadiennes. Fin du message
publicitaire.
M. Morin: Bien. Combien en avez-vous racheté au cours de
l'année écoulée?
M. Garneau: Nous n'avons pas le détail. J'ai comme
renseignement qu'au 31 mars 1974, nous avions $326 millions d'obligations
d'épargne en circulation et, au 31 mars 1975, il y en avait $289
millions. Alors, on l'a? Ah bon! il y a eu $112,200,000 de rachetés et
sur ce montant, il y avait rémission de 1964 qui arrivait à
échéance et pour laquelle il restait $25 millions encore en
circulation.
M. Morin: Vous en avez racheté plus que vous n'en avez
vendu.
M. Garneau: C'est juste. Il faut dire qu'il y avait une
émission qui arrivait à échéance également.
Il y a une autre émission qui arrive à échéance
également. Elle est venue à échéance le 1er mai. Il
en restait $20 millions en circulation.
M. Morin: Pour votre programme de 1975/76, quel est le montant
prévu? Je commence par vous poser cette question et j'en aurai d'autres
par la suite.
M. Garneau: Les optimistes disent $100 millions. Ceux qui le sont
moins disent $75 millions. Alors, quand on fait le poids entre les deux, je dis
entre $75 millions et $100 millions. Il y a des bouteilles de vin de
gagées à des endroits là-dessus.
M. Morin: Vous vous en tenez strictement à
l'expérience de 1974.
M. Garneau: Je pense que cela sera entre $75 millions et $100
millions. Ce qui va peut-être nous avantager ou nous favoriser cette
année, c'est que les taux d'intérêt à court terme,
d'une façon générale, ont été... depuis
quelque temps, les dépôts auprès des banques, les
sociétés de fiducie se sont replacés, contrairement
à la situation qui prévalait l'an dernier où les taux
d'intérêt à court terme étaient dans quelques cas
plus élevés même que les taux d'intérêt
à long terme. Le rajustement qui s'est fait dans la courbe
générale des taux d'intérêt devrait peut-être
faciliter la vente de cette année, mais j'imagine que cela sera entre
$75 millions et $100 millions.
M. Morin: C'est à 8.5%?
M. Garneau: A 8.5%, avec une échéance de cinq
ans.
M. Morin: L'émission fédérale qui est
actuellement en cours n'est-elle pas plus avantageuse?
M. Garneau: Celle qui a été lancée l'automne
dernier est fermée parce que, justement, on en a trop vendu. D'ailleurs,
on a indiqué dans les documents budgétaires du mois de novembre
renseignements, dans les statistiques fédérales. J'imagine
qu'on va en refaire une autre à l'automne et la période de vente
des obligations d'épargne du Canada n'est pas automatique. Nous, c'est
un mois tandis qu'Ottawa, bien souvent, laisse la période de vente
ouverte beaucoup plus longtemps.
M. Morin: M. le Président, il y a eu au niveau
fédéral des projets on me dit que cela s'est même
fait de déduction à la source pour les fins d'achat
d'obligations d'épargne. J'entends les déductions à la
source sur le salaire pour favoriser la vente des obligations d'épargne.
Est-ce que le ministère a envisagé la possibilité
d'instaurer un système comme celui-là au Québec?
M. Garneau: Oui, nous avons fait des études, je pense, il
y a deux ou trois ans. Les officiers du ministère avaient
rencontré les responsables de l'administration du programme de vente des
obligations d'épargne du gouvernement fédéral. On s'est
aperçu et les statistiques l'indiquent que le montant
vendu est extrêmement bas en proportion de l'ensemble de la vente
d'émissions. Les titres, qui sont vendus par déduction à
la source, sont de petits montants et des titres qui ont la longueur de vie la
plus courte. D'ailleurs, il s'agit de causer avec des gens qui achètent
ces obligations d'épargne, la plupart les achètent par retenue
sur salaire pour payer leurs vacances de l'an prochain, de sorte que la
longueur de vie de ces titres est relativement courte, et le coût de
l'émission est élevé, parce que cela implique
évidemment une organisation de vente et une administration...
M. Morin: Pas mal compliquée.
M. Garneau: ... pas mal compliquée. C'est la raison pour
laquelle nous n'avons pas pris cette voie. Nous avons plutôt
préféré procéder par les banques, et les caisses
populaires et les courtiers en valeurs mobilières sans affecter les
retenues à la source.
M. Morin: Est-ce que vous avez cru comprendre que le gouvernement
fédéral s'apprêtait à mettre fin à cette
expérience?
M. Garneau: Je ne crois pas qu'il y ait eu d'indication de
donnée dans ce sens. Je pense bien que le système du gouvernement
fédéral est déjà en place. C'est plus facile pour
eux de le poursuivre que pour nous de le créer en sachant que le
résultat, en termes de montants perçus serait relativement bas et
les coûts de perception de ce financement seraient élevés.
D'ailleurs, quand la vie est très courte, cela a des coûts
de...
M. Morin: M. le Président, je suis prêt à
adopter le programme no 2.
Le Président (M. Brisson): Programme no 2, adopté.
Programme no 3: Comptabilité gouvernementale.
Comptabilité gouvernementale
M. Garneau: Pour la première année, nous avons
sauvé la discussion sur la théorie du major Douglas.
M. Morin: Oui. Je le regrette, je ne savais pas que le ministre
était attaché à cette discussion annuelle. Cela lui
permettait peut-être de refaire ses convictions d'année en
année.
M. Garneau: C'est cela.
Le Président (M. Brisson): Programme 3, adopté?
M. Morin: Un instant, M. le Président, ne bousculons pas.
Est-ce que je pourrais demander au ministre, au sujet du programme 3, à
l'élément I, ce qui explique l'augmentation, somme toute, assez
considérable de $6,462,200 cette fois, je ne fais pas erreur, il
s'agit bien de millions à $8,147,300?
M. Garneau: Je pense que, si le chef de l'Opposition regarde la
page explicative...
M. Morin: Des supercatégories?
M. Garneau: Oui.
M. Morin: On dirait que ce sont les traitements.
M. Garneau: Dans les informations concernant les postes. C'est
là que, je pense, la variante est la plus grande, lorsqu'il y a eu une
augmentation à l'élément I du nombre d'employés
permanents. Dans l'ensemble du programme 3, il y a eu 141 postes
d'ajoutés aux effectifs du ministère. Cela explique...
M. Morin: I4I postes comblés.
M. Garneau: Les sommes d'argent ont été inscrites
au budget pour défrayer un nombre de postes proportionnel à cela,
mais l'opération de recrutement est en cours. Combien y en a-t-il de
complétés? Il y a 63 de ces I4I postes qui sont comblés.
L'opération de recrutement au niveau des CEGEP a été
très fructueuse... Peut-être qu'on pourrait demander au
contrôleur des finances de donner des explications directement.
Au sujet du recrutement des postes, nous avons fait, en collaboration
avec la Commission de la fonction publique, le tour des CEGEP au niveau de la
section des finances. Déjà, nous avons eu une réponse
affirmative de 76 étudiants qui sont intéressés à
venir au ministère des Finances, qui vont y entrer au fur et à
mesure, qui vont devenir disponibles.
M. Morin: Donc, à l'heure actuelle, il y a 63 postes
comblés sur I4I postes disponibles. Est-ce que j'ai bien compris? C'est
bien cela, M. le contrôleur?
M. Garneau: C'est-à-dire que, sur les I4I, on ne peut pas
exactement sur les I4I, mais sur la différence, nous avions I79 postes
au 31 mars, c'est-à-dire au 1er avril. Déjà, nous en avons
comblé 63 sur les 179.
Les 141 étaient inclus dans les 179.
On ne peut pas dire que ce sont les nouveaux qui ont été
comblés.
L'ensemble des postes vacants.
Dans l'ensemble des postes vacants, nous en avons comblé 63
depuis le 1er octobre.
M. Morin: Alors, vous ne prévoyez aucune difficulté
pour combler les nouveaux postes prévus pour 1974/75, si je comprends
bien.
M. Garneau: Non, surtout dans les derniers concours de
recrutement, cela va même très bien, même au niveau
professionnel, où nous avons eu des difficultés au cours de
l'année. Au dernier concours, au moins dix candidats ont
été choisis sur les quatorze qui s'étaient
présentés.
M. Morin: Dix sur quatorze qui s'étaient
présentés.
M. le Président, étant donné que le temps passe, je
pense que nous pouvons adopter le programme 3 sans plus tarder.
Le Président (M. Brisson): Programme 3, adopté.
Programme 4: Fonds de suppléance.
Fonds de suppléance
M. Garneau: M. le Président, le programme 4, en fait, en
est un qui est inscrit dans les crédits du ministère des
Finances, mais, pour une partie importante, disons, sur le plan administratif,
soit la réserve pour augmenter l'article de l'élément 3
qui concerne les assistés sociaux, les programmes d'emplois
d'assistés sociaux et les programmes d'embauche d'étudiants,
même si la réserve est inscrite au ministère des Finances,
nous n'administrons pas ces programmes. Dans le cas du placement
étudiant, il s'agit d'un programme administré à
l'intérieur du Conseil exécutif. Le programme concernant le
placement de bénéficiaires d'aide sociale est administré
par le ministère du Travail. Nous avons la réserve, et nous la
transférons dans les ministères.
Nous transférons les crédits qui sont nécessaires
dans les ministères qui ont la responsabilité de
l'exécution d'un plan qui a été approuvé, dans un
cas, par le ministère du Travail et, dans l'autre cas, par le service de
placement étudiant qui relève de l'exécutif. C'est
pourquoi je pense bien qu'il me serait difficile de répondre aux
questions techniques sur ce programme. Nous le pourrons sans doute, lors de
l'étude des crédits de ces deux ministères... Il y aura
certainement des discussions qui vont porter là-dessus.
Pour les deux autres éléments du programme, la
réserve générale, pour accroître tout crédit,
dans les conditions qui sont inscrites dans l'élément I, a
été augmentée de $5 millions à $13 millions. Avec
l'accroissement du budget, nous avons cru qu'il n'était pas
exagéré d'avoir une réserve générale pour
répondre à des besoins urgents qui peuvent se présenter en
cours d'année dans les différents programmes des
ministères.
Pour ce qui est de la provision 2, qui a pour but d'augmenter tout
crédit applicable aux traitements, salaires et allocations, l'estimation
qui a été faite par le Conseil du trésor l'a située
à $12 millions, comparativement à $21 millions l'an dernier.
C'est que nous avons été en mesure, cette année, compte
tenu de l'expérience accumulée, d'ajouter au poste traitements de
la plupart des crédits des ministères de tous les programmes de
l'activité gouvernementale les sommes d'argent qui étaient
nécessaires pour le paiement de l'indexation, alors que, les
années passées, nous étions un peu moins sûrs et
nous avions mis une réserve plus généreuse pour parer
à toute éventualité. Cela explique la baisse que nous
avons à ce poste.
M. Morin: Le boni de vie chère, M. le ministre, est
réparti dans les divers ministères, comme on dit.
M. Garneau: Dans tous les ministères, à tous
les...
M. Morin: II n'apparaît pas ici?
M. Garneau: Non, évidemment, s'il s'avérait que,
dans un ministère, il y a eu une erreur dans les calculs, nous pourrions
utiliser cette réserve et la verser au poste traitements du programme
concerné pour combler le manque qui pourrait exister. Mais, à
moins qu'il y ait eu des erreurs dans les calculs effectués, il n'y aura
pas nécessité d'utiliser cette réserve pour cette fin.
M. Morin: Quand vous avez prévu ce boni ou cette prime de
vie chère qui est réparti à travers l'ensemble du budget
des divers ministères, quel pourcentage avez-vous retenu comme base de
calcul?
M. Garneau: Nous avons prévu que la prime de vie
chère à verser, en vertu de la convention collective,
signifierait une augmentation de la masse et un boni correspondant à
18%.
M. Morin: 18%.
M. Garneau: 18%, parce que c'est une formule qui s'accumule
à partir de la signature de la convention. Quant à l'application
de la formule telle que décrite dans la convention collective, nous
avions prévu qu'elle pourrait représenter un boni de 18%, mais,
les statistiques du dernier mois indiquent que ce sera un peu plus bas,
probablement entre 16.75% et peut être 17.25%, quelque part dans cet
ordre de grandeur.
Evidemment, nous le saurons lorsque l'indice du mois de juin sera
publié, par rapport au mois
de juin de l'an dernier. Je pense que la réserve que nous avons
inscrite sera un peu plus généreuse que nécessaire, ce qui
veut dire qu'il resterait environ 10% ou ll% à verser à ce
chapitre.
M. Morin: Cela va pour le programme 4.
Le Président (M. Brisson): Programme 4, adopté.
Programme 5: Gestion interne et soutien, adopté?
M. Morin: Oui, nous sommes prêts à adopter le
programme 5.
Le Président (M. Brisson): Programme 5, adopté.
Programme 6: Traitement électronique centralisé des
données.
Traitement électronique centralisé des
données
M. Garneau: M. le Président, cette année, sur le
programme, je vais souligner que nous avons fait la comparaison au brut,
puisqu'il y a un changement. Avant cela, il y avait des imputations. Je pense
bien que le chef de l'Opposition qui a procédé à
l'étude d'autres... Probablement que vous avez passé
déjà à travers l'étude des crédits d'autres
ministères, ce n'est pas le premier.
M. Morin: Oui, deux en fait.
M. Garneau: Nous procédons au budget brut et non pas au
budget net, de telle sorte que nous avons fait l'élimination des
imputations de telle sorte que l'ensemble des crédits qui, autrefois,
étaient au centre de traitement électronique des données,
étaient beaucoup plus faibles que cela, étant donné que
les crédits étaient dans chacun des ministères.
Maintenant, avec la présentation au brut, tous les crédits
sont votés à ce programme 6 et subdivisés par
ministère, mais payés à même les crédits
votés à ce programme.
M. Morin: J'avoue, M. le Président, que j'ai mal saisi ce
que le ministre a voulu dire. Est-ce qu'il veut dire que le traitement
électronique de l'ensemble des ministères, le coût de
l'ensemble des ministères est regroupé? Ce n'est sûrement
pas cela, parce que...
M. Garneau: Non.
M. Morin: ... dans les autres ministères, chaque fois,
nous avons eu justement des crédits prévus pour le traitement
électronique.
M. Garneau: II y a un nombre important de ministères qui
ont également leur centre de traitement des données.
M. Morin: Oui.
M. Garneau: Le ministère des Transports en a...
M. Morin: Le Revenu.
M. Garneau: ... le Bureau des véhicules-automobiles. Le
Revenu a le sien. l'Education a un centre de traitement aussi important, les
Affaires sociales également. Ici, il s'agit des ministères qui
n'ont pas un volume d'activité suffisamment élevé pour
avoir un centre d'informatique. Nous créons quand même des
traitements de données. C'est le CTED qui fait le travail. C'est
l'ensemble de ces crédits...
M. Morin: Est-ce qu'il y a des contrats, j'allais dire
d'affermage à l'extérieur, en dehors des ministères, pour
le traitement des données ou est-ce que tout se fait au sein du
gouvernement, maintenant?
M. Garneau: C'est fait au sein du gouvernement, mais il peut
arriver, à l'occasion, qu'un surcroît de travail nous oblige
peut-être à le faire, mais c'est très rare. On va
plutôt dans d'autres centres du gouvernement.
M. Morin: Est-ce que l'annonce d'une politique d'achat, par le
ministère de l'Industrie et du Commerce, va changer les politiques
d'achat et de location de matériel électronique du
ministère des Finances, de la part du ministère des Finances?
M. Garneau: Actuellement, pour le CTED, le plus gros de
l'équipement est fourni, soit par Uni-vac, soit par IBM. Dans les deux
cas, il s'agit d'entreprises qui ont des activités importantes au
Québec. Univac est installée à Dorval, je crois,
maintenant. IBM est à Bromont. Ce sont, en fait, les deux grands
fournisseurs, soit au niveau de l'achat pour certaines pièces, mais
surtout au niveau de la location pour d'autres. Dans le cas de Univac, cela a
été par appel d'offres, il y a combien d'années
déjà? En 1972. En 1971 ou 1972? L'appel d'offres a
été fait en 1971, mais on les a eus en 1972. Il y a eu un appel
d'offres en 1971, à la suite d'un dépôt du cahier des
charges. C'est la société Univac qui a présenté la
meilleure cotation en respectant tous les critères assez complexes qui
avaient été établis par un comité d'experts en
informatique.
M. Morin: Est-ce que le ministre a une idée du pourcentage
des appareils ou des pièces qui sont fabriquées au
Québec?
M. Garneau: Non, ce que j'ai comme information, on nous transmet
que, en termes de location, en 1975/76, il y avait $1.4 à Univac et $1.1
à IBM. Est-ce que chacune des pièces de ces machines est
fabriquée au Québec ou non? Je n'ai pas l'information.
M. Morin: D'ailleurs, on se demande si on doit parler d'une
politique d'achat, puisque, en fait, il s'agit d'une politique de location.
M. Garneau: Dans ce cas, c'est de la location.
M. Morin: Cela revient au même tout de même,
puisqu'on peut se servir d'une politique de location pour favoriser la
fabrication sur place.
M. Garneau: Comme il s'agit de deux entreprises qui sont deux
grands fournisseurs établis au Québec avec des investissements
dans les deux cas assez importants, que la concurrence se fait
entre ces deux sociétés et qu'il n'y en a pas d'autres qui ont un
degré de fabrication plus avancée au Québec, le
problème serait difficile à résoudre d'une façon
différente de celle que nous avons utilisée à ce jour,
soit par appel d'offres, dans ces gros contrats.
M. Morin: Je serais curieux, cependant, de savoir combien il y a
d'employés d'Univac au Québec, à Dorval. Ce serait
intéressant de le savoir, je pense que ce n'est pas
considérable.
M. Garneau: Je vais répondre à cet
élément de curiosité.
Je pense que ce serait assez facile de l'obtenir, il s'agirait de le
demander.
M. Morin: Ce serait intéressant, pour votre propre
gouverne.
M. Garneau: On me dit qu'il y a une publication du
ministère de l'Industrie et du Commerce là-dessus. C'est une
publication que j'ai déjà vue, qui donne le nombre
d'employés, enfin dix à quinze personnes ou plus de 1,000
personnes, pour la plupart des employeurs du Québec.
M. Garneau: Vous savez quelle... on va essayer de voir.
Il y a environ deux ans... On va vous l'envoyer.
M. Morin: Bien.
M. Garneau: Ce sont les employés de manufacture. Mon
adjoint parlementaire se fera un plaisir de vous envoyer ça.
M. Morin: Si c'était établi à
Trois-Rivières, le député s'en soucierait.
M. Bacon: On saurait le nombre d'employés. Une Voix:
Le député s'en soucie.
M. Morin: Nous pouvons adopter le programme 6, M. le
Président.
Le Président (M. Brisson): Programme 6, adopté. Le
programme 7, Curatelle publique, a été adopté.
M. Morin: Ce programme a été adopté,
oui.
M. Garneau: Le député d'Argenteuil me dit que la
publication auquelle se réfère le sous-ministre, M. Goyette, a
été expédiée...
Cette publication nous a été envoyée il y a
à peu près deux ou trois semaines, avec la liste de tous les
fabricants dans le Québec, le nombre d'employés...
C'est vrai, cela a été distribué en Chambre. Je me
le rappelle, parce que j'ai jeté un coup d'oeil là-dessus. En
tout cas, on va essayer de la retracer.
M. Morin: Pouvez-vous néanmoins vérifier, dans le
cas d'Univac?
Cela m'intéresserait et je pense que cela vous
intéresserait aussi.
Le Président (M. Brisson): Donc, les crédits
budgétaires 1975/76 du ministère des Finances sont adoptés
en entier?
M. Morin: Adopté.
Le Président (M. Brisson): La commission ajourne ses
travaux sine die.
M. Morin: Je vroudrais poser au ministre une dernière
question avant que nous nous quittions. Est-ce qu'on a prévu une
commission pour SID-BEC, la caisse de dépôt, les entreprises
d'Etat, pour que nous puissions examiner...
M. Garneau: Dans le cas de SIDBEC, il est bien possible que nous
ayons, si ce n'est pas à cette partie-ci de nos travaux, ce sera au
début de nos travaux d'automne, à revoir certains
éléments de la loi, ce qui nous permettra d'avoir les gens de
SIDBEC. Pour ce qui est de la caisse de dépôt, ça va
dépendre des travaux parlementaires. Je dois dire au chef de
l'Opposition que dès que les crédits des ministères seront
adoptés, j'ai l'intention de demander au leader de la Chambre de
convoquer la même commission parlementaire pour étudier le rapport
du Vérificatuer général. Je ne voudrais pas qu'on prenne
trop de retard de ce côté, mais qu'on essaie de concentrer
plusieurs séances de travail pour être en mesure de passer
à travers. Ce qui me fait penser que ça irait peut-être
à un peu plus tard avant que nous puissions trouver le temps, à
mois que, d'un commun accord avec les partis de l'Opposition, on mette la
priorité sur ces commissions parlementaires. Je n'ai absolument pas
d'objection à le faire. En ce qui regarde la caisse de
dépôt, j'avais demandé au président de la caisse,
par contre, de me transmettre des informations sur la Place Du puis, au sujet
de laquelle le chef de l'Opposition avait posé des questions au premier
ministre. J'ai obtenu les renseignements du président de la caisse de
dépôt, en conformité avec l'article 44 de la loi
constituant la caisse. Je pourrais peut-être lire la lettre du
président. D'ailleurs, je lui ai dit que j'avais l'intention de
déposer ce document à l'Assemblée nationale, et je n'aurai
pas d'objection à le faire si le besoin en est exprimé.
Cette lettre, datée du 14 mai, m'est adressée. Sujet:
Financement de Place Dupuis Incorporée. M. le ministre, pour faire suite
à votre demande, en conformité avec les dispositions de l'article
44 de la charte de la Caisse de dépôt et placement du
Québec, je vous transmets les renseignements
suivants concernant le sujet en titre. Le sujet en titre était le
financement de Place Dupuis Incorporée. En juillet I97I, la Caisse de
dépôt a été saisie du projet immobilier de Place
Dupuis Incorporée qui comportait les éléments suivants et
dont la construction devait s'effectuer en trois ou quatre phases successives
selon un calendrier qui n'était pas encore défini à
l'époque.
Première phase, plaza commerciale et édifices à
bureaux sur la partie nord du quadrilatère situé à l'ouest
de la bâtisse existante de Dupuis et Frères. Phase 2, extension
vers le sud de la plaza commerciale pour couvrir tout le quadrilatère
précité et, phase 3, un hôtel construit au-dessus de la
plaza commerciale sur la partie sud du quadrilatère. Finalement, la
phase 4, appartements et espaces de bureaux et remplacement de la partie sud de
la vieille bâtisse de Dupuis et Frères.
La Caisse de dépôt a alors indiqué qu'elle serait
intéressée à étudier une demande de financement
pour les phases I et 2 et possiblement 3 du projet, mais que Place Dupuis
devrait trouver un autre prêteur pour la quatrième phase du
projet. Le cheminement de ce financement fut le suivant: réunion du
conseil d'administration du 4 octobre I97I, résolution autorisant un
investissement de $11,200,000 dans Place Dupuis Incorporée au taux de
10% l'an pour un terme de 30 ans. Cette autorisation portait sur l'achat et la
location du terrain de Place Dupuis et le financement hypothécaire des
édifices de la première phase du projet, nommément une
plaza commerciale de trois étages couvrant la majeure partie du terrain,
partie nord, un édifice à bureaux et des garages souterrains.
A la réunion du conseil d'administration du 18 octobre 1971,
suite au parachèvement de l'acquisition des dernières parcelles
de terrain en bordure de la rue Sainte-Catherine, il devient possible de
procéder à la construction de la partie sud de la plaza
commerciale en même temps que la partie nord dont le financement avait
été autorisé. A cette réunion, soit celle du 18
octobre 1971, au conseil d'administration, le montant du financement
autorisé a été porté à $13,500,000, soit une
augmentation de $2,300,000, afin de couvrir la deuxième phase du projet.
Suite à cette résolution, une lettre d'offre de financement de la
Caisse de dépôt était émise et acceptée le 2
novembre 1971.
A la réunion du conseil d'administration de la caisse du II
décembre 1972, suite à la conclusion d'une entente entre Place
Dupuis Incorporée et les hôtels Holiday Inn, Place Dupuis est
devenue en mesure de fournir les garanties exigées par la Caisse de
dépôt pour le financement de cette troisième phase du
projet et fait une demande à cet effet.
A la réunion du 11 décembre 1972, le conseil
d'administration porte le montant autorisé du financement à $16
millions, soit une augmentation de $2.5 millions, de façon à
couvrir cette dernière phase de la partie du projet financé par
la Caisse de dépôt. Le financement autorisé comportait les
éléments suivants: achat du terrain par la Caisse de
dépôt pour une somme de $2.5 millions et loca- tion de celui-ci,
à Place Dupuis, par un bail emphytéotique et un loyer annuel
donnant un rendement initial de 9% sur l'investissement. Des modalités
prévoyaient des révisions périodiques du loyer en fonction
de l'accroissement de la valeur du terrain dans l'avenir. Souscription à
$13.5 millions d'obligations hypothécaires d'un terme de 30 ans, portant
intérêt au taux de 9.5%.
A la réunion du conseil d'administration du 27 mai 1974, suite
à l'augmentation des coûts de construction, Place Dupuis a
demandé une augmentation du montant du financement. A sa réunion
du 27 mai 1974, le conseil d'administration a autorisé une augmentation
du financement jusqu'à concurrence de $2 millions, au taux de 10.5%,
pourvu que le montant total du financement ne soit pas supérieur
à 90% du coût et 85% de la valeur économique.
A la réunion du conseil d'administration du 18 juin 1974,
l'augmentation du prêt est ratifiée au montant de $1,600,000, au
lieu de $2 millions, en raison des exigences formulées à la
réunion précédente.
La quatrième phase du projet a été
complétée sous forme d'édifice à bureaux qui ont
été loués à l'Hydro-Québec. Le financement
de cet immeuble a été effectué par un groupe
d'institutions prêteuses, la Caisse de dépôt n'a pas
participé à ce financement. La Caisse de dépôt n'a
donc financé que la partie du complexe immobilier située sur le
terrain qu'elle a acheté, soit les phases I, 2 et 3,
précédemment décrites. Le revenu de location des espaces
occupés par des organismes gouvernementaux, dont le plus important est
la Société de la baie James et la Société
d'énergie, représente 32.3% du revenu global des immeubles
financés par la Caisse de dépôt.
J'espère que l'acheminement des diverses résolutions ainsi
que les explications supplémentaires répondent
adéquatement aux renseignements que vous désiriez obtenir.
Agréez, M. le ministre, l'expression de mes sentiments
distingués.
Ce que je voudrais ajouter à cette lettre, il s'agit de
commentaires que j'ai pu recueillir auprès du président de la
caisse de dépôt, c'est que, contrairement à ce que certains
journaux avaient rapporté, les décisions de la caisse de
dépôt concernant le financement de Place Dupuis ont toutes
été prises avant que le président actuel soit en fonction
et, également, avant le décès de M. Prieur.
Je pense qu'il est bon de souligner que la décision de la caisse
d'investir dans le financement de Place Dupuis avait été prise
sous l'instigation d'une personne extérieure a la caisse, dans
l'intérim où le président décédé
n'avait pas été remplacé.
Je pense qu'il s'agit d'une information absolument non fondée,
qui n'était pas conforme à la réalité et qui se
retrouve dans les dates et les explications qui m'ont été
transmises par le président de la caisse de dépôt.
Egalement, je voudrais ajouter que, prévoyant des questions
à ce sujet, j'avais communiqué avec le sous-ministre des travaux
publics pour voir si le
gouvernement du Québec, le ministère des Travaux publics
payait quelque loyer que ce soit à Place Dupuis, pour y abriter ou y
loger des services d'un ou de différents ministères du
gouvernement. La réponse que m'a transmise le sous-ministre des Travaux
publics, M. Trudeau, disait que nous, le gouvernement, n'occupons,
actuellement, directement, par la voie de nos ministères, aucun espace
à bureaux dans Place Dupuis.
Maintenant, pour ce qui est de la location effectuée par
Hydro-Québec, on se rappellera que, lors d'une commission parlementaire
qui a eu lieu en cette même salle, cette question avait été
soulevée pour répondre à certaines objections ou certains
propos qui avaient été tenus concernant Place Desjardins. On se
demandait pourquoi.
Moi-même, j'avais fait des observations sur cette
question-là et le président d'Hydro-Québec avait
répondu aux questions, lors d'une réunion subséquente
à celle qui avait amené à cette table, les gens de Place
Desjardins. Il avait expliqué pourquoi il avait loué à
Place Dupuis, et aussi ce qu'il entendait faire à Place Desjardins et il
avait indiqué si ma mémoire m'est fidèle, je
voudrais remonter voir le journal des Débats qu'il s'agissait tout
simplement de coût de location. Sur le plan strictement
économique, les propositions qui étaient faites par Place Dupuis
étaient nettement plus avantageuses et donnaient aussi la
disponibilité de bureaux immédiatement alors que, dans l'autre
cas, il s'agissait de locaux qui auraient été disponibles
beaucoup plus tard.
M. Morin: Est-ce que le ministre voudrait bien déposer
cette lettre? De toute façon, je pense que...
M. Garneau: Je n'ai pas d'objection. D'ailleurs...
M. Morin: ... pour qu'elle puisse être analysée.
M. Garneau: Elle se trouve inscrite. J'ai voulu la lire pour
qu'elle soit inscrite également dans le journal des Débats, pour
ce qui est des travaux de cette commission. J'ai indiqué au
président de la caisse que j'avais l'intention de déposer les
informations qu'il me transmettrait, et que je voulais les avoir dans la forme
la plus claire et la plus précise possible.
Je pense que le document de quatre pages traduit assez bien ce qui a
été la réalité dans cette transaction. Je tenais
à faire ces observations, parce que les propos qui avaient
été tenus ou exposés dans certains journaux mettaient en
cause non seulement les officiers de la caisse, les permanents, les
fonctionnaires qui sont à la caisse, mais également tous les
membres du conseil d'administration qui, en définitive, auraient
accepté de passer pour des marionnettes. Et je vous prie de me croire
que, dans mes discussions avec la caisse de dépôt, je n'ai pas
affaire à des marionnettes.
M. Morin: La difficulté de l'exercice auquel se livre le
ministre, actuellement, c'est que la procé- dure administrative que nous
décrit cette lettre, avec les dates, les montants, l'augmentation, etc.,
c'est bien beau, mais cela ne nous dit rien des possibilités de
pression, tant sur la caisse de dépôt que sur Hydro-Québec,
par la personne dont il a été question ces jours-ci.
Cela ne nous apprend rien là-dessus. Je ne pense pas que le
ministre soit en mesure de répondre à des questions
là-dessus.
M. Garneau: Je n'ai pas...
M. Morin: Autrement dit, je vois bien l'utilité que peut
avoir la lettre et j'espère que le ministre va la déposer le plus
tôt possible en Chambre. C'est un élément du dossier, mais
ce que je voudrais dire au ministre, c'est que cela ne le clôt pas.
M. Garneau: M. le Président, je n'ai pas la
prétention de vouloir clore le dossier dans l'esprit de ceux qui voient
des pressions ou la possibilité de pressions, de quelque source qu'elles
soient. Je pense bien, malgré les documents qu'on pourrait
déposer ou les déclarations que l'on pourrait faire, que ceux qui
veulent voir des choses, des pressions soi-disant indues pourront toujours les
voir. J'ai cependant la conviction que si nous pouvons disposer du temps qu'il
faut pour convoquer la caisse de dépôt a une commsision
parlementaire, non pas uniquement pour venir faire des déclarations sur
Place Dupuis, mais sur l'ensemble de sa politique, le seul témoignage
qu'on pourra avoir, c'est celui des officiers de la caisse qui vont dire: On
prend leur parole ou on ne la prend pas.
Une chose qui est certaine, c'est que l'ensemble des décisions et
la chronologie des événements démontrent que les
décisions n'ont pas été prises dans l'interrègne de
la présidence de la caisse, mais plutôt avant le
décès de M. Prieur qui, à ce moment-là,
exerçait les fonctions de président directeur
général.
M. Morin: Mais ce n'est pas moi qui avais soulevé ce
point. Le ministre le sait, et tant mieux si cela clarifie un point auquel il a
peut-être fait allusion dans les journaux.
Je ne crois pas que cela puisse nous éclairer, comme je le disais
tout à l'heure, sur la possibilité que, dans tout cela, il ait pu
y avoir influence indue de certaines personnes. Encore une fois, je ne tente
pas de répondre à ma propre question.
M. Garneau: La seule réponse que je puisse donner au chef
de l'Opposition, c'est qu'ayant connu, pour avoir travaillé avec lui,
l'ancien président de la caisse, M. Prieur, connaissant également
le directeur adjoint, M. Paris, et aussi les membres du conseil
d'administration de la caisse, je pense pouvoir dire que s'il y avait eu des
pressions que ces gens auraient considérées indues ou
déplacées, de quelque nature et de quelque source que ce soit, je
pense que... Le chef de l'Opposition, d'ailleurs, connaît la plupart des
personnes qui sont au conseil, j'imagine bien.
M. Morin: Pas toutes, quelques-unes sûrement.
M. Garneau: Je pense que vous pouvez prendre des informations sur
la valeur, en tant qu'hommes d'affaires et aussi sur la valeur morale de ces
personnes, et que la meilleure réponse qu'on puisse faire, c'est que ce
n'est pas une catégorie d'hommes qui accepteraient des pressions
indues.
D'ailleurs, quand j'ai rencontré les membres du conseil
d'administration de la caisse, c'est un des éléments que j'ai
voulu soulever avec eux, pour savoir s'ils pouvaient prendre leurs
décisions au meilleur de leurs connaissances, dans les
intérêts supérieurs de la caisse et des contribuables
québécois qui souscrivent au régime de rentes.
La réponse a été dans le sens qu'ils ne subissaient
pas de telles pressions. Il y a même un des membres du conseil
d'administration qui a voulu mettre de l'emphase sur le fait que nous
n'intervenions pas, et, personnellement, comme ministre des Finances, il
pouvait me rendre témoignage du fait que je n'avais pas essayé de
faire prendre à la caisse des décisions, qui, aux yeux du conseil
d'administration et des officiers supérieurs, n'étaient pas
conformes aux intérêts des épargnants et de l'ensemble de
la population du Québec.
M. Morin: M. le Président, si vous le voulez bien, nous
allons traiter cette pièce comme une pièce additionnelle au
dossier. Nous aurons l'occasion de rencontrer, je le souhaite, des gens de la
caisse de dépôt, avant longtemps, et nous aurons aussi l'occasion
de rencontrer les représentants d'Hydro-Québec. C'est
peut-être à eux qu'il y aura le plus de questions à poser,
étant donné qu'ils ont déménagé un certain
nombre de leurs services à Place Dupuis depuis quelque temps.
M. Garneau: Je suis convaincu que les gens d'Hydro-Québec
pourront répondre à ces questions, comme ils l'ont fait la
dernière fois, parce que le sujet a été
soulevé.
M. Morin: Oui, mais il y a eu des modifications depuis cette
époque. Encore une fois, tout ce que je veux dire ce soir, c'est que le
ministre ajoute une pièce importante au dossier, mais le dossier n'est
pas fermé
M. Garneau: Si le chef de l'Opposition veut le laisser ouvert,
libre à lui. Moi...
M. Morin: C'est notre tâche, tant qu'on n'en a pas le coeur
net, de continuer à tenter d'obtenir tous le" renseignements
susceptibles d'éclairer l'opinion publique.
M. Garneau: J'espère que le chef de l'Opposition ne m'en
veut pas d'avoir donné ces informations que j'avais demandées
pour cette commission, puisqu'il avait été question que ce soit
soulevé ici.
M. Morin: Non, même j'en remercie le ministre et,
dès que nous aurons une copie de la lettre, nous pourrons certainement
en prendre une connaissance détaillée et, éventuellement,
compléter le dossier.
M. Garneau: Simplement, je voudrais ajouter aussi que, dans le
contexte des articles qui ont été écrits, ça place
les officiers... Je prends l'exemple de la caisse de dépôt, mais
aussi, dans d'autres cas, cela place des fonctionnaires dans des situations
extrêmement délicates. Dans bien des cas, on nous demande si on
doit répondre aux questions des journalistes, parce qu'on retrouve nos
propos sens dessus dessous le lendemain matin.
Tout ce que je puis dire, c'est que c'est extrêmement
déplorable qu'on ne prenne pas plus d'attention, en rapportant ces
faits, parce que les media d'information, qui requièrent toujours le
plus de renseignements possible en agissant de la sorte, se privent d'une
source d'information objective et de bonne foi, qu'ils auront plus de
difficulté à obtenir. Les officiers ne sont pas des hommes
politiques et n'ont pas la possibilité d'entreprendre des débats
sur la place publique. La seule façon pour eux d'exercer une prudence,
c'est de ne plus vouloir répondre aux questions et ce serait dommage
pour une information la plus complète et la plus objective possible pour
l'ensemble des citoyens du Québec.
M. Morin: Oui. Je voudrais ajouter, en terminant, M. le
Président, que c'est évidemment dommage que certaines
institutions parapubliques aient à souffrir d'une certaine
réputation du gouvernement depuis quelque temps. Je ne demande pas
mieux...
M. Garneau: C'est l'opinion du chef de l'Opposition.
M. Morin: Mais je ne demande pas mieux que la lumière soit
faite de fond en comble. J'espère que nous aurons l'occasion de
rencontrer les responsables des entreprises d'Etat pour vider cette
question.
Le Président (M. Brisson): Les crédits
budgétaires étant adoptés, la commission s'ajourne sine
die
(Fin de la séance à 22 h 8)