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Version finale

35e législature, 2e session
(25 mars 1996 au 21 octobre 1998)

Le mercredi 3 septembre 1997 - Vol. 35 N° 20

Examen des orientations, des activités et de la gestion de la Caisse de dépôt et placement du Québec


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Table des matières

Organisation des travaux

Remarques préliminaires

Exposé du président-directeur général de la Caisse de dépôt et placement du Québec

Vérification de la Caiss


Autres intervenants
M. Jacques Baril, président
M. Jean Campeau
M. Yves Blais
M. Yvan Bordeleau
*M. Normand Provost, Caisse de dépôt et placement du Québec
*M. Serge Rémillard, idem
*Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats


(Neuf heures six minutes)

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Mesdames, messieurs, la commission des finances publiques est réunie afin de procéder à l'examen des activités, des orientations et de la gestion de la Caisse de dépôt et placement du Québec en vertu de l'article 294 des Règles de procédure de l'Assemblée nationale.

M. le secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements qui vous sont suggérés?

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. J'informe les membres de la commission que M. Beaulne (Marguerite-D'Youville) va remplacer M. Facal (Fabre); également, M. Gautrin (Verdun) remplace M. Maciocia (Viger).


Organisation des travaux

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Je vous remercie. Je vais expliquer un peu les règles de l'audition. La séance va débuter par des remarques préliminaires selon la répartition suivante: un membre ministériel, un porte-parole de l'opposition officielle, et les autres députés, bien entendu membres de la commission, en alternance, pourront faire part de leurs remarques préliminaires. Ensuite, le Vérificateur général du Québec également aura des remarques préliminaires à faire.

Une période d'échanges avec les représentants de la Caisse de dépôt et placement du Québec suivra les remarques préliminaires. Quatre thèmes seront discutés durant les deux journées d'auditions selon l'ordre suivant, que je vous suggère: le premier thème sera «La mission et les objectifs stratégiques de la Caisse»; le deuxième thème sera «La ventilation du portefeuille et les rendements»; le troisième thème sera «Les filiales de la Caisse»; et le quatrième thème, «La vérification de la Caisse». Le président-directeur général de la Caisse de dépôt et placement du Québec formulera quelques remarques préliminaires au début de chacun des thèmes énumérés précédemment.

Tel qu'il a été convenu, la commission a invité...

Une voix: Le troisième thème, c'est quoi?

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Le troisième thème...

Une voix: Les filiales.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): «Les filiales de la Caisse», et le quatrième, «La vérification de la Caisse».

Tel que convenu, la commission a invité le Vérificateur général à participer à ses travaux et ce dernier pourra intervenir à différents moments au cours de ces deux séances, selon le besoin des membres. Les groupes parlementaires disposeront d'un temps de parole égal, en respectant l'alternance dans les interventions, et le temps de parole inutilisé par un groupe parlementaire sera disponible pour l'autre groupe parlementaire. Le temps de réponse des représentants de la Caisse de dépôt et placement du Québec sera imputé au temps de parole du représentant du groupe parlementaire qui pose la question.

Est-ce que l'ordre du jour et les modalités de fonctionnement sont acceptés par les membres? M. le député de...

M. Bourbeau: Laporte.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): ...Laporte, merci.

M. Bourbeau: Merci, M. le Président. Deux questions, M. le Président. La première, c'est que vous avez parlé d'un ordre du jour où on parlerait de grands thèmes. Est-ce qu'on peut modifier cet ordre-là? Est-ce qu'un député peut décider de poser des questions qui seraient, disons, issues d'un autre thème que du premier thème, par exemple, ou si on doit s'en tenir absolument à suivre cet ordre-là d'une façon très religieuse, ou...

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Bien, écoutez, c'est des modalités de fonctionnement que je vous propose. Si les membres veulent l'avoir dans un autre ordre... Mais, si on a proposé les thèmes suivants, c'est pour ne pas qu'on saute d'un thème à l'autre et revenir, pour que ça soit plus une continuité dans nos échanges avec la Caisse et avec les représentants de la Caisse.

M. Bourbeau: Le premier thème est un peu théorique, le deuxième aussi; le troisième est un peu plus pratique. Peut-être que parfois, en ayant recours à des exemples pratiques, on peut après ça mieux comprendre les objectifs de la Caisse.

Si on part, disons, avec un thème qui est tout à fait théorique, bon, on peut en parler longtemps, de la mission de la Caisse, mais ce serait intéressant de voir, après avoir discuté peut-être de certains exemples, de discuter après ça de la mission de la Caisse et voir comment la mission de la Caisse peut être modifiée ou peut être confirmée. Moi, j'aime bien toujours me référer à des choses concrètes et ne pas demeurer toujours, disons, dans les élucubrations théoriques.

(9 h 10)

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Remarquez bien, M. le député de Laporte, je pense que vous connaissez également la façon de procéder du président, ou la souplesse du président dans l'application des règles. Je ne m'embarrasse pas souvent des formalités. J'ai suggéré ces thèmes-là en espérant un meilleur fonctionnement de la commission, mais c'est bien évident que, si on discute d'un thème puis qu'à un moment donné vous jugez opportun de poser des questions sur, je ne sais pas, moi, un autre thème ... je ne suis pas la personne qui va vous en empêcher. C'était pour essayer quand même d'avoir un peu d'ordre dans nos échanges avec les représentants de la Caisse.

M. Bourbeau: Très bien, M. le Président. J'apprécie votre souplesse. Deuxième point: Vous dites que le temps qui est pris par la Caisse pour répondre aux questions est imputé au groupe parlementaire qui a posé la question. Vous savez que, dans le passé, on a eu à l'occasion à se plaindre un peu de la longueur des réponses à certaines questions, de sorte que la meilleure façon de bâillonner un député, pour quelqu'un qui vient ici, c'est de répondre à une question pendant 30 minutes. Alors, à ce moment-là, le temps est écoulé.

Est-ce qu'on peut compter sur vous pour s'assurer que les réponses ne seront pas beaucoup plus longues que les questions et qu'on puisse avoir l'occasion de poser plus qu'une question dans une intervention sans se faire inonder par un déluge de mots de la part de ceux qui nous visitent?

Le Président (M. Baril, Arthabaska): M. le député de Laporte, c'est mon rôle à moi, de président, d'essayer de protéger ou de préserver le temps des députés, et je m'efforcerai, bien entendu, d'être équitable envers toutes les personnes, autant les membres de la commission, et également être équitable aussi envers nos invités pour aussi également leur permettre, je dirais, de répondre adéquatement aux questions. Mais je serai assez vigilant; puisque vous exigez pratiquement que le président soit sévère sur le temps, je le serai. En tout cas, je pense qu'on va être capable de passer deux belles journées ensemble et que tous les gens puissent se sentir à l'aise et être capables de travailler d'une façon objective et positive.

M. Bourbeau: Très bien.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): M. le Vérificateur?

M. Breton (Guy): M. le Président, dans les quatre sujets, le quatrième porte sur la vérification qui, bien sûr, m'intéresse particulièrement. Par ailleurs, j'ai un problème personnel, m'étant commis auprès de la commission sur la culture, demain, pour participer à un forum. Je suis personnellement disponible seulement aujourd'hui pour aborder ce sujet. Bien sûr, je peux être remplacé par M. Bédard, mais, s'il y avait possibilité de ramener le sujet aujourd'hui, ça me permettrait de participer à l'échange.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Est-ce que les membres sont d'accord, proposent, secondent? Oui, M. le député de Crémazie.

M. Campeau: M. le Président, peut-être qu'on pourrait accepter de regarder la vérification de la Caisse en début d'après-midi. Ça nous permettrait, ce matin, de situer la Caisse, sa mission et ses objectifs et, après ça, peut-être qu'en après-midi ça serait le meilleur temps, compte tenu qu'on ne peut pas le mettre à la fin, là.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Est-ce que les membres sont d'accord avec cette proposition?

M. Bourbeau: Oui.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Bon, nous discuterons en début d'après-midi du quatrième thème, soit «La vérification de la Caisse». M. le député de Masson.

M. Blais: Oui, M. le Président. Je n'ai aucune objection à ce qu'on ait un peu plus de largesse dans nos questions, mais qu'on respecte, je crois, les thèmes qui sont déjà établis et de veiller à une sorte de «percutance», comme vous faites toujours. On a des spécialistes – supposés – en immobilier, bien, j'aimerais que ce soit à eux qu'on pose des questions sur la Caisse, la capitalisation et l'immobilisation plutôt qu'à ceux qui sont aux finances directes, etc. Il y a des spécialistes qui viennent nous voir, on veut étendre un peu la chose. Vous nous permettez toujours et vous avez toujours été dans les présidents les plus larges et les plus compréhensifs, mais, cependant, si on regarde la «percutance» de demander les bonnes questions aux bons représentants, j'aimerais bien qu'on puisse, comme d'habitude à cette commission, avoir un éventail dans chacun des thèmes qu'on respecterait.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Bien, M. le député de Masson. J'essaierai de respecter autant que faire se peut la volonté des membres de la commission tout en appliquant une forme de discipline, si je peux me permettre, pour que nos travaux soient des plus efficaces.

Donc, sur ce, je souhaite d'abord la bienvenue à nos invités. Ils auront la chance tout à l'heure, M. le président, de présenter les gens qui l'accompagnent. Je souhaite également un travail objectif pour qu'on puisse vraiment, après les deux jours que nous aurons écoulés ensemble, comprendre le fonctionnement, que les gens... Et on espère, avec les témoignages dont nous avons pris connaissance dans les derniers jours, qu'on puisse également améliorer le fonctionnement de la Caisse dans l'intérêt de l'économie du Québec.

Sur ce, je laisserai à Mme la députée de Pointe-aux-Trembles le début de ces remarques préliminaires pour la partie ministérielle.


Remarques préliminaires


Mme Nicole Léger

Mme Léger: Merci. Il me fait plaisir, comme membre ministériel, de vous recevoir aujourd'hui, M. Scraire, M. Nadeau, M. Rémillard; j'espère tout autant pour vous. Comme gestionnaire de portefeuille dont les fonds proviennent des caisses de retraite, régimes d'assurance et d'organismes publics québécois, la Caisse de dépôt et placement se classe parmi les plus grands en Amérique du Nord. Nous vous en félicitons tous, ainsi que vos prédécesseurs, puisque cela ravive la fierté québécoise, et l'institution en elle-même est donc le point de mire de toutes et de tous. Toutefois, comme députés et membres du gouvernement, nous devons faire notre travail, et c'est l'un de nos mandats de s'informer, de questionner, de comprendre et de recommander pour protéger les biens publics, l'intérêt de tous et de toutes.

Vous nous permettrez donc, aujourd'hui et demain, de scruter davantage et, si vous voulez bien, de répondre à nos questions qui s'avèrent être celles de nos commettants, de nos concitoyens; nous devons les représenter, à mon avis, convenablement, équitablement, dignement. Plusieurs interrogations seront soulevées de la part de notre formation politique, mais je tiens à vous dire que des deux côtés de la table nous désirions ensemble vous rencontrer. Entre autres, aujourd'hui, nous vous questionnerons sur les deux objectifs principaux de la Caisse, ceux de la rentabilité et du développement économique. Sont-ils des priorités équitables? Plusieurs questionnements sur les bonnes relations avec les PME et l'aide apportée à celles-ci, votre façon d'établir les communications avec elles et la confiance que vous leur inspirez, les investissements dans leur ensemble, les ressources, les conseillers, les consultants, leur rôle dans l'entreprise, les filiales, le capital de risque, l'avenir, votre plan d'action.

Alors, permettez-moi donc, comme membre de la députation ministérielle et au nom de mes collègues, d'apprécier votre présence ici aujourd'hui et de se souhaiter une atmosphère conviviale, d'à-propos et des travaux parlementaires à l'image de nos institutions, de la Caisse de dépôt et placement et du Parlement. Alors, bons deux jours à tous. Merci.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Merci, Mme la députée de Laporte. Ah, excusez, Pointe-aux-Trembles; maintenant, c'est le député de Laporte, plutôt.

M. Bourbeau: M. le Président, la porte est ouverte à toutes les possibilités.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Voilà.


M. André Bourbeau

M. Bourbeau: Si la députée veut se présenter dans Laporte la prochaine fois, M. le Président, elle est la bienvenue. Alors, nous sommes ici ce matin pour répondre à l'invitation que nous nous sommes faite mutuellement, de rencontrer les gens de la Caisse de dépôt et placement du Québec. On ne cachera pas que cette rencontre-là a été motivée par le fait que plusieurs problèmes sont survenus au cours des derniers mois, même des dernières années, relativement à la Caisse de dépôt et placement du Québec. On entend de plus en plus, je dois dire, des plaintes de plusieurs milieux; des questions se posent au sujet de la façon d'agir de la Caisse. On remarque que la Caisse a agi avec beaucoup de secret. Il est très difficile, dans bien des cas, d'obtenir des renseignements de la Caisse, qui se retranche très souvent derrière des paravents. On l'a vu avec le Vérificateur général qui s'est plaint amèrement – je ne veux pas lui mettre des mots dans sa bouche, il le fera peut-être lui-même – du manque de collaboration de la Caisse à son endroit. Pourtant, la Caisse, ce sont des fonds publics, c'est le fonds de pension des Québécois, et on s'attendrait à ce qu'il y ait plus de transparence de ce côté-là.

D'autre part, la mission de la Caisse, on la connaît, elle est double: bien sûr, elle doit faire fructifier le fonds de pension des Québécois, les capitaux qui lui sont confiés, également elle doit contribuer, par son action et par des investissements, au dynamisme de l'économie du Québec. Cette contribution au dynamisme de l'économie du Québec semble porter un peu à confusion si on en croit certains témoignages que nous avons entendus au cours des derniers jours.

Je ne sais pas si la Caisse comprend cette contribution-là de la même façon que nous la comprenons. On verra plus tard aujourd'hui bien sûr par les réponses de la Caisse quel est son point de vue sur la question, mais les témoignages que nous avons entendus laissent à penser que la Caisse serait plutôt intéressée à faire fructifier ses propres capitaux que d'aider à faire en sorte que des entrepreneurs québécois puissent eux-mêmes réussir sur les marchés mondiaux. Il semble y avoir un problème en ce qui concerne les investissements de la Caisse, surtout dans le domaine technologique, alors que plusieurs nous ont dit que la Caisse n'est pas tellement intéressée à supporter les entrepreneurs québécois mais plutôt à se remplir les poches elle-même de profits. Cela sans compter les problèmes – enfin, c'est ce qu'on nous a dit – de conflit d'intérêts qui semblent apparaître à l'occasion de certaines transactions. Alors, ce sont des choses dont on est aussi bien de parler en public, M. le Président, plutôt que d'en parler en privé. Je pense qu'il va être bon d'éclaircir ces choses-là de façon à ce qu'on arrête d'entendre toujours ces critiques-là à l'endroit de la Caisse.

(9 h 20)

Il y a aussi la question des placements de la Caisse, la compétence de la Caisse dans certains domaines. Je veux référer surtout à deux domaines en particulier. Le domaine des investissements de la Caisse dans le secteur des mines où la Caisse a fait de très mauvais placements, surtout avec la compagnie Bre-X, mais d'autres petites compagnies aussi qui orbitaient autour de Bre-X dans des pays étrangers où finalement on a perdu entre 75 000 000 $ et 100 000 000 $. On nous répond toujours: Oui, mais plusieurs autres ont perdu. C'est vrai, mais plusieurs autres n'étaient pas des experts aussi, on doit le dire. On s'attend à ce que la Caisse ait un haut niveau d'expertise dans ce domaine-là, comme dans d'autres d'ailleurs. Et il y a un grand nombre, aussi, d'experts – de vrais experts – qui n'ont pas investi dans Bre-X et qui n'ont pas perdu. Et on pourra faire des témoignages, entendre des témoignages à ce sujet-là.

Il y a également le domaine immobilier où la Caisse a fait de très mauvais placements au cours des dernières années. Là encore, on nous dit: On n'est pas les seuls, d'autres ont aussi eu de mauvaises aventures. C'est vrai, on en convient. Mais, dans le cas de la Caisse, les mauvais placements de la Caisse se sont multipliés. Souvent, on a vu dans le passé des gens qui se sont cassés les reins à l'occasion d'un gros placement, comme, par exemple, les frères Reichmann, etc. Un gros placement et puis ça y est. Dans le cas de la Caisse, c'est un grand nombre de mauvais placements qui ont été faits au cours des dernières années qui ont entraîné des pertes. Bon. La Caisse nous dit: Ce n'est pas important, c'est des petits montants quand on regarde ça sur l'ensemble. Bon. C'est une réponse d'ailleurs qu'on nous fait souvent: On a perdu 75 000 000 $, mais ce n'est pas grave; on a tellement de capitaux à la Caisse que ça ne paraît pas beaucoup. Ce qui laisserait à penser que les petites pertes ne sont pas importantes. Ça, c'est une attitude qui est un peu étonnante, je dois dire, et j'aimerais bien qu'on puisse en discuter.

Finalement, les remarques qu'on a entendues aussi lors des auditions privées, qui ont trait à l'attitude de la Caisse. On nous a dit – à plusieurs reprises d'ailleurs – que les employés de la Caisse, les dirigeants ont une attitude arrogante, qu'on se fout des clients, que la Caisse vit dans un monde absolument en dehors des autres, que personne n'a de droit de regard sur elle, qu'elle fait à peu près ce qu'elle veut, qu'elle traite les gens avec beaucoup d'arrogance, beaucoup de mépris même. C'est dans les documents qu'on nous a présentés. Alors, tout ça, M. le Président, ça mérite, je pense, une bonne discussion. C'est sûr qu'il faut laisser l'occasion à la Caisse de s'expliquer et de nous dire ce qu'elle pense; je pense que justement aujourd'hui on lui fournit l'occasion de se disculper, de répondre à ces accusations-là dont elle est la victime.

Et un autre point qu'on doit dire aussi, c'est qu'il y a peu de gens qui osent – malgré qu'on ait eu quelques témoignages ici – s'attaquer à la Caisse. Parce que, dans le milieu des affaires, tout le monde a un petit peu quelque part un cousin ou un ami qui a des intérêts dans lesquels la Caisse a pris des intérêts ou pourrait prendre des intérêts, et on ne veut pas indisposer la Caisse. La Caisse est devenue tellement importante au point de vue de son capital, de ses investissements que c'est la loi du silence qui semble s'installer. On semble craindre, dans les milieux économiques et milieux financiers – et je le sais parce que j'en ai discuté avec certaines personnes – de blâmer publiquement la Caisse ou de dire des choses qui pourraient donner l'impression de blâmer la Caisse parce qu'on a peur des représailles. Ça, ça devient un peu dangereux, je dois dire, et je pourrais vous citer des noms de gens très influents dans le milieu des affaires qui ont des choses très critiques à dire à l'endroit de la Caisse, mais qui ne veulent pas le dire; ils ne veulent pas le dire parce que ça pourrait éventuellement leur nuire. Quant à moi, je dois dire que je suis très sceptique au sujet de toutes ces questions-là et je ne suis pas pour tirer les conclusions avant d'avoir entendu les parties, M. le Président, mais j'espère qu'au cours de ces deux jours mon opinion personnelle pourra changer.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Merci, M. le député de Laporte. Je veux juste vous signaler, suite à vos propos, que, oui, par cette commission parlementaire, nous donnons la chance, du moins je le pense honnêtement, à la Caisse de dépôt de tenir justement publiquement, de rendre compte aux élus de l'Assemblée nationale de son fonctionnement. Depuis 1984, suite à la réforme parlementaire, que l'article 294 du règlement existe et que les membres de cette commission nous pouvons inviter les membres de la Caisse, c'est la première fois qu'ils sont invités à venir rendre compte ou échanger avec les parlementaires sur le fonctionnement de la Caisse.

Donc, comme je le disais au début, j'espère que ces deux jours de cette commission seront instructifs pour nous et également pour les représentants de la Caisse, parce que, comme vous l'avez dit, et Mme la députée de Pointe-aux-Trembles l'a dit aussi, les députés sont souvent les porte-parole de la population, de nos commettants, et il est majeur de faire connaître aux dirigeants de la Caisse ou d'autres organismes ce que les gens peuvent dire aux députés et souvent sont mal positionnés pour dire franchement aux représentants de la Caisse ou à d'autres organismes ce qu'ils pensent ou ce qu'ils veulent. Donc, je pense que cet échange-là sera – je le veux, en tout cas – objectif et constructif pour l'avenir économique du Québec. M. le député de Marguerite-D'Youville, vous avez des remarques préliminaires à faire?


M. François Beaulne

M. Beaulne: Oui, Merci, M. le Président. La Caisse de dépôt et placement du Québec a 32 ans cette année. Comme les Québécois et Québécoises de cette génération, elle a vécu le passage de l'enfance à l'âge adulte dans une société en pleine mutation, dans un contexte économique local, canadien, nord-américain, mondial marqué sous le signe du changement perpétuel, l'éclatement des frontières et de l'accélération technologique. La Caisse de dépôt a été conçue et créée pour consolider l'épargne des Québécois et la mettre au service des Québécois. Qu'il me soit permis ici d'ailleurs de souligner l'apport indéniable qu'elle doit à l'un de ses principaux artisans, notre ancien premier ministre, M. Jacques Parizeau, ainsi qu'à mon collègue le député de Crémazie qui l'a dirigée pendant 10 ans et qui nous fait l'honneur de participer à cette commission.

Par la loi, la Caisse de dépôt échappe aux vérifications périodiques du Vérificateur général du Québec. Par sa taille, elle peut exercer des pressions significatives sur les marchés boursiers. Avec ses 57 000 000 000 $ d'actifs, elle est devenue un de nos principaux piliers financiers. Il était tout à fait normal, dans ce contexte, que les députés veuillent exercer leur droit de regard sur les activités de la Caisse, comme le prévoit la Loi de l'Assemblée nationale. C'est pourquoi aujourd'hui nous innovons. C'est en quelque sorte une première, puisque, à ma connaissance, pour la première fois depuis ses 32 ans d'existence, les députés, toutes formations politiques confondues, pourront échanger directement avec le président de la Caisse. M. le président Scraire et votre équipe, nous vous remercions d'avoir accepté notre invitation.

Les choses ont beaucoup changé en 32 ans. Comme fiduciaire des fonds de pension des Québécois, la Caisse devrait-elle avoir comme mandat de maximiser ses rendements, quitte à placer ses fonds à l'extérieur du Québec si les conditions s'avèrent propices? Ou devrait-elle plutôt viser à optimiser ses rendements, tout en continuant de jouer un rôle d'agent de développement économique comme le prévoit sa mission actuelle? Dans son rôle d'agent de développement économique, la Caisse a-t-elle tendance à écraser ses partenaires, ou les prépare-t-elle à voler de leurs propres ailes? Le portefeuille de la Caisse s'est-il ajusté à la diversification et à la multiplication des instruments financiers contemporains? Quel contrôle la haute direction de la Caisse exerce-t-elle sur les activités de ses nombreuses filiales, dont, entre autres, celles qui touchent au monde de l'innovation technologique et au capital de risque, où la tentation spéculative est forte? Est-il encore pertinent que la Caisse échappe à la juridiction du Vérificateur général du Québec?

Voilà autant de questions que nous examinerons avec vous, M. le président, et pour lesquelles nous n'avons pas de réponse préconçues. Nous sommes conscients toutefois que la Caisse est une institution financière unique en son genre en Amérique du Nord, tant par sa structure que par sa mission. Il serait par conséquent de bon aloi, tant par souci d'objectivité que par souci d'informer nos concitoyens avec précision, d'examiner votre performance en relation avec ce qui est comparable, et non avec ce qui ne l'est pas, tout en cherchant constamment à identifier la responsabilité des individus par rapport à l'institution elle-même. Je vous remercie de votre participation et je nous souhaite à tous deux jours d'échange fructueux.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Merci, M. le député de Marguerite-d'Youville, et j'accorde maintenant la parole à Mme la députée de Saint-François.


Mme Monique Gagnon-Tremblay

Mme Gagnon-Tremblay: Merci, M. le Président. Mes remarques seront très succinctes. Je veux également vous remercier pour votre participation. On aura l'occasion bien sûr de vous questionner tout au long de cette commission; je pense que ça sera sûrement très enrichissant. Je pense que, par les remarques préliminaires de mon collègue le député de Laporte, il a fait quand même une analyse assez bien des sujets qui nous préoccupent. Bien sûr, moi, j'ajouterai peut-être la question de la culture de la Caisse. Est-ce qu'on peut modifier la culture de la Caisse, ou est-ce que vous avez des préoccupations face à une nouvelle culture, compte tenu d'un contexte qui est aussi nouveau? Et bien sûr qu'à ce moment-ci je souhaiterais que l'on puisse questionner le plus rapidement les représentants de la Caisse. Merci, M. le Président.

(9 h 30)

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Merci, Mme la députée. Est-ce qu'il y a d'autres membres de la commission qui veulent intervenir? M. le député de Verdun.


M. Henri-François Gautrin

M. Gautrin: Brièvement, moi, je vais signaler d'entrée dans quel cadre je vais intervenir. Vous n'êtes pas sans savoir que le Régime de rentes du Québec actuellement tente, dans le projet de loi qui est déposé, d'augmenter sa capitalisation pour être en mesure de faire face au problème démographique ou à la crise démographique. Ce n'est pas, évidemment, ici qu'on va en débattre, mais il est clair que la rentabilité, sur le plan des caisses de retraite, d'une augmentation de la capitalisation est directement liée au rendement de la Caisse.

Alors, le type d'interrogation que, moi, j'aurai ici, c'est réellement de vous interroger sur la politique de placement, le taux de rendement de la Caisse de dépôt par rapport aux autres taux de rendement des autres fonds de pension, et de voir s'il y a possibilité d'augmenter éventuellement le rendement. Il faut bien être conscient qu'on parle de beaucoup d'argent, comme vous le savez, et qu'on est face à un problème démographique extrêmement grave en termes de fonds de pension actuellement.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Merci, M. le député de Verdun. Maintenant, M. le Vérificateur général m'a informé qu'il voulait retarder ses remarques préliminaires au début de l'après-midi ou lorsque nous entamerons le thème sur la vérification de la Caisse. Donc, tout de suite, j'invite le président-directeur général de la Caisse, M. Jean-Claude Scraire, à nous présenter les personnes qui l'accompagnent et à nous faire part de ses remarques préliminaires, également.


Exposé du président-directeur général de la Caisse de dépôt et placement du Québec


M. Jean-Claude Scraire

M. Scraire (Jean-Claude): Merci, M. le Président. Mmes et MM. les députés, je vous présente, à ma droite, M. Michel Nadeau, M. Nadeau est premier vice-président responsable des grands marchés et des politiques de placement en général et directeur général adjoint; à ma gauche, M. Rémillard, premier vice-président responsable de l'administration financière de la Caisse et des contrôles; je suis accompagné également de M. Fernand Perreault, qui est le premier vice-président responsable du Groupe immobilier; M. Normand Provost, qui est le coordonnateur responsable du Groupe des placements privés et qui est président de l'une des filiales, Capital d'Amérique, la plus importante; M. Cyr, Jean-Claude Cyr, est également présent, il est responsable de la planification et du développement et coordonnateur des relations avec les déposants; ainsi que M. Gabelier, qui est vice-président, Affaires publiques et Relations avec les entreprises; et Mme Crépin, qui est vice-présidente et secrétaire. Donc, vous avez ici, au niveau de l'ensemble de la direction de la Caisse, la plupart des... Enfin, à peu près tous les secteurs sont représentés ici pour pouvoir répondre à vos questions.

Si je me permets quelques notes préliminaires et succinctes, à l'image de ce que j'ai entendu, j'aimerais vous dire qu'au nom des membres du conseil d'administration de la Caisse et de sa direction je vous remercie de cette invitation qui va nous permettre, je l'espère, de répondre à vos questions, à vos préoccupations, et, comme certains l'ont dit, vos préoccupations qui sont à la fois les vôtres et souvent celles de citoyens et de citoyennes que vous représentez. Je souhaite, pour ma part, que ces heures de travail soient de cette façon, par cet échange, une occasion pour tous, ceux qui sont ici et ceux qui sont à l'extérieur, de mieux connaître et de mieux comprendre les activités, les orientations et parfois aussi le fonctionnement de la Caisse, l'une des grandes institutions, comme on l'a signalé, que s'est données la société du Québec. Mais je souhaite aussi que ce soit pour la Caisse une occasion de s'améliorer ou, selon le cas, d'améliorer la perception que l'on peut avoir d'elle, en s'inspirant de vos commentaires. Et cela, je le dis bien simplement, je le dis tel que je le pense, je le dis de la même façon aussi bien à l'intérieur de la Caisse, de notre conseil d'administration, qu'aux gens d'affaires que je rencontre à l'extérieur: La Caisse peut constamment s'améliorer et elle doit, à mon sens, constamment le faire. À mon avis, l'amélioration et l'excellence ne sont pas incompatibles.

Dans quelques instants, on commencera à répondre à vos questions avec plaisir. Certaines d'entre elles vont porter sur les 32 ans d'existence de la Caisse, soit depuis sa création par l'Assemblée nationale. À mon avis, l'institution qui répond d'une telle activité ne peut prétendre à la perfection, même si elle est une grande réussite québécoise, même si ses gestionnaires dégagent des rendements supérieurs aux objectifs qu'on leur fixe et même si elle contribue de façon importante à l'essor économique du Québec. D'autres préoccupations vont porter plus sur la période récente de 30 mois, qui est la période pour laquelle l'actuelle équipe de direction est particulièrement imputable avec son conseil d'administration et sur laquelle il nous fera également plaisir de répondre à vos questions. Je vous remercie.

Discussion générale


Mission et objectifs stratégiques

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Merci, M. le président. Donc, nous serions prêts à entamer le thème de la mission et des objectifs stratégiques de la Caisse. Sur ce thème, M. le député de Marguerite-D'Youville, mais avant, comme j'avais dit au début, est-ce que, M. Scraire, vous voulez expliquer un petit peu le... On avait suggéré tout à l'heure qu'au début de chaque mission vous auriez peut-être une présentation à faire sur chacun des thèmes. Je ne vous l'impose pas.

M. Scraire (Jean-Claude): Oui, bon, avec plaisir, M. le Président. J'aimerais dire que, pour nous... D'abord, au niveau de la mission, je pense que la définition générale de la mission de la Caisse que tout le monde a à l'esprit est toujours aussi claire, aussi bien pour les parlementaires que pour les gens du conseil et pour l'organisation de la Caisse: à la fois générer un rendement sur les sommes qui sont investies, un rendement optimal, concurrentiel avec les marchés, et, en même temps, contribuer à l'essor économique puis au dynamisme de l'économie québécoise.

J'aimerais peut-être saisir l'occasion pour vous faire part, vous indiquer la nature des orientations que nous avons définies depuis 1995, qui visent toutes à mieux remplir cette mission: le rendement et l'essor économique. Je vais y aller avec six éléments qui n'ont pas nécessairement un ordre de priorité, mais six éléments majeurs de ce plan d'action qui a été mis en place en 1995: le premier, c'est d'accroître la présence financière de la Caisse dans l'économie québécoise en vue de soutenir l'essor économique tout en accroissant le rendement, donc le premier, c'est d'accroître cette présence financière dans l'économie; le deuxième vise une gestion plus active de l'allocation de l'actif entre les catégories de placements, entre les pays puis entre les industries; le troisième élément vise la recherche et l'identification constantes de nouveaux produits, de nouvelles niches qui permettent aussi d'accroître la valeur ajoutée; les quatrième et cinquième éléments visent, d'une part, l'amélioration de l'expertise et de l'excellence de nos gestionnaires; puis le sixième élément vise le contrôle des coûts d'exploitation. Ce sont les orientations à partir desquelles nos plans d'affaires sont développés depuis 1995.

La philosophie de gestion, qui est la pierre d'assise de ce redéploiement, est à l'effet que, tout en spécialisant les métiers, parce que, de plus en plus, il faut spécialiser les métiers, il faut éviter l'éparpillement et continuellement privilégier le focus, pour chaque type d'activité déterminé, il faut des objectifs clairs et définis, il faut une équipe d'experts qui est dédiée à cette activité, qui sont proches de leurs produits, de leurs marchés, de leurs clients, et il faut aussi un processus décisionnel qui soit efficace avec un centre décisionnel qui soit éclairé et responsable, imputable. Lorsqu'on fait une activité, il faut très bien la faire, il faut la faire avec excellence et il faut être parmi les meilleurs. C'est ainsi qu'on définit, depuis 1995, l'objectif de l'organisation à la Caisse: être, en l'an 2000, l'un des meilleurs gestionnaires de fonds d'Amérique du Nord.

(9 h 40)

En ce qui a trait à la présence accrue de la Caisse dans notre économie, elle découle, à mon sens, de la nature même des choses, mais aussi de l'intérêt économique et financier de nos déposants. C'est, en plus, une composante essentielle de la mission de la Caisse. Cette mission, on a l'habitude de le dire chez nous à la Caisse, elle trouve son expression dans le discours de M. Lesage du 9 juin 1965, lors de la création de la Caisse. J'ai demandé qu'on en ait des copies pour les députés qui désireraient le consulter, parce que ça continue aujourd'hui, 32 ans plus tard, à être notre point de référence pour la définition de la mission de la Caisse et pour continuellement se ressourcer sur les objectifs qu'elle doit poursuivre.

Peut-être, M. le Président, que je pourrais terminer ici ces commentaires sur le deuxième sujet, tout simplement en vous disant que, évidemment, ça s'est concrétisé notamment par la création d'équipes spécialisées pour mieux atteindre nos objectifs. On pourra y revenir, parce qu'on va parler des filiales, on va parler de différents secteurs d'activité. Alors, on pourra y revenir, mais je vais terminer ici les commentaires préliminaires sur le deuxième sujet.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Merci, M. le président-directeur général. J'accorde la parole au député de Marguerite-D'Youville.

M. Beaulne: Merci, M. le Président. Je vais débuter par ce qu'on avait convenu d'amorcer en premier, c'est-à-dire la question de la mission et des objectifs de la Caisse. La question va être assez directe, M. le Président. Il y a un débat à l'heure actuelle dans la société québécoise à savoir si la Caisse de dépôt devrait viser essentiellement à maximiser son rendement comme gestionnaire du fonds de pension des Québécois ou si elle devrait continuer à maintenir son volet, son rôle, sa mission de développement économique, comme le voulait sa vocation initiale et, d'ailleurs, qui est soulignée très bien dans les paroles de M. Lesage que vous nous avez distribuées.

À cette étape-ci, sans se prononcer sur le bien-fondé ou non de ces commentaires, la question que j'aurais est la suivante: Est-ce que, lorsqu'on parle de rendements de la Caisse de dépôt – parce que, tout au long de ces deux journées, la question des rendements va également être à l'ordre du jour – d'après vous, il est normal de comparer les rendements de la Caisse de dépôt, comme on le fait régulièrement, avec ceux d'autres fonds de pension, comme, par exemple, le Teacher's Pension Plan de l'Ontario, ou le Ontario Municipal Employee's Retirement Board, ou même le Régime de pensions du Canada, en évitant bien souvent d'indiquer que ces institutions n'ont pas tout à fait le même mandat aussi large que celui de la Caisse de dépôt, en particulier son rôle de développement économique?

Alors, d'après vous, est-ce que la Caisse doit maintenir sa mission de développement économique dans le contexte actuel? Si oui, quel devrait être, d'après vous, le rendement non pas maximal mais optimal de la Caisse que vous chercheriez à obtenir dans un contexte comme celui-là, en maintenant la vocation économique? Et, en termes de rendement, est-ce qu'il y a un prix à payer pour maintenir la vocation économique de la Caisse?

Le Président (M. Baril, Arthabaska): M. Scraire.

M. Scraire (Jean-Claude): Je pense que, d'abord, l'orientation ou la définition de la mission que le conseil actuel de la Caisse maintient et que sa direction maintient, c'est qu'on peut fort bien accomplir les deux aspects de la mission sans nuire au rendement, sans difficulté, mais à condition de le faire avec rigueur. Je dirais, comme le disait M. Lesage dans le discours, que le rôle de la Caisse, il faut toujours éviter de penser que ça puisse être de subventionner ou d'aider – je le mets entre guillemets – financièrement. Il faut donc que les gens travaillent avec la même rigueur que les gens de marché quand ils font des choses qui contribuent plus particulièrement à l'essor économique.

C'est certain qu'à l'occasion il peut y avoir des difficultés, mais généralement elles sont temporaires. Parfois, ça peut amener une différence dans les rendements, parce que, notamment, on a, par exemple, dans notre portefeuille, un volume important d'obligations du secteur public québécois. Alors, parfois ce secteur-là peut se comporter légèrement différemment, soit en avance ou soit en retard avec les obligations du Canada ou d'autres provinces. Donc, ça c'est un facteur qui peut faire que, sur une courte période, les rendements peuvent être différents, parfois supérieurs, parfois inférieurs. Sur le long terme, ça n'empêche pas de faire la gestion de qualité qui devrait permettre de produire des rendements supérieurs.

L'autre élément de différence quand on essaie de comparer, c'est qu'on a certainement développé, à cause de la mission d'essor économique, les sociétés de capital de risque les plus importantes au Canada. Le Groupe participations de la Caisse, qui a un portefeuille de l'ordre de 4 000 000 000 $, vous ne trouverez ça nulle part ailleurs au Canada, ni de près ni de loin. Ce sont des placements privés négociés avec les entreprises, avec les entrepreneurs, avec des partenaires, avec des conventions d'actionnaires. On ne trouve ça nulle part ailleurs. Quand on s'en va en placements privés, évidemment qu'on ne suit pas non plus au jour le jour les marchés liquides de la Bourse, de sorte que, là aussi, il peut y avoir une année ou sur une courte, je dirais, un délai. Parfois, nos placements privés vont réagir positivement, plus lentement que la Bourse qui, elle, est quotidienne, de sorte que, je dirais, pour calculer nos prises de profit réel ou sur papier, ça peut être parfois plus long dans les entreprises privées où on a fait des placements privés, je veux dire. Mais ça, tout ce que ça fait, c'est que ça fait une différence dans le temps. Au jour le jour, ça peut faire une différence.

Mais, sur le long terme, ce qu'on a constaté – et je vais essayer de terminer là-dessus – c'est que nos placements privés ont systématiquement, depuis une dizaine d'années, rapporté plus que nos placements en Bourse, de sorte qu'on a pu faire cette vocation ou cette fonction de placements privés d'une façon qui est à la fois compatible avec l'essor économique – et c'est essentiellement destiné à ça – et en même temps, de plus en plus, on s'aperçoit que c'est une excellente source de rendement. Qu'on fasse un placement privé au Québec ou ailleurs dans le monde, c'est une source de rendement additionnel par rapport aux grands marchés. De sorte que, pour répondre à votre question, on peut faire les deux et, à mon sens, sur une moyenne ou longue période, ça ne pénalise en aucune façon les déposants ou les fonds de retraite que nous gérons en termes d'appréciation. Au contraire, c'est une plus-value si on le fait bien, si on le fait bien.

M. Beaulne: Si vous aviez à comparer vos rendements avec une autre institution analogue, avec quelle institution diriez-vous que la comparaison serait la plus juste? Parce que vous avez vu sûrement que, dans les chroniques financières dans les journaux, un peu partout, on compare les rendements de la Caisse de dépôt à tort ou à travers parfois comme on compare des pommes et des oranges, et le commun des mortels, celui qui n'est pas initié à toutes ces questions-là, se laisse un peu embarquer. J'aimerais que vous nous disiez, si on avait à comparer la performance de la Caisse, à quel type d'institution vous vous compareriez pour que, lorsqu'on va voir toutes sortes de choses, on sache identifier le vrai du faux.

M. Scraire (Jean-Claude): L'une des particularités de la Caisse par rapport aux marchés actuels des gestionnaires de fonds, toute la réalité des marchés de fonds aujourd'hui, c'est vraiment au niveau de sa loi constitutive, et je pense qu'on aura l'occasion d'y revenir à quelques reprises au cours de la séance. Notre loi prévoit actuellement qu'on a une limite en actions de 40 %, en actions ordinaires. C'est quelque chose qui est quand même relativement récent. Encore il y a quelques années, c'était 30 %, la limite en actions ordinaires, ce qui fait qu'à cet égard-là la Caisse est difficilement comparable, parce que je dirais qu'au Canada la moyenne, c'est au moins 50 % en actions. Les grands fonds canadiens, c'est plus que ça, c'est 60 %. Teachers' en Ontario, c'est 75 % en actions. Alors, à cet égard-là, donc, les comparaisons sont difficiles à cause des choix, je dirais, légaux et structurels qu'on a donnés à la Caisse de par la loi et sur lesquels, je pense, il serait approprié de se pencher maintenant.

Par ailleurs, là où la comparaison peut très bien se faire, c'est instrument d'investissement par instrument d'investissement. Alors, mettons, par exemple, qu'on prend le secteur des actions, l'objectif qu'on donne à nos gestionnaires dans le domaine des actions, c'est de faire mieux que le TSE 300 qui est l'indice le plus reconnu sur le marché canadien. Alors, leur objectif, c'est de faire mieux que le TSE 300. À ce moment-là, c'est vraiment leur objectif, ils doivent gérer en fonction de ça. Leur objectif n'est pas de gérer ou de dégager des rendements différents ou supérieurs à leurs pairs, parce que ça, ça peut amener des niveaux de risque supérieurs; leur objectif, c'est de faire 100 points de base au-dessus du TSE 300. C'est ça, l'objectif, parce que, en même temps, on juge le niveau de risque qu'on leur donne. Parce que, si on leur dit: Faites 300 points de base au-dessus du TSE, bien ils peuvent le perdre, aussi.

(9 h 50)

Alors, de sorte que les objectifs sont pris véhicule par véhicule. On dit: Bon, pour les actions canadiennes, québécoises et canadiennes, ça comprend les deux et ça comprend même des placements privés qui sont des actions, alors pour les actions globalement, l'objectif, c'est ça. Les obligations, c'est tel autre indice. Si on fait une présentation plus exhaustive sur la question des rendements tantôt, on pourra prendre les comparaisons d'indice, activité par activité, qui sont retenues et qui sont les objectifs de nos gens.

C'est pour ça tantôt, quand je disais que nos gestionnaires généralement dépassent les objectifs qu'on leur donne, c'est bien important de bien saisir que, nous, à l'intérieur, on leur donne des objectifs. Parce que, quand on donne un objectif, on mesure le risque qu'on accepte qu'ils prennent, parce qu'ils gèrent des fonds et on ne veut pas qu'ils... Ils peuvent prendre énormément de risques pour essayer de générer énormément de rendement, mais ils peuvent manquer leur coup, aussi. Alors, on doit moduler le niveau de risque par rapport au rendement qu'on recherche.

Évidemment qu'on peut aussi, à l'occasion, regarder certains pairs ou certains autres gestionnaires de fonds, disons des sociétés ou des gestionnaires qui ont, mettons, 1 000 000 000 $ et plus sur le marché canadien, et tenter des comparaisons en tenant compte ou en corrigeant les répartitions d'actifs, parce que ces pairs-là ont 60 % en actions.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): C'est complet? M. le député de Laporte.


Création de filiales

M. Bourbeau: Oui, M. le Président. Toujours, bien sûr, en ce qui concerne la mission de la Caisse. Tout à l'heure, j'ai parlé de la mission économique de la Caisse qui est, bien sûr, de tenter de promouvoir l'économie du Québec. Pour ce faire, la Caisse investit des sommes d'argent dans des entreprises québécoises.

Quand on regarde les documents que nous avons devant nous, on se rend compte que la Caisse a au cours des dernières années constitué un grand nombre d'entreprises, de filiales pour tenter de diversifier ses placements. Je regarde uniquement dans le domaine du Groupe participations Caisse, on voit que la Caisse a donné naissance à Capital CDPQ inc., Capital d'Amérique CDPQ inc., Capital Communications CDPQ inc., Capital international CDPQ inc., Sofinov, Société financière d'innovation. Bon, je ne sais pas s'il y en a d'autres.

Moi, ça me laisse un peu perplexe, la prolifération de toutes ces entreprises filiales de la Caisse. Parce que, voyez-vous, quand on regarde les objectifs de ces entreprises-là, prenez le Capital CDPQ inc., on dit que cette société-là doit faire des prêts à terme dans des petites entreprises en croissance; Capital d'Amérique, des grandes entreprises; bon, Capital Communications, ça, c'est des entreprises dans le secteur de la communication, des médias et des télécommunications; Capital international, les activités internationales de la Caisse; Sofinov, un portefeuille dans les entreprises d'innovation technologique.

Alors, moi, je me dis: Qu'est-ce qui arrive quand, à un moment donné, une petite entreprise veut faire de l'innovation technologique? Est-ce qu'on fait le prêt par Capital CDPQ ou par Sofinov? Si c'est dans le domaine des communications, mais si c'est de l'innovation technologique, est-ce qu'on le fait par Sofinov ou par Capital Communications? Et là il semble que ça soit mêlé un peu. D'ailleurs, un des entrepreneurs qui est venu nous voir nous a expliqué que l'investissement dans son entreprise avait été fait par Capital CDPQ, mais, lors d'une réunion importante, tout à coup, c'est les gens de Sofinov qui se sont présentés. Il ne comprenait pas ce qu'ils faisaient là parce qu'ils n'étaient pas actionnaires de sa compagnie. Alors, je ne sais pas trop pourquoi la Caisse a commencé à diversifier.

C'est la même chose dans le domaine immobilier. On multiplie les filiales immobilières. Il y en a un grand nombre, je présume. En tout cas, on en a quelques-unes ici. Moi, je pose la question au président: Est-ce que c'est vraiment essentiel de former comme ça une pléiade de filiales? Combien avez-vous de filiales? Et combien y a-t-il d'administrateurs dans ces filiales-là? Combien la Caisse a-t-elle de filiales présentement? Combien d'administrateurs dans ces filiales-là?

M. Scraire (Jean-Claude): Alors, si vous me permettez, je vais y aller d'abord avec le Groupe participations puis, après ça, je commenterai sur le Groupe immobilier.

M. Bourbeau: Non, mais ma question porte sur l'ensemble des filiales de la Caisse. Combien de filiales dans la Caisse présentement?

M. Scraire (Jean-Claude): Je dirais que des filiales actives, il y en a une dizaine. Actives, ce que je veux dire, c'est avec un conseil d'administration et du personnel. Il y a dans le Groupe immobilier... Quand on parle de prolifération ou d'un nombre considérable de filiales, on fait surtout référence au Groupe immobilier où il peut y en avoir une cinquantaine, une soixantaine – j'ignore le chiffre – et ça, c'est assez propre au secteur immobilier. Tous ceux qui travaillent dans ce secteur-là sont familiers avec ça. Souvent, vous retrouvez une compagnie qui détient un immeuble, ou deux, ou trois immeubles, mais il n'y a pas de gestionnaire dans cet immeuble-là, dans cette compagnie-là, il n'y a pas de ressources. Ce sont des filiales qu'on appelle un peu coquilles et qui ont pour fonction de détenir un immeuble. Alors, tout ce qui arrive à ce moment-là, c'est un mode de détention qui est familier à l'immobilier, mais ce ne sont pas des filiales actives. Je pense qu'on ne doit pas considérer ça effectivement comme étant des filiales; ce sont des modes de détention juridique qui sont plus appropriés à cet instrument-là. Les avocats conseillent ça, c'est reconnu dans le marché, c'est une pratique assez développée.

Alors, les filiales, donc, qui sont actives, qui ont du personnel. Dans le Groupe immobilier, il y a les trois grosses filiales qui sont Cadim, Ivanhoé et SITQ qui ont chacune leur vocation – on pourrait y revenir si on approfondit le Groupe immobilier – et une beaucoup plus petite, qui s'appelle Cadev, qui a pour vocation de faire du développement. Ce pourquoi on a formé Cadev, c'est qu'on retrouvait des terrains à développer dans chacune des filiales. Or, le développement, le développement de terrains, le développement foncier, c'est un métier spécialisé. Alors, on a décidé d'avoir une équipe spécialisée pour ramasser et s'occuper de l'ensemble des terrains de ces trois filiales-là pour le développement. Alors, ça, c'est un peu dans le secteur immobilier.

Dans le secteur des participations, et ça, c'est au coeur du développement qu'on a fait depuis deux ans, c'est vraiment pour répondre à l'objectif que j'ai évoqué tantôt, le premier élément qui est d'accroître la présence financière dans l'économie québécoise et d'accroître nos placements privés, la philosophie de gestion que j'ai évoquée à l'effet qu'il faut avoir du focus, il faut avoir de l'expertise, ça, ça nous a amenés à créer des équipes spécialisées, des équipes spécialisées dans des filiales.

Ce que ça veut dire d'avoir une filiale, c'est qu'on retrouve un champ d'action déterminé, des objectifs précis, on retrouve l'expertise requise et spécialisée pour accomplir cette mission-là. On est capable de retrouver plus de flexibilité parce qu'on est capable d'avoir moins de niveaux décisionnels. On a un conseil d'administration à la filiale, de sorte que quelqu'un, un client, un partenaire qui discute avec nos gestionnaires dans une filiale, bien, au lieu de se retrouver comme auparavant où il devait remonter continuellement six ou sept étages, paliers décisionnels à la Caisse, dans la filiale, il se retrouve avec trois paliers décisionnels: le gestionnaire avec qui il parle, son supérieur, le président habituellement ou un vice-président, et le conseil d'administration de la filiale. Et ce que ça permet en plus, c'est d'avoir au niveau du conseil d'administration, qui, lui, prend les décisions pour autoriser ou ne pas autoriser les placements, des personnes qui sont spécialisées, qui connaissent plus ce domaine-là. Aujourd'hui, on sait que c'est impossible de tout connaître, que c'est impossible d'être expert en tout.

Alors, quand on a une filiale, par exemple, d'innovation technologique, le monde de l'innovation technologique, c'est totalement différent comme travail de ce qui se fait chez Capital d'Amérique qui est dans l'investissement plus traditionnel. Chez Capital d'Amérique, vous pouvez regarder un dossier, vous pouvez mesurer, compter ce qu'ils ont en inventaire, savoir ce qui va sortir de la manufacture. En innovation technologique, là où les gens travaillent actuellement, ils sont à partir même des centres de recherches. Au niveau des idées, des découvertes, des mises à jour qui sont faites dans nos centres de recherches, ils travaillent avec ces gens-là puis ils disent: Ça, ce dossier-là, l'idée, elle est bonne. Il faut maintenant voir quel type de plan d'affaires peut se faire avec ça. Êtes-vous capables de faire un plan d'affaires? Est-ce qu'on peut vous aider à faire un plan d'affaires là-dedans? Pensez à la commercialisation. Alors, on part de zéro, zéro ou presque, c'est-à-dire, on part d'une découverte, d'une idée. C'est totalement une expertise différente que ça prend pour décider dans ce secteur-là.

(10 heures)

Alors, que ce soit dans l'innovation technologique ou les communications, où il y a des phénomènes semblables, donc ce sont des milieux différents. L'un des objectifs qu'on poursuivait, c'était d'être capable de parler de façon humaine avec les petites entreprises. Et, moi, j'ai toujours pensé – puis beaucoup d'autres le pensent aussi – qu'on ne travaille pas un dossier de petite entreprise, avec des entrepreneurs qui débutent, de la même façon qu'on travaille avec Domtar ou Noranda ou Quebecor. Ces grandes entreprises là sont équipées, ont leurs professionnels, ont toute la gamme des services qu'il faut. Quand une petite entreprise arrive, il faut savoir travailler avec ça. C'est pour ça qu'on a fait Capital CDPQ.

C'est une compagnie dont la spécialisation, ce n'est pas le domaine, c'est le fait que l'entreprise soit petite; donc, ils doivent s'adapter à cette clientèle-là. Ils doivent travailler à faire en sorte que... Ils savent qu'ils n'auront pas tous les documents qu'ils peuvent demander à Domtar. Ils savent qu'ils n'auront absolument pas tout le background, toute l'expertise. Ils savent qu'ils vont être obligés d'aider beaucoup plus l'entrepreneur. Alors, c'est ce qui fait que dans Capital CDPQ, ce qui fait qu'on l'a mis sur pied, c'est pour travailler dans les petits dossiers. Moins de 1 000 000 $. Et non seulement Capital CDPQ est partie, mais avec eux on a réussi parce qu'on a un conseil d'administration de gens qui viennent de plusieurs régions du Québec, qui siègent là, puis des gens qui sont dévoués, dédiés aussi à bien accomplir la mission de cette société-là. Alors, ce que ces gens-là font, c'est qu'ils poussent continuellement pour une meilleure performance et pour accroître le volume d'affaires qu'on fait là-dedans.

L'une des façons qui a été mises sur pied, dont je pense qu'on doive se réjouir, c'est tout leur programme avec les incubateurs. Les incubateurs, ce sont des entreprises, en général sans but lucratif, qui...

M. Bourbeau: M. Scraire, j'aurais une question, s'il vous plaît. Le président ne répond pas. Je n'ai pas demandé ce que faisaient les filiales, j'ai demandé combien il y en avait. Alors, pour ce qui est de ce qu'elles font, les filiales, on a ça dans les documents ici. On sait ce que le président nous dit. Moi, j'ai posé une question simple: Combien il y a de filiales? Puis j'ai droit à une réponse qui dure depuis 10 minutes qui ne porte pas sur la question. Alors, j'aimerais... J'ai eu ma réponse. Je me considère...

M. Scraire (Jean-Claude): M. le député, dans les documents, c'est bien indiqué.

M. Bourbeau: Je me considère satisfait de la réponse du président qui me dit qu'il y a 10 filiales actives. J'aimerais maintenant demander au président: Les administrateurs de ces sociétés-là, est-ce qu'ils sont rémunérés?

M. Scraire (Jean-Claude): Ils sont rémunérés, sauf les membres de la direction, évidemment, de la Caisse qui siègent là et les membres du conseil d'administration de la Caisse. Ils sont rémunérés à 500 $ par séance.

M. Bourbeau: Il n'y a pas un montant annuel en plus?

M. Scraire (Jean-Claude): Non.

M. Bourbeau: Non. Est-ce que ce sont des compagnies, des sociétés qui siègent souvent?

M. Scraire (Jean-Claude): Prenez pour acquis une dizaine de réunions par année.

M. Bourbeau: Je pose la question parce que dans les documents qu'on a eus, dans les entrevues qu'on a eues, on nous a affirmé que les frais d'administration de la Caisse étaient très, très élevés. On a des documents, d'ailleurs, ici qui vont dans ce sens-là, que plus le capital de la Caisse grossit, plus les frais d'administration augmentent en proportion. Je pourrai vous sortir des statistiques un peu plus tard, on a des documents qui ont été déposés. Ce qui est étonnant, quand le capital grossit, normalement on devrait voir les frais d'administration diminuer. Or, il semble que ce soit le cas inverse dans le cas de la Caisse: plus ça grossit, plus ça coûte cher. Selon ce qu'on nous dit. Alors, je posais la question, évidemment, bien sûr, de la rémunération des administrateurs de ces compagnies, de ces filiales que vous avez mises sur pied, et ça m'amène, M. le Président, à un cas qui a été... pour tenter de voir la mission de la Caisse.


Dossier de la firme LSC 2+1

Il y a des gens qui sont venus ici, qui nous ont dit: La Caisse n'est pas intéressée à aider les Québécois, les entreprises québécoises à se développer. Et, bien sûr, la Caisse pourrait profiter de ces investissements-là. Le mot qui a été employé par plusieurs, c'est «prédateur». La Caisse est un prédateur qui cherche à mettre la main sur les investissements quand ils pensent que ce sont des bons investissements et littéralement sortir les promoteurs de ces entreprises-là pour prendre la place. Évidemment, c'est une accusation qui est assez forte, mais elle a été répétée. Ce n'est pas un seul cas, on l'a entendue à deux, trois, peut-être quatre reprises, cette accusation-là contre la Caisse. Si c'est bon, la Caisse le prend puis elle se met à la place du promoteur. Le promoteur, il s'en va.

On l'a vu dans le cas de Harricana – on peut peut-être le dire parce que ça a été dans les journaux aujourd'hui; d'ailleurs, La Presse d'hier, le journal La Presse , en fait état longuement. On l'a vu dans le cas d'une autre compagnie qui s'appelle LSC 2+1, où on a eu un témoignage assez surprenant à ce sujet-là. On l'a eu dans le cas d'une autre compagnie qui s'appelle Signalex, qui nous a dit essentiellement la même chose, surtout le conseil à donner aux promoteurs québécois: Ne faites pas affaire avec la Caisse si vous voulez rester en vie. C'est à peu près le conseil qu'on nous a donné. Je ne sais pas si on va le répéter à la population du Québec, mais il semble que c'est même répandu dans le milieu: Tenez-vous loin de la Caisse, sans ça, elle veut tellement votre bien qu'elle va le prendre au complet. Alors, c'est des accusations un peu fortes, mais vous pourrez consulter les documents.

Je voudrais venir à un cas qui est un peu surprenant. J'ai parlé tantôt de LSC 2+1, une entreprise de l'Outaouais dans laquelle la Caisse a investi. Or, ce qui arrive là-dedans, c'est que les dirigeants de la Caisse qui ont étudié le dossier et qui ont accordé l'investissement, si vous voulez, qui ont pris les décisions pour faire l'investissement, ont quitté la Caisse tout à coup, en février 1995, et sont passés au service d'une entreprise, une filiale de Télésystème, une filiale qu'on appelle Telsoft. Donc, ils ont quitté la Caisse avec armes et bagages, ils sont allés dans Telsoft, filiale de Télésystème. Et on sait que la Caisse a investi dans Télésystème. Là, ils ont tenté de revenir dans cette entreprise-là.

Alors, la Caisse a investi dans Télésystème. La Caisse avait investi dans LSC 2+1. Tout à coup, les dirigeants de la Caisse passent chez le concurrent. Cette compagnie-là, privée, tente de s'immiscer dans le capital-actions de l'entreprise dont je viens de parler, LSC 2+1, réussit à obtenir du capital et là se trouve actionnaire minoritaire avec la Caisse dans cette entreprise québécoise. Alors, ça, c'est déjà un peu étonnant, que la Caisse voie arriver comme coactionnaires ses anciens dirigeants. Moi, si j'avais des employés qui me quittent et qui deviennent mes actionnaires, je me méfierais un peu. Mais non, c'est une alliance qui s'est formée entre la Caisse et ses anciens dirigeants. Là, on a littéralement fait une OPA – c'est le mot employé par cette entreprise-là, une OPA hostile, en plus de ça – pour tenter de prendre le contrôle de l'entreprise et pour sortir ceux qui avaient au départ mis sur pied l'entreprise et qui en avaient fait une entreprise qui était passablement prometteuse au point de vue du développement technologique.

À force de s'immiscer comme ça dans l'administration, puis de menaces, etc., il y a eu des poursuites judiciaires entreprises. La Caisse, finalement, a pris le leadership des poursuites judiciaires, et on a littéralement mis en faillite l'entreprise. Tout est tombé à l'eau. Une entreprise québécoise qui était très prometteuse, dans laquelle la Caisse avait investi. Elle a fait l'équivalent d'une faillite. C'est fermé, c'est terminé. La Caisse a perdu de l'argent, Telsoft a perdu de l'argent, les promoteurs ont perdu beaucoup. Tout ça à la suite d'une manoeuvre assez extraordinaire d'employés de la Caisse qui, avec la connaissance du dossier qu'ils avaient, sont passés dans les rangs d'un compétiteur avec armes et bagages, ont apporté cette connaissance-là. La Caisse, plutôt que de se rebiffer, a joué le jeu avec eux et s'est alliée avec eux pour littéralement mettre en faillite l'entreprise québécoise.

Vous connaissez le dossier, M. le président, parce que le président de la compagnie vous a rencontré lors de votre voyage en Asie, vous a expliqué le dossier et nous a dit que vous aviez semblé très compréhensif à l'endroit de cette compagnie-là. Il a communiqué avec vous à plusieurs reprises; semble-t-il que ça n'a rien donné. Au contraire, l'entreprise maintenant, à toutes fins pratiques, est inexistante, inopérante, et il n'y a plus qu'à ramasser les pots cassés. Cette entreprise de logiciels dans le domaine cartographique, qui avait un produit innovateur qui était en train de s'implanter dans près de 50 pays... On a perdu même la technologie, elle est passée aux mains du partenaire de l'Ontario... Enfin, je pense que vous avez même des difficultés avec eux. Enfin, tout ça nous a laissé un goût très amer, et j'aimerais vous donner l'occasion de nous expliquer quel a été le rôle de la Caisse là-dedans et comment justement, si on parle de la mission de la Caisse, vous voyez votre rôle par rapport à un investissement comme celui-là.

(10 h 10)

M. Scraire (Jean-Claude): J'espère, M. le Président, que j'ai quelques minutes pour répondre, parce que la question... D'abord, il y a plusieurs questions. Le député a parlé des frais d'administration de la Caisse. On pourrait y revenir. Ce que je vais seulement dire dès maintenant sur les frais d'administration de la Caisse, c'est que, depuis quatre ans, ils n'ont pas connu de croissance.

On a parlé d'Harricana; je pourrai y revenir tantôt. Je vais m'attacher plutôt à LSC 2+1 qui, comme vous le savez, est un dossier que je connais plus parce que la présidente a eu l'occasion de m'en parler à un moment donné. C'est évidemment un dossier qui est tout à fait malheureux parce que, comme vous le dites, c'est un beau potentiel. D'ailleurs, c'est une entreprise qui va le faire parce que l'entreprise qui hérite des actifs est installée à Gatineau. Elle va s'installer dans les mêmes locaux que LSC 2+1, mais c'est un changement d'entreprise qui va exploiter cette entreprise-là. En fait, c'est une nouvelle compagnie, mais le métier va se faire, et les produits vont se vendre.

Mais je dois dire une chose, parce qu'on parle beaucoup des gens de Telsoft là-dedans, qui sont des anciens de la Caisse, j'ai déploré, au moins autant que tout le monde ici peut le faire, quand ces gens-là ont quitté la Caisse, je n'en étais vraiment pas très heureux, qu'ils s'en aillent chez cette compagnie-là, qui est dans le giron de Télésystème, mais la compétition, la concurrence pour les ressources humaines à Montréal dans des secteurs de pointe comme les communications sont très très forts. Les offres qu'ils ont eues étaient financièrement, je suppose, intéressantes pour eux, et ils ont décidé de quitter. Ils avaient effectivement fait le dossier chez nous, ils avaient préparé, analysé, recommandé le dossier et ils sont partis un peu plus tard. Je dois signaler au départ que ce n'est pas Mme Laflamme, la présidente, qui était l'actionnaire fondateur, c'était son mari. Le point est pertinent parce que c'est le bloc d'actions du mari qui a été vendu à Telsoft.

Alors, ce qui s'est passé, c'est que les gens sont partis chez Telsoft et, comme les gens de la compagnie connaissaient bien ces personnes-là, puis quand le président fondateur a voulu vendre, bien... Évidemment, on avait droit à un premier refus, mais on avait déjà 15 % et on ne voulait pas avoir plus que 15 % de la compagnie. Alors, il s'est adressé aux gens qu'il connaissait bien, et qui étaient rendus chez Telsoft, puis il leur a offert un bloc; ils en ont pris pour à peu près 25 %. Juste pour préciser ça concernant ces gens-là. De sorte que, bien qu'on n'ait pas été heureux de leur départ, ça s'est fait, par la suite, selon les formes. On aurait pu acheter ce bloc-là s'il n'avait pas été aussi important et si on avait voulu augmenter notre position, mais on ne désirait pas augmenter plus notre position. On en a pris un peu lors d'une émission d'actions, mais pas au rythme de 25 %. Ça, c'est un des points.

Un autre point. Vous dites que les gens ont voulu faire une OPA ou une prise de contrôle de la compagnie. En aucun temps ça nous a intéressé de prendre une position plus importante dans cette compagnie-là. De suivre, oui, maintenir notre position financièrement, oui, mais faire une OPA, avec ou sans Telsoft, non. Puis, à ma connaissance, Telsoft non plus n'était pas intéressée à faire une OPA ni à prendre le contrôle. Là, il y avait un bloc de contrôle sous Mme Laflamme qui était de quelque 50 %, et ni Telsoft ni nous ne désirions augmenter notre position dans cette entreprise-là.

Les difficultés qui sont survenues, qui sont malheureuses, sont des difficultés de gestion, comme il s'en trouve malheureusement trop souvent dans les entreprises. Et, quand la gestion fait défaut, bien, parfois, c'est l'entreprise qui tombe. Évidemment qu'il y a des gens qui perdent, aussi bien les actionnaires comme Mme Laflamme que la Caisse comme Telsoft. C'est un problème de gestion. J'avais eu l'occasion de m'entretenir de ces questions avec Mme Laflamme; elle m'avait signalé à quel point elle recherchait appui et conseils dans les difficultés qu'elle avait dans son entreprise. Quand on avait investi au niveau de Capital Communications, l'une des exigences, c'était qu'il y ait un chef de l'exploitation qui soit nommé. À l'automne qui a précédé les difficultés, il y a deux vices-présidents qui ont été engagés, non pas un chef d'exploitation, mais deux vices-présidents; c'était un pas, mais ce n'était pas ce qui était demandé. Malheureusement, j'ai appris à mon retour, après ma conversation avec Mme Laflamme, que les deux vices-présidents, donc en janvier et février, avaient été congédiés, de sorte qu'on s'est retrouvé avec une compagnie qui n'avait à toutes fins pratiques aucun management. Une compagnie qui n'a pas de management, sauf Mme Laflamme – c'est bien, une personne, mais c'est insuffisant – ça inquiète les banquiers puis ça inquiète les investisseurs comme nous.

Alors, les discussions se sont poursuivies. Maintenant, il n'y a pas eu d'accord pour réussir à sortir cette entreprise-là de ses difficultés. J'ai même, à la suite de la conversation que j'avais eue avec elle... Parce que je lui avais dit: Dans des circonstances comme ça, c'est bien important d'avoir autour de la table de votre conseil des gens d'expérience, des gens qui vont vous aider. Et nos gens, dans des rencontres qui ont eu lieu, ont même proposé des noms de personnes très expérimentées pour siéger sur ce conseil-là. Il n'y a rien malheureusement qui a pu être fait, pour toutes sortes de raisons – peut-être de la méfiance de la part de Mme Laflamme ou pour d'autres raisons, je l'ignore – il n'y a rien qui a pu être fait de sorte que les impasses persistaient.

Puis, à un moment donné, Mme Laflamme a démissionné; elle a démissionné comme présidente. Bien, là, on avait une compagnie sans management supérieur dont la présidente et principale actionnaire démissionnait. C'est à ce moment-là que la Caisse s'est adressée aux tribunaux pour faire comme on doit faire dans pareilles circonstances: demander la nomination d'un administrateur des biens de la compagnie. Il n'y avait plus de gestion dans cette compagnie-là, plus de direction, il n'y avait pas de conseil d'administration; on avait demandé de nommer nos gens, on n'en avait pas.

Alors, on s'est adressé aux tribunaux pour protéger nos actifs. Ce qu'on a demandé aux tribunaux, c'est de nommer un administrateur de cette compagnie-là. On est devant la démission de la présidente, il n'y a plus de gestionnaires principaux, la banque veut venir chercher les actifs. En plus, dans le conseil d'administration qui était composé de deux personnes, l'autre administrateur était le fournisseur de services d'Ontario, qui a aujourd'hui la compagnie, qui avait dès ce moment-là les codes-sources pour venir chercher la technologie, de sorte que ça compromettait tout nouvel investissement par quelque investisseur parce que la technologie appartenait déjà – pas à un fournisseur de services, pardon – à un responsable du développement des ventes qui était à l'extérieur.

Et aujourd'hui, c'est cette compagnie-là qui, comme on le pensait, comme on l'a vue venir, parce qu'elle avait des droits dès le départ, est venue chercher l'innovation technologique dont il s'agit. On me dit qu'au niveau de l'industrie ou des emplois de l'entreprise normalement les gens s'attendent à ce que les travaux se poursuivent à Gatineau dans les bureaux mêmes de la compagnie LSC 2+1. C'est une maigre consolation d'une triste histoire, mais c'est ce qui apparaît être le cas aujourd'hui.

Alors, «prédateur», je reviens sur ce terme-là, parce que c'est sûr qu'on peut entendre à l'occasion... Moi-même, il y a des gens qui viennent me voir et qui se plaignent de nos gens ou de certaines attitudes ou qui ne les comprennent pas parfois; on n'a pas de réserves, on n'a pas de réticences à écouter et à analyser nos comportements et à bien les... Mais «prédateur», je pense que ce n'est ni dans la culture de la Caisse – ce n'est pas dans la culture de la Caisse – ni dans nos objectifs d'aller ramasser des entreprises. Ce n'est pas notre rôle et ce n'est pas notre expertise. J'ai insisté tantôt et depuis le début sur le fait que, quand on veut faire quelque chose, ça prend l'expertise. Le jour où on voudra gérer des entreprises, ça nous prendra de l'expertise en gestion d'entreprises, et ce n'est pas le cas. Alors, ça ne participe pas de l'intention.

Ce qui arrive par ailleurs, et les cas qui nous reviennent à l'occasion, c'est les cas évidemment de difficultés. On a fait depuis une dizaine d'années probablement environ, je dirais, 500 dossiers d'investissements privés dans l'économie québécoise avec des entreprises différentes, 500 compagnies dans lesquelles on a investi. Qu'on en trouve quelques-unes avec lesquelles on a eu des difficultés, c'est malheureux et c'est normal. Dans certains cas, on peut même s'être trompé. LSC 2+1, à mon sens, n'est pas un de ces cas-là. Et Harricana, pour ce que j'en sais... Et je suis tout à fait désolé de ce qui est arrivé à Harricana. Quand je rencontre les gens d'affaires et un peu partout et dans l'organisation, on se dit: Des cas comme Harricana, il ne doit plus y en avoir parce que, quand on bâtit des entreprises comme ça dans l'économie québécoise, c'est des années et des années d'énergie et de ressources humaines, du temps, de la vie des gens et aussi de l'argent qui sont consacrés à ça. C'est précieux dans une économie, des entreprises comme ça.

(10 h 20)

Ceci étant dit, en même temps que je dis qu'il ne faut plus qu'il y en ait, des Harricana, je ne dis pas que la Caisse a fait des erreurs, je ne dis pas que le Fonds de solidarité qui était là a fait des erreurs et que la SDI a fait des erreurs. Je dis qu'il y a eu un ensemble de circonstances qui ont amené une compagnie à faire faillite. C'est malheureux, mais il y a un ensemble de circonstances et parfois – et on travaille beaucoup avec les entrepreneurs, avec les promoteurs d'entreprises – malheureusement à un moment donné dans la vie d'une entreprise, il y a des choix que l'entrepreneur lui-même devrait faire entre la vie de son entreprise et sa position comme entrepreneur. Parce qu'il arrive parfois que l'entrepreneur ne soit plus la personne pour gérer l'entreprise et à ce moment-là il faut choisir: Est-ce qu'on veut protéger l'entrepreneur, ou protéger la survie de l'entreprise? C'est un choix qu'on a parfois, qui est difficile, entre l'entrepreneur et l'entreprise. Mais c'est un choix. Moi, je dis que l'entrepreneur lui-même devrait être assez éclairé pour faire et dire à un moment donné: Je demeure actionnaire, mais on va aller se chercher une équipe qui va rétablir la crédibilité auprès des banquiers, qui va rétablir la crédibilité auprès des investisseurs, qui va relancer l'entreprise au niveau du management aussi parfois. Alors, au niveau d'Harricana...

Le Président (M. Baril, Arthabaska): M. Scraire, si vous me permettez, je sais que la question amenait une longue explication, mais vous aurez sans doute l'occasion de continuer votre réponse sur d'autres questions. Avant de redonner la parole – s'il le désire, bien entendu – au député de Laporte, parce que je pense que le sujet n'est pas clair, son bloc de 20 minutes est largement dépassé.

M. Bourbeau: J'ai posé... question, M. le Président.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Non, non. Je ne vous blâme pas, je tiens l'heure, je tiens le temps, à moins que les membres y consentent de vous laisser le temps, au lieu de passer sur un autre sujet ou sur une autre question, de terminer celui-là et après je donnerai le même temps équivalent aux membres parlementaires pour que ça soit un meilleur suivi et une meilleure continuité.

M. Gautrin: Je pense qu'on a avantage à terminer ce cas-là, quitte à ce qu'on passe après à autre chose.

Mme Léger: Est-ce que ça peut être une autre question, tout simplement?

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Comment?

Mme Léger: Est-ce que ça peut être une autre question, ou approfondir et revenir?

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Sur le même sujet?

Mme Léger: Bien, comme le député de Laporte voudrait, mais on ne s'étendra pas un autre 20 minutes.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Non, non, je n'ai pas de limite de temps, si vous voulez. Ce n'est pas facile pour moi de tenir ça d'une façon...

Mme Léger: Oui, oui, je sais.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Donc, est-ce qu'on laisse continuer le député de Laporte?

Mme Léger: Oui, s'il n'exagère pas.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Allez, M. le député, avant midi, par exemple...

M. Bourbeau: Je vais peut-être vous admettre comme candidate dans Laporte...

Le Président (M. Baril, Arthabaska): ...mais terminez avant midi.

Mme Léger: Si c'est pour Laporte, vous ne vous représentez plus, M. Bourbeau?

M. Bourbeau: Comme candidate, j'ai dit, pas comme députée. Écoutez, le président nous donne sa version des faits. C'est évident que la version du président, on doit en tenir compte. Nous, on a eu une version évidemment totalement opposée; ce qu'on a entendu, c'est à l'extrême opposé de ce que vient de dire le président. Ce qu'on nous a dit, nous, c'est que c'est la Caisse qui refusait d'envoyer un représentant siéger au conseil. La Caisse avait droit... Vous dites que le conseil d'administration n'existait plus, mais la Caisse refusait, négligeait de nommer son représentant, même que la présidente a écrit au président de Capital Communications CDPQ pour l'exhorter à nommer quelqu'un au conseil d'administration de façon à ce que le conseil de cette compagnie-là puisse siéger. Ça contredit un peu ce que vous venez de nous dire. Vous nous dites qu'il n'y avait pas de conseil d'administration, que c'était paralysé. C'est vous-même qui négligiez de nommer votre représentant à ce conseil d'administration là. Et de un.

Maintenant vous dites que parfois vous devez faire des choix douloureux entre mettre de côté l'entrepreneur pour sauver l'entreprise, parce que parfois vous êtes obligé de prendre l'entrepreneur et de le tasser un peu pour sauver l'entreprise. Or, dans le cas dont on parle, vous avez fait le contraire. Vous avez mis de côté l'entrepreneur et vous avez mis l'entreprise à toutes fins pratiques en faillite. Alors, en tassant le promoteur, vous n'avez pas sauvé l'entreprise, l'entreprise est inopérante, la technologie est repartie à l'extérieur et bon... Cette entreprise-là avait fait une entente technologique avec une entreprise de Toronto, avant votre arrivée d'ailleurs, donc vous ne pouvez pas vous en plaindre. Quand vous avez investi dans la société, vous le saviez qu'il y avait une entente de technologie signée avec PCI, un leader mondial en développement de logiciels de télédétection, qui impliquait un transfert technologique de PCI à la compagnie québécoise, un apport de capital et l'accès au réseau de distribution de PCI dans 120 pays. Ce n'était quand même pas rien, cette entente-là avec l'entreprise ontarienne. Bon.

Je reviens à une question tantôt. Vous nous avez dit que, quand M. Talbot et M. Thériault ont quitté votre entreprise, vous étiez malheureux et pas très content de voir qu'ils passaient chez Télésystème. Ils sont revenus par la porte d'en arrière, si je peux dire, comme actionnaires de LSC 2+1. Vous étiez aussi actionnaire là, donc ils sont devenus vos coactionnaires. Mais si vous n'étiez pas très content de leur attitude, ça n'a pas paru parce que vous vous êtes ligué avec eux pour tenter de faire sauter les promoteurs originaux de la société. Et ça, c'est une question d'éthique. Ça a été repris dans Harricana aussi. On nous dit que vous avez nommé un consultant dans Harricana, qui vous a recommandé de mettre l'entreprise en faillite, puis subséquemment vous avez vendu au consultant les biens de l'entreprise; on l'a dans le texte quelque part, c'est le consultant qui finalement a acquis à vil prix les biens de l'entreprise. Je présume que vous n'étiez pas très content de ça non plus. Vous nommez un consultant qui vous recommande de mettre votre client en faillite, puis après ça, c'est le consultant qui ramasse les biens.

Dans le cas présent, ici, c'est un peu la même chose. Vous avez des employés qui vous quittent, qui s'en vont travailler ailleurs, qui reviennent après ça, puis avec vous, enfin avec vos employés à vous, qui êtes minoritaire dans l'entreprise LSC 2+1, vous manigancez pour faire en sorte que l'entreprise finalement ferme ses portes, on met dehors le promoteur, etc. Je cite toujours bien sûr, en les adaptant un peu, les propos des dirigeants de LSC 2+1. Donc, cette question d'éthique professionnelle, est-ce que ça vous dérange un peu? Nous, ça nous dérange pas mal de voir que vos propres employés semblent parfois mélanger un peu leurs intérêts personnels avec les intérêts de la Caisse. Il semble qu'ils font fi de l'éthique à l'occasion, quittent votre entreprise et continuent à faire affaire dans le milieu. Ça ne semble pas vous déranger tellement; au contraire, vous collaborez avec eux dans des dossiers. Bon, bien, en tout cas, nous ici, on trouvait ça un peu étrange, l'attitude de la Caisse là-dedans. Vous n'avez pas montré en tous les cas beaucoup de ressentiment à leur endroit. Au contraire, vous avez mis la main avec eux pour tenter de faire en sorte que la compagnie LSC voie ses gens originaux sauter, partir.

Vous dites également que la compagnie est encore en affaires et qu'elle va continuer; j'ai compris ça tantôt de ce que vous avez dit. Nous, on a compris que la compagnie était sur le dos, que c'était terminé puis que c'était une question de liquidation. Est-ce que cette compagnie-là va continuer? Si elle continue, est-ce que c'est la Caisse qui est encore actionnaire là-dedans? En tout cas, pourriez-vous nous éclairer en fait?

M. Scraire (Jean-Claude): Je rappelle qu'on avait 15 % de cette compagnie-là, on n'avait que 15 % de la compagnie; on n'avait pas plus de pouvoirs que pour 15 %.

M. Bourbeau: Pardon, là, vous aviez des droits de veto, vous paralysiez l'administration.

M. Scraire (Jean-Claude): Oui, en vertu de la convention, c'est vrai.

M. Bourbeau: Ne dites pas que vous avez seulement... vous aviez 15 %, mais vous aviez 100 % de droits de veto.

M. Scraire (Jean-Claude): C'est exact, avec les droits de veto par la convention d'actionnaires, oui. Il n'y a pas eu de volonté, en aucune façon, de faire sauter d'abord les dirigeants de cette compagnie-là. Bon, en tout cas, en autant que le dossier nous apparaît, ce n'est pas ça qui était la question; la question, c'était de renforcer le management. Ça prenait du management, on l'a répété, nos gens l'ont dit, et ça prenait un conseil...

M. Bourbeau: Je m'excuse, s'il n'y a pas eu de volonté de la faire sauter, pourquoi vous êtes allé à la cour pour faire nommer un administrateur pour faire sauter les dirigeants? C'est vous qui avez payé les frais d'avocat, à part de ça.

M. Scraire (Jean-Claude): C'est ce que je disais tantôt, M. le député, quand madame a démissionné, quand elle a démissionné, on s'est adressé à la cour pour que soit nommé un administrateur de la compagnie. On ne s'est pas adressé à la cour quand elle était en fonction. Mais, quand elle a démissionné, il fallait bien que quelqu'un s'en occupe. Au niveau de l'éthique, c'est vrai que je déplorais le départ de notre personnel, mais une fois qu'ils sont rendus, une fois qu'on a déploré ce départ-là et qu'ils sont ailleurs, bien, ils sont libres, pour cette compagnie-là, de faire les transactions avec LSC ou avec d'autres compagnies. Je ne peux pas répondre de leur comportement après leur départ de la Caisse.

(10 h 30)

M. Bourbeau: Vous dites que vous vous êtes adressé à la cour après que madame ait démissionné. Moi, j'avais compris – enfin, on va vérifier, là – que c'est l'inverse qui est arrivé, que vous avez pris une action en cour pour faire... en vertu de la disposition de la loi des compagnies qui parle de «minority oppression», les actionnaires minoritaires qui se déclaraient, prétendaient opprimés par l'actionnaire minoritaire, et vous êtes allé en cour pour tenter d'imposer à l'actionnaire majoritaire, qui était Mme Laflamme – et les employés de l'entreprise, d'ailleurs – un consultant ou un gestionnaire qui aurait pris contrôle de l'administration courante de la compagnie alors qu'elle était là. Maintenant, vous nous dites que vous êtes allé à la cour après qu'elle a eu démissionné, mais ce n'est pas ce qu'on a entendu, nous. Selon nous, là, selon elle aussi, ce qu'elle nous a dit, c'est vous qui avez pris des actions en cour pour la faire sauter, et un juge a, semble-t-il, ex parte, sans même qu'elle ait eu l'occasion de se défendre, temporairement accordé, si vous voulez, votre requête, et là il y a eu un administrateur de nommé par la cour, et à ce moment-là elle a démissionné. Est-ce que c'est exact?

M. Scraire (Jean-Claude): Ce que j'ai dit tantôt, c'est qu'elle avait d'abord démissionné avant qu'on s'adresse à la cour, et c'est ce que je répète ici. C'est l'une des deux motivations pour s'adresser à la cour, la seconde étant, comme vous le dites, le traitement fait aux actionnaires minoritaires par le bloc de contrôle.

M. Bourbeau: On va vérifier. Disons que...

M. Scraire (Jean-Claude): La démission est du 7 avril.

M. Bourbeau: Ça contredit un peu ce que, nous, on nous a dit, parce que, nous, ce qu'on nous a dit, c'est que la Caisse a tenté de faire en sorte d'obtenir de la cour que la cour nomme un administrateur en vertu du fait que la Caisse se déclarait être un actionnaire minoritaire opprimé et que temporairement la cour a donné suite à votre requête.

M. Scraire (Jean-Claude): M. le député, la démission est du 7 avril, et le recours à la cour est du 14 avril.

M. Bourbeau: D'après nous, on a le 2 juin 1997 comme démission, 2 juin 1997, selon les documents qu'on a devant nous ici. D'ailleurs, il y a des lettres ici qui disent que vous avez répondu à un appel de Mme Laflamme avec une lettre demandant sa démission le 20 avril. Vous avez demandé la démission de madame le 20 avril; elle n'avait donc pas démissionné à ce moment-là. On va éclaircir ça.

J'aimerais savoir, combien la Caisse a-t-elle perdu d'argent dans cette aventure-là, LSC 2+1? En fait, combien va-t-elle perdre? Ce n'est peut-être pas terminé encore, là, la compagnie n'est pas encore en faillite.

M. Scraire (Jean-Claude): Non, je pense qu'on peut considérer que c'est perdu. C'est 1 300 000 $.

M. Bourbeau: Pardon?

M. Scraire (Jean-Claude): 1 300 000 $.

M. Bourbeau: 1 300 000 $. Et quel est le montant des frais d'avocat que vous allez dépenser là-dedans? Parce que ça ne comprend pas les frais d'avocat, ça, là.

M. Scraire (Jean-Claude): Non, ça ne comprend pas les frais. Faudrait que je vérifie, j'ignore ces chiffres.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Vous pourriez nous fournir la réponse le plus vite possible, après midi ou demain?

M. Scraire (Jean-Claude): Oui.

M. Bourbeau: M. le Président, moi, je vais passer à d'autres pour l'instant, mais je me réserve le droit de faire certaines vérifications et peut-être de revenir un peu plus tard.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): J'en conviens. Mme la députée de Pointe-aux-Trembles.

Mme Léger: Pour les besoins des travaux, je pense qu'il faut aussi être prudent dans les cas particuliers. J'inviterais les membres de la commission à peut-être ressortir les lignes directrices ou des questions spécifiques à être posées en regard des situations telles quelles, parce que je sais qu'il y en a qui sont en justice aussi, alors il faut faire attention à ce qu'on avance.

La Caisse de dépôt, bon, il y a des erreurs, il y a des risques, il y a des choix à prendre et puis ça fait partie de l'ensemble de la mission. Je pense que, ça, on en convient. Il ne faut pas non plus focusser juste sur les erreurs, mais il faut en parler parce que c'est ce que nos commettants nous ressortent, ou ce que les gens nous ressortent, ou ce que les gens... Souvent, on ressort ces pépins-là, puis je pense qu'il faut en parler. Il faut aller sortir le pourquoi. Puis, comme disait la députée de Saint-François, est-ce que ça devient une coutume ou c'est une culture chez la Caisse de dépôt? Alors, c'est ça que, moi, je crois qu'il faut ressortir. Alors, si ce sont des cas d'exception, est-ce que ces cas d'exception là sont vraiment exceptions?


Processus d'investissement dans les PME

Moi, ce dont j'aimerais parler un petit peu avec vous, M. Scraire, c'est au niveau de la mission puis des objectifs de la Caisse concernant particulièrement les PME. On en a parlé lors de nos travaux, notre séance de travail, du processus général lorsqu'une entreprise vous demande de l'aide, une entreprise demande à ce que la Caisse de dépôt s'engage avec elle. Alors, on parlait tout à l'heure de soutenir l'essor économique. Moi, à ce niveau-là, j'aimerais savoir un petit peu plus en détail quel est le processus général. On va y aller dans le pratique, là, pour moi, parce que c'est des questions qu'on se posait tous, d'ailleurs.

Quand une entreprise vous fait une demande, jusqu'à l'acceptation ou au refus, est-ce qu'il y a une démarche, un processus normal? Ou, tout le contraire, bon, je ne sais pas, est-ce que vous épousez l'essor économique possible de cette entreprise-là ou bien vous la prenez puis vous la laissez tomber? Il y a beaucoup de questionnements face à la petite entreprise, peut-être de là les questionnements sur la prédation ou peu importe. Est-ce que vous prenez le temps de voir avec l'entreprise les besoins qu'elle a puis comment vous pouvez vous engager? Quel est le processus? Comment vous faites ça?

M. Scraire (Jean-Claude): M. le Président, avec votre autorisation, on pourrait peut-être faire circuler un document qui s'appelle Activités de placements négociés , qui traite de l'ensemble de nos sociétés de placements négociés, et, à l'une des pages, on trouverait la réponse précise sur le processus d'investissement.

Mme Léger: O.K. Les malaises quelquefois qui peuvent être perçus, c'est souvent la taille de la Caisse de dépôt telle quelle, les possibilités de la Caisse de dépôt. Ses reins sont solides comparativement à certaines petites entreprises qui essaient de s'en sortir, souvent, ou qui ont un bon potentiel mais qui, je veux dire, demandent un petit coup de pouce. Alors, c'est ce tempo-là entre vous et eux. Il y a beaucoup de questionnements à ce niveau-là. Alors, qu'est-ce qui fait que vous les aidez ou que vous ne les aidez pas, que vous les laissez tomber?

M. Scraire (Jean-Claude): On va remettre une copie du document aux membres de la commission. Dans le document, vous allez voir le processus de réalisation conventionnel d'un investissement, à partir des premières discussions avec le promoteur jusqu'au déboursement de l'investissement.

Ce que j'ajouterais à ça, c'est l'autre volet qu'on a développé. Je parlais tantôt des incubateurs d'entreprises; c'est un volet qu'on a développé. On travaille maintenant, chez la filiale Capital CDPQ, avec une dizaine d'incubateurs d'entreprises. Ce sont des gens d'affaires d'expérience qui se réunissent et qui forment des sociétés de parrainage, si on peut dire, dont la mission, c'est d'encadrer puis d'appuyer le développement d'une entreprise. On en a une dizaine actuellement avec lesquelles on travaille, et ce sont des gens, donc, d'expérience et avec lesquels l'entreprise, le promoteur, l'entrepreneur discutent pour recevoir un premier encadrement.

On signalait tantôt que souvent, chez nos petites entreprises, bien, le promoteur se retrouve seul. Il n'a pas l'expertise dans tous les domaines. Souvent, il n'a pas non plus les moyens de payer toute cette expertise-là. Le processus des incubateurs est une des façons qui se répandent actuellement et qui permettent à une petite entreprise de se solidifier puis de prendre forme, et on a mis au point, dans Capital CDPQ, un mode d'investissement spécial avec les entreprises qui travaillent avec les incubateurs. C'est un mode de prêt. Essentiellement, c'est du prêt, mais ça permet d'aller plus rapidement et de façon plus simple. Souvent, ça ne requiert même pas de convention d'actionnaires pour le futur, au moment où cela se fait. Par ailleurs, au niveau des officiers ou des dirigeants qui font ces placements-là, ils ont un certain confort que l'entreprise a plus de chances de réussir, à cause de ce parrainage, de cet appui-là qu'elle reçoit de l'incubateur, que si elle était seule, de sorte que ça, c'est un des moyens qui sont employés.

Mme Léger: Pourquoi, M. Scraire, quelques entreprises ou certaines entreprises, peu importe – on ne fera pas le procès de toutes les entreprises parce qu'il y en a que vous aidez aussi... Qu'est-ce qui fait qu'il y a des plaintes à ce niveau-là? Qu'est-ce qui fait que des gens nous disent que vous ne les aidez pas? Pourquoi? D'où ça sort, cette opinion publique là? Est-ce que c'est une perception ou est-ce que c'est...

(10 h 40)

M. Scraire (Jean-Claude): Quand on fait du capital de risque au niveau de la petite entreprise, il y a des statistiques qui existent, puis ces statistiques-là sont faites aussi à la Caisse, sont faites au Fonds de solidarité et sont faites dans toutes les sociétés de capital de risque. C'est le nombre d'autorisations par rapport au nombre de dossiers étudiés, et partout dans toute l'industrie c'est une des façons de suivre le travail qui est effectué puis de voir si on est dans la moyenne, etc. Malheureusement, les normes dans l'industrie, c'est plus alentour de 10 % des dossiers étudiés qui sont acceptés et réalisés. C'est alentour de 10 %. À la Caisse, nos filiales, je pense qu'en général – je sais qu'on a les chiffres quelque part – elles maintiennent un taux de 15 %, entre 15 % et 18 %, selon les filiales, d'acceptation des dossiers présentés. Alors, évidemment, si...

Mme Léger: Donc, le rendement est meilleur que ce que vous avez ordinairement.

M. Scraire (Jean-Claude): Bien, écoutez, d'abord il y a toujours une sélection qui se fait selon les dossiers qui présentent le plus de potentiel puis d'intérêt, puis qui sont les plus solides, puis qui sont les mieux préparés. Alors, évidemment que les gens sélectionnent ce qui est le plus prêt à investissement, ce qui présente le plus de potentiel. Je pense que c'est ça, à moyen puis à long terme. Mais ce que je voulais signaler aussi, c'est que, indépendamment des critères de sélection qui sont rigoureux, c'est certain que ça crée toujours de la frustration, et ça, c'est vrai à la Caisse comme ailleurs. Mais vous avez quand même 80 %, 90 % des gens qui proposent un projet dont le projet n'est pas accepté; alors, ça crée inévitablement une certaine frustration.

«Pas accepté», ça ne veut pas dire que le projet n'est pas bon, en plus, parce que parfois le projet peut être bon, mais il n'est pas suffisamment préparé, ou l'équipe de management n'est pas complète, ou les études de marketing ne sont pas terminées, ou ça prendrait un partenaire – parce que souvent l'idée peut être bonne mais incomplète pour partir en affaires – ou bien l'entreprise qui vient peut, je dirais, avoir un bon management mais avoir un marché qui est défaillant ou qui n'est pas suffisamment large pour assurer la croissance. Il peut y avoir une foule de raisons. Puis souvent c'est juste parce que l'entreprise n'a pas eu la possibilité de pousser suffisamment son plan d'affaires.

Mme Léger: Est-ce que ça peut être une réponse? Parce que j'ai eu certains commentaires quelquefois me disant que vous avez bien des experts, à la Caisse de dépôt, bien des spécialistes, puis que le petit entrepreneur, lui, ce que vous lui demandez ou lui exigez, je veux dire, il n'a pas toute la horde de spécialistes avec lui pour être capable de répondre. Lui, il croit à son produit. Il n'y a pas une...

M. Scraire (Jean-Claude): C'est pour ça que tantôt je faisais référence à la société des petits investissements, Capital CDPQ, des investissements de moins 1 000 000 $ où définitivement les exigences en termes de, je dirais entre guillemets, paperasse sont moins grandes. Ça prend quand même un bon plan d'affaires, mais ça veut dire que le plan d'affaires n'a pas besoin d'être en cartable bleu pâle ou bleu foncé. Alors, ça prend toujours trois choses, hein? Ça prend un bon produit, un bon marché puis une bonne équipe de gestion.


Communications avec les entreprises

Mme Léger: Je vais terminer pour laisser la parole aussi à mes collègues. Au niveau de la communication, on a quelques petites remarques, quand peut-être déjà la Caisse s'est impliquée ou s'est engagée et que, au fil des mois, au fil des années, s'il y a eu une certaine problématique dans l'entreprise – les médias en ont ressorti quelques-uns... Est-ce que vous êtes conscient ou est-ce qu'il y a un problème à ce niveau-là, au niveau de la communication entre les consultants ou les gens de la Caisse qui sont impliqués dans le processus et... Ces entrepreneurs se sentent quelquefois abandonnés dans des décisions, dans des moments difficiles, dans des étapes qu'ils ont à franchir, selon les ententes que vous avez avec eux. Est-ce qu'il se peut qu'il y ait un problème à ce niveau-là?

M. Scraire (Jean-Claude): C'est certain que ça peut arriver à l'occasion. Disons que je ne parlerai pas de la Caisse, là, ce n'est pas la Caisse, à ce moment-là, mais, si on parle d'un consultant, ou on parle d'un gestionnaire, ou on parle de relations de personnes, c'est certain qu'à un moment donné, si un gestionnaire perd vraiment confiance dans la capacité de l'entreprise de livrer des résultats, dans sa capacité de s'améliorer ou de corriger ses déficiences, s'il y en a, puis l'entrepreneur, lui, s'il ne constate pas encore cette chose-là, ou notre gestionnaire a tort ou il raison, et l'entrepreneur, ou il a tort ou il a raison, les deux peuvent arriver. C'est certain qu'à l'occasion nos gens sont prudents, sont rigoureux, ils sont exigeants aussi. Alors donc, il peut en découler une certaine incompréhension. Ils peuvent aussi se tromper parfois, mais parfois ils peuvent voir avant l'entrepreneur lui-même aussi parce qu'ils ne sont pas dans la gestion, ils ne sont pas dans la forêt, hein, ils regardent la forêt d'un peu plus loin.

Et ce que je soulignerais là-dessus, c'est que, quand il y a des nuages à l'horizon, souvent notre gestionnaire n'est pas seul à les voir, souvent il y a un banquier qui les voit aussi, souvent il y a d'autres investisseurs qui les voient. Alors, c'est certain que, si une banque est très confiante sur une entreprise puis que notre gestionnaire est totalement désarçonné ou inquiet, il faut s'interroger, habituellement, à moins que la banque pense qu'on va lui payer sa dette. Parce qu'il y a des banques qui pensent que la Caisse de dépôt va les rembourser de sorte que l'entreprise va continuer. Notre rôle, ce n'est pas d'éviter aux banques des pertes.

Mme Léger: Non. Est-ce que vous pouvez nous assurer aujourd'hui quand même que vous êtes soucieux de ça et puis que c'est quand même, je veux dire, une priorité pour la Caisse de dépôt, avec ses partenaires, d'avoir une bonne communication?

M. Scraire (Jean-Claude): Tel que vous l'exprimez, je comprends la préoccupation d'ensemble. Si on peut m'exprimer plus précisément les préoccupations à ce niveau-là, ce sera peut-être plus facile pour moi. C'est certain qu'on essaie d'avoir, disons, des bonnes relations avec les entreprises, avec les entrepreneurs. C'est certain aussi que parfois nos gens sont humains puis qu'ils peuvent s'impatienter aussi. Alors, il y a un mélange de tout ça. Ce que, au niveau de la direction de la Caisse, on peut faire là-dessus, moi, je suis très, très ouvert à entendre des suggestions en public ou en privé.

Mme Léger: Il y a combien d'employés à la Caisse?

M. Scraire (Jean-Claude): À la Caisse, c'est 225 à peu près actuellement et, dans les filiales de participation, à peu près 70; 60, 70.

Mme Léger: O.K. Merci.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Si les membres me le permettent, j'aimerais continuer dans le même sens que la députée de Pointe-aux-Trembles. Quand un entrepreneur a besoin de la Caisse, demande une intervention de la Caisse ou un apport financier en capital de risque, entre autres, la démarche qu'il a à suivre, c'est qu'il fait affaires avec quelqu'un chez vous, après ça, il y a un analyste ou un consultant – je ne sais pas comment vous l'appelez – qui se rend chez la personne, il étudie le dossier, etc., tout ça, bon. Les personnes – parce que je veux parler généralement – qui nous ont rencontrés la semaine dernière et d'autres qui nous ont rencontrés – en tout cas, personnellement, moi, et je sais que d'autres députés ont été rencontrés aussi par différents intervenants de leur milieu... Quand ça ne marche pas avec ce consultant-là ou cet analyste-là pour x raisons – je ne veux pas en énumérer ici, mais, pour toutes sortes de raisons, ça ne marche pas – quel est le recours d'un entrepreneur?

M. Scraire (Jean-Claude): Bien, disons que des consultants, on n'en utilise pas beaucoup, mais des gestionnaires ou des analystes internes, là, habituellement, sauf dans des domaines de pointe, de technologie où on a un peu plus de consultants, en général, ce sont nos gestionnaires et nos analystes. Bien, moi, je pense qu'une entreprise où l'entrepreneur aurait vraiment des difficultés sur le plan personnel – parce que c'est ça qu'il faut comprendre – avec un gestionnaire, faudrait qu'elle s'adresse au président de la filiale concernée pour voir comment ça peut se traiter.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Oui, mais, justement, quand ça ne marche pas avec l'analyste ou le président – parce que nous avons eu des cas où effectivement c'est ça qui est arrivé – on conteste la façon, entre autres, dont la Caisse ou une de ses filiales évalue le coût de l'entreprise. C'est surtout ça que, nous autres, entre autres, les entreprises nous ont dit, puis là je dis des chiffres. Pour une entreprise qui est évaluée par des spécialistes – je le répète, je dis un chiffre – à 7 000 000 $, 8 000 000 $, si la Caisse, elle, elle dit: Non, nous autres, notre évaluation, c'est 1 400 000 $, on ne veut rien savoir de plus, c'est sûr que l'entrepreneur, lui, c'est son entreprise à lui, il s'est donné la peine de payer pour faire évaluer son entreprise, elle vaut 6 000 000 $, 7 000 000 $. Ça ne se peut pratiquement pas – puis je ne suis pas un spécialiste financier – que deux personnes, deux individus, deux groupes puissent avoir une différence, sur une évaluation des entreprises, de 5 000 000 $, 6 000 000 $, 7 000 000 $. Il y a quelque chose qui ne marche pas en quelque part.

(10 h 50)

Et c'est à ce niveau-là que je disais: Quel est le recours que l'entrepreneur a, face à la Caisse, pour dire: Il y a quelqu'un à quelque part – puis je vais prendre l'expression qu'on a dite – qui veut me bouffer pour pas cher? Comprends-tu? Bon. Donc, pour aller plus loin dans mon interrogation, on a vu que, pour des entrepreneurs, souvent le dernier recours, c'est leur député. Là, ils viennent voir leur député puis ils disent: Bon, c'est ci, c'est ça, ça ne marche pas, on voudrait aller plus haut, on n'est pas capables. Quand les représentants de la Caisse apprennent que l'entrepreneur est allé voir le député, ah bien, là, tout de suite on passe le message: Mon chum, tu n'as pas pris le bon canal.

Ça, je vais vous dire que c'est choquant en pas pour rire pour un député. Si vous avez dit tout à l'heure que des entrepreneurs sont frustrés à cause de l'analyse de la Caisse, je vais vous dire que, quand tu veux aider une entreprise de chez toi à se développer... Puis tu ne veux pas, là, je dirais, forcer la Caisse à dire: Allez-y pareil même si ce n'est pas bon. Ce n'est pas ça. On appelle pour avoir des informations à savoir: Ça fait trois mois que ça taponne, là; allez-vous donner une réponse à ce gars-là, allez-vous faire quelque chose? Bien, là, on arrive chez l'entrepreneur et on dit: Oh! tu n'as pas pris le bon canal. Ça, là, je vais vous dire une affaire, je le répète, faudrait pas que ces personnes-là, peu importe d'où elles viennent, soient trop souvent devant moi parce que ça n'irait pas bien, comprends-tu?

Comment vous pouvez faire pour essayer de remédier à ça? Quand on en a parlé, tout à l'heure, le député de Laporte a soulevé l'arrogance, la suffisance de certaines personnes. C'en est, ça, de l'arrogance, c'en est, de la suffisance. C'est comme si la Caisse, ça leur appartenait: C'est nous, les boss, hein, c'est à nous, l'argent, c'est nous qui investissons. C'est ça qu'on se fait dire et c'est un peu un mépris que les gens ont – les gens de la Caisse, parce que c'est de celle-là qu'on parle, ou de ses filiales – envers les entrepreneurs québécois qui ont mis beaucoup de temps, d'énergie puis tout ce qu'ils avaient dans ça.

Tout à l'heure, vous avez dit: C'est sûr que ça prend un plan d'affaires assez précis. C'est vrai, ça. Je ne suis pas le gars non plus pour dire: Allez dans n'importe quoi pour n'importe quelle raison. Mais, quand des gens font déjà affaires avec les banques... Vous savez aussi que les sociétés Innovatech, elles sont assez exigeantes, hein, dans leurs plans d'affaires. C'est assez exigeant. Quand la Société Innovatech, une des sociétés, a risqué, a investi dans une entreprise, puis que l'entrepreneur voudrait avoir la Caisse comme partenaire – parce que les sociétés partenaire – puis que, là, la Caisse, elle dit: Ah non, nous autres, pour toutes sortes... On ne dit pas non! Justement, on ne dit pas non, on ne donne pas de réponse. Tu maintiens des faux espoirs, puis c'est ça que les gens trouvent ennuyant, il n'y a pas de réponse.

Moi, j'aimerais ça, M. le président, que vous nous disiez: Bon, puisque l'entrepreneur n'a pas de recours immédiat auprès de la Caisse... Le seul, c'est son député, puis certains représentants de la Caisse, on s'en fout comme de l'an quarante, malgré que, nous, nous soyons élus. On a des réponses à donner à nos commettants. C'est quoi, votre réaction face à ça? C'est quoi, les recours possibles que vous pourriez implanter, mettre en place pour que quelqu'un qui n'est pas satisfait du service de la personne qui va le voir, que ce soit l'analyste ou le gestionnaire... Comment remédier à ça?

M. Scraire (Jean-Claude): D'abord, je dois dire que, s'il y a des gens dans l'organisation des filiales ou de la Caisse qui – comment je dirais ça – ne respectent pas le recours au député, je pense que c'est une chose sur laquelle on peut travailler en termes de formation chez nous. On fait de la formation...

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Il y en a qui en auraient grandement besoin, je peux vous dire. Je pourrais vous nommer des noms, en plus, hein?

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Ça leur ferait peut-être bien du bien. Je ne le sais pas, je ne les connais pas.

M. Scraire (Jean-Claude): Ha, ha, ha! Je parle de formation, mais disons qu'on en fait sur tous les sujets puis qu'on pourrait en faire aussi sur le respect des recours des gens parce que c'est certain, puis je le disais tantôt, que parfois, pour toutes sortes de raisons, un gestionnaire chez nous peut dire: Bien, non, je ne peux pas le faire ou je ne le fais pas, puis il peut avoir une série de raisons, puis ce n'est pas parce que le dossier, fondamentalement, n'est pas bon, ça peut être parce qu'il a 15 dossiers à faire pour les trois prochains mois puis qu'il ne sera pas capable de les faire. Là, il va dire: Je ne peux pas le faire, ou bien donc il va avoir une opinion particulière sur le dossier qui est plus négative qu'un autre.

Mais le fait qu'on ait recours aux députés, je pense que non seulement c'est normal, mais il y a des députés qui appellent à la Caisse aussi puis je pense que ce n'est pas un problème. Au niveau du vice-président Planification et Développement, c'est lui qui traite des dossiers avec aussi bien le gouvernement que les députés et qui va s'informer ou vérifier dans les filiales ce qui se passe. Alors, il y a un lien à la Caisse. Peut-être qu'on devrait mieux le faire connaître aux députés pour que les demandes soient acheminées à la bonne place.

Je pense que, sur la question qu'on ne donne pas de réponse ou qu'on laisse des faux espoirs dans certaines des filiales à l'occasion, ça peut peut-être arriver, mais je dois dire que, depuis que les filiales ont été mises en place, il y a un exercice assez rigoureux de suivi des délais d'étude des dossiers, et c'est un objectif qui est partagé par chacune des filiales, que l'étude des dossiers soit raccourcie. On parle aujourd'hui, dans des dossiers suffisamment complexes, d'un délai de deux mois entre l'entrée du dossier et les déboursés de l'investissement, ce qui est très bon dans l'industrie, deux mois pour franchir toutes les étapes, l'investissement. Évidemment, ça suppose que c'est un dossier qui est mûr, pas un dossier sur lequel il faut travailler, où les documents ne sont pas prêts, où il faut faire faire des états financiers, etc. Mais, dans un dossier qui est mûr, les délais sont fortement raccourcis.

Mais, j'insiste, ce n'est pas juste la question des délais, M. le Président, votre question sur le fait qu'il n'y ait pas de réponse, parce que ça, effectivement, pas de réponse, c'est nuire à l'entreprise. C'est mieux de lui dire: On n'a pas le temps de le regarder ou on n'a pas aujourd'hui une réponse positive, de sorte que l'entrepreneur s'adresse ailleurs.

Vous parliez tantôt d'une différence d'évaluation. Une différence aussi prononcée que de 1 000 000 $ à 8 000 000 $, si les deux sont fermement convaincus de leur point, je pense que c'est le marché ou la compétition qui établirait c'est quoi... Peut-être qu'il y a quelqu'un qui est prêt à investir à 4 000 000 $. Parce que c'est assez difficile. Effectivement, on peut avoir des gens qui se trompent, mais, en général, nos dossiers sont révisés à différents niveaux de sorte que, normalement, l'appréciation qui est faite, je ne dis pas qu'elle est nécessairement bonne, mais c'est une appréciation d'organisation et non pas d'un seul individu. Alors, je pense qu'à ce moment-là c'est là où l'existence d'une certaine concurrence... La Caisse de dépôt puis ses filiales ne doivent pas faire tous les dossiers. Elle ne doit pas avoir la prétention d'être le seul recours. C'est bon aussi que d'autres institutions soient actives dans ce domaine-là et ça offre à l'entrepreneur des recours alternatifs. D'un autre côté, si tout le monde dit non à l'entrepreneur, qu'il arrive à la Caisse, il ne peut pas s'attendre nécessairement à ce qu'on ait beaucoup plus d'enthousiasme que la moyenne des investisseurs.

Dans tous les dossiers de technologie... – pas dans tous, je m'excuse, il y a des secteurs qui sont encore négligés des investisseurs et dans lesquels on commence, nous, comme les technologies industrielles – mais, dans les technologies de l'information, tout le domaine relié à la santé, il y a plusieurs investisseurs qui sont présents aujourd'hui au Québec. Dans les communications, on parlait tantôt des gens de Telsoft dans le dossier LSC 2+1; bien, ils sont très actifs. Il y a des filiales du Fonds de solidarité qui sont actives là-dedans aussi, il y a des fonds comme MDS dans le domaine de la santé, alors le monde du capital de risque au Québec a bien avancé, de sorte qu'un entrepreneur a plusieurs opportunités. Et, quand il évalue son actif à 8 000 000 $ et que la Caisse dit 1 000 000 $, bien, s'il discute avec d'autres, il va peut-être avoir des points de vue intermédiaires ou peut-être qu'il va avoir le même point de vue que la Caisse. Puis, s'il obtient quelqu'un qui lui offre son 8 000 000 $, je suppose qu'il va le prendre.

Alors, je prends garde un petit peu aux différences d'évaluation. C'est certain que parfois on anticipe les difficultés de lancer un produit, les difficultés de commercialisation. Des fois, les entrepreneurs qui sont très dynamiques puis qui pensent que tout va aller vite, parfois ils surestiment un peu la difficulté, parfois on est trop prudent.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Une dernière, là, parce que je ne veux pas prendre tout le temps. La Caisse, quand elle fait une offre d'affaires à l'entrepreneur, est-ce que cette offre-là, elle la fait par écrit, ou elle la fait verbalement, ou quoi? Maintenant, la Caisse, elle dit: Nous autres, on évalue ton entreprise à x montant, on est prêts à participer à un capital de risque à tel montant et de telle, telle façon. Est-ce que les conditions, on met ça par écrit ou bien on fait ça juste par téléphone?

(11 heures)

M. Scaire (Jean-Claude): Vous avez le processus à la page 6 du document que j'ai distribué tantôt. Effectivement, disons que, rendus à cette étape-là, quand on est pour aller de l'avant, il y a une lettre d'intention qui est écrite, qui est exprimée et qui témoigne de façon détaillée ce sur quoi les gens se sont entendus verbalement. Il est certain qu'il y a des discussions, et habituellement l'entrepreneur sait un peu ce qui s'en vient – pas nécessairement chaque détail, mais il sait un peu ce qui s'en vient – parce que ça a été discuté entre lui et la Caisse. Mais c'est ratifié ou c'est confirmé par une lettre.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Quand l'entrepreneur demande au représentant de l'une des filiales: Mets-moi ça par écrit, la négociation qu'on a faite, pour que j'en fasse part à mes partenaires, puis que le représentant de la filiale, il ne veut pas mettre ça par écrit, ça fait quoi dans ce temps-là? C'est quoi, le recours, encore une fois, de l'entrepreneur?

M. Scraire (Jean-Claude): Mais une lettre d'intention, c'est une étape dans le processus qui est un peu plus formelle que cela. Alors, si l'entreprise n'a pas encore – comment je dirais – agréé en principe sur la discussion qui a eu lieu entre l'entreprise et la Caisse, il n'y a pas de lettre d'intention. La lettre d'intention intervient quand vraiment tout le monde sait où on s'en va, et là c'est le processus légal qui est en cours avec la lettre d'intention. C'est la première étape du processus légal.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Oui, mais, avant la lettre d'intention, là, les ententes, les négociations qu'il y a entre l'entrepreneur puis vos représentants, il n'y a rien qui se fait par écrit? Il dit: Nous autres, oui, on pourrait participer avec votre entreprise à tel, tel niveau, de telle, telle façon. Ça, ça s'est discuté alentour de la table, hein? Bon. Là, on dit: Bien, mets-moi ça par écrit parce que, moi, faudrait que j'en parle à mes partenaires pour voir si tout le monde est d'accord. Moi, je ne suis pas seul là-dedans. Puis là c'est ça, on ne veut pas mettre ça par écrit. Il me semble qu'il y a quelque chose qui ne marche pas.

M. Scraire (Jean-Claude): On me dit que, normalement, quand les gens savent pas mal où ils s'en vont, quand l'intention est assez claire, justement il y a une lettre qui va être faite à ce moment-là pour confirmer à l'entrepreneur. Dans la mesure où lui-même dit: Bien, écoute, moi, ça me convient, je vais travailler avec ça, normalement il est sensé y avoir une lettre qui est...

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Là, M. le président-directeur, je vous inviterais à faire des vérifications, parce que ce n'est pas comme ça que ça marche à certains endroits. C'est aussi franc que ça, aussi clair que ça.

M. Scraire (Jean-Claude): Vous me donnerez un peu plus d'information pour vérifier.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Oui, je vais tout vous fournir ça, soyez assuré de ça. Pour respecter le bloc, tout à l'heure on a dépassé le temps pour le député de Laporte; je laisserais la parole au député de...

M. Bourbeau: M. le Président, une question technique.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Oui.

M. Bourbeau: Est-ce que, quand le président prend du temps, c'est calculé du côté de l'opposition ou si c'est...

Une voix: Oui, oui.

M. Bourbeau: Ah oui? Ah bon.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Ah non, non! Pas de l'opposition!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Gautrin: C'est parce que vous vous percevez encore comme membre de l'opposition.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Excusez. Moi, voyez-vous, je suis au centre de la table, hein, ça fait que, un bord ou l'autre, celui qui est en face s'oppose à l'autre.

M. Gautrin: Ah bien, il n'a pas encore accepté d'être ministériel.

M. Bourbeau: Vous êtes au centre de la table, mais, évidemment, votre temps n'est calculé que du côté du parti gouvernemental.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Oui, oui, soyez assuré...

M. Bourbeau: Très bien. Mais remarquez que je n'en fais pas une comptabilité serrée, là.

Mme Léger: Le député de Laporte... aujourd'hui.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Non, non.

M. Bourbeau: Non, non, non, je suis très, très ouvert là-dessus, moi.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): J'ai compilé mon temps du côté ministériel, M. le député de Laporte.

M. Bourbeau: C'est simplement pour ne pas qu'on se fasse dire plus tard qu'il ne reste plus de temps, mais vous avez tout le temps qu'il faut.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Non, non. Tout est fait. M. le député de Crémazie.


Développement économique

M. Campeau: Merci, M. le Président. Bien, personne ne sera surpris que je revienne au texte de Jean Lesage, qui disait, en page 2, en haut: «La Caisse ne doit pas seulement être envisagée comme un fonds de placement au même titre que tous les autres, mais comme un instrument de croissance.» Et, pour aller dans la même veine que le président de cette commission, vis-à-vis des entrepreneurs, il semble que, dans le département, ce qu'on nous rapporte, c'est que les gestionnaires de département, en tout cas certains gestionnaires des départements de participation, ils n'ont pas lu le discours de Jean Lesage. Moi, quand j'étais président de la Caisse – je fais juste un court rapport – je l'avais sur ma table et, ma foi, je le lisais chaque soir avant de me coucher, sans exagérer.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Campeau: Mais je vous dirais que, pour ceux qui ne l'ont jamais lu, ça n'endort pas, ça réveille! C'est un discours qui est toujours fort à point et fort à point aujourd'hui.

Donc, je reviens sur le gestionnaire de la Caisse, domaine des participations. Il doit savoir la mission de la Caisse, il doit savoir que c'est le rendement, que c'est aussi le développement économique du Québec, et parfois, bien, la perception qu'on a des gens qui viennent nous voir, c'est que ces gens-là ne le savent pas toujours. Il y en a probablement qui le savent beaucoup, j'en vois ici dont je sais qu'ils savent ce rôle-là.

Évidemment, les entrepreneurs qui viennent nous voir, il y a des satisfaits puis des insatisfaits. Les satisfaits ne viennent pas nous voir beaucoup, hein? C'est normal, ça marche bien. Mais les insatisfaits, les perceptions, pour eux, c'est que le développement économique pour la Caisse, ce n'est pas important, pas important pour les personnes avec qui ils transigent. C'est clair que, pour d'autres et la haute direction, c'est important, mais il semble que cette mission-là, elle ne rejoint pas certains gestionnaires du domaine des participations, évidemment pas tous. À tout le moins, ceux qui sont insatisfaits et qui viennent nous voir ont transigé avec des gens pour qui ça ne semblait pas avoir une importance primordiale.

Moi, je reviens sur le rôle de l'entrepreneur en général. Il y a des accidents, puis vous en avez fait cas tout à l'heure, puis j'accepte votre explication. Mais l'entrepreneur, il met son argent. Il a un caractère spécial, sans ça il ne serait pas entrepreneur. Bon. Qu'il soit malcommode des fois, un entrepreneur, on doit le lui pardonner parce que c'est comme ça, sa nature, puis il a mis son argent dans son entreprise, ça lui appartient. Mais, que le gestionnaire de la Caisse soit malcommode, ça, on ne le lui pardonne pas parce que lui, ce n'est pas lui qui a mis son argent. Donc, le gestionnaire de la Caisse, il doit être missionnaire, il doit être encore plus compréhensif, il doit être plus généreux que l'entrepreneur qui est devant lui.

Le gestionnaire de la Caisse, s'il est arrogant, on ne l'accepte pas; s'il est condescendant, encore moins. Mais, là encore, moi, je dis qu'à la Caisse il y a juste certains individus qu'on nous rapporte qu'ils seraient comme ça, ce n'est pas la totalité, sauf que probablement, comme je vous dis, le directeur des communications n'a pas fait sa job, quand l'individu est arrivé, il ne lui a pas fait lire le discours de Jean Lesage, puis ça, ce serait profitable, avant de rentrer à la Caisse, qu'il lise le discours; peut-être qu'il serait un meilleur gestionnaire.

Mais, même si c'est non, même si on ne doit pas faire l'investissement, la Caisse ne doit pas faire affaire avec cet entrepreneur-là compte tenu de sa mission, la Caisse, elle a le devoir de bien conseiller l'entrepreneur qui vient la voir. Et est-ce qu'elle le fait toujours? Elle a le devoir de lui dire où aller, où ne pas aller puis elle a aussi le devoir de lui dire rapidement si son projet n'est pas acceptable pour la Caisse et non pas de lui créer de faux espoirs. Je dis: Encore là, c'est une perception, ça, que les gens qui viennent nous voir ont. Je ne sais pas s'ils ont raison ou pas, mais c'est une perception et c'est seulement quelques-uns. Parce qu'il semble que la Caisse, à ce moment-là, compte tenu de son double rôle de développement économique, ne doit pas seulement dire non comme une banque dit non, elle doit lui dire, à l'individu, même si la Caisse n'investit pas, comment s'en sortir et où aller.

Et aussi, je reviens à quelque chose que je disais souvent, puis là je voudrais avoir vos commentaires, M. le président, là-dessus. Mon Dieu que je trouve que la Caisse est malhabile à faire état de ses succès, de ses bons investissements dans les participations, puis mon Dieu qu'elle est malhabile à gérer les refus qu'elle doit donner! Parce que qu'est-ce qui arrive? C'est évident, les succès dans les participations, on n'en entend pas parler, les entrepreneurs satisfaits, ils ne viennent pas nous voir, mais c'est les insatisfaits qui viennent nous voir. Il me semble qu'on gère mal les non, les négatifs, les refus qu'on fait, à la Caisse de dépôt. Est-ce que vous pensez, vous, M. le président, qu'il y a moyen d'améliorer cette gestion-là?

M. Scraire (Jean-Claude): Sur la gestion des succès, je ne le sais pas.

M. Campeau: Bien, Michel a des bonnes idées.

M. Scraire (Jean-Claude): Ha, ha, ha! Sur la gestion des refus, oui, sans doute qu'il y a moyen d'améliorer, en y mettant un peu plus d'efforts et de ressources, la façon dont ça se fait. Je dois signaler quand même le point sur le fait que nos gens doivent conseiller puis appuyer. Même dans des circonstances où ils pensent que le dossier n'est pas approprié pour eux – parce que, comme je le disais tantôt, un dossier peut ne pas être approprié pour eux puis l'être ailleurs – ils font des références, et, dans les statistiques que vous pouvez voir là-dedans, vous avez même le nombre de dossiers qui sont référés à d'autres institutions qui sont plus appropriées au projet qui est soumis. Alors, oui, je pense que, sur la gestion des refus, il y a certainement une amélioration qui peut être faite.

Par ailleurs, comme vous le disiez – et on connaît tous les entrepreneurs puis les promoteurs qui sont, avec raison, convaincus de leurs projets, de leurs produits, sinon ils ne seraient pas des promoteurs – un refus, c'est toujours difficile, ça finit par être bêtement un refus même si on peut essayer d'en améliorer la gestion. Je pense que le meilleur moyen pour gérer les refus, c'est d'indiquer quelles sont les faiblesses qu'on trouve dans le dossier de sorte que le promoteur ou l'entrepreneur puisse voir s'il peut améliorer, du point de vue de ce gestionnaire-là ou de cette filiale-là, son dossier et que ça lui serve au moins ailleurs aussi, s'il va présenter son dossier ailleurs.

(11 h 10)

Parce que, dans le placement privé, vous savez, nos entrepreneurs, ils font pas mal le tour des investisseurs, alors souvent c'est un des services qui leur sont rendus quand un dossier n'est pas retenu. C'est qu'ils savent un peu mieux quelles sont les faiblesses de leur dossier, de sorte qu'ils vont l'améliorer soit pour revenir ou soit pour aller ailleurs. Mais ce n'est pas facile de... Un refus demeure un refus, sauf que souvent ces refus-là ne sont pas définitifs. Ce sont des refus à cause des circonstances, ou dans le sens que le produit ou l'entreprise n'est pas mûr pour l'investissement, ou parce qu'il faut améliorer la gestion, ou parce que les études de marché ne sont pas concluantes. Souvent, il y a des moyens de continuer à pousser un dossier. Alors, ça, je dirais que ce sont des semi-refus. Mais le refus carré de dire: Écoutez, ou on n'a pas confiance que votre produit est susceptible d'apporter la rentabilité à votre entreprise à long terme ou on n'a pas confiance que, pour toutes sortes de raisons, votre entreprise puisse connaître la croissance, un refus demeure toujours assez difficile.

M. Campeau: M. le Président, le président Scraire a peut-être glissé involontairement en évitant de répondre sur la formation des gestionnaires dans les participations. Quelqu'un rentre à la Caisse de dépôt; est-ce qu'on regarde s'il est bon pour le rendement? Bon, parfait, s'il a un instinct pour que ce soit profitable. Mais aussi est-ce qu'on regarde sa qualité pour le développement économique du Québec ou si on engage quelqu'un seulement si on pense qu'on va faire des profits avec lui? C'est ça que les gens qui viennent dans nos comtés semblent reprocher à l'occasion à la Caisse, évidemment ceux qui se font dire non, qu'ils n'ont pas senti là un accueil autre que le rendement. Ils se font dire toutes sortes d'affaires, puis l'entrepreneur, comme je vous le disais, il était là.

Là-dessus, je veux juste souligner le rapport de 1995 – j'en ai déjà parlé et je vais en reparler – comment ça ne respectait pas le discours de Jean Lesage quand on disait: «Le rendement demeure notre première préoccupation. Leur capacité de grandir et de bâtir prend sa source...» C'étaient de bien belles paroles. Rien sur le développement économique. Alors, le gestionnaire de participation, s'il lit ça, il dit: Moi, ma job, c'est de faire de l'argent; le développement économique, ce n'est pas important. Est-ce qu'on va s'efforcer de lui incruster ça ou de vérifier s'il a la notion du développement économique du Québec? Je le répète, la Caisse est un fonds de placement et ne doit pas être seulement envisagée comme un fonds de placement au même titre que tous les autres.

M. Scraire (Jean-Claude): Je pense que, au niveau de la mission de la Caisse, la mission de la Caisse se reflète dans la mission de chacune des filiales. Alors, quand on regarde les plans d'affaires ou quand les gens des filiales font leurs plans d'affaires, vous allez toujours retrouver dans la mission de la filiale la même mission que la Caisse: le rendement et l'essor économique. Les plans d'affaires, ils sont orientés sur ces deux volets-là de la même façon, et, pour l'essentiel, l'activité de nos filiales est orientée sur l'essor économique; c'est dans la nature même de leur activité et de leur champ d'activité.

Est-ce qu'on fait de la formation spécifique à ce niveau-là? Je dirais que non. Par ailleurs, au moment de l'embauche puis au niveau du suivi du personnel, je pense que – comment je dirais ça – la conviction sur la volonté de faire croître puis d'améliorer le dynamisme de l'économie du Québec est une composante très importante au niveau de l'embauche. Évidemment, plus les gens ont des responsabilités dans les filiales, plus cette dimension-là est vérifiée. Maintenant, est-ce qu'on peut faire plus? Probablement.

M. Campeau: Merci, M. le président.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Mme la députée de Saint-François.

Mme Gagnon-Tremblay: Merci, M. le Président. Je voudrais revenir sur la mission première de la Caisse de même que sur les dossiers surtout à caractère technologique au niveau de sa mission économique. Pour revenir à la mission comme telle, ce qu'il est important de savoir, c'est ce qui a préséance. Est-ce que c'est le rendement ou c'est le développement économique, le rendement pour le cotisant ou le développement économique? En tant qu'actionnaire très minoritaire, me direz-vous, que cotisante, moi, la première chose que je veux savoir, c'est: Est-ce qu'on va chercher le meilleur rendement? Que ce soit au niveau des actions, des obligations, est-ce qu'on diversifie suffisamment notre portefeuille? Pourquoi, par exemple, on va augmenter nos actions à l'étranger? Ça, je ne suis pas capable de répondre parce que je laisse ça aux spécialistes. Je ne suis pas spécialiste en la matière. Mais cependant, il y a une chose que je souhaite, il y a une chose que je voudrais et que je me dis, en tant que cotisante ou qu'actionnaire très minoritaire: je souhaiterais, bien sûr, que la Caisse ait les meilleurs financiers au monde, les meilleurs, et qu'elle soit capable de les payer, même, mais qu'elle ait les meilleurs financiers pour être capable de me donner un rendement en tant que cotisante. Ça, c'est la mission au niveau des portefeuilles diversifiés.

Là, où je me pose des questions, cependant, c'est tout sur la question de l'immobilier à l'étranger. C'est aussi sur tout le volet économique et c'est là qu'on a des critiques à apporter lorsqu'on écoute, par exemple, que ce soient des entrepreneurs ou les gens du milieu. C'est tout le dossier plus économique, et c'est là qu'il faut se poser la question: Est-ce que la Caisse, depuis sa création – au-delà de 30 ans maintenant – a revu ou est en train de revoir sa façon de s'impliquer dans les dossiers à caractère économique ou d'apporter à l'économie du Québec? Est-ce qu'on voit, par exemple, avec les nombreuses filiales que la Caisse a... Parce qu'on sait très bien que plus on diversifie, plus on se développe, peut-être moins de contrôle le président de la Caisse peut avoir sur ses différentes structures, et là je pense que c'est compréhensible. Mais il faut, à mon avis, qu'on soit capable de savoir exactement où la Caisse a l'intention d'aller et jusqu'où elle a l'intention d'aller au niveau du développement économique. Est-ce qu'elle a l'intention de faire faire et de financer ou si elle a l'intention de faire et de s'impliquer en même temps dans le financement?


Projets de nature technologique

Et là j'arrive aux dossiers à caractère technologique. D'après les gens qu'on a écoutés la semaine dernière, j'avais l'impression que, si vous aviez une idée qui était excellente de développer un projet, de développer quelque chose au niveau technologique, vous étiez, comme président-directeur d'une entreprise, si vous faisiez affaire avec la Caisse, un peu sur un siège éjectable, et ça, c'est malheureux. Je pense que ce n'est pas ce que la Caisse voudrait, mais c'est vraiment l'impression qu'on a eue, la semaine dernière, lorsqu'on entendait les personnes.

Au niveau technologique, il y a différentes façons de le faire, comme je le disais: c'est de faire faire et/ou de le faire et en même temps de financer. Moi, je ne voudrais pas que la Caisse, par exemple, prenne la place du secteur privé. Elle peut aider le secteur privé, mais tout à l'heure j'ai cru comprendre que, au niveau, entre autres, technologique, vous étiez à essayer de travailler sur les découvertes, sur les produits, de les commercialiser, même. Est-ce que c'est vraiment la vocation de la Caisse? Parce qu'on peut très bien avoir tout type d'organisme, que ce soit au niveau des régions, que ce soit au niveau du Québec, qui est en mesure de s'occuper de ce volet. Vous avez les universités actuellement qui travaillent de plus en plus avec les entreprises, vous avez des jeunes qui sortent de ces universités, qui ont des projets fantastiques, qui sont capables de les développer, ils ont besoin d'un coup de pouce; il ne faudrait pas à ce moment-là que, la Caisse investissant, ce coup de pouce devienne justement le siège éjectable. Dans ce sens-là, je me dis: Est-ce que la Caisse a pensé à la création, par exemple, d'une espèce d'ombudsman, entre autres? Parce que la Caisse, c'est devenu quand même quelque chose de très gros et on ne peut pas se battre contre la Caisse de dépôt, que ce soit au niveau, par exemple, des frais d'avocat ou quoi que ce soit. Est-ce que la Caisse a pensé à une espèce d'ombudsman qui pourrait à un moment donné aplanir ou aider, par exemple, à régler les différends, toujours avec son dossier économique, parce que c'est là qu'on semble trouver le plus de problèmes?

Et, en plus de ça, est-ce que la Caisse a ou a l'intention de se donner un code d'éthique, entre autres, pour ses propres employés, surtout dans le domaine technologique? C'est parce que c'est là qu'il y a de la concurrence énorme, c'est un marché en plein développement et c'est là finalement qu'on va faire l'argent ou qu'on fait l'argent dans le présent et dans le futur. C'est dans ce domaine-là.

Alors, bien sûr qu'il y a toujours des personnes qui seront à la recherche de bénéfices, et j'avais l'impression, la semaine dernière, que la meilleure façon d'investir au niveau technologique, c'était de se faire embaucher par la Caisse, d'aller chercher les idées, ou les projets, ou quoi que ce soit et, par la suite, d'investir dans ces différents projets et de quitter la Caisse de dépôt.

(11 h 20)

Est-ce qu'on s'est donné un code d'éthique au niveau de ces employés pour ne plus qu'on ait cette perception et aussi pour s'assurer de la bonne gestion, qu'on puisse répondre aux correspondances, toute la gestion, finalement? Comme je vous dis, quand ça devient tellement gros, on perd un peu le contrôle. Est-ce que le président peut nous dire si vraiment il est en contrôle de toutes ses filiales, s'il est en contrôle de la gestion? Parce qu'il a été très fréquent, la semaine dernière, qu'on soit venu nous dire que, par exemple, lorsqu'on écrivait à des représentants de la Caisse et lorsqu'on écrivait même au président de la Caisse, on n'accusait même pas réception des lettres, et ça, je pense que c'est inadmissible parce que même un député ou même n'importe qui, vous recevez une simple lettre, vous devez au moins accuser réception. Alors, il y a une espèce de malaise.

Je voudrais revenir à la question: Comment on peut régler ces choses qui donneraient une meilleure image à la Caisse? Est-ce qu'on peut changer cette culture après 30 ans? Est-ce qu'on est en train de la changer, la culture? Et je reviens avec la question de l'ombudsman et du code d'éthique.

M. Scraire (Jean-Claude): Oui. Alors, sur le code d'éthique d'abord, on pourrait vous faire circuler dès maintenant une copie de ce code d'éthique là qu'on a adopté et mis en vigueur en août 1995. C'est un code qui est relativement détaillé et qui instaure un comité d'éthique qui est un comité du conseil d'administration de la Caisse, qui fonctionne, qui se réunit, qui gère tout ça. Le code d'éthique couvre plusieurs des préoccupations dont on vient de parler. Il couvre notamment la confidentialité qu'on assure aux entreprises, il donne droit aux entreprises de s'adresser au comité d'éthique pour se plaindre aussi si la confidentialité des dossiers n'était pas respectée, c'est un code aussi qui reprend certaines dispositions de la loi. Un employé de la Caisse – et ça s'étend aux consultants – ne peut pas utiliser à ses fins personnelles une information recueillie dans le cadre de son travail à la Caisse. Alors, il y a beaucoup d'éléments, au niveau du code d'éthique, qui sont couverts.

L'une des réflexions qu'on pourrait faire, que je vais sans aucun doute, à la suite de vos commentaires, suggérer à notre comité d'éthique de faire puis de recommander au conseil, s'il y a lieu, c'est de voir s'il y aurait lieu, pour ce type de traitement que les entreprises peuvent parfois recevoir, où que ce soit dans l'organisation, d'avoir justement, au niveau du comité, une responsabilité de voir ces dossiers, de recevoir les plaintes et de les traiter. Je pense que ce serait dans l'ordre des choses. En tout cas, ça peut se considérer, ce moyen-là ou un autre; il y en a différents qui peuvent être conçus. Ça, c'est sur la question...

Mme Gagnon-Tremblay: Je m'excuse, M. Scraire. Dans votre document, ici, Code de déontologie et d'éthique , est-ce qu'on prévoit, par exemple, le départ de consultants qui étaient embauchés par la Caisse et qui finalement ont des participations dans des entreprises, mais non seulement participations dans des entreprises, mais que la Caisse continue à financer par la suite? Alors donc, il y a peut-être un moyen. Si on arrêtait le financement, peut-être qu'on aurait moins le goût de se lancer dans d'autres entreprises.

M. Scraire (Jean-Claude): Je vais avoir le document bientôt et la réponse. Peut-être que, pendant qu'on m'apporte la réponse – ha, ha, ha! – pendant qu'on m'apporte les détails sur cette question-là, je pourrais en profiter pour regarder d'autres questions que vous aviez soulevées sur le faire-faire et le financer ou le faire en technologie. C'est ainsi que vous avez posé la dynamique. Ce que je dirais, c'est que notre métier, c'est de faire faire et de financer, ce n'est pas de faire. Ce n'est pas à nous d'exploiter les entreprises. Ce n'est pas à nous d'exploiter l'entreprise et ce n'est pas notre intention.

Ce qui arrive, par ailleurs, en technologie, c'est que, si on veut accroître le volume d'entreprises qui naissent en technologie, qui naissent... Une entreprise qui va, ce n'est pas un problème, on peut se limiter à la financer. Mais le milieu québécois actuellement est tellement en effervescence dans le secteur de l'innovation technologique, dans les secteurs de l'informatique ou de l'information, dans le secteur de la santé, il y a, dans les centres de recherche actuellement, sur les tablettes des chercheurs, tellement de produits, tellement de possibilités que les gens du milieu qui connaissent ça disent: Ce n'est pas possible de laisser ça dormir. Et un chercheur n'est pas nécessairement un entrepreneur ou un promoteur. Alors, la difficulté, c'est comment passer de la recherche qui présente de l'intérêt, qui appartient en général ou à une entreprise et à un chercheur ou à une université et à un chercheur, comment passer de cette idée, de cette découverte qui est bonne pour en faire une vraie entreprise qui va prendre son essor. Et, quoiqu'on veuille demeurer dans le faire-faire et financer, chez Sofinov, actuellement on essaie de faire en sorte de pouvoir aider ces idées-là à passer du stade de l'idée au stade de l'entreprise, de la commercialisation. Alors, c'est un lourd défi. Ce n'est pas Sofinov elle-même qui fait ça, c'est les fonds T2C2 qui ont été mis sur pied, où il y a des partenaires. Alors, ce n'est pas uniquement la Caisse, c'est la Caisse et des partenaires. Mais c'est un métier particulier d'aider les idées à aboutir.

Mme Gagnon-Tremblay: Mais, voyez-vous, M. Scraire, je pense que vous venez de nous donner justement l'illustration que vous ne voulez pas faire, vous faites faire, mais, finalement, comme Sofinov est là pour essayer d'aller chercher les projets sur les tablettes, on crée une autre société qui, elle, a vraiment de l'intérêt, qui, elle, a véritablement de l'intérêt. Bon, naturellement, je disais, tout à l'heure: Cette société, ça peut être n'importe quelle société en région, mais vous en avez une que vous aidez particulièrement parce qu'elle est un peu le produit de Sofinov. Alors donc, finalement il y a de l'intérêt et c'est là souvent qu'on se rend compte que vos anciens consultants ou que d'autres personnes qui sont au fait de tous ces projets ou qui sont dans le secret... Bon, ils ne les dévoilent peut-être pas au niveau du code d'éthique, mais, dès qu'ils ont une chance, cependant, ils vont les développer, ces produits-là, parce qu'ils sont à même tous les dossiers. Alors donc, c'est là peut-être qu'il y a un problème. Il y a quelque chose qui manque au maillon ou qui fait en sorte qu'on est porté peut-être à accuser ou à regarder la Caisse avec un oeil différent d'un organisme qui doit faire du développement économique. Mais jusqu'à quel point? Est-ce que la Caisse justement se questionne ou remet en question, à un moment donné, a pensé ou réfléchi sur son volet économique?

M. Scraire (Jean-Claude): C'est certain que, quant à nos façons de faire, c'est un sujet qui fait l'objet de considérations constantes. Ce que je peux dire là-dessus, c'est que je pense que, au point de vue de l'essor économique, de l'essor de l'économie du Québec, d'aller un peu plus dans la haute technologie, comme vous disiez tantôt, ce sont des secteurs éminemment rentables et vers lesquels la plupart des investisseurs vont tirer un plus grand bénéfice dans le futur, donc ce mouvement-là, il faut l'accentuer. Quel est le rôle exact de la Caisse, et comment ne pas faire à la place des autres, et jusqu'où aller? Toute la question est là. Je retiens particulièrement votre commentaire à l'effet que, sur les intérêts personnels des individus qu'on peut embaucher comme consultants ou même comme employés, dans ce secteur-là, on a besoin de se préoccuper grandement de cette question-là.

Par ailleurs, c'est aussi une question de rémunération, et souvent c'est un milieu où la rémunération est faite soit chez les consultants ou chez les employés dans plusieurs sociétés d'investissement. C'est une rémunération qui est vraiment basée sur la performance des projets qui aboutissent ou qui n'aboutissent pas.

Mme Gagnon-Tremblay: Oui. C'est là qu'est le problème.


Code de déontologie et d'éthique

M. Scraire (Jean-Claude): Pour revenir sur votre question au niveau du code d'éthique, la disposition qu'on a est la suivante: c'est que tout déclarant, une personne qui est visée par ce code, qui a des investissements personnels ou qui projette d'investir à titre personnel dans une entreprise ou d'avoir un emploi avec une entreprise ne peut recevoir aucune information confidentielle de la part d'un autre déclarant concernant un concurrent de cette entreprise. À cet égard, le déclarant doit même quitter toute réunion ou discussion dès que de l'information confidentielle peut être divulguée concernant une entreprise ou un projet auquel il pourrait être tenté de s'associer.

Mme Gagnon-Tremblay: Vous comprenez que ça vient par la suite, hein?

M. Scraire (Jean-Claude): Pardon?

Mme Gagnon-Tremblay: Vous comprenez que ça vient par la suite. C'est en assistant aux séances qu'on se rend compte de l'intérêt, peut-être, hein?

M. Scraire (Jean-Claude): Oui. Les obligations de la présente section que je viens de vous lire se prolongent au-delà de la fin du mandat ou de la cessation d'emploi en ce qui a trait à la protection de l'information confidentielle ou aux restrictions quant à son usage. Alors, disons qu'il y a une ouverture, disons que c'est un code d'éthique qui n'est pas sanctionnable, qui ne permet pas de sanctionner quand quelqu'un a quitté. Tant qu'il est là, oui, mais, quand il a quitté, non.

(11 h 30)

Mme Gagnon-Tremblay: Pour permettre à mes collègues, M. Scraire, de poser des questions, je voudrais juste vous entendre sur la possibilité de créer le poste d'ombudsman.

M. Scraire (Jean-Claude): Enfin, c'est une mécanique qui existe dans plusieurs entreprises. Ce n'est pas une difficulté particulière. La question peut être considérée: est-ce que le comité d'éthique qui est déjà en fonction est le bon instrument, ou s'il faut vraiment créer un emploi distinct pour ça, ou... question d'avantages et d'inconvénients, à condition... De toute façon, quant au fond, l'important, c'est que les gens qui traitent de ces questions-là aient l'expertise ou la formation requise pour le faire en matière financière et commerciale. Après ça, c'est un moyen. Que ça soit l'un ou l'autre.

Mme Gagnon-Tremblay: C'est peut-être une façon de régler des différends sans avoir à aller à la cour. Il y a peut-être bien des différends qui pourraient se régler à un autre niveau, à ce moment-là.

M. Scraire (Jean-Claude): Oui.

Mme Gagnon-Tremblay: Merci.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): M. le député de Marguerite-D'Youville.


Placements immobiliers à l'étranger

M. Beaulne: Oui, merci, M. le Président. Moi aussi, j'ai relu avec intérêt les propos de Jean Lesage, et vous n'êtes pas sans savoir que, au cours de la dernière année, il y a tout un débat, au Québec, qui a commencé à se centrer sur l'utilisation de l'épargne des Québécois pour financer le développement économique du Québec par rapport à laisser partir ça à l'étranger, viol des fonds mutuels, ainsi de suite. On a eu le tohu-bohu qu'a soulevé le déménagement de Canagex à Toronto, et ça m'amène à vous parler, toujours dans le contexte de la mission, de l'objectif que vous vous fixez en termes de placements immobiliers à l'étranger.

En quelque part, j'ai lu que votre objectif était d'augmenter les placements étrangers à 30 % du portefeuille immobilier de la Caisse. Quand on regarde les chiffres de cette année par rapport à l'année précédente, on s'aperçoit que, selon les données de 1996, la ventilation géographique de votre portefeuille immobilier s'établit comme suit: 49,3 % au Québec, 23,5 % au Canada, 27 % hors Canada; ce qui fait 50,7 % hors Québec. C'est une augmentation passablement importante dans l'espace d'une seule année, puisqu'en 1995 les mêmes chiffres se lisaient comme suit: 67 % au Québec, 17,1 % hors Québec au Canada et 15,9 % à l'extérieur du Canada.

Comment expliquez-vous cette orientation et ce bond assez impressionnant dans les placements immobiliers à l'étranger, d'une part, quand on juxtapose la mission de la Caisse en termes de développement économique du Québec? D'autant plus que je reprends une citation de M. Nadeau, qui vous accompagne aujourd'hui, qui était citée dans L'Action nationale d'octobre 1996, où il énumérait comme objectifs de la Caisse de devenir une société de gestion globale, d'appuyer les partenaires québécois dans leurs efforts pour conquérir les marchés étrangers et encourager le développement de la place financière montréalaise. On sait que la place financière montréalaise vit certains problèmes en ce moment et, quand on regarde l'importance que prend de plus en plus votre placement immobilier à l'étranger, on s'interroge sur la cohérence de votre plan de développement par rapport à la mission économique que vous prétendez toujours vouloir soutenir, d'une part.

Ma question, également, est la suivante, c'est: Comment êtes-vous équipé pour, d'abord, effectuer et par la suite gérer ces placements immobiliers à l'étranger, quand on sait surtout que des spécialistes dans le domaine, comme les frères Reichmann, par l'entremise de leur filiale Olympia and York, ont essuyé des déboires plutôt considérables? Comment êtes-vous équipé pour gérer ces placements immobiliers à l'étranger et comment vous assurez-vous que ce sont de bons placements? Avez-vous des antennes de ce côté-là?

M. Scraire (Jean-Claude): Vos questions portent sur deux sujets puis je vais les prendre l'un à la suite de l'autre. D'abord, l'immobilier et, deuxièmement, la gestion de fonds québécois puis la place financière de Montréal. Alors, j'ai des commentaires sur les deux sujets.

Quant à l'immobilier, d'abord, sur les chiffres, tout ce que je voudrais dire, c'est que les comparaisons que vous avez faites ne sont pas sur une base comparable. Sur une base comparable, il y a le 67 % de l'année 1995, ce serait 63 %, parce que ce serait sur une base d'équité, alors qu'à l'étranger les investissements sont faits avec plus de dettes. Alors, sur une base d'équité, c'est 63 % au Québec, 21 % au Canada hors Québec, donc on a 85 % du portefeuille qui est au Canada, dont 63 % au Québec et 15 % hors Canada, sur la base de l'investissement réel, la valeur en jeu.

Par ailleurs, pourquoi diversifier à l'étranger? Je pense qu'on a bien appris à la Caisse de la dernière – appelons-ça – récession immobilière, on a constaté que notre portefeuille était trop concentré, que dans ce secteur-là, comme dans les autres, il faut être diversifié, de sorte que dans le secteur immobilier, comme dans les autres, on recherche une diversification qui soit porteuse de meilleurs rendements. Et on a appris aussi que ça prend une gestion plus active. Il y a 20 ans, on pensait que l'immobilier, on pouvait investir dans un immeuble puis le garder sans rien faire puis que c'était une bonne façon d'être rentable. On s'aperçoit, en termes de gestion professionnelle, qu'il faut, quand c'est le temps et quand les actifs sont assez élevés, ont une bonne valeur, les vendre, en acheter qui ont moins de valeur et mieux les gérer et les porter à une meilleure valeur, de sorte qu'il y a l'appréciation des marchés plus la plus value de la gestion qui entrent en ligne de compte, de sorte qu'au Québec aussi on va acheter et vendre plus souvent; on a mis sur pied aussi Cadev dont on parlait tantôt, qui est la société qui va faire du développement. On va aussi faire un peu de développement, un peu ou beaucoup selon les opportunités et selon les circonstances.

Sur la gestion à l'étranger, je pense que la chose la plus importante que je peux vous dire, c'est qu'on travaille toujours avec des partenaires, des grands partenaires. On est avec, je dirais, les groupes les plus intéressants qu'on peut trouver un peu partout sur les marchés. Aux États-Unis, on travaille avec le groupe Rockwell, on travaille avec le groupe Paragon, on travaille avec Lone Star, toutes des grandes sociétés bien établies, solides. On travaille aussi avec Intracorp, la filiale d'Intrawest. Pardon, ce n'est pas une filiale, c'est les mêmes partenaires, le même groupe qu'Intrawest, mais c'est dans le domaine immobilier. On travaille avec Wilmorite aux États-Unis, c'est le groupe Ivanhoé, c'est une des plus importantes compagnies d'assurances aux États-Unis, très active dans le domaine immobilier, avec le groupe Rouse Corporation, Greystone Realty. En Angleterre, on travaille avec Pillar, qui est une compagnie cotée en bourse. En Belgique, avec la Compagnie immobilière de Belgique, la première compagnie immobilière de Belgique. On travaille aussi avec la Générale d'Immeuble, avec le Groupe Aaron à Paris, un groupe très connu, très respecté là-bas, avec le groupe Harris, le groupe Bermudez, avec Goldman Sachs.

En fait, c'est une des façons... C'est par nos partenaires. On ne travaille pas à l'étranger sans avoir des partenaires. Essentiellement, c'est ça qui est un de nos principaux critères, surtout au niveau de la gestion. Au niveau de l'investissement aussi, mais au niveau de l'investissement, depuis quatre ans que nos filiales ont développé la connaissance de certains marchés immobiliers étrangers – pas tous les marchés – comme Paris, Londres, les États-Unis dans le domaine des centres d'achats surtout, le marché de New York dans le domaine résidentiel, nos gens le connaissent très, très bien. Alors, tout en travaillant avec des partenaires, mais nos gens ont aussi une connaissance propre.


Place financière de Montréal

Concernant la place financière montréalaise et la préoccupation quant aux fonds gérés au Québec, on a depuis deux ans à peu près... D'abord, on a mis sur pied deux nouvelles sociétés de gestion avec des partenaires, dans le domaine des produits dérivés entre autres, puis on a confié des mandats de gestion de titres internationaux à des firmes du Québec. Mais il y a un angle additionnel sous lequel nous croyons pouvoir obtenir des résultats, et ça concerne les fonds communs de placement. J'en profite pour compléter ma réponse de tantôt, parce que je disais qu'on avait cinq filiales dans le domaine des participations.

(11 h 40)

On va en mettre une sixième sur pied au cours du mois de septembre. C'est une nouvelle société qui va débuter ses opérations dans quelques jours, qui s'appelle le Service financier CDPQ. Son mandat, à cette société, en exerçant son métier d'investisseur, donc comme investisseur de la même façon que les autres filiales, ça va être de faire croître de 15 000 000 000 $ en cinq ans les fonds sous gestion dans la place financière de Montréal. Alors, c'est une société qui va prendre son envol dans les prochains jours; le conseil d'administration est à toutes fins pratiques terminé, et ça va commencer bientôt. On pense qu'on peut de cette façon-là encourager la gestion de fonds à Montréal. Mais évidemment, comme toutes les entreprises qu'on fait, c'est une société d'investissement et elle devrait être rentable.

M. Beaulne: Oui, effectivement, c'est assez nouveau. Ce groupe qui va desservir la place montréalaise, ça va être quoi, son objectif et sa mission?

M. Scraire (Jean-Claude): Son objectif, ça va être de faire des investissements, comme les autres filiales, de faire des investissements avec des partenaires, avec des entreprises, dans des entreprises existantes ou avec des partenaires qui veulent en fonder des nouvelles, pour faire en sorte qu'on augmente de 15 000 000 000 $ les fonds sous gestion dans la place financière de Montréal en cinq ans.

M. Beaulne: Quand vous dites sous gestion, vous voulez dire quoi exactement?

M. Scraire (Jean-Claude): Bon, quel exemple je prendrais? Mettons le fonds mutuel A qui travaille à Montréal et qui pourrait prendre de l'expansion advenant que ses promoteurs aient une meilleure capitalisation, qu'ils aient un meilleur budget de marketing, advenant aussi qu'ils aient accès à un plus grand nombre de gestionnaires. En fait, l'objet de la financière CDPQ à ce moment-là ça va être d'investir avec les promoteurs de ce fonds-là pour que le fonds ait plus de moyens de se développer et en même temps qu'il confie des mandats de gestion sur la place financière de Montréal. En même temps, la financière en question, peut aussi investir chez des gestionnaires de fonds pour accentuer leur capacité de recevoir des fonds, avoir plus d'expertise et recevoir des mandats de l'extérieur du Québec aussi, comme du Québec.


Placements immobiliers à l'étranger (suite)

M. Beaulne: Et en ce qui concerne les placements immobiliers à l'étranger, à l'extérieur du Québec, où est la concentration? C'est quoi, la ventilation approximative de vos placements immobiliers au Canada, mis à part le Québec, et à l'étranger?

M. Scraire (Jean-Claude): Au Canada hors Québec, je dirais que pour l'essentiel ça se regroupe autour de notre investissement dans centres commerciaux Cambridge, qui est une compagnie inscrite en Bourse, dont on détient 35 %-36 % des actions. Cambridge est une société de centres d'achats, comme vous le savez peut-être, qui est très localisée en Ontario et dans l'Ouest aussi. Notre second investissement important, hors Québec au Canada, c'est la société Bentall dans laquelle nous avons pris une participation importante, il y a un an, et qui est maintenant inscrite en Bourse. Ça a été... D'ailleurs, M. le député de Crémazie parlait des succès dont on devrait parler plus souvent, bien, c'est une entreprise dans laquelle on a investi à peu près 75 000 000 $, il y a un an, puis qui, un an plus tard, vaut le double, notre participation. Alors, ça, c'est pour l'Ouest du Canada.

À l'extérieur du Canada, pour l'essentiel, ce sont les États-Unis où on a des investissements. Je n'ai pas les chiffres devant moi, là, mais ce sont les États-Unis, pour l'essentiel, où on a des investissements, et dans les centres commerciaux et dans le résidentiel, et les deux autres marchés importants, c'est la France et l'Angleterre. On a des centres commerciaux avec le groupe Pillar, en Angleterre et on a des édifices à bureaux avec La Générale des Eaux, à Paris, et des édifices industriels avec le Groupe Aaron, à Paris également. À part ça, il y a quelques légers investissements, peut-être 20 000 000 $, dans d'autres pays, dont le Mexique, la Pologne, et je pense que c'est à peu près tout.


Développement économique (suite)

M. Beaulne: En terminant sur le volet de la mission, est-ce que, en rétrospective, vous considérez que ça fait toujours partie de la mission de la Caisse de participer à la construction de ce qu'on a appelé, dans le temps, Québec inc.? En d'autres mots, est-ce que vous recommenceriez l'expérience qui a été vécue avec Bertin Nadeau et Michel Gaucher, c'est-à-dire de prendre des entrepreneurs, d'en faire des millionnaires et par la suite de voir leurs établissements s'effondrer?

M. Scraire (Jean-Claude): Évidemment, M. le député, que je ne souhaiterais pas qu'on refasse aujourd'hui Steinberg ou ce qu'on a fait aussi avec M. Nadeau. On ne souhaite jamais refaire les échecs. Par ailleurs, j'aimerais ça refaire les succès. On a eu de grands succès avec Vidéotron, de grands succès avec tout le groupe de Télésystème, avec M. Sirois, où on a mis quelques millions de dollars – je reviendrai avec les chiffres, parce qu'ils sont éloquents – des succès comme celui qu'on a eu avec Télésystème parce qu'on a fait confiance à un entrepreneur, puis où on a rencontré des rendements absolument faramineux, avec Provigo, quoiqu'il en soit des péripéties, financièrement on a un dossier qui se tient très bien. On a eu de grands succès avec Domtar. On a de grands succès aussi avec BioChem Pharma, BioChem Pharma qui est une entreprise aujourd'hui qui performe de façon extraordinaire, qui n'est plus appuyée sur un seul produit.

On a fait, si on se rappelle des gros dossiers, il y a quelques années, Financière Power, avec le groupe de M. Desmarais, ça a été un beau succès, Imprimeries Quebecor où on s'est associé, comme peu de fonds de capital l'auraient fait, avec M. Péladeau et son entreprise pour devenir le numéro 2 aux États-Unis dans le domaine de l'imprimerie. On me donne les chiffres dans Télésystème: l'investissement a été de 6 800 000 $; aujourd'hui, il vaut 447 000 000 $.

Alors, on a des échecs, à la Caisse, c'est sûr. On ne peut pas n'avoir que des succès. Et c'est important d'accepter d'en avoir, des échecs, mais il ne faut pas les répéter, évidemment. Alors, évidemment que ceux qu'on connaît, je ne voudrais pas les répéter, mais il se peut qu'on en ait d'autres à l'occasion. On a des entreprises aussi, des fonds, dans lesquelles on investit. Parfois les gens parlent de nos fonds aux États-Unis. On a investi dans Blackstone en 1994; en 1997, on a des rendements de 49,20 % là-dedans. Vidéotron, depuis le début, on a un rendement de 34 %.

M. Beaulne: Non, mais écoutez, il y a plus de...

M. Scraire (Jean-Claude): Alors donc, la réponse c'est: Oui, pour les bons, non, pour les mauvais.

M. Beaulne: Oui. Ça, je m'attendais à cette réponse-là. Mais je pense que ce n'était pas tout à fait le sens de ma question. On a parlé depuis le début de l'avant-midi de la mission économique de la Caisse. Alors, quand je rappelais ces échecs-là, de Québec inc., ça ne veut pas dire que la Caisse n'a pas de succès. Ce n'était même pas pour mettre le doigt sur les échecs en particulier. C'était pour juxtaposer cette philosophie-là qui semble beaucoup plus orientée, à l'heure actuelle, vers l'aide à la petite et moyenne entreprise, comme les cas qu'on a vus, par rapport à cibler des individus et concentrer une partie des ressources financières et économiques entre leurs mains ou entre les mains de leurs entreprises.

Alors, c'est surtout dans ce sens-là que je posais ma question, parce qu'il semble y avoir – au moins d'après ce qu'on a vu et puis d'après ce que vous nous avez dit – un changement de cap, là. C'est-à-dire l'accent – quand on parle de mission économique – beaucoup plus du côté de la petite et moyenne entreprise émergente avec un potentiel de développement, comme entre autres dans le domaine technologique ou de l'innovation technologique, par rapport à la concentration d'empire entre les mains de quelques individus. Alors, c'est ça qu'était l'objet de ma question.

(11 h 50)

Est-ce qu'il y a, oui ou non, ou est-ce que c'est vrai, la perception qu'on a qu'il semble y avoir un changement de cap dans votre philosophie de mission économique à ce niveau-là?

M. Scraire (Jean-Claude): Bien, disons que c'est évident qu'on veut être plus présent par un plus grand nombre d'interventions, d'investissements dans des entreprises, un plus grand nombre d'entreprises. C'est l'objectif qu'on recherche.

Il peut arriver qu'il y ait des opportunités d'investissements majeurs importants, de développement ou une grosse croissance autour d'une entreprise et que nos gestionnaires nous recommandent d'y aller; à ce moment-là, on va y aller. Mais ce n'est pas ce qu'on recherche. Mais, si ça arrive, il faut être prêt à appuyer fortement une entreprise qui est prête à connaître un grand développement à l'occasion d'une acquisition ou d'un développement à l'extérieur.

Mais l'ensemble de nos activités se déploie plutôt sur le fait d'appuyer puis d'investir dans un plus grand nombre d'entreprises, y compris dans les petites. Des grandes entreprises au Québec, on n'en a pas un nombre sans limite et on est présent dans un grand nombre. Alors, une partie de nos efforts consiste aujourd'hui à détecter des nouvelles entreprises et même aider à bâtir des nouvelles entreprises. Il faut en faire naître, des entreprises, aujourd'hui puis les faire grandir à la suite de ça.

M. Beaulne: Merci.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Ça complète? Bon, à cause de l'heure, je pense qu'avant d'entamer un autre sujet, nous allons suspendre les travaux jusqu'à 14 heures.

(Suspension de la séance à 11 h 52)

(Reprise à 14 h 3)

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Mmes, MM. les membres, la commission reprend ses travaux afin de procéder à l'examen des activités, des orientations et de la gestion de la Caisse de dépôt et placement du Québec en vertu de l'article 294 du règlement de procédure de l'Assemblée nationale.

Lors de la suspension de nos travaux, on échangeait avec nos invités sur la mission et les objectifs stratégiques de la Caisse. Et le député de l'Acadie, je crois, m'avait demandé la parole. C'est ça? Il y avait M. le député de Verdun, mais je pense que...

M. Gautrin: Non, l'Acadie d'abord et moi ensuite.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Bon, c'est ça. C'est bien ce que j'avais compris.

M. Bordeleau: Oui. Là, je vais laisser la parole pour quelques minutes peut-être au député de Laporte...

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Ah!

M. Bordeleau: ...puis, après ça, je vais reprendre.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Je n'ai pas de problème avec ça. M. le député de Laporte.


Dossier de la firme LSC 2+1 (suite)

M. Bourbeau: Ça ne sera pas long, M. le député de l'Acadie. Je voulais seulement poser une couple de questions au président pour terminer un dossier puis, après ça, le député de l'Acadie pourra... C'est au sujet, M. le Président, du dossier dont on a parlé ce matin, de LSC 2+1, la société de l'Outaouais qui, à toutes fins pratiques, est inopérante ou sur le bord de la faillite à la suite de ses tractations avec la Caisse de dépôt.

Ce matin, j'ai posé des questions au président et on a parlé d'un putsch qui avait eu lieu à l'intérieur de la compagnie où les actionnaires minoritaires ont tenté de se débarrasser de la présidente qui était l'actionnaire majoritaire. Ils sont allés en cour, finalement, pour faire nommer un séquestre. Le président nous a dit: Non, on n'a pas participé à un putsch, parce que madame avait démissionné avant et c'est après qu'on est allés en cour. C'est ce que vous nous avez dit, je crois, hein? Madame a démissionné au début d'avril puis vous êtes allés en cour pour faire nommer un séquestre après. C'est ça que vous avez dit?

M. Scraire (Jean-Claude): Oui. J'ai dit que madame avait démissionné le 7 avril. Je pourrais d'ailleurs vous faire déposer la lettre de démission de madame, si tel est le souhait.

M. Blais: Oui.

M. Scraire (Jean-Claude): Alors, la lettre est datée du 7 avril, effectivement. À ce moment-là, dans les jours qui ont suivi, notre contentieux a mandaté des avocats pour que des procédures soient prises pour protéger les actifs de la compagnie et les investissements de la Caisse et qu'un séquestre soit nommé. Je vous rappelle que, dans les deux mois qui avaient précédé, les deux vice-présidents de la compagnie avaient été congédiés par la présidente, de sorte qu'il ne restait aucun management dans cette compagnie.

M. Bourbeau: Oui. Évidemment, bien sûr, si...

M. Blais: Est-ce qu'on peut la faire déposer, la lettre, s'il vous plaît, faire des copies, s'il vous plaît?


Document déposé

Le Président (M. Baril, Arthabaska): On va faire faire des copies pour tout le monde.

M. Bourbeau: Bon. M. le Président, c'est sûr que c'est important de savoir à quelle date madame a démissionné, parce que, si elle a démissionné avant et qu'après ça la Caisse est allée devant la cour pour faire nommer un administrateur, on comprend qu'il n'y avait plus de président et que ça prenait un administrateur. Mais, moi, j'ai ici la lettre de démission de Mme Laflamme. Elle est signée de sa main, elle est datée du 2 juin 1997. Je vous lis le dernier paragraphe: «En conséquence, je ne vois donc aucune alternative que de remettre ma démission à titre de président et président du conseil, en espérant, avec un peu de recul, trouver une solution permettant de protéger ceux qui ont été depuis le début l'âme de LSC 2+1, les employés en qui j'ai encore pleine confiance et qui, je le crois fermement, me le remettent également.» Ça, c'est daté du 2 juin 1997, signé «Lise Laflamme», et elle dit qu'elle remet sa démission.

Et aussi, on a d'autres documents.

M. Blais: C'est adressé à qui?

M. Bourbeau: Hein? C'est adressé à tous les actionnaires par télécopieur et courrier, 2 juin 1997.

En plus de ça, on a ici, dans le dossier que j'ai devant moi, une lettre qui est signée par tous les actionnaires employés de la compagnie. La compagnie LSC 2+1 avait quelques actionnaires minoritaires qui étaient des employés, des petits employés qui, depuis le début, étaient des actionnaires. À un moment donné, ils ont, tous ensemble, signé une lettre datée du 1er mai 1997, adressée à la Caisse de dépôt, à Telsoft et à Mme Laflamme, donc à tous les gros actionnaires. Autrement dit, les petits actionnaires écrivaient aux gros actionnaires. Là-dedans, dans cette lettre de trois pages, quatre pages, en fait, les petits actionnaires racontent l'histoire de la compagnie et disent comment ils se sont impliqués, comment ils se sont sacrifiés, comment ils ont toujours épaulé la présidente. C'est un témoignage absolument de confiance à l'endroit de la présidente.

À un moment donné – la lettre est datée du 1er mai – on dit ceci: «Nous sommes persuadés que, dans l'intérêt de la compagnie, Mme Laflamme a pris la bonne décision – lorsqu'elle avait congédié les deux vice-présidents. Nous sommes de plus intimement convaincus que, sans Mme Laflamme, notre équipe serait irrémédiablement compromise. Nous sommes également certains que la destitution de Mme Laflamme entraînerait la démission en bloc de la majorité d'entre nous, car c'est sa vision que nous partageons et à laquelle nous croyons.» Donc, le 1er mai, les employés disent: Si Mme Laflamme est destituée – donc, elle démissionne – nous, on s'en va. Donc, ça contredit ce que vous nous disiez tantôt à l'effet qu'elle avait démissionné au début d'avril, puisque le 1er mai elle était encore là, et c'est des actionnaires qui nous disent: Si elle démissionne, on s'en va.

D'autre part, il y a aussi un autre document, daté du 8 mai, à tous les membres du conseil d'administration, par télécopieur, une lettre de Mme Laflamme, donc, au représentant de Telsoft, au représentant de la Caisse, etc., dans laquelle elle nous fait état de certains problèmes, et c'est signé «Lise Laflamme, présidente, 8 mai 1997. Bon. Alors, quand on regarde tout ça... Il y en a une autre ici du 6 mai, également une lettre de Mme Laflamme signée «Lise Laflamme, présidente».

Alors, moi, je vous dis ceci: Est-ce que Mme Laflamme était présidente le 2 juin, quand elle a démissionné, ou si elle avait démissionné au début d'avril? Et vous remarquerez que ça change tout, parce que, là, à ce moment-là, quand vous êtes allés en cour, si elle était présidente, c'est que vous l'avez fait sauter.

(14 h 10)

M. Scraire (Jean-Claude): Vous constaterez, à la lecture de la lettre du 7 avril, qu'elle démissionne comme présidente de la compagnie mais non pas comme administratrice et présidente du conseil. Alors, elle est toujours au conseil, mais elle démissionne, elle donne avis de sa démission le 7 avril, pour prendre effet le 18 avril, sa démission comme présidente de la compagnie. Les gestionnaires de l'entreprise, c'est le président et les vices-présidents; le président du conseil, c'est le conseil d'administration. Alors, le 7 avril, elle a démissionné comme gestionnaire, comme présidente gestionnaire de l'entreprise. Peut-être qu'elle a confondu les deux fonctions. Par la suite, c'est sûr qu'elle était encore présidente du conseil, mais elle n'était pas présidente de la compagnie.

M. Bourbeau: Alors, laissez-moi vous lire sa lettre du 2 juin, je vais vous la lire encore, là: «En conséquence, je ne vois aucune autre alternative que de remettre ma démission à titre de président et président du conseil.» Alors, là, elle n'était pas seulement présidente du conseil, elle était présidente, donc gestionnaire de la compagnie.

M. Scraire (Jean-Claude): La question, M. le député, c'est...

M. Bourbeau: Et ici, le 26 mai, une autre lettre de Mme Laflamme, laquelle elle signe «présidente et chef de la direction». Là, c'est présidente de la compagnie, ce n'est pas présidente du conseil. Donc, ce que vous venez de nous dire, c'est contredit totalement par les documents que j'ai ici.

M. Scraire (Jean-Claude): Non, ça ne contredit pas, je regrette, parce que ce que j'ai dit, c'est qu'elle pouvait continuer peut-être à confondre les deux fonctions, mais, le 7 avril, elle avisait – et il faudrait lire cette lettre-là aussi – de sa démission comme présidente de la compagnie. Dès ce moment-là, on n'attend pas au 2 juin pour savoir ce qui se passe, alors qu'est-ce que le contentieux a fait? Il a procédé pour demander la nomination d'un séquestre par des procédures qui ont été prises dans les jours suivants, vu son avis de démission, d'autant plus qu'il n'y avait plus de vice-président. En tout état de cause, jamais on n'a demandé la démission de Mme Laflamme, jamais on n'a demandé sa démission.

M. Campeau: M. le Président, est-ce qu'on ne devrait pas suspendre, le temps qu'on reçoive la lettre?

M. Bourbeau: Bien, il me semble.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Bon, on va attendre, parce que la copie de lettre est allée à la photocopie. Aussitôt qu'elle nous parviendra, on reprendra nos travaux. Donc, je suspends pour quelques minutes.

(Suspension de la séance à 14 h 12)

(Reprise à 14 h 16)

Le Président (M. Baril, Arthabaska): À l'ordre, s'il vous plaît. À l'ordre, s'il vous plaît, mesdames, messieurs. Pour bien informer et bien comprendre la lettre de Mme Laflamme du 7 avril 1997, je vais la lire. Donc, tout le monde sera en mesure de comprendre ce qui est dit ou écrit. La lettre est adressée à Capital CDPQ inc. à l'attention de M. Pierre Collins:

«Objet: démission. C'est après mûre réflexion que je suis arrivée, non sans beaucoup de peine, à la décision en titre. Cependant, je tenais à clairement en exprimer les raisons.

«Les dommages causés par les agissements du représentant de Telsoft au sein de notre entreprise sont considérables et continuent d'augmenter. Il m'est répugnant de constater à quel point les commentaires hargneux de celui-ci à mon égard et sa philosophie de croissance ont pu infiltrer autant de couches de l'entreprise tant au niveau d'ex-employés qu'au niveau d'investisseurs et d'ex-administrateurs. Depuis le 24 janvier dernier, j'ai consacré beaucoup d'efforts à réviser les documents classés dans les bureaux de Myrna Barwin, Doug McKinnan, Normand Monette et Roch St-Jean, le tout afin de comprendre ce qui avait pu causer un tel revirement dans leurs interprétations de leurs mandats respectifs. Quoi qu'il en soit, les dommages sont tels que je ne me sens plus ni le courage ni la détermination nécessaires pour réparer les dégâts.

«De plus, c'est avec ahurissement que j'ai constaté l'insouciance, la négligence voire même l'absence de sens des responsabilités de Capital depuis le 18 octobre dernier. Cependant, mon écoeurement devant tel comportement a atteint son paroxysme dans les deux derniers mois alors que pendant que l'entreprise vivait une crise causée par des acteurs externes à la gestion quotidienne, Capital jouait à l'autruche. Le soir de la reprise de la réunion des administrateurs le 25 mars 1997, une toute petite lueur d'espoir s'était allumée. Enfin, me suis-je dit, Capital voit la réalité de la situation et va jouer son rôle et mettre l'épaule à la roue. Mais non, ce n'était que mirage. Depuis, rien, rien, rien du tout. Si c'est cela, le monde des affaires après l'entrée en jeu d'investisseurs, alors je ne suis certes pas faite pour travailler avec eux.

«Traitez-moi d'idéaliste ou de naïve, mais je croyais sincèrement que ce qui faisait partie de la convention aux actionnaires, vous savez, travailler pour faire prospérer l'entreprise, c'était ce à quoi je pouvais m'attendre de ceux-ci. De plus, à l'entrée de Capital et à la lecture de leur manuel Régie d'entreprise , je m'étais félicitée de ma décision d'autoriser leur entrée. En rétrospective, il m'apparaît que ce document n'est que de la poudre aux yeux et/ou des voeux pieux. Au contraire, ce que j'ai reçu, c'est une dose monumentale de procédures, du désintéressement, de l'obstruction à l'occasion et, de la part d'un des représentants, de l'ingérence et des manoeuvres carrément déloyales.

(14 h 20)

«J'ai consacré huit ans de ma vie et tout mon capital à LSC 2+1. En l'espace d'à peine 15 mois, je ne reconnais plus mon entreprise et ne m'y sens plus chez moi. M. Thériault, de Telsoft, s'est plu à clamer haut et fort que LSC 2+1 ne valait rien si j'en étais le P.D.G. Eh bien, je serai très intéressée par la valeur que prendra celle-ci après mon départ. À vous la barre, M. Thériault, et n'oubliez surtout pas que ce sont mes économies que vous aurez en main.

«Que les motifs ayant sous-tendu vos agissements aient été valables ou non, que votre vision du style de gestion ou de la croissance que vous prôniez pour LSC 2+1 ait été valide ou non, il n'en reste pas moins que ceux-ci ont détruit l'esprit d'équipe, conduisant à la formation de deux clans travaillant à contre-courant. Le résultat: des pertes de temps et d'argent, des luttes de pouvoir futiles, des poursuites sans fin, des énergies gaspillées et surtout un ralentissement marqué de la compagnie en pleine lancée compte tenu des attaques répétées contre notre distributeur.

«Sans une concertation réelle entre toutes les parties impliquées, une réelle volonté de coopération et le rétablissement du climat de confiance qui régnait avant l'entrée d'investisseurs, je ne vois plus d'intérêt à maintenir le niveau d'effort. À vous la balle, montrez-nous de quel bois vous vous chauffez.

«Veuillez noter que ma démission est à titre de président et que ceci n'affecte en rien mon rôle d'administrateur et de président du conseil d'administration et qu'elle prendra effet le 18 avril 1997.» C'est signé «Mme Lise Laflamme». Bon. Voilà.

M. Bourbeau: M. le Président, certainement qu'il y a eu confusion entre les rôles de P.D.G. et de président du conseil ou d'administrateur, parce que, d'après les documents qu'on a ici et même d'après la lettre du 2 juin signée de Mme Laflamme, elle dit qu'elle démissionne à titre de président et de président du conseil. Alors, on pouvait penser que c'était P.D.G., mais il semble que c'est président du conseil seulement.

J'aimerais demander au président: Effectivement, qu'est-ce que vous reprochiez à Mme Laflamme pour prendre une attitude aussi dure à son endroit?

M. Scraire (Jean-Claude): Je ne crois pas que les gens de Capital Communications aient pris une attitude dure à son endroit. Quand les procédures se sont faites, évidemment que les procédures étaient là pour faire face à la situation où la compagnie se trouvait sans administration, mais auparavant c'est certain que les discussions ont eu lieu, puis la situation s'était dégradée.

Je vous rappelle ce que je disais un petit peu ce matin. Quand les investisseurs sont entrés, l'une des choses qui ont été demandées à l'entreprise, c'est d'embaucher un chef de l'exploitation, un chef des opérations. Cette demande-là n'a jamais été rencontrée.

M. Bourbeau: Bien oui. Elle a engagé des vice-présidents.

M. Scraire (Jean-Claude): Oui. Ce n'est pas tout à fait la même chose. C'étaient deux vice-présidents et non pas un responsable des opérations. Dès le départ, les règles du jeu, les investisseurs avaient demandé un chef des opérations. Plutôt, elle a embauché deux vice-présidents. Je présume que les investisseurs, à l'époque, ont donné leur consentement, mais ce n'était quand même pas la demande de base.

Au-delà de ça, malgré qu'elle ait engagé ces deux vice-présidents-là, quand elle les congédie, trois mois plus tard ou à peine, la compagnie se retrouve vraiment sans management, sauf elle-même. Finalement, après des discussions... Puis je ne doute pas que les discussions aient été difficiles avec les administrateurs ou avec les actionnaires. Je ne doute pas qu'il y ait eu des discussions difficiles, puis les gens ne se sont pas entendus, visiblement, mais la compagnie se retrouvait sans management en poste et, je dirais, sans une certaine harmonie entre les investisseurs, parce que vous voyez un peu l'état des relations entre le bloc majoritaire représenté par Mme Laflamme, Telsoft.

Nous, évidemment qu'on est impliqués là-dedans, on a 15 %, puis je ne dis pas que... Visiblement, elle espérait plus de la présence de nos représentants de Capital Communications, visiblement, elle espérait plus, mais l'état de la situation faisait en sorte qu'il fallait bouger pour protéger ou essayer de protéger la survie de l'entreprise puis possiblement nos investissements. C'est ce qu'on a fait. Malheureusement, ça n'a pas donné les résultats escomptés. Le tribunal, vous le savez, a donné effet à la demande, a nommé un séquestre pour protéger l'entreprise.

M. Bourbeau: Ex parte. Vous avez fait une demande ex parte, hein?

M. Scraire (Jean-Claude): C'est possible, là.

M. Bourbeau: Quand vous avez fait nommer un séquestre, là, Mme Laflamme n'a pas eu l'occasion de se présenter en cour, ça a été fait unilatéralement de votre côté. C'est ce qu'elle nous a dit, en tout cas.

M. Scraire (Jean-Claude): C'est possible, mais, de toute façon, elle avait le recours d'inscrire en appel, et ça a été fait. Alors, ça a suspendu, mais le jugement, quand même, ordonnait de convoquer une assemblée et ordonnait la tenue d'assemblées. Ça a amené finalement les gens à reprendre l'organisation un peu plus en main, avec un séquestre qui avait le droit, au moins, de suivre les livres avec la banque. La banque était là aussi, puis la banque voulait avoir un interlocuteur. Alors, c'est le séquestre qui a effectué cette fonction-là. Il n'y avait plus de V.P. Finance dans la compagnie et vous voyez un peu l'état. Alors, disons que la fonction finance n'était certainement pas celle de Mme Laflamme qui est une personne de développement d'affaires, excellente, mais en développement d'affaires. Alors, la nomination du séquestre s'imposait.

Alors, malheureusement, puis je l'ai dit dès le début, quand on voit des dossiers comme ça, c'est tout à fait regrettable, mais c'est souvent une série d'événements qui sont difficilement... parfois imputables à quelqu'un, parfois ce sont des responsabilités partagées. Je pense juste que ce ne serait pas exact de faire porter le poids de cet échec sur les gens de Capital Communications plus particulièrement. Peut-être que ça aurait pu être fait, mais ce serait injuste de leur faire porter l'ensemble du poids.

M. Bourbeau: Je ne veux pas vous faire porter seul le poids, bien sûr, mais on penserait que la Caisse, quand elle s'intéresse à une compagnie comme ça, c'est pour venir aider l'entreprise. Et tout ce qu'on peut voir ici, c'est qu'on ne peut pas dire que vous aidez. Vous avez même, semble-t-il, eu une attitude assez hostile envers les promoteurs.

Puis ce qui est intéressant, c'est la lettre des employés actionnaires. On en parlait tantôt, il y a une douzaine d'employés qui étaient des actionnaires depuis le début, donc des gens qui travaillaient dans la compagnie depuis le début et qui avaient mis non seulement des efforts, mais de l'argent, de leurs propres deniers, des gens, des petites gens, là, et puis, dans la lettre qu'ils ont écrite le 1er mai, c'est un témoignage d'appui total à cette Mme la présidente, Mme Laflamme. On traite de l'embauche des deux vice-présidents que vous aviez demandés, là, puis ces gens-là, les actionnaires, les petits actionnaires qui travaillaient dans l'entreprise, donc qui connaissaient l'entreprise, disent:

«Notre vision, notre esprit d'équipe et notre synergie ont été grandement mis en danger il y a quelques mois lors de l'embauche de deux vice-présidents.» Puis ils disent: «Mme Laflamme, en se rendant compte que non seulement les deux vice-présidents nuisaient directement à la compagnie – ce sont les employés actionnaires qui parlent – mais qu'ils cherchaient à détruire la vision et l'esprit d'équipe de la compagnie, elle a donc décidé de suspendre puis, à la suite d'une rencontre avec les administrateurs, de limoger les deux intéressés. Nous sommes persuadés que, dans l'intérêt de la compagnie, Mme Laflamme a pris la bonne décision.»

Ce n'est pas moi qui parle, là, ce sont des employés actionnaires. Eux, c'était leur argent à eux qu'ils avaient mis, les actionnaires, pas l'argent du public, leur argent à eux. Donc, on peut penser qu'ils étaient pris aux tripes, là. Et puis c'est là qu'ils disent: Si madame démissionne, on va démissionner nous aussi. Et autre chose qu'ils ajoutent: «Le style de gestion de Mme Laflamme n'a jamais été un problème pour nous. En effet, depuis notre arrivée dans l'entreprise, nous avons été habitués à ce style de gestion serrée dans lequel toutes les dépenses étaient scrutées à la loupe.» Donc, ce n'est pas une madame, ça, qui... Vous dites qu'elle était plutôt portée sur le développement, mais, d'après les employés actionnaires, elle était une bonne gestionnaire aussi. Alors, c'est à se demander si ce n'est pas de votre côté qu'il y a un manque, là. Est-ce que ce ne serait pas vous autres, par hasard, qui n'auriez pas su exactement ce qui se passait dans l'entreprise? Enfin, moi, je reste sur ma faim.

La société en question – je pose une avant-dernière question, M. le Président – est-ce qu'elle est morte présentement ou si elle va revivre? Ce n'était pas très clair, ce matin. Vous avez laissé entendre, à un moment donné, que peut-être c'était pour être repris par d'autres, vous avez dit.

M. Scraire (Jean-Claude): Ce que j'en comprends aujourd'hui, c'est que la technologie qui était développée par LSC 2+1 est maintenant la propriété de PCI, qui était le distributeur, qui était actionnaire pour 30 % et qui était administrateur. Donc, le développement, entre guillemets, de la business, de l'affaire se poursuit, mais elle appartient à PCI qui avait le droit de la reprendre. Alors, c'est PCI qui fait ça. Selon les informations qu'on a, qui sont publiées dans les journaux, ça se ferait dans les bureaux mêmes où étaient LSC 2+1. Ils sont en train de regrouper les services dans ces bureaux-là et de continuer l'activité à partir de Gatineau. Maintenant, ce n'est pas LSC 2+1, c'est PCI qui était déjà là. Mais l'activité se poursuit. Alors, ça semble être l'état du dossier. Je ne pense pas qu'au point de vue financier il y ait d'autres actifs dans LSC 2+1. Alors, je ne peux pas vous répondre actuellement sur son avenir technique ou légal, mais, en termes de business, c'est passé chez PCI.

M. Bourbeau: Donc, PCI, une compagnie de Richmond Hill en Ontario, finalement, a hérité de la technologie qui a été développée par une petite PME québécoise et va probablement éventuellement profiter des retombées économiques de cet effort qui a été fait par des gens du Québec pour développer ce logiciel de cartographie.

Donc, en conclusion, la Caisse va avoir perdu 1 300 000 $, l'entreprise privée aussi, puis, à cause de l'imbroglio, de la chicane puis du manque de possibilité de s'entendre avec vous autres, on va avoir perdu notre argent à nous et puis les investisseurs de l'Ontario vont se retrouver avec les profits. Moi, je trouve que, vraiment, c'est une conclusion assez triste, sans compter les carrières qui ont été brisées, les réputations qui ont été brisées là-dedans.

(14 h 30)

Finalement, dernière question. M. le président, vous avez dit ce matin que vous nous donneriez un chiffre sur les montants que vous avez dépensés en frais juridiques dans cette affaire-là. Pouvez-vous nous donner le montant, s'il vous plaît?

M. Scraire (Jean-Claude): Aussitôt que je vais l'avoir, je vais vous le communiquer.

M. Bourbeau: Vous ne l'avez pas encore?

M. Scraire (Jean-Claude): Non. Moi, je ne l'ai pas, non.

M. Bourbeau: Mais vous n'avez pas des ordinateurs devant vous, là? Vous ne pouvez pas avoir ça rapidement?

M. Scraire (Jean-Claude): Oui, mais ce n'est pas en temps réel sur les livres comptables de la Caisse.

M. Bourbeau: Bon. En tout cas, le 1 300 000 $, il va falloir ajouter les frais juridiques là-dessus.

M. Scraire (Jean-Claude): Pardon?

M. Bourbeau: Il va falloir ajouter les frais juridiques.

M. Scraire (Jean-Claude): Oui. Bien, mettez de l'ordre de... Ça va se situer dans les 50 000 $, quelque chose comme ça.

M. Bourbeau: Combien?

M. Scraire (Jean-Claude): 50 000 $, probablement.

M. Bourbeau: On verra. Moi, je serais prêt à gager que ça va être plus que ça, quand on connaît les frais d'avocats. Espérons que ce n'est pas plus que ça.

M. Scraire (Jean-Claude): Bien, je dis «environ». Laissez une marge de manoeuvre, je n'ai pas les chiffres.

M. Bourbeau: Mais on a vu les noms des firmes d'avocats qui sont là et je ne serais pas étonné que... Je sais que ça va vite.

En tous les cas, M. le Président, moi, je termine là-dessus, parce qu'on ne peut pas passer la journée là-dessus. Vraiment, je trouve que c'est un dossier absolument regrettable puis je pense que la Caisse a lieu de se poser des questions. Moi, j'inciterais le président à lire la documentation là-dedans. Je pense que vous n'avez pas tout lu ça, là. Il y a des gens là-dedans... Bon, peut-être que la présidente, vous n'avez pas confiance en elle, mais ses propres employés, ses actionnaires minoritaires, eux, rendent un témoignage en son endroit qui est sans équivoque. Comment se fait-il que les gros investisseurs venant de l'extérieur, qui ne sont pas présents dans l'entreprise, semblent ne pas avoir confiance, alors que ceux qui sont là depuis le début, qui connaissent le fonctionnement, lui donnent un vote de confiance? Comment se fait-il que vous ayez manoeuvré de telle façon que finalement tout le monde a perdu là-dedans, sauf les gens de l'Ontario? Que je félicite d'ailleurs, malheureusement je dois dire, mais au moins, eux, ils n'ont pas perdu leur argent. C'est bien triste, très, très triste.

M. Scraire (Jean-Claude): M. le Président, comme je le disais ce matin, c'est effectivement un cas triste. Maintenant, l'imbroglio, tout ce que je sais du dossier n'est pas particulièrement attribuable aux gens de Capital Communications. Puis, en autant qu'on est concerné, il y a des conseils très importants qu'on a donnés à l'entrepreneur dans ce dossier-là et qui n'ont malheureusement pas été suivis, un conseil en termes de management: un chef des opérations ou au moins deux vice-présidents. Ce qu'elle avait fait. Le fait qu'elle embauche les deux vice-présidents reconnaissait au moins qu'il en fallait. Alors, quand ces deux vice-présidents là partent, ça met l'entreprise en péril et quand elle démissionne en plus, bien effectivement on se retrouve, quelles que soient les raisons, malgré les difficultés, avec une entreprise qui n'a plus de gouvernail et plus de possibilités de s'administrer.

L'autre conseil très important qu'on lui a donné, c'est de bien se bâtir un conseil d'administration de gens d'expérience. Définitivement que ça manquait dans ce dossier-là. C'est visible partout, et ce conseil-là je le lui ai donné moi-même personnellement lorsqu'on s'est rencontré et qu'on a fait le tour de son entreprise. Non seulement on lui a donné le conseil, mais on lui a suggéré des personnes d'expérience et de poids dans le milieu des affaires et familières avec ce secteur-là. C'est regrettable; elle pouvait avoir toutes sortes de raisons de refuser, mais c'est regrettable. Je pense qu'on a quand même fait beaucoup de travail.

Alors, je trouve comme vous que l'ensemble du dossier est triste. Je pense qu'on doit en prendre une part de responsabilité. À chaque fois qu'il y a un échec comme ça, il y a beaucoup de gens qui sont responsables, mais on ne peut pas prendre toutes les responsabilités.

M. Bourbeau: Dernière remarque. Si vous étiez si intéressé à ce que le conseil d'administration fonctionne bien, comme vous dites, pourquoi, dans la période cruciale, quand votre propre représentant de la Caisse sur le conseil d'administration a démissionné, le 18 octobre 1996, vous avez attendu jusqu'au 25 mars 1997 pour le remplacer, alors que Mme Laflamme vous suppliait de nommer quelqu'un, que vous ne vouliez pas le faire ou ne le faisiez pas? Donc, vous vous plaigniez que le conseil d'administration ne fonctionnait pas, est-ce que vous n'êtes pas le premier responsable d'avoir négligé de nommer quelqu'un?

M. Scraire (Jean-Claude): Non. Je vais vous donner des explications là-dessus. On reproche à l'occasion à la Caisse ou à ses filiales de nommer sur des conseils d'administration des gens qui n'ont pas suffisamment d'expérience. Au moment où la vacance est survenue, où on a eu un départ, une vacance qui est survenue à ce conseil d'administration de la part de notre représentant, on avait effectivement quelqu'un qu'on aurait pu nommer et qui a collaboré avec la compagnie, qui était présent au conseil d'administration mais qui n'était pas administrateur, parce que, en même temps, on était en train de recruter quelqu'un d'expérience et qui est entré un petit peu plus tard. Et moi, c'est une de mes préoccupations. Quand on envoie des gens sur des conseils d'administration, c'est pour aider les entreprises. Il faut que ce soit des gens d'expérience. On ne réussit pas tout le temps, mais dans ce cas-là on avait la possibilité de le faire.

Alors, nos gens ont reculé un peu effectivement la nomination – la nomination – mais on avait des gens qui étaient présents. Et, quand est arrivée la possibilité de nommer notre représentant, à ce moment-là c'est la compagnie qui a refusé de nommer et le représentant de Capital Com et le représentant de TelSoft. Ça se passe quelque part en février.

M. Bourbeau: En tout cas, ça a pris cinq mois avant que vous nommiez quelqu'un, entre la mi-octobre et la mi-mars.

M. Scraire (Jean-Claude): Oui. Mais, en fait, ça a pris des procédures aussi.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): M. le député de Crémazie.

M. Campeau: Merci, M. le Président. Juste un commentaire sur ça. On voit qu'il y a confusion dans les dates des lettres. Partout, la personne se pense encore présidente, elle signe les lettres; c'est comme si elle avait oublié qu'elle avait écrit cette lettre-là. Peut-être que dans la confusion elle était troublée et qu'elle ne s'est pas souvenu de la lettre qu'elle avait écrite, parce que le 7 avril elle a bel et bien démissionné et elle le dit. Elle continue à écrire sous le même nom. Qu'est-ce que la compagnie faisait pendant ce temps-là? Est-ce qu'elle marchait pareil? Est-ce qu'elle était là la personne? Est-ce qu'elle était rémunérée? Ça, c'est mon premier point.

Mon deuxième point, c'est qu'à un moment donné on nous dit que la banque – je ne sais pas quelle banque – avait informé la Caisse qu'elle rappelait son prêt puis qu'elle offrait à la Caisse de racheter sa position pour... Puis là apparemment le droit de veto de la Caisse empêchait tout autre actionnaire de racheter le prêt, là. C'est un mélange assez fort. Est-ce qu'à un moment donné quelqu'un vous a offert de vous racheter votre participation dans cette entreprise-là au plein montant?

M. Scraire (Jean-Claude): Ni au plein montant ni à un montant moindre.

M. Campeau: Bien, pourtant, c'est marqué. Il y a encore confusion. C'est pour ça là; il y a confusion dans la lettre, la date où on l'a ici. Dans notre rapport de lettre, il y a une autre confusion. Alors, c'est un dossier fort confus.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Scraire (Jean-Claude): Disons que...

M. Campeau: Je ne vous blâme pas non plus, mais il semble que la dame, à un moment donné, ça a été trop fort, là.

M. Scraire (Jean-Claude): Non seulement on ne nous a pas offert de racheter notre position – parce qu'on aurait été prêt, étant donné les difficultés qui étaient encourues, puis tout ça, à vendre puis à moins cher qu'on avait investi étant donné les circonstances – mais nos gens ont même discuté durant la période de mars-avril de convertir totalement notre participation financière dans des droits futurs qui auraient découlé des ventes ou des droits de propriété, de sorte que notre placement, au lieu d'être dans l'actionnariat, aurait été juste en fonction des résultats financiers de l'entreprise. Je pense que les gens sont allés très loin pour essayer de solutionner ce dossier-là. Rien n'a fonctionné.

M. Campeau: O.K. J'ai un autre commentaire aussi. Il semble – je suis d'accord avec le député de Laporte là-dessus – que PCI soit le plus habile de tout le monde puis que même Mme Laflamme, parce que, apparemment, elle avait revendu son entreprise presque, ou sa profitabilité, là, ce qu'il y avait de plus précieux à l'intérieur de sa compagnie, elle lui avait déjà cédé. Alors, c'était l'actif le plus important, il était déjà cédé. Par la suite ou en même temps ou avant, la Caisse a investi, Telsoft a investi puis d'autres personnes ont investi.

Parce que, moi, j'apprends de l'extérieur que la perte totale, c'est 1 300 000 $ pour la Caisse, c'est je ne sais pas combien pour TelSoft, puis il y aurait deux ou trois autres actionnaires qui perdent beaucoup aussi. Mais il semble qu'ils ont acheté puis qu'ils ne savaient pas ce qu'ils achetaient parce que PCI avait le joyau. Puis, quand PCI s'est aperçu que ça ne roulait pas bien, il a retiré son joyau. Alors, là, la compagnie, pouf! C'est bien ça?

M. Scraire (Jean-Claude): Oui.

M. Campeau: PCI avait son droit. C'est que PCI avait déjà un droit sur la compagnie.

M. Scraire (Jean-Claude): Et...

M. Campeau: Laissez-moi vous poser une question. Est-ce que ce n'est pas malhabile de la part des actionnaires ou de Mme Laflamme ou de qui que ce soit d'avoir vendu le joyau de sa compagnie?

M. Scraire (Jean-Claude): Disons... Ce qu'on me dit là-dessus, parce que j'ai été étonné quand j'ai vu que dans les contrats de base entre PCI puis la compagnie il y avait une clause qui portait sur les droits de propriété, ce qu'on me dit, c'est que c'est assez coutumier qu'un distributeur ait une clause de ce type-là, mais la clause, c'est à l'effet que, advenant des difficultés financières ou bien insolvabilité ou un manque de performance de la compagnie, le distributeur peut reprendre l'actif. Alors, on me dit donc que c'était une clause usuelle, mais qui devient très importante à partir du moment où l'entreprise qui a la propriété commence à être en situation difficile. Parce que, là, le distributeur peut avoir avantage à ce que la compagnie tombe parce qu'il va récupérer 100 % de la propriété.

(14 h 40)

Dans le cas qu'on avait, la situation était d'autant plus délicate que le distributeur était un actionnaire à 30 % de la compagnie, autour de 30 %, aussi fort que madame, et qu'il était au conseil d'administration. Alors, évidemment tant que ça allait très bien, peut-être qu'il n'y avait pas de conflit, mais à partir du moment où la situation financière devenait douteuse, où la banque s'interroge, à ce moment-là, c'est mettre un distributeur dans une position de tentation très, très forte que de l'avoir à son propre conseil.

M. Campeau: Je vous fais répéter pour qu'on ait bien compris. La Caisse de dépôt n'a jamais eu une offre, tel qu'on le stipule ici, de racheter sa participation.

M. Scraire (Jean-Claude): Ni au prix original ni à un prix le moindrement...

M. Campeau: M. le Président, je vous ferai remarquer que c'est ça qui est écrit pareil, là. Ça va, merci.

Une voix: C'est évident, c'est moi qui l'ai souligné.

M. Bourbeau: Il y a peut-être des paroles parfois qui ont été prononcées qui ne se reflètent pas dans les écrits, là...

M. Campeau: Elle est écrite, là. Ce n'est pas une parole, là.

M. Bourbeau: Oui, mais, ça, c'est un document, c'est un rapport.

M. Campeau: Bien... C'est madame, c'est pas moi qui ai fait le rapport.

M. Scraire (Jean-Claude): Ce que je peux rajouter, M. le Président...

M. Bourbeau: C'est un témoignage, oui.

M. Scraire (Jean-Claude): ... je reviens sur ce que je disais tantôt, que nos gens ont même offert d'échanger leur position contre des droits futurs dans l'entreprise. Ça ne se fait pas souvent. Nos gens sont allés au maximum, de sorte que ça ne représentait plus un inconvénient pour le contrôle de la compagnie. Il n'y avait plus de questions de contrôle, il n'y avait plus de questions de dilution, il n'y avait plus aucun de ces aspects-là qui pouvaient être mis en cause parce que nos gens étaient prêts à dire: Écoutez, on a investi 1 000 000 $; mettons que ça vaut – j'oublie le chiffre – on va renoncer à notre participation, mais vous allez nous donner un droit de x point tant de pourcent ou 1 % ou 2 % sur les ventes des trois prochaines années ou quelque chose comme ça, de sorte que la capitalisation de l'entreprise n'était plus touchée, le groupe aurait conservé son contrôle, tout ça.

Alors, quand nos gens ont vu, ils ont continué à s'interroger sur les motivations qui faisaient que ce n'était pas acceptable, ces choses-là.

M. Blais: Il y a un écrit là-dessus?

M. Scraire (Jean-Claude): Je l'ignore. Bon, je sais que les discussions sont à cet effet-là, mais j'ignore s'il y a des écrits.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Bon, écoutez, je ne veux pas empêcher aucun membre de parler, je ne veux pas enlever le droit de parole à personne, je n'en ai aucunement l'intention, mais il faudrait peut-être ne pas non plus se substituer en tribunal. C'est tout malheureux, bien entendu, ce qui est arrivé. Il y a peut-être eu, comment je dirais ça, donc, des mauvais gestes de posés des deux côtés. Je ne sais pas. Je ne veux pas être juge dans ce dossier-là, mais en tout cas j'inviterais les députés peut-être à passer à d'autres sujets qui pourraient être aussi intéressants et également qui pourraient aussi cerner l'ensemble ou globalement le fonctionnement de la Caisse de dépôt et placement.

Sur ça, M. le député de l'Acadie, je vous laisse la parole, avec toutes les réserves que je viens de mentionner.


Dossier de la firme Denharco

M. Bordeleau: Oui, merci, M. le Président. Écoutez, bon, on a parlé longuement du cas de LSC 2+1 . J'aimerais peut-être aborder un autre cas particulier, si on veut, qui est relié à Harricana. Je le fais dans l'optique, au fond, de mieux comprendre ce dont on discute, c'est-à-dire les objectifs, la mission et le fonctionnement général de la Caisse.

Alors, juste pour situer rapidement – je ne referai pas l'historique du groupe Harricana. On sait que c'est un groupe qui était un leader dans les années quatre-vingt dans le domaine de la machinerie pour le secteur de la foresterie. Et au début des années quatre-vingt-dix, là, il y a eu des difficultés dans le secteur de la foresterie, et la compagnie est devenue en difficultés financières et, à ce moment-là, il y a eu un prêt qui a été fait par la Caisse, le Fonds de solidarité et la SDI.

Alors, essentiellement, l'aspect particulier que je veux regarder, c'est le cas de Denharco, qui était une filiale, une composante du groupe Harricana, et j'aimerais qu'on m'explique parce que j'ai de la misère, à partir des informations que j'ai en mains actuellement, à comprendre ce qui a pu se passer. Alors, le groupe Harricana était en difficultés financières. Il y a un prêt, je pense, qui a été avancé par les groupes que j'ai mentionnés: la Caisse, le Fonds de solidarité et SDI. À un moment donné, en 1992, les anciens dirigeants du groupe Harricana – le groupe était en situation difficile, et la banque avait rappelé ses prêts; alors, la situation était assez difficile – auraient fait une offre à la Caisse pour racheter 51 % des actions de Denharco, qui était une de leurs filiales. L'offre a été refusée – ce qu'on nous a dit – sans aucune négociation. Là, on se situe à l'automne 1992.

En janvier 1993, quelques mois à peine plus tard, la Caisse vend sa participation de 50 % dans Denharco pour 1 $; elle vend sa participation au Fonds de solidarité pour 1 $. Alors, le Fonds de solidarité devient à ce moment-là actionnaire à 100 % de Denharco. Quelque temps après, le Fonds vend, pour 250 000 $, Denharco à un des derniers consultants qui étaient intervenus dans le dossier Harricana, un des consultants de la Caisse qui étaient intervenus vers la fin du mandat, parce qu'il faut signaler que, durant tout ce processus-là, ce qu'on nous a dit, c'est que la Caisse avait envoyé 13 consultants, à différents moments donnés, pour aller fouiller un peu tous les aspects du groupe Harricana. Alors, le Fonds revend pour 250 000 $ à un groupe formé par le consultant en question, et ce consultant-là, quelques années plus tard, a eu une offre de plusieurs millions de dollars pour vendre à une compagnie américaine la compagnie Denharco. À ce moment-là, le Fonds de solidarité a exercé son droit de premier refus et a racheté les actions du consultant.

Alors, ce que j'ai de la misère à comprendre, c'est comment il se fait que les dirigeants, qui avaient travaillé durant 25 ans – parce qu'il faut signaler que le groupe Harricana a été fondé dans les années, je pense que c'est en 1961; dans les années soixante-dix, quatre-vingts, ça a été une croissance quand même assez importante – que ces gens-là avaient décroché des fonds, étaient prêts à racheter pour 2 000 000 $ la filiale Denharco, et ce qu'on nous rapporte, c'est que la Caisse a refusé. Et la caisse vend, quelques mois à peine après, pour 1 $, sa participation de 50 % au Fonds de solidarité. Alors, j'avoue que ce bout-là, on a de la misère à saisir, là, exactement ce qui a pu se passer. J'aimerais peut-être que vous nous éclairiez exactement sur ce qui a pu se passer concrètement dans toute cette transaction qui impliquait plus particulièrement la filiale Denharco du groupe Harricana.

M. Scraire (Jean-Claude): Contrairement à l'autre dossier particulier qui a été évoqué, le dossier Harricana, je le connais beaucoup moins. Ça date de 1991-1992, les événements dont on parle, et je n'en avais pas la responsabilité. Je pense que je vais demander au vice-président, qui est responsable du groupe de participation, M. Provost, de venir, avec votre permission...

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Bien oui, certainement.

M. Scraire (Jean-Claude): ...de venir vous en parler un peu plus.

M. Campeau: Qu'est-ce que vous voulez dire par «pas la responsabilité»?

M. Scraire (Jean-Claude): Du secteur des participations, en 1992. Je n'étais pas président de la Caisse en 1992, monsieur.

M. Campeau: Ah bon!

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Donc, M. Provost.

M. Campeau: Je peux vous dire que ce n'était pas moi non plus, hein?

M. Scraire (Jean-Claude): Pardon?

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Donc, M. Provost nous apporterait des explications.

M. Provost (Normand): En fait, je voudrais juste répondre aux éléments des questions posées par...

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Si vous voulez, à l'ordre, s'il vous plaît, parce qu'on a de la difficulté à comprendre.

M. Provost (Normand): ...le député. Il faut se rappeler que, dans le dossier Denharco, groupe Harricana – où nous avions une relation d'affaires depuis le début des années soixante-dix avec les frères Arcand; donc, c'est quelqu'un, des groupes pour qui on avait beaucoup de respect puis on a travaillé étroitement ensemble – il faut se rappeler que, en 1990, lorsque l'investissement majeur de la Caisse a été fait et qui a servi à Denharco, ou au groupe Harricana, d'acheter Équipement Denis, à ce moment-là, tout de suite quelques mois après cette transaction-là, comme vous le mentionniez tantôt, le groupe Harricana a connu des problèmes majeurs en termes de ventes, les ventes ont baissé de façon drastique. Il faut se rappeler qu'en 1991, donc quelques mois après notre investissement, au premier trimestre de 1992, le groupe Harricana annonçait des pertes de l'ordre de 14 000 000 $. C'est sûr que, ça, ça ébranle non seulement les partenaires minoritaires que nous étions avec le Fonds de solidarité et avec Société d'investissement Desjardins, mais également la SDI, également les banquiers, les fournisseurs et les clients. Alors, c'est dans ce contexte-là où, nous, à la Caisse de dépôt, avec le Fonds de solidarité, nous avons réinvesti à quatre reprises au cours des 15 mois qui ont suivi le début du relancement d'activités, comme je le mentionnais tantôt.

(14 h 50)

Maintenant, le point plus spécifique que vous touchez concernant la vente de Denharco, personnellement, je ne me souviens pas d'avoir reçu une offre d'acquisition de groupe Denharco, parce qu'il faut se rappeler qu'à ce moment-là la raison pour laquelle la Caisse a vendu au Fonds de solidarité, c'est que vous n'aviez plus de banquier. Nous avions des lettres de la Banque de Commerce, pour ne pas la nommer, qui étaient au dossier et qui disaient: Moi, je ne fais plus d'avance, je rappelle mes prêts puis vous avez tant de jours pour me... sinon je prends possession.

Nous, voulant protéger quand même l'entreprise parce que, comme vous le mentionnez, Denharco, il y avait une base à laquelle on croyait pour le moyen et le long terme, à ce moment-là pour aller se chercher un financement, il fallait garantir le banquier à 100 %. Il n'y a pas un banquier qui voulait prendre quelque risque que ce soit dans ce dossier-là, compte tenu des résultats passés. C'est plus facile aujourd'hui d'en parler, mais il faut se rappeler qu'en 1991 ce secteur-là avait été durement touché. Alors, personne ne voulait prêter à ce moment-là et le seul intervenant qui l'a fait exigeait une garantie pour le plein montant.

C'est un principe avec lequel nous, à la Caisse, à l'époque, on avait énormément de difficultés à ce moment-là, à prendre tous les risques et à se substituer à une institution financière qui normalement peut faire des profits mais également doit prendre des risques. Et c'est à ce moment-là et devant l'insistance des institutions financières à toujours exiger une pleine garantie... Nous, c'est une pratique qu'on ne faisait pas et qu'on ne fait toujours pas. Par contre, le Fonds de solidarité, lui, a jugé à propos de prendre ce risque-là et de garantir le plein montant qui était avancé par la banque. En retour, il nous a demandé: Bien, comme vous ne voulez pas prendre le risque, à ce moment-là on va faire une transaction qui va nous permettre... si on prend tous les risques, on voudra bénéficier de tous les profits que ça pourrait engendrer. Alors, c'est de cette façon-là que, nous, on a vendu notre participation au Fonds de solidarité qui, lui, a réinvesti, de mémoire, c'est au minimum 1 000 000 $ parce que la banque exigeait d'autres mises de fonds.

Il y a une petite précision que j'aimerais vous apporter quand vous mentionniez que le Fonds de solidarité avait vendu au management pour 250 000 $. Il faut comprendre que le Fonds de solidarité a exigé des investissements de la part des nouveaux gestionnaires de l'ordre de 250 000 $ en retour d'une participation, de mémoire, je pense que c'est autour de 20 %. Et la façon de rémunérer la nouvelle équipe, c'était de dire: Vous allez vous commettre, vous allez investir de votre propre argent et, si vous obtenez des résultats intéressants, comme on le voit dans la plupart de ces entreprises-là, ils ont établi un programme d'option d'achat d'actions qui était en fonction de la performance de cette équipe-là. Et, c'est comme ça, compte tenu de la performance de cette équipe-là, qu'eux ont vu leur participation grandir dans l'entreprise.

M. Bordeleau: Bon, vous expliquez un petit peu la raison pour laquelle vous avez vendu au Fonds. Nous, l'information qu'on a eue, c'est qu'il y avait eu une offre qui avait été faite à l'automne 1992, quelques mois avant la transaction avec le Fonds, où on avait offert 2 000 000 $ – c'était les anciens dirigeants du groupe, M. Arcand et d'autres personnes, qui avaient offert de racheter l'entreprise pour 2 000 000 $ – et vous l'avez vendu, deux, trois mois plus tard, pour 1 $ au Fonds de solidarité. Ça ne m'explique pas cette question-là.

M. Provost (Normand): Écoutez. Encore une fois, soyez assuré de ma bonne foi, mais je ne me souviens pas d'avoir reçu une offre de cette nature-là chez nous, à la Caisse, parce qu'à ce moment-là, comme je vous mentionnais tantôt, il n'y a aucun financier qui voulait avancer des sommes sans que les actionnaires puissent garantir le plein montant.

M. Bordeleau: Si le groupe de dirigeants était prêt à donner 2 000 000 $, à ce moment-là la Caisse prenait sa part en fonction de sa participation dans Denharco, et ç'aurait été plus payant pour l'ensemble des citoyens que le 1 $.

M. Provost (Normand): Écoutez, avoir reçu... Vous avez tout à fait raison puis je peux vous dire qu'à cette époque-là, si nous avions reçu une offre pour 2 000 000 $ comptant, probablement que la décision aurait été d'accepter cette offre-là. Je peux vous en assurer, M. le député.

M. Bordeleau: On est encore devant un cas où c'est ambigu parce que l'information que nous a donnée M. Arcand lui-même, c'est qu'il y avait eu une offre de 2 000 000 $ qui avait été faite. Vous, vous nous dites: On n'a jamais eu d'offres. Alors, encore là, on se trouve dans une situation... Tout à l'heure, on a parlé du cas de LSC 2+1 et ici on parle du groupe Harricana. On est encore devant une espèce de contradiction au niveau des données.

Une voix: Y a-t-il une lettre là-dessus?

M. Bordeleau: Non. Je n'ai pas vu de lettre comme telle, mais M. Arcand est venu nous le dire en groupe, ici.

M. Provost (Normand): Si vous me laissez un peu de temps, je pourrais voir au dossier. Évidemment, c'est un dossier qui remonte à 1992. Alors, il faudrait que je vérifie à ce moment-là pour voir si on a reçu une lettre en bonne et due forme. Tantôt, on parlait comment s'échangeaient les offres de financement. Alors, une offre d'achat normalement on la traduit par une offre en bonne et due forme. Mais comme je vous dis, de mémoire, ça me dit rien.

M. Bordeleau: Alors, vous allez faire la vérification et vous allez nous donner la réponse?

M. Provost (Normand): Soyez assuré, soyez assuré.


Code de déontologie et d'éthique (suite)

M. Bordeleau: Bon. L'autre point de ce cas-là que je veux... Est-ce que ce n'est pas quelque chose d'un peu fatigant... Dans tout ce processus-là, quand on regarde ça, il y a eu un consultant qui a été envoyé par la Caisse de dépôt, et ce consultant-là se retrouve quelques mois plus tard à acheter cette compagnie-là, bon, avec le processus qu'on a décrit tout à l'heure, c'est-à-dire le fonds vend pour 250 000 $ à ce consultant-là qui, lui, un peu plus tard, deux ou trois ans plus tard, reçoit une offre de plusieurs millions d'une compagnie américaine. En termes d'éthique et de déontologie, il y a quelque chose là-dedans qui nous rend très mal à l'aise et à un moment donné vous avez la personne qui intervient en bout de ligne, au moment où tout ça est en faillite, qui se retrouve l'acheteur quelques années plus tard, qui a une offre où il peut faire des profits assez mirobolants. Il me semble qu'il y a un problème là. On a parlé de déontologie ce matin un peu, mais encore là c'est un cas qui peut nous laisser, disons, relativement perplexes sur l'intervention des consultants que la Caisse envoie et éventuellement sur ce qu'ils peuvent faire par la suite.

M. Provost (Normand): En fait, ce que je voudrais juste apporter comme précision, si vous me permettez, le fameux consultant en question il faut dire que, quand nous l'avons désigné sur place, il y avait deux motivations. La première était de sortir les consultants de grands bureaux, qui étaient sur place, puis je ne voudrais pas... qui étaient extrêmement dispendieux, à ce moment-là... Donc, on voulait amener quelqu'un qui était pour aider l'entreprise et l'appuyer dans ce sens-là. Parce que, contrairement à ce que l'on peut penser, le consultant nous l'avons entré au dossier avant même que l'on continue à réinvestir, parce que notre intention après que l'arrivée de ce consultant-là ait lieu, la Caisse aurait continué à réinvestir avec l'équipe en place pour mettre en place un C-36, par exemple, où on s'est trouvé à garantir les mises de fonds qui allaient aux fournisseurs.

Parce que là il faut se rappeler que les fournisseurs appelaient chez nous à tous les deux jours: Quand est-ce que la Caisse va débourser pour qu'on puisse récupérer une partie de nos fonds? Donc, le consultant, quand nous l'avons entré au dossier, était vraiment pour aider l'équipe en place, puis nous ça nous... on se disait: Bon, bien, il va pouvoir aider l'entreprise et dans ce sens-là nous on continue à réinvestir, et non pas sur la phase finale pour dire: On va entrer quelqu'un qui va aller acheter l'entreprise.

Ensuite, quand la décision a été prise par nos partenaires, qui est le Fonds de solidarité, de dire: Bon, moi, je continue, je poursuis et je suis prêt à garantir l'institution bancaire et, moi, je veux protéger les emplois, puis je veux développer, ils ont constaté que le type que nous avions désigné avait eu vraiment un apport intéressant dans l'entreprise, puisque c'est eux qui lui ont fait l'offre. Ce n'est pas nous; nous, on est retiré à ce moment-là. Puis ils ont dit: Écoute, tu sembles avoir apporté des bons conseils, tu sembles avoir fait ton travail comme il faut, serais-tu intéressé de prendre la direction de l'entreprise? C'est comme ça que ça s'est passé.

M. Bordeleau: J'enchaîne là-dessus et ce qu'on a discuté ce matin, la question de Telsoft et le passage des gens de la Caisse à Telsoft. Là, on parle du consultant. J'ai de la misère à comprendre une chose. Bon, effectivement, le président disait: Écoutez, quand ils sont partis... Bon. Évidemment, on ne peut pas... Mais il y a quelque chose là-dedans qui ne fonctionne pas comme il faut. C'est-à-dire que, si un entrepreneur veut faire une affaire avec la Caisse aujourd'hui, il doit avoir en tête que, demain matin, le gars avec qui il parle, il sera peut-être son concurrent sur le marché, parce qu'il aura quitté la Caisse et sera parti dans ce secteur-là ou il sera rendu gestionnaire dans une entreprise.

(15 heures)

Ça veut dire que tous les entrepreneurs qui font affaire avec la Caisse ne savent pas s'ils font affaire avec quelqu'un qui est de leur bord ou s'ils font affaire avec quelqu'un qui demain matin sera peut-être contre eux.

Il y a quelque chose qui ne fonctionne pas là-dedans. Il me semble que, en termes de déontologie, dans certains secteurs, il y a des réserves que les gens s'engagent à respecter et de ne pas faire affaire avec, je ne sais pas, moi, à la limite, durant un certain nombre d'années, avec les entreprises dont ils ont étudié les dossiers comme gestionnaires au niveau de la Caisse. Mais ça n'a pas de sens qu'un gestionnaire qui fait affaire avec la Caisse en arrive à penser que le gars avec qui il parle puis à qui il confie tous ses secrets d'entreprise pour éventuellement aller chercher un appui, que le gars à qui il parle, il sera peut-être demain matin son concurrent comme c'est arrivé, en tout cas, ce qu'on peut regarder et ce qu'on peut voir à l'oeil, là, dans le cas de Telsoft par rapport à LSC 2+1.

Il y a quelque chose, au point de vue déontologique, qui n'a pas de sens là-dedans et je ne sais pas comment vous... Là, la réponse que le président a donnée ce matin me paraît assez spéciale aussi, de dire: Bien, écoutez, quand il est parti, on ne peut rien faire. Je comprends, mais, dans d'autres secteurs, ça se fait, ça, des engagements où, quand les gens quittent, ils ont des contraintes, ils ont des limites qu'ils doivent respecter et, s'ils ne les respectent pas, il y a des procédures légales qui peuvent être prises contre ces personnes-là. Mais on ne peut pas fonctionner comme on le fait actuellement avec des gestionnaires qui le lendemain matin se retrouvent de l'autre bord de la clôture et font concurrence aux entrepreneurs qui la veille sont allés les voir, en toute confiance, ont dévoilé tous leurs livres d'entreprise pour aller chercher un prêt, pour aller chercher de l'aide de la part de la Caisse de dépôt et placement qui est un organisme public. Il y a quelque chose là-dedans qui ne fonctionne pas.

Je ne sais pas si vous avez des commentaires à faire, mais la réponse du président, de ce matin, à mon avis, n'a pas de sens. Ça ne peut pas fonctionner comme ça. Il doit y avoir d'autres mécanismes qui existent ailleurs et qui permettent de régler ce problème-là.

M. Provost (Normand): Pour répondre à votre point, M. le député, je vais continuer dans le même dossier. Je vous faire part que, à ce moment-là, le conseil d'administration, avant l'arrivée du consultant, vous aviez trois actionnaires minoritaires importants. Vous aviez Investissement Desjardins, vous aviez le Fonds de solidarité et vous aviez la Caisse de dépôt.

À au moins deux reprises, M. Robert Arcand est venu nous rencontrer pour nous dire: Écoutez, vous nous avez envoyé des gens de l'interne qui ont tous le même profil. Moi, ça n'ajoute pas beaucoup à mon entreprise. Vous avez d'excellents, bons analystes financiers, des gens qui ont beaucoup de rigueur, puis tout ça. J'aimerais ça que vous puissiez remplacer quelqu'uns de ces analystes financiers là par des gens d'expérience qui vont nous aider à poursuivre le développement de mon entreprise.

Alors, c'est comme ça que, graduellement, on a retiré des employés de l'interne, de la Caisse et d'Investissement Desjardins, pour aller chercher des gens d'expérience pour tout simplement répondre aux besoins et à la demande qu'avait formulés M. Robert Arcand, d'avoir des gens d'expérience.

M. Bordeleau: Je comprends très bien ce que vous dites, excepté que la Caisse a quand même une responsabilité. Quand vous envoyez un consultant dans une entreprise, est-ce que ce consultant-là va travailler pour lui, dans une perspective, disons, de court terme, ou s'il va travailler pour l'entreprise? Si, ça, ce n'est pas clarifié en termes de comportement déontologique, ce problème-là va exister. C'est à vous autres à fixer des conditions, quand vous envoyez un consultant, pour ne pas que cette situation existe. Parce que, actuellement, j'ai l'impression que, dans la mentalité des gestionnaires qui font affaire avec la Caisse, en tout cas, à partir des feedback qu'on a pu avoir, quand même, qui sont limités, mais en même temps relativement significatifs, il va y avoir un problème tout à l'heure.

J'enchaîne là-dessus tout simplement peut-être avec un dernier point, M. le Président. Encore là, une question de déontologie pour clarifier un peu le fonctionnement. Je regarde au niveau du conseil d'administration, je veux juste signaler la présence au sein du conseil d'administration de M. Béland, du Mouvement Desjardins, M. Biron, associé de Biron, Lapierre et Associés, Clément Godbout, président de la Fédération des travailleurs, Gérald Larose. Je mentionne ces cas-là plus particulièrement.

Comment ça fonctionne, au niveau de la Caisse, quand il y a des décisions qui sont discutées au conseil d'administration qui impliquent... Parce que, là, on a affaire à tous des groupes... Bien, dans trois cas, c'est des gens qui font de l'investissement. Je pense au Mouvement Desjardins, je pense à la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec, avec le Fonds de solidarité, je pense à M. Larose, avec le nouveau fonds qui a été créé récemment, de la CSN. Ces gens-là sont aussi des prêteurs. Ils se retrouvent au conseil d'administration de la Caisse de dépôt qui, elle, essentiellement, bon, fait des prêts aussi au niveau du développement économique sur sensiblement les mêmes marchés.

Là, c'est trois cas. Je pense à M. Biron. M. Biron est membre du conseil d'administration, il est également... on connaît la firme Biron, Lapierre et Associés qui est une firme qui fait du redressement d'entreprises. Alors, quand il y a une entreprise qui aboutit chez vous pour faire une demande de prêt dans laquelle la firme Biron, Lapierre et Associés peut être impliquée, comment ça se passe exactement? Est-ce que ces gens-là sont impliqués, se retirent? Parce que, là, en fait, le monde est petit au niveau de la haute finance et ces gens-là sont à la fois assis à deux, trois sièges, au Mouvement Desjardins, à la Caisse de dépôt, font des placements aux deux places. Les décisions qui se prennent au niveau du conseil d'administration, est-ce qu'elles sont prises en fonction des intérêts essentiellement de la Caisse de dépôt ou si elles sont prises aussi en considération de l'autre rôle que jouent ces personnes-là, dans le cas des trois personnes qui dirigent des fonds ou dans le cas de M. Biron qui intervient dans le redressement d'entreprises?

Alors, j'aimerais que vous me clarifiiez un peu, concrètement, comment ça fonctionne, cette question-là, pour éviter justement des conflits d'intérêts et assurer la population que, de ce côté-là, c'est quand même clair, transparent, la façon dont la Caisse procède.

M. Scraire (Jean-Claude): Oui. Alors, concernant les membres du conseil d'administration de la Caisse, d'abord, vous pouvez voir, en prenant connaissance du code d'éthique, qu'il est très, très strict là-dessus. C'est impossible pour un membre du conseil d'administration de la Caisse ou pour un membre du conseil d'une de ses filiales de tirer quelque avantage d'une transaction qui serait faite entre une entreprise et la Caisse. De sorte que, par exemple, si on parle de la firme Biron, Lapierre, s'il y a des relations de cette firme-là avec une entreprise, il ne peut pas y avoir de commissions ou d'honoraires, rien qui va en découler comme bénéfices financiers. Habituellement, normalement, et de mémoire, je ne pense pas qu'il y ait eu de dossiers traités par Biron, Lapierre qui aient pu continuer à être étudiés à la Caisse. De toute façon, évidemment qu'il n'y a pas d'honoraires qui peuvent en découler.

M. Bordeleau: Juste pour clarifier ce point-là: dans aucun dossier qui a été traité par la firme Biron, Lapierre les entreprises ne sont revenues à la Caisse pour avoir du financement?

M. Scraire (Jean-Claude): Qui génère des revenus à la firme Biron, Lapierre; il n'y a pas de revenus qui sont générés par le dossier.

M. Bordeleau: Par des entreprises qui seraient venues...

M. Scraire (Jean-Claude): C'est ça.

M. Bordeleau: ...à la Caisse de dépôt pour avoir des prêts?

M. Scraire (Jean-Claude): C'est ça. La règle...

M. Bordeleau: Alors, ça veut dire que, pour bien se comprendre, il n'y a pas d'entreprises où Biron, Lapierre est intervenu comme redresseur d'entreprises qui sont venues demander des prêts à la Caisse de dépôt et placement.

M. Scraire (Jean-Claude): Si ça s'est fait, à ce moment-là, Biron, Lapierre ne pouvait plus recevoir d'honoraires ou de bénéfices quelconques de quelque transaction qui se ferait. C'est l'un ou l'autre: ou ils ne viennent pas et Biron, Lapierre fait son travail, mais avec les autres investisseurs prêteurs...

M. Bordeleau: Oui, O.K.

M. Scraire (Jean-Claude): ...ou bien ils viennent et, à ce moment-là, Biron, Lapierre ne fait plus d'honoraires ou de commissions dans ce dossier-là.

M. Bordeleau: Ils se retirent complètement du dossier...

M. Scraire (Jean-Claude): Oui, oui.

M. Bordeleau: ...et ne font plus affaire avec cette entreprise-là.

M. Scraire (Jean-Claude): Ou ils ne retirent aucun bénéfice de la transaction, aucun bénéfice de la transaction.

Une voix: La transaction...

M. Scraire (Jean-Claude): De l'investissement que la Caisse y ferait ou d'une de ses filiales.

Concernant plus généralement les autres membres du conseil, c'est vrai que parfois M. Béland, à l'occasion, dans des grands dossiers, comme il est président du Mouvement Desjardins, il y a des dossiers où il peut être impliqué. Les règles sont gérées très, très sévèrement – ou M. Godbout du Fonds de solidarité, c'est la même chose – par le secrétariat qui est très au courant de toutes les relations d'affaires et des conflits d'intérêts potentiels des membres du conseil d'administration. C'est suivi de très, très près.

(15 h 10)

Aussitôt qu'un dossier est susceptible de présenter un conflit d'intérêts, la personne du conseil qui serait susceptible d'être en conflit ne reçoit aucune information sur ce dossier-là, aucune information. À partir du moment où le dossier entre à la Caisse, il n'y a pas d'information à l'administrateur de la Caisse qui pourrait être en conflit potentiel, que ce soit M. Godbout, M. Béland, M. Larose. Il y a un travail énorme qui se fait au secrétariat à ce niveau-là, parce qu'il faut... Évidemment qu'à l'occasion il y en a qui se retrouvent assez souvent – je pense à M. Godbout ou à M. Béland; c'est peut-être les deux cas qui reviennent le plus souvent – en position éventuelle de conflit. Alors, c'est géré très étroitement. Les gens n'ont pas d'information et, évidemment, ils ne sont pas participants à quelque décision.

Étant donné qu'on a beaucoup augmenté les placements privés, les transactions avec les entreprises québécoises, l'autre élément qui est important, c'est que le nouveau mode de gestion fait en sorte que les décisions d'investissement en placements privés sont faites dans les filiales. Dans les filiales, à ce moment-là, on fait encore plus attention. Par exemple, M. Béland ne se retrouve pas sur le conseil d'une filiale, parce qu'il se retrouve assez souvent... Et ces dossiers-là ne monteront pas au conseil d'administration de la Caisse. Jusqu'à 25 000 000 $, ils ne vont pas au conseil d'administration de la Caisse. S'ils doivent y aller, parce que c'est plus que 25 000 000 $, à ce moment-là, c'est encore plus facile de traiter, s'il y a un conflit, d'exclure la personne qui est en conflit et de limiter l'information à ce qui est strictement nécessaire.

Dans le cas de M. Godbout, il ne siège pas dans les secteurs où les entreprises sont très syndiquées. Par exemple, il n'est pas sur le conseil de Capital d'Amérique; il est sur le conseil de Sofinov où, à toutes fins pratiques, il n'y a presque jamais de syndicat dans les dossiers de Sofinov. M. Larose siège plutôt dans le secteur immobilier et dans le secteur hypothécaire. Alors, il y a moyen, de cette façon-là, d'éviter qu'il y ait trop de difficultés, en faisant en sorte de ne pas placer les gens dans une situation conflictuelle. Ce que je peux vous dire, c'est que ça fait l'objet de beaucoup d'attention.

Par ailleurs, on se retrouve, étant donné – toute médaille a son envers – qu'on a, mettons, cinq filiales de participation, six demain, avec cinq, six administrateurs externes, bien ça fait, pour ces gens-là – alors, six filiales à cinq administrateurs externes – 30 personnes de plus dont il faut gérer les conflits d'intérêts potentiels, sauf qu'ils ne sont pas impliqués dans autant d'entreprises. Alors, ça peut arriver que, je ne sais pas, moi, M. Michaud, qui siège sur le conseil de Capital d'Amérique, se retrouve à l'occasion avec un conflit potentiel. Bien, à ce moment-là, on le sait, les gens du secrétariat qui administrent le code d'éthique sont au courant de son portefeuille. Le moindrement qu'il sait qu'il y a un dossier qui va venir, il ne participe pas, il ne recevra pas d'information. C'est la même chose pour n'importe quel administrateur sur les filiales. Alors donc, ça fait l'objet de beaucoup d'attention.

Je reviens sur le point – juste un instant, M. le député – de la déontologie que vous aviez soulevé tantôt concernant les consultants qui peuvent devenir compétiteurs de l'entreprise dans laquelle ils négocient pour nous. Je pense que j'ai mieux saisi que ce matin le point qu'on voulait soulever. Je pense que je le saisis un petit peu mieux, puis on va s'y attarder pour voir comment on pourrait renforcer dans notre code d'éthique. J'en ai parlé particulièrement à Mme la députée ce matin, on a certaines choses, mais il y a peut-être moyen de regarder ça pour le renforcer, pour éviter effectivement que quelqu'un se retrouve en compétition avec quelqu'un qui agissait comme consultant à un moment donné ou qui agissait comme employé de la Caisse. Parce qu'on parle de consultant, mais ça peut être un employé de la Caisse aussi, surtout les domaines des nouvelles technologies où ça ne prend pas nécessairement tellement de capitaux pour partir en affaires. Dans le manufacturier, puis tout ça, ça prend beaucoup plus, mais, dans le domaine des nouvelles technologies, la bonne idée au bon moment, si on est un peu habile, est suffisante pour aller vendre son produit. Alors, je prends grand note de votre point que j'ai bien saisi.

M. Bordeleau: Juste un dernier point, une remarque, tout simplement.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Bien, il faudrait que ça soit rapide, parce que ça fait déjà une demi-heure, là.

M. Bordeleau: Oui, oui, c'est très rapide.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Oui.

M. Bordeleau: Bon, vous m'avez expliqué la question du conseil d'administration, tout ça. Il reste quand même qu'il y a une chose qui demeure, à mon avis, un problème. Quelqu'un qui vient à la Caisse, je suppose qu'il vient avec l'idée qu'il y a une confidentialité, que ses dossiers seront confidentiels...

M. Scraire (Jean-Claude): Oui.

M. Bordeleau: ...mais, quand il se retrouve à la Caisse, dans une filiale ou l'autre, avec, je ne sais pas, moi, M. Godbout, M. Larose ou un autre qui est sur le conseil d'administration, si la Caisse – faisons une hypothèse – refuse un prêt puis que cette personne-là, le lendemain, va faire application au Fonds de solidarité pour avoir un prêt, bien j'ai l'impression que... Si M. Godbout a vu le dossier à la Caisse, dans quelle mesure la personne va-t-elle avoir l'impression et aussi la certitude que c'était réellement confidentiel quand la même personne va se retrouver probablement dans l'autre fonds à côté?

Comme on l'a mentionné tout à l'heure, c'est un monde relativement petit. Donc, je ne suis pas certain, moi, si j'essuie un échec, par exemple, dans une demande de prêt de la Caisse que, si je vais me présenter dans une autre institution, je n'aurai pas la même personne qui va être assise là, puis qui va se dire: Ah oui, j'ai vu passer le dossier à la Caisse puis on a refusé pour telle, telle raison. On me refusera également pour la même raison dans cette nouvelle institution-là à cause de la façon dont le conseil d'administration est formé.

M. Scraire (Jean-Claude): C'est certain qu'il pourrait y avoir – comment je dirais ça – des glissements, mais disons que de la façon que je vous l'expliquais tantôt, je pense qu'ils sont limités grâce au fait que très spécifiquement... Parce que, quand on aborde ces sujets-là, il faut être assez spécifique. On parle du cas de M. Godbout qui est président du conseil de la...

Une voix: ...

M. Scraire (Jean-Claude): ... – oui, mais c'est parce que ça ne s'applique pas à beaucoup de gens – qui est président du conseil du Fonds de solidarité. C'est pour ça que je vous disais que la filiale qui décide d'investissements sur laquelle il siège est Sofinov. Les nouvelles technologies, en général, ce sont de petits investissements. De son côté, au niveau du Fonds de solidarité, ils ont aussi des filiales qui sont dans ce secteur-là, de sorte qu'il y a beaucoup de gens qui sont impliqués des deux côtés. Probablement que ça peut... Je ne pense pas que... En tout cas, je pense que, si on fait confiance à l'intégrité des administrateurs ou des gens de ce type-là, il devrait faire abstraction des deux décisions qui sont prises.

Dans le cas du Fonds de solidarité, je ne vous cache pas qu'assez souvent ils vont prendre une décision et que la Caisse va prendre une autre décision. Parfois, on agit de la même façon ou nos filiales agissent de la même façon, mais les gens n'ont pas la même façon de voir les dossiers, n'ont pas la même mission, n'ont pas les mêmes attentes de rendement. Alors, ça amène des points de vue un peu différents sur les dossiers. La fonction rendement n'a pas le même impact ou la même motivation chez le Fonds de solidarité parce qu'ils ont, pour leurs investisseurs, un crédit d'impôt important, de sorte qu'ils peuvent se permettre d'aller chercher un rendement moindre ou de prendre un risque plus élevé dans certaines circonstances.

M. Bordeleau: Je voulais juste souligner le fait que le caractère confidentiel auquel on est en droit de s'attendre de la Caisse est peut-être relatif jusqu'à un certain point quand on regarde un peu le genre de situations qui peuvent se présenter.

M. Scraire (Jean-Claude): Vous avez un point possible. Par ailleurs, je le signalais ce matin aussi, notre code d'éthique a une disposition très spécifique sur la confidentialité qui permet même aux entreprises de s'adresser au comité d'éthique de la Caisse pour se plaindre de manque de confidentialité entre la Caisse et d'autres parties ou, à l'intérieur même de la Caisse, si.... Parce que d'autres qui cas se présentent, c'est que... Je vais prendre un exemple qui est moins d'actualité, mais il fut une époque où on avait une position importante dans Métro et une position importante dans Provigo. Il ne s'agit pas que le même gestionnaire échange trop d'informations ou les passe à un autre management.

Alors, ce sont des choses qui sont aussi très délicates et qui font appel au professionnalisme des gestionnaires, mais ces situations-là sont nettement et précisément gérées par le code d'éthique au niveau du respect. En plus des normes professionnelles des professionnels d'investissement – parce qu'il y a des normes professionnelles – le code d'éthique crée un peu, comme on parlait ce matin, un droit de plaintes pour les entreprises si elles devaient constater ou douter du respect de la confidentialité. Elles pourraient le faire même avant en disant: Écoutez, assurez-vous que ça va être bien confidentiel, de la façon suivante: Je connais un peu votre organisation et on sait qu'il ne faudrait pas que telle information s'en aille à telle place. Alors, chez nous, ça peut se gérer très bien sur la confidentialité.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Bon, c'est bien. Est-ce que les membres de la commission seraient prêts à passer au thème de vérification de la Caisse? M. le député de Verdun, j'arrive à vous. Justement, je ne vous ai pas oublié. Parce que je sais que ma mémoire est défaillante à l'occasion, j'ai même noté sur mon papier votre nom. Mais je voulais informer les membres que nous avons parlé largement de la mission et, en même temps, nous avons parlé des filiales. Le thème III parle également des filiales. J'allais m'adresser à vous en vous demandant: Est-ce que vous pouvez profiter du thème III pour insérer votre intervention? Non, vous ne pouvez pas. Donc, nous allons continuer, d'abord, sur..

M. Gautrin: Mais ce que je veux parler comme question, ça ne touche pas les filiales.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Ça touche quoi? On «peux-tu» savoir ou bien si c'est secret?

M. Gautrin: Bien sûr. Ça touche essentiellement comment fonctionne la Caisse, ce que je ne comprends pas.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Ah bien! Ça, c'est un sujet important qui peut être long également.

M. Gautrin: Que j'espère être court, mais...

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Mais est-ce qu'on peut passer le Vérificateur et revenir après?

M. Gautrin: Je n'ai aucun problème qu'on passe le Vérificateur, si on peut revenir là-dessus.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Oui, oui.

M. Gautrin: Ça entrait dans la mission, quitte à ce qu'on revienne après sur les politiques de placement.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Parce qu'on s'était engagé avant-midi à passer M. le Vérificateur.

M. Gautrin: Non, non. Je suis bien d'accord avec vous, mais c'est parce qu'on s'est épivardé sur un paquet de choses.


Vérification de la Caisse

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Vous avez raison. C'est vrai. Donc, on reviendra par la suite sur les filiales et on permettra au député de Verdun de pouvoir... Donc, nous allons inviter le Vérificateur général, M. Breton, à nous faire une petite remarque préliminaire qu'il n'a pas faite ce matin et qu'il a retenue jusqu'à cet après-midi. Donc, à vous, M. Breton, la parole.


Exposé du Vérificateur général, M. Guy Breton

M. Breton (Guy): Alors, M. le Président, mesdames, messieurs, la commission des finances publiques a décidé de tenir deux jours d'audience pour aborder divers sujets concernant la Caisse de dépôt et placement du Québec. L'un d'eux m'importe particulièrement. J'ai donc orienté ma déclaration sur une question de principe reliée à l'étendue du mandat confié au Vérificateur général du Québec, étendue remise en cause par la prise de position de la Caisse de dépôt et placement du Québec. Essentiellement, le Vérificateur général se voit empêcher d'effectuer lui-même une vérification de l'optimisation des ressources à la Caisse parce que, malgré les efforts qu'il a déployés depuis près d'un an, aucune entente n'a pu être conclue avec la Caisse, comme l'exige l'article 28 de la Loi sur le vérificateur général.

(15 h 20)

Dans un premier temps, j'entends vous exposer brièvement les faits les plus pertinents. Subséquemment, je démontrerai à quel point l'article 28 est clair quant aux pouvoirs que le législateur a confiés au Vérificateur général pour effectuer, lorsqu'il le juge approprié, une vérification de l'optimisation des ressources dans une entreprise du gouvernement. Finalement, j'énoncerai les solutions que j'ai envisagées pour mettre fin à l'impasse.

Exposé des faits. La Caisse a été créée en 1965 par la Loi sur la Caisse de dépôt et placement du Québec. Au 31 décembre 1996, elle gérait des actifs de 57 200 000 000 $ issus d'organismes représentant des millions de Québécois: Régie des rentes du Québec, Société de l'assurance automobile du Québec, Régime de retraite des employés du gouvernement et des organismes publics, etc. Le Vérificateur général est désigné, en vertu de l'article 48 de la Loi sur Caisse de dépôt et placement du Québec, comme étant le vérificateur des comptes de la Caisse.

En 1985, le législateur adopte la Loi sur le vérificateur général qui élargit le mandat confié au Vérificateur général, notamment pour lui permettre d'effectuer des vérifications de l'optimisation des ressources dans les entreprises du gouvernement. Toutefois, la loi prévoit qu'il doit conclure une entente avec ces entreprises avant de procéder à une telle vérification, l'article 28 de la Loi sur le vérificateur général. La Caisse est une entreprise du gouvernement au sens de l'article 5 de la Loi sur le vérificateur général. Il s'ensuit que l'article 28 de la Loi sur le vérificateur général s'applique à la Caisse et, partant, que le Vérificateur général a le pouvoir, lorsqu'il le juge approprié, d'y effectuer une vérification de l'optimisation des ressources.

Cela dit, il m'apparaît opportun de me référer au rapport que j'ai présenté à l'Assemblée nationale pour l'année 1996-1997, tome I. J'y ai signalé que la Caisse m'empêchait d'exercer le mandat que m'a confié le législateur en matière de vérification de l'optimisation des ressources. Sans répéter ici les termes de ce rapport, j'estime important de rappeler qu'au début de l'automne 1996 j'ai procédé à une revue des activités de la Caisse dans le but de planifier mes interventions de vérification. Cette démarche m'a fait entrevoir des déficiences qui, si elles se confirmaient, pourraient devoir être soumises à l'attention de l'Assemblée nationale.

J'ai donc soumis deux projets, à mon sens prioritaires, de vérification de l'optimisation des ressources portant sur la reddition de comptes et sur les systèmes d'information. J'ai examiné le rapport d'activité de la Caisse pour 1996. Cette lecture a soulevé des questions suffisamment importantes pour justifier une vérification de la reddition de comptes de la Caisse. Une telle vérification devrait contribuer à améliorer le rapport d'activité de la Caisse, ce qui permettrait aux parlementaires et aux déposants de mieux évaluer sa performance. Je juge également approprié et opportun de réaliser un mandat de vérification pour m'assurer que la Caisse a mis en place un cadre de gestion et de contrôle économique et efficace de la fonction informatique et qu'elle s'est dotée de systèmes d'information nécessaires à la bonne gestion de ses ressources et à sa reddition de comptes.

Conformément à l'article 28 de la Loi sur le vérificateur général, j'ai sollicité la collaboration du conseil d'administration de la Caisse afin de conclure une entente sur les modalités relatives à la vérification. En effet, comme je l'ai déjà mentionné, en vertu de l'article 28, le Vérificateur général ne procède à la vérification de l'optimisation des ressources d'une entreprise du gouvernement qu'après entente avec le conseil d'administration de l'entreprise.

Malgré toutes les démarches entreprises, les efforts déployés et une révision des projets et des objectifs de vérification de façon à y intégrer les préoccupations de la Caisse, il a été impossible de conclure une entente. Dans mon rapport à l'Assemblée nationale, j'ai cité les commentaires de la Caisse. Celle-ci affirme bien sa collaboration avec le Vérificateur général et semble déplorer l'impossibilité de conclure une entente. Je considère néanmoins que l'attitude de la Caisse constitue une fin de non-recevoir et équivaut à un refus de s'entendre avec le Vérificateur général sur une vérification de l'optimisation des ressources. En effet, la Caisse estime, et je cite, que «cette question et les décisions qu'elle implique font partie de ses responsabilités et qu'il lui appartient en conséquence d'en établir les paramètres et les modalités d'exécution pertinentes».

Cette position de la Caisse a pour effet d'attribuer à son conseil d'administration un pouvoir tel qu'il prive de tout effet utile les dispositions de la Loi sur le vérificateur général en matière de vérification de l'optimisation des ressources des entreprises du gouvernement. En effet, le conseil d'administration de la Caisse rejette toute juridiction du Vérificateur général en cette matière. Il affirme qu'il n'appartient pas au Vérificateur général de déterminer l'opportunité d'une telle vérification et que cette décision relève plutôt du bon vouloir de la Caisse au moment et au lieu qui lui conviendront.

L'absence de solution à l'impasse entraînerait également des conséquences sérieuses sur le statut et l'indépendance du Vérificateur général face aux entreprises du gouvernement dont il vérifie les livres et les comptes. Qu'il suffise d'ailleurs d'évoquer l'exemple suivant. Si une entreprise du gouvernement, à l'issue de la vérification de ses livres et comptes, n'appréciait pas les constatations formulées à son endroit par le Vérificateur général dans son rapport annuel à l'Assemblée nationale, cette entreprise pourrait refuser de s'entendre avec le Vérificateur général sur la nécessité d'une vérification de l'optimisation des ressources. L'entité vérifiée suspendrait alors une épée de Damoclès au-dessus de la tête du Vérificateur général. Une telle situation serait non seulement insupportable pour le Vérificateur général, mais également compromettrait le contrôle parlementaire sur les biens et fonds publics gérés par cette entreprise du gouvernement.

Cela dit, j'aborderai maintenant l'article 28 de la Loi sur le vérificateur général ainsi que les principes qui sous-tendent le contrôle parlementaire des biens et fonds publics. Je n'entends pas ici faire un débat juridique sur l'interprétation, la portée et l'étendue de cette disposition législative. Il convient de rappeler que l'application des règles de gestion financière et de vérification contenues dans la Loi sur le vérificateur général ne fait habituellement pas l'objet de controverse. Il faut également souligner que ces règles sont le résultat historique d'une haute lutte et le fruit d'une évolution qui a franchi les grandes étapes du développement de la démocratie. Ce cheminement a commencé en Angleterre où ont été posés les jalons des principes démocratiques nés de la rivalité entre le monarque et le Parlement, puis en France, aux États-Unis, ainsi qu'au Canada et au Québec.

(15 h 30)

Aujourd'hui, une vérification indépendante des fonds publics est non seulement un complément essentiel au contrôle parlementaire que vous exercez, Mmes et MM. les députés, mais en constitue également une partie intégrante. Comme vous le savez, l'Auditeur général, autrefois nommé par le lieutenant-gouverneur en conseil, est, depuis 1971, le Vérificateur général, personne désignée par l'Assemblée nationale. Dans les faits et en droit, il est indépendant du pouvoir exécutif et ne répond de ses faits et gestes qu'à l'Assemblée nationale. De plus, depuis 1985, le Vérificateur général peut faire la vérification de l'optimisation des ressources. La loi de 1985 est le changement le plus récent apporté au système. Non seulement cette loi accorde-t-elle au Vérificateur général une autonomie complète dans l'exercice de ses fonctions, mais encore elle étend son champ de compétence aux fonds et autres biens publics, ce qui inclut les entreprises du gouvernement.

Il m'apparaît opportun de citer intégralement ici l'article 28 de la Loi sur le vérificateur général du Québec:

«Le Vérificateur général peut, lorsqu'il le juge approprié, dans une entreprise du gouvernement dont il vérifie les livres et comptes, procéder à la vérification de la qualité et du fonctionnement des systèmes et procédés mis en oeuvre par cette entreprise pour assurer que l'acquisition et l'utilisation de ces ressources se font en accordant l'importance qu'il convient à l'économie, à l'efficience et à l'efficacité.

«Toutefois, sauf pour les cas prévus à l'article 36, le Vérificateur général ne peut procéder à une telle vérification qu'après entente avec le conseil d'administration de l'entreprise ou, dans le cas où il n'y a pas de conseil d'administration, avec la direction de l'entreprise.

«Cette vérification ne doit pas mettre en cause le bien-fondé des politiques et objectifs de programme de l'entreprise.»

Comme on le voit, le texte de l'article 28 est très clair: Lorsqu'il le juge approprié, le Vérificateur général décide de procéder à une vérification de l'optimisation des ressources d'une entreprise du gouvernement. Certes, en vertu du deuxième alinéa, il devra y avoir entente entre le Vérificateur général et le conseil d'administration de l'entreprise. Mais, comme le premier alinéa de l'article 28 stipule «lorsqu'il le juge approprié», il est certain qu'il appartient au Vérificateur général, et uniquement au Vérificateur général, de décider s'il est opportun de procéder ou non à une vérification de l'optimisation des ressources dans une entreprise du gouvernement. L'entente qui doit alors être conclue entre l'entreprise du gouvernement et le Vérificateur général ne peut porter que sur les modalités de la vérification de l'optimisation des ressources, par exemple sur les circonstances de temps et de lieu. Il s'ensuit qu'une entreprise du gouvernement ne peut refuser de conclure une entente sous prétexte qu'elle préfère que le Vérificateur général ne procède pas lui-même à une vérification de l'optimisation des ressources ou encore parce qu'elle considère que le Vérificateur général devrait concentrer ses travaux sur tel sujet plutôt que tel autre ou pour toute autre raison.

Je le répète, le texte est clair: le Vérificateur général n'a pas à obtenir d'autorisation ou de permission d'une entreprise du gouvernement pour procéder à une vérification de l'optimisation des ressources. Le Vérificateur général décide de l'opportunité de cette opération, et l'entente ne peut porter que sur ces modalités. Selon moi, il est évident qu'une entreprise du gouvernement ne peut pas davantage délimiter elle-même, à toutes fins utiles, les questions sur lesquelles portera la vérification de l'optimisation des ressources dans l'entente à venir. Une entreprise du gouvernement ne peut non plus exiger que l'entente porte sur le rôle qu'elle voudrait voir jouer par le Vérificateur général dans les travaux de vérification de l'optimisation des ressources effectués en collaboration avec un vérificateur privé ou le vérificateur interne. Une telle interprétation va directement à l'encontre de l'esprit et de la lettre de l'article 28.

Le droit applicable en matière de vérification est évidemment fixé dans les textes de loi, et je demeure convaincu que ces textes vont dans le même sens que l'évolution évoquée plus haut. On ne peut invoquer quelque argument procédural que ce soit pour nier la substance de la disposition et anéantir le pouvoir et le devoir du Vérificateur général de réaliser ses mandats de vérification. Il y va de la survie du contrôle parlementaire efficace, de la gestion des biens et fonds publics gérés par les entreprises du gouvernement. Le législateur a voulu que le Vérificateur général ait pour objectif ultime, pour mission essentielle d'éclairer l'Assemblée nationale. C'est d'abord cette mission d'information auprès des parlementaires qui distingue un vérificateur public des vérificateurs privés et qui différencie nettement les deux philosophies de travail.

Le Vérificateur général tient son mandat directement du législateur, alors que les vérificateurs privés doivent le tenir des organismes ou entreprises qui feront l'objet de leurs vérifications. Il faut bien comprendre que le Vérificateur général ne s'oppose absolument pas à ce qu'une entreprise du gouvernement confie de sa propre initiative des mandats de vérification de l'optimisation des ressources à son vérificateur interne ou à des vérificateurs privés. Bien au contraire, il encourage de telles initiatives. Cependant, lorsque le Vérificateur général décide d'effectuer une vérification de l'optimisation des ressources sur un problème qu'il a repéré, cette entreprise ne saurait faire effectuer cette vérification par son vérificateur interne ou par des vérificateurs privés. En somme, la Caisse ne peut substituer ni son vérificateur interne ni ses vérificateurs privés au Vérificateur général.

Reste maintenant à examiner les solutions susceptibles de mettre fin à l'impasse entre la Caisse et le Vérificateur général. Essentiellement, deux solutions peuvent dénouer une impasse susceptible de compromettre l'efficacité du contrôle parlementaire sur les biens et fonds publics administrés par une entreprise du gouvernement et de miner l'indépendance du Vérificateur général face à ces entreprises. Il s'agit de la solution judiciaire et de la solution parlementaire.

Dans le cas de la solution judiciaire, il m'apparaît qu'elle doit être écartée. Il s'agit d'une avenue qui n'a jamais été retenue au Québec. À mon avis, il ne conviendrait pas que, dans le présent cas, le pouvoir judiciaire intervienne pour déterminer les droits et obligations des parties. Il n'appartient généralement pas aux tribunaux de régler les conflits qui se produisent entre le Vérificateur général et les entités vérifiées, entre le législatif et l'exécutif. Ce serait un précédent qui ne me semble pas souhaitable. De plus, les principes établis par la Cour suprême du Canada dans l'affaire Vérificateur général du Canada versus ministre de l'Énergie, des Mines et des Ressources, dans le cas de Petro-Canada, pourraient trouver application de telle sorte que les tribunaux pourraient refuser de se prononcer dans le cadre d'un litige impliquant le Vérificateur général à une entité qu'il vérifie.

(15 h 40)

Il est donc exclu pour moi, en ma qualité de personne désignée par l'Assemblée nationale, de faire intervenir le pouvoir judiciaire dans un différend qui oppose le Vérificateur général à la Caisse de dépôt. Le Vérificateur général s'en remet donc aux membres de cette commission afin qu'ils prennent les moyens nécessaires pour que la Caisse accepte de conclure une entente afin que le Vérificateur général puisse exercer son mandat en effectuant les vérifications de l'optimisation des ressources qu'il juge à propos. Je me réfère à l'article 4 de la Loi sur l'Assemblée nationale qui stipule que «l'Assemblée a un pouvoir de surveillance sur tout acte du gouvernement, de ses ministères, de ses organismes.» Une résolution de cette commission et, a fortiori, de l'Assemblée nationale affirmant le pouvoir que le législateur a confié au Vérificateur général de décider d'effectuer une vérification de l'optimisation des ressources dans une entreprise du gouvernement dont il vérifie les livres et les comptes, comme c'est le cas pour la Caisse, mettrait certainement fin à l'impasse. Il y va du mandat confié par le législateur au Vérificateur général, à l'article 28 de la Loi sur le vérificateur général, pour effectuer une vérification de l'optimisation des ressources dans les entreprises du gouvernement.

En conclusion, à mon sens, l'Assemblée nationale a non seulement le droit, mais également le devoir de s'assurer que les entreprises du gouvernement rendent compte de la réalisation de leurs objectifs. Je soumets que seul le Vérificateur général peut donner l'assurance aux parlementaires d'une vérification adéquate et adaptée à cette mission particulière. De plus, le Vérificateur général se consacre exclusivement à l'accomplissement et à la réalisation du pouvoir de surveillance de l'Assemblée nationale. Lui et lui seul jouit d'une indépendance assurée et confirmée par la loi. Enfin, le Vérificateur général est également seul à posséder la diversité des ressources nécessaires pour la vérification d'un aussi grand éventail d'organismes et de corporations gravitant autour de l'État. Ainsi, rappelons qu'il est courant que le Vérificateur général s'adjoigne les services d'experts dans tous les cas pertinents. En fait, on peut dire que chaque situation de vérification fait partie d'un domaine d'expertise particulier pouvant justifier, un jour ou l'autre, le recours à des ressources spécialisées.

Comme toute autre entreprise du gouvernement, la Caisse est une création de l'État. Il s'agit d'un levier économique extrêmement important dont la population du Québec s'est dotée et, à cette fin, la loi a attribué à la Caisse un rôle bien spécifique à jouer, des objectifs à rencontrer. L'Assemblée nationale doit s'assurer que la Caisse assume adéquatement le rôle qui lui a été confié. Le Vérificateur général constitue le moyen que le législateur a prévu à cette fin. Toute proposition que ferait la Caisse pour confier à un autre vérificateur un mandat de vérification de l'optimisation des ressources devrait être considérée comme une entrave au devoir de surveillance des élus vis-à-vis de cette entité si cela avait pour effet, à toutes fins pratiques, d'empêcher le Vérificateur général d'y procéder lui-même. Nous venons d'apprendre que la Caisse a effectivement confié à des vérificateurs privés des mandats de vérification de l'optimisation de ses ressources. Ces mandats portent sur des points que le Vérificateur général avait retenus et au sujet desquels il entendait effectuer lui-même des vérifications. Dans ce contexte, il est à se demander si la Caisse n'a pas voulu mettre la commission parlementaire devant un fait accompli afin d'empêcher cette dernière de prendre position pour dénouer l'impasse entre la Caisse et le Vérificateur général.

Pour conclure, on aura compris que l'enjeu ne se limite pas à la vérification de l'optimisation des ressources de la Caisse de dépôt et placement du Québec. Si l'impasse devait perdurer, il en résultera certainement des répercussions sur le contrôle parlementaire des fonds publics gérés par toutes les entreprises du gouvernement dont le Vérificateur général vérifie les livres et comptes.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): On vous remercie, M. le Vérificateur, d'abord de la clarté de vos remarques, et je permettrai, si peut-être les représentants de la Caisse ont à leur tour des remarques; après ça, ça sera les députés qui devront questionner ou échanger. Mais je vous le dis tout de suite, après vos remarques je vais suspendre les travaux cinq minutes, puisqu'on va être à la mi-après-midi, et ça va faire du bien, je pense, à tout le monde de s'aérer cinq minutes.

Donc, on vous écoute et par la suite on suspendra pour quelques instants.


Commentaires de M. Jean-Claude Scraire

M. Scraire (Jean-Claude): Merci, M. le Président. Évidemment, ce n'est pas une position facile que d'expliquer toutes les nuances qui font que le conseil d'administration de la Caisse peut, sur certains sujets, ne pas être d'accord avec le Vérificateur général. Je dois dire d'abord que ce que je dis là-dessus, je le dis au nom du conseil d'administration de la Caisse, ce n'est pas au nom de la direction. C'est le conseil d'administration de la Caisse qui a la responsabilité de gérer la Caisse de dépôt et placement du Québec et c'est en son nom que je parle.

Au niveau du conseil d'administration, vous savez qu'on a des représentants des principaux déposants, on a des représentants...

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Est-ce qu'on pourrait monter le son, parce qu'on a de la difficulté un peu?

M. Scraire (Jean-Claude): Au niveau du conseil d'administration de la Caisse, on a des représentants de tous les principaux déposants, la Régie des rentes du Québec et la CSST étaient représentées jusqu'à tout récemment aussi. Le président de la CARRA s'y retrouve. Enfin, on a des présidents de centrale qui se retrouvent aussi intéressés dans le sens qu'une grande partie des fonds qu'on gère maintenant sont ceux du RREGOP. On a aussi des représentants de différents secteurs. Ce conseil d'administration là, de par notre loi, est responsable de l'administration de la Caisse. Il a mis en place aussi un comité de vérification qui est présidé par un membre du conseil et dont le rôle est de superviser toutes les questions relatives aux états financiers, à la gestion comptable, à la gestion du risque, aux travaux des services de vérificateurs internes et externes.

Le point préliminaire à mes commentaires que je veux faire, donc, c'est que c'est dans l'exercice de ces responsabilités-là, tant du comité de vérification que du conseil d'administration de la Caisse, que celle-ci prend position concernant cette question. Je devrais dire qu'à notre sens, malgré le ton des notes du Vérificateur général du Québec qui parlent d'impasse, de refus et qui ouvrent la porte à un problème majeur, il n'y a pas entre la Caisse et le Vérificateur général de désaccords importants qui nuisent à l'exercice et à la poursuite de nos activités et mandats respectifs – quant au Vérificateur, le sien, quant à la Caisse et à son conseil d'administration, son mandat. Il y a des désaccords, vous les avez certainement constatés, mais ce ne sont pas des désaccords qui nuisent à l'exercice et à la poursuite des mandats respectifs. Ce sont sans doute des désaccords qu'on pourra résoudre avec le temps.

Le premier point que j'aimerais faire, parce que je pense que c'est bien important, c'est que le Vérificateur général et son équipe effectuent les travaux de vérification financière de la Caisse. Chaque année, ils revoient tous les livres, tous les chiffres de la Caisse, ils certifient les états financiers, ils revoient les placements, la conformité aux lois, la conformité aux pratiques reconnues du métier. Ils vérifient également leur exactitude, leur traitement eu égard aux normes comptables.

En un mot, ce que je veux dire, c'est qu'il y a beaucoup de coopération, puis je pense que le Vérificateur lui-même, s'il a l'occasion d'en parler, pourra le dire, il y a une très grande coopération, une très grande collaboration sur un grand nombre de secteurs entre les gens du Vérificateur, donc son institution et la nôtre. Au point que c'est environ 8 000 heures que les gens du Vérificateur, une équipe d'à peu près six personnes par année, 8 000 heures qui sont consacrées à la vérification des livres de la Caisse. Six personnes par année. C'est concentré surtout sur une période de six mois qui entoure la préparation des états financiers. Je dirais même qu'à l'occasion de ces vérifications, parce qu'il y a les questions de conformité à la loi, parfois des questions de conformité aux pratiques, la presque totalité des questions soulevées par le Vérificateur trouvent une solution rapide et raisonnable – en tout cas, une solution raisonnable, parfois plus rapide; parfois, c'est un peu plus long de trouver la bonne solution – et c'est soit que les explications qui sont données par nos gestionnaires le satisfont, satisfont son équipe, soit que les comptables ou les autres gestionnaires de la Caisse donnent suite au point de vue du Vérificateur.

(15 h 50)

Alors, la plupart des cas sont réglés. Il subsiste quelques cas d'interprétation divergente de la loi et des contrats; je pense qu'on pourrait les aborder. On a cinq ou six cas récurrents où je dirais que les conclusions des avocats du Vérificateur et les conclusions de nos avocats sont divergentes, mais rien – encore là, je pense que le Vérificateur pourrait le confirmer – quoi que ce soit, disons un objet de discussion, rien qui est majeur ou qui compromet l'exactitude des activités de la Caisse. Et, sans être nombreux ni majeurs, ces cas auraient avantage à être solutionnés, et je crois même pouvoir dire que le ministre des Finances s'en occupe, s'en préoccupe.

En ce qui concerne le sujet plus spécifique qui est abordé aujourd'hui, qu'on appelle l'optimisation des ressources, c'est un procédé d'évaluation des ressources et des moyens – je le résume de cette façon-là. Il s'agit d'un exercice qui est différent et qui est additionnel auquel certaines organisations font appel à l'occasion en ayant à l'esprit d'optimiser leur efficacité. C'est un exercice qui déborde du champ de la comptabilité financière proprement dite, mais que certains experts comptables peuvent effectuer. C'est un exercice qui est intimement lié aux opérations d'une organisation, au choix des moyens qui sont utilisés et qui requiert par conséquent, de la part de ceux qui le font, cet exercice, au moins autant d'expertise qu'en ont ceux dont le travail est analysé et les choix discutés.

Ceci est majeur, car, si un tel exercice doit avoir une valeur ajoutée, s'il doit être utile, il faut qu'on puisse lui accorder un grand crédit, à ses résultats; à l'Assemblée nationale, il est vrai, dans le public, il est vrai, mais à la Caisse également. Il faut qu'en général on puisse se fier aux constats, surtout à ceux qui peuvent avoir des impacts majeurs, parce que les conclusions de l'exercice de vérification et les recommandations qui sont faites à l'occasion on peut les mettre de côté, mais ça prend presque un autre exercice de vérification pour les mettre de côté. Et, quand on parle des responsabilités que la Caisse a, de la gestion des 57 000 000 000 $, 60 000 000 000 $ et plus qu'elle gère, l'impact de recommandations qui ne seraient pas très bien fondées peut être important. L'expertise de pointe dans les domaines où on fait la vérification est nécessaire aussi pour obtenir la pleine coopération des gestionnaires qui doivent consacrer énormément d'heures de travail à un tel exercice, des heures de travail qui s'ajoutent à un fardeau déjà lourd. Il s'agit d'un exercice où la motivation d'optimisations, d'améliorations, de valeurs ajoutées doit être sans ambiguïté, et où la confiance doit être présente.

En tout état de cause, il s'agit d'une opération qui est exigeante sur le personnel et qui distrait celui-ci de son travail de base. Dans les organisations qui sont serrées, très serrées – comme c'est le cas à la Caisse – qui n'ont pas deux personnes en charge d'une même responsabilité, où à chaque heure l'environnement des marchés évolue, où les échéanciers sont serrés, il faut agir avec prudence et n'effectuer un tel exercice qu'après en avoir dûment constaté la nécessité ou la pertinence. Cela est la responsabilité du conseil de la Caisse, appuyé des dirigeants ou conseillé par les dirigeants de celle-ci, de sous-peser les avantages et les inconvénients, la pertinence et l'utilité d'un exercice de vérification pour que ce soit une plus-value et non pas un exercice où les gens sont distraits de leur travail et de leurs responsabilités.

Cela étant dit, il s'agit d'un exercice auquel la Caisse a parfois recours pour améliorer ses procédés ou se rassurer quant au fonctionnement efficace d'une unité. C'est mon prédécesseur, M. Jean-Claude Delorme, qui a initié en 1990 le premier exercice de ce type en accord avec le Vérificateur général. Il avait confié un mandat d'optimisation à des vérificateurs externes spécialisés: Samson, Bélair, Deloitte et Touche. Le mandat portait sur l'ensemble des activités de la Caisse et a été réalisé en 1991. Deux ans plus tard, la même firme effectuait un mandat de vérification des suites données pour voir si les recommandations avaient été suivies. En 1994 et 1995, des exercices similaires ont porté sur l'administration des titres et sur les systèmes d'information et de technologie. En 1996, un exercice a porté sur le suivi des recommandations des mandats de 1994 et 1995 dont les conclusions ont établi que les correctifs suggérés étaient déjà en place ou en voie de l'être. 1995, je vous prie de le noter, portait sur les systèmes d'information et de technologie, et ça vient d'être vérifié en 1996.

Il y a un an, soit en septembre 1996, la Caisse a procédé à l'impartition de son service informatique, en tout cas il nous est dès lors apparu normal de penser à un nouvel exercice d'optimisation. Dans une organisation comme la nôtre, l'informatique est un service essentiel, important et, quand on fait une impartition, il faut s'assurer rapidement qu'elle soit bien faite. Mais en même temps qu'il nous est apparu logique d'y penser, il n'y avait pas urgence pour deux raisons. D'abord, l'exercice de 1995 qui avait été fait et le fait que l'impartition n'était pas faite à l'extérieur. Elle était faite à la même équipe qui gérait déjà l'impartition, parce que vous vous souvenez qu'on a fait une entente avec CGI. Alors, on a formé une société avec CGI, on a transféré tout notre personnel dans cette société-là, et le président de cette société-là, c'était notre directeur informatique qui est allé là avec tout son personnel. Maintenant, ils peuvent faire autre chose que de desservir la Caisse, mais c'est la même équipe, suivant les mêmes procédés. Alors, ça s'est fait de cette façon-là de sorte que dans les façons de faire ça s'inscrivait en continuité.

Toutefois, le Vérificateur nous a indiqué sa préoccupation et tenant compte de ce désir du Vérificateur, le comité de vérification de la Caisse, par une décision qui a été approuvée par son conseil d'administration, a donné un mandat à KPMG, qui compte l'une des équipes les plus expérimentées à Montréal, sous la direction de Yves Gauthier. Le comité et le conseil ont offert au Vérificateur général d'associer son personnel à cette démarche, mais effectivement il n'y a pas eu d'entente sur les modalités de cette coopération. Ceux-ci sont et seront néanmoins informés régulièrement des contenus, constats et recommandations de la firme indépendante d'experts et de la suite que la Caisse y apportera.

Le Vérificateur général a aussi manifesté des préoccupations quant à la qualité de la reddition de comptes de la Caisse. Je dois vous dire que nous ne partagions pas cette préoccupation. Le comité et le conseil toutefois en ont tenu compte, de cette préoccupation du Vérificateur, et ont autorisé un mandat de vérification d'optimisation à la firme RCMP. Le mandat de celle-ci a été exécuté par une équipe d'experts sous la supervision d'experts du milieu de l'investissement. Les conclusions du rapport ont été déposées auprès du comité de vérification de la Caisse qui les étudiera à une prochaine séance, et copie en a été remise au Vérificateur général qui pourra à son gré les commenter ou requérir des suppléments d'informations. Ce rapport-là est disponible ici, puisqu'il porte sur la reddition de comptes et qu'il est particulièrement pertinent pour les membres de l'Assemblée. Ainsi donc, à cet égard, bien qu'il n'y ait pas eu d'entente ou d'entente formelle entre le Vérificateur général et le conseil de la Caisse, les travaux qui lui semblent requérir une attention sont effectués par des experts indépendants et tous les éléments d'information qui y sont reliés lui sont remis ou disponibles, cela depuis 1990.

(16 heures)

C'est certain qu'il peut y avoir des questions de principe, mais la collaboration dans les faits, qui a été instaurée depuis 1990, a permis de régler cette question de principe. Laissez-moi ajouter ceci au nom du conseil. La Caisse doit être rigoureuse, intègre et faire preuve de transparence et, s'il devait survenir une situation sérieuse, importante où il apparaîtrait au conseil d'administration de la Caisse utile, pertinent, approprié ou nécessaire que le Vérificateur général lui-même fasse un travail d'analyse, d'évaluation ou d'enquête ou s'il apparaissait qu'il est bien mieux placé que quiconque pour le faire, le conseil d'administration de la Caisse n'hésiterait pas une seconde à lui demander de le faire. Merci.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): C'est bien. Je vous remercie.

Une voix: Est-ce que j'ai un droit de réplique ou...

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Bien, moi... Comment?

Une voix: ...

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Bien, moi, je n'ai pas d'objection à ce que le Vérificateur puisse commenter les propos, mais est-ce qu'il peut retenir pour un cinq minutes vos commentaires, hein? Avant que tout le monde se retienne.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Alors, je suspends pour quelques minutes.

(Suspension de la séance à 16 h 1)

(Reprise à 16 h 20)


Réplique du Vérificateur général, M. Guy Breton

Le Président (M. Baril, Arthabaska): À l'ordre, mesdames, messieurs! La commission des finances publiques reprend ses travaux, et je laisse la parole au Vérificateur général pour commenter les remarques préliminaires de M. Scraire, le directeur général de la Caisse de dépôt et placement.

M. Breton (Guy): Alors, M. le Président, dans les commentaires du président de la Caisse de dépôt, je serais prêt à abonder dans son sens si les références sur lesquelles il s'est appuyé étaient la nature du problème. Toutefois, je pense qu'il s'est adressé à un problème qui n'existe pas, à savoir que, lorsque nous faisons une vérification d'optimisation des ressources, nous ne réalisons pas une évaluation de programme. Dans une évaluation de programme, nous remettons en cause la pertinence des gestes qui sont posés et, pour remettre en cause la pertinence des gestes qui sont posés, je reconnais avec lui qu'il faut avoir une expertise égale aux gens dont nous contestons le raisonnement ou le jugement, des gens auxquels littéralement on se substitue en disant: Si j'avais été assis à leur place, qu'est-ce que j'aurais fait, et ont-ils fait la bonne chose?

Ce n'est pas l'objectif d'une vérification d'optimisation des ressources, ce n'est pas ce que nous cherchons à faire. Ce que nous cherchons à faire ne nécessite pas que nous soyons des experts dans le domaine. Autrement, nous aurions manqué notre coup au-delà d'une centaine de fois dans le passé, dans les 700 000 heures de vérification d'optimisation des ressources que nous faisons depuis 12 ans. Donc, expertise en vérification d'optimisation, nous avons 700 000 heures derrière nous. Aucun cabinet de vérificateurs, d'experts, de consultants au Québec ne peut aligner 700 000 heures sur la table. Nous savons comment faire des optimisations des ressources, nous en avons fait au-delà d'une centaine; nous les avons déposées en public, pas dans des tiroirs de compagnies privées, et jusqu'à maintenant nous n'avons pas échappé la balle et jusqu'à maintenant nous avons traité de toutes sortes de sujets aussi spécialisés les uns que les autres. Qu'on dise que le virage pour les maladies mentales ait manqué son coup, que nous disions que la gestion des autoroutes ne soit pas appropriée, que nous disions que l'agriculture ne fasse pas ce qu'il faut faire, peu importe le domaine, on a pu en parler, et les gens responsables ont reconnu que ce qu'on avait dit avait du bon sens.

Pourquoi on peut faire ça? Parce qu'une vérification d'optimisation des ressources ça consiste à identifier les outils de gestion et non pas les décisions de gestion. Comment on vérifie les outils de gestion? Bien, l'étape est simple. La première étape, c'est qu'on s'assoit avec les vérifiés et on leur demande de nous expliquer quels sont leurs critères de succès, quels sont les objectifs qu'ils poursuivent, avec quoi se mesurent-ils. Et on ne prend pas les objectifs dans les manuels de Harvard ou de MIT ou d'ailleurs, on prend les leurs.

La deuxième étape, c'est de leur demander: Qui sont les gourous dans le métier que vous respectez, qui connaissent votre métier, votre milieu et qui pourraient nous être utiles pour mieux vous comprendre? Et on choisit parmi ces gens un certain nombre d'experts qu'on engage et qui vont nous servir de comité de supervision; quelquefois on en engage à plein temps pour travailler dans nos équipes. Donc, s'il y a des experts d'un domaine, on va les chercher, que ça soit dans le domaine de la Caisse, que ce soit dans le domaine de l'agriculture, ou dans le domaine de la santé, ou de l'éducation. Nommez-les, on va les chercher, et ce sont des gens déjà reconnus.

La troisième, c'est que, avec 700 000 heures d'expertise, on sait comment faire des interviews sans virer à l'envers une organisation. Bien sûr, il faut que les gens répondent à nos interviews, mais ils répondent à nos interviews après qu'on ait consacré le temps nécessaire à analyser les documents en place. On essaie de réduire à l'extrême minimum ce temps de dérangement; on le planifie et on s'entend pour être le moins dérangeant possible, et non pas bousculer selon notre propre calendrier.

La quatrième étape, c'est lorsque nos équipes travaillent à plusieurs personnes et se challengent entre elles constamment. Elles travaillent en parallèle, si vous voulez, et régulièrement, au maximum à tous les 15 jours, elles confrontent leurs connaissances d'un département à l'autre qu'elles ont vu en parallèle. Et dès qu'il y a divergence, on retourne et on valide.

Cinquième étape, on écrit un rapport préliminaire dont on valide le contenu avec le chef du service qui vient de faire l'objet d'une vérification. Et, si ce chef n'est pas d'accord, on finit par s'entendre, qu'il reconnaisse ce qu'on dit ou on change ce qu'on dit jusqu'à temps que ça reflète sa réalité des choses et notre compréhension. Il y a toujours consensus sur le texte au plus bas niveau, et ces textes remontent progressivement jusqu'à la tête de l'organisation. Quand on arrive à la tête de l'organisation avec le résultat, ça représente le résultat par rapport aux objectifs, aux méthodes de travail, aux conditions que se donne l'organisation. Tout ce travail a été supervisé – coaché, si vous voulez – par des experts ou des gourous déjà reconnus par l'organisation, et le texte qui est rédigé a déjà été vu par tous les niveaux administratifs en dessous.

Il peut toujours arriver que le dirigeant soit seul à avoir un certain nombre d'informations et décide que, malgré tout cet effort, on est en train de passer à côté du problème. Ça arrive et à ce moment-là, après une discussion, après démonstration, on va encore une fois adapter notre texte à la réalité des choses. Et, depuis 12 ans, tous les textes qu'on a publiés, sauf quelques exceptions, ont été acceptés tels quels par les dirigeants des organismes comme reflétant la réalité des choses. Pourquoi faudrait-il qu'à la Caisse de dépôt on échappe la balle? Pourquoi faudrait-il qu'à la Caisse de dépôt on écrive des réponses qui nuisent à la Caisse de dépôt, à ses investissements ou à son mode de fonctionnement? Après l'expertise que nous avons développée dans le domaine, pour moi, ça ne peut arriver.

Le problème de base, à savoir que le conseil d'administration ne voyait pas la nécessité d'examiner la reddition de comptes, trouvait qu'il était trop tôt pour examiner l'informatique... Et l'informatique a été faite par un cabinet privé, bon, c'est bien. Nous avons jeté un coup d'oeil rapide sur ce qui s'est fait dans ce dossier, et ce dossier nous dit: Ça a été fait trop rapidement; il faudra terminer dans six mois. C'est bien. Il demeure que nous voyions plus large que ce qui a été abordé dans le dossier actuel sur l'informatique. Dans le dossier de la reddition de comptes, la Caisse a fait le travail parce que finalement elle s'est sentie pressée par notre désir de le faire. Eh bien, la Caisse a fait exactement ce que je disais dans mon texte d'ouverture, à savoir qu'elle a substitué son vérificateur à celui de l'Assemblée nationale. Or, l'objectif n'était pas de répondre à un besoin de la Caisse; l'objectif était de répondre à un besoin de l'Assemblée nationale. Et c'est pourquoi c'est un problème de principe. Qui prime ici, l'Assemblée nationale ou la Caisse? Où est l'autorité?


Discussion générale

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Merci, M. le Vérificateur général. M. le député de l'Acadie. Crémazie, excusez. Ce n'est pas la première fois que je me mêle de comté.


Nature du travail de vérification

M. Campeau: Bien, M. le Président, vous permettrez, quand j'écoute les deux, quand j'écoute le Vérificateur général, j'écoute le président de la Caisse, je vois une certaine ressemblance entre la Caisse et le Vérificateur général. Généralement, c'est assez difficile parce que les deux sont des organisations fortes. Alors, tout comme on n'ose pas – on l'a dit, on n'ose pas – défier la Caisse, on n'ose pas non plus défier le Vérificateur général. Vous me permettrez, M. le Vérificateur, quand vous dites que les gens étaient tous contents, moi, je ne me souviens pas de quelqu'un que vous avez vérifié – et je ne mets pas en doute votre travail – qui ait eu le courage de vous dire qu'il n'était pas content. Quand le Vérificateur général passe, ils lui disent, mais, quand même, il ne faut pas se mettre le Vérificateur général à dos, pas plus qu'il faut se mettre la Caisse à dos. Alors, je fais juste une certaine petite ressemblance en ceci. Je ne doute pas de votre expertise et de votre bonne expérience.

Moi, j'aurais pour vous, M. le Vérificateur, juste pour éclairer notre lanterne, si vous voulez... bon, nous, il nous faut comprendre c'est quoi, la différence. Et ce n'est pas si facile que ça. Pour vous, c'est facile parce que vous vivez là-dedans, que vous l'avez bien digéré et que vous l'avez bien assimilé. Je comprends bien que, de la Caisse, si on fait un retour en arrière, vous avez eu une grande collaboration dans le temps passé; on vous reçoit bien, on vous donne des locaux pour vous permettre de bien travailler. Est-ce qu'on vous donne accès à l'équipement de la Caisse aussi?

M. Breton (Guy): Nous avons pleine collaboration de la Caisse pour faire nos travaux de vérification des états financiers et de la conformité. Aucun doute là-dessus.

M. Campeau: Là-dessus, on peut dire que c'est un vos clients exemplaires. Bon. Quand on est là-dessus, ce qu'il faut, nous autres, que l'on comprenne – vous l'avez expliqué un peu, mais pour moi ça demeure encore obscur – c'est quoi que vous suggérez de plus quand vous parlez d'optimisation des ressources? Pour qu'on puisse, nous autres, saisir tout à fait exactement? Parce que, quand on s'y attarde trop, des fois ça a l'air trop simple, des fois ça a l'air trop compliqué.

M. Breton (Guy): Évidemment, vous expliquer qu'est-ce que la vérification intégrée ou tout ce qui va avec... Je vais vous résumer ce manuel, dont je vais faire tenir une copie à M. Scraire dans la journée de demain...

M. Campeau: Il va être occupé en fin de semaine.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Breton (Guy): Bon. La vérification d'optimisation des ressources, ça consiste à s'assurer que l'organisme se gère avec un souci – et les termes sont importants, tels qu'ils apparaissent dans notre texte de loi – pour l'économie, pour l'efficience et pour l'efficacité. Quand je mesure si...

M. Campeau: Économie, efficience...

(16 h 30)

M. Breton (Guy): ...et efficacité. Bon. Quand je mesure l'économie, si elle sera un souci pour l'économie, je suis capable de faire un calcul pour savoir si ses décisions sont les plus économiques possible. Par comparaison, ça peut sauter aux yeux si on prend la peine d'analyser les choses. Au point de vue efficience, c'est relativement facile aussi de mesurer si c'est efficient, à savoir qu'il n'y a pas trop de personnel pour les résultats qu'ils obtiennent ou le volume de travail à faire. C'est une question: Combien de ressources pour obtenir combien de résultats? Ça se mesure. C'est mécanique plus ou moins et, quand on prend la peine de l'analyser, de s'asseoir, tout le monde peut faire ça. Donc, je fais des choses que tout le monde fait.

Je ne mesure pas l'efficacité, parce que, si je voulais mesurer l'efficacité, il faudrait que je confirme que la solution aux problèmes, elle est adaptée. Je serais obligé, autrement dit, de remettre en cause la pertinence, donc le coeur du processus décisionnel. Était-il pertinent d'investir dans Bre-X? Je ne toucherai jamais à ça, parce que, un, je n'ai pas la compétence, je ne veux pas me substituer à ce type de décision et mon jugement, si j'avais la compétence et l'expertise, ni meilleur ni pire que celui qui a pris la décision dans le temps. Toutefois, ce que je peux faire, c'est demander: Quels étaient vos outils de travail disponibles pour les personnes qui ont pris la décision sur Bre-X? Quelles étaient les méthodes pour faire un suivi? Quelle était votre façon de réagir quand ça a commencé à aller mal, si vous jugiez que ça allait mal? Quels sont vos critères pour déterminer que ça va bien, que ça va mal? Autrement dit, avez-vous des outils ou vous fiez-vous à l'inspiration du gestionnaire qui est en place? Et, s'il se fiait à l'inspiration du gestionnaire en place sans outils, je me sentirais obligé de vous dire: Vous savez, tant qu'ils ont ce gestionnaire heureux dans ses réalisations, ça va bien, mais ce n'est pas une opération à long terme parce qu'il peut s'en aller ou il peut, un matin, se lever avec le mal de tête.

Si, par ailleurs, vous avez une méthodologie de travail qui fait que ce gestionnaire, même s'il a mal à la tête, il ne risque pas d'échapper la balle, je peux dire: Et dans l'efficacité ils se sont donné les outils pour être efficaces et ils se sont donné les outils pour suivre leur efficacité. Et là je peux vous dire: Ayez confiance les yeux fermés, ils savent ce qu'ils font et ils sont équipés pour savoir ce qu'ils font. Autrement, je vous dirais: Ils savent ce qu'ils font, mais ils ne sont pas équipés nécessairement pour le savoir et on peut avoir des surprises un jour parce qu'ils n'ont pas assez d'outils. Donc, mon effort porte sur la présence des outils, l'efficacité des outils, mais pas sur les décisions. Alors, à partir de là, je peux transposer des investissements à la Caisse de dépôt, ou la gestion d'une salle d'opération dans un hôpital, ou le traitement du purin dans l'agriculture. Peu importe le sujet, dans la mesure où il y a des outils de gestion pour suivre ce qu'on fait, moi, j'en atteste, de ces outils de gestion.

Et le dernier point, c'est de dire: Tout ça, c'est beau, mais il faut être transparent. Il faut être transparent, il faut que les gens sachent qu'on gère bien. Ce matin, on le disait, c'est de valeur – vous le disiez vous-même – la Caisse est un peu malhabile à donner ses succès. Bon. Bien, il faudrait qu'elle soit un petit peu plus transparente. Et c'est la question qu'on s'est posée la dernière fois: Sont-ils transparents suffisamment? Il nous apparaît qu'il y a des détails qui pourraient aller un peu plus loin. Bon, ces déficiences appréhendées n'étaient pas si fausses parce que, quand je regarde rapidement le document qui a été fait par Raymond, Chabot, ils ont repris nos inquiétudes puis ils en ont fait des améliorations qui aideraient l'image. Je vais vous dire que, sur 700 000 heures, on n'était pas souvent à côté de la coche. On a fait assez de travaux avant d'arriver pour savoir ce qu'on allait voir puis mettre le doigt dessus, habituellement. Il est arrivé quelques fois que ça s'est corrigé avant qu'on n'arrive; bon, on ne le trouve plus. Mais, règle générale, quand on pense rentrer à un endroit pour faire quelque chose, on le trouve parce que ça n'a pas changé depuis la dernière fois qu'on a pris la décision d'y aller.

Donc, la reddition de comptes fait partie de l'optimisation des ressources en disant: Ils se gèrent avec les bons outils et ils rendent compte d'une façon adéquate. Et ça arrête là! Peu importe le sujet, que ce soit la Caisse ou que ce soit l'agriculture, c'est la même recette. Il n'est pas question d'avoir de l'expertise. Maintenant, c'est bien sûr que, quand on veut comprendre comment les gens travaillent, on peut les assommer de questions jusqu'à temps qu'ils nous aient éduqués dans le sujet, ou encore on s'engage, les consultants, les experts et des gourous qu'eux-mêmes ont reconnus comme étant des gourous, et, si ces gourous-là disent qu'on a raison, ils vont accepter qu'on ait raison parce qu'ils respectent ces gourous-là. C'est notre façon de travailler en tout temps.


Personnel du Vérificateur général assigné à la Caisse

M. Campeau: Je vous parlais, au début, de votre satisfaction, que vous confirmiez, vis-à-vis de la vérification de la Caisse, où vous avez pleine coopération sur toute la vérification; ils vous laissent accès à tous leurs livres, et il n'y a pas de complications, il y a même une grande collaboration là-dessus. Est-ce que c'est le même personnel chez vous qui fait l'optimisation des ressources et le même personnel qui fait la vérification ordinaire? Puis, en plus de ça, la deuxième question que j'avais là-dessus, c'est: Est-ce que votre présence, ça amène une collaboration exigeante des gestionnaires de la Caisse, le temps que vous êtes là pour l'optimisation des ressources?

M. Breton (Guy): En ce qui concerne le personnel de la Caisse, on essaie de le réduire au minimum et, pour arriver à cela, on convient de calendriers de rencontres, on prend des rendez-vous, on limite nos rencontres à un maximum de deux heures s'il faut rencontrer pour avoir de l'information, on y va habituellement deux personnes pour être certains qu'on a bien entendu puis qu'on n'a pas besoin de revenir à la charge, et toujours ces interviews suivent une analyse profonde de toute la documentation qu'on a pu mettre à notre disposition. Donc, on ne va pas se faire faire l'école, on sait déjà ce qu'on cherche et puis on va directement à l'essentiel. C'est bien sûr qu'il faut avoir des entrevues parce qu'on ne peut interpréter toute la documentation sans avoir quand même le fond de l'histoire ou ce qui a pu l'amener. Bon.

En ce qui concerne l'équipe, il faut savoir que 98 % de mon personnel a plus que cinq ans d'expérience comme comptable agréé. Ce sont tous des comptables agréés, en passant, donc ils ont une formation de vérificateur. Ce sont des spécialistes pour interviewer, pour analyser des documents, pour rédiger des rapports, pour tirer des conclusions. C'est ça, un vérificateur. C'est quelqu'un qui a assez de courage pour tirer une conclusion après avoir vu des documents puis qui tire une conclusion qui est appuyée, qui est corroborée, qui est supportée et qui est à toutes fins pratiques indéfaisable. C'est ça, notre qualité d'être vérificateurs. Quand on arrive à une conclusion, elle se tient debout puis ça représente autant que faire se peut la seule vérité qui existe. Ce sont ces gens-là qui vont faire de l'optimisation des ressources.

74 % de nos gens ont plus que 10 ans d'expérience en vérification. Il n'y a pas un cabinet dans la province de Québec qui peut avoir des statistiques semblables, premièrement. Aucun cabinet n'a 710 000 heures d'optimisation de ressources dans les dernières années. Les gens qui sont là: l'équipe a une moyenne de sept ans d'expérience. La directrice: 25 ans d'expérience. Ça fait sept ans qu'elle fait la vérification de la Caisse, donc les livres, elle les connaît, les problèmes de la Caisse, elle les connaît, les tiroirs où sont les documents, elle sait où ils sont puis les personnes qui connaissent l'information, elle les identifie. Le chargé de projet: 11 ans de vérification et d'optimisation des ressources, trois ans d'expérience en informatique. Il y a un membre de l'équipe dont ça fait 13 ans qu'il fait de la vérification à la Caisse, donc je pense qu'il la connaît très bien. Le spécialiste en informatique: 13 ans d'expérience comme analyste-programmeur, sept ans comme vérificateur informatique. Donc, quand on a fait faire des travaux d'informatique par la plus grande équipe de vérification informatique à Montréal, peut-être que oui; je pense que mes gens sont également aussi puissants.

Remarquez que, si je n'avais pas suffisamment de ressources, j'en engagerais. Rien ne m'empêche d'engager des experts requis chaque fois que j'en ai besoin, que ce soit un informaticien ou un vérificateur spécialisé dans un domaine quelconque. Donc, vous avez le droit de vous poser la question: Avons-nous la compétence pour faire une vérification d'optimisation des ressources? Je pense que nous avons les équipes les plus compétentes dans la province de Québec et je défie les cabinets de mettre sur la table leurs ressources humaines pour faire de l'optimisation des ressources dans la province de Québec.

En ce qui concerne la compétence pour faire de la vérification informatique ou de la vérification dans le domaine du placement, je dis: Sans dire que n'importe quel sujet peut être l'objet d'une vérification-optimisation des ressources, nous sommes capables, à l'aide des experts, de passer à travers. En ce qui concerne l'informatique, nous avions au départ un certain nombre d'employés et, si nécessaire, on aurait engagé d'autres experts avec des connaissances extrêmement pointues. Mais, dans ce qui s'est fait en informatique jusqu'à maintenant, nous avions l'intention d'aller un peu plus loin du côté de la gestion, du processus de décision, ce que l'équipe actuelle n'a pas couvert pour l'instant; j'imagine qu'en janvier elle le couvrira.

(16 h 40)

M. Campeau: Ça va, M. le Président.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Merci, M. le député de Crémazie. Maintenant, M. le député... Ah, là, «c'est-u» Verdun ou Laporte? Moi, l'un ou l'autre, ça ne me fait rien, je veux bien vous entendre avec toute la patience et l'objectivité. M. le député de Laporte.


Optimisation des ressources

M. Bourbeau: M. le Président, on voit qu'on est en face d'un dilemme entre la Caisse de dépôt et le Vérificateur général sur un sujet important qui ne porte par sur la vérification des comptes de la Caisse de dépôt mais sur l'optimisation des ressources. Les deux points de vue ont été exposés, la Caisse résiste à la tentative du Vérificateur général de procéder à l'optimisation des ressources, et, moi, j'ai de la difficulté à comprendre pourquoi la Caisse résiste. Bon, on nous a dit: C'est du domaine de la responsabilité du conseil d'administration. On connaît la réponse, elle est là depuis longtemps, mais, dans le fond, là, au-delà de ces principes, si je peux m'exprimer ainsi, il y a une question de fait: Est-ce que tout le monde est là pour tenter de s'assurer qu'on en a pour notre argent avec la Caisse de dépôt? Est-ce que la Caisse de dépôt, vraiment, peut donner des garanties à la population du Québec qu'elle est bien gérée et qu'elle a les outils pour le faire? Moi, si j'étais président de la Caisse de dépôt, je voudrais m'assurer qu'il n'y a aucun doute là-dessus.

D'ailleurs, j'ai eu des expériences, M. le Président, à ce sujet-là, parce que j'ai été quand même ministre pendant plusieurs années, et j'ai eu affaire au Vérificateur général dans les différents postes que j'ai occupés, mais, moi, ma réaction a toujours été la même. J'ai toujours dit aux fonctionnaires: Vous allez donner au Vérificateur général tout ce qu'il faut. Je n'ai jamais voulu me battre avec le Vérificateur général parce que je n'ai jamais vu d'utilité à le faire. Quand il y avait des divergences de vues, on s'assoyait – bien, pas moi, là, mais mes fonctionnaires – avec le Vérificateur général puis... Bon, ils s'assoyaient puis ils en discutaient. Puis, si le Vérificateur général avait des remarques à faire, moi, j'étais très intéressé à les connaître, ces remarques-là. J'aime autant voir venir les problèmes d'avance puis les solutionner que ça éclate un bon jour comme une bombe à retardement. Alors, je ne comprends pas un gestionnaire qui refuse que le Vérificateur général vienne l'aider. C'est ça qu'il vient faire, dans le fond. Il vient regarder les outils que possède l'organisme et va dire, à un moment donné: Bon, je pense que peut-être vos outils devraient être améliorés.

Moi, comme gestionnaire, je serais content d'entendre ça. J'aimerais mieux le savoir trois ans avant que cinq ans après, d'autant plus que ça ne coûte rien à la Caisse de dépôt. Ce n'est pas payé par elle, ces frais-là, c'est de l'expertise qui lui est offerte gratuitement, alors que, là, la Caisse dépense des dizaines de milliers de dollars, peut-être des centaines de milliers de dollars pour engager des consultants pour faire la même chose, mais là c'est elle qui paie.

M. Campeau: ...l'argent au gouvernement.

M. Bourbeau: Oui. C'est elle qui paie, mais c'est notre fonds de pension qui paie. Alors, moi, là, mon fonds de pension va payer KPMG, RCMP, Samson, Bélair, enfin toutes les firmes qui ont été engagées par la Caisse pour l'optimisation des ressources, alors que ça aurait pu être fait par des consultants qui ne lui coûtent rien. Alors, c'est assez difficile de comprendre la logique de ça. Dans l'entreprise privée, on ne fonctionnerait pas comme ça. Si on avait une expertise qui était offerte gratuitement, il me semble qu'on prendrait celle-là, surtout qu'elle est assez compétente, cette expertise-là.

C'est à se demander: Qu'est-ce que la Caisse a à cacher? C'est ça, dans le fond, qu'on se demande: Pourquoi est-ce que la Caisse refuse ça? Le Vérificateur général dit: Je ne veux pas critiquer les décisions de la Caisse. Ce n'est pas ça, l'objectif. Peut-être que le président n'a pas saisi très bien ce que c'est qu'une optimisation des ressources, parce que, à l'entendre parler tout à l'heure, moi, je ne suis pas convaincu qu'il a saisi. Ce n'est pas de critiquer les décisions de la Caisse, c'est de voir si on a les bons outils pour prendre les bonnes décisions. C'est ça, dans le fond. Et, si on n'a pas tout à fait les bons outils, bien, le Vérificateur général offre son expertise pour indiquer à la Caisse ce qui pourrait être fait. Et, encore là, ça se fait d'une façon tout à fait démocratique.

Le texte, le libellé qui va sortir est négocié, donc il n'y aura même pas de critique publique, la Caisse ne peut pas être critiquée publiquement. Le document fait l'objet d'une discussion, puis, moi, j'ai participé à des discussions comme ça indirectement où le texte du Vérificateur général arrive, bon, les fonctionnaires trouvent qu'il y va un peu fort, alors ils disent: Écoutez, franchement, vous exagérez un peu, on pourrait peut-être... Là, un nouveau texte est suggéré, on s'échange des papiers, des textes, puis à un moment donné on trouve un terrain d'entente, et puis voilà ce qui va ressortir. Donc, tout le monde éventuellement est d'accord avec le texte de ce que va écrire le Vérificateur général et entre-temps l'entreprise a le temps d'apporter immédiatement les correctifs.

Moi, j'ai vu plusieurs rapports du Vérificateur général qui ont été déposés en Chambre où il y avait des remarques qui étaient critiques, là, mais c'était une critique constructive à l'endroit de certains ministères dont j'étais le titulaire, et j'ai été capable de me lever puis de dire: M. le Président, c'est vrai, le Vérificateur général nous a alertés à ce sujet-là, on a déjà pris les dispositions pour corriger ça, c'est déjà fait, c'est corrigé ou on est en train de le corriger. Bon. À ce moment-là, il n'y a plus de problème. On avait certains problèmes, mais on a profité de l'expertise du Vérificateur général pour corriger ces choses-là.

Je ne comprends pas, vraiment je ne comprends pas pourquoi la Caisse refuse cette offre-là. Ça nous laisse à penser qu'il y a quelque chose à cacher. Vraiment, là, la réaction qu'on peut avoir, c'est que la Caisse doit certainement avoir quelque chose à cacher, puisqu'elle ne veut pas que le Vérificateur général regarde ça. Me semble que la Caisse devrait plutôt prendre une attitude inverse, dire: Bien, si le Vérificateur général veut regarder ça, tant mieux, puis, si on peut améliorer les choses, on le fera. Maintenant, l'argument du président à l'effet que ses fonctionnaires sont déjà très occupés puis qu'ils n'ont pas le temps de consacrer les heures qu'il faudrait à ça, là, j'ai aussi des réserves, parce qu'on a eu, la semaine dernière, ici quelqu'un qui est venu nous parler de l'administration de la Caisse et... Est-ce qu'on peut le nommer, M. le Président, celui-là?

(Consultation)

M. Bourbeau: En tout cas, disons un expert dans le domaine, là – on verra si on peut le nommer – qui a fait une étude des coûts d'administration et qui a écrit ceci: Normalement, les frais d'administration tendent à baisser en pourcentage des fonds sous administration, ce qui n'était pas le cas à la Caisse de dépôt, c'est-à-dire que, quand on a des fonds sous administration puis que les fonds augmentent en quantité, normalement les coûts d'administration devraient baisser, en vertu d'un principe que tout le monde connaît. Or, à la Caisse, en 1989, les biens sous gestion étaient de 34 000 000 000 $; en 1996, ce montant grimpa à 57 000 000 000 $, augmentation substantielle, pendant que les frais d'administration, en pourcentage des biens, grimpèrent de 0,058 % à 0,084 %. C'est important, là. 0,05 % à 0,08 %, c'est une augmentation substantielle des frais d'administration.

Donc, si la Caisse n'est pas capable de réduire ses frais d'administration à l'occasion de l'augmentation de volume mais que ses frais augmentent, bien, elle ne peut pas venir nous dire en même temps: Mes employés sont tellement occupés qu'ils n'ont pas le temps de parler au Vérificateur général. Si c'est le contraire qui s'était produit puis qu'on avait réduit les frais d'administration, on pourrait comprendre qu'il y a eu des coupures et puis de la rationalisation, mais là c'est le contraire, les frais augmentent. Donc, l'argument du nombre de fonctionnaires qui ne serait pas en quantité suffisante ne tient pas beaucoup.

Donc, M. le Président, moi, pour un, je trouve que, quand on regarde ce débat-là, l'avantage, enfin, la balance des inconvénients irait dans le sens de permettre au Vérificateur général de faire son travail. Ça ne coûte rien à la Caisse de dépôt puis ça risque de lui apporter des recommandations qui pourraient certainement lui permettre d'optimiser le rendement de ses ressources.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Ça conclut vos commentaires?

M. Bourbeau: Voilà.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): M. le député de Marguerite-D'Youville.

M. Beaulne: Oui, M. le Président, merci. Dans cette question-là, le Vérificateur général nous demande, comme commission, de nous prononcer sur la pertinence d'étendre son mandat à la Caisse. Je dois dire que... Hein?

M. Breton (Guy): Je m'excuse. Ce n'est pas de l'étendre mais de le reconnaître. Il existe déjà, ce mandat.

(16 h 50)

M. Beaulne: De le reconnaître. De prime abord, si on soustrait ça à l'aspect purement juridique, ce que vous avez recommandé, la question qu'on peut se poser, c'est d'abord en termes de coûts-bénéfices de l'opération. Mon collègue de Laporte en a dit quelques mots. Est-ce que, du point de vue personnel, et est-ce que, du point de vue vérification, on fait une certaine duplication ou non? En d'autres termes, supposons que votre mandat était reconnu, hein, au niveau de la Caisse. Vous, est-ce que vous disposez, à l'heure actuelle, des ressources nécessaires, compétentes, ainsi de suite, pour faire l'opération ou si vous devrez engager... En d'autres mots, est-ce que la vérification de la Caisse en bonne et due forme, comme vous le souhaitez, entraînerait des coûts supplémentaires importants de votre part?

M. Breton (Guy): 40 % de notre budget annuel est consacré à ce type de vérification. Si on ne les fait pas à la Caisse, on va les faire ailleurs. Mais 40 % de nos 209 personnes sont consacrées à de l'optimisation de ressources année après année. On choisit autant de dossiers qu'on a de personnel pour en faire. Alors, si ce n'est pas la Caisse, on va chez le voisin puis on en fait ailleurs. Mais il nous apparaît que, s'il est intéressant d'aller à la Caisse, on devrait y aller.

En ce qui concerne le prix de revient, si vous voulez, de cette opération, bien, quelquefois il y a des sujets qui rapportent beaucoup dans les années suivantes et quelquefois il y a des sujets dont le rendement n'est pas évident. Mais les questions sont: Est-ce que vous, en tant que parlementaires, voulez contrôler ce qui s'y passe? Et est-ce que celui qui est sujet à être contrôlé peut déterminer que vous pourrez contrôler ou vous ne pourrez pas parce que ça lui convient ou que ça ne lui convient pas?

M. Beaulne: Mais, à l'heure actuelle, est-ce qu'on a des raisons de croire qu'on est mal informés ou qu'on est mal servis, pas comme parlementaires uniquement mais comme contributeurs, comme Québécois qui ont des fonds qui sont gérés par la Caisse? Est-ce qu'on a des raisons de croire, selon vous, à l'heure actuelle, que les procédures qu'utilise la Caisse ne sont pas satisfaisantes? Au fond, ça soulève une question de crédibilité importante, là. Ce n'est pas un mince débat, cette histoire-là. C'est que, du moment où la Caisse de dépôt échappe au Vérificateur général, c'est évident que tout de suite dans l'esprit du public les questions viennent à fleur de peau, là, hein? Pourquoi est-ce que le Vérificateur n'est pas reconnu au niveau de la Caisse de dépôt? Pourquoi est-ce que la Caisse de dépôt ne veut pas accepter de reconnaître cette juridiction-là? Est-ce qu'il y a des choses à cacher? Est-ce que, par le fait même, on est mal desservi par le processus de vérification interne qui existe à l'heure actuelle? C'est ça, les questions que ça soulève.

Alors, au-delà du débat de principe sur lequel on vous donne sans doute raison au niveau strictement juridique et légal, il reste que c'est une question importante à trancher, ça. Et puis ma question s'adresse aussi bien à vous qu'au président de la Caisse, là-dedans.

M. Breton (Guy): Lorsque nous décidons de faire une vérification d'optimisation des ressources, c'est parce que nous avons procédé à un travail préliminaire. Ce travail préliminaire se fait un an plus tôt ou dans les sept ou huit mois qui précèdent, à savoir que, comme nous vérifions les livres de toutes les entreprises ou de tous les organismes du gouvernement, au moment de la vérification des livres, le personnel sur place – et je vous disais qu'il y a quelqu'un qui est là depuis 13 ans, etc. – peut, d'expérience et par les communications qu'il a avec les gens qu'il vérifie, percevoir qu'il y a des nouvelles transactions, de nouveaux responsables, une nouvelle structure, des problèmes qui sont en train de se développer ou qui ne sont pas en train de se résoudre, il y a une première étude préliminaire qui se fait à ce moment-là et on y consacre quelques certaines d'heures pour documenter ce qu'on appelle des déficiences appréhendées; et «appréhendées» est important, parce qu'on pourrait se tromper.

Alors, presque un an avant, on identifie des déficiences appréhendées, on identifie quel effort humain ça va prendre pour les réaliser, on identifie combien de temps il va falloir y mettre, on identifie l'ampleur du problème, l'impact de ce problème, ça affecte quel montant dans l'organisation et on verse toute cette information dans ce qu'on appelle «notre banque de projets».

Quand se présente le mois de mai et que 60 % de notre personnel est nécessairement affecté à l'attestation financière, pour l'autre 40 %, on met sur la table tous ces projets de déficiences appréhendées qu'on aimerait nettoyer et les plus importants, les majeurs, ceux pour lesquels, selon quelquefois un certain cycle, on dit: Il faudrait bien penser à la santé, faudrait bien penser à l'éducation, on les met tous en ligne, on essaie de les cataloguer et on dit ensuite: Bien, ce premier prévoit 3 000 heures, voici 3 000 heures de l'équipe qui va aller faire ça; le suivant en demande tant... Et c'est ensuite qu'on se présente en disant: On arrive ici avec l'appréhension que vous avez des problèmes.

C'est comme ça qu'on s'est présentés, après avoir fait justement cette prise de connaissance du détail. On a fait une opération spéciale l'été dernier puis au début de l'automne pour compléter la connaissance des gens qui faisaient de la vérification et on est arrivés en disant: On a des appréhensions. Bien, je vous dirai qu'hier j'étais heureux de lire dans le document de Raymond, Chabot que les améliorations qu'ils ont suggérées à la reddition de comptes étaient étrangement parallèles aux appréhensions que j'avais énumérées. Et, en ce qui concerne le document de vérification informatique, les sujets qui ont été couverts recoupaient les appréhensions qu'on avait identifiées en ce qui concerne l'informatique. Donc, même à la Caisse de dépôt, à la suite des travaux qu'on a faits, nos appréhensions étaient, peut-être à 80 %, peut-être à 60 %, je ne le sais pas parce que je n'ai pas fait un travail très poussé, qu'il y avait matière à aller voir, et puis les deux cabinets qui sont passés les ont vues. Sans doute qu'ils avaient copie de nos appréhensions et que ça a facilité leur travail, mais ils ont trouvé la même chose que nous, ou ils ont trouvé ce qu'on pensait qui était là, comme appréhensions.

Donc, on ne va pas au hasard, on ne tire pas ça dans un chapeau puis on arrive par surprise quelque part; au contraire! Et on fait ça pour éviter de dépenser des fonds inutilement. Il y a six ans, avant que j'arrive, quand on arrivait dans une organisation, c'était un peu au hasard en disant: C'est à son tour, et là on entrait là puis on analysait. On faisait une étude préliminaire de 100 % des opérations, et de là on tirait notre décision d'aller voir deux ou trois départements en défaut, et on les commentait. Mais, dans le rapport final, il fallait parler de tout le reste qu'on avait déjà vu, alors on se retrouvait avec des rapports assez épais, mais des dossiers qui nous coûtaient 7 000 et 8 000 heures à réaliser. Bien, maintenant, on les fait en 2 000 à 3 000. On sauve beaucoup d'argent, mais on en fait un plus grand nombre pour le même 40 % de notre personnel. Mais on sait où on va et pourquoi.


Raisons du refus de la Caisse

M. Beaulne: Maintenant, je poserais la question au président de la Caisse: Compte tenu de tout ce que nous dit le Vérificateur général, quels sont vos arguments, vous, pour vous soustraire à la vérification ordinaire de la Caisse?

M. Scraire (Jean-Claude): D'abord, je dois revenir sur la distinction entre la vérification financière des livres, des comptes, des documents, et tout ça, ce qui est fait par le Vérificateur général... Malheureusement, vous le souligniez tantôt, le public peut s'inquiéter si les gens entretiennent la confusion entre les deux types de vérification. Je dois déplorer qu'il y en a qui entretiennent la confusion là-dessus. Je pense que c'est bien important de dire au public – pas juste aux députés, au public aussi, on gère l'argent de 4 000 000 de citoyens: Les comptes de la Caisse sont vérifiés. Tous les documents, toutes les transactions sont vérifiés quant à leur conformité, les chiffres sont vérifiés, les états financiers sont certifiés par le Vérificateur général, les rendements de la Caisse sont maintenant certifiés par une firme indépendante conformément aux principes les plus élevés, aux standards les plus élevés dans l'industrie. Je pense que c'est important de dire ça aussi et de bien limiter, de bien circonscrire la discussion qu'on a. C'est vrai qu'il y a des questions de principe, mais il faut bien la limiter, la circonscrire à la meilleure façon de faire des exercices qu'on appelle de vérification d'optimisation des ressources, comment les faire, par qui les faire faire, à quel moment les faire et sous quelle responsabilité les faire. C'est là-dessus que les discussions portent.

Puis, la position du Vérificateur général et celle du conseil de la Caisse ne sont pas très éloignées. Il faut que des ententes interviennent. La loi est sage, la loi est celle des législateurs. Il y a plusieurs étapes là-dessus. Le Vérificateur général a ses responsabilités, le conseil d'administration de la Caisse aussi a ses responsabilités. Alors, c'est certain...

Puis le député de Laporte le disait tantôt, pourquoi la Caisse refuserait-elle d'améliorer sa gestion? Jamais la Caisse ne va refuser d'améliorer sa gestion. C'est notre objectif de l'améliorer, mais faut s'assurer que les moyens qu'on emploie sont de nature à améliorer la gestion, il faut s'en assurer, de là les discussions qui peuvent avoir lieu, à savoir: Sur tel ou tel sujet, est-ce qu'on a l'expertise qu'il faut, est-ce que c'est pertinent, est-ce que c'est le temps?

(17 heures)

M. le député... Pardon.

M. Beaulne: Mais, nous, ce qu'on cherche à évaluer ici, là, c'est: vous dites qu'il faut des ententes. Ça, on en convient tous. Bon, bien, qu'est-ce qui fait que vous n'en avez pas, d'entente? Il doit y avoir des points techniques ou des points précis. C'est ça qu'on veut essayer d'évaluer, nous autres aussi. Je pense que ce que vous venez de dire, c'est important, ça, de préciser les différents types de vérification, parce que la perception, là, c'est que la Caisse évacue le Vérificateur général complètement du portrait. C'est ça, la perception. Vous avez éclairci certaines choses à ce niveau-là. Maintenant, la partie où il n'y a pas d'entente, pourquoi est-ce qu'il n'y en a pas, d'entente? C'est quoi, les points qui vous séparent, mettons?

M. Scraire (Jean-Claude): Je vois que notre premier vice-président, responsable de l'administration et du contrôle, est prêt à enchaîner. Avec votre permission, je le laisserais commenter un peu, puis je compléterai, s'il y a lieu, la réponse.

M. Rémillard (Serge): O.K. Alors, si vous permettez...

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Monsieur... Vous êtes monsieur...

M. Scraire (Jean-Claude): M. Serge Rémillard.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Rémillard. M. Rémillard. Serge.

M. Rémillard (Serge): Si vous permettez, il faut vraiment ramener toute la question au principe sur lequel s'assoit le Vérificateur parce que, au niveau de l'ouverture, pour mener conjointement un tel exercice, je peux vous dire que la Caisse a offert au Vérificateur de s'associer, et de mettre en commun, je dirais, nos observations, et de mener un exercice comme celui-là ensemble, en prenant son personnel, en prenant de l'expertise externe, en regardant les principes, en regardant les modalités, en lui donnant le droit de regard, en lui donnant la liberté de se retirer, etc. Alors, nous, ce sur quoi on revient, c'est qu'on n'a pas pu s'entendre parce que, dès le départ, d'entrée de jeu, le Vérificateur nous indique: Il ne peut pas y avoir d'entente sur la question, il peut y avoir entente sur les modalités. Et on revient, nous, en disant: Écoutez, la loi, si elle a été inscrite ou libellée de telle façon, en permettant aux entreprises du gouvernement de conclure une entente versus un organisme public où le Vérificateur, je crois, par politesse, peut aussi demander au conseil d'administration ou à la direction des modalités ou de fixer des modalités, dans le cas précis d'une entreprise gouvernementale, il est indiqué qu'il doit y avoir entente.

Au niveau de l'entente, ce qu'on a offert au Vérificateur, c'est de regarder ensemble – il n'y a pas péril en la demeure, je crois – et de même faire abstraction de l'interprétation de la loi, de s'associer ensemble, de regarder toutes les autres questions. Je vais vous donner un exemple. Le Vérificateur disait, tantôt: Je peux poser un diagnostic sur la pertinence des effectifs. Très bonnes question et réponse pour l'Assemblée nationale, mais reprenez-les dans la perspective du conseil. On va adresser la question davantage en incluant, si on veut, la préoccupation interne au niveau de notre façon de faire, d'améliorer des choses, d'associer d'autres questions, autrement dit, et on lui a offert de s'associer, de garder sa liberté totale, de pouvoir regarder le temps, les modalités, les principes, les moyens, etc., et même de mener ça avec n'importe quel autre chapeau, si vous voulez, et de vivre cette expérience-là. Évidemment, on a dit: Non, c'est une question de principe. Voilà.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Il y aurait M. le Vérificateur qui aurait une remarque à faire, une correction.

M. Breton (Guy): Bien, j'ai ici devant moi un document qui s'appelle Vérification d'optimisation des ressources: quelques prémisses , daté du 4 décembre 1996, dans lequel on dit: «Conditions préalables à l'exercice d'un mandat de vérification d'optimisation des ressources. La direction Vérification interne de la Caisse est la seule entité autorisée à mener un mandat de VOR de la Caisse et/ou de ses filiales et à en faire rapport. Le rapport de vérification sera adressé au comité de vérification – pas à vous autres, au comité de vérification – et, par le fait même, à son conseil d'administration. La direction aura un délai raisonnable pour apporter les correctifs qu'elle jugera nécessaires. Le Vérificateur général du Québec pourra à sa guise consulter le rapport de VOR. Il ne devra faire mention, dans son rapport à l'Assemblée nationale, que des aspects concernant la fraude, un manquement grave aux dirigeants ou une non-conformité à la loi constitutive de la Caisse. La portée et le domaine des projets de vérification devront être clarifiés.» Ça, ce sont les conditions préalables à l'exercice d'un mandat de vérification dans lequel je suis supposément libre; je n'appelle pas ça «libre».

M. Beaulne: Comprenez-vous ça, libre ou bien pas libre? Oui? Ha, ha, ha! C'est difficile pour nous d'évaluer ça. La première image qui me vient à l'esprit, elle est peut-être tout à fait déplacée, mais c'est un peu comme Jean Chrétien qui veut nous dicter la question du référendum.

M. Gautrin: On n'est pas dans un débat référendaire.

M. Beaulne: Non, mais le Vérificateur dit que... Enfin, vous parlez de questions...

M. Gautrin: On veut une question claire.

M. Beaulne: Au fond... C'est ça. Ha, ha, ha!

M. Blais: Non, non, mais Chrétien, c'est la réponse qu'il veut nous imposer, ce n'est pas la question.

M. Beaulne: Mais, nous, ce qu'on ne comprend pas, ici – moi, je ne le comprends pas, en tout cas, je ne sais pas si mes collègues le comprennent – c'est comment ça se fait que vous n'arrivez pas à vous mettre d'accord sur une question. Je comprends que, nous, au niveau politique, on puisse avoir d'autres considérations, mais là on parle de questions technico-techniques.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Scraire (Jean-Claude): Je pense que j'ai soulevé tantôt les points qu'on trouve importants, au niveau du conseil d'administration de la Caisse. L'affirmation qu'on fait, je pense qu'elle demeure même avec les explications, puis encore plus avec les explications que le Vérificateur général nous donne sur ce que c'est, à son avis, une VOR. Mais ces préoccupations au niveau du conseil demeurent les mêmes. Il s'agit d'un exercice, une VOR, qui est intimement lié aux opérations de l'organisation, au choix des moyens qui sont employés, qui sont utilisés, et qui requiert autant d'expertise de ceux qui la font que de ceux qui en font l'objet.

Le Vérificateur général, pour illustrer, prenait un cas d'intérêt comme Bre-X pour dire: Bon, quels sont les moyens disponibles, quelle est l'information disponible, comment ça fonctionne, comment c'est fait, comment les processus arrivent? Mais tout ça, c'est le métier d'investisseur, c'est l'expertise en placements, ce n'est pas indépendant. Ce n'est pas une question de comptabilité, c'est l'expertise même du métier qui est en cause. C'est ça qu'on dit quand on dit que l'opération, c'est un exercice qui est intimement mêlé aux opérations et aux choix qui sont employés. Ça prend donc de l'expertise pour obtenir la valeur ajoutée qui est recherchée, qui est l'amélioration de la gestion dont parlait le député tantôt.

Alors, qu'est-ce qui fait qu'il n'y a pas eu d'entente? D'abord, ce n'est pas sur tous les sujets. Moi, je vous rappelle qu'on a eu, depuis 1990, plusieurs vérifications d'optimisation. Je sais qu'aujourd'hui le Vérificateur voudrait non pas confier ça d'un commun accord à une firme experte, mais la mener lui-même. Jusqu'en 1997, ça s'était fait en confiant ces vérifications-là, dont les mandats étaient discutés, etc., les rapports, le suivi, avec tout le monde impliqué, avec l'expertise convenue ensemble. C'est probablement encore aujourd'hui la meilleure avenue à suivre pour permettre au Vérificateur d'exercer ses propres responsabilités, à notre conseil d'exercer les siennes puis pour aller chercher toute l'expertise requise pour obtenir l'effet recherché qui est l'amélioration de la gestion de l'entreprise.

Au niveau de l'information – je reviens là-dessus – l'information, elle est disponible. Ce n'est pas une question de transparence, c'est une question de bien employer les bons instruments pour améliorer la gestion. Le texte que le Vérificateur nous lisait tantôt sur... Je ne sais pas c'est quoi, le document, mais ça reflète peut-être des discussions qui ont eu lieu. Mais la position de la Caisse n'est pas à cet effet. La position de la Caisse a bien évolué, et, dans le fond, on revient à ce qu'on a pratiqué de 1990 à 1996, c'est-à-dire: Choisissons ensemble des comptables experts, puis que le travail se fasse d'un commun accord. D'ailleurs, vous l'avez vu, la Caisse ne peut pas faire abstraction et ne doit pas faire abstraction des préoccupations du Vérificateur général. Quand il nous a...

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Le texte que vous mentionnez, là, le Vérificateur m'informe que c'est un texte que vous lui avez fait parvenir sur une base de discussion au mois de décembre 1996. Donc, si la Caisse a évolué, il a fallu qu'elle évolue vite en crime!

M. Scraire (Jean-Claude): Mais, décembre 1996, c'est le début des discussions sur ce sujet.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): M. Breton?

M. Breton (Guy): Oui. J'aimerais peut-être ajouter que j'ai offert à la Caisse de rencontrer le comité de direction pour au minimum expliquer ce qu'est une vérification d'optimisation des ressources de sorte qu'il puisse prendre une décision en toute connaissance de cause. On n'a pas jugé nécessaire de m'y inviter, ce que j'avais fait auprès du comité de vérification quelques semaines auparavant. Mais il m'apparaît nettement que et le conseil d'administration et la position qu'a prise le président au début de cette rencontre se sont basés sur une interprétation erronée de ce qu'est une vérification d'optimisation des ressources et assument qu'il faut avoir une expertise dans la connaissance. Je ne vois pas pourquoi, à la 100e ou à la 121e vérification d'optimisation des ressources, il faudrait tout à coup avoir une expertise à ce haut niveau pour réaliser quelque chose à la Caisse de dépôt.

(17 h 10)

Troisièmement, bien sûr qu'ils nous ont offert de travailler avec leurs vérificateurs internes et leurs vérificateurs externes, et l'inverse est également vrai. Le problème est: Qui est maître d'oeuvre pour qui? Je suis le maître d'oeuvre pour l'Assemblée nationale, votre vérificateur interne est votre maître d'oeuvre pour la Caisse de dépôt; je maintiens que, dans le totem des autorités, l'Assemblée nationale passe avant la Caisse de dépôt.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): M. le député de Verdun.

M. Gautrin: Je vais enchaîner sur ce que vient de dire le Vérificateur général. Je crois qu'il y a consensus de votre part que la vérification d'optimisation des ressources, c'est quelque chose qui peut être utile à la Caisse. Est-ce que je comprends bien ça?

M. Scraire (Jean-Claude): À l'occasion, dans certaines circonstances.

M. Gautrin: Dans certaines circonstances, et vous l'avez déjà fait.

M. Scraire (Jean-Claude): C'est un moyen d'optimisation.

M. Gautrin: Est-ce que vous acceptez le principe de l'expertise du Vérificateur général, compte tenu du fait que le Vérificateur général, dans le processus d'optimisation des ressources, s'adjoint des experts comme il peut le faire lorsqu'il s'occupe d'hôpitaux, lorsqu'il va s'occuper d'agriculture, lorsqu'il va s'occuper de cégeps ou de choses comme ça?

M. Scraire (Jean-Claude): C'est un sujet qui appelle plus de nuances.

M. Gautrin: Allons-y.

M. Scraire (Jean-Claude): C'est un sujet qui appelle des nuances selon les questions, les mandats qui peuvent être couverts au niveau de l'expertise.

M. Gautrin: Alors, disons qu'on reviendra là-dessus, mais, relativement, il y a quand même une certaine expertise. Je crois que le point de divergence tel que, moi, je le perçois, il est extrêmement grave, et vous êtes le seul corps qui ne le suit pas, mais ça a toujours été sous-jacent: c'est la divergence entre le conseil d'administration de la Caisse – et je comprends bien que, lorsque vous parlez, vous parlez au nom du conseil, donc c'est le conseil qui s'exprime par votre bouche, ce n'est pas le président qui s'exprime – et l'Assemblée nationale.

La grande différence qu'il y a entre la vérification d'optimisation des ressources que vous faites faire par votre vérificateur interne ou par... c'est que le rapport va être envoyé à votre comité de vérification et au conseil d'administration après. La grande différence avec le Vérificateur général, c'est que lui parle au nom de l'Assemblée nationale, qui, de fait, représente l'ensemble de la population du Québec, et que le rapport du Vérificateur général n'est pas donné au conseil d'administration, qui malgré tout n'est pas un lieu public, mais est rendu public aux parlementaires qui représentent, de fait, la population.

Le point de désaccord que je pense que nous avons et que je crois percevoir avec le conseil d'administration – et je comprends bien que je ne m'adresse pas à vous, mais que je m'adresse au conseil d'administration à travers vous – c'est que le conseil d'administration, aussi représentatif puisse-t-il être des différents secteurs d'activité, ne représente pas la population du Québec. La Caisse de dépôt gère actuellement l'ensemble des épargnes pour fins de retraite – enfin, on reviendra demain sur ces questions-là – de l'ensemble de la population québécoise, et ce qui représente la population québécoise en démocratie, c'est l'Assemblée nationale, par phénomène de délégation, et l'Assemblée nationale délègue à une personne qu'elle choisit, qui est le Vérificateur général, pour faire la surveillance des différents organismes.

Et là est le grand point de divergence, d'après moi, entre le pouvoir que nous avons comme, évidemment, comité, disons, commission parlementaire qui représente ici l'Assemblée nationale, qui représente la population, et votre conseil d'administration qui, lui, se considère aussi représentatif et qui a la responsabilité de recevoir les rapports de vérification d'optimisation. Moi, je vous dis que ce conflit a été sous-jacent dans beaucoup d'organismes. Vous êtes le seul organisme, à l'heure actuelle, qui ne donne pas la primauté au Vérificateur général. Et ce n'est pas le seul, hein, il y a un paquet d'organismes qui sont vérifiés par le Vérificateur général et qui ont des conseils d'administration qui, nous devrions dire, se rebiffent un peu aussi de se voir vérifier par le Vérificateur général.

Mais il y a réellement une question de fond dans ce qu'on aborde ici. Autant je respecte l'importance du conseil d'administration pour tout ce qui est la vérification de la gestion, et la manière dont les choses se passent, et la manière dont vous vérifiez vos investissements, autant il est nécessaire, pour les parlementaires que nous sommes, d'avoir l'assurance – même si je ne doute pas que vous le fassiez – que vous avez choisi les moyens optimaux pour atteindre les objectifs que vous aviez. D'ailleurs, la rencontre que nous avons aujourd'hui est dans ce cadre-là.

L'intervention du Vérificateur général, même si les détails doivent être précisés entre vous et lui, a d'abord et avant tout comme objectif de rendre public... et ça, j'ai l'impression que vous avez énormément de difficultés à accepter que le rapport d'optimisation, même si vous vouliez faire participer... soit rendu public. Est-ce que je comprends bien le débat à l'heure actuelle?

M. Scraire (Jean-Claude): Bien, sur les principes, je pense qu'on ne peut pas faire autrement que de partager votre point de vue. On sait très bien que le Vérificateur est... Ha, ha, ha! Alors, ça, il n'y a pas de difficulté. Là où ça pourrait poser problème, c'est dans la mesure où... Je l'indiquais au tout début et j'y reviens, les exercices de vérification d'optimisation bien menés sont très exigeants sur des organisations et doivent être menés avec toute l'expertise requise pour obtenir l'effet recherché qui est l'amélioration de la gestion.

Alors, en même temps qu'on accepte votre point de vue sur le cours des choses au niveau institutionnel, et ce qu'on respecte totalement, après ça, faut considérer au niveau peut-être secondaire mais de la responsabilité du conseil d'administration: Combien peut-il y avoir de vérifications dans une année, et sur quels sujets – parce que c'est exigeant – et à quelles conditions ça peut être efficace?

M. Gautrin: Tout à fait d'accord avec vous, mais je ne crois pas qu'il s'agisse de multiplier les vérifications d'optimisation tous les ans et de le faire régulièrement.

M. Scraire (Jean-Claude): C'est pour ça que je disais que je pensais que le problème... Je disais, au début: Je ne crois pas que la distance qui sépare le Vérificateur et la Caisse soit si importante, parce qu'on parle de deux cas qui ont été en discussion. Malheureusement, ils sont arrivés en même temps. Un cas, l'optimisation en matière d'information, le système d'information, où on a dit au Vérificateur: Écoutez, on en a fait une en 1995, on a fait l'impartition en 1996 et vous voulez, en janvier 1997, commencer une vérification d'optimisation; c'est prématuré. Et ça, c'est un jugement d'organisation qu'on a porté, ce n'est pas un jugement de principe, ce qui fait qu'effectivement, sur le fond, on ne divergeait pas. Nous-mêmes, on en a enclenché une, mais un peu plus tard, malheureusement sans sa participation.

Et, sur le deuxième sujet, honnêtement, on ne partageait pas sa préoccupation. Mais, par ailleurs, comme c'est un sujet qui concerne l'Assemblée nationale, on a dit: Bien, on va le faire de toute façon et on fera rapport à l'Assemblée nationale là-dessus.

M. Gautrin: Mais, vous me permettrez, vous comprenez bien le problème qu'il y a. Je comprends que vous êtes le gestionnaire, c'est vous qui connaissez votre boîte, mais, en termes, disons, un peu théoriques, que ça soit vous qui décidiez ce que vous allez faire vérifier, ça a l'air un peu bizarre. Je comprends tout à fait ce que vous venez de dire, qu'il ne s'agit pas de bouleverser une organisation comme la Caisse, et, croyez-moi, je suis un de ceux qui la respectent le plus. Si je comprends bien, vous acceptez, en principe, la possibilité que le Vérificateur général puisse faire la vérification d'optimisation des ressources à la Caisse.

M. Scraire (Jean-Claude): Oui, tout à fait, à condition qu'on s'entende sur la façon dont ça se fait, le moment où ça se fait, sur quoi ça porte.

M. Gautrin: Alors, faites attention. Je comprends bien: sur la façon dont ça se fait, sur quoi ça porte. Mais il y a une chose sur laquelle, moi, je ne pourrais pas être d'accord avec vous, c'est ce que le Vérificateur vous a lu tout à l'heure. Je pense que, si le Vérificateur général fait une vérification des ressources à la Caisse de dépôt, ça sera inclus, bien sûr, dans son rapport, et ce rapport doit être remis aux parlementaires, donc être rapport public. Est-ce que ça, c'est clair?

M. Scraire (Jean-Claude): Ce n'est pas une difficulté, à ce niveau-là. La difficulté n'est pas...

M. Gautrin: Ce n'est pas une... Bien, j'avais cru comprendre qu'il y avait une difficulté à ce niveau-là dans le document.

M. Scraire (Jean-Claude): Oui, mais c'est ce que je disais tantôt, c'est un document qui reflète les débuts de discussion. Je pense que la pensée de la Caisse a bien évolué sur ce sujet-là.

M. Gautrin: Est-ce que je peux vous faire une suggestion, M. le président? Et je le fais strictement au niveau de suggestion. Je comprends que, là, vous êtes dans une position de conseil d'administration, donc que vous ne pouvez même pas bouger, ou quoi que ce soit, et je comprends tout à fait cette dynamique-là, mais serait-il possible que vous invitiez le Vérificateur général et votre conseil d'administration à une rencontre qui devrait se faire bientôt de manière qu'il puisse peut-être expliquer ce qu'il percevait comme étant son approche et la manière dont il voyait son approche? Peut-être que le conseil d'administration aurait un point de vue différent s'il avait pu comprendre les garanties que donne le Vérificateur général quant au fonctionnement de la Caisse. Et, croyez-moi, je comprends bien les difficultés: on joue avec beaucoup d'argent, avec des sommes importantes, on ne peut pas non plus rendre tout...

L'importance qu'il faudrait, c'est que votre conseil d'administration comprenne que le Vérificateur général est aussi un être responsable et que, comme être responsable, il a l'objectif de ne pas mettre en danger, bien sûr, la position de la Caisse sur les marchés financiers, et il n'y a personne dans cette salle qui a cet objectif. Alors, serait-il possible?

(17 h 20)

M. Scraire (Jean-Claude): Je pense que c'est une suggestion qui est certainement intéressante. Évidemment que, si le Vérificateur général veut s'y prêter, si ça peut aider les deux institutions a mieux comprendre leurs attentes respectives, ce serait positif.

M. Gautrin: Est-ce que je peux me retourner vers le Vérificateur général?

M. Breton (Guy): Mais oui.

M. Gautrin: Est-ce qu'il accepterait de rencontrer le conseil d'administration de la Caisse éventuellement, si le conseil d'administration de la Caisse l'invitait?

M. Breton (Guy): Je renouvelle l'offre que je lui avais faite au printemps.

Mme Gagnon-Tremblay: C'est ça. Il l'a refusée.

M. Gautrin: Alors, si je comprends bien, ça serait quelque chose qui est possible et qui est souhaitable, du moins qui est souhaitable de mon point de vue, que vous pourriez rendre possible?

M. Scraire (Jean-Claude): Ah certainement!

M. Gautrin: Certainement? Je vous en remercie, M. le président.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): M. le député de Masson.

M. Blais: Oui, M. le Président. Il semblerait que nous sommes dans une tragédie inachevée où les dilemmes se heurtent en hiatus l'un après l'autre. Il semble que ce ne soit pas si difficile que ça, d'après moi, à régler. Tout d'abord, il semblerait que c'est un drame gordien, un drame cornélien où on choisit entre Castor et Pollux, mais j'ai bien l'impression... Regardez-nous, de chaque côté, ici. Nous, du pouvoir, nous sommes en dilemme: Est-ce que nous prenons pour notre Vérificateur général ou est-ce que nous prenons pour notre Caisse de dépôt? Nous sommes dans un dilemme. Ce sont deux compétences, et nous avons confiance aux deux. Premier dilemme.

Deuxième dilemme: le dilemme des membres de l'opposition, même, qui se demandent, dans les circonstances, vu que ça ne s'est jamais fait avant puis qu'ils ont été là très longtemps, s'ils demeurent colombes, comme ils savent être ou oiseau de proie, comme ils le sont souvent. Alors, ils hésitent entre les deux. Ils ont un dilemme dramatiquement manifesté par leur dires et par leurs interventions.

Nous avons, nous autres, de notre côté, remarqué que le Vérificateur général lui-même est arrivé en exposant son propre dilemme: Est-ce que je choisis le judiciaire ou l'Assemblée nationale? Il a essayé de le régler, mais sans prendre position totale. Il n'a pas demandé à l'Assemblée nationale et aux élus qui tombent dans un dilemme parce qu'il nous le rejette... Il nous donne un dilemme: Vous avez le devoir d'avoir un rapport par votre Vérificateur général, vous, les élus. Et il a raison. Et la Caisse de dépôt semble s'y objecter.

Nous, nous avons un dilemme, maintenant: Est-ce que nous y allons par droit ou par devoir? Vers lequel des deux allons-nous aller? C'est cornélien, M. le Président! Nous sommes pris dans une succession de dilemmes. Je me demande de quelle façon on va s'en sortir. Mais j'ai trouvé que, de Verdun, parfois – ce n'est pas toujours morne plaine – est sortie une sorte de proposition qui me semble vouloir aider...

M. Bourbeau: Ce n'est pas Verdun, c'est Waterloo, morne plaine.

M. Blais: Bien non, mais laissez-moi aller un peu, quand même!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Blais: Vous savez que ça prend une patience d'ange, pour un homme de lettres, d'écouter pendant deux jours des hommes de chiffres, hein? Bon, alors...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Blais: Malgré que l'on me nomme souvent «le poète des chiffres», je veux faire une intervention très courte, que j'achève, M. le Président, et je voulais surtout essayer de modérer, de calmer un peu une sorte de tension appréhendée. Bon. Alors, de Verdun est sorti quelque chose d'extraordinaire, d'après moi, et...

M. Gautrin: De moi.

M. Blais: Oui, d'après moi, de sorti, alors...

M. Bourbeau: Oui, bien, là...

Une voix: Qu'est-ce qu'on fait...

Le Président (M. Baril, Arthabaska): C'est bien, c'est bien. On laisse parler le député de Masson.

M. Blais: J'achève, M. le Président, parce que je ne veux pas, à mon tour, endormir tout le monde. Il arrive ceci: c'est qu'il semble y avoir une réconciliation où les deux dilemmes pourraient se rencontrer et que le noeud gordien pourrait se dénouer sans faire trop de barbots.

Alors, il faut que, en conclusion, quelqu'un prenne une décision. On n'est pas pour rester continuellement, de votre part, de la part du Vérificateur général, de la part de l'opposition, de la part du parti au pouvoir, en dilemme. Alors, comme le disait le député de Verdun, accentuez des rencontres de réconciliation pour que le dilemme se résolve ou que les deux écoles s'entendent sur quel banc elles travailleront. Il me semble que ça nous éviterait, nous, de nous faire demander par notre Vérificateur général de choisir sur qui, et sur quoi, et surtout quand, par devoir, parce qu'il travaille pour nous à nous donner des renseignements, il nous obligera à nous prononcer, ce que je n'aimerais pas et que les élus n'aimeraient pas. On ne voudrait pas.

Il me semble que ce sont deux institutions respectables, qu'elles ont toutes les deux leurs grandes qualités, et ensemble, selon la proposition du député de Verdun, j'espère que le conseil se rencontrera avec le Vérificateur général. Et, vous l'avez dit vous-même, nous sommes en train – vous avez chacun vos trains – de nous en aller vers une solution.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Blais: Nous sommes sur le point de trouver une solution. Vous avez même dit «mésentente qui est à se régler». Ça viendra avec le temps. Vous avez dit ça dans votre propre présentation au tout, tout début, et là on vous a dit: Accepteriez-vous de rencontrer le Vérificateur? Vous avez dit: Oui, M. le Vérificateur général y tient. Alors, moi, je suis content de l'intervention de mon ami de Verdun et je crois, M. le Président, que je ne sais pas si on va faire une recommandation, mais, vu que les deux ont accepté de se rencontrer, que c'est à peu près ça qu'on demande, qu'ils se rencontrent et qu'on voie à ce qu'ils arrivent à des conclusions fermes et que ce soit...

Vraiment, là, on ne peut pas s'en sortir, il faut que ce soit le Vérificateur de l'Assemblée nationale qui soit le meneur de jeu, et il doit entrer là selon sa loi pour faire... Il fait ça de façon très humaine. Mais il ne faut pas qu'il y ait au préalable des conditions inacceptables pour y entrer et y pénétrer, il faut que ce soit fait de gré à gré et de bonne foi, comme dans toutes nos autres institutions, n'importe quel organisme gouvernemental et n'importe quel ministère.

J'espère que ce petit côté qui commençait par un peu de fantaisie, mais réaliste, va faire mettre par chacun encore un peu plus d'eau dans son vin et que je n'aurai pas à mon tour parlé en vain.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Merci, M. le député de Verdun, de cette position aussi...

M. Blais: Verdun?

M. Gautrin: Non, non, Masson.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Voyons! Masson. Masson, Masson, Masson.

M. Gautrin: Il ne lâche pas.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Il se fait tard. Non, pourtant on est encore en forme. Mme la députée de Saint-François.

Mme Gagnon-Tremblay: Merci, M. le Président. Je ne serai pas théâtrale mais plutôt très pragmatique. Je dois vous dire que les arguments que j'ai entendus aujourd'hui sont loin de me convaincre. Je pense qu'on ne doit pas mélanger les sexes. Pour moi, quand le Vérificateur décide d'aller vérifier, de faire une vérification au sein d'une institution qui relève du gouvernement, on n'a pas à se poser de questions et le conseil d'administration n'a pas à dire non, oui ou non, je pense que le conseil d'administration doit participer, le conseil d'administration doit accepter, et là je ne comprends pas pourquoi on refuse. Il m'apparaît que, si le conseil d'administration avait pu rencontrer le Vérificateur après ce qu'il vient de nous dire, je pense que, au niveau de la vérification d'optimisation des ressources, le Vérificateur, à ce moment-là, aurait sûrement eu, à mon avis, une oreille beaucoup plus attentive.

(17 h 30)

Moi, il m'apparaît que ce n'est pas à la Caisse de décider à quel moment le Vérificateur doit faire ses vérifications, que ce n'est pas non plus à la Caisse de décider que, parce qu'on vient de mettre en place une nouvelle réforme, ou de faire des changements récents, ou quoi que ce soit, ce n'est pas le moment propice, je pense que c'est au Vérificateur à décider si c'est le moment propice ou non.

J'ai comme l'impression, à un moment donné, que c'est l'inverse qui se produit, que c'est comme si c'était la Caisse qui voulait contrôler le Vérificateur. Je n'ai pas non plus l'impression que la Caisse doit contrôler les résultats, c'est au Vérificateur à décider. Si c'est positif, tant mieux; si c'est négatif, après tout ce qu'on a entendu, je pense qu'il y a moyen de le traduire dans des textes pour ne pas nuire à la Caisse et ne pas effrayer les cotisants. Je pense qu'il y a des moyens de le faire. Et, si la Caisse veut tout simplement avoir les côtés positifs mais ne veut pas se faire critiquer ou quoi que ce soit, à ce moment-ci je serais plutôt portée à dire: C'est un manque de transparence. Je pense qu'il y a un Vérificateur général qui a le mandat de vérifier tous les organismes gouvernementaux, quels qu'ils soient, et c'est à lui de décider à mon avis le moment et comment ça va se faire, et ainsi de suite.

Donc, à ce moment-ci, moi, je serais plutôt portée à me dire: Si on ne veut pas être critiqué ou si on ne veut pas aller dans ce sens-là, comme membre de l'Assemblée nationale et comme membre de cette commission, moi, je n'hésiterais aucunement à recommander une résolution à cet effet, donner le mandat au Vérificateur et aller même plus loin – s'il faut modifier la loi, qu'on le fasse: s'assurer que le Vérificateur puisse faire son travail en toute transparence, bien sûr sans mettre en péril l'organisme qui est la Caisse de dépôt. Et à ce moment-là, après ce que j'ai entendu, comme je vous dis, je n'aurais aucune hésitation à le faire.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Merci, Mme la députée de Saint-François. Si les membres me le permettent, j'aimerais ça faire une petite intervention, moi, à mon tour, hein? Après avoir écouté tous ces échanges entre les personnes, moi aussi, je reste un peu sceptique sur les raisons du refus du conseil d'administration de la Caisse de dépôt et placement. Parce que, ça a été signalé, sur les membres du conseil d'administration de la Caisse, on retrouve le président-directeur de la Société de l'assurance automobile du Québec, la Régie des rentes du Québec, la CARRA, la CSST, le sous-ministre des Finances et d'autres, les syndicats et quelques personnes qui viennent du privé, je pense, bon. Comment ça se fait que ces mêmes personnes là qui acceptent dans leur boîte, dans leur organisme, comment dire, la vérification de l'optimisation des ressources, quand ils tombent administrateurs de la Caisse, ils disent: Non, on ne veut plus rien savoir? Il y a un petit bout que je ne comprends pas, là. Je ne sais pas si vous pouvez m'expliquer ça.

Je vous comprends, aussi, vous pouvez parler en leur nom mais peut-être pas donner leurs explications, leurs justifications en leur nom. On m'informe également que le Vérificateur n'a aucune difficulté à s'entendre ou à signer des ententes avec ces organismes-là pour aller faire la vérification. Puis avec chez vous, il y a un problème. C'est les mêmes personnes. Qu'est-ce qui se passe? Je ne veux pas vous forcer à répondre ni à donner des commentaires, mais je sais que...

M. Scraire (Jean-Claude): Disons simplement qu'il y a une différence assez importante entre la plupart des organismes que vous mentionniez et la Caisse de dépôt. Souvent, le Vérificateur général n'a pas besoin de l'accord de ces organismes-là pour faire la vérification de l'optimisation des ressources. Dans plusieurs organismes, le Vérificateur général peut y aller de son propre chef, sans le demander. Dans le cas de la Caisse, il y a une disposition de la loi qui dit que le Vérificateur général peut y aller mais dans le cadre d'une entente avec la Caisse. C'est certain qu'il faut travailler à arriver à des ententes. On n'a pas de problème avec ça. Mais il y a quand même une différence entre la plupart des organisations dont on parle, et ce n'est pas partout que le Vérificateur général – et même les vérificateurs, si on parle des entreprises d'État comme Hydro-Québec, comme SGF, dans le domaine financier, entre autres – est toujours aussi présent qu'il l'est dans les domaines plus reliés à l'administration publique.

Alors, ce sont des nuances, je pense, qui appellent une réflexion, en tout cas qui répondent à votre question.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Écoutez, je pense que vous allez pouvoir rendre compte à vos administrateurs de la volonté des membres de la commission, de l'orientation qui se dégage en tous les cas sur la volonté, je dirais, de protéger l'institution qui est la meilleure selon nous, selon les membres de la commission, pour nous informer de ce qui se passe dans les organismes. Puis pas parce que les députés veulent contrôler tous les organismes; ce n'est pas notre rôle de contrôler ça. Par contre, on veut savoir ce qui se passe dans chacun de ces organismes-là, et l'outil pour nous, les députés de l'Assemblée nationale, c'est le Vérificateur général.

Donc, c'est certain qu'aujourd'hui on n'a pas à prendre position, mais dans une séance de travail ultérieur, lors des recommandations que nous allons faire à l'Assemblée nationale, nous allons discuter justement de ce point sur le devoir de la Caisse de dépôt de recevoir, comme tout autre organisme, le Vérificateur général, qui est très clair dans sa loi, qui peut et qui doit y aller seulement. Donc, sur ça, on le répète, on ne prendra pas de décision aujourd'hui, mais, dans une séance de travail, on fera part et on espère que d'ici ce temps-là il y aura des rencontres, comme le député de Verdun l'a souligné, entre le Vérificateur général et le conseil d'administration pour peut-être mieux cerner la mission ou le travail du Vérificateur général. Sur ça, je laisserai la parole au député de Laporte.


Position de la Caisse sur le mandat de la vérification de l'optimisation des ressources

M. Bourbeau: M. le Président, j'ai pris connaissance avec beaucoup d'intérêt du document que le Vérificateur général a produit tout à l'heure, qui provient de la Caisse de dépôt et qui porte sur la vérification d'optimisation des ressources. On a entendu le président de la Caisse tantôt, et le vice-président à l'administration, nous dire qu'essentiellement il n'y a pas de gros problème à ce que le Vérificateur général fasse un mandat d'optimisation des ressources, qu'il s'agit de s'entendre, qu'on n'est pas très loin, le vice-président administration parlait tantôt que les équipes pourraient travailler ensemble pour faire le mandat, etc. Enfin, c'est ce qu'on en a compris, nous.

Quand on regarde le document ici, c'est autre chose, M. le Président. Le document, il dit quoi? La vérification de l'optimisation des ressources doit être faite par la Caisse, la direction vérification interne de la Caisse, la seule entité autorisée à mener un mandat. Deuxièmement, elle fait un rapport non pas à l'Assemblée nationale, mais à la Caisse, à son comité de vérification et à son conseil. Troisièmement, elle peut avoir du temps pour corriger et quatrièmement le Vérificateur général pourra, à sa guise, consulter le rapport. Aie! On est loin d'un rapport qui est fait ensemble ou d'une étude qui est faite ensemble. On dit au Vérificateur général: Quand on aura fait, nous, l'étude, etc., on va vous permettre de consulter le rapport.

Bien, moi, M. le Président, si ce n'est pas ce qui se passe, mais ça... Si la Caisse est de bonne foi, elle ne peut pas affirmer une chose et son contraire en même temps. On ne peut pas dire: On est prêt à procéder avec le Vérificateur, nos équipes ensemble puis on va faire une vérification, alors qu'on nous dit que le Vérificateur n'a rien à faire avec ça et puis, quand il sera fini, on lui permettra de lire le rapport. C'est ça qui est marqué. À moins que ce document-là ici soit un faux ou qu'il ne soit pas exact ou qu'il ait été modifié, c'est bien ce qui est écrit: Le Vérificateur pourra à sa guise consulter le rapport. Puis après ça, quand il va faire rapport à l'Assemblée nationale, attention, il ne pourra pas dire n'importe quoi. On lui dit ce qu'il pourra mentionner dans son rapport aux députés. Il ne faut pas que les députés sachent tout – ça, c'est mon interprétation à moi, je m'excuse. Et on dit qu'il ne devra faire mention que des aspects concernant la fraude, un manquement grave des dirigeants ou une non-conformité à la loi. Tout le reste, il n'aura pas le droit d'en parler. Les députés ne pourront pas être informés pour savoir si, par exemple, un mécanisme quelconque de la Caisse est déficient, si, par exemple, un outil qu'utilise la Caisse est absent, il n'y a pas d'outil ou si ces outils-là sont déficients; ça, on n'aura pas le droit d'en parler. S'il y a de la fraude, oui, on pourra en parler, ou des manquements graves.

Moi, je dois dire, M. le Président, que ça me perturbe beaucoup ce que je suis en train de lire là parce que ça m'apparaît être un document qui vise à priver les députés finalement de savoir ce qui se passe. Vous saurez s'il y a de la fraude, ça, on va vous le dire, si les dirigeants ont fait des manquements graves, mais le reste, non, ça, vous ne le saurez pas, vous n'aurez pas le droit d'en faire rapport à l'Assemblée nationale. C'est grave, ça. On veut bâillonner le Vérificateur général, on lui donne un corridor extrêmement étroit de ce qu'il peut dire, les choses extrêmes, et pour le reste, ce document-là à toutes fins pratiques est – à moins qu'il ne soit pas exact, je vais poser la question tantôt – une négation du droit du Vérificateur général de faire la vérification de l'optimisation des ressources. On lui dit: Ce n'est pas vous qui allez la faire, c'est la Caisse; vous, vous aurez le droit d'en prendre connaissance. Moi, je trouve que ça contredit carrément ce que vous nous avez dit tantôt et je vous donne l'occasion de vous expliquer parce qu'à la face même de ce document-là, ce que vous nous avez dit tantôt, ce n'est pas la vérité, ce n'est vraiment pas la vérité. Alors, je vous pose la question: Comment conciliez-vous ce document-là avec les propos que vous avez tenus tantôt?

M. Scraire (Jean-Claude): Je pense que ce n'est pas très utile de se référer à ce document-là. C'est un document qui est du 6 décembre, qui traduit des discussions très préliminaires qui ont eu lieu, qui ne concernaient ni le Vérificateur général en personne ni le conseil d'administration de la Caisse. Alors, quant à moi, ça ne traduit pas la position de la Caisse. La position de la Caisse, je l'ai expliquée tantôt. Alors, c'est certain qu'il y a eu une grande évolution des réflexions de tout le monde sur ces sujets-là au cours des mois. Alors, ce n'est pas...

(17 h 40)

M. Bourbeau: C'était la position de la Caisse à une certaine époque, si je comprends bien.

M. Scraire (Jean-Claude): Même pas de la Caisse, là, c'est des échanges entre des personnes.

M. Bourbeau: Mais oui, mais... Alors, est-ce qu'il y a eu un autre document qui aurait remplacé celui-là après? Ce document-là, il vient de la Caisse, quand même?

M. Rémillard (Serge): Il n'a jamais été transmis de façon officielle, je crois. Il a été transmis sur une base officieuse pour point de discussion à une table entre M. Bédard et moi, compte tenu que les positions étaient extrêmement opposées au niveau du principe même de la vérification. Et je pense que M. Bédard peut vraiment témoigner de – en février, l'année passée – l'ouverture qu'on lui a faite de s'associer ensemble et de mener ensemble avec aucune contrainte du Vérificateur, ni sur la portée, ni sur sa liberté de sortir, ni sur la possibilité de signer ou pas un rapport conjoint.

Le point 4 que vous avez soulevé, ça vient en grande partie de l'échange qu'on a eu sur la garantie, entre guillemets, ou assurance du Vérificateur que dans son rapport qu'il fait qu'il ne mentionne normalement que les cas de fraude, les cas de manquement graves et du genre. Ça a été repris en discussion et ça n'a jamais été une proposition qu'on a déposée, qui a été la position du comité de vérification et ferme en disant: Voici ce qu'on met sur la table et un point, c'est tout. Ce n'est pas vrai, ça n'a jamais été transmis dans ce sens-là, ce n'est que des notes de discussion que j'ai eue avec M. Bédard, compte tenu des différends qu'on avait.

M. Bourbeau: Bon. Alors, la position... C'était votre position à vous, là, en tous les cas, parce que vous l'avez écrit.

M. Rémillard (Serge): Oui, oui.

M. Bourbeau: C'était votre position à vous en décembre 1996. Est-ce qu'on pourrait avoir le document qui reflète la position aujourd'hui? Est-ce qu'il y a d'autres documents qui ont été produits après ça pour montrer l'évolution?

Une voix: ...

M. Bourbeau: Il n'y en a pas d'autres?

M. Scraire (Jean-Claude): Je pense que la position de la Caisse est beaucoup mieux reflétée, et bien reflétée, dans les propos que j'ai tenus ce matin ou ce midi, en termes d'expertise. Ce qu'on recherche, c'est l'expertise utile pour mener un mandat de sorte qu'on obtienne les résultats escomptés, qui est l'amélioration de la gestion.

M. Bourbeau: Oui, mais si c'était... Là, vous vous placez du côté de la Caisse, pour la Caisse, l'expertise que, vous, vous recherchez. Mais si vous vous placez du côté de l'Assemblée nationale et des députés qui, eux, veulent aussi être informés puis être rassurés, est-ce que ce n'est pas important ça aussi?

M. Scraire (Jean-Claude): Je pense que la meilleure façon de rassurer les députés de l'Assemblée nationale puis le public, c'est quand il y a une vérification d'optimisation des ressources qui se fait et qu'elle se fasse dans les meilleures conditions possibles avec toute l'expertise requise, de sorte que les résultats, les recommandations qui en sortent peuvent être crédibles. C'était l'un des points que j'ai mentionnés tantôt: il est extrêmement important que les constats qui sont faits soient valides, soient exacts parce que les impacts sont importants.

M. Bourbeau: Oui, je comprends, mais est-ce qu'on ne pourrait pas penser qu'un vérificateur qui n'est pas à votre solde – si je peux dire ceci – a des chances de faire un rapport qui est encore peut-être plus objectif que quelqu'un que vous engagez vous-même et que vous payez vous-même?

M. Scraire (Jean-Claude): C'est pour ça que... Il est certain qu'on préférerait, pour des exercices qui intéressent le Vérificateur général, que les firmes qui sont engagées le soient conjointement. Que ce soit conjointement ou d'un commun accord, peu importe, mais qu'on s'entende sur: Bon, telle firme, ils ont l'expertise, ils ont ce qu'il faut. On va s'entendre sur le budget, puis voici comment ça va se dérouler; après ça, bien, c'est le rapport du Vérificateur, comme c'est notre rapport. Alors, ce qu'on recherche, on recherche exactement le point que vous avez soulevé au début.

M. Bourbeau: Mais pas pour... Pourquoi vous revenez sur des firmes? Pourquoi que ça ne serait pas le Vérificateur général plutôt que des firmes externes, là? Est-ce qu'il n'est pas intéressant pour vous d'avoir un travail qui est fait par le Vérificateur général, qui ne vous coûte rien? Là, vous semblez être prêt à dépenser des dizaines, peut-être des centaines de milliers de dollars pour engager des firmes.

M. Scraire (Jean-Claude): Non, pas vraiment. La question, c'est beaucoup plus que je reviens au métier puis au secteur. C'est le secteur du placement. Les équipes que nous avons à la Caisse dans le secteur du placement sont parmi les meilleures certainement au Québec puis au Canada, puis parmi les très bonnes en Amérique du Nord. Elles sont à la fine pointe de leur métier, puis ça, c'est très diversifié. Il y a plein de champs d'activité, vous l'avez vu. Parfois, on dit: C'est de l'éparpillement. Ce n'est pas de l'éparpillement, c'est de la diversité mais de la diversité de métier.

À chaque fois qu'on regarde quelque chose, il faut le regarder avec toute l'expertise requise pour les suivre, ces gens-là, aussi. On essaie d'avoir les meilleurs, les experts, les gens qui sont à la fine pointe dans leur métier. Mais, quand on fait un exercice de vérification d'optimisation des ressources, ça prend des gens qui peuvent apprécier ça, qui en savent à peu près autant ou plus encore. Ça prend une expertise, je vous le dis, moi, très, très pointue, une bonne connaissance du métier. Je ne partage pas l'opinion du Vérificateur général qui dit qu'on peut, avec une équipe d'experts en optimisation, faire une vérification d'optimisation de n'importe quoi. Ce n'est pas désincarné, l'optimisation. Ça porte sur des activités et des choix de moyens et, si on ne comprend pas l'environnement, si on n'a pas toute l'expertise, autant d'expertise que les gens qui le font, je reviens sur ce point-là, on est en train non seulement de faire perdre du temps à une organisation, d'enlever de son focus son «core business» qui est assez important, mais en plus on peut arriver, et c'est ça qui est le plus important, à des conclusions qui ne seront pas les bonnes conclusions et qui ont un impact sur l'organisation.

Une vérification d'optimisation, ce n'est pas juste un rapport comme ça. Ça comporte des recommandations sur des choses à changer, des choses à faire. Alors, c'est très important de ne pas... je ne dis pas qu'on ne peut jamais se tromper, mais pas trop souvent puis sans trop d'impact. Alors, c'est ça, le point: trouver des ententes avec le Vérificateur dans la mesure où on peut trouver l'expertise, aller chercher toute l'expertise qu'il faut, bien cerner ses préoccupations. On n'a pas de problème avec ça. Il faut croire aussi à la bonne foi au conseil d'administration de la Caisse. Je l'ai dit tantôt: On n'a rien à cacher. Mais tout le monde s'entend qu'une vérification d'optimisation des ressources, c'est pour faire mieux après. Mais pour faire mieux, ça prend l'expertise requise, puis on pratique une foule de métiers à la Caisse. Alors, il faut avoir l'expertise dans les domaines où on va, de sorte que...

M. Bourbeau: Mais l'expertise...

M. Scraire (Jean-Claude): Je reviens là-dessus, sur l'entente. J'ai dit à un moment donné que l'équilibre dans nos lois était bien fait. Le Vérificateur, c'est vrai, la loi dit qu'il peut faire une vérification d'optimisation des ressources et, dans certains cas, la loi dit: Après entente avec le conseil d'administration. Dans certains cas. Ce n'est pas une disposition inutile. Les deux dispositions viennent de l'Assemblée nationale puis la responsabilité du conseil de la Caisse doit être soupesée là-dedans. Le conseil de la Caisse vous répond à vous, aussi. Il vous répond. Il vous répond, lui, de l'argent, puis du rendement qu'il rapporte. Le Vérificateur répond de son mandat, à lui. Le conseil d'administration répond à vous de ses rendements, et c'est très important aussi. Bien, je pense en tout cas que les responsabilités respectives des deux sont très importantes. J'apprécie beaucoup le... Puis on va aller de l'avant avec la...

M. Bourbeau: Le seul problème là-dedans... Moi, je vous écoute attentivement. Vraiment, je fais un effort pour vous comprendre, mais je ne peux pas m'empêcher de réaliser que c'est le président de la Caisse qui parle et qu'il est en cause. Vous êtes en cause là-dedans. Vous n'êtes pas neutre. Le Vérificateur général, lui, est externe, il n'a pas d'intérêt dans la Caisse. Lui, il fait des vérifications un peu partout puis il n'a pas d'intérêt. Vous avez un intérêt. Vous êtes président de la Caisse et vous avez un intérêt à ce que personne ne vienne vous critiquer trop, trop. C'est parce que, sans ça, si jamais il y a des choses qui ressortent, ce n'est pas intéressant de se faire critiquer.

C'est pour ça que, quand je vous écoute plaider, j'ai l'impression que j'ai quelqu'un qui plaide devant nous mais qui a peur vraiment qu'il ressorte des choses. Évidemment, vous n'êtes pas le meilleur avocat pour défendre cette cause-là parce que c'est votre cause à vous. C'est toujours mieux quand un tiers vient nous défendre. À ce moment-là, ça donne plus de distance, si vous voulez. Mais là, dans le cas présent, vous nous dites: Non, ça prend de l'expertise puis il ne faut pas que si, bon, etc. Le Vérificateur général, lui, l'expertise, il peut aller la chercher. Vous parlez d'aller chercher les meilleurs experts. Il peut aller les chercher, puis il va payer pour en plus.

Alors, c'est ça que je ne comprends pas. Vous dites que vous voulez lui imposer les experts. Mais à ce moment-là, si vous faites ça, ça va lui enlever sa marge de manoeuvre. Il faut que le Vérificateur général rentre là avec les mains libres, qu'il ne soit pas contraint de prendre des gens que vous allez lui imposer. Il faut lui laisser faire son travail. Puis on verra ce qui va en ressortir. Puis vous devrez être le premier à souhaiter que ce travail-là vous permette d'améliorer vos modes de gestion et vos outils. Je ne comprends encore pas pourquoi vous faites cette défense, cette lutte d'arrière-garde d'une certaine façon pour vous battre jusque dans vos derniers retranchements pour éviter que le Vérificateur général mette le nez dans vos affaires.

Moi, plus vous plaidez, plus ça me rend sceptique. Moi, je me dis: Il y a certainement quelque chose là-dedans qui ne fonctionne pas; il y a anguille sous roche, le président se défend comme un diable dans l'eau bénite, il ne veut surtout pas qu'on regarde le fonctionnement de son entreprise. Écoutez, je me fais un peu l'avocat du diable. C'est de ça que ça a l'air. J'aimerais ça plutôt vous entendre dire le contraire: Nous, on n'a rien à cacher, les portes sont ouvertes, que le Vérificateur vienne, surtout si c'est lui qui paye pour, tant mieux, ça ne coûtera rien à la Caisse – vous devriez être content quand ça ne coûte rien à la Caisse, il y a déjà assez de dépenses – puis point final.

(17 h 50)

Là, ce n'est pas ça qu'on entend. On entend des arguments qui ne finissent plus. On dirait que vous mettez des bâtons dans les roues: Oui, mais à condition que, puis on va... Finalement, vous nous dites que vous êtes d'accord, mais on voit bien que vous n'êtes pas d'accord. C'est évident que vous n'êtes pas d'accord. Oui, s'il y a une entente, vous dites, mais, l'entente, on voit que vous n'en voulez pas. En tout cas, c'est ce qui apparaît. Moi, en tous les cas, je dois dire que vous ne m'avez pas convaincu, loin de ça. Je vous écoute puis vous ne m'avez pas convaincu. Je trouve ça un peu étonnant votre attitude, je dois le dire.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): C'est bien. Brièvement parce que Mme la députée de Pointe-aux-Trembles aurait également une intervention à faire.

M. Scraire (Jean-Claude): C'est juste le point par rapport aux propos du député de Laporte. C'est certain que, quand le député demande «Si le Vérificateur va chercher l'expertise A, B, C pour mener tel ou tel projet, est-ce que vous avez des inconvénients?», je trouve vraiment qu'on ouvre à ce moment-là une grande porte pour la collaboration et une entente. Si on a un point qu'il faut retenir des positions du conseil d'administration de la Caisse, c'est l'expertise pour faire les choses. Alors, c'est évident que, si le Vérificateur, on peut sentir qu'il a l'expertise pour faire les choses, on ouvre la porte.

On ne devrait pas hésiter, il me semble, dans la communauté québécoise à faire appel... Ce n'est pas mauvais de faire appel à des firmes privées. On n'a pas besoin de tout faire dans l'organisation gouvernementale; on peut sous-traiter. On parlait de faire faire dans d'autres secteurs, mais on peut faire faire aussi dans ce secteur-là. Alors, qu'on fasse faire, mais avec les firmes qui ont l'expertise. Puis ça ne peut pas toujours être la même firme. Elles n'ont pas toutes l'expertise partout. Il faut prendre pour chaque secteur la firme qui a la bonne expertise. Je vous le dis franchement, si on s'en va dans cette direction-là, ça va être beaucoup plus facile de réaliser des ententes.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Mme la députée de Pointe-aux-Trembles.

Mme Léger: Tout un dilemme, comme le député de Masson disait. Alors, moi, le dilemme entre le Vérificateur et la Caisse, ça me laisse perplexe aussi, mais je suis portée à pencher vers l'argumentation de la Caisse. Je pense qu'il y aurait des grandes discussions encore à faire pour des raisons d'expertise de pointe, comme vous dites, pour faire mieux, collaboration exigeante de temps. La vérification financière déjà se fait. Je remarque que la loi quand même démontre une certaine souplesse à ce niveau-là, ce qui fait aujourd'hui aussi la discussion et ce qui fait le litige dans le fond.

Comme disait le député de Masson, c'est évident qu'il va falloir, à un moment donné, trancher. Ça va être nous, le législateur, il va falloir le faire. On va souhaiter que ça soit vous qui réussissiez... Moi, j'aimerais refaire confirmer que vous allez vous rencontrer, que le Vérificateur va rencontrer le conseil d'administration, que le conseil d'administration va rencontrer le Vérificateur, sûrement dans le même moment, ensemble, autant que possible.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Léger: Aussi, ce qui peut être très efficace pour le Vérificateur, c'est que les membres de votre conseil d'administration, des institutions d'où ils viennent, peu importe d'où, pourront aussi apporter leur propre malaise dans leur propre institution et leur expérience qui en résulte de ça au Vérificateur. Alors, ça apportera une expertise de plus aussi dans l'échange que vous aurez avec le Vérificateur. Alors, je pense, comme disait le député de Crémazie, ce sont des gens qui effectivement se retrouvent eux-mêmes à être vérifiés par le Vérificateur général. Alors, je pense qu'ils ont sûrement des points de vue qui seraient très, très pertinents pour le Vérificateur. Alors, je souhaite que le Vérificateur puisse prendre le temps de vraiment comprendre ça.

Alors, moi, j'aimerais vous remercier d'avoir passé à travers toutes nos questions parfois difficiles, exigeantes, pointues, tordues, de toutes les sortes. Je pense que des deux côtés nous avons appris ensemble, nous avons fait notre devoir en tout cas, des trois côtés, des quatre côtés de la Chambre. Merci et à demain.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): M. le député de Laporte.

M. Bourbeau: Moi, je pense que les derniers propos du président, tantôt, m'ont laissé espérer. Il a semblé avoir une certaine ouverture, quand on a parlé d'expertise, de ceux qui pourraient être appelés à travailler sur la vérification. Mais une question au président: Est-ce que vous admettez que la vérification doit se faire sous l'autorité du Vérificateur général comme maître d'oeuvre?

M. Scraire (Jean-Claude): Ça dépend un peu des implications qui en découlent. Quand on parle de l'expertise, par exemple, à quel moment est-ce que l'expertise est mise en place? Avant, après, pendant?

M. Bourbeau: Et si les experts qui sont choisis sont choisis par le Vérificateur avec votre consentement? Disons que le Vérificateur s'entend avec vous sur les experts, êtes-vous d'accord que la vérification se fasse par le Vérificateur général comme maître d'oeuvre avec les experts que vous aurez acceptés?

M. Scraire (Jean-Claude): Je ne pourrai pas répondre aussi catégoriquement à votre question, sauf pour dire que c'est beaucoup plus facile d'aller dans cette direction-là. Il peut y avoir d'autres éléments à considérer selon les cas. Parce que là, ce n'est pas juste une question théorique, hein? On arrive avec tel sujet, ou tel sujet ou tel autre sujet de vérification, et selon les cas il peut y avoir d'autres considérations. Mais je dis que la pierre angulaire d'une entente, c'est sur l'expertise.

M. Bourbeau: C'est sur quoi?

M. Scraire (Jean-Claude): C'est sur l'expertise adéquate.

M. Bourbeau: Oui, mais il doit y avoir un maître d'oeuvre dans une vérification.

M. Scraire (Jean-Claude): Oui, oui. Et ça peut mener à ce que le Vérificateur soit le maître d'oeuvre de certains dossiers, que ça soit conjoint dans d'autres, comme nous-mêmes on peut en faire à l'occasion.

M. Bourbeau: Deux maîtres d'oeuvre.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): J'ai deux membres qui demandent à intervenir. Est-ce qu'on me permet le consensus pour dépasser? Mettons qu'on se rend à cinq minutes de plus, jusqu'à 18 h 5, ça va?

Une voix: Oui.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): M. le député de l'Acadie.

M. Bordeleau: Oui. Disons que, moi aussi, la discussion qu'on a actuellement me laisse assez mélangé, assez perplexe.

Tout à l'heure, vous avez dit à mon collègue de Verdun que vous étiez, oui, d'accord que le Vérificateur général pouvait faire des mandats d'optimisation, que vous n'aviez pas d'objection à ce que ça soit public, que les ententes dont il était question devaient porter sur les modalités, sur les moyens, à quel moment le faire. C'est exactement ce que le Vérificateur général tout à l'heure nous a mentionné au niveau de sa procédure.

Vous mentionnez l'expertise. Le Vérificateur général nous a dit tout à l'heure: Bien, écoutez, on consulte; on va dans l'organisme puis on demande c'est qui les gens qui sont connus – les gourous, comme le Vérificateur général a mentionné. Alors, vous nous dites que, oui, vous êtes d'accord avec tout ça et, quand arrive le moment, je ne sais pas, de concrétiser ça, vous avez toutes sortes d'arguments pour défaire ce que vous venez de dire. Dans les faits, vous nous dites que vous êtes d'accord avec ça. Vous avez votre position du mois de décembre et vous dites: Ne vous occupez pas de ça, c'est changé.

En passant, disons que cette note-là, pour les parlementaires, est évidemment inacceptable en fonction des responsabilités que les élus ont aussi. Si les élus ont la responsabilité ou ont l'autorité pour créer des organismes comme ça a été le cas dans la Caisse de dépôt et placement, ils ont aussi la responsabilité de s'assurer que les argents du public soient gérés de la meilleure façon possible. Ça ne remet pas en cause les décisions d'experts que vous avez à prendre au niveau des placements, mais au niveau de l'optimisation des ressources, c'est la responsabilité aussi des élus. Et cette responsabilité-là, qui s'est traduite dans la Loi sur le vérificateur général, s'applique à tous les organismes gouvernementaux et les entreprises gouvernementales et ça ne s'appliquerait pas à vous autres? C'est assez spécial.

Il y a eu des cas où il y a eu des divergences de vues. Je pense à la Curatelle publique où on invoquait à ce moment-là toute la question de la confidentialité. Ça s'est réglé. Le Vérificateur général intervient dans des organismes où on parle de santé, où il y a des dossiers médicaux où il y a des informations nominatives très importantes et là parce qu'on arrive aux chiffres... Le Vérificateur général dit: Écoutez, je ne veux pas me substituer, ce n'est pas moi qui va prendre des décisions de placement et qui va juger si la Caisse fait des bons et des mauvais placements; je veux juste vérifier si les fonds qui sont utilisés peuvent être utilisés d'une meilleure façon, ou s'il n'y a pas d'amélioration possible.

(18 heures)

Quand on arrive là, ça commence à ralentir un peu, vous semblez moins d'accord. Dans les faits, ce que vous nous dites, c'est que vous êtes d'accord? En tout cas, c'est une partie du discours où vous nous dites que vous êtes d'accord un peu avec ce que le Vérificateur a mentionné; par contre dans la réalité des choses vous continuez à donner des mandats à des entreprises privées. Pour aller dans le même sens que ce que le Vérificateur voulait aller regarder, vous donnez des mandats à des entreprises privées, et le dernier rapport que vous avez eu est daté du mois d'août.

Alors, est-ce que vous avez réellement évolué entre le mois de décembre et le mois d'août de sorte que vous êtes prêt à vous asseoir avec le Vérificateur général et à lui reconnaître les responsabilités que l'Assemblée nationale lui a données au même titre que l'Assemblée nationale vous a créé? Et c'est important, parce que c'est l'outil que les parlementaires ont pour s'assurer et rendre des comptes devant la population du Québec, c'est ce moyen-là qu'on a actuellement qui s'applique dans tous les autres organismes, et ça, vous remettez ça en cause. C'est évident qu'il y a un problème majeur pour les parlementaires à ce niveau-là. Alors...

Le Président (M. Baril, Arthabaska): En conclusion, peut-être, monsieur, hein?

M. Bordeleau: Oui. Alors, c'est ça. M. le Président, je trouve ça un peu bizarre. Je sens qu'il y a un mouvement, mais je pense que c'est important d'en arriver à une entente et que dans les faits peut-être vos gestes correspondent à l'évolution que vous avez eue, que vous arrêtiez peut-être de donner des mandats à l'entreprise privée, que vous vous assoyiez avec le Vérificateur général et que vous essayiez d'en venir à une entente où le Vérificateur général sera le maître d'oeuvre, parce que c'est ça, son mandat, et c'est à ce titre-là qu'il rend des comptes à l'Assemblée nationale, et non pas le vérificateur privé.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): M. le député de Crémazie.

M. Campeau: Rapidement, M. le Président. Moi, je pense qu'il y a lieu de rassurer la population du Québec que la Caisse, elle est bien vérifiée par le Vérificateur général. Il ne faut pas faire le mélange entre vérification des comptes et optimisation des ressources. Même j'aimerais ça qu'on trouve même un autre mot que «vérification d'optimisation des ressources», parce que la population s'apeure là-dessus. Alors, il faut que le message passe: la Caisse accepte d'être vérifiée et elle est bien vérifiée par le Vérificateur général. Le Vérificateur général lui-même a dit que la Caisse était très ouverte, très coopératrice et puis que vous arrivez à un rapport qui est décent.

L'autre point, en conclusion – c'est ce dont le député de Verdun, le député de Masson et la députée de Pointe-aux-Trembles ont parlé – le Vérificateur général, il est souhaitable qu'il rencontre le conseil d'administration de la Caisse, qu'on en discute et qu'on arrive à une solution pour le meilleur des mondes. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Merci, M. le député de Crémazie. Sur ça, je remercie, bien entendu, la présence, le support du Vérificateur général, ainsi que ses collègues, ses collaborateurs et ses collaboratrices. Sur ça, je suspends les travaux jusqu'à demain, jeudi 4 septembre, 9 heures.

(Fin de la séance à 18 h 3)


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